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.LES

PROCÉDÉS D ART

PHOTOGRAPHIE

PHofO-CLUB DE PARIS

LES

PROCÉDÉS D'ART

EN

PHOTOGRAPHIE

R. DEMACHY a C. PUYO

^ «1 ^

LES

PROCÉDÉS DART

EN

PHOTOGRAPHIE

OUVRAGE ILLUSTRÉ DE QUARANTE ET UNE PLANCHES HORS TEXTE EN TAILLE-DOUCE ET SIMILI GRAVURE ET d'uNE PLANCHE EN COULEURS

PARIS

PHOTO-CLUB DE PARIS

44, RUE DES MATHURINS, 44 1906

AVANT-PROPOS

Pas une ligne^ pour ainsi parler, du livre que nous publions aujourd'hui n'eut pu être écrite ou comprise il y a dou\e années seule- ment. Une telle remarque a son intérêt : elle montre que cette période de temps, asseï courte en somine, a vu se produire des progrès sensibles dans les procédés de la Photographie et une évolution non moins singu- lière dans les idées des photographes.

Certes, les faits scientifiques d'où découlent tous ces procédés nou- veaux étaient depuis longtemps connus; mais on n\'n avait tiré Jusqu'alors qu'un petit nombre d'applications, pour la plupart industrielles. Les amateurs venaient à peine de découvrir la Photographie et de contracter avec elle l alliance qu'on sait ; elle leur apparaissait donc en sa nouveauté^ parfaite de tous points, sans aucun de ces défauts qui ne deviennent visibles qu'au déclin des lunes de miel. L'idée de contrôler l'image, pour eux radieuse, qui naissait du mystère des cuvettes leur eût paru plus que sacrilège : absurde. A cet état d'esprit répondait pleinement la fidélité automatique des procédés à impression directe, aux sels d'argent ou de platine.

Il

AVANT-PROPOS

Pour changer cette situation, il a fallu que le temps, faisant les manipulations aisées et sûres, libérât l'attention des amateurs des petits SOUCIS techniques, leur rendît ainsi le sens critique et leur dessillât les yeux. De ce jour l'image photographique perdit, pour certains, beaucoup de ses charmes : ils virent indigente la finesse de sa matière, excessive la minutie de son analyse, inexactes les valeurs de son rendu particulier. Elle leur apparut telle quelle était : servante docile et sûre aux savants, repêche et infidèle aux artistes; ils prétendirent contrôler ses actes, lut commander désormais et non plus lui obéir. De ces procédés nou- veaux; ils sont le produit d'idées nouvelles. Et c'est un signe que le premier mot de ce livre soit le mot " Interprétation ".

Les procédés décrits plus loin offrent donc tous cette particularité qu'ils sont asse{ souples pour permettre, dans une mesure plus ou moins grande, l'intervention personnelle de l'exécutant. Indiquer pour chacun d'eux dans quelles limites et dans quelles conditions cette intervention peut se produire et quelle somme de liberté en résulte, tel a été, très simplement, le but que nous nous sommes proposé.

Ce livre est un coup d'œil jeté sur la route parcourue. Souhaitons que le lecteur trouve dans cet examen de ce qui est déjà le passé un encouragement aux étapes prochaines.

R. DEMACHY - C. PUYO

L'INTERPRÉTATION

'ÉPREUVE fournie par le négatif peut être correcte au point de vue documentaire. 11 lui manquera les qualités constitutives de l'œuvre d'art tant que le photographe n'aura pas su les y introduire. Ceci revient à dire nous osons l'affirmer que l'image définitive obtenue photographiquement ne devra son charme artistique qu'à la façon dont l'auteur pourra la transformer. Seuls les procédés permettant semblable intervention doivent nous préoccuper ici et ce livre est destiné à en décrire et en vulgariser l'emploi.

C'est avec reconnaissance que nous acceptons le dessin correct que l'objectif choisi et bien dirigé peut nous offrir. Tous nos efforts ten- dront à en conserver l'intégrité. Mais aussi tous les moyens nous seront bons pour simplifier la minutie des renseignements sans intérêt que cet instrument déjà perfectionné nous fournit encore avec prolixité. Donc nous préférerons la méthode de tirage qui permettra le mieux la syn- thèse par suppression des détails inutiles. Les accents qui soulignent

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

les forces qui soutiennent manquent à Tépreuve normale? Il nous

faudra choisir une surface docile qui se laisse violenter. Les valeurs de rimage photographique pèchent dans leur relation et par leur courte étendue? Nous voulons en élargir la gamme et en corriger Tharmonie. La matière dont se forme celte image est sèche et déplaisante ? Nous essaierons de lui communiquer la profondeur de l'eau-forte ou la transparence du lavis. Peut-être nous accusera-t-on d'effacer ainsi le caractère photographique? C'est bien notre intention, car nous savons par l'expérience ce que ce terme consacré éveille à coup sûr dans l'es- prit des artistes. Cette expression pour emprunter au dictionnaire son style précis « se prend en mauvaise part »; elle résume tous les défauts énumérés tout à l'heure.

Il est temps maintenant de réfuter la conclusion à laquelle les lignes qui précèdent vont forcément conduire : à savoir que le fusain, la lithographie et l'eau-forte nous tendent les bras et qu'il serait peut-être plus simple de s'y réfugier de suite. Rien ne nous tenterait davantage si la photographie ne nous retenait tant par la séduction propre à d'an- ciennes habitudes et par les liens du travail donné, que par certaines qualités spéciales caractères photographiques d'une heureuse nature qui la différencient suffisamment des autres procédés pour expliquer la fidélité quand^même de ses disciples.

Car sans vouloir nous étendre sur la merveilleuse rapidité d'enre- gistrement qui permet au photographe de fixer en un clin d'œil l'effet de lumière passager, l'attitude ou le mouvement fugitifs, précieux docu- ments pour une interprétation ultérieure, la photographie ne nous offre- t-elle pas l'aumône d'un dessin qui peut parfaitement être impeccable; n'y ajoute-t-elle pas le dégradé moelleux de ses demi-teintes et de son modelé d'une telle perfection que bien âès maîtres aquarellistes (et la maîtrise est l'exception) ne seraient guère sûrs d'en égaler la délica- tesse?

En résumé, la photographie donne trop c'est entendu mais depuis qu'on ose faire un choix parmi ses prodigalités, elle vaut la peine que les gens artistes s'en occupent : il y a du neuf à en tirer.

- A

' PORTRAIT on JEUNE FILLE PAR R. DBMACHY

Pl. I. Gomme.

A' i>ui.£P (2i^* aSL**-c^ C^x^sxfUi^ dc^e(^^ (SonJK* A^-^t.ce^ 'TUZ.*^^?^*^ it^ o/vt-^^^t!^

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 3

La façon? Nous n'avons guère qualité pour la définir, mais nous pouvons cependant indiquer la voie qui s'est ouverte, signaler les impasses, conseiller peut-être quelques sentiers de traverse et montrer en tout cas le chemin parcouru.

Au début de ce chapitre nous nous sommes servis du mot inter- vention. Il paraîtra souvent au cours de l'ouvrage et nous tenons dès maintenant à en préciser le sens. En cette époque combien chirurgi-

cale, ce terme s'emploie le plus souvent de façon euphémique pour Vowo^'e —adoucir dans l'imagination de la future victime les contours trop aigui- ? , sés qu'évoquerait le mot d'opération. Le sens dans lequel nous le pre- nons ici a quelque parenté avec celui-là. En effet, nous montrerons tout à l'heure que l'intervention durant le dépouillement d'une épreuve aux sels de chrome consistera surtout à enlever. Et cette dernière expres-

Qjn.^^ sion nous mène à déclarer tout de suite, par précaution, que, quel que

soit le procédé dont le photographe artiste se sert, il n'a pas à ajouter

à la matière qui forme Timage positive. Le travail à la gouache et le

rehaut à l'encre de Chine n'ont rien à voir avec le développement d'une . ^

épreuve au platine ou le dépouillement d'une gomme bichromatée. "^^^^

Laissons ces artifices aux retoucheurs de l'ancienne école.

Donnons un aperçu des différentes manières dont l'intervention pourra se produire au cours du dépouillement. Si, par exemple, nous iUtn^. - dégageons à fond une partie de l'image, nous provoquerons une double modification dans l'aspect de celle-ci, d'abord en créant une opposition entre la couleur de la portion sur-dépouillée, qui pourra se rapprocher plus ou moins comme ton de celui du papier support, et celle de la portion sous-dépouillée, proche de la coloration primitive de la *^>p-(f..->x -- couche. Ensuite, et dans les deux portions susdites, une simplification se sera produite. Du côté de la partie claire les détails seront plus ou moins oblitérés, enlevés ou affaiblis par le dépouillement forcé. De l'autre, pour une cause tout opposée, ils se noieront dans la masse sombre du pigment original à peine attaqué. Voici donc qu'une simple j^^,^ inégalité de frottement ou de dissolution vient d'ajouter à l'image nor- male une double qualité. D'une seule intervention nous avons fait

0\

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

\ .

du contraste et de la synthèse. Or, le genre d'intervention que nous avons supposé s'être porté sur deux larges zones de Timage pourra se restreindre en de plus étroites limites et provoquer ainsi un accent tel que celui qui résultera d'un enlevé sur l'arête d'un col ou d'une Hi^^^^^ ^^MV - manchette ou sur le flanc bombé d'une carafe ou d'une poterie. Le ^j^^^g^f^ ^^^^^^^ geste est le même que celui du dessinateur au fusain qui vient de kr-«*A pétrir entre ses doigts le petit morceau de mie de pain. On nous l'a reproché. Je ne vois cependant guère de différence entre un dépouille- ment par frottement sur un petit espace et la même pratique sur un endroit plus étendu, qui nous est, elle, généreusement concédée.

L'accent clair par enlevé agira également de deux façons : par l'ap- parition d'un blanc il n'y avait qu'un gris et par l'exagération du tcm foncé proche de la portion enlevée. C'est l'effet de contraste, celui \^,;(,(- dont nous nous servirons couramment pour augmenter par une simple illusion d'optique la vibration de nos noirs insuffisants. Enfin nous -"ioUiJît saurons profiter des différents degrés de coulage de la couche, propor- 1 u.s tionnels aux différents degrés de son insolation et aux variations entre

■2vW?vvo(J«AVl'»iv^_,- - ^

les mesures de gomme et de bichromate, pour noyer sous une nappe I doucement envahissante (c'est la coulée spéciale au procédé gommique) les zones peu intéressantes ou trop marquées de notre image.

Il nous reste à voir comment et avec quels instruments ces inter- ventions se pratiquent, à quel moment du dépouillement elles ont le ,.,^^£t^^_jplus de chance de réussir, dans quelles circonstances elles deviennent nécessaires et quels sont les procédés qui peuvent les supporter. Ce sera l'objet des chapitres plus techniques qui suivent. Pour le moment il nous suffit d'avoir montré que le photographe, dans certaines condi- tions, a le pouvoir d'intervenir, parce que ceci nous conduit à lui accorder celui d'interpréter.

Comparez les admirables eaux-fortes de Pissaro, la rue des Ar- pents, la rue de l'Epicerie, la Ruelle, à Rouen, avec les photographies ^g. documentaires des mêmes endroits que nous avons tous prises. Voyez ik.^éjà l'exagération voulue des contrastes, les boutiques et leurs enseignes modernes noyées dans l'ombre épaisse, les façades simplifiées au point

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 5

de ne garder plus que des soupçons de fenêtres, tandis que seules les lignes décoratives sont accentuées par le sacrifice impitoyable de tous les détails qu'a fait l'artiste en faveur des taches savamment disposées de sa composition.

Le motif est identique à celui que nous avons photographié, mais Pissaro l'a interprété.

Or, si le lecteur se reporte aux lignes qui précèdent, il admettra, d'après l'énumération que nous avons faite de nos moyens d'intervenir, que notre procédé, documentaire, peut se transformer en procédé d'interprétation, mais entre les mains d'un photographe qui voit comme un artiste. Notre liberté d'action, sans doute, très inférieure aujourd'hui à celle de l'aquafortiste ou du dessinateur, s'en rapprochera peut-être davantage dans l'avenir. On en abusera certainement, on en abuse déjà, et nous voyons de temps en temps des valeurs malmenées, des accents placés à tort, et le pur dessin de Fobjectif qui devrait nous être sacré, maladroitement tourmenté par la main trop confiante d'un pho- tographe qui ne voit pas juste. Ces accidents, du reste, ne sont pas ç^l ^ l'apanage spécial de la photographie, nous les trouvons également autre part. En tous cas, l'emploi maladroit d'une force peùt servir à démon- trer l'utilité qu'aurait son énergie bien dirigée.

Ce n'est pas tout, l'artiste, au courant des facilités et des limites de son procédé de tirage, saura choisir et composer son motif en vue d'interventions ultérieures. Il est prouvé, par exemple, que cer- tains sous-bois compliqués de cascades et de rochers pittoresques lasse-_ ront jusqu'aux dernières complaisances de la gomme bichromatée. Ce sont sujets intraitables, malgré toutes les facilités de simplification des procédés à dépouillement, tandis qu'un paysage aux lignes sobres, monotones même, éveillera peut-être dans l'imagination du gommiste l'idée de l'effet à faire. Il sentira bien d'avance la possibilité d'accentuer ^ telle lumière, de noyer tel premier plan; le canevas enfin est trouvé, et le négatif, ennuyeux peut-être, qui enregistrera ce que nous pouvons appeler le premier état, deviendra le point de départ d'une épreuve ultérieure, d'un sentiment beaucoup plus accentué, résultat de la con-

6 LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

ception première. Le gommiste doit donc voir d'avance, et voir en gommiste comme l'aquafortiste voit en aquafortiste.'

Ce que nous disons pour le paysage s'appliquera tout aussi bien au portrait. Tel fond noir sera choisi avec Tintention bien arrêtée de ne se servir que d'une partie de sa tonalité et de dépouiller le reste d'une certaine façon : telle robe blanche aux contours nets et cassants- sera destinée à passer dans le fond, tandis que telle draperie aux mille plis contournés n'en gardera que deux ou trois, notés d'avance par l'artiste qui regarde le motif, mais ne doit voir que le tableau simplifié que son procédé lui permettra d'établir plus tard.

Donc l'idée maîtresse d'interprétation sera dominante dans l'œuvre du photographe artiste, elle présidera au choix du sujet et aux modi- fications de lignes ou de taches qu'il peut subir avant l'enregistrement photographique, elle conduira k développement du négatif et s'affir- mera plus hautement encore lors de la période d'apparition de l'épreuve positive.

" MÉANDRE " PAR C. PUYO

Pt. II. Gomme.

LA BEAUTE

DE LA MATIÈRE PIGMENTAIRE

I

'ART s'adresse avant tout à la sensation; y chercher, dès le

premier contact, pâture sentimentale est Terreur et Fillusion

des simples. Ce qui fait l'artiste, comme le connaisseur, c'est

l'acuité, la finesse de leurs sens. ,

Ai' \ De l'importance de la facture dans les, arts plastiques: elle cons-

ul «vt^\^Uwi^»>>'\''^^ j ^ r ^jj, r n 5

ùJtiv titue leur langage, le truchement unique et obligé entre l'artiste et son public. Or, la première qualité d'une belle facture est de créer une belle matière.

La beauté de la matière est plus nécessaire encore dans l'art mi- neur du noir et blanc, dont les moyens sont naturellement faibles et les ressources limitées. Un peintre de main médiocre peut compenser ^ ^ cette infériorité grâce au prestige d'un coloris particulièrement heureux et délicat; mais quelle valeur artistique peut avoir une gravure mal encrée, une sépia sans transparence, une épreuve photographique dont les tons ne possèdent pas cette profondeur grasse et cette puissance qui sont à l'œil une caresse? et qu'importe alors le sujet, fût-il le plus ori-

8 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

ginal, le plus trouvé, le plus gracieux du monde, relevât-il de la senti-

jjjj^ mentalité la plus déliée ou de l'idéalisme le plus transcendant?

Aussi, depuis quelques années, du jour la Photographie a pré- c^^^^v^A tendu s'élever au rang de procédé d'expression, a-t-on s'efforcer de l'^ri^wx*, ^i; ^- donner à la matière pigmentaire, dont le dépôt crée l'image photogra- phique, les qualités qui lui manquaient. Ce faisant, le photographe imitait simplement ses confrères en noir et blanc, les dessinateurs et les graveurs.

Voyez tel spécialiste de dessins à la sanguine ; il emploie unique- ment comme support le papier bulle, papier grossier, de fabrication médiocre; tel autre, qui fait des portraits au pastel noir relevé de pastel blanc, utilise pour le même objet le carton gris vulgaire d'emballage; ^«Jjjw-^ quant à tel spécialiste anglais du crayon à la mine de plomb, c'est chez les pharmaciens qu'il achète son papier, ce papier parcheminé dont on enveloppe les ordonnances, (^j^t^v^.».;»)

Pourquoi ces choix exclusifs et singuliers, cette préférence donnée à des papiers vulgaires sur leurs congénères mieux fabriqués, d'un emploi plus aisé et plus sûr? Question de matière simplement. C'est que sur le papier bulle, sur le carton gris, sur le papier de pharmacien, les grains de la sanguine, du pastel ou du graphite que le frottement attache au support, se groupent et se fixent suivant un rythme particulier,

(ivu: à la résistance particulière de ce support. Certes, la tache produite

par l'attaque de la main du dessinateur serait à peu près semblable sur _ tout autre papier, mais à peu près seulement. C'est ici simple question de nuance, mais dans le royaume des arts la nuance seule a son prix.

Les mêmes préoccupations expliquent et justifient les soins minu- tieux donnés à l'impression d'une gravure en creux : suivant la com- position des encres choisies, légères ou couvrantes, le tact de la main iY^i/> - qui manie la poupée, la délicatesse de l'essuyage, la nature du papier ^.^ ^

support, la pression de la machine, etc., une même planche donnera

une image médiocre, correcte ou savoureuse. Et ici, comme tout ^ _ /^^^^J^j^ l'heure, entre l'image correcte et l'image savoureuse, il y aura, pour un œil artiste, un abîme : une nuance.

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

9

Les premiers papiers positifs créés au début du procédé photogra- phique laissent beaucoup à désirer au point de vue de la matière ; leur aspect manque de puissance, d'éclat, de saveur ; c'est dire que les qua- j^^y^ lités qu'on est en droit d'exiger pour la satisfaction purement senso- rielle de l'œil leur font défaut.

Nous en comprendrons le pourquoi si nous essayons de définir la nature un peu subtile de ces qualités. Il est certes plus facile d'énu- mérer celles-ci que de préciser les conditions requises pour leur exis- tence; on entend assez ce que signifie la profondeur ou la transparence d'un ton, mais il est moins aisé de découvrir pourquoi ce ton est pro- fond ou transparent. Essayons-le néanmoins, car par nous arrive- rons, non seulement à affirmer la supériorité des papiers nouveaux dont il sera question dans ce livre, mais aussi à établir quelques conclusions pratiques relatives aux méthodes de traitement.

Remarquons d'abord qu'un procédé en noir et blanc aura d'autant ^vLuvtfvi. plus de puissance et d'éclat que la gamme de ses tons sera plus étendue, en d'autres termes, que le blanc extrême qu'il pourra donner sera plus éclatant et plus beau, et le noir extrême plus profond et plus puissant.

Or, de tous les blancs, le plus agréable à l'œil est, à coup sûr, le blanc mat porcelaine que donne un papier très pur, très légèrement ^encollé et ayant conservé sa fleur, par suite n'ayant été ni cylindré, ni (^u*,^ brossé : le papier à la cuve. Et observons ici, nous retrouverons .^v>A" souvent la même constatation : si un papier vierge a de la fleur, c'est sans doute que la cohésion des matières pâteuses s'y est faite sans vio- lence, sans pression mécanique, sous la seule influence de deux agents naturels : la chaleur et la pesanteur. t>^<-A'Ah -

X UHIa^ij

Le blanc particulier au papier joue un rôle capital dans tous les procédés qui emploient ce support, et, par exemple, si l'aquarelliste 'lA.wVtiproscrit les blancs gouachés, ce n'est point pour le vain plaisir d'aug- menter les difficultés de l'aquarelle et de faire ainsi montre de virtuo- sité, mais simplement parce que le blanc fourni par la gouache est de qualité fort inférieure au blanc fourni par le papier. .5*v.jf»>Ujs De ceci une première conclusion se dégage : c'est qu'un papier

i i ^

lO

LES PROCÉDÉS IVART EN PHOTOGRAPHIE

photographique dans lequel le blanc extrême sera constitué par le pa- pier nu, non brossé, ayant conservé sa fleur, sera, à ce point de vue. supérieur aux autres. Seul le papier à la gomme peut remplir pleine- ment cette condition ; quand le colloïde employé subsiste dans les blancs, ceux-ci sont moins éclatants, puisque le blanc du papier est couvert d'une couche de gélatine, et moins agréables, parce que bril- lants et produits par une réflexion plutôt que par une diffusion de la lumière.

Seconde conclusion : tout mode opératoire qui aura pour consé- quence un brossage, un frottement du papier, donnera des blancs moins beaux. Nous rappellerons ceci dans le chapitre sur le procédé à la gomme.

Nous pouvons donc, au point de vue de la qualité du blanc, ranger (3^^^ les papiers usuels dans l'ordre suivant : papiers à la gomme, platine, papier salé, papiers à base de gélatine ou de tout colloïde non soluble dans l'eau froide, papiers à l'albumine, papiers aux citrates et leurs dérivés.

Passons maintenant aux noirs et aux demi-teintes ; ils sont fournis Uaa~a P^** l'apposition sur le papier d'une matière pigmentaire. Les qualités que peut offrir l'aspect de cette matière tiennent à la façon dont elle absorbe et réfléchit la lumière incidente. On peut les énumérer ainsi : fleur ou velouté ; 2" profondeur ou transparence ; 3" puissance ou vigueur.

Pour rechercher les conditions qui produisent ces qualités, pre- nons successivement, parmi les divers procédés en noir et blanc, ceux dans lesquels une de ces qualités se montre à son maximum de puis- sance.

If Fleur ou Velouté. Au point de vue de la fleur, rien n'égale la trace que laisse sur un papier approprié la caresse légère d'un pastel ^J^^, tendre. Pourquoi? Cela tient évidemment à la manière dont les grains pigmentaires sont groupés, à ce qu'ils sont à l'extrême surface du pa- pier, à ce qu'ils ne sont pas serrés entre eux.

" FANTAISIE LOUIS XV PAR M"« C. LÀQUARDE

Pl. IH. Gomme.

I

1

"LE BALAYEUR PAR LACROIX

Pi-. IV. Gomme.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE II

i^w^A Écrasons, en effets, cette tache sous le doigt ou sous un sureau, le velouté va diminuer; nous avons resserré les grains et les avons enfoncés dans le papier.

Au lieu d'écraser la tache, fixons-la par un fixatif mis au verso du papier ou pulvérisé directement sur le recto. Nous allons avoir un effet analogue : les grains vont se resserrer et se rapprocher du papier ; de plus, la matité de velours va faire place à un luisant de vernis. Si nous ■^Mco-yuai abusons du fixatif, tout velouté va disparaître, le grain étant noyé dans le médium et recouvert par lui.

Un tel effet se produit lorsqu'on fixe sur carton, par pression et à chaud, une épreuve tirée sur le papier « l'Artistique », par exemple, papier extrêmement velouté; il se produit également si Ton emploie pour vernir une épreuve à la gomme du vernis Soehnée trop concentré.

De ces observations on peut déduire les aperçus suivants :

Toute tache pigmentaire aura d'autant plus de fleur que le grain sera plus superficiel.

Si, comme dans les procédés à dépouillement, un colloïde inter- vient pour fixer le grain au support, il conviendra que ce colloïde retienne le grain par sa base, mais ne le recouvre pas; de telle sorte que la lumière incidente soit reçue en premier lieu par le grain, mais non par le colloïde.

Voici pour la constitution même du papier et voici pour le mode de traitement : toute couche pigmentaire raclée trop énergiquement par l'agent de dépouillement manquera de fleur et de velouté.

Tout ceci explique pourquoi :

Le papier à la gomme dépouillé par flottement a plus de fleur que l'Artigue ou le Fresson ; pourquoi le papier au platine a plus de ve- louté que le papier au bromure, et pourquoi le papier au citrate n'en a pas du tout.

Transparence et Profondeur. Un noir très intense, quand il est transparent, est dit profond. . . ^

Prenons l'exemple d'une figure sur fond très noir : suivant le

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

caractère de la matière, la figure pourra paraître collée sur un fond plat ou, au contraire, se détachant sur un fond profond. Le premier ne nous donnera aucune illusion, le second nous en donnera une. Pourquoi ?

Faisons plusieurs remarques :

I'' La plus grande transparence nous est donnée par l'aquarelle faite à grande eau.

Au moment la tache commence à faire prise, si on l'écrase d'un coup de pinceau sec, la transparence diminue considérablement.

Dans le premier cas, les grains en suspension dans l'eau se sont déposés suivant un rythme naturel en obéissant aux lois moléculaires, à la pesanteur ; ils se sont déposés régulièrement.

Dans le second, une force arbitraire est intervenue, a écrasé les grains, diminué et rendu irréguliers leurs intervalles.

Si nous considérons la typogravure, nous savons qu'il faut, même dans les noirs intenses, laisser subsister un réseau régulier de points blancs; sans cela le noir est extrêmement puissant, mais bouché.

Dans une gomme faite par deux impressions, les noirs qui en résultent sont extrêmement puissants, mais moins transparents que ceux résultant d'une bonne impression unique.

Une épreuve à la gomme, ou aux papiers gélatinés, surexposée, donne des noirs intenses qui sont beaux mouillés, mais enterrés après séchage.

Une héliogravure en creux est grainée, une collographie ne l'est pas ; or, l'héliogravure a beaucoup plus de transparence, de profondeur dans les noirs qu'une collographie.

Si, dans la planche en creux, le grain d'héliogravure n'est pas extrê- mement régulier, le noir paraît sale. Il est curieux de voir combien est grande la sensibilité, l'acuité de l'œil, en cette circonstance. Le grain d'une héliogravure peut être très gros ou très fin, mais il est essentiel que le rythme en soit régulier.

Une autre preuve est fournie par les papiers à la gélatine brutale- ment traités. Si, par une élévation trop grande et trop brusque de la

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE l3

température du bain, on provoque dans la gélatine un commencement de fusion, le rythme naturel des grains se trouve rompu et le ton de- vient sale.

Pour qu'un noir photographique ait des qualités de profondeur, il faut que les régions correspondantes du négatif ne soient pas consti- tuées par des transparences sans détails ; ces régions doivent être mo- delées. Ces modulations en sourdine, bien que peu visibles sur l'épreuve positive, jouent cependant un rôle essentiel.

De ces différentes constatations, il résulte que la division de la couche en grains espacés et groupés régulièrement est la condition de sa transparence. Devant un assemblage de grains trop serrés et mats, la lumière incidente est absorbée totalement, elle ne pénètre pas dans le mur continu de la couche et ne se réfléchit pas en partie comme elle doit le faire. Un vernis superficiel qui se laisse pénétrer et réfléchit la lumière incidente donne l'illusion de la profondeur.

Puissance, Vigueur, Intensité. Le modelé de l'image résulte des différences existant entre les intensités relatives des divers tons, et si nous voulons agrandir la gamme, nous avons intérêt à aller aussi loin que possible du côté de l'intensité. Or, nous sommes limités de ce côté par l'intensité propre à la couleur du pigment. Si notre pigment est de l'ocre jaune ou du brun-rouge, nous n'obtiendrons jamais la vigueur; du noir de vigne nous donnera toujours moins de vigueur que du noir de bougie. Nous ne pourrons d'ailleurs jamais atteindre à l'intensité de la couleur sortant du tube et écrasée sur la palette; c'est une limite dont on peut s'approcher, mais dont on restera tout de même assez loin. Et si on l'atteignait, la matière perdrait toute trans- parence.

Car le moment est venu de faire une remarque, laquelle est d'im- portance : les qualités que nous venons d'énumérer : fleur, profondeur, vigueur, tendent à s'exclure l'une l'autre; et, dans tout procédé qui pos- sédera une de ces trois qualités à l'extrême, les deux autres seront sacrifiées. L'aquarelle fournit la transparence idéale, mais elle ne peut

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

atteindre à la vigueur sans perdre précisément cette transparence. Le pastel possède la fleur, mais la transparence lui fait défaut, et si on remploie d'ordinaire en hachures, c'est pour créer entre les grains des intervalles non couverts; la division du grain donnant de la transpa- rence. On pourrait multiplier ces exemples.

Ainsi donc nous arrivons à cette constatation : que toute matière, quand elle est belle, est le résultat d\m heureux équilibre, d'un agréable compromis entre des qualités adverses.

De ces qualités, la première en importance est, sans doute, la vigueur; car la gamme des tons lui devra son étendue. Pour l'obtenir il est deux moyens : le premier, qui trouve son emploi le plus typique dans la typograyure, consiste à disposer sur le support une couche ^ mince de grains accolés en serrant ceux-ci le plus possible et en dimi- nuant ainsi le nombre et l'importance des intervalles, des points blancs, qui les séparent ; le second, fourni par les procédés en creux, consiste livtk^^wa^à épaissir, en'^outre, la couche pigmentaire en superposant les grains réunis dans un médium. C'est ce dernier moyen qui permet d'aller le plus loin dans l'intensité sans, pour cela, faire disparaître les qualités de velouté et de profondeur.

La supériorité des procédés que nous décrivons dans ce livre est précisément due, pour une bonne part, à ce qu'ils fournissent une couche d'une épaisseur appréciable. Ils sont au papier salé, par exemple, ce que la peinture à l'huile est à l'aquarelle. Dans le papier salé, la couche trop mince ne peut atteindre à la vigueur sans perdre toute transparence ; en outre, le grain tend à entrer dans le papier, de l'aspect enterré. Si, au contraire, une matière est constituée par un mélange épais de grains et de colloïde, le colloïde joue d'abord le rôle d'un encollage supplémentaire, maintient le grain à la surface du papier ; en même temps il le divise, l'empêche de se serrer et, par ce double effet, tend à conserver et la fleur et la transparence du ton.

Le colloïde joue encore un autre rôle, celui d'un vernis non super- ficiel, mais incorporé; il est de fait qu'un tel vernis contribue beau- coup à assurer la transparence. On le constatera si l'on regarde sécher

Pl. V. Gomme.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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une épreuve à la gomme ou encore une épreuve tirée sur « l'Artis- tique » qui possède beaucoup de fleur. A un moment donné Peau a disparu, s'est évaporée, dans les blancs et les régions claires; mais il en reste dans les régions sombres, emprisonnée encore à l'intérieur de la couche, entre la superficie de la couche et la surface du papier. Les blancs sont mats, les noirs un peu luisants. L'épreuve passe à ce mo- ment par un état optimum. Le séchage complet compromet un peu cet état, par un phénomène analogue à celui de l'embu, s^ùrtout dans les épreuves à la gomme surexposées. Un passage au vernis Soehnée pour aquarelle, fortement étendu d'alcool, améliore alors l'aspect de l'épreuve; car ce vernis traverse le papier dans les blancs, ne compro- met donc pas leur matité, et en même temps se loge dans les noirs et leur redonne de la transparence^

Nous nous sommes efforcés d'expliquer de notre mieux, car la question est obscure, complexe et subtile, à quoi est due la supé- riorité des procédés décrits dans ce livre sur les procédés plus anciens. La Providence bienveillante n'a pas voulu que, possédant des propriétés heureuses qui rendent possible l'interprétation, ils aient, comme contre- partie, une matière inférieure à celle de leurs prédécesseurs. Il faut nous en féliciter, tâcher de les traiter avec les égards qui leur sont dus; et, tout d'abord, ne pas les viotenter. U^^v..r<,

Il ne faut pas les violenter, c'est-à-dire qu'il ne faut pas gêner le travail, subtil et délicat infiniment, des forces naturelles qui, desserrant les mailles du médium organique pour les resserrer ensuite, agitent les grains de la matière pigmentaire, libérant les uns, retenant les autres pour les disposer en bel ordre suivant une harmonie préétablie. Si on le fait, si l'on veut modifier le travail de ces forces, que ce soit à bon escientl 'K^ov^,^

Il se peut, par exemple, que l'on ait intérêt à changer l'aspect pigmentaire dans certaines régions localisées de l'image ; cela pour rompre l'uniformité du rendu photographique. Un peintre ne traite pas de la même manière, dans un paysage, les terrains et les eaux, dans

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

une nature morte un vase de cristal et un vase de grès ; sa touche se modifie suivant l'objet représenté : délicate pour représenter le corps vierge d'Andromède, elle se fera rude pour peindre le roc auquel An- dromède est rivée. Le rendu photographique ignore ces nuances, mais les procédés dont nous parlons peuvent en partie les rétablir. En changeant l'agent de dépouillement on modifie l'aspect de la matière. Par suite, dans une épreuve à la gomme, à côté de telle région qui, dépouillée par dissolution, aura l'aspect doux et léger d'un lavis d'aqua- relle, telle autre brutalisée au pinceau pourra revêtir l'aspect rugueux du crayon Wolflf.

Mais ces interventions qui troublent la formation naturelle de la matière ne sauraient porter que sur certaines régions localisées ; le dépouillement général de l'image devra toujours se faire grâce au tra- vail libre des forces naturelles, non violentées.

Pour ne pas être amené à violenter un procédé, il faut qu'il soit docile. Il ne le sera que si l'on en use judicieusement, et, en premier lieu, que si la lumière, agent principal qui met en jeu les forces et qui les régit, a effectué son travail, sans excès de zèle, mais aussi sans paresse. Dans tous ces procédés, une exposition juste et précise au jour est la condition indispensable du succès. A cette condition seule, la matière sera docile et, parce que docile, a toute chance d'être belle.

LE NÉGATIF

N accuse la nouvelle école de négliger à tel point le cliché en faveur de l'épreuve que la présence du négatif serait de- venue tout juste nécessaire. En tous cas, sa perfection tech- nique, objet des soins jaloux du photographe intransigeant, n'importerait guère plus, et les plus belles épreuves des gommistes seraient tout justement filles des pères les plus infirmes.

Nous sommes cependant d'avis que la perfection du cliché est de la plus sérieuse importance pour la réussite de l'œuvre d'art que nous espérons devoir en résulter. Mais nous commençons à ne plus nous entendre avec l'école du bon négatif avant tout, lorsqu'il s'agit de définir les qualités d'un négatif type.

Du temps du seul papier salé, il en existait un qui désespérerait ^At^iA \>A!f4- aujourd'hui les amateurs de gomme bichromatée. Les noirs en étaient cJ.^t^^v-t. d'une épaisseur extrême, les clairs d'une transparence absolue, car le papier d'alors, imprégné de sels d'argent jusque dans son épaisseur, exigeait une réduction profonde dans ses noirs avant que les détails de

l8 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

ses blancs fussent apparus. C'était ce que nous appelons maintenant un cliché dur.

Conclura-t-on de cet exemple qu'en langage photographique le négatif sera baptisé d'après le caractère des résultats qu'il provoquera sur l'épreuve positive ? Si cette façon de parler pouvait être logique du temps la corporation ne travaillait que sur un seul genre de papier sensible, elle devient confuse à l'époque actuelle qui compte une mul- titude de procédés différents pour chacun desquels devrait logiquement ^^Ji^^ç^ intervenir un négatif à qualités spéciales. Donc, si nous nous refusons .^^J^^^nJ^y^ à croire au cliché étalon, tel le mètre en platine qui repose aux j Arts et Métiers, nous admettons la nécessité de clichés de natures différentes, propres chacun d'eux au genre de papier qu'on leur destine.

Nous voici donc conduits à examiner quelles sont ces qualités diverses exigées par les différents modes d'impression d'art et comment il est possible de les obtenir.

La nature complexe de certains tirages nous empêchera de diviser les procédés, comme on le fait d'ordinaire, en procédés à impression '^A^-.»*'». directe, à développement et à dépouillement. En effet, le papier au j^^, platine, qui se développe comme un bromure, a comme point de départ une image visible obtenue par impression directe, et dont la nature est ,è^^^j[f^, fort importante au point de vue des résultats définitifs. De même pour l'ozotype et la gomme ozotype qui sont des procédés à dépouillement, mais dont l'origine est cependant une image visible analogue à celle du tirage au platine. Cherchons donc, sans entrer dans des classifications arbitraires, quelles doivent être les qualités du négatif communes à tous les procédés d'art ou spéciales à chacun d'eux.

La plus importante sera le rapport de transparence qui devra exister entre les maxima et les minima d'épaisseurs du négatif, et on déduira de cette définition que la qualité nécessaire tout d'abord, et commune à tous les procédés, sera la perméabilité de la plus grande épaisseur. En d'autres termes, tout négatif dont les noirs ou le plus grand noir ne montreront par transparence aucun détail ou aucune demi-teinte devra être considéré comme inutilisable.

" PORTRAIT DE FEMME PAR R. DEMACHY

Pl. VI. Gomme.

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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Mais, parmi les clichés qui restent _et^^iii^accusent la qualité susdite de perméabilité,, nous devrons faire, selon he procédé auquel ils sont destinés, un triage raisonné au point de vue des différents degrés de transparence qui les distinguent. Car il ne faut pas oublier qu'un noir, perméable cependant, mais insuffisamment exposé pour tel ou tel papier donnera sur l'épreuve positive un effet sensiblement pareil à celui d'un noir véritablement imperméable. La question pourra donc se résumer I. ainsi. Selon les particularités du procédé à employer, choisir le genre de négatif dont les rapports d'épaisseur permettront une impression qui sera correcte sous les opacités avant que les portions exposées sous les transparences aient perdu la justesse de leur valeur.

Et ceci parce que l'écart entre l'impression optima des extrêmes d'épaisseur et de transparence diffère selon les modes de tirage. En général, cet écart est beaucoup plus considérable avec les procédés à image visible, tels que le platine et les ozotypes, qu'avec les procédés à dépouillement, tels que la gomme et le papier Fresson. En effet, dans ces derniers, le point d'insolubilisation complète de la couche colorée qui correspond au noir maximum sur l'image positive est assez vite atteint. Or, l'insolubilisation complète ne doit jamais avoir lieu. Si donc nous tenons à conserver à nos plus grands noirs de gomme la possibilité d'un gonflement aqueux qui en empêchera l'enterrage sub- séquent, il faudra que les portions de notre image protégées par les épaisseurs du négatif s'insolent presque en même temps que celles qui sont couvertes par des transparences.

Par conséquent, le négatif destiné à la gomme devra, avec les qua- lités de modelé ordinaires, offrir des transparences spéciales dans les opacités. Ce sera ce que le tireur sur albumine appellera un mauvais cliché, le tireur sur bromure un cliché difficile, le tireur sur citrate un bon cliché. Mais l'amateur de gomme ne devra pas confondre le négatif transparent et brillamment modelé que nous recommandons avec celui que l'on traite communément de faible et dans lequel une pose exagérée et un développement trop vite arrêté ont éteint tous les contrastes et grisé toutes les transparences. L'image positive qui en sortira, au lieu

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

d'accuser une solubilité presque pareille entre les noirs et les clairs,

en donnera une pareille; Timage ne restera pas, ou si elle demeure,

elle ne résistera pas dans des proportions inégales à l'insistance de

l'agent de dépouillement; ombres et clairs finiront par céder en même '^^^^^

temps. A**^v*^

Les procédés Fresson, Artigue et similaires, dépouillés par frotte- ^jim»*^ ^(ISu ment au moyen de sciure de bois en suspension dans de l'eau, deman- /Di^Jl deront semblable nature de négatifs, mais admettront beaucoup plus . L

d'égalité dans les valeurs que ne le tait la gomme. La matière gélati- ^ neuse dont est formée leur couche et leur mode de dépouillement expliquent cette différence. Ici le coulage n'existe plus, la localisation du dépouillement est donc plus aisée, puisque, seule, la portion direc- tement attaquée par le jet de sciure en suspension diminue d'épaisseur. Il est donc possible, facile même, de provoquer sur une surface com- posée cependant de résistances sensiblement égales, comme celle que donnent les clichés gris, de notables différences d'épaisseur et, par conséquent, de valeurs. Ceci est tout à l'encontre de ce qui se passe dans le développement de la gomme dont la matière est soluble dans l'eau froide et, une fois mouillée, continue à se dissoudre partout parai- lèlement à l'attaque locale.

Nous nous bornerons donc à écarter pour les papiers Fresson, yi ^ .

Artigue et similaires tous les négatifs qualifiés communément de dnrs,^ '^^if^Vx'^ c'est-à-dire offrant des parties très opaques à côté de transparences peu déiaillées, et nous admettrons le cliché gris et monotone qui pourra, grâce à la localisation très nette permise par le genre de dépouillement du papier et la nature de sa couche, donner une image parfaitement accentuée, analogue à celle qui résulterait d'un négatif brillant.

Le papier au platine demande, peut-être plus que tout autre pro- T^oi^--^ ^i^v-vM cédé d'art, un cliché complet^ c'est-à-dire pourvu de détails modelés ' dans ses portions les plus claires, correspondant aux noirs de l'épreuve ^^i^^"-^ ' positive. Car le dépôt métallique qui constitue Timage est maigre en comparaison des pigments des papiers à dépouillement et des ozotypes, et il tend souvent à s'enterrer dans certains noirs. Notons aussi

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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C*-^

*J-jCvv

que le point de départ de l'image, ultérieurement développée, est une image visible formée par réduction rapide. Les qualités à rechercher dans le négatif vont donc être influencées par cette particularité. La n^-^^. ^ rapidité de noircissement nous indiquera que l'écart entre les transpa- rences et les opacités du cliché devra être plus considérable qu'avec les procédés de tirage sur couche plus lente, car il nous faudra laisser le temps aux noirs de l'image positive de se corser avant que les mo- delés aient paru dans les clairs, à moins de chercher bien exprès un effet monotone. En tenant compte de ces desiderata, nous arriverons à définir ainsi le négatif type du platine : cliché complet et fouillé dont récart entre les transparences et les opacités maxima devra permettre une insolation suffisante à travers les parties claires pour produire sur répreuve positive un noir par surexposition.

Cette dernière expression paraît sans doute obscure, nous en don- nons l'explication. °^-.c<ion^Jç

L'enterrage ou bouchage des noirs, commun à bien des procédés, est généralement le résultat d'une insolation faite à travers un dépôt d'épaisseur uniforme, autrement dit une zone également teintée ; or, l'expérience prouve que, si le même degré de noir positif est obtenu en insolant davantage une zone moins transparente, mais oârant des épais- seurs diverses, une zone modelée, si vous préférez ce terme, ce noir, produit par surexposition, c'est-à-dire en noyant les détails et les mo- delés, nous fournira, en même temps qu'une intensité pareille à celle que nous avons eue sous la transparence monotone, une tache mou- . vementée donnant l'illusion de l'atmosphère et de la profondeur à la place de la certitude d'un simple morceau de papier coloré. La qualité du noir sera modifiée et i'enterrage aura disparu.

Nous en trouvons la preuve dans la façon dont se comportent les , clichés, très spéciaux d'aspect, obtenus à la lumière du jour et à l'éclair magnésique. C'est ainsi que se réussissent les meilleurs effets de nuit. L'opacité maxima, qui est considérable, y est donnée par le magné- sium, mais le reste de la plaque, impressionnée par la lumière du jour, montre une densité presque normale. Ces clichés, pour rendre sur

22 LES PROCÈDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

papier l'effet nocturne désiré, devront être tirés jusqu'à surexposition complète de toutes les parties modelées par la lumière diffuse. Or, jamais les noirs ainsi obtenus n'accusent d'enterrage; les détails qui s'y trouvent noyés ont brisé çà et l'aggrégation moléculaire, de telle sorte que la lumière y joue et que l'illusion de profondeur en résulte, tandis que les positifs sur papier dus à des négatifs pris la nuit à la seule lumière artificielle produisent invariablement un effet enterré dans leurs noirs.

Le négatif le plus favorable au procédé ozotype, dont la gomme ozotype n'est en somme qu'un dérivé, devra participer aux qualités des négatifs destinés aux papiers à impression directe, car c'est sur une épreuve imprimée directement à la lumière du jour que viendra s'in- solubiliser, par contact, la gélatine ou la gomme colorées, dont le dépouillement inégal formera plus tard l'image définitive. Nous avons reconnu en effet que les négatifs transparents, faibles même au point de vue photographique pur, qui réussissaient fort bien à la gomme bichro- matée, donnaient en ozotypie des images ternes qu'il fallait réveiller par des tours de main. Leur emploi n'est certes pas impossible mais ne va pas sans risques d'insuccès, car l'image primaire ozotype conduit la seconde et lui donne ses qualités. Les blancs, après lavage, devront être entièrement débarrassés de la teinte jaune du bichromate, ce qui revient à dire que ce sel ne doit avoir sut)i, à ces endroits-là, aucune modification chimique appréciable à l'œil. Et c'est pour cela que l'épaisseur des opacités protectrices devra être suffisante pour abriter les blancs pendant que les ombres positives emmagasinent l'énergie qu'elles auront à rendre plus tard. Ceci indique clairement la nécessité d'un négatif exempt de voile et plus vigoureux peut-être que celui que nous recommandons pour le papier au platine.

La même qualité de négatif sera exigée par le procédé Rawlins aux encres grasses. Nous avons affaire ici à une façon de photocollographie, et le cliché idéal de ce procédé d'impression est le véritable bon cliché du photographe. Il s'agit de bâtir un relief de gélatine solide et bien accusé : ce sont des oppositions franches qu'il nous faut pour cela, et

' MISS~ AUiERISfdN " PAR ÉbUARD STEICHEN

p?.. vil.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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tout cliché faible, gris ou voilé, qui donnerait une mauvaise planche à l'impression, donnera aussi une épreuve sale à l'encrage du procédé Rawlins.

Nous terminons ici la revue rapide des qualités diverses du négatif ^ qu'exigent les différents procédés d'art, mais avant de passer à l'examen '\'''^°^^\ des modifications qu'il est souvent utile de faire subir à ceux d'entre cux...-^'' 1"^^ Q^i^i^x. ces négatifs qui, malgré tous nos soins, offriraient encore des incom- patibilités d'humeur avec le conjoint auquel on les destine, nous tenons à dire que les règles et les principes que nous avons posés n'ont rien ^ ^ ^ d'absolu, et que c'est à dessein que nous n'avons pas mentionné les nombreuses pratiques de développement ou de dépouillement qui per- mettent à celui qui sait jouer de son procédé de corriger, pendant l'évolution de l'épreuve positive, les défauts de valeurs et le manque ou l'excès d'opposition de son cliché. L'explication de ces pratiques se trouve à d'autres pages de ce volume ; nous avons seulement voulu simplifier la besogne du commençant en le mettant dans les meilleures conditions possibles pour profiter des avantages de chaque procédé. Il éprouvera sans doute plus tard un plaisir d'équilibriste à se jouer des difficultés que nous venons de lui signaler.

Cependant, nous ne devons pas en être réduits à choisir parmi des négatifs développés au hasard celui qui convient à notre procédé d'élection. Nous sommes, dans une certaine mesure, à même de fabri- quer celui-ci en vue de nos besoins. Déjà la durée plus ou moins longue de la pose modifie le caractère d'un cliché. A cela viendra s'ajouter la façon d'agir du révélateur employé. Nous savons que d'un même sujet nous tirerons deux effets opposés : l'un monotone, l'autre , cij>y«9.J-

heurté, selon que nous aurons laissé les rayons de différentes couleurs et de différentes intensités lumineuses émis par le motif arriver tous au but en se rattrapant c'est l'excès de pose que nous aurons inter- rompu l'insolation bien avant que les faisceaux moins actifs aient opéré sur la couche sensible une modification égale aux faisceaux plus intenses qui ont travaillé les premiers c'est la sous-exposition. Dans le premier cas, les ombres et les demi-teintes se rapprochent trop du

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

maximum d'opacité atteint par les grandes lumières; dans le second, le phénomène contraire s'est produit.

Mais, en développant un négatif dont la durée de pose se trouve entre ces deux extrêmes, nous pouvons cependant nous rapprocher soit de Tun soit de l'autre, selon que le bain révélateur dont nous nous servons a été composé de tel ou tel agent réducteur. Ainsi l'expérience a prouvé que le révélateur bromuré, quel qu'il soit, tend à exagérer les contrastes; que, parmi les révélateurs, sans tenir compte de l'action du bromure le groupe iconogène, métol, métoquinone, pro- duit des clichés doux et transparents dans les noirs et qui sont propres par conséquent aux procédés à dépouillement tels que la gomme bichromatée pure, les papiers Fresson, Artigue, et similaires ; tandis que l'hydroquinone et le rodinal, qui fournissent des noirs plus épais sans voiler les transparences, conviendront mieux aux procédés de tirage à impression visible, tels que les ozotypes, le platine et le procédé Rawlins. Enfin deux révélateurs, le paramidophénol et le pyrogallol peuvent le premier par le jeu du sulfite, le second par celui du car- bonate de potasse donner à volonté des clichés doux ou durs.

Nous venons d'énumérer les moyens les plus pratiques pour se rapprocher du négatif type de chaque différent procédé d'art. Il arrivera cependant nous Tavons fait pressentir que, malgré tous les soins de l'opérateur, le résultat soit inférieur au desideratum. Il nous reste heureusement encore quelques moyens d'intervention, d'ordre chi- mique d'abord, tels le renforcement et l'affaiblissement.

La première opération renforcement au bichlorure ou au biodure de mercure, au permanganate de potasse, au nitrate d'urane est de pratique si courante que nous n'avons pas à entrer dans les détails de son exécution. En l'espèce, elle consiste à ajouter l'épaisseur d'un dépôt chimique métallique aux opacités existantes du cliché sans en modifier les transparences. Elle aura donc comme effet d'augmenter les contrastes entre les noirs et les blancs de l'image positive. Nous n'aurons guère à nous en servir en dehors des procédés à impression visible : platine ozotypie procédé Rawlins. Nous ne voyons

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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pas de cliché destiné à la gomme ou aux papiers Fresson, Artigue et similaires qui puisse en tirer profit. Parmi les procédés contraires dont le but est de diminuer les épaisseurs du dépôt négatif, nous devrons distinguer entre l'afFaiblisseur au prussiate rouge de potasse et celui au persulfate d'ammoniaque. Ils affaiblissent tous deux, mais, au point de vue valeurs, leur effet est bien différent. Le premier s'attaque tout d'abord aux moindres épaisseurs aux demi-teintes. Il tendra donc à provoquer des contrastes aux débuts de son action, tant que celle-ci aura respecté l'épaisseur des noirs. Mais ceux-ci, attaqués à leur tour pendant que les demi-teintes continuent à disparaître, amè- neront bientôt l'image négative à un équilibre plus ou moins complet à l'effacement définitif si l'action du réducteur est prolongée. Nous n'aurons à nous servir de ce procédé que pour nettoyer prudemment par une courte immersion les transparences voilées d'un négatif correct d'autre part.

Le persulfate d'ammoniaque, tout au contraire s'attaque d'abord aux plus grandes opacités du cliché, ensuite seulement aux moindres. Il diminue donc les contrastes aux débuts de son action et continue à les diminuer jusqu'à leur effacement total, par rétablissement d'équi- libre entre épaisseurs diverses. Son emploi est tout indiqué pour restituer aux clichés durs, destinés cependant à la gomme ou aux papiers Fresson, Artigue, etc., la transparence dans les noirs que la nature de ces papiers réclame, '--v

Ces affaiblisseurs peuvent être, en théorie, appliqués localement sur le négatif. En principe, nous y trouvons des risques. L'action d'un liquide sur une surface telle que la gélatine est bien difficile à limiter de façon nette et des halos clairs se produisent presque toujours autour de la portion réduite et mangent sur les demi-teintes avoisinantes qu'il importe de réserver.

Nous nous sommes aperçus, au cours de ce qui précède, de com- bien les valeurs positives sont à la merci des relations d'épaisseurs négatives. Il nous viendra donc tout naturellement à l'esprit, après avoir épuisé tous les moyens d'action chimiques, soit pour renforcer,

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

soit pour diminuer ces épaisseurs, de les modifier à la main par Faddi- tion de substances inertes et par usure du dépôt même. Ces deux pra- tiques rentrent dans la catégorie de la retouche.

Les résultats, si on en juge par l'aspect de la majorité des portraits cartes en évidence, n'en seraient guère encourageants. L'œil de l'artiste

Ati.*^^'en offusque à raison et la mauvaise presse dont jouit la photographie

dans le monde des gens de goût ne provient guère que de l'abus fait^'^>^'*A«/»^ par le photographe d'un moyen qui peut cependant corriger bien des défauts au lieu d'en ajouter.

La retouche par augmentation d'épaisseurs n'est en vérité qu'un renforcement local, précieux à cause de sa localisation nette qui nous permet ainsi l'accent clair, interdit le plus souvent par la nature du pro- cédé photographique. Nous le provoquerons par l'application discrète d'un pigment que l'on préférera opaque, fin de grain et facile à étendre, tel que le rouge de Venise pour le côté verre du négatif ou le graphite pour, le côté gélatine qu'il faudra, bien entendu, pré- parer à la morsure du crayon par l'application d'un vernis térében- thiné à base résineuse. En usant du crayon par légers frottis, nous^^^ pouvons accentuer un modelé déjà existant, faire tourner une joue, détacher l'aile de la narine, donner du relief au front et de l'ondulation

r^Uv^^^Xla chevelure. Les masses se traiteront par teintes plates, en couleur moite, égalisées par tamponnement, au doigt ou à la poupée, sur le dos du négatif ou sur la gélatine même, cette fois non recouverte de vernis, en se servant d'estompés en peau ou en sureau saupoudrées a^wJp-ileA de sanguine ou de plombagine. Ce dernier mode de retouche rendra de grands services pour la préparation des clichés de paysage dont les plans pourront ainsi être davantage différenciés et dont les nuages O^^k^ souvent noyés par solarisation seront accentués au point de transpa- - raître au tirage sur papier. Des retouches plus brutales, au dos du négatif surtout, nous seront permises sur les clichés destinés à la gomme pure dont le coulage estompera les contours accusés de notre intervention. Le travail sur les fonds sera commencé ainsi sur le cliché et terminé sur l'épreuve même, pendant l'épaississement de la couche

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*• DAi-^i» AliiLIER " PAR R. DEMACHY

Pl. Vlli Traiienieni au burin ,

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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avant séchage. Une ligne d'horizon trop indécise, un contour de figure trop noye emprunteront a la retouche négative au pinceau la certitude voulue pour diriger le travail de dépouillement et éviter toute hésitation. Enfin nous saurons même, grâce à la nature molle et envahissante de la couche gommeuse positive, réussir la transformation d'un fond noir en fond clair, sans risquer l'affreux silhouettage que l'enre- gistrement rigoureux des procédés plus fidèles rend toujours inévitable en pareil cas.

Les traités spéciaux conseillent de couvrir le côté verre d'un négatif trop heurté comme valeurs, d'une couche de vernis ou de col- lodion colorés, et d'enlever au canif les parties qui recouvrent les noirs. C'est une façon de retarder le tirage des demi-teintes. Ce travail, a*^-^ malgré l'épaisseur du verre interposé, nous paraît délicat à faire sans laisser d'arêtes désagréables autour des enlevés. On arrive plus facile- .aW'^ i;^o. ment à transformer un négatif en tendant au dos de celui-ci une feuille de papier dioptrique sur laquelle on peut soit à l'estompe, soit directement au crayon, accentuer les faiblesses et, par conséquent, diminuer les contrastes, ou surcharger au contraire les noirs insuffi- sants et ajouter ainsi du relief à l'image.

Nous voici amenés à la retouche la plus radicale de toutes, celle qui consiste à s'attaquer au dépôt même et à la gélatine qui l'enrobe, et cela au moyen d'instruments métalliques dirigés par la main de l'opérateur. En principe, il suffit de frotter doucement un endroit /îr\»*\' opaque d'un négatif avec un morceau de flanelle blanche pour noircir celle-ci plus ou moins vite; le dépôt d'argent réduit ne résiste donc pas complètement à une usure aussi faible. Accentuons-la en saupou- oaA^vJtU drant notre tampon avec de la ponce finement pulvérisée l'effet sera plus visible encore. Mouillons enfin la gélatine avec de l'alcool méthy- lique et nous arriverons, en frottant avec quelque patience, à user presque entièrement le dépôt d'argent réduit. C'est une pratique fort connue des retoucheurs. Mais sa localisation nette quant aux contours de la tache à diminuer offre beaucoup de difficultés. Il n'est pas com- mode de diriger bien exactement les évolutions d'un tampon humide

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LES PROCEDES P'ART EN PHOTOGRAPHIE

ES J)'

et malléable, et tout débordage, en diminuant l'épaisseur de la zone avoisinante, travaillera à l'encontre du résultat cherché^

L'instrument métallique semble donc s'imposer. Nous en avons plusieurs. L'éraser, le grattoir baïonnette, le burin et l'aiguille emmanchée. L'éraser est un pinceau plat dont les soies sont rempla- cées par des fils d'acier plus ou moins longs et par conséquent plus ou moins souples selon le modèle. Le passage répété de cette sorte d'étrillé produit sur la gélatine du négatif une multitude de stries parallèles extrêmement fines, visibles de près seulement. « To erase », traduit littéralement, veut dire « effacer »; cet instrument pulvérise en effet la toute première couche d'argent réduit et de gélatine; le ton de la portion attaquée baisse donc très progressivement. Le grattoir baïon- nette des graveurs est une sorte de stylet triangulaire soigneusement aff'ûté du Sout. Nous ne nous servirons guère de la pointe qui est fort «kJ^ aiguë, mais souvent de la tranche avoisinante, en tenant l'instrument comme le dessinateur tient le fusain ou l'escrimeur une épée. Le burin pourra travailler de la tranche, comme le grattoir, ou de la pointe, comme l'aiguille emmanchée qui coupe franchement jusqu'au verre. Mais pour la pratique l'éraser et le grattoir suffisent; ils permettent à eux deux toutes les interventions que peut exiger le négatif. L'action de réraser est sans doute la plus graduelle, mais elle se localise moins facilement à cause de l'élasticité des fils d'acier qui s'écartent sous la pression. Cet instrument servira donc à baisser le ton des zones éten- ^t^M^. dues ou à supprimer des taches de dimension moyenne tandis que le grattoir travaillera sur des taches plus petites ou plus compliquées de forme. Car, si son attaque est plus morâante, sa rigidité en rend la direction beaucoup plus sûre. En l'employant à un angle plus ouvert avec la surface du cliché, nous le ferons mordre davantage jusqu'à l'accent profond qui dénude le verre. C'est le plus fort que nous puis- sions donner; il correspondra au noir maximum^^e l'épreuve. Cet accent soit dit en passant ne devra ni être prodigué ni être placé au hasard; c'est le point d'exclamation de la phrase et nous n'en abuse- rons pas.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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Selon que Tauteur se sera servi prudemment du grattoir ou de l'éraser pour effacer une tache malencontreuse, ou qu'il aura buriné la couche hardiment, sans dissimulation aucune, dans le but de créer des accents et de londrei des masses, il aura retouche ou traite. La re- touche pourra ne pas attirer la moindre attention, par contre, le trai- tement du négatif au burin, au grattoir ou à l'éraser a déjà donné lieu à l'inévitable accusation de plagiat.

Il est certain que le passage répété de la brosse métallique et que le travail profond du grattoir vont créer des traces plus ou moins nettes qui suivront bien les zones dessinées par l'objectif, mais qui s'écarte- -^«A^Jé ront de l'aspect habituel de l'image photographique. Un négatif ainsi traité, tiré sur papier à la gomme, n'ajoutera à l'épreuve que des qua- lités de relief et de profondeur, dont l'origine aura été dissimulée par o la bavure spéciale à la couche gommeuse.

Tout autre sera l'aspect de l'épreuve au papier Fresson, Artigue ou Rawlins, nous tenons à en prévenir nos lecteurs.

Alors le caractère d'eau-forte sera prédominant, parce que la ma- tière de la couche se rapproche de celle de la gravure, que la gélatine du cliché a été travaillée de la même manière et avec les mêmes ins- truments que la plaque de cuivre de l'aqua-fortiste, et que la fidélité de reproduction de la gélatine aura enregistré chaque trait de l'acier. j\jA.

Le graveur dessine sur du papier quelconque, reporte son dessin sur sa planche vernie et en suit fidèlement les traits à la pointe. Le photo- graphe suit avec son burin, son aiguille ou son grattoir le dessin fourni par son objectif. Les teintes plates que le graveur obtient par retrous- sage seront données au photographe par les zones non gravées de son cliché. Il y aura donc similitude inévitable d'eff"et puisqu'il y a eu simi- litude de travail. Mais nous jugeons que seule la ressemblance avec une mauvaise eau-forte est à déplorer; c'est une alliance que nous ten- terons d'éviter.

Le lecteur, en consultant les deux exemples de la page 26, pourra se faire une idée de la transformation que peut subir, grâce à l'éraser et au grattoir, un négatif aussi riche en taches blanches et en répéti-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

tions de lignes que celui qui a fourni la planche i. Il verra d'abord que le paquet blanc formé par la serviette à thé posée sur la table a disparu en ne laissant que quelques traces, visibles seulement à cause de la fidélité de reproduction du bromure qui a servi au tirage. La seconde chaise en arrière de celle sur laquelle est assis le modèle a passé dans le fond, les deux bouteilles dont les reflets venaient lutter avec le ton des chairs ont été enlevées et la tonalité du bouquet de fleurs et du vase qui les contient considérablement baissée de même que les luisants du bois de la chaise et la tache indécise de la plinthe derrière le personnage. La tête est donc devenue centre ;;d'ihtérêt. De plus des accents profonds au grattoir sont venus affermir- 4es plis prin- cipaux des vêtements; le corps, il nous semble, tourne davantage et le bras se détache mieux dans la seconde planche que dans la première. Nous n'avons pas réussi un chef-d'œuvre, mais nous croyons avoir rendu présentable une image qui ne l'était certainement pas.

PAR F.-V. SPITZER

Pl. IX. Gomme.

PREMIÈRE PARTIE

^

LES PROCÉDÉS PAR DÉPOUILLEMENT

D

i

I

GÉNÉRALITÉS

N sait que les papiers sensibles photographiques se classent d'ordinaire en trois catégories :

Les papiers à noircissement direct. Incolores à l'ori- gine et dans lesquels l'image est formée d'un dépôt de métal réduit, dépôt provoqué par la seule action de la lumière.

Les papiers à développement. Egalement incolores, dans les- quels l'image est de même constituée par un dépôt métallique, produit cette fois par une double action : action de la lumière et action d'un agent chimique dit révélateur. Le papier au platine appartient à cette classe.

Les papiers à dépouillement. Ceux-ci se distinguent nettement des premiers en ce que l'image y est constituée non par un métal réduit, mais par une poudre de matière colorée, insoluble et inerte : noir de fumée, sanguine, terres... Le papier, ayant été préalablement couvert d'un mélange de cette poudre avec un colloïde sensibilisé et exposé sous châssis, est dépouillé de son pigment non par un agent chimique.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

mais par des agents qui entraînent et libèrent les grains dans les régions la lumière les a incomplètement fixés.

A cette classe se rattachent : le papier à la gomme, le papier ozotype, les papiers Artigue et Fresson, et tous les papiers du commerce dits à la gomme.

Une quatrième catégorie commence à prendre naissance : elle comprenait jusqu'ici les procédés par saupoudrage, d'un emploi très délicat, qui par suite ne se sont pas répandus. Le procédé par encrage, inventé récemment par M. Rawlins et dont nous parlons dans ce livre, semble beaucoup plus pratique ; il se prête admirablement à l'interven- tion personnelle. Dès maintenant on peut prédire un bel avenir à de tels procédés qui viendront augmenter les ressources de la photographie pictoriale.

Nous commencerons notre étude par les papiers à dépouillement.

Observons tout d'abord que le nom : Papier à la gomme ne doit s'appliquer qu'au papier dans lequel la gomme arabique est employée seule, sans mélange avec aucun autre colloïde. Il convient d'insister sur ce point et de séparer nettement le procédé à la gomme des autres procédés similaires.

C'est chose d'autant plus nécessaire qu'à la suite de la vogue légi- time de ce procédé, un assez grand nombre de papiers nouveaux ont été mis dans le commerce et dénommés « Papiers à la gomme ». Les amateurs ont accueilli ces nouveautés avec grand plaisir, heureux qu'ils étaient de s'éviter la peine de fabriquer eux-mêmes leurs papiers et flattés de se voir maîtres, sans grand'peine, d'un procédé réputé diffi- cile. Et c'est ainsi que nous pouvons voir dans nos Salons des épreuves qui prétendent être « à la gomme », tandis qu'elles sont simplement à la gélatine ; ce que leur aspect démontre d'ailleurs surabondamment.

Si nous venons ici préciser la question et réclamer pour la seule gomme arabique le droit de se dire « gomme », ce n'est point pour le vain plaisir de souffler sur des illusions bienfaisantes, mais pour dis- siper une confusion qu'il nous serait impossible de laisser subsister au moment d'écrire les pages qui vont suivre.

" ÉTUDE " PAR C. PUYO

Pl. X. Gomme.

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1

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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Rien, en effet, de ce que nous allons dire sur le traitement du « Procédé à la gomme » ne saurait s'appliquer, sans modifications pro- fondes, au traitement des procédés dérivés et similaires. Et si ces derniers peuvent avoir et ont, en effet, de réelles qualités, ces qualités ne leur sont point strictement communes avec le Procédé à la gomme. Le mode de traitement, d'une part, Taspect de l'image obtenue, de l'autre, créent donc entre ces procédés une délimitation nette et franche. Et la chose était à prévoir, même avant toute expérience, si Ton observe que la gomme appelée arabique possède des propriétés particulières qui la mettent à part dans la série des gommites et des colloïdes, comme nous allons le voir tout à l'heure.

Théorie générale des Procédés à dépouillement. La théorie de tous ces procédés dits « Procédés à dépouillement », réduite à l'es- sentiel, est la même. Elle est basée sur l'action des bichromates alcalins en présence des substances colloïdes : gélatine, albumine, gommes... Sous l'influence de la lumière, le bichromate alcalin est dédoublé et '^'^ ^^\^^rz>^ cède une partie de son oxygène à la matière organique ; celle-ci subit alors des modifications qui changent ses propriétés physiques et que l'on peut résumer comme il suit (i) :

L La gélatine, l'albumine, la gomme, mélangées aux bichro- mates, tendent, sous l'influence de la lumière, à devenir insolubles, et l'insolubilisation a lieu plus ou moins profondément dans l'épaisseur de la couche, proportionnellement à l'intensité de la lumière.

e*vJi<vw.^-5iceM^' II, Une couche de gélatine bichromatée étant plongée, après fl-<K,t insolation, dans un liquide, les régions qui n'ont pas été insolubilisées "^^^ , par la lumière absorbent seules ce liquide.

IIL Une surface de gélatine bichromatée, rendue légèrement humide après insolation, prend l'encre d'imprimerie sur les parties influencées par l'action de la lumière et ne la prend pas sur celles qui n'ont pas subi son action.

(i) M. Davanne. La Photographie théorique et pratique.

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

IV. Les bichromates alcalins, en présence de la lumière, modi- fient et détruisent les propriétés adhésives et hygroscopiques de cer- taines compositions hygrométriques, telles que le sucre, le miel, la dextrine, etc.

Un très grand nombre de procédés photographiques dérivent de ces changements apportés par la lumière aux propriétés physiques des colloïdes : tels les procédés de gravure, en creux et en relief, la collo- graphie, l'hydrotypie, le procédé par saupoudrage, etc.

Des faits énoncés dans les paragraphes I et II sont sortis les papiers à dépouillement.

Du fait énoncé dans le paragraphe III est sorti le procédé Rawlins.

On peut classer les papiers à dépouillement en deux catégories : les papiers à couche épaisse qui exigent un transfert; 2** les papiers à couche mince, sans transfert.

La première catégorie est constituée par le Papier au charbon dont nous ne parlerons pas ici, bien que la matière qu'il fournisse ne soit pas sans qualités ; mais il se prête de façon trop incomplète au contrôle personnel de l'opérateur.

Nous ferons seulement observer que le dépouillement de ce papier diffère essentiellement de celui des papiers à couche mince, et que s'il est aisé d'observer et d'expliquer les phénomènes très simples qui se passent lors du dépouillement du premier, le dépouillement des se- conds est le résultat de phénomènes difficiles à observer et mal connus.

Dans le papier au charbon ordinaire, composé d'un mélange épais de gélatine et de poudres colorées, l'épaisseur de la couche résiste à la pénétration de la lumière; celle-ci, après avoir traversé le cliché, pé- nètre donc la couche à des profondeurs variables, proportionnelles aux transparences locales du cliché. Ce sont ces épaisseurs variables ainsi insolubilisées qui créent les demi-teintes; comme il en est, par exemple, dans l'héliogravure en creux. Pour faire disparaître de la couche tout ce qui n'a pas été insolubilisé, on emploie donc de l'eau à une tempé- rature supérieure à la température de fusion de la gélatine, 40 à 5o de-

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

grés. La gélatine non touchée par la lumière coule, emportant le pig- ment. L'opération est une sorte de décapage; elle est terminée lorsque de la feuille retirée du bain Teau s'écoule pure, sans matière colorante.

Dans les papiers dont la couche est assez mince pour être totale- ment traversée par la lumière et, par suite, affectée par la lumière d'une façon à peu près comparable dans toute son épaisseur, les choses se passent d'une façon différente lors du dépouillement. Et les phéno- mènes qui se produisent ne sont pas non plus absolument les mêmes, suivant que le colloïde est soluble dans Teau froide (papier à la gomme) ou non soluble (papier à la gélatine). > Considérons d'abord un papier à base de gélatine, Artigue ou Fres-

-<->.^<*.. son. Après insolation sous châssis, l'épreuve est mise dans une eau :v>(iA - tiède, mais d'une température inférieure à celle qui provoquerait la fusion de la gélatine. Ici l'emploi d'une température de 40 à 5o degrés comme tout à l'heure enlèverait toutes les teintes moyennes du cliché, laissant le papier à nu ; seuls subsisteraient les rares endroits à peu près insolubilisés. L'eau tiède a ici pour rôle, non de faire fondre la gélatine, mais de lui permettre d'absorber l'eau et de se gonfler. Ce gonflement est plus ou moins fort, suivant que l'action de la lumière a été plus ou moins prononcée. Nous utilisons ici la propriété II, énoncée tout à l'heure. Le résultat de ce gonflement est de desserrer plus ou moins les mailles de la matière organique dont le réseau retient pri- sonniers les grains du pigment. Pour délivrer ceux-ci une action méca- nique est maintenant nécessaire ; elle sera produite par le frottement doux d'une sciure de bois très fine et diluée dans l'eau. Dès que ce frottement commence, l'image se modèle aussitôt; ce frottement se prolonge-t-il, tous les tons diminuent progressivement d'intensité, leurs valeurs respectives l'estant à peu près immuables^ et plus ce frottement s'accentuera, en se prolongeant, plus baissera Tintensité générale de l'image.

On peut donc imaginer qu'ici l'action de la lumière n'a pas pour but de créer des parties insolubles dans la masse pigmentaire, comme il en est dans le procédé au charbon. Dans les papiers à couche mince,

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

il ne doit y avoir d'insolubilisation absolue dans aucune région de l'image, et le travail de la lumière semble ici plus nuancé et plus subtil. Il aurait pour but de rendre plus ou moins facile et complète, dans les diverses zones de la pellicule pigmentaire, la faculté du gonflement ; par suite, d'opposer au départ des grains de couleur des résistances locales variables. j,. !)

Sur un tel papier, la gélatine n'ayant pas été fondue subsiste après dépouillement ; elle n'a pas été partiellement enlevée comme celle du papier au charbon et continue à couvrir uniformément la feuille. Elle a simplement desserré, un instant, ses réseaux, puis les a refermés sur les grains non libérés. Elle est encore susceptible de les desserrer à nouveau, si on la remet dans l'eau tiède, et de laisser échapper d'autres grains, si un frottement renouvelé l'y oblige. L'épreuve peut donc être reprise après dépouillement incomplet et séchage.

Nous reviendrons sur cette question plus loin, dans les chapitres consacrés aux papiers à la gélatine. Pour le moment, passons au papier à la gomme, sans insister davantage; nous en avons dit assez pour que nous puissions voir en quoi le papier à la gomme diffère des autres.

"PAYSAGE D'AUTOMNE" PAR R. DEMACHY

Pl. XI. Gomme.

" BORDS DE SEINE PAR R. DEMACHY Pl.; XII. Gomme.

\

I

I

LE

PROCÉDÉ A LA GOMME

6

THEORIE DU PROCEDE

EU LE de tous les colloïdes utilisés dans les procédés pigmen-

taires, la gomme jouit de la propriété de se dissoudre dans yt-jbJt.^ l'eau, même froide. Donc ici la température du bain n'aura pas une influence capitale et l'on n'aura pas à la régler avec cette précision qui est indispensable dans le traitement des papiers à la gélatine. L'élévation de la température hâtera simplement le phéno- mène du dépouillement.

Ce phénomène apparaît ici plus complexe que tout à l'heure. On remarque qu'au cours du dépouillement de l'épreuve, . la gomme se dissout en partie, comme la gélatine dans le papier au charbon, et elle se dissout en proportion variable suivant le travail effectué localement par la lumière. En même temps, une autre portion de la couche gommeuse subsiste, qui, elle, ne se dissout pas, mais absorbe l'eau, se gonfle et laisse échapper le grain comme il en est dans les papiers à couche mince de gélatine; seulement ici aucune action de frottement n'est nécessaire.

Ces phénomènes simultanés de dissolution et de gonflement se

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

' '.produisent non seulement d'une façon d'autant plus intense,',mais aussi : :;:r!iavec d'autant plus de rapidité que l'action de la lumière a été faible.

Essayons sinon d'expliquer ces phénomènes, du moins de les faire

concevoir grâce au secours de l'hypothèse.

La lumière apporte à la gomme bichromatée une modification physique; elle tend à faire disparaître sa solubilité et à la transformer en une matière qui se gonfle en absorbant l'eau mais sans s'y dissoudre. Plus l'action de la lumière se prolonge, plus diminue cette propriété d'absorber l'eau en se gonflant; et, elle finit enfin par disparaître.

Ceci dit considérons la couche fine composée de gomme sensibilisée -• et de couleur en poudre qui a été étalée sur le papier support. Cette

' ' couche exposée à la lumière, ne va pas être traversée par celle-ci d'une façon uniforme en tous les points de sa surface. En effet chaque grain de couleur va opposer une résistance à la pénétration de la lumière ;

-^mais à la superficie de la couche et aussi dans la profondeur de cette couche, entre chaque grain qu'elle enrobe, existe de la gomme claire qui, elle, sera facilement pénétrée. La lumière va donc se glisser dans l'épaisseur de la couche en contournant chaque grain, tissant pour ainsi dire entre ces grains un réseau de gomme insolubilisée, envelop- pant chaque grain d'une sorte d'alvéole. Si bien qu'au bout d'un certain temps d'exposition, la couche va présenter la composition suivante : des grains de poudre inaltérés; sous ces grains de poudre de la gomme qui, protégée par ces grains, a vu sa solubilité diminuée mais non détruite; 3*^ recouvrant le tout, comme un manteau d'épaisseur variable, une couche de gomme insoluble mais encore susceptible d'absorber l'eau.

Si donc nous plongeons le papier dans l'eau, ce manteau va se gonfler desserrant les mailles de sa trarne; entre ces mailles, ce qui subsiste de gomme soluble va, peu à peu, s'écouler entraînant des grains et le dépouillement va se faire tout seul. "'^^^^'''''■''^

Prenons maintenant un cliché et sous ce cliché, exposons une série de trois feuilles par exemple, en donnant à l'une une exposition exagérée, à l'autre une exposition juste, à la troisième une exposition

ÉTÉ " PAR C. PUYO

Pl. XiU. Gomme.

•^^^^ Cpê^^ uev^ i«.vVinO^*\«.o-^ -

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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insuffisante. Mettons ces trois feuilles dans le bain d'eau; que va-t-il se passer?

La première ne se dépouillera pas automatiquement; on y verra seulement se former une trace d'image, vaguement apparente. Dans les grands noirs de l'épreuve, correspondant aux transparences du cliché, la gomme a perdu la faculté d'absorber l'eau ; dans les valeurs moyennes, cette faculté d'absorption n'est pas totalement abolie, mais les réseaux de la matière organique se distendent de façon insuffisante'; il n'y a plus d'ailleurs de gomme soluble susceptible d'élargir les passages et d'entraîner les grains; ceux-ci demeurent emprisonnés ainsi qu'ils le seraient par une gélatine soumise à un bain de température trop faible. Pour dépouiller, plus ou moins bien, l'épreuve, un frotte- ment est nécessaire.

Cette méthode de surexposition suivie d'un dépouillement par frottement est préconisée par quelques-uns et pratiquée souvent à l'étranger. Nous ne saurions la recommander pour de multiples raisons exposées au début de ce livre. Même si l'on arrive, par un frottement au pinceau sans brutalité, à révéler la totalité de l'image, on aura dérangé le grain et en substituant à la délicatesse, subtile infiniment, des forces naturelles une action manuelle qui, par comparaison, appa- raît nécessairement brutale, si adroite qu'elle puisse être, porté atteinte à la beauté de la matière. Nul agent ne saurait, à ce point de vue, remplacer la gomme elle-même qui, en se dilatant d'abord, puis en se resserrant, écarte les grains et les rassemble ensuite sur le papier support avec une harmonie évidemment préétablie.

Voyons maintenant la seconde épreuve, exposée normalement. A peine est-elle plongée dans le bain que l'écoulement coloré commence dans les demi-teintes claires, puis se généralise. Si, à ce moment, on place l'épreuve sur une plaque d'ébonite ou de verre et qu'on la regarde, on verra que sur toute la surface de l'épreuve la couche est gonflée sensi- blement; et le phénomène apparaîtra plus net encore si on regarde les marges du papier qui n'ont pas été protégées par le cliché; là, aucun gonflement ne se manifeste.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Nous n'avons plus, si nous ne voulons pas intervenir, qu'à remettre l'épreuve à flotter sur l'eau ; elle se fera toute seule.

Prenons enfin la troisième épreuve, insuffisamment exposée. L'écoulement coloré se manifeste presque immédiatement, se généralise rapidement, et devient d'une abondance excessive; en quelques minutes l'épreuve est faite et, si nous pouvions la fixer instantanément, serait d'une fraîcheur superbe; mais nous n'avons plus affaire ici à la gélatine qui, dès que la température s'abaisse de i ou 2 degrés, resserre aussitôt ses mailles. L'eau continue son travail. Aussi ce bel aspect n'est qu'éphémère. Placée sur la plaque d'ébonite, nous voyons l'épreuve se modifier rapidement ; toutes les demi-teintes claires semblent se liquéfier, se fondre les unes dans les autres. C'est qu'en ces régions le réseau de gomme insoluble a été insuffisamment formé; sous la pression de la gomme restée soluble, il se déchire et est entraîné. Les valeurs sombres résistent mieux, se montrent pour un temps avec leurs détails complets ; puis ces détails se fondent eux aussi les uns dans les autres et s'uniformisent. le réseau est d'une force suffisante pour retenir une partie de grains, mais non pour empêcher les filtrations et la pénétration réciproque des tons voisins; sorte de phénomène d'endos- mose. Et pendant tout le cours du séchage, très long à s'opérer, l'épreuve ira s'anémiant, laissant couler une eau abondamment colorée. Finalement elle apparaîtra grisée, sans blancs purs, sans noirs accen- tués, et résumée en grandes taches. /

Ce phénomène de filtration, de pénétration réciproque, qui tend à effacer le dessin, à faire disparaître les détails, à remplacer par un ton uniforme les groupes de tons accolés, s'appelle le coulé. Excessif, il détruit l'image, mais, réduit, il tend à la synthétiser d'une façon qui peut être heureuse, car la synthèse qu'il donne est susceptible d'une grande justesse; il substitue, en effet, à une multitude de tons accolés un ton général qui en est la somme, exécutant ainsi automa- tiquement le travail que fait l'œil du peintre lorsqu'il cherche, sous les paupières mi-closes et sous le voile des cils, une impression d'ensemble.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 45

On peut dire que l'usage, non pas général mais très fréquent, du coulé caractérise la gomme française par opposition à la gomme étran- gère, et cet usage trouve sa justification dans ce fait que le coulé, produit par une exposition très légèrement inférieure à la normale, non seulement simplifie l'épreuve, mais lui assure de façon certaine une matière optima, douée des qualités de fraîcheur et de transparence.

Considérons maintenant à un autre point de vue les trois images que nous venons d'obtenir: comparons leurs valeurs à celles d'une épreuve sur albuminé tirée du même cliché. Nous constaterons que la première, en général, sera heurtée, présentera des contrastes exagérés, manquera des demi-teintes de la gamme moyenne, aura des blancs étendus et des noirs intenses ; que la seconde aura des valeurs compa- rables dans leur ensemble à celle de l'épreuve sur albuminé, et que la gamme en sera complète; que, dans la troisième, la gamme sera rétrécie, allant du gris foncé au gris clair et non plus du noir au blanc et que nombre de nuances seront absentes.

La siirexpositioîî a augmenté les contrastes et agrandi la gamme des tons; la sous-exposition a produit un e§et inverse.

Ceci est vrai de tous les papiers à dépouillement.

La raison en est dans ce fait d'expérience : que la diminution de solubilité, due à l'action de la lumière sur la gomme bichromatée, n'est pas proportionnelle à la durée de cette action, mais qu'elle croît plus vite que le temps d'exposition.

Coupez une feuille de papier à la gomme en plusieurs fragments et exposez ces fragments à la lumière pendant des durées croissant en progression géométrique, c'est-à dire : le premier fragment 5 minutes, le second lo minutes, le troisième 20 minutes... chaque durée étant double de la durée précédente. Mettez ensuite ces papiers dans l'eau. L'expérience vous prouvera que les durées nécessaires au dépouille- ment ne sont pas : i, 2, 4, 8... mais par exemple i, 3, 8, 20...

Donc, quand un papier à la gomme est placé sous un cliché, la lumière agit rapidement sur les régions non couvertes, lentement sur

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

les régions couvertes. Nous devrons de toute évidence prolonger l'ex- position jusqu'à ce que la lumière ait exercé une action sensible sur les parties protégées par les opacités du cliché, sans cela nous n'aurions pas de demi-teintes dans les clairs de Tépreuve. A ce moment la durée d'exposition représente la durée minima que nous puissions admettre. Si nous prolongeons cette durée, nous savons d'après l'expérience citée plus haut que le travail de la lumière s'accélérera dans les parties non protégées, si bien que peu à peu certaines parties de l'épreuve deviendront insolubles, rebelles à tout dépouillement, les autres demeu- rant plus ou moins solubles.

Or, comme l'action de Veau s'exercera pendant un temps égal sur toutes les parties de l'épreuve^ puisque celle-ci est plongée dans le bain, avant que l'eau ait pu triompher de la résistance des noirs, toutes les demi-teintes claires auront eu le temps de se dissoudre, et, par suite, l'épreuve produite sera heurtée.

Les variations dans la durée d'exposition modifiant ainsi les valeurs et l'aspect de l'image, on dira donc que l'exposition est juste quand elle aura produit l'effet cherché et corrigé, dans le sens que l'on désire, les valeurs fournies par le négatif. Une ressource nouvelle et un mode d'intervention intelligent sont mis à la disposition de l'opérateur.

De l'importance de régler avec exactitude et précision le travail de la lumière. Pour obtenir lors du dépouillement un coulé, justement mesuré, qui donnera à l'image une onction sans mollesse, et simplifiera le modelé sans anémier le dessin; ou, à l'inverse, pour tirer d'un cliché mou une image ferme, sans enterrer les noirs par insolubilisation de la couche; on devra diminuer ou augmenter la pose dans des limites assez faibles. Un degré, un demi-degré même, ajouté ou retranché dans la durée de l'exposition, cela suffit pour modifier de façon sensible l'aspect de l'épreuve. Entre une épreuve simplement correcte et une épreuve savoureuse il n'y a qu'une nuance ; mais cette nuance est d'un grand prix.

Jusqu'ici, dans la théorie hypothétique que nous venons d'esquis- ser, nous n'avons considéré comme agent créateur du modelé que le

••ÉTUDE EN GRIS PAR R. DEMACHY

Pl, XIV. Gomme.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 47

travail effectué par la gomme elle-même ; mais, dans ces phénomènes complexes, interviennent évidemment aussi des forces intramolécu- laires. Nous avons signalé tout à l'heure, en particulier, les phéno- mènes d'échange entre les cellules voisines, qui produisent les coulés. La cohésion moléculaire doit aussi jouer un rôle ; pareillement le grain du papier comme sa porosité, que l'encollage n'abolit pas entiè- rement, créent des résistances supplémentaires au départ des grains et ne sont pas sans action sur leur mode de groupement.

On s'en aperçoit si l'on tire deux épreuves, l'une sur papier lisse et glacé, l'autre sur papier à grain fin. Contrairement à ce qu'on pour- rait croire, la couche de matière pigmentaire aura des grains moins fins et moins réguliers dans le premier cas que dans le second. C'est que, le papier lisse n'ofi^rant aucune résistance au glissement des grains colorés, ceux-ci obéiront aux attractions moléculaires et tendront à former une série de groupes plus ou moins importants, séparés par des intervalles variables; le papier non glacé s'opposant à l'attraction molé- culaire forcera, en revanche, les grains à se déposer d'une façon plus uniforme.

Autre exemple : prenons un papier lisse et glacé et, avant couchage, brossons-le, toujours dans le même sens, avec une brosse humide. Nous allons détruire en partie l'encollage et créer à la surface une sorte de vergeure. Par la destruction de l'encollage nous aurons, sur toute la surface du papier, créé une résistance uniforme au départ du grain coloré; le résultat doit être le même que celui produit par un voilé léger à la lumière, et, en effet, l'épreuve sera plus uniforme et ses contrastes seront diminués ; on n'obtiendra pas de blancs purs. En même temps les sillons parallèles, créés par la brosse à la surface du papier, assureront un dépôt régulier de grains. Malheureusement l'aug- mentation de porosité du support, due au brossage, fera la matière beaucoup moins belle.

On conseille, parfois, dans des traités, la méthode de couchage suivante : tremper d'abord le papier dans une solution de bichromate ; puis, alors qu'il est encore humide, coucher le mélange de gomme ara-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

bique et de couleur. Le couchage se fait alors très facilement, trop faci- lement même ; mais le pinceau de couchage attaque le papier et pro- duit un véritable brossage. Le dépouillement s'effectuera d'une façon régulière et sans arrachement ; en revanche, la matière produite sera inférieure en beauté et en éclat.

De tout ce que nous venons de dire nous pouvons conclure que si, dans le procédé, le rôle capital incombe à la gomme, le papier n'en joue pas moins un rôle important, ce qui n'est point dans les pro- cédés à base de gélatine. C'est donc, soit dans la nature du papier, soit dans celle de la gomme que nous devrons chercher certaines raisons de nos insuccès, et nous ne devrons pas hésiter à remplacer ces servi- teurs si, pour des raisons obscures et qui nous seront toujours incon- nues, ils semblent ne pas remplir convenablement leur office. Disons, tout de suite, que ces mauvais serviteurs sont rares; que, d'ailleurs, les mauvais maîtres font les mauvais serviteurs, et que ceux-ci nous seront d'autant plus dociles que nous aurons appris, par l'usage, à les com- mander. Nous allons indiquer d'abord comment les choisir.

LE MATÉRIEL

a Gomme. On désigne sous le nom général de gomme arabique une série de variétés de gommes dont le caractère distinctif est la solubilité dans l'eau et l'insolubilité dans l'alcool, qui les précipite de leur solution aqueuse. Les variétés les plus connues sont celles de l'Arabie et du Sénégal. La première est fournie par divers acacias; le commerce la livre en morceaux irréguliers de grosseur et de forme, d'une couleur allant du jaune pâle au jaune rouge, à cassure vitreuse ou fendillée. La gomme blonde est dite de choix.

La gomme du Sénégal est livrée en fragments plus gros et plus ronds, souvent fendillés à la surface, jamais à l'intérieur; ce qui la distingue de la gomme arabique; elle se dissout dans l'eau un peu plus lentement que celle-ci.

Les essais effectués sur les variétés de gommes, que le commerce livre plus ou moins mélangées entre elles et sans contrôle d'origine, nous ont toujours donné des résultats comparables. Il semble donc inutile d'aller chercher ce produit plus loin que chez l'épicier du coin.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

La dissolution dans l'eau, suivie d'un filtrage, séparera d'ailleurs la gomme soluble des corps étrangers ou gommites insolubles qui pour- raient s'y trouver mélangées.

Comme les qualités du procédé sont dues à la tacilité avec laquelle la gomme absorbe l'eau et y distend ses pores, toute adjonction d'au- tres matières colloïdes telles que : gélatine, colle de poisson, amidon, albumine, etc., semble, à priori, devoir être plus nuisible qu'utile; et, en effet, l'expérience a fait rejeter toute alliance de ce genre.

La solution de gomme pourrait être préparée, au jour le jour; mais cette façon d'opérer n'est pas en faveur; à fabriquer d'avance une certaine quantité de solution, on trouve les avantages suivants : d'abord on évite l'ennui d'une opération quotidienne; ensuite on s'assure un produit plus docile et plus sûr; l'expérience semble en effet avoir prouvé que la solution de gomme se comporte de la façon optima après quelques jours de fabrication, lorsqu'elle a subi un com- mencement d'évolution acide.

La solution devra se faire à froid, à 40 ou 5o 0/0. La méthode la plus recommandable et la plus rapide consiste à remplir à moitié d'eau froide un bocal quelconque, à large goulot. On y immerge alors un nouet de mousseline contenant des morceaux de gomme concassés, en quantité suffisante pour faire monter le niveau de l'eau au sommet du bocal. L'extrémité du nouet étant serrée sous le bouchon, la gomme se trouve placée au milieu du liquide qui Tentoure et la pénètre de toutes parts; elle se dissout donc et se filtre en même temps. Par excès de précaution, on peut, après dissolution complète, lui faire subir un second filtrage à travers une mousseline ou une flanelle lâche.

La solution présente à ce moment une consistance forte et pois- seuse. Au bout de quelques jours, sous l'influence des fermentations, elle évolue, devient plus acide, plus filante et en quelque sorte plus onctueuse. Quand on la jugera à point, ce dont on s'assure par des essais, on arrêtera la fermentation en y ajoutant i 1/2 à 2 0/0 d'une solution de formol du commerce. Elle pèsera alors 22 à 25 degrés au pèse-sirop.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 5l

Une quinzaine de jours suffit généralement pour amener la solu- tion à son état optimum.

La méthode que nous avons indiquée plus haut introduit dans la solution de gomme, une proportion d'eau de 60 à 5o 0/0. C'est un chiffre moyen qui n'a rien d'absolu, mais on fera bien de ne pas trop s'en écarter. Les solutions trop étendues d'eau donnent en effet des couches peu sensibles à la lumière; car elles ne permettent pas d'intro- duire dans le mélange une proportion suffisante de bichromate.

Si une solution ancienne se comporte mal ; si l'on constate que, pendant le dépouillement, l'absorption de Teau se fait avec trop de lenteur, que la solution tend à donner des couches trop résistantes, ne se gonflant pas, se morcellant en écailles au lieu de se fondre, produi- sant des blancs sales et des noirs enterrés, on en conclura que, par un excès d'acidité, elle a perdu sa plasticité et ses qualités physiques. On pourra alors, soit la sacrifier impitoyablement, soit la corriger en la mélangeant à une solution très fraîche, neutre ou légèrement alcaline.

Certains auteurs conseillent d'ajouter à la solution de gomme une petite quantité de sucre ou de glycérine. Ces produits, en présence du bichromate, étant beaucoup moins sensibles à la lumière que ne l'est la gomme, ne peuvent jouer qu'un rôle purement mécanique; pendant la durée normale de formation d'une image sur gomme bichromatée, ils ne sont nullement transformés et, par suite, lorsque le papier mixtionné est soumis à Faction du bain d'eau, ils s'en vont en désorganisant la couche. Eder en déconseille absolument l'emploi.

Solution sensibilisatrice. Elle peut être constituée soit par du bichromate de potasse, soit par du bichromate d'ammoniaque, soit par un mélange de ces deux produits.

Ces solutions se font à saturation et s'emploient de même. Comme le bichromate d'ammoniaque est beaucoup plus soluble que le bichro- mate de potasse, et que la sensibilité de la mixtion croît avec la propor- tion de bichromate qu'elle contient, l'action de la lumière sur les

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

couches sensibilisées au bichromate d'ammoniaque est notablement plus rapide.

Cette rapidité d'action tend à donner des images plus uniformes et plus douces, surtout moins vigoureuses. Elle peut n'être pas sans incon- vénient dans la pratique, car une plus grande précision dans la justesse de la durée d'exposition sous châssis devient nécessaire et une insolu- bilisation trop prononcée de la couche est à craindre.

Aussi dans la belle saison, alors que la lumière est bonne, il con- viendra d'user du bichromate de potasse. En hiver, pour ramener l'exposition à une durée raisonnable, on pourra mélanger en parties égales la solution de bichromate de potasse et la solution de bichromate d'ammoniaque, on obtiendra ainsi des couches d'une sensibilité triple ou même quadruple.

Seuls, les opérateurs qui voudront obtenir des couches assez résis- tantes pour ne les dépouiller que sous l'action du pinceau, se serviront du bichromate d'ammoniaque à l'exclusion de son congénère.

Il est possible d'exagérer encore la sensibilité de la couche par l'addition d'acide chromique, mais on porte alors à un degré excessif la dureté, la résistance de cette couche. D'après Eder si l'on emploie une solution pure d'acide chromique, il n'y aurait plus aucune demi-teinte mais seulement du noir et du blanc. Aussi Eder recommande-t-il d'éviter les bichromates renfermant des traces d'acide chromique libre, ou alors de les neutraliser par l'ammoniaque.

Ceci est sans intérêt dans la pratique car, d'après le même Eder les chromâtes ordinaires du commerce ne renferment jamais de produits pouvant avoir une action sensible sur les résultats; leur emploi peut être considéré comme sûr et il n'est nullement indispensable pour nos opérations d'avoir recours à des produits chimiquement purs.

La solution saturée de bichromate de potasse se fera en versant simplement de l'eau chaude dans une bouteille contenant un excès de bichromate pulvérisé ou finement concassé, et en agitant quelques instants. Pour le bichromate d'ammoniaque, on opérera de même dans une autre bouteille.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 53

Ces solutions se conserveront indéfiniment; mais il sera prudent, pendant Thiver, de les garder dans une chambre habitée. Sous l'influence du froid, en effet, une partie du bichromate dissous se cristalliserait et la teneur de la solution baisserait sensiblement.

Les Papiers. Lorsqu'on se propose d'imprimer une épreuve, la première décision à prendre porte sur le choix de papier support à employer. La nature du sujet représenté, et le genre de l'effet à pour- suivre nous guideront dans ce choix; c'est question de goût personnel et de convenance.

La seule condition technique que le papier doive remplir est d'être convenablement et régulièrement encollé. Il est, en effet, de première importance que l'image reste à sa surface et que la matière colorée ne s'infiltre pas dans ses pores. La gomme est là, d'ailleurs, pour assurer et confirmer à ce point de vue l'effet de l'encollage. Le papier doit également avoir une force assez grande pour résister à l'action de Teau, même portée à un degré de température élevé.

La liste est longue des papiers qui remplissent ces conditions et peuvent être utilisés tels quels : les papiers dits registre^ lisses et glacés ; les papiers de Rives qui forment le support ordinaire des papiers au bromure ou au platine, notamment les numéros i32, i33, i35 de grain moyen; les papiers Canson, notamment le B. Crayon et le papier lavis ; divers papiers à aquarelle, Tochon-Lepage et Cassagne ; les papiers vergés Lalanne, Ingres ou Michallet; d'autres encore tels que ceux de Dambricourt, Joynson, Turkey Mill, Impérial Treasury et même, pour les effets larges, les papiers dits d'office.

Seul, peut-être, le Whatman trop poreux, d'un encollage faible et assez irrégulier, n'est pas à recommander.

Parmi les types ci-dessus dénommés, le Canson, B. Crayon est un des plus communément répandus; il se trouve partout. Comme il est d'un couchage facile, on pourrait le conseiller pour les premiers essais.

Car tous ces papiers n'offrent pas au couchage une égale facilité. Sur les papiers très lisses la mixtion gommeuse, n'étant pas retenue,

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

suit le pinceau et s'égalise malaisément; sur les papiers à grains forts l'opération est facile, trop facile même, mais la couche risque d'être un peu épaisse. Mieux vaut, pour le débutant, se faire d'abord la main sur des papiers à grain moyen ou à grain fin mais non lisse. Le Canson B. Crayon, le Rives n"* i32 et i33 remplissent bien ces conditions.

Comme nous le disions plus haut, la texture du papier aura une action marquée sur la nature et l'aspect de l'image. Sur un support à grain fin, celte image pourra offrir normalement une grande finesse de détails et un modelé complet; sur un support à gros grain les demi- teintes tendront à se briser et le modelé à se simplifier, effet que la brutalité voulue ou non du dépouillement pourra accentuer encore. Par le papier choisi d'une part, par le mode de dépouillement de l'autre, nous pourrons donc modifier les qualités de l'image, la faire délicate ou brutale, détaillée ou simplifiée.

Les feuilles de papier seront coupées à un format légèrement supérieur à celui du cliché : format 20 X 26 pour 18/24; format 26 X 33 pour 24/30. Cela est nécessaire pour laisser la place des punaises, pour donner à la main une emprise, parce qu'enfin les bords seront toujours défectueux, la couche s'y trouvant épaissie par les apports du pinceau de couchage.

Dans les cas, extrêmement rares, un encollage supplémentaire sera jugé nécessaire, opérer comme suit :

Encollage à l'arrowroot : Prendre i5 à 20 grammes d'arrowroot, les dissoudre dans i litre d'eau froide ou légèrement tiède. Porter à l'ébullition doucement, en ayant soin de remuer constamment. La solution ayant bouilli deviendra claire; laisser refroidir.

Immerger le papier dans cette solution; ou bien étaler la colle en se servant d'une brosse plate ou d'un tampon de flanelle bourré d'ouate.

Pinceaux. Comme nous le savons, la fabrication du papier à la gomme consiste : à mélanger intimement les solutions de gomme et de bichromate et les couleurs; 2" à appliquer ce mélange sirupeux sur

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 55

le papier; à l'y étaler, malgré la résistance qu'il oppose, en couche fine et homogène.

A chacune de ces opérations correspond un type de pinceau.

Une petite brosse ronde de peintre, en soie de porc, serrée et dure; on ajoutera à sa raideur en la prenant de poil très court ou en coupant ces poils à moitié ou au tiers de leur longueur; elle servira à opérer par écrasement et fouettage un mélange intime;

2** Une brosse plate de peintre, également en soie de porc, très plate et de dimension suffisante pour qu'elle puisse contenir au moins la quantité de mixtion nécessaire au couchage d'une feuille. Elle ser- vira à transporter la mixture sur le papier et à exécuter un premier barbouillage grossier;

Une brosse spéciale plate, en soie de porc. Ce pinceau ne devra pas être trop épais car il se chargerait de mélange et perdrait toute souplesse; étant peu épais, il ne devra pas être constitué de poils trop longs, car alors il serait trop flexible. Pour qu'il possède à la fois de la souplesse et de la fermeté, une relation doit exister entre l'épaisseur et la longueur de la masse des poils. Le modèle dont nous nous ser- vons a environ : épaisseur de poils 3""^, 5; longueur des poils 38 mil- limètres. Un pinceau ainsi constitué et large de 8 centimètres suffit pour coucher tous les formats jusqu'à 30/40.

Il devra naturellement résister à Teau et ne pas perdre aisément ses poils. Ceux-ci devront être enrobés dans de la résine ou dans une matière imperméable. Nous avons obtenu, au point de vue de la soli- dité des poils, d'excellents résultats en coulant, entre les poils, dans l'intérieur de la monture métallique une solution alcoolique de cire à cacheter. Un approvisionnement de plusieurs pinceaux de cette caté- gorie sera nécessaire, comme nous le verrons plus tard; leur prix est d'ailleurs très minime.

Les Pigments colorés. Les couleurs en poudre pourraient être utilisées, notamment pour les noirs et les sanguines. Mais elles sont

difficiles à introduire dans le mélange et à malaxer d'une façon intime.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Les couleurs moites, en tube, sont d'un usage beaucoup plus com- mode; le broyage en est plus parfait et, enfin, les proportions de couleur à introduire dans les mélanges sont plus faciles à évaluer à l'œil, sans avoir recours à la pesée. Deux cas à considérer :

Celui l'on se propose d'obtenir l'épreuve en une seule impression;

Celui l'on se propose d'effectuer plusieurs impressions suc- cessives. Nous ne nous occuperons que du premier, rejetant plus loin l'examen du second.

Pour obtenir, en une seule impression, une épreuve vigoureuse et belle, il est nécessaire d'employer des couleurs couvrant bien et donnant au ton, sous un petit volume, une grande intensité. Il est de plus inutile de compliquer sa palette; donc se borner, quand on débute, aux combinaisons suivantes :

Noir .... Noir de bougie.

Noir chaud. Noir de bougie et une pointe d'ocre jaune, ou de bistre. Noir bleu . Noir de bougie et pointe d'indigo.

Ecarter ici le noir d'ivoire, le noir de pêche, l'encre de Chine, manquant de corps.

Les premiers essais devront être faits dans les tons noirs. Les bistres sont d'un emploi plus malaisé, ainsi que les rouges, parce qu'avec ces couleurs, peu couvrantes, on risque de fabriquer des couches trop épaisses et trop chargées en pigment. Ce n'est donc qu'après s'être confirmé dans l'usage du procédé, que le débutant songera à compléter sa palette.

Il obtiendra des rouges en combinant le rouge de Venise, couleur très belle et très fine, au brun rouge et à la terre de Sienne brûlée. Si Ton veut un rouge évoluant vers le ton sépia, on y ajoutera une petite quantité de la terre d'ombre brûlée, ou du bistre ou du brun Van Dyck.

Ces trois bruns, alliés à du noir de bougie et chauffés parfois d'une

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE S'J

pointe de rouge ou de terre de Sienne brûlée, fourniront les bruns plus ou moins voisins du noir ou du bistre.

Quand on emploie la série des tons allant de la sanguine au bistre, il ne faut pas chercher à obtenir des qualités de vigueur et de puis- sance ; ces pigments sont impuissants à les donner. Avec eux, d'ailleurs, toute insolation au-dessus de la normale tendra à produire des ombres enterrées ; il en résultera une matière sale et triste. De telles nuances ne conviennent qu'aux sujets de tonalité légère, sans ombres fortes, les demi-teintes claires dominent; et, alors, on aura intérêt à sous-exposer; même au risque d'un léger coulage qui assurera à l'épreuve une fraî- cheur d'aquarelle.

Est-il besoin d'insister sur la convenance de ne point imprimer un paysage en rouge ? Oui, puisque certains amateurs semblent se com- plaire à cette aberration. Et disons que le nombre des sujets qui se . prêtent à l'impression en sanguine est des plus restreints : académies de femn:ics, portraits de femmes blondes ou d'enfants, se détachant sur fond clair ; nous venons de les énumérer tous.

Ainsi donc : noir de bougie, indigo, bistre, brun Van Dyck, terre d'ombre brûlée, terre de Sienne brûlée, ocre jaune, rouge de Venise, brun rouge ; cet approvisionnement est plus que suffisant pour produire des chefs-d'œuvre.

Photomètres. Dans tous les procédés au dépouillement, la jus- tesse de l'exposition est la condition première et indispensable du succès. Et si nous observons que les variations de l'exposition ont pour résultat de modifier les valeurs et, par suite, l'effet, nous appellerons juste celle qui nous fournit l'effet cherché.

L'action photochimique de la lumière se mesure au moyen d'ins- truments appelés photomètres. Il en est de différents genres et ici, comme toujours, le meilleur photomètre est, sans doute, celui dont on a l'habitude.

On peut cependant avancer que le photorhètre dit Artigue est le plus précis et le plus facile à fabriquer. On en connaît le principe :

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Si l'on imbibe une feuille de papier blanc d'une solution saturée de bichromate de potasse, on obtient, après séchage à l'obscurité, une feuille colorée en jaune clair. Si on expose ensuite cette feuille à la lumière, le ton jaune foncera et deviendra brun, mais il n'ira pas au delà d'un certain brun et demeurera stationnaire. Le temps mis par le papier pour passer du jaune au brun type est pris comme unité photo- métrique ; c'est, par abréviation, le degré Artigiie.

Ce degré est à midi, à l'ombre par temps clair : de trois à quatre minutes en juin, de quatre à cinq minutes en juillet, de cinq à six mi- nutes en août, de six à dix minutes en septembre, etc., il atteint trente minutes et même une heure en décembre.

Pour faire un photomètre on coupe deux bandes de carton opaque ayant respectivement i5 à 20 centimètres de longueur sur 2 à 3 de lar- geur. Entre les deux bandes que serrent deux caoutchoucs, on place en sandwich une bande de papier de largeur un peu inférieure, que l'on a sensibilisé au bichromate et fait sécher dans l'obscurité. On laisse pas- ser I ou 2 centimètres de ce papier et on l'expose quelque temps au jour. Cette partie exposée à la lumière acquiert un ton brun qui de- meure stationnaire..

Cela fait, au moment l'on met ses châssis au jour, on tire la bande de papier bichromaté de façon à en faire sortir i centimètre environ de plus. Cette partie nouvellement découverte est jaune clair; le temps que mettra ce ton jaune à atteindre la tonalité brune de la bande antérieurement exposée, mesure i degré.

On notera ce degré à la montre. Est-il de huit minutes et le cliché exige-t-il une exposition de 3 degrés, on saura qu'il faudra laisser le châssis au jour pendant vingt-quatre minutes.

On pourra aussi, si l'on veut plus de précision, mesurer les degrés un à un en tirant chaque fois i centimètre de papier dès que la der- nière bande découverte a atteint le brun; ou se contenter de mesurer le degré au commencement et à la fin de l'exposition et de faire la moyenne des deux mesures.

Certains amateurs trouvent quelque difficulté dans Tappréciation

PORTRAIT " PAR Q. QRIMPREL

Pl. XVIIl. Gomme.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

exacte du degré. On constate, en effet, que la bande jaune clair, dès qu'elle a été tirée au jour, commence d'abord par se teinter rapidement et progressivement ; puis, lorsqu'elle a acquis un ton voisin du brun type de la bande précédente, mais un peu inférieur, elle met un temps notable à achever son évolution et à acquérir Tintensité définitive ; dans cette dernière période les changements de nuance sont lents, comme insensibles. Il en résulte un peu d'hésitation touchant l'instant précis le degré est fait, par suite certaines diff"érences d'appréciation d'individu à individu. Mais cela est de nulle importance ; chaque opé- rateur peut apprécier le degré à sa façon, pourvu qu'il l'apprécie tou- jours de la même manière.

L'avantage du photomètre Artigue est de fournir une véritable unité de mesure. C'est un avantage que n'off"rent pas d'autres photo- mètres basés sur les diverses colorations que prend un papier sensible, albuminé ou citrate, exposé sous une feuille de verre divisée en zones de transparence décroissante.

Il est facile de se faire un photomètre de ce genre en divisant une bande de verre en zones successives et égales, la première recouverte d'une épaisseur de papier dioptrique, la seconde de deux épaisseurs, la troisième de trois épaisseurs, etc., et en inscrivant à l'encre noire les chiff"res i, 2, 3, etc., respectivement sur les zones successives. En pla- çant sous ce verre ainsi divisé en zones de plus en plus opaques une bande de papier citrate, le chiffre i s'imprime d'abord en blanc, puis le chiffre 2, etc. L'expérience vous apprend ensuite que tel cliché exige que les chiffres i, 2, 3, 4, 5 soient visibles, le 6 presque invisible, le 7 invisible.

Ces photomètres sont peut-être d'un usage plus simple que le photomètre Artigue; peut-être aussi sont-ils d'un usage moins sûr, parce que moins précis dans leurs indications.

Il en existe plusieurs modèles dans le commerce.

Accessoires divers. Au matériel très simple que nous venons d'énumérer, il faut ajouter :

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Pour la fabrication du papier :

Un bol ordinaire dans lequel se fera le brassage intime du mé- lange.

Une planchette à dessin et des punaises.

Un carton sur lequel on fixera successivement les feuilles de papier à coucher.

Nous nous trouvons bien d'employer à cet usage les cartons épais préparés pour la peinture à l'huile et recouverts d'un enduit imper- méable à l'eau. Les punaises y mordent aisément et, l'opération ache- vée, il suffira d'un coup d'éponge donné sur la surface pour lui rendre sa propreté primitive. Un carton de ce genre, que Ton prendra de dimensions supérieures au format des feuilles, servira très longtemps.

2" Pour le dépouillement de l'image :

Des cuvettes du format supérieur à celui du papier.

Des plaques d'ébonite.

Des éponges; des pinceaux à aquarelles de diverses dimensions; du papier buvard blanc, de bonne qualité, dont on fera des tortillons au moment du besoin.

PRÉPARATION

ET

DÉPOUILLEMENT DU PAPIER

réparation du Mélange. Posons ces deux principes, dont la pratique comme aussi le raisonnement prouvent la justesse. Pour que la matière de l'épreuve soit belle, il est néces-

sa ire

i'' Que la proportion de gomme soit forte, car la gomme joue dans le mélange le rôle d'un vernis incorporé. C'est à elle qu'est le gras du ton; c'est elle qui empêche les noirs de présenter un aspect enterré;

Que la couche, après étalage sur le papier, soit homogène et fine : homogène, cela est évident; fine, car elle doit être entièrement traversée par la lumière.

Ces deux conditions, sont antagonistes. En effet, un mélange trop gommeux sera impossible à étaler de façon homogène et fine. Nous arrivons donc à cette règle empirique :

La couche devra contenir la plus forte proportion de gomme compatible avec un couchage aisé et régulier.

Comment l'opérateur s'assurera-t-il que ces conditions sont remplies?

62

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Nous touchons ici du doigt ce qui fait l'originalité du procédé à la gomme, ce qui le sépare des procédés ordinaires de la photographie et le fait' rentrer dans les procédés d'art : l'impossibilité de le faire passer sous la toise commune et de le rendre tributaire de la balance de précision.

Comment affirmerions-nous, en effet, que pour un certain poids de mélange il faut introduire un poids déterminé de la solution dégomme. Celle-ci n'est pas une solution ordinaire à un titre précis; c'est une matière organique qui évolue, n'est jamais semblable à elle-même; l'énergie qu'elle détient dans ses réseaux et qu'elle mettra en œuvre lors du dépouillement, pour régenter le départ ou assurer l'emprisonne- ment des grains du pigment, est chose physique, non mesurable; et alors qu'il faudra dans la composition d'un mélange introduire deux parties d'une certaine solution, il en faudra quatre d'une autre, pour obtenir le même résultat.

Pareillement de la couleur : une couleur très couvrante comme le noir de bougie donnera la même intensité de noir qu'un mélange de rouge et de bleu pour un poids presque moitié moindre.

Et arriverait-on à peser sur les plateaux de la balance la gomme et la couleur, quel dynamomètre réglerait l'action de la main, lourde ou légère, l'action du pinceau, souple ou rigide, qui va, en un effort de violence mesurée, étaler le mélange sur un papier dont la surface elle- même, lisse ou grenue, va opposer au pinceau et à la main des résis- tances variables et arbitraires.

Pour établir, entre toutes les variables du problème quasi nouveau qui se pose chaque jour, un compromis chaque jour heureux, il nous faudra donc faire appel au double contrôle de l'œil et de la main, instruits et affinés par l'expérience.

Le gommiste doit être, suivant une expression consacrée, un auto- didacte. Un traité n'enseigne pas plus le secret de faire une gomme parfaite, qu'une grammaire n'enseigne l'art d'écrire. Il peut simplement indiquer des règles élémentaires et énumérer des faits.

Pour composer et coucher un bon mélange il faut réaliser un

"DANS LES SAPINS" PAR R. DEMACHY

Pl. XIX. Gomme.

L'AVEUQLE PAR C. PUYO

Pl. XX. Gomme.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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équilibre entre les divers éléments. On reconnaîtra que cet équilibre est rompu aux signes suivants :

Un excès de gomme donnera une mixture très résistante au couchage et faisant prise très rapidement, en moins de 40 secondes; la couche étalée ne sera pas homogène, elle présentera des stries, des marbrures, et sa transparence ne sera pas uniforme. Elle sera longue à insoler. En supposant que l'exposition sous châssis ait étç calculée juste, l'opérateur trouvera néanmoins des difficultés à conserver les demi- teintes de la gamme moyenne et de la gamme claire. N'oublions pas, en effet, que la théorie du procédé suppose la couche mince.

Un manque de gomme, ou, ce qui est la même chose, un excès de bichromate, donnera une mixture trop aisée à étendre, qui mettra plus d'une minute à faire prise et se laissera longuement travailler. La couche obtenue sera régulière mais exagérément fine; d'aspect mat; très rapide à insoler. Au dépouillement, si Texposition a été régulière, les blancs demeureront teintés, les noirs enterrés, gris sale et sans profondeur. Un excès d'exposition rendra le dépouillement par simple dissolution à peu près impossible.

L'excès de couleur aura pour résultat de produire une couche se dépouillant par écailles. On évitera difficilement les arrachements ; les blancs seront teintés et les noirs vigoureux mais sans transparence. Un manque de couleur donnera des images régulières mais manquant d'intensité. L'expérience montre que si l'on introduit dans un mélange des quantités croissantes de couleurs, dans les images successives obtenues l'intensité croîtra d'abord d'une image à la suivante, puis cette intensité demeui-era stationnaire. A introduire un excès de couleur, on ne gagnera donc rien en intensité et l'on perdra au point de vue des autres qualités.

Pour se rendre compte de tout cela, le débutant devra donc travailler, tout d'abord, le procédé au seul point de vue expérimental et, avant de songer à l'interprétation, s'être assuré d'abord qu'il est en état de reproduire un cliché avec tous ses détails et toutes ses demi- teintes.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Méthode d'Essai. Pour faire des expériences dignes de ce nom, il convient d'opérer avec méthode. Donc étudier séparément toutes les variables; gomme, couleur, temps de pose. Pour cela prendre un bon cliché, transparent et complet et ne plus le lâcher; utiliser une seule couleur : le noir de bougie et une même solution de gomme; exposer une série de papiers l'on aura fait varier la proportion de gomme, puis d'autres l'on aura fait varier la quantité de couleur, puis d'autres l'on fera varier le temps d'exposition. En un mot faire des erreurs systématiques et assez fortes pour qu'il n'y ait pas de doute sur les causes des phénomènes que l'on observera.

Ne pas se contenter d'un à peu près; être difficile pour soi-même; chercher toujours un résultat meilleur, une matière plus souple et plus riche. Le royaume de la gomme, comme celui des cieux, n'est pas aux orgueilleux satisfaits.

Et, cette expérience acquise, que l'opérateur ne se flatte pas d'arriver du premier coup à mettre dans son bol un mélange parfait. Il se verra forcé, à chaque fabrication, de sacrifier une feuille d'essai peut-être deux. Seulement grâce à cette expérience acquise, sa main, après ce tâtonnement préliminaire, aura enregistré et comme mesuré le degré de résistance au couchage, son œil se sera rendu compte de ce qui manque à la vigueur du ton; il en conclura immédiatement avec assurance les quantités de gomme ou de bichromate ou de pigment à introduire en supplément dans le mélange; la seconde feuille couchée aura de grandes chances d'être bonne; à coup sûr la troisième le sera.

Indiquons comment le débutant gommiste pourrait exécuter sa première expérience :

Etant donnée une solution de gomme faite à 40 0/0, on intro- duit, d'ordinaire, dans le mélange une proportion qui peut varier entre gomme 2, bichromate i, et gomme 4, bichromate i.

D'autre part, pour couvrir une feuille 18/24, ^^^^ compter 3 centimètres cubes de mélange. Par suite, pour préparer, je suppose, six feuilles 18/24, il faudra 6X3= 18 centimètres cubes de mélange; mettons 20 centimètres cubes. Si a priori l'opérateur compte employer

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 65

une proportion trop faible de gomme, il prendra : gomme i,5, bichro- mate i; le bichromate représentera les 2/5 de 20 centimètres cubes, soit 8 centimètres cubes.

Il versera donc dans le bol, le mélange va être fait, 8 centi- mètres cubes de la solution concentrée de bichromate. Puis, prenant un tube de noir de bougie, il écrasera la couleur sur la paroi du bol et la tera, au moyen du pinceau i, dissoudre dans le bichromate. Quelle quantité de couleur mettra-t-il ? L'expérience le lui dira plus tard; en attendant il mettra une quantité de couleur trop faible.

Cela fait, il versera d'un coup 12 centimètres cubes de la solution de gomme et mélangera minutieusement.

Pour se rendre compte du ton, déposer alors sur un papier blanc une goutte du mélange; tâter, puis étaler cette goutte doucement avec le doigt. Le doigt enregistrera d'abord une sensation visqueuse qu'on analysera pour s'en souvenir; puis la goutte étalée sans brutalité don- nera une tache; si le mélange est normal, cette tache ne doit pas être d'un noir absolu, mais d'une nuance au-dessous, gris très foncé.

Ceci ayant donné une première indication, il faut maintenant pro- céder au couchage d'une première feuille d'essai.

Couchage de la Feuille. Sur la planchette à dessin, poser un bristol. Fixer sur ce bristol, au moyen de quatre punaises, le papier blanc que l'on va couvrir.

Plonger dans le bol la brosse plate 2, la tourner, la retourner pour bien brasser le mélange et la faire dégorger sur la paroi du bol, de façon que ce pinceau contienne juste la quantité de mélange néces- saire pour couvrir la feuille. Donner un premier coup de pinceau sur la ligne médiane de la feuille et étaler avec rapidité et vigueur sans lais- ser d'endroit non couvert. Pour un mélange normal, cette première opé- ration doit durer environ 10 secondes. Prendre alors le pinceau plat 3, dit de décharge; le passer, en appuyant fortement, dans le sens largeur, puis dans le sens longueur de la feuille. A ce moment, l'en- semble de la couche doit être uniformément réparti sur la surface. Par

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

cette opération de premier égalisage, on a enlevé l'excès de mélange, le pinceau s'est chargé, il convient d'en prendre un autre, également plat, dit pinceau de finissage. Avec ce dernier pinceau on continue, sans perdre de temps, le travail ébauché, en ayant soin de faire tourner le bristol portant la feuille de façon à rompre la couche dans tous les sens et à assurer une épaisseur de couche régulière. Au début, broyer franchement couche, le pinceau incliné, en appuyant fortement sans brutalité; puis, à mesure que la couche résiste davantage en faisant prise, diminuer progressivement l'action à la demande de la main et terminer par un travail à fleur de poil, le pinceau vertical. Cette troisième période, si la '.couche est normale, peut durer de 3o à

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Soit un total 'dé 45 à 55 secondes.

Si, par suite de la prise rapide de la couche, la durée de l'opéra- tion descend au-dessous de 45 secondes, c'est qu'il y a excès de gomme. On s'en apercevra du reste, à Taspect de la couche qui sera irrégulière, traversée de stries et; -de marbrures. On ajoutera alors un peu de bichromate.

Si (comme il est plus probable, étant donné que, par système, nous avons mis peu de gomme dans le mélange), l'opération peut se prolonger plus de 5o ou 55 secondes, c'est que la gomme est en pro- portion trop faible; l'image produite par une telle couche pourra être assez bonne, mais elle sera moins belle d'aspect qu'une autre provenant d'une couche plus riche en gomme; nous ajouterons donc un peu de gomme.

La main une fois exercée sera dans tout cela un guide très sûr.

Regardez alors la couche, elle devra apparaître fine et non pas noir cirage, mais gris très foncé, presque noir. Présenté à une fenêtre, le papier devra offrir une certaine transparence, analogue à celle des papiers Artigue ou Fresson. Si la couche n'est pas assez foncée de ton, on introduira un peu de noir de bougie.

Le mélange ayant été ainsi modifié, l'opérateur couchera une seconde feuille qu'il étudiera de même; puis une troisième, en ajou-

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" FANTAISIE " PAR R. DEMACHY Pl. XXI. Gomme,

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tant chaque fois de la gomme, et, parallèlement, de la couleur de façon à donner au ton une même intensité, gris foncé.

A un certain moment, la couche dont la résistance aura cru pro- gressivement se montrera tout à fait rebelle; la main en aura la sensa- tion très nette. La bonne proportion de gomme est dépassée. Arrêtons- notre fabrication.

Séchage. Les feuilles préparées ont été mises à sécher dans le cabinet noir; au bout de i5 à 3o minutes, elles sont prêtes à Tusage. Les passer rapidement, si le temps est humide, au-dessus d'une lampe pour rendre le papier presque craquant. Nous allons maintenant les mettre sous châssis.

Exposition sous Châssis. Avant de mettre sous châssis, prendre le cliché et le regarder attentivement par transparence; plus tard on le comparera aux trois ou quatre clichés types pour lesquels on connaît la durée d'exposition. Cet examen doit être attentif, car un léger voile a une très grande influence.

Cette durée d'exposition sera traduite en degrés photométriques. Le degré Artigue a des durées très variables suivant les saisons; de 3 minutes à midi fin juin à l'ombre, il monte en décembre à 40 et 60 minutes. Un cliché très transparent, qui demande 2 degrés, devra donc être exposé 6 minutes en juin, une heure et demie à deux heures en décembre.

Tout ceci, le débutant le constatera plus tard; en attendant, le voilà en face d'une demi-douzaine de feuilles, dans lesquelles il a fait varier la proportion de gomme ; par suite, couvertes de couches d'épaisseur croissante et de sensibilité décroissante. Que va-t-il faire? Essayer la première feuille et la tâter.

Sous un cliché transparent, une feuille couverte d'une couche mince et peu chargée en pigment, exige 'pour l'impression de i à 2 degrés Artigue. Prenons i degré et demi. Impressionnons et dépouil- lons ensuite la feuille dans l'eau à température normale. L'opérateur

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

va se trouver en face d'une série de phénomènes qu'il devra observer et noter attentivement.

Mise à l'eau du Papier impressionné. Le papier impressionné est mis face en dessus dans une cuvette d'eau qu'on balance pour faire partir les bulles. Au bout de quelques minutes on enlève le papier et on le met à flotter, face colorée en dessous^ dans une cuvette d'eau propre. Appuyer à plusieurs reprises sur le dos du papier, et balancer légèrement la cuvette deux ou trois fois pour chasser les bulles.

Dans cette position, l'image se dépouillera automatiquement en un temps variable suivant la durée d'exposition et suivant la date de fabrication du papier.

Ici, notre papier étant frais, nous constaterons les phénomènes suivants : dès que le papier est mouillé, l'image, négative, se montre très visible par réflexion et aussi par transparence. Puis elle s'efface en quelques instants, le coulage commence à se manifester et l'image, positive cette fois, se dessine.

La durée du dépouillement va dépendre de la température de l'eau et de la durée de l'impression.

Nous n'utiliserons dans notre essai que l'eau froide. Dans ces conditions, l'épreuve, mise à flotter, se dépouillera :

En une demi-heure, ou moins, s'il y a sous-exposition marquée; dans ce cas l'image pourra être grise;

En une heure, s'il y a sous-exposition légère; l'image sera géné- ralement très bonne;

En une heure et demie ou deux heures, si l'exposition est correcte.

Si l'image n'est pas faite en deux heures, il y a surexposition marquée.

Donc, au bout d'une heure au plus, l'opérateur va acquérir une première notion assez précise sur la durée exacte d'exposition qui eût convenu à la première feuille.

Supposons que l'exposition donnée : i degré et demi, soit jugée un peu forte. Elle pourra convenir à la seconde feuille, plus chargée.

LES PROCÉDÉS D ART EN PHOTOGRAPHIE

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par suite moins sensible. Nous donnerons à cette seconde feuille la même durée d'impression; puis nous observerons la façon dont elle se dépouille automatiquement.

Nous impressionnerons ainsi toute notre série de feuilles en aug- mentant un peu pour chacune d'elle la durée d'exposition, exposant la dernière qui est la plus chargée, pendant 3 degrés par exemple.

Cette suite d'opérations nous aura permis de faire de nombreuses observations; nous aurons constaté la régularité et la rapidité, plus ou moins grandes, du dépouillement dans l'eau froide, l'action de l'eau chaude, etc.

Après séchage, nous noterons les changements survenus; telle épreuve sera un peu enterrée, telle autre moins...

Nous saurons donc, approximativement, quelle couche était la meilleure et le temps d'exposition qu'elle exige sous notre cliché d'essai.

Le lendemain, fort de ces acquisitions, nous nous efforcerons d'ob- tenir, après une ou deux feuilles d'essai, un mélange normal quant à la proportion de gomme et de couleur. Nous coucherons avec ce mélange plusieurs feuilles que nous exposerons sous le cliché étudié pendant des durées variables, choisies en deçà et au delà de la durée estimée juste. Nous constaterons ainsi l'influence de la durée d'impression sur le dépouillement, sur l'aspect de la matière pigmentaire séchée...

Est-il besoin de dire que, pendant toutes ces expériences, on devra utiliser le même papier, par exemple le Canson B Crayon?

Ces quelques jours, sacrifiés à de tels essais systématiques et judicieusement conduits, en apprendront plus à l'opérateur que des mois de manipulations arbitraires. Et surtout, comme nous le disions plus haut, que le néophyte ne se contente pas d'un à peu près, d'une première image approximative. S'il agit ainsi, il est perdu ; il ne se perfectionnera plus, tel un enfant arrêté dans sa croissance, et inon- dera désormais le marché photographique de gommes ratées et sans mérite. Le procédé à la gomme ne supporte pas la médiocrité; si les images qu'il donne ne sont pas belles, elles sont affreuses.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Observations pratiques. Voici, pour terminer, quelques direc- tives et quelques faits d'expérience : comme nous l'avons vu, le pro- blème consiste :

A faire un mélange suffisamment gommeux sans Têtre trop, suffi- samment chargé en couleur sans l'être trop;

A l'appliquer sur le support de façon à avoir une couche régulière, suffisamment fine sans l'être trop ;

A donner à l'exposition du papier sous châssis une durée juste, c'est-à-dire une durée qui produise sur la couche l'effet cherché, la laisse molle si on veut des coulés, plus dure et plus résistante, si l'on ne veut pas de coulés, très dure et très résistante si on veut faire inter- venir dans le dépouillement une action de friction. En thèse générale, c'est notre avis, cette durée doit être telle que le dépouillement d'ensemble puisse toujours se faire par simple dissolution, l'interven- tion de l'agent de frottement étant réservé à des actions localisées.

La solution de gomme étant faite à 40 ou 5o 0/0, entrera d'ordi- naire dans le mélange dans une proportion variant, entre : gomme 2, bichromate i, et gomme 4, bichromate i, suivant l'ancienneté de la solution. C'est le contrôle de la main qui réglera cela ; la main devra nettement sentir une résistance au couchage, mais devra aisément en triompher.

L'œil, pour les tons noirs, indiquera la proportion de couleur; la couche après séchage devant être gris foncé, un ton au-dessous du noir. Il est beaucoup plus difficile de régler la couleur dans le cas des bistres ou des rouges.

C'est la main qui réglera l'épaisseur de la couche. Avec un même mélange elle peut, en effet, suivant l'énergie de son action, créer une couche plus ou moins fine; celle-ci sera rendue plus fine également si on change deux ou trois fois les pinceaux plats servant de pinceaux de décharge et de finissage. L'action de la main devra être, au début du couchage, ferme sans brutalité, puis diminuer à mesure que la couche fait prise. Il ne faut pas violenter la couche.

La durée d'exposition dépend de l'effet qu'on désire obtenir et est

" ESQUISSE" PAR R. LE BÈGUE

Pl. XXII. Gomme.

I

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE 71

alors proportionnelle aux opacités du cliché. Mais elle dépend aussi de la couleur du pigment, puisqu'il faut que la couche soit totalement tra- versée par la lumière, et pareillement, pour le même motif, de l'épais- seur de la couche. Par suite, les rouges demanderont un temps d'expo- sition plus fort que les noirs, les noirs plus que les bleus. La couche étant toujours plus épaisse sur un papier à gros grain que sur un papier lisse, les papiers à gros grain devront être exposés plus longtemps. Voici quelques indications :

Couche de ton noir sur papier grain fin ou lisse :

Cliché extrêmement léger i degré 1/232 degrés Artigue.

Cliché transparent d'intensité moyenne. 3 à 5 degrés Artigue. Cliché grisé 6à8 degrés Artigue.

Ceci dans l'hypothèse on se sert exclusivement de bichromate de potasse.

Si l'on ajoute moitié de bichromate d'ammoniaque plus actif, divi- ser ces chiffres par 2 ou 3.

Si la couche est de ton bleuté, diminuer l'exposition de i/3.

Si la couche est rouge, doubler ces chiffres.

Si le papier est à gros grain, multiplier par 3/2.

Exemple : Ainsi, je suppose que pour tirer d'un certain cliché une épreuve noire sur papier à grain fin sensibilisé au bichromate de po- tasse, il ait fallu une durée d'impression de 3 degrés Artigue; une épreuve de ce même cliché de couleur sanguine sur papier gros grain exigera :

3

3 degrés X 2 X - = 9 degrés environ,

ou, si l'on utilise le bichromate d'ammoniaque, 3 degrés.

Pour les rouges, il n'est pas indispensable de se servir de photo- mètre ; on arrêtera l'exposition lorsque, par transparence, on apercevra l'image se dessinant vaguement. Cette méthode n'est pas applicable aux papiers de ton noir, car, si l'on prolonge l'exposition jusqu'à apparition de l'image, il y aura surexposition,

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Mis à flotter sur un bain à température normale, le papier frais se dépouille un temps variable comme nous l'avons indiqué tout à l'heure. Les chiffres donnés ne s'appliquent qu'au papier frais, et quand la fabrication est ancienne, fût-ce de vingt-quatre heures seulement, ces chiffres augmentent singulièrement. Le coulage commence alors, non plus au bout de quelques minutes d'immersion, mais au bout d'une heure, parfois plus.

Avec du papier frais, on sera rapidement fixé sur la nature de l'impression forte ou faible, et Ton agira en conséquence. L'épreuve étant dépouillée à point, si l'eau qu'elle dégorge est encore colorée, c'est qu'il y a eu sous-exposition ; on s'en apercevra d'ailleurs à l'aspect gonflé de la couche.

On lit dans certains traités, écrits surtout à l'étranger, que le papier à la gomme se conserve des semaines; nous estimons, au contraire, que, passé vingt-quatre ou quarante-huit heures, une couche est mo- difiée profondément et présente des qualités diminuées. D'où vient cette antinomie ?

De ce que les étrangers pratiquent le procédé d'une façon tout à fait différente de la nôtre. Ils opèrent par impressions successives, font des couches fines, très peu chargées en gomme, qu'ils surexposent et qu'ils développent par frottement. En France, au contraire, on procède en une impression, on recherche les couches grasses et le développe- ment se fait par dissolution.

Pour bien des raisons nous préférons notre méthode qui utilise la gomme alors que sa faculté d'absorber l'eau et de se gonfler est encore entière.

Car une couche vieille de vingt-quatre heures seulement s'est dur- cie ; le bichromate agit même dans l'obscurité ; cette action est rapide quand la gomme est acide, plus rapide encore si l'on emploie le bichro- mate d'ammoniaque. Mise dans l'eau, après insolation, cette couche absorbe Teau difficilement, le coulage ne se manifeste qu'au bout d'un temps très long, le gonflement est notablement réduit, la résistance à la dissolution est extrême. L'image révélée se montre avec des oppositions

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

diminuées et présente un aspect dur ; très belle mouillée, elle s'enterre après séchage.

Pour obtenir une image ayant de la fleur et des transparences d'aquarelle, la formule est : couche fraîche, exposition légère ; pour obtenir un aspect crayon Wolf, couche vieille de vingt-quatre heures, exposition un peu forcée.

Cas d'une Surexposition exagérée. Si une image résiste à l'ac- tion de l'eau, même bouillante, ce qui indique une exposition exagérée, on peut employer la friction ou avoir recours au bisulfite de soude.

L'action de friction peut être donnée soit par la sciure de bois, soit par le pinceau si la sciure de bois ne suffit pas. Il est à craindre que les résultats de ces interventions ne soient médiocres. L'insolation, en elfet, peut être suffisante pour empêcher le dépouillement par simple dissolution et cependant insuffisante pour que l'épreuve supporte sans accident l'action du pinceau.

Mieux vaut auparavant essayer du bisulfite de soude. Mais ce pro- duit désorganisant énergiquement la couche et son action ne se révé- lant pas immédiatement, il faut procéder avec une grande prudence et faire succéder à un arrosage d'eau bisulfitée plusieurs arrosages d'eau tiède et d'eau chaude. Toute précipitation amènerait un insuccès. Donc, mettre dans 200 centimètres cubes d'eau 2 ou 3 centimètres cubes de bisulfite liquide du commerce, plonger une éponge dans cette eau bisul- fitée et faire courir des nappes sur la surface de l'épreuve. Remettre l'épreuve à l'eau pure dans une cuvette. Si le coulage ne se manifeste pas au bout de quelques instants, recommencer l'arrosage d'eau bisul- fitée en doublant la quantité de bisulfite.

Dès que la couleur reprendra son exode, opérer à l'eau pure jusqu'à ce que cet exode cesse. Reprendre alors l'action du bisulfite et continuer en alternant les arrosages.

Le bisulfite peut être utilisé pour le développement local. Si l'on désire baisser considérablement une certaine région de l'image, il suffira d'y faire couler en nappe du bisulfite étendu d'eau. Aux endroits tou-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

chés, la couche bavera fortement et les détails se fondront en une teinte uniforme. Ceci peut être employé avantageusement dans le traitement des alentours. Si l'on n'a pas de bisulfite on peut employer pour le même usage des solutions de carbonate de soude au titre de 2 à 5 0/0.

Séchage. Une épreuve à la gomme sèche très lentement, d'autant plus lentement que l'exposition a été faible, car alors la gomme aura absorbé beaucoup d'eau.

On peut avoir intérêt soit à accélérer, soit à retarder l'opération du séchage. On aura intérêt à l'accélérer si le coulage se manifeste trop abondant et risque d'effacer l'image. Dans ce cas, le papier sera mis sur un buvard bien sec, souvent renouvelé, et dans une pièce chauffée. Mais l'action directe d'une flamme, lampe ou foyer, serait funeste. Le seul procédé d'action consiste à pratiquer un courant d'air soit au moyen d'un éventail, soit au moyen d'un ventilateur.

On peut, au contraire, avoir intérêt à retarder le séchage dans le cas d'une épreuve surexposée et dure, ou encore si l'on veut intervenir et modifier l'image au cours du séchage. Ce résultat s'obtiendra en pla- çant sur une plaque de verre ou d'ébonite, légèrement inclinée, une ou plusieurs épaisseurs de papier buvard mouillé ; l'épreuve posée sur ce matelas humide mettra des heures à sécher. On pourra ainsi soit obte- nir un léger coulage qui rendra moins rêche et plus grasse la matière pigmentaire et donnera plus d'enveloppe à l'image, soit maintenir au degré de mollesse nécessaire la couche qu'on veut travailler.

Sauf pendant les instants l'on a à travailler la couche, la feuille qui sèche devra être placée dans un endroit obscur pour que la lumière n'ait pas d'action sur elle et, le séchage terminé, l'épreuve sera aussitôt remise dans l'eau.

Cette remise immédiate à l'eau a pour but principal d'empêcher la couche de se durcir. L'eau est désormais incapable de modifier l'image; et ainsi l'épreuve pourra être abandonnée dans la cuvette en attendant que l'opérateur ait le loisir de la regarder attentivement, d'analyser ses défauts, de décider des dernières corrections qui restent à faire et qui

" L'HABILLEUSE " PAR R. DEMACHY

Pl. XXIII. Gomme.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE jS

ont pu être volontairement négligées au cours du premier travail de dépouillement. La couche, encore tendre, et d'ailleurs ramollie par le bain plus ou moins chaud, offre peu de résistance; l'attaque du pinceau suffira pour baisser tel ton local ; le tortillon de papier buvard, le tam- pon d'ouate pourront trouver à s'employer, et aussi Téponge, plus radi- cale en ses effets. Certains petits accents très clairs seront donnés par le moyen d'un petit morceau de bois, taillé en biseau, qui dégagera le papier et en fera chanter le blanc à l'égal d'une touche de gouache. Tout ce travail peut se faire sans hâte, l'opérateur n'étant plus, comme dans les précédentes périodes, soumis à la nécessité de guetter le mo- ment précis il faut agir et agir vite.

Toutes les retouches eff"ectuées et l'image à point, on passe la feuille dans un bain faiblement bisulfité pour achever l'élimination du bichro- mate, et l'on termine par un lavage à l'eau pure.

DÉVELOPPEMENT LOCAL ET RETOUCHES

ANS la suite des opérations que nous venons de décrire, nous avons envisagé le procédé à la gomme comme un pro- cédé automatique permettant de tirer d'un cliché une réplique positive exacte. Et, en effet, le procédé peut donner des

épreuves aussi régulières que celles imprimées sur papiers au charbon ou au bromure. Mais, heureusement pour lui, il peut mieux que cela, car il permet, au cours du dépouillement, l'intervention directe de l'opérateur sur des régions nettement localisées. Grâce à cette inter- vention, il devient possible de mettre le sujet en relief comme d'en assurer l'harmonie :

Par la correction des tons locaux ;

Par l'atténuation ou la suppression des éléments inutiles ; Par le placement judicieux des accents.

Cette intervention locale est fournie par le travail intelligent de la main, soit qu'elle fasse courir des nappes d'eau froide ou chaude, ou bisulfitée, sur certaines régions de l'image pour donner à ces régions une

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 77

avance au dépouillement, soit qu'elle procède par l'attaque directe d'un agent de friction : pinceau, ouate, éponge, etc.

Il est évident que si le pinceau pouvait constituer l'agent principal et général de l'opération, l'eau n'étant plus qu'un agent secondaire, chargé d'amollir la couche sans la dissoudre, la précision du dépouil- lement local serait quasi absolue, et nous verrons que c'est le cas de la gomme ozotype surexposée. Mais ici il n'en est plus de même et, pour des raisons multiples et majeures que nous allons dire, nous ne pen- sons pas qu'une épreuve à la gomme doive être révélée entièrement au pinceau.

Nous nous trouvons ici en face de deux méthodes de dépouillement bien distinctes, entre lesquelles il faut choisir : la méthode par disso- lution, la méthode par frottement. Si nous employons la première, nous devons chercher à obtenir un temps d'exposition tel que la gomme ait pleinement conservé sa faculté d'absorber l'eau et de se distendre assez pour que le grain de couleur s'échappe par son seul poids.

Si nous employons la seconde, il faudra exposer l'épreuve de telle sorte que la gomme ait perdu quasi totalement sa solubilité et retienne le grain fortement, sur toute la surface de l'image.

Il faut donc prendre un parti net. S'il arrive qu'employant la pre- mière méthode, nous ayons dépassé le temps d'exposition convenable, nous serons néanmoins resté fort en dessous de la durée d'exposition nécessaire à l'emploi de la deuxième méthode ; nous nous trouverons en face d'une image certaines régions pourront peut-être résister à l'attaque du pinceau, mais d'autres régions correspondant aux opacités du cliché pouvant se développer par dissolution, sont restées molles ; ces régions-là seront détruites par le passage brutal du pinceau.

Donc, forcé de prendre parti, nous écarterons la seconde méthode pour des motifs qui nous semblent péremptoires :

Remarquons, d'abord, que ce qui constitue l'originalité du procédé à la gomme, ce qui le distingue de tous les autres procédés à dépouil- lement, ce qui fait Taspect particulier et savoureux des images qu'il donne, c'est que seul il admet le dépouillement par simple dissolution.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

laisse ainsi se produire ces phénomènes qui assurent le fondu des tons, permet au grain de se fixer suivant un rhytme régulier; si, comparée à une épreuve à la gomme, une épreuve à la gélatine paraît sèche et sans enveloppe, la cause en est là.

En exposant la couche jusqu'au point la gomme a perdu la propriété qui la fait originale et unique entre les colloïdes, on fait plus qu'adultérer le procédé, on le supprime ; on rabaisse la gomme au rôle de gélatine et ce rôle elle le remplira mal, bien plus mal que la gélatine. Les grains partiront irrégulièrement, arrachés par force ; les grains restants s'assembleront sans régularité, partant sans harmonie. Et ainsi, nous n'avons jamais eu le bonheur de voir une belle épreuve entière- ment dépouillée au pinceau.

Disons donc que, dans le traitement d'une épreuve à la gomme, nous maintiendrons à l'eau le rôle capital ; l'eau sera l'agent général du dépouillement.

Aux agents de friction seront réservées des interventions localisées et partielles, interventions qui se produiront d'ailleurs, non seulement dans la période du dépouillement, mais dans les périodes suivantes : période de séchage, période après séchage.

Voici quelques indications qui pourront guider les premières tenta- tives du commençant ; mais faisons observer qu'ici rien ne saurait remplacer l'expérience personnelle. C'est en forgeant qu'on devient forgeron ; c'est en gâchant quelques épreuves, en se faisant la main sur des épreuves manquées, que l'on se rendra compte des effets que l'on peut attendre de l'emploi d'instruments divers tels que pinceaux, éponges, estompes, bois tendre, papier buvard...

Période de Dépouillement. II y a toujours avantage à laisser le dépouillement commencer automatiquement dans la cuvette. Lorsque l'image tend à se dégager et se montre partout visible, on place le papier sur une plaque d'ébonite inclinée et, se guidant d'après une épreuve préalablement tirée sur un papier quelconque, on examine de quelle façon il convient de continuer le dépouillement.

"VIEILLE PLACE A KEMPTEN " PAR HUOP HENNEBERG

Pl. XXIV. Gomme.

POÈTE PAR R. DEMACHY

i ) XXV. Gomme

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 79

Y a-t-il sous-exposition marquée, ce dont on se rend compte aisé- ment par l'aspect gonflé de la couche et l'abondance du coulage, il convient de précipiter le dépouillement. Comme on sait, d'autre part, que l'épreuve va se griser pendant le séchage, il n'y a pas à songer, pour le 'moment, à créer les blancs purs. Dans ces conditions, on se conten- tera de pratiquer les suppressions et, l'épreuve achevée par quelques nappes d'eau courante, on la laissera sécher sur un papier buvard sec, remettant la suite de son intervention aux autres périodes.

L'épreuve se montre-t-elle comme normale, on aura du temps, mais pas trop ; en effet, après chaque intervention locale, on va se trouver amené à dégager par un arrosage le travail fait ; par suite, il faut mener de front le dépouillement local et le dépouillement général pour les achever ensemble.

Dans nombre de cas, il y aura intérêt, par des nappes bien diri- gées d'eau tiède ou d'eau froide, ou d'eau bisulfîtée, à donner une avance au dépouillement à certaines parties de l'image. Ces arrosages s'obtiennent, soit en écrasant une éponge à l'extérieur des bords de l'image, soit en faisant tomber délicatement quelques gouttes d'eau chaude sur une partie résistante de l'image, ainsi, dans une figure, les cheveux, et en laissant les gouttes chaudes s'étaler doucement dans la direction convenable.

Ces procédés permettent le développement raisonné, mais seule- ment sur de larges zones. S'il s'agit de modifier des détails de peu d'étendue, de baisser un ton local de petite surface, l'attaque directe de ce ton local est nécessaire. Cette touche localisée peut donner, suivant le cas, au cours de cette première période ou plus tard : veut-on arriver au blanc du papier, on opérera souvent -dans cette première période; veut-on baisser le ton de moitié, ce sera souvent dans la période du séchage, quand la couche aura commencé à faire prise ; veut-on baisser très légèrement le ton, on attaquera après le premier séchage suivi d'une immersion dans l'eau chaude.

En général, le travail local au pinceau ne pourra être effectué au cours de la période de dépouillement que si la couche offre une cer-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

taine résistance et ce travail ne s'appliquera qu'aux accessoires et aux fonds que l'on peut aborder franchement ; sur les figures mêmes, ou encore sur les cheveux, Tintervention du pinceau ne saurait être que très discrète et mieux vaudra souvent la remettre à plus tard.

Il est évident qu'en ces matières il est impossible de donner autre chose que des indications générales, car il n'est ici que des cas d'espèce. L'habileté consiste à se rendre compte de la façon dont se présente l'image et à lui appliquer alors un traitement approprié. L'opérateur, en effet, n'est pas absolument maître de certains éléments : la composi- tion de la couche, le travail de la lumière varient toujours d'une épreuve à l'autre, assez pour qu'il y ait changement dans l'aspect et la nature des images successives issues d'un même cliché. L'une, produite par une couche vieille de vingt-quatre heures ou surexposée, aura un grain de crayon noir, résistera au frottement et se laissera travailler au pin- ceau ; l'autre, produite par une couche fraîche et sous-exposée, n'aura aucun grain visible, les tons seront transparents comme des coulées d'aquarelle et chaque coup de pinceau mettra le papier à nu. En face de circonstances aussi diverses, il sera nécessaire de faire varier les moyens mis en œuvre.

Dans le premier cas, couche grenue et résistante presque tout le travail devra comme nous le disions plus haut s'effectuer pen- dant le dépouillement. Vous remarquerez, en effet, que le pinceau détruit superficiellement le grain, il passe tel le sureau sur le fusain ; il est donc nécessaire de faire suivre chaque coup de pinceau d'un arrosage qui enlèvera la couche superficielle libérée par l'action du pinceau et fera réapparaître le grain sous-jacent.

S'agit-il, au contraire, comme dans le second cas, d'une épreuve sous-exposée, il vaudra mieux attendre, pour effectuer certaines parties de votre travail, que l'épreuve, dépouillée à point, ait commencé à sécher sur son support d'ébonite. Il n'y aura pas à craindre ici une différence d'aspect entre les parties de l'image touchées par le pinceau et les parties laissées intactes ; car il n'y aura de grain nulle part.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 8l

Période du Séchage. Dans cette période, le coup de pinceau n'étant plus suivi d'un coup d'arrosage, l'action du pinceau se traduit par une sorte d'écrasement de la couche, accompagné d'un abaisse- ment général du ton à Tendroiî touché, abaissement notable si le pinceau est sec et propre, peu sensible si le pinceau est déjà chargé de matière pigmentaire amassée au cours du travail. Pour créer des blancs et dégager le papier, il faudra donc avoir recours au tortillon de papier buvard.

Dans le cas, fréquent, de figures se détachant sur fond clair, c'est pendant cette seconde période que l'on pourra donner au fond du mouvement et un peu de vibration. Le travail sera entrepris immédia- tement et pourra être poursuivi jusqu'à ce que la couche ne se laisse plus travailler ; il s'effectuera au pinceau ; veut-on avoir à tel endroit du fond une touche claire, on l'obtiendra d'un coup donné avec un pinceau sec et propre; veut-on, au contraire, monter le ton de telle région du fond, on transportera en cette région de la couleur prise dans les marges.

Le traitement des fonds rendu facile est, pour le dire en passant, un des grands avantages du procédé à la gomme. Ainsi le fond pouvant être établi à la demande de la figure, il devient inutile de s'encombrer de fonds peints d'avance; un fond noir, un fond gris, un fond blanc, tous les trois unis, à cela peut se réduire votre approvisionnement d'atelier.

Le séchage complet d'une épreuve étalée sur un verre ou une feuille d'ébonite s'opère très lentement; plus lentement encore si l'épreuve repose sur un buvard humide. A mesure que l'eau s'évapore, la couche devient plus résistante et l'abaissement du ton à tel endroit touché par le pinceau devient de moins en moins marqué.

Dans cette période, il est possible aussi de simplifier les détails par une sorte d'écrasement analogue à celui du sureau sur le fusain.

C'est également au cours de la période du séchage que l'on pourra créer des blancs purs dans les épreuves sous-exposées. On sait que la sous-exposition produit des images grises, les blancs se trouvant recou-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

verts par l'écoulement partiel de la matière pigmentaire insuffisamment fixée. Il faut donc attendre, pour rétablir les blancs, que cet écoule- ment ait cessé par suite de l'affermissement de la couche.

Lorsque sont achevées toutes les retouches jugées possibles au cours de cette période, il convient de laisser s'achever dans l'obscurité le séchage de l'épreuve ; on peut, sans inconvénient, le hâter en plaçant l'épreuve sur un buvard sec que l'on promène au-dessus d'une lampe. Dès que la feuille est sèche partout et craquante, on la remet dans Feau. L'eau n'a plus d'action sur la couche, et l'image peut y demeurer plongée indéfiniment sans être modifiée ; mais cette remise immédiate dans l'eau répond à un double but : d'abord éliminer la petite quantité de bichromate de potasse que le papier peut renfermer encore, ensuite rendre à la couche une mollesse suffisante pour qu'elle puisse être travaillée par frottement doux.

Période postérieure au premier Séchage. Pour rendre la couche très docile, il suffira d'élever la température de l'eau ou, s'il est nécessaire, d'ajouter à l'eau chaude du bisulfite de soude dans la pro- portion de 3 à 5 o/o. L'épreuve se laissera dès lors travailler au pinceau, à la ouate, à l'estompe, au doigt, et Ton pourra, par frottement, baisser le ton plus ou moins à tel endroit jugé convenable.

Si l'on a eu soin, par exemple, de ménager le ciel en le dépouillant incomplètement, il sera facile de le traiter à loisir. De même on pourra baisser par ce moyen la valeur des lointains pour les remettre à leur place.

Il sera possible à ce moment de donner quelques touches dans les figures, dans les cheveux. Si quelques blancs purs sont reconnus néces- saires, on pourra encore les obtenir au moyen d'un petit morceau de bois tendre.

En un mot, cette période est celle du parachèvement de l'œuvre. Celle-ci terminée, il ne reste plus qu'à la suspendre pour le séchage définitif.

Des Rehauts. Dans toutes ces opérations, l'artiste s'est borné à dépouiller plus ou moins l'image, à enlever la matière pigmentaire, ici

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ou là, d'une façon plus ou moins complète; l'épreuve qui sort de ses mains doit, en principe, être finie et à point. Il peut arriver, toutefois, que certains accents manquent de vigueur, que certains tons noirs demandent à être montés, que certaines valeurs trop claires demandent à être salies. Cette retouche finale s'effectue par apposition d'une matière identique à celle de l'épreuve. Pour créer cette matière, il suffit de prendre une des feuilles préparées en même temps que celle qui a donné Tépreuve, de l'impressionner fortement sous un cliché, puis de la mettre dans l'eau et de la laisser se dépouiller du bichromate qu'elle contient. On racle alors, au moyen d'un pinceau, l'épreuve ainsi obtenue et on en fait tomber dans un godet la matière pigmentaire. Cette matière plus ou moins étendue d'eau, ou renforcée d'un peu de couleur d'aquarelle, sera posée au pinceau il convient. Du reste, la plu- part du temps, on pourra utiliser dans ce but le pigment d'une épreuve manquée par suite d'une erreur notable dans la durée d'exposition.

ANALYSE DES PLANCHES

L'énumération que nous venons de faire des pratiques nombreuses qu'il est possible de mettre en œuvre ne fournit que des indications générales. Pour être plus précis, nous allons analyser maintenant la plupart des images démonstratives qui accompagnent notre texte et indi- quer en détail, pour chacun de ces cas d'espèce, la manière dont s'est effectuée l'intervention de l'opérateur.

On devra tenir compte de ce fait que les reproductions, ci-jointes, bien qu'ayant été l'objet de tous nos soins, sont néanmoins des traduc- tions, partant s'écartent parfois très sensiblement, quant à l'aspect, des originaux. Les procédés de gravure sont incapables de fournir des fac- similés exacts, puisqu'ils substituent leur matière spéciale à la matière dont est constituée l'épreuve originale. Ils mettent un grain ou un réseau est un coulé d'aquarelle, ils ne donnent pas le blanc pur du papier, sauf par l'artifice d'une retouche qui, faite par la main du graveur, est

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fatalement inexacte; le grain du papier support intervient aussi, ce n'est plus un grain réel, mais un trompe-l'œil. En résumé, par leur nature, les images qui figurent ici offrent au graveur les difficultés les plus grandes qu'il ait jamais à surmonter ; aussi n'en triomphe-t-il pas toujours.

Pl. n. Méandre et Pl. xv. L'Etang. Ces deux exemples mon- trent les ressources que fournit l'emploi du coulé pour le traitement, dans le paysage, du ciel et des eaux que le procédé photographique traduit trop souvent en valeurs inexactes. Le coulé permet non seule- ment de rétablir ces valeurs, mais aussi de donner au ciel un peu de modelé et d'intérêt ; et cela non par un apport, mais par un enlevé de matière, ainsi qu'il convient.

Dans l'Etang, le cliché donne pour le ciel et pour Teau une tache - blanche uniforme. L'épreuve, légèrement sous-exposée, puis dépouillée par flottement, a été mise à sécher sur une glace inclinée, le ciel en bas. Dans cette position, l'eau colorée contenue dans les terrains a, par une infiltration lente, couvert le ciel et l'eau d'une teinte plate, parfaite comme régularité et transparence. Le coulage ayant cessé, l'épreuve a été placée sur un support sec, un papier buvard, légèrement incliné, le ciel en haut, et Ton a attendu que la couche ait perdu une partie de son humidité et acquis par une certaine résistance. A ce moment précis, quelques coups d'un pinceau sec, accompagnés de quelques touches de papier buvard, ont créé dans le ciel des demi- teintes et des blancs. Une touche de papier buvard a de même créé une tache blanche sur les eaux, à l'endroit jugé convenable.

En résumé, dans cette épreuve : action automatique du coulé qui a simplifié le premier plan, fondu les lointains, teinté le ciel et l'eau ; intervention brève du pinceau et du papier buvard pendant la période du séchage, au moment précis la couche offrait une résis- tance appropriée.

Dans Méandre^ la façon de procéder a été semblable. Le coulé avait pour but principal d'éteindre le papillottement excessif que donne

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le cliché pris en plein soleil, d'adoucir le feuillé des arbres, de teinter le ciel, les eaux et les linges. Mais ici Fintervention a été retardée ; elle n'a eu lieu qu'après un premier séchage suivi d'une remise immédiate dans une cuvette d'eau tiède. La couche offrant alors une certaine mollesse, le ciel a été éclairci par un frottement d'ouate et toutes les petites lumières rétablies sur les eaux, les linges et les personnages par Faction d'une pointe en bois tendre, un morceau d'allumette sué- doise taillée en biseau. M^oe^tji>

Pl. X. Etude et Pl. xx. L'Aveugle. Voici deux exemples du traitement des fonds, le premier effectué pendant la période du dépouil- lement, le second pendant la période du séchage.

Dans Étude, le modèle se trouve placé sur un fond indéfini, d'un ton uniforme, légèrement plus clair que le ton de la peau, comme on en peut juger par la partie inférieure de l'épreuve le fond n'a pas été tou- ché. Pour détacher la figure du fond et rompre l'uniformité de celui-ci, le pinceau s'est mis au travail dès que la ligure s'est trouvée dégagée, chaque intervention du pinceau étant suivie d'un arrosage en nappe. Par une touche ferme, la partie supérieure du fond a été dégagée jus- qu'au blanc du papier (i); une touche plus légère, donnée en suivant le contour du corps, a ensuite éclairci le fond jusqu'au niveau des jarrets ; des touches plus appuyées sur les marges ont créé une sorte de dégradé. En résumé, l'action du pinceau a substitué au ton uni du fond, une série de tons allant jusqu'au blanc du papier.

Dans l'Aveugle, le travail du pinceau a eu lieu en cours de séchage. Le fond renfermait des détails ennuyeux; en particulier une maison garnie d'échafaudages. Tous ces détails ont été broyés par le pinceau qui s'est ainsi chargé de pigment et l'a aussitôt réappliqué par touches rompues, de façon à faire valoir le blanc du bonnet. Vers la fin du séchage, la matière étant résistante, une action d'écrasement a été pra- tiquée en avant du personnage, sur le parapet, pour uniformiser et

(i) Le procédé de reproduction ne donnant pas le blanc pur, l'épreuve gravée n'est pas rigoureu- sement conforme à l'épreuve originale.

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. . . . '

teinter celui-ci et l'empêclier ainsi de nuire à l'accent blanc du bonnet.

Pl. xxvhl Impression d'Engadine. Ainsi qu'on en peut juger par l'épreuve comparative au bromure, le sujet, tel que le donne le cliché, manque d'unité ; le centre d'intérêt constitué par les deux bergers s'y trouve insuffisamment souligné; il y a excès de détails dans les fonds, les sapins ont même valeur que les personnages, les terrains sont uni- formes, etc.

En vue de créer les accents nécessaires, on a d'abord buriné les deux bergers et le chien à gauche. Puis l'épreuve a été légèrement sous- exposée, de façon à atténuer les détails par les coulés. Au cours du séchage, lorsque la matière eut acquis une certaine résistance, les fonds ont été écrasés au sureau pour en éteindre les détails ; plus tard enfin ont été rétablis quelques blancs dans le groupe des moutons que les coulés avaient simplifié et grisé en même temps. Après séchage et remise immédiate à l'eau, les sapins à droite ont été baissés. Tout le travail ainsi effectué n'ayant d'autre but que de donner aux deux ber- gers une valeur prépondérante et de faire venir en avant le chien placé à gauche qui sert de rappel à ces deux bergers.

Pl. XXX. Portrait. Dans cette épreuve, peu d'intervention. Seu- lement une sous-exposition légère en vue de donner plus d'enveloppe à l'image. Après séchage, rétablissement de lumières sur les épaules.

Pl. xhi. Etc. Mêmes remarques que ci-dessus. Simplification des détails du paysage par les coulés; rétablissement, en cours de séchage, des noies claires sur le personnage.

Pl. XXV. Le Poète. Epreuve dépouillée en dehors du bain par affusions d'eau froide et tiède dirigées sur la figure et sur la main. Mais le fond trop sombre et trop uniforme avait, en plus, le défaut d'une texture et d'une valeur pareilles à celles des cheveux et des vêtements du modèle. L'épreuve a donc été drainée, mais maintenue humide, et

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le fond dépouillé peu à peu jusqu'à ce que sa valeur ne vienne plus L^j^i lutter avec les accents du motif principal. Enfin sa texture a été mo- difiée par l'usage d'une brosse plus dure qui a laissé des traces ru- gueuses que l'on ne retrouve pas dans les chairs. Les plis du vêtement exigeaient aussi une simplification destinée à mettre mieux en valeur la main davantage étudiée.

Pl. XXVI. Paysage d'Hircr (neige). Voici un exemple de coulé choisi à cause de l'exagération même de l'effet qui montre très nette- ment la façon dont il s'est produit. L'insolation ayant été arrêtée un peu en dessous de la normale, les premiers plans très clairs tenaient à peine. Tout le bas de l'épreuve a donc été lavé franchement à l'éponge, puis essuyé à divers endroits pendant que la nappe de couleur, descen- '^^•W dsini du haut de l'image, envahissait lentement le papier blanc. Les V*»***^. franges de séchage s'y distinguent clairement. Nous remarquerons de plus que le ton du ciel dans l'épreuve i, reproduction de bro- mure, — n'offre pas de contraste véridique avec le blanc pur de la neige. Les enlevés faits sur l'épreuve 2 (d'après la gomme) ont réta- bli la justesse de relation entre ces deux valeurs.

Pl. XI. Paysage d'Automne. Synthèse par coulés obtenue sur une épreuve peu insolée et dépouillée par affusions. Le premier plan s'est trouvé de ce fait simplifié par masses, mais dépourvu d'accents. Ceux-ci ont été rétablis par enlevés au tortillon pendant la période de séchage. De même l'accent du second plan renforçant l'effet de soleil naturel.

Nous pouvons considérer cette épreuve comme un exemple du minimum d'insolation qui puisse être donné au papier à la gomme sans risquer de coulage désastreux. Le négatif, tant soit peu surexposé, avait être poussé au développement pour gagner quelque vigueur. Les transparences en avaient souffert et aucun accent ne retenait dans l'épreuve le dessin prêt à s'amollir. Sans les enlevés au papier buvard, l'image serait restée plate et monotone.

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Pl. XXIX. Plaine de Varavillc. L'épreuve 2 à la gomme a été simplifiée et accentuée pendant la période de séchage. Simplifiée dans les premiers plans dont les détails ont été oblitérés et la valeur entiè- rement modifiée, car c'est la valeur des roseaux du second plan de répreuve i qui s'est étendue jusqu'au premier. Par contre, les arrière-plans ont été maintenus à une valeur plus foncée, tandis que les légers accents blancs du fond, exagérés au pinceau, sont venus s'opposer au ciel plus sombre que celui de l'épreuve sur bromure. De ce fait l'horizon s'est rapproché, les taches noires et blanches du groupe d'arbres et de la maison ont gagné beaucoup en importance et l'intérêt s'est déplacé du premier plan au plan le plus éloigné.

Pl. XXIII. L'Habilleuse. Exemple de développement entièrement effectué au pinceau, l'insolation ayant été poussée à un degré suffisant pour que l'image ne paraisse qu'après avoir flotté sur un bain d'eau froide pendant une heure, sans qu'il y ait cependant tendance à une perte de pigment. L'épreuve sortie du bain et égouttée a été d'abord éclaircie au pinceau à mouiller d'aquarelle, puis travaillée avec une brosse plus dure.

Le négatif de cette épreuve est vraiment détestable. Le contre-jour l'a grisé et les accents y font totalement défaut. Le seul moyen d'en tirer quelque parti est sans doute celui que nous avons adopté, surex- position bien franche et développement par frottis d'inégale vigueur, mais il serait malaisé d'en produire une réplique' tant 'soit peu exacte sans de longs tâtonnements.

Pl. XII. Bords de Seine. Epreuve en double tirage monochrome. La première épreuve insuffisamment insolée n'a pas gardé de demi- teintes dans les fonds. Il n'y a donc eu, après second couchage et impres- sion repérée, qu'une seule épaisseur pour le ciel et le fond. Les pre- miers plans seuls ont été doublés de valeur.

Pl. XXVII. Deux études de tête. Ces deux épreuves ont été dépouil-

I

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lées par affusion sitôt après la première apparition de l'image. La faible insolation du fond a permis de faire détacher la joue du modèle en foncé sur du clair dans l'épreuve n" i ; en clair sur foncé dans le 2. Les deux accents qui ont provoqué cet effet, Tun sur le fond, l'autre sur la joue, ont été donnés au cours du dépouillement et légèrement tam- ponnés au papier buvard pendant le séchage. Un coup de pinceau a oblitéré, dans l'épreuve i, la main qui se dépouillait trop vite et perdait sa forme.

Pl. I. Portrait de jeune fille. Cette épreuve a été presque entière- ment développée par flottement, puis sortie de l'eau et drainée pendant quelques instants sur une glace inclinée recouverte d'un cahier de papier buvard. Le fond en était uniformément sombre; il a été dépouillé à gauche et dégradé jusqu'à la tête, de façon à laisser celle-ci se détacher en clair sur la portion foncée qui est demeurée à son ton primitif. Les reflets clairs des cheveux ont été accentués au pinceau sec, par enlevés, la robe simplifiée au pinceau mouillé et les détails trop importants du fauteuil effacés à la brosse à huile.

Pl. XIX. Dans les sapins. L'épreuve, peu insolée, tendait à pro- duire des coulés qui ont simplifié mécaniquement les détails des premiers plans. Il a fallu rétablir par enlevés au tortillon les accents clairs noyés dans la nappe colorée. De même le nuage blanc en forme de cumulus, très aff"aibli pour la même cause, a être ramené à son ton primitif. Tout ce travail s'est fait pendant le séchage de l'épreuve qui a été accélérée en l'éventant au moyen d'une large feuille de bristol.

Pl. XXXI. Contre-jour. Pose à peu près juste pour le dépouille- ment qui a eu lieu par aff"usion d'eau froide et tiède. Une fois la tête développée à la valeur désirée, le fond a été nettoyé d'un coup d'éponge et tamponné. L'accent, derrière Fépaule, a été fait un peu plus tard, quand le coulage venant de la tête n'était plus à craindre.

Pl. VI. Portrait de femme. La tête a été développée par aff"usions

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tièdes, le fond sombre enlevé à la brosse un peu dure. Le chapeau simplifié de même a été réduit à Tétat de simple indication.

Pl. XXL Fantaisie. Dépouillement général par flottement. Le fond a été enlevé, Tépreuve encore mouillée et le contenu a été rabattu sur le premier plan et dirigé dans le sens du plancher. L'accent laissé sous

le fauteuil représente le noir maximum de la couche originelle.

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Pl. XIV. Etude en gris. La face entière a été dépouillée par frot- tement au pinceau, sauf les yeux et Tombre portée des cheveux sur la joue qui forment ainsi les accents nécessaires. Le fond et les épaules ont été entièrement ou en partie effacés à Féponge. Nous ajouterons que le négatif qui a fourni cette épreuve était beaucoup plus vigoureux que ceux dont nous nous servons d'habitude pour les tirages sur papier à la gomme pure, mais les transparences en étaient limpides. C'est ce qui nous a permis de garder dans les yeux, les narines et la bouche les accents primitifs bien marqués, dont la présence était nécessaire pour éviter l'aspect mou et monotone qu'une épreuve uniformément grise aurait offert après un traitement de ce genre.

"PORTRAIT " PAR C. PUYO

Pl. XXX, Gomme.

tO*?vW, X^l%ajxC ^U~a.iy ^UUU^ k^Af^^O^ CcAf^tf. (i^t tlv*^*^ , -^^C> ^^^^ ^^^^6 O*^ X^OL)

LES IMPRESSIONS MULTIPLES

I le cliché est bon, le papier propice, la couche riche en gomme et en couleurs, si le temps d'exposition sous châssis est juste et le dépouillement bien conduit, on doit obtenir, par une impression unique, une épreuve douée des meil- leures qualités pigmentaires, complète et vigoureuse, les demi- teintes seront transparentes et fraîches, les noirs gras et profonds. Il est curieux de voir contester encore les ressources de Timpression unique, prétendre qu'elle ne suffit point, que l'apposition de plusieurs couches est nécessaire si Ton veut obtenir de beaux tons. Il est encore plus curieux de constater que par leurs impressions multipliées, de 3 à 5, certains gommistes arrivent à créer des épreuves beaucoup moins vigoureuses que celles obtenues par d'autres en une seule opération, et moins belles parce que la fleur du ton y a disparu. Cette différence dans les résultats provient de la différence des modes opératoires. A l'étranger, en particulier, les gommistes usent de couches extrême- ment minces, pauvres en gomme et en couleurs; ils surexposent, déve-

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loppent par friction. De une matière raclée, sans puissance et sans fleur. Nous avons pu voir ainsi de nombreuses épreuves, imprimées par couches fines successives, développéès automatiquement. Ces épreuves offrent, quand elles sont réussies, l'aspect d'images tirées sur charbon vulgaire ; il faut les regarder de près, à la loupe, pour s'aper- cevoir qu'elles sont à la gomme. Est-il utile de se donner tant de peine pour arriver à un tel résultat.

Nous ne le pensons pas. Nous doutons même que l'artiste veuille s'astreindre à un pareil travail qui exige la patience du forçat ciselant sa noix de coco. A notre avis, il convient de donner aux impressions multiples un but tout autre et plus large ; il faut essayer, par elles, de doter le procédé de nouvelles ressources et l'exécutant de nouvelles libertés.

En d'autres termes, nous ne nous contenterons point de demander à l'usage de couches successives une augmentation de vigueur dans la matière de l'épreuve; nous en profiterons pour rendre plus aisés le déve- loppement local, et l'apposition des accents, et pour rendre possible l'emploi de la polychromie.

1" Facilités données par les impressions multiples au déve= loppement iocai et aux accents. Dans tout cliché photographique un certain nombre de tons locaux demandent à être modifiés, en vue d'assurer soit la justesse de l'eifet, soit l'harmonie esthétique de l'en- semble. Par exemple, dans les clichés de paysages, le ciel est beaucoup trop opaque, les lointains trop transparents ne se distinguent pas des premiers plans. Dans un portrait, il peut arriver que le fond ait une valeur égale à celle des cheveux, qu'un vêtement soit trop blanc, une ombre trop accentuée. Le développement local remettra les choses en place et contribuera à assurer l'équilibre et l'unité du motif.

Ce développement local, on peut l'effectuer, ainsi que nous l'avons dit, au cours de l'impression unique, mais on ne le peut que dans une certaine mesure, car la souplesse du procédé n'est pas absolue ; il faut avoir l'œil prompt et la main légère. L'emploi d'une double impres-

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sien, ton sur ton, facilitera beaucoup les choses dans un grand nombre de cas. Nous allons en énumérer quelques-uns.

a) Premier exemple. Voici un cliché de paysage : le ciel ren- ferme des nuages bien placés et bien modelés, mais la valeur générale du ciel dans le négatif est telle que si on imprime Tépreuve on obtien- dra, suivant le cas, soit un ciel modelé avec des terrains noirs et enter- rés, soit un ciel blanc sans détails avec des terrains bien modelés.

Imprimons en deux fois. Étalons une première couche fine et légère ; calculons le temps d'impression en nous basant sur Topacité du ciel, et développons le ciel sans nous occuper des terrains. Dès qvie le ciel est venu, baissons les lointains au pinceau et nettoyons les premiers plans à l'éponge. Laissons sécher.

Etalons ensuite une couche riche en gomme et en couleurs et fai- sons notre deuxième impression en nous basant uniquement sur les ter- rains. Développons; dès que les terrains sont venus, épongeons le ciel de façon à dégager l'image déjà imprimée et, par quelques coups de pinceaux, faisons les raccords entre les divers plans des terrains.

b) Deuxième exemple. L'opérateur a pris son paysage avec une jumelle mise au point à l'infini, erreur trop fréquente. Les premiers plans sont moins fermes et moins nets que les lointains et que le ciel.

Opérons comme tout à l'heure, mais en faisant notre première impression, qui porte sur le ciel et les lointains, à travers une gélatine ou une feuille de celluloïd interposée. Voici la netteté des arrière-plans atténués. Il ne reste plus qu'à imprimer en une seconde opération les premiers plans, sans interposition entre le cliché et l'épreuve.

c) Troisième exemple. Voici un portrait qui manque d'enve- loppe, le cliché est heurté ; il convient de diminuer les oppositions.

Faisons une première impression ; couche légère, nettement sous- exposée. Sous l'influence du coulage, toute l'épreuve va se griser, devenir monotone. Sur cette première épreuve monotone, faisons une deuxième impression vigoureuse et légèrement surexposée. Le pro- blème est résolu.

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d) Quatrième exemple. Voici, au contraire, un cliché monotone qui va donner une épreuve sans accents.

Imprimons une première fois ; ne touchons pas aux régions, aux parties de Tépreuve que nous voulons monter de ton, nettoyons au pinceau le reste. Puis imprimons une seconde fois, nous aurons créé, par le dessous, les oppositions qui manquaient.

On pourrait prolonger cette énumération sans arriver à épuiser tous les cas d'espèce dans lesquels une double impression serait utile. Pour le moment, retenons ceci : à savoir que le gommiste aura souvent tort de jeter une épreuve qui lui paraît manquée. Mieux vaut la tra- vailler en la considérant comme un dessous et en cherchant ce qu'il y a lieu de taire pour que ce dessous remplisse un rôle utile.

2" Impression en double ton. Nous avons considéré jusqu'ici uniquement l'impression ton sur ton. On peut arriver à certains effets agréables en composant les deux couches non plus de la même couleur, mais de deux couleurs voisines : imprimer en noir sur dessous bistre, en bistre sur dessous rouge, en rouge sur dessous jaune, la couleur la moins corsée et la plus chantante étant réservée à la première impres- sion. Il est difficile de donner ici des règles précises, le nombre des combinaisons de nuances voisines étant infini.

Naturellement, pour que l'épreuve ait un double ton, il faut rejeter le développement automatique et dépouiller localement les deux épreuves en faisant de larges sélections au pinceau. Si l'on s'est trompé, si l'épreuve manque d'harmonie, on en sera quitte pour imprimer une troisième fois en donnant à cette troisième couche un ton intermé- diaire.

Ces indications peuvent paraître insuffisantes et imprécises ; mais que dire ? Nous ne cherchons pas ici à rendre le sujet en couleurs réelles, mais simplement à marier des tons voisins, à moduler dans une gamme très étroite, de façon à donner à l'épreuve un aspect plai- sant à l'œil. Ces combinaisons sont proprement arbitraires.

Nous reviendrons tout à l'heure sur ce sujet.

" EFFET DE CONTRE-JOUR PAR R. DEMACHY

Pl. XXXI, Gomme.

coua£ diC*^^^^ ^z/fCAÀiKC*^ <Zof%f\£j^r ^o^lÊnC^ <:Cie>|^t>«^«.tCG-

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Impression en couleurs. Au lieu d'employer deux ou trois couleurs voisines, on peut composer les couches de couleurs diverses ; user, par exemple, des trois couleurs types : le jaune, le rouge, le bleu, imprimer sous le même cliché et faire, à chaque impression, par le moyen du pinceau, des sélections analogues à celles que le photochro- miste obtient automatiquement par le moyen de trois clichés. On con- çoit que, par là, il soit possible de faire des épreuves donnant la sen- sation soit d'un crayon rehaussé, soit d'une estampe encrée à la poupée.

Ceci dit, reprenons les questions au point de vue pratique.

Repérage. Le premier problème qui se pose est celui du repé- rage. Si le papier était inextensible, l'opération serait aisée. Mais une feuille de papier de force moyenne, fortement encollée, même après un passage à l'eau suivi d'un tannage à l'alun ou au formol, travaille encore et se rétrécit après la première impression à la gomme. S'il s'agit d'une étude de tête ou d'un personnage placé dans un milieu peu compliqué, ce rétrécissement n'a pas beaucoup d'inconvénient. Dans ce cas, voici comment on peut opérer.

Après la première impression, et avant de passer la seconde couche pigmentaire, placer l'épreuve contre la vitre d'une fenêtre, puis le cli- ché par-dessus et, par transparence, faire exactement coïncider les yeux, la bouche, les narines. On juge facilement de la position cette coïn- cidence est réalisée, car l'ensemble, cliché et épreuve, donne alors en cette région la sensation du gris sans détails. A ce moment, maintenant fortement l'adhérence de la main gauche, pratiquer sur le papier, de la main droite armée d'un canif, une incision de i ou 2 centimètres au milieu de chacun des quatre côtés, en suivant le bord du cliché qui sert, pour ainsi dire, de règle.

La seconde couche posée, abandonnant tout châssis, prendre une planche à dessin et placer sur cette planche deux ou trois épaisseurs de papier buvard, par-dessus le papier à la gomme et enfin le cliché; faire coïncider exactement les quatre côtés du cliché et les quatre encoches du papier, puis poser enfin sur le tout une glace lourde.

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LES PROCÉDÉS D'xVRT EN PHOTOGRAPHIE

Si le sujet exige que le papier reste toujours égal à lui-même (cas du paysage il faut absolument éviter le doublement des branches des arbres et des herbes), il est nécessaire d'opérer autrement et d'assurer un repérage total et parfait. Pour cela, un moyen consiste à fixer le papier blanc, par l'intermédiaire d'un adhésif ou d'une feuille mince de gutta-percha, sur une ardoise ou sur une plaque de verre. Le châssis doit être abandonné. Quand on a posé la première couche pigmentaire, on place le cliché sur le papier et l'on pratique quatre incisions comme tout à l'heure. Pour plus de sûreté, au moyen d'un tire-ligne chargé d'encre de Chine (encre de Chine liquide vendue en bouteilles et inso- luble à l'eau), on trace un trait tout autour du cliché : ces incisions et ces traits servent dès lors aux repérages successifs.

Il semble que, le papier étant ainsi fixé, l'épreuve se dépouille moins correctement, et l'on peut attribuer ce fait à ce que le papier ne subit pas l'action de l'eau à sa face postérieure. Aussi la méthode sui- vante semble-t-elle plus recommandable.

Prendre une plaque de zinc bien rigide, d'un format un peu supé- rieur à celui du cliché à imprimer. Couper la feuille de papier dans une dimension supérieure de plusieurs centimètres à la dimension de la plaque de zinc; faire tremper le papier dans l'eau pendant une demi- heure ; puis l'étendre, le bon côté en dessous, sur une surface bien plane ; poser dessus la plaque de zinc, inciser diagonalement le papier au ras des quatre angles de la plaque ; rabattre les quatre côtés du papier et les coller au dos de la plaque avec une colle ainsi composée :

Laisser sécher. Une fois sec, le papier sera tendu comme une peau de tambour et ne bougera plus pendant les impressions successives.

Pratique des impressions successives. = Remarques géné=

raies. Dans les dépouillements successifs, il importe au plus haut point de ne pas abîmer la surface du papier support- Il faudra donc

Arrow-root ou amidon

Solution d'alun de chrome à 2 1/2 0/0 Eau

60 ce.

10 ce.

5 gr. .

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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que, notamment, lors de la première impression, le dépouillement de l'image se fasse sans violence, sans intervention d'instruments trop énergiques, sans recours à l'eau bouillante, au bisulfite ou au carbo- nate. De l'eau froide ou légèrement tiède pour le dépouillement géné- ral, un pinceau doux pour les sélections locales devront suffire. C'est dire que la première couche devra être très exactement impressionnée.

La seconde couche et les couches suivantes s'étalent non plus sur le papier, mais sur une sorte de pellicule lisse constituée par la pre- mière image. Sur ce support lisse la couleur tend à glisser et à suivre le pinceau de couchage.

Les couches postérieures à la première seront donc, en général, très fines. Ceci est plutôt un avantage, car le procédé implique des couches fines et transparentes.

Lors du dépouillement d'une couche postérieure à la première, on constatera que cette couche n'adhère que très légèrement au support. Ici, en effet, la surface du support est lisse, sans porosité ; la matière pigmentaire n'est plus retenue comme elle le serait par un papier grenu et toujours un peu poreux. De résulte la nécessité de dépouiller ces couches successives avec une grande délicatesse. L'abaissement des tons se fera aisément sous l'attaque légère d'un pinceau doux, et le coup d'éponge dégagera sans peine l'image subjacente.

Avant de travailler localement les couches postérieures, il con- viendra ici de laisser s'opérer pendant longtemps le dépouillement automatique par flottement. Il faut, en effet, attendre que la couche nouvelle se soit entièrement gonflée et que, partiellement dépouillée, elle laisse transparaître l'image de dessous. Sans cela on travaillerait à l'aveuglette.

Ce manque d'adhérence des couches présente un avantage, à savoir que, même en cas de surexposition notable, il sera toujours possible, après un long séjour dans l'eau, d'enlever à l'éponge la couche rebelle et de recommencer l'impression manquée; mais, au bout d'un certain nombre d'impressions, le support devient tellement lisse que la couche nouvelle se dépouille irrégulièrement, s'en va par écailles. Ceci limite

98 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

le nombre des impressions successives, qui ne peut guère dépasser cinq.

Voici maintenant quelques observations relatives à la composition des couches :

Impression ton sur ton. La force relative des couches en gomme et en couleur dépendra des cas d'espèce.

Dans le premier exemple cité plus haut, page gS, celle des couches qui servira à l'impression du ciel pourra être peu chargée en couleur, et la quantité de gomme sera légèrement diminuée. La couche destinée à rimpression des terrains sera constituée normalement, riche en cou- leur et en gomme.

La double impression a-t-elle pour but principal d'augmenter la puissance du ton? Ce serait, par exemple, le cas d'une double impres- sion en sépia ou en bistre. On sait qu'il est très aléatoire d'essayer d'obtenir une image vigoureuse dans ces tons-là, si l'on se borne à l'impression unique. On composera ici les deux couches de façon pa- reille, en évitant de les charger en couleur et de les impressionner trop fortement.

Il suffira de raisonner un peu pour décider, dans les cas divers, de la composition rationnelle de la couche.

Impression en double ton. De même en ce qui concerne rimpression en double ton dont nous avons défini plus haut le carac- tère. En général, on fera bien de composer la première couche de façon normale, en diminuant un peu la proportion de gomme. Dans la se- conde on diminuera légèrement la proportion de couleur, de façon à assurer à cette couche des qualités de finesse et de transparence.

Impression en plusieurs couleurs. Ici les images sous- jacentes ne pourront jouer leur rôle et produire la multiplicité des nuances que grâce à la transparence des couches qui les recouvriront, 11 est donc rationnel de poser en directive générale que l'épaisseur des

" BROUILLAi< PAR C. PUYO

Pl.. XXXII. l'a

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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couches et leur coloration devront aller en diminuant. La première impression, devant être vigoureuse, sera faite avec une couche nor- male chargée de couleurs couvrantes ; pour les autres, on s'attachera à les créer fines, composées de couleurs franches et transparentes; on recherchera aussi les nuances éclatantes, le procédé tendant à les assour- dir et à les attrister.

Voici une méthode, entre plusieurs, que l'on peut suivre dans l'im- pression d'une tête.

Le premier monochrome serait rouge. Ce rouge, transparaissant au travers des bleus et des jaunes, a pour mission principale de fournir le ton chair. Composer une couche normale, vigoureuse, avec du rouge de Venise et du brun rouge, et essayer d'avoir une exposition juste. Quand l'image sera à peu près développée par flottement, faire les sélections : laisser l'image intacte dans les chairs, dans les endroits l'on voudra plus tard du noir, dans les endroits Ton voudra plus tard du rouge pur. Baisser ou supprimer les tons partout ailleurs ; les baisser au pinceau dans les cheveux, dans les ombres du vêtement, les supprimer totalement à l'éponge dans d'autres régions.

Le support ainsi constitué par la première image n'est plus un sup- port homogène; certaines régions sont couvertes par l'enduit gommeux, d'autres, au contraire, sont constituées par le papier nettoyé ou vierge. Sur ces dernières la couche nouvelle, que nous allons maintenant appli- quer, tendra à s'accrocher davantage que sur les régions lisses et ver- nies par la gomme. Or, les régions vierges correspondent aux blancs de l'épreuve, c'est-à-dire aux lumières. Quelle est la couleur de la lumière ? C'est le jaune. En choisissant la couleur jaune pour la seconde couche, nous assurerons donc plus facilement le maintien du jaune dans les clairs.

Il faudra un jaune transparent ayant de l'éclat; on le prendra dans la série des cadmiums. Ne pas trop charger la couche en couleur; exposer, dépouiller par flottement et sélectionner au pinceau, comme tout à l'heure; en se laissant guider; par quoi? par son goût, par les circonstances, par l'image intérieure que l'on porte en soi, un peu confuse encore... Et en invoquant le dieu Hasard.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

La troisième couche pourra être neutre. Elle aura pour but d'achever de couvrir partout le papier, de créer des transitions et de préparer Faction finale et décisive du bleu. Suivant les cas, suivant les indications fournies par les deux premières impressions, ce neutre pourra tendre vers les bistres ou vers les gris-bleu ; le gris de Paine, la terre de Sienne, brûlée ou naturelle, le bistre pourront le fournir en se combinant.

Après cette troisième impression, terminée par les interventions habituelles, Fimage devra se présenter à peu près homogène et com- plète en tant que valeurs. Cette image cependant, au point de vue cou- leurs, n'est encore qu'une sorte d'arlequin.

Il s'agit de la regarder longuement, de l'analyser attentivement afin de déterminer par la pensée la nuance du bleu qui va établir l'har- monie entre ces tons disparates et assurer la justesse de l'accord.

Devra-t-on prendre un bleu franc ou le nuancer ? Dans ce cas, faut-il tendre vers le bleu-vert, ou le bleu-violet, ou le bleu-gris? Ques- tion angoissante, que l'on résout par un coup d'état de la volonté.

Cette couche suprême, fine et composée de bleu, sera traversée très vite par la lumière ; la durée d'exposition devra rester souvent au- dessous d'un degré Artigue. Avant d'intervenir, on laissera le dépouil- lement s'effectuer par flottement. Quelque temps avant qu'il ne soit terminé, on placera l'épreuve sur la plaque d'ébonite et on l'attaquera au pinceau. C'est le moment intéressant et qui vous paye, parfois, du long travail effectué jusque-là. Si la nuance de bleu a été bien choisie, l'épreuve, en effet, apparaîtra comme transformée, les tons qui, avant cette dernière impression, se battaient entre eux, s'accordent maintenant et vivent en bons voisins. Il ne reste plus qu'à crever loca- lement ce voile coloré superficiel l'on veut faire réapparaître la couleur sous-jacente, et si l'exposition a été normale, chaque coup de pinceau sera décisif, dégageant d'un coup le rouge les lèvres ou les lumières bistrées des cheveux.

Ne cachons point que les impressions multiples du genre que nous venons de décrire constituent un travail délicat et, quelque habileté

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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que puisse avoir l'opérateur, fort aléatoire. Ce n'est donc pas besogne de débutant. Il faut s'attendre à ce que nombre d'épreuves restent en route, abandonnées à la deuxième ou à la troisième impression ; aussi fera-t-on bien de mener de front plusieurs épreuves.

Ce serait, d'ailleurs, une erreur grave que de demander au procédé ce qu'il ne peut donner : les couleurs vraies de la nature. Le nombre des nuances résultant de quatre impressions est trop limité pour cela ; et puis qu'est-ce, en ces matières, que les couleurs vraies ? Le seul des- sein que l'on puisse ici poursuivre est de créer une harmonie, un « arrangement », suivant l'expression de Whistler, constituant à la fois une simplification et une transposition du réel.

Voici, à titre d'exemple, comment a été obtenue l'épreuve colorée ci-jointe (planche xxxiii).

La première couche, composée de rouge de Venise et de brun rouge, a été laissée intacte dans les chairs, baissée dans les cheveux, supprimée partout ailleurs.

La seconde, destinée à donner les cheveux, a été faite d'un bistre tirant vers le jaune, avec, pour dominante, la Sienne naturelle. Laissée intacte dans les cheveux, elle a été enlevée à l'éponge sur les chairs et baissée fortement, quasi enlevée au pinceau, partout ailleurs.

La troisième couche a été composée de bleu de cobalt, légèrement grisé avec un peu de gris de Paine et une pointe de Sienne brûlée. Elle a, combinée au rouge sous-jacent qu'elle laisse transparaître, créé le ton des chairs. Modelée au pinceau, elle a fourni le bonnet et le fichu. Le pinceau également, promené sur les cheveux, a fait réappa- raître les bistres dans les parties claires, laissant des traînées de bleu dans les ombres. Le fond a été nettoyé.

Pour mettre en valeur l'accord obtenu par les trois premières impressions, on a jugé que la coloration jaune du fond serait favorable. Cette couche jaune cadmium a été enlevée partout, sauf dans le fond.

On aurait pu obtenir le même résultat et s'éviter la peine d'une quatrième couche qui, en somme, ne devait fournir qu'une teinte plate, en employant, pour créer cette teinte plate, un pastel dur.

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Les pastels durs, que Ton trouve chez tous les marchands de cou- leurs, donnent, en effet, une matière identique à celle de Timpression colorée à la gomme, et Ton peut opérer de la façon suivante dans les retouches ou raccords que l'on désire effectuer :

Commencer, par des hachures régulières et légères de pastel, à couvrir la région que Ton veut teindre. Ecraser ensuite ces hachures et les fondre en ton plat au moyen d'un tortillon de papier. Plonger alors l'épreuve dans l'eau ; le pastel retenu par adhérence ne s'en va que sous l'attaque d'un pinceau. Avec ce pinceau on enlève donc tota- lement ou partiellement la couche de pastel, il convient. Après quoi laisser sécher l'épreuve. La gomme gonflée par Teau happe, en séchant, les grains du pastel et les fixe définitivement sur le papier.

Observons que cette façon d'agir n'a rien que de légitime si elle est discrète et ne dépasse pas les limites admises pour la retouche. D'ail- leurs, une telle intervention doit être invisible sous peine d'être mala- droite. Cette considération est suffisante pour tempérer l'audace de l'artiste et lui conseiller la prudence.

PROFIL EN QUATRE COULEURS PAR C. PUYO

Pl. XXXIII. Gomme.

LES

PAPIERS PRÉPARÉS

DU COMMERCE

ET LES

PROCÉDÉS OZOTYPES

GÉNÉRALITÉS

OMME nous l'avons dit, dans les papiers à dépouillement du commerce, le médium est constitué soit par de la gélatine pure, soit par de la gélatine alliée en proportion variable avec d'autres colloïdes, tels que la gomme; leur composition est d'ailleurs tenue secrète.

Ils diffèrent du papier à la gomme non seulement par le mode de traitement et par l'aspect de l'image fournie, mais surtout par ce fait qu'ils ne donnent pas de coulés.

Pour tous, le dépouillement s'effectue de la même manière, par la double action d'un bain d'eau, porté à une température qui peut varier de 25 degrés à 32 degrés centigrades, et d'un agent de frottement doux : la sciure de bois diluée. Les variations apportées au temps d'exposi- tion changent l'aspect de l'image : l'exposition est-elle trop courte, rimage sera grise et les oppositions seront diminuées; une exposition trop longue produira Teffet inverse.

Tous se prêtent, plus ou moins aisément, à Faction locale du pin-

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

ceau, ce qui facilite les accents, les raccords et, en général, toutes les retouches portant sur des surfaces de peu d'étendue; les grandes réserves étant demandées à la direction, intelligente et raisonnée, des nappes d'eau chargées de sciure.

L'addition à la gélatine de colloïdes divers assure au papier plus dÇa^Co(XloJto f^^i-^de rusticité ; les papiers la gélatine est seule, exigent dans leur trai- tement plus de délicatesse et une plus grande précision. Qvm>>tô-^HjU^cw)Jtv^ Cette précision doit porter sur deux points essentiels : l'exposition

ji^f^^t^xj^ , cu^^Mm J^KiA^' sous châssis, la température du bain chaud. Une exposition juste, une

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température exacte sont, au point de vue technique, les conditions suffisantes mais nécessaires du succès. De l'importance d'un photo- mètre que l'on connaisse bien, d'un thermomètre vérifié.

Le photomètre le plus précis est, comme nous l'avons dit, le pho- tomètre Artigue. L'unité de mesure qu'il donne, le degré Artigue, devra même souvent être fractionné à la montre. Pour certains papiers très rapides, tels les papiers bleus ou violets, une variation d'un demi-degré a une grande influence. Sous des clichés légers, divers papiers bleus s'impressionnent en moins de un degré, soit en trois ou quatre minutes à l'ombre, au mois de juin. Quand le degré est très court, c'est-à-dire en été, on pourra se donner plus de latitude en sensibilisant les feuilles dans des bains contenant i o/o ou o,5 o/o de bichromate de potasse au lieu de 2 0/0.

Il semble que la sensibilisation au bichromate de potasse soit préfé- rable à celle au bichromate d'ammoniaque, du moins si les clichés à impressionner sont normaux ou légers. La sensibilisation au bichromate d'ammoniaque tendrait à fournir des épreuves grises et pourrait être réservée aux clichés durs, à oppositions exagérées.

Pour notre étude, nous allons diviser ces papiers en deux catégories. Cette division n'est pas arbitraire. Dans la première, nous rangeons ceux dans lesquels la gélatine est employée seule ou semble entrer en assez grande proportion. Pour ceux-ci, la sensibilisation se fait par

^s^^ cpt*^. <-€»*.*çrt««lt^i sjjj^pie immersion et le développement s'effectue par l'action de l'eau à

une température déterminée et par le frottement de la sciure de bois.

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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Les papiers de la seconde catégorie se sensibilisent dans des solutions alcoolisées et paraissent exiger, pour leur dépouillement, Taddition du carbonate de potasse à Teau chaude, dans les bains à température élevée; nous disons que cette addition de carbonate paraît être exigée : elle l'est parles instructions. L'est-elle en réalité? et cette intervention du carbo- nate de potasse ne constitue-t-elle pas un danger pour la beauté de la matière? C'est un point que nous examinerons plus tard.

En tous cas, les papiers de la première catégorie surpassent nette- ment ceux de la seconde par la vigueur de la matière qu'ils fournissent, et la gamme des tons est, chez eux, beaucoup plus étendue du côté du noir.

Leur fabrication est aujourd'hui très régulière et ils sont, par suite, d'un maniement aisé et sûr. Aussi ne s'explique-t-on pas la crainte qu'ils paraissent inspirer encore à nombre de photographes. Il est cependant plus facile d'obtenir une image correcte sur papier Artigue ou Fresson que sur un papier au bromure, lequel ne permet en aucune manière le traitement raisonné de l'épreuve et offre, en outre, une matière d'une qualité plus que médiocre.

«Ho,

PAPIERS A LA GÉLATINE

PAPIERS ARTIGUE, FRESSON a LEURS DÉRIVÉS

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OUS rangerons dans cette catégorie, par ordre de date, les papiers Artigiic, les papiers Fresson^ et deux papiers récents dérivés des seconds : le papier B. F. rapide et le papier dit « l'Artistique ».

Les papiers charbons-velours Artigue existent depuis bien des années. Tout le monde connaît la matière délicate et belle qu'ils donnent, non seulement dans les tons noirs, mais même dans certaines teintes difficiles à obtenir plaisantes, comme les bistres. Le grain pro- duit est très fin et le modelé des images absolument complet.

Les papiers Fresson possèdent des qualités de même ordre ; ils se font sur divers supports et en des teintes très variées.

Le papier B. F. rapide ressemble aux précédents; il possède un grain agréable et de très beaux noirs.

La surface de tous les papiers susnommés est d'un certain luisant, même dans les blancs la gélatine subsiste. Dans le papier « l'Artis- tique », le but poursuivi a été de rendre les blancs mats et les noirs

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

très veloutés. Ce but a été atteint par Taddition à la gélatine de cer- tains colloïdes, et, grâce à la composition de la couche, très chargée en pigment, l'étendue de la gamme des noirs se trouve encore augmentée ; réclat des blancs, Tintensité et la puissance des noirs fournis par ce papier sont extrêmement remarquables.

La marche à suivre au cours du traitement de tous ces procédés est la même ; nous allons l'exposer en insistant sur certains points et en renvoyant, pour le surplus, aux instructions particulières contenues dans les pochettes.

Sensibilisation. Elle se fait en principe par trempage dans une solution de bichromate de potasse à 2 0/0; celle-ci doit être fraîche. En faisant varier la force du bain en bichromate on fait varier la sensibilité du papier. Un bain étendu, dont la teneur en bichromate est abaissée à I 0 0 ou à 0,5 0/0, donne donc plus de latitude pour l'évaluation de la durée d'exposition, mais ne semble pas modifier sensiblement le caractère de l'image.

Une précaution très utile pour certains papiers, moins nécessaire pour d'autres, consiste à plonger le papier dans l'eau pure ou à le passer sous le robinet, avant de le soumettre au bain sensibilisateur. Ceci évite la production des bulles et assure une sensibilisation régulière.

Le séchage dans le cabinet noir est assez long. Si l'on est pressé, ou encore si, en été, on ne dispose pas d'eau fraîche, on pourrait avoir recours à la sensibilisation par Falcool, Mais le bichromate de potasse étant peu soluble dans l'alcool, la solution sensibilisatrice sera composée en tout ou partie de bichromate d'ammoniaque.

Faire une solution mère à 6 0/0, soit : eau i.ooo, bichromate d'ammoniaque 60 grammes. Ou mieux, pour avoir plus de fermeté : eau Kooo, bichromate d'ammoniaque 3o grammes, bichromate de potasse 3o grammes, comme Ta indiqué M, Briand, Mélanger une partie de cette solution à deux parties d'alcool à 90 degrés. Ce mélange s'applique au pinceau.

Placer la feuille, couche en dessus, sur un support incliné et poreux,

I 10

LES PROCÉDÉS O'ART EN PHOTOGRAPHIE

JLa^^A c^^-t'-^'**^ ^^^^ papier buvard, pour empêcher la solution de se glisser sous la feuille ; .A ^ t. . r plonger un pinceau dans la solution alcoolisée et le passer doucement

sans arrêt sur la surface. Pour le papier Artigue, il faut opérer d'un seul , . , o coup, par suite le pinceau doit être de la largeur de la feuille. On peut

§ s^'^^œ- ^^"^P^^^^'" pinceau par une bande de feutre ou de coton, serrée entre

deux lames de carton ou de zinc.

Séchage. Le séchage s'effectue dans le cabinet noir Ton sus- <;jv ' pend la feuille par un angle, en faisant adhérer à l'angle opposé un frag-

^ » ment de papier buvard ou de papier à cigarettes. Cette opération doit

précéder de peu l'exposition sous châssis, le papier fraîchement sensi- bilisé se dépouillant plus aisément.

Exposition sous Châssis. La durée d'exposition, mesurée au ^c*.t>vALD<ta«>.^'u)wo photomètre, dépend naturellement, pour un papier donné, de l'intensité

du cliché et du degré de sensibilisation ; mais elle dépend aussi, pour le même papier, de la couleur du pigment et de l'effet que l'on veut obtenir. Si on prend comme unité le temps d exposition correspondant au o»vA(«7&i <^ûyc.x pigment, on multipliera, en général, cette durée par 2 : 3 si le pigment

= est bleu ou violet, par 3 : 2 s'il est bistre ou brun, par 2 ou 3 s'il est

^ de couleur sanguine.

Les variations de la durée d'exposition agissent d'une façon nette sur les valeurs générales de l'épreuve et aussi sur sa beauté.

La sous-exposition produit des images plus monotones, mais qui b ^A^^^cîi/vcK^eovHe seront souvent fort agréables. Il est à remarquer que seuls les papiers *o e^jbtX ^ dépouillement peuvent fournir des images à la fois légères et d'une

. jolie matière. Les papiers à impression directe ou à développement

'^ç^ ne permettent pas, en effet, de tenir le motif dans la gamme des gris ;

'd*tcei*'Y^'«^ leurs gris sont tristes et ne peuvent se comparer aux gris perlés des

papiers à dépouillement, qui possèdent de l'éclat et de la fraîcheur. Jl k' 0«»^tA^2ij^c»^'^ sous-exposition paraît moins à craindre ici que la surexposi-

uz\{îM' tion. Une épreuve surexposée risque fort d'être heurtée et aura, sans

"«^ doute, une matière inférieure parce que trop fortement raclée par

"TÊTE D'ÉTUDE" PAR C. PUYO

Pl. XXXV. Papier l'Artistique.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

1 1 I

l'agent de dépouillement. De plus, sur une telle épreuve, Faction du pinceau sera peu aisée, condamnée à être brutale pour être efficace.

Ainsi que nous le disions plus haut, on ne saurait apporter trop de soin dans la recherche d'une exposition juste.

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Dépouillement. La gélatine est personne sensible; à la brusquer on s'attire le châtiment immédiat d'un échec. Il faut lui laisser le temps de se gonfler progressivement en absorbant Feau et de distendre pro- gressivement les mailles du filet qui emprisonnent les grains de la matière pigmentaire. Donc Tamollir d'abord par un trempage dans une cuvette d'eau froide elle abandonnera le bichromate, puis la soumettre à l'action du bain chaud. Pour cela deux méthodes : on peut plonger la feuille face en dessus dans une cuvette contenant de l'eau à la tempé- rature voulue ; on peut, la feuille étant pendue à une réglette ou placée sur une plaque d'ébonite, faire courir de Teau chaude à sa surface. Les deux méthodes semblent équivalentes.

Si Ton est pressé ou, encore, si on opère devant un public qu'on veuille éblouir, il est assez aisé d'effectuer le dépouillement en deux ou trois minutes, après une demi-douzaine d'arrosages à la sciure. Pour cela il suffit d'user d'un bain à la température extrême indiquée par l'instruction et d'y laisser l'épreuve assez longtemps, jusqu'à ce que l'image positive apparaisse nettement. Mais à opérer ainsi on risque des arrachements malencontreux dans les clairs de l'épreuve.

Mieux vaut user d'un bain à la température inférieure indiquée par l'instruction, l'y laisser peu de temps, lui faire subir un premier arrosage à la sciure, puis à nouveau un court passage dans l'eau chaude, puis un arrosage ; on continue ainsi en augmentant la température du bain de façon progressive, si cela est nécessaire, mais sans dépasser la limite supérieure fixée, jusqu'à ce que la gélatine cède à vos sollicita- tions discrètes et répétées. On s'aperçoit qu'elle cède : d'abord, à l'ac- tion produite par la sciure ; ensuite parce que la surface de la gélatine apparaît comme nacrée. A ce moment on prolonge l'action de la sciure et l'on rend moins fréquents les passages au bain chaud.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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Dès que le dépouillement a été suffisant pour dégager l'image, on peut, par son aspect, par la comparaison entre les ombres et les clairs, juger si l'exposition a été normale, insuffisante ou exagérée. On peut, d'autre part, prendre des décisions sur la manière d'opérer le dépouil- lement local.

L'épreuve est sous-exposée si les ombres se dépouillent plus vite que les clairs ; surexposée dans le cas contraire. On trouvera dans les instructions la façon d'atténuer de façon appréciable les conséquences de ces erreurs, quand celles-ci ne sont pas trop considérables.

Il faut pour cela jouer, avec précision, de la température du bain, car celle-ci ne saurait varier que dans des limites assez étroites. Un bain trop élevé de i ou 2 degrés, un séjour trop long de l'épreuve dans ce bain précipitent le dépouillement, mais amènent presque à coup sûr l'arrachement des tons voisins du blanc. Un bain à température trop basse, qui ne ramollit pas suffisamment la gélatine et conduit par suite à prolonger outre mesure Faction de frottement de la sciure, risque de produire une image grenue. Il faut donc être sûr de son thermomètre.

Que d'insuccès sont dus à la simple négligence de l'opérateur qui trop souvent, dans cette question capitale de la température, se con- tente d'un à peu près!

Dépouillement local. Le dépouillement local doit évidemment être un dépouillement raisonné. Le tirage préalable sur un papier quel- conque, à l'albumine, au citrate, au bromure, ou, ce qui suffit à un œil exercé, la seule inspection des détails du négatif, ont indiqué à l'opé- rateur les régions il convient de modifier les valeurs.

Trois modes, successivement employés, permettent de localiser l'action d'une façon de plus en plus serrée, sur des surfaces de plus en plus restreintes : la nappe de sciure, le choc du jet de sciure, le pinceau.

La nappe de sciure ne peut agir localement que sur de grandes surfaces. L'opérateur tient fermement la plaque de zinc ou d'ébonite dans la main gauche, le pouce de cette main fixant l'épreuve sur la

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE Il3

plaque et l'empêchant de glisser ; la main droite tient la cafetière ver- " n

seuse ou, ce qui vaut mieux, une simple casserole munie d'un bec. Il *^aJ^s£^ du

verse alors le contenu du récipient, soit sur la marge de Tépreuve, soit ,

sur un endroit de Tépreuve judicieusement choisi à cause de sa résis- ^^ajdlc u^^oÂ

tance, ainsi sur les cheveux d'une figure, sur les terrains d'un paysage. H

Il a soin seulement de tenir la verseuse très près de la surface de ««^nie*^ ^^AS^^u^

l'image, de façon que le choc produit soit insensible. La main gauche éjuic^iJ^ .

incline en même temps la plaque support, de façon que la nappe, en

s'écoulant suivant la direction de la plus grande pente, épargne les

régions que Ton veut réserver. «««t*- v, -tV'v».'^:

Dès que les régions attaquées ont pris une avance au dépouille- ment légèrement exagérée, un passage rapide dans le bain chaud, suivi ^ d'un arrosage général, rétablit l'harmonie dans l'ensemble des valeurs. ^J»^<t»^ ^ii»»-<a^;7

L'emploi du choc, s'il est nécessaire, doit accompagner l'emploi <i^â^ de la nappe et non le suivre. Il ne faut pas attendre pour donner aux b^;7ty%^&tiSZo%^^ parties que l'on veut dépouiller davantage une avance au dépouille- ment et l'attaque locale doit commencer dès que l'image est sufïisam- i^w-^^fe-^tv» ment dégagée pour qu'on y voie clair. De cette façon on se ménage la possibilité de faire suivre chaque action locale d'un arrosage général et de conduire ainsi l'opération du dépouillement d'une façon progressive et sûre sur toute la surface de l'épreuve, en assurant à tout moment la justesse dans les relations des valeurs.

Pour produire un choc, tenir fermement la plaque support de la ^t«^ JLr^Ls^t? J main gauche; de la main droite amener le bec de la verseuse à i ou "jS /^v -

2 centimètres au-dessus de l'endroit à dépouiller, commencer à verser doucement, puis, dès que Ton est maître du jet, que celui-ci devient régulier, élever progressivement le bec de la verseuse.

Le choc est un moyen dont il faut se garder d'abuser; il tend en W)a?i4,.i.»^ «a^A effet, dans la région frappée, à égaliser les valeurs, à faire disparaître QAck^ les accents. Par exemple, à vouloir éclaircir une figure par le choc, t^s^xsjrcJf^^^ vous risquez de trop baisser la valeur de l'œil, d'anémier le trait qui dessine l'arc des lèvres et qui doit demeurer ferme. L'emploi du choc est mieux indiqué sur le fond d'un portrait, sur les cheveux, ou

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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t.

encore, dans un paysage, sur les lointains : dans toute région, en un mot, Ton veut baisser et en même temps uniformiser les valeurs.

L'action du pinceau est beaucoup plus précise et n'offre aucun danger si Ton se borne à l'appliquer à des surfaces peu étendues. On réserve donc au pinceau les accents clairs et les raccords. Ceci s'effec- tuera un peu avant la fin du dépouillement, au moment l'on pos- sède encore la réserve de quelques arrosages généraux dont l'emploi peut corriger les erreurs et les accidents dus au pinceau. Pour que celui-ci soit à même d'agir avec délicatesse, car sa brutalité salirait la matière pigmentaire, il faut que cette matière soit docile; elle le sera si l'exposition sous châssis a été normale. Il convient aussi de se garder d'employer le pinceau sec, sauf pour les petits accents; un mince ma- telas d'eau couvrant l'épreuve fera le travail plus sûr et plus régulier.

Montrons par quelques exemples ce qu'on peut attendre de l'emploi de ces trois agents : nappe de sciure, choc, pinceau.

Les deux images de la planche xxxvi sont issues d'un même cliché

qui n'a subi aucun maqu Ce cliché donne normalement une fiaure

,X>^i^^U\3i^ -'^^^^^ XTionotono, d'édairag^e, sur fond uni d'un ton moyen; les mains ont

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même valeur que le yhage. Pour obtenir l'effet contrasté de la première épreuve, il fallait ménager, au cours du dépouillement, la moitié de droite du fond, le vêtement et les mains. L'épreuve a été, tout d'abord, largement exposée en vue d'augmenter les oppositions. Puis, dès le commencement du dépouillement, on a donné une avance notable au visage et au fond de gauche, en versant, sans choc, sur la figure, des nappes s'écoulant par l'angle supérieur gauche. Le dépouillement a été poursuivi dans cet ordre d'idées. Avant qu'il fût terminé, en vue d'augmenter les contrastes du visage, le choc a été employé sur le front, la joue éclairée, les épaules. Enfin, le pinceau est intervenu pour faire les raccords, notamment entre les cheveux et le fond, et pour placer un rappel de lumière sur les mains.

Pour obtenir l'effet de la seconde image, il fallait recourir à la sous-exposition : afin d'avoir une figure monotone; afin d'obtenir une matière peu ferme et obéissant bien au pinceau. L'épreuve, sortie

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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du châssis, a en outre ete légèrement vouée au jour, durant une minute environ, pour mieux assurer la monotonie du visage. Cela fait, au cours du dépouillement, le choc a été continuellement employé pour baisser le fond; cet abaissement du fond a été paracfi^^ par des touches franches du pinceau. Enfin, quelques touches du pinceau ont placé sur la figure des reflets discrets concordant avec l'éclairage à contre-jour.

Ces méthodes permettent très aisément, dans les paysages avec ou sans figures, de ^ote? les divers plans des valeurs respectives jugées convenables et de confirmer par la perspective aérienne. Ainsi, sur le cliché du Vieux Berger^ planche n^ xxxiv, tout le terrain est de même valeur. Mais il a été facile, au cours du dépouillement, de laisser au premier plan une grande fermeté, de baisser par choc les arrière-plans. Le pinceau est intervenu pour aviver les lumières, modeler le ciel, faire quelques raccords, et aussi pour effacer, à Tarrière-plan, quelques moutons noirs malencontreusement placés.

On sait que trop souvent les clichés de paysage fournissent un ciel uni, d'un ton clair uniforme. Avec les papiers à dépouillement, ménager un ciel est chose aisée; par là, on obtiendra d'abord sur répreuve un ciel légèrement teinté que Ton mouvementera sans peine au pinceau. Il faudra seulement le faire d'une façon discrète et se garder de ces ciels si magnifiques et si vigoureux dont on abuse et qui sont bien la chose du monde la plus désagréable à l'œil.

N'insistons pas sur l'examen des planches xxxn et xxxv. On voit sans peine qu'il a été possible, sur la première, d'accentuer l'effet de brouillard; sur la seconde, de créer un dégradé, de poser des accents sur la figure et de simplifier le vêtement.

La planche xxxvii. Aubade Matinale ^ nous montre ce qu'on peut obtenir par l'emploi du voile.

Si l'on ajoute un même chiffre à chacun des deux termes d'une fraction, la valeur de cette fraction se rapproche de l'unité. Pareil- lement, si vous exposez pendant quelque temps au jour une épreuve au sortir du châssis, vous ajoutez une constante à chaque ton, vous

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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diminuez donc les contrastes, les oppositions entre les tons. L'emploi d'un tel moyen n'est pas possible avec les papiers à noircissement direct ou à développement, puisque le voile supprime le blanc et les tons voisins du blanc. Mais les papiers à dépouillement permettent de rétablir les blancs il faut. L'épreuve gagne donc en douceur sans perdre en éclat.

L'emploi du voile changeant la gamme, ou plutôt la rétrécissant, vua>,Hoco»-^c^ puisqu'au lieu d'aller du noir au blanc, l'ensemble des tons va, sur une épreuve voilée, du gris au blanc, l'effet se trouve plus ou moins radicalement changé. D'un cliché de paysage ensoleillé, vous pouvez airè^clore un paysage de brouillard, donner aux figures quelque chose d'irréel. L'épreuve Aubade Matinale offre un effet gris perlé que la traduction typographique rend de façon peu fidèle. Pour l'obtenir, le papier a été exposé sous châssis pendant une durée estimée aux trois quarts de la durée d'exposition normale, puis voilé au jour pendant une durée égale au quart de cette même exposition normale. Au cours du dépouillement, les arrière-plans ont été baissés par choc; puis, à la fin, les blancs ont été rétablis sur la figure et quelques touches claires ont été placées dans les fonds.

PAPIERS A

LA GOMME

ES papiers sont intermédiaires entre le papier à la gomme proprement dit et les papiers à base de gélatine dont nous venons de parler. Ils se rapprochent du premier par l'aspect, des seconds par le mode de traitement; pas plus que ces der- niers ils ne donnent de coulés, et, s'ils sont plus rustiques qu'eux, ils ont moins d'éclat.

Les plus répandus sont : le papier Farinaud, le papier de Hôch- heimer, le papier pigmenté « Deux Épées » ; le plus récent est l'Auto- Pastel.

Leur composition nous est inconnue. Ils contiennent sans doute de la gomme, bien qu'ils soient quasi insolubles dans l'eau froide et puissent, au moins pour la plupart, être sensibilisés dans les solutions aqueuses de bichromate sans adjonction d'alcool. Contiennent-ils de la gélatine? En tout cas les bains de température élevée, supérieure à 3o degrés, ne semblent pas désorganiser leur matière.

Après ce que nous venons d'exposer touchant le traitement des

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

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papiers à base de gélatine, il reste peu de chose à ajouter sur les papiers dits à la gomme; la succession des opérations est la même.

Pour plusieurs d'entre eux, les instructions préconisent l'emploi systématique du carbonate de soude dans le bain chaud servant au dépouillement. Il est à craindre qu'il n'y ait un danger au point de vue de la beauté de la matière pigmentaire, le carbonate de soude ayant une action désorganisatrice bien connue. Cet emploi ne paraît pas d'ailleurs indispensable; l'usage d'un bain de température élevée, combiné à des arrosages de sciure claire, peut suffire, d'ordinaire, à dépouiller l'image. Celle-ci résiste bien au pinceau qui peut être utilisé franchement, avec une grande liberté, et sur d'assez grandes surfaces.

En résumé, par la simplicité de leur emploi, ces papiers, qui n'exigent point une main aussi légère que les papiers précédemment étudiés, peuvent donner de sérieuses satisfactions aux amateurs et méritent d'être travaillés par eux. Ils se prêtent aux effets légers, un peu éteints, plutôt qu'aux effets de vigueur. L'impression nous reste qu'ils n'ont pas encore atteint le degré de perfection dont ils sont sus- ceptibles et qu'ils doivent s'améliorer dans l'avenir.

"AUBADE MATINALE PAR C. PUYO

Pl. XXXVII. Papier Artigue.

^J^^^^ , Q^^U^ ^

L'OZOTYPE GÉLATINE

NTRE les deux procédés ozotype-gélatine et gomme, le pre- mier offre moins de facilités que le second au point de vue des modifications à apporter aux valeurs de l'image pendant le dépouillement. Si nous en parlons d'abord, c'est pour res- pecter l'ordre généalogique car c'est l'ozotype à la gélatine qui a donné naissance à l'autre. Tous deux sont basés sur l'insolubilisation d'une couche colloïde par le contact d'une image visible imprimée sur papier sensibilisé au bichromate. Dans le procédé gélatine ozotype, le véhicule du pigment est une couche de gélatine de consistance particulière, éten- due sur une feuille de papier qui ne lui sert que de support momentané. Dans la gomme ozotype, la couche de gomme pigmentée est appliquée directement au pinceau sur l'image dite primaire.

Le point de départ des deux procédés, l'image primaire visible sur papier bichromaté est identique. La sensibilisation du papier a lieu au pinceau ou au tampon et la Compagnie Ozotype recommande pour cet usage la solution brevetée par elle. L'impression est aussi rapide que celle du platine et l'image doit offrir les mêmes particularités qu'avec

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I2Q

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

ce procédé. Elle n'accusera donc que de |aibles détails dans les grandes

lumières sauf pour la gomme ozotype qui admet une impression plus vigoureuse. Un lavage rapide mais complet éliminera totalement le bichromate de toutes les parties non réduites, et l'épreuve une fois séchée, deviendra insensible au jour. Elle pourra conserver pendant un an et plus les propriétés latentes qui la distinguent. Pour les réveil- ler il suffit de coller intimement à la surface de l'épreuve un papier (emplâtre ozotype) recouvert d'une couche de gélatine pigmentée que nous aurons ramollie dans un bain à 12 0/000 d'une solution acide, dont voici la formule pour épreuves de négatifs moyens :

Le bain devra être entre 14 et 20 degrés centigrades; l'emplâtre n'y séjournera que de 3o à 40 secondes l'épreuve cinq à six secondes seulement le temps de la juxtaposer à l'emplâtre. Les deux feuilles collées ensemble sont enlevées du bain leur adhérence est assurée par le passage d'une raclette en caoutchouc et on les suspend par un coin. Au bout de 3o à 60 minutes selon la force du bain acide que l'on peut faire varier d'après les degrés de vigueur de l'image primaire, on plonge la double feuille dans un bain d'eau à 40 ou 46. Quelques secondes après, la gélatine de l'emplâtre sera suffisamment ramollie pour qu'on en puisse détacher le papier support. La couche pigmentée adhère maintenant à la feuille de Timage primaire.

Il ne nous reste plus qu'à dépouiller celle-ci à l'eau plus ou moins chaude tout comme dans le procédé au charbon. Mais la gélatine plus molle de l'ozotype nous permet l'emploi du pinceau ; des affusions locales de solution d'acide oxalique de différentes forces, faciliteront encore le dépouillement par frottement.

Le procédé ne comporte que très peu d'aléa, la durée de la pose pouvant seule exercer une influence fâcheuse sur la qualité de l'épreuve,

Solution de sulfate de cuivre à 20 0/0

Acide acétique cristallisable

Glycérine

Hydroquinone

100 ce.

6 5

5 gr.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

121

or il est aisé de surveiller la venue de celle-ci. Pour obtenir des résul- tats constants il suffit de se souvenir de la règle suivante commune aux procédés au platine et à l'huile : la couleur et l'intensité des noirs de rimage ne doivent jamais influencer le jugement de l'opérateur, dont l'attention ne se portera que sur les blancs. Dès que les plus faibles détails y auront fait leur apparition, quel que soit le degré d'impression du restant, l'insolation devra être arrêtée. Il se trouvera donc qu'un degré de pose correct donnera, selon que le cliché choisi aura été faible ou fort, une image aux ombres à peine indiquées ou, au contraire, très vigoureuses, tandis que dans les deux cas les blancs seront pareils.

Le résultat le plus désastreux de l'excès de pose sera l'impossibilité de détacher l'emplâtre du papier définitif. Ceci n'arrivera bien entendu que dans les cas extrêmes. Mais l'élévation progressive de la tempé- rature du bain suffira souvent à provoquer le ramollissement de la gélatine. Autrement l'épreuve sera irrémédiablement perdue.

Le manque de pose se reconnaît à des symptômes opposés, facilité exagérée de décollage, coulage presque immédiate de la couche, des- truction progressive des demi-teintes. Le remède consistera à traiter de suite l'épreuve à l'eau très fraîche. Nous procéderons ensuite au déve- loppement avec un minimum de température.

Sans doute le procédé n'offre pas les mêmes possibilités d'interven- tion que la gomme ; il est plus sûr mais moins docile ceci à cause de sa couche gélatineuse, insoluble à la température normale. Mais il en donne bien assez pour que nous l'ayons fait figurer ici.

Voici par exemple le portrait de M. Holland Day, page 122. Le fond original en était entièrement blanc ; on verra que dans le bas, à droite, la couche pigmentée n'a presque pas été dépouillée et qu'elle l'a été, un peu davantage, en haut ; le chapeau n'a guère été touché tandis que la figure a été attaquée à la solution oxalique, versée à l'endroit de la nuque, l'épreuve étant maintenue de côté dans sa largeur de sorte que le liquide s'étendant en éventail a couvert la face et mangé sur le fond, qu'il a suffisamment amolli pour qu'on puisse en réveiller la monotonie par quelques touches claires. De même au

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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

point de chute de la solution, derrière le cou, à côté du plus grand noir du motif. Dans le masque, on a pu augmenter au pinceau, par enlevés, les accents clairs trop faiblement indiqués à l'arcade sourcilière et sur l'arête du nez, et donner un peu de lumière aux cheveux et au col.

Les valeurs de ce portrait à l'ozotype ne ressemblent en rien à celles d'une épreuve à l'argent du cliché original, qui a été fait en vue de la transformation que devait subir le positif. Nous croyons que tout l'intérêt que peut avoir l'image définitive est à cette trans- formation.

Au point de vue matière, une épreuve à l'ozotype-gélatine res- semble à une épreuve au charbon avec plus de gras, plus de profon- deur dans les noirs et beaucoup moins de sécheresse. Car l'insolubi- lisation par contact estompe légèrement les contours et donne aux lignes un certain fondu. Les noirs conservent un brillant qui disparaît une fois l'épreuve mise sous verre mais qui contribue à la profondeur toute spéciale que donne le procédé dans les ombres les plus opaques.

" PORTRAIT DE MOLLAND DAY " PAR R. DEMACHY

Pl. XXXVIII. OToivne Gélatine.

LA GOMME OZOTYPE

A gomme ozotype est un dérivé de l'ozotype-gélatine. Les premières opérations de ces deux procédés sont identiques jusqu'à la pigmentation de l'image primaire. L'épreuve est alors rapidement recouverte par badigeonnage d'un mélange épais composé de dix parties d'une solution de gomme à 5o o/o et de cinq parties d'une solution acide composée comme suit :

Eau loo ce.

Sulfate de cuivre pur lo gr.

Hydroquinoiie 2 gr.

Acide sulfurique pur i ce.

On ajoute la quantité de pigment nécessaire.

Immédiatement après l'étendage, l'épreuve est suspendue dans un endroit assez humide pour retarder la dessiccation jusqu'au moment fixé. Elle est ensuite séchée à l'air libre et dépouillée soit par flotte- ment, soit par friction.

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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Voilà le résumé du procédé. Les résultats en sont assez curieux pour que nous donnions ici quelques détails pratiques sur son fonc- tionnement. Disons tout d'abord que la couche toute spéciale du papier à la gomme ozotype assure la possibilité d'un dépouillement complet au pinceau tel que ne le permet pas la gomme ordinaire et que pour obtenir la solidité nécessaire à ce genre de dépouillement, l'image primaire devra être moitié plus imprimée que celle que nous destinons à l'ozotype-gélatine. Mais le lavage en sera tout aussi abon- dant, car il est d'autant plus nécessaire que les blancs restent blancs.

Le mélange pigmenté (gomme, liqueur acide, et couleurs) sera de consistance sensiblement plus épaisse que celui dont nous nous ser- vons pour la gomme ordinaire. En somme le couchage doit toujours être plus difficile qu'à la gomme, sous peine d'accidents subséquents. En effet, nous avons reconnu dans la pratique que les couches qui s'étendaient aisément et donnaient une belle surface lisse de suite après l'épandage s'étoilaient de blanc et tendaient à former des coulées en vagues pendant la longue période d'humidité précédant le séchage à l'air libre. Ces inégalités d'épaisseur ont bien entendu un fâcheux effet sur le dépouillement de l'image. Il faut donc que la couche soit de consistance assez ferme pour ne pas changer d'état pendant la période d'imprégnation, véritable période de pose, qui peut, nous le verrons plus loin, atteindre une durée de trois ou quatre heures.

Nous conseillons donc l'emploi de gomme très épaisse, à 5o o/o fraîche. Une solution moins concentrée donnerait, après l'addition de la moitié de son volume de liqueur acide, une mixture trop claire. Il nous paraît plus prudent de mesurer d'abord la gomme, d'y incorporer intimement le pigment et d'y ajouter la liqueur acide par centimètres cubes en s'arrêtant dès que la consistance voulue aura été atteinte. C'est une question de tâtonnements. Il arrivera donc que selon l'épais- seur plus ou moins considérable de la solution de gomme qui changera, à teneur égale, d'après l'âge de cette solution, nous travaillerons quel- quefois avec : gomme 3o liqueur acide lo (au lieu de i5). Ceci nous conduira simplement à laisser un peu plus de marge au séchage.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

125

L'erreur possible ne sera pas grave, tandis que l'insuccès à un étendage fait avec une mixture trop claire portera sur la totalité des feuilles recouvertes et sera sans remède.

L'épaisseur gommeuse du mélange pigmenté étant plus considé- rable dans le procédé ozotype que dans la gomme bichromatée, l'éten- dage ne se fera pas tout à fait de même. Nous emploierons une petite queue de morue en soies de porc assez courtes et fermes et nous ne changerons pas de brosse entre le badigeonnage grossier du début et le travail de blaireautage qui suit. Le badigeonnage se fera aussi rapide- ment que possible puis nous reprendrons du mélange sans perdre un instant et nous égaliserons de notre mieux en nous rappelant que l'image positive va être formée par la couche de dessous que celle-ci doit par conséquent couvrir le papier sans solution de conti- nuité et avec autant de cohésion entre ses molécules qu'il nous sera possible d'en obtenir. La couche de dessus que nous pouvons appliquer avec largesse, ne fera qu'apporter de l'épaisseur à l'image et aussi une proportion utile de la liqueur réductrice qui aide à fixer celle-ci.

Maintenant que l'image primaire est recouverte de gomme pig- mentée acide, il s'agit d'empêcher celle-ci de sécher avant que l'inso- lubilisation par contact ne soit terminée. Nous épinglerons donc l'épreuve tout de suite dans un endroit fermé et saturé d'humidité, soit dans une armoire dans le bas de laquelle nous aurons mis, à une vingtaine de centimètres des épreuves suspendues, une ou deux cuvettes remplies d'eau, soit dans une petite malle ou une caisse quelconque dans lesquelles l'atmosphère sera maintenue dans un état de saturation au moyen de linges mouillés, de feuilles de buvard trem- pées dans de l'eau ou d'épongés imbibées. Les épreuves n'y devront jamais séjourner à plat; elles seront épinglées soit sur les parois de la boîte, soit sur des lattes fixées en travers.

Nous attirons tout particulièrement l'attention du lecteur sur la nécessité d'une saturation complète de l'atmosphère dans laquelle seront plongées les épreuves fraîchement pigmentées. Il ne suffit pas d'intro- duire à la fois cuvettes, linges mouillés et épreuves dans la malle ou

LES PR0CP:DÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

rarmoire en question. L'intérieur aura en être saturé d'ai'atîce, sous peine de voir les épreuves se sécher normalement bien avant que l'atmo- sphère n'ait absorbé la proportion d'humidité nécessaire pour maintenir les couches gommeuses en l'état voulu pendant un temps indéfini.

Bien entendu la surface humide destinée à produire la saturation devra être proportionnelle au cubage d'air à saturer. Nous avons vu des épreuves d'un étendage correct fondre littéralement après avoir passé un quart d'heure à quatre centimètres au-dessus d'une cuvette remplie d'eau, recouverte d'une boîte carrée de quarante centimètres de côté. Au contraire, une seule cuvette 18X24, placée au fond d'une armoire de dimensions usuelles, ne pourra suffire à entretenir la satu- ration d'une aussi grande quantité d'air.

Rappelons-nous que c'est pendant le contact entre la couche acide encore humide et l'image primaire que celle-ci opère son travail d'insolubilisation. Le phénomène cesse dès que la couche est sèche. Il s'ensuit que le degré de durcissement de la gomme qui va bâtir l'image sera en rapport direct avec le temps qui s'écoulera entre le premier contact et la dessiccation de même que dans le procédé à la gomme bichromatée ce degré est proportionnel à la quantité de lumière reçue pendant le tirage. Il s'ensuit aussi de la cessation du phénomène par séchage de la couche que l'action continuatrice attribuée à d'autres procédés similaires n'existe pas ici et que l'image pigmentée une fois construite peut n'être dépouillée que plusieurs jours, peut-être davan- tage, après dessiccation.

Bien entendu la nature de l'image primaire ne sera pas sans influence sur la détermination de la durée à donner à la période d'hu- midité, qui sera en proportion inverse de celle de l'intensité de cette image. De sorte que la faiblesse de celle-ci pourra se corriger en pro- longeant la station dans la boîte humide station qui sera au contraire écourtée dans le cas de surexposition.

Le temps moyen de cette pose d'un nouveau genre varie d'une heure à trois heures. On peut exceptionnellement descendre à 46 mi- nutes et monter jusqu'à quatre ou cinq heures.

"ÉTUDE D'ENFANT" PAï^ W. CADBY

Pl. XXXÎX. Platioc.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

127

Le manque total d'insolubilisation se reconnaît à une dissolution rapide de toute la couche dans Teau froide. Un séchage plus lent, sans l'être encore assez, donnera au dépouillement une faible image négative. Enfin, nous parcourrons, en montant, toutes les gammes de solubilité connues de la gomme bichromatée, pour arriver à un état tout spécial à la gomme ozotype et que nous n'avons jamais rencontré dans la gomme ordinaire. En insolubilisant assez (deux heures à deux heures et demie) pour que l'image ne se dépouille pas ou ne se dépouille que très lentement par flottement sur de l'eau froide, nous aurons formé une couche qui se distingue par une adhérence parfaite au papier support et par une facilité de dépouillement par frottement tout à fait remarquable. Sous la caresse d'un gros et large pinceau bien fourni de poils fins et toujours imprégné d'eau, nous voyons les demi- teintes se dépouiller insensiblement sans le moindre arrachage de pig- ment et sans la moindre granulation de couche. Pendant ce temps l'image aux endroits non attaqués ne change aucunement de valeur.

C'est bien à cause de ce dépouillement au pinceau presque idéal et propre à la gomme ozotype, que nous nous sommes appesantis sur un procédé dans lequel le gommiste trouvera de grandes facilités de contrôle et, par conséquent, de grands effets de vigueur. De plus, la nature complexe de la gomme ozotype, qui tient à la fois du procédé à impression directe et de celui à dépouillement, nous permettra d'uti- liser tous les négatifs dont les oppositions seraient trop fortes pour la gomme ordinaire. C'est encore un avantage.

Laissons donc de côté les épreuves insolubilisées à point pour le développement par flottement, leur traitement sera pareil à celui que nous avons indiqué plus haut pour les épreuves à la gomme bichro- matée, sauf pour le cas de sous-insolubilisation, dans lequel le coulage peut être arrêté en plongeant de suite l'épreuve, face en dessus, dans le bain suivant :

Eau 5oo ce.

Solution de chlorure de fer à 10 0/0 . . 25 ce.

Nous supposons donc que nous avons imprimé et insolubilisé en

17

138

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

vue du développement au pinceau. Cependant, avant de commencer ce dépouillement, nous laisserons tremper l'épreuve face en dessous dans de l'eau froide jusqu'à ce que l'image se dessine en relief. Ce gonfle- ment de la gomme demandera dix minutes ou une heure selon le degré d'insolubilisation de la couche. L'eau tiède ou chaude, employée très prudemment, abrégera notablement cette période d'attente. Et nous aurons de nouveau recours à une station plus ou moins prolongée dans le bain chaque fois que nous remarquerons que le passage délicat du pinceau dans les coins les moins importants de l'épreuve laisse ici et des épaisseurs encore coagulées qui, si nous insistions davantage, for- meraient, en dérobant la partie qu'elles protègent à l'action du pinceau, des différences de valeur fâcheuses. Car ici l'insolubilisation est partie du papier même, en remontant ; par conséquent, avant d'arriver à l'image qui sera dépouillée localement, il nous faudra nous débarrasser mécaniquement de toute l'épaisseur sans intérêt qui n'a pas participé directement à la construction de l'image.

Le dépouillement local au pinceau ne sera donc entamé que lorsque cette image entière sera dégagée, couverte cependant d'un voile terreux et uniforme. Elle paraîtra grise et monotone, mais il suffira d'un seul coup de brosse sur une grande lumière pour créer subitement par con- traste une intensité de noirs qui nous rassurera sur l'étendue de la gamme de valeurs que le procédé nous octroie.

Comme nous l'avons dit plus haut, la couche de gomme ozotype, soit à cause de l'insolubilisation par en dessous, soit à cause de la mo- dification apportée à la nature de la gomme par la présence de l'acide sulfurique, se montre, dans certaines conditions de pose, d'une docilité inconnue jusqu'ici et qui persistera tant que l'épreuve restera franche- ment mouillée. Le dépouillement au pinceau peut donc se faire en toute tranquillité; l'opérateur a le temps voulu pour juger de la jus- tesse de relation des valeurs qu'il est en train d'établir et pour décou- vrir l'effet que l'obéissance passive de la couche lui permet de créer à volonté. Les réserves par arrêt de dépouillement sont, avec ce pro- cédé, d'une telle facilité d'exécution que nous avons pu développer

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

129

correctement, comme démonstration, la moitié d'une épreuve, en lais- sant l'autre moitié totalement enterrée.

Une fois séchée, l'épreuve à l'ozotype garde, à un beaucoup plus haut degré que celle à la gomme pure, la faculté de se gonfler à nou- veau dans de l'eau froide ou tiède et de retrouver presque intégrale- ment la mollesse primitive de sa couche. A tel point que nous avons vu certaines épreuves bien séchées, un peu sous-exposées il est vrai, couler très fâcheusement après un séjour de dix minutes dans un bain d'eau froide.

Ceci permet, dans de meilleures conditions qu'avec la gomme ordinaire, une reprise de développement local. Cependant nous ne trouvons jamais, dans les demi-teintes, lors d'une seconde intervention la même délicatesse que nous donne le dépouillement normal. Mais les accents clairs faits au pinceau dur ou au grattoir produiront des blancs d'une pureté parfaite sans aucune éraflure du papier.

La matière d'une épreuve à la gomme ozotype développée au pin- ceau est plaisante. Elle participe au gras de l'ozotype-gélatine auquel vient se joindre un certain fondu qui se rapproche de celui que nous trouvons dans la gomme ordinaire.

Bien entendu nous pouvons provoquer tous les coulés que nous voulons, en posant moins, mais nous entrons alors en lutte avec la gomme pure dans ce qu'elle a de meilleur, et l'avantage du pro- cédé ozotype devient tout de suite discutable. C'est pourquoi nous ne parlons ici que de l'épreuve ozotype exposée spécialement pour le développement au pinceau. On peut lui reprocher au premier abord un luisant un peu exagéré dans les parties chargées de pigment, mais le passage dans un bain d'alcool méthylique diminue considérablement ce brillant qui s'atténue encore par les frottements inévitables auxquels toute épreuve est soumise dans le cours de son existence.

L'épreuve Moutons dans la lande, que nous donnons comme spé- cimen page i3o, a été entièrement dépouillée au pinceau. Elle a subi quelques modifications importantes au cours du dépouillement.

Une fois dégagée de la couche supérieure, l'image parut plus terne

i3o

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

encore que le document imprimé à l'argent qui nous servait de guide. Mais la première attaque au pinceau, sur la toison des moutons, révéla de suite la possibilité des contrastes un peu violents que nécessitait rinterprétation de ce coin rude et âpre de Bretagne. Tout le premier plan, dont la tonalité très sombre enterrait le motif des moutons, fut radicalement éclairci et simplifié à la brosse d'huile en soies de porc, pour exagérer (contre les règles peut-être) la noirceur un peu sinistre du bloc erratique du second plan qui nous avait frappés dans la nature. En somme, la souplesse du procédé a permis d'accentuer les trois taches blanches des moutons et, par contraste, la tache noire des rochers, de faire se détacher les blancs sur des noirs et les noirs sur des blancs simplifiés. Ceci suffit, croyons-nous, à faire pressentir Tavenir d'un procédé qui, nous le répétons, offre dans certaines conditions, faciles à obtenir, une plasticité de couche très spéciale et partant une remar- quable liberté d'intervention.

DANS LA LANDE PAR R. DBMACHY

Pl. XL, Gomme Ozotype.

DEUXIÈME PARTIE

\ \ \

PROCÉDÉS DIVERS

PROCÉDÉ RAWLINS

AUX ENCRES GRASSES

E procédé inconnu jusqu'ici en France mérite cependant à plus d'un titre d'être compté parmi les procédés d'art. Il doit nous séduire par la grande liberté d'interprétation qu'il nous confère et nous intéresser par la nouveauté presque décon- certante de sa pratique.

En effet, l'apparition de l'image n'a pas lieu par dépouillement ni par développement chimique ; le pigment qui la forme est appliqué localement par la main même de l'opérateur qui surcharge il veut et, s'il s'est trompé dans son effet, enlève ce qu'il vient de mettre au pinceau ou à l'éponge mouillés.

Voici, en deux mots, le résumé du procédé que nous expliquerons ensuite en détail.

Une feuille de papier recouvert de gélatine est sensibilisée au bichromate, séchée à l'obscurité, insolée sous un négatif, puis abon- damment lavée. Il en résulte une faible image en relief pareille à celle de la photocollographie. Cette planche, ce n'est pas autre chose, est

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

encrée à la main, au pinceau. Ses parties insolubles, correspondant aux transparences du négatif, prennent Fencre, Les autres, imbibées d'eau, la repoussent, et l'image apparaît.

Un instant de réflexion nous fera comprendre l'étendue du contrôle ^ ^ que peut exercer l'opérateur en face de cette feuille de papier blanc J 1 J . j dont les reliefs de gélatine forment un dessin correct, reçoivent la quantité de pigment qu'on veut leur donner et l'abandonnent à volonté.

Après de nombreux essais portant sur la qualité et l'épaisseur de la gélatine à employer, M. Rawlins est parvenu à livrer un papier j couché d'une résistance suffisante. Ce papier est sensibilisé par immer-

.) ]o l\%vwrv»w« sion dans un bain de bichromate de potasse à 5 o/o. Il y séjourne jus- Tu.co^mvvtvv'ïw (L\ JM((v3Wqu'à ce que la feuille soit bien ramollie et dégraissée, puis on le sèche ^s^-^'v^j rapidement dans un endroit obscur. Un bain de bichromate à lo o/o l- '1. . , permet d'utiliser les négatifs très durs. Dilué à 2 1/2 0/0, le bain con- viendra aux négatifs faibles. ^-^■^Auvi M- ->v.t icu papier sensible ne se conserve guère plus de deux jours; nous

h..r - ^(ùtiA. ivilb fl^'ot.o^ préférons l'employer de suite. Il est très sensible à la lumière et

n'exige, avec un cliché léger, qu'un demi-degré Artigue de pose, soit p««Na(iL)À 1-, «hiMiJi^ deux minutes et demie environ par un beau temps d'été. Les clichés £iw«-wr denses demanderont un et deux degrés dans les mêmes conditions.

L'image brun pâle se voit distinctement. Elle ne doit être poussée que 'mXiv4tï uJji ifci.-'' jusqu'à l'apparition de faibles détails dans les grandes lumières.

^vi, û^An . Nous avons inauguré avec un plein succès la sensibilisation faite

au pinceau avec une solution alcoolique de bichromate d'ammoniaque comme suit :

)vw\wv|ft. Solution de Réserve

V _ Eau 100 ce. ))

Bichromate d'ammoniaque 5 gr. » ^

-1 Carbonate de soude o 5 ^o■^^<-^

prendre pour l'usage 5 centimètres cubes de la solution ci-dessus et y ajouter 10 centimètres cubes d'alcool à 90 degrés, quantité suffisante pour couvrir quatre feuilles 19X25. ><' ><u^ (u^c c^^v4.w Cette variante comporte plusieurs avantages : le séchage se fait en

ÉTUDE

PAR G. RAWLINS

Pl. XLI. Procédé aux Encres grasses.

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

l35

quinze minutes environ au lieu de cinq à six heures ; le lavage qui suit l'insolation ne porte plus que sur le côté gélatine du papier et peut se terminer à Teau tiède en une demi-heure au lieu de trois à quatre heures; enfin la gélatine, légèrement durcie par Talcool, donne un re- lief plus solide.

Quel que soit le mode de sensibilisation adopté, l'épreuve devra être lavée après insolation jusqu'à ce que l'image soit invisible ou à peu près et que l'eau du bain ne se teinte plus en jaune.

Après ceci, Tépreuve pourra être pigmentée de suite après épon- geage entre deux feuilles de buvard, ou séchée et mise de côté. Dans ce cas, il faudra, avant la pigmentation, faire gonfler à nouveau la géla- tine en laissant l'épreuve tremper pendant deux heures au moins dans de l'eau froide.

M. Rawlins prépare des pigments spéciaux pour son procédé. On prend gros comme un pois de cette couleur épaisse et on l'étend bien également sur une petite plaque de verre ou de porcelaine. Il faut mouiller maintenant quatre ou cinq feuilles de gros papier buvard et les appliquer bien à plat sur une glace qui nous servira de pupitre à développement, nous étendons sur ce matelas humide notre épreuve en relief et avec un pinceau pochoir fin, dans le genre de ceux des peintres sur porcelaine, imprégné d\m minimum du pigment pris sur la palette, nous attaquons les ombres de l'image par petits coups légers et préci- pités, perpendiculaires à la surface. Il y a un tour de main qui s'ap- prend vite. Sous les chocs répétés du pochoir chargé de pigment l'image se dessine. A mesure que le pigment s'épuise, nous en reprenons sur la palette, mais toujours par petites quantités à la fois, et nous couvrons peu à peu toute l'étendue de l'épreuve. Ce premier encrage donnera un grain très perceptible, grossier même si le pochoir a pris trop de cou- leur à la fois, mais à mesure que le travail avance, le pigment s'écrase et le grain s'affine de plus en plus.

Une fois l'image faiblement révélée, l'opérateur pourra juger des modifications à y apporter. Contrairement à ce qui a lieu dans les procédés de dépouillement, il peut ajouter de la couleur ou en enlever

f

l

i36

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

- ^ .vt.--..' ajouter en forçant l'encrage au pochoir, en enlever en se

' ' servant de pinceaux de martre de différentes tailles bien secs et bien licuM'ct propres, qu'il passera ?-apidemefit sur les endroits à éclaircir. Nous

V ^ \ ^ insistons sur la rapidité du mouvement car le passage lent et traîné du

pinceau foncera davantage la couleur de l'endroit qu'on désirerait baisser de ton.

P Notons que le degré d'épaisseur du pigment gras exerce une influence

UnAAv^Éiui..^ YlVfx^nA.u considérable sur la qualité de l'épreuve. La pâte fournie par M. Rawlins

^*H,<^^^R^s> iv^»v, donnc d'excellents résultats à une température moyenne de i8 à -jù,'^ "ituwwvx^^ ' 25 degrés, mais en hiver il est souvent nécessaire de la diluer avec la Uf>u.^ w fUMA»^ . liqueur appelée Thinning Médium. Il en faut une goutte pour une

quantité de pigment de la grosseur d'un pois. ' {Ir. ^l- L'encre de taille-douce ordinaire, excellente pour les images à

,,vtuy(2,v icr^t ^w(lle^vv.vc contrastes vigoureux, demande, pour des épreuves moyennes, à être

épaissie par mélange avec de l'encre machine pour lithographie. Pure, elle donne dans tous les cas de très bons résultats pour lencrage des ciels. La sanguine, la terre de Sienne brûlée et le brun Van Dyck taille- douce conviennent à la plupart des reliefs. - ^ ^ L'épreuve, une fois terminée, est épinglée dans un endroit sec. La

^ \ ^. gélatine sèche en deux ou trois heures; l'image grasse en douze ou

vingt-quatre heures, selon son épaisseur.

En dehors de l'excellent papier fourni par M. Rawlins, nous avons '^'^^H-' H- obtenu des images de caractère un peu différent, mais de nature ,r , iT î"''<^

^ ' «.en tto-v^-v.

^^^^ , agréable sur le papier double transfert anglais T. L C, marque « Fer i

à cheval », n°M 00, 118 et 125. ^»JU.;^^...^vV^. N

Les insuccès possibles, en dehors de ceux qui proviennent d'une Pto^o.. f "''^^^ encore hésitante, ne sauront être attribués qu'à une erreur de

pose ou à l'usage d'une encre mal appropriée à la nature du relief. L'excès pose se reconnaît à l'absence de contrastes et, dans les cas {l^J^\^on^.■^l surexposition complète, à l'encrage total de l'image; la sous-expo-

\ sition, à l'impossibilité de faire prendre l'encre sur les parties claires.

Quant à la question encre, il suffit de se souvenir que l'encre fluide ' " '^ tend à diminuer les oppositions, l'encre épaisse à les exagérer.

LES PROCÈDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Nous avons eu entre les mains une épreuve au bromure du cliché de M. Rawlins qui a fourni l'exemple de son procédé, page i32. Cette épreuve avait de sérieux défauts. L'ombre portée du chapeau et la masse d'ombre à droite étaient grises et enterrées. Par contre, l'éclai- rage heurté delà figure en accentuait violemment les traits. M. Rawlins, en insistant sur l'encrage des ombres, leur a restitué le gras et la pro- fondeur qui leur manquaient. Il a fondu le modèle de la face et largement simplifié les plis compliqués de la robe. Sur d'autres motifs les interventions pourraient être poussées plus loin encore. Celui-ci suffit à démontrer le puissant intérêt d'un procédé qui réunit les avantages du dépouillement et du développement. Sa matière en est agréable, mate et grasse et tous les tons sont à la disposition de l'opé- rateur. Nous espérons même que la facilité que donne l'encrage localisé du procédé permettra d'intéressants essais en plusieurs couleurs. Mais déjà le nouveau traitement de l'épreuve monochrome nous ouvre des horizons pleins de promesses.

LE PLATINE

1

, .j'a^ i^l ^ vv.ifeiitet'

E procédé au platine a présidé à Téclosion du mouvement 1^ d'art en photographie. A cette époque déjà lointaine, les papiers albuminés et les premiers échantillons de gélatino- chlorure brillant se disputaient la clientèle des amateurs. Les tons scpia étaient à Tordre du jour. Une réaction s'ensuivit parmi les gens de goût qui recherchèrent une surface plus mate et des tonalités froides se rapprochant davantage de celles de l'eau-forte. Le platine remplissait alors ces desiderata et promettait, de plus, une permanence d'image inconnue jusqu'alors.

Mais le progrès artistique ne dépassait guère l'obtention de noirs plus puissants à l'œil et d'une fraîcheur de papier blanc débarrassé des matières étrangères qui venaient dans d'autres procédés altérer la fleur de la fibre. C'était déjà beaucoup pour l'époque, et nous voyons encore des photographes artistes se contenter du mécanisme un peu étroit du développement rapide à l'oxalate pur en faveur du joli aspect laiteux dont jouit une épreuve claire sur platine. D'autres, au con- traire, comme M. Holland Day, au moment de la naissance de l'école

"FANTAISIE'*

Par M"* Q. kASEBÏER

Pl. XLII, PlatJii!.

LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE

'•■'9

pictoriale américaine, réagirent une seconde fois, s'insurgèrent contre la franchise de l'image blanche et noire et demandèrent à des papiers jaunis par Thumidité une patine d'antique parchemin. Ce fut le début de la période sombre et de la proscription du blanc; de véritables « corners » se firent sur le papier moisi, et les feuilles de rebut des professionnels acquirent auprès des amateurs une valeur de fantaisie.

Nous ne devrons pas exiger du papier au platine des qualités semblables à celles des papiers à dépouillement. Le procédé excelle surtout dans le rendu des effets clairs, motifs à étoffes blanches, paysages aux tons cendrés. Les noirs peuvent être intenses, ils sont rarement profonds comme ceux de la gomme, du papier Fresson ou du procédé à l'huile. Développée par immersion, en une ou deux minutes, Fépreuve au platine n'admet aucun autre contrôle que celui qui consiste à modifier d'avance la composition du bain dans le but d'exagérer ou de diminuer les oppositions de l'image. Mais il nous est venu d'Amérique une méthode de développement par réserves qui permet d'appliquer locale- ment le réducteur, méthode qui donne au tirage au platine une place honorable parmi les procédés d'art de la photographie.

Nos lecteurs savent déjà que l'impression du papier au platine se fait à la lumière diffuse jusqu'à l'apparition d'une faible image qui ne prendra sa vigueur définitive que par un développement ultérieur dans un bain d'oxalate de potasse. Mais la méthode dont nous parlons consiste à couvrir l'épreuve, au sortir du châssis, d'une couche protec- trice de glycérine pure. L'excès en est enlevé par tamponnement au moyen de papier buvard exempt de peluches. L'image, en partie latente, est donc à l'abri immédiat du développateur; mais il est évident qu'une légère insistance de la part d'un pinceau chargé de liqueur oxalique pourra dissoudre à l'endroit du frottement la couche superficielle de glycérine tandis que le simple contact de cette solution sur les bords des portions avoisinantes ne suffira pas à dissoudre celles-ci. La portion attaquée sera donc seule à subir l'action réductrice et seule se déve- loppera. Le principe est simple, la pratique en est un peu plus compli- quée. En effet, on a trouvé par expérience qu'il y avait avantage à

'lie c:<?v4n*(

lu,, .

140

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

retarder Teffet trop rapide de la solution développatrice, et c'est aussi par l'adjonction de glycérine qu'on arrive à ce résultat. De à se servir pour développer au pinceau de solutions séparées, plus ou moins chargées de retardateur, et sans imbibition préalable de l'épreuve à la glycérine, il n'y a qu'un pas.

Deux systèmes se présentent donc : le premier consiste à protéger l'épreuve tout entière par une couche de glycérine pure et à se servir de ce matelas, quasi inerte, pour supprimer par absence de dévelop- pement toutes les parties inutiles de l'image; c'est ainsi que se font les compositions dégradées en vignette, les têtes jetées sur un papier blanc avec la simple indication d'une attache de cou ou d'une ligne d'épaule. Tandis que dans la seconde méthode l'opérateur joue des différents godets remplis de développateur plus ou moins dilué de glycérine, il fait d'abord paraître une image faible qui le guide, puis il donne une touche ici ou là, choisit le pinceau chargé de réducteur plus ou moins concentré, observe la relation changeante des valeurs, corrige et accentue.

Ce travail est délicat, car l'effet de la touche est acquis et irrémé- diable, la bavure est fréquente et l'accent circonscrit bien difficile à réussir. Cependant nous avons vu de M. Stieglitz, de M'"'' Kàsebier, de M. Keiley et de quelques autres artistes des exemples fort beaux de ce genre de développement.

Il en existe un troisième qui dérive de ce dernier et qui rappelle un peu la pratique des réserves au vernis de l'eau forte. En effet, de même que l'aquafortiste donne une morsure locale à sa plaque de cuivre en protégeant le reste d'une couche de vernis imperméable, le photographe peut couvrir les endroits de son image qu'il désire retarder avec un mélange de quatre parties de développateur pour une partie de glycérine et plonger l'épreuve dans le bain normal. Une réserve plus complète se fera en se servant de glycérine pure. Dès que la portion non protégée de l'image est montée au degré voulu, la glycérine est enlevée au pinceau mouillé et l'épreuve est de nouveau passée dans le bain ou bien fixée à l'acide dans le cas la réserve doit être définitive.

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE I41

Le système de développement local à la glycérine permet encore de colorer en un ton de chair approximatif le visage du modèle au moyen d'une solution normale d'oxalate de potasse additionnée en quantité variable d'une solution de bichlorure de mercure à cinq pour cent. Pour éviter tout danger de bavure, la couche glycérinée doit être épaisse. Le reste de l'image subira localement le développement à l'oxalate pur qui donnera le ton gris ou noir habituel. M. Stieglitz a su tirer de cette variante du procédé des effets fort agréables.

Nous donnons ici deux exemples de tirage aux sels de platine. La planche xlii tête de femme par M""' Gertrude Kàsebier, a été développée à la glycérine; on voit distinctement que la tête seule a été soumise à l'action de la solution oxalique. Le buste n'est même pas indiqué. Et il semble évident que les volutes qui représentent les bouts flottants du voile sont, en réalité, prises sur le fond et n'existent pas dans cette forme ou cette direction dans le cliché original. Il est à remarquer combien la transparence de la mousseline de soie a été délicatement conservée autour des cheveux et du visage.

TABLE DES MATIÈRES

Pages.

AV AN T- PROPOS . I

L'Interprétation i

La Beauté de la Matière pigmentaire 7

Fleur ou Veloiitc 10

Transparence et Profondeur 11

Puissance, Vigueur, Intensité i3

Le Négatif 17

PREMIÈRE PARTIE

LES PROCÉDÉS PAR DÉPOUILLEMENT

Généralités 33

LE PROCÉDÉ A LA GOMME

Théorie du Procédé 41

Le Matériel 49

Solution sensibilisatrice 5 1

Les Papiers 53

Pinceaux 54

Les Pigments colorés 55

Photomètres 57

Accessoires divers 5 9

19

144 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Pages.

Préparation et dépouillement du papier 6i

Préparation du mélange 6 1

Méthode d'essai 64

Couchage de la feuille 65

Séchage 67

Exposition sous châssis 67

Mise à Veau du papier impressionné 68

Observations pratiques 70

Développement local et Retouches 76

Analyse des Planches 83

Les Impressions multiples gi

Facilités données par les impressions multiples au développement

local et aux accents 92

Impression en double ton 94

Impression en couleurs 95

Repérage 95

Pratique des Impressions successives 96

Impression ton sur ton 98

Impression en double ton 98

Impression en plusieurs couleurs 98

LES PAPIERS PRÉPARÉS DU COMMERCE ET LES PROCÉDÉS OZOTYPES

Généralités io5

Papiers à la Gélatine 108

Papiers à la Gomme 117

L'Ozotype gélatine 121

La Gomme ozotype 12S

DEUXIÈME PARTIE

PROCÉDÉS DIVERS

Procédé Rawlins aux encres grasses i33

Le Platine 139

TABLE DES PLANCHES

Pages.

W. A. Gadby. . .

. Pl. XXXIX.

126

R. Demachy . . .

Portrait de Jeune Fille. .

. Pl. I.

2

Portrait de Femme . . .

. PL VI.

Gomme

18

Dans l'Atelier

. Pl. VIII.

Traitement au burin.

26

Paysage dA utomne . . .

. Pl. XI.

Gomme

38

Bords de Seine

. Pl. XII.

Gomme

38

Etude en gris

. Pl. XIV.

Gomme

46

Dans les Sapins

. Pl. XIX.

Gomme

62

Fantaisie

. Pl. XXI.

66

L'Habilleuse

. Pl. XXIII.

74

Le Poète

. Pl. XXV.

Gomme ' .

78

Paysage d'Hiver ....

. Pl. XXVI.

82

Deux Etudes

Pl. XXVII.

82

La Plaine de Varaville. .

. Pl. XXIX.

86

Effet de contre-Jour. . .

. Pl. XXXI.

94

Portrait de H. Day. . .

. Pl. XXXVIII.

Ozotype gélatine. . .

122

Dans la Lande

. Pl. XL.

Gomme ozotype. . .

i3o

G. Grimprel. . .

Portrait (sanguine) . . .

. Pl. XVIII.

Gomme

58

D' Henneberg . .

Vieille Place à Kempten .

. Pl. XXIV.

78

G. Kasebier.

Pl. XLII.

Platine

i38

H. KUHN . . . .

Le Samedi en Hollande. .

. Pl. XVI.

Gomme

5o

Lacroix

Le Balayeur

. Pl. IV.

Gomme

10

146

LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE

Pages.

M"® C. Laguarde.

Fantaisie Louis XV . . . .

Pl.

III .

Gomme

10

R. Le Bègue. . .

Etude (sanguine)

Pl.

V.

14

...

Esquisse

Pl.

XXII .

70

C. PUYO

Méandre

PI

IT

Gomme

6

Etude (sanguine)

Pl.

X.

Gomme

. 34

Été

Pl.

XIII .

Gomme

. 43

....

PI

Gomme

5o

L'Ai'eugle

Pl.

XX.

Gomme

62

Impression d'Engadine. . .

Pl.

XXVIII .

Gomme

86

Portrait

Pl.

XXX .

. 90

PI

Papier Fresson . .

. 98

Projil en quatre couleurs. .

Pl.

XXXIII.

Gomme

102

Le Vieux Berger

Pl.

XXXIV.

Papier Artistique .

106

Tête d'Etude

Pl.

XXXV.

Papier Artistique .

1 10

Portrait i83o

Pl.

XXXVI.

Papier Artistique .

114

Pl.

XXXVII.

Papier Artigue . .

. 118

G. Rawlins . . .

Etude

Pl.

XLI.

Procédé Rawlins. .

. ,34

F. V. Spitzer . .

Vieille Femme de Kattivjk.

Pl.

IX.

3o

Ed, Steichen. . .

Miss Algernon B

Pl.

VII.

22

Rodin. - Le Penseur. . . .

Pl.

XVII.

. 54

Q4chevé d'imprimer le i"" Juillet igo6

pour le Thoto-Club de "Paris par l'Imprimerie Chaix.

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