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l'BRAIRIE DU SPECTACLE

GARNIER ARNOUL

39, Rue de Seine, PARIS

Âci, ixty-t

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MEMOIRES

SUR SJ VIE.

tome premier,

A Lausanne et a CsN^svEt

ChezMAEC-MicHEL BousQ.UBTȉlc

Compagnie.

M. DCC. XLVII.

I

1 AVERTISSEMENT.

I

CO M H X M. l’Abbé d’OIivét , qui avoic Id quelques-unes des Lettres iuivantes , en a parlé dans Ton Hiftoire l’Académie Françoife , en difanc qu’elles font pleines d’e/prit , & écri* tes avec une exactitude & une beau*

- de Ityle , qui efl ordinairement le fruit d’un long exercice , on me fçau* r roit mauvais gré H je ne les faifoii pas connoître; & quoiqu’elles foient peu férieufes , loin d’avoir de la répu- gnance à les donner , je n’ai pas un meilleur moyen pour détromper ceux qui s’imaginent que celui qui a bien peint l’amour dans fes Vers , en étoit toujours occupé. S’il y eût été livré , même dans fa jeunelTe , il ne fe fut pas rendu capable de le peindre fi bien.

Voici des Lettres écrites en toute liberté, & en fortant de Port* Roy al , dont il n’avoit plus à craindre les re- montrances : on les peut apeler fes ^u- venilia. Il les écrit à un jeune ami >

-* qu’il foupçonne quelquefois d’être

amout

AVERTISSEMENT.

timoureux : il ne s'atrendoic pas qa'ellet duflencécre lues par d’autres : il n’aja* mais fça qU!on les «ûx /çonfervées. IVi. Jbupin , qül'l^ avoit re>

cueillies , nous les a tendues. Dans ces Lettres cependant , écrites librement , .. le badinage eft ü innocent , que je n^ai ; ; js^mak rien trouvé qui ait m’obliger ' jr'èn fuprimer une feule. On y voit un jeune homme enjoué aimant à rail* 1er , ne fe préparant pas à l’état Ecclé< fiaflique par efprit de pieté , confer> vant toujours néanmoins des ibntimens' de piété dans le cœur , quoiqu’il pa< roilTe content de n’être plus fous la fé. vére difcipline de Port -Royal ; plein de tendrefle pour les amis , fuyant le monde & les plaifirs-par raifbn, pour fe livrer tout entier à l’étude ,JSc à fon unique pafliop } qui écoit celle des Vers.

.. - >

LETTRES

2

D ISCOUHS P RONONC E par M.' R A e I N E, à P Académie Françoi/è , à la féception da M. T Mbé C O £ b' £ & X , \t 30 OSo- irf 2678.

ONSIEÜR,

Il tn’eft fans doote très- honorable de nie vou ^ tête de ceite célébré Compagnie; & je dois beaucoup au , hazard, de m’avoir mis dans un place le mérite ne m’auroit jamais élevé. Mais cet honneur ii grand parlai mê« aae, me devient, je l’avoué', encore plus confidérable , quand, je ibngé que la première fonâion que j’ai à faire dans la place je fuis , c’ed de vous expliquer les fentimens que l’Académie a pour vous.

Vous croïez lui devoir des remerci«| jaeas, poux l’honneor que vous dîtes

a qu’elle

I

fl Discours

.qu’elle vous a fait j mais elle a au(fi Ides grâces à vous rendre. £)!e vous cfl obligée , non feulement de l’hoa- Jieur (}ue. vous lui faites, maù encore de celui que vous avez déjà fait à tou- te la République des J^ettres..

Oüi^, Monsieur, nous fçavons combien elles vous font redevables. Il y a long tems que l’Académie a les yeux fur vous. Aucune de vos démarches ne lui a été inconnue. Vous portez ua nom que trop de raifons ont rendu fa- cré pour les gens de Lettfe^. Tout ce qui regarde votre illuftre Maifbn , ne leur fçauroit plus .être ni inconnu , ni . indifférent.

Nous avons confîdëré avec attention les progrès que vous avez faits dans les Sciences ; mais li vous aviez ex cité d’abord notre carioüté , vous n’a- vez guère tar.dé à exciter notre admi- •7 ration. Et quels aplaudiffemens n’a t’oa point donnez à- cette exeélente Philo- ' fophie, que vous avez publiquement enfeignée / Au lieu de quelques termes barbare^ , de quelques frivoles quef- tions que l’on a voit accoutumé d’en- - tendre dans les Ecoles , vous y avez fait entendre de folides vérkez , les

pins

A L* A C A S £ M I E. 3

plas beaux (ècrets de la nature , les plus importans principes de la Méta< phyGque. Non , Monsieur y vous ne vous êtes point borné à fuivre une route ordinaire. Vous ne vous êtes point contenté de l’écorce de la Phi* lorophie ,'vous en avez aprofondi tous tes fecrets. Vous avez raflemblé ce que les Anciens & - les Modernes a voient de folide & d’ingénieux. Vous avez parcouru tous les liédes pour BOUS en raporter les découvertes. L’o* ièrai-je dire ? Vous avez fait connoi- cre dans les Ecoles , Ariftote même » dont on n’y voit fouvent que le fan*

tâmc.r

Cependant , «eon f^avante Philofo* phie n’a été poar vous qu’un paiTage< pour vous élever à une plus noble science ; 'je veux dire la fcience de la Religion. Et quel progrès n’avez* TOUS point fait dans cette étude la- ctée l Avec quelles marques d’eRime - la plus fameufe Faculté de l’Univers TOUS a*t’elle adopté , vous a t’elle alTo* -* cié dans fon corps ! L’Académie a pris part k tous vos honneurs. Elle aplaudiflbit à vos célébrés aâions ; suais , Monsieur , depuis qu’elle

a a vous

4 Discours

vbvis a monter en Chaire , -qa^ene vous a eqtendu prêcher les véritez^ de l’Evangile , non- feulement avec toute la force de l’éloquence » mais même avec toute la judelTe & toute la po> liteiïe de notre langue , alors l’Aca- démie ne s*e(t plus contentée de vous admirer , elle a jugé que vous lui étiez néceflaire. Elle vous a choifi, elle vous a nommé pour remplir la première place qu’elle a donner. OOi , M o N- SIEUR, elle vous a choiü : car nous voulons bien qu^on le fçache , ce n’efl: point la brigue , ce ne font point les follicitations qui ouvrent les portes de l’Académie. Elle va elle*même au«de> I vant du mérite; elle lui épargne l’em- barras de fe venir o/Frir , elle cherche les fujets qui lui font propres. Et qui pouvoit lui être plus propre que vous ? Qui pouvoit mieux nous féconder dans le deHein que nous nous fommes tous propofé de travailler à immortalifer les grandes allions de notre Augufte Proteéleur ? Qui pouvoit mieux nous aider à célébrer ce prodigieux nom- bre d’Exploits , dont la grandeur nous accable ; pour ainfi dire, & nous met dans l’impuiflance de les exprimer?

A- K* A O A B i V r ^ f

H noas f^ut des années entières pour écrire dignement une. feule de fea^ aâions.

Cependant chaque année chaque- mois , chaque journée même , nout' prefenre une foule de nouveaux mi* racles. Etonnez de tant de triomphes ^ nout penOons que la guerre eût porté- fa gloire au plus haut point elle pouvoir monter. En effat , après tant de Provinces (i rapidement conquifes^. tant de Batailles gagnées , les Villes emportes d’affaut, les Villes (âuvées du pillage , & toutes ces grandes ac- tions dont vous nous avez fait une (t vive veinture , auroit on s’imagi- ner 90e cette glowa dût encore croî» tre ? La Paix qu7/ vient de donner à VEurope nous prefente quelque choie de plus grand encore que tout ce qu’il a fait dans- la Guerre. Je n’^ garde d’entreprendre ici de faire l’é- loge de ce Héros , après l’éloquent difcours que vous venez de nous fai- re entendre. Non - feulement nous, y avons reconnu l’élévation de votre- efprit , la fublimitë de vos penfées f nais on y voit briller fur tout ce zèle peur voue Fiince , & cette ardente-

» 9 paffîoa^

s DiseooKS'

pour fa gloire ». qui eft la mr»- que Ci particulière à laquelle on re» connoît toute votre iliuftre Famille» Tandis que le Chef de la maifon rempli de ce noble zèle » ne donne point de relâche à Ton infatigable* gé> nie ; tandis qu’il jette on œil péné^ trant iufqoes dans les moindres befoi ns de l’État : avec quelle ardeur» quelle vigilance , fes Ënfans , Tes. Freres fes Neveux , tout ce qui lui apar- tient » s’emprefle t?il à. le foulager ^ â le féconder ? Lim travaille heureu» fement à> foutenir la. gloire de la Nà» vigation ; l’autre fe fignale dans les premiers emplois de la Guerre'; l’au» nre donne tous fes foins à la Paix ». & renverlè tous les obflades que quelques deferpérez vouloient aporter â ce grand ouvrage» Je ne finirois point fi je vous mettois devant les yeux tout ce qnil y. a d’illuflre dans- vôtre Maifon.. Vous entrez »..Mon- stEOR ,. dans une Compagnie que* vous trouverez pleine de ce même efprit , de.ce même zèle. Car » je le ré- pété encore, nous fommes tous rivaux dans la paflion de contribuer quelque chofe à la g}oire d’on ûgçand Prince.

Chacun.

M t’AcADBMTX. 7

Cfaacuo- y emploie les diffürens taleiu que la Nature lui a donnez. Et ce tra« vail même qui nous eft commun , ce Diâionnaire, qui de foi-mëme femble une occupation fi féche & fi êpineufe,.j nous y travaillons avec plaifir. Tous les roots de la Langue , toutes les fylla- bes nous paroifient ptécieufes ,■ parce que nous les regardons comme autant d*inltrumens qui doivent fervii à la ÿoire de notre AuguAe Proteâeor.

PLAtfl

IN- DU I

d'Ifhigenie

<ici Je feul fr les papiers d r que pour f ère il drejfoh entreprenoU. les cinq A que fa Trag

ÎIGENIE

Acts

vgénie v}eiit t y qui s'èmn nde fi elle ejl Diane Je pc

<)u*»n y »«fia I /yaura que le Cr

enie , oo giixott

JPBI&ENIB EN TaVRÎDI. 9

h aucun étranger. Ta peux croire , Iphigénie , ü c’efl-là un fentiment digne de ia fille d’Agàmemnon^Tu fçais avec quelle répugnance j’ai préparé les férables que l’on a facrifiez depuis que je préfide à ces cruelles céré* monies. Je me fai fois une joye de ce que ia fortune n’avoit amené aucun Grec pour cette journée , & je trion>phois de la douleur commu* ne » qui eft répanduë dans cette lûe , l’on compte pour un préfàge fu« nefte de ce que nous manquons de ▼iâimes pour cette fête> Mais je ne pois réfifier à la fecrette triftelFe dont je fun occupée depuis le fisnge que j*ai fait cette nuit. Vai cru que j’étois à Mycéne dans la maiTon de ihoa pe> xe. Il m'a femblé que mon pere & ma mere nageoient dans le fang , & que moi même je tenois un poignard à la main pour en égorger mon frere Ôrel^ te. Hélas , mon cher Orefte ! Mais » Madame , vous êtes trop éloignez l’uit de l’autre pour craindre l’accompliflè- ment de votre fonge. Et ce n’eil pas. aufli ce que je crains : mais je crains avec raifon qu’il n’y ait de grands mal- heurs dans ma. famille. Les Rois font

fujeta

VO iPHieSNIK

fiijets à de grands changemens. Ah f fi je c’avois perdu , mon cher frere Orefte , fur qui leul J’ai fondé mes efpérances. Car en6n , j’ai plus de fa« jet de t’aimer que tout le refie de ma famiile. Tu ne fus point coupable d& ce facrifice mon pere m^avoit con* damnée dans l’Aulide. Tu étois un en- fimt de dix ans. Tu as été élevé avec: moi , & tu es le feul de toute la- Grèce que je regrette tous les jours. Mais , Madame , quelle aparence qu’il ^ache Fétat vous êtes ? Vous êtes dans une Ifle détefiée de tout le mon- de : fi le hazard y amene quelque* Grec y oii- le facrifie. Que ne renoo* 'èez-vous à la Grèce ? Que ne répon- dez-vous ù'l’amour du Prince ? £h que me ferviroic de m’y attacher ? Son- pere Thoas lui défend de m’aimer ^ il ae me parle qu’en tremblant , car ils ignorent tous deux ma naifiance , & je n’ai garde de leur découvrir une chofe qu’ils ne croiroient pas. Car ^ quelle aparence qu’une fille que des ' Pirates ont enlevée dans le moment qu’on l’alloit facrifier pour le falut de k Grèce , fût la fille du Général de la- Grèce l Mais- Voici ce Prince.

SCENE

E M T A tr « I S t. IX

SCENE II.

Qu*ave2‘Vous ^ Prince ? d’oà vient ce defordre , & cette émotion ? Ma* dame , je fuis caufe du pins grand malheur du monde. Vous fçavez com* bien j’ai détefté avec vous les facrifi? ces de cette Ifle ; je me réjoûifTois de ce que vous feriez aujourd’hui difpen* fée de cette funelle occupation ; & cependant je fuis eau le que vous avez aujourd’hui deux -Grecs à lâcrifîer. Comment , Seigneur ? On m’eft venu avertir que deux jeunes hommes étoienc •environnez d’une .grande fouIe.de peu- ple , contre lequel ils fe défendoient. J’ai couru fut \e bord de la mer : je les ai trouvez à la porte du Temple » ^ vendoient chèrement leur vie , & <}ui ne fongeoient chacun qu’à la dé- feule l’un de l’autre. Leur courage m’a piqué de générofité. Je les ai défen- dus moi-même : j’ai defarmé le peu- ple , & ils Ibnt rendus à moi. Leurs habits les ont fait paffer pour Grecs: ils l’ont avoué. J’ai frémi à cette pa- role : on les a menez malgré moi à mon pere ; & vous pouvez juger quel- le fêta leur deflinée. La joïe e(l ual-

verfelle »

\

I P B 1 G E M I «

Terfelle , & on remercie les Dieax ■d’une prife qui me met au defefpoir. Mais enfin , Madame', ou je ne pour- rai , ou je vous affranchirai bien^tôc ■de la malheureufe dignité qui vous en- ;gage à ces lacriôces : mais voici le Rui mon pere.

SCENE III.

0

Quoi , Madame , vous êtes encore ici ? Ne devriez-vous pas être dans le . Temple , pour remercier la Déeflfe. de ces deux viâimes qujelle nous a envoyées ? Allez préparer tout pour le Sacrifice , & vous reviendrez enfuite « afin qu’on vous remette entre les mains «es deux étrangers.

SCENE IV.

Iphigénie fort ^ le Prince fait quel»

^es efforts pour obtenir de f on pere la vie de ces deux Grecs , afin qu'il ne les ait pas Jàuvez inutilement. Le Roi le mal» traite , & lui dit que ce font des feU' 4imens qui lui ont été ir^pirez par la jeune Crecque ; il lui reproche la pajjîon qu'il ü pour une e/clave. Et qui vous dit, Sei- gneur,

* N T A O R I D *. 13

gneur , que c’eft une efclave ? Et quel- le autre qu’une efclave , dit le Roi , auroit été choifie par les Grecs poiir ^re facrifiée ? (^uoi I ne vous fouvient* il plus des habilletnens qu’elle avoic lorlqu’on l’amena ici ? Avez-vous ou- blié que les Pirates l’enlevèrent dans le moment qu’elle alloit recevoir le coup mortel ? Nos Peuples eurent plus de comp^on pour elle que les Grecs n’en avoient eu : & an lieu de la làcii- fier à Diane , ils la choifirent pour préGder elle-méme à fes facrifices. Le Frince fort , déplorant fa malheureufe gènitofiti , qui a fauvé la vie à deux

Grecs pour la leur faire perdre plut erueUement.

4

S CE N E V.

If Roi témoigne à fon confident qu*il je fatt violence en maltraitant fon fils. Mais quelle apareoce de donner les mains à une pafüon qui le deshono- re ? Allons , âc demandons à la Déef- parmi nos prières , qu’elle donne à mon fils des lêntimens plus dignes de lut

JRn dit premier A£te.

b EXTR.

1

«4

. EXTRAIT

DU TRAITE’ DE LUCIEN , inticujé , comment il faut écrire PHiJîoire. (i)

V

L’Hiftoire «ed toute diffîrente de la Poëde. Le Poëce a belbin de tous les Dieux quand il veut peindre Aga> memnon ; il lui faut la tête & les yeux de Jupiter , la poitrine de Nep- tune 4 le boudiet; de Mars. L’Hifto- sien peint Philippe borgne , comme il .^toit.

Alexandre jetta dans l’Hyda/pe l’Hiftoire d’Ariftobule , qui lui faifoit faire des aâions merveilleufes ) qu’il n’avoit point faites lui dit qu’il lui faifoit grâce de ne l’y pas faire jet* ^er lui-même.

Il y a des Hidoriens qui croyen( faire grand plaidr à un Prince en ra-

^ valant

T ( i\ torfqu*il fut nommé pour écrire l*Hiiloire du 3loi 9 il fie cec E%crak , comme il eft die dans ft wiSéi pour fc mccuic dcvunc yeux jpeis

EzTR. do TaJOTE* DE Ldciem. ÏS

valant le mérite de Tes etinemis. Achil» le feroit moins grand s’il n’avoit pas dé£ût an Heâor. D’éptres inveâivenc centre les Chefs ennemis , comme s’ils vouloient les dé£ure la plume à la main.

Un autre remplira fon Hiftoire de petits détails , & de mots de l’art , comme feroit un foldat ou un ouvrier qui auroit travaillé dans le camp : un autre employera tout fon tems à faire d'ennuyeufes deA:riptions , de l’imbil- lement , ou des armes du Général , oo d’un bois ^ quand ils viennent aux grandes affaires , ils y font tous neufs. IJm penfent attraper le merveilleux en écrivant des c^(et contre le vrai* femblab/e ^ des bleÛmes prod|gieafes , des morts incroyables.

L’on fert qodqoefois de phrafes belles & magnifiqaeé , comme pour* roic faire ou Poète , & tombe tout à- _ «oup dans -de baffes expreffions. C’eff ; nn homme qui a un pied chauffé d’un^ brodequin , & une fandale à Tautre pied.

Un autre décrit corieufement & fort an long les petites chofes , & paile

Iraéremeiu; Air les gruides.

b a Voila

i

î5 Extrait 00 Tiait**

Voilà les principales fautes peut tomber un HiÆorien. Voici les prio> cipales qualitez qu’il doit avoir.

Les deux plus néceflaires , ce font un bon fens pour les cbo&s du mon- de , & une agréable expreffion. La première efl: un dôn du del. L’autre fe peut acquérir par un grand travail ^ & une grande leélure des Anciens.

Il faut -qu’un Hiftorien ait une armée , des foldats rangez en bataille; ce que c’efk qu’une aîle , un front , des bataillons , des machines de guer- re , &c. & qu’il ne s’en raporte pas aux yeux d’autrui.

Sur tout il doit être libre , n’efpé» tant , ni ne craignant rien ; inacceilî- ble aux prelens & aux récompenfes ; ne faifant grâce à perfonne ; juge équitable & indifférent , fans pars , & fans maître , «W/awt»?. Qu’il dife . les choies comme elles font ^ fans les . farder , . i les déguifer ; car il n’elb pas Poëté , il eft narrateur , & par conféquent n’eil poipt refponfable de ce qu’il raconte : en un mot , il faut qu’il facrifie à la feule vérité , & qu’il n’ait pas devant les yeux des ef- pérances au0î coartçs que celles de

cette

DS LirCIEK, If

cette vie , mais l’eftime de tome la poftérité. Qu’il imite cet Architeâc du Phare d’Egypte y qui mit fur du plâtre le nom du Roi qui l’en»

P oyoit ) mais deflbus ce plâtre foa propre nom , fçachanc bien que le plâtre tomberoit ^ & que Ton nom yerroit écernellemenc fur la pierre.

. Alexandre a (ht plus d’une fois : O fne ne puis je revenir dans 3 ou 400 ans , pour entendre de quelle manière les hom- mes parleront de moi !

11 ne faut pas fe mettre en tête d’avoir on fiyle fi magnifique ; il fzvix. s’y prendre plus familièrement. Que le fens & \a vérité Toit preiTé , qu’il y ait du fens ât des chofes par* tout 3 mais que l’expreiiion foit clai- re t & comme parlent les honnêtes gens. Car , comme l’Hifiorien ne doit avoir dans l’efprit (jue la liber* & la vérité , il faut aufil qu’il n’ait pour but dans Ton fiyle que la netteté , & de reprefenter les cho* fbs telles qu’elles font. En un ttiot , que tout le monde l’entende , St que les Sçavans le louent : ce qui ar>

rivera s’il le fert d’exprefllons qui ne

b 3 foiens .

I

f

ig Exvkaxt DD Traîts’

foiènc point trop reirbeichées ^ ni auffi trop commones,

11 faut pourtant que l’Hiftorien ait quelque chofe du Poëce dans les penfées , fur-tout lorfqu'il viendra à décrire une Bataille , des Années qui vont fe choquer ^ des Vaideaux prêts à combattre ; c’eÆ alors qu’il a befoin , pour ainfî dire , d’un vent poétique qui enfle les voiles , & -qui fafle groflir la mer. Il faut pourtant que rexpréflioa ne s’élève guère de terre.

N’avoir point trop foin de l’harmo- nie & du fon : mais aufli ne pas écor- cher les oreilles.

Il faut bien prendre garde de qui on prend des Mémoires , & ne con- fulter que des gens non fufpeâs oa de haine ou de complaifance » foit pour eux -mêmes , foit pour les autres.

Quand on a fait provifîon de bons Mémoires , alors il faut les coudre » & faire comme un corps id’Hiftoi- re , fec & décharné ' d’abord , pour y mettre enfuite la chair de les cou- leurs.

11 faut t comme le Jupiter d’Ho**

mére>

» £ L tf e 1 1 ir>

fdére » ^ue THiftorien porte les yeax de cous côcez , & qu’il voye suffi* bien ce qui fe pafle dans le parti ennemi , ^ue dans l’autre parti.

Il doit être comme un miroir pur & fans tache , qui reçoit les Objet» tels q^u’ils font , ne mettant rien da fien qu’une expreffion naïve , fan» fe meure en peine de quelle nature ce qu’il die , mais de quelle ma- nière il le doit dire.

Sa narration ne -doit pas être dé' eouAiê ; non*feulement les choies doi> ▼ent fe fuivre y mais fe tenir le^ unes amz autres..

fi faut içavoif ne pokit s’étendre dans les àefciipüons : témoin Homé' re f qui en a faire de fi belles ', & qui a fi ibuvent paffié par deflus courageufement. Ne croyez point que Teucydide foit long di^s la def* cription de la peite t fongez de ^elfe importance efi tout ce qu’il dit : il- fuit les choies , mais les chofes l’arrê' tent malgré lui.

On peut s’élever , & être Orateur dans les harangues * pourvû qu’elles conviennent à celui qui parle.

JI faut être court & circonfpeét

b 4

20

Extrait, &c.

dans les jugemens : jamais calomnia* teur. Il faut toujours être apuyé de preuves. L’Hiftorien n’eft point de- vant des Juges pour faire le procès à ceux dont il parle : il ne doic point être accufateur , mais HUto- rien.

FRAGMENS

FRAGMENS HISTORIQUES.

JE ne donne quî une. petite partie de cet fragmens , dont je ne releve le prix , ni pour le fond , ni pour la forme. Quant ait fond , on n'y trouve rien de curieux : ce- qui pouvoit Pêtre du tenu de Auteur , 9 iti écrit depuis par différetu Hiflwiens» Quant à la former ce ne font que de cour» tes Obfervatiatu <pie P Auteur y qui en devait faire ufage dans la fuite , jettoit fur le papier fans Jlyle Q* fans ordre^ Cette raif on m'oblige encore à n'en don» ner qu'une petite partie , pujf. qu'on ignore l’ufage ^’uR Auteur devait faire des çbofes-'qu'on trouve après fa mort , écri» ses par lui fans ordre y qu'il rsécrivoip que peur lui feuL 11 peut avoir écrit tel fait y RO» comme véritable , mais comme: débité de Jon. tems y & dans le dejfeinde k détruire.

Ce ne font ici que des membres épars- & déchantez , que PHiJiorien devait raf» Jembler (ÿ animer : & je niai d'autre' objet en les faijant connoUre , que de dé» tromper ceux qui croyent qu'il ne s'oecu» poit point do PÜiJloirei du Roi ou qu'il'-

U 5^

22

Fraghkni Histos;

ne touloit donner qu'un éloge bijlorîque dSr ce Prince. Il paroît au contraire par lef Extraits qu'il a faits de Vittorio Siri , ^ de plufieuTs Mémoires , qu'il s'étoit for»- un plan très vajle , ^ que fe met»

' tara au fait des affaires étrangères , corn» me de celles de lintérieur , il embraffoît fon grand objet dans toute fon étendu^ ^ & compioit faire l'ilijloire du Royaume fous le régne de Louis XIK E en avoie déjà compofé plufieurs grands morceaux r mais , comme je l’ai dit , ils périrent dont- l'incendie , par laquelle tout ce que M. de Valincour confervoit dans fa Maifon de Sm. Cleud fut confommé en un moment ^ ma>r gno cum Muf»:um mœrojre»

I

*3

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Vîpy* iWWiiW

F R A G M E N s.

HIS T ORIQUES.

QUaod le Cardinal Mazaria forcit de France , il demanda un hmnme de confiance à M. le TelUer ; qui lui donna Colbert , en priant le Cardinal que qpand il recevroic de lui des Let- tres mcrette» , il ne les gardât point , mais les reniUc à Coibort. Un jour le Cardinal en vonlot garder nne« Col- bert liû réfifta , jufqp’à le mettre en colère.

Le Cardinal Mazarin <£c à VilIer<H ^atre jours- avant fa mort : On fmt Utn des cbofes en cet itet , qu’on ne fiat fax Je portant bien. Le lendemain il vit M. le Ftince , lai parla long-tems , & fort affeduenfoment. M; le Prince re- connut après , gu-’il ne Im avmt pat dàt un mot de vraù 11' recommandn au Roi trois mes , Coltert , Lefcot Jouailler ^ Ratabon ^s Mrîmensk Jd^ Colbert diTotti-qt^àp «onmien*

bd «emeai

24 Fragukks

cernent que le Roi prit connoilTaoce des affaires , ce Prince lui dit & aux autres Miniffres : Je vous avoué frasi- ÿ ebement que j'ai un fort grand penchant \pour les platfirs ; mais fi vous vous aper» 'cevez qu’ils me fajjent négliger mes affai- ’res , je vous ordonne de m'en avertir.

La Reine Mere fçavok qu’on arré« .teroit M. Fouquet. On Tavoit dit à Laigue , pour le dire à Madame de Chevreufe » aËn qu’elle y difpofât la Reine , ce qui fe à Danapierre. Vil-

leroi le fçut aulli. Le Roi vouloit le faire arrêter dans Vaux ; Quoi , au mû’ lieu d'une fête qu*il vous donne ! lui die la Reine.

Le Roi , pea avant le jugement de M. Fouquet , dit à la Reine dans foa Oratoire. , qu’il vouloit qu’elle lui pro« mit une chofe qu’il lui demandoit , c’é- toit fi Fouq.ùet é.toit condamné , de ne lui. peint demander fa grâce. Le jour de l’arrêt , il dit chez Mademoifelle la . Valliére : S'il eût été condamné à mort ^jt Maurois laijfé mourir. Il amt dit à M* de Turenne très>fortement y de ne .plus fe mêler de cette affaire.^

Le Roi fe nettoyant, le» pieds , oa .Valet* de t chambre qui tenoit' la bou- gie*

Hïstobiq,oes. 25

ffe , lui laifla tomber fur te pië de la dre toute brûlante : il dit froidement ; Tu aurais aujji bien fait de la laijfer tant» ber à terre,

A un autre Valet d&cfaambre , qui en hiver aporta fa chemite toute froi- de , il dit encore fans gronder. Tu me la dknneras brûlante à la canicule.

Un Portier du Parc qui a voit été averti que le Roi devoit fortir par cet^ te porte , ne s’y trouva pas , & fie long teffls chercher. Comme il venoie tout en courant , c’étoit 4 qui lui dirait des injures. Le Roi dit : Pourquoi la grondez-vous , croyez vous qu’il ne fait pas ajfez affligé de rn avoir fait attendra 2 Le Nonce lui dît que Ci le Doge de Genes , & quatre des prindpaux Séna- teurs venoient , la République deroeu* reroit fans cheft pour la gouverner. It répondit t Ils (prendront à mieux gou» vtrner,

£n donnant Tagrément & la diipea» d’âge 4 M. Chopin pour la charge de Lieutenant Criminel , le Roi loi dit ; Jevour exhorte àfuiwoplûtêt les ma^ xitnes de vos- ancétrea , que les exemflex êe vot prédéceffèurr.

Xb’Bvéqoe da MetX'*| revenant de

F ft A G M » » »'

fen Séminaire ». H avoit piSS dix jour* » parloit devant le Roi avec exa^ gération- du défintéreflement de toua- &s EccIeQaftiqoes » qui ne faifoient au* eun cas » difoit41 , ni de Bénéfices , ni de richeûes ; & qui même , s’en moc* qqoienc : Finu vous- mocpiez donc bie» ifseje » Jui dit le Roi.

A foD lever l’Archevêque d’Ambran> k>uoit beaucoup la harangue de l’Abbé Colbert. Le Roi dit à M. de Maule^ vrièr ^i’rommez>»iei dette pas dite urs mot à Colbert de tout ce que va dire l'As» ebevêque: dAmbrun : oi enfuite il dit à l’Archevêque » Contimez tant q^U vous plaira.

Le Chevalier de LOTrmne , obligé de ' & retirer »- dit au Roi » en prenant congé de lui qu’il ne vouloit plus fonr ger qu’à fon falut. Quand il fut for^ ^ le Roi dk ; he Chevalier de Lorrainà Jonge à faire une reiraite & emmene avec le Pere Nantouillet.

|T Quand je lui eus récité mon difcoars^ R me dit : Je vous louerais davtmtage y ^ vous ne' m'aviez pas tant Joué» . k: On prétend que les remontrances que lui faifoit M. Colbert au fujet des bâtiment ;^ravoienc chagriné^. jurques-

Hzt ^

&qu*il dit «aefoi»à Mani^d : Oh dmm trop dt dégoût ijo ne veux plus [on- ger à bâiis^

11 écrivit à M. Colbert peu de jours> avant mort », pour lui commander de manger & de prendre foin de luû M. Colbert ne dit pas an root après qn*on lui eut Id cette lettre* On lu» aporta an bouillon , & U lerefuTa. Ma» dame Colbert lui dit : ÎUt voulez-^vouo ftu répondre au Rot 2 U lui dit : R ejt Air» tem de cela , e'efi au Roi des Rù» §ue je finge à répondre^ Comme elle li» dilmt une autrefois quelque cbofo de cette nature , il lui dit : Madame quand j'itm data ce ceéiaet A travailler pont les araires du Roi , mvous m lep sutre* n'ofitz y etartr y fÿ maintenauii qu’il faut pu je travaille aux traites èf monjoha , vous ne me laiffèz poitO^en re^ pou Le Vicaire de Saint Euftache vins loi dire qu’il avertirrot fos Paroiffieos- de prier Dieu pour fa fanté. Non pax cela ydit M. Ct^bert , qv^tis prient ûien é me faire mi/ériewàe*

\

•XAILX-E^

zS Fraqkbk( TAILLES.

En 56 million!.

' "n 1678 40.

in 1679 34.

En i^8o 32.

Eni(î8i 35.

. En -ii585 35^

4.

« - *

La dépenfe des bâtimens en 1685. » nooc« à id millions.

. Le Nonce Roberti dilbit ; Bifogna in farinarji di Ibeotogia è far un fonda dipo» litica.

Le même Nonce difoit à M. TAbbé le Tellier , depuis Archevêque de Reims » qui lui foucenoic l’autorité du Concile àu-dedus du Pape : Ou n’ayez qu’un Bénéfice , ou.çroyez^ à l'autorité du Pape, >

; * M. l’Archevêque de Reims léppn*^ dit à l’Evêque d’Autun , qui lui mon» troit un beau buffet d’argent ^en lui . difant qu’il étoit pour les pauvres : P!buf pouviez leur en épargner la façon,.

Quand U fut Coadjuteur fous le titre de Naziance , les R. Peres..» lui vin^ ren: demander fk proteâion. H leur lUc:^ n'ai point de pouvoir à Rems ;

maie

Hl ST0KIQ.ÜE9. Z9>

mais à NazSance tant que vous voudrez.

On dit qu’à Strasbourg , quand le Roi y fit fon encrée , les Députez des SaiflTes l’étant venu voir, l’Archevêque de Reims , qui vid parmi eux l’Evê* qne de Bâle , dit à Ton voifîn : Cejl quelque miférable aparemment , que cet Evêque. Comment , lui dit i’Autré , il a cent mille livres de rente. Ob , , dit l'Archevêque, c'eji donc un honnête hom^ me , il lui fit mille careffes.

* Milord Rouflel , qui a eu depuis peu le col coupé à Londres , en .mon- tant à réchafiàut , donna fa montre aa\ M'miftre qui l’exbortoit à la mort : 7>- j t tiez , dit-il , voila qui Jert à marquer le 1 f tems y je vais compter par Vétemïié. Ce / Minière étoit M. Burnet.

** Dikfeld a avoué à on Danois nom* M. Schell , que ce Grandval qui fut exécuté en Hollande., pour avoir voulu aflafiner le Prince d’Ôrange , avoit dé- claré en mourant , que jamais le Roi de France n’avoic eu connoiffance de fon deflein , & que s’étant même voulu adreffer à M. de Louvois , celui ci lui dit , que fi le Roi fçavoit qu’il eût une pareille penfée , il le feroit pendre.

* On penfa commencer la guerre

dès

F K A G H B N »

'dés 1 666. Le Roi en avoic fort envie' f mais il n’y avoic rien de prêt. Lorfqu’on' la commença , l’artHlerie n’étoit pae prête , & ce fut une des raifons qui fie qu’on s’arrêta à réparer Charleroi : de> le Roi alla à Avênes , on fit ve* air la Reine ôc Madame de Moncefi- jpan.

* En 1^72. le Roi vouloir que Mef- fieurs de Malthe fe déclaraflenc aufii contre les Hollandois ; il dirent qu’ila ne fe déclaraient jamais que contre le -.Turc.

* Vitrî. (i) Affeftions des habitans

'' feux joïe , lanternes à toutes les fe«

^ . sêtres. Us arrachèrent de l’EgUfe le- Roi devoit entendre la mefle , la tom- be d’un de leurs Gouverneurs , qui avoit été dans le parti de la ligue , de ** | peur que le Roi ne vît dans leur Egli- i îe le nom & l’épitaphe d’un Rebelle;

Sermaife , vilain lieu. Le fauteuil du Roi pouvoir à peine tenir dans fa cham- . bre.

. Commercy , Le bruit de la Cour ce’ jour étoit qu’on retourneroit à Paris.r

Trof. ,

(0 F^cce 4e petic Jonrnal».

J

HisTonidu 3Ei

tbuL On fïjourna un jour. Roi & ]e tour de la ville , vifita les fortifica* tions f & ordonna deux battions du cô» de la rivière.

Metz. On fèjourna deux jours. Le Maréchal de Créqui s’y rendit , & eut ordre de partir le lendemain. Quantité d’Officiers^eurenc ordre de marches vers Thion ville. Le Roi vifita enco- re les fortifications , qu’il fit réparer» Grand zèle des habitans de Metz pouc Je Roi.

Verdun, Le Roy y trouva Monfieur » qui avoir une grotte fièvre, il alla vifi- ter la citadelle.

Stenay.Le Roi y arriva avant la ReL ne, & alla voir les fortifications de la citadelle. Le Roi quitta la Reine , ôc partit le matin à cheval. Il ne trouva point Ton diné en chemin ; il mangea fous une balle , & but d’un très mau* vais vin.

Aubignj , méchant village. Le Roc coucha dans une fermé } il vouloit al- ler le lendemain à Landrecies : mais tout le monde cria que c’étmt trop loin. Il envoya les Maréchaux des Logis à Guife y il dîna le lendemain à une Abbaye , & fit jazec un Moine pouc fe (fivertir» Cui/u

3 2 F R A G ]f £ K s

Gütfe. Grand nombre de charîtezi qu’il faifoit en chemin. Une vieille femme demanda étoit le Roi : on Je lui montra; & elle lui dit ; Je vous avais déjà une fois , vous êtes bien changé. Le Roi aprochant de Valenciei^ nés reçut nouvelle que Gand étoit in« vefti. À une lieuë de Valenciennes le Roi m’a montré fept villes tout d une vûé , qui font maintenant à lui } il me dit ; Fous venez Tournai , qui vaut bien que je hazarde quelque cboje four le côn- ferver. Le Roi en arrivant à Valencien- nes , fe trouva fi las , qu’il ne pouvoir fe réfoudre à monter jufqu’à fa cham- bre.

Gand , 4 Mars. ' Le Roi trouv* Gand inverti par le Maréchal d’Hu- mieres. Il dîna & alla donner les quar- tiers , & faire le tour de la^lace. Le quartier du Roi étoit depuis le petit Efcaut, jufqu’au grand Efcaut. M. de Luxembourg depuis le grand Efcaut jufqa’au canal du Sas de Gand. M. de Schomberg entre ce canal & le canal de Bruges. M. de Lorges entre le ca^ nal de Bruges & le petit Efcaut. La Lys pafibit au travers de fbn quartier. M. le Maréchal d’Humieres étoit dans le

' quartier

Hi«toriq.v«$. 33

^oartier da Roi. Les lignes de cir< convallation écoienc communes , & le Roi les fît achever ; elles étoient de fepc lieuës de tour. On commença dès le foir à préparer la tranchée. M. de Maran fit faire un boyau « dont on s'eft fervi depuis , & qui a été l’atta* que de la droite , qu’on a apellé l’at« taque de Navarre. Le lendemain 5 la tranchée fut ouverte fur la gauche par ■le régiment des Gardes.

Le Roi a dit après la prife de Gand , qu’il y avoit plus de crois mois que le Roi d'Angleterre avoit mandé à ViUa-Hermofa , qu’il avoit fur tout i craindre pour Gand.

Miférable état des Efpagnols ; ils fe rendirent famé de pain. Le Gou- verneur , vieil & barbu , ne dit au Roi que ces paroles : ^ viens rendre Candà F. M. c'ejl tout ce que j'ai à lui dire, * Pendant que les armes du Roi profpéroient en Allemagne , (1 ) Tes forces maritimes s’accrpifToient confi- dérablement , jufqu’à donner déjà de

l’inquié-

(1) Toutes ces ob(êrvaûons font douchées Icsuncf

VIUCS4 ^

F il A C M E K «

l’inquiëtude à Tes Alliez. Ils s’ëtoîçnt xnëcquez de tous les projets qu’on fai> iôit en France pour fe rendre puiflans fur la mer , s’imaginant qu’on ie re* buteroit bien-tôt par les difficultés qui ib rencontreroient dans rëxëcution & par les horribles dëpenfes qu’il fal- loir faire. Ils ne voyoient dans les ports que deux galëres , <Sç une dou- zaine de vaifleaux 4 dont plus de la, moitië tomboient pour ainiî dire , | par pièces. Les arfenaux & les maga-'' fins entiërement dégarnis , &c.

* Frëdiëtions de Campanella fur la grandeur futiue du Dauphin , ( depuis Louis XIV. ) Préfages fur la même ehofe. Grotius. La conftellation du Dauphin xompofée de neuf ëtoiies : les neuf Muf^ fuivant les Aflrolo- gues , environnée de l’aigle , grand génié , du Pegaze ^ puHTant en cava-. lerie : du Sagittaire , Infanterie : de i’Aquarius , PuffiTance maritime : du Cygne > Poëtes , Hiftoriens ,, Orateurs qui le chanteront. Le Dauphin tou- che rSquateur , Juflice. le Diman* che y jour du foleil. Æ folis infiar bea- turus fuo colore ac Itmine Galliam , Gai- iiague cmicos^ Delpkinusjam nonam m-

trken

H 38 T OR I 0^02*.

tmtnfugit : aufugmnt omnes , quhd mam^, aas earum male traiiet. i. Janv. 1639*

* Le Parlement eompUmenta par Dépatés le Roi Henri IV. fur la mort de Madame Gabrielle. Le P- PréQdeac de Hulay rendant compte de fa dé« putation « dit : Laqueus contritus ejl , 6f nw liberMÜ futnuu

* Plullears chofes eatravagantec

trouvées après la mort de Mezerai dans Ton Inventaire ; entr’autres dans uu fac de mille francs , ce billet : (.‘H Cejl tci le dertiHr argent que fat reçu du R#i i aujjt depuis ce $ems4à n’aHejatnais, dit de bien de lui. *

I^ns un fac d’écus d^or ) il y avoîc on écu d’or envelopé fcul dans un pa- pier où étoît écrit : Cet écu d’or ejl du ion Roi Louis XII. 6* je l’ai gardé pour louer une place ddk je puiffe voir pendre le plus^ fameux Financier de notre Jiécle» On lui trouva plus de 50 mille fratica en argent derrière des livres » & de tous côtez.

U fit an Cabatetier de la Cirapelle* fo&l^taire univerfel.

*M.

(0 Oa im £i pcafion«

3^ Fraghbns

* M. Feuillet regardoit Monfieur faire collation en Carême. Monlîeur , en forçant de table , lui montra un pe< tic bifcuic qu’il prit encore fur la ta- ble , en difant : Cela n'ejl pas rompre le I jeûne , n*ejl il pas vrai ? Feuillet lui re- ^ pondit ; Mangez un veau tÿ f oyez Ciré* Mien.

* AlexMdre VIII. n’étant encore que Monugnor Ottobon , & ayant grande envie d’être Cardinal , fans qu’il lui en coûtât rien , avoit un jardin près duquel la Dona Olympia venoit .fouvent. Il avoit à la Cour de cette Dame un ami , par le moyen duquel il obtint d’elle qu’elle viendroit un jour faire collation dans Ton jardin. Il l’at- tendit en eSèt avec une collation fort propre , & un beau buffet tout aux armes d’Olympia. Elle s’aperçût bien- tôt’ de la chofe , & compta dga le buffet pour elle : car c’étoit la mode de lui envoyer des fleurs ou des fruits ^dans des baffins de vermeil , qui lui deroeuroient auffi. Au fbrtir de chez Ottobon , l’ami commun dit à ce Pré- lat , qu’OIympia comprenoit bien Ton ddTein galant , & en iétoit charmée;. Celui-ci mena fou ami dans fon cabi>

net ,

Histork^obi. 37

aet , & ]ai montra un très beau collier de perles , en difant : Ceci ira encere avec la creienza , le buffet. Quinze jours après il y eut une promotion, dans laquelle Octobon fut nommé , & il renvoya au(fi*tôt le collier de perles chez le marchand , & fit ôter de fa vaiflelle les armes d'Olympia.

* M. Pignatelli ^ maintt^ant Pape , an retour de fa Nonciature de Polo* gne , n'étoit guère mieux iollruit des affaires de ce Pays-ià , que s’il n’eût jamais fort! de Rome. Un jour qu’on parloir du fiége de Belgrade , le Pape Innocent X. qui avoir fort à cœur la guerre du Turc , dit à M. Pignaiel- li , qu’il vint Vaprès dînée l’entrete* nir fiir la iltuation de. Belgrade. Le bon Prélat fort embarrafle , fe confia i on Capitaine Suifle de la garde du Pape , qui avoir fervi quelques années en Hongrie. Ce Capitaine fit ce qu’il put pour lui faire comprendre litua* lion de cette place , & lui ouvrant les deux doigts de la main , lui difoit : Eccovi la Sava , ecco il Danuvio ; &. dans la fourche des deux doigts ; Ecco Selgrada. Pignatelli s’en alla à l'audien* ce , tenant fes deux doigts ouverts ,

c &

SS F R A « M 6 N il

. & répétant la leçon da SaifTe : mais fur le point d’entrer , il oublia lequel de Tes deux doigts étoit la Save & le Danube > & revint au Suiflè lui déman* der la pofition de ces deux rivières.

Du relie Pape de grande piété , & ai* niant fort l’Èglife.

* Le Courier de l’Evêque de Mar- ièille 4 Fourbin , qui aporta en Fran- ce la nouvelle de l’éleâion deSobief* xy 4 pour Roi de Pologne , alla del^ - cendre chez M. le Tellier , & fut ren- voyé en Pologne avec use Lettre du Cardinal de Bonzy pour Reine. Ce Cardinal loi mandok , que 11 le Roi fon mari vouloir , on lui donneroic cent mille écus pour nommer au Car* dinalat un fujet qui aoroit tout l’apui :**' qu’on pouvoir delirer pour faire léuf*

fit cette|nomination : & ce fujet étoit M- l’Archevêque de Reims.

Le Roi de Pologne Sobielky fongeoit point à rèconnoître le Prin- ce d’Orange pour Roi d’Angleterre , n’ayant ni hefoin de lui , ni affaire à lui. Un Polonnois qui avoit beib.in en Hollande d’une recommandation près du Prince d’Orange , donna piAoles à un Religieux qui étoit au- près

Hl s TO B.I 0.0 s s.

près do Roi de Pologne , & le Roi le. laifTa gagner par ce Reli^eux.

Comme le Roi de Pologne fut mon- té à cheval pour aller fecoorir Vien- ne, la Reine le regardoic en pleurant, & embraflant un jeune fils qu’elle avoic. Le Roi lui dit : (^'avez-vous à pleurer , Madame ? Elle tépondic : pleure de

ce que cet enfant rfeft pas -en état df nous /unre cemme les autres. Le Roi s’adref> fant au Nonce , lui die : Mandez au pe que vous m'avez â cheval , que yienne ejl fecouruÿ. .Après la levée do fiége il écrivit au Pape : Je fuis venu fai vA , Dieu a vaincu. Il avoit mandé à l’Empereur , qu’il n’y avoit qu'à ne point crûndre les Turcs , de aller à eux.

J’ai (Æi dire i M. le Prince , aux premières nouvelles de ce fiége , que fila tète n’avoit pas entièrement tour* aux Allemands , le plus grand bon- heur pour l’Empereur , étoit que les Turcs eufiTent attiégé Vienne.

Infbience des Bourgeois d’Anvers , qui dans un feu d’artifice reprefentér rent le Grand Turc , un PÎince de: l’Europe , & le Diable , ligués , tous

trois , qu’on faifoit fauter en l’air.

c 2 Les

40 F«agmens'

Les Cardinaux ont envoyé à PEnri' pereur cent mille écus } les Dames Ro- maines autant ; & le Pape deux fois autant.

Le Roi , dès qu’il eut reçù la nou- velle du fîége levé , l’envoya dire au Nonce.

Roi de Pologne jonë tous les foirs à Colin Maillard : on le fait jouer fde peur qu’il ne s’endorme.

* La raifon pourquoi le Cardinal Mazarin différoit tant à accorder les grâces qu’il avoit promifes , c’eR qu’il /étoit perfuadé que l’erpérance eR bien /plus capable de retenir les hommes ^ dans le devoir , que non pas la recon- > soiflance. Siri dit que les fecrets de ce Cardinal étoient fouvent trahis & révélez aux Ennemis , par des do> ineRiques infidèles & interreflez. Il fermoit les yeux pour ne pas voir leur friponnerie : & c’écoit la plus gran- de récompenfe dont il payoit leurs fervices , comme il puniflbit leur in- fidélité , en ne leur payant point leurs gages.

11 ne donna rien au Courier qui lui aporta la nouvelle de la paix de Munf- ter , & ne lui fit pas même payer

Ibn

Hl STORI <l.1T > & 41

Iba voyage : au lieu que l’Empereur donna un riche prefenc , & mille écus de penfîon à celui qui la lui aporta. La Reine de Suède fie noble fbn Cou* rier. Servien écoh au- defefpoir. Siii , qui die encore que ce Cardinal écoic maître de eoutes fes paffions , eicep» de l'avarice , ajenite , qu’il avoir l’artifice de trouver toujours quelques défauts aux plus belles aéiions des Gé- néraux d’armée , non pas tant pour les rendre plus vigilans à l’avenir , que pour dimirruer leurs lèrvices , âc délivrer le Roi de la necelfité de les lécompenfer.

* Dans le premier volume des Jkfé- fMrte Recondite , Siri charge Fra-Paolo de n’avoir pas été bon Catholique. }*ai relû avec attention cet endroit de fou hiftoire : fa narration m’a paru fort - embarraflTée , & de tout ce qu’il dit , je ne vois pas qu’en puifle tirer aucu* ne démonflration contre la pureté de la foi de Fra-PUolo.

Il dit même deux chofes qui fêm« blent. fe contredire } l’une , que dans le coeur Fra-Paolo étoit Luthérien : Fauire , qu’il étoit en commerce avec des Huguenots de France. Il avance

c 3 fe

4* F X A & X E K «

le premier fait furunftaipleoQi<dIre;. il apuje le fécond fur des dépêches de M. firulart , AmbaiTadeur de Fran- ce à Venife , qui font dans la Biblio- thèque du Roi. Ces dépêches por- tent^ die Siri ^ que le Nonce du Pape en France , ayant furpris des Lettres de Fra-Paolo à des Huguenots » forma le delTein de le déférer à fin- quifiiion de Venife , & en même-tems d en donner avis au Sénat , afin que République connut de quel Théolo- gien elle fervoit : car Fra*PaoIo avoit la qualité de Théologien la République. Mais le Nonce ayant fait réfi^ion qu’étant Miniftre du Pape , le Sénat n’auroit pas grand égard à fon témoignage , s’adreifa à M. Bru- lart , pour le prier de fe t^harge^ de la chofe , & de fe ^aindre , tant au nom du Roi fon maître , que pour l’intérêt de la Religion , des caballes que Fra-Paolo ^ faifoit avec le$ Cal- vin! (les de France. M. Brulart con- noiflant à quel point la République étoit prévënuë pour Fra-Paolo , ne ju- gea pas à propos d’intenter cette ac- cufktion. Cet AmbaiTadeur en arrivant à Vemfe , dit Siri ^ avoit eu la cu-

rioûté

Hl s T 0 K 1 4$

rioficé. de voir un homme auflü fa- meux , & voulue lui rendre vifite : mais Fra-Paolo , qui fe tenoit toû*^ l’ours fur fes gardes fit dire à l’Ambaf fadeur , qu’écanc Théologien de la République , il ne lui. étoic pas per- mis . d’avoir commerce avec les Mi- niftres des Princes , fans permifiloa de fes SupérleuTs ; c’eft-à dire ^ du Sénat. Siri. ajoute que l’AmbalTadeur fçaehant d’ailleurs que c’étoit un hom- me fans foi» fans Religion , fans conf clence » & qui ne çroyoit pas l’im* mortalité de l’ame , ne fe foucia. plu» de le connoitre , & que la ehofe - es demeura là. Il dit encore , que l’Am. baûadear avoit aporté pour Fra-Paolo des Lettres de M. de Thou , & de M. l’Echafiier , Avocat au Parlement , comme voulant infinuer que c’étoienc des Calvinifies. Tout cela , ce me fem.- ble y ne prouve pas grand ehofe. Il faudroit avoir raporté quelques-unes de ces Lettres , pour juger fi elles étoient Hérétiques. Un homme peut écrire à des Huguenots fans être Huguenot lui-même } d’autant plus que Siri , comme j’ai déjà remarqué , l’accolè d’avoir été de la confeiliott

c 4 d’Aus-

44 FaA6HENT9

d’Ausbourg. Siri aaroit mieux fait i ou de bien prouver la chofe , ou de ne pas noircir légèrement la mémoire d’un homme qui vaut infiniment mieux que lui , âc qui peut être , avoit plus de religion que Siri même. Je pe fçaî 11 cen’ell pas même faire tort.àla Re« ligion , de dire qu’un homme fi géné* râlement ellimé , n’a point eu de Reli* gion. Les impies peuvent abufer.de cet exemple.

* C’étoit fur le Penfionnaire Wit que rouloit la principale conduite des Etats , homme zélé pour la République y & ennemi de la Maifon d’Orange , qu’il tenoit le plus bas qu’il pouvoir. 11 avmc hérité ces fentimens de Ton pere , vieux Magifirat de Dort, qu’on regardoltau* trefois comme le Chef du parti opofé au Prince Guillaume. Ce- Prince , jeu* ne & entreprenant , fier de l’alliance du Roi d’Angleterre , qui lui avoir donné fa fille , regardoit le titre de Gouverneur & de Capitaine général des Etats , comme trop au defibus de -lui , & afpiroit afiez ouvertement à la r Monarchie. Il fit arrêter Wit dans .fon hôtel à la Haye , & l’envoya pri* foonier avec cinq des principaux de

ce

V

Histork^xti 8< 4:

ce Parti \ dans Ton Château de Louvel tein. En même tems, il marcha vei Amfterdam, qu’il avoit fait inveftir, <! ne manqua que de quelques heures I prilè de cette grande Ville. On pet dire avec aflTez de certitude , qu’il n’ avoit plus de République en Hotlande fi la more de ce Prince, qu’on cro: même avoir été avancée par quelqu breuv^e , n’eût interrompu tous ft defleins. il iaifià fa femme enceinte d Prince qui vie aujourd’hui , dont el accoucha deux mois après la mort d ion mari. La Zélande & quelques ai très Provinces , vouloient qu’iUùca dâc à toutes les d^nitez de (bn Pere mais \a Province de Hollande , I £a£Uoa de Wit étoit la plus forte et i pécha que cette bonne volonté n’e! aucun effet. La Charge de Gouverne & de Capitaine Général,, ne fnt po ; remplie , & les Etats s’emparèrent > ' de nominaüon dés Magift rats , ! de tous les autres Privilèges attac : à cette Charge. On prétend qui I vieil Wit, avant que de mourir, ne (bit d’encourager fon fils à l’ab< tuent de cette- Mailbu, dont il r éoic l’âévatioa comme la ruine '

CS iik '

4<S F E A 6 M B H S

»

liberté , & qu'il lui répétoit fbavene ces paroles : Souviens- toi ttnon fils , de la prifon de Louveftein.

* Au Cége de Cambrai , Vauban n'é* toit pas d’avis qu'on attaquât la demi* lune de la Citadelle. Du Metz , brave homme , mais chaud & emporté , per* fuada au Roi de ne pas différer davan* tage. Ce fut dans cette contellation » que Vauban dit au Roi: Fous perdrez, peut être à cette Mtaque , tel homme qui vaut mieux que la Place. DuMetzl'em* ^ porta , la demi lune fut attaquée Sc prife : mais les ennemis y étant reve- nus avec un feu épouvantable, ils la reprirent , & le Roi y perdit plus de 400 hommes , & 40 Officiers. Van- ban , deux jours après l'attaqua dana les formes , & s'ea rendit maître fana y perdre que trois hommes. Le Roi lui promit qu'une autrefois il le laiffe* roit faire.

* C’étoit M. d'Erpenau , que M. le Frince & M. de Turenne, firent Gou- verneur de Philisbourg , & qui dans le teras même qu’ils lui déclaroient qu’ils l’avoieilt choili pour cela f & qu'ils lui recoromandoient de bien faire Ibn de- toir, les interrompit pour aller chalTer

une

Historkioes.

une chèvre ^ai mangeoit un choux fur i un Baftion.

* Depuis Tannée i6^. jufqu’au lo Oâobre 1695, on a fait pour quatre cens Ipixanie & dix nûllions d’afifaireS extraordinaires.

* Le Roi avmt cette année près de cent mille chevaux , & 450 mille hom* mes de pied tc’étolc quarante mille chevaux de plus qu’U n’avcût dans la guerre de Hbllande.

h/L de Feuquierres avcHt parré tous Phyver de l’avantage qu’on trouveroit i porter le fort de la guerre en Alle^ magne. Lorfqu’on fut arrivé au Quef» ooi , & qu’on fqut la prife de Heidetv berg, ces difcours furent remis fur le tapfs. Le Roi demanda à €faàn1ay un Mémoire , il expliquât les raifons> pour la Flandre & pour l’Allemagne. Chanlay avoué qu’il apuya un peu trop* pour l’Allemagne. Ainfi on réfolut dès- lors de poufiêr de ce côté là; & le dé- tachement de Monleigneur rélblu» Le Roi apric cette réfolution à M.de Luxembourg , près de Mons.

M. le Maréchal de Lorges , dît qu’iS avoit propofé tout l’hiver le lïége de.- Mayence : comme beaucoup pl»w

*' c ^ poitanUy»

4S F t A G K E K s

portant) j& plus aifé même que cela! de Heidelberg. Il prétend auifi que Monfeigneur lui ayant demandé au* delà du Rhin , çe qu’il y avoit à faire , il lui répondit, qu’il falloic faire ce que Céfar avoit fait en Efpagne contre les Lieutenans de Pompée ÿ c’eftàdire) faire périr l’Armée de M. Bade, en lui coupant les vivres & les fourages. M. de Boufflers fut de fon avis. M. de ChoifeQil dit , cela me paffi. La chofe auroit pourtant été exécutée : mais les nouvelles d’Italie firent prendre d’au* très réfolutions.

** Dans le commencement, Turenne étoit fort haï des Minières, qu’il bra- voit tous les jours. M. le Tellier en* voyoit toujours demander Ir Humier* res l’on alloit camper. Il avoit dé- crié dans refprit du Rm plufieurs Ma* réchaux , fur>tout le Maréchal de Gra* mont , qui étoit au defefpoir , & qui monta la tranchée à la tête des Gardes. Il pouflbit Duras , & le favorifoit en toutes rencontres ; il voulut faire at- taquer le Château (te Toumay, par Lah* 2un , déjà favori , quoique d’Humier* res fût de jour. Bellefonds , qui ét<HC auffî fort favorifé du Roi & de M. de

Turenne.

/ ^

HisToaK^o.fif. 49

Torenne, ne vooloic poinc da Gou» fernemenc de Liile » poar ne pas qoit? ter la Cour ^ & Turenne le fie don* Ber à Humierres » qui fe remit en grâce avec lui. Après la pais, Turenne eut bien du defibas : il demanda quartier w CooHe-de Gramont , qqi 1-acCabloit de piaifanceries devant le Roi, & di* foie , que M. le Prince entendoit bien aûeos les iiéges que Turenne»

l«e Cardinal Mazarin deftinoitàTih lenne , s’ü eût voulu faire Catboli* que, les plus grands Emplms, & les premières dignitez du Royaume , avec une de Tes lûéces : mais Mademorfelle de BoQUlon , que la converfion de fou frere a\nè avoit mortellement affligée » fit Aa pofSUe pour traverfer cette fe* coode converfioD.

Le Brevet qui fit Meffleurs de Boffll*. Ion Princes , ne fat point eoregifiré , comme l’échange l’a été. Ce fut de* puis ce Rrevet queM. de Turenne ne. voulut plus prendre la qualité de Ma* léchai de France ; & ce tut Mademoi* felle de Bo^llmi fa fœur qui l’en dé* çouToa. Il ne fe trouva plus aux alTent* blées des Maréchaux , & envoyoie mè* Be leur tecômniaBdes les affaires pour

J lerqueUes

S9 F X A O H E M S

* *

lefqaelles ou le follicitoit. Les Maré- chaux furent fur le point de le citer » inaiAils- n*ofâ’ent.

* VelTeilini étoit d’abord Chef de» mécontens. Après lui Telekt : ptfis ce* lui-ci s’étant tiré adroitement d’affaire * Teleki prit Ht place : feoame de fore bonne mailbn , Seigneur d’Uniade,*âc des defeendans du fameux Hunia^ ; ion pere étoit Chevatier de la Toifbn. Il étoit tout )eune quand on fit le Pro- cès à Nadafti « & au Comte de Serin»

s’enfuit de Vienne pour fe retirer en Tranffylvanie.

Le Grand Seigneur ne fongemc à rien moins qu’à la réduétion des Co* iàques » quand ils lui envoyèrent de- mander fa proteâion. Il ècoic à la chalTe à LariOe » vers, la fin du fiége de Candie. Ce fut le général Tetera » Chef des CoTaques » qui s’y en alla ». pour fe venger des Poldnois, qui avoient pris le parti de Ton Secr^re » révolté contre lui. Le Grand Seigneur feur donna un étendait , pour marque qu’il les prenoit en fa proteéfion.

Vers le même tenas , les Hbngroi* irritez de la mort du Comte de Serin > envoyèrent aufii demander au Gran^ Seigneur fa proteâion*. L’£mr

HxSTOI^iatrfil» fl

L’Empereur t pour ramener lei mé« contens , leur écrivoit pour les exh'or* ter , à venir partager avec lai de grands butins qu’il faifoit en France.

* Catherine de Médicis étoit fille de Laurent de Médiris , Duc d’Urbain , âi de Msdeleme de la: Toiur , de la Mai- fon de Boulogne. Le Pape Clément VIL Ion oncle , la dotta , en la mariant , d’aoe fomnie de cent raille écas comp^ tant : & Magdelaine. de la Tour dé< dara dans ran Ctmtrat de Marine » qu’elle lui donnoit & fabilituoit Ton oroit de Succeflion aux Comtez d’Au*< ▼ergne& de Lauraguais , Baronnie de la Tour , & autres Terres pofifëdées alors par Anne de la Tour fa fœur aî- née, laquelle n’avoit point d’enfans; En effet, après la mort de cette Anne, Catherine , comme umqœ héritière de la Mailbn de Boulogne, entra en pof> feliion de toutes ces Terres en Pannée 1559. Le Roi Henri II. Ibn mari étant Bort , le Duché de Valois lui fut affi* gné. En r5Bs,' elle décjcba de ceDu< cbé la Terre de la Ferté Milon , & l’engagea à Madame de Sauve , depuis Marqaifè de Nbirmoutier , pour une rie dix okUle écus d’or , que la

Keine

5% F R A 0 n B N r

Reine Catherine , lui avotc accordée pour récompenfe de fes l'ervices. Le Roi Henri 111. Ton fils, continua de» puis , & la donation & rengagemene. Catherine mourut en 158P & le Rot Henri III. lui furvécut de huit ou neuf mois. Âinfi, ce Prince a été ou a di^ être Ton héritier. Il elt vrai que Ca- therine fit don par Ton Teftament , des Comtez d'Auvergne & de Lauraguais, à feu M. le Duc d’Angoulême , qut en prit même alors le nom de Comte d’Auvergne. Mais en x6ot5. lafitmeu- k Reine Marguerite, reliée feule des enfans, fit déclarer ce Tèfiament nulr & en vertu de fa donation par forme fubflitution fiipulée dans le Contrat de Mariage de Catherine-, fe fit adju- ger . par le Parlement de Paris , toutes les Terres que la Reine fa mere avoic polTédées, & aufli-tfit en fît prefent ata Dauphin , qui depuis a été Louis XIIL de telle Aqon que, ces Comtez & cet? te Baronie , ont été rétinies à la Cou» sonne-.

HiSTOan^VBt. 5^

M. DE SCHOMBERG.

Son grand’Pere amena des'Trwpet aa fecvice d’Henri IV. lorfque le Prince Cafîmir en amena , & M. de Schem* berg, prétend qu’U lui ell: encore de ^argent.

Son Pere fut Gouverneur de l’Elec leur Palatin , depuis Roi de Bohême , celui qui alla en Angleterre négocier le Mariage avec la PrincelTe Elizabeth#

Il eut beaucoup de part aux Partis qui fe formèrent en Bohême, pour l’E- leReut , & tnourut à 33 ans , avant que ce Prince fût élù Roi.

M. de Schomberg n’aVoit que 7 oa 8 mois à la mort de fon Pere. Il dit qoerEleâeur voulut être fon Tuteur, & nomma quatre Commiflaires pour adminidrer fon bien. 11 prétend de grandes fommes M. l’Eleâeur Pa* latin, pour cette adminidration , dont on ne lui a pas rendu compte.

Il fe trouva à 16 ans à la bataille de Nortlingue ; il fe trouva aufli à la fameufè retraite de Mayeince ; il fe trouva à la retraite de devant 'Dole fous M. de Rantzau , qui loi avoic

donné

J

54 Feagicen»

donné une Compagnie dans Ton Rd'* gtmenc.

Hermenftein ayant été pris par les ennemis , le Cardinal de Richelieu , pic> qné an vif de cette perte , donna or« dre à M. de Rantzau , de lever en AI' lemagne la mille hommes. Rantzau fit cette levée fort lentement , s'amu/à vers Hambourg ^ fe maria à (a coufine , âc fe laifla enlever un quartier. Four avoir fa revanche, il envoya Schonz- berg avec des Troupes, pour enlever un quartier des ennemis qui étoienc dans Northauven. 11 tomba Air une . garde de Dragons qm étoient hors de la place , & entra dedans pèle mêle .avec les fuyards.

Schomberg, fe maria , & parce que .l’Empereur a voit fait confiîquer tous fes biens « il quitta le fervice de laFran- .ce. Ennuyé d'étre fans rien faire , il alla en Hollande , le Prince Henri* Frédéric lui donna une Compagnie de Cavalerie. M. de Turentie avoit alors un Régiment d’infanterie. Il entra dans la confidence du Prince Gaillaa» me , qui lui communiqua Ton defièin fur Amflerdam , qui fut entrepris de concert avec la France & la Suede.

Schora*

Hx 8 T0BIQ.171 s. 55

0

Sdiomberg donnoit avis de toutes cho* fés à Servien. Ce fut lui qui arrêta dix 00 douze des Etats , du nombre d^ quels étoit le Pere de Wiht.

LePrince Guillaume mourut. Schom* berg avoit promis de mener des Trou* pes en Ecoâe , au' fervice du Roi d*An< gleterre ; mms ce Prince ayant perdu la Bataille de Vorcefter ^ vint à Paris, il confeilla à Scbomberg , qu’on re- gardoit comme Anglais ; & dont la mere étoic Angloife en effet , d’acbe* ter la Compagnie des gardes Ecoffoi* lès do Comte de Giey. Scbomberg en donna lo mille &ancs', avec fix cens ^«8 -de penfion viagère.

Au commencement des guerres civi« les, le Cardinal Mazariu l’envoya en Poitou, delà il vint au Gége de Rhe» tel, M. de Turenne loi donna te commandement de Vlnfanterie , en l’ab« fènce des Officiers Généraux , qui n’é« toient pas encore arrivez.

Au recours dArras , il commandoii la. Gendarmerie. Le Cardinal lui avoit donné une Commidion de Lieutenant- Général , pour l’expédition de Guel* dres. Il fervit en cette qualité au fié- ge de Landteeies , puis au fiége d&

Saint

SS F K A 6 M E N s

Saiat Guillain , il fut bleflfë ; il eue le gouvernement ide la Place. Il fervie encore au Hége de Valenciennes en qualité de Lieutenant Général. Son fils aîné fut tué tout roide dans la tran- chée à fa vue ; & comme il lui coo>- mandoit de pofer une fafcine à un en- droit découvert : il commanda qu’on remportât , & continua à donner Tes ordres.

Il écoit de jour lorfque M. le Prince attaqua les lignes : il penfa être pri- ibnnier , & fit enfin fa retraite jufqu’aa Quefnoy , avec un bon nombre de Ré* gimens: M.deTurenne n’ayant donné aucun ordre pour la retraite.

A la Bataille des Dunes , il corn- mandoh la fécondé ligne de l’aîle gau< chel comme il vid que les Anglois de la première ligne écoient maltraitez fur les Dunes , par les Efpagnols , il vint prendre le fécond Bataillon des Anglois dans la fécondé ligne , & les mena au fe* cours des autres , qui chafTérent de dé- firent les Efpagnols.

Enfuite on afliégea Bergues > dont il eut le gouvernement ; de>là, il fut commandé pour les fléges d’Oudenar* de & de Gràvelines. 11 employoit vo- lontiers

HiSTomQ.vx8. 57

looders Vauban dans tous ces flëges , parce que le Chevalier de Cherville n'alloic point lui même voir les tra* vaux, & que Vauban fe trouvoit par* touu

Après la défaite du Prince de Ligne , - Scbpmberg eut ordre de marcher vers la Knoque, & d'inveftir Ypres. On lui avoit promis que toutes les Places qu'on prendroit de 'ce côté «là , fe* loient de Ton Gouveroemeoc de Ber* gués. Cependant, M. de Turenne fit donner Ypres à M. d’PIumiéres, qui étoit dans fes bonnes grâces. Schom* berg, fçut encore que M. de Turen* ne avoit écrit à la Cour, pour faire que M. Liiiebonne commandât en qualité de Capitaine-Général : ainfi il n’auroit été que fubalterne. Voilà les premiers néconteotemens qu'il eut de M. de

Turenne, &c.

PIERRE DE MARCA.

n fut noutri de lait de Chèvre les quatre premiers mois. Il fe maria , eut plufieurs enfans , & demeura veuf en 16^2. Il ' écoic alors Confeiller au

Coafdl de Pau » & lorfqu’en 1640.

Loüis

5$ Fraghivs

Lofiis XIII. érigea ce Confeil en Par- lement f il fit Marca Prélident.

On difoit que le Cardinal <de Rî> chelieu , dans le deflein de fe faire Pa- triarche en France, avok fait faire par M. Dupuy le Livre des Libertez de l’Eglife Gallicane. Il parut un Livre intitulé, Qptatia iSallus , contre le Li- vre de M. Dupuy. Marca répondit à ce Livre par ordre du Cardinal ; & ce fut le fujet qui lui fit faire fon Livre ée Concordia Sacerdotii 6? Imperii l’an 1641. La même année, le Roi le nom- ma à l’Evêché de Conferans. On lui refufa alTez long - tems Tes Bulles , à eaufe de ce Livre , dont plulieurs en- -droits avoient choqué la Cour de Rome. Après la mort d’Urbain VIII. Inno- cent X. fit encore examiner ce Livre, & aportoit bien des longueurs aux Bul- les de Marca , qui en ce tems-làméme, fit un Ecrit pour expliquer fon defiein fur la publication du Livre de Concor-- cardia y &c. le foumettre à l'autorité & à la cenfure du Saint Siège , & prou- ver que les Rois étoient les Défen- feurs , & non pas les Auteurs des Ca- nons; que les Libertez de l’Eglife Gal- licane , confiftoient dans la pratique

H I 8T ORIQ.USS.

des Canons , & des Bécrécales , & beaucoup d’autres chofes peu avança* geufès aux Rois. Il envoya ce dernier Livre à Innocent X. avec un Lettre il delavoQoic beaucoup de chofes qu’iJ avoic avancées dans le premier , de- mandoic pardon des fautes U y étoit tombé; éi déclareit qu’à l’avenir, il fomiendroit de toute fa force les Droits de l'Eglife. Tout cela , comme il l’a- ToOoic lui* même dans une autre Let- tre ^ pour avoir les Bulles, qu’il eue en 1647. Il n’écoitque tonitiré; il fit ordonner Prêtre, après avoir reça fes Bulles h Barcelone, autrefois Saint Paulin fut ordonné Prêtre , mais malgré lui.

Peu de tems après , il ‘écrivit gulari Primatu Pétri , pour faire plai* (ir à Innocent X. Enfuite une Lettre de l’autorité des Papes envers les Con* ciles généraux.

En 1644. il avoit été fait Viiieeur général de la Catalogne , avec une ju« rifdiftion fiir tes Troupes , & avec le foin des- Finances. ' En 1651. il partit de Barcelone , <& fit fon entrée à Con* férans. L’année d’après , il fut nommé k PArcbevêché de Touloufe. 11 écrivit

fort

<$b FRAèMEirr

fort humblement à Innocent X. pour avoir Tes Bulles , & fe comparoit à un Exupere ^ qui ayant été , difoit*il , Pré> iident en Efpagne , fut élevé par Inno- cent 1. à l’Évêché de Touloufe. Sur quoi Baluze remarque que fon Mece* nas , car c’eft ainfî qu’il apelle toujours Marca , fit un nvenfonge de deflein for* taé y pour chatouiller les oreilles du Pape ; car l’Exupere , qui fut Evêque de Touloufe , n’étoit point l’Exupere qui exerça la Magillcature en Efpagne. Baluze raporté qu’ayant apris qu’un Auteur l’avoit accufé de s’étre trompé fur ce fait d’Htftoire ; il rioit de la fim- plicité de cet Auteur y qui n’avoit pas pris garde, qu’il s’agifibit d’avoir fes Bulles , & qu’il falloir tromper le Pape , qui ne lui étoit pas d’ailleurs fort fa- Torable.

Le Pape le foupçonnoit fort mal à* propos d’être Janfénifte) & ne lui en- voyoit point fes Bulles : mais heureu* lement ce Pape ayant publié alors fa conûitution contre Janfénius , & Mar- ca l’ayant reçuè* avec grande joie , on lui envoya fes Bulles.

En xdyé. il fut député à l’AiTemblée do Clergé , où. il foutint fi vi^ooreufe-

ment

H iSToaniiTBS. <Si

nent les intérêts da Saint Siège qne le Pape Alexandre VU. l’en remercia par on Bref. C’écoit lui qui écrivoic toutes les Lettres du Clergé au Pape.

Comme il avoit honte d’être fi long- tems ablent de Ton Oiocèfe , pour lever ion feruguie, on le fit MiniAre d’Etat. Durant les Conférences de la Paix , il fut un des CommilTaires , pour ri^ler les limites des deux B.oyaumes du cô« des Pyrénées. Ses dédfions furent loi vies; c*eA-à-direy que les Comtez deRouffillon , de Conflans, le Capfir, & le Val de Querol , avec une grande partie de la Cerdagne , demeurèrent à la France. Après la mort du Cardi* nal , le Roi k nnt de fon Confeil de CoaCcience^ avec l'Archevêque d’ Auch, l’Evéque de Rhodez , & le P, Annat. Peu ae tenu après , il fit un Ttoité de finlâillibilité du Pape, qui eA ion der* nier Ouvrage.

Le 25 Février 1662. laDucheflfe de RetzaportaauRoi la démiflion duCardi* ' nal de Retz pour l’Archevêché de Paris , ^o’ilavok fignée à Comraercy le 13 Fé- vrier. Le jour même, le Roi apelaMarca dans Ibn cabinet , lui dit qu’il le faifbic Archevêque de Paris, & écrivit lui-mê-

d

6i Tragmens H1STORIQ.ÜES.

me au Pape pour avoir Tes bulles. 11 tomba malade le 10 Mai fuivant , re«- çut le 12 Juin des Lettres de Rome , qui raiTuroient de fa tranflation à l’Ar* - cbevéché de Paris , en témoigna une grande joïe , & mourut le 2 8 Juillet , laiflant un £ls qui avoit fa charge de premier Préfident , & l’Abbaye .de S. Albin d’Angers. Marca mourut à 6z ans , & fut enterré dans le Chœur de Notre Dame, au-deiTous du trône Ar« chiepifcopal.

REFLEXIONS.

«t JOi ^ tg»A tf^rt

\^^^4*!of '*e3f '*r3î w5^ * îÇî^ ^V3f rK^ JR^

REFLEXIONS PIEUSES

SUR. QUELQUES PASSAGES

DE L’ECRITURE SAINTE, (i)

Pf. 77. AcB)uc efca erant in ort ipfbrtm éf ita Dei afcendit fuper eos. Combien de gens ayant travaillé toute leur vie pour parvenir à quelque fortune, à une char* ge , &c. meurent dans le moment qu’iltf efpérent en jouir ayant encore le mor* ceau dans /a bouche !

Pf. 105. Et dédit eis petitienem tp*b- fum ,&c. C’eR dans fa colere que Dietf accorde la plupart des chofes qu’on de> lire dans ce monde avec pailion.

ir^e 54. Quare appentis argentum tm in paniittt. , &c. Pourquoi fe donner tant de peines pour des chôfes qui nous

d 2 ntfra-

I Je a*ea donae qiPtm très petit nombre , pour «Dafirmer feulement ce que )*ai èic dent £1 vie ^ ««ipeaons de piccd*

À

^4 B.BriïsioN8

raflaHent G peu « & qui nous lailTent mourir de faim ? L’enfant prodigue fouhaitoit au moins pouvoir ie raflaiier de gland , & encore ne peut on par* venir à avoir de ce gland». Venite , emite abjque argento , dit Ifaïe. Nous n’avons qu’à nous tourner vers Dieu , il *nous donnera de quoi nous nourrir en abon- dance.

'PÜiuî hominis non venit mmiJlTari ,fed mini/lrare , Math. 20. Belle leçon pour nous faire ibuifrir toutes les négligen* ces de nos domefliques. 11 n’y a qu’à bien mettre dans l’efprit , qu’on n’ell: point pour être fervi » mais pour fervi r.

Jean ii. J?". 9. Nonne duodecm funt hora diei , &c. Jefus Chrift entend par* 1er du tems que fon Pere a prefcrit à la vie mortelle , & la coinpare à une jour- née, comme s’il difoit : Tant que le jour luit , on peut marcher fans péril ; mais quand la nuit ell: venue , on ne peut marcher fans tomber : ainli les Juifs ont beau me vouloir perdre , ils n’ont aucun pouvoir de me faire du mal ,juf qu’à ce que la nuit , c’efl: à dire» le tems des ténèbres foit venu.

Idemc. J 8. i.TranstomntemCe-

dm.

<0R 1,’Ecs.ITVSK SAIMtE 6%

km. Orocias croît qu’il étoit ainQ nommé à caufe qu’il y a7oîc eu des Cèdres dans cette vallée. En Grec c’efb le torrent des Cèdres. J. C. accomplit ici' ce qai le figura en la perfonne de David , quand ce Roi fuyant Abfalon , pafla ce torrent , étant trahi par Achi* tophel.

'k. 6. Abiermt retrorf'um. David a dit , Pf* 3S- A'ùertantur retrorlum : & Ifaie 37. Codant retrorfim. Quelle terreur n’imprimera- t’il point quand il viendrai juger y s’il a été fi terrible étant près d’è> tre jugé ?

Refponfum nm dédît et. c. rp. "k. ^ Il lui en avwt aflez dit , en lui dt- fant que fon Royaume n’étoit pas de ce monde ; âc d’af/leurs Pilate » en faifant nTaltraiter on homme qu’il croyoit in» nocent , s’étoit rendu indigne qu’on l’é- claircit davantage , ne s’étoit-il oas mê- me rendu indigne que J. C. lui répondît maintenant , Tut qui lui ayant demandé ce que c’étoit que la vérité n’avoit pas daigné attendre la réponfe ? Les gens qui ont négligé de fçavoir fa vérité « quand ils la pouvoient aprendre , ne réfrouvent pas toûjonrs l’ocafîon qu’ils ont perdué»

d X Nefdt

I

€6 R E F X. E X 1 O s f

Kejcis quia poUjlatem babeo » &c. '9'm 1 0. Puifqu’il efl en Ton pouvoir de le fau» ver , il fe reconnoit donc coupable de & more f à laquelle il ne fouferit que par une lâche coraplaifance.

Non babmus Regem , &c. 15. Les

Juifs reconnoiflehcdoncquele tems du MeŒe eft venu , puifque le feeptre n’efl plus dans Juda , & en même tems ils renoncent à la promelTe du Meflie.

Quod fcripH ,Jcripji. C’étoit comme la &ntence du Juge , à laquelle on ne pou* voit plus rien changer. D’ailleurs Phi> Ion a remarqué que Pilate étoit d’un e(^ prit inflexible. Dieu fe fert de tout ce- la pour faire triompher la vérité en dé- pit des Juifs.

Miferunt fortem. i^. 24. Cette tuni- que qui n’eft point déchirée , eft runi* qu’on-ne doit jamais rompre.

Statut . i^. 25. La Sainte Vierge étoit debout , & non - pas évanouie , comme les Peintres la reprefentent. Ellefefou- venoit des paroles de l’Ange , & fça* voit la divinité de Ion fils. Et dans le chapitre fuivant , ni dans aucun Evan- gélifte , elle n’eft point nommée entre les faintes femmes qui allèrent au fépul- cre ; elle étoit alTurée que J. C. n’y étoit plus. fépa-

AOR t'ECRITVRB SaINTI. 6?

Separatm inwiutum. c. 20. 7. Les

linges aiofî placez & réparez les uns des autres , marquoienc que le corps o’aroic point été enlevé par des voleurs. Ceux qui volent font les choPes plus turaultuairement.

M fratres meos. f. 17. Il les apelle Freres , pour les confoler du peu de courage qu’ils onuémoigné. Narraio W- m ■« tuurn fratribus mis. Il Temble que J. C. ait eu ce verfet en vûë , en les aoelaot fes freres , comme tout ce qui p écéde dans ce même Pfeaume a été dae prédiâioQ de Tes fouffraaces.

On met ici les Hymnes fuivanter ^ quoique déjà imprimées y parce qu'elles font peu connu'és , ne fe trouvent que dans un Livre devenu fort rare , elles font confondues avec dfautres Traductions ^'Hymnes d'un ftile différent. Ceux qui dans celles-ci ne trouveront point la Po'éjie qu'ils attendent de l'Auteur , doivent faire attention que le Poète n'ef: que Traducteur de Pièces Latines dans lef^elles il régne plus de piété que de Po'êjîe , les mêmtx

tlofes font trèsfouvent répétées.

69

LE LU N'D IA M ATI N E Si

Sdmtna refeSit artubus , &C.

T ANDIS que le fômmeîl réparant Ta

tare ,

Tient enchaînés îe travail & le bruit Vous rompons Tes liens , ô clarté toujours pare^ Pour te louer dans la profonde nuit.

Que dèa notre réveil notre voix te bénilié r Qu’à te chercher notre cœur empreffé T’effre fes premiers vœux ,& que par toi finifle* Le louT par toi faintement commencé. L’Astee dont la prefenco écarte la nuit fom^ brc.

Viendra bien-tôt recommencer Ton four f

O vous 9 noirs ennemis qui vous gtiflez dan$^ Tombre,

Dirparoiiïez à l’aprochô du jour.

Hbus t’implorons , Seigneur , tes bontez font- nos armes:

De tout péché rends nous purs à tes yeux ; Jais que t’ayant chanté dans ce féjour de larmes-^. Nous te chantions dans le repos des ci eux»- E X AU c E ,.Pere fâiot/notre ardente prière*^» Vexb&fon Elis 9,Efpdt leur nœud divin »*

70 Hymnes

ï)ieu qui tout éclatant de ta propre lumière ^ Régnés au ciel fans principe & fans tin*.

ji L AU DES. , Splenâor paterrus gloriœ ^

Source ineffable de lumière, “Verbe.cn qui l’Eternel contemple fa beauté Ail) e , dont le Soleil n’efl que l’ombre groffiéie^ Sacré jour dont le jour em prunte fa clarté :

L c V E-T ai , Soleil adorable ,

Qui de réternité ne fait qu’un heureux jour^ Fais briller à nos yeux ta clarté^fecourable ,

£t répands dans nos cœurs le feu de loa amours P R ï O N s-auiH Taugutie Perc ,

Le Pere dont la gloire a devancé les tems ^

Le Pere tout-purffant en qui le monde efpérc^ Qu’il foutienne d’en haut fes fragiles enfans.

D 0 N N E-N o U s un ferme courage >

Brife la noire dent du Serpent envieux r Que le calme, grand Dieu, fuive de près l’orager Fais-nous faire toujours ce qui plaît à ces yeux..

Guide notre ame dans ta route ; kends notre corps docile à ta divine Lof^

Femplis-nous d’un efpoir qui n*él»:anle aucuia doute ,

£t que Jamais Terreur Ji*eltèie notre foL

DU Brèuiaire Rohaik. 71^

Que Cbrift foie notre pain célefte ;

Que l’eau d*une foi vive abreuve notre cœur : Yvres de ton efprit , ibbres pour tout [erefte ^ Daigne à tes combattans infpirer ta vigueur.

Q U E la pudeur chafte & vermeille Imite fur leur front la rougeur du matin :

Aux clartez du midi que leur foi foit pareille z Que leurperfévérance ignore le déclin.

L’A ü F. O RE luit fur Vhémifphére :

Que Jefus dans nos cosurs daigne luire aujour- d'hui,

Jefus » qui tout entier eft dans Ton divin Fere^ Comme Ton divin Pereeft tout entier en lut.

G L 0 1 R E à Toi ^ Trinité profonde ,

Pere , Fils , Efprit Saint : qu'on t’adore toujours , Tant que VAftre des tems éclairera le monde. Et quand les iiédes même auront fini leur cours.

LEMjéRDIAMAriJSfES.

Ç^nfors paterni luminii , &c.

V E R. B E , égal au Très-haut » notre unique eff^rance

Jour éternel de la terre & des Cieux ,

De la paüible nuit nous rompons le filence : Divin Sauveur , jette iur nous les yeux. , Retands fus nous le feu de ta grâce puifi^tep Qoetogtl’EoferCufeaafon de ta voix.

7^ -Htm kjr g

Dif^pe ce fommeil d'une ame languiflânte ,

Qui la conduit. dans roüblî de tesloix.

Q- C H R I s T , fois favorable à ce peuple iîdelle^ Pour te bénir maintenant aflemblé ;

Reçois les chants qu'il offre Ita gloire immor-' telles..

Kt de tes dons qu'il retourne comblé. Exauce , Pere Saint, notre ardente prière^ Verbe Ton Fils , Efprit leur nœud. divin , Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière ^ Régnes au ciel fans principe & fans fin

■■■ - - - I ,,

' A L A U D E S: ,

Aks diei numius^ &c.

T

^’0:I SEA ü, vigilant nous réveille,^

Et fes chants redoublez femblent chaffer la nuîCcr

Jfefus fait entendre à Pâme qui fommeille

Et lîapelle à la^ vie ion jour nous conduit*

Quittez, dit-il, la couche oîfive ,

©ù vousenfévellt une molle langueur ;

Sobres , chaftes & purs , l'œil & Pâme attentive,.

Veillez., je fuis tout proche , & frape à votre* cœur*

Ç>'e donc Pœîl à fa lumière

Rêvons vers ce Sauveur & nos maîns& nos yevtXf,, Pleurons àgémiffons ; une ardente prière Kcsmcele (bmmeii&géniétre Icscieux».

BD B-sivrArRB RbMAiir. 75

O C HR I &T ÿ 6 Soleil, de Juflice »

De nos coeurs endurcis romps ràflbupkTement:: DUIipe Tombre épailTe ou les plonge le vice. Et que ton divin jour y brille à tout moment» G L O I R-E iToi , Trinité profonde ,

Pere , Fils , Efprk Saint ; qu’on t’adore toûjours^. Tant que l’Aflre des tems éclairera le monde Et quand les fiécles même auront fini leur cours»

lE MERCREDI A MATINEE Birum Creator aptime , &a

^JrAN.D'Dîcu par qui de.rien toute chofe eft formée

Jette les yeax fur. nos befoins divers ^ Eoinps ce fatal fommeil ,.par qui l’ame charmée: Dort en repos fur le bord des enfers.. Saigne , 6 divin Sauveur., que notre voix îoit-

plQFC ,

Prendre pitié des fVagtles mortels Et vois comme, du lit, fans attendre l’Aurore Le repentir nous- traîne à. tes Autels.

C* £ 8 T-]àqae notre troupe.affligée , inquidoe ,, levant au.cieJ &. le cœur &Jes mains <

Jblite le grand Paul , &fait ce. qu!ut¥ Prophète? Jfeiis a.jÿefcrit.daps Tes Captiqiiçs Sainc&..

*74 H Y M K *

K O U s montrons à ces yeux nos maux Siios larmes.

Nous Gonfeffons tous nos crimes fecrets

Nous t'offrons tous nos vœux , nous^y nos larmes :

Que ta bonté réroquetes arrêts» Exauce, Pere Saint , notre ardente prîére> Verbe Ton Fils , Ëfprit leur nœud ffivin Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière Régnes au ciel fans {>rincipe & fans ôn»

A LAUDES.

Nox ^ Ê? tenebrœ , nubüa , 5tc»

Q

^^QMBRE nuit , aveugles ténèbres,

y

Fuyez » le jour s’aproche & l'olympe blanchity

£t vous , Démons , rentrez dans vos prifons îw- nèbres ;

De votre empire affireux un Dieu nous affran* chit.

L E Soleil perce l'ombre oblcure ,

£t les traits éclacans qu^il lance dans les airs Rompant le voile épais qui couvrolt la Nature» Redonnent la couleur & l'ame à FUnivers»

"O Christ^ notre unique lumière ,

Nous ne reconnoiûTons que tes faintes elarter^ Notre efprit t*eft fournis ; entends notre prière» £tfous ion divin jougrange nos voioiKe&

Soumssar

SV Breviiire Româik. 75

Souvent notre ame criminelle Sur fa faufle vertu téméraire s'endort :

Hâte*coi d’éclairer , ô Lumière éternelle ,

Des malheureux aiSs dans l’ombre de la mort» Gloiee àtoiÿ Trinité profonde , &c*

LE JEUDI A MATINES. N»x a$ra retum toraegis, &c.

33e toutes les couleurs que didlogaoit h rué^.

L’obfcure nuit n*a fait qu’une couleur ;

Jade Juge des cœurs , notre ardeur aflldué

Demande ici tes yeux & ta faveur.

Q U* A I N s 1 prompt àguérir nos mortelles ble& fures >

Ton feu divin dans nos cœurs répandu ^ Confume pour jamais leurs paillons impures y Pour n’y laifler que l’amour qui t’eft dit

Effrayez des péchez dont le poids les stccar bie.

Tes ferviteurs voudrolent fe refever :

Ib implorent ^Seigneur , ta bonté iècourabfr^ Et dfins ton fang ils Perchent à fe lavert 8 E c ON nn teurs efforts ; dfiTIpe Tombre noirev Qui dès Iong*teœs les tienrenvelopez ;

Et que l’heureux féjour d’une immortelle gloire^ Soitrobjet fettl de kura cœtua dêtrompeZi-

7 H T M ir B ff'

ïxytucE, Peie Saint , nqtie ardente ptt?r«'^ Verbe fon Fils , Efprit leur nœud divin Dieu y.quii;out éclatant de ta propre lumière^ Régnes aa ciel fans principe & (ans fin»

A L. A U D E s:

Lux ecce fargit auna > &c;

T

-*^ES portes du jour font oiivertes>

Le Soleil peint le ciel de rayons éclatans

Loin de nous cette, nuit » dont, nos âmes coti«^ vertes-

Dans le cheipin dïi crîme onrerré G long.temsv Im>itons la lumière pure De TAftre étincelant cjui commence fon cours^,,. Ennemis du menfonge & de la fraude obfcure Et que la vérité brille en tous nos difcourSk N Q U E ce jour le pafle fans crime,

Que nos langues , nos mains ,.nos yeux fôient rnnocens , .

Que tout foit chafte en nous , & qju*un frein gttime

Aux loix de la raiTôn aflervifli les fénS;

D U haut de fa fainte demeure i Un Dieu coujoufs veillant nous regarde marcher^,

ÜHous voit , nous entend , noos obfecveàtoar te heure

Btlâ plus fombre nuit nefçaurolt nous cacher».

à toi xTtimté. profonde , &c.

XMi BfiLEviAiRE Romain. 77

LE VENDREDI A MATINES. Tu Trinitatis unitas ^ &c*

U T E ü R de toute chofe , Eflence en trois unique ,

Dieu tout-puîflant , qui régis l’Univers ^

Dans U profonde huit nous t’offrons ce Canti*- que ^

Ecoute nous , & vois nos inaoR^dlvers.

Ta JTDi s que du fommeU le charme nécelTaite

Ferme les yeux. du relie des humains^

Le cœur tout pénétré d’une douleur amére

Nous implorons tes fecours fouverains.

Q ü B tes feux de nos cœurs chaflent la nuit fa^ tak ;

Qü’i /eur éclat foîcnt d’abord dîffipez.

Ces objets dangereux que la rufe infernale

Dans un vain fonge offre à ooS feiis trom^ pez.

Q OR notre corps ibit pur ; cju’une îndoîenco ingrate

Ne tienne point nos cœurs enfévelîs ;

Que par l’impreffion du vice qui nous flâte ,

_

Tes feüx facrez n’y fofent point affbiblis. Qu’ AINSI, divin Sauveur , tes lumières céleffes Dans tes rentiers affermifTantnospas ,

Kous (jétournent toujours de ces pièges funeftes». Que le Démon couvre de mille apas.

JiXAiUC®

78 Hymnes

.Exauce, Pere Saint , notre ardente prière ^

. .yerbe Ton Fils , Efprk leur nœud divin , Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière Régnes au ciel fans principe & fans ân.

■■ IL. ■■ W , I

A L A U D E S.

Æterna cali gloria » &c»

ST R E que Tolyrope révéré ,

Doux efpoir dts Mortels rachetez par ton ftng ^

Verbe , Fils éternel du redoutable Pere ,

Jefus , qu*une humble Vierge a porté dans foa flanc :

Affermis ]*ame qui chancelle ,

Fais que levant au ciel nos innocentes mains ^

Flous chantions dignement & ta gloire immar* telle.

Et les biens dont ta grâce a comblé leshumalnt.

L’ A s T E E , avant-coureur de TÀurore ,

Du Soleil qui s’aproche annonce le retour ;

Sous le pâle horifon Tombre fe décolore ;

Leve-toidans nos cœurs , chafte & bienheureux jour.

Sois notre inféparable guide ^

Du fiécle ténébreux perce robfcure nuit;

Défends-nous en tout tems contre l’attrait per- fide

De ces plaiflrt trompeurs dont la mort efl le fruit.

V Que

]>ir B&eviairb HouAXK. 79

Que la fof dans nos cœurs gravée »

D'un rocher immobile aie la fiabilité ;

Que fur ce fondement refpérance élevée , Porte pour comble heureux l'ardente charité.

G LO I R E à toi , Trinité profonde ,

Perc, Fils , Efprit Saint : qu^on t'adore toujours^ Tant que TAflre des tems éclairera le inonde ^ It quand les fiécles même auront fini leur courte

LR S JM ED I A MATINES. SumiM Dew W#msnh'e»&c.

O

Toi qui d'un œil de clémen ce »

Vols les égaiemens des fragiles humains ; ..

Toi dont l'Etre un en trois ^ le même en pulF» fittce,

A aéé ce grand Tout foütenu par tes mains r

£ T E I N s ta foudre dans les larmes

Qu'un jufle repentir mêle à nos chants facrer »

Et que puiffe ta grâce brillent tes doux chaa* mes.

Te préparer un temple en nos cœurs épurez.

B au L E en nous de tes falntes fiâmes Tout ce qui de nos fens excite les tranfports ; Afin que toûjours prêts nous puiflSons dans no» âmes

Du Démon de la chair vaincre tous les efforts.

POVE

H Y M K e" f

Pour chanter ici tes louanges

Kotre zèle , Seigneur, a devancé le jour r

îaisqu’ainjî nous chantions un jx)ur avec tet Anges'

Les biens qu’à tes^ Elus aflure ton. amour.

Pe RE des Anges & des Hommes,

^acré Verbe, Efprit Saint , profonde Trinité^ Sauve nous ici bas des périFs ou nous fommes Et qu on loue àjamais ton imiûenfe bonté.

A laudes,

Aurora jam fpargit polum ,

-L'* A UR O R E brillante &’ vermeille*

Prépare le chemin au SoIeH qui la fuit ,

Toucritauxpremîers traits du jourquife réveiller

Retirez-vous , Démons , qùî volez dans la nuit.

F ü Y z: , fonges troupe menteufe ^ Dangereux ennemis par la nuit enfantez ,

- Et que fuye avec vous la mémoire honteufe»

Des objets qu’à nos fens vous avez prefentez*^ Chantons P Auteur de la lumière , Jufqu’au jour fon ordre a* marqué notre fin v Et qu’en le bénifiant notre aurore dernière perde en un midi fans foir^à fans matin. Gloire à toi , Trinité profonde ,

I *

Pere, Fils, E^rit Saint ; qÿ’on t’adore toujours^ Tant que l’Adre des teras éclairera le monde

«

£t les llécles même auront fini leur cours.

tJT

DV Brxviairx Romain. Si

LE LUNDI A V gS? RES.

%

îmmenfe cœH condhor , &c.

Gr R A N D Dieu , qui vis les deux fe for- mer fans matière

h ta voix feulement ;

Ta réparas les eaux , leur marquant pour bar* riére

Le vafte Firmament,

S I la voûte célefte afes plaines liquides^

La terre a Tes ruiffeaux,

Qui contre les chaleurs portent aux champs arî* des

Le fecours de leurs eaux.

SsiGNEua, qu*alnû les eaux de ta grâce fé- conde

' I

Réparent nos langueurs :

Que nos fens déformais vers les apas du monde N*entrainent plus nos cœurs/

Fi I s briKer de ta foi les lumières propices A nos yeux éclairez :

Quelle arrache le voile à tous les artifices Des Enfers conjurez.

R E O N e , ô Pcre éternel , Fils , Sagefle ino^éée » Efprît Saint , Dieu de paix ,

Qui fais changer des tems rinconftante durée , Et ne changes jamais.

Hymne*

LE MARDI A V ES? K ES.

/

Tellurît ingens cenditor , &c.

Ta fagefle ^ grand Dieu» dans Ces œuvres tracée

Débrouilla le cahos ;

Et fixant fur fbn poids la terre balancée ,

La répara des flots»

F A R-r. A , Ton fein fécond , de fleurs & de feuil- lages

L’embellit tous les ans ;

L'enrichît de doux fruits , couvre de plturages Ses valions & fes champs.

S £ I O N E U R » fais de ta grâce à notre ame ab« battüë

Goûter les fruits heureux ;

Et que puifienr nos pleurs de la chair corrompuS Eteindre en nous les feux»

Que fans cefTe nos cœurs , loin du fentier des vices ,

Suivent tes volontés S

Qù^lnnocens â tes yeux fondent leurs déGcQi Sur tes feules bon»ea.

R£oit£,^Fere éternel 9 &e»

LS

\ Breviai&i Rohaim. 83

LS MERCREDI A VSSPRES, CbU Deus fatiSiffint , &c.

w R A N D Dieu , qui fais briller fur la voûte . étoilée

Ton Trône glorieux t Et d*ané"blancheur vive à la pourpre mêlée Peins le centre des Cieux ,

Pm Toi roule i nos yeux Air un cbar de la« J&iére

Le clair flambeau des Jours ; .

Détint d’aflres par Toi la Lune en fa carrière , Vok le différent cours.

Ainsi font réparez les jours des nuits prochaU ncs ;

Par d'immuables loix :

Aafi Tu fais conooitre i des marques certaines ,

Les faifons dt les mois. ^

Sbi Gvxua, répands fur nourta lumière cé« lefle.

Guéris nos maux divers : ^

Qae ta main fea>arable , aux Démons fi funefie, : Brife enfin tous nos fera.

Rz'gsb, 6 Pere éternel 9 &c«

24

H T M N E 8

*

LE JEUDI A S P R ES. Mûgnæ Deus p9$eraiœ , &c.

Seigneur, tant d*anîmaux par Toi des eaux fécondes

Sont produits à ton choix ,

Que leur nombre infini peuple ou les mers pio» fondes ,

Ou les airs ou les bois.

Ceu x-LA font humeétez des flots que la mer roule ,

Ceux ci de Teau des Cîeux,

Et de la même fource ainfi fortis en foule Occupent divers lieux,

F A X 6 , À Dieu tout-puiflTant , fais que tous les . fidelles

A ta grâce fournis.

Ne retombent jamais dans les chaînes cruelles Oe leurs fiers ennemis.

Q U Epar Toi foutenus, le jougpefant des vices Ne les accable pas ; .

Qu’ün orgueil téméraire en d*afFreux précipices N'engage point leurs pas,

E 1 0 N E I ô Pere ét ernel , &c.

%

I

»a Brxviairx Romain.

LE VENDREDI A V ES PRES. Plafmator bmîms Dm , &c.

*“>1 “«« . fo«- Dece vafteünims,

dafein de Ja twe , A ton ordre , vit naître Tant d’animaux divers ;

^ “'■-P* nombre & différens d’ef.

Animez â ta voîx ,

l'homme fut éubli par ta haute fageflê Pour impofer fes loix.

«cor-

^égne dans notre cœur ; nal excès hoâteàx , que nulle impure idée ^ chafle la pudeur.

<2 D O N ûint raviffement éclate en Mtre zèle ;

/ Guide toujours nos pas ;

Fa» d'nnepaix profonde â ton peuple fidèle Goûter les doux apas.

&<«»£ , à Pere étemel , &c.

^6 Hymnes do B&ev. Roi*.

LE Su4MEI>l A VESPRES.

\

O luy ^ beata Trînitas &c»

S

^ O ü KCE éternelle de lumiéte ,

'Trinité fouverame & tris-fainte Unité,

•Le vifible Soleil* va finir fa carrière ;

Fais luire dans nos cœurs Tinvifible clarté.

Q u’a U doux concert de tes loûanges l^otfe voix commence & finifle le jour^

que notre ame enfin chante avec tes faînes Ânges

Le Cantique;étemel de ton célefie amour.

A D O R O K s le Pere fuprême ,

Principe fans principe , abîme de fplendeur ,

Le Fils . Verbe du Pere , engendré dans lui mé*

L!£(prit des deux qu'il lie , amour , don paix ardeur.

OUVREES

ATTRIBUÉS

A JÊAN RACINE

I

41'

/

, DIS COURS

Irmmi à la tête du Clergé , l’Abbe.’ Colbert,

par

S

IRE,

L % Clergé de France qnï ne s’»' prochoit autrefois de fes Souverains , ^oepour leur retracer de trilles image» de la Religion oprimée & gémilTante, ▼ient aujourd’hui , la recc^poiflance & la joïe dans le coeur, fiiire paroî' treàVoTRE Ma|bste’, cette ra^ me Religiontoute couverte de la glcHr-e quelle tient de votre piété.

^le a para durant plus d’un fîécle

fur

^ Cedifcoarg fc trouve diuiilç Recueil des Memoi** Tes du Clergé^

«s

5ro I 9 c 0' O K fk

fbr le penchant de- ruâie : ott Tuë déchirée par fes propres enifans ^ trahie par ceux qui dévoient la- foute*- nir & la défendre , eii i^oïe à fes plua- cruels Knnemis. Enfin , après une Ion* gue-& femelle opreffion-, elle refpirss: peu detems avant votre -naiflance heu> reufe ; avec Vous elle commença de re« vivre , avec Vous elle monta fur le- iTrône. Nous comptons les années de fon accroifiemenc par les années de- votre Régne ^ & c’efe fous le plus flo« riiTant Empire du monde , que nous la voyons aujourd’hui plus florifiante que jfamais.

Si elle fe fonvient encOrexle fes trou« blës & de fes malheurs p^ez , ce n’eÆ plus que pour mieux goâter -le-parfeic bonheur dont vous- ta fiâtes joQir ; elle eft faoülagi cation & fans crainte 4 - Rombre de votre autorité-} elle eft mê« me , j’ofe ainfî dire , fans defirs puifi)ue votre zèle ne lui laifle pas le tems d’en former , & que- votre bonté- va n fouvent au-delà de fes fouhaits. <

Ce zèle ardent pour la Foi , cette bonté paternelle dans tous les befoins de l'Eglife , qualitez fi rares dans les Princes , font , S i ns , le véritable fiir jet de nos éloges. Noos

Dr$ceiTRK. sTiE

I^ous laiffoQs à vos Sujets alTez d’au- tses vertus à admirer en vous. Les uns vous reprefenceront comme un Mo* Marque bienfaifant , libéral,.magnifique». fidèie dans Tes promeiTes , ferme & in* flexible contre toute forte d’injuftice , droit & équitable, jtifqués à prononcer contre fes propres intérêts , véritable* ment maître de fes Peuples & plus toaître eacore de lui-même;

Les autres vousrelpeâeronc comme •0 Roi , toujours fage & toujours vic- torieux ÿ -dont les impénétrables def- feins font plûtdc exécutez que connus ;> ^oi ne T^ne pas feulement fur fes Sujets par fon autotité fbuveraihe , nais Au /baConfeil par la fupérioritê fôn ^aie, mais fur les cœurs de fes VoiAas-, par la^ pénétration de foiv efprk, & par la fagefiè do«t il fçair iflUruire fes Miniftres ; qui pouvant tout par luî-méme , fçait fe palfer des<^ plus grands hommes ; & fans eux , téfoudre, entreprendre, exécuter fqui< donne la loi fur la Mer, auffi-bien que- fer la Teire; qui lance- quand il lut plaît la foudre jufques fur les bords de- FAfrique ; qui fçait à fon gré humilier fes Nations fepetpes , & réduire de»

e 4 Souve*

\

ps D I s C O V & 8.

Souverains à venir aux pieds de Ton Trône , reconnoicre Ton pouvoir , Sc implorer fa clémence.

Vos Ennemis mêmes , Sire , ne pen- vent s’empêcher de louer vos aêèions . héroïques ; ils font contraints d’avouer que rien n’ed capable de vous réfiftcr , & le mérite du Vainqueur , adoucit en . quelque forte le malheur des vaincus.

Ce n^efl pas à nous , Si re , à parler des progrès étonnans de vos Armes triomphantes , nous ne devons pas' con- fondre leclat d’une valeur qui n’eft que l'objet de l’admiration des hommes» avec ces œuvres faintes qui font en eflime devant Dieu. Le Clergé, Sîre» s’attacheta fur tout à loQer en vous cet- te piété, qui toujours attentiveaux térêts de la Religion , n’obmet rien de ce qui fient être néceflaire pour la re- lever dans les lieux elle e(l abat- . tuë » pour l’étendre au-delà' des Mers » dans les fieux elle eft inconnuë» pour la faire triompher dans l’un & l’autre monde. '

Mais , que dis - je 9 l’Eglife ne doit- elle pas elle même confacrer des vic- toires , que vous avez fi heureufement fait fervir à la propagation de la foi »

âc

I

Discours. 93

■A à rextinâion de l’héréûe ? II femble vous n’ayez combattu & triomphé ^ue pour Dieu , & le fruit que vous avez tiré de la Paix, nous fait aOez connoîcre quel étoit le principal but de ▼os Viâoires. C'ed par ces victoires que vous avez, établi cette rédoutable puiiïancé. qui tenant déformais vos Voifins en bride, ôte aux Hérétiques de votre Royaume , & l’audace de fe révolter, & J’e/poir de Je maintenir par de féditieux commerces avec les Ennemis de l'Eàat.

Si c’eût été la feule ambition' qui yons eôt armé , jufqu’où n’auriez vous point étendu votre Empire ? Vous vous êtes . hâté, de finir la guerre r iorfque voue en pouviez tirer de plus grands avan- tages ; ne Içait-on- pas que ce n’a été- que par l’empreflement que vous aviez de donner tous vos. foins au progrès •de la Religion ? La converfion. de tant d’ames engagées dans l’erreur vous a paru la plus belle de toutes les Conquê- tes , & le tfiom^ue le plus- digne d’um Roi Très - Chrétien. .

Mais quelle.quefoit votre puilfance,. elleavoit encore- befoin - du. fecours de fOU& bonté, t.c’eft.en gagnant le cœur*

e 5, des»

P4 Discours.

des Hérétiques , que vous domptes: l’obilination de leur efprit; c*eft par vos bienfaits que vous combattez leur endurcilTement , & ils ne /croient peut* être jamais rentrez dans le fein de TE- glife par une autre voye , que par le chemin femé de fleurs que vous leur avez ouvert.

Aufli Faut -il avoüer, Sire, quel- que ' intérêt que nous ayons à î’ex- tinâion de rhéréfîe , notre joïe l’etii- porteroit peu fur notre douleur , fl pour furmonter dette hydre une fâcheuie; néceflité avoit forcé votre zèle à re- courir au fer & au feu , comme on la. été obligé de faire dans les régnes pré* cédenSi Nous prendrions part à une- guerre qui feroit fainte, & noos eta-' aurions quelque- horreur -, parce qu’elle feroit fanglànte : nous ferions des voeulc pour le fuccès de vos Armes facrées p, mais nous ne verrions qu’avec trem- blement, les terribles exécutions dont: ,1e Dieu des vengeances vous feroit l’in/* trument redoutable#en/în , nous ro^ lèrions nos voix aux acclamations pu- bliques fiir vos Viftoires , & nous mirions en /ecret fur un triomphe > qui^ avec^la défaite des Snnemis det

l’Eglife:

B 18 C O V K 9;- PS

fEglifê» êaveloperoit Ja perce nos freres.

Aujourd’hui donc que vons ne com* battez l’orguëil de l’héréfie que par la douceur & par la fage/Ie du gouver» nemenc ; que vos loix foutenu& de vos bienfaits, font vos feules Armes, & ipieles avantages que vous remportez » ne font dommageables qu’au démon de Ja révolte & du fchifme ; noos n’avons ' que de pures aâioos de grâces à ren* dre au Ciel, qui a infpiré à Votrb- Majest M.* , ces doux & fages moyens < de vaincre l’errèur , & de pouvoir , . 'en mêlant avec peu de- févérité beau* coup de grâces & de faveurs, rame»' jaer à TEglife ceux qui s’en trouvoient . zna/heureu/êmenc féparé$<

Nous le confeflbns, SiREj t’eft i- Votre Majesté-’ feule, que nOûs> devons bien tôt le rétabliffemeht en*

' tier de Foi de nos Peres iaulli ne - falloic-il pas que l’Etat vous devant dé*’ ja ion fàîut & fa gloire , l’Eglife dûté . nu autre qu’à.vous , fa . victoire & foh ' triomphe : fans cela votre régne , que le: Ciel a voulu qu^l fût un régne de - SBCTveilles» nuroitinanqué dëfon plus- bel emexoeixc :: t^^aucok bien dit un»

p6 D r S c 0 V ft fl

jour de Votre Majesté’, ce que l’Ecriture dit de plufîeurs grands Rois de Juda : il a terraflié lès Ennemis , Sc xelevé la Monarchie : il a autorifé & rérormé les Lois : il a fait ré^ier la Jullice ; mais on auroit ajouté ce que le S. Ëfprit reproche à ces Princes : R n’a pas aboli les' facrifiices qui fe fai* ibient fur k Montagne-

Que votre nom , Sire , .fera éloigné- de ce reproche! Ce que votre zèle a déjà fait la- poRérké: le regardera tou*- jours comme laTource de vos profpé* ritez , & le comble de votre gloire.

Mais ce n’ell pas au rétabliflement des Temples & des Autels, que îêr borne votre zèle-; vo^s avez entrepr»- de faire revivre- la piété & les bonnes- mœurs ; & c’eft à quoi- Votre, -M A JE s T e’ , travâille avec fuccès , au* tant par fon exemple que par Tes ot* dresL €*eflr un honneur mainteRant. de pratiquer la venu , & le vice n’eft: pas tout-à fait détruit , au moins efl>U réduit à fe cacher, & lesvoHes donc H fe couvre , épargnent aux gens de- ^bienun fâcheux fcandale, & fauve les -âmes Ibibles. du pécil d’une contagioife i&neâe^

Ne

'Drscotrxr* PT*

^e penibns plus à ces jottt's de tënè^ bres la plûpart de ceux qui étoienc encore dans le fein de l’Eglife , fent* bloient i>’y être demeurez que^ pour l’outrager de plus près f les blaf* phêmes & les ratllecies de cequMl ya de plus faine ^ éclatoienc a^ec audace r ces noonflres d’infidélité ont difpartt fous votre régne heureux > & fi les re« jnomrances tant de fois réitérées fiir ce fojet ne nous donnoient. conaoi fiance de ce défordre y nous l'ignorerions é jamais.

Qu’eft devenu cet autre monftre pro< doit par l’efprit de vengeance , toujoun altéré du fang des hommes , mais plus, encore de celai de la Noblefiê françoi* fo ? Nous n’avons qu’à le laifier.dana l’oubli éternel » depuis tant de rems- vousl’avez enféveli : vous Pavez étoufiié^ tout indomptable qu'51 paroiflbit. Vo> TU Majest]^ a rçurenverfer les'fauflet^

- amximes de l’honneur & de la honte ; âc 'autant qu’une décelkable erreur avo|c xms de fimfie gloire àife venger, ao^ tant y auroit il d’ignmniine ù-ne^vonn. -pasebénr; creft ainfi que votre voloa>- té- feule l’emporte, fbr.la coacume-in- vétérée dta mal lue. le^ penchait : oripiind des hommes.. ^

S^i

/

Le Gler^é ne fe dirpafe plus être le fpeâateur de fin de toil* tes vos faintes-. entreprifes r après «a^ avoir admiré de fi heureux commet!* eemens ,ii céfTe d’ufer de remontras* ces rs’il a encore quelques befoins , vous les connoiflez , cela lui fuffît. 11 vient encore de reflentir en cette- Afiemblée d’infignes efièts de votre proteâion Royale ; & perfuadé que vous lui avez defiiné une longue fuite ile grâces dans d’autres tems , & avec les circonfiances dont vous feul les fçà* vez fi bien, accompagner , il craindRoit^ par fes' demandes « de troubler Tor* dte que votre fagefFe y a établi , ott: . peut-être de tàettre des bernes y&‘ tre ^lé h’èn : a p<^t mis. . '

L’unique afFairê qui nous occupe ». c’efi l’obligation de rendre à- Votiue Ma jute’ de très humbles aâions de - grâces. Après un fi jufte devoir , afio»

. ïez quenous femmes de votre puifianoe t.proteélion , nous pouvons nous fépa» fans inquiétude. Nous allons dans- les Provinces de votre Royaume , fat» te retentir les loüànges que l’EglMê" «bit à votre zèle. Chaque Pafieur aUnt de ieocoa\i«r pia vos foins ,

. .. . . fcceupéait^

D r B e O tf K $9} troupeau plus nombreux qu’il ne l’avoît lailTé , & chacun de nous redoublera* fes vœux pour obtenir du Ciel qu’il re- double Tes béoédiéfcions en. faveur d’ua* Prince.qui fe les attire par desafkions IL glorieiifes « & ü. uûles à-la Eeligioa*

LA Relatton Rivante , imprimée in-fo- lîo , p/ïT ordre du Roi y chez Thierry eh'

^ Kîpa , e(i attribuée à feu M.- Racine par quelques perfonnes qui prétendent qua le Public trompé par un ftile (piil riat-' tendoit pas d’une plume poétique , u’ere foupçonna pas l'Auteur Q* parus même' goûter davantage VlBfione du même évé» nement ^ faite dans un ftile très différent par M. de VifL Quoi qu'il en foit , oir a crû devoir imprimer ici cette Relation , parce qjt’eUe ejt devenué fort rare , quelle a raport à plujieurs cBoJês qtti fr trouvent, dans les Lettres écrites du Camp> iemtA Namur , par M. Racine à Boileau-

/

SELAXXQSV

!

ïoi

RELATION

D E

CE QUI S’EST PASSE*

AU SIEGE DE NAMUR.

IL y avoit prés de quatre ans que I9 F rance foutenoit la guerre contre tou- tes les Puiiïances , pour ainü dire , de l’Europe , avec un fuccès bien différent de celui dont les ennemis s’étoient flâ» tez. Elle avoir bon-feulement renverfé

9

tous les projets de la fameufê Ligue d’Ausbourg, mais même parla fagefle de conduite <St par la vigueur de fa téfUlance , elle avcûc réduit les Confé- dérez , d’agrefleurs qu’ils étoient » à la bonteufe néceflitë de fe défendre. Tout le monde voyoit avec étonnement qu’une Nation attaquée par tant de peuples conjurez contre elle , & dont . ils avoient par avance partagé la dé- po&ille » e&t d heuieufement fait re- tomber

202

ReCA T tO-N

tomber Air eax les malheurs qu’ils lut préparoienc ; qu’elle eût vaincu dans- tous les lieux ils l’avoienc obligée de porter fes armes ; & qu’enhn tant de puilTancesréünies pourl’accabler n’eof* fènt que fournir par tout de la ma* tiére à Tes conquêtes & à Tes triomphes.

En effet , depuis cette derniere guer- re , fans parler des célèbres journées- de Fleuru , de Staffardè & de Leuze ». ils avoieut perdu leurs meilleures- troupes : fans compter auffi plufleu^s- de leurs Places prifes & rafées » ils- avoient vd pafTer fous la domihation- de la France Philisbourg en Allemagne». Nice & Moiimelian en Savoye, &eiH- £n Mons dans les Pays-Bas..

Mais malgré les avantages coodhaeTv que le Roi remportoit Air eux » ils fe- Ââtoient tous les ans. de quelque révo- lution en leur faveur. Ils croyoient qne- la fortune felafleroitde fuivre toujoufs- le même parti ; & qu’enAn la France feroit contrainte de Aiccomber & à la: force ouverte , qu’ils lui opofoient an- dehors , & aux atteintes fecrettes qu'ils tâchoient de lui porter au- dedans.

La principale efpérance de leur Li*- g,ue écoic fondée Aie la haute opinionv

quer

Btr $i£^B 17a m ixr> -lexx^

tous ceux qoi la compofent aToieot do graad géaie du Prince d'Ocange » qui en eft comme le chef & le premier mobile ÿ âc luiméme ne manquoit pas- de les flâter par toutes les illufions donc il les croyoic capables de fe lailTer pr^ ?enir. 11 leur avoic fait eTpérer d’al^rd que le premièr effet de Ton établüTe* ment fur le Trône d’Angleterre , feroic t^abaiflement de la France. U s’étoit. depuis excofè'du peu de fecoars qu’ils- avcnent reçû lui , fur la nécefCté oiit il s’étoit vA d’em^>loyer & la réduébion de V Irlande h meilleuce partie de fea forces. Mais enfin fe voyant paifîbler pofTeSeuc des ucus Royaumes , & en ^tatde fe donner teot entier à laCaufer commune » il avoic marqué l’année 1692. comme l’année fatale à la Fran« ce , & ohles Révohitions ülong>-tems at- ^dues dévoient arriver. Pour joindr» l’éxecution aux promefies , il eroployoin aux grands aprécs de la Campagne pro» chaîne les foranaes exceffives qn’il ti- roit des A nglois & des Hbllantfois . Et h Ton exemple , Tes Alliés faifbient auffiî tous les efforts poffibles pour pro« fiter d’une fi favorable conjbnfilure..

^ Roi vers la fin de l’année i6pu-

infiruin

S04 Rekatiok

leurs préparâtes , jugea .^qa’il falloit Bon-feiilementoporer la for- -ce à la force pour parer les coups doue i|s le menaçoient , mak qu’il falloit mâ- me leur en porter aufquels ils ne s’at- 'tendilTeot pas , & les forcer par quek que entreprife éclatante , ou à faire la ■paix , à ne pouvoir faire la guerre ;qu’avec d’estrêmes diificuliez. 11 étoic ,exa6lemene informé de l’état de leurs forces , tant de terre que de mer. Il n’ignoroit pas que le Prince d’Orange dans les Pays-Bas pouvoit avec fes troupes & avec celles de les Alliés mettre enfemble jufqu’àdx vingt mille hommes. Mais connenifant fe.s propres forces, il crut que ce nombre ^ quelque 'grand qu*il fût » ne ferok pas ca- ■pable d’arrêter, fes progrès; & réfol» d’ailleurs de combatre fes Ennemis,, s’ils fe prefentoienc , il ne douta poinc .de les vaincre.*

Il ne crut pas même devoir fe borner une médiocre Conquête ; & Namur ‘étant la plus importante Place qui leur reliât , & celle dont la prife pouvoit le -plus contribuer à lés aflToiblir & are* haufler la réputation de fes armes , il réfokitd’en.formçrleSi^e. .

Namur

90 SlBOE DE N'aÉDE. XO&

Namar , Capitale de Pane des dix* ièpc Provinces des Paÿs*Bu , à laquelle elle a donné le nom , avoir été regar* dée de tout tems par nos Ennemis , comme le plus fort rempart , non feu- lement du Brabant , mais encore da Pays de Li^c , des ProvinceS'Unies , & d’une partie de la Ba0e* Allemagne. ' £n effet , outre qu’elle aflûroit la com- mmiication de tontes ces Provinces » on peut dire que par' fa fituation , an-' Confluent de la Sambre & de lalldei^ , qui la rend maitreffe de ces deux rivières , elle étoit également bien pla- cée & pour arrêter les entreprifes que la France pourrmt faire contre les Pays que je viens de nommer , & pour bi- âtiter ceiles qa’on pourroit faire, contre la France même. Ajoutez à ces avanta- ges' l’affiete roerveilleufe de fon Châ- teau , efcarpé & fortifié de toutes parts , & eliimé imprenable ; mais fur tout ki difpofition du Pays , auifi inacceflible è ceux qui voudroient attaquer la Place , que favUtable pour les fecours ; & en- fin le grwd nombre de toutes fortes de provifions que les Confédérés y avoient jettées & qu’ils avcâem dcflein d’y jetter encore pour la fiibüûance dq Jeoie Armées. Le

J

R B £ A T J O K

Le Roi , après avoir examiné tomes jes diffîcultez qui fe prefemoient -, dans cette entreprife, donna Tes ordres , taiK. - pour établir de grands magafi ns devi- :::

vres & de 'munitions le lotig de la JkÆeufe & dans lès Places frontières des i Pays'Bas, que pour faire.hy veriier com* i

modément dans les Provinces voillnes i

de grands corps de troupes , fous pré- texte d’obferver celles Ennemis qw J groflüToient continuellement^ 11 fie aufli des augmentations eonfidérables- j

de Cavalerie & d’infanterie , & dif- .pofa enfin toutes cbolbs avec fa pré- croyance prdinake.

Mais! mémertems il préparoit ooe,

* puifiante diveifion du côté de PAngle-. terre y il prenoic des œelùreapour y rétablir fur le trône 1er légitime Sou- verain.

Les Alliez de. leur côfié ne for- «loient pas , oconme. }’ai dit , de po> tics preyets; Le Pdnce d/’Qra(%eet|) pafTaiit la. mer Favoit anlfi, fût; re*« pai&e ù ^ meilieuces troupe» >. & en. aflembloit de toutes parts un ^and sombre d’autm quSl- établifibit. dans tpucés les Places (te Ion pacti les plus proches de (miles de Eranc& Il avotc

' fwR

O SiSGS b B Nauvr. 1-07

foin lur-couc d’en remplir les Places CSS Efpàgnols , defquelles par ayyen il (e propo/oic de rendre iarenfiblement le maître.

II le cenoic de continuelles Coa* férences à' la Haye entre lui âe les au* très Confédérez fur l’emploi -qu’ils de* voient faire de leurs forces , nq (e prometcanc pas moins que de faire ■une irruption en France au commen* ■cernent du. Princeras. Dans cette vûë ils ^foient travailler à un prodigieux amas de tout ce qui elt néceffaire. pour une grande expédition , & fe tenoient tellement sûrs du fuQcès , qu’ils ne daignoient pas même cacher les délibérations qui le prenoient dans leurs Aûemblées.

Ces Conférences finies , le Prince d’Orange s’étoit retiré à Loô' , mat* fon de plaifance qu’il a dans le pays de Gueldres , lieu- folitaire- & con*- forme à Ibn humeur Ibmbre & mé* lancoUque , oi| d’ailleurs il trouvoic< le plus de facilité pour entretenir fet correfpondai^es fecrettes. £.edéplai* fir qn’il ayoic eu l’année précédemte^ de voir prendre Mons en<.fa prefenoe « iàiis avoir rien £ure pourrie fiseon».

X«8 . B. B t A T < 0 N

rir , donnoit lieu de croire qu’il pren* droit des mefures pour fe mettre hors d’état de recevoir un pareil affront. En effet , il préiendoit avoir A bien difpofé toutes chofes , qu’il pouvoic affembler en peu de jours toutes les forces de fon parti , ou pour tomber fur les Places dont il jugeroit à pro- pos de Aùre le Siège , ou pour courir au lècours de. celles que la France entireprendroit d’attaquer.

AinA en attendant la fai fon pro* pre pour agir , il affeâoit de mener a Loô une vie fort tranquille , y pro- mut prefque tous les jours le divertif- fetnent de la chaffe , & paroiffant auifi peu émilk de tous les avis qu’il recevoic des grands préparatifs de la France fur mer Sc fur terre , que A «He eût été hors d’état de rien entreprendre , ou qu’il eût été le maître des événemens. Cette tranquilité aparente , à la veille d’une Campagne A importante pour les deux partis , éioit fort vantée par Tes admirateurs , qu’ils attribuoient à une grandeur d’am& extraordinaire. Et Tes iUliés la croyant un effet de fa pénétra- tjon^&delajuAefledes meAires qu’il vroicprilès pour ailÛrer le fucçés de

fes

DU Sl£CE DE N AMÜK. tOp

ks delleins , fe mocquoient eux- mêmes de toutes les inquiétudes qu’on leur vouloic donner , & demeuroienc dans une pleine confiance qu’il ne leur pou? voie arriver aucun mal.

Au commencement du niois de Mal , ils aprir^t que le Roi fuivi de toute fa CoujjKtoit arrivé auprès de Mons , où. étoile rendez. vous de Tes Armées de riandres. £n même tems ils fçurenc qu'une autre Armée étoit fur les côtes de Normandie, y prête à pailer la Mer avec le Roi d’Angleterre ; qu’un grand nombre de Bâtimens de charge étoienc ù \a Hogue , avec toutes les Proviüons nécelTaites pour faire une deicente dans ce Royaume; & qu’enfin^ une Flotte de foixante gros Vaifleaux dedinée pour apuyer le paflage & le débar> quement des Ttoupes , n’attendoit à Bred , & dans les autres Ports , qu’un vent favorable pour entrer dans la Manche.

!.« Prince d’Orange commença alors à fe repentir de fa faulTe confiance. D’ua côté y il prévit Forage qui alloit fondre dans le Pqys Bas , & jugea dès-lors qu’il Jui /eroit fort difficile de l’empêcher

De l’autre j il n’ignoroic pas que tous

f lé*

Jes Ports d’Angleterre étoient ouverts ; ^u’il n’avoit encore ni Flottes pour cou« vrir les côtes du Royaume , ni Armée pour combattre les François à ladefcen- te ; qu’il leur feroit aifé d’aller jufqu’à Londres , ils trouveroient la plôparc des Seigneurs mécontens de lid , & les peuples fatiguez des grandeslbmmes qu’il exigeoit d’eux. Én un mot , il apréfaendoic ' que le Roi Ton beau* pere ne trouvât autant de facilité à fe rétablir fur le Trône, qu’il lui avoic été facile de l’en chaOer; Dans cet em* barras , il feignit pourtant de ne longer qu’à fauver la Flandres , &- alTembla en- diligence & avec grand bruit un corps de troupes fous Bruxelles. Mars en mê- me tems il dépêcha le Lord Portiand à Londres , pour concerter avec la Princeffe d’Orange & avec fonCon- feil , les moyens de garantir l’Angle* terre de l’invafion des François. Il donna ordre qu’on armât toutes les mi* lices du Royaume , & qu’on y fît re* palTer les troupes refiées en Ecofle de en Irlande ; qu’on arrêtât toutes les perfonnes Ibupçonnées d’intelligence avec les Ennemis ; & qu’enlin on af< femblâc la plus oombreufe Armée

qu’oa

s D SlECE DE NaMOR. III

m’on pourroit , tant pour contenir le dedans du Royaume que pour border les côtes l’on foupçonnoic , que les François voudraient tenter la defcen* te. Sur-tout il preCa rarmetneiu de Tes Flottes. , & voulut qu’on y travaillât nuit & jour , n’epargnant pour cela ni Targent des Anglois & des Hollan* dois , si celui de tous fes Alliés. Non content de ces précautions , il fit re* marcher à WillemRac entre l’embou^ cfaure de l’Efcaut & de la Meufe , uns partie des Régimens qu’il avoit ame* nés d’Angleterre « pour- être en état d’y repafier au premier ordre ; & corn* ma.nda qu’on lui tint un vailTeau tout prêt pour y repafier lui-mème. Toutes ces précautions étoient un peu tardi> ves , & couroient rilque de lui, être abfohinieat inutiles^ fi les vents euf* fènt été' alors auffi favorables au Fraa* çois f qu’ils leur étoient contraires.

Sur ces entrefaites , le Roi durant anq jours ayant afiemblé fes Armées dans les plaines de Gevries , entre les rivières de Haifne & de Trouille , it en fie le vingt«uniéme de Mai la revûS générale. Il les trouva complettes , & dans Je meilleur état qu’il pouvoit (bu-

f a haiitar.

fis ]^XtATIOir

haitter. li trouva auiH que conformé* ment à Tes ordres on avoit chargé à Mons de munitions de guerre & de bouche , plus de Gx mille chariots ti* rés des pays conquis. Tellement qu’il fe vit en état de fe mettre en marche deux jours après cette revûë.

L’armée deHinée pour faire le Siège de Namur , & qu’il avoit réfolu de commander en perfonne, étoitdequa* rante Bataillons , & de quatre-vingt* dix Ëfcadrons. L’autre Armée comman* dée par le Maréchal Duc de Luxem- bourg , compofée de foixante-Gx Ba- taillons & de deux cens Neuf Ëfca- drons , devoir tenir la Campagne , & obferver les Ënnemis » qui , à caufe de cela l’ont depuis apelée l’Armée d’obfervation.

Les Lieutenans'généraux de l’Ar- mée du Roi étoient le Duc de Bour- bon , le Comte d’Auvergne , le Duc ' de Villeroi , le Prince de Soubize , les rMarquis de TilUdet & de Boufflers , & le Sieur de Rubentel. Le Marquis de Bou£9ers étoit nommé auGi pour com- mander une autre Armée que dans ce teros*là même il aGembloit dans le Condroz. Les Maréchaux, de Camp

étoient

I

üü SlEGK D*! NAtfVK* II)

éoient le Duc de Roquelaure, le Mar- quis de Montrevel , le Sieur de Con- gis , les Comtes de Montchevreuil , de Galfé , & de Gufcar , & Baron de Brefle. Au relie leDaaphmde Prance, le Duc d’Orieans- , le Prince de Condé , & le Maréchal de Humieres avoienc le principal comandement fous le Roi, LeSieurde Vauban , lieutenant Géné^- ral , étoit chargé de la direflion .des attaques.

Le Maréchal de Luxembourg avoic pour Lieutenans- Généraux , le Prince de Conty , le Duc du Maine , le Due de Vandôme , le Duc de Choifeuil , le Comte du Montai , & le Comte de Ro^ fes , Mellre de Camp général de la Cavalerie légère : Et pour Maréchaux de Camp le Chevalier de Vandôme, Grand Prieur de France ; les Marquis de la Valette , & de Coigny : les Sieurs de Vatteville , & de Polaftron. Le Ba» ron de Bufca , auili Maréchal de Camp , commandoic particuliérement la Mai- fon du Roi. Le Corps de réfêrve étoit commandé par le Duc de Chartres.

Ces deux Arihées partirent .donc le vingt troifîéme de Mai. Celle du Ma- réchal qui écok campée le long du ruil>

f 3 fea»

/

II4 R B L A T 1 O N.

feaa des Eflines , alla paffer la Haiihe entre Marlanwelz fous Marhnont , & Mouraige , & campa le fair à Féluy & à Arquennes , proche de Nivelle. Celle du Roi traverfa les plaines de Rinche ; & ayant pafTé la Haifne à Car* BÎeres , alla camper à Capelle d’Herlai* mont le long du ruilTeau de Piéton. . Le Roi menoic avec lui une partie de fon artillerie & de les munitions. L’autre partie acconvpagnée d’une grolTe efcor* te , alla palTer la Sambre à la Buffiére pour marcher à Philippeville , & de au Siège qui devoir être formé.

Le lendemain vingt-quatrième , le Maréchal alla camper entre l’Abbaye de Villey & marbais , |Mroche de la grande chaulTée , & le Roi dans- la plai- ne de Paint Amand , entre Ligni & Fleura.

La nuit niivanteyi! détacha le Prince de Condé avec fix mille chevaux & quin* ze cens hommes de pied pour aller in* veflir Namur , entre le ruiffeau de Ri(^ nés & la Meufe , du côté de la Hesbaye. Le Sieur Quadt avec fa Brigade de Ca* . Valérie l’inveBit depuis ce ruilTeau juC- qu’à la Sambre.. Le Marquis de Bouf* fiers avec quatorze Bataillons & qua* - « quarante*

ftO SiEGS SB NAXnTK.

)(|QaraBte*buic Efcadrons , (aifant pu* tie de l’Armée qu’il afifembloic , parut en même tem« devant la Pl<ice de l’an* frecété de la Meufe ; & enfin le Sieur de Ximènes avec les troupes qu’il venoic de tirer de Philippeviiie & de Dînant , •ufqueües le Marquis de Bouffiers ajoiW ta encore douze efcadrons.,- in vedit la -Place du côté du Château, occupant tout Je terrain qui efl entre Sambre &. Meo* fe ; en telle forte ^ue Namur fe troavft en' même tems entouré de tous cotez.

Le vingt cinqui^ne, l’Armée du Ma* rêchal de Lusenbourg. alla camper for le ruifleau d’Aurenaulc dans hi plaine de Gémbloura dit ce'le du Roi auprôa -de Mflont & de Golzenne au delà des Mæis , -d’oâ U envoya ordre au Maré» cfaal de détacher le Comte de Montai avec quatre mille chevaux pour aller fe pofler àLoi^-champ , & à Genne* voux , peoche des fources de la Me» haigne , & le Comte de Coigny avec an pareil détachement , pour aller fe pofter à Chafielet jrfès de Charleroy. Le premier devoit couvrir le Camp, de Roi côté du Brabant i & l’autre fe* vorifer les convois de Maubeuge , Fhilippeville & de Dinant > & tenir en

f 4 bride

MtS Relation.

bride la garnifon de Charleroy , & fe» corps de troupes que les Ennemis y pourroient envoyer.

Le vingt- fîxiéme le Roi arriva fur les Hx heures du matin devant Namur. 11 reconnut d’abord les environs de la ■place depuis la Sambre jufqu^au ruif- feau de Wedrin , examina la difpofi- tion du pays , lés hauteurs qu’il faltoic r)ccuper , & les endroits par il falloir faire pafTer les lignes. Il donna fes or- dres pour la conftruftion des ponts de bateaux fur la Sambre & fur la Meufe , '& régla enfin tout qui concernoit ■rétablilfement & la fureté des Quar- tiers. Il choifit'le fien entre le village de Fiawine , & une Métairie apellée la Rouge Cenfe , un peu au-deffus de l’Abbaye de Salzenne. Enfuite il s’a- vança furia hauteur de cette Abbaye pour confidérer laficuation de la Place’, & les Ouvrages qui la couvroient de ce "côté là. En réconnoiflant tous ces en- droits , il admira fa bonne fortune , & le peu de prévoyance des Ennemis ; & confefla lui même , qu’en portant feu- lement de bonne heure quinze mille hommes, ou fur les hauteurs du Châ- teau , ou fur celles du ruiffeau de We- drin ,

su 5iZ6£ NakDR. II7

drin , ils aaroient pu faire avorter tous fes defleins , & mettre Namur hors d’état d’être attaqué. Il ordonna au Comte d’Auvergne de fe faifîr de l’Ab- baye de Saizenne , & des Moulins qui en font proches. Ce qui fut aufli-tôc exécuté. Le Marquis de Tilladet eue aufli ordre de vifiter tous les gués qu’il pouvoir y avoir , dans la Sambre depuis le Quartier du Roi jufqu’à la Place. Et k Marquis d’Alegre avec on corps de Dragons fut envoyé pour fe faifir du pafTage de Gerbizé , polie important fur le chemin de Huy & de Liège dis côté de la Hesbaye.

Cependant l’allarme étoit parmi les Ennemis. Comme ils ignoroient encou- re où aboutiroic la marche du Roi , ils & hâtoient de renforcer les garnirons- de toutes leurs Places. Ils craignoient for-tout pour Charleroy , pour Ath »- pour Liege , & pour Bruxelles mêmei Mais à l’égard de Namur , l’Elefleur de Bavière fe confiant & à bonté de la Place , & à la grolTe garnifon qui étoit dedans y fouhaicoit qu’il prit envie au Roi de l’afliéger. Le rendez-vous de kor Armée étoit aux environs- de Bru^ Belles ^ & il y: arrivoitt tous les jours^

£ 5;

ii8 Rxlatxon

un fort grand nombre de troupes de toute forte de Nations. Elles faifbtenc déjà près de cent mille hommes , dont le principal commandement & la direc* don prefque abfoiue , écoient entre les mains du Prince d’Orange, l’Eleéleur de Bavière n’ayant dans cette Armée qu^ne autorité comme fubalterne. On peut juger combien des forces fi prodigieufes enS oient le cœur des Con- fédérés. Ils demandoient qu’tm les flËt marcher au plus vite , & fe tenoient fùrs de rechafler le Roi jufques dans le cœur de fon Royaume. 11 étoit <fhea* se en heure exaaement informé & de leur marche & de leur nombre * & (e mettoit de ion côté en état de les bien recevoir.

f

L’Armée devant Namur.étoit fépa> sée par les deux Rivières en trois prin^ eipaux Quartiers , dont le premier » c’ efl à Içavoir celui du Roi , occupoic tout le côtédtt K*abant , depuis la Sao> bre jufqu’à la Meufe ; le fécond , qui ëcoitçeluldu Marquis de Boufflers ,s’é- tendeit dans le Cbndroz, depuis la Meu- le au deflbus de Namur , jufqu’à cette meme Rivière audelTu» & le treiGè- »e fi)u& le Sieur de Xii^es - tenoit

le

su SiEGB DE N'aiTU'K. tT9'

h pays d^encre Sambre & Meafe. Aa refte, le Quartier du Roi étoit diviféea plufîears autres Quartiers. Car outre le Dauphin & le Duc d’Or!éans qui cam* poienc tout auprès de fa perfonne > il avoit aufli dans Ton Quartier le Prince de Condé , le Maréchal de Humiéres « & tous les Lieutenans Généraux , à la xéferve du Marquis de Boufflers. £t ils- y avoient chacun leur pofle ou leur quartier le long des Lignes de cis* eonvallation.

Le Roi dès le premier jour donn» fes ordres pour faire tracer ces Lignes- for un circuit au moins de cinq lieues. Elles commençoient à la Sambre dw (Côté du Brabant . on peu au-delTus du> village' de Flawine ; & traverfant un* Ibrt grand nombre de Bois , de Villa* ges , & de RuilTeaux^ , en deçà & au-- delà de la Meufe , palToient dans la Forêt de Marlagne & revenoient finie à la Sambre , entre l’Abbaye de Malô*' gne , & une efpéce de petit Château' qu’on apeloit la Blanche Maifon.

Le vingt feptiéme , e'efi à dire le len» demain de l’arrivée du Roi devant la Place- il alla- vifiter le Qjartier du Piioce-' de: Confié ,.entre le ruifleau- de:

6 4 WèdriiD

120 R E -c i T I 0 ir

Wedrin & la Meufe , & y vicies parcs d’arciNerie & de munitions. £>e s’é^ tant avancé avec le Sieur de Vauban fur la hauteur du Quefnâ de Bouge y qui commande d’alTez près la Ville em tre la Porte de Fer & celle de S. Ni. colas , la réfolutioB fut prife d’attaquer cette dernière Porte. Ce même jour les ponts de batceaux furent par tous ache> vez & la communication des Quartiers fentièrement établie.

11 reftoit encore les Quartiers de , Bôofflers & de Ximènes à vifîter. Le Roi s’y tranfports donc le Vingt hiaf* tiéme , & ayant paiTé la Sambre- à le Blanche- Maifoe , & la Meufe ao-deA fous du vi H âge de Huépion , reconnut tout le côté de ha Place qiri regarde le Condroz , reconnut auffi le Fauxbourg de Jambe, les Ennemis s’étoient retranchées au bout du pont de pier* xe qu’ils y avoient fur la Meufe ; Si ayant remarqué le long- de cette rivié^- le une petite hauteur d’où on voyoit à. revers les Ouvrages de la Porte de Sk Nicolas qui e£t de Kàutre côté , H çon>- manda qu’on y élevât desbatteries. Ges derniers jours & les fuivans , les eon^ Vois d’artillerie & de toute forte de.

munitions:

BO SiBOE 1>E NaKOK. l%t

Enanitions arrivèrent à Philippeville par terre , & de Dinant par la Meufe , & on commença à ct^re le pain dans le Camp pour la fubfiAaace des deux Ar- mées.

Ce fut vers ce temsdà qoe plufîear» Dames de qualké de la PrO'vince qui s’é» toienc réfugiées dans l<IamuK » ot plu- fleurs des Dames mêmes de la Ville » firent demander par une Trompette la permifOon d'en fortir y, ce qu’on ne].)»* gea pas à propos de leur accorder.. Mais ces paui^es Dames fe confiant à ia générofité du Roi , & la peur dea bombes l’emportant en eHes fur tou» te autre confidération , elles ibrtirent à pté par la porte du Château , fui* tries feulement de quelques unes der leurs femmes qui portoient leurs har- des & leurs enfans » & fe prefentérent à la garde proéhatne , Les fbldats lér menèrent d’abord à la Blanche Maifou,. près des Ponts qu’on avoit feits iùr la Sambre , d’où le^i qui eut phié d’ek ies & qui les fit traiter favorablement^ les fit conduire le lendemain à l’Ab- baye de Malogno^& dedà ù Philippe- Tille.

Vingt mille Fionnien; commandez

Rs&ATICMi

dans les Provinces conqnifesitantanfi- vez alors à l’Armée Hs fusent auffi>tôt cmployez-aux lignes de circonvallation^ aux abbatis deboû , & aux rej[>araciona de chemins.

Les Afliégez avoiânt encore quelque Infanterie dans les bois au-delfus de» Moulins.ls papier de S>. Servais. Mais le Roi ayant ordonné qu’on Ten chaffit elle ne tint point ^ dt fe renferma fort vite dans la Ville.^

- La Garnifbnétoicdeneufniîile deux cens quatre vingt hommes en dix fèpt R^innens d’ihfanterie de plufieurt Nations , fçavohr cinq> Allemans des> Croupes (fe Brandebourg & de Lune*- bourg y cinq Holiandoia , trois Ëfpa* gnols , quatre Wallons 6t en un Ré^ giment Cavalerie , ât quelques Cou» pagnies franches. Le Pfince de Barbant yon. Gouverneur de la Ih'ovince,r& ' toit suffi de la Ville & dii Château ; de toutes ce» troupes avoient ordre de lui obéir. Ou nedoutoit pas qu’étant pour» vûés de toutes, les ^ofes nécefTaire» pour fbutenir un long Si^e, & ayant à'défendre une- Place, de cette téput» CBKT^ élément bien fortifiée & par iTatt dtpar la-ffiuure' ^ ime. Garnifon fS L-. . Bombreufe:

ou SiBOE NaMU». »2)

Hombreufè ne fe fignalât par ane vi- goureufe râlUlaace, d’autant plus qu’elle n’ignoroit pas les grands aprêu qui fe faifoient pour la lècourir.

Le Roi , pour ne point accabler fês troupes de trop de trarail , n’attaqu» d’abord que la Ville feule. On y fit deux attaques différentes ; mais d y ea avoit une qui nfétoit proprement qu’oM’ fauffe attaque. Et c’étoic celle qui étoit tde delà la Meufe. La vériiabte étoit en* deçà. Il fut réfblo <Fy ouvrir trois tranchées qui ft rejoindroient enfuite par des lignes parallèles f la- première le long du bord de Meofe ;^la fectmde h my côte de la hauteur de Souge ; & la troifiéme par on grand fond qui abois» tiflbit à la Place àa. Côté de Force de fer. .

Toutes ebofi» étant donc prëparéiev trandiée fut ouverte la nuit do vingt* neuvième au trentième Mai. Trois taillons avec un Lieutenant Général ât Un Brigadier, montèrent à la vérita* ble attaque , & deux à- la faoffe, avec un Maréchal de Camp. Ce qui fut coo> tinué jufqu’à la prife de la Ville; Le Comte d'Auvergne , comme le plue anciee Lieuconaqt. C^nérid ».mpa(ta le

ptemiése

124 RE£AvTXOV

première garde^ Dès cette nuit , ov avança le travail j.ufqu’à quatre «vingt toifes du glacis. On travailla en même tems avec tant de diligence aux bat* teries » tant fur la hauteur de Bouge* que de l’autre côté de la Meufe , que les unes & les autres fe trouvèrent bien tôt état de tirer & de prea> dre la fiipérlorité fur le Canon de la Place;

- ' La nuit fuivante, le travail qu’oa* avoit fait , fut perfeâionné.

La nuit du trente- unième Mai , on travailla à s’étendre du côté de la Meu- le pour reflerrer d’autant plus les AT- Æégez f. & les empêcher de faire des- Ibrties.

Le premier de Juin y on continua 1er travaux à la fape , l’Artillerie ruinant cependant les défenfes des Afliégex qui étant vôs de front & à revers de plufieurs endroits , n’ofoient déjà plus- paroftre dans leurs Ouvrages.

La nuit du premier au deuxième* Juin , on fe- logea fur un* avant chemin «ouvert en deçà de l’avant folTé , que* formoient les eaux- des ruifTeaux de Wedrin & de Rifnes. On tira enfuite ue ligne parallèle pour faire la com-

municatioiiL

I

DV SlE6£ DE Namdr. 115

inanication de toutes les attaques , & on éleva de l’autre côté de la Meufe fur le bord de l’eau , deux batteries qui commencèrent à tirer dès la poin* te du jour contre la branche du demi ballion , & contre la muraille qui ré« gnent le long de cette Rivière. Ce mê- me jour , fur les huit heures du matin i \e ^rquis de Boufflers fit attaquer le Pauxbourg de Jambe que les Ennemis occupoient encore , & s’en rendit maî- tre. Sur le ^midi , l’avant fofle de la porte de Saint Nicolas fe trouvant comblé , & toutes chofes difpbfées pour attaquer la Contrefcarpe , les Gar- des Suifles & le Régiment de Stopa de la même Nation , qui étoient de tranchée foas le Marquis de Tilladet , Lieutenanp Général de jour , y mar- chèrent l’épée à la main , & l’empor- terent. lis prirent aufli une petite lu- nette revêtue qui défendoit la contreA cape ) & fe logèrent en très peu de tems fur ces dehors , fans que les En- nemis qui faifoient de leurs autres Ou- vrages un fort grand feu , ofafTent faire aucune tentative pour s’y établir. On leur tua beaucoup de monde en cette aélion.

Le

R s Z À TI & ir

Le fbir <ffi deuxième Juin ^ le "Mzx* quis de Boufflers éuat de garde à la tranchée , on s’aperçue que lus Affié- gez atoient auffi abandonné une demi* lune de terre qui couvroit la porte de Saint Nicolas. Comme le foiTé n’ea étoic pas fort profond » il fut bien tôc comblé ; & quoique la demie lunç; fûc fort expofée , & que les Ennemis ci* raflent fans difeontinuer de dellus le renjpart , on fe logea encore dans cette demi lune fans beaucoup de perte.

Les batteries bafles de la Meufe con* tinuoient cependant à battre en ruine la branche du demi baflion & la mu* ^raille , qui écoient , comme j’ai dit Je long de cette rivière. Comme fe& eaux écoient alors alTez bafles , on s’étoic flatté de pouvoir conduire une cran* •chée le long d’une langue de terre » qu’elle laiflbic à découvert au pied dis rempart , & on auroit ainfl attaché Lien tôt le Mineur au corps de la Pla* ce. Mais la Meufe s’étant enflée tout* à'coup par les grandes pluyes qui fur* vinrent , & qui ne difeontinuérent pref^ que plus jufqu’à la fin du Siège , on fut obligé d’abandoner ce deflein , & de > . s’attacher

DU SiZGE DB N-AHOR. 127

s*attacher uniquement aux Ouvrages que Ton avoit devant foi.

L’artillerie ne cefla pendant le troi» iiéme & le quatrième Juin , de battre en brèche la face & la branche du de* mi baflion de la Meufe , & y fit enfin une ouverture confîdérable. Les Afiié» gez tèmoignoient à leur air beaucoup de réfolution & travailloient même àfe retrancher en- dedans. Mais on les voyoit , qui dans la crainte vraifembla* ment d’un afîaut , tranfportoient dans le Château leurs munitions & leurs meilleurs effets. A la fin , comme ils vi* rent qu*on ètoit déjà logé fur la pointe du demi baftion ; le cinquième jutfr"' au matin le Duc de Bourbon étant de jour , ik battirent tout à coup la cha* made , & demandèrent à capituler. Après quelques propofitioofs qui furent rejettées par le Roi , on convint en* tr 'autres articles ; Que- les foldats de la Garhifon entreroient dans le Château avec leurs familles & leurs effets : Qu’il y auroit pour cela une trêve de deux jours , & que pendant tout le refie du Siège , on ne tireroii point ni de la Vil* le fur le Château , ni du Château fur la Ville , avec liberté aux deux partis de

rompre

xsS RziATroK

rompre ce dernier article lorfqu’ils Te jugeroient à propos , en avertiffant néanmoins qu’ils ne le vouloienc plu» tenir.

La Capitulation lignée , le Régi- ment des Gardes prit aufli-tôt poflef^ fion de la Porte de Saint Nicolas. Ain^ la fameufe Ville de Namur défem- duë par neuf mille hommes de Gar- nifon fut en fix jours d’attaques , rétif- due à trois ou quatre Bataillons de tranchée , ou , pour mieux dire , k un feui bataillon; puifqu’il n’y en eut jamais plus d'un à la tranchée le long de la Meufe , qui fut celle par Place fut emportée. On peut même remarquer qu’on n’eùt pas le tems de perfeftionner les lignes de circonval- lation , & qu’à peine on achevoit d’y mettre la dernière main , que la Vil- le étant prife l’on fut obligé de les ra> fer , pour tranfporter les troupes de l’autre côré de la Sarabre.

Pendant que la Ville capitoloit , otj eut nouvelle qu’enfin les Alliez s’a- vançoient tout de bon pour faire le* ver le Siège. Au premier bruit que le Roi étoit devant Namur , ils s’é- toient hâtez d’unir enfemble toutes

leurs

I

BIT SlEGE JDI.N&MÜR. 12^

leurs forcés. Ils avoient dépécbé aux Généraux Flemtning & Sereiaës > donc le premier alîembloit les troupes de Brandebourg aux environs d’Aix la* Chapelle , & l’autre celles de Liège dans le vniGnage de cette Ville, avec ordre de les venir joindre ; & le Pria* ce d’Orange avec l’Elefteur de Ba- vière à la tête de l’Armée Confédé- xée, ajant palTé le canal de Bruxel- les , étoit venu camper à Dighom , puis à Lefdaël & à WoHêm , de à l’Abbaye du Parc & au Château B Heverle près de Louvain. Il féjour- na quelque tems dans ce derniet Camp , ou pour donner le tems à toil- es Tes forces de le joindre , ou n’o- Cuit s’engager trop avant dans le pays ni s’éloigner de la mer dans l’inquié- tude où il étok de la defcente donc l’Angleterre étoit menacée. Il apric enfin que fa Flotte jointe à celle de Hollande , faifant enfemble quatre- vingt-dix Vailleaux de guerre , étoit à la mer avec un vent favorable j ÔC qu’au contraire le Comte de TourvU- le n’ayant être; joint par les Efca- dres du Comte d’Ëllrée. , du Ccanbe

de Chateauregnauc ,, t & du JHàfquis

t30 RssATIOIt

de ]a Porte , n'avoit que quarante* quatre Vai/Teauz avec lefquels il a’effoc^it d’entrer dans la Manche. Alors voyant fe» affaires vraifembla* blement en fûreté de ce côté , Il feignit de n’y plus fonger , & ne parla plus que d’aller fecourir Na^ mur.

11 partit des environs de Lou- 'Vain le cinquième Juin , & vint camper à Meldert de à Bavecbem. 11 campa le lendemain fixiéme aur près de Hougaerde de de Tirleroont ; le feptiéme entre- Orp & Momenac» kem , au*delà de la rivière de Ghete , & enfin le huitième fur la grande chauf* fée entre Thinnes dt Breff , à la Vâe idu Maréchal de Luxembourg. La pri* fe de la Ville ayant mis le Roi en état de faire des dètachemens de foa Armée , il avoit envoyé à ce Maré- chal le Comte d’Auvergne de le Duc de Villeroi , Lieutenans Généraux « avec une partie des troupes qui fe troùvoieot campées du côté du Brà* bant.

- Four lui « la trêve qu’il avoit accor* ^dée aux Afliégez étant expirée, il a voie <<pal£é de l’autre côté de la Sambre,

ave

su St£GB Sx NaMUA. 131

avec ce qui lui écoit reftë de troupes au delà de cette rivière. C’étoit le fep* tiéme de Juin qu’il quitta Ton premier Camp pour eu venir prendre un autre entre Sambre & Meufe dans la Forée de Marlagne. Voici de quelle manié* re ce nouveau Camp étoit dirpofé : Le Quartier du Roi étoit auprès d’un Convent de Carmes , qu’on apeloit le De/èrt; il y avoit une ligne de trou* MS qui s’étendoit depuis l’Abbaye de Marlagne fur la Sambre , jufqu’au pont conllruit fur la Meufe à Huépion : Une autre ligne de dix Bataillons qui compo* ibîent la Brigade du Régiment du Roi » eut fonCamp marqué fur les hauteurs du Château pour en occuper tout le front, qui eft fort reOerré par les deux ri* viéres , & pour rejetter ainli les £n« Demis dans leurs Ouvnges. '.Mais il D’étoic pas facile de les dépoAer de ces hauteurs , ôe moins encore des re* tranefaemens qu'ils y avoient-faits à la &veur de quelques ra^ifoîis , & entr’au* très d’un Hermitage ou’ils avoient fortifié en forme de Redoute. Néan^ moins ia Brigade du Roi eut ordise de les aller attaquer.

Les troupes qui avoient crû ce jounii

I

13» Rblatiôm

n’avoir autre chofe à Taire qu’à s’é- tablir paifîblement dans leur nouveaa Camp , & qui dans ce moment portoient leurs tentes & leurs autre» bardes fur leurs épaules , jettérenc aulfi tôt à terre tout ce qui les em« barralToit , pour ne garder que leurs armes , & grimpant en bon ordre & ' fur un mSroe front , malgré l’extrême roideur d’un terrain raboteux & iné« gai , arrivèrent fur la crête de la mon* tagne au travers d’une grêle de coups de moufquet , que les Ennemis leur tiroient avec tout l’avantage qu’oa peut s’imaginer. Le foldat , quoique tout hors d’haleine , renverfa leurs polies avancez , & les pourfuivit juA ques à une leconde hauteur , non moins elcarpée que la première , leurs Bataillons étoient rangez en bor., ordre pour les foutenir. Mais rien nt put arrêter la furie des François. Le > Bataillons furent aulfi chalfez de ce fc cond polie , & menez battant répé\ dans les reins jufques à leurs retran- chemens , qui même couroient rifqu:. d’être forcez , li le- Prince de Soub ze t Lieutenant-Général de jour , & r. Sieur , de Vaubag ^apelant les trow

' pes#

t 4

BV SiEGX DE NaMUK. X33

pes , De les euflent obligez de Te con* tenter du pofte qu’elles avoient occu* pé. Cette aâton , qui fut fort vive & fort brillante dans toutes fes cir* confiances , coûta à la Brigade du Roi douze ou quinze Officiers , & quel* ques cent ou fix vingts foldats , ou tuez ou bleflez.

Aulli'tdt on travailla à bien éta* bûir fur cette hauteur , & on y oa* ▼rit une tranchée , laquelle fut tous les jours relevée par fept Bataillons. Il ne fut pas poflibie les jours fuivans d'avancer beaucoup le travail , tant à caufe du terrain pierreux <k diffici- le qu’on rencontra en plufieurs en- droits , que des orages effroyables & des pîujet continuelles qui rompirent tous les chemins , & les mirent pref- que hors d’état d’y pouvoir conduire le canon. On ne put auili achever les batteries qu'avec d'extrêmes difficul- tez. Cependant les Affiégez profitèrent peu de tous ces obllacles , 6c firent feulement quelques forties fans aucun effet.

Enfin le treiziéme Juin , les travaux ayant été pouffez jufqu’aux retranche- neos> il fut refelu de les attaquer.

g con*

134 RsIA T30M

contenance des -Ennemis qu’on voyoit en bataille en pluGeurs endroits derrière ces rctranchemens , & qui «voient tout Pair de Te préparer à une l’éGftance vigoureufe , obligea le Roi de leur opofer fes meilleures troupes^ & de fe tranfporter lui-même fur la hauteur pour régler Tordre de Tatta* <gue.

Le fignal donné fur le midi , deux cens Moufquetaires du Roi à la droi- te , les Grenadiers à cheval à la gau> che , & huit Compagnies de Grenat* diers d’infanierie au milieu , marché* renc aux £innemis l’épée à la main , foutenus des fept Bataillons de tran> chée , & de dix de la Brigade du Roi, qu’il avoit fait mettre en bataille fur la hauteur à la tête de leur Camp. Les AGiégez jufqu’alors fi fiers s’effrayè- rent bien- tôt. Ils firent feulement leur décharge , & abandonnant la Redou- te & les retrahchemens , fe retirèrent en defordre dans les chemins couverts des Ouvrages qu’ils. avoient derrière cu*« Ils perdirent plus de quatre cens hommes , la plupart tuez de coups de main , & entr’autres plufieurs Officiers. & plufieurs gens de difiinâion. Les.

François

DO SiZOB OS NamÜR. . 135

François eurent quelque cent trente bommes , & quarante tant Officiers que JNiuufquetaires tutz ou b eOez.

Le Comte de Touloufe , Amiral de France , jeune Prince âgé de quator* ze ans , reçut une contuflon au bras i côté du Roi , & pluOeurs perPonnes de la Cour furent auffi bleflees autour de lui. Le Duc de Bourbon qni étoic Lieutenant Général de jour, donna Tes ordres avec non moins de fageffie que de valeur. Les troupes animées par h prefence Roi , le. fignalérent b l’envi l’une de l’autre les moindres Grenadiers de l’Armée difputérenc d'audace avec les Moufquetaires , de l’aveu des Moufquetaires mêmes. On accorda aux Affiégez une fufpennon pour venir retirer leurs Morts. Mais on ne lai fia pas pendant cette trêve d’aiTurer le logeiQ^nt , & dans la re* doute & dans tou^ les retranchemens iqu’oD venoit d'etnpts^ter.

Entre ces retranchemens & pre* antére envelope du Chitea.u , nommée par les Efpagnols Ytrra nova , on tton* voit fur le côté de la montagne qui defcend vers la Sambre , un Ouvrage

irrégulier que te Prince d’Orange avoir

g s fût

RïiAïioiî

fait conftruire J’année précédente, Sc qu’on apeloit à caufe de cela le Fort» neuf, ou le Fort-Guiilaume. 11 étoit fttué de telle façon , que bien qu’il parut moins élevé que les hauteurs qu’on avoit gagnées , il n’en étoit pourtant point commandé; & il fem« bloit fe dérober & au canon & à la vue des Aiïïégeans , à mefure qu’ils s’en aprochoient. Ce fut de toutes les Fortifications de la Place , celle dont la prilè coûta le plus de teins & de peine , à caufe de la grande quantité de travaux qu’il ^Ilut faire pour l’em* brafler.

La nuit qui fuivit l'attaque dont nous venons de parler , le travail fut avancé plus de cinq cens pas vers la gorge de ce Fort. Le quatorzième on s’étendit fur la droite , & l’on y dref* fa deux batteries , tant contre le Fort* neuf que contre le vieux Château. Ce même jour les Afliégez abandonnèrent ùne ihaifon retranchée qui leur relloit encore fur la montagne , & ainfi oa n’eut plus rien devant foi que les Ou* yrages que je viens de dire.

Le quinziéme , les nouvelles batte* fies démontésent prefque entièrement

SiEQl DE NaKü'r* 137

le canon des AiSégez , mais elles ne £renc que très -peu d’effet contre le Fort-neuf.

1^ nuit fui vante on ouvrit au- def* /us de l’Abbaye de Saizenne une nou- velle tranchée pour embralTer Ce Fort par la gauche , & le travail fut pouffé en\nron quatre cens pas.

Pendant qu’on preffok avec cette vigueur le Château de Natnur, le Prin- ce d’Orange ècoit , comme j’ai dit arrivé fur la Méhaigne. Il donna d’a- bord toutes les marques d’un homme qui vouloir paffer cette rivière , & at« laquer l’Armée du Maréchal de Luxem- bourg , pour s’ouvrir un chemin à Namur. Plufieurs raifons ne laiffoienc pas lieu de douter qu’il n’eût ce def- fein ; Ton intérêt & celui de lès Alliez , l’état de Tes forces , fa réputation , à laquelle la Mons avoir déjà

donné que^ue atteinte , en un mot , les vœux unanimes de Ton Parti , & fur-tout les preffantes foliicitations de l’Elefteur de Bavière , qui ne pouvoic digérer l’affront de fe voir à Ton arri- vée dans les Fais, bas , enlever I4 plus forte Place du Gouvernement qu’il veooic d’accepter.

g 3 Ajou.

13$ Rxcation

Ajoutez à toutes ces raifons les bon- nes nouvelles que les Alliez avoienc reçues de la Bataille qui s’étoic don*

' fiée fur Mer. Car bien que le combat n’eût pas été fort glorieuK pour les Hollandois & pou^ les Angloîs , mais fur ' tout pour ces derniers ; & qu’il fût jufqu'alors inoüi qu’une Armée de quatre-vingt dix VailTeaux , attaquée par une autre de quarante quatre » n’eût fait , pour ainfi dire , que fou- tenir le choc , fans pouvoir pendant douze heures remporter aucun avait- ' tage : néanmoins , comme le vent en féparant la Flotte de France , leur avoit en quelque forte livré quinze de fes Vaifibaux qui ayoienft été obligez de fe faire échoüer , & où. iis avoieot mis le feu , il y avoit toute forte d’a- parence que le Prince d’Orange faifi- roit le moment il fein*

bloit que la fortujiâ commençât à le déclarer contre les François. Il recon* nut donc en arrivant tons les environs de la Méhaigne , fit fonder les guez» pofla fon Infanterie dans les Villages & dans tous les endroits qui pou- voient favorîTer fbn paflage; & enfin fit jetter une infinité de ponts fur cet- te

' N

SiiCfX ÔE'N'AMüa. ^13?

te rîvére. On remarqua pourtant aveç /urprile , que dans le tems qu’il fai- foit conflruire cette grande quantité de ponts de bois , il failîMt démolir tons les ponts de pierre qui fe troa* ▼oient fur la Méhaîgne.

Une autre circonïlance fit encore mieux voir qu’il n’avoit pas- grande envie de combattre. Le Roi qui ne vouloit point qu’on engageât d’un bord de rivière à l’autre , combat bCi fa Cavalerie n’auroit point eu de part , manda au Duc de Luxembourg de fe retirer un peu en arriére , '& de lail* fer le paflage fibre aux Ennemis ; & la chofe fut ainfi exécutée. C’étoit en quelque chofe les défiier , & leur ou.- vrir le champ -pour donner bataille s’ils vonloient. Mais le Prince d’O- range demeura toujours dans fon pre* mier polie 5 tantôt s’excufant fur-lea pluyes qui firent déborder la MéhaL gne pendant deux jours ; tantôt pu» bliant qu’il ferbit périr l’Àrmée du Maréchal làns' combattre , ou du moins qu’il la réduiroic à décamper faute defbbfillance. .

Il forma néanmoins un projet qui

auroic été de quelque éclat s’il eôt

g 4. réiUlL

.140 RblatioN

réüdi. Il détacha le Comte SerclaSs de Tilly avec cinq oii fix miHe che- vaux du côté de Huy. Ce Générxl ayant pris encore dans cette Place un détachement confidérab^e de I’Iq- fanterie de la garnifon , pafia la Meu- fe , qu’il fit remonter à fon Infante- rie ) dans le deiTein de couper le pont de batteaux qui étoit fous Nainur , & qui faifoit la communication de Bos deux Armées. Lui cependant mar- cha avec Cavalerie pour attaquer le quartier du Marquis de Soufflera ,

. & brûler le pont de la haute Meufe avec toutes les munitions qui fe trou- veroient fur le Port , & qu’on avoit . fait defeendre par cette rivière. Le Roi eut bien tôt avis de ce deffein. Il fit fortifier la garde des ponts , & le Quartier de Boufflers ; & ayant ra- ptlé un corps de Cavalerie de l’Armée du Maréchal , il fit fortir fes troupes hors des lignes , & les rangea lui-mê- me en bataille. Mais Serclaës qui en eut je vent , retourna fort vite paffer la Meufe , & alla rejoindre l’Armée confédérée. ^

Le Prince d’Orange , après avoir . demeuré inutilement quelques jours

fur

DU Su GE DE NaHU&. 141

fur la Méhaigne , en décampa touc* à-coup y & remontant le long de cet* te rivière jufqu es vers fa fource , vint camper , fa droite à la Cenfe de Glinne,, près du Village d*Afche, & fa gauche au-delTus de celui de Branchon.

Le Maréchal de.Luxembourgquiob* fervoit tous les mouvemens des Enne- mis pour régler les Gens , ne les vit pas- plutôt en marche que de fon côté il re» monta audl la riviere , en tefe forte que ces deux grandes Armées , féparées feulement par un médiocre ruiffeàu , majchoient à la vue l’une de l’autre , éloignées feulement d’une demie por- tée de canon. Celle de France campa la droite à Henrech , îa gauche à Tera* ploux, ayant à peu près dans ibn cen- tre le Village de Saint Denis.

Le Prince d Orange fit encore en cet endroit des démonfirations' de vouloir décider du fort de Namur par une Ba- taille. Il fit élargir les chemins qui étoient entre les deux Armées , & en- voya l’Eleveur de Bavière pour recon*- noîtrelui-méroele Camp des François; L’Elefteur paGà la rivière àTAhbaye dè- Bonneffé , & mit en devoir d’obTer--^ ver l’Armée du Maréchal. Mais on ne-

fi s: ^

»42 R E L A T 1 0 H

lui lai (Ta pas le tems de fatisfaire fi cariofîté, âc il fut obligé de repafler fort brufquetnent la Mébaigne à l’apro> che de quelques troupes de Carabi* niers qu’on avoit détachez pour l’é» loigner de la vue des lignes.

A dire vrai , le Maréchal ne fut pas fâché d’ôter aux Ennemis la connoiflan. ce de la dirpolition de Ton Camp , cou* de plufieurs ruiflfeaux & de petits marais qui rendoient la communication^ de fes deux Ailes fort difficile, & d'ail* leurs commandé de la hauteur de S. De* nis , d’où les Ennemis auroient in* commoder de leur canon le centre de- fon Armée , âe engager enfin dans un^ païs ferré & embarraiTé de bois , combat particulier d’Lifànterle , ils^ auroient en tout l’avantage du lieu. Le- Roi qui fçut l’inquiétude il étoit ,, lui envoya propofer un autre polie ^ que le Maréchal alla reconnoître } & il.Ie trouva fi avantageux , que fans at* tendre de nouveaux ordres il y fit auŒ'tSt marcher fon Armée. H n’àtten* dit pas même fon Artillerie , dont les chevaux le trouvoient alors au fbura*- ge , & fe contenta de laifTer une pa» tie de &D Iniwceile poor la garder.

U

IDIT SiB 6E DE NaMOR. I43

plaça fa gauche au Châteaù de MiU mont , la couvrant du ruilTeau d’Âure* naut , & étendit fa droite par Tem- ploux âc par le Château de, la Falize , jufqu’auprès du ruüTeau de Wedrin , au delà duquel il jetta Ton corps -de ré- ferve. De forte qu’il fe trouvoit tout proche de l’Armée du Roi , & tout pro- che aufli de la Sambre di de la Meule dont il tiroit la fubridaDce de fa Cava- : lerie , cou vroit eiltiérement la Place , & réduifoit les Ennemisà venir l’attaquer dans fon front par des plaines ouvertes & propres à faire mouvoir fa Cavalerie qui étoit fupérieure en toutes chofesà celle des Ennemis.

Il fit en plein jour cette marche , Taas qu’i/s miffent en devoir de l’in- quiéter , & lans qu’ils le prelentaffent feulement pour charger fon arrière- garde. Le Prince d’Orange- décampa- quelques jours après II palfa le vingt- deuxième de Juin le Bois dès Cinq-Etoi- les ;& ayant fait faire à fes troupes une extrême diligence ,, alla- fe porter la- droite à SombrefFv&^ la'ganche pro- che de Marbàis furîa -grande CHaulTée..

Cette démarche-,, qui le met, toit enj état de pafleren un j$mr la Sambre pour:

g 6 tomber.*

144 R E l A T I O K.

tomber fur le Camp du Roi , auroîE . donner de l’inquiétude à un Géné>

. ral moins vigilant & moins expérimen* té. Mais comme il avait penfé de bon* ne heure à tous les mouvemens que les Ennemis pourroient faire pour l’inquié* ter ,-il ne les vit pas plûtôt la tête tour* née vers Sombreff , qu’il envoya le Marquis de Boufilers avec un corps de troupes dans le païs. d’entre Sarobre &

, Meufe Et après avoir fait teconnoîtse les Plaines de Saint Gérard & de Fol» fe , qui étoient les feuls chemins par ils auroient venir à lui, il ordon* na à ce Marquis de le failir du poUe d’Auveloy fur la Sambre. Il fit en mê- ^ me-tems jetter un pont lur cette rivia- ' re entre l’Abbaye FlotelF &. Jemep* pe , vers l.’ernb.ouchûre du ruiflfeaa . d’Aurenaut , ou la gauche du. Mare* chai de Luxembourg étoit apuyée. Par ce moyen il mettoit ce Général en. état de palier aifément la Sambre dq» que les Ennemis voudroient entrepren* dre la même chofe du côté de Char*- leroy & de Farfiennes. La feule chq* fe qui étoit à craindre c’eft que le^ corps de troupes qu’il avok donné an Marquis de BoufSlers », ne fût. pas fu(^

fifani

9V Sl&GE QK NlMtTB. I.

fifant .pour dirputer aux Ennemis paflage de la Sambre , & que s'ils tentoienc près de lui , oa n’eût { le tems de faire pafTer d’a>utre5 Trc pes pour le fuutenir.

. Pour obv'ier à cet inconvénient , Maréchal eut ordre de lui envoyer f corps de réferve , qui fut fuivi peu tems après dés Brigades- d Infante de Cbanapagtie & de Bourbonnois y enfin de l’aîie droite de la fécondé gne, commandée par le Ouc de Vt dôme. Toutes ces troupes furent p tées fur le bord de la Sambre, proc des Ponts de Bâteaux , à portée ou pafTer en très peu de tems dans les P nés de FofTe. & de S. Gérard , ou repa/lèr à l’Armée, du Maréchal , km le parti que prendraient les £n mis.

Pendant ces. difFérens monvemi dés Armées , les attaques du Chât( de Namur fe cbntinuoLenc avec to .la diligence que les pluyes pouvoi •permettre, les Troupes, ne témoign pas moins de patience, que de va!e Depuis lefeiziéme de Juin , Les Alliéj fe trouvoient extrêmement reflèr daûs le Fortmetif . ils commençpi

*4(î REK-ATrO-W

même d’être envelopez. Le matin dw dis - feptiéine , ils firent une forcie de quatre cens hommes de Troupes EL pagnoles & de Brandebourg furj’aitao que gauche, & y cauférent quelque defordre. Mais les Suifles qui y êtoient de garde les repouflérent auffi*tôt , & rétablirent en très peu de teras le tra- vail. Il y eut quarante ou cinquante hommes tuez de part & d’autre. Le 'dix - huitième & le dix neuvième, les •coramunica'ions du Fort . neuf avec le 'Château, furent prefque entièrement ■ètées aux Afliégez, & leur Artillerie renduë'inutile ; & enfet le vingtième, toutes les communications des tran* chées étant achevées , on fe vit en état d’attaquer tout à la fois, & le Fort & le Château. Mais comme vraifemblable- mens , on y auroit perdu beaucoup de inonde , le Roi voulut que les chofe» ‘fe fiffent plus rarement. Ainfi on em- ploya toute la nuit du vingtième & le jour fuivant , à élargir & à perféc- 'tionner les travaux. Et le foir du ■vingt unième, toutes chofes étant prêtes pour l’attaque , on réfolut de la ■feire , mais feulement: au * dehors de TOuvnge neofs

Huit

00 S^riGB DS ITahoiu ht

Huit Compagnies de Grenadiers- eotàmandëes > avec les fept des Batail-- k>ns de la tranchée , commencèrent fur ks fis heures à occuper tous les boïaux qui envelopoient les deux Ouvrages. Le Duc de Bourbon fe trouvoit encore à cette attaque , Lieutenant Général de jour, fe croyant ;fbrt obligé 13' fortune de ce qu'en un même Siège» elle lui donnoit tant d’occafîons de s’expofer. Le lignai donné un pet» avant la nuit , il fit avançer les déta^ eheroens foutenus des corps entiers. Il» marchèrent en même teras au premier chemin-couvert ; &, en ayant chaflé iea Afdégex , les forcèrent encore dans le fiïcond , & le folTé n’étant par fort profond , les pourfuivirent jufqu’ao" corps de TOuvrage » dans lequel même quelques Soldats étant montez par une- fort petite brèche, les Ennemis bat» ûrent à l’inlbant la chamade , -& leura étages furent envoyez au Roji. Maie pendant qu’ils faifoient leur Capitula* tion-, on ne laifia pas de travailler dans les dehors de l’Ouvrage,. & d’y commencer des logemens contre lé: Château^

JLe Jendenuîa ils lotirent du Fort ;

I4S R s t A T I O 9

au nomtxre de quatre-vingt Officiera & de quinze cens cinquante Soldats en cinq Régimens , pour être conduit» à Gand. De ce nombre étoit un Ingé- nieur Hollandois, nommé Cohorne, fur les defleins duquefle Fort avoit été- conflruit , & H en fortit bleffé d’un éclat de bombe. Quelques Officiers des Ennemis demandèrent à encrer dans le vieux Château pour y fervir encore jLifqu'à la fin du Siège. Mars cette per- milîîon ne fut accordée qu’au feul Witn- berg qui commandoit les Troupes Hofc» tandoifes.

Le Fort Guillaume pris , on donna Un peu plus de relâche aux Troupes-, '& fa tranchée ne fut plus relevée que par quatre Bataillons. Mais leChâteaq n’en fut pas moins vivement prelTè , & les attaques allèrent fort vîte , n’é- tant plus inquiétées par aucune diver» fibn.

. Dès le vingt troifîéme on'éieva dans la gorge du Fort neuf , des batteries de Bombes & de Canon.

Le vingt quatrième & vingt- cin- quième, on embrafla tout le front de FOuvrage à- cornes,: qui failbit, com- iuej[*ài dû> la pcemiéie envelope du ' Château;

s.

SD SiEGE SI NaMCR. 145^

Château ; & on acheva la communica* tion de la tranchée qu’on avoit con- duite par la droite \ fur la hauteur qui regarde la Meufe , avec la tranchée qui regardoit la gauche du côté de la Sambre. Le Roi al'a le vingt-cinquiè- me vilîter le Fort neuf & les travaux. Comme il avoit remarqué que fa pre> fence Tes avançoic extrêmement , il fie ia même chofe prefque tous les jours fuivans , malgré les incommoditéz du tems & l’extrême difficulté des che- mins, s’expofant non feulement au moufquet des Ennemis , mais encore aux éclats de fes propres Bombes qui retomboient fouvent de leurs Ouvra- ges avec violence , qui tuèrent ou blc/Térent plufieurs perfonnes à fes cô- tez & derrière lui.

Le vingt lixiéme , les fapes furent pouflees jufqu’au pied de la paliiïade du premier chemin couvert. A mefure qu’on s’aproeboit, ia tranchée devenoic plus dangereufe, à caufe des Bombes & des Grenades que les Ennemis y fai- ibiem rouler à toute heure , fur-tout dn côté du fond qui alloit tomber vers ia Sambre, & qui féparoit les deux Forts.

Le vingt fepiiéme, les travaux fu- ient

150 Rblat.ion

renc perfeftiotinez. On drefla deirx nouvelles batteries pour achever fuïner les défenfes des Ailiégtz, pen> dant que les autres battoient en ruïne les pointes & les faces des deux demi* basions de TOuvrage : & on-difpofa enfin toutes cbofes pour attaquer à la fois tous leurs dehors. Tant d’attaques qui fe fuccédoient de fi près , auroient , ce femble , lafier la valeur des Troupes ; mais plus elles fatigooient , plus il fembloit qu’elles redoublafient de vigueur : & en efiêt , cette dernière aâion ne -fut pas la moins hardie , ni la moins éclatante de tout le Siège. Le Roi voulut encore y être prefent» & fe plaça entre les deux Ouvra'*

' ges. Ainfi le vingt huitième à midi , le fignal donné par trois falves de Bom* bes , neuf Compagnies de Grenadiers commandées , avec quatre des fiataib Ions de tranchée , marchèrent avec leur bravoure ordinaire , l’épée à la main , aux chemins couverts des Affié- gez. Le premier de ces chemins fe trouvant prefque abandonné , elles pafi férent au fécond làns s’arrêter ^ tuèrent tout ce qui dfa les attendre, & po«r- fiiivirent te cefile julqu’à un fous ter»

rata '

DO SlEG£ SE NaXSS. I5I

rain qui les déroba à leur furie. Lef Ennemis ainfi chalTez, reparurent en grand nombre fur les brèches , quel- ques-uns même avec l’épée &le boa* cher , & s’eflForcéfent à force de Grena- des & de coups de Moufquec, de pren- dre leur revanche fur nos Travailleurs. Cependant quelques Grenadiers de la Compagnie de- Saillant du Régiment des Gardes , ayant été commandez pour reconnoître la brèche qui écoit ao de- mi- baltion gauche, ils montèrent juf- qu’en haut avec beaucoup de réfbla- lion. Il y en eut un entr’autres qui ÿ demeura fort long tems , & y rechar- gea plufieurs fois fon fufîl, avec une in- trépidité qui fut admirée de tout le monde. Mais la brèche fe trouvant encore trop efcarpée, on fe contenta de fe loger dans les chemins couverts,, dans la contre garde du demi ballioa gauche, dans une lunette qui étoit ai», milieu de la Courtine , vis à vis di» chemin fous - terrain ; & en un^ mot , dans tous les dehors. La perte des Af- fîègez monta à quelques trois cens hom- mes , partiq tuez dans les dehors , par- tie accablez par les Bombes dans l’Ou- vrage même. Les Afilégeans n’eurent:

guère

15» Relation.

guère moins deux ou de trois cens y tant Oi^ciers que Soldats , tuez oa blelTez , la plupart après Taéliion , & pendant qu’on travaiîloit à fe loger.

Peu de tems api ès , les Sapeurs firent h dèfcente du foffé. Et dès le foir , les Mineurs furent attachez en plufieurs endroits , & on fe mit en état de faire fauter tout à la fois les deux demi baf* tions , la Courtine qui les joignoit , & la branche qui regardoit le Fort neuf; & de donner un afiaut géne'rah

Néanmoins , comme on tenoic alors fûr d’emporter la Place , on ré- folut de ne faire jouer qu'à la dernière .extrémité les fourneaux, qui^ en ou» vrant entièrement le Rempart, auroient obligé à y faire de fort grandes répa> .rations. On efpéra qu’il fuffiroit que le Canon élargit les brèches qu’il avoit déjà faites aux deux faces & aux poin< tes des demi ballions ; & c’ed à quoi on travailla le vingt neuA'iéme.

La nuit du trentième, le fieur de Ru- bentel , Lieutenant Général de jour , fit monter fans bruit au haut de labré* chèdu demi baftion gauche, quelques Grenadiers du Régiment Dauphin , pour épier la contenance des Ennemis.

Ces

t)V SiZGE DE N'aMDX. 153

\

Ces foldats ayant remarqué qu’ils n’é- toieot pas fort fur leurs gardes , & qu’ils s’éioient même retirez au*dedans de l’Ouvrage , apelérent quelques autres de leurs camarades , qui étant aufC tôt montez , ils chargèrent avec de grands cris les Âffiégez , & s’emparèrent d’un retranchement qu’ils avoient commeO'* à la gorge du demi baflion , iis commencèrent à fe retrancher eux> mêmes. Ceux des Ennemis qui gar< doient le demi baflion de la droite ; voyant les François dans l’Ouvrage, & craignant d’être coupez , cherché» rent comme les autres leur falut dans ]a fuite , & laifTèrent les Âfïiègeàns en» tièrement maîtres de cette première envelope. Il refloit encore deux autres Ouvrages à peu près de même efpéce , non moins difficiles à attaquer que les premiers , & qui avoient de grands fof> fez très > profonds '& taillez dans le Roc. Derrière tout cela , on trouvoit Je corps du Château , capable lui feul d’arrêter long tems on Ennemi , & de lui faire acheter bien cher les derniers pas qui lui refleroient à faire.

Mais le Gouverneur qui vit fa gap> iiifoû intimidée , tant par le feu contip

. nuel

I

154 Relation

nuel des Bombes & du Canon , qaé par la valeur infatigable des AlTiégeans, reconnoilTanc d’ailleurs le pêu de fonds qu'il y avoit à faire fur les vaines pro* snefles de fecours dont le Prince d'O* range l’entretenoit depuis un mois , De longea plus qu’à faire fa compofi* tion à des conditions honorables , & demanda à capituler.

Le Roi accorda fans peine toutes les marques d’honneur qu on lui de> mandat & dès ce jour, une porte fut livrée à fes Troupes. Le lendemain premier jour de juillet, la Garnifon ïbrtit , partie par la brèche qu'on ac* commoda exprès pour leur en faciliter la defcente , partie par la porte , vis* -à'vis du Fort neuf Elle ètoit d’environ «leux mille cinq cens hommes , en don* se Régimens d Infanterie , un de Ca- valerie , & quelques Compagnies fran* -ches de Dragons , lefquels joints aux feizecens qui fortirent du Fort neuf, Caifoient le refte des neuf mille deux cens hommes , qui , comme j'ai dh , fe troovoient dans la Place au commence* ment-du Siège. Ils prétendaient qu’ils en avoiept' perdu huit ou neuf cens par la defertion , toue le reRe avoir

X r *

/

90 SlEOl DE Na«OR. 155

péri par l’Artillerie > ou dans les atta- ques.

Quelques jours avant que les Allié* gez baitilTent la chamade , le'< Confé- dérés étoient partis tout* à -coup de Sumbreffÿ & au lieu de faire un der- nier effort , (înon pour fauver la Place, au moins pour fauver leur réputation , ils avoient en quelque forte tourné le dos à Namur , & étoient allez cam- per dans la Plaine de Brunehaut , la droite à Fleura , & la gauche du côté de Frafoe & de Liberchies. Pendant le féjour qu'ils y firent , le Prince d’O* range ne s'étoit apliqué qu'à ruiner les environs de Char'eroi , comme fi dès» lors il n'avoit plus penfe' qu’à empê- cher le Roi de pafier à de nouvelles Conquêtes.

Enfin le foir dudernter jour de Juin, ils aprirenc par trois falves de l’Armée du Maréchal de 'Luxembourg , & de Celle du Marquis de Boufflers , la trille nouvelle que Namur étoit rendu. Ils CD tombèrent dans une conflernation qui les rendit comme immobiles du- rant piufieurs jours ; jufques-là que le Maréchal de LuxeGohourg s’écant rais

tS6 RirATioM

en devoir de repaHèr ia Satnbre , ils ne rongèrent ni à Je troubler dans fk marche, ni à le charger dans fa re> traite. Il Vint donc tranquiietnent le poiler dans la Plaine de S. Gérard , tant pour f avori fer les réparations .les plus preflantes de la Place , & les re- mifes d’Artillerie , de munitions & de vivres qu’il y falloir jetter , que pour donner aux Troupes fatiguées par des mouvemens continuels , par Te mauvais tems , & par une allez Ion* gue difette de toutes choies , les moyens de fe rétablir.

Le Roi employa les deux jours qui fuivirent la reddition du Château , à donner tous les ordres néceUaires pour la fureté d’une fi importance Conqué- " te. Il en vifita tous les Ouvrages , & en ordonna les réparations. Il alla trou* ver à Floreft le Maréchal de Luxem- bourg, qu’il laifibit avec une puilTante Armée dans les Païs fias , & lui ex- pliqua lés intentions pour le relie de la Campagne. Il détacha différens corps pour rÂllemagne , & pour alTurer lès Frontières de Flandres & de Luxem* bourg. Il avok déjà quelques quarante

Efeadrons

PREMIER RECUEIL.

L E TT R E S

!

Eorices dans fa jeanelTe i quelques Amis.

A M. LE VASSEUR.

Tans te 5 Septembre z 660.

][ j’Odeefl faite, ( i ) & jePai don^ zvée à M. Vicarc pour la. faire voir à M. Chapelain. S'il n’étoit point G tard, j’en fêirois uiie autrecopie pour vous; . znais il eft dix heures w foir, & d’ail* leurs je crains furieulèment le chagrin vous met votre maladie,d^ qui vous

f r ) L*Ode •iofSfafée U ffrmfbê ét UStétie» M* V|« tan (bn Onde U pona à dtapclain Ce M. le Vaf- iêoi mâiBe ami alon de mon fefe » 6e ent îMtt da même âge , étoic un finit de. M* VicaMa

Terne L A

, 1. * T T * B « .

:rendFoit peut* être allèz difficile «pow me rien trouver de bon danstnon Ode. Cela m’enibarrafTeroit , •& Pautorité I oue vous avez fur moi pourroic pro* Itduire en cette rencontretm auffi mau> j rvais. effet qu’elle en produit de bons en toutes les autres. Néanmoins corn? me il y a efpérance j]ue cette maladie me durera pas,je vous enverrai demam mne Copie. Je erains encore que vos motes ne viennent tard.

^Quoiqu’il en foît , je vais vousecrî- ire par avance une Stance & demie. Cem’eff pas que je les croïe les plus bel- les ;mais c’elc qu’elles font fur l’entrée 4le la Reine.

*

#

X * ) fài&itlïeau voir en cefupcf-

bejour^ *

^îi fut im char conduit par la Paix Sc TA^ mour J

Votre illttfire beauté triompha fur mes rivesf ï*e$difcords après vous fewyoient encfaal- 4iés.

( I ^ Quoiqu'il paroillc fi content de ces vers. Une ..donfeivs pas les preoders- On lui eritiwa apsiem- Inent V/ difcfrdi^ mot qn\ lui plaifbir , oc par Ieqii4 44 vouloitiniitei MaUieibe. la Suncerfit&vaiitc cftttUe ihbfifie aii/(HU(l4iai*

]> B- R â C I N B.

Mais hélas 1 que d’ames captivei

yîtentanffi leurs cœurs en triomphe menés I Tout i’or dont fe vante le Tage » Tout ce que l’Inde fut fes bord* Vit jamais briller de tréforSf Sembloit être fur mon rivages

Qu’étoit^e tout^is de ce grand aparei!,'

Dès qu’on Jettoh les yeux fur féclat non- pareil ,

Dont vos feulesbeautésvousavoient entou- rées »

Je ffais bien-que Junon parut moins belle aux Dieux

Etmoins digne d’être adorée,

Loifqtfen nouveUe Reine, eOe entra dan* les Cieoz.

k* trouverez - vous d’autre*

Strophe* , qui ne vous paroftrom pas nom* belles.

Je ne fçai Û vous avez connoilTance ï L®***’®» font un grand

VÛ& , mais en des maini dont je ne pouvois les tirer. On craint i Paris quelque chofe de plus fort

«

L E f T E S-

AU M £ S M E.

*

U i Stfumbre i:6tfo.

9

JE vous envoyé mon Sonnet > f i } c^eft-à-dire on nouveau Sonnet. Car je l’ai tellement ebangé hier au foir, que vous le méconnoîtrez. Mais je crois que vousne l’en apr-ouvèrez pat moins. £n eâTetcequi le rendtn^con- noiflable , e(l ce qui vous le-doit rendre plus agréable, puifque je ne l’ai fi défi* gu que pour le rendre plus beau , Sc plut conforme aux régies que vous me prefcrivites hier , ^i lènt les r^les mêmes du Sonnet. Vous ti'oovlez étrange que la fin fut une iùite fi dif*. férente du commencement. Cela me choquoit fie même que vous. Car les t’oè’tes ont cela des hypocrites , qu’üs défendent toujours ce qu’ils font , mais

(t) Il il eir nkéme tent Je Sonnet , .que j’« Mté dans fa vie, & qti’ü apelle dans la Xettieiui- tance , fon trifii ^ caiife des rdpiimaod^s qui

lui vinrent de Pon-Rc^ai j iorfqu'oii 7 apdt laUpit dcsITciS*

/

V B Rie r N "B. ^ 1

(foe leur confcience ue les laifle jamais en repos. J’avojs bien reconnu ( t ^ ce défaut « quoiçpie je fifife tout mon poflibie pour montrer, que ce n’en étoic pas .un : la forcé de vos raifoos étant ajQÛtée àeeUedema confckocê a achevé de me convamcre.|e me fuis rangé à la raifmi , St j'y ai auffi rangé* mon Sonnet. J'en ai c^ngélapointe* ce qui eft le plus confidérabledans ces ouvrages^ J’alfak comme un nouveau Sonnet; ma confcience ne metreprq* che .plus rien , & j’en {M’ens on affez bon augure. Je fouhaite qu’il vous fa* tisfafle de mlnàe.

J’ai tonte la Callipédie , ^ a ) & Je Fai admirée.11 mefénkue cp»’on nepeue Caire déplus beaux Vers Latins. Bal>^ zacdiroit qu’ilsfentent tout-à-fait l’an* cienne Rome« & la Cour d’Aogufte)& que le Cardinal du Perron les aurott lûs de bon cœur. Pour moi>qui ne ^aié pas bien quel étok le gôûtde ce Car- dinal , & qui m’én foucie fort peu , Je me contente de vous dire mon fenti*

( 1 j Le Sonnet paroit bien ItMivxage d*ùn.tièi-{eanc WniJiie} maii cette léfiexioBÛ JoÛe eft. tctùUwMif un Poète fi jeune.*

Fomc LtôncompofdptfQgillet.

A s

C L K r r R t 9

ment. Vous trouverez dans cette Le^> •'■.s^tre plufîeurs ratures ; mais vous les de* |Vez pardonner à un homme qui fort )àe table. Vous fçavez que ce ir’eft pas Me tems le plus propre pour concevoir les chofes bien nettement je puis dire avec autant de raifon que l’Auteur •de la Callipédie, qu’il ne faut pas le

mettre k travailler ûtôt aiurès le repas.

« •'

Nttninim crudam £ ad Itea cnbil» portas Ffitdiceniyicc.

Mais il ne m’importe de quelle fcon je vous écrive , ponrvô que j’aïe *je plaifîr de vous entretenir ; de même qu’il me feroit bien difficile d’attendre après la digellion de mon foôper , fi je me trouvois à la première nuit de mes nôces. Je ne fuis pas alTez patient pour obferver tant de formalités cela efl; pitoyable de fe priver d’un entretien pour trois ou quatre ratures. Mais M.

Vitart monte à cheval , & il faut que je parte avec lui; je vous écrirai plus I au long une autrefois. P^aU & vive» •'

I

» H KkCTTÜ.'t^ Y)

A U M E s M E.

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jt Tsm U Septmin i66o»-

Pourquoi ne voulez-vourphis me venir voir, é; aimez-vous mieux ne parler par Lettres 9 NIeibce point que vous vous imaginez que vous en= aurez plus d'autorité fur moi , & que vous enconférverez mieux la majeilii^: de l’Empire ? iloghKjno revenir «MfcCroyeznoi ,^^Monfieur,)l n’eil pas be(bin-ae cette politique ; vos raifons^ font trop bonnes d’elles>inémes , fans ^reapoyéesdeces fecoors étrangers.- 'Votre prefence me fèroit plus utile- que votre abfence, car l’Ode étant prefque imprimée , vos avis arrive* ront trop tard.

Elle a été montrée à M. Chapelain; il a marqué quelques cbangemens à faire , je les ai faits , & j’étois trés-em* barraifé pour fçavoir fi ces change*- mens n'étoient point eux * mêmes à changer. Je ne Içavois à qui m’adref- iêr. M. Vitart eft rarement capable de donner fon attention à quelque choiè.

s L E T T il B ar M. l’Avocat n’en donne pas beaucoup non plus à ces fortes de chofes. Il aime mieux ne voir jamais une pi^e » quel* que belle qu’elle foit , que de la voir une féconde fois , fi Ûen que j'étois prés de confulter , comme Malherbe , une vieille fervante , fi je ne m’étois uperçû qu’elle efl; Janfénifte comme ifon maître , & qu’elle pourroit me dé- celer, (x ) ce qui feroit ma ruïneen- tiére: que je reçois encore tous les jours lettres fur lettres , ou pour mieux dire , excommunications rar excom- munications , à caufe de mon trifie Sonnet. Ainfi j’ai été obligé de m’en raporter à moi féuj de la bonté de mes Vers. Voyez combien votre prefence nfauroit fait de bien;mais puifqu’il a’j a plus de remède, il faut que je vous rende compte de ce qui s’efl palTé. Je . ne fçais fi vous vous y interreUèz,mais je fois fi accoutumé à vous faire part de mes fortunes , bonnes ou mauvai- fes, que je vous punirois moins que moi-même , en vous les taifant.

M. Chapelain a donc reçû l'Ode avec

(t) Cet endroit fait cohnoitxe combien il ctaignoit ét déplaire à Fort-Royal , Ton ac voiüoit poiac de Ycia.

s R A C 1 N E. 9 la plus grande bonté du monde : touc malade qu’il étoh , il fa retenuè' trois jours , & a fait 'des remarques par écrit^que j’ai fort bien fuivies» M. V> tart n’a- jamais..ét'é ailé qu’après cec« te viGce il me peaia confondre de re- proches , à caufequeje-me plaignois de la longueur de M. Chapelain. Je Toudrois que vous éuilîez la cha- leur & l’éloquence avec laquelle il me querella. Cela foit dit en paffant^.

Au (brtir.dê chez -M> Chapelain , â alfa voir .M; Perrault , contre notre defTein , comme .vous fçavezcil ne s’en pût empêcher , & je n’en fuis pas mar- ri à prefent. M. Perrault hii dît auilr de fort bonnes chofes i qu’il itdt par écrit, & que j-’ai encore toutes fitivies^ à uncou deax près , ou je ne fuivroi» pas Apollon lui -même. ( i) C’eft la comparaifon de Venus ot de Mari qu’il recule, à eaulè que Venus eft une

Erollituée. Mais vous-fâvez que quand- » Poètes parlent des Dieux , ils les . trmttest en Divinités , & par ceinré> qpent comme des &res parfaits, p

CiyOfAtiquc docile qu'il f&t , t^avOit, JaUOB d# M ftâ- i*difc. cène ctittquc pitoj>btot

A s

XO L. B T T R E t n’ayant même jamais parlé de leurs crimes , comme s’ils euflent été des crimes , car aucun ne s’eft avifé de re* procher àjupiter & à Ven us leurs adul>

I tères , & fi cela étoit,il ne faudroit plus introduire Tes Dieux dans la Poè'fie, qu’à regarder leurs aélions , il n’y en a pas un qui ne méritât d’être brûlé , fi on leur faifoit bonne juftice.

Mais en un mot, j’ai pour moi Mal> herbe , qui a comparé ta Reine Marie Venus , dans quatre Vers aufli beaux qu’ils me font avantageux , puifqu’U y parie de l’amour de Venus.

t Telle n’eli point la Cytiierée »

. Quand d’un nouveau feu s’allumant l' Elle fort pompeufeûc parée 4 Pour la conquête d’un Amant

Voilà ce qui regarde leur cenfure.’je ne. vous dirai rien de leur aprobation., - linon que M. Perrault a dit que l’Ode étoit très-bonne , & voici les paroles 4e M. Chapelain » ( i ) que je vous

( t ) Ohapcbia était «lots le fouveiain Juge du Pit- mSIi : lamais PoSte vivant n’a été en fi gunde tUC*

Mfion. V faaaf^ tfiviw «MM, i

D E R A G 1 N E. n raporterai comme le texte de l’Evan- gile , fans y rien changer. Mais auffi c'ejiM. comme difpit à cha*

quemot'M. Vitart. VOde efijm belU, fin pdetifue y (^ily abeancoHodeStapees y<r/ »e féuvent Sn-emieH». Si Te» repitffe le peu d endroits que fai murquéty on en féru une fin belle pièce. 11 a tant preffé M. Vitart de lui en nommer l’Auteur^ que M. Vitart veut à toute force me mener chez-lui. Il veut qu’il me voïe.\ Cette vjë njiira bien lans^ute JlJ.’sI; i time qu’il a concevoir de moi, j Ce qu^il y a eu 3e plus confidérable à changer y ç’à été une Stance entière ^ . qui eft celle des Tritons. Il s’eft trour que les Tritons n’a voient jamaia logé dans les fleuves , mais feulement dans la mer. Je les ai fouhaité bien des fois noyés tous tant qu’ils font ^ pour la peine qu’ils m’ont donnée.'

J’ai donc refait' uni autre Stance.

lais P0t che du tutti i loti ho pieu» if fi^ gl» y adieu. Je fuis , &c.

A6

A U M £ s M E.

^Bahjiotu i6 jMvifr. i6Si,

JE fais que M. l’Avocat vous pro» pofa hier de me venir voir ; & que cette propoHiion vous effraya. Vous n’êtes pas d’humeur à quitter les Da> mes , pour aller voir des prifonniers. ”Dieu vous garde de l’être jamais. Je 0ure par toutes les divinitez qui préu« fdent aux prifons ( je crois qu’il n’y en a point d’autres que la Juffice , ou Thémis en ternies de Poètes ) je jure . donc par Thémis , que je n’aurai ja« mais le moindre mouvement de pitië pour vous., & que je me changerai en pierre , comme Niobé , pour être auffi dur pour vous , que vous l’avez été pour moi ; aqlîe.u que M. l’Avo» cat ne fera pas plutôt dans un des plus noirs cachots de la fiaftille ( car

^ i; 1i étoit aloft à Clicvrealè , comme îCvl*ai dit dans fa Vie 9 & il date de Babylone par plailànienc » aottc faire entendre qa*ü y eft captif, èe Qii*il a*y emiaic Siuai foe Ici Jnif«i*ciifioyoieAt à Babjlottc«

I

D B Racine. xs un homme de confëc^uence ne fau- f oit jamais être prifonnier que d'Etat^ il n’y fera pas plutôt , eu vérité , que l’irai m’entermer avec lui : & croyez que ma r econooiflance ira de pùr avec mon reilèmiment.

Vous vous attendez peut être que je m’en vais vous dire que je m*en<i ouïe beaucoup à Babylone , & que je’ vous dois reciter les lamentations qu^! Jéremie y a autrefois compofées. Msûs je ne veux pas vous faire pitiés puilque vous n’en avez pas déjà eûê pour moi ; je veux vous braver au contraire , & vous monter que je pafle fort bien mon tems. Je vais au cabaret (_ i ) deux Ou trois fois le jour. Je commande à des Matons » à dea vitriers , & à des MenuiOers , qui m’obéilTent affez exa6iement , & me demandent de quoi boire. Je fuis dans la chambre d’un Duc & Pair ; voilà pour ce qui regarde le fade : car dans un quartier comme celui-ci , oàil n’y a que dés gueux , c’efl grandeur que

(9) CéicU 4u caùict , coiaaio^

fin Jm»

/

*

t4 L fe T T R E- S

d’aller au cabaret. Tout le inonde n’jT peut aller;

J’ai des divertifièmens plus fotides, quoiqu’ils paroilFent moins ; je goûte tous les plaifîrs la vie folitaire : je . fuis tout feul » & je n’entens pas le ^moindre bruit : il eu vrai que le vent f en fait beaucoup, & même jufqu’à faU I re trembler la maifon j mais il y a un * Poète qui dit :

P quàm-jucundum efi recubantem andire ' fufurios

yentorum , Sc fonmos imbre juvante » fequil

»

4

Ainii,n je vouIois,je tirerois ce vent à non aA^antage ; mais je vous aflÛre qu’il m’empêche de dormir toute la nuit , & je crois que le Poète vouloit parler de cea Zepbirs i^atteurs ^

-4

: Che debattendo Fali Lufingano il fonno demortali.

* 4 * -

" 9 *

Je lis des Vers , je tâche d’en faire; je lis les aventures del’Ariolle, &jene iÇiia pas mo>roême fansRventure.Uoe l)ame me prit hier pour un Sei^tikU

OK RaCIMI. Z5 Venez me voir, nous irons au cabaret enfêmble ; on vous prendra pour uqi Commiilaire y & nous ferons trembler - tout Je quartier, faites ce que vous voudrez , mais ne faites rien par pitié, car je ne vous en demanoe pas le moins du monde.

AU MESME.

VOas vous êtes&ic, Monfieur, un terrible ennenii. M. de la Charles commença hier contre vous une ha* « Tangue qui ne finira qu'avec fa vie , fi l vous n’y donnez ordre , & que vous 1 ne lui fermiez la bouche , par une Let* tre d’excufes , qui falle le même effet que cette miche dont Enée remplit 1| triple gueule de Cerbere. Pour moi dés que je Je vis commencer , je n’âtten- dis pas que l’exorde de la Harangue ^ fût fini ; je crus que le feul parti que je devois prendre,c’étoît de m’enfuïr, difant , MonÇinrM raifcn . pour ne pat tomber dans cet inconvénient

L B T T s B «

rfettftMitrefaM ledur elTai de fa mear« prière éloquence.

à l’Hôtel de Babylone q|uand M. l’Avocat y apporta vos Leures. Mademoifellé Vitart lifant que vous alliea prendre les eaux de Bourbon , ne pût s’empêcher de crier comme fi vpus étiez déjà mort. Blledit cela avec ' chaleur : M. Vitart s’en appergût , prie la Lettre » & après s’être frotté les yeux.

«

.Trevolto , 8c quatre e fei leflè lo feritta.

* *' * ^ . Et ayant regardé enfuite Mademoi* feUe Vitart » il fui demanda «m H cigli» fermunte marcittyCQ qiie tout cela vou> Joit dire; elle fut obligée de fur dire quelques mots à rbreilfe, quejen’en- tendis pas.

Mais je fais réfiexion que je ne vous parle point de votre Boëfîe ; j’ai tort , je l’avoué' , & je devrois confidérec

au’étant devenu Pofte , vous êtes evenu fans doute impatient c’éfi une qualité inféparabfe des Poètes, aulTi bien que des Amoureux , qui Veulent qu'on laifie toutes chofes ,

pour ne leur parler ^delcûrpafiion

»B Racine. 17 & de leurs ouvrages. ( i ) Je oe vous

Earlerû point de votre amour : ou omme auili délicat que vous ne fau- Toit manquer d’avoir fait un beau choix » & je fuis perfuadé que votre ' Belle mérite les adorations de tous tant >

que nous fommes , puifque vous l’avez jugée digne des vôtres , jufqu’à deve> nir Poëte pour elle. Cela me confirme de plus en plus que l’amour efi celui de tous les Dieux qui fait mieux le che* xnin du ParnalTe. Avec im G bon eon>

duâeur vous n’avez garde de mao* quer d’y être bien reçû : d’ailleurs. Jes Mules vous connoiiToient déjà de .reptKattoB , & fachant que vous étiez ^ bien venu parmi toutes les Dames , U î

ne faut point douter qu’elles ne vous ayenc fait Je plus obligeant accpêil du inonde.

Vtque viro Phebi cRorus aflitrrexerït omnîr.

Us ne ibnt pas (eulement amoureux , la juftefle y eft to.oteentiere.Néanmoins fi j’ofe vous dire mon fentiment fur

^ fie û âiffdc k ^Uifaa(jC«

if Lettres deuE 6a trois mots , celui de nJiîtùjt eft un peu trop antique pour un homr me tout frais fortidu Parnafle : j’aii> rois tâché de mettre impérieiHe- , on * quelque autre root.. J’aürois auflit re^ tranché ces deux Vers , Ainfifi emmêr ima t & le fuivant; ou je leur aurois- donné un fens , cor il me lèmblequ’il9 n'en ont point.

Vous m’accuferez peut-être de.' trop d-inhumanité de traiter fi rude^- ment les fils aînés de votre Mule & de votre Amour je ne veux pt» dire les- fils uniques : la Mufe & rÂmour n'én^ demeuréront pas ; mais au moinsce- la vous doit faire voir réciproquemene f eue je n*ai rien de caché pour vous ^ I & que ce n’efi point par flatterie que ' je vous loué » puif^ue prens liber- té de vous cenfurer. Seito etm Jiem f ^ loHdkbhHrmMximè.E^i eiFeC quand une chofé ne vaut rie«>«^ alors qu’on la lôuë détnéluréroent & qu’on n’y trouve rien à redirei parce que tout y efi: également à blâmer, fi n’en eft pasde même de vos Vers , ilv font auffi naturels qu’on le peut defi- rer , & vous ne devez pas plaindre le fang qu’ils vous ont coûté. Ne'vous

»• E R A C I K E. 15*’ amafez pas pourtant à VOUS épuifer les I - ▼eines , pour continuer à faire | Vers > ( I )-C ce n’eft qu’à l’exerople de la femme de Seneque , vous ne vouliez témoigner la grandeur de vo- tre amour ; mais je ne crois pas que le» beaux yeux qui vous ont blefifé , foient fi fanguinaires , & queces marques de votre amour lui foient plus agréable», qu’une fanté forte &robulle.

M. du Chêne efï votre fervitew. ,

M. d’Houy eft ivre, tant je lurai fait^ boire de fantés : & moi je fuis tout à ' vous.

f t ) On ?oît pat plaficurè tiaits , tépandus datia^M. -XÀlK»« ^ cew éciivoit dtok nétailkaf.

!

90

S T T R B S

\

AU M E S M E», , .

< l *

ji Parts fei.jM/niéSii . .

^ N ' . ' t f »

ï I

M. rAyocat vient m'apporteit une de vos Lettres >.& veut ab- folument que nous fo3fens réconciliés tenfemble : je gagne trop à cette réa* jnion pour m’y oppofer. Aufli bien comme les choies imparfaites récber» chent naturelTement de joindre avec les plus parfaites , je fèrois un monf> tre dans la nature , fi étant crasse ( i ) comme je fuis, ^refiifois de me join- dre Sc de m’attacher au folide , tandis que ce même folide tâdie d’attirer k lui ce même creux ,

t

Qyod quoniam périeaecpieat coaitare^ae» eeflè eft

Hærere.

CefI de Locreceqn*efî cette maxime ;

fl) Ces plaiTanterics (ur le mot de cr«Hx roulent Aie ce que vocat avoit toujours ce mot k la boacUes four 4in matjie , fdvolc^ icct

'Rieurs. s't & c'en: lui que j’ai appris qu'il fàlo k>it me réunir avec M. l'Avocat. Et H &UC bien que vous l’ayez lûaofli »car il irç fetnble que la léme que vous stvez écrite à ce grand partifan du foli> de , eft toute pifeine des maximes de Aton Auteur. Il dit ^ounmq vous qu’â ne faut pàs que tout foit tellement fo> lidç 31 qu'il n’y ait un peu de creux par* ihLnôus.'

ê

Dec tamenunâiqne corporel fBpata teneor tut

Onmiaàatutâ y namque efiin tebus inane.

Mais fortons de cette matière « qui elle-même eft trop iblide , & mêlons* y un peu de notre creux.

. Avouez , M. que vous êtes pris , & que vous laiflèrez votre pauvre cœur à Bourbon. Je vois bten que ces eaux ont la même force que ces fameufes eaux de Bayes : c’eft un lac célèbre én Ita* lie » . quapd B -ne le ferok que par les loQanges.d!HDracey & des autres Poë* tes Latins. On y alloit en ce tems., peut-être y va-t’on encore , comme vos TeralBables vont à Bourbon & à Forges. Ces eaux font chaudes com*

»

îta L £ T T II IS §

me lesvôtres , & il y a Autetir qui rapporte une plaifante raifon. Je voudrois, pour votre fatisfa£lion, que ^et Auteur fût ,ou Italien, ou Efpa* ^nol ; mais la deftinée a voulu encore

3 lie célui:ci fût Latin. 11 parle donc U lac de Bayes , ^8c voici ce qu*il ea dit à peu près.

C’eft Tiii^vec le Dieu d^amoux Venus fe prosnenoit un jour.

En£n fe trouvant un peu Elle s’ai&t fur le^azon :

Mais ce mauvais petit garçon Qui ne peut fe tenir en place ,

Lui répondit t C’a votre grâce ,

Je ne fuis point las comme vous. Venus fe mettant en courroux ,

Lui dit : Fripon , vous aurez fur la joue.

Il fallut donc qu’il filât doux ,

. Et vint s’afl*eoir à fes genoux. Cependant tous fes petits freres ;

Les Amours qu*on nomme vulgaires^ Peuple qu’on ne fàuroit nombres , Paflbient le tems à folâtrer.

«

X

Ce feroît le perdre à crddk que n’a* inufer à vous faire le détail de tous leurs jeux : vous vous ima^inex bieii

D « R * C î IT «. «3

quels peuvent être les pafle^tems d’u- ne troupe d’enfans qui font abandon- nés à leur caprice.

yoa$ jugez1>ien auffi que les Jeux IBc lesBisÿ' Dont Vàius ^t&s fitvoris-,'

Et qui gouvernent fon emplie^

He naanquoient pasée jouet éc de rite.'

A M. DE LA FONTAINE.

^!AVfex.Uii.NoveviBre i66i. {ï)

a

J* Ai bien VU du pays 8c fai bien voyagé

Deptiisque de vos yeux les miens prirent congé.

Mais toot céi ne ni*a pas empêché de fongertolHours autant à vous, que je j&ifois torique nous nous voyions tous les jours.

(i) Le VOICI arrivé en Languedoc s d’oà (a premieit X^ttre eft «didlée à la Foottine. -Il lui en avoit uns don« te édite p'aficmt autres , mais^on ne les » pas trouvées. X*£diteiir des Oeuvres pofthumes de la Fonuioe , quiy a infetéceile-ci » dit «f^on voit bien qa*clle eft de fe^ Bdlèj mais que de lut tout eft précieux pour le public. J*en retiancbe cependant quelques enoioits qui ùmn Macilcf«

' L E T T k Ë I *

4

Avant qif une fievre importune Nous fît courir même fortune ,

Et nous mit chacun en danger

De ne plus jamais voyager.

* . ^ *

''Je ne fais pas fous queHe conftellatîon je vous écris' pnêfêntement, mais je vous aiBüre que je h’ai point encore fait tant de Vers depuis ma maladie. Je croyois même en avoir tout-à-faic 'oublié le métier. Seroit-il poflîble que les Mufes euiTent plus d’empire en ce pays , que fur les rives de la Seine ? ^ous le reconnoîtrotir dans la fuite. Cependant je .commencerai à vous dire én orofe . que mon voyage a été plus heureux que je ne penfois. Notre comi^gnie étcntgaïe; nous étions au nomo^re de neuf ou dix. Je ne manquois pas tous le foirs de prendre le galop devant les autres pour aller retenir mon lit , ainfl j’ai toujours été bien couchéj & quand jefuisarrivé àLyon, je ne me fuis (ieoti non pkis fatigué , que fi quartier de Sainte Gene- viève , j’avois été à celui de la rué ■Galande.

A Lyon je ne fuis reAé que detn

jo“»s

V

D'ï" R â c î k’ e; ijf f oers , & je ra’embai’qàai fur le Rhône avec deux Moufquetaîres'. Nouscou* châmes à Vienne & à Valence. J’a- vois commencé dès Lyon à ne plus gaère entendre le langage du pays »

& à n’ôtre pins intelligible moi*mé« me : ce. malheur s’accrut à Valence »

^ Dieu voulut qu’ayant demandé à ^ne Servante un pot-de-chambre , elle mit un réchaut fous mon lit. Vous pouvez vous imaginer les fuites de ' cette maudite aventure , & ce qui peut . . arriver à un homme endormi qui fert d’un réchauc. Mais c’efl; encore bien pis dans ce pays. , Je vous jure que i’ai autant befoin d’un interprette» qu’un Mofcovite en auroit befoindans Paris. Néanmoms je commence à m’apercevoir que c’eft un langage, mêlé d’Eipagnol & d’Italien > ât corn* me j’entens aifez bien Ces deux lan>. gués , j’y ai quelquefois recours pour entendre les autres , & pour me faire entendre. Mais il arrive fouvenc que je perds toutes mes mefures , comme Il arriva hier qu’avant befoin de petits clous à broquette pour ajufter ma chambre , j’envoyai le valet de mon oncle en ville , pc lui dis de m’achetr T»m /. R

r

^ f f T *. *

isrdemrou crois ceos de bro^nettei'p î il m’apporta incoatiseat ^crois bottes f^d'alumecces.

^ ÂH refte pour la fîtuation d’UfeZf ^ous iaurez qu’elle eft fiir une mon* t^gnefort haute , & cette montagne p’eft qu’pn rocher continue}, bien ^u’en quelque tems qu’H fafle ,*on peut aller à pied fec tout autour de la ville^ Æ^s campagnes qui l’environnent foni toutes couvertes d’oliviers, qui por>* ^ent les plus belles olives du monde , mais bien trompeufes, car j’y ai été attrapé moi>même. Je voulus en cueil- iir quelques-unes au premier olit^er •que je rencontrai , & je les mis dans ma bouche javec le plus grand apetk

2u’on puifle avoir,* mais Dieu me pre> ;rve de fentir jamais une amertume pareille à celle que je fentis^ j’en eus ' la bouche toute perdue plus de quatre lieures durant & l’on m’a apris de* puis qu’il falloit bien des lelSves & des 4!érém<mies pour rendre les olives dou* ces. comme on les mange. . L’huile qu’on en tire fert ici de heure , & j’apinrehendois bien ce changement ; mais j’en ai goûté ai^ourd’hui dan^

jjlesiàul&s,& lansmejuiril n’y a nea

SB Raciitb. ty

<3emeilleur. On fent bienmoiosrhui* le , qu’on ne iendroic le meilleur be^- re de France. Mais c’eft aflèz vous parler d’huile , & vous pourrez me reprocher plus juflemenc qu’on ne faifok à un ancien Orateur , que mes ouvrages fentent trop l’huile.

Je ne faurois m’empêcher de vous dire un mot des Beautés de cette pro- vince. Si le pays avoit un peu plus de délicatelTe , & que les rochers y fuûent un peu moins fréquens , on le prendroit pour un vrai pays de Cythe- re. Toutes les femmes y (ont éclatan- tes , &. s’y ajuftent d’une façon qui leur eft la plus naturelle du monde. Mais comme c’eft la première choie dont on m’a dit de me donner de garde , je ne veux pas en parler da- vantage ; aufli bien ce feroit profaner-^ une maifon de Bénéficier comme cel- le oh je fuis , que d’y faire de longs difcours fur cette matière. Dot/m mes imutt erstinüt. C’efl; pourquoi vous devez vous attendre que je ne vous en parlerai plus du tout. On m’a dit : Soyez aveugle ; (i je ne le puis être tout-à-fait, il faut du moins que je fois muec. Car , voyez-vous , il faut

B %

A g L' B !(• T R E s V

fétrerë^Heravec les Réguliers, (A f comme j’ai été loup avec vous , <x (I avec les autres loups vos comperes. . Adieufîas. '

A. M. V I T A R T.

«

’jl Vffz.U 15 iJwmbre i6<îi.

ILy a aujourd’hui huit jours que je partis du Pont âaint-Efpric , & que je vins à U fez , je fus repù de moQ Oncle avec toute forte d’amitié. 11 m’a donné une chambre auprès de jui , & il prétend que je 1^ foulagerai 'un peu dans le grand nombre de Tes ^affaires ;je vous aiTûrequ’ilen abeau- (Cpup. Non feulement il. fait toutes celles du Diocèfe, mais il a même l’ad* jniniftration de tous les revenus da ^Chapitre , jjùfqu’à ce qu’liait payé 80 jmillè livres de dettes le Ch^ltre Ved engagé. Il s’y entend tout*à-fait, il n’y a point de D. Côme (2) dans

* r I ) 11 cBoic «hez Ion Oncle, Chanoine ^'nte ^encvieve.

^ (1 } Moine dont il fe plaint encore dans laiôite ^ 6c iÿà k txavcrfa dansla poatfiûie d*oa fidoâicct

S S R A C I N/E.

Son affaire. Arec tout cet embarras ^ il a encore celui de faire bâtir. If eli fort fâché de ce que je n’ai point ap>. porté de démilloire : il m’aurok déjà, mené à Avignon pour y. prendre lai toniiire , & la raifon de cela , -eô que, ]e Bénéfice qui viendra ir va,quer elt à fa nomination. Si vous pouviez me. faire avoir un démiflbire vous m’o- bligeriez. infiniment il faudra l’enr voyer demander à Soillons. Âureflev sous ne ImlTerons pas d’aller à A vi^ gnon , car mon Oncle veut m’ache». ter des livres, & il veut que j’étudie.. Je ne demande pas mieux , & je vous-, ailtire que je s’ai pas encore la coriofîté de voir la ville d’Ufez, ni quelque pérfoBne que ce ibk. 11 efb bien aife que j’apprenne un peu de Théologie dans Saint Thomas ,('!)&, J’en fuis tombé d’accord fort volon- tiers. Enfin je m’accorde le plus aifé- ment du monde à tout ce qu’il veut : il me témoigne toutes les tendrefles poflibles. 11 me demande tous les jour» mon Ode ^ la Paix, & non-ieule-

( 1 1 Un Inné Poète devoii irooeer cette leAutetncif ikehe -, maisUji'Uiiiab9ie l'ètode.

B 3

go Lettres ment lai , mais tous les Chanoines m’en demandent. J’avois négligé d’en apporter des exemplaires : vous en avez encore , je vous prie d’en fai- re bien couper les marges & de me les éiivoyer.

On me fait ici force careflès, à caufe de mon Oncle ; il n’y a pas un: Curé ni un maître d’école qui ne m’ait I fait le compliment gaillard , auquel je ' liéTaurois répondre que par des reve-' rences, carjen’èntehs pas le François- ' de ce pays-ci , & on n’y entend pas le mien. Ainfi je tire le pied fort humble- ment, & je dis quand tout eft fait, j(ldioi^4s. Je fuis marri pourtant de ne les point entendre; car je contP nue à leur point répondre , j’au-: rai bientôt la réputation d’un inci-, vil , bu d’un homme non lettré. Je. fuis perdu cela efî, car en ce pays les civilités font encore plus en ufage* qu’en Italie. Je fuis épouvanté tous‘ lés jours de voir des villageois pied-’ niis, ou enfabotés (ce mot doit bien pafler , a pafîe )’

qui font des révérences comme s’ils avoient appris à danfer toute leur vie : outre cela ils caufent des mieux , de

Ë K M ff f u t.-

Ij'efpere que l’air- du pays me va raf- finer de moitié, car je vous ailBre qu’on y efl: fin & délié. J*al cru qu’iti rallok vous in Aruire de tout ce qui fe; 'pafie ici : une autrefois j’abuferai« moins de votre loifir.

A M, LE VASSEÜK.

#

jiVfix^le 44. J9n»ndirri'66T,

JE ne me plains pas encore de vous car je crois bien que c’eAtoot<an« . plus fi vous ayez maintenant reçÏÏ”/ aflUTpremiere Lettre. Mais je ne vous- f répons pas qne dans huit jours je ne- commence à gronder , fi je ne reçois' point de vos nouvelles. Epargnez» ‘,xnoi donc cette peine, je vous fup<

' plie> & épargnez* vous à vous-même ' de grofi*es injures , que je ponrrois* bien vous dire dans ma mauvaife hu- meur. centemptus amortnrethUiktk

J’ai été* à Nîmes , & il faut que je vous en entretienne. Le chemin d'i- ci à Nîmes eA plus diabolique paille fois que cdui des diables à Nevers »

B4

S> Lettres a la ruè‘ d'Ënfer , & tels autres che*» mins réprouvés ; mais la Ville eflaf^ incrément aufll belle , & aufii ftlidt- ^ comme on dit ici, qu’il y en ait dans le Royaume. 11 n-^ -a point de diver- tiflemens qui ne s'y trouvent.

Suoni , canti , veflir., givochi, vivande , jQuantopuè cor pcniàr, puè chiéder bocca<

«

J’allai voir le feu de joîe , qu’un hom- me de ma connoilTance avoit entre- pris.LesJéfuitesavoient fourni les de* vifes , qui ne valdient rien du tout r ôtez cela, tout alloit bien. Maisje>

I n’y ai pas pris alTez bien garde, pour- vous en faire le détail : j’étois détour-^ par d’autres fpeâacles. II y avoic-f tout autour de moi des vifages qu’on voyoit à la lueur des fufées , & dont vous auriez bien autant de peine ^ à vous défendre que j’en avois. Il n’y en avoit pas une à qui vous n’eufTiez bien voulu dire ce Compliment d’un galand du temsde Néron : Neftfiidûu hmittem peregrinitm inter atltores ttut admitttere : inventes religioftm ,fite ndo» . rari fermiferis. Mais pour moi je n’a*, vois garde d'y penfer , je ne les regar-^

DE Racine. 93 dois pas même en Tûreté, (1) j'ëtois en la compagnie d’un R. Pere de ce Chapitre , qui n’aimoic point fort à rire..

E parea-pitieb alcun fpflê mai fiato Di conlcienza icrupulofa è fchiira.

It falloir être fage avec lui , ou da moins le faire. Voilà ce que vous au* rieEtrouvéde beau dans Nîmes ;mais j'y trouvai encore d’autres chofes qui sne plurent fort , fur tout les  rênes.

C’efl un grgnd Amphithéâtre un peu en ovale , tout bâti dé' prodigieu- Ms pierres longues de deux toifesy^ qui fe tiennent depuis plusdefeize; ' çens ans fans mortier , & par leur feu* ^le pefànteur. Il ell tout ouverten.de* hors par de ^andes arcades ^ <Sç en. dedans ce ne font autour que de grands- lièges tout le peuple s’alleyoit pour voir lès ctunbats des bêtes , & des g.Iadiateurs ; mais c’ell allez vous parler de . P^mes & de fes raretés..' Peut-être' même trouverez- vous quet

f 1) pra6eoit traits lipandut dans ces Lettres font gkyllétoUdwiâjcuntflfe^férc dC'toajmiii»

B'5

g4 Lettres j’en a! trop dit ; mais de quoi tou> lez- vous que je vous entretienne ? De «vous dire qu’il fait ici le plus beau ; tems du monde : vous ne vous en. I mettez guère en peihe. De vous dire qu’on doit cette femaine créer des Confuls : cela vous touche fort peu. Cependant c’efl une belle chofe de voir le compere Cardeur , & le Me- nufOer Gaillard avec la robbe rouge , comme un Préfident , donnèr des Ar- rêts, & aller les premiers à î’dfFran-' de. Vous ne voyez pas cela à Paris.

A propos de Confuls , il faut que je vous parle d’un Echevin de Lyon,

3ui doit l’emporter fur les plus fameux ifeurs decolibets. Je l’allai voir pour' ' avoir uii billet de fortie ; car fans bil- let les chaînes du Rhône ne fe lèvent' point. Il me fit mes dépêches fort gra-' vement ; & après, quittant un peu' cette gravité magifirale qu’on doit gvder en donnant de télles Ordon- nances, il me .demanda, Qutd novil iitu de V affairé Σ jingleterre 7

répondis qu’on ne favoic pas encore quoi le Roi fe réfoudroit. ^ fi/re ta guerre f dit-il, C4urU tte/ipaspareitt- du Fere Seuffranf, Je fia bien paroîtrèr

D B Racine. 35

2ue'je ne l’étois pas non-plus ; je lui s la révérence , & le regardai avec un fîroid qui montroic bien la rage o& j*étois de voir un grand quolibetier I ifnponi. Je n^ai pas voulu en enrager f. toat leul , j’ai voulu que vous me tinl^ r fiez compagnie , & c’efi pourqüi je TOUS fais part de cette marauderie. Énragez-donc , âc fi vous ne trouvez point de termés aflez forts pour f^rru des imprécations^ dites avec l’ëm»' phatîüe Brébeüf > -

A qui , Dieux tout-puiflauS) qui gouverner^ la terre ,

A quitdetyez-vous les éclats du tonnerre t '

4

Si vous ne vous hâtez de m’écrire , je*r TOUS ferai enrager encore par de fem-^ blables nouvelles. Adieu.^

A MADEMOISELLE VITART,

^ V/fZ Iriô. Decmbrt 166t. ■'

JE penfois bien me donner Thon* neor de .voys écrire , il y z huit Jeu», fiiais-iline fnt-impomblede lz

B6

U t, T T R B «

faire ; je ne fais pas même j’en poor*. rai tenir à bouc aujourd’hui. Vous faurez , s’il vous plaît , que ce n’eft pas à préfent une petite affaire pour moi que de vous écrire. Il a été ua tems que je le faifois allez exaêle* ment, & il ne me falloit pas beaucoup, de tems pour faire une Lettre affet pallable ; mais ce tems*li efl: paffé pour moi. Il me &ut fuer fang & eau pour faire quelque cbofe qui mérite, de vous l’adrefler , encore fera-ce ua grand hazard li j’y réuflis. La raifon de cela ell que je fuis un peu plus éloigné de vous que je n’étois lors. Quand je fongeois feulement que je n^étois qu’à quatorze ou quinze lieuè's vous , cela me mettoit en train , & c’étoit bien autre chofe quand je vous voyois en perfonne. C’étoit. alors que les paroles ne me coutoienc rien, & que je eau fois d’affez bon cœur ; aulieu qu’aujourd’hui je ne vous vois qu’en idée, & quoique fonge affez fortemept à vous je ne faurois pourtant empêcher qu’il n’y ait 150 lieuësentre vous & votre idée. iVinfi il m’elt un peu plus difficile de . m’échauffer, & quand.

A

s

I

i>i| Ricin fe. 37 fêroieoc aflez heureufes pour voui plaire, que me fert cela ? J’atmeroisf mieux recevoir un fbufilet, ou on coup I de poing de vous, (i) comme celar m'étoic affez ordinaire, qu’un grand-; merci qui viendroit de fi loin. i\prés* tout il vous faut écrire , & il en faut revenir ; mais que vous mander ? Sans mentir , je n*en fais rien pour le préfent. Faites-moi une grâce , don- nez-moi tems jufqu’au premier ordi- naire pour y fonger , & je vous pro- mets de faire merveille ; j’y travail- lerai plutôt jour & huit. Aulfi bien vous avez plufieurs affaires ; vous avez à préparer le logis au Saint E& prit , (27 qui doit venir dans huit jours à. l’Hôtel de Luyhes ; travaillei^-donc à le recevoir cohime il mérite , ôc moi je travaillerai à vous écriré com-' , me vous méritez. Comme ce n’eft pas une petite entrepriiè , vous trou- verez bon que je m’y préparé avec* tm peu plus de loifir. Ne foyez point; rn rp j’ai tant tardé à'

m’acquitter de ce que je vous dois.-

(1) Mjàdeniotfelle Yuan écoit ft COofinCa

. i.» ÎM.lannitQlÊCwnfk, . i\ :

38: if * T T B.. i

Ceft bien aflez qae je fois fi loin de votre préfence, fans me bannir eii' eore de votre efprit.

AM. LE VASSEUR.

'A Vfex.le i8. Décmlve i66u .

D ieu merci , voici de vos lettres..

Que vous en êtes devenu grand I ménager ! J’ai que vous étiez libé- ral,& il nefe paflbit guèrede fomaines, forfque vous étiez à Bourbon^que voua ne m’écrivifiiez une fois ou deux , & i|00 feulement à moi , mais à des gêna même à qui vous n’aviez prefque ja- mais parlé , tant lés Lettres vous cpu« toient peu. Maintenant elles font plus dair-femées , & c’dt beaucoup d’en- recevoir une en deux mois. J’étois très en peine de ce changement , âi j’en- rageois de voir qu'une fi belle .amitié feiût mnfi évanouie-» en dtxtrA m’éçriois-je ,

à

cor pien cU foQnr parea un MongibeSop

Lon qu^heurêofemeiK voa» -Letura

; D ïj R A c I N E. 39 m*e(t venu tirer- de toutes cès inquië-' tildes , & m’aapris que ia raifon pour- quoi vous ne m’écriviez pas , c’eft que mes Lettres étoienc trop belles, v^u’à cela ne' tienne , Moiifieur , H' me fera fort aifé d’y remédier ; &’ il m’eÛ: naturel de faire de mé- chantes Lettres , que j’efpere , avec la grâce -de Dieu , venir bientôt à' bout de n’en faire pas de trop belles. Vous n’aurez pas fujet de vous plain- dre à l’avenir , & j*atcens dès*à»pré^ lent des féponfes par tous les ordi- naires.Mais'pàrlonsplusferieufem^nt; avouez que tout au contraire , vous croyez les vôtres' trop belles , pour être facilement communiquées à d^ pauvres Provinciaux comme nous.* Vous avez raifon , fans doute , ê’eft ce qui me fâche le plus ^ car’ il ne vous efî pas aifé , comme à- moi, de faire de mauvaifes Lettres & ainfîje fuk fort eh dihger den’ed^ guère recevoir. ' - - -

. Apté»Mitt('iÂ790fi* fîMsies. k naAi niere dont je les reçois , vous verriez qu’ellea ne font pas profanées pour tpmber entre' mes mains ; car outré que je les reçois avec conte véné<*

40 -L E T T-ft s s

T?iùoïï que méritent les belles ehofes» c’eft qu’elles ne demeurent pas long.* tems , & elles ont le vice dont vous accufez les miennes injultement eft de courir les rues : & vous diriez qu’en venant en Languedoc , elles le veulent accommoder à l’air du pays i elles fe communiquent à tout le mon* de , & ne craignent point la médi* lance : auffi favent-teHes bien qu’elles en font à couvert : chacun les veut voir ÿ & on ne les Ut pas tant pour «prendre ' des nouvelles , que poos fvoir la façon donc vous les favez débiter.

. ContinueZ'donc , s’il vous plaît » oa plûtôt commencez tout de bon à. m’é? crire , ^und ce ne lêroit q.ue par charité, je fuis en danger, d’oublier bientôt le peu de françois qjue je fais i je le défaprens tous les jours , & je ne parle tantôt plus que le langage de pays , qui elt aulB peu François que le bas Breton. ( i j .

'Cl) Ccsphinte$»rexaélitudede Toitographe decct Lcttici écrites Ma bâte , les coups de ftajton qu’mon trou** ^ede lui Tur les ^cipar^ues 8e le (^inte-Cuice de Vau-

Scias , prouvent combien U a?ôicà cœiudeldclip«fflF«

t

SB R .A C; I N E. 41

Jpfè mihi ▼ideorjam dediciflè Latlnè',

Nam didici Geticè Sarmatkèque loqui.

J’si cm qii’Ovide vous fiufoit pitié quand vous fondez qu’un Ir galant oonvise que lui . étoit obligé à- parler. Scythe, lorfqu’il étoit relégué parmi ces barbares : cependant il s’en faut beaucoup qu’il fut fi à plaindre quer moi. Ovide' polTédoii bien toute l’élégance Romaine j.qu’^ae.lapou-; voit iamais oublier ; ài qnand’ii. feroit, revenu à Rome après un exil de vingt, années , il auroit toûjours fait taire les plus beaux efprits de la Cour .d’Au- gttile : au lieu quçr^n’ayant qu’unçt petite teinture du bon- ^rançois^^'^ fois en danger de tout perdret^pni j moins de fix mois , & de n’être plua intelligible fi je reviens jamais h ris. Quel plaiiir aurez * vous quand je lèrai devenu .le plusgrand payfan.du monde î Vous ferez bien mieux de m’entretenir un peu dans le langage qu'on parle à Paris : vos Lettres me tiendrontlieu de livres.& d’Académie.

Mais à propos d’Académie , que le pauvre Pelifibn eft à plaindre , Sc que la Conciergerie eft un méchant

42 Lettres pofte pour un bel efprit ! Tous lest beaux efprits du inonde ne dévroient' ils pas faire une folemnelle députation au Roi pour demander fa grâce Les Mufes élles-mêntes ne devroienc** elles pas iè' rendre vifibles , afin dd- follîciter pour lui ?

Nec voc , Pierides,nec ftirps Latonia, vefiro^

Doâa Sacerdotiturba.tuliftis opam? '

Mais on voit peu de gens que'Iâpro» teétion des Mufes ait fauvés des roains^ de la Juftice : il eût mieux valu poufi lui qu’il ne fe fut jamais mêlé que de' belles chofes , & la condition de Roi<^ telet en laquelfe il s’étoit Métamor-^ pbofé , lui eut été bien' plûravante^ geiifè que celle de Financier. Cela doiè apprendre à M. l’Avocat ( i ) que le fobde n’eft pas toujours le plus fûr puifque M. Peiiflbn ne s’eft perdu que oue pour l’avoir préféré au creux,

; fans mentir quoiqu’il fafTe bien creux fur le Parnaffe , on y efl pourtant plus à (bn aile que dans la Gonciergerier & il ny a point de plaidr d’avoir

( 1 ; XI en veuc toojours à ce l'Avocat > 9ui avoic

iâas cefle à la bouche k O.OC de.ô*(«Ar.

SE R A d I N E. 43> place dans les hidoires tragiques, duf- /ent>el)es être écrites de la main de- M. PelilFon lui même.

Je fàlue M. l’Avocat , & je 4iffere de lui écrire , afin de laiflêr un peu paflèr ce reftede mauvaife humeur , que fa maladie lui a lailTée , & qui lui feroit peut-être nialtraiter les Lettres que je lui enverrois. Il n’y a point de plaiOr d’écrire à des gens qui font encore dans les remèdes , oe c’ed' trop expofer des Lettres. Je falue très- homblement toute votre mailbn ,

Matf 4ÜS4S pHlcherrima Di J»,

Nous uvonstà''ifàiITknce du Dau> phin. J’aurois peut-être chanté quel* que chofede nouveau fur cette matiè- re,fi j’euflè été àParis ; mais ici je n’ai chanter rien que le Te Deum. Man-* dez-moî , s’il vous plaît , qui aura le.

mieux réufli de tous lès Chantres du'

Farnafie. Je ne doute pas qu’ils n’em- ployent tout le crédit qu’ils ont.ahprès des Mufes , pour en recevoir belles magnifiques infpîrations. Si *elles ^continuent à vous favorifer , comme elles avoient commencé à Bourbon , faites quelque choTe.

Incipe , il quidhabes ; 8t tefecere Pbêtam Piérides.

44

.Lettres

4

A M. V I T A R r.

P

Ç^iVfeic 2^.J-anvi«r 1 6621^

LEs plus beaux jours que vous ddn> nent )e printetns , ne valent pas ceux que l’byver nous laifle ici : & jà- inais le mois Mai ne vous paraît Ir agréable , que l’eft pour nous le nrais oe- Janvier.

i

Le SoIeifeU toujours riant^

Depuis qu’il part de l’Orient Four venir éclairer le monde , Julqu’à ce que fon char foit defcendu dana' Fonde.

la vapeur des brouillards ne voile point les deux

Tous lès iftatins. un vent officieux.

En écarte. toutes les nues

Ainfi nos jours ne font jamais cou-, verts ;

Et dans le plus fort des Hyvers,

Nos campagnes font revêtues Defleurs ,,&d’arbres toujours verds.

. . . D ^ ' R i c i îl 8.

X.es ruiiTemx refpeâent leurs rivest Et leurs ^Tayades fugitives Sans fortir de leur Ut natal Srrent paifiblement , & ne font point tap^ tives

Sous une prifon de crilUil.

Tous nos oifeaiut diantent à FordS* naire ;

Xèurs goüers notant pc^bt glacésf Et nVtant pas forcés De fe cacher ou de fe taire^

Ssfbnt l’amour en libené D’hyrereonane l’été.

£nfinlorfque la nuit a déployé fes voiles j

La lune au vilage diangeant Faroît fur un trône d’argent »

Et tient cercle avec les étoiles.

Le Cid eil toujours clair tant que 4ure fou cours -,

Et nous avons des nuits plos bdles que vos jours.

J*ai fait nne afiez longue pofe en <rer endroit , parce que lorfque j’écri- vois ces Vers , üy ^.huit jours ,1a xhaleur de la Poêûe m'emporta û loin.

4-6 Lettres que je ne m’apperçus pas qu’il ëtoit trop tard pour porter mes Lettres à la pofte^ Je recommence aujourd'hui 34 Janvier : mais il eft arrivé un aflcz jxlaifant changement , car en relifant mes Vers , je reconnois qu’il n’y en a pas un de vrai II ne ceiTe de t pleuvoir depuis crois jours , & l’on I diroit que le teras a juré de me faire ' mentir. J’aurois autant de fujet de faire ün deicripdon du mauvais tems , comme j’en ai fait une du beau ; mais j’ai peur que je ne m’engage encore Il avant , que je ne puiflent achever cette Lettre que dans huit jours , au* quel tems peut-être , le ciel fe fera remis au beau. Jen’aurois jamais fait; cela m’apprend que cette maxime eft bien vtaie vita al fi» , il di.hda la fera.

Cette ville eft la plus maudite ville du monde ; ils ne travaillent à autre chofe qu’à fe tuer tous tant qu’ils font, ou à fe faire pendre .* il y a toujours ici des CommilTaires ; cela eft caufe

Îjueje n’y veux faire aucune connoif* ànce , puifqa’en faifant un ami , je m’attirerois cent ennemis: ce n’eft pas qu’on ne m’ait prefiéplufieurs fois, âc

fi R À e f R E. 47 ^u*on ne me foie venu Iblliciter , moi indigne, de venir dans les compagnies; car on a trouvé mon Ode ( t) chez une Dame de la ville , & on eu venu me faiuer comme Auteur mais tout cela ne fert de 'Tien /mtftit km* Je n’anroM jamais cru être ca- pable d’une grande folitude:: & voua même n’aviez jamais tant efperé de ma vertn.

Jepaflbtout letems avec monO% de , avec faint Thomas & Virgile; je fais force -extraits de .Théologier» éh qaelques-uns de Poë'fîe. Voilà contr me je paflê le tems , & je ne m’enir nuie pas , fur- tout quand j’ai reçû quelques Lettres de vous ; elle me | mrt de compagnie pendant deuxjours. '

Mon Oncle a toute forte de bons deflèins pour moi ; mais il n’en a point encore d’aUûré , parce que les affaires | du Chapitre font encore incertaines- ' J'attens toûjours un démiflbire. Ce- pendant il m’a fait habiller de noir depuis les pieds jufqu’à la tête. La «ode de ce pays eft de porter un drap d’Efpagne qui eff fort beau , & qui

Uÿtpft,

, 4^ t i % T » E S _

coûte 23 livres ; il m’en a fait fairft «n habit. J’ai maintenant la mine ^’utt des meilleurs bourgeois de la viHe. Il attend toujours l’oecafion de me pour- voir de quelque chofè , & ce fera alors que je tâcherai de payer une partie de mes dettes » ü je puis , car je ne puis rien faire, avant ce tems. ^tne remets devant les 7etix toutes les im- portunités que vous avez reçûes de ' ' Ihoi^ j’en rougis à l’heure que je vous parle , tmJmitfHeri^falva res efi. Mais mes affaires nien vont pas mieux , & cette fentence éft bien fauflfe , fi de n’eft .que vous vouliez prendre cette rougeur pour recorinoilfance de tout ce queü^e vous dois , dont je me foAviendrai toute ma vie.

t - . .

* A MADEMOISELLE. VITART.

ji Vfeii le 24. Jasrvier 1662.

CE billet n’efi qu’une continua- tion de promeflès , & une nou- , velle obj^tion. Je m’étois engagé de vous écrire une Leure raifonat^ , &

après

I

SE Racine.' 49 après quinze jours d’intervale , je fuis il malheureux que de n’y pouvoir fa* lis faire encore aujourd’hui ^ & je fuis obligé de remettre à un autre jour. .Toutes iès remiiès ne font pour moi fqu’un furcroit de dettes dont il me 1 Kra fort difficile de m’acquitter : car vous attendez peot*être de recevoir quelque chofe de beau , puifque je prenstantdetems pour m’y préparer. Ayez la charité de perdre cette opi* nion , & de vous attendre plûtôc à être fort mal payée , car je vous ai dqa avertie que je itiis un trés-mau« vais payeur. (Quanti je n’étois pas Q loin vous, je vous payois alTez bien, ou du moins je le pou vois faire , Car vous, me fourniffiez aflez libérale- inent de quoi m’acquitter envers vous: j’enteos de paroles i vous êtes trop riche & moi trop pauvre pour vous pouvoir payer d’autre chofe. Cela veut dire

Que j’ai perdu tout mon caquet»

Moi qui ià^oit fiait bien écrire »

Et jalèi comme un perroquet.

^ Mais quand je faurois encore jaibr Tmel. fi

1

JO » T T » E s

des mieos il faut que je ine taife é préfent ; le tneflager va partir , & il «e faut pas faire attendre le meflager d’une grande ville comme eft Ufez; Pardonnez-dtmc, & attendez encore ihuit jours.

A LA MESME.

[A V fis /e 31. jAnvîer,

QUe votre colère eft charmante ■, Belle 8c géndreüfe Amarante I Qu’il vous fied bien d’être en courouxl Siles Grâces jamais fe mettoient en colère , Le pourroient-elles faire De meilleure grâce que vous ?

Je confeflefincerement Que je vous avois offenfée *

Et cette cruelle penfée.

M'étoit un horrible tourment.

Mais .depuis que vous-même en avez pris vengeance.

Un fi glorieux châtiment Me paroît une rêcompenfc

jLes reproches même ibnt doux

B B Racine. yt.

Venant d^une bouche fi chere »

Mais fi je méritois d’être loué de vous.

Et que je fiiffe un jour capable de vous plaire ,

Combien ferois- je de jaloux !

Je m'en vais donc faire tout mon pof« fible pour venir à bout d’un G grand deOein. Je ferai heureux G vous pôu-

Ivez vous louer de moi avec autant de juftice que vous vous en plaignez:& je ferois de mon côté un fort bel ouvra* ge , G je favois dire vos vertus avec autant d’efprit , que vous dites les miennes. Je ne vous accuferai point de me flatter , vous les dites au naïfl Je me Ggure que vous parlez de même à M. le Vaflèur , & que vous favez également peindre cet amoureux > ad- mirant le portrait de fa Belle.

Je me l’imagine en effet , '

Tout lai^uiflant Sc tout dé&it »

Qui gémit fie foupiie aux pieds de cette inu^e.

n contemple fon beau vifage,

•H admkeiss mains > il adore fes yeux •; IUd(â&ttetout l’ouvrage..

C a

/

^ ' '

Jto , L ï T T K E s '

,^îs comme fi FAmour le rendoîf flirleux; J ' V- ' Je Fentcns.s’eerienQue cette imagé efti>éllé!% que la Belle même efl bien plus belle qtfelle! ' ^

^ Le peintre h’a bien in^ / -

.• ^Que fon infenfibilité.

J!ai peîhe à croire 4tie vous ayez aflêz de puiflaocèpour rompre ce charme^, vous «fUi'étiez accoutumée à char- ^ merluiHrâême autrefois, .aufli-bien que ; .

. beaucoup d’autres. Pofledé comme il féft- décettè idée* il ne fautpas s*éttm^ * ••• jier s'il a voulu-iriarier M. d’Houy à ' . tmefille hydropique: il n’y penfoit pas, ' '

. à moins qu’il Q*ait voulu marier -l’eau . : avecle'TM; >•

On m’a mandé ^ue ma tante Vitart écoit allée à£hevreufe ; je crois qu’elle ne fe repofera. pas de longtems , H elle attend que vous vous repofiez toutes. Peut être qu’autrefoîs je n’en aurbis , pas tant dh impunément ;.mais je fuis* . è couvert des coups : vous pouvez néantmoins vous adrefleràmon Ljeu* tenant M.' d’Houy ; il ne tien^a par cette qualité à déshonneur. .

Vous m’avez mis èn uain , comme

0

» E R A C I « E. 5J. VOUS voyez, 4^ vos Lettres ont fur moi h force qb’ayoit autrefois votre vÔe; / mais je fuis obiigéde finir plutôt que je •ne vOùdrois , parce que j’ai encore cinq Lettres à écrire»' J'efpere que vous ine donnerez , en vertu de ces .cinq Lettres y lapermiflloh de finir :'en vectù-de lafoumiilion &durefpeâ que j’ai pour vous^, la permiffipn dp ine dire votre .pafiionné 1er vîtéur» Vous m’excuforezfîj’arplas brouil- lé de papier à dire de-mécbantês cho- ies , que vous n’qn aviez employé à écrire les^lusbdles choies du mondé-

A M. L E VA SS EUR.

\

'^Vxjble i fivriff_i662,

J’Avoue que ma réponié ne vient que huit jours après votre Lettre : •tcaàs à quoi bon m’exçufer pour uu ^ délai de huit jours ? Vous ne faites ^int tant de cérémonies quand vous avez étè .deux mois fans fonger feuie- menc fi je fuis au monde. C'eft allez i^QUj: vous de dire froidement que

54 Lettre* vous avez perdu la moitié de votre ef- -prit depuis que je ne fuis plus en votre compagnie. Mais à d'autres , il fau- droit que j’eufle perdu tout le mien, je recevois de telles galanteries en payement. Je fais ce qui vous occupe il fort , & ce qui vous fait oublier de pauvres étrangers comme nous, jimar non tdU cur^tt : oui c’eft cela même qui vous occupe.

t

0

j^or che folo, i cor leggladri invelce.

Et je ne m’étonne pas qu’un cœur fi tendre que le vôtre & (1 difpoféÀje* cevoir les douces impreffions de l’a* mour , fok enchanté d’une fl belle perfopne.

Socrate s’y trouveroit pris «

Et malgré fa philofophie Il feroit ce qu’a fait Paris ,

Et le feroit toute fa vie.

Je n’ai pas peur que vous vous lafQez de voir tant de Vers dans une feule Lettre. Teamernofiri ^ TottMKmonMn^ tm reddidit.

Loin de trouver à redire à votre

» E R A C I M E, Sf amoU'rJe vous loue d’un fi beau choix, &d’aitner avec-tant de difcernement, s’il peut y avoir du difcernement ea amour^Vous êtes bien étoignéde vous ennuyer comme moi : l’Amour vous- tient bonne compagnie. li.ne m6 fait /pas tam d’honneur.quoique j’aie aflez^ sbefbin de compagnie en ce pays ; iznais j’aime mieux être feul q^ue d’a- jvoir un hôte fi dangereux.

Je fuis confiné dans un pays qui a quelque choie de moins fbciable que’ le Pont-Euxin : le fens commun y eft rare , & IgifidéM ji!y. eft point da tûu^ line faut qu’un quart d’heure de converfation pour vous faire haïr on faoiaméi anfii qppiou’on m'ait fotivehc prejSe d’aiieren compagnie, je ne fuis point encore produit ; il n’y a ici perfonne pour moi. Nbtt hmo^ fiâlip' tm y Mque fiUtudomera. Jugez fi'

vos lettres feront bien reçûes ; mais vous êtes attaché ailleurs.

Il cor ptefo ivi corne pefce à Thamo.

AU M £ S M £

ÏA^%.Marsl66^.

G N ne parle ici qae de la inerveil* leufe conduite du Roi, du grand ménage de M. Colbert, & du procès de M. Fbnquet : cependant vous ne m’en ipandez rien du tout ; mus pour vous dire le vrai , j’mme encore mieux que vous me mandiez de vos nouvelles particulières.'

J’ai eu tout le loifîr de lire l’Ode de M. Perraut:^uffi l’ai-je relûë pluGeurs fois y & fiéantmoins j’ai eu bien de la peine à y reconnoître Ton ftyle , & je ne crokois pas encore qu’elle fût de lui , fi vous ne m’en alTuriez. 11 m’a femblé que je n’y trouvois point cette facilité naturelle qu’il avoit à s’expri* mer ; je n’y ai point , ce me fem« ^ ble , aucune trace d’un eîprit aufli net A que le fien m’a toujours paru , ,â: j^eufie gagé que cette Ode avoit été taillée comme à coüps de marteau , piMi UQ homme qui n’avoit jamais fait

DE Racine. 57 qae de méchants Vers.^ Mais je crois fue refprit de M. Ferrant efii coujonrs le même , & que le fujet feulement loi a manqué , car en effet il y a longteme que Cicéron a dit ^ que c’étoit une ma>> tkre bien fterile que l’éloge d’un en- fant , en qui l’on ne pouvoit louer que l’efpérance » & toutes ees efpérances font tellement vagues , qu’elles ne peuvent fournir des penfées folides* Mais je m’oublie ici , & je ne fonge pas que je dis cela à un hommequi s’y entend mieux que moi. Si je juge mal , & que mes penfées foient éloignées des vôtres , remettez cela fur.la bar- barie de ce pays » Ôi fur longue abn fence de Paris , qui m’ayant féparé de vous , m’a peut-être entièrement pri- vé de la bonne connoilTance des cho- fes.

Je vpus dirai pourtant encore qu’iC y a un endroit oùj’aireconnu M..Per- raut ; c’ed lorfqu’il parle de Jefùé, âi qu’il amène l’Ecriture fàinte..Je lui ai dit une fois qu’il méttoit trop la Bi- ble en jeu dans fes Poëfîes ; mais il me dit qu’il la lifoit fort , & qu’il ne pou- voit s’empêcher d’en inferer quelque palTage.' Four moi je crois que la 1^

Cs

5S Lettres ture en eft fort bonne , mais que lad* tation convient mieux un rrédica* teur qu’à un Poëte.

Je vous envoyé ma piece , ( i ) dont on approuve le deiTein & la con* duite. Je n’ofe dire qu’elle eft bien , que vous ne me l’ayez mandé.’écrivez* moi en détail ce que vous jugerez des Grâces , des Amours , & de toute la Cour de Venus qui y eft dépeinte. Si vous la montrez , ne m’en dites point l’auteur : mon nom fait tort à tout ce que je fais ; mais montrez-moi ce que c’efl qu’un ami , ( s ) en me décou* vrant tout votre cœur.

( I ) €*cft la ptcée dont il eft parlé dans la Lettre fui- vante , & qu'il a voit intitulée les bains de y inus , piece très- inconnue , fie qu*tl a l'ans doute fupriinée dans la iüite.

( a ) On voit avec quelle ardeur il (buhaiteun Critu nue fincerede fea ouvrages; il le âtSiiva bien* tôt en fau iam connoifianœ avec Boileau.

1

V

]> E Racine.' sÿ

AU M £ S M £.

Lf 30. jivril.

JE ne vous demandoîs pas des lonan* ges quand je vous ai envoyé le petit oovrage des basni de Fenus , mais je vous demandois votre fen ciment; ce- pendant vous vous êtes contenté de dire comme ce flatteur d’Horacé Fdchri , btal , retli : & Horace dit fort bien qu’on loue ainfl les méchants ov>^ ••• vrages , parce qu’il y a tant de chofes /.,-à reprendre , qu’on . aime mieux \”toot louer qne d’examiner. Vous m’a-^^ vez traité de la forte , & vous me louez^ comme un vrai demi-auteur, qui a plus de mauvais endroits que de bonsrfoyeÉj un peu plus équitable , ou plutôt ne ibyez pas parefleux; vous avez peur de tirer une Lettre en longbeur.

Vous me foupçonnez d’amour t croyez que j’avois reçû quelque bieflure en ce pays , je vous la dé> couvrirois naïvement , & je ne pour- lois pas même m’en empêcher .'Vous

C 6

Lettres ’ifivez que les blelTures du cœur de- . toandenc toujours quelque confident, i à qui on puiiTe s’en plaindre , & fi i' j’en avois une de cette nature, je ne ' xn’en plaindrois jamais qu’à vous ; mais Dieu merci je fuis libre en- core , ( I ) & fi je quittois ce pays, je reporterois mon cœur auffi faip & aufii entier que je l’ai apporté : je vous dirai pourtant une ailëz plaifante ren- contre à ce fujet.

Il y a ici une Demoifélle fort bien faite , & d’une taille fort avantageule; ellepafie pour une des plus fages, & je connois beaucoup de jeunes gens qui foupirent pour elle du fonds de leur vœur. Je ne l’avois jamais vûcqûe de 5 ou 6 pas , & je l’a vois toujours trou- vé fort belle ; fon teint me paroifToic vif & éclatant, les yeux gran^ ^ d’un beau noir. J’en avois toujours quelque idéeaflez tendre & alfez approchante d’une inclination ; mais je ne la voyois qu’à l’Eglife , car je fuis très-folitaire. Enfin je voulus voir fi je n’étois point trompé dans l’idée que j’avois

(t ) C'cû ce q«'tl a pîl toujours dize , malgré U vi va* dté de fou cazaâiie s i'ap^ de i*dtttdc Ta ûavd dca

]> s Racine. 6t d’elle , & j’en trouvai une occafîoa fort honnête. Je m’approdiai d’elle & lui parlai : je n’avois d’autre de(^ fein qae de voir quelle réponfe elle me feroit ; elle me répondit d’un air fort doux & fort obligeant : mais ea l’en vifageant je fus fort interdit , je . remarquai fur fbn vifage des taches, ] comme fi elle relevoit de maladie , de ! cela changea bien mes idées ; je (us bien aife de cette rencontre, qui fer* vit du moins à me délivrer de quelque commencement d’inquiétude : car je m’étudie maintenant à vivre un peu plus rmfonnablement » ( i ) & à ne me pas lailTer emporter à toutes for* •fês g dbjetsr Je commence mon nôvi- oat, cependant je vois que je n’ai plus à prétendre ici que quelque chapelle de 20 ou 25 écus ; voyez ù cela vaut la peine que je prens : néantmoins je fuis rélblu mener toujours le même train de vie , & d’y demeurer jufqu’à ce qu’on me retiré pour quelque meil* leure efpérance. Je gagnerai cela du

( r ) Ce dit id , 8c ce qui fuit, fait voir que qaoU Que fort jeune, il penfoit (blidement, connoiÛbic le jLngex^ctpafliont , l'avantatt der^ui^e a h

àft coAtolnocct,

6t Lettrés moins , que j’étudierai davantagè, & que j’apprendrai à me contraindre , ce que .je ne favois point du tout.

Je ne (àis (i mon malheur nuira eo* core à la négociation qu’on entre* prend pour le Bénéfice d’Ouchiesril lèmble que je gâte toutes les affaires je fuis intéreffé. Quoiqu’il en foit, croyez que ü l'on me procure quelque chofe. Vrbm ^uam fitum vtftra efi.

A MADEMOISELLE VITART. Lt 15. Mm 1 662.

JE fuis donc tout * à - fait dîlgracié auprès de vous : depuis plus de trois mois , vous n’avez pas donné la moin* dre marque que vous me connoifiiez feulement. Pour quelle raifon votre bonne volonté s’efl;*elle fitôt éteinte? Je fondois ma plus grande confolation fur les Lettres que je pourrois rece- voir quelquefois de vous , & une feule par mois auroit fuffi pour me tenir dans la meilleure humeur du monde, & dans cette belle humeur , je vous au*, rois écrit mille belles chofes : les vers

D E R A C I N E. >6% ne m’aurolent rien coûté , & vos Let- tres tu auroient iofpiré un génie ex- traordinaire ;c’eft pourquoi H je . ne fais rien qui vaille , p renez- vous-en à vous - même. On dit que vous allez pafler les fêtes à la campagne avec bonne compagnie : je ne m attens pas à les palTer fi à mon aile.

Jirai parmi les oliviers, * ;

Les chênes verds & les figuiers , Chercher quelque reinè(j|e à mon inquiétude) Je chercherai la folitude ,

Et ne pouvant être avec vous ,

Les lieux les plus afiieuz me feront les plus doux.

Exculèz fi je ne vous écris pas davan- tage ; en l’état je fuis je ne faurois vous écrire que pouf me plaindre , âc c’eft un fujet qui ne vous plairoit pas; doimez-moi lieu de vous remercier , & je . m’étendrai plus volontiers fur cette matière , auili bien je ne vous demande pas des chofes trop dérai- ibonables , ce me lemble, en vous priant d’écrire tine ou deux lignes «par charité. Vous écri vez.fi bien lu fat^ement î quand vous voulezL

1> E R 1 CINE. 6s

^u'en aucun autre pays do monde.

lependant , excepté trois ou quatre perfopnes qui font belles , on n’y voit prefque que des beautés fort commu* nés. La lien ne efl des premières ; il m’en eft venu parler fort au long » & m’a montré des lettres, des difcours,& même des vers , fans quoi ils croyenc que l’amour ne fauroit aller. Cepen» oant j’aimerois mieux foire l’amour en bonne profe , que de la foire en mé* chans vers ; mais ils ne peuvent s’y réfoudre , & ils veulent être Poètes, à quelque prix que ce foit. Pour mon malheur ils croyent que j’en fuis un , & ils me font juge de tous leurs ou> vragês. Vous pouvez croire que je n’ai pas peu à fouffrir , car le moyen d’avoir les oreilles battuës de tant de mauvailes chofes , & d’être obligé de dire qu’elles font bonnes ? J’ai un peu appris à me contraindre , & à raire beaucoup de révérences & de coin* plimens à la mode de ce pays* ci. Adieu , mon cher ami , & comme dit PElpagnoI , imems fMS mulâdt»

3

A M. VITARxf 'AVtés le i6. Mm 1662»

»

J E ne vous renouvelle point les pro- teftations d’être honnête homme & très-reconnoiffant ; vous avez aflèe de bonté pour n’en point douter; je vous remercie de la peine que vous avez prife de m’envoyer un démif- fpire ; je ne l’aurois jamais eu , fi je ne rëufTe reçû que de D. Côme ; Tes miférables Lettres font perdre toute efpérance à mon oncle.

J’écrirat k ma tante la Religieiift' puifque vous le voulez : fi je ne l’ai point encore fait , vous devez m’excu<- lèr , & elle aufli : car que puis-je lui mander C’efl; bien alfez de faire ici l’hypocrite ,fans le faire encore par Lettres, il ne faut parler que de dé- votion , & ne faire autre chofe que de fe recommander aux prières. Ce n’eft pas que je n’en aye bon befoin,

( I ) mais je voudrois qu’on en fit pour

( t) On voit un jeune homme un peu éloigné de U dé«

DE Racine. (S7 moi fans être obligé d’en taotdetnan» der. Si Dieu veut que je fois Prieur, j’en ferai pour les autres autant qu’on en aura fait pour moi. '

On tâche ici de me débaucher pour me mener en compagnie. Quoique je n’aime pas à refufer , ie me tiens pour* tant fur la négative, «^ïîë Tors point; je m’en confole avec mes livres; comme on fait que je m’y plais , on m’en apporte tous les jours , de Grecs, d’Efpagnols , dt de toutes les langues. Pour la compofitipn , je ne puis m’y mettre. jtM Uhris me delefh , ejmrwn habeo fefiivmn coptmn s auf te co^itOi A fcribende frorfits abhorrée animtu. Cicé* ron mandoit cela à Atticus ; mais j’ai une raiibn particulière de ne point compofer;je fuis trop embarraffé du | mauvais fuccés de mes affaires , & cette inquiétude feche toutes les pen* fées de Vers.

, mais dont le cœur pas gâ'é. U lent bien

qa'il a toit , 8c c*eft pour cela q iMl a de la tépugnance à édite à laçante éc Porc Koayl.

X

€8 Lettres

AU M E S M E.

Xe

» h ^ ^ ' |j

M oncle , qoi veut tfaîter fb^

dans un grand appareil» cfl; allé ^ Avignon pour acheter ce qu’on ne pourroit trouver ici » & U xn^ lailTé la chara de pourvcûr ce- pendant à tontes chofes. J’ai de fort beaux emplois, comme vous voyez» & je fais quelque chofe de plus que manger ma foupe , puifque je la faire apprécier. J’ai apris ce qu’il faut ^donner au premier» aii fécond» & aa ; troiQéraeTeWice»les éntremêts qu’ily faut mêler , & encore quelque chofe

nous prétendons taire un ^^l^^tq^re fer vices, fans compter le (Èiîert. J’ai la tête û remplie- de ~ toutes ces belles chofès » que je vous en ppurrois faire un long entretien ; mais c’eil uhe ntatiere trop creujè fur le papier , outre que n’étant pas bien confirmé dans cette fcience»je pourrois bien faire quelque pas de clerc» fij’eaparlois encore longtems. ^

DK R A C I N t. ($9.

Je vous prie de m’envoyer les Let- tres Provinciales. Nos Moines font de fots ignorans , qui n’étudient point du tout; aulfi je ne les vois jamais, & j’ai conçû une certaine horreur pour cette vie fainéante de Moines , we je ne pourrai pas biêïrdlHimuler. Pour mon oncle il eft fort f^e,forc habile hmnme, peu Moine , & grand Théologien. On parle beaucoup d’ua Evêque qui elt adoré dans cette pro- vince. M. Je Prince de Conti ( i ) va bire fes Pâques chez lui.

Je vous dirai une petite hiftoire allez étrange. Une jeune fille d’Uzés , qui JogeoitaSez prés de chez nous ,s’em- poifonna hier elle-même, avec de 1*»:- lènic, pour fe vanger de Ibn pere , qui l'avoit querellée trop rudement : da relie elle étoit très fage. Telle elt l’humeur des gens de ce pays-ci ; ils portent les palfions au dernier ex- cès.

«

Je tvàs fott ferviteur de la beHe Manon^

Ët de la petke Nanon #

U étek Gottfccnctti 4a I4B|iic4pc,’

70

Lettres

Car je crois que c'efllà le nom Dont on nomma votre fécondé : Et jefaiueauffi ce beau petit mignon

Qui doit bientôt venir au monde.

A U M E S M £• .

>

Le 6. Juin.

MOn onde efl encore malade, ce qui me toucbe fenfiblement ; car je vois que fes maladies ne vien* ment que d’inquiétude & d’accable- ment : il a mille affaires toutes em* barraffantes ; il a payé plus de trente mille livres de dettes , & il en décou- vre tous les jours de nouvelles : vous diriez que nos Moines avoient pris plaifir à fe ruiner. Quoique mon on- cle iè tue pour eux , il reconnoîc de plus en plus leur mauvaife volonté ; & avec cela, il faut qu’il diflimule tout. M. d’Uzés témoigne toute for- te de confiance en loi , mais il n’en attend rien : cet Evêque a des gêna affamés à. qui il donne tont. Mon on-

b s R A c I M E. 7r cleeft/i lalléde tant d’embarras , qu’il me prefla hier de recevoir Ton -fiéné* ficepar réOgnation. Cela me fit trein« hier, voyant l’état font les affaires , & je fus bien lui repréfenter ce que c’étoit que de s’engag» dans des pro- cès, & au bout du conte demeurer Moine fans titre & fans liberté , que loi-même -dl le premier à m’en détour- ner; outre que je n’ai pas l’âge, par- ce qu’il faut être Prêtre : car quoi- qu’une di(j>enre foit aifée, ce feroit nouvelle matière de {U’ocès. Enfin il en vient jufques-là , qu’il voudroie trouver un Bénéficier féculier qui vou- lût de Ibn Bénéfice , à condition de me réfîgner celui qu’il auroit. 11 efi: réfblu de me mener à Avignon , pour me faire tonfurer , afin qu’en tout cas , s’il vient quelque Chapelle , il la puif- le impétrer. S’il venoit à vacquer quel- que chofe dans votre difiriâ , fouve- nez-vous de moi. Je crois qu’on n’en murmurera pas à Port-Royal , puifi* qu’on vok bien que je fuis ici dévoué à l’Eglife. Excufez fi je vous impor- tune , mais vous y êtes accoutumé.

L £ T T R s s

(

m

AU M E S.M E.

Le 13. J»».

J’Ecrivis la feniaine palTée à D. Cô> me , pour le difpofer à nous aban> donner le Bénéfice ; il répond qu’il efi; fl fa bienféance : il feroit à ma bien* iéanoe autant qu’à la fienne. La mé« chante condition que d’avoir^aiiaSe ÿTTTôme ! je crois que cet homme- efi: pour ruiner toutes mes af- fiiires.

On fait ici la moiiïbn : on voit un tas ^ de moifibnneurs rôtis du foleil , qui travaillent comme des démons , & quand ils font hors d’haleine , ils le jettent à terre au foleil même , dor- un moment , & fe relevent auC^ iitôt. Je ne vois cela que de mes fe- nêtres : je' ne pourrois être un mo- ment dehors fans mourir , l’air ell aufiS chaud que dans un four allum^ Pour m’achever , je fuis tout le jour étourdi 4’une infinité de Cigales , qui ne font ^ue chanter de tous côtés > mais d’ua

chanç

DK R A C 1 N *. 7^

chant le plus perçant & le pins im> portun du monde. Si j’avois autant d’autorité fur elle qu’en aycHt le bon Saint François, je ne leur dirois pas comme lui , Chantez, fiMfatHr U Cigale ; mais je les prierois bien fort de s’en aller faire un tour jufqu’à la Ferté> Milon , ü vous y êtes encore , pouir Vous faire part d’une belle harmonie.

Notre Évêque a toujours Ton pro> jet de Réforme ; mais il appréhende d’aliéner les efprits de la Province ; il fe voit déjà défèrt , ce qui le fâché ; il recohnoît bien qu’on ne fait la cour dans ce pays-ci, qu’à ceux dont on attend du Uen : s’il établit une fois la Réforme , il fera abandonné même de Tes valets. On lui impute qu’il aimé à dominer, & qu’il aime mieux avoir dans Ton Fglife des Moines , dont il prétend difpolèr, quoique peut-ôtre il fe trompe , que des Chanoines fôcu« liers , qui le portent un peu plus haut. Les politiques en ces fortes d’anaireé difent que les particuliers font plus maniables qu’une Communauté, & que les Moines n’ont pas toutedéfé; len^ce pour les Evêques. . ^

T*me /.

n

JL E T T R B f

A M. VASSEUR.

Vzit U 4. Jtùilet i66t.

aüe vous tenez bien votre gra- vité Efpagnole \ Il paroît bien qu’en apprenant cette langue, vous ‘âvez pris un peu de l’humeur de la nation. Vous n’aHez plus qu’à pas con- tés , & vous écrivez une Lettre en trois mois. Je ne vous ferai pas davan- tage de reproches, quoique j’êufle' Bien ïéfolu ce matin de vous en faire, l’avais étudié tout ce qu’il y a de plus tude & de plus injurieux dans les cinq langues que vous aimez ; mais votre Lettre eâ; arrivée à midi , & m’a fait perdre la moitié de ma colère. N’étes- Vous pasfort plaifant avec vos cinq lan- gaesfV ousvoudfiez juilementque mes Lettrés fufiènc des Calepins , & enco- re des Lettres galantes , pour amuler vos Dames. Ne croyez pas que ma Bibliothèque foitfort grofle ; le nom- bre de mes livres eft très-borné, en- core ne fbnt ce pas des livres à con*

1

» B K A e I M B.' Vft ter dearettes : ce font des Sommes de Théologie Latine , Médications Efpagnoles , Hîftoires Italiennes , Pe« res Grecs , & pas un François : voyez je trouverois quelque chofe d’a< gréable à vos Belles.

Entretenez toujours Mademoifelle Vitartdans l’humeur de recevoir de mes Lettres ; je crains bien qu’elle ne s’en ennuie, Tvrtjne mi raxane$ nt deven fer manjétr par tan fitbtil entendimient* çmoelfi^e.

. M. de la Fontaine m’a écrit , & me mande force nouvelles de Poêfîe, & fur*tout de pièces de théâtre. Je m’é- tonne que vous ne m’en difiez pas un mot : il m'exhorte à faire des Vers , je lui en envoie aujourd’hui ; man- dez- moi ce que vous en penferez , de ne me payez pas d’exclamations , au- trement je n’enverrai jamais rien. Fai- tes des Vers vous-roéme, & .vous verrez fi je ne vous manderai pas au long tout ce que j’en pourrai dire. Envoyez mes bains de Venus à M. de la Fonuine.

Mes affaires n’avancent point ,ce qui me délefpere.|e cherche quelquefujeC de théâtre, &.je Ibrois afièz difpofé

Di

" L‘ * T T E S à y travailler ; mais j’ai trop de ftijet d’être mélancolique , & il faut avoir refprit plus libre -que je ne l’ai : aufli* bien je n’aurois pas ici une perfonne comme vous pour me lècourir. Et i’il faut un paflage Latin pour vous mieux exprimer cela, je n’en faurois trouver un plus propre que celui-ci : îJihil rnihi nmefcito tant deejfe qnam hè~ mifiem eirnty tjHtctm tmnia me ad alitjua afficimtt , Huacommmicem ^ qui mt omet , qui fapiat, ^Htenm ego colloquar^: ttihilfingam , nihii diffimulem ; mh$l ebte- &e. Quand Cicéron eût été à Uzés , & que vous euiliez été à la pla* ce d’Atticus, eât-il parler autre' ineat?

Je vous dirai , pour finir par l’en- droit de votre Lettre , qui m’a le plus Atisfait , que j’ai pris une part véri- table à la paix de votre famille , & je vous alTôre que quand je ferois ré- concilié avec mon propre pere , fi j’en' avois encore un , je n’aurois pas dté plus aile qu’en apprenant que vous étiez remis parfaitement avec le vô- tre , parce que je fuis perfuadé que vous vous en eûimez parfaitemeoc heureux. Adieu.

/

I

3>E RieiNX. if

h M. VITART.

Zhtés U 9 JuiUct i66st.

VOcve Lettre m’a fait un grand bien , & je palTerois aflez don-n cernent mon tenu , fi j’en recevois fou*! vent de pareilles, je ne f^ache rien qui ' me puiilè mieux confoler de mon éloi' gnement 'de Paris ; je m’imagine mê> me être au milieu du Parnafle , tant vous me décrivez agréablement tout ce qui s’y paSfe de plus mémoiable » mais je m’en trouve fort éloigné , dt c’eÆ fe mocquer de moi , que de me porter, comme vous faices,à y retour» ner ; je n’y ai pas fait alTez de voyages pour en retenir le chemin , & ne m’en louvenant plus , qui pourroit m’y re» mettre en ce pays-ci ? J’aurois beau invoquer les Mufes elles font trop loin pour m’entendre ; elles font toû». jours occupées auprès de vou^ autres Meffieurs de Paris : il arrive rarement qu’elles viennent dans les Provinces t on dit même qu’elles .ont fait ferment

7? L E T T R E al de n’y plus revenir , depuis l’infolence de Pyrenée. Vous vous fouvenez de cette hilloire.

*

Cétoit an fiuneux homicide, n javoit conquis la Phocide,

Et faifoit des courfes , dit-on , Jufques au pied de rHélicon.

Un jour les neuf fjavantes Sorats» Aflèz près de cette montagne, S’amulknt i cueillir des fleurs , ' Se promenoient dans la campagne»

Tout d’un coup le Ciel fe couvrit » Un épais nuage s'ouvrit,

U plut à gnmds flots , de l'onze Les mit en mauvais équipage.

Le barbare aflèz près dC'Ià Avoir établi fa demeure,

U le vit, 6c les apella.

Vous fçavez la fuitè , vous fçavez que ce malheureux Pyrenée voulue faire violence aux Mules , & que pour les en garantir, les Dieux leur donnèrent des ailes, de elles revôléient aufli- tôt vers le ParnaiTe.

RâeiNS. yp

Lorfqa’elles fuient de retour ^ Coniidérant le mauvais tour Que leur avoir joué cet infidèle Prince , Elles firent ferment que jamais en Provjnce £Uer ne- fooient leur £éjour«

Ea eiBfet fe trouvant des ailes fur le dos» Elles jugèrent à propos Des*en aller à même heure Ob Pallas.fiüfoit la demeure.

Elles 7 demeurèrent long-tems ;

Mais lorlque lesRomaîns devinrent édatan^ Etqu'ils eurent conquis Athènes , Les Mules le firent Romaines.

Enfin par Tordre du deftih ,

Quand Ronse alloit en décadence^ Les Mufes au Pays Latin Ne firent plus leur réfidence»

Paris le liège des Amours ,

Devint aufli celui des filles de mèmoirci Et Ton a grand lujet de croire Qu'elles ÿ refieront toûjours.^

/Quand jq parle de Paris , j’y comprens /les beaux pays d’alencour ; car elles en : lorienc de tëms en tems pour prea-

D 4

S6 Lettres dre l’aîr de la Campagne.

Tantôt Fontainebleau les voit Le long de fes belles cafca'des: Tantôt Vincennes Iles reçoit Au milieu de fes palifTades.

Elles vont fouvent fiir les eaux.

Ou de la Marne ou de la Seine :

« Elles étoient toûjours à Vaux >

Et ne Font pas quittdûuis peine.

»

Ne CToyez pas pour cela que les Pro> vinces manquent de Foëtes , elles en ont en abondance:mais que cesMufes font differentes des autres ! Il eft vrai qu’elles leur font égales en nombre, & le vantent d’être prefque auffl ancien* nés , au moins font-elles depuis long* tems en poffeffiondes Provinces. Vous ^êtes en peine de fçavoir qui elles font : fouveoez-vous des neuf filles de Pie- rus ; leur hiffoire eft connue au Par- nalle, d’autant que les Mules prirent leurs noms après les avoir vaincuè’s , comme les Romains prenoient les noms des pays qu’ils avoient conquis. Les filles- de Pierus furent changées en Fies.

DE Racine. 8t

Ces oifeaux plus importuns Mille fois que les Chouettes ^

Sont caufe que les Poètes ^

Sont devenus fi communs»

Vous fçaves» >que toutes Pies Dérobent fort volontiers:

Celles^-ci comme Harpies Pillent les livres entiers»

On dît même qu^à Paris Ces faufies Mufes font rage»

Et que force beaux efprits Se font à leur badinage.

Lorfqu'elles font attrapées Les ailes lèurs font coupées»

Et leurs larcins confifquésr Et pour finir cette hifioire».

Tels oifeaux font reléguée De-là les rives de Loire-

Cell Furetîere relegue lèur géri^ . ral Galimatbias » & il e(l bien jufte qu’elles lui tiennent compagnie ; mais je ne fonge pas que vous me condam*^ lierez peut-être à y efemeurer comme elles» Éneffet j’ai bien peûf que ceci

. 92 L E T T & & s

n’aprOche fort de leur fbyle , & qt ^ous n’y reconnoiOiez plûcôt le caqui |impoctun des Pies , que l’agréable fac des Mufes. Renvoyez-mot ceti bagatelle des bains de Venus n mandez ce qu’en- penfe votre Acad' mie deCbâteau-Thiery , fur-tout M demoifelle de la Fontaine. Je ne 1 demande aucune grâce pour mesVet Qu'elle les traite rigoureurement;ma qu’eUe me fafie au moins la grâce 4’ gréer mes refpeéts.

A U M E S M E. '

, Ji Vfix. le x$ SnilUt i66z.

Votre derniere Lettre m’aextr memenc confolé , voyant q; TOUS preniez quelque pajr à l’affli tion ou j’étois de la trahifon de D. C< me. Je ne lui écrirai plus de ma vii & je ne parlerai plus à mon onde < réugnation , parce que j’ai pe^r qu ne me croie interrefré. Cependant doit bien s'imaginer que je ne luis p; venu de û loin pour ne rien ^goe

V É R A C I K k. f|

Jelai ai jufqu’ici tant témoigné de fou> inîfüon & d'ouverture de cœur , -qu'il à crû que je voudrois vivre avec lui long-tems de la forte , fans aucunein* tendon, fur fon^énéfice ; ( ï ) je von- drois bien, qu’il euttoûjourscettebon* ne opinion de moi. II n’y a rien à faire auprès de M. l’Evêque: il donne à Tes gens le peu de Bénéfices qui vacquent

•r t

ici.

. Je fuis fort allarmé de votre refroi- difleraent avec le pauvre Abbé le Vaf- /èur;ceia m’affligeroit au dernier point ■ii je ne f^avois que Votre amitié eft -.trop forte pour être fi long-tems re- froidie , & que vous êtes trop, géné- ^ reux r.un & fautre pour ne pas pafi for par deflûs de petites chofes, qui - peuvent avoir caufé cette méfintelli-y gence. Je fouhaite que cèt accord fo* fafie au plûtôc : ayez la bonté de m’eib mander au(fi-tôt la nouvelle ; car je mourrois de déplaifir^fî vous rom- piez tout-à-fait , je pourrois bien dire comme Chiméne »

* ^ I > Il avoue ingénument fes (eniimcnt^ U avoU\ Mande envie du Bénéfice ; 4a néoefitté de fe- fairt^Ké* ffuller l'dffnypit. Cependant uoe ptosnande nêÜB&é 1*011 Mit QOnÜBBût isiottt s

JUt ffloitléde ma vie anus fautie au tom*

bMU.

«

Mais vous n’en viendrez pas juf- qu’à cette extrémité ; vous êtes trop pacifiques tous deux.

J’ai peine à croire que Mademoi* felle Vitart ait la moindre curiofité de voir quelque chofe de moi , puif> qu’elle ne m'en arien témoigné: vous fçavçz bien vous-même que les meil- leurs efprits le trouveroient embar- raflés ) s’il leur falloir toûjours écrire, fans recevoir de réponfe. £crivez-moi fouvent, vos Lettres me donnent cou- rage , & m’aident à pouilèr le tems par l’épaule , comme on dit dans ce pays-ci.

M. le Prince de Conti efi à trois lieuè's de cette ville , & fe fait furieufe- ment craindre dans la Province; il fait rechercher les vieux crimes , qui font en fort grand nombre : il a fait empri- fonner plufieurs Gentilhommes^ & en a écarté beaucoup d’autres. Une trou- pe de Comédiens s’étoit venu établir dans une petite ville proche d’ici, il

lesachafféS} ilsofit xépapleiüi^

DE Racine. 85' ne. Les gens du Languedoc ne font pas accoûtumés à pareille réforme. Il f^uc pourtant plier.

Je ne fçaurois écrire à d’autres qu’à TOUS aujourd’hui , j’ai rèfprit embar* ralTé ; je ne fuis en état que de parler procès , ce .qui fcandaliferoit ceux à qui j’ai coutume d’écrire : tout le mon*

. de n’a pas la patiencè que vous avez pour fouffrir mes folies : outre que mon oncle eH: au lit , & que je fuis fort aflSdu auprès de lui , il e(l tout* à-fait bon, & je crois que c’eflle feid de fa Communauté qui ait l’ame ten* dre & généreufe. Je fouhaite qu’il faf> fe quelque chofe pour moi ; je puis ce- pendant vous protefter que je ne fuis pas ardent pour les Bénéfices ; je n’en fouhaite que pour vous payer au moins quelque méchante partie de tout ce que je vous dois. Je meurs d’envie de voir vos deux Infantes, '

Un Gentilhomme voiün de cette ville annonçoit avec tant de confian* ce, que l’enfant dont fa femipe dévoie accoucher feroit quelque chofe de grand | que je m’attendois à voir naS* tre dans le château quelque géant ; &

il û’eü fille» Ce a’eft pu

L s T T s E s qu‘une fille foit peu de chofe , m ' )e pere parloit bien plus haut ; c lui apprend à s'humilier. |'aioQi'd à un Prédicateur, que Dieu chani roit piûtôt un garçon en 61ie av; qu’il futné,que de ne point humil tin homme qui s’en fait accroire, n’ed pas qu’il y aie du miracle di l’affaire de ceGentilhomme,& je cri fort bonnemenequ'il n’a eu que ceqi a fait. Adieu.

A M. LE VASSEUR. 'A Pont,

La renmmU a été afJèz heureui ( 1 ) M. le Comte de Saint Aigm la trouve fort belle ; il a demandé m autres ouvrages, & m’adêmandémt même: je le dois aller faluer demain. ^ ne l’ai pas trouvé aujourd'hui au lev<

D E R A C I N B. , 87 du Roi: mais j’y ai trouvé Molière , à qui le Roi a donné ailèz de loüan< ges ; & j’en ai été biep aife pour lui : il a été bien aile aoffî que jj fulTe pre* fent.

LesSuifles iront Dimanche à No> tre>Dame ; & le Roi a demandé la Co« médie pour eux à Molière , fur quoi M. le Duc a dit qu’il fuffifoit de leur donner jrtt Rhii bien enfariné, parce qu'ils o’entendoient point le François.

Adieu : vous voyez que je fuis à de* .mi courtifan , mais c’emà mon gré un métier allèz ennuyeux.

Pour ce qui regarde les fnrts^ ils (bns avancés : ( i ) le quatrième a6ie étoit fait, mais je ne go ûtois point toutes fes épées tirées ; ajnfi il a falta les faire rengainer , & pour cela ôter plus de deux cens vers , ce qui n’eft pas aifé.

1 1'} 11 parle de la Tragélie dct Frexes ettnemit.

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Lettre?

AU M E S M e.

J)e Tmt.

\

Ne vous attendez pas à aprendre de moi aucune nou velle:car quoi* que j’aie tout ce qui s’efl: pàiTé à Notre-Dame avec Melüeurs les Suif* fes , je n’ofe pasufurperfur le Gaze- tier l’honneur de vous en faire le récit.

J’ai tantôt achevé ce que vous fçavez , & j’efpére que j’aufai fait Dimanche ou Lundy : j’y ai mis des Stances qui me fatisfont alTez ( i ) $ en voici la première ^ je n’ai point de meilleure cbofe à vous écrire.

Cruelle Ambiticm dont la noire malice

Conduit tant de monde au trépas j Et qui feignant d’ouvrir le trônefous nos pas Ne nous ouvres qu’un précipice^ Que tu caufes d’égaremens !

Qu’en d’étranges inallieurs tu plonges tes amans I

(.() VM d n%afiit Atiifiûti «Tcc

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i

SE Racine. 8p

, Que leuts ckûtes font déplorables ! Mais que tu fais périr d’innocens avec euz>.

B tu fais de miférableç mt un ambitieux!.

C’eft on lieu commun qui vient bien à mon fujet , ne le montrez pas. Adieu,jefoühaite que ma Stance vous tienne Keu d’une bonne Lettre. Mont- fleury a fait une Requête contre Mo* f' . Hère , & l’a prefentée au Roi , li ac* cu(e Molière d’avoir époufé fa pro*. pre fille; mais Mont-âeury n’efl point, écouté à la Cour.

A ü M E S M E.

JDr Pdrtt,

JE n’ai pas grandes nouvelles à vous mander : je n’ai fait que retoucher continuellement au cinquième Aêle ; il eft achevé : j’en ai changé toutes les Stances avec quelque regret. On m’a dit gue ma Princeffe n’étoit pas en tuatioa de s’étendre for des lieux com>

«

90 LETTVEi^ rouns : j’ai donc toat réduit; à trois Stances, & j’ai ôté celle de l’Ambition^ qui me fervira peut-être ailleurs.

On annonça hier la Thébaïde à FHÔtel; mais on ne la promet qu’a- prés trois autres pièces.

Je viens de parcourir votre belle & grande Lettre , j’ai trouvé des difficultés qui m’ont arrêté. Je fuis pourtant fort obligé à l’Auteur des Remarques , (’ i ) & je l’elÜme in- finiment. Je ne fais s’il ne me fera point permis quelque jour de le con- noitre. Adieu , Monueur.

'fl) Cet endroit eit remarquable, il parle des cri- tiques iîir (bti Ode de la Renom mée *, faîtes'par Boi* leau, à qui M. le Vailbur avoit montré cette Odes. Ces critiques lui infpiféreiit de l'eftimepour Boileau , de une grande envie de le connoltre* M- le Vallcuz le mena chez Boileau , 6c dans cette premteie viûie. eDmmcnfa leux famcoie le conftame anûtié.

91

AVERTISSEMENT.

' \

ON verra dans les Lettres fuivances, tout commun encre les deux hommes qui s’écrL vent , amis, intérêts , fencimens, ôc ouvrages. On verra auffi mon Pere plus occupé à la Cour i de Boileau que de lui-même. Cette union,qui a duré près de quaran» te ans « n’a jamais été un ^ul jour refroidie.

: Les premières Lettres furent écrites dans le tems que Boilean ctoit allé â Bourbon , les Mé> decins l’avoient envoyé prendre les eaux : remède aflez bifarre (pour une excinâion de voix. Il î’avoit perduë entièrement , de tout>àrCoup , à la fin d’un vio> lent rhume : & fe regardant com» me un homme inutile au monde , il s’abandonnoit à fon a£Bidi<»u

AVERTISSEMENT,

Mon Pere le conloloit , en l’alTu* ranc qu’il recrouveroic la voik comme il l'avoit perduë, & qu’au moment qu’il $*y atcendoit le moins , elle reviendroic. La pré- diâion fût véritable : les remè- des ne firent rien , & la voix fik xuois après , revint tout-à-coup.

Les autres Lettres font {Mreique toutes écrites dans le tems^que mon P ere fui voit le Roi dans fès Campag^es^Boileaune pouvant à caufe de la foiblelTe de làn^ , avoir le même honneur ,jlba' Ccdlégue dans Pemploi d’écrire cette Hiftoire t àvoft attention de l’inftruirè de tout ce qui le palToit. Il lui écriypit à la hâte ,■ & Boileau lui répondoit de mdi me. Ces Lettres dans lefquelles. ils ne cherchent point l’efprit» font connoîcrc leur coeur.

SECOND RECUEIL-

«

LETTRES A BOILEAU,

Et les Rèponfes de Boileau.

DE BOILEAU.

^ Boutim U II. Juillet.

jTl’Ai été faigné , purgé , &c. & il ne manque plus aucune des forma* Imalités précenduès néceflaires pour prendre les eaux. La médecine que j’ai prifè aujourd’hui , .m’a fait , à ce qo’on dit , tous les biens du monde ; car elle m’a fait tomber quatre ou cinq fois en foiblefle , & m’a mis en tel état qu’à peine je puis me foûte- nir. C’elx demain que je dois com* xnencer le grand chef d’œuvre ; je veux dire que demain je dois corn*

^4 Lettres os BeiLSAV mencer à prendre des eans. M. Bour» ^ier , mon Médecin , me remplit toû- jours de grandes efpérances ; il n’eft pas de l’avis de M. Fagon pour le î[)ain , & cite même des exemples de gens qui loin de recouvrer la voix par ce remède , l’ont perduê pour s’ê- tre baignés : du relie on ne peut pas faire plus d’eltime de M. Fagon qu’il èn fait, & il le regarde comme l’Ef culapë de ce tcms. j’ai fait connoif- fance avec deux ou trois malades , qui valent bien des gens en fanté. Ce ne fera pas une petite affaire pour moi que la prilè des eaux , qui font , dit- on , fort endormantes , & aveclef- Iquelles néanmoins il faut abfolumenc Vetnpêcher de dormir : ce fera un noviciat terrible : mais que ne fait>on point pour contredire M. Charpen- tier ? ( I )

Je n’ai point encore eu de tems pour me remettre à l’étude , parce que j’ai été allez occupé des remèdes, pendant lefquels on m’a défendu , lur-tout , l’application , les eaux , dit-

( I } Il diffiuoU Ibaveu i l’Aeadcmie cMUe M. Chaifcntict.

* T » B R A C I H S. Ç<f en ^ me donneront plus de loîHr , & ipourvû que je ne m’endorme point, on me laifle toute liberté de lire , & même de compolèr. Il y a ici un Tré- forier de la Sainte Chapelle, qui me vient voir fort fouvent ; il elt hom- me de beaucoup d’efprit, & s’il n’a pas la main G prompte à répandre les bénédiâioBS que le fameux M. Cou- ; tances , il a en récompenfe beaucoup ' plus de Lettres <St de folidité. Je fuis toûjours fort affligé de ne vous point voir j mais franchement le féjour de Bourbon ne m’a point paru , jufqu’à préfent, fi honible-que je me l’étois imaginé: je m’étois préparé à une fi grande inquiétude , que je n’en ai pas la moitié de ce que j’en croiois avoir. Je n’ai jamais mieux conçâ combien voiis aime , que depuis .notrê'trîHÇ^ réparation. Mes recommandations au 'Félix , ât je vous fuplie , quand même je Taurois oublié dans quelqu’une de mes Lettres , de fup- pofer toujours que je vous ai parlé de lui , parce que mon cœur l’a fait , il ma main ne l’a pas écrit.

çf6 Lettres de Boileav

A BOILEAU.

»

Taris le 25. JstilUt,

\ *

JE commençois à m’ennuyet beau- coup de ne point recevoir de vos nouvelles , & je ne favois même répondre àquamité de gens quim’en demandoienc. Le Roi , il y a trois jours, me deihanda à Ton (fîner , com- ment alloit votre extinftion de voix: je lui dis que vous étiéz. à Bourbon. ^Monfleur prit àufii-tôt la parole , & me fit là-delTus force queftions , auf- ^fi-bien que Madame j & vous fîtes l’entretien de plus de la moitié du dî- ner. Je me trouvai le lendemain fur le chemin de M. de Louvois , qui me parla aufli de vous ; mais avec beaucoup de bonté, &. me difant eu propres mots , qu’il étoit très- fâché que cela durât fl long-tems. Je ne vous dis rien de mille autres qui me parlent tous les jours de vous ;& quoi- que j’efpere que vous retrouverez l^en-tôt votre voix toute entière ,

vou«

B T » E B. A C t N E.'

VOUS n’en aurez jamais affez pour fuf> fire à tous les remercimens que vous aurez à faire.

Je me fuis laUTé débaucher par M. Félix pour fuivre le Roi à Mainte-’ non : c’efl un voyage de quatre jours. M. de Termes nous mène dans foa carofle : & j’ai auffi débauché M. HeUein pour faire le quatrième : il fe plaint toujours beaucoup de lès va-\ peurs, & je vois bien qu’il efpere ibulager par quelque dilpute de Ion- j gue haleine ; ( i ) mais je ne fuis guè- re en état de lui donner contente- ment, me trouvant aflez incommodé de ma gorge , dés que j’ai parlé un pea ' de fuite. Ce qui m’embarrallè , c’eli: que M. Fagott, & pIuGeurs autres Médecins trés-habiles , m’av.oient or- donné de boire beaucoup d’eau de Sainte Reine , & des ptifannes de*

( chicorée. Et j’ai trouvé chez M. Ni- HÈBRr anTSÆédecin qui me paroît fort. 6nfé , qui m’a dit qu’il connoiiToic mon mal à fisnd;. qu’il en âvoitdéja

'J. ^ ^ < Jcat ami comoit» » fie Frc«

de la Sablière , avoit beaucoup d*cf- pffit 'lc de Lettitf : maii.U aimoit à difpiitcc fil i «olurtdire.

Tmf /, Ë

^ ti« T T ECt IIFE B 01 L 1 AV ;^uéri plufieurs^ & que je ne guérir aeois jamais , tant que je boirois ni eau aii ptifanne j que le feul moyen de Ærtir d’afiàire^ étoit de üè boire que ^ur la feulé nécelfité , tout - au» plus pour détremper ‘les alimens dans Teftomach. Il .a appuyé cela de quel* ^ues Taifonnemens qui m’ont para aflez folides. Ce qui eft arrivé de-là^ «’eft que je n’exécute., ni Ton otdoo- Aance , -ni celle de M. Fagon .* je ne jne noyé plus dleau comme je fai» ilbis, je bois à ma foif , & vous jugez ;biei) que par le tems qu’il fait , on a tbt^ours foif ; cîeft à - dire franche* vienc^ que je me fuis remis dans mon train de vieotdm«re je m’en trou- ve aflèz bien. Tje même Médecin m’a aflbré que fi les eàus de Bourbon ne k «dus guériiToient pas , il vous guéri- ncdt infailliblement; Il m’a cité l’e-j xemple d’nn Chantre de Notre » Di-j me , à qui nn rhume avoit Êiit per- dre iémieronent la -vo» -d^uis lîx mois vi& ü étoit prêt de ie retirer p ceJMédedn l’entreprit , & avec une' ptilànne d’une herbe qu’on apelle , crois , , le tira d’affaire , "ss

W teile forte que non-feulemeat il’

%t os RâeiKE. ^

sarle , mais il chante , & a la voix auf* V forte qu’il Fait jamais eue. J’ai con- té la chofè aux Médecins de la Cour : ils a voilent que cette plante d’^ti/g- rntum eft très-bonne posflâ'poitnne ; mais ils dilênt qu’ils ne trroyoient pas qu’elle «ût la vertu que dit mon Mé- ^écin. C’eft le même qui a deviné Je mal de M. Kicole : ( i ) il s’apel- Je M. Morin\, & il efl; à Mademoi- Jèlle.de Guilê. M. Fagon ^ fait un fort grand cas. J’efpere que vous n’aurez pas befoin de lui ; mais tou- jours cela eft bon il favoir : & fi le malheur voidoit que vos eaux ne fif- fent pas tout l’effet que vous fouhai- tez t voüà encore une affez bonne confolation que je vous donne. Je ne vous manderai pour cette fois d’au!> très nouvelles que celles qui regar- dent votre fauté & la mienne.

ftj II étolt de TAcadémie des Sciences» de (bu dloge cft im des f Kiuiefi de «ei» qu'a fait dA JEMttaBlie.

too Lettres de Boiliav

DE BOILEAU. .

A Buirion ie 29.. Juillet.

SI la perte de ma vojx ne m’avoit fort guéri de la vanité , j’au- Tois été très fenfîble à tout ce que TOUS m’avez mandé de l'honneur que[ m’a fait le plus grand Prince de la ter*; re, en vous demandant des nouvel*! les de ma fanté. Mais l’impuiflaa* ee ma maladie me met de répon* dre par mon travail à toutes les bon- lés qu’ilme témoigne , me fait un fur Jet de. chagrin , de ce qui devroit fai- re toute ma joye. Les eaux jufqu’ici m’ont fait un fort grand bien , fui- vant toutes les réglés , puifque je les ^ends ' de relie , & qu’elles m’ont , .pour ainû dire , tout fait fortir du V «orps,exceptéla.maladiepour laquei-^ le je les prens. M. Bourdier , mon ^ Médecin , foutient pourtant que j’ai la voix plus forte que quand je fuis arrivé.: & M. Baudierre , mon Apo- cicaire , qui encore meilleur jur

F

BT DE RACINEr fOC

ge qae IhL puifqu’il eft fourd , pré- «fend âiiîmamême chofe j mais pouf moi je fuis perAiadé qu’ils me flat- tent , ou plûtôc qu'ils k flattent eux- mêmes. Quoi qo’il en fbit, l’irai JuA qu’au bout , & je ne donnerai point occafîon à M. Fagon & à M. Félix de; dire que je me fuis impatienté. Au pi$ aller nous elKiierons cet byv.er YEri- fàmm: moD Médecin. & mon Apo- ticaire » àqni j’ai montré l’endroit de , votre Lettre , vous parlez de cet- te plante , ont témoigné tous deux en faire grand cas j mais M. fiourdier prétend qu’elle ne peut rendre la voix qu’à des gens qui ont le goiler attai» .1 qué ydt non pas à on homme comme / moi , qui a tous les mufcles embar-'^ Taifés. Peut-être que fi j’avoisle go<> zier malade , prétendroit-il que Y EH' firnurn ne fauroit guérir que ceux qui ont la poitrine attaquée. Le bon de ]*afiàîree(l qu’il perfide toujours dans la penfée que. les eaux de Bourbon me rendront bientôt la voix ; fi cela arri- ve , ce fera à moi , mon cher Mon- fieur, à vous confoler, puifquede la maniéré dont vous me parlez de.vo-' cre mal de gorge , je doute qu’il puif*

E 3

102 Lettiss oe BoiiEixr fe être guéri fitôt , fur-tout fi vont ■vous engagez en de longs wyageï avec M. Heffein. Mais laiflèz-moi fai- re, fi la voix me revient, j’efpéredc vous foulager dans les difputes que vous aurez avec fui , iauf à perdrq^ encore une fécondé fois pour voua . rendre cet ofiSce. Je vous prie pour- taiit de lui faire bien des amkiés de ma part , & de lui faire entendre que fes contradiâions me feront tou- jours beaucoup plus agréables que lea complaifences & les aplaudifTemens fades des amateurs du bel Efprit. U a’eft trouvé ici parmi les Capucins un de ces amateurs qui a fak des Vers i ma loüange. padmire ce que c’efe que des hommes. Vtimtas mn»f» vdnit4s. Cette fentence ne m'a jamais paru fi vraîe qu’en fréquentant cea bons & cralTeux Peres. Je fuis bieft fâché qiie-vourne fbyéz point enco- re établi à Auteuil , , Tpfite ipfrhâe voe^héutti c’eft-à-dire, 'OÙ mes des deux puits ( i J & mes abricotiers vous apellent.

(1) Il n'avoit pas d'autres eaux dans ccUe pc.ûtt inaifoa dont il faifoit Tes délices*

f

f

Y T v .B K A e r H S. to)fi

Vous faites rrès-bien d’aller à Main*- * cenon avec une- compagnie auffî agréable qur celle dbnt vous me parr lez , puifque vous y trouverez votre utilité Si. votre plailiri. Qpme tufip'

pmEltm , &CV-

Je n’ai deviner Cfitiqne que vous peut faire.M. l’Abbé Tailemanr for l’Épitaphe^ N’eft- ce poinr qu’il* prétend que ces termea , Ùfitt t$ornmf^, Kmblent dire que l<( Roy Louis XIIR a tenu M. lo TeHier fur les fonts- de'

Jfoptênie ; m> bî^ ms c’éft tnÿ di^^-

.que le Roy choiut pour remplir la charge,,^, parce que c’eft la charge qui a rempli M. le Tellier y Sc non pas M; le Tellier qui a rempli la charge-: parla même raifon que c’eft la ville qpi entoure lés ft^a- » ^ non pas ies folTés qui encourent la- ville. G’ell à vous à m’expliquer ceo- te énigme.

Faites bien, je vous prie^esbaiiè* mains au P. Bouhours , & à- tous nos amis ; mais fur-tout térooignezhien k I M. Nicole la profQade,véaàration que I j’^1 P°°F, fon mérite pour la finir - *'^cîté fes moeurs t encore plus adr nûr abJe que fon mérite. V oilà , ce ms

£ 4

104 Lettres de Bdiieeu femble,uneafle2 longue Lettre pour vn homme à qui on défend les Ion* goes aplications. J'ai appris par la Ga* zette que M. l’Abbé de Choify étoit agréé a l’Académie. Voici encore une vo!e que je vous envoyé pour lui , ^ les trente-neuf ne fuffifent pas. Adieu , aimez moi toujours, & croyez que je n’aime rien plus que vous. Je paf- fe ici le tcms , Sic m av vrimus tm poffm.

m

A BOILEAU.

lAférU et 4. A^»

JE n’ai point encore M. Fagon depuis que j’ai re$û de vos nou* Telles : oOi bien M. Daquin , qui trou- ve fort étrange que vous ne vous foyez pas mis entre les mains de M. des Trapieres: il eil même bien en peine qui peut vous avoir adreiTé à M. Bourdier. Je jugeai à propos , tant il étoit en colère , de ne lui pas dire tin mot de M. Fagon.

^ J'ai fait le voyage de Maioteooo ,

«

ST SS R A e I H S. 105 &ftris fort eofitenc des ouvrages qpe. j’y ai vûs ; ils font prodigieux , & di>

fies en vérité de la nlagnificence du oi. Les arcades qui doivent joindre les deux montagnes vis-à-vis Mainte^* non , font prefque faites , ü y en a qua-, rante-huit,' elles font bâties pour l’é» ternité : je voudrois qu’on eôt autant d’eau à faire paflfer deflùs ^ qu’elle» font capables d’en porter. Il y a là. près de trente mille hommes qui tro-^ Taillent, tous gens bien faits, & qui ^ fi la guerre recommence , remueront plus volontiers la terre devant quek que place fur la frontière , que dansi les plaines de BeaulTe.

J’eus l’honneur de voir Madame. deMaintenon, avec qui je fus une bonne partie d’une après-dînée ; & elle me témoigna même que ce tems> ne lui avoit point duré. Elle ell toujours la même que vous l’avez, vûè' , pleine d’efprit , de raifon , de piété , & de beaucoup de bonté pour* nous. Elle me demanda des nouvel> les de notre travail : jelui dis que vo^ tre indlfpoiîtlon & la mienne , mon, voyage à Luxembourg, & votre voya-* ge à Bduibdn , nous àvoient un pea

üi S

I

iù6 Lett&es de Boileav recalés ; mais que nous ne perdions pas cependant notre tems. ( i }

A propos de Luxemboarg , je viens de recevoir un plan , & de la place , & des attaques , & cela dans la der- niere exaéhtode. Je viens de rece> voir en même*tems une Lettre , l'on me mande une nouvelle fort fur»

' prenante & fort affligeante pour vous & pour moi : c’eft la mort de notre ami M. de Saint Laurent , ( 2 ) qui a !jé.téemporté d’un feul accès de colique ^Wphrétique, à quoi il n’avoit jamais

eîeTujet en fa vie. Je ne crois pas , qu’excepté Madame , on en foit fore .affligé au Palais Royal. Les voilà dé* barralTés d'un homme de bien.

Je laiflè volontiers à la Gazette à vous parler de M. l'Abbé de Choify. 11 fut reçû fans oppofîtion ; il avoic pris tous les devants qu’il Jajloit au* près des gens qui auroieht lui^-

( 1 ; Ib ne le pejrdroient pas j mais les grands morceaux qu*ils avoient faits , ont ftd bt&Iés dans ]*iAGcndic arrivée chez M. de VaUncoor.

f z) Homme d*une grande piéie , Précepteur du jeune Duc de Chanres , depuis Monfîcur le Due d'Orléans Récent. Une Lettre fuivante fera connot*' tte Icsrcsteu do jeune Prince, de £i douleur de cette Mit)

4

IT T D E R A C I n S. 107 re de la peine. Il fera le jour de Saint Loüis fa harangue, qu’il m’a montrée : il y a quelques endroits d’efprit i je lui ai fait ôter quelques fautes de ju*

Îrement. M. Bergeret fera la répon* e ; je crois qu’il y aura plus de juge- ment.

Je fuis bien aife que vous n’ayez pas connu la Critique M. l’Abbé l^leraant ; c’eR ligne qu’elle ne vaut rien. Sa Critique tomboh for ces motst- /f ctmmnf a les'fmSioas f -’û préten-- doit qu’il falloit dire néceflàirement :: M emmtifa s :e» faire Us JmStütte,' Le ' P. Bouhours ne le deviiiB point, non-^ plus que vous ; & quand je lui dis la^ difficulté, il s’oi mocqua.

M. Heifeinn’a point changé ; nous > fumes cinq jours enfemble. Il fut forc^ doux dans les quatre premiers jours & eût beaucoup de complaifance * pour M. de Termes , qui ne l’avoic*' jamais vû> & qui étoit charmé- de ùt- douceur. Le dernier jour M. Hcireia < ne lui laiffii pas paflfer un mot fensle coDtreffire ; &: même quand il noos ^ voyoit fatigués & endormis, H avan-' $oit malicieufemenc quelque parado-.- xe , qu’il làvoic bien qu’on ne lui

£6.

loS Lettres SE Boileau feroic point pafler. En un mot , il eut contentement : non-feuiementon âifpata , mais on querella , & on fe tfépara fkns avoir trop d'envie de fe revoir de plus de huit jours. Il me lembla que M. de Termes avoit tou- jours raifon ; il lui fembla auffi la mê- me chofe de moi. M. Félix témoigna ppn pta- df> hiitnté p'>ur M. Heflein, & aima mieux nous gronder tous , que de feréfoudre à le condamner. Voilà comment s’eft pafTé le voyage. Mon mal de gorge n’efl point encore fini ; mais je n’y fais plus rien. Adieu , mon cher Monfieur, mandez>moi au plû- tôt que vous parlez: c’efi la meilleu- re nouvelle que je puifle recevoir en ma vie.

DE BOILEAU.

r

\A Bourbon le 5. Aoit,

JE vous demande pardon du gros pacquetque je vous envoyé : mais M. Bourdier , mon Médecin , a crû qu’il étoit de fi>n devoir d’écrire 3 M.

Et DE Ë.ACINE. 109 Fagon fur ma maladie. Je lui ai dit qu’il falioit que M. Dodart vit auffi la cbofe,; ainû nous femmes conve* nus de vous adrefler fa relation. Je vous envoyé un compliment pour M. de la Bruyere.

J’ai été fenliblement affligé de la mort de M. de Saint Laurent. Fran- chement notre fiécle fe dégarnit fort de gens de meateStHe vertu.: & fana ceux qu’on écarte fous un faux pré- texte, en voilà un grand nombre que la mort a enlevés depuis peu.

Ma maladie efl: de ces fortes de cho- fes , no» recipjlHat mngis, & minus , puifque je fuis environ au même état que j’étois lorfque je fois arrivé. On . me dit cependant toûjoura, comme à Paris , que cela reviendra , & c’eft ce ' qui me défefpére , cela ne revenantl point.Si je favois quejedûlTeêtre fana voix toute ma vie , je m’affligerois , fans doute mais je prendrois ma ré- lolution , & je ferois peut-être moina malheureux que dans un état d’incer- titude , qui ne me permet pas de me fixer , & qui me lailTe toûjours comme un. coupable qui attend le jugement ^ de fbtt procès. Je m’efforce cepen-~

no Lettres de Boileav dant de traîner ici ma tniférable viè ' da mieux que je puis , avec un Abbé ^ trèS’honnéte homme , mon Médecin » & mon Apoticure. Je pafiè ie tems avec eux , à pen près comme D. Qui* xotte le paflbit »n Mtt lKgdr dt U Mmu cfM avec Ton Curé , Ton Barbier , Sc le Bachelier Sanfon Caralco. J'ai auili une fervame : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là , celui qui joué* le mieux (bn perfonnage,c’eft moi qui fuis prefque aufli fou que I>. Quixotte , & qui ne dirois guère moins de fottiles, fi jepouvois me faire eo» tendre.

Je n'ai point été fbrpris de ce que vous m’avez mandé de M. Hefiein : futtMmm exptUÀs furcà , tmcn ufqtte re- tarreu 11 a d’ailleurs de très - bonnes qualités ; mais à mon avis , puilque je fuis fur la citation de D. Quixotte, il n’eft pas mauvais de garder avec lui les mêmes mefiires qu’avec Car* denio. Comme il veut toûjours con- tredire, il ne fèroit pas mauvais lie mettre avec cet homme que vous mvez de notre aflèmblée , qui ne dit j|amais rien , qu’on ne doive contre*

I dtre:ils ièroient mervéjQeux eaTemhle^

E T DERACINE. XII

J’ai déjà formé mon plan pour l’an* née 1667. ( i) je vois de quoi ou*; vrir un beau champ à Teiprit : mais à ne vous rien déguUèr « il ne. faut pas que vous falfiez un grand fonds îiir moi , tant que j’aurai tous les ma- tins à prendre douze verres d’eau > qu’il coûte encore plus à rendre qu’à avaler , & qui vous laillènt tout étour* di le refl;e du jour » fans qu'il vons foit permis de fommeiller un mo*- ment. Je ferai pourtant du mieux que je pourrai , & j’efpére que Dieu m’ai- dera.

Vous faites bien de cultiver Mada- me de Maintenon ; jamais, perfonne ne fût digne qu’elle du poAe qu’el- . Je occupe , & c’eft la Jèole vertu je ’f n’ai point encore remarqué de défaut.f^ L’eftime qu’elle a pour vous , e(l une' marque de fon bon goût. Pour moi je ne me compte pas au rang des chofes vivantes.

Vox qnoque l\iœrim

Jàm fugit ipfa : lupi Mœrinj xidere prîoiesa

(t J 11 pà4ie de rtliûoiie do Sloi * dont mcAC mi 4«ts cmrtnttcHciacnt occnpds»

ji2 Lettres i>e Boileau

*v

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tsBsssssssBssssaaBSBSSSSsa

A BOILEAU.

P4ris ce S. Aeit,

t

MAdatne , votre fœar vint avant- hier me chereher ,.fort allarmée d’une Lettre <}ue voua lui avez écri- te^ & qui eft en effet bien différente de celle q.ue i’ai re$ôê de vous. J’aO^ T09 déjà été à Verfailles pour entre* tenir M. Fagon : mais le Roy eft à Marli depuis quatre jours' , & n*en reviendra que demain au foir j; ainft je n’irai qu’aprés demain matin ^ & je vous manderai exa£i;ement tout ce qu’il m’aura dit. Cependant je me Bat- te que ce dégoût & cette laftitude' dont vous vous pla.ignez , n’auront point de fuite , & que c’eft feulement mn effet que les eaux doivent produire 'quand Teftomach n’y eft pas encore nccoûtumé' que il elles continuent à Vous faire mai , vous favez ce que tout le monde vous dit en qu’il falloit les quitter en ce cas , ou

tout diunoias les imerroippre. Sipar.

ET DE Racine. 113 ftalheur elles ne vous guériiTent pas, il n’y. a point lieu encore vous dé- courager , & vous ne feriez pas le premier quf n’ayant pas été guéri fur les lieux, s’efl trouvé guéri étant de retour chez lui. £n tout cas le firop é' Erijmum Xi point affurément une

vifion. M. Dodart, à quij’eti parlai , il y a trois jours, me dit & m’aflliràep confcience, qire ce M. Morin , qui m’a parlé de . ce remède, eft fans doii- te le plus habile Médecin qui foit d/ins Paris^S le moinj.C.harîa tan. Ij eït confiant què- pour moi je me trou- ve infiniment mieux, depuis que par fon confeil j’ai reQoocé à tout ce lai- vage d’eaux qu’oo m’avoit ordon- nées, & qui m’àvoient prefque gâté entièrement l’efiomach , fans me gué' rir mon mal de gorge.

M. de Saint Laurent eft mm’t d'n- ne colique de miferert , non point d’un accès de néphrétique, comme je vous avois mandé. Sa mort a été fort chrétienne , & m^me aufli finguliére qne le refie fa vie. Il ne confia qu’à M. de Chartres qu’il fe trouvoit mal , &. qu’il alloit s’enfermer dans une chambre pour fe repofer > conjurant

XI4 Lettkes DB Boileav inilaminenc ce jeune Prince de ne point dire il étoit , parce qu’il na Touloit voir perfonne. £n le quittan( il alla ^ire fes dévotions , c’étoit un- Dimanchet & oe dit qu-’n les faifoie tous les Dimanches ; puis il s’enfer* na dans une chambre jufqu’à trois beures après midi , que M. de Char* très f. étant en inquiétude de fa fan* , déclara où.il étoit. Tancret y fut ^ qui le trouva tout habillé, fur un lit ^ fouffrant aparemm^nt beaucoup , & néanmoins fort tranquille. Tancret se lui trouva point de pouls : mais» M. de Saint ^«urent lui dit que cele ne l’étonnât point, qu’il étok vieov»- & qu’il n’ayoir pas naturellement le pouls fort élevé. II voulat être faigné il ne trint point fang. Peu der |tems après il fe mit fur fon féant ,, «puis dit à fon valet de le pancher ua« peu fur fon chevet & auflitôt Tes? pieds le mirent à trépigner contre 1&- plancher, & il expira dans le moment même. On trouva dans fa boarfe un< billet parlequelil décjaroitoù l’on trou« veroit fon teftament.Jè croisqu’il don-.- ne tout fon bien aux pauvres. Voilk> eommeil ell more : & voici ce qui fait,.

ETOs Racine. 115 ce me femble , allèz bien Ton éloges Vous favez qu’il n’avoit prefque d’au- tre foin auprès de M. de Chartres que de l’empêcher de manger des frian- difes ; qu’il l’empêchoit le plus qu’il pouvoir d’aller aux Comédies & aux Opéra ; & il trous a conté lui-même toutes les rebuffades qu’il hii a folio cffuyer pour cela , & comment tou- te la maifon de Monsieur étok déchal^ née contre Jur , Gouverneur , Sousf Plécepieur , ( i ) Valets-de-eharabre» Cèpendant on a été- plus de deu« jours fons ofer aprendre fa mort à ce même M. de Chartres ; & quand Monsieur ehffn la lui a annoncée » y a jetté des cris effroyables » le jeCt tant, non-point fur foa lie , mais fur k lit de M. de Saint Lackent » qui étoit encore dans fa chambre , âc l’apeK lant à haute voix comme s’il eût en» core été en vie : tant la Vertu> quand elle elb vraie, a de force pour-fe foi- re aimer. Je fuis alHiré-que cela voua fera plaiûr , non-feulement pour la

(I ) Le SouswPr^eptear étoit alocs M. 1* Abbé du Boii I depuif Cacdinal > j^temicr Miniûre«

ji6 Lettres ns BoitEAtr iRémoire de M. de Saint Laurent , mais même pour M. de Chartres. Dieu veüilie qu’il perfille long tems 'jdans de pareils fencnnens'. Il me fem- We que je n’ai point d’autresnouvel* Ks à vous mander.

M. le Duc de Roanncz eft venu ce matin pour meparler de fa riviere , & pour me prier d’en parler. Je lui ai de* ^andé s’il ne fçavoit rien de nouveaur jil m’a dit quenon , & il faut bien , puif^ I qu’il ne fçait point de nouvelles , qu’H |»’y enait point;^car ilen fçait toûjours iplus qu’il n’y en a. On dit feulement fque M. de Lorraine a palTé la Drave & les Turcs la Saverainfî il n’y a point de riviere qui les fépare. Tant* pis ap- paremment pour les Turcs;je les trou* Te merveilleufement accoôtumés à être battus. La nouvelle qui fait ici I9 plus de bruit , c’ed l’embarras des €o» médiens , qui font obligés de déloger de la rue de Guenegaad , à caufe que Meilleurs de Sorbonne , en acceptant )e Collège de* quatre Nations , etü demandé pour première condition qu’on les éloignât de Ce Collège. ont déjà marchandé des places dans cinq ou endroits j mais par-tout

E T D B R A C I K E. II7 üs vont , c’eû merveilles d’entendre comme les Curés crient. Le Curé de Saint Germain de l’Auzerois a déjà obtenu qù’ils ne feroient point à rHÔ> Kl de Sourdis, parce que de leur théâ- tre on aurok entendu tout à plein lei . orgues ; & de l’Eglife on aurok parfai- tement bien entendu les violons. En- fin ils en font à la rue de, Savoie dans la paroàilè de Saint A^dré. Le Curé a été auffi au Roi , lui reprefentec ^u’iln’y a tantôt plus dans fa Paroiflèy

re des Auberges & des Coquetiers , les Comédiens y viennent , que foa Eglife (êra deièrte. Les grands Auguf- tins ont auflî été au Roi , & le Pere Lembrocbons Provincial , a porté la parole; mais on prétend que les Co- inédiens ont dit à Sa MajeHé, que ces inêmes Auguftins , qui ne veulent point les avoir pour voiiins , ibnt -fort aflldus fpeélateurs de la Comédie , & Iqu’ils ont même voulu vendre à la kroupe des mailbns qui leur appartien- (nent dans la rqê d'Anjou , pour y bâ- m un théâtre ,& que-le marché feroit i^ja conclu fi le lieu eût été plus com- mode. M. de Louvok a ordonné à M. (it laChapelle de lui envoyer le plan du

tll LéTTRS*

jieuoù th veulent bâtir dans la ruê de Savoie- Ainfi on attend ce que M. de touvois décidera. Cependant l’allar- ire eft grande dans le quartier ; tous les Bourgeois , qui font gens de Palais , trouvant fort étrange qu’on vienne {eorembarralTer leurs rues. M. Billard fur-tout qui fe trouvera vis à-vîs de ' la porte du parterre , crie fort haut ; , ^ quand on lui a voulu dire qu’il en

iauroit plus de commodité pour s’aller Invertir quelquefois , il a répondu fort tragiquement, are di~

ifim'r. >^dîeU} Monfieur , je fais nioi« inêpe ce que je puis pour vous diver- tir, quoique j'aie le cœur fort trifte ^^is la Lettre que voos avez écrite i Madame votre fœur. Si vous croiez ^ue je puifle vous être bon à quelque bon , n’en faites point de ?z-le moi , je vôlerai pour

1ÊT »E RACÎTST*

D E B O I L E A ü.

^ Moidim îe ij Atit.

* *

M On Médecin a jagé â propds de me laiiler repofer deux jours & j’ai pris ce tems pour -venir voir Moulins , -où j’arrivai hier au matin^ & d’où je m’endois-retourner aujour* d ’hui au .fdir. C'eft .unc Ville très- raar- èhande & très-peuplée^ & oui n’eft pas indigne d’avoir -on Tréforier de France comme vous, ün M. de Chamt blain^ ami de M. l’Abbé de Baies , qui y eft venu avec moi , m’y donna hier a fouper fort magnifiquement. Il fe dit grand ami de M. de Poignant , & connoît fort votre nom , auBi bien que tout le mondede cette Ville, qui s’ho* aiore fort d’avoir on Magiflrat de, vô- tre force, qui efl fi peu à charge { i ^ /(Je vous ai envoyé par le dernier or- tdinaire une très-longue déduâioo de ctna maladie, que M. Boardier moa

\ -

(j ) Parce ny alioit jamaît.

:I2D LeTTKSS SE BoiLEAV Médecin écrit à M. Fagon ; ainli vous en devez être inftruit à l’heure qu’il eft parfaitement. Je vous dirai pourtant que dans cette relation ü ne parle point ^ de la laffitude.de jambes» & du pea ^ oTapétit , fi bien que tout !e profit que j’ai fait jufqu’ici à boire des eaux , fe- £ Ion iuî, coniille.à un éclairciffetnent a de teint, que le liâledu voyage m’a- 1 voit jauni plfitôt que la maladie: car à vous fçavez bien qu’en partant de Pa- i ris , je n’avois pas le vifage trop mau- vais, &^je ne vois pas qu’à Moulins , je fuis , on me félicite fort préfen- tement de mon embonpoint. Si j’ai j écrit une Lettre fi trifte à ma fœur , cela ne vient point de ce que je me fente beaucoup plus mal qu’à Paris , ■puifqu’à vous dire le vrai , tout bien dit tout le mal mis enfemble > je fuis environ au même état que quand je partis; mais.daps le chagrin de ne point ; guérir, on a quelquefois des thomens Ja mélancolie redouble & je lui ai écrit dans un de ces momens; Peut- être dans une autre Lettre verrà-t’elle que je ris. Le chagrin eft comme une jfiévre , qui a fes redoublemens & lès Tuipenfions.

M

« T B* R A Cl NE. Xtt

La’ mort de M. de. Saint Laurent efl: tout-à-faic édifiante: il me paroîc qu’il a fini avec toute l’audace d’ua Pbilofophe, & toute l’humilité d’un/ Chrétien. Je fuis perfiiadé qu’il y a des . Saints canonifés , qui n’étoient pas plus faints ^ue lui : on le verra un jour , ielon toutes ^les apparences , dans les Litanies. Mon embarras eft feulement comment on l'appellera, & fi on lui dira fimplement Saint Lau- rent , ou Saint Saint Laurent. Je n’ad- mire pas feulement M. de Chartres , mais je l’aime , j’en fuis fou. Je ne fçais pas ce qu’il fera dans la fuite ; mais je fçais bien que F-enfance d’A- lexandre , ni de Conflantin , n’ont ja- mais promis de fi grandes cbofes que la fieone , & on pourroit beaucoup plus jufiement faire de lui lesprophé- ties que Virgile , à mon avis , a fait aflèz à la légère du fils de PoUion.

Dans le temsque je vous écris ceci, M. Amiot vient d’entrer dans ma chambre: il a précipité , dit*il. Ton retouj à Bourbon pour me venir ren- dre ^rvice. Il m’a dit qu’il avoit , avant que de partir , M. Fagon, & qu’ils perfifioient l’un & l’autre dans

J, £

l.ETTR E5'l>E BdlIrSiir !la penfée du demi-bain quoiqu'ea ^uifTent dire MrsBourdier^ Baudie- -re: c’eftune affaire qui fe décidera de. main à Bourbon. A-vous dire le -vrai^. jnon cher Moniieur ., 'c’eft 'quelque >cbore d’affez fâcheux que de fe voir ainû le jouet d'une fcience très-con- je£turale , & l’un dit blanc , & Tau-* trenoir : car ies deux derniers ne fou- tiennent pas-feulement q'ueiebainn’cft pas bon-à moif mal;mais ils prétendent ^u’il y va de la -vie ,& .citent fur ce- la des exemples funeffes. Mais enfin me voilà livré à la Médecine , & il n’eft plus tems de reculer. Ainfi ce ^ue je demandé à Dieu , ce n’efi; pas ^u’il me rende la voix, -mais qu’il me donne la vertu & la piété deM.dêSaint Laurent, ou de M. Nicole, ou mê- me la vôtre, puifqu’àvec cela on fe mocque des périls. -rS’il y a quelque malheur dont on fe puiffe réjofiir ,• .c’eft à mon avis, de celui des Co- médiens : fi on continué' à les traiter comme on fait, il faudra qu’ils s’ail- îe'nt établir entre la Villette & la por- te Saint Martin: encore ne Içais-je c’îB fr’awemt point fur les bras le Cu- ffé Saint Lnurenb Je vous ai une

ST SE Racine, xsj tîbligation infinie du foin que vous prenez d’entretenir un niirérabIecom> nie moi. L’ofi^re ^ue vous me faites de venir à Bourbon e& tout-à-fait hé- roïque ^ obligeante^ «rais il n’efb pas nécefifaire que vous veniez vous en- terrer inutilement dans le plus vilain lieu du monde; & le chagrin que veus auriez infailliblement de vous y voir , lie feroit qu’augmenter celui que j’ai d’y être. Vous m’êtes plus néceffaire à Paris qu’ici , & j ’aime mieux ne vous point voir, que^e vous voir trille & affligé. Adieu , mon ch«- Mon- fleur. Mes recommandations à M. Félix , à M. de Termes , & à tous nos autres amis.

a

A B O I L E A U,

j4 Pdrh le 1} Août.

JE he vous écrirai auj.ourd’huî que deux mots ' car outre qu'il eft ex- trêmement tard , je reviens chez moi pénétré de frayeur*^ ^^plflin*-T*‘ focs de chez le pauvre M. Heli'ein

!

X24 Lettres DE Boileau ^ue j’ai laiiTé à l’extrêinité. Je doute j^’à tnoios d’on miracle je le retrou- ve demain en vie. Je vous conterai fa maladie une autrefois , & je ne vous parlerai maintenant que de ce qui Vous regarde, v ouïs êtes un peu cruei à mon égard , de me laifler fi long- tems dans l'horrible -inquiétude vous avez bien juger que votre Lettre à Madame votre fœur me pou- voir jetter. J’ai M. Fagon , qui fur le récit ^ue je lui ai fait de ce qui eft danseette Lettre, ajugé qu’il fal- loir quitter fur le champ vos eaux. 11 dit que leur e€et naturel efl: d’ou- vrir l’apetît bien loin de l’bter. 11 croît même qu’à l’heure qu'il efi: vous les aurez interrompuë's , parce qu’oa B*-CT prend jamais plus de vingt jours de fuite. Si vous vous en êtes trouvd confidérablement bien , il eft d’avis qu’a'près les avoir lailTées pour quel- que tems vous les recommenciez r fi elles ne vous ont fait aucun bien , il croit qu’il les faut quitter endérement. Le Roi me demanda avant hier au foir fi vous édez revenu : je lui ré- pondis que non , & que les eaux juf- qu’ici ne vous avoient pas fort fou-

£T SE Racine; X2jr . fejgé. II me dit ces propres mots : Üf fira mieux de fi remettre à fon train dd{ vie «rdinaire , la voix lui reviendra lorfiX fuily fenfira le meias. Tout le mon* . de a été charmé de la bonté que Sa Majefté a témoi^eë pour wus en parlant ainfi. Et tout le monde eft d’avis que pour votre fanté, vou$; ferez bien de revenir. M. Feli^t efl; de cet avk. Le premier Médecin , & M. Morean en font entièrement. JVf. dit Tartre croirqu’ablbiument le» eaux de Bourbon ne ibntpasbonne». pour votre poitrine , & que vo» laffî» tüdes en font une marque. Tout ce* ta , mon cher Monfietur, m^a donné «ne furieufe envie de vous voir de retour. On dit que vous trouverez de petits remèdes innoçens qui vous ren- dront infailliblement la voix , & qu’el- le reviendra d’elle-même quand vou» ne feriez rien. M. le Maréchal de Bellefont m’enfeigna hier un remér de dont il dit qu’il a plufieurs gens guéris d’une extinâion de voix : c’eit de laillèr fondte dans fe bouche un peu de myrtbe , la plus tranfparen- te qu’on puiflfe trouver. D’autres le ' font guéris avec la ûmple eau de pon-

F 5

is($ Lbt^kes de Boileâd kts , fans conter YErifirntm^ Enfin' tout d’une voix tout le monde voua confeille de revenir. Je n’ai jamais, une fanté plus généralement foubaitée que la vôtre. Venez donc, je vous en conjure. Et à moins qu& TOUS n’ayez déjà un commence- ment de voix gui voua donne des af- jfûrances que vous achèverez de gué* rir à Bourbon , ne perdez pas un mo- ment de tems pour vous rédonn^r à vos amis , & à moi fur-tout qui fui» înconfolable de vous voir fl toin ^

, & d’être des kmaines entie- res fans favoir fi vous êtes ea4«wA^ pu non. Plus je vois décroître le nom- bre de mes amis , plus je deviens fen- fible au peu qui m'en re^e j & il me ièmble , à vous parler franchement , qu’il ne me refie prefque plus que vous. Adieu , je crains de m'attendrir follement en m’arrêtant trop fur cette réfiexiom

E T » e R Af C I N E. 1%Ÿ

DU M E S M E.

W

''A Paris et 17 Août.

T’Allai hier au foir à Verfailles ,

.J j’y allai tout exprès pour voir M. Fagon , & lui donner la confultation< de M. Bourdier. Je lûs auparavant- avec M; Félix, & je la trouvai très*

crpyqis trouver en queique- pagç Nttmm Dim impart gauder. M. Fagon me dit que du momenc qu’il s’agiflbic de la vie , & qu’élift: pouvoit êtreen compromis, il s’écon-- noit qu’on mit en queftion fi voup- pre'ndriez- le demi-bain. 11 en écrira à M. Bourdier : & cependant il m’a chargé de vous écrire au plus- vite de ne point vous baigner , même fl les eauxv vous ont incommodé, de les quitter entièrement,, & de voua- en revenir. Je vous avois déjà man- dé Ton avis là|defrus , & il y perfifté^ toûjours. Touue monde crie que vous

£ 4

favante-y dépeignant votre tempéram lÜ'èht’ÎS^votre mal en termes très- éner

Iî8 Ltt'tRXS DE BoilElVr devriez revenir , Médecins , Chirur- giens , hommes , femmes. Je voifs avois mandé qu’il falloir un miracle pour fauver M. Heflein ; ii efl fàu* , & c’efl votre bon ami le Quin- quina qui a fait ce miracle. L’éméci- ^^ue Tavoit mis à la i— ihnAI. Fagon arriva fort à propos , qui le croyant à demi-mort , ordonna au plus vite Je Qiiinquma. Il eft prefentement iàns fièvre : je l’ai même tantôt fait rirejufqu’à la convulfion , en lui mon- trant l’endroit de votre Lettre , o& vous parlez duBachelier,duCnré,& Barbier. Vous dites qu’il vous manque une nièce : voudriez- vous qu’on vous envoyât Mademoifelle Defpreaux ( 1 ) ? Je m’en vais ce foir à Marly. M. Félix a demandé permiflion au Roi pour moi , &j’y demeurerai juf' qu’à. Mercredi prochain.

M. le Duc de Charofi m’a tantôt demandé de vos nouvelles d’un ton de voix' que je vous fonhaiterois de tout mon cœur. Quantité de gens de nos' amis font malades , entre autres M.

( I ; Petit liait de raillexic. in*aimoit pis beaucoup cette Alice,

K T SE RâClNE. X2>

le Duc de Chévreufe , & M. de Chati* hy i totn deux ont la fièvre double- tierce. M. de Chaiilay a déjà pris le Quinquina. M. de Chévreufe le pren<> dra au premier jour. On ne voit à la Cour que des gens qui ont le ventre plein de Si cela ne vous^

excite p^ayrevenir , je ne fçai plus ce qui vous peut en donner envie. M. HeUein ne l’a point voulu prendre des Apoticaires , mais de la propre nain de Cbmith. J’ai ce Chmith' chez lui ih a le vifage vermeil & bou-^ tonné , & a bien plus l’air d’un maî- tre Cabaretier que d’un Médecin. M.. Hefiein-^dit qu’il n’a jamais rien bi^- de . plus agréable y. & qu’à chaque foi» qu’iJ en prend , il fent la- vie defcen- dre dans fon «fiomach.- Adieu , monr cher MonfieUr ^ je commencerai & finirai toutes mes Lettres , en vou» dilant devous.hâter de revenir.

B T D B R'a C I KTE. I3I

les fois que vous vous prefentez de- vant lui. Il rie fâuroii guère rien arri- ver de plus glorieux « je ne dis pas à un ntifèrabie comme moi , mais à tout ce qu’il y a de gens plus conOdérables àla Conr } & je gage qu’il y en a plus «te vingt d’èntr’eux, qur,à l’hettre qu’il efl: , envient ma bonne fortune , & qui voudroient avoir perdu la voix , âc - même la parole , â ce prix. Je ne man- J querai pas , avant qu’il Toit peu , de | profiter du bon avis qu’un (f grand ' Prince me donne

Bourdièr mon meuecin .

tendent maintenir contre lui , que les eaux deBourbcm font admirables pouS rendre la voix. Mais m’imaginé qu’ils réufliront dans cette emreprife , àpeu près comme toutes les Puitfan-- ces de l’Europe ont réofli' à lui empé- - cher de prendre Luxembourg , & tant ' d’autres villes. Pour moi je fu» per- fuadé qu’il fait bon fuivre Tes ordon- nances , en fait même de médecine.. 3’accepte l’augure qu’il m’adonné , en vons difant que la voix me fevi en- droit lorfque penterois le rooinSi. Un Prlnceuitt «exécuté de ch»»

F ^

13® Lettres d'è B or ait fes miraculeufes , efl; vraifemblable-'' inént infpiré du Ciel , & toutes les chofes qu’il dit font des oracles. D’ail*' leurs j’ai encore un remède à eflayer , j’ai grande efpérance , qui eft de me préfenter à Ton paflage dès que je AMi.de retour j car je crois que l’en« vie que j’aurai dej

trouver

me des paroles éloquentes. CependiFt je vous dirai que je fuis aufli muet que jamais , quoiqu’inondé d’eaux & de remèdes. Nous attendons la rëponfe de M. Fagon fur la relation que M. fiourdier lui a envoyée.. Jufques>là je ne puis rien vous dire fur mon départ. On me fait toujours efpérer ici une guérifon prochaine , & nous devons tenter le demi-bain , fuppofé que M. Fagon perfifte toujours dans l’opinion qu’il me peut être utile. Après cela je prendrai mon parti.

^VoMs ne fauriez croire combien je ^ous fuis obligé de la tendreile que 'vous m’avez témoignée dans votre derniçreLeur&iJ||^^ refqne v^|«^

ùdon que j’eufie faite de quitter le

' CT DE Racine. 133 inonde , fùppofé que la voix ne me revînt point , cela m'a entièrement fait changer d*avis.; c’e(t-à-direen un mot, que je me fens capable de quitter touteschofes, hormis vous.Âdieu, mon cher Moniteur, excufez fi je ne vous écris pas une plus longue lettre chement ie fuis fort abattu. Je n’ai

iambes

jéuiis toujours accablé dq de fommeil. Je me fiatte pourtant en* core de refpérance que les eaux de Bourbon me guériront. M. Amiot elt homme d'efprit , & me raffûre fort. Il fe fait une affaire très-férieufe de me guérir , aufB*bien que les autres Mé* decins. Je n’ai jamais de gens fi' affectionnés à leur malade » &' je crois qu’il n’y en a pas un d’entre eux qui se donnât quelque chofo de faiité pour me fendre la mienne. Outre leur affe6lion;îly vade leur intérêt, parce que- ma maladie fait grand bruit dàcjé Bourbon. Cependant ils ne font poiilf d’accord , & M. Bourdier lève tou4 joaM'dMv^mux^rés-trifies' au Ciel quaad ofljaae^^âîiy^ôŸ qu’il en foit f je leufSs^ge wTcûfs foin

*34- Lettkibs DE 0ori-E*v & de leur bonne volonté ; & quan<i vous m’écrireE , je vqus prie de raedw

re quelque choie qui

1* :^yz

»*■*•*.-

ettre tort obligeante > & m'envg] •^RmeCfS IhlCTjtiQnà’ïïîr Télq^^ me prie de dire mon avi». EfTIÏlIilé ' paroiflènt toutes < fort fpirituelles ; mais je ne faucois pas lui mander pour ceets fois , ce que jY trouve a redire, ce lèra pour le premier or-

dinaire. M. Bourfaute , ( i ) . que je lcroyois mort » me vint voir il y a cinq linu Ox jours , & m’apparut le foir aflèz /fubitemeot. II me dit qu’il s’étoit dé* tourné de trois grandes lieues duiche* min de Mont- Lapon ,'ojù' il alloit , Ôs il efl habitué pour avoir le bon^ heur de me faluer. Il me ht offre de toutes chofes , d’argent , de commo-

i «[ r ] Bourfault tftoit alôxs EfüâKur des •Betmes k moM-luçoa , d*cà , àroccftiumde (bn emploi , il éori. V vit une T.etfre afTev. conauc. Boileàu l’avcÂi attaoué dant

?

vit une Lettre alTez connue. Boileàu l*avdii attaqué dant fes Satyres. Bqurfanlt, poui s*c» venger « &iirpiii£Ci [contre lui une Commédie intiiuléfc , Satne eUs i>atjre$.

' Oepetfdant , quand il tut BolleamnaUdé a^^rbnn > i| sjla le yoif > ^ Ini fifrit fa bouzfe. Boileau j fefifible à ce trait degénérdikë, dtatUASlâfuuc defe» Sataid

BT » B R A e I K -B. 135

dités , de chevaux. Je lui répondis .avec les mêmes honnêtetés , & voit-

>our le lendemain à dî< dit Qu’il étoû oblii

nous îeparames amis a outran.

__ a * ^ ^ y

prie , à tous nos amis coto- mUns. Dites bien à M. Quinaut que je lai fuis infiniment obligé delbnfou* venir, <St des choies obligeantes qu’il a écrites de moi à M. l’Abbé de Salles» Vous pouvez l’alTûrer quejelecomp

tepréfentementau rang de mes meil^jj

..... . .. j

me le plus le cœur & l’efprit. Ne vousV

* O

leurs amis , (i)&de ceux dontj’elli>

étonnez pas fi vous recevez quelque fois mes Lettres un peu tard , parce que la pofie n’ell point à Bourbon , & que fouvent , faute de gens pour en» voyer à Moulins , on perd un ordinai» re. Au nom de Dieu , mandez-moi avant toutes chofes des nouvelles de M. Hefifein.

[iJ Cei cndioit doit décrom^i ceux qui croyent QQf BoiImu ê lOBjottit dié l'«4Qemi de ^utneut.

V

i

13^(5 Lettres de Boieead

DU M £ S M \A Bourbon le xf Aoih.

i

ON me vient avertir que la poil» eft de ce foir à BourlMU.. C’eft ce qui fait que je prens la- piame à Pheu* . xe qu’il eft., c’eft- à-dire , à dix heures du foir , quieft une heure fort.extra^ .ordinaire aux malades de Bourbon , jpour vous dire que malgré les tragi^ ques' remontrances de M. Bourdier » je me fuis mis aujourd’hui dans le de- mi-bain ,.par le confeil de M. Amiot, & même de M. desTrapieres, que j’ai appellé au confeil. Je n’y ai été qu’u- ne heure. Cependant J’en luis forti beaucoup en meilleur ^at que je n’y ëtois entré c’eft-à-dire , la poitrine beaucoup plus dégagée , les jambes plus légères , l’e^ric plus gai : & mê- me mon laquais m’ayant demandé quelque chom , je lui ai r^JSSïfaorua ^ mn à pleine voix , qui l.’à fuxpris lui- même , aufli-bien qu’une fervante qui étoit dans la chambre » & pour moi

E T D E R A C I N El 137 j’ai crû l’avoir prononcé par enchan* tement. 11 eft vrai que je n’ai de» pais ratraper ce ton-là : mais comme . vous voyez , Monfieur , c’en efl: affez pour me remettre le cœur au ventre , puifque c’efl: unë preuve que ma voix n’eft pas entièrement perdue , & que lebain m’elt très-bon. Je m’en vais pi-' qœr de ce c6té-là , & je vous mande- rai le fuccès.' Je ne fais pas pourquoi M. Fagon a molli fi aifément for le» objeéiions très-fuperftitieafes de M. Bourdier. 11 y a tantôt fis mois que j& i D’ai eu de véritable joie que ce foin f Adieu , mon cher Monfieur. Je dors en TOUS écrivant. Confervex-moi vo- tre amitié , & croyez que fi je recou- vre-la voix , je l’emploierai à publier à toute ht terre la reconnoilTance que j’ai des bontés que vous avez pour moi , & qui ont encore accrô de beau- - coupla véritable efiime , & la fincè- re amitié que j’avois'pour vous. J’ai été ravi, charmé , enchanté du foccè»

, & ce qu’il a fait fur WWeamTHeflein m’engage encore pHts dans fe»iq|^rêts , qué lagaérilon de ma fièvre double-tierce»

T

13g Lettres FE BortEàir

4

D E R A G I N E.

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- t 0 »

ui Part ftt 2,4. jioMt,

JE vous dirai avant toutes choiçSr^ que^M. tieflein , excepté quelque'

Eetit refte de foibleâê,eli:. entièrement ors d’affaire , & ne perdra plus que huit jours du (^inquinsvit moins qu’il n’en prenne pour fbn* pliifir.. Car la' ehofe devient à la mode on comr mencera bien-tôt » à la fin de!S/epâs,i k krvir comme cafiTë St chocol.a& L’autre jour' à Marlyr, Monfeigneur » . après un fort grand déjeuner avec Madame la- Frinceffe de Conti , Sc d’autres Damés , en envoya quérir deux, bouteilles chex; les Apoticaires du Roi , & en bât le prenûer un grand verre , ce qui fut fnivi par toute la compagnie , qui trois heures après ; n’en dîna que mieux» Il me femblel même que cela leur avoit donné un j plus grand air de gaieté ce jour ; &. à ce même dîner , Je coptai au Roi votre embarras entre vos deux. Mé-*

ET DE RaCTNE. I3Ü

dscins y & la confukation très-favan* te de M. Bourdier. Le Roi eut la: bonté de me demander ce qu’on voua répondoit là-delTus , & s’il y avoic à <lélibécer. Oh ptimnoi- , s’écria naturel- lement Madame la PrincelTe de Contt, qui étoit à table à côté de Sa Majeflé , faimeroh mÙHx- titpâder de trente 4ns_ ^ ^neetexpefir ahifima vie ponrreeouvreri»' farole. Le Roi , qui venoit de faire la guerre à Monfeigneur fur fa débau- che de Quinquina , lui demanda s’if ne voudroit point aufll tâter des eaux de Bourbon. Vous ne fauriez croire combien cette Maiiba de Marli elb agréable.. La Cour y eR » ce me ien»^ ble f toute autre qu’à Verrailles. Il y a peu de gens , & le Roi nomme toua ceux qui. l’y doivent fiiivre. Ainfi tous ceux qui y (ont le trouvant fort ho- norés d’y être , y font auffi de fort bonne humeur. Le Roi même y efo fort libre , & fort carefiànt. On di-

(roit qu’à Verfailles il eft tout entier aux affaires , & qu’à Màrli il elbtout à lui , & à fon plailir. il m’a fait l’hon- neur plufieurs fois, de me parler , & j’en fuis forti à mon ordinaire , c’eft- à-üire, fort charmé de lui

[S40 LBtTRES BE BoiLEATT feipoir contre mol: car je ne me trotW ▼e jamais fi peu d’efprit, que dans ces momens j'autois le plus d’envie d'en avoir.

Do relie, je'üiis revenu riche de bons l^émoires (i). J’y ai entretenu tout à mon aife les gens qui pouvôient me dire le plus de chofes de la campagne de Lille; J’eus même l’honneur de de* mander cinq ou- fix éclaircilTemens k M. de Louvois qui me parla avec beaucoup de bonté. Vous favez fa manière ^ & comme toutes fes parof les font pleines de droit fens , & vont au fait. En un mot j’en fortis très*là* vant & trèS'Content. IT me- dît que tout autant de difficultés qpe nous au* rions , il nous écouteroit avee plaifir. Les quellions. que je lui lis ,.regar* doient Charleroi &. Douai. J’étois en peine pourquoi on alla d’abord à Ghar* feroi ,, & fi on avoit déjà nouvelles que les Efpagnols l’eulTent rafé : car en voulant écrire , je me fuis trouvé arrêté tout-à-coup , & par cette dif* ficulté , & par beaucoup d’autres que

Tl] 11 ne perdôit aucune^ccafion de raÆcmblei des. IléAOûes pom rHifioixe du

f T S £ R A C I £. X4t|

je vous dirai. Vous ne me trouverez I peut-être , à caufe de cela , guère plus ¥ avancé que vous ^ c’eft'ii* dire , beau* I coup d’idées » & peu d’écriture. Fran» | chement je vous trouve fort à dire «

& dans mon travail ,& dans mesplai* firs. Une heure de converfation m’é« toit d’un grand fecours pour l’un , âc d’un grand accroiflêment pour les au- tres.

Je viens derecevoir une Lettre de vous. Je ne doutd’pas que vous n’ayez préfentement reçû celle je vous mandois l’avis de M. Fagon ,& que M. Bourdier n’ait reçû des nouvelles de M. Fagon méme,<qui ne fervironc pas peu à le confirmer dans fon avis. Tout cq^ue vous m’écrivez de votre peu d’appétit , & de votre abattement efi: très confidérable , & marque tou- jours de plus en plus que les eaux ne vous conviennent point. M. Fagon ne manquera pas de me répéter encore qu’il les fôut quitter , & les quitter aa plus vite : car je vous l’ai mandé. U prétend que leiireffetnaturel eft d’ou- vrir l’appétit , &'de rendre les forces. Quand elles font le contraire , il y faut nsnoncer. Je ne dotue donc pu qu

Lettres se Bsiléav

TOUS ne vous remettiez bientôt eir -chemin pour revenir. Je fuis perfua- comme vous , que la joye de re-, Toir un Prince qui témoigne tant de bonté pour vous , vous plus de bien que tous les remèdes. OVI. Roze m’avoit d^a dit de tous mander de fa part , qu’aprés -Dieu le üLoi étoic }e plus grand Médecin du monde, & je fus même fort -édifié queM. Roze voulût bien mettre Di^m^ll^t le Roi* Jecommence à fbupçonner qu' roit bien être en-diet dans la dévotion. M. Nicole a doni^ depuis'deux jours au public , deuK Tomes de Réfiéxions fur les Epitres '& fur les Evangiles , qyi me femblent encore plus forts ôc plus édifiants -que tout ce qu’il a fait. Je ne vous les envoie pas , parce que j’efpere que vous ferez bientôt de re- tour ,4t vous les trouverez infailiible- mentchezvous. Il n’a encore travail- lé que fur la moitié des Epîtres & des Evangiles de l’année ; jtfpere qu’il achèvera le refie , pourvû qu’il plaife à Dieu. de lui làiffer encore un an de vie. .

Il jî’y a point de nouvelles de Hon- grie , que celles qui font dans, la Ga-

«TP 1> E Kl r !I N î. 14 J r :^ette. M. de Lorraine en paflanc la

Il >Drave , a fait , ce me femble , une

* entreprife de fort grand éclat, & fore t inutile. Cette expédition a bien de l’air

d^e celle qu’on fit pour fecourir Philk- bourg'. lia trouvé au-delà delà riviere P un bois-, & au-delà de ce bois les L énnemis rétranchés jufqu’aux dents.

I M. de Termes efi: du nombre de ceux

l^e je vous ai mandé , -qui avoient ^ B’èftomach'fi^jdeQuinquina.Grovez- vWIÏ*^Fle^^inquina , qui vous a R fauvé la vie , -ne vous rendroit point [ la voix-! Il devroit du moins vous êtrC'

^ plus favorable qu’à un autre , vous qui vous êtesenroué tant defois aie louer. Les Comédiens , qui vous font fi peu de pitié , -font pourtant toujours fur

* le pavé ; & Je crains , comme vous,

I qu’ils ne foient obligés de s’alla -éta- blir auprès des vignes de féu M. votre Pere. Ce feroit un digne théâtre pour les œuvres de M. Pradon.'' J’alloié ajoû-ter de M. Bdorfaolt ;mais je fuis ti>op -touché des honnêtetés que vous avez tout nouvellement reçôes de lui.. Je ferai tantôt à M. Quinaut celles que vous me mandez lui faire. Il me femble que vous avancez furieu-

i

^44 Lettrss de BeiLSàO ffeinent dans le chemin de perfeâion. fVoilà bien des gens à qei ireus avez pardonné.

~ On ma dit cliez M. votre Sœur , que M. Marchand partoic Lundi pro< Chain pour. Bourbon, fini vtrmmt ^kid uittdria 4ffortet'nulil Franche* ment j’£q>prehende un peu qu’il ne vous retienne. B mmeibrt Ibn plaifir. Cependant je fuis alFûréque M. Booe- j dier même vous dira de vous on aller, f Le bien que leseaux vous pourroient . faire eft peut-être fait. E^Ies auront mis votre .poitrine en bon train. Les

fmèdes ne font pas toujours fur le amp leur |Beio effet , & nulle gens i étoient allés à Bourbon pour des ibleflès de jambes , n’ont commencé à bien marcher que lorsqu’ils ont été de retour chez eux. Adieu > mon cher Monfieor., vous medemandez pardon de m’avoir écrit une Lettre trop cour- te vous avez raifon de me le de- mander; & moi je vous le demande d’en avoir écrit une trop longue , ^ j’ài peut-être auüi raifon.

I

I

I

;

DK

ET DE Racine. 143;

DE BOILEAU. ?

^ Bonfion le 28. ^Sut.

JE ne m’étonne point , MonOeur » que Madame la Prlncefle de Conti foit dans le fentiment elle eft. Quand elle auroit perdu la voix , R lui refleroit encore un million de char4 mes pour fe confoler de cette perte d & elle feroit encore la plus parfaite chofe que la nature ait produite depuis longtems. Il n’en eft pas ainfi d’i^ miférable qui a befoin de fa voix po^ être fouffert des hommes , & qui^ quelquefois à difputer contre M.Char« penûer. Quand ce ne feroit que cette derniere raifon , il doit rifquer quel* que chofe » & la vie n’eft pas d’ua U grand prix qu’il ne la puiUe bazar- der , pour fe mettre en état d’inter- rompre un tel Parleur. J’ai donc tenté l’aventure do demi bain avec toute l’audace imaginable: mes valets faifanc fiie leur frayeur fur leurs vifages,& M. Bourdier s’étant retiré pour n’être Toute l, G

t4^ Lsttxb< oe Boitsâv jpoiflt témoin d’une entrepnïe H téme- taire. A vous dire vrai , cette aven- ture a été un peu femblable à celle <]es Maillotins dans D. Quixotte , je veux dire, qu’aprés bien des allarmes, iLs’eft trouvé qu’il n’y avoir qu’à rire, puilque non feulement le bain ne m’a ^oint augmenté la fluxion lur la poi- trine , mais qui me l’a même fort fou- lagée , & que s’il ne m’a rendu la voix^, il m’a du moins en partiel gfldtfta fan- té. Je ne l’ai encore efTayé que quatre fois , & M. Amyot prétend le pouller jufqu’à dix. Après quoi G la voix ne me revient, il me donnera mon congé. Je conçois un fort grand plaifîr à \ vous revoir , &-à vous embrafler; mais vous ne fauriez croire pourtant tout ce qui fe préfehte d’affreux à mon eiprit , quand je fonge qu’il me faudra peut être repaifer muet par iCes hôtelleries , & revenir fans vois dans ces mêmes lieux , l’on m’a- voit tant de fois affûré que les eaux de Bourbon me guériroient infailli-., blement. 11 n’y a que Dieu & voàli eonlblations qui me puiilent foutenir dans une fl Julie occaflon de délel-

STss Racine.

J*ai été fort frappé de l’agréaÛe débauche de Monfe%neur chez Ma* dame la Princellb de Conti. Mais ne fonge t’il point à Tinfulte qu’il a faite par à tous MelSeurs de la Fa* culté ? PaHè pour avaler le Quinqui^ na fans avoir la fièvre : mais de le prendre fans s’être préablement fait faigner & purger, c’efi une chofe qui jeance , & il y a une efpece ~ ne fe point trouver mal après un tel attentat contre toutes Jes régies de la Médecine. Si ' Mon* feigneur , & toute fa compagnie i avoient avant tout , pris une doze de fené dans quelque iyrop convenable, cela lui auroit à la vérité coûté quel* ques tranchées , & l’auroit mis, lui die tous les autres , hors d’état de dîner ; mais il y auroit eu au moins quelques formes gardées , & M. Bachot auroit trouvé le trait galant. Aulieu que de la maniéré dont la chofe s’eft faite , cela ne iàuroit jamais être approuvé que ^es gens de Cour & du mondé , & pon point des véritables difciples d’Hi- pocrate , gens à barbe vénérable , & qui ne verront point aflhrément ce qu’il peut y avoir eu de plaifant à

G s

%4S Lettres £>e Boilfav tout cela. <^ue n perlbmie n’en a été malade, ils vous répondront qu’il y a eu du fortilège^ & en effet , Monfieur, de la maniéré dont vousmej peignez Marli , c’eft un véritable lieu a en-

(chantement. Je ne doute point que les Féés n’y habitent. En un mot, tout ce qui s’y dit & ce qui s’y fait , me * par(^t enchanté ; mais fur-tout les difcours du Maître du Château ont quelque chofe de fort enforcelant , Oi ont un charme qui fe fait lèntic jufqu’àBourbon.De quelque pitoyable maniéré que vous m’ayez conté la difgrace des Comédiens , je n’ai pû. m’empêcher d’en rire. Mais dites-.moi, MonGeur , fu|»pofé qu’ils aillent habi- ter où je vous ai dit , croyez- vous qu’ils boivent du vin du cru. Ce ne feroit pas une mauvaife pénitence à propofer à M. de Chammellé, ( i ) pour tant de bouteilles de vin de Champagne qu’il a bûes : vous favez au dépens de qui. Vous avez raifon de dire qu’ils auront un merveil- leux théâtre pour jouer les pièces de

L Ù] ^ Maxi de la Ciiaoiineilé, gr^nd

-ET IX S R A C I N EV 149

M. Pradon : & d’ailleurs ils y auront une commodité , c’ed que .quand le Sou£Sieui‘.aura oublié d’apporter laco? pie de ces ouvrages, il en retrouvera infailliblement une, bonne partie dan» les précieux dépôts qu’on apporte tousi. les matins en cet endroit. M. Fagonl n’a point écrie à M. Bourdier. Faites I bien des complimens pour moi à > Roze. Les gefts de fon tempéram- ment font de fmrt dangereux ennemis; mais il n’y a point auffi de plus chauds amis , & je fai qulil a de l’amitié pour moi. Je vous félicite des converfa-r tions fraâueoTes que vous avez eues avec M. de Louvois , d’autant plus - que j’aurai part à votre récolte. Ne craignez point que M. Marchand m’arrête à Bourbon. Quelque amitié que j’aie pour lui, il n’entre point ea balance avec vous , & l’Andrienne n’apportera aucun mal. Je meurs d’en- vie de voir les Réflexions de M. Ni- cole ; & je m’imagine que c’eft Dieu qui me préptue ce livre à Paris , pour me confoler de mon infortune. J’ai fort ri de la raillerie que vous me faites fur les gens à qui j’ai pardonné. Ce^ pendant lavez-vous bien qu’il y a &

XSO LBTtRES BoiIE'AV /ceiaplas de mérite que vous ne cro> i^ez , fi le proverbe Italien eft véri- ^ûble, que , ChiafftndentnptrdmM ) ( i ) ' L’aaion de M.de Lorraine ne me paroît point fi inutile qu’on fe veut imaginer , puifque rien ne peut mieux confirmer l’aflurance de Tes troupes ,

2ue de voir que les Turcs n’ont ofé )rtir de leurs retranchemens , ni mê* me donner fur fon arriere-garde dans retraite' : & il faut en effet que ce loient de grands coquins pour l’avoir ainfi lailTé repaffèr la Drave. Croyez* moi iis feront battus ; & la retraite de M. de Lorraine a plus de rapport à la retraite de Céfar, quand il^écampa de* vant Pompée , qu’à l’affaire de Philis* bourg.Quand vous verrez M. Heflein> faites'le reflbuvenir que nous Tommes freres en Quinquina , puifqu’il nous a fauvé la vie à l’un & à l’autre. Vous penfez vous mocquer, mais je ne fai pas fi je n’en eflayerai point pour le recouvrement de ma voix. Adieu , inon cher Moniteur j aimez-moi tou- jours,& croyez qu’il n’y a rien au mon- de que j’aime plus que vous. Je ne fai

£il U avoue ou'd les a otfenfili^

ET 0 B R A e I n E. fjf

vous vous êtes mis en tête que vous } m’aviez écrit une longue Lettre , car L je n’en ai jamais trouvé une fi courte.r

DU M E 3 M E.

A Bturion U 2. Septemhrf,

Ne vous étonnez pas, MonfTeuTÿ fi vous ne recevez pas des répons fes à vos Lettres, auffi promptemenc que peut-être vous fbuhaitez , parce que la poAe efi; fort irrégulière à Boud< ' bon , & qu’on ne fait pas trop biar quand il faut écrire. Je commence à ronger à ma retraite. Voilà tantôt ' la dixiéme fois que je me baigne ; '* & à ne vous rien celer , ma voix efi: tout au même état que quand je fuis arrivé^ Le moDofyllable que j’ai prononcé n’a été qu’un effet de ces petits tons que vous favez qui m’é» chappent quelquefois quand j’ai bean- coup parlé , & mes valets ont été un- peu trop prompts à crier miracles La vérité efi pourtant que le bain m’e renforcé les jambes , & fortifié la poi^

G 4

IrETTKBS DE BoiLEiV trine. Mais pour iipaiJgoiK>DUe,ljgij^^^ âsi la boifibn des eaax,ne in’3^,pDW-^ «en fervi. U fanr^nc ’s’en aller d6 . feourbon aufli rouet que j’y fuis arrivé, ge ne faurois vous dire quand je partî- rai ; je prendrai brufqueroent mon par* ti, &Dieu veuille que le déplaifir ne ne tuë pas en chemin. Tout ce que je vous puis dire, c’eft que jamais exi- lé n’a quitté Ton pays avec tant d’af* fliâion que je retournerai au mien. Je TOUS dirai encore plus , c’efl: que fans votre confidération , je ne crois pas que j’eulTe jamais revû Paris , ou je ne conçois aucun autre plaidr que celui de vous revoir. Je fuis bien fâ- ché de la juûe inquiétude que vous donne la fièvre de M. votre jeune fils. J*erpere que cela ne fera rien. Mais U quelque chofe me fait craindre pour lui , c’efl le nombre de bonnes qualités qu’il a, ( I ) puilque je n’ai jamais

fl accompli en toutes chof». M. Marct^^d efî.arrj^-. ici Samedi. J’ai été mrt aile de le voir } mais je ne tarderai guère à le quitter. Nous faifons notre ménage «nfemble.

^ i) 11 ^It de oion fcdic aind.

»

E T » E R A C f K E IS%^ anffi méchant homme Que iamais. J’ai

bon yaontje nSItwewiyas un mot à fonf 'Ünîvée. Votre relation de l’afFmre de^ Hongrie m’a fait un très-grand plaifir j| & m’a fait comprendre en très-pev de mots , ce que les plus longues rela» lions ne m’auroient peut-être pas ap» pris. Je l’ai débitée à tout Bourbon , o£i il n’y avoit qu’une relation d’un Commis de M. Jacques, après avoir parlé du Grand- Vifir , on ajoû<>- toit entre autres chofes , que leMt fV. fir voulant réparer le gritf qm avoit itê fait , <Stc. Tout le relie étoit de ce fly* le. Adieu, mon cher Monfieur, aimezi»

moi toujours , & croyez que vous feui ^es maconfolation.

Je vous écrirai en partant de Four<> bon , & vous aurez de mes nouvelles

en chemin. Je ne fai pas trop le parti igue Je prendr» à Paris. Tous mes li^ vres font à Auteuilÿ«()^jgif^fli§^PI4^ dérormais aller lès hivers. J’ai réfolus pe^rSfSIf^^Blogement pour moi-feul.. ( 1 J Je fuis las franchement d’ent'en-

t54 LSTtHSS DE Bdijleao dre le tintamare des nourrices & del fervantes. Je n’ai qu’une chambre & point de meubles au Cloitre.T out ceci ibit dit entre nous ; mais cependant I je vous prie de me mander votre avis. N’ayant point de voix , il me faut du moins de la tranquillité. Je fuis las de

Ime facrifier au plaifir & à la commo-; dité d’autrui, lln’eflpas vrai que je net; puiflê bien vivre & tenir feul moni 'ménage. Ceux qui le croyent fe trom> peut groffierement. D’ailleurs je pré* tens défô'rmais mener un genre de vie dont tout le monde ne s’accommodera .pas. J’avois pris desmefures quej’au* rois exécutées , fl ma voix ne s’étoit point éteinte. Dieu ne l’a pas voulu. J’ai honte de moi>même, & je rougis des larmes que je répans en vous écri* vant ces derniers mots.

/

DE RACINE.

A Taris ee /. Septembre.

J’Avois defliné cette aprés-dînée â vous écrire fort au long , mais nos CsijlSa abafottt etm fiSehettx parenfag»^

KT ©E Racine, isf eft'vena malbeureufement rae voir,' & il ne fait que de fortir de chez mm. Je ne vous écris donc que pour vous dire quejer^s avant nier une Lettre» de vous. Le P. Bouhours & le P. Rapim | étoient dans mon cabinet quand je | reçûs. Je leur en fis la leélure en la dé- I ^cachetant , &je leur fis un fort grand/ «laifîr.Je regardai pourtant de loin,.| à mefure que je la lifois , s’il n’y avoic| rien dedans qui fût trop Janfenifle. Je* vis vers la fin le nom de M. Nicole , je fautai bravement , ou , pour mieux dire , lâchement , par deflus. Je n’ofat* m’expofer à troubler la grande joie,. & même les éclats de rire , que leur cauferent plufieurs chofes fortplaiiàn* tes que vous me mandiez-. Noos au<>. rions été tous trois les plus contens du inonde, fi noos euflions trouvé à fin de votre Lettre , que vous parliez à votre ordinaire , comme nous troui- ' vions que vous écriviez avec le mémo efprit que vous avez toujours eu. Ijs font , je vous aflÛre , tous deux forfi- de vos amis , & même fort bonne» gens ( X ) . Nous avions été le matin

mmmmtmnÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊmÊÊÊÊÊÊKÊÊÊiÊÊÊÊÊÊm^

( I ) Ces pfifoanef ifcftiahoieiit ôc s’almoica^

fincéicmciUi

G 6

/

i$6 Lbttkbs db Boilbav entendre le P. de ViHiers , qui I rOraifon funèbre de M. le Prince ,• Grand-Pere de M. le Prince d’aujour- d’hui. Il y a joint les louanges du der- nier mort, & il s’eft enfoncé jufqu’au Icou dans le combat de Saint Antoine : ^pieu fait combien judicieufement. £a wérité il a beaucoup d’efprit ; mais il auroit bien befoin de fe laifler con- duire. J’annonçai au P. Bouhonrs un nouveau livre , qui excita fort fa curio- fité. Ce font les Remarques de M. de ' Vaugelas , avec les Notes de Thomas Corneille. Cela ell ainfi affiché dans Paris depuisquatre jours. Auriez- vous

E* mais crû voir enfemble M. Vauge- s & M. de Corneille le jeune , don- nant des régies fur la Langue ? l’enfle bien voulu vous pouvoir man- der que M. de Louvois efl: guéri , en TOUS mandant qu’il a été malade. Mais maFemme, qui revient de voir Ma- dame de Chapelle , m’apprend qu’il a encore de la fièvre. Elle étoit d’a- bord comme continue , & même aflez grande. Ellen’eft préfentement qu’in- termittente , & c’eft encore une des obligations que nous avons au Quin- quina. Jelpere que je vous mande*

ET DE Racine. 15T rai Lundi qu’il ad abfoiument guéri. Outre l’intérêt du Roi , & celui du i Public , nous avons , vous & moi , ' un intérêt très-particulier à lui fouhai* ter une bonne fanté. On ne peut pas nous témoigner plus de bonté qu’iL nous en témoigne ; & vous ne faurie^ croire avec quelle amitié il m’a touf jours demandé de vos nouvelles. Bon fpir , mon cher Monfieur. Je falue de tout mon cœur M. Marchand. Je vous écrirai plus au long Lundi. Mon filseft guéri.

D E RA CINE.

, ^ iMxmbmr^ ce M*j,

Votre Lettre m’auroit fait beau» coup plus de plai(ir,n les nouvel* les de votre fanté euilent été un peu * meilleures. Je visM.X)odart comme je venoisde la recevoir, & la lui montrai* Il m’alTûra-quevous n’aviez aucun lieq de vous mettre dans refprit,que votre voix ne reviendra point , & me cita même quantité de gens qui font fortis

15S Lettre» DE Boilea tr , fort heureufement d’tin femblable ac- s. cident. Maia fur toutes chofes ,il vous recommande de ne point faire d’effort '' pour parler , & , s’il fe peut , de n’a- voir commerce qu’avec des gens d’u- ne oreille fort fubtile , ou qui vous entendent à demi-mot. Il croit que le fyrop d’abricot vous eff fort bon » âc qu’il en faut prendre quelquefois de pur , & très-fou vent de mêlé avec de l’eau ,en l’avalant lentement, & goûte à gqye. Ne-Po|pt boire trop frais , ni rie yin q^ fort trempé j du reftevous tenir l’^rînôujours gaiJfpUüfsHfc^ près le confeil ( i ) que M. Menjoc me donnoit autrefois. M. Dodart ap- . prouve beaucoup votrellait d’aneffe , mais beaucoup plîii' encbre ce que vous dites de la vertu M ... Il ne la croit nullement propre à votre mal f & àfldre même qu’elle y feroit très» nuifible. Il m’ordonne prefque tou- jours les mêmes chofës pour mon mal dégorgé , qui va toujours fon même trsin } & il me confeille un régime qui

(I) lltacomoit oiian4 U vooTbit tire , qu*un CÎQ lui ayant dtfièiidii de boire du vin a demascer de la viande a de liis ,&de s'appliquer à la moindie Cll0«. tjoata » tfjh »

E T D B R A C I N E. I59 peut-être me pourra guérir dans deux ans , mau qui infailliblement me ren- dra dans deux mois de la taille donc vous voyez qu’eit M. Oodart lui-mê- me ( j). M. Félix étoit préiènt à tou- tes ces ordonnances , qu’il a fort ap- "prouvées ; & il a auili demandé des re- mèdes pour fa famé , fe croyant le pllis malade de nous trois. Je vous ai man- dé quül avoit vifité la boucherie de Châlons. Il e(l à l’heure que je vous parle au marché,où il m’a ditqu’il avoit rencontré ce matin dëTëcrevilfëT^e . fort bonne mine. Le voys^ie*€Iï pro- Tonge de fVoïs jours , & on demeure- ra ici jufqu’à Lundi prochain. Le pré- texte eft la rougeole de M. le Comte de Touloufi^BSîfUfrrtfèfl: apparem- ment que le Roi a pris goût à fa con- quête ,& qu’il n’eil pas fâché de l’exa- miner tout à loifir. Il a déjà conOdéré toutes les fortifications l’une après l’autre , eft entré jufques dans les con- tremines du chemin couvert , qui fonc fort belles , & fur-tout a été fort aiiè de voir ces fameufes redoutes entre

(ij Le pcre du prcmiei Mddcdn du Hol. 11 ctoic cx- HlnciiicM inaigw.

i6o Lettres de Boileatt )es deux chemins couverts , lefquelles ont tant donné de peine à M. de Vau- ban. Aujourd’hui le Roi va examiner la circonvallation ; c’eft-à-dire , faire un tour de fept ou huit lieues. Je ne vous fais point le détail de tout ce qui m’a paru ici de merveilleux. Qu’il vous fuffilè que je vous en rendrai bon compte quand nous nous verrons , & que je vous ferai peut-être concevoir les chofes comme H vous y aviez été. JVl. de Vauban a été ravi de me voir , & ne pouvant pas venir avec moi, m’a donné un Ingénieur qui m’a mené par- tout. Il m’a aulfi abouché avec M. d’Efpagne , gouverneur de Thionvil- )e , qui fe Ognala tant à Saint Godard , & qui m’a fait fouvehir qu’il avoit fouvent avec moi à l’auberge de M. Poignant , & que nous étions , Poignant & moi , fort agréables avec feu M. de Bernage , Evêque de GrafTe. Sérieufement ce M. d’Efpagne ell un fort galant homme , & il m’a paru un grand air de vérité dans tout ce qu’il m’a dit de ce combat de Saint Godard, ^ais , mon cher Monûeur , cela ne s’accorde, ni avecM.de Montecuculli, oiaveC M. de BÜly , ni avec M. de

BT DE Racine. j6t làFeuillade, & je vois bien que la véri- té qu’on nous demande tant, efl bien plus difficile à trouver qu’à écrire (i). J’ai aufli M. de Charüel, qui étoic Intendant à Gigeri. Celui-ci fait appa- remment la vérité , mais il fe ferre les lèvres tant qu’il peut , de peur de la di-. re ; & j’ai eu à peu près la même pei- tie , à lui tirer quelques mots de la bou- che , que Trivelin en avoit à en tirer de Scaramouche , Muficien bègue. M. de Gourville arriva hier , & tout en ar- rivant me demanda de vos nouvelles. Je ne finirois point (i je vous nommois tous les gens qui m’en demandent tous les jours avec amitié. M. Chevreu- fe entre autres , M. de Noailles , Mon- feigneur le Prince, que je devrois nom- mer le premier j fur-tout M. Moreail notre ami , & M. Roze; ce dernier , avec des expreffions fortes , vigoureu- iês , & qu’on voit bien , en vérité , qui

Çi^ Sur qutlle Hiftoire peut-ôn coirpter ? Tel Ecri« ?ain a chérché la vérité, fans la trouver. Tel autre ne s*eft point donné la £eine de la chercher ; d'autres n'ont point longé i la dire. Qui ne croirolt qu'un homme comme M. de Valincourt n*a rien écrit qued'exaél fut on ami qu'il avoir toujours fréquenté } j'ai cependant fait voir qu'il n'y avoit p<ûni d'cJtaélicudc dans û Lettre àiâüriqiic futiuon Pere.

ï64 Lettres 6e Boileav Coartenaf , qui a été trouvé mort daiff la paliflade de la. demi- lune. Car quel* ques Moofquetaires pouiTerent ju& ques dans cette demi>lune , malgré la défenfe exprefle de Vauban & de M. de Maupertuis , cro;ÿant faire , fans doute , la même chofe qu’à V alencien* nés. Ils furent obligés de revenir fort vîte fur leurs pas:&.c’eft>là que la plû* part furent tués ou bleifés. Les Gre» nadiers , à ce que dît M. de Mauper» tais lui- même, ont été aufli braves que les Moufquetaires. De huit Capitai> nés , il y en a en lepc tués ou bleifés. J’ai retenu cinq Ou avions ou pa»> rôles de ilmples Grenadiers , dignes d’avoir place dans THiitoire , . & je ▼ons les dirai quand nous nous rever* rons. M. de Chafteavillain , fils de M, le Grand Tréforier de Pologne , étoic tout , & efi: un des hommes de l’ar- mée le plus efiimé. La Chefnaye a aufli fort bien fait. Je vous-les nomme tous deux , parce que vous les connoiflez particulièrement. Mais je ne vous puis dire aifez de bien du premier , qui joint beaucoup d’efprit à une fort grande Valeur. Je voyoia toute l’attaque fort à mon , d’un peu lem à la vérité ,

ET Di. Racine. i6s mais j’avois de fort bonnes lunettes , que je ne pouvois prefque tenir fer- mes,tant le coeur me battoit à voir tant de braves gens dans le péril. On fit une fufpenfion pour retirer les morts de part &d’autfe.On trouva denosMouf- quetaires morts dans lech^in cou- vert de la demi-lune. Deux Moufque- taires blelTés s’étaient couchés parmi ces morts, de peur d’être achevés.Ils le levèrent tout-ji-coup fur leurs pieds , pour s’en revenir avec les morts qu’oa remportoit. Mais les ennemis préten- dirent qu’ayant été trouvés fur leur terrain , ils dévoient demeurer pri- fonniers. Notre Officier ne put pas en difconvemr f mais il voulut au moins donner de l’argent aux £fpagnoIs,afin de faire traiter ces deux Moufquetai- res. Les Efpagnols répondirent : lU ffnmt mieux traités parmi mus ejue par- mi voMsjdr nous avons de l’argent plus qu'il nenfautpournoui & peureux. Le Gou- verneur fut un peu plus incivil ; car M. de Luxembourg lui ayant envoyé une lettre par un Tambour , pour s’in- former fi le Chevalier d’Ellrade , qui s’ell trouvé perdu , n’étoit point du DLombre des prifonniers qui ont été

i

17s Lettrss DE Bôiieaü Teçû de.' Aies nouvetlcs.

J’ai Qub'ljé de't:oùi dîfie , cjue pea- dant qijél’ètois fùcle mont Pagootte,

^ à régaEjfer l’aitaqae , le PT de la Chaife étoit dans la^trancnre , flic même fort près de l’attaque , pour la vpir plus dHlinèiemeot. J’en parlois hier le foir à fon Frere , qui me die tout naturellement : Il fs fera mer m de ces jours. Ne diteffiëh de celiT à çerronne,car on croiroit la eholè in- ventée , & elle e&'très - vraie , Sc très - férieu/ê.

DU MES ME. jiu Camp de Gévriesle 2 1 . Mai,

ILjaut que J’aime M. Vigan autant que je fais , pour ne lui pas vouloir beaucoup de mal du contretems dont dont il a été caufe. Si je n’avois pas eu des embarras tels que vous pouvez vous imaginer, je vous au- rois été chercher à Auteuil. Je ne vous ai pas écrit pendant le chemin, ..parce que j’étois chagrin au dernier

point

■8 T IV B Ricins. i(^ point d’un vilain clouquim’efl: vena au menton, gai m’a fait de tort grandes dou i^urs , jufqu’à me donner la fièvre deux jours de deux nuits. Il eil percé. Dieu merci, & il ne me refte plus qu’une emplâtre , qui me défigure , & dont je me confolerois volontiers , fans toutes les queftions impor- tunes que cela m’attire à tout mo- ment.

Le B oi fit hier la revâe de Ton ar- mée, & de celfo de M.deLuxembourg. C’étoit aflhrément le plus grand fpec- tacle qu’on ait depuis plufieurs TîéSles. Je rie me fouviens point que , les Romains en aient un tel. Car leurs armées n’ont guère palTé , ce- rne femble , quarante , ou tout-au>plus cinquante mille hommes ; & il y avoic hier fix-vingts mille hommes enfem- ble for quatre lignes. Comptez qû’à la rigueur il n’y -avoit pas defius trois mille hommes à rabattre, je commençai à onze heures du matia marcher. J’allai toûjours au grand I pas de mon cheval , & je ne finis ; qu’à huit heures du foir .Enfin on étoit deux heures à aller du bout d’une ligne à l’autre. Mais û on n’a jamais - Tme L , H

Lettres bb Boixeiv vûtancde troupes enfemble, aiTûre£> vous ^u’oh n’en a jamais vûde fi bel> les. Je vous rendrois un fort bon comp« te des deux lignes de l’armée du Roi , & de la première de l’armée de M. de Luxembourg. Mais quant à la fecon- 4ie ligne , je ne vous en puis parler que fur la foi d’autrui. J’étois las , fl éblouï de voir briller des épées & des moufquets , fl étourdi d’entendre des tamboursydes trompette s, des tim- bales ^ qu’en vérité je me ladlbis con- duire par mon cheval , fans plus avoir / d’attention à rien ; & j’ende voulu . 4c tout mon cœur que tous les gens que je voiois euflênt été chacun dans ^ur chaumière^ ou dans leur maifon«

' ^vec leurs femmes & leurs enfans , &

thoi dans la ruë des Maçons avec ma famille. Vous avez peut- être trouvé dans les Poèmes épiques les revûes dtarmées fort longues & fort en- jnuyeufès ; mais celle-ci m’a paru tout autrement longue , & même , par- donnez-moi cette efpéce de blafphé- Sne , plus lalTante que celle de la Pu- Celle. J’étois au retour à peu prés dans le même état que nous étions vous & tnoi dans ia cour de l’Abbaye de Saine

* . '

s T E Racine. 171 i^mand. A cela près je ne fus jamais ft charmé & fi étonné , que je le fus de voir une puifiance fi formidable. Vous jugez bien que tout cela nous prépare de belles matières. On m’a donné-^un ordre de bataille des djux armées. Je vous l’aurois volontiers envoyé ; mais il y en a ici mille copies, de je ne doute pas qu’il n’y en aie bientôt autant à Paris. Nous fommes ici campés le long de la Trouille, à deux lieues de Mons. M. de Luzem* bourg efi campé près de fiinche , partie fur le ruifieau qui pafle aux £f* tives , & partie fur la Haifne , ce ruifleau tombe. Son armée efi de 66 bataillons , &de 209 efeadrons. Celle du Roi de .46 bataillons , & de 9e efeadrons. Vous voyez par-là que celle de M. de Luxembourg occa- poic bien plus de terrain que celle du Roi. Son quartier général ,j’entens celui de M. de Luxembourg , efi à Thieufies. Vous trouverez tous ces villages dans la carte. L’une & l’au* tre fe mettent en marche demain; Je pourrai bien n’être pas en état de vous écrire de cinq ou fix jours ; c’eR pourquoi je vous écris a^ourd’hui

ne Lettres de Boileau une n longue Lettre. Ne trouvez point éuange le peu . d’ordre que vous y trouverez ; Je vous écris au .bout d’une table environnée de gens qui raifonnent de nouvelles , & qui veulent a tous momens que j’entre dans la converfation. 11 vint hier de Bruxelles un Rendu , qui dit que M. le Prince d’Orange alTeinbloit quel* ques troupes à Auderleck , qui en, eft à trois quarts de lieues. On demanda au Rendu ce qu’on, dilbit à Bruxel* les. 1| répondit qu’on y étoit fort en ^repos , parce qu’on étoit perfuadé qu’il n’y avoit à Mons qu’un camp volant ; que le Roi n’étoit point en Flandres ; & que M. de Luxembourg dtoit en Italie.

Je ne vous dis rien de la Marine. Vous êtes à la fource , & nous ne favons qu’apiès vous. Vraifembla^ blement j’aurai bientôt de plus gran* des chofes à vous mander qu’une je* yôe , quelque.grande À quelque mà> gnifique qu’eHe ait été. M. de Ca- voie vous baife les mains. Je ne (ai ce que je, ^rois fans lui. 11 faudroic en vérité que je renonçaflè aux voya> ^s & an plaifir de voir tout ce que je voi^ M. de Luxembourg , dés le

%

«

ÉT »E Racine.’ 173' premier jour que nous arrivâmes » en* . voya dans notre écurie un des plus commodes chevaux de la (renne, pour m’en fervir pendant la campagne. Vous n’avez jamais un homme de cette bonté , & de cette magnifî* cence. Il e(I encore phis à Tes amis> & plus aimable à la tête de fa formi* dable armée , qu’il n’eft à Paris & àf Verfailles. Je vous nommerois au contraire certaines gens qui ne font pas reconnoüTables en ce pays > ci , & qui tout embarrafTés de la figure qu’ils y font , font à peu près comme vous dépeigniez le pauvre M. Jan- nart , quand il commençoit une cou* rante. Adieu , mon cher Monfieur,

, voilà bien du verbiage ; mais je vous écris au courant de ma plume, &

; me laifie entraîner au plaifir que j’ai de caufer avec vous , comme fi , j’écois dans vos allées d’Auteuii. Je vous prie de vous fouvenir de mol dans la petite Académie , & d’aOhrer M. de Fontchartrain de mes très* humbles refpeâs. Faites aulli mille complimens pour moi à M. de la Chapelle. Je prévois qu’il aura bien* tôt matière à des types plus magui»

H3

174 Lbttrbs se Boileatt éques qu’il n’en a encore imaginés. Ecrivez > moi le plus fonvent que vous pourrez-, & forcez votre parefTe.' rendant que j’elTuiè de longues mar> - ches , & des campemens fort incom/ modes , ferez vous fort à plaindre

3uand vous n’aurez que la fatigue: ’écrire des Lettres bien à votre aife. dans votre cabinet ?

St

D U M E S M E,

»

Ç4mp de Gévries le 22. Mai,

* J * » %

COmme j’étois fort interrompq hier en vous écrivant , je fis une grande faute dans ma Lettre , dont je ne m’apperçûs que lorfqu’on l’eût portée à la polie. Au lieu de vous dire que le quartier principal de M. de Luxembourg étoit aux hautes £f>/. tives , je. vous marquai qu’il étoit à Thieufies , qui eil un Village à plus de trois ou quatre lieues de-là , & il devoit aller camper en partant des ■Eftivês à ce qu’on m’avoit dit. On parloit même de cela autour de moi

E r ir E R A <f r N i. i-jt pendant que j’écrivois. J’ai donc cr» que je vous ferois plaifir de_.yauft' détromper , & qû’il valoit mieuS qu’il vous en coûtât un petit port de lettre , que quelque groHe gaj^re oit vous pourriez vous engager mal à - propos , Ou contre M. de la Chapelle^, ou contre M. Heflein. J’ai fur touc pâli quand j’ai fongé au terrible in* convenient qui arriveroit fi ce der* nier avoit quelque avantage fur vous. Car je me fouviens du bois qu’il met» toit à la droite opiniâtrément , inal*: /gré tous les fermens & toute la raifoq ! de M. de Guilleragues , qui en penfit devenir fou. Dieu vous garde d’avoir Jamais tort contre un tel Homme.

Je monte en carrofle pour aller i Mons , M. de. Vauban m’a pro- mis de me faire voir les pouveauE ouvrages qu’il y a faits. J’y allai l’au- tre jour dans ce même defiein ; mais^ je fouffrois alors tant de mal , que je* ne fongeai qu’à m’en revenir au pluÿ; vite-

I7tf Lettres de Boileiü

\

DU M E S M £.

Cmf devMt N/murle 3. Juin.

J’Ai été 11 troublé depuis huit jours de la petite*vérole de mon fils, que j’appréhendois qui ne fut fort dangereufe , que je n’ai pas eu le cou- rage de vous mander aucunes nouvel- les. Le liège a bien avancé durant ce tems-là , & nous fommes à l’heure qu’il ell au corps de la Place. 11 n’a point fallu pour cela détourner Meufe , comme vous 'm’écrivez qu’on le difoit à Paris , ce qui feroit une étrange entreprilè. On n’a pas même en befoin d’appeller les Moulquetai- res , ni d’expofer beaucoup de braves gens. M. de Vauban , avec Ton ca- non & Tes bombes , a fait lui feul toute l’expédition. Il a trouvé, des hauteurs au* deçà & au-delà de la Meufe, il a placé fes batteries. 11 a conduit fa ^ principale tranchée dans un terrain aflez relTerré , entre des hauteurs , & line elpéce d’étang d’un côté , & la

ÏT »É Racine. 177 Meafè de l’aatre. En trois jours ii a poulTé fon travaii jufqu’à un petit ruiflèau qui coule au pied de la con- trefcarpe , & s’eft rendu maître d’une petite contre-garde revêtue , qui étoic en - (feça de la contrefcarpe , oc de- là,

' en moins de feize heures , a emporté .tout le chemin couvert qui étoitgar* ' ni de plufteurs rangade paliflades , a comblé un folTé large de dix toifes , & profond de huit pied», & s’eft logé dans une demi-lune , qui étoit an- devant de lacourtine ^ entre un demi' baflion qui efl fur le bord' de laMeufb, à la gaucho deaafliégeans , & un baf- tioir qui efl: à leur droite. En telle ibrte , que cette Place terrible , un mot Namur, a vft tous-fes dehcnc» enaportés dans le peu de temaque je vous ai dit, fans qu’il en ait coûté ait Koi plus de trente hommes.Ne croyez pas peur cela qu’on ait eu affaire à des poltron». Tous ceux de no» gens qw ont été à'ces attaquess fbnt étonné du courage des afliégés. Mais voue jugerez de l’effbr terrible du canon a des- bombes , quand jer vous dirai , fur le- feul rapport d’utt Officier£fpagnol,q,uifua]^is hier dan»

H ^

178 Lettres xte Boileav les dehors , que notre artillerie leUf a tué en deux jours douze cens bon>< sues. Imaginez-vous trois batteries qui qui fe croiient , & qui tirent conti- nuellement fur de pauvres gens qui font vûs d’enhaut,& de revers , & qui ne peuvent pas trouver un~f&I coin ils foient en fÛreté. On dit qu’on a trouvé les dehors tout pleins de corps dont le canon a emporté les têtes , comme on les avoit coupées avec des fabres. Cela n’empêche pas que pludeurs de nos gens n’ayént fait des allions de grande valeur. Les Grena- diers du Régiment des Gardes Fran- coifes , & ceux^ des Gardes Suides , fe ^nt entr’autres extrêmement didin- gués.On raconte pludeurs aâions par- ticulières , que je vous redirai quelque |our,& que vous entendrez avec plai- 4'£r. Mais en voici une que je ne puis différer de vous dire« oc que j’ai oQi f onter au Roi même.Un foldat du Ré- giment des Fuziliers , qui travailloit à la tranchée , y avoit porté un gabion; .un coup de canon vint qui emporta fon gaÛon : audîtôt il en alla pofer ù la même place un autre , qui fut fur le champ emporté par un autre coup

l T 1) B R A cr i: N E. canon. Le foldat , fans rien dire » en prit un troiüénie , â: fallapofer^ nn troifîéme coup de canon emporta ce troiOéme gabion. Alors le foldae rebuté tint en repos ; mais fon 0£Bcier lui commanda de ne point laifler cet endroit fans gabion. Le fol* dat dit : l irai , mais fy ferai ta(. Il y alla , & en pofant fon quatrième gabion , eut le bras fracaflé d’un coup de canon. Il revint , foutenant fon bras pendant avec l’autre bras , & contenta de dire à fon Officier: Faveis bien dk. Il fallut lui couper le bras , qui ne tenoit prefque à rien.' ]1 fouffrit - cela fans defierrer leà^

. dents , & après l’opération, dit froide>> /ment : Je jfkii 'dmc hors tthat de tra*

\ voilier , e’efi maintenant Roi- kmot 'miirrir; Je crois que vous me pardon-*, nerez le peu d’ordrë de cette narra-'' tioD , -mais afl&rez^vous qu’elle elB fort vr^. M; de Cavoie me prefle d’achever ma Lettre. Je vous' diral*^ donc en deux mots , pour l’acheveri^ qu’àpparemment la ville fera prife enr> ^ux josrs.Il y adé^ une grande brév che qu baflion , & même un Officïtipr vitnO) .di£-on monter avec dcatr

B S

1^84 Lettres se Boileav ta par terre de deux coups de fa per- tuifane , qui ne le blefiêrent pourtant point. On a fort loué la fageflè de M. de Maupertuis. Mais il faut vous dire aufli deux traits de M. de Vau- ban , que je fuis afluré qui vous plai- ront. Comme il connoît la chaleur du fbldat dans ces fortes d’occâfîons, 9 leur avoit dit: Mt% tnftms, m ne vcm défend f as de fmrfmvre les ennemis ejuased ils s'enfiürmt , mais je ne vestx jras qm' qine votes aUkx. votes faire éeki^ner mal- à-propos Jim la contrejcarpe de lettrs an- tres ouvrages. Je retiens donc a met e$- tés cinq tambutrs , potm vues rapeller quand il fera tms. Dès que vous les entendrez , nemanqnez pasde revenir^ ehaéten 4 vos pefi-es. Cela fut fait com- me il l’avoit concerté. Voilà pour la première précaution. Voici la fécon- dé. Comme le retranchement qu’on attaquok avoit un fort grand front , il fit mettre far notre tranchée des . efpéces de jallons , vis*à*vis defquels chaque çorpa devok attaquer , & le ' loger t pour éviter la confufion. Et la chofe réüflit à merveilles. Les en- nemis ne foutinrent point , & n’at* tendirent pas même nos gens. Ils

£T DE Racine. 1S5 s’enfuirent après qu’ils eurent fait une feule décharge , & ne tirèrent plus que de leurs ouvrages à On en tua bien quatre ou cin encr’autres un Capitaine £f] fils d’un Grand d'Efpagne . nomme le Comte de Lemo qui le tua étoit un des Grer chçva! , nommé Smii râiftn. Voua un vrai nom de Grenadier. L’Efpagnol lui demanda quartier, & lui promit cent pi{loles,lui montrant même fa bourfe, il y en avoit 35. Le Gre- nadier qui venoit de voir tuer le Lieutenant de fa Compagnie , qui étoit un fort brave homme, ne vou- lut point faire de quartier, & tua fon Efpagnol. Les ennemis envoyé-' rent demander le Corps , qui leur fut rendu, & le Grenadier Sans- r^ifouTtn- dit aulfi les 35 pifioles qu’il avoit prifês au mort, en difant : w/-

fm 4rgtnt , dmt jt nt veux peint , Us Grennaiers ne mettent U mnin fnr Ut gens que peur Us tuer. Vous ne trou- verez point, peut-être, ces détails dans les relations que vous lirez; & je tn’aflure que vous les aimerez bien autant qu’une fuputatlon exacte du

i8tf Lettres de BortEAir Dom d^s bataillons , & de cbaquer eoinpagnie des gens détachés , ce que M. l’Abbé Dangeaù ne manque* roit pas de rechercher très-curieufe* ment. Je vous ai parlé du Lieuter nanc de la compagnie des Grenadiers- qui fut tuéy& dont Sém-raifi» ven-r gea la- mort. Vous ne ferez peut*êtrer

fpas fâché de favoir qu’on lui trouva lin cilice fur le corps. Il étoit d’un& piété fînguliére , & avoit même fait fes dévotions le Jour d’auparavant ^ refpeâé de toute l’Armée pour fa va- leur , accompagnée d’une douceur & d’une fagelTe mervèllleufe. Le Roi l’eftimolt beaucoup a. dit après fa- mort, que c’étoit un homme qui pou- - voit prétendre à tout. Il s’apelloit Roquevert. Croyez - vjous que Frere- Roquever^t ne valoir pas bien Frere- Muce ? £t M. de la Trape l’avoit connu , auroit-ii mis dans la vie de Frere Muce, que les Glrenadiers font profeflion d’être les plus grands fce- îérats du monde ? Effeêlivement on* dit que dans cette Compagnie il ÿ a ^s gens fort réglés. Pour moi je' n’entends guère de- MeiTe dans le Camp , qui ne foit fer vie par quel-

ET BE Racine. 187 que Moufqaetaire , & i) en ait quelqu’un qui communie , & cela de U maniéré du tnonde la plus édi> £ante.

Je ne vous dis rien de la quantité de gens qui reçûrent des coups moufquet , ou des contuHons tout au- près du Roi. Tout le monde le fart, & je crois que tout le monde en fré- mit. M. le Duc étoit Lieutenant>Gé- néral de jour, & y fît à la Condé , c’eft tout dire. M. le Prince , dés qu’il vit que l’aftion ailoit commencer , ne put s’empêcher de courir à la tran- chée, & de fe mettre à la tête de tout. En vmlà bien aflfez pour un jour. Je ne puis pourtant finir fans vous dire un mot de M. de Luxem- bourg. Il ell toujours vis-à-vis des ennemis , la Méhaigne entre deux , qu’on ne croit pas qu’ils ofent pafîer. On lui amena avant hier un Officier Efpagnol , qu’un de nos partis avoic

pris , & qui s’étoit fort bien battu. M. de Luxembourg lui trouvant de l’ef-

prit , lui dit : Faut utttrts Efpagnalt , je fais que vaut faites la guerre en haitr- ttêsetgent, & je la veux faire avec veut- de mime, Enfuite il le fit ^ner avec

i88 Lsttkes se Boileav lui , puis lui fit voir toute fon arnrée. i^près quoi il le congédia , en loi di« fant : Je ve$ts rende votre libeni : niiez trouver Ai, le Prince Orange , & dt~ tes-hû ce qne vont avez vu. On a fil auffi par un Rendu , qu'un de nos foldats s’étant allé rendre aux enne- mis , le Prince d’Orange lui demanda pourquoi il avoit quitté l’Armée de M. de Luxembourg : Ce^ ^ le foldat y qu'on y meurt de faim ; maii avec tout cela , ne fajfez pas la rivière , car afurimettt ils votes battront. Le Roi envoya hier fix mille faes d’avoine » & cinq cens bœufs à l’Armée de M. de Luxembourg : & quoi qu’ait dit le déferteur y je vous puis afiiirer qu’oa y efl fort guaî , & qu’il s’en faut bien qu’on y meure de faim. Le Général a été trois jours fans monter à cheval, paflanr le jour à jofier dans tente. Le Roi a eu nonvélle aujourd’hui, que le Baron de Serclas , avec cinq ou Hz mille chevaux de l’Armée du Prince d’Orange , avoit pafifé la Meufe à Huy , comme pour venir inquiéter le quartier de M. de Bouffiers; Le Roi prend fes mefures pour le bien rece- voir.

S^T SE RaCINC. 189

Adieu , Mandeur , je vous mande* rai une autrefois des nouvelles de la vie que je mene , puifque vous en vou* kz favoir. Faites , je vous prie, parc de cette Lettre à M. de la Chapelle , fi vous trouvez qu’elle en vaille la peine. Vous me ferez même beau* coup de plaifir de l’envoyer à ma Femme , quand vous l’aurez lûë. Car i je n’ai pas le tems de lui écrire , & Vela pour réjoOir elle & mon fils. On eft fort content de M. de Bonrepaux.

< J’ai écrit à M. de Pontchartrain le fils par le confèil de M. de la Cha- pelle. Une page de complimens m’a plus coûté cinq cens fois » que les huit pages que vous viens d’écrire. Adieu , Monfieur ,, je vous envie bien votre beau tems d’Auteuil ; car il fait ici le plus horrible tems du monde.

Je vous ai rire afiez volontiers, de ce que le vin fait quelquefois fai* ; re aux yvrognes. Hier un boulet de canon emporu la tête d’un de nos Suiflès dans la tranchée. Un autre Suilîe , fon camarade , qui étoit au* près,. fe mit à rire de toute fà. force,'- en difant i Hi^hS ^ etU efi fUijtmt : H

ipo Lettres DE BoiLEATf

reviendra fans tête dans te eam^.

On a fait aujourd’hui trente prî- fonniers de l’Armée du Prince d’O- ■range , & ils on tété pris par un Parti de M. de Luxembourg. Voici la diP- pofition de l’Armée des Ennemis, M. de Bavière a la droite avec des Brandebourgs , & autres Allemands. M. de Valdeck eft au Corps de Ba* taille avec les Hollandois ; & le Prin- ■ce d’Orange , avec les Anglois , eft à 3a gauche. J’oubliois de .vous dire, •que quand M. le Comte de Touiou» fe reçût fon coup de mdufquet , on «ntendic le bruit de la baie : &'le Roi demanda quelqu’un étoit bleflé. H me femêle , dit en fouriant le jeune Prince , que quelque chofe m'a touché» Cependant la comuGon étoit aflez grofle, & j’ai la marque de la baie fur le galon de la manche , qui étoit tout noirci , comme G le feu y avoit paGTé. Adieu , MonGeur , je ne fçau- rois me réfoudre à finir quand je fuis avec vous.

. En fermant ma Lettre , j’aprens que la PréGdente Barantin , qui avoit époufé M. de Courmaillon , Ingé» sieur, a été pillée par un Parti de

«T Bt RACÎNB. 19I Charleroi. Ils lui ont pris Tes chevaux de carroiTe , & fa caflette , & l’ont 'laiiTée dans le chemin à pied. Elle ivenoit pour ^tre auprès de fon maii ' tqui avoit été bleflé. Il efb mort.

A U M E S M E.

'jt» Camp prit de Namr le 14.. Jiàn:

JE laiflè àM. de'ValincourtJe foin de Vous écrire la prilb du Château neuf. Voici feulement quelques cir> confiances qu’il oubliera peut-être dans fa relation. Ce Château neuf ell: apellé autrement, le Fort Guillaume, parce que c’efl le Prince d’Orange qui ordonna l’année paffée de faire conflruire , & qui avança pouf cela dix mille écus de fon argent. C’elt ain grand ouvrage à cornes , avec quelques redens dans le milieu de la courtine , félon que le terrein le de- tnandoit. II efl utué de telle forte , 4}ue plus on en aproche , moins on le découvre. Et depuis huit ou dix jours 42ue notre canon le battoit , il n’y avoit

içi Lettres de Boileav

fait qu’une très-petite brèche à paflêr deux hommes , & ii n’y avoit pas une paliflade du chemin couvert qui fût tompuë*. M. de Vauban a admiré lui- même la beauté de cet ouvrage. L’In- >génieur -qui l’a tracé, & qui a con- duit tout ce qu’on y a fait , eil un Hol- landois nommé Cohorne. Il s’étoic . enfermé dedans pour le défendre, & y avoit même fait creufer le foflé ,

. difanf qu’il s’y vouloir enterrer. Il en fortit hier avec la garnifon , bief- le d’un éclat de bombes. M- de Vau- ban a eu la curiofîté de le voir,&après lui avoir donné beaucoup de loüange , lai a demandé s’il jugeoit qu’on eût l’attaquer mieux qu’on n’a fait. L’au- tre fit réponfe , que fi on l’eût atta- qué dans les formes ordinaires , & en.conduifaht une tranchée devant la courtine , & les demi-bafiions , il fe feroit encore défendu plus de quin- ze jours , & qu’il noos en aufoit coû- té bien du monde ; mais que de la maniéré dont on l’avoit embralTé de ' toutes parts , ii avoit fallu fe rendre. La vérité ell , que notre tranchée eft quelque chofe de prodigieux, embrafi-

fm

ET D b" R' A C 1 N B.' fane à la fois plufieurs montagne« » & plufieurs vallées , avec une infi« nité de détours & de retours «autant prefque qu’il y a de rues à Paris.' Les Gens da Cour commençoient à s’epnuyer voir fi longtems remuer la terre. Mais enfin il s’efi trouvé que dès que noos avons attaqué la con- trefearpe , les ennemis « qui crai- gnoient d’être coupés , ont abandon- né dans l’inftant tout leur chemin couvert; & voyant dans leur ouvrage vingt de nos Grenadiers , qui avoient grimpé par un périt endroit , oa ne pouvoit Inonter qu’un à un, ils - ont auiTi-tôt battu la chamade. Ite étoient encore quinze cens hommes , tous gens bienfaits , s’il y en a au mon- de. Le principal Officier qui les c<Hn« Biandoit , nommé M. de Vimbergue, efb âgé de prés de go ans. Comme U étoit d’ailleurs fort incommodé des fa- tigues qu’il a fottffiertes depuis quinze jours, & qu’il ne pouvoit plus marcher, jl s’étoit fait porter fiir la petite br^ che , que notre caqoo avoit fitite, ré- folu d’y mourir l’épée à la main. C'eft lui qui a fait la capitulation ; & Il y a fait mettre qu’il lui iStroit permis d’ea-

Tnutl I

%

*94 Lbtt^ss ae Boileav

trer dans le vieux Château , pour s*y défendreencore jufqu’i la fin do fiége. Vous voyez par-là à quels gens nous avons affaire , & que l’art & les pré- cautions de M. de Vauban ne Ibnt pas Inutiles pour épargner bien de braves gens , qui s’iroient faire ruer mal-à- propos. C’étoit encore M. le Doc qui étoit Lieutenant-Général de jour : âc voici la troifiéme affaire qui paflê par fes mainsi Je vondrois que vous eoi^. fiez pft entendre de quelle manière aifée , & même avec quel eipiit ii m’a bien voulu raconter une partie de ce que je vous mande ; les répon-' &s qu’il fit aux Offiden qui le via- tent trouver pour capitula: ; &. com- me , en leurfaifant imlle honnêtetés , il ne laiffoit pas de les intimider. On a trouvé le chemin couvert tout plein de corps morts , fans tous ceux qai> étoient à demi enterrés dan« l’ouvra* vrage. Nos bmnbes ne fes laiffcwu; pas refpirer. Ils voyoient fauter à i tout momens en l’air leurscamarades^ leurs valets , leur pain , leur vin étoient fi las de & jetter par terre » comme on fidc quand il tombe une bombe^ que les tina le tpnoient de*

t 9 B R A C I N si ipS boüc , au hazard de ce qui en pour« roit arriver ; les autres avoient creu- de petites niches dans des retran». chemens qu’ils avoient faits dans le inilieu de l’ouvrage , & s’y tenoienc plaqués tout le jour. Ils n’avoient d’eau que celle d’un petit trou qu’ils avoient creufé en terre, & ont paué ainfi quin* ze jours entiers. Le vieux Château eit compofé de quatre autres Forts , l’un derrière l’autre , & va toujours en s’étrecilTant , en telle forte que celui de ces Forts > qui eft à l’extrémité de la montagne , ne paroît pas pou- voir contenir trois cens hommes. Vous jugez bien quel fracas y feront nos bombes. Heureulèment nous ne craignons pas id’en manquer {i*tôt.

On en trouva hier chez les R. Pe* res Jéfuites de Namur , douze cens foixante toutes chargées , avec leurs amorces. Les bons Peres gardoiènt précieufemenc ce beau dépôt, fans en rien dire, efpérant vraifembiablement de les rendre aux Efpagnols , au cas qu’on nous fie lever le fiége. Ils pa^ roifilbient pourtant les plus contens du monde d’être au Roi •; & ils me

1 2

zpd Lettres DE^BottCiv dirent à ihoi-même , d'un air riant dt 'Ouvert, qu’ils lui étoient trop obligés de les avoir délivras de ces maudits / Proteftans, quidtoient en garnifon ! à Namur , & qui avoient fait .ua ! Prêche de leurs Ecoles. Le Roi a Sli> I voyé le P. Reâeur à Pôle. Mais le ' P. de la Chaize dit lui-mênve que le R.0I eft trop bon , & -que les Supé- rieurs de leur Compagnie feront plus révères que lui. Adieu , MooGeur.

J’oubliois de vous dire que je vis pafler^s dgux Otages que ceux du dedansde l’ouvrage à cornes en- voyoient au Roi. L’un avoit le bras en écharpe ; l’autre la mâchoire à demi emportée, avec la tête bandée d’une ^harpe noire ; le dernier efl; «U Chevalier de Malthe. Je vis aufli huit prifonniers qu’on amenoit du chemin couvert. Ils faifoient horreur. l.’un avoit, un coup de fiayonnette dans le côté : un autre , un coup de moufquet dans la bouche. Lesfixaù- sres avoient le vifage & les mains toutes brûlées du feu qui avoit pris à la poudre qu’ils avoient dans; leurs ha> vcefacs. ...

* T E Racine; ipy

! * .

. A S A F E M M E. (i) '

C4tt4U CMubrtJts le j^de r jijcenjten*

J’ A vois commencé à vous écrire hier au foir à Saint Quentin » mais fus averti que la polie étoit partie dés midi 'y ainll Je n’achevai point. Je viens de recevoir vos. Lettres, qui m’ont fait, un fort grand plaiGrl Je me porte bieo , Dieu merci. Les Gar- dons de M. Roche m’ont piqué mon petit cheval en deux endiroits en le ferrant , dont je fuis fort en colere contr’eux, & avec raifon. Heureu* fement M. de Cavoie mène avec lu| pn Maréchal , qui en a pris foin ; & on m’afliire qUe ce ne fera rien. Nous ' allons demain au Quefnoi , on lail^ ièra les Dames au Camp prés de Mons. L’herbe eR bien courte , & je crois que les chevaux ne . trouveront pas

(i ) C*eft U feale Lettre confovée de toiitet celles i|n*il lai s édites^ Comme il a*a?oît rien de cachd*

Sr elle , il ne pas spatemment qu'elle

£9

Lettre? si Bdiieav beaucoup de fourage. Le bled eft fort Tenchéri. Votre Fermier fera riche", & devroit bien vous donner de Tar- gent , puifque vous ne l'avez point prèfl*é de vendre fon bled lorfqu’il i^toit à bon marché. Le Roi eut hier des nouvelles de fa Flotte. Elle elb Sortie de Brefl do p. Mai. On la croit maintenant à la Hogue en Norman* die ; & le Roi d’Angleterre embarquéi. ôn mande de Hollande , que le Prin* ce d’Orange voit bien que c’eR tout de bon qu’on va faire une defcente , & qu’il paroît étonné. Il a envoyé en Angleterre le Comte de Po'rtland foa favori, acontremandé'toisRégimens prêts à s’embarquer pour la Hollan^ de ; & on dit qu’il pourroii bien ré* paffer lui-même en Angleterre. M; de Bavière efl fort inquiet de la ma* ladie du Prince Clément fon Frere ,, oui efl: , dit-on , à l’extrémité. Il fera bien davantage dans quatre jours, iorfqu’il verra entrer dans les Pays- bas plus de cent trente mille hommesl Le Roi eft dans la meilleure famé du monde. Il a eu nouvelle aujour* ' d’hui que M. le Comte d’Etrées avoit brûlé ou coulé à fond quatorze Vai£*

4

t r & B R 1 e t ir B. feaax marchands Angiois furies edeea d’ECpagne, & deux VaiiFeaux de gaet' re qui lea efeortoient. Cela le çon fo- ie » avec raifon , de la perte de deux Vaillèaox de l’Elcadre du même Comte d’Étrées, qut ont péri par la tempête. Voilà d’heureux commeo- cemens. Il faut efpérer que Diea continuëra de fe déclarer pour nous. Faites part de ces nouvelles à M. De{r préaux , à qui je n’ai pas te tem» d’écrire aujourd’hui.J’m rencontré a,a-- jourd’hui M. Dodart pour lapremiere fois : il fe porte à noerveilles. M. ^Tartre fe trémouflè à fon ordinaire, & ' a une grande épée à fon côté , avec j un nœud magnifique. U a tout-à'faic ■Taird’un Capitaine. Adieu, mon cher cœur : embraflè tes enfans pour moi. Exhorte ton fils à bien étudier , ■& à lervir Dieu. Je fuis parti fort con- tent de lui. J’efpére que je te ferai encore plus à mon retour. Ecris-mqi fouvent , ou lui. Adieu encore un coup.

l

LBTTRIS 9B BoiItEAV

A BOILEAU.

^ Gmhtours te 9. Jum»

J’A vois commencé ane grande Le t> tre , je prétendois vous dire mon lèntiment fur quelques endroits (des Stances ( i ^ que vous m’avez en* voyées. Mais comme j’aurai le plai- Ür de vous revoir bien*tôc , puifque noos nous en retournons à Paris ; j’aime mieux attendre à vous dire de vive voix tout ce que j’avois à vous snander. Je vous dirai feulement en un mot , que les Stances m’ont paru très'belles, & très-dignes de celles qui les précédent , à quelque peu de ré* pétitions près , dont vous vous êtes aperçû vous-même. Le Roi fait un jgrand détachement de fès Armées , & l’envoye en Allemagne avec Mon* lèigneor.ll ajugéqu’il falloit profiter de ce côté-)à d’un commencement de campagne qui paroît fi favorable ,

%

(1 ) Qii€l(|iKf SuBces de l*Ode Namiu#

ET DE. Racine. 2di d*aatant plos qae le Prince d’Orange «’c^niâcranc à demeurer fous de groflês places , & derrière des canaux & des rivières, la guerre auroit devenir ici fort lente , & peut-être moins utile que ce qu’on peut faire ■au-delà du Rhin. Nous allons demain coucher à Namur. M. de Luxeni:- bourg demeure en ce pays-ci avec une ^ Armée capaUe, non- feulement défais ■re tête aux Ennemis, mais même de leur donner beaucoup d’embarras. Adieu , mon cher Monfieur , je me fais un grand plaifir de vous embraft fer bien-tôt.

A ü M E S M E.

I

lAt ^faoi U 30. Mm,

Le Roi fait demain fes dèvotîOES;.

Je parlai- hier de M. le Doyen-an -.P- de la Chaize. . U me dit qu’il avoir jejû votre Lettre > me demanda de» Douvelles de votre famé , ôl m’afftib ra qu’il ètoit fort de vos amis, & de tonte la famille. J’ai parlé ce tnatàà

I

*1

2oB .LeTTRIS SE-BeiZrEAV ! confer^tion de fa propre perfon- vt? Je f$ai qu’il a pour lui 1’^ xemple ides Aléxaodres & des Céfass » qui s^expofoient -de forto ; mais , avoient-ils railbn de le faire ? Je doa«

I te qu’il aitlô ce vërs -d’Horace : De*

' eipit exmflsr vitiis imhaiSe, Je fuie I ravi d’aprendre qoe vous êtes dans ;ui) Couvent , en même cellule que M> 'de Cavoie f car bien que . le logeœefic ibit un ' peu- étroit , Je na’imagMie ^u’on n’y garde pas tropétroitemeoc -1^' régies i âc qu’on n’y iait . pas la * -lediure pendant le dîner , fi ce n’eft peut-être de Lettres pardlles à la mienne. Je vous- dis bien en partant que Je ne vous pb^nms plus , puif^

, que vous faifîez - le voyage avec ua ^ ^mme tel qae lui,-aupi^s duquel oa trouve toutes fortes de cdtnaudités»

& dont la 'Compagnie pourroit eoti> Ibier de toutes fortes d’kicommodt- s^ Et puis je vois bimi qu’à l’heure qu’il- efi y vous êtes un foldàt parfaîT tement aguerri ^ceinire les périls de contre la ^igue. 'Je vois bien > dia* iev que vous allez recouvrer votre lionoear à Mtms y âc qiœ toutes les wàqvaifes plaüàateries du voy^e!de

X T D B R 1 C I K.E.' 209 Gand ne tomberont plus qoe*fur moi. ]M. de Cavoie a déjà iSez bien çoi^ inencé à m’y préparer. Dieu veüine feulement que. je les puifle entendre au bazard même d’y ma) répondre. Mais à ne. vous tien céler notfrfeu- Jement mon mat ne finit point , mais je doute même qu’il guérifiè. En ré- compeofe me voilà fort bien guéri 4’ambition & de vanité. Et en véri-< je ne fçai fi cette guérifon-Ht ne v yaut pas bien l’autre , puiiqu’à mefure^.

Îiue les honneurs . & les biens, me nient » il me femble que la traoqui- ' Uté me vient. JTai été une fois à no- tre Afleroblée depuis votre départ' M. de la Chapelle ire manqua pas » comme vous vous le figurez bien, de propofer d’abord une Médaille fur. le fiége de Mons : & j’en imaginai ùn^ fur le, &c.

i

SIC lettres DR Boileeit

DU M E s M £.

^ jitttiüd te 7 OSetm.

JE vous écrivis avant hier (i à la bâte » que je ne fçai ii vous aurez bien conçû ce qùe je vous écrivois » c ’eft ce qui m’oblige à vous récrire aujourd’hui. Madame Eacine vient d’arriver chez moi , qui s’engage à vous faire tenir ma Lettre. L’aâioa de M. de Lorges eft très>grande. St très- belle } & j’ai déjà re$û une Lefi^ tre de M. l’Abbé Renaudot , qui me mande queM. de Pontchartrain veut qu’on travaille an plûtôt à faire une Médaille pour cette aèfion. Je croi^ que cela occupe déjà fort M. de .la Chapelle ; mais pour moi je crois qu’il; fera allez à tems d’y penfer vers la Saint Martin.

Je vous mandois te dernier jour que j’ai travaillé à la Satyre des fem- mes pendant huit jours , cela eR vé- ritable ; mais il elt vrai aulfi que ma fougue poétique eR paiTée prefque

f R K3crfvt b. 211 anfli vice qa’dle eil- veouë , & que K n’y penfe plus à l’heure qu’il efl.' Je crois que lorfque j’aurai tout amaf> , il y aurabieo centvera nouveaux d’ajoûtés; mais je ne fçais fi je n’en ôterai pas bien vingit^cinq ou trente 4e la defcription du lieutenant <Sc de la Lieutenante Criminelle. C’eft un ouvrage qui me tue , par la mul> titude des trandcions , qui^fqnt , à nion lêns , le plus diiÇcile chef-d’œ(^> vre de la Poè'fle. Comme je m’ima> gine que vous avez quelquë ' impa- tience d’en voir quelque cbofê , je veux bien vous en tranfcrire ici vingt ou trente vers; mais c’eft à la char- ge que ifbi d’bonnêté homme vous les montrerez à ame vivante , parce que je veux être al^olument maitre d’en faire ce que je voudrai ; & que d’ailleurs je ne f$ai s’ils font encore en rétat ils demeureront ( z ). Mais afin qùevous en puifiîez voir la fuite, je vais vous niettre la fin de l’biftoire de la- lieutenante , &.de la manière que je l’ai achevée.

fij 11 a ca tSct changé quct^ne» Veti.'

Stt LeTTRtES

Mais peut-être j'invente une fable frivole^ Soutien donc tout Paris ^ qui prenant la pac- tole.

Sur ce fuiet eifeore de bons témoins poiur

A' » «

VU, '

Tout prêt àüe prouver , te dfra', îcTai vû. Vingt ans fâivû ce couple uni d'uhniè^ me vice ,

A tous mes habitant montrer que TAva- ^ nce,

« - ' ^

Peut faire, dans les biens trouver la Pair-

' I * .

vrefé.

Et nous réduire à pis la mendicité; Deux Voleurs qui chez eux pleins d’efpé; tançp :cnti#renta,

Enfin un beau matin tous tes mafiàf crérentr

r '

pjgne Sc funefie firuit/da nœud te plus affieuxr

Pont PHimen ait jamais uni deun mair heureax;r

Ce récit paife un peu Pordinaire meibfe'; Mais un exemple en£n il digne de cenfure^ fout'il dans la Satyre occuper, moks de mots T

{Chacun ton métkbSuiyon? notre pro^

po*.

' Ë ^ Ë R i c I ir Ë,' Ëxs.

Nouveau Prédicateur , aujourd’hui , je l'a, voue.

Vrai difciple, ou fdàtôt , finge Bourda- louë,

#

Je me plais à remplir mes Sermons de por« traits , '

En voilà déjà trois peints d'aifea iieureuz traits.

La Louve, la Coquette, 8cla par&ke Avare.

U £sut 7 jomdrèencore la revêche bkçure.

Qui fans cefle d\m ton par la colère aigri^

<konde , choque , dément , contredit un Mari;

Qui dans tous &s difcours par Quolibets s’exprime;

A toujours dans la l^oucbe un |>royeibe, une rime ; . .

Et d*un roulement d’yeux audi-tôt aplau- dit.

Au! mot aigrement fou qu*au hazard die a dit

B n’eftpointderepos,nide|>aixavecdl^i

Son mariage n’eft qu’une longue querelle.

Laifle-t’elleun moment refpirer fonEpouxf

Ses Valets font d’abord Tobjiet de ion cour- soux.

sitf Lettres DS BoiLEAtf eût de la diminution. Mais je lui ai dit que nous étions trop contens. J’ai plus apuyé encore Air vous que fur znot£ & j’ai dit au Roi que vous pren- driez la. liberté-de lui écrire , pour le remercier » n’ofant pas lui venir don- ner la peine . d’éiever fa voa^ i ) pour vous parler. J’ai dit en propres paroles ; 5/r«,// 4 fins ^ejprit qnejom m^s , fins de tèle pour votre Mujefté, tir plus ^ envie de travailler pour votre gloire , y«V/ n'en a jamais eue. Vous enfin~que~^ choies ont été îégré'es comme vous l’avez foubaité vous-méme..Je .ne.laifle, pas d’avoir une vraïe peine de ce qo’U femble que- je gagne à cqla plus que vous ( 2 J. Mais outre les dépenfes & les fati- gues des voyages dont je fuis allez aifé vous loÿez délivré ; je vous jconnois A noble & A plein d’amitié, l^ü'é- je fuis àlToréqim vous ibuhaite- ^ I riez de bon cœur que je fulTe encore 'ini^x traité. Je ferai très-commt fi

vous

V i J Balcsu commfenjoit ^ iewiis un {ràn fbatd. ' (X) Qae'ceüuiVHk cftdcvctM Se’Letucx.

I T D B R A e 1 K B. 217 VOUS l’êtes en effet. J’efpére vous re* voir bien-tÔt. Je -demeare ici pour voir de quelle manière la chofe dctic tourner : car on ne m’a point encore dit (i c’eft par un brèvet , ou fl c*eft à l’ordinaire fur la caflette. Je fois entièrement à vous. II n’y a rien de nouveau ici. On ne parle que du voyage, & tout le monde n’eft oc* cupè que de Tes équipages. Je vous confeille d’écrire quatre lignes aa Roi , & autant à Madame de Main* tenon , qui aflbrèment s’interreile toâ jours avec beaucoup d’amitié à tout ce qui vous touche. Envoyez* moi vos Lettres par la polie , ou par . votre Jardinier , comme vous le ju* gerez à propos.

D E B O I L-E A U. .

t

'ji P^rit et 9. Avril»

•Bn Stes vous fou , avec vos compH* Hiény Ÿ Ne lijavea- vous pas bien que c’efl moi qui ai, pour a nfi dire , prefcrit la chofe de la manière qu’eU TvmU Kl

«Ig' Lcttkibs OE BoitEAV le t’efl: faite ? Et poarez-vous doa« ter que je jigjfois parfaitetn£iic con- tent d’une 'affaire où* l’on m’accorde tout ce que je demande ? Tout va , le mieux du monde , & je Aiis en- I core plus réjoQi pour vous que pour moi^même. Je vous envoyé deux «Lettres, que j’écris , fuivant vos con- ièils , l’une au Roi , Ôc Pautre à Ma- dame de Maintenon. Je les ai écrites &ns faire de broütllon , & je n’û point ici de confeil. Ainfi je vous prie d'examiner (i elles font en état d’être données , afin que je les réfor- me fi vous ne les trouvez pas bien. «Je vous les envoyé pour cela toutes décachetées; & fupoié que vous trou- viez à propos de les prefenter, pre- nez la peine (Ty mettre votre cachet. Je'vé^ai aujourd’hui Madame Raci- ne pour la féliciter. Je vous donne le bon jour , & fuis tout à vous. Je ne reçûs votre Lettre qu’hier tout au foir , & je vous envoie mes trois Lettres à huit heures, par la porte. Voilà , ce me femble , une. allèz grande diligence pour le plus pareA ifeux de tous les hommes.

4

«

ST SB RACLIMB., Slÿ

DE It A C 1 N E. "A FerfülUs ce 1 1 . Ami.

JE vous renvoyé vos deux Lettres avec mes remarques , dont vous ferez tel ufage qu’il vous plaira. Tâ» chez de me les renvoyer avant fis heures , ou pour mieux dire , avant cinq heures & demie du foir , a6n que je les puifle donner avant que le Roi entre chez Madame de Maintenon. J’ai trouvé que U trm- fttte & les fmrds étoient trop joüés^ ( I ) & qu’il ne falloit point trop apuyer fur votre incommodité , moins encore chercher de refprit fur ce fu- jer. Do relie les Lettres fenont fore bien , & il n’en faut pas davantage. Je ro’aflure que vous donnerez oa meilleur- tour aux cfaofes que j’ai ajoû» tées. Je ne veux point taire attendre votre Jardinier. Je n’ai point encore de nouvelles de k manière dont no*.

( 1 ) Boileia avoic apftreiDinent £ût fîif Ta rafdité^' 4ael^ue pUirantexic qui ne pat à Ta rii dont îl tùSait ioa june.

K B

fa® LitT**8 Dt BoiiEAtr tre affaire fera tournée. M. de Cbé- vreufe veut que je le^laiflfe achever te qu'il a commendé , & dit que nous nous en trouverons bien. Je vous coii" feille*de lui écrire un root à-voire loi- lir. On ne peut j?as avoir plus d'a- mitié qu'il en a pour vous.

A U M E S M E.

V6s deux lettres font à merveil- les , & je les donnerai tantôr. M. de Pontchartrain oublia de parler ]tier,& ne peut parler que Diman- che. Mais j’en fus bien aife , pârce que M. de Chévreufe aura le teros de le voir. M. de Pontchartrain me parla de notre autre penfion , & de la petite Académie ; mais avec une bon- té incroyable^ en me difant que dans un autre teros il prétend bien faire d’autres chofes pour vous & pour moi. Je ne crois pas aller à Auteuil ; ainfi ne ro’y attendez point. Je ne ' crois pas même aller à Paris encore demain : & en ce cas je vous prie de , tout mon cœur de faire bien mes es-

1 T 1> t R A C I N I. 73X- cufes à M. de Pontchartræn , qiue j’ai une extrême impatience de revoiri Madame fa mere me demanda hier fort obligeamment , fi noua Q’ailions ioûjoora chex liu. ^ loi dis -qosf ^toit bien notre dellêia de recom» nencer à y aller.

J’envoie à Paris pour tm volume de M. de Noailles , que mon Laquais prétend avoir reporté chez lui , ds

Îiu’on n’y trouve point. Cela me dé< oie. Je vous prie de loi dire fi . vous ne croyez point favoir chez vous* Je vous donne le bon jour.

A U M £ S M £.

'A Cmi^effte U 4. Mék . .

M. Des Granges m’a dit qu’il avoit fait figner hier nos Ordoa* nançes , & qu’on les feroic viièr par le Roi après demain , qu’enfuite ü les enverroit à M. Dongois , de qui vous les pourrez retirer. Je vous prie de use garder la mienne lufqu’à mon retour. 11 n’y a point ici de nouvelf.

KT

3;î2 LSTTRES se HoiLBAV ks. Qaelaues gens veulent que le ûê~ ge de Calai foit levé ; mais la chofe eft fort douteuk , & on n’en fçait tien de certain. Six Armateurs Saint Malo ont pris dix-fept Vaif^ ibaux d’une flotte marchande des en- nemis, & on Vaifleau de guerre de pièces de canon. Le Roi efl en par- faite fanté , & les troupes merveil- kofes. Quelque horreur que vous ayez pour les méchans Vers , je vous ex- corie à lire Judith , & fur tout la Pré- face , dont je vous prie de me man- der votre fentiment. Jamais je n’ai tien de fi méprifé que tout ^la l*eft en ce pays*ci ; & toutes vois prédiélions font accomplies. Adieu, MonfieUr , je fuis entièrement à vous.

A U M E S M E.

PontaineblenH le i. OSebre.

Votre ancien Laquais , dont j’ai oublié le nom , m’a fait grand plaifir ce matin , en m’aprenant de vos nouvelles. A ce que je vois y vous

ET 0 B R 1 C I N e; E25 £tes dans une fort grande folitude iVuteüi), & vous n’en partez points £ft il pofllblé que vous puiffiez êtrOr fl long^ceiDs féal , & ne point faire du tout de Vers ? Je m’attends qu’is mon retour je trouverai votre fatyre des Femmes entièrement achevée^ Pour moi il s’en faut bien que je foiv aufli Iblitaire que vous. M. de voie a voulu encore à toute forcé que je logeafle chez lui , & il ne m’a: pas été poflible d’obténir de lui qué je fiife tendre un lit dans votre mai- îbn , je n’aurois pas été ma« gnifiquement que chez lui ; mais j’y aurois été plus trahquilement , & avec plus de liberté;

On reçût hier de bonnet nouvel tes d’Allemagne. M. le Maréchal Lorge ayant fait afliéger , par un dé^ tachement de Ton Armée , une petitè ville nommée Fforzeim, entre PHilié> bourg âc DoUrlarch , les Alfemans ont voulu s’avancer pour la recou- rir. Il a eu avis qu’ün corps de qua- rante efcadrons avoit pris les devants,- & n’étoit qu’à une lieuë & demie dé* lui , ayant devant euB un rUilTeau af> &z difficile à pafier. La ville a été prl^

I

t*ZTTS£S HE hOlCkiLV dàt le premier joiir , & jooi boni- Ue» qui étomnt dedans ont été >fai ts toriionniers de guerre. Le leodemain M. de l^rae a marché avec toute . fon armée jur ces quaranteefcadrons ^ue je TOUS ai dit, & a fait d’abord pafler le ruHlêau à feize de Tes efca- drons foutenus du relie de la cava* lerie. Les ennemis voyant qu’on al» ïoit à eux avec cette vigueur- , s’ea Xont fuis iVauderoute « aoandonnant leurs tentes!^ 4eur bagage, qui a été pillé. On leur.a pris deux pièces de canon , deux paires de timbales , <Se neuf étendarts quantité d’Officiers ; entre autres ieur'Général , qui eH on- cle de M. de Virtemberg , & admi> pUlrateur de ce Duché , un Général' idajor de Bavière & plus de treize cens Cavaliers. Ils en ont eu pfés de neuf cens tués fur la place. B ne sous en a coûté qn’un Maréchal'des- Logis , ùn Cavalier., & fix Dragons.

de Lorge a ^^àhdonné au pillage' la ville de PA^xim , ài, une au»e petite ville auprès de laquelle étoienc campés les ennemis. C'a été comme vous voyez, une déroute, &. il n’y a pas eu à proprement parler , aucun

I

IT DE R À C I NE. #25 Coop de tiré de leur part. Tout ce qu’on a pris & tué, ç*a été ed les pourfuivant. Frince d’Orange eft parti pour la Hollande. Son armée â^eft raprochée de Gand,& appa- remment fe réparera bien-tôt. M. de Luxembourg me mande qu’il éfl: en parfaite l«inié. Le Roi fe porte à merveilles.

!

AU ME S ME.

'A Mariy t^6, AoAt âu m*ti».

J E' ferai vos pelens ce matin Je ne fripas bien encore quand je vous reacerrai , parce qu’on attend k toute heure des nouvelles d’Allema- gne.-La victoire de M.. Luxem-- bourg eft bien -plus- grande que nous* ^e pen fions- Ôt nous> n’en fça- yiona na^ 1^. moitié. Le Roi reçoit ^üs lèsjourscfêsTettres de Bruxel-; les , &-de mille autres endroits , par oit il âprend que les ennemis n’avoienr . pas une troupe enfembte le lende^' faain de la bataille;’ Flrefque toute ' * K S

tstS LzTtAni i>E Boilbàv rinfanterie qüi reftoit avoit jetcé Tes armes. Les croupes Hoilandoifes Ib font la plûparc enfuies jufqu’en Hol» lande. Le Prince d’Orange , qui pen- fa être pris , après avoir fait des mer- veilles , coucha le foir , lui huitième, avec M. de Bavière , chez un Curé ÿrès de Loo. Nous avons 25 ou 36 drapeaux , 55 étendarts , 76 pièces de canon , 8 mortiers , 9 pontons , fans tout ce qui efl; tom'bé dans la riviere. Si'nos chevaux , qui n’avoient point znar^é depuis deux fois 24 heures , eufli^t marcher, il ne refteroic pas un corps de troupes aux ennemis. Tout en vous écrivant il me vient en penfée de vous envoyer deux Lettres ^ une de Bruxelles , l’autre de Vilvorde , & un récit du combat en général , qui me fut diélé hier au foir par M. d’Al- bergotti. Croyez que c’efl comme û M. de Luxembourg l’avoit diSlé lui- même. Je ne fai H vous le pourrez li- re j car en écrivant j’étois accablé de fommeil , à peu près comme étoit M. Fuy-Morin , en écrivant ce bel Arrêt fous M. Dongois (i). Le Roi efi tranf>

,iij Dongoii 4um de la noie i

/ tt Ei B Racine. 227 porté de joie « & tous fes Minières » 'de la grandeur cette aélion. Vous ^ me feriez un fort grand plaiSr , quand vous aurez tout ceta , de renvoyer bien cacheté , avec cette même Let* tre que je vous écris , à M. l’Abb^ Renaudot , afin qu'il ne tombe poinc dans l’inconvénient de l’année paiTée. Je fuis aifuré qu’il vous en aura obli* gation. 11 pourra difiribuer une pàrtié - des chofes que je vous envok en pru> fieurs articles , tànt^ fous celui dé; Bruxelles., tantôt fous celui de Lan-- defermé M. de Luxembourg : - campa le 31 Juillet , à demi lieue du < Champ-de-bâtaille , tantôt même ifoüs > l’article de Malines , ou de Vilvôrde.

Il faura d’ailleurs lés actions de» : principaux particuliers , Comme , qué- M. de Chartres chargea trois ou quar - tre fois à la tête de divers efcàdrons » < & fut débarailë des ennemk*-, ayant : bieiTé de fa main Tun d’eux'qui !ewvbu> -

WÊÊÊIKIK^ÊÊÊÊÊÊIÊÊÊBÊtÊÊÊiÊÊlÊIÊÊÊÊ^ÊBÊÊÊÊtÊÊKÊÊÊimÊi

drclTer le difpofiûf d^ttâ Ariét d’ordir, di^ottà

Puy- Morin , fierede BoiLefltt.s ^ M dciivoit ù promptemeiit que M. DÔnSQis droit d(6n« ni qoe cc |eunc homme eut tant' de dirpofifioti poui^ la pratique. Après avoû diâé pendant deun heures, il voulut tiré rAtfét Bc trouva que fêune Puy« Motûi n'ayoU ^oh>lh dexaicn/mot< du phiafc*

K 6

A

228 Lettres DE Boileait loit emmener ; le pauvre Vacoigne , tué à Ton côté ; M. a Arci , Ton Gou- verneur , tombé aux pieds de les ' chevaux , le Tien ayant été bleilë , la Bertiére Ton Sous Gouverneur , aufli blelTé. M. le Prince de Conti chargea aufli plufîeurs fois , tantôt avec la Cavalerie , tantôt avec l’In- fanterie y & regagna pour la troilié- me fois le fameux Village de Nervin- de, qui donne le nom à la bataille,

& reçut fur la tête un coup de fabre d’un des ennemis , qu’il tua fur le champ. M. le Duc chargea de même , regagna la fécondé fois le Village , à la tête de l’Infanterie , & combattit encore à la tête de plufleurs Efca- drons de Cavalerie. M. de Luxem- bourg étoit , dit*on , quelque chofe de plus qu’humain , volant par>tout , & même s’opiniâtrant à continuer les attaques, dans le xems que les plus braves étoient rebutés , menant en perfonne les Bataillons & les Efca- drons à la charge. M. de Montmo- renci , fon fils aîné , après avoir com- battu plufieurs fois à la tête de fa Bri- gade de Cavalerie , reçut un coup de jBooufquei dans le tems qu’il fe mec-

B T S B Racine. 229 > toitaa-devantde fon Perepourle cou* vrir d’uoe décharge horrible que ie$ ennemis firent fur lui. M. le Comte fon Frere , a été blefifé à la jambe ; M. de la Rocheguyon au pied , & tous les autres que fait M. l’Abbé ; M* le Maréchal de Joyeufe blefle aufli à la cuifie , & retournant au combat après fa bleflure. M. le Maréchal de Villeroi entra dans les lignes ou re« tranchemens, à la tête de la Maifoa du Roi.

Nous avons 1400. prifbnniers , eot tre lefquels 165. Officiers , plufieurs Officiers Généraux , dont on aura fans doute donné les noms. On croit le pauvre Ruvigni tué ; on a fes éten* darts , & ce fut à la tête de fon Ré> giment de François , que le Prince d’ Orange chargea nos Ëfcadrons , en renverla quelques-uns , & enfin fut xenverfé lui même. Le Lieutenant*

(Colonel de ce Régiment , qui fut pris , dit à ceux qui le prenoient , en leur, montrant de loin le Prince d’Orangé: Tenez., MeJftenrj , voilà eetui qu'il voeu fiUloit prendre. Je conjure M. l’Abbé. Renaudot , quand il aura fait fon ufà* ge de tout ceci , de bieniecacheterii

Lettres oe Bpieeav & cette Lettre , & mes Mémoires i & de les renvoyer chez moi.

Voici encore quelques particularr^ tés. Plufieurs Généraux des ennemis- étoient d’avis de repailèr d’iabord' la rivière. Le Prince d’Orange ne vou- lut pas : l’Eleéleur de Saviere dit qu’il falloit au contraire rompre tous les ponts , & qu’ils tenoient à ce coup les François. Le lendemain du com- bat M. de Luxembourg a envoyé à Tirlemond , il étoit refié plufieurs , Officiers ennemis bleffiés , entre autres le Comte de Solms , Général de l’in* fanterie , qui s’efl fait couper la jam- be. M. de Luxembourg , au lieu de les faire tranfporter en cet état , s’eft contenté de leur parole, & leur a fait offrir toutesfortes de rafraichilTemens.

^ Scelle Nation ejf la vStrt ? s’écria le Comte de Somis , en parlant au Che- valier du Rozel t Fous vous hattex. com» me des Lions , & vosss traitez, les vainetst 'Comme sus /soient vos meilleurs amis. Les ennemis commencent à publier que la poudre leur manoua tout-à» coup , voulant par-là excufer leur dé- faite. Ils ont tiré plus de neuf mille c^ups de canon , nous quelques

£T DE RaCIMB. cinq ou Ox mille.

Je fais mille complimens à M. I’Ab« Renaudoc ; & j’exciterai ce matia M. de Çroifly à empêcher , s’il le peut, le malheureux Mercure galant , de dé> figurer notre viâoire.

Il y avoit fept lieues du camp dont M. de Luxembourg partit^ jufqu’à Nervinde. Les ennemis avoient .55. bataillons , & itio. efcadrons.

DE BOILEAU.

Paris ce

JE vous écrivis hier au foir une aflez longue Lettre , & qui étoit toute remplie du chagrin que j’avois alors , caufé par un tempë^arpmeht fombre qtrrme domîîîôîrr^T^r un relie de infllaHiv-'i mai*? je vnns en -v"? aujourd’hui toute pleine de la joïe que m’a caufée l’agréable nouvelle que J’ai reçûë. Je ne faurois vous exprimer l’allégrelTé qu’elle a excitée dans tou* te notre famille. Elle a fait changer de caraftère tout le. inonde. M|

, i V * *

Le'ETRES BE BffILEJbIf Dongois le Greffier efl prefentement I un homme joml & folâtre. M. l’Ab- bé Dongois , un bouffon & ûn badim j Enfin il n’y a perfonne qsi ne fe fi- gnale par des témoignages extraordi- naires de plaifir & de fatisfaâion ,

& par des loQanges & des exclanaa- lions fans fin fur votre btmté ^ votre géoérofité, votre amitié , &c. A mon fens néanmoins , eeHsi qui doit être le plus fatisfait , c’eft vous , & le con- tentement que vous devez avoir en . vous même d’avoir obligé fi efficace- mentdans cette affaire , tant de per- fonnes qui vous eftiment & qui vous honorent depuis fi long-tems , efi on plaifir d’autant plus agréable , qu’il ne procède que de la vertu , & que les âmes du- commun ne fauroient ni . de Tatthrer ni le fenthr. Tout ce que j’ai à vous prier maintenant , c'en de me mander les démarches que vous croyez qu’il faut que je faffe à l’égard' du Roi , & du P. & la Chaize ; & non feulement s’il- faut , mais à peu prés ce qu’il faut que je leur écrive. M. le Doyen de 5ens ne fait encore rien de ce qu’on a iak ^ur lui. Jugez de ffi furprife , quand il apreoàrn tout d’oQ

£ T D £ Racine. 133 Ctoop Icbien itnprévû <Sé excelSf que TOUS lui avez fait. Ce que j’admire i& p]us , c’ed la félktcé de la circonftan* ce , qui a fait que demandant pour lui la moindre de toutes les Chanoiniet de la Sainte Chapelle , nous lui avons obtenu la meilleure, O faSum bent. Vous pouvez compter que vous au* rez déformais en lui un homme qui dîïputêTffiaveïr aâôTde ^le & d^ami- -tië-:pour vous. J'avQÎsL riéibltt . de, ne TOUS, envoyer' fuite de mon Ode Tut Namur , que quand je l’aurois milè en état de n’avoir plus befoin que de vos correélions. Mais en vé* rité .vous.m!avez.fait trop de plaifir» pour ne pas fatisfaire fur le champ la curionté que vous avez peot>êcre conçûè’ de la vqir. Ce que je vous prie > c’ed de ne la montrer à per* ibnne , & de ne la point épargner. J’y ai hazardé des chufes fort neuves , jufqu’à parler de la plume blanche que le Roi a fur Ton chapeau. Mais à mon avis , pour trouver des expref* (ions nouvelles en Vers , ü faut psr< 1er de chofes qui n’ayent point été dites en vers. Vous en jugerez , fauf à tout changer , ceU vous dépMw

S34 Lettxes de Boileaet ( 1 ) L’Ode fera de dix- huit Stances. Cela fait cent quatre vingt vers. Je ne croyois pas aller fi loin. Voici ce que vous n’avez point vû. Je vais le mettre fur l’autre feüillet.

Déployez toutes vos rages ^

Princes » vents, peuples, frimatv» RamafTez tous vos nuages , RaiTemUez tous vos foldats.

Malgié vous Namur en poudre ' S*en va tomber fous k foudre Qui dompta Lille , Couitray ^ Gand , la confiante Eipagnole,. Luxembourg , Beûmçon , Dole ^ Ipres , Maftiicbt, & Cambray*

Mes préfages s’aCcompMent , n commence à chanceler.

Je vois fes murs quifirémiflènt^ Déjà prêts à s'écrouler.

Mais en feu qui les domine.

De loin fouffle leur ruine :

Et les bombes dans les airs

( I ) On aprend pai ces Lettres » fle par celle dans laquelle mon Pere loi demandç Ton avis fut un de fci- Cantiques (piiituels , de quelle maniéré ces deux amis

ÜB flQfliiilMiefti muiNcUeiBCAt lUt Ifiuts Ouvxsgcs.

ST DE R A Ç IN E. 235

«

Allant chercher le tonnerre , Semblent tombant fur la terre Vouloir s'oùvrir les Enfers.

' Aprochez, troupes altières » Qu’unît un miêmé devoir :

A couvett de ces îdvieres.

Venez > vous pouvez tout voir. Contemplez bien ces aproches ; Voyez détacher ces roches,"

Voyez ouvrir ce terreîn ,

Et dans les eaux > dans la flamme, L O U 1 S à tout donnant Tame , Marcher tranquille 8c ferein.

'Voyez dans cette tempête. Par-tout fe montrer aux yeux La plume qui cehn fa tète D’un cercle fi glorieux.

A fa blancheur remarquable , Toujours un fort favorable S’attache dans les combats ;

Et toujours avec la gloire.

Mars, 8c fa fœur la Vièloirç, Suivent cet aflre à grands pas.

Grands défenfeurs de TEfpaghe,

Accourez tous , il ell tems.

* «

Mais déjà vers la Méhaigne-t

Â

Lettres de Bôileau*

Je vois vos drapeaux flottans» Jamais fes ondes craintives N'ont vu fut leurs foibtes rives » Tant de guerriers s'amaffer. Marchez ^nc^troupe héroïque ( i Au-delà de ce Granique ,

Que tatdez*vou» d'avances I

Loin de fermer le paflage »

A vos nombreux Bataillons f Luxembourg a du rivage Reculé fcs pavillons.

quoi, fon afpeél vousgfacel OU font ces Che£s pleins d'audace > Jadis fi prompt à marcher »

Qui dévoient de la Taimfe»

Et de la Drave foumife^

Jufqu’à Paris nous chercher ^

Cependant Tefifroi redouble Sur les remparts de Namur ;

Son Gouverneur qui fc trouble S'enfuit fous fon dernier mur.

Déjà }ulî]pes à les portes Je vois nos fieres cohortes S'ouvrir un large chemin ;

Et fur les monceaux de piques,

C 1 J Ob iiottvc id pluüeuzs Vos qjw l’Ameur a

dMBgél.

« i; ïr ï ' R A c I N s.

De corps mortSyde rocs,&de briques^ Monter le (abre à la main.

C'en eft fait , je viens d’entendre Sur les remparts eperdus <

Battre un fignal pour fe rendre»

Le feu cefTe. Us font rendus»

Eapellez votre confiance »

Fiers ennemis de la France ;

Et déformais gracieux «

Allez à Liège» à Bruxelles»’

Porter les humbles nouvelles »

De Kamur pris à vos yeux.

Pour moi que Phébus anime De fes tranfports les plus doux » Eempli de ce Dieu fublime Je vais , plus hardi que vous » Montrer que fur le Parnaflè »

Des bois fréquentés d’Horace «

Ma Mufe fur ion déciin S^t encore les avenues»

Et des fources inoonnués A l’Auteur du Saint Paulin. < i )

(t) On vcrw dans la Lciirc fuivantc que iBoilcia reconnut bien tèt des negt gences qui lui êioiei i écha- pifcs dans le morceau précédent , & qûM a eu erand fpin de coir gei. Les meilleurs Poètes ne s'en àpcr» ftttvenc pas OaAS la chateux de b cOApofitiou. ^

S38 Lettres' de b ott.Eitr Je vous demande pardon de la peine que vous aurez peut-être à déchiffrer tout ceci , que je vous ai écrit fur un papier qui boit. Je vous le récrirois bien ; mais il efl près de midi, & j’aipeur que la pofte ne par- te. Ce fera pour une autre fois. Je vous embraue de tout mon cœur.

DU M' £ S M £.

A Paris le 9. Juia.

J£. vous écrivis hier avec toute la chaleur qu'lnfpire une méchante nouvelle , le refus que fait TAbbé de Paris de le démettre de fa Chanoinie. AinO vous jugerez bien par ma Let- tre , que ce ne font pas à l’heure qu’il efl des remercimens que Je médite , puifque Je fuis même honteux de ceux que j’ai déjà faits. A vous dire le vrai , le contretems eft fôcheuz ; ôc quand je fonge aux chagrins qu’il m’a déjà caufés , je voudrois prefque n’a* voir jamais penfé à ce bénéfice pour mon frere. Je n’aurois pas la douleur

BT Be RaçINB.

^ voir que vous vous foyez peut* être donné-tant de peine inutile* ment. Ne croyez pas toutefois , quoi ^’il puifTe arriver , que cda diminue «n moi le fentiment des obligations -que je vous ai. Je feras bien qu’il n’y a qu’une étoile bizare & infort qui pût empêcher Je fuçcès d^une aP faire 'tî"“bten conduite , & vous avez également fîgnalé votre pruden* ce & votre amitié. Je vous ai mandé par ma derniere Lettre , ce que M. de Pontchartrain avoic répondu à M. l’Abbé Renaudot touchant nos Or* donnances; comme il a fait de la dif- tinâion entre les raifons que vous aviez de le prefler, & celles que j’a* vois d’attendre.

Je ne doute point , Monlkur , que vous ne foyez à la veille de quelque grand & heureux événement ; & (i je ne me trompe , le Roi va faire la plus triomphante campagne qu’il ait jamais faite, llf^a grand plaifîr à M. ■' de la Chapelle , qui , fi nous l’en vou- lions croire , nous engageroit déjà à imaginer une Médaille fur la prifede' Bruxelles ^ dont je fuis perfuadé qu’il a déjà fiic le type en lui-même. Vous

»4o Lettres de Boieeâv

n’avez fort réjoQi de ne mander la part qu’a Madame de Maintenon dans notre affaire. Je ne manquerai pas de ne donner l’honneur de lui écrire; nais il faut auparavant que notre em« barras foit éclairci , & que je fâche s’il faut parler fur le ton gai pu fur le ton trille. Voici la quatrième Let- tre que vous devez avoir reçûe de moi depuis Hz jours. Trouvez bon que je vous prie encore ici de ne rien . ^ montrer à perfoone du fragment in- forme que je vous ai envoyé & qui èft tout plein des négligences d’un Ouvrage qui n’eft point encore digé- ré. Le mot de y ell répété par- tout jufqti’au dégoût. La Stance , Grands difenfenn deJL'Éfpagnt ^ &ç. re- bat celle qui dit .j4frochez. tt roMf es él^ titres, &c. Celle fur la plume blanche duKui ell encore un peu en maillot, & je ne fai (i je la iaifferai zv^cAfars &pt jSr«r/«^<Swre.J’aidéjaretouché à tout çea ; mais je ne veux point l’achever quejen’aye reçû vos remarques , qui fûremeni m’éclaireront encore l’ef' prit*' Après quoi je vous enverrai fouvrage complet. Mandez moi fi vous croyez que Je doive parler de

tT OS RACIMS; 341

M. de Luxembourg. Vous n’ignorez « pas combien notre Maître eft cha>

toQilieu'x fur les gens qu’on afibcie à I fes loQanges. CependantJ’ai fuivi moa I inclination. Adieu , mon cher Mon- fieur, croyez qu’heureux ou malheu* reux , gratifié ou non gratifié , payé ou non payé , je ferai toujours tout à vous.

pu M £ S M £.

'jiPmsU IJ. Suât i(5p3.

JE ne fuis revenu que ce matin d’Au- teuil , j’ai'été pafifer durant qua* tfe jours la mauvaiie humeur que m’a* voit donné le bizarre cqntretems qui noos efi; arrivé dans Tafiaire de la Chanoiaie. J’ai reçâ , en arrivant à Paris, votre derniere Lettre , qui m’a fort confolé . aufli bien que celle que vous avez écrite à M. l’Abbé Don* gois. J’ai été fort. furbrJs d’aprendre que M- de chanlai n avoit point eiû "cote ïcçû le compliment que je lui ai envoyé fur le t^amp , & quiaété Tmt i, L

£42 Lettres se Boiibav

port'ë à la pofte en inêm'e-tems la Lettre que j'ai écrite au R. P. de la Chaize. je lui en écris un nouveau , afin qu’il mefoupçonne pas de pa« relie dans une occauon il m’a ft bien marqué , & fa bonté pour moi ,

& fa diligence à obliger mon frere. Mais de peur d’une nouvelle raépri* /.fe,jevous l’envoye, ce compliment',

’À empaqueté dans ma Lettre , afin que vous lui rendiez en main propre. Je ne fiuirois - vous exprimer la joie que j’ai du retour du Roi. La nouvelle bon» que Sa-Majefté m’a témoignée, en accordant à mon frere le bénraceque nous demandons , a encore augmenté le zèle dit la pafiion très fincère que |*ai pour elle. Je luis ravi de voir que fa lacrée Perfonne ne fera point en danger cette campagne:& gloire pour

S gloire , il me femble que les lauriers ont aulfi bons à cueillir fur le Rhin & fur le Danube , que lur l’Efcaut & fur la Meufe. Je ne vous parlé point du plaifir que j’aurai à vous embraifer plutôt que je ne. croyois ; car cela s’en va fans dire.

Vous avez bien fait de ne me potnt envoyer par écrit vos remarques fur

ï T é R A e 1 1} E. mes Stances , & d’attendre à m’en en- tretenir que vous foyez de retour , puifque pour en bien juger , il faut que je vous aie communiqué aupara- vant les différentes maniérés dont je ies pois tourner , & les retranche- mens , ou les augmentations que j’y* puis faire. Je vous prie de bien témoi- gner au R. P. de la Chaize , l’extrême reconnoiffance que j’ai de toutes fes bontés. Nous devons encore aller Lundi prochain , M Dongois & moi, {Rendre Madame Racine , pour la mener avec nous chez M. de Bie , qui ne doit être revenu de la campagne que ce jour-là. J’ai fait ma follicita- tion pour vous à M. l’Abbé Bignon. Il m’a dit que c’étoit Une chofe un peu diffidie à l’heure qu’il eft , d’être payé Tféfor Royal. Je lui ai repré- ienté que vous étiez aâuellement dans! le fervice , & qu’aind vous étiez an même droit que les Soldats & les au- tres Officiers do Roi. Il m’a avoué que je difois vrai , & s’eft chargé d'en par- ler très-fortement à M. de Pontchar^ train. Il me doit rendre répontb au- jourd’hui à notre Affemblée. Adieu le Type de M. delà Chapelle fur firuxel-

L Z

»44 Lettres se Boilbav

les. 11 étoit pourtant imaginé forthea» retifement , & fort à propos. Mais à sion fens , les Médailles prophétiques dépendent un peu du hazard , & ne font pas toojours (lires deréuflir. Nous voilà revenus à Heidelberg. Je propo- pour inot , HticUlbtrgd dehta t & nous verrons ce foir ü on l'acceptera , ou les deux Vers Latins que propofe M. Charpentier, & qu’il trouve d’un goût merveilleux pour la Médaille. Les voici ; Servareftlm ^ferderefijMfhm tnjgM. Or comment cela vient à Hei- delberg , c’eli: à vous à le deviner; car ni moi , ni même , je crois , M. Char- , pentier , n’en favons rien. Je ne vous parle prefque point , comme vous voyez, de notre chagrin fur la Cbanoi- nie , parce <^e vos Lettres m’ont ra(^ fêré , & que d’ailleurs il n’y a point de chagrin qui tienne contre le bon- heur que vous me faites efpérer de vous revoir buntôt ici de retour. Adieu , mon cher Mondeur , aimez- xnoi toujours , & croyez w’il n’y a perfonne qui vous honore & vous ré- véré plus que moi.

»

i

ht. r DE Racine. 245

A ü ME SME.

,

ji P4ris JeuJidUtfiir.

JE ne faurois , mon cher Monfienr, vous exprimer ma farprife , & quot* qiie j’eufle les plus grandes efpéran- ces du monde , je ne laiflbis pas en- core 'de me défier de la fortune de M. le Doyen. C’eft vous qui avez tout fait , puifque c’efi à vous que nous 'devons rheuréafê proteâikmde Ma- dame dé Maintenon. Tout mon em- barras maintenant efi: de favoir com- ment je m'acquitterai de tant d'obliga- tions que je vous ai. Je vous écris ce- ci de chez M. Dongois le Greffier » qui eft fincerement tranfportéde joie, auffi-bien que toute notre famille ; <Sc de l’humeur dont je vous connois , je Yuis fûr que vous feriez ravi vous më- me de voir combien d’on feul coujp - vous avez fait d’heureux. Adieu , mon cher Monfieur , croyez qu’il n’y a perfonne qui vous aime plus fince- rement , ni par plus de raifon que moi. Témoignez bien à M. de Cavoie , la

L 3

X4<^ Lettres ob BoiXbav joie que j'ai de fa joie ; & M. de Luxembourg mes profonds refpe€ls'> Je vous donne le bon foir , & fuis au- tant que je le dois , tout à vous.

DE RACINE A M. de Bomrefeavz.

»

^ P4ris et iSJuiUet.

MOn abfence hors de cette

eilcaufe que je ne vous ai point écrit depuis dix jours. Il s’eR pour- tant paué beaucoup de chofes trés- dignes de vous être mandées. M. de Luxembourg , après avoir battu un Corps de cinq mille chevaux , cota- mandé par le Comte de Tilly , a mis le Hége devant Huy , dont il a pris la Ville & le Château en trois' jours » & de-là a marché au Prince d’Oran- ge , avec lequel il elt peut-être aux mains à l’heure qu’il eft. Monfeigneur a pafle le Rhin , & s’étant mis à la tête d’une armée de plus de 66 mille hommes , a marché droit au Prince de Bade ; en intention de le chercher partoutpour le combattre , & de l’ae-

I

(X. T » « R ;A C I N E ®47 taoiier même dans Tes retranchemens^ s’il prend le parti de fe retrancher. Mais ce qui a le plus réjouï tout le public , c’eft la déroute de la flotte de Hollande & d’Angleterre , qui efl: tombée au Cap de Saint Vincent eiv- tre les mains de M. de Tour ville. J’en- . tretins hier fon Courrier , qurefl le Chevalier de Saint Pierre , frere du Comte de Saint Pierre , lequel fut calTé ! il y a deux ans. Je vous dirai en paf- fant , qu’on trouve que M. de Tour- Tille a fait fort honnêtement d’en- Toyer dans cette occaflon le Chevalier de Saint Pierre : & on efpere que lat bonne nouvelle dont il eft chargé fera peut-être rétablir fon frere. ^uoi qu’il en foit > la flotte » qu’on appelle ce Smyrne , a donné tout droit daqa Pembufcade. Le Vice-Amiral Roufl^ qui l’efcortoit ^ d’aufli loin qu’il a de- couvert notre armée navale , a pris la fuite , & il a été impoflible de Ije joindre. 11 avoic pourtant 26 ou 27’ vailTeaux de guerre. Les pauvres Mar- chands fe voyant abandonnés , ont fait ce qu’ils ont pour fe fauver. Les uns fe font échoués à la côte (je Lagps^ les autres fous les murailles tfô

L4

148 Lettres de BcriVtiv

Cadis , & il y «n a eu quelque trente- fiz qui ont trouvé moyen d’entier dans le port. On leur a brûlé ou coulé à fond 45 Navires Marchands , & deux de guerre : & on leur a pris deux bons vaifleauz de guerre Holiandois tous neufs de 66 pièces de canon , & 25 Navires Marchands , fans compter deux vaifleaux Génois , qui étoienc chargés pour des Marchands d’Amf^ terdam , & dont le Chevalier de Saint Pierre , qui eA verni defTus jufqu’à Ro» ièsj eftime la charge au moins fix cens mille écus. On ne doute pas qu’une perte fi confidérable n’excite de gran> des clameurs contre le Prince d’Oran> « , qui avoit toujours aflÛré les AI* liés , que nous ne mettrions cette an* née à la mer que pour nous enfuir , de nous empêcher d’être brûlés. Le Che- valier de Saint Pierre a rencontré le Comte d’Etrées à peu près à la hau- teur de Malque, & prêt à entrer dans le Détroit. 1^ Roi a été trés*aifê de cette nouvelle, que l’on a fçûe d’abord par un Courier du Duc de Grammond, èc par des Lettres des Marchands. On parle fort ici des mouvemens qui fe

font au pays vous êtes } &ilparoic

'et DE Racine. 349 qU'^on en eft fort content par avance, ^ous fouplmes hier, M. ^ Cavoie & moi , chez M. &c.

r

A BOILEAU.

yiffùUes It P J$üUet,

JE vÿis aujourd’hui à Marli , fe Roi demeurera près d’un mois mais je ferai detemsen tems quelques 'voyages à Paris , & je choiOrai les jours de ta petite Académie. Cepen* dant je fuis bien fôché que vous ne m’ayez pardonné votre Ode : j’au- Tois peut'être trouvé quelque occa- fîon de la lire au Roi. Je vous con^ feille même deme l’envoyer, il n’y a pas plus de 2 lieues d’Autentf à Marli. Votre Laquais n’aura qu’à me demad-^ dbr & me chercher dans l’apparte» ment de M. Félix. Je vous prie de red* voyer mon fils à faraere ; j’apprehen- deque votre grandebomé , ne vous coûte un peu trop dincommodité. Je fuis entièrement à vous.

s66 Lettres de Boi\e«v avoit aufli préfenté au Roi v & aoZ Miniftres , une nouvelle éd\lon du Diélionnaire de Fureüere , qd a été très - bien reçû. C’eft M. de & M. de Pomponne qui om préfenté Léers au Roir Cela a paru un allez bizarre contretems pour le Di£fcion> naire de Meadémie , qui -me paroSt n’avoir pas tant de partifans que i’ai>> tre^ J’avois dit plufieurs- fois à Mk Thierry , qu’il aureit faire queb ques pas pour ce derâier Diélion* naire ; & il ne lui auroit pas été di£fr cile d’en avoir le Privilège. Pent-'être même il ne le feroit pas encore. Oa commence à dire que le voyage de ‘Fontainebleau pourra être abrégé de huit ou dix jours', à caufe que le Roi [ y.£R fort, incommodé de la goutt& ill en elt au lit depuis trois ou qfuatre jjours.II ne fbnffre pas pourtant bean* ^up , Dieu merci & il n’ell arrê> au lit que par la foibie^ qu’il a encore aux jambes.' Il me paroh par les Lettres de ma femme , que mon fils a grande envie de vous' aller voir à Auteuil. J’en ferai fort aile , pourvû qu’il ne vous embarrallè point du tout. Je prendrai énœêffie.tem» la Mbeité

I

AU M Ë S M £.

A FtHhàtuhltM U 3. OSohre,

JE vous fuis bien obligé de prom* titude avec laquelle vous m'avez

faii^ réponfe. Comme je fuppolè que TOUS fl'avez pas perdu les vers que je TOUS ai eavoyës , je vais vouulue. mon ièntiment far vos difficultés

le tems vous coimmmi^uêir

vèi LBTTRtS DE BoiIEiV pluOeufs changemens que i’avois dëîa fcir« (TimrÎTiprnf»- Car VOUS Jav^ on homme qui compoiè , fait fou- vent ion thème en plufieurs façons.

Quand par une fin foudaine , Détrompes d’une ombre vaine Qui pa& 6c ne revient plus.

^ai cboifi ce tour, parce qn’il efl con- forme au texte qui parle de la fin im- prévue des Réprouvés ; & je vou- drois bien que cela fut bon , & que vous pufliez pafier & approuver , Ufte fin fmdaine ^ qui dit précifé- ment la chofe. Voici comme j’avois DÛS d’abord ,

/

Quand déchus d’un bien firivole Qui comme Tombre s’envole >

Et ne revient jamaisplus.

Mais ce jamais me paroît un peu mît pour remplir le vers ; au lieu que p/ÿfe & ne revient pins , me (embloic allez plein & afiéz vif. D’ailleurs j’ai mis a la troifiéme Stance , Pottr trotever ein kien fragile f & c’eft la même choie qu’un bien frivole. Ainfi tâchez de

ET SB RâCZNB. 2^3 VOUS accoutumer à la première ma- niéré, -ou trouvez quelque autre choie qui vous ratisfafle. Dans la fécondé— Stance 4

Mifétal>Ies que nous fommes «

Ou s’égaEoient nos elprits ?

infirtwiù m’étoit venu le premier ; mais le mot de Miftr/ârlet , que j’ai employé dans Phèdre , à qui je l’ai mis dans la bouche , & que l’on a trou- vé aflêz bien , m’a paru avoir de la force, en le mettant aufli dans la bou- che des Eéprouvés , qui s’humilient & fe condamnent eux mêmes. Pour le fécond vers j’avois mis ^

Diront-'ils avec des cris.

Mais fai crû qa’oa pouvait leur faire tenir tout ce difcours , fans mettre , Âirtnt.iU, & qu’il fufiiroit de mettre il la fin fAhtfi dtw$e noix fUintkx , & le relie , par on fait enienure , que tout ce qui [irécédeell le difcours des Réprouvés. Js crois qu’il v en a des exemples dans les Ottes d’Horace.

g&f. Lettres de Boiieav

£t voilà que trîonq>han$.

Je me fuis lailTë entraîner an texte J JEccg ipumodo cmputati fimt inter Filiu Dei\ & j’ai crû que ce tour marquoit mieux la paflîon. Car j'aurois met* tre : Et mnimenant trimpham y &c. I^ans ia troiüéme Stance y

Qui nous montroit la carriese

De la bienheureuiè paix»

On dit la carrière de la gloire , la car* riere de l’honneur ; c’eft-à-dire , par on court à la gloire , à l'honneur. Voyez fi l’on, ne pourroit pas dire de même la carrière de la bienheureufe Paix. On dit même la carrière de la Vertu. Du refie je ne devine pas corn* nient je le pourroismieux dire.Il refie la quatrième Stance. J’avois d’abord ' mis 1e mot de Repentance ; mais ou- tre qu^on ne diroit pas bien , les Re> mords de la Repentance, au lieu qu’on dit les Remords de la Pénitence ; ce mot de Pénitence , en le joignant avec tardive, efi a^z confacrédant ia langue de l’Ecriture , feti pceniten-

tùtm

Z r PE Racine. 265 ^/tm agentes. On dît la Pénitence d^An- tiochus , pour dire une Pénitence tardive & inutile., On dit auilî dans ce fens , la Pénitence des damnés. Four la fin de cette Stance , je Tavois changée deux heures après que ma Lettre fut partie. Voici la Stance ea-* tiere. '

Ainfi d'une voix plaintive Exprimera fes remords La Pénitence tardive Des inconfolables morts.

Ce qui fitifoit leurs délices ; Seigneur , fera leurs fupplices;

Et par une égale loi ,

L.es Saints trouveront descharmci Dans le foùvenir des larmes Qu’ils verfent ici pour toi.

Je vous conjure de m’envoyer votre fentiment fur tout ceci. J’ai dit fran- chement que jlatteodois votre criti- que , avant que de donner mes Vers au MuHcien ; & je l’ai dit à Madame de Maintenon , qui a pris de>là occa- fîon de me parler de vous avec beau- coup d’amitié. Le Roi a entendu chanter les deu:K autres Cantiques , &■

TmuL M

t68 Lettres BoitEAV ' part qu’à ceux que vous voudrez ; à

Îieribnne'mêine ,iî vous le fouhaittez.

e crois pourtant qu'il fera trés-bon que Madànie de Maintenon voie ce que vous avez imaginé pour fa mai* fon. Ne vous mettez pas en peine, je le lirai du ton qu’il faut j & je ne ferai point tort à vos vers.

11 n’y a ici aucune nouveRe. L’ar* née ae M. de Luxembourg com- nence à fe féparer , & la ^valerie entre -dans des quartiers de fourage. Quelques gens vouloienc hier que le Duc de Savoie penfàt à affiéger Ni* ce à Taide des Galeres d’Eipagne.

. ISfais le Comte d’Eftrées ne tardera guère à donner la chafle aux Galeres & aux Vaiileaux Efpagnols , & doit arriver inceflamment vers les côtes d’Italie. Le Roi groflit de 40 j>atail- lons fon arm^'de Piémont pour Tan- née prochaioe , je doute .pas qu’il ne tire une rude vengeance des pays de M. de Savoie.

Mon fils m’a écrit une afl^ jolie Lettre for le plailîr qu’il a eu de vous aller voir , & fur nné- converfation qu’il a eue avec vous. Je vous ibis plus obligé que vous ne le foutiez

ET RACIKE. ,

ire , de vouloir bien voo» ainufer avec hii. LcpIûfîrqu’H prend d’être avec ! vous,tncdonne allèz bonne opinion de Ini;& s’il eft jamais aflez heureux pour' rous entendre parler detems en tems^ je fuis perfaadé , qu’avec l’admira» ' don dont h eft prévenu , cela lui fe» ra le pins grand bien du monde. J’ei^ pere que cet hiver vous voudrez bien ^ faire chez moi petits dînés , dont I je prétens tirer tant d’avantages. M.. v de Cavoie Vous fait fes complimens; ' J’appris hier la mort du pauvre Ab» 1^ de Saint Réal.

A U M R S M £.

jt Fmtiùn«6le4» te 8. OSoiir,

»

JE vous demande pardon j’ai étd fi hongtems fans vous faire répon^ k : mais j’ai*4^u avant toutes ch(> fes prendre un tems favorable pour recommander M. Manchon (i)àM.

I. (1] Bcwi.û«re de SoUtan.

M a

. LBTrRES ifB BoitEAtr de Bafbezieux. Je l’ai fait , & il m’a fort afÏÏlré qu’il feroit Ton poffible pour me témoigner la coofidéracion qu’il avoic pour vous & pour moi. U m’a paru que le nom deM. Manchon loi étoit aflez inconnu ; & je me fuis rappellé alors qu’il avoic un autre nom , dont je ne me fouvenois point du tout. J’ai eu recours a M. de la Chapelle , qui m’a fait un Mémoire «

3ue je préfemèrai à M. deBarbeaieux ès que je le verrai. Je loi ai dit que M. l’Abbé de Louvois vondroic biea joindre Tes prières aux nôtres , &je crois qu’il n’y aura point de mai qu’4 loi en écrive un-mot. V

Je fuis bien aife que vous ayez don* votre Epître à- M. de Meaux , & que M. de Paris foit difpofé à vous donner une approbation autbenti<]ue. Vous ferez furpris quand je vous di> tai -que je n’ai point encore rencon- tré M. de Meaux , quoiqu’il foix ici ; mais je ne vais guèrd^x heures . il va chexle Roi ; cVft à-dire, au le ver & au coucher : d’ailleurs la pluie , prefque continuelle , empêche qu’on ne fe promene dans les cours & dans les jardins , qui font tes endroits

B T D^E R A,. C I n; E. ZJX, Ton a de coutume de- fe rencontrer.- Je fai feulement qu’il a préfenté atf> Roi l’Ordonnance de M. l’Archevê- que de Rheimt. Elle m’a paru très-' force & il y explique très-nette^ ment la doêbrine qu’il condamne. Vo^ tre Epître ne peut qu’être trèa-biem reç.ûë t & il me. femble que vous n.’ar vez rien p^du pour attendre , Sa qu’elle paroîtra fort à propos, On ^ eu ooqvelle aujourd’hui que M. le^ Prince de Conti.écoit arrivé en For fogne : mais oit n’en fait pas davan^ tage , n’y ayant point encore de cou» zier qui foie venu de lapart. M. l’Ab» Renaudot vous en dira' pinS' qoç’ je ne faurois vous en écrire. Je n’ai, pas fort avancé le Mémtùre donc TOUS me pariez. Je crains même d’ê» O'-e entré dans des détails quiTallon»- geronc bien plus que je ne croyois. D’ailleurs vous favez la dî0ipatioB de ce pays-ci. Pour m’achever vj ^i ms- iêconde fille à Mélun , qui prendre l’habit dans huit jours. J^ai fait.deue voyages pour efTayer de la- détourner de cette réfolution , ou du moins- pour obtenir d’elle qu’elle difl'erât en- core fix mois jamais ie l’ai trouvée

M e

Lbtties de Boiiead inébranlable. Je foubaitè qu’elle trouve auili heureufe dans ce nouvel état t qu’elle a eu d’emprelTement pour y entrer. M. l’Archevêque de Sens s’eft offert de venir faire la cé- rénronie » & je n’ai pas ofé refufer une tel honneur. J’ai écrit à M. l’Abbé Boileau pour le prier d’y prêcher f Sc |1 a l’honnêteté de vouloir bien par* tir exprès de Yerfailles en polie poiu xne donner cette fatisfaâion. Vous jugez que tout cela caufe affez d’em* barras à un homme qui s’embarrailê aufli aifément que moi. Plaignez*moi un peu dans votre profond loifir d'Au* teuil , & excufez fi je n’ai pas été plus exaêl à vous mander des nouvelles. La paix en a fourni d’affez confidéra- bles , & qui nous donneront affez de matière pour nous entretenir quand j’aurai l’honneur de vous revoir. Ce fera au plus tard dans quinze jours : car je partirai deux ou trois jours avant le départ du Roi. Je fuis entie* xement à vous.

XT »eRaCIK8.

AU M £ s M £.

*

\

DEnys d’HalicarnaiTe , poar mon-^ trer que la beauté du flyle con- fiée principalemeot dans l’arrange* ment des mots , cite un endroit d^ l’OdyfTée , UlyiTe de Eumée étant fur le point de fe mettre à table pour déjeûoer , Telemaque arrive tout-à*

, coup dans la' maifon d’Eumée. LeS'

(' chiens qui le Tentent approcher , n’a* boyent p^t , mais remuent la queuë,- ce qui fak voir à Uiyffe que c’eft quelqu'un de connoiflance qui efl: fur ' te point d’entrer. Denys d’Halicar- nafle ayant rapporté tout cet endroir^. fait cette réflexion : Que ce n’eft ; point 1e choix des mots qui en fait Tagrément ; plûpart de ceux qui y font employés , étant , dit-il , très* vils & très*bas r% ^ TwTFeuf-'

T«^*T ,mots qui font tous les jour» dans bouche des moindres labou- reurs , & desmoindresartifans : maia qu’ils ne lailTent pas de charmer , par te maniéré dont le Fbêtra eu foio dà.

M 5

^74^ Lbtties BoiEEAtr les arranger. En lifant cet endroit , je m fuis fouveno que dans une de vos nouvelles Remarques , vous avances que jamais on n’a dit qu’Homere ait employé un fênl mot bas. C’eR à vous de voir cette remarque de i)eoys d’HalicarnalTe n’ed point con- traire à la vôtre , & s’il n’eft pointa craindre qu’on ne vienne vous cbi- canner là-deflus. Prenez la peine de lire toute la réilezion de Denys d’Ha- licarnafre , qui m’a paru très-belle , & merveilleufêment exprimée. C*eft dans fon Traité icH Qtiiiftmt wfti'ltn, à la troifiéme page.

J’ai fait réflexion aulfl , qu'au lieu de dire que le mot d’âne efl: en Grec un mot très-noble vous pourriez vous contenter de dire , que c’eft ua mot qui n’a rien de bas , & qui eft comme celui de cerf , de cheval , de brebis , &c. le tm-mblt me paroSt ua peu trop fort.

Tout ce traité de Denys d’Hali- carnaflê , dont je viens de vous par- ler y & que je relus hier tout entier avec, un grand plaiflr , me fit fou ve- nir de l’extrême impertinence-d^ M. l’errault» qui avimce. qqe la (ourdfif

' ®r C E R A e i M K S75

jtaroles ne faic rien pour l’éloquence, &■ qu’on ne doit regarder qu’au fens ; & c’ell' pourquoi il prétend qu’on peut mieux juger d’un Auteur pzp' ibn Traduâeur , quelque mauvaia^ quMl foit , que par la léâure tk l’Au- teur même. Je ne me fouviens points çue vous ayex relevé cette-extrava'- gance , qui vous- donnoje pourtant- beau jeu pour le tourner en ridicule. - Pour le morde , qvi

quelquefois- la lignification -que voua, favez , il fîgnifie fouvent converfer * iîmplement. Voici des exemples ti- rés de TEcrhure. Dieu dit à Jérufa- lém , dans Ezechiel : Congrtgabo tihii tuntuvres tmn cm» ^bnt comntfia &c. Dans le Prophète Danià , les < déux- Vieillards racontant comme ils ^ ont furpris Sûfànne en adultère , dî- fent , pariant d’élle & du jeune hom- me qu’ils prétendent qui écoit avec' elle : Vidimiu ett jmriter ctmrnifierL J\s dilent aufli à Sulanne .• bis y & eommiJçerFttohiJcm», \^oi\k am^ - mifetrr dans le premier fens. Voici des exemples du (ecqnd lens. Saint Paul ' dit aux Corinthiens : cmmïfieM* miiû-' finûcarm tJUiaex, dt.

M é

276 Lettres de Boieeav merce avec les fomicatettrs. Et èxpl^ quant ce qu’il a voulu dire par-là , il dit qu’il n’entend point parler des for» nicateurs qui font parmi les Gentils ; autrement, ajoute- t-il , il faudroit re* noncer à vivre avec les hommes : mais quand je vous ai mandé de n’a- voir point de commerce avec les for- nicateurs , non cmmifceri , j’ai enten- du parler de ceux qui fe pourroient trouver parmi les fidelles , & non- feulement avec les fornicateuFs , mais encore avec les avares , & les ufur- pateurs du bien d’autrui , &c. Il en eil de même du mot cognofcere , qui fe trouve dans ces deux fensen mille endroits de l’Ecriture.

Encore un coup , je me pallêrois de la faufle érudition de T uflanus , qui eft trop clairement démentie par l’endroit des ierVântis~3èl^HWiÇi^*M. Per- rault ne peut-il pas avoir quelque ami Grec qui lui fournifle des Mémoires ?

A M. LE PRINCE. Monseigneur ,

C’eil avec une extrême recoosoif^

1 T D E R A C 1 N E. 272! fance que j’ai reçû encore au coin* xnencement de cette année la grâce que Votre AltelTe Sereniflltne m’ac- corde fi libéralement tous .les ans. (i) Cette grâce m efi: d’autant plus cbere » que je la regarde comme une fuite de la proteâion glorieufe donc vous 'm’avez honoré en tant de ren- contres , & qui a toujours fait ma plus grande ambition. Audi en coi^- lervant précieufement les quittances du droit annuel dont vous avez bien voulu me gratifier , j’ai bien moins en vûe d’aflurer ma charge à mes enfans, que de leur procurer un des plus Aeaux titres que je leurpuiile laifièr , |e veux dire , les marques de la pro- teâion de V. A. S. Je n’ofe en di- re davantage ; car j’ai éprouvé plus d’une fois que les remercimens vous fatiguentpmqueautanc que leslouan- ■ges. Je fuis avec un profond refpeâ ,

Monseignbvr» &c.

[ I 3 Sa Charge de Tidtbrici de France à Moulin» dtoic dans te cafiiel de le Prince , qui lui faU|oi|^ donna tons Us ans une qaiiunce de la Faulette.

/

i78 E'TTREÏ i)E Bbll.'EE1T'

J’Ai parcouru tout ce que les an^- . ciens Aoteurs-oRt dit de la Déefie Ifîs , & je ne trouve point qu’elle ait été adorée en aucun pays fous la figu* re d’une vache ; mais feulement ibus ]a figure d’une grande femme tome couverte d’un grand voile de diffe* rentes couleurs , & ayant au front deux cornes en forme de croiffant* Les uns difent que c’étoit la Lune , les autres Cerés , d’autres la Terre > & quelques autres cette même lo , qui fut changée en vache par Jupi> ter.

Mais voici ce que je trouve di> Dieu Apis , qui fera » ce me femble^ beaucoup plus propre à entrer dans les ornemens d’une Ménagerie. Ce Dieu étoit , dit-on , le même qu’O- liris , c’eft-à-dire , ou le mari » ou le fils de la Déeflè Ifis. Non-feulemene ü étoit reprefenté par un jeune Tau- reau , mais les Egyptiens adoroieni fia eSet , feus le nom d’Apis , aa

.iT DE Racine. 279 .jeune Taureau bien bûvanc & bien mangeauE ; & ils avoient foin d’en .fubfticuer toujours un autre en la pla* ce de celui qui mouroie. On ne le iaiflbit guere vivre que julqu’à l’âge d’environ huit ans , après quoy ils le noyoienc dans une certaine fontaine, £t alors tout le peuple prenoit le deuil , pleurant ôc faifant de grandes lamentations pour la mort de leur Dieu , jufqu'à ce qu’on l’eût retreu* vé. On étoit quelquefois aifez long- tems à le chercher. 11 falloir qu’il ooir par tout le corps., excepté une tache blanche de figure quarrée au milieu du front , &, une autre petite tache blanche au flanc droit , faite en. forme de croilTant. Quand les Prêtres l’avoieot trouvé , iis en donnoienc avis au peuple de Memphis : carc’é- toit principalement en cette ville que Je Dieu Apis étoit adoré. Alors on alioit en grande cérémonie au-devant de ce nouveau Dieu j & c’efl. cette efpèce de proceffion , qui pourrok fournir de fujet à un affez beau ta- bleau.

Ces Prêtres marchoient habillés

sobbes de lin ayant tous la céie

280 Lettkes x>'e Boiceev fe , & étant couronnés de chapeaux de fleurs , portant à la main , les uns un encenfoir , les autres un fiflre ; c'étoit une efpéce de tamboor*de' bafque. Il y avon aufli une troupe de jeunes enfans habillez ^ tin , qui danfoient & chantoieat des Garni' ques ; grand nombre de joueurs de flûtes « & de gens qui portoient à manger pour Apis dans des corbeib les ; & de cette forte on amenoit le Dieu jufqu’à la porte de fon Tem> pie y ou pour mieux dire , il y aTok deux petits Temples tout environ' nés de colomnes par dehors , & aux portes , des Sphinx y à la maniéré des Egyptiens. On le taiflToit entrer (kns celui de ces deux Temples qu’il vou' loit , & on fondoit même for fon choix de grandes conjeâures ou de bonheur , ou de malheur pour l’ave- nir. 11 y avoit auprès de ces- deux Temples un puits , d’où l’on tiroit de l’eau pour fa boiiron : car on ne lui laii&it jamais boire de i’eao do Nik On confultoit même ce plaifant Dieu ; & voici comme on s’y prenoit. On lui préfentoit à manger : s’il .en pre-

soit > c’étoit use répoolè sréo'favo;

I

etdeRacike. sH xabie ; tout au contraire , s’il n’en prenoit point. On remarqua même j dit-on , qu'il refufa à manger de la. main de Germanicus , & que ce Prii> ce mourut à deux mois de-là.

Tous les ans on lui amenoic à cer- tain jour une jeune Genifle , qui avoit aufli Tes marques particulières. Et ce- la fe faifoic encore avec de grandes cérémonies.

Voilà , Mons eignevr , le pe> tit mémoire que V. A. S. me deman- da il y 3 trois jours. Je me tiendra in£niment glorieux toutes les fois qu’elle voudra bien m’honorer de fet ordres , & m’employer dans toutes les chofes qui pourront le moins dit monde contribuer à Ton plaifîr. Je fuis I avec un profond refpeâ >

DeV.A.S.

I

sg2 Lettres &e Boilbeit

LETTRE ECRITE A M. RACINE par M. i>E Güilleragües , Ambaf^deurde France àCoa&kB* tinople.

jht lalah de Vrtmee.

'^PeP4lef,Jnmi6t^

I

Ï’Ai été fenfîblement attendri. & flatté y Monfieur , à la le&ure de |a Lettre qse tocs m’avez fait l’hon- neur de m’écrire. Eloigné, de vous , & des repréfentations qui peuvent en /knpofer fur vos Tragédies , & très- I dégoûté des pays fameux, que vous avez chantés ; vos oeuvres cependant me paroiflent plus belles que jamais^ Oüi, Monfieur , je fuis très^égoû- de ces pays , dont les Postes & les Hifioriens de l’antiquité ont dit de fi belles choAfS ; & je vois qu’ils n’é- toient pas d’exaéls obfervateursdela vérité.

Le Scamandre & le Simoîs font iêc dix mois de l’année : leur lie

ST DS RaCINB. 29s n'ed qu’un foffé. L’Hébre eR une riviere du quatrième ordre. La Nato- Jie , le Font, la Nicomédie, l’Itaque» préientetnent la Céphalonie,Ia Macé- doine , le terroir de LariiTe , & celui d’Atbéues , ne peuvent jamais avoir fourni la quinziéme partie dea hom- mes dont lés Hiftoriens font mentiom Il eil impoiüble que ' tous ces pays j, cultivé» avec des foins imagin^les> aient jamais été fort peuplés. Le tei>^ Toir eft prefque par-tout pierreux;,, ntide , & fans riviere. On y voit de» montagnes & des côtes pelées, plu» miciennes que tous les Ecrivains. Le port d’Aulide , abfolument gâté , peut avoir été bon i mais il n’a jamais p(| contenir les mille vaidèaux des Grecs4 ni mille barques. Délos eil un miféra-T ble rocher. Cythère & Paphos foncl des beux affreux. Cythère , ou Céri-' que, eft une petite Iffe , la plus défa- gréi^le & la plus infertile qui foit an monde.- Il n’y a jamais eu un air plus corrompu que celui de Paphos, abfo* lument inhabitée. .Naxe ne vaut pas mieux. Les Poètes apparemment met- toient Vénus dans les lieux ils avokntJeurs makceilès i mais ils

584 LÉTTftES DE B01LEATr^ très-mal placée. Je ne vous parle point de deux mille Evêchés en Grèce , nommés dans ThiftoireEccléfiaftiquei qui ne peuvent avoir eu douze parois fes chacun.

J’eufle voulu que vous fouvenant de l’attadiement que j’ai pour tout ce qui vous touche , vous m’èuQiez .écrit quelque chofe de votre famille. crois te petit Racine bien vif: je

Î)révois qu’à mon retour je n’olèrM ’attaquèr fur le Grec ancien ; mais je J’étonnerai avec le Grec vulgaire , tangue auffi corrompue & auffi mifé^ râble que l’ancienne Grèce l’eft de- venue.

Adieu , mon cher Monfîèur , con- tinuez de me donner des marques de fouvenir dp notre àndenne amitié , & écrivez - moi , quand même vous devriez encore nae traiter de Monlèi- gnepr. Je ne fais pourquoi vous me donhez libéralenaent quelque parc à vos Tragédies, quoique je n’en aie jamais eu d’autre que celle de la pre- mière admiration. Vous m’avez ap pris bien des choies , au lieu que je ne vous en ai jamais appris qu’une.. |e*vous ai découvert qu’un TréiR>

ST DB Racine. 295 tier de France prend )e titre de Che* valier , & a le droit honorable d’être enterré avec des Eperons dorés. H se doit donc pas prodiguer légère* ment le titre de Monfeigneur. Vous; Be me marquez pas fi vous voyez] foaveat M. le Marquis de Seignelai. ; Adieu , mon cher Monfieur.

DE RACINE, A BOILEAU. J

ji Verfd^fs U. 4. Avril i6ç&.

JE fuis très -obligé au P. Boohours de toutes jes honnêtetés qu^il vous a prié de me faite de fa part & dçJa parc de fa Compagnie. Je n’avois point en- core entendu parlâr de la bàrangue de leur Régem:& comme ma conlcience Be me reprocboit rien à l’égar^ desjé-.. fuites , je vous avoue que j’ai été'oti peu furpris que Pon m’eût déclaré la guerre chez eux. Vraifemblàblemenc ce bon Régent efi: du nombre de ceux

(1 ) Dans fil vie U efi dit l quelk occadeuxette Letm

»S8 Lettres >e Boileav iQ’empêcha d'exécuter ce projet: j’efpere qu’il ne fera que différé. En attendant , vous nous jugiez dignes de lire vos derniers Ouvrages , & que vous vouluffiez nous les envoyer^ je trouverpis mon pauvre petit prélent

}>lu6 que payé. Notre ami M. Racine kit notre adreffe , quoiqu’il ne s’en lerve point ; mais vous êtes tous fi dévots, que je ne fuis point étonnée de vous perdre de vûe. Cependant je ne vous eftime & ne vous hono* re pas moins.

L&TTRE DEBOILEAU

aM. DE M ONO HBSMAl. Cl)

«

PUifque vous vous détachez de l’intérêt du Ramoneur, je ne vois pas , Monfîeur , que vous ayez aucun

fujet

( I ) Je mets ici eettelettre , ntm ièaleinciit parce qa*elle appiend reffet que produifircnt deux vers de 9ritannîcus > mais parce qu'elle comienc la chèfîe que

( Boileau foutim devant M. Arnaud * comme je Tai lap- 'porté dans la vie de mon Pere. Il avoir (butenu la me- me thèfe , en préfence du P . Maffilion , contre M. de Bionchefnai ,*auteizr du BoIæana> qui lui envoya enlbiic 'line di^fcttatioA fui cette xnattcie ; &ie paquet fntpottc

ET 1>E RÂCIKE.. fejet de vous plaindre de moi , pour avoir écrit que je ne pouvois juger à la hâte d’ouvrages comme les vô> très , & fur tout à l’égard de la quef- tioti que vous e^amez fur la Tragé* die , & fur la Comédie que je vous avoué néantmoins que vous trai* tiez avec beaucoup d’efprit. Car pui{- qu’il faut vous dire le vrai , autant que je puis me relTouvenir de votre ^rniere pièce , vous prenez le chan* ge , & vous y confondez la Comé- dienne avec la Comédie , que dans mes raifonnemens avec le P. Maffîl- Ion , j’ai y comme vous favez, exaâe* ment féparées. Du relie , vous y avancez une maxime qui n’eft pas , ce mé'femHè ,'fôutenable $ c’eft k lavoir , qu’une chofe qui peut pro- duire quelquefois de mauvais effets ! dans des efprits vicieux , quoique non I vicieufe d’elle-même , doit être abfo- ; 1 liment défendue , quoiqu’elle puiflc

pai ;ttn Ramoneur. Boileao , forprisdu mcflàger , en fît otwlqr^siaillencs. M- de Moac^fitai en éQnrThèinoé lui derme une Letue que je ne rapporte point , parce qu*elle ne contient que des plaifanteries (ur le R.amo« iieiir , & que cet plaifanteries n'ont rien d'ssréable. »j^me de l'aotcui du Mrnuun'dtoit pu légère.

Tfml,

XÇO LkTTXES de BoiLEltr il’aiileors lervir au délafletneut, & x l’ioftruâion des hommes. Si cela eft, ÿ De fera plus permis de peindre dans les Egtifes des Vierges Maries , ni ^es Suzannes , ni des Magdelaines agréables de vifage , puifqu’il peut fort bien arriver que leur afpeâ exci- te la concupifcence d’un ^prit cor- rompu. La vertu convertit tout en bien , & le «vice tout en mal. Si vo- tre maxime eft reçâe , il ne -^udra plus non- feulement voir repréfenter ni Comédie , ni Tragédie , mais il n’en faudra plus lire aucune ; il ne faudra plus lire , ni Virgile , ni Théo- <crite , ni Terence , ni Sophocle , ni Homere;^ & voilà ce que demandoîc Julien rApoflar^.& qui lui attira cette épouvantable diffamation de la parc ^s Peres de l’Eglife. Croyez - moi , Mpnfieur , attaquez nos Tragédies ■âl nos Comédies , puifqu’elles fonc «ordinairement fort vicieufès ; mais i\!attaquez point la Tr^édie & la Comédie en*général , puisqu’elles font d’elles - mêmes' îhdifiereM«»TOomme Je Sonnet.& les Odes , & qu’elles onc jquelquefois reêlifié l'homme plus que jEQdJleuces prédicaÔQos poiur

Ht » E R 1 c a: zpt

vous en donner an exemple admira- ble , je vous dirai qu’un grand Prin- ce qui avoir danfé à pludeurs ballets A ayant jouer le firitannicus de / Racine , la fureur de Néron à 7 monter fur le Théâtre eft fi bien atta-^ quée y il ne danfa plus à aucun bal-/ iet , non pas même au cems du caryi naval, fl n’eft pas concevable de com-/ bien de mauvaifes chofes la Comédie a guéri les hommes capables d*^ètre guéris : car j’avoue qu’il y en a que tout rend malades. Enfin , Monfieur, je vous foutiens , quoi qu'en dife le F. Mafiillon , que le Poëme dram:^ tique efi: une Poëfie indiâTérente foi même , & qui n’eft mauvaile qtie par le mauvais ùfage qu’on en fait. Je foutiens que l’amour , exprjraé chaftement dans cette Poëfie , non

feulement n’infpire point l’amour; mais peut beaucoup contribuer Ù guérir de l’amour les eCprits bien faits; pourvû qu’on n*y repande point d’ima- ges , ni de fenttmpn» v^liipEîîipnT. <ÿe yir y 1 IJ&elqu'un qui ne laiflè pas , malgré cette précqulioa-rdc s’v corrompre , la fâute^^vient de lui « de aôn pES laXbmêdtô. Du refte je

Ns

«

«9^ LeTTRBS ITB BaiLEAÜ

^us abandonne le jPassé^ieQ « & Is -plûpart de nos Poëtes^ & même M. llacine en plufîeurs de fea pièces. Enfin , Monfieur , fouvenez-vous que llamoar d’Hèrode pour Mariane dans Jofeph ^ eft peint avec tous les traits les plus ienfibles de la vérité. Oepea* dant -quel ell le fou qui a jamais « pour cela , défendu la leèture de Jo- ieph ? Te vous barbouille tout ce ca* tievas de dilTertations , afin de vous montrer que ce n’efi: pas fans raifoa

Î|ue j’ai trouvé à redire à votre rai* bnnemeoL J’avoue cependant que votre Salure efi pleine de vers bien trouvés. Si vous voulez répondre à . mes objeâions , prenez la peine de Ale faire de bouche , parce qu’autre- \^ent cela traSneroit à l’infini : ( t) mais fur -tout trêve aux louanges; je ne les mérite point , & n’en yeux point.; j’aime qu’on me life, & noa qu’on me Joue. Je fiiis , &c.

( I ) ’M. de Moncbernaî avokfait des 'Satyres dans

€ê Lettre de plainte à Boileau fur des plaifaiiteiie» qu*il «voit faites à l-occafion du Ramoneur^ il lui rappelloit que dans fies Satyres , fon nom fe trouvoit fbuveot avec dloge. Sa longue léponfe à cette Lettre de Boileau > fe «couve dans les MémoUes de Littcnuiue dpiindspu Jhs

r T DE 11 A C I ir B.

LETTRE DE ROU&SEAU

A BoIImEA V*. I

VOus me dîtes , Moniïeur ^ kB dsrniere fois qae j’eas l’honneur de vous voir , que vous n'aviez point- l'édition qui a* été faite en fiollan^ de votre dialogue fur les Romans, petv ai cherché' -un exemplaire , que j’aà feit copier par un homme véritable- ment qui feroit excellent pour écrire: fous un Minière les fecrets de l-’Etat^ J’ai corrigé du mieux que j’ai les &utes de ce rare copilte ; & je- foo- haite que vous perGfliez dans le delV y fein de corriger celles qui appartiea/ nent aux perfonne» qui ont fait im- primer l’ouvrage même. Tel qu’il ell,. je neconnois perfonnequî n’eût été- fi-appé dés plâifanteries ingénieu(es< qui y font répandues. II n’y a que vous au monde qurfoyez capable de faire* - ibntir dans un aulli- petk nombre der pages , tout le ridicule d'une infinité^ prodigieufe de gros volumes : & on : æ croira jamais que vous ayez ptt

N g.

* t DE R A C I sr I.

^cn fociété académique dep^uis plus de vlngc années ; mais en relifanc vos» admirables écrits , j’ai été cruelle- ment détrompé par des correâions' & des additions qui ne peuvent avoir été faites fans que 'vous ayez fongé' à l’intérêt que j’y pouvois prendre. J’aprois patTé fous fllence le premier de ces endroits , dont je me fens^ bleiTé , s’il s’étoit trouvé feul , quoi- qu’on vérité laeirconftance rende la* ehofe un peu dure à digerer. Voicii Jes vers de vos précédentes éditions^ jirt.To€t, c.

»

Les vers ne Ibuffretit point de médibcte Au^ teur:

Set écrits en tous lieux font l’effiroi dir leâeur:

Ck>ntre eux dans le Palais tes boutiques murmurent,

Et les ais chez Billain à regret les endurent^

Qui croiroit que de 11 beaux ver»-' ctrllênt demandé quelque corre^onf’ Cependant la voici.

Q.uiditfroidEciivain, dit detefiable Au« teui;;

N4

^^6 Lb'ttkbs i)B BorLEAxr Beyer eft i Pinchene égal pour le Tee» teur, &&

Je vous larde vous>tnême , Monfiear, juge entre les vers que vous ôtez, & ceux que vous mettez en leur place. Voilà donc le pauvre Boyer, quatre ou cinq, ans après fa mort, mis par vous au nombre des Poëtes détedables , puifque , félon vous , U foint de- degri médiocre fire. Cependant , fans vous conteiler fon mérite , vous favez qu’il a tou* jours demeuré , & ed mort dans no- tre maifon j maifon ad*ez aimée des igens de Lettres. Je mé'ritois peo^ iétre bien tout feul que vous laiflaf \£ez fon ombre en repos:

Venons à l’autre changement. Voî* ci les vers de voa précédentes édi- tions.

Bt qu’importe à nos vers que Perrin les ad- mire ,

Que l’Auteur de Jonas s’eroprefl'e de les lir^ Fourvû qu’ils ûichent plaire au plus puiflàat des Rois t

yoici l’addition-

k

1 T »• E R. JT C r W E.

Qu’ik dnrinent de Senlis lePoëteidiot > - Ou lefec traducteur du François d’Amiot.

Qui ne voit que ces deux vers, voo»: ont beaucoup coûté & que vous ner ks avez ajoûtés que pour déshonoreir vn homme ,.en le notant d’une igao- fance. dont perfonne ne l’a accufé 'T Je me fouviens que fur ce vers ^ que:r vous n’avez point voulu perdre , &- qu’un petit reilèntiment mal fondé- TOUS avoit fait faire , feue Madame- de la Sablière , & quelques autres per- f6nnes,..vous-prierent de le fupprimer^ dt que vous le promîtes. U ne.Teftoîr.- donc plus qpe moi ,,qu!il ne vous im-r p.ortoii guère de fâcher. Caf comment voulez- vous.que j’explique cette ad-r dition ? Je ne veux, pas déhattrer Tes dédiions de vos Dodieurs ; maia^ fais qu’en bonne loi de l’Evan- gife , il n’ell' pas permis de fâcher pei— Tonne, & moins encore un ami ^ .pour! un bon mot. Je ne foutiendraipas non^ plus la traduttion que vous blâmer,

?ui e(l pourtant à la feptiéme éditionv i). Je vous (Hrai feulement que c&:-

tHm^mÊÊÊÊÊmmimtimÊmÊÊÊtÊÊÊÊÊtÊÊÊÊÊÊÊÊmÊmÊiÊÊÊÊKÊÊÊKÊ$k-'

( 1 > Ce qui fait grand botincur \ PlnWque. Cettat de Paul XaUemant, proche parent dcceito*

H s

yjtçS LsmEs ÔE Boile iir Traducteur porte un nom , que vont pouviez épargner., quand ce n’eûc été que pour l’amour de moi. Je ne me plaindrai à perfonne ; cette Lettre efl écrite à plume courante. J’ai voulu feulement vous décharger mon cœur; & je ne veux d’autre vengeance de vous , que le reproche fecret que vous ( vous ferez , malgré que vous en ayez , ^d’avoir contrifté, de gayetédecœur, %n homme avec qui vous avez tou- jours vécu en amitié , & qui n’en peut-être pas indigne , non plus que de votre eflime. Je vous prie cepen- dant d’étre perfuadé , que malgré le que vous m’avez fait , je fuis 'très-chrétiennement ^ c’eft-à-dire , tréa-fîncerement, & fans détour » vo- tre trés-humble , &c.

Joi qui a écrit cette Lettre , 0c qui éioit comme tiii de l'Académie Franfoi(b.

E T D E R A C l'ir'tf. 299

DE BOILEAU A M. LE DUC DE ...

JE ne fais pas , Monseigneur , fur .

quoi fondé , vous croyez qu’il y a i de l’équivoque dans mon procédé votre égard , au fujet de ma Satyre contre l’Equivoque. Vous favez bien que vous êtes un des premiers à qui j’en ai récité des vers dans le tems- qu’elle n’étoit encore qu’ébauchée. Je l’ai achevée en votre abfence ; & vous aviez été à Paris , je n’auroiS ' pas manqué de vous la porter fur le' champ , non pour m’attirer vos louan- ges, mais pour recevoir vos avis. A votre défaut , je l’ai lâe à pluHeurs* perfonnes que vous cornioifiez , & qui < m’en ont tous parlé avec des éloges - que je défefpére qu’elle puifle foute- nir. M. le Cardinal de Noailles m’en' a paru extrêmement fatisfait f maia< en méme-tems , il a approuvé le def- fein oît je lui ai dit que j’étois de la tenir fecrette , & d’empêcher l’éclac qu’elle alloit faire : car j’y attaque trés- bardiment toute la morale des mauvais- Cafuiftes.. . . N 6

A V E R T ISS EM E N T.

Le premier RecueiT a faio connoîcre la vivacité dut jeune homme qui n^ime que les. Vers : dans Te fécond Riecueil; on ^ vd la cordialité avec lai dans un âpe plus ay;^jicé ^ il écri-

iîme ami ; voici le Pere de famiUeen déshabillé au: milieu de fes enfans. Les Lettres, fui vantes, par les petits- détaila qn<*elles contiennentv& parleur ityl'e fîmple , font mieux connol^ tre le caraâère de celui qui les a écrites , que des Lettres plus tra> caillées. Il aimoit également tous iës enfans, n’étant occupé qu’à entretenir l’union entre eux. JLorfqu’il en voyoic un inconu modéjil étoic dans desagitatiops. çoncmuélles. Po,urquoi m

avertissement:

marié ? s’écrio*r.il > & il fe rappel, loir ces deux Vers de Terencc;

iVah 1 quemquamne Kominem in animum I iniUtuereaut

Iparare ^^uodfit carius , quàm ipfe eft iîbi l

C’eff cette tendrefle que re^i- jrent les Lettres qu’on va lire.

TROISIE’ME RECUEIL-

*^10

^çJli3ÇJwJUÇ»AJÇâA^*CJL^^

LETTRES DE RACINE

A SON R I L S.

jIu Camp devant NuntHrle 31 Mai.

VOus avezpû voir, mon cheren» fant , par les Lettres que j’écris à votre mere , combien je fuis touché de votre maladie , (i) & U peine ex- trême que je relTens de n’ètre pas au- près de vous pour vous confoler. Je vois que vous prenez avec beaucoup de patience , le mal que Dieu vous envoie , & que vous êtes exaê); à faii% tout ce qu’on vous dit : il efl: très-im- portant pour vous d’être docile. J’ef- pere qu’avec la^ace de Dieu , il ne

(i) MauftcfcatoîK alosa U ^le vetok.

3o<$ Lcttkes SB Kàcittz TOUS faflent plaiGr , jufiju’à ce que le l '"iMédecia voBS donne penuiffion à recommencer votre travail. Faita bien des amitiés pour moi à M. votre Préceptenr , & faites enforte qu’il ne •fe repente point de teutes les peines qn’il a prHes pour vous. J’efpere que j’aurai bientôt le plaifir de voas re voir , & que la réunion du château de Namur fuivra de près celle de k ville. Adiea ». mon cher fils , faites bien mes complimens à vos fœurs : je ne fais pourtant fi on leur permet àt vous rendre vifite ; attendez- donc à leur faire mes complimens » quand -vous f^ez en état de les voîTi..

uiu Thuufiet te J«/Vi

V Ous me faites- plaifir de me ren- dre compte des leéhires que vous .iaites mais je vous ezèorte à ne pas donner toute votre attention aux Poè- tes François. Songez qu’ils ne doivent Ærvir qu’a votre récréation , & non pas à votre véritable étude. Ainfije Âuhaittereis que vous, priiliez quel-

 son Fil s.- go7 qaefois plaifir à m’entretenir mère , de Quintilien , & des autres Auteurs de cette natnre. Quant à vo> tre Epigramme, ( i )je voudrois que TOUS ne l'euiTiez point faite. Outre qu’elle eil alTez médiocre , je ne fait* rois trop vous recommander de ne vous point laifl^r aller à la tentation de faire des vers François » qui ne fer* viroient qu’à vous dilTiper l’efprit : fur-tout il n’en faut Ëiire contre per- fonne.

M. Defpréaux a un talent qui lui efl particulier , &qui ne doit point vouai lervir d'exemple, ni à vous ni à qui quel ce foit. Il n’a pas feulement reçû du i ciel un génie merveilleux pour fa Sa-f tyre ; mais ü a encore outre cela un « jugement excellent , qui lui fait dif^ ? cerner ce qu’H faut louer , & ce qu’il faut reprendre. S’il a la bonté de vou* loir s’amufèr avec vous , c’ell une des grandes félicités qui vous puiflent ar- river ; & je vous conleille d’en bien profiter , en l’écoutant beaucoup , Sc

( I ) Mon fr0re qui écoic alors en Rh^oriqoe , crut le regaler en lui cnvoyjnt une Epigramme qu*tl avoig faite ittt la difj^ute emte BoUuia U Piexiault»

Lettres de Racine en décidant peu. Je vous dirai aoS que vous .me feriez plaifîrde vous at- tacher à votre écriture. Je veux croi- re que vous ayez écrit votre Lettre '} fort vîte : le caraâère en paroît bean- V coup négligé. Que tout ce que je vois |)is , ne vous chagrine pcnnt : car do fefte je fuis très-content de vous- ; & je ne vous- donne ces petits avis , que pour vous exciter à faire de votre mieux en toutes choies. Votre mère vous fera part des nouvelles que je lui mande. Adieu , mon cher fils y je ne ^is fi je Ibrai en état d’écrire » ni t vous , ni à perfonne de plus de quatre jours ; mais continuez àme donner-de vos nouvelles. Parlez*moi aafli un pes de vos fœurs ., que vous me ferez. plai- fir d’embralTer pour mou

(

i, SON Fil s. 3 0^».

uiVontuinAleMile y.Oütbre, '

relation que tous m'avez em- voyée m’a beaucoup diverti , & je vous fais bon gré d’avoir Tongé à la copier pour m’en faire part. Je l’ai montrée à M. de Montmorenci , & à JM. de Chevreufe. Je fuis toujours ^onné qu’on vous montre en Rhéto* Tique les fables de Phèdre , qui fem> blent une leâure plus proportionnée à des jgens moins avancés. Il faut pourtant s’en fier à M. Rollin , qui a beaucoup de jugement & de capacité. On ne trouve les fables de M. de la Fontaine ^ue chez M. Thierry , ou chez M. JBarbin. Cela m'embarralFe un peu parce que j’ai peur qu’ils ne veuillent pas prendre de mon argent. Je voudrois que vous pûffiez emprun* ter ces fables à quelqu’un jufqu’à mon retour. Je crois que M. Defpréaux les ( I J & en ce cas il vous les préceroit

^r) Ces fables n*ëtolem pas encore dans toutes les biÙliQtilCgueis mm «oûanieotJi’dioieat cUes pas dans

I

3T<> Lïtt«®s de Raiïini volontiers: ou bien votre mere pom- a^it aller av^ vous lâns façon chet M. Thierry , & lui demander en les ■payant. Adieu , mon cher fils ' , diia à vos fœurs que je fuis fort aifè qu’el- les fefouviennent de moi , & qa’ellei Souhaitent de me revoir. Je les ei- horte à bien fervir Dieu , & vous fur- tout , afin que pendant cette année de Rhétorique , il vous foutienne ^ vous fafle la grâce de vous avancer de plus [en plus dans fa connoifiance & daor jfon amour. Croyez-moi , c’eft-là a ■qu’il y a de plus folide au monde. Tout le refte eft bien frivole.

i. m

À fmtMnthhtm le S.OHohre.

JE vouîois prefque me donner la , peine de corriger votre verfion , & vous la renvoyer en état il faudroit .Æu’elle. fût : mais j'ai trouvé que cela |ue prendroit trop de tems , à caufe

delà quantité d’endroits vous n’S’

les leurs ? La Fomaine etoit leur îmirre ami. torf<]ae

/èilUlixcs Um* *enfitappiendceplttfieiiispAi€flBitf*

s O Ht T I % s: $iT

^ezpas attrappé le -fens. Je vois bien que les Ëpîtres de Cicéron font en- core. trop difficiles pour vous , parce que pour les bien entendre, il faut po& É féder parfaitement l’hiKloire de cel tems-là , & que vous ne la fa vez point. ^ Ainfi je trouverqis plus à propos que vous me filïïez , à votre loiûr ^ une rerfion de cette bataille de Trafy- mène , dont vous avez été fi charttié, à commencéf~ par la defcription de l’endroit elle fe donna : ne' vous prefTez point , & tournez la chofe le plus naturellement que vous pourrez. J’approuve fort vos promenades à Auteuil,* tnais faites bien^AOCeveir à M. Defpréaux combien vous êtes re- ronnoiflant de la bonté qu’il a de s’^- baifler a'S’èhjôrëfeniriifi^ pouvez prendre _Voiture parmi mes ivres , fi cela vous fait plaifir; mais il faut un grand choix pour lire Tes Lettres. J’airoerois autant , fi vous voulez lire quelque livre François ,, jue vous priffiez la traduftion d’Hé.^ •odote , qui eft fort divertiffante , mi vous apprendroit la plus ancienne bifloire qui foit parmi les hommes , iprès r£aitur.e fainte. U me Jernhls

, 3T2 Lettres BBRiCtiVE ^u’à votre âge , il ne faut pas volb- ger de leâure es leéture, ce qui K ferviroit qu’à vous difliper l’efprit , & à vous embarraOer la mémoire. N ous verrons celaplus àfbnd , quasi je ferai de retour à Paris. Adieu , met baife -nains à vos iburs.

â s & w ' F 1 1 3tj

, car j’étois comme aflliré de ravoir ici parmi mes livres.. Poirrpks grande flireté , choifiiTez dam quel» qu’im des Hx premiers livres la pre- mière Lettre que vous voudrez tra» deire .'ffiais dir*tout choiGflez-en une qui ne foit pas sèche , coinme celle que vous avez prife , il n’efl;pre& que parlé que d’affaires d’intérêt. Il y en a tant de belles fur l’état étoic alors la République , & fur les chofes de conféquence qui Te paffoient i Rome. Vous ne lirez guère d’ouvra- ge qui vous foit plus utile pour vous former l’efprit & le jugement ; mais fur-tout je vous confeille de ne jamais traiter injurieufement un honjme aufli digne d’être refpeété de tous les W des què Cicéron. Il ne vous convient ^ point à votre âge , ni mêraé i per- fonne, de lui donner ce vilain nom de poltron : fouvenez-vous toute vo- tre vie de ce paffage de Quintilien , qui étoit lui-même un grand perfon-j. nage : IlU ft fnfedjfe Jciitt cni CtctrwÊh ^aldefl*cehit. AinG vous auriez mieux * fait de dire Gmplement , qu’il n’étoic pas aulfi brave ou auGl intrépide que Caton. Je vous dirai même que ii

TVais O

SI4 Lbtt«s5 DE Racine vous aviez bien la vie de Cicéroa cdans Plutarque , vous auriez vQ qu’ü snouruc en fort brave hoimne , & •qu’appareimnenc il n’auroit pas fût tant de lamentations que vous , £ M. i Carmeline lui eût nétoyé les dena’ iVdieu , mon cher fils , faites fouvenit votre-mere, qu'il faut entretenir us peu d’eau dans mon cabinet , de peut ^ue les fouris ne ravagent mes livres, i^and vous m’écrirez , vous pourrei vous difpenler de toutes ces cérémo- nies , & de tris hmdfle firvitm.

Je connois même aifez votre écriture, fans que vous foyez obligé de mettre Votre nom.

f^téinebUm le $o. OUabre,

M. Defpréaux a raifon d’appré- hender tjue- vous ne perdiez un peu le goût des Belles Lettres peu- «ant votre cours de Philorophie ; tnaîs ce qui me raifûre la réfo- iution je vous vois de vous en rafraichir fouvent la mémoire par la

lûâ^ve des. maillema Ameu^ D’#

â s Ô M Fil 9. 315

leurs vous étudiez fous un Régent ^ui a lui mêipe beaucoup de lettres & d’érudition. Je contribuerai de mon côté à vous faire reflbuvenir de tout ce que vous avez ; & je me ferai un plaifir de m’en entretenir fouvent avec vous.

Votre fœur aînée plaint de vous; & elle a raifon. Elle dit qu’il y a plus de quatre mois qu’elle n’a reçû de vos nouvelles. 11 me femble que vouai devriez un peu répondre à l’amitié fincere que je lui vois pour vous : une I..ettre vous couteroit-elle. tant à écrire ? Quand vous devriez ne l’entretenir que de vos petites fosurs, vous loi feriez le plus grand plaiGr du monde. Vous avez raifon de me plaindre du déplaifir que j’ai de voir fouffirir fl loogtems un des meilleurs amis que j’aie au monde ( 1 ). J’efpere qu’à la fin , ou la nature, ou les re- mèdes ..lui .dbnnsïbnt.qüdque Toulâ- gement. J’ai la confplation d’entendre dire aux Médecins , qu’ils ne voient rien à craindre pour vie: fans quoi je vous avoue quejeferois inconfolable.

O Z

( l ) MaNuOlCa

Le'TTRSS se RACtME Comme vous ères carieux de noo> velles , je voadroîs on avoir beaa* «oup à vous mander. Je n’en fais que ^ux jufqa’ici qui doivent faire beau- coup de plaifir : l’une eft la prile prd*- ^ue certaine de Diarléroi : fantre efi ù. levée du fiége de Belgrade. Quand je dis que cette nouvelle -doit fane plaifir y ce n’-eft pas qu’à parler bia chrétiennement 9 on doive rgoinr des avantages des Infidelles ; mais l’animoficé des Allraiands eft fi grande contre noos , qu’on eft prefque obli- gé de remercier Dieu de leur mau- vais fuccés , afin qu’ils foient forcés de faire leur paix avec la France, & de confentir au repos de la Chrédes- - , plutôt que de s’accommoder avec les Turcs.

^ FonuûnthteoH le tf. Nevemhr.

/

MOn cher fils , vous me faites plaifir de me mander des nou- velles ; mais prenez garde de ne les

Êas prendre dans la Gazette de Hol- inde : car ouue que nous les avons

JC SON F ï t sr. îfi.7 eomme vous ^ vous y pourriez ap-^ prendre certains termes qui ne valent rien , comme celui de reentter , donc vous vous fervez , au lieu de quoi il faut dire,j^/>v des récriât- moi des nouvelles de vos fœurs ^ il efl bon de diverGiier un peu , âc de ne vous pas jêtter toujours fur i’Irlande & fur l’Allemagne.

Le combat de M. de Luxembourg; a. été bien plus conGdérable qu’on ne le croyoic d’abord. Les ennemis ont JaifTé 1 300 morts fur la place plus de joo prifonniers, parmi lefquels on compte près de cent Officiers. On leur a pris auffi 36 étendarts & ils-- ' avouent encore qu’ils ont plus de deus mille bleffé» dans leur armée. Cette vièioire eG; fort glorieulé. La Maifon du Roi a fait des chofes incroyables^ n’ayant jamais chargé l’ennemi qu’ài coup d’épée. On dit que chaque Ca- valier. efl revenu avec. Ton épée toute iànglante. On a appris ce matin , que M. de Boufflers avoit battu- auffi l’ar- riere- garde d’un corps d’Allemands* qui étoient auprès de Dinant. Ecrivez- moi toujours ; mais que cela n’em- pêche pas voue chere mere de m’écrtr

Oi

3i8 Lettres be Racxhe re y car je lêrois trop fâché de Di point recevoir de lês Lettres. Adieu, mon cher enfant , embrallêz - la pour moi y 3c faites mes bailê- mains à vos fœnrs.

^ FontMintblea» le lo.

JE ne faurois m’empêcher de vow dire y mon cher fils , que je fuis très-content de tout ce que votre mere m’écrit de vous. Je vois par fes Lettres que vous êtes fort atachéâ bien faire , mais fur-tout que vocs craignez Dieu , & que vous prenez du plaifir à le fervir. C’efi; la plus grande fatisfaéh'on que je poifle rece «/voir y & en même tems la meilleure Vvfortune que je vous puille (buhaiter. yj’efpere que plus vous irez en avant, Iplus vous trouverez qu’il n’y a ce ; véritable bonheur que celui-là. Pap prouve la maniéré dont vous diftri- buez votre tems & vos études; je voudrois feulement qu’aux jours que ‘vous n’allez point au collège y vous ‘pâffiez relire Cicéron,- & vtnis ra-

s O K F r L Si gi5j» fraichir la mémoire des plus beaux endroits , ou d’Horace, ou de Vir- gile; ces Auteurs étant fort propres à voiis accoutumer à penièr & à écrire avec juftefle & netteté.

Vous direz à votre mere que le' pauvre M. Sigur aeo la jambe coupée^ ayant eu le pied emporté d’un coup de canon. Sa femme , qui l’avoit épou- pour fa bonne mine', a employé meilleure partie de fon bien à lui acheter une chai^ ; & dès la prev

I zniere année il lui en coûte une jambe.

II a eu un grand nombre de Tes ca-- marades tués ou blelTés , je dis dea Officiers de la Gendarmerie ; mais en récompenfe la vi^ire a été for& grande, & on en aprend tous lës jours* de nouvelles circonftances très-avan- tageufès. On fait monter la perte de& ennemis à prés de dix mille morts. '

J’ai les drapeaux & les éten* darts qu’ a envoyé M. de Catinat: & & je vous confeille de les aller voir à Notre Dame. Il y a cent deux dra- peaux , & quatre étendarts feulement ;^ ce qui marque que la cavallerie en- nemie n’a pas fait beaucoup de réû- âaoce , & a de bonne heure abanr

O 4

^19 Xettkss BE Racine donné l’infanterie , laquelle a prefqHe été toute taillée en pièces. Il y avoit ^es bataillons entiers d’Efpagnois qui f fe jettoient à genoux pour demander i quartier, & en l’accordoic à quelques- uns d’eux , au lieu qu’on n’en faifoit point du tout aux Allemands , parce

Îiu’il» avoient menacé de n’en poiot aire. M. l’Archevêque de Sens aper- du M. fon frere à la bataille.

^ FmMÎnthUaH U tf. Seftetnbrt.

i

JE vous fuis obligé du foin que vous avez pris de faire toutes les choies que je vous avois recommandées. Je fuis en peine de la fanté de M. Ni- cole , & vous me ferez plaifîr d'y envoyer de ma part , <& de m’en mander des nouvelles. Je croiois avoir rois dans mon pacquet un livre , que j’ai été fort fâché de n’y point trouver. Ce font les Ffeaumes Latins de Va- lable à deux colonnes , & avec des -•4tetes /m-8*’. qui font à la tablette je mets d’ordinaire mon Diurnal : je vous prie de le chercher, de l’empac-

A , SON F l L- S. qpetter bien proprement dans du pa* pier , & de me l'envoyer. J'écrirai de- main à. votre roere ; faites - lui me»^ fmmplimeo8',.& àvoafœurs.

^ BontMntbU/tu-le 23. Mai,

JE vous priedè Ære à^M. Grima-- rets y qi^ j’ai fon Mémoire à- M. le Chancelier*» qui a dit que M.- Gouüa penfoit qu’on ne pouvoit rien faire de. bon ni d’utile au public de - te projet. Je verrai M. de Harlay , & lui demanderai s’il veut & s’il peut fe mêler de cette affaire » & entre- j^rendre de petluader M. le.Chance- ber.'.

11 me paroît par votre Lettre que vous portez un peu d’envie à Made-i moifellede la C..de ce qu’elle a pli^J de Comédies & de Romans que vous. Je vous dirai avec la lincerité avec laquelle fuis obligé de .vous parler,»^ que j’ai un extrême, chagrin <jje voua falTièz.tant de cas de toutes ces niyi- lêries , qui ne doivent fervir totlTau- déljài]^ ^elquefbis l’efprit^

3H Lettres de Racine pourrez ; & faites mes complitoens a votre roere. li n’y a ici aucune nou* velle , fmoD «^ue le Roi a toujours la goutte.

ui Pâtis ce 3, Jma.

’Eft tout de bon que nous par- tons pour notre voyage de Pi- cardie I ). Comme je ferai quinze jours fans vous voir , & que vous êtes continuellement preTent à mon efprit ,|e ne puis m’empêcher de vous répéter encore deux ou trois ehofès, que je crois très importantes pour votre conduite.

La première , c’eft d’être extrê- mement circonfpeét dans vos paro- les , St d’éviter la réputation d’être un Parleur , qui eft la plus mauvaife réputation qu’un jeune homme puilTe avoir dans le pays vous entrez. La fécondé eft d’avoir une extrême

alloit à Montdidicr, la patiie de ma mece. Toa« les leil Lettres fuivantes ont été écrites à mon frcre , le- en (uiTiva^ce de ia charge Gentil* homme otdi« JMiXCb

.1

K SON F I t S, 325; docUké pour les avis de M. & Ma* dame Vigan , qui vous aiment com- me leur enfant.

N’oubliez point vos études & cultivez continuellement votre mé- moire , qui a grand befoin d’être exercée. Je vous demanderai compte à mon retour de vos leâures^ât fur- tout de l’HHloire de France , dont je vous demanderai à voir vos ex- traits.

Voua favez ce que je vous ai dit . des Opéra Ôc des Comédies : oa en doit jouer à Marly. Il efl; très- impor- tant pour vous & pour moi - même qu’on ne vous y voie point, d’autane plus que. vous êtes prélentement à Verfailles pour y faite vos exercices» & non point pour aflUter à toutes ces fortes de divertiHemens. Le Roi & toute fa Cour favent le fcrupule que je me fais d’y aller & ils au- roient très-méchante opinion de vous» fi à l’âge vous êtes , vous aviez, fi peu d’égard pour moi & poux'mes fentimens. Je devois.avant toutes cho- ies vous recommander de ibnger tou- jours à votre falut , & de ne point per- dre l’amour que Je vou4 aivùpou li|

|â5 Letthes DE R'ACiirE Heiigion. Le plus grand déplaiOr qw puifle m’arriver au monde , c’eft s’il me revenoit que vous êtes un indé* vot , Sc que Dieu vous eft devenu [ indifférent. Je vous prie de recevoir ^ cet avis avec la même amitié que je vous le donne. Adieu-, mon cher fils, doanea-moi fouvent de vos nouvelles.

A Monàidier U p. Jmtf^

Votre Lettre nous a fait ici un très-grand plaifir ; & qnoiqu’el- ïe ne nous ait^s apris beaucoup de nouvelles , elfe nous a du moins fait juger qu’il n’y avoit pas un mot de vrai de toutes celles qu’on débite dans ce pays-ci. C’eft une plaifante chofe que les Provinces : tout fe 'monde y

* eft nouyeliftedèsle.-berygi)n

ii’y rencontrez que gens qqi d^tenc graVêmehT àffirmayx£p?i^ les phrs~ fbt tes : cB'ô'i^’ du monde. Pouf moT n’ai rien à-votis mander de ce pays , qui foit capable de vous inter- reffer , fi ce n’eft que je fuis tfès-con- ténc des Dames de Vanwille » & que

A SON Fils. 3^7 Babet ( i ) a une grande impatience d’entrer chez elles. J’efpere que jerè* cevrai encore une Lettre de vous

avant que de partir.

Je Tousfais très-bon gré des égards

2ue vous avez pour moi au fujet des >péra & des Comédies ; mais vous 'Voulez bien que je' vous dife que ma joie feroit complette , fi le bon Dieu entroit un peu dans vos confidéra* lions. Je fais bien que vous ne ferez pas deshonoré devant-Je» hommes en y allànCrûiais comptez vous-, pour ftSfT3?VétlS Besfiohürêr’dëv^nt Dieu?

Penfez vous , vous - même , que lés hommes ne trouvaflenf pas^étrange de vous voir à i^tre âge pratiquer des maximes fi différentes des mien-

nes? Songez quPM. le Duc deBourgo- gne , qui a un goût merveilleux pour toutes ces chofes, n’a encore été à aucun-fpeflacle ; & qu'il veut bien en cela fe laiffer conduire, par les gens^ qui font chargez de Ton éducation. Et quels gens trouverez- vous ^yu mon- de plus fages & pluseftimés que ceux-

(1) Une de mes Soeurs <|ui £e fit Rcligieufe chçx 'ici VàoÊCtik Yaürvük » xmuc dt IronicTUii^* *

# %

4

aSs Lettres de Rac'ike ? Du refte , mon fils, je fuis fort content de votre Lettre relie n^anil fait beaucoup de plaifir à votre me- re , excepté l’endroit où- vous par lez de la cire que vous avez- lailTc tomber fur votre habit.

A: P^rû ce. Z.7* lutte.

ON m^avoit dé|à dit la nouvelle delaprife d’Ath;& j’en ai beau* coup de joye. Vous me ferez plaifir de me mander tout ce que vous après- diez de nouveau. Voici un temsaflez vif,& où. il peut arriver à. toute heu- re nouvelles importantes. 11 ü pourroit bien . Caire que je vous iroû voir Mercredi : car j’ai quelque envie de mener votre Mere & vos Sœurs à Port>Royal , pour y être à la procef- fion de rOâave , & revenir le lende- main. Elles font toutes en bonne fao- , Dieu merci y & vous font leurr complimens. J’allai hier aux Carméli- tes avec votre Sœur aînée. Je vous ex- horte à aller faire votre courà Mada- fù& la CQffltdTe de Gramoad ^ & à

A SON Fils. 3.29 Madame la DuchelTe de Noailles , qtti ont l’une & l’autre beaucoup de bonté pour vous. Votre petit frere eft tombé ce matin la tête dans le feu ; & fans votre mere qui l’a relevé fur le champ , il auroit eu le vifage perdu t il en a été quitte, pour une brûlure à la gorge : nous fommes bien obligés de remercier le bon Dieu de ce qu’il ne s’eflpas fait plus de mal. Vo- tre foéur prépare toujours à.entrer aux Carmélites Samedi ; & tout ce que je lui ai pâ.dire , ne Ta perfuader de différer au moiusjulqu’à un autretems. Madame de F... eft à l’extrémité. Vous voyez par^là que notre heure cfl bien incertaine. & que le plua. fbr eft d*y penfer le plus férieufementn & le plus fouvent qu’on peut. Votrtf mere aura foin de vous envoyer du ,-4inge à dentelle- Adieu.

\

33iï Lsttkes DB Ractn 7 confacrer à Dieu. Votre fœur Na- nette nous accable tous les jours de Lettres , pour nous obliger de con- fentir à la laifTer entrer au novi- ciat. J’ai bien des grâces ^t rendre à Dieu , d’avoir kifpiré à vos fœurs tant de- ferveur pour Ton ler\Mce>& un n grand defîr de fe fauver. Je . Toudrois de tout mon cœur que de tels exemples vous. touchaiTenc afièz pour vous donner envie d’être bon Chrétien. (' i )• Voici- un tems vous voulez bien, que je vous exhor- te par toute latendrelfe que j’ai pour vous à faire quelques. rêSexions uo .'peu férieùfes fur la néceffité qu’il y a de travailler à fon falut, à quelque état que l’on Ibit apellé. Votre me- re , auffi bien que vos Iceurs , & vo- tre petit frere , auroient beaucoup de joye de vous revoir. Bon ibir mon cher fils.

(i ) Cetce Icsttfe écrite, pendant .la. Scmaiae .Sainte.

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^ *

â i ON F I t s. 333

A MADEMOISELLE RIVIERRE

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A Tmt U 10 f4tiv}0r.

«

JE vous ëcns , ma chere'Sœar , pour une aSàipe vous pouvez avok intérêt auffi bien -que moi , & fur la* quelle je vous ftiplie de m’éclaircir le plûtôt que vous pourrez. Vous fa* vez qu’il y a on Edit qoi oblige tou» ceux qui ont ou qoi veulent avoir des armoiries fur leur vailTelleoo ailleurs , de donner une fomme qui va au plus ù 35 livres, & de déclarer quelles fontieurs armoiries. Je làis que cel- les de notre fiami|le font un Cigne j mais je ne fais pas quelles font les couleurs de réoillon , & vous me ferez un grand plaifir de vous en inf- sruire. Je crois que vous trouverez nos armes peintes aux vitres de la

é

»

( I J Je mets cette Lettre , parce qu’elle Ftit coa* lioître la gën^ofité de mon pete envers de pauvres pa* zens Elle écticc à ma tante , qui a vdcu à la Eoc- td Milofl 92 ans.

■«JL Lbttbbs de Racik^e

mifon que notre ««nd-pere bi Vtîr T’ai oüi dire auffi à mon Oncle ^ Racine , qu’elles étÿnt Peintes aut vhres de quelque Eglife de i té-Milon j tîwshez de vous en éclair-

cir J’attens votre réponfe pour me déterminera & pour potier monar-

^^'î-e jeune homme qui recherche et tnariaee ma petite coufine M.i. m elt venutrouver. Je lui ai promis de don- ®er à ma confine cent livres. Je lui ai dit que dans l’état font prefen- «ement mes affaires , je ne i^v^ donner davanuge , & je lui ai dit vrai, à caufe de tout l’argent que je dois encore pour ma charge. Je do« ■fur - tout éooo livres qui ne portent «oint d’intérêt; & l’honnêteté veut

que je les rende le plûtôt que je pour- xai . pour n’être pas à charge a ma

amis. J’efpereqne dansunau^teiM

ie ferai moins preffé , & alors je pour- rai faire encore quelque peut prefent

à ma confine. ,

..Le coufin H. - - - - eft venu ici fait

comme un miférable, & a dit a ma

femme, en prefence de tous nosdo-

meffiques , qu’il éioit moa couCa

A S OT» F 1 1 S. 535f

Vous favez comme je ne renie point mes parens , & comme je tâche à les foulager : mais j’avoue qu’il eft un peu rude qu’un homme qui s’efl: mis en cet état piu* fes débauches & par fa mauvaife conduite , vienne id nous faire rougir de fa gueuferie. Je lui parlai comme il le méritoit^ & liai dis que vous ne le laifleriez manquer de rien s’il en valoir la peine ; mais qu’il buvoit tout ce que vous aviez la charité de lui donner. Je ne laiflai pas de lui donner quelque cbofe pour s’en retourner. Je vous prie aufli de ralTilter tout doucement , mais com*

me fi cela venoit de vous. Je facri» _ fierai volontiers quelque choie par \ mois pour le tirer de la néceflité. Je*^ vous recommande toujours la pauvre Marguerite , à qui je veux continuer de donner par mois comme j’ai tou* Jours fait : fi vous croyez que l’autre jjarente foit auill dans le befoin , don> aieZ'lui par mois ce que vous jugerez il propos.

Je ne fai fi je vous ai mandé que xna chere fille aînée étoit entrée aux

<Carraelites : il m’en a coûté beaucoup xie larmes i mais elle a voulu abfolu-

i

LbTTRB-S Bi RACtNB ment fuivre ia réfolution qu’elle avok prife. C’étoit de tous nos enfans cel* le que j’ai toujours le plus aimée, & dont je recevois le plus de -confoli* tion : il n’y avoit rien de pareil à IV mitié qn’eiie me témoignoic. Je l’â été voir pluüears fois. £lle «ft char* mée de la vie qu’elle mène dans ce Monafliére , quoique cette vie foit fort aullére ; & toute 1a maifbn el \ charmée d’eHe. Elle eft infinimeix 'tpius gaye qu’elle n*a jamais été. Il saut bien croire que Dieu la veut dass cette maifon , puifqu’il fait qu’elle y trouve tant de plaiGr. Votre petit neveu ell toujours bien éveillé. Adies, ma chere fœur , je fuis entièrement à vous. Ne manquez pas de me tenir parole , & de m’employer dans tou* tes les chofes vous aarcB befoû de moi.

LETTRE

s son Fils. 337

4

P— ^

LETTRE DE REPRIMANDE i fin Fils , qui étant chargé de per^ ter ht dépêches du Rey a M. de Bon-^ repaux , notre Ambaffadeur en Hollan» de , t'arrha par curiojité à Bruxelles» Toutes les Lettres fiuvantet Im jurent écrites pendant fin féfour en Hollande^

A Farts et x6 Janvier i6pS»

VRai femblablement tous avec pris des Mémoires de M. de Cé- ly , ( I ) pour avoir fait une courfe aufli extraordinaire , que celle <]ue vous avez faite. J’étois fort en peine ie prenoier jour de votre voyage, dans la peur j’étois , que par trop d’en> vie d’aller vite , il ne vous fut arri« quelque accident ; mais quand j’a« pris par votre Lettre de Mons , que' vous n’étiez parti qu’à neuf heures de Cambrai, oc que vous tiriez vani- té d’avoir fait une li grande journée ,

( I ) Il U BOavclIe de la paix de H/fv

Jlfit 6 peu de diligence . m qquid il arriva, le üinoif la Bouveye,

TmeA C

Lettres de Eacive Je vis bien qu’il faüoit fe repofer fut I TDus de la confervaciofi'de votre per* I fpnne. Votre long féjonr à Bruxel* I les , & toutes les vifites que vous y s(vez faites , méritônt que vous en donnièz une relation au public. Je lie doute pas même que vous n’y ayez été à rOpéra , avec les dépêches du Koi dans votre poche. Vous rejettez iR faute de tout fur M. Bombarde , comme fi en arrivant à Bru;^elles , TOUS n'aviez pas courir d’adord chez lui , & ne vous point coucher que vous n’eulliez fait vos affaires , pour être en état de partir le len- demain matin. Je ne fais pas ce que 4iralà-deflùsM. de Bonrepaux^ mais I fds bien que vous avez bon befoin . de réparer par one conduite fage à la Haie, la cçnduite peu fènfôe que vous avez eûë dans votre voyage. I^ourmoiy je vous avoué’ que j’apré- faende de, retournera la Coin*, <St fur* toiit de paroîire devant M. de Tor- cy , à qui vous jugez bien que je lioferai paS demdnc^ d’ordonnance pour votre voyage , n’étant point Jufie que le Roi paye la curiofîté que vous ive; eue de voir .les Chanoit

>* * . ,

X I d M. P 1 t s.

neflês de Mons , & la Cour de Bru* zellea. Vous ne me dires pas un mot d’un homme que vous auriez al- ler voir à Bruxelles , & pour qui vous favez que j’ai un très-grand refpéét. Vous ne me parlez pas non plus nos deux Plénipotentiaires pour qui vous aviez une dépêche : cependant je ne comprens pas par quel enchan- itement vous auriez les pas renr krontrer entre Mons'& Buxeiles.

Comme je vous dis ' Banchement ma penfée pour mal , je veux bien vous la dire aoffi pour le bien. M* l’Archevêque de Cambrai parolt très- content de vous , & vous m’avez fait plaifîr de m’écrire le détail des bonz traitemens que vous avez reçûs de lui, dont' ilne m’a voit pas mandé un moc^ témoignant même du déplaifir de ne vous zvoir pas afiez bien fait les hon- neurs de Ion Palais brûlé.

Cela m’oblige de lui écrire une nouvelle Lettre de remerciment. Vous trouverez: dans les balotsde M. l’Am- baifadeur , on étui il y a deux cha- peaux pour vous , un caltor fin , 3c un demi-c^or;-& vous y trouverez luiH une paire ^ Ibuliecs desFreres.>

34^ Lettres ce Racine Âa noiû de Dieu , faites un peu de téflezion lùr votre conduite ; & dé* fiez-vous fur toutes chofes d’une cer* J^inefantaiGe qui vous porte toûjours fatisfaire votre propre volonté , an '^hazarddetoutcequi en peut arriver. Vos fœurs vous font bien des com> plimens , Sc fur-tout Nannette.

Paris le. ji.

Votre mere & toute la famille , a eu une grande joye d’aprendre que vous étiez arrivé en bonne fan* té* Je n’ai point encore été à la Cour; mais j’efpére d’y aller demain. Je çrains toujours de paroître devant M. ée Torcy , de peur qu’il ne me falTe des plaiianteries fur la diligence de votre courfe ; mais il faut me réfou* dre à les elTuyer , & lui faire efpérer qo’uneautrefois vous irez plus promp* tement!^: fi' l’on veut bien vous con- fier à l’avenir quelque choie dont on ibit prelTé. Je vois que M. de Bonre- paux a pris tout cela avec fa bonté pnlioaire , ât . qu’il tâche même de

N

A SON Fit».

Voos excofer. Du refte vos Lettres nous font beaucoup de plaifir ; & je -ferai bien aife d’en recevoir fouvent. Faites mille complimens pour moi à M. de fionnac. ( i )

A MmU U 5. Février,

IL eft }u(le, mon fils , que je vous faflè part de ma làtisfaâion , corn» ne je vous ai fait fottffrir de mes inquiétudes. . Non*feulemeDt M. de Torcy n’a point pris ru mtd votre féjour à Bruxelles ; mais il a même approuvé tout ce que vous y avez fah, & a été bien aile que vous ayez fait la révérence à M. de Bavière^ Vous ne devez pcûnt trouver étrange que vous aimant comme je fais, je fois ' Il facile à allarmer fur toutes les cho* fes qui ont de l’air d’une faute , &qui poiuToient faire tort à la bonne opi- nion que je fouhaite qu’on ait de vous.. On mz donné pour vous une ordonp nance de voyage : j’irai la recevoir

Neyca de de Bonirpaai.

LbTTKBS, DB R A CINE quand je ferai à Paris , & je vom en tiendrai bon compte. Mandez-moi bien franchement tous vos be* foins.

J’approuve au dernier point let fentimens vous êtes fur toutes les §^tés de M. de Bonrepaux y & U réfolution que vous avez prife de n’en point abufbr. Témoignez à M. de Bonnac ma reconnoiflance , pour Ta* initié dont ii vous hoiibre : fon ' ex* vrême honnêteté eft un beau modèle toour vous j;& je Ihurois aflTez loues ^Dieu de vous avoir procuré des amis ce méricei Vous avez eu quelque raifon d’atiibuer Theureux fuccès de ■Votre voyage , par un fi mauvais ■tems , au^ prières qu’on a faites pour vous. Je compte les miennes pour rien : mais votre mere & vos petites fœtirs prioient tous les jours Dieu qu’H vous préfervât de tout accident j & •On faifôit la même chofe à P. R. Je dôme que votre fœur puiflè y de* ■‘■meurer iongtems, à caufe de fesfré* 'quentés migraines, & à caufe qu’il y a peu d'apparence qu’elle y puiiTe reflier pour toute fa vie.

Je ne fais û vous favez que M.

A S O N F I t S. 3f45 Corneille , notre confrère , (i) eft mort. 11 s’étoit confié à un Clfarlatao, qui lui donnoit des drogues pour lut difiToudre fa pierre. Ces drogues lui ont mis le feu dans la. veffie. La fièvre Ta pris , & il e(l mort. Sa famille de* * mande fa charge pour Ion petit cou* lin , fils de ce brave M. de Marfilly , qui fut tué à Leuze , & qui avoit épcTQ* la fille de Thomas Corneille. Je vous écrirai une autre fois plus au long ; le jour me manque , & je fuis parefleuz d'aUumer bougie. ne pouvez m’écrire trop fouvent^ Vos Lettres nqelêmblent très* naturel lement écrites ; & plus voua en écti* rez , plus aulH vous aurez de facilkè> J’ai lailTé votre raere en bonne lânté. Vous ne fauriez lui faire trop de d’amitié dans vos Lettres » car elle mérite que vous l’aimiez, & que voua lui en donniez des marques. J’ai k M. le Maréchal de Noailles votre deroiere Lettre , vous témoignes tant de reconnoifi^nce pour les bons traitemens que vous avez reçûs de

W CcAtUtOmme oïdinv te » pafcat de CocacUIe;^

^44 Lettres de Râcike

M. le Prince & de Madame la Priace( fe de Straerbak. M.deTorcy m’a ap- pris que vous étiez dans la Gazette de Hollande : fi je l’avois , je l’an- rois fait acheter , pour la lire à voi petites fœurs , qui vous croiroieni devenu un homme de conféquence

^ F4r/s et 15. Fivrier.

JE crois que vous aurez été con- tent de ma derniere Lettre, dtde la réparation que je vous y faifois de tout le chagrin que je puis vous avoir donné fur votre voyage. J’ai reçû votre ordonnance au Tréfor Royal; mais quelques inftances que M. de Chamlay , que j’avois mené avec moi, ait raire à M. de Turmenies, je n’en ai tirer que 900 livres : en prétend même que c’efl beaucoup- Nous vous tiendrons compte de cet- te fomme ; & vous n’aurez qu’à prier -M. l’AmbalTadeur de vous donner l’argent dont voqs aurez befoin : j’au- rai foin de le donner aux perfonnes àquiil me mandera de le donner. J’ai

Jt s O w P 1 t s; 345" ic^evé de payer ma charge , & nou» ivons remboarfé Madame Qainauc y nais vous jugez bien que cela nous eflerre beaucop dans nos suaires ^ Sc qu’il faut qoe nous vivions d’cecq* romie pour quelque tems. J’efperé’ nie VOUS' nous iûderez un peu en ccla^ St que vous ne fongerez pas à nouS' ^ire des dépenfes . inutiles , tandis^ que nous nous retranchons- fou-vent le néceifaire;-

Vous êtes extrêmement obligé k M. de Bonac de tout le bien qu’il manl de ici de vous-: & tout ce que j’ai àl fbuhaiter ,c’eft que vous fouteniezlai bonne opinion qu’Ha conçûe de vous» I Vous me ferez' an fenOble plaifirde lui demander pour moi' une place dans ftm amitié ,& de lui. témoigner conabien- je fuis fenlible à toutes fes ' bontés. Jecrois qu’il n’eil pas befoin- de vous exhorter à- n’en point abuferf je vous ai toujours vh une grande ap»

prétenfion d^^^^ kchar^à^pepfoor.

c'eiï une des cho£es>qui me pUifolenr le plus en vous»

J’ai trouvé à- Verfailles’ on tiroir tout plein de livres , dont une-partie ÿtoit 4 moi ^ & l^-^utre vous appar»

-V i S.

34<î Lettres d>e Racike tient ; je vous les foubaiterois Cous à la Haye , à la réferve de deux oo

Î trois y qui en vérité ne valent pas la reliôre que vous leur avez donnée. J’ai reçû une grande Lettre de votre lœur ainée , qui étoit fort en peine de vous , & qui nous prie inflain* ment de la laifièr elle eft. Cepen- dant il n’y a guère d’apparance de l’y laiiTer plus longtems : la pauvre enfant me fait beaucoup de compaf- £on , par le grand attachement qu’elle a conçû pour une maifon donc les portes vraifemblablement ne s’ouvri- ront pas fîtôt. Votre fœur Nanette eft tombée ces jours palTés , & s’eft fait un grand inal^^u génoux : mais elle fe porte bien , Dieu merci.

II me paroit par votre derniere Let- tre que vous aviez beaucoup d’occu- pation , & que vous étiez fort aife d’en avoir. C’ed la meilleure nouvel- ,1e que vous me puilliez mander ; & je ferai à la joye de mon cœur , quand je verrai que vous prenez plaiGr à vous inllruire , & à vous rendre ca- pable. Ecriyez-moi toutes les fois que cela ne vous détournera point de quel- que meilleure occupation. Votre mere

X s O N F I t s. ièroit Cürieare de Tavoir ce qui vous cfl: refté de tout ce qu’elle vous avoic donné pour votre voyage. M. Def- préaux me demande toujours de vo» nouvelles , & témoigne beaucoup» d’amitié pour vous.

^ farii et 23, Pivritr,-

J’Ai attendu tard k commencer ma Lettre , qu’i! faut que jelafadê’ fort courte , fi je veux qu’elle, parte- aujourd’hui. M.. l’Abbé de Château* neuf parle très-- obligeamment dfe' vous ; il ed fur-tout très-édifié de la réfolution vous êtes de bien em*' ployer votre tems. Il a* dit à M.- Dacier , que le premier livre que voué- aviez achetté en Hollande , o’étoit Homere. Cela vous fit beaucoup d’honneur dans notre petite Accadé-- mie , M. Dacier dk cette nouN» ' velle : & cela donna fujèt à M. Def= préaux de s’étendre fur vos louanges y; c’eft à - dhre , fur les efpérances qu’iï a conçûes de vous: car vousfaveæ* qu& Cicéron dit youe dans un bom»

P &

A son Fils.. 551 meilleur ménagerj!p.eL:SSJJU»a^^

& de vous (buventr que vous n’êces pas le fils d’un Traitant , ni d’un pre* mier valet de Garderobe. M. » qui , comme vous favez , efl; le plus pauvre des quatre, a marié depuis pei| fa fille à un jeune homme extrême- ment riche.

~\rntirr mnrr . mn efl: toujours por- té^jàJMMÿ-'penrer de vousTcroit que vous l’informerez de l’argent qui vous refie , de l'emploi que vous avez fait de celui que vous avez empor- té , & que cela fera en partie le fujec des lettres que vous lui promettez de lui écrire :mais vraifemblablemene, vous croyez qu’il n’efi pas du grandi-' air de parler de ces bagatelles. Nouÿ; autres bonnes gens de famille , noua allons plus Amplement , & nou^ croyons que bien favoir Ton compte*, n’efl; pas audelTous d’un honnête hom^ me. Serieufement vous me ferez plaU llr de paroître un peu appliqué à vos petites affaires.

M. Defpréaux a dîné aujourd’hiû au logis , & nous lui avons fait très- bonne chere , grâces à un fort bon brochet , & une belle carpe . qu’oa

35% Lettres DE Racine

sous avoit envoyés Fbri>Royal;

^ Jtl. Defpréaux venok de toucher fa t^nHon , & de porter chez M. Cail* let , Notaire , dix müte francs , pour fe faire 550 livres de rente fur la. Vil* le. Demain M.-de Vaiincour viendra encore dîner logis avec M. Def- préaux. Vous jugez bien que cela ne

la vérité je fuisfort content de vous ; éc vous le feriez- auflir- beaucoup de votre mere , & de moi , fi vous fa* viez avec quelle teridrefle nous nous parlons fouvent de vous. Songez que ' notre ambition eft fort bornée du cô> de la fortune , & que la choie que nouademandohs du meilleur coeur au , bon Dieu , c’efb quül vous falfe la ’j|;nkce d-’étre homme de bien, <St d'a* |vôir une conduite qui réponde à l’é* Vacation que noos avons tâché de Vous donner. J’ai- été on peu incom- modé Ces jours palTés fcelâ n’a pas eu de fuite : votre fœur Nannettc vous avoit écrit une grande Lettre pfeine d’amitié. Je ne vous l’envoie pas en- core $ elle jgrp;fl^oâs>4ropTnon pac- qoet. A£ètt y mos cher fils* R- me

EXTRAIT D’UNE LETTRE A Mai>ame i>£ Maint smom.

M ADAME,

Javois pris le parti de vous écrire 8u fiijet de la taxe qui a fi fort déran- gé mes petites affaires ; mais n’étant pas content de ma Lettre , j’avois fimpiement dreffé un Mémoire, dans le deflein de vous fiûre fupplier de le prefenter à Sa Majefté. . v Voilà » M A D A M E ÿ tout naturellement com- * ment je me fuis conduit dans , cette affaire ; mais j'apprem que j’en- *ai une autre bien plus terrible fur les bras. . . Je vous avoué que lorfque je faifois tant chanter dans Ëfiher , Xm , cbaffez. la catmnk , je ne m’at^ tendois guère que ^ ferois moKmê- me un jour attaqué par la calomnie. On veut me faire paffor pour un hotnr me de cabale., & rébeile à

V

35*4 Lettres se Racine

Ayez la bonté de vous fbuvenir Madame , -combien de fois vod avez dit que la meilleure qualité qa vous trouviez en moi , c’écoit m foumiflion d’enfant pour tout ce qoj FEglife croit & Ordonne, même dan les plus petites cho&s. J’ait fait pi votre ordre près de trois mille ven fur des fujets de piété ; j’y ai parié ailûrément de toute l’abondance de mon cœur , & j’y ai mis tous les fen< timens dont ^’étois le plus rempli. V ous eft-il jamais revenu qu’on y eût trouvé un leul endroit qui approchât de l’erreur ?.. .

Pour la caballe , qui eft*ce qui n’eo peut être acculé ,11 on en accufeuo homme aufli dévoué au Roi que je le fuis , un homme qui pafie fa vie à .penlèr au Roi, à s’informer des gran- des aéHons du Roi, infpirer aux autres les ièntimens d’amour & d’ad- miration qu’il a pour le Roi ? J’ofe dire , que les grands Seigneurs m’ont bien plus recherché qiie je ne. les re- chercliois moi-même : mais dans quel- que compagnie que je me fois trou- vé , Dieu m’a fait la grâce de ne rou- gir jaihEis , ni du Roi , ni de l’Evao-

t A s 0 F I i ». 355

( gîle. Il y a des témoins encore vi> j vans , qui pourroient vous dire avec ; quel zèle on m’a fouvent combatr- ^ tre de petits chagrins , qui naillènc . quelquefois dans l’erprit de gens que f le Roi a le plus comblés de fes gra- \ ces. quoi , Madame , avec quel*

■, le confcience. pourrai je dépofer à la poftérité , que ce grand Prince n’ad- ^ xne’ttoit point les; faux rapports coor'

!. tre les: perfonnes qui lui étoient les ] plus inconnuës , s’il faut que je faffe ' xnoi'même une trille expérience dU . contraire ? '

' Mais je fais ce qni a donner lieu à une accufaiion fl injuHe. J’ai ; une tante qui e(l Supérieure de P.

' & à laquelle je crois avoir des obl> gâtions inflnies. Ç’ell elle qui m’ap» y] prit à connoître Dieu dès mon en* fance ; & c’eR elle aulfi dont Dieu s’ell fervi pour me tirer des égare- mens & des mifères j’ai été en*

, gagé pendant quinze années de ma '' vie. Elle a eu recours à moi. . . Pour vois-je , fans être le dernier des hon> mes , lui refufer mes petits fecours dans cette néceilité ? Mais à qui cfl- ; ce, Maoakx, que je m’adi^eflÀt

4

^5^. LBtTkES DE RiCIVE de ce que vous ne lui écrivez point; mais le commerce de Lettres entre }ui& vous étant auffi cher qu’il. e(l, vous ferez adffi làgement de ne vocs pas ruiner les uns les autres ( i).

Votre mere fe porte bien : Ma(j^ Ion & Lionval (a) font un peu incom- modés : & je ne fais s’il ne faudn point leur faire rompre Carême J'ec etois aflêz d’avis ; mais votre mere croit que cela n’efl: pas nécelTaire. Comme le tems de Pâque approche, TOUS voulez bien que je fonge un pe: à vous , & que je vous recommande auffi d’y fonger. Vous ne m’avez en- core rien mandé de la chapelle de M. TAmbafladeur. Je fai combien il eil attentif aux chofes de la Religion qu’il s’en fait une affaire capitale. £(t- tce des Prêtres féculiers par qui il ia [fait dëfervir ? ou bien font-ce des R^ yigieux ? Je vous conjure de prendre en bonne part fes avis que Je vou donne là-deffiis , de vous iouvenir que comme je n’ai rien plus à cœur

( I J Ce n*étoit point par avarice. Il loi recomiDaniicra bientôt de lui adiellèr toutes les Lcîtret ^u*il desixa ) Boileau j âc il l'exboitc à lui éttixe,

( à ) C*étcit moi.

"k s O K Fils. ttt jamais remettre le pié au logis ; elle prétend s’aller enfermer dans Gif, & s y faire Religieufe , fi ^lle perd l’efperance de l’être à P. R. Elle m’a écrit là^deflus des Lettres qui m’ont troublé & déchiré au dernier point ; & je m’afliire que vous en feriez at« tendri vous-même. La pauvre enfant a eu jufqu’ici'bien des peines , & a été bien traverfée dans le deflein qu’elle a de fe donner à Dieu : je ne fai quand il permettra qu’elle ménet une vie un peu plus calme & plus iieureufe. Elle étoit charmée d’être à. P. R. & toute la maifon étoit aulR très-contente d’elle. Il faut foumet*

tre aux volontés de Dieu. Je ne fuis guère en état de vous entretenir fut d’autres matières ; & j’ai eu mille pei« ses à achever la Lettre que j’ai écrite, à M. rAmbafiadeur. Je pars demain pour aller à P. R. & régler toutes cho> les avec ma Tante j de-là j’irai cou* cher à Ver failles , pour aller coucher Mercredi à Marli.

Je ne doute pas que vous nefoyez fort aife du mariage de M. le Comte d’Ayên : il nae témoigne toujours, beaucoup d’amitié pour vous» Le voi« .

rmt l, ^ ®

I

ÿfi LCTTXBS OS'.RAtflNB préfentement le plas riche Seignetf <de la Cour. Le Roi donne à Mad6 iinoireUe d’Aubigné 800 mille francs, 4>atre cem -mille francs en pien» ries. 'Madame de Maintenon all&' re aufli à fa nièce Ihc cens mille francs. On donne à M. le Comte d’Ayen les furvivances des deox Goa* verneroens , fans compter des pen- üons. M. le Maréchal de N^oaillesaf* fure 45 mille livres de rente à M. foD fils , & lui en donne préiènteroeni diX'huit mille. Voilà , Dieu merci, ^ grands biens ; mais ce que j'eih'me Iplus que tout cela , c’efl qu’il efl fort pUge y & très digne de la grande for- nune qu’on lui fait. 'Adieu. Ecrivez- Ü»ow-fewN?i»t*ydk>prioB M»XAflibaf- iadeur de vouloir vous avertir une iteure ou deux avant le départ defes stourriers ,■ quand il fera obligé d’eo envoyer, ^uand vous n’écririez que ou douze lignes , cela me fera fhujours beaucoup de plaifir. Lionval a été un peu malade : vos petites fteurt fiîât -en bonne' fanté': votre meré vous j (écrira datm iie4ix jours. AlTôrez M. de Sonnac de-toute la reconncûflànce j*9ÎpoiU‘i’«iBk£édoiuii TOUS Jumore,

il s © K T ï t ?. 3?^

Je Ten remercierai moi-même à lai première occaGon , & lorfque j^aura! refprit un peu plus tranquille que je ne l’ai.

A tarif le Lamdi JU

J'Âilû avec beaucoup de plaiiirtoué ce que vous me mandez de la ma> niere édiGante dont le fervice fe faié dans la chapelle de' M. fAmbafla- deur , & fur les difpoGtions o& vouâ étiez de bien employef ce faint tems. Je vous aflüre que voü^'âürTez enco* re penfé plus férieufement <jue vouç ne faites fur Tinçertitude la morc^l & fur le peu de cas doit fairrf . de^ Vis , h vous aviez le trille fpeflacle que nous venons d’avoir vo« tre mere & moi cette aprè's-dînée. Lf pauvre Fanchon s'étoitplsdntdie beau- coup de maux de tête tout le matin i on a été obligé , après le <finer de la faire niettre fur fon lit; & fur les troi^ heures , comme je prenois mon Gvre pour aller à Vêpres ,}’ai demandé les nouvelles. Votre mere , qui la ve^ noit de t^itter , m’a dit qu’elle lui trouvoit un peu de fièvre. J’ai été

'3^4 Lbttrss se Rac-zkb pour lui tâcer le poüx ; je Tai tronv( Tonverfée fur fon lit , fans la moind: connoilTance , le vii^ge tout bouffi avec une quantitt^ horrible d*eauxqi llétouffbient , &.faifoient un bruit ei froyable dans fa gorge ; enfin un vraie apoplexie.' J’ai fait ûn'graoi cri , ( I ) & je l’ai prife entre me bras ; mais fa tête & tout ion corp n’itoient plus que comme un ling( iDOuillé. Un moment plus tard eik étoit morte. Votre mere eft venue toute éperdue , & lui a jetté quelques poignées de fel dans la bouche. Os l’a baignée d’efprit de vin & de vi* migre ; mais elle a été plus d’une ^ande demi-heure entre nos bras dans k même état ; & nous n*attendions me le moment qu’elle alloit étouffer.; $ous avons vite envoyé chez M. Ma-; r4chal : il n’y..éto|y)qipt. A la fin , à fojTçe de la tourmenter , & de lui faire; avaler par force « tantôt du vin « tan*] tôt du fel , elle a vomi une qpandu épouvantable d’eaux qui lui étoieof tombées du cerveau dans la poitrio

|i ) Cccliftttfignnd» ^u*il rcûc dau

f

â s 0 N F I L Si elle a pourtant été deux heutes en* tieres ians revenir à elle , & il n’y a qu’une heure à peu près que la con: xioiCTance lui efl revenue. Elle m’a en- tendu dire a votre merè que j’alloia vous écrire ; elle m’a prié de vous fai- re bien Tes coroplimens ; c’eft en quel- que forte la première- marque de conrt moiflance qu’elle' nous a donnée, ( i'} ■Je vous affûre que vous auriez été ^ufli ému que nous l’avons tous été*. IMadelon en eft encore toute effrayée, & a bien pleuré fa fœur , qu’elle croyoit morte.

Je vais demain à P. R.d’où j*efpère ramener votre fœur aînée. Ce fera en- core-un autre 'fpeftacle fort trifte pour I mot; & il y aura bien des larmes ver- >fées à cette réparation. Nous avooa j jugé qu’elle n’avoit point d’autre parti à prendre qu’à revenir avec nous, fan» aller de couvent en cou verrt. Du moins elle aura le tems de rétablir fa fanté ^ '.qui s’efl fort affbibifè par les auftéri- tés du Carême ; & elle s’examinera à Joifir fur le parti qu’elle doit embraflèr,

i Quel m pour CDgagec ua frere à aimer fcspetiCfift

* bml

^ 0.3

1

ftié Lbttkbs os RjICINE Kous lui avons préparé la chambre couchoit votre petit frere y qui couchera dans la vô^re avec fa mie. Vos Lettres me font toujours un eX' irêtne plaiGr , & même à M. Def préaux > à qui je les montre quelque- fois , & qui continue à m’aflurer que j’aurai beaucoup de fatisfaâion de VQOs , & que vous ferez des merveil- les.' Votre. Laquais m’a fait demander Àne augmentation de gages , difant pour fes raifons , que le vin ell fort cher en Hoilandç. Ni je ne fuis en état d’augmenter fes gages ^ ni je ne crois point fes fèrviçcs a^ez confidérables pour les augmenter. Du relie ne vous lailTez manquer de rien ; mandez-mm tous vos befpins , & qroyez qu’on ne peut vous aimer plus tendrement.

Û ff’» F .1 B g. *

ui Farit U 14 AoiK . .

. 1

Votre Aeuf comtoence ï fe racv coutumer avec nous mais non* pas avec le monde , dont elle paroit^' toujours fort dégoûtée : eUe prend un* fore grand A)tn de feÿ petites fgtnxv n & de fon petit frété; & elle fut foof- cela de la. meilleure grâce du^ monde* Votre mere eft édifiée d’elle^ & en re- çoit ua fort grand fouiagement. â 8( mIIu bien des combats pour la réfou* dre porter d^ habits fort firoides& fort modefbes j qu’elle a retrouvés dans ion armoire : & il a fallu au moins liir promettre qu’on ne l’obligeroit jamais à porter ni or ni argent. je met trompe , ou vous n’étes pas tout-à-l fait dans ces mêmes 'fentimens ; &] vous traitez peut-être de grande foi* ; blefiè d’efprit cette averfion qu’elle té*-^ xnoigne pour les ajuflemens , & pour' la parure : j’ajoûcerai même pour la* dorure. Mais que cette petite reflé* xion que je fais ne vous effraie point. Je fais aufli biep compatir à la petitt;

0.4

'3^ IrBTTRfiS SB RaCTXKE vanité des jeunes gens , comme j jais admirer la modeftie de votre fœoi }'ai même prié M. l’Ambafladettr de vous faire avancer ce qui vous fera néceflaire pour un habit tel que vous en aurez befoin : & je m’abandonot fans aucune répugnance , à tout ce qu’il jugera à propos.

J’ai été charmé de l’éloge que vous ne faites de M. de Bonnac , & de la noble émulation qu’il me femble que fon exemple vous infpire. Ayez bien foin de lui témoigner combien je l’bo* nore , & combien je fouhaite qu’il me

I compte au nombre de fes (erviteurs.

Votre petit frere eft fort enrhumé, aufli-bien que Madelon : tous deux ne font que toufler. Fanchon ne le ref- fent plus de fon accident , que M. Fa- gon appelle un catarre fuffoquant. Votre mere & votre fœur fe portent fort bien , & vous font leurs compli* mens. M. Defpréaux vous fait auffi les fiens. Il ell à la joie de fon cœur depuis qu’il a fon Amour de Dieu imprimé avec de grands éloges dans üdë'réponfe qu’on a faite au P. Dsh niel. On m’a dit mille biens de plu* £eurs EccléllalUques qui font en Hol|j

■J

â é 0 Ht F I t s. ^ fende. C’eft une grande confolation de trouver des tens de bien , & de poa^ voir qdelquerois s’entretenir avec eux des choies du falot , fur- tout dans un pays où- l’on eft fi diflipé par les di« vertifièraens & les affaires. Du refie j'apprens avec beaucoup de plaiGp que vous ne voyez que les mêmes-

fens que volt M. l’Ambafladeur ; Su . vous fréquentiez d’autres comp»' gnies que les fiennes , je fercMs dan» de très-grandes inqu^tudes. ^ ne- vous écrirai pas plus au long', me trouvant accablé d'affaires au fujet de l’argent qu’il firnt que jfe donne pour ma taxe (i)-

Paris U 15.

J’Ai été ibrrincommodë depuis fis demiere Lettre quejevoosaiécri*- te , ayant eu pUifieurs peritstnaux- ÿ. dont il' n’y en avoir pas un ftul dah* gefeux ; mais qui étoient tous aflêX^

j7o L^iTTRE's OS Racine dooloureux pour tn’empécher de dpr« . BUT la Duû 4 & de m’appliquer durant te jour. Cet maux étoiepc un fort'grand ihume un rhumaiirme . & une petite éryOpde , ou éréilpelç , qui m’inquié- I te beaucoup de tems en tems. Cela a donné occafîon à votre mere , & à mes meilleurs amis , drm’infulter fut hjpareiTe que j’^vois depuis fi long* tems 'tte'Wre des remedes.' J’en ai donc contraencé . quelques-uns. Vos deux l^edtes fœurs prenoient hier mé- decioe , pendapt qu’on me faignoit : & il fallut quevotre mere me quittât , poiur allet Iqrcer.Fanchon à avaller médecine : elle a toujours été un peu . incommodée depuis Ton catarre. Je lui fi votre.4<ettfe- > elle fut fort tou* chée de l’intérêt que vous peniez a ia maladie , & du foin que vous pre- niez de lui donner des confeils de fi loin ; elte ne fait plus autre chofe de- puis ce tems-là que de le moucher \ fait un bruit commis' fi elle vouloic que vous l’entendifliez . & que vous vifliez combien elle fait cas de vos confeils.

' Votre fœur aîpée elt d’une humeur l’on douce : j'ai tout fujet d’être édi*

A' S 6 M ï' I L S. 371?

fié de fa conduite &de fa grande pié« ; mais eft toujours fort farouche* EDepenfa hier rompre en vifiere avec ' une perfonne qui lui faifoit entendre, par maniéré de civilité , qu’il la trou* voit bien faite : & je fus ôbligé même , quand nous fûmes fêuls, de lui en fai- re une petite réprimande. £He vou- droit .ne bouger de fa chambre , & ne voir perfonne ; du refie elle efl' aflêa gaie avec nous * & prend grand foin de fes petites fceurs , & de foD petit frere. Mais voilà afTez- vous par- ler de notre ménage.

Vous ne ferez pas fort affligé d’ap - prendre que R. l’Hüiffler de la cham- bre * a été mis à la Raflille , & qu’on ' lui a ordonné defe défaire de fa char- ge. Ses confrères feront fort aifes d’ê- - tre délivrés de lui. Pour moi if ne- me-^ falttoit plus , & avoie toujours en vm| de me fermer la porte au nez lorfque f je venois chez le Roi. Aveccouc celad je le plaindroiSjfi up homme infblentj & qui cherchoicfi volontiers la hainei de tous les honnêtes gens , pouvoitl mériter quelque pitié. Il y a eu nneca-^ taflrophe qui a fait bien plus de bruit que celle-là : c’eft celle d’un Breton.^.

37» LSTTRfiS SB R A«INS qui n’étoit , pour ainG dire , connu de perfonne , & que le Roi avoir non* Evêque de Poitiers. Vous avez entendu parler de cette afiFaire , qui a été très-fâcheufe pour cet Evêque de deux jours , & Ùen plus pour le P. de la Cbaize fon proteâeur « qui a eu le déplaiGr de voir défaire fon ou* vrage. Âdille complitnens pour iboi i M. deBonnac , qui efl; de tontesles ecânpagnies que vous voyez . celle ^ue vous edvI&'le^lLbl^

% *■

k son V ILS. 35f3

Jt Farîtlt i Mitj»

Votre ineré & moi nous approu- vons entièrement tout ce que vous avez penfé fur votre habit , & Dons fouhaitons même qu*on ait déjà comntencé à y travailler , afin que vous l’ayez pour rentrée de M. l’Am- bafiadeur. Vous n^avez qu’à fe prier de vous faire donner fargent dont vous croyez avoir befoin , tant pour l’habit y que pour tes autres chofes ^e vous jugerez néceOaires. J’ai ap- prouvé votre conduite à l’égard des Eccléfîafiiques dont je vous avois par-

!lé; vous me ferez plaifirde répondre au mieux à leurs honnêtetés. Il peut ■même arriver des occafions vous ne ferez pas fâché de vous adreflèr à eux , pour tes chofes qui regardent votre fahit , quand vous ferez aflès

pnr y fnngPr fprignfrmeBt.

Une fe peut nen de plus fage que ta conduite de M.l’Ambafiadeurenvers eux. Il a an frere dont on m’a dit des merveilles: oa ne l’appelle que küÙQt

374 Lst.tess de Raçine folitaire. Je fuis fûr que M. l’Arobaf* fadeur , avec tous les honneurs qui l’environnent , envie fou vent de bon coeu^ calme & la féiické de M. fon frere. '

M. Defpréaux recevra avec joie vos Lettres, quand vous lui écrirez, mais je vous confeille de me les adref- fer, de peur que le prix qui lai en cou- teroit ne dimlllllë DeWcoüjp le prix ’1(ftfilll6'tfe“tout ce que vous pourriez loi mander ( i). N’apprehendez pas de m’ennuyer par la longueur de vos lettres j elles me font un extrême plaifir , & nous font d’une très-gran* de confolation à votre mere& à moi, & mêmes à toutes vos Imurs , qui les - écoutent avec une merveilleufe atten* tion , en attendant l’endroit vous ^rez mention d’elles.

11 y ^aura demain trois femaines que je ne fuis forti de Paris , à caule de cette efpèce de petite éréfypele que j’ai. Vous ne fauriez croire combien je me plais dans cette efpèce de re- SÊmÊmÊÊrnmmmmmÊmmmmmimmmmmmm

( I ) Il S dit dani une Lettre précéiènie > qu*il ^ic aller achtici itii-m^fUie chez Tiueraj , lc« Fables Ta Fontaine > de peur c^u'on ne voulut pas prendre fbn

mg/nirSKi 4i£i(tcw4c cdiiidcMiiwi.

. A s O K F I I, s. 375 traite , & avec quelle ardeur je de^ mande au bon Dieu que vous foyez .en état de vous paiTer de mes petits ‘fecours , (i) a6n que je commence 'un peu à me repofer , & à mener une vie conforme à mon âge , & mê> me à mon inclination. M. Defpréaux m’a tenu très-bonne compagnie. Tou- tes vos fœurs font en bonne fanté » auffi-bien celleequi font ici , que celles qui font au .couvent , & qui témoi- gnent toutes deux une grande ^ veur pour achever de, fe confacrer a Dieu. Babiêt m’^rit les plus jolies Let- tres du monde , & les plus vives , fans beaucoup d’ordre , comme vous pou- vez croire ; mais extrêmement con- formes au caraflère que vous lui con- noiflez. Elle noos demande avec grand foin de vos nouvelles. Adieu , mon cher fils , je vous écrirai plus au long line autrefois. J’ai fi mal dormi , que je n’âi pas la tête bien libre : ti’ayez fur-tout aucune inquiétude fur ma fan- , qui au fond efi très-bonne (2).

Cl) œ qu'il «|tcii4oit tfcc impiticace p pôil| & tetixer de la Cour.

(-a ) Sa «itSi

4I l^^VOdioii )

37<$ Lettres se Raciitb:

ji Farif le id. .

Votre relation ' voyage qoe vous avez- fait à Amfterdam , in’a foit un très grand plaiflr. Je n’ai m’empêcher œ la lire à M. de Va* linconr & à M. Derpréaoz. Je me gardai bien en la lifant , de leur lire Fét range mot de tenuüf, que vous avez appris de queiqpe Hollandois , & qui les auroit beaucoup' étonnés; dn refteje pouvois tout lire en.(Ûre> .té , & il n’y avoitrien qui ne fût fe* I Ion la tangue , &felon-là raiibn. M. Perpréaux aflore fort qu’il n’aura point de regret au port que ltti^pou^ sont coûter vos Lettres ; mais Jçe crois que vous ferez aufli-bien d’attendre quelque, bonne commodité pour. Im écrire Votre mere efl fort, touchée du fouvenir que vous avez d’elle. El'e iêrôit ailèz' aife d’avoir votre beurre; mais eNe craku également , & de vous donner de l’embarras , & d’être em* barraflée pour recevoir- votre prélên^ qui fe gâieroic pent*ê^ ea chenÙB*

1 s 0 M Fils. 377

M. de R. m’a appris que ia Cham- meilai étoit à i’extrémicé , de quoi

|)TuT aaiiff ani» e’eft dequoi il ne fe 'TOÜîfîè guère, je veux dire l’obdination avec laquelle cette pauvre malheureu* le refufe de renoncer à la Comédie , ayant déclaré, à ce qu’on m’a dit, qu’eU le trou voit très 'glorieux pour elle'de mourir Comédienne. Il faut efpérer que quand elle verra la mort de plus près , elle changera de langage , com* me font d’ordinaire la plûpart de ces «ns qui font tant les fiers, quand ils M portent bien. Ce fut Madame de Caylus qui m’apprit hier dette parti» cularité , dont elle étoit efiFrayée , & qu’elle à fie de M.' le Curé de Saine. Sulpice.

Un Moufquetaire , fils d’un de nos camarades , (* i ) a eu une afiàire alTez bizarre avec M. de V. qui le prenant pour on de Tes meilleur^ amis , lui don* na en badinant “un coup de pié dans le derrierre , puis s’étant apperçû de fon erreur , lui fit beaucoup d’excu» fes : mais le Moufquetaire , fans le

(i j D*aa GeatilbiDiiuce otdiiiaiie«

V

878 LBTfRBS DE RAOrKE payer de ces raifons , prit le moment qu'il avoit le dos tourné lui don^ na aufli un coup de pié de toute fa force ; après quoi il le pria de Texcu* 1er , difant qu’il l’avoit pris aufli pouc un de Tes amis. L’aâion qui s’efl paf* fée fur le petit degré de Verfailles, par le Roi revient de la chaflè , a paru fort itrange. On a fait mettrele Moufquetaire en prifon.'il eft parent ' de Madame Quentin ; & cette paren- ne lui a-pas été infruébueuiè en cet* te occafion. M. de Boufflers acconk> moda promptement les deux parùesi Je fais toujours’ réfolution de vous ^crire de longues Lettres ) mais je m’7 Iprens toujours trop tard : iffaut que fe finifle malgré moi. Je me porte biei^ & toute la famille. Adieu..

A SON Fils. 373^

ji Verf ailles le 15. hùn.

Le Roi a renvoyé M l’Abbé de Langeron , & M^l'Abbé de Beau- mont. La querelle de M. de Cam- brai ell caufe de ce remue ménage. On adonné une de ces pîaces'âU Rtc- teur de l’Univerfité , nommé M. Vic- tement, qui 0c une fort belle harai^ gue au Roi fur la paix. M. de Puy- iéguf eft nommé pour on des Genti^s• hommes de la manche. Je ne puis vous cacher Tobligacion que vous .avez à M. Te Maréchal de Noaillest il avoit fongé à vous , & en avoic même parlé ; mais vous voyez bien, par le choix de M. de Puyfégur , que M. le Duçde Bourgogne n’étant plus un enfant , on v.euc meure auprès de lui des gens d’une expérience con- fommée, fur- tout pburîa gtiefFSfr'^ Vqus voyez du moins que vous avez ici des proteélïeurs qui ne vous oublient point, & que (i vous voulez continuer à travailler & à vous met- tre en bonne réputation , l’on ne màù-

/

3^0 Lettre? DS Ricins quera point de vous mettre en œavre dans les occaHons. Vous ne parlez plus de Tétude que Vous aviez com- mencée de la langue Allemande. Vous voulez bien que je vous dife « que j’appréhende un peu cette faci- lité avec laquelle vous embrallez de bons defleins ; avec laquelle aufli vous vous en dégoûtez quelquefois. Les Belles Lettres , vous avez pris tou jours aiTez de plaidr , ont un cer- tain charme qui fait trouver beau- coup de sècherelTe dans les autres

f études : mais c’eft pour cela même qu’il faut vous opiniâtrer contre le penchant que vous ayez à ne faire que les chofes qui vous plaifent. Vous , avez un grand modèle devant vos yeux: je veux dire M. l’AmbafTadeur, je ne faurois trop vous exhorter jùvous former fur lui le plus que vous pourrez. Je fais qu’il' ÿ a beaucoup | de Aijets de dîftraâion & de diflipa- tiôn à la Haye ; mais je vous crois l’efprit maintenant ^fpp fAlîda , p<^iir vous lai/ler détourner des occupa- tioris Ime M..l’AhiDafradeur veut bien vous donner : autrement il vaudroit mieux revenir j que d’étre à charge

A 8 O N F I I S. 381 an meilleur ami que jVie au monde.

Je vous dis tout ceci , non point que j’aie aucun fujet d’inquiétude étant au contraire très content des. témoignages qu’on rend de vous; mais comme je' tfeille continuellement à ce qui vous ell avantageux , j’ai pris cette occafion de vous exciter à faire ' de votre part tout ce qui peut facili* ter les vûes que mes amis pourront avoir pour vous. Te fuis chargé de beaucoup de compnmens de tous vos petits amis de ce pays*ci : je dis pe- tits amis , en compaf'aifon des pro- teéleurs dont je viens de vous par- ler. ;

J’ai lailTé votre, roere , & toute la famille en bonne fanté , excepté que votre fœur eft toujours fujette à lès migraines : je cmns bien que la pauvre fille ne puifle pas acccnnpli^ les grands defleins qu’elle s’étoit mis^ | dans la tête ; & je ne ferai point du- tout furpris quand il faudra que nous prenions d’autres vûes pour elle.

I/BTTRES DE ÎIACInE

A taris le 2^ Juitt.

Votre mere sXl. fort attendrie à la

leûwre'deTotre dSnriere^emeç

voia mandfô?*qgHnîfe~de Vorpte grandes confolations étoit de rece* ■voir de nos noureUes. £Ue eil très* contente de ces marques de votre boa naturel : mais je puis vous aâ^irer qu’en cela vous nous rendez bien ce , & que les Lettres que nous re> cevons oe vous font toute la joie de la famille , depuis le plus grand jnf. i qu’au plus petit : ils m’ont tous prié ' aujourd’hui de vous faire leurs com* plimens : & votre fœur aînée corn*

^ me les autres. La pauvre fille me fait afiez de pitié , -par l’incertitude que je vois dans Tes céfolutions , tantôt ) à Dieu , tantôt au monde , & crai- gnant de s’engager de façon ou d’au- tre : du relie elle efl fort douce. Jôla- delon a eu une petite* vérole voiame : je crains bien pour votre petit fre-

A S O » F î X S. gSj le; (i )il eft très-joli , apprend bien,' & quoique fort éveillé , ne nou^.doa'^ ne pàs'tâ môîfitffé péîhe^^

J’allai dîner il y a trois jours à. Au- teuil « M. de Termes amena le nouveau Muficien Deftouches , qui fait un nouvel Opéra pour Fontaine- bleau. Il en chanta pludeurs endroits,' dont la compagnie parut charmée , & fur-tôut M. Defpréaux , qui pré-' tendoit l’entendre bien diftinâement, (2) & qui raifonnâ fort à fon ordi- naire fur la Mufîque. Le Muficien fut très-étonné que je n’eufle pas vil' ibn dernier Opéra , & encore plus dtonnédes raifons que M. DerpréauC Jui en dit , (' 3 ) & qui peut-être ne tlè fatisflreht pas beaucoup.

I On me demanda de ves nouvel- les, & M. Defpréauît affûra la com- pagnie , que yous feriez un jour très- digne d’être aimé de tous mes amis. (4) Vous favez que les Poètes fe

(i ) Il ëtoit aifemeiit content de fçs ^efifans , qu*il ^fTùatoît foojoufs'chdfiTfans.

( X ) Il étoit un peu fonrd^ de (èeonnoiflbitfon pc«

.«tlhTnnfiqiic.

(3) alloît pas par fcrupulc. f 4 ] Il a voit dit apparenunent » if« finpert^ ce

3^4 Lsttrss de Racine piquent d’être Prophètes ; mais ce n’ell que dans l’entbouûafine de leur poë'fie qu’ils le font ; & lSk4. Def- préaux parldii en profe. Ses prédic* tions ne laüTerent pas néantmoins que de me faire plaifîr ;c’eft à ^ous , mou cher fils , à ne pas faire pafler M.

, Defpréaux pour un fiiox Prophète.

! Je vous l’ai dit plofieurs fois , vous

^ êtes à la fource du bon fens , & de

toutes les belles connoiiTances pour le monde & pour les afiFaires.

. . J’aurois une joie fenfible de voir la

) maifon de campagne dont vous faitet

! tant de récit » & d’y manger avec

vous des grofeilles Hollande. Ces grofeilles ont bien fait ouvrir les oreü* les à vos petites lœurs , & à votre ' mere elle* même , qui les aime fort.

Je ne faurois m'empêcher de vous dire > qu’à chaque chofe d’un peu bon que l’on nous lèrt fur notre ta* ble , il lui échappe tqojoursde dire : Racine en nuo^ereit velmtiers. ( i ^ Je n’ai jamais , en vérité , une G bon* ne mere , ni fi digne qtie vons

£ 1 3 Tout cct «ndioit ^ Im uUcau J au BiUicu de &

fiinille,

yoffè

t

k » î) H Fit*; 3!^ J

VMïe polTible potnr reconnoître foa affilié. Au moment que je vous écris» vos deux petites ftburs me viennent apporter un bouquet pour ma fête > qui fera demain , & qui fera auiü la- votre. Trouverez -vous bon que je vous falTe fouvenix que ce même Saint Jean , qui eft notre Patron »eft aufli invoqué par TEglife comme ‘le patron des gens qui font en voyage » & qu’elle lui adiefle pour eux une priere qui eft dans l’Itinéraire » & que ]*ai dite plufieurs fois à votre imea* non ? Adieu , mon cher fils.

ji Paris le 26. hun.

4

J’Aireçû la Lettre que voosm’avet écrite d’Aixda-Chapelle » ^ j’y ai ■eû avec beaucoup de plaifir la deferi* ption que vous failiez des fingula* fités de cette ville , & fur-tout de cette prôceflion Charlemagne af« £(la avec de (i belles cérémonies.

J’arrivai avant hier de Marli » dfe f*ai trouvé toute la famille en bonne ifaflté. U m’a paru que ysstte fisurai* Ttm /, R

JiBjS LBTTt«jB DE RACI^WS née reprenoit âOes volontiers les p^ cits aju{temens auxquels elle avoit (i fieretaent renoncé^ & j’ai lieu decroi* sre que fa vocation à la Religion pour* Toit bien s’en aller avec celle que vous aviez eue pour être Chartreux. Je n’eu fuis point du tout furpris , connoif' Ant l’inconRance des jeunes gens,& l|e peu de fond qu’il y a i faire fut rieurs rêfolutions , fiir*tout quand el* ’Res font fi violentes , & fi fort audef* 'Tus de leur portée. 11 n’en efi: pas ainfi de Naneue: comme l’Ordre qu’elle a embraflié efi beaucoup plus doux , fa vocation fera auffi plus durable. Tou- tes fes Lettres marquent une grande perfévérance ; & elle parole même s’impatienter beaucoup des quatre mois que fon Noviciat doit encore durer, fiabet fouhaite auHS avec ar- deur que fon' tems vienne pour fe confacrer à Dieu. Toute la mailbnoù elle eft > l’aime tendrement ; & toutes les Lettres que nous en recevons , ne parlent que de fon zèle & de lagef- iè. On dit qu’elle efl fort jolie de fa perfonne. Vous jugez bien que nou» ne la làifièrons pas s’eng^er l^ére* fans être bien aiSrds cfune

â s O H F f L ». 3^7"

vocation. Vous jugez bien aufli que tout céla n’efl point un petit embar- ras pour votre mere & pour moi; & ^ue des enfans, quand ils font ve- nus en âge , ne donnent pas peu d’occupation. Je vous dirai fincere- ment que ce qui nous confole quel- quefois dans nos inquiétudes' , .c’e^ d’apprendre que vous avez envie ' bien faire , & de vous inltruire des '^chofes qui peuvent convenir aux vûes sque l’on peut avoir pour vous. Son- gez toujours que 'notre fortune eft trés-médiocre , (i)& que vous de* vez beaucoup plus compter fur vo- tre travail , que fur une fucceflioa qui fera fort partagée. Je voudrois avoir pd mieux faire. Je commencé à être d’un âge ma plus grande application doit être pour mon falut. Ces penfées vous paroîtront peut-être un peu férieuiês ; mais vous favez que j’en fuis occupé depuis fort long*, tepis. Comme vous avez de la raifon,- j’ai crû vous devoir parler avec cette

^ t ) U ^totctrop tnodefte pour dire comme Cicdroti 4k. 1. 2- Bp-itf. Péliêmnfuü Mmflum fétfinmium in mtm$riân9minit rm^

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I

LVT7RSS DE' Racine

feanchife, il’occafion de votre fœor, &ut maintenant fonger à établir. Huais enfin nous efpérons que Dieu, •qui ne noas a point abantiomiés •qu’ici , continuera à nous affifter , & à prendre foin de nous , -( i ) fur-^out £ vous ne ^abandonnez pas vous-tnê- Die , & 'fi 'Votre plaifir ne ^remporte ÿoint fur les bons 'fentknéns qù’ooa tâché de vous infpirer. j\dieu , mon •cher fils , ne vous laiflez manquer de vien de ce qui vous efi: néceilàire.

^4 Fans U 7. Jailla.

JE puis vous aiTârer que M. de To^ cy ne laiflera échapper aucune oc> cafion de vous rendre de bons o£t ces. Comme il efijme extrêmement ]d. l’Ambafiadeur , ilajoûtera une foi entière aux bons témoignages qu’il loi fendra de vous, Je lui ai votre deroteré Lettre , aufii bien qu’à M.

le Maréchal de Koailles; ils ont été

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i£i] fumais £cs<«cifanf aa befoia 1

4iis,0ocitsdcsaUcaiixU4onM2mj^ AsbaSu

j[. $ e K F 1- L ^91 efiarmés & effrayés de la defcriptioa

3ue vous y faites do grand travail , Se& e J’applicatiou continuelle de M.- rAmbaffadeur. Je lifbis , ou je relU- fois ces jours paffés »pour la. centiè- me fois , les Epitres de Cicéron à fes- amis. Je voudrois qu’à vos heures per^ dues vous en- pûiliez lire quelques unes avec M. l’Ambaffadeor ; je luis- afllàré qu’ellesferoient extrémementde- fbn goût, d’autant que plus fans le flat- .ter, .je ne vois perfonne qui ait mieux attrappé que lui ce genre d’écrire des- Lettres, également propre à parler ferieufement & folidement des graa- .des affaires , & à badiner agréablé- ‘znent fur les petites chofes. Croyez que dans ce dernier genre Voiture eff beaucoup au deffous de l’un & de.- .J’autre. Lifez enfemble les Epîtres éd Trebatium ^ ad- Marimn ^ ai Papy^- rim» Pattm , <& d’autres que je vous marquerai quand vous voudrez. LtleZ- mêmè celle de Cælius à Cicéron : vous ferez étonné de voir un homme auffi vif & aufli élégant que Cicéron^même;. mais il faudroit pour cela que vous euf> fiez vous farolliarHer ces Lettres., par la cooaoiffaace de l’hiffoire de ce

R3

'390 Lbtyrbs d b Racirb

jhems'là , à quoi les vips de Plutarcpe Ipeuvent vous aider. Je vous cônfeilie île faire la dëpenfe d’acheter l’é^tioD de ces Epîtres par Grævius , en Hol* lande in- 8". Cette le6lure eft excel* lente pour un homme qui veut écrire des Lettres , foit d’affaires , foit de chofes moins férieofes.

J’irai denjain coucher à Autenil , ^ j’y attendrai le lendemain à fooper votre mere avec fa faniillel Votre fœureft rentrée dans fa première fer» veur pour la piété ; mais je crains qu’elle ne poofle les choies trop loin : cela eft caufe même de cette petite inégalité qui trouve dans Tes fenti» I mens ; les chofes violentes n’étant pas fiie nature à durer longteros. Votre i petit frere n’a pas manqué de gagner la petite* vérole ; mais elle ell lége* re , qu’il n’a pas même gardé le lit , & qu’il ne s’en lève que plus matin.

Je ferai de petits reproches à M. Defpréaux , de ce qu’il n’a pas en* voyé à M. l’AmbalTadeur fa derniere édicion;vous jugez bien qu’il l’enverra fort vite. Votre mere eft très-édifiée ■de la modeftie de votre habit ; maÎ! «pus ne vous prefcrivons rien là*def

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»

à s O K F I t 9.

Ibs ; c’eil à vous de faire ce qui e{ft A) goût de M. l’AmbafTadeur : furr ' tout ne lui fbyez point à charge , & xnandez*nous à qui il faudra que nous» donnions l’argent dont vous aurez be*' loin.

^ P4ris le ZI Juülee^

CE fut pour- moi une apparition agréable de voir entrer M. d& Bonnac dans mon cabinet ; mais ma joie fe changea bientôt en chagrin , quand je le vis réfolu à ne point loger chez moi , & à refufer la petite chain> bre que ma femme & moi nous Te priâ* mes d’accepter. Nous recommen^â* mes nos inflances le lendemain ; <Sc j’allai juiqu’à le menacer de vous man* der d’aller loger à l’auberge à la Haye: il me repréfenta qu’il fer'oit trop loin du quartier de M. de Torcy , chez le- quel il devoit le trouver à point nom- mé, quand il arrivoit à Paris. 11 a bimi fallu me payer , malgré moi , de ces raifon's ; & vous pouvez vous aflûrer, que ma&mmfr ep a été du moins aul-

R 4

'Mes LtTriiSs RAcims U chagrine que moi : vous favez eoi» ne ^He eft recopnoifi^te , âc corn* ne elle a I& cœur fait. 14 n’y a cholè

fît pour témoi-

%paiut combien elle dt fenfible aux bontés qu’il a pool vous. Elle efl charmée , comme moi , JeM. de Bonnac , & de. toutes iss maniérés pleines d’honnêteté 6t de po* tlg^e..£llè fèia au comble- de joie» TxTVSus pouvez parvenir à lui reuem* 'Mer » & fi vous rapportez l’air & kt maniérés qu.dle adraireen lui. Il noos donne de grandes efpérances fur vo- tre fiiiet ; de vous êtes fort heureux d’avoir en lui uii ami il plein de bonne : yolioaîé vous- S’il ne nous fiatte point , &. fi les témoignages qu’il nous rend de vous font bien fincéres , nous avons de grandes grâces à rendre aa bon Dieu , & nous efpérons que vous :aous ferez, d’une grande confblation. il nous afiureque vous aimez le travail, •quela promenade dt la leâure font vos ' l^us grands divertiflemens, & fur-tout Ja-converfation de M. l’Ambafiadeur , que vous avez bien raifon de préférer .à. tous les plaifirs du mondeidu moins Je l'ai toujours trouvée telle ,, dt oqo

. A. S'.O K F 1. 1- *. 39J'

foufemenc moi , maü toat ce qu’il j,' 9: ici de perfonnes.de meilleur efprit g St- :,

\ de meilleur goût.

a’ai ofé lui demander vous penfieA un peu au bon Dieu : j'ai eu peiir que la réponfe ne fut pas telle-- qpe je l’aurois fouhahée. . Mais enfîa je veux me flatter que faifant votre i teoffible pour devenir un -parfaitemenC '

' %onnête Homme , vous' concevrez '

. qp’onne peut l'êtrefans rendre à .Diéa I ce qu’on lui doit. Vous connoiflèz la- Religion : je puis même dire que voüs ' , la .cdnnoillèz- belle & noble comme- eile eft': ainffil n’efl pas polfibleqnert vous ne l’aimiez. Pardonne^ fi je vous nets quelquefois fur ce chapjtreA:: vous favez. combien il- me. twnt ài- cœur y. & je puis vous ; aiTCfrer que.v plus je vais ea avant , plus jp, r trouve qu’il h’ÿ a rien de doux aifi ' inonde que le repos de la confcienc«^ Si de regarder Dieu comme .un pere^fi qui ne nous manquera^ pa& dans-.mw.f t befoins. M. Defpréaux que vouss aimez, tant pjus: que jamais-dana»

I ces fentimens. , fur- tout depuri-qu’Jb

âfait-fwAtroimtléDieu.; db.Je ppiSi; vous alTûrer qu’il cfLuès-tien p^rfua*

SP4 Lettres ete Rrcine lui-tnémè y des vérités dont il a voa^ in perfuader les autres. Vous trou- vez quelquefois mes Lettres trop courtes ; mais je crains bien que vous >uviez celle-ci trop longue.

i

%

jiPàns U 14. Jmliet.

M. de Bonnâc vous dira de nos nouvelles, nous ayant fait l’hon- neur de nous voir fouvent , & mê- me de dtner quelquefois avec la petit te famille. Il vous pourra dire qu’ellé eft fort gaie, à la réferve de votre fœnr , qui eft toujours accablée de Tes migraines : je la plains bien d’y être il lujette , cela eft canlé de l’irréfo- lotion elle eft fur l’état qu’elle doit embrallèr. Je fais mon pomble pour lia réjouîr ; mais nous menons une Ivie ü retirée , qu’elle ne peut guère ^ âtrouver de divertifiemens avec noos. Elle prétend qu’elle ne foocie point de voir le monde ; & elle n’a gqère d’autre plaiftr que dans lalec- cure , n’étant que fort peu lènfîble k tout le refte. Le tems de la profeUton

A SON P r £ S. sçs de Nanette s’avance» & elle a gran- de impatience qu’il arrive. Babet té- moigne la même envie i mais nous avons réfolu de ne la plus laifler qu’uni an au couvent ; après quoi nous la* reprendrons avec nous pour bi^ examiner fa vocation. Fanchon veut ' aller trouver fa fœur Nanette » & ne parle d’autre chofe. Sa petite fœur n’a pas les mêmes impatiences de noua quitter , & me paroît avoir beaucoup' de goût pour le monde : ( i ) elle rai>

Ibnne fur toutes chofes avec un e& uit qui vous furprendroit » & eft fore ailleufe » de quoi je lui fais fouvent 1 guerre. Je prétens mettre votre petit frere l’année qui vient avec M. Kollin, à qui M. l’Archevêque a con- fié les petits Meflieurs de Noailles. M.. Rotlin a pris un logement au Col- lege de Laon dans le pays Latin. ^ Notre vqiûn y. vouloir aum mettre^'' fon fils ; mais on a trouvé le petiet

«

( f ) Elle n'éteit alors que dix tn»; 8r rlfè x » râge de b railbv, bien méprife le meode. Elle ne voa« lut » oi fe faire Rcligieutè , ni fe marier , & morte 5 $ eux » après a vaufOiypxxtYdcii Âim-la mratie de «ttvxetdepiétd*

R â

#

"SQtf 'LBTTKBS DS RiMriKB gar$oo trpp éveillé , de quoi iepeiB eil fort offenfé.

' Tous nos confrères les ordinaires ' do Roi me demandent fouvent de vos .nouvelles y aulfi bien que plufieurs Officiera des Gardes. Il n’y a queM. qui me paroîc fort majeftueux : ^ ne fai H c’ell par indifférence , ou ^ar timidité.

' M. de Bonnac vous dira combien 'M. Defpréaux lui témoigna d’amitié

- pour vous : il élt heureux comme un

Roi dans fa fo.litude , ou plutôt dans ' Ibn Hôtellerie d’Auteuil : je l’appelle

ainfi y pai^e qu’il n’y a point de jouis

- il n’y ait quelque nouvel écot y & jbuvent on ne fe connoit pas les uns

les autres. Il ell heureux de s’accom* moder ainfi de tout le monde : pour moi jlaurois cent fois vendu la maifon.

Bour nouvelles académiques y je voua dirai que le pauvre M. Boyer cffi mort, de ou 84 ans. On prétend qu’il a fait plus de vingt mil- le vers. en fa vie: je le crois , parce qu’il ne faifoit autre chofe. Si c’étoit la mode de brûler les morts comme parmi les Romains « on auroit lui sûre ks mêmes funérailles qu'k ce

à. s>o H F I. L. $. 597

Cai&u^ « à. qpi il ne fallut d’aucre bûcher que tes propres ouvrages.» dont on fît un fort beaufeu. Le pauvre M. Boyer efî mort fort chrécienner oient :.fur quoi je vous dirai en. pair iànt , que je dois. réparation à la.mé.» moire de la Chanunélay, qui mourut a.v.ec d’.afleZ' bons, ièntimens aprèf avoir renoncé à la. Comédie , t;ès*re* pentante de fa vie paflee ;.mais fur?* tout fort affligée de. mourir.: du moins AL.Defpréaux.me L’a dit ainfî., l’ayant appris du Curé.d’Âuceuil , qui rafîSt ■fu à. la. mort) car. elle efl morte 4 Auteuil. Je crois que M. l’Abbé Ge? neft aura. la. place de M. Boyer : il ne fait pas tant de vers, que lui } mais il les fait beaucoup meilleurs.

Je ne crois pasquejefafîe le voyar ge de Compiégne,, ayant alTez de troupes & dé. campemens en ma vie, pour n' être pas tenté d’aller voiir celui-là ( 1 je me. réferverai . pour le. voyage de Fontainebleau , & me xepoferai dans ma famille, où. je me jlais plus qpé je n’ai jamais fait.

f'i }*Le Coaagîégpç qate fic pM» Mi li

Lettres DB Racine de Torcy me paroîc plein de bonté pour Vous ; & je fuis perfuadë qu’il vous en donnera des marques. M. de Noailles fera ravi aufli de s’employer | pour vous dans tes occaHons ; dt; vous jugés bien que je ne négliger» point ces occafîons « n’y ayant plus rien qui me retienne à la Cour , que Tenvie de vous mettre en état de n’y avoir plus befoin de moi. Votre me- le , qui a la Lettre-que votre fœur vous écrit , dit qu’elle vous y parle des affaires de votre confcierrce ; Vous pouvés compter qu’elle l’a fait de fon chef.

M. de Bonnac a bien voulu fe char* jger pour vous de 30 loûis neufs, va* lant 420 livres. Je voulois en don- ner 40, fur la grande idée qu'il nous a donnée de votre œconpmie ;-mais votre mere. a modéré la fomme , '& a cm que c’étoit affés de 30. Nous avons réfolu de donner 4000 liv. à votre fœur , qui fe fait Religieufe , avec une penlion de 200 liv. Elle n’en fait encore rien , ni fon Cou» vent non-plus ; mais M. l’ilrchevê»

Sue de Sens, h qui j’en ai fait confi» eoce , a dit que cela étoit magnifi»

A SON Fils. y & qu’on feroit content de moi : il s’opoferoit même G je doonois da* vantage.

Ma fanté e(t afTés bonne , Dieu merci; mais les chaieors m’ont jetté dans de grands abattemens , & je fens bien que le teros aproche , il faut fonger à la retraite ; mais je vous ai tant prêché dans maderniere Lettre, que je crains de recommencer dans celle-ci. Vous trouverés donc bon que je* la Gnifle , en vous difant que je fuis très content de vous. Si j’ai quelque chofe à vous recommander, particulièrement , c’eft de faire tout de votre mieux pour vous rendre agréable à M. l’AmbaGadeur , & pour contribuer à fon foulagement , dans les motnens il eG accablé de tra* vail. Je mettrai fur mon compte tou* tes les complaifances que vous aurés pour lui ; & je vous exhorte à avoir pour lui le même attachement que vous auriés pour moi , avec cette différence , qu’il y a mille fois plus k ‘proGter & à aprendre avec lui qu’avec moi.

J’ai reconnu en vous une qualité que j’eftime fort : c’eG que vous en^

4PP LpxT.SrSs Raçinr tendé& très* bien raillerie ,jquand d’aih ftses qne, nioi vous font la guerre Oit i vos petits défauts mais ce n’efl pas ' alTéa de fouffrir en galant homme les ^tites plaifanceries ,,il faut les met* tre à profit. Si j’bfois vous biter mon exemple * je vous dirois. qp’une des ehofes qui m’a fait le plus de- bien , c’elt d’avoir pafiTé. ma jeunefle avec une Société de gens qui fe difoient alTés vobntiers. leurs vérités , .& qui ær^’ï^JigOoient guère Tes..juns autres fur. leurs . defauts avols de foin de. me .corriger de ceux qqe i’on-xrouvoit en .moi , qui étoient en fbrt gr^nd nombre , &'qui auroient .me rendre; alTés difficile pour le . commerce du monde.

Jldubliois.à KOU& dire. que j’apré* bende qqé vous, ne? fdyés im trop grand acheteur de' livres. Outre que .la multitude. ne feft qu"à dilTîper , & i faire, Vohiger de. connoiffiÎBces en , connoiflknces fou vent, ailes ipatiles ; vous prendriés même, l’habitude de TOUS laülèr tentetde tout ce qpe vous 'trouveriés. me louviens d’un pa(^ fage des.Oâces de .Cicéron» que M. '0iO)le. me. citoit fouvcAC j^^our me

A $. O >r F » i ÿ. 4CX éetatmer de la fancaide d’acheter

eks livres , ***** *jf^ itBitliil ~

*Æ-C*eft un gîa^ia revenu queden ai- xner point à acheter ; mais le moc ^(raM«vwe(l trèst-beiàib , & a un grand fens.

Je m’imagine qne vous oovrirés de fort gratis yeux quand vous.ver* ré9 powrla première fois le Roid’Aa* eleterre. Je fai combien les hommes fameux excitent votre attention & vo> tse curiofité. Je m’attens que vous me lendréscomptede ce quevous aurésvû.

Je reçois la Lettre vous me mandés l’accident qui vous efl arrivé.. Vous avés .beaucoup- k retBercier Dieu d’en être échapé à û bon- mas* ché ; mais en même-tems cet accf- dent vous doit faire fouvenir de deux chofes :• l’une , d’être plus cic- confpeâ que vous n’êtes , d’autant plus qu’ayanLla. fort ba/Iè i^J^ous \ êtes plus obligé qu’un ‘autre' a né'riep - \ •faire averprécipitation ; & l’autre , qu’il faut être toujours en état de n’ê* tre point furpris parmi tous les. acct* dens qui.nous peuvent arriver, quand BOUS y penlbns le moins.

Vottq mere vient dq Saint Sulpi>

402 Lstties de Racinx ce , elle, a rendu le pain béni : fi TOUS n'étiés pas fi loin , elle vous au- roit envoyé de la brioche.

A Pétris U I. Aoàt,

La derniefe Lettre qne je tous ai écrite étoit fi- longue , que voos Ipe trouverés pas mauvais que celle* Id Toit fort courte. Il ne s’eft rien ' pafifé de nouveau que la querelle que M. le Grand -Prieur a voulu avoir avec M. le Prince de Conti à Meu- don. 11 s'eft tenu OfFenfié de quelques paroles très peu offenfanteâ que M. le P. de Contl avoit dites : & le lên* demain, fans qu’il fiât queftion de rien , il l'ell venu aborder dans la cour de Meudon , le chapeau fur la tête & enfoncé jufqu’aux yeux, com- me s’il vouloit tirer raifon de lui. M. le Prince de Conti le fit fouvenir du refpeâ -qu’il lui devoit. M. le G. Prieur lui répondit qu’il ne lui en de- Toit point. M. le P. de Conti lui

Iparla avec toute la hauteur- & en iméme-tems avec toüte la fagellè dont

â s O w F I t ÿ.* 403

SI efl capable. Commé il y avoit inonde, cela n’eut point d’autre fui* te : mais Monlèigneur , qui fût la cho* fe un moment après , & qui fe fentk i irrité contre M. le G. Prieur , envoya M. le Marquis de Gèvres pour en donner avis au Roi } & le Roi fur le champ envoya chercher M. de Pont- chartrain , à qui i) donna fes ordres pour envoyer M. le G. Prieur, à Iq Baflilie. Tout le monde louë M. P. de Conti.

Votre mere & toute la petite fa* mille vous fait des complimens. Vo* tre fœur demande confeil à tous fes Direâeurs , fur le parti qu’elle doit prendre , ou du monde , ou de la Re*‘ ligion ; mais vous jugés bien que quand on demande de femblables.1 confeils , on eft déjà déterminé. Nous * cherchons férieuiement votre mere & moi à la bien établir. Elle fe con* doit avec nous avec beaucoup de douceur & de modeftie.

J’ai réfolu de ne point aller à Com* piégne , je n’aurai guère le tems de taire ma cour : le Roi fera toujours à cheval , & je n’y ferois jamais. le Comte d’Ayen eft pourtant bie4

Lettres DS Ragiits ficbë que je n’aille pas voir ipn giment , qui fera magnifique. Adieu,

LETTRE DE SA FEM ME.

i ’ui- Péris U lo. jitü,

\

\j Otre pere étant un peu iocom* modé , je vous écris , mon cher fils , pour vous témoigner la nous avons de l’aplication qu’ii nous femble que vous donnez au travail. Soyez perfuadé que vous ne (auriez nous faire plus de plaifir que de vous , lemglir l’efprit de cbofes propres à vous faire bîen exercer votre char- ge. Je ne puis afiez vous témoigner combien je fuis fenfible à. toutes les bontés que M. l’AmbalTadeur a pour vous. Vous me manderez à votre loi. .fir le prix de ta. toile & dentelle que vous avez achetée- pour voscbemtlès. Votre petit frere vous fait bien des complimejis : le pauvre petit nous promet bien qu’il n’ira. pas. à. la Co- médie comme vous. Dans la. Lettre que VQU& m’ave4 écjitejt^’VQus. me de*

%mv

I 1 O » F ï X ï. 40s

‘mandez de prier Dieu pour vous : fi prières étoienc éxaucées , voas lèriez bientôt un parfah Chrétien, jhiîrque je ne Toohaite rien avec plui 'd’ardeur que votre faiut : mais ion* igés , mon bIs , que les perfcs & meres j il enrt beau p'«er le Seigneur pour leurt | enfans , fi lea enfans ne travaillent paa I i la bonne éducation qu’on tâche da leur donner. Adieu , mon cher fils :

' je vous embrafie. Bftjkhe tfi éerit'dt ' main ât ^taoine malade : Je d’aiinâte qu’un mot à la Lettre de vo^reme^ re, pour vous dire que j’aprouve le confeil qu’on vous ^ donné d^pren- dre TAllemand. J’én ai dit un mot à Al- de Torcy , qui vous exhorte aufil de Ton côté , & qui croit que cela vous fera extrêmement utile. Tout- ce que j’aprens de vous , fait la plus grand&confolation que je {ntüBè ævoir. 11 ne tiens p^ à M. de Bonnac 'que vous ne palliez ici pour un fort ha«

bile homme ^ vous i»i avez des"’ obH^îons infinies. Aflurés-le de ma recoiinoinance > &de l’extrême envie

mie j au rois de me trouver .entre lut ■a; vous avec M. l’Ambafladeur. Je crois qué je projSteiois looi-méme-

Lettres de Racine .l^aucoup en fi bonne compagnie; {Adieu.

3

A Paris U ig. AtSf,

rAvois réfolu de vous écrire Ven* dredi dernier ; mais il fe trouva que c’étoit le jour de l’Afiomption ; & vous favés qu’en pareils jours un pere <le famille comme moi , efl; trop oc- cupé , fur-tout le matin , pour avoir Je tems d’écrire des Lettres. Votre mere éfk fort aife que vous ibyés content de la vefie qu’elle vous a envoyée. Elle vous>remercie de la bonne volonté que vous avez de lui aporter une robe, mais elle ne veut point d’étofie d’or. Elle vient d’a- pi«ndre que votre fieur , qui eft à Melun , avoit une grofle fièvre , & elle efi réfoluë d’y aller. Vous voyez qu’avec un^ grofle famille on n’eft pas fans embarras , & qu’on n’a pas trop le tems de refpirer , une aflTaire fuccédant prefque toujours à une au- tre ) fans compter la dpuleur de voir ibiÀric les perfbn&es <^u’on aime.

A s 0 N F 1 L s. 407, fuis bien flatté du bon accaè’il | «|ue voas a foit le Roi d’Angleterre. ) Je fais fort obl%é i M. rAmbafla- . deur y & de vous avoir attiré ce bon traitement , & d’en avoir bien vou- lu rendre conapte au Roi. M. de Tor- cy m a pronus de le fervir de cette occaflon pour vous rendre de bons offices. M. Oefpréaux efl fort con- tent de tout ce que vous écrivez du Roi d’Angleterre. Vous voulés bien que je vous dife en paflant , que quand je lui Iis quelqu'une de vos Lettres , j’ai foin-d’en retrancher les mots £ici^ dt Ik ^ & dr M , que vous répé- tés jufqu’à fept ou huit fois dans une même page : ce font de petites né- gligences qu’il faut éviter , & qu’il eil fort aile d’éviter : du refle nous fommes très*contens de la maniéré naturelle dont vous écrivés.

<1^ ^ VW» - g

' Mi de Torcy m’a montré le Livre du pur amour que M. l’Ambafladeut lui a envoyé ; mais il n’a me le prêter : cette affaire va toujours fort lentement 4 Rome.

M. de Bonnac ell trop bon d’être ü content de vous : j’aurois bien vou- lu üûre aokux, pour lui témoigner

4&'8 LsTVRfiS m RiciwE tdate l’etHme que j’ai pour loi -, ]p quelle eit Fort augmentée depuis que , j'ai eu l’honneur de Pentr-eteoir à fond , & que j’ai découvert non* Æulement toute la netteté & la foli* jdité de’ fon erprit -, mais encore la [bonté de fon cœur , & la fenfibilité qu’il a pour Tes amis. ^

Vous ne œ’avés rien mandé de M> 4e Tallard ; comment eft-on content 4e lui? On m’a dit qu’il logeroit à Utrecht , pendant que le Koi d’i\n* gleterre fera à Loo. Faites bien des amitiés au fils de Milord Montaigu. Je vous-confeilleauffî. d’écrire au 'Âdi* ^tord fon pere.

Pém le 12. Seftmhre,

ne vous écris qu’on mot , poqr vous dire feulement des nouvellei de ma fanté & de toute la famille J’ai été encore incommodé , mais j'ai tout fujet de croire que ce n’eft rien , <& que les pqr^aÙAn^tpfipr^^^ toiftee cés. peûtes iodijfpofi tiens : le btal «ft qu’d me iurvirat toujoun

quelque

t BOIT Fils. 409T

quelque affaire , qui m’ôte te loiiir de penfer bien férieufement à ma fan> té. Votre mere revint hier de Me- lun , elle a laiffé votre fœur par- faitement guérie. La cérémonie de fa profeflion fe fera vers la fin d’Oc- tobre. Nous lui donnons , avec fa pen- fion viagère de 200 iiv. cinq mille livres en argent : nous penfîons n’en donner que quatre, mais on a tant chicané , qu’il nous en coûtera cinq , tant pour lui bâtir & meubler une cellule , que pour d’autres petites choies , fans compter les dépenfes du voyage & de la cérémonie.

Nous fongeons auff à marier vo- tfe f%^ûr , de fi une affaire dont on nous a parlé , réOflSt , cela pourra fe faire cet hyver. Elle eft fort tranqniU le la-delTus , ot iranl vanité ni am- -WtioiiTCt J'ai tout Iféu ' d^fe con% tent «Telle.

J’ai penfé vous marier vous-même, (ans «me vous en lûlfiez rien , & U s’en eu^peu faljuqueja chofe n’aiç été engagée ; 'inais quand c’ell venu au fait. &.au prendre ,Je^flLli pnin»- trouvé l’affaire auflî avantageufe éo*elte le paroiSbk ; elle le pourra

Tm«l S

axiÿ Lett%b« E.Ar|i«e tre dans vingt ans ; & cependant yoQS auriéseaà fouffrir , & vous n*ao> nés pas été fort à votre aife. Je n’au< rois pourtant rien fait fans avoir votre aprobation. Ceux de mes amis que j’ai çonAiltés , m’ont dit que c’écoit vous ^rompre ‘ât empêcher peut- ■être votre fortune que de vous marier >4i jeune , en vôiïs donnant un éta- fcliflèment (i médiocre , dont les ef nérances ne (qi^t (][ue flSnT vi^S^Shs. Jlf IJfl Vo'üs'auroîs rien mtffdïf'îlfr'tout éela« n’étoit que j’ai voulu vous fai< re voir combien je fonge à vous. Je tacherai de faire en forte que vous foyés content de nous ; & nous vous aiderons en tout ce. que nous pour* fons. Ceft à vous de votre côté k vous aider auffî vous*même , en con* tinuantà vous apliquer. Je vous man* ^eraiune autrefois , pour vous diver* tir le détail de l’affaire. Tout cequeje vous puis dire , c’ell que vous ne con* lioifles pas la perfonne dont il s*agi(^ foit , & que vous ne l’avés jamais vûe. C’eA même une des raifons qui m’a fait aller bride en mun .nuiAiu’il

à s 0 >f F I L s. 4JCX I ^ Textrênie amitié que votre mere I a peur vous ; & vous ne fauriés en avoir trop de reconnoiflânee.

Vous n’étes pas le feul à qui il ar« rive des malheurs. Votre mere & votre Asur me vinrent chercher, U y a huit jours , à Auteuîl , f avoir dîné. Un orage épouvantable les prit , comme elles étoient fur la chauffée i la grêle , le vent & les' eciairs , hrênC «me telle peur aux chevaux , que le cocher n’en étoit plus le maître. Vo- tre fœur qui fe crût perduë* , ouvrit la portière , & fe ietta k bas fans' fa- voir ce qu’elle faifoit ; le vent & la ^êle la jettérent par terre j & la firent , U bien rouler qu’elle alloit tomber à bas de la chaufiTée , fans mon laquais qui courut après , & la retint. On remit dans le caroflè toute trempée & toute effrayée : elle arriva à Au- teuil dans ce bel état. M. Defpréaux fit allumer un grand feu : on lui trou- va une chemife & un habit. Nous la ramenftines à la lueur des éclairs , ' inalgré M. Delpréaux , qui vouloi.t ia retenir : elle le mit au lit en arri- vant , y dormit douze heures : il a fal- lu lai acheter «Vautres jupes ,^'c’eft-

S A

41S Lettres de Racine .tout lestas grand mal defon aven* nïeu, mog ther fils.

A F*ns U if. Septembre.

J’Ai enfin rompu emiereroent , avec l’avis de mes mçil'eurs amis , le mariage qu’on m’ayoic\p£opof^ pour vous. Vbus'auries eu quatre raille li- vres de rente » &. autant à efpérer après la mort de beau-pere & belle- mere; mais ils font encore jeunes , Uous deux peuvent vivre au moins lune vingtaine d’années , & même l’un l’autre pourroient fe remarier : ainfi. * vous couriez rirgue n’a voir très- jkmgtems que ^(^itrr^JTïvfes , chargé peut-être de bnitbû "dix en- fans, avant que vous edflh^ trente ans. Vous n’auriés avoir équipa- ge , les habits & la nourriture auroienc tout a^|brbé ; cela vous~dëtonnirtt des efpéranCes que vous pourrés jut cernent avoir par votre travail , & par l’amitié dont M* de Torcy &L M. i’Ambafladeur vous honorent. AJoûtés à cela l’humeur de la fille >

I

3o*on (fit qui aime le fafte . le mo{|p

t‘ J Rr tnug l^s ^pirt!/

jje . '& qui vous a.urqit peut-être mis au dérefpbir par beaucoup de contra- tiétés. Tout ce que je puis voua di- re , c’eil que des perfonnes fort jraî* foQuabies, & qui vous aiment , nous ont embrafTés trés-cordialement , ma femme & moi , quand elles ont ftî que- je de ' CeKeaff^ire.

Taî'rtïSr lieu de croire, qu'en vous faifant part du peu de bien» & du reve* nu que Dieu nous a donné » vous férés cent fois phis heureux , & plus ei» état de vous avancer. Je ne vous nomme point les perfoUnes qui m’a> voient fait cette j^rqpq0don., je vous

ne dois lai

?ëpour la bonne^volonté qu’ils Vtt’OIrt Tïffeîgn ëe* en cette pccafîon. Votre mère a été dans tous lès mê* mes (entimens qiie moi ^.elfe doutoit même que vous eufliés voulu confen- tir à cette affaire , parce qu’elle vous a fouvent entendu dire que vous voo* ]iés travailler à votre fortune avant 'que de fonger- à vous marier. Soyés bien perfui^é que nous ne voas laÜ^

S a

I

^T4 L'STTISS db Raciivs KToûs manquer de rien , & que je Jais dans la dirponUon de faire pour pous garçon , les mêmes choies que TC prétendois faire en vous mariant, ^infî abandonnés - vous à -Diéu pre- mièrement , à qui je vous exhorte de TOUS attacher plus quë jamais : & après lui , repofés-vous fur l’amitié que nous avons pour vous , qui aug- mente tous les jours beaucoup , par la perfuation nous fommes de vos - bonnes incKnations , & de l’envie que TOUS avés de vous occuper , & de vi- vre en honnête- homme.

Votre mere mena hier à la foire toute la petite famille. Le petit Lion- val eût belle peur de l’Elephanc, (i) & fit des cris effroyables quand il le vit qui mettoit fa trompe dans la po- che du laquais qui le tenoit par la main. Les petites filles ont été plus hardies , & font revenués chargées de pou- pées, dont elles font charmées. Je ne fuis pas entièrement hors de mes maux ; cependant je diffère toujours à me purger.

( I i Je fqutipn fnçau de c(ue fiayem.

JL' » O » Fit»

Je ne fai point ce que c’eft que cette biftoire du Janféniftne qu’on; imprime en Hollande ÿ vous ne m^- soadés pas H c'ell pour ou contre ^ mais je vous confeiiie de ne témoi* gner aiicone curiofîté , afié

qu’on ne puifTe vous nommer ea rien. Vous voul.és bien que je vous fafle une petite critique fur un iboè de votre . Lettre. M^ea tmtc p»i- Sitejfe , il faut ^ire , il irt à Qa ne dit -point U a bien, agi clefl; vue mauvàife façon de parier.

A Farts le 51. Seftemfrr^

J’Avois déjà dans la Gazette tou- tes les magnificences de l’entrée de M. l’AmbafTadeur ; & je n’ai pas lail* de prendre un grand plaifir au ré- cit que vous en avés fait. Pavois- commencé cette Lettre dans- le def^ fein de la faire longue ; mais je fuis- obligé de me mettre dans mon lit pour prendre médecine. Je vous écrir rai au long la première fois. Votrq- mere & tout le monde vous fàlu^

S4

4i(S Lettres de Racins L’Abbé Geneft a été é!û à rAcadé>

mie à la place de Boyer. Votre cou- lin l’Abbé du Pin a eu des voix pour lui » Ht pourra l’être une autre fois , de quoi il a grande envie. J’ai doo> ma voix à l’Abbé Geneft , à qui je m’éto^ engagé.

^ Paris te 8. OSoht,

J’Ai la tête épuifée de.toot le fâng qu’on m’a tiré depuis cinq ou fix jours , qoe je laillè à. ma femme le loin de vous écrire de mes nouvelles. Ne foyés cependant .en aucune in* quiétude fur ma Iknté ; elle eft , Diea

Iiperci , beaucoup meilleure , & j’ef* ptere êlrê'ëfi ét'aTTâtfer dans'hfuic jours à Fontainebleau.Vous favezmafîncé* irité , & d’ailleurs je n’ai aucune rai- fon de vous déguifW l’état je fuis. Soyez tranquille , & fongez un peu au bon Dieu. Eft/iàte efi écrit de Ue nain de fi femme. J'ai pris la plume à votre pere ; il eft dans fcn lit: il a ièulement voulu commencer cette Lettre > afin que vous ne vous figix*

. L s-o H Fils. 417 nflIeL pas qu'il eH plus mal qu’il n’eil : il a eu une fièvre continué' , âc pn a été obligé de le faigner deux fois : il a eu une bonne nuit , & il eft ce matin fans fièvre ; il ne lui relie plus qu’une douleur dans le côté droit ( 1 )<» quand on y touche , oit qu’il s’agite. 11 elt fort content de vos réflexions au fujet de l’établif*. fement que nous avons été fur le- point de vous donner. U nousa pa- ru cependant que le bien que cette fille vous aportoit, avoit £sit un pea«

trop d’imprelfion fur votre efprit , de que vous n’aviez pas afl*és penfé fur ce que votre pere vous avok mandé- de l’humeur ^ iaperlbnnedont ils’a^| giflbit. Je yo)s bfen, mon fila^, que-, vous ne favez pas de quelle impçr» tance“*ç^; élT

Ÿlé t c'eÛ pour taiit'œ qui nous afitiri rompre. Ne croyés point que nooSf ayons ^vèhepd^ de .n.qqa>incomeBo^ der , cela ne ndut- elt ' pas tombé- dau» fefprit d’ailiieurailiie nen». en couton guere plua-quil noos ea« cqutera. pour;, vpua faire .fubfiâe»

4i8 Lettres se Rac'ine Votre pere 'eft H content de vous^ qa’il fera toutes chofes afin que vous foyés content de lui , pourvû que Vous foyés honnête homme , & que TOUS viviés d'une maniéré qui ré- ponde à l’éducation que nous avons tâché de vous donner. Votre pere eft bien fiché de la néceilité vous nous marquez être de prendre la per- ruque ; il fouhaiteroit que vous pûf- iiez garder vos cheveux : mais il re- met cettè aflFsure au confeil que vous donnera M. l’Affibafladeur , & s’il le faut , il enverra chercher , quand il portera bien , un habile Perruquier. J’efperequ’il/ecazuétatde vous écri- re au premier ordinaire. Adieu » mon fils : fongèz à Dieu k gagner le CieL

"-uf fms Irh 6. OSohr,

: <j:’ !i »

Ctiti' 'Ltttiùr 'efi citnmtKfi pdt ttte,

■'tf ' ii't ■■ , '-'i

»

Votre pere Af nioi iommes en peine votre fiuité. Depoia ' plufieurs jours nous n’avons re$fl de

«

A S O N 1 t S. 4T9 Vos nouvelles. Il croie quelquefois que vous avez pris le parti de venir luire ici un cour : il auroit bien de k joye de vous voir ; mais il feroit ché que vous euffiez pris .cette réfo* ' lutioQ fur la Lettre que je vous ai écri* te, puifque les-Médecins le croyent' fans péril-; ils difent feulement que' fa maladie pourra; être longues eonferve toujours une petite fièvre ;; mais la douleur de côté eft beaucoup» diminuée. Nous avons pafTé aujour* d’hni une partie de l’aprés-dinée fur; la- terralTe à nous promener ; atnfii vous voyés qu’il e(t' eu meilleur dif*

" ffSBknu , il n’y- faut plus fongeri La^ profeifion de votre fœar nous embart - rafle ;jnaisil faudra bien qu’elle fou f*» fg-e avec patience ce retardement.

Jkite mêi» dt Âaciiu,- Jo-

zne perte beaucoup mieux. Dieu mer- J.efpere de- vous écrire pas prfr<H xpkr or^àaire une longue Lettre , qpii vous dédomagera de toutes -celtes que* je ne vous ai point écrites; Je fuis fort fupris de votre filence ; de cehiê’ de i\^.J^/nbapdwsr^j>ei» s’«0 faut que je ne vous croye. tous plu» ma-

S 6

420 Lettres SE R A CI MB lades que je ne l’ai été. Adieu , mo8 cher nls , je fuis tout à voua.

jt F*rit te xo (XUbrf.

;

Lettre emmemee p4T pt femmes

JE vous écris, -mon cher fils , atN près de votre pere , qui le vouloir fiûre. lui*tnêine : je l’en ai empêché , parce qu’il éfl fort fatigué de l'étné* tique qu’on Jui a fak 'prendre, & qui a eu tout te fuccés qu’on en pouvoir efpërer , de maniéré que îes Méde* cins'difent qU'il n’a plus qu’à tenir en repos , n’ayant plus rien à cram> ;dre. N’ayés point d’inquiétude fur lui : la lîenne efl, que vous né- pre- ,1 niés quelque parti précipité, qui vous 'fdetourneroit de vos occupations , êt y ne lui feroit d’aucun fbulagetnent r ii r-efpére Vous- écrire Vendredy, On lui concilie de prendre ici les eaux de Ssûnt Aroand , en attendant qu’il pui(^ fe au printems les aller prendre fur les lieux ; & fi M. l’Aml^adeur ve- soit àufli les prendre , il vous ame-

A S .0 N F I L S. - 421

roif. M. Fûiot (fit qu’if connoîc le tempéramment (]â M. de Bonrepaux , St qu’il a mat fait d' aller prendre les eaux d’Aix- la- Chapelle qpe celles de Saint Amant hii conviennent : il doit en écrire à M. Fagon. Ea/mte Récrit, df la mai» dt Racine. J’embralle de tout mon cœur M. l’Ambafiadeur. (Quoiqu’il ne fbit nullement néceflai^ te que vous me veniez voir , néant* moins M. l’ArabaiFadeur avoit quel* qtic dépêche en peu importante à- fairc paner au Roi , il fe pourroit ftire({ae rAmbalTadeur toutne- roh la chofe <f une telle maniéré , que Sa Majefté ne trouverou pas hors de; taifon qu’il vous en- eût chargé : (ti* tes-loi feulement ce que je vous man* ■de y & laifieZ'le &ire. Adieu ^ mon cher ffls j’ai bien fbngé à vous , & fuis fort aif^ que nous foyons enco*' te en état de nous voir , s’il plaît à l^ieu. Fmtdè la main dt [a femme. Ne Vous étonnez pas fi l’écriture de vo- tre pere n’eft pas bonne ; il éfl dana fon lit ; fans cela il écriroit à l’oçdi- naire. Adieu.

A SON F I S. 423 car on a en tète que ces eaax>Ià me font très-bonnes, aufli bien qu’à lui.

La profeffion de votre fœur a été retardée , de quoi elle a été fort affli- gée : elle a mieux aimé pourtant re- tarder , & que je fufle en état d'j afflfter. Je loi ai mandé que ce feroic pour la première femaine du mois de Novembre. Je ferai alors (1 près de Fontainebleau , ( i ) que d’autres que moi lêroient peut-etre tentés d’y aller ; mais faffifterai feufemenc- 4 la profefflon de votre fœur , & je re- viendrai le lendemain coucher à Pâ- tis.

Votre mere eft en bonne fanté , Dieu merci , quoiqu’elle ait pris bien de la peine après moi pendant ma maladie. Il n’y eut jamais de garde fi vigilante , ni fi adroite, avec cet- te différence , que tout ce qu’elle fai- foit , partoit du fond du cœur , Si fai- foit toute ma cônfolation, Cen eil une fort grande pour moi , que vops connoiffiez tout le mérite d’urie fi bonne mefe : & je fuis perfuadé que

Cl) Blte friioii fsof(Biii«â ki uruiluK» ée Mdim.

>E Riciirs usuelle retrouve^ mitié. & toute \t le trouve mainte* je Valincour 6t \ ot m'ont- tenu la . I e du monde ; je re autifca y parce i bougé de ma ^x-oe m a point i grands périls ; I n a été moini vi* I :e retrouver foo -cher Auteuil , & j!ai trouvécelatrès* làifonoabie n’étant pas juQe au 'il perdhj/la belle iaifon au tour ai^ CQOvaleicent, qui n’avoit pas même U voix aflêa forte pour l’entretenii Idogt^ns : ou relie il n’v a pa» un 'vtBéilleùç amî^%i un^ meilleur homme .au^anonde. -Faites mille complûnens pour moi. à M. rAmbaiTadeur ». <St à . * de ijipnnac. Je leur.fuisbien oblt*

. r^téret qu’ils ont pris à ma tnaladiè.. Je fuia auiïï.fbrt, touché de ' toutes .les inquiétudes qu’elle vous a 4Caurées.j fr'celafié coniribiiEpa» peu 8 augmenter la tendreflê que j’ai euë . ^^o«»vous toute ma vie-. vous a^âdesai wie autrefois des nouvelles.

VOus pouvez vous afn^rçr » njofk* cher fils , qrte ma faniéêft , 0i0è merci , en train de rétablir . eptié- rement : j*ai été purgé pour larder- ^

, & mes iVlédecins'oi^,prfÜ 4 congé de. moi » en me reçomniâà- dantnéàotmoins unè très- grande diét> ' te pendant quelque tems , & coup de régie dan^ mes repM jpçjié ; ' ' ' 4oQte ma vie , ce qtû ne me^tVpas. fort difficile à .obferver : Je ne.ctakn, , . . ique les tables de la maîsjel^it^ ^ trop heureux d’avoi> un préteve Viter les grands 'mpas f àuxqueu n

bien je ne prens pas un- fort

plaifir. J’ai réfblu 'même d;êere •î^-

iris le plus fouvènt que Je ^ ■* '

non-feulement pour y avoir •foin’’d4 . ,

ma fanté , mais pour n’être pcunt 'danr cette tmrribje_jfiffipatisa^_^^ft l’on pèqt''Svi{er'<rilf^'li' la^ui'ïr ^ous partirons Mardi prochain pour la profefilon de ma chere fille f que* - je ne veux pas faire languir davmta< .

> ••

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426 LeTTHES de îtA'CllTE

ge. M. l’Archevêque de Sens vett abfolumenc faire la cérémonie : j'aU' rois bien autant aimé qu’il eût donné cette cômmifllon à un autre , cela nous aurok épargné bien de l’embac* 'ras & de la dépenfe, M. Mbbé Boi^ kau a voulu auffi, malgré toutes mes inftances , y venir prêcher . jSt cela avec toute I amuié

Nous allâmes l’autre jour (Kner à Auteuil avec toute la petite famille , que M. Defpréaux régala Te mieux /du nmnde. Enfuhe il mena Lionv^ I & Madelon dans le bois de Bou/o« : gne , badinant avec eux , <ât leur dî> : fant qu’il vouloir les mener perdre r

! P pas un mot de tout ce

que ces jaqvrÆA Jjttfani^liH-dilbient f

c’eü le meilleur homme du monde* M. HeffeÎD'a un procès aflés bi^ zarre contre un Confeiller de la Cour des Aides, dont les chevaux ayant pris le frein aux dents , vinrent don- tner tête baiBée dans fon carolTe, qur l]marcboit fort paifibletnent. ^ choc t lut fi violent , que le timon du Con- f feiller entra dans le poitrail d’un des chevaux de M. Heflein , & le perça de parc en parc , en telle forte que

A SON Fils. le pauvre cheval mourut au bout d'u- ne heure : il a fait- afiigner le ConfeO- 1er , & ne doute pas qu’il ne le fafle condamner à payer Ton cheval. Fai- tes part de cette aventure à M. l’Am- bauadeur ; mais qu’il fe garde bien d’en plaifanter dans quelque Lettre avec M. Heflein . car il prend la choie

torttugimjgigigot.

ji tms U 10. Ntvmbrt,

/

J’Arrive de Melon fort fatigué. J’à- vois crû que l’air me fortifieroit , mais je crois que l’^aaleineot du câ- m*a b*>onrniip incQmmQ^gf^’yiÛ ne laiflb pourtant pas «i'allef & de venir , & les Médecins m’a(Tûrent que tout ira bien , pourvû que je fois exaâ à la diette qu’ils m’ont ordon- née , & je l’oblèrve avec une atten- tion incroyable. Je voudrois avoir Iq tems aujourd’hui de vous rendre compte du détail de la profeflion .do . votre fœor ; mais fans la flatter vous pouvez compter que c’efl; un Ange. Son efprit de fon jugement font ex-

f

423 Lettres de Racine -trémement Formés : elfe a une mé- moire prodrgieufe , & aime paRroa- nément Tes bons 'livres : mais ce qui eR de plus charmant en elfe , c'eft lune douceur & une égalité d’efprit jmérveilieufe. Votre mere & votre 'fœur aînée ont extrêmement pleuré: & pour moi je n’ai celfé de fangid- ter ; je crois même que cela n’a pas peu contribué à déranger ma fbible Janté. Ne vous chagrinez pas fi je ' ne vous e'cris pas davantage $ j*'ai bien des chofes à faire , & .en véri- té je ne fuis guère en état de fonger jtmes affaires les plus preffées. Votre mere & toute la famille vous embraf^ fs. C’eft à pareil jour cjue demain 'que voulmes baptizé,' àt que Wus fî- tes un Ferment Folemnel à J. C. defe

fertir de tout votre ’cceur^

,1

. 9

1

4. A

A son Fils. 429

i

N

ji la Mtre Sainte ThecU Racine^

Ji Tans le 11. NevenAre, .

J’Ai beaacoap d’impatience , ma chere Tante , d’avoir i’honneur de vous voir , pour vous dire tout le bien que j’ai dans ma chere enfant , que je viens de faire Reli* . gieufe. Je vous dirai cependant en peu de mots , que je lui ai trouvé l’efprit & le jugement extrêmement, formé , une piété três-Hncére , & fur- tout une douceur ^ une tranquilité d’efprit merveilleufe. C’efl une gran- de confolation pour moi , ma chere. Tante , qu’au moins quelqu’un des mes eofans vous relTerobie par quel- '1 que petit endroit. Je ne puis m’em- t pécher de vous dire un trait qui vous marquera tout enfemble , & fon cou- rage, & fon naturel.

Elle avoit fort évité de nous re- garder fa mere & moi pendant la cérémonie , de peur d’étre attendrie' du trouble noiis étions. Comme

430 LsTTitB$ DE Racine ce vint le moment il falloh qu’el* Je-embraiTâc , félon la coûtume, tou< tes les fœurs f après qu’elle eût em* braflè la Supérieure , on lui fit em- brailèr fa mere & fa fœar aînée qui étoiem auprès d’elle , fondant en lar*

igJe'r'Xcétte vûê ; elfene îaiUa

acné ver, ia..cecemnnie .aBec-ie, me< me air modefle & tranquille qu’elle «voit eu' depul^”'l8 'COtmiteiieeraent : mais dès que tout fût fini , elle fe re* tira dans une petite chambre , elle laifTa aller le cours de Tes larmes, dont elle vetfa un torrent , au fou- venir de celles de fa mere. Comme elle ètoit dans cet état on lui vint <fire que M. l’y\rchevêque de Sens l’attendoit au parloir avec mes amis & moi. jilUns , Mms , dit'Clle , il n'e/l p4s terni de pleurer. Elle s’excita elle* même à la gayeté , & fe mit à rire de la propre roiblefle , & arriva en effet en fouriant au parloir, comme fi' rien ne loi fût arrivé. Je vous avoué*, ma cbere Tante , que été touché de cette fermeté , qui me pa* roît-aflèg- au-deffus. de fon âge.

Le ierœon ide M. l’Abbé Boiteaii

â SON Fils. 431 fut très-beau , & très-plein de gran- des vérités. Tout cela a fait un terri- ble effet fur i’efprit de ma fille aînée ; & elle paroît dans une fort grande agitation , Jufqu’idire qu’elle ne fera jamais du monde : mais je a’ofe guè- re conter fiir /•«»« dfi-mmivft.

xnehs oui peuv^ny paflèr-

J oùuliUls ' 'ffe vous dire que celle qui vient de fe faire Religleufe aime extrêmement la leâure ^ & (ùr tout des bons livres , & qu’elle a une mé- snoire furprenante. Êxcufez un peu xna tendrefle pour un enfant dont je ij’ai jamais eu le moindre iùjet de plainte , & qui s’eft donnée à Dieu de fi bon coeur , quoiqu’elle fût af> ibrément la plus jolie ,de tous mes enfans , & celle que le monde auroic le plus attirée par lès dangereulès ca- reffes.

Ma femme & nos petits enfeos vous alIÛreot tous de leur refpeèt. 11 zn’efi: relié de ma maladie une dureté au côté droit , dont j’avois témoin

fné un peu. d’inquiétude : mais M.

lorin m’a affûré que ce ne feroit vien , & qu’il la feroit paflèr peu à ^ea par de petits remèdes. Du refie

43% Lettres DB ’Racims

je fuis aflez bien , Dieu merci.

Je n\i poim été furpris, jie-la-môrt de M. du FolTéÿm»i» j’en SI été très* ^toxiçhé. C’étoit pour ainfi dire , le '^plus ancien ami que j’eun^umnnJek'

tniPtiv prnfim

des grands exemples de piété qu’il ma donnes ! Je vous demande pardon d’une fi longue Lettre , & vous prie toujours de m’afiiüer de vos prières.

A S O N FILS.

'ji Paris le 17. Novembre»

JE crois qu*i1 n’eft pas befoin que j’écrive à M. l’Ambafladeur^pouT lui témoigner l’extrême plailir que I je me fais d’avoir bientôt rhonneur * de le voir ( s ). Ma joie fera com» plette , puifqu’il a la bonté de vous amener avec lui. Dites - loi qa*ii me fbroitie plus Tenfibleplaifir doiponde, fi dans le peu de _j|jgpr qu’il fera à

(t! Il trvim , MOI tue ttatvin d< fi mon qfaaue moi* «fit». ^ .

' i s b W” Fît s. 4^3*' F»is , il vouloit loger chez fftoi. Nous . trouverons moyen de le mettre fort tranqailement & fort commodément^

& du moins je ne perdrai pas un feul ^es momens que je pourrai le voir & l^tfetenir. Vons ne me trouverez pas encore parfaitement rétabli , à Vcaufe d’une dureté qui m’eft reftée' Jàii foie ; mais les Médecins m’aflU- 'irenc que je ne dois pas m’inquiéter,;

qu’en obfervam une diéie fort iexàâe ,- ceia fe dHIrpera’peu à peu. 'Comme je ne fois guère en état de faire de longs voyages à la Cour vous viendrez fort à propos pour mç. tiênir compagniejje ne vous empêche^ rai pourtant pas d’aller faire votre 60or. Je tfaVois pas beïoin Vekerti» pie de Madame la Comtéifè d^A’n* .vergne pour me modérer fur le Thé ; 'Ij’en ufe fobrement, ainfî m’enap- iportez pas. . <■

' Si M. l’AmbaiTadeur fait quelque cas de ces Mémoires dont Vous par»' lez fur la paix de Rifwik ; vous pou» vez les qchetèr. Si j’étois allez heu»; reux pour le ^oir & l’entretenir fou» vent y je n’aurois pas grand befoin â’autres mémoires pour rbilloire dtr /• T

Lettres x>b Racine Roi ; il la fait mieux que tous.les Ara* ba0adeurs ^ tous les Minières en- femble ; & je fais ou grand fonds fur Jes inftruâions qu’il a prmnis de me ^nner. Je ne crois point aller à Ver- iâilles avant le voyage de Marly : j’ai Itefoin de me ménager encore quel- qne tems , afin d’être en ^tac d’y faire «n plus long jour. Adieu , mmi cher fils. Toute la famille dans la joie, ^puis qu’elle fait qu’ellevous reverra bientôt. Tâchez , rai nom de Dieu , d’obtenir de M. l’Ambafiadear qu’fi vienne defcendreau logis.

gaasaaaaaaasasassaaaaa^aa

^ f

Dr ÎM mm Samte ThecU Rtumcj^ Aîs- dâme Raeine* '

/

CUire i Dim,.&c^

JE vous fuis tr^s - obligée , madiere nièce , d'avoir, pris la peine de nous mander vous-même des nouvelles de notrechermalade.Danslâdouleur&Ies fatigues vous étés d’une fi longue maladie , je crains beaucoup que vous (be tombiez malade aufiL pbm de

â SOK Ÿ ït B* DieacoofèrveZ'Vou» pour vos enfâns: 'Car je voia bien par l’état vous ' me mandez qu’eft mon neveu , qu’ils n^ont plus de pere (ùr la terre. 11 faut adorer les decrets de Dieu & nous y- foumettre, Que les penfées de la Foî- nous Ibutiennent. Dieu nous fQutient, lorfque nous efpérons en lui. On ne peut être plus, touchée que je le fuis de votre perte & de la mienne: prions Dieu l’une pour l’autre»

DE LA MESME.

«

Ct 17. Jifai i6ppm

t

CMn il Dia$^ &c,

JE ibis bien ailé > ma très-cbere niè- ce , du don que le Roi vous a fait» 21 n’importe guère que ce foit àvous, ou à vos enl^s : une bonne & fage Caere comme vous, aura toujours bien loin d’eux. Tout ce que je vous de- mande , c’eft de vous conlèrver : car que lèroit'ce fi vous veniez à leur flaanquer ?.Tâchez donc de vouscoa-

â

^6 Ll.TTaBï B B RaCIKS ioler & de vous fortifier en regar- <daot Dieu , qui efb le proteâeur des 'Veuves le pete des orphelins. J’ai l>eroioauifi bien que vous de me tour- ner vers 0ieu,‘(a J pour ne^as trop «slTeatir eette réparation.

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) filicaiottiitl’atti^fiiWaiitCa

437

LE T TR E S V

/

» *

DE MADAME DE MAINTENjC>»,^

Lfs Dames t sllaflre inaifm de Sainte Cyr , OH la mémoire de mon pere s' e fi cortu fervee ^une maniéré qmfast connottn corrim 'j' bien il s'itoit acquis d efiime ^fe font dorf^ la peine de chercher parmi tomes lest Lettres quelles ont de Madame de Main^ tfenon , celles^ ou H efi fitit mention de ^ lui'^. ^ & ont eu ta bonté de me^ les cornmÜhiqHèr..

Je les donne avec un)e grande fatisftSlton r elles font eTunfiyle qui fera défirer toutep>\ les Lettres écrites de la mime main, Çép^ Pâmes en ont un recueil copJfdérnÜj^^'^ > *

i.

-43»

L E T T m B t

À MADAME DE BRINOK. ^i) >.4 ChétmiUjU x8. Mâru

VQus avez raifbn de tout difpofer pour la prife d’habit de notre fille la Sœur Lalliè (a); mais comment pouvez- vous être incertaine du jour? rI*eft*iJ pas arrêté'avec celui qui prê- che , & avec celui qui fait la céré- monie ?Pour moi , je ferai également ^réte Jeudi ou Vendredi. M. Racine^ qui veut pleurer , aimeroit mieux que ce fut Vendredi, ce qui ne doit pout- tant pas vous obliser à rien changer.. AvertiiTez moi leulément le plutôt que vous pourrez.

Je n’écris point à Madame de la Maifonfort ( 3 J. Que pourrois-jé lui

( x") C*eft U même Madaire Brinon dont il eft parlé dans le moiceau des fouvtnirs de MadaHte la Comteffe de Caylua . que pai rapporté

( a ) Mademoifcl'e de Lallie avoir fait le rôle d*AC- itierus , de pat cette raifon mon Fere croyoït devoir af- filier à fa prtfe d*habit ; mais il ne pouvoit ajfiiler à oae pareille ceiéironie fans pleorex. .

^ I ) C4UC jçiêae ^erijoDM do«r le peu avoir

STB M. OTE Maimtbnon. 4^ écrire qu’elle ne fâche mieux que moi? Piûç à Dieu, qu’elle ne fôt que J. C. cr^i6é ; qu’elle pût oublier tout le; refre , & fe donner à Dieu. & à nous avec ce cœurfinceré & doux qu’elié avoit, & même avec toutes Tes pre- mières imperfeélions , que j’aimois bien mieux que celles q.ue ladévotioi» lui a données 1 - ,

Les bons témoignages que toits me rendez de Comnninauté me don- nent une grande joie. Soyez ravie Id’itre & cefpeâ^ pour l*b-

mour de Dieu , & renoncez à l’a- mour propre qui voudroit s’attirer cçs fenuroens pour lui-même. Quand je vois nos cneres filles agir en el^ prit de foi , j’ai une grande efpéran- ce qu’elles s’écablifient fur des ton dé- mens folides. Dieu veuille les bénir de plus en plus , afin qu’elles puiflèot

«lalhcumiz dant Ton biêh ^fut recommandée à Ma- dame de Maintenoii , qui |uiiroa?ant beaucoup d*e{^ prie , la prit en afiFeélion Elle vécut quelque tems à CquL , 6c enCuite entra à Saint Cyr , Ton ne faifoic pointVncorc de vœux. Comme elle écor fous fa dIrcAîoi» de M-de Cambrai , 6c couiîoe de Madame Gujon_ », Oui la veno I voir fouvent , on craignit qu'elle n'intro» duisitle Quîeiirme ù Saint Cyr. Elle eut ordre d'en fÎM> tir , 6c Te rett ra dans un Couvent ù Meaux , cü'eUelao fait h dtxeâioo de M. Boflliec . not onM vécue.

T4

r44P ' 'Lettres par leurs foins & par leurs veilles ac- croître Ton Royaume.

Je ne tous enverrai pas aujour- d’hui vos conftitutioDS M. Raci-

ne & M. Defpréaux les lilènt , les . admirent , &. y corrigent des fautes de langage.

Vous recevez mes avis cotnnae d’un Ange. Diea veuille que je vous . les donne auffi parfaitement que voua les recevez. Je fuis , &c.

DE LA MESME A MADAME

«

SS LA MaISONFORT. (l)

JE vous prie , ma chere fille , de vous fbuvenir que vous êtes Cbré- tienne & Religieofe. Votre vie doit être cachée > mortifiée , & privée de ^tous ks plaifîrs. Vous ne vous re- pentez pas du parti que vous avez cboifi ; prenez - le donc avec fes auf-

( 1 ) Cetic Lettre fat ëcitte , aînfi que la foivame , \ la ir cine rame , dont j*aî pailè dans la notte précésien* te. Comme elle avoir beaucoup d’cfpnt , Madaii:c4e J|aûi(<a(maai^(iUtoiiioiutq^u*cllèii*CDcât tioj^v

» E M. i>E Maintenon. 44.^r ^

térités &fes rUretés. Vous auriez ev plus de pfaifir dans le monde ; & fe-4 .Ion les apparences vous vous y feriezi perdue : ou Racine , en vous parlant * du ... . vous y auroit entraînée ou.

,M. de Cambrai auroit contenté ,.oiv .même renchéri fur votre déiicatellè p.

.& vous feriez Quiétille. Jouiflez donc: du bonheur de la. fhreté. Aimeriezr vous mieux que votre maifon fût plus^ éclatante que folide; & que vous fer<> viroit d’y avoir brillé ».u vousAtiez: abîmée avec elle ?

Pourquoi Dieu 'tmis a>t’iT donné: tant d’efprit & de raifon ? Croyez- ^u$ que ce foit pour dHcourir^powr- nire des chofes agréables , pour jugez' Ides ouvrages de profe & de vers»,

pour comparer les gens de mérite ^

& les auteurs le» uns aux autres>-*2f Ces delfeins ne peuvent être de~ lui^

Il vous en a donné, pour fervir u».' grand ouvrage établi pour fa^gloire:.; tournez vos idées de cecôté>’lâ,..auffî: folides que jes , autre» font fr-iwles». Tout ce que vous avez re$ô yè(l poutr le.faire profiter ;.voiis enrendrezjsomr pte. Il faut que vôtre.efpritidevienne: EU0I ümple qi^vque cœur. Que vou>-

JL ^

L B T T R B

drieZ'Toas apprendre ma çhere fille^

Je vous réponds fur beaucoup d’ex* périence , qu’aprés avoir bien ^ |

vous verriez que vpus ne (auriez rien. Vof re Religion doit être tout votre favoir ; votre temsn’ed plus à vous. 2)ieu vous a donné toute la raifon )que la leâure pourroit avoir donnée à un autre. Je le remercie de ce que vous aimez l'oraifon & l’Office. Je ne vous y vois point fans regretter de b’êcre pas Reiigiealè.

Maihteiion.

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»

A LA M E S M E.

IL ne vous efl: pas tnanvàis de vous trouver dans des troubles d’efprit. Vous en ferez plus humble, &. vous (bntirez par votre expérience, que nous ne trouvons nulle reflburce en nous^v quelque efprit que nous nyons. Vous ne ferez jamais conten- te , ma ch^e fille , que torique vous aimerez Dieu de tout votre cœur , ce que je ne dis pas par rapport à la pro-

B B Ml DE MA»?TE»Olir. 44$^, 'leflion voas êtes engagée. Salo* mon vous a dit, il y a longtem», qu’a- près avoir cherché , trouvé , & goû- 'té de tous les plailirs , il confeflbiC -que tout n’eft que vanité & affliêlioQ d’efprit , hors aimer Bien & le fervir» Que ne puis>je vous donner toute moi^ expériencé ! Que ne puis-je vous faite; voir l’ennui qui dévore les Grands ' & la peine qu’ils ont à remplir leurs ' journées! Ne voyez-vous pas que je. meurs de tri(léf& dans une fortune qu’on auroit eu peine à imaginer ; ■éi qu’il n’y. a que le fecours de Dieu qui .m’empêche d’y fuccomber ? J’as ‘Été jeune ’& Jolie j’ai goûté des-plai- firs ; j’ai été aimée par tout. Dans^ un âge un peu plusavancé, j^ai pafle- des années dans le commerce deJ’ef- pfll. ' Jé"fois vénii à la faveur , dt je TotK protefte , ma chere foie , que tous les états laiflênt un vuide- affreux^- une inquiétude, une lafotude , une- envie de connoitfe autre chofê, parée qu’en tout cela rien ne fatisfoit entie- .aemeiK. On n’efll en repos que loci^ qu’on s’eft donné à Dieu y mais avec içette volonté déterminée dont je vous parle ouel^efo». Aises on font qu’il

T 6

444 L « T T RrE S

(B- y a plus rien à chercher ; qu’on eSt arrivé à ce qui feuJ e(l bon fur la terre. . On a des chagrins , mais on a auifi -une folide coniblation > & la paix au fonds du cœuE au milieu des plus grandes peines.

Mais vous me -direz , Se^ peut-on iaire dévote quandon veut ? Oui , ma chere Fille , on le peut ; & il ne nous cft pas permis de croire que Dieu nous -manque. Cherchez. & veut treavereJ^ t iearte^àUftrte m vms l’mvrira. t -.ce font les paroles ; nnais il faut le cjiei;- -chetavec humilité & fiiaplicité. Saine Paulpouvoit bien en favoir plusqu’A- .IKioie. U vapourtant le trouver ap- prend par lui ce qu’il faut qu’il falTe. Vous ne le (aurez jamais par. vous- . même. ïi &u£ vous humilier vous 4Vez un reûe d’orgueil, que vous dé- . guifez à vous-méme fous le goût de l’efprit : vous n’en devez plus avoir.; mais vousdevez encore moins cher- cher à le fatisfaire avec un Confisf- . feur. ( X ) l«e.plu$. Ample ed le meil-

( i) Malgré cet avHcÛe me chercha pas les plus im- pies , paifqu'clîc ftit conduire pac M. âcCattbui loids a de cttfuice parJML* foiOMU

1>E, M. OtE MAlMTENOHr. leur poar vous & vous devez voue' y. roumettreenen^nt. Comment Air» monterez-vous les croix que Dieu vous enverra dans le cours de votre vie fi uo accent Norman t ou Picard vousaFTête : ou fi vous vous dégoûtez, d’un, homme , parce qu’il n’eft pas auffi Aiblime que Racine ? Il vous au* soit édifié le pauvre homme , fi vous . aviez fon humilité*dans fa maladie, I & fon repentir fur cette recherche de , l’efpric R ne chercha point dans ce iems-.là un direfüeur à la mode ; il ne vit qu’un-bon Prêtre de fikparoifle(i:)i. J’ai un autre bel Efpris , qui avoic fait de très-beaux- ouvrages , fans les avoir fait imprimer , ne voulant pas être furie pied d' Auteur til brûla tout, & il n’efi refié de lui que quelques Iragmens dans ma mémoire. Ne noos » occupons point de ce qu’il faudra- tôt J ou tard abjurer. Vous n’avez- encore guère vécu & vous avez- pourtant à renoncer à la tendrefie de votre

r 1 ) Ce Prêtre éioit depuis longicms fon Confeâèuc •tdinaiBe » fie lefot|uiqu*i U fin. Cependant il eut dans 6 deeniere maladie » degcandes obljgijiona à- l’Abbd Mleauto Pràttcaiciir) yenoitfi>oyéac luipaikt de

44$ Lettres cœur , & à ta délicatefle de votre efprit. AUez à Dieu > ma chere Fille ^ i& tout voas fera donné. AdreiTes- VOU8 à moi tant que voua voudrez. Je voudrois bien vous mener à Dieu; je concribuerois à fa gloire ; je ferois le bonheur d’ühe perfonne que j’ai toujours aimée particulièrement ; Sc je rendrois un grand fervice à un In^ ûtoc qui ae tn’^ pas indifférent.

Maintekon.

A MADAME la MARQUISE DE...

jtSaim Cyrie it 1717.

JE reconnois bien M. le Maréchal de Villeroi dans la ibilicitation qu’il a feite pour vous à M. le Duc d’Or- léans, fiuis veusen rien dire. Il en ufa de même pour moi à la mort de la Reine Mere : il demanda au Roi une penOon pour moi , quoiqu’une m’eûc jamais parlé., R vient de m’écrire fiir ce qui fe palTe , une Wtre en ftyre |tl.u« tragique que eeliiide I;.ongeçwi^

SE M. SE MAiNTEirom 447' re. Je voudrois bien être en tiers ^and vous pleurez avec Madame de Chevreufe; Tes larmes font bien fîncè>

res , & elle a grande raifon. Comment! M. Dangeau tire-t’il de l’état pré* •fenc du monde , lui qui ne veut rien blâmer'? Dieu vous a fait une grande^

S 'race en vous donnant le goât de lai blitude ; car vous êtes très-propre aul monde ; (c’eft-à-dire aa monde que' j’ai connu ). Ce n’eft pas la feule que vous ayez re$ûe de lui ; âc je ne con* sois perfonne qui lui doive tant de feconhoiflance.

Dieu veuille que la reprélèntatibn d’Âthalie fallè quelques converOons : c’eft , je crois , la plus belle pièce qu’on ait jamais vûe. Je fuis étonnée que M. le Cardinal de Noaillesnes’oppofepas à ces repréfentations faites par des Comédiens. Vous jugez bien qu’on le trouve très-mauvais à Saint Cyr.

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44? Lettre

V

TOusles avis que mm Vert dans fia Lettres àema a mon Frere’ pour fi fiùre.ala<^our de p amis & des proteSeurp, furent inutiles auu hommtquè dominoit /V mour de la filitude qm ^ fitot qu'il fut

devenu fin maître , a fit Ja monde , quoi- quil J fut fort\aimahle ^quand il était obli^ ^4 dy paraître* AL de l'orcj< continuant fis bontés pour lui , après la morrde mon Vere ^ V envoya a Rame avec VAmbaJfa^ deur de France. Il y refia peu , & ayant obtenu la permijfion de vendn/a charge . de. Gentilhomme ordinaire^ il s'enferma dans fin cabinet’ avec fis livres ^ & y a vécu jufqua ùg ans \ fins prefque aucune liai fin quiavec un ami , très^capable/à la vérité de le dédommager durefie des hom^ mes. On a bien pu aire de lui ,.bene qui îatuic bene vixit. Sans aucunetonihi* tiàn , & mème fdm celte de devenir favantt, fm feul plaifir fue de parcourir toutes leu fciences , s'attachant particsdierement anse- Bellos-Lettres , &. s’4tmt toujours contenté de lire f . fans avoir jimais rien écrie ^ on vers , ni en profe , quoiqu'il fût très- eut- fabUstéfrin > & p^ f** comoiffancn^^.

D E M; Racine l’AisneV 445^

pir/m flyle. On en peut jn^er par cette het- ■tre ijuil m'écrivit lorfjue je lui fit remHtrt le Poëme de U Rellgim pour l'examiner^ '

A Pariu ,

J’Ai votre ouvrage , rapidement à la vérité , & Amplement pow me mettre au fait du. Tout enfemble : le projet eil beau. , bien exécuté , & digne d’un Chrétien de. votre nom. J’y ai trouvé une érudition , qui me fait voir que je ne fuis point votre aîné en tout. Je ne vous parlerai paa de la verAfication : tout le monde

cpnviênt que vous favez tourner un vers ; il n’y a rien que vous ne veniez; à bout de dire en vers : il femble mê:* me que la fechereffe & l’aridité des Aie jets échauffent votre veine y & vous tiennent lieu , pour ainA dire , d’A* pollon. Le fond des chofes me fournie la peut-être pluAeurs obfervations que je vous ferai de vive voix. Je vous dirai feulement aujourd’hui, que . vous inAAez trop dans votre Axiéme chant Air la. conformité de la morale

'450 L B T T & s des Payens avec celle de l’Evangil&i Comment ces deux loix , celle de l’E-' Tangile , & la loi naturelle , ne iè> xoient-elles pas conformes , puifqu’el- KS.font tojutes deux l’ouvrage du mê- me Légiflateur. ? Mais trouverez* vous, dans la morale^des Payens , l’amour die Dieu & l’amour de la Croix , ce qui fait à la fois , & tout le pénible, & tou- te la beauté de la loi de l’Evangile ?

Je ne puis vous pardonner qu’oix aufli grand homme que Socrate vous- fâfie pitié dans le plus bel endroit de fa vie , lorfqu’il parle de ce coq qu’oik doit facriêer pour lui à Efculape. Je crains bien que voua n’ayez lâ>ceteii-- droit que dans le François de M. Da- cier : de il n’eft pas .étonnant au’uu -pareil Traduâeur vous ait indun en> erreur. Socrate ne dit point à Crhoik de facrifier un coq , mais fimpleinent » 'CritQtt , ntmt devons un coqn Efeuléspe ^ «AfxlpùoïK.Ne voyez- vous pas que c’efl une plaifanterie , & que Pla- ton , qui efb toujours Homérique , le lait mourir comme il avoic vécu , c’eft à-dire , l’ironie à la bouche ? C’étoit une façon de parler prover- biale : quand quelqu’un étoit échappé

]>B M. Racine 45^1

de quelque grand danger , on lui di*

/bit : Oh , four le cuêp vms devex,ti»eùf

0 EfaAape , comme nous difons , vous ,Mvm. mte MU ebMdeUe , &c. Voilà

tout le myftère. Socrate veut dire , Jteiu devons pourU coup mbeau ceefk Ef~

. ignlape ^ enr certninment me voilèt guéri de tous mes maux. Ce qui éfl très confor* neàl’idée qu’il avoit de la mort. Pou- vez-vous croire que la derniere paro- le d’un homme tel que Socrate ait été une fottife ? 11 y a des noms 11 refpec- tables , qu*on ne fauroit, pour ainfi di- re, les attaquer , fans attaquer le genre humain. PMvestdum efi curkati bmsinum^ <Ht fi bien Cicéron. M. Defpréaux , tout Defpréaux qu’il étoit , efiuya de la part de Tes amis des critiques trés- ameres , fur ce qu’il avoit dit de Scr- - crate dans fon Equivoque. 11 s’en fau- voit , en difant qu’il n’avoit im- moler J. C. une plus grande vi£H- me , qûe le plus vertueux homme du Paganifme.

L’intérêt que je ptens à ce qui voua Kgarde , l’emporteroit peut être fur ma parefle , & m’engageroit à vous écrire d’autres-réflexions ; mais le mé- tier de Critique eft un défagréable

452 Lbttm deM. Racine VAisne”. métier , & pour celui qui le fait , & pour celui en faveur de qui pn le fait. D'ailleurs je vous exhorte à chercbér des cenfeurs plus éclairés & moins imérefies que moi.

La manière dont il exfiùjue les derniè- res f orales de Secrote ^,efl fort sngi- nienfe , & efi peut-être véritable. Mais M.. Dacier , M. Rollin , & fur-tout Ia riponfe de Criton ^ tjoLprend ees mots dans le fins naturel , m'ont perfuadé que fess -émois pu dire ce que fen ai dit- , doutons plus que Socrate ne parlant mime dans fis derniers momens , que eCmse façon ineer- taine fur i immortalité l'ame ^ m'asoue- jours par» un homme inconcevable»^

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