f - tfe ms i 'JÊk •-tfW Digitized by the Internet Archive in 2019 with funding from Getty Research Institute https://archive.org/details/lesoasissaharienOOmart • * ê |r LES OASIS SAHARIENNES (GOURARA — TOUAT — TIDIKELT) ALGER IMPRIMERIE ALGÉRIENNE Rue Sadi-Carnot 30, A \ A LA FRONTIERE DU MAROC (GOURARA - TOUAT - TIDIKELT) PAR A.-G.-P. MARTIN OFFICIER INTERPRÈTE DE 2e CLASSE CHEVALIER DE LA LEGION D’HONNEUR « Nous ne nous instruirons jamais assez des raisons d’agir, des aspira¬ tions, de l’état d’âme, de ceux qui vivent auprès de nous sur cette terre... . Si nous étions plus attentifs, plus intelligents et meilleurs, nous eussions plus fait pour le bien com¬ mun qu’en multipliant le fatras des polémiques vaines et des décrets inappliqués. » (. Discours de M. Gabriel Hanotaux au Congrès de Géographie d’Oran en 1902). TOME I Avec 12 Gravures et x Carte PARIS Augustin GHALLAMEL, Editeur Rue Jacob, 17 Librairie Maritime et Coloniale 1908 AVERTISSEMENT Quand j’arrivai aux Oasis, en 1904, on pensait tout savoir sur cette conquête déjà vieille de quatre ans. Pendant des mois et des mois, j’errai d’oasis en oasis, de ksar en ksar, interrogeant les gens, fouillant les vieilles maisons et les coffres antiques où, depuis de très longs ans, les termites mangeaient tout doucement les papiers des ancêtres : j’observai, j’écoutai, je dénombrai. De tout cela j’ai fait ce livre, m’appliquant à éviter toute idée préconçue, toute thèse personnelle, à perce¬ voir « l’âme » des populations sahariennes, à rapporter sincèrement, exactement les faits appris, les choses vues. Je me suis efforcé à faire revivre un passé disparu et dont les traces avaient été perdues même par ceux qui en avaient hérité ; j’ai inventorié un présent dont les éléments n’avaient encore été qu’incomplètement dégagés et appré¬ ciés ; ainsi ai-je, en deux parties, conçu mon livre. Cependant, pour des raisons de politique extérieure, la publication des chapitres qui traitent de l’histoire de l’époque chérifienne sera « suspendue pendant quelque temps ». Je présente donc aujourd’hui au public l’ Histoire Ancienne, la Conquête Française et l’Inventaire Econo¬ mique ; le reste suivra en un second volume dès que la situation politique le permettra. A.-G.-P. MARTIN. INTRODUCTION Le Sahara. — Le Sahara subalgérien. — Le bassin touatien. — Notions générales sur les Oasis. — Le Gourara. — Le Touat. — Le Tidikelt. — Les monnaies, poids et mesures. — La concor¬ dance des ères hégirienne et chrétienne. Le Sahara. — Personne n’imagine plus aujourd’hui, avec Strabon, que le Sahara soit comme « une peau de panthère », dont les oasis seraient les taches piquetant l’immense champ jaune, non plus qu’une vaste « mer de sables », ayant ses colères et ses tempêtes, et dont les dunes, qui seraient les vagues, submergeraient les « vais- seaux-du-désert », enseveliraient les caravanes et les armées. Chacun sait au contraire que le Sahara est prosaïque¬ ment un pays comme un autre, avec ses montagnes, ses vallées, ses plaines, ses plateaux, ses vallons et ses collines, ses fleuves, rivières, lacs et marais ; il ne présente qu’une seule particularité, ce pays, c’est que tout cela, qui le forme, est vide d’arbres, de villes et d’eaux, mais vide comme un continent qui serait. . « déménagé », vide comme le sera, à la fin des temps, la Terre desséchée et ruinée, vide comme peut l’être un canton de la Lune. De loin en loin seulement, quelque bas-fonds verdoie parfois d’une éphémère végétation, après une rare pluie, 1 — 2 mais partout le paysage immense et vide, le paysage fauve reluit et rutile âprement ; la vie ne se retrouve que là où reste un peu d’eau, soit dans les ravins des monta¬ gnes, — c’est le pays touareg, — soit dans quelque lit de fleuve desséché, — ce sont les oasis. Et pour parfaire cette représentation du Sahara, pour lui donner, comme disent les peintres, le ton local , il ne nous reste plus qu’à passer sur le tout un glacis jaune-doré d’inégale intensité : les parties fortes en seront les dunes formées ou en formation sur toutes les saillies du relief géologique qu’elles rendent confus, souvent indistinct ou interrompu, et les parties plus claires couvriront les plaines hautes et basses, les vallées comme les plateaux, dont les vents affouillent, érodent la surface pour en arracher les sables qu’ils vont déposer ailleurs, « dans les fonds, sur les versants, contre les obstacles, recouvrant de dunes les pentes dessinées par les eaux d’autrefois, rendant peu à peu méconnaissables les anciens systèmes hydrogra¬ phiques* ». Voilà le Sahara. Dans cette vaste région, grande peut-être de quatre millions de kilomètres carrés, on distingue un nœud, un massif central de près de 3.000 mètres d’altitude* dressé, comme un mirador gigantesque, au milieu de l’immense arène qui descend par places jusqu’au-dessous du niveau de la mer, sous les vues du balcon cyclopéen dont la borde la haute chaîne de l’Atlas. De ce massif central, le djebel Hoggar, s’éloignent comme des rayons quelques croupes montueuses qui divi¬ sent l’arène en plusieurs secteurs, et enclosent des bassins fluviaux, tantôt fermés, tantôt débouchant vers les mers qui ceignent le continent. Ce sont par exemple, vers l’Est, les relèvements qui 1. SCHIRMER. 2. Guillo-Lohan, in Bulletin de l'Afrique Française, dit 2.270 mètres au-dessus d’In-Salah, lequel est lui-même à 330 mètres d’après G.-B.-M. Flamand. — 3 — vont aboutir au djebel Nefousa, de Tripolitaine, et aux monts du Tibesti ; puis, vers le Nord, le Mouïdir et le Tâdmaït; vers le Sud-Ouest, le pâté de l’Adghagh et, vers le Sud-Est, celui de l’Ahir. La ligne de démarcation établie par la puissance fran¬ çaise entre son action algérienne et son action soudanaise suit à peu près le 23e degré de latitude Nord, depuis l'endroit où il coupe, à l’Est, l’itinéraire de la mission Fourreau-Lamy jusqu'au point où, vers l’Ouest, il ren¬ contre la route Taodenni-Tindouf. Le Sahara septentrional ainsi délimité comporte trois divisions : 1° Le Sahara subalgérien ; 2° le sahara submarocain ; 3° le Sahara central. Le Sahara subalgérien. — Le Sahara subalgé¬ rien est aujourd’hui à peu près connu ; on peut remarquer qu’il est formé de deux bassins séparés par les faîtes Mouïdir-Tâdmaït. Ces deux bassins sont semblables : l’un et l’autre sont fermés et comportent des cuvettes intérieures qui colligent les eaux venant de la périphérie, et dans l’un et l’autre ces cuvettes sont excentriques. Ils se différencient cependant en ce que, dans le bassin de l’Est, la cuvette, qui est la grande dépression du Chott Melghir, est plus rapprochée de la bordure nord, et que les grands oueds coulent du Sud au Nord : l’oued Miah et l’oued Igharghar ; ou de l’Ouest à l’Est : l’oued Djedi. Les palmeraies s’étant installées sur leur cours inférieur se sont donc trouvées au nord de l’Erg oriental, et tout proches des Hauts-Plateaux algériens : ceci a eu cette conséquence politique que l’oued Righ et Ouargla ont toujours évolué dans l’orbite algérienne, et n’ont gardé, depuis la suppression de la traite des nègres, que de rares relations avec le Sahara dont les sépare un gros obstacle sableux et aride. — 4 — Dans le bassin de l’Ouest, au contraire, les grands ruissellements descendent : 1° Des Hauts-Plateaux algériens par les oueds Zer- goun, Seggueur et Gharbi, se réunissant dans l’oued Meguiden, et l’oued Namous qui, après avoir comme les précédents, disparu sous l’Erg occidental, gagne comme eux la dépression gourarienne. Leur commune cuvette de réception, qui est la sebkha du Gourara, vasque supérieure du grand bas-fond touatien, s’est trouvée ainsi très éloignée des Hauts-Plateaux algé¬ riens, et séparée d’eux par le massif de l’Erg occidental. 2° Des montagnes de l’Atlas méridional, par les oueds Zouzfana et Guir, se réunissant pour former l’oued Saoura et descendre, en contournant par l’Ouest l’obstacle sableux, jusqu’à la grande cuvette touatienne où vient se déverser elle-même la sebkha du Gourara. 3° Des faîtes Mouïdir-Tâdmaït, par l’oued Botha, tri¬ butaire oriental du bas-fond touatien, ou tout au moins de la gouttière qui prolonge celui vers le récepteur général du système, situé très loin dans le Sud, vers Taodenni, croit-on. C’est l’interposition de l’Erg occidental entre les Hauts- Plateaux algériens et les cuvettes gouraro-touatiennes qui a entraîné, pour les palmeraies installées autour de celles-ci, une fortune politique différente de celles des palmeraies du bassin de l’Est : nous les verrons tout au long de l’histoire échapper à la tutelle des maîtres de l’Algérie et suivre la fortune des pays occidentaux, tout en restant en relations suivies avec les régions situées plus au Sud. Ici apparaît bien l’importance de tout premier ordre de l’obstacle géographique que sont les deux grands Ergs, et leur influence prédominante sur la vie politique de ce coin du continent, influence telle qu’on est amené à les considérer comme ayant été, au long des âges, la véri¬ table masse de séparation politique entre la grande Afrique et l’Afrique mineure, dont les monts Atlas constituent — 5 l’ossature géologique, et en même temps la limite phy¬ sique. Et ce point de vue est tellement vrai que l’expansion franco-algérienne, si vite installée dans le bassin saharien de l’Est, n’a pu s’établir en ces derniers temps, ou du moins rendre sa situation tenable dans le bassin touatien, qu’en débordant vers l’Ouest l’insurmontable obstacle, quitte à empiéter quelque peu sur les pays maghrébins tributaires de ce bassin, en s’appropriant l’une de ses lignes d’eaux libres de sable, l’oued Zouzfana, et en domi¬ nant virtuellement la seconde, l’oued Guir. Ce n’est qu’ainsi que la puissance franco-algérienne a pu reconstituer à son profit le pédoncule par quoi la poire touatienne avait depuis si longtemps dépendu politique¬ ment du Maghreb-Extrême ; sa domination dans le Sahara était à ce prix. Cette extension politique de l’Algérie française, prévue par la convention franco-anglaise de 1890, et provoquée en 1900 par un enchaînement d’événements indépendants de toute décision objective du conquérant lui-même, ne fait d’ailleurs que rétablir la distribution normale des banlieues sahariennes entre les Etats nord-africains dont elles sont des dépendances et des clientes. En géographie physique, le bassin touatien fait partie du Sahara subalgérien, non seulement parce que ses cu¬ vettes de réception sont directement au Sud de l’Algérie, mais encore parce que la presque totalité de ses lignes d’eaux sortent des monts algériens : c’est un hinterland algérien. Les maîtres actuels de l’Algérie, dont la force d’expan¬ sion est supérieure à celle de leur prédécesseur turc, n’ont donc fait, en rattachant ce bassin à leur domaine, que mettre d’accord la géographie politique avec la géographie physique. — 6 — L,e bassin touatien. — Le bassin touatien s’étend, comme nous l’avons vu, au point de vue hydrographique, depuis les Hauts-Plateaux algériens jusqu’au djebel Aït- Aïach marocain, d’où la ligne de partage des eaux descend vers le Sud en englobant l’oued Guir ; elle est ensuite peu connue dans ses parties sud-ouest et sud, vers l’Iguidi et le Tanezrouft ; elle suit, à l’Est, le djebel Hoggar, le Mouï- dir, les faîtes du Tâdmaït, et rejoint l’Atlas algérien par les « gantras » crétacées du Mzab. De toute ce périphérie, les eaux convergent vers un long bas-fond central étagé en plusieurs vasques orientées sen¬ siblement Nord-Sud, et dont la supérieure est la sebkha du Gourara ; elle est continuée parles successives sebkhas touatiennes du Teçabit, du Bouda, du Timmi, de Fenou- ghil, du Tamest, de l’Oued-el-Henné, de Sali, des Oulad- Baho, de Timadanine, et, au-delà, par le bas Oued-Mes- saoud et une autre série de cuvettes inférieures dont l’ex¬ ploration n’est pas encore terminée. Le cadre de cet ouvrage ne comporte pas l’étude de tout ce bassin hydrographique, mais seulement celle des cu¬ vettes gouraro-touatiennes et de leurs environs immédiats, car c’est là que se trouvent rassemblées toutes les Oasis sahariennes. 1 La région ainsi circonscrite se trouve divisée, sinon par la nature elle-même du moins par les hommes, en trois parties : Le Gourara , le Toual, le Tidikelt. Nous allons jeter un rapide coup d’œil sur chacune d’elles et sur les différentes oasis dont elles se composent, non pas tant que nous pensions « découvrir » ces localités sur lesquelles il a déjà été abondamment écrit, que pour fixer 1. Cette expression est la dénomination officielle française de la région qui nous occupe, et c’est pour cette raison que nous l’em¬ ployons et que nons en avons fait le titre de cet ouvrage ; les indi¬ gènes généralisent peu, mais quand ils ont à le faire, ils emploient le nom de Touat ponr l’ensemble du système ; ce n’est d’ailleurs pas une règle absolue, il n’y en a aucune. ou redresser quelques points de vue qui ne semblent pas encore avoir été exactement compris et appréciés à leur valeur relative. Notions générales sur les Oasis* — A part quelques-unes situées en pleine dune dans le Haut-Gourara, telles Talmine, Haïha et le Tinerkouk, les oasis affectent entre elles une ressemblance générale qui frise l’uni- formité. Elles sont presque toujours situées en plaine, sur la rive est d’une sebkha ; elles en garnissent les pentes et s’éten¬ dent plus ou moins dans la sebkha elle-même. Cette disposition permet de faire déboucher, dans les cultures dont vivent les habitants, les eaux souterraines drainées en des cotes supérieures à celles des terrains cultivés, par des galeries à évents ou regards, dénommées foggaras ; supplétivement, dans ce pays totalement dépourvu d’eaux courantes et très peu arrosé par les pluies, onemploie des puits ordinaires, munis d’appareils à bascule. Une oasis est constituée par un groupe de jardins irri¬ gués, plantés de palmiers, — c’est l’oasis proprement dite, — et par une zone adjacente de palmeraies non irriguées et non closes, qui porte le nom de bour , — mot arabe qui signifie « terre inculte ». Les habitations forment, dans chaque oasis, un ou plu¬ sieurs villages (en arabe : ksour, singulier ksar) ; de plus quelques familles importantes habitent des châteaux (en arabe : kasba) ; ces deux vocables arabes sont passés dans l’usage. Les oasis sont habitées les unes par des Berbères, les autres par des Arabes ; toutes possèdent en plus des nègres et des métis nombreux. Chacune comporte au moins un ksar ou village, mais dès que cette agglomération atteint seulement une impor¬ tance moyenne, qu’elle soit arabe ou berbère, elle est munie d une kasba. 8 — Si elle est berbère, le ksar est peuplé des habitants de toute condition, depuis les notables jusqu’aux moindres métis ou nègres, et la kasba, normalement inhabitée, renferme uniquement les magasins de vivres des habitants du ksar, lesquels s’y réfugieront en cas d’exigence de la défense contre une attaque ennemie : elle est nn quartier public. Dans les agglomérations arabes au contraire, la kasba est la propriété privée de la famille ou des familles alliées, maîtresses de l’oasis, elles y habitent seules ; le ksar est formé par la réunion, auprès de cette kasba seigneuriale, des habitations des gens de roture, métayers et affranchis, noirs et métis, qui composent la « clientèle », le personnel agricole ou artisan des seigneurs du lieu ; il s’y joint parfois des commerçants qui vivent sous la meme dépen¬ dance et la même protection : la ressemblance est complète avec ce qu’étaient les bourgades de la France du moyen âge, abritées sous les remparts de leur château. Une oasis peut ainsi comprendre une ou plusieurs agglo¬ mérations distinctes, disséminées au travers des palmeraies ou établies sur leur lisière. Le type commun de toutes les kasbas est la forme carrée, ou plutôt rectangulaire, avec tours carrées d’angle, reliées par des courtines qui sont les faces ; le rempart est cons¬ titué par un haut mur à deux ou trois étages de feux, construit en briques crues comme toutes les habitations du pays ; ce mur est presque toujours entouré d’un fossé ex¬ térieur avec glacis. Le même dispositif est répété plus en grand pour les ksour ; font seul exception à cette règle quelques kasbas et quelques ksour berbères qui ont épousé le relief de leur emplacement. Cependant, au Tidikelt, plusieurs ksour sont dépourvus d’appareil défensif, et c’est précisément ce détail qui a rendu la prise d’In-Salah facile à une troupe française peu nombreuse et dépourvue de canon. On peut rencontrer dans une localité plusieurs kasbas — 9 avec ou sans ksar attenant, puisque chaque famille de quelque importance peut avoir la sienne ou s’en bâtir une ; elles sont toutes dénommées, bien entendu, car on est bien obligé de dire : « château d’un tel » ,et c’est enles citant toutes, une par une, que certains auteurs sont parvenus à donner des listes interminables de ksour ; mais nombre de ces noms ne désigne parfois que quelques dizaines d’habitants, un ou deux ménages ; nous considérerons de telles nomen¬ clatures comme dépourvues d’intérêt au point de vue géné¬ ral : conçoit-on le géographe qui nous présenterait chaque commune de France ou d’Algérie avec l’énumération de tous les villages ruraux, hameaux, châteaux, fermes iso¬ lées qui la composent ? Nous ne citerons donc que les localités qui forment vé¬ ritablement un centre de population ayant une vie politique ou économique particulière, et, dans ces localités, les prin¬ cipaux « quartiers », les ksour qui ont la prépondérance. Mais nous ne nommerons les kasbas que quand s’en présentera une raison précise et spéciale. Ajoutons encore que le pays est couvert de ruines, la plupart banales ; on peut dire que, dans presque toutes les oasis, la masse des constructions en ruines et désertes est une, deux et même trois fois plus importante que celle des constructions habitées ; nous ne parlerons que de celles qui méritent une mention particulière. Le Gourara. — Dans la sebkha du Gourara les in¬ digènes reconnaissent trois grandes cuvettes : les chotts Dahrani, Chergui et Guebli, qui se succèdent dans le sens Nord-Sud. Or, le chott Dahrani reçoit, venant du Nord-Est, une importante gouttière quaternaire qui, d’après les indigènes, serait un thalweg de l’oued Meguiden, et est connue d’eux sous le nom d’oued Salah. En augmentant de ce vocable nouveau. . . pour les Fran¬ çais — et de quelques autres qui vont suivre, — la topo- 10 — nymie des Oasis sahariennes, il convient de préciser ce que, dans ce pays, on entend par « oued». Ce n’est pas seulement, comme en terminologie géné¬ rale, une gouttière apparente, délimitée par des berges que mouille parfois une crue passagère. Le travail d’érosion et de transport dont nous avons voulu donner une idée plus haut, en présentant le « Sahara fauve», et qui, depuis de longs siècles, modifie le relief orographique et hydrographique pour donner à ce coin de terre son aspect particulier qui a été dénommé le faciès désertique *, ce travail, disons-nous, a forcé les Sahariens à étendre le terme « oued » à des vallées larges parfois de plusieurs kilomètres, dépourvues de gouttière, de thalweg apparent : nous le voyons déjà pour l’oued Righ, l’oued Meguiden. Ici, aux Oasis, on élargit encore le sens, et on dénomme « oued » même l’oued Salah que les dunes ont presque tota¬ lement enseveli, sauf son estuaire et, par places, sa rive gauche, même encore l’Oued-er-Remel, l’Oued-el-Hadjar que nous verrons plus loin, et qui ne sont pas, surtout ce dernier, des vallées continues, mais seulement des aligne¬ ments de bas-fonds sans liaison appréciable pour l’œil inexpérimenté de l’Européen ; le Saharien les distingue et les suit par instinct, comme l’indication superficielle de lignes d’eaux souterraines où il trouvera souvent un peu de végétation spontanée, du la possibilité d’en provoquer lui- même, de créer des oasis. . Revenons maintenant à l’oued Salah. Sur le parcours probable de la vallée d’érosion qui porte ce nom, et qui, aujourd’hui, disparait en grande partie sous les masses sableuses de l’Erg, se trouvent les premières oasis du système. C’est le district du Tinerkouk, très épars, sur 50 kilo¬ mètres Est-Ouest et dont les oasis principales sont : Tabel- 1. G.-B.-M. Flamand. — 11 koza\ Fatis , Oudghagh , Tau.nsta.st , Zaouïet-Debbagh . In-Hammou , Inguellou. Ce district est habité par les Arabes de la tribu des Meharza . L’oued Salah oblique ensuite vers le Sud-Ouest et, bordé parles ruines nombreuses des Ksour-Yahia, il vient dé¬ boucher par un bel estuaire dans le chott Dahrani à El- Mebrouk (ruiné). Ce chott et le chott Chergui sont bordés sur leur rive Est d’une série d'oasis tantôt arabes, tantôt berbères : elles sont groupées en deux districts se chevauchant selon la race des habitants, savoir : 1° Les Khenafsa du Gourara (arabes), dont les principaux ksour sont : El-Hadj-Guelmane , El-Kef, Taghlart , Yeghzer et Mâmoura ; 2° Le district berbère de Telalet, comprenant, outre le ksar de ce nom, les ksour de Badriane , Azekkour , Alamellal , etc. Les rives Ouest du même chott Chergui présentent deux autres districts : 1° l’importante oasis des Oulad- Saïd, peuplée d’un millier d’habitants, et à laquelle se rat¬ tachent d’autres oasis situées plus en aval ; et, 2° Kali. Passant maintenant au chott Guebli, nous voyons se dérouler sur ses bords orientaux une série d’oasis dont les unes sont rattachées au district des Oulad-Saïd, eomme Beni-Mehlal , Lichta , et les autres forment le district de Timmimoun. Timmimoun est un gros ksar d’un millier d’habitants, poste français, chef-lieu du Gourara, avec dans son oasis d’autres villages et les ruines de Tahtaït , ancien village judéo-berbère antérieur à Timmimoun lui-même. Il est suivi des oasis de Beni-Mellouk , Taoursit , El- Ouadjda , puis des ruines Y Abbou-Aïdaneet de Bel-Ghazi , échelonnées dans un longue « ghaba » dont la végétation arbustive couvre les berges du chott. 1. Forme arabisée de Tabelkozt. nom berbère de l’arbuste Zeïta (F. Foureàu). — 12 A l’ouest de celui-ci, et à petite distance, court une autre ligne d’oasis parallèle, mais plus clairsemée et peu importante : ces palmeraies sont installées dans les effon¬ drements d’un haut plateau aride d’où sortirent jadis de petits ruissellements tributaires de la grande sebkha. Ce sont : Ifi et Cemdjane, à l’ouest des Oulad-Saïd, Tinezzi, Aguentour , qui dépend de lvali, Sidi-Abed, Tasfaout , Beni-Jslem. C’est à l’ouest du haut plateau que nous venons de mentionner que passa l’oued Namous quaternaire ; après avoir abreuvé les deux Adjdir sur sa rive droite, l’oasis des Oulad Aïssa et celle de Haïha sur sa rive gauche, il continue vers le Sud, disent les indigènes qui distin¬ guent la végétation provoquée par lui au travers des chaî¬ nes de dunes, fournit ses eaux à Touat-en-Tebbou et au grand district de Cliarouine, d’où, dessinant une légère boucle vers le Sud-Ouest, il retourne enfin à gauche et débouche dans les bas-fonds de l’extrême corne sud-ouest de la grande sebldia. Tel est le bassin supérieur de la sebkha gourarienne. Avant de continuer à suivre en aval les oasis qui s’en éloignent, nous devons signaler qu’à l’ouest de cette région se trouvent deux oasis rattachées politiquement au bassin gourarien, mais établies sur une ligne d’eaux tribu¬ taire de l’oued Saoura qu’elle rejoint par une « teïra », — couloir entre des alignements de dunes ; ce sont : Taghouzi et Talmine , dont la teïra aboutit vers Foum-el-Kheneg. Si nous revenons maintenant à la sebkha, nous la voyons bordée au Sud par les oasis des Zoua , avec les ksour de Barka, Toukki , I go sien, et en aval de ceux-ci, par le district de Deldoul De là se continue vers le Sud un système de dépressions d’aspect assez mal défini, se suivant parfois sans paraître se joindre, bordées d’escarpements bientôt interrompus pour reparaître plus loin, ou indiquées seulement par quelques talus à longues pentes douces : c’est ce que les indigènes connaissent sous le nom d’Oued-er-Remel. — 13 — Il est jalonné parles oasis des Oulad-Rached, de Sahela , de Metarfa , et gagne le grand district du Teçabit, dont les ksour principaux sont Brinken, avec 450 habitants ; El-Maïz , 650 hab. ; El-Hebla et Ariane- er -Ras . De là l’Oued-er-Remel, s’accusant par une série de bas- fonds couverts d’arbustes, une « ghaba », atteint, vers le Sud-Ouest, le district de Bouda, où il se joint au plus oriental des bras de l’oued Saoura, venu lui-même de Foum-el-Kheneg, en alimentant les puits de : Zemla , Tilemsi , Zouarz, Ghezel , où eut lieu le combat de 1903, Djahbel , Decheira (ancien ksar ruiné), et Hammouda. Avant de quitter le Gourara, nous devons nous reporter à une autre ligne d’eaux sortie des pentes ouest du Tâdmaït, juste pour former les sebkhas et le district de l’Aougrout, principaux ksour : Tiberghamine, El-Hadj , Tala , et Bou-Guemma (rattaché au district de Tiinmi- moun). C’est de là que part l’Oued-el-Hadjar, plus difficile encore à suivre sur le terrain que l’Oued-er-Remel, car il traverse des plaines de graviers complètement dénudées ; il suit une direction générale Nord-Sud, avec coude vers l’Ouest, et alimente successivement les oasis de : Oufrane , rattachée au Deldoul, Oulad-Mahmoud, Lalla-Rabha (en ruines), Kaberten , rattachée au Deldoul, Sebâ et son annexe Guerre/' a , Meraguen , et Tinilane. Il disparaît enfin dans la grande sebkha du Timmi. Le Touat. — Nous avons mentionné la rencontre d’un bras de l’oued Saoura ou Messâoud avec l’Oued-er- Remel au Bouda : le Bouda est le premier des districts que l’on considère habituellement comme faisant partie du Touat ; on y voit : El-Mansour , ksar principal ; Ben-Drao, Adrar,ne pas confondre avec celui du Timmi; Gharmali , corruption d ' Aghrem- Ali ; Zaouïet-Sidi-Hàida , etc. A faible distance de ce district, et relié à lui par l’Oued- el-Hadd, avec des palmiers isolés et des foggaras — 14 — ruinées, on trouve le Timmi, grand district comprenant une vingtaine de ksour, parmi lesquels Adrar (520 habitants), dont le nom, par une fantaisie inexpliquée, a été donné au poste français voisin, chef-lieu de l’annexe du Touat et de tout le « Territoire des Oasis Saha¬ riennes ». Ce poste a cependant été bâti sur une kasba faisant partie intégrante dun autre ksar cité plus loin, les Oulad- Oungal. Le moindre inconvénient de cette appellation imprévue n’est pas que la poste achemine parfois des correspon¬ dances ainsi adressées vers l’Adrar du Sénégal ; ce nom d’Adrar est aussi celui d’une bonne demi-douzaine d’autres ksour de la même région touatienne *. D’ailleurs les habitants ne disent jamais : « les autorités d’Adrar », mais bien : « les autorités de Timmi », le « bureau de Timmi ». Parmi les autres ksour de ce district, citons encore : Oulad-Ouchen, Oulcid-Aroussa, Oulad-Aissa , Oulad- Ahmed , Oulad-Oungal, Ouinna , Beni-Tamert, Zaouïel - SidUel-Bekri. A ce district, ont été rattachées Meraguen et Tinilane, déjà citées, et Tasfaoui qui le sera plus loin. Au Sud-Est de la sebkha du Timmi, on trouve Tamentit, avec le ksar important du même nom, puis vers l’Ouest, Arnguid et l’oasis de Bou-Faddi , aussi dénommée « district des Oulad-El-Hadj » ; enfin, plus à l’Ouest encore, l’oasis de Tasfaout. Gomme la sebkha du Gourara, celles d’Aougrout, de Teçabit et de Bouda, la sebkha de Timmi est bientôt suivie, vers le Sud, de dépressions peu accentuées et incohérentes, mais qui s’élargissent bientôt en une grande vallée d’érosion dont les berges Est sont mal définies, mais dont les falaises ouest sont très accentuées. On y trouve successivement : le district de Fenoughil, 1. Vid. sup. et inf \ 15 — avec Abbani, Oudghagh , Makra, ancien ksar de premier ordre, aujourd’hui en ruines, Zaouïet-Sidi-Abdelkader , Sidi-Youcef, etc. ; le district de Tamest, avec Ba-Amor, El-Ahmar , etc. ; un chapelet de petites oasis isolées : Mekkid, Tiouririne , Adrar. Les falaises de la rive ouest se terminent brusquement, à hauteur de cette dernière oasis, par un promontoire de 50 mètres de hauteur, arrêté net en face d’une large vallée qui est une succession de sebkhas s’en allant vers le Sud, avec sur la droite, dans l’Ouest, une rive lointaine plate, fermée à l’horizon par de grandes dunes, et sur la gauche une ligne de hauteurs presque escarpées venant du Nord- Est, qui prend maintenant le bord est des sebkhas et fuit vers le Sud tout enchevelée de palmeraies, sur ses crêtes et sur ses pentes, jusqu’à perte de vue. Mais avant de nous y engager, il convient d’aller reprendre à l’extrémité Sud des derniers palmiers de Tamentit : là, prend naissance une autre ligne d’eaux qui alimente la série d’oasis de : Noum-en-Nas, Izeggaren , en ruines ; Titaf\ avec trois ksour dont un assez grand, et Gharmïanou , altération Y Aghrem-Iannou. Cette dépression, à talus plats et mal défiais vers l’Ouest, semble se confondre par là avec la vallée du Fenoughil et du Tamest, éloignée de quatre à six kilomètres à peine ; mais à l’Est, elle est limitée par une série de de petites hauteurs qui vont parfois s’accentuant, et la déterminent à aller déboucher, comme nous l’avons vu, en face du grand promontoire d’Adrar. Les oasis qui, depuis Timmi, ont été situées en plaine, dans des paysages rappelant de façon frappante l’oued Righ, vont maintenant reprendre l’aspect que nous leur avons vu sur les bords de la sebkha du Gourara ; le paysage de Timmimoun va se répéter : des ksour bâtis sur la crête des falaises, où semblent accrochées des palmeraies qui pendent au long des escarpements, pour aller traîner leurs franges sur les fonds plats des sebkhas. — 16 — Nous allons trouver une forêt presque ininterrompue sur une longueur de 60 kilomètres, et dont les principaux ksour sont : Zciglou, Oulad-El-Hadj-El-Bordja , Zaouïet- Kounta, très connue, chef-lieu de district, El-Menaçir, Takhfif la plus ancienne station juive connue, Tazoult , avec une ruine judéo-berbère, Bou-Ah , où est la zaouïa du cheïkh El-Meghili, Inzegmir, chef-lieu de district, El-Mahfoud , Tidmuïne , les Titaouine et les Tilouline ; c’est l’Oued-el-Henné. Ici les falaises de la rive est s’adoucissent en des pentes mamelonnées et s’éloignent vers la gauche, s’en¬ combrant de petits ergs, à l’ouest desquels on trouve bientôt la grande oasis de Sali, avec une douzaine de ksour. Vers la corne sud-ouest de la sebkha de Sali recom¬ mencent des dépressions bientôt redevenues sebkhas, avec falaises riveraines à l’Est ; s’y accrochent les oasis de : Tinnourt, Berrich , Oulad-Baho , El-Mestour , Zaouïet-el-Hachef ; puis, s’ensablant comme les précé¬ dentes, l’oasis d dnzeglouf. Enfin dans un fond de plaine fermé à l’Est par le premier gradin du Baten, et qui se perd à l’Ouest dans des sebkhas bordées de grandes dunes, on aperçoit comme en un cirque, de l’Est à l’Ouest, les oasis de : Aït-Messâoud , En-Nefis , chef-lieu de district, Taârrabt et Tinoulaf. En y arrivant ou voit les hauteurs du Baten s’élever un peu sur la gauche et aller se terminer dans l’Est par un promontoire suivi d’un piton isolé — le site d’El-Goléa, c’est Taorirt (comme l’ancien El-Goléa berbère). Dans l’Ouest on aperçoit Timadanine , comme une ligne sombre sur la terre fauve, et dans le Sud-Ouest, la der¬ nière oasis du Reggane, celle après laquelle la bande de pays habité, la « rue de palmiers », est terminée, et qui de ce verbe en arabe a été dénommée Entehet. Entehet contient deux petits ksour et une zaouïa dite Zaouïet-Beggane , qui jouit d’une grande influence non 17 seulement dans la région, mais dans une grande partie du Sahara central et méridional. Là, l’oued Messâoud, qui passe à quelques kilomètres dans l’Ouest, continue à courir vers le Sud, mais il sera bientôt envahi par les sables des premiers chaînons de l’Erg-Chach, lequel remonte vers le Nord-Ouest, allant à la rencontre de l’Iguidi. Par là aussi conflue l’oued Botha venu de l’Est, et dont les affluents portent les oasis du Tidikelt. Le Tidikelt. — Nous gagnons cette région en con¬ tournant le piton de Taorirt et en montant, à Aïn-Chebbi, oasis récemment ruinée, sur le gradin mentionné plus haut, constitué par les vallées supérieures servant de talus vers le Sud au Tâdmaït, et traversées du Nord au Sud par les lignes d’eaux sorties de ce massif pour affluer vers le Botha. La première de ces lignes s’élargit, en face de Foum- Talha, en une grande sebkha où est installé le district d’Aoulef. Autour d’un piton érigé au milieu de la sebkha, et portant le ksar ruiné de Charef — un autre Taorirt, — prennent place les trois oasis d’ Aoulef-el-Arab (1.100 habitants), Aoulef-Chorfa (1.500 habitants) et Timokten. En continuant sur l’Est, avec sur la gauche la corniche du Baten, on arrive à Tit, qui a deux ksour. On a laissé, à quelque 25 kilomètres dans le Sud, le district d’Akabli, avec quatre ksour, des kasbas et des zaouïas : cette oasis partage avec le Reggane et In-Salah la fonction de port d’arrivée des caravanes de Tombouctou. A l’est de Tit s’étend à perte de vue la « ghaba » du Tidikelt, plaine relativement riche en végétation, toujours surveillée du Nord par les falaises du Baten ; celui-ci va d’ailleurs gagner le Nord-Est pour ouvrir la large vallée du Mâder-es-Souf qui va déboucher sur l’oasis d’Inghar. Inghar est descendu dans la cuvette qu’il bordait 2 — 18 — naguère à l’Est et a rebâti ses sept ksour à l’ouest des palmeraies : les plus importants sont Oulad-Hadega et Oulad-Ahmed-Djelloul. De là, on se guide sur un curieux promontoire du Baten, Ang-el-Mehari, au-delà duquel s’allongent., toujours du Nord au Sud, la grande sebkha et l’oasis d’In-Salah, avec dix ksour, parmi lesquels : Ksar-El-Arab , Oulad- Badjouda , Deghamcha, Oulad-Bel-Kcissem et Oulad- El-Hadj. Sur une croupe qui commande l’oasis à l’Est, est établi le poste français, chef-lieu de l’Annexe du ridikelt. Un peu plus loin à l’Est, c’est encore un alignement de petites oasis comprenant les deux Sahela , Igosten et Foggaret-El-Arab ; elles sont les points d’attache d’un des derniers groupes nomades duTidikelt, les Oulad-Dahhane. Puis encore plus à l’Est, le dernier district du système : Foggaret-Zoua , avec quatre ksour. Pour compléter cette description, si d’In-Salah nous regagnons le Timmi vers le Nord-Ouest, par une ligne droite qui suit X oued Tilia , nous trouvons, à peu près à moitié chemin, dans un large effondrement du massif du Tâdmaït, deux petites oasis qui sont connues sous le nom d 'El-Kseïrat (les petits ksour) et qui sont habitées par quelque six douzaines de pauvres gens ; ce sont : In- Belbal et Matriouen. C’est dans ces parages et dans l’Oued-Miah — une des gouttières du bassin de l’Est, — que déambulent les groupes nomades des Oulad-Zennane , des Oulud-Dahhaue et des Zoua ; parfois même, telle est la pénurie de pâtu¬ rages, ils doivent traverser tout le Tâdmaït et se retrouver vers Bejouen avec les Khenafsa d’Aougrout. Les Monnaies, Poids et Mesures. — Pour l’intelligence de cet ouvrage, nous devons dès maintenant donner un aperçu des monnaies, poids et mesures en usage dans les Oasis. — 19 U faut pour cela partir du système général établi par la législation musulmane, et dont la base est le poids d’un certain nombre de grains d’orge de grosseur moyenne : 1° Soixante-douze grains d’orge donnent le poids du -dinar d’or ; 2° Cinquante grains d’orge et un cinquième de grain donnent le poids du dirhem d’argent. Voilà les monnaies musulmanes légales1 2. Nous allons voir maintenant ce qu elles sont devenues, pratiquement, aux Oasis. D’abord le dinar légal ayant fait défaut dans cette région écartée, lointaine, on l’a remplacé par un poids fixé de cette poudre d’or (teber) que les caravanes apportaient du Soudan en abondance. Or il est curieux de noter qu’on n’a pas fixé ce poids de poudre d’or d’après le poids du dinar légal, qui, pour 72 grains d’orge est, ainsi que chacun peut s’en rendre compte, de 3 g. 2 ; on est parti au contraire du poids du dirhem légal qui est, pour 50 grains d’orge et 1/5, de 2 g. 25 ; on en a pris le double, c’est-à-dire le poids de 2 dirhem légaux, soit 4 g. 50. Ce poids de 4 g. 50 de poudre d’or a donc constitué aux Oasis une sorte de monnaie de compte, supplétive du dinar légal absent, et on l’a dénommé metkal d’or. Nous avons pu en effet nous procurer auprès d’un chérif du Timmi*, le petit poids de cuivre nommé metkal qui servait à peser la poudre d’or, et il nous a donné, à la balance, un poids de 4 g. 50 exactement. L’équivalent en monnaie d’argent du metkal-or — le cours, a varié d’après l’ordre du prince ou de son repré¬ sentant local. Quant au dirhem d'argent, il a été frappé en abondance 1. Ibn Khaldoun. El-Koclbi (El- Iîouanine el-fekehïa), etc. Khelil (trad. Perron) indique pour le dirhem 50 grains d’org-e et 2/5, ou 14 grains de caroube et 17/20 ; on sait que le grain de caroube n’est autre que le kirat. 2. Le vieux Moulaï-Ali-Chérif, ancien nekib des Chorfadu Timmi. — 20 — par les différents souverains qui se sont succédé, émirs, khalifes et sultans ; il a été parfois de forme carrée1, mais presque toujours de forme ronde, portant à l’avers l’indica¬ tion du lieu de sa frappe : Tétouane, Rabat, Merrakech, Fès, et au revers le millésime ; les émissions les plus abon¬ dantes ont été celle de Moulaï-Rachid, au xvin6 Siècle, et celle de Moulaï-Slimane, à la fin de ce même siècle. Ce dirhem aurait dû présenter un poids d’argent de 50 grains 1/5 d’orge, c’est-à-dire 2 g. 25 environ ; mais dans la pratique, après qu’il eut fourni quelques bénéfices au souverain ou aux fonctionnaires chargés de la frappe, il ne parut jamais dans la circulation avec son poids légal ; il descendit parfois à un poids effectif de 1 g. 5, et même moins ; ce dirhem amaigri, illégal, fut dénommé dirhem sultanien , ou bien, du nom du sultan régnant : dirhem Rachidien , dirhem Ismaïlien, dirhem Slimanien. Cette unique monnaie, aidée de quelquels rares fiés, oboles d’airain ou de cuivre, et de la mouzouna , fragment du dir¬ hem coupé en quatre2 * *, satisfit à tous les besoins pendant toute l’époque ancienne, jusqu’à l’apparition de la pièce d’argent de frappe turque qui, sous le nom de metkal, valut 10 dirhem. En dehors de ces monnaies « nationales », arri vèrent peu à peu les pièces étrangères de toutes provenances, qui pri¬ rent une valeur correspondant à leur dimension, et qui ont été, dans le patois administratif français, confondues avec les monnaies sultaniennes sous le nom d 'argent gourari ; nous ne parlons de ces pièces étrangères que pour mémoire, car elles ne furent jamais mentionnées dans les actes publics du pays touatien, ni dans la comptabilité fiscale chéri¬ fienne. Le système monétaire que nous venons d’exposer se 1. Nous avons trouvé à Tamentit un dirhem de cette forme, por. tant les devises des souverains mouhhides. 2. Cependant, uous trouvons, une fois, l’expression mouzouna soltanïa (mouzouna sultanienne), ce qui implique, qu’au moins une fois, un sultan a fait frapper des mouzounas. — 21 — maintint jusqu’au règne de Moulaï-Hassane ; il peut se résumer ainsi : Monnaies sultanieunes : Valeur en monnaie française La mouzouna ou oudjh (le 1/4 du dirhern), environ . 0f05 Le dirhem. valant selon son poids d’argent, environ . 0 20 Le metkal, valant 10 dirhem ou 40 mouzounas, environ . 2 »>» Monnaies de compte : Le metkal-or (valeur variable). Le kintar, valant 400 metkal-argent, environ. 800 »» Moulaï-Hassane, dont le règne a débuté en 1873, fit le premier frapper ses monnaies en Europe et changea les valeurs de syst ème, car il ramena le dirhem à son poids légal de 2 gr. 25 d’argent et lui donna ainsi la valeur des pièces de 50 cent, françaises ; depuis son règne jusqu’à nos jours, la nouvelle échelle s’établit ainsi : Monnaies hassaniennes Valeur en monnaie française L e demi- dirhem légal, pesant 1 gr. 125 d’argent, valant . 0f25 Le dirhem légal, pesant 2 gr. 25 d’argent et valant . 0 50 Le metkal, valant 5 dirhem, ou . 2 50 C’est surtout depuis cette nouvelle frappe que l’on a pris l’habitude de désigner le dirhem ancien sous le nom d 'oukïa1, pour le distinguer du dirhem légal dont la valeur est plus que double. Il y aura donc lieu, au cours de cet ouvrage, de remar¬ quer la différence de valeur du dirhem et du metkal sui- 1. Oukïa, en dehors de cette acception locale, signifie en langue générale once, 600 grains d’orge. Pour Khelil (trad. Perron), Y oukïa vaut 40 dirhem ou 2,008 grains d’orge. — 22 — vant l’époque ancienne ou moderne, comme aussi de tenir compte, dans chaque cas spécial, de l’indication du cours du metkal-or qui pourra être donnée. Comme mesures de poids, nous n’aurons guère à nous occuper que de la charge , c’est-à-dire la charge de cha¬ meau, de la guessàa et du zeguen. Ces mesures sont purement locales et ne tiennent en rien des mesures légales de l’Islam. Comme, pour cette raison même, elles varient selon les districts et d’une oasis à l’autre, nous nous en épar¬ gnerons une étude complète qui serait oiseuse. Nous adopterons l’un d’entre les types, le plus fréquem¬ ment employé dans les chroniques, celui dont se servirent les représentants locaux des princes musulmans, le type de Timmi : Le zeguen = 2 1/2 litres en capacité. La guessâa = 12 zeguen. On connaît aussi : La gharara , qui vaut 35 zeguen ou 3 guessàa. Ces mesures de capacité s’employèrent aux lieu et place des mesures de poids, dans ce pays où si peu d ouvriers étaient capables de construire ou d’entretenir des balances et des mesures de poids. Les seules mesures de poids employées dans le pays, au long des temps, furent celles qui servirent à peser la poudre d’or, avec de petites balances semblables à celles de nos anciens bijoutiers chrétiens ; ces mesures avaient pour base le metkal de 4 g. 5 que nous avons vu à propos des monnaies, complété par une série duodécimale de multiples et de sous-multiples. Restent maintenant les mesures de jauge pour les eaux d’irrigation. Dans les temps anciens ce jaugeage se fit « à l’œil », sans instrument spécial ; c’est, d'après la tradition locale, jus¬ tifiée d’ailleurs par les données documentaires qui suivront au cours de cet ouvrage, sous le sultan Moulaï-Rachid,que le fonctionnaire envoyé pour faire le recensement des eaux — 23 — pour l’impôt zekkat, arriva aux Oasis muni d’une planche en cuivre, trouée pour le jaugeage des eaux, qui était alors déjà en usage dans d’autres régions de l’empire ché¬ rifien ; telle est l’origine du mode actuel de mesurage connu sous le nom d 'El-Kil-el-Asfar, — le « mesurage au cuivre jaune ». L’unité de ce système de mesure est la habba ou sebâ, quantité d’eau passant en une nuit et un jour dans on trou d’une dimension donnée, à peu près de la grosseur du bout du petit doigt, percé dans la planche de cuivre. La dimension de ce trou varie aujourd’hui dans quelques districts, elle est de 9 millimètres au Tamest et de 27 millimètres à Sali ; d’aucuns ont même pris l’habitude de se servir d’un autre terme que habba : on dit kirat au Timmi, sebâ (doigt) au Teçabit et ailleurs, kherga (trou) à Aoulef et à Tit. On peut évaluer le débit moyen de la habba à 3 1. 50 à la minute1. L’unité habba se subdivise. Elle vaut 24 kirat , ou 96 dirhem (4 au kirat), ou 144 kharrouba (6 au kirat), ou 576 mouzouna (6 au dirhem ou 4 à la kharrouba), ou 2,304 farfouria (4 à la mouzouna). Ce fractionnement extrême des 3 1. 50 à la minute, obtenu dans des rigoles d’argile bâties à la main, et fragiles comme les travaux des enfants sur le sable des plages de France, est singulièrement éloquent, et indicatif du soin invraisemblable apporté à répartir les filets d’eau rare et précieuse pour ces pauvres gens. Pour la concordance des ères hégirienne et chrétienne nous avons suivi les ouvrages de M’hamed bel Khodja et de Charles Bernoin. 1. Donnée adoptée par l’autorité locale française. PREMIÈRE PARTIE L’HISTOIRE CHAPITRE PREMIER Les Gétules (Ab origine. — 100 ans ap. J.-C.) Ab origine. — L’âge de pierre. — Les premières données histo¬ riques. — Le Ger, ou Nigeïr. — Le lac Libya et le lac Nigris. — Les villages du bassin du Ger. — Les édifices de l’époque gétule. — L’idole de Tamentit. « Ab origine ». — A l’origine des temps, il n’y eut pas de Sahara car ce vocable n’est qu’une expression géo¬ graphique, signifiant en langue arabe la terre déserte. A l’époque quaternaire il y eut là une contrée « constellée de lacs et de volcans en éruption1 », où vinrent s’installer les hommes de la préhistoire. Le pays soudanien s’étendit jusqu’au pied de l’Atlas, caractérisé par un climat à pluie abondantes ; ce fut l’époque de la forêt mimosée, au milieu de laquelle s’érigaient les volcans du Hoggar et de l’Alinet, et dont nous voyons encore aujourd’hui quelques témoins, rares 1. Georges Rolland. 26 et rabougris, et les nombreux reliefs pétrifiés, troncs d’arbres de 30 à 40 centimètres de diamètre, épars tout au long des plaines dénudées. On ne peut guère douter que ce pays nord-soudanien ait été pourvu d’une population nègre 4, peu dense peut- être, qui a reculé vers le Sud en même temps que la flore mimosée cédait devant le dessèchement commençant, en même temps aussi que s’avançaient des hommes blancs venant du Nord 1 2. Li’àge de pierre. — On a trouvé de nombreux ateliers de silex taillés, dans tout le Sahara du Nord et dans le Tâdmaït : ce sont les témoignages les plus anciens de la présence de l’homme dans ce pays. Il est à remarquer que toutes ces stations sont relevées exclusivement dans les régions de plateaux plus ou moins élevés et éloignés des oasis ; on s’explique d’ailleurs qu’il n’en ait pas été trouvé dans les environs immédiats de celles-ci, et qu’il n’y ait guère à espérer d’y en trouver dans l’avenir : c’est que l’étage géologique superficiel, où ces stations eussent pu exister, a disparu, emporté par les cataclysmes diluviens ou éoliens dont le pays a été le théâtre. Le sol actuel s’y présente comme une surface de déra¬ sement, de dénudation, presque toujours dépourvue de terre végétale, et affectant la forme de pénéplaines saupou¬ drées de graviers tantôt fins tantôt grossiers, résidus de l’étage supérieur disparu, dilué, emporté, soit à l’époque où les immenses fleuves sahariens, dont les lits desséchés nous étonnent par leurs dimensions, roulaient leurs masses d’eaux énormes, soit pendant l’époque de sécheresse qui a suivi ; ces plaines arides sont, en arabe, dénommées 1. Duveyrier, Barth, Carette, Weisgerber. 2. Nous constolerons plus tard que tous les noms des tribus sahariennes de race blanche que nous transmettront Pline et Ptoi.émée avaient leurs correspondants sur la rive méditerranéenne. — 27 — des reg, terme que les Français ont adopté sans le traduire. Ces reg sont entrecoupés de terrains de « sebkba », qui sont, ou bien les fonds de grands lacs contemporains des fleuves disparus, ou bien les fonds plus récemment desséchés des cuvettes successives qui persistèrent, comme d’immenses mares isolées, le long des lits des fleuves, après qu’un dessèchement partiel, rapidement survenu, eut assez diminué les eaux pour interrompre la continuité de leur cours sur les seuils rocheux rencontrés dans leurs lits. C’est autour de ces mares ou sebkhas, sur les bords de leurs nappes d’eaux longtemps maintenues, que se sont bâtis les premiers villages de sédentaires qui sont devenus les Oasis actuelles. Quels furent les premiers habitants de ces villages ? Les premières données historiques. — Le plus ancien renseignement sur eux nous est donné par Homère qui les dénomme les Ethiopici , « ceux au visage noirci », Alôo;, uni;, et qui comprend sous ce vocable tous les peu¬ ples noirs jusqu’à l’extrémité du monde vers le couchant1. Ensuite Hérodote nous rapporte le voyage des cinq Nasamons : c’est la plus ancienne exploration connue du Sahara, cette région « qui n’est plus qu’un pays de sable, sans eau, prodigieusement aride et tout à fait désert». Ces antiques explorateurs, partis des régions septen¬ trionales du Fezzane, « marchèrent dans la direction de l’Ouest ». (Tyjv ôSév uoieupiévous ixpoç Çécpupov àvsg-ov.) « Ayant ainsi traversé une grande étendue de terre sablonneuse, après bien des jours ils aperçurent enfin des arbres répandus dans une plaine ; ils s’en approchèrent 1. Odyssée, ap. Vivien de Saint-Martin. L’auteur de Tombouctou la Mystérieuse , M. Félix Dubois, voit dans le mot grec Aïthiôpes une simple transcription, maladroitement effectuée, de l’expression berbère Aït-Tebbou, — les Tebbou actuels. 28 — et mangèrent des fruits de ces arbres. Survinrent alors des hommes de très petite taille qui les prirent et les emmenèrent. Les Nasamons ne comprenaient pas la langue de ces hommes ni ceux-ci celle des Nasamons. On leur fit traverser des marais d’une grande étendue ; de l’autre côté de ces marais, ils arrivèrent à une ville dont tous les habitants étaient noirs et de petite taille comme les pre¬ miers. Une grande rivière passait près de cette ville ; cette rivière coulait de l’Ouest à l’Est et il y avait des crocodiles *. » C’est ainsi qu'Hérodote nous apprend l’existence de palmeraies et de villages qui ne paraissent pouvoir être que les oasis installées sur les bords des grandes mares touatiennes. « Quant à cette rivière, dit encore Hérodote, Etéarque supposait que c’était le Nil ». Et il ajoute : « Je suis de l’avis d’Etéarque, car le Nil vient de la Libye et la coupe par le milieu ». Pour lui, la Libye (AiÆiîïi) se prolonge jusqu’au cap Soloeïs, sur la mer occidentale. La zone côtière est seule habitée ; plus avant dans l’intérieur, à une médiocre dis¬ tance, c’est une contrée sauvage remplie de bêtes féroces. Puis ce sont des déserts inconnus, inhabitables à cause des sables et du manque d’eau, de même qu’au-dessus des Automoles, les dernières extrémités de l’Ethiopie sont inhabitables à cause de la chaleur 1 2. La distance à laquelle ces déserts se prolongent au Sud est inconnue ; l’historien sait seulement, d’une ma¬ nière très vague, qu’un fleuve que l’on regarde comme 1. Vivien de Saint-Martin, après avoir ainsi résumé le récit d’Hérodote, précise encore que les cinq Nasamons sont passés au Sud de Ghadamès , qu’ils ont réellement marché vers l'Ouest,, puis il identifie leur point d’arrivée avec... Ouargla. Son excuse est qu’il écrivait en 1863, époque où Ouargla n’était, non plus d’ailleurs que Ghadamès, « placée » sur la carte. 2. Id. — 29 — l’origine du Nil y coule de l’Ouest à l’Est et que ce fleuve est bordé de palmeraies et de villes habitées par des noirs de petite taille. Il nous faut, pour préciser un peu ces trop vagues don¬ nées, arriver jusqu’à l’occupation romaine de l’Afrique. Salluste, officier dans l’armée qui opère contre Juba, apprend que, dès l’antiquité qui le précéda, la partie sud-occidentale de la Libye fut habitée par un peuple, les Gétules (Gætuli), dont le nom ne tarda pas à être étendu à tous les habitants du pays au sud des monta¬ gnes, et jusqu’au Gera. Et ce Ger nous le connaissons par l’expédition du pré¬ teur G. Suetonius Paul inus qui, d’après Pline, « atteignit l’Atlas en dix marches et, au-delà, arriva à une rivière appelée Ger, à travers des solitudes couvertes de pous¬ sière noire, d’où surgissent çà et là des rochers qui sem¬ blent noircis par l’action du feu. Ces lieux sont inhabitables à cause de l’extrême chaleur. Les gens qui vivent dans les forêts voisines, pleines d’éléphants, de bêtes féroces et de toutes sortes de serpents, sont appelés Canarii parce que le chien est leur nourriture commune, ainsi que la chair des bêtes fauves. Il est assez connu que ce peuple est voisin des Ethiopiens Perorsi. » Ailleurs, Pline, citant les Mémoires aujourd’hui perdus de ce préteur, revient sur des villages qui se trouvent au delà du point atteint par l’expédition romaine, et qui sont habitées par des colonies de nègres asservis par les Gétules. Mais ce renseignement, qui complète ce que nous disait Hérodote, est complété lui-même par Ptolémée qui entre dans une description détaillée de la région où coule le Ger. Le Ger ou Nigeïr. — Pline dit Ger , Ptolémée dit Nigeïr (Ntys-Ip), mais la différence d’appellation n’est 1. Vivien de Saint-Martin. 2. Id. — 30 — qu'apparente : le radical libyque ou berbère ger, gher (eau courante), avec ou sans le technique in , qui peut être aussi l’annectif n (Potamos-n-Geïr)1 2 3. Donc ce fleuve, Ger ou Nigeïr, partait, d’après Ptolé- mée, du mont Mandrus, — où naissait aussi, ajoute Pline, le Malua flumen (Moulouïa), — (le djebel Ait-Aïach, de l’Atlas marocain), et recevait deux affluents venant du Nord, l’un du mont Sagapola et l’autre du mont Usargala (ces deux monts ne peuvent être que, d’une part, le massif de Figuig d’où descend l’oued Zousfana, et, d’autre part, le djebel Amour, d’où sortent les oueds Zergoun et Segguer réunis plus bas pour former l’oued Meguiden)*. JLe lac Libva et le lac Nigris. — Puis, inclinant vers l’Est, le fleuve allait former le lac Libya (sebkha du Gourara) et venait se terminer ensuite au lac Nigris (sebkhas du Touat). Ce dernier lac recevait aussi une autre rivière que Pto- lémée considère comme un second « Nigeïr » et qui venait du mont Thala (djebel Hoggar)1 . Ce second bras de « Nigeïr » était sans doute l’oued Botha sur les affluents duquel se trouve le Tidikelt. Duveyrier explique cette extension du vocable Nigeïr en démontrant qu’il avait dans sa langue originelle, non seulement le sens « eau courante », cours d’eau, mais encore celui de « bassin hydrographique ». Les villages du bassin du lier. — Et dans ce bassin Ptolémée nous cite dix-sept noms de villes ou vil¬ lages : 1. Cf. Duveyrier, Les Touaregs du Nord. 2. IL Duveyrier. 3. lu. 31 TaXéuêaô Taloubat, qui serait Tabelbalt1 2, ou Tanebèt*, ou peut-être Talebboï, village ruiné qui se trouve à 6 kilo¬ mètres à l’est de Zaouït-Kounta. MaXa^âO, Malakat , qui serait Melouka. Touxàêaô, Toukabat , qui serait Teçabit3 4. B6v9a, Bunta, qui serait Bouda*. Avuyà8, Anugat. IIecra(§Y], Pessidê. ©(y Y), Tiguê. Kouçyj, Kouphê. NYyeipa, Nigueïra (métropole) . OûeXXeyeia, Ouelleguéia. Tayap,a, Tagama , qui serait Tagant, ksar ruiné dans le Gourara, ou bien Taghemt , un des ksour d’Igosten en Tidikelt5 6. riavàypa, Panagra. ©ouïrai, Toupa'i. IlojvaY], Pounsê. SaXoûxYj, Saloukê. Bajxcvècy.àva, Tamondocana. Aouâouji., Doudoum , qui serait Deldoul *. Par ce nombre seul de localités dont le géographe a pu dresser la liste, remarque Vivien de Saint-Martin, on voit que ce canton devait être habituellement fréquenté par les étrangers. C’était sûrement une route ordinaire des cara¬ vanes entre les tribus du sud de la Gétulie et l’Afrique romaine. En plus de cette liste de localités, Ptolémée a encore enregistré des noms de « peuples », c’est-à-dire de tribus qui nomadisaient dans la région qui nous occupe. 1. Duveyrier. 2. Vivien de Saint-Martin. 3. Duveyrier. 4. Vivien de Saint-Martin. 5. René Basset. 6. Vivien de Saint-Martin. 32 — Il cite, entre les monts Sagapola (massif de Figuig) et IJsargala (djebel Amour), les Mélanogétules ou Gétules noirs, puis les Ethiopiens rouges et les Nigrites ou « tribus du Nigeïr* », les Ethiopiens Odraggides (OâpayYioat) entre le mont Caphas (Atlas marocain) et le mont Thala (djebel Hoggar) ; on peut voir dans ces Odraggides les Outriga dont nous parlera plus tard Ibn Khaldoun2. Puis encore, au sud du mont Usargala, les Suburpores (SouêoûpTwpeç) qu’on peut très probablement identifie»’ avec les Sebertera, une des tribus zénètes qui se sont anciennement répandues dans les oasis du Sahara algérien’: détail à noter, car nous verrons durer jusqu’à nos jours des populations de race zénète dans les Oasis. D’autres Zénètes encore, les Harmiæ ('Appiai), qui ne seraient autres que les Ourghma des auteurs arabes pos¬ térieurs*, les Dolopes, les Thalæ (OaXat), qui se placent naturellement vers le mont Thala, les Astacuri ( ’Aaxaxoupot), les Ethiopiens Agagginæ (Ayayyvw.), que Léon l’Africain nonmera plus tard Azgangan6, etc. Nous croyons pouvoir écourter la longue liste ptolé- méenne, d’abord parce qu’on peut la retrouver toute entière dans le savant ouvrage de l’auteur que nous citons, et ensuite parce que les autres noms de tribus ne semblent pas susceptibles d’identification avec les noms actuellement connus ; mais on voit par tout ce qui précède combien nombreuses étaient les peuplades berbères installées dans le Sahara subalgérien au temps du géographe d’Alexandrie. Les édifices de l’époque gélule. — C’est fort probablement à ces temps anciens qu’il faut attribuer certaines ruines debout encore aujourd’hui, dans des loca¬ lités éloignées de toute ressource en eau, et qui, depuis longtemps, se»nblent parfaitement inhabitables pour l’homme. t, 2, 3. 4. 5, Vivien de Saint-Martin. L’Idole de Tamentit (page 34) 33 Les ruines que nous visons ici ont d’ailleurs ce carac¬ tère commun d’être toutes bâties sur pitons : le genre acropole ; et la plupart sont encore désignées sous un nom commun : Taorirt. Nous avons d’abord Taorirt en Reggane, situé sur un promontoire détaché de la falaise du Baten, à 2000 mètres nord-est du village actuel du même nom. Puis c’est le ksar Charef de Timokten, un véritable Taorirt1 2 sur piton dressé au milieu de la grande sebklia d’Aoulef. Une autre localité semblable exista à 3000 mètres à l’est du précédent, sur la Garet-Chorfa ; elle a disparu mais la notion s’en est conservée dans le pays. En remontant le Touat, nous trouvons encore deux villages sur pitons, à 3000 mètres à l’est de Zaouïet- Kounta ; ils sont connus sous les noms de Talebboi et de Aïzzen ; si le Taloubat de Ptolémée n’avait pas été déjà identifié par des écrivains d’une grande autorité *, il eût pu sembler assez indiqué de le rapprocher du Talebboi qui nous occupe. En continuant notre recherche des acropoles, nous passons au Timmi où l’une d’elles se dressa, ainsi que nous le mentionnera un peu plus tard une chronique locale, sous le nom (toujours) de Taorirt ; elle a disparu depuis longtemps et son emplacement n’est même pas reconnu. Plus au Nord vers le Gourara, nous trouvons dans le Deldoul, non un Taorirt, mais un Aorir (la forme mas¬ culine)3 : le nom est porté aujourd’hui par un ksar situé dans l’oasis même de Deldoul, mais on voit, un peu au Nord-Ouest, le piton garni de ruines que désigna jadis le vocable. 1. Ksar Charef signifie proprement a Village décrépit », en ruines ; ce n’est là qu’une dénomination moderne qui n’a rien de commun avec celle que put porter jadis l’antique village gétule. 2. Vicl. sup. p. 31. 3. On trouve, dans l'Oued-Righ, un ksar communément dé¬ nommé Ourir, mais dont le véritable nom est également Aorir. 3 — 34 Un autre Taorirt se trouve encore un peu plus au Nord, dans le district de Charouine, dressé sur son inévitable piton, promontoire détaché d’une falaise par quoi se ter¬ mine le haut plateau des Oulad-Aïssa. Les points communs de ces différentes localités sont, en plus de la dénomination, la situation en acropoles et les constructions en pierres — pierres grosses ou moellons — qui les différencient d’autres ruines de même nature que nous mentionnerons plus loin. Il est entendu que ce que nous venons de préciser de ces moellons dont furent bâtis les antiques Taorirt n’est souvent visible qu’au milieu de constructions plus récentes, en briques crues, ajoutées par les habitants de l’ère actuelle : ainsi le Taorirt du Reggane a été habité à une date toute récente — ou plutôt occupé par des maga¬ sins à dattes et à céréales et par leurs gardiens, on y distingue même les ruines d’une petite mosquée. L’Idole de Tamentit1. — Nous possédons, de l’épo¬ que gétule, un témoin direct trouvé à Tamentit2 ; c’est une idole représentant une tête de poisson prolongée par une sorte de manche ou manchon cylindrique, légèrement aplati sur sa face inférieure ; le tout est sculpté dans un fragment de roche siliceuse ne faisant pas d’effervescence avec les acides, une sorte de meulière d’un noir verdâtre, 1. Cet article a été fourni en extrait, le 10 janvier 1906, à M. le Commandant du Territoire des Oasis sahariennes, à l’appui de l’en¬ voi qui lui était fait de l’idole elle-même, à fin de transmission à M. le Gouverneur général de l’Algérie. 2. Le 21 décembre 1905, au cours de recherches et de fouilles dont nous avions chargé deux Juifs, originaires du Mzab et demeu¬ rant à Adrar depuis la conquête, les sieurs Lalou et Mouchi ; le manchon, qu’une cassure avait séparé de la tête, a été trouvé quel¬ ques jours plus tard par le caïd de Tamentit, dans les dépendances d’une mosquée où il gisait abandonné ; la tête avait été incorporée, comme pierre à bâtir, dans un vieux mur maintenant en ruines. O très dure et très lourde, de la même nature que celle dont les Touareg se servent pour façonner leurs anneaux de bras, et qu’ils extraient de roches situées dans le Hoggar. Elle a une longueur totale de 0m37, le manchon est long de 0m2i sur 0m09 de diamètre horizontal, la tête seule a 0m16 de longueur sur 0m12 de largeur, et elle est d’un modelé très fini et très moelleux, accusant tous les détails anatomiques, tels que les bourrelets orbitaires, la dépres¬ sion pariétale, les protubérances frontales et sus-maxil¬ laires, etc. Cette idole a été conçue et établie de façon à être placée dans quelque trou de mur, meurtrière ou lucarne, où elle reposait par son manchon aplati dont le poids est prédomi¬ nant ; la tête sculptée dépassait en saillie et s’oftrait ainsi aux adorations des fidèles. Elle exprime l’importance qu’avait dans la vie de ces populations le poisson qui peuplait les eaux du «lac Nigris», et nous permet de placer, sur la rive sud-est d’une des cuvettes connues sous cette appellation vague, et désigna- trice d’une série de lacs séparés et distincts, un village mélano-gétule contemporain du Teçabit, du Bouda, du Deldoul, dont nous avons parlé plus haut, et qui, au long des âges, augmenté des superstructions juives, puis zénètes et arabes, est devenu le Tamentit actuel. Cependant,1 cette attribution du poisson de Tamentit à l’époque gétule n’est pas à l’abri de toute objection, car les Gétules n’ont pas été les seuls idolâtres d’entre les anti¬ ques occupants de ce pays. Les anciens Juifs maghrébins ont aussi pratiqué l’idolâtrie, et spécialement le culte de « Josué fils de Noun » et du « Poisson de Moïse2 ». L’idole de Tamentit peut donc être ou un témoin indigène, gétule, ou une pièce d’importation maghrébine. 1. Toute cette fin d’article a été adressée en extrait à M. le Com¬ mandant des Oasis sahariennes, le 30 janvier, comme suite à la communication précédente du 10 janvier. 2. R. Basset ; N. Sloüsch, et al. Mais, même si elle devait finalement se trouver une relique hébraïque, l’intérêt de sa découverte, pour déplacé, n’en paraîtrait pas diminué, car à défaut d’un jalon unique et isolé dans l’obscurité des temps gétules, elle constitue¬ rait du moins l’important chaînon qui peut permettre de rattacher les anciens Juifs du Touat à la communauté juive non-talmudique de l’antique Maurétanie tingitane4. Nous allons tenir compte de cette indication en abor¬ dant, au chapitre suivant, l’étude de l’époque juive dans les Oasis. 1. N. Slousch. CHAPITRE II Les Juifs (100-600) Les Juifs à Tabhfift au ier siècle fap. J.-C. — Les Juifs de la Cyrénaïque. — L’émigralion juive vers l’Ouest. — L’ «Époque juive i>. — Les luttes des peuples africains contre les Romains. — Les Gélules au ive siècle. — La Palestine louatienne. — Nou¬ velle immigration juive au vi® siècle. — Les édifices de l’époque juive. Les «fuir* à Takhfîft au Ier siècle après J.-C. — Une notation laissée par Mohammed- Abdelhadi Es- Sebaï1 2, datée du 6 rebiâ premier 1003 de l’hégire (novem¬ bre 1594), et recopiée par Mobarek ben Ali El-Menaceri*, à la date du 7 novembre 1714, rapporte ce qui suit : « ... Helal ben Messàoud, venu du pays de Mossoul, est passé par ledit village (Temaseght), et s’est arrêté, en l’année 131 (748-749 ap. J.-C.), à Takhfif que les Juifs avaient déjà évacué; il amenait avec lui des commerçants juifs qui s’y installèrent et y résidèrent. « Ils v trouvèrent mention, sur les tombeaux des Juifs «y qui avaient abandonné ce pays, que ceux-ci y étaient arrivés en l’année 4429 de la sortie d’Adam — sur lui soit le salut ! — du Paradis. » Et le chroniqueur ajoute, en parlant de son informateur, le taleb Ali ben Mohammed-Seddik El-Menaceri, alors 1. Es-Scbaï, originaire du ksar de Sebà. 2. El-Menaceri, originaire du ksar El-Menacir. — 38 — âgé de 117 ans : « Je le vis cette année-là (1594), sain de corps et d’esprit, travaillant dans son jardin avec son petit-fils, et semant lui-même de l’orge pendant que ce dernier bêchait la terre ; Dieu bénit sa vie jusqu’à l’âge de 130 ans qu’il atteignit avant de mourir — sur lui soit la miséricorde de Dieu, comme sur nous ! » Quelle peut être la concordance chrétienne de cette année 4429 de la sortie du Paradis ? La réponse nous est donnée dans Et-Taouddoud : « Ibn Abbas a dit que la durée totale de l’Univers est fixée à 7,000 ans ; sur ce total, que suivra la fin du monde, il s’est écoulé : « D’Adam à Noé . 1100 ans « de Noé à Abraham . 1142 — « d’ Abraham à Mousa . 550 — « de Mousa à Daoud . 579 — « de Daoud à Jésus . 1053 — « de Jésus à Mohammed . 625 — « Soit un total de . 5049 ans». Si l’on admet ces données, c’était vers l’an 5 de J. -G. que les Juifs en question étaient arrivés à Takhfif. Et c’est ici qu’il y a peut-être lieu de s’autoriser de l’idole en pierre polie trouvée à Tamentit — si elle n’est pas un relief des idolâtres mélano-gétules, mais au contraire un « poisson de Moïse » — pour admettre l’hypothèse qu’elle fut laissée par les premiers Juifs dont nous cons¬ tatons ainsi l’existence dans les Oasis. Ils auraient alors été des membres de cette collectivité non-talmudique qui, comme nous Pavons dit, vivait à cette époque dans le nord du Maghreb1. L«s Juifs de la Cyrénaïque. — « A la fin du règne de Trajan (en l’an 115), les Juifs de la Cyrénaïque, 1. Slousch, in Annales Marocaines, 1905. — 39 — devenus très nombreux depuis la destruction du Temple par Titus, fanatisés par leurs malheurs et irrités par les mauvais traitements auxquels ils étaient soumis, se mirent en état de révolte. Le général Lupus ayant marché contre eux fut vaincu . . . « Cependant Marcius Turbo, ayant reçu de l’empereur l’ordre de marcher contre les rebelles, arriva de Libye avec des forces importantes, tant en infanterie qu’en cava¬ lerie, et même une division navale. Mais c’était une véri¬ table guerre à entreprendre, et il fallut toute l’habileté de ce général pour triompher de cette révolte qui se prolongea jusqu’à l’avénement d’Hadrien1 »... L’cinigration juive vers l’Ouest. — ...a La répres¬ sion que les Juifs s’étaient ainsi attirée fut sévère, et il est probable qu’à cette occasion un grand nombre d’entre eux émigrèrent dans l’Ouest et se mêlèrent à la popula¬ tion indigène de la Berbérie3 ». En effet cette émigration juive vint fonder des colonies dans l’Oued-Righ où la tradition conserve le souvenir de leur installation’, dans l’Oued-Mzab, où leurs descendants existent encore, et jusque dans les Oasis sahariennes où leur souvenir est resté vivace, et où l’on retrouve leurs petits-fds islamisés sous le nom de Mehadjeria (émigrés . . . de leur religion). 1, 2. E. Mercier. 3. Voici comment un vieux lettré, fils lui-même de lettrés, Hadj Mohammed ben Abdallah, bachadel de la mahakma de Touggourt, en 1902, mehadjeri, c’est-à-dire Juif islamisé, contait les origines du pays de Touggourt : « A l’époque la plus ancienne dont la tradition nous ait gardé le souvenir, le pays était habité par des Juifs qui faisaient travailler des nègres et qui étaient propriétaires des ksour et des palmeraies. « Ensuite vinrent les Mezab, qui étaient des Zénètes et qui res¬ tèrent plusieurs siècles ; un jour, le plus grand nombre d'entre eux partit vers l’Ouest, les autres restèrent dans le pays qu’ils conti- 9 I/« Epoque juive ». — Les Juifs arrivés en grand nombre augmentèrent beaucoup l’importance des villages mélano-gétules où ils s’installèrent ; comme ils représen¬ taient un élément ethnique plus vigoureux et plus intel¬ ligent que celui qui les avait accueillis, comme ils apportaient avec eux la supériorité de la civilisation gréco-romaine et des méthodes de commerce et de culture acquises en Cyré¬ naïque, ils prirent vite la prédominance. Et ce n’est pas le moindre étonnement pour le Français parvenu après dix-sept siècles en ce fin fond de pays d'Islam, que d’entendre aujourd’hui les Touatiens parlant du passé se servir à chaque instant de cette expression : « Au temps des Juifs », ou bien : « à l’époque juive ». . . Cependant, il est fort probable que cette expression est exacte, et qu’il y eut une époque pendant laquelle le Touafc et le Gourara actuels, peuplés de Juifs ou de Gétules judaï- sés, furent un véritable pays juif, une «Nouvelle-Palestine ». Les Juifs durent d'autant plus facilement s’implanter dans ce pays que, selon l’admirable et constante aptitude de leur race à s’assimiler les idiomes des pays qu’ils habitent, ils avaient acquis, selon toute vraisemblance, dans l’ancienne colonie grecque qu’avait été la Cyrénaïque, l’usage d’un dialecte gréco-libyen, très proche de l’autre nuèrent à habiter avec les Juifs ; ces gens avaient aussi beaucoup de nègres. « Un jour vint du Maghreb un homme des Beni-Merine, nommé EI-Hadj Slimane El-Merini El-Djcllabi.* « Lui et ses compagnons s’installèrent au millieu des autres habitants; c’était vers le vii* siècle (\n,e apr. J.-C.). « C’est lui qui plusieurs années après son arrivée, rendit un édit** portant que, dans un délai de trois jours, tous les Juifs devraient, être devenus musulmans, ou bien avoir quitté le pays. Le plus grand nombre émigra, et ceux qui restèrent furent désignés sous le nom de Mehadjcria. » * Cf. in Kitab El-Adouani. ** Cf. in Mercier, l’expédition mérinide de 1358 dans l’Oued-Fîigh. Nous verrons d’ailleurs, au cours de cette étude, que le passé de cet autre bas-fond saharien qui a nom Touat ressemble fort à celui de l’Oued- R»gb. dialecte libyo-berbère qu’était apparemment la langue des Gétules : Tokabat, Teçabit , de ceux-ci put voisiner faci¬ lement avec le Touat libyo-grec qu’apportaient sans doute ceux-là. En effet, le mot Touat ne vient pas, quoi qu’en aient dit certains étymologistes, d’un mot arabe qui aurait servi à désigner les « traînards », les « gens fatigués » laissés dans ce pays, soit par une armée marocaine, soit par une armée soudanaise ; car nous verrons plus tard que le pre¬ mier conquérant arabe, Okba ben Nafâ, le trouva sur place tout fait ; il vient d’une racine oua ou ouah ou ôa qui se retrouve dans plusieurs langues, l’arabe*, le copte*, le grec ou gréco-libyen (oasis)*, que nous retrouvons encore dans l’idiome berbère des Oasiens zénètes actuels, et qui toujours signifie : « localité habitée » ; leslibyo-berbères y ajoutèrent seulement leurs t alhxe et préfixe, indicatifs du singulier précisé ; il existe encore une région dénommée : Touat-el- Henné , le « pays du henné » ; dans le Haut-Gourara une oasis est nommée : Touat-n-Ebbou , — « le pays de l’eau », l’oasis des eaux abondantes *. Jusqu’ici, malheureusement, on ne connaît aucun docu¬ ment écrit, venant directement de ces populations du Touat juif ; elles jouirent de quelque civilisation, c’est entendu, et leurs rabbins ne durent pas manquer d’écrire 1. Ibn-Khaldouiv. 2. SciIIRMER. 3. Duveyrier, Vivien de Saint-Martin. Les caïds de llaïha, des Oulad-Saïd et de Tamenfif, qui donnent cette étymologie chacun de son côté, expliquent que cette localité fut ainsi nommée jadis à cause de sa richesse extraordi¬ naire en eaux (ebbou) ; au lieu de « Touat n-Ebbou », on dit aussi plus brièvement « Tebbou » avec le t du singulier précisé, le « lieu de l’eau », et c’est ce qui a fait dire par quelques-uns, par pléo¬ nasme », Touat-n-Tebbou ». Et maintenant que nous avons fait noire choix entre les étymo¬ logies déjà proposées, nous allons en offrir une nouvelle qui ralliera immédiatement tous les amateurs d’inédit ; comme elle roule sur une question d’orthographe arabe, nous laissons la parole à son 42 — quelques chroniques qui nous seraient précieuses ; mais tout ce qui put être fait s’est trouvé submergé depuis, sous une couche musulmane plusieurs fois séculaire qui a absorbé la majeure partie des premiers occupants ; le reste a émigré et est allé se noyer dans les autres agglo¬ mérations juives du Sahara, au Mzab, à Kenadsa, à Figuig. Mais si le témoignage direct manque sur ce que fut la vie de cette Palestine saharienne, il nous est néanmoins facile d’inférer sa prospérité des documents relatifs à l’im¬ migration musulmane postérieure, documents concordant avec la tradition locale et dont nous aurons à prendre connaissance plus loin. Il ressort de tout cela que la judaïsation des Oasis fut alors tellement complète que d’autres immigrants zénètes se judaïsèrent à leur tour, au point que les Arabes, qui plus tard y arrivèrent, crurent ne trouver devant eux qu’une population uniquement juive 1 Il est vrai que les Arabes, même leurs lettrés, se sont toujours montrés de piètres ethnologues ; dans cet ordre auteur ou inventeur, qui écrivait en 1687 au ksar actuellement dis¬ paru de Baho en Timmi, « l’humble serviteur de son Dieu Ahmed ben Abderrahmane El-Hasseni » : , *' jk | 1 Lvw V, olyVl >UJ! J ol>3^ J-5' J** L?*: J j£ji jLiUc Vîj üLTjJl J J - ^ Autrement dit, en deux mots : el-atouat signifie les impositions de toute nature, or comme les Arabes de ce pays les refusèrent un jour à l’envoyé du souverain, en souvenir de ce refus on les appela les gens d' el-atouat, puis bientôt on supprima « el » et il resta : les sens de Touat. . . La question semble-t-elle maintenant épuisée ? 1. Et-Tinilani, vid. inf., p. 62. 43 — d’idées, leur système tient surtout compte de la religion, laquelle emporte la nationalité : on est musulman ou chré¬ tien, ou juif, non tant d’après la race que d après la religion que l’on a embrassée. De plus, ces Juifs ou Judaïsés résistèrent à plusieurs islamisations successives *, et lorsque enfin leur réseau de villages se fut trouvé comme noyé dans le flot des nom¬ breuses tribus nomades hilaliennes arrivées de 1 Est, ils se maintinrent encore comme groupe ethnique distinct ayant sa vie particulière, et même ses chefs propres, dont l’au¬ torité, ou tout au moins l’inlluence, ne laissa pas de s’exercer même sur les nomades musulmans jusqu’en plein xiv6 siècle, époque où il fallut une guerre intérieure pour les détruire, car ils avaient pour eux l’opinion et l’appui des populations locales, lettrés compris, et leur ennemi ne fut qu’un étranger, importateur des idées d’intolérance qui se firent jour alors dans l’Islam maghrébin. Les luttes des peuples africains contre Ses Romains. — En Afrique, la puissance romaine s’imposa aux populations berbères, mais celles-ci ne s’en tinrent jamais à la décision de la conquête, et la suite des dix siè¬ cles dont la domination romaine est pleine, d’abord des luttes contre la pénétration du conquérant, ensuite des insurrec¬ tions des Numides et des Maurétaniens conquis contre le gouvernement du Maître, et enfin des assauts des Gétules et des Garamantes, restés indépendants, contre les terri¬ toires de l’Empire, Puis, au déclin de celui-ci, il se produisit contre les provinces romanisées et qui, par leur richesse, étaient une proie tentante, une poussée des Sahariens, concomi¬ tante à l’irruption des Vandales. Cette poussée, qui a vraisemblablement vidé le Sahara de ses nomades gétules, a été notée par l’histoire. 1. Ibn-Khaldoun. « Antonin succéda à Hadrien en 138. Les Maures en profitèrent pour en vahir de nouveau les contrées colonisées et porter partout le feu et la révolte. Il est probable que les Gélules se joignirent à cette levée de boucliers1 2 3. « Cela recommença sous Marc- Aurèle, puis sous Commode, puis sous Septime Sévère, puis sous les fantômes d’empe¬ reurs du iiic siècle ; sous Aurélien « le débordement général des barbares fut comme une tempête qui brise tout*. » ï,.es Gélules nu IVe siècle. — Au siècle suivant, on trouve les Gélules combattant dans l’armée de Gildon, le champion de l’indépendance berbère ; puis, quand les Vandales entament le Nord, eux gagnent par le Sud ; ils s’attaquent ensuite à ceux-ci devenus les maîtres ; ils luttent contre Ilunéric et Gondamond, et s’avancent « jusqu’auprès de Kapça (Gafsa)’. » Là est la dernière mention que l’on trouve du nom gëtule ; ces peuplades berbères se sont éloignées de plus en plus de leurs steppes sahariens, autant chassées par le dessèchement de ces régions et la diminution des pâtu¬ rages, qu’attirées par l’appât de la proie romaine. Comme ce sont des nomades, les campements ont suivi peu à peu les groupes combattants, et tout ce monde se joint maintenant à la masse berbère qui, sous ses chefs nationaux Yabdas, Koutzimas, Ortaïas et Massinas, va pendant le vie siècle donner l’assaut final aux généraux byzantins. La Palestine touatienne. — Et pendant ce temps, bien loin, par delà l’immense steppe saharienne restée vide, 1. E. Mercier. 2. Acrklius Victor, ap. Mercier. 3. E. MEncmn. que le» vents dessèchent et où Jes sables « charrient », derrière sa ceinture protectrice de hammadas et de regs arides, la Palestine touatienne vit et se développe autour de ses lacs que ceignent ses palmeraies. Elle utilise les derniers ruissellements superficiels venus du Tàdmaït par des systèmes de barrages et de canalisa¬ tions à ciel ouvert1 2 3. Elle se suffit à elle-même et ignore le reste de l’univers comme elle est ignorée de lui. Sa métropole est Tama-n-Tit , la « perfection de l’œil », oubien Tem-n-Tit , le « sourcil de l’œil »s, caria toponymie locale est restée de langue libyque ou berbère, telle sons doute qu’elle fut fixée au temps gétule. Elle a des villages importants : en aval, à Tasfaout et dans le Fenoughil ; à El-Ahmar, Tittaf, Gharmianou, Temasseght, dans le Tamest ; à Takhfif, dans le Touat- el-Henné ; à Aït-Messâoud et Taorirt, dans le Reggane ; en amont, à El-Mansour et Gharmali, dans le Bouda ; a Kaberten, à Igosten ; à Tabia et à Tahtaït, dansl’oasis de Timmimoun. i\ouvelIe immigration juive au VI0 siècle. — D’après une tradition locale1, une nouvelle et nombreuse immigration juive arriva au Touat et s’installa dans de nouveaux ksour qu’elle bâtit aux environs de ceux déjà existants dans le Tamentit ; ceci se passa en l’année de l’Eléphant, c’est-à-dire l’année de l’expédition du prince éthiopien Abraha contre La Mekke (vie siècle ap. J. -G.). Cet événement se trouve confirmé par une chronique dont l’auteur écrivait en 1797 : ... « A celte, époque , y lisons-nous, il y avait (à Ta¬ mentit) une autre mosquée , celle des Oulad-Hemmal, 1. Et-Tlmlam, vid , inf., p. 63. 2. Et-Tamentiti. 3. Watjn. - 46 — qui portait une inscription relatant que ce ksar avait été bâti cent cinq ans avant l'hégire , — c’est-à-dire en 517 de notre ère. Cette mosquée n’était donc qu’une synagogue bâtie avant l’Islam par les immigrants juifs du vie siècle, et confisquée plus tard par les musulmans. L’on trouvera peut-être quelque jour, sur cette « Epoque juive », des annales aujourd’hui ignorées, enfouies dans quelque antique coffre ou dans quelque mellah du Sahara ; peut-être aussi, comme Omar à Alexandrie, comme plus tard Jimenès à Grenade, les musulmans fanatiques qui ont détruit ce peuple les ont-ils jetées au feu et anéanties. . . Mais nous pouvons dès maintenant nous faire une haute idée de sa prospérité et de son importance, fruits de la paix profonde dont elle jouit, isolée sur ce coin de planète, pendant une longue période de quatre siècles. Les édifices de l’époque juive. — A cette époque semblent bien appartenir certaines constructions moins frustes, et moins écartées des points d’eau actuels, que les « Taorirt » dont il a été question à la fin du chapitre précédent. Trois d’entre elles, dont deux sont encore habitées aujourd’hui, se ressemblent de façon frappante : ce sont les « kasbas » de Tazoult-Balia, de Mekkid et d’Ighezzer. Tazoult-Balia, la plus caractéristique des trois, est composée d’une enceinte à peu près circulaire, maçonnée en pierres plates disposées de champ, par couches hori¬ zontales presque régulières, dont l’aspect rappelle la maçonnerie du pont romain de Biskra. A cette enceinte s’accolent, du côté de l’intérieur, des logements comprenant rez-de-chaussée et deux étages. Au centre se dressait une sorte de donjon isolé. Cet établissement occupe le débouché d’une série de Amllées d’érosion qui ébréchent le gradin inférieur du Baten ; — 47 — les eaux superficielles qui jadis y ruisselèrent étaient captées dans des canalisations dont des vestiges sont encore visibles, et elles irriguaient les cultures installées sous la protection du château-fort. Le dessèchement croissant a peu à peu rendu la localité inhabitable, et les successeurs des anciens occupants ont dû gagner, vers l’Ouest, les talus de l’Oued-el-Henné où ils ont créé des palmeraies irriguées par des foggaras. Mekkid, située à une vingtaine de kilomètres plus au Nord, et Ighezzer, dans le Gourara, semblent être des copies de Tazoult-Balia et appartenir à la même époque. On retrouve encore le même genre de maçonnerie, par couches horizontales de pierres plates à inclinaisons con¬ trariées, dans les ruines encore debout des épais remparts de Tahtaït, l’« aïeule » de Timmimoun. Trois produits d’une union mixte et leur père blanc (page 230) CHAPITRE III Les Zénètes (600-1050) Les peuples africains au vne siècle. — Les Berbères. — Les Zénètes. — Okba ben Nafà envahit le Maghreb et provoque des remous de tribus zénètes vers le Sahara et les Oasis. — Deuxième expédition d'Okba. Première islamisation du Touat. — Les Miknassa berbères fondent un émirat à Sidjilmassa. — Le chérif Idris proclamé khalife et imam. — El-Monteçar-El-Yaçâ, dit Midrar, étend son autorité sur Iss Oasis. — Exode de nou¬ velles tribus zénètes vers les Oasis. — Prise de Sidjilmassa par l’armée fatémide. — Restauration des émirs midrarides. — Les Maghraoua zénètes fournissent à Sidjilmassa un gouverneur pour le khalife oméïade. — Les Oasis à la fin du x* siècle. Les peuples africains au VIIe siècle. — Pour suivre clans l’histoire la vie de ce petit pays qu’est le Touat, écarté, d’importance secondaire, géographiquement et politiquement « en marge » du théâtre principal nord- alricain, et dont la chronique particulière pour cette épo¬ que reculée est d’une grande rareté, il nous faut suivre le cours des événements en Berbérie, en cherchant à saisir le moment où leurs effets se répercutent sur la région étudiée. En ce vne siècle où nous sommes arrivés, les derniers restes de la domination grecque disparaissent définitive¬ ment de P Afrique du Nord où les populations indigènes restent indépendantes, d’ailleurs profondément modifiées 4 — 50 — et mêlées par la longue période de luttes et d’anarchie qu’elles viennent de traverser. Les Berbères. — Elles vont perdre les noms sous lesquels nous les ont présentées jusqu’ici les auteurs latins : plus de Gétules ni de Numides ; les auteurs arabes qui vont devenir maintenant les notateurs de l’histoire nous désigneront ces peuples divers sous le nom générique de Berbères, comme « un peuple puissant, redoutable, brave et nombreux, un vrai peuple comme tant d’autres dans ce monde, comme les Arabes, les Persans, les Grecs et les Romains1 2 3 ». Les auteurs arabes instinctivement soucieux de se main¬ tenir, pour la « démogonie » de ce peuple, dans les limites de l’orthodoxie islamique, se sont même ingéniés à trouver aux Berbères des généalogies que ceux-ci ne s’étaient jamais soupçonnées*. Nous nous déciderons vite à ne pas nous y arrêter quand nous verrons un écrivain qui jouit de quelque notoriété dans le monde lettré musulman, Ez-Zïani, nous présenter des données d’une puérilité désespérante ; ainsi d’après lui, les fds de Jafet ben Nouh, qui avaient peuplé l’Espagne et débordé sur le Maghreb alors attenant à celle-ci, se rencontrèrent dans ce pays avec les Berbères venus de l’Est par le littoral africain ; Alexandre Dou’l-Korneïn ayant conquis tout le pays atlantide, voulut séparer les deux peuples perpétuellement hostiles, et pour ce, convo¬ qua des savants et des ingénieurs (sic), qu’il chargea de percer le détroit, en 6400 après Adam ; cent ans après eut lieu la conquête romaine, et cent autres années plus tard, en 6600 d’Adam, « Kélis », roi des Francs, devint le maître des Espagnols et des Romains*. 1. Ibn Ivhaldoun. 2. A. IIanoteau. 3. Ez-Ziani, Et-TorcLjma. — 5i Cet échantillon d’histoire préislamique nous permettra de ne pas insister davantage sur les données des auteurs arabes, pour tout ce qui est en dehors du domaine de la tradition immédiate ou du témoignage direct de leurs yeux1 2 ; et encore dans ce dernier cas, est-il bon de ne faire état de leurs renseignements que sous bénéfice d’inven¬ taire, ou après qu’ils ont été vérifiés, soit par des compa¬ raisons entres auteurs différents soit par des rapproche¬ ments avec des points historiques déjà acquis. Ibn Khaldoun, tant cité, n’échappe pas à la règle, il y a tout au plus, entre lui et les autres, une différence de degré. Les Zénètes. — Nous avons montré, dans le chapitre précédent, les Gétules sahariens peu à peu massés vers la lisière méridionale de l’empire romain, jouant pour ainsi dire le rôle d’aile enveloppante à la droite du front d’atta¬ que des Berbères du Nord, et lorsque l'attaque principale a progressé vers le réduit constitué par le dernier domaine byzantin, l’aile enveloppante a atteint la mer, au sud de celui-ci, et l’a coupé du reste du continent, par le combat de Kapça *. Là est, nous l’avons dit, la dernière mention du nom gétule ; c’est que là se trouve précisément la portion combattante de ce peuple, celle dont l’acte a été enregistré par l’histoire byzantine ; mais on peut bien penser que ce peuple lui-même, ses campements de nomade, sont un peu en arrière et à portée du théâtre de la lutte. 1. « Tout ce que la race arabe raconte sur ses origines, sauf peut- être quelques généalogies, elle l’a emprunté aux traditions juives, défigurées par des rapprochements arbitraires ou des erreurs évi¬ dentes ; une saine critique n’en peut guère tenir compte, et il est surprenant que des savants distingués aient accordé une sérieuse confiance à des documents aussi défectueux »... et infra (Renan, Hist. des langues sémitiques, p. 298 et suiv.). 2. Vid. sup., p. 44. 52 — Or, où le premier historien arabe relève-t-il, presque immédiatement après, la présence du peuple qu’il dénomme les « Zénètes » et qui va entrer en scène du côté des Oasis ? C’est, nous dit Mercier, dans les régions méridionales de la Tunisie, l’Aurès méridional, le Zab, l’Oued-Righ, puis jusque dans le Hodna et le Djebel- Amour. Et il nous présente ces Zénètes comme une race « à part », différente des autres Berbères et semblant provenir d’une « invasion plus récente venue de l’Orient1 ». On admettra qu’une population assez nombreuse pour occuper — même d’une occupation clairsemée — ces vas¬ tes espaces n’eût guère pu venir de l’Orient ni d’ailleurs sans que sa marche eût été notée ; et dans ce cas que serait devenu le peuple gétule que nous avons laissé massé der¬ rière son groupe combattant, vers le Zab et l’Oued-Righ ? Nous sommes ainsi amenés à ne voir dans les tribus de « race zénète », que mentionnent les auteurs arabes, rien autre que les peuplades sahariennes que nous connais¬ sons déjà d’après la Table ptoléméenne, et dont nous pourrons même identifier quelques noms. Et les voici rassemblées sur la lisière nord-saharienne, en attendant que la poussée arabe prochaine détermine leur mouvement de retour vers l’Ouest, et, — au moins pour quelques-unes de leurs tribus, — vers les Oasis qu’elles ne quitteront plus. Leurs tribus entretiennent les relations, jamais inter¬ rompues, entre la Berbérie et les populations sahariennes et soudanaises : les oasis juives sont leur étape et leur marché. « L’Oued-Meguiden n’était qu’un lieu de passage. « Les premiers qui y séjournèrent et finirent par s’y établir furent des Zénètes laissés là par des caravanes dont ils faisaient partie, et qui les munirent de vivres en les quittant ; peu à peu d’autres se joignirent à eux de la même façon. 1. E. Mercier. 53 — « Ce sont eux qui fondèrent El-Meniâa (El-Goléa) ; ils y résidèrent en hiver et en sortirent chaque printemps pour aller dans le Meguiden1 2 3 ». Leur nombre augmente vite, car voici venir l’invasion arabe. Okba ben Hafà envahit le Maghreb et pro¬ voque des remous de tribus zénètes vers le Sahara et les Oasis. — En 681, Okba ben Nafâ com¬ mença sa grande expédition dans le Maghreb ; il conduisit ses troupes ves l’Aurès, afin de réduire les populations zénètes qui, alliées aux Grecs, restaient dans l’indépen¬ dance ; puis il se dirigea vers le Zab alors habité par de nombreuses tribus zénètes auxquels il livra plusieurs combats ; après ces succès chèrement achetés, et qui n’amenaient pas la soumission générale de ses adversai¬ res, Okba continua sa route et vint livrer près de Tiharet une sanglante bataille aux Berbères*. Tout le long de sa route ce chef ardent, fanatique et sanguinaire, provoqua des remous dans les populations zénètes : des tribus entières s’enfuirent vers le Sud pour échapper à l’apôtre de l’Islamisme. « Ces Zénètes s’installèrent dans le Touat, le Teçabit, le Tigourarine (Gourara) et le Bouda* ». l>euxième expédition d’Okba. Première isla¬ misation du Touat. — Dès cette époque le Touat subit le premier contact de l’Islam ; voici comment Ez-Zïani, dans sa Tohfa , note cet événement : « Ibn-Mâouia renomma gouverneur d’Ifrikia Okba ben Nafâ, en l’autorisant à agir envers Abou’l-Mohadjer 1. El-Helali. 2. E. Mercier. 3. El-Ouàdjdi. — 54 — El-Ansari comme celui-ci avait agi envers lui-même. « Abou’l-Mohadjer conduisait en ce moment la pre¬ mière expédition musulmane dans le Maghreb ; il atteignait Tlemcen, battait les tribus berbères et les forçait à em¬ brasser l’Islam, ainsi que leur émir, Koceïla ; puis, rame¬ nant avec lui ce dernier, il rentrait à Kaïrouane. « C’est alors qu’y arrivait de son côté l’anoien gouver¬ neur rétabli, Okba il fit aussitôt arrêter et mettre aux fers Abou’l-Mohadjer et Koceïla, puis, les traînant en¬ chaînés à sa suite, il partit à la conquête du Maghreb ; il alla jusqu’au Sous qu’il soumit et dont il islamisa de force les habitants, puis il rétrograda vers l’Est en pas¬ sant par la Faïdja, le Dra, Sidjilmassa et le Touat, forçant toutes ces contrées à devenir musulmanes » (682)*. Cette islamisation précipitée fut d’ailleurs vite oubliée, de même que le furent ensuite d autres islamisations subséquentes, et chaque fois les Oasis juives revinrent, aussitôt le conquérant parti, à la religion de leurs pères ; elles absorbèrent même les nombreux éléments zénètes réfugiés au milieu d’elles, au point que, comme nous le verrons plus loin, la première immigration arabe qui vint trois siècles plus tard, put croire ne trouver au Touat que des Juifs ; les tribus berbères judaïsées étaient d ailleurs nombreuses dans tout le Maghreb à cette époque. En 705, Mousa ben Noceïr termina la conquête arabe dn Maghreb en pénétrant au cœur de l’Atlas, puis au Sous, au pays de Drâ et jusqu aux oasis de Sidjilmassa®, le Tafilelt* actuel. « Mousa ben Noceïr, dit un chroniqueur local, étendit son autorité sur l’Ifrikïa, le Maghreb-Extreme et le Touat, et son fils Abderrahmane gouverna le Maghreb-Extrême, 1. Ez-Zïam, Tohfa. — Voilà donc le nom de Touat préexistant à la première conquête musulmane { Vid. sup., p. 41. 2. E. Mercier. 3. Tafilelt : de « filel « en berbère chelah « canalisation à ciel ouvert ». — 55 — le Sahara, le Drâ, l’Oued-Saoura, le Touat et le Tigou- rarine « en 609 » (erreur évidente de date qui reporterait ce personnage au xin° siècle après J. -G.)1 2. L.es Miknassa berbères fondent un émirat à Sidjilmassa. — C’est vers 758, que profitant des désordres qui troublaient le Maghreb, les Miknassa3 ber¬ bères, maîtres des vallées de la Moulouïa et de l’Oued-Ziz, et qui avaient adopté depuis longtemps les doctrines kharedjites8, s’installèrent dans Y ancienne cille de Sidjil¬ massa ; ils y constituèrent un petit sultanat indépendant dont Aïssa ben Yazid fut le premier souverain. Nous allons nous attacher dorénavant à suivre les diverses vicissitudes par lesquelles passera ce petit Etat saharien, car c’est sous son influence que vont vivre main¬ tenant les Oasis touatiennes, au double point de vue politique et économique. En politique, elles ont à Sidjilmassa l’émir musulman le plus proche, par suite le plus craint et le plus respecté, et par ailleurs, elles sont une étape, comme Sidjilmassa elle- même, de la route commerciale, jamais interrompue, qui relie la Berbérie musulmane au Soudan, d’où elle tire ses nègres esclaves et son or4 5. Les Miknassa de Sidjilmassa se révoltèrent quinze ans plus tard, en 772, contre ce maître qu ils s étaient donné, et le remplacèrent par Abou’l-Kassem Semgou ben Ouaçoul qui devint la souche des Beni-Ouaçoul ; ceux-ci régnèrent à Sidjilmassa en se réclamant des khalifes abbassides au nom desquels on fit la prière publique6. 1. Feuillet ms. trouvé au Touat. 2. Maxavaai de Ptolémée (ident. de Vivien de Saint-Martin). 3. Le Kharedjisme, né en Arabie au temps d’Ali, est ce même schisme dont les Mzabites actuels sont les adeptes. 4. El-Helali. 5. Ibn Khaldoun, ap. Mercier. — 56 Le cliérif Idris proclamé Khalife et Imam* — Ce fut bientôt d’ailleurs le seul pays maghrébin où l’on fit ainsi la prière au nom des khalifes d’Orient, car c’est en 770 qu’Idris ben Abdallah, échappé d’Arabie, puis d’Egypte, et enfin aux sicaires de liaroun Er-Rachid, se fît proclamer khalife et devint l’Imam ou chef de la religion orthodoxe dans l’Ouest, amenant ainsi la scission de la « Maison de l’Islam » qui dure encore de nos jours, et qui la partage entre le sultan de Constantinople et le sultan de Fès. EI-Monteçar El-Yaçà, dit Midrar, émir de Sidj ilmassa, étend son autorité sur les Oasis. — Mais sauvegardé par son éloignement, le petit Etat abbas- side de Sidjilmassa échappa à l’absorption de l’empire idrisside ; il prospéra même. « El-Monteçar El-Yasâ, surnommé Midrar, successeur d’Abou’l-Kassem, subjugua, vers 820, les Berbères et les oasis du Sahara au sud de sa capitale , puis conquit les mines du Drâ dont il se fit attribuer le quint ; il donna son nom à ses descendants : les Beni-Midrar ou Midrarides 1 ». Voici donc les Oasis sahariennes incorporées à l’émirat de Sidjilmassa dont elles vont dorénavant suivre la fortune. Exode de nouvelles tribus zénètes vers les Oasis. — C’est le prince midraride El-Yaçâ qui, cent ans plus tard, sur l’ordre de son suzerain le khalife de Baghdad, fait arrêter et jeter en prison le mehdi Obeïd-Allah, qui devait peu après fonder l’empire obéïdite, et lorsque l’armée chiâïte passa d’Ifrikïa en Maghreb, sous le commande¬ ment d’Abou- Abdallah, allant délivrer le mehdi, de nom¬ breuses tribus zénètes s’enfuirent sur son passage et gagnèrent encore le Meguiden et les Oasis. 1. Ibn Khaldoun, ap. Mercier. — 57 — En cette circonstance les Miknassa furent complètement battus, leur émir disparut, la ville fut prise et reçut un gouverneur et une garnison chiàïte (909) ; mais ces étrangers ne purent se maintenir, et peu de temps après l’émir midraride Ahmed ben Mimoun avait repris l’autorité et l’indépendance. Le gouverneur obeïdite de Tiharet, qui, en 920, déposa l’idrisside Yahia ben Idris, se retourna aussitôt contre Sidjilmassa, battit et mit à mort Ahmed ben Mimoun, et installa comme gouverneur El-Moâtez, neveu du précédent roi Prise de Sidjilmassa par l’armée fatémide. — Vers 950, au moment où le Maghreb tout entier, y compris l’idrisside Kacem Kennoun et la grande tribu des Miknassa elle-même, opérant un mouvement de bascule, abandonne les obéïdites pour se placer sous la suzeraineté des khalifes oméïades d’Espagne, nous retrouvons à Sidjilmassa un Midraride, Mohammed ben El-Fetah, qui maintient son indépendance, déclare ne reconnaître qu’un suzerain, le khalife abbasside de Baghdad, et frappe mon¬ naie sous le nom de Mohammed Chaker-l’Illah ; mais il est bientôt battu et détrôné par l’affranchi chrétien Djouher, général du khalife fatémide de Kaïrouane 3. Restauration «les émirs midrarides. Peu après, Sidjilmassa répudiait encore une fois la suprématie fatémide et ouvrait ses portes à un fils de Chaker qui se faisait reconnaître sous le nom d’El-Mostancer-1 Illah ; ainsi la dynastie des Beni-Ouaçoul reprenait le comman¬ dement des régions du Sud. En 964, le nouveau souverain était mis à mort par son 1. Ibn-Kiialdoun, ap. Mercier. 2. Id. — 58 frère Abou-Mohammed. Ce prince, qui s’était donné le titre d’El-Moatez-l’Illah, se fit le champion de l’autorité oméïade et la fît reconnaître dans le sud du Maghreb et dans les tribus de la haute Moulouïa l. Les Maghraoua zénètes fournissent à §id- jilmassa un gouverneur pour le khalife oméïade. — Il fut cependant, en 975, attaqué par les tribus zénètes des Maghraoua2 3 et des Beni-Ifren, avec la permission du gouverneur oméïade du Maghreb qui trouva ainsi le moyen de se débarrasser de ces gens turbulents. Khazroun ben Felfoul, leur chef, le battit et envoya sa tête à Cordoue, au khalife d’Espagne par lequel il se fit nommer gouverneur de Sidjilmassa et du Sahara, rem¬ plaçant ainsi dans ces contrées la suprématie de Miknassa par celle des Maghraoua zénètes *. C’est à cette époque, vers 984, qu’arrivent dans les Oasis les premiers immigrants arabes, quelques familles de la tribu des Guedouâ ; ils nomadisent dans le bas Touat, vers le Reggane et les talus ouest du Tâdmaït ; nous revien¬ drons sur eux au chapitre suivant. Le gouverneur oméïade du Maghreb, Ziri ben Atïa, des Maghraoua, ayant voulu, en 997, s’affranchir de la supré¬ matie de son souverain, fut battu et réduit à s’enfuir dans le Désert ; son subordonné et allié de Sidjilmassa, le fils de Khazroun, disparut de cette ville qui reçut, comme gouverneur, un officier oméïade du nom de Hamid ben Yezel4. Le fils de Khazroun, Ouanoudine, y reprit sa place en 1006. 1. Ibn-Khaldoun, Kartas, El-Bekri, ap. Mercier. 2. Maxy oupTjêot de Ptolémée (ident. de Vivien de Saint-Martin). 3. Ibn-Khaldoun, ap. Mercier. 4. Ibn Khaldoun et Ivartas, ap. Mercier. — 59 Les Oasis à la fin du Xe siècle. — En ce moment où les Arabes hilaliens venant de 1 Est, et les Merabtines venant du Sud, sont sur le point d envahi 1 simultanément la Berbérie, nous voyons, aux Oasis saha¬ riennes, le noyau ancien de population juive absorber les nombreux groupes zénètes qui, pendant ces trois deinieis siècles, sont venus à plusieurs reprises chercher ici un refuge contre des adversaires victorieux ; ces Zénètes importent des doctrines kharedjites bientôt abandonnées, ou arrivent tout judaïsés du Maghreb, où en ce moment la religion juive est très répandue. L'abondance des localité touatiennes encore pourvues aujourd’hui de noms berbères nous dit, malgré F arabisa¬ tion postérieure des populations, combien furent impoi- tantes les intrusions zénètes de cette époque. Ainsi constituées, les populations des Oasis sahariennes, avec leur voisin et suzerain de Sidjilmassa, et le suzeiain maghraouite de celui-ci qui commande à Fès, avec tout le Maghreb moyen et extrême, tous vivent sous 1 autorité souveraine du khalife de Gordoue, souvent mise en question par la puissance fatémide de Kaïrouane et du Caiie. CHAPITRE IV Les Arabes (1050-1120) La première migration arabe vers les Oasis. Les foggaras. — Description des Oasis en 984. — Les Oasiens judéo-zénètes purent être pris pour des Juifs. — Les Guedouâ et les Bora- mik. — Les Nomades se sédentarisent partiellement. Mahboub et Maloul. — Nouvelles immigrations arabes et berbères. — Déplacement général des tribus berbères du Maghreb vers l’Ouest. — Les Oulad-Abbas à Takhfif. — Les Merabtines. — Les Merabtines passent aux Oasis et battent l’émir de Sidjil- massa. — Youcef ben Tachfine, émir du Maghreb pour les Merabtines. — Un émigré de Grenade arrive à Zaglou. — Les Hilaliens entament la Berbérie par l’Est. — Les Hilaliens gagnent le Zab et le Sahara. La première migration arabe vers les Oasis. Les foggaras. — C’est au moment de la chute de l’empire obéïdite, dans la seconde moitié du xe siècle, que nous voyons se produire la première migration arabe vers les Oasis sahariennes. Elle nous est rapportée par un chroniqueur local qui écrivait au commencement du xvne siècle, El-Hadj Ahmed ben Youcef Et-Tinilani. « Lorsque, dit-il, fut détruit le gouvernement des Obéîtes dans le Maghreb, une foule d’Arabes s’enfuirent au loin et allèrent jusqu’au Touat où ils trouvèrent un refuge ; en effet une armée nombreuse ne pouvait atteindre ce pays, qui est dans une région stérile où il ne pousse aucun pâturage. — 62 — « Ils s’y installèrent en grand nombre, s’y approprièrent la terre qui leur était nécessaire, et construisirent sur les rives de son fleuve principal un grand nombre de ksour comprenant plus de mille villages. « Ils y organisèrent des irrigations au moyen de canaux souterrains, tels que n’en avaient jamais établi de sembla¬ bles les populations qui les avaient précédés ; ces canaux furent dénommés « foggaras 1 2 3 », selon la mode de désigner les choses d’après ce à quoi elles ressemblent : lafoggara, c’était à l’origine une canalisation à longue durée, perma¬ nente, comme la foggara en a été depuis lors une autre ; elle a donc conservé ce nom ...» Description «les Oasis en 984. — «... Or ces populations arabes trouvèrent dans ce pays une partie de celles qui l’avaient mis en culture dès le début : c’étaient des Beni-Israïl. « Elles terminèrent leur migration et atteignirent le Sahara et le pays de Touat où elles s’installèrent, en l’an 4322 après le déluge universel (984 ap. J.-C.1). « Elles s’établirent sur les bords des ravins qui débou¬ chaient dans le fleuve principal, lequel était plein d’eaux courantes, sur une longueur de dix journées de marche ; ces eaux venaient de grandes sources situées en amont de Tigourarine. « Ce fleuve se prolongeait vers la gauche, puis gagnait vers le Reggane d’où il obliquait à gauche (sic), dans les sables, jusqu’auprès de la colline d’In Ouallen’, sur la route du Soudan ; ses eaux courantes étaient à cette époque 1. Ou, plus correctement, fogara : de l’arabe gis, « creuser la terre » ; nom d’état , fokara ; eoll.^Às, fotior. (Kazimirsky). 2. D’après l’auteur d ' Et-Taoucldoud (vid. sup., p. 38), l’an 4322 du déluge correspond à l’an 373 de l’hégire et à l’année julienne 984 . 3. A l’ouest du massif de l'Ahnet ; on y trouve encore les ruines d’un vieux ksar. — 63 — très abondantes, ainsi que le prouvent les érosions pro¬ fondes qui sont restées dans les roches dures de leurs rives jusqu’à nos jours. « L'abondance des eaux est aussi démontrée par ce que l’on voit dans certains monticules dont les couches sont pleines de coquilles d’escargots et de mollusques d’eau, ainsi que cela est connu et se voit spécialement à l’est du village de Tasfaout, près de la colline qui fait face au Timmi ; on en trouve parfois aussi qui sont mélangées dans l’argile, si l’on creuse au fond des sebklias l. » Nous avons tenu à rapporter littéralement cette citation d’un auteur local qui écrivait vers 1660, et qui, parlant d’un état de choses remontant au xe siècle, peut être soupçonné de ne le dépeindre pas avec une exactitude parfaite. Il semble cependant acquis que, part faite à l’exagération, il restait encore beaucoup d’eau aux environs de l’an 1000 dans les anciens lac Nigris et Libya, et qu’un chapelet de grandes lagunes se déroulait encore du Tigourarine au Reggane ; par contre, les gouttières qu’avaient jadis creusées les ruissellements du Tadmaït étaient desséchées, et les oasis judéo-zénètes commençaient à se voir réduites à aller drainer sous le sol les eaux disparues de la super¬ ficie, en inaugurant le système des foggaras que nous voyons aujourd’hui. Ce grand travail leur était facilité par la main d’œuvre nègre dont l’abondance et la faculté d’accroissement étaient alors presque illimitées. Les Oasiens judéo-zénètes purent être pris pour des Juifs. — On voit encore confirmer, par la ci¬ tation qui précède, tout ce que nous avons dit touchant les Zénètes berbères qui étaient venus s’installer dans les Oasis au cours des siècles précédents, lesquels ou bien 1. Et-Tinilani. — Cf. Ibn-Khaldoun. — 64 — n’étaient pas à leur arrivée islamisés ou bien l’avaient été si peu qu’ils cessèrent bientôt de l’être, et qu’ils embrassè¬ rent la religion juive des premiers occupants, ce qui permit aux derniers venus arabes de ne voir en eux qu’une popu¬ lation juive unique. On comprend par là combien peu exigeante avait été jusqu’alors l’action des émirs de Sidjilmassa sur les Oasis, sans doute s’étaient-ils bornés à exiger un tribut à de rares intervalles ; tout le Maghreb contenait d’ailleurs, à cette époque, de nombreuses tribus qui avaient conservé les religions juive ou chrétienne *, et qui ne payaient qu’accidentcllement le tribut dit « djazia » aux souverains musulmans. Au point de vue linguistique, cette citation nous pré¬ sente un vocable nouveau, Tigourarine ; c’est, au fémi¬ nin, un pluriel de Tagourart dont les Arabes ont depuis fait Gourara. Les Guerïotià et les Borsimik. — Les premiers immigrants arabes que l’auteur local nous a montrés arrivant dans les Oasis judéo-zénètes en omettant de les nommer parleur nom, semblent bien avoir été d’une tribu sur l’arrivée de laquelle nous ne trouvons nulle part de trace écrite, mais qui, d’après la tradition locale, est la plus ancienne tribu arabe des Oasis : ce sont les Guedouâ, qui étaient venus du Saïd égyptien1 2 suivant un itinéraire et dans des circonstances encore ignorés, et dont Faire d’habitat aux Oasis a été le Reergane avec le ksar de Taorirt. Les Touatiens s’accordent pour les considérer comme arrivés antérieurement aux Boramik ou Bormata3, immi¬ grés eux-mêmes dès l’époque la plus ancienne. 1. Mercier, Ibn-Khaldoun, Ez-Zïani. 2. Ibis Khaldoun. 3. Aussi nommés Beramka, et, par les Européens, Barmécides . — 65 Sur les ancêtres de la tribu encore actuellement connue des Boramik, voici ce que disent deux chroniqueurs touatiens : L’un : « M’étant arrêté à El-Mansour, dans le Sali, j’y trouvai des gens des Boramik que je questionnai sur l’ar¬ rivée de leurs ancêtres au Touat. « Ils me dirent que leurs pères y étaient venus au temps des Abbassides*. » Et l’autre : « Vers 1040, un groupe des Boramik, fuyant les Abbas¬ sides, vint s’installer daus le Touat-el-Henné, tandis que leurs frères étaient encore à Baghdad qu’ils ne devaient quitter que dans les derniers temps du gouvernement abbasside*. » Haroun Er-Rachid avait pour vizir Djâfar ben Yaliia qu’il lit tuer en 804 (187 de l’hégire). Voici ce que nous savons de cette mort, qui fut le pré¬ lude de la disgrâce des Boramik et de leur exode à travers l’Afrique musulmane. D’abord leur ancêtre éponyme, Bormek, était un esclave appartenant aux prêtres du Feu chez les Madjous (Nor¬ mands) 1 2 3 4 ; il fut affranchi, et ses fils et petits-fils formèrent une des familles les plus influentes des Madjous*. L’un d’eux, Djâfar El-Bormeki, émigra de son pays et vint se mettre au service du khalife abbasside Haroun Er-Rachid, dont il devint le vizir que nous venons de citer, et le favori. « Voici la cause de la mort de Djâfar El-Bormeki et des mesures que prit Haroun Er-Rachid pour détruire ses enfants (les Boramik). « Le khalife avait l’habitude de tenir conseil pendant 1. Moulaï-Ahmed ben Hachem, qui écrit en 1705. 2. Abdesselam ben Ahmed ben Ali, d'Adrar en Timmi, qui écrit en 1713. 3. Ibn Khaldoun, trad. de Slane. 4. El-Atlidi. ♦5 la nuit avec son vizir Djâfar ; un jour il dit à celui-ci qu’il ne pourrait continuer ainsi, que si sa sœur Mimouna était présente auprès de lui, qu’il lui ferait la déclaration d’« ibaha1 2 » nécessaire pour rendre cette présence licite, mais à la condition que le vizir ne tenterait jamais de s’approcher d’elle ; ainsi fut-il convenu entre eux et l’acte fut dressé. « Le khalife fit ensuite assister sa sœur à ses entretiens avec Djâfar, mais il arriva bientôt que celui-ci devint amoureux d’elle. « Or Djâfar avait une épouse qui se chargeait elle- même de le pourvoir de belles esclaves chaque nuit, Mimouna vint la trouver, la gagna par un beau présent et obtint d’elle qu’elle l’introduirait sur la couche de son amoureux qu’elle aimait de son côté. « L’épouse se prêta à ce désir, et Mimouna put ainsi passer une nuit auprès de Djâfar, puis à l’aurore elle se fit reconnaître de celui-ci et lui dit : « Je voulais satisfaire « mon désir de toi et, désespérant de trouver un autre « moyen, j’ai employé la ruse qui, tu le vois, m’a réussi « cette nuit ; mais si tune consentais pas à me revoir, je « me vengerais en provoquant ta disgrâce ; car je te veux, « toi, comme une partie de moi-même. » — « Malheur sur nous, répondit Djâfar, tu auras causé « ma ruine et la tienne, mais je ne te reverrai pas 1 » « Bientôt les ruses de Mimouna dédaignée firent leur elfet sur le khalife et décidèrent celui-ci à faire tuer son vizir et ses enfants*. » L’auteur arabe raconte ensuite, trop longuement pour être traduit in-extenso ici, que le khalife fit enterrer vivante sa sœur Mimouna , ainsi que le fils qu’elle avait eu de Djâfar, puis fît trancher la tête à ce dernier ; telle fut la cause de l’exode de sa famille, les Boramik. 1. Ibaha, acte par lequel un père ou un mari déclare accepter comme licite l’accès d’un étranger auprès de sa fille ou de sa femme, accès normalement défendu. 2. El-Atlioi. — 67 — Nous verrons plus tard le restant des Boramik arriver de l’Est, et rejoindre le premier groupe venu à l’Oued-el- Henné. Les nomades se sédentarisent partiellement* Maliboub et Maloul. — Tous les groupes berbères ou arabes qui, à l’époque où nous sommes parvenus, viennent dans la région des Oasis, ne s’installèrent pas uniformément dans les villages ; d’aucuns restèrent noma¬ des, quitte à se sédentariser peu à peu. « L’Oued-Meguiden se tiouva dans ce temps être le point d’arrivée de nombreuses tribus venues de tous côtés, tant arabes que zénètes, et qui, d’après leur race se divisèrent en deux clans ; les Arabes se surnommèrent les « Mahboub » — c’est-à-dire ceux qui sont pourvus de céréales ; et les Zénètes furent dits les « Maloul » — ceux qui, de modestes ressources, se nourrissent seulement du « loul » — les graines du drinn1 2 qui pousse naturelle¬ ment dans le Sahara (inutile de dire que cette classification impliquait une idée d’infériorité pour ces derniers). « Des luttes fréquentes se produisirent entre les uns et les autres, qui furent très meurtrières. « Les Arabes décampèrent et allèrent s’installer autour d’El-Ghandous * où ils se trouvaient quand les Ahl- Tadgha arrivèrent dans l’Oued ; comme ces derniers se déclarèrent « Mahboub », les Zénètes les invitèrent à aller rejoindre les autres à El-Ghandous. « De là, ils allèrent ensuite s’installer dans l’Oued- Salah où ils bâtirent Oudghagh et utilisèrent les eaux pour irriguer les terres. « Les Ahl-Tadgha et d’autres tribus, se trouvant bientôt à l’étroit dans Oudghagh, allèrent créer plus loin un 1. Drinn, Arthratherum pungens (Graminées). 2. Ksar du Tinerkouk. — 68 — autre ksar qu’il nommèrent El-Mebrouk ; puis ils en bâtirent d’autres autour de celui-ci, tant à l’Est qu’à l’Ouest. « Ils se retrouvèrent, après quelque temps, de nouveau trop resserrés, et une partie d’entre eux alla s’installer à Tibechrine *. » Nouvelles immigrations arabes et ber¬ bères. — « Dans ce même temps arrivèrent d’autres tribus, conduites par un oméïade nommé Àbou-Mellouk qui avait été banni par les émirs de l’Est ; il s’installa non loin du gros village (judéo-berbère) de Tahtaït (Tim- mimoun) et construisit un ksar qui prit le nom de Beni- Mellouk et que peuplèrent ses descendants. « De là ont essaimé beaucoup de tribus : ainsi les gens de Zaouïet-Sidi-El-Hadj-Belkassem et des ksour situés entre cette zaouïa* et Timmimoun, les gens de Talmine, d’Adjedir, de Charouine, de Tinilane, de Bouda, les Oulad-El-Hadj de Bou-Faddi, les Oulad-Amor-Mellouk du Tidikelt, et d’autres encore. « Vinrent ensuite les Beni-Mehlal berbères, puis les Ouled-Rached, descendants de Rached ben Merched* qui avait été envoyé par le khalife Haroun Er-Rachid pour tuer l’Imam, le chérif Moulaï-Idris, qui est enterré à Zerhoun 1 2 * 4. » 1. El'-Helali. 2. On nomme zaouïa un établissement où les voyageurs et les pauvres trouvent le gîte et le couvert ; il s’y trouve souvent une école ; voilà le sens large de ce mot aux Oasis. 3- Noter que, par un lapsus, l’auteur désigne ici, comme l’assas¬ sin, le propre serviteur de confiance et père nourricier de Moulaï- Idris. 4. El-Ouàdjdi. — 69 — Déplacement général des tribus berbères du Maghreb vers l’Ouest. — Pendant que tous ces nouveaux venus s’installent dans les Oasis, les tribus zénètes des Maghraoua, tout en maintenant leurs émirs à Sidjilmassa et à Fès où le souvenir des Idrissides est presque effacé, gagnent le Maghreb occidental, remplacées dans le Maghreb central par leurs frères zénètes, les Iloumen et les Ouemanou, qui vont à leur tour essaimer vers les Oasis, où, quelques siècles plus tard, Ibn Khaldoun notera la présence de leurs descendants ; en somme, toutes les populations berbères accusent un mouvement vers l’Ouest, poussées par de nouvelles venues du Sud-Est Les « Oulad-Abbas » à Takliflf. — Mobarek ben Ali El-Menaceri * a copié, à la date du 7 novembre 1714, une chronique écrite par Mohammed-Abdelhadi Es-Sebaï en 1594, qui contient ce qui suit : « J’ai appris du taleb Ali ben Mohammed-Seddik El- Menaceri, né au commencement du xi® siècle (fin du xvi® siècle grégorien), et âgé, au moment où il me parlait, de 117 ans, qu’il avait vu, à la mosquée de Takhfif-Vieux, une inscription en caractères arabes relatant que les Arabes de ce ksar, qui étaient des Oulad-Abbas (sic) étaient arrivés au Touat, venant de l’Irak, en l’année 483 (1081), et qu’ils avaient trouvé cette localité déjà évacuée par les Juifs qui s’étaient installés à Temaseght »... On peut faire état de cette donnée, semble-t-il, à condi¬ tion d’entendre par « Oulad-Abbas » un groupement plus ou moins apparenté aux Abbassides dont notre chroniqueur vient, un peu avant, de conter les origines, les trente- sept khalifes successifs et le meurtre du dernier de ceux-ci en 1259 ; il a simplement oublié de nous dire, et peut-être l’ignore-t-il lui-même, le nom particulier de la kebila émi- 1. E. Mercier. 2. Du ksar El-Menacer (près de Zaouïet Kounta). 70 — grée de l’Est dès ce xie siècle, et les motifs et conditions de sa venue. Nous verrons bien d’autres lacunes de ce genre. Les -liera Mines. — Voici venir maintenant une poussée du Sud : à Sidjilmassa vivait, vers l’an 1050, un pauvre diable d’étudiant nommé Abdallah ben Meggou Ibn-Yacine, qui partit un beau jour, en compagnie d’un cheïkli des Lemtouna de retour du Pèlerinage, pour aller islamiser les sauvages sahariens, les Senhadja voilés, dont les principales fractions étaient les Lemtouna, les Mes- soufa, les Guedala et les Targa1 2. Il fonda chez eux un couvent, ribat, où il instruisit ses néophytes ; ceux-ci furent donc des merabtines (pluriel de merabet , devenu en français « marabout3 »), mot dont les Espagnols ont fait Almor avides qui est passé dans la la langue et a été employé par nos historiens. Jadis l’Islam et les Musulmans étaient peu connus des Français, et ceux-ci recevaient, en seconde main, leurs leçons des peuples qui se trouvaient au contact direct et qui, ayant surtout avec l’Islam des rapports belliqueux, n’avaient qu’une vague idée de sa linguistique et de sa vie politique ; c’est ainsi que les auteurs espagnols firent connaître aux Français les « Almoravides », les « rois de Fez », les « Maures » et tutti quanti. L’étude directe que nous avons faite des choses d’Islam depuis la prise d’Alger ne nous permet plus de nous contenter de ces sources médiates de renseignements, de ces vocables inexacts ou trop vagues tant en politique qu’en linguistique ; nos historiens ont déjà fait justice des « Maures », de l’« Alcoran », des « rois de Fez » ; il n’y a pas de raison pour ne pas exécuter de même les vocables 1. E. Mercier. 2. Vid. in E. Doutté, Les Marabouts, l’institution des « ribat » où garnisèrent les Merabtines aux premiers temps de l’Islam. — 71 d’allure fantaisiste comme « Almoravides » et « Almo- hades ». Celui de nos contemporains à qui l’on viendrait dire par exemple : « les alcazars du Sud-Oranais sont tran¬ quilles », ou bien « les alcazars du Touat sont peu prospères », celui-là rirait de son interlocuteur ; or « al- cazar » est à « ksour » comme « Almoravide » est à « Merabtines », ou comme « Almohade » est à « Mouhhide1 2». C’est donc entendu, nous nous en tiendrons aux formes franco-arabes « Merabtines » et « Mouhhides », trans¬ criptions plus serrées et plus exactes que les précédentes jusqu'ici employées. Les Merabtines passent aux Oasis et battent l’émir zénète de Sidjilmassa. — Donc Ibn-Yacine, premier chef des Merabtines, leur « Mehdi », ayant rangé sous ses lois en trois années tous les Sanhadjiens voilés, les organisa, leur nomma un émir (chef de guerre), et les lança sur leurs voisins ; ils firent une expédition au Soudan, puis se tournèrent vers le Nord ; ils s’attaquèrent d’abord aux Oasis sahariennes (1041), puis marchèrent sur Sidjilmassa*, où l’émir maghraouite Messâoud ben Oua- noudine fut battu et tué, ainsi que tous ses parents ; les Merabtines s’emparèrent de 1,500 chameaux et pillèrent la ville. « Ibn-Yacine s’attacha à détruire tout ce qu’il jugeait capable de détourner les Musulmans de leur salut ; on brisa les instruments de musique, on incendia les lieux de plai¬ sir où se vendait du vin ; enfin on supprima tous les impôts. Ibn-Yacine nomma un gouverneur merabtinien et reprit le chemin du désert. «... Les Merabtines étaient alors organisés pour la 1. De même on a dit longtemps « Miramolin » pour « Emir-el- Moumenine » (Prince des Croyants). 2. Ez-Ziani, Alfia. 72 guerre. Un grand nombre d'entre eux combattaient à cheval ou sur des chameaux de race, mais la masse se composait de fantassins qui, dans la bataille, se plaçaient sur plu¬ sieurs rangs ; le premier était armé de longues piques et les autres de javelots avec lesquels ils étaient fort adroits. Un homme portant un drapeau se plaçait devant eux et leur faisait des signaux1 2. » Youcef ben Taehfine, émir du Maghreb pour les Herabtincs. — Abou-Beker ben Omar, successeur d’Ibn-Yacine à l’imamat merabtinien, nomma son cousin Youcef ben Taehfine émir du Maghreb, puis se séparant de lui à Sidjilmassa où il lui donna publiquement l’inves¬ titure, il retourna au désert avec une partie de son armée (1061). Ben Taehfine se bâtit d’abord une capitale, la ville de Merrakech, puis il organisa une nombreuse armée dans laquelle entrèrent, en outre de ses Sahariens, Lemtoun et autres, des Berbères, des Guezoula et autres tribus, et même des Zénètes. Ensuite (1063), il s’empara de Fès, d’où il chassa le maghraouite Moancer, un descendant de Ziri ben Atïa, et, en dix années de guerre, il se rendit maître de tout le Maghreb, y compris Sidjilmassa et les oasis de sa dépen¬ dance. Un émigré de Grenade arrive à Zaglou. — Nous reprenons ici l’histoire interrompue de ce vieux taleb, sain de corps et d’esprit, qui semait de l'orge à 117 ans*. « La prière des funérailles fut dite sur lui par le « mo- kaddem des difas3 », Sidi Mohammed ben Hamida. 1. El-Bekri, trad. de Slane. 2. Vid. dup., p. 3. Fonctionnaire local chargé de la perception et de la fourniture des difas. — 73 — « Il résidait en son vivant aux Oulad El-Hadj (EI-Bordja) et laissa de nombreux livres. « J’ai vu, dans la marge de la page vingt-septième de Ben-Khalkane , une mention portant que son père, Sid Mohammed Seddik, était né en moharrem 821 (1428) et mort en 899 (1494). « Son père avait appris de Sid Ahmed hen Mobarek que Messâoud ben Ali, du ksar de Djorfa, — lequel est un des douze ksour qui composent Djazlou (sic) — était venu de Grenade en 484 (1092) h » Nous voyons par cet extrait comment s’écrivit l’histoire au pays touatien ; au reste l'écrivain omet de nous dire à quel titre un individu venu de Grenade quatre cents ans auparavant au ksar où il avait demeuré et avait été en¬ terré, méritait qu’on fît mention de lui : était-ce un lettré ? un guerrier ? Rien. On peut seulement supposer que son émigration dut être provoquée par les victoires des armées merabti- niennes qui, vers 1090, détrônèrent les émirs andalous et rattachèrent l’Espagne à l’empire de Youcef hen Tachfine. * Djazlou (Zaglou actuel) est encore mentionné dans une autre chronique qui vise cette époque : « En 1107, dit- elle, arrivèrent les Oulad-Abdeldjelil qui campèrent à Djazlou, et ils furent suivis l’année suivante par les Oulad-Abbas : en 1120, le généreux Sidi Ou Ali El- Belbali * vint camper à El-Mansour, l’un des ksour de Djazlou. » 1 2 3 4 Les Hilaliens entament la Berbérie par l’Est. — Du côté de l’Est, les Hilaliens entamaient dans ce même temps la Berbérie. Les Beni-Hilal et les Soleïm 1. Mobarek ben Ali El-Menàceri. 2. Cf. in Mercier. 3. Originaire de Tabeibalet. 4. Feuillet MS. trouvé à Aoulef. — 74 étaient deux grandes tribus arabes qui opposèrent, en Syrie, une résistance acharnée aux armées fatémides, quand les khalifes de cette dynastie furent passés au Caire. Le khalife El-Aziz les interna d’abord dans la Haute- Egypte, puis bientôt les lança vers l’Ouest pour se venger de son gouverneur de Kaïrouane qui venait de le renier et de se déclarer le vassal du khalife abbasside de Baghdad. Il arriva ainsi un flot de 200,000 personnes *. « Semblables à une nuée de sauterelles, dit Ibn-Khal- doun, ils détruisaient tout sur leur passage. » Le§ Hilaliens gagnent le Zab et le Sahara. — Ils battirent, en 1053, le gouverneur de Kaïrouane et ses alliés berbères, aux environs de Gabès, puis ils enle¬ vèrent Kaïrouane et envahirent le Maghreb central, pous¬ sant devant eux les tribus berbères ; en vain celles-ci se réunirent-elles contre eux, elles ne purent les empêcher de s’établir dans le Zab, le Hodna et le Sahara, d’où ils chassèrent les Zénètes Ouassine ; une partie de ceux-ci, les Mezab et les Ouargla s’enfoncèrent au Sud, les autres, Abdelouad et Beni-Merine, gagnèrent l’Ouest, vers la haute Moulouïa, où ils allaient bientôt fournir deux dynasties d’émirs (1100) *. 1. Mercier. D’autres historiens parlent de 600,000 et plus. 2. E. Mercier. CHAPITRE V Les Hilaliens (1120-4230) L’intrusion des Hilaliens aux Oasis. — Les Boramik introduisent des Sanhadja de l’Azaouad. — L’empire musulman passe des Merabtines aux Mouhhides. Une partie des vaincus se réfugie à Tamentit — Arrivées de diverses tribus. — Fondation de nouveaux ksour ou de nouveaux établissements auprès des ksour anciens. — Abdelmoumen, souverain mouhhide du Maghreb, soumet Sidjilmassa. — Arrivée et installation d’autres groupes hilaliens aux Oasis. — Les Arabes, dans l’Oued-el- Henné, s’installent auprès des Juifs. — Tamentit contre Akbour. Nouvelles arrivées. — Moulaï-Slimane fonde le ksar Aït-Ouchen. — L’émir Youcef bouscule les tribus hilaliennes vers l’Ouest. Autres arrivées aux Oasis. — Yahia ben Ghanïa, chef merabtinien, passe aux Oasis et à Sidjilmassa. — Scission de l’empire des Mouhhides. — Ihamed et Selianes. — Le Touat conservera ces divisions après le reste du Maghreb. L’intrusion des Hilaliens aux Oasis. — Les Hilaliens n’allaient pas tarder à quitter leurs positions d’attente pour s’épandre sur le Maghreb. Ouargla vit s’approcher les Mekhadma, et El-Goléa attira de nombreuses tribus qui, de là, obliquèrent sur les Oasis sahariennes, pendant que leurs frères prenaient pour objectif les régions du Nord. L’Oued-Meguiden leur offrait une magnifique route, riche d’eaux et de pâturages ; les premiers qui s’y enga¬ gèrent furent les Meharez, ou Meharza, fraction des Amer. — 76 — « Ils nomadisèrent d’abord aux environs d’Oudghagh, puis ils dominèrent les gens de ce ksar et ceux d’El- Mebrouk, et leur firent payer tribut1. » Ils y arrivèrent aux environs de l’an 1120 2. D’autres tribus les suivirent nombreuses, dont quel¬ ques-unes étaient venues d’Orient jadis, au temps de l’émir Okba ; parmi ces tribus se trouvaient les Senaneba, dont les ancêtres étaient sortis du pays d’Irak, des frac¬ tions des Oulad-Ben-Selim et les Oulad-Ben-Sadok 3. A cette époque arrivèrent aussi les tribus suivantes, toutes de la grande famille hilalienne : 1° Les Oulad-Moliammed qui sont allés ensuite à Deldoul, et dont font partie les Oulad-Abdelmoula ; 2° Les Oulad-Talha, établis depuis à Telalet, dans le Gourara ; 3° Les Oulad-Yaïch, passés ensuite dans l’Aougrout ; 4° Les Oulad-Bou-Ali, qui sont devenus les Oulad-Mah- moud ; 5° Les Oulad-Ali-ben-Hariz, qui laissèrent ensuite une fraction à Kaberten et gagnèrent le bas-Touat; 6° Les Oulad-Màmmar, descendus depuis jusqu a Ba- Amor en Tarn est4. « Cependant, tous ces Arabes entrèrent peu à peu du Meguiden à l'intérieur du Touat. Ils se rangèrent dans le parti des « Mahboub », et, tous ensemble, ils opérèrent de nombreux coups de main contre les « Maloul » zénètes restés dans l’Oued-Meguiden, jusqu’à ce que ceux-ci allassent camper à Cheïkh-Saïd. « Les Mahboub restèrent donc les maîtres jusqu’à 1 in¬ tervention de la tribu des Boramik, qui était installée dans l’Oued-el-Henné, d’où elle expéditionnait dans toutes les directions et coupait les routes. 1. El-Helali. 2. Note MS. trouvée au Timmi. 3. Id. 4. D’après El-Hadj Abdelkader, caïd de Deldoul. — 11 — « Arrivèrent ensuite les Arabes de la tribu des Oulad- Hariz et les Oulad-Amer-ben-Amor, qui se mirent d’accord avec les Boramik et nomadisèrent avec eux. « Ce groupement engagea bientôt une lutte violente contre les Meharza, mais ceux-ci furent renforcés par les Oulad-Mohammed, et ils imposèrent leur influence à tous les nomades du Meguiden dont ils tirèrent tribut. « Ensuite survinrent les Khenafsa qui s’installèrent dans l’Oued-el-Hadjar, et, avec eux, les Meharza et leurs alliés attaquèrent et battirent les Boramik et leurs alliés, les Oulad-liariz et les Guedouà. « Le premier ksar que ces derniers avaient occupé était Taorirt1. » Les Boramik introduisent des Sanliadja de l’Azaouad. — « Les Boramik et leurs alliés envoyèrent chercher du secours dans l’Azaouad (chez les Sanliadja voilés) ; bientôt arriva de ce pays la tribu des Dahahna (Oulad-Dahhane), qui renforça le groupement des Bora¬ mik, lui permit de lutter contre celui des Meharza, et s’installant dans l’Oued-el-Henné, assura de là ia liberté des routes sur le Soudan2. » Voici venir encore de nouvelles tribus hiialiennes : « A cette époque arrivèrent aussi les Arabes Oulad- Ba-Hammou qui occupèrent le Tidikelt et Inghar, les Oulad-Mohammed de Deldoul, les Oulad-Meriem, fraction des Oulad-Delim, les Oulad-Djeber3. » L’empire musulman passe des Merabtines aux Mouiiliides. Lue partie des vaincus se réfugie à Tamentit. — Cependant le khalife merab- 1. Dans le Reggane. Taorirt avait déjà été habité, avant eux, par ceux qui lui avaient donné son nom berbère. El-Helali. 2. El-Helali. 3. El-Ouadjdi. — 78 tinien avait joint l'Espagne à son gouvernement du Maghreb et avait, à sa mort, laissé cet empire à son fils Ali ben Youcef ben Tachfine, contre lequel s'était bientôt dressé un concurrent à l’imamat de l’Ouest, en la personne du berbère Ibn-Toumert, des Masmouda, puis du succes¬ seur de celui-ci, Abdelmoumen, chef des Mouhhides1 (1130). « Celui-ci envoya au Sahara son fils Abou-Youcef, qui vint à El-Mebrouk, où il convoqua toutes les tribus du Gourara et leur donna lecture d’un message de son père ; il y avait alors, dans le Gourara, les tribus des Oulad- Selim, des Oulad-ben-Helal, des Oulad-Mahrez (Meharza), des Khenafsa-Oulad-Slimane et des Oulad-Mohammed. « Après un séjour de près d’un an au Gourara, le fils d’ Abdelmoumen se rendit dans l’Oued-el-Henné, mais les Boramik s’enfuirent dans l’Ahnet, et lui s’en retourna au Gharb2 3 4. » Pendant ce temps, l’émir mouhhide, profitant de l’ab¬ sence du khalife en Espagne, remporta d’abord quelques légers avantages, puis battit l’armée merabtinienne, s’empara de Tlemcen, de Fès, enleva Oran au khalife Tachfine qui venait de succéder à son père Ali, et le tua lui-même ; enfin il se saisit, en prenant Merrakech, du jeune Yeshak, le dernier khalife des Merabtines, et lui fit trancher la tête, terminant ainsi cette dynastie (1147)*. Tous les descendants du khalife Youcef ben Tachfine se dispersèrent et disparurent. Or nous voyons arriver quelques-uns d’entre eux au Touat, accompagnés d un groupe de Lemtoun. Ils vinrent s’établir auprès de Tamentit-la-Juive ; le premier de leurs ksour fut Tilout1. 1. « Les gens qui professent le touhid (la théorie de l’unité de Dieu), dénomination adoptée par les adversaires des Merabtines. 2. Ahmed ben Abderrahmane, de Baho (Timmi), qui écrivait en 1687. 3. E. Mercier. 4. Et-Tamentiti. 79 — « Ils construisirent ensuite leur grand ksar qui prit le nom d’Aït-Ali-Youcef, ainsi qu’une mosquée qui fut appelée Tartekit ; la réunion de ces ksour prit le nom d’Oulad-Yâkoub. L’eau de la foggara Hennou, qu’ils pos¬ sédaient, était répartie, aussi bien le jour que la nuit, entre les propriétaires. Chaque part prit le nom de la famille à laquelle elle appartenait, savoir : Aït-Otmane, Aït-Salah, Aït-Youcef-Ba-Moussa, Aït-Moussa, Aït-Mhammed, Aït- Youcef-Aït-Ali, Aït-Mhammed, Aït-Boubeker, Aït-Ali. La part de chacune de ces familles revenait tous les neuf jours1. » Arrivées de diverses tribus. — Nous nous ser¬ vons de ce mot « tribus » pour rendre le mot arabe « kebila », mais il faut s’en tenir au sens de celui-ci, équivalent de la gens romaine, et qui peut désigner des groupes de peu d’importance, parfois de simples familles pouvant ne comprendre qu’une cinquantaine de personnes, et même moins, juste l’effectif nécessaire pour pouvoir opé¬ rer des migrations avec quelques chance de parer à l’insécurité de ces temps troublés. Voici un bout de chronique2 notant quelques arrivées aux Oasis : « En 1123, les Oulad-Kheïrallah vinrent du pays du Sahel et campèrent à Gharm-Atassen. « En 1134, la tribu des Oulad-Hoceïn campa à El- Oudaïa, venant du pays de Drâ, et les Oulad-Sidi-ben- Salem, du Sous, vinrent s’installer à Mosbah, l’un des ksour d’El-Melah 3. « En 1137 arrivèrent du pays d’Angad les Oulad-ben- Sliman-ben-Hammad ; ils s’installèrent à El-Ghorba. 1. El Basit, trad. Watin. 2. Ecrit par Ahmed ben Nadjem, en « lober » 1198 (1787). 3. On désignait sous le nom de Ksour-el-Melah tous les établis¬ sements situés autour de Sebkhat-el-Melah et Hofret-el-Melah (Timmi). — so¬ ft En 1142, la tribu des üekouanes, venant du pays de Ghadamès, prit domicile au ksar de Mesahed (?) ». « En 1146 arrivèrent les Oulad-ben-Yedir qui campèrent à Yekkou ; puis, en 1155, les Chorfa Hamoudites vinrent s’installer au ksar Ali, d’où, en 1261, ils se transportè¬ rent à leur ksar actuellement connu sous le nom de ksar Gherif, et qui est l’un des ksour de Djazlou1. » Fondation de nouveaux ksour, ou de nou¬ veaux établissements auprès de ksour an¬ ciens. — On ne saurait avoir la prétention de suivre au jour le jour l’arrivée et 1 installation dans ce poys des groupes isolés, infiniment nombreux, et divers d’origine et d’importance numérique, qui ont concouru à la forma¬ tion des populations oasiennes ; l’intérêt, comme la limite du possible, s’arrêtent sur ce point à des indications d’ensemble, suffisantes pour donner des idées générales ; et dans cet ordre nous nous bornerons à continuer de citer un manuscrit local dont le plus grand défaut est de ne donner aucune date précise. « Dans les années qui suivirent, nous dit donc El-Helali, arriva le pieux merabet Abou-Mohammed, du pays de Merrakech, qui s’arrêta à El-Ghandous, accompagné d’une grande caravane de pèlerins se rendant à La Mekke ; puis, au retour de la maison de Dieu, tous ces gens séjour¬ nèrent de nouveau à El-Ghandous. « A cette époque, les gens de l’Oued-Salah étaient répartis ainsi : les Khenafsa auprès du chott Guebli ; les Oulad-Mohammed au chott Chergui, et les Meharza au chott Foukani 2. « Les Meharza, apprenant l’arrivée à El-Ghandous du saint Abou-Mohammed, allèrent le chercher et 1 emme- 1. Feuillet MS. trouvé à Aoulef. 2. Ce sont ces trois chotts, comme nous l'avons vu, qui forment la grande sebkha du Gourara. — Bi¬ nèrent avec eux ; il se bâtit un ksar qu’il nomma Tabel- kodha (Tabelkoza) en langue zénète, puis une zaouïa qu’il nomma Tameslouht, du nom du pays de ses pères dans la région de Merrakech1 2. « Une fraction des Mebarza alla bâtir un ksar à Taântast (qui possédait déjà un établissement zénète ainsi que le nom l’indique). Puis le saint Abou-Mohammed chargea son disciple Debbagh de bâtir une zaouïa qui garda le nom de Zaouïet- Debbagh. « Il s’écoula alors une période de tranquillité pendant laquelle les Meharza s’établirent à Tezlidh, puis à In-Ham- mou (où était déjà des Zénètes) ; et en un endroit où ils trouvèrent un emplacement favorable, ils bâtirent un ksar qui reçut le nom de Fatis 3. « Une autre fraction des Meharza, les Oulad-Aïach, alla bâtir dans l’Erg le ksar de Mehloul ; d’autres occupèrent In-Kellou, et tout l’Oued-Salah se trouva peuplé. « De leur côté, les Khenafsa vinrent s’établir à Tibechrine et nomadisèrent aux alentours de ce ksar ; ils bâtirent de plus le ksar de Taghïat, autour duquel ils ras¬ semblèrent tous les groupes qui, fréquemment, arrivaient de l’Est, du Nord ou de l’Ouest ; enfin ils fondèrent le ksar d’ E 1- H a dj - Guel ma ne . « Les Arabes et les Zénètes conservèrent ces positions jusqu’à l’arrivée du saint Sidi Yeddou, qui vint de Merra¬ kech. et s’installa au milieu des Arabes Meharza et Khenafsa sur lesquels il acquit une grande influence par sa sainteté. « Ensuite arriva d’Aïn-el-Hout, du pays de TIemcen, le chérif Moulai- Hassane qui bâtit un ksar pour lui seul, tandis que ses serviteurs qui, étaient des Raclied’, bâtis¬ saient le ksar des Oulad-Rached. 1. Cet Abou-Mohammed était, d’après ce qui précède, un Berbère. 2. Lieu chauve, dépourvu de végétation. 3. La grande tribu berbère des Rached occupait alors le Djebel- Amour actuel et les régions entre celui-ci et Mascara. 6 — 82 — « Ce chérif eut des enfants : l’un d’eux, nommé Abdel- haï, alla bâtir un ksar à Kali, où habitaient déjà les Zénètes Oulad-Cheïkh-Saïd ; un autre alla s’installer à Aguentour où habitait la grande tribu des Oulad-Daoud ; le troisième frère partit avec les Oulad-Atïa, fraction des Khenafsa, et vint dans l’Oued-el-Hadjar bâtir une zaouïa à Tala, autour de laquelle les Oulad-Atïa nomadisèrent. i< Le chérif Moulaï-Hassane reçut un jour dans sa résidence une caravane de pèlerins originaires du Drâ, et dont le chef, Sidi El-Hadj Belkassem, était accompagné de son père, de son aïeul et de son oncle ; ces gens s’arrê¬ tèrent chez le chérif, et Sidi El-Hadj Belkassem envoya ses fils porter ses bénédictions dans les tribus arabes voisines qui lui offrirent des présents. « Quelque temps auparavant était venu Sidi Mouça qui bâtit un ksar à Tasfaout, et dont le fils alla s’établir à El- Ouadjda ; les compagnons de Sidi Mouça allèrent bâtir un ksar auprès de la zaouïa que les Aït-Ouaras zénètes pos¬ sédaient à Taorirt’. » Abdelmoumen, souverain mouhhide du Ma¬ ghreb, soumet Sidjilmassa. — Cependant le souverain mouhhide Abdelmoumen, qui portait le titre de. « mehdi1 2 3 » dut, en 1147, réprimer l’insurrection d’Ibn- Houd qui avait entraîné dans la révolte le Sous, le Drâ et Sidjilmassa. Ce résultat atteint, Abdelmoumen traversa tout le Maghreb-Central et alla conquérir l’ifrikia où les Nor¬ mands s’étaient installés avec Loger*. Ces guerres troublèrent tout le Maghreb et déterminè¬ rent de nouvelles tribus à gagner la lisière saharienne, puis les Oasis. 1. El-Helali. 2. Le Bien-Dirigé (sous-entendu : par Dieu dans la bonne voie). 3. Mercier. — 83 — Arrivée et installation d’antres groupes ■■italiens aux Oasis. — « Vinrent alors les Mimoun hilaliens qui bâtirent un autre ksar non loin de Taorirt, et dont le nom servit à former le vocable Tin-Mimoun (ou Timmimoun*) ; ces gens devinrent riches, nombreux et puissants. « D’autres groupes hilaliens arrivèrent encore, qui se joignirent aux Oulad-Cheïkh-Saïd (Berbères de Kali), firent quelques expéditions aux alentours, puis allèrent se bâtir un ksar auprès de Zaouïet-Belkassem. « Ce sont eux qui les premiers allumèrent la guerre entre les ksour ; il attaquèrent le ksar de Timmimoun et le pillèrent ; le cheïkh Sidi Belkassem parvint à rétablir la paix entre les deux partis, mais ils restèrent ennemis. « Les gens de Timmimoun se renforcèrent bientôt d’un nouveau groupe, les Ahl-Cheta, qui étaient très nombreux et dont une partie alla s’installer à Tinoumer. « Les Oulad-Talha arrivèrent à leur tour et s’installè¬ rent en amont de Timmimoun, dont les habitants les accueillirent avec faveur. « Puis vint Abou-Chemïa, qui s’installa entre Otmane1 2 et la sebkha, et bâtit une zaouïa qu’il appela Bel-Ghazi, du nom de ses compagnons qui étaient des Aït-Sidi- Ghazi. « Dans ce temps, les Oulad-Mohammed bâtirent un autre ksar à Deldoul, et, par la grâce de Dieu et l’inter¬ vention du cheïkh Abou-Chemïa, ils cessèrent leurs coups de main et leurs agressions habituelles contre les Zénètes. « Cependant les Boramik étant tombés un jour sur 1. Cette étymologie est bien discutable, car des Hilaliens de lan¬ gue arabe n eussent pas institué un vocable de structure berbère : on peut cependant admettre que ce furent leurs nombreux voisins zénètes qui mirent ce vocable en circulation, et qu il devint ensuite d’usage général. 2. Ksar aujourd’hui ruiné, comme Bel-Ghazi lui-même et un autre qui se trouvait au nord de ce dernier, et qui se nommait Abâïdane. 84 — leurs chameaux, à Ouallen, les Oulad-Mohammed se levèrent et se mirent à la poursuite des ravisseurs, aidés d’autres Hilaliens ; ils réussirent à reprendre leurs cha¬ meaux dans l’Oued-el-Henné et rentrèrent à Deldoul. « Bientôt une grande caravane des Oulad-Sidi-Bou- Abid-Ghergui vint visiter, à Deldoul, Sidi El-Hadj Abou- Mhammed qui les engagea à rester dans le pays et fît bâtir par leur chef, Sidi Amor, une zaouïa au lieu dit Takroumt, dans l’Erg. « Le cheïkh Brahim, un des principaux Zénètes, bâtit un ksar à Charouine. « Plusieurs années plus tard, le cheïkh Ibn-Amor envoya, sur la demande des Oulad-Mohammed, son fils qui bâtit un ksar à Igosten, puis un autre à El-Barka puis un autre à Toukki. « C’est alors que les Oulad-Mohammed furent rejoints par leurs frères les Oulad-Mahmoud (fondateurs du ksar actuel de ce nom), et qu’ils devinrent très puissants avec les Meharza, Khenafsa et Oulad-Saïd hilaliens, qui étaient tous « Mahboub1 ». Les Arabes, dans le Touat-el- Henné, s’ins¬ tallent auprès des Juifs. — « A cette époque, les Boramik étant entrés en lutte contre les Guedouâ, en¬ voyèrent une députation composée de nombreux cavaliers pour demander du secours aux Oulad-Mohammed et à leurs frères ; tous partirent, attaquèrent les Guedouâ et, dans un grand combat, en tuèrent un grand nombre. « Ensuite les Boramik se répandirent dans l’Oued-el- Henné et dans POued-el-Hadd2. ; ils bâtirent un ksar à 1. El-Helali. 2. L’Oued-el-Hadd est, ainsi que cela ressort de ce qui va sui¬ vre, la série de dépressions qui relie le Bouda au Timmi et aboutit dans le sebkha de ce dernier nom ; cependant cette dénomination d'Oued-el-Hadd semble avoir totalement disparu ; aucun indigène ne la connaît plus. 85 — El-Mansour, créèrent des canaux d’irrigation et firent des labours ; entre les deux oueds resta une région de désert où se trouvaient Tamentit, Tasfaout, El-Ahmar. Tema- seght et d’autres ksour. « Ces dernières localités étaient habitées par des Juifs qui se disaient originaires de Kheïber1 2 ; ils étaient tous les fils d’un même père qui, dit-on, était passé par ce pays en voyageant pour son commerce, et le voyant vide et inhabité, s’y était installé et avait bâti dès l’abord le ksar de Tamentit ; ses enfants avaient, après lui, bâti les autres ksour qui viennent d’être énumérés. « Ensuite arriva le cheikh Ibn-El-Hassen qui bâtit un ksar à Akbour, puis le cheikh El-Mehdi qui bâtit un ksar et le nomma, du nom de ses compagnons, les Oulad- Aïssa : Akbour et Oulad-Aïssa furent les deux premiers ksour du Timmi*. » Tamentit contre Akbour* Nouvelles arri¬ vées. — « Après eux vint le cheikh Mouça qui s’ins¬ talla à Tamentit, au milieu des Juifs ; ceux-ci furent, dans ce même temps, éprouvés par une peste terrible qui les lit mourir en grand nombre ; ce qui resta d’eux n’eut plus ni influence ni puissance, et dut vivre sous la protection des Musulmans. « Quant au cheikh Mouça, il entra en lutte avec le cheikh Ibn-El-Hassen, d’Akbour ; ils se livrèrent un combat qui tut très meurtrier et resta indécis ; mais le cheikh Ibn-El Hassen, qui était originaire de l’Azaouad (Sanhadjien), se rendit dans ce pays et en ramena une troupe nom- 1. Ville et pays d'Arabie ; on connaît la manie des Arabes de rapporter tout à l’Arabie ; c’est ainsi que pour eux les Zénètes et les Berbères sont de souche arabe ; voici les Juifs traités de même, le trait valait en soi d’être rapporté ; le côté fantaisiste persiste dans les lignes suivantes. 2. El-Helali. 86 breuse à l’aide de laquelle il acquit et garda la prépondé¬ rance sur ceux de Tamentit. « Il conserva d’ailleurs ces gens avec lui, et c’est pen¬ dant leur séjour au Timmi que le ksar des Oulad-Aroussa fut bâti par le cheïkh Balimou, le Délirai (des Ouled- Delim1). « Arrivèrent d’autres gens des Deliahna de l’Azaouad, frères de ceux déjà venus chez les Boramik ; ils se joi¬ gnirent aux Aït-Aïssa. « Puis vinrent les Oulad-Mouça qui s’installèrent à Akbour, auprès du cheïkh Ibn-El-Hassen, et prirent la prépondérance à la mort de celui-ci, au détriment de ses enfants. « Le cheïkh Mâmour le Délirai vint bâtir un ksar qu’il nomma Aït-Amour, puis un merabet de l’Azaouad ou de PAdghagh, du nom de Cheïkh Hadjou, vint à son tour et bâtit un ksar qu’il nomma Adghagh, en souvenir de son pays d’origine ; il bâtit en même temps pour lui-même, à côté de ce ksar, la zaouïa qui a gardé le nom de Zaouïet- Cheïkh-Hadjou ; ce fut le troisième des ksour du Timmi. « Ensuite vint du Hoggar (sic), le cheïkh Daoud, qui s’arrêta chez le cheïkh Mouça, à Akbour ; puis, avec la permission de celui-ci, il bâtit un ksar auquel il donna le nom ethnique de ses compagnons : les Aït-Oungal ; ce fut le quatrième des ksour du Timmi2 3. » Moulaï-Sliiiiane fonde le ksar Ail-Ouelien. — C’est alors qu’arriva de Eès le chérif idrisside Moulaï- Slimane ben Ali ben Amar* ; les Aït-Aïssa du Timmi l’accueillirent avec empressement, et leur cheïkh lui donna sa fille en mariage ; il eut d’elle cinq enfants dont trois seulement eurent ensuite une postérité, savoir : Ali, 1. Tribu du Sahel. 2. El-Helali.« 3. Id. — 87 — iVbdelhak et Aïssa ; sa bénédiction s’étendit sur le pays et il acquit une grande renommée, il reçut des députations et des présents de toutes les tribus depuis l’Oued-Salah ; il en vint aussi des Boramik, des Guedouâ, des Oulad-Hariz et des Oulad- Amer-ben- Amor. « Il voulut les faire vivre tous en une commune entente, comme un seul peuple, mais les Oulad-Mohammed s’y opposèrent, disant : « Toutes les tribus Mahboub doivent « rester ensemble d’une part, et toutes les tribus Maloul « doivent rester ensemble de leur côté. » « Il reçut ensuite une députation des gens de Tamentit, qui vinrent au Timmi dans leurs barques , et sur leur demande, il lit dessécher le chott qui séparait les deux pays1. « Il bâtit un ksar qu’il nomma Aït-Ouchen et y installa son fils Abdelhak ; ce fut le cinquième des ksour du Timmi. « Quand il fut mort, son fds Ali bâtit le ksar qui s’est appelé depuis Aït-Ali, et qui a été le sixième du Timmi. « Moulaï-Ahmed, l’un des fils du précédent, laissa ses frères dans le ksar paternel et vint s’installer à la zaouïa d’Adghagb, il devint imam de sa mosquée et, dans ce même ksar, il bâtit une rue nouvelle qu’il dénomma « Zegag-ech-Chehoud », la rue des témoins , et qui est connue encore aujourd’hui2 sous cette dénomination. « D’autres Arabes, arrivant dans le pays et s’étant ins¬ tallés au ksar Aït-Ali, le fondateur de ce ksar l’abandonna et alla se bâtir une zaouïa à Tinilane ; ce fut ici le septième des ksour du Timmi. 1. L'auteur qui écrit ces lignes, en 1688, nous inet à même de voir combien, à son époque, la présence des eaux dans le chott de Tamentit avait laissé un souvenir vivace chez les populations ; or, chacun sait que la tradition eu pays arabe ne remonte guère au- delà de 300 ans ; le xiv® siècle aurait donc encore vu des nappes lacustres dans ce pays. 2. Ce qui était exact du temps de l’auteur, en 1688, l’est encore aujourd’hui. 88 — « Survint alors un merabet originaire de Ghat, du nom de Sidi Hammou, lequel s’installa auprès du cheïkli Hadjou, à la zaouïa d’Adghagh ; quelques Arabes en firent autant, car les vertus du cheïkh étaient connues au loin, il en vint jusque de Belbal1 2 et de Meknès, et la zaouïa s'agrandit considérablement. « Cette résidence réunissait alors trois personnages marquants : le vertueux cheïkh Hadjou, son fondateur, le merabet savant et pur Sidi Hammou, et enfin Moulaï- Ahmed, fils de Moulaï-Ali ben Moulaï-Slimane, qui était de son côté un jurisconsulte très remarquable ; la piété et la science y lurent en honneur, et les pauvres comme les faibles y trouvèrent un refuge*. » I/émii* Abou-Youcef bouscule les tribus liilalieuues vers POuest. Autres arrivées aux Oasis. — Après ses victoires, Abdelmoumen avait pris le titre de « Prince des Croyants » ; en mourant il laissa l’empire à son fils Abou-Youcef, le même que nous avons vu naguère venir au Touat, et qui continua la conquête de l’Espagne commencée par son père. Un dernier coin de terre musulmane tenait encore poul¬ ies anciens princes merabtines, c’étaient les Baléares où commandait la famille des Beni-Ghanïa ; l’un de ceux-ci, Ali ben Glianïa, descendit en Afrique et put aller de Bougie à Tripoli, en ralliant à sa cause toutes les grandes tribus hilaliennes de cette région. Mais l’émir Abou-Youcef ne tarda pas à aller rétablir son autorité dans les provinces de l’Est, et pour étoutfer tout germe de révolte pour l’avenir, il profita de son 1. Les Arabes disent souvent Zaouïet-Belbal pour TabelbalL : le belbal est une espèce d’anabasis (Beacssier) ; nous voyons là une racine berbère orné ensuite des deux T, alfixe el préfixe: 7’idikel7’ — 7’belbalT1 — TYilalT — 7,gourar7’ 2. E-Hlelali. 89 — retour d’Ifrikïa vers l’Ouest pour pousser devant lui la grande tribu des Djochem, sur laquelle nous aurons à revenir, et toutes les autres tribus hilaliennes compromises, qu’il voulait exporter dans le Maghreb-Extrême1 2. Il les bouscula ainsi à travers le Zab et le Hodna, puis le Sahara, mais au lieu de se laisser pousser vers le Djebel-Amour, de nombreuses fractions se détachèrent et gagnèrent encore le Meguiden et les Oasis sahariennes (1168). « Cependant de nouveaux groupes nombreux arrivèrent dans le pays et campèrent auprès du cheikh Mouça (sous Ta mentit) ; celui-ci délibéra à leur sujet avec le cheikh El Mehdi, d’Akbour, et craignant que ces gens n’allassent se joindre aux Maloul zénètes et n’augmentassent leur impor¬ tance, les deux cheikhs décidèrent d’accueillir les nouveaux venus ; ils leur bâtirent le ksar de Taorirt, au lieu dit Zouireg* ; Taorirt qui se trouve maintenant (en 1688), en aval d’Ouinna, fut le huitième ksar du Timmi. « C’est une partie de ces gens qui vinrent ensuite bâtir Ouinna, le neuvième ksar du Timmi. « Du pays d’Oran vint aussi une autre tribu qui campa auprès des Oulad-Ouchen, c’étaient les Oulad-Brahim ; ils s’installèrent dans le ksar qui prit leur nom et que leur bâtit le cheïkh Bahmou le Delimi : ce lut le dixième ksar du Timmi. « D’un autre côté, le cheïkh El-Mehdi bâtit un ksar pour les Aït-Ridane qui venaient se joindre à lui ; ce ksar nouveau prit le nom de ces gens dont 1 n finale devint un / : Ridai, d’où Taridalt, le onzième ksar du riinmi. « Le douzième ksar fut celui des Oulad-Hassen, bâti encore par ordre du cheïkh El-Mehdi, pour les compa¬ gnons d’un nouvel arrivant, le cheïkh Ghennoum. 1. E. Mercier. 2. Sur les rives d’un des thalwegs de 1 oued Messâoud, à I ouest du Timmi ; voici donc dès lors trois / aoriri différents : 1° celui dont il est question ici, au Timmi : 2* celui des Aït-Ouaras, à l’ouest de Timmimouu ; 3° celui des Guedouâ, dans le Bas-Touat. — 90 — « Ces deux derniers groupes, les Oulad-Hassen et les Aït-Ridane de Taridalt, ne trouvant pas dans le pays une autorité solide et reconnue qui pût les contenir, désobéirent à la loi divine et se livrèrent au désordre. « En ce temps, on commença de nommer couramment Ihamecl le clan qui était connu sous le nom de Mahboub et Seficine le clan Maloul.1 2» Avant de voir l’origine de ces nouvelles dénominations, nous allons parler de deux incidents de guerre survenus aux Oasis. 1 allia lien (jiliaiiïa, clief niera Minien, passe aux Oasis et à Sidjilmassa. — Yahia ben Ghanïa, qui avait succédé a son irère Ali, ne tarda pas à rétablir ses affaires à Tripoli, dans le Djerid et jusqu’à Biskra, et fit ainsi revenir dans le pays de l’Est le nouveau khalife mouhhide En-Nacer, fils d’Abou-Youcef. Celui-ci le battit et plaça toute l’Ifrikïa sous les ordres d’un gouverneur qu’il établit à Tunis : c’était le caïd Abou-Hafs Omar, qui avait fait l’expédition de Sidjilmassa en 1147 ; notons ce détail car c’est le descendant de ce caïd, Abou-Mohammed ben Abou-Hafs, qui fournira dans quelque temps la dynastie des Hafsides. Yahia ben Ghanïa longea alors le Sud de l’Ifrikïa, se lança vers l’Ouest et atteignit Sidjilmassa qu’il pilla (1208) puis il regagna le Djerid et le Sahara tunisien. Vers 1225, après une pointe jusqu’à Alger, Dellys et Bougie, il recule devant le gouverneur mouhhide de l’Ifrikïa et se rabat sur Sidjilmassa, d’où il gagne, par les Oasis, le Sahara oriental*. Scission tic l’empire des lloulihides. Iliamed et Sefianes. — En ce même temps, l’empire mouhhidien 1. ël-Helali. 2. E. Mercier. 91 était en proie aux compétitions de deux khalifes simul¬ tanés : Yahia, fils d’En-Nacer, proclamé par la capitale Merrakeck, et El-Mamoun, proclamé en Espagne. El-Mamoun gagna bientôt du terrain en Maghreb et enleva Merrakech à son compétiteur, ne lui laissant que les montagnes de l’Atlas et leurs populations berbères, la région de Sidjilmassa et ITfrikïa. Les Kholt et les Sefîanes, fractions des Djochem, et d’autres Hilaliens venus en Maghreb lors de la bousculade du mouhhide Abou-Youcef, reconnurent dès l’abord El- Mamoun arrivant d’Espagne. Mais la compétition prolongée des deux khalifes mouh- hides causa bientôt la désunion des tribus arabes et spécialement des Djochem : ceux-ci se partagèreut en deux groupes dont les protagonistes furent respectivement les Kholt et les Sefîanes. Les luttes pour le triomphe du souverain préféré entraînèrent des haines directes entre ces deux frères devenus ennemis, et, vers 1240, leurs querelles s’enveni¬ mèrent : « Pendant longtemps, dit Ibn-Khaldoun *, les tribus de Sefiane et de Kholt se livrèrent à des hostilités mutuelles, et comme les Kholt s’étaient attachés à la cause d’El-Mamoun et de ses fils, les Sefîanes prêtèrent leur appui à Yahia ben En-Nacer qui disputait à ce prince le khalifat du Maroc*. 1. Trad. de Slank. 2. Nous écrivons ici ce mot « Maroc » seulement parce que, citant P Histoire des Berbères , nous nous faisons scrupule d’en modifier le texte. Mais il montre bien l’inconvénient qui existe, en général, à admettre dans Pliistoire des peuples étrangers des vocables na¬ tionaux dont l’origine remonte à l'époque des premières notions sur ces étrangers, car l’initiation moderne plus complète permet de voir l’obscurité, quelquefois les inexactitudes, qu’entraîne cette mode. Ainsi, ici, ce qui était en discussion n était point le « khalifat du Maroc ». pays compris entre l Oued-Mouilah, le Sahara et l’Oued-Drà, mais bien plutôt le « khalifat du Maghreb » lequel Maghreb, avec son annexe connue l’Ifrikïa, constituait à cette époque toute l' Afrique Mineure. On voit la nuance. Le mot « Maroc » — 92 « Er-Racliid (fils d’El-Mamoun) ayant fait mettre à mort Masoud ben Hamidane, chef des Kholt, ceux-ci pri¬ rent le parti de Yahia ben En-Nacer et les Sefianes passèrent aussitôt du côté d’Er-Rachid (1234) *. » C’est, croit-on, du nom de ce Hamidane, père de Masoud, qu’est sorti sous une forme berbérisée le vocable « Ihamed » qui a succédé à celui de « Kholt » pour désigner cette tribu *, — à moins toutefois que ce soit du nom de Mohammed ben Mobarek, chef de cette tribu*. Quoi qu’il en soit, on saisit l’occasion de pouvoir faire revivre sous ces deux dénominations d’anciennes divisions remontant au temps d’Ali ben Abou-Taleb4, et l’activité de ces deux tribus, la prépondérance qu’elles acquirent dans chacun des deux partis qui divisaient alors le Ma¬ ghreb pour le choix du souverain, motivèrent l’extension de leurs noms à tout leur parti : on fut du clan des Sefianes quand on tint pour les princes mouhhides, et du clan des Ihamed quand on soutint la fortune naissante des émirs merinides ; puis parfois on changea camp pour camp, mais toujours les deux tribus restant ennemies et opposées l’une à l'autre. Tout le Maghreb-Extrême prit parti dans la longue compétition des deux dynasties ; Sidjilmassa et ses dépen¬ dances sahariennes se passionnèrent à suivre les fortunes diverses de l’un ou l’autre parti, et chacun des deux y est venu dans notre langue de l’espagnol « Marocco », transcription fantaisiste de 1 arabe « Merrakech ». lequel est un nom de ville, pas plus. Cette ville se trouva être la capitale des khalifes musulmans contre lesquels les rois chrétiens de l’Espagne eurent à lutter et qu’ils dénommèrent : « rois de Marocco » ; ainsi ce vocable devint dès l’abord le nom de pays que nos aïeux adoptèrent, mais que les Musulmans n’ont jamais connu, et qui ne peut plus satisfaire, aujourd hui que nous serrons l’exactitude de plus près. 1. iBx-KiiALnoinN. 2. De la Martinière et Lacroix. 3. Ibn-Khalooun. 4. G. Watw. 93 — acquit et conserva des partisans déterminés ; les Oasis sahariennes présentaient déjà un terrain tout préparé : les Mahboub se déclarèrent Iliamed, et les Maloul ne purent que se dire Sefîanes. Que si la curiosité faisait rechercher pourquoi il n’en fut pas tout juste autrement, on pourrait considérer que les Mahboub arabes du Touat se rallièrent aux Ihamed, le parti fort, ayant le prestige grandissant du gouvernement merinide, et réunissant par là même les plus fortes tribus arabes, et berbères arabisées, — le parti noble ; tandis que les Maloul berbères ne purent qu’aller aux Sefîanes, tous ou presque tous berbères, et combattant pour une dynastie berbère, car les Mouhhides étaient sortis des Masmouda et des Koumïa, — le parti d’opposition. Le Touat conservera ces divisions après le reste du Maghreb. — Appuyés sur cette base politi¬ que et ethnologique, les deux partis agirent dans la vie intérieure du pays touatien de manière incessante et pré¬ pondérante ; dans cette région éloignée et isolée, pourvue dès maintenant de tous les éléments ethniques qui y coha¬ biteront jusqu’à nos jours, ils se maintiendront au point qu’après six siècles, un souverain donnera à chacun d’eux un chef spécial, tandis que dans d’autres régions, comme les ksour du Sud-algérien ou du Djerid tunisien, dont l’existence politique a été plus influencée par les contin¬ gences extérieures, si les partis rivaux se sont maintenus jusqu’à nous, ils ont depuis longtemps perdu leurs dénomi¬ nations anciennes, dont la raison a été effacée par les inter¬ ventions ou les événements plus récents. Les Oasis, comme jadis la Palestine touatienne, ont été grandement protégées par leur ceinture de glacis déser¬ tiques, et nous y avons certainement trouvé un coin du Maghreb du xive siècle peu modifié par les dynasties maghrébines postérieures, ainsi que les chapitres suivants le montreront. CHAPITRE VI L’Époque merinide (1230-1 504) Chassé-croisé de khalifes et de capitales d’empire. — Les débuts politiques des Merinides. — Chronique locale. — Abou’l-Ala, émir mouhhide, envoie un caïd aux Oasis. — Le merinide Abou- Youcef Yâcoub s’empare de Sidjilmassa. — Nouvelles arrivées dans les Oasis. Destruction d’El-Mebrouk par les Arabes mâki- liens. — Le groupe des Boramik resté à Baghdad gagne le Touat. Cette tribu s’empare du ksar de Bou-Ali. — Le plus ancien document trouvé au Touat. — Abou-Ali, fils de l’émir merinide, fait la conquête du Touat. — Abou-Ali, maître du Sahara pendant dix-septans. Sa mort. — Incursions des Arabes. Disettes. — Un avatar des descendants des anciens émirs de Séville. — L’émir merinide. battu par l’émir zïanite, se réfugie à Sidjilmassa. — Jbn-Batouta au Touat et à Sidjilmassa. — Sid¬ jilmassa rattachée à l'empire merinide. — Abou-Hammou II, émir zïanite, se réfugie au Tigourarine. — Sauterelles, famines, désordres au Touat. Abou-Yahia El-Meniâri est cadhi à Tamentit. — Les Arabes de Chat au Tidikelt. — La prospérité des Oasis au xive siècle. — Les émirs de Sidjilmassa à la fin du xiv* siècle. — El-Moâtamid, khalife hafside de Tunis, vient au Touat. — Sauterelles et famine au Timmi. Tamentit appelle une expédi¬ tion zïanite. — A Tamentit : le cadhi Sidi Abdallah ben El- Asnouni ; les Oulad-Daoud-ben-Amor battent monnaie. — Rela¬ tions avec les Sahariens du Sud et les Soudanais. — Désordres. Destructions de ksour. — Arrivée du cheïkh Ben Abdelkerim El-Meghili. — L’intolérance religieuse. Destruction de la syna¬ gogue de Tamentit. Massacre des Juifs. — La version populaire sur les causes du conflit entre le cheïkh Ben Abdelkerim et les Juifs. — Le cheïkh Ben Abdelkerim, battu par l’émir merinide, se réfugie au Soudan. — Siège et prise de Tamentit par le cheïkh Ben Abdelkerim. Mort de celui-ci. Chassé-croisé de khalifes et «le capitales d'empire. — Voici donc, en 1230, deux khalifes : El- Mamoun, à Merrakech, et Yahia, à Sidjilmassa mais, El- — 96 Mamoun étant venu à mourir, Er-Rachid, sno fils et suc¬ cesseur, réunit une armée et vint s’emparer de Sidjil- massa, comptant bien porter ainsi le coup mortel à son compétiteur ; cependant, Yahia s’avançait simultanément sur Merrakech ; il la prit et la mit au pillage : les deux khalifes se trouvèrent ainsi avoir échangé leurs capi¬ tales (1236). Enfin, Yahia fut battu et tué. En 1242, Sidjilmassa se proclame vassale du prince haf- side de Tunis qui vient d’asseoir son autorité sur le Maghreb-Central et la région de Tiemcen ; mais Es-Saïd, frère et successeur d’Er-Rachid, marche contre elle et la fait rentrer sous ses lois1 2. Les débuts politiques des Merinides. — Cepen¬ dant le désordre augmente en ces derniers temps de la dynastie mouhhide ; malgré tous les efforts du khalife de Merrakech, trois puissances sont nées et grandissent : d’une part, les Hafsides, à Tunis, d’autre part, les Abdel- ouad berbères, à Tiemcen, et enfin, à Fès, l’ancienne capi¬ tale des Idrissides, les Beni-Merine, fraction des anciens Zénètes venus du Zab un siècle auparavant. En 1255, les Beni-Merine, conduits par leur émir Abou- Yahia, battent le khalife mouhhide auprès de Fès et s’avancent vers le Sud ; Abou- Yahia reçoit alors la sou¬ mission de Sidjilmassa qui lui est livrée par la trahison d’un certain Mohammed El-Kitrani, officier du gouver¬ neur mouhhide de cette ville. Une garnison merinide y est laissée sous le commandement d’El-Kitrani*. En 1257, les Abdelouadites, sous la direction de leur émir Yaghmoracen, attaquèrent, sans succès, leurs cou¬ sins merinides sur l’oued Selit ; ils se portèrent ensuite sur Sidjilmassa, mais l’émir Abou-Yahia les battit de 1. Mercier. 2. Id. — 97 — nouveau et les força à se replier ; il profita de ce nouveau séjour pour organiser l’administration de cette région*. Chronique locale.— « En 1239, les Oulad-Màtallah, du ksar de Zerzane, chassent du ksar de Mosbah les Oulad-Sidi-ben-Salem qui vont s’installer à Bouzane (Timmi). « En 1243, les Oulad-Saboun viennent du pays de Gliat et s’installent au ksar d’El-Djir (Tïmmi). « En 1253, les Oulad-Allich, de Fès, arrivent à Taorirt (Timmi)* ». « En 1258, une fraction des Aït-Zoulane, du Sahel, vint au Touat ; ils campèrent auprès du ksar de Taorirt en Timmi ; mais les gens du Timmi, de Tamentit et des Oulad-IIariz se réunirent contre eux et allèrent leur livrer combat ; les gens du Bouda, survenant à leur tour, s’inter¬ posèrent et provoquèrent un accord entre les deux partis5. » C’est à cette époque qu’une invasion tatare abattit la puissance abbasside, prit Baghdad et envahit la Palestine ; le grand chérif de La Mekke envoya à Tunis une ambas¬ sade, qui porta au hafside EI-Mostancer le diplôme le reconnaissant comme l’héritier des khalifes de l’Est et lui donnant le titre de Prince des Croyants. En 1262, Sidjilmassa tomba aux mains des Arabes mâkiliens de la tribu des Monebbat, qui mirent à mort le gouverneur merinide et appelèrent l’émir de Tlemcen ; ce prince vint recevoir le serment des habitants et installa son fils Yahia comme gouverneur*. « En 1269, vint du Sahel le cheikh Toudji, de la Saguia- Hamra ; il séjourna quelque temps chez ses parents, les 1. El-Istiksa. 2. Ecrit par Ahmed ben Nadjem, en 1687. 3. El-Amouri. 4. Mercier. 7 98 — Ouled-Aroussa du Timmi, puis il alla s’installer avec se compagnons à Gharmali en Bouda, et en expulsa les Juifs qui allèrent demeurer dans l’Oued-el-Hadjar, à Ksar- Daoud, à Ksar-Omar et aux Oulad-El-Mehdi ; ils ont disparu depuis, ainsi que les habitants d’Adrar ( en Bouda) et d’Oudji *. » Abou’l-Ala, émir mouliliide, envoie un caïd aux Oasis. — « En 1266, Abou’l-Ala Idris ben El- Mansour étant devenu maître de l’empire envoya son caïd Messâoud ben Nacer au Touat. « Celui-ci vint à Semmota, chez le cheïkb Abdelâli ben Slimane, et invita toutes les tribus à reconnaître l’émir Abou’l-Ala Idris, mais les Arabes étaient, à cette époque, dans le Meguiden. « Il alla ensuite dans l’Oued-el-Henné où vinrent le rejoindre les Boramik qui étaient dans l’Abnet, ainsi que les Oulad-Ali-ben-Hammadi ; ces Arabes vinrent camper autour des ksour de Zaglou, firent bon accueil au caïd et reconnurent l’Emir — que Dieu le fasse victorieux ! « Le caïd partit au mois de choual et passa les fêtes de l’Aïd-en-Nahar à Merrakech auprès du souverain, puis il revint au Touat avec une troupe de 120 cavaliers et s’arrêta chez le cheikh Bou-Hafs, à Akbour en Timmi. « Il alla ensuite au Gourara pour voir les Arabes qui étaient dans le Meguiden l’année précédente ; ils vinrent tous se présenter à lui à Tibecherine, lui offrirent des cadeaux et déclarèrent reconnaître l’Emir ; puis, une nuit, ils l'attaquèrent par trahison, lui tuèrent 25 cavaliers et repartirent dans le Meguiden. « Après avoir enterré ses morts, le caïd revint à Timmi, chez le cheïkh Bou-Hafs ; il convoqua tous les Arabes de l’Oued-el-Henné et de l’Ahnet, et les emmena à l’attaque de ceux du Meguiden ; dans le combat qui eut 1. Note MS. trouvée au Bouda. 99 lieu, ceux-ci perdirent 160 tués, quant aux contingents du Timmi, de l’Oued-el-Henné et de l’Almet ils eurent 60 morts. « Le caïd retourna ensuite auprès de son souverain1 2 3 . » Il semble bien que ces événements doivent, en réalité, s’être passés un an ou deux plus tard, lorsque les Abdel- ouadites eurent été battus au Telagh par l’émir merinide', ce qui entraîna sans doute le départ d’Abou-Yahia de Sid- jilmassa et le retour de ce pays sans l’autorité de l’émir moulihide de Merrakech, car il eût été malaisé à celui-ci d’envoyer une expédition au Touat sans être maître de la route qui y conduisait (1268). Le merinide Abou-Youeef Yàlioub s’empare de Sidjilmassa. — - Dans les années qui suivirent, l’émir merinide Abou-Youcef Yâkoub termina la conquête de tout le Maghreb-Extrême, depuis le Drâ jusqu’à Tanger, et fit une guerre heureuse aux Abdeîouadiles dont il enleva tous les territoires à l’ouest de Tlemcen. « Restait Sidjilmassa, la métropole du Sud, dont la pos¬ session avait été conservée par les Abdelouadites. Ce fut vers cette ville qu’Abou-Youcef se dirigea en quittant Ceuta. Il emmenait avec lui un matériel considérable et des machine de guerre de toute sorte, parmi lesquelles un engin nouveau lançant de son âme , au moyen d'une poudre inflammable, du gravier , du fer et de l'acier1 . Après un siège d’un an et plusieurs assauts, la place tomba enfin entre les mains de l’émir merinide (1274). 1. Ahmed ben aboerraiimane, de Baho (Timrm). 2. Mercier. 3. Mercier. — Dans les premières armes à feu des Arabes, le « medfà » était une boîte en fer ou en bois emmanchée au bout d’un manche à deux mains ; on y versait de la poudre, et sur l’ori¬ fice on plaçait le « bendek », projectile de toute nature : pierre, caillou ou boule de fer, puis on mettait le feu à la poudre en main¬ tenant le medfà au-dessus d’une llamme ; un peu plus tard, on pra¬ tiqua un trou dans la paroi pour mettre le feu plus facilement. — 100 — Nouvelles arrivées dans les Oasis. Des¬ truction d'FJ-Mel)i'ouk g>ar les Arabes màki- liens. — « En 1269, les Oulad-Ali-ben- Abdallah, qui étaient jadis partis d’Ifrikïa fuyant le gouvernement obeï- dite, arrivent au Tigourarine *. » « En 1270, les Oulad-Otmane viennent du pays de Tin- douf\ » « En 1273, arrive El-Ouâlaoui ben Ali ben Abdallah, venant d’Andalousie, sous le gouvernement de Hecham El-Mouïed (sic), et l’année suivante vient à son tour El- Iladi ben Ahmed ben Abdallah ben Mohammed ben Ali ben Abdallah ben El-Abbas, originaire du Khoraçane ; il était cousin d’El-Moâtacim, le Khalife de l’époque * ; il s’installa au Tigourarine où sont encore aujourd’hui (1690) ses descendants, une information digne de foi indi¬ que qu’ils sont à Charouine1 2 3 4. » « En 1276, un rezou vint du pays de Tichit5 ; il ran¬ çonna les gens du Touat-el-Henné et des ksour de Djaz- lou, et il détruisit le ksar d’El-Mansour (en Zaglou ). « En 1281, vint un autre rezou des Arib qui rançonna tous les ksour du Tamest et de Djazlou et rasa le ksar de Mekid ; il fut suivi l’année suivante par un rezou des Abda6. » En 1286, les Oulad-Ali vinrent du pays de Ghat et s’ins¬ tallèrent dans les ksour de l’Oued-el-Henné 7. « En 1288, les Oulad-Ben- Allai, qui fuyaient les exac¬ tions de l’abbasside El-Mehdi ben Mansour, campèrent aussi en Tigourarine. « En 1292, vinrent au Tigourarine les Oulad-Ben-Seddik, 1. Ahmed ben Mohammed ben Abderrahmane (1690). 2. Ahmed ben Nadjem (1687). 3. Le 37e khalife abbasside, mort vers 1260 (Mercier). 4. Ahmed ben Mohammed ben Abderrahmane (1690). 5. De l’Adrar Mauritanien. 6. Feuillet MS. trouvé à Zaglou. 7. Abdesselam ben Mohammed El-Adghaghi. 101 — qui fuyaient les mauvais traitements du chambellan (wwa.La.) Mohammed ben Bou-Amer El-Amouyi. « En cette même année, arrivèrent aussi les Alalich (Oulad-Allouch), qui terrorisèrent tout le Tigourarine, pil¬ lèrent des ksour, détruisirent des palmeraies et infligèrent une défaite aux Zénètes qui les combattirent ; mais bientôt une coalition se forma contre eux, comprenant les gens de FOued-el-Henné, les Arabes d’Ouallen, d’El-Ghandous et de Bou-Zid, et ils furent expulsés du Touat1 2 3 4 5. » En 1299, des Ouled-Abdelmoumen vinrent du pays d’Ifrikïa pour commercer ; puis iis s’installèrent définiti¬ vement à Takhfîf. « La même année arrivèrent du pays de Tichit la tribu des Harezma, qui s’installa à Deffa*, et la tribu des Oulad- Sâdoun*. » « En 1301 apparut Sidi Saïd ben Ali ben Abdallah ben Ahmed ben Mohammed ben Salem ben Mebrouk El- Hamoudi, le premier des Chorfa hamoudites* qui soit venu au Tigourarine 6 ; il s’installa à Semmota où tous les habitants du Touat vinrent lui souhaiter la bienvenue et se mettre à sa disposition. « Il y resta seul jusqu’en 1309, époque où ses cou¬ sins hamoudites, les Oulad-Sidi-Mohammed-ben-Taïeb- ben- Abdeldjebbar-ben-Mohammed-ben- Ahmed-ben- Ali-El- Hamoudi, qui arrivaient d’Andalousie, le rejoignirent0 ». « En 1272, une fraction des Ouled-Abbou vint du pays d’Adghagh7 et prit sa résidence chez les Oulad-El-Hadj (El-Bordja). 1. Ahmed ben Mohammed ben Abderrahmane. 2. Ivsar du Timmi, voisin d’Akbour, aujourd’hui disparu. 3. Ahmed ben Nadjem. 4. Les Hamoudites sont une branche des Idrissides. 5. Nous avons vu plus haut que d’autres étaient venus à Zaglou dès 1155. 6. Ahmed ben Mohammed ben Abderrahmane. 7. L’Adghagh saharien. — 102 — « Cette même année, les Boramik, aidés par leurs alliés mâkiliens, acquirent la prépondérance sur les ksour zénètes du Fenougdiil. O « En 1309 vint du pays de Tunis une tribu nommée El-Arifat, qui s’arrêta à Chebani, près de Zaglou, et entama les hostilités contre les Boramik ; ceux-ci firent appel aux tribus mâkiliennes des Oulad-Djerar, Aït- Alouane, Aït-Bou-Kenif, Aït-Zoulane, Arib et Abda, et avec leur concours constituèrent une troupe de 2.650 hommes qui alla assiéger Chebani et le détruisit, ainsi que le ksar voisin de Djelab. « Cette expédition remonta ensuite les oasis jusqu’à El-Mebrouk, dans le Gourara, où elle détruisit les ksour d’Inzaf, En-Nadjli, Achouch et Ksar-Meriem, tous situés autour d’El-Mebrouk1 2. » Les Boramik restés à Baghdad gagnent le Touat. Cette tribu s’empare du ksar de Bou- Ali. — Nous venons de parler des Boramik dont nous connaissions la présence au Touat, voici venir leurs frères qui les rejoignent. « El-Moâtacim, le dernier khalife abbasside, ayant été tué en 1259% les Boramik partirent de Baghdad en 1260 et vinrent au Djebel-Nefouça (de Tripolitaine) où iis séjournèrent jusqu’en 1302, et enfin ils arrivèrent au Touat en 1309 *. « En cette même année, les notables des Zénètes et des Oulad-Soleïm (Ililaliens) vinrent délimiter les terres qui appartenaient aux Boramik dans l’Oued-el-Henné et 1. Ahmed ben Mohammed ben Abderbaiimane. 2. Cf. Mercier. Le chroniqueur tombe juste, comme date, pour ce fait lointain et que le Touat n’a pu connaître qu’après un cer¬ tain temps. 3 D'après une tradition rapportée par le caïd actuel de Sali, ils auraient séjourné quelque temps au Iloggar où un oued porterait encore le nom d'Ikedaten, nom touareg des Boramik, — 103 séjournèrent dans cette région jusqu’à la fin de l’année, puis ils se séparèrent pour rentrer chez eux. « Les Arabes Meharza et Oulad-Mohammed, qui étaient dans le Meguiden, vinrent camper au milieu des Zénètes en 1313 et nomadisèrent dans le Tigourarine jusqu’en 1321 ; alors ils gagnèrent l’Oued-el-Henné et séjournèrent chez les Boramik pendant deux mois et quinze jours, puis ils reprirent la route de Tigourarine par l’oued Takhfif. « En 1327, les Oulad-Mohammed eurent une guerre avec les Oulad-Cheïkh-Ali, habitants de Bou-Ali ; ils perdirent vingt hommes dans un combat qu’ils leur livrèrent, mais ils tuèrent aux Oulad-Cheïkh-Ali cent com¬ battants. « De là, les Oulad-Mohammed poussèrent jusqu’au Reg- gane et enlevèrent les troupeaux de chameaux des Gue- douà, qu’ils emmenèrent sans retard au Tigourarine. « Après leur retour dans le Nord, les Oulad-Cheïkh-Ali attaquèrent brusquement les Boramik (qu’on comprend ainsi avoir été les alliés des Oulad-Mohammed) et leur tuèrent 60 hommes ; mais les Boramik s’empressèrent d’écrire aux Oulad-Mohammed, aux Oulad-Ali-ben-Hariz, aux Meharza et aux Khenafsa, et leur demandèrent assis¬ tance. « Toutes ces tribus leur envoyèrent des contingents, et se trouvant ainsi disposer d’une troupe nombreuse, les Boramik vinrent assiéger les Oulad-Cheïkh-Ali dans leur ksar qu’ils détruisirent ; ils massacrèrent les défenseurs et éparpillèrent leurs derniers débris. « C’est de cette époque que les Boramik sont devenus propriétaires du ksar de Bou-Ali1. » D’après une tradition2 les Boramik formèrent trois frac¬ tions .* 1° les Ba-Guelmane qui s installèrent à Bou-Ali , 2° les Ba-Temtame qui jetèrent leur dévolu sur Sali ; 3° les 1. Mobarek bex Ali El-Menaceri. 2. Rapportée par le caïd actuel de Sali. — 104 — Ba-Baliine qui se superposèrent à des Zénètes, proprié¬ taires antérieurs de Tinoulaf en Reixc-ane. Le district des Oulad-Mohammed « mettait alors 196 cavaliers à cheval, qui se réunissaient habituellement à Eî-Mebrouk chaque vendredi ; il y venait aussi de l’Oued- S alah 260 cavaliers, et toutce monde donnait des courses et des fantasias sous le ksar ; puis, le samedi matin, ils partaient faire une expédition contre les ksour zénètes voi¬ sins ; ils furent détruits comme nous l’avons dit, puis les Boramik et leurs alliés rentrèrent chacun chez soi *. » Simultanément, une tribu du Sahel, les Sekarna, venait attaquer le Bouda et livrait aux gens de ce district un combat acharné ; d’un autre côté, les Oulad-Mohammed se battaient contre les Guedouâ*. En 1303, des Oulad-Meriem, du Reggane, et des Azzi, du Fenoughil, fondèrent Naàma dans l’Akabli ; ces Azzi étaient venus eux-mêmes du Tafilelt, ils étaient de la descendance de Sidi Mobarek El-Anbri, de Taria*. Le phis ancien document trouvé au Touat. — C’est une sorte d’acte de notoriété, daté de l’an hégi- rien 721 (1312), et déclarant « qu'un homme du nom de Mohammed ben Abdallah ben Mohammed , merabet , demeurant à Souf-Mokrane , en Tigourarine , est , au dire des anciens , d'origine chérifienne , et qu'il a droit en cette qualité à la protection , à la sollicitude et au respect cle tous les Musulmans. « Et ceci au témoignage du rédacteur du présent, Mohammed ben Otmane ben Aïssa, de Souf-Mokrane , et des autres témoins , savoir : Messâoud ben ltmaïr , du Fezzane ; . ben Youcef ben Otmane , de Mezlana ; Youcef ben Mohammed ben Otmane , des A bda ...» 1. Abdesselam ben Mohammed El-Adghaghi. 2. El-Amouri. 3. Nots MS trouvée à Zaglou. — 105 Après des passages entiers détériorés, on trouve encore d’autres noms de Touatiens de l’époque, accolés au nom de leur village, par exemple : El-Hcidj Mohammed , de Beni-Mehlal ; Mohammed h en Ali h en Mczhaf, de Tahia ; Ahmed ben El-Azzi , de Tabla ; Mohammed ben Bou- Hamed ben Omar , d' El-Khelia ; Omrane ben Moham¬ med , de Temana, . Noter d’une part les nombreux individus d’origine étrangère, depuis celui du Fezzane jusqu’à celui des Abda, venus des extrémités est et ouest du Sahara, et, d’autre part, les noms de ksour aujourd’hui disparus. Aboii-AIi, fils île l’émir mcrinidc, fait la conquête du Touat. — Abou-Ali ayant soulevé contre l’autorité de son père, l’émir Abou-Saïd, une partie du Maghreb, fut battu et contraint de reculer jusqu’à Sidjilmassa (1315-1316). « Abou-Ali s’empara alors des villes du Sahara, il réduisit les ksour du Touat, de Tigourarine et de Tamen- tit 1 2 » ; les années suivantes, il conquit le « Drâ et le Sous ; une fraction des Chebanat fuyant devant lui vint s’installer au Touat, dans l’Oued-el-Henné, et se joignit aux habitants de Bou-Ali \ » Ahou-Ali, maître du Sahara pendant dix- sept ans. Sa mort. — En 1320, Abou-Ali se révolta une seconde fois contre son père et s’empara de Merra- kcch ; il fut bientôt battu et rentra avec peine à Sidjil¬ massa où son père vint l’assiéger, mais Abou-Ali négocia, obtint le pardon paternel et se fit maintenir dans son gouvernement. Abou’l-Hassen, son frère, succéda â leur père com- 1. Ibx-Khaldoun. 2. El-Amouri, 106 — mun en 1331, et, se défiant de l’ambition fraternelle, il marcha aussitôt sur Sidjilmassa. Abou-Ali s’empressa d’envoyer à sa rencontre une dépu¬ tation chargée de lui faire agréer ses assurances de sou¬ mission et d’amitié ; « il priait Dieu, dirent les envoyés, afin qu’il conservât son frère dans la haute position de sultan merinide, et ne demandait pour lui-même que d’être maintenu dans son gouvernement de Sidjilmassa et des provinces du Sud1 2. » Abou-Ali rassura ainsi son frère qui alla guerroyer contre les Abdelouadites ; mais, incité par ceux-ci, il se révolta l’année suivante, s’empara du Drâ et envoya une armée attaquer Merrakech. Abou’l-Hassen vint aussitôt l’assiéger dans Sidjilmassa, et après un siège d’un an, malgré les renforts abdel¬ ouadites qui y pénétrèrent, il prit la ville et la pilla. Abou-Ali fut mis à mort ; il avait gouverné le Sahara pendant dix-sept ans (1333). Abou’l-Hassen s’empara de Tlemcen en 1337, fit mettre à mort l’émir fait prisonnier, dispersa les Abdelouadites et étendit son empire jusqu’à la Mitidja*. Incursions des AraSies. Disettes# — Des gens de l’Oued-Righ, les Oulad-Taleb-Djorfane, étaient venus au Touat en 1306 et avaient livré un combat aux gens de Taorirt en Timmi, puis ils étaient retournés dans leur pays. Ils en revinrent, en 1309, au nombre de 1.000 hommes, et campèrent à Djorfa, près des Oulad-Sàdoun ; ils pil¬ lèrent Taorirt, Ksar-Aïssa, Ksar-Moussa, Mesif, et se firent craindre de tout le pays3. « En 1311 arriva le merabet Sidi Youcef ben Taïeb ben 1 . E. Mercier. 2. Mercier. 3. Ahmed ben Nadjem. — 107 — Mohammed El-Mehdi ben Abdallah ben Habboun(?) qui s’installa au Tigourarine, auprès des Chorfa ; ceux-ci lui firent bon accueil et écrivirent à toutes les tribus du Touat de les imiter à son endroit ; il finit par aller s’installer dans le Touat. « En 1313 arrivèrent les Oulad-Selama1, avec Sidi Ah¬ med ben Mohammed ben Abdallah ben Ali ben Mohammed El-Mehdi ben Abdallah El-IIosni; parvenus dans l’Ahnet, ils se dirent envoyés par les princes mouhhides et con¬ vièrent tous les Arabes et les Zénètes du Touat et du Tigourarine à leur envoyer des députations ; il en partit de toutes les tribus, ainsi que des Chorfa et des Merab- tines, et les Oulad-Selama, après avoir reçu leur bienve¬ nue, quittèrent l’Ahnet avec eux et les accompagnèrent au Touat. « En 1319, Sidi El-Abbadi ben Ali ben Rahmoun ben Messaoud, l’Abdelouadite, arriva de Tlemcen accompagné de cent hommes et de leurs familles, et campa à El-Ghair dous ; les Chorfa hamoudites vinrent l’y saluer et l’invi¬ tèrent à s’installer au milieu d’eux, ce qui contribua à augmenter leur influence3. » « En 1321, des caravanes vinrent du pays d’Angad et campèrent auprès de Saâd-Ahlou ; ils trouvèrent dans ce ksar les gens de Taorirt qui s’y étaient réfugiés, et qui leur racontèrent ce qu’ils avaient souffert de la part des gens de l’Oued-Righ. « Les notables des caravanes retournèrent aussitôt au pays d’Angad et en ramenèrent une troupe de 2000 hom¬ mes qui attaqua les Oulad-Taleb-Djorfane dans Djorfa, les expulsa de ce ksar et leur tua 200 hommes. « En 1432, les Oulad-Ben-Sidi venant de Figuig s’instal¬ lèrent à Bouzane3. » 1. C était une fraction de la tribu zénète de ce nom qui, avec les Toudjines et autres Zénètes. avait lutté contre l’émir merinide Otmane Ier dans le Maghreb-Central, pendant les premières années du siècle. (Cf. Mercier.) 2. Ahmed ben Mohammed ben Abderroimane. 3. Ahmed ben Nadjem. ' — 108 — « En 1344, une disette sévit dans le Drâ, la grande tribu des Arib quitta ce pays et vint au Touat ; elle campa autour du Bouda et y resta une année entière, puis elle retourna dans l’Ouest. « En 1345, les Àbda organisèrent une expédition pour venir piller au Touat, mais ils furent complètement battus par les Boramik qui leur tuèrent plus de cent hommes, et ils durent regagner l’Ouest en désordre. « L’année suivante arriva une expédition des Oulad-Ali- ben-Tahar, du Tafilelt, qui prirent leurs campements dans l’Oued-el-Henné, et, de là, opérèrent dans tout le Touat jusqu’au Reggane, coupant les routes de l’Azaouad et du Soudan ; mais peu à peu tous ces gens s’installèrent dans les ksour où ils se mêlèrent aux habitants. « En 1348, les Oasis furent éprouvées par une grande invasion de sauterelles qui dévastèrent les récoltes et amenèrent la famine dans le pays1 2 3..» Un avatar des descendants des anciens émirs «le Sévüic. — On sait* le rôle important que jouèrent en Espagne, au xe siècle, les Beni-Abbad, émirs de Séville, dont le dernier représentant, El-Moàtamid Abbad, fut vaincu et détrôné par l’émir des Merabtines, Youcef ben Tachfine, puis, par ordre de celui-ci, interné à Meknès et ensuite à Aghmat où il mourut en 1095. 11 est curieux de retrouver, trois siècles plus tard, ses descendants guerroyant aux Oasis. « En 1340 arriva du pays de Taroudant la tribu des Oulad-Ben-Abbad, forte de 1000 hommes, qui attaqua les Oulad-Ben-Messàoud et les expulsa de leur ksar où elle s’installa à leur place ; ceux-ci se transportèrent au ksar Bassou et devinrent ainsi les voisins du ksar El-Ghorba*. 1. El-Amouri. 2. Cf. Mercier. 3. Tout cela se passe en Timmi. 109 « Les Oulad-Ben-Abbad se rendirent encore maîtres du Ksar-Mousa, y compris ses palmeraies et ses eaux ; pen¬ dant plusieurs années, ils coupèrent les routes conduisant du Timmi à la mine de sel1, et ils imposèrent une contri¬ bution aux gens qui allaient chercher du sel ; ils devin¬ rent très puissants avec l’aide du cheïkh Hammou Djane, des Beraber, qu’ils installèrent à l’ouest duksar Messâoud, dans la kasba des Oulad-Ben-Taïeb, laquelle fut abandon¬ née par ses propriétaires. « En 1353, les gens du Timmi concentrèrent à Ksar- el-Haïrane une troupe de 290 cavaliers fournie par tous leurs ksour, depuis Ksar-Cheïkh-Daho jusqu’à Ksar-ed- Dib et Noum-en-Nas, en vue d’attaquer les Oulad-Ben- Abbad ; ils résolurent de se trouver avec toutes leurs forces à El-Ghorba un mois et demi après. « Le cheïkh Ben Mousa et le cheïkh Mobarek ben El- Hafsi partirent alors pour réclamer l’aide des Arabes de l’Alinet, et ils en ramenèrent 1.500 hommes qu'ils répar¬ tirent entre Ivasbet- Ali-ben- Mobarek et Ksar-es-Sebkha, jusqu’au ksar Ahlal, et ils prièrent les gens de Ksar-Aïssa et de Bouzane de ne pas prévenir les Oulad-Ben-Abbad. « Mais une femme de cette fraction se trouva venir à Ksar-el-Haïrane, entendit des conversations visant les Oulad-Ben-Abbad et avertit ceux-ci ; ils firent alors sortir du ksar Messâoud leurs femmes et tout ce qu'ils possé¬ daient et cachèrent le tout dans les bas-fonds de Hofret- es-Sebot ; puis, avec tous leurs cavaliers, ils allèrent atta¬ quer El-Ghorba. « Une lemme de ce ksar se mit à crier, ses cris furent entendus du ksar voisin et répétés de ksar en ksar jusqu’à Noum-en-Nas, car les ksour de ces falaises étaient très rapprochés les uns des autres, et tout le monde se réunit. « Les ksour de Cheïkh-Daho, Cheïkh-Mobarek, Saâd- Ahlou, Taorirt et El-Djir rassemblèrent leurs cavaliers 1. Encore exploitée aujourd’hui sous le nom de IIofret-el-Melah (4 kil. ouest du Timmi.) 110 qui se mirent en route vers El-Ghorba en longeant le pied des falaises ; mais, ce faisant, ils recoupèrent les traces des femmes et des bagages des Oulad-Ben-Abbad se diri- géant vers Hofret-es-Sebot ; ils les y suivirent, razzièrent tous les chameaux et les bagages de toute nature, et, lais¬ sant sur place les femmes et les enfants, ils regagnèrent aussitôt Saâd-Ahlou sous les remparts duquel ils procédè¬ rent au partage de leur butin. « Et de suite ils se divisèrent en deux groupes, l’un, fort de 400 hommes de pied avec 60 chevaux, resta à la garde du ksar et des prises, l’autre, de 20 cavaliers et 600 piétons, partit pour se joindre vers El-Ghorba aux contin¬ gents du Timmi ; ils trouvèrent le combat déjà engagé entre ceux-ci et les Oulad-Ben-Abbad et tombèrent sur les derrières de ces derniers. « La nuit seule interrompit la bataille et les Ouled- Ben-Abbad purent se replier vers Hofret-es-Sebot où ils trouvèrent leurs femmes poussant des cris de désespoir ; sans faire aucun arrêt, ils continuèrent leur marche jus¬ qu’au Bouda et trouvèrent un refuge dans le ksar d’Adrar, où ceux du Timmi cessèrent de les poursuivre. « A la suite de ce succès les gens du Timmi remirent à leurs alliés les Arabes de l’Ahnet une charge de dattes par tête, car ils n’avaient subi aucune perte *. » L’émir merinidc, battu par l’émir zïanite, se réfugie à Sidjilmassa. — Cette même année (1348), où les Oulad-Ben-Abbad étaient arrivés au Timmi, le sultan mcrinide entrait à Tunis et étendait ainsi son autorité sur toute l’Afrique Mineure ; mais bientôt des revers successifs et la défection d’une partie de son armée 1. Voici comment se termine ce document : « Ecrit pour éviter l’oubli des temps par Mohammed-Salah ben Ahmed, de Bouzane, dans les derniers jours de châbane, correspondant à yennaïr (sic) 1160» (1-10 juin 1755). 111 — annulent ses conquêtes : un émir zïanite réparait à Tlemcen, et Abou-Eïnane, fils du sultan, se fait proclamer sultan lui-même et met en rébellion le Maghreb-Extrême, de telle façon que, vers 1350, Abou’l-Hassen accompagné seulement de quelques troupes arabes, vient s’échouer à Sidjilmassa ; la population l’accueillit avec joie et « les jeunes filles même s’avancèrent à sa rencontre pour lui témoigner leur amour1 2 3. » Ibn-Batouta au Bouda et à Sidjilmassa. — En 1353, les Douï-Obeïdallah mâkiliens, s’étant révoltés contre le sultan Abou-Eïnane, se réfugièrent aux Oasis ; ils se trouvaient au Teçabit au moment où Ibn-Batouta, revenant du Soudan, arrivait au Bouda*. « Le Bouda, dit Ibn-Batouta, est un des plus grands pays du Touat ; il est situé au milieu des sables et des sebkhas ; ses dattes sont abondantes mais de mauvaise qualité, cependant ses habitants les préfèrent à celles de Sidjilmassa ; ces gens se nourrissent de fruits et de sauterelles qu’ils vont capturer le matin, avant le lever du soleil, quand le froid les engourdit, ils les conservent dans leurs magasins comme les dattes elles-mêmes*. » Il était passé à Sidjilmassa en 1352, se rendant au Soudan, voici ce qu’il dit de la capitale saharienne : « C’est une très belle ville qui produit en abondance de bonnes dattes ; pour la quantité, on peut comparer ses récoltes avec ce que produit Bassora, mais les dattes de Sidjilmassa sont meilleures et plus fines, et aucun autre pays n’en fournit de comparables ; je fus l’hôte du juris¬ consulte Abou-Mohammed El-Bechri, dont j’avais connu le frère dans la ville de Foughanfou, en Chine. « J’achetai des chameaux que je me mis à nourrir avec 1. Ibn-Khaldoun. 2. De La Martinière et Lacroix. 3. Ibn-Batouta. — 112 soin pendant quatre mois, puis je me mis en route ; notre caravane était sous la direction d’Abou-Moliammed Indc- kane El-Messoufi, qui est mort depuis ; elle comprenait plu¬ sieurs commerçants de Sidjilmassa et d’autres pays. » A noter que cette caravane gagna directement Teghaza (Taodenni) sans passer par le Touat. §idjilinassa rattachée à lVmpiro merinic3e. — En 1362, par convention passée entre le vizir Omar, pour le compte du sultan Tachfine, frère et successeur d’Abou-Eïuane, et le prétendant Abdellialim, neveu d’Abou’l-Hassen, Sidjilmassa est donnée à ce prétendant, à titre de gouvernement autonome ; mais, presque aussitôt, les Doui-Mansour mâkiliens, qui campent dans la région, le contraignent à abdiquer en faveur de son frère Abdel- moumen ; aussitôt une armée merinide part de Fès, suit Abdelmoumen en fuite, vient à Sidjilmassa et rattache cette province à l’empire1 2. Abou-llammoii II, émir zïanite, se réfugie au Tig^ourarine. — En 1370, les Doui-Obeïdallah qui avaient quitté le Touat vont se joindre, à Bou-Semghoun, à 1 émir zïanite Abou-Hammou II, chassé de Tlemcen par les troupes du sultan Abdelâziz ; avec leur concours Abou-Hammou II recommence la lutte, mais il est battu et s enfuit, perdant ses trésors et son harem ; il parvient presque seul à se réfugier au Tigourarine (1372). De la il se disposait à gagner le Soudan, lorsqu’un mes¬ sager vint lui apprendre que les troupes merinides avaient évacué Tlemcen et que ses anciens sujets le réclamaient; il se remit en route vers le Nord et se trouva de retour dans sa capitale à la fin de la meme année*. 1. Mercier. 2. Id. — 113 — Expéditions liafside et merinides au Touat. — « En 1374, El-Oualid ben Abdelmalek vint d’Ifrikïa jusqu’à Tlemcen et mit tout le pays à rançon ; ses envoyés atteignirent même le Sahara, l’Oued-Saoura et le Tigou- rarine, puis ils regagnèrent le Nord. « En 1376, Mohammed- Ali ben Mobarek parcourut le Drâ, puis vint jusque dans le Bas-Touat avec 160 cava¬ liers et 99 hommes montés à mehara. « Il exigea des tributs de tous les ksour. « En 1378, des Arabes Ouadiâ (sîc) vinrent du pays de Tanger et occupèrent Sidjilmassa d’où ils gagnèrent le Sahara ; ils descendirent l’Oued-Saoura, passèrent chez les Oulad-Mousa d’Aougrout et, par l’oued Tilia, péné¬ trèrent au Tidikelt ; ils allèrent jusqu’au ksar d'Ilighen (Akabli)*. » Incursions des Oulad-Djerar et des Braber. — En 1376, il y eut dans les Oasis une nouvelle invasion de sauterelles qui fut suivie d’une famine meurtrière1 2 3. Le gouvernement merinide exerce son action effective jusque dans les provinces sahariennes, et après avoir plusieurs fois essayé sans succès de réprimer les habitudes de désordre de certaines tribus arabes, il les interne sur d’autres points de l’empire. Les Oulad-Hoceïn mâkiliens, qui nomadisent dans le gouvernement de Sidjilmassa, chassés de ce pays par un ordre de cette nature, vont se joindre à l’émir zïanite (1382)*. Mais la tranquillité n’est jamais complète ; vers 1385, une caravane composée de quinze Juifs, escortés de six individus des Oulad-Djerar, vient de l’Oued-Drâ, amenant 35 chameaux chargés de marchandises. 1. Feuillet MS. trouvé au Tidikelt. 2. El-Amouri. 3. Mercier. 8 — 114 — A cette nouvelle le cheïkh Ali ben Kourou, de Taridalt, sortit pour enlever la caravane, mais la trouva déjà entrée dans Tamentit ; il y pénétra lui-même et fit d’importants achats, puis stipula qu’il ne paierait que si quelqu’un des Juifs sortait avec lui de la ville, où il laisserait ses compagnons ; deux Juifs et trois Oulad-Djerar l’accompa¬ gnèrent, mais parvenu hors des portes, il monta à cheval et, avec l’aide des siens, attaqua et tua les trois Oulad- Djerar, se saisit des deux Juifs, les ligotta et les emmena jusqu’à Taridalt. Les gens de Tamentit envoyèrent aussitôt une troupe de dix hommes qui vint jusqu’au bord de la sebkha d’où l’un d’eux alla réclamer les prisonniers : le cheïkh refusa de les rendre et attaqua cette troupe, leur tuant six hommes. Les notables de Tamentit se réunirent alors et vinrent chez le cheïkh El-Mehdi, aux Oulad-Aroussa ; celui-ci convoqua la djemâa du Timmi et alla avec elle réclamer les prisonniers à Taridalt, mais le cheïkh Ali ben Kourou refusa de le recevoir. Les Oulad-Djerar ne purent que s’en retourner dans leur pays, mais l’année suivante ils revinrent avec une grosse troupe composée de gens de leur tribu et d’autres, Aït- Alouane, Sekarna et Ghenanma ; le cheïkh Ali ben Kou¬ rou ne trouva aucune assistance de la part des gens du Timmi, il sortit cependant et livra combat à ses ennemis ; il leur tua 70 hommes, mais il en perdit lui-même une quarantaine et fut repoussé, et contraint de se réfugier dans son ksar où les autres ne parvinrent pas à le réduire1. En 1390, arrivent les Braber au nombre de 1.700 hom¬ mes ; ils exigent rançon de tous les ksour et vont jusqu’au Tidikelt. Campés à Aouïnet-Sissa, ils exécutent pendant un mois une série de coups de main sur Aïn-Salah qu’ils réduisent aux abois ; ils contraignent les Oulad-Bou-Saâda à quitter t. Feuillet MS. trouvé au Timmi. — 115 — les oasis et à se retirer sur la route de Ghat, laissant seu¬ lement dans les ksour les merabtines des Azzi qui avaient pu profiter de la protection d’un des notables Braber, Ahha ou Dir, serviteur de leur aïeul Sidi Mohammed El- Azzaoui. L’année suivante, les Arib, les Tadjakant et beaucoup d’Arabes Hassane vinrent camper dans i’Ahnet où ils con¬ voquèrent les gens du Tidikelt et du Touat ; ceux-ci leur envoyèrent des députations de notables qui scellèrent un pacte d’amitié avec eux, et les gens de l’Ouest retournèrent chez eux sans commettre d’hostilité1 2 3. Famine. Désordres. Un cadhi à Tamentit. — La chronique locale note aussi, cette année-là (1392), une famine au Touat, où la récolte de dattes manqua complè¬ tement ; « deux palmiers, dit-elle, deux palmiers seulement donnèrent leurs dattes, dont l’un à Noum-en-Nas et l’autre dans le Reggane* ». Des désordres éclatèrent l’année suivante ; un ksar du Tigourarine, Dahiane, fut pris et pillé par les gens d’un ksar voisin, Oueheïati8, renforcés d’un groupe de nomades Koumïa ; les Oulad-Ismaïl, qui étaient une fraction des Oulad-Neslam, et que le cheïkh Amer ben Mohammed avait chassés de Tamentit, se battirent de leur côté contre les Oulad-Yaïch de Bou-Guemma, dans l’Aougrout4 5. En 1413, année où fut fondé le premier des quatre ksour de Ber-Rebâ en Timmi, Abou-Yahia ben Moham¬ med Ei-Meniari arriva au Touat ; « il était de la descen¬ dance de Sidi Seghir ben El-Meniar qui acquit dans son temps une grande réputation de bonté, de sagesse et de sainteté ; il exerça à Tamentit les fonctions de cadhi* ». 1. Feuillet MS. trouvé au Tidikelt. 2. El-Amouri. 3. Ces deux ksour sont aujourd’hui disparus ; Oueheïati ressem¬ ble singulièrement à Ouellegueïa ( sup ., p. 31). 4. El-Oucheni. 5. Et-Tamentiti. — 116 — Les Arabes de Gliat au Tidikelt. — Ce qui se passait à cette époque dans la partie orientale du Tidikelt nous est mentionné par un auteur local 1 qui, écrivant en 1705, nous dit : « Je suis arrivé à Makra chez le taled Messâoud ; il m’a appris qu’il était, lui et sa fraction, originaire de la tribu arabe des Oulad-Bou-Saâda, du pays d’Aïoun-Salah, lesquels pouvaient jadis mettre en ligne mille cavaliers ; il a ajouté qu’il n’avait pas de livres, mais qu’il conservait quelques lettres apportées par ses ancêtres en venant d’Aïoun-Salah à Makra, et qui avaient été écrites par leurs frères restés avec une partie de la tribu dans le pays de Ghat ; j’ai vu en elîet une de ces lettres qui disait : « O nos frères , si vous venez à être opprimés par les Arabes que vous avez trouvés dans ce pays (d’Aïn-Sa- lah) informez-nous et nous viendrons en force vous dé¬ barrasser de vos oppresseurs. « L’Emir qui a causé votre départ d’ici est mort et a été remplacé par son fils Abdelhaï , qui nous a écrit de nous présenter à lui dans Tripoli : nous y avons envoyé nos notables qui lui ont fait notre soumission et sont ensuite revenus ici. « Salut de la part de celui qui vous écrit, votre frère Meskerna ben Djeiber. « A la date du jour (sic) 7.96(1394). » La prospérité des Oasis au XIVe siècle. — A l’époque où nous sommes arrivés, l’empire merinide est sur son déclin : Sidjilmassa et son territoire sont en pleine prospérité. « A treize journées au midi de Sidjilmassa, dans une région appelée Touat, se trouve une fraction des Ouemannou (zénètes). On y rencontre plus de deux cents 1. Moulai-Ahmed bisjn Hachem. — 117 — villages se dirigeant de l'Ouest à l’Est*. Le plus oriental de ces ksour porte le nom de Tamentit : c'est aujourd’hui une ville très peuplée, servant de station aux caravanes qui passent et repassent entre le Maghreb et Melli, ville du pays des nègres. « Bouda, le plus occidental de ces villages du Touat, était autrefois le point d’où les marchands partaient pour se rendre à Oualaten, ville frontière du royaume de Melli ; mais cette route cessa d’être fréquentée à cause des bri¬ gandages commis par les Arabes du Sous, qui pillaient les voyageurs et interceptaient les caravanes. « Alors on fraya la route qui mène au Soudan en partant de Tamentit*. » « Le commerce de ces contrées étaient très florissant. Apportées à Tlemcen par des commerçants italiens, les marchandises européennes s’acheminaient vers Sidjilmassa et de là gagnaient Oualata, aux portes du Soudan, par le Gourara, le Touat et le Tidikelt. Les caravanes en rapportaient en échange des plumes d’autruche, de l’ivoire, de la poudre d’or, des cuirs, des noix de kola, et surtout des esclaves*. « D’ailleurs les Arabes nomades, surtout les Doui- Obeïdallah, se transportaient chaque année dans la région touatienne et venaient prendre leur quartier d’hiver dans le Touat et à Tamentit. Parfois les Béni- Amer, tribu zoghbienne, venaient avec eux partager les pâturages du Gourara. Et quand tous ces nomades quittaient le Tell pour se rendre dans ces régions, les caravanes fournies par les villes du Tell se joignaient à eux et les accompa- 1. En effet on peut encore de nos jours constater, par les nom¬ breuses ruines, les vestiges de palmeraies et les foggaras mortes, que les espaces vides qui séparent les districts actuels du Bouda, du Timmi et du Tamentit étaient jadis peuplés de ksour et garnis de palmeraies, et que celles-ci s’étendaient même très loin au Sud du Tamentit, dans la direction de Noum-en-Nas. 2. Ibn-Khaldoun. 3. De la Martinière et Lacroix. — 118 — gnaient à Tamentit où elles prenaient une escorte pour le Soudan *. » Léon l'Africain rapporte que le Tigourarine avait un chef particulier. (?) « Les ksour du Tamentit étaient au nombre de 366, et chacun avait sa mosquée, son minaret et sa foggara ; ces ksour se succédaient sur une étendue d’un parasange * envi¬ ron ; c’était la capitale du TouatL » Les émirs de Sidjilmassa à la fin du XIV* siècle. — La fin du xiv® siècle voit des luttes acharnées entre les émirs zïanites de Tlemcen et leurs anciens suzerains merinides dont l’empire croule peu à peu, tant du côté de l’Espagne que reconquièrent les rois chrétiens, que du côté de Tunis d’où les khalifes hafsides vont éten¬ dre leur puissance sur toute l’Afrique Mineure et le Sahara. Au début du xv® siècle, trois principautés indépen¬ dantes se forment en Maghreb : Fès, Merrakech et Sidjil¬ massa, qui cependant marchent encore aux côtés du sul¬ tan mérinide pour la « guerre sainte » d’Espagne (1430) ; mais ce sont déjà des alliés, des égaux dont les troupes sont distinctes, et en dehors de ce cas d’obligation stricte pour tous les Musulmans *, ils sont maîtres chacun chez soi*. El Itfoatainid, khalife liafside de Tunis, vient au Touat. — De son côté, le khalife hafside Abou-Farès continue l’œuvre de ses pères et la soumission des villes 1. La Primaudaie, ap. de la Martinîère et Lacroix. 2. Le parasange valait 4 milles et chaque mille était de 3.000 pas. 3. Et-Tamentiti. 4. La « guerre sainte » est l’une des cinq obligations fondamen¬ tales de l’Islam. 5. Mercier. 119 — du Sud, contraignant les Hilaliens, qui s’en dispensaient depuis longtemps, à payer les impôts. « Abou-Farès visita plusieurs fois les villes de son empire et entra en maître à Gabès, Tripoli, El-Hamma, Touzer, Nafta, Biskra. Il pénétra même dans le Sahara jusqu'à une latitude très avancée *. » Et voici qu’une chronique locale mentionne en ces ter¬ mes, malheureusement trop concis, qu’ « en 1^30 le sultan de Tunis , notre seigneur El-Moâtamid , vint au Touat \ » Abou-Farès Azzouz, à l’imitation d’un grand nombre de princes musulmans, a sans doute porté de son temps le surnom d’El-Moâtamid sous lequel l’a connu le chroni¬ queur touatien, — El-Moâtamid b’Illah, « celui qui met son appui en Dieu. » L’émir mouhhide Abou’l-Ala qui, comme nous l’avons vu plus haut, avait envoyé un de ses caïds aux Oasis, avait déjà porté ce surnom d’El-Moâtamid, ainsi que celui d’El-Ouatek (b’Illah), et cet autre moins relevé : Abou- Debbous (l’homme au bâton) ; cependant, la précision des textes des deux chroniqueurs, dont nous donnons des traductions, ne permet pas d’imputer au même Abou’l-Ala les deux événements de l’histoire touatienne dont l’un fut noté en 1266 et l’autre en 1430. D’autres émirs ont encore porté le même surnom, par exemple Abou-Farès, fils d’Abou-Yeshak, émir hafside de Bougie en 1283, et encore El-Moâtamid, fils d’El-Moâta- ded, émir âbbadite de Séville, mort en 1095. Sauterelles et famine au Timini* Tamentit appelle une expédition zïanite. — « En 1435, une grande famine sévit dans le Timmi, provoquée par les sauterelles qui mangèrent les récoltes de dattes et de céréales ; les dattes et l’orge se vendirent un demi-metkal t. Mercier. 2. Et-Ta.mentiti. — 120 (c’est-à-dire cinq dirhems), le zeguen et le blé un metkal. « En ce temps-là, les Oulad-Ali-ben-Hariz vinrent à Tamentit et achetèrent aux Juifs de cette localité mille charges de dattes ; cet achat fut fait à crédit et au prix de deux charges de tabac pour une de dattes 1 2 3 ; l’époque du paiement arrivée, les Juifs vendeurs allèrent réclamer leur dû, mais les autres les attaquèrent par surprise et en tuèrent plusieurs. Les gens de Tamentit écrivirent alors à l’émir de Tlemcen (Abou’l-Abbas, d’après Mercier) et obtinrent de lui la promesse qu’il ferait régner l’ordre dans leur pays *. « En effet, cette même année, ce prince envoya une petite expédition qui châtia les Oulad-Ali-ben-Hariz ; ce fut la première immixtion des émirs zïanites dans les affaires du Touat*. • « A la suite de cela, les gens de Tamentit restèrent l’objet de la rancune de tout le pays. « L’année suivante, à l’instigation de leurs amis et alliés les Oulad-Cheïkh-Mousa, les Juifs tuèrent un homme des Oulad-Amer, alliés des Ouled-Ali-ben-Hariz, qui était venu à Tamentit ; aussitôt les Oulad-Amer, les Oulad-Ali- ben-Hariz, et avec eux les Boramik et tous les ksour de l’Oued-el-Henné, se mobilisèrent et vinrent attaquer Ta¬ mentit ; ils l’assiégèrent pendant les mois de moharrem, safar, rebiâ premier et second ; enfin, les gens du Timmi et du Bouda intervinrent et obtinrent que les assiégeants se retirassent, sous la condition que ceux de Tamentit verseraient dix fois le montant de la « dia » (prix du sang) pour l’homme assassiné4. » 1. Opération usuraire. 2. L’émir de Sidjilmassa était alors occupé, avec le sultan meri- nide, à la guerre contre les Portugais, et laissait forcément en désarroi les affaires de sa principauté, où nous avons vu que le khalife tunisien était venu peu avant faire une courte apparition. 3. Le chroniqueur néglige la venue d’Abou-Hammou qui n’était arrivé qu’en fuyard cherchant refuge. 4. El-Amouri. — 121 — En 1438, Sidi Yahia ben Idir arriva à Tamentit, et dans la même année les Oulad-Delim furent battus et massa¬ crés à Noum-en-Nas1. On peut voir ici la fin tragique d’une de ces expéditions que les Arabes du Sous et les Sahariens de l’Ouest entreprenaient contre les Oasis. A Tamentit : le cadhi Sidi Abdallah El- Asnouni ; les Oulad-Daoud-ben-Amor battent monnaie, — En 1459, vint à son tour Sidi Abdallah El- Asnouni, accompagné de son frère Sidi Mahammed ; ils descendaient de Sidi Aboubeker2 3. « Des cadhis éclairés rendaient au Touat la justice et jouissaient dans ce pays d’une grande influence. L’his¬ toire nous a conservé le nom de l’un d’eux, Abdallah El-Asnouni, qui, dans les dernières années du xv® siècle, eut à lutter contre un agitateur religieux, Mousa ben Aïssa El-Meghili Et-Tazouni, originaire du pays de Tlemcen et disciple du célèbre Si Abderrhamane Et- Tâalebi, enterré à Alger* ». « A Tamentit, Sidi Yahia ben Idir et ses fils, les Oulad- Yahia, avaient alors dans leur clientèle les ksour situés entre Adjdir, qui est près de Tafagh, et Aghlad, où Sidi El-Djazouli ben Amer et son cousin Sidi El- Yamani se sont bâti des maisons ; oe clan entra en lutte avec les Oulad-Mamet-Limen, qui comprenaient les Oulad-Ali-ben-Moussa, et les Oulad-Daoud-ben-Amer. « Cette guerre dura deux années, et lorsqu’elle prit fin, en 1470, les Oulad-Daoud-ben-Amer acquirent une influence prépondérante sur tout le Tamentit ; ils édifièrent un hammam pour les bains publics et battirent monnaie. 1. Et-Tamentiti. 2. Id. 3. De la Martinière et Lacroix. — Nous parlerons plus loin de ce personnage. — 122 — « Les Oulad-Daoud qui sont au Tigourarine sont leurs parents *. » Relations avec les Sahariens du Sud et avec les Soudanais. — « En 1460, notre oncle Sidi Moham¬ med ben El-Ouafi vint s’établir à Zaouïet-Kounta, et l’année suivante des merabtines de la famille de notre seigneur et aïeul le cheikh El-Mokhtar vinrent habiter Djazlou. « En 1464, les Oulad- Ben-Daoud vinrent, du pays des Azdjer, camper près d’Inzegmir ; l’année suivante, le cheikh Bou-Nouar ben Mobarek, des Oulad-Delim, vint de Tichit, et il fut suivi à son tour par la tribu des Alalïa, de l’Adghagh, qui campa auprès d’El-Khelef. « Mais tout ce monde repartit pour l’Azaouad en 1469, chassé par une disette*. » Lettre d'un sultan de Bornou 1 2 3 ^ Dieu lui soit en aide ! lle le bat et entre à In-Salah. — Le Tidikelt mobi¬ lise et se fait battre à Deghamcha. — Les Français attaquent Inghar sans succès. — Nouvelles touchant les mesures prises dans les Oasis. — In-Salah prévient Inghar d’une attaque pro¬ chaine. — Le caïd Djilali ben Rahmoun rentre de Fès avec des lettres chérifiennes. — Les Ihamed et les Sefianes réunis prépa¬ rent une députation et un présent, au sultan. Les deux pachas envoient leur ultimatum aux Français. — Le pacha Idris, d In¬ ghar, presse l’arrivée de ses contingents. — Le pacha Simmou est signalé à In-Belbal. — Nouvelle convocation du pacha Idris aux Ihamed. — Prise d’inghar par les Français. — Nouveau message chérifien aux Ihamed. — La députation des Oasis au sultan. — Simmou donne des nouvelles des Français du lidi- kelt et de ceux d’Igli. — Le pacha Simmou exerce toujours son commandement. — Une colonne française soumet le Gourara. — Le bach-agha de Géryville écrit aux Khenafsa. — Le malentendu de Metarfa et ses suites. — La mission Servière au Touat. Les combats devant Metarfa. Les Beraber. — Certains traités d’ « amitié » sont encore en vigueur. — Les Français occupent le Touat. — Retour des députations envoyées au sultan. — Sur¬ prise de Timmimoun par les Beraber. — Combats de Charouine et d’El-Amira. — Les dernières opérations de la colonne Ser- vière. — L’organisation française des Oasis. — Les accords franco-marocains de 1901 et 1902 consacrent la conquête fran¬ çaise. La mission Flamand arrive à Igosten. Le district d’In-Safiah vient l’attaquer ; elle le bat et entre à In-Salah. — Vers la mi-décembre 1899, de petites caravanes venant d’Ël-Goléa répandirent — 136 — à In-Salah le bruit qu’une colonne française se formait à Ouargla. à destination du Sud : viendrait-elle au Tidikelt ou se dirigerait-elle vers le Hoggar ? Des bergers de chameaux des Oulad-Dahhane avisèrent aussi qu’une troupe de méharistes français parcourait le Tâdmaït : qu’allaient-ils faire ? A tout hasard, les notables et les caïds d’In-Salah, après en avoir délibéré, envoyèrent un méhari à Haci- Mongar1 2, sur la route venant d’Ouargla ; l’émissaire était porteur d’une lettre rappelant qu’In-Salah et le Tidikelt étaient domaine chérifien, et invitant toute force française à s’abstenir d’y pénétrer ; de plus le gouverneur des lhamed fut prévenu. L’émissaire séjourna deux ou trois jours au puits, et, ne voyant personne venir alors qu’il était lui-même à bout de vivres, appréhendant même l’arrivée de la « colonne » annoncée, il combla le puits, le surmonta de quelques pierres entre lesquelles il plaça sa lettre, puis il se retira. « L’escadron saharien, en débouchant du Tâdmaït, trouve le puits d’El-Mongar bouché ; il est obligé de se rendre à Foggara-Kebira pour abreuver ses animaux. Les habitants sont hostiles, les cavaliers doivent couronner les dunes, la carabine à la main, pour faire l’abreuvoir*. » Les gens de Foggara-Kebira avisèrent aussitôt de o o O l’incident les caïds d’In-Salah, qui apprirent presque en même temps qu’une force française, évaluée à moins de cinquante hommes, était campée près d’Igosten. Dans la nuit même, le caïd El-Hadj El-Mehdi rassembla tout son monde et convoqua les gens des ksour environ¬ nants, les deux Sahela, Haci-el-Hadjar, les Oulad-Yahia, les Oulad-Dahhane et leur kébir Bouabba ; il vint coucher de sa personne au ksar d’Igosten, indiqué comme point de rassemblement, puis au lever du soleil, il en sortit à la tête de plus de 300 combattants, en habits de fête, dra- 1. Puits à 80 kilomètres N.-E. d’In-Salah. 2. L. Voinot. Opérations dans les Oasis sahariennes. — 137 peaux au vent, et se porta au-devant des Français campés à 6 kilomètres de là. Ceux-ci leur épargnèrent une partie du chemin en se portant en avant eux-mêmes, et dans la plaine nue, étin¬ celante de soleil, et que bosselaient, telles de grosses taupinières, les évents des foggaras, les deux troupes s’arrêtèrent, se faisant face à cent mètres l’une de l’autre, tandis que deux hommes de chacune d’elles s’avançaient pour parlementer. Mais, à ce moment même, un coup de fusil fut tiré par un hartani de la troupe d’In-Salah . . . la petite troupe algérienne ouvrit le feu aussitôt. . . Les gens d’In-Salah furent vite décimés, car ils se trouvaient à découvert, les caïds et les kebar à cheval et persuadés que tout allait se régler par un palabre ; bientôt ils se débandèrent et se dispersèrent en utilisant les reliefs de Foggaret-El-Hadj-Ali, mais, jusqu’à leur rentrée à Igosten, ils furent poursuivis par les feux des Algériens et subirent des pertes ; le caïd El-Hadj El-Mehdi, son cheval tué sous lui, atteint lui-même de trois balles, fut porté à Foggaret-El-Hadj -Abdelkader, à 2000 mètres de là, et y mourut deux jours après. Mais les Algériens ne s’arrêtèrent pas là : vite rentrés à leur camp, situé sur cette même foggara, dès midi ils se portèrent sur In-Salah où ce qui restait d’habitants vint le soir même leur faire sa soumission, sur le plateau où est bâti le poste français actuel. Le lendemain matin, la petite troupe française campait tout entière devant la porte même de la kasba des Oulad- Badjouda, au-dessus de laquelle elle avait arboré le drapeau tricolore (29 décembre 1899). C’est alors que fut expédié par les notables au gouver¬ neur des Ihamed le courrier dont nous avons vu l’arrivée imprévue au Timmi, et c’est ainsi que le petit goum d’Ouargla, commandé par le capitaine Pein, dont la mission était — avec en doublure l’escadron de spahis sahariens, — d’assurer la sécurité de deux modestes savants, chercheurs — 138 — de cailloux, s’est trouvé inopinément à même de trancher par un coup de vigueur la question de l’expansion fran¬ çaise aux Oasis, sur laquelle avaient longuement disserté et chamaillé, depuis dix ans, Fès, Tanger, Alger, Paris, et les chancelleries des grandes puissances européennes. Le Tidikelt mobilise et se fait battre à Ile- gliamclia. — Le nouveau maître d’In-Salah n’eut pas un instant à perdre pour mettre sa conquête en état de défense. « Dieu — qu’il soit exalté et que ses noms soient bénis ! — ayant décidé dans ses décrets l’entrée du Gouvernement français au Touat, cela se produisit le 26 châbane 1317 (30 décembre 1899), et Aïn-Salah, capitale des ksour du Tidikelt, fut prise de vive force, après qu’eurent été tués plus de quatre-vingt-dix Musulmans, parmi lesquels le caïd El-Hadj El-Mehdi, son frère Bou-Amama, son neveu et nombre de notables, merabtines et arabes. « A la suite de cet événement, une levée en masse eut lieu, depuis Aoulef jusqu’à Inghar, et une colonne de 800 Musulmans s’avança jusqu’à un ksar ruiné situé près de Deghamcha. « Là, les Musulmans passèrent la nuit à se renseigner du côté d’ Aïn-Salah, sur le nombre et la situation des Chrétiens ; leurs éclaireurs constatèrent que ceux-ci avaient, pour faciliter la garde de leur position, allumé des feux nombreux qui l’éclairaient comme l’eût, fait le plein jour ; ils vinrent rapporter ce fait aux Musulmans qui délibérèrent sur la décision à prendre, en vue de battre les Chrétiens. « D’aucuns, comme les Oulad-Zennane, étaient d’avis d’attaquer par surprise, pendant cette nuit même ; les autres, confiants en leur force et persuadés qu’ils parvien¬ draient facilement à vaincre les Chrétiens, tinrent pour que l’attaque fût remise au matin, afin qu’au grand jour le massacre des Chrétiens fût plus complet. 139 — « En effet, le jour venu, chacun prit ses armes, et la colonne se dirigea sur Aïn-Salah en un seul groupe ; on rencontra d’abord les éclaireurs des Chrétiens qui s’enfui¬ rent, puis les Musulmans arrivèrent en face des soldats des Chrétiens, commandés par les « autorités ». « Mais les Musulmans reçurent une fusillade, de loin, avant d’avoir pu s’approcher de l’ennemi ; un grand nom¬ bre d’entre eux fut tué presque aussitôt, et les autres pri¬ rent la fuite, oubliant leurs résolutions courageuses. « Ce matin-là, les Musulmans perdirent plus de cent hommes, sans compter les blessés ; parmi les morts se trouva le chérif qui n’avait pas d’égal parmi les siens, notre seigneur Moulaï- Abdallah ben Moulaï-El-Abbas, de Zaouïet-Reggani. « Cela se passa le 3 ramadhane 1317 1 » (5 janvier 1900). Les Français attaquent Ingliar sans suecès. — Les fuyards de Deghamcha revinrent vite de leur panique, causée par le terrible feu d’un armement dont ils n avaient pas soupçonné la puissance, et au lieu de rega¬ gner leurs pénates, ils s’installèrent dans les ksour d’In- ghar, l’oasis la plus voisine à l’ouest d’In-Salah, surveil¬ lant de là le Chrétien haï, et se préparant à aller lui don¬ ner de nouveaux assauts. Mais il fallait pour cela l’arrivée des contingents du Touat, longs à venir, et le répit qui en résulta permit à la petite garnison française d’In-Salah de recevoir elle-même un premier renfort : 250 tirailleurs sahariens amenés d’El-Goléa par le commandant Baumgarten. La situation des Français devenait ainsi très solide der¬ rière leurs murs, mais ce n’était pas suffisant, il leur {allait « de l’air » : il fallait faire pâturer les nombreux chameaux de selle et de bàt, et les environs immédiats d’In-Salah ne présentaient aucune ressource, tandis qu’une 1. Extr. d’une relation trouvée en Bouda. — 140 — « ghaba » assez fournie en végétation se trouvait sur la route d’Inghar ; et puis, en somme, In-Salah n’était pas un aboutissement, ce n était tout au plus qu’une « inaugu¬ ration d’action »... donc le commandant français marcha sur Ingliar dès le 24 janvier. « L’action s’engagea vers 10 heures : les tirailleurs sahariens s’approchent pied à pied de la kasba des Oulad- Hadega ; l’ennemi se retire dans la kasba où il s’enferme. La situation reste stationnaire pendant la nuit du 24 au 25, les Français tirant de temps en temps quelques coups de fusil pour ôter à l’adversaire l’envie de tenter une contre-attaque. Le combat traîne encore sans succès le 25. Enfin, dans la mâtiné du 26, la colonne ne pouvant enlever la kasba sans canon, retourne à In-Salah »L Nouvelles touchant les mesures prises dans les Oasis1 2 3 4. — De la part de l'homme de bénédiction, le caïd Abdelkader, surnommé Douro, fils d’El-Hadj Ahmed, des Oulad- Yahia, à Monsieur le Commandant, à Monsieur le Capitaine, à Sid Mohammed-Taïeb» le chérif, — que mille saluts. . . etc. Et ensuite, en revenant de chez vous, je me suis rencontré, en route, avec mon fils Mohammed apportant des nouvelles que je l’ai aussitôt envoyé vérifier. Apprenez que le pacha de Timmimoun est arrivé, avec une colonne formée dans son commandement, à Aoulef ; il a rassemblé tout le monde, depuis Tabelkoza jusqu’à Sahela en Gourara. les Arabes des Meharza et des Ivhenafsa, et ceux de la ville (de Timmi¬ moun) jusqu'aux Adjdir ; cette nouvelle a été apportée par Zaoui ben Hadi, de Miliana (en Tidikelt) ; il ne reste pas un homme dans le Gourara, tous sont venus avec lui, ainsi que ceux de notre pays (qui se trouvaient là-bas en vovage) ; ils s’élèvent à un total de trois mille cinq cents hommes. 1. L. Voinot, op. cit. 2. Trad. d'une lettre trouvée à ln-Salah. 3. Celui-là même dont nous avons vu le passage au Tidikelt, dans le chapitre précédent ( Partie réservée). — 141 — Quant au pacha de Timmi, il n’est pas encore arrivé, mais il a, dit-on, gagné Sali — c’est très sûr, — après avoir indiqué, comme point de concentration, Aoulef ; il aura là 3.500 hommes. Ce Zaoui ben Hadi a envoyé avis à Miliana, mais il n'y est pas venu et en a fait partir sa famille de nuit ; ce sont des gens qui étaient avec lui au Gourara qui ont apporté ces renseignements; quant à lui, il marche avec le pacha. Voilà ce que je puis vous apprendre : soyez sur vos gardes et défiez-vous. Salut. C’est ici la première marque du concours prêté aux nou¬ veaux maîtres français par un homme du pays. In-Salali prévient Bngliai* «l'une attaque prochaine1* — De la part de vos frères et de vos alliés de pères en fils, El-Hadj Abdesselam ben Dahhadj ben El-Hadj Ahmed... et autres..., — à ceux que nous chérissons particulièrement, à nos frères et alliés, à l’assemblée des gens d’Inghar, tant merab- tines qu’arabes (de roture), petits et grands, — que le salut. . ., etc. Et ensuite, ô frères et amis, nous vous informons et vous préve¬ nons — et nous servons Dieu et non d’autres que Lui, — que vient d’arriver ici Sid El-Arbi ben Kaddour ben Hamza, le Zaoui, l’Agha, accompagné de troupes nombreuses ; il y a les Chaânba d’El- Goléa, d’Ouargla et de Metlili, et des troupes du Gouvernement français qui ont amené trois canons. Il va vous arriver sans retard une chose extraordinaire. O frères et amis, nous sommes avec vous comme une seule âme, mais aujourd'hui sont arrivés ceux qui sont nos maîtres et les vûtres, par leur force insurmontable et par le perfectionnement de leurs armes, et ils vont aller vous massacrer, vous et tous ceux qui sont au-delà de vous, sans délai, et dès après le déjeuner de la Fête (qui terminera le ramadhane). O frères, nous vous annonçons et vous faisons comprendre ce qui vous menace, et nous vous envoyons, avec celle-ci, une lettre de Sid El-Arbi ben Kaddour. 1 . Lettre missive trouvée à Inghar. 142 Si vous adoptiez notre façon de voir, à nous et à Sid El-Arbi, ii n’en résulterait pour vous que la paix et la tranquillité, de même que vous éviteriez à votre pays tout ravage ; nous ne formons en effet avec vous qu’une seule âme, et tout bien comme tout mal nous touchent en même temps. Voilà ce que nous avons à vous dire. Salut. P.-S. — Vous savez bien, ô frères et amis, que je ne vous ai jamais écrit pour un mensonge ou une chose pernicieuse, mais aujourd’hui je vois le massacre qui vous menace, et je veux vous l’éviter, à moins que vous ne nous désobéissiez ; répondez de suite, avant que ces gens ne marchent sur vous ; ce que vous pourrez tenter n’aboutira qu’à vous faire détruire. Salut. Du 29 ramadhane 1317 (31 janvier 1900). C’était là une tentative de conciliation dictée par la générosité du commandant français, dans le but d’éviter l’effusion du sang, mais les gens d’Inghar étaient poussés dans le sens opposé par l’esprit de résistance et les prépa¬ ratifs auxquels se livrait le restant du pays. Le caïd Djilali l>en Ralimoim rentre Total des Recettes ordinaires . 27.557 » RECETTES EXTRA ORDINA IRES : Excédent de l’exercice clos . Restes à recouvrer sur le même exercice . ... 14.212 56 274 06 Total des Recettes extraordinaires . 14.486 62 RECETTES SUPPLÉMENTAIRES : Subvention pour assurer le fonctionnement, en 1906, des ateliers d’apprentis¬ sage des chef-lieux d'annexe et des classes de français qui y sont adjointes . Subvention pour le fonctionnement, en 1906, des infirmeries indigènes des chefs-lieux d’annexes . Subvention pour permettre le fonctionnement des appareils de sondage en 1906. Subvention pour la réfection des bâtiments des 3 annexes . Subvention pour travaux de revivification de foggaras . Subvention pour achat de matériel agricole . Subvention pour travaux d’aménagement des routes et des puits jalonnant ces routes . Subvention pour travaux de détournement du lit delà Saoura . Subvention gouvernementale pour insuffisance de revenus provenant des reli¬ quats des anciens fonds communs . Remboursement par le Trésor des parts d’impôt payées par la commune aux chefs collecteurs au litre de la lezma de 1905. . 5 000 » 5.500 « 15.000 » 1.000 » 35.900 » 2.470 ») 5.400 » 3.200 » 4 05 14 163 » Total des Recettes supplémentaires . 87.637 05 Récapitulation : Recettes ordinaires. Recettes extraordinaires Recettes supplémentaires 27.557 » 14.486 62 87.637 05 i Total général des Recettes . 129.680 67 \ — 207 — TITRE II. — DEPENSES DEPENSES ORDINAIRES : Achat des registres d’état civil . . Frais de timbre et d’imprimés à la charge de la commune . Remises au Receveur municipal . Entretien et réparations des bâtiments du Service des Affaires Indigènes. . Achat et entretien du mobilier du Service des Affaires Indigènes . Frais d’hébergement des hôtes arabes aux chef-lieux des trois annexes. . . Bibliothèque du Service des Affaires Indigènes, achat de livres, reliures, etc. Secours aux indigènes nécessiteux . . i 1 — ’ - — - - - - i ■ — Dispensaires, matériel, personnel et nourriture des femmes indigentes. Police et sécurité, entretien et nourriture des prisonniers . Entretien des cimetières . Affaires Indigènes . Fêtes publiques . Total des Dépenses ordinaires . DÉPENSES SUPPLEMENTAIRES : Restes à payer . Crédits non employés au 31 décembre 1905 et reportés à l'exercice 1906 pour recevoir leur affectation spéciale (reliquats de subventions) . Fonctionnement en 1906 des ateliers d'apprentissage des chefs-lieux d’annexes et des classes de français qui y sont adjointes . Fonctionnement en 1906 des infirmeries indigènes des chefs-lieux d’annexes . . Fonctionnement des appareils de sondage en 1906 . Réfection des bâtiments des annexes . Travaux de revivification des foggaras . Achat de matériel agricole . . . Travaux d’aménagement des routes et des puits jalonnant ces routes . Travaux de détournement du lit de la Saoura . Reliures d’ouvrages de la bibliothèque d’In-Salah . Reversement au budget des Territoires du Sud d’une partie de la subvention allouée le 3 février 1906 pour insuffisance de revenus . Total des dépenses supplémentaires . Récapitulation Dépenses ordinaires . . . Dépenses supplémentaires Total général des Dépenses. Balance : Recettes . Dépenses. Excédent des Recettes. 129.680 67 122.366 27 7.314 40 MONTANT des DÉPENSES ADMISES 125 » 350 » 912 )> 2.500 » 2.500 » 1 2.400 )) 1 000 )) 1.000 )) 2 400 » 500 » 2.000 )) j 300 )) 3.000 » j 660 )) 19.647 )) < 151 90 9.319 37 1 5.000 » 5.500 )) 15 000 )) 6.415 1) 35.900 )) 2 470 )) 5.400 » 3.200 )) 200 b 14.163 )> 102.719 27 19.647 » 102.719 27 122.366 27 — 208 — Troupes d’oeeupation. — Le prix de revient au Sahara de l’homme de troupe franco-algérien, comme son inaptitude à la guerre saharienne, ont dès longtemps amené le commandement à chercher pour ce pays un ins¬ trument militaire spécial. On pensa l’avoir trouvé en 1891, lorsque Lamy orga¬ nisa, à ELGoléa, une compagnie de tirailleurs montés à méhari ; puis, en 1894, on perfectionna l’idée en créant deux corps spéciaux et permanents : les spahis sahariens et les tirailleurs sahariens. Ce sont ces corps qui, largement renforcés d’éléments venus dL41gérie pendant la période active de conquête, furent appelés ensuite à tenir garnison dans le Territoire des Oasis sahariennes. Mais à l’usage on trouva qu’ils étaient encore trop dis¬ pendieux, et insuffisamment adaptés à leur fonction spé¬ ciale, et c’est ainsi qu’on fut amené à créer les unités qui existent aujourd’hui. Une compagnie saharienne comporte en elle-même tous les éléments d’occupation et de défense du pays : ses officiers en sont, comme nous l’avons vu, les administra¬ teurs ; elle a ses méharistes pour en assurer la sûreté extérieure, ses fantassins et ses artilleurs pour en garder les boulevards, ses ouvriers, ses maîtres d’écoles, pour en instruire les habitants. v Elle utilise les ressources locales en hommes et en den¬ rées, et elle est même le plus gros acheteur et la principale source de bénéfices pour le pays. Ces compagnies se recrutent surtout dans les tribus Chaânba d’El-Goléa, de Metlili et d’Ouargla, mais la compagnie du Touat a incorporé quelques Arabes des Khenafsa et des Meharza, et la compagnie du Tidikelt a réussi à attirer pareillement des Oulad-Bahammou et autres Arabes, elle possède même une escouade de Touareg ; quant aux nègres, l’essai qui en a été fait a démontré leur insuffisance vis-à-vis des adversaires sérieux que sont les Beraber et les Touareg, et on a dû renoncer à les employer. — 209 — Les compagnies se remontent en mehara avec facilité, tant au pays Ghaânba que chez les Touareg, qui leur en amènent jusque de la région nord-soudanaise. Pour la sûreté à l’extérieur, la compagnie du Touat a, en permanence, un peloton de 120 meharistes dans l’Erg occidental, et un autre de pareille force dans les parages de l’Iguidi, « groupe de l’Ouest » ; la compagnie du Tidi- kelt a, de même, un « groupe de police du Hoggar » ; les « groupes de pâturage » de ces deux unités nomadisent entre El-Goléa, la Saoura et le pays touareg. 14 CHAPITRE II Les Habitants Les races et les castes. — Le cycle de la vie humaine. — Dénom¬ brement de la population par races et castes, et par âges dans chacune d’elles. — Le mouvement de la population. — La répartition de la fortune entre les différentes races et castes. — Les conditions politiques, économiques et sociales de l’existence. L«es races et les castes. — Nous avons fait con¬ naissance, au cours de la première partie de cet ouvrage, avec les divers éléments ethniques qui sont venus s’ins¬ taller dans les Oasis sahariennes et ont concouru à la formation de la population actuelle, et nous sommes ini¬ tiés à la différenciation de celle-ci en diverses oastes sociales parfaitement distinctes et hiérarchisées ; il suffit donc maintenant de définir les unes et les autres en quel¬ ques mots. Le groupe arabe est formé d’éléments venus des quatre points cardinaux, avec prédominance évidente des apports de l’Est ; il fournit à lui seul les membres de la caste « de tête », les Chorfa , et se répartit, quant au reste, entre deux autres castes : les Merabtines et la Roture. Le groupe zénète, qui est berbère, est principalement venu, lui aussi, de l'Est, ainsi que le montrent ses traces historiques, apparentes encore à El-Goléa, dans le Zab, le Hodna et le Righ ; il se répartit dans les deux castes déjà citées, concurremment avec les Arabes : merabtines et roture. — 212 — Une quatrième caste est formée par les nègres importés dans le pays, ou y étant nés de parents nègres en état de servitude. Enfin, une cinquième caste, que dans les statistiques nous placerons avant la précédente, est formée : 1° par les nègres affranchis en vertu d’actes réguliers, et selon la jurisprudence musulmane, par leurs anciens maîtres ; 2° par les enfants de ces affranchis, ou « seconds-libres1 2 », soit obtenus entre eux, soit provenant des unions mixtes entre eux et des individus de la caste « nègre », soit encore des unions — très rares — d’un « second-libre » avec une femme « libre » de race blanche. Il est bon de préciser que, dans le cas contraire, c’est- à-dire si une femme « seconde-libre » est rendue mère par un « libre » de race blanche, qu’il soit de roture ou des merabtines ou des cborfa, l’enfant suit le rang de son père ; il en est de même des enfants obtenus par un « libre » d’une simple négresse « possédée », ils sont les fils du père au même titre que ceux qu’il peut avoir eus de femmes de sa caste, et la mère elle-même acquiert une situation privilégiée en qualité de « mère de l’enfant* ». Telle est en dernière analyse la définition ethnologique de cette classe des « seconds-libres », des harratines — nous leur laisserons ce nom arabe pour sacrifier à l’usage — qui a fait l’objet de tant de dissertations tendant à en faire un élément ethnique autonome et distinct, mais que l’observation journalière a, depuis l’occupation française, permis de mieux connaître. Nous allons donc présenter la répartition par âges de la population entre ces cinq castes distinctes : 1. Harr-tani, — les blancs purs étant les « premiers libres », ou les « libres » sans épithète ( harr ). 2. Quel enseignement de haute moralité l’Islam ne donne-t-il pas aux sociétés chrétiennes, dans cette situation légale donnée à l entant d’une nég’resse et à celle-ci elle-même ? 213 Chorfa, Merabtines Roturiers Arabes, Zénètes, V Arabes, Zénètes, Harratines, Nègres. Nous distinguerons aussi deux autres éléments peu nombreux : Mehadjeria, Touareg. Les Mehadjeria sont de race juive ; ils sont les derniers descendants des anciens Juifs touatiens, et, quoique deve¬ nus Musulmans, ils continuent à vivre et à s’unir entre eux : nous n’enregistrons évidemment que ceux qui se reconnaissent ou sont reconnus comme tels ; mais il est fort présumable que le nombre réel en est plus grand, car dans quelques localités, Timmimoun et Oulad-Mahmoud par exemple, on rencontre fréquemment des individus classés comme Arabes ou Zénètes, et dont le faciès est indubitablement hébraïque ; on aime toujours à invoquer, quand faire se peut, une origine considérée comme supé¬ rieure, telle ici l’origine arabe. Et ceci est vrai non-seulement pour les Mehadjeria méprisés, mais encore pour les Zénètes : un notable de cette race, dont l’air intelligent promettait une réponse satisfaisante, était questionné, un jour, sur ce que la tra¬ dition pouvait avoir transmis de son origine berbère : « Nous autres Zénètes, se récrie-t-il, mais chacun sait que nous sommes de la descendance de Moulaï Abdelkader le Djilani !... » Et son attitude dit tout son étonnement d’avoir eu à donner un renseignement si naturel. Quant aux Touareg que nous présentera le Tidikelt, ce sont des « Touareg blancs » ou Kel-Inghar. Ils se donnent comme originaires des Beraber du Tafî- — 214 lelt, ainsi que leurs frères, d’après eux-mèmes, les Isok- maren ; ils seraient venus de l’Ouest tous ensemble, il y a environ six générations, et se seraient fractionnés au Tidi- kelt ; une part serait restée dans ce pays, et serait deve¬ nue les Kel-Inghar actuels ; les autres auraient continué leur route dans le Sahara central et ne seraient autres que les Isokmaren en question1 2 *. Nous aurons l’occasion plus loin de déterminer la situa¬ tion et la prospérité ethnographiques de chacun de ces éléments de population, mais nous ne le ferons qu’après avoir étudié les causes dont cette prospérité est fonction, et qui sont d’ordre politique, social et économique, — climatérique et physique. Le cycle vital humain. — Des recensements — premier acte des opérations « d’inventaire » par lesquelles, dans l’ordre politique comme dans l'ordre économique, peut se déterminer la base, le point de départ d’une entre¬ prise, — ont déjà été opérés, en 1903 et en 1904, dans les trois annexes du Territoire des Oasis, et leurs résultats 4 pourront même être instructi veulent comparés avec le recensement actuel ; mais ils avaient été faits dès la pre¬ mière heure et pour les besoins immédiats, et ils ne rappor¬ tent que le chiffre global de la population. En plus de sa répartition par races et castes, on a cherché cette fois à la différencier par âges. Une certaine difficulté se présentait ici, de ce que les recenseurs devaient être des indigènes : il a fallu se tenir dans la limite de leur faculté de compréhension ; la plu¬ part d’entre eux eussent fourni les réponses les plus fantai¬ sistes si on leur avait demandé les âges par décomptes d’années, mais tous étaient en mesure d’en présenter la 1. Version du notable targui Khabden, d'In-Salah. 2. V. Démontés, in Bulletin du Comité de l'Afrique française . 1904. — 215 — répartition suivant la conception musulmane du cycle de la vie humaine. Le « çabi » est Y enfant dès le premier âge, et cette déno¬ mination lui est conservée jusqu’à l’apparition des pre¬ miers signes de la puberté, que les juristes musulmans reconnaissent au nombre de six. A ce moment l’enfant est admis à jeûner le ramadhane ; il entre dans la catégorie des « çaïm », jeûneurs. Chez les Touatiens, la précocité que pourrait détermi¬ ner le climat chaud est contrariée par la médiocre alimen¬ tation habituelle, et l’on peut admettre que cette puberté qui ouvre l’âge du jeune ne se manifeste guère, en moyenne, que de la douzième à la treizième année. Nous entendons bien que des enfants peuvent être ren¬ contrés, avant cet âge, jeûnant quelques journées de ramadhane, ne serait-ce que par cette propension qu’ont, dans toutes les races, les enfants à jouer les petits hommes, mais si ces jeunes volontaires sont méritoires, ils ne sont pas obligatoires , et ne suffisent pas pour que la djemâa comprenne le zélateur dans la catégorie des « jeû¬ neurs ». Le « jeûneur », c’est-à-dire le pubère, met quelques années à terminer son développement, à acquérir la plé¬ nitude de ses facultés de procréation, en un mot à devenir nubile : lorsqu’il le devient, le « jeûneur » est dit «chabb », jeune homme. Au Touat, pour la raison déjà dite de l’alimentation insuf¬ fisante annulant l’effet du climat, il convient d’admettre que cette nubilité, qui ouvre la catégorie des « jeunes hommes », n’est pas atteinte avant la vingtième année. Vers trente ans, les conditions physiques et climatéri¬ ques, que nous étudierons plus loin, amènent la maturité caractérisée par le plein épanouissement physique, et spé¬ cialement par « l’apparition de rares cheveux blancs qui attirent le respect à leur propriétaire » ; celui-ci appartient alors à une nouvelle catégorie dite « kohol » homme d'âge mih'. — 216 Les mêmes conditions de l’existence qui ont un peu retardé le développement physique de l’adolescent ou « jeûneur » accélèrent ici, par leur rigueur, son déclin : dès quarante-cinq ans, 1’ « homme d’âge mûr » est tout chenu, en arabe « achib », et entre dans un nouvel âge que nous rendrons en français par vieillard . Nous avons donc, en résumé, le cycle suivant : Enfants , de la naissance à 12 ans environ. Jeûneurs , de 13 à 18 ans environ. Jeunes hommes , de 19 à 28 ans environ. Hommes d'âge mûr , de 29 à 45 ans environ. Vieillards , de 45 ans et au-dessus. Il est bien entendu que la délimitation par années que nous donnons à chacune de ces catégories n’a qu’une exac¬ titude moyenne , et qu’elle n’a pour but que de rendre appréciables au lecteur français des différenciations d’âge que la législation musulmane et les usages locaux ont fixées sans se préoccuper du décompte des ans, mais en se basant sur le développement physique de l’individu. Pour la commodité des supputations, nous admettrons que l’individu féminin passe dans ces différentes catégo¬ ries, ou étapes vitales, aux mêmes âges que l’homme : l’entorse à la vérité physiologique est grave, mais elle facilitera beaucoup notre étude. Précisons encore que les états partiels de recensement qui vont être totalisés ci-dessous par annexe ont été rem¬ plis, en mars 1906, dans chaque district ou ksar par la djemâa elle-même : de la coopération des membres de cette assemblée se surveillant les uns les autres, les données présentées acquièrent d’assez fortes chances d’exactitude — ou, pour mieux dire, de véracité relative , — comme tous les dénombrements d’ailleurs. DÉCOMPOSITION DE LA POPULATION Par Races, Castes et Ages, dans chaque sexe : Décomposition de la population par races en w > SEXE IVEhA-S en h M ce £ H RACES ET CASTES Enfants Jeûneurs Jeunes hommes Hommes D S (jusqu’à d âge mûr Q < 12 ans) (13 à 18 ans) (19 à 28 ans) (29 à 45 ans / Chorfa . 145 63 124 88 < Merabtines. . Arabes . 262 127 175 127 5 Zénètes . 267 127 226 172 5 ^ Roturiers. . . Arabes . 631 276 462 498 oc < p o Zénètes . 326 160 296 221 Mehadjeria. . 6 2 5 8 O f Harratines . 1.110 502 1.028 842 Nègres . 167 123 495 312 Totaux . 2.914 1.380 2.811 2.268 Chorfa. ..... 431 179 327 215 Merabtines.. ( Arabes . 287 151 260 171 ( Zénètes . 21 8 19 13 c c Roturiers. . . ( Arabes . 385 219 528 358 P ( Zénètes . 137 57 116 87 c— ! Mehadjeria. . 25 5 14 10 Harratines . . 909 287 910 578 \ Nègres . . 208 185 417 219 Totaux . 2.603 1.091 2.591 1.651 Chorfa . 245 47 88 32 Merabtines.. ( Arabes . 412 132 343 173 _3 } Zénètes . 72 20 55 18 w < Roturiers. . . ( Arabes . . 276 101 228 117 ( Zénètes . . 50 8 34 14 Q f Touareg .... 17 9 13 2 C* Harratines . 837 280 484 2461 88 \ Nègres . 149 88 144 Totaux . 2.058 685 1.389 690 / Chorfa . 821 289 ! 539 335 Câ ë Merabtines.. f Arabes . 961 410 I 778 471 Oh Jg ( Zénètes . 360 155 300 203 o s 1 Roturiers. . . t Arabes . 1 492 596 1.218 973 H s (Zénètes . 513 225 446 322 OC « 1 Mehadieria. . 31 7 19 18 ce s a ° H 22 f Touaree- . . . 17 9 13 2 1 Harratines . . 2.856 1.069 2.422 1.666 T=3 \ Nègres .... 524 396 1 056 619 Totaux . 7 575 3.156 6 791 4.609: — 219 — stes et âges, dans chaque sexe : cjüjiisr SEXE EÉTUEITSTIISr Vieillards ' et au-delà) Totaux Filles | (jusqu’à j 12 ans) j Jeûneuses (13 à 18 ans) Jeunes femmes (19 à 28 ans) Femmes d'àge mûr (29 à 45 ans) Vieilles (45 et au-delà) Totaux 69 489 116 35 89 64 87 391 110 801 213 89 139 127 113 681 108 900 250 81 192 155 91 769 298 2.165 531 214 476 535 325 2.081 128 1.131 269 108 239 233 139 988 4 25 5 3 6 2 )) 16 605 4.087 1.003 380 1.028 933 696 4 040 146 1.243 153 67 190 183 73 666 1.468 10.841 2.540 977 2.359 2.232 1.524 9.632 195 1.347 405 175 343 197 184 1.304 156 1.025 294 102 269 178 146 989 7 68 20 11 18 10 7 66 269 1.959 610 195 329 290 257 1.681 55 452 109 50 94 ♦ 66 47 366 15 69 29 7 18 12 15 81 46n 3 144 904 340 990 649 447 3.330 113 1.142 125 40 171 91 42 469 1.270 9.206 2.496 920 2.232 1.493 1.145 8.286 56 468 117 45 90 39 46 337 127 1.187 310 148 332 170 204 1.164 22 187 55 14 39 40 38 186 65 787 208 100 221 153 116 798 9 115 53 7 52 17 16 145 6 47 10 7 15 6 12 50 234 2 081 824 253 852 395 406 2.730 41 510 99 49 106 46 44 344 560 5.382 1.676 623 1 707 866 882 5.754 320 2.304 638 255 522 300 317 2.032 393 3.013 817 339 740 475 463 2.834 | 137 1.155 325 106 249 205 136 1.021 1 632 4 911 1.349 509 1.026 978 698 4 560 192 1.698 431 165 385 316 202 1.499 19 94 34 10 24 14 15 97 6 47 10 7 15 6 12 . 50 1.299 9.312 2.731 973 2.870 1.977 1.549 10.100 300 2 895 377 156 467 320 159 1.479 3.298 25.429 6.712 2.520 6.298 4.591 3.551 23.672 Récapitulation par races : 220 42 s © 5*® -ce ® O 02 ® S 3 2 4; o •eo ^ 2 ÛiŒ ® O s- « © ® g* -g ^ "P S- Sm *-> ‘O) O ^ J^cd G c o> •S 5 s ~ Ch ® 'D S. — -SP© ® ^ f-, «*-« ~ 0} . — I 02 jj* •!— I fl G> O § ®sg ë42 = f '« ce ® ’S ^ 5 ce 'etc; .2 4s e a œ ® ■*>* *IH <•_ ^1 ce ^ o g « o -> ^ *fl 73 co G w ‘S co’S G C ^ fi O >» G • r; -O G Jl.-fl y-3 <3 -G n< •■— - - ce « gj p-C’C 3 g> =‘3 ^.2-“= t- • -P © ®33 C O r» œ e Sh *i ÇL, «• > ® u ^P'03 H3 ce 3 " - c - CO §.2® s ©13 2,^ aj g S e-c © « C© « O -< aO ce P O H © © co ©. © ■»b2 a «s -p ■®o§ ^ % '© O P CP D— a © ce © S ~ ce w • — > CO Ph c ^ P-o c 1 Sp^£ §•§1 s «g ® Lÿ = S- "5 (o S 2 c p CS3 co cO ®,2 œ ê y kn • i—h i (M Q M gii s1® i cr*' o 42 © Le Mouvement de la Population en 13*3 (hégirien) 221 — 222 ï.e mouvement de la population. — Nous pré¬ sentons dans le tableau qui précède le relevé numé¬ rique des naissances et des décès survenus au cours de l’année hégirienne 1323 (du 8 mars 1905 au 4 février 1906), dans les deux annexes du Gourara et du Tidikelt et partie de l’annexe du Touat1. Il ressort des chiffres ci-dessus que le nombre des nais¬ sances et celui des décès, très élevés l’un et l’autre dans la partie nord du territoire, vont, proportionnellement à la population, diminuant de plus en plus à mesure que 1 on gagne vers le Sud, comme s ils étaient fonction de la latitude. Il en est de même, quoique selon une progression inverse, des bénéfices nets qui, après avoir été fortement négatifs dans le Nord ( — 9,0 au Gourara), se rapprochent dans le Touat de l’exacte balance (--0,8) pour enfin offrir quelque plus-value dans le Tidikelt (-f 2,4). Le résultat moyen n’en est pas moins négatif (3,9 de perte annuelle ), ce qui revient à dire que si cette propor¬ tion de pertes se maintenait et se poursuivait d’année en année, toute la population aurait disparu au bout de mille quatre-vingt-dix ans, laissant alors la place au vide absolu. Heureusement que, d’ici là, il reste une large marge à ceux qui se sont institués les tuteurs de ce pays, pour aviser aux moyens d’améliorer la situation de ses habi¬ tants, et pour relever, par les bienfaits de la civilisation, leur vitalité périclitante, compromise autant par les vicissitudes de leur état politique et social antérieur que par les rigueurs du climat que nous aurons l’occasion d’envisager plus loin. 1. Les renseignements pour le Touat ne nous sont parvenus qu’en partie, mais cette partie (10.904 habitants sur 17.492) est suffi¬ sante pour dégager le point de vue d'ensemble qui nous occupe. 223 La répartition de la fortune entre les diffé¬ rentes castes* — O n a dit que le iiarratine est peu souvent propriétaire ; d’aucuns l’ont même présenté jus¬ qu’ici comme un salarié, un prolétaire généralement dépourvu de bien. Un recensement général des fortunes aurait pu déter¬ miner ce qu’il en est de façon précise, mais l’autorité locale a hésité, avant de le laisser entreprendre, devant l’émoi que pouvaient causer aux populations des inves¬ tigations trop indiscrètes ; nous avons pu cependant recueillir ce genre de renseignement dans quelques loca¬ lités où il semblait plus facile à dégager sans danger. Nous allons donc présenter, pour chacune des trois annexes du Territoire, un spécimen indiquant la décom¬ position — par races et castes — des propriétaires de palmiers, avec leur différenciation selon le nombre de palmiers possédés ; de plus, on trouvera précisée la masse afférente à chaque race ou caste dans chaque élément de la fortune, eau, palmiers et animaux domes¬ tiques. Ces données portent sur une partie considérable de la richesse touatienne : 2. 111 habbas d’eau et 85.980 palmiers, pour le Gourara ; 4.628 habbas d’eau et 74.604 palmiers, pour le Touat ; 5.309 habbas d’eau et 148.411 palmiers, pour le Tidikelt; soit plus du quart de la fortune totale du pays. Elles pourront donc suffire pour donner une idée géné¬ rale de la répartition de la propriété au pays touatien. 224 — GOURARA : Timmimoun (ksar) ; Beni-Mehlal (ksar) ; Faits [ksar, ; Oulacl - Mahmoud (ksar) ; Oulad-Aïssa (ksar). A. — Décomposition des propriétaires de palmiers : CASTES NOMBRE DE PROPRIÉTAIRES POSSÉDANT de 1 à 5 palmiers ^ de 5 à 10 palmiers | de 10 à 20 palmiers de 20 30 palmiers oo S 1 03 Q. O 'OS O CO a> -o m a ”3 Q, O if* o « -CJ 1 de 50 à 70 palmiers ■ / de 70 à 100 palmiers [ de 100 | à 150 palmiers de 150 | à 200 palmiers de 200 1 à 300 palmiers 300 | et au-dessus x p < E- O E-1 Chorfa. . . » )> 1 )) 1 )) » » 1 )) » )) 3 .... ( Arabes )) )) 1 )) » » 10 » 2 )) » 30 43 Merabtines.. j zénètes . » )) » )) » » » )) 2 2 3 8 15 1) )> » » )> » 22 )) 4 )) 26 46 98 Roturiers.. . j zénèles . » )) 1 )) 1 1 » )> 5 )) 16 72 96 Mehadjeria . » )) )) » )> » 1 )) )) » )) 1 2 Harratines . . . )) 2 11 43 3 12 9 1 12 1 1 1 96 Nègres . )> )) )) » )) )) » » )) )> » )) » Totaux . )) 2 14 43 3 13 42 1 26 3 46 158 353 B. — Répartition de la fortune entre chaque caste ou race : OVINS CASTES J A es -c 3 CD ce S s -a X p < p s < à à CD P ce > 'P s ANES p < > p 33 p Oh X U U U < H laine poil Chorfa . . 5 150 )) » 4 » )) » Merabtines.. j Arabes . . 50 4.800 30 » 30 20 8 )> Zénètes. . 395 10.890 2 )) 80 9 18 )) Roturiers . . j Arabes . . Zénètes. . 230 1.316 13.770 48-970 40 )) » )) 74 380 9 60 24 118 1 1 Mehadieria . . . 8 1.000 )) )) )) )) )) » Harratines . . . 107 6.400 2 )) 230 51 45 » Nègres . )) )) )) » )) )> )) » Totaux . 2.111 85.980 74 )) 798 149 213 2 225 — TOU AT : Tamentit (district) ;Titaf-Gharmiannou; Sali ; Zaouiet-Koun ta(ksar) ; Taorirt ( ksar ). A. — Décomposition des propriétaires de palmiers : CASTES Chorfa . Merabtines. . Arabes Zénètes D . . s Arabes Rotaners... ( zénètes Mehadjeria . Harratines . Nègres . Totaux NOMBRE DE PROPRIÉTAIRES POSSÉDANT O. îO 17 1 1 6 )) )) 11 36 g S '«3 c, O 7 2 1 4 )) )) 30 44 .2 B G. O <5* 'CO O 16 » 2 » » » 68 » 86 .2 JS » 3 y ) 57 « °- O O 15 19 » 15 20 » 7 76 2 « J a. s ° ' so 7 21 4 15 » 57 o S 4 » » 4 20 4 » » 32 1-3 16 15 3 3 10 5 52 23 10 )) 11 7 51 179 91 16 123 57 13 265 744 B. — Répartition de la fortune entre chaque caste ou race : OVINS CA CO —3 C/J X X -Q cQ pC ce w O < a S < a ec C/J H a c CASTES S s -3 à à > 'ElJ X Z < > a X p < a CU X O laine poil O U nhnrfn . . 1.690 26.966 9 )) 252 61 114 2 Merabtines.. j Arabes . . 720 11.543 1 )) 81 12 32 » Zénètes. . 102 977 2 » 19 3 6 » Roturiers... j Arabes . . 698 12 099 10 » 120 50 73 » Zénètes. . 600 9.900 5 » 30 12 30 » MehaHieria . . 100 2.000 4 )) 20 )) 10 )) Harratines . 718 11.119 » » 335 75 201 5 Nèeres . )) )> )) )> » )) )) » Totaux. . 4.628 74.604 31 )) 857 213 466 7 16 — 226 TIDIKELT : (Aoiblef et Akabli). A. — Décomposition des propriétaires de palmiers : NOMBRE DE PROPRIÉTAIRES POSSÉDANT I CO « co C/} I 55 •p i ! a s a .S 1 .© C—. eu s <* > .a go 1 1 i go 53 1 CO S X CASTES et O. Cu 'cë a- eu 1 'ce eu "ce eu gi O S P ce o a 30 TJ ce © js oi î co P < îO .ce 3 - o 04 .ce o CO .ce O O 30 .ce o .ce 3 o o -a P -s ce P O H o o O o o —H O* CO "S 03 03 o o .ce .ce .ce .ce r-& '■O TJ T3 03 TJ -a - Chorfa . )) )> 3 7 4 3 3 4 7 10 12 8 61 ,, , ( Arabes . . » 5 )) 10 » 28 4 49 14 21 13 29 173 Merabtines. . j zénèles.. )) 1 3 2 )) 2 )) 2 4 )) 1 » 15 D , . i Arabes . Roturiers...; zénètes . )) )> 13 » 3 )) 8 )) 4 » 7 )) 7 )) 16 )) 6 )) 12 » 16 » 12 )) 104 )) Mehadjeria, Touareg.... )) ( » )) )> » » )) )> » » » )) » Harratines . . 6 ! 8 » 10 9 23 » 13 1 15 5 i 10 100 Nègres . ... )> i » » )) )) » )) )) ; » )) » ! » )) Totaux . 6 1 1 CM 1 9 37 17 63 14 84 46 48 43 59 453 B. — Répartition de la fortune entre chaque caste ou race : OVINS co ce ~C Æ CO X P - - CO a ce > X CASTES Si S c a à à W P < 03 1 *5 S ** ^a SB O < a 3 •< a < P X U laine poil O Chorfa . . . 1.874 39 461 19 )) 389 16 118 2 Merabtines. . j 1.398 43.000 13 . )) 245 127 116 1 24 2.200 3 )) 24 10 7 )) Roturiers... j 1.875 )) 54.400 » 42 )) )) )) 218 )) 96 )) 114 )) )) » Mehadjeria, Touareg. . . . Harratines . )) » )) ,)> » )) » )) 138 9.350 4 )) 546 74 159 » 1 Nègres . )) )) 54 )) 8 )) )) » T otaux . 5.309 148.411 135 )> 1.430 323 514 3 — 227 — On voit que : 1° Dans le groupe gourarien, sur 353 propriétaires de palmiers, 96 sont harratines, soit plus du quart (27 pour 100), mais ils sont tous peu pourvus ; trois seulement possèdent 150 arbres ou plus ; 2° Dans le groupe touatien, 744 propriétaires compre¬ nant 265 harratines, soit plus du tiers (35 pour 100), dont pas un ne possède jusqu’à 150 palmiers ; 3° Au Tidikelt, sur un total de 453 propriétaires il se trouve 100 harratines, soit à peu près le quart (plus de 22 pour 100) dont 5 possèdent plus de 150 arbres, et dix autres plus de 300. De plus, la fortune de toute sorte se trouve répartie dans ces mêmes groupes, et, peut-on dire par générali¬ sation, dans tout le pays, ainsi qu’il suit (en centièmes) : 228 CO 05 r- O CO CO 05 8|qtxiesua,p 9UU3^o|M 50 O c6 c d O d GO •rH (N CO <» H Z 1|3>1ÏP!,L ne lenoi nu iMB.mo;) ne E- Cfi ■< U 9 O Cfi » o < ce 05 CD GO 05 GÔ GO GO GO G0~ GO S 05 (N GO cd GO t— «d CO O GO CO «c* CO CO ao CO « 50 50 GO GO rt b Ci su s: a: < c SU NJ O X! O to a> SC • r— < -*-3 cd 54 o c/2 S *s P o H -4-> 02 Ct nd cd 43 02 S 1 CO 00 GO 00 CO 50 Ç/2 l 3|qui9su9,p guusXoyg l> •d CD o CO d 2 1 Qu 1 O J JianiPU n8 23,2 21,3 r- -h C 35,3 0,4 H \ « J C/2 J Z f >8noi nn 29,3 oo 2,0 00 50 3,9 05 38.4 f > ! o 1 Bjeanof) nB 0.4 sc 9,3 l— 00 46,5 r* d GO » 50 CO o o CO SC 9|quiesu9,p 9UU9^om ^rH (M CD 50 CO GO CO GO 05 50 o 50 CD „ sj< C/2 1 g 1I351!P!I nR CD GO (M CD CO CO 2 1 lenox ne 36,3 sC *rH CO <5^ CD 13,3 r- si 14,8 * CO o 00 BJB.mo0 nB »C (N CO OC SC o r- 00 o r- i> siquuosus.p 9uue<0|)|| r- d GO 50 GO o" ce *Q X) *3 -C ^ 1[311!P!I nR CO 50 CO 26,3 O 35,3 * « 2,7 « c a> i r- CO GO o 05 50 9 < J IRnox ne cd CO 50 GO sc ? 4 cd 50 02 - bc -O- £ — 229 — Il ressort de ce tableau que : 1° Au Gourara, les divers éléments de la fortune sont tous, pour leur plus grande part, aux mains des roturiers zénètes : les trois cinquièmes de l’eau, plus de la moitié des palmiers et des ânes, presque la moitié du cheptel ovin et caprin. Ce groupe ethnique et social est donc de beaucoup pré¬ pondérant au point de vue économique ; 2° La même prépondérance, quoique moins accentuée, appartient, dans le Touat, au groupe des Chorfa qui détient à lui seul un bon tiers des eaux et des palmeraies ; il est cependant devancé, pour le cheptel, par le groupe harratine qui est muni des deux cinquièmes des ovins et de presque la moitié des animaux d’exploitation ; 3° Le Tidikelt offre un aspect particulier : ses eaux et ses palmiers sont aux mains des Arabes des trois castes, avec prédominance de la roture ; ils laissent cependant la plus grande part des ovins et des ânes aux Harratines, dont s’affirment ainsi la richesse plus récente et la plus grande activité au travail ; 4° Si l’on peut dire, par suite, que le Gourara est un pays économiquement berbère, que le Touat est dominé par les Chorfa, et le Tidikelt par la roture arabe, on voit encore que, si les harratines sont fréquemment pro¬ priétaires ( plus d'une fois sur quatre), leur part de fortune immobilière reste cependant faible (moins de l/10f) dans l’ensemble du Territoire dont ils forment les 2/5 des habitants, mais le relèvement de leur condition consé¬ cutif à la conquête française s’accuse par ce qu’ils possè¬ dent un bon tiers, tant du bétail dont celle-ci a provoqué la forte augmentation, que des animaux de travail dont elle a facilité l’utilisation. Les conditions politiques, économiques et sociales de l’existence. — Dans ces trois ordres d’idées, nous connaissons déjà le développement historique 230 — des conditions de l’existence au pays touatien, comme aussi le régime politique et fiscal qu’y a institué récem¬ ment la France ; il est maintenant possible d’en distinguer les premières conséquences. Les castes des Ghorfa et des Merabtines ontpeidu, de la prédominance politique qu elles détenaient jadis, la part officielle, le droit de commander et l’exonération de l’im¬ pôt ; mais elles ont conservé une autorité réelle, quoique plus discrète, résultant de leur origine, de leur qualité religieuse et de leur supériorité intellectuelle généralement indéniable : ce sont des individualités de ces castes qui, pendant longtemps encore, mèneront le reste des habitants de ce pays. La roture arabe et zénète a gardé à peu près la même position relative qu’elle occupait jadis; mais elle a été, nomme les castes précédentes, fortement éprouvée par la libération de ses serviteurs nègres. Pour ce qui est de ceux-ci, la conquête française a arrêté, tant par elle-même que par l’occupation de jour en jour plus complète des pays soudanais, l’importation des nègres qui, si l’on prend soin de laisser de côté les préoc¬ cupations humanitaires — souvent très discutables qu’ont soulevées les anti-esclavagistes, était en soi néces¬ saire à la bonne tenue ethnologique de la population des Oasis. En effet, nous le verrons plus loin en observant les con¬ ditions climatériques de l’existence dans ce pays, les blancs, même sémites, s’y anémient vite, et ils paraissent peu capables de faire face longtemps aux travaux cultu¬ raux qui sont leur principal moyen de subsistance ; ils ont besoin , un besoin positif, évident, de nègres qui les aident dans ce labeur, et qui de plus leur apportent un élément métisseur dont l’efficacité est indéniable, pour peu que 1 on observe l’aspect vigoureux des produits d’unions mixtes à côté de la chétivité de leurs auteurs blancs. De plus l’apport nègre semble bien, pour donner ce résultat avantageux, devoir être continu, car les individus métis accusent peu d’aptitude à fonder des lignées dura¬ bles et prospères : s’ils s’allient entre eux, ils montrent de la dégénérescence dès la troisième ou la quatrième généra¬ tion. Non contente de tarir l’immigration nègre, la « paix française », en assurant la sécurité des routes et des commu¬ nications, a encore procuré un encouragement aux émigra¬ tions vers le Nord qui se produisaient déjà auparavant : elles sont devenues notablement plus nombreuses ainsi que le fait comprendre un instant de réflexion. Un métis, nous l’avons vu, est peu souvent notable pro¬ priétaire foncier, un nègre ne l’est jamais, on peut donc admettre en principe qu’ils vivent de leur travail ; or, aux Oasis, la journée de travail se paie en moyenne de 1 oukia (20 centimes) plus un repas de dattes, tandis qu’au Mzab, le même travailleur gagne 1 fr. 25 ; à Saïda, 1 fr. 50 et 2 francs ; donc, le métis et le nègre se munissent d’un permis de circuler et vont chercher fortune dans le Nord : à Sali, il n’y a plus que 230 harratines et nègres, car envi¬ ron 70, soit 33 pour 100, ont quitté le pays depuis quatre ans *. C’est au point que les autorités locales ont dû entourer de certaines difficultés la délivrance des permis de circuler ; mais les émigrants emploient des subterfuges, par exem¬ ple ils gagnent, moyennant un maigre cadeau, des Arabes algériens venus en caravanes, et se joignent à eux en qua¬ lité de chameliers, de domestiques à tout faire ; arrivés à El-Goléa ou au Mzab, il se procurent facilement la « carta » qui leur permet l’accès des villes du Nord. D’un autre côté, la sécurité influe favorablement sur le relèvement de la population, elle est un facteur d’ai¬ sance et encourage la prolificité, de même que les inter¬ ventions médicales doivent réduire la mortalité. Cependant, dans toutes les classes sociales, les condi¬ tions économiques de l’existence restent très dures pour 1. Renseignement fourni par le caïd de Sali. — 232 — les gens pauvres qui constituent la grosse masse de la population : nous venons de voir ce qu’est, aux Oasis, le salaire de la journée de travail, critérium évident des facilités de la vie en tout pays. Ici, l’existence est difficile, même pour l’individu d’ai¬ sance moyenne. Voici par exemple un propriétaire de 90 palmiers 1 dont vivent : le maître, sa femme, sa fille, un nègre (tous adultes) et trois jeunes enfants ; la récolte de dattes les nourrit six mois, la récolte de céréales trois mois ; pour les trois autres mois de l’année, on achète une charge de dattes en vendant, pour 10 francs environ, le produit âgé d’un an de l’unique chèvre de la maison ; l’alimentation ainsi assurée, il faut encore acheter quelques pièces de vêtement, un peu de sucre et de thé, — et payer l’impôt : à cela passent les sous-produits du jardin, légumes, luzernes, etc. Une autre famille 2 comprenant cinq adultes et huit enfants, vit sur une propriété de 40 palmiers : sa récolte de dattes l’a nourrie deux mois et demi, et celle de céréales, trois autres mois, mais il y a eu 14 francs d’impôt à payer, et le maître s’est endetté de 50 francs ; il travaille à la journée, au salaire dont nous avons parlé. Mieux encore, un hartani, qui ne possède rien, vit, lui et sa jeune sœur, de son travail rémunéré de même, et il a dû payer 2 metkels d’impôt de capitation. Quant au reste, la libération de fait qu’a procurée aux nègres « possédés » la loi française, a fait ressortir jusqu’à l’évidence le peu d’intérêt que mérite cet élément de population, et son inaptitude à jouir de la vie libre. L’ancien « esclave » est resté dans son village : il se refuse au travail à quoi le convie son ancien maître, soit 1. Un roturier arabe, Kaddour beu Hadj Salah, de Mansouria en Timmi. 2. Un hartani, Ahmed ben Abdallah, des Oulad-Oungal en Timmi. — 233 — au moment de la fécondation ou de la cueillette des dattes, soit à l’époque des labours ou de la moisson des céréales, car il sait que personne ne le contraindra à travailler ; le blanc qui jadis se l’est procuré à beaux metkals sonnants reste donc seul chargé des soucis de la culture ; mais après s’être conduit ainsi, le nègre se garde bien d’oublier le che¬ min du jardin patronal où jadis il travailla, et dont la terre comme les arbres lui sont familiers, il leur continue ses visites sans l’assentiment du propriétaire, et, au gré de son appétit, il « tape » sans scrupules sur les dattes et les rares légumes. Survienne l’ex-patron, il le salue : « Tu es mon seigneur et mon maître, dit-il ; Dieu te rende heureux et confonde les mécréants ! » Il sarcle ou pioche quelques minutes au¬ près de lui, puis : « Par ta tête chérie, je suis fatigué ! » Et il se retire. Sur la place publique, il rejoint ses congénères. « Je viens de notre jardin », dit-il. Si le patron, exaspéré de la répétition de cette scène, vient à le rudoyer, ou bien si la récolte arrive à être con¬ sommée, il gagne le poste français le plus proche ; là, soit au « bureau », soit chez les commerçants algériens installés au « village », il trouve à s’employer comme aide-maçon ou manœuvre quelconque à vingt sous par jour, et vit à l’aise jusqu’à l’approche de la prochaine récolte. Au commencement de l’été 1905, le ksar des Üulad- Aroussa en Timmi avait ainsi une quinzaine de nègres « en balade » au « village ». Sur les plaintes de certains propriétaires, d’aucuns furent « consignés » au « bureau », mais alors ceux qui avaient porté plainte furent invités à fournir la nourriture de leurs domestiques infidèles : le plus clair de leurs maigres ressources y passa, et ils se trouvèrent guéris de l’envie de recommencer. Cette question des nègres est des plus graves dans les Oasis : leur travail est nécessaire à l’existence du pays, mais ils ne le donnent plus du jour où ils n’y sont paji contraints, — 234 cependant il faut manger, et, comme ils n ont aucune res¬ source, ils continuent à vivre sur le bien de leur ex-patron blanc auquel ils refusent leur travail ; cet état de choses cause donc double perte au propriétaire : 1° le capital employé jadis à se procurer son travailleur nègre est devenu une perte sèche ; 2° 1 entretien lui incombe du noir qui, selon les mœurs locales, était jadis partie intégrante de la maison et continue à se considérer comme tel, sinon aux heures de travail, du moins au moment des repas. Moins heureux que ce parasite, le propriétaire arabe ou berbère a dû se mettre de ses mains au travail, pour évi¬ ter que sa palmeraie ne périclite, que sa foggara ne s’obs¬ true, choses dont se moque bien le nègre qui ne possède rien : à Zaouïet-Reggane, nous avons vu des Chorfa dont la noblesse est aussi authentique et incontestée que celle du sultan du Maroc, monter eux-mêmes dans leurs pal¬ miers pour les élaguer, parce que leurs anciens serviteurs nègres sont partis à Aoulef, à Insalah ou au Mzab. Le côté le plus grave, vraiment inquiétant, de cette mise en demeure infligée aux blancs de travailler eux-mêmes, ressortira des impossibilités que leur oppose le climat, ainsi que nous aurons l’occasion de le voir un peu plus loin : nous aurons ainsi lieu d’apprendre que l’avenir même des Oasis, leur existence, sont ici en question. CHAPITRE III Les Eaux Les foggaras. — Recensement des foggaras en 1906, comparé, pour l’annexe du Touat, avec le recensement de l’an 1670. — Puits ordinaires. — Puits jaillissants indigènes. — Puits jaillis¬ sants français. Les foggaras* — Dans ce pays qui ne possède aucun cours d’eau permanent, et où l’extrême rareté des pluies ne procure de crues fluviales qu’à des intervalles de plusieurs années, l’homme ne peut habiter qu’en buvant l’eau qu’il va chercher dans le sol, et en se servant d’elle encore pour irriguer les cultures auxquelles il demande ses moyens de subsistance. A cette double fin, il utilise une couche aquifère qui se trouve à une profondeur moyenne de quatre à six mètres ; il l’atteint par des galeries qu’il pousse parfois jusqu’à six kilomètres de distance, et dont le parcours est dénoncé à la surface par les orifices de puits qui sont des regards ou évents ; ces galeries, en arabe foggara , drainent les eaux sur tout ou partie de leur parcours, et viennent les déverser à une hauteur convenable, sur les talus des dépressions où, nous l’avons vu1, sont toujours installées les oasis, pour que ces eaux puissent être distribuées par des canalisations ou seguias dans les palmeraies à irriguer. Les foggaras constituent parfois des excavations consi¬ dérables : au Timmi par exemple, quelques-unes forment de grandes salles souterraines où vingt ou quarante per- 1. Sup. Introduction, pages 7 et 62.. ✓ — 236 — sonnes pourraient se réunir et se tenir debout ; elles comportent généralement une g'alerie principale qui re¬ cueille les eaux amenées d’amont par plusieurs branches secondaires, ce qui explique que la masse liquide débouche à l’air libre avec l’abondance d’un gros ruisseau, parfois même habité par des poissons pouvant peser 100 et 200 grammes. A de rares exceptions près, les foggaras sont toujours alignées de l’Est à l’Ouest, et ceci est à rapprocher de cette autre constatation, que les dépressions ou sebkhas sur les talus desquelles elles viennent déboucher, ont 1 axe de leur longueur suivant le méridien, c’est-à-dire à angle droit avec les galeries drainantes. Cette double particularité semble bien de nature à infirmer l’opinion par quelques-uns admise, à savoir que si, d’une part, les oasis gourariennes sont arrosées par les eaux du Meguiden et des monts algériens passées sous l’Erg, d’autre part les districts touatiens resteraient en dehors du parcours de la Saoura-Messâoud, situé plus à l’Ouest, et boiraient des eaux venues de Tâdmaït. S’il en était vraiment ainsi, d’abord il faudrait rejeter l’hypothèse la plus simple, à savoir que les eaux souter¬ raines actuelles s’écoulent dans le même sens nord-sud qui fut celui jadis suivi par les eaux superficielles, ainsi que nous le montre l’alignement des sebkhas, et admettre que le sens d’écoulement souterrain est orienté d’Est en Ouest, ce qui est déjà un peu plus compliqué que la première supposition ; ensuite l’instinct, infaillible autant qu’incons¬ cient, des cultivateurs touatiens les aurait incités à dis¬ poser leurs foggaras en travers du sens d’écoulement des eaux, c’est-à-dire que, dans le cas particulier, ils les auraient établies nord-sud pour allonger la base de réception, quitte à en couder ensuite le conduit terminal pour le faire déboucher dans les palmeraies ; or ils ont opéré tout autrement, et la presque universalité de leurs foggaras est, comme nous l’avons dit, orientée est-ouest, de telle façon que si les eaux venaient d’Est, la pointe 237 - seule de ces aqueducs se présenterait pour les recueillir, et que ces eaux reçues en pointe ne recevraient plus d’appoint sur leur parcours, ce qui est contraire au fait constaté. Si l’on considère par ailleurs que les oasis touatiennes sont échelonnées du Nord au Sud, et ne peuvent que jalonner des lignes d’eaux souterraines ainsi orientées, comme dans l’Oued-el-Hadjar, l’Oued-er-Remel, 1 Oued- el-Henné, n’est-on pas amené à admettre que ce sont, non des eaux du Tâdmaït, mais les eaux gourariennes venues du Nord, qui, poursuivant leur cours vers le Sud, suintent dans les sous-sols du Touat, et alimentent ses foggaras justement disposées pour intercepter leur route sur un maximum de largeur, c’est-à-dire le plus utilement pos¬ sible. Et que l’on joigne à cela la donnée communément admise au Bouda, à Tasfaout en Timmi, dans le Fenoughil et jusqu’à Timadanine, que les crues de la Saoura font sentir leur répercussion tout au long de la « rue » touatienne ; on verra que le Touat n’est peut-être pas si réellement l’obligé du Tâdmaït que certains l’avaient pu croire. Il en est tout autrement du Tidikelt où les palmeraies se sont installées aux débouchés des différentes coupures de la falaise méridionale du Tâdmaït, s abreuvant par des foggaras orientées encore d’Est en Ouest, c est-à-dire suivant le travers du sens d’écoulement des eaux descen¬ dues du Tâdmaït vers le Sud. Une autre hypothèse serait encore lort admissible : à part le Touat proprement dit, de Tasfaout en Timmi à Timadanine, qui semble réellement profiter des crues de la Saoura-Messâoud, — -ce dont les habitants sont si persuadés qu’ils ont signalé à l’autorité locale un barrage sableux formé depuis ces dernières années à h oum-el-Kheneg et détournant les crues vers le Nord-Ouest, et ont demandé qu’on débarrasse l’ancien thalweg vers leur pays, tout le restant des oasis gouraro-touatiennes et même celles du Tidikelt pourraient bien ne vivre, moins d eaux d’apport, que d’eaux locales restées de l’époque dilu¬ vienne, et emmagasinées dans le sol même de la région où on les utilise. Ce point de vue pourrait se justifier par la pauvreté efficiente des régions soupçonnées de fournir ces eaux ; en elfet il existe dans le Sud-algérien deux nœuds monta¬ gneux éminemment favorisés par les pluies, le Djebel- Amour et le massif de Figuig, or leurs eaux vont, d un côté, par l’oued Djedi, au bassin subalgérien de l’Est, de l’autre, par les oueds Zousfana et Guir, à la Saoura- Messâoud dont nous avons circonscrit le rôle dans le l ouât ; le versant sud des Hauts-Plateaux algériens inter¬ posés entre ces deux nœuds est plutôt peu arrosé de pluies, et les eaux qui en proviennent peuvent très bien se perdre inutilement, soit dans les gouttières de Segguer. Gharbi et Namous qui les canalisent, soit dans les régions de l’Erg qui leur barrent la route 1 ; de son côté, le massif du Tàdmaït, à en juger par sa détresse propre, ne semble guère recevoir tant de condensations pluviales que l’excédent puisse en parvenir jusque dans la dépres¬ sion du l’idikelt et de l’oued Botha. Il est donc fort possible que l’eau dont vivent les Oasis soit de l’eau existant sur place, et résultant des imprégna¬ tions réalisées avant la disparition des nappes superfi¬ cielles. Mais alors nous devons avoir affaire ici avec une provi¬ sion dont l’abondance initiale diminue forcément, tant par la déperdition spontanée que par l’évaporation causée par le climat et dont nous aurons à nous occuper plus loin, et aussi par la consommation qui en est laite par 1 homme et dont nous nous occupons en ce moment. A première lecture, la liste des foggaras qui va suivre va nous fournir une indication abondant dans ce sens. On sait en effet que les Berbères, les plus anciens liabi- 1 . Ce serait la justification du système des « zones d épandage » mis en avant depuis plusieurs années par G.-B.-M. flamand. — 239 — tants connus de ce pays, dénomment « tit » ou « timmi », non seulement une source naturelle, mais encore une perfora¬ tion atteignant une couche aquifère dont la vigueur soit suffisante pour que les eaux montent jusqu’à son orifice, et s’épanchent sur le sol ; les Arabes, immigrés plus récem¬ ment, donnent le même sens à leur vocable « aïn ». Or, dans l’énumération des bouches d’eaux que sont les foggaras, nous allons relever un certain nombre de timmi et (Vain : nous sommes amenés à conclure que le premier travail hydraulique humain constitua des bouches qui ont vomi d’elles-mêmes leurs eaux au-dessus de la surface, ont été jaillissantes , et que, plus tard, ces eaux ayant cessé de jaillir pour devenir seulement ascendantes, des galeries furent creusées pour aller les chercher au niveau qu’elles ne dépassaient plus dans leurs puits primitifs ; le timmi ancien écoula ainsi ses eaux par une foggara qui garda son nom ; et ceci sera confirmé un peu plus loin par la mention que nous aurons à faire de quelques-unes d’entre ces timmi ou aïn, à Oulad-Mahmoud et à Kaberten par exemple, qui n’ont pas cessé jusqu’à nos jours de déverser ainsi leurs eaux sur le sol. Nous possédons d’autres indications de la baisse des eaux, de la diminution incessante du stock aqueux dis¬ ponible. Dans le Tinerkouk où les oasis s’irriguent, depuis que l’Erg a ensablé leurs foggaras, par des puits ordinaires forés dans la même couche aquifère, on sait qu’après un laps de temps chacun de ces puits diminue de débit au point d’imposer son remplacement par un puits nouveau à creuser assez loin, 15 ou 20 mètres, pour atteindre la couche hors de la zone que le puits ancien a drainée et épuisée : cette période utile de chaque puits est, autant que nos souvenirs sont fidèles, d’environ 25 ans. Dans le Tidikelt, le niveau de l’eau baissant, on a dû à plusieurs reprises abaisser le fond des foggaras, au point que le débouché de quelques-unes se trouve déjà au-dessous du sol, et le moindre travail nouveau abaisserait de la — 240 — même façon fatale le fond de plusieurs autres : cela est constaté dans le recensement nominatif des foggaras qui va suivre. Enfin, dans les trois annexes, on prolonge sans cesse les galeries initiales des foggaras, ou bien l’on établit de nou¬ veaux branchements ; c’est souvent, dit-on, pour augmen¬ ter le débit, mais nous avons rencontré maints cas où l’on avait simplement voulu en enrayer la diminution. La déduction qui parait s’imposer de tout ce qui précède est que les oasis sont installées au-dessus d un approvi¬ sionnement dès longtemps formé, dont 1 importance, et pai suite la force ascensionnelle, d’abord très grandes, ont permis d’obtenir des puits jaillissants, non seulement pen¬ dant l’époque berbère à laquelle les Arabes ont mis lin vers le xe siècle, mais encore pendant la période arabe et jus¬ qu’à nos jours ; mais que cette importance de la couche aquifère, non entretenue ou entretenue insuffisamment depuis longtemps, est allée diminuant jusqu à ce que la plupart des puits jaillissants, des timmi ou ciin, se soit transformée en puits ascendants reliés par des galeries formant drains, les foggaras actuelles, lesquelles tout comme les puits ordinaires accusent une diminution pro¬ gressive de l’approvisionnement. On trouvera plus loin de ces sortes de témoins linguisti¬ ques de l’abondance aqueuse du passé tout au long des Oasis : à l’Aougrout, chez les Khenafsa-du-Gourara, aux Oulad-Saïd, aux Oulad-Mahmoud, à Kaberten, au Timmi, dans FOued-el-Henné, aux Titaouine, et, dans le Tidikelt, à Chebbi,1 à Akabli, à Tit, à Aïn-Cheïkh, à Aouïnet-Sissa, et même à Inghar — le « lieu où se trouve de l’eau courante » . Les foggaras sont la propriété de sortes de syndicats qui ont compris, au début, tous ceux qui, par leur tiavail ou une contribution pécuniaire, ont pris part à leur éta¬ blissement ; chaque co-propriétaire a sa part d eau fixée 1. Vid. siip. in Partie réservée. — 241 — et aliénable, et elle lui est distribuée automatiquement par un appareil disposé près du débouché de la foggara. Cet appareil est constitué par une sorte de peigne en pierre tendre dont les intervalles interdentaires, auxquels viennent se brancher toutes les petites seguias particu¬ lières, sont calculés par une sorte de syndic, détenteur du « registre de la foggara » 1 2 3 et de la plaque de cuivre percée de trous qui sert pour le jaugeage. Le distributeur en pierre est dénommé dans le pays « kasria », et le syndic qui en surveille le fonctionnement et tient l’enregistrement des mutations dans le personnel des co-propriétaires est dénommé « keïal-el-miah » (me¬ sureur des eaux). Nous allons donner la liste nominative des foggaras, avec leur débit exprimé en « habbas » * : nous devons rap¬ peler* que nous choisissons ici, pour généraliser, l’une — la plus usitée et la plus justifiée historiquement — d’entre les diverses expressions similaires employées dans les diffé¬ rents districts ; nous rappelons aussi que ni l’une ni l’autre de ces expressions ne représente une quantité d’eau inva¬ riable, mais au contraire une différente d’un district à l’autre, suivant le diamètre du trou de la planche de cuivre en usage dans la localité. Pour faciliter les généralisations, l’autorité locale a, au demeurant, admis une valeur moyenne de l’unité « habba » qui est fixée à 3 litres 3 par minute d’écoulement, et vaut de 5 à 100 francs selon les districts, soit en moyenne 50 francs. Nous donnerons, pour les foggaras de l’annexe du Touat, synoptiquement, le recensement de 1906 et un recense- 1. Ces registres ne contiennent qu’une pure nomenclature des propriétaires d’eau, et ne donnent par ailleurs aucun renseigne¬ ment, ni sur ceux qui ont établi la foggara, ni sur la date de ce travail. 2. D’après les renseignements fournis par les caïds et les djem.ïas, en 1906, aux chefs d'annexe. 3. Sup. Introduction, page 23. 17 — 242 — meut opéré, en l’an 1670, par le caïd chérifien En-Nacer ben Raho et un cileïkh touatien, sur l’ordre du sultan Moulaï- Rachid. FOGGARAS DU GOURARA RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT llabbas DISTRICT DE BARKA El-Kebira et Mebrouk. . 113 5 El-Diedida . 2 5 Sahel . 5 1/8 Otman ben Aïssa (à Aïad) 243 Taghdjemnt . 10 Beziz . 10 Youeef ou Mhammed . . 30 Toukki . 7 1/8 Oulad Abdesseniod . . 3 Abdelàziz, Endielt et Ghe- cer. . . . / . 61 1/8 Noub . 136 5 CHAROUINE Sept foggaras non nom¬ mées . Trois autres (à Taorirt) . Deux autres (à Tinekram) Deux autres (à Taguelzi). DELDOUL Amraguen . 487 Seher . 20 Ardjer . 7 Aïn-en-Nas . 14 Yâkoub . 64 Yeguen . 387 El-Gheïra (à O. Rached). 293 Ed-Seghira . 1000 El-Otmania (à O. Mah¬ moud . 37 BCdala . 10 NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas DELDOUL Mousa Babeker . 25 [il y a aussi des puits jaillissants ind i gènes sur lesquels nous revien¬ drons plus loin) Oulad-Cheîkh (à Kaberten) 30 Dallou . 11 Amghoun . 29 Bâabdallah . 6 Hamma ou Anima. ... 11 5 Temdïat . 4 Oulad-Aïaeh . 5 ( plus des puits jaillissants qui seront mentionnés plus loin) HAIHA Ilaïlia . 1364 Ksar-Yekkou . 187 KALI Hebbane . 26 El-Berrani . 60 Azdine . 162 Abersane . 24 Aïn-ed-Dellou . 40 Bou-Mennad . 3 Badou . 22 Salah . 30 Djâfer . 40 Toukki . 69 — 243 — FOGGARAS DU GOURARA NOMS UKS FOGGARAS O K B I T Habbas KALI Tabat . 4 Bou-Ghenaïm . 3 Ba-Amrane( àAguentour). 105 Ba-Yedda . 430 Tasàmoud . 170 Aghlou (à Tala) . 50 Oulad-Abbou . 75 KHENAFSA- D’AOUGROUT Djedaïa (à Zt-Sidi-Abdal- 59 lah) . Badriane . 20 Mahkoub (à Tala) .... 38 Aghzer Guedim . . . . . 163 Aghzer Ujedid à (Tina- 50 kline) . Djaà . 15 Yesmi . 20 Badallou . 136 Timmi-Mahmoud (à Ben- Aïd) . 31 Timmi . 20 Ouziden. . . 52 Hennedj(àTiberghamime) 60 Badriane . 70 Sidi-Mhammed . 140 El-Aouïna . 7 Taghdemt . 140 Timmi . 3 Tinteghmert (à Ksar-El- Hadj) . 48 Timmi-El-Masri . 100 Djedaï-El-Hamir .... 12 Takallou . 15 Timmi-Ben-Youb .... 300 EI-Kebira (à Abboudl . 156 Cheikh-Ahmed-Ba-Salah . 15 Sidi-Moussa . 8 Timmi-El-Hadj (à Zt-Sidi 3 Omar . Guernedj . 110 Timmi-El-FIadj-Ali ... 12 Timmi-Chorfa . 12 El-Mesdjed . 90 NOMS UKS FOGGARAS DEBIT Habbas KIIENAFSA- DU-GOURARA El-Kaïd (à Hadj-Guel- 107 mane) . Gheser . 26 Souahel . 20 Haroun . 73 Badi . 180 El-Aïne . 7 Tàzzi . 8 Taflit. . . 5,5 Haroun (à Tilouïne) ... 24 1/4 Ba-Moumen . 4 Rpl - A 77 21 Tahnout (à Ta'ghïart)'. . 85’ 1/6 Semghane . 20 Djedid . 39, 5 Taflit . 4 El-Djoufia (à Feràoune) . 50 1/8 Berrat . . 12 El-Mers (à Mâmoura) . . 10 2/3 Adrar . 8 1/3 Akabii (à Yeghzer) ... 55 1/2 Ba-Meziane . 1 1/6 Takouine . 2 1/2 EI-Kenti . 2 Badou (à Baba-Yedda). . 26 1/2 El-Medhert . 3 Adjdel . 15 MaqqIipI 7 Maneksis (àEUKef).' .' .' 140 El-Malah . 1 Oulad-Hadj-Mansour . . 7 Tahfou . 4 Oulad-Akhloun . 73 Bamelik . 2 El-Ferfera . 2 El-Bedià . 8 Hadi-bou-Hafs . 2 Houd . 15 Nâamet-Allah . 1 OULAD-SAID Amokrane . 188 Iladj-Abdesselam .... 38 Malakdouch . 122 El-Mansour . 48 — 244 — FOGGARAS DU GOURARA NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas OULAD-SAID Tadjera . 269 Aïssa . . 197 El-IIamra . 58 Badghagh . 126 Abbani . 245 Taouadjat . 30 Tasmamet . 10 Taflit . 1 EI-Aroussi . 22 Akdoun . 130 2/3 Agbid . ■ • 60 Ed-Dik . 45 Taflit . 18 Mohammed-Kadi .... 12 Tallit . 1 Bazaïd . 50 Interit . 122 Amokrane-Tit . 82 Bakbak . 11 Youcef-Saïd . 14 Tadkhet . 16 Er-Ras (à Arlad} .... 29 Aghlad . 19 Figuig (à B.-Mehlal). . . 171 1/2 Tagrout . 26 Semmah ........ 14 1/2 Beziz . 3 Agrab . . 1 1/2 Zerez . 0,1 ld rai Taghzout . 35 Abghough . 18 Baïz . 13 Afïane . 0.5 Akellou . 2 1/2 Amhaïa (à Lichta). . . . 35 El-Mâïz . 28 Tasmamet . 24 En-Naeer . 8 Terdhet (à Amrad). . . . 12 Taârrabt . 2 Aïn-Es-Seïd . 3 Temedehert . 7 Aïn-Adrar . 12 Amrad . 5 Taourihat . 8 Tezlaleglit . 1 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas OULAD-SAID El-Berrania . 8 Tamrihet (à Semmota). . 50 Tamdehert . 30 Glialeb . 4 Cherif . 10 DISTRICT DE TAANTAST Yebhou (à Tâantast). . . 7 Akmous . 20 Saguïet-Moula . 2 Mesehel (à Z.-Debbagb). 135 Belbal . 7 1/3 Aouça . 5 Akbour . 10 Sidi Kaddour ben Hamza 7 Minou . 29 DISTRICT DE TIMMIMOUN Azekkour (à Timmimoun) 810 Ali ben Hadj . 80 Amokrane . 419 Sidi-Otmane . 18 Sidi-Abderrahman-Salem 20 El-Berrania . 16 Aïssa . 52 Azdiyine . 385 Telalet . 27 Ilammou-Guelmame . . . 302 Tamâouanet ..... . 20 En tiret . 50 Abou-Yahia . 130 Tanâssa . 40 Amghir . 918 Entiret-Oulad-Brahim . . 58 Azer . 37 Aghil . 68 Barkat . 28 Aïssa ben Temime. . . . 9 Amokrane-Oulad-Nouh . 50 Djeher (à Macine). . . . 8 Amrag . 7 El-Fegaguir (à Tadlest) . 467 245 — FOGGARAS DU GOURARA NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas DISTRICT DE TIMMIMOUN EI-Kadhi . 8 Tadlest (à Amzegagh) . . Safsou . 72 EI-Kebira (à El-Ouadjda). 170 1/2 Amokrane . 4 Abhadj . 115 Sidi-Mahfoudh . 2 1/2 Temana (à Temana) . . . 100 Iladj-Yahia (à O.-Daharl. 9 El-Kebira (à Tasfaout). . 12 1/3 Es-Seghira . 5 Tazir (à El-Ahmar). ... 12 1/2 Tabou . 4 1/6 Aïn-Otmane . 12 2/3 Baloka . 11 1/6 Hendelès . 20 Tenine . 19 1/2 El-Abbas (à Z.-Sidi-Bel- kassem) . 64 Senag . 10 Agher . 3 Tamkount ....... 6 Ousif . 31 Amgoub . 8 Riâ . 6 Yâkoub (à B.-Guemma) . 40 El-Mechrâ . 26 Ben-Youcel . 34 Tadernat . 115 Mazer (à Charef) . 100 Ninou . . . . 10 Fatis (à Akbour) . 165 Timmi Ben-Aïd . 3 Timmi . 12 Timmi Mohammed ... 3 El-Oulid (à Toursit). . . 114 Anit . 130 Yâla . 26 Ben-Allal . . . 70 Tamestine . 3 Akbour . 70 Babba . 24 Ba-Youceî . 40 Adjdir . 55 Ahenni (à Beni-Mellouk). 64 Tafertast . 19 NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas DISTRICT DE TIMMIMOUN Khebir . . 12 Diebbagh . 15 1/3 Abbou . 6 1/2 Ba-Yedda . 24 EI-Mebrouk . 18 El-Diiane . 6 1/3 Abadj . 5 1/2 DISTRICT de TELALET El-Kebira (à Telalet) . . 150 Bourkane . 25 1/2 Ba-Yedda . 130 1/2 Messâoud (à Alamellal) . 77 Baskat . 17 Quatre Foggaras réunies 58 1/3 Hennanou (à Aghiat) . . 132 Tahtout . 10 1/2 Deidoui. . . . 14 1/4 Felfel (à Badriane) . . . 113 Bou-Rabah . 24 Mendas . 10 Akhabi . 110 Es-Seflania . 10 1/2 El-Khalfi . 4 Ez-Zeg . 33 Yahia . 20 Semmam . 8 EI-Kebira . 17 El-Mehdi . 10 1/3 Ba-Aziz . 7 Oulad-Màlli (à Terouaïa) 61 1/2 Akrane . 8 1/2 Cherkiyine . 52 En-Nisa (à Azekkour) . . 85 Touchent . 18 Bïouha . 4 Teganet . 36 Houd . 18 Semah . 2 OULAD-AISSA Messâoud . 9903 Amhari . 3402 Adjil . 4403 El-Moumen . 6803 — 246 — foggaras du gourara NOMS UES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas METARFA Habbas SAIIELA & OULAD ALI Une Foggara . El-Kebira . Bou-Slah . Ben-Selmane . El-Foggara . Diem . Ei-Guebla . El-Ammar . El-Foggara . 64 9 2 4 5 3 1 2 OUFRANE Ba-Abdallah . Bessemam . Er-Righïa . El-Hamra . Bacoula . . Ba-Moussa . El-Djedida . 10 14 26 25 75 35 21 Il nous reste, pour compléter l’annexe du Gourara, à donner les foggaras du Teçabit ; mais comme ce district fut compris dans le Recensement clu Toucit effectuée en 1670, nous allons dès maintenant commencer le tableau synoptique des deux recensements1. 1. Voici le préambule d’une copie de ce recensement trouvé à Zaouïet-Kounta : Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Oue Dieu répande des bénédictions sur notre Seigneur Moham¬ med ! Ceci est une copie du registre de recensement des eaux du louât dressé par ordre du serviteur du Sultan à la fin de sajai 1081 (juin 1670). Elle contient le recensement détaillé tel que nous l aons trouve dans une vieille copie en partie détruite par les vers ; nous avons laissé ces parties en blanc jusqu’à ce que la trouvaille d'un autre exemplaire permette de les remplir* . *C’est précisément ce qu’il nous a été possible à nous-mème de faire car nous avons découvert une seconde copie de ce document au Bouda, et nous allons en présenter une leçon complète. Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Que les bénédictions de Dieu soient sur le Prophète . Sur l'ordre du Sultan noble , de l'Imam Moulaï-Rarhid ben Moulai- Ali — que Dieu le rende victorieux et soutienne ses soldats contre les ennemis ! Son serviteur Mohammed ben Bou-Beker ben Cheikh Et-Touati a opéré le recensement des eaux du Touat de façon complète et équitable ainsi qu'il suit : 24 1 — FOGGARAS DU GOURARA RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906» NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas Habbas EAUX DE BOU-YACOUB (Ksar ruiné, ses eaux ré¬ parties entre Ariane-er- Ras et Brinken). Les quatre seguïas de Bou- Yâcoub (sic) . Ibirki, à Atlane . Oulad-Abdallah . Oulad-Ali Atrif . . Youtas . El-Loua 2 2 kirat . 2 2/6 Ibrik (à Ariane-er-Ras) . 1 2/6 Ta- Abdallah (à Arïane-er- Ras) . 0 1/6 Oulad-Ali . 0 2/6 Ba-Attaf (à Ariane-er-Ras) 0 2/6 Morte — 2 2/6 El-Lalou Ba-Mimoun — Batâla — 114 6 404 4 8 3 10 EAUX DE BENI-ARKANE (sic) Taremmanet . 2/6 Ameskour . 2 2/6 Zellou . 0 2/6 Aguer-Maguer . 3 3/6 Oulad-Abbou . 2 3/6 Aguer-Nenedj . 1 2/6 EAUX l)E BRINKEN Oulad-Abbou . 10 1, Nous ferons correspondre face à face les foggaras de 1670 et celles de 1906 qui s’identifient ; quand à celles de 1670 qui ne sont pas citées en 1906, on peut les considérer, d ores et déjà, comme mortes c’est-à-dire taries, soit par éboulement, soit par abandon de leurs propriétaires ; nous mentionnerons mortes , en 1906, celles pour lesquelles le renseignement nous est rapporté ; pour les autres la place reste en blanc et pourra être remplie par ceux qui se trou¬ veront à même de compléter le renseignement ; quant aux fogga¬ ras de 1906 non cités en 1670, ou bien elles sont de construction récente (on en établit encore de nos jours), ou bien elles furent, lors du recensement chérifien, laissées intentionnellement de côté comme appartenant à des merabtines ou des chorfa exonérés de l’impôt sur les eaux. — 248 — foggaras RECENSEMENT DE 1670 noms des foggaras débi EAUX DE BENI -AK R ANE Aguer-Nàmer . Taghdjemt . Asmam . Oulad-Mohammed. . . Ammi-Amer, à Aflaue . Agucr-Mohammed. . . Amimoun . Denegsane . Beshano ....... Bou-Beker ben Ali. . . Habbas 1 1/6 0 4/6 1 3/6 4 3/6 1 1/3 0 2/6 0 2/6 5 2/6 2 3/6 4 EAUX DE AMOUR Seguïa-Ivebira . 20 1/6 El-Mansour . 5 Aguer-Menedj . ... 3 4/6 Aïach . 13 4/6 Hammad-Adjren .... 2 El-Mansour . 5 Ba-Mekhlouf . 2 En-Nekhla ....... 4 3/6 Bouziza . 2 3/6 El-Hadj El-Aïd. . . . 0 2/6 Oulad Brahim . 1 2/6 Otmane ben Aïssa. . . . il 1/6 Taghdjemt . 2 1/6 Youcef ben Ahmed . . . 5 EAUX D’OUDJLANE Bouttaouane . 32 2/6 Asdjir . 0 2/6 Oulad Amor . 1 1/6 Moussa ben Saïd .... 0 2/6 Taghdjemt . 2 2/6 Aguer-Nencdj . 4 Es-Siba . 9 DU GOURARA RECENSEMENT DE 1906 NOMS des foggaras débit Habbas EAUX DE BRINKEN Taghjemt. . . . . . Besmam . Oulad-Mohammed. . . 10 3 28 Denegsen Bou-Beker . Mohamed ben Mohammed Areb . El-Beledj . (ksar ruiné, ses. eaux réparties entre Brinken, Aïad et Ilammad) : Amour (à Brinken). ... 60 El-Mansour (à Brinken) . 80 Abiach (à Hammad). . . 25 El-Mansour (à Brinken) . 80 El-Khelef (à Brinken) . . 15 En-Nekhel (à Hammad) . 30 Bouziz (à Aïad) . 10 Otmane ben Aïssa (à Aïad) 243 Taghdjemt (à Aïad) ... 10 Youcef ben Ahmed (à Aïad) 30 Toukki (à Aïad) . 7 El-Melah (à Hammad). . 10 EAUX D’OUDJLANE Morte. Morte. Morte. Morte vers 1874. Saïba. . 65 Aboutoual . 300 FOGGARAS DU GOURARA RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX D'EL-MAIZ Siba-Kadima . 2 2/6 Abdallah ben Yeddou . . 2 Yahia ben Mohammed. . 1 1/6 Aouragh . 2 3/6 Abbou . 16 3/6 (puis sur nouveau jau- geage) . 3 Aguer-Nenedj . 5 4/6 Sederman . 1 4/6 Amer ben Salah . 4 Aïssa ben Yàlou .... 0 4/6 EAUX DU KSAR- YAHIA (D’EL-HEBLA) Aguer-ou-Aghrem .... 5 Oulad-Youcef . 1 4/6 Oulad-Yâkoub . 2 2/6 Moussa ben Mohammed.. 3 Betine . 2 Youcef ben Boubeker . . ï 2/6 Aguer-Netmane. . . 7 Yàkoub ben Youcef . . . 6 Aderghal Oulad-bou-Saïd . Bou-Slah . 10 1/6 11 5/6 Ben-Talha El-Kebira . . 17 3/6 Abdallah bou Youcef . . 3 Aderghal, à Ben-Talah. . 0 3/6 Taghdjemt, à El-Hebla. 0 3/6 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX D’EL-MAIZ Seïba . 215 Aouragh . 55 Abbou . 260 Aguernedj . 12 Amer ben Salali .... 57 4/6 Ben Yâloul . 28 Dierm-Aghrem . 310 Ei-Amech . 21 EAUX D’EL-HEBLA Moussa ben Mohammed. 53 Yàkoub . 53 Bou-Slah . 92 Beni-Talha . 72 Taghdjemt . 3 Moulaï-Ali bou Youcef . 24 Aderghine Moulaï-Cherif. 3 Mohammed Salah-El-Gho- mari . 3 El-Djedid . 49 Aderghane El-Hadj ... 15 Moulai Salem . 30 Diertir . 53 El-Hammada . 50 — 250 — foggaras du touat RECENSEMENT DE 1670 NOMS des foggaras débit RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE BOUDA Hadj-Ahmer El-Gharbi. Ï-Iadj-Amer Ed-Douni . El-Hadjadj . El-Melah . . ■ Ben-Rehouane Seghir. Saguiat Sefianes . . . Bouzid . Ba-Moussa . Terou-El-Azz . Oueheïaten (1 2) . Mesmouâ . • Bou-Khezer . Mahrez . Mohammed Abdaltali . Ilammou . Tamellalt . Abdallah ben El-Azz . Taâmrane, à Beni-Lellou Atïou-Lellou . Amenasser . 6 3/6 9 2/6 5 0 2/6 2 2/6 2 1/6 2 1/6 5 4/6 1 1/6 3 2/6 11 4/6 4 2/6 7 2/6 4 2/6 13 4/6 2 4/6 8 3/6 8 4/6 8 2/6 DISTRICT DE SE B A (‘) El Ghaba . Aîergane .... • • Ba-Otmanc . • El-Kebira . Tarzi . Dahlia . Oulad-Aïssa . . . • • • El Hamra. . . EAUX DE BOUDA Hadj Amer Seghir. . . H ad] -Amer El-Kebir . El-Hadjadj . Morte. Morte. Morte. Bouzid Bou-Khezer Mohammed Ilammou . Tamellalt . Taâmrane. Morte. Abdallah Habbas 27 77 117 267 300 123 171 43 54 78 12 159 63 143 3/6 12 432 50 1. Le district de Sebà échappa au recensement de 1670, comn appartenant à des merabtines exemptés d impôt , (cf y 'ancienne 2. Tiendrions-nous ici un témoin linguistique de 1 ewMime Oueheïati (sup., p. 115), ou Ouellegueia (sup p. 31). Un sc ^up nous arrête âans^ cette identification, pourtant aussi W™ee’c™t apparence, que plusieurs autres regai dees fi " trouvait que le chroniqueur El Oucheni précisé que Oueheïati se trouv en Tigourarine ; jamais un Touatien n a compte le Bouda dans je Tig’ourarine ou Gourara, qui était, jadis, le bassin u Sebkha, sans plus. — 251 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT habbas EAUX DE BOUDA Yâdouch . 2 4/6 Bahout . 0 5/6 Mellel Mekhlouf . 5 ou plutôt (sic) Yâllou. . . 3 1/6 Djemm . 15 4 6 Anhil . 3 2/6 Dahïane . 3 4/6 Bezkour . 7 2/6 Zeher . 3 Atemghar . 5 Atma . 3 5/6 El-Khanfous . 3 Aguer-Maguer . 9 Ba-Djemm . 7 Hachlaf . 1 EAUX DE TIMMI Tidji (à Ouinna) . 12/6 Araar ben Youcef .... 7 4/6 Taâïssa . 2 Ali ben Youb . » Taghdjemt . 26 Oulad-Youcef . 9 2/6 Amar ben Aïssa . 0 3/6 Takemmel . 1 Makhlouf . 2 3/6 Tezouat . 5 3/6 El-Mebrouk . 0 4/6 Aflane Amzitane ... 1 4/6 Ba-Youcef . 0 2/6 Addou . 21 3/6 NOMS DES FOGGARAS DEBIT habbas EAUX DE BOUDA Yâdouch .... • 684 Yâliou . 108 Djemma . . . 46 Aguer-Maguer . 108 Ba-Djemm . 251 Ilachlaf . 22 El-Bour . 276 Ba-Bekka . 283 Aggakour . 18 Takouzzi . 18 Habbi . 18 2/6 Tarbez . 18 El-Feguiguira . 135 Souhel . 18 Taïr . 63 3/6 Ba-Messàoud ...... 22 [plus 12 foggarat mortes) Toukki (à Meraguen) . . 20 Zaouïa (à Meraguen). . . 120 Aghis (à Meraguen) ... 40 EAUX DE TIMMI Taghdjemt . 4544 k. Oulad-Youcef . 2304 k. Tezouaïat . 150 k. Adduoi . 567 k. 252 FOGGARAS DU TOU AT RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT EAUX DE TIMM1 Taghraf . Baloud . Amrad . Talmaïz . Habbas 2 1 2/6 9 6 5/6 EAUX DES OULAD- AROUSSA Aguer-Maguer . Youb . Amzel . Adjedlaouane. . . . . Aguer-Nenedj El-Kebir . Takhamer . Ba-Mousa . El-Kas . Tayoucef . Terkemt . Oulad-Boubeker Kedima . Oulad-Ali Djourou. . . . Dahmane . Afiane, à Beni-Tamert. . Terkamt . Sidi Salem . Adjmad . Aggam . Ba-Aïssa . . El-Ghazi, à Akbou. . . . Ghesser . Gherïane . Ali ben Bahassen . . . Mousa . Sehel . Ba-Sehel . Taghdjemt . Mekhlous, à Tezdaï. . . Asghal . Oulad-Ghenoum .... Ahneïen ben Harzane . Oulad ben Miloud. . . Taghrafet . Taatart . Ougueddim . Daher . 4 2 2/6 1 3/6 20 2/6 22 1/4 4 1/4 2 2/6 8 2 2/6 1 3/6 2 22 1/6 2 3/6 2 1/6 9 2 4 1/6 1 22 2 6 4/6 5 6 2/6 5 3/6 8 1 0 2/6 1 1/6 1 3/6 1 1/2 1 1/2 Habbas Kirat 1 1/3 et 2 1/2 1 h. 1/6 0 h. 4/6 2 1/3 . 10 1/3 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Kirat EAUX DE T1MMI Amrad 260 Y . . ★ • • • Adiedlaouen . . Aguer-Nedj (Oulad-Oun- gal, Oulad-Ali) . . • • Ba-Mousa . El-Kas . Youceî . 40 1000 1600 120 450 53 Oulad-Boubeker. . . . 760 Afiane . . . . Terghamt . . . Sidi Salem . . 70 20 8<> Ba-Aïssa El-Ghazi 160 140 Gherïane . Ali ben Hassen . Mousa . . Souhel . Bou-Sehel . Taghdjemt . Mekhlous . 150 145 300 80 90 186 11 h. Oulad-Ahneïen . . . . 9 h. Taatart . . . Ougueddim . Daher. . . . 9 h 223 700 — 253 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DES OULAD- AROUSSA Yekhlef . 4 1/4 Adghagh . 6 Meknas . 41/4 — 1 d. Tayezidine . 3 Tamasine . 3 Oulad-Otmane . 19 3/6 Aguer-Nenedj Seghir (aux Oulad-Oungal) .... 6 3/6 (Aucune des deux copies de 1670 ne men - tionne ce district, ni ses foggaras). RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DEBIT Kirat EAUX DE TIMM1 Yekhlef . 200 Adghagh . 20 Meknas . 100 Masine . 430 Oulad-Otmane . 180 Aguernedj (Oulad-Oungal) 700 Djenanat Beddou .... 13 Sidi Abdallah . 7 Kebira (de Kousain). . . 60 Ben Amor. . . 20 Djaïba . . 630 Foggaret-El-Arab. ... 30 El-Kandefa .... . 8 Ighennou . 60 Bouzab . 12 Tazerzaïa . 13 Cheïkh . 40 Zaouïat-Mimoun. ... 40 El-Djedida . 40 Sidi El-Habib . 53 Aliya . 30 Sidi Mohammed . 10 Ifadj Mekki . 7 El-Harratine . 18 Oulad Hamza . 20 Ard-Djedida . 220 Es-Sebkha . 33 h. Ghezi (source El-Bekri) . 30 h El-Abid . 3 h. Abenkor . 3 h. Sidi-Taïcb . 230 h. Amazer . 17 h. Djenane-Kebir . . . . 10 h. Ech-Cheïkh . 93 b . Zaouïet-Tinilane . 98 k. Es-Sebkha . 105 k. Tarahmoun . 44 k . Baghdad . 29 k. EAUX DE BOU-FADD1 Ei-Ksar . 46 h. Oulad Mohamed ben Yaïch 100 h. — 254 — foggaras du touat RECENSEMENT DE 1670 noms des foggaras débit Habbas RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE BOU-FADDI El-Bouzidïa . 82 Bout El-Amach . 8 El-Mechrâ . 370 Telmetine . 29 Taoua . 47 Abenkor . 386 Souilha . U4 Bout El-Hassane .... 16 El-Ghaba . 6 EAUX DE TAMENTIT Anhil,Tourouart,Tibyahia 9 2/6 Ouâdallah et Tahammou. 1 3/6 Aguer-Nenedj. . . • 8 h. 2 k. Mo usa, El-Aïz,Tikedouine 1 El-Djenane . 0 6/6 Taâtmane . 0 3/6 Lokmane . 7 2/6 Taharrart. ....... 2 Ourmelane Seghir. ... 11/4 Taàmghar ...... 21/6 Ourmelane Kebir .... 6 4/6 Bag'hdad . 1 1/4 Habbas Kir. Boudi . 3 2/6 et 1 1/5 Oulad-Yahia . 2 Mazer . . 8 4/6 Yeddou . 2 3/6 Babboukh . 12/6 Takrezt et Lacheheb. . . 4 1/4 Abenkor Ali ben Youseï. 1 Abenkor Oulad-ba-Ahmed ben-Abdallah .... 0 4/6 Abankor Ba-Sâd et Oulad ba-Hammou benAbder- rahmane . 1 3/6 Achbel, Aïssa et Ali. . . 1 3/4 Hennou. . 11 3/4 Sidi Baballou . 1 h. — 2 k. Ba-Slah . 3 h. 1 k. 1/2 Taghdjemt . 3 3/4 Ali-bou-Yâcoub . 3 Youdjer . 4 k. 5/6 Heddou . 0 4/6 EAUX DE TAMENTIT Anhil . 159 Mousa . 50 El-Djenane Ourmelane Seghir. ... 36 Ourmelane Kebir .... 223 Baghdad . 188 Boudi . 19 Mazer . 112 morte. morte. Oulad-Hammou . 87 morte. Hennou . 192 Taghdjemine . 96 — 255 FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas Habbas EAUX DE TAMENTIT EAUX DE TAMENTIT Aguer-Nenedj . 3 Aguernedj . 22 Boukkou et Ali . 0 3/6 Morte. Aguer-Bouragh . 1 — 1 k. 1/5 Les Oulad Sidi Moham¬ med ben Ba-IIaddou ont, à Tasl'aout. . . .0 2/6+0 k. 3/6 . . . . üherif . 54 . Makhlouf . 128 . Takerzit . 50 . El-Gheïr . 35 . Guebabane . 80 . Adiguer (ou Adiguen). . 52 . Sidi Ou Ali . 50 . Sidi Touhami . 26 . Mimoun . 18 . Taghouart . 25 . Aïssa ou Ali . 73 . Adjemtane . 28 . Tekdouine . . . . ... I9 . Denegsen. . 136 . Amguid . 100 . . Bel-Hadj . 25 EAUX DE TASFAOUT Habbas Kirat EAUX DE TASFAOUT Taghella . 1 1/2 et 13/5 Abbou . 57 Abbou . 2 h. . Boubeker ben Salem. . . 1 h. Yeddou . 42 Yeddou . 3 h. 1/4 Ba-Youcef 23 Ba-Youeef . 6 h. Taâmor . 63 Oulad-Boubeker Sidi Habbas Kir. Bayahia . 11/2 et 2 1/2 . Tamimoun . 5 h. 4/6 Tamimoun . 63 Hennou . 3 h. 1/2 . Terkamt . 4 h. 2/6 Terkam . 12 Bou-Amrane et Braliim . 1 h. 3/6 . Yaghoullou . 0 h. 1/8 Yaghoullou . ] 33 — 256 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS EAUX DE TAS F AOUT La part des gens d’Abani dans la seguia Moham¬ med ben Boubeker . . DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas EAUX DE T AS F AOUT Habbas Akabli . 60 Mâtallah . 14 h. 1 k. Ba-Salah . 54 Taghdjemt . Tadimine . 18 12 El-FIarratine . 30 Masine . 24 Ould-Baabdallah .... 13 Ahem . 33 Asemmane . 86 Bessedra ....•••• 11 Sidi Ali . 22 Mesaghra . 14 EAUX D’ABANI Tabet . 2 h. 4/6 Mohammed ben Moumen 1 h. Mesdjed . Oh. 2/6 El-Mansour . Oh. 1/4 Tabet . 100 El-Menaçir . S Moulaï-Ahmed . 134 Mâtallah . 4 El-MIiha . 12 Ben El-Alem . 25 Tabrahim . 365 EAUX D’OUDGHAGH EAUX D’OUDGHAGH Mohammed ben Boubeker 0 h. 3/6 1 k. Oulad-Brahim . 1 h. Ba-Mamoun et Abdallah. 0 h. 5/6 1 k. Oulad-Aïssa . Oh. 1/4 La seconde Oulad-Aïssa. 1 h. 1/6 Taghdjemt et Smàïl. . . 5 h. 3/6 Boubeker . 2 h. 4/6 Talkaït . 2 h. 3/6 2 k. Gheser, dont la part des gens d’Oudghagh est. . 4 h. 1/2 1 k. et la part des gens de Brahim est . 15 h. 1/2 Smàïl . 122 Boubeker . 115 Gheser . 284 (dont aux gens de Ben* Hemi est 124) El-Aliouciiia . 20 257 — FO GG A R A S RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE BRAHIM 1 Messâoud . 3 h. 1/2 Ben-Aïne . 28 h. 1/2 Takouz . 1 h. 1/6 Medroum . 6 h. 1/2 Hammou, à El-Mansour. 3 h. — lk. Tedmaït, à Makra. . 4 h. 3/6 Terkamt . 2 h. —2 k. Asmam . 0 h. 3/6 Adel . 4 h. 3/6 EAUX DE NOUM-ËN-NAS Taghdjemt . 4 h. 3/4 Aguer-Aoulcm . 16. 3/6 Bou-Hafs . 4 h. 2/6 2 k Ariane . Oh. 2/6 2 le Oulad Selim . 3 h. 2/6 Aguer-Mezzi . 7 h. 3/6 Oulad-Aïssa . 1 h. 1/6 Ali ben Yahia . 2 1». Oulad-Bou-Zid . 1 h. 1/6 Noum-en-Nas . 21». — 2 k. Abd-el-Adhim . 1 h. 2 6 Oulad-Otmane . 3 h. 2/6 Aguer-Maguer . Oh. 4/6 1 . Personne ne connaît maintenant du Fenoughil. DU TOU AT RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOCGARAS DÉBIT Ilabbas EAUX DU FENOUGHIL Messâoud . . 174 h. Ben-Aïne . . 629 h. Takouza . 18 h. Medrouma . 99 h. Hammou . 40 h. Tedmaïne . . 143 h. Adel . 34 h. Hammou-Bekkou . . . 26 h. Sabara . 84 h. El-Kasir . . 118 h. Bou-Slah . 28 h. El-Ouadjda . 8 h. Mazer . 283 h. Yahia . 59 h. Oulad-Mobarek .... 5 h. El-Ahsane . 40 11. EAUX DE NOUM-EN-NAS Taghdjemt . _ S h . Agueloulem . 38 h. Oulad-Aïssa . 21 h. Oulad-Bou-Zid . 4 h. Noum-en-Nas . 17 h. Oulad-Otmane . 108 h. Ta°hdjemt El-Ivsar . . . Abbou . 20 h. 8 Tati ou Amer . 127 Makar . 24 l'emplacement qu’occupa ce ksar 18 — 258 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES I'OGCARAS débit Mal. bas EAUX DU TAMEST Jladj ben Khedda (à Ba- Amor . 0 1/6 Ilammou-Tarki . 14 3/4 Babellou ben Cheikh . . 0 2/6 Sid Ahmed et Taleb Man- sou r . 1 Hammou-llenoun .... 0 3/6 Mazer . 11/4 El-Melah . 0 1/4 El-IIamra . 2 1/4 Taleb Yousef ben Miloud (à Ba-Arnor) . 0 1/2 Akerned . 1 h. 2 k. Tedmaït et Yacoub ... 0 3/6 Bedegh . 1 h. 1 k. Youllel . 0 h. 3 k. Talerra . 4 Oudji . 2 h. 1 k. 1/3 Tanouh . 3 Tamasseght . 3 2/6 Asmam . 2 1/6 Taâmelt . 1 3/6 Talemt . 2 1/3 Bezdem . 1 1/8 Tamousa ou Amor ... 2 2/6 Ba-Saïd . I 3/4 Aghas . 3 Taghdiemt . 2 h. 1/6 Sahela . 0 h. 2 k. Aux Oulad-Antar dans la seguia Tamalt . 6 h. 1/2 Tamâllem . 4 h. Talmaït. . . 1 h. 1/6 Oulad-Youcef . 8 h. 2 k. Ouhamed . 1 h. 1/6 Tasbakht . 1 h. 1/2 Mahrez . 0 h. 1/2 Andjeni . Oh 4/6 Taouanmia . 1 ïi. 4/6 1 k. Taghraît . 1 h. 1/2 Oulad-Otmane . 2 h. 4/6 Tadjennou . Oh. 10 Rahahna . 4 h. 3 0 Oulad-Mohammed . ... Oh. 30 Anàm . 6 h. 1/2 RECENSEMENT DE 1870 NOMS DES FOGGAP.AS DÉBIT EAUX DU TAMEST Habbas Hammou-Tarki et Dje- nane-Bellou . 134 1/2 Djenane Sidi Ahmed. . . 2 Hammou-Henoun .... 17 El-Hamra (Ba-Amor) . . 40 Bout Taleb . 134 Tedmaït . 8 Boudagh . 20 Oudji et Tafar . 168 Tamasseght . 46 Tasmamt . 97 Mousa ben Amer .... 20 Aghas . 20 Tagluljemt . 14 Sahela . 60 Tamalt . 73 Tamâllem . 38 Tayousef (El-Ahmar) . . . 130 Ouhamed . 33 Es-Sebkha . 33 Taouammane . 33 Taghrafl . 26 — 259 — FO G GARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1G70 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉDIT Habbas EAUX DU TAMEST Aghil . 2 h. 2 k. Yennou . 16. 4/6 Tamassekht . 5 6. 1/6 Aliem . 16. — 2 k. Mak61ouf . 0 h. 3/6 SekaI, Abdalla6 ben Has- sonn, Yahia et Atcr. . 11 h. 3/4 Mazer . 1 6. 1/3 Ben-El-Guebli, à Keïs. . 0 6. 3/4 Maâtou . 0 6. 3/4 EAUX DE TI TA F NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DU TAMEST Tagbzert . 1 Djenane Sidi-Youcef. . . 15 Bou-Zeïane . 121 El-Feguigra . 24 Taghdjem (Sidi-Youcef) . 5 El-Beraber . 80 El-Beïdha (Ba-Amor) . . 17 Djenane Baba . 2 Rabah . 8 Iladj Amar . 20 Tabtab . . . . 4 Ben Hammadi . 11 Taâbou . 217 Gberissat . 2 Es-Saf . 17 Amrane . 41 Abbou (El-Ahmar). . . . 31 Tindafou (Temassegbt). . 120 Adjedlaouane . 12 Tazader . 23 Taleb Mobammed .... 616 Ouaklida (Agliil) . 76 Amaz . 13 Fegaguir Ikis . 210 EAUX DE TITAF Takouz et Anlbl . 10 6. 4/6 Mobammed . 16. 4/9 Adjelaouen . 5 6. 3/4 Tahlebbeït . 3 6. 1/6 Agruer ou Aghrem. ... 2 h. Tasenkort . 0 6. 3/6 1 k. Iladj Ibrahim . 0 6. 3/6 Anbil . 6 6. 1/2 Takouz . 68 6. Taldebeït . 190 6. Aguer ou Aghrem. ... 20 6. 260 — FO G GARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGAP.AS DÉBIT Habbas EAUX DE TITAF Aguer-Mezzi . Oh. 3/4 Oualkaïfl . Oh. 3/4 Taghrafet . Oh. 3/4 Taghdjemt . 1 h.— 2 k. Temmast . 2 h. Sehri . 0 h. 1/4 Amer ben Ilammou.. . . 5 h. 1/6 Ouenzen . 2 h. Ba-Youcef . 3 h. — 2 k. Mohammed . 1 h. Aguelmam . 1 h. 2 k. Taghdjemt . 2 h. Oulad-Mellek et Al-Bid. . 10 h. 1/2 Moussa ouAïssa ouYAzzer 2 h. 1/8 Aguer-Maguer . 0 h. 5/6 Oualkheïr. . 1 h. 1/2 2 k. Otmane,àAghrem*Iannou 8 h. 1/6 Aklel-EI-ITadj . 1 h. 1/3 Abdelhakk . 2 h. 1/2. 2 k. Bou-Temime . Oh. 5/6 Ba-Youcef . 2 h. Oulad-Aïssa . 3 h. 1/6 Moussa ben Mekhlouf . . 2 h. Moussa ben El-Mâïz. . . 2 h. 1/2 El-Kebla,près de la zaouïa Oh. 1/4 Akdim . 4 h. 1/6 Ba-Hassen et Ali ... . 1 h. 1/2 Zeker, à Aghit El-Mokhfad . . Ouakda. . . . Aghandès. . . 5 h. 1/6 3 h. — 2 k. 3 h. 2 k. 3 h, 4/6 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE TITAF Taghraîet . 19 h. Taghdjemt . 61 h. Ba-Youcef . 64 h. Taghdjemt . 11 h. 1/2 Oulad-Malek . 105 h. 1/2 Azzer . 23 h. El-Ghaïb . 18 h. Tamest . 21 h. Dat-el-Kirat . 6 h. Ez-Zemzemi . 55 h. EAUX DE GIIARMIANNOU Otmane . 91 h. Morte. Abdelhakk . 130 h. 1/2 Morte. Ba-Youcef . 32 h. Oulad-Aïssa . 68 h. 1/2 Morte . . Morte . Morte . Morte . Morte . Tourir . 21 h. EAUX D’AGIIIL Ouakda 76 h. 13 h. A ma/. — 261 FOGGARAS DU TOU AT RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX des OULAD-YADELTEN 1 Youbzam, à Mekkid. . . 2 h. 1/6 Abd-el-Ghani . 2 h. 4/6 Tefsa . 0 h. 1/4 Oulad-Messâoud .... S h. 4/6 Teguenez . 2 h. 1/3 Tiouririne, à Tainal. . . 1 h. 1/3 Oulad-Aïssa . 1 h. 3/6 Aîergane . 1 h. 1/2, 2 k. Yeguem . 4 h. Yeguem Seflani . 3 h. 1/4 Tinnaf . 10 h. Takhnoust . 4 h. 1/2, 2 k. Taghdjemt . 1 h. Adjdel . 4 h. Y e k b le f Seilani , près d’Adrar . 0 h. 2/6 Adkel . 0 h. 1/4 Teskir, à Oulad-Amor-bel- Fok . 0 h. 3 k. Asmarn, à Mousa Ould Ali 0 h. 1/4 Tedjmemt . 0 b. 2/6, 2 k. Amlouk . 1 h. 2. k. Messâoud . i h. 1/4 Bekkou . 2 h. Oulad-Mohammed (à El- Khelef) . 2 b. 1/3 Youccf ben Mohammed . 0 h. 1/4 Asmarn . 0 b. 3/6 Abenkor Mohammed ben Youceî . 0 b. 2/6 Ahmed . 1 b. 1/3 Youb-El-Adrari . 8 h. 1/6 Ba-Mimoun . 10 b. Ouhassine . 0 h. 3/6 Taghdjemt . 0 h. 2/61 Aman sa r . 2 b. 2/6 EAUX des OULAD-SIDI HAMMOU-BEL-HADJ ideMekkidàZaglou inclus) Oulad-Messâoud (Mekkid) 23 h. Morte. Kerkedj (Mekkid). ... 6b. 3/6 El-Feguiguira (Mekkid) . 7 h. 1/2 Sobor (Mekkid) . 4 li Tamal (Tiouririne). ... 8 b. 1/2 Oulad-Aïssa (Tiouririne) 20 b. 12 Aîergane . 3 b. Yeguem . 23 h. 1/2 Tinnaf . 26 b. Takhnous . 16 h. 1/2 Taghdjemt . 2 h. Adjdel . . . . . 11 h. Yekhlef . 3 b. Adkel (Adrar) . 1 h. Teskir . lit. Mellouk (Adrar) . 3 h. Messâoud (Adrar). ... 3 b. Bekkou (Adrar) . 6 h. Ou lad Mohammed (Adrari 10 b. El-Malha (Adrar; .... 2 h. Abenkor (Adrar) .... 1 h. Ahmed (Zaglou) . 3 h. 1/2 Taghdjemt (Zaglou). . . 7 b. 1. Nom de tribu totalement inconnu, de nos jours, dans le pays. — 262 FOG GARAS DU TOUAT RECENSEMENT UE 1670 NOMS DES FOGGARAS DEBIT llabbas EAUX des OULAD-YADELTEN RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT llabbas EAUX des OULAD-SIDI HAMMOU-BEL-IIADJ Mârouf . . . . Mousa ben Àïssa . . . Aîrat (les deux) . . . . Taghdjout . Tekki . Mohammed ben Yentane Baghioul . Taghraft, (les deux) . . Tanlebbeït, . Ali ben El-Azz .... Taàbdallah . Dehmane . Ali ben Mansor .... Abbous . Taghdjemt . Tamohammed . Medj-El-Kheïr .... Tamest . Tabaâli . Ali ben Semghane. . . . 0 h. 3/4 . 1 h. 3/6 2 k. . Oh. 4,6 3 k. . 2 h. 1/3 . 0 h. 3/6 . 1 h. 4 k. . 3 h. 4/6 4 k. . 0 h. 1/3 2 k. . 4 h. 1/32 k. . 4 h. . 1 h. 2/3 . 1 h. 1/4 . 3 h. 1/2 . 0 h. 3/6 . 0 h. 4/6 . 0 h. 2/6 . 5 h. . 5 h. — 2 k. . 8 h. 1/2 . 5 h. 1/4 Bezra . 12 h. 1/4 Tebguet (les deux). ... Oh. 28 Abbelou . 0 h. 3 k. Oulad-Dahmane . Oh. 1 k. El-Haddad . Oh. lk. 1,2 \ Boughioul (Zaglou) ... 13 h. Taghraft . 36 h . Ali ben El-Àïz (Zaglou) . 10 h. 13 k. Dehmane . 4 h. Ali ben Mansour .... 13 h. 4/6 Abbous . 2 h. Madjer El Ivheïr . 15 h. 1/2 Tamas . 14 h. Taâli . 17 h. Ali ben Semghane (Za¬ glou) . 8 h. Bouzri . 30 h. 4,6 Youcef Yeghzer . 46 h. 4/6 Abenkor (les deux) ... 17 h. Taâïsit . 1 h. Taouraght . 7 h. Sahel . 1 h. 1 2 EAUX (Des Oulad-El-Hadj-EI-Bordja DES OULAD-EL-IIADJ Taâli . 1 h. 3/4 à Taberkant inclus). Taghrafet . 0 h. 1/4 Taghraft . . . 2 h. Aïssa . 0 h . 2/6 1 k . 1 h. Abdallah ben Ali . , 0 h. 2 6 Abdallah bon Ali . . . . 1 h. 1/2 Tafaout . 0 h. 1 k. Takhelfat . 0 h . 5 6 Ba-Salah . 5 h. 1/32 k. Ba-Salah . . . 16 h. FO G GARAS DU TOUAÏ RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DES OULAD EL-1IADJ Amer . 0 h. 4/6 Afï'ane . 2 h. Azekkour . 5 h. 1/6 Hekkou . 1 h. 1/3 2 k . Tamest . 2 h . — 2k. Takasrit, . 3 h. 1/2 2 k. Youceï et Aghzir .... 19 h. 1/32 k. Touzer . 2 h. 1/3 2 k. Abdallah Bellou . Oh. 1/2 Tedlest . Oh. 4/6 Taleb Boubeker et Mo¬ hammed . Oh. 3/6 Tamezouine . 10 h. 1/8 Mohammed ben Ahmed et Abbas . . . 1 ferfouria Abderrahmane ben Didi - hine . 1 ferfouria Taleb Mohammed .... 1 kiratfodhi Babou . . 1 dirhem Takour . 1 kir. fod. Tazadine Oulad-Youeef . 1 kharr. Inguelzine Oulad-Youeef. Oh. 1/8 Timmi Oulad-Kadi ... Oh. 1/8 Mokhtar . 10 h. 1/8 Ouak-Feroukh . 3 h. 7/8 Talat . 0 h. 3/4 Portas . 0 h. 1/4 Arab . 2 h. 5 dirh. Mousa ben Malek .... 3 h. 1/8 EAUX DES OULAD-OUDHEN i Tesaât . 3 h. 1/6 Ahmed ben Slimane. . . Oh. 2 k. El-Hassen . 0 h. 2 k. Tekkou Oulad-Hassen. . 0 h. 1 k. RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGABAS DÉBIT Habbas EAUX des OULAD SIDI- 1IAMMOU-BEL-1IADJ Azekkour . 9 h. Hekki . 3 h. 1/3 Takasrit . 6 h. Touzera ........ 6 h . Abdallah Bellou . 0 h. 1/4 Ouak-Feroukh . 17 h. 1/4 El-Bour(Ouladll.Bordja) 0 h. Ben-Massen . 6 h. Ech-Chorfa . 4 h. 11 k. Bà-Hammou . 1 h. 1/2 Fristis (Taberkant) ... 3 h. Arab — ... • ’> h. 1 Mousa ou Malek . 12 h. 1/ (De Zaouïet-Kounta à Ad mer inclus) Tesâïd (Zaouïet-Kounta). 12 h. Sidi El-Hassen . oh. 1. Nom de tribu totalement inconnu, de nos jours, dans le pays. F O GG A RAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 .NOMS DES EOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOCGARAS DÉBIT Habbas EAUX DES OULAD-OUDREN Habbas EAUX des OULAD-SIDI- IIAMMOU-BEL-HADJ EI-Guelob . 1 h. 1/2 Temseît et Digsa .... 6 h. 1/4 Fredj . 0 h 1 k . Abrïou (les deux) . . . . 0 h. 2 k. 1 d. Aïssa . Oh. 5/6 Agdïane . 9 b. 1/4 Mezid . 0 b. 1/6 Tensehtane . 7 h. 1/4 Kherouridj Sellani. ... 2 h. 3/4 Tadhod . 0 h. 1/6 Tedmaït . Oh. 5/6 Djemdjane . 1 h. — 2 k. Tadji. . 3 h. Addou . Agnir. Zedja. Babech Ouflal. 0 h. 3/6 2 k. . Oh. 3/4 0 h. 1/8 0 h. 1 kir. Oh. 1 kh. 1/2 El-Guetob . 2 h. Mokhtar . 82 h. Abenkor . 1 h. 1/2 Béni Sidi Mohammed . . 1 h. Taâli . 16 h. Abenkor Mohammed. . . 2 h. Moulaï-Mohammed . . . 3 h. Ouaghzir . 37 h. 1 k. Bent Ba-Halla . 1 h. Bl-Abired . 1 h. Tadjtamc . 45 h. Teciiri . Sidi Mohammed ben Mou- 8 h. 1/2 laï-Smaïl . 4 h. Taghezrine . 2 h. Abenkor ou Abnikir. . . 1 h. 1/2 Tensef (Takhfif) . 12 h. 3/4 ..••••••••*• Agdïane (Takhfif) . . . . 16 h. Tedmaïne (Takhfif) . . . 1 h. Tamedjane . 6 h. 5/6 Hafsa . 1 h. 5/6 Abenkor . 2 h. Ileïnès . 2 h. 1/3 llalima . 2 h. 5/6 Masine . 4 h. 1/2 Tinnaf . 7 h. El-Djeneïnat (Menaçir). . 7 h. 1/2 El-Mansour . 16 h. Sidi-Babba . 1 h. 1/2 1 h. 1/2 Abenkor . Aglou (Ad mer) . 2 h. 1/2 . . . 2 h. Bou-SIah (Amer) . 265 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DES OULAD-OUDREN Taghdjemt . 0 h. 1/3 Akuine . 0 h. 1/2 Mezid (à Admer) .... 2 h. Blali . 0 h. 1/6 EAUX D’INZEGMIR Besraam . 1 h. 1/2 Sehel . . . . 1 h. 3/4 Tamed, à Takhiff . . . . 2 h. 1/2 2 k. Tadji . 2 h. 3/4 Timmi Oulad Ali ben You- cef . 1 h. 1/6 Inzegmir Kebira . . . . 8 h. 1/2 1 k. Charouine Foukani . . . 2 h. — 1 k. Ahmed ben Behine . . . 5 lt. 1/2 2 k. Timmi Oulad Abdallah . 0 h. 1/4 Ahmed ben Abdallah Se- bià. ......... 0 h. 2 k. Charouine Seüani. ... 1 h. 3/4 Timmi Didi Boudjemâa . 0 h. 3/6 Abdallah ben Ahmed . . 0 h. 1/6 Hanini ben Ahmed ... Oh. 3/6 Timmi ben Moudden. . . Oh. 4/1 Belkassem . 7h.l/2— 1k Taghdjemt . 7 h. 1/4 Tadmaït . 0 h. 7 k. Ba-Mbarek . 6 h. 1/4 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX des OULAD-SIDI- 1 1 A MM O U - B E L - H A DJ El-Abid . 1 h . El-Ghazi . 1 h. El-Medjra . 53 h. Ateg . 12 h. El-Abired . 3 h. Taghdjemt (Tazoul) ... 11 h. Mennane . 31 h. Ba-Djemmou . 11 h. EAUX DTNZEGM1R Zimarn . 1 h. — 1 k. Sehel . 2 h. 13 k. Timmi . 2 h. 7 k. Inzegmir Kebira .... 16 h. Charouine . 38 h. 10 k. Ben Ahmed . 1 h. • ••••»••••• • Belkassem . 1 h. — 1 k. Tadmaït . Baba-Mbarek . Kadous . Zaouïa . Zendir . Iladj Mohammed . . . . Ben Ivadi . El-Arab . . . Oulad-El-Hadj Adjedlaouen . 13 h. 1/2 1 k. 83 h. 1 k. 30 h. 9 h. 1/6 7 h. — 3 k. o h. — 1 k. 1 h, 5/6 2 h. 1/2 1 k. 31 h. 1/2 3 k. 39 h. Madjrer 0 h. 1/4 260 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 AOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas EAUX D'INZEGMIR Ilabibou . 0 h. 1/6 El-Gouz . Oh. 2/6 2 k. Aïssa ben Mahane. . . . 1 h. 1/2 Timmi-Youcef . 3 h. 2/3 Mazer . 4 h. 1/3 Ba-Hammou . 0 h. 1/4 ♦ . Ali ben Merzouk . . . . 5 khar. Aïssa Zcgrar . 5 h. 5/6 Timmi Abdallah Messâoud 0 h. o kliar. Aïssa ben Berrieh. 0 h. 3/61 k. Timmi Bâ- Aïssa. . . 0 h. 3/6 Timmi Ali ben Messâoud. 0 h. 2/6 Taghdjemt . Oh. 4/6 Daghmech . 2 h. 2 k. Mestour Seflani . 2 h. 1/3 Sehel . 9 h. Ghered . 2 h. 2 3 1 k j\OMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DTNZEGMIR Oulad Sid El-Meghili . . Terkmine. ....... Timmi ou Mazer . . . . Timrni . Ba-Mharnmed . M oui aï Ahmed . Rcn Olmane . El-Aouïda . Moulaï-Mhammed . . . . Abdelkader . Ba-Kerim . Oulad Taleb. ...... Merzouk (Tilouliue) . . • Sehel . 83 h. 1/2 El-Djebbana (Z1 Bêlai) . . 1 h. El-Berranïa . 5 h. Dar Moulaï- Abdallah . . 1 h. 1/2 El-Aouïda . 2 h. El-Habs . 2 h. Nennahou . 1 h. Ba-Mousa. . . 2 h. Bel-Hadj et Zitouna . . . 50 h. Ali Messâoud (Aghzir). . 6 h. Ouaghzir . 13 h. Kaddour ben Taleb ... 16 h. Sidi Abdallah . 10 h. 1/2 Ali Messâoud (Tedmaïne) 6 h. 1/4 Aïssa . 40 h. Mergouna . 30 h. Oulad Kennou . 30 h. Moulaï-El-Arbi . 1 h- 3 h. 4/6 4 h. 7 k. 31 h. 48 h. 7 h. o h. 1/4 16 h. 1/2 2 h. 1/2 4 h. 29 h. 1 h. 1/3 2 h. 1/2 2 h. 1/2 — 267 FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 .NOMS DUS FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DÉBIT liabbas EAUX DTNZEGMIR LA SEGUIA DES GENS DE TIT {sic) . 11 h. 1/8 El-Kebira . 14 h. 1/3 Ba-Sahel . 2 h. 1 k. Ba-Rebâ . 0 h. 1/4 El-Ksar . 4 h. Sehela . 3 h. Tadmaït . 13 h. 1/4 Makhlouf . Oh. 1/2 Habbas EAUX DTNZEGMIR Moulai-Abdesselam . . . 16 h. Moulai-Edris . . 1 h. Beni-Mbarek . . 4 h. 1/2 Moulaï-Cherif . . 4 h. 5*6 Didi-Ali (Tilouline). . . . 11 h. 4/6 Tedmaït . . 64 h. 1/2 Oulad Raho . . 31 h. Bou Sahel. . . . 1 h. Ba-Amer . . 1 h. Taleb Ali . . 3 h. 4/6 Aglaouen . . 1 h. Ismâïl . 0 h. 3/4 Chatbi . . 6 h. — 1/4 Alemmas . . 47 h. 1/2 Hadjadjj . . 11 h. 1/3 Ben-Haddou . Tinnaf . . Oh. 3/4 Ba-Ahmed . Oulad Ba-Hanini . . . . Oh. 3/4 Abdelmalek . . Oh. 5/6 Taleb Mobarek . . . . . 3 h. Moulaï-Taïeb . 6 h, Ba-Hammou Taleb. . . . 1 li. El-Aïai . . 1 h. Ed-Diafa . 2 h. Taghdjemt . 1 h. 1/2 • . * . # • El-Kebira (à Titaouine- Lakhras) . 24 h. 1/6 Sahel — 35 h . Sahela . 26 h. Adiadjou . 12 h. Dahhane . 28 h. EAUX DE TA AR R A BT Sahel . 6 h. 3/6 2 k. El-Abid . . 0 h. 1/S Abankor Taàrrabt et Ti- noulaf . 17 h. 1/3 EAUX D'EN-XEITS Sahel (à Taàrrabt). , . . 63 h 268 FO G G ARA S DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES KOGGAHAS DÉBIT Habitas EAUX DE TAARRABT Aberkane et Nefis. . . . 4 h. 5/8 Falah . Tadmaït . Tadmaïne . Aghez . Taghdjemt . Entehent Mousa . El-Arab . Tadmaït . 7 h. 1/3 5 h. 1/3 3 h. 3 h. 1/3 1 h. 1/3 2 k. 1 h. 3/4 6h. 1/3 ld 9 h. t/3 1 d Amghir . Tagndjemt . Sahel . Bâter . 5 h. 1/8 0 h. 1/4 lh. Oh. 1/4 RECENSEMENT DE NOMS DES FOGGARAS EAUX D’EN-NEFIS Sahel (à Nefis) . Tndmaït (Aït-Messâoud i . Sahel — El-IIadj YouceïiZ.IIachef, Mestour) . Taleb (Oulad-Baho . . . \ Abderrahmane (Oulad- I Baho . ( Abdelkader(Oulad-Baho). / El-IIadj Mbarek (Berrich) Taghjemt. (Berrich; . . . Aguer - Ouaghrou ( In/.e- glouf) . Agherda (Inzeglouf) . . . Aguer-Daddou (Inzeglouf) Amzekkour (Tinnourt) . . Es-Seghira et El-Kebira, EI-Feguiguira . Taghouart . El -Mal ha . EAUX DE BO ET SON DISTRI ■ALI T Kehki, à Tazoult Adjelaouane. . . Ramdane . . . . Taghraft . . . Sâa . Guernenedj . . . Tamkaït . . . Aguer- Aoughar . . . . 0 h. 4/6 . . . I h. 2 k. . . . 4 h. 1/22 k. . . . Oh. 2/6 2 k. . . . 5 h. 1/32 k. . . . 8h. . . . lh. 1/3 2 k. . . . 1 h. — 2 k. (Bou-Ali, Oulad Ben Abd- elkrim,Merabtincs,Ghar- mamellal). Taghraft % 1906 DÉBIT Hïbbat 91 h. 27 h. 6 h. 100 h. 157 h. 7 h. 45 h. 38 h. 130 h. 86 h. 28 h. 140 h. 3 h. 2 h. 1 h. Il h. — 269 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DK 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS Habbas EAUX DE BOU-ALI ET SON DISTRICT Diezem . 2 h. 1/3 2 k . Blane . 4 h. 1/5 . , Ouhamed . 2 h. - 2 k . Khelif . 1/8 habba . Timmi Bou-Slah . Oh. 1/8 Bou-Slah . Sidi-Brahim . 0 h. 2 k. . Mcstour . 0 h. 1 k. . Oulad-Ahmed . 5 h. 1/4 . Timmi Seflani . 0 h. 2/6 . EAUX DES OULAD BEN GUEDANE 1 El-Oulid . 3 h. . El-Oulid, Fenis, Nedi et Hïa . 2 h. 1/4 . Sâd et Sâïd . 3 h. 3/4 . Makhlouf . 10 h. Makhlouf . Amer Foukani . 3 h. 1/3 El-Foukani . ltahil . 4 h. 1/3 Rahil . Baguelmane* . 4 h. Badielmane . Aguzer . 4 h. Yegnzer . Salem . 9 b. Salem . Amor ben Youcef. ... 4 h. 1/2 . Iladjou . 2 b. 1/6 lladjou Menn . Taktaouine . 0 b. 1/4. 2k. . Taghraft . 5 b. . Tagouz . 1 li. 1/4 Talcouz . Aguer-Nenedj . 1 b. 3/4 . Aine . 5 h. 1/2 Ouâine . Ouâzza . 3 b. 4/6 . Betol . 3b. 1/2,2 k. Batoul . Ba-Mousa. . . 8 b. 2 k. Ba-Mousa . Bet-Taïeb . 2 b. 5/6 . Bakhled . 2 h. 5/6 Bakbaled . Denedjt . 2 b. 1/2 . Mobareketles deux Dadba Oh. 1 k. . Timmi Mohammed ben Bou-Beker . 0 b. 2 k. . Timmi Ahmed ben Rabah 0 b. 1 k. Timmi Ben Amer .... 0 h. 2 k. DÉBIT Habbas 4 h. 15 b. 3 b. 1/4 2 b. 3/4 22 b. 22 b. 19 b. 123 b. 11 h. 36 b. 39 b. 12 b. 1 b. 1 . Nom de tribus totalement inconnu de nos jours dans le pays. 2. Nom ancien d’une fraction dos Boramik [Cf. sup., page 103). 270 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT habbas EAUX DES OU LAD BEN GUEDANE Aghzer . . 0 h. 1/6 Timmi Oulad-Babahine U 0 h. 1 k. Timmi Amar ben Daho . 0 h. 1 k. 7’ i mini Ben El H ad j . . . 0 h. 1/6 Terkamt . . 0 h. 1/6 Timmi Tôlem . . 0 h. 1 k. Djaber . . 0 h. 2 k. Makhoukh . . 1 h. 7/8 Ben Matai la h . . 1 h. —2 k. Bazid . . 0 h. 2/6 Timmi Mousa . . Oh. 1/4 Ba-Slah. . „ . . 0 h. 1/2 Taghdjemt . . 0 h. 1/3 2 k. Ahmane . . Oh. 4/6 Agzir . . Oh. 1/4 Taghdjemt Bel Hadj. . . 1 h. 4/0 Djadj . .0h. 1 kharl/2 Ba-Aïssa . . 0 h. 1/6 Bel-Hoceïn . 1 li. Boubeker . . 0 h. 2 k. Taghdjemt Oulad Ben Gue- aane . . 1 h. 3/6 Dadhel . . 0 h. 1 knar. An reg . . 0 h. 2 k. Ivhelif . . 0 h 2/6 1 k. El-Hadj . . 0 h. 2 k. Teïnaou . . Oh. 2/6 Berekh-Haboub . . . . . 0h. 3/6 Aken Sellani . . 1 h. 1/4 Ilaboub . . 0 h. 3/4 Ba-Aziz . . 0 h. 2/6 Timmi-Djamâ . Tad niait . . 4 h. 4/6 Tadghaght . . 1 h. 3 kliar. Ba-Miloud . . 0 h. 3/6 Baâli . . 0 h. 1 k. RECENSEMENT DE 1906 INOUÏS DES FOGGARAS DEBIT Haliba Adjfer . 1 11. Makhoukh . 0 h. 17 le. Taghdjemt El-Ksar ... 4'li. Bou-Aïssa . 1 D- Bel-Iladj . 4 li. Ouguen . 23 li. 3 4 Taferkhaïten . 3 h. 4/6 El-Mansour . 7 li. El-Ouad . 3 li. Mahammou . 0 h. 3/4 1. Nom d’une autre fraction des Boramik (sup., page 104). FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DÉBIT liabbas EAUX DES OULAD BEN GUEDANE EAUX D’AZOUA A hdet . Alaou . ... 1 h. 3/4 Taghdjemt . . . . ... 7 h. 1/6 Mazer . ... Oh. 1/2 Bâ-Samâ . ... 2 h. 1/3 2 k EAUX DE TIT Mohammed-Abdelkrim. . 2 lt. Hennou . 13 h. El-Hanna . 1 h. Taleb Ahmed . Oh. 3/4 Ammi-Ech-Gheïkh ... 2 h. 1/4 (Azoua) I ladit . 18 h. Alaou . 27 h. Taglidjornt . 36 h. 1/3 Tedmaïne . 4 h. 4 6 Tedghaïne . 9 h. 1/2 lladira . 4 h. 1 3 (Titaouine) Timmi El-IIadj Youeel', . 1 h. 1/3 — El-Hadj Youeel' (le 2e) . 0 h. 3 k. — Roubeker ben Se- ghir . 0 h. 1/4 — Salem ben Ahmed 0 h. 1/6 — llassaïne . 0 h. 1/6 1 d. — Oudjeb . 0 h. 2 k. — Hammou Bellou.. 0 h. 5/6 Ilammou Abid. . 0 h. 1 k. — Sidi Lahsaba . .Oh. 1/3 2k. — Oulad Dahmane . 0 h. 1 k. — Slimane ben Bou- beker . 0 îi. 1/6 — Oulad Yâkoub . . 0 h. 1/3 — Ahmed ben Dadi. 0 h. 1/6 — BenJDekel. ... 0 h. 1 k. — Amer . Oh. 4/6 — Hammou Aha . . 0 h. 2 k. — Aïssa ben Baho. 0 h. 1 k. Sagui a t-El - 1 lad j - Ya h ia . 2 h. 1/3 2 k. Banad . 1 h. 1/6 Oulad Moumen . 21 h. 2/4 Belhasïa . 0 h. l/2 Tamalt . 0 h. 1/3 — 272 FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 190G NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas Habbas EAUX DE TIT (Titaouine) . ( . Tamalt . 4 h. 1/8 . Ez-Zitounïa . 4 h. . Oulad Taleb Djeroubi . . Oh. 7/8 . Ei-Moussïa . 37 h. * . Moulaï-Mhammed . . . . 0 h. 14 le . El-Aricha . 3 h. EAUX DE TIT DES OULAD-BOU-ZI ANE 1 El-Kebira. . . l5h.l/32k.l/3 Ea seguin qui est proche de Kebour . 1 h. 1/3 Oulad Kerroum . 0 h. 1/2 Oulad Tahir . 0 h. 1/2 Ben Ahmed . Oh. 1/4 Oulad Raho . 11 h. 1/6 Berreba . 0 h. 1/4 Mesdjed et Ramdane . . 0 h. 1/8 Timmi Ali ben Mohammed 0 h. 1/6 Timmi Belkassem ben Ali et Abderrahmane ben Youcef . Oh. 1/6 Timmi Mesdjed et Abder¬ rahmane ben Youcef. . Oh. 1/8 Abderrahmane ben Youcef 0 h. 1 k. Timmi Ifadj Youcef ben Badi . 0 h. 1/3 Timmi 1 1 ad j Amar ben Olmane . 0 h. 1/4 Timmi Mohammed ben Aïssa ben Boubeker. . Oh. 1/4 Timmi Ahsine ben Mesk. 0 h. 2 k. Timmi Ahmed ben Dehir 0 h. 2 k. Timmi Ali ben Mesellem et Mesdjed . Oh. ldirh. Timmi Mohammed ben Hadj Mohammed ... Oh. 1/6 Timmi Mesdjed etMoham- med ben Ahmed ben Moussa . Oh.bkhar. 1. Nom de tribu totalement inconnu de nos jours dans le pays. — 273 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DEBIT NOMS DES FOGGARAS Habbas EAUX DE TIT DES OULAD-BOU-ZIANE Timmi Oulad El-Mesk. . 0 h. 1/6 Timmi Mohammed ben Hammou Hadjou ... 0 h. 2 k. Temast Oulad EI-Mesk . 0 h. 1 k. Timmi Abdallah ben Mes- sâoud . 0 h. 1/8 Timmi Oulad Abdelkerim 0 h. 1/4 Timmi Oulad Berbouch . 0 h. 1/6 Timmi Abdallah ben Mes- sâoud et Oulad Boubeker 0 h. 2 k. Oulad Raho . 0 h. 1/2 Autre Timmi aux Oulad Raho . 0 h. 1/4 Un autre encore . 0 h. 2 k. EAUX DE SALI Sahel . 5 h. Oulad-Abbou . 6 h. Djouber . 5 h. 1/3 2 k. Teskemt . 7 h. Cherka . 1 h. Meftah . 10 h. l '6 Tamed . 11 h. 4/6 Taahmed . 0 h. 1/3 Teskemt . 1 h. 1/3 Aguer ou Aghrem. . . . 5 h. 1/4 Oulad Mousa . 9 h. Takouza et Ghazi . . . . 18 h. — 2 k. Baâfi . 0 h. 1/2 Mestour . 1 h. 1/4 DEBIT Ilabbas (Titaouine) EAUX DE SALI Sahel Es-Seghir . Il h. Sahel EI-Kebir . 20 h. Oulad Abbou . 15 h. Djoufer . 13 h. 1/2 Meftah . 51 h. Tamedda . 67 h. 1/2 Oulad Mousa . 16 h. Takouza . 31 h. El-Ghazi . 77 h. El Mestour . 22 h. Ouaâbibou . 58 h. Adirmane . 35 h. 1/2 El-Feguiguira . 76 h. Tinbedda Abdelkrim. . . 51 h. Tinbedda Abdelouahhad. 54 h. Tamliha . 7 h. 1/2 Moulaï-Ahmed Djedida . 18 h. El-Ilaouïa . . . 68 h. Moulaï-Youcef . 10 h. 18 274 — FOGGARAS RECENSEMENT DE 1670 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE SALI EAUX DE TINOULAF (i) Taghraft . 3 h. 1/3 Taghdjemt . 6 h. 1/3 Amlik . 9 h. Mohammed ben Ali et associés . 0 h. 1/3 EAUX DE TAORIRT Aghrer Baouadda. ... Oh. 4/6 Bouder . 8 h. 1/3 Abenkor Sellani . Oh. 4/6 Otmane . 20 h. 1/3 DU TOUAT RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas EAUX DE SALI Tinbedda-El Arab. . . . 70 h. Es-Sekhouna . 33 h. 1/2 Es-Sahla . 29 h. (En-Nefis, Tinoulaf) Taghraft . 47 h. 1/3 Tamlikt . 84 h. 5/6 Soussou . 2 h. 1/3 Oulad-IIassen . 82 h. 1/3 El-Djabia . . 1 h. 1/3 Ouabahha . 11 h. 1/6 Mahmou Djelloul .... 2 h. Abenkor . 20 h. EAUX DE TAORIRT Aghrir . 5 h. Baouadda . 140 h. Ba-Otmane . 240 h. Djelloul . 6 h. Sabla . 40 h. Oum-Sâd . 40 h. Toukki . 5 h. Azraiil . 20 h. EAUX de TIMADANINE El-Malha . 51 h. Oulad Mohammed El Medhi . 40 h. Taghdjemt . 100 h. Tadmaït . 103 h. Dadda Falah . 188 h. Oum-Es-Sil . 4 h. El-Bour . 80 h. 1. Tinoulaf et Aoulcf viennent d’une même racine zénète, oulef, qui signifie¬ rait « bas-fond », « cuvette ». 275 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 RECENSEMENT DE 1906 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT NOMS DES FOGGARAS DEBIT Habbas Hahbas EAUX de ZAOUIET-REGGANE . Mâtallah . 60 b. . El-Malha . 6 h. . . Yaflah . 24 h. . Amghir . 7 h. . Sahel . 21 h. . Tadmaït . 52 h. . Aguernine . 9 h. . Oulad-Yâïch . 5 h. 1. Voici la conclusion du document qui précède : Et que le salut soit sur les savants experts des eaux ! Ainsi inventorié à la date mentionnée au commencement du livre. Que Dieu répande ses bénédictions sur notre Seigneur Mohammed ! Puis louange à Dieu, maître des mondes ! A la date des premiers jours de rebiâ second (août), a été ter¬ miné le recensement des eaux qui avait été commencé dans les premiers jours de safar 1081 (juin 1670). Et nous avons trouvé dans une autre copie, conforme à celle-ci, qu'il doit être diminué, du compte des Oulad-Yâdelten, 5 metkals qui sont ajoutés à celui des gens de Tamentit, et pour le 7 idikelt une demi-difa (sic). Ainsi a été établi le règlement entre les gens du Touat, pour la répartition de leurs difas et leur délimitation, après qu'en a été diminué ce qui appartient aux merabtines, qui n'est pas compris dans ce qui a été dit, non plus que ce qui appartient aux Zaouias exemptes (de contributions) non plus, encore, que la foggara Ba- Salah, qui appartient au cheikh Mohammed ben Boubeker ben Cheikh i, ni Taghraft, ni 1/4 de habba à Mohammed ben Belkas- sem, dans la seguïa Medj El-Kheïr. Fait par ordre du serviteur de la Personne chérifienne, le caïd Nacer ben Ralio, par ordre du noble sultan Moulai- Rachid — que Dieu accepte son âme et l' accueille dans le Paradis ! Amin ! A la date du 22 safar de l'an 1088 (avril 1677). Que Dieu répande ses bénédictions, etc . . . A été terminée la copie de la liste de ce que nous avons trouve, dans les premiers jours de redjeb 1214 (1-8 décembre 1799). 1. Le cheikh qui a opéré le recensement et s’est nommé au début de ce document. — 276 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS1 NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas A AKABLI Hellabou . Morte depuis très longtemps. Hadj Cheikh . Morte depuis 25 ans. Abbarine El-Kheïr. ... — — Tidmaïne . 50 h. Niveau d’eau légèrement au-dessous des jardins. Taghdjemt . 208 1/2 Habbabou . 134 Dont 18 h. d’augmentation par suite du travail des deux dernières années. Taghessoul . 30 Aguer-Maguer . 121 Curée en 1905 et 1906. Taleb Brahim . 140 Ayant été augmentée de 20 nouveaux évents en amont, a gagné 47 habbas sur son débit antérieur. Djelaouen (à Zt - Bou- Naâma . 125 Alcabli . 60 Bouziri (à Sahel) .... Morte depuis longtemps. El-Kebira . 287 Diedida . 30 Abankor . 14 Donnait, il y a quelques années, 70 hab. Tit-Nadaï . 12 Sahel . 307 Fatah-Allah . 3 Tasneglou . 30 A TIMOKTEN Amgliir . 6 Sahel . 122 Djedida . 24 A TIMOKTEN Ouknine . 177 Indghagh . 36 Temaïtout . 15 Maïnou . 40 A AOULEF-EL-ARAB Hezhouz . 26 Feguiguira . 150 Nedoui . 260 1. Communiquées par le chef d’annexe. — 277 — foggaras du touat RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas A AOULEF-EL-ARAB Tourfine . 424 Ben Drâo . 480 Tinefïâ . 300 Dienna-Seghar . 230 Sahel . 40 Aghdjir . 26 A AOULEF-CHORFA • • Meftah . 233 Djennet el-Gara . 330 Ei-Hamra . 664 El-Beïdha . 367 Deghamcha . 466 Sahela . - . . 43 Djennet Sidi-Ahmed. . . 226 A IGOSTEN Taghdjemt . 111 Teghanimet . » EfTondrée depuis 16 ans. El-Hadj Ali . 46 A HACI-EL-HADJAR El-Guedima . 36 Débitait jadis 167 h. ■ El-Djedida . 23 - - 178 h. 1/3 Sarfit . 20 - - 71 h. 1/2 A FOGGARET-EI-ARAB El-Guedima . 43 Bour-El-Kheir . 17 El-Hadj Abbou . 26 El-Hadj Ali . 16 El-Hadj Mohammed. . . 63 El-Barka . 64 , , Parfit . 42 A été augmentée de 20 events nouveaux qui ont ajouté au débit 10 h. A FOGGARET-ZOUA Dahhania . 68 Donnait jadis 116 h., ne peut être curée. El-Kebira . 30 — — 90 h. — Sidi Bou-Hafs . 18 — — 90 h. — Moulaï-Heïba . 24 Haïnoun . 110 El-Hadj-Mousa . 10 Vieille de 40 ans seulement. Sillafen . 306 foggaras du touat RECENSEMENT DE 1870 OBSERVATIONS NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas AIN SALAI! 1° aux Ahl Azzi El-Diabia . 370 Taghdjemt Oulad El Iladj 244 Oulad Belkassem .... 12 El-Habous . 136 Bouzïane . 30 Oubhane . 40 Rouïet el-Ma . 130 Zenîra . 30 Deghamcha . 62 El Barka . 30 Amghid . 13 Sahel . 9 El-Malha . 190 2°AuxOulad- 3°AuxOulad- Bahammou Mokhtar El-Malha . 194 194 Babeker . 180 210 Bayâkoub . 208 257 El-Diedid . 62 64 Oulad Aïssa . 242 242 Oulad Yâkoub . 263 463 Zemila . 257 207 Ouâïne . 230 230 El- Barka . 264 264 Sarfït . 207 207 A SAHELA El-Djedida . 91 El-Fouaout . 25 Hennou . 30 El-Harratine . 12 Metarfa . 93 El-Barka . 170 Aux Oulad-Yahia. Charefa . 233 — El-Amrat . 121 — Tasfaout . 35 — A TIT Tidmaïne . 112 Depuis trente ans, la dune a recouvert une grande partie de la foggara ; il y a deux ans, le débouché s’est effon¬ dré sous les sables, on a pratiqué une nouvelle galerie par un détour de 300 mètres. Donnait autrefois le double. — 279 — FOGGARAS DU TOUAT RECENSEMENT DE 1670 OBSERVATIONS NOMS DES FOGGARAS DÉBIT Habbas A TIT Sahela . 15 Tin-Tarouda . 100 Kornafa . 30 Djedida . 327 Chorfa . 62 1/2 Nombreuses foggaras mortes. A INGHAR Hennou El-Kebira. ... 19 El-Malha . 27 Sahela . 70 Djedida EI-Alahçia ... 19 Yersane . 10 Akbour . 210 Bel-Kheïr . 75 Djedida . 200 Oummi-Zabel . 100 El-Malha . 30 Ez-Zouia (Hezhouz) ... 10 A IGOSTEN El-Khalfi . 22 Aouaouat . 80 Oulad Haïda . 65 Azoua . 90 Plan d’eau impossible à baisser. Dite aussi « Bahnag ». Dite aussi « El-Kasba ». Ne peut être curée. Donnait jadis 440. Ne peut être curée. Ne peut être curée. A augmenté de moitié depuis le récent curage. Les puits ordinaires. — Quelques oasis restent en dehors du système hydraulique que nous venons d étu¬ dier : les unes n’en ont jamais joui, comme Talmine où la dune, antérieure à l’établissement humain, n’aurait pas permis de l’instituer ; les autres, comme les ksour du linerkouk qui l’installèrent au début sur un sol libre, mais que la dune envahissante a contraintes à y renoncer ; les unes et les autres s’approvisionnent aujourd’hui par des puits ordinaires. Elles atteignent par ceux-ci la couche aquifère à des — 280 — profondeurs variant de deux à six mètres, et elles l’exploi¬ tent au moyen de ces appareils à bascule dénommés « karkaz », déjà connus dans d’autres régions du Sud algé¬ rien : deux montants supportant une perche munie à son extrémité d’un vase en vannerie que l’homme abaisse jusqu’à beau, et qu’un contre-poids opposé fait remonter automatiquement. À Fatis en Tinerkouk, on sait coffrer les puits ordi¬ naires, et faire descendre le coffrage en creusant en dessous jusqu’à obtenir deux mètres de hauteur d’eau dans les puits ; mais après une moyenne de 25 à 30 ans, chaque puits s’épuise et doit être abandonné, et comme cet épuisement affecte la couche aquifère sur un certain rayon, 10 à 15 mètres, il entraîne la ruine des palmiers qui s’y trouvent, à moins que l’on ne creuse un nouveau puits à 25 ou 30 mètres de l’ancien. En dehors des oasis que nous venons de citer, et qui emploient normalement ce système, on trouve des puits semblables partout ailleurs, employés comme adjuventifs des foggaras, et d’autant plus nombreux que le débit de celles-ci est devenu peu abondant. Dans le Tinerkouk, l’ensablement des foggaras d’abord utilisées est assez récent, et l’on retrouve leurs boyaux, dénoncés par les évents ou regards, en maints endroits entre les chaînons arénacés ; un quart de l’oasis de 1 abelkoza a même encore conservé ses foggaras, mais la disparition en semble imminente ; il en est de même aux Oulad-Saïd, où plusieurs foggaras ont déjà commencé d’être recouvertes par la dune. A l’autre extrémité du pays, vers Igosten en Tidikelt et à Akabli, on commence aussi à penser aux puits ordi¬ naires, parce que le plan d’eau des foggaras, à force de baisser, va se trouver aboutir au-dessous du sol cultivé. Quelle que soit d’ailleurs son abondance, le puits ordi¬ naire offre un grand désavantage sur la foggara, car il exige pour son utilisation une main-d’œuvre qui est peu dansles goûts, ni dans les capacités physiques des habitants. — 281 — Les puits jaillissants indigènes. — Il existe encore deux oasis où les timmi et les aïn, les puits jaillis¬ sants, se voient de nos jours en activité : ce sont Kaber- ten et Oulad-Mahmoud. Ces puits sont des perforations de 50 à 50 centimètres de côté, plus ou moins bien garnies de coffrages pour éviter les éboulements ; ils rappellent comme aspect ceux d’El-Goléa et de l’Oued-Righ, mais ils diffèrent de ceux-là en ce que la nappe utilisée se trouve à très faible profon¬ deur, à deux ou trois mètres seulement. Nous aurons l’occasion de voir plus loin comment se présentent les deux ou trois nappes jaillissantes qui s’éta¬ gent dans le sous-sol touatien, nous nous bornerons donc ici à donner la courte énumération de cts puits. 1° A Kaberten, trois puits non nommés donnent ensem¬ ble un débit de deux habbas et demie ; 2° A Oulad-Mahmoud, on trouve : Noms des puits jaillissants : Débit : Aïn-Telmas . 12 habbas Aïn-Koul . 2 — Aïn-Moussa-Abbou . 2 Aïn-Ben-Saïd . 2 — Aïn-Oulad-El-Hadj . 5 — Aïn-El-Fedana . 4 — Aïn-El-Djedaïd . 6 — Aïn-Màmourat. ... . 1 1/2 Aïn-El-Aouari . 0 1/2 Aïn-Kebira . IG — Aïn-Abdelkamel . 2 — Aïn-Gueblia . 4 1/2 Aïn-Oulad- Abdallah . 1 — Aïn-El-Kadous . 8 — El-Aouïna . 2 — Aïn-Ben-Saïd . 2 — Aïn-Teserkemis et Merabtines . 2 1/4 — 282 Ces perforations sont toutes anciennes, antérieures à la génération actuelle, et en mauvais état d’entretien ; les derniers spécialistes qui savaient les creuser et les entre¬ tenir sont morts, et personne aujourd’hui n’est capable de leur éviter l’effondrement de leurs parois : leur dispa¬ rition est donc prochaine. A toutes les observations, à toutes les objurgations, les habitants, déprimés par l’anémie causée par le climat et les conditions physiques de l’existence, que nous envisa¬ gerons plus loin, se bornent à répondre : « Nous sommes fatigués ( ahna nas âïanine). — Nos « pères savaient, nous ne savons pas, nous ne pouvons « pas, nous sommes des gens « fatigués » — nas âïa- « nine ». Ce mot « àïane » résonne d’un bout à l’autre des Oasis et à toute heure du jour ; il résume tellement le sentiment, l’état du pays et des gens, qu’on en a élargi le sens et qu’on l’emploie à tout propos ; on dit : un palmier fatigué^ une récolte fatiguée, — peu abondante. « Donne-moi, pour manger, une chose fatiguée — « chi âïane », c’est-à-dire peu de chose, un rien. Les nouveaux maîtres des Oasis réussiront-ils à ranimer cette anémie chronique et profonde ? Nous allons voir une de leurs tentatives les plus intéres¬ santes dans ce sens. Les puits jaillissants français1. — La question du forage de puits jaillissants s’est trouvée posée, aux Oasis, dès avant la conquête. En 1891, un premier puits ayant été foré à EI-Goléa qui venait d’être occupée, une fraction des Zoua du Tidi- kelt, les Oulad-Sidi-Iladj Mhammed, écrivit au comman- 1. Les données qui vont suivre sont extraites d’un rapport du lieutenant Bret, chargé de l’organisation des ateliers de sondages aux Oasis, en 1905. — 283 dant du nouveau poste pour demander qu’un atelier de sondages fût envoyé à Foggaret-Zoua. La demande fut transmise, mais l’autorité supérieure ne crut pas devoir lui donner de suite. Il y aurait eu dans une entreprise de ce genre un moyen de s’assurer, un peu plus tard, de la réalité de l’influence de Y « amel du Tidikelt » sur les populations qu’il fut censé gouverner pour la France ; mais on n’y pensa pas, et il faut attendre deux ans après la prise d’In- Salah pour voir forer le premier puits artésien des Oasis, à Foggaret-Zoua ' (nov. 1901). On perça d’abord dans les argiles qui contenaient, à 13m18 de profondeur, une nappe ascendante dont le niveau s’établit à 12 mètres. Une deuxième nappe, rencontrée à 26m50, dans « des sables mélangés de graviers », jaillit avec un débit de 28 litres à la minute. Sous d’autres argiles, à 41 mètres, se révéla, dans du « sable blanc », une troisième nappe qui porta le débit à 75 litres. Enfin, perçant une nouvelle couche argileuse, on arriva à d’autres sables aquifères qui procurèrent, à une profon¬ deur de 47m40, 375 litres à la minute. Le travail fut arrêté à 50 mètres. Ayant été exécuté avec des moyens de fortune rudi¬ mentaires, et muni d’un tubage non étanche et s’arrêtant au-dessus des nappes jaillissantes, ce puits s’est obstrué très rapidement : un mois après son établissement, il ne fournissait plus que 146 litres, et depuis, son débit est devenu « insignifiant ». De Foggaret-Zoua, l’atelier se transporta à In-Salah et y exécuta successivement quatre forages. Le premier, à Ba-Yâkoub (n° 1 d’In-Salah), commencé en avril 1902, fut poussé à 59m13, dans des sous-sols de 1 . Les premiers travaux furent entrepris par le capitaine Cauvet, chef de l’annexe du Tidikelt. 284 — diverses argiles, avec interstratifications de sables variant de couleur et de grain ; deux de ces couches sableuses, situées à 45 mètres et 55 mètres, fournirent un jaillisse¬ ment jaugé, d’après le journal de l’atelier, à 826 litres, mais qui, dès juillet 1902, retomba, d’après un nouveau jaugeage, à 162 litres. Ce puits, dont le débit était tombé à 80 litres, a été refait en janvier 1906 : approfondi à 62 mètres, il fournit 490 litres, puis, à 79m24, 1.230 litres. On a dû pousser le travail jusqu’à 102 mètres. Le puits de Tidji (n° 2 d’In-Salah) a été commencé en juillet 1902 et poussé jusqu’à 72m33 ; il aurait fourni, au début, 1.600 litres, mais était tombé, en avril 1906, à 450 litres. Il a été curé et retubé, et donne 900 litres. Dans la fin de la même année 1902, fut foré le puits de Deghamcha (n° 3 d’In-Salah) ; avec 70 mètres de profon¬ deur, il procura 227 litres. Enfin, en mai 1703, on entreprit le quatrième forage d’In-Salah pour assurer les besoins du poste français dit « Camp-Bugeaud » ; on rencontra trois nappes situées à 16, 48 et 56 mètres, mais leur force ascensionnelle s’arrêta définitivement à 3m60 au-dessous du sol, et on cessa le forage à 83™. Dans ces trois derniers forages, les sous-sols se sont montrés autres qu’à Ba-Yâkoub : les argiles sont inter¬ rompues par des bancs de grès rouges ou blancs à Tidji, et surtout à Deghamcha ; au puits Bugeaud, on rencontre de plus du quartz et un « banc granitique ». En octobre 1903, l’atelier de sondages gagne Akabli, et, malgré une percée de 78m50, n’obtient qu’une nappe ascendante qui s’arrête à 10 mètres du sol. La sonde révèle ici, en plus des grès, des argiles et des sables, des calcaires à poudingues et une strate de minerai de cuivre de 3m18 d’épaisseur, enterrée à 66m80. L’atelier s’installe à Tit en avril 1904, rencontre une première nappe aqueuse à 2m70, perce 42 mètres d’argiles — 285 — et atteint de « gros graviers de rivière » recouvrant des sables fins « analogues à ceux rencontrés dans les puits d’In-Salah » ; la couche aquifère a 17 mètres d’épaisseur, et fournit un jaillissement de 527 litres. Le forage est poursuivi et atteint, sous un seuil de 6m50 d’argiles, une nouvelle couche sableuse aquifère qui porte le débit à 1.900 litres. Mais l’inexpérience des sondeurs laisse ensabler le puits qui ne fournit plus, à la fin de l’année 1905, que 200 litres au plus par minute. En novembre suivant, l’atelier passe à Inghar et entre¬ prend, à la corne N.-E. de l’oasis, « sur les bords du thalweg de la grande faille synclinale de la région », un forage qu’il pousse à 80 mètres, « dans des grès et des argiles tout différents de ceux rencontrés dans les autres © sondages du Tidikelt », sans réussir à trouver d’autre nappe que celle des foggaras, à 2m40 au-dessous de la surface. Cependant, le Commandant du Territoire des Oasis avait, en cette même année, été muni d’un « petit appareil de sondages destiné à atteindre la profondeur de 60 mètres environ ». Un nouvel alelier avait été ainsi constitué et avait exécuté sans succès deux forages, l’un à Bel-Ghazi, le second à Oulad-Mahmoud ; ce dernier avait dû être arrêté à 44m10, à la suite de « forts éboulements souterrains ayant occa¬ sionné une excavation énorme à la surface » ; la chèvre était tombée, la colonne de tubes avait été engloutie et le puits entièrement comblé. Sur ces entrefaites arriva aux Oasis un nouvel appareil envoyé par le Gouvernement général de l’Algérie, et muni d’une équipe dirigée par un officier1 spécialiste ; on dis¬ tingua dès lors ces trois ateliers par les lettres : A, B, C. 1. Le lieutenant Bret, l’auteur du rapport que nous analysons ; cet officier est mort en France, au cours d’un congé, en septembre 1906. — 286 L’atelier C, le dernier venu, reçut l’ordre de s’installer en Aougrout, à l’est du ksar de Tiberghamine, et à 250 mètres environ « de l’arrêt même des couches dévo¬ niennes très redressées à laquelle l’Aougrout doit son existence1 ». A 9 m. 40 on rencontre la nappe des foggaras « qui n’est recouverte d’aucune couche imperméable, n’est sou¬ mise à aucune pression, et ne subit, du fait de la conti¬ nuation du travail, aucun changement dans son niveau. » « A 22m60, après une couche peu épaisse d’argile vio¬ lette, la première nappe ascendante se déclare. Son niveau s’établit à 8m58 et ne changera plus jusqu’à la fin des travaux. » Ap rès quatre mois et demi de travail, « le 26 septembre, le puits était terminé à la profondeur de 126 mètres (pou¬ voir maximum de l’appareil) sur des grès rouges, tendres, faciles à forer ». Le graphique de ce forage nous apprend que, contrai¬ rement aux sous-sols du Tidikelt, les assises souterraines sont formées ici presque uniquement de grès jaunes ou rouges, avec quelques rares et minces lits d’argiles. Bret nous présente aussi d’intéressantes observations suggérées par l’examen de la région de l’ Aougrout. Discutant, d’après ses propres constatations, les tra¬ vaux antérieurs de G.-B.-M. Flamand, Chudeau et Gau¬ thier, il admet que l’arête anticlinale de l’ Aougrout cons¬ titua la rive gauche d’ « un cours du Meguiden », et il pense en découvrir la rive droite dans une autre « arête de schistes feuilletés appartenant, d’après M. Gautier, au dévonien supérieur, orientée S. -O. — N.-E., et située à environ 10 kilomètres sud d’El-Ouadjda. » Il suppose par suite que l’Oued-Meguiden poursuit son cours entre les deux arêtes dont il vient de parler, et « comme la région d’Oulad-Mahmoud se trouve précisé- 1. Gauthier, ap. Bret, — 287 — ment dans la direction ainsi déterminée », il se décide à faire un forage dans cette Oasis1 2. Le voici donc, avec l’atelier C, à Oulad-Mahmoud, au mois d’octobre 1905. Il renonce toutefois à l’emplacement naguère choisi par l’atelier B, et situé en dehors de la lisière nord de l’oasis, et il commence son forage sur un point un peu élevé, à 50 mètres plus au Nord. Une première nappe est rencontrée à 3 mètres « dans des grès rouges très friables », puis une seconde, à 5ra47, dans d’autres grès semblables, mais le niveau de l’ascen¬ sion s'arrête à 0ra84 : « c’est la nappe qui donne nais¬ sance aux puits ascendants (indigènes) de la région. » A la profondeur de 35m90, les grès font place à des argiles pour reparaître presque aussitôt jusqu’à une pro¬ fondeur de 66m25 ; là se trouve une masse sableuse de plus de 40 mètres d’épaisseur, surmontée de cailloux rou¬ lés et de rognons d’argile. Cette masse est aquifère car le niveau de l’eau monte jusqu’à 45 centimètres au-dessous du sol, et, comme on lui ouvre une tranchée d’écoulement, il s’établit un débit régulier de 100 litres à la minute. La couche aquifère repose, à 108m10, sur des grès rouges durs, et donne, à la suite du travail de captation*, un débit de 150 litres, à 0m35 au-dessous du sol. En même temps que s’exécutait ce puits, pendant l’hiver 1905-1908, l’atelier B opérait sans succès deux forages, l’un de 55 mètres, à environ 300 mètres sud-ouest du poste français d’ Adrar en Timmi, l’autre à El-Mansour en Bouda. 1. Notons ici que Bret recueillit de son côté, en même temps que nous-même, les renseignements indigènes sur 1’ « Oued-El- Hadjar » et 1’ « Oued-er-Remel », et qu’il pointillé ces deux lignes d’eaux sur la carte au 1/500.000 dont il accompagne son texte (cf. Supra. Introduction, pages 12 et 13). 2. La captation comporte la mise en place d’une « colonne d’as¬ cension » dont les tubes sont soudés l’un à l’autre, et derrière laquelle est coulé un mortier de ciment et de sable. 288 — De son côté, l’atelier A, après avoir, pendant le même hiver, opéré, au Tidikelt, les réfections dont il a été parlé plus haut, a foré, pendant l’été de 1906, à Tit, un nouveau puits profond de 80 mètres, qui débite 2.460 litres à la minute. En résumé, voici donc, en cet automne 1906, l’énuméra¬ tion des forages exécutés aux Oasis, et leur débit : Débit : 1. Puits de Foggaret-Zoua . « Insignifiant » 2. Puits Ba-Yâkoub (n° 1 d’In-Salah) . 1.230 litres 3. Puits Tidji (n° 2 d’In-Salah) . 900 — 4. Puits de Deghamcha (n°3d’In-Salah) 227 — 5. Puits du Gamp-Bugeaud (In-Salah) 1 » — 6. Puits d’Erg-Chach (Akabli) . » 7. Puits de Tit . 200 — 8. Puits d’Inghar . » — 9. Puits d’Ouled-Mahmoud (n° 1) . » — 10. Puits de Tiberghamine (Aougrout). » — 11. Puits d’Oulad-Mahmoud (n° 2) . 150 — 12. Puits d’Adrar (Timmi) . » — 13. Puits d’El-Mansour (Bouda) . » — 14. Puits de Tidmaïne (n° 2 de Tit). . . . 2.460 — Ces travaux sont exécutés en principe aux frais du bud¬ get général des Territoires du Sud, cependant quelques- uns ont été imputés aux districts intéressés et ont été pour ceux-ci une lourde charge. 1. Il a été installé sur ce puits une noria qui permet de puiser l'eau pour les besoins du poste français, mais rien ne va aux plan¬ tations. CHAPITRE IV Les Productions Productions minérales. — Productions végétales. — Le palmier- dattier. — Le cycle vital du palmier. — La valeur marchande du palmier. — Dénombrement des palmiers par âges et espèces, et par terrains de plantation. — Les variétés de dattes. La récolte de dattes des Oasis. — Les céréales et l’importance de leur production. — Le henné. — Le tabac. — Le cotonnier. Le piment. Productions minérales. — Dans toute l’étendue des Oasis, on peut trouver, en tout et pour tout, environ trois douzaines de pauvres diables qui vivent — pendant deux mois de l’année seulement — de l’exploitation des quelques terres salpêtrées éparses aux environs deTinilane (Tunisie) de Sebâ-Guerrara et des Oulad Mahmoud ; voilà le fait précis que chacun peut constater de visu aujour¬ d’hui, et contre lequel ne peuvent rien tous les renseigne¬ ments indirects publiés jadis sur ce sujet. Tout le salpêtre extrait en une campagne annuelle (les seuls mois de juillet et d août) fournirait à peine deux charges de chameau. Et il faut bien encore constater que l’exploitation n’en saurait être agrandie, car les bas-fonds exploitables sont peu étendus et peu nombreux, et, lorsque l’un d’eux a été exploité, les travailleurs n’ont plus qu’à s’en aller ailleurs, car il faut plusieurs années pour que les terres se rechargent. En résumé, quelles qu’aient été les espérances d’avant la lettre, maintenant, après cinq années d’occupation, il faut constater que c’est à cette maigre réalité que se rédui¬ sent les longs espoirs jadis conçus sur les nitrates touatiens. Joignons à cela un peu d alun et beaucoup de sel gemme 19 290 — sédimentaire exploité pour les besoins locaux dans presque toutes les sebkhas, et le chapitre des productions miné¬ rales sera épuisé. On peut ajouter que l’intérêt pratique ne saurait se porter, dans ce pays, qu’aux seules découvertes éventuelles de métaux précieux ou de gemmes de très grand prix, et cela à cause de l’extrême éloignement des ports de mer : ainsi, du cuivre découvert à Aïn-Sefra, à 800 kilomètres plus au Nord, est déjà inexploitable, qu’en serait-il donc des minerais qui pourraient être découverts aux Oasis ! Productions végétales. — Si l’on passe au règne végétal, il convient encore de ne mentionner que pour mémoire les cultures maraîchères qui se réduisent à quel¬ ques carrés d'oignons, de carottes et de citrouilles dégé¬ nérées : ceux qui en ont le moyen en cultivent pour leurs besoins, mais la production en est faible, d’une manière générale, et ne fournit même pas d’élément au commerce intérieur: chacun mange ce qu’il récolte. Les productions qui, à part la vigne et le grenadier qu’on trouve dans ce pays comme dans toutes les oasis du Sud-Algérien, méritent par leur importance une étude spéciale, sont : 1° La datte, dont vivent non seulement les producteurs, les populations des Oasis, mais encore les Arabes du Nord et les Touareg du Sud ; 2° Les céréales qui fournissent une contribution indispen¬ sable à l’alimentation des Oasiens ; 3° Le henné, plante tinctoriale et médicinale qui s’exporte en feuilles dans toute l’Algérie du Nord et même en France ; 4° Le tabac dont, la consommation locale une fois satis¬ faite, le surplus est exporté jusque sur le marché de Tombouctou ; 5° Le piment, élément de consommation locale et d’ex¬ portation. — 291 — Avant de les passer en revue, il convient de rappeler sommairement ce que l’on sait déjà1 2 des procédés de la culture saharienne. Le cultivateur n’a qu’un outil unique : le hoyau large de fer et court de manche ; un engrais unique : les immon¬ dices de sa maison ; un moyen cultural unique : l’irrigation normalement par la foggara, adjuventivement par des puits à bascule. L,c PalniieB^-DaitieB*. — Tout le monde connaît aujourd’hui la datte et le palmier-dattier, phænix dacty- lifera , famille des palmiers, tribu des coryphinées, qui se caractérise par « plusieurs spathes incomplètes, ovaire formé de trois carpelles plus ou moins soudés et dont un seul est fructifère fruit bacciforme ou drupacé3 » — et l’on possède tous les détails sur sa culture, sa fécondation et sa récolte dans les régions d’ancienne occupation. Nous rappellerons donc brièvement que le palmier se reproduit naturellement comme tous les végétaux par sa graine, mais que le palmicuUeur ne sème jamais celle-ci longue à venir et qui ne donne que des arbres dégénérés, de sexe imprévu, de variété perdue ; il entretient ses palmeraies déjà existantes par filiation et crée toujours ses plantations nouvelles par drageons de trois ans au moins. Aux Oasis la plantation est dépourvue de tous les soins dont on l’entoure ailleurs, et les drageons sont faibles parce qu’on les laisse trop nombreux au pied de la mère. En effet le palmier adulte est d’abord doublé d’un, de deux, quelquefois de trois rejetons qu’on a laissé grandir sur ses racines dans le but d’entretenir la palme¬ raie sur place, malgré l’extinction des vieux sujets, système qui a pour résultat que, dès sa deuxième génération, le palmier se trouve dans un sol appauvri et fatigué ; de plus on laisse encore grandir tous les 1. De la Martinière et Lacroix. 2. Larousse, Dictionnaire. — 292 — rejetons de l’année pour avoir du combustible, car le bois est rare ; et c’est au milieu de tout cela que grandit le drageon destiné à la plantation. L’engrais est rare et on n’en enterre pas dans le trou de plantation : on prend le drageon, qu’on a fait au préa¬ lable séjourner quelque temps dans l’eau, et on le plante tel qu’il est, sans couper les feuilles et sans le munir d’aucun abri protecteur. C’est en un mot le procédé le plus rudimentaire et l’ignorance de tous les soins dont ailleurs est entourée la création d’une palmeraie. Dès lors et pour toujours le palmier est condamné à pousser à la grâce... du hasard, n’ayant pour se con¬ tenter que ce que ses racines pourront aller chercher de matière fertilisante dans les cultures de céréales que l'on entreprendra autour de lui. La fécondation se pratique en suspendant un pédoncule garni de fleurs mâles dans chaque régime ou spadice femelle ; elle commence dès la mi-février et se prolonge pendant deux mois, à mesure que fleurissent les différents sujets. C’est le moment où les influences climatiques peuvent le plus agir sur la récolte, car il suffit alors ou de vents trop forts ou de vents trop chauds pour gêner la féconda¬ tion ou détruire les fleurs : ici le régime reste stérile et desséché ; là, il produira de petits fruits sans drupe et sans noyau (khesiane), que l'indigène se refuse à dé¬ nommer datte et à compter comme tel. Dès juin on tire des ressources du palmier : on coupe quelques régimes pour laisser plus d’aisance à ceux dont on escompte la maturation , et on emploie les dattes, déjà développées mais encore vertes, obtenues ainsi, à la nourriture des animaux domestiques qui en sont très friands. Dans les premiers jours de juillet on obtient les pre¬ miers fruits des espèces hâtives, et dès lors on peut dire que les gens nécessiteux vivent sur leurs palmeraies : on cueille les dattes au jour le jour et une par une, au fur et — 293 — à mesure de leur maturité, pour les besoins de l’alimenta¬ tion journalière. En septembre commence la récolte qui durera jusqu’à fin octobre selon l’échelonnement de la maturité des diffé¬ rentes espèces : on monte aux arbres et on prend les régimes garnis de leurs fruits, ou bien on cueille ceux-ci un par un, puis on les dépose sur les terrasses des maisons où ils subissent au soleil un certain dessèchement qui les met à l’abri des fermentations. L’hiver est le moment où on « nettoie » les arbres : on coupe les spadices desséchés et les feuilles inférieures, et on recueille le « lif » ou fibrille, et les folioles, qui auront leur emploi dans l’industrie locale. Quant aux feuilles, elles servent à établir des clôtures, des haies sèches, ou bien dépouillées de leurs folioles elles sont utilisées pour faire des claies, des portes de mai¬ sons, etc., etc. Les Oasiens ne savent pas par ailleurs tirer du palmier quelques produits supplémentaires connus dans d’autres régions palmicoles. Ils ne font jamais de « lagnu » ou vin de palmier, non plus de « miel » de dattes comme dans l’Oued-Righ. Les Français ont cependant tenté quelques essais fort intéressants pour obtenir du cidre de dattes. On fait macérer des dattes débarrassées de leur noyau et on ajoute dans l’eau un peu d’orge et du sucre ; on obtient ainsi une boisson fermentée que l’on peut conserver pétillante en arrêtant la fermentation au degré voulu. Cette boisson est d’un jaune-doré très appétissant, très légèrement acidulée et peut soutenir la comparaison avec les cidres mousseux fabriqués en Normandie avec la pomme. Dans ce pays lointain où le vin est très échauffant et revient à un prix élevé, où l’ingestion prolongée de l’eau provoque un affaissement de l’organisme, et où l’anémie guette l’Européen, il y a peut-être là pour l’avenir le moyen d’obtenir une boisson suffisamment tonique et — 294 — susceptible d’entrer utilement dans la consommation cou¬ rante. ï^e cycle vital du palmier* — Aux Oasis saha¬ riennes, la production du palmier est très faible une année sur deux ; il y des dattes tous les ans parce que la pério¬ dicité varie d’un arbre à l’autre, mais le même palmier ne donne pas deux ans de suite, il donne une fois une récolte normale — si les intempéries ne viennent pas l’annuler — et une autre fois il n’en donne qu’un tiers ou un quart, ou même rien du tout. Et c’est ici un détail qui influe beaucoup sur la valeur à attribuer au palmier, question importante puisque cet arbre constitue l’à-peu-près exclusive richesse des Oasis et que c’est sur lui qu’a été calculée l’importance de l’impôt actuel. Cette appréciation est encore commandée d'une part par l’âge de l’arbre, car un palmier trop jeune ou trop vienx ne donne rien, et d’autre part par son mode de plantation, car s’il est en jardin irrigué ou dans un fond de sebklia où l’hu¬ midité est proche de la surface il peut donner de 60 à 80 kilos de dattes, tandis que s’il est en bour , c’est-à-dire dans un terrain vague, inculte et sec, il faut dépouiller jusqu’à quarante arbres différents pour recueillir ces mêmes 60 kilos de fruit. Nous nous sommes donc attaché à établir ce départ, qui n’avait jamais été recherché, entre les différents âges et les différentes situations du palmier aux Oasis, de façon à dire ensuite : « Cette palmeraie vaut intrinsèquement tant, ce pays vaut tant. » Les précisions que nous allons présenter sont de con¬ naissance courante chez tous les habitants, il suffisait de les leur demander. Nous avons dit que le palmier se reproduit non par semis ni par boutures, mais par drageons. Lorsque le drageon est séparé de sa mère* et mis en place, il prend le nom de « gharsa », littéralement «plant», et il garde ce nom jusqu’à l’apparition de son premier — 295 — régime, c’est-à-dire, pour un gharsa normalement appro¬ visionné d’eau : quatre ou cinq ans. Dès qu’il a offert ce premier régime il est dit « âardha », littéralement « offrant », « produisant » ; on dit alors de lui « il a offert une fois », « il a offert deux fois », au fur et à mesure qu’il offre sa première puis sa seconde récolte : à noter que cela ne se produit pas forcément pendant deux années se suivant, puisque nous avons vu que, généralement, les récoltes sont bisannuelles. Cette spécialisation du palmier en production de début se justifie parce que ses régimes ne sont pas encore de grosseur normale, comme ils le deviendront un peu plus tard ; ce sont des produits d’adolescent. Cependant, parvenu à l'age où nous l’observons, il a déjà poussé plusieurs rangées de feuilles : on compte que, dans des conditions moyennes, il en pousse trois rangées par an à partir de la fin de la seconde année de sa plantation : on l’a « nettoyé » tous les ans de feuilles vieilles de plus d’un an en coupant leurs pétioles à environ 30 ou 40 centimètres du stipe dont leurs chicots hérissent ainsi le pourtour. Or quand il a « offert » sa seconde récolte, on le nettoie de tous ces chicots en les coupant au ras du stipe, et comme ces chicots sont dits en arabe « kernaf », on dit de lui qu’il est « mekernefa », littéralement « débarrassé », nettoyé de ses kernaf. Il a atteint en ce moment à peu près hauteur d’homme. On lui maintient cette épithète pendant deux ou trois récoltes, c’est-à-dire quatre ou cinq ans ; comme il prend de l’âge et de la vigueur, il arrive enfin à donner une récolte normale, d’importance moyenne. A ce moment il prend le nom de « bekra ». « Bekra » c’est toute femelle, humaine ou animale, qui arrive à son plein épanouissement, qui est prête à enfanter 1. En arabe le palmier est du genre féminin (nekhla); sont spé¬ cialement masculins les arbres mâles (dokkar). — 296 — pour la première fois ; il faut entendre ici que rien de ce que le jeune palmier a produit ne compte encore, que ce n’est que maintenant qu’il va produire ce que l’on attend de lui : c’est le palmier en plein rapport. En ce moment son stipe est déjà haut, gros, gonflé de sève, les quignons des feuilles coupées sont d un brun chaud, leur épiderme est uni, exempt de fentes, glacé et reluisant ; les feuilles sont longues de trois et même quatre mètres, les folioles sont drues et longues, d’un beau vert- épinard ; les pédoncules des régimes sont nettement de couleur orange et les régimes eux-mêmes acquièrent un grand développement, il peuvent porter jusqu a 15 kilogs de dattes chacun. Cet été de la vie du palmier dure long¬ temps, 30 ans, 40 ans, suivant les soins dont il est l'objet. Puis à la longue les premiers signes de vétusté se mani¬ festent, le stipe se dégonfle, diminue de grosseur ; il semble sortir de terre et s’exhausser par sa base dont toute la partie inférieure apparaît recouverte de racines adventices ; les beaux quignons bruns et glacés se fen¬ dillent et tournent au gris ; les feuilles s’allongent moins vigoureusement et leurs folioles se clairsèment et se rape¬ tissent ; la production diminue bientôt de oO pour 100 . le palmier est dit « kebira », — « vieille ». Il se maintiendra encore longtemps en cet état si l’eau ne lui fait pas défaut : « il pourra voir naître, grandir et mourir le fils de son propriétaire », — mettons 40 ou 50 anSj _ puis il s’affecte d’une décrépitude évidente ; son stipe maigrit encore, sa partie envahie par les racines adventices s’élève jusqu’à deux mètres du sol ; ses qui¬ gnons se morcellent, s usent sous 1 action des vents et des sables charriés, jusqu’à cesser d’être distincts, l’arbre devient gris-clair et se courbe, avec seulement quatre ou cinq feuilles mal venues, longues de moins d un mètre, entre lesquelles pend un pauvre régime sans développe¬ ment et presque sans fruits; la récolte tombe au-dessous de dix et même de cinq kilos : le palmier est « charefa » — « décrépite ». — 297 — Il durera ainsi des années, des dizaines d’années, jus¬ qu’au jour où on viendra l’abattre pour fournir deux poutres destinées a remplacer dans la maison du maître celles qu’ont mangées les termites. Nous venons de décrire l’existence du palmier de jar¬ din ou encore du palmier planté dans un bas-fond aqueux, où il boit selon ses besoins et réussit autant que son frère des jardins. Ce sont-là les deux seuls sujets intéressants, car les autres, les palmiers des bour secs, ne donnent qu’accidentellement et de loin en loin, au hasard d’une année humide, une récolte appréciable. L,a valeur marchande du palmier* — Mainte¬ nant que nous sommes initiés aux différentes phases de la vie de l’arbre, nous allons voir sa valeur marchande, son prix de vente : on comprend d’après ce qui précède que le palmier atteint sa valeur maximum, obtient son prix de vente le plus élevé : 1° Quand il est en jardin ou sol humide ; 2° Quand il vient d’entrer dans l’âge « bekra ». Or quand il réunit ces deux conditions il est vendu : Au Tinerkouh : 20 francs ; Dans le Haut-Gourara, depuis le Tinerkouk jusqu’à Deldoul : 40 francs ; Aux Oulad-Aïssa : 30 francs ; Dans le Bas-Gourara, l’Oued-Er-Remel, l’Oued-El- Hadjar, le Teçabit : 20 francs. Dans le Touat supérieur, il se maintient au même prix jusqu’au Fenoughil, mais avec tendance à la baisse. Dès Zaouiit Kounta, un beau palmier ne vaut guère plus de 10 francs. On le trouve, un peu plus bas, dans l’Oued El-Henné, à 5 francs. Au sud du Sali, ce dernier prix est un maximum, et souvent des jardins ne trouveront pas acquéreur depuis les Oulad-Baho jusqu’à Taourit du Reggane. Au Tidikelt la valeur remonte un peu. — 298 Un beau palmier d’Aoulef vaut 15 francs. Il maintiendra cette valeur à Tit, à Inghar et à In- Salah, mais à Akabli, il retombe à 2 metkals (4 francs). Les variétés de dattes. — Les principales variétés récoltées dans les Oasis, selon leur ordre d’importance nutritive et commerciale, sont : 1° La Tinekkour , très petite, mais extrêmement sucrée et parfumée ; 2° La Tinhoud , grosse, à drupe blanche et très sucrée ; 3° La Hartane , grosse et sucrée ; 4° La Tilemsou , que les Arabes du Nord connaissent sous le nom de Hennira , de grosseur moyenne et d’une belle couleur rouge ambrée ; 5° VAdekli, également savoureuse ; 6° La Takerbouch. Ces six variétés peuvent être considérés comme consti¬ tuant les dattes de luxe, la première qualité : ce sont celles que recherchent les gens aisés et qui sont présen¬ tées aux hôtes de marque, soit fraîches, soit desséchées, selon la saison. Nous citerons maintenant les dattes de consommation courante qui constituent la seconde qualité ; ce sont les variétés qui forment de beaucoup la grande masse des palmeraies touatiennes et qui fournissent le commerce d’exportation ; elles se présentent ainsi par ordre de com¬ mune préférence : 1° La Tilemsou ou Hamira de qualité moyenne ; 2° La Tinnacer , un peu plus petite que la précédente, et d’ambre plus clair ; 3° La Tegazza, blonde ; 4° La Tinmeleha ; 5° La Tazerzai ; 6° L ' Adham. En plus de ces variétés, répandues dans tout le terri¬ toire, la région du Tidikelt présente d’autres espèces — 299 — marchandes de qualité équivalente à celles-là et qui leur disputent la prédominance dans les palmeraies, ce sont : 7° L 'Ouarglia ; 8° La Degla , et sa variété la Degla souda ; 9° La Fe kir- Ali ; 10° U Achdakh. Voilà les seize variétés qui se partagent au premier et au second rang la grosse masse des Oasis sahariennes et qui en forment la partie ayant une valeur réelle et impor¬ tante. Nous allons maintenant énumérer, tant pour compléter notre documentation que pour l’intérêt philologique de leurs dénominations, pour ceux qui poursuivent une étude comparée et de groupement des différents dialectes ber¬ bères, toutes les variétés de moindre importance, sinon par leur qualité, tout au moins par le bas effectif qu’elles présentent, et qui est souvent inférieur à mille sujets ; autant dire que certains d’entre les noms qui vont suivre désignent moins des variétés distinctes que des sous- variétés plus ou moins tranchées qui ont reçu dans des localités différentes de différentes appellations. Ce sont, sans classement bien entendu autre que l’ordre alphabétique : Aâkech , Açiane, Adha m- E l-Achch, Aghras , Adham- El-Hadj , Agaza , Aghem , Aghmou , Agloul , Agueniguen , Aguel , Ahalmoudh , Aïs s a ben Mousa , Akkech , Akrich , Azrouf ; Ba-Djaoui , Ba-Makhlouf , Ba-Melik , Ba-Mimoun, Beghel, Betzim , Bêlai , Ben- Aïs s a , Ben-Cherki, Ben- Khelbane , Ben-Khelef , Ben-Taleb , Bent-Dobba, Besse- kouf Bou.Arif, Bou-Arifi , Bou-Djelta, Bou-Hedjim , Bou-Hemane, Bou-Kezim , Bou-Sekri , Ben-Ouaddal. Cheikh , Cheikh- M ha mmed , Cherka ; Deglat Mekka, Deglat-Noui'C Degla-Sofra, Degla- Souda, Deglat-Moulaï-Edris , Deguel-Djedba , Deguel- Djedir , Deher , Deglet- Mahmoud ; Feggous , Fekâli (corrupt. de Fekir-Ali ), Filai, Ferane ; — 300 — CL «j y Harndha , Hanied-Hammou , Hamel, Hammou-Nadjem ; Infai , Inguellou , Itima ; Kadjoul , Kounti ; Menchar , Messâoudïa, Montibat ; Nebouti ; Obbad , Ouâkkech , Ouarglïa , Oudjil , Ouladam , Oulekkar, Oum-Djeloud , Oum-Taïeb, Ouzmik , Ouzzane ; Sammat, Santi, Sebci-es-Soltane ; Taâbbout, Tabelmehdïa , Tadjar , Tadmamt,Tafelhane, Taghar , Takhsi, Tamedri , Tamellalt, Tanout , 7Vz 39 331 3 400 )) 10 )) )) 200 25 193 )) » 92 44.303 » 1.720 3.656 )) » » )) )) 7 327 Il 828 )) 8.842 )) 1 112 917 )) )) )) )) )) 815 730 60 4.741 )) 402 508 )) » )) )) )) 473 655 )) 64 268 )) 18.221 6.612 4 424 3.170 )) )) )) )) » )) 9 602 )) 1.513 332 1 443 215 )) » )) )) )> )) 8.496 )) 1.240 88 992 122 » )) )> )) )) <05 110 822 32 347 19.941 11.961 4 424 3.170 14.045 3 632 2.985 7.327 11.828 98 19 863 1.707 2.627 1 249 1.443 215 1.20D 6 98 815 730 99 13.388 3 400 1.642 606 992 122 200 25 193 473 655 La moyenne des deux années 1797 et 1798 — une bonne et une mauvaise — s’établit ainsi à 34.550 charges, soit environ 46.000 quintaux. Mais il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit ici que de la récolte assujettie à V impôt , et qu’à celui-ci échappaient : 1° Les récoltes des chorfa et des merabtines ; 2° Toutes les récoltes des autres castes qui se trouvaient inférieures au niçab ou unifîscal ; si la part de palmeraies appartenant alors à ces favorisés avait été à cette époque la même qu’aujourd’hui dans l’ensemble du territoire. (envi¬ ron 55 p. 0/0), on serait amené à estimer la récolte totale moyenne de l’époque à moins de 100.000 quintaux. Tout en faisant état de ce renseignement historique, il est permis de traiter aujourd’hui une évaluation générale — 304 — de la récolte moyenne des Oasis, en utilisant les éléments d’appréciation recueillis sur place : ce sont des moyennes tirées de 60 observations particulières pour chaque âge de palmiers dans les trois annexes du territoire. On peut admettre, semble-t-il, les bases suivantes : 1° Pour les palmiers bekra , dont le fort rendement est d’environ 50 kilos une année et le rendement faible 10 kilos l’année suivante, une récolte moyenne de 30 kilos ; 2° Pour les palmiers mekernefa , dont le rendement moyen est un peu moindre, 25 kilos ; 3° Pour les palmiers âardha , qui en sont à leur initiale production, il convient de ne compter que 5 kilos ; 4° Les palmiers kebira perdent beaucoup sur les bekra, on peut leur attribuer 20 kilos ; 5° Les charefa ne peuvent atteindre une moyenne supé¬ rieure à 5 kilos. Nous attribuerons tout cela tant aux arbres de jardin qu’à ceux des terres humides ( nebâ ). Quant aux palmiers des terres sèches, il arrive souvent, comme nous avons eu l’occasion de le dire,- qu’il faut quarante arbres pour remplir un sac de 80 kilos, soit 2 kilos par arbre, mais c’est là un minimum, et on peut équitablement leur attribuer une production de 5 kilos par arbre bon an, mal an, pour les arbres mekernefa, bekra et kebira. Nous allons aussi tenir compte que le palmier mâle se présente en moyenne une fois par 30 arbres : chaque éva¬ luation de récolte va être affectée d’une diminution de 1/30 qui représente le manquement causé par les palmiers mâles. Nous obtenons ainsi le tableau suivant : Le dépiquage des céréales (page 306) La dune envahissant une palmeraie à Aoulef ipage 338) 305 20 — 306 Sur cette récolte, que l’on peut considérer comme la production moyenne des Oasis, environ 20.000 quintaux passent à l’exportation (14.000 charges en 1905); il reste¬ rait donc environ 192.000 quintaux pour la consommation intérieure, soit une disponibilité d’environ 392 kilos par an ou un peu plus d'un kilos par jour et par tête d’habitant. Il faut admettre que la réalité est un peu plus élevée, car aucun district n’a recensé tous ses palmiers de terres sèches, à beaucoup près, et on peut estimer, de ce chef, la disponibilité réelle à environ 500 kilos par an et par tête d’habitant. Les céréales. — Les céréales sont cultivées dans tous les endroits laissés libres par les palmiers et par les cultures vivrières ou maraîchères, dans la mesure que permet l’eau disponible après irrigation du palmier ; c’est assez dire que les districts riches en palmiers sont pau¬ vres en céréales et réciproquement ; le Gourara fait pré¬ dominer le palmier, ainsi que le Teçabit et le Touat Supérieur, l’Aoulef et In-Salah ; les céréales sont particu¬ lièrement cultivées dans le Bouda et le Bas-Touat ; quand la récolte le permet, les uns complètent l’approvisionne¬ ment des autres. D’une façon générale, on trouve des céréales partout, comme des palmiers, car chacun cherche à récolter au moins sa provision. Les céréales cultivées sont par ordre d’importance : En hiver : le blé et l’orge. En été : le millet et le sorgho. On fait aussi un peu de maïs. Nous pouvons essayer une évaluation approximative du stock de céréales qui s’est trouvé à la disposition des popu¬ lations des Oasis pendant l’année 1904. En cette année, le chef d’annexe du Touat évalua la 307 production en blé et en orge de son territoire à environ 17.000 quintaux1. Si l’on part de cette base, on peut évaluer la production du Gourara, car nous avons vu qu’au temps des gouver¬ neurs chérifiens, on la considérait comme étant vis-à-vis de celle du Touat dans le rapport de 4 à 3 : nous adop¬ terons donc pour le Gourara une récolte de 21.000 quintaux. Quant au Tidikelt, on a vu que la moitié de son appro¬ visionnement lui vient du Touat, il ne doit guère attein¬ dre par sa propre récolte à 8.000 quintaux. Nous avons donc : Gourara . 23.000 quintaux Touat . 17.000 — Tidikelt . 8.000 — Total . 48. 000 quintaux Il faut maintenant estimer la récolte de millet et de sorgho : elle est toujours un peu moindre que la précé¬ dente, quoique ces grains foisonnent davantage, car les surfaces emblavées sont notablement moindres en été qu’en hiver, environ un tiers : on peut donc admettre de ce chef une récolte de 32.000 quintaux. D’autre part, les caravanes sud-oranaises ont importé cette année-là, en blé et en orge, 700 quintaux; on peut admettre que lamoitié d’autant fut apporté du Sud- Algérois, soit à In-Salah soit dans les deux autres annexes et porter le total des importations à 1.000 quintaux. On obtiendra ainsi : Production locale de blé et orge . . . 48.000 quintaux Production locale de millet et sorgho . 32.000 quintaux Importations de blé et d’orge . 1.000 quintaux Soit un total général de. . . 81.000 quintaux Gomme la population s’élève à 49.100 habitants, la faculté de consommation moyenne ressort donc pour un 1. Le commerce et V agriculture au Touat, in Bulletin de la Société de Géographie . — 308 — habitant à 168 kilos pour toute l’année et à 460 grammes de grain par jour — à condition qu’il n’ait rien vendu aux troupes d’occupation ni aux Touareg, or c’est le contraire qui est arrivé, et de ce fait l’approvisionnement doit être ramené à environ 300 grammes de grain, par jour et par habitant. Retenons enfin que cette année 1904 a été, en ce pays, une année « bonne », mais qu’en 1905 la production en céréales a été inférieure des deux tiers à la précédente, ce qui, sur l’ensemble des deux années, ne laisse qu’une disponibilité moyenne de 112 kilos par an, et de 300 gram¬ mes par jour, par habitant, que les achats pratiqués pour les besoins des troupes ont encore réduit de moitié. L.e henné. — Le henné (lawnsonia inermis1) : 1° est cultivé uniquement dans la région qui a pris de lui le nom d’Oued-el-Henné (district d’Inzegmir). Dans ces oasis où les palmeraies sont très claisemées, il se présente sous la forme de petits arbrisseaux de 40 ou 50 centimètres de hauteur, qu’on multiplie par boutures sur les bords des canaux d’irrigation ; le bois en est blanc et la feuille petite et d’un vert brillant. C’est cette feuille que l’on récolte pour ses propriétés tinctoriales et médicinales. Pour la teinture on délaie les feuilles séchées et pilées dans un peu d’eau de façon à former un pâte peu consis¬ tante que l’on applique sur les cheveux, la peau ou l’objet à teindre : la nuance obtenue est d’autant plus foncée que l’application a été maintenue plus longtemps. On l’applique aussi sur les contusions, les blessures des hommes et des animaux. Les caravanes d’Algérie demandent beaucoup le henné qui leur est porté sur les marchés du Gourara chaque année ; mais cet arbrisseau bizarre s’est cantonné dans le 1. De la Martimière et Lacroix. 309 — district où nous le trouvons et sa culture n’en paraît guère extensible. C’est grand dommage : 1° pour les belles Européennes qui commencent à en consommer beaucoup ; 2° pour les belles Arabes qui en usent depuis longtemps; 3° pour le Touat qui aurait là une culture industrielle très avanta¬ geuse et guère concurrencée. he tabac. — Le tabac est cultivé dans de nombreux district, mais surtout dans le moyen Touat et Zaouïet- Kounta est son principal marché. L’espèce cultivée est une plante annuelle que l’on sème en pépinière, puis que l’on replante en place, avec 30 ou 40 centimètres de distance entre chaque pied, dans ces carrés bas entourés d’un petit ados qui retient les eaux d’irrigation, mode invariable en usage pour toutes les cultures dans ce pays. Lorsque la plante a acquis une hauteur de 40 centimètres, en juin, on procède à l’arrachage et on lie en petites bottes d’environ 6 à 800 grammes qui sont portées telles quelles sur le marché. Soit dans le pays même, soit au Soudan où on l’exporte, il est consommé desséché, réduit en poudre, tant les feuilles que les tiges et même les racines. La plupart du temps on le fume dans de petites pipes, mais il arrive aussi qu’on le réduit, à l’aide d’un mortier, en poudre assez menue pour être consommée comme tabac à priser. Il semble bien que l’espèce touatienne soit celle dite tabac glutineux1. JLe coton. — Le cotonnier est, après le palmier, Tune des cultures les plus intéressantes qui existent dans les Oasis ; sinon qu’on doive l’encourager en vue de l’expor¬ tation, car les frais de transport que lui imposerait le 1. P. Larousse, Dictionnaire universel. 310 — grand éloignement de ce pays lui défendraient probable¬ ment de se présenter à des conditions avantageuses sur les marchés du Nord, tout au moins pourrait-on essayer d’augmenter la production actuelle de façon à obtenir plus de matière textile susceptible d’être utilisée sur place, en diminuant d’autant l’importation de cotonnades qui se produit actuellement. Le cotonnier se rencontre à peu près dans tous les districts, en plus ou moins grande abondance, sous la forme d’un arbrisseau atteignant souvent deux mètres de hauteur, installé sur les bords des seguias d’irrigation ; il donne des capsules de la grosseur d’une petite noix contenant généralement cinq graines « revêtues d’un duvet grisâtre qui y adhère fortement et que recouvre un coton blanc et court » ; il paraît n’être autre que le cotonnier herbacé (gossypium herbaceurn) qui devient ligneux dans les contrées voisines du tropique1. Il n’est l’objet d’aucun soin particulier de culture et, peut-être pour cette raison, il présente un aspect fruste, souffreteux et rabougri : les Touatiens ignorent toute sélection dans la reproduction, ils ne nettoient même pas l’arbrisseau de ses brindilles mortes ou en surnombre, ils ne lui apportent jamais d’engrais, ne sarclent ni ne labou¬ rent jamais son pied, et ils le laissent se tirer d’affaire à sa fantaisie comme un simple végétal du désert ; c’est pour ainsi dire un buisson indifférent qu’ils tolèrent dans leurs jardins parce qu’ils y cueillent les capsules productives du textile dont presque exclusivement ils s'habillent. Combien ne serait-il pas intéressant d’entreprendre leur éducation sur ce point, peu à peu, en s’en tenant à l’espèce existante qui est, visiblement, à cause des moindres soins dont elle est l’objet, acclimatée de façon spéciale dans ce pays cependant si différent des habitats normaux de ses congénères, puisqu’il lui offre des températures 1. P. Larousse, Dictionnaire universel. 311 — moyennes estivales de plus de 40° et des moyennes d’hiver oscillant autour de O01. L.e piment. — Le piment est une solanée ( capsicum annuum ), il est annuel aux Oasis. Il est semé en pépinière, puis repiqué dans les mêmes conditions que nous avons rapportées plus haut pour le tabac ; il atteint 30 ou 40 centimètres de hauteur et donne un fruit nommé piment (ou poivron) qui atteint de 2 à 5 centimètres de longueur, d’abord d’un beau vert brillant, puis à la maturité d’un rouge éclatant. Ce fruit, qui possède une saveur âcre et caustique extrêmement prononcée, est consommé vert ou sec par les Touatiens qui remédient par lui aux effets échauffants de l’ alimentation par les dattes ; de plus, sec, il est emballé plus ou moins écrasé dans des couffins et exporté jusqu’en Algérie où toutes les populations indigènes le recherchent et le consomment en quantité considérable. A ce titre de matière d’exportation, il méritait une men¬ tion spéciale, et sa culture est à encourager dans ce pays où les éléments de richesse sont peu nombreux. Nous terminerons ici une liste qui pourrait comprendre encore les plantes potagères communes, mais qui serait sans intérêt, car elle ne nous fournirait matière à aucune donnée nouvelle sur la culture maraîchère pratiquée par¬ tout ailleurs dans le Sud Algérien : espèces peu nombreu¬ ses et dégénérées. 1. D’après Humboldt, le cotonnier se plaît dans les pays dont les moyennes se maintiennent entre 26° en été et T en hiver. CHAPITRE Y L’Industrie et le Commerce L’industrie. — Le commerce. — Le commerce intérieur. — Le commerce extérieur. — L’activité commerciale moyenne. L’Industrie. — L’industrie comporte surtout la fabri¬ cation de certaines pièces de vêtement, burnous et haïks, soit en laine pure, soit en laine et coton alternés par bandes. On emploie pour cela la laine apportée par les cara¬ vanes du Nord et le coton indigène. On fait aussi dans le Gourara des couvertures en laine, et un peu partout des sacs et des sangles, etc. Une certaine quantité de ces objets est destinée à l’ex¬ portation. Un autre genre d’industrie est la vannerie. On y emploie le drinn et la fibrille ou « lif » du palmier : on fabrique ainsi des plateaux, des couffins, des paniers de forme particulière dits « tedara », des nattes, etc. On fait avec le lif du palmier des cordes qui sont, comme les objets de vannerie, livrées en partie à l’expor¬ tation. Enfin, il y a dans quelques ksour, Timmimoun, Timmi, Tamentit, Aoulef, In-Salah, des forgerons, des bijoutiers et des fabricants de sacoches, portemonnaies et autres objets en cuir fîlali. Le Commerce. — Il a été beaucoup écrit sur le commerce transsaharien, qui a jadis transité par les oasis 314 touatiennes, sur les causes de sa ruine, sur ses chances de reprise, etc. ; nous avons même eu l’occasion* de connaître quelques détails nouveaux sur lui ; il ne nous reste donc maintenant qu’à voir ce qu’est le mouvement d’échanges actuel Commerce intérieur. — Les principaux éléments du commerce intérieur sont : 1° Les denrées d’origine franco-algérienne apportées en majeure partie au Gourara, en quantité moindre à In-Salah et pour un très faible restant au Timmi, et qui, de ces différents points sont colportées de district en district et de ksar en ksar pour y être vendues au détail ; ce sont principalement : 1° Le beurre arabe et le fromage arabe ; les laines en toison ; le savon ; les bougies ; le thé ; le sucre ; des coton¬ nades blanches et bleues ; du poivre noir, etc. 2° Les produits locaux qui se répartissent des districts où ils abondent vers ceux où ils manquent, ou bien se dirigent de leurs régions de production vers les marchés de la périphérie où viendra ensuite les prendre le com¬ merce d’exportation ; les principaux d’entre eux sont : La datte, le blé et l’orge qui circulent un peu dans toutes les directions ; le henné, qui marque une préférence vers les marchés gourariens, et le tabac qui se concentre sur les marchés de Zaouïet-Kounta et du Reggane. Enfin des marchés permanents se sont institués spon¬ tanément dans les trois chefs-lieux français : Timmimoun, Adrar et In-Salah, et la présence de la troupe y entre¬ tient des transactions assez actives dont la plus grande part doit être imputée au commerce extérieur, car elle est constituée par le débit de marchandises importées par des négociants algériens qui ont créé des succursales locales. 1. Sup. lr« partie. 315 — Nous avons recherché l’importance que pouvait avoir ce commerce intérieur non de district à district, ce qui serait impossible à déterminer, mais au moins de l’une à l’autre de chacune des trois régions constituées en unités administratives secondaires distinctes : Gourara, Touat, Tidikelt. Pendant l’année 1905 1 ce mouvement commercial se présente ainsi : Mouvement d’Aller et Retour NOMBRE D! CHARGES MARCHANDISES MARCHANDISES 1 d’ânes de EMPORTÉES RAPPORTÉES • chameaux 1 i Du Gourara au Touat . » )) » » Du Gourara au Tidikelt .... » 29 Céréales, cotonna- Peaux, divers. des, 188 moutons. Du Touat au Gourara . 66 76 Henné, tabac, 129 Dattes, céréales, co- moutons. tonnades. Du Touat au Tidikelt . » 43 Céréales, tabac, Dattes, divers. henné. Du Tidikelt au Gourara .... )) 14 Peaux, fromages, Céréales, dattes, divers . Du Tidikelt au Gourara . . . . )) 17 Dattes, divers. Céréales. Totaux (à doubler pour le retour^ Soit un mouvement total de . . 66 179 132 358 Charges transportées. 1. Relevé fait sur les Rapports mensuels des chefs d’annexes. — 316 — Il y a lieu, pensons-nous, d’admettre cette statistique comme inférieure à la réalité, d’ailleurs il faut bien tenir compte que les comptes rendus des chefs indigènes qui servent de base au travail établi dans les chefs-lieux des annexes font parfois défaut, ainsi il est flagrant qu’il y a une lacune de ce genre dans le mouvement du Gourara sur le Touat, lequel est réellement plus considérable que le mouvement du Touat sur le Gourara, mais les chiffres présentés seraient-ils doublés et portés à un millier de charges que cela ne représenterait encore qu’un mouve¬ ment d échanges bien faible étant donné le chiffre de la population. Si on cherche l’activité proportionnelle de chacune des trois annexes dans ce mouvement, on la trouve ainsi : Du Gourara . 58 charges soit 11,8 pour cent. Du Touat . 370 — — 75,4 — Du Tidikelt . 62 — — 12,8 _ Total égal. . . . 490 charges soit 100,0 pour cent. Commerce extérieur. — Le mouvement commer¬ cial avec l’extérieur se produit dans six directions : 1° Le Sud-Oranais 2° Le Sud-Algérois (avec prolongement jusqu’à Biskra et jusqu’à Gabès) ; 3° L’Est (Ghadamès, Ghat et l’Ahir); 4° Les Touareg (Hoggar et Taïtok); 5° Le Sud (Adghagh, Azaouad et Tombouctou) ; 6° L’Ouest (Saoura et Tafilelt). Cette dernière voie fut hier encore importante : les Doui-Meniâ, Oulad-Djerir, Beni-Guill apportaient en foule de l’orge, du blé, des moutons, les Beni-Mhamoud du sucre, du thé, des bougies, des étoffes, des cuirs du Tafi¬ lelt, ouvrés et bruts ; ils enlevaient des dattes et des pro¬ duits du Soudan ; du Dra venaient des Arib, des Tadja- kant, qui repartaient sur Tombouctou d’où ils apportaient des esclaves, des étoffes, des cuirs, de l’or natif (teber ; » 317 — mais tout cela a pris fin avec la conquête française ; au¬ jourd’hui cette voie peut être appréciée de suite, en deux mots : elle est nulle pour des raisons politiques momen¬ tanées ; elle pourra reprendre son importance passée quand l’influence française sera venue à bout de l’hostilité ou¬ verte ou sourde des Doui-Meniâ, Oulad-Djerir, Beraber et Beni-Mhammed. La voie du Sud a pour ports le Bas-Touat, Akabli et In-Salah ; elle est fréquentée par les Kounta et leur clien¬ tèle politique : Ifoghas, Hotnaten, Adnane, etc., toutes tribus riches relativement en mouton, et intermédiaires des échanges de Tombouctou. Ceux-ci consistent en cuirs bruts ou ouvrés du Soudan ; épices et autres menues marchandises que le Touat paie en dattes et en tabac. Le tabac touatien est très estimé au Soudan et y a découragé la concurrence un moment tentée par les tabacs américains1 ; la charge de 80 à 100 kilos partie des Oasis avec une valeur de 25 à 30 francs s’écoule à Tombouctou à des prix variant entre 80 et 100 francs. De plus, la demande du Soudan est toujours très forte et enlève en peu de temps toute la récolte disponible du Touat, et si celui-ci augmentait ses cultures, il y trouve¬ rait une source de bénéfices très sérieuse, mais la culture est limitée tant par la pénurie d’eau que par celle de la main-d’œuvre. Le courant touareg est alimenté par les moutons et quelques produits alimentaires tels que le fromage qui sont dirigés du Sahara central vers les Oasis d In-Saiah, d’Inghar et d’Aoulef et par les dattes qu’on exporte de ces points vers les tribus touareg. Les voies d’Est (Ghadamès, Ghat et Azguer) aboutit aussi à In-Salah ; elle est peu fréquentée et suivie surtout par des cotonnades, du thé, du sucre, etc. La voie du Sud Algérois a plus d’importance, car c’est 1. Lieutenant-colonel Laperrine. 318 — celle des Chaânba qui apporte céréales et produits manu¬ facturés, tant de Biskra que de Gabès, mais surtout de ce dernier point. Cette voie, très négligée avant la conquête française, a été très suivie depuis, d’abord parce que de nombreux Chaânba ont pris du service dans les Compagnies saha¬ riennes et ont fait connaître le pays aux gens de leurs tribus, leur facilitant ainsi les relations avec les Toua- tiens ; aussi parce que d’importants transports pour l’armée leur ont été confiés et les ont incités à fréquenter cette route, surtout que ces caravaniers ont trouvé, dans le chargement à Gabès de ces marchandises pour l’armée, l’occasion facilitée d’enlever du sucre destiné à être écoulé en contrebande dans le Sud Algérien, et des bénéfices illicites de cette dernière opération, ils ont notablement grossi les gains normaux de leur commerce de transit sur le Touat. Là est la cause dominante de la prospérité imprévue et irrationnelle de cette voie commerciale, — irration¬ nelle, nous semble-t-il, et voici pourquoi : d’abord une denrée française donnée doit se présenter à conditions à peu près égales dans les gares du Sud Oranais et dans le port de Gabès, car l’excédent de distance qu’elle a dû franchir pour gagner ce dernier point est compensé par le plus bas coût du transport par mer ; de son côté, une denrée indigène se présente à égalité de prix de revient dans les tribus sud-oranaises ou dans les tribus gabésien- nes ; il s’ensuit clairement que le consommateur touatien devra obtenir à meilleur compte, toutes choses égales d’ailleurs, la denrée qui aura parcouru la moindre dis¬ tance pour l’atteindre. Or, cette marchandise qui se trouve dans l’un et l’autre point de charge en d’égales conditions a encore la faculté d’y être enlevée par des caravaniers possédant d’égales aptitudes et une égale vocation pour son transport : les Trafis et autres Oranais d’une part, les Chaânba de f autre. 319 De plus, les Oranais sont les consommateurs d’élection du premier produit touatien : la datte ; et ils ont là un fret de retour dont leur faculté de charge est presque illimitée ; tandis que les Chaânba qui ont leurs palmeraies à Ouargla et dans l’Oued-Righ n’enlèvent la datte touatienne qu'à titre d’appoint et rentrent souvent chez eux à vide. Pourquoi donc ceux-ci acceptent-ils de parcourir une plus longue distance à moindre prix et obtiennent-ils la préférence sur leurs concurrents ? C’est forcément parce qu’ils ont su joindre une source secondaire de profits à la la principale, de telle façon que le bénéfice réel, complet , de leurs opérations se trouve comprendre autre chose que la rémunération demandée au consommateur touatien. D’autre part, la sécurité de cette voie sud-algéroise permet de faire circuler des caravanes de toute impor¬ tance, même minime, en tout temps, ce qui facilite beau¬ coup les entreprises commerciales. La voie du Sud Oranais, au contraire, est peu sure, parfois coupée par les pillards de l’Ouest, et le commerce n’y aventure que des groupes nombreux dont la force constitue la sécurité. On voit surtout cette voie suivie par un très gros groupe annuel formé de toutes les caravanes réunies de l’Oranie ; il ne parut pas l’année qui suivit la conquête à cause de l’emploi des chameaux aux convois militaires, mais il reprit sa route dès 1902, et après avoir faibli d’importance en 1903, il a atteint depuis des effectifs très satisfai¬ sants. Il apporte des denrées de toute espèce, des moutons et de l’argent monnayé et enlève l’excédent de la récolte des dattes des Oasis, fournissant ainsi à celles-ci le plus clair de leurs gains commerciaux. Les opérations de ces grandes caravanes oranaises font chaque année l’objet de rapports détaillés que le Gouverne¬ ment général de l'Algérie fait publier, il serait donc oiseux de les rééditer, nous rappellerons seulement l’effectif des chameaux qui ont participé à ce commerce : — 320 — En 1902, 7.752 ; en 1903, 2.600; en 1904, 5.771 ; en 1905, 17.556; en 1906, 9.150 et 840. Nous allons essayer de connaître le détail des opérations de la dernière en date de ces caravanes, celle de 1906 L Importations NATURE DES MARCHANDISES NATURE de l’unité VALEUR de l’unité QUANTITÉS1 importées VALEUR TOTALE -rrtt- PRIX du KILOG francs francs francs Moutons . tête 24 00 2300 55 200 00 )) Blé . charge 75 00 1140 85.500 oO 0 50 Orge . charge 45 00 267 12 015 00 0 30 Pommes de terre . charge 45 00 70 3.150 00 0 30 Thé . charge 750 00 12 9.000 00 5 00 Sucre . charge 120 00 102 12.240 00 0 80 Beurre (arabe) . outre de 25 k. 62 50 800 50.250 00 2 50 Beurre . outre de 50 k. 125 00 100 12.500 00 2 50 Graisse (arabe) . charge 300 00 42 12.600 00 2 00 Graisse . charge 375 00 10 3.750 00 2 50 Savon . quintal 150 00 30 4.500 00 1 00 Huile . quintal 125 00 30 3.750 00 1 25 Bougies . quintal 150 00 30 4.500 00 1 00 Poivre noir . charge 200 00 8 1.600 00 2 00 Laine en toison . charge 200 00 8500 17.000 09 1 00 Viande séchée . quintal 100 00 124 2.400 00 0 50 Fromage (arabe) . quintal 50 00 80 4.000 00 » Cotonnades . pièce 100 m. 40 00 238 9.520 00 » Fèves . quintal 40 00 237 9.480 00 0 40 Miel . outre 90 00 5 450 00 3 00 Pois chiches . charge 45 00 5 225 00 0 30 Café . charge 215 00 7 1.575 00 1 50 Girofle . charge 263 50 1 263 50 1 75 Goudron . outre 13 50 50 675 00 0 45 Burnous de coton . . unité 6 00 74 444 00 )) Allumettes . . boîte 0 05 4000 200 00 )) Divers . » » )) 312 50 )) Total des importations. . . 316.000 00 1. Extrait du rapport du chef de poste du Gourara. — 321 Il Faut ajouter à ces chiffres représentant l’apport sur le marché gourarien, les quantités suivantes qui ont traversé les oasis du Gourara pour aller s’offrir sur le marché du Touat*. Céréales . . . Beurre. . . . Laine . . . . Graisse . . . Légumes secs Moutons. . . 10 charges 12 — 5 — 100 unités Nous remarquons d’abord qu’il ressort de cette énumé¬ ration des quantités de marchandises importées que, contrairement à ce qu’on avait écrit sur ce point, tous les chameaux composant les caravanes, 9.150, ont dû prendre part au transport et qu’aucun n’a fait la route à vide : une simple addition des charges et des quintaux permet de s’en rendre compte. Notons de suite que, pendant leur séjour, gens et bêtes ont consommé. La nourriture des caravaniers (2.140 personnes) est évaluée à 10.000 francs et celle des 9.150 chameaux, à raison de deux sacs de dattes hachef à 10 francs l’un pour chaque animal, est estimée à environ 90.000 francs, soit 100.000 francs d’achats sur place dont profitent les Oasis et qu’il y aura lieu de joindre au chiffre des mar¬ chandises qui seront enlevées, pour établir le montant total des ventes opérées par ces derniers. 1. Rapport du chef d'annexe du Touat. 2! Exportations 322 323 — Soit un total général d’environ 338.000 francs. Toutefois, il importe avant de passer à la balance des importations et des exportations, de tenir compte d’un détail particulier que nous explique le document officiel que nous suivons : « Quoique les caravanes apportent de l'argent monnayé, elles n’achètent pas, en principe, contre espèces avant d’avoir écoulé leurs marchandises par voie d’échange pour se procurer les denrées locales. « La base de toutes les transactions est le prix de la charge de dattes. « Cette année, la récolte ayant été moyenne et les Arabes étant venus moins nombreux que l’année précé¬ dente, l’offre a été plus considérable que la demande et le prix des dattes a été relativement peu élevé. La charge de « hamira » qui valait 30 francs l’hiver dernier s’est vendue 24 francs. » Il est permis d’observer que si le rapport officiel s’exprime ainsi en se plaçant au point de vue de l’offre gourarienne, on peut dire par contre que les Arabes étant venus moins nombreux offrirent eux aussi moins que l’année précédente et que la relation paraît être restée la même entre leur offre moindre et la récolte simplement moyenne , c’est-à-dire inférieure à celle de l’année précé¬ dente. Nous sommes en mesure d’ajouter une autre cause à la baisse constatée. La date du 1er janvier 1906 avait été impartie aux habi¬ tants des Oasis comme ultime délai pour le versement de leur impôt de 1905, et comme ils manquaient d’espèces monnayées, ils en demandèrent aux caravaniers qui avaient apporté 58.000 francs en numéraire ; ceux-ci pro¬ fitèrent naturellement de la situation et imposèrent la baisse de prix signalée. On est fondé à dire qu’il en eût été tout autrement si les Gourariens avaient pu attendre pour se libérer envers le fisc jusqu’au 1er février par exemple : les Arabes ne — 324 — pouvant prolonger leur séjour sans mesure eussent été obligés de consentir les prix qu’eussent demandés les vendeurs de dattes et les cours seraient restés fermes. Par ailleurs, le Rapport nous apprend que les échanges procurent aux caravaniers l’occasion de tirer réellement des Gourariens plus que ne l’indique la mercuriale repro¬ duite plus haut, laquelle ne doit donc être considérée que comme indiquant exclusivement les cours des achats faits contre espèces. Voici le taux d’échanges : 1 mouton contre 1 charge et demie. 1 de blé contre 4 de dattes. 1 de fèves contre 4 de dattes. 1 de fromage contre 4 de dattes. 1 d’orge contre 3 de dattes. Ce qui fait que les marchandises acquises par les Gou¬ rariens, au lieu de leur avoir coûté 338.000 francs comme l’indique la mercuriale, leur a coûté en réalité 60.000 francs de plus, soit 400.000 francs. On peut donc résumer la situation ainsi : Les caravanes oranaises de 1906 ont apporté aux Oasis pour 316.000 francs de marchandises de toute espèce qui, dans la réalité, par le jeu des échanges pratiqués, ont été payées 400.000 francs par les acheteurs du Gourara ; les Arabes ont remporté pour 222.000 francs de dattes et 15.889 francs d’autres produits, vêtements tissés, vanne¬ rie, oignons, tabac, soit un total de 237.889 francs, auquel il y a lieu de joindre une somme de 100.000 francs représentant la valeur de ce que les hommes et les cha¬ meaux ont consommé sur place pendant leur séjour. Ils ont donc emporté en numéraire la différence entre : Ce qu'ils ont vendu, soit . 400.000 francs Et ce qu’ils ont acheté, soit . 338.000 — C’est-à-dire . . 62.000 — Ces données 1 sont intéressantes à retenir car elles montrent que les opérations des grandes caravanes annuel- 1. Extraites du compte rendu du chef du poste de Gourara. — 325 — les, si avantageuses pour les indigènes oranais qui réali¬ seront encore un bénéfice sur la revente dans les marchés du Nord, si nécessaires pour les Oasiens auxquels elles apportent l’appoint de ressources qui leur manque chez eux, ont ce désavantage de drainer un peu du très rare numéraire en circulation dans les Oasis ; nous verrons cependant plus loin que ce côté spécial n’influe pas trop profondément sur la fortune relative de l’annexe du Gou- rara, sans doute parce qu’en revendant au détail dans le reste du pays elle arrive à répartir le désavantage sur tout le monde. Voici par ailleurs le relevé total du commerce extérieur des Oasis en 1905, indiqué par le nombre de chameaux qui a circulé sur chacune des six voies que nous avons envisagées1 : VOIES COMMERCIALES cnameaux ayant commercé TOTAL des OASIS OBSERVATIONS au Gourara au Touat au Tidikelt Sud-Oranais . 9.227 156 » 9.383 Plusieurs cara- Sud- Algérois . 1.279 584 481 2.344 vanes sont men- Est (Ghadamès-Ghat) . )) )) 42 42 tionnées sans indi- Touareg . » 97 2.254 2.351 cation de leur * Sud (Adghagh-Tombouctou) » 50 166 216 effectif. Ouest (Saoura-Tafilelt) . 3 2 » 5 Totaux . 10.509 889 2.943 14.341 ! On voit que le commerce extérieur se répartit ainsi entre les trois annexes : Gourara . 73,3 pour 100 Touat . 6,2 — Tidikelt . 20,5 — 1. Non compris les convois militaires ou transportant pour l’armée. — 326 L’activité commerciale moyenne. — Nous apprenons enfin, en faisant la moyenne de l’activité à l’intérieur et à l’extérieur, que l’activité relative des trois régions se présente ainsi : Gourara . 42,5 pour 100 Touat . 40,8 — Tidikelt . 16,7 — Si l’on tient compte de la lacune importante que nous avons signalée plus haut dans la statistique du mouvement du Gourara au Touat, et si nous rétablissons par la pensée cet élément d’appréciation qui nous fait défaut, nous voyons l'activité gourarienne s’élever un peu, en faisant baisser d’autant celle des deux autres collaborateurs, on obtiendrait ainsi : Pour le Gourara, environ . 44,5 Pour le Touat, environ . 39,8 Pour le Tidikelt, environ . 15,7 100,0 Ce qui semble bien correspondre sensiblement à la pro¬ portion attribuable à chaque annexe dans la fortune géné¬ rale du pays. Nous pouvons encore déduire de ce qui précède l’activité commerciale moyenne de l’individu : elle se présente ainsi : Gourarien (Gourara : 20.473 habitants) .... 41,7 pour 100 Touatien (Touat : 17.492 habitants) . 35,6 — Tidikeltois (Tidikelt : 11.136 habitants .... 22,7 — 100,0 pour 100 Autrement dit l’individu gourarien réalise presque deux fois plus d’opérations commerciales qu’un habitant du Tidikelt ; quant au Touatien, sa puissance commerciale est d’un tiers supérieure à celle de son voisin du Tidikelt, ma;s elle n’arrive qu’aux trois quarts de celle du Gou¬ rarien. CHAPITRE VI Les conditions climatériques et physiques de l'existence Les conditions climatériques. — Les vents. — La tension de la vapeur d’eau. — L’humidité relative. — Les pluies. — Les trans¬ ports de sables. — La température. — Variation diurne. — Variation annuelle. - Courbe annuelle comparée des tempéra¬ tures de Laghouat et des Oasis sahariennes. — Ecarts extrêmes. — L’évaporation. — Le climat touatien. — Les conditions phy¬ siques. — L’alimentation. — Le vêtement. — L habitation. Les conditions climatériques. — On sait au¬ jourd’hui que « la stérilité du Sahara ne tient ni à la foi me du terrain ni à sa nature.. . et que les déserts ne sont tels que par manque d’humidité. Ce n’est pas le soleil qui les frappe de mort ; cc n’est pas la mer qui les a dépouillés de leurs plantes ; ce n’est pas le sol infécond qui se refuse à produire : c’est le climat qui les condamne à la stérilité. Qu’ils soient de roc, d’alluvions ou de sable, peu importe, si le ciel ne leur verse pas l’eau nécessaire. Otez à un pays fertile quelques centimètres de pluie annuelle et vous aurez une steppe ; encore quelques centimètres de moins et vous aurez le désert1. » Un climat est caractérisé par : Les vents, l’humidité relative, les pluies, la tempéra¬ ture et l’évaporation. Nous allons passer en revue les manifestations et l en¬ chaînement de ces phénomènes aux Oasis. 1. ScHIRMER. — 328 Les vonis. — « Les vents sont les véhicules du cli¬ mat » ; ce sont eux, ou du moins leurs courants inférieurs, qui répartissent la température et les pluies sur le globe. A ce titre ils sont les véritables auteurs du désert*. Après une savante discussion de la théorie du vent polaire et de celle de l’alizé, l’auteur que nous citons pré¬ conise un troisième système basé sur ce que le Sahara est, en hiver, une région de maxima barométriques et de vents di¬ vergents, tandis qu’en été, il devient un nid à basses pres¬ sions, et par suite un cercle de moussons convergentes. « En résumé, dit-il, voici donc quel serait le régime du Sahara. En hiver, une aire de hautes pressions carac¬ térisée par des calmes et des vents très faibles semble occuper le Nord et, quelquefois, le centre du désert. Un vent du Nord régulier qu’on peut appeler alise*, et que nous nommerons de préférence mousson sèche, s’en échappe vers le Sud et souffle sur le Sahara méridional et le Soudan. Dans l’Ouest, un autre maximum barométrique qui se confond peut-être avec celui de Madère, s’établit sur les plateaux oranais refroidis par l’altitude : de là des vents de Nord-Ouest dans le Sahara occidental. En été, l’Afrique du Nord est une zone de basses pressions dont le minimum oscille entre le Soudan et le sud du désert ; le vent souffle donc du Nord du côté méditerranéen, du Nord-Ouest dans le Sahara occidental, du Sud-Ouest dans le Sud, du Sud-Est sur le Haut-Nil. Comme en hiver, la saillie du Maghreb produit une anomalie : un foyer d’appel secondaire se forme à l’abri de l’Atlas’. » Or, depuis l’énoncé de ces conclusions, trois observa¬ tions ont été établies dans les Oasis sahariennes : 1° A Timmimoun (longitude : environ 2°5 O ; latitude : environ 29°15 O ; altitude : 192 mètres1 2 3 4; 1. SCHIRMER. 2. Du vieux français alis, doux, calme. 3. SCHIRMER. 4. Altitudes données par le commandant Laquière (inBul. Société de Géographie d'Alger, année 1903). — 329 — 2° A Adrar (Timmi) longitude : environ 2°35 O ; lati¬ tude : environ 27°50 N ; altitude : 166 mètres1 2 ; 3° A In-Salah (longitude : 0°7'20 E.3 4 ; latitude : 27°11'7 N.; altitude : 330 mètres1. Les observations recueillies pendant 1903, 1904, 1905 et partie 1906 dans ces trois localités ont été publiées in extenso *, voici les conclusions qui s’en dégagent : A Timmimoun, les vents de N.-N.-E. prédominent de beaucoup (30 mois sur 44), suivis par les vents deN.-E. (11 sur 44), soit en tout 41 mois sur 44 d’entre Nord et Est. A Adrar, même prédominance écrasante des vents de N.-E. (30 mois sur 42). A In-Salah, ils prédominent encore (19 mois sur 36), suivis par ceux d’Est (9 mois sur 36), en tout 28 mois sur 36. Pendant ces trois années et demie d’observations, les vents du Nord n’ont prédominé à Timmimoun qu’en juillet 1906 seulement ; à Adrar, qu’en octobre, novembre et dé¬ cembre 1905, en janvier et février 1906 ; à In-Salah, qu’en mars et octobre 1904 et en décembre 1905. Les vents du Sud et du Sud-Ouest n’ont prédominé : à Timmimoun, qu’en mai 1903 et juin 1906 ; à Adrar, qu’en mai 1903, mars, avril, mai et juin 1906 ; à In-Salah, qu’en mai 1903 et mai 1905. Les vents sont d’Ouest, à Adrar, en juin 1905 ; à In- Salah, en avril et juin 1903 ; à Timmimoun, ils n’obtien¬ nent pas une seule mention. Les vents de Nord-Ouest n’ont pris le dessus qu’un seul mois : en juin 1904 à In-Salah. 1. Altitudes données par le commandant Laquière (in But. Société de Géographie d'Alger, année 1903). 2. G.-B.-M. Flamand. 3. D’après le service des forages artésiens au Gouvernement Général de l’Algérie. 4. Vid. Statistique générale de l'Algérie, publiée par le Gouver¬ nement général. — 330 — Quant à la force moyenne, on relève une cote men¬ suelle 8 (20 à 25 m.) à Timmimoun, en novembre 1903 ; une autre est de 6 (12 à 16 m.) à Adrar, en mars 1906; quant à la cote 5 (10 à 12 m.), elle est obtenue trois fois par Adrar, en janvier 1903, en février 1904 et en octobre 1905 ; d’autre part, les cotes 1 et 2, qui sont des calmes , sont relevées 33 fois sur 122 moyennes mensuelles. D’après ces données, il semble permis de conclure que le maximum barométrique d’hiver s’établit très près des Oasis, sur le plateau du Tadmaït, ce qui explique que ce pays saharien, « siège de maxima relatifs et de vents très faibles qui prennent généralement naissance dans le désert même, se trouve dans le cas des autres centres de haute pression continentale. . . où l’air est sec et le ciel pur. Il ne peut donc avoir de pluies en hiver que si ces hautes pressions font place à des cyclones1. » Quant à l’aire des basses pressions d’été, elle paraît s’établir au Sud-Ouest des Oasis, vers Taodenni. Ses appels d’air doivent agir non seulement jusqu’au Tadmaït, mais encore jusqu’à la mer tuniso-tripolitaine, et ils aspi¬ rent ainsi des vents de Nord-Est chargés de vapeur. La tension de la vapeur d’eau. — Nous possé¬ dons aujourd’hui des observations2 qui montrent en effet que les plus faibles moyennes de tension de la vapeur d’eau sont enregistrées en hiver, et que celles notées en été in¬ diquent des tensions plus considérables. Et pour apprécier ces tensions, il faut encore noter que les observatoires sont situés dans des oasis, ou du moins sur leur lisière même, où la vapeur d’eau est beaucoup plus abondante qu’au -dessus des régions proprement désertiques et nues : les moyennes du désert sont en réalité beaucoup moins élevées. Quoi qu’il en soit, la différence de la tension entre l’hiver et l’été se présente comme du simple au double 1. SCHIRMER. 2. Communiquées par le Service Météorologique Algérien. Tension absolue de la vapeur (en m/m de mercure) lUniUIDT^ H ( 3S < uinuipœj\[ umunuipî c/5 H ce _ . < s 1 O H OS < , O I .w uinaqxBpi sauuoÆoj^ ainaiiuiifi uinnnxBpi sauuo^oiv m H cs < f) 1 U çC c s "! uinunuijfl uinuiixtfj^ S9UU0^0^[ uinainxijç H OS < umiuixBflf S9DU9^0J^ umuiiuij\[ H CS < luniuixT?!^ s0uao.Coj^ c n Z O H < H ce CW Ed 'Ed Z Z < 05 05 sauiraXoflj 8 sa s^i CD 50 00 r- Sa 5M CO 50 Sa 00 ©a 05 O O CO Sa sa 05 sa sa an t- 05 50 sa__ co" T“< co en 50 50 CD •sf sa CO CD CO sa sa s»! I" 50 50" O r- b "S g % ai so 03 i c c £ H os < U *w CO V iunuiiuii\[ rH iunuuxBj\[ souuo^oj^ H CS < U •w ainmiui^ umunxBft souuôiCoj^; 05 H CS ainxuiuipi lunuipcBj^ sd\md£o]fc C/5 H CS < a •w ninaiiuij^ raniuixB^ souu8Æoj\[ À ninuiiutpi ninuiixBpi sanuaÆopj ninunujiç H ) u J d ) 'W / ri S ( LJ i V uiniuixBiY soau8iîoi\[ C/3 O H < H C/3 CO S vjl O 05 CW Ed 'tâ Z Z < •s* O 50 05 05 CD 50 CO *5? •rH CD 50 CO 50 CO 00 50 sa s# OD Sa TH t-> CO cd r- sa sa" sa cb' co 00 cb Vjc sa 05 CD CO sa CD r- c> r~ sa 50 sa" ctf aJ u c* TD 03 O 3L E> O B 336 O ’! > S rt 50 'M Ol ï O f—* C P C fi _ _ _ c ® Cw P P — » 3 O *? -J "<1<3 •- O O 3 a es GO SS J, CO 50 l" ®* ^ ^ N <3* ®» , M :o i" <5 — m pQ Sh O c b ° "5 ■^» O « r> ° O O o o O p q o _o o g O -J ° © o o o o > ooooooooo M ë r>5, © (N *** 5© © 00 CO © (TJ (N © O 5- 5h P5 JO S £ 05 05 © O -05 -15 03 "03 p -O •£ s s © s * >OP 1.2 a ô H _p t=3> *03 o _P Zj < "p. 03 Qh "Eh O ’5 > -2 * ë GO O 0) (D i- S-. 2 ufrane y A OuJUirf 'itt el yfe/rrk. \emard / ‘.n -DrJo , ne j fcÀ B. Aorm npnspur^ \OJinna ’Tjnilane moun TA MENTIT OU-FADDI 'In-tfelbel Maîr/out hAhman [\TITAF Temase\ -rnianou W°MraIebboK^. rEl-^Had,dBoifà a o q[e l -Ko un ta ’ ' P e/l inet ‘.Tazou/l-Baha Tiouliline '^ElMansour f errich /^Ge.l-ChorFa fM^AOULEF Timoklen Sahel a fylin- Cheikh .JNG1JAR A. a. P. MARTIN camp Buoeaud rFo?z, Jg 'Deghamcha SAZAff ;arel elArab * Ain- Ta ' Fcdouma. Sahej\\ AKABLI hMansour 3&4i^A/j£/77 a I GETTY CENTER LIBRARY 3 3125 00969 8420 L