PAUL.A. ROBERT LES PUR CPU ÿÿ £ ; à À hi : 3 f AT FE CET CLS (is à LA EEE pra LE En re LA sara ri Eee - JDJANS LA NATURE | ani ramsxs, LAS ROREE A’AgpT ri À 1 mue (CS a 1 xa 2ronMmUnm ,2mMuIov 2 20 2SHDAAC CAIASTANAN- 220 AVUD AJ 4 HIJàyY PES PAPILL( Sp CARE s +) AN 5 ET. à IN IRE r se mé 1 DEN RER LE F LS PAPLONS DANS LA ARE, | 77. HORS F aan ch unie es) ascÀ hd. EF MONOGE A 1 7 a sd doc «nokib mit ff ie 8 aa DELACHAUX à RESLE SA : NEUCHATEL Fe L'FANTS NN East tions ny IL A ÉTÉ TIRÉ A PART VINGT-CINQ EXEMPLAIRES DE CE VOLUME, NUMÉROTÉS DE | A 25, SUR VÉLIN A LA CUVE DES PAPETERIES D'ARCHES. CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS : L.-Paul RoBerr. Les chenilles. 1931. 64 planches en couleurs, avec texte monographique de Paul-A. RoBERT, relié toile, fr. 30.—. Eugène RAMBERT et L.-Paul RoBerT. Les oiseaux dans la nature. 1916. Epuisé.) Louis Rivier. Le peintre Paul Robert. Troisième édition, 1930. (Epuisé.) L.-Paul RoBerr. Les oiseaux de chez nous, avec texte de Paul-A. RoëerT fils. Un volume grand in-folio contenant 135 repro- ductions d’aquarelles en couleurs et en grandeur naturelle, relié toile, fers spéciaux, fr. 160.—. J. JAccOTTET et Paul-A. Rogerr fils. Les champignons dans la nature. 1925. 76 planches en couleurs, relié toile, fr. 30—. H. Correvon et Ph. RoBERT. La flore alpine. Troisième édition, 100 planches en couleurs, relié, fr. 30.—. IMP. DELACHAUX ET NIESTLÉ S. A. NEUCHATEL (SUISSE) } 4Ÿ Ÿ PAUL-AŸ ROBERT LES PAPILLONS DANS LA NATURE 64 PLANCHES EN COULEURS ET MONOGRAPHIES ÉDITIONS DELACHAUX & NIESTLÉ S. A. NEUCHATEL PARIS VII 4, RUE DE L’HoPiTAL 26, Rue ST-DOMINIQUE 1934 Le Le 12 = Let ‘E b s À 4 NT A La us (U A EC pA FT ITIEONE f DAT) MATE (ÉRAROSN TER ET D. | ee VAR Al NON RRE DRE # ar DU DATANT Le ci RRRE IL A STATS THON Ne A-JUAT., F is) 5% Tr ' 4 ME us Va NES | _ hr Det 4 À 2 4 x AIU09 13 23HIMAJA . Ê dr u : Bref 6 BAIHTA À 1:YO HOM T4: Ne ds \ : « » . à £ dr 4 ) nr Er roi SU OURS - | à £ XITeNM » LUA NA AG à | ri AAA JATAHOUSA ie ù “Moreno 2000 j' 1areto Hate suit. À A Li mi > SAT TE k [4 $ hi ke: . fa ns Ÿ - ; 595.16 R 54 p INTRODUCTION Robert ». Comme il a été établi sur un plan identique et conçu dans le Ge volume fait suite à l'ouvrage intitulé « Fa Chenilles de Léo-Paul 24 NS] même esprit, nous reproduisons en bonne partie son introduction ici, car elle renferme des détails qui sont nécessaires à la compréhension de ce livre comme du précédent. Les quelques notes laissées par mon père et nos remarques personnelles n'étant pas suffisantes pour la rédaction d'un texte un peu complet, nous avons consulté les ouvrages suivants : Le « Catalogue des Lépidoptères du Jura neu- châtelois », écrit par Frédéric de Rougemont. — Les deux volumes d’Ernest Hofmann, contenant trois mille neuf cents gravures et ayant pour titres : « Die Gross-Schmetterlinge Europas» et «Die Raupen der Gross-Schmetterlinge Europas ». — L'ancien livre de F. Berge, intitulé « Schmetterlingsbuch oder allgemeine und besondere Naturgeschichte der Schmetterlinge ». — «Die Schmetterlinge der Schweiz » von Carl Vorbrodt und J. Müller-Rutz. — Le « Catalogue des Papillons observés par M. L. Couleru ». — L'« Atlas de poche des Papillons de France, Suisse et Belgique » par le D’ Paul Girod, très pra- tique pour les débutants. — L'« Encyclopédie d'histoire naturelle : Papillons », par le Dr Chenu. — « La Vie des Papillons » par Frédéric Schnack. Etant donné le but de notre ouvrage, nous n'avons pas voulu en couvrir les pages d’annotations encombrantes et ennuyeuses sur la provenance des diverses observations qu'il contient. Un bon nombre de celles-ci ont du reste été vérifiées ou faites par nous-même et quant aux autres, n’en ayant pas . indiqué l'origine au cours du texte, nous tenons à rendre hommage ici à leurs auteurs. Nous ne pouvons non plus passer sous silence l’amabilité avec laquelle M. Ch. Guédat-Frey de Tramelan nous a aidé dans ce travail par les intéres- santes observations qu'il nous a communiquées au sujet de plusieurs espèces, - et nous l'en remercions sincèrement ici, de même que M. Henri Spinner, pro- - fesseur à l’Université de Neuchâtel, qui a bien voulu nous donner les noms d'un 985660 6 INTRODUCTION certain nombre de plantes difficiles à déterminer, comme il l'avait fait déjà pour le livre des Chenilles. En plus du ou des noms français caractérisant chaque papillon, nous avons placé, comme titre, au début des monographies, les différents noms latins appli- qués par les auteurs à la même espèce, en faisant commencer ceux des genres par une majuscule et ceux des espèces par une minuscule. Dans le texte, afin d'éviter les répétitions, nous avons désigné le papillon dont nous avions à parler tantôt par son nom d'espèce, tantôt par son nom de genre, tantôt par l’un ou l’autre de ses noms français. Pour qu'aucune confusion ne soit possible, malgré la diver- sité de ces appellations, le mot, quel qu'il soit, désignant l'espèce en question, est toujours imprimé en PETITES CAPITALES. De plus, ce livre traitant des Lépi- doptères, les noms qui désignent une tribu, un genre ou une espèce de papillon autres que ceux étudiés dans le chapitre, sont en italique, et les noms des légions et des sections portent une majuscule; tout ceci, par opposition aux noms d'au- tres insectes ou de végétaux qui sont écrits en caractères ordinaires et en lettres minuscules. Dans le volume précédent se trouve une liste des plantes qui figurent sur les planches avec les chenilles ; mais cette liste est placée à la fin du livre et passe souvent inaperçue. Nous avons donc jugé préférable de placer cette fois en regard de chaque planche, en dessous de celui du papillon, le nom des plantes représentées. | À la fin de l'ouvrage, on trouvera deux index alphabétiques renfermant tous les noms français et latins, y compris les synonymes et les variétés des espèces de papillons dont il est fait mention dans le texte. Et maintenant, il est nécessaire de donner certaines indications d'ordre général sur les papillons eux-mêmes et leurs chenilles. Commençons par quel- ques mots concernant la classification : Les papillons sont des animaux de la classe des Insectes ou Hexapodes, appelés en langage scientifique « Lépidoptères », ce qui signifie «ailes à écailles ». L'ordre des Lépidoptères est divisé en deux grands groupes; les Macrolépidoptè- res et les Microlépidoptères. Le premier, comme son nom l'enseigne, comprend des formes généralement grandes, tandis que le second réunit des insectes petits, INTRODUCTION 7 souvent minuscules. Ces deux groupes de papillons sont représentés dans notre pays par 3000 espèces environ, dont 1300 pour les Macrolépidoptères et 1600 pour les Microlépidoptères. Ceux-ci faisant l'objet du dernier chapitre de cet ouvrage, le lecteur voudra bien consulter les pages 395 à 397, où nous donnons quelques détails sur les subdivisions de ce groupe. Quant aux Macrolépidoptè- res, ils se partagent en deux légions bien distinctes : les Rhopalocères ou Papil- lons de jour ou Achalinoptères, nommés aussi Papillons diurnes (pl. 1 à 34); et les Hétérocères ou Papillons de nuit ou Chalinoptères, appelés Papillons nocturnes (pl. 35 à 63). Les expressions de (Papillons de jour » et (Papillons de nuit », si claires dans la plupart des cas, ne sont toutefois pas toujours justes, car plusieurs Hétérocères volent en plein jour. Mais les caractères de ces espè- ces à mœurs diurnes sont toujours ceux des authentiques Papillons de nuit. Les Papillons diurnes, représentés en Suisse par 200 espèces environ, se maintiennent dans des types assez voisins les uns des autres. Leurs antennes, en particulier, sont toujours en forme de massue, ce qui leur a valu le nom, déjà cité, de « Rhopalocères ». Ils ne renferment qu’une dizaine de sections fort apparentées, dont seules les chenilles présentent des formes très différentes. Nous en parlerons en détails au sujet de la Thécla du bouleau (pl. 8). Les Papillons de nuit, au contraire, comptant à eux seuls 10,000 espèces dans le monde entier, et plus de 1000 chez nous, comprennent quatre sections dont les représentants ont un facies fort différent, suivant qu'ils appartiennent à l’une ou l’autre de ces divisions : ce sont les Sphingides, les Bombycides, les Noctuides et les Géométrides. La section des Sphingides ou Crépusculaires ? (pl. 35 à 40) compte 80 espè- ces dans notre pays et renferme diverses formes, en particulier les Sphinx. Dans ce même groupe se placent les Sésies au corps jaune et noir, aux ailes transpa- rentes, imitant les guêpes et d’autres hyménuptères encore. Les Bombycides (pl. 41 à 46), au nombre de 150 espèces chez nous, com- prennent des types très variés. C’est là que se placent le gros Cossus gâte-bois, dont l'énorme larve aux terribles mandibules vit dans le tronc des arbres, et 1 Dans les plus anciennes classifications, on divisait les Macrolépidoptères en Diurnes (Rhopa- locères), Crépusculaires (Sphingides) et Nocturnes (Bombycides, Noctuides, Géométrides). 8 INTRODUCTION les Psychés, dont les chenilles s'enveloppent d’un fourreau qu'elles transportent partout avec elles, à l'exemple des larves de phryganes. Mais celles-ci vivent dans l’eau, tandis que les Psychés sont terrestres. Les Noctuides ou Noctuelles (pl. 47 à 57) comptent près de 500 espèces en Suisse et forment un des groupes de papillons les plus homogènes, malgré sa richesse en espèces. Enfin les Géométrides ou Géomètres, appelés aussi Phalènes (pl. 58 à 63) comprenant 400 espèces environ, ne varient pas énormément non plus. Leurs chenilles sont presque toujours glabres, cylindriques et très allongées et se nomment « arpenteuses }. Chacune de ces quatre sections, comme celles des Papillons de jour, est subdivisée en tribus et en nombreux genres. Ces genres sont eux-mêmes des groupes d'espèces qui présentent entre elles divers points de ressemblance. Pour terminer, parlons en quelques mots du développement et de la con- formation extérieure des insectes qui nous occupent : Le papillon est le dernier état d'un être qui a passé une grande partie de son existence sous une forme toute différente. Ce dernier état étant le stade définitif dans lequel, à part l'usure, le papillon ne subit plus aucun changement et n’est même plus susceptible de croître, s'appelle l’«état parfait» ou l'«état adulte ». L'insecte porte alors le nom d’« imago » ou « insecte parfait », par oppo- sition à celui de « larve” qui ne représente qu’un état transitoire et chan- geant. Ces papillons pondent des œufs qui sont placés généralement à découvert sur les plantes ou contre le tronc des arbres : certaines femelles aptères ou obèses, incapables de se transporter, les déposent sur leur propre cocon (Orgyia antiqua L.). Chez les Papillons de jour, légers et alertes, les œufs sont pondus presque toujours isolément sur ou sous une feuille de la plante nourricière. Les femelles de Bombyx et de Noctuelles, plus dodues et souvent impropres à de grandes envolées, collent leurs œufs les uns à côté des autres, parfois au nombre de plusieurs centaines, sur un support quelconque. Tous ces œufs sont en géné- ral à peu près sphériques, mais regardés à la loupe, ils présentent les couleurs, les dessins et les reliefs les plus variés. INTRODUCTION 9 De ces œufs sortent, au bout d’un laps de temps plus ou moins prolongé variant entre quelques jours et plusieurs mois, des chenilles qui sont elles- mêmes les larves du papillon, comme l'asticot est la larve de notre vulgaire « mouche bleue ». En examinant le corps d’un insecte adulte, en particulier celui d’un papil- lon, on distingue nettement trois parties : la tête, portant les yeux, les antennes et les pièces buccales, le thorax, orné des ailes et des pattes, et l'abdomen qui renferme les organes de la reproduction. Chez la chenille, après une tête cornée bien visible, on ne remarque plus qu’un cylindre plus ou moins régulier, de consistance molle, sur lequel se dessine une succession de onze anneaux ou segments qui apparaissent sous la forme de légers bourrelets transversaux. Cer- tains entomologistes comptent douze de ces segments, parce qu'ils envisagent comme un anneau complet l'extrémité du corps, portant le « clapet annal » et la dernière paire des fausses pattes. Ces onze segments, placés bout à bout, se ressemblent en général beaucoup entre eux. Le thorax en comprend trois, comme celui de tous les insectes, mais ces trois anneaux ne se différencient de ceux de l'abdomen que par la présence de pattes thoraciques cornées qui cor- respondent à celles du papillon. Au nombre d’une paire par segment, elles sont articulées et portent une petite griffette à l'extrémité. Dans les pages qui vont suivre, étant donné le peu de dissemblance qui existe entre ces divers segments, nous compterons onze anneaux, comme l'ont fait la plupart des auteurs et numé- roterons ceux-ci en une seule série, sans tenir compte du thorax et de l'abdomen. Ce dernier, tout comme le thorax, est porteur de pattes sur sa face ventrale, mais ces pattes-là sont membraneuses, rétractiles et terminées par une petite cuvette formant ventouse. N’existant plus chez le papillon, elles sont appelées « fausses pattes » ou ( pseudopodes ». Chez les chenilles de Rhopalocères, de Sphingides, de Bombycides, de Noctuides (sauf quelques exceptions dans ce dernier groupe) et chez celles des Microlépidoptères, il y en a cinq paires qui sont placées, à rai- son d’une paire par segment, sous les anneaux 6, 7, 8, 9 et 11. Quant aux che- nilles des Géomètres, elles portent, comme les autres, trois paires de pattes cornées, mais, par contre, elles ne présentent plus que l’avant-dernière et la dernière paire des fausses-pattes (voir pages 383 à 384). 10 INTRODUCTION Sur les flancs de toutes les chenilles, au-dessus des pattes, on remarque une suite de neuf points ovales, nettement délimités et teintés de couleurs diver- ses, souvent vives et différentes de celle de la peau environnante. Ces points, appelés stigmates, sont les embouchures du système respiratoire. Il y en a un sur le côté du premier anneau, puis un sur chacun des segments 4 à 11 et cette même série se retrouve à droite et à gauche du corps. Les chenilles, à de très rares exceptions près, ont un régime végétarien : la plupart mangent les feuilles des arbres, des buissons ou des plantes, d'autres s’attaquent de préférence aux fleurs ou aux fruits; certaines espèces se nourris- sent de racines; quelques-unes enfin vivent dans les troncs ou les branches et rongent le bois, surtout les parties tendres, comme l’aubier, le liber ou la moelle, Alors que l’œuf, la chrysalide et le papillon sont trois états absolument sta- tionnaires, au moins extérieurement, la chenille, en revanche, a pour fonction de porter l'espèce de l'état d'œuf à celui de nymphe; elle doit donc beaucoup grandir, dépasser souvent dix fois la longueur qu'elle avait au moment de sa naissance et pour cela elle subit des mues ou changements de peau : grâce à la nourriture qu'elle absorbe, son corps, recouvert d’une peau membraneuse et assez molle, s’allonge, il est vrai, et s’épaissit; mais sa tête et ses pattes thoraci- ques étant cornées, ne peuvent grandir insensiblement comme le reste. À un moment donné, la bête se retire dans un coin abrité, elle recouvre d'un peu de soie le support choisi, pour pouvoir mieux s'y cramponner, et reste là, un ou deux jours, immobile. Pendant cette période de repos, un phénomène très bizarre se produit : la peau se décolle sur toute la surface du corps et de la tête, et, alors que l'enveloppe extérieure de celle-ci reste en place, la chenille retire la tête elle-même dans le premier segment du corps. Cet acte a pour résultat d’enfler considérablement cet anneau, ce qui donne à la chenille un aspect insolite. La nouvelle peau qui se forme sur la tête, après le décollement de l'an- cienne, est molle comme le reste du corps, tant qu’elle n’est pas entrée en con- tact avec l’air;'aussi, dans cette prison extensible du prothorax (premier seg- ment du thorax), la tête peut-elle enfin grandir. Lorsque, un ou deux jours plus tard, la peau de la bête se fend sur le dos et laisse sortir la chenille, la tête de INTRODUCTION 11 celle-ci se trouve être beaucoup plus grosse qu'avant, sans que le corps, lui, ait sensiblement grossi. En résumé, au moment de la mue, c'est la tête surtout qui augmente de volume, et dans l'intervalle qui sépare une mue de la suivante, c'est le corps seul qui s’allonge et s'épaissit. Après deux, trois, quatre et jusqu'à sept mues successives, suivant les espèces, mues qui s’échelonnent sur quelques semaines, quelques mois ou même un ou deux ans, la chenille atteint sa taille définitive. Elle se tisse alors un cocon avec de la soie provenant de glandes spéciales s'ouvrant au niveau de la bouche; quelquefois la chenille se contente de s’amé- nager un petit alvéole dans la terre, d’autres fois, si elle habite l'intérieur d'une branche, elle se place à l'entrée de sa galerie; enfin, très souvent aussi, elle reste à l’air libre, posée sur le terrain, ou bien elle se suspend ou s'attache à un sup- port quelconque. Au bout de quelques jours, de deux ou trois semaines et, dans certains cas, de plusieurs mois, elle se transforme en une chrysalide ou nymphe. L'état de nymphe existe chez tous les insectes à métamorphoses complètes, mais le terme de « chrysalide » s'applique uniquement aux nymphes des papillons. Cette chrysalide est un état intermédiaire entre celui de la larve et celui de l'in- secte parfait. Pendant la durée de ce stade, l’animal ne prend aucune nourriture et ne se livre à aucun exercice. Tout l'avant du corps est formé d'une carapace dure et tout à fait inarticulée. Les membres du papillon sont déjà visibles, mais ils sont couchés sur le corps et fondus en un bloc avec lui. L’abdomen seul, grâce aux divers anneaux qui le composent, est un peu mobile. Alors que la chenille ne présentait que des pattes minuscules, des antennes impercep- tibles, pas de trompe, et pas trace d'ailes, la chrysalide montre tous ces divers membres déjà bien développés: les ailes seules sont encore petites et embrassent les flancs et une partie de la face ventrale. Les deux paires, par- tant des côtés du thorax, viennent se rejoindre sur le ventre au niveau de la pointe des ailes. Quant à la trompe, aux antennes et aux pattes, elles sont couchées en long sur le triangle compris entre le devant du corps, qui forme la base de ce triangle et la marge supérieure des deux ailes, constituant ses côtés. La forme générale du corps de la chrysalide, ainsi que ses couleurs, varient beaucoup. 12 INTRODUCTION Au bout d’une ou plusieurs semaines, quelques mois, voire même plusieurs années, cette chrysalide se fend un beau jour et le papillon en sort. (Voir à ce sujet pages 247 et 252.) Les papillons ont des ailes membraneuses, soutenues par un réseau de grandes nervures, peu serrées (il n’y a que dix à vingt cellules par aile, alors que les libellules en comptent jusqu'à sept ou huit cents). Ces ailes portent, sur toute leur surface, d'innombrables petites écailles rangées les unes à côté des autres, comme les tuiles d’un toit. Ce sont elles qui donnent leurs couleurs aux ailes. Ces écailles, regardées à la loupe et surtout au microscope, nous révèlent tout un monde de richesses insoupçonnées, car elles varient à l'infini quant à la forme, non seulement d’une espèce à l’autre, mais même suivant la partie de l'aile où elles sont insérées. La plus grande diversité existe également dans les couleurs des papillons et dans la répartition des teintes et des taches sur les deux faces de l’insecte, ces deux faces constituant, en général, deux costumes très distincts, ayant une raison d'être différente (voir pages 185 à 186 et 299 à 300). Chez les Papillons de jour, les ailes sont larges et arrondies et se relèvent à peu près de la même manière chez toutes les espèces, lorsque le papillon est posé ou, en tout cas, lorsqu'il est engourdi. Les Papillons de nuit les tiennent, au contraire, dans les poses les plus dissemblables. Ayant étudié ce sujet en détails à propos de la Sylvine et de la Feuille-morte du chêne, nous renvoyons le lec- teur aux pages 263, 264 et 269. Les papillons se nourrissent du nectar des fleurs, de la sève des arbres, de l’humidité du sol, etc., en un mot d’un liquide quelconque qu'ils absorbent au moyen de leur trompe. Cette trompe, qui n’est autre que la fusion en un long tube des pièces buccales des autres insectes, est enroulée sur elle-même au repos et cachée entre les palpes. Lorsque l'insecte veut s’en servir, il la déroule et la plonge dans les fleurs. Après avoir vécu des semaines, des mois ou même des années sous forme de chenille, le papillon traverse quelquefois la mauvaise saison pour se repro- duire au printemps, mais il ne vit généralement que quelques semaines ou quel- ques jours, juste le temps nécessaire à la reproduction. Certaines espèces ne prennent même aucune nourriture. INTRODUCTION 13 En résumé, les papillons sont, en vérité, un des plus beaux ornements des campagnes, des prairies et des coteaux : ouvrons donc nos yeux et apprenons à bien regarder cette splendide Nature qui nous entoure et qui parle si haute- ment de la puissance et de la science de son Auteur. (Voir, dans la Bible, l’épi- tre de saint Paul aux Romains ch. 1, v. 19à 21) Le FLAMBÉ — Papilio podalirius L. Grandeur naturelle, posé et butinant. Le Lilas vulgaire — Syringa vulgaris L. 1. LE FLAMBÉ I. LE FLAMBÉ PapiLio (L. Latr.) podalirius (L.) — LE VoILiER E mois de mai touche à sa fin, et dans la clairière bordée de chênes, où le rocher affleure, les gracieuses plantes de la {laitue vivace» exposent leurs corolles mauves aux rayons du soleil. Elles sont toutes fraîches écloses du matin, tandis que celles d’hier sont déjà flétries, et les longs pétales, maintenant desséchés, sont presque invisibles. Les panicules roses de l'«ail des rochers» se balancent doucement au bout de leurs longues tiges glauques, lors- qu'une abeille ou un bourdon vient s'y poser, et dans les délicates fleurs blanc ivoire de l'«églantine aux cent épines», les feux verts et métalliques des cétoines éclatent parmi les étamines d’or qui sau- poudrent de pollen la luisante cuirasse. Au-dessus de ces diverses fleurs et des orpins et du frêle « œillet des rochers » vole un insecte aux ailes allongées, jaunes et noires, en partie transparentes, dont les nervures forment un réseau très fin et régulier. Son corps velu, luisant, est d’un beau noir de jais et ses antennes démesurément longues se terminent par un bouton ovoïde. C'est l'ascalaphe, un voilier de première force, ami des coins brûlés et des clairières surchauffées qu'il parcourt d’un vol plané, entrecoupé d'imperceptibles battements d'ailes. De temps à autre, il se pose sur une longue graminée, et là, le corps tendu, presque à angle droit de son support, ses toutes petites pattes noires et jaunes cramponnées à la fine tige d'herbe, il reste un moment immobile, ses quatre ailes grandes ouvertes, dans la posture du vol. Il semble régner en maître dans son domaine et cherche à s'en assurer l'exclusive possession par ses allées et venues continuelles. Mais les autres insectes ne l’entendent pas ainsi. Nous avons déjà vu les cétoines et les abeilles mépriser ses prétentions, et voici venir soudain un concurrent plus gênant encore, dont le vol gai et pétu- lant contraste avec les sages promenades aériennes de l’ascalaphe. 18 - LE FLAMBÉ C'est un grand papillon jaune aux ailes barrées de noir qui n'est autre que le PAPILIO PODALIRIUS, appelé en allemand «LE Voi- LIER?. Cette expression caractérise fort bien l’insecte, créé, semble-t-1l, uniquement pour voler. En français, on l'appelle le « FLAMBÉ ». Ce titre paraît, à première vue, un peu étrange; cepen- dant, si nous examinons l'animal, nous remarquerons sur les ailes inférieures des teintes bleues et jaune orange, jouant dans des noirs profonds et imitant les couleurs de brandons allumés. De plus, du point le plus brillant, telle une braise incandescente, s’échappent en une gerbe étalée, des flammèches noires. Mais revenons à la clairière, où, sans se préoccuper des tournoie- ments de l’ascalaphe, le grand VoILIER folâtre gaiement, de son vol rapide et inlassable. Grâce à ses yeux perçants ou à tel autre sens à nous inconnu, 1l a bientôt découvert l'objet de ses recherches et voici le papillon posé sur un buisson d'épines, un de ces buissons rabougnis, . aux petites feuilles coriaces, recoquillées par les ardeurs du soleil. Sous une de ces feuilles, l'abdomen recourbé de la pondeuse dépose un œuf, parfois deux, mais jamais plus, œufs ronds, d’abord blanc Jjaunâtre, devenant brun rosé, puis gris de fer. Un instant, le papillon et le beau névroptère voisinent. Puis les prunelliers pourvus chacun d'un œuf ou deux, le FLAMBÉ repart, comme il était venu; 1l traverse la forêt, les prés et les chemins, en ligne droite, à toute vitesse, car maintenant qu la peuplé les buissons de la clairière, il faut qu'il visite ceux qui croissent à la lisière du bois, ceux qui foisonnent dans les grands éboulis, ceux même que les chèvres tondent sur la croupe dénudée de la colline. Il faut à tout prix qu il découvre de nouveaux arbustes, d’autres feuilles savoureu- ses pour sa postérité. Cette postérité, comme nous l'avons vu dans un précédent volume (Les chenilles de Paul Robert, p. 26 et 27), con- siste en chenilles dodues et vertes, parfois d'un jaune roussâtre, qui vivent de juin ou juillet jusqu'en septembre ou octobre et mangent, assure-t-on, de l'amandier, du pêcher, du cerisier, du poirier, du LE FLAMBÉ 19 pommier, du prunier, du sorbier, de l'épine blanche et de l’épine- vinette; mais on les trouve, à vrai dire, presque toujours et exclusive- ment sur l'épine noire ou prunellier, parfois sur les buissons de poirier ou de pommier sauvages. Ces chenilles, qui mesurent dans leur gran- deur définitive 3 ou 4 centimètres de long, se transforment en chry- salides vertes, jaunes ou grises qui passent l'hiver et donnent nais- sance, au printemps suivant, à de nouveaux papillons. Ceux-ci volent jusqu en juin et apparaissent parfois sous forme d’une seconde géné- ration en août. Dans ses longues recherches, ses courses multiples et répétées, le beau PODALIRIUS aperçoit-1il un jardin où le lilas fleurit, le voici qui s'arrête et qui vient, à longs traits, humer le bon parfum, sucer le doux nectar. L'ivresse est si complète qu'il oublie son devoir et s’at- tarde longtemps sur les belles grappes mauves, où sa robe d’un jaune fané fait, avec la teinte des fleurs, la plus heureuse harmonie. Enfin l'insecte amoureux du lilas s’arrache à ses délices et, plus rapide que jamais, reprend sa course. Lorsqu'il ne trouve pas de fleurs à sa convenance pour se désal- térer, le beau VOILIER se contente de boire l'eau d’une flaque. À force de voler, les grandes ailes s’usent, le soleil les décolore, elles deviennent blanchâtres, et bientôt le papillon qui tant aimait voler, se repose maintenant à toute occasion : il se laisse choir sur le buisson d'épine, comme un passant fatigué s’affalerait dans l’herbe. Il ne pond plus, cette fois, mais il reste immobile, ses ailes grandes ouvertes, effrangées par l'usure. Pourtant dans la clairière, le soleil brille toujours, la fleur mauve de la {laitue vivace» s'étale en étoile au-dessus des rochers, les cétoines butinent dans les blanches églan- tines et l’ascalaphe va et vient encore de son vol plané, ses longues antennes tendues en avant, au-dessus des sédums, des œillets, des graminées, qui, des fentes de la roche, s'échappent à qui mieux mieux. Le MacHAON — Papilio machaon L. Femelle, grandeur naturelle, posée. Fe- melle, grossie deux fois, venant d'éclore. Le Libanotis des montagnes ou Séséli libanotis — Libanotis montana L. 2. LE MACHAON : - nue gran mme spa re pitt ip - : TE T ; A a 1 mn. ONE L LE #&: , re GET, Le AOAHIAM: LES ; s LMP EX ER” 2. LE MACHAON PapiLio (L. Latr.) machaon (L.) — LE GRAND PORTE-QUEUE ou LA QUEUE D'HIRONDELLE E GRAND PORTE-QUEUE, la QUEUE D'HIRONDELLE! Voilà certes deux noms bien choisis, car le papillon qui nous occupe a les ailes inférieures terminées par deux longs rubans, deux filets semblables à ceux qui prolongent l'appendice caudal de notre gra- cieuse hirondelle de cheminée. Il est vrai que cette dernière appella- tion s’appliquerait encore mieux à l'espèce précédente, le Flambé, dont les filets sont plus longs. C'est lui du reste que certains auteurs avaient baptisé ainsi. Mais qu'il s'agisse d'une espèce ou de l'autre, elle ne ressemble plus du tout à une queue d’hirondelle, lorsqu'on a écarté les ailes du corps, comme on a l'habitude de le faire en les éta- lant. Pourquoi, sur la plupart des gravures de lépidoptères, comme aussi dans toutes les collections, place-t-on l'insecte dans une attitude qu'il ne prend jamais lorsqu'il est en vie? — Les ailes inférieures sont faites pour toucher toujours l'abdomen; nos deux premières planches en font foi; la conformation même de ces ailes le prouve, la simple observation de la nature le démontre. Il est très compréhen- sible du reste que si l'insecte veut pouvoir soutenir son vol, — les battements d'ailes du papillon étant très lents si on les compare à ceux des hyménoptères et des diptères, — ses quatre ailes et son corps doivent se rejoindre pour ne former qu'une seule surface por- tante. En outre, non seulement les collectionneurs éloignent du corps les ailes inférieures des papillons, mais ils écartent souvent aussi les deux paires l’une de l'autre d’une façon tout à fait contre nature, mettant à Jour une zone, qui, par sa couleur terne et pâle ou son absence de dessins, prouve qu'elle est faite pour être cachée. Si toutes les parties de l'insecte étaient toujours placées dans la position exacte qu ‘elles doivent occuper, pour laquelle elles ont été créées, les collec- tions n'en auraient-elles pas dix fois plus de vie et de caractère, et 24 LE MACHAON les visiteurs des musées ne parcourraient-ils pas les salles avec moins de célérité? Et il y a plus encore : mon père qui savait voir les merveilleuses harmonies de la nature et en jouir, avait recouvert le fond de ses boîtes d'étoffes rappelant la couleur des fleurs préférées de chaque groupe de papillons. Je n’oublierai jamais l'effet charmant et somp- tueux de son carton d'Argynnes, où ces papillons ocre jaune et noirs que nous étudierons plus loin, se détachaient sur une soie moirée, couleur scabieuse. Quelle différence entre un tel arrangement et les fonds blancs habituels qui tuent les couleurs et neutralisent toutes les délicatesses! Mais il est temps d'aborder l'histoire du MACHAON, ce superbe papillon de jour si connu et si typique. Il apparaît chez nous, à deux reprises, en mal, puis en juillet et août. Dans les endroits très chauds, la génération du printemps se rencontre déjà en avril et même à fin mars; on peut aussi voir voler celle d'été jusqu'au commencement d loutre À la montagne, le papillon ne se montre qu ‘une fois par année. Îl parcourt d'un vol assez rapide, mais incertain, les prairies, les champs en friche, les jardins, s’arrêtant de temps à autre sur une fleur. La femelle pond ses œufs sur des ombellifères, surtout sur les carottes cultivées et sauvages et le fenouil; mais aussi sur le cumin des prés, le boucage saxifrage, le céleri, le persil, et même sur des plantes d’autres familles telles que le mélilot, la renoncule âcre, la rue et l'absinthe. Ces œufs éclosent au bout d’une huitaine de jours. Lorsque la chenille est jeune, elle est brun noir avec de petites épines rousses. Elle porte sur le dos une tache blanchâtre en forme de selle. Quatre à six semaines après, elle attemt sa taille définitive, soit 4 ou 4,5 centimètres de long. Lorsque nous étions enfants, c'était notre bonheur de chercher, en Juin ou en août et septembre, la belle chenille dodue, qui avait revêtu à ce moment-là sa seconde robe d’un beau vert vif, barrée transversalement de bandes noires, dans lesquelles apparaissaient, LE MACHAON 25 sur chaque segment, sept points d'un jaune orange intense. Mais hélas, «cet âge est sans pitié : nous avions découvert que cette chenille, comme celle du Flambé (pl. 1), de l’Apollon (pl. 3) et deses congénères des Alpes, avait une étrange particularité : quand on la chatouillait sur le dos, elle se retournait brusquement et faisait surgir de sa nuque une corne charnue et bifurquée ayant la forme d'un YŸ de couleur jaune orange, qui répandait une forte odeur d ‘ambre. Nos tracasseries ne furent jamais bien méchantes, mais je dois avouer que l'arme défensive de la pauvre bestiole sortit bien des fois, par notre faute, de son fourreau. Arrivée à sa taille, la chenille de la QUEUE D'HIRONDELLE grimpe contre un support rigide, souvent une clôture de jardin, un tronc ou un mur, et s'y attache d’abord par l'extrémité de l'abdomen, puis par un lien de soie qui l’enlace vers le milieu du corps. Deux jours après, elle se transforme en une chrysalide d’un beau vert vif, longue de 3 centimètres, avec la poitrine fortement cambrée, la tête et le thorax anguleux. Quelquefois cette chrysalide est jaune, grisâtre ou gris noir. Au bout d'une paire de semaines, on commence à voir, à travers la peau de la nymphe, toutes les taches noires de l'insecte parfait qui se forme à l'intérieur, et un ou deux jours après, celui-ci déchire sa prison et s'envole. Les chrysalides de la deuxième généra- tion passent l'hiver et parfois même une nymphe du mois de juin attend jusqu'au printemps suivant, pour éclore. Il arrive à la chenille, et au papillon, d'être complètement noirs, la première ne présentant plus que les points orangés, le second plus que les taches bleues (variété NIGER, Reutti). Dans d’autres aberra- tions de l'insecte adulte, les bandes noires sont simplement plus étendues que dans le type, et, de plus, il arrive fréquemment au fond jaune de varier d'intensité et même de devenir orangé (variété AURAN- TIACA Spr.). Dans les conditions normales, la génération d'été est plus colorée que celle du printemps. Le papillon varie entre 7,5 et 9,3 centimètres d'envergure. L'APOLLON — Parnassius apollo L. Mâle, grandeur naturelle, butinant. Femelle, gros- sie deux ‘fois, pondant (on remarque l'étrange appareil corné destiné à la ponte). Le Sédum ou Orpin blanc — Sedum album L 3. L'APOLLON 3. L'APOLLON PaRNASsIUS (Latr.) ou DorirTis (Fab.) apollo (L.) LE PARNASSIEN APOLLON L vaut la peine de se rendre, en mai, sur un versant rocailleux et bien exposé au soleil, où abonde l'orpin blanc aux innombrables petites feuilles cylindriques et charnues, rougissant au soleil, car un joli spectacle nous y attend. Point n'est besoin de s’armer de patience; attendons seulement que le soleil soit bien chaud. Nous verrons alors de superbes chenilles, souples et agiles, qui, tout à l'heure, se tenaient cachées sous quelque plante, sous un caillou, surgir maintenant de leurs cachettes et courir à toute vitesse sur la roche brûlante, en quête des petites feuilles charnues du sédum ou orpin blanc (sedum album). D'un noir de velours somptueux, elles sont recouvertes de fins et courts poils noirs et ornées de deux lon- gues rangées de taches rouge orange vif. Six verrues peu saillantes, blanc bleuâtre, bleu d'acier ou grises, ainsi que quelques points de même couleur sur les flancs, ornent chaque segment. Ah! les belles chenilles, elles sont dodues et longues à souhait! Quelques-unes atteignent 4 et même 5 centimètres de long. À toutes jambes ou plu- tôt {à toutes pattes », elles courent et trottinent ; mais comme la plante aimée abonde parmi les pierres, elles ont vite trouvé ce qu'elles cher- chent. Alors elles s'arrêtent, se dressent contre une tige aux feuilles pourpres et gonflées, et, travaillant des mandibules aussi vite que tout à l'heure des pattes, elles entament et dévorent avec une incroya- ble rapidité les succulentes feuilles. En un instant, l’une d'elles a disparu, puis c’est le tour d’une seconde et d’une troisième. Le fes- tin se prolonge assez longtemps, entrecoupé par de courtes pauses où la chenille, immobile et comme endormie, attend sans doute que le suc gastrique ait accompli sa tâche et que l'appétit revienne. Si les provisions sont épuisées, vite elle reprend sa course et gagne un nou- veau pied du joli {pain d'oiseau». On ne trouve guère la souple 30 L'APOLLON bête qu'aux endroits où foisonne cette crassulacée, sa nourriture favorite. A l’occasion, elle attaque pourtant aussi le grand 4 sédum reprise» (sedum telephium), la « joubarbe des toits » (sempervivum tectorum) ou les saxifrages, mais ces diverses plantes ne croissant pas en général en grande abondance, force lui est de se rabattre tou- jours sur l'orpin blanc. Or cette intéressante chenille toute noire n'est autre que la larve d'un papillon presque tout blanc, l'APOLLON. Une fois arrivée à sa taille définitive, elle se cache sur le sol, entre des feuilles sèches ou des pierres, sous les plantes de sédum, et, protégée par un lâche réseau de soie, se transforme en chrysalide. Chose curieuse, celle-ci mesure à peine la moitié de la longueur de la chenille, soit 2 centimètres envi- ron, et 1l doit en sortir un papillon très grand, un des plus grands de notre faune diurne, dont l’envergure varie entre 7,6 et 8,5 centimètres. Mais si la chrysalide est courte, elle est épaisse, arrondie et très large « d'épaules ». Lorsqu'elle vient de subir sa mue, elle a l'abdomen jaune verdâtre, tandis que le thorax et les ailes sont brun rouge. Bientôt cette dernière couleur envahit le corps entier, et enfin celui-ci se recouvre, à l'instar des chrysalides de Cordons (page 355) que nous étudierons plus tard, d’un fard opaque et bleu lilas pâle. Le papillon éclôt généralement au bout de deux à trois semaines, exceptionnelle- ment, s’il fait très chaud, après huit jours; s’il fait froid, après cinq, six et même sept semaines. D'un vol peu rapide et assez lourd, il parcourt les pentes abruptes de rochers, les éboulis, les coteaux rocailleux, et se pose fréquemment sur les fleurs des scabieuses, des chardons ou même des sédums. C'est là que le matin on le trouve endormi. Au Jura, il vole surtout en juillet; mais on le voit déjà en juin et jusqu'en août. Les femelles pondent des œufs qui passent l'hiver pour éclore en février, mars ou avril de l’année suivante. Les chenilles atteignent leur complet développement en mai ou au plus tard en juin. Au Tessin où l'APOLLON est commun aussi, il peut arri- ver qu'il apparaisse déjà en avril et souvent en mai. Les œufs sont L'APOLLON 31 donc pondus plus tôt que chez nous, et les chenilles éclosent déjà en automne de la même année. Par contre, dans les hautes altitudes et les régions plus froides, tout le développement de l'insecte étant retardé, l’on peut voir voler notre PARNASSIEN jusqu'à fin sep- tembre. | Ce beau papillon varie dans la forme et la grandeur de ses taches qui, parfois, sont énormes, d’autres fois très petites. Les ocelles rouges peuvent être dépourvus de points blancs et le cercle noir qui les entoure varier beaucoup de largeur. Mais 1l est deux aberrations encore plus étranges que nous ne pouvons passer sous silence : ce sont la variété FLAVOMACULATA (Dek.) où les taches rouges sont jaunes, et la variété FUMATA (Roug.) où le corps et les ailes entières, sauf les taches rouges et leurs points blancs, sont envahis par un voile gris brun sombre. Sur la face inférieure des quatre ailes, la membrane est complè- tement à nu et luisante. Elle n’est ornée d’écailles que vers la base et sur les taches rouges et noires, ce qui est un cas à peu près unique parmi les papillons. La face supérieure, elle, est bien recouverte d'écailles, mais celles-ci sont posées les unes à côté des autres sans se toucher et non pas rangées comme les tuiles d’un toit, ainsi qu'il arrive habituellement. Il s'ensuit que l'aile entière paraît légèrement translucide, et le long de la marge extérieure où les écailles sont rem- placées par de fins et minuscules poils clairsemés, l'aile est luisante et presque transparente. Chez tous les PARNASSIENS, le corps de la femelle, qui est plus noirâtre et moins poilu que celui du mâle, se termine par un curieux appendice, une sorte de poche ou valvule cornée, dont on ne connaît pas encore exactement la fonction. Plusieurs espèces voisines de l’APOLLON fréquentent les mêmes lieux et se rencontrent surtout dans les Alpes, mais elles sont toutes plus petites que lui. La Préride pu CHou — Pieris brassicæ L. Femelle et mâle, grandeur naturelle, posés et butinant. Femelle, grossie deux fois, posée - et butinant. La Galéope ladane — Galeopsis ladanum L. 4. LA PIÉRIDE DU CHOU 4, LA PIÉRIDE DU CHOU Preris (Schrk.) brassicæ (L.) — LE PAPILLON DU cHoU OILA, à n’en pas douter, le plus connu des Lépidoptères, même des espèces diurnes. Tout le monde l'a vu voler de mars à octobre, mais surtout en mai, juillet et septembre, dans les champs, les prairies, les jardins; chacun connaït sa chenille que l’on trouve partout où se cultivent les choux, du commencement de l'été à la fin de l'automne et jusqu'au premier printemps, mais surtout en juin et en août. Bien des personnes ont même remarqué ses œufs qui sont disposés en plaques de cinquante à deux cents individus, rarement en petits groupes, sous les feuilles. Si l'on exa- . mine de près ces œufs d’un jaune orange pâle, on est émerveillé de leur structure : ce sont de petits tonnelets coniques placés debout et dont le sommet est aplati. Ils sont ornés de quinze à vingt côtes ver- ticales, entre lesquelles la paroi de l’outre est striée transversalement. Ces œufs sont rangés les uns à côté des autres, un peu comme des cellules d’abeilles. Si l’on se met en observation devant l'une de ces pontes, surtout dans un champ où elles sont nombreuses, on peut voir insecte élégant et minuscule, noir avec les pattes rousses, de 3 à 4 millimètres environ de longueur, se poser sur elle, ie l'extrémité de l'abdomen sur le sommet d'un œuf et y enfoncer sa tarière. Or cet insecte est un hyménoptère, le micro- gaster ou apanteles glomeratus. Linné le connaissait déjà, et de nom- breux auteurs l'ont signalé, plus tard, comme parasite de la CHE- NILLE DU CHOU. Mais tous pensaient que l'ennemi de la PIÉRIDE déposait ses œufs, comme beaucoup d’autres ichneumons, dans le corps de la chenille où ses vers devaient vivre. Or il n’en est rien, et c'est au grand naturaliste français, J. H. Fabre, que l’on doit la décou- verte des vraies mœurs de cet insecte. Grâce à son inlassable patience, le savant s’aperçut que l’ichneumon pond ses œufs dans les œufs mêmes du papillon; et ce qui est extraordinaire, c'est que le micro- 36 LA PIÉRIDE DU CHOU gaster n'enfonce pas dans un œuf de papillon un seul germe ou deux ou trois, mais jusqu à vingt, quarante, cinquante et même soixante- cinq. De plus, non seulement il arrive à loger dans une seule semence animale une telle quantité de ses propres œufs, mais il les place de telle façon que ceux-ci n'incommodent nullement l'être minuscule qui se développe dans le joli coffret. Une ou deux semaines après la ponte de la PIÉRIDE, des œufs infestés, comme des autres, sortent de petites chenilles, longues de 2 millimètres, d'un jaune orange pâle, couvertes de poils blancs et munies d’une grosse tête noire. Ces che- nilles commencent, avec leurs compagnes, à ronger la coque de leurs œufs, puis elles attaquent la feuille du chou. Elles subissent quatre mues, et, au bout de quelques semaines, elles atteignent, comme les autres, 3,9 à 4,3 centimètres de long. De même que leurs sœurs indemnes, elles sont d'un gris vert bleuté ou jaunâtre, avec trois lignes longitudinales jaune citron, entre lesquelles de nombreux points noirs, légèrement saillants et de différentes grosseurs, ornent la peau. Lorsque les chenilles contaminées ont enfin atteint leur taille définitive, elles se mettent, avec leurs semblables, à errer longue- ment, cherchant un mur, une palissade ou un tronc, pour y subir, bien à l'abri sous une saillie, leur métamorphose. Elles parviennent encore à étendre, sur l'emplacement choisi, le tapis de soie qui doit servir de point d'attache aux amarres de la chrysalide; mais c'est avec une nonchalance marquée qu'elles exécutent ce travail, et, vers le soir, on voit soudain surgir du flanc de la chenille ou de son ventre un petit asticot fusiforme et blanc, puis un deuxième, un troisième, un dixième, un vingtième. À peine au jour, les vers se mettent à filer, et entassent, en une masse informe et compacte, à côté ou autour de la bête qu'ils ont vidée, leurs petits cocons allongés, de 4 à 5 milli- mètres de long, d’un jaune clair. La pauvre victime, émaciée et pan- telante, ne tarde pas à mourir, et deux semaines plus tard, de tous ces cocons, sortent d' agiles petites guêpes qui, malgré leurs mœurs sauvages, sont de précieux auxiliaires pour l'homme, plus efficaces, LA PIÉRIDE DU CHOU 37 hormis les oiseaux, que presque tous les moyens que nous employons pour détruire les chenilles. Ajoutons que les larves de l’hyménoptère ne mangent pas, à proprement parler, leur hôtesse; elles en sucent les humeurs, elles en boivent le sang, respectant avec soin tous les viscères, les nerfs et les muscles. Mais malgré cela, on reste abasourdi devant cette horde grouillante qui sort d’une seule chenille, et l’on comprend encore moins comment, avec une telle population dans les flancs, la bête a pu sortir de son œuf, subir ses différentes mues et achever sa croissance. La plupart de ces observations étant tirées des récits de Fabre, nous invitons chaleureusement nos lecteurs à lire les trente pages captivantes que cet illustre et vrai savant a consacrées à notre bestiole et à ses parasites, dans le dixième volume de ses « Souvenirs Entomo- logiques », p. 399 à 428. C'est encore à Fabre que nous empruntons la liste des crucifères sur lesquelles, à part toutes nos variétés de choux, on peut trouver notre chenille, bien que beaucoup plus rare- ment : la fausse roquette, la moutarde blanche, le pastel, la ravanelle, le lépidium drave, l’ herbe au chantre. Elle mange aussi des capucines. La chrysalide, qui mesure 2,6 centimètres de longueur environ, est fixée à son support de la même manière que celles du Flambé (p. 19) et du Machaon (p. 25), avec la tête en haut. Elle présente plu- sieurs angles assez vifs et une pointe dirigée en avant, sur la tête. D'un gris vert jaunâtre, bleuté ou blanchâtre, elle est marquée d’un bon nombre de taches et de points noirs, et donne naissance au papil- lon après deux ou trois semaines. Souvent c’est la chrysalide qui passe l'hiver, car, dans la plaine, deux ou trois générations se succèdent en une année. L'envergure du papillon, suffisamment connu pour qu'il soit superflu d'en parler plus en détails, varie entre 6 et 7 centimètres. Le dessous des ailes est souvent plus coloré que sur notre planche, parfois presque jaune ocre. L'AURORE — Anthocharis cardamines L. Femelle, grandeur naturelle, posée. Mâle, grossi deux fois, posé. L'Hépatique à trois lobes — Hepatica triloba. Ch. Feuilles sèches de Hêtre des bois — Fagus silvatica L. 5. L'AURORE 5. L'AURORE ANTHOCHARIS (Bsd.) ou EUCHLOE (Hb.) cardamines (L.) ’AURORE est bien certainement un des premiers papillons qui aient frappé nos yeux d'enfants. Il faut dire que c'est une des espèces les plus remarquables, non seulement par ses couleurs, mais aussi par la date de son apparition. On voit souvent, 1l est vrai, le Citron (pl. ?) et la Petite- Tortue (pl. 16) encore plus tôt dans l’année, même en plein hiver, si la température le permet; mais ceux-ci sont éclos l'été ou l’automne précédents, ils se sont endormis aux premiers froids, et se réveillent dès que le soleil est un peu chaud. L’AURORE, au contraire, passe la mauvaise saison à l'état de chrysalide, comme une grande partie des Lépidoptères, et c'est, au printemps, parmi les Papillons de jour, un des plus pressés à rompre l'enveloppe de sa nymphe. Cet insecte était donc pour nous une des premières joies de l’année. Aimant herboriser et chasser, l'hiver nous paraissait tou- jours bien long, et nous avions hâte de pouvoir nous remettre en campagne. Ah! quel saut de plaisir nous faisions à la vue de la pre- mière primevère, de la première hépatique, gages du réveil de toutes les autres fleurs. Puis, alors que nous allions cueillir la pulmonaire, que nous parcourions la lisière des forêts, des clairières, pour trouver des pervenches et des violettes, à la saison où le sureau déploie ses feuilles et où la fauvette fait entendre ses premières strophes, com- bien grande était notre joie, lorsque subitement apparaissait le petit papillon blanc aux deux moitiés d’ailes jaune orange vif. N'était-il pas pour nous, lui aussi, le gage du réveil des petites bêtes, l'avant- goût d’une nouvelle saison de chasses, d'observations, enfin de trou- vailles qui pourraient entrer peut-être, un jour, dans les collections de notre père? Mais l'AURORE est une créature si charmante que la joie de la revoir, au printemps, est toujours la même. Certes, elle porte fort bien ses diverses appellations : le jaune de ses ailes rappelle les teintes 42 L'AURORE du soleil levant ; son apparition printanière signale l'aurore des beaux jours. « ANTHOCHARIS », le nom du genre, signifie { grâce de fleur ». Oui, notre papillon a bien la grâce d’une fleur avec ses couleurs si fraîches, les délicates marbrures de ses ailes inférieures qui se remar- quent à peine à travers la membrane des ailes, lorsqu'on regarde l’in- secte par-dessus, et l'exquise finesse des poils argentés, soyeux, qui recouvrent son corps et bordent ses ailes, noyant leurs contours sous une auréole vaporeuse. Enfin, le nom spécifique de ( CARDAMINES » renseigne le lecteur sur la plante que mange sa chenille, la cardamine, bien que ce ne soit pas là son exclusive nourriture. Mais avant de décrire la chenille, parlons encore du papillon : en avril et jusqu'en mai et juin dans la plaine, jusqu'en juillet et août à la montagne, on voit la gaie AURORE parcourir d’un vol rapide les clairières et les bords de forêt, où elle fait étinceler ses deux taches couleur de feu. La femelle est beaucoup plus tranquille que le mâle, et plus rare, du reste. Elle vole peu, et se tient au bord des fossés, le long des haies, posée sur les fleurs, ou se cachant dans l'herbe. Ses ailes inférieures sont, dessus comme dessous, presque identiques à celles du mâle, mais les supérieures n'ont, par contre, plus trace de jaune orange. Elles sont, en outre, un peu plus arrondies et l’envergure en est habituellement plus grande. Celle-ci varie entre 4,6 et 5,6 centimètres, alors que le mâle oscille entre 3,9 et 4,8 centimètres. Dans l’un et l’autre sexe, la tache du bout des ailes et la base de ces dernières peuvent être très sombres. Dans certaines variétés, le point noir du milieu de la paire supérieure s'efface et peut même disparaître. Dans d’autres types, les dessins du dessous de l'aile sont fort réduits. Plusieurs espèces voi- sines, présentant des marbrures et des couleurs assez semblables, habitent les pays méridionaux de l’Europe, et se montrent quelque- fois au Tessin. La femelle de l'AURORE pond isolément ses œufs vert jaune, puis orangés, dès le milieu de mai et jusqu'en juin, sur différentes crucifères : la cardamine ou le cresson des prés (cardamine pratensis), L'AURORE 43 la cardamine impatiente (cardamine impatiens): la tourette glabre (turritis glabra), la lunaire vivace (lunaria rediviva), l’alliaire officinale (alharia offcinalis), la capselle bourse à pasteur (capsella bursa- pastoris), les lépidiers ou passerages (lepidium) et les arabettes (ara- bis). Certains auteurs affirment même avoir trouvé cette espèce dans les jardins, sur les choux, les capucines et les giroflées. Après un à six jours seulement, la petite chenille sort de son œuf, et c'est en juin et juillet, quelquefois jusqu'en août, qu'il faut la chercher. Elle mesure, lorsqu'elle est parvenue à sa taille définitive, 2,5 à 3 centimètres de long. Elle est élancée, un peu amincie aux deux bouts, et légèrement pubescente. D'un vert tirant sur le bleu sombre, elle est régulièrement saupoudrée de minuscules points noirs. Tout le long des flancs s'étend une ligne blanchâtre ou jaune. Cette chenille, bien qu'elle grandisse très vite, est nonchalante. Elle se tient parmi les siliques vertes des crucifères dont elle fait sa nourriture, et ne s'en éloigne pas jusqu'au moment de la nymphose. Elle se fixe alors à une tige, par l'extrémité de l'abdomen et un lien qui l'enlace vers le milieu du corps, et se transforme en une étrange chrysalide lisse, naviculaire, avec l'avant du corps fortement relevé, et les deux extrémités s'étirant en pointe. Cette chrysalide, toujours verte au début, devient, dans la suite, gris jaune ou brunâtre, avec une ligne jaune clair ou blanche sur le côté. Depuis le milieu de l'été, elle reste ainsi immobile et inerte jusqu'au printemps suivant. Quelquefois, mais très rarement, et seulement dans la plaine, elle donne issue à une deuxième génération en juillet et août. LE SOUFRÉ — Colias hyale L. Mâle, grandeur naturelle, venant de se poser et butinant. Femelle, grossie deux fois, posée et butinant. L'Origan vulgaire ou Marjolaine sauvage — Origanum vulgare L. 6. LE SOUFRÉ 6. LE SOUFRÉ Coutas (Fab. Boisd.) hyale (L.) "ÉTANG de la Gruyère, situé au-dessus de Tramelan, dans le Jura bernois, est un lieu connu des naturalistes: car sur ses bords et dans son voisinage se trouvent de nombreux insectes et des plantes rares. C’est un bassin privilégié, au sol tourbeux, à la végé- tation luxuriante, que l’homme a laissé, jusqu'ici, à peu près intact. Des bois de pins clairsemés alternent avec de petites clairières plan- tées de buissons, souvent marécageuses ou coupées de fossés. Toutes les airelles, myrtilles, canneberges et andromédies qu'on peut trou- ver au Jura se sont donné rendez-vous dans ce site enchanteur et y prospèrent à souhait. Le long des fossés s'élève le comaret, potentille rare, aux fleurs pourprées. Les sphaignes mêmes étendent, ici ou là, leur matelas compact, et, de cette mousse multicolore, variée de blanc verdâtre, de jaune et de rouge, surgissent, de place en place, les étranges rosettes de la drosera ou rossolis, aux feuilles prétendues carnivores. Qu'elles se nourrissent ou non d'insectes, il est certain que les nombreux tentacules qui les bordent, munis d'une sorte de ventouse visqueuse à leur extrémité, se referment sur la bestiole qui se pose et s'englue sur la feuille, comme le feraient les bras d’une pieuvre ou d'une hydre d’eau douce. Dans un tel milieu, avec une végétation si riche et variée, il n’est pas étonnant que les bestioles de toutes sortes abondent et spéciale- ment les papillons. Or mon père, connaisseur du coin, m'y conduisit un jour. C'était au mois de juillet. Nous étions tous deux munis d’un filet et notre but était surtout l'étang lui-même, que nous allions visiter, cette fois, pour les libellules. Nous pensions que ces dernières devaient se plaire dans ce lieu, comme les papillons, et de fait, j'eus le plaisir de trouver une espèce qui ne figurait pas encore dans ma collection. Mais avant de découvrir le beau sympetrum de Fonsco- lombe, au corps rouge vif, au vol rapide, nous devions traverser des 48 LE SOUFRÉ pâturages, de petits bois, passer sous des pins, longer des buissons. Et voici que soudain, dans une clairière fraîche et bien abritée, alors que la rosée perlait encore sur toutes les herbes, nous découvrimes deux, puis trois, enfin plusieurs charmants papillons, les uns d'un jaune soufré clair, les mâles, les autres d’un blanc verdâtre, les femel- les. Tous avaient les ailes bordées d’une large bande brun noir, tous aussi avaient les pattes, les antennes et le corselet d'un rose délicat, et un fin liséré de la même couleur autour des ailes. C'étaient des Colias, mais une espèce assez rare chez nous, originaire plutôt des Alpes, le Colias palæno (L.). En français, cet insecte s'appelle « le Soli- faire }, précisément parce qu il est rare et généralement isolé. Or ici, en NUE instants, nous avions la chance d'en posséder toute une collection. Ah! qu'ils étaient beaux, ces papillons jaune et noir, avec leurs dessous d'ailes ocrés ou verdâtres, portant, en plein centre, un point blanc d'argent, encadré de plus sombre! Et que le rose de leur tête était exquis, se perdant au niveau du Êprothorax dans les poils gris bleu et nacrés du dos. C'était la première fois que je voyais de près et vivants des représentants de ce genre, ou tout au moins c'est le premier souvenir qui m'en reste. Mais cette vision se grava pour toujours dans ma mémoire, et c'est avec une vraie joie que Je retrou- vai, plus tard, les cousins du Solitaire, les Colias HYALE et edusa (F.), appelés, à cause de leurs couleurs si franches, l’un (LE SOUFRÉ», l'autre le Souci. Tous deux ont même port et même grandeur que le Solitaire, mêmes poils argentés sur le dos, roses sur la tête et le corselet, ainsi qu'au bord des ailes, mêmes pattes et antennes rou- geâtres. En plus de cela, dans la première de ces deux espèces, la couleur du fond de l'aile est à peu près identique, chez le mâle et chez la femelle, à celle du papillon de l’Etang de la Gruyère; dans la deuxième espèce, c'est un large bord noir qui la fait ressembler au palæno. Mais le SOUFRÉ n’a pas cette bande aussi continue et déli- mitée que le Solitaire; en outre cette bande sombre présente, chez lui, des taches claires, et au milieu des ailes s'étalent, sur la paire LE SOUFRÉ 49 supérieure, deux gros points noirs, sur l'inférieure deux macules orangées. Le Souci, lui, comme son nom l'indique, est du même jaune orange que la fleur des vieux jardins, et cela chez le mâle comme chez la femelle: celle-ci présente seulement quelques taches claires dans la marge sombre. Le SOUFRÉ est, chez nous, le plus commun de tous les Colias. On le trouve surtout en août-septembre et jusqu'en octobre, mais quelquefois aussi, dans la plaine, sous forme d'une première généra- tion, en mai et juin. Il parcourt les champs, les prairies, les jachères, d'un vol rapide, se posant sans cesse sur les fleurs, la marjolaine et les trèfles en particulier. Le mâle varie entre 4,9 et 5,4 centimètres d'en- vergure, la femelle entre 5,2 et 5,6. Souvent le premier a le jaune des ailes plus terne et plus clair que sur notre planche, quelquefois même blanchâtre comme la femelle. Celle-ci peut avoir les ailes jaunâtres ou même jaune soufre; mais ces variétés extrêmes sont très rares. Les œufs sont blanchâtres ou jaunes, allongés et placés debout. La femelle les pond isolément sur l’hippocrépide, le lotier, les vesces, les coronilles, les trèfles, la luzerne et le cytise. La chenille éclôt après six Jours et atteint, au bout d'un mois environ, 3,8 centimètres de long. On la trouve en juin et juillet, puis de septembre à avril. Elle est veloutée, d’un vert bleu et sombre ou vert herbe, avec quatre lignes longitudinales orangées et des points noirs. Elle est recouverte de poils fins et très courts. La chrysalide est, comme celle de l’ Aurore (p. 43), pointue aux deux extrémités, mais elle n’est pas arquée. Verte, avec une ligne jaune sur le côté, elle pendille, suspendue par la queue, tandis qu'un fil distendu et lâche, fixé au support, l’enlace au niveau du thorax. LE CITRON — Rhodocera rhamni L. Mile, grandeur naturelle, au vol. Femelle, pondant un œuf sous la nervure médiane d’une feuille naissante, grossie deux fois. Le Nerprun bourdaine — Rhamnus frangulaL. Feuilles sèches de Hêtre des bois et de Chêne rouvre. LE CITRON 7. Ne À 7. LE CITRON RuopocerA (Bsd.) ou GONoPTERYX (Leach. H.) rhamni (L.) — LE LiMON EGARDEZ ce petit être remuant, leste et pressé, qui, d'un vol rapide, saccadé, plein de vie, tel un enfant sautant de joie dans la campagne, passe. et disparaît bien vite. Que cette note Jaune est gaie, qu'elle est belle, bienfaisante à contempler sur ce fond gris des bois, ce roux des feuilles mortes et ce vert des prairies; et comme la vivacité de ce charmant insecte fait contraste avec les bourgeons encore fermés, les oiseaux silencieux, les bestioles endormies! Regardez comme il a de la peine à contenir son bonheur, l'innocent papillon! Il est pourtant bien seul parmi la gent insecte, et les oiseaux aux aguets, qui, eux, n’ont pas dormi pendant l'hiver, dont l'appétit est toujours en éveil, risquent fort de l’attraper. Mais il s’en inquiète peu; le soleil est étincelant, le printemps va venir et il vole, il vole encore, insouciant et joyeux. De temps à autre il s’ar- rête, choisit un coin bien abrité, s'applique sur les feuilles sèches, et là, — oh! que c’est délicieux! — 1l se chauffe au soleil; 1l étale ses grandes ailes pour exposer son dos soyeux aux rayons bienfaisants, car 1l faut que tout son être Jouisse de la caresse vivifiante… Prrrrt, le voilà parti; 1 ‘engourdissement de l'hiver a duré longtemps et main- tenant que la vie revient, que le soleil brille, il faut en profiter. Bientôt, grâce à ce même soleil, les bourgeons vont éclater, le nerprun, essence seule choisie pour le dépôt des œufs, va pousser comme les autres, et, dès lors, il faudra se mettre à l'œuvre; il faudra pondre et pondre encore, parcourir bois et coteaux pour découvrir les plantes rares et parfois fort distantes de ce joli buisson aimé, puis. 1l faudra mourir. Mais les alouettes viennent de se rapatrier; donc, cher et beau CITRON, tu as du temps devant toi : vole, vole seulement, donne-t'en à cœur Joie, accomplis ainsi l'ordre du Créateur et ne t "inquiète pas si tu es mal jugé. D’aucuns trouveront, sans doute, que tu ignores le sérieux de la vie, que tu ne penses qu'à f nnes à voleter, à danser. ; 54 LE CITRON ne t'en mets pas en peine : Dieu t'a dit de voler et tu voles, Il t'a donné de grandes ailes recouvertes de multiples écailles, d'un jaune exquis, tu les emploies et tu les montres, tu fais ce qu'Il t'a dit de faire, tu ne fais rien d'autre et c’est là ton secret. C'est pour cela que ta Joie déborde, et qu'elle éclate à chaque battement de tes ailes agiles; et cette joie envahit la forêt, les buissons, les grands chênes qui fré- missent sous la caresse du vent, elle se communique aux oiseaux que ta gaieté encourage à chanter, aux hommes que tu charmes et qui te portent envie. Ah! dis-leur à ces hommes, faits comme toi pour être heureux et qui sont dans la peine, dis-leur que ton Créateur est leur Sauveur, qu'Il les a tous aimés, qu'Il voudrait leur bonheur, que, sur la Croix, Jésus-Christ a porté le péché, la souffrance, et que, dans sa Sainte Parole, Il donne le vrai, le sûr, le seul Remède. Demande- leur pourquoi, cherchant tous le bonheur, ils en négligent le seul Chemin; dis-leur que si la vie leur est à charge, c’est parce qu'ils sont sortis du plan glorieux que Dieu avait conçu pour toute la race humaine et supplie-les d'y rentrer au plus vite. Ils seront alors comme toi, heureux de vivre et prêts à mourir, parce que, comme toi, ils feront ce que Dieu leur dit de faire et ne feront rien d'autre. — Et toi, beau papillon, continue à voler, à égayer la forêt, continue à jouir du soleil et de la vie, et dès que le nerprun montrera ses tendres feuilles, tu te hâteras d'aller pondre tes œufs jaunes ou vert clair sous ces feuilles oblongues, portées par des tiges minces et noires. Ah! qu'ils sont jolis les petits œufs jaunes, semi-translucides de notre beau CITRON! Ils se tiennent debout contre la nervure médiane de la feuille et sont si adhérents que la pluie même ne peut les déta- cher. C’est en avril ou mai qu'on peut surprendre la femelle occupée à la ponte. Elle s'agrippe aux bourgeons du nerprun bourdaine ou du nerprun purgatif, parfois du nerprun alaterne (Rhamnus frangula, cathartica et alaternus) — qu'elle sait reconnaître malgré leur rareté parmi les nombreux buissons de nos haies, — elle fait sortir de sa cachette entre les larges ailes, son abdomen velouté, et, en le recour- LE CITRON 55 bant, colle ses œufs, à raison de un ou deux par bourgeon, sous les petites feuilles naissantes, ainsi qu'on peut le voir sur la planche ci-Jointe. Les chenilles issues de ces œufs vivent en mai et juin. On en trouve parfois jusqu'en juillet et même en août. Elles sont allongées, un peu aplaties en dessous, et d'un beau vert mat, présentant une ligne blanche sur les flancs. Elles sont légèrement pubescentes et atteignent 4,5 à 5 centimètres de long: elles se transforment en une étrange chrysalide d’un vert brillant ou jaunâtre, fixée à une branche par l'extrémité du corps et la taille. Les fourreaux des ailes font, sur la poitrine, une forte saillie qui reporte la tête en arrière, assez loin du support. Au bout de quinze jours, soit en juillet, août ou septembre, le papillon éclôt. On le voit voler jusqu'en octobre sur les fleurs, dans les jardins, où il visite avec assiduité les pois de senteur, les œillets de poète, les flox, etc. En automne, il s’engourdit et passe l’hiver près du sol, bien caché dans un buisson touffu, de préférence une plante ou un arbuste à feuilles persistantes. Dès le mois de février ou de mars, quelquefois même en janvier, si le soleil est chaud, il sort de sa cachette et vole dans la campagne. Dans la plaine, les nouveaux papillons de l’année se montrent en juillet, ce qui leur permet souvent d’engendrer une deuxième génération jusqu à la fin de l'été. Dans ce cas, la chrysalide na pas toujours le temps d ‘éclore avant l'hiver et parfois c’est elle qui doit affronter la mauvaise saison. La THÉCLA DU BOULEAU — Thecla betule L. Femelle et mâle, grandeur naturelle, posés et butinant. Femelle, grossie deux fois, posée. L'Aster amelle ou d'automne — Aster amellus L. L'Epine noire ou Prunier épineux ou Pru- nellier — Prunus spinosa L. 8. LA THÉCLA DU BOULEAU (Ab FAT CIN MALTE RS u th ELU ATARI NN A: | 7 | \ PA L 14 X il 14 N | Le | OR NS ob \ ! } 1 DLL IN +4 \ , d 1 À ; LAN ER LL 'e ARR ATOME" PROCESS L 5 . ” Mi L'un j 4 F \ 3 YEN LITE RON Fo \ HOME A4 \U te no SA \ MAIN Q l 3 ne Eu ! : L. { hi _ Li 1 1 . L . # 1 , É A ñ NEA £ ' uw \ r rt À 00 # CRU | FA 1 ‘ ; NE | | | ; : \ + l = 4 Ï \ 1 L. … HA ta! È L x M f k h \ éd! « * EU ù AE Û J ; RO EAT : ; e A \ 1 n , É . fl | AT LA UPD IA. [ d : . à ; 7: Va AL UE DT RAT Das: } 1 } ñ , ATIAN Me] 0 + ui dl Tr ) \ ; ; AN QU VASAUOR GA!A "4 5 10% l Fe ‘0 ; 4 AE) L ARE Pr 1 É L té jPLi og x M F } \ . e a” [4 cs k i " {0% ER T : : \ É ? 4 CE ge " 1 q id + L PE | y la n , : ” CE CAC de, û tra w 0 \ 5 à 1 M «1? ne 1 1 \ A 4 EP” ©. CET 1 \ “ - : + 14 : € À AS dE AU AO RAI 8. LA THÉCLA DU BOULEAU THecLaA (F.) ou ZEPHYRUS (Dalm.) betulæ (L.) LE POLYOMMATE ou LA THÈCLE DU BOULEAU VEC la THÉCLA DU BOULEAU, nous abordons une nouvelle sub- division des Rhopalocères, celle des Lycaénides. On a partagé, en effet, les Papillons de jour, suivant les caractères de leurs chenilles, en un certain nombre de sections. Plusieurs d’entre elles ont été créées pour des espèces habitant les pays étrangers et le Midi, ou bien pour des papillons très rares chez nous et un peu spéciaux. Arrêtons-nous un instant aux sections principales, celles dont nous pouvons facilement observer les représentants dans notre pays : Les papillons figurés sur les planches 1 à 3 de cet ouvrage représentent la section des Papilionides, comprenant des formes gran- des, dont les chenilles sont grosses, veloutées, assez différentes les unes des autres, mais reconnaissables toutes, comme nous l'avons déjà vu, à la petite corne qu'elles font surgir au moindre danger, de leur nuque. Viennent ensuite les Piérides (pl. 4 à 7), dont les chenilles sont allongées, cylindriques et ressemblent passablement aux chenilles des Noctuelles. Puis nous avons les Lycaénides (pl. 8 à 11) dont fait partie notre PoLyomMaTE. Ce sont tous des papillons petits dont les chenilles sont fort bizarres. Elles ressemblent, pour la forme, à des cloportes, c'est-à-dire qu'elles sont très larges, avec le ventre aplati, et la face dorsale bombée. Elles ont une tête minuscule, luisante et noirâtre, qu'elles tiennent habituellement cachée sous le rebord saillant du prothorax. Elles varient entre 1,5 et 2,5 centimètres de longueur. Après les petits Lycaénides viennent les grands Apaturides représentés sur les planches 12 et 13, aux chenilles diversement con- formées, mais toujours porteuses de tubercules, se dressant tantôt sur l'arrière de la tête et le bout de la queue, tantôt sur le dos. La cinquième section est celle des Nymphalides appelée en alle- 60 LA THÉCLA DU BOULEAU mand « Dornraupenfalter » parce que toutes les chenilles sont cou- vertes d'épines charnues. Là sont rangées les Wanesses, les Mélitées et les Argynnes (pl. 14 à 24). Les Satyrides, illustrés par les planches 25 à 33, ont des che- nilles très reconnaissables : leur tête est ronde et saillante, et leur corps, fortement fusiforme, est terminé par deux petites pointes parallèles. Ces chenilles sont ternes, grisâtres, jaunes et verdâtres et rayées en longueur. La peau est finement pubescente. Enfin la dernière section des Rhopalocères, celle des Hespérides (pl. 34), comprend ces petits papillons frétillants, à à gros corps et à ailes triangulaires qui animent, en été, les sentiers et les _pâturages. Leurs chenilles ressemblent un peu aux précédentes, mais elles ont presque toujours la tête suivie d'un cou étranglé. Elles sont très lentes dans leurs mouvements. La THÉCLA DU BOULEAU a donc une chenille en forme de clo- porte. Celle-ci est toutefois un peu plus allongée que celles des autres espèces, et plus large en avant qu'en arrière. Son dos s'élève en une sorte de carène, si bien que la coupe transversale de la chenille des- sinerait à peu près un triangle. Elle est d'un beau vert clair et brillant avec une double ligne médiane jaune, dont les deux branches s'écartent l’une de l’autre sur le thorax. Le long de la marge saillante de chaque anneau, sur le côté, court aussi une ligne claire, et, entre celle-ci et la ligne du dos, se trouvent deux rangées de traits obliques, jaunes égale- ment. Quelques petits poils décorent la bête: ils sont assez longs et blanchâtres tout autour du corps, bruns et courts le long de la ligne médiane. On trouve cette chenille d'avril à juin, habituellement sur l'épine noire. Mais elle mange aussi des pruniers et, dit-on, du bouleau. À la fin de juin, elle atteint 2 à 2,5 centimètres de long. Un beau jour elle devient d'un brun rouge carminé sombre et descend alors sur le sol, où elle se transforme en une chrysalide courtaude et arrondie, longue de 1,2 centimètre environ, qui est d’un brun jaune ou rougeâtre plus ou moins foncé, avec de multiples marbrures et taches sombres. Cette LA THÉCLA DU BOULEAU él chrysalide n'est pas aussi poilue que celle, si mignonne, du petit Callophrys (Bill.) rubi (L.), la Thécla de la ronce, aux ailes vertes en dessous; mais elle présente cependant sur l'abdomen quelques poils épars et courts. Au bout de deux à trois semaines et demie, suivant le temps qu'il fait, le papillon sort de sa nymphe. C'est un de ces « Papillons à queues », comme on a appelé les Théclas; mais c’est le plus grand de tous, variant pour l’envergure entre 3,8 et 4,6 centi- mètres. Il vole en .une génération, de la fin de juin jusqu'en octobre, mais surtout en juillet et août. On le voit dans les jardins, les vergers, les bosquets, le long des haies, mais toujours isolément et plutôt dans la plaine. La femelle pond, assez tard dans l’année, des œufs légère- ment aplatis qui n'éclosent qu'au printemps suivant. Contrairement à ce qui se passe chez la plupart des papillons, les mâles, chez les Théclas, sont moins brillants de couleur que les femelles. C’est le cas chez notre BETULÆ, où la tache claire du mâle n'est que très rarement orangée, mais presque toujours d’un jaune terne; souvent elle est en bonne partie noyée dans le brun. Celle de la femelle, par contre, toujours grande et bien marquée, peut être d'un jaune encore plus rouge et brillant que sur notre planche. La teinte du fond varie aussi de valeur et peut, dans l’un et l'autre sexe, surtout si l'insecte est fraîchement éclos, atteindre le brun noirâtre. De légers reflets verts, dorés ou roses courent sur les quatre ailes. La VERGE-D'OR — Polyommaius virgaureæ L. Mäle, grandeur naturelle, posé. Mâle, grossi deux fois, faisant la cour à sa compagne. Femelle, grossie deux fois, cherchant à se dissimuler sous la fleur. La Scabieuse colombaire ou commune — Scabiosa columbaria L. L'Hélianthème vulgaire — Helianthemum vulgare Gaer. 9. LA VERGE-D'OR 9. LA VERGE-D'OR Pocyommarus (Latr.) ou CHRYSOPHANUS (Hb.) virgaureæ (L.) L’ARGUS SATINÉ H! pourquoi ne va-t-on pas plus souvent consulter la nature, ce grand livre toujours ouvert et si passionnant à lire? Au lieu de tourner machinalement les pages d'un roman, dont la lecture est souvent malsaine, pourquoi ne cherche-t-on pas à déchiffrer l’histoire de tel insecte, de tel oiseau, de telle fleur ? Pour- tant ces histoires sont pleines d'intérêt et de charme: il y en a pour tous les goûts. La nature fourmille d'idylles délicieuses, et celui qui sait observer y découvrira des scènes touchantes de dévouement, captivantes d'amour. M. Adolphe Burdet, le grand photographe des oiseaux, avait découvert un nid de rousserolle turdoïde, la plus grande de nos fau- vettes des roseaux. En l'observant avec patience, il s’aperçut que lors- que mâle et femelle se trouvaient ensemble au nid, apportant la bec- quée à leurs nourrissons, celui-là tendait à celle-ci sa chenille, et c’est elle qui la donnait au plus affamé des petits. Le grand ami des oiseaux, en décrivant la scène, ajoutait dans son langage si expressif: « Tiens, donne-la-leur, c'est meilleur quand c’est toi!» Et chez les insectes, quelle fidélité et quelle patience n'observe- t-on pas chez les femelles occupées à la ponte, cette tâche sacrée par- dessus tout. Certaines libellules entrent entièrement dans l'eau, pour enfoncer, un à un, leurs œufs allongés dans les tissus des plantes submergées; et ce qu'il y a de frappant, c'est que le mâle, qui n'est pratiquement d'aucune utilité à la femelle pendant la ponte, l’accom- pagne cependant sous l’eau et la tient délicatement par la nuque, ne voulant pas la laisser seule dans l’accomplissement de ce devoir, apparemment pénible. On pourrait multiplier à l'infini ces exemples, et cela sans parler de ce qu'on peut voir au printemps dans les buissons, lorsque la 5 66 LA VERGE-D'OR fauvette, éprise d'amour pour sa petite femelle qui bat des ailes à son approche, chante... éperdument.… Regardez, ici-même, le mâle tout palpitant de l’ARGUS SATINÉ qui poursuit sa compagne. Celle-ci, discrète et réservée, se glisse sous la fleur. Mais ne divulguons pas les secrets des papillons et admirons plutôt la délicatesse de cette face ventrale immaculée, la grâce de ces pattes si frêles, l'expression de ce petit œil noir, nettement bordé de blanc, et la naïveté de cette physionomie. Ce sont là des caractères propres à presque tous les Lycaénides. Regardons, en effet, les plan- ches 8 et 10 avec leurs petits papillons si ingénument campés sur de menues échasses. L’ARGUS SATINÉ porte fort bien son nom; car l'image ci-avant ne donne qu'une idée très vague du satin somptueux, lustré, doré, dans lequel ont été taillées les ailes du mâle. Il mérite vraiment le nom de « Papillons de feu» qu'on a donné, en allemand, aux Polyom- mates. La femelle, généralement plus petite, avec les ailes moins larges, est aussi plus discrète de couleur. Il est vrai que lorsqu'elle est fraîchement éclose, elle présente à la base de ses quatre ailes et sur les poils recouvrant son corps, de merveilleux reflets de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, surtout dorés et verts. Mais toute cette richesse n’est qu'un reflet passager, effleurant un fond brun orangé plus ou moins clair, tirant souvent sur le brun sombre, avec des taches nombreuses et noirâtres; dessous, par contre, la femelle est plutôt plus brillante que le mâle. Dans une variété très rare que l'on trouve dans les Alpes, le dessous des ailes inférieures devient gris brun sombre et même presque noir. C'est la variété ZERMATTENSIS (Flou.), propre aux deux sexes. Le mâle de la VERGE-D'OR varie entre 3,6 et 3,8 centimètres d'envergure, la femelle entre 3,3 et 3,6, attei- gnant aussi, mais exceptionnellement, 3,8 centimètres. Nous avons vu tout à l'heure que le Polyommate du bouleau (p. 61), comme presque toutes les Théclas, habitait de préférence la LA VERGE-D'OR 67 plaine; or l'ARGUS SATINÉ fréquente, tout au contraire, la montagne: c'est dans les vallées des Alpes et du Jura, voire même sur les crêtes élevées de celui-ci, qu'il est le plus commun. On le voit du mois de juin jusqu'en septembre, mais surtout en Juillet et août. Il aime les prairies et les pâturages, les clairières ou les bords de forêts émaillés de fleurs et bien exposés au soleil. Il folâtre gaiement, poursuivant ses semblables et se posant, sans cesse, sur les scabieuses, le séneçon, la marjolaine ou l’achillée. Les œufs sont pondus en août et attendent parfois jusqu'au printemps suivant pour éclore. La femelle les dépose isolément sous les feuilles de l’oseille, et, dit-on, de la verge-d'or (solidago virga- aurea) d'où le nom français et latin de notre papillon. Si l’on veut en croire les auteurs les plus autorisés, on cherchera la chenille sur l'oseille seulement, en avril, mais surtout en mai et juin. Cette larve atteint 2 à 2,7 centimètres de long. Elle est un peu plus allongée que les chenilles des Lycènes et couverte de poils rougeâtres, très fins et courts. Sa tête est petite, brune ou noire. La bête présente, de chaque côté de la ligne médiane, des bourrelets jaunes, se détachant sur le fond vert sombre du corps. Trois lignes claires parcourent encore les flancs et le milieu du dos. En juin, cette chenille s’attache, au dire de certains observateurs, à la tige de sa plante nourricière et se trans- forme en une petite chrysalide obtuse, presque ovoïde, finement poilue et brunâtre, avec des fourreaux alaires plus sombres. Le papil- lon en sort après deux semaines. L'ARGUS BLEU CÉLESTE — Lycæna bellargus Rott. Six mâles, grandeur naturelle, au vol et posés. Deux femelles, grandeur naturelle (brunes) au vol et posées. Deux mâles, grossis deux fois, pompant l'humidité du sol. 10. L'ARGUS BLEU CÉLESTE à 141 RYUT AA 10. L'ARGUS BLEU CÉLESTE LycÆnaA (Fab.) ou Cupipo (Schr.) bellargus (Rott. H.) adonis (Hb. F. S. V) LA LycÈNE BEL-ARGuS E paisible vallon vient de passer par la tourmente : le tonnerre a fait résonner les grandes roches, la pluie, en tombant avec force, a raviné les chemins; mais maintenant les nuages se sont dissipés et l'astre du jour brille à nouveau. Un arc-en-ciel encadre la montagne que voilent encore les dernières brumes de l'orage. Le soleil est plus chaud que jamais et petit à petit les chemins se dessè- chent. Sur les bords cependant, ici et là, des flaques d’eau subsistent. Et voilà que de jolis petits papillons habillés de gris et de bleu s’y rassemblent déjà. Comment ont-ils pu supporter l'ouragan? Préser- vés on ne sait comment, les voici aussi gais et dispos que si rien ne s'était passé; ils semblent, au contraire, ravis de l’aubaine que l'orage leur a fournie. À qui mieux mieux, ils allongent leur trompe flexible, qui d'ici, qui de là; ils aspirent avec délice l’eau distillée. A l'instar d'un frileux qui se frotte les mains près du fourneau, ils se frottent les ailes, eux, les petits papillons, tant ils sont contents du bon soleil qui les réchauffe. Ils sont si occupés qu'ils se déplacent à peine. Mais voici que soudain, tel un dernier éclair de l'orage, une bergeronnette Jaune surgit; elle arrive sur les lieux comme une flèche, happe au passage une des charmantes Lycènes et file avec sa proie, aussi pres- tement qu elle est venue. Elle a passé très vite, elle est déjà bien loin; mais comme un coup de fusil éparpille les moineaux, son apparition a réveillé brusquement tous les papillons bleus. Quel essaim, quel tournoiement, quel papillotement! Tout à l'heure, ils paraissaient peu nombreux, leurs ailes fermées se confondant avec les gris du sable et des cailloux; maintenant ils sont deux douzaines au moins qui tourbillonnent au-dessus de la route, faisant étinceler le bleu de leurs ailes soyeuses. Mais l'émotion, si grande soit-elle, ne laisse jamais dans un (cœur » de papillon une impression bien durable : 72 L'ARGUS BLEU CÉLESTE l'attrait de l’eau est irrésistible et les joyeux papillons descendent encore et se remettent à table avec plaisir; les petites ailes passent de nouveau l'une sur l’autre, d'un mouvement régulier, les longues trompes se tendent à droite, à gauche. Ils semblent bien insouciants les petits Argus, et cependant ils sont fort sages. Pourquoi se hâtent-ils ainsi, alors que les provisions sont si abondantes? Ils ne le savent que trop; si le soleil les réchauffe, 1l absorbe en même temps l'eau de la mare, bientôt elle sera tarie et les papillons bleus devront aller bien loin pour trouver encore de cette eau qu'ils aiment tant. Voyez comme ils se hâtent.. Sans s’interrompre un instant, ils se disent tout bas l'un à l’autre : « Dépêche-toi, mon frère, l'orage est passé, le soleil est très chaud, dans peu de temps la bonne eau claire ne sera plus pour nous. Ah! comme elle est savoureuse l’eau de pluie du Créa- teur, et comme il fait beau se chauffer au soleil! » Qui ne connaît ces charmants papillons bleus qu’on voit un peu partout, en été, le long des chemins ou des routes, autour des flaques d'eau, ou bien parmi les fleurs, les scabieuses, dans les prairies sèches et sur les coteaux bien exposés au soleil, le long des lisières de forêt ou dans les clairières. On les appelle Lycènes ou Argus ou encore Azurés. Le Jura n’en compte pas moins d’une vingtaine d'espèces qui se ressemblent souvent beaucoup entre elles. Nous avons choisi, pour représenter ce groupe, une des formes les plus communes, et les plus belles. On lui a donné le nom fort approprié d'ARGUS BLEU CÉLESTE ou de BEL ARGUS. Le mâle a toujours les ailes d’un bleu immaculé, bordées par un fin liséré noir et une marge blanche. La femelle, au contraire, est d’un brun assez sombre, comme on peut en juger d'après les deux exemplaires représentés en grandeur naturelle dans le milieu de la planche, l’un au vol, l’autre posé à terre, avec les ailes entr ‘ouvertes, sur la gauche de l’image. D’après ce dernier spé- cimen, on se rend compte également que la couleur fondamentale du dessous des ailes est plus sombre et plus brun jaune chez la femelle que chez le mâle. Sur les ailes, celle-ci est parfois légèrement saupou- L'ARGUS BLEU CÉLESTE 73 drée de bleu, exceptionnellement le bleu recouvre les quatre ailes : c’est alors la variété cERONUS (Esp.) ou CÆRULEA (Courv.); mais même dans cette variété bleue, les taches noires et oranges le long de la marge restent visibles. Le mâle et la femelle, à peu près de la même grandeur, varient entre 3,2 et 3,6 centimètres d envergure. Le papil- lon apparaît en deux générations de mai jusqu'en juin, parfois juillet, puis de fin juillet et août jusqu ‘en septembre et même octobre. chenille vit en avril et mai, puis en juin et juillet. On la trouve de préférence sur l’hippocrépide comosa, où elle voisine à l'occasion avec sa cousine, la chenille de l’Argus bleu nacré (Lycæna corydon Poda.), à laquelle elle ressemble beaucoup d’ailleurs. Mais on la trouve aussi sur les genêts, les trèfles, les coronilles, dont elle mange les fleurs pendant la nuit. Elle mesure environ 2 à 2,5 centimètres de long. Comme toutes les chenilles de Lycènes, elle est large et aplatie, ressemblant un peu à un cloporte. Elle est très finement velue, d’un beau vert tirant sur le jaune ou le bleu pâle, ou bien d’un brun clair, avec une ligne sombre bordée de deux rangées de triangles jaune orange au milieu du dos; sur les côtés s'étend une ligne jaunâtre. La chrysalide qui a un peu plus d’un centimètre de long, est ovoide, avec la face ventrale légèrement aplatie. Elle est verdâtre, brune ou gris noirâtre. Elle éclôt au bout de deux à trois semaines. La Lucine — Nemeobius lucina L. Femelle, grandeur naturelle, posée et se chauffant au soleil. Femelle, grossie deux fois, pondant un œuf sous une feuille de primevère. La Primevère officinale — Primula officinalis Jacq. Le Chiendent rampant — Agropyrum (Tri- ticum) repens P. B. Ed . O œ : < æ 11. LA LUCINE Nemeogius (Stph. Boisd.) ou HAMEARIS (Hübn.) lucina (L.) la lisière de la forêt, le long des buissons, dans l'herbe de la clairière, de petits papillons bruns volètent gaiement. Leurs ailes tachées d'ocre jaune les font ressembler aux Mélitées que nous étudierons tout à l'heure (pl. 20-21) et avec lesquelles ils voisinent, du reste, dans la prairie. Regardez-les folâtrer, jouer entre les longues herbes, se poursuivre entre eux et se poser tout près du sol, sur quel- que brindille, sur quelque feuille, les ailes légèrement relevées et un peu écartées les unes des autres. Une fois à terre le petit papillon se tourne à droite, à gauche, il pirouette sur place, (1l danse» pour exprimer sa joie de vivre. Mais ce n'est pas pour longtemps : le voici déjà qui repart, incapable de rester plus d’un instant à la même place. Il est remuant à l'excès; et même lorsqu'un orage survient, la der- nière goutte de pluie est à peine tombée et le premier rayon de soleil n'a pas plutôt déchiré les nuages, que déjà la LUCINE voltige dans son domaine et recommence à danser. La petite femelle se pose sur une feuille de primevère, d'oseille ou de bétoine, une feuille d'alchémille; elle s'approche à reculons du bord, comme on peut le voir sur la planche ci-contre, elle ferme ses ailes complètement ou à demi, et, en recourbant son abdomen, va coller sur la face inférieure de la feuille, à l'abri du soleil, un, exceptionnellement deux petits œufs blanc jaune ou verdâtres et parfaitement sphériques. Nous verrons tout à l'heure le Camille (p. 89) déposer son œuf en plein soleil, au beau milieu d’une feuille de lonicera et nous nous demanderons, à juste titre, comment 1l se peut faire qu’un corpuscule si petit soit capable de supporter une telle insolation pendant quinze jours durant, sans pour tout cela se dessécher, sans même diminuer de volume, bien qu'il n'absorbe aucune nourriture. Nous ne pourrons que nous incliner devant l'inexplicable mystère de la vie qui parle si hautement de la toute-puissance de son Auteur. Avec la gaie LUCINE, le problème 78 LA LUCINE se pose différemment : l'œuf étant placé sous la feuille ne reçoit pas les rayons directs du soleil, mais bénéficie cependant de son action bienfaisante à travers la membrane qui le porte et que le soleil réchauffe de part en part. Il baigne en outre dans] ‘atmosphère chaude et humide qui règne entre la terre et les feuilles. Quoi d'étonnant si, dans une position aussi favorable, le petit œuf éclôt au bout de peu de temps. La chenille qui en est issue se nourrit des feuilles que sa mère papillon a choisies pour y déposer ses œufs, c'est-à-dire, le plus souvent, celles de la 4 primevère officinale ». A la montagne, la LUCINE n'apparaît qu'une fois l'an : le papil- lon en mai et juin, la chenille en juillet et août. Durant ce dernier mois, elle se transforme en chrysalide et c "est celle-ci qui passe l’hi- ver pour donner naissance au papillon au mois de mai suivant. Dans la plaine et surtout dans nos cantons les plus chauds, les chrysalides de cette même génération éclosent déjà en août. Ces nouveaux papil- lons sont plus sombres et ont les taches claires de leurs ailes moins étendues que ceux qu'on voit voler au printemps; en outre, ils engen- drent des chenilles qu'on peut trouver dès le mois de septembre et jusqu'en avril de l’année suivante. Dans ce cas c’est la chenille qui passe l'hiver et la chrysalide apparaissant en avril ne dure que quelques semaines, donnant issue dès le mois de mai à l'insecte adulte. Le mâle de la LUCINE est un peu plus petit que la femelle : son envergure varie entre 3,2 et 3,5 centimètres, tandis que sa compagne atteint de 3,5 à 3,7 centimètres. De plus, le mâle est généralement plus coloré : le brun est plus doré et le jaune plus orangé. Ses ailes inférieures sont moins larges, un peu rectangulaires, tandis que les supérieures sont plus allongées et dessinent nettement un triangle, les côtés étant presque rectilignes. Les taches claires qui ornent le milieu de l'aile inférieure sont aussi plus étendues. Par contre, dans l’un et l’autre sexe, les taches arrondies et ornées d'un point noirâtre qui se succèdent tout le long du bord extérieur des quatre ailes sont LA LUCINE 79 souvent plus ou moins lavées de brun ou, en tout cas, fort réduites du côté de la marge des ailes. Quant à la chenille, elle est ovale, un peu aplatie, finement poilue, comme celles que nous venons d'étudier. Elle atteint 1,8 à 1,9 centi- mètre de long. Son dos est brun rouge ou brun olivâtre avec une lignée de taches sombres au milieu et une série de verrues rougeâtres de chaque côté; sur les flancs se trouve une ligne claire et le ventre est blanchâtre. La tête est petite, globuleuse, d'un brun rouge pâle ou d'un blanc brunâtre. Mais si la chenille de la LUCINE ressemble pour la forme aux chenilles des T'héclas et des Lycènes, elle ne leur ressem- ble pas pour les mœurs : alors que ces dernières se tiennent en plein soleil contre les épis de l’esparcette, parmi les fleurs jaunes du genêt ailé ou sur les petites feuilles de l'épine noire, la chenille qui nous occupe se cache consciencieusement pendant le jour et ne sort que de nuit pour manger et prendre l'air. Sa chrysalide est arrondie, brun jaunâtre, recouverte de longs poils gris ou noirs et décorée de multiples points noirs placés en lignes transversales. Le bord des fourreaux alaires est marqué par une ligne sombre. Le GranD MARS CHANGEANT — Apatura iris L. Mâle, grandeur naturelle, posé sur une pierre. Mâle, grossi deux fois, posé et pompant avec sa trompe l'humidité du sol. £ 12. LE GRAND MARS CHANGEANT 7 TO hé a f L'LASE PU } ET DAT ‘re À tr re , (2. SANTE FM le NOUS OUR Ê . : '. n | } LE 4 4 L ce S C2 3 ‘ = 4 | $ ‘s l [7 À ; 5 f, ] - , à P VI NS » À & = , ‘ . ñ Le L É ñ l 4 } k ; ‘e ) F “ : À ‘ t ’ | 1 , i \ ee \ LU \ u : 101 r À 7% 1 ‘ 4 ' Î \ | 7 A à 2 é ! 1 , Ii ( 1 EDEN tx A * ‘ = 4 \ 4 ' Est 0 CA) 1 n {i NT = « à | i= ‘ , ù ; « i Ÿ A A PLECG ; ME EE < F "La , SEPT * x TU à | ARDIES "+ AT PUS ‘ r ne ? 4 i 10 { * ? NON \ , ‘ \ ll ; V à 1 2 es 1 DUR UT CAL vi . Le Pl \ , A ‘ ri i 1 Î M Y* k . * + v 12. LE GRAND MARS CHANGEANT APATURA (O. Fab.) iris (L.) L y a des papillons gais, naïfs et ingénus dans toute leur manière d'être, qui font penser à de petits enfants jouant et folâtrant, sans retenue et sans crainte, dans la prairie; d'autres ressemblent à des coureurs émérites cherchant à remporter un prix: rien, apparemment, ne parvient à les distraire de leur course rapide; certains, par contre, très modestes de couleur, vivent cachés et ne se montrent que vers le soir; ils passent souvent inaperçus tant 1ls sont discrets et lucifuges. A côté de tous ceux-là, il y a quelques espèces qui, si l'on peut s’ex- primer ainsi, représentent l'aristocratie de la gent papillonne. Par leurs couleurs et leurs formes, mais surtout par leurs allures et leur port, ils sont de vrais princes, des êtres de souche royale. Conscients de la richesse de leur costume, ils en font, semble-il, intentionnelle- ment étalage. Or le GRAND MARS CHANGEANT, l'APATURA IRIS des entomolo- gistes, est bien certainement le type de cette catégorie, avec son proche parent le Grand Sylvain et le Camille que nous allons étudier (pl. 13). Tous les papillons, il est vrai, sont beaux : un exemplaire fraî- chement éclos, à quelle espèce qu'il appartienne, est toujours un sujet d'admiration, une cause d’émerveillement. Le satin blanc du vulgaire Papillon de chou (pl. 4) ne le cède en rien aux taches claires de notre MARS et le brun à reflets verts et dorés du modeste hyperan- thus (pl. 32) est tout aussi délicat que le noir ou le brun chatoyant du papillon qui nous occupe. Mais l'APATURA IRIS réunit toutes les qualités, et, en plus de la somptuosité de son manteau de satin, il y a dans la répartition de ses taches, dans l'harmonie de ses couleurs, dans la silhouette et la grandeur de ses ailes, dans sa façon de se tenir, dans sa manière de _voler, un je ne sais quoi de 4 comme il faut », d'aristocratique, qui frappe immédiatement les regards lorsqu'on voit l'animal dans la nature. Le séduisant insecte respire la noblesse 84 LE GRAND MARS CHANGEANT et la distinction et fait penser aux plus belles statues égyptiennes, aux œuvres de grand style de l'antiquité. Regardez-le posé à terre où il suce l'humidité du sol. Il fait quel- ques pas, roulant et déroulant toujours | étroit ruban jaune vif de sa trompe. Soudain il ouvre ses grandes ailes qui sont vastes comme une ample pèlerine, si vastes que le petit corps velu à reflets irisés s'y perd, caché à demi par les longs poils. Du même coup il expose au soleil toute leur face supérieure : sur un fond uniformément noir ou brun glisse un merveilleux reflet d’améthyste, et ce reflet, suivant l'incidence du jour, disparaît complètement ou éclate comme un feu d'artifice. En conséquence, lorsque le papillon s'envole, c’est un vrai scintillement de pierres précieuses, une féerie de couleurs, une vision de lumière. Si l'insecte gagne en hauteur, s’il monte au-dessus de vos têtes, ses ailes deviennent alors comme un morceau de vitrail. Une bonne partie de leur surface, en effet, est absolument opaque, et paraît, à contre-jour, d'un noir profond, tandis que les taches blanches, elles, occupant à peu près le même emplacement sur les deux faces, sont formées d'une pellicule translucide où le soleil joue comme en un verre dépoli, leur donnant un éclat extraordinaire. Une seule chose, chez notre splendide insecte, est déconcertante, presque inavouable, c'est le choix de sa nourriture : faisant fi des fleurs que tous ses semblables chérissent, des plus belles comme des plus modestes, il sucera à l'occasion la sève qui s'écoule d’un tronc d'arbre; il boira l'eau de pluie qui séjourne sur le bord du chemin; il léchera la bête morte que les nécrophores aux élytres jaune orange et noirs n'ont pas encore enterrée; mais 1l se délectera surtout des sucs contenus dans les bouses de vaches ou le crottin des chevaux. Après le passage de tel ou tel animal domestique, les beaux Mars s'attablent par douzaines parfois sur les dits monceaux et se dispersent en essaims tourbillonnants à l'approche des humains. Mais, chose curieuse, si suintant et rep que soit l'emplacement où s'installent et grouillent les nobles convives, jamais ceux-ci ne souil- LE GRAND MARS CHANGEANT 85 lent la soie de leur costume, pas même le blanc impeccable de leur ventre soyeux. C'est de juin à août, mais surtout en juillet, sur les chemins de forêts, le long des lisières, dans les gorges riantes qu'on voit voler ces beaux papillons. Le matin, ils sont presque toujours à terre, en quête d’eau ou de fiente; l'après-midi, on les voit tournoyer autour des arbres, survoler les chemins à une certaine hauteur. La femelle, beaucoup plus rare que le mâle, est brune, sans reflets irisés. Elle pond ses œufs isolément, en août, sur les feuilles du saule, généralement le saule marsault et le plus souvent sur des buissons peu élevés. Au bout de quinze jours déjà, de petites chenilles brunâtres en sortent; mais elles grandissent à peine jusqu'à l'hiver et s’engourdissent aux premiers froids. Âu printemps, elles se réveillent et se mettent à manger, elles deviennent grandelettes, verdâtres, et se tiennent sur les feuilles, aux endroits ombragés, fortement crampon- nées à la nervure médiane. Elles atteignent leur taille en juin, c'est- à-dire 4 à 5 centimètres de long et présentent alors, sur un fond d'un beau vert, un pointillé de jaune et des traits obliques de cette même couleur. Le corps est fuselé, plus gros en avant qu'en arrière et la tête est prolongée supérieurement par deux cornes, bifides à leur extré- mité. Bientôt la chenille se fixe par le bout du corps à l’un des rameaux de son arbre nourricier et se transforme en une chrysalide bombée présentant une forte arête le long du dos et deux pointes à la tête. Elle est d'un vert pâle, souvent bleuté ou blanchâtre. Au bout de deux à trois semaines, le papillon en sort. Il est plus ou moins fré- quent, suivant les années, et semble d'autant mieux effectuer son déve- loppement que l'année est plus humide. On le voit en outre plutôt dans la plaine que dans la montagne. Le mâle mesure 6,8 à 8,3 centimètres d'envergure, la femelle 7,4 à 8,6 centimètres. LE SYLVAIN AZURÉ — Limenitis camilla Schiff. Mâle, grossi deux fois, posé et inspectant son domaine. Mâle, grandeur naturelle, volant au-dessus d'un chemin. L'Epine noire ou Prunellier ou Prunier épi- neux — Prunus spinosa L. 13. LE SYLVAIN AZURÉ 13. LE SYLVAIN AZURE Limeniris (Fab. Ochs.) camilla (Schiff. S. V.) ou rivularis (Scop.) ou sibylla (F.) — LE CAMILLE feuille de lonicéra? Sa couleur, sa forme globuleuse, ses granulations régulières ornant tout l'hémisphère supérieur, enfin sa situation sur ce buisson, dans la clairière bien exposée au soleil, le font vite reconnaître : c'est l'œuf du SYLVAIN AZURÉ. La petite chenille qui en sort n’a que 2,3 à 2,5 mm. de long; elle pré- sente une tête grosse et noire, un corps gris brunûâtre, et tout le long du dos, dix paires de verrues à peine marquées, d'un gris jaune. Après un premier repas prélevé sur l'enveloppe blanchâtre de son œuf, la bestiole s'apprête à goûter du lonicéra; mais elle est si minus- cule qu’elle a beaucoup de peine à gagner le bord de la feuille dont la surface est légèrement velue. Enfin, elle y parvient et dès que ses pre- mières bouchées lui ont donné suffisamment de force, elle commence à couvrir de soie la nervure médiane de la feuille. Elle renouvelle ce travail chaque jour, tout en dévorant le limbe à droite et à gauche de la nervure, se réservant ainsi une étroite passerelle tapissée de sole où elle se tient une bonne partie de la journée et d' où elle peut faire bombance sans danger de chute. Deux ou trois jours après, elle a déjà doublé de longueur et bientôt elle subit une première mue, puis une deuxième. Mais voici venir l'automne et les feuilles du locinéra commencent à jaunir : elles ne pourront bientôt plus être consommées. Or dans ces circonstances, le vermisseau agit fort judicieusement : la feuille déjà entamée, il la parcourt en tous sens: 1l trottine le long du pétiole, il va jusque sur le rameau d’où sort la dite feuille, et tout en chemi- nant, comme le font les chenilles processionnaires, 1l dépose devant lui un fil de soie qui adhère au support. Bientôt, grâce à ces multiples attaches, Qi est donc ce petit point vert clair qui brille au centre d’une 90 LE SYLVAIN AZURÉ le pétiole se trouve fixé à la branche et lorsque les autres feuilles tom- bent une à une sous l’action des gelées, celle-ci ne bouge pas. Toute- fois, la sève ayant cessé de lui communiquer la vie, elle se dessèche, elle se recroqueville et se referme sur la chenille. Lorsque les lèvres de la feuille se rapprochent à souhait, l’ingénieuse bête achève elle- même la fermeture de sa prison en la capitonnant de soie. Elle ménage un unique orifice qui doit lui permettre de s'évader au printemps, puis elle attend avec patience le retour des beaux jours. Lors- qu'elle est bien sûre que le chèvrefeuille a reverdi, elle sort tout émaciée et ratatinée de sa cachette et attaque la feuille la plus proche. Bien vite elle retrouve ses proportions et son port normal, et la crois- sance reprend. Elle se tient, entre ses heures de repas, sur le rameau, gris comme elle, avec l'extrémité postérieure de son corps relevée et la tête penchée en avant d’un côté de la branche. Une quinzaine de jours plus tard, elle passe par une troisième, dix jours après par une quatrième et dernière mue. Cette fois la robe de la chenille com- mence à se tenter de vert, et cette nuance devient même très bril- lante au bout de quelques jours. Les verrues que nous avons déjà remarquées tôt après sa sortie de l'œuf, se présentent maintenant sous la forme de deux tubercules charnus et épineux, placés sur chaque anneau, très proéminents sur les segments deux, trois, cinq, dix et onze, très courts, au contraire, sur les segments quatre, six, sept, huit et neuf. Tous ces prolongements et une rangée de petites verrues latérales, de même que la face ventrale et la tête sont d'un rouge vineux, pourpre ou rose. Une ligne blanchâtre court le long des flancs, séparant le vert du dos d'avec le rouge du ventre. La che- nille ne relève plus maintenant l'extrémité postérieure de son corps, mais bien la partie antérieure à laquelle elle donne une courbure gracieuse en baissant la tête. Dix à douze jours après sa dernière mue, elle atteint 4 à 4,5 centimètres. Elle redevient brun jaunâtre et fina- lement se suspend à la branche même qui l’a vue naître, par le bout de l’abdomen, la tête placée en bas. Le lendemain, elle se transforme LE SYLVAIN AZURÉ 91 en une chrysalide d'un gris brun assez terne et d'une forme bizarre, reconnaissable surtout au prolongement foliacé qui s'élève sur le milieu du dos. Douze à quinze jours plus tard, quatre semaines disent certains auteurs, la chrysalide devient noirâtre et le lendemain le papillon en sort. Il va rejoindre ses semblables, parcourir chemins et ravins et gorges ensoleillées. Regardez-le voler au-dessus du sentier bordé de buissons qui longe la forêt : protégé de la brise par la haie, tourné en plein midi, ce coin est une véritable étuve. Mais c’est pré- cisément dans cette atmosphère surchauffée que le SYLVAIN AZURÉ se délecte et qu'il déploie tous ses charmes. À deux ou trois mètres au-dessus des pierrailles du chemin, il plane élégamment, les ailes grandes ouvertes. Tout à coup il s'arrête et sur une des feuilles de noise- tier, d'épine ou de chèvrefeuille qui surplombent le chemin, il vient se poser, la tête tournée du côté du sentier qu'il inspecte et surveille comme si cette clairière aimée était faite pour lui seul. Qu'un rival, en effet, survienne, amant tout comme lui de ce site enchanteur, le pro- priétaire de fortune aussitôt s'élance et poursuit l'intrus. Mais ces ins- tincts de possesseur jaloux, cette humeur quelque peu belliqueuse ne dénotent pas un mauvais caractère, c'est un moyen de plus quelanature emploie pour mettre en évidence la grâce et les charmes de ce beau papillon : immobile au bord de sa feuille de noisetier, les ailes à demi ou complètement relevées, il montre au passant la richesse incom- parable de ses dessous d'ailes éclatants: maintenant, avec son rival, il exécute au-dessus de vos têtes des pirouettes sans fin : l’un tourne autour de l’autre et tous deux font jouer sous tous les angles et se profiler sur le ciel bleu leur impeccable damier noir et blanc. Dans le Jura et d’une manière générale à la montagne, ce papil- lon n'apparaît qu'une fois l'an, de juin à août, spécialement en juillet. Dans la plaine ou le midi, où il n’est pas rare non plus, le beau SYL- VAIN AZURÉ apparaît en mai et Juin, puis une seconde fois en août et septembre. Il varie entre 5,7 et 6,5 centimètres d'envergure, la femelle étant plus forte que le mâle, mais de même couleur. Le GAMMA — Vanessa c-album L. Mâle et femelle, grandeur naturelle, posés et buti- nant (génération du printemps). Mâle, grossi deux fois, au repos (génération d'automne). (On trouve parfois en même temps que la génération du printemps, des exemplaires isolés de celle d'automne qui ont passé l’hi- ver.) La Viorne lantane ou mancienne — Wibur- num lantana L. LE GAMMA 14. mn, ni ME 1 f ' v ro d ‘L A } } 1 ” 1] Ju | PE £ | CA à (4 i n à OL LOZN 21} 4 {l A N L L | CRAUPE » Fi { Hit JA À # \! AT (A Re DR ON RRE OR T n'a ‘AU OA LE Q ’ # Eur. 2 e ? ' NE , LA! L 4 VE à QU k Lu ® OA » LP RES { 1 À RP : » ue, \ 10e À ‘ 7h. 1 YO $ RU, Le \ Au { } Û QU UA à SH N,ù 14. LE GAMMA VANESsA (Fab. L.) ou PoLyconIA (Hb.) ou GRAPTA (Kirby) c-album (L.) ou gamma (H.) — LE PAPILLON-C ou LE C-BLANC OICI le C-BLANC! ce nom ne suffit-il pas, à lui seul, à faire reconnaître aussitôt le papillon qui porte cette lettre d'argent incrustée dans du velours brun ou fauve? — On ne pourrait s'y méprendre, même si l’on devait chercher le C-ALBUM au milieu de nombreuses espèces. Le nom de GAMMA s'explique aussi, le signe blanc ressemblant parfois à la forme majuscule de la troisième lettre de l'alphabet grec. Vu de dessus, le papillon varie très peu, si ce n’est que la femelle a les ailes un peu plus larges que le mâle, avec les prolongements de la marge moins marqués; la teinte fondamentale est d'un jaune ocré plus terne et plus pâle, surtout le long des bords. Le dessous des ailes, par contre, varie beaucoup : il est tantôt d’un jaune ocre assez clair, plus ou moins agrémenté de brun, de rose et de vert, tantôt 1l est d'un brun noirâtre, lavé de violet et de vert, tantôt d’un gris brun sombre et presque uniforme. La génération du printemps, qui appa- raît en mai et vole jusqu'en Juin et Juillet, est, en général, repré- sentée par des individus clairs, celle de l'été, que l'on voit de juillet à octobre, mais surtout en août et septembre, par des types sombres. Cette différence de costume est plus marquée encore chez une espèce voisine, la Vanessa levana (L.) dont quelques auteurs font un genre à part, le genre Arachnia (Hb). C'est la plus petite de toutes les Vanesses. Lorsqu on l'aperçoit, en avril ou mai, dans son costume de printemps jaune ocre ou orangé, varié de nombreuses taches, bandes et lignes brun noir, on croit voir une Mélitée (el. 20 et 21), dont elle a aussi la grandeur. Mais lorsqu'elle réapparaît en juillet et août, elle est si différente, que pendant longtemps on a cru avoir affaire à deux espèces tout à fait distinctes, surtout qu'ici ce n'est pas 96 LE GAMMA seulement la face inférieure des ailes qui change, comme chez notre C-ALBUM, mais surtout la face supérieure. Dans son costume d'été, (la Carte Géographique», car c’est ainsi qu’on appelle la Vanessa levana, a les ailes plus allongées que le type du printemps, et, par ses couleurs et la disposition de ses taches, elle ressemble tout à fait aux Sylvains (Limenitis sibylla (L.) et populi (L.) : une bande assez large, blanc crème, irrégulière, traverse les deux paires d'ailes, qui sont d'un brun sombre. Une fine ligne plus ou moins interrompue, dernier vestige du jaune de l’autre type, suit, à deux ou trois millimètres de distance, les sinuosités de la marge extérieure des ailes: c’est la variété prorsa (L.). Chose curieuse, ces variations dans la couleur sont dues à la température que doit supporter la chrysalide, celle-ci passant l'hiver pour la génération du printemps, vivant au contraire en plein solstice pour la génération d'été. Si donc on place, à l’arrière-automne, des chrysalides destinées à passer l'hiver, dans une chambre chauffée, on obtient des papillons semblables à ceux de la génération d'été, ou en tout cas beaucoup plus sombres que le type du printemps, et si l’on met dans une glacière, pendant un certain temps, des chrysa- lides d'été, on obtient la forme claire. Mais revenons à notre GAMMA, dont les différentes couleurs pour- raient bien provenir aussi de la nourriture variée de cette espèce. En effet, on rencontre la chenille du C-BLANC tantôt sur des plantes basses ou grimpantes, telles que l'ortie et le houblon, tantôt sur des buissons comme le lonicéra, le prunellier, le noisetier, tantôt sur des arbres: le saule, l’orme, le cerisier sauvage. Enfin, la plante sur laquelle on trouve le plus souvent et le plus sûrement notre larve, c'est le groseillier. La belle chenille du GAMMA vit isolément et à découvert. Elle est décorée, sur chaque anneau, de sept épines charnues, courtes et ramifiées, de la couleur du fond; elle présente sur les flancs une broderie superbe de bandes jaune orange, grises et noires, qui alternent et s'entre- croisent. Quant à son dos, il est jaune ocre ou orangé sur les cinq premiers segments, d'un beau blanc ivoire sur tout le reste du corps. LE GAMMA 97 La tête, variée de gris noir et de jaune roussâtre, s'orne de deux tubercules, branchus comme les épines du corps, mais plus courts. Volontiers, lorsqu'on la dérange, cette chenille incline la tête et l'avant du corps d’un côté de la branche, tout en l’abaissant, comme si la présence d'un être humain l'intimidait. Jeune, elle est d’un vert noi- râtre. On peut la trouver d'avril jusqu'en octobre, mais c’est surtout en juin-juillet, puis en automne, qu'il faut la chercher. Une fois par- venue à sa taille, elle atteint 3,4 à 3,6 centimètres de long. De même que la plupart des chenilles très poilues ou épineuses, celle-ci est rarement mangée par les oiseaux. Le coucou est presque seul à s’at- taquer à semblable gibier; conformé pour cela, il semble rechercher les bêtes velues et ne craint même pas la toison urticante des che- nilles processionnaires. La chrysahde du C-ALBUM, à l'abdomen fortement recourbé, est suspendue par le bout de la queue. Elle est jaune, rougeâtre ou incarnate, avec des taches brunes ou verdâtres et des points dorés ou argentés placés à la base du dos et ressemblant à des pierres précieuses, tant ils sont brillants. Cette superbe nymphe éclôt au bout de deux à trois semaines et donne issue à un papillon très vif, au vol rapide, qui fréquente les jardins, la cour des maisons, les endroits pierreux, le bord des chemins, l'orée des bois. Il se pose souvent sur les pierres ou contre les murs. Mais on le voit aussi, de temps à autre, sur les fleurs et surtout sur les fruits mûrs que la pluie a fendus. Son envergure varie entre 4,2 et 5,4 centimètres. Lorsqu'il est engourdi par le froid, ou plongé dans son sommeil, il a l'étrange habitude de porter ses ailes supérieures très en avant, ce qui, grâce à leurs échancrures, lui donne un aspect tout à fait insolite, comme on peut s'en rendre compte en jetant un regard sur notre planche. # Quelques exemplaires de la deuxième génération passent iver. La GRANDE-TORTUE — Vanessa polychloros L. Mâle, grandeur naturelle, butinant. Mâle, grossi deux fois, au repos sur un caillou. Le Sédum ou Orpin âcre — Sedum acre L. Le Sédum ou Orpin blanc — Sedum album L. 15. LA GRANDE-TORTUE L te vs VA AT (| | # è que 1 * € l'a LE LA" 1 [1 1 ‘ : ; r SFr ay L " CEA , us tion: NAN LUN MUR AO TTEES W7 2 Hi Dre M Fr NUE SE il + ( to MEN br x AR hSCATUE ! LA 12 1 L CT : DJ \ j re : # MIA C TINEUNEAM 2 DFA LUN Xe) MS RD, nd A F h h, d 1 j Ü \ \ L p à 1 | Li - ; { ‘ 5e ga f LA \ 7 ù (A D / s % ! ! , ‘ < £ f a, d MDN | ES È « n en: é " A 1 \ A Ce p L! 4 L. À > 1 1 " î: \ " à » ; \ L 0 k ï 48 CU | Ÿ a ü — œ : ' n î J y 1 Li : r " L LL LE à ; [l À j à Let | 2 “Tr ES le = } " Ÿ d ct AR SNA ET s Qu 1 1 NE 4 ' \ Fi n NS 4 k A [1 LE 2 4 : V 1 GT. 5 d HER F L A * ‘ } : \ Y JAN RC RAS à ’ AN è 3 N' ; VAR 2 à | { À à Pa v 3 + LA mn Ur ne BASIC MRNENEN TER DER PT CU » ee. * J . 1! We 1 \ TN) to Q M ÿ ‘ È ‘à l ) ; ; h CNET TROT HOMME Ad) À ra DER RSR, 27 AT 0 LE VE TO # LAN GET À TuPR 4 ÿ 104.1 4, y # à | \ n » % 7 { * ; 4 le NN] v \ or 1 k n \ | 4 h M {à Ni: P \ “ : Ê | nl 15. LA GRANDE-TORTUE VANESsA (Fab. L.) polychloros (L.) — LE GRAND-RENARD ou LA VANESSE DE L'ORME VEC le Gamma (p. %6), nous avons abordé la série des chenilles épineuses, celles des Nymphalides. Parmi ces dernières, les larves des Mélitées (p. 131-139) et des Argynnes (p. 143-157) vivent toutes sur des plantes basses, et il en est de même des chenilles de la Belle-Dame, de la Petite-T ortue, du Paon-de- Jour et del’ Amiral (p. 107- 127). La première de ces quatre se nourrit de chardons, les trois autres de l'ortie. La chenille du Gamma (p. 96), ainsi que nous l'avons vu tout à l'heure, mange également de cette dernière plante, mais on la rencontre souvent sur des buissons, même sur certains arbres. Enfin, la chenille de notre GRANDE- TORTUE vit toujours et exclusivement sur les arbres. Son habitat fréquent sur l'orme a valu à l'espèce le nom de « VANESSE DE L'ORME», mais on la trouve aussi sur les ceri- siers, surtout les griottiers, ainsi que sur le poirier, où elle se ren- contre parfois en si grand nombre qu’elle peut devenir fort nuisible. Dans la campagne, on la voit encore sur le saule, le peuplier, l'aulne, le chêne, enfin, dit-on, sur presque tous les arbres à feuilles ; mais Jamais sur des buissons ou des plantes herbacées. Comment se fait-1l donc que deux espèces aussi voisines que le GRAND et le Petit- Renard aient des chenilles dont les goûts diffèrent tant? — Quoi qu il en soit, parcourons en juin, les vergers, les allées d’ormes, les saulaies, et, bien que notre espèce ne soit pas fréquente, beaucoup moins que la Petite-Tortue, nous tomberons peut-être sur une colonie de ses chenilles. Comme c'est le cas pour la plupart des Vanesses, la femelle de la GRANDE- TORTUE, lorsqu'elle a trouvé un arbre, une extrémité de rameau à sa convenance, y dépose un vrai monceau d'œufs, jusqu'à soixante et plus. Ah! certes, elle n’a pas la patience, le beau zèle du Flambé (pl. 1) ou du Citron (pl. 7) qui par- courent des kilomètres pour déposer un nombre égal d'œufs. Grâce 102 LA GRANDE-TORTUE à cette manière de faire, les arbres habités par les chenilles de la TORTUE sont peu fréquents et c’est ce qui explique la rareté appa- rente de la chenille. Mais celui qui tombe sur une ponte de cette espèce a, dès lors, à sa disposition, de nombreux sujets d'étude et d'élevage. L'œuf du GRAND-RENARD est luisant, pyriforme, jaune clair. Sa chenille atteint 4,5 à 5 centimètres de long. Elle est noir bleu, gris bleuâtre ou gris brun, avec trois bandes longitudinales d'un jaune foncé ou d’un roux mat. Une de ces bandes, la plus large, parcourt le milieu du dos, les deux autres les flancs. De fines soies blanches sor- tent de la peau. Quant aux épines branchues, caractéristiques du genre, elles sont ici jaunes, comme les bandes claires. C'est en juin, avons-nous dit, qu'il faut chercher cette chenille, mais à vrai dire on peut la trouver déjà en mai et la découvrir encore en juillet et même parfois jusqu'en août et septembre. La chrysalide, suspendue par la queue et anguleuse comme tou- tes celles des Vanesses, est d’un brun plus ou moins foncé, ou d'une teinte incarnate. Les deux pointes qui terminent la tête, ainsi que les douze qui ornent l'abdomen, sont noires. Quelques taches métalliques, généralement dorées, brillent sur le dos. Le papillon apparaît dès la fin de juin ou au mois de juillet et vole jusqu’en automne. Beaucoup d'exemplaires passent l'hiver dans quelque cachette abritée et sèche, et volent encore au premier prin- temps. Au sud des Alpes, ainsi qu’à de rares occasions, sur les bords du Léman, le papillon apparaît deux fois dans l'année. On le voit à la lisière des forêts, dans les vergers, mais peut-être encore plus souvent le long des chemins, surtout dans les allées d’ormes. Il varie entre 5,9 et 7 centimètres d'envergure. Les plus petits représentants de l'espèce ont donc la même grandeur que les plus grands de la Petite-Tortue; mais le GRAND-RENARD est toujours plus terne et moins orangé que le Petit, les taches noires et surtout les dessins du bord des ailes sont plus estompés, les petites lunules bleues beaucoup LA GRANDE-TORTUE 103 moins vives de couleur et même absentes sur l'aile supérieure; enfin la marge est plus découpée et moins régulière. La GRANDE- TORTUE est aussi la Vanesse la plus poilue. Le duvet soyeux et doré de la face supé- rieure s'étend largement sur les ailes, et, sous celles-ci, de petits poils isolés envahissent presque toute la surface et dépassent la marge en avant, comme pour protéger la tête lorsque l'insecte somnole, les antennes bien cachées entre les ailes et celles-ci étroitement rap- prochées les unes des autres. Se tenant souvent dans cette posture contre le tronc des arbres, l’insecte, avec ses marbrures et ses cou- leurs, se confond à merveille avec l'écorce. La chenille de la VANESSA POLYCHLOROS vit en société sur les arbres et imite en cela celle du splendide Morio, le « Manteau-de- deuil» de nos voisins d'outre-Rhin, la Vanessa antiopa (L.) des savants. Nous ne pouvons le passer sous silence, car c'est la plus grande des espèces de ce genre, variant entre 6,8 et 8,3 centimètres d envergure. Sa robe est un velours somptueux, d'un brun pourpre foncé, passant au noir sur les bords. Là, dans la partie la plus sombre, étincellent tout autour des ailes, une série assez régulière de gouttes bleues, d'un bleu de turquoise exquis et soyeux. Enfin, un large ruban blanc crème ou jaune paille, très finement zébré, par place, de noirâtre, borde encore et parachève ce costume, tout en suivant les découpures capricieuses de l’aile. Or ce beau papillon que l'on voit le long des chemins bordés d'arbres, dans les campagnes, les vergers et les jardins, de juillet jusqu'en mai, engendre une grosse chenille noire atteignant jusqu’à 5,5 centimètres de long, et ornée sur le dos d’une lignée de huit taches rouge feu. On la trouve de mai à juillet sur les différentes espèces de saules, le bouleau, le peu- plier, le tremble, et, dit-on, l'orme. La chrysalide est d'un brun rose ou noirâtre avec des pointes sombres ou rousses. Elle donne naissance au papillon après dix à quinze jours. Celui-ci, qui aime à se poser contre le tronc des bouleaux, en ouvrant toutes grandes ses ailes, vit longtemps, et passe encore l'hiver. La PETiTE-TORTUE — Vanessa urticæ L. Femelle, grandeur naturelle, au repos, à terre. Femelle, grossie deux fois, se chauffant au soleil, à terre. 16. LA PETITE-TORTUE 16. LA PETITE-TORTUE VanessA (Fab. L.) urticæ (L.) — Le PeriT-RENARD À montée est longue, le chemin escarpé. Celui-ci évite les pré- cipices, contourne les rochers, monte, descend, remonte encore. On a peine à croire que des troupeaux puissent passer par là. Pourtant, voici le sentier qui sort de la forêt et débouche dans un grand pâturage. Des clochettes se font entendre, on approche de l'alpage. En effet, en continuant l'ascension qui maintenant est une promenade sur cette pente gazonnée toute décorée de fleurs, on ren- contre un troupeau de petites vaches rousses, gardées par un jeune pâtre et son chien; et dans un repli de terrain, faisant face au glacier, apparaît un joli village, ou plutôt un simple groupe de chalets. Ils sont si bien adossés à la pente qu ‘on les distingue à peine parmi les rochers et les blocs épars qui surgissent de la verdure. L'un d’entre eux, plus grand, placé au centre, est celui des bergers. Tous les autres sont des étables rustiques et de très petites dimensions, ouvertes d'un côté. Les engrais naturels sont abondants et descendent en une coulée de lave sur la pente. Deux seules plantes sont capables de supporter ce dosage extrême et prospèrent merveilleusement en ces lieux. C’est tout d'abord la grande oseille, le rumex des Alpes, dont les feuilles devenues gigantesques recouvrent et dissimulent en partie le fleuve nauséabond. L'autre plante, c’est l’ortie. Elle se tient, 1l est vrai, plus à l'écart que l’oseille, mais pousse à foison au pied de toutes les masures, le long des chemins, dans les cailloux. Or avec elle, l'ortie a amené ses hôtes. Si la vertu urticante de ses poils est désa- gréable à l'homme, il y a des êtres, même fort petits, à la peau appa- remment très délicate, qui n’en craignent pas le feu, et qui s'en nour- rissent. De ce nombre sont les chenilles de la plupart des Vanesses dont nous venons d'étudier déjà deux espèces. C'est donc grâce à l'ortie, détestée cordialement par tout propriétaire de jardin, que ces beaux papillons, si brillants de couleurs, rôdent autour de nos mai- 108 LA PETITE-TORTUE sons et viennent étaler sous nos yeux leurs charmes. Mais revenons à nos chalets et aux touffes d'ortie qui les encadrent. Dans quel piteux état elles sont : des tiges raides, presque nues et dépouillées de leurs feuilles, se dressent partout. Que leur est-il donc arrivé? Ce ne sont certes pas les vaches, craignant comme nous les brûlures, qui les ont arrangées de la sorte. Mais non, ce sont les chenilles de la PETITE- TORTUE. Quelques-unes sont encore là, vivants témoins de la horde dévastatrice qui a dû habiter ces lieux. On découvre main- tenant les jolies chrysalides suspendues par la queue, sveltes et angu- leuses, longues de 2,1 à 2,3 centimètres, d'un gris violacé ou brun rouge plus ou moins moucheté de noir, avec parfois sur le dos quel- ques taches dorées accompagnant les douze pointes dorsales noires à extrémité orange. Il y a de ces nymphes contre les tiges des orties, contre les murs de soutènement des chalets, contre les parois de plan- ches de ceux-ci, et jusque sous les toits. L’extérieur ayant de multiples communications avec l’intérieur, c'est même en dedans qu'elles sont le plus nombreuses, et si l’on entre dans une des étables, c'est par vingtaines qu'on peut les compter. Mais chose curieuse, sur les orties, sur les pierres et sous les toits, on voit, tout à côté des chrysalides, de pauvres chenilles pantelantes ou desséchées, à demi cachées sous un monceau de petits cocons jaune pâle. Comme nous l'avons déjà vu à propos de la Piéride du chou (p. 36), ces cocons sont ceux du microgaster, un tout petit hyménoptère noirâtre qui pond ses œufs dans ceux du papillon. Hélas, les chenilles infestées par la petite guêpe sont plus nombreuses que les chrysalides, et parmi ces der- nières encore, beaucoup sont ternes, tachées de noir et percées d'un trou rond. Elles ont été victimes d’un diptère qui ressemble à notre mouche domestique. Sur les centaines, peut-être les milliers de che- nilles qui ont habité ce village, quelques-unes seulement donneront donc naissance au papillon. La chenille de la PETITE- TORTUE atteint 3,5 à 4 centimètres. On la trouve en groupes plus ou moins nombreux sur nos deux espèces LA PETITE-TORTUE 109 d'orties, formant, par places, sur les feuilles, de vraies grappes vivan- tes. Il faut la chercher en juin, puis en août, mais à vrai dire les géné- rations se confondant plus ou moins, on peut en voir d'avril jusqu’en septembre. Elles sont le plus souvent noires avec deux bandes jaune citron très rapprochées l’une de l’autre, sur le dos, et deux autres sur les flancs. D’autres fois, ces bandes sont d’un jaune tirant sur le vert ou le brun, ou bien elles disparaissent complètement sur le dos. Enfin, à l'occasion, 1l n'y en a plus trace, même sur les côtés, et la face dorsale étant saupoudrée d’un certain nombre de petits points blanchâtres, la chenille ressemble alors à celle du Paon-de- Jour (p.114), mais cette dernière a les fausses pattes brun rouge, tandis que la PETITE- TORTUE a tout le ventre et les pattes verdâtres. En outre, les épines charnues et verticillées, caractéristiques des Vanesses, sont courtes chez URTICÆ, très longues et acérées chez io. Quand la chenille se sent mûre pour la métamorphose, elle se suspend par la queue et se tient un peu enroulée sur elle-même. Le lendemain elle se transforme en chrysalide et deux semaines plus tard le papillon en sort. Il varie entre 5 et 6,2 centimètres d’enver- gure. Comme 1l passe l'hiver dans quelque cachette bien abritée, souvent dans les maisons, 1l lui arrive, si le temps est très doux, de se réveiller en plein hiver et de voler le long des chemins, dans les jardins bien exposés au soleil. Dès les mois de mars ou d'avril, en tout cas, 1l apparaît partout. C’est un des plus communs de nos papil- lons de jour et il vole presque tout l'été jusqu’en octobre. Aimant à se poser à terre, il ne dédaigne pas cependant les fleurs, comme le font les beaux Apaturides (p. 84). Il suce avec un plaisir évident les sucs des œillets, des asters, de la marjolaine, des chardons, surtout de la carline acaule aux pétales blancs et lisses sur les capi- tules de laquelle on en voit souvent deux à la fois. Le PAoN-DE-Jour — Vanessa io L. Femelle, grandeur naturelle, posée sur une pierre. Fe- melle, grandeur naturelle, au repos. 17. LE PAON-DE-JOUR 17. LE PAON-DE-JOUR VANESsA (Fab. L.) io (L.) — L'ŒrL-ne-PaoN-pu- Jour E paon a toujours été considéré comme un des plus beaux oiseaux, un des plus nobles et des plus majestueux. Depuis l'antiquité, on le place, à titre d'ornement, dans les parcs et les jardins, jusque dans les palais. Son plumage est si somptueux, son port si élégant et digne, sa queue si merveilleusement décorée et si belle lorsqu’ il l'étale pour charmer son humble compagne, que l'on excuse son cri aigre et perçant, seul travers du splendide animal. Or il existe un papillon, très connu du reste, dont les ailes portent des yeux qui font penser à ceux de la queue du paon. On l'a appelé, pour cette raison, le « PAON-DE- JOUR », en allemand «L'ŒIL-DE-PAON DU- JOUR », par opposition aux Paons-de-Nuit (pl. 44), autres papillons à ailes décorées de grands ocelles. Mais notre VANESSE ne ressemble pas seulement à l'oiseau par ses yeux, elle le rappelle aussi par la beauté de son costume, un velours délicat, orné d'applications de soie, lustrées et chatoyantes, tandis que le dessous des ailes est fait d'une moire sombre et riche. Hélas, ce beau costume subit le sort de beaucoup d’autres : après la mort, le blanc qui orne l'aile supérieure devient jaunâtre, souvent même d'un ton ocre assez foncé: le rouge « Terre de Sienne » du fond de l'aile jaunit également ; enfin le dessous des ailes, presque noir, à reflets légèrement bleutés, pâlit et passe au brunâtre terne. Ah! c'est vivante qu'il faut regarder la bête, c'est vivante qu il faut la peindre! Combien de planches d'histoire naturelle se ressentent fâcheusement d’avoir été exécutées d'après des exem- plaires morts. Il faut bien que les peintres de champignons et de fleurs s'arrangent à à trouver des modèles tout frais; pourquoi ceux qui s'occupent d'i insectes n ‘en feraient-ils pas autant? Et pourquoi y at-il tant d' artistes qui se vouent au paysage, à la figure, à la nature morte, et si peu qui attaquent ce domaine infini des petites bêtes, où il y a encore tant à faire? 8 114 LE PAON-DE-JOUR Mais revenons au PaoN-pe- Jour. Ce n'est pas précisément une espèce rare, mais cependant il n’est pas très commun, aussi c'est tou- jours un vif plaisir de le voir apparaître dans nos jardins, aller et venir de son vol joyeux, souvent plané, et se poser sur les fleurs, les ailes habituellement ouvertes. Dans les campagnes, les lieux un peu sau- vages, parsemés de pierres, d'orties, de grands chardons, on le voit s'arrêter sur les scabieuses, et toutes les autres composées, et plus souvent encore sur la marjolaine. Il se pose aussi à terre, sur les che- mins, surtout lorsqu'il se réveille au printemps, heureux de sentir à nouveau les caresses du soleil. Le PAON-DE- JoUR varie excessivement peu, si ce n'est dans l'en- vergure de ses ailes dont la mesure oscille entre 5,5 et 7 centimètres, avec une moyenne habituelle de 6 à 6,2. On le rencontre en deux générations de juin ou juillet jusqu’en avril ou mai de l'année sui- vante. Il passe l'hiver endormi dans les trous des murailles, dans les greniers, même dans les chambres non habitées de nos demeures, où il s'accroche, au plafond, avec les ailes étroitement rapprochées. Il partage souvent son refuge avec la Petite-Tortue, mais celle-ci est toujours, même à cette saison, beaucoup plus commune que lui. En avril ou mai, après l’hivernage, la femelle pond des œufs vert clair, ornés de côtes saillantes. [ls sont placés par paquets de trente à quatre-vingts pièces, sur les pousses fraîches de l’ortie, et laissent échapper leur contenu au bout d'une quinzaine de jours. La chenille ressemble un peu à celle de la Petite-Tortue que nous venons d'étudier, mais elle devient plus grande que celle-ci, elle est plus allongée, et a des piquants plus longs. De plus elle est toujours noire avec quelques petits points blancs à la commissure des anneaux et sur les côtés, ce qui lui a valu le nom de ( CHENILLE A BANDES DE PERLES »; les fausses pattes sont brun rougeâtre, tandis que chez la Petite-Tortue elles sont gris vert. La chenille du PAON- DE- JoUR, longue de 4,5 centimètres environ, vit en colonie sur l'ortie et le houblon de mai à juin ou juillet, et, plus rarement, sous forme LE PAON-DE-JOUR 115 d'une deuxième génération, d'août à octobre. Mais elle n’est pas fréquente, et, de plus, lorsqu'on la trouve, on n'obtient pas toujours le papillon, parce que souvent les chenilles sont malades ou piquées par différents diptères et hyménoptères. La chrysalide, qui pend la tête en bas, est attachée par le bout du corps aux murailles, aux troncs d'arbres, aux palissades des jar- dins. Mesurant 2,4 à 2,7 centimètres de long, elle est d’un vert clair et brillant ou bien d'un vert olive très finement zébré et marqueté de noir, enfin elle peut être gris brun sombre. Sur les fourreaux alaires et en tout cas à la base du dos, l'épiderme est plus ou moins doré. Sur l'abdomen se dressent six paires d'épines courtes, glabres, mais acérées, qui sont rousses avec la pointe noire. Au milieu du thorax s'élève une arête dont le profil ressemble à un nez droit. Enfin la tête se termine par deux grosses pointes coniques et divergentes, et, de chaque côté du corps, près de la naissance des ailes se trouvent deux saillies coniques, mais beaucoup moins élevées et plus obtuses que les pointes qui se dressent sur la tête. Cette conformation est à peu près la même chez toutes les chrysalides des Vanesses. Pour le PAON-DE-JoUR, la période nymphale dure de douze jours jusqu'à trois semaines. Le VULCAIN — Vanessa atalanta L. Mile, : grandeur naturelle, venant de se poser sur une pierre. Mâle, grossi deux fois, au repos sur le terrain. LE VULCAIN 18. 18. LE VULCAIN VanEssA (L. Fab.) ou PYRAMEIS (Hb.) atalanta (L.) — L'AMIRAL OTRE mère avait l'habitude de faire sécher, chaque année, de nombreux fruits, surtout des prunes. Après les avoir ouverts, elle les rangeait soigneusement les uns à côté des autres sur de grands plateaux, et ceux-ci étaient exposés au soleil. De pareilles installations, en pleine campagne, ne manquaient pas d'attirer de multiples amateurs. Pendant les quelques jours que nécessitait la des- sication complète de la pulpe, c'était, sur les plateaux, un bourdon- nement continuel d’abeilles, de guêpes, de mouches. De splendides papillons s'y arrêtaient aussi, de temps à autre, et c'est en survell- lant les plateaux de notre mère que nous fimes, enfants, la connais- sance de la plupart des Vanesses : la Petite- Tortue (pl. 16) était cons- tamment sur les fruits; la Belle-Dame (pl. 19) leur faisait de fréquentes visites, le Paon-de- Jour (pl. 17), de loin en loin, venait montrer ses beaux yeux, et même une ou deux fois, les prunes attirèrent le grand Morio aux ailes d’un noir pourpré, margées de crème. Mais il y avait encore deux autres Vanesses que nous aimions tout spécialement voir arriver chez nous, et qui, de plus, n'étaient pas rares: c'étaient le Gamma (pl. 14), dont le vol rapide et capricieux et surtout les ailes si étrangement découpées nous captivaient toujours, et le splendide VuLcain, la plus brillante de toutes les Vanesses, celle justifiant le mieux ce nom qui signifie { soleil» où (flambeau ». (D'autres tra- duisent «je brille ».) Son costume si impeccable avait, pour nous, un charme tout particulier, de même que son vol vif, très souvent plané. De plus, c'était avec la Petite-Tortue un des papillons visitant le plus assidûment les prunes, aussi avions-nous souvent l'occasion de l'admirer. Bien des années se sont écoulées depuis cet heureux temps et néanmoins, le VULCAIN nous charme toujours encore. Il y a, en effet, dans son costume, non seulement de la distinction, comme dans celui 120 LE VULCAIN du Paon-de- Jour, mais une correction, une netteté, un éclat tel, qu'il fait penser à un uniforme de haut rang, avec son drap noir à reflets violacés, ses galons orangés et ses boutons d'argent. C'est pour cette raison probablement que cette espèce porte aussi le nom d'AMIRAL. Dessous, l’aspect du papillon est très différent, surtout lorsque, par un jour de pluie, il a fait rentrer ses ailes supérieures dans leur étui et que les taches noires, rouges et blanches ont disparu. Il ne reste plus, dès lors, qu’une merveilleuse broderie, où les bruns dominent dans une gamme plus ou moins sombre, tendant parfois au brun foncé, avec des ornements moins marqués que sur notre planche. Mais vers la base de l'aile, un dessin noir subsiste toujours, imitant, sur l’aile droite, le chiffre 18 ou 78 et sur l’aile gauche le chiffre 81. Ce détail a valu à notre VANESSE, de la part de certains auteurs, le nom de « CHIFFRE que nous verrons, tout à l'heure, appliqué à l'Argynnis niobe L. (pl. 23). On remarque très bien sur la planche ci-contre une particularité qui caractérise bon nombre de Papillons de jour (comparez les plan- ches 12 à 33 avec les planches 1 à 11 et 34), mais qui est surtout frap- pante chez les Vanesses : le papillon n'utilise jamais, pour se tenir ou marcher, que les paires médiane et postérieure de ses pattes. La paire antérieure est, en effet, plus ou moins atrophiée et toujours repliée contre le corps. On voit voler le VULCAIN dans les jardins, les campagnes et le long des chemins, en une ou deux générations, pendant presque toute la saison chaude, mais surtout depuis le milieu ou la fin de l'été jusqu'en automne. Un bon nombre d'exemplaires passent l'hiver dans des arbres creux, des fentes de rocher et volent encore au pre- mier printemps. Ils se posent volontiers contre les murs ou les troncs en refermant parfois les ailes; ils se confondent alors étonnamment avec l'écorce ou les lichens. Ceci arrive du reste à toutes les Vanesses, dont le dessous des ailes, si différent de la face supérieure, est dessiné et coloré dans ce but. La Belle-Dame, en particulier, lorsqu'elle se LE VULCAIN 121 pose à terre, échappe aux regards, et imite en cela les Satyres que nous étudierons plus loin (pl. 27 à 29). L'’AMIRAL aime à sucer, sur les arbres, la sève qui coule d'une blessure ou l'humidité des parties vermoulues. Mais on le voit très souvent aussi sur les fleurs des jardins ou des campagnes, en particu- lier sur le lierre, une des fleurs les plus tardives de l’année et au prin- temps sur le lilas. L'’envergure de cette espèce varie entre 6,1 et 7 centimètres. La ponte a lieu en général après l'hivernage. La chenille vit surtout sur les orties, mais aussi sur les cirses (cirsium) et les immortelles (helichrysum). On la trouve en mai, juin ou juillet, exceptionnellement encore en automne. Elle vit isolée, comme celle du Gamma, mais s’enferme dans une feuille dont elle rapproche les lèvres avec des fils de soie. Elle atteint 4 à 4,5 centi- mètres; elle est plus épaisse et courtaude que les autres espèces du genre et varie énormément : elle peut être noire, gris cendré, brune, rouge clair, enfin vert jaune ou jaune pâle. Dans tous ces types, la surface du corps est parsemée de petits points blancs ou jaunâtres et les flancs sont ornés d’une bande jaune. Les épines sont de cette même couleur et les pattes fauves. La chrysalide, qui ressemble à celle de la Belle-Dame, est grise, noirâtre ou brune, avec un certain nombre de taches dorées sur le ne Les pointes de la tête sont plus obtuses qu'aux espèces précé- entes. La BeLce-DAME — Vanessa cardui L. Mâle, grandeur naturelle, posé et butinant. Mâle, grossi deux fois, posé et butinant. Le Sorbier des oiseleurs — Sorbus aucupa- ria L. 19. LA BELLE-DAME 19. LA BELLE-DAME VANESsA (Fab. L.) ou PYRAMEIS (Hb.) cardui (L.) — La VANESSE ou NYMPHE DES CHARDONS OUS sommes à 2462 mètres sur mer. La vue s'étend de tous côtés, merveilleuse. Le Mont-Blanc, sous son manteau imma- culé, s'élève comme un rempart majestueux, formidable. A notre droite est un précipice effrayant qui plonge d'un bond jusque dans la vallée. À notre gauche, des pâturages descendent en pente raide. Plus bas, ils sont émaillés de gentianes pourprées, de campa- nules barbues, d'arnicas, de plantes parfumées et multiples: aussi de petites vaches fauves ou rousses y paissent-elles, nombreuses. Ici, au sommet, l'herbe a presque disparu, elle est remplacée par de toutes petites plantes rases, appliquées sur le sol, ou se faufilant entre les cailloux pour mieux supporter les ouragans, qui, sur ces hauteurs, sont terribles : voici le minuscule (saule réticulé » aux tiges ram- pantes, aux petites feuilles vert foncé et luisantes, à nervures très mar- quées. Là ce sont des saxifrages, des androsaces, des céraistes. Un peu plus loin, un énorme névé s'étend encore, malgré le soleil de juillet. Une source claire en sort, et tout autour de lui, dans une zone que la neige vient de quitter, où la végétation est écrasée et brunâtre, les petites clochettes mauves et frangées des soldanelles se dressent, ingénument. De jolis corbeaux des Alpes, au bec jaune, aux pattes rouges, des chocards, s’entre-répondent, et leur voix résonne dans les rochers. On entend les lointains appels du pitpit spioncelle, et, de temps à autre, des niverolles étalent, en volant, leurs ailes et leur queue largement teintées de la couleur de la neige. Enfin, des marti- nets à ventre blanc, cette belle espèce peu connue au Jura, qui dépasse 50 centimètres d'envergure et que l'on peut sans hésitation placer en tête des voiliers de notre faune, franchissent en quelques secondes la longue pente de pâturage que nous avons mis près d’une heure à gravir, passent à quelques mètres au-dessus de nos têtes et du sommet 126 LA BELLE-DAME de la montagne, et plongent comme une pierre dans le gouffre. Silen- cieux, ils se croisent en tous sens dans l'air limpide et frais, montent, redescendent, et montent encore, à toute vitesse. Leur présence affirme d'une manière certaine l'existence, à cette altitude, de moucherons qu'ils gobent au vol, tout en poursuivant leur course vertigineuse. Or les moucherons seraient-ils les seuls insectes fréquentant ces hau- teurs? Mais non; regardez celui-ci qui monte à tire-d'aile : c'est un papillon. 1l se rapproche. … on aperçoit maintenant la couleur de ses ailes, un Jaune d'ocre rosé accompagné de taches blanches et noires; … c'est une BELLE-DAME! Comme le martinet, mais plus près du sol et moins vite que lui, elle monte la pente escarpée, passe à quelques pas de nous, sans s'arrêter, et, comme l'oiseau aux longues ailes en faux, elle descend dans le vide, d'un vol plané, contourne le grand rocher qui nous porte et disparaît à nos yeux émerveillés. La BELLE-DAME monte donc jusqu'ici! Et si le sommet avait été de 1000 mètres plus élevé, ne l'aurait-elle pas franchi de même? Il est permis de le croire, ou tout au moins de le supposer, car dans sa course conquérante, tel un alpiniste acharné, elle semblait vraiment avoir pour but la cime et ce n’est pas en survolant la croupe arrondie où paissent plus bas les vaches qu'elle a gagné le versant opposé de la montagne, mais bien en passant par-dessus le sommet rocailleux et venté, au pied même du signal. La BELLE-DAME est vraiment le martinet des Dhnlloss et de son vol rapide et soutenu, inlassable, elle franchit non seulement les Alpes, mais même la mer. Rare certaines années, très fréquente en d'autres, il lui arrive de former des vols fort grands et de passer ainsi d'un continent à l’autre. Grâce à ses instincts voyageurs, elle est connue dans le monde entier, à l'exception des tropiques; et, alors que certains papillons varient beaucoup, même dans notre petit pays, suivant l'altitude ou les régions qu'ils habitent, les BELLES-DAMES d'Afrique, d'Amérique ou d'Australie sont identiques aux nôtres. C'est tout au plus si le jaune d’ocre de leurs ailes se teinte parfois de LA BELLE-DAME 127 rouge clair ou si leur grandeur se ressent des différences de climat. La VANESSE DES CHARDONS varie habituellement pour l'envergure, entre 6,1 et 6,6 centimètres. Mais on peut trouver des exemplaires ne mesurant que 5,8, d’autres atteignant 7 et même 7,2 centimètres d'envergure. Une chose encore qui certainement contribue à l’extension de cette espèce, c’est le fait que, comme ses noms français et latins l'in- diquent, sa chenille se nourrit principalement de chardons. Or, où donc ces derniers ne prospèrent-ils pas? — On trouve généralement la chenille isolée et cachée dans un réseau de soie tendu entre des feuilles rapprochées, aussi bien sur les chardons acaules que sur les plus grandes espèces, voire même sur l’artichaut ; elle fréquente aussi la bardane et les orties et plus rarement les mauves, les gnaphales, l'achillée mille-feuilles et l’absinthe. Longue de 4,5 à 5 centimètres, elle est brun clair, grise ou noirâtre, avec une ligne dorsale et des stries latérales jaunâtres et entrecoupées. Quelques taches et points de la même couleur ornent la commissure des segments, et les épines char- nues sont jaunes ou grises. La chrysalide, suspendue comme toutes celles des Vanesses, a des angles un peu moins vifs que les autres. Elle est jaune ocre, brunâtre ou grise, et porte sur le dos d'assez nombreuses verrues à reflets d’or. Cette chrysalide éclôt générale- ment au bout d’une paire de semaines. Deux générations se succèdent pendant la belle saison, mais à vrai dire, elles se confondent si bien qu'on voit voler la BELLE-DAME presque sans interruption d'avril à octobre et qu'on peut trouver la chenille pendant toute la durée de la même période; plus fréquemment peut-être de mai à juillet. La VANESSE DES CHARDONS, faite pour voler, se pose peu lorsque le soleil est chaud. Elle parcourt de longues distances, va et revient d’un vol tantôt plané, tantôt saccadé, mais toujours rapide. Elle se repose seulement de temps à autre sur les fleurs des chardons, des scabieuses, du séneçon, sur les œillets, les inflorescences des ronces, les grappes du sorbier. La DÉESSE A CEINTURONS — Melitæa cinxia L. Femelle, grandeur naturelle, venant de se poser. Femelle, grossie deux fois, au repos. Le Sainfoin cultivé ou Esparcette — Ono- brychis sativa Lam. Le Dactyle pelotonné ou aggloméré — Dac- tylis glomerata L. 20. LA DÉESSE A CEINTURONS 20. LA DÉESSE A CEINTURONS MeEuiTÆA (Fab.) cinxia (L. F.) — LA MÉLITÉE ou LE DAMIER DU PLANTAIN E coucou vient d'arriver dans nos forêts, et du haut des grands hêtres dont les bourgeons éclatent, il fait entendre ses appels retentissants. Il est revenu tout exprès pour inaugurer la grande fête du printemps; et maintenant, de tous les arbres, de tous les buis- sons, du ciel même, des notes claires descendent, des trilles, des coups de sifflets : la fauvette à tête noire, à demi cachée par les feuilles nais- santes, glauques et finement velues de la (blanchette », fait résonner le bois de la phrase la plus joyeuse qu ‘un oiseau puisse chanter; le troglodyte, cette frétillante petite boule brune ornée d'une dilsetlé queue dressée en l'air, exécute à tout instant, à en perdre le souffle, une roulade qui semble sortir de la syrinx d'un merle, tant elle est puissante: la sittelle pousse ses (tui tui tui» répétés, tout en déco- rant l'entrée du trou qu’elle a choisi pour son nid, avec de l'argile gâchée. — Tout bouge et chante et bruisse et pousse : les frêles écailles des bourgeons tombent une à une, de délicats éventails s’ou- vrent lentement, de fines franges de poils soyeux s ’étalent et frisson- nent sous la brise. — Dans le pâturage qui borde la forêt, quelques massifs d'arbres séculaires s'élèvent ici et là. Des troncs splendides, musclés, énormes, luisants de santé se divisent en branches majes- tueuses qui montent bien haut et disparaissent dans le fouillis des ramilles verdissantes. Tout là-haut, des ramiers roucoulent. — A terre, l'herbe est encore rase, mais déjà de toutes parts la prime- vère officinale accompagne de ses taches jaune clair les longs épis carmin de l’orchis morio; quelle charmante harmonie! Des milliers de brins d’herbe d’un vert tendre émergent du sol, et les feuilles épaisses du plantain, qui ont passé l'hiver écrasées sous la neige, se redressent et s’étalent aux rayons du soleil. Ici ou là sur une de ces feuilles, une chenille grignote : sa tête et ses fausses pattes d'un beau rouge doré, son corps d’un noir profond ajoutent, sur le fond 132 LA DÉESSE A CEINTURONS de la verdure, une note de plus à la grande symphonie du printemps, cette symphonie parfaite, d'une richesse incomparable, faite non seulement de sons perceptibles à notre ouïe, mais composée d’autres notes, plus nombreuses encore, et tout aussi vibrantes, que nos yeux seuls perçoivent. Le corps de la chenille est parsemé de tout petits points blancs et ces points blancs sont rangés en bandes trans- versales, placées à la commissure des segments et entrecoupant le long corps noir d'une dizaine de ceinturons clairs. C'est cette parti- cularité qui a valu son nom français à l'espèce qui nous occupe, et, comme, à l'époque où nous sommes, tout parle de grâce, de beauté, de vie et de charme, 1l est compréhensible que l’on ait aussi comparé la belle chenille à une déesse. Sept rangées de petits tubercules char- nus, noirs comme son corps, allongés, ressemblant à des épines et eux-mêmes hérissés de poils, se dressent sur le dos et les flancs, d'un bout à l’autre de la bête. Les jolies chenilles noires à tête rouge ont passé l'hiver, encore Jeunes, en petites colonies, cachées dans un fin tissu de soie. Dès le mois de mars, elles se sont mises à manger, elles se sont dispersées, obligées quelquefois de traverser les dernières taches de neige pour trouver les feuilles désirées. Maintenant les voilà grandelettes et vigoureuses, très affairées et affamées. Elles engloutissent, bribe par bribe, les larges feuilles et y mettent tant de zèle qu'à la fin d'avril déjà, ou au commencement de mai, elles atteignent 2,5 à 3 centi- mètres de long et se transforment en chrysalides. Ah! qu'elles sont jolies les petites chrysalides de la DÉESSE A CEINTURONS, suspendues à quelque brindille sèche par l'extrémité du corps! Elles pendent dans le vide, la tête en bas. Longues de 1,3 à 1,4 centimètre, elles sont aussi lisses et arrondies que la chenille était épineuse. L'abdomen est fortement bombé, ramassé et arqué. Dans son ensemble, la chry- salide est d'un gris blanchâtre ou violacé. Les fourreaux alaires et le thorax sont plus foncés, d'un gris brun ou bleuâtre sombre, et mar- qués en travers d'imperceptibles zébrures noires. L'abdomen est LA DÉESSE A CEINTURONS 133 orné de cinq rangées longitudinales de verrues orangées, cerclées de noir. Après deux ou trois semaines, le papillon sort de sa prison : c'est une charmante Mélitée jaune ocre, variée de zigzags et de points noirs plus ou moins rangés en damier, ce qui a valu son nom français au genre. Durant les mois de mai et juin, les petites CINXIA s'en donnent à cœur joie, survolant les collines arides, les prairies sèches, les clairières ou les pâturages, visitant les fleurs, se poursui- vant entre elles. Elles aiment à se poser sur les épis légers des grami- nées que le vent fait ployer sans cesse. Les femelles déposent leurs œufs en juin, sous les feuilles du plantain, ou sous celles, velues, de l'épervière pillosèle. On assure qu'elles choisissent parfois aussi l'achillée et les véroniques. Dans la plaine, une deuxième génération de papillons se présente exceptionnellement en août ; mais en général, bien que les chenilles éclosent déjà en juillet, elles grandissent très peu avant l'hiver et n’achèvent leur croissance qu'au printemps suivant. La MÉLITÉE DU PLANTAIN, à l'état adulte, varie beaucoup pour la grandeur : le mâle qui mesure habituellement, les ailes ouvertes, de 3,8 à 4 centimètres, n'a, à l'occasion, que 3,4, d'autres fois, au con- traire, 4,4 centimètres d'envergure. La femelle, presque toujours un peu plus grande, varie entre 4,6 et 5,4 centimètres. Le mâle a les ailes plus anguleuses que la elle. de plus les dessins noirs sont généralement moins étendus sur ju et l’autre face des ailes, et la couleur fondamentale est un beau jaune d'ocre. La femelle peut fort bien présenter cette même coloration, mais le noir occupe souvent une surface encore plus grande que sur l'exemplaire représenté ICI, et le jaune passe parfois au gris jaune ou au gris brun terne et pâle. Dans ces différents types et dans les deux sexes, la CINXIA se recon- naît toujours à la série de points noirs qui, dessus comme dessous, décore la bande jaune qui traverse toute l'aile inférieure. La MÉLITÉE ORANGÉE — Melitæa didyma ©. Deux mâles, grossis deux fois, venant de se poser et au repos. Chrysalide, grandeur na- turelle, suspendue contreune tige de graminée. L'Epiaire droite — Stachys recta L. LA MÉLITÉE ORANGÉE 2 21. LA MÉLITÉE ORANGÉE MELITÆA (Fab.) didyma (O. F.) — La Diane ou LE DAMIER ORANGÉ EPRENONS l’histoire de la belle MÉLITÉE ORANGÉE, puisque, dans le volume précédent (p. 29 à 33), nous n'avons étudié que sa chenille et sa chrysalide. Et pour ceux qui n'ont pas lu le premier tome de cet ouvrage : Les Chenilles de Léo-Paul Robert, résumons en quelques mots ce que nous avons dit précédemment : La chenille vit des mois d'août ou septembre jusqu'en mai et juin, même parfois juillet de l’année suivante. On la trouve sur la véro- nique, la linaire, la scabieuse, la germandrée, le mélampyre, l'armoise; mais surtout sur le plantain et l'épiaire droite (stachys recta). Avec ses nombreuses épines charnues, coniques et poilues, elle ressemble à la chenille de l'espèce précédente; mais ses épines sont, les unes blanc bleuâtre, les autres jaune orange, tandis que le corps est taché de blanc et de noir. La tête enfin présente ces trois colorations réu- nies. Une fois arrivée à sa taille, la bête atteint 2,5 à 3 centi- mètres, comme la Déesse à ceinturons (p. 132). La chrysalide est un peu plus allongée que celle de la Mélitée du plantain, parce que l'ab- domen est plus étiré et moins recourbé. Elle mesure 1,5 à 1,6 centi- mètre de long et présente les trois mêmes couleurs que la chenille. Le blanc toutefois, au lieu d'être bleuté, est plutôt jaune verdâtre. Les taches noires sont plus ou moins étendues suivant les individus. La période nymphale dure de deux à trois semaines. Mais hâtons-nous d'en venir au papillon; et pour pouvoir l'ob- server à loisir, rendons-nous, par une belle journée, à l'endroit le plus chaud et le mieux exposé au soleil, sur le talus ou le pâturage le plus aride. Dans la plaine, il faudra faire cette excursion en juin; mais dans notre beau vallon qui participe aux rudesses du climat jurassien, il faut attendre les premiers Jours de juillet. Alors, le long des sentes impraticables et glissantes où seuls les moutons et les chèvres circu- 138 LA MÉLITÉE ORANGÉE lent aisément, au-dessus des bancs de rochers d'où émergent de maigres herbages, on voit voler les gracieuses MÉLITÉES ORANGÉES et l’on se prend à leur porter envie : ah! oui vraiment, combien cela doit être délicieux de descendre, en planant, la pente au grand soleil, s’arrêtant sur les fleurs d'hippocrépide pour y boire quelques gorgées, se repo- sant au sommet d'une longue graminée, ou folâtrant le long du petit sentier que fréquentent les moutons. Remonter le coteau, c ‘est per- formance plus pénible : il faut battre des ailes, et même bien fort, car la côte est raide; mais quel délice ensuite de reprendre le vol plané et les longues descentes. Oui, certes, le DAMIER ORANGÉ a une existence heureuse: et de plus il est, à n’en pas douter, la plus belle de nos Mélitées, la plus colorée, la plus svelte, la plus remarquable, comme aussi la plus varia- ble. Le mâle, méritant bien son nom d'{ ORANGÉ », est généralement d’un jaune orange ou d’un brun rouge intense, tirant parfois sur le rouge tuile et le rose, et faisant par là-même contraste avec toutes les autres espèces du genre, qui sont d’un jaune ou d’un brun franche- ment ocré. Ses ailes sont parsemées de taches noires, exceptionnelle- ment grises, plus ou moins étendues et présentant des reflets bleus, verdâtres ou violacés. Parfois l'aile entière est noyée sous un fard mauve, imperceptible et miroitant, qui joue d’une façon charmante avec la coloration fondamentale brun rouge ou orangée. La femelle est un peu plus grande que le mâle, elle est moins rouge, mais varie encore bien plus que lui : entre les taches noires très étendues ou réduites, fondues ou nettes de l'aile supérieure, le fond passe du blanc au jaune pâle, au gris verdâtre, au brun et presque au noir. L'aile inférieure, par contre, dans sa moitié antérieure, est presque toujours plus ou moins teintée du brun rouge que nous avons observé chez le mâle; tandis que l’autre moitié de cette même aile, celle qui touche au corps, est envahie de brun noirâtre. Sous les ailes, la lar- geur des bandes’ orangées et la grosseur des taches noires seules varient; et dans l’un et l’autre sexe, le fond est toujours du même LA MÉLITÉE ORANGÉE 139 jaune citron pâle, et les bandes sombres, ainsi qu'une bonne partie de l'aile supérieure sont du même orangé, beaucoup plus coloré et rougeâtre que chez les autres Mélitées. Il pourrait arriver que l'on confonde le DAMIER ORANGÉ avec le Damier du plantain, vu que la répartition et la forme des taches sous l'aile inférieure du premier sont quelquefois presque identiques à ce que nous voyons chez le second sur la planche 20. Mais, en plus de la différence de couleur qui existe entre ces deux espèces, la DIDYMA ne présente jamais dans la bande transversale jaune orange les points noirs de la cinxia, et les deux lignes Zigzagantes noires qui limitent cette bande sombre sont plus ou moins interrompues chez la DIDYMA au niveau de chaque nervure, alors qu'elles sont continues chez la cinxia. Le mâle de notre MÉLITÉE ORANGÉE varie entre 4 et 4,7 centimètres d'envergure, la femelle entre 4,5 et 5,2 centimètres. Cette dernière a les ailes plus larges et plus arrondies que son compagnon; elle est plus rare que lui. Dans les endroits les plus chauds de la plaine, et surtout dans le midi de la Suisse, le papillon apparaît deux fois d'un été, soit en mai et juin, puis de nouveau de juillet jusqu'à fin août. Îl est commun à bien des endroits, surtout au Jura et dans les Alpes et monte, assure- t-on, dans ces dernières, jusqu’à 2000 mètres. Dans d’autres stations, au contraire, sans que l’on puisse expliquer pourquoi, il fait com- plètement défaut, alors qu'elles semblent remplir les mêmes con- ditions que celles où il pullule. Le Moyen-NACRÉ — Argymnis aglaja L. Grossi deux fois, posé et butinant. La Scabieuse colombaire ou commune — Scabiosa columbaria L. 22. LE MOYEN-NACRÉ 22. LE MOYEN-NACRÉ ARGYNNIS (Fab.) aglaja (L.) — L'AGLAË ARCOURONS ensemble le riant vallon: les champs et les prairies se succèdent, les blés, encore verts, ondoient sous la caresse du vent et les fleurs les plus diverses s'ouvrent à pro- fusion dans l'herbe haute. Le blanc des grandes marguerites est accompagné de place en place par le jaune brillant des salsiñis; des campanules à feuilles rondes agitent leurs clochettes; le traquet tarier chante sur une ombellifère, et les pétales finement découpés du lychnis à fleur-de-coucou imitent discrètement le rose de l'espar- cette. En remontant le cours du torrent, on traverse un hameau, puis on atteint les pâturages que de splendides groupes d'arbres agrémen- tent : ici, c'est un vrai bois de pins séculaires aux frondaisons capri- cieuses, aux troncs énormes; là, ce sont des tilleuls, puis des hêtres immenses qui semblent avoir trouvé, dans le sol de ce val heureux, de quoi vivre toujours. Vieux déjà de plusieurs siècles, ils sont encore vigoureux comme de jeunes plants, et mûrissent, chaque année, des faînes innombrables. Le terrain, en tout cas, doit être riche, car voici, à côté de pommiers bien des fois séculaires, aux troncs tordus, com- plètement évidés, des épines blanches qui ont poussé en arbres, et qui se couvrent au printemps de fleurs, puis de petits fruits rouges fort appréciés des merles, lorsque viennent les gelées. Le tronc de l'une de ces épines n'a pas moins de | m. 50 de circonférence. Le vallon se resserre et s'accidente toujours plus, 1l devient si sauvage que les vaches n'y vont presque plus, tandis qu'on peut y surprendre, en plein jour, le chevreuil et le renard, le lièvre et même l’hermine. On y a vu, assure-t-on, le sanglier. La végétation est luxuriante : au bord du ruisseau, de vrais champs de reine des prés alternent avec les lysimaques vulgaires et les salicaires aux épis longs et pourpres. Sur la pente accidentée, entre de gros blocs épars, de majestueuses plantes de bardane s'élèvent, et, avec elles, toute la série des char- 144 LE MOYEN-NACRÉ dons : il y en a de très grands, atteignant les proportions de l’arti- chaut, soit 2 mètres de hauteur: d’autres, moins élevés, ont des fleurs retombantes; en voici de roses, de pourprés, de lilas: ailleurs ce sont des centaurées, des scabieuses, et toutes ces fleurs s'épanouissent en quantité au soleil. Ah! quel paradis pour toute la gent papillonne : de charmantes « Verges-d'or » (pl. 9) se poursuivent, de scabieuse en scabieuse, {l'Echiquier » (pl. 25) montre, en papillonnant, ses taches noires et blanches, des Vanesses (pl. 14-19) de toutes espèces étalent leurs ailes découpées, aux vives couleurs. Enfin et surtout, de grands papillons jaune ocre, semés de taches noires, planent, virent et s'en- tre-croisent. Ils se délectent de nectar sur les fleurs des chardons: chaque plante en porte un ou deux; affairés, ils ne semblent guère prêter attention aux abeilles, aux bourdons et à tous les hyménop- tères que les grandes composées attirent en foule. Or ces papillons jaunes, si nombreux en ce coin idyllique, ne sont autres que des Argynnes, appelées aussi Nacrés, parce que, si le dessus de leurs ailes est mat et ne présente que du jaune et du noir, le dessous, au con- traire, est orné de vraies plaques d'argent poh, d'incrustations de nacre. Mais ces ornements exquis ne se volent guère à distance; continuons donc, pour le moment, à observer les allées et venues de ces beaux insectes, et, avant de les capturer, essayons de les recon- naître et de distinguer, de loin, les espèces les unes des autres. En voici un qui se fait remarquer plus que ses congénères, tout d'abord par sa grandeur. II parcourt le coteau à toute vitesse, va, revient, repart encore, prompt et capricieux comme une grande libel- lule. Rasant les fleurs mauves des chardons, le Tabac d'Espagne (Argynnis paphia) (pl. 24), car c'est lui, exécute ses prouesses de haute voltige. Enfin il se pose, et montre un instant, en soulevant à demi ses ailes, les barres argentées et lilas qui lui ont valu son nom. La face supérieure de ces ailes est d’un jaune très brillant, assez clair, tirant parfois sur le vert. Une autre Argynne, presque aussi leste et farouche que le Tabac LE MOYEN-NACRÉ 145 d' Espagne, se joue aussi dans la clairière. Lorsqu'elle se pose, ce qui arrive plus fréquemment que ce n'était le cas pour la première, elle tient ses ailes bien ouvertes, toutes sur le même plan. Elle est d'un jaune ocre plus sombre que le T'abac, mais plus orangé et très intense; elle est un peu plus petite que lui, c'est le Grand-Nacré ( Argynnis adippe L). Observons encore la troupe des papillons fauves. En voici un qui semble plus tranquille et paisible que les autres. Il vole doucement, se pose sans cesse et s'arrête aussi bien sur les scabieuses que sur les grands chardons. Brillant comme les deux espèces que nous venons de citer, il a la couleur de la première, mais il est aussi foncé que la seconde, et un peu plus petit qu'elle: c'est le MOYEN-NACRÉ, l'AGLAÉ représenté ici-même (ARGYNNIS AGLAJA). Enfin, en compagnie de toutes les autres, une quatrième Argynne fréquente ces lieux. C’est même l'espèce la plus abondamment repré- sentée dans le vallon, mais c'est la moins brillante, celle sur les ailes de laquelle les taches noires sont le plus étendues. Plus délurée que le MoyEN-NACRÉ, volant plus haut, plus rapidement, elle n’a cepen- dant pas la vivacité de son grand cousin et encore moins celle du paphia. C'est le Chiffre (Argynnis niobe) que nous allons étudier tout à l’heure. Nous reprendrons, avec la sienne, l’histoire de notre AGLAÉ, nous l'achèverons enfin en étudiant le Tabac d'Espagne. Laissons maintenant le beau vallon dans sa quiétude, ne trou- blons pas la grande fête de la nature, des papillons, des libellules, car il ne faut pas que les coins, déjà si rares, que l’agriculteur ou le fores- tier, l'entrepreneur, le propriétaire ou l'ingénieur n'ont pas rendus méconnaissables, soient battus et gâtés par le naturaliste. 10 Le CHIFFRE — Argynnis niobe L. variété eris Meisg. Mâle, grossi deux fois, au vol. Mâle, grandeur naturelle, au repos. Le Trèfle rougeâtre — Trifolium rubens L. 23. LE CHIFFRE LV 11e LOI "ARCS +5 x Le # 23. EEACHIFFRE ARGYNNIS (Fab.) niobe (L.) OUS nous sommes contentés, dans le chapitre précédent, de regarder les Argynnes de loin et de les suivre dans leurs allées et venues au fond du vallon sauvage. Nous pourrions encore aller les voir, dans les prairies et les pâturages, parcourir d'un vol rapide les pentes ensoleillées, les clairières, les lisières de forêt, se poser sur les fleurs de la ronce, de l’eupatoire ou de l’hièble, sur les scabieuses, la marjolaine, s'arrêter dans les champs de luzerne et même dans les jardins, où elles semblent avoir une prédilection toute spéciale pour les œillets-de-poète (Dianthus barbatus). Mais nous voulons maintenant les regarder de plus près, étudier un peu leurs caractéristiques et leurs variétés. Le genre Argynnis se divise en deux parties; certaines espèces, celles que nous venons de voir sur les chardons, sont assez grandes et présentent presque toujours, sous l'aile inférieure, des plaques argentées, également réparties sur toute la surface, ou bien des bandes transversales de la même couleur. Dans l’autre moitié du genre se trouve toute une série d'espèces, plus petites, faisant le pas- sage entre les Mélitées et les vraies et typiques Argynnes. Certains auteurs en ont fait, avec raison, un genre à part, appelé Brenthis (Hb.). Ces quelques espèces ont, sous les ailes, des dessins plus compliqués : parfois les taches argentées disparaissent, ou sont moins régulière- ment distribuées. Il s'y mêle, souvent, en outre, des teintes brunes ou violacées : Voici tout d’abord la jolie euphrosyne (L.), appelée « le Grand Collier argenté», à cause des sept taches métalliques blanches qui se succèdent à égale distance les unes des autres, le long de la marge de son aile inférieure, imitant les perles d'une parure. Elle a 4,4 à 4,8 centimètres d'envergure et se trouve communément au prin- temps, mais aussi en juillet-août, dans les prairies un peu humides. 150 LE CHIFFRE Vient ensuite la charmante dia (L..), appelée en français « la Petite Violette», qui est si commune du printemps à l'automne, mais sur- tout en septembre, dans certains pâturages un peu rocailleux. Elle n’a que 3,8 à 4,1 centimètres d'envergure. Sur ses quatre ailes, une double bordure de taches rondes et de petits triangles noirs répon- dent aux macules du centre de l’aile. La face inférieure est ornée de quelques touches argentées, qui se découpent sur un fond varié de jaune, de brun, de noir et de violet. Mais il est temps d'aborder la série des vraies Argynnes : Parmi ces porteurs d’appliques, ces détenteurs de métaux précieux, voyons le plus beau et le plus caractéristique de tous, celui qui porte le mieux son nom d'Argynne, le Petit-Nacré (lathonia L.). On le trouve fré- quemment pendant toute la belle saison, mais surtout en mai, puis de juillet en septembre, dans les clairières, les pâturages et les champs en friche, là spécialement où abonde la violette tricolore, nourriture de la chenille. Il mesure 4,6 à 5,2 centimètres d'envergure. Le dessous de son aile inférieure est un vrai ouvrage d’'orfèvre : de grandes pla- ques ovoïdes ou vaguement rectangulaires s'emboîtent les unes dans les autres, réservant entre elles un réseau de bandes et de lignes d'un jaune brun doré. En plein centre de l'aile, ce réseau et ces plaques font subitement place à un large ruban brun, dessinant un 3, et por- tant sept gouttelettes d'argent entourées de brun noir. La face supé- rieure, moins précieusement décorée, est pourtant ravissante, avec ses pois noirs si bien découpés, faisant contraste avec les douceurs et le fondu de la base des ailes et du corps, ce dernier à demi caché sous de fins poils soyeux. Après le Petit, vient le Moyen-Nacré (aglaja), celui que nous avons déjà vu sur les chardons et dont l’image (pl. 22) remplacera la description. Nous ajouterons simplement qu'il varie entre 5,7 et 6,5 centimètres d'envergure, quelquefois 7 centimètres. Puis vient le CHIFFRE (NIOBE) qui varie entre 5,5 et 6,2 centimètres d'envergure, atteignant aussi, mais très rarement, 7 centimètres. Îl LE CHIFFRE 151 est généralement plus terne, plus décoloré que les autres espèces, avec les taches noires plus fondues et plus étendues et la base des ailes largement envahie par une teinte brun violacé sombre. Quant à la face inférieure, notre planche représente la VARIÉTÉ ERIS, Meig., où les taches argentées font défaut. Cette variété est très commune, sur- tout à la montagne, tandis que le type est plus rare. Chez celui-ci se trouve toute une série de plaques métalliques, réparties un peu comme chez aglaja et occupant les espaces, déjà plus clairs, de l’image. Vient ensuite le Grand-Nacré (adippe (L.), qui varie entre 6,1 et 7 centimètres d'envergure. C'est le plus brillant, le plus coloré et aussi le plus orangé de tous. Vu de dessus, il est presque identique à aglaja, mais ses ailes supérieures ont la marge antérieure plus cam- brée et le bord extérieur légèrement concave, ce qui le rapproche du papillon qui fera l’objet du chapitre suivant. Dessous, il ressemble eaucoup à NIOBE type, mais aussi en plus brillant. Dans le midi de la Suisse se trouve la variété cleodoxa, O. qui, comme la variété ERIS de NIOBE, n'a plus de taches argentées sous les ailes. Enfin voici le Tabac d'Espagne (paphia) qui est commun chez nous. Il varie entre 6,5 et 8 centimètres d'envergure. La femelle est généralement plus grande et plus verdâtre que le mâle, avec les taches noires plus étendues. Dessous, l'aile inférieure et la pointe des supé- rieures est souvent plus vert bleu que ne l'indique la planche 24. Chez les trois grands Nacrés et le Tabac d'Espagne s’observent, de temps à autre, surtout à la montagne, des cas de mélanisme : la face supérieure des ailes devient gris vert sombre ou même presque entièrement noire. Ces quatre dernières espèces apparaissent en juin et volent jus- qu'en août ou septembre, mais elles sont communes surtout en juillet et au commencement d'août. Nous parlerons dans le chapitre suivant de la chenille du CHIF- FRE et de sa chrysalide. Le TABAC D'ESPAGNE — Argynnis paphia L. Mâle, grossi deux fois, posé et butinant. Le Chardon décapité — Carduus defloratus L. nets 24. LE TABAC D'ESPAGNE n anotsd DAGAR AE He (®) , on ue min] LENS LS Ca + F 1 £ = à = CE. % \ ÿ 24. LE TABAC D'ESPAGNE ARGYNNIS (Fab.) paphia (L.) — LA BARRE ARGENTÉE ANS le chapitre destiné à l’aglaja, nous avons vu les Argynnes s’ébattre en liberté, et nous avons cherché à découvrir les habitudes particulières de chacune d'elles. — En parlant du Chiffre nous avons donné un aperçu des principales espèces du genre, et nous voulons maintenant étudier les chenilles et les chrysalides de cet intéressant groupe d'insectes. k Disons simplement encore au sujet de niobe que ce nom de « Chiffre » lui a été donné à cause des quatre signes noirs qui, placés les uns à côté des autres près de la base de l'aile supérieure, imitent vaguement le chiffre de 1356. Mais, à vrai dire, ce même dessin se retrouve sur l'aile de presque toutes les Argynnes. Comme nous l'avons déjà vu, ces dernières, au moins les grandes espèces, volent surtout en juillet et août. Elles pondent donc leurs œufs à ce moment-là, presque toutes sur les violettes, tantôt celle des chiens, tantôt l’odorante, tantôt celle des forêts, tantôt enfin la trico- lore, la jolie petite pensée sauvage, violette et jaune. C’est en tout cas sur les plantes de ce genre qu'on est le plus sûr de rencontrer ces chenilles. D'aucuns assurent que celle de niobe mange aussi du plantain, et quant à celle de notre TABAC D'ESPAGNE, il est de fait qu'on la trouve également sur les ronces et le framboisier, même l'épine noire et l'ortie. Les œufs sont ridés, bleu verdâtre ou gris jaune. Ils attendent souvent jusqu'au printemps de l’année suivante pour éclore. D'autres fois, les chenilles en sortent au bout de deux semaines environ, mais elles ne grandissent pour ainsi dire pas avant l'hiver et ne se mettent résolument à manger qu'après l’hivernage. Elles croissent alors rapi- dement, si bien qu’en mai déjà, ou au plus tard en juin, elles attei- gnent leur taille définitive. Ce sont des larves cylindriques, assez grosses, mesurant, pour les Nacrés, 4,5 à 4,8 centimètres de long, pour 156 LE TABAC D'ESPAGNE le TABAC D'ESPAGNE, 5 centimètres. Comme les chenilles de Vanesses (p. 95-127), elles sont couvertes de longues épines charnues, elles- mêmes hérissées de poils. Pendant le jour, elles se tiennent fort bien cachées à terre ou sous les feuilles du buisson nourricier. Après le coucher du soleil, elles sortent de leur retraite et se mettent à manger. Il est bon d'attendre ce moment-là pour se mettre à leur recherche ou même dy aller de nuit, avec une lanterne. En juin, généralement, après avoir vécu solitaires, ces diverses chenilles se transforment en chrysalides, suspendues comme celles des Vanesses par l'extrémité du corps à quelque support rigide, souvent sous les feuilles ou les tiges de la ronce ou du framboisier, s’il s'agit du TABAC D'ESPAGNE. Après douze à quinze jours, parfois trois semaines, le papillon en sort. Voilà ce qui se passe pour toutes les espèces. Mais :il existe cependant entre elles des différences, et celles-ci résident dans la couleur et les dessins, tant des chenilles que des chrysalides. Arré- tons-nous donc un instant sur ce sujet : La chenille du Moyen-Nacré (aglaja), dont nous avons repré- senté le papillon sur la planche 22, est d’un noir presque uniforme: la tête, les épines et les pattes sont de la même couleur, mais sur le côté de chacun des segments de l'abdomen se trouve une superbe tache orangée ou rouge tuile, plus ou moins quadrangulaire. Le dos est parcouru par une fine ligne double, gris brun, jaune ou blanchâtre. Quelques petits points blancs agrémentent parfois le noir du dos, qui tire lui-même, à l'occasion, sur le gris. La chrysalide mesure de 1,8 à 2,2 centimètres. Elle est très luisante et arrondie; l'abdomen est fortement cambré. La tête, le thorax et les fourreaux alaires sont d'un beau noir à peine zébré de brunâtre, tandis que l'abdomen est brun rouge et noir; d'autres fois, cette teinte rousse envahit le corps entier. La chenille du Chiffre (niobe) est bien différente : elle est brunâ- tre ou grise, avec une ligne dorsale blanche plus ou moins large, bordée de macules, noires. Deux taches triangulaires blanches ornent chaque segment et sur les côtés s'étend une ligne noire. Le ventre, LE TABAC D'ESPAGNE 157 les pattes et la tête sont brun jaune. Les épines sont couleur de chair pâle. Juste en arrière de la tête se dressent deux épines plus gran- des que les autres. La chrysalide est luisante, vert brunâtre, avec des taches à reflets d'argent. La chenille du Grand-Nacré (adippe) est gris noirâtre, brune, rouge brique ou vert olivâtre, avec une ligne dorsale blanche, parfois double et interrompue sur chaque segment. De chaque côté de la ligne médiane se trouvent des taches noires. La tête est brun noir, le ventre et les pattes gris jaune, et toutes les épines, rousses ou fau- ves, se dressent sur des verrues de même couleur. La chrysalide est roussâtre, gris brun ou gris verdâtre, avec des taches bleuâtres ou argentées. Enfin la chenille de notre TABAC D'ESPAGNE (PAPHIA), la plus grande de toutes, est épaisse, cylindrique, avec des épines très lon- gues, surtout la paire qui se trouve en arrière de la tête. Ces deux épines sont presque cylindriques, tandis que toutes les autres sont coniques. La chenille est noire, brun sombre ou brun fauve vif, avec une large bande jaune sur le dos, parfois interrompue et généralement partagée en deux, dans le sens de la longueur, par une fine ligne noire. Le jaune du dos est bordé de brun foncé ou de nonâtre. Sur les côtés du corps se trouvent plusieurs traits et lignes brun clair. Le ventre est Jaunâtre, la tête noire avec des points blancs et les épines, portées par des verrues jaunes ou rousses, sont de cette même couleur. Les deux premières seules sont roses ou brunes. La chrysalide est angu- leuse comme celle des Vanesses. Elle est d’un gris jaunâtre ou brun, tachée de plus sombre, avec un bon nombre de pointes saillantes et dorées. Le Demi-DEuIL — MWelanargia galathea L. Mäle, grandeur naturelle, posé et butinant. Femelle, grossie deux fois, au vol. La Centaurée scabieuse — Centaurea sca- biosa L. -DEUIL LE DEMI 25 25. LE DEMI-DEUIL MELANARGIA (Meig.) ou ARGE (Hb. Esp.) galathea (L.) — L'ECHIQUIER ES les derniers jours de juin, exceptionnellement déjà en mai, mais surtout en juillet et en août, on voit voler un peu partout, dans les prairies sèches de la plaine, des Préalpes ou du Jura, jusqu'à 1500 mètres d'altitude, un Papillon de jour auquel son cos- tume a valu le nom populaire de DEMI-DEUIL ou d'ECHIQUIER; le nom scientifique de son genre signifie { noir et blanc ». Vues de près, surtout lorsque l'insecte vient d'éclore, les larges taches claires et arrondies de ses ailes sont d'un blanc très jaunâtre, tirant même sur le jaune citron. Quand le papillon a déjà quelques jours ou quelques semaines d'existence, ces taches claires pâlissent et deviennent blan- châtres, mais alors les taches sombres, elles aussi, s’éclaircissent et, de noires qu elles étaient, se changent en brun doré. Malgré cela, éclairé par un beau soleil et passant sur le vert sombre des herbages, le Demi-DEUIL paraît toujours noir et blanc et justifie tout à fait l’ap- pellation vulgaire. Il est peu de papillons qu'on voie en aussi grand nombre que celui-là : dans certaines prairies entrecoupées de buissons ou bordées par la forêt, surtout si le chiendent et la fléole des prés y abondent, on voit papillonner partout le vivant damier de notre GALATHEA. C'est un insecte éveillé, qui vole de fleur en fleur, passant de la cen- taurée rose à la mauve scabieuse, de la hampe jaune du mille-pertuis au capitule pourpré de la bétoine. Mais s’il est presque toujours en mouvement, le DEmi-DEUIL n'est pas bien leste, il ne parcourt pas la prairie à toute vitesse comme la Piéride du chou (pl. 4) ou Je Tabac d'Espagne (pl. 24), avec lesquels il est souvent voisin, mais 1l vole doucement, lentement même, à une faible hauteur, au-dessous des épis des grandes herbes, cherchant les fleurs et y prélevant de fré- quentes ( gorgées >» de nectar. Lorsque les papillons noir et blanc sont très nombreux dans la prairie, les rencontres sont fréquentes, et 11 162 LE DEMI-DEUIL c'est alors que l’ÉCHIQUIER se décide à monter un peu, à dépasser la houle rose des graminées, afin de poursuivre un instant son semblable, ou peut-être pour jouer un moment avec lui, dans les airs. Le DEMmi-DEUIL a ses goûts arrêtés, ses fleurs préférées. Regar- dez-le plutôt, au milieu des abeilles, faire de longues stations sur la centaurée scabieuse. La surface de la corolle, il est vrai, en est vaste: mais il n'est pas rare, par un temps chaud et calme, de voir sur la même fleur, avec deux, trois abeilles, encore deux exemplaires de notre beau SATYRE. Ah! voilà certes une plante dont le nectar doit être exquis : le syrphe, cette mouche jaune et noire si légère et gra- cieuse, vient survoler la fleur de son vol d'oiseau-mouche, s’en appro- che doucement, et, l'effleurant à peine de ses pattes ténues, battant toujours des ailes pour ne rien déranger, prend à la hâte quelques gouttes du précieux sirop, puis s'en va, discret, laissant la place à d’autres. L’abeille au corps pesant, au vol lourd, incertain, tombe sur la centaurée, brusquement, attirée dans sa course par l'attrayante corolle. Le bourdon, lui, énorme et malhonnête, insouciant des péta- les si finement découpés et des fleurons délicats qui se pressent vers le centre, arrive comme une trombe, bousculant tout sur son passage, effrayant les abeilles et tous les papillons, car il veut, tout seul, goûter au bon repas. Voici enfin le DEMI-DEUIL : 1l se pose sans bruit sur le rose capitule et referme vite ses ailes pour prendre moins de place et pour jouir, semble-t-il, plus voluptueusement du festin délicieux. Mais il ne faut pas croire que le GALATHEA ne puisse s’arracher aux douceurs de la belle centaurée. Quand le moment est venu, la femelle, toujours consciente de son devoir, se met à pondre avec ardeur, laissant choir ses œufs à terre, tout en voletant dans l'herbe. Ah! qu'ils sont jolis ces œufs brun clair, lisses comme des grains de porcelaine. La maman prévoyante ne les sème pas au hasard ; elle sait, au contraire, fort bien choisir les coins où la chenille, menue et {able en son jeune âge, trouvera de suite des plantes à sa convenance. Ces plantes sont généralement la fléole des prés (phleum pratense), le LE DEMI-DEUIL 163 chiendent (triticum repens) ou quelque autre graminée. C'est aux mois d'août ou de septembre que la bestiole sort de son œuf; elle grandit peu avant l'hiver, mais en avril de l’année suivante, elle se remet à table, et, jusqu'à la fin de mai ou au milieu de juin, toutes les chenilles de cette espèce ont achevé leur croissance. Pendant le jour, elles se tiennent soigneusement cachées. Elles sont parfois vertes, mais le plus souvent d’un jaune clair, grisâtre ou brun. Sous une forêt de tout petits poils blancs apparaît, au milieu du dos, une longue ligne brune ou noirâtre, se répétant, plus large et moins fon- cée, sur les flancs. Ces trois lignes sont bordées d’une teinte plus claire et les deux latérales s'étendent, à l'arrière du corps, jusque sur deux courtes pointes caudales terminant l'abdomen. Sur ces deux appendices, la ligne sombre devient rouge ou orangée. La tête, ronde et saillante, gris jaune ou rougeâtre, est ponctuée de blanc, et poilue comme le reste du corps. Lorsqu'elle atteint 3 centimètres de long, la chenille se cache mieux que jamais et se transforme en une chrysalide ovoïde, ocrée, luisante, aux longs fourreaux alaires, à l'abdomen ramassé. Sur les «épaules» s'élèvent deux petits prolongements cornés et noirs. Cette chrysalide n’est pas enfermée dans un cocon, ni enfouie dans la terre, aucun fil de soie ne la rattache aux plantes qui l'entourent, mais elle gît tout simplement sur le sol. Deux ou trois semaines plus tard, l'insecte parfait en sort. Le mâle de notre papillon est un peu plus petit que la femelle et mesure 4,8 à 5,2 centimètres d'envergure tandis que celle-ci varie entre 5,3 et 5,6 centimètres. Sous l'aile inférieure de la femelle, les dessins sont plus estompés que chez le mâle, et gris ou brunâtres plutôt que noirs. Le dessous des ailes est aussi habituellement plus ocré. L'espèce varie du reste beaucoup. Le Grano-Nècre-Honcrois — Erebia ligea L. Deux mâles, grandeur naturelle, posés et butinant. Femelle, grossie deux fois, posée et butinant. La Scabieuse succise (fleurs bleues) — Sca- biosa succisa L. Le Léontodon changeant (fleurs jaunes) — Leontodon proteiformis Vill. Feuilles du Géranium sanguin — Geranium sanguineum L. Graines du Rhiranthe Crête-de-coq — Rhi- nanthus Crista-Galli L. 26. LE GRAND-NÈGRE-HONGROIS ce 26. LE GRAND-NÉGRE-HONGROIS EREBIA (Dalm. Boisd.) ou MANIOLA (Schrk.) ou HiPPARCHIA (Fab.) ligea (L.) ES entomologistes allemands, après avoir donné à toute la section des Piérides (pl. 4-5) le nom très expressif. de Weisslinge, ont donné aux Erèbes ou Erébies celui de Schwarzlinge. En fran- çais on les a appelées les Satyres Nègres ou tout simplement les Nègres. Or, dans les deux langues, le nom se justifie fort bien : lorsqu'on voit voler, en effet, ces papillons dans l'herbe, ils paraissent presque noirs. Le genre Erebia renferme un grand nombre d'espèces répandues surtout dans les contrées montagneuses. La plupart présentent sur des ailes brun sombre une bande transversale rousse, dans laquelle se dessinent des yeux noirs ornés d'un point blanc. Les espèces se ressemblent beaucoup entre elles et sont parfois difiiciles à identifier. Elles sont aussi à peu près toutes de la même grandeur. Si l'on se promène en juillet et août à la lisière des forêts et dans les clairières, on ne manquera pas de découvrir des Erébes, que leur sombre costume vous aura vite fait remarquer) et reconnaître. Ah! qu'ils sont jolis les petits Nègres, lorsqu'ils volettent dans la prairie et se posent sur les scabieuses, les épervières, les bétoines, ou toute autre fleur. Ils vont, ils viennent et s’ébattent joyeusement. Mais sitôt que le soleil se cache derrière un nuage, ou que le soir approche, ils disparaissent soudain, se cachant si bien sous les feuilles qu'on a de la peine à les retrouver. Cinq espèces d'Erébies sont assez communes au Jura: la plus belle de toutes, la plus grande, la plus colorée, est notre GRAND- Nècre-HonGrois, dont l'envergure varie entre 5 et 5,5 centimètres. La marge blanche et noire de ses ailes est plus large et plus nette que celle de la plupart de ses proches parents. Les yeux noirs des ailes varient de grosseur et sont parfois dépourvus du point blanc central. Sous l'aile supérieure, dans l’un et l’autre sexe, il arrive que 168 LE GRAND-NÈGRE-HONGROIS la troisième tache noire fasse complètement défaut. La femelle est généralement plus claire que le mâle avec les ocelles plus grands. Le mâle, lui, peut être très sombre, presque noirâtre. On voit voler le GRAND-NÈGRE-HONGROIS de juin à septembre, mais surtout en juillet et août, le long des chemins ensoleillés et des lisières, dans les clai- rières herbeuses, etc. Vient ensuite l'Erebia euryale (HE.) qui apparaît à la même sai- son et un peu aux mêmes endroits, dans le Jura et les Alpes. Elle se distingue de LIGEA par sa taille un peu inférieure, ses ailes plus étroi- tes et allongées et sa marge moins nettement noire et blanche. Le dessous de l’aile inférieure ressemble un peu à celui de la femelle du GRAND-NÈGRE, mais les yeux sont beaucoup plus petits et le troi- sième manque en général. Le zigzag blanc de LIGEA s'étend ici en un large ruban grisâtre plus ou moins clair et net, qui traverse toute l'aile, entourant les ocelles. Après euryale, voici æthiops (Esp.) ou medea (Hb. S. V.) appelée aussi blandina (Fab..). Elle vole de juillet à septembre. C'est peut-être la plus commune de toutes les Erèbes. Dessus, elle est presque aussi colorée que LIGEA, mais les yeux sont plus petits; sur l'aile supérieure le troisième manque. En outre, la marge est cette fois brunâtre. Le dessous de l'aile inférieure ne présente plus que des points minus- cules qui se trouvent dans une bande plus claire, coudée, traversant l'aile. Cette bande, faite d’un sablé de petits points blanchâtres, peut être à peine visible, comme aussi très marquée et très claire. C'est alors la variété leucotænia (Stdg.), assez commune. Enfin n'oublions pas medusa (S. V.) qui apparaît chaque année, le premier de tous les papillons noirs, et qui vole de mai à août, dans la plaine et la montagne, volontiers dans les prairies marécageuses. Elle est assez petite et se reconnaît à sa marge brune et vaporeuse, coupée beaucoup moins franchement que dans les autres espèces. En outre, les deux faces des ailes sont identiques, tous les yeux assez petits et le brun moins sombre. LE GRAND-NÈGRE-HONGROIS 169 En dernier lieu, disons encore que stygne (O.), volant de la fin de mai jusqu'en août, dans le Jura et les Alpes, fait un peu le passage entre LIGEA et euryale, mais elle est plus petite que ces deux espèces, et chez elle, tous les dessins du dessous de l'aile sont moins marqués. Chez le mâle, l'aile inférieure est parfois d'un brun noirâtre presque uniforme. Les chenilles de tous ces papillons sont peu connues, car elles vivent très cachées, ne sortant que la nuit pour ronger les graminées. Elles grandissent lentement. Comme toutes celles des Satyres, elles sont très légèrement pubescentes, et fortement fusiformes avec le corps terminé par deux petites pointes charnues. Elles subissent leurs métamorphoses sur le sol ou dans la terre. Celle du GRAND-NÈGRE- HonGRroIs est assez courte et épaisse, elle atteint 2,7 à 3 centimètres de long. Elle est gris Jaunâtre ou verte avec une ligne médiane noire bordée de clair et des lignes blanchâtres sur les côtés. Sa tête est rousse ou Jaunâtre et le ventre gris brun. On la trouve en avril et mai, même jusqu'en juin ou quelquefois pendant tout l'été, car 1l lui arrive de se transformer en chrysalide deux ans seulement, ou peu s'en faut, après que l'œuf ait été pondu. Ce dernier peut éclore après cinq semaines ou seulement au printemps suivant, ce qui avance ou retarde le développement de la chenille. Celle-ci mange du millet étalé (milium effusum L.), de l'aira gazonnante (aira cæspitosa L.), du panic san- guin (panicum sanguinale) et quelques autres herbes. La chrysalide est brun clair avec des dessins et des points noirs. Elle dure trois à quatre semaines. Le SYLvANDRE — Satyrus hermione L. Fe- melle, grandeur naturelle, au vol. Femelle, grossie deux fois, posée et couchée sur le côté pour se confondre avec l'écorce. Mâle, grandeur naturelle, au vol. Le Chêne rouvre — Quercus robur L. LE SYLVANDRE 27. Ft f ÉLUCNA ETS 27. LE SYLVANDRE SATYRUS (Fab. Latr.) ou EUMENIS (Scop.) hermione (L.) ou fagi (Scop.) LE PORTIER DE LA FORÊT OUS venons de parler de deux Satyrides à'la robe très voyante, au vol calme et bas, aimant à se poser sans cesse sur les fleurs. Or, avec le SYLVANDRE, nous abordons le genre Satyre pro- prement dit, qui renferme des formes plus grandes, farouches, aux mœurs sauvages et agrestes, au vol très rapide et qui fréquentent les lieux arides et chauds, les lisières ou les clairières rocailleuses des forêts. Chose curieuse, les vrais Satyres ne se posent jamais sur les fleurs, mais bien sur les chemins, sur les pierres, voire même contre le tronc des vieux arbres. Ils peuvent rester longtemps appliqués contre un rocher, sur une lame d’écorce, couchés sur le flanc pour se faire moins remarquer, s'identifiant avec leur entourage par les couleurs et les zébrures de la face inférieure de leurs ailes. Soudain, effrayés, ou poussés par un simple besoin de déplacement, ils s'en- volent, prompts comme l'éclair, et disparaissent entre les arbres. On ne les voit qu’au moment où ils partent, et ils s’en vont si vite qu'on se demande souvent si l’on n’a pas rêvé et si vraiment, papillons il y avait. [l n'est pas étonnant que, dans ces conditions, on leur ait donné le même nom qu'à ces êtres mythologiques, demi-dieux de l'antiquité, fruits de l'imagination, et par conséquent mystérieux et invisibles. Les Allemands ont appelé les Satyres en général Papillons des bois et notre HERMIONE, LE PORTIER DE LA FORÊT : volant, en effet, à l'orée des bois, il semble en garder l'entrée. Parmi les quelques Satyres que nous avons en Suisse, citons les cinq plus fréquents, en commençant par le SYLVANDRE. Le mâle oscille entre 6,6 et 7,6 centimètres d'envergure; la femelle entre 7 et 8,2 centimètres. Exceptionnellement, elle est plus petite et mesure seulement 6,7 centimètres. La femelle varie peu, si ce n’est que toute la base des ailes et le corps peuvent être d'un brun presque noir. Mais 174 LE SYLVANDRE il arrive au mâle, parfois très enfumé et uniforme, d’être presque aussi blanc et noir que la femelle. Seuls les yeux alaires et les limites de la zone blanche sont toujours plus flous que chez cette dernière, et le deuxième œil de l'aile supérieure existe rarement chez le mâle. Dans cette belle espèce, le dessus des ailes est légèrement pelucheux, marqué en travers d'imperceptibles sillons. En outre, il présente de discrets, mais splendides reflets cuivrés, dorés et verts, tirant sur le bleu et le violet. Les parties blanches sont nacrées, argentées et dorées. Le plus grand et le plus beau de tous les Satyres est bien le Satyrus circe (F.) ou proserpina (Schiff.), appelé en français le Silène. C’est un de nos plus grands papillons de jour, atteignant jusqu'à 8,6 centimètres d'envergure. Le Grand Sylvain et le Grand Porte- Queue (pl. 2) seuls le dépassent. Le Silène ressemble un peu à la femelle du SYLVANDRE, mais le blanc est plus pur et partout bien délimité, alors que le brun est plus noir. De plus, il n'y a qu'un œil sur l'aile supérieure et l’inférieure n'en porte point. L'Hermite (ermite) (Satyrus briseis L.) a la grandeur de l’Agreste que nous étudierons dans le chapitre suivant. La répartition des taches, sur l'aile supérieure, est aussi un peu la même, mais les des- sins sont blancs. Sur l'aile inférieure il n'y a qu'une bande transver- sale blanchâtre, fondue et sans yeux. La marge antérieure de l'aile supérieure est très bombée et blanc jaunâtre. Après l’Hermite vient l’Agreste, figuré sur la planche 28, puis le Grand-Nègre-des-Bois (Satyrus dryas Scop. ou phædra L). Ce dernier, bien qu'extrêmement simple de couleur, est une vraie merveille. D'un beau brun doré à peu près uniforme, il présente, sur l'aile supérieure, deux gros ocelles, visibles sur les deux faces et quelquefois accompagnés d’un troisième, tout petit, placé entre les deux premiers. Ces yeux, entourés eux-mêmes d'une zone plus claire, ont jusqu'à 6 millimètres de diamètre et sont noirs avec un gros point central d’un bleu argenté et chatoyant qui fait un grand contraste avec le noir et le brun mat, velouté, du reste de l'aile. Seul LE SYLVANDRE 175 parmi les Satyres, le Grand-Nègre-des-Bois se pose sur les fleurs et apparaït aussi, de temps à autre, dans les prairies marécageuses. Mais d'une manière générale, si nous voulons observer les représentants de ce genre, il faut se rendre, pendant les chaleurs de l'été, soit de juin à septembre, mais surtout en Juillet et août, dans les bois de vieux chênes entrecoupés de pâturages et de pierrailles. Il faut aller sur les collines rocheuses, dans les clairières de forêt bien exposées au soleil, le long des chemins ou des vieilles routes plus ou moins abandonnés et encadrés de buissons, dans ces endroits secs et arides qu'’affectionnent le lézard, le criquet et la cicindèle. Si nous savons trouver les bons coins, — presque toutes les espèces de Satyres sont assez localisées, — nous ne manquerons pas de découvrir l’un ou l’autre d'entre eux et d’avoir le plaisir d'observer ses rapides allées et venues et ses moments de pose. Si nous prenons de grandes pré- cautions, nous pourrons alors admirer la façon merveilleuse avec laquelle l’insecte et son milieu se confondent. La chenille du SYLVANDRE mesure 3 centimètres environ de longueur; elle est entièrement glabre, grise ou gris rougeâtre. Elle est rayée en longueur de clair et de sombre et présente une ligne médiane noire. La tête est gris jaune ou jaune ocre, avec quatre traits noirâtres. Le ventre et les pattes sont gris sombre, les stigmates noirs. Il faut chercher cette chenille après l’hivernage, soit d'avril à juin, mais surtout en mai. Elle est fort bien cachée pendant le jour, et se met à manger dès que la nuit tombe. Elle ne se nourrit que de gra- minées, houlque laineuse, et houlque molle. La chrysalide, placée dans un alvéole en dessous de la surface du sol, est courte, ventrue, d’un brun foncé, plus pâle sur les fourreaux alaires. ; L'AGRESTE — Satyrus semele L. Deux femel- les, grandeur naturelle, l’une posée et couchée sur le côté pour se confondre avec l'écorce, l'autre au vol. Mâle, gross: deux fois, sautil- lant sur un caillou. Tronc de Chêne rouvre — Quercus robur L. L'AGRESTE 28. 12 \ ae PE de atlas 2e ie fpéininte 6e rende ee eme = ins Le eV a ne 2 ge ee à 2 spas » 1 es 28. L'AGRESTE SATYRUS (Fab. Latr.) ou EUMENIS (Scop.) semele (L.) OUS les papillons de jour aiment le soleil, mais 1l y en a beau- coup qui se contentent de ses rayons directs. L'AGRESTE, lui, jouit non seulement, sans se lasser, de ces derniers, mais il passe son existence aux endroits où la réverbération est la plus forte, c'est-à-dire sur les pentes exposées au midi, parmi les rochers et les éboulis, le long des lisières rocailleuses de forêts ou dans les clairières sèches; et loin d'imiter beaucoup de ses congénères qui voltigent du matin au soir dans les prairies, il reste, des heures durant, appliqué sur les pierres surchauffées et brûlantes ou sur l'écorce non moins chaude des vieux troncs que le soleil visite. Cette extrême chaleur, au lieu d’amollir son caractère ou bien de l'endormir, fait de lui un des types les plus vifs, un des plus prompts à l'essor que la gent papillonne connaisse. Le dessus de ses ailes, il ne le laisse voir qu'un instant, de temps à autre, en de rapides et courtes envolées. Mais la face inférieure de ces mêmes ailes, zébrée à l'infini de gris, de brun, de noir et de blanchâtre, il la montre avec fierté, avec insistance, se plaçant toujours sur les pierres de façon à exposer en face, aux bien- faisantes ardeurs solaires, l’un ou l’autre de ses flancs. La surface jaune, ornée de deux yeux noirs, qui occupe une bonne partie de la paire supérieure, il la cache avec soin entre les ailes inférieures, de sorte qu'il apparaît désormais entièrement gris et se confond à mer- veille, grâce à ses multiples dessins, avec les zigzags des lichens ou les marbrures de l'écorce. Conscient, sans doute, de sa ressemblance avec la pierre qui le porte, il ne craint pas de se mouvoir; et, prompt à la course comme une cicindèle, il se trémousse, court ou saute d'une pierre sur une autre en de brusques élans entrecoupés de poses plus ou moins longues. Parfois aussi, suivant ses impressions, il relève subi- tement ses deux ailes supérieures, comme pour faire admirer un instant les couleurs qu'elles portent, puis, tout aussi lestement, 1l les 180 L'AGRESTE fait rentrer dans leur étui. Amoureux de toute surface qui ressemble à son manteau, il fera sans hésiter, sur le vieux tronc d’un chêne sortant des éboulis, une station non moins prolongée que sur les cail- loux gris, se rendant compte que là, mieux que partout ailleurs, il échappe aux regards de tous ses ennemis. Or, sur le tronc du chêne, il ne fait pas comme le géomètre, lequel ouvre ses grandes ailes et les applique de chaque côté du corps. Ar exemple de tous les papillons de jour, l'AGRESTE garde les siennes relevées; mais, pour mieux imi- ter une lanière d'écorce se détachant du tronc, il s'incline sur le côté jusqu'à toucher, quasi, d’un de ses flancs, la surface rugueuse de l'arbre. Comme son nom français l'indique, il mène une existence rustique et sauvage, fréquentant des lieux arides, rocailleux, souvent inaccessibles à l’homme. Lorsque ce dernier l'approche, il le fuit plus que beaucoup d'autres papillons. Il est même si farouche qu’on a de la peine à le capturer. Dans la plaine, il apparaît en juin et vole jusqu’en août; mais au Jura, c’est de juillet à septembre qu'il est le plus fréquent. Souvent même on le voit encore en octobre. La femelle, qui mesure de 5,6 à 6,5 centimètres d'envergure, présente en général les couleurs indi- quées sur notre planche; mais parfois les dessins sont plus clairs sur les quatre ailes: dans d’autres types, au contraire, ils sont plus som- bres et réduits. Le mâle est habituellement plus petit et varie entre 5,2 et 6 centimètres d'envergure. Comme c'est le cas chez le Syl- vandre (pl. 27), tout le dessus est beaucoup plus enfumé et plus terne, avec des dessins moins nets chez le mâle que chez la femelle. Les ocelles sont plus petits, plus fondus et moins noirs et les taches claires disparaissent parfois presque complètement sous le voile envahissant du fond. Celui-ci est d'un ton plus clair et plus orangé que chez la femelle. Sur la face inférieure des ailes, c'est l'inverse qui se produit : la femelle a tous les dessins plus estompés et l'ensemble de l'aile est plus sombre, plus gris et plus uniforme qu'au mâle. Parfois, chez ce dernier, le dessous de l'aile inférieure ressemble L'AGRESTE 181 beaucoup à celui de l’hermione. Dans l'un et l'autre sexe enfin, et sur les deux faces des ailes, courent de légers reflets cuivrés, dorés, argen- tés, verts ou violacés qui donnent une grande distinction à cette robe si simple. En août ou septembre, la femelle pond isolément des œufs blanc jaunâtre à surface cannelée. Au bout de trois semaines il en sort des chenilles qui sont encore très petites lorsque vient l'hiver. Il vaut donc mieux attendre au printemps pour les chercher. Dès les mois de mars ou avril, elles se remettent à manger et atteignent, dans le courant de mai, leur taille définitive, soit 2,7 à 3 centimètres de long. Elles se nourrissent de différentes espèces de graminées croissant dans les lieux arides, spécialement du chiendent (triticum repens) ainsi que des aira canescens et cæspitosa. La chenille de l’AGRESTE est lisse, d’un gris brun terne ou d'un ton carné. Cinq lignes longitudinales sombres parcourent le corps de la bête : celle du milieu est généralement noirâtre, les quatre autres d'un gris plus ou moins clair. Les deux latérales sont plus larges que les autres et leur bord supérieur est bordé de noir. La tête, globuleuse, plus claire et plus rougeâtre que le reste du corps, présente quatre ou six raies foncées et le ventre est d’un gris clair, parfois verdâtre. A la fin de mai, cette chenille entre dans la terre où elle s’aménage, tout près de la surface, une petite chambre ovoïde. C'est là qu'elle se transforme en chrysalide. Celle-ci est épaisse, d'un brun orangé, jaunâtre ou gris, avec les fourreaux alaires plus clairs que le reste du corps et marqués de tout petits points noirs. L'abdomen se termine par un prolongement arrondi. Le NÉMUSIEN — Pararge mæra L. Femelle, grandeur naturelle, posée sur un rocher. Mâle grossi deux fois, posé et butinant. Mâle, grandeur naturelle, variété adastra O., posé sur un rocher. L'Œillet des Chartreux — Dianthus carthu- sianorum L. 29. LE NÉMUSIEN 29. LE NÉMUSIEN PARARGE ou PARARGA (Hb.) mæra ou mæra (L.) — L'ARIANE ORSQU'UN papillon vole, les mouvements de ses ailes et la rapidité de sa course vous empêchent de voir les détails de sa parure; à notre œil, il fait l'effet d'une simple tache de couleur. Lorsqu'il se pose, par contre, pour peu que vous vous en approchiez avec précaution, son immobilité vous permet d' apprécier les plus subtiles harmonies et de découvrir les dessins les moins apparents. Eh bien, notre Dieu, lorsqu'Il créa les papillons, pensa aux humains qui, plus tard, pourraient à loisir admirer ses chefs-d'œuvre, et aux Papillons de jour qui volent en plein soleil et doivent agrémenter la prairie ou les pentes arides de notes gaies et vivantes, Il a donné des ailes dont le dessus est orné de couleurs vives, réparties en grandes taches simples et nettes. Sur la face inférieure, presque invisible au vol, mais seule exposée aux regards, dans la plupart des cas, lorsque l'insecte se pose, ou en tout cas lorsqu'il est engourdi, Il a dessiné, au contraire, de fines broderies et des arabesques délicates. Et comme une fois posé, surtout pendant la somnolence d'un jour de pluie, le papillon est exposé à mille ennemis, le Créateur a teinté le dessous des ailes de nuances beaucoup plus discrètes que celles de la face supérieure, ce qui permet au papillon de passer très souvent ina- perçu sur les objets qu'il a choisis comme support. Il est vrai que dans la nature il y a toujours des exceptions, et ce que nous venons de dire n’est qu'une règle générale; mais, si règle il y a, le beau NÉMUSIEN en est un type parfait : lorsqu'il survole les rocailles, visitant les œillets des Chartreux ou les sédums en fleurs, lorsqu'il fait battre ses ailes, on aperçoit un papillon d'un brun très sombre, soyeux, doré, taché de jaune ocre et de noir qui attire immédiatement l'attention du passant le plus distrait. Mais, se sent-il fatigué, éprouve-t-1l le besoin de se reposer au soleil, subitement il disparaît aux regards. Ce n'est pas qu ‘un oiseau l'ait emporté, ce n "est 186 à LE NÉMUSIEN pas non plus qu'il se soit caché dans un trou; mais non, il est là, tout près, en pleine lumière; seulement il est maintenant posé, et, en se posant, 1] a caché d'un coup toutes ses vives couleurs. Il a même abaissé le cimier de ses ailes supérieures dont tous les oranges et les noirs disparaissent maintenant sous le couvert de la paire inférieure. Le dessous de ses ailes, d'un gris argenté, ressemble à s'y méprendre aux gris du rocher, et ses jolis ocelles, ses zigzags imprévus ne le font que mieux se confondre avec les fentes de la pierre, les rondelles des parmélies, ou les franges capricieuses des lichens. Le voyez-vous revenir d'une de ses envolées ]j Joyeuses au-dessus de la route, ou d'une promenade furtive entre les maigres épillets des graminées que la sécheresse des lieux ne laisse surgir que de place en place? Il a goûté au nectar de l'œillet et de la scabieuse, 1l a fait voir, en battant des ailes, l'effet charmant de leurs deux faces si différentes, mais 1l semble pressé de revenir maintenant sur sa pierre favorite. Ïl s'y applique donc à nouveau: deux ou trois fois il écarte et rappro- cheses ailes soyeuses, moirées, aux reflets d'or, d'argent ou d'émeraude, puis 1l les ferme une dernière fois et plus ne bouge. Chose curieuse, poussé par un merveilleux instinct, il s'est arrêté de façon que son dos regarde le soleil en face et que, par conséquent, ses ailes pointent l'astre du jour. De cette manière, aucune ombre portée n'est visible et le rusé papillon échappe étonnamment aux regards. C'est dans cette même pose et aux mêmes endroits qu'il passe la nuit. La femelle, plus claire que le mâle, souvent plus pâle encore que sur l'image, plus fauve, plus tachée, fait un contraste moins violent avec les gris du rocher que le mâle à la robe unie et sombre. Elle est donc moins soucieuse de cacher ses beaux dessins et laisse souvent ses ailes gran- des ou à demi ouvertes. Elle imite même, à l'occasion, son cousin l’Agreste (pl. 28) et sautille sur la pierre chaude. e NÉMUSIEN varie beaucoup; certains exemplaires, comme celui décrii plus haut, sont d'un brun très foncé : c'est la variété ADASTRA LE NÉMUSIEN 187 ou ADRASTA (0.) que l’on trouve surtout à la montagne. D'autres, au contraire, sont brun clair avec la tache noire de l'aile supérieure encadrée de jaune et le champ orangé beaucoup plus étendu. Souvent les petits points blancs qui ornent les taches noires sont d'un joli bleu pâle. Quelquefois il n'y en a qu'un dans la plus grosse des taches, celle-ci étant alors ronde; dans d’autres types enfin, cette tache est tout à fait double et formée de deux ocelles ayant chacun son point clair. La femelle est habituellement un peu plus grande que le mâle et varie entre 5,2 et 5,8 centimètres d'envergure, tandis que les mesu- res du mâle oscillent entre 5 et 5,4 centimètres. Rare sur le Plateau suisse, notre papillon est fréquent au Jura et monte dans les Alpes jusqu'à 2000 mètres. Il apparaît à deux repri- ses: soit en mai et juin, puis en août et septembre. À vrai dire ces deux générations se confondent plus ou moins, et pendant presque toute la durée des cinq mois les plus chauds de l’année, on peut voir voler le NÉMUSIEN au pied des rochers, sur les chemins exposés au soleil, le long des murs et des lisières rocailleuses de forêt, partout où prospèrent les herbes dont sa chenille se nourrira, comme le chien- dent (triticum repens), le paturin (poa annua) et diverses autres graminées (festuca elatior, ovina ou fluitans et hordeum murinum ou maximum). Cette chenille que l’on trouve depuis l'automne jusqu'en avril ou mai, et de nouveau en juin ou juillet, atteint 3 centimètres de long. Elle est fuselée et son corps se termine par deux petites pointes charnues. Sur un fond vert pâle, une ligne sombre finement bordée de blanc parcourt le dos, tandis que deux lignes claires sillon- nent les flancs. La peau de la chenille est agrémentée de minuscules et innombrables verrues portant chacune un petit poil et placées en séries transversales. La chrysalide qu'on trouve suspendue par la queue contre les rochers, les murs ou les palissades, est vert jaune chez le mâle et d’un vert sombre, tirant sur le noir, chez la femelle. Dans les deux sexes, la tête porte deux prolongements jaunes, arron- dis et l'abdomen deux rangs de verrues de la même couleur. Le Tircis — Pararge ægeria L. variété ege- rides Stgr. Femelle, grandeur naturelle, posée. Femelle, grossie deux fois, au repos. Le Lonicéra camérisier ou Blanchette, en fleurs — Lonicera xylosteum L. LE TIRCIS 30. EL" at 4 : 0 14 ï 1 sn ms ÿ LU \ i 2 Î À . te 1 : + \ à 30. LE TIRCIS PARARGE ou PARARGA (Hb.) ou SATYRUS (Latr.) ægeria ou egeria (L.) var. egerides (Stgr.) — L'ARGUS DES BOIS "EST le printemps : l'épine noire ouvre ses petites fleurs blan- ches, le hêtre déplie ses éventails vert tendre, le chèvrefeuille et la boule-de-neige, la viorne lantane et le groseillier sauvage montrent partout de petites feuilles aux formes variées, tantôt d’un vert pâle et bleuté, tantôt d'un rouge doré, tantôt enfin d'un vert vif et chaud. Partout, des écrans se brodent parmi les ramilles, des ombres surgissent. Les sous-bois redeviennent sombres, et le mystère si char- mant et si attrayant de la forêt renaît avec le feuillage. Les oiseaux, invisibles, chantent dans les arbres, on entend des cris, des voix, des appels, les coups répétés d'un pic creusant dans un tronc la cavité destinée à l'établissement de.son nid, et cependant, c'est à peine si, de temps à autre, on voit passer, comme une ombre, l’un d'entre eux. Le soleil se joue dans les branches et fait étinceler de toutes parts les surfaces qu'il atteint, voilant la vision des choses qui apparaissent fractionnées en multiples morceaux par l'ombre portée des rameaux et des feuilles. Il n'est pas étonnant que les anciens, moins blasés que nous, vivant à une époque plus tranquille et moins fiévreuse que la nôtre, où l'esprit était porté davantage que de nos jours à la poésie, où les oiseaux et les bêtes sauvages étaient beaucoup plus communs et augmentaient par là-même les causes de surprise, où le cerf et le chevreuil couraient encore fréquemment nos bois de leur pas furtif, où les fourrés étaient combien plus impénétrables et étendus, par conséquent plus mystérieux qu'à l'heure actuelle, il n'est pas étonnant, disons-nous, que les anciens, pour mieux exprimer les sentiments qui les animaient en face de cette belle nature, aient créé, dans leurs écrits, des personnages typifiant des choses trop abstraites pour être décrites autrement. C'est ainsi que les Grecs « inventèrent » les nymphes, personnification des forces de la nature, créatures mys- 192 LE TIRCIS térieuses animant les sources, les étangs et les bois. Or le nom d’ÆGe- RIA est synonyme de (nymphe, et c'est fort à à propos que le grand naturaliste suédois l'a donné au papillon qui nous occupe. Ce dernier aime, en effet, les bois, les chemins creux, les sentiers de forêt, les allées, les clairières ombragées. Regardez-le passer de son vol VI et rapide. Ses couleurs s’harmonisent si bien avec le milieu qu'il fré- quente que vous risquez sans cesse de le perdre de vue. Pourtant il ne va pas bien loin, notre joyeux TIRCIS, il tournoie sous le dais de feuilles naissantes et vient se poser à l'endroit même d’où vous venez de le faire fuir. Une fois à terre, avec ses ailes étendues sur les feuilles sèches, il est quasiment invisible, et si vous ne l'aviez pas vu des- cendre, vous ne l’auriez sûrement pas découvert. Il aime, avons-nous dit, la pénombre, les espaces resserrés entre les arbres et les buissons, mais cependant il ne va, dans ses promenades, que jusqu'où pénètre le soleil, et c’est toujours exposé à ses rayons qu il se pose à terre ou sur les fleurs. Il est commun, mais onn "en voit jamais qu'un ou deux exemplaires à la fois. Il vole au premier printemps, à partir du milieu d'avril; dans le midi de la Suisse, il apparaît déjà en mars. On le rencontre encore en mai, exceptionnellement jusqu'en juin, puis il réapparaît sous forme d’une deuxième génération de juillet jusqu'à fin septembre. C’est à ce moment-là qu'il est le plus fréquent. Il varie entre 4 et 4,9 centimètres d'envergure, le mâle étant presque toujours plus petit que la femelle. Il a aussi les ailes supérieures plus étroites, plus allongées et plus pointues. omme coloration, le TIRCIS varie beaucoup : tantôt 1l est sem- blable à l’exemplaire de notre planche, ou présente des taches claires encore plus blanches, tantôt ces mêmes taches sont d'un beau jaune ocre ou orangé brillant. Chez certains individus, elles sont encore plus étendues que sur l’image et occupent même, sur l'aile supérieure, une surface plus grande que le fond brun. Dans d’autres types, au con- traire, ces taches sont très réduites et fondues. D'une manière géné- rale, le mâle a les siennes plus petites et plus foncées que la femelle LE TIRCIS 193 et la génération d'été est plus colorée que celle du printemps. Le vrai type ÆGERIA (L..) est jaune ocre et se rencontre plutôt dans le Midi. Nos exemplaires du Jura à taches claires sont la variété EGERIDES (Stgr.). Enfin, la face inférieure des ailes est très souvent d’un brun jaune ou d'un brun grisâtre beaucoup plus uniforme que sur le papil- lon représenté ici. Les œufs sont ronds, blanchâtres et éclosent déjà huit ou quinze jours après la ponte. La chenille vit sur différentes espèces d'herbes, surtout sur le chiendent, en mai, juin ou juillet puis d'août ou septembre jusqu'en octobre. En général elle se transforme en chrysalide avant l'hiver, mais attend quelquefois le printemps suivant pour se métamor- phoser. Contrairement à ce que font beaucoup de ses proches paren- tes, elle mange de jour comme de nuit. Atteignant 2,9 à 3 centimètres de long, elle a la tête globuleuse et le corps élancé, fsiones mat et finement velu, un peu ridé en travers. Le plus souvent verte, elle peut aussi être noirâtre. Le dos est plus foncé que les côtés du corps et orné longitudinalement d’un trait vert sombre, bordé lui-même par deux lignes blanc jaunâtre. Une double bande claire décore les flancs; les stigmates sont jaunes. La chrysalide, qui est suspendue la tête en bas, fixée seulement à son support par l’ extrémité de l'abdomen, est eus: anguleuse, de couleur verte, gris jaune ou brune. Souvent le bord des fourreaux alaires est marqué d’un trait blanc. Sur l'abdomen se trouvent deux rangées de petites verrues. 13 Le MyrTiL — Epinephele janira L. Femelle, grandeur naturelle, posée et butinant. Fe- melle, grossie deux fois, posée et butinant. La Scabieuse succise — Scabiosa succisa L. L'Epine noire ou Prunellier ou Prunier épi- neux — Prunus spinosa L. LE MYRTIL 31: rar 1, noi Ait SX FL FAT . Vu 4 î ' 1 +2 J'ai à ” re à V# N MATOS Fe A ) à À à Wu 4 “ LE ‘ x à 7 ’ 0Q . L Ê . sh D _ mn s fl : : à ù + = , < 1 Win ; à * 1 ni Fà " Ch (SOC Es Ë PRAN ES 0 Le ‘ } + cd À << Me ll ï è r , … tr 00 A , [A La F i ü i ( TR À , [ } 4 ü 220 de: L Re ( n A ï 1 « r. : Î ï de L à 4 31. LE MYRTIL EPINEPHELE ou PARARGE (Hb.) ou SATYRUS (Latr.) janira ou jurtina (L.) E métier de jardinier est superbe, captivant, enviable. Le charme et la beauté, souvent même la splendeur des allées, des pelou- ses, des parterres ou des massifs de fleurs bien entretenus sont incontestables. Il suffit de visiter un parc comme celui du château de Versailles, de parcourir une exposition, une serre d'or- chidées pour être émerveillé de ce que l’homme, par la culture, est arrivé à faire. Mais si l’on parcourt un lieu absolument vierge et livré à lui-même, où la main de l’homme n'a pas passé, on est encore plus enchanté des beautés de la nature, de ses combinaisons multiples et infinies, de ses harmonies parfaites, de ses rapprochements de couleurs exquis. Suivant le terrain, l'exposition, l'altitude ou la saison, les plantes, les buissons, les arbres varient; mais chose admirable, les espèces qui affectionnent les mêmes lieux s'accordent à la perfection entre elles, et chacune ajoute une note vivante à l'ensemble du pay- sage. Il n’y a pas jusqu'aux plantes qui se fanent, aux herbes qui se dessèchent qui n'aient leur charme et qui jouent encore leur rôle de couleur ou de forme. Allons ensemble, au mois d'août, le long d'une lisière de forêt, dans une clairière, un coin de pâturage peu fréquenté, en un mot un lieu herbu où la faux n'a pas passé : les longues grami- nées ont mûri, elles sont devenues d'une jaune paille un peu rosé et se balancent maintenant avec les scabieuses succises, ces belles fleurs en boule aux étamines roses, à la tige pourpre, qui s'ouvrent vers la fin de l'été. De petits buissons d'épines rabougris, trapus, végètent dans une terre maigre, mais cette aridité même les obligeant à faire des jets minuscules, à émettre de toutes petites feuilles, leur concède un charme tout spécial. Les herbes et les scabieuses, en crois- sant, ont traversé le buisson nain et ces feuilles, ces branches, ces fleurs et ces graines se marient à merveille, créant une harmonie d'une finesse incomparable. Or il est un papillon, comme beaucoup _d'au- 198 LE MYRTIL tres du reste, qu'on ne rencontre ni dans les jardins, ni dans les parcs, mais qui affectionne précisément ces coins vierges et agrestes, c'est le MyrTiL. Dès la fin de juin et jusqu’en septembre et octobre, il rôde le long des buissons, dans l'herbe des pâturages, sur les fleurs des prairies, des rocailles et des taillis, et sa robe d'un brun fané, variée d'ocre et de gris, s'accorde si bien avec les lieux qu'il fréquente, qu'on le remarque fort peu. Le MYRTIL semble se rendre compte de ce fait, car 1l ne s'occupe guère de la présence de l’homme. Pas- sionné des scabieuses, de l’eupatoire, de l'origan, de la ronce, il y fait des stations prolongées, tournant en tous sens autour des fleurs et plongeant sa trompe aussi bien dans les fleurons inférieurs que dans ceux du sommet. Il exécute donc, avec les ailes tantôt ouvertes, tantôt closes, une gymnastique incroyable, surtout sur les boules bleues de la succise. | En le regardant de près, on voit souvent sur les côtés de son thorax de petits points ovales, d'un rouge intense, qui sont des aca- riens vivant en parasites sur notre papillon. Le Demi-Deuil (pl. 25), que nous avons déjà étudié, en présente parfois aussi et d’autres espè- ces encore, mais le MYRTIL est spécialement attaqué par ces bestioles qui, du reste, apparemment, ne semblent pas lui causer grande inquié- tude, ni douleur. Chez les sympetrums, — ces libellules de moyenne grandeur, au corps rouge vif, qui fréquentent les grèves herbeuses de nos lacs, — on observe de semblables parasites, surtout sur lesympe- trum méridional. Mais chez cet insecte, on peut en voir non seule- ment accolés les uns à côté des autres sous le thorax, comme chez le papillon, mais il y en a parfois de vraies séries sous les nervures prin- cipales des ailes. Porteur ou non d’acariens, notre MYRTIL varie entre 4,7 et 5,8 centimètres d'envergure. La femelle, représentée deux fois sur notre planche, a souvent les taches claires de l'aile supérieure plus réduites, plus sombres et plus orangées. En outre, d'habitude il n'y a pas de jaune sur l'aile inférieure; cette dernière est parfois d'un brun LE MYRTIL 199 orangé plus uniforme, sans trace de lilas et de vert. Le mâle est très différent : d'abord un peu plus petit que la femelle, il n’a plus de jaune orange sur ses ailes, ce qui le fait ressembler au Tristan que nous allons étudier. De plus, l'œil noir est, en général, plus réduit, plus fondu et souvent dépourvu de point blanc. Le mâle se distingue aussi de la femelle par un dessous beaucoup plus uniforme, la bande claire étant à peine visible, mais ornée par contre presque toujours d'un ou deux tout petits yeux noirs qui ne se volent que très rare- ment chez la femelle. Les zébrures transversales sont aussi moins marquées que sur l'image, l'œil noir est plus petit et rond et le reste de l'aile supérieure est plus orangé. Comme la plupart des Satyrides, le MYRTIL présente la curieuse particularité d'avoir, sur l'aile supérieure, deux nervures fortement renflées à leur base. La chenille vit d'août ou septembre jusqu’en mai sur différentes graminées, surtout le pâturin des prés et le pâturin annuel. Elle atteint 3 à 3,5 centimètres de long. D'un beau vert clair et vif, elle a le dos orné d'une ligne sombre et les flancs d’un trait clair. Le corps, recouvert d'une fine toison de poils blanchâtres, se termine par deux petites pointes rosées. Le ventre est vert sombre ou gris vert. En juin, cette chenille se suspend à un brin d’herbe par le bout du corps et se transforme en une chrysalide vert Jaune, dont les four- reaux alaires et le thorax sont marqués de stries noirâtres et l'abdo- men pourvu de deux rangées de petits boutons bruns. Elle donne naissance au papillon après deux ou trois semaines. Celui-ci est un Papillon de jour des plus communs. Le TRISTAN — Epinephele hyperanthus L. Trois mâles, grandeur naturelle, posés et butinant. Femelle, grossie deux fois, posée et butinant. La Potentille comaret ou Comaret des marais — Comarum palustre L. LE TRISTAN 32. de urpat ai 32. LE TRISTAN EPINEPHELE (Hb.) ou PARARGE (Hb.) ou APHANTOPUS (Wallg.) hyperanthus (L.) ANS toutes les prairies humides et les clairières, le long des lisières ou des chemins de forêts, sur les fleurs des centaurées, sur les grandes marguerites, les scabieuses et surtout les séne- çons, parmi les touffes du vulgaire chiendent, entre les longues gra- minées, depuis le mois de juin jusqu'en août, un papillon tout brun, d'aspect terne et modeste, que peu de gens remarquent, passe une existence tranquille et heureuse. Oui, de loin, l’'HYPERANTHUS paraît insignifiant, 1l a peu d'apparence, il est même dédaigné: mais il réserve une agréable surprise au curieux qui s'en approche : posé sur une fleur, il tient souvent ses ailes fermées, n’en montrant que la face inférieure; mais sur cette face inférieure sept ou huit joyaux s’étalent. Chacun d'eux consiste en un point blanc, d’un blanc étincelant, entouré d'un cercle noir qui le fait ressortir, puis d’un anneau jaune pâle qui encadre et isole le tout du fond brun. Ce fond est brun, en effet, peu coloré, parfois même grisâtre, mais distingué comme une riche étoffe de soie; et suivant que le papillon butine sur un point ou sur un autre de la belle centaurée, un lustre tantôt vert, tantôt doré, tantôt rougeâtre court sur sa robe et la fait miroiter. Lorsque l'insecte entr'ouvre ses ailes et en montre la face supérieure, l’émer- veillement devient plus grand encore. Comment un vêtement aussi simple peut-il donner l'impression d’une telle richesse? C'est un brun foncé, presque noirâtre, souvent sans aucune tache, aucun des- sin; mais ce brun, plus encore que celui de la face inférieure, s'orne de reflets délicats et somptueux dont il est impossible de donner une idée par la peinture. Quand le papillon est tout frais, c'est un vrai chatoiement d'or et de vert, de rose, de bleu ou de violet; ces reflets n'égalent pas, il est vrai, ceux du Mars changeant (pl. 12), mais ils sont d'autant plus beaux qu'ils sont plus discrets. C’est sur le thorax, 204 LE TRISTAN recouvert de longs poils, qu'il y en a le plus; et, pour augmenter le charme de cette livrée si parfaite, une frange de cils blanc jaunâtre ou brun clair, plus soyeuse encore que le reste de l’aile, encadre celle-ci et la termine. Et que dire des antennes, ces filaments presque aussi ténus qu'un cheveu et formés cependant de trente-quatre microscopiques tonnelets noirs à base blanche qui s’enchâssent les uns dans les autres et deviennent toujours plus gros au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de l'extrémité de ce chapelet animé. Si par hasard un étang, une tourbière ou un ruisselet quelcon- que anime la prairie et si, au bord de ses eaux, croît et fleurit la belle potentille comaret, cette plante rare, mais superbe dans sa simplicité, les HYPERANTHUS auront tôt fait d'en découvrir les fleurs pourpres aux pétales allongés et pointus, et là, du matin au soir, ils se donne- ront rendez-vous. Quel attrait extraordinaire cette fleur a-t-elle donc pour eux? quelle subtile délicatesse a le goût de son nectar? — Nous autres humains nous ne pouvons apprécier les vertus cachées de la plante des tourbières, mais sur les belles corolles dressées au-dessus de l’eau, parmi les feuilles bleuâtres aux folioles dentelées, nous pouvons voir le TRISTAN se régaler, tant que le soleil brille, et aussi longtemps que fleurit le comaret. En plein midi, lorsqu'il fait beau temps, presque chaque fleur porte son papillon, et c'est à qui mieux mieux que les fines trompes plongent et replongent dans les corolles, ouvertes, semble-t-il, tout exprès pour le papillon brun. La femelle vole lentement, se fauflant entre les grandes herbes et semant au hasard ses petits œufs ronds qui tombent à terre parmi les graminées savoureuses de la clairière. Deux ou trois semaines après, c'est-à-dire dès la fin de juillet, de petites chenilles sortent de ces œufs, et, tout en se nourrissant d'herbes, spécialement du millet épars (milium effusum) et du pâturin annuel (poa annua), par- viennent jusqu à l'automne à la moitié de leur croissance. Après l'en- gourdissement de l'hiver, elles se remettent bien vite à manger; de sorte qu'à la fin de mai déjà, ou en juin, elles ont atteint leur complet LE TRISTAN 205 développement. Elles sont alors d'un gris tirant sur le blanc, le brun, le roux ou le vert. Le dos est parcouru par un trait sombre partagé habituellement en deux par une fine ligne claire. Sur les côtés s'éten- dent deux raies blanchâtres et tout le corps est semé de petits poils roux. Le dernier segment de l'abdomen se termine par deux pointes claires. La tête est brun clair ou rougeâtre avec quatre traits et points brun foncé. Le ventre et les pattes sont gris. La chenille, une fois prête à la métamorphose, descend sur le sol, se cache entre les herbes sèches ou les racines, et là se transforme en une chrysalide brun clair ou jaune pâle aux ailes allongées et à l'abdomen court. Cette chry- salide est ventrue, arrondie en avant et conique en arrière. [len sort, quinze jours ou trois semaines plus tard, le modeste papillon, ami du comaret. La femelle du TRISTAN est un peu plus grande et moins sombre que le mâle et présente généralement des ocelles plus gros. Elle mesure de 4,8 à 5,2 centimètres d'envergure et le mâle 4,3 à 4,7 cen- timètres. Cette espèce varie beaucoup quant au nombre et à la gran- deur de ses yeux alaires : sur la face supérieure des ailes, ceux-ci peuvent faire complètement défaut. Dans d’autres types, par contre, ils sont plus gros que sur notre planche, et il y en a parfois trois sur l'aile supérieure. Sur la face inférieure des ailes, il arrive que les ocelles soient encore plus grands que sur l'exemplaire grossi de l'image. Mais il se peut également qu'ils soient beaucoup plus petits, ou bien qu'il n’y en ait plus que deux sous l'aile supérieure et trois sous l’inférieure. D’autres fois ce sont les cercles jaunes et noirs qui ont disparu, ou encore il ne reste plus aucune trace quel- conque d'ocelle. Cette dernière variété est très rare. Le Procris — Cœnonympha pamphilus L. Mâle, grossi deux fois, au vol. Mâle, gran- deur naturelle, posé sur un rocher. La Globulaire à feuilles en cœur — Globu- laria cordifolia L. 33. LE PROCRIS 33. LE PROCRIS CœnonyMPHA (Hb.) pamphilus (L.) ou nephele (Hb.) LE PETIT PAPILLON DES FOINS ÊS le mois de mars au Tessin, avril sur le Plateau suisse et mai dans les montagnes, on voit voler un peu partout, surtout aux endroits bien exposés au soleil, un petit papillon d’un jaune orange pâle et rosé, aux ailes bordées d'une marge sombre et d'une frange plus claire. C'est le PROCRIS. Il varie passablement : certains exemplaires ont cette marge sombre très étroite ou même à peine marquée, chez d'autres elle est beaucoup plus large ou plus sombre. L'œil placé à l'extrémité de l'aile supérieure peut aussi disparaître presque en entier ou devenir, au contraire, d'un beau noir. Peu de papillons, lorsqu'ils volent, ont autant l'air de s’amuser que notre Joyeux PAMPHILUS. Le dessus orangé de ses ailes et leur dessous grisâtre le font ressembler à une feuille morte ou à un mor- ceau de papier, coloré différemment sur ses deux faces, et que le vent emporterait au hasard. Lorsque deux exemplaires de cette espèce se rencontrent, ils se poursuivent gaiement ; le premier tourne autour du second, le second autour du premier, et ils exécutent ainsi des rondes charmantes et folles qui les conduisent bien loin de leur domaine. Alors les deux amis se séparent et reviennent en papillon- nant au coin qui leur est cher. Très visible lorsqu'il volette, le petit papillon disparaît subite- ment aux regards lorsqu'il se pose sur le sol. Il faut, en effet, bien s'approcher pour remarquer sur la terre brune ou parmi les herbes sèches le dessous de ses ailes d'un gris brun ou verdâtre. Les supé- rieures sont bien, il est vrai, en partie oranges, mais le prudent insecte a soin, le plus souvent, de dissimuler cette zone colorée sous ses ailes grises. Une seule chose reste pourtant presque toujours visible, c’est un petit rond d’un noir de jais, orné en son plein centre d’un point 14 210 LE PROCRIS blanc comme la neige. Lors donc que le PROCRIS se pose au bord du chemin, il joint ses petites ailes et se couche tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, pour recevoir perpendiculairement à la surface de ses ailes la caresse chaude et vivifiante du soleil qu'il aime tant. C'est le long des sentiers, dans les pâturages sans cesse tondus par le bétail, dans les coins rocailleux où fleurit la globulaire qu'on est le plus sûr de le voir. En de tels lieux, il est commun, même très fréquent pendant tout l'été, et cela presque sans interruption, jus- qu'en septembre et octobre. Dans la plaine, il apparaît en deux ou trois générations et dans la montagne en une ou deux, suivant l'al- titude; car notre petit papillon ne craint pas de monter jusqu ‘à 1800 mètres. Il pond ses œufs, généralement au mois de juin ou au mois d'août, dans l'herbe. Ces œufs sont brun jaune, arrondis, et leur sur- face est comme cannelée ou treillissée. Au bout d'une dizaine de jours il en sort de petites chenilles qui grandissent rapidement jusqu'à atteindre 2 centimètres environ. Elles ont la peau glabre et lisse et portent deux queues menues et rougeâtres à l'extrémité du corps. Elles sont d'un vert plus ou moins vif avec une ligne dorsale sombre bordée de clair et des lignes latérales blanches ou jaune pâle. Ces lignes peuvent aussi présenter l'aspect de bandes alternativement claires et sombres. La tête, le ventre et les pattes sont d'une teinte plus jaunâtre. Les chenilles qui ont passé l’hiver commencent déjà à manger de très bonne heure au printemps, en février ou mars. Mais comme les générations du PROCRIS se confondent plus ou moins, on peut trouver la chenille, comme le papillon, durant la plus grande partie du printemps et de l'été. Cette chenille vit sur différentes espèces d'herbes tendres, telles que la crételle des prés (cynosurus cristatus) ou les graminées des genres poa et anthoxanthum. La chry- salide, qui dure de deux à trois semaines, est courte, épaisse, arrondie, ne présentant aucun angle ou prolongement. Seule la tête est légère- ment bifide. La bestiole est verte avec des points et des traits jaunes, ou bien elle présente trois lignes noires sur les fourreaux alaires. Elle LE PROCRIS cal est suspendue à une plante ou à une herbe quelconque par son extré- mité abdominale qui est rougeâtre. Notre joli PROCRIS est l'espèce la plus commune de son genre, mais nous ne pouvons passer sous silence deux de ses cousins encore plus beaux que lui et qui ne sont pas rares chez nous. Le Cæœnonympha arcania (L.), appelé en français le Céphale, a les ailes supérieures presque semblables à celles du PAMPHILUS; le jaune orange est seu- lement plus intense et la marge plus large et plus sombre. Par contre, l’aile inférieure est presque entièrement brune. Dessous, cette même aile est magnifiquement ornementée : la moitié basale est d’un brun doré tirant, du côté du corps, sur un gris vert ou un gris bleu cha- toyant. Cette partie brune est limitée par une large bande crème qui traverse toute l’aile et qui est elle-même accompagnée d’une série de trois, quatre ou cinq ocelles de grandeurs différentes. Ces divers yeux se composent d’un point central blanc pur, entouré de noir; le cercle noir est lui-même encadré de jaune orange et le jaune orange de brun. Une ligne légèrement brisée et faite de merveilleux reflets d'argent, puis une bande jaune ocre brillant suivent les ocelles et les séparent de la frange de poils gris à la base et blancs à l'extrémité qui achève cette somptueuse décoration. L'arcania est plus grand que le PAMPHILUS. Il atteint et dépasse 4 centimètres d'envergure, tandis que le PROCRIS varie entre 3,2 et 3,6 centimètres. Entre ces deux espèces vient se placer un autre papillon assez commun, le Cænonympha iphis (Schiff.), dont le dessous présente quelques petits ocelles imités de ceux de l'arcania et placés sur un fond ressemblant à celui du PAMPHILUS. Le dessus des ailes est presque entièrement d'un brun doré, quelquefois plus clair sur la paire antérieure. Le DÉ-a-jJouer — Syrichtus alveus Hb. variété cirsit Rbr. Mâle, grandeur naturelle, au repos. Femelle, grossie trois fois, venant de se poser. Le Thym serpolet — Thymus serpyllum L. Graines d'Hélianthème vulgaire — Helian- themum vulgare Gaer. Graines de Lotier corniculé — Lotas corni- culatus L. -A-JOUER 34. LE DÉ MN À & \ L Pa L' | # on (LONETN VOA ) AE UNIES 1 "h: y PTE O f . S RUES PA { x AU M ! ll | £ , ' , 4 \ Ÿ \Q : . u \ ñ : r, EX | ", ; 4 y KAS Î wi Ÿ . Qu 4 à u ty But £ urs : 1h 1 L A1 EL 34, LE DÉ-A-JOUER SYRICHTUS (Bsd.) ou SCELOTHRIX (Rbr.) alveus (Hb.) ou fritillum (0O.) variété cirsit (Rbr.) — LE SYRICHTE DES CIRSES E nom de DÉ-A-JOUER s'applique fort bien à notre papillon, puisque déjà par les taches de ses ailes, l’ALVEUS ressemble un peu à cet objet, au moins lorsque ce dernier est noir à points blancs. Avec un peu d'imagination, on peut lire, en effet, sur la paire antérieure des ailes le chiffre cinq d’un dé. Mais combien la compa- raison est plus frappante encore lorsqu'on voit l'animal en vie partir d'une fleur comme un trait, tel un dé à jouer sortant de la main ou du gobelet d'un joueur de trictrac. Le papillon et le projectile bondissent, tournoient et retombent un peu plus loin, avec la même promptitude, et, semble-t-il, le même hasard. De plus, le jeu des ailes noires tache- tées de blanc qui battent avec prestesse, fait bien l'effet d’un dé qui tourne en tous sens. Ah oui! qu'il est vif, qu'il est frétillant le petit ALVEUS! comme 1il anime agréablement les pâturages secs et brûlés qu'embaume le thym aux capitules pourprés, aux toutes petites fleurs roses ! Celles-ci voisinent, parmi les cailloux épars, avec les corymbes blanc crème de la germandrée de montagne, charmante plante rase des coins surchauffés. Ailleurs c'est la petite globulaire aux pétales divisés, d'un bleu délicat. Entre les herbes fines et maigres surgissent encore les hélianthèmes aux cinq pétales jaunes et fragiles. Sous une touffe d’hippocrépide aux petites feuilles composées et régulières, un grillon chante. Il passe l’archet de son aile gauche sur le bord de l'aile droite, formant boîte de résonance, si bien qu'un son relativement très fort s'échappe du minuscule instrument. Il a creusé son trou rond dans la terre noire, il a soigneusement balayé le pas de sa porte, 1l vient de grignoter une feuille de violette et maintenant il se repose en jouant du violon: et cette musique vient s'ajouter à celle des autres grillons, qui, nombreux, manient l'archet dans le beau pâturage. Un troupeau de moutons gravit la pente, en suivant les sentiers multi- 216 LE DÉ-A-JOUER ples et parallèles que ses allées et venues continuelles ont creusés dans la terre dure. Sur les buissons du cerisier mahaleb, de l’épine noire ou du nerprun purgatif, un pouillot véloce, cette petite fauvette si fine, si simple et si enjouée, à la robe gris vert, fait entendre ses { tsilp tselp, tsilp tselp » répétés. Et voici que toutes ces choses menues, ces êtres frêles et mignons s'amusent ou travaillent au pied des immenses rochers qui soutiennent la montagne. Oui, que la nature est belle avec ces contrastes continuels entre les choses immenses et infinies, imposantes et majestueuses et les corps infimes, imperceptibles et pourtant si parfaits. Et que dirions-nous si nos yeux étaient des microscopes, si nous pouvions entrevoir la cellule et l'atome et décou- vrir les mystères innombrables et insoupçonnés qui nous entourent et dont notre propre corps est plein! C'est donc au pied des grandes roches, dans le pâturage tout vibrant du concert des grillons, que le DÉ-A-JOUER bondit ou plutôt volette rapidement, se posant sur le thym, les scabieuses, pour y boire quelques lampées rafraîchissantes. Il pirouette sur la vaste ombelle de l’achillée mille-feuilles, comme sur un pont de danse, avec ses ailes grandes ouvertes. Lorsqu'il les referme un peu, il tient toujours la paire inférieure plus écartée que l’autre. La tête et le corps, surtout le thorax, sont énormes par rapport aux ailes, aussi est-ce avec raison qu'on a placé les Hespérides tout près des Sphinx. Cette section ren- ferme de nombreuses espèces : tantôt elles sont fauves ou brunes, ce sont alors les Hespéries proprement dites; tantôt elles sont, comme notre ALVEUS, noires ou brun foncé à taches blanches ou jaunâtres, ce sont les Syrichtes et les Spilothyres. Dans ces deux derniers genres surtout, les espèces sont si nombreuses et si peu caractérisées que les divers auteurs se contredisent sans cesse. Dans le seul genre Syrichtus se trouve toute une série de formes que les uns prennent pour de simples variétés du type ALVEUS (Hb.), d'autres pour des espèces définies. Nous ne ferons que les citer, sans chercher à les décrire, car les différences sont minimes entre ces diverses formes. Ce sont les LE DÉ-A-JOUER 217 Surichtus fritillum (Rbr. H. Tr. O. Fabr.), cirsit (Rbr.):, carline (Rbr..), onopordi (Rbr..), et serratulæ (Rbr.). Une autre espèce du même genre, le Syrichtus carthami (Hb.) ou le Plain-Chant, est un peu plus grande que l’ALVEUS, avec les taches blanches de l'aile supérieure plus étendues et les parties claires de l'aile inférieure blanches également. Notre DÉ-A-JOUER varie entre 2,8 et 3,6 centimètres d'envergure. Le mâle a généralement le corps recouvert d’abondants poils à reflets bleu vert, tandis que la femelle est plus glabre et plus décolorée. Cependant, presque toujours, dessus comme dessous, glissent de légers reflets dorés, cuivrés, violacés ou verts et la face supérieure des ailes est souvent d’un brun plus chaud et plus pâle que sur notre planche. Le dessous de l'aile inférieure varie du gris verdâtre ou du jaune, au brun, au fauve rougeâtre, ou même au rouge brique. Ce papillon vole, à la montagne, de la mi-juin jusqu'en août, mais sur- tout en juillet. Dans la plaine, il apparaît deux fois, en mai-juin puis en juillet-septembre. La chenille qui vit en juin est très difficile à trouver, ainsi que nous l'avons déjà dit dans le volume précédent (p. 35-38). Atteignant 2 centimètres, elle est fuselée, avec une tête noire, assez grosse, et un cou étranglé blanchâtre, marqué de deux taches noires. Elle varie du brun au gris lilas, avec les flancs et les pattes plus ou moins rougei- tres. Sa peau est finement granuleuse, chagrinée et pubescente. Elle se nourrit du polygala petit-buis, et des potentilles faux-fraisier et rampante. Elle se tisse, entre des feuilles, un cocon lâche, à la surface du sol, et se transforme en une chrysalide brun clair, plus ou moins recouverte d'un fard léger, bleu ou gris. Cette chrysalide donne naissance au papillon au bout de deux semaines. 1 D'après M. Guédat-Frey de Tramelan, très fort dans la partie, l'exemplaire représenté sur notre planche est précisément la variété circiI (Rbr.) ou SYRICHTE DES CirsEs. M. Guédat fait de même de cimsit (Rbr.) une espèce à part; mais puisque nous avons adopté en tout point, dans cet ouvrage, la classification de Hofmann, nous tiendrons avec lui, CIRSII pour une simple variété du type ALVEUS. LE SPHINX DU TROÈNE — Sphinx ligustri L. Femelle, grossie deux fois, au repos contre un rocher. Le Troène vulgaire — Ligustrum vulgare L. 1 8 QE “Le “ 35. LE SPHINX DU TROÈNE 35. LE SPHINX DU TROËÈNE SPHINX (O. Fab.) ou HyLoicus (HE.) ligustri (L.) ORSQUE nous étions enfants, le moment du coucher était fixé pour nous à huit heures; plus tard, lorsque nous eûmes un peu grandi, il passa à huit heures et demie, longtemps après seulement à neuf heures. Ah! la bonne habitude! Or, en dessous de la fenêtre de notre chambre à coucher, deux plantes vigou- reuses de «chèvrefeuille des jardins grimpaient contre le mur, de chaque côté de la porte d'entrée. Elles poussaient au printemps de longs jets flexibles ornés de feuilles d'un vert bleuâtre et ces jets venaient s’enrouler autour de fils de fer tendus à leur intention. De place en place, les tiges se terminaient par de charmantes fleurs crèmes, blanches ou rosées, aux longs tubes, au parfum pénétrant. Quelques mètres plus loin, des buissons de troène dominaient la fon- taine et se couvraient, en été, de petites grappes blanc jaunâtre, à senteur de citronnelle. De l’autre côté, dans une plate-bande adossée à la façade, des « églantiers aux cent épines > épanouissaient leurs jolies fleurs blanches, également odoriférantes. Pendant le jour, des abeilles, des bourdons, de nombreuses mouches venaient bruyam- ment butiner sur ces buissons; mais une fois le soleil couché, tous ces bruits prenaient fin et pendant une heure environ, le silence régnait. C'était alors que, de nos lits, nous tendions l'oreille; par la fenêtre grande ouverte, des parfums subtils et mélangés, mais exquis, pénétraient dans la chambre et nous nous en délections, tout en rete- nant notre souffle pour mieux écouter... Soudain, le bruit attendu se faisait entendre : un bourdonnement léger, sourd, semblable au ronflement lointain d’un moteur, parvenait à nos oreilles. En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, nous étions à la fenêtre, é écar- quillant nos yeux pour voir l'avion en miniature qui n “était autre qu'un Sphinx. Nous les connaissions bien ces gros Sphinx, qui, comme nous, aimaient tant le chèvrefeuille! Mais ils étaient si lestes, leurs 222 LE SPHINX DU TROËNE ailes battaient si vite, ils apparaissaient quelquefois si tard que nous arrivions à peine à les distinguer dans la pénombre. Alors que nos chers parents nous croyaient sagement dans nos couchettes, nous étions penchés par la fenêtre, immobiles et muets pour ne pas effa- roucher les craintifs visiteurs. À peu de distance de nos têtes, nous pouvions entrevoir les évolutions rapides des gros papillons au corps massif, qui, sans jamais se poser, sans cesser de battre des ailes, s’ar- rêtaient un instant devant chaque fleur et enfilaient leur longue trompe dans les tubes roses du chèvrefeuille. Au mois de mai, tout au début de la saison des Sphinx, comme la nuit venait plus tôt, nous allions, avant de monter, faire l'inspection des fleurs. Quelle n’était pas notre joie lorsque nous pouvions avertir notre père qu’un Sphinx était là; et nous étions tout émotionnés de plaisir, lorsque nous enten- dions le gros papillon bourdonner dans le filet. Un instant après, il était dans le cyanure dont les vapeurs amenaient une mort presque instantanée. Notre ravissement était complet lorsque nous pouvions admirer à loisir et de tout près le mystérieux papillon gris brun aux ailes solides, veloutées, au thorax lustré, noir et blanc, surtout lorsque notre père soulevait les ailes supérieures de la pointe de ses brucelles et que nous apercevions le merveilleux abdomen corpulent et coni- que, soyeux, parcouru dans toute sa longueur par un ruban beige et orné de chaque côté de bandes transversales alternativement noires et roses, d'un rose tendre et vif. Mais ce n'était pas là le seul plaisir que les Sphinx nous procu- raient. S'il était amusant, captivant même de les voir voler, nous éprouvions toujours une certaine tristesse d'être obligés de les tuer pour les regarder de près. Du reste, une fois la collection de mon père pourvue des exemplaires suffisants, il ne fut plus question d'en capturer. Nous aimions donc encore mieux les chenilles que nous pouvions examiner sans leur faire aucun mal. Nous pouvions facile- ment, et en plein jour, chercher et trouver celle du SPHINX DU TROËNE, qui venait habiter jusque devant notre maison, de juillet LE SPHINX DU TROÈNE 223 jusqu'en septembre. Nous la découvrions immobile sous une petite branche de troène, de lilas, de frêne ou de viorne obier, exception- nellement sur le sureau, le chèvrefeuille, la spirée ou le jasmin, l'avant du corps pendant dans le vide, et la tête cambrée dans une splendide posture de sphinx. Son corps, d'un vert clair et brillant, était orné, de chaque côté, de sept barres obliques, violettes et blanches et de petits stigmates jaune orange. Sur l'arrière-train, une corne recour- bée s'élevait, jaune citron et noire. En captivité, où elle achevait fort bien sa croissance, nous pouvions la voir atteindre 9, 10 et même 12 centimètres de long, puis, un beau jour, devenir d'un gris brun terne. Elle commençait alors à errer dans sa prison, puis en quelques instants disparaissait sous terre où, dans un alvéole à peine tapissé de soie, elle devenait une grosse chrysalide brun rouge, avec une pointe à l'extrémité du corps et un fourreau saillant pour la trompe du futur papillon. Celui-ci éclosait en mai ou en juin de l'année sui- vante et nous entendions voler ses semblables sur les chèvrefeuilles jusqu'en juillet et même en août. Le mâle de cette espèce, qui a des antennes finement dentelées et relativement épaisses, varie entre 9,6 et 10,8 centimètres d'enver- gure. La femelle, qui a les siennes cylindriques, lisses et plus fines, varie entre [1 et 12,2 centimètres. De jour, ils se tiennent immobiles, posés contre un mur, un tronc ou les branches d’un arbuste, à des endroits sombres et cachés. Le Perir-POURCEAU — Deilephila porcellus L. Grossi deux fois, au repos contre un rocher. Le Caille-lait jaune ou Gaillet vrai — Galium verum L. LE PETIT-POURCEAU 36. 15 d CAE \ \ * D L [4 ‘ : » 1 3 4 k 4 | ; | à ‘ A : h A } L À : hi : # | rs t | Rose ‘ > f CAL 4 | TE 1 l 4 Ÿ | \ 4 É / ’ i 4 | k Ne ÿ ) RUES é ol Û * K PE | ‘ | 1 2 S ; ue, ‘ re ; { j NO : k : TOR, { j Ar: ’ k | L ? « A? L j & o # 1 « i k Ë x (À Ve \ LAS » , / # “ L * ' L ; Û , eo a V Î "400 D LE RE ï ê ds! L ll “ 2 ve A : aan rer 1} 1 x * } : , { \ ’ r « nl r " ie { a À Û \ sat [ , / re, M “ ' 36. LE PETIT-POURCEAU DeicepHiLA (O.) ou MEeroprsiLus (Dunc.) porcellus (L.) LE PETIT SPHINX DE LA VIGNE EVANT notre maison s'élève une petite colline sur laquelle mon père a planté, il y a longtemps déjà, différentes fleurs. Dès lors elles se sont enracinées, acclimatées, multipliées, si bien qu'elles surgissent maintenant de l’herbe comme si elles étaient venues se semer d'elles-mêmes chez nous. Sous l'ombrage d'un grand cerisier, la belle ornithogale en ombelle étale chaque année, à la fin de mai, ses brillantes étoiles blanches. Plus haut la campanule à larges feuilles laisse pendre ses clochettes d'un bleu intense. La grande centaurée scabieuse et la centaurée de montagne aux fleurs bleues, s'épanouissent en grosses touffes, attirant les abeilles et de nombreux papillons. L'endymion penché, à demi caché dans l'herbe, montre ses quelques fleurs bleues, renversées, semblables à celles des jacin- thes. Au printemps, ce sont les anémones et les scillas qui succèdent aux primevères, les jonquilles aux anémones, les narcisses aux jon- quilles. Mais sur ce monticule, très favorable, semble-t-il, aux jolies fleurs, sont venues se semer naturellement d’autres plantes; et parmi elles il y a les gaillets, surtout le gaillet jaune, aux innombrables petites fleurs jaunes, en croix. Les longues tiges fleuries si légères, si parfu- mées, sont charmantes à voir. Mais lorsque nous étions enfants, ce qui, Je crois, nous attirait le plus vers le gaillet, ce qui nous engageait si irrésistiblement à en inspecter les tiges, c ‘était la possibilité d'y découvrir, le soir, des chenilles. Une espèce que nous trouvions . souvent était le Moro-Sphinx (p. 241), très commun chez nous à cause des nombreuses fleurs qui entouraient notre maison. Mais, attiré par ces mêmes fleurs, surtout celles du chèvrefeuille, des œillets et des pieds-d’alouette, un vrai Sphinx ou plutôt un DEILÉPHILE venait aussi, à l'occasion, pondre ses œufs sur nos gaillets, et nous permettait ainsi de trouver une belle chenille, de 6 à 7 centimètres de long, offrant 228 LE PETIT-POURCEAU tous les caractères d’une chenille de Sphinx, mais dépourvue de corne sur le dernier anneau. Cette robuste larve est d'un gris brun assez terne. Elle est rayée en longueur d’une quantité de petites stries noirâtres, plus ou moins interrompues et ondulées. Les points trapézoïdaux sont ronds et plus clairs que le reste, et le corps est marqué de légers plis transver- saux. Mais ce qui caractérise principalement notre chenille, comme celles des espèces voisines, c'est le renflement du quatrième anneau, à partir duquel le corps s’amincit graduellement jusqu'à la tête, elle- même petite. Sur chacun des segments quatre et cinq, — ceux du quatrième sont plus gros que ceux du cinquième, — se trouvent deux ocelles ressemblant à des yeux, qui, placés en cet endroit, et précédés de ce thorax régulièrement aminci, font penser à une tête de porc, d'où le nom de PETIT-POURCEAU. C'est surtout en juillet et août, mais déjà en juin et encore en septembre, qu'on peut trouver cette chenille. Mangeant habituellement du gaillet, on la rencontre aussi sur l'épilobe et, dit-on, sur la balsamine et la vigne. À la fin de l'été, elle s'aménage, à la surface du sol, un alvéole assez grossier, où quelques fils de soie immobilisent les grains de terre et la mousse environnante. La chrysalide est gris brun ou brun jau- nâtre, presque noire sur le dos, avec des stries noirâtres sur les four- reaux alaires et des épines sur les segments de l'abdomen. Elle donne naissance au papillon en mai ou juin de l’année suivante. Quelquefois une deuxième génération se montre en août ou septembre. Le PETIT- PouRcEAU vole le soir sur les fleurs des jardins et des campagnes, affectionnant en particulier les silènes, l'épilobe, la vipérine et les pieds-d'alouette. C’est le plus petit de tous nos Sphinx; il varie pour le mâle entre 4,7 et 5,2 centimètres d'envergure, pour la femelle entre 5,2 et 5,6 centimètres. Il est, en effet, bien petit si on le com- pare au Sphinx du liseron (Sphinx convolvuli L.) qui atteint 12 centi- mètres d'envergure, et surtout aux espèces étrangères, dont une du Mexique mesure parfois 18 centimètres. Mais il n'en est pas moins LE PETIT-POURCEAU 229 charmant, surtout lorsqu'il vient d'éclore. Par la suite, hélas, ses couleurs pâlissent et le papillon, dans son ensemble, devient d’un ton plus gris jaune, uniforme et clair, que sur notre planche. Une espèce très voisine, le Sphinx de la Vigne (Deilephila elpenor L.) est, quelquefois, de même grandeur que le PETIT-POURCEAU: mais, habi- tuellement plus grande, elle atteint 6 centimètres d'envergure. Comme qu'il en soit on la distingue toujours de notre petit SPHINX à la moitié basale de son aile inférieure qui est noire, à la marge interne de son aile supérieure qui est blanche, à la raie rose qui par- court le milieu de son abdomen, enfin à ses couleurs franchement vert olive et rose violacé, alors que le PETIT-POURCEAU est souvent d'un rose très fané et jaunâtre et la tache du bout de l'aile d’un gris jaune pâle. La chenille du Sphinx de la Vigne ressemble beaucoup à celle du PORCELLUS, mais elle devient plus grande, elle est parfois verte, — ce qui n'arrive à celle de notre papillon que dans son jeune âge, — et, de plus, elle a toujours le onzième segment surmonté d'une corne. Elle vit à la même saison sur les mêmes plantes, mais mange aussi fréquemment de la vigne et des fuchsias. Il y aurait encore beaucoup à dire sur toutes les autres espèces de Deiléphiles : sur le charmant Sphinx chauve-souris (Deilephila ves- pertilio Esp.) aux ailes supérieures d’un gris exquis de délicatesse, aux inférieures vieux-rose; sur le Sphinx de l'euphorbe ou du tithymale (Deilephila euphorbiæ L.) à à la superbe chenille luisante, noire, rouge et jaune; sur le Sphinx phœnix (Deilephila celerio L) au long corps pointu, ligné en longueur, aux ailes étroites; mais il faudrait pour cela des images qui donneraient en un clin diline dé plus exacte de chaque espèce que toutes les descriptions. CR th 37. LE SMÉRINTHE DU PEUPLIER 37. LE SMÉRINTHE DU PEUPLIER SMERINTHUS (O.) ou AmorPHa (Karb.) populi (L.) — LE SPHINX DU PEUPLIER OMBIEN il est plus beau et plus intéressant d'étudier les insectes, comme toutes les bêtes du reste, dans leurs attitudes naturelles, celles pour lesquelles chaque espèce est conformée et colorée, plutôt que de les voir étalés tous dans la même pose. Nous avons vu le beau Sphinx du troëne (pl. 35) maintenir ses grandes ailes en toit et en cacher complètement son abdomen. Après lui, nous avons observé le Petit-Pourceau tenant ses quatre ailes sur un même plan, les écartant même un peu du corps, mais cachant les inférieures sous le couvert des supérieures. Or, voici un Smérinthe représentant d'un groupe d'espèces qui toutes, plus ou moins, prennent, pendant leur repos diurne, l'étrange pose que montre notre planche. Cette fois, ‘comme nous le verrons plus tard pour la Feuille-morte du Chêne (pl. 43) et l'Ecureuil (pl. 45), les ailes inférieures sont plus ouvertes que les supérieures et dépassent largement celles-ci par en haut. Le corps, superbement cambré dans une pose qui rappelle une statue égyptienne, pend verticalement, fixé à son support par six pattes solides et velues. La forme des ailes est si bizarre, leur position si inattendue, qu'on pense avoir affaire, à première vue, à une bran- chette sortant de l'écorce et ornée de quelques feuilles desséchées. C'est dans les endroits un peu humides, au pied du tronc des diffé- rentes espèces de peupliers et de saules, exceptionnellement sur le bouleau, en un mot toutes les essences où vit la chenille, qu'il faut chercher le papillon du POPULI, et il est souvent nécessaire d’écarter les herbes ou les plantes qui entourent l'arbre pour apercevoir l’in- secte. Ah! quelle agréable surprise de tomber sur un de ces splen- dides papillons! Mais la joie est encore plus grande si l’on découvre un Sphinx Demi-Paon (Smerinthus ocellata L..). Il est à peu près de même grandeur et se tient semblablement; mais le bord de ses ailes est beaucoup moins dentelé. Les nervures, si marquées chez notre 234 LE SMÉRINTHE DU PEUPLIER POPULI, sont à peine visibles, et les couleurs sont plus tranchées en gris rose clair et brun sombre. Somme toute, ce costume est encore très simple et sobre et se remarque peu sur les taches de l'écorce. Mais si vous faites mine de saisir l'animal, si vous vous en approchez trop, subitement 1l soulève ses deux ailes supérieures et vous êtes alors en face d’une physionomie très expressive, d'une sorte de tête de hibou aux yeux terribles et vous ne pouvez retenir un sentiment de surprise, surtout si c'est la première fois que vous assistez à ce phénomène. Les oiseaux, dit-on, effrayés par l'étrange apparition, s’esquivent, sans faire de mal à l’astucieux insecte. Or, ces deux yeux sont deux gros ocelles gris bleu à pupille plus sombre; ils sont encadrés de noir, placés sur un fond d'un rose assez vif et les yeux comme le fond rose occupent exactement la partie de l'aile inférieure qui, au repos, est cachée par la supérieure. Chose curieuse, sous cette dernière, la partie qui dans cette même pose de repos est cachée par l'aile inférieure est aussi rose vif. Notre SMÉRINTHE DU PEUPLIER, lui, n’a pas d'yeux terribles à montrer; mais à la même place, sur l’aile inférieure, 1l présente deux belles taches fondues, veloutées, variant d'un roux pâle au rouge terre de Sienne. Ces deux taches si impré- vues sont d'un effet somptueux au milieu des gris de l'aile. Le SPHINX DU PEUPLIER varie passablement : tantôt il est de la couleur qu'indique notre planche, tantôt 1l est plus uniforme et d’un ton plus jaune rosé; ceci est généralement le cas pour la femelle. Parfois les ailes sont envahies par un fard rose ou lilas, ou bien par une teinte gris cendré. Enfin elles peuvent être jaune blanchâtre, gris brun ou brun rougeâtre et dans une variété très rare, appelée FASCIATA (Sp.), la bande médiane sombre qui traverse l'aile supé- rieure est d’un brun noirâtre. Le mâle se distingue de la femelle par l'extrémité de son abdomen élargie en pinceau, tandis que le corps de la femelle se termine en pointe: il possède, en outre, des antennes finement dentées le long de leur marge antérieure, alors que celles de la femelle sont à peu près filiformes. Le mâle mesure de 7,5 à 8,2 LE SMÉRINTHE DU PEUPLIER 235 centimètres d'envergure, la femelle de 8,2 à 10,2 centimètres. C'est en avril, mais surtout en mai et juin, puis en août et septembre, qu'on trouve ce papillon, qui circule le soir et une partie de la nuit, d'un vol lourd. La chenille, atteignant 8 à 9 centimètres de long, se tient posée, pendant le jour, avec l'avant du corps relevé, comme celle du Sphinx du troëne. Elle est d'un vert jaunâtre et sa peau rugueuse est ornée sur toute sa surface d'une infinité de petites verrues jaunâtres. Sur les flancs se dessinent sept bandes obliques également jaune pâle, dont la dernière se prolonge presque jusqu'à l'extrémité de la corne que la chenille porte sur le onzième segment. Ce détail est le principal caractère qui permet de différencier cette chenille de celle du Demi- Paon où la bande blanche s'arrête au pied de la corne. De plus, celle du Demi-Paon est un peu plus bleuâtre et le pointillé et les barres sont plus blancs. Dans les deux espèces, 1l peut y avoir, sur les côtés du corps, une ou deux séries de taches triangulaires et rougeâtres. Dans d'autres types enfin, la chenille est presque blanchâtre. On la trouve de juin à juillet, puis de septembre à octobre. chrysalide qui est placée sous terre, dans un cocon aux parois lâches, est conique et se termine par une pointe acérée. Elle est d'un brun noir mat et grisâtre, alors que celle du Demi-Paon est brun rouge brillant. Elle éclôt au bout de peu de temps, s'il s'agit de la génération d'été, ou bien c’est elle qui passe l'hiver, pour donner naissance à la génération du printemps. Le Moro-SPHINX — Macroglossa stellata- rum L. Mâle, grossi deux fois, butinant au vol devant une fleur de sauge. La Sauge des prés — Salvia pratensis L. La Brize intermédiaire ou Amourette— Briza media L. La Crételle — Cynosurus cristatus L. | il 38. LE MORO-SPHINX MARRON ‘ NAT A LE “ 38. LE MORO-SPHINX MacrocLossA (Ochs.) ou MacroGLossuM (Scop.) stellatarum (L.) LE SPHINX DU CAILLE-LAIT, LE MACROGLOSSE DU GAILLET ou LE SPHINX-MOINEAU OUS verrons plus tard, à propos de l’Amphidase du bouleau (p. 366), le mâle du Biston zonarius (Schiff.), conduit, comme celui de l'Orgyia antiqua (L..), on ne sait par quel instinct, jusque vers sa femelle aptère. Chez les plantes et les fleurs qui, elles, ne peu- vent changer de place, la perpétuation de l'espèce est assurée par d’au- tres moyens. Généralement, les organes des deux sexes se trouvent placés dans la même fleur ou sur la même plante, mais très souvent aussi, une plante, un buisson ou un arbre ne porte que des fleurs mâles, alors que les fleurs femelles sont sur un autre pied. Comment donc le pollen va-t-il être transporté d'une plante sur l'autre? — Parfois, c'est le vent qui s'en charge, mais le plus souvent aussi, ce sont les insectes, surtout les hyménoptères. La fleur a donc besoin de l'animal, et, pour attirer celui-ci, elle met à sa disposition des provisions de nectar succulent. L'insecte arrive, il se pose sur la fleur: il enfonce sa trompe au fond de la corolle et, ce faisant, 1l bouscule ou frôle les étamines, se couvre plus ou moins de pollen et va, en poursuivant ses prélèvements de nectar, déposer ces germes de vie sur le pistil d'autres fleurs. Cependant, suivant la disposition ou la forme de la corolle, il pourrait fort bien arriver que l’insecte suce le nectar sans toucher les étamines et ainsi ses visites ne seraient d'aucune utilité à la plante. Regardez par exemple la fleur de la sauge des prés, si commune et si chère aux abeilles : les anthères, porteuses de pollen, sont appendues au bout de deux longs filets recourbés qui se cachent entre les deux lèvres du pétale supérieur et placent les anthères tout au haut de la fleur, alors que l'orifice de celle-ci s'ouvre à la base de ce même pétale. Comment donc l'abeille va-t-elle atteindre le pollen 240 LE MORO-SPHINX et le transporter ensuite ailleurs? — Examinez-la lorsqu'elle visite les fleurs bleues : elle se pose et avance sa tête. Mais voici qu'un petit volet ferme l'entrée de la boîte contenant le nectar. Sans hésiter, l'abeille le pousse du bout de sa trompe, et le volet tourne sur ses gonds. Or, il se trouve que les deux longs filets dont nous parlions tout à l’heure sont fixés à cette porte en miniature et s’abaissent par un mouvement de bascule lorsque l'abeille pousse celle-ci. Du même coup, les anthères chargées de la poussière fécondatrice s'appliquent sur le dos de la visiteuse. Le tour est joué : l'abeille se retire, plus ou moins saupoudrée d'imperceptibles grains jaunes qui ne manqueront pas de tomber ici ou là dans quelque autre fleur. Ah, que les combi- naisons de la nature sont merveilleuses! | Mais l'abeille n’est pas seule à connaître le secret de la sauge : les Macroglosses des trois espèces et surtout notre SPHINX DU CAILLE- LAIT n'hésitent pas non plus devant la porte fermée, et, dans les pâtu- rages bien ensoleillés, dans les prairies où abonde cette jolie plante, on les voit passer d’une tige à l’autre, enfonçant dans les corolles leur trompe flexible. Cette trompe est aussi longue que leur corps, et c'est ce qui a valu son nom au genre. À défaut de sauge, le Macroglosse visite les chardons, les galéopsis, les épilobes, les géraniums, les œil- lets, les phlox, etc. Quelle bête vive et rapide que notre papillon! de quelle endurance il fait preuve! Les gros Sphinx que nous avons déjà vus (p. 221-222), volent avec une puissance égale, mais ils le font pendant une heure ou deux seulement, au crépuscule. Le Moro-SPHinx, lui, vole du matin jusqu’au soir, parfois encore après le coucher du soleil, sans apparemment se reposer; aussi son corps à reflets dorés, cuivrés et vert bleu est-il énorme, trapu et musclé. De plus, à l'exemple des deux autres Macroglosses dont nous parlerons ci-après, son abdomen se termine par des touffes de poils noirs et blancs qui s'étalent et soutiennent son vol, comme le font les membranes qui s'étendent entre les pattes des polatouches et qui permettent à ces écureuils LE MORO-SPHINX 241 volants d'Asie de parcourir jusqu'à 25 ou 30 mètres, en vol plané. Chez notre papillon, cette curieuse auréole de poils, qui se referme plus ou moins au repos, lui a valu en allemand le nom de TAUBEN- SCHWANZ, QUEUE DE PIGEON. Lorsque la nuit vient ou qu'un orage se prépare, l’insecte cherche un lieu pour se cacher ou se reposer. Il volette longuement devant les murs ou les rochers jusqu'à ce qu'il ait découvert un petit coin abrité qui soit de la couleur de sa robe. Il se pose alors, ferme ses ailes comme le Sphinx gazé que nous avons représenté sur la planche 39, et fait disparaître le jaune orange de ses ailes inférieures sous le couvert des supérieures, si bien qu'il faut regarder attentivement pour le découvrir. Sa chenille atteint 4 ou 5 centimètres de long, 6 d'après certains auteurs, et vit sur les gaillets jaune et blanc. On assure qu'elle mange aussi des stellaires et de la garance. On la trouve en juin et juillet, puis en automne. C’est une chenille robuste, à peau chagrinée. Elle est généralement verte avec deux lignes longitudinales blanches ou rougeâtres, qui suivent les bords du dos et viennent se rejoindre au pied du tubercule qui s'élève sur le dernier anneau et qui est bleuté avec la pointe jaune ou brune. Deux lignes jaunâtres parcourent les flancs, juste en dessous des stigmates noirs. Cette chenille est parfois run rouge et devient toujours d’un brun pourpré lorsqu'elle est sur le point de se métamorphoser. Elle se tisse alors une coque informe à la surface du sol et s'y transforme en une grosse chrysalide gris brun ou vert bleuâtre, à peau translucide, qui tantôt passe l'hiver, tantôt donne naissance à l'insecte parfait après trois ou quatre semai- nes. Dans ce cas, c'est ce dernier qui affronte la mauvaise saison. Le Moro-SPHINX varie entre 4,6 et 5,1 centimètres d'envergure. Il est très commun et vole presque sans interruption du printemps jusqu'en automne. 16 LE SPHINX GAZÉ — Macroglossa bombylifor- mis O. Grossi deux fois, venant de sortir de sa chrysalide. Le Lonicéra camérisier ou Blanchette, en fruits — Lonicera xylosteum L. tu] N < O * : L Qu un td — 39 39. LE SPHINX GAZÉ MacrocLossA (Ochs.) ou HÆMORRHAGIA (Grote) ou HEMARIS (Dalm.) bombyliformis (O.) ou fuciformis (Hb.) L existe dans les ouvrages d'histoire naturelle une grande confu- sion entre le papillon que nous représentons sur notre planche et une espèce très voisine. Cette dernière est un peu plus petite que la nôtre, avec des ailes plus arrondies, bordées d'une marge som- bre plus étroite. Cette marge est, de plus, d'un vert noirâtre, au lieu d'être brun rouge. La bande pourpre qui traverse le corps est aussi plus foncée et plus terne, et les deux segments qui suivent sont jaune ocre plutôt que vert. En outre, la chenille de notre SPHINGIDE se trouve presque toujours sur les lonicéras et reste immobile, mais très visible, toute la journée: l’autre espèce vit sur les scabieuses et les lychnis et se cache à terre pendant le jour. Tout ceci est simple : or, tandis que dans certains ouvrages traitant des Lépidoptères, l'espèce que nous étudions ici est appelée { BOMBYLIFORMIS» (LE SPHINX GAZÉ), et la seconde « fuciformis» ( le Sphinx bourdon), d'autres livres emploient les mêmes noms, mais avec une attribution inverse. D’ après d'autres auteurs encore, la deuxième se nomme tityus (L.) ou sca- biosæ (Z.) (le Sphinx des scabieuses), tandis que la nôtre porte les deux noms de BOMBYLIFORMIS ou FUCIFORMIS. Enfin Vorbrodt sépare ces deux espèces de celle que nous venons d'étudier, le Macroglossa stellatarum et les place dans un genre à part appelé Hæmorrhagia ou Hemaris. Mais laissons là ces considérations; et, puisque nous nous sommes basé jusqu'ici sur la classification et les déterminations de Hoffmann, nous nommerons avec lui { BOMBYLIFORMIS » celui qui est représenté ici, et dont la chenille mange des chèvrefeuilles, et fuci- formis l'espèce à bords d'ailes noirâtres dont la larve mange de la scabieuse. Visitons la lisière buissonneuse d'une forêt en juin ou au com- mencement de juillet, ou en août-septembre; et, bien qu'on affirme 246 LE SPHINX GAZÉ que la chenille de notre papillon mange aussi du sureau rouge et du gaillet jaune, voire même, à la montagne, de la grande gentiane, examinons plutôt les diverses espèces de lonicéras qui croissent chez nous. Penchons-nous bien, et avec un peu de patience, nous décou- vrirons certainement sous les feuilles ou sous les ramilles horizon- tales, de belles chenilles d’un vert vif qui se tiennent de la même façon que celles du Sphinx du troëne (p. 223), c'est-à-dire fixées au support par les trois ou quatre dernières paires de pattes seulement, alors que tout l'avant du corps pend dans le vide, en suivant une jolie courbe. La bête _expose en pleine lumière une bonne partie de sa face ventrale, qui est parcourue dans toute sa longueur par un large ruban brun rouge foncé, ou pourpre violet. Cette teinte, nettement délimitée, fait un effet splendide à côté du vert jaune brillant des flancs. Sur ceux-ci se dessinent des stigmates rouge clair ou orangé, ou bien blancs cerclés de noir. Le dos, presque blanchâtre, est bordé, de chaque côté, par une ligne jaune et parcouru en son milieu d'un trait sombre. La tête est d’un vert plus foncé que le corps, plus bleuä- tre, et, sur l’arrière-train de la bestiole, s'élève une corne arquée, brun rose, ou rougeâtre. Le corps entier, sauf la face ventrale, est recouvert de petites granulations blanchâtres et régulières. Lorsqu'elle atteint son complet développement, notre chenille mesure de 4,5 à 5 centimètres de long. À cet âge, elle se tient sous les branches, mais lorsqu'elle est plus jeune, elle se cramponne, dans la même position, à la nervure médiane des feuilles, sous celles-ci. Il n'est pas difficile de la découvrir car les feuilles rongées trahissent sa présence, et, de plus, il est rare qu on n'en trouve _pas trois ou quatre exemplaires sur le même buisson. À la fin de juin ou en juillet, elle devient d'un brun vineux sombre et descend sur le sol où, après avoir un peu erré, elle se tisse un cocon informe entre des feuilles, ou des grains de terre. Elle se transforme en une chrysalide brun noirâtre, avec la commis- sure des segments brun rouge. Au bout de deux à six semaines, ou après l’hivernage, en mai ou juin, on a des chances de découvrir, un LE SPHINX GAZÉ 247 beau matin, le papillon venant de sortir de sa dépouille et cherchant un lieu propice au développement de ses ailes. Il lui faut _beaucoup de temps pour cela, souvent près d'un quart d'heure; mais une fois que les ailes ont commencé à croître, elles den vite et attel- gnent leur taille définitive en vingt minutes. Elles pendent verticale- ment, rapprochées les unes des autres, dans la pose de celles des Papillons de jour. Une heure environ après, le papillon les écarte et les place, ainsi qu'il le fera toujours désormais pendant ses moments de repos, dans la position que représente notre figure. L'insecte est donc tout prêt. Sur les côtés de son thorax de velours vert, à reflets dorés, se trouvent deux touffes de poils appelées par les savants {ptérygodes », et qui protègent la base des ailes, comme les plumes scapulaires ds oiseaux. Le milieu de l'aile est d’un gris violacé, bru- nâtre ou noirâtre. Mais lorsque le SPHINX GAZÉ s'envole et fait battre ses ailes, comme un vrai Sphinx, les écailles délicates de cette zone médiane qui ont supporté on ne sait comment la sortie de la chry- salide et du cocon, tombent de suite, et bientôt il n’en reste plus trace. Toute cette partie de l'aile devient transparente, ce qui a valu son nom de { GAZÉ » à notre insecte. En même temps, sur cette même sur- face, apparaissent de merveilleux reflets roses, violets et dorés qui étaient cachés auparavant par les écailles. Le papillon varie entre 4,3 et 4,9 centimètres d'envergure. En mai et au commencement de juin, puis à la fin de juillet et en août, on le voit voler très vite, en plein soleil, comme le Moro-Sphinx, attiré spécialement par les lilas et la sauge des prairies, mais aussi, dans les jardins, par les verveines et les phlox. Il est beaucoup plus rare que le stellatarum, bien que sa chenille se trouve assez facilement. LA ZYGÈNE DE LA FILIPENDULE — Zygæna filipendulæ L. Femelle, grandeur naturelle, au vol. — Mâle, grossi trois fois, posé. Cocon femelle, grandeur naturelle. Cocon mâle, grossi trois fois. La Scabieuse colombaire ou commune — Scabiosa columbaria L. La Brize intermédiaire ou Amourette — Briza media L. 40. LA ZYGÈNE DE LA FILIPENDULE 7 r v ne. | LAON, Rd 40 MAO Eau 40. LA ZIGÈNE DE LA FILIPENDULE ZYGÆNA (Fab.) ou ANTHROCERA (Scop.) filipendulæ (L.) LE SPHINX-BÉLIER ES Zygènes! Voilà certes des papillons que tout le monde con- naît et que les enfants aiment, car ils sont très communs, ils se font remarquer par leurs couleurs vives et tranchées, enfin et surtout ils sont assez paresseux et lourds et il est fort aisé d'en faire la capture. De plus les Zygènes ont des chenilles faciles à trouver, surtout celle du SPHINX-BÉLIER. Elle est d’un jaune citron ou ocré, avec deux raies de grosses taches noires sur le dos et une série de macules plus petites sur le côté. Le corps est épais, court, mat, fine- ment velu et la tête très petite, noire et rétractile. Cette espèce rap- pelle un peu les chenilles des Lycènes (p. 73), mais le corps est pour- tant cylindrique. Enfin les cocons des Zygènes sont si étranges et si exposés aux regards que chacun peut les découvrir. Ils sont attachés aux tiges des herbes, ou bien aux fins rameaux des arbustes. De con- sistance solide et parcheminée, ils sont luisants, légèrement plissés en longueur et adhèrent très fortement à leur support. Celui du SPHINX-BÉLIER a généralement la moitié supérieure d’un jaune plus brillant et plus foncé que la moitié inférieure. La chrysalide contenue dans ce coffret, est brun sombre ou noirâtre, sauf les premiers trois quarts de l'abdomen qui sont jaune brunâtre. Cette chrysalide a la peau mince et se distingue de la plupart des nymphes de papillons par les fourreaux de ses pattes qui sont libres, — comme c'est le cas chez les nymphes d’hyménoptère, — et non point fondus en une seule masse avec le corps. Enfants, nous aimions, en juin, faire la cueillette des cocons. Nous prenions la tige-support bien entière et en enfoncions la base dans un pot à fleur contenant de la terre. Ou bien, ce qui était encore bien plus intéressant, nous allions chercher, le soir, en mai ou juin, les chenilles parvenues à leur taille définitive, c'est-à-dire longues de 252 LA ZYGÈNE DE LA FILIPENDULE 2,5 à 3 centimètres, nous les installions dans une poche en treillis métallique avec quelques feuilles bien fraîches de légumineuses telles que trèfle, lotier, etc., ou de plantain et d'épervière, et là nous guet- tions le moment opportun de la confection du cocon, car c'était cap- tivant de voir la chenille évoluer sur son brin d'herbe ou contre le treillis, s’entourant elle-même de soie et se tournant en tous sens pour dévider son fil. Nous admirions la souplesse d'échine de la bête qui réussit à se faire si petite et à s’enfermer dans une prison si étroite, où toute droite déjà, elle a tout juste la place de se tenir. Bientôt elle apparaissait comme au travers d'un voile blanchâtre, qui devenait plus opaque de quart d'heure en quart d'heure et finissait par déro- ber complètement l’insecte à nos yeux. Il fallait alors attendre deux à trois semaines, puis, un beau matin, le cocon avait une nouvelle surprise en réserve pour nous. La chrysalide commençait à bouger dans sa prison et le frottement de son thorax corné contre l'enveloppe de parchemin produisait un bruit très distinct et significatif. Sous l'effet de l’usure et de la pression, le sachet de papier se déchirait vers le haut et, après bien des efforts, l'avant de la chrysalide appa- raissait à la fenêtre. Par des contractions et des tortillements, la bes- tiole se dégageait à demi du cocon, puis se fendait sur le dos et laissait échapper le papillon. À ce moment-là, celui-ci avait son corps, ses antennes et ses pattes déjà définitivement conformés. Il pouvait même se servir immédiatement de ces dernières, avec lesquelles 1l se cramponnait à la tige portant le cocon et grimpait jusqu au niveau de l’épi qui la termine, de façon à se suspendre avec le dos penché un peu en arrière. Mais si le corps et les pattes, ainsi que 4 les cornes de bélier » qui ont valu son nom à notre insecte, ont dès la sortie de la chrysalide leur conformation définitive, il n’en est pas de même des ailes; elles sont au contraire, pendant un certain temps, fort réduites et s'écartent du corps comme des moignons informes. C’est seulement une fois le papillon stabilisé, que les ailes se mettent à grandir : elles se gonflent comme des voiles que le vent pousse, et, en commençant LA ZYGÈNE DE LA FILIPENDULE 253 par la base, elles s'aplanissent et s'étalent, et sont bientôt parfaites. Le papillon alors, sans beaucoup tarder, prend son essor, et va, sur les scabieuses, mener sa belle vie de Zygène. Qui dirait à voir le SPHINX-BÉLIER voler du matin au soir sur les fleurs et ne s’animer même que lorsque brille le soleil, qu'il fait partie de la série des Papillons de nuit? — Son corps gros et lourd, ses ailes qu'il tient au repos comme le font les Noctuelles, ne laissent cependant pas de doute à cet endroit. Comme il y a beaucoup d'espèces de Zygènes et que la plupart d'entre elles ont de multiples variétés, 1l existe une très grande con- fusion dans les ouvrages d'histoire naturelle au sujet de ce genre et en particulier de notre SPHINX-BÉLIER : certains auteurs appellent le papillon que nous représentons ici, « hypocrepidis» (Nub.), et « filipendulæ » (L.) une espèce dont les six taches rouges de l'aile supérieure sont plus arrondies et nettement séparées les unes des autres, et dont la marge noire de l'aile inférieure est plus large, sur- tout en son milieu. Ces mêmes auteurs appellent fransalpina (O.) une variété de « filipendulæ » (L.), alors que d’autres font de transalpina (type dont le vert est presque noir) une espèce à part, ayant pour variété « hypocrepidis ». Mais nous voulons nous en tenir à la déter- mination de la plupart des auteurs et nommer avec Hoffmann, la plus commune de nos Zygènes, celle qu'on voit dans toutes nos prai- ries un peu sèches et ensoleillées, dès le mois de juin, mais surtout en juillet et août, celle qui a pour mesure habituelle 3 à 3,8 centi- mètres d'envergure, celle figurée ici-même, « LA ZYGÈNE DE LA FiLi- PENDULE Ÿ. Elle varie beaucoup, avons-nous dit, et a tantôt les six taches réunies par paires, tantôt toutes séparées les unes des autres. Exceptionnellement toutes les parties rouges peuvent être brun jaune. L'ECAILLE CHINÉE — Callimorpha hera L. Femelle, grossie deux fois, venant de se poser et butinant. L'Eupatoire chanvrine — Eupatorium canna- binum L. 41. L'ÉCAILLE CHINÉE m a L fl À s \ FR re É VE es ï s 1 HT 4 M Li) il CU D UE: x | Fa. = û AUS Fr, êh 4 FA “r EL Le nm « + t É LD à AT ! 11 Je Le t à CS 4 æ 4% Lu =: ÿ qe 7 + ss D La Ries : 1 4 "A di + 4 : pl A RAATRO LE ROPS 4x W f / { # 2e 41. L'ÉCAILLE CHINÉE CaALLIMORPHA (Latr. Boisd.) hera (L.) ou quadripunctaria (Poda) H! qu'elles sont belles, les grandes touffes de |’ eupatoire chan- vrine, la plus fière et la plus grande de nos composées, qui dresse jusqu'à | mètre, 1,20 mètre, même 1,50 mètre de hauteur ses panicules d’un rose fané et délicat, au-dessous desquelles s'étagent de nombreuses feuilles d'un beau vert, rappelant, par leur forme, celles du chanvre. Dans les éboulis, le long des chemins, des routes ou des talus, toujours parmi les pierrailles, les longues tiges pourpres et légèrement velues se balancent doucement. Et voici qu'avec elles, parmi les multiples fleurons d'où s'échappent de longs pistils blan- châtres qui se croisent en tous sens, se balancent des insectes attirés par les sucs, certainement délicieux, de la fleur. Des mouches et de nombreuses abeilles y butinent affairées. Un beau papillon, qui tout à l'heure se chauffait au soleil sur les pierres, ne montrant que deux ailes d'un noir soyeux à reflet vert, barrées de capricieuses bandes Jaune pâle, vient de prendre son essor, faisant en même temps appa- raître des ailes inférieures d'un rouge éclatant. Grâce à ces amples voiles, ne battant pas très vite, le vol de l'insecte est rapide, mais un peu incertain et vacillant. Il file en ligne droite, sans bien savoir appa- remment où 1l va; un brusque écart le fait changer de direction et le voilà qui survole les corymbes de l'eupatoire. Cette fois, 1l s'arrête, bat des ailes un instant sur place, comme la crécerelle lorsqu'elle guette une souris, puis s’abat dans le fouillis des pistils blancs, bous- culant une abeille, effrayant une mouche. Aussitôt le festin com- mence : une longue trompe d'un jaune de cire se déroule et plonge dans les tubes effñlés des fleurons. Elle va jusqu'au fond chercher une goutte de nectar, ressort et plonge encore. La tête pivote sur un cou jaune et délié; elle s'incline rapidement à droite, à gauche, en haut, en bas, pour suivre ou plutôt engendrer les mouvements de la trompe. Les pattes s'en mêlent aussi et transportent le beau papillon 17 258 L'ÉCAILLE CHINÉE de-ci de-là, vers les fleurons non encore visités, ou bien ce sont les ailes qui entrent en jeu lorsqu'il s'agit de passer d'une tige à une autre. Il est 11 heures du matin, c'est l'heure où les ECAILLES CHI- NÉES se réveillent et viennent prendre leur repas. En voici, en effet, une seconde qui apparaît, puis une troisième et même une quatrième. Venues de quelque cachette entre les pierres, ou du buisson voisin, elles se rejoignent sur la grosse touffe d’eupatoire. Comme il fait très chaud, elles sont vives et tiennent parfois leurs ailes supérieures entr'ouvertes ; à l'occasion même, pour exprimer sans doute leur con- tentement, elles les écartent et les soulèvent tour à tour, montrant la paire inférieure avec sa belle couleur, ses taches noires, sa marge soyeuse et les jolis plis qu'elle forme sur le corps. Assez lourd d’abdomen, porteur d'ailes fragiles, notre beau papillon vole peu; il ne parcourt point les prairies comme les Argyn- nes (pl. 22-24) et le Flambé (pl. 1); il ne fréquente ni la forêt ni le vert pâturage, mais on letrouve le plus souvent posé dans les clairières rocail- leuses ou les carrières abandonnées, le long des chemins, dans les gorges ou les éboulis, parmi les framboisiers et les sureaux. Le matin, il est caché, souvent dans les cailloux. Mais avant d'aller prendre son repas de midi sur l’eupatoire ou l'origan, voire à l'occasion sur l'hyèble ou les scabieuses, 1l voyage d'une pierre à l’autre, comme pour se dégourdir; il part soudain d'un brusque élan, parcourt quelques mètres, puis se laisse choir au hasard, exactement comme le criquet qui lui ressemble aussi par ses ailes inférieures rouges, amples et plissées. La chenille de l'ÉCAILLE CHINÉE est une belle et grosse larve de 4,5 à 5,5 centimètres de long, recouverte de fins poils jaunâtres. Son dos est gris brun ou noirâtre, parcouru dans toute sa longueur par une ligne médiane d’un jaune vif. Un trait semblable, mais plus pâle, souvent blanchâtre, borde les flancs; six verrues d'un jaune orange vif égayent, sur chaque segment, le noir du dos, alors que d'autres L'ÉCAILLE CHINÉE 259 plus petites les imitent sur les côtés du corps. Le ventre est d'un gris rosé clair. Cette chenille sort au bout de deux semaines de son œuf, et ceci se passe en septembre ou à la fin d'août. Elle subit deux mues avant l'hiver. Pour affronter ce dernier, elle se cache sur le terrain, sous les feuilles sèches. Dès le printemps, elle se remet à manger et atteint rapidement sa taille définitive. Jeune, on la trouve de pré- férence sur les plantes basses, telles que dent-de-lion, plantain, trèfle, consoude, bourrache, sanicle, genêt; plus tard elle fréquente l’eupa- toire, l'épilobe, l'ortie, le framboisier, la ronce, parfois le groseillier épineux, le chèvrefeuille, le noisetier, le saule, le frêne, le chêne et le hêtre. Pendant le jour, elle se tient cachée sous les feuilles. A la fin de mai ou en juin, elle se tisse un mince, mais double cocon grisâtre et se transforme en une chrysalide luisante, d’un brun rouge foncé, finement poilue à l'extrémité. Deux, trois ou quatre semaines plus tard, le papillon en sort. On le voit du mois de juin jusqu’en septem- re, mais surtout en juillet et août. Lorsqu'il vient d’éclore, les ban- des claires des ailes supérieures sont d’un jaune assez vif, ainsi que le montre notre planche; plus tard elles deviennent d’un jaune très pâle, presque blanchâtre. Une variété appelée LUTESCENS (Stdg.), qu ‘on rencontre en Bretagne et dans le Valais, a les ailes inférieures jaunes ou orangées et non pas rouges. L'envergure de notre papillon varie, chez le mâle, entre 5,5 et 6 centimètres, chez la femelle, entre 6 et 6,3 centimètres. La SYLvINE — Hepialus sylvinus L. Mâle grossi trois fois, au repos, suspendu par trois pattes. Mâle, grandeur naturelle, au vol, Femelle, grandeur naturelle, suspendue à une graine et agitant ses ailes supérieures seules pour attirer les mâles. La Mauve musquée ou alcée — Malva moschata ou alcea L. LA SYLVINE 42: 42, LA SYLVINE HepiaLus (Fab.) syloinus ou sylvina (L.) I les Papillons de jour présentent les couleurs et les dessins les plus variés, la forme de leur corps et de leurs ailes, par contre, et la pose qu'ils prennent au repos, varient en somme peu d’une espèce à l'autre; les quatre ailes sont toujours relevées, leurs faces supérieures respectives se touchant. Elles sont, de plus, les quatre, tout à fait rigides et ne se replient jamais sur elles-mêmes. Chez les Papillons de nuit, c'est une autre affaire; et précisément dans cette pose de repos où les Rhopalocères se ressemblent tous, on trouve chez les Nocturnes des variantes à l'infini. Certains Géomètres tiennent leurs ailes relevées et jointes comme celles d’un Papillon de jour, telle la Fidonie du pin (Bupalus piniarius L.), dont nous avons étudié la chenille dans le volume précédent (p. 383-388). D’autres ont leurs ailes largement ouvertes, les deux paires étant visibles et étalées de chaque côté du corps sur l'écorce (pl. 59 et 60). Mais ces deux poses sont assez exceptionnelles et d'habitude les Chalinoptères cachent complètement la paire inférieure de leurs ailes sous le cou- vert des supérieures. Or, pour arriver à ce résultat, les premières étant presque toujours plus larges et amples que les secondes, elles se replient sur elles-mêmes le long de l'abdomen en un, deux ou trois plis, à la façon d'un éventail (pl. 41). Chez quelques Noctuelles, les ailes supérieures, elles aussi, se plissent dans le sens de la longueur, ce qui donne au papillon un aspect étrange et le fait ressembler bien plus à un débris de bois qu'à un animal (pl. 55). Beaucoup d'espèces tiennent les ailes supérieures légèrement en toit, la marge inférieure des deux ailes se touchant au milieu du dos (pl. 47, 50, 51, 54, 56). D'autres les croisent largement (pl. 48, 49, 53). La Phalère bucé- phale (pl. 46), un peu à l'exemple de notre SYLVINE, s'enveloppe com- plètement le corps de ses ailes, jusqu'à ce que les pointes des supé- rieures se rejoignent, non pas en dessus de lui, comme chez les 264 LA SYLVINE diurnes, mais en dessous. Seulement la Phalère, comme toutes les espèces dont nous venons de parler, est appliquée de toute sa lon- gueur contre un tronc ou une branche, tandis que la SYLVINE a la très curieuse particularité de se suspendre dans le vide par deux, trois ou quatre pattes seulement, alors qu'une ou deux des médianes sont souvent inutilisées, et que les deux postérieures, en tout cas, restent toujours repliées et cachées sous le corps. Quelle bizarre posture que celle choisie par ce papillon pour se reposer. Comme il doit être ballotté lorsque le vent souffle et agite sans pitié l'herbe ou la brindille qui le porte! En août ou septembre, visitons, après le coucher du soleil, les prairies, les lisières de forêts, le bord des champs de trèfle et de luzerne et nous apercevrons un papillon qui se fait vite remarquer, car il bat des ailes. Suspendu tout au haut d'un brin d'herbe ou d’une tige quel- conque, son long corps cylindrique et bien gonflé pendant verticale- ment, il bat en effet des ailes, mais seulement des supérieures, l'autre paireétant entr'ouverteet immobile. C'est ce que représente notre plan- che (en bas, à droite). Que fait-il donc? — C'est bien simple : la bête qui bat des ailes n’est autre qu’une SYLVINE, mais une femelle. Pour ne pas manquer l'heure très courte où volent les mâles, plus petits, plus légers, mieux aptes à l'essor, elle s'y prépare d'avance et ceux-ci n'étant pas doués du même sens que les Paons de nuit (p. 275), dont le mâle découvre la femelle à des kilomètres de distance, même cachée dans une chambre ou une armoire, les mâles de la SYLVINE, disons- nous, ne disposant que de leurs yeux, la femelle grimpe aussi haut qu'elle peut monter, se met bien en vue, et pour mieux attirer l'attention du roux lépidoptère qui, d’un vol incertain, parcourt le champ de trèfles, elle bat des ailes, sans arrêt. C'est cela du reste qui permet au collec- tionneur de la découvrir si facilement. Mais si la SYLVINE, en tant que papillon, se remarque aisément, si sa proche parente l'Hépiale du houblon (Hepialus humuli L.) frappe encore plus les regards, grâce à la couleur blanc argenté de son mâle qui a l'habitude de voler en LA SYLVINE 265 grand nombre au-dessus des prairies, d’un vol balancé, leurs chenil- les, par contre, sont très peu connues, parce qu'elles vivent sous terre, se nourrissant de racines succulentes telles que celles de l’oseille, de la dent-de-lion et du houblon s'il s’agit d’humuli, du plantain et des malvacées, surtout la belle mauve musquée aux grandes fleurs roses si nous avons affaire à notre SYLVINE. Celle-ci ne dédaigne pas non plus certaines plantes de jardin telles que les carottes; elle est même très friande du topinambour. C'est ainsi qu'on la découvre parfois en labourant. Allongée, cylindrique, luisante, d'un blanc ivoire, elle varie entre 3,5 et 4,5 centimètres de long. Sa tête est brun rouge, ses stigmates noirs et son corps orné de quelques petits poils épars. Elle a la curieuse habitude de chercher à fuir, à reculons, à la moindre tracasserie, comme font les larves de Microlépidoptères (p. 398). On la trouve de l'automne jusqu’au printemps. À la fin du mois de mai ou en juin, elle se tisse dans la terre un tube de soie pouvant atteindre 5 et même 10 centimètres de long et dont une des extrémités aboutit à la surface du sol. Elle se transforme alors en une étrange chrysalide d'abord jaune pâle, puis brun jaune, très allongée, cylindrique et dont les fourreaux alaires sont remarquablement courts. L'abdomen présente, sur chaque segment, un double rebord armé de petites dents. Grâce à cette disposition qui lui permet de s’accro- cher aux parois de son cocon tubulaire, la chrysalide, en se contor- sionnant, avance ou recule à volonté et même assez rapidement dans sa prison. Lorsque le moment est venu d'éclore, elle gagne l'orifice de son tube, en sort en bonne partie et laisse échapper le papillon. Celui-ci mesure pour le mâle de 2,6 à 3,8 centimètres d'envergure et pour la femelle de 4,2 à 5 centimètres. Le mâle varie passablement de couleur et peut être d’un brun cannelle vif. La femelle est toujours plus grise que lui. La FEUILLE-MORTE DU CHÊNE — Lasiocampa quercifolia L. Femelle, grossie deux fois, au repos. Tronc et feuilles du Chêne rouvre — Quercus robur L. 43. LA FEUILLE-MORTE DU CHÊNE 43. LA FEUILLE-MORTE DU CHÊNE LasrocaMPA (Latr.) ou GASTROPACHA (Ochs.) quercifolia (L.) LA FEUILLE DE CHÊNE ou LA COUVEUSE CUIVRÉE OUS venons d'étudier la curieuse pose de la Sylvine et nous avons jeté en même temps un regard sur celle que prennent quelques autres Papillons de nuit. Or, en voici encore un, qui certes ne se présente pas sous l'aspect le moins original. A l’exem- ple des Smérinthes (pl. 37), il ramène en avant ses ailes inférieures, par-dessous les supérieures, de façon qu'elles dépassent large- ment celles-ci du côté opposé à celui où l’on a l'habitude de les voir apparaître chez la plupart des papillons. Mais les Smérinthes, eux, tiennent leurs quatre ailes sur le même plan et joliment écartées du corps et de la branche, tandis que la FEUILLE-MORTE ferme ses ailes de manière à recouvrir l'abdomen d'une sorte de toit, et, en même temps, elle s'applique étroitement contre le tronc qui la porte. Lors- que vient le moment de s'endormir, ce qui pour les Hétérocères est le matin, la FEUILLE-MORTE ne se pose pas au hasard, elle choisit son reposoir, se déplace s'il le faut sur l'écorce, puis «s'installe », exactement comme le fait un oiseau sur ses œufs. Elle piétine sur place, se trémousse de droite et de gauche et se tapit, jusqu'à ce que son corps, ses pattes et ses ailes épousent exactement la forme du support. C'est cette façon de se poser avec soin en écartant les ailes, qui a fait donner par les anciens auteurs à diverses Feuilles- mortes, en particulier celles du chêne et du pin, le nom très expressif de « Couveuses ». Or, lorsqu'on aperçoit notre papillon dans cette pose, on croit voir un paquet de feuilles sèches collées par hasard sur le tronc, d'où l’autre appellation de « Feuille-morte ». Mais voici la « COUVEUSE » immobile pour bien des heures; nous avons donc le temps de l'examiner à loisir. Comme l'autruche cache, dit-on, sa tête dans un buisson ou sous son aile à l'approche du dan- ger, la FEUILLE-MORTE retire la sienne entre ses pattes et recouvre 2170 LA FEUILLE-MORTE DU CHÊNE la partie de ses yeux qui reste encore au jour par une touffe de poils située à cet effet à la base des antennes. Elle se sait à peu près mécon- naissable grâce à sa robe et à sa pose, elle ne veut donc plus rien voir et «s'endort». Vous pouvez l'approcher sans crainte et l'observer tout à loisir, sans qu'elle fasse mine de se sauver. Son thorax, ses pattes et même ses ailes, au moins vers la base, sont recouverts d'un vrai pelage qui, vu à la loupe, fait penser à celui du renard, tant par la couleur que par l'aspect des poils. La tige des antennes, les palpes et les tarses sont noirâtres, ornés de reflets bleus, violacés ou verdâtres. La femelle, porteuse d'œufs gris et nombreux, possède un abdomen énorme et duveteux. L'envergure de ses ailes atteint 8, 9, même 10 centimètres. C'est donc une lourde et forte bête. Le mâle, au corps allongé et cylindrique, beaucoup plus fluet que celui de la femelle, aux ailes moins larges, est aussi plus petit et ne mesure que 6 à 6,5 centimètres d envergure. Il est en général plus foncé, surtout le corps qui est brun rouge. Les reflets bleu violet des ailes, ainsi que les zigzags transversaux, sont plus sombres et plus marqués. En plus de cela, 1l y a des variétés propres aux deux sexes : une forme appelée ALNIFOLIA ©. est entièrement d'un brun noirâtre, une autre nommée ULMIFOLIA H. est jaune clair avec des reflets roses. Entre ces types extrêmes se trouvent des formes de passage : souvent, en particulier, la bête est plus sombre et plus brun rougeâtre que sur notre planche. C'est de juin à août qu'on peut trouver ce papillon, soit de nuit, où il se laisse facilement attirer par la lumière artificielle, soit de jour, appliqué contre les troncs ou les branches, surtout dans les vergers. Il suffit souvent de secouer un peu les arbres pour le faire tomber. Les œufs pondus dans le courant de juillet, en petits amas, sur les feuilles ou les rameaux, éclosent déjà à la fin du même mois ou en août. À partir de ce moment-là, on peut donc trouver la chenille en battant les buissons d'épine noire ou de poirier sauvage, d'églan- tier, de nerprun ou d'épine-vinette, ou bien les branches de nos arbres fruitiers, surtout les jeunes plants, enfin celles du sorbier et LA FEUILLE-MORTE DU CHÊNE 271 des saules. Mais si l'on désire vraiment se procurer cette espèce, il est bien préférable d'attendre que l'hiver soit passé. En mai ou au commencement de juin, les chenilles sont devenues grandes, elles atteignent 9, 10 et même 12 centimètres de long et se tiennent alors, pendant le jour, bien appliquées contre le tronc ou les grosses bran- ches des arbres et des buissons, généralement à hauteur d'homme ou plus bas, ce qui facilite la tâche du chercheur. Les chenilles des Feuilles-mortes, ainsi que nous l'avons déjà dit dans le volume pré- cédent (p. 83-93), se confondent extraordinairement avec l'écorce des arbres. Elles ont, en effet, le dessous du corps aplati et les flancs garnis de tubercules charnus, ornés eux-mêmes de longs poils sous lesquels disparaissent les contours de la bête. Le reste du corps est recouvert de soies fines et courtes. Notre QUERCIFOLIA varie du gris cendré au gris sombre ou au brun. Le long du dos se dessine parfois une suite de taches noirâtres, en forme de fer de flèche, qui s'emboi- tent les ‘unes dans les autres. Sur le onzième segment se dresse une sorte de tubercule charnu, brun ou fauve, et enfin sur le méso- et le métathorax s'ouvrent deux entailles transversales d'un bleu de velours sombre, qui, suivant la position de la chenille, bâillent largement ou se referment. Quelques petites pustules rouges agrémentent à l'oc- casion les gris du dos. Le ventre est brun roux avec des taches noires. Cette belle et souple chenille se tisse en juin, à l'air libre, un gros cocon allongé grisâtre et mou, en amalgamant avec de la soie une partie de ses poils. La chrysalide est allongée, d'un brun noirâtre, et plus ou moins saupoudrée d'une poussière blanchâtre, semblable à de la farine. Elle donne naissance au papillon après trois ou quatre semaines. Le PeriT-PAON DE NUIT — Saturnia pavonia L. Femelle, grandeur naturelle, au repos. Mile, grossi deux fois, au vol. L'Epine noire ou Prunellier ou Prunier épi- neux — Prunus spinosa L. Le Chiendent rampant — Agropyrum repens P. B. Feuilles sèches de Chêne rouvre — Quercus robur L. 44. LE PETIT-PAON DE NUIT 18 44, LE PETIT-PAON DE NUIT SATURNIA (Schrk.) ou ATrAcus (L.) pavonia (L.) ou carpini (S. V. Hub.) lule arriver à l'endroit où je venais de déposer une femelle de la même espèce, rapportée de fort loin dans un sac à dos. Or, j'appris plus tard que cet instinct extraordinaire, qui permet aux deux sexes de se rencontrer, est bien plus développé encore chez certains papillons du groupe des Bombyx. Par les récits captivants du grand naturaliste Fabre, j'appris que les mâles du Grand-Paon et du PeriT-PAON DE NUIT, du Minime à bandes et d’autres encore arrivaient en foule, attirés, de plusieurs kilomètres à la ronde, par une seule femelle. Enfin je devais faire plus tard moi-même cette expérience avec notre PAVONIA. Les écrits de Fabre, à à ce sujet, sont si complets, ses expériences si intéressantes et variées que nous ne saurlons mieux faire que de conseiller vivement au lecteur de parcourir lui-même les 4 Souvenirs entomologiques ». Nous nous contenterons de citer ici un passage où 1l raconte ce qu'il vit lorsqu'il exposa pour la première fois une femelle de Grand-Paon sous une cloche en treillis métallique, dans son laboratoire. (Voir vol. VII, p. 340”) « … Une bougie à la main, nous pénétrons dans la pièce. Ce que nous voyons alors est inoubliable. Avec un mol flic-flac, les grands papillons volent autour de la cloche, stationnent, partent, reviennent, montent au plafond, en redescendent. Ils se jettent sur la bougie, l'éteignent d'un coup d'aile; ils s’abattent sur nos épaules, s’accrochent à nos vêtements, nous frôlent le visage. Pour se rassurer, petit Paul me serre la main plus fort que d'habitude. — Combien sont-ils? — Une vingtaine environ. Ajoutons-y l'appoint des égarés dans la cuisine, la chambre des enfants et autres pièces de l'habitation, et le total des accourus se rapprochera de la quarantaine. Ce fut une soirée mémorable, disais-je, que celle du Grand-Paon. Venus de tous les points et avertis, 1 ou p. 365, suivant les éditions Fu fus très étonné, un jour, étant gamin, de voir le mâle d’une libel- 276 LE PETIT-PAON DE NUIT Je ne sais comme, voici, en effet, quarante amoureux empressés de présenter leurs hommages à la nubile née le matin dans les mystères de mon cabinet... » Le Grand-Paon, comme on le voit, est un gros papillon, le plus grand de la faune européenne, puisqu'il atteint 14 centimètres d'en- vergure; ses mœurs sont exclusivement nocturnes. Îl est très rare chez nous. Le PETIT-PAON, qui lui ressemble par ses couleurs et ses ocelles et qui se rencontre fréquemment dans nos contrées, surtout sa chenille, se plaît au contraire à voler de jour. C'est même en plein soleil, entre 10 heures du matin et 3 heures de l'après-midi, que les mâles rendent visite à la femelle qui reste immobile, accrochée à quelque buisson. Elle-même vole de nuit pour aller déposer ses œufs, mais le mâle, lui, ne se montre que le jour, errant le long des coteaux ou des lisières de forêt. Il est plus brillant de couleur que sa compagne et ses antennes sont largement pectinées, alors qu'elles sont simple- ment dentées chez la femelle. Par contre, il est plus petit qu'elle, sur- tout de ventre, et ne mesure que 6 à 7 centimètres d'envergure, tandis que la pondeuse varie entre 7,7 et 8,6 centimètres. C'est en mars ou avril, alors que les petites fleurs de l'épine noire s'entr'ouvrent, que le beau BOMBYX au corps laineux sort de son cocon et dépose ses œufs sur les tiges mêmes de ce joli buisson où sa chenille, après s'être délectée, l'an passé, des petites feuilles ovales, a tissé sa retraite hiver- nale contre la souche de l’arbuste ou sous les pierres entre lesquelles il fait surgir ses pousses. Ce cocon est une vraie merveille. Comme celui du Grand-Paon, il est fait d'une substance parcheminée, rugueuse et très résistante, tantôt gris blanchâtre, tantôt brune. Il a la forme d'une poire dont l'extrémité pointue se trouve en haut. Cette extrémité, que la chenille en train de filer semble ourdir du même travail que le reste, tant elle applique machinalement son fil tantôt sur un point de la coque, tantôt sur un autre, est, au con- traire, conçue d'une façon fort ingénieuse. Elle est formée d'une double nasse dont l'extérieure est un peu informe, mais l'intérieure mer- LE PETIT-PAON DE NUIT 277 veilleusement régulière et faite de filaments convergents qui par- tent d'un cercle régulier. Ce cercle n'est autre que l'orifice propre- ment dit du cocon, juste assez gros pour laisser passer l'insecte en voie d'éclosion. Ces filaments se rejoignent en une pointe commune tournée en dehors. Grâce à cette disposition, le papillon peut très facilement, depuis l’intérieur, se frayer un passage et sortir, mais, par contre, aucun intrus ne pourrait pénétrer dans la demeure de la chrysalide. Ces précautions ne sont certes pas superflues puisque la nymphe doit passer quelquefois deux ou même trois ans dans cette retraite. La chrysalide est d’un brun noirâtre avec la commissure des segments jaune. Elle est épaisse et courtaude et se tient un peu repliée sur elle-même. On trouve la chenille jeune dans les pâturages et les broussailles, sur diverses plantes basses, surtout l'hélianthème, la pimprenelle et la fraise des bois, mais aussi sur les myrtilles, la bruyère et plus tard sur l'épine noire ou l'églantier, l’aubépine, le framboisier, les mûres et même les arbres comme le charme, le saule, l’aune, l’orme, le bouleau, le chêne, le hêtre, le frêne et les arbres fruitiers. Souvent aussi le papillon pond ses œufs sur les buissons ou les arbres que nous venons de citer et c'est là que la chenille passe toute son existence. Elle est d'abord d'un brun noirâtre et vit en colonie, puis elle se disperse et devient d’un beau vert mat avec, sur chaque segment, six grosses verrues jaune orange ou rose, épineuses et portant chacune un ou deux poils noirs raides et longs, dirigés en arrière. Chez la chenille du sexe féminin, qui atteint 6 à 7 centi- mètres de long, ces verrues sont en général à peine encadrées de noir. La chenille du mâle est plus petite et ne mesure guère que 5 centi- mètres, mais chez elle le noir forme, sur chaque segment, un vrai ceinturon dans lequel se découpent les verrues jaunes. C'est de juin à août qu'il faut les chercher, de préférence sur l'épine noire. La HaARPYE DU HÊTRE — Siauropus fagi L. Femelle, grossie trois fois, au repos. Tronc de Hêtre des bois ou Fayard — Fagus silvatica L. 45. LA HARPYE DU HÊTRE 45. LA HARPYE DU HÊTRE STAUROPUS (Germ.) ou HarPyIA (O.) fagi (L.) — LE STAUROPE DU HÊTRE ou L'ECUREUIL fourrure qui lui a valu ce nom? — Elle est digne en tout cas de celle de l'élégant rongeur, et couvre non seulement le tho- rax de l’insecte, mais encore sa tête, ses pattes et le bout de son corps; de plus les écailles des ailes, presque partout filiformes, constituent un vrai pelage. Serait-ce aussi la queue élevée de la chenille qui a inspiré Engramelle à baptiser ainsi cette espèce? — Peu importe; l'un et l’autre sont vrais et lorsque vous découvrez la moelleuse, la duveteuse, la somptueuse bête en son état parfait, vous ne pouvez retenir un cri d'admiration. Appliquée contre un tronc d'arbre où elle s’installe comme la « Feuille-morte» (p. 269), elle se confond à merveille avec l'écorce, et cela d'autant plus qu'à l'avant, les deux pattes velues cachent complètement ses gros yeux noirs, ronds et lisses ; le rebord du thorax et la base des ailes dissimulent les antennes brun orange, largement plumeuses jusqu'aux trois quarts de leur longueur chez le mâle, sétacées chez la femelle; le trou qui, de chaque côté, subsisterait sous les ailes supérieures est fermé par les infé- rieures qui dépassent les premières, et la marge même de ces ailes inférieures est garnie de longs poils fermant à leur tour le vide laissé encore sous ces ailes. La deuxième paire de pattes, plumeuse comme la première, achève la fermeture des huis et donne l'illusion d’une simple saillie de l'écorce, adhérente en tous points au tronc lui-même. C'est ainsi que la HARPYE DU HÊTRE passe ses journées, immobile, ne volant que la nuit, d’un vol lourd, lent, silencieux, soutenu par d'am- ples battements d'ailes. Fascinée par la lumière artificielle, il lui arrive de voltiger, en pleine ville, autour des réverbères, même d'entrer dans une chambre où brûle une lampe. Bien que rare, on la trouve ici ou là dans les taillis de jeunes exe superbe Bombyx que l'ECUREUIL! — Mais, est-ce sa 282 LA HARPYE DU HÊTRE hêtres ou de sorbiers, le long des lisières ou des chemins de forêt, de mai à Juillet. Dans la plaine, aux endroits chauds, elle apparaît en deux générations, en avril-mai, puis de juillet à septembre, même octobre. Le mâle est généralement plus petit et moins robuste que la femelle et varie pour l’envergure entre 4,5 et 5 centimètres, attei- gnant parfois jusqu'à 6. La femelle oscille entre 5,6 et 6,8 centimètres. Elle pond des œufs énormes par rapport à sa grandeur, puisqu'ils n'ont pas moins de 1,7 millimètre de diamètre. Ils sont luisants et un peu déprimés, mais vus de dessus, parfaitement ronds. Au milieu, ils présentent un léger enfoncement. Ils sont d’abord d'un blanc lai- teux et ressemblent à des perles. Ensuite, ils deviennent d'un gris bleu lilas et finalement éclosent deux, trois ou trois semaines et demie après la ponte. Les petites larves qui en sortent ont déjà 6 millimètres de long. Elles sont d'un brun jaunâtre et se tiennent, avant la pre- mière mue, à peu près droites comme les autres chenilles. On cons- tate cependant déjà une très curieuse particularité, unique parmi toutes nos espèces suisses, et que nous avons étudiée dans le volume des Chenilles (p. 101-106) : la seconde et la troisième paires des pattes thoraciques sont démesurément allongées, sauf les tarses qui restent de simples crochets à un article. Ces quatre pattes sont aussi longues par rapport au corps que celles du papillon, mais elles sont parfaite- ment lisses et glabres, comme toute la chenille du reste. Lorsque la bestiole vient d'éclore et qu'elle ouvre ses pattes, leur envergure atteint presque la longueur totale de son corps. On remarque encore que les deux pattes terminales sont transformées en prolongements claviformes, inarticulés et impropres à la préhension. En conséquence l'animalcule tient toujours, même pendant la marche, l'extrémité de son corps plus ou moins relevée. Mais voici qu’au bout d’une semaine déjà, les petites chenilles subissent une première mue; après deux semaines, une seconde. Elles deviennent alors d’un brun noirâtre très luisant et prennent tout à fait les allures de la larve bien connue par son étrangeté, si ce n'est LA HARPYE DU HÊTRE 283 qu'elles sont plus allongées. Sur la face dorsale de chacun des seg- ments quatre à huit apparaissent deux mamelons coniques et arron- dis, un peu inclinés en arrière et surmontés d'une toute petite pointe noire. Les anneaux dix et onze s'élargissent, se denticulent de noir sur les bords, et la bête les maintient presque toujours relevés, jus- qu'à toucher même la face dorsale des segments précédents. Enfin, dans sa pose de repos, elle dresse également l'avant du corps, penche en arrière sa grosse tête et replie devant elle ses longues pattes. Elle se tient pendant le jour sous le pétiole des feuilles, puis, lorsqu'elle est plus grande, sous les rameaux. Si par hasard on l’effraye ou qu'on fait mine de la saisir, la bête se ramasse sur elle-même, penche la tête encore plus en arrière jusqu'à toucher l'extrémité postérieure de son corps et ouvre largement ses longues pattes qu'elle fait osciller de-ci et de-là, en tremblotant. Après cinq mues, soit au bout de deux mois environ, elle parvient à sa taille définitive : 4,5 à 5 centimètres pour le mâle, 5 à 6 centimètres pour la femelle. Ces mesures sont prises naturellement avec le corps étendu, appendices terminaux compris. À partir de cette dernière mue, la bête est mate, et le plus souvent d'un brun marron sombre. Mais elle peut aussi être noirâtre, jaune ocre ou grisâtre. Quand approche le moment de sa métamorphose, la chenille descend sur le sol et se tisse, entre des feuilles sèches, un cocon blanc et mince où elle se transforme en une chrysalide brun rouge et très luisante. Celle-ci donne naissance à l’insecte adulte au bout de quatre semaines, s'il s’agit de la génération du printemps, après l'hivernage, s'il s'agit de celle d'automne ou de la seule de l’année. C'est de mai à octobre, mais surtout de juillet à septembre qu'on trouve la larve, habituellement sur le hêtre et le chêne, mais aussi sur le tilleul, l'aune, le cerisier à grappes, le cytise aubour, le noisetier, le lilas, l'orme, le bouleau, les saules, le noyer et les arbres fruitiers. LA PHALÈRE BUCÉPHALE — Phalera bues- phala L. Femelle, grandeur naturelle, au vol. Mâle, grossi trois fois, au repos. Tronc et feuilles de Saule marsault ou des chèvres — Salix capraea L. 46. LA PHALÈRE BUCÉPHALE 46. LA PHALÈRE BUCÉPHALE PHALERA (Hb.) ou PyGÆRA (Boisd.) bucephala (L.) LA PYGÈRE A GROSSE TÊTE, A TÊTE DE BŒUF ou LA DEMI-LUNE NE jolie plante des Alpes qu'on trouve dans les endroits humi- des, la saxifrage ombreuse (saxifraga umbrosa L.) a été bap- tisée du nom expressif de 4 désespoir des peintres », parce que ses pétales blancs, pointus, sont ornés de petites gouttes rouges ou jaunes dont il est bien difficile de rendre la précision et la finesse, en peinture. Mais hélas, le « désespoir des peintres » n’est qu'un exem- ple parmi des multitudes : celui qui étudie de près l’admirable nature qui nous entoure, avec l'intention de s'en servir comme modèle, se trouve sans cesse en face de problèmes impossibles à résoudre; et, malgré tous ses soins, 1l doit souvent s'arrêter, en soupirant, parce qu'il est obligé de reconnaître qu'il ne peut pas faire mieux, alors qu'il est loin d'avoir atteint son but. La difhculté est peut-être moins grande lors- qu'il s'agit de reproduire des plantes, car ces dernières sont immobiles comme leur 1 image. Mais par contre, ce qui donne très souvent son vrai caractère à un animal, à un oiseau, à un insecte, ce sont ses mou- vements, ses attitudes changeantes, en un mot sa vie, et là devant, le peintre est complètement débordé. Heureusement pour lui, beau- coup d'insectes, et en particulier les Papillons de nuit, restent sans bouger pendant le jour et prennent, à ce moment-là, une attitude tout à fait typique qu'ils reprendront toujours dans les mêmes cir- constances; la tâche du peintre est, dans ces cas-là, bien simplifiée. Mais le mouvement n'est pas la seule chose embarrassante pour qui- conque prend à tâche de représenter un être vivant : parmi bien d'au- tres difficultés, remarquons qu'une bonne partie des papillons pré- sentent, en plus de leurs couleurs fondamentales, des reflets, qui, suivant l'incidence du jour, changent de place et de couleurs. Or, ces reflets sont des choses qu'il est quasiment impossible de rendre par la peinture, étant donné qu'une fois fixés sur le papier, à une place 288 LA PHALÈRE BUCÉPHALE définie, ils seraient infailliblement pris pour les teintes réelles de l'animal, et donneraient lieu à de perpétuelles confusions. Ah! comme on se sent petit et impuissant, incapable et gauche devant la robe du plus insignifiant des papillons et surtout devant celle d'un Bombyx comme la PHALÈRE BUCÉPHALE. Pendant son repos diurne, les ailes enveloppent le corps, formant presque un cylindre, et celui-ci, plus vaste et s’évasant davantage chez la femelle à cause de ses ailes plus grandes, est lustré et poli comme de l'argent, ce qui a valu à l'insecte son nom de PHALÈRE (luisant). À voir le papillon, on dirait une figu- rine, un bibelot, taillé dans du métal et orné d’appliques de velours, de couleur jaune. Si de plus on se hasarde à regarder la bête à la loupe, on s'aperçoit que toute cette surface argentée est faite d'un jeu admirable d'écailles, rangées un peu comme les morceaux d'ar- doise sur un toit du Tessin. Par contre, les ailes inférieures, qu'on ne voit que lorsque l’insecte s'envole, sont, comme l'abdomen dont elles ont la couleur, poilues et mates. | Or, ce superbe papillon est commun chez nous en mai et juin, quelquefois jusqu’en juillet. On le trouve de jour contre le tronc des arbres, dans les forêts feuillées, spécialement dans les oseraies. Le mâle est un peu plus petit que la femelle : ses ailes surtout ont une surface moins grande. Il a des antennes très légèrement pectinées, tandis que celles de la femelle sont filiformes; 1l varie entre 4,5 et 5,2 centimètres d'envergure, la femelle entre 5 et 6 centimètres. Un exem- plaire particulièrement grand, représenté au vol sur notre planche, ne mesurait pas moins de 6,8 centimètres d'envergure. Cet exem- plaire est en même temps très sombre pour une femelle : souvent celle-ci est plus claire et plus uniforme. La BUCÉPHALE pond ses gros œufs verts en petites colonies de dix à vingt pièces contre une feuille de tilleul, de saule des vanniers, de saule marsault, de peuplier, d’aune, de bouleau, de noisetier ou plus rarement sur le chêne, le hêtre, l'érable ou le rosier. Les petites. chenilles éclosent assez vite, généralement en juillet, et commencent LA PHALÈRE BUCÉPHALE 289 à manger le parenchyme de la feuille qui les a vues naître. Elles se tiennent rangées les unes à côté des autres, sous la feuille. Bientôt cependant, elles attaquent les bords du limbe; si l'on visite alors, à la tombée de la nuit, la colonie, on pourra assister à un curieux repas de société; on verra toute une série de petites têtes, grignotant l’une à côté de l’autre, sur le bord de la même feuille, tandis que les corps s'étendent parallèlement les uns aux autres sous cette feuille. Les che- nilles grandissent assez vite; au fur et à mesure que les provisions s'épuisent, et que les bestioles doivent gagner d’autres branches, la famille se disperse jusqu'à ce qu'il ne reste plus que trois ou quatre chenilles ensemble. À la fin de leur développement, on les trouve même, la plupart du temps, isolées. Elles atteignent, à ce moment-là, 5 à 6 centimètres de long. Ce sont de très belles larves, souples et molles, à longs poils blanc roussâtre. Elles sont jaunes, blanchâtres sur les côtés, et le corps est parcouru par neuf bandes longitudinales noires plus ou moins piquetées de jaune, et interrompues à chaque segment par un anneau transversal fondu, d'un jaune plus sombre. La tête est grosse, noire et luisante, avec un V jaune et retourné sur le front. Ces couleurs, la bestiole les présente depuis son jeune âge. Nous verrons plus tard les arpenteuses se tenir raides comme des 1; mais le corps de notre chenille suit, au contraire, rarement la ligne droite. Entre ses heures de repas, on la voit somnoler sous les feuilles, avec le corps ondulé, la tête tournée d’un côté ou de l’autre et le bout de l'abdomen souvent relevé. En août ou septembre, parfois en octobre, elle descend jusqu'au pied de l'arbre ou du buisson qui l'a nourrie et entre en terre, où, dans un alvéole non tapissé de soie, elle se transforme en une grosse chry- salide brun foncé ou brun rouge qui passe l'hiver et donne naissance au papillon en mai ou juin suivants. 19 L'ACRONYCTE DU TROÈNE — Acronycta ligus- tri L. Mâle, grossi quatre fois, au repos contre un rocher. Le Troène vulgaire — Ligustrum vulgare L. [ea Z 4 © e4 En D Q es [a ®) >= Z © L2 ®) < L' 47. 47. L'ACRONYCTE DU TROËNE AcroNYCTA (Ochs.), ou CRANIOPHORA (Snell.) ligustri (F. L.) EVANT notre maison, un vieux bassin en pierre de taille reçoit les eaux d’une petite source. La conduite, après avoir parcouru sous terre un pâturage, monte jusqu'à un mètre cinquante de hauteur environ, et débouche au-dessus de la fontaine. Pour cacher la montée du tuyau, mon père a fait bâtir un mur vertical à l'extré- mité du bassin, et il a adossé à ce mur une véritable colline de terre, maintenant recouverte de toute une végétation. Âu sommet de ce monticule, il a planté des buissons de troène et ceux-ci, ayant trouvé l'emplacement à leur convenance, ont grandi rapidement, s'étendant à droite et à gauche et formant un charmant berceau de verdure, orné en juillet de multiples grappes de petites fleurs parfumées, et en automne de baies noires et luisantes, dont se délectent les merles lorsque survient la neige. Or, un jour que la lessive battait son plein, on m ‘avisa que d'étranges corpuscules tombaient sans cesse sur le linge qu’on venait de laver, y laissant d'affreuses traces. Accouru sur les lieux, je m'aper- çus que ces granules insolites étaient de provenance animale et devaient, sans aucun doute, descendre des branches surplombantes du buisson. Suivre la verticale et découvrir le coupable n'était plus, dès lors, qu'un jeu, et c'est avec une grande joie que Je découvris une splendide chenille de Sphinx du troëne, espèce que nous avons étudiée tout à l'heure (p. 223). Mais ce n'était pas tout : en examinant le linge dans la fontaine, j'avais remarqué à sa surface deux sortes de déjections, les unes relativement grosses, d’autres beaucoup plus menues. La chenille du Sphinx n'était donc pas la seule coupable, et les recherches continuèrent. Cette fois, c'était plus difhaile, les nou- veaux malfaiteurs étant certainement plus petits ; bientôt cependant, j'aperçus une jolie chenille de 3 centimètres environ de longueur, au corps épais en son milieu, fuselé, un peu étranglé entre les seg- 294 L'ACRONYCTE DU TROËNE ments. Elle était d'un beau vert tirant sur le jaune, et sur sa peau mate et unie, légèrement translucide, s'élevaient des poils noirs, clair- semés et très longs aux deux extrémités du corps. Une fine ligne blanc jaunâtre courait le long du dos et deux lignes jaunes suivaient ses flancs un peu au-dessus de petits stigmates rouges. Elle se tenait immobile sous un rameau, et grâce à sa forme fuselée et à sa couleur verte, se confondait étonnamment avec les petites feuilles ovales de l'arbuste, dont quelques-unes devenaient précisément jaunâtres. C'était l'ACRONYCTE DU TROÈNE, chenille si bien représentée par mon père dans sa grande collection. Sachant l'espèce rare, je fus enchanté de l’aubaine, et, pensant peu probable qu ‘une chenille de ce genre se trouvât seule sur un buisson à la fois si grand et remplissant si bien les conditions d'ombre et de fraîcheur requises par l'animal, je continuai mes recherches et fus au bout d'un moment possesseur de quatre exemplaires. Le linge était désormais hors de danger et ma collection s’enrichissait d'autant. Nous étions à la fin d'août : les chenilles transférées dans une poche en treillis métallique, abondamment garnie de branchettes de la plante nourricière, mangèrent encore pendant quelques jours, atteignant enfin, toutes, 3 à 3,5 centimètres de long: puis elles se cachèrent parmi les matériaux qui remplissaient le fond du pot, terre et feuilles sèches, et se construisirent de solides cocons gris noirâtre, où elles devaient se transformer avant l'hiver en chrysalides brun rouge, s'éclaircissant vers l'extrémité postérieure. Au mois de juin de l’année suivante, je m'aperçus un soir qu'un petit papillon de nuit volait avec rapidité dans la poche en treillis. Quelle ne fut pas ma joie en découvrant que cette Noctuelle n'était autre qu'une ACRONYCTE DU TROÈNE, absolument parfaite et provenant d'une des chenilles de l'année précédente. C'est celle même qui est représentée sur la plan- che ci-contre et qu'il fallut grossir quatre fois pour en montrer toutes les richesses et les délicatesses. Ah! quelle merveille que cette bro- derie aux points multiples, aux dessins fantastiques, aux couleurs L'ACRONYCTE DU TROÈNE 295 rares et belles, se confondant si bien avec les quelques feuilles de troène qui ont passé l'hiver et sont devenues pourpres! Notre papillon se distingue des autres espèces du même genre, dont plusieurs se ressemblent beaucoup entre elles, par son thorax blanc et la coloration violette et vert sombre de ses ailes. Ces teintes, toutefois, deviennent quelque peu brunâtres et les dessins noirs pâlissent lorsque l'insecte a quelques semaines d'existence. Dans une variété appelée SUNDEVALLI (Lampa), le blanc des ailes est com- plètement envahi par le vert olive. Comme son nom d'« ACRONYCTA » l'indique, notre insecte se montre lorsque vient la nuit; mais c'est un papillon si vif et alerte, si frétillant, qu'en plein jour, si vous le dérangez, il n’hésite pas à pren- dre son essor. La chenille qu'on trouve le plus souvent sur le troène, de juin ou juillet jusqu'en août ou septembre, vit aussi sur le lilas, le frêne et même la clématite. Le papillon éclôt déjà en mai ou juin et vole jusqu'en juillet, voire même jusqu’en août. Dans la plaine, il apparaît à deux reprises en mai et Juin, puis en août et septembre. Le mâle varie entre 3,6 et 3,8 centimètres d'envergure. La femelle, qui est un peu plus grande et dont les ailes sont plus larges, atteint 4 à 4,3 cen- timètres. Le CASQUE — Agrotis janthina Esp. Gran- deur naturelle, au vol. Grossi trois fois, au repos. Le Coudrier noisetier — Corylus avellana L. 48. LE CASQUE 48. LE CASQUE AcroTIs (O.) ou TRIPHÆNA (Treits.) janthina (Esp. Fab.) OUS avons vu, à propos du Némusien (p. 185), que le dessus des ailes des Papillons de jour est souvent orné de couleurs vives, réparties en taches simples ou en grandes surfaces, alors que le dessous, au contraire, est d’un gris ou d’un brun assez terne, varié de multiples zigzags, ocelles ou points. Ces deux costumes ont deux buts distincts : le premier est fait pour frapper les regards, pour animer la prairie d'une note lumineuse, le second, au contraire, pour permettre au papillon, qui, engourdi par la pluie et incapable de fuir, a refermé ses ailes, de passer inaperçu aux yeux de ses ennemis. Chez les Papillons de nuit qui volent au crépuscule, ou même une fois l'obscurité complète, les choses se passent autrement. Plus n'est besoin de grandes ailes, étalant leurs couleurs en frappant l'air lentement : l'homme, incapable de voir de nuit, ne pourrait admirer la trajectoire colorée de la Noctuelle qui passe. Les ailes sont donc plus petites, les battements en sont très rapides, et de plus, les Papillons nocturnes tenant, au repos, leurs ailes rabattues, n’en laissant voir que la face supérieure, tous les dessins, tous les détails, toute la richesse des harmonies est concentrée sur cette même face, alors que l'inférieure est généralement plus claire, presque uniforme et sans dessins. Mais le papillon nocturne est immobile tout le jour, il doit donc avoir des ailes dont le dessus n'’attire pas l'attention et c’est ce qui arrive. O1 sa robe est merveilleuse de délicatesse et de finesse, elle est presque toujours très sobre de couleur. Or, il existe quelques Papillons de nuit ayant des mœurs diur- nes ou qui, en tout cas, ne sont jamais très profondément endormis pendant le jour et qui s ‘envolent à à la moindre alerte. Faits pour voler à la lumière, ils sont, eux aussi, ornés par places de vives couleurs et présentent les deux mêmes costumes que les Rhopalocères; seule- ment, à cause de la position différente des ailes au repos, les teintes 300 LE CASQUE vives et uniformes, réparties en grandes surfaces et faites pour frapper l'œil de loin, sont placées sur l'aile inférieure, — entièrement cachée sous le couvert des supérieures lorsque le papillon se pose, — et les teintes délicates, les dessins multiples qui permettent à l'insecte de se confondre avec l'écorce des arbres ou les lichens des rochers, sont placés sur les ailes supérieures. Dans ces conditions, le Papillon de nuit, comme celui de jour, est, au repos, presque invisible et méconnaissable; au vol 1l est comme lui, magnifique en éclat, et cela d'autant plus que chez ces espèces, les ailes inférieures sont beaucoup plus grandes qu'elles ne le sont d'habitude chez les Noctuelles. Citons parmi ces espèces à ailes inférieures brillantes, jaunes ou rouges, tachées ou barrées de noir, les Ecailles (pl. 41) et quelques Ophiusidés, dont plusieurs volent de jour, les Lichenées que nous étu- dierons plus loin (pl. 57), enfin quelques Agrotides que certains auteurs, avec raison croyons-nous, ont placées dans un genre à part, le genre Triphæna, où se rangent précisément notre espèce et la suivante. Ajoutons que les papillons à mœurs exclusivement nocturnes et qui sont engourdis pendant le jour, ont, en général, tous leurs beaux dessins — mais toujours dans une gamme de couleurs très sobre — sur les ailes supérieures, qu'on peut examiner tout à loisir si l'on découvre l’insecte dans sa cachette, et ils possèdent le plus souvent des ailes inférieures très pâles ou uniformes. L’AGROTIS JANTHINA appelée en français 4 LE CASQUE », proba- blement à cause de la couleur claire de sa tête et du devant de son thorax qui la fait paraître coiffée d'une mitre, est donc un de ces papillons à surprises, qui, caché de jour dans les buissons, spéciale- ment dans le lierre ou parmi les feuilles sèches, s'envole brusquement à l'approche du danger et montre des ailes d’un jaune superbe, rehaussé d’un large galon et d’une tache basilaire, plus ou moins étendue et foncée, d'un noir soyeux à reflets dorés et cuivrés. L'exemplaire grossi de notre planche est un type exceptionnelle- LE CASQUE 301 ment clair; habituellement LE CASQUE a les deux tiers des ailes supé- rieures brun sombre et la marge costale, comme l'extrémité de l'aile et le thorax, gris bleu violet foncé. Dans ces types sombres, 1l ne reste plus, en fait de rouge orangé, que la petite tache trapézoïdale qui se trouve non loin de l'extrémité de l'aile, le long de la marge et qui est alors plus claire que le reste de l'aile. Notre CASQUE est rare; mais on le rencontre pourtant de temps à autre dans la plaine, de juin à septembre, surtout en juillet et août. Il se laisse attirer le soir par la lumière artificielle. Il varie entre 3,8 et 4,3 centimètres d'envergure. La femelle pond de petits œufs blanc jaunâtre, ronds, qui éclo- sent après trois ou quatre semaines. Les chenilles sont d'abord gris clair, légèrement verdâtres ou jaunâtres avec de petits points noirs. Elles ne grandissent pas beaucoup avant l'hiver et il vaut mieux les chercher en mars, avril ou mai, dans les feuilles sèches avoisinant la plante nourricière. Elles attaquent le plus souvent, en y perçant de petits trous ronds, le gouet ou arum tacheté. Mais elles ne dédai- gnent pas les primevères, les mourons et autres plantes basses. Elles atteignent 4 à 5 centimètres de long et sont jaune ocre ou gris jaune rougeâtre, finement ponctuées de sombre, avec une tête et un écus- son brun jaunâtre, un ventre jaune clair, une ligne dorsale blanche et sur chacun des segments huit à onze, deux taches noires et symé- triques en forme de coin. La chrysalide, placée dans la terre, est gris brun, luisante, et donne naissance au papillon après un ou deux mois. LA NOCTUELLE FIANCÉE — Agrotis pronuba L. Deux mâles, grandeur naturelle, au vol et au repos. Femelle, grossie trois fois, au repos. Feuilles sèches de Chêne, Hêtre et Bouleau — Betula alba L. 49. LA NOCTUELLE FIANCÉE 49, LA NOCTUELLE FIANCÉE AcrOTIS (O.) ou TRIPHÆNA (Treits.) pronuba (L.) La PHALÈNE HiBou ou L’AGROTIDE DE L'OSEILLE N parcourant les bois, en juin ou juillet, en foulant les feuilles sèches, surtout près des lisières, à des endroits où croissent _ quelques buissons, il arrive de voir soudain s'envoler de terre une Noctuelle dont les larges ailes inférieures jaune vif, décorées d'un beau ruban noir, font un effet superbe. Malheureusement son vol est rapide et zigzagant, et si vous n'avez pas eu la présence d’es- prit de faire fonctionner à temps votre filet, vous perdez de vue le beau papillon. Si toutefois vous ne l'avez pas trop effrayé, vous le verrez peut-être se poser à nouveau, un peu plus loin. Il reste un moment immobile, attendant la suite des événements, puis, lorsqu'il croit tout danger écarté, il s’enfile sous les feuilles, cherchant toujours le recoin le plus sombre. À défaut de feuilles sèches, il disparaît tout aussi volontiers dans les fentes d’un mur, ou les interstices d’un mon- ceau de pierres, courant très vite et souvent le dos tourné en bas. Lorsqu'il se cache sous les feuilles sèches, vous entendez très dis- tinctement le bruit de ses pattes. Mais à part ces brusques envolées, purement accidentelles, la PHALÈNE HIBOU de Geoffroy ne sort de sa cachette qu'à la nuit tombante, comme l'oiseau dont elle porte le nom. Elle parcourt alors d’un vol rapide les prés et les jardins, buti- nant sur les fleurs. C'est une des Noctuelles les plus répandues chez nous, tant dans la montagne que dans la plaine, se rencontrant même encore en assez grand nombre, jusqu à plus de 3000 mètres d'altitude. Elle se présente sous des types très différents, ainsi que le montre notre planche : parfois la tête, le thorax et les ailes supérieures sont d'une seule couleur, presque sans dessins, variant du gris jaune clair, blanchâtre sur la tête, jusqu’au gris brun, au brun rouge, même au brun violacé sombre. Dans d’autres types, toute une série de dessins apparaissent sur les ailes supérieures, souvent plus marqués encore 20 306 LA NOCTUELLE FIANCÉE que sur l'exemplaire de notre image, représenté au vol. Dans ces mêmes types à dessins très nets, le thorax est d’un brun noirâtre, mais le devant de la tête et le collet, d’un blanc ivoire ou d’un gris brun pâle. Les ailes sont toujours agrémentées d’un léger fard vio- lacé. Voilà, en quelques mots, ce qui frappe le regard lorsque la bête est posée, tenant ses ailes ramenées sur le dos et bien appliquées l'une sur l’autre, croisées tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, et toutes deux sur un même plan. Mais lorsque le papillon s'envole et fait apparaître, comme nous l'avons déjà vu, ses belles ailes infé- rieures Jaunes, on remarque avec étonnement qu'elles ne varient pas du tout et que dans tous les types, elles sont les mêmes. Il n'y a qu'une variété, mais elle est très rare, appelée H&GEI (H. S.) où cette aile jaune présente en son milieu une tache noire. Cette particularité fait alors ressembler le papillon à l’Agrotis comes (Hb.), «La Sui- vante » de certains auteurs, qui présente toujours cette tache. L’Agro- tis comes, plus petite que la NOCTUELLE DE L'OSEILLE, est en général un peu plus verdâtre, et ne présente pas le point noir, traditionnel chez PRONUBA, qui se trouve juste avant la pointe des ailes supérieures. Une autre espèce encore, que nous avons étudiée dans le volume des Chenilles (p. 155 à 160), ressemble beaucoup à notre FIANCÉE, c'est la Noctuelle frangée, l’Agrotis fimbria (L.) des savants. Elle a la même envergure, mais son corps est plus massif, ses ailes plus larges, le jaune de la paire inférieure plus vif et le ruban noir beaucoup plus large, occupant presque la moitié de la superficie de l'aile. L’AGROTIS PRONUBA varie entre 5,6 et 6,4 centimètres d'enver- gure. Elle apparaît en une ou deux générations, d'avril jusqu'en sep- tembre. Dans la montagne, où elle n’a jamais qu'une génération, on la voit le plus souvent en juin et juillet. Sa chenille, dont nous avons parlé dans l'ouvrage précédent à propos de la Mamestra brassicæ (L..), page 177, est tout aussi lucifuge que le papillon; souvent même, elle ne se contente pas de se cacher sous les feuilles ou les pierres pendant le jour, mais elle s'enfouit LA NOCTUELLE FIANCÉE 307 dans la terre. Elle recherche de préférence les terrains meubles, et c'est pour cette raison qu'on la trouve très souvent dans les jardins. Sa principale nourriture consiste en feuilles d’oseille, de primevère, de violette, de séneçon des oiseaux, de dent-de-lion ou d'’arroche, mais dans nos jardins, elle attaque aussi les salades et les laitues, même les choux. C’est une chenille paresseuse, lourde et massive, lisse et sans poils. Elle est le plus souvent d’un gris ou d’un brun terreux, mais elle peut aussi être gris jaune, vert jaune ou franche- ment verte. Une ligne dorsale claire et un trait brun rougeâtre sur les flancs rehaussent généralement ce costume, mais ces dessins sont plus ou moins marqués. Un autre caractère, par contre, persiste presque toujours et permet de reconnaître très sûrement l'espèce, c'est une suite de taches étroites, allongées, brunes ou noirâtres qui bordent, de chaque côté, le dos, sur toute la longueur de l'abdomen de la chenille, à raison d'une paire par segment. Un trait clair borde inférieurement ces taches dans les types sombres. La tête, qui est petite, est toujours brune. On trouve généralement les exemplaires gris ou bruns dans la terre et les chenilles vertes cachées simplement sous les feuilles. La chenille se trouve de novembre à mai, et quand il y a deux générations, une seconde fois en août et septembre. Parvenue à sa taille, elle atteint 4 à 5 centimètres de longueur, puis elle se transforme sous terre, dans un fragile alvéole, en une chrysalide luisante, d'un brun rouge sombre, qui donne naissance au papillon au bout d’un mois environ. La Nasse — Neuronia popularis F. Mâle, grossi trois fois, posé sur un caillou et prêt à l'essor. Le Chiendent rampant — Agropyrum (Tri- ticum) repens P. B. 50. LA NASSE 50. LA NASSE NeuroNIA (Hb.) ou EPINEURONIA (RbI.) ou HeL1oPHoBus (Bois.) popularis (F.) ou lolii — L'HÉLIOPHOBE ou LA NEURONIE DOMESTIQUE ANS la prairie, les grillons chantent. Ce n'est plus le bruisse- ment continu, rappelant celui de la cigale, qu'ils font entendre le jour, lorsque le soleil est le plus chaud et que l'air est bien calme: ce sont des coups d’archet, suivis d'une petite pose et renou- velés à intervalles réguliers; mais dans la fraîcheur limpide de la nuit qui vient, le son paraît plus fort, surtout plus vibrant. On dirait que la boîte de résonance du violon en miniature a doublé de volume. Pourtant beaucoup de joueurs se sont tus; quelques-uns seulement s’exercent encore et semblent faire une sérénade à la lune énorme et rouge qui apparaît, derrière les arbres. Trois ou quatre petits cra- pauds accoucheurs, cachés dans un tas de pierrailles, laissent échap- per de temps à autre une note claire, un peu mélancolique, tantôt plus haut, tantôt plus bas, suivant la voix du chanteur : le concert est charmant. — Dans l'étang voisin, un autre batracien de faible dimension, le crapaud de montagne, au dos gris cendré, au ventre taché de jaune, se laisse béatement flotter sur l’eau. Il répond à ses congénères par une sorte de gémissement court, mais répété plusieurs fois. Un peu plus loin, le long de la lisière de la forêt, que suit un chemin creux, un engoulevent fait entendre son {err.… eurr.… err.…. eurr?, monotone. Il ghisse dans l'air, sans bruit ; grâce à la lune, on le voit de temps à a autre passer rapidement. Son bec fendu ] jusqu ‘aux oreilles — ici l'expression est littéralement juste, — limitant un vrai gouffre, encadré de poils raides qui s’écartent et augmentent encore les dimensions de l'appareil, il poursuit les malheureux insectes noc- turnes. Des mouches et des moustiques, mais surtout des papillons, disparaissent un à un dans l'implacable trappe. Eugène Rambert termine sa charmante monographie sur cet oiseau par ces mots : « Prenez garde lucioles, phalènes et sphinx, voici venir l’engoulevent ! » 312 LA NASSE Ah! oui! prenez garde, pauvres Papillons de nuit qui parcourez la prairie et visitez les fleurs, qui longez la forêt, un oiseau aux longues ailes, peint en grisaille, zébré et chamarré, comme vous, se promène et vous guette! Et toi, petite NASSE, si agile et frétillante, si vive et alerte, qui aime tant à voler, évite les abords du bois, et va-t'en bien loin dans la prairie, hors de l'atteinte du bel oiseau de nuit! La NaASSsE, voilà certes un nom curieux! On ne peut guère en expliquer la provenance que par la disposition très nette des nervures de l'aile supérieure imitant les tiges d'osier de ce piège à poisson. Qu'elles sont jolies ces nervures blanches ou jaune pâle qui donnent à notre papillon un aspect si caractéristique et qui ont valu au genre le nom de NEURONIA (nervure). La NASSsE est un insecte des plus vifs, qui, bien qu'il se cache pendant le jour, s'éveille à la moindre alerte, sort ses antennes et se met à courir. Le soir, 1l vole avec une grande vivacité, accourant de fort loin à la lumière artificielle, surtout le mâle. Celui-ci a des antennes pectinées, ainsi qu'on peut le voir sur l'image; la femelle, au contraire, les a filiformes. De plus l'abdomen du mâle se termine en carré par une brosse aplatie qui dépasse à peine les ailes dans la pose de repos; celui de la femelle, très volumineux et long, s'achève en un cône obtus. Pour ce qui est des ailes, les différences sont insignifiantes entre les deux sexes: c'est tout au plus si la femelle a les ailes plus larges que son compagnon et généralement un peu plus grandes d’en- vergure. Celle-ci varie entre 3,5 et 4,7 centimètres. La paire infé- rieure, dans l’un et l’autre sexe, est gris brunâtre clair ou blanchôtre, avec une large marge plus sombre et une frange blanche. Les quatre ailes ont des reflets dorés. Ce papillon vole de juillet à septembre, même en octobre. Sa chenille, qu’ on peut trouver Jeune en automne, puis, parvenue à sa taille, au printemps, jusqu'en mai, se nourrit de différentes graminées, surtout le chiendent et l'ivraie. Elle se tient cachée dans la terre, pendant le jour, et sort la nuit pour ronger le collet des plantes. Par LA NASSE 313 suite de cette habitude, elle peut causer de grands dégâts dans les prairies, lorsqu'elle est abondante, ce qui arrive surtout dans les ter- rains sablonneux. En ceci, elle imite son proche parent le Charæas des graminées que nous avons étudié dans le volume précédent, p. 167 à 172, et lui ressemble aussi d'aspect. Longue de 3,5 à 4 centimètres, elle est d’un brun sombre avec plusieurs lignes longitudinales blan- châtres et de petits traits transversaux noirs entre les lignes claires. La tête est globuleuse, la peau luisante et le premier et le dernier segment du corps sont ornés d'une petite plaque cornée, brune. Cette chenille est épaisse et cylindrique, mais un peu amincie aux deux bouts. Aux mois de mai ou de juin, elle entre plus profondément en terre, et dans un alvéole non tapissé de soie, elle se transforme en une chrysalide très luisante et brun rouge qui éclôt en juillet ou en août. LA ConNTIGUE — Mamestra contigua Fab. Mâle, grossi trois fois, prêt à l'essor. Tronc de Chêne rouvre — Quercus robur L. 51. LA CONTIGUË / « 4 | ES 51. LA CONTIGUË MAMESTRA (Tr.) ou HADENA (Boisd.) contigua (Vill. S. V. Fab.) La MAMESTRE ou l'HADÈNE CONTIGUË OMME leur nom l'indique, les Papillons de nuit aiment l’obs- curité et sont habituellement invisibles de jour, tant ils savent bien se cacher. En visitant avec soin les troncs et les murs, on peut, il est vrai, découvrir un certain nombre d'espèces appliquées, immobiles, parmi les lichens. En frappant les branches des arbres et des buissons au-dessus d’un parapluie ouvert et renversé, il arrive de faire tomber une Noctuelle qui se tenait cachée dans le feuillage. À la tombée de la nuit on peut parcourir les campagnes, les lisières de forêts, visiter dans les jardins les massifs de fleurs et attraper au filet les premières Phalènes réveillées. Mais, hélas, l'obscurité aug- mente bien vite et nos yeux deviennent incapables de discerner les papillons, de les attraper et encore moins de les faire passer du filet dans le flacon de cyanure sans les abîmer ou les laisser partir. Tous ces moyens sont donc très insuffisants si l'on désire faire une col- lection de papillons et se procurer de nombreuses espèces et il faut recourir forcément à des procédés artificiels. Le plus simple est tout d'abord d'utiliser l'attrait irrésistible que la lumière de nos lampes à pétrole, à gaz ou électriques exerce sur la plupart des Papillons de nuit. Un des engins les plus pratiques pour cet usage, parce qu'on peut le transporter partout avec soi, est la lampe à acétylène avec réflecteur. En plaçant cet objet sur une fenêtre, ou mieux, en allant le fixer à la lisière d'un bois, à un endroit un peu découvert, on verra bien vite arriver de nombreux papillons. Pour augmenter la surface lumineuse on placera verticalement, à un mètre de la lanterne, un écran fait d'une toile blanche, tendue sur un châssis. Les papillons se jetteront alors contre la toile éclairée et seront plus faciles à capturer qu'autour de la lampe. En second lieu, on a imaginé de mettre à profit le penchant bien 318 LA CONTIGUË connu que les Papillons de nuit ont pour tout liquide sucré : après le coucher du soleil, on enduit, avec un pinceau, une surface grande comme la main sur un tronc d'arbre, une planche ou un objet quel- conque, d'un liquide obtenu avec de la mélasse, du miel de vétéri- naire ou du sucre dilué dans un peu d’eau chaude. On peut du reste varier à l'infini la composition de cette mixture : M. Ed. Bureau recommande le miel pur, Frédéric Schnack préconise un mélange de bière brune, de miel artificiel, de quelques cuillerées de miel de tilleul et de quelques gouttes d'éther de fruit, le tout bien battu et cuit. On emploie également du vin rouge cuit avec un peu de miel; enfin on peut couper des quartiers ou des tranches de pommes, les faire macérer dans un sirop de miel ou dans de l’éther nitrique et les enfi- ler à une ficelle tendue entre deux arbres. Les poires molles sont aussi un bon appât. Toutes ces différentes méthodes constituent ce qu'on appelle « la chasse à la miellée ». À partir de 20 heures, on se tient près de l'endroit englué avec une lanterne que l'on a soin de cacher sous un drap noir, et, de temps à autre, avec précaution, on éclaire le lieu du rendez-vous, pour voir ce qui s’y passe et capturer les pièces intéressantes, au moyen d'un petit filet à manche court et à embou- chure concave, s'appliquant bien contre les troncs. Si l’histoire naturelle n'était pas une science captivante qui élève l’âme parce qu'elle vous met sans cesse en contact avec l'œuvre abso- : Jument parfaite du Créateur, si son étude n'était pas des plus instruc- tives et capable non seulement de développer, mais aussi de préser- ver la jeunesse de bien des tentations, si pour étudier les bêtes à fond, on n'était pas obligé d’en faire la capture, c'est avec scrupules qu'on encouragerait la chasse aux papillons; mais tout en désapprouvant formellement ceux qui joignent à la persévérance l’acharnement et qui font de telles rafles que les espèces en sont parfois menacées, nous estimons légitime et bon, surtout pour les jeunes gens, de s’in- téresser à l’entomologie ou à la botanique et de faire une petite col- lection de telle ou telle famille d'insectes ou de plantes. Il serait en LA CONTIGUË 319 outre des plus utiles de faire bien connaître la nature à la nouvelle génération, afin que, mieux renseignée sur l'équilibre parfait qui y règne, elle sache en observer plus judicieusement les lois et cultiver le sol avec moins de « science » que nous, en favorisant davantage les moyens de fertilisation ou de destruction naturels, au lieu d'employer ces méthodes et ces ingrédients contre nature qui finissent toujours par se prouver néfastes à la réussite des récoltes ou à la santé de nos: populations, sans parler de la diminution rapide et navrante des espè- ces animales et végétales qu'ils produisent. En opérant de la manière décrite plus haut, on obtiendra facile- ment la MAMESTRE ou l'HADÈNE CONTIGUË, ainsi appelée parce qu'elle est très voisine de plusieurs autres espèces du même genre, en parti- culier thalassina (Rott.), dentina (Esp.), genistæ (Bkh.) et marmorosa (Bkh.). Mais CONTIGUA varie entre 3,6 et 4,5 centimètres, alors que les trois premières espèces citées ci-dessus sont habituellement plus grandes et la dernière plus petite. C’est de mai à juillet, mais surtout en juin que vole la CONTIGUË qui n'est pas rare chez nous. Sa chenille vit de juillet à septembre et même en octobre sur les airelles, les myrtilles, les ronces, le framboisier, les genêts, les berces, les fougères, les ombellifères, l’achillée, le seneçon, l'origan, la verge d'or, la grande gentiane, le chénopode ou épinard sauvage, la dent- de-lion, et même l'épine noire, l’aune et le bouleau. Cylindrique, glabre et longue de 3,5 à 4 centimètres, elle varie beaucoup; le plus souvent verte ou vert jaune, elle peut aussi être jaunâtre, jaune rougeâtre ou brune; mais dans tous ces types elle présente en vert sombre, rouge ou brun foncé, une ligne médiane interrompue, et, des deux côtés du dos, sur chaque segment, des traits obliques et légère- ment arqués, dessinant une suite de chevrons. Ces dessins sont le plus souvent rouges, ainsi que les points trapézoïdaux. La commissure des segments est jaunâtre. La chrysalide, placée en terre, est brun rouge. La MÉTICULEUSE — Brotolomia meticulosa L. Mile, grossi trois fois, au repos. Tronc d’Epicéa élevé ou Sapin rouge — Picea excelsa Link. 52. LA MÉTICULEUSE 21 52, LA MÉTICULEUSE BroToLOMIA (Led.) ou SOLENOPTERA (Dup.) ou PHLOGOPHORA (Tr.) meticulosa (L.) — LA CRAINTIVE OUS avons déjà vu qu'au repos les papillons tiennent leurs ailes de bien des manières différentes. Mais si, chez les Papil- lons de nuit, les ailes inférieures peuvent se replier sur elles- mêmes, la paire supérieure reste, par contre, presque toujours abso- lument plane, aussi bien chez les espèces nocturnes. que chez les diurnes. Il y a cependant quelques exceptions à cette règle : nous verrons tout à l’heure l’Antique (pl. 55) tenir ses ailes complètement plissées en longueur et étroitement appliquées sur le corps; de plus, le papillon se colle contre l'écorce et fait penser à une simple saillie du tronc lui-même. Chez notre MÉTICULEUSE, les ailes supérieures sont également plissées : la marge antérieure, large de 2 millimètres, se plie à angle droit du reste du membre, et depuis la moitié de sa longueur environ, l'aile semble brisée et s’infléchit vers le corps, en formant un pli semblable à une gouttière renversée. Toute l'extré- mité de l'aile, en outre, est étrangement découpée et comme entamée, ce qui a valu au genre le nom de BROTOLOMIA qui signifie « bord rongé ». L'insecte, au repos, ne se tient pas appliqué contre sa bran- che, mais au contraire dressé sur ses pattes, avec le dessous du thorax à 2 millimètres de l'écorce et le bout de l'abdomen à 1 centimètre environ du support. Il tient ses pattes, surtout la troisième paire, ramenées sous le corps et parfois presque toutes invisibles lorsqu'on regarde.la bête par-dessus. De profil, les brosses de poils qui ornent le thorax et l'abdomen, le long de la ligne dorsale, dessinent une étrange crénelure, si bien qu'avec les couleurs indécises de l’insecte, on pense voir, au premier coup d'œil, un brin de feuille qui aurait poussé là, puis séché. La MÉTICULEUSE ne varie pas beaucoup, si ce n'est qu'elle est parfois, au moins dans les collections, un peu plus terne et plus jau- 324 LA MÉTICULEUSE nâtre que sur notre planche. La grosse tache en forme de V qui tra- verse l'aile supérieure peut aussi être d’un vert bleuâtre. Les ailes inférieures sont arrondies, assez claires et marquées de quatre ou cinq zigzags transversaux, plus ou moins nets, d'un gris brun. Le mâle, qui est un peu plus verdâtre et plus petit que la femelle, varie entre 4,5 et 4,7 centimètres d'envergure, tandis que la femelle atteint 4,8 à 5,3 centimètres. La MÉTICULEUSE est craintive, dit-on. Ne pouvant guère voler de jour, probablement parce qu'elle est trop éblouie par la lumière, elle préfère rester immobile et faire la morte pour échapper à ses ennemis. Elle se tient contre les troncs d'arbres ou les palissades et ne se met en campagne que lorsque vient la nuit. Elle est commune chez nous et se laisse prendre facilement, avec un appât comme celui dont nous avons parlé dans la monographie précédente. On la trouve en une ou deux générations, suivant l'altitude, d'avril à juin, puis d'août à octobre, novembre et même décembre. On prétend que certains individus passent tout l'hiver. La femelle pond des œufs ronds et déprimés; ils sont d’abord blanc jaunâtre, comme la plupart des œufs d'insectes fraîchement pondus, puis ils deviennent orangés, enfin gris. Les chenilles qui en sortent sont, une fois parvenues à leur taille définitive, tantôt vert herbe, tantôt vert pâle, tantôt brun jaune. Le dos est parcouru par une ligne blanchâtre, plus ou moins interrompue au milieu de cha- que segment, tandis que sur le côté court une bande continue, plus large et jaunâtre. Entre ces bandes claires se trouvent, sur chaque anneau, deux traits obliques sombres, qui, partant de la ligne médiane, s'écartent l’un de l’autre et forment avec le dessin correspondant des autres segments une suite de chevrons. La bête est glabre, allongée, cylindrique, un peu plus mince en avant qu'en arrière, avec le onzième anneau un peu saillant. Les stigmates sont Jjaunâtres, la tête petite et brune. Cette chenille, qui atteint 4 à 5 centimètres de longueur, vit LA MÉTICULEUSE 325 presque toute l’année, mais en particulier de septembre jusqu'en avril ou mai, et de nouveau en juillet et août. On la trouve un peu partout, sur une quantité de plantes : dans les carrières et le long des talus sur l'ortie; au flanc des coteaux sur les mauves, les asters, la pimprenelle ; dans les endroits incultes et agrestes, où croissent de vieux pommiers sauvages, sur la bardane et la ciguë: à l’orée des bois sur les primevères, les lamiers, les vio- lettes, le lierre, la clématite, enfin sur la belle et grande fougère appelée « Aigle impériale » ou (Ptéris aigle», à cause de la figure, rappelant certaines armoiries, qui se dessine sur la coupe de la tige. On trouve aussi cette chenille dans les jardins, sur les géraniums, le réséda, la lavande, les giroflées, le tournesol, le céleri, les choux, etc. Elle ne mange que la nuit et se tient cachée de jour sous les feuilles. Au premier printemps ou au mois d'août, elle se tisse, à la sur- face du sol, un cocon léger dans les parois duquel sont agglutinés des parcelles de terre et de petits morceaux de feuilles coupées. chenille se transforme, dans cette demeure, en une chrysalide lui- sante, terminée par une fine pointe et de couleur brun rouge, plus claire et plus jaunâtre sur l'abdomen que sur le thorax. Elle donne naissance au papillon après cinq ou six semaines. La PYRAMIDE — Amphipyra pyramidea L. Femelle, grossie trois fois, au repos, cachée sous une feuille. Femelle, grandeur naturelle, au vol. Le Lonicéra des Alpes — Lonicera alpigena L. 53. LA PYRAMIDE 53. LA PYRAMIDE AmPHipyRA (O.) pyramidea (L.) — L'AMPHIPYRE DU NOYER L est peu d’arbustes aussi jolis et intéressants que les lonicéras. On en distingue chez nous deux groupes, les uns émettant des tiges souples qui grimpent dans les arbres ou les buissons, dans les haies, s’enroulant autour des branches, les autres croissant en bou- quets plus ou moins élevés, comme la plupart des arbrisseaux. Dans la première catégorie se trouvent les lonicéras périclymène et chèvre- feuille, ce dernier très connu, puisqu ‘on l'a appelé le « chèvrefeuille des jardins » et qu'on le fait grimper contre nos maisons et nos palis- sades. Ah! qu'elles sont gracieuses ces fleurs d’abord roses, lors- qu’elles sont en boutons, puis blanches et enfin jaune de cire. Elles sont placées au bout des tiges, en bouquets de dix à vingt. Dans le deuxième groupement sont rangées quatre espèces que l'on trouve communément chez nous : la plus fréquente de toutes est le lonicéra camérisier, vulgairement appelé « blanchette » que nous avons repré- senté en fleurs sur la planche 30 et avec ses fruits sur la planche 39. On le rencontre partout dans la plaine et la montagne, dans les taillis, le long des haies, dans les bois clairsemés. Une seconde espèce res- semble beaucoup au camérisier, c'est le lonicéra noir; mais il s’en distingue par une tige florale plus longue et couchée sur les feuilles, ainsi que par des fruits noirs, appariés comme ceux de la blanchette. Vient ensuite le lonicéra bleu, habitant la montagne comme le précé- dent, aux tiges finement velues et carminées, aux fleurs dressées sur un pétiole très court, aux fruits assez gros recouverts d'un fard bleu. Enfin n'oublions pas le lonicéra des Alpes, commun aussi au Jura à partir de 800 mètres environ et représenté sur la planche ci-jointe. On le rencontre généralement sous les arbres, car il aime les endroits frais et ombragés. En mai ou juin, ce joli buisson qui dépasse rare- ment 50 à 80 centimètres de hauteur, se couvre de fleurs d’un jaune rosé pâle, aux pétales retroussés, ressemblant un peu à celles du 330 LA PYRAMIDE chèvrefeuille des jardins: mais le tube de la fleur est ici très court et porté par une longue tige pendante ou couchée sur les feuilles. Les étamines sont rouge carmin. En automne, les fleurs sont remplacées par des fruits rouges, luisants, assez semblables à nos griottes, mais plus petits et parfois bilobés. Or ces différents buissons doivent avoir bon goût, puisque nous y avons déjà trouvé les chenilles du Sylvain azuré (p.89) et du Sphinx gazé (p. 245) et qu'en mai et juin, quelquefois encore en juillet, nous pourrons y découvrir la magnifique chenille de la PYRAMIDE. Il est vrai que cette dernière se rencontre aussi à l’occasion sur le noisetier, le prunellier, l'épine blanche, le troène, les groseilliers, ainsi que sur quelques arbres, tels que le chêne, le hêtre, l'orme, le saule, le peu- plier, le noyer et la plupart de nos arbres fruitiers, se tenant de pré- férence dans le haut des buissons et des arbres. Cylindrique et nue, elle mesure de 5 à 6 centimètres de long. Le onzième segment de son abdomen s’étire en une forte élévation conique; c'est ce qui a valu à la bête le nom de PYRAMIDE. La pointe de cette pyramide est rouge, tandis que le reste de la chenille est d’un beau vert. Une ligne blanche parcourt le milieu du dos, deux autres les flancs, et, entre ces lignes, s'échelonnent des points également blancs, placés en trai- nées obliques plus ou moins nettes et formant un zigzag très marqué sur le onzième segment. Tandis que le corps est gros, surtout à l’ar- rière, la tête est petite, un peu aplatie, avec le triangle frontal bordé de blanc. Cette chenille est donc celle de notre AMPHIPYRE DU NoYER. Elle est issue d'œufs pondus en automne et qui ont passé l'hiver. En juin ou Juillet, elle se tisse à terre, entre des feuilles sèches, un cocon léger et s'y transforme en une chrysalide brun rouge, luisante, cylin- dro-conique, qui éclôt quatre semaines plus tard, soit en juillet ou en août. À partir de ce moment-là jusqu'en septembre et même octo- bre, on rencontre fréquemment la grosse Noctuelle qui est commune dans la plaine, mais qui devient rare à la montagne. De jour, elle se cache dans les fentes des écorces ou des barrières, elle s'enfile dans LA PYRAMIDE 331 les tas de bois ou derrière les volets des maisons de campagne, elle se dissimule parmi les feuilles sèches. Lorsque vous ouvrez le contre- vent derrière lequel elle se cachait, elle s'enfuit aussi vite que ses pattes le lui permettent pour retrouver un coin sombre, imitant en cela les autres espèces du genre, surtout la vulgaire Amphipyre du salsifis (Amphipyra tragopoginis L.) si commune dans les mêmes endroits et jusque dans les maisons. Cette dernière espèce est plus petite que la PYRAMIDE et d’un gris brun presque uniforme, mais elle lui ressemble par ses ailes lustrées à reflets dorés et argentés et à écail- les excessivement fragiles. Chez la PYRAMIDE les reflets passent aussi au cuivré, et, par places, au violet. Les antennes sont filiformes dans les deux sexes, les yeux d’un noir de velours magnifique. L'envergure varie entre 4,8 et 5,6 centimètres. Les lignes qui traversent les ailes peuvent être presque rectilignes et moins brisées que sur notre planche. Les ailes inférieures sont aussi parfois plus jaunes. Au repos le papillon tient ses ailes toutes sur le même plan, les supérieures se recouvrant en partie l’une l’autre, comme font les Agrotides (pl. 48 et 49). C'est la nuit seulement que vole cette espèce qui se laisse faci- lement attirer par la lumière des lampes, et surtout par la miellée, si l'on a soin d’enduire le bas des troncs. La DécouPpure — Scoliopteryx libatrix L. Femelle, grossie trois fois, au repos. Tronc de Saule marsault ou des chèvres — Salix caprea L. 54. LA DÉCOUPURE { \ ï * ‘ ] 3 , ik J L ' \ r ‘ \ } ES Ta l 5 “ FER ' \ \ ? j { TA { (NES \# OU * fon { (HT “ Î ‘ PA £ LE À “ \ * { X À T x A Î ï , ñ j ; 4 HAN 4 (l x 4 Xe LME ARE TAN UE SERRES » \ # = à ” y" + VUE à f 54. LA DÉCOUPURE SCOLIOPTERYX (Germ.) ou GONOPTERA (Latr.) libatrix (L.) La GONOPTÈRE DÉCOUPURE L n'est guère de lieu sur la terre où la vie animale soit absente, en tant du moins que les conditions naturelles n’ont pas été trop bouleversées par l’homme. Non seulement les animaux foison- nent dans les prairies, les forêts, les lacs et les ruisseaux de nos régions tempérées, où les conditions paraissent particulièrement favorables au développement de la vie, mais 1l y en a qui vivent en plein Sahara, d'autres sur les pôles toujours glacés de notre planète; certaines espèces se plaisent sur les montagnes, voire même dans la neige : le boreus hiémal, un petit névroptère à ailes atrophiées, ne se voit jamais que sur l'immaculé tapis blanc. Les profondeurs des mers entretiennent une faune extraordinairement riche, où les zoophytes et les mollusques dominent. Dans la terre vivent les lombrics, de nombreuses chenilles, des larves de coléoptères et de diptères. Cer- tains scarabées, les géotrupes en particulier, creusent jusqu'à | mètre de profondeur leurs galeries verticales au fond desquelles ils passent l'hiver. Les larves de cigales, les courtilières, les taupes descendent aussi très avant dans le sol. Enfin dans les grottes profondes et obs- cures de certaines montagnes, où tout vestige de vie semble avoir disparu, on a découvert l'étrange protée, cet amphibien blanchâtre et aveugle, qui fait penser à un animal préhistorique. Quant aux papillons, leurs espèces sont merveilleusement répar- ties dans la plaine et dans la montagne, dans les forêts et dans les champs, dans les lieux les plus arides et jusqu’au bord de l’eau. Un certain nombre de chenilles vivent même de plantes complètement submergées. Beaucoup de papillons sont passionnés du soleil et s'en- gourdissent sitôt qu'il se cache, d’autres le fuient avec constance. Parmi ces derniers, les uns recherchent, pour éviter ses rayons, un coin obscur quelconque, une fente d'écorce, un trou de mur, l'ombre 336 LA DÉCOUPURE d'une feuille sèche, d'autres se faufilent derrière les volets, et, pour passer l'hiver, entrent jusque dans les maisons, dans les caves, et dans les grottes bien sombres, à l'exemple du protée. De ce nombre est notre belle GONOPTÈRE, aux ailes si joliment découpées. C'est, en effet, de préférence dans les cavernes qu'elle passe, engourdie, toute la mauvaise saison et qu'on peut la trouver, parfois en grand nombre, appliquée contre la pierre des voûtes. Qu'elle est belle dans son splendide manteau, sa livrée princière, faite d'un velours mat et riche, dans lequel s'enchâssent comme des pierreries quatre petites perles un peu saillantes, opaques, d'un blanc très pur! Un point sem- blable, ressemblant à une goutte de lait, orne en son milieu la peluche de chaque tibia, et les tarses sont faits de perles blanches, emboîtées les unes dans les autres. Les poils moelleux du thorax se dressent en avant en une sorte de capuchon, ce qui a valu à l’insecte le nom de CAPUCIN. Ce superbe papillon à la silhouette noble, aux dessins imprévus, aux teintes si douces, est commun dans tout notre pays, mais 1l est peu connu, parce que, de jour, il se cache fort bien. On le découvre cependant contre le tronc des arbres où ses teintes s’harmonisent avec celles de l'écorce, ou contre les murs et les palissades, aux endroits ombragés. La DÉCOUPURE mesure de 4,2 à 5 centimètres d'envergure. Le mâle a des antennes légèrement pectinées, la femelle les a presque filiformes. Le premier est un peu plus petit que la seconde. Les ailes inférieures, comme l'abdomen, sont d'un gris brunâtre, avec de légers reflets dorés et gris violacé. Le papillon vole à la nuit tombante dans les prairies, surtout dans le voisinage des saules et des peupliers où vit sa chenille. Celle-ci, lorsqu'elle est jeune, s’enferme vers l'extrémité des branches entre deux feuilles qu'elle attache l’une à l’autre par quelques fils de soie. Après sa dernière mue, elle se tient à découvert sur les feuilles. Svelte et mince, elle atteint 5 à 6 centimètres de long. Elle est lisse, LA DÉCOUPURE 337 un peu translucide, d'un beau vert herbe, avec la commissure des segments formant un pli transversal jaunâtre. Le thorax est encore traversé par quelques plis supplémentaires de même couleur. Trois lignes longitudinales sombres et légèrement estompées s'étendent d’un bout à l’autre du corps, l'une au milieu, les deux autres de cha- que côté du dos, tandis qu'au-dessus des pattes court un trait jaune, rarement rougeâtre. La tête, jaune ocre ou verte, est globuleuse, un peu aplatie et partagée en deux hémisphères bien marqués par un fin sillon médian et vertical noir. On trouve cette chenille presque tout l'été, mais plus spécialement en mai et juin puis en août et sep- tembre. Elle est parfois si commune dans les oseraies qu'elle y cause de réels dégâts. C'est du reste sur l'osier qu'on la trouve le plus sou- vent, presque toujours à raison de plusieurs exemplaires sur le même uisson. Lorsqu'elle atteint sa taille définitive, elle se tisse un cocon blanc et léger entre des feuilles étroitement rapprochées, et se trans- forme en une chrysalide d’abord verte, puis d’un noir mat. Celle-ci donne naissance au papillon après deux ou trois semaines. On peut trouver notre GONOPTÈRE presque toute l’année, mais elle apparaît, à vrai dire, en deux générations, la première de juin à juillet, la seconde d'août et surtout septembre jusqu'en mars ou avril de l’année suivante. À cette dernière saison on rencontre fréquem- ment, le soir, la D'ÉCOUPURE, sur les chatons du saule marsault. C'est un papillon étrange et très spécial, dont on a souvent changé le rang dans les classifications. Certains auteurs le faisaient même figurer autrefois au beau milieu des Bombyx et sa place parmi les Noctuelles ne semble pas encore définitivement établie aujourd'hui. 22 , L’ANTIQUE — Calocampa vetusta Hb. Grossi deux fois, au repos. Deux mâles, grandeur naturelle, l'un au repos, l'autre arrivant au vol sur un chaton. Le Saule marsault ou des chèvres — Salix caprea L. 55. L'ANTIQUE 55. L'ANTIQUE CaLocampaA (Steph.) vetusta (Hb.) — La CALOCAMPE VIEILLE ANS le volume reproduisant les chenilles de mon père (p. 245 à 249), nous avons appris à connaître la grosse et longue larve de l'ANTIQUE. Nous avons admiré sa belle couleur verte ou brun rouge, plus foncée sur le dos que sur le ventre, les trois raies jaunes et longitudinales qui ornent sa face dorsale, la bande blanche ou jaune pâle bordée supérieurement de brun ou de noir qui court sur ses flancs, ses jolis stigmates orangés, enfin les six points blancs qu'elle porte sur chaque anneau. Nous avons vu qu'elle attei- gnait 7 et même 8 centimètres de long et qu'après avoir vécu de mai à juillet, mais surtout en juin, sur les roseaux, l'iris jaune, les renouées, les cirses et autres plantes de marais, exceptionnellement sur la gen- tiane jaune, le saule et le peuplier, elle entrait profondément dans la terre et se transformait en une chrysalide brune. Trois ou quatre semaines plus tard, soit en août ou septembre, le papillon sort de cette chrysalide. Il vole jusqu'en octobre et même jusqu’en novembre, puis, pour affronter la mauvaise saison, il se cache soigneusement, mieux encore qu il ne le fait d'ordinaire pour passer la journée. Au premier printemps, lorsque les chatons du saule marsault font bâiller les grosses écailles qui les ont protégés tout l'hiver, lorsque leurs jolies étamines jaunes sortent du fin duvet gris, notre ANTIQUE, attirée, comme beaucoup d'autres insectes, par l’arome du buisson, sort, elle aussi, de sa cachette et vient s'attabler au milieu des convives. C'est R qu'on la trouve souvent, vers le soir, en mars ou avril. Pendant le Jour, de nombreuses mouches et de bourdonnantes abeilles ont visité l'arbrisseau fleuri, maintenant c'est le tour des papillons de nuit, des Noctuelles. Elles sont plusieurs qui butinent sans relâche : il y en a de grises, de brunes, de jaunâtres (voir le volume des Chenilles, p. 230); en voici une, deux, plus grosses que toutes les autres; ce sont des Calocampes; elles ont de 5,5 à 6,5 centimètres d'envergure. 342 L'ANTIQUE Maintenant elles sont bien éveillées et se promènent parmi les anthères jaunes; mais de jour, elles étaient cachées dans une fente d'écorce, appliquées contre un vieux tronc de saule ou de peuplier, avec les ailes si bien ramenées contre le corps et même plissées dans le sens de la longueur, qu'on aurait dit des éclats de bois mort ou d'écorce, dépassant à peine la surface du tronc. Regardez plutôt comme notre insecte, une fois posé, ressemble peu à un animal et se confond bien avec son support. C’est cette particularité qui a valu son nom à notre insecte, comme du reste à l'espèce voisine : ( VETUSTA ? signifie { vieux » et (exoleta » veut dire « gâté, pourri » (allusion à à un débris de bois mort). Aux mêmes endroits et à la même saison que nous venons de trouver la CALOCAMPE VIEILLE, on peut découvrir, en effet, son sosie, la Calocampe exolète, appelée aussi le « Bois-sec » (Calocampa exoleta L.). Ces deux espèces se ressemblent beaucoup, mais la dernière a les ailes plus vastes en surface, plus grises de cou- leur et plus uniformes dans leurs dessins et leurs taches, que l'ANTI- QUE. Toutes deux se rencontrent d'août ou septembre ] jusqu ‘à la fin d'avril ou en mai. Pendant ces deux derniers mois, les femelles pon- dent des œufs jaune clair qui deviennent bleus chez l'ANTIQUE et bruns chez l’Exolète. Ils éclosent déjà au bout d’une à deux semaines. Dès le mois de mai, mais surtout en juin et jusqu'en juillet, on peut donc trouver les chenilles, les unes, celles de notre espèce, dans les endroits humides, sur les plantes qui croissent au bord des fossés, généralement en deux ou trois exemplaires à la fois; les autres, iso- lément, sur toutes sortes d'arbres ou de plantes : l'aune, le saule, le framboisier, les genêts, le chanvre, la pétasite, certaines ombellifères, le sédum reprise, les chénopodes, la bugrane, les lis, les lamiers, la laitue, la dent-de-lion, l’arroche, l’oseille, les trèfles, certains char- dons, les pavots, les scabieuses, et jusque dans les jardins sur les pois sucrés, les pois de senteur, les œillets, les asperges, la salade et même les pommes de terre. La chenille de "Exolète est encore plus belle que la première : c ‘est une vraie merveille; aussi, lorsque Stephens, 1l y L'ANTIQUE 343 a près d'un siècle, se trouva en présence de ces deux chenilles, 1l ne put s'empêcher de nommer le genre où 1l les rangeait, « Calocampa », c'est-à-dire «belles chenilles ». Celle du « Bois-sec» est d'un vert vif, tirant souvent sur le bleu, avec deux lignes longitudinales jaune citron de chaque côté du dos. Entre ces deux lignes apparaissent, sur chaque segment, les points trapézoïdaux, sous la forme de quatre taches rondes, d’un blanc pur, encadrées d’un cercle noir. La paire de droite et la paire de gauche sont reliées par une bande noire. Sur le flanc court un magnifique trait rouge vermillon, bordé de blanc. Enfin, entre cette ligne rouge et la bordure jaune du dos, se trouvent, sur chaque anneau, trois points blancs, ronds, et cerclés, eux aussi, mais plus finement, de noir. Ces points accompagnent le stigmate jaune. La tête est brune, jaune ou verte, avec deux taches noires. Cette chenille, lorsqu'elle a achevé sa croissance, est encore plus grosse que sa proche parente et mesure 8 à 9 centimètres de long, pour une épaisseur de presque | centimètre. Lorsqu'elle est jeune, elle est plus élancée et moins variée de couleur; c'est-à-dire que la ligne rouge des flancs est remplacée par une ligne blanche ou jaune et que les cercles noirs entourant les points blancs ne sont pas encore visibles. Dans ce costume, la chenille de l’Exolète ressemble passable- ment à celle de notre papillon. En juillet, cette dernière s'aménage dans la terre un alvéole tapissé de soie et s’y transforme en une chrysalide brun jaune à peau mince et transparente. Pour attirer l’ANTIQUE et l'Exolète à l'état de papillon, on peut pratiquer la chasse à la miellée, ainsi que nous l'avons indiqué à la page 318; mais il faut enduire du liquide sucré la base des buis- sons de lisières, surtout ceux du lonicéra. LA PLUSIE GAMMA — Plusia gamma L. Fe- melle, grandeur naturelle, butinant, Femelle, grossie trois fois, au repos. La Campanule gantelée — Campanula tra- chelium L. LA PLUSIE GAMMA 56. 56. LA PLUSIE GAMMA PLustA (Ochs.) gamma (L.) — LE GAMMA ou LA NOCTUELLE DU LIN OU DES POIS SUCRÉS OUS avons vu que la Belle-Dame (p. 126) était parfois si com- mune en certaines contrées que les représentants de son espèce se réunissaient en vols considérables et franchissaient des pays entiers, des continents, voire même la mer. Eh bien, la PLUSIE GAMMA, si fréquente chez nous, fait de même à l'occasion. Ses vols n'atteignent pas, 1l est vrai, les proportions de ceux de la Vanesse des chardons; mais ses migrations sont cependant remarquables, et cela d'autant plus qu'elles sont exceptionnelles et très contraires aux mœurs habituelles du papillon que l'on rencontre presque toujours isolément. Ce curieux instinct qui pousse certains Lépidoptères à voyager fait penser aux nuages envahissants et destructeurs des criquets d'Afrique qui parcourent le pays par millions, exterminant toute verdure sur leur passage. Les récits de Brehm à ce sujet sont fort intéressants. On observe également de ces expéditions par bandes nombreuses chez les libellules : on en voit parmi les agrions, ces tout petits odonates bleu de ciel et noir, au corps très mince, aux ailes pédonculées, on en observe chez le sympetrum de Fonscolombe au corps rouge vif, et surtout chez la libellule déprimée et la libellule quadrimaculée. Le naturaliste Hagen ayant assisté à cet événement raconte que la colonne qu'il a vue était formée d'individus volant en rangs serrés, mais lentement. Cette colonne avait pour point de départ un étang où la plus grande partie des insectes étaient éclos le matin même : elle mesurait 500 mètres de long, sur une largeur de 20 mètres et une hauteur de 5 environ. Elle suivait une direction précise et lorsque vint le soir, toutes les libellules se posèrent sur les maisons et les arbres environnants pour reprendre leur migration le lendemain. Il est bien difhcile d'établir les raisons précises et réelles qui 348 LA PLUSIE GAMMA déterminent chez les sauterelles, comme chez les papillons ou les libel- lules, la formation de ces convois et leurs pérégrinations lointaines. Apparemment elles sont dues à une trop abondante apparition de telle ou telle espèce en un même lieu et à la nécessité, pour ses nom- breux représentants, d'aller chercher ailleurs les moyens de leur pro- pre subsistance ou ceux de leur progéniture. Mais si le GAMMA imite les libellules ou les criquets dans leurs voyages, 1l ne le fait que très rarement. Notons donc plutôt ce qu'on peut observer chaque jour à son sujet. Notre insecte est un papillon extrêmement répandu; c'est la plus commune des Plusies et même peut-être la plus fréquente de toutes les Noctuelles. Ses générations se succèdent sans interruption pendant le printemps, l'été et l'au- tomne, à raison de deux ou trois par année. On peut trouver le papil- lon, comme la chenille, pendant toute la durée de la belle saison, le premier déjà en février ou mars et jusqu’en octobre, novembre et décembre, la deuxième surtout à la fin de l'été et en automne. Ayant déjà étudié la chenille dans le volume précédent (p. 287-291), nous dirons simplement ici qu'elle est verte, lignée plusieurs fois de blan- châtre dans le sens de la longueur, et qu'elle atteint 3 ou 4 centi- mètres de long. Les côtés de la tête sont toujours marqués d'une tache noire, allongée. Le corps porte quelques poils épars et seulement six paires de pattes, ce qui fait ressembler la bête à une arpenteuse et l'oblige à marcher un peu comme ces dernières, en bouclant et débouclant son corps. À l'exception des graminées, elle mange de presque toutes les plantes basses, surtout les légumineuses. Elle est souvent nuisible dans les jardins et les cultures, où elle attaque les salades et les laitues, les choux, les pois, le lin, les trèfles et les pom- mes de terre. La chrysalide est enfermée dans un cocon soyeux, mince et blanc, caché sur le sol. Elle éclôt au bout de deux à trois semaines ou après l’hivernage. Le papillon vole surtout à la tombée de la nuit, mais on le ren- contre aussi, de temps à autre, en plein jour, bubriant-cer des Maur. LA PLUSIE GAMMA 349 A cet effet, ainsi que le montre notre planche, il se pose sur les péta- les, laisse pendre son abdomen presque verticalement, et, tout en suçant le nectar du bout de sa longue trompe à laquelle il imprime un mouvement de va-et-vient régulier et rapide, 1l continue à battre des ailes. Quelquefois, pendant un instant, 1l les immobilise, mais les garde ouvertes, toujours prêtes à l'essor, car il est très vif. On le voit s’arrêter sur la plupart des fleurs de prairies et de jardins, mais il en est certaines qui semblent l'attirer plus spécialement; de ce nombre est le silène enflé que le GAMMA visite presque chaque soir. Ce nom a été donné au papillon qui nous occupe, à cause du signe doré qu’il porte sur les ailes et qui ressemble à une lettre. Les uns y ont vu le gamma, d’autres le lambda de l'alphabet grec. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas là la seule partie brillante de l'aile : sur presque toute sa surface, surtout si le papillon est fraîchement éclos, glissent des reflets dorés, argentés ou verts, charmants par leur discrétion. Chez quelques espèces voisines, ces reflets se transforment en véri- tables plaques d'or ou d'argent, ce qui a valu au genre l'appellation de « plusia » qui signifie « riche ». La NOCTUELLE DU LIN, variant pour l’envergure entre 3,5 et 4,5 centimètres, varie aussi dans la couleur des ailes supérieures, qui sont tantôt gris clair, tantôt d’un gris brun, violacé ou rougeâtre, plus ou moins foncé. Le mâle a les ailes plus larges et plus triangulaires que la femelle, comme aussi, en général, plus sombres, parfois presque noirâtres. Dans ce cas le «gamma» doré ressort d’une façon mer- veilleuse, avec une précision extraordinaire. La MARIÉE — Catocala nupta L. Femelle, grandeur naturelle, au vol. Femelle, grossie deux fois, au repos. Tronc d'Osier blanc — Salix alba L. 57. LA MARIÉE 57. LA MARIÉE CarTocaLA (Schrk. Ochs.) nupta (L.) — LA LiCHÉNÉE, LICHNÉE ou LIKENÉE ROUGE, LE CORDON-ROUGE EAUCOUP d'animaux ailés, à mœurs diurnes, ont un vol plus ou moins bruyant : la corneille, le ramier signalent leur pas- sage dans les airs par des coups d'ailes vigoureux, produisant un son très net. Les mésanges, même la toute petite et légère Orite à longue queue qui ne pèse que quelques grammes, font, dans leur vol saccadé, un bruit étonnamment fort si l'on pense à la petitesse des ailes. Et que dire des insectes? Pensons au bourdonnement des abeilles, au crépitement du criquet, au frou-frou du calopteryx vierge, l'élégante libellule aux ailes noirâtres à à reflets bleus et verts qui hante nos ruisseaux. Îl n'y a pas jusqu ‘au frêle moustique qui ne fasse entendre une vraie chanson, produite par ses ailes seulement. Et chez les papillons diurnes, les Vanesses n'imitent-elles pas les Calop- teryx en frottant leurs ailes les unes contre les autres? Le Macro- glosse du gaillet ou Moro-Sphinx ne fait-il pas entendre un bruit qui rappelle, en petit, le ronflement du moteur d'un avion? — Or, chose curieuse, presque toutes les bêtes qui volent de nuit sont, au contraire, parfaitement silencieuses. Les Sphinx (p. 221), il est vrai, bourdonnent comme le Macroglosse, mais ce sont, à proprement par- ler, des insectes crépusculaires et non point franchement nocturnes. Pourquoi donc les créatures qui s’animent dans l'obscurité sont-elles si peu bruyantes? Pourquoi la chauve-souris parcourt-elle les cam- pagnes sans que vous l'entendiez? Pourquoi la grosse chouette hulotte qui effraye tant de gens par ses ululations plaintives, a-t-elle des battements d'ailes si parfaitement silencieux? Serait-ce pour ne pas déranger ou réveiller ceux qui se reposent? — Dans le domaine des papillons, une fois que les Sphinx se sont retirés, on voit passer des ombres, on devine des formes, mais on n'entend plus rien, ou quasi rien, tant les ( nocturnes » ont un vol doux et léger. 23 354 LA MARIÉE [Il y a cependant dans ce domaine, comme en toutes choses, des variantes, il y a des espèces chez lesquelles cette caractéristique est spécialement accusée. Or un des exemples de ce genre les plus frap- pants, étant donné surtout la grosseur du sujet, est celui des Cordons, ces grandes Noctuelles atteignant jusqu'à 10 centimètres d'envergure et plus. Lorsqu'on visite au milieu ou vers la fin de l'été, même jus- qu'en septembre et octobre, le tronc des saules et des peupliers, ou bien les murs ombragés, le dessous des ponts, et qu'on a la chance de découvrir un de ces beaux insectes dont les ailes supérieures se confondent si bien avec les lichens qu'on les a appelés Lichénées, lors donc qu'on surprend un de ces Cordons et qu'on l'éveille, on est émerveillé de voir un si grand papillon prendre son essor Si Jlégère- ment, voler avec tant d'aisance et d'imprévu, même en plein jour, et se poser sur le tronc voisin plus légèrement encore, sans aucun bruit. Mais il est une chose qui, au moment où vous les effrayez, sur- prend plus encore chez les Lichénées que leur vol, c'est l'apparition soudaine de leurs ailes inférieures, variées de noir et de rouge, de Jaune ou de bleu, suivant l'espèce. La vision est d'autant plus inat- tendue que cette robe superbe est complètement cachée lorsque l'insecte se repose, les ailes fermées, et ce sont ces « dessous » mer- veilleux qui ont valu aux Lichenées le nom de Catocala. Les ailes postérieures sont bleues chez la splendide Noctuelle du frêne, le Cordon- bleu, la plus grande espèce du genre (Catocala fraxini L), elles sont jaunes chez les petites formes qui appartiennent presque toutes au Midi et dont une, seulement, se trouve de temps à autre chez nous, la Paranymphe (Catocala paranympha L.), elles sont rouges enfin chez les espèces de moyenne grandeur, celles qu'on voit le plus souvent dans nos pays et cela en particulier chez notre MARIÉE où la somptuosité de cette teinte est incomparable, rehaussée qu'elle est par les deux rubans noirs, d'un noir profond, soyeux, à reflets légèrement bleu violet, lorsque l'insecte vient d'éclore. Les ailes LA MARIÉE 355 supérieures sont, par contre, chez toutes les espèces, grises avec des zigzags noirâtres, plus ou moins marqués. Les femelles pondent leurs œufs à la fin de l'été, sur les rameaux de l'arbre nourricier, et ces œufs éclosent au printemps suivant, au moment où les bourgeons éclatent. Jusqu'en mai ou juin, quelquefois juillet, les chenilles atteignent leur taille définitive, soit 7 ou 8 cen- timètres pour notre CORDON-ROUGE, 9 centimètres pour celle du Cor- don-bleu. Ces chenilles ont une forme très particulière, rappelant un peu celle des chenilles de Feuilles-mortes (p. 269) : sur le huitième segment s'élève une sorte de bourrelet transversal, jaunâtre, encadré de noir ou de brun, et de chaque côté de ce point saillant, le corps s'’amincit insensiblement jusqu’à la tête, d’une part, et jusqu'au bout de l'abdomen, d'autre part. Le corps, allongé déjà dans son ensem- ble, s'étire fortement à son extrémité postérieure. En outre le dessous est plat et les flancs sont ornés d’une frange de petits poils qui vien- nent s'appliquer de chaque côté sur la branche. Etant de couleur grise ou brunâtre et se tenant appliquées tout le jour contre le tronc ou les grosses branches des arbres dont elles mangent les feuilles pen- dant la nuit, ces larves se confondent si bien avec les lichens qu'il faut la plus grande attention pour les découvrir. Les diverses espèces se ressemblent beaucoup entre elles. La plupart vivent sur les peu- pliers et les saules, c’est le cas de notre MARIÉE, quelques-unes sur le chêne, le frêne ou le prunellier. En juin ou juillet, elles se tissent un cocon lâche, entre des feuilles rapprochées, et se transforment en une chrysalide élancée, brune, saupoudrée de bleu pâle. Après quel- ques semaines, 6 à 7 pour le NuPrA, le papillon en sort. La MARIÉE varie pour l'envergure entre 7,6 et 8,7 centimètres. Les antennes du mâle sont ciliées, celles de la femelle filiformes. Ce papillon, comme les autres Lichénées, vient souvent voler autour des lampes, et se prend facilement à la miellée (p. 317-318). La PANTHÈRE — Venilia macularia L, Grossie deux fois, venant de se poser. Le Polygala commun — Polygala vulgaris L. Le Trèfle des prés — Trifolium pratense L. 58. LA PANTHÈRE 58. LA PANTHÈRE VENILIA (Dup.) macularia (L.) maculata (Fab.) L'’'EnNomos ou LA VÉNILIE TACHETÉE ST-IL une fleur plus discrète, plus mignonne, plus sympathique que le polygala? — La grande marguerite, le bouton d'or, le salsifis sont des plantes aux longues tiges qui s'élèvent bien haut dans la prairie. Elles semblent vouloir dépasser toutes les autres fleurs et avoir la première place au soleil; peu leur importe à qui elles portent ombrage. Le polygala, lui, plus humble et modeste, se tient tout près du sol, là où chante le grillon, où rampe l'orvet, et c’est là qu'il entr'ouvre ses délicates fleurs bleues, parfois roses ou blanches. Penchez-vous sur ces corolles si fluettes, si jolies, si parfaites : deux petites ailes ovales dominent un tube légèrement recourbé, et ce tube s'évase en une gerbe de filaments bleu pâle. Pour protéger ce joyau en miniature, et conscientes apparemment de leur rôle, les deux ailes s'étalent en toit; elles s'abaissent lorsque la pluie menace, elles se relèvent lorsque le soleil brille. Quand il fait bien chaud, elles sont si haut levées qu'on dirait un pigeon descendant dans la cour d'une ferme, pressé de venir partager le repas de la basse-cour. En de telles occasions, pour arriver plus vite, le pigeon relève ses ailes ét plonge comme une flèche. La jolie fleurette du polygala fait de même; cependant elle n'élève pas ses deux sépales pour s'envoler ou pour courir au loin, mais simplement pour mieux laisser voir le joli trésor qu'elle recèle, pour inviter plus poliment les insectes à le visiter. Ainsi ouverte, la petite fleur attire, malgré sa modestie, papil- lons, mouches et abeilles. Sortant de la forêt, un papillon jaune, taché de noir, sans doute pour se distraire un peu, vient inspecter le pâturage, et d’' un vol hésitant, papillonnant, rapide, se jette sur une herbe velue qui trem- blote sous la brise, près du polygala, et y reste immobile, les ailes bien ouvertes et un peu relevées. Comme tous les Géomètres, — 360 LA PANTHÈRE la PANTHÈRE est le premier de ceux que nous étudions ici — il n’a jamais grand faim, et ce n'est qu'à la dérobée qu'on le voit promener sa trompe sur quelque objet humide. Se posant de préférence sur les longues tiges des graminées, il ne s'inquiète guère des fleurs et s’en approche comme par hasard; oui, c'est bien un hasard lorsqu'il voi- sine avec la fleurette aux ailes relevées, mais quel hasard heureux! Regardez ce jaune et ce noir côtoyant l’épi bleu. quelle charmante harmonie, quelle rare combinaison de couleurs ! C’est une coïncidence fortuite, répéterez-vous, mais une coïncidence que le Créateur a voulue et pour laquelle Il a donné des goûts, des mœurs, un genre de vie particuliers à chacune des espèces animales ou végétales: et ces goûts mettent sans cesse en rapport les bêtes et les plantes dont les couleurs et les formes s’harmonisent le mieux entre elles. Et plus que cela, la nature est si parfaite, si pleine d’harmonies de toutes sortes, qu'un papillon peut voltiger, une araignée tisser sa toile, un scarabée se promener sur une fleur quelconque, une branche, une pierre, le rapprochement sera toujours parfait, merveilleux et nou- veau. Pensons aussi aux oiseaux qui, par une belle matinée de prin- temps, peuvent chanter tous à la fois, en ne suivant que les caprices de leur inspiration, sans que le concert qui en résulte soit assourdis- sant, sans même qu'une seule dissonance malheureuse soit percep- tible. Ah que la sagesse du Créateur nous dépasse, combien elle est infinie! Revenons à notre ENNOMos si joliment tachetée, et admirons la marge fine et soyeuse que portent ses ailes. L'inconscient insecte ne fait rien pour sa beauté; il ne tisse pas, 1l ne brode pas, il ne fait que de sortir de son humble chrysalide et ces ailes merveilleuses lui poussent. toutes seules. D'avril à mai dans la plaine, en juin sur les coteaux, et jusqu en juillet et août à la montagne, il voltige en plein jour, le long des lisières de forêt, dans les bois clairsemés, les fourrés, les pâturages buissonneux, les prairies un peu humides. Le nom de PANTHÈRE que Geoffroy lui a donné, de même que les qualificatifs LA PANTHÈRE 361 de « MACULÉ » ou 4 TACHETÉ » traduisent fort bien l'impression que fait, de loin comme de près, le joli Géomètre jaune et noir. Or ces nombreuses taches si caractéristiques varient chez la belle VÉNILIE; parfois elles sont, sur les quatre ailes, d'un noir presque pur; d’autres fois, surtout sur la paire supérieure, elles apparaissent comme noyées sous un fard jaune. Chez certains exemplaires, elles sont grosses, chez d’autres fort réduites ou beaucoup moins nombreuses. Une variété appelée QUADRIMACULATA (Hat.) n'en compte plus que quatre. Quant au fond jaune, 1l peut être plus pâle encore que sur la planche ci-avant, mais 1l arrive aussi qu'il soit d’un jaune plus intense, tirant même, chez certains individus, sur le brun foncé. C'est alors la variété FUSCARIA (Stdg.). L' envergure des ailes supérieures, où la pointe n ‘est pas toujours aussi marquée et étirée que sur notre image, varie entre 3 et 3,6 centimètres. Léo heuille de la PANTHÈRE, une vraie { arpenteuse » cette fois, porte à l'avant du corps les trois paires de pattes thoraciques habi- tuelles, mais à l'arrière deux paires de fausses pattes seulement. Elle est allongée, un peu plus épaisse en arrière qu'en avant, et atteint 2,8 à 3 centimètres environ de longueur. D'un vert tendre et pâle, elle présente le long des flancs, au niveau des stigmates, eux-mêmes nette- ment bordés de noir, une bande blanche bordée supérieurement de sombre; de cette ligne jusqu’à la ligne correspondante de l'autre côté, le dos est parcouru dans toute sa longueur par de fines traces alterna- tivement claires et sombres et plus ou moins marquées. Cette che- nille vit de juillet jusqu'en septembre, mais le plus souvent au mois d'août, sur les lamiers (lamium), les épiaires (stachys alpina et sylva- tica), les menthes (mentha) et la chicorée (chicorium intybus). Elle s’aménage en automne, sous la mousse, bien au frais, une cavité, où elle se transforme en une chrysalide élancée, brun rouge, à pointe terminale aigué, qui doit éclore au printemps suivant. usp. rites) sd ed mode sonnette 9 293 10. vien 38 nus.) 1loi sf ..e61q ab emimoos | ape allod. el sodo noirs, as run ur [CA men ous bre usq suprsra don ou'b sols sxteup aol us ob endvortommos mossiersagge 2olle ionique sxisgsal ni a « ie = os eslls eialqnioxs 2er 9: sad). sis À besuardmon ernior quoousod” vo -astibèr hot. à | LES eup eylq plaies mon 45H} ATA FIDAMIATAUO- où -——"doeslg al 'ue.oup stoonts sléq aula axé. 80lt eue pan Anatit ensten ska CRIE eus D oe dr ue PPT VER nn 21808 4 nsrel.siole 23 9.370! und abus exbaribat auistapit de Fa 9° n naioq el do eswushèque 2olis 26h s1ygnsvns J {2 AIS 4 EE RS BUIQN, ue aup te js RC DOULE ieus æ endérritt #iel a 499. 4 sepotci Ets À SiB IT onu anänraathbel, eb. 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L'AMPHIDASE DU BOULEAU ou LE CHINÉ YANT parlé en détails, dans le volume précédent, p. 371 à 376, de la chenille de cette espèce, de ses couleurs variant du brun rouge au gris brun et au vert, de son immobilité diurne et de sa science pour trouver, sur les branches, l'emplacement où elle pas- sera le plus sûrement inaperçue, nous n'y reviendrons pas mainte- nant, sinon pour dire que la chenille de l'AMPHIDASE DU BOULEAU est une des plus grosses et des plus caractéristiques arpenteuses de nos contrées. C’est une chenille lente et lourde, à peau sèche et résis- tante. Longue de 5 à 6 centimètres, elle n’a guère moins d’un demi centimètre d'épaisseur et imite, à s'y méprendre, avec son corps cylin- drique, ses verrues et sa tête bifide, une brindille de bois mort ou, lorsqu'elle est jeune, le pétiole d'une feuille. Elle mange la verdure de presque tous nos arbres, excepté des conifères, ainsi que de nom- breux buissons et même de certaines plantes basses. On la trouve en juillet et août, à l'occasion encore en septembre et octobre. Vers la fin de l'été ou au plus tard en automne, elle achève sa croissance, descend au pied de son arbre nourricier et se transforme, dans la terre, en une chrysalide qui doit passer l'hiver pour éclore au prin- temps suivant, quelquefois déjà en avril, mais le plus souvent en mai et juin. On voit voler le papillon } jusqu ‘en juillet, et, dans la plaine ou le midi de la Suisse, 1l lui arrive d'apparaître une seconde fois, en août et septembre, sous forme d’une deuxième génération. Ab, voilà certes un papillon bizarre et non moins caractéristique que sa chenille. Si celle-ci est une arpenteuse tout à fait typique, l'insecte parfait, par contre, fait penser à un Bombyx, — une Dycra- nure ou un MNotodonte, — plutôt qu'à un vrai Géomètre. Les anciens auteurs avaient créé un groupe, celui des Phalènes bomby- coïdes, dans lequel ils rangeaient l'AMPHIDASE, à cause de son tho- 366 LA PHALÈNE DU BOULEAU rax et de son abdomen gros et massif, de ses antennes largement pectinées chez le mâle et de ses ailes relativement étroites, alors que la grande majorité des Géomètres ont un corps petit et fluet et des ailes amples et larges. Mais si le CHINÉ est une Phalène remarquable par sa grosseur, quelques-unes des espèces voisines sont encore plus étranges : en mars ou avril, on trouve parfois à terre, sur lestaupinières fraîchement remuées, ou les pierres émergeant de l’herbe, une curieuse bestiole. Sa longueur est de 1,2 à 1,3 centimètre et son corps est énorme et rebondi; c'est un vrai sac à œufs, rappelant, par ses proportions fantastiques, l'abdomen de certaines femelles de termites africains. Ce corps est annelé de noir et de jaune et couvert d'un fin duvet blanc jaunâtre. Les six pattes et les antennes sont grises et se remarquent à peine. Sur les côtés des deux derniers segments du thorax se dressent, en guise d'ailes, quatre petits moignons noirs et poilus. Si vous vous mettez en observation auprès de cet animalcule, par une belle matinée, vous verrez presque infailliblement apparaître un papillon courtaud, mais porteur d'ailes triangulaires très bien développées, qui ont 3 à 3,5 centimètres d'envergure et qui sont blanchâtres, zonées transversa- lement de brun. Grâce aux allées et venues très empressées du papil- lon autour de l'insecte aux minuscules semblants d'ailes, vous vous apercevrez bien vite que vous avez affaire à un couple d'une seule et même espèce, et cette espèce n'est autre que le Biston zonarius (Schff.), la Nyssie zonée dont nous avons étudié la chenille précédemment (voir 4 Les Chenilles » de Paul Robert, p. 364-370). C'est une espèce très proche parente de notre AMPHIDASE, et qui est remplacée, dans les Alpes, par le Biston alpinus, aux mœurs identiques. Or, dans les trois genres qui précèdent celui des Bistons, les femelles sont également aptères. Il en est encore de même pour deux espèces placées dans la classification entre l'Ortholitha limitata (pl. 61) et le Lygris prunata (pl. 62) que nous étudierons tout à l'heure. Seulement, dans ces différents groupes, les mâles sont alors de vrais Géomètres à grandes ailes et à corps fluets. Comme représentants de ces quatre genres, LA PHALÈNE DU BOULEAU 367 nous citerons la Phalène défeuillée (Hibernia defoliaria CI.) et la Pha- lène brumeuse (Cheimatobia brumata L.), qui, toutes deux, apparais- sent en octobre, novembre ou décembre et dont les femelles montent pédestrement du terrain où se trouvaient leurs chrysalides, jusque sur les bourgeons des arbres fruitiers pour y pondre des œufs qui éclosent au printemps suivant. Les chenilles de ces deux espèces sont parfois si nombreuses en mai et juin qu'elles finissent par détruire complètement la verdure des arbres, causant ainsi de grands dégâts. C'est pour empêcher ces femelles de grimper sur les troncs qu'on entoure ces derniers d'anneaux de papier enduits de poix. Mais revenons à notre BETULARIUS et remarquons à quel point Linné a bien fait de lui donner un nom tiré de celui du bouleau (betula alba), puisque sa chenille mange très volontiers des feuilles de cet arbre et que l'insecte parfait se confond si admirablement avec l'écorce de ces beaux troncs blancs et noirs. Notre papillon mesure chez le mâle de 4,5 à 5,3 centimètres d'envergure, chez la femelle de 5 à 6. Toute la face supérieure des ailes est ornée, lorsque le papillon est frais, de légers reflets dorés. Il peut arriver que les taches noires soient plus effacées et estompées que sur notre planche, comme elles peuvent être, au contraire, plus nettes, et former des zigzags continus qui traversent les ailes. Parfois même elles sont beaucoup plus nombreuses et si serrées que le papil- lon prend un aspect noirâtre presque uniforme : c'est alors la très rare variété € DOUBLEDAYARIA » Mill. La BoARMIE FESTONNÉE — Boarmia repan- data L. Femelle, grossie deux fois, au repos. Tronc de Hêtre des bois ou Fayard — Fagus silvatica L. 60. LA BOARMIE FESTONNÉE 24 60. LA BOARMIE FESTONNÉE BoarMiA (Treits.) repandata (L.) ou repandaria (H.) LA PHALÈNE DU CHARME A lisière de la forêt s’anime : les boutons velus des hépatiques ont écarté les feuilles sèches et se sont ouverts tout grands. Les scillas, — ces jolies petites étoiles bleu vif, — surgissent ici et là, tandis que les primevères étalent leurs gerbes de fleurs sous les buissons et dans l'herbe naissante. À côté d'elles, de place en place, quelques violettes se montrent déjà. Les bourgeons se gonflent, ils écla- tent de toutes parts : là-haut, de multiples feuilles à franges soyeuses apparaissent sur les grands fayards:; ici, les petits cornets vert tendre _ de l'épine blanche s'ouvrent peu à peu. Le prunellier est en fleur depuis un certain temps déjà, et, sous la poussée d'une légère brise, les mignons pétales en forme de coupes arrondies s'envolent; de menues pointes vertes se font voir tout le long des branches épineuses et dures. Les bourgeons du lonicéra deviennent énormes, ovoides; leurs feuilles velues, d’un vert bleuâtre, sont sur le point de s’écarter les unes des autres. Les pousses du nerprun bourdaine présentent un bouquet de lames dressées, vert jaune, pliées en deux et pointues; celles de la viorne obier sont rouge carmin. Le sureau, plus pressé, expose déjà sa luxuriante verdure. Parmi ces branches toutes palpitantes de sève et ces feuilles naissantes, les oiseaux volettent et font retentir les échos de leurs gaies chansons. Le rouge-gorge est le seul qui, par ses notes mineures, ajoute au concert un accent plutôt mélancolique. Mais les pinsons ont le cœur si débordant de joie que leurs roulades se succèdent sans interruption; la mésange grande charbonnière fait entendre ses «tzi tzi da” répétés, car les bourgeons se gonflent, c'est le temps des amours, le temps du renouveau, du retour à la vie. Des abeilles visi- tent les chatons du saule marsault, un Citron (pl. 7) passe au-dessus de la prairie qui verdit, il pénètre sous les chênes dont les feuilles 372 LA BOARMIE FESTONNÉE tardives n'ombragent pas encore le sol et se pose un instant tout près d'une «(Petite Tortue» (pl. 16) qui se chauffe au soleil, parmi les feuilles sèches. Mais si le réveil des plantes, des oiseaux, des papillons est mani- feste, s'il se prouve par des feuilles que tout le monde peut voir pousser, par des êtres que chacun entend chanter, ce même réveil du printemps gagne tout un petit monde caché et ignoré qui n'en jouit pas moins du soleil. Des fentes de l'écorce surgissent des larves allongées de raphidies qui viennent voir ce qui se passe au dehors. À terre, des araignées trottinent lestement. La chenille du beau Camille (p. 90) met la tête à la fenêtre de sa prison et prélève ses premières bouchées sur les feuilles pubescentes de la « blanchette ». Le long des branches des buissons, d’autres chenilles encore se cram- ponnent. Mais celles-ci ont quitté leur retraite hivernale sous les feuilles sèches et sont montées sur les arbustes ou les arbres pendant la nuit. Maintenant que le soleil brille, elles sont immobiles, et, de plus, elles ont su se placer à des endroits si favorables qu'on les croi- rait vraiment partie intégrante du végétal. Elles sont encore relative- ment petites : n'étant écloses qu'en septembre ou octobre de l’année passée, elles n'ont guère pu grandir avant l'hiver. Mais attendons la fin de mai, et, fortement attachées aux branches des mêmes buissons dont les feuilles seront, cette fois, toutes grandes, nous retrouverons nos chenilles arrivées à leur complet développement, et longues de 3 à 4 centimètres. Or ces chenilles, nous les avons déjà étudiées dans le volume précédent (p. 371-382), elles ne sont autres que celles de la BOARMIE FESTONNÉE. Jeunes, et quelquefois encore dans leur grandeur définitive, elles se reconnaissent facilement aux taches ovales et sombres qu'elles portent sur les segments cinq à sept; mais comme cette espèce varie énormément, ces dessins font souvent défaut, et c'est alors la face ventrale, parcourue dans toute sa lon- gueur par un ruban clair, bordé de sombre et partagé par une fine ligne brune, qui permet d'identifier sûrement la chenille. Celle-ci LA BOARMIE FESTONNÉE 373 est très commune, c'est même, chez nous, la plus répandue des arpenteuses, celle qu ‘on a le plus de chances de découvrir en avril et mai, même jusqu'au commencement de juin. Extrêmement poly- phage, on la trouve sur presque tous les arbres à feuilles et les buis- sons, voire même sur certaines plantes basses. Le papillon apparaît en juin et vole jusqu'en juillet. Dans la plaine on le voit encore excep- tionnellement en août, septembre et octobre, sous forme d'une seconde génération. Il s’anime à la tombée de la nuit et se tient de jour appliqué contre les troncs d'arbres ou les vieux murs, souvent les maisons, desquelles il s ‘approche le soir, attiré par la lumière de nos lampes. Il se pose avec les ailes écartées, ainsi que le montre notre image, ce qui fait très bien ressortir le charmant feston qui court tout le long des quatre ailes et qui a valu son nom à l'espèce. Le mâle a des antennes légèrement pectinées et atteint 4,4 à 4,9 centimètres d'envergure. La femelle, habituellement un peu plus grande, a des antennes filiformes et mesure de (4,6) 4,8 à 5,4 centimètres. La BOARMIE FESTONNÉE varie beaucoup : les parties grises que l'on voit sur la planche peuvent être presque blanches; d’autres fois, les quatre ailes sont d’un gris brunâtre plus uniforme et plus clair. Les dessins, rarement mieux marqués que sur la figure ci-contre, peuvent être beaucoup plus fondus. Une superbe variété, malheureu- sement rare, appelée CONVERSARIA (Hb.), a tout le champ du milieu des quatre ailes compris entre les grands zigzags sombres, — champ qui dans l'exemplaire reproduit ici est plus clair que le reste de l'aile — d'un brun presque noir. Une autre aberration plus exceptionnelle encore, et nommée NIGRICATA (Fuchs), a les ailes presque entière- ment noirâtres, sans dessins. L'EUBOLIE LIMITÉE — Ortholitha limitata Sc. Femelle, grossie deux fois, au repos. L'Ortie dioïque ou Grande Ortie — Urtica dioica L. ta trs] n = « . = © a ee) Lu — © 61. L'EUBOLIE LIMITÉE ORTHOLITHA (Hb.) ou EuBoLiA (Dup.) limitata (Sc.) ou mensuraria (Schif. S. V.) OUS avons vu, parmi les Géomètres, l'Amphidase du bouleau (pl. 59) et la Boarmie festonnée (pl. 60) s'appliquer pendant le jour contre des troncs ou des murs, à des endroits où leurs couleurs se confondent avec celles du milieu environnant. Nous avons étudié de nombreuses Noctuelles, des Bombyx et certains Rhopalo- cères faisant de même; enfin nous avons vu leurs larves les imiter aussi. Mais 1l y a des chenilles et des papillons qui ont une autre méthode pour échapper à leurs ennemis ou qui, plutôt, en exécutant inconsciemment ce que leur dicte l'instinct, se conduisent d’une manière toute différente et arrivent néanmoins au même résultat. À la lisière des forêts, les buissons foisonnent sous les arbres de bordure et c'est sur ces derniers que les pinsons, les bruants, les ver- diers, les moineaux, qui courent et sautillent dans les pâturages et les champs, se réfugient toujours lorsqu'un danger survient. De là, ils peuvent inspecter leur domaine, et, au bout d’un moment, si tout rentre dans l'ordre, ils retournent à leurs petites affaires. Or, tout en piaillant, en faisant leur toilette, ils ne manquent jamais de laisser choir, ici ou là, des déjections grises ou blanchâtres, souvent noires et blanches, qui restent collées sur les feuilles des buissons. Sous cer- tains arbres favoris des moineaux et des bruants, le feuillage en est abondamment maculé. — Or il est des papillons et des chenilles qui imitent si bien par leurs couleurs et leur forme ces excréments, qu'ils ne craignent pas de passer toute leur journée au beau milieu des feuilles, en pleine lumière, bien que leurs teintes soient tout à fait différentes de celles du feuillage. L'exemple le plus parfait de ce genre de mimétisme est la chenille de l’Acronycte de l'aune (Acronycta alni L.), dont nous avons déjà parlé dans le volume précédent, page 146 (voir aussi page 121 du même ouvrage) : avant 378 L'EUBOLIE LIMITÉE sa dernière mue, cette chenille est grise ou brune avec les qua- tre derniers segments blanchâtres. De plus, ce qui augmente encore l'illusion, elle se tient dans une posture arquée, dessinant à peu près un point d'interrogation. Une autre Acronycte, appelée vulgairement « la Grosse-Tête » (Acronycta megacephala F.) se tient dans la même position pendant le jour, sur une feuille de tremble ou de peuplier. Elle est poilue, gris brunâtre, avec toute sorte de petits dessins, et porte sur le dixième segment une étrange tache jaunâtre, encadrée de noir, ressemblant à un écusson, et qui, rompant la série régulière des autres ornements, enlève à la bête son aspect de chenille et la fait ressembler à une saleté quelconque. Mais ce n'est pas tout : sur les plantes, les buissons, surtout le long des haies ou à l'orée des bois, de nombreuses araignées circu- lent en émettant toujours un fil de soie qu'elles font adhérer aux objets rencontrés. Certaines espèces tendent des toiles, qui, détruites par la pluie, se collent sur les feuilles. Beaucoup de chenilles connais- sent aussi le métier de filandière, seulement leurs réserves de soie s'ouvrent au niveau de la bouche et non point du corps, comme c’est le cas chez nos araignées. De tous ces fils de soie, il reste des vestiges un peu partout, et lorsque le vent souffle, enlevant du sol les débris qui y reposent, il arrive souvent que des feuilles sèches de toute grandeur, ou des écailles de bourgeons s’accrochent dans leur course à ces câbles invisibles et restent suspendues ou collées aux végétaux. — Eh bien, si certaines chenilles et quelques Géomètres (voir pl. 63) imitent des fientes d'oiseaux, d’autres espèces ressemblent tout à fait à des débris de feuilles sèches appliqués sur les feuilles. Regardez plutôt notre EUBOLIE LIMITÉE; si vous vous la représentez en gran- deur naturelle, vous conviendrez certainement que la ressemblance est frappante. Notre papillon, pour mieux imiter une feuille sèche, cache ses pattes et ses antennes, et, de plus, il a soin de se mettre dans une position oblique, de façon à faire remarquer le moins possible la L'EUBOLIE LIMITÉE | 379 parfaite symétrie de ses ailes. Dès lors l’insecte n'a plus besoin de se dissimuler dans un trou quelconque, il n'est plus obligé de rechercher un support dont les teintes ressemblent aux siennes, il peut se mettre sur les feuilles, en pleine lumière et passer néanmoins inaperçu, ou au moins n'être pas reconnu pour un animal. L’'EUBOLIE LIMITÉE varie entre 3,4 et 4,2 centimètres d'enver- gure. Le mâle a des antennes légèrement pectinées, celles de la femelle sont sétacées. Certains individus sont plus gris brun que celui représenté sur notre planche et parfois la tache noire du bout de l'aile est brunâtre et beaucoup moins marquée. Ce petit Géomètre est très commun en juillet et août dans les clairières, et vole en plein jour dans l'herbe et le long des buissons. Sa chenille, que l'on trouve d'avril jusqu'en mai et juin, se nour- rit principalement d’ herbes, brome des champs (bromus arvensis L.), aïra gazonnante (aira cæspitosa L.), mais aussi de papilionacées telles que la gesse des prés (lathyrus pratensis L.), le lotier corniculé (lotus corniculatus L.), le trèfle rampant (trifolium repens L.) et les genêts. Elle présente sur le corps un certain nombre de petits points noirs portant chacun un poil. La face dorsale est gris bleu, avec de fines lignes peu marquées. Le flanc est parcouru par une large bande jau- nâtre, légèrement saillante, bordée supérieurement par six points noirs, dont un sur chacun des segments quatre à neuf. Quelques lignes brunes ornent le ventre. On assure que la chenille peut être parfois d'un vert jaunêtre. En juin elle entre en terre, et dans un cocon léger, elle se trans- forme en une chrysalide qui donne naissance au papillon après quel- ques semaines. La CiDARIE DU PRUNIER — Lygris prunata L. Mâle, grossi trois fois, au repos contre un rocher. 62. LA CIDARIE DU PRUNIER 62. LA CIDARIE DU PRUNIER Lycris (Hb.) ou CipariA (Tr.) prunata (L.) ou ribesiaria (Bsd.) LA CIDARIE DU GROSEILLIER OÙUS avons abordé, tout à l'heure, la série des Géomètres ou Phalènes et sommes entrés de suite dans des détails spécifi- ques de mœurs ou de structure, sans faire remarquer la diffé- rence considérable qui existe entre la section précédente, des Noc- tuelles, et celle qui nous occupe présentement, des Géomètres. Il est vrai, comme nous l'avons vu dans le volume précédent (p. 251, 261 et 293-298), qu'il se trouve un certain nombre de types EME: ce qui, dans une collection complète de chenilles ou d'insectes parfaits, rendent la transition moins sensible entre ces deux grandes sections des Hétérocères; mais il n'en reste pas moins évident qu'entre une Noctuelle tout à fait typique et une Phalène authentique, il y a un fort grand écart. Arrêtons-nous tout d'abord aux chenilles : celles des Noctuelles sont habituellement épaisses et pour une longueur de 4 centimètres environ, elles ont une épaisseur moyenne de 6 millimètres. Elles sont cylindriques, mais les onze anneaux qui composent le corps, étant presque toujours un peu renflés, forment une suite de bourre- lets plus ou moins marqués. Sur la face ventrale se trouvent seize pattes, dont trois paires thoraciques et cornées, correspondant à celles du papillon, puis cinq paires de pattes membraneuses, rétrac- tiles, qui se terminent par une ventouse et qu'on nomme (fausses pattes ». De ces dernières, 1l y a une paire sous chacun des segments six, sept, huit, neuf et onze. Grâce à cette répartition régulière des organes locomoteurs sur la face ventrale presque entière, la chenille, pour marcher, avance régulièrement, et fait simplement ondoyer son corps. — Chez les chenilles des Phalènes, les choses se passent autrement : tout d'abord la bête est presque toujours beaucoup plus allongée, et pour cette même longueur de 4 centimètres n'a 384 LA CIDARIE DU PRUNIER guère en moyenne que 3 millimètres de diamètre. De plus, elle est franchement cylindrique d'un bout à l’autre, la limite des anneaux étant souvent à peine visible. Les pattes thoraciques sont toujours au même nombre et à la même place, mais des fausses pattes, il n’en reste plus que quatre, placées sous les segments neuf et onze. Les trois derniers anneaux étant fort raccourcis, ces deux paires se trouvent très rapprochées l’une de l’autre, portées tout à fait à l'extrémité postérieure du corps, et il existe désormais un très long espace sans pattes. Pour se mouvoir, la chenille est donc bien obligée de faire autrement que la Noctuelle : elle s'étire de tout son long, s'accroche avec ses pattes thoraciques à la tige ou à la feuille qui est devant elle, puis ramène tout près de celles-ci les pattes postérieures, en bouclant complètement son long corps. Dès que les fausses pattes sont fixées au support, la chenille s'étire à nouveau et ainsi de suite. C'est cette manière de marcher, rappelant les manœuvres d’un com- pas, qui a valu à ces chenilles les noms d'{ arpenteuses » et de { géo- mètres ». Ce dernier titre s'applique aussi à l’insecte adulte. Mais :il est temps d'en venir aux papillons : chez eux aussi la différence est très sensible. Les Noctuelles ont un corps relativement gros et des ailes étroites et petites, les supérieures souvent presque rectangulaires. Pour soutenir leur thorax et leur abdomen volumineux, elles doivent, comme les Sphinx (pl. 35-36), battre des ailes avec une grande rapidité. — Chez les Phalènes, au contraire, à part quelques exceptions comme l’Amphidase du bouleau (pl. 59), le corps est beau- coup plus frêle et allongé et les ailes plus grandes et plus larges par rapport au corps. Les supérieures, de plus, sont presque toujours triangulaires. Les représentants de cette section volent un peu comme un Papillon de jour, c'est-à-dire avec des mouvements d'ailes beau- coup moins rapides. Or, maintenant que nous savons mieux ce qu'est un Géomètre et sa chenille par rapport aux Noctuelles, arrêtons-nous à la CIDARIE DU PRUNIER dont le papillon, une Phalène très caractéristique, est LA CIDARIE DU PRUNIER 385 commun dans les jardins de mai à septembre, mais principalement en juillet-août. Il se pose dans l'herbe, sur les feuilles des groseilliers, ou plus volontiers encore contre les murs et les pierres. De jour, lors- quon le surprend, mais surtout le soir et au commencement de la nuit, 1l s'élève d'un vol rapide, incertain, saccadé, difficile à suivre. Peu de papillons ont sur leurs ailes des contrastes aussi forts, des mar- brures aussi nettes et imprévues. De plus, ces jolis dessins envahis- sent même son corps, et, comme s'il s’en rendait compte, le papillon ne le cache pas sous le couvert des ailes, comme font les autres espèces; il le relève, au contraire, pour bien le faire voir. Presque seul égale- ment parmi ses congénères, 1l tient, au repos, ses antennes par-dessus les ailes. Ces dernières varient entre 3,9 et 4,4 centimètres d’enver- gure. La chenille qu'on trouve en mai et juin sur les groseilliers rouges et épineux, ainsi que sur la myrtille, l'épine noire et le prunier, est des plus jolies. Longue et svelte, type parfait des arpenteuses, elle mesure 3,2 centimètres de longueur. Elle est tantôt d’un vert un peu terne ou grise, tantôt brune ou carminée; dans tous les types, le deuxième segment est fortement renflé, et, suivant l’arête de cette boursouflure, un trait noir ou brun, bien marqué, fait, un peu obli- quement, le tour de l'anneau, depuis la patte gauche j jusqu ‘à la patte droite, coupant le corps en travers. À l'extrémité postérieure de cha- cun des segments trois à neuf, sur le dos, le long de la ligne médiane, un triangle isocèle blanc, bordé de chaque côté d’un trait noir, brun ou pourpre, vient s "appuyer contre le bord antérieur du segment suivant. Les points trapézoïdaux sont gros, blancs, ronds, légèrement saillants et bordés de plus sombre. La chrysalide qui est placée dans un cocon mince, entre deux feuilles du buisson nourricier, ne dure que peu de temps. Elle est jaune grisâtre, avec des taches, des traits et les fourreaux alaires plus sombres. 25 La CiDARIE MOIRÉE — Cidaria rivata Hb. Femelle, grossie trois fois, au repos. Femelle, grandeur naturelle, prête à l'essor. Le Cerisier mahaleb ou Bois de St Lucie — Cerasus mahaleb Mill. : Le Gaillet blanc ou Mollugine — Galium mollugo L. LA CIDARIE MOIRÉE 63 “ . : 0. 7 11e "4 pe EL [4 « 0F THE *UNIVERSITY OF TR & a : 14 ' t ï * LT | LE Del "+ £: "1 ILLINOIS 63. LA CIDARIE MOIRÉE CipariA (Tr.) ou LARENTIA (T +) rivata (Hb.) ou silvaticata (Huw.) LA CIDARIE ONDÉE E long des haies, dans les bosquets, comme aussi dans les ébou- lis, croissent de nombreux buissons qu'on ne connaît pas assez et qui feraient dans nos jardins des arbustes d'ornement bien plus beaux et plus discrets que tous ces plants exotiques, ou forcés par la culture, qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres et qui forment le plus souvent des assemblages hétéroclites. La flore de chaque pays, de chaque région, même de chaque coin de terre, sui- vant qu'il est ombragé ou ensoleillé, sec ou humide, rocailleux ou riche en terre végétale, est toujours différente, mais dans chaque endroit, elle forme un ensemble parfait, où les espèces s’harmonisent merveilleusement entre elles. Ah! comme les jardins seraient plus poétiques si l’on observait mieux ces lois immuables d'harmonie et de beauté qu'on découvre dans la nature! Mais jetons ensemble un regard sur quelques-uns de ces buis- sons du pays, méprisés parce qu'ils ont le grand tort d'être de 4 chez nous ? et souvent 4 communs » : 1l y a tout d'abord la belle série des lonicéras ou chèvrefeuilles, dont nous avons parlé en détail au sujet de la Pyramide (p. 329). — Puis ce sont les épines blanches et noires, et tous les églantiers, aux espèces si nombreuses et variées : l'“églan- tier des chiens » ou «églantier commun» que l'on voit partout dans les haies et les pâturages; l'«églantier pourpre», aux fleurs d’un rouge carmin vif, aux longues cannes lisses et sans épines, qui croît aux endroits ombragés ; l''églantier à pommes», aux feuilles glauques, aux gros fruits ronds et poilus; l{églantier aux cent épines », avec ses fleurs si nettement découpées, d’un blanc ivoire, l'«églantier rampant », etc., etc. Vient ensuite l'«épine-vinette» (berberis vulgaris) aux jolies 390 LA CIDARIE MOIRÉE feuilles bordées d'épines minuscules; ces feuilles se teintent de taches rouge vif dès le mois de juillet. En mai, tout le long des branches, pendillent d’exquises grappes de fleurs en boule, jaunes et parfumées, qui se transforment, dès la fin de l'été, en fruits allongés d’un rouge vif. Voici le (bois-carré », ou « fusain d'Europe » (evonymus euro- pæus L..), aux feuilles VAPEUR devenant rouge carmin en automne. Les fleurs sont petites et verdâtres, mais elles sont remplacées par des fruits d'autant plus beaux. Tout le monde connaît ces capsules d’un beau rose, à quatre lobes, qui, en se fendant, laissent échapper des grains du jaune orange le plus intense. — N'oublions pas les ner- pruns (rhamnus) dont les fleurs sont peu visibles et les fruits ronds et noirs, mais dont le feuillage luisant, surtout chez le (nerprun des Alpes? (rhamnus alpina), reste tout l'été d’un vert éclatant. — Dans les rochers ou sur les pentes bien exposées au soleil croît l'amélan- chier (amelanchier vulgaris), dont les longues et fines tiges pourpres ou brun sombre se couvrent, au printemps, de vrais bouquets de grandes étoiles blanches. Chaque fleur est formée de cinq pétales étroits et très allongés et de sépales beaucoup plus courts, à pointe acérée et violette. Les feuilles qui ne se développent complètement qu'après la floraison, sont ovales, légèrement cordiformes à la base, finement dentelées au sommet, d’un beau vert mat et bleuâtre, sou- vent bordées d'un liséré pourpre. Au début de leur développement, elles sont cotonneuses en dessous. En août, les fleurs sont remplacées par des fruits ronds, recouverts d’un fard bleu et ressemblant à des myrtilles: mais ils sont portés par des tiges assez longues, dressées, et se terminent, au sommet, par les cinq sépales de la fleur qui se tiennent toujours bien raides et qui limitent entre eux un petit champ pentagonal blanc, orné en son milieu d'un point noir. — Et que dire du {cerisier mahaleb » ou Bois de Ste Lucie (cerasus mahaleb), au bois si parfumé, aux petites feuilles si mignonnes, un peu lisses, d'un vert très gai, qui sont représentées sur la planche ci-jointe ? Regardez leurs fines et gracieuses dentelures, ornées en automne de toutes petites LA CIDARIE MOIRÉE 391 perles gris clair. Au printemps les buissons se couvrent de fleurs blanches ressemblant à celles de l’épine noire. Or, sur ces feuilles menues, sortant des éboulis, sur celles de l'amélanchier, du {nerprun cathartique», ou bien contre les pierres, à des endroits un peu cachés, on peut découvrir en mai et juin, puis en Guillet) août, ce joli papillon que l’on appelle la CIDARIE MOIRÉE ou ONDÉE, à cause des nombreuses bandes ondoyantes qui traversent ses ailes et sans doute aussi en raison des reflets chatoyants, tantôt dorés, tantôt vert bleu, qui les parcourent. Le mâle mesure 2,6 à 2,8 centimètres d'envergure, la femelle 3 à 3,4. Une fois la nuit venue, la CIDARIE MOIRÉE vient voleter autour des lampes. Ce papillon est plus ou moins fréquent suivant les années et on le trouve toujours de préférence où croissent des gaillets blancs ou jaunes (galium mollugo et verum). C’est sur ces plantes, en effet, que vit sa larve, surtout sur la première, très commune dans les ébou- his. Cette chenille atteint 2,5 à 3 centimètres de long; elle est assez épaisse pour une arpenteuse, avec les deux extrémités légèrement amincies. Elle est d'un gris brunâtre pâle, tirant parfois un peu sur le rouge, d’autres fois sur le verdâtre ou le jaune. Une ligne médiane noire parcourt les trois premiers et les trois derniers segments du corps, se transformant, sur les anneaux intermédiaires, en une suite de losanges gris, encadrés de blanc et plus ou moins marqués. Les lignes sous-dorsales, très nettes aux deux extrémités, sont blanc sale; elles se rapprochent l’une de l’autre et se rejoignent même au bout de l'abdomen. Sur les côtés du corps s'étend une autre ligne blanc crème. Les stigmates sont ronds et d’un beau noir. La tête est arrondie, gris jaune, mouchetée de brun, avec le triangle frontal encadré de noir. Cette chenille que l’on trouve en juin et juillet, puis en août et septembre, se tisse un cocon lâche, à la surface du sol, et se trans- forme en une chrysalide courte, épaisse, brun rouge, terminée par 8 fine pointe. Les chrysalides de la seconde génération passent iver. LE PTÉROPHORE PTÉRODACTYLE — Pteropho- rus pterodactylus Hb. Grossi trois fois, au repos. Grossi trois fois, au vol. Le Fiorin — Agrostis tenuis Sibth. La Crételle — Cynosurus cristatus L. 64. LE PTÉROPHORE PTÉRODACTYLE ni MINCE : +1 LR JHiUr Nip NE Ls 2N Es CURIVERSIEY GE IE CINOIr : \ vit : 3 y "À F x . À EU 4 ’ Le" } . \ ” \ ; : + , 1 64. LE PTÉROPHORE PreropHorus (Wall. Geof.) pterodactylus (Hb. Fab. Steph.) ou monodactylus (L.) — LA PTÉRODACTYLE OUS les papillons que nous avons étudiés jusqu'ici font partie du groupe des Macrolépidoptères ou Grands Lépidoptères, mais 1l reste encore un second groupe, renfermant des espèces généralement beaucoup plus petites, dont un bon nombre n'attei- gnent même pas un centimètre d'envergure, et qu'on a appelé, pour cette raison, les Microlépidoptères ou simplement les Micros. Or, les représentants de ce groupe, malgré leur petite taille, sont fort nom- breux en espèces : on en compte environ trois mille en Europe. Ils sont, de plus, ornés habituellement de belles couleurs, de plaques dorées, argentées ou cuivrées, de taches blanches, jaune orange, rouges, violettes, etc. Enfin, eux et leurs chenilles ont des mœurs ‘très variées et intéressantes. En conséquence, nous n'avons pas voulu terminer cet ouvrage sans y faire figurer au moins un représentant de cet important groupe, et nous voulons en quelques lignes donner un aperçu des principales sections qui composent ce dernier. On a partagé les Microlépidoptères en quatre sections princi- pales : les Pyralides, les Tortricides, les Tinéides et les Ptérophorides. a première section, celle des Pyralides ou Pyralo-Crambides, renferme de nombreux papillons. Ce sont les plus grands des Micros et ils ont même une certaine analogie avec les Géomètres, puisque c'est avec ces derniers que Linné les avait rangés. Bien des auteurs se refusent encore à les classer parmi les Microlépidoptères. Citons dans ce groupe une espèce fort belle à l'état de papillon et intéressante sous forme de chenille, l'Hydrocampe du nénuphar (Hydrocampa ou Nymphula nymphæata L.). C'est un charmant papillon, variant pour l'envergure des ailes entre 2 et 2,5 centimètres. Il est d'un blanc nacré avec un réseau de bandes Lans les ss noires, saupoudrées de 396 LE PTÉROPHORE PTÉRODACTYLE jaune, partageant le fond blanc en un certain nombre de taches, de formes et de grandeurs variées. Les ailes sont assez larges et arrondies, surtout les inférieures, et ornées d’une belle marge brun doré. Ce papillon se tient au bord des fossés et des étangs et sa chenille vit dans l'eau, se nourrissant de diverses plantes aquatiques, telles que les lemnas, les stratiotes, les callitriches, mais surtout les potamoge- tons et les nymphéas. Elle se tient en général sous les feuilles, dans une sorte de fourreau transportable qui la fait ressembler à une larve de phrygane. Ce fourreau ou étui est fait de deux morceaux ovales découpés par la chenille dans une feuille et étroitement soudés entre eux par les bords. Une extrémité seulement reste fendue et livre passage à la tête et au thorax de la bête, lorsque celle-ci veut circuler ou man- ger, et se referme presque hermétiquement quand le propriétaire se retire dans ses appartements. — D'autres Pyralides ont des chenilles terrestres, se nourrissant de plantes ou bien de cire d'abeille, de farine, de légumes secs, etc. Viennent ensuite les Tortricides ou T'ordeuses, ainsi appelés parce que la plupart des chenilles, passant leur existence sur des arbres, des buissons ou des végétaux quelconques, ont l'habitude de s'enfermer dans une feuille qu'elles enroulent sur elle-même, en en fixant les bords avec de la soie. D'autres vivent dans la tige et même les racines de certaines plantes, dans les fleurs, enfin dans les fruits, spéciale- ment ceux de nos vergers et même dans les cônes des sapins. C'est dans ce groupe que se rangent les trois espèces si connues des vigne- rons parce qu'elles sont fort nuisibles en attaquant les fleurs et les jeunes fruits de la vigne, la Pyrale de la vigne (Tortrix ou Œnophthira pilleriana Schiff.), la Teigne des grappes (Conchylis ou Scoparia rose- rana Frôl ou ambiguella Hb.) et la Cochylis de la vigne (Cochylis ou Tortrix vitisana Aud. ou reliquana Treits.). La première variant de 2 à 2,5 centimètres d'envergure est un joli papillon jaune à reflets dorés, présentant sur les ailes supérieures quelques taches brunes. Sa chenille d’un vert plus ou moins jaunâtre, avec la tête et le cor- LE PTÉROPHORE PTÉRODACTYLE 397 selet brun luisant, est un des plus grands fléaux des vignes car elle y. apparaît quelquefois en nombre considérable : on a compté jusqu à cent soixante chenilles sur un seul cep.— La Cochylis de Roser ou Zeigne des grappes mesure 1,4 à 1,5 centimètre d'envergure. Elle a les ailes supérieures jaunes et Dci pen à petites taches argen- tées et les inférieures gris perle. Sa chenille est plus épaisse que la précédente et grisâtre ou rose violacé. Elle apparaît deux fois dans l’an- née.— La Cochylis de la vigne n ’a que 1,2 à 1,3 centimètre d'envergure. Elle a les ailes supérieures grises, osilié-e de jaune rougeâtre. Elle est moins commune que les autres. — C'est ici que se place également l'Argyroploce de la spirée (Argyroploce siderana Tr.), ce ravissant et mignon Lépidoptère noir et jaune avec des taches violettes un peu argentées, que l’on trouve à la lisière des forêts, aux endroits où abonde la belle spirée aronce ou reine-des-bois. — Dans cette section nous avons aussi le Carpocapse des pommes (Carpocapsa pomonana Schiff. ou pomonella L.) dont la chenille, vulgairement appelée 4 ver des pommes », peut être très nuisible dans nos vergers. Dans la section des T'inéides ou T'eignes sont placés tous ces petits papillons si communs dans les maisons et les pelleteries et vulgaire- ment appelés teignes, mites ou gerces. Leurs chenilles, trainant après elles un fourreau protecteur, s’attaquent surtout aux étoffes de laine et aux fourrures. — Dans cette même division se trouvent encore les Hyponomeutes, dont les larves vivent en colonie dans un tissu de soie sur les haies et les pruniers. Les papillons sont blancs, pointillés de noir. Enfin viennent les Ptérophorides, si reconnaissables à leurs ailes divisées en lanières ciliées plus ou moins nombreuses, ressemblant à des plumes. Chez les Ptérophores proprement dits, l'extrémité de l'aile supérieure est fendue en deux, et l'aile inférieure est faite de trois plumes. Chez les Ornéodes, formant une subdivision des Ptéro- phorides, souvent considérée comme une cinquième section des Micro- lépidoptères, au même titre que les quatre autres, chacune des quatre 398 LE PTÉROPHORE PTÉRODACTYLE ailes se divise en six lanières ciliées. Les Ptérophores, parmi lesquels se range l'espèce figurée ici-même, se tiennent dans l'herbe des prai- ries et des clairières, suspendus aux fins épillets des graminées. Ils volent parfois de jour, mais surtout le soir, butinant sur les scabieuses ou toute autre fleur. Leurs chenilles sont poilues, presque toujours vertes, avec une petite tête noire. Elles se tiennent à découvert, — même en plein jour si le soleil est caché, — sur les rosiers, mais sur- tout les liserons — c’est le cas de notre PTÉRODACTYLE — et l'ononis rampant ou bugrane dont elles rongent le sommet des tiges. Leurs chrysalides, légèrement poilues et colorées comme la larve, sont sus- pendues par le bout de la queue sous une feuille, vers la base des plantes : elles ressemblent un peu aux chrysalides des Papillons de jour. Les Ornéodes, ces tout petits Lépidoptères qu ‘on voit très sou- vent dans les maisons, surtout celles qui se trouvent à la campagne, se distinguent des Ptérophores proprement dits en ce qu'ils ont les quatre ailes divisées en un nombre égal de lanières ciliées, et qu'ils tiennent au repos toutes ces plumes régulièrement étalées autour d'eux, comme un éventail ouvert. Les Ptérophores, eux, ainsi qu'on le voit sur l’image, cachent presque toujours, dès qu'ils se posent, les lanières de l’aile inférieure sous le couvert de la paire supérieure, dont les bords se replient même un peu en dessous, enfermant les délicates plumes dans une sorte d’étui. Les larves des Ornéodes vivent dans les boutons de certaines plantes et de quelques buissons, surtout les lonicéras. Ajoutons encore, en terminant, que la plupart des chenilles de Microlépidoptères, — sauf celles des Ptérophorides et toutes celles dont le corps est protégé par un étui, — s ‘esquivent rapidement à reculons dès qu’on fait mine de les saisir. Cette habitude permet de distinguer immédiatement une larve de Micro d'une chenille de Macrolépidoptère. IMPRIMÉ EN SUISSE INDEX DES NOMS FRANÇAIS Les noms des espèces figurées et décrites dans le volume sont en caractères ordinaires; les syno- nymes de ces mêmes espèces sont en italique et les noms d'autres ;enpèces, simplement citées, sont en italique et entre parenthèses. Pages (Acronycte de l'aulne) -. .: .. .. .. 377 Acronycte du troène u 393-395 Aglaé 143 Agreste .. VAUT RS 179-181 (174) Agrotide del asll Me enL ee: us) . JétitoNs Amiral .. . .. .. .. 119-121 (101) Amphidase du be . 365 (239, 377, 384) Amphipyre du noyer A4 329-331 (Amphipyre du suis DLL. op 133 Antique .. .. .. 341-343 (323) Apollon CREUTNETSR 29-31 (25) Argus bleu céleste .. .. .. .. .. 71-73 (Argus bleu nacré) .. .. .. .. .. .. 73 Argus des bois a te ou 09, Mantag -9 Argus satiné .. SRE TR © 65-67 (Argyroploce de la ire) me pied mme 15397 Ariane .. . de, Léon à rue, VIRUS 185 Aurore Van TES TR 414 (49) Barre argentée .. .. gel sb css Belle-Dame 125-127 (101, H19-121, 347) Boarmie Linie - . . 371-373 (377) (Bois-sec) '. ne PANNE MED (Calocampe ce.) : Je tes VOD. Vu NE Calocampe vieille .. .. 341-342 Camille 89 (77, 83, 372) (Carpocapse des pommes) dolor 6 mers) ( Carte-géographique è mm roll uit Casque .. .. "MATE 299-301 RS. -—. . … … 2NvOSRES (Céphale) Fu «.sithalenètg modif (Charaeas des aise: Chiffre Chiffre Chiné ere Cidarie du grosaller … Cidarie du prunier .. Cidarie moirée .. Cidarie ondée . Citron .. (Cochylis de la 8} (Cochylis de Roser) Contiguë .. . (Cordon-bleu) .. Cordon-rouge (Cossus gâte-bois) Couveuse cuivrée Craintive .. Damier du plantain .. Damier orangé . Dé-à-jouer Découpure Déesse à ceinturons Demi-Deuil Demi-Lune . (Demi-Paon) .. Diane >. Ecaille chinée z. Echiquier .. Ecureuil 7 Erinomos tachetée 3 | 149-151 7 156) Pages 313 396-397 354-355 353-355 7 269 fois . 131 (139) 337-339 215-217 .o 335-337 . 131-133 (137) . 161-163 (198) s. 257-259 - 161-162 (144) -. 281 (233) ROCCACE ‘| 400 Eubolie limitée Feuille-de-chêne Feuille-morte du chêne . (Fidonie du pain) Flambé :. .. Gonoptère découpure (Grand-Collier argenté) Grande-Tortue Grand Mars changeant . (Grand-Nacré) (Grand-Nègre des bois) .. Grand-Nègre-Hongrois .. (Grand-Paon de nuit) Grand Porte-Queues Grand-Renard .. (Grand-Sylvain) (Grosse-Tête) .. Hadène contiguë Harpye du hêtre Héliophobe domestique (Hépiale du houblon) (Hermite ou Ermite) (Hydrocampe du nénuphar) Lichénée ou Lichnée rouge Likenée rouge Limon Lucie Lycène re Machaon .. .. Macroglosse du gaillet Mamestre contiguë (Manteau-de-Deuil) Mariée : Mélitée du Fan Mélitée orangée Méticuleuse (Minime à Feat (Morio) Moro-Sphinx .. Moyen-Nacré .. À 17-19 (25, 37, 101, 258) - 95-97 (101, 119-121) LES PAPILLONS Pages 377-379 IAE 16269 | 269-271 (233, 281) 263 347-349 335-337 .. 149 … : 101-103 83-85 (203) 145, 151, 157 174-175 167-169 275-276 23 (174) 101-103 83, 174 | 239-241 (227, 247, 353) + 143-145 (150, 156) Myrtil Nasse Némusien . . Neuronie domestique Noctuelle des pois sucrés .. (Noctuelle du frêne) Noctuelle du lin Noctuelle fiancée (Noctuelle frangée) .…. Nymphe des chardons (Nyssie zonée) .. .. Œil-de-Paon-du- Fe our Panthère . Paon-de-Jour .. Papillon à queues Papillon-C Papillon du chou (Paranygmphe) .… Parnassien Apollon .. Petite-Tortue 107-109 (41, 101- 102, 114, 119,372) (Petite-Violette) (Petit-Nacré) . Petit-Paon de Lie LL Petit Papillon des foins Petit-Pourceau .. Petit-Renard Petit Sphinx de la vigne .… (Phalène brumeuse) (Phalène défeuillée) Phalène du bouleau Phalène du charme .. Phalène-Hibou .. Phalère bucéphale . Piéride du chou (Plain-Chant) Plusie gamma .. Polyommate du bouleau .. Portier de la “pi Procris Ptérodactyle Ptérophore ptérodactyle .. Pygère à grosse tête . 185-187 (299) 118-115 5 QD, 109, 119-120) Æ 221-229 (233) .. 287-289 (263) Pages 197-199 311-313 311 359-361 29-31 150 - “CIN . 275-277 (264) 209 107 35-37 (108, 161) INDEX DES NOMS FRANÇAIS Pages Pygère à tête de bœuf 287 (Pyrale de la Lai 39% Pyramide . S. les | 329-331 (389) Queue de Pigeon .. Le Queue-d'Hirondelle . 23-25 (Silène) . 174 Smérinthe du peuplier . 233-235 (Solitaire) sut (Souci) 48-49 DEN, 47-49 Sphinx-Bélier . 251-253 (Sphinx-Bourdon) .. .. 245 (Sphinx-Chauve-souris) . . 229 (Sphinx de la vigne) .. ET (Sphinx de l'euphorbe ou du éme) 55, 229 (Sphinx-Demi-Paon) cu . 233-235 (Sphinx des scabieuses) . .. 245 Sphinx du caille-lait 239-241 (Sphinx du liseron) . 228 Sphinx du Re se 233-234 Sphinx du troène Sphinx gazé 26 . 21-23 re 246, 293) . 245-247 (241, 330) Pages Sphinx-moineau 239 (Sphinx-phæœnix) 229 Staurope du hêtre 281 (Suivante) ee HIÉ Sylvain azuré .. .. 89-91 (330) Sylvandre .. 173-175 (180) Sylvine % . 263-265 (269) Syrichte des cirses .. . …. 215-217 Tabac d'Espagne | 155-157 (144-145, 151, 161) (Teigne des sr] 396-397 (Thécla de la ronce) 06} Thécla du bouleau . 5961 Thécle du bouleau TD Tircis È ... IE Tristan : . 203-205 (199) Vanesse de l'orme . 22e 10) Vanesse des chardons . 125-127 (347) Vénilie tachetée 359-361 Verge-d'or 65-67 (144) Voilier à 17-19 Vulcan .. 119-121 Zygène de la EC XP 251-253 INDEX DES NOMS LATINS Les noms des espèces figurées et décrites dans le volume sont en caractères ordinaires; les syno- nymes de ces mêmes espèces et le nom de leurs variétés sont en italique; les noms d’autres espèces, sim- plement citées, sont en italique et entre parenthèses; enfin les noms de genre sont placés après les noms d'espèce, et entre crochets. Pages adastra O. variété [Pararge Hb.] .. .. .. 187 (adippe L.) [ Argynnis Fab.] .. 145, 151,157 adonis Hb. F. S. V. [Lycaena Fab.] Sa aegeria L. [Pararge Hb.] ; 191-193 (aethiops Esp.) [Erebia Dalm. Boisd.] .. 168 aglaja L.[Argynnis Fab.]143-145 (150-151, 155-156) alnifolia O. variété[Lasiocampa Latr.] .. .. 270 (alni L.) [Acronycta Ochs.] .. .. .. 377-378 alveus Hb. [Syrichtus Bsd.] .. .. 215-217 (ambiguella Hb.) [Scoparia Haw.] 39% (antiopa L.) [Vanessa L. Fab.] 103 (antiqua L.) [Orgyia O.] 8, 239 apollo L. [Parnassius Latr.] .. . 29-31 (arcania L.) [Cænonympha Hb.] . . 211 atalanta L. [Vanessa L. Fab.] . + 119-121 aurantiaca Spr. variété| Papilio L. Latr.] .. 25 bellargus Rott. H. [Lycaena Fab. J ‘ 71-73 betulae L.[Thecla F.] .. .. .. 59-61 betularia L. [ Amphidasys Treits] 365 betularius L. [Amphidasys Treits.] .. 365-367 (blandina Fab.) [Erebia Dalm. Boisd.] . 168 bombyliformis O. [Macroglossa Ochs.] 245-247 (brassicae L.) [Mamestra Tr.] - 306 brassicae L. [Pieris Schrk.] 35-37 (briseis L.) [ Satyrus Fab. Latr.] 174 (brumata L.) [ Cheimatobia Stph.] 367 bucephala L. [Phalera Hb.] . 287-289 caerulea Courv. variété TES Fab. ns, sun 7 c-album L. [Vanessa L. Fab.] 95-97 Pages camilla Schiff. S. V.[Limenitis Fab. Ochs.] 89-91 cardamines L. [Anthocharis Bsd.] 41-43 cardui L. [Vanessa L. Fab.] .. 125-127 (carlinae Rbr.) [Suyrichtus Bsd.] 217 carpini S. V. Hub. [Saturnia Schrk.] 275 (carthami Hb.) [Syrichtus Bsd.] .. 217 (celerio L.) [Deilephila O.] se 229 ceronus Esp. variété [Lycaena Fab.] 73 cinxia L. F.[Melitaea Fab.] . 131-133 (circe F.) [Satyrus Fab. Latr.] . 174 cirsi Rbr. variété [Syrichtus Bsd.] 215-217 (cleodoxa O. variété) [ Argynnis Fab.] .. 151 (comes Hb.) [Agrotis O.] 306 contigua Vill.S. V. Fab. [Meet Tr] 317-319 conversaria Hb. variété [ Boarmia Treits] 373 (convolvuli L.) [Sphinx O. Fab.] .. 228 (corydon Pod.) [Lycaena Fab.] 73 (defoliaria CI.) [Hibernia Latr.] . 367 (dentina Esp.) [Mamestra Tr.] 319 (dia L.) [ Argynnis Fab.] se 150 didyma ©. F.[Melitaea Fab.] 137-139 doubledayaria Mill. variété[ Amphidasys Treits] 367 (dryas Scop.) [Satyrus Fab. Latr.] 174 (edusa F.) [Colias Fab. Boisd.] .. 48 egeria L.[Pararge Hb.] .. .. . 191 egerides Stgr. variété [Pararge Hb.] 191-193 (elpenor L.) [Deilephila O.] . QUE. eris Meig. variété [Argynnis Fab.] 151 (euphorbiae L.) [ Deilephila O.] 229 404 Pages (euphrosyne L.) [ Argynnis Fab.] .. .. .. 149 (euryale Hb.) [Erebia Dalm. Boisd.] 168-169 (exoleta L.) [Calocampa Steph.] .. .. .. 342 fagi L. [Stauropus Germ.] .. .. .. 281-283 Jagi Scop.[Satyrus Fab. Latr.] .: .: .. 173 fasciata Sp. variété [ Smerinthus O.] .. .. 234 filipendulaz L. [Zygaena Fab.] 251-253 (fimbria L!) VAsrotis. 0.1". ".." :. .. "30% flavomaculata Dek. variété [ Parnassius Latr.] 31 (fraxini L.) [Catocala Schrk. Ochs.] -. .. 354 fritillum O.[Surichtus Bsd.] .. .. .. 217 Juciformis Hb. [Macroglossa Ochs] . 245-247 (fuciformis L.) [Macroglossa Ochs] -. .. 245 fumata Roug. variété | Parnassius Latr.] Ha fuscaria Stdg. variété[Venilia Dup.] -. -: 361 galathea L. [Melanargia Meig] 161-163 gamma H. | Vanessa L. Fab.] . 95-97 gamma L. [Plusia Ochs.] .. .. .. 347-349 (genistae Bkh.) [Mamestra Tr.] .:. .. 319 hera L. [Callimorpha Latr. Boisd.] .. 257-259 hermione L. [Satyrus Fab. Latr.] .. 173-175 (181) hœgei H. S. variété[ Agrotis O.] .. .. .. 306 (humuli L.) [ Hepialus Fab.] . 264-265 hyale L. [Colias Fab. Boisd.] ee 47-49 hyperanthus L. [Epinephele Hb.] 203-205 (83) (hypocrepidis Nub.) [Zygaena Fab.] .. .. 253 io L. [Vanessa L. Fab.] ne We de (iphis Schiff.) [Cœænonympha Hb.] AR PR PA N iris L. [Apatura O. Fab.] .. janira L.[Epinephele Hb.] .. janthina Esp. Fab. [Agrotis O.] jurtina L.[Epinephele Hb.] .. .. .. .. 197 (lathonia L.) [ Argynnis Fab.] .. .. .. 150 (leucotaenia Stdg. variété) RE Don. Boisd.] . s . 168 (levana L.) Paéeses L. Fab. ] | 95-% hibatrix L. [Scoliopterix Germ.] 335-337 ligea L. [Erebia Dalm. Boisd.] 167-169 ligustri L. F.[Acronycta Ochs] 293-295 higustri L. [Sphinx O. Fab.] .. 221-223 limitata Sc. [Ortholitha Hb.].. .. .. 377-379 Lolii[ Neuronia Hb.] .. .. .. .. .. .. 311 LES PAPILLONS Pages lucina L. [Nemeobius Stph. Boisd.] 77-19 lutescens Stdg. variété er à Latr. Boisd.] . 13 SON machaon L. [Papilio L. Le 1 23-25 macularia L. [Venilia Dup.] . 359-361 maculata Fab.[Venilia Dup.] .. .. .. .. 359 maera L. [Pararge Hb.] .. .. ,.. -- 167107 (marmorosa Bkh.) [Mamestra Tr.] .. .. 319 (medea Hb. S. V.) [Erebia Dalm. Boisd.] .. 168 (medusa S. V.) [Erebia Dalm. Boisd.] .. .. 168 (megacephala F.) [ Acronycta Ochs.] .. .. 378 mensuraria Schiff. S. V.[Ortholitha Hb.] .. 377 meticulosa L. [Brotolomia Led.] .. . mæra L.[Pararge Hb.] .. .. .. 185 monodactylus L. [Pterophorus Wall. Geof. in 395 nephele Hb.[Cœnonympha Hb.] .. .. .. 209 niger Reutti. variété [Papilio L. Latr.] .. .. 25 nigricata Fuchs variété [ Boarmia Treits] .. 373 niobe L. [Argynnis Fab.] 149-151 (120, 145, 155-157) nupta L. [Catocala Schrk. Ochs.] 353-355 (nymphaeata L.) [ Hydrocampa Latr.] .. :. 395 (ocellata L.) [Smerinthus O.] 4 tt Mao (onopordi Rbr.) [Syrichtus Bsd.] .. .. .. 217 (palaeno L.) [Colias Fab. Boisd.] .. .. .. 48 pamphilus L. [Coenonympha Hb.] .. 209-211 paphia L. [Argynnis Fab.] 155-157 (144-145, 151) (baranympha L.) [Catocala Schrk. Ochs.] -: 354 pavonia L. [Saturnia Schrk.] .. 275-277 (phaedra L.) [ Satyrus Fab. Latr.] h rolfé (billeriana Schiff.) [Œnophtira Dup.] .. .: 39% (biniarius L.) [Bupalus Leach.] :: .. .. 263 podalirius L. [Papilio L. Latr.] 17-19 polychloros L. [Vanessa L. Fab.] 101-103 (bomonana Schiff.) [Carpocapsa Tr.] .. .: 397 (pomonella L.) [Carpocapsa Tr.] .. .. .. 397 popularis F.[Neuronia Hb.] .. .. .. (populi L.) [Limenitis Fab. Ochs.] 11° Tésteté populi L. [Smerinthus O.] .. 233-235 porcellus L. [Deilephila O.] .. 227-229 pronuba L. [Agrotis O.] 305-307 (prorsa L. variété) [ Vanessa L. Fab] :. | ce INDEX DES NOMS LATINS Pages (proserpina Schiff.) [ Satyrus Fab. Latr.] .. 174 prunata L. [Lygris Hb.] se 383-385 pterodactylus Hb. Fab. Steph. [Pterophorus Wall. Geoff] .. .. 395-398 pyramidea L. is O. 1 329-331 quadrimaculata Hat. variété | Venilia Dup.] .. 361 quadripunctaria Poda | Callimorpha Latr. Boisd.] 257 quercifolia L. [Lasiocampa Latr.].. .. 269-271 (reliquana Treits.) [Cochylis Treits] .. .. 396 r ia H.{[Boarmia Treits] .. .. .. 371 repandata L. [Boarmia Treits.] 371-373 rhamni L. [Rhodocera Bsd.] .. .. .. 53-55 ribesiaria Bsd.[Lygris Hb.] .. .. .. .. 383 rivata Hb. [Cidaria Tr.].. .. .. 389-391 rivularis Scop. [Limenitis Fab. Ochs. ] NOIRE: (roserana Frôl.) [ Scoparia Haw.] .. .. .. 39% (rubi L.) [Callophrys Bill] .. .. .. .. 61 (scabiosae Z.) [Macroglossa Ochs.] .. .. 245 semele L. [Satyrus Fab. Latr.] .. .. 179-181 (serratulae Rbr.) [Syrichtus Bsd.].. .. .. 217 sibylla F.[Limenitis Fab. Ochs.] .. .. .. 89 (sibylla L.) [Limenitis Fab. Ochs.] Se Ra (siderana Tr.) [ Argyroploce Hb.] .. .. .. 397 silvaticata Hw.[Cidaria Tr.] .. .. .. .. 389 stellatarum L. [Macroglossa Ochs.] 239-241 (245-247) (stygne O.) [Erebia Dalm. Boisd.] SAN PERS sundevalli Lampa. variété | Acronycta Ochs.] 295 sylvina L.[ Hepialus Fab.] .. .. .. .. 263 sylvinus L. [Hepialus Fab.] .. 263-265 (thalassina Rott.) [Mamestra Tr.] .. .. 319 (tityus L.) [Macroglossa Ochs.] .. .. .. 245 (tragopoginis L.) [ Amphipyra O.].. .. .. 331 (transalpina ©.) [Zygaena Fab.] .. .. .. 253 ulmifolia H. variété | Lasiocampa Latr.] .. 270 urticae L. [Vanessa L. Fab.].. .. .. (vespertilio Esp.) [ Deilephila O.] .. .. .. 229 vetusta Hb.[Calocampa Steph.] .. virgaureae L. [Polyommatus Latr.] .. (vitisana Aud.) [Cochylis Treits.] .. .. .. 396 zermattensis Flou. variété | Polyommatus Latr.] 66 (zonarius Schiff.) [ Biston Leach.] 239, 366 À: Ta 6 ane A3 EE AR #3 Nr Éreres ner | nn To ni ONE ss" a O aahassfA} taste | M Dar 1. 4 JE = ES 285) GE NA": : EX ONE) PE 5 | Ate de, | Sas PE Enr : ne À 0 af le AA D me | at {6 OT es A oi pos Dre tn M ! 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