TRES re OP EN WA CI End A éme CHER PS Defi AS oe. el og, Cr no ER and 1e oF Lo LA ro BG CSW oe EL hand Poly LO 6 pr. Lt 6 Mead > peer SNA rhe etes D abe Cm HANDBOUND AT THE ke a UNIVERSITY OF TORONTO PRESe Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/lesprincipesdela0Ohome «+ | LES | PRINCIPES L'AGRICULTURE LA VEGETATION. LES PRINCIPES DE L'AGRICULTURE ET DE LA VEGETATION. Ouvrage traduit de l Anglois de M. Francois Home , Docfeur em Médecine, à l'un des Mem- bres du College des Médecins d’Edimbourg , au- quel on a joint deux Memoires nouveaux fur la maniere de preferver le Froment de la corruptiors 3 de leconferver. ex ER RAS 17-542 ES. Chez Praurr pere, Quai de Gévres, D ee M. D. C.C.L XI. Avec Approbation @ Privilege du Roi. PABRARYS JUN 1 4 1967 | My Yes oF we PAPE ACE. 4: A Société d’Edimbourg, établie en 1755 pour la perfection des Manutactures & des Arts, propolant une médaille d’or pour la meilleure Differtation fur les Prin- cipes de la Vegetation & de P Agriculture , M. Home, dans le deifein de contribuer à remplir des vues fi utiles, crut devoir le mettre au nombre des concurrens. Ce fut à cette occalion qu’il compofa l'Ouvrage qu’on donne ici au Public, traduit en no- tre langue, & qui lui mérita les {uffrages de la Compagnie {çavante à laquelle il fut préfenté. _ L’Auteur s’y propofe de découvrir & de fixer , par la Chymie, les vrais Princi- pes de la Végétation , & d’appliquer à la perfection de l'Agriculture cette {cience , qu’on avoit regardée juiqu ici comme lui étant étrangere , quoiqu'elle ait avec elle une liaifon fi étroite. Ceit par cle qu'il entreprend de faire counoitre la nature & Jes qualités des divers luis & amandemens, la nourriture des végétaux , & la niauiere la plus füre de la leur procurer. à IV PRE F.A CE Il a cet avantage , que dans fa Differta- tion, tout porte {ur le fondement des faits: cen’eftqu’a la lumiere de Ce flam- beau qu’il marche dansla route qu’il s’eft ouverte. Par fes inyénieufe expériences & fa judicieufe phyfique, il réduit P Agricul- ture à un art {yitématique & régulier, &il en donne une théorie lumineule , folide. ment raifonnée & féconde en conféquen- ces utiles par la pratique. On ne doit point oublier de faire re- marquer ici que quand PAuteur compofa cet Ecrit , il wavoit aucune connoiflance -des trois volumes d'expériences publiés par M. du Hamel fur le fyftéme de Tull. i déclare qu’il ne les a lus qu’apres, mais que cette lecture lui en a donné la plus hau- te idée, & qu'il les regarde comme des modeles excellens dans ce genre. Cette obfervation eit une juitice qu’on devoit également à l Auteur de cetteDiflertation, & au fçavant & laborieux Académicien fi digne de la reconnoiffance de fa Patrice qu'il honore, & du genre humain quik eciaire. Vv ae SE a ee ——— ———— Tan B EL E: DES Principes de l'Agriculture & de la Végétation. PREMIERE PARTIE. Tre. SECTION. AUSES de la lenteur des progrès de l'Agriculture: Sa liuijon avec la Chymie: Divifion de Ouvrage. Page, 1. SECTION IL Des divers fols. z SECTION III. De Ja bonne terre noire. SECTION IV. De /a terre argilleufe vu glaifenfe. 14. SECTION V. De /a terre fablonneufe. 1$. SECTION VI. De da terre crayeule. 23. SECTION VIT Dz Tuf. 24. SECTION VII. De latourbe ou terre des marais €s jondrieres. 27: SECONDE PARTIE. SECTIONL Des moyens que la nature employe pour fournir aux plantes la nourriture végétale. 29« SECTION IL Des engrais ou moyens que À Art cm ploye pour fournir à la terre des nourritures vége- tales. À $ SECTION WI. De la Marne. SECTION IV. Des corps calcaires non briilés , @ de la chaux vive, 47e SECTION V. Des végétaux tant dans l’état natu- rel que dans un état de putrefattion, 5 des tas de fumier. gt. vi TAB L Tee ae TION VI. Des engrais tires des végétaux byte 654 SECTION VIL Des engrais tires des fubftances ani= males, w 67. TROISIEME PARTIES SECTION 1. Efets de différentes fubftances par rapport à la vegetation. 706 SECTION IT. De la nourriture des végétaux. 89. QUATRIEME PARTIE SECTION I. De Ja neceflite d'ouvrir € de pal. oeriler la terre. 114, SECTION IL Efféts de l’atmofphere. 116. SECTION IL. Dz changement des efpeces. 118. SECTION IV. Des /abours. 120. SECTION V. Des amandemens. 1236 SECTION VI. De /a vegetation. 128. CINOUIEME PARTIE. SECTION T. Des mauvaifes herbes. 136. SECTION IL. Des terreins humides. 139. SECTION Ill. Des pluyer. 141. SECTION IV. Des défauts des femences. 142. SECTION V. Maladies des plantes. 144. SECTION VI. Pan pour la perfection de Ÿ Agri= culture. 150. Les deux Mémoires qui fuivent ont été imprimés, par ordre du Miniftere, à ‘imprimerie Royale, & envoyés dns toutes les Generalités du Roy- aume , En 1759 & £760. Memoire Jur la maniere de préferver le Froment de la corruption ef de le conjerver , I $6. Mémoire pour fervir a indiquer le Plan quia ete Juivi pour parvenir à counvrtre ce qui produit le bled noir dans les b'eds ; €ÿ a connoître les veutes des propres à détruire cette corruptien. 159% Re fhe FIM Fe Ny APR ARR AR I M 7 Se dar OS EE So dr dr So Hs Ny Ke Tete Be fe fr Be See cS Se sft Bo Bee oft OF sd? Sue Nee Neat? Re at Reh Rk My LES PRINCIPES L'AGRICULTURE ET DE LA VEGETATION. PREMIERE PARTIE, SECTION PREMIERE. Caufes de la lenteur des progres de ? Agriculture: Sa liaifon avec la Chymie : Divifion de? On. vrage. 8 L AGRICULTURE, quoique le plus nécef- faire de tous les Arts, a peut-être été juf- qu'ici le plus négligé. Tous les autres ont reçu de nouveaux dégrés de perfeétion dans le fiecle précédent & dans le nôtre ; mais on n’en {gauroit dire autant de l'Agriculture. Ui 2 Principes de P Agriculture. paroit au contraire, qu'on nel entend gueres mieux actuellement dans l’Europe , que du tems des Anciens; & je fuis ere Virgile & Columelle peuvent encore être re- gardés comme les deux meilleurs AUTRE qui aient écrit fur cette matiere, D’ou peut venir cette lenteur des progrès de PAgriculture? Eft ce, comme l’ont pen- fé quelques Anciens, que la terre, cette me- re commune des végétaux, affoiblie par l’âge & épuifse de tant productions, a perdu fa premiere fertilité? ou qu'il eft impoffible de faire dela culture des terres un art réeu- lier , & que fes effets dépendent plus du ha. zard que de principes fixes ? On ne peut dire ni l’un ni l’autre. L'expérience prouve tous les | jours le contraire; la terre , mème après avoir été épuilée, parvient encore, quand on fcait la gouverner comme il faut, à un haut dégré de fertilité; & la régularité avec laquelle on procede dans lAgriculture eft une preuve qu’elle eft déjà, en quelque forte, réduite en art. Il y a d’autres raifons moins recherchées & plus fenfibles de la lenteur de fes progrès. Cet art eft prelque partout abandonné a des hommes groffiers, qui ne {Gavent ni obfer- ver , ni tirer de leurs obfervations des con- féquences qui les conduilent à découvrir la €S de la Végétation. 3 2 vérité: ou bien il n’eft cultivé que pat des perfonnes, qui ne manquant ni d’efprit, ni de connoiflances , ont une fortune trop bornée pour pouvoir faire les expériences néceflai- res. Ainfiles premiers ne peuvent fcavoir que ce qu’ils ont appris de leurs peres; & les feconds, dont la fubfiftance dépend de la certitude du fuccès, n’ofent rien rifauer. Que peut-on attendre desuns & des autres? Mais en fuppofant des connoiflances & une fortune aifée, la difficulté de Part en lui- même fuffit feule pour en retarder les pro- grès. Car que de circonftances délicates dans chaque expérience! Combien ne faut-il pas avoir fait d’obfervations exactes fur la cha. leur & fur le froid, fur la fécherefle & fur l'humidité, &c. avant qu’on puifle être affuré du fuccès général d’une expérience! Quel changement ne produit pas une différence lé- gere dans ces circonftances! Qu’il eft rare qu’on puiffe répéter plufieurs fois des expé- riences qu’on ne fçauroit faire qu’une fois l'année, & que la vie de l’homme eft courte pour une fi pénible & fi longue entreprife ! D'ailleurs les obfervations périffent avec PObfervateur , quand elles n’ont point été rendues publiques ; & la vanité ne permet gueres d’en publier , à moins qu’on en ait fait aflez pour en former un fyftème complet. À 2 4 Principes de P Agriculture Auff l'Agriculture, fi aifée en apparence, elt, à en juger par le petit nombre des bons Auteurs, le plus difficile de tous les Arts. Ce ne font pas là les feuls obftacles qu’elle ait à vaincre, en voici un plus grand encore : c’eft qu’elle dépend de Principes , que fa pra- tique feule ne peut aprendre. Il faut remon- ter au delà de cet Art, pour le connoître à fond. Tous les Arts extérieurs tiennent, du moins quañt aux Principes, ou à la chymie, ou à la méchanique , ou même à Pune & à l'autre. L’Agriculture eft dans ce dernier cas; car quoique le fecours des méchani- ques lui foit néceflaire, jofe aflurer que ce. tui de la chymie l’eft encore davantage. Sans la connoiffance de cette derniere {cienee il n’eft pas poffible d'établir les vrais Principes del Agriculture. Or la fcience de la chymie ne faifant, pour ainfi dire , que de naître, & n'ayant encore été gueres cultivée par rap- port à l'utilité que lecommerce & les manu- factures pouvoient en tirer, on ne s’étoit prefque point apperçu de la liaifon que l’A- griculture a naturellement avec elle. Je me propofe dans cet Ouvrage de la faire fentir , cette liaifon; & de montrer combien la chy- mie peut fervir à fixer les Principes de l’A- griculture. Mon deffein n’eft pas d’en enfeigner ici la £9 de la Végétation. $ pratique: je laiffe ce foin aux Cultivateurs. Je me contenterai d’en tracer les principaux traits, & de faire voir que cet Art peut étre réduit, comme tous les autres, à un fyftème régulier. Si d’après divers faits conftatés par l'expérience, nous pouvons établir des prin- cipes fixes d'Agriculture, ceux qui s’appli- quent à la pratique ne {cauroient manquer d’en tirer quelque utilité. La vraie théorie d’un Artcontribue dire@&ement à {es progrès, parce qu’elle conduit naturellement aux ex- périences qui reftent à tenter : c’eft un flam. beau fans lequel on peut rencontrer par ha. zard quelques vérités; mais quandil éclaire nos pas; nous avons la fecrete fatisfaction que ceft à nous mêmes que nous devons Vheureux fuccès de nos expériences. .Tächons donc de trouver quelque point fixe, d’où nous puiffions embrafler d’une foule vûe toute l'étendue de cet Art, & pro. céder d’une maniere méthodique à la divi- fion de cet Ouvrage. Tous les corps organi- ques tirent leur croiffance de la réception ou application des parties deftinées par Auteur dela mature à les nourrir, & fans ces parties nutritives , ils ne croitroiehit point. Les plantes » étant des corps organiques, ne croiffent done qu’a proportion de la quantité de nourriture , qu’elles recoivent à leurs raci- A 3 6 Principes del Agriculture nes: vie fimple, mais qui embraffe toute Agriculture, & d’où il fuit que ce point unique, c’eft-à dire , la nourriture des plan. tes, eft le grand objet, &, pour ainfi dire, le centre de cet Art. | Mais comment le Cultivateur nourrira vil les plantes, s’il ne connoit ni la nature, nila qualité de chaque fol, & ne {gait pas diftin- guer ceux qui font capables ou incapables de les faire croître ; s’il ne peut leur fournir les alimens néceflaires à leur nourriture, ou qu'il ignore quels font ces alimens ; s’il n’aide les plantes à chercher & a fe procurer cette nout- riture, en rendant la terre plus légere & plus meuble; enfin sil ne connoic & n’écarte, autant qu'il eften lui, tout ce qui peut s’op- pofer à leur nutrition. Voila les grands ob- jets de Agriculture. Nous divilerons donc ce Traité en cing Parties, & nous confidé- rerons, 1°, La nature & les qualités des di- vers fols, 2e. La nature & les qualités des divers engrais. 3°. La maniere dont ils ope- rent. 49. Les différentes manieres de labou- rer & façonner la terre. 5°. Les obftacles a la vegetation, & la maniere d’y remédier. On ne peut rafonner fur les opérations des corps que d’aprés des expériences qui nous ayent fait connoitre leurs qualités.. Toute autre voye ne nous conduiroit pas à € de la Végétation. 7 la découverte dela vérité. Ainf je ne ferai aucun pas fans avoir l'expérience pour gui. de, & je wavancerai rien qui ne foit appuyé fur des faits. Quand les autres ne m’en four- niront point, je tâcherai d’y fuppléer par moi-méme. Cette maniere de proceder eft laborieufe , mais elle eft néceflaire. SECTION IL Des divers fols. 2 C Es T dans le fein de la terre que les fe- mences font reçües ; c’eft delle que les végé- taux tirent toute,ou prefque toute leur nour- riture; il convient donc de commencer par en examiner lanature, Puifque la terre pro- duit plufieurs plantes , indépendamment du fecours de l’art , il faut qu’elle contienne de quoi lesnourrir. Si nous pouvons découvrir quelle eft cette nourriture naturelle des vé- gétaux , nous découvrirons aifement en quoi confitte leur nourriture artificielle, & com- ment elle opere. Les terres different extremement les unes des autres par leurs qualités. Les Labou- reurs en diftinguent plufieurs fortes , & peut être pouffent-ils ces diftinctions trop loin. A 4 $ Principes de P Agriculture Il eft vrai qu’il n’eft pas aifé de fixer le point précis où commence la différence d'un fol à unautre; mais la meme difficulté fe trouve dans toutes les divifions des corps naturels. L’ Auteur de la nature les à liés les uns aux autres par des corps intermédiaires ; il n’a pas voulu agir par fauts, mais par grada. tions , afin que tous les êtres fe tinflent en quelque forte , & que la nature ne format qu’un feul tout. On peut réduire à fix les différences fpécifiques des terres; feavoir, Ja bonne terre noire, l’argilleufe ou glaifeu- fe, la fabloneufe, la marécageufe ou tourbe, la crayeufe & le tuf. Quand les Laboureurs parlent des terres, ils les diftinguent ordinairement les unes des autres par la couleur , ou par quelque autre qualité de leur fuperficie , qui leur frap. pe immédiatement les fens. Mais la couleur _ne peut jamais faire connoitre la compofition des corps ou leurs principes, defquels feuls dépendent leurs opérations & leurs effets; & ces qualités de la fuperficie réfultent ellese mêmes des parties conftitutives des corps. Nous eflayerons donc de découvrir par les expériences ces parties conftitutives des dif. férentes terres, & en quoi elles différent Iss unes des autres. 89 de la Vévétation. 9 SECTION III. De la bonne terre noire. J E commence par cette forte de terre, parce que Ceft celle où les nourritures végé. tales fe trouvent en plus grande abondance, & que toutes les autres terres ne font bonnes ou mauvailes , grafles ou maigres , qu’à pro- portion qu’elles contiennent plus ou moins de celle-ci. Cette terre, quand elle eft fraichement fouie & un peu moite, a une trés-agreable o- deur, qu’elle perd quand elle eft trop feche outrop humide. C’eft cette odeur qu’on {ent dans la campagne, fur-tout après des pluyes douces, précédées de quelque fecherefle, On attribue ordinairement aux corpufcules émanés des plantes; mais elle vient de la terre mème, car on la fent partout, & elle paroit d’autant plus forte qu’on aproche le nez plus près de la terre. Elle eft probable. ment die aux huiles & aux fels volatils , qui s’élevent en plus grande quantité, lorfque la fermentation naturelle de la terre eft aug- mentée par une humidité ou moiteur conve- nable. HO Principes de l Agriculture C'eft une qualité particuliere de cette terre, qu’elle s’émie aifément quand on la fouit ou qu’on la béche: en quoi elle differe extrèmement de la terre glaile & de la terre fableule. La premiere ne s’émie pas; la {e- conde tombe en pouffiere comme le fable, La terre noire au contraire fe. partage en pe- tites mottes ; & elle paroit avoir le degre @adhérence le plus propre à foutenir les vé. gétaux & à leur permettre en mème tems d'étendre leurs radicules de côté & d’ autre y pour chercher leur nourriture. Ses parties femblent avoir une tendance à fe défunir & à fe feparer les unes des autres: car on ob- ferve que quand on l’a fouie & laiffée à Pair, les foffes d’où on la tirée ne fuffifent plus pour tout contenir: effet qu’il faut attribuer aune fermentation ou putréfiction que Pair y occafionne , puifque fans air il ne {cauroit y avoir de mouvement interne. Cette tendan- ce continuelle à la puirefaétion dans certaines © parties de cette forte de terre , fe fait encore remarquer davantage par fa couleur & par la quantité d'huile qu’elle renferme: car on Açait que Phuile eft le feul & unique fujet de la putréfation. D'où il fuit qu’il doit yavoir dans cette terre un dégré de chaleur propor- tionné au progrès de la fermentation putré- ve & indépendant du foleil & de ja . © de la Végétation. YI chaleur naturelle des parties intérieures de la terre. Une autre propriété de cette forte de ter. re, Ceft qu’elle admet l’eau aifément , qw’el. le fe gonfle comme une éponge quand elle a été humectéc, & qu’elle fe contracte quand elle eft feche, dan les Naturaliftes concluent, qu’elle eft compofée de parties {pongieufes. Jaime mieux attribuer ce gonflement a la fermentation ou mouvement interne, qui eft continuel dans cette forte de terre, & que Peau augmente: cat tous les corps ont une certaine quantité de parties aqueules pour ai- der la fermentation. On remarque que de toutes les terres, celle des marais & fondricres exceptées , la plus noire eft la plus fertile. Cette couleur eft une forte preuve que ces terres conticn- nent beaucoup de matieres grafles & huileu. fes ; car toutes les huiles foililes & végetales , quand elles font mélées avec une grande quantité de terre, font de cette couleur. C’eft à ces huiles qu’il faut attribuer la couleur noire que prennent toutes les fubflances ani. males ou végétales, quand elles tournent à la putrefaétion. L’onctuofité de cette terre, qualité que remarquent les Laboureurs, eft encore une preuve de fa nature huileufe. Cette couleur noire fait qu’elle ne réflechit 12 Principes de P Agriculture que peu de rayons du foleil, & par la mème elle la rend fufceptible d’un plus grand dégré de chaleur que les terres blanches. Nous avons un moyen für de connoitre fi des carps contiennent des parties huileufes ou non, ceftle nitre mis en fufion par le feu. Quoique le nitte ne foit pas inflammable de Jui mème, il le devient dans cet état, & en- tre en déflagration avec les corps qui contien- nent des parties huileufes. Exper. 1. Je pris de cette bonne terrea trois ou quatre pouces de profondeur , dans une plate bande de jardin , où l’on n’avoit ja- mais mis de fumier ; j’y verfai du nitre en fufion, & ce mélange produifit une déflagra- : tion confilérable, Pour découvrir fi cette terre contenoit des parties alkalines ou abforbantes, je fis Pex- perience fuivante. Exper. 2. Je mélai de fort vinaigre avec une double quantité d’eau: je le verfai en- fuite fur cette terre grafle, & il produifit une affez grande fermentation, d’où s’éleverent beaucoup de bulles d’air. Le goût acide fut détruit, & le vinaigre réduit à un corps neu- tre. Cette expérience prouve, que cette terre contient une grande quantité de parties , qui attirent les acides & en font un fel neutre. Jai appris par diverfes expériences, que & de la Végétarion. 15 toutes les terres propres pour la nourriture des plantes contiennent plus ou moins de ces parties anti-acides. Pour {cavoir ce qu’on peut tirer de cette terre par la diftillation : Exper. 3. J'en ai diftillé une demie.livre à un feu modéré. Dans lefpace de deux heu res, jen ai tiré une once d’une liqueur jaune empyreumatique & de la nature des alkalis. Le feu ayant été pouflé très-fortement pen- dant plus de neuf heures, me rendit plus d’une demi once d’une liqueur jaunâtre em- pyreumatique, dans laquelle nageoient des filamens huileux. Elle étoit d’une odeur ap- prochante de lefprit de corne de cerf, & produifit avec le vinaigre une effervefcence confidérable. On peut conclure de cette expérience, que les fels de cette efpece de terre font du genre des alkalis volatils; que ces fels s’y trouvent naturellement , & qu’une chaleur modérée {uffit pour les exalter. Elle eft en- core une nouvelle preuve que cette terre contient beaucoup d’huile , puifqu’elle teint l'eau d’une couleur jaune, qu'elle lui donne une odeur de brûlé, & que dans le fecond eflai on la voit dotter en flamens. 4 Principes de l'Agriculture ST SE EC TION TN De la terre argilleufe ou glaifeufe. {, A terre argilleufe ou glaifeufe différe ex= trèmement de celle dont nous venons de … parler. Comme elle n’eft qu’un mélange d’ar- gille avec la terre précédente, nous allons examiner ici les propriétés de l’argille ou glaife. La propriété diftinétive & caractériftique de ce corps, ceft qu’il contient toujours une certaine quantité d’eau, qui empèche jufqu’à un certain point , qu’il n’en entre davantage dans fes pores. Le fluide ne pénetre l’argille qu'avec peine, par conféquent il ne peut, du moins jufqu’à un certain dégré , Pamollir ni en divifer les parties, ou agir autrement fur elle. Quand elle eft puiffamment compri- mée par une force étrangere ou par fa péfan- teur & fubfidence naturelle , comme elle fe trouve au fond de plufieurs de nos terroirs, & de prefque tous nos marais & fondrieres, elle foutient l’eau & elle lui devient impéné- trable. A proportion donc de la quantité d’ar- gille qu’une terre contiendra , elle réfiftera à l'eau, & l’empèchera de fe filtrer à travers €9 de la Végétation. 15 defes pores, elle tiendra les plantes dans une humidité continuelle, elle en aura plus de peine à être échauffée par les rayons du folei!, & par conféquent elle fera regardée avec rai- fon comme naturellement froide. L’argille expofée au dégré de chaleur d’un jour d'été, fe feche & fe durcit tellement, qu’il faut une force confiderable pour en di. vifer les parties. Cette qualité de l'argile fe fait remarquer encore davantage , quand elle a été long tems imbibée d’eau, & qu’elle. vient a fe fecher fubitement. Les terres ar- gilleufes fe durciffent donc aifément au foleil, furtout fi elles ont été labourées après des pluyes, & dans cet état elles empêchent les racines des plantes de s'ouvrir un paflage & de s'étendre. Cette qualité de l’argille vient de la même caufe , c’eft a-dire, de la fort ad- hérence de {es parties , dont fa grande duc. tilité eft encore une preuve. Mais d’où vient- elle elle-méme, cette adhérence ? Eft.ce d’une certaine configuration de fes parties, qui les tient liées étroitement enfemble &-en empé. che la féparation ? ou de parties huileufes mé- lees avec les parties terreufes; car les parties de l'huile ont une adhérence naturelle & ne fe “hiflent pas aifément pénétrer par l'eau? Je penche vers ce dernier fentiment, parce que jai trouve que largille contient une huile t7 Principes de l'Agriculture. plus épaifle que celle de la terre dont nous ae vons parlé plus haut, très étroitement unie avecles parties terreufes, & difficile à en {6- parer. Exper. 4. Je mèlai de la terre glaife avec du vinaigre: il ne fe fit aucune fermenta. tion & le goût acide fubfifta. Il paroit done qu’iln’entre dans la compofition de la terre glaile ni parties alkalines,ni parties abforban- tes, en quoi elle differe beaucoup dela terre . précédente. Les Chymiftes prétendent pour la plûparé que la glaife contient un acide vitriolique & une huile. C’eft par cet acide qu'ils expli- quent la propriété qu’elle a d’aider à la dif tillation des acides , du nitre & du fel, ainfa que fa vitrefcibilité, parce que les fels fecon- dent puiflamment la vitrification. M. Lemeri le fils dans les Mém. Acad. des Sciences pour l’année 1708, aflure qu'il y @ duns Pargille des parties iuileufes , acides € ter- veufes , & qu’en la pouffant par un feu confidé- vable, il sen échappe des acides 5 des parties buileufes. Pour découvrir par la diftillation ce que la glaife contient , je fis l'expérience {uivante. Exp. §. Je mis dans une cornue une de- mi-livre de glaife feche, prife fept pieds au- deflous de la furface, dans une glaifiere ou- verte &9 dela Vésétatiou. 1? verte pour une briquerie. Je la fis diftiller pendant deux, heures à un feu moderé & j j'en tirai une demi once d'eau pure. Lorfqu’elle eut foufert le feu le plus violent, que je puffe lui doner dans un fourneau portatif, pendant Pefpace de neuf heures ; je trouvai dans le récipient deux dragmes ou gros d’une liqueur tranfparente qui avoit la mème o- deur que Pefpric volatil de corne de cerf, excitoit une effervefcence confidérable avec le vinaigre , & rendoit verd le firop violat: le réfidu étoit rouge. Ainfi au lieu de tirer dela glaife un acide, comme les Chymiftes le prétendent , j'en tirai un efprit alkali vola. til. Ilne paroit non plus aucune forte d’hui- le dans cette expérience, d’où nous pouvons conclure , que s’il y a quelque huile dans l’ar- gille, elle y eft intimement unie & combi. née avec les parties terreufes d’une maniere analogue à ce qui arrive dans les métaux. Qu’il y ait de l’huile dans la glaife, c’eft un fait que plufieurs raifons me portent à croire ; lanutrition des végétaux pour la- quelle Phuile eft néceffaire , l'onctuolité de l'argile, & la propriété qu’elle a de rougir au feu comme les métaux. Exp. 6. Je mélai de la même glaife que dans l'expérience précédente , avec du nitre en fufion, Lorfque je l'y jettois par petits B i 18 Principes de l'Agriculture morceaux, il ne fe faifoit point d’inflammas tion ; mais japperçus diftin@ement des étin- celles quand je l’y jettai en poudre; j’encon- clus que l’argille contient une huile intime. ment liée & combinée avec fes parties ter- reufes. ki Exp. 7. Un morceau d’argille mis dans un feu de cuifine y devint rouge comme un charbon ardent, & quand il fut retiré, il avoit une couleur rouge , qui me parut devoir être attribuée aux parties de fer que cette glaife contenoit. La pierre d’aiman en attira mème quelques parties, mais en très petite quanti- té, Sur quoi on doit fe rappeller que cette qualité dépend de la partie inflammable de ce métal, partie qui lui eft toujours donnée par l’art; & que je n’avois point ajouté d'huile à la glaife dans la calcination. Il ya trés-peu de mines de fer qui ayent naturelle. ment cette qualité, d’être attirées par lai- man. Toutes ces expériences furent faites fur la mème glaife. SR a SY aS SE GŒ MON V. De la terre fablonneufe. C ETTE terre tire fon nom de la quanti. té de fable qu’elle contient. Ses qualités dé- pendent donc de celles du fable. Or ce corps €9 de la Végétation. 19 differe beaucoup des deux frécédens; du dernier, en ce qu’il admet l’eau aifément; & du premier, en ce qu’ilne la retient pas de mème: car laterre noire paroit attirer for- - tement l’eau & rélifter à ce qu'elle s’en échap- pe; au lieu que le fable la laiffe paffer aifé- ment , & qu’il ne fe gonfle pas, mais devient plus mat quand il eft mouillé. Le fable ne re- tient pas l’eau aufli long tems que les bon- nes terres, parce qu’il ne contient point, comme elles, de ces fucs favoneux & mucila- gineux avec lefquels eau fe combine & s’ar- réte. De:là vient que les terres fablonneufes manquent d’une humidité fuffifante pour nourrir les plantes , & qu’elles font fort chau- des, car le fable eft fufceptible d’une’ plus grande chaleur du foleil, & il la conferve plus long-tems que l’eau. Le fable ne fe gonfle point quand on y ajoute de l’eau. Cette qualité dans les bonnes terres vient d’une fermentation intérieure quis’yfait. Or il n’y a point dans le fable de parties fufceptibles de fermentation, & il ne s’en trouve que très-peu dans les terres fablonneufes : auffi manquent-elles des par- ties nutritives néceflaires pour faire croitre les plantes. Au lieu de fe gonfler, le fable a’affaifle quand il eft mouillé , parce que l’eau difpole fes parties plus Sralieceminat de | 2 | 20 Principes de P Agriculture forte que les interftices font plus exaétement remplis qu'auparavant, & que par “conte. guent le volume doit diminuer. " Le défaut des terres fablonneufes eft donc de laifler échapper l’eau trop aifément,. & de contenir trop peu de parties nutritives. De que'ques amendemens qu’on fe ferve pour ces terres , ils doivent corriger l’un ou l’autre de ces deux défauts. La glaife les aidera à re- tenir l’eau , mais elle ne leur fournira pas beaucoup de fucs nourriciers. Les chiffons de laine font très-propres à remplir ces deux objets , parce qu’ils contiennent une grande quantité de fucs mucilagineux , qui fervent tout à la fois à nourrir les plantes & à con- ferver.Vhumidité. Mais l'amendement. qui me paroît le meilleur de tous pour les terres fib'onneules , c’elt la terre des marais & fon. drieres ou tourbe; car elle eft auffi impéné. trable à l’eau que largille, & peut-etre da. vantage; & comme elle n’eft gueres qu’un compofé de végétaux, elle contient plus d'huile qu'aucune autre terre que je con- noiffe. Ce raifonnement eft encore appuyé par un fait. Un Gentilhomme ayant mis de cet amendement dans une petite partie d’un champ , dont le fol étoit léger & fablonneux , Yavoine qu’il y fema la même annnée, & le trefle qui y poufla l’année d’après , vinrent beaucoup mieux que dans le refte du champ. €$ de la Végétatiou. 21 Le fable, tout fec & dur qu'il eft, paroit pourtant compolé en grande partie d’une fubftance huileufe mucilagineule. On va le voir par l'expérience fuivante. — Exp. 8 Le 9 Février je pris 10 grains de pur fable de mer pillé dans un mortier , & je les mis dans une phiole avec une dragme ou gros d’huile de vitriol. Je mis une égale quantité de fable avec une égale quantité d’efprit de nitre dans une autre phiole, & dans une troiliéme phiole la mème quantité de fable avec de l'efprit de fel marin. Le 28. Mars les acides parurent troubles. Je ver{ai un peu d’eau dens chacune des phioles, afin de faire affrifler le fable, & que les parties melécs avec les acides fe féparaffent plus ai. fément, & je trouvai que le fable de la pre: miere phiole péloit fept grains, & celui des deux autres fix & demi. Pour précipiter & {éparer des liqueurs tout ce qui avoit été dif- fous par les acides, je mélai dans chacune autant de cendre de fougere qu’il en fallut pour faouler les acides. Après l’effervef cence , il fe trouva une poudre brunatre au fond de l'huile vitriolique; & une fubltance huileufe au fond des deux autres, entiere- ment diftinguée de Peau. Ce qui fut précipi- té de l’efprit de nitre éroit jaune, & ce qui le fut de Pefprit de fel étoit blanc, La pre- B 3 22 Principes de P Agriculture miere matiere, quand elle fut féparée de Peau, senflamma avec le nitre diflous, ce qui me prouva que c’étoit une ope leufe : la derniere ne s’enflamma pas. J'ob- ferverai ici quela fine poudre de pierre à fufil s’enflamme fenfiblement avec le nitre diffous. La chaux étant un puiffant diffolvant , fur-tout des corps huileux , je m’imaginai qu’elle pourroit produire quelque effet fem- blable fur le fable & le diffoudre en mucilage, & que par-la le fable pourroit fournir une nourriture propre aux plantes : je crus que Cétoit peut être par cette raifon que la chaux & le fable prennent enfemble une confiftence © plus grande, & fe lient plus fortement que les parties de la chaux ne font entre elles lorfqu’elles font feules. Cette conjecture me parutencore plus folide quand je confidérai que les fubitances mucilagineufes & huileu- fes , telles que les blancs d’ceufs, Phnile de baleine , &c. mélées avec la chaux, lui font prendre confiftence. Pour m’en affurer, ; je fis l'expérience fuivante. Exp. 9. On convient que la pierre a fufil eft de la mème nature que le fable. Je pris un certain nombre de petits morceaux de pierre à fufil, pefant en tout une dragme $2 grains & demi, & jy mélai une certaine quantité de chaux & d’eau. Ils refterent £3 de lu Végétation. 23 dans la chaux depuis le 9 Février jufqu’au 23 de Mars. Quand je les eus retirés & fe- chés, je les péfai & j’ j'y trouvai le même poids que d’abord. Exp. 10. Pour voir eel effet le mucilage extrait du fable par les acides produiroit fur la chaux vive, je mélai avec de la chaux vive une petite quantité du mucilage extrait par les deux acides, & j’en formai une pate. Je pris une autre quantité de la mème chaux, dont je fis auffi une pate avec de l’eau {eule- ment. Je laiflai ces pâtes pendant quatre fe- maines, & lorfqu’elles furent entierement feches je trouvai que ni Pune ni Pautre n’a- voit pris liaifon. Ces expériences paroitront contraires aux principes que nous avons établis plus haut. Cette queftion eft fi importante, fur tout pour la conftruction des batimens, qu’elle mérite d’être examinée avec plus de foin. Se a SEC T EON'VNE De lu terre crayeufe. j. dirai peu de chofes de cette forte de terre. Comme elle n’eft pas commune en Angleterre, je n’ai point eu occafion den B 4 24 Principes de P Agriculture xencontrer , & je ne veux rien rapporter fur la foi de ceux qui raifonnent fans s'appuyer fur l'expérience. La craye eftun abforbant, & il n’entre aucunes parties huileufes dans {à compofi- tion, maiselle les attire puiflamment. D'où nous pouvons conclure,que les amendemens les plus convenables pour les terres de cette nature doivent être les corps qui contiennent beaucoup d'huiles , comme les chiffons , les crins , &c. Elles n’attirent l’eau que foible- ment, ainfi elles font en général trop feches. Les Laboureurs ont remarqué qu’elles fe durciffent après défortes pluyes. | A SE CTI ON: Wee Du Taf. C ETTE forte de terre eft rouge ou grife ou jaunatre. Elle ne produit d’elle.méme aucune plante, & n’eft pas auffi aifément ni aufli promptement rendue fertile, que cel- les dont nous avons parlé. Quelquefois mé. me elle réfifte à tous les foins qu’on peut prendre, & rend tous les cfforts du Cultiva- eur inutiles. Ces terres doncnon feulement ne contiennent aucune nourriture pour les % 3 de la Végétaiion. 25 végétaux, mais renferment fouvent un poi- fon qui les fait mourir; autrement on vien- droit toujours à bout de les fertilifer a force d'engrais, Mais quel eft il ce poifon? Celt ce que nous allons examiner ici: car ce ne pourra être qu'après l'avoir connu , que nous fçaurons s’il y a du remede ou non. Jai fait les expériences fuivantes fur quel- ques-unes de ces mauvaifes terres, que m'a- voit montrées un Fermier très intelligent. Exp. 11. Elles produifirent une effervef. cence fenfible avec le vinaigre & Vhuile de vitriol! délayée dans de Peau: elles avoient un goût de fer, & noircifloient avec la diffo- lution de noix de galle. ; _ Exp. 12. Quelques mottes de cette terre calcinées dans un feu violent pendant deux heures, furent prefque toutes attirées par Vaiman. Exp. 13. Elles ne produifirent aucune dé. flagration , étant mélées avec du nitre en fufion. Exp. 14. Quatre onces de cette terre de couleur brune, bien feches, ayant été diftil. lées , donnerent en fix heures deux dragmes d’un phlegme qui parut n’étre ni de la nature des acides, ni de celle des a kalis. Il paroit par ces expériences, que cette forte de terre ne contenoit ni fels ni huiles, 26 Principes de P Agriculture mais qu’elle n’étoit qu’une compofition de parties terreufes & ferrugincufes. Lepoifon, ou mauvaile qualité de ces terres, vient de ce dernier corps, qui, Comme on peut le voir par la premiere expérience , fe diffout dans tous les acides, & qui, quand tl eft ain diffous , pénetre dane les vaifeaux des plans tes. Nous verrons dans la fuite qu’il y trouve des acides. L’expérience fuivante met cette conjecture hors de doute. Exp. 1$. Je pris une livre de bonneterre, & jy mélai une dragme de fel martial: je la mis dans un pot & j'y femai de Porge au com- _mencement de Mai. Quelques grains poule ferent , & criirent à peu près à la hauteur d’un pouce. Ils paroiffoient jaunatres & ma-— Jades, & ne tarderent pas à mourir, tandis que d’autres grains femés dans un autre pot rempli de la mème terre, vinrent très bien. Ainfi unetrès petite quantité de fer, diffous par l’acide vitriolique , fuffit pour rendre fté. rileune grande quantité de bonne terre, & par conféquent il doit être regardé comme le poifon qui ciule la ftérilité des terres dont nous parlons ici. Si l’on peut y remédier, je crois que ce ne peut gueres être que par la marne ou la chaux , qui attireront les acides du fer, & le rendront , du moins en grande partie, indiffoluble dans l’eau, 8 de la Végétation. 27 Quoique le mé!ange du fer avec la terre foit la caufe la plus générale de fa ftérilité, il paroït pourtant qu’elle n’eft pas la feule: le manque des principes néceflaires à la végé- tation doit produire le mème effet. Les Fermiers regardent ordinairement la craye durcie comme une forte de tuf, parti. culierement quand ils la trouvent fous la ter. reenlabourant. Les Laboureurs ordinaires craignent de l’entamer , parce qu’ils la jugent ftérile; mais les plus judicieux ne font point difficulté d’y enfoncer la charrue, ils en prennent peu à peu, & trouvent que la chaux, le fumier & l'air la fertilifent aifé- ment. ARE SEATS I BA A PTS CES ee © — ——— Se CT TOON VATE De la tourbe ou terre des marais ou fondrieres. % n’entrerai point ici dans une difcuflion iur Porigine & la nature de cette terre. On convient maintenant que c’eft une fubftance végétale. L'expérience fuivante en fournit la preuve, Exp. 16. Une demi - livre de tourbe ré- duite en poudre , me donna , par la diftilia- tion, dans l’efpace de deux heites , deux on- 28 Principes de P Agriculture ces d’une liqueur acide empyreumatique de couleur jaune , & qui fit connolire fa nature acide en termentant avec l’huile de tarte par défaillance. Un feu violent continué pendant _ plus de neuf heures, me donna deux drag. mes d’une liqueur rougeâtre empyrcumati- que plus acide que la premiere, & un {crus pule d’une huile épaiffe & noire. Outre cela il fe trouva autour du col de la cornue une — grande quantité d'huile rouge, que fon poids avoit empêché de s'élever plus haut. Le ré- fidu étoit noir. Exp. 17. De la tourbe brulée à fen nid me donna environ trentcedeux parties de fel alkali. Nous voyons par-la que la tourbe donne Yes mémes principes que les autres végétaux, & que par conféquent on doit la ranger dans cette claffe. Le feul moyen de rendre cette forte de terre fertile, c’e(t de réduire les végétaux en pourriture, en labourant laterre, & faifant par là mourir les plantes. Tous les végétaux fe tournent en bonne rerre quand ils ont fouffert un dégré de purréfaction, L’écorce mème du chêne fait de la bonne terre quand elle et pourrie. Les parties fe fépareront plus promotement fi l’on méle avec la tourbe de la terre ou de l'argille; car la tourbe ett — a ee ee ES de la Végétation. 29 d'elle-même ennemie de la putréfaction. Toutes fortes de fubftances végétales & corps d'animaux mis dans la tourbe y font préfer- vés de la corruption pour toujours. On {Gait que les abforbans fervent puiffimment à la putréfaction. Les diverfes fortes de marne quand on peut en avoir, & f{ur-tout celle qui eft formée de coquilles, me parcitroient lengrais le plus propre pour les terres des marais ou fondrieres. La chaux, qui parois être un puiflant diflolvant de toutes les fub- ftances végétales, peutavoir auffi de bons effets fur cette forte de terre. TE SECONDE PARTIE. PREMIERE SECTION. Des moyens que la nature employe pour fournir aux plantes la nourriture végétale, A PRES avoir reconnu & démontré les propriétés des divers fols, Pordre naturel des chofes demande que nous traitions main- tenant de la nature & des propriétés de tous les corps, que nous fçavons par expérience contribuer à fertilifer Ja terre , foit qu’ils y 30 Principes de l'Agriculture {oient appliqués par la nature ou par l’art. Si nous pouvons découvrir quelques qualités communes à tous ces corps, nous patvien- drons plus aifément à connoitre ce qui fait l’objet de nos rechetches , c’eft à-dire , quelle eft la nourriture propre des végétaux , ou du moins quels font les principes qui entrent dans {a compofition. Examinons donc d’a- bord les voyes que la nature prend pour ren- dre la terre fertile. L'expérience nous apprend, que la terre épuilée de nourritures végétales , en recou- vre de nouvelles lorfqu’en la laiffe repofer : preuve que ces nourritures augmentent con- tinuellement dans la terre, quand elle n’en eft pas dépouillée par les plantes. Pour décou- vrir d’où lui viennent ces nourritures végé- tales, il fuit de faire attention à deux faits : le premier, que plus Ja terre eft expofée à Yair, plus ces fucs nourriciers font réparés promptement & en plus grande abondance: le fecond , que quand la fuperficie du fol eft enterrée par le labour, & le fond du fol eXpO- fe à lair, cette nouvelle terre, quoiqu ’en apparence aufli bonne que la premiere, ne produit gueres que de mauvaifes herbes juf- qu’ à ce qu’elle ait reçu pendant quelques an nées les influences bienfaifantes de l’atmof phere. €3 de la Végétation. 53 Les facons qu’on donne aux terres font une preuve de ce que nous venons d’avancer. Les labours brifent , retournent la terre & en expofent les différentes parties à l’influence de lair. Or que ce brifement, cette triturae tion de la terre, par action méchanique du labourage , ne foit pas, comme Tull l’affure, le principal moyen d’augmenter la nourritu- re des végétaux, c’eft ce que prouvent claire- ment deux autres faits : l’un, que le fol mé- me le plus léger s’améliore par le labour: Pautre , que quand la terre en jachere eft dif- pofée en fillons, elle devient plus fertile, & recouvre plus de nourritures végétales que quand on la laiffe toute plate. Cette influence de l’air fur la nourriture des plantes , fe faitremarquerencore davan- tage dans les mottes de terre qu’on éleve en forme de mur autour des parcs à mou- tons. Ces mottes de terre reftent expofées à Pair , qui pafle & repaffe entre elles, pendant plufieurs mois. La terre ainfi expofée de. vient fi prodigieufement fertile,qu’on la dif. tingue trés-aifément à la quantité & au verd foncé des grains , d’avec les parties intérieu- res du parc, quoique bien engraiffées par l’u. rine & le fumier des troupeaux. Il a même été obfervé par les Laboureurs,que cette terre tefte fertile pendant trois ou quatre ans plus $2 Principes de b Agriculture que les autres parties du parc. Lair eft donc le premier moyen que la nature employe pour fertilifer les terres: les meillenres même ont continuellement befoin de fon influence. Nous ne pourrons connoi- de quels principes de Pair dépend la proprié- té qu’il a de fertilifer la terre , jufqu’à ce que nous nous foyons affurés de la nature des di- vers engrais, qui paroiffent opérer en attirant ces principes. La force végétative puiflante & durable, que Pair communique à la terre, doit porter à en faire plus @ufage qu’onne fait communément. Pourquoi ne pas prépa- rer toute la furface d’un champ, comine ces muts de parc dont nous venons de parler ? Toute autre préparation, tout autre en- grais n’opere que deux ou trois ans après qu’on les a employés: celle-ci opere immé- diatement. Un Fermier ne peut, année commune, fumer un acre de terre à moins de § livres, Popération , que je propofe , ne cotiteroit que trente fols. Le fumier remplit la terre de quantité de mauvaifes herbes : no- tre méthode l’en délivre. On ne trouve pas du fumier & des engrais par-tout: notre pra- tique peut être employée dans tous les pays. Elle feroit fur-tout avantageufe dans les ter- res glaifeufes, queles viciffitudes & change: mens fucceffifs de l'air pulvériferoient. La | € de la Pégétarion. 33 Larofée contribue aufli beaucoup à fertili- fer les terres: tous les Laboureurs en con- viennent. Elle eft formée de la tranfpiration de la terre, de celle des vegétaux & animaux dans leur état naturel , & de leurs exhalai- fons, quand ils font dans un état de corrups tion. La chaleur que la terre conferve,.mé- me après que l’influence du foleil eft affoiblie, exalte ces corpufcules atténués ; mais lair, qui fe réfroidit plus promptement à caufe de fa raréfaétion , les condenfe à une diftance médiocre de i fuperficie de laterre, où re- tombent ceux qui deviennent fpécifique. ment plus péfans que air. Les rofées diffé. rent doncentre elles à proportion de la diffé rence des corps d’où elles font élevées, & les principes qu’elles contiennent ne {ont pas par-tout les mêmes. Néanmoins Pexpérience nous apprend qu’elle eft compofée communé- ment dhuiles & de fels, mèlés avec une grande quantité d’eau. Nous verrons dans la fuite de quel ufage font ces principes pour la végétation. L’eau de pluye, fur-tout dans le printems , eft compolée des mèmes ma- tieres. On met avec raifon la neige au rang des corps qui fervent à fertilifer laterre. Jaire- marqué un léger fédiment au fond de l’eau de neige fondue, après lavoir gardée trois 34. Principes de [ Agriculture Ou quatre jours. Lorfque la neige fe fond , fa fuperficie méme fur le fommet des mon- tagnes , eft couverte d’une pouffere brune. L'eau de pluye & de neige fe pourriffent plus promptement que l’eau de fource, preu. ve certaine qu’elles contiennent plus de par- ties huileufes. Exp. 18. Une livre & demi d’eau de nei- ge évaporée me donna deux dragmes d’une li- queur rougeatre, qui n’avoit que peu de goût, & n’annoncoit aucune partie faline. Je la mis dans un fellier pendant quatorze jours, & quand je la retirai je la trouvai cou- verte d’une fubftance moifie. Lorfque cette fubftance fut deffechée, elle prit feu fur un fer rouge, & fe réduifit en poudre: d’où Pon peut conclure que la neige contient une fubftance huileufe. Les inondations dans les terreins bas font encore mis au rang des moyens naturels d’a- mender les terres , foit que les eaux de pluye y tombent directement, ou qu’elles y cou- lent des terreins plus élevés. L’Egypte eft iaondeée tous les ans par le Nil, & devient par-la extrèmement fertile. L'eau de fource eft encore de quelque utilité pour fertilifer la terre , mais elle y contribue beaucoup moins que l’eau des rivieres , principalement de cel- les qui paffent par des pays fertiles 5 parce ES de la Végétation. 39 qu’alors elle eft remplie des plus fubtiles par- ties terreules, que les pluyes ont emporté des bonnes terres. Lorfque les eaux impre- gnées de ces parties terreufes & des fucs favo- neux des terres où elles ont coulé , féjournent dans les terreins bas , ces parties nutritives tombent au fond & les fertilifent. Le Nil dépofe une vafe riche , un limon fertile & fi rempli de parties tendantes à la putréfaion, que fon odeur forte femble être la caufe des fléaux dont l'Egypte eft fouvent affligée. C’eft cette augmentation annuelle du fol qui a élevé le niveau de la terre beaucoup plus haut qu’il n’étoit. C’eft auffi pour la mème raifon que dans tous les pays les vallées font plus fertiles que les terreins élevés; les pluyes emportant toujours des hauteurs une par- tie des matiéres végétales, qu’elles laiflent dans les fonds. L’art imite fouvent la nature dans cette maniere d’améliorer les terres; on conduit Veau des rivieres dans les champs, où l’on les laifle féjourner quelque tems: ce qui fe pratique fur-tout dans le printems, lorfque ces eaux font plus impregnées de parties nu- tritives. Quand elles ont dépolé ces parties , ce qu’elles font en quatre ou cing jours, on les fait écouler entierement, de crainte qu’en s’évaporant par dégrés, elles ne reflerrent C 2 36 Principes de l'Agriculture trop la terre , & n’empéchent l’herbe de pouf. fer. En effet c’eft ce que cette opétation a de plus dangereux , & par cette raifon on ne doit pas l’employer dans les terres argilleufes. Il faut obferver ici qu’il y a des eaux extre- mement préjudiciables aux terres; par ex- emple , les eaux qui paflent par des mines de fer ou de charbon, car les parties ferru- gineufes que ces eaux contiennent font mou- rir les végétaux. Les eaux fulphureufes font auf trés-nuifibles aux terres. Nous ver- rons dans la fuite que le foufre ef un poifon pour les plantes. AS NS Re Sa Olas LE Des engrais ou moyens que Part employe pour fournir a la terre des nourritures végétales. 2 ‘he EXPERIENCE a appris aux Laboureurs que certaines {ubftances jettées fur la terre avec certaines précautions la fertilifent. Ces. fubftances font tirées ou du regne minéral, ou du regne végétal, ou du regne animal. Le regne minéral comprend les diverfes for- tes de marne, les pierres calcaires telles que la pierre à chaux, la craye, &c. & la chaux © de la Vegetation. 97 vive. Le regne végétal comprend tous les végétaux & leurs fucs, foit dans l’état natu- rel, foit dans un état de corruption , les cen- dres des végétaux & lafuye. Leregneanimal renferme les coquillages calcaires dans leur état naturel ou dans l’état de putréfaction, les os, cornes, crins, chiffons de laine, & autres fubftances animales, comme les fentes, urines, &c. Je traiterai par ordre de tous ces divers engrais. Je ne dirai rien de la maniere de les em- ployer , je ne parlerai que de ce qui pourra fervir à faire connoitre comment ils operent, & les qualités par lefquelles ils produifent certains effets fur la végétations des plantes. SE CT ON > LiL De la Marne. 1 C EST un corps foffile, qui au toucher paroi onétueux & gras: il reffemble beau- coup a la terre glaife; & quoiqu'il foit fort différent , on le confond fouvent avec elle. Onen diftingue plufieurs efpeces , que nous renfermerons toutes fous les deux {ui- vantes , l’argilleufe & l’ardoifiere; car celle C 3 38 Principes de ? Agriculture qu'on appelle Marne coquillaire , eft une fubf- tance animale, & par conféquent elle ‘A être placée dans une autre claffe. Les rentes couleurs des marnes ne caufent aucu- ne différence dans leurs propriétés. Exp. 19. C’eft une qualité diftinctive & caractériftique de ce corps, que quand il eft mis dans l’eau , il tombe au fond en poudre. La marne argilleufe fe diffout plus vite que la marne ardoifiere. Cette propriété vient — de ce que fes parties n’ont qu’une foible ad- hérence entr’elles; de forte que l’eau, quoi- qu’entrant avec très peu de force dans Ge po- res , en divile aifément les parties. Cette qualité la diftingue {ufifamment de toutes les autres terres dont nous avons parlé » & pate ticulierement de la terre glaife , qui n’admer pas l’eau fi facilement. La marne étant fi aifement divifée par Veau, qu’elle perd entierement fon adhéren- ce naturelle , il eft clair qu’elle aidera Peau à s'échapper des terres où on laura employée, Les terres glaifeufes, quand elles ont été matnées ; deviennent plus féches. C’eftauffi, je crois , parce que l'eau s’en échappe plus vite , que les terres, quand elles ont été mar- nées , font ainfi qu'on l’a obfervé , moins {u- jettes à la gelée, que quand elles ne l’ont pas ete, | €3 dela Végétation. . 39 Exp. 20. Elle fermente avec tous les diffé. gens acides, & combinée avec eux , elle fe convertit en’un fel neutre. Pendent qu’elle fermente avec l'huile de vitriol, on fent une odeur fulphureufe; forte préfomption qu’elle contient quelque fubftance huileufe. La marne argilleufe m’a paru fe difloudre plus promptement que la marne ardoifiere, & elle détruifit environ un tiers d’acides de plus. Cette propriété qu’a la marne d’attirer & de détruire les acides, eft une de fes qualités diftincives , fans laquelle une terre ne fçau- roit être regardée comme vraye marne. Cette qualité la diftingue auffi de la glaife. Les Laboureurs , gui d'ordinaire font trés-peu exacts dans les termes, donnent fou- vent le nom dé marne à des corps quine fer- mentent pas avec les acides, On ne {cauroit douter que ces corps ne puiffent fervir & ne fervent réellement à fertilifer la terre, mais on ne doit pas {ur cela les regarder comme des marnes. Affurément des corps, dont les uns fermentent & les autres ne fermen- tent pas avec les acides, ne font pas de la mème nature, & ne doivent point avoir le mème nom. Le nom de marne étant donc donné communément aux premiers, on de. vroit en donner un autre aux derniers, pour les diftinguer de la véritable marne, C 4 40 Principes de b Agriculture Exp. 21. Une autre propriété de la mar- ne, qui la diftingue de la terre glaife, Celt qu’on ne {çauroit en faire de la brique. La force du feu l’altére confidérablement: elle y perd fa qualité anti-acide , &n’eft plus diflo- luble dans l’eau comme auparavant. Mais elle differe encore beaucoup d’une fubftance demi-vitrifige; & je ne {cais fi elle pourroit ou ne pourroit pas fe vitrifier en y ajoutant quelqu’autre corps. C’eft une forte preuve qu’elle ne contient ni acide, ni {els alkalis ounentres: car ces matieres mélées avec la chaux , rendent la chaux mème capable d’é- tre vitrifiée. | Exp. 22. Je n’ai pti tirer de ces marnes aucun fel, foit par fimple leffive, foit par diftillation , quoique je les euffe pouffées à un feu irès-violent. Le feu n’en fépara qu’un peu d’eau, qui me porutalkalifante; ce qui venoit peut être des plus fubtiles parties de la marne que l’eau avoit emportées. Je n’ap- perçus aucune huile dans la diftillation : mais Ja poudre de marne jettée dans du nitre en fufon , produifit quelques étincelles. Ces étincelles & l’odeur fulphureufe qui fe fit fentir quand la marne fût diffolue par l'huile de vitriol, me porterdient à croire qu’il entre dans fa compofition une très-petite partie de matiere huileufe. € de la Végétation. 41 Mais, quoique peut-être la marne ne con- tienne aucune huile ,-elle les attire puiflam- ment: c’eft une qualité qu’ont toutes les ter- zxes abforbantes, comme les Chymiftes le fcavent; auffi s’en fervent ils pour féparer les huiles des autres corps. Il fuit de-la que la marne attirera & fixera les huiles qui fe trouveront dans la terre, & qui y feront tombées avec la neige ou la pluye , & mème celles qui flottant dans l'air toucheront a la {uperficie de la terrre. La marne eft donc compofée d’une terre anti-acide, dont les parties font aifément féparées par Peau, &attirées jufqu’a un cer. tain point par ce fluide, lors mème qu'il ne les diffout point, & d’une très petite quan- tité de matiere huileufe. Il y aun corps très. reflemblant à la marne en apparence; mais quien eft fort différent quant à fes effets. On le trouve fouvent dans la même couche que la marne. il eft d’une couleur plombée & noiratre ; & au-lieu de fertilifer la terre, il rend les meilleures mêmes incapables de produire aucune forte de végétaux pendant plufieurs années. Jai vi des morceaux de terre, où l’on en avoit mis, tout.à-fait ftériles trois ans après; j'ai oui dire meme qu’en d’autres endroits ces gmauvais effets duroient encore plus long- Ed 42 Principes de l'Agriculture. tems, & l’on ne fçait pas certainement quand ils doivent finir. Un corps fi pernicieux dans Pageidlieaace mérite bien d’être exactement dépeint & ca- ractérifé , afin qu’on évite d'en faire ufage. Il faut examiner avec foin pour reconncitre d'où provient fa mauvaife qualité, & coms. ment on peut y remédier, quand ila été mus dans une terre. Ceux qui ont le mieux connu la marne, ont déjà remarqué une différence entr’elle, & le corps dont il s’agit ici. Ils ont obfervé que la marne prend un certain poli, quand les ouvriers la travaillent avec leurs outils; ce que le dernier corps ne fait pas : mais cette qualité ne fuffilant pas pour diftinguer affez ces deux corps l’un de l’autre, recon- rons aux expériences , afin de le reconnoitre encore plus fürement. Exp. 23. Qu’on prenne de cette mauvaile terre , une motte qui n’ait pas été long tems expolée à lair, on verra qu’elle a un goût tout a-fait différent de la marne; au lieu que la marne a un goat doux & ondtueux, l’autre corps a un goût acide & tres-aftringent. Ce corps reffemble à à la marne en ce qu’il tombe en pouffiere au fond de l’eau; mais mème alors il differe notablement en ce qu’il n’excite aucune fermentation avec les acides, €S de la Végétation. 43 & qu’il n’en détruit pas Pacidité. Il rend fe firop de violettes rouge , ce qui montre qu’il contient un acide; au lieu que la marne , comme toutes les terres ab{orban. tes , lui donne une couleur verte. Ces qualités fuffifent pour apprendre aux cultivateurs à diftinguer de la marne ce corps pernicieux & à l’éviter. Effayons maintenant de découvrir de quels principes dépend fa mauvaife qualité: car fi nous pouvons en connoitre une fois la nature, peut être trou- verons-nous quelque remede à y apporter ; outre que toutes les recherches de cette natu- re conduifent toujours directement au vrai fyftème de la végétation. Les végétaux, comme les fubltances animales , font égale. ment connoitre leur nature par leurs mau- _ vaifes & par leurs bonnes qualités, D'après mes expériences fur le tuf, jai penfé que la mauvaife qualité du corps, que nous examinons, pouvoit venir de ce qu’il contiendroit quelque fel martial. J'ai donc dirigé vers cet objet mes expériences. Exp. 24. J'en ai infufé dans l’eau chaude, L’eau prit une couleur verdâtre , un goût af. fez acide, & une qualité très aftringente. IL donna au firop de violette une couleur rou- ge.pâle. L'huile de tartre par défaillance que yy mis goute à goute, n’y caufa aucune effer- 44 Principes de? Agriculture vefcence fenfible, mais elle en fépara quel. ques bulles d'air, si décolora & en précipita une poudre d’un rouge-pale, Je mis decette poudre dans uncreuiec, & la laiffaifur lefeu pendant une demi eae Je n’en retira qu’une très-petite quantité, qui mème étoit mélée avec quelques parties de la matiere du creufet; cependant l’aiman en attira quel- ques particules , preuve quelles contiennent du fer. La liqueur évaporée me donna un tartre vitriolé. L’infufion pure nechangea point de cou- leur quand jy mis dela noix de galle : mais ce n’êtoit pas une preuve que la liqueur ne contenoit aucun fel martial; car un feul acie de détruit cet effet de la noix de galle, & nous avons déjà vii que cette liqueur en con- tenoit quelqu'un. Pour détruire cet acide, je verfai de Vhuile de tartre par défaillance, dans le mélange de linfufon & de la noix de galle. Il prit auffitét une couleur brunatre ; il fe fit une précipitation abondante, qui en vingt-quatre heures devint de couleur de’ pourpre. Je fis bouillir dans l’eau une certaine quan- tite de cette terre pendant une demi-heure. Je la paffai & Pévaporai. Il me refta une fub- {tance {aline blanche, dans la proportion de fix grains pour chaque once, & qui avoit ES de la Végétation. 45 précifément le mème goût que le fel martial, Cette fub{tancefaline diffoute dans l’eau don- - na au firop de violette une couleur verte, comme fait le fel de Mars, & prit une cou- leur noire foncée avec les noix de galles : preuve fuffilante que c’étoit un fel martial, Et fa couleur ne peut faire ici une objection 3 car le fel de Mars réduit en poudre par la tri- turation , l’évaporation, &c. eft blanc, & le mien étoit en poudre. I! paroït donc hors de doute que cette fubf- tance eft compofée d’un corpsterreux, fem. blable à largille , avec un quatre vingtieme de fel martial, & une trés-petite quantité d’a- cide vitriolique. D’autres expériences, que j'ai faites, m'ont appris que les mauvais ef. fets de ce corps ne viennent point de cet acide vitriolique, principalement parce qu’il pa- roit y être très-volatil; & d’un autre côté nous avons déjà reconnu la pernicieufe qua- lité du fel martial. On ne doit pas être fur- pris que ce corps agifle ici avec tant d’effica- cité, fi l’on confidère en quelle quantité on le jette fur les terres, & combien il contient de fel: le fol doit en être entierement im. pregne. Mais comment corriger cette mauvaile qualité , fi par méprile on venoit à employer ætte matiere ou quelqu’autre femblable ; d 46 Principes de l'Agriculture ° | car le charbon de terre produit lesmèmesef. fets par la mème caufe ? Il paroit qu'il n’y a point d’autre remede que d’en décompofer tellement le fel, que la partie ferrugineufe — ne puifle plus fe diffoudre dans l’eau. L’airen volatilifant les acides , & en féparant les par- ties de fer , produit peu à peu cet effet furle fel martial diffous dans Peau; mais dans le cas préfent , l’acide ne pourra agit fur les fels, à moins que la terre ne foit fréquemment re- tournée; & même alors la plus grande par- tie du fel fera défendue par les parties hui- Jeufes de laterre. La marne me paroit le vrai remede: car cette terre abforbante ayant, avec l’acide vitriolique, une plus grande affinité que n’en a le fer, elle s’uniraavec l’a- cide, {éparera les parties de fer, & les rendra indiffolubles dans Peau, & par-là mème in. capables de pénétrer dans les vaiffeaux des plantes. La plus grande partie des bons ef. fets de la marne {ur les terres, Vient peut- être particulierement de celui-ci; c’eft.à-di- re, de la deftruction d’un corps, qui pro- portionnellement à fa quantité, détruit toute végétation. | PRIE €5 de la Végétation: 47 EE ES ET CN eS 4 SECTION IV. Des corps calcaires non brilés , @§ de la chaux VIVE. E A craie eft reconnue par la plûpart des Ecrivains comme un engrais propre aux ter- res humides & argilleufes. Ce corps divife la terre & lattenue: il y produit des cavités & crevaffes; il la tient {éche, &, comme parlent les laboureurs, il l’adoucit. La craie la plus douce & la plus onctueufe eft la meil. leure. Les fermiers croyent qu’elle épuife extrèmement la terre; & par cette raifon, ils croyent communément qu'il faut en mè. me-tems y mettre du fumier. La pierre à chaux en gravois eft fouvent employée com. me engrais dans l’Irlande. Ces corps calcaires ne fe diffolvent que par les acides. Lorfqu’on les méle avec eux, il furvient une forte effervefcence , la folution du corps fe fait, & de leur union réfulte un fel neutre. Ce fel neutre eft toujours diflo. luble dans l’eau, à moins qu’on ait fait ufage de l’acide de vitriol. Les pierres calcaires, quand elles ont paffé par un feu ardent, fe convertiflent en chaux 48 Principes de? Agriculture vive, matière dont les Laboureurs font fow> vent ufage. Alors elles attirent les acides beaucoup plus fortement qu’elles ne faifoient auparavant; & peuvent jufqu’a un certain point, fe diffoudre dans l’eau fans le fecours desacides. Ce n’elt pourtant pas de ces pat- ties folubles que dépend la qualité qu’elles ont de fertilifer la terre: car elles n’y pro- duifent aucun effet fenfible, finon qu’elles font mourrir les vers la premiere année, où ces parties font le plus folubles dans l’eau. Pro- bablement la chaux weft plus vive ni foluble, cs elle commence à agir fur la terre, & qu’elle y feconde la vegetation. La chaux des vicilles maifons ? & qui pour lors a perdu toute fa force, paffe pour meilleure que la chaux vive toute fraiche. Il ya une forte attraction entre la ae vive & tous les corps huileux: elle s’unit immédiatement avec les huiles; c’eft par cette raifon qu’on s’en fert dans les manufac. tures de favon, pour procurer & conferver l'union des fels alkalis & des huiles. Elle doit donc attirer puiflamment , tant de l'air que de la terre, les huiles qu’elle y trouve, les diffoudre, & les rendre propres à fe més ler avecl’eau- Ainfi elle épuife promptement toutes les parties huileufes de laterre, fi les Laboureurs ne prennent foin d’y fuppléer pat "4 4 + ep dela Végétation. 49 par le fumier & par les fubftances animales. L'expérience leur avoit appris que la chaux appauvrit les terres; mais ils ignoroient comment elle produit cet effet: elle l’opere en épuifant les huiles de la terre. La chaux mife dans une terre épuifée par de continuel- les récoltes, la détériore donc plûtôt qu’elle ne l’amêliore ; parce que ne trouvant plus d'huiles fur lefquelles elle puiffe agir , elle agit fur la terre mème, & l’affoiblit. Le meil. leur remede contre cet inconvénient , c’eft de méler du fumier avec la chaux, afin quelle trouve fur quoi agir. La chaux eft un puiffant diffolvant de tous les corps , tant végétaux qu’animaux , mais fur-tout des derniers. On fçait avec quelle promptitude elle réduit les crins, les chif fons de laine en une fubftance pulpeufe, Cet effet eft fi prompt que dans le langage or- dinaire on dit qu’elle les brûle. Elle opere af. furément de la mème maniere dans la terre , en y diflolvant toutes les fub{tances animales & végétales, qu’elle change en nourriture des végétaux beaucoup plus vite qu'ils ne pourroient le devenir fans cela. Elle réfifte puiflamment à la putréfaction , ainf que Pexpérience le démontre. On a donc tort deméler comme on le fait quelque fois , lachaux vive avec des fumiers, qui ne Go Principes de P Agriculture. font point fuffilamment putréfiés, car elle Jes empéchede le pourrir davantage. Quand Ja putrétaction eft achevée, ce mélange peut produire plufieurs bons effets, & particulie- rement celui de fixer les huiles & d’en em- pécher la volatililation. On a obfervé que la chaux s’enfonce tou- jours dans laterre; de forte qu’en peu d’an- nées on en trouve la plus grande partie fous terre à la profondeur de lacharue; ce qui vient de fagravite fpécifique. Les Laboureurs ont encore obfervé que durant les trois premieres années, la chaux produit de meilleurs effets dans les terres lé. geres & uoreules , que dans celles qui font plus fortes & plus denfes; mais ce termi paflé, fon opération s’affoiblit. L'air pénetre plus aifement les fols légers ; & comme les bons effets de tous les engrais dépendent de Yair , {on influence doit être plus grande dans les terres poreufes que dans celles qui fone plus compactes; mais auffi les terres legeres étant plus poreufes , la chaux pañe:prompte- ment à travers. HORS CF dela Végétation. st oe TION: Des vévétaux tant dans Pétat naturel que dass un état de putréfaction , &3 destas de fumier. N OUS allons paffer maintenant aux en. grais tirés du regne végétal. Tous les végé. taux , exceptés quelques-uns qui font perni. cieux , nourriffent les plantes. La poudre de dreche eft regardée comme engrais excel. lent: l'écorce d'arbre & la fcieure font re. . commandées par quelques Ecrivains : Cola. melle nous apprend que les Anciens jettoient fur leurs terres les lies d'huile d'olive, & trouvoient qu’elles y faifoient beaucoup de bien. Et affurément il n’eft point étonnant que les fucs des végéraux déjà préparés par: une forte de coction , deviennent un aliment pour d’autres végétaux. Mais il faut beau. coup de tems avant qu'ils puiffent ètre réduits en parties affez délices & affcz fines pour pou. voir entrer dans les vaifleaux des plantes. La putréfaétion elt le moyen le plus prompe & le plus efficace pour y parvenir. On voit par là pourquoi la chenevotte, ou partie |i- neufe du lin, ne produit pas de bons effets fis les terres: c’elt que les fucs en ont déjà été D 2 {2 Principes de l'Agriculture extraits par la putréfaction que lelin a éprous vé lorfqu’on l’a roui, & qu’il n’y refte plus que la terre. 4 Les differentes efpeces d’herbes marines font auffi fort bonnes pour les terres, fur. tout lorfque ces herbes font d’un tiilu doux & pulpeux, & fe diflolvent aifément: d’ail- leurs iln’y a point de plantes qui contien- nent autant de fel & d’huile à proportion de leurs parties terreufes. Les fels y font en fi grande abondance, que lalgue , quoique très-feche, ne brûle pas aifement: car tous les fels, excepté le nitre, font, comme on {cait , ennemis du feu. On a remarqué que les huiles s’y trouvent auffi en grande quan- tité, & c’eft ce qui fait que cette plante, mal- gré fes fels, fe pourrit fi promptement. Ses cendres font compofées de parties à peu près égales de fel alkali, de fel marin, d’une ‘fubftance huileufe, & de terre. Le fumier a été probablement le premier engrais employé par les Laboureurs, parce . . que tous les végétaux fe convertiffent d’eux- memes en fumier , & que le hazard en aura fait connoitre plûtôt les bons effets. Ceft maintenant l’engrais le plus ufité. La ma- niere dont il fe forme eft donc un objet digne de notre attention, & peut ouvrir des vües utiles fur ce qu’on doit obferver en faifant les eas de fumier. ” @3 de la Vegetation. 53 La putréfaction eft définie par les Chymi- ftes un mouvement interne des patties d'un corps , par lequel l'union, le tiffu, la cou- leur , l'odeur & le goût de ce corps font dé. truits, Il n’y a point de changement plus com: mun dans la nature , que le paflage des corps d’un état fain à un état de corruption. Tous les végétaux acides, acefcens, alkalefcens, aufteres, aromatiques , infipides , froids ou chauds , y font fujets, & finiflent ordinaire- ment par fe corrompre. Les alkalefcens tels que les oignons, le celeri, &c. tendent im- médiatement à la putréfaction fans pafler par les deux autres fermentations; mais les acef. cens peuvent recevoir d’abord la fermenta-~ tion vineufe , & en général ils paflent d’eux- mêmes par l’aceteufe avant Ja putride. Les animaux font continuellement menacés de putréfaction , & ils y tombent dès que Ja mort empéche la circulation & l’admiflion de fucs frais. Les animaux & les plantes alkalefcen tes manquant de l'acide qui abonde dans les plantes acefcentes, ont une forte tendance à la putréfaction, qu’on {Gait être arrètée ou prévenue par lesacides. Après les excrémens qui y font déjà dans un haut dégré de putré- faction, le fang eft de tous les fluides du corps, le plus aifé à fe putréfier; après le D 3 od f4 Principes de P Agriculture fang c'eft Purine , & enfuite les folides. La putréfa@tion ne s’opére que par le conte cours de trois caufes, l'humidité, la cha. leur & Padmiffion de Pair étranger. L'humi- dité eft néceflaire pour amollir les fibres des plantes , & les rendre fufcéptibles d’un mou- vement interne: c'eft pourquoi la paille {che ne fe pourrit point. La chaleur eft auf fi néceflaire pour exciter fe mouvement in- terne, qui conftitue la putréfaétion. Le froid , qui arrète ce mouvement , eft enne- mi de la putréfaction. I faut encore que lair extérieur s'infinue dans les parties du corps, qui fe pouriit, parce que le mouvement in- terne ne commenceroit point fans le fecours de l'air. C’elt par cette raifon que les corps qu’on empêche d’éprouver le contact immé: diat de air extérieur, foit enles tenant dans un récipient pompé, ou en les couvrant de graifle, font préfervés de corruption. | Outre la fecherefle, le froid & le manque d'air, plufieurs autres chofes réfiftent encore: à la corruption. Mais il n’y a aucuns corps qui y foient plus contraires que les fels en général, foit l’alkali, foit le neutre ou Paci- de, & fur tout ce dernier. Le fiege propre, ou le fujet de la corrup- tion, paroit ètre dans les parties mucilagi- neufes ou huileules: car plus un corps con. f #0 & de la Vegetation, $5 ae, Pe tient de ces parties, plus il fe corrompt 7 promptement , toutes proportions g vardées. Ainfi l’eau remplie des parties muc: agineu- fes d’une terre graile » fe corrompt plus vite que celle qu’on tire d'un fol fablonneux. Le progres naturel de la putréfaétion dans les végétaux s’opere de cette maniere. Ils commencent par s’échauffer au centre, & rendent une odeur forte & acide, qui pros vient de la fermentation acéteufe. La cha. leur augmentant, cette odeur fe diffipe , & il lui en fuccede une très fœtide. Leur cou- leur, fielle étoit claire, devient noire; & plus la putréfa@ion avance , plus cette cou- leur noire devient foncée ; ils perdent leur goût diftindif, & en prennent un défagréa- ble & cadavereux. Leurs fibres , qui avoient un certain dégré de fermeté , le perdent promptement. I! ne fubffte plus d’adhéren. ce entre les petites parties dont elles font com. pofécs , & elles fe changent en une pulpe pu- RP enfant lee circonftances générales dont la putréfaction eft accompagnée. Si après la putréfaétion on examine les vé. gétaux par la voie dela chymie, ils donnent des principes très différens de ceux qu'ils donnoient auparavant, Leurs fils de £xes qu'ils étoient, deviennent alors vo'atils, & leurs huiles plus volatiles & plus fœudes D 4 6 Principes de l'Agriculture qu’elles n’étoient d’abord. L’odeur fœtide des corps putréfiés doit être attribuée aux huiles fœtides & volatiles qui s’en exaltent continuellement; cette grande volatilité de leurs fels & de leurs huiles, vient de ce que ces deux fubftances font alors plus atténuées qu’elles ne Pétoient auparavant. Il n’eft pas facile de dire comment la Netu- re produit ces changemens. L’explication la plus commune & la plus plaufible , ceft que les petites particules d’air qui fe trouvent renfermées en grande quantité dans tous les corps, s’échappant des fibres des végétaux amollis par Phumidité, & étant fans ceffe agités par la chaleur & par les continuelles altérations de la preflion de l’atmofphere, excitent un mouvement interne dans le corps. Ce mouvement occafionnant un frot-. tement continuel entre les fels, les huiles & les partiesterreufes de la lanes doit les bri. fer, les atténuer & exciter un grand degré de chaleue: Les parties huileufes , altérées par la chaleur, acquierent une odeur fœtide, & en s’uniffant avec les particules d’air qui s’echappent du corps putréfié, elles devien- nent plus volatiles , & affectent le fens de Po- dorat. Il eftaifé de voir quele mouvement interne doit détruire toute Padhérence des fibres & de leurs parties, & qu’ainfielles doi. °F de la Vésétation. LG 7 vent fe eonvertir en une fubftance pulpeule. Les huiles & les fels ayant entre eux une liaifon & une affinité naturelle , doivent s’u- nir enfemble, & par conféquent ceux-ci em- portés par la volatilité naturelle des huiles » doivent devenir volatils , de fixes qu ‘ils é- toient auparavant. Cette théorie, ou explication de la putré. faction, eft tout-a fait plaufible, quoiqu elle foit encore , car il faut en convenir, fujette à plufieurs objections. En effet la chaleur & le poids de Patmof{phere , doivent faire fur les corps que l’on conferve par le moyen de Yhuile, autant d’impreflion que s’ils n’en é- toient pas enduits. D'ailleurs on ne voit pas que les végétaux, qui font plus fujets que d’autres à fe corrompre, contiennent plus d'air que ceux qui font moins fujets à la pu- tréfaction. Enfin lair fixe des végétaux n’eft point chaffé par la chaleur, & l’on n’apper- coit ici aucune caufe quile mette en liberté. Il eft difficile de trouver quelque chofe de certain dans ces obfcures fpéculations. Pour moi, il me femble que le premier moteur de Ja putréfaction eft le feu élémentaire renfer- mé dans tous les corps, lequel eft mis en mouvement parla chaleur extérieure de l’at- mofphere. Ce mouvement détache les pas. ties & les fépare ; Vair fixe devenant alors 58 Principes de l'Agricultive | | éluftique , brife les vaifleaux des plantes. On voit bien plus aifcment le bun & lai fin que l’Aureur de la nature s’eft propolés dans la putrétaétion, que les moyens quil employe pour lopérer. Siles végétaux nés toicnt détruits. que par une force extérieures Ja plüpart de leurs parties refteroient dans leur premier état, & par conféquent feroient un poids inutile dans la nature; & s'ils 6 toient détruits par une fermentation inté= rieure . mais {uns que leurs parties fe volati- lififlent, ces parties , auxquelles ils auroient été réduits, feroient continuellement déta.. chées dé la terre par les pluyes, & entraf- nées dans la mer; & par confequent ellés: ne pourroient être que d’une médiocre utilis té pour la nourriture des plantes. Le seul Iyltème convenable étoir done celui que nous veyons s’exccvter. Les huiles & les fels, de fixes qu’its font, deviennent vo- latuls, s'élevent dans Pair, & en retombene pour feruilifer la terre d'üils venoient @étre enlevés, La corruption cft donc la mere de la’ végétation, & ne pouvoit Petre que de lai maniere qu’elle left. Ainli quoiqu’elle pa- roifle un mal dans la nature, dont elle nous montre la deftrudtion; quoiqu'elie foittrès- defagréable aux fens, & fuuvent préjudicia. ble à la fanté, elle ef néanmoins d'une wti- j €3 de la Végetation. 59 Été beaucoup plus grande que les deux autres fermentations, en ce qu’elle nous procure la nourriture dont nous avons beloin, & forme ce cercle admirable, que la nature parcourt fans cefle par l’ordre de fon grand Auteur & conftant Confervareur. Les (ubitances putréfiées font toutes de mature alkaline; il eft vrai que lefel aikali y eft fouvent tellementinvilqué de parties hui- leufes, qu'ila peine à fermenter avec les aci- des, C’eft ce qui a fait que quelques Auteurs ont avancé, que les fubftances putréfiées n’é- toient point alkalines: affertion contraire a Pexpérience. On fçait avec quelle facilité wne chaleur modérée éleve les {els volatils des corps putréfiés. S'ils n’exiftoient pas, æette chaleur ne les produiroit point, mais elle fuffic pour les élever quand ils font une fois formés. La fiente de pigeon étant le fu mer le plus fort (car les fubitances végétales & animales deviennent égales quand elles font putréfiées) on y trouve plus de fels alka- his que dans tous les autres. J'ai vu la luper- ficie de cette fiente couverte d’un fel blanc, qui avoit une odeur auff forte que le {el vo- hatil de corne de cerf; & fi lon fe fent les yeux mouillés quand on entre dans un pi- geonnier , c’eft parce que Pair y eft rempli defels picotans qui voltigent. Les fubitan- Go Principes de l'Agrieultive ces bien pourries fermentent avec les acides: M. de Reaumur parlant de feuilles de Vignes qu’il avoit amaflées pour les faire pourrir , dit , que quand elles eurent été pourries ju£- qu’au point où elles perdent leur nom, elles fermenterent vivement & fubitement avec les acides qu’il verfa deflus : aulieu que left — prit de nitre verfé fur des feuilles feches ow qui ne faifoient que commencer à fe pourtir, n’y produifit aucune fermentation fenfible. Cette expérience met abfolument la quef- tion hors de doute. Les Laboureurs ont découvert par un long: ufage, que les fientes de divers animaux dif- férent beaucoup, quant à la quantité qu’il en faut employer, & quant aux terres où ib convient d’en faire ufage. Il faut une plus petite quantité de fiente de pigeon: que de toute autre; & l’on ne doit gueres l’emplo- yer que dans les terres froides & humides. La fiente de cochon & de brebis femblent , par expérience , devoir être préférées 2 à toute autre, Ces différens effets dépendent des différentes quantités d’huiles & de els volae tils que ces fientes contiennent; & ces huiles: & ces fels eux-mèmes dépendent des diffé- rentes nourritures des animaux, du tems qu’elles {éjournent dans leurs inteftins, de la nature des fucs qui s’y mélent avec les (+ À A ae ~ PP ee 4 J | + €? dela Végétation. 61 alimens , enfin de la chaleur naturelle de leurs corps. Faifons ici que'ques obfervations prati- sae fur Ja maniere de faire les tas de fumier; at eft un objet de la plus grande impor ‘asi » & fur lequel les Fermicis paroifent fort peu inftruiis. Les végétaux fecs ont befoin d’un dégré confiderable d'humidité avant qu’ils puiffent pourrir, Je fuis perfuadé qu’on tient ordinai- rement les tas de fumier trop {ecs : on les met communément fur des hauteurs & ils font eux-mêmes très-élevés. Des fonds, des trous qui retiennent l'humidité conviennent bien mieux. L’excés d'humidité n’eft pas moins préjudicizbie. Pour remédier à cet in- convénient , il fera bon de pratiquer à côté des tas de fumiers, des trous dont le fond bit revètu de terre glaife > Où l’eau qui eft de trop puifle s’écouler, & d’où l'on punfle la rejetter fur le fumier quand on le jugera à propos. La fituation ordinaire des tas de fumier a encore un autre inconvénient: celt que les fucs des fumiers , diflous par l’eau , font con- tinuellement emportés par les pluyes, & que par conféquent les alimens des végétaux fe trouvent pérdus pour la plus grande partie, ou méme tout-a-fait. Ceft doncun mauvais 62 Principes de l'Agriculture confeit que celui du journal Oeconomique de placer les tas de fumier fur des pentes, Une foie , ou large trou dont le fond foit re- vècu de terre glaife eft plus favorable a lap tréfaction. Rp: Le foleil & le vent emportent les fels & huiles volatiles , & le trop grand air retarde. plütôt la putréf:ction qu’il ne Vaccélere. Je crois donc qu’il {eroit fort à propos de mettre Je fumier à ombre & de l’environner d’ar- bres. Cette fituation renfermée & humide hatera la corruprion. J'ai vu des Fermiers qui recommandoient de couvrir de terre les tas de fumier , afin d’empécher les parties volatiles de s’échap. per; mais comment le faire, quand on a tous les jours de nouveau fumier à ajouter au tas? Il eft vrai que le fumier pourriroit plitéc, mais auf on perdroit l’influence de d'air, qui feul le rend propre à nourrirles plantes. Les effets del’airfurdes tas de fu. mier doivent être confidérables , car le fumer eft très-poreux. Je conviendrois plus aifé- ment avec ces Fermiers d’uncautreoblerva- tion; {çavoir, qwil eft bon d'y laifler un li. bre accès aux vents de Nord & WEft, dur. tout pendant Vhyver. Nous verrons par'la fuite qu’on a decouvert par expérience que ces deux vents, principalement en byver, ‘au GS de la Végésarions 63 ; font plus impregnés que tout autre de la nourriture que Pair fournit aux plantes. La putréfaction fe fait ordinairement avec lenteur; ce qui fait que fouvent une grande partie du fumier eft tirée dutas, avant d’être ‘entierement pourrie, & qu’ainfi elle n’eft pas{ufifamment préparée pour les végétaux. Aine feroit donc pas inutile d’accélerer la cor. ruption, fi l’on connoiffoit quelque moyen de le faire aifément. Or il y a des levains pour la fermentation putréfaétive comme pour la fermentation vineufe. Stahl nous affure qu’un corpsen pourriture la comuni- que facilement à un autre, qui en feroit exempt, parce quecelui qui éprouve déjà ce mouvement ‘interne de fes parties, occa. fionne facilement la même agitation dans Vautre corps, qui , quoiqu’en repos, ne laiffe pas d’avoir une tendance vers ce mouves ment. Les fubftances animales déjà pourries, telles que les urines , fientes , carcaffes d’ani- maux, &c. font les vrais fermens putrides. Si l’on conduit le piffat des chevaux & des be- tes à cornes dans des rélervoirs, qu’on l’y laiffle fermenter quelquetems, & qu’enfuite on le jette fur le tas de fumier , la termenta- tion s’y fera plus promptement. Les corps putréfiés font d’une nature très- Gt Priscipes de l Agriculture volatile, de forte que sils reftent expofés% un air fec & chaud, leur volume diminue — confidérablement jufqu’a ce que toutes les parties volatiles étant emportées , il nerefte plus qu’une terre trés-abforbente. D'où Pon doit conclure que les tas de fumier ne doivent pas être gardés long tems après qu’ils ont été fufifamment putréfiés, & qu'il ne faut pas laiffer le fumier fur la fuperficie de la terre dans un tems chaud,comme on fait fouvent , mais qu’on doit labourer auffitôt, fi le fumier y aété mis par un tems fec. Quelques Fer- miers aflurent, d’après plufieurs obfervations qu’ils en ont faites, que le fumier quand il a été étendu cing ou fix femaines fur la fu- perficie de la terre, la fertilife beaucoup plus que quand on la laboure auflitôt après pour y mèler le fumier. Si cette obfervation eft vraie, l’hyver & le printems feront les fai. fons les plus propres à étendre les fumiers. Un léger labour , après qu’on a mis le fu- mier , fembleroit le meilleur moyen de fe procurer les avantages & d'éviter les incon- . véniens de l’une & de l’autre méthode. La vafe des étangs & le limon des foffés doivent être mis au rang des corps putréfiés , parce que ces matieres font compoñées de terre & de parties de végétaux putréfiées. SECTION 4 € dela Végétation. 6; AE Le: s DAS > rte er SE CT i 0 N VL D eee: Des engrais tirés des végétaux brulés. h ous fe Végétaux réduits et dates par Paction du feu , fourniffent beaucoup de nourriture pour les plantes, & fpécia! entent pour Pherbe# car leur a@ion étant très- “prompte, elle fe fait femarquer plutôt fur les herbages que für les terres abled. La: chy. mie nous apprend que ces cendres font conte pofées d’une terre indiffoluble & d’un fel ali kali; & que ce dernier corps attire les acides lus puiffamment qu "aucun autre, Les cen- dé fougere contiennent plus de {el qu’au. … eun végétal qui me foit connu. On en tire un fixieme de fel alkali: elles font donc les plus propres pour cet ufage. Aux manufactu- rés d’alun , pres de Scarboroug , le rebut de ces cendres,après qu’on en a tiré prefyue tout Je fel, eft encore acheté par les fermiers 2 liv. 4. { la charrettée. Les rebuts des nranu- factures de favon & des blanchifferies font aufli de très bon engrais. Les cendres de tourbe, defquelles on fe fert ordinairement, ne donnens gucres qu'un trente.deuxieme 66 Principes de P Agriculture de fel, & font les plus foibles que je con: noifle. % Nous ne devons point oublier ici Pufage de mettre le feu aux inottes de gafon ou fu- perficie delatefre ; ce qu’on pratique pour améliorer les terres maigres. Les Laboureurs croyent que par cette opération on chaffe un fic âcre, que la terre a contracté, en reftant — long-tems fans être labourée. Ils recomman- dent furtout cette pratique pour cette forte de terre; car ils s’accordent tous à dire qu'elle eft préjudiciable aux bonnes. Mais je crois que lutilité de cette pratique vient plu. tôt des fels alkalis qu’on exalte en brûlant les racines des plantes; car Jes Laboureurs re commandent de ne point faire pénétrer le fen plusloin que ces racines; & on a éprouve que plus il y ade racines , ce qui arrive dans les terres qui font reftées long-tems fans être labourées, plus le feu y fait de bien. Il yaencore un autre engrais, quele feu nous procure , & dont nous ne devons pas manquer de parler dans cette Section à las quelle il appartient; c’eft lafuye, Onatrou- vé par des expériences de chymie, que la fuye eft un compolé de fel alkali volatil, d'huile & d’un pen de terre. Ses effets fons .très-prompts; ils fe font fentir auflitôt après les premieres pluyes. _ €3 de la Végétation: 67 Re eee ou 5 See — SECTION VIL Des engrais tirés des fubftances animales. T OUTEs les fubftances animales ferti- lifent prodigieufement la terre; tels font le fang, les tripes, les urines, &c. parce que ces matieres fe pourriffent aifément. Comme nous avons déjà parlé des fientes, nous n’en dirons rien ici. Mais il y à d’autres fubftan- ces animales , telles que les cornes, les crins , cheveux, foies, laines, &c. que leur texture ferme paroît rendre moins propres à fe pourrir. Toutes ces matieres contiennent une grande quantité de fub{tances mucilagi. neufes & gélatineules , diffolubles dans eau, d’une nature favoneufe , & compofées, à ce qu’il paroit par les expériences chymiques, de fels & d’huiles intimement unis , & qui demandent beaucoup d’eau pour être diffous. Cette fubftance mucilagineufe doit donc être une nourriture propre aux plantes. On attribue ordinairement l’action de ces engrais ala propriété qu’on leur fuppofe de ®@imbiber de rofée , & d’entretenir de l’humi- dité dans la terre. Mais les chiffons de laine, E 2 &g Principes de l'Agriculture à caufe de leur fubftance huileufe, repou£. Tent plutôt l'humidité qu ils ne Pattirent: & s'ils ne fervoient qu’à attirer Peau, & entre- tenir de l'humidité dans la terre, les chiffons de linge y feroient autant de bien; ce qu'ils ne font pourtant pas. Les chiffons de laine étant communément plus employés dans les terres crayeules, qui {ont naturellement {é. ches, on s’eft imaginé que c’étoit pour les tendre plus humides: mais ce dont ces ter- es ont le plus de befoin, c’eft d’une fubftan- ce mucilagineufe dont ces étoffes font ples nes. Les coquilles, telles que cellés des huis tres, des pétoncles , &c. doivent être comp- tées parmi les fubftances animales. Elles font long-tems à fe diffoudre; mais on aobe fervé qu’au bout de fix ou fept ans, elles ren. dent la terre fi tendre & fi meuble , qu'il faut la laiffer fe raffermir pendant un ou deux ans , autrement elle ne pourroit foutenir les bleds. Cette expanfon de la terre vient, comme on va le voir, dela force expanfive de la marne coquillaire. Les différentes co- quilles font un compofé de parties calcaires propres à être converties en chaux vive par ie feu, & de parties d’huile animale. Ii faut examiner ici le corps appellé marns coquillaire, qu'on range communément, ‘ &5 de la Végètation: 69 quoiqu’improprement , dans la claffe des gnarnes. On devroit plutôt le mettre parmi Tes coquilles; car ce n’elt proprement qu’un amas de coquilles putréfiées. C’eft une fubf- tance blanche & légere: ellea de Podeur, & paroit aux yeux compolée d’une mnultitéde ce petites coquilles. Elle fe rencontre ordi. nairement à un ou deux pieds de profondeur, dans les terreins bas qui ont été autrefois fubmergés. Jait trouvé dans un étang un des animaux qui vivent dans ces coquilles. Ils font fort rares maintenant ; mais ils doivent avoir été ici très. communs. Il paroit qu’ils ont été détruits dans la plûpart des pays par quelque fléau général,dont Pefpece a été affi- eée. Les terres que ces eaux ont dépolées, auront enfeveli ces coquilles à cette profon- deur. Exper. 25. Quand on verfe de l’eau fire ce corps , il l’attire & la fuce avidement : il fe gonfle comme une éponge , & s’amollit ; mais il ne tombe pas en poudre comme la marne. C’eft à caufe de cette qualité que toutes les coquilles, foit qu’on les jette en _terre déjà pourries , {oic qu’elles s’y poutrif. {ent , rendent la terre fi meuble & fi {pon. gieule. * Je n'ai pû y découvrir aucun fel, malyré les différentes expériences que j'ai faites pour E 3 3 Principes de P Agriculture cela. Il fermente vivement avec les acides; & ileft fix fois plus de tems à les faouler qu'aucune des marnes que j'ai vûes. : Il donne par la diftillation , comme toutes les fubftances animales , un efprit urineux al- kali , & une huile du genre des pefantes. Quand il eft calciné dans le feu , il fe cons vertit en chaux vive. Toutes ces expériences font voir clairement que ce corps eft une é- caille animale putréfiée , que Peau diflout ai- fement, & qui attire puiflamment les acides. TROISIEME PARTIE. PREMIERE SECTION. Effets de différentes fubftances par rapport à la végétation. N ous n'avons parlé jufqu’ici que des engrais & amendemens que le hafard a fait connoitre comme utiles à la végétation , & dont on fe fert dans la pratique, parce qu‘ ‘on peut fe les procurer aifément & à bon mar- ché. Mais outre ces engrais connus, il peut y avoir d’autres matieres qui, fans étre en aflez grande quantité pour que les laboureurs — €3-de la Vésétatior: at _ Jes employent , pourroient produire des ef. Ps foes confidérables fur la végétation, & par conféquent aider à découvrir la nature des nouttitures végétales. Plus on connoit les effets des différens corps fur les plantes, plus on a droit d’efperer qu’on pourra parvenir à fcavoir avec quelque certitude quels en font les alimens; c’eft du moins la feule voye qui puifle y conduire. Dans cette penfée , je fis l'expérience fuivante. Exper. 26. Le 2 de Mai 175$, je pris de la terre vierge fur un côteau efcarpé, & qui wavoit jamais été ni fumé nilabouré. Jen remplis plufieurs pots, que je plaçai dans mon jardin , après avoir mêlé avec cette terre vierge les matieres que je vais indiquer. Chacun des pots contenoit environ 6 livres deterre. Je femai dans chaque cinq grains dela mème orge; & pour m’aflurer que tous les grains étoient bons à femer, je ne pris que ceux, qui, jettés dans l’eau , tomberent afond. N°. x ne contenoit que de la terre vierge pure, & devoit me fervir de régle pour juger des autres. N°. 2 fut toujours arrofé avec une eau falée. No. 3 contenoit, outre la terre , une once de falpètre & deux onces d'huile d'olive, N°. 4, une once de falpètre, No, $ ,uneonce detartre vitriolé. N°. 6, une once de fleur de RTE N°9. 7, une 4 demi-once d’efprit decorne de cerf. N°. Sq deux onces d'huile d'olive. Ne. 9, un de mi-gros d’efprit de nitre diffout dans Peau, N°. 10, un gros defelde mer. N°. 11 ne contengit que de laterre pure, & cing grains d'orge trempés pendant feize heures dans une forte lie de fiente de poule & de falpétre. Ley. Mai, quand jallai voir mes potss n°. 1&2 avoient chacun une plante, qui commençoit à fortir de terre. N°.6enavoit deux plus grandes & plus hautes que les deux premieres. N°. Senavoit cing, cha- cune defquelles étoit haute de trois à quatre pouces. à Le 11 Mai n®. r avoit toutes ces cing plantes forties de terre, & d’environ un de- mi.pouce de haut. N°. 2 en avoit deux de la même hauteur. No. 3, 4 & § en avoient chacun une qui commençoit à paroitre. N°. 6 enavoit quatre de trois a quatre pouces de haut. No. 8 en avoit cinq d’un pouce de haut. N°. 9 en avoit deux qui commen: coient à pointer. N°. Io n’en avoit aucune, N°. 11 en avoit quatre. Quelques-uns de ces mèmes grains femés dans le terreau du jardin à côté des pots, étoient de trois a qua- tre pouces de haut. 21 Mai, il y eut quatre ou cing jours de pluye fuivi de beau tems. N°. x avoit cinq 92 Principes de PAgriculture | i C5 de la Végétation. 73 plantes de quatre pouces de haut. N°2 de même. N°. 3 en avoit quatre de trois pou- ces de haut. N°. 4 en avoir cinq d’environ deux pouces. Celles du n°. § étoient hautes de trois pouces. N°. 6en avoit cing égales au n°, 1 &2. N°. 7 en avoit deux d'environ un pouce. N°. $ en avoit fix d’un demi pouce, & d’une mauvaife couleur. N°. 10 en avoit une d’un pouce. N°. 11enavoit cing qui é- toient les plus belles de toutes. va I Juin, N°. 2 étoit le plus beau detous 3. {es plantes étoient de cinq pouces de haut & d’un verd foncé. N°. 11 en approchoit le plus par la hauteur & la couleur, & ne leur cédoit gueres.- N°. 6 en approchoit affez pour la hauteur , mais il avoit plufieurs feuil- les pales. N°. 3, 4 & $ avoient.environ cing pouces , & étoient de la mème couleur. N°. 7 n’avoit qu'un pouce de haut & plufieurs feuilles pales. N°. 10 avoit trois plantes d’un pouce de haut. Le 10 Juin N°. 2 encore le plus beau. N°. 6 prelquetout pâle, N°, 7 entierement. N°. 9 & 10 plantes maigres & malades. 18 Juin, N°. 2 le plus beau encore & dix-neuf tiges. N°. 11 en approchoit le plus pres & avoit dix tiges. N°. r n’étoit pas fi \ haut, mais ijl avoit treizetiges, N°. 3 venoit apres, N°, 6 prefque mort. N°. 7 tout-à- 74 Principes de l'Agrictlèuve fait mort, N°. § & 9 tous deux € “eu. N° 10 le moindre de tous. 16 Août, N°. x avoit dix-fept épis. N°, 2 dix neuf. N°. 3 treize. N°. 4 quinze. N°. § vingt-neuf. N°. 8 neuf épis, & très gros, N°9 vingt, & gros. N°. 10 avoit environ un pied de haut, & quatre ou cinq épis longs. d’un poucefeulement. N°. 11 en avoit dix- huit, tous trés bons. Jai rapporté cette M avec fidélité & en détail, comme il convient à quiconque en fait: car on devroit toujours rapporter les faits féparément & les diftinguer des rai. fonnemens, parce qu’on peut fe tromper dans ceux-ci, au lieu que ceux-là font la vé. rité même. Jaurois fouhaité de répéter ces expériences, fur tout dans une terre plus maigre , & avoir un fonds plus confidérable, afin de raifonner en conféquence, car il ya. toujours du danger à le faire d’apres une ex périence feule; mais on doit fe fouvenir que celles dont il s’agit ici ne fe peuvent faire qu’une fois par an. Je vaisdonc tacher de tirer quelques Corollaires de celle que je. viens de rapporter. Covollaire x. La terre vierge prife à un pied de la fuperficie d’un coteau, expofée au nord, Contient une grande quantité de principes végétatifs, Les Labonreurs fefer- a b ES de la Végétation. mg went de cette terre comme d’un bon engrais, & ils obfervent que la terre vierge paroit donner aux terres plus de fertilité qu’elle n’en a elle-même. Cor. 2. Le grain paroit venir mieux quand il a été trempé dans la fiente & dans le fal- pêtre. Celt un fait obfervé depuis long- tems, que le grain devient plus fort, qu’il pouffe plus vite , & qu'il eft moins fujet a la nielle & aux brouines, quand il a été trempé dans des liqueurs qui contiennent du fel & de l'huile , tels que l’eau de la mer , Purine, &c. Il importe certainement beaucoup de quels fucs les vaifleaux des femences ont été remplis d’abord, fic’a été de fucs humides & aqueux , ou de fucs forts & nourriflans. C’eft une des principales raifons pour lefquelles un tems fec eft plus propre pour les femail. les. Car quand la terre eft feche, les fucs qui alors imbibent la femence font forts & nourriflans, au lieu que dans un tems plu. vieux ils font détrempés avec une trop gran- de quantité d’eau, & la jeune plante en eft affoiblie. En faifant tremper les grains dans ces préparations , on remplit leurs vaiffeanx W@huiles & de fels qui leur donnent de la vi- gueur , & leur font pouffer beaucoup de ra. cines , d’où dépend la nutrition des plantes. Le vrai moyen de rendre un homme fort & rick Principes de t Agricultave vigoureux , Ceft de lui donner dans en de bonne nourriture. à ‘ . Cor. 3. Les eaux dures & crues, telles que celles qui ont une certaine âcreté ow amertume, fourniffent aux plantes une nour riture abondante. Cette ailertion contredit: l'opinion commune ; car les Jardiniers nes fe fervent jamais de ces eaux quand ils pew- vent enavoir de douces; & s'ils foupgon- nent que leuts eaux foient telles , ils tachent- de les adoucir, autant qu’il eft en eux , en les: laiffant quelque tems expofées au fotell s ; en quoi mème ils fe trompent: car la chaleur du foleil peut bien rendre plus acre ou plus amere l'eau qui Peft déjà, mais elle ne fçau-t roit adoucir une eau qui, par elle même, an" beaucoup de crudité, d’âcreté & d’amertu. ~ me. Ces qualités dans l’eau dont j'ai fait ufa. ge, & même dans toutes les eaux femblables que j'ai vies, venoient, ainfi que je m’en fuis affuré par l'expérience, @unacide de ni. tre joint à une bafe de terre abforbante. La bafe de l’eau employée dans mon expérience étoit une terre calcaire: dans la plüpart de: ces eaux, c’eft feulement une terre abfor. bante. My Cor. 4. L’huile d'olive dans la proportion, d’un gros à trois livres de terre, parut pro- duire d’abord de bons effets, mais ces cñers € de ia Végétaiioi. iit, 4 “imituerent dans la fuite: cependant les | épis furent bons, quoique en petit nombre; -Seroit.ce que l'huile étoit en trop grande quantité , ou qu’elle n’avoit pas été aflez at- tenuée par les fels dans la terre, & qu’ainfi ellene pouvoit pénétrer dans les pores des racines ? Ou bien n’avoit elle pas eu aflez ‘détems pour s incorporer avec la terre? Ce font là des queftions que je ne puis réfoudre. Cor. §. Ilparoït que le falpêtre en propor- tion d’une once à fix livres deterre, retarda -plûtôt qu’il ne favorifa la végétation. J'en fus très-furpris, parce qu’on croit communé- ment que le nitre contribue beaucoup à à fers tilifer les terres, & qu’il eft même la caufe propre de leur fertilité. Je ne crois pas Pa- voir employé en trop grande quantité dans mon expérience. Le cas qu’on en fait pour Ja fertilifation des terres doit rendre douteux l'effet qu’il m’a paru produire. Il faudroit, pour s’en aflurer, un plus grand nombre d'expériences. : Cor. 6. Il ne paroit pas que j’aye augmene té les effets végétatifs du nitre en y ajoutant deux fois autant d'huile @olivé. L'huile d’o- live femble pourtant avoir mieux réufli avec le nitre que fans lui. Les fels Pauront peut. étre attenuée, & préparée par-là à entrerplus aifement dans les vaifleaux des plantes, a8 Principes de P Agriculture Cor. 7. Le tartre vitriolé, qui eft uné compofition d'acide de vitriol & d’un fel al- kali, paroit avoir aidé puiffamment la végé- tation. Un Gentilhnmme voulant détruire de l'herbe qui poufloit dans fa cour , on lui confeilla d’ y répandre de l’huile de vitriol; comme très contraire à la végétation; il le fit, mais à fon grand étonnement Pherbe vint plus forte qu'auparavant. Cor. 8. Le fel marin dans la proportion d’une once à fix livres deterre, paroit très. préjudiciable à la végétation. La plipart des Laboureurs le recommandent comme un bon amendement, quoiqu'il y en ait qui dou- tent de fes bons effets. Peut.être eft-il utile lorfqu’on l'employe en petite quantité , fur- tout sila quelque amertume; car cette a- mertume vient d’un mélange d’acides vitrio- liques, d’une bafe d’abforbens & d’une huile bitumineufe, deux matieres dont chacuns favorife la végétation. Le fel dont jai fait ufage étant du fel de table, il ne pouvoit s’y trouver que très. peu de l’une & de l’autre. Cor. 9. L’acide de nitre femble avoir d’æ bord retardé la végétation, peut être parce qu’il n’étoit point fufifamment uni avec les parties abforbantes de laterre ; mais il paroit qu’enfuite il a contribué confidérablement # faire croître les plantes. Ne | CR L € de la Végétation. &g Cor. 9. L'efprit de corne de cerf (qui eft ‘un fel volatil) diffout dans l’eau, paroit a- voir été un poifon pour les jeunes plantes. Cora11. Il paroit que la fleur de foufre favorife d'abord la végétation des plantes, maisqu’elle les fait périr comme un poifon dans Vefpace d’un mois. On répand affez communément de cette matiere {ur les grai- nes de navet avant de les femer, & lon croit qu’elle contribue à les faire croître & à pré- ferver leurs feuilles contre les mouches. Eft- ce que j'en aurois employé une trop grande quantité dans cette expérience ? Les plantes ont donc leur poifon comme leur nourriture. Le foufre artificiel , qu’on tire de plufieurs plantes enles brûlant, & qu’on trouve en grande quantité dans les cendres de favoniere & autres qu’on employe dans les blanchiffe- ries, auroit-il le mème mauvais effet que le foufre naturel ? - Après avoir fait cette expérience, je re- connus qu'il y avoit une grande différence entre la maniere dont je m’y étois pris, &le cours ordinaire de la nature dans ces opéra- tions. J’avois mèlé tout à la fois avec la terre les matieres dont je voulois découvrir les ef. fes fur la végétation; mais dans le cours ordinaire de la nature ces matieres ne font meélées avec la terre que par degrés & en pe- go Principes de P Aericuli : ; tite quantité. Ala vérité la terre quia refté quelque tems en jachere , &quipar confé. quent a récouvré, du moins en partie, les principes de végétation ; fe trouve à peu près dans le mème état que celle que j'ai employée dans mon expérience, quoiqu elle ne foit pas impregnée d'autant de principes de végétas tion que l’étoit la mienne quand je l’eus mèlée avec ces différentes matieres. Outre cela la premiere terre reçoit fans cefle de nouveaux fecours pour végéter. Afin donc d'approcher de plus près du cours de la nature & de four- nir les matieres à mefure que les plantes croitroient , je fis l’expérience fuivante. ‘Exper. 27. Je remplis fix pots d’une terre maigre & légere. Chaque pot contenoit cing livres de terre, & cing grains de bon orge. Ne. I wavoit que de la terre pure, fans aucun mélange. N°. 2 fut arrofé d’une drag- me de falpétre , diffout dans trois onces d’eau. N°. 3 avec la même quantité de fel de mer. N°. 4 avec la mème quantité de fel d’epfom gui eft compofé de l’acide de vitriol & d’une terre appellée magnéiie blanche. N°. § avec deux dragmes de la compofition fuivantes difloute dans de Peau: une demi-once de chaux vive faoulée d’un foible efprit denitre, # ce qui produit une liqueur très. cauftique. N°. 6. avec deux dragmes de la compofi ition, précée C9 de la Végétation: oy Précédente, mêlée avec une dragme d’huile d'olive. Ce dernier mélange me parut ap- procher de plus près de la nourriture natu- relle des végétaux. Je femai mes grains d’or. ge le 16 Juin 1756, excepté n°. 6 que je ne {emai que le 19 du mème mois. Je femai aufla quelques grains de la mème elpece dans du terreau de jardin à côté des pots. 23 Juin. N°. 1 avoit une plante d’un de- mi-pouce de haut. N°. 2 en avoit une d’un pouce , & une autre qui commençoit à poin- ter. N°. 3 n’en avoit point. N° 4en avoit quatre , deux defquelles étoient hautes d’un pouce. N°. § n’en avoit point. N°. 6 en avoit trois d’un pouce. : 27 Juin. N°. ren avoit quatre de deux pouces & demi. N°.2 en avoit quatre. N°. 3-en avoit deux, dont la plus haute étoit d’un pouce. N°. 4 en avoit cing de deux pouces. N°. § n’enavoit aucune. N°, 6 en avoit quatre de la mème hauteur que n°. 4 Celles du terreau de jardin avoient trois pou. ces & demi. 4 Juillet. N°. 2 plus haut & plus verd que n° 1. N°. 4 & 6 égaux à n°. 2. 10 Juillet. N°. 2le plus beau. N°.6, à. près. Enfuite n° 4. Puis n°, 1 & 3. N°. ¢ "aVoit une plante de trois pouces, " x5 Juillet, N°, 1 quatre de ces cing plan: F 82 Principes de P Agriculture: tes avoient des feuilles jaunes & pales. N*. 2 & 6 étoient les plus hautes, & d’un verd plus foncé. N°. 3 & 4 égaux. N°. § une a foible de fix pouces. Il avoit fait chaud: dant dix jours. Ajouté alors au n°. 2, 3 & une dragme de plus de Pun & de l’autre fel, & aux n°. § & 6 la mème quantité des mee mes mélanges. 24 Juillet. Il plut pendant cinq jours. N°. 2 & 6 étoient d'environ quinze pouces; & de plus belle venue que tous les autres , {urtout n°. 6 N°. 4 venoit après ; & avoit douze pouces de haut. Puis n°. 3 qui avoit neuf pouces. Enfuite n°. 1. N°, § n’avoit qu’une plante d’environ douze pouces de haut. Celles du jardin avoient près de deux pieds , & avoient pouffé plufieurs tiges. 19 Août. Pendant les quinze jours précé- dens pluye froide avec des vents d'Ef. N°. 6 étoit le plus haut , & d’un verd plus foncé, par conféquent le plus beau. Le refte comme ci-devant. Ajoutez la méme quantité de fels & de drogues qu’auparavant. Premier Septembre. Il avoit fait un bon tems chaud. Les plantes étoient dans le mé. me état que ci-devant. À 26 Septembre, N°. I avoit dix épis, & le plus gros portoit vingt grains. N° 2 en avoit douze, le plus gros étoit de vingt- Per 3 a CO eT. a if €3 de la Végétation. 83 quatre grains. N°. 3 au deffous de n°. 1. N°. 4, avoit treize épis ; le plus gros étoit de vingt grains. N°. $. n’avoit qu’un épi qui ’étoit pas aufli mûr, & dont les grains é- toient plus petits que les autres. N°. 6 avoit feize épis, dont la plipert étoient de vingt quatre grains : : il avoit un double épi qui en portoit quarante. Plufieurs des épis du jardin avoient jufqu’a trente deux grains. Tirons maintenant quelques corollaires de cette expérience. Cor. 1. Le fel marin mis en petite quan. tité & par degrés dans une terre maigre , pa- roit plus préjudiciable qu ‘utile, On ne fcau- roit conclure de cette expérience quel effet il produiroit fur une terre remplie de parti. cules hu:leufes. Cor. 2. Le falpètre adminiftré de la mème maniere feconde puiflamment la végétation, & paroit avoir rendu la terre capable de pro- duire un quart de plus. Cor. 4. Le fel d’epfom employé de mè- me, eft, à peu de chofe près, égal au falpè. tre , par rapport à la nutrition des plantes. L'expérience précédente m’avoit afluré des bons effets de Pacide de vitriol faoulé de fel alkali: celle.ci me fit connoître que le mé me acide faoulé d’une terre abforbante , aug- “mente la fertilité, Creft Pr j'ai conclu ‘ 2 $4 Principes: de- P Agriculitre dans la Part. II, Sect. iil, que la inarñé ajoutée au méme ee après que les parties nuifibles de fer en ont été féparées, elt plu tôt utile que préjudiciable aux terres. Cor. 4. La chaux vive faoulée d’efprit de nitre en petite quantité, & bien diffoute dans Peau, paroit avoir arrêté le pouvoir VÉpÉEIA tif de a terre, Seroit:ce que j’en aurois trop, mis, ou qu’il ne trouva point dans ma terre, ce gui n’eft pas moins néceffaire que lui mè- me à la végétation, une jufte proportion de parties huileufes, que la Nature fournit tou- jours dans la méme proportion qu’elle four- nitlesfels? A en juger par le corollaire fui- vant, il femble que cette derniere-raifon eft Ja veritable. Cor. §. La précédente liqueur mèlée & bien battueavec moitié huile d'olive, paroit . avoir augmenté prefque de moitié la fertilité de la terre. Cor. 6. Aucune des drogues dont j je fis ufage, ne put donner à la terre maigre ‘que yavois employée la fertilité dela bonne terre de jardin; & cela n’eft point étonnant. Dans le terreau des jardins les fels & les hui: les font très-atténués, proportionnés cons venablement, bien mélés enfemble par la longueur du tems, & par conféquent pré» pares à entrer dans les petits vaifleaux des E35 de la Végétation: RF tacines. D'ailleurs ta terre de jardin, par le mélange des matieres qui s’y pourriffenty étant dans un €tat continuel de fermentation, les racines des plantes y pénetrent plus aife- ment, pour y chercher leur nourriture. Comme la chaux n’agit fur la terre que quand elle eft éteinte & qu’elle a perdu fa force , j'ai voulu voir quels effets elle pro- duiroit étant, dans cet état, faoulee d’acide de nitre, quoique les expériences femblens montrer que le produit eft le mème, foit qu’elle foit éteinte ou vive. Je pris donc une demi-.once de vieille chaux de mur, & jela faoulai d’efprit de nitre. Exp. 28. Le 15 Juillet 1756 je remplis deux pots de la mème terre dont javois fait ufage dans Pexpérience précédente » & en. même quantité. Je femai trois grains d’orge danschaque pot; n°..1 ne contenoit que de laterrefeule; n°.2 fut arrofé d’une dragme. de cette folution bien délayée. 2§ Juillet, N°. 1 avoit trois plantes cha- cune d’un pouce. de haut. N°. 2 n’en avoit: ~ qu'une, de la mème hauteur. - 19 Août. N°. 2 n’en avoit qu'une , mais d’un verd plus foncé qu'aucune du N°. 1. J’a- joutai au N°: 2 la même quantité de la folu- tion que ci-deffus. 26 Septembre , N°. 2 d’un verd plus foncé: F 3 86 Principes de l'Agriculture avoit plus de rejettons & un épi plus long qu'aucun du N°. 1. Je ne puis décider fi ma ‘cpmnoHugnt ren dit la terre milleure ou moins bonne; | ca d’un côté une feule des femences poufla & de l’autre la plante que cette femence produi- fit étoit plus belle, plus forte & plus touffue qu’aucune de celles de la terre pure. Il paroit au moins que cette compofition n’eut pas les | mauvais effets de Pefprit de nitre & de la chaux vive de l'expérience précédente. D’on vint cette différence ? Fut-ce de ce que la chaux € étoit vive dans l’autre expé: ience, & éteinte dans celle ci? Ou de ce qu ’en celle- ci elle étoit en moindre quantité ? Je pene cherois plûtôt pour ce dernier fentiment, parce que l'expérience nous fait Voir que ces deux mélanges font de la méme nature. Pour découvrir les effets de la mème come polition fur le terreau de jardin, je fs lex périence fuivante. _ . Exp. 29. Le 14 Juillet 1756 je remplis » deux pots, chacun de cing livres de terreau. Je femai quatre grains d'orge dans chaque pot, & jarrofai le n°. . Lavec une égale quan- tite de la folution employée dans lex périence précédente, Le 20 Juillet i! fe trouva trois plantes dans chaque pot. Celles dun°. 2 é- toicut plus hautes que celles du n°. 1. Le13 ay CF de la Végétation. 87 Août les plantes du n°. r étoient plus hautes que celles du n°. 2, mais aucune d’elles né. toit de belle venue, foit parce qu’elles avoient été plantées trop tard, ou parce qu’elles é- toient dans un coin où deux hayes affez hau- tes venoient fe joindre & les empéchoient de recevoir de Pair. Jeretirai les pots & les plaçai dans un endroit plus découvert. Le premier Septembre n°. 1 avoit une plante plus haute & plus verte que n°. 2. Les plan. tes avoient crû plus promptement qu’aupa- ravant. Le 30 Septembre les plantes ne vin- rent point à maturité. Cor. 1. Les p'antes dans les deux Linie expériences ne végéterent pas dans le même efpace de tems auffi promptement qu’avoient fait celles de Pexpérience précédente. Le printems n’auroit il pas , par quelques caufes particulieres » UN pouvoir végétatif propre que l’été n’a point en un & yrand dégré? ?C'eft ce qui m'a paru , quoique cette année là l'été eut été froid & pluvieux comme notre prin. tems, & que la terre dans la derniere expé- rience fut très bonne, au lieu que dans la pre- miere elle avoit été prife au même endroit que celle de l’expérience précédente. Cor. 2. Il femble que les plantes ont befoin qu’un air libre foit conftamment appliqué à leur fuperficie. Auffi tous les arbres dans les F 4 88 Principes de À Agriculture taillis étendent leurs branches littéralement ou longitudinalement du côté où ils peuvent avoir le plus d'air. L’air agitil feulement fur leur furface, ou entre-t-il dans les vaif. feaux de la plante? Sil y entre, n’a-teil | befoin pour y pénétrer d’une impulfion de Yair agité ? ear la preffion feule de Pair eft toujours la méme dans les hauteurs égales. % Cor. 3. Les plantes paroiflent n’étre ni améliorées ni détériorées par le mélange & a dition des {els. Voila toutes les expériences que jai pu faire fur les effets des différens corps par rap- port à la végétation. Cette matiere n’a point encore été traitée avec l'attention que mérite l'importance du fujet. Il eft vrai qu’elle eft d'une étendue immenfe, puifqu’elle com: prend les opérations de tous les corps qui peuvent être affez diffous & attenués pour entrer dans les vailleaux des plantes. Mais een’elt que d’après un tre grend nombre de différentes expériences qu’on peut efpérer de découvrir la vraie théorie de la végétation, J'aurois fouhaité , avant que d'entreprendre ce : fujet , d’avoir un plus grand nombre d’ex- périences & plus fouvent répétées , afin que les conféquences que j'ai tirées fufent plus générales & plus certaines, Je les propole telles qu’elles m'ont paru réfulter naturelle. *# eS de la Végétation. 29 ment de mes expériences. Je laiffe a chacun la liberté de juger quelle certitude elles mé- ritent. - mi on oh) ae - 4 ees CTI ON. It De la nourriture des végttaux. " ni Pe 4 a N ous allons examiner maintenant quelle eft la nourriture des végétaux , queftion im- portante, fouvent difcutée, mais qui n’eft point encore fuffifamment éclaircie. On a même demandé {i chaque plante n’a pas une nourriture propre & particuliere qu’elle choi- fit parmi les autres, par une faculté élective inhérente à cesracines. Ceux qui embratlent ce fentiment, s’appuyent fur Putilité du changement d’efpece; car fi la mème nour- riture fervoit à toute efpece de grains, le mé- me grain viendroit dans la même terre aufli bien quunautre. Or quoique la mème terre ne puifle porter du froment deux années de fuite, on voit que d’autres grains y réuffif- fent. Ils remarquent que la nature & les propriétés différentes des fucs végétaux font encore une preuve de leur opinion. Ceux qui prétendent au contraire queto rs 90 Principes. de P Agriculture les végétaux ont la mème nourriture, éta- blifent ce fentiment fur les raifonnemens fuivans. Plus, difent.ils, une terre eft en rapport, quoique chargée fucceffivement de différentes fortes de grains , plus elle s’épuife & devient hors d’état de produire. Or c’eft. ce qui n’arriveroit pas fi les différentes plan tes tiroient de cette terre une nourriture dif. férente. Ils ajoutent que toutes les efpeces de plantes affament le bled , en enlevant pour elles mêmes une partie des fucs qui le nour- — riffent: qu'on auroit tort de laiffer repofer la terre, puifqu’on a tant de fortes différen- tes de grains qu’on peut femer; qu'il feroit fort inutile pour les plantes d’avoir un goût propre & particulier, puifqu’elles n’ont pas de mouvement local: que file changement d’efpece réuflit, ce n’elt pas que les plantes ne tirent de la terre d’autre nourriture que la leur propre, mais parce que les unes divifent & relâchent la terre, tandis que les autres la reflerrent & la durcifent: que quelques- unes pouffent de profondes racines enterre , tandis que les autres ne fe répandent que peu au-deffous de la fuperficie: que fi le froment ne réullit pas deux années de fuite dans la mèmeterre, c’eft qu'il a befoin d’une nour- riture plus abondante que cette terre n’en peut fournir, quoiqu’elle en ait affez pour Se ay € de ‘la Végération. | 91 d’autres grains: que d’ai'leurs il ne refteroit point aflëz de tems pour labourer la terre, le froment fe femant prefqu’auflitôt après la moiflon; en un mot, que la différence des fucs des végétaux ne dépend pas de Ja diffé- rence de leur nourriture , mais de la ftruc- ture particuliere des vaifleaux des plantes. Cette derniere opinion paroitra à tout le monde plus vraifemblable que la premiere, en ce que ceux qui la foutiennent penfent. qu’une feule & mème nourriture fert à tous les végétaux. Pour moi je {uis d’un fenti- menttout différent. Nous avons vu par les expériences de la derniere Section que le fel commun difféut dans Peau, le fel d’epfom & letartre vitriolé , fels très différens l’un de Pautre, nourriffent également les végétaux de la mème efpece: par conféquent les végé. taux ne font pas borriés à une feule efpece de nourriture. On {gait que certains arbres con- tiennent de l'acide de vitriol, parce qu’on peut faire du foufre avec leur charbon, On fçait de mème que certaines plantes contien- nent un {el nitreux , au lieu que d’autres en contiennent un qui reffemb!e au fel marin. Quelques végétaux demandent une plus grande quantité d’eau, d’autres une plus petite. Leur nourriture n’eft donc pas la même, 92 Principes de P Agriculture. Thalés prétendoit que tout venoit de Peau. Van Helmont étoit du meme fentiment ». & il s appuyoit : fur une expérience que tout le monde connoit. Il plantaun faule péfant cing livres dans un pot rempli de terre feche, & il arrofa cette terre d'eau de pluye. . En. cinq ans le faule, fans compter les feuilles qui en étoient tombées, péfoit 164 livres y fans que la terre eût diminué de poids. Infés rer de la que Peau élémentaire eft la nourti- ture des végétaux, ce feroittirer une conclu. fion trop forte. Tout ce que prouve cette expérience , c’eft qu'il y a dans l’eau des par ties capables de nourrir les plantes. Nous | avons fait voir plus haut que la neige & l’eau : de pluye contiennent de la terre, de l'huile, de Pair, & par conféquent les fels qui s’y trouvent toujours. D'autres croyent que les parties terreus fes font celles qui nourriffent les plantes. Le célebre Tull étoit de ce fentiment, parce que, difoit-il, la terre les fait croitre, & que tout ce qui les fait croitre doit étre leur: nourriture. Selon lui, le fumier & autres en-, grais n’agiflent que par voye de fermentae. tion , ils ne fervent qu’à atténuer la terre & & divifer la nourriture des plantes: la terre. feule ne {cauroit agir: elle a befoin de quel, que principe plus actif, Si Tull avoit été Chy=. ES de la Végétation = 93 mille, il auroit {cu que la terre ne fait que la moindre partie de toutes les plantes, Elle ne prendroit jamais aflez de confif- tence pour former les végétaux, & dès qu’elle auroit été fuffifamment atténuée, les engrais ou amendemens ne ferviroient plus à rien. D'ailleurs d’où viendroient les fels & les huiles des plantes ? Voila des objections aufquelles les partifans de ce fyfteme ne ré- pondront jamais. D’autres, voyant la néceffité de lair pour les plantes , & obfervant qu’elles en pompent une grande quantité pendant la nuit, com. me les expériences du Docteur Hales l’ont démontré, ont prétendu que la terre ne four. nit aux plantes qu’un foutien , & que l'air feul les nourrit. A ceux-ci il fuffit de ré. pondre en peu de mots,que les plantes valant mieux dans certains terreins que dans d’au. tres, & dans les memes à proportion des engrais qu’on y met, c’eft une preuve déci. five que la terre fournit aux plantes leurs principales nourritures , car air elt le mème dans les terres qui tiennent les unes aux autres, | L’ Auteur de lhiftoire phyfique forme tou- tes les plantes de certaines parties fimilaites organifées, qu’il fuppofe voltiger ca & là dans lair en très-grande quantité, & qui 94 Principes de l Agriculture s’attachent d’elles mémes & d’une manieré qui nous eft inconnue, à celles du mème genre. Si cette opinion étoit vraie , le fumier fait de plantes de la mème chiite : devroit réuflir mieux que tout autre, ce qui weft pas. Laiffons cette opinion , fi peu digne d’un efprit philoforhe, tdmber d’elle-méme, comme elle le doit faire naturellement, puif- qu’elle n’eft appuyée d’aucune expérience. D’autres enfin attribuent la végétation aux différentes efpeces de fels. Mais d'où viennent ces fels , & quelle eneft la nature? C’eft un défaut ordinaire que dans toutes les difputes chacun s’attache à un parti, fans vouloir reconnoitre rien de vrai dans-le part oppofé. J'ai trouvé au contraire par expé- rience qu ‘ordinairement chaque parti a du vrai: & qu’une des fources les plus communes de nos erreurs c’eft qu’on veut donner pour vérité générale une vérité particuliere; le vrai réfulte des vérités particulieres qui fe trouvent dans chaque fentiment. Ceux qui ont raifonné fur l'Agriculture fe font trom. pés, parce qu’ils ont prétendu que les plans testirent leur nourriture ou de lair, ou de Peau , ou des fels, exclufivement. Je me réunis en quelque forte aveceux tous: car je penfe que les plantes font nourries par tous ces corps joints à deux autres, l'huile & le ES de la Vegetation. 95 feu, dans un état fixe: Ces fix principes unis enfemble conftituent, felon moi, la nourriture végétale. Il eft aifé de le voir quand on confidere, 1°. que les diverfes fortes d’engrais tels que les cuirs, cheveux , crins, rognures de corne, chiffons, tous les végétaux & tous les fucs des végétaux dans un etat fain, font des ali- mens propres aux plantes, 2°. Que tous les végétaux & tous les fucs de végétaux don- nent précifément ces principes & non d’au- trés, dans toutes les expériences chymiques qu’on a faites avec le feu ou fans feu. Nous pourrions en apporter plufieurs autres preu- ves, mais ces deux font fuffilantes. Lair fixe ou en action fe trouve par-tou: , à moins qu’on ne prenne beaucoup de peines pour le chaffer. Le feu élémentaire {e trouve de mème dans tous les corps. La terre peut être fournie aux plantes par tout terroir pré. paré avec le foin convenable, L’eau tombe des nues. L'huile eft un principe naturel de toute forte de terres; elle defcend a. vec les pluyes & les neiges, & elle eft com- muniquée à la terre par tous les engrais ti. rés du regne végétal & du regne animal, foit dans un état fain, foit dans un état de corruption , ainfi que nos expériences Pont fait voir, Mais d’où vient le fei, le n6 Principes de ? Agriculture - principe de tous, le plus actif, & par cons féquent le plus néceflaire? On ne Va point : encore découvert, mème dans les meilleures terres , ni dans les amandemens dont on fait le plus Pufage, comme la chaux , la marne, les coquilles, la craie, &c: C’eft une quel tion importante, qui peut nous faire cons noitre l’action de tous les amandemens, & de la bonne terre , & nous apprendre en quoi conflte effet de lair: elle mérite une dif cuffion particuliere. Les expériences précédentes nous ont fait voir que toutes les bonnes terres & tous les amandemens, excepté ceux qui font déjà convertis en une fubflance mucilagineufe, font compofes de particules , qui toutes ene femble, ou de moins en partie, attirent les acides. Le fumier , les cendres des végétaux, la terre brûlée, contiennent de ces particus les: la chaux , la marne, les coquilles, la craie , &c. font toutes de la mème nature. Ces fubftances doivent donc attirer & retenir’ les acides, quand ils fe trouvent dans la {phere de leur attraction, Par confequent; fuppofé que l’air auquel laterre eft fans cefle expofée contienne quelques acides, ces corps les attireront & les convertiront en une fubftance faline neutre, qui aura les propriée tés du fel , c’eft-à-dire , qui fera foluble dans Peau, € dela Végétation. — 97 Peau, qui diffoudra les huiles , & les rendra capables de fe mêler avec l’eau. Il ne refte donc qu’une feule chofe à prouver, c’eft que Vair contient un fel acide. C’a été l’opinion des plus grands Chy- miftes , & ils Pont appuyée cette opinion, non fur la théorie feule, mais fur ce qu'ils ont remarqué , que les fels alkalis fe conver- tiffent en fels neutres, & que les métaux, tels que l’étain, le cuivre , le plomb fe corro- dent & fe convertiffent en un fel. Si ce fel exifte, & quelle eft {a nature , c’eft fur quoi on peut s’éclaircir, en confiderant de quelle maniere on fait le nitre ou falpétre dans les manufactures. Les procedés qu’on y fuit, nous apprendront en méme-tems comment les divers amandemens agiffent fur les terres ; car c’eft des principaux amandemens qu’on fait ufage dans ces manufactures. La matiere la plus commune dont on fait le nitre , & qu’on appelle par cette raifon fa matrice, ce fontdes décombres & platras de vieilles maifons , particulierement de colom. biers , étables & nefs d’Eglife , de certaines terres graffes, des cendres de végétaux brû. lés, des fubftances animales & végétales pourries, & quelques elpeces particulieres de pierres. On laiffe ces matieres expofées à Pair pendant quelques mois, fur-tout en 7 58 Principes de P Agriculéure. hyver: car eft dans cette faifon que le ni- tre fe forme en plus grande abondance. La place où ces matieres font expofées à Pair : eft tellement difpofée que lair & les vents y ayent un libre accès , mais elle doit ètre àPa- bri dela pluye'& du foleil. Lair y eft nécef. faire, parce que c’eft lair qui forme le nitres au lieu que le foleil le détruit en Pexaltant ou évaporant, Les pluyes & la féchereffe font préjudiciables, parce que les pluyes l'emportent quand il eft fait, & que la féche- “refle en exalte les particules auflitét qu’elles font formées , & qu’elle arrête la fermentation “néceflaire pour attirer le nitre, & lui ouvrir la matrice qui doit le recevoir. On a obfervé que les vents du Nord font les plus propres pour la production du nitre. Dans les Indes, d’où nous vient prefque tout le nôtre, on ex- pole à Pair une efpece particuliere de terre, mèlée avec des végétaux pourris; & c’eft de- 14 qu’on tire le nitre. Tournefort rapporte dans ie deuxieme volume de fes voyages, qu’ils apprirent de ceux de la caravane de Wan, ville de Turquie, fur les frontieres de la Perfe, qu’on y ramafle foigneufement Ja pouffière des grandes routes fréquentées par des caravanes de chameaux ; qu’on lave cette terre , & qu’on en tire chaque année environ cent quintaux de nitre, \ ES de le Végétation. 92 Dans la manufacture de falpétre de Paris , eù l’on en fait une grande quantité, on exe pofe des platras de vieilles maifons, mélés avec des cendres de végétaux brûlés, aux in- Auences de Pair pendant plufeurs mois; & | on les humecte de tems en tems d’urine pu- tréfiée. C’eft de ces matieres qu’on tire le ni- tre. Lorfgu’on Ven a extrait , elles reftent auffi propres qu’auparavant à en former de nouveau , & on les remet fur les tas: ce qui prouve que ce fel n’eft pas le fel naturel de la terre, mais qu’il s’y forme pendant qu’elle eft expofée à l'influence de l'air. Lorfque ces terres font reftées expofées à l’air pendant un tems fuffifant, on les met dans des tonneaux : on verfe de l’eau par deflus , & on les remue fouvent avec l’eau, pour diffoudre les {els, Quand l’eau en a été aflez impregnée, on la tire, & on y mèle de la chaux vive & des cendres de végétaux ou des fels alkalis: la chaux , afin de féparer l'huile d’aveclefel; & les cendres ou fels alkalis, afin de fubftituer une bafe d’alkali fixe à la bafe de terre. On y met des fel§ alkalis , jufqu’à ce que ces fels ayent donné a la liqueur une couleur de lait, & produit une précipitation. La précipitation finie, on tranfvafe la liqueur, & on la fait bouillir. ~ Cherchons maintenant quelle eft l’origine G 3 foe) Principes de l'Agriculture du nitre. Lesopinions font partagées fur cet objet, & les Chymiftes n’ont encore pi s’ace corder entr’eux. Quelques uns prétendent que le nitre eft tiré & extrait de Pair , tel que nous le voyons: d’autres, qu'il eft ‘produit par les fubftances végétales & animales, ou par leurs fucs mélés & pourris avec la terre nitreufe: ceux-ci, qu'il eft formé de Pacide vitriolique, joint au phlogiftique ou partie inflammable de ces fubftances : ceux-là, que Pacide de nitre eft un acide qui differe du précédent, & qui eft attiré par ces corps, qui ne font proprement que fa matrice: exami- nons ces divers fentimens. Le falpètre eft un corps artificiel, & inf qu’ici on n’en a point découvert dans les! en- trailles de laterre. Sur ce principe quelques Auteurs ont penfé que le nitre eft abfolument extrait de Pair par les matieres qu’on y ex« pole: mais cette opinion paroit faufle, par. ce qu’on ne {cauroit tirer le nitre de ces mae tieres, qu’on n’y ait mèlé du fel alkali. Lae cide cxifte bien dans ces matieres, comme jele ferai voir par la fuite; mais il faut Ini donner une bafe artificielle d’alkali, avant que la criftallifation du nitre s’opere. D’ail. leurs , le falpétre de lui mème n’eft pas un corps volatil , & par conféquentil ne fçauroit flotter dans Pair. Le nitre de Pair qui s’atta- € de la Végésarion. YOY che aux vieux murs, eft une fub{tance trés- différente du nitre dont nous parlons ici. I! a des propriétés que l’autre n’a pas, telles que Ja volatilité & un goût calcaire. M. Lemeri, dans les Mémoires de l’Aca- démie des Sciences pour l’année 1717 , fou- tient un fentiment qui, je crois , lui eft par- ticulier; fçavoir, que le nitre engendré vient des fubftances animales & végétales qu’on employe pour le faire. Les preuves qu’il produit en faveur de cette opinion font tout-à-fait foibles. La principale, ceft, ce me femble, qu’il a tiré un fel nitreux de quel. ques végétaux. Il eft vrai que certains végé- taux contiennent, dans leur état naturel, un fel inflammable , qui paroit avoir plufieurs propriétés du nitre. Tcls font le chardon bé- nit, le concombre fauvage & la parietaire, M. Boilduc, dans les mêmes Mémoires pour l’année 1784, dit qu'il a extrait du vrai nitre d’une décoction de bourrache, furtout quand il y eut ajouté de la chaux vive pour fixer da- vantage les particules huileufes , afin que les fels fe criftallifaffent. El ajoute qu’une moifif- {ure qui fe forma d’elle-mème fur la décoc- tion , après avoir été gardée quelque tems, brûla comme Vhuile & le nitre.Mais tout cela neprouve nullement que le nitre vienne des végétaux qu'on employe pour le faire. Cav G 3 102 Principes de À Agriculture toutes fortes de végétaux y font également propres, mème ceux qui contiennent un fel vitriolique. D'ailleurs lefel non fixe vient toujours de végétaux pourris, ou de quel. ques fubftances animales, ce que M. Lemery femble avoir oublié; & il eft furprenant qu’un fi habile Chymifte ait pu donner dans uneerreur figroffiere. Ces fubftances végé- tales & animales, comme nous le verrons bientôt, agiffent d’une maniere toute diffé. tente, c’eft à dire, en fourniffant une terre abforbante & un fel alkali volatil, & par-là aidant la matrice à extraire de l'air l’acide qui s'y trouve, & la tenant toujours ouverte à lair par la fermentation qu’elles y occafionnent. — La troifiéme opinion que prefque tous les Chymiftes embraffent eft , que les fels alkalis volatils produits par la fermentation des fubf- tances végétales on animales pourries , & les patties terreufes abforbantes, qu’on employe comme matrice pour faire le nitre, attirent Pacidum vagum , ou acide vitriolique , dont air eft rempli, & que cetacide fe joignant à Vhuile de la matrice & s’uniffant avec elle , devient l'acide de nitre. C’eft de cet acide uni- verfel, felon M. Hombers, que tirent leur ori- gine Pacide nitreux & l'acide marin : car joint à une matisre inflammable, il donne l’acide hitreux , & joint à une matiere arfenicale al ES de la Végétation. ro}. devient acide marin. Les preuves qu’on ap. porte en faveur de cetteopinion, font, 1°, Qu’on employe pour faire le nitre des fubf. tances pourries , & que par conféquent l’huile doit fe joindre à l'acide vitriolique. Mais cette conféquence ne fçauroit être accordée comme vraie, puifque les fubftances pout- ries peuvent avoir un autre ufage, comme nous le montrerons par la fuite, & l’on va voir tout à l'heure qu’on peut faire du nitre fans matiere huileufe. 2°. Que lefprit de nitre elt rouge, ce qui eft, difent-ils, une preuve qu’il contient une fubftance inflam- mable: car c’eft cette fubltance qui donne cette couleur à tous les corps. Mais nous connoiffons beaucoup de corps qui ont cette couleur, fans qu’on ait jamais pu parvenira faire voir qu’ils contiennent quelque huile, 3°. L’inflammabilité du nitre qu'il doit à fon acide, prouve, difent-ils, qu’il contient un principe huileux, Phuile étant le feul corps inflammable que nous connoiflions, Il eft aifé de leur répondre que le nitre n’eft point inflammable de lui mème, & qu’il ne le devient que quand il fe trouve uni avec um corps inflammable. Cette preuve même fe tourne en objection contre eux: cat on peut leur répondre que le nitre s’enflamme avec tous los corps qui contiennent de l'huile; & G 4 Fo4 Principes de P Agriculture que puifqu’il n’eft point inflammable par lui. même , il ne contient par conféquent aucune fubftance inflammable. Ceci nous conduit à l’examen de la der: niere de ces opinions; fçavoir, que l’acide nitreux exifte dans l’air & qu'il en eft extrait. Ce fentiment , qui n’eft fuivi que par un petit nombre de Chymiftes, me paroit le mieux fondé , quoiqu'il ne foit pas encore fans difficultés. La premiere preuve fur laquelle on l’étaï blit, c’eft que les fels alkalis & les corps cal- caires d’eux.mémes & fans aucun mélange de matieres végétales & animales, produi. fent du nitre, ainfi qu’on le voit par l’expé- rience de Stahl, qui tira du nitre en expo- fant à lair des fels alkalis: j’ai moi mème tiré du fel de nitre de chaux prife des murs d’un parc. La feconde preuve, c’eft qu’on le trouve actuellement exiftant dans la na. ture. Plufieurs eaux minérales contiennent un fel nitreux, ainfi qu’il paroit par les expé- riences de M. Duclos , faites en préfence de l’Académie des Sciences de Paris. J’ai décou- vert auffi qu’il fe trouve des acides nitreux dans toutes les eaux crues & dures, & que toutes celles des puits contiennent un acide nitreux joint a une bafe abforbante ; lequel fel imparfait , pourvu qu’on y ajoute feule. &F de la Végétation. 10$ ment un fel alkali, fera converti en nitre réel. Troifiemement , fil’on fait bouillir de Peau crue & dure, ou qu’on | ee a un grand dégré de chaleur, Pacide nitreux eft réellement volatilifé, & la terre abforbante tombe au fond: ce qui prouve que lacide nitreux eft volatil & exifte dans lair. L’efprit de nitre fumant, s’évapore continuellement dans l’air. Ces expériences démontrent, ce me femble, inconteltablement quel’acide ni- treux diftingué de l’acide vitriolique , exifte dans l’air. Cet acide nitreux paroit étre le principe fertilifant que nous avons d’abord découvert dans l'air. Ce point établi, rendons raifon des pro: cédés qu’on {uit dans la façon de faire le ni. tre- Toutes lesterres n’y font pas propres, mais feulement celles qui attirent les acides; c’eft-à dire, les terres abforbantes; {cavoir, la chaux , la marne, & autres abforbans ou fubftances végétales & animales, qui don. nent une terre abforbante & un {fel volatil. Prefque toutes les terres contiennent plus ou moins de parties abforbantes. Ces terres ab. forbantes retiennent l’acide nitreux qui y entre avec l’air, ou le fxent & le recueillent quand il s’éleve des parties intérieures de Jaterre: car je ne fuis point für qu’il ne s’en éleve pas, quoiqu'il ne monte jamais beau: 106 Principes de l'Agriculture | coup au deflus. L'expérience de M. Mariotte en eftune preuve. Il expola la mattice du nitre pendagg deux ans fur le haut d’une maifon , &ilh’en put tirer de nitre; au lieu qu’il en tira dela même matrice gardée dans. un cellier. Les urines & fubftances végétales & anis males qui fe pourriffent, font d’une grande utilité: elles excitent un mouvement intes rieur dans la maffe terreufe: elles en tien. nent les pores ouverts, & y donnent un lis bre accès à l'influence de lair. Sans ces corps pourris, qu’on méleavec la terre, elleauroit une adhérence trop forte: fa furface feule agi. roit , au lieu que dans le caspréfent c’elt toute la mafle qui agit. C’eit à cela principalement que fervent les fubitances animales & végé. tales, car je ne crois pas qu'elles entrent, comme quelques Chymiftes l’aflurent , dans la compofition du nitre,puifqu’on peut faire du nitre en expofant les fels alkalis feuls à Pinfluence de lair. Ces fels attirent les acides, & leurs parties font d’un tiflu fi lâche qu’ils n’ont befoin d’aucune fermentation pour l'ouvrir. Le vent du Nord eft particus lierement propre à la formation du nitre y parce que ce vent porte avec lui une plus grande quantité d’acides nitreux; & c’eft fur touta cet acide qu’il faut attribuer le. 85 de la Végétation. 107 froid que ce vent nous fait fentir : je crois du moins la chofe trés-probable , quoiqu elle ne puifle être démontrée. Les mois d'ayver y font très propres, parce que le vent du Nord y fouffle plus qu’en aucune autre fai. fon; & qu’alors il y a moins de chaleur pour exalter le nitre pendant qu'il fe forme. Voilà de quelle maniere la matrice elt ime pregnée de l'acide de nitre. Voyons maintes rant ce que cette matrice contient. Nous en avons une analyfe par M. Petit, de die mie des Sciences. Il prit go. livres de vieux platras qu’il fit tremper dans 72. livres d’eau ; ce qui donna une liqueur rougeâtre piquante & amere y qui étoit à l’eau commune comme 32 eft à 31. Quand cette eau , a force de bouiilir, eut été réduite à un extrait liquide, car elle ne durcit point, elle attira promptement l'humidité & redevint tout a-fait liquide. EL le rendoit rouge le papier bleu, ne faifoit point effervefcence avec l’efprit de nitre, ou Pefprit de fel marin; & mêlée avec le pre- mier, elle diffolvoit les feuilles d’or. L’hui. le de vitriol mèlé avec cette liqueur, caula une fermentation violente fuivie de précipi- tation. L'huile de tartre par défaillance ne fe méla pas aifément avec cette liqueur, mais quand elle eut été remuée elle prodnifit un 108 Principes de PAgriculuve coagulum femblable au beurre, & qui : avoit une forte odeur d'urine. Le fublimé mèlé avec l'huile de tartre ne rendit aucune odeur d'urine. Le coagulum étoit leffet d’une {e. paration & précipitation d’une partie de la terre. Lefprit d'urine produifit le même. effet; mais l’efprit de fel ammoniac fait avec la chaux ne le produifit point. Le papier gris trempé dans cette liqueur brûloit com- me les allumettes. Ces expériences prou- vent qu’elle contient une terre abforbante, du fel volatil, de l'acide de nitre, & du fel marin. Il diftilla cette liqueur pendant cing jour & elle ne donna qu’un phlegme chargé de beaucoup de bitume. Quand il y appliqua le feu le plus violent , des nuages blancs pa. rurent dans le récipient, & ces nuages fe condenferent en eau régale. Deux autres * diftillations lui donnerent de l’efprit de nitre. Quand il y eut ajouté de l'huile de vitriol, il fe fit une ébullition violente ; cette opération lui donna de Peau régale: &avec la chaux vive il tira de Pefprit volatil d’urine en petite quantité. I] paroit encore que cette liqueur contient une fubftance huileufe , une matiere terreule , un peu de fel volatil, de l’acide marin & une grande quantité ‘Pelprit de nitre. Il melt pas difficile de voir d'où &F de la Végétation. 109 venoit la matiere inflammable & le fel vola« til; c’étoit des fubftances végétales & ani- males pourries, qui y avoient été mélées. Le fel marin venoit de Purine des animaux répandue fur la matrice du nitre; mais il ne put jamais extraire de cette terre nitreufe du nitre réel, On ne peut en tirer qu’en y ajoutant un {el alkali en nature ; ou contenu dans les centres des végétaux. On les ajoute ordinairement à la maffe nitreufe avant d’y jetter l’eau ; finon il faut y en mettre apres. L’effet qu’elles produifent eft de s’unir à Pacide nitreux quand on y a ajouté affez d’eau pour les mettre en action. Car les fels alkalis attirent l’acide de nitre plus puiflam- ment qu’une bafe terreufe, & chaflent me. me la terre. C’eft par cette raifon que la li. queur en bouillant dépofe beaucoup de cette terre. Il faut y mettre autant de fel alkali qu’il eft néceflaire pour faouler l'acide ni. treux & chaffer la terre abforbante. Le fel alkali ne peut s’unir à l’acide marin, parce que celui-ci a déjà une bafe rerreltre. Si ces terres abforbantes attirent de air l'acide de nitre dans les manufactures, elles doivent afflurément faire la mème chofe quand elles font répandues fur laterre, & fe convertir en ce mème fel compofé d’acide nitteux & d’une bafe abforbante. Ce n’eft Pe a) Principes de l Agriculture donc pas, comme on l’a cru, un nitre réel qui eft la caufe de la végétation, mais un fel nitreux impatfait. Cette idée eft confirmée par ce que nous avons déjà vu dans les ex. périences précédentes , que ce mème fel qui fe trouve dans l’eau falée paroit favorifer puiflamment la végétation; & qu’un fel artis ficiel de la mème nature, compofe avec la’ chaux & Vefprit de nitre, & joint à une quantité convenable d'huile, a rendu une terre maigre extrèmement fertile, Si ce raifonnement eft julte, les effets des divers amendemens doivent être d’autant plus grands, que les amendemens auront plus.de force pour attirer les acides. Or ceft ce qui arrive réellement, & ce qui confirme par conféquent la vérité de notre conjcéture: car la cendre a un effet plus prompt qu'aucun autre amandement, parce que les fels alkalis qu’elle contient attirent les acides plus forte. ment quene fait aucun autrecorps. La fuie & le fumier viennent aprés; ce font des al. kalis volatils & leur attraétion approche le plus de celle de la cendre: vient enfin la clai. fe des terres abforbantes. On peut remar- quer la mème chofe fur les marnes : car elles agiflent fur la terre , chacune à proportion de la faculté qu’elle a d’attirer les acides; d’a« bord la marne coquillaire, puis l’argilleufe, €S de la Végétation.. ii? & enfuite la pierreufe , qui refte quelquefois quatre ou cing ahs dans la terre avant d’y produire aucun effet. Ces amandemens per- dent leur efficacité dans la méme proportion: ceux qui fe convertiflent plus promptement en fel font auffi les premiers épuilés. | Il-viendra naturellement à tout le monde une objection contre ce fentiment, quoi- qu’appuyé fur des expériences fi concluantes; ceft qu'on ne tire aucun fel femblable des terres les plus fertiles. En général, ces par- ties abforbantes font en fi petite quantité dans les meilleures terres , & elles y occafon- nent une fi légere fermentation, qu'il n’ya qu’un trés-petit nombre de ces parties qui. fe trouvent fur la fuperficie & qui puiffent fe convertir en,cette forte de fels. D'ailleurs elles n’y font pas plütôt converties, que quelques plantes les abforbent. Cette obfer- vation fait aflez voir qu’on ne doit gueres s’attendre à tirer du fel nitreux d’aucune ter- re ; mais qu'on en ait pourtant tiré quelque. fois, c’eft ce qu’on peut voir par ce paflage de Bacon, Hifi. vit. ES mort. ,, Il eft tres. » Certain que toute forte de terre, pure & » fans mélange des fels ou acides nitreux, » quoique entaflée & couverre de maniere » qu'elle ne puifle recevoir les rayons du fo- » leil ni produire aucun végétal, attire lo 012 Principes de P Agriculture , nitre, & en amaffe en aflez grande abon- ;, dance. tt Néanmoins prefque tous ceux qui ont dé. compofé de la meilleure terre, nient qu’il sy trouve de ce fel nitreux : recourons done & l'expérience pour décider la queftion. Exp. 30. Pour la mettre hors de doutez je pris une taupiniere de bonne terre au mois d'Octobre. Je verfai de Peau deflus & je filerai cette eau à travers le papier gris. Cette liqueur, quand elle eut bouilli, fe trouva jaune & d’un goût falé. Ce fe] me parut vifiblement nitreux ; car le papier gris trempé dans la liqueur & feché, brila com- me une allumette. Quand j’y mis de l’huile de tartre, la liqueur devint laiteufe, & i tomba au fond une poudre blanche ; preuve que ce fel eft de la mème nature que celui des eaux crues & dures. D’abord je ne pus tirer de fel par la cryftallifation , parce que la li- queur étoit trés.onctueufe & en petite quan. tité; mais en m’y prenant comme font les ou- vriers des manufactures de nitre par rapport aux matieres nitreufes, c’eft à dire ; en mé« lant avec la liqueur de la chaux vive pour féparer l'huile d’avec les fels & la laiffant re- pofer quelques jours, j’en tirai de vrai fal- pêtre. Cette expérience fait voir à Pœil la pattie faline de la nouriture végétale. à e &9- de la Végétation. 113 _ De tout ce que nous venons de dire nous pouvons conclure : ~ Coroll. 1. Que puifque la chaleur empéche. la formation du nitre , en l’exaltant ; & que Phyver & le printems font les faifonsles plus favorables à fa génération , c’eft dans Pune ou l’autre de ces deux faifons qu’on doit ré- pandre les fumiers fur les terres Corol. 2. Que ces amandemens tirant leur fertilité de l’aétion de l'air, plus ils ref. tent expofés fur la fuperficie de la terre, plus ils doivent fe convertir promptement en fels nitreux : c’eft de quoi les Laboureurs font convaincus par l’expérience. Mais les corps qui contiennent un fuc nourricier déjà for. mé, tels que les chiffons de laine, les ches veux, crins, rognures de corne, le cuir , les fcieures ; ou ceux qui exiltent déjà dans la forme de fel neutre, tel que le fel marin, ne peuvent recevoir aucune amélioration de Pinfluence de l’air. L’expérience a confirmé pareillement cette obfervation. Voila de for- tes preuves de la vérité de notre précédente conjecture. Coro. 3. Puifqu’on a obfervé que le vent du Nord porte le plus d’acide nitreux, il femble qu’on en doit conclure, que les hau- teurs ou coteaux expofés au Nord en recoi- vent davantage. Aufli a-til été obfervé H 114 Principes de l'Agriniie qu'ils font communément plus ferti ceux qui font expofés au midi 5 mari miers n’étant pas aufli expofés au foleil les derniers, ils doivent être d’un moit dre rapport. Notre théorie de la végétation et rend fuffifamment raifon. ak Coroll. 4. Ii paroit par les opérations dela manufadure de nitre que toutes les terres abforbantes dont on fait ufage dans Vagri- culture, deviendroient plus propres à rem plir Pobjet qu’on fe propofe , fi Pony ajou- toit quelques fubftances végétales ou ani- males pourries , pour ouvrir “le tiffu de leurs parties & les rendre plus acceflibles aux in fuences de l'air. RE à 4 QUATRIEME PARTIE. PREMIERE SECTION. De la néceÏlité d'ouvrir GF de puluérifer le terre. é | foins du Laboureur ne doivent pas fe borner a fournir dela nourriture aux plan- es; ilfaut encore qu’il les mette en état de chercher cette nourriture. Elle n’eft d’aue ie CS de la Végération. : 1: tuñe utilité pour les plantes , fi leurs racines ne peuvent percer la terre pour y atteindre & s’en nourrir. Delà la néceflité d'ouvrir & de pulvérifer la terre. Les plantes fe nour- riflent principalement par leurs racines : elles ne commencent mème à croître que quand leurs racines font aflez fortes & affez nom- breufes pour fe nourrir elles-mèmes, & leur tige avec elles. Plus elles s'étendent, plus la plante recoit de nourriture, plus elle devient forte & répond avec fuccès au deffein de la nature. Mais ce n’eft pas dans cette vite feule- ment qu’on doit favorifer l’accroiflement des racines. Elles paroiffent encore par un autre endroit , être la principale caufe de la fécondité des grains. Car non-feulement elles nourriflent les plantes, mais elles pouf. fent elles-mmèmes plufieurs jets ou tiges. Une petite partie de racine fuffit fouvent pour produire une plante. Il fort des racines de différens grains plufieurs tiges, long.tems mème après que le grain eft pourri. Plus il y a donc de racines, plus il ya de jets & de tiges: or, la quantité des racines paroit dé- pendre en partie du foin qu’on prend de pul- Yériler la terre. Il eft vrai que laterre peut auff ètre trop divilée & trop meuble: car il faut qu’elle ais H 2 y16 Principes de ? Agriculture une certaine confiftence pour foutenir Îles plantes. Les terres fableufes on graveleufes deviennent pires quand on les laboure fou- vent ; & l’on a obfervé que les terres légeres, trop fumées , produifent des récoltes de pois moins abondantes , que quand elles ne font point fumées du tout ; mais ce défaut eft rare dans les terres. La trop grande denfité eft beaucoup plus commune & donne benneue plus de peine aux Laboureurs. Voyons donc par quels moyens les terres font tenues meubles. Nous en diftinguerons de naturels & d’artificiels. rhe Rac Ts PEUR PT YSERA er ee $‘EC.7)T: ON ae Effets de l Atmofphere. L ES viciffitudes ou changemers alterna. tifs de Pair , font les principaux moyens que la Nature employe pour parvenir à cettefin, Le froid & le chaud, la fécherefle & l’hu- midite, reflerrent & dilatent la terre alter- nativement ; & par ces mouvemens alter. natifs en ébranlent & féparent les parties. Mais il n’y a point de moyens plus efficaces que la gelée & le dégel. I n’eft prefque per, €9 de la Végération. rou fonne qui n'ait obfervé combien la terre eft meuble après les gelées: on voit mème plu- ficurs végétaux jettés alors hors de terre. Or il paroit que la gelée agit de plufieurs ma. niéres; 1°. en mettant dans un-état d’élaftis citéune partie de Pair fixe, qui divile & fépare les parties de la terre pour fe faire une iffue ; 2°. par la dilatation de l’eau , qui en fe gelant dans la terre, doit en défunir les par- ties adhérentes entr’elles; 3°.les parties de Peau en s’échappant de la terre à la maniere des fels, doivent la fendre & la divifer. Coro!. Afin que la terre puifle recevoir tous les bons effets de la gelée , il paroit con. venable de lui donner un labour avant que les gelées commencent. Une feule façon alors la pulverifera plus que deux après les gelées; mais il faut toujours avoir égard au climat à car dans les pays ou il tombe beaucoup de pluyes pendant l’hyver , cette pratique de. viendroit préjudiciable, en expofant la bon- ne terre à être emportée par les eaux. EN rg Principes de P Agriculture SECGCTTON IIL 7 Du changement des efpeces Ï L yades plantes deftinées par l’Auteut de fa Nature à reflerrer & à raffermir la terre, & d’autres à l'ouvrir & à la divifer. Les plane tes à racines fibreufes fe partagent en petits filets ou radicules, qui s'étendent dans tou- tes les directions, mais furtout horifontale. ment. Les plantes à pivot pouffent perpen- diculairement une grande tige, accompas gnée de radicules latérales. Les premieres s dans laquelle clafle on met tous les grains, tels que le feigle, &c. confolident la terre, au lieu que les autres, parmi lefquels on ran~ ge les plantes légumineufes , les carottes, navets, &c. divilent & atténuent extrème- ment laterre. Souvent mème les treffles font jettés tout-à-fait hors de terre après la gelée, Cet effet provient de la nature des racines. Les racines fibreufes doivent lier & reflerrer la terre comme autant de petites cordes ; au licu que les plantes pivotantes s’enfoncent dans la terre comme des coins, & par cette force méchanique Pouvrent & la divifent. Peut-étre ces dernieres plantes operent-elles &F de la Végétarion. t:9 encore, en donnant par leurs racines plus d'humidité à la terre, qu’elles tiennent par-là beaucoup plus meuble. Il paroît que quel- ques-unes ont cette propriété. Un pied de mente quia une partie de fes racines dans Peau & les autres en terre, humecte la terre par ces racines, felon l'expérience de Tull. Les plantes légumineufes, en couvrant la terre de leurs feuilles , la tiennent humide, empéchent le foleil de la confolider, & dé- truifent les mauvailes herbes qui la reffer- rent: c'eft par cette raifon que le change- ment d’efpece améliore les terres. Quand une terre eft fouvent enfemencée de bleds & autres grains, elle fe condenfe trop. Une récolte de pois, de feves, de navets, lat- ténue & la pulvérife. Les Fermiers ont appris par expérience que toutes les plantes à racines fibreufes ap. pauvriflent la terre, & qu'elles réuffiffent mal, quand elles fe fuccedent immédiate. ment les unes aux autres. Au contraire les plantes à pivot fertilifent la terre, & elles peuvent être femées avec fuccès les unes apres les autres. C’eft que ces dernieres, en ouvrant la terre, donnent un libre paflage à lair pour y pénetrer plus avant, & par con- féquent favorifent la production de la nour- titure végétale: au lieu que les premieres, H 4 120 Priscipes de Agriculsuve en confolidant la terre, empéchent ens pat: tie l'influence de Vair, & rendent le fol moins fertile. ra Il a été obfervé que non feulement le changement d’efpece, mais mème celui du grain eft neceflaire: le mème grain femé dansla mémeterre y dégénere. Ceci vient d’une autre caufe. Il arrive fans doute rare« ment que la nourriture végétale fe trouve mélangée dans toutes les proportions qu’il faudroit, & qu’elle ait précifément la confif. tance qui conviendroit le mieux. Les terres étant ordinairement trop féches ou trop hu- mides, trop légeres ou trop compadtes, la nourriture végétale doit être aufli trop lé- gere & trop humide, ou trop épaifle & trop gluante. Les végétaux doivent donc fouf. frir de recevoir toujours la même forte de nourtiture, & ne peuvent fe réfaire que dans une terre qui ait des qualités oppolées. ae ee ee SECTIOWN: IV. Des Labours. L E labour eft la méthode artificielle de pulvérifer la terre, la plus connue & la plus pratiquée. Le labour produit cet effet de \ €5 de la Végétarion. 120 deux manieres, 1°. parune divifion mécha- nique immédiate & une trituration de later re; 2°, en Pexpofant plus fouvent & avec plus d’étendue , à Vinfluence & aux viciffi- tudes de Patmofphere. Je crois meme que c'eftencette derniere opération que confifte le principal avantage du labour : car un inf trument auffi groffier que la charrue, pa- roit peu propre de lui-méme 4 préparer la terre à entrer dans les vaifleaux capillaires des plantes ; cependant fes effets font très. remarquables. Nous les voyons parfaite. ment bien repréfentés dans Vhiftoire que Pline raconte de C. Furius Crefinus. Ce Laboureur ayant toujours de plus belles ré- coltes que fes voifins, fut foupgonné de ma- gie, accufé devant le peuple, & près d'etre condamné a mort. Quand les Tribus furent aflemblées pour donner leurs {uffrages , il leur montra tous {es inftrumens de labou- rage, beaucoup plus grands que ceux des au- tres, un coutre plus large, une charrue plus pelantes & il ajoutaces paroles remarqua- bles: “‘ Romains, voila ma magie, & je 5, he puis produire ici mes travaux, mes » Veilles & mes fueurs ”. Il fut renvoyé abs fous d’une voix unanime. Les bons effets des labours dépendent de Ja {écherelle de la terre, car fi elle eft imbi- +22 Priacipes de l Agriculture bée d’eau , elle fe confolide, au lieu de fe di. vifer, & nc dans cet état jufqu’à ce que les gelees de ’hyver Patténuent & la pulvé rifent. Les corps fecs font les feuls qui pie fent fe réduire en poufliere. Les Laboureurs doivent ouvrit la care la même profondeur que les racines du bled — pénétrent ordinairement , afin qu’elles puif fent trouver un libre paflage: mais ils dote vent prendre garde de ne pas enfoncer la cherrueau.delà du fol, autrement ils enter- rcroient ce qui auroit été amélioré par Pine fluence de l'air, & y expoferoient ce qui ne pourroit peut.être en recevoir aucune amé. lioration. Ainfi la charrue ne doit être en- foncée qu’à proportion de la profondeur de la bonne terre. Il eft furprenant que nous n’ ayons point encore de moyen plus certain pour détermi- ner la profondeur de la charrue, & la tenir dans la fituation précife que la terrs deman. de, que l’attention du Laboureur ; attention que les objets extérieurs & la fatigue peuvent tres fouvent diltraire , dequoi fouffrent éga- lement les bœufs & la terre. La charrue a roues ne prévient-elle pas cet inconvénient ? Plus la terre e(t forte, plus elle doit etre labourée fouvent. L’argille ne {Gauroit Petre trop , mais les terres plus légeres pourroient € de la Végératior. 123 l'être. Plufieurs Laboureurs conviennent que les labours trop fréquens nuifent aux terres fableufes & graveleufes. Comme cette opération dépend des prin- cipes de la méchanique & non de ceux de la Chymie, je n’en parlerai pas plus au long, Jelaifle à d’autres le foin detraiter ce fujet véritablement intéreflant; & qui, quoique aflez bien entendu peut-être pour la pratique commune, n’a pourtant point encore été ré~ duit à exactitude mathématique , dont tous les agens méchaniques font fufceptibles. Je fouhaite qu’un jour quelque Laboureur ha. bile dans fon art & inftruit dans les mécha- niques , expofe les principes fur lefquels les charues devroient ètre conttruites. {lrendroit un fervice important à toute la Société, ERP PER NE EP EN SRI SET STE) SECTION V. Des amandemens. I L eft un autre moyen que l’art employe pour tenir la terre meuble, celt d'y méler des corps putrides & en fermentation. Nous avons VU que ces corps ont un mouvement interne confidérable avant qu’on les jette fur 224 Principes de P Agriculture Ja terre. Ils sy confervent, quoiqd'en un moindre dégré. La terre grafle des cimetie. res, à caufe de la fermentation où elle eft, fe renfle tellement quand elle eft expofee a Dairy” qu'elle ne peut rentrer toute entiere dans les foffes d’où on l’a tirée. L’argille, qui ne — contient que très peu de parties putrefcen- tes, elt de toutes les terres celle dont les pars. ties ont le plus d’adhérence. Nous avons — déja vu combien les coquilles, quand elles commencent a fe pourrir, divifent & ameu- bliffent la terre. Mais outre ces amandemens, il y ena encore qui, fans etre du nombre des putref- cens, atténuent puiflamment laterre. De ce genre font les marnes, & fur tout les plus douces, par exemple, Iargilleufe. Nous avons vu plus haut avec quelle promptitude les marncs perdent leur adhérence & tombent en poudre. Elles communiquent cette quali- té aux autres terres, meme aux plus adhé. rentes & aux plus compactes, L’expérience fuivante en eft une preuve. Exp. 31. Prenez des parties égales de marne & d’argille. Pétriffez-les bien enfem. ble & faites les fecher. Quand la fubftance compolée de ces deux matieres eft mile dans l'eau, elle tombe peu à peu en poudre au fond du verre, au lieu qu’une boule d’argille € de la Végérarion: 12ç pure refte dans l’eau fans fe diffoudre: preu- ve convaincante que la marne a, pour atté. nuer les terres, une vertu finguliere, & dont aucun autre corps n’approche. [1 a été obfervé que toutes les terres argilleufes, quand elles ont été marnées , fe fechent quatorze jours plätôt qu’elles ne faifoient auparavant. Ce qui provient de ce que la terre étant plus di. vifce, elle ouvre plus de paflages à l’eau pour s’écouler. Je fais que ce fentiment contredit Vopi- nion très commune que la marne n’eft pas propre pour les terres sigilleufes. Je ne vois point ce qui a pu donner lieu 4 cette idée, . finon que des corps qui fe reffemblent fi tore ne peuvent être regardés comme capabies de s'améliorer Pun Pautre; mais l'expérience de pluleurs pays où l’on employe ordinaire. ment la marne, quoique le fol ne foit qu’une forte argille, réfute allez ces idées vulgaires. L'expérience fuivante va mettre la chofe hors de doute. Exp. 32. J'ai rempli un pot de la mème argille, que j'avois employée dans lexpé. rience précédente. Cette argille étoit reltée expofée à l’air pendant quatre mois,& paroif- foit n’ètre mélée d'aucune autre terre , ayant été tirée à fept ou huit pieds dz profondeur, Jappellerai ce pot n°, 1, Le pot n°, 2 fus 126 | Principes de [ Agriculture rempli de parties égales d’argille & demarre N°. 3 de parties égales d'argille & de chaux éventée. N°. 4 de parties égales d’argille & de fable de mer bien lavé. N°. § de parties” égales Wargille & de fumier. Je retournai tous les} jours ces différentes terres, & le 26 — d’Avril je femai dans chaque pot fix grains — d'orge. deterre. N°. 3 enavoit quatre. 17 Mai, n°. 2 enavoit fix. N°. 3 fept; deux defquelles étoient d’un mème grain: N°. 4 & § en avoient chacun une. 21 Mai, N°. 5 enavoit cing, dont de étoient d’un pouce & demi de haut. N°. 2 euavoitfix, de deux pouces. N°. 3, Pa dela mème hauteur. N°. 4, deux, dont Pune — était d’un pouce. N°. 5 trois, chacune de deux pouces. 4 Juin, N°. 2, le plus haut & le plus verd. N°. 3 bite) N°. 1 & § dela mème hauteur entr’eux, mais le dernier, d’un verd trés-foible. N°. 4 le pire. 20 Août, N°. I avoitenviron neuf pous ces de haut , & étoit devenu fort pâle. Il pa- roit que fes racines n’avoient pu percer Pare gille, & qu’elles ne s’étoient étendues qu’à travers les fentes & crevafles. N°. 2 avoit neuf épis, & d’un beau verd foncé. N°. 3 14 Mai, n°. 2 avoit deux plantes forties - 14 € de la Vegetation... 12% en avoit huit, mais d’un verd plus foible, N°. 4 en avoit cing, & c’étoient les plus petits de tous. N°. § en avoit neuf, pref- . que auflibeaux que ceux du n°. 2. Je wai point eu Poccafion de les revoir davantage. Cor. 1. On voit par cette expérience combien la marne eft un amandement u- tile. Car la glaife d’elle- mème ne peut pro- duire aucunes bonnes plantes, parce que leurs racines ne fçauroient y pénétrer. Cor. 2. Il paroit, contre Popinion com. mune , que le fable eft le moins bon de tous Jes amandemens que j’avois employés. Ilne fcauroit divifer les petites parties d’argille , feule divifion utile pour faire croître les ves gétaux. Le fable en petite quantité femble plûtôt fortifier l'union des petites parties de Vargille , comme on le voit dans les Manu- factures de briques. Cor. 3. La chaux paroit étre un bon a- mandement pour largille. Javois laiffé s’& venter pendent quelque tems celle d’ont j'ai fait ufage. L'effet que air produit deflus er Ja changeant de chaux vive en chaux éteinte, doit ameublir confidérablement la terre. Cor. 4. Il paroit que le fumier & la marne font les meilleurs amandemens pour Vargille. Le premier a une fermentation confidérable, Yautre perd toute adhérence quand on y a joute de Peau. SECTION VL 4 De la Végétation. ‘a & { L ne fera pas inutile de confidérer ici en peu de mots ce qui doit arriver à la nourri ture végétale dans les vaiffeaux des plantes. Ce fujet ne demande point que nous entrions dans une difcuffion de Panatomie des plantes. Je m’en tiendrai à celle des Botaniftes. Le fel nitreux étant formé fur la fuperficie de laterre , fera entraîné dans l’intérieur avec les rofées & les pluyes. Il y diffoudra les huiles qu’il rencontrera fur fon paflage , & formera avec elles un fuc favoneux, qui contiendra, outre les principes précédens, un air & un feufixes. Ce fuc fera retenu par ja terre, parce que, comme je l’ai fait voit par expérience, laterre fertile agit comme une éponge à l'égard de l’eau. Là il éproue vera deux mouvemens, lun de defcen« fion , caufé par fa propre péfanteur ; Pau- tre d’afcenfion, que lui donneront la cha- leur dela terre & l'influence du foleil. Dans cette agitation continuelle , il fera fans cefle appliqué aux racines deftinées à recevoir la nourriture des plantes, La —— a, €3 de la Végétation. 129 La premiere queftion qui fe préfente ici, c'eft comment ces fucs montent au haut des plantes & des arbres. Malpighi croit qu'il faut attribuer cet effet, en grande partie aux véficules de l'air qu'il a découvert dans la ftruéture des plantes, & qui lui paroiffent devoir fe contracter & fe dilater felon les di- vers.changemens de latmofphere. Mais il me femble que cette dilatation des vaiffeaux ne doit poit forcer les fucs à monter plütôt qu’à defcendre. Je croirois mème qu’elle ar- téteroit plûtôt tout à fait leur mouvement. La raifon qu’on en donne ordinairement , c’eft a dire l’action des vaifleaux capillaires, me paroîttrès fufifante. Halés a démontré ce fait aux yeux par plufieurs expériences, dans lefquelles trie partie d’une branche ayant été coupée par les deux bouts & ayant fa partie inférieure dans Peau , ’humi. dité fe failoit voir aufli:ôt dans la partie fu- périeure. Cet eff:x destubes capillaires doit venir d’une attraction mutuelle de l'eau & de Ja fubftance dont ces vaifleaux font compofés. I! eft démontré par une expérience “que le Docteur Taylord rapporte dans les Tran£ actions Philofophiques , n°. 368, qu'il y a entre le bois & Peau une trés-forte attrac- tion. Il attacha à une balance un morceau de planche de fapin, le fit tremper dans l’eau, I 130 | Principes de P Agriculture le péfa & le replongea dans l’eau. Ce mor- ceau de planche avoit de furface un Pouce en quarré. Pour le lever, lorfqu’il touchoit Veau, il fallut cinquante grains au- deffus du premier poids. Le poids ainfi fur ajouté dans différentes expériences qu’il fit encore , étoi toujours en proportion avec la furface. it diftance de la furface inférieure de la planche à la furface de Peau ftagnante au tems de la f{eparation , étoit de la 5 partie d’un pouce. Ce poids fur-ajouté eft la mefure réelle de l'attraction entre la furface du bois, & Peau en contact. Une autre force qui contribue beaucoup à élever la feve, c’eit attraction naturelle en- tre les parties conftitutives de ce fluide. Ce doit être certainement le cas de la feve lorf{- qu’elle fe meut vivement, comme dans la vigne quand elle pleure. Ces deux caufes a- giffant enfemble, & l'évaporation fe faifant continuellement pat les parties fupérieures des vaiffeaux , la feve s ’éleve des racines des plantes jufqu’aux extrémités de leurs bran- ches. Mais la nature ne voulant pas que cette opération fe fafle trop promptement, il fe trouve plufieurs vaiffeaux en forme de {pi- rales & plufieurs cellules dans lefquelles la fe. ve eft dépofée, & qui en retardent la marche. € de la Végétation: 13% Dans ces vaifleaux & cellules la nature de la feve eft altérée par l'agitation des plantes, pat les mouvemens continuels de ceux de leurs vaifleaux qui contiennent de Pair, & peut-être par les particules de lumiere regties dans leurs feuilles. Les fucs font rendus plus forts par l’expulfion des parties aqueufes , & ce qui réfte eft ou appliqué aux extrémités des vaifleaux,qui courent dans toutes les di- rections horifontalement, comme perpendi- culairement, & fait croitre la plante en grof. feur & en longueur ; ou employé a formet les feuilles, les fleurs & le fruit. La différence des plantes dans leurs fucs & dans leurs productions , s’explique aifément par les différentes combinaifons des cing prius cipes dont leur nourriture eft compofée, & les différens dégrés de ces combinaifons. Si les parties plus groffieres font deftinées à quels que ufage, les plus fubtiles font toutes enles vées par les vaiffeaux latéraux, jufqu’a cé qu’il ne refte plus que celles qui font nécef: faires. Siau contraire ce font les parties plus fubtiles qui doivent être employées, elles fé filtrent dans de petits vaifleaux propres à les recevoir , & qui font placés foit dans de plus larges , foit dans les cellules , où les fucs font dépofés. Ainfi les parties d’une certaine greffeur font portées & dépofées dans cere 12 532 Principes de PAgriculture taines parties des plantes. De: là cette variété de fels , d'huiles & de figures dans les végé- taux; dela cette différence @odeurs, de goûts, de vertus, & autres qualités. On voit par une expérience de M. Hom berg quel pouvoir inhérent ont les vaiffeaux des plantes, pour changer & altérer les fub£ tances qui y font recùes. Il remplit d’une quantité fufhfante deux pots de terre, mèlée avec du falpétre. I! planta dans Pun du cref- fon, plante alkalifante & qui donne un fel al- kali volatil fans acide. Dans l’autre du fe. nouil, plante acefcente, & qui dans la dif. tillation donne un acide fans fel alkali vola- til. Il remplit deux autres pots d’une terre qu’il avoit dépouillée de tous fes fels, fi elle en avoit eu quelques uns. Dans Pun i plan- ta du fenouil, & dans l’autre du ccreffon. Les deux plantes des deux pots où il avoit mêlé du falpètre vinrent beaucoup mieux & pe- foient beaucoup plus que celles des pots où il n'avoir point mis de nitre. Le creffon du pot où il y avoit du falpètre ne donna aucun fel acide dans la diftillation, quoiqu'il eût été nourri d'un fel qui contenoit un acide. Et le ‘fenouil venu dans la terre dépouillée de ces {els donna un acide, quoiqu'il n’y en eûtau. cun dns cette terre. Cetie expérience prouve que les vaifleaux des plantes ont la faculté « €3 de la Végétation. 133 de convertir les fels qu’elles tirent dela terre en leur fel propre; probablement en les combinant avec differentes proportions d’eau , d'air, d'huile, de terre & de parties de lumiere émanées du {oleil. Mais quelle raifon donner de la différence des formes extérieures des plantes ? Recour- rerons nous immédiatement à la main du Souverain Etre ; ou, ce qui doit être regar- dé comme le dernier pas que puiflent faire les Philofophes , chercherons nous quelques agens chymiques capables de produire cet effet? Plufieurs expériences prouvent que les fels, fur tout les fels nitreux, ont un pouvoir naturel & inhérent de fe former en végétations, comme on les appelle, & de prendre la forme de plantes avec leurs bran- ches, leurs feuilles, & mème leurs fruits : pouvoir qui leur vient de la forte liaifon qu'il y a entr’eux & l’eau. Ce fait m’a fou- vent porté à croire que le pouvoir végétati£ des plantes & leurs formes particulieres de végétation proviennent du pouvoir végéta- tif inhérent à leurs fels. Eneff:t, oncbferve que cette faculté végétative des plantes cft d'autant plus forte, qu'ilentre plus de {els dans leurs vaiffeaux. Ainfi j'ai tâché dexpliquer les effets des amandemens {ur les différentes terres, l'élé. 13 > X34. Principes de r Agriculture vation & les changemens de la nourriture végétale dans les vaifleaux des plantes par. oes. attractions & affinités remarquables dont l'Auteur delaNature a revêtu les petites par- ties dela matiere. Ces parties ne font pas, comme on fe l’imagine communément, des corps purement paflifs, mais pleins d'activité, : de vigueur, & capables de produire ces chan- ° gemens qui renouvellent & confervent la nature. Je les ai démontrées , ces afñinités, : par des expériences, & n’ai point eu recours à d’autres principes. C’eft fur ce feul fonde. ment que j'ai établi tout le plan de cet Ouvra-. ge; je me flatte que fa fimplicité {era une. forte preuve de fa vérité. Mais d’où viennent ces attractions électi- ves qui mettent tout en mouvement dans l'Univers? De qui la matiere tient-elle le pouvoir d’agir hors d’elle-mème ? Car elle agit de cette maniere, où il faut admettre une chaine infinie d’agens matériels: De qui, dis je, tient elle donc ce pouvoir, fi- non d’un Etre immatériel , qui lui a donné d’abord ces propriétés, & qui, par fa volon- té immediate, les lui conferve conftamment dans le mème état. C’eft fur ces parties, dont la petitefle échappe aux yeux des hom- mes, que l’Etre Tout-Puiffant prend plaifir à déployer fa puiflance, & fur leurs proprié. €S de la Végétation. 135 tés qu’il a voulu établir l’admirable fyftème du monde. De-là l'origine du mouvement, de l’adhérence , de la croiffance, & de Pore _ ganifation. Mais toutes les formes indivi- duelles étant deftinées à n’avoir qu’une du- rée finie, Dieu a revêtu d’autres parties d’u- ne force répulfive , & mêlés les femences de diflolution avec les premiers élémens de la vie organique. Tant que les vaiffeaux ref. tent ouverts, & que le mouvement des flui- des fubfifte, les forces attractives ’empor- tent fur les répulfives & la vie végétale ou animale continue. Mais quand ce mouve- ment cefle, & que d’autres circonftances . concourent, les forces répulfives l’emportent fur les attractives, elles détruifent le com- pofé, & réduifent le corps aux parties dont il avoit été formé d’abord. Voilà le grand cercle'que fa fageffe infinie a tracé, & dans lequel fa toute puiffance s’eft renfermée pour le plus grand bien de l'Univers, the HORS I 4 136 Principes de? Agriculture MLS PARTIE PU SECTION PREMIERE. PR] A Des mauvaifes herbes. jae obftacles de la végétation & les moyéns d’y remédier font le dernier objet que nous nous fommes propofé de confidé- rer. Les obftacles viennent ou dela terre, ou | des plantes mémes. Nous en traiterons fui. vant cette divifion. Quant aux obftacles gui viennent de k terre, je mets d’abord, avant tout, les vé- gétaux , qui n ’étant d'aucun ufage au Fer- mier , font appellés , par cette raifon , her- bes inutiles, ou mauvaifes herbes. Elles empéchent les bonnes plantes de croitre, parce qu’elles confument une partie de la nourriture. Je mets au même rang ces raci- nes qui courent fouvent dans la terre en fi grande quantité , qu’elles la refferrent & la lient, pour ainfi dire, empéchient les racines du grain de s’étendre, & emportent une grande partic de la nourriture végétale. Ces racines font ordinairement celles du chien- €S de la Végétation. 137 dent: larrètebeuf a auffi une groffe racine qui s'étend fort avant dans la terre. On détruit ces mauvaifes herbes & leurs racines, 1°. par un labour d’été: car alors alles font retournées par la charue dans le tems qu’elles commencent à pouffer, & leurs racines fe trouvant expofées au foleil, elles fechent & meurent promptement , ou mème elles font enfevelies fous la terre. à 2°. Un moyen analogue au précédent, c’eft d’enfoncer la charue à dix huit pouces de profundeur. Ces herbes fe trouvent par. là enfevelies fi avant dans la terre , qu’elles meurent bientôt ; mais ce moyen ne doit être employé que quand la terre eft bonne a cette profondeur. °, Une autre maniere de faire périr ces mauvaifes herbes , c’eft de les arracher avec le rateau quand elles font jeunes, parce qu’a- lors on en arrache en mème tems toutes les racines. 4°. Aucune plante ne peut croître fans une fuffifante quantité d’air frais: car lair n’eft pas moins néceffaire à la vie végétale qu’a la vie animale. Toutes les plantes qui couvrent entiévement la terre doivent donc faire mourir celles qui pouflent au-deffous d'elles. Ceft par cette raifon qu'une bonne récolte de pois détruit toutes les mauvailes 133 Principes de l Agriculture herbes, en les couvrant d'ombre: de forte que les Fermiers fe promettent une bonne récolte de froment, quand celle des pois a été bonne: fi au contraire la récolte des pois eft mauvaife , il vient alors plus de mauvai- fes herbes qu'à l'ordinaire, & les Labou- reurs ne peuvent fe promettre qu'aucune des trois muiflons fuivantes foit bonne, à moins qu'ils ne donnent plufieurs façons à la terre. C’eft par le mème moyen qu’on détruit la fougere. On tient l’enclos fermé depuis le milieu de Mai jufqu’au commencement de Décembre, on le fait paître depuis ce tems-là jufqu’au mois d'Avril, & alors on y laiffe venir une récolte de foin. Couvert pen- dant fi long-tems par deux récoltes fucceffi- ves, il ne recoit point) influence dé l'air, ce qui le fait mourir. 5°. Il y a encore une autre maniere de faire mourir les mauvaifes herbes ; c’eft d’y employer la marne. J'ai vu le genét détruit par ce moyen. Du froment ayant été femé dans un champ, dont une partie avoit été marnée , & l’autre ne l’avoit point été; la partie marnée fut délivrée de toutes les mau- vailés herbes, tandis que celle qui n’avoit point été marnée en étoittoute remplie. On avoit femé le mème froment dans l’une & dans lautre partie du champ. Je ne puis €F de la Végetation. #39 expliquer cet effet de la marne qu’en difant qu’elle fit croître le froment fi promptement, qu'il étouffa & fit périr les. genéts. = —— SECTION IL Des terreins humides. R LE Nn’eft plus contraire à la végétation, que la trop grande, humidité du fol. Elle vient toujours d’une couche de roc ou de: glaife, qui fe trouve au deffous de la fuper. ficie. Ces couches ne permettant pas aux eaux de pluye de fefiltrer, elles ne peuvent être emportées que par la voye de lévapo. ration: voye fort lenteen comparaifon de la filtration, Les Laboureurs expriment l’effer. de Peau en difant, qu’elle rend la terreaigre : ce qui ne fignifie pas que la terre devient ré: ellement aigre, mais feulement qu’elle eft. alterée dans fa nature, &rendue peu propre: ala végétation. Les productions naturelles: de ces fortes de fols fonc les jones & cette ef pece de mauvaife herbe, qu'on trouve quel. quetois dans le fond, mais rarement fur la. evéte des fillons, qui eft feche & fans goût comme un coupeau de bois, & rude autou- 340 Principes de P Agriculture cher, quand on la manie à rebours. Je crois que l’effet naturel de l’eau , qui féjourne fur les terres, eft d’empécher l’air d’y pénétrer, & par là de priver la terre de fes influences.” On corrige cet excès d'humidité en dons nant aux raies des fillons une difpofition convenable, & qui, fuivant la pente naturelle de laterre, procure à l’eau un libre écoule- ment. Îl n’eft pas moins important que ces raies foient droites, car plus elles le font, moins l’eau refte fur laterre. I! paroit encore que plus la créte des fillons fera étroite, pouvu qu'ils s’élevent au deflus de Peau, plus l’eau s'infinuera 2i/ément à travers pour tomber dans les raies qui doivent être faites avec une charrue à doub e oreille, afin que les deux oreilles rejettent la terre de Pun & de l’autre côté. La marne, comme je lai dit plus haut, leche la terre en la divifant & en la pulvérifant. Un chimp amandé de cette meniere, fera prèt a labourer au printems, quatorze jours plütôr qu'il ne le feroit s’il néioit point marné. Si ces moyens ne ré uffiifent pas , par rapport aux eaux qui vien- nent de fources, il faut faire a différentes diftances des faignées ou des canaux cou- verts. Les faignées paroiff:nt convenir da- vantage quand les fources ne font pas entrop grande quantité, ES de la Végétarion. YAI ees ee Sr CT 1 ON2IIL Des pluyes. | Es pluyes trop abondantes empéchent la coction convenable des fucs dans les vaif-. feaux des plantes, & alterent confidérable- ment la nature de ces fucs. En l’année 170$, dit un Auteur François, il ne plut prefque pas en Juin & en Juillet, & les bleds furent excellens: mais en 1707, quoiqu'il y eut eu des chaleurs extraordinaires, i! plut fi abondamment ces deux mois, que les bleds m'ont rien valu, & fe font prefque tous échauffés. On a obfervé qu'après les pluyes les plan. tes croiffent beaucoup, non feulement les plantes terreftres, mais même les aquati- ques. On ne {Gauroit fuppoler que celles ci ayent befoin d'eau : cet effet provient donc de quelque autre caufe:, que de la nutrition des plantes par leurs racines. On a obfervé la mème chole quand le ciel, de clair & fe- rein, devient couvert & orageux. Peut-être alors la trop grande tran{piration des plantes eft-elle arretce: peut-être fucent-elles l’hu- 142 Principes de l'Agriculrure midité par les pores de leurs feuilles & de leur bois: peut-être enfin que leur nourri- ture dépendant de la circulation de leurs fucs, & cette circulation dépendant elle. mè. me de la contraction de leurs trachées, fe. lon Malpighi, cette foudaine contraction remplit de fucs nourriciers leurs vaifleaux les plus petits & les plus éloignés, & le fait avec aflez de force pour étendre & allonger ces vaifleaux. Comme ils fe trouvent alors pleins d’eau, & que la tranfpiration eft moindre qu’à l’ordinaire , il n’eft pas éton- nant que la coction des fucs ne fe fafle pas bien & que le grain foit mauvais. SECTION IV. Des défauts des Sémences. A PRES avoir confideté les obftacles de la végétation caufés par la nature du fol, paf. fons à ceux qui proviennent de la fémence. Pour avoir de fortes plantes, il faut choi- fir de bonne & forte femence. Le grain af: famé dans une terre maigre ne fcauroit pro- ficer. Les vieux grains qu’on feme ne viennent € de la Végétation. 143 pas bien: c’eft pourquoi les fermiers choi- fifent toujours du bled de l’année. On a cru que le grain ne germe pas quand il a plus de cing ans: mais on ne {cauroit fixer de tems précis, car tout dépend de la féchereffe & des huiles de la femence. Toutes les fe- mences huileufes fe gardent long-tems; quel- ques-unes font reftées en terre pendant dix- huit & vingtans. Deux mois après Pincen- die de Londres, on vit croître une grande quantité d’une efpece dEryfimum, dans des endroits où il y avoit eu des bâtimens pen- dant mille ans. M. de Reaumur ayant femé quelques grains d’un bled qui avoit été con- fervé dans la citadelle de Metz pendant cent quarante ans, & avec lequel , quoiqu'il eut été gardé fi long tems, on fit de fort bon pain: au bout de trois femaines quelques- uns de ces grains parurent gonflés , d’autres non, fix femaines après il ne s’en trouva plus aucuns. La ftérilité des vieux grains paroit venir , de ce que leurs vaifleaux perdent la flexibilité néceffaire, pour qu'ils puiffent s’étendre & fe remplir d’eau; & de ce que la liqueur, qu'ils contiennent, n’a plus le mucilage gluant néceffaire à leur nutrition. On en peut juger par l'effet, que produit fur le grain l’évaporation de ces parties mucilagi- neufes 5 elle le rend fragile & caffant. 144 Principes de P Agriculture SECTION Vm" ‘ Maladies des Plantes. G ous les corps organifés étant compofés de vaiffzaux & de fluides en mouvement dans ces vaiffeaux , il eft à craindre que ces fluides nes’alterent, & que ce mouvement ne s’arréte. De-la viennent toutes les maladies des plantes. Tournefort les a divilées avec raifon en cinq clafles, parce qu’elles font toy. tes caufées ou 1° par la trop grande abon- dance; ou 2°. par le défaut de fucs ; ou 3°. par les mauvaifes qualités de ces fucs ;ou 4°. par leur inégale diftribution ; ou enfin 5°. par des accidens étrangers. La trop grande abondance des fucs fait qu’ils {éjournent long tems dans les vaif. feaux, qu’ils s'y corrompent, qu’ils y cau- fent des varices, des cariofités, &c. il paroit que c’eft auffi de cette maniere que les pluyes exceffives nuifent aux plantes. Le noir ne doit point étre oublié ici, il s’attache ordinairement aux grains malades _& dans les tems de pluyes; il fe communi. que € de ls Végétation. 145 que auff par infection , fi je puis parler de Ja forte: le noir, comme les autres maladies contagieufes, gagne des grains infectés à ceux qui font fains. J'ai appris qu’on en 2 fait l'expérience, on a femé du bled noir avec de belle femence, & tout ce qu’on en recueillit étoit noir. Il ne faut point être furpris qu'il arrive aux fucs des plantes, ce que nous voyons tous les jours arriver aux fics des animaux , lefquels prennent les qua- lités du levain contagieux qui leur eft com- muniqué. On prévient cette maladie, du moins en grande partie, en faifant tremper le grain dans une faumure de fel marin. La faumure opere en deux manieres ; elle forti- fe Ja femence , & la met en état de chaffer les fucs aqueux qui feroient fuperflus: & d’ailleurs comme elle eft péfante , elle fou- tient la mauvaife femence qui furnage; de forte qu’il n’y a qué les grains les plus lourds & les plus forts qui tombent au fond. « Il paroit que le fumier prévient les autres maladies caufées par le trop d’humidité. L’expérience qu’en fit une perfonne de ma connoiffance prouve clairement cet effet du fumier. Il fit labourer deux acres de terre maigre, qui n’avoient jamais été amandés, fe propofant d’y femer du froment- Mais enfuite ayant changé d’idée hs n’ayant fu- 346. Principes de l'Agriculiare mé qu'une petite partie du champ, il enfes. menca le tout d'orge , après cing ou fix fa. ‘cons. Il tomba beaucoup de pluyes qui n’em- pècherent pas que l’orge ne vint très-biein, dans la partie fumée: au lieu que ce qui: avoit été femé dans le refte du champ jaunit. après les pluyes; & quand il fut mar, il fe. trouva fi mauvais, qu’il ne valut pas les: frais de la récolte. Cette expérience fait voir que la maigreur & lhumidité de la terre fu- rent la caufe de la maladie de ce grain, & que le fumier en fut le remede. Les plantes & les arbres dépériffent par, le manque de nourriture ; & c’eft par cette. raifon que les feuilles tombent aux appro- ches de Phyver. On le voit encore plus par l'expérience fuivante. Greffez un amandier, fur un prunier de damas noir: la premiere, année l’amandier fera de belle venue; mais enfuice l’un & l’autre dépériffent infenfible. ment & meurent: ce qui Vient de ce quele, premier commence à végéter beaucoup plus, td: que le dernier, & par conféquent deman, de des fucs nourriciers, avant que celui-ci, puifle lui en fournir. Pendant qu’il eft jeune, il en tire toujours affez: maïs quand il dés: vient plus fort, il épuife le prunier & l’affame, Si Pon greffe au contraire le prunier fur la: mandier, les fucs montant dans celui-ci: €5 de la Vévératicr 147 avant que l’antre foit en état de les recevoir ; s’en trouve furchargé & meurt de répletion. M. Duhamel dans les mém. acad. des fciences pour Pannée 1728 , parle d’une ma- ladie appellée /esmort, qui attaque le faffran dans le printems. Cette maladie eft caufée par une efpéce de trefle qui n’a point de tige, & qui entrelaffe de flamens violets , qui font Les racines, celles du faffran , dont ils fucent le fic nourricier. On prévient cette maladie en creufant des foffés qui i empéchent les plan. tes de faffran d’être attaquées par ces ttefles. Toutes les maladies provenant du défaut de nourriture, font gueries par les engrais & amandemenis. | Les fucs peuvent être défetueux par quelque mauvaife qualité. Quand ceux du pinou du fapin deviennent trop épais , Par. bre meurt. On dit que les cannes à {ucre viennent moins bien dans les bonnes terres neuves: c’eft que ces terres leur fourniffent trop de fics huileux, qui ne font pas propres a faire de bon fucre. Mais fi on les coupe quand elles ont un mois, qu’on en brûle les Feuilles , & qu’on en répande les cendres au pied des cannes, elles donnentalorsun meil- leur fucre, parce que les fels alkalis de ces cendres atténuent les huiles, & par. là ren« dent le fucre meilleur, De mémeles plantes K 2 848 Trincipes de l'Agriculiwre, ou femences tranfportées d’un pays chaud dans un pays froid , dégénerent , parce que les fycs n’y font pas affez atténués par la chaleur. Linégalité dans la diftribution des fucs paroît être une autre caufe des maladies des: vegéraux. Dans le bled les fucs montent quel. quefois aux feuilles en trop grande abons dance ; pour y remédier on coupe le bledou on le fait paître par les beftiaux : cette opé. ration fait réfluer les fucs nourriciers dans les tiges. +: Les accidens extérieurs comme la gelée, la gréle , les mouches & leurs œufs , les vers occafionnent aufli plufieurs maladies ; il fe trouve encore un petit ver blanc fort com. mun dans les terres neuves, qui fait périe les plantes en mangeant leurs racines. On tue ces vers avec la chaux vive ou l’eau de chaux. 1] faut mettre la nielle dans le mème rang; il paroir qu’elle eft caufée par une matiere gluante & fucrée qui tombe avec les pluyes ou ondées fines, & qui arrête la tranfpira- tion des plantes dont elle bouche les pores s on fent cette matiere au tact & au goût fur la fuperficie des plantes: & le fait fuivant prouve que c'elt de cette maniere qu’elle: opere. ll y a à Briançon une efpece de nois- € de la Véedtation. 14ÿ fetier dont toutes les feuilles font couvertes d’une fubftance fucrée qui provient de la tran(piration des fucs de la plante: lorfque cette matiere eft en trop grande quantité, Parbre meurt. Nous devons mettre encore dans la claffe des accidens étrangers les effets de la conti« guité ou voilinage de certaines plantes. Ily en a qui ne fcautoient croitre près de quel. ques autres; on l’a vbfervé par rapport au choux & au cyclamen, à la cigue & à la rue, aux rofeaux & ala fougère : nousavons une infinité d'exemples de ces antipathies parmi Jes animaux. Ces effets viennent fans doute. des corpufcules qui s "échappent de tous les corps organifés. Li eft étonnant que ces objets, fi intéreffans pour la culture des plantes, aient été prefs qu’entierement négliges, de forte qu’on n’a point encore aflez detaits & d’ublervations pour écablir fur cette matiere aucun fyiteme régulier. Toutesfois les maladies des plan. tes demandent plus de fecours , & confé. quemment plus d’attention que celles des animaux , filon ne confidére que le traite. ment & la guérifon feule, fans penfer au rang que les animaux tiennent parmi les créatu- res, & par conféquent à leur valeur natu- Kelle, très-fupéricure à celle des plantes, K 3 ETC Principes de l'Acriculture Les animaux ont une faculté fenfitive ines rieure , qui , étantirritée par la caufe de la maladie, fait que le cœur & les arteres fe meuvent avec plus de vivacité: & ces agens méchaniques continuent jufqu’a ce que les patties morbifiques foient chaffées, ou qu’el. les a yent détruit l’ceconomie animale : mais les végétaux n’ont point cette faculté inté- rieure: file remede n’eft appliqué extérieu. rementy ils reftent malades. Les remedes qu’on employe pour la guérifon des mala- dies des animaux , agiflent en dirigeant ces mouvemens naturels & méchaniques de la maniere qui convient, & que la faculté motrice femble faire connoître: au lieu que les remedes des végétaux n’agiflent que par leurs feules forces, & ne font aucune. nent fecondés par les végétaux mémes- SECTION VL Plan pour la pevfection de P Agriculture. 3 J A 1 tâché de faire voir que l'Agriculture n’ nel pas un art incertain, ainfi qu’ on le croit communément; mais un art qu’on peut té» | © de le Vésévation: gk duire, comme les autres , à des principes fixes & immuables. J'ai parlé des obftacles qui s’oppolent à fa perfection: examinone ici comment on pourroit y remédier & favoe rifer fes progres. L’Agriculture ne doit pas fon origine aux raifonnemens, mais aux faits & à l’expé- rience. C’eft une branche de la philofophie naturelle: elle ne {cauroit ètre perfectionnee que par la connoiffance des faits. C’elt par fes obfervations & par la connoiffance des faits, que les autres branches de la philofo- phie naturelle ont été pouffiées fi loin dans les deux derniers fiecles. La Médecine doit aPhiltoire des maladies & de leurs accidens la perfection où elle a été portée de notre tems: & fi la Chymie eft maintenant réduite à un fyftème régulier , elle en eft redevable aux expériences faites ou par hazard ou à deffein. Mais où font les expériences qu’on ait faites dans l'Agriculture ? Nous avons beau jetter les yeux de toutes parts, nous n’en trouverons qu’un trés- petit nombre, & voilà le plus grand obftacle aux progrès de cet art. Nous avons beaucoup de traités d’A- griculture, il eft vrai; mais le Livre qui nous manque, c’eft un livre d'expériences, On ne doit point en être furpris, quand on connoit la façon de an” ordinaire de la 4 152 Principes de P Agriculture plûpart des hommes. Ils craignent de s’en: gager dans de pareilles entreprifes, à moins qu'ils ne puiffent fe promettre d’en voir la fin complette , & de former un fyftème plau- fible. Or les expériences en fait d’agricul-. ture demandent trop de tems, pour qu’une feule perfonne puiffe en faire un grand nom= bre pendant fa wie. Peut.ètre y en a-t-il eu beaucoup de faites, mais elles font répan- dues en différentes mains. Ce n’eft donc pas tant du manque de faits qu’il faut fe plain. dre: le hazard & les expériences faites à deffein ont da en fournir affez. Ce qui nous manque le plus, eft une voye fire & aifée d’en faire part au Public, fans que la vanité naturelle à la plüpart des hommes en foit bleffée. Jufqu’a préfent ces faits, ces expériences, renfermées dans le cercle étrait des conver- fations , font mortes avec ceux qui les ont tentées. Je propofe à cet inconvénient un remede très fimple: c’eft qu’on établiffe dans la Société d’Edimbourg une Commif- fion ou Confeil de cing perfonnes, unique- ment pour la clafle de PAgriculture, & -qu'on charge cette Commiffion de recevoir les expériences détachées qui pourront y être envoyces: de les mettre en meilleur ftyle, fi elles en ont befoin, & de les donner au Pus es de la Végétation. 153 blic à certains tems marqués. Ce moyen me femble très. propre à exciter parmi nos Culti- _vateurs le goût des expériences. Le Commiffaire chargé de faire le rapport . de ces expériences , le feroit d’une maniere claire & fimple , féparant les faits d’avec fes raifonnemens. La clarté & l’exactitude font les vrais ornemens du ftyle des expériences. Le fait feroit d’abord raconté nettement avec toutes fes circonftances; parexemple, la fi tuation du terrein, la nature du fol, la qua- lité de la femence, les façons données à la terre, le pays où l'expérience auroit été faite, la température de l’air dans le tems des {e. mailles & après; le chaud , le froid, la rofée, la pluye, le vent, &c. Les raifonnemens fur ces expériences viendroient enfuite, & n’en feroient que les conféquences naturel. les. Quoiqu'il ne fit point néceflaire d’en nommer les Auteurs, quand on les pub. lieroit, la Commiffion exigeroit pourtant que ceux qui les lui adrefferoient les fignaf. fent, afin d’éviter toute furprife. Pour exciter dans le pays l’émulation fur cet objet, je voudrois encore , que la Come miffion pdt donner un ou deux prix hono- rables & lucratifs à ceux qui auroient envoyé les expériences les plus ingénieufes & les plus utiles. Ces prix d'agriculture ne devroient Y$4 Principes de l'Agriculture point être propofés pour des objets fur lef& quels Pintérét excite affez les Cultivateurs à, travailler ; ils s’y appliquent communément. autant qu'ils le peuvent: mais fur des ob. jets qui ne tendroient pas fi directement à leur profit, & quiles forceroient à fortir de. la routine ordinaire. Cette regle pourroit paroitre trop fevere dans les commencemens, & peut ètre feroit-il micux de recevoir pen dant quelque tems toutes fortes d’expériens. ces, jufqu’a ce que le goût fut répandu dans. Je pays. On fent quels heureux effets produiroit- un tel plan. Les Laboureurs commence | roient à appercevoir le feul moyen de culti , ver leur art avec luccès. Ils feroient atten- tifs aux moindres circonftances auxquelles ils n’avoient jamais penfe auparavant. Ils fe feroient un plailir de communiquer au Pus blic le fuccès de leurs expériences, des qu’ils le pourroient faire par cette voye fecrete & facile. Ils auroient un Didtionnaire de faits qu’ils confulteroient dans Voccafion; & ils tireroient un égal avantage des bons & des mauvais fuccès des autres. Ce plan fourniroit avec le tems un fond fuffifant de faits à quelque heureux Génie, qui raflemblant toutes ces diverfes expérie. ences fouvent oppolées les unes aux autres. dit ee TE : EL ES de la Végération: 1§§ & confidérant toutes les circonftances qui les auroient accompagnées , réduiroit la pra- tique de l'Agriculture à des regles fixes & permanentes, Ce bonheur arrive rarement à ceux quitentent les premieres expériences d’un art; ils appercoivent les chofes dans un point de vite trop étroit , & fouvent avec un efprit trop prévenu : il eft réfervé à Pef- prit impartial & folide, qui {çait tirer de chaque opinion ce qu’elle peut avoir de vrai, & de toutes ces vérités réunies former un fyftéme régulier, utile & durable. Fin des Principes de P Agriculture €$ de la Végétation. AVIS. Les deux Mémoires qui fuivent imprimés en 1759. & 1760, a l’Imprimerie Royale, ont été en voyés par ordre du Miniftre à tous les Intendans des Provinces & Généralités du Royaume. CSCI GE-O O >-CB2-C>-CBD ‘MÉMOIRE SUR ia maniere def préfervc r le Frot ment de la corruption € “5 de le C0ite. ferver. pl | les Labo fcavent que Îles. differens noms de mele, brune, brourure , boffe, charbon, carie, @5c. Een à défi- gner un troment dont l'intérieur du grain eft converti en une poudre noire comme du charbon ; mais plufieurs ignorent que cette poudre noire répandue, par hafard ou autre ment, {ur le froment le plus fain, qui feroit deftiné pour enfemencer, le gatera telle ment qu’a la récolte prochaine on n’en aura que du troment noir aufli dans l’intérieur. Cette découverte importante eft die à M. Tillet, de l’Académie Royale des Sciences. Ses expériences ont été répétées à à Irianon par ordre du Roi, tant pour ètre afluré de la communication de ce vice, que de PeMica- cité du moyen qui le prévient. C’eft ce moyen préfervatif, dont le fuccès eft con ftaté, que l’on cena neia à tous les Cul. tivateurs. Mémoire fur le Froment. 157 Si le grain qu'on veut femer eft net & fans moucheture noire, il {uffira de le laver dans la leffive ci après décrite, Si au contraire, ce grain eft tiché de noir, il faut le laver plufieurs fois dans de l’eau de pluie ou de riviere , & ne le pañler dans la lef- five que quand il n’y aura plus de noir. Pour faire cette leflive, on prendra des cendres de bois neuf, c’eft-à dire qui n’ait point été flotté. On en emplira un cuvier aux trois quarts: on y verfera une fuffifante quantité d’eau; celle de la leffive, deftinée pour le grain, doit être de deux pintes, mefure de Paris, ou quatre livres d’eau pour une livre de cendre: cette proportion done nera une leffive aflez forte; lorfqu’elle fera coulée, on la fera chauffer, & l’on y fera fufer ou diffoudre aflez de chaux vive, pour qu’elle prenne un blanc de lait, Cent livres de cendres & deux cents pin- tes d’eau donneront cent vingt pintes de lef- five, auxquelles on ajoutera quinze livres de chaux. Cette quantité de leflive, ainf pré. parée, fuffit pour foixante boiffeaux de fro- ment, & ne revient au plus qu’à quarante fols, ce qui fait huit deniers pour chaque boitleau. On attendra, pour faire ufage de cette leflive chaufkée, que fa chaleur foit dimi- 153 Mémoire fur le Frowienb, nuée au point qu’on puiffe y tenir la main? Alors on verfera le froment , déja lavé, dans une corbeille d’un tiffu peu ferré & qui ait deux anfes relevées, & on la plongera à di- verfes reprifes dans cette leffive blanche; on y remuera le grain avec la main ou avec une palette de bois , pour qu’il en foit également mouillé On foulevera ta corbeille pour la laiffer égoûter fur le cuvier, puis on éten- dra ce grain fur des charriers ou fur des ta. bles pour le faire fécher plus promptement. On remplira la corbeille de nouveau grain 5 & on la trempera, comme ci-deflus , dans le cuvier , dont on aura remué le fond avec um bâton, jufqu’a ce qu’on ait fait paffer les foi. xante boiffeaux. Le Laboureur pourra profiter des. beaux jours & de fes momens de loifir pour pré2 parer tout le grain , fufpeété de nielle , dont il aura befoin pour les femailles prochaines. Fin du premier Mémoire. nues gente nace nn ce ee ween vom oa “MÉMOIRE POUR fervir à indiquer le Plan qui a été fuivi pour parvenir à connoître ce qui produit le bied noir dans les Bleds 5 &F a connoître les remedes pro- pres a détruire cette corruption. O N verra par quelques-unes des lignes que Pon a tracées, ce qui a été pratiqué pour produire le bled noir ; & à d’autres, ce que Yon a fait, & les remedes dont on s’eft fervi pour le détruire. Chacune de ces lignes eft de feize pieds delong , & eft à un pied de diftance l’une de l'autre ; on a noté ce que l’on a trouvé de remarquable dans chacune d’icelles. On verra auffi que la femence de ce plan a été faite dans fix carés & dans trois diffé rens tems, pour connoitre s'il n’y a point de tems pendant la femence qui occalionne da- vantage la corruption du bled noir. On connoit deux fortes de bled noirs mous en nommons un cloyue, brouine, ou fimplement bled noir , c'elt le plus mauvais, 560 Mémoire @eft celui à qui on doit s’attacher plus parti: culierement pour le détruire: Pautre nous le nommons bled noir en fumée; quoique ce foit du bled corrompu, il n’eft pas dange- reux comme l’autre, puifqu'il fe diffipe de très bonne heure en fumée, & {e trouve entierement détruit par levent & la pluye, prefqu’auffitét que {es épis font fortis de leur fourreau , de forte qu’il ne s’en trouve plus a la cale LE PREMIER carré ci-deflous, qui eft de huit rangées, & chacune de feize pieds de long , eft femé en entier d’épis de bled dont on a pris la femence en la récolte de 1759, & quiétoient partie de grainsbons, & partie de grains que nous nommons clogue, brou- ine, ou bled noir. Il eft a remarquer qu il fe trouve dans quelques.uns des épis de bled noir des grains qui font bons & bien fains , qui portent leur germe; on s’imagineroit que ces grains for- tant des épis corrompus devroient produire le bled noir, mais on trouvera la preuve du contraire dans ce premier carré qui a été fe- mé en entier de ces épis défectueux. Ce carré a été femé le 28 Octobre 1759. Les lignes font les rangées de bled. La rangée de bled ci- deflous a été femée ;. fans être ni lavé ni échaudé, fur le Ble. IGE "ji ne s’eft trouvé aucun épi de bled noir, mais il s’eft trouvé dix épis de bled noir en fumée. ire. _ La rangée de bled qui fuit a été femée après avoir été échaudé à notre méthode or. dinaire feulement. Tous les épis de cette rangée fe font trou- ves bons & bien fains, à Pexception de deux épis de noir en fumée. 2me. La rangée ci a été femée aprè a. voir été lavé à eau commune , & après lavé & échaudé à l’eau de cendre , comme l’enfei. gne M. Tillet. ~ Tous les épis de cette rangée fe font trou -vés bons & bien fains. 3me. La rangée de bled qui fuit a été femée après avoir été échaudé à notre méthode or. dinaire. Tous les épis fe font trouvés bons, à l’ex- ception de quatre épis de noir en fumée. 4me. - " La rangée de bled ci-deflous a été femée aprés avoir été barbouillé avec de la pouf ere de bled noir, & n’a point été ni lavé ni Échaudé: Re eee a L 162 Mémoire ‘Dans cette rangée il s’eft trouve enviton la moitié des épis bons & bien fains , l’autre moitié 5 “eft trouvée entierement de bled noir. $me. en La rangée ci-deffous a été femée apres avoir été lavé & échaudé , n’a point été bars . bouillé de noir, mais en le femant, il a été femé par-deflus le bled de la pouffiere de bled noir avant de l’enterrer. : Ils’eft trouvé dans cette rangée environ deux tiers dont les épis font de bon bled, mais Pautre tiers seit trouvé entierement de bled toir. “éme. ns La rangée ci deflous a été barbouillee de _ noir, &avantdelefemer, ila été lavé à Peau — commune, & après lave & échaudé à Peat ‘de cendre. Dans cette rangée les épis fe font trouvés ‘boris, à l'exception de douze épis de noi en fumée. iv ame. | Ps Le bled de la rangée Gdbous a été bare bouillé de noir, & avant de le femer a été ‘échaudéa notre méthode | ordinaire, Il s’eft trouve dans cette rangée ‘environ ‘les trois quarts des épis bons & bien faints » Pautre quart fe trouve rempli de bled noit. OTE, SR TE ET Jur le Blé 163 Le SECOND carré fuivant, qui eft aufli de huit rangées, eft femé en entier de bied très-fain pris dans la grange; ila été préparé pour le femer ainfi qu'il va être expliqué à chaque rangée; on verra aufli à chaque rangée ce qui s’eft trouvé de remarquable dans chacune d’icelle , ce qui a été exacte- ment recherché. Ce carré a été feme le 28 Octobre 1759. Les lignes tirées {ont de mème les rangées de bled. La rangée de bled ci-deffous a été femée, fans être ni lavé ni échaudé. Tous les épis de cette rangée fe font trous ves bons, à l'exception de quatre épis de noir en fumée, are, Le bled de la rangée ci-deflous a été femé après avoir été lavé à Peau commune, & échaudé à l'ordinaire. Tous les épis de cette rangée fe font trou vés bons & bien fains , à l'exception de and @pis de noir en fumée. ame. Le bled de la rangée ciedeffous a été femé après que le bled a été lavé dans l’eau com- mune, & après avoir été lavé & échaudé dans l’eau de cendre, La wea — ee ag ET £64 Memoire Tous les épis de cette rangée fe font trou- vés bons & bien fains. LL FRE 3 ME, ———- ee — Le bled de la rangée qui fuit a été femé après avoir été échaudé à notre méthode ordinaire fimplement. Tous les épis de cette rangéeTe font’ trous vés bons & bien fains. Ame, La rangée de bled ci.deffous a été femée apres que la femence a été barbouillée avec dela pouffiere de bled noir; & n’a point été ni lavé ni échaude. Dans cette rangée il s’eft trouvé près de la moitié des épis de bled noir, le refte des épis font de bon bled. §me. Le bled de la rangée fuivante a été lave & échaudé & n’a point été barbouillé de noir, mais en lefemant, il a été femé par- deflus de la pouffiere de bled noir. Dans cette rangée il s’eft trouvé environ deux tiers dont les épis font bons, Pautré tiers eft entierement de bled noir. 6me.————- — = Le bled de la rangée ci-deffous a été bars bouillé avec de la poufhiere de bled noir; & avant de le femer , il a été lavé à l’eau com> mune, &'aprés lavé & échaudéa Peau de cendre. p “A 3 nt aS Panne GEES spin wl i SP ner Lune”) fur le Ble. F6! Tous les épis de cette rangée fe fonttrou- ves bons & bien fains. 7me. Saaz a A Le bled de la rangée ci deffous à été auifi barbouillé de la pouffiere de bled noir; & avant de le femer, il a été échaudé à notre méthode ordinaire fans être lavé. Il s’eft trouvé dans cette rangée environ une vingtaine d’épis de bled noir , le furplus des épis en font bons & bien fait: Sme. PACE AT SET LE TROISIÈME carré ci deffous , qui eft aujourd'hui rangé, eft femé en entier de. bled très fain pris dans la grange; mais ila été pratiqué , pour le femer , ce qui va être expliqué à chaque rangée: on verra auffi à chacune defditesrangées ce qu’on a trouve de remarquable, ce qui a été exactement recherché, Ce carré a été femé le 10 Octobre 1759. Les lignes tirées font les rangées ¢ de bled. La rangée dé bled ci-deflous a été femée fans être ni lavé ni échaudé, Les épis de cette rangée fe font trouvés bons & bien fains » 4 Pexception cependant d’un épi de bled noir, & de quatre autres de noir en fumée. a. —— Le nets) Lebled de la rangée fyivant a été femc L 3 RES = . en 166 Mémoire fans ètre ni lavé ni échaudé. Les épis de cette rangée fe font trouvés bons & bien fains, à l’exception cependant d’un épi de bled noir. ome. La rangée de bled qui fuit a été femée a- près avoir été lavé dans Peau commune, & enfuite lavé & échaudé dans l’eau de cendre. Tous les épis de cette rangée fe font trou. vés bons & bien fains, à l’exception d’un feul épi de noir en fumée. 3 me. | - Le bled de la rangée ci-deflous à été, avant de le femer , lavé à l’eau commune, &en. fuite lavé & échaudé dans l’eau de cendre, ainfi que le rang ci-detius. Tous les épis de cette rangée fe font trou: ves bons & bien fains. ME. = ue Le bled de la rangée fuivante a été {emé après avoir éte lavé à Peauecommune, & échaudé à notre méthode ordinaire. Les épis de cette rangée fe font trouvés tous bons, à l'exception de deux épis de noir en fumée. $me. La rangée ci-deffous a été lavée à Peau commune, & échaudée à notre méthode of. dinaire avant de le femer, J à ai = os = fur le Blé, 167 Tous les épis fe font trouvés bons dans cette rangée, à l’exception de trois épis de | noir en fumée. éme. ——— Le bled de la rangée qui fuit a été femé fans ètre lavé, mais a été échaudé à notre méthode ordinaire. Dans cette rangée tous les épis fe fone trouves bons & bien fains, à l'exception da deux épis de noir en fumée. rer | La rangée fuivante a été auffi femée fans être lavée , & a été échaudée à notre mé: thode ordinaire. Tous les épis de cette rangée fe font trou-. vés bons & bien fains. Sme. Le QUATRIEME Carré ci après, qui eft auffi de huit rangées , eft femé en entier de bled fain, pris dans la grange, & a été ap. prêté pour le femer, ainli qu'il va être dit à chaque rangée: on verra à chacune ce qu’on a trouvé de remarquable. Ce carré æété femé le 10 Octobre : 1759. Les lignes tirées font les rangées de bled. La rangée de bled ci. deffous a été barbouil. lée de pouf ere de bled noiravant de le f-- met, & n’a point été lavé ni échaudé, Dans cette rangée la moitié des épis wel: L 4 EC | En = = 168 Mémorre trouvée être de bled noir, lautte moitié des épis étoient bons & bien fains. Ire. ——— Le bled de la rangée ci-deffous a été auffi barbouillé de noir avant delefemer, & na point été ni lavé ni échaudé, , La moitié des épis étoit d’épis bons & bien fains, l’autre entierement de bled. noir. 2me. Le bled de la rangée ci- -deffous n’a point été barbouillé de pouffiere de bled noir , ik a été échaudé avant de le femer, mais après qu’il a été femé dans le fillon, on y a fen 6 : par-deflus , avant de l'enterrer, de la pou£.. fiere le bled noir. Dans cette rangée s’eft trouvé environ. | deux tiers dont les épis font bons & fains, j les épis de l’autre tiers font entierement de bled noir. 3 MO ae DS RE La rangée de bled qui fuit a été femée comme celle ci deflus. Il s’eft auili trouvé dans cette rangée) en: viron deux tiers dont les’épis font bons, l'autre tiers eft aufli entierement de bled | noir. me. ——— — Le bled de la rangée ci-deflous a été bar. bouillé avec de la poufficre de bled noir, & 2. ne. ome, —— i RNCS fur le Blé 16% avant de le femer il a été lavé & échaudéavec de l’eau de cendre. — Tous les épis de cette rangée fe font trou- vés bons & bien fains , à l'exception de cing épis qui fe font trouvés de noir en fumée. QUE, ——— — — — — -- La rangée de bled fuivante a été auff pra- tiquée comme elle ci deflus, le bled a été bar bouillé de noir , & enfuite lavé & échaudé à Peau de cendre. | Tous les épis font bons, à l'exception de trois de noir en fumée. MAT Le bled de la rangée fuivante a été bar- bouillé auffi avec de la poufliere de bled noir, & avant de le femer il a été échaudé à notre méthode ordinaire feulement. Il s’eft trouvé dans cette rangée environ un fixiéme de bled noir, & le furplus eft bon; il s’eft trouvé auf fix épis de noir en fumée. 3me, ——-———— —© — — -- — La rangée de bled qui fuit a été auffi bar- bovillde de noir , & avant de lefemer ila été échaudéa notre méthode ordinaire. Il s’eft trouvé dans cette rangée au moins un fixiéme de bled noir , & fept épis de noir en fumée ; le refte eft bon & bien fain. me, ee ee meme ee ee ee mm 170 Mémoire Le CINQUIEME carré. qui eft de quatre. rangées marquées ci-après , eft aufli femé de. “bled bien fain, pris dang la grange , lequel aété pratiqué pour le femer, sinf anit va être expliqué à chaque rangée : : On verra apfli ce qu'on a trouvé pe remarquable à chacune, Ce carré a été femé le 20 Odobre L759. La rangée de bled fuivante a été femée a+ près avoir été barbouillé avec de la pouffiera. de bled noir,& n’a point été lavé ni échaudé._ Dans cette rangée il fe trouve environ les deux tiers des épis qui font bons, l’autre. tiers eft tout bled noir. Ere. ee re Oe ey ES re Gece ae ewe eee Gee) Le bled de la rangée ci.deffousa été auffi barbouillé de powffiere de bled noir; mais. avant de le femer il a été lavé à Peau com. mune, & après lavé & échaudé dans l’eau de. cendre. Tout les épis fe font trouvés bons & bien, fains, 2me. = Le bled de la rangée e fitivante a.été auf_i: barbouillé de noir , & avant de le femer il a. _été échaudéa notre méthode ordinaire feules. ment. Dans cette rangée il fe trouve environ deux tiers dont les épis font bons & bien, fur le Ble. wy fains, l'autre tiers eft enticrement de bled noir. - 4 3me. Le bled de cette derniere rangée a été femé fans être barbouillé, ni lavé , ni échaudé, & tel qu’il eft venu de la grange. Dans cette rangée il eft venu environ un dixieme de bled noir, le furplus des épis eft bon & bien fain. 4me. Le stxiEMe Carré ci-deffous eft auffide quatre rangées , lequel a été femé après avoir: été accommodé, ainfi qu’on vale voir à cha- que rangée, avec une note de ce qu’on a trouvé de remarquable 4 chacune. Ce carrg a été aufli femé le 20. Octobre 1759. La rangée ci-deflous a été femée fans avoir lavé ni échaudé le bled. Tous les épis en font bons & bien fains. sfe.++— ny Le bléd de la rangée fuivante aété, avant de le femer, lavé a l’eau commune ; & après lavé & échaudé dans l’eau de cendre. Tous les épis en font bons & bien fains. AIME, Tr eg! Le bled de la rangée fuivanteaété , avant de le femer, lavé dans Peau commune, & échaudé 4 notre méthode ordinaire. es - — Ra | Mémoire. Les épis de cette rangée fe trouvent tolls, bons & bien fains. 3me. Le bled de la rangée ci deffhus n’a point. été lavé, mais il a été échaudé à notre. més thode ordinaire avant de le femer. Les épis de cette rangée font tous bons &. bien fains. AE —— — — On voit par ces détails qu’il eft très nécefe faire de bien laver le bled avant de Péchau-_ ‘der pour le nettoyer dela pouffiere du bled soit, qui paroit eater & corrompre le germe du bled le plus fain, & on doit s’y attacher encore davantage quand on en eft entiche. | On croit aufli que ce noir en fumée, dont il eft parlé dans quelques rangées, fajt partie de la corruption du bled noir; mais en apportant le remede qu’il convient , il fe trouvera entierement détruit. Quelques-uñs pourront dire, “‘ce fera, de » bien de Pouvrage & bien de l'embarras. » pour un Laboureur quiaura cent acres de » bled à femer, à qui il fautau moins cent »fetiers de bled de femence. S'il faut qu'il , faffe laver cent fetiers de bled, il ne pourra ,, Jamais le faire comme il faut , il pourroit y avoir de la perte fi le tems ne fe trouvoit. » pas favorable pour le faire fécher, il pout- we. ee ee cmt | für te Bie. 173 4, roit mème fe gâter ou s’échaufler, de forte # que le germe s’en trouvant éteint, la fe- 4, mence fe trouveroit manquée ,,: mais il y a un moyen bien fimple, & je dis que pour éviter ce grand ouvrage qui pourroit être difficile à pratiquer comme il faut , ileft au moins à propos qu’un Laboureur qui au- roit cent acres de bled à femer, fe propofe de nettoyer , laver & échauder dix ou douze fetiers de bled qui lui femeront dix ou douze acres de terre, ce qui lui fourniroit la fe. ‘mence en entier de l’année fuivante; & de ‘cette femence, qui aflurément deviendroit faine, en prendre encore l’année fuivante dix ou douze fetiers que l’on accommoderoit de la même maniere que les douze premiers, & tous les ans coftinuer de mème , on feroit affuré par: là de n’avoir jamais un feul épi de bled noir. L'on propofe dix à douze fetiers pour un Laboureur qui auroit cent acres de terre àfemer en bled; ce n’eft pas afurément un fi grand ouvrage pour ne le pas faire avec foin & avec exactitudes les autres qui ont moins de terres en laveroient moins à pros portion. Comme ce n’eft pas un travail fort confidérable, je ne manquerai pas chaque année de m'y livrer par l'expérience que jai des bons effets qu’il a produits. 174 Mémoire fur le Blé Toutes ces expériences ont été faites par un © Laboureur intelligent du Vexin , qui ena fore mé le réfumé ci deffus. Ce Mémoire eff pte qu'il a envoyé, €$ que l'on a laiffe fubfifier sel qu'il a été fait par ce Laboureur. On a cru n devoir changer ni l'ordre qu'il préfente de fes idées , ni celui qwil a obfervé dens fes expériena ces ; on a même conferve fes propres expreffions » afin que leur fimplicité prouvât davantage la realité de ces expériences €3 la confiance qu'elles « méritent. ce & NE A ris ee cr FORTE 4 PRE GE D QT PT, oped > | Tyr APT ET RE Ds PLU ie PO LE NN emer yee ‘ SA we Se inte mee ie 2 Wey ESS paire Silence dre D MORT NC SRE DATA LE NAS er wer CEE ST nae ENS See Ae rer: once Marae ae pe As ; QAR 22 DRE VE ee Er Ne ew poets oe ts “ 5 US ae