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A CHARLES LABITTE

(1834-1845) AVEC UNE INTRODUCTION ET DES NOTES

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LETTRES INEDITES

SAINTE-BEUVE

A CHARLES LABITTE

(1834-1845) AVEC LWR IXTBODUCTION ET DES yOTES

Georges SANGNIER

PARIS

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LETTRES INEDITES

DE

SAINTE-BEUVE A CHARLES LABITTE

(1834-1845)

EXTRAIT DE LA CORRESPONDANCE HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE

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LETTRES INÉDITES

SAINTE-BEUVE

A CHARLES LABITTE [^(^'(^ ^ ^/-^

(1834-1845) AVEC UNE INTRODUCTION ET DES NOTES

Georges SAN6NIER

PARIS LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR

5, QUAI MALAQUAIS, 5 1911

INTRODUCTION

La figure de Sainte-Beuve est trop connue pour qu'il soit utile d'essa^'^er d'en retracer les grands traits. Disons un mot seulement du destinataire des lettres que nous publions, Charles Labitte, et des rapports qu'il eut avec lui, mot utile pour la bonne intelligence de la correspondance.

Nous ne croyons mieux faire, pour atteindre ce but, que de demander la collaboration de Sainte-Beuve lui même : le grand critique a consacré à la mémoire de son ami quelques pages qu'il fit paraître dans la Revue des Deux-Mondes en 1846, et dont nous extrayerons ci-après certains passages. Les appréciations de Sainte-Beuve sur le caractère et le talent de Charles Labitte, que nous donnerons dans cette intro- duction ou dans les notes qui l'accompagnent, offriront l'avan- tage d'un jugement exact et montreront parfaitement la manière dont Sainte-Beuve comprenait son ami.

Charles Labitte naquit à Château-Thierry en 1816 ; mais son père, qui était magistrat, étant venu s'installer à Abbe- ville, c'est au collège de cette ville qu'il fît ses études secon- daires. Grand lecteur déjà dès sa prime jeunesse, Labitte « ne se croyait pas encore voué à un rôle de critique; il eut de premiers printemps qui sentaient plutôt la poésie, et j'ai sous les yeux une suite de lettres écrites par lui dans l'intimité durant les années 1832-1836, c'est-à-dire depuis l'âge de seize ans jusqu'à celui de vingt, dans lesquelles les rêveries aima- bles et les vers tiennent la plus grande place. Les lettres sont adressées à l'un de ses plus tendres amis, M. Jules Mac- queron, qui faisait lui-même d'agréables vers ; Labitte lui rend confidences pour confidences, et il y mêle d'utiles conseils littéraires : l'instinct du futur critique se retrouverait par ce

0 INTRODUCTION

coin-là )> (1). Ajoutons que nous avons de lui plusieurs cahiers de poésies inédites agréablement tournées.

En 1834 il s'installa à Paris « sous prétexte d y faire son droit, mais en réalité pour y tenter la fortune littéraire » (2). Il adressa des vers à M™' Tastu ; à Lamartine, dont il fut très fier d'obtenir une réponse chose qui n'arrivait que rare- ment, paraît-il ; à Nodier ; à Sainte-Beuve lui-même. La réponse bienveillante (3) que Sainte-Beuve fit à ses vers l'enhardit. « Ce jeune homme de dix-huit ans, élancé détaille, et dont la tête penchait volontiers comme légèrement lassée, blond, rougissant, se montrait d'une timidité extrême ; après une visite il avait écouté longtemps, parlé peu, il vous écrivait des lettres pleines de naturel et d'abandon : plume en main il triomphait de sa rougeur » (4), nous dit Sainte- Beuve. Il composa incontinent une nouvelle pièce de vers pour accepter le rendez-vous et que Sainte-Beuve reçut trois heures après que Labitte eut pris connaissance de la lettre de son futur ami.

« Mais c'était la critique qui le partageait et qui allait l'enlever tout entier. Il s'était fort lié avec son compatriote M. Charles Louandre, fils du savant bibliothécaire d'Abbe- ville, et les deux amis avaient projeté de concert une Histoire des Prédicateurs du Moyen-Age » (5i . La rédaction définitive ne fut jamais réalisée; mais Labitte en tira des articles qu'il fît paraître plus tard dans la Revue des Deux-Mondes et la Revue de Paris. Il collabora aussi au JournaZ de l'Instruction Publique, a la France Littéraire, au Dictionnaire de la Con- versation, etc., etc. Il publia en collaboration avec Ch. Louan- dre : Essai sur C affranchissement communal dans le Comté de Ponthieu (Abbeville, 1836, in-8'').

« Après avoir été chargé quelque temps d'un cours d'histoire au collège de Charlemagne et à celui d'Henri IV, Charles Labitte avait été envoyé à la faculté de Rennes par M. Cousin (avril 1840) pour y remplir, provisoirement d'abord, la chaire de littérature étrangère dont il devint plus tard le titulaire » (6).

(1) Sainle-Beuve, Notice sur Charles Labitte, 1846.

(2) Sainte-Beuve, op. cit.

(3) Voyez la lettre I de ce recueil.

(4) Sainle-Beuve, op. cit.

(5) Sainte-Beuve, op. cit.

(6) Sainte-Beuve, op. cit.

INTRODUCTION 7

Sa thèse de doctorat ès-lettres De la Démocratie chez les Prédicateurs de la Ligue (1841 ) eut un certain retentissement ; et il fut choisi par Tissot pour le suppléer au Collège de France, dans sa chaire de poésie latine. Il donna alors à la Revue des Deux-Mondes, à la Revue, comme Ton disait, de nombreux articles de critique ; et les plus grands noms litté- raires d'alors appréciaient (et redoutaient parfois) son juge- ment, comme le témoignent les nombreuses lettres de ses contemporains qu'il avait conservées et qui nous sont parve- nues (1). Sainte-Beuve on s'en rendra facilement compte par les lettres qui suivent et Philarète Chasles étaient ses familiers (2); et « notre ami était donc en train d'attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l'intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d'avenir s'y ajoutaient tout bas (3), lorsque tout à coup il fut saisi d'une indisposition violente, sans siège local déterminé, et c'est alors, durant une fièvre orageuse, qu'en deux jours, sans que la science et l'amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appré- ciable suffisante, la vie subite lui fit faute, et le vendredi, 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu'endormi » (4). Ainsi s'éteignit à moins de vingt neuf ans ce jeune homme plein d'avenir, qui écrivait

(1) « Lorsqu'il arriva à Paris au sortir des premières études et comme tout frais encore des soins maternels, ce jeune homme de dix-huit ans, doux, modeste, rougissant, était déjà plus instruit que ne le sont la plupart après de longues années ; il avait tout lu, tout dévoré, il aurait pu s'appeler déjà érudit ; et il n'a cessé, durant les douze années qui suivirent, d'accroître, d'enrichir ce premier fonds, de le fertiliser et de le mûrir en tous les sens. Et tout cela il le faisait avec une aisance, une facilité, j'oserai dire une gaîté pleine de fraîcheur qui est le plus heureux signe des vocations naturelles. » (Sainte-Beuve, Discours prononcé sur la tombe de Charles Labitte, 23 sep- tembre 1845).

(2) « Charles Labitte était l'ami préféré de Sainte-Beuve », dit M. Léon Séché dans une note de la Correspondance inédite de Sainte-Beuve avec M. et M'"^ Juste Olivier. Voir, à l'appui de ce dire, les nombreuses protesta- tions d'amitié contenues dans les lettres de ce recueil, ou bien les bonnes nouvelles données en primeur, comme celle-ci Sainte-Beuve, revenant de Lausanne, annonce son arrivée à Paris : « Cher Labitte, me voilà arrivé ; si vous pouvez monter demain matin un moment Cour du Commerce, nous nous embrasserons. Ne dites encore à personne que je suis arrivé, n (Lettre XXIX).

(3) Charles Labitte devait se marier au mois d'ociobre 1845.

(4) Sainte-Beuve, op. cit.

8 INTRODUCTION

dans la Revue des Deux- Mondes avant vingt ans, à l'érudition et au jugement de qui Sainte-Beuve s'abandonnait volon- tiers (1) et qui à vingt-six ans professait depuis plusieurs mois déjà au Collège de France !

La publication des lettres adressées par Sainte-Beuve à Charles Labitte ne pouvait manquer d'être intéressante en raison même de la qualité de l'auteur et de celle du destina- taire.

Si Sainte-Beuve fut, comme il le dit lui-même, « volage en vers comme en amours » (2), et s'il est démontré de plus qu'il ne fut pas toujours constant dans ses amitiés (3), il faut recon- naître que jamais ses relations avec Charles Labitte ne subi- rent la moindre tiédeur, et qu'il se montra toujours pour lui ami fidèle et dévoué (4).

C'est à propos de l'envoi de vers, nous l'avons vu plus haut, que la connaissance se fit. Sainte-Beuve fut séduit par la belle intelligence de celui qui demandait à être son protégé ; et les relations devinrent plus étroites et plus intimes. Les lettres que nous publions nous montrent toute la gamme de senti- ments allant depuis la politesse bienveillante du début jusqu'à l'étroite intimité qui survient peu après, et que tout nous fait entrevoir : les appellations : Monsieur, Monsieur et Ami, Mon cher Monsieur Labitte, Mon cher Labitte, Cher Ami, Cher ; le ton de la lettre, très correct dans les premiers mois, puis dans lequel il entre un certain laisser-aller qui n'en a d'ailleurs que plus de charme et qui prouve, de toute façon, une sincérité absolue ; Vécriture qui s'efforce (sans y réussir toujours...) d'être lisible durant les premiers rapports de Sainte-Beuve et de son correspondant, et qui par la suite est souvent capricieuse, émaillée même parfois de fautes d'ortho-

(1) (1 Je vois Labitte souvent et nous tenons de grands discours' littéraires, des projets d'articles. Il m'est d'une amitié bien secourable dans tout ce tra- vail d'érudition quand il s'agit d'assaisonner le bas des pages de Port-Royal. » Correspondance inédite de Sainte-Beuve avec M. et il/"" Juste Olivier. Lettre du 20 août 1839.

(2) Voyez la lettre XV de ce recueil.

(3) Voyez l'introduction à la Correspondance inédite de Sainte-Beuve avec M. et iI7"" Jvste Olivier.

(4) Sainte-Beuve donna une nouvelle preuve d'attachement à la mémoire de son ami en choisissant ses principau.K articles de critique parus dans difiérentes revues et qu'il fit précéder d'une intéressante notice. Ces articles ont été publiés sous le titre d'^^udes- Littéraires (Paris, 1846, 2 vol. in-S"). La Démocratie chez les Prédicateurs de la Ligue a été réimprimée en 1866 (Paris, in-S").

INTRODUCTION 9

graphe que nous respecterons scrupuleusement (Sainte-Beuve n'a pas à craindre pour sa réputation), ce qui montre un défaut de lecture après la rédaction, négligence qui n'est admissible qu'entre amis ; le format même du papier à lettre qui arrive à être réduit à un chiffon de papier de 7 cm. sur 8 (1), ou de 13 cm. sur 10 1/2 lorsque la longueur de l'épître (écrite sur le recto seul) l'exige (2). Tous ces détails pourraient paraître insigni- fiants au premier abord : ils contribuent au contraire à mon- trer sous leur vrai jour les relations de Sainte-Beuve et de Charles Labitte, à établir l'intimité dépourvue de conventions qui existait entre eux.

Intimité dépourvue de conventions : voilà ce qui caractérise bien les lettres que nous publions. Nous voyons Sainte-Beuve s'intéresser aux travaux de son ami comme s'ils étaient siens ; et il sait lui-même que ceux qu'il entreprend ne laissent pas Ch. Labitte indifférent, car il y fait souvent allusion, et a recours à l'érudition de son ami pour faire des recherches pour étayer ses leçons ou ses articles (3). Il se réjouit de ses succès littéraires autant que des siens propres, il s'intéresse à tout ce qui le touche, et souffre même d'un mouvement de vivacité de Ch. Labitte envers un tiers ; il le lui reproche et en est tellement peiné qu'il se substitue inconsciemment à la victime, et termine comme pour faire la paix par ce mot parti du cœur : « Je n'en puis plus de tout ceci et mon plaisir (si plaisir il y a) est bien empoisonné. Embrassons-nous donc, voulez- vous » (4). Encore une fois, Sainte-Beuve a pu se montrer, dans d'autres circonstances et principalement vers la fin de sa vie^ plus ou moins fidèle à ses amis, plus ou moins chan- geant : ses bons rapports avec Charles Labitte, qui durèrent onze ans (de 1834 à 1845) furent constants et jamais la moindre humeur ne vint assombrir ce tableau d'intimité si étroite qu'il n'est pas jusqu'à la nature même des confidences faites par l'ami à son ami qui ne le prouve : il est même une lettre qui mettait en cause un grand nom d'alors, relatant un péché de

(1) Lettre XXIX.

(2) Lettre XXI.

(3) Voyez la note 1 de la page 8. Sainte-Beuve termine son premier volume sur Port-Royal par cette note : « ...Il ne lui est pas possible l'auteur) de publier le présent volume sans y attacher l'expression de sa reconnaissance pour trois de ses amis, MM. Charlea Labitte, Ghabaille et Louandre qui l'ont aidé d'une manière suivie par leurs conseils et leurs avertissements. ».

(1) Lettre LXX.

10 INTRODUCTION

jeunesse : nous avons la supprimer car il est sans intérêt de mettre au jour certains détails de la vie des hommes, quand ces détails, d'un ordre tout autre que celui qui les a rendus célèbres à nos yeux, ne peuvent que jeter une tâche fâcheuse sur eux et diminuer leur vrai mérite (ij.

Les lettres qui vont suivre présentent, à un point de vue plus général, un intérêt capital : un certain nombre d'entre elles, et les plus importantes comme longueur, ont été écrites par Sainte-Beuve lorsqu'il était à Lausanne et qu'il faisait ses leçons sur Port-Royal, et d'où est sorti le grand ouvrage qu'il publia par la suite. Elles mentionnent la façon dont Sainte-Beuve entrevit et réalisa son cours ; elles font préjuger de la somme énorme de travail qu'il dût déployer : recherches très nombreuses, lectures très étendues, puis coordination, condensation et appréciation, etc., etc. Aussi pensons-nous que ces lettres sont uniques à ce point de vue; et ce ne sera pas un des moindres intérêts que présentera leur lecture.

Autant que nous avons pu le faire, nous les avons classées par ordre de date; mais à peine une sur cinq porte une indi- cation complète. Nous y avons suppléé dans la mesure du possible en prenant la date du timbre de la poste, lorsque celui-ci existe ; ou bien, dans la négative, nous nous sommes aidé du texte pour indiquer l'époque approximative les lettres ont été rédigées. Parfois nous avons été obligé de faire suivre ce renseignement d'un point d'interrogation, pour bien montrer dans ce cas notre manque de certitude. De toute façon^ tout ce qui n'est pas daté par Sainte-Beuve lui-même a été mis entre crochets [ 1.

Quelques notes exphcatives nous ont paru utiles pour éclaircir le texte en différents endroits.

(1) « Les indiscrétions posthumes sont à la mode aujourd'hui. L'histoire, la grande histoire en a pu faire son profit quelquefois : mais le temps ne serait-il pas venu de poser des bornes à cette manie de confesser impituya- blement les grands hommes et de troubler pour ainsi dire le repos de ces morts illustres ? Il serait bon, je crois, de prendre son parti de laisser dans l'ombre certains côtés de leur vie mortelle. Pascal disait que le froid est agréable, « pour se chauffer » ; de même, l'ombre est utile, amassée sur quelques points, ne fut-ce que pour mieux éclairer les autres. Les grands hommes, assurément, sont des hommes, nous le savons, et par certains côtés des hommes comme nous ; mais précisément il y a tout avantage pour eux, pour nous, pour tout le monde, à ne pas les regarder par ces certains cùtés-là. » Ferdinand Brunetière, Eludes critiques swr l'histoire de la litté- rature française, V série, Les dernières recherches sur la vie de Molière.

INTRODUCTION 11

Enfin, nous avons cru bien faire d'ajouter trois lettres adressées au père et au frère de Ch. Labitte après la mort de ce dernier, ainsi que, en appendice, une lettre inédite de J. Olivier à Ch. Labitte. Cette dernière donne des détails particulièrement intéressants sur le cours que fit Sainte-Beuve à Lausanne en 4837-1838, et complète heureusement les ren- seignements que Sainte-Beuve envoyait lui même à son ami.

Georges Sangnier.

LETTRES INEDITES

DE

SAINTE-BEUVE

A CHARLES LABITTE

1834-1845

Ce 3 décembre 1834. Monsieur,

J'ai à vous remercier d'abord de la confiance si obligeante que vous avez mise en moi (1), et de cette sympathie que vous me marquez et que je voudrais mieux mériter par quelque chose en quoi je vous fusse utile. Le jugement que vous me demandez est bien grave et il ne m'appartient pas de le porter. Il faut en ce monde que chacun se décide soi-même et se déchiffre péniblement l'oracle de sa destinée, au risque des tatonnemens et des contre-sens ; mais il est bon sans doute d'entendre les uns et les autres autour de soi. J'ai lu vos vers nés d'une sensibilité vraie, avec grand intérêt, et je serai heureux d'en causer avec vous. Voulez-vous que ce soit

(1) Ch. Labitte venait d'adresser une pièce de vers à Sainte-Beuve et lui demandait ses impressions.

14 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

dimanche ? Je serai rue du Mont-Parnasse à 4 heures 1/2(1) Mille compliments.

Sainte-Beuve.

II

Monsieur Charles Labitte, chez Monsieur son père, Magistrat à Abbeville.

[5 septembre 1835].

Je ne veux pas attendre votre retour (2), Monsieur et Ami, pour vous remercier de votre aimable souvenir et de vos vers si pleins d'affection que j'ai lus, comme ceux que vous m'aviez déjà adressés, avec une reconnaissance bien sentie. Votre ami M. Clément, ne n"avant pas trouvé au passage, m'a laissé un mot mais sans adresse, de sorte qu'il m'a été impossible de réparer ce contre-temps en prenant heure pour causer avec lui. Vous allez en Angleterre et vous y êtes déjà peut-être maintenant. J'aime beaucoup ce pays, je l'ai vu il y a sept ans, en 1828, ou du moins j'ai passé deux mois alors chez des amis aux environs d'Oxford dans de délicieuses petites campagnes qui sont si d'accord avec les fraîches des- criptions des poètes anglais. Je n'ai vu Londres que pendant quinze jours, en été c'est à dire pendant l'absence de toute la gentry et nobility, pendant la fermeture de tous les monu- mens publics, seul et dans des accès de spleen que j'ai été heureux de retrouver plus tard dans une page d'André Ché-

(1) Charles Labitte accepta de grand cœur l'invitation de Sainte-Beuve (voir introduction, page 6) : et voici les impressions de sa première visite : « Il me reçut très-bien, me donna beaucoup plus d'encouragemens que je n'en vaux et il m'engagea à l'aller revoir. Il est fâcheux qu'il soit très-rarement à Paris. Je lui ai parlé de journaux. 11 m'en a beaucoup détourné, me con- seillant de travailler eucore un an ou deux, en tâchant de faire quelques con- naissances utiles et bonnes. Je n'insistai pas cette fois. Il est d'ailleurs froid au premier abord : petit, commun et fort ordinaire (ce qu'on ne croirait pas à ses livres). Je crois qu'il a peu d'élan et de spontanéité, ou du moins l'écorce est dure, il faut l'user. » i Lettre de Ch. Labitte à son père, 9 décembre 1834). (( J'ai fait la connaissance de Sainte-Beuve. Il m'a très bien reçu » (Charles Labitte à Jules Macqueron, 9 décembre 1834).

(2) De Londres.

A CHARLES LABITTE 13

nier également ennuyé et morose à Londres il était d'ailleurs secrétaire d'Ambassade; mais la pauvreté et la jfierté lui gâtaient cette position. Vous devez aimer, ce me semble, avec la nature de vos goûts, le paysage anglais, cette verdure ornée, cette vie domestique un peu agreste, les cottages ayant tous leur grand rosier qui les cache, ces bruyères fréquentes entrecoupées de jardins et de culture, les presbytères qui rappèlent (sic) le vicaire de Wakefield ou le cimetierre (sic) de Gray, les petites aiguilles gothiques si bien conservées et s'élevant dans des bouquets d'arbres ; hélas ! tout ce cadre gracieux et reposé est bien près, je le crains, d'éclater et de se rompre dans la tourmente politique que tous les efforts de la prudence humaine, très grande il est vrai chez nos voisins, ne pourront sans doute conjurer que pour quelques temps encore. Jouissez en durant votre voyage et prenez en occasion de lire ces poètes délicieux, même ceux du 18'^ siècle comme Gray, Beattie, Goldsmith, Collins, Cowper, précurseurs classiques des Crabbe et des Wordsworth. Je n'ai fait cette année d'autre excursion hors de Paris qu'une promenade de quinze jours sur la Loire jus- qu'à Nantes ; mais j'en ai ressenti de bons et poétiques effets. Vous avez eu à Abbeville, sans vous en douter peut- être, Victor Hugo qui y est passé, admirant vos vieilles pierres.

Adieu, Monsieur et Ami, gardez moi cette affection que vous me marquez et qui m'est bien précieuse, et croyez en retour à tous mes sentiments d'amitié et de dévouemen.

Sainte-Beuve. Ce 0 septembre.

III

[Eté 1836].

Pourquoi n'écririez vous pas à la Revue des 2 mondes ? Voulez-vous que j'en parle ? Il me semble que ce ne serait pas difficile d'arranger cela. Nous en causerons (1).

(1) Simple billet écrit au crayon.

16 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

IV

Monsieur Labitte.

[1836]. Mon CHER Monsieur Labitte,

On vient de me demander si je connaîtrais un Elève de TEcole des Chartes instruit suffisamment au déchiffrement des vieilles chartes et manuscrits, et aussi en histoire, pour pouvoir aller dans un château de Touraine faire un dépouille- ment d'archives précieuses jusqu'ici intactes. 11 s'agirait d'y aller pour quelque temps et d'3'^ faire un petit établissement pendant le temps du classement des pièces. Je connais l'illustre dame propriétaire de ces trésors ; et ce serait une occasion utile et agréable pour un jeune homme d'esprit et de savoir.

Tâchez d'y penser et de me dire votre avis si souvent essen- tiel.

Tout à vous.

Sainte-Beuve.

Ce lundi.

Merci du Delille.

Sauriez- vous pas non plus une place quelconque, si petite qu'elle fût, à un collège, n'importe où? chez un libraire... commis, n'importe, pour un pauvre jeune homme de ma con- naissance qui est réduit à zéro et qui mérite intérêt. Par malheur il ne sait pas les chartes.

V

Monsieur Labitte, M , (sic) rue des Maçons Sorbonne.

[9 juillet 1836]. Mon cher Monsieur Labitte,

Je viens encore vous demander un service, non pour moi, mais pour INL de Senancourt qui, du reste, ne sait rien de ce

A CHARLES LABITTE 17

que je fais. Il a mis la dernière main a une nouvelle édition toute prête des libres méditations religieuses: il n'y manque que Véditeur. Mon libraire ordinaire Renduel n'est guère dis- posé, je pense, à le prendre. Pourtant, il serait bon que le livre parût, et quelque libraire non surchargé pourrait être content d'avoir le nom de M. de Senancourt, un livre qui est sur d'un succès lent, et de plus on aurait affaire à des préten- tions fort modestes. Vous qui connaissez plusieurs libraires, M. Ebrard et autres, et qui êtes si obligeant, pourriez-vous à l'occasion vous informer et voir s'il y aurait espoir de placer l'ouvrage dont j'ai lu des pages nouvelles d'une haute beauté.

Il y a bien longtemps que je ne vous ai vu. Votre article est à l'imprimerie (1).

Mille amitiés. Ce vendredi.

Sainte-Beuve.

VI

Monsieur Ch. Lahitte, chez Monsieur son père, Magistrat,

Abbeville.

Ce 9 octobre [183G].

J'ai bien tardé moi-même, mon cher Monsieur Labitte, à vous remercier de tout ce que votre lettre contient d'amitiés et de services. J'ai été à la campagne proche de Chantilly, à peu près six semaines en tout avec de courtes interruptions et retours à Paris. Je me trouvais très-bien de ce calme nou- veau pour moi, lorsque les pluies qui ont perdu si tôt la sai- son m'ont chassé et ont gâté pour ma santé le bon effet de la campagne en me donnant sur les entrailles. J'ai fait des vers à la campagne, d'abord une assez longue pièce qui a été mise dans le l"^"^ n" de septembre du Magasin pittoresque : c'est un

(I) « Ecrivainp précurseurs du siècle de Louis XIV : Gabriel Naudé », pre- mier article de Charles Labitte paru dans la Revue des Deux-Mondes (15 août 1836).

2

18 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

genre d'Epître morale moderne (1) dont je compte suivre l'idée : une dizaine d'dpîtres comme cela feraient un volume. J'ai de plus fait un petit poème assez long, un ipcu janséniste comme vous verrez : il paraîtra aussi dans ce Magasin, dans quinze jours ou un mois : cela a plus de 700 vers et je suis tout fier d'avoir fourni en rimes si longue carrière (2). Je me suis enfin mis, remis à Port-Royal et compte en fournir aussi une bonne traite sans désemparer. Merci de tout ce que vous faites pour moi et de toutes vos peines au sujet du manuscrit d'Hecquet. Voici à quoi je voudrais que vous bornassiez vos bons soins : fixer en quelques phrases, autant que possible empruntées au texte, le but et l'occasion de ce nouvel écrit ; 2" voir si dans le détail de la polémique il n'y a pas d'indica- tion sur les personnes avec lesquelles Hecquet est en dissi- dence et sur les noms propres d'auxiliaires ou d'adversaires. Ne prenez d'ailleurs que de courts extraits ou d'ailleurs n'en prenez pas^ la matière ayant été épuisé (sic) dans le volume du naturalism.e des convulsions et dans les pièces imprimées qui en dépendent. Je ne compte pas dans Port-Royal com- prendre une histoire détaillée de cette affaire des convulsions ; je ne veux qu'en indiquer l'ensemble, et noter surtout les gens de sens, vraiment dignes de Port-Royal, qui s'en sépa- rèrent, — Je vous remercie de votre indication sur Madame de la Fayette : mon article sur elle a paru (3), et quoique j'eusse feuilleté le Menagiana, cet endroit m'avait échappé : mais j'en ferai usage à la réimpression. Ce n'est pas moi qui ai fait la revision de l'article Gabriel Naudé (4) ; c'est Buloz ou Bouzenot, j'étais à la campagne. L'article a produit bon effet. Continuez de travailler comme vous faites et d'amasser tant de connaissances positives avec le goût d'en acquérir toujours. J'ai par momens de grands dégoûts de travail dont je rougis, il est vrai que j'ai ensuite des reprises. Mais l'essentiel est dans la première forte et bonne habitude qu'on s'est donnée, et vous y êtes. Si quelques vers vous viennent, ne les repoussez pas ; vous êtes en vacances, et votre pensée peut se permettre quelques légers retours : c'est

(1) Le titre en était : Pensée d'août.

(2) Il parut dans le quatrième numéro de novembre 1836 : Monsieur Jean, maître d'école.

(3) Revue des Deux-Mondes du !•=' septembre 1836.

(4) Voyez la note de la page précédente.

A CHARLES LABITTE 19

une langue qu'il est bon de pouvoir toujours parler. Ména- gez aussi vos yeux. Adieu, mon cher Monsieur et ami ; ne restez plus trop longtemps absent, et gardez moi toujours cette amitié jeune et bonne, que je voudrais mieux recon- naître, mais à laquelle la mienne du moins répond bien entiè- rement.

A vous.

Sainte-Beuve.

VU

Mo7isieur Labitte, II, rue des Maçons Sorboiine.

[5 décembre 1836].

Mon cher Monsieur Labitte,

Veuillez me faire le plaisir de venir dîner chez ma mère dimanche prochain à 5 h. 1/4, sans cérémonie. Je vous remercie bien de vos aimables vers. Je n'ai toujours pas vu M. Daunouqui d'ailleurs nous serait de peu de secours. Buloz n'a presque rien pour son prochain n" : vous pourriez le voir pour retenir place. Tout à vous d'amitié.

Sainte-Beuve. Ce lundi.

VIII

Monsieur Labitte, 11, rue des Maçons Sorbonne.

[1836 ou 1837].

Mon cher Monsieur Labitte,

La remie se composera de Souvestre, Quinet, un article politique, Mignet, Planche, Guizot, moi peut-être : ainsi ne

20 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

VOUS inquiétez pas de votre épreuve. Ce retard peut servir à qque chose. A propos des Templiers, Madame Guizot a faire des feuilletons signés P. dans le piibliciste, elle doit être bien et caractéristique de jugement et à opposer à Geoffroy, qu'elle a peut-être combattu. Il faudrait les retrouver dans une collection du publiciste. Au pire on pourrait faire deman- der à M. Guizot le recueil qu'il en a. Si de plus vous vouliez reprendre et me confier votre épreuve, je pourrais vous indi- quer peut-être qques petites suppressions possibles au com- mencement.

A vous.

S.unte-Beuve. Samedi.

IX

Monsieur Làbitte, 11, rue des Maçons Sorbo7i7ie. Paris.

[1836 ou 1837)-

Mon cher M. Labitte je regrette bien d'avoir été sorti ce matin. Remerciez bien M. Guénard pour moi, je ferai en sorte de lui écrire. Quant à la réimpression de Valérie, la question est difficile. Madame de Krûdner a un fils, M. Paul de Krûd- ner, qui est dans les ambassades russes; on saurait à l'ambassade d'ici. Son autorisation est-elle nécessaire ? pourrait-il se prévaloir d'un droit de propriété ? Le mieux serait de s'assurer de son consentement ? le malheur c'est que ces pauvres russes sont si dépendans de l'autorité que dès qu'on les interroge sur Madame de Krûdner ils restent muets et ne répondent pas n'ont rien entendu. Le fils serait peut- être comme les autres. J'ai revu Madame de R. et j'ai donné votre adresse pour que Madame de la R. puisse vous écrire directement.

Pas de remerciemens entre nous, c'est bien moi qui vous en devrais de reste. A vous.

Sainte-Beuve.

Ce 8.

- A CHARLES LABITTE 21

X

Monsieur Labitte^ 11, rue des Maçons Sor bonne.

[Début de janvier 1837].

Mille remerciemens de tous vos bons soins et aussi de la part de ma mère de votre cadeau si crustiUant. Je vous reparlerai pour les ofires de M. Olivier. Voici le n^ de Naudé qui me tombe juste sous la main. Je suis tout à vous pour le Rajnouard (1). A bientôt et mille amitiés.

Sainte-Beuve. Ce vendredi matin.

XI

Monsieur Lahitte, n^ 11, rue des Maçons Sorhonne^ Paris.

[4 mai 1837].

IMon cher Monsieur Labitte, en y réfléchissant il me semble qu'il vaudrait mieux ne pas citer Nisard et ne pas le prendre à partie dans cette phrase. Vous pourriez à propos du derrière dont Voiture ne craint pas de parler, et en disant que si poli et si factice de quintessence que soit un petit monde on est toujours de son siècle, naturam expellas furcà; rappeler que Louis XIV, le majestueux, recevait même des ambassadeurs, je crois, ou du moins des grands seigneurs, sur sa chaise (percée).

Il faudrait, ce me semble, dire vers la fin à propos de ces

(1) Article de Labitte publié dans la Revue des Deux-Mondes du 1" février 1837.

22 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

querelles : « Ainsi les funérailles de l'homme le plus poli furent célébrées par des cuistres en colère ; passe encore quand ce n'était que Sarrazin, le spirituel émule ; mais Cos- tar, mais Girac ; ce fut le commencement de cette longue injure qui n'a cessé de peser sur la mémoire d'un esprit char- mant et gâté, sur une mémoire que nous n'avons eu nul dessein de relever, mais que nous avons voulu éclaircir (1). » Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

XII

Monsieur Labittc, 11, rue des Maçons Sorbonne.

[Mai? 1837].

Mon cher Mons. Labitte, j'ai bien du regret de la peine inutile que vous avez prise hier et «l'autre jour. Veuillez, quand vous passerez cour du Commerce, forcer la consigne pour que je vous dise bonjour. Je n'ai pas encore eu le Jas- min (2) qui est prêté, pour le faire lire à M. Dessalles. Je suis de plus en plus contrarié car par suite de Maupratl]e Mille- voye{3) court risque de ne pas passer. Voici le Tliurot dont F. Denis vous a parlé avec prière d'une petite note. Merci du magasin que j'ai tant gardé (pardon je le garde encore !) Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

(1) Cet article sur Voiture et dont Ch. Labitte était l'auteur parut dans le numéro du 9 juillet 1837 de la Revue de Pans.

(2) Voyez la Revue des Beux-Mondes du 1" mai 1837.

!3) Il ne parut, dans la même revue, que le 1" juin 1837.

A CHARLES LABITTE 23

XIII

Monsieur Labitte, 11, rue des Maçons Sorhonne.

[Juin 1837].

Cher Monsieur Labitte,

Voici enfin cette revue pour M. Dessalles. Elle me rentre seulement. Excusez-moi près de lui, et ayez la bonté de le prier qu'il vous la fasse remettre après l'avoir lue car vous savez que YAchéron est avare et qu'on n'est pas prodigue de n°^ Et vous ! dites moi bonjour au passage, et notre monsieur de S'-Louis, est-il capable ? Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

Vous savez que l'Edition paraît sans notre Millevoje (1).

XIV

Monsieur Labitte.

[Juin-Août 1837].

Mon cher Labitte,

Merci pour vous et pour M. des Salles des deux volumes, il ne me reste plus qu'un scrupule, c'est sur l'opinion que vous m'avez exprimée d'après M. des Salles que Jasmin arrangeait souvent le patois à sa guise. Une personne d'Agen même et qui sait très-bien ce patois particulier m'assurait encore hier que Jasmin 3^ était très-pur et en observait fidè- lement le peu de règles. Je voudrais savoir en quel sens pré- cis M. des Salles lui reproche de ne pas faire sur ce point ce qu'il faudrait, ce qui se pourrait pour rendre ce patois plus digne de sa langue première. Dans les pièces non politiques, il emploie les mots dans leur vraie acception et leur grâce

(!) Voyez la note 3 de la page précédente.

24 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

native : le vocabulaire est excellent. Est-ce par rapport aux cas, aux temps, qu'il pêche ? mais il paraît qu'il observe le reste de règles comme il est d'usage dans le pays d'Agen. Si vous pouviez, d'un mot, éclaircir cete difficulté de M. Des- salles je lui serais et vous serais, mon cher Frœsidium et auxi- Ihim, très obligé comme déjà.

Sainte-Beuve.

XV

Ce 4 [septembre 1837].

Mon cher Labitte, M. Louandre (1) dit à ma mère qu'il vous écrit et j'en profite en toute hâte. Je suis ici depuis 3 jours ; plusieurs choses m'ont rassuré. J'imprime mon petit volume de vers (2), chez Renduel d'habitude : ce sera fait dans trois semaines et paru dans le mois, s'il veut. Je n'ai plus qu'une pièce finale à rimer, et j'ai demain l'épreuve de la première. Je suis de plus bien en anxiété, ayant à répondre sur un point grave : irai-je cet hiver professer durant 7 mois (du ie"- novembre au 31 mai) à l'Académie de Lausanne un cours sur Port-Royal ? c'est ce qu'on (3) m'offre de négocier presque à coup sûr, si je consens sérieusement. Je suis tenté, je suis effrayé, je me rejette dans Paris que je détestais comme en un lieu chéri. Je ne sais trop encore ce que je dirai, et il faut que je réponde demain. Le grand avantage serait de revenir de sûrement, avec le livre, sinon fait, du moins entièrement bâti ; il n'y aurait plus que les finesses de st3-le et d'érudi-

(1) Le nom de Louandre sera souvent cité dans ce recueil de lettres. à Abbeville en 1812, Charles Louandre fut attiré d'abord vers la poésie : mais il entreprit bientôt des travaux d histoire, d'économie politique, d'archéolo- gie, de critique littéraire ; traduction des œuvres complètes de Tacite, de la Guerre des Gaules de César ; éditions, avec introductions et annotations, des grands classiques du xvii= siècle : collaboration îi la Revue des Deux-Mondes, à la Revue de Pari:^, etc. ; rédaction en chef du Journal de l'Instruction publique, etc. Etroitement lié avec Charles Labitte dont il avait été le camarade au collège d'Abbeville, il devint ainsi l'ami de Sainte-Beuve.

(2) Pensées d'août.

(3) Juste Olivier, de Lausanne. Voyez la Correspondance inédite de Sainte Beuve avec M. et i/"» Juste Olivier..

A CHARLES LABITTE 25

tion à y ajouter. De plus, comme de loin, j'aurai, en tout cas, grand besoin de vous pour ce cher Port-R.oyal, auquel je finirai par me consacrer aussi sérieusement que votre amitié le désire et que mon véritable intérêt le commande, mais le diable, c'est d'être poète et volage en vers comme en amours à travers ces études qui veulent être graves et sans relâche. Comment êtes-vous bas sous ces vieux ombrages qui ont caché jadis de si jeunes amours ? Jehan de Saintis vous est-il apparu, dans quelque manuscrit du moins ? Avez-vous fait quelque trouvaille de Communes (1), à défaut d'un joyau che- valeresque ? dites moi quelque chose ; et aussi, si la noble châtelaine d'Ussi y est en ce moment, veuillez me rappeler respectueusement à elle.

Adieu, mon cher Antiquaire, et partout croyez moi à vous tout entier,

Sainte-Beuve.

XVI

Monsieur Lahitte, 11, rue des Maçons Sorbonnt.

Ce Dimanche [1837]. Mon cher Labitte,

Je suis tout à vos convenances pour ce diner d'aimable pers- pective. Excepté demain lundi, je suis libre les autres jours. Choisissez donc et faites que vos amis puissent y être, car il me sera bien agréable d'y retrouver M. Ravaisson, et d'y faire mieux connaissance avec M. Leudière (c'est je crois son nom). Je commence à entrer dans mes préparatifs de départ, et à descendre cette pente sombre. Encore quelques bonnes heures du moins avec vous, Vôtre

Sainte-Beuve.

(1) Charles Labitte venait de publier dans les Mémoires de la Société

d'Emulation d'Abbeville. en collaboration avec Ch. Louandre : Essai sur le

Mouvement comiminal dans le Ponthieu. Mém de 1836-1837. V. intro- duction.

26 LKTTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

XVII

Monsieur Ch. Lahitte, chez Monsieur Làbitte, magistrat à Ahbeville.

Lausanne ce 27 octobre [1837]. Cher Labitte,

Me voilà arrivé, installé presque, et à l'ouvrage. J'ai trouvé ici d'excellentes personnes et une obligeance désintéressée, infinie. Il faut cela pour rendre tolérable labsence de tant de choses et d'amis qui sont ctiers. iVu fond soyez bien assuré que je ne m'en distrayerai jamais. J'ai presque fait mon dis- cours d'ouverture qui aura lieu le 6 : mais il n'est pas encore écrit. Je vois déjà une quantité de petites questions sur les- quelles votre amitié et votre érudition me seront indispen- sables. Voulez- vous que je vous pose tout d'abord quelques- unes de ces questions. Ne répondez qu'à celles que vous aurez un peu sous la main : ce sont des curiosités, après tout, plutôt que des nécessités de mon sujet.

1. Y a-t-il dans Pierre Corneille, dans sa vie ou dans les vers chrétiens, quelque trace de liaison avec Port-Royal, ou du moins avec Arnauld d'Andilly, son contemporain et rival en vers dévots?

2. Quel est le passage de la Clélie de Mademoiselle de Scudéry qui fait l'éloge des solitaires de P.-R. et qu'on se passade main en main au dire malicieux de Racine dans ses petites lettres contre Nicole? l'éloge doit être sous des noms empruntés.

3. Y a-t-il dans Fontenelle quelque pièce, lettre, etc., relative à Port-Royal ? dans ses éloges a-t-il eu à louer quel- que notable janséniste ?

4. Dans Lamotte il y a une lettre du 1" janvier 1714 adressée à Fénelon sur la grâce ? n'y a-t-il que celle-là? Vou- loir bien l'analj^ser ou en extraire des passages. Quelles étaient les opinions religieuses de Lamotte ?

A CHARLES LABITTE 27

5 . Dans l'ouvrage de Joseph de Maistre sur les libertés gallicanes qui est imprimé (2* édition) à la suite des considé- rations sur la Révolutio7i française, il y a un violent et furieux passage contre Port-Royal et Pascal ? pourriez-vous m'en copier le principal.

6. Quel est le titre exact de l'ouvrage de M. de Sacy, l'orientaliste, sur les principes généraux, les langues de l'Orient.

7. Camus de l'assemblée constituante, le janséniste, était-il prêtre ou d'une congrégation religieuse ? a-t-il écrit ?

8. Au tome 12 des ouvrages de morale et de politique de l'abbé de S'-Pierre, il doit se trouver (je ne sais comment) un jugement de Nicole sur Madame de Longueville. Vouloir bien me le transcrire et m'indiquer comment cela se trouve inséré.

Voilà bien des questions, cher Labitte ; j'y joindrai la prière de me trouver de chez Patin une petite vie de Rollin que vous remettriez à ma mère pour joindre au prochain envoi. Pourriez-vous aussi savoir s'il n'y aurait pas moyen d'avoir un 3e et un 6^ volume de Tallemant (j'ai les deux pre- miers et les 4 et 5 ne contiennent rien, ce me semble, sur P.-R. et ses personnages). C'est Levavasseur qui est le libraire. Pourriez-vous vous informer si on pourrait retirer les volumes à part et combien ils coûteraient, comme pour libraire. M. Ollivier vous rendrait peut-être le service et à moi.

Il a bien voulu m'envoyer la veille de mon départ 3 exempl. de Valérie ; j'en ai fait don aussitôt, et n'ai qu'eu le temps d'entrevoir votre amicale préface.

Je suis toujours fort bousculé bas pour ces.... (1). Pensées : c'est bon signe, je ne croyais pas que cela paraîtrait si neuf. Pourtant je sens bien l'inconvénient de ne tenir à rien, d'être sans position à part et sans place forte dans cette anarchie. Je voudrais avoir ne fut-ce que Pont-de-Cé ou le Havre comme M. de Pongerville pour me moquer des mazarins ou de ceux des halles. Mais je n'ai réussi qu'à être un arbre en plein vent. Je doute que Lausanne fasse de moi un espalier.

(1) Un fragment de la lettre manque.

28 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

Adieu, mille bonnes amitiés et tout à vous de cœur. Ami- tiés à tous aussi, à M. Ravaisson, etc.

Sainte-Beuve.

Dites moi ce que vous faites.

XVIII

Monsieur Charles Labitte.

Lausanne ce C novembre 1837. Cher Labitte,

Je vous écris encore comme à mon secours. Ne vous donnez pas la peine de me répondre sur Camus : j'ai trouvé ici tout ce qu'il me faut dans la Biographie. Mais voici du mieux :

1. Voudriez-vous voir dans les Mémoires latins de Huet Commentarius de rehus ad seipsum pertinentibus, à la table qui est bien faite, s'il ne dit rien d'Arnoldus de Fortus-Regius de Sancycianus, enfin s'il n'a pas eu qque relation avec P. R. et lesquelles.

2. Il y a, si je ne me trompe, dans Narville (mémoires) une phrase sur le style grand et étendu, à Vespagnole, de d'Andilly : pourrais-je l'avoir de vous?

3. Il doit y avoir dans la correspondance de Ninon et de S^-Evremond un endroit sur le comte de Grammont qui se convertit. Ceci m'intéresse, car le C'^ de Grammont tient par sa femme à P.-R. En vérité ! et s'il s'est converti, c'est que le petit doigt de P.-R. était : il y a une petite édition de cette correspondance de Ninon et de S'-Evremond édi- tion de Léopold CoUin, 1806, in-d8.

Mille remerciemens de tout ce que vous ferez et pour tout ce que vous ne trouverez pas.

4. Il doit y avoir encore dans les plaidoyers de Patru un plaidoyer contre Antoine Arnauld pour une abbaye, voudriez- vous seulement vous assurer du fait et m'indiquer la date et en gros le sens du plaidoyer?

5. Y a-t-il eu quelque chose comme une histoire litté-

A CHARLES LABITTE 29

raire des jésuites, un livre Ion trouve un peu l'histoire de leurs littérateurs du 17° siècle et du 18", Bouhours, Tourne- mine, Rapin, etc ?

6. Y a-t-il eu une vie à part de Bourdaloue. Vouloir bien me l'indiquer.

Je suis bien reçu ici et j'y trouve de bien bonnes gens et des hommes de mérite. On y sait beaucoup ; la bibliothè- que y est bien fournie, et toutes les choses essentielles 3^ sont. Mais ce qui me manque c'est vous, Paris et les anciens amis, et les libres habitudes et le loisir vague et rêvant. Nous y reviendrons.

J'ai rencontré dans une soirée M. de la Tour-du-Pin-Gou- vernet, des amis de Madame de la Rochejaquelin : elle n'est pas de retour et ne le sera guère peut-être de longtemps. Je ne pourrai d'ailleurs voir que bien peu et bien rarement du monde : tout mon temps est pris. Je sortirai de fort vrai- ment sur Port-Royal. A partir de ma seconde leçon, j'impro- vise et me livre à toutes chances en plein sujet; je n'aurais pas le temps d'écrire d'ailleurs, et la nécessité fait loi (1).

Je viens de faire ma 1" leçon ; cela a assez réussi et j'ai lu distinctement et assez à l'aise ; c'est maintenant des sui- vantes qu'il s'agit. Si Rendue! le trouve bon et si Buloz s'en accommode, je donnerai à ce dernier mon discours pour la revue : mais il s'en souciera peut-être peu à cause de tous les complimens de nécessité et de convenance au Conseil d'Etat, au Recteur, etc. toutes choses essentielles et qui ne peuvent se supprimer à l'impression. Or cela attirera à Buloz et à votre serviteur les quolibets des petits journaux ; et Buloz tient à ce que ses articles aient du succès (2).

Un mot encore de service à me rendre. Si M. Ollivier, le libraire, a réellement cru qu'il devait donner pour Valériz quelque chose comme 100 francs, ce me serait d'un mer- veilleux secours qu'il vous les donnât pour payer bas de petites dettes que je vous dirais. Négociez ceci avec votre discrétion.

Bonjour, cher Labitte, amitiés à ceux qui vous parle-

(1) La lettre a été interrompue en cet endroit. Ce qui suit est d'une écri- ture un peu dilïérente.

(2) Buloz publia tout de même le discours d'ouverture de Sainte-Beuve. (Revue dea Deux -Mondes du 15 décembre 1837.)

30 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

ront de moi, et un mot sur vos travaux, sur ceux des autres.

Du fond du cœur,

Saixte-Belve.

XIX

MoTisieur Labitte, rue des Maçons Sorborine. Paris.

Ce mardi o décembre 1837].

Mon cher Labitte,

Je vous écris, sans trop d'espoir que cette lettre vous trouve à Paris, mais à tout hasard. C'est comme à l'ordinaire pour un service que je ne puis demander à personne autre. Il s'agirait de prier Buloz (en lui montrant ce mot) de vous donner 25 francs qu'il mettrait sur mon compte ; vous vou- driez bien porter ces 25 francs chez Madame Ladame, la maî- tresse de mon hôtel cour du Commerce 2, en lui disant que je la prie de les garder jusqu'à ce que Mademoiselle Cantor (qu'elle connaît bien; vienne les lui demander et les prendre d'elle. Vous voudriez bien ne dire mot de tout ce détail à ma mère. Voilà qui est bien. J'ai vu Madame de La Roche- jaquelin qui m'a dit que vous étiez dans un château de Picar- die : vous aurez reçu de moi bien des demandes ; ne répondez qu'à celles qui sont à votre portée immédiate sans vous occuper des autres. Je suis content de mon cours ; j'en suis à la 13' leçon ; seulement je suis un peu fatigué de parler ; et il me faut garder le silence en détail pour faire des économies de voix à dépenser dans cette grande heure. Comme j'ai leçon demain, je ne puis que vous dire ce peu de mots, vous serrant la main bien cordialement. A vous de cœur,

S.unte-Beuve.

A CHARLES LABITTE 31

XX

Monsieur Ch. Labitte [i).

iMi-décembro 1837].

Bonjour, cher Labitte ; ne vous donnez pas la peine de me chercher le passage de Clclic; je l'ai trouvé ici. Ne cherchez rien non plus sur Corneille, j'ai fait toute cette partie déjà et avec soin. J'ai trouvé ce qu'il fallait. dites-moi, savcz-vous et sait-on de qui est la préface en tète de l'Edition in-folio de Balzac, cette longue préface sur lui et sans style. Je suis à ma 17'" leçon, et devenant très fort je vous assure : mon livre se fait.

Amitiés.

Sainte-Bkuve.

XXI

Monsieur Labitte.

Ce 29 décembre [18371.

Cher Labitte, merci de toutes vos bonnes indications et nouvelles. Je suis bien et tout au travail qui doit ensuite me

(1) Madame Sainte-Beuve qui avait (ait rcmotlrp cotte lettre à Ch. Labllte avait écrit en tête ce qui suit :

« Je regrette de n'avoir pas trouvé lo livre du 10* siècle de jacob. quo vous aviez demandé.

Dans la lettre de Sainte Beuve il me dit :

« Buloz m'écrit qu'il dirait A Cousin son fait. Cousin n'a pas afji précisé- ment contre moi, mais il a dit de cis pctid^ wo/s porfidt>s et malveiilans qui vont li'ur chemin ot font trou à polit bruit dans l'esprit des gens. »

Madame Sainte Beuve souhaite lo bonjour k Monsieur Labitte, elle lui envoyé un petit extrait de la lettre de son lils. »

32 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

ramener à Paris et à vous. Ne dites pas que je vis pour moi ; je sens bien le besoin des autres et le souci de vous. J'aurai un vif bonheur quand je me retrouverai à ces habitudes d'au- trefois. J'ai fini ma 22' leçon ; tout est écrit. J'ai fait le Poljeucte de Corneille, le S'-Genest de Rotrou ; François de Sales, Balzac, un peu Vauvenargues (dans une parenthèse) en fait de littérature pure que j'ai rattachée à mon sujet. J'en suis à l'année 1643 au livre de la fréquente communion d'Amauld. Mon grand résultat jusqu'ici a été la figure de M. de S^-Cj^ran que je crois avoir posée et réhabilitée (comme on dit) d'importance. Ronsard et lui me seront un jour égale- ment imputés. Je vois qquefois Madame de la R. (1) trop peu pour le plaisir que j'y aurais, mais la fatigue des yeux ou de la poitrine est impérieuse le soir et il faut aller au lit pour être à l'œuvre dès 6 heures du matin. Mille amitiés à nos amis. Si M. Ravaisson voulait adresser au Semeur son livre avec l'adresse et un mot pour M. Vinet (2), tôt ou tard il en ressortirait un article. Il devrait aussi l'adresser pour la bibliothèque universelle de Genève à M. Adolphe Pictet (3) qui en écrirait à Genève : je prends ceci sous mon bonnet, mais presque à coup sûr. Amitiés à M. Chabaille (4) avec qui je retravaillerai un jour. Vous, cher ami, menez à bonne fin toutes vos études si vastes et les doctes matériaux. Bien des choses à M. Louandre. J'écris deux mots à Buloz. Quant aux 100 francs voici ce que je voudrais : vous auriez la bonté de remettre 10 francs à Céleste la bonne de ma mère pour étrennes de ma part. Vous auriez la bonté d'envoyer ou de porter 40 francs à Madame Vergue rue des Poitevins 5, de ma part avec complimens pour remettre à M. D. elle saura bien qui. Vous remettriez les 50 autres restans à M. Toulouse libraire rue du foin S^-Jacques 16, ou 6, pour acoinpte de ce que je lui dois. Voilà bien des soins. Quant aux Talle- mant, il s'agirait simplement de mettre sous bande les 2 ou 3 volumes en inscrivant dessus et déclarant le nombre des feuilles d'impression et de me faire arriver par la poste. S'il

(1) Madame de la Rochejacquelin.

(2) M. Vinet était professeur à l'Académie de Lausanne.

(3) Officier supérieur d'artillerie dans l'armée suisse, il publia des travaux d'histoire et de linj^uistique.

(4) Compatriote abljevilloisde Charles Labitte (1796-1863). Il a publié entre autres : Roman du Renart, suppléinent, variantes et corrections (Paris, 1833).

A CHARLES LABITTE 33

fallait payer le port, et aussi pour le prix du Tallemant (auquel je ne pensais pas) vous prélèveriez sur les 50 francs de M. Toulouse à qui alors vous ne remettriez que ce qui resterait, 30 ou 40, etc. Mille pardons, mille remerciemens, mille vœux du cœur, mon cher Labitte.

Sainte-Beuve. Vous m'écrirez encore bientôt.

XXII

Monsieur Labitte.

[Janvier 1838]. Cher Labitte,

Ceci est pour vous dire un court bonjour comme toujours tant j'ai peu d'instans. Je serais heureux d'un mot de vous si court qu'il soit, ne vous croyez pas tenu pour m'écrire d'avoir répondu à mes questions. Ecrivez toujours, ne serait-ce que pour me dire comment vous êtes.

Si M. Olivier a vu difficulté aux dOO francs, dites-le moi, et n'en parlons plus : je crains d'avoir eu tort de le remettre dessus, il ne s'y attendait peut-être plus.

Quant au Tallemant, dans aucun cas ne l'envoyez par la poste. Je vous ferai dire un moyen prochain et moins coûteux.

Je ne vois pas mal et en suis à Pascal; mais ne voyant ici personne qu'en masse à mon cours, et en idée à Paris.

Que faites-vous ? Et Chabaille, avec ce bouleversement de comités ?

A vous.

Sainte-Beuve.

34 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

XXIII

Monsieur Labitte, 11, Rue des Maçons Sorbonne, Paris.

[Février 1838].

Mille remerciemens, cher Labitte, de tous vos bons soins ; je les sens mieux que je ne vous le dis, et j'en profite comme d'une chose toute simple, tant je compte sur votre amitié acquise. Je suis si absolument occupé que vous ne pourrez avoir de moi que des bouts, ainsi aujourd'hui je suis plongé dans Montaigne qui m'a tiraillé avec toutes ses diversités plus qu'il n'a jamais fait aux humains ; il jouirait bien s'il me voyait, moi l'ami et le champion de Pascal contre lui, ainsi en peine et en perplexité à son sujet. Il faut en trois jours tirer de lui quelque chose de coordonné, de nouveau un peu, de vrai pourtant ainsi je n'ai perdu aucune occasion de droite et de gauche, d'élargir mon sujet ; je vais au fond et aux pièces importantes; les détails d'érudition curieuse se retrouveront à Paris. Montaigne fait (que je trouvais au seuil de Pascal), je vais pousser celui-ci et vivre bien des jours à ses dépens. J'ai fait 30 leçons ; ce n'est pas la moitié. Tout est écrit, mais j'improvise devant mon cahier, avec variations. Je ne vois personne qu'en masse à mon cours ; je suis si bas ou de poitrine ou d'yeux alternativement qu'il me faut coucher d'ordinaire à 8 heures. Je n'ai pas vu Madame de La Roche- jaq. depuis un mois et ne sais de quel portrait il s'agit. Si gâté que vous prétendiez que je suis, je ne vis pas, je travaille, la vie est ajournée à là-bas. J'ai à me louer beaucoup de l'at- tention sérieuse et bienveillante d'une portion du public, des dames surtout ; en somme je dois être profondément recon- naissant à Lausanne, mais mon vœu est vers Paris, et je compte les minutes. Voilà le vrai. Je ne puis espérer, malgré mon désir, de faire un article pour Buloz ; même ceux qui sont faits comme Montaigne ou S' François de Sales ou Balzac, me demanderaient pour être recopiés et condensés, plus de temps que je n'en aurai eu tous ces trois mois. Il n'y a plus

A CHARLES LABITTE 35

un seul jour de congé jusqu'à la fin. Point de Pâques ici, ce n'est qu'un dimanche. Il faut aller sans débrider. Vous avez été bien aimable pour le discours si bien corrigé aux épreuves et pour cette note en tête, merci.

Quant à Planche, je ne lui en veux aucunement, mais je trouve qu'il a abusé du ton, et que de plus, dût-il arriver aux mêmes conclusions, il n'a pas pris la peine, vers la fin, de comprendre ma méthode de style en poésie. Or, si des criti- ques artistes ne le font, qui le fera ? rassurez-le au reste sur ma disposition qui ne tiendra pas à notre première ren- contre (1). /.

Ce S'-Evremond peut-être est à l'ancien cabinet de Madame Vergne, mais ce n'est plus que par curiosité, car j'ai passé l'endroit.

Si vous avez les Tallemant, voudrez-vous les faire remettre à M. Toulouse libraire rue du foin S^-Jacques, ^6 ; il a qque chose à m'envoyer dans peu de jours.

Je vois les nouvelles de Paris par les journaux que je lis très en l'air; la comédie me paraît plus grosse à distance. Michel Chevalier et la Rue jouant au volant dans les débats avec des balles de plomb, et tutti. Pourquoi Michelet n'aime-t-il pas mieux être de l'académie française ; je l'aime- rais mieux (2). Je regrette bien le cours d'Ampère sur les troubadours et nos géorgiques de Patin. Enfin l'exil finira. Que fait Lamartine ?

Aimez-moi, cher Labitte, et écrivez-moi quand vous le pourrez à travers tous vos travaux ; faites vous encore la classe pour M. Pilon ? Amitiés à M. Louandre, à Chabaille, Ravaisson, Buloz, Planche, etc.

Votre

Sainte-Beuve.

Puisque les 100 fr. viennent, vous serez bien bon d'en faire les petits emplois./. Adieu.

(1) La Revue des Deux-Mondes du V octobre 1837 avait publié un article de Planche : Pensées d'août, par M. Sainte-Beuve. Le 1" novembre suivant un anonyme taisait paraître : Réponse aux critiques des Pensées d'août de M. Sainte-Beuve.

(2) L'on sait que Michelet entra à l'Académie des Sciences Morales.

36 LETTRES INÉDITES DE SAINTE BEUVE

XXIV

Ce la Mars [1838]. Cher Labitte,

Je vous accable. Mais à qui m'adresserai-je sinon à vous pour certaines choses toutes de confiance ? Veuillez mettre cette lettre ci-incluse à lapetiteposte de manière qu'elle arrive à sa destination vers o heures du soir. C'est à dire en la mettant à la petite poste entre midi et une heure je crois. Veuillez de plus en oublier l'adresse et dire à votre pensée : ne va pas plus loin.

Je ne vais pas mal, bien que fatigué et au fond mortellement triste.

J'ai fait 52 leçons. Adieu de cœur.

Sainte-Beuve.

XXV

Mo7isieur Labitte, 11, Rue des Maçons Sorbonne, Paris,

Jeudi [Avril 1838].

Merci, cher Labitte,. de votre si aimable note et de tous les soins dont je vous ai surchargé et que vous prenez pour moi. Vous voyez combien j'en use, et c'est presque ma seule manière de vous en marquer ma reconnaissance, en la redou- blant. Je commence enfin à entrevoir le terme. Je n'ai plus que 2 mois et des 6 parties ou 6 livres dans lesquels j'ai divisé tout mon sujet, je suis entré hier dans le 5'"^ J'espère tomber juste à la fin et ne rien laisser en dehors d'important : de sorte que je reviendrai avec le tout bâti, mais fait, je ne sais quand cela sera ! voilà mes 6 divisions :

Un discours d'ouverture.

A CHARLES LABITTE 37

l^" livre. Renaissance de P.-R,

livre. P.-R. de S^-Cj'^ran.

3" livre. Pascal.

4" livre. Les Écoles de P.-R.

bo livre (où je suis). 2" génération de P.-R.

6^ livre. P.-R. finissant.

Un discours de conclusion.

Je suis plus que jamais déterminé à laisser en dehors This- toire prolongée du Jansénisme au 18^ siècle : depuis que mon sujet est tombé en épilepsie (par les convulsions) je ne puis plus qu'en avoir dégoût, et on ne me fera pas passer pour un empire par ce cimetierre (sic) misérable de S^-Médard.

à l'appui de ce dont je vous ai prié sur Madame Val- more (i), je vous dirai qu'elle a 3 enfants, deux filles et un fils de 17 ans qui vient de terminer sa philosophie à Grenoble, je

crois ; les demoiselles ont 16 et (2) et pas un sou de

fortune, et son mari (3) de bon sens, instruit et honnête

homme, mais sans position fixe ; l'odéon fermé demain, il n'a rien.

Amitiés à Chabaille à qui je n'écris pas, à M. Louandre, à M. Ravaisson, Danjou, Buloz... que devient Prométhée et qu est-il ?

en sont vos travaux, votre cours? vous ne m'en dites rien. J'ai lu la petite note sur M. Daunou ; son cœur de vieux nocher, je le conçois, a être déridé.

Amitiés de cœur.

Sainte-Beuve.

Avez vous reçu une lettre directe de moi d'il y a 15 jours adressée rue des J/açons 5o7'6o7ine. Un mot, s'il vous plaît pour me le dire./.

(1) Madame Valmore était la femme du régisseur de l'Odéon. (Voyez les articles de Sainte-Beuve sur Madame Desbordes-Valmore, Revue des Deux- Mondes du 1^' août 1833 et du 1" janvier 1839).

(2) Un fragment manque.

(3) Id.

38 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

XXVI

Monsieur Labitte, Rue des Maçons Sorbonne, 11.

1" mai [1838]. Mon CHER Labitte,

Auriez vous la bonté, si vous ne pouvez vous même, de prier M. Chabaille de ma part de me rendre le service que voici. Je dis me rendre, parce que c'est pour mon meilleur ami d'ici, M, Olivier qui fait une histoire savante et poétique à la fois du canton de Vaud.

Il s'agit de rechercher comme la note ci-jointe l'indique, aux archives du ministère des affaires étrangères ce qui se pourrait trouver dans les lettres de l'ambassadeur de France à Berne en 1723 sur l'entreprise du major Davel.

Le major Davel voulut alors délivrer le canton de Vaud de l'oppression de Berne ; il ne réussit pas et fut décapité. C'est une noble figure, puritaine, patriotique, un vrai grand homme et martj^r./.

Buloz vous indiquerait à qui Chabaille devrait s'adresser au ministère pour cela, et lui donnerait au besoin pour vous une petite lettre d'introduction./.

Je touche enfin au terme, j'en jouis peu encore toutefois, ayant trois gros morceaux à finir, Malebranche Duguet et sur Racine aussi ce mois finira vite, car il se passera comme les autres dans une grande plénitude de travail.

Comment êtes vous ? y a-t-il quelque nouveauté ? au reste nous expédierons tout cela à mon arrivée en quelques conversations les coudes sur la table.

A vous de cœur,

Sainte-Beuve.

Mille amitiés à nos amis M. Ravaisson, Chabaille, Danjou et Buloz à qui je serai dès mon retour.

A CHARLES LABITTE 39

XXVII

Monsieur Labitte, 11, rue des Maçons Sorbonne.

Ce 12 [mai 1838j.

Mille remerciemens, cher Labitte, de toutes vos bonnes communications. Nous en aurons d'autres bientôt. Je vois enfin le port ; je n'ai jamais tant aimé la bulle Unigenitus que depuis qu'elle marque le terme de ma navigation : Italiam, Italiam. Dans huit jours j'aurai fini toutes mes préparations, et n'aurai plus que deux ou trois leçons à débiter. Je ne pour- rai cependant revenir que dans la 1"^^ quinzaine de juin. Je serais heureux de parler de VAnge déchu, s'il n'est pas réelle- ment déchu, mais s'il se soutient a morte, mais comme j'arri- verai trop tard pour en parler, l'exécution sera probablement déjà faite par Planche. Madame de Fontanes est à Paris. Mais elle m'attendra pour commencer le travail (1). Comme il faut qu'elle vende assez bien ces volumes qui sont destinés à entrer parmi les classiques, il faudrait un libraire qui n'eut pas trop de roideur ; car elle s'entend sans doute assez peu à ces négociations de librairie. Ne pourriez vous faire sonder Gosselin ?

Vous m'apportez de bien des personnes des messages obli- geans que je vous prie de leur rendre en amitiés fort recon- naissantes, surtout près de M. Villemain, de Madame Ville- main avec toutes sortes de respects, à Le Prévost, Geruzez, à tous enfin.

Madame de la Rochejaquelin est bien polie d'être si indul- gente envers quelqu'un qui a été le plus saugrenu des Jansé- nistes. Mais j'étais accablé, épuisé de paroles, et de travail, et dans l'impossibilité non moins morale que physique d'en-

(1) « Madame Christine de Fontanes, fllle de l'ancien grand-maître de l'Université, habitait ordinairement Genève, et Sainte-Beuve qui, dès le 27 mars 1838, avait pris rendez-vous avec elle à Paris, s'occupait de la publi- cation des œuvres de son père. » Correspondance de SainteBe'iive avec 51. et M°" Juste Olivier, note de M. Léon Séché.

40 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

tretenir aucune relation agréable depuis le l^' janvier : car je ne l'ai pas revue depuis cette date.

J'apprends combien vous avez été bien pour Dan (1)

mal à Magnin, c'est une petite iniquité comme fesaient {sic) dans leur temps les Abel Rémusat ; seulement ici en sens inverse. Ils s'imaginent frapper en Danjou Raoul Rochetteet ce parti ; c'est comme si on avait destitué Magnin en J830 à cause du Globe. Ils se conduisent à la Bibliothèque comme les doctrinaires après juillet, comme les Jacqueminot à la garde nationale^, comme tous ceux qui vexent après avoir été vexés.

Quand vous aurez le petit renseignement sur le major Davel, vous me l'expédierez, n'est-ce pas ?

Amitiés à Chabaille.

Je reparlerai encore à Ravaisson de Madame Desbordes- 'Valmore ; il faudrait qu'elle arrivât à avoir autant que Ma- dame Tastu : c'est juste , n'est-ce pas ? et elle a moins de

ressources d'ailleurs; rien que VOdéon que gère son mari.

Amitiés du meilleur cœur.

Sainte-Beuve.

XXVIII

21 [mai 1838].

Merci, cher Labitte, de toutes vos amitiés et complaisances.

Mon ami Olivier vous remercie extrêmement de ces ren- seignements sur le major Davel ; c'est d'ailleurs un de ces hommes qui mériteraient d'être obligés en tout; poésie, sens rassis, cœur, morale, ils ont tout et ne se sont retranché que l'ambition vaine.

A^ous trouverez sur ce second verso un fragment de lettre (copié par ma mère) de Madame Desbordes- Valmore ; comme le paquet était un peu gros ma mère me l'a copié. Vous juge- rez delà situation de cette pauvre femme obligée de s'aller ensevelir dans un village du nord. Faites lire ce petit frag-

(1) Un fragment de la lettre manque.

A CHARLES LABITTE 41

ment à Monsieur Ravaisson, Si Ton pouvait, tandis que l'on peut encore.

Je suis bien sensible à toutes ces marques d'une amitié vraie que vous me mandez. Je tacherai de réparer envers Buloz ma longue inutilité. Je lui sais gré vivement de toutes les intentions que vous me dites qu'il a et que je ne puis deviner,

Pourquoi la revue a-t-elle traité si lestement les romans mystiques de Stéphens dont on ne parle ici qu'en tirant le chapeau. Celui qui a parlé si lestement n'y entend rien, me dit-on.

Quant à mon cours, il finit cette semaine ; 81 leçons en tout. Je l'ai mené depuis les commencemensde P. -R. jusqu'à la ruine, mais sans m'astreindre à une biographie de couvent; j'ai taché d'y faire entrer une pensée d'art ; j'ai commencé par la journée du Guichet (fameuse journée des débuts de Port- Royal) et j'ai couronné le tout par Athalie. Les parties les plus sérieuses et les plus profondes, je crois, sont celles qui tiennent le plus au sujet même, les figures de St-C3'^ran, de M. Lemaitre, de son frère Sacy, de Lancelot, de Singlin, ces figures sombres et grêles, mais j'ai trouvé, en creusant, bien des teintes. En littérature, j'ai fait chemin fesant (sic) Polyeucte, S' François de Sales, Balzac, Montaigne, Tartuffe, Boileau et Perraut, Racine; mais la partie originale et neuve ce sont mes personnages religieux, mes messieurs, S'-Cyran, M. Lemaitre, M. de Sacy, M. de Tillemont, M. Hamon, Duguet. En fait de femmes les deux mères Angélique, tante et nièce, et dans les dames du dehors Madame de Longue- ville ; j'ait fait deux leçons sur celle ci. Pascal m'a occupé, aux prises avec Montaigne, dans un développement extrême. Le Ecoles de Port-Royal m'ont occupé aussi très au long avec les livres qui y appartiennent, la logique, la grammaire générale, etc. ; M. Tillemont m'a servi de type pour l'élève parfait, l'élève modèle de Port-Royal (et en eiïet il l'est bien plus en droiture et en simplicité que P»,acine). Nicole au long comme controversiste et surtout moraliste ordinaire de Port-Royal. Arnauldaulong à diverses reprises, j'ai tâché de faire comprendre sa grandeur sans la surfaire ni prétendre la réhabiliter, mais en y montrant le moral continu, le généreux dans le chrétien ; je l'ai défini un infatigable chevalier en Sor- honne. Finalement je l'ai éti'dié dans sa lutte avec Malebran-

\2 LETTRES INÉDITES DE SAIXTE-BEUVE

che, et j'ai développé au long celui-ci et son panthéisme idéa- liste naissant au sein du christianisme (j'ai disséqué le cancer naissant). Je me suis fort occupé de son traité de la nature et de la grâce qu'Arnauld a combattu. j'ai fait de la théologie souvent encore plus que de la littérature, mais sans prendre parti et en exposant. J'ai surtout fait de la morale, de l'his- toire naturelle et de la classification naturelle des caractères :

S'-Cyran, le génie fondateur directeur.

SinglinetSacy, des directeurs avec des nuances diverses. M. Lemaitre, le pénitent à feu et à sang, le pénitent héroïque.

Lancelot, le maitre.

Tillemont, l'élève.

D'Andillj, le patriarche qui décore de ses cheveux blancs.

Autant que j'ai pu j'ai eu ainsi en chaque genre mes chefs de file comme je disais. Je tiens surtout aux vues que j'au- rais données sur l'histoire même de P.-R. et sur les diverses phases qu'elle a subies par l'esprit, et à cette classification naturelle et approfondie de personnages : sur une histoire purement et simplement biographique et détaillée, tout le monde la pouvait faire. Mon livre, s'il reste tel que mon cours, sera surtout œuvre de moraliste.

Voilà bien des détails, cher Labitte, et à peu près incom- préhensibles dans leur mélange. Ma mère pourra vous prêter un article dans un journal de Lausanne (Le narrateur reli- gieux). Mais ménagez l'Eloge, je vous en conjure; tâchez de vous tenir au fait (1).

Adieu, adieu, à tantôt; à vous de cœur.

Sainte-Beuve.

XXIX

Monsieur Labitte.

[1838]. Cher Labitte, me voilà arrivé ; si vous pouvez monter

(1) Voici l'explication de cette phrase : « C'est à lui (Ch. Labitte) que Sainte- Beuve envoyait des notes sur son cours de Lausanne, pour être communi- quées à la presse parisienne ». {Correspondance de Sainte-Beuve avec il. et 3/°" Juste Olivier. Note de M. Léon Séché, p. 35).

A CHARLES LABITTE 43

demain matin un moment Cour du Commerce, nous nous em- brasserons. Ne dites encore à personne que je suis arrivé- A vous de cœur.

Sainte-Beuve.

Ce mercredi.

XXX

Pour Labitte.

Ce 22 juillet [1838].

Je lis, cher Labitte, ce que vous écrivez de moi : vous ajou- tez donc amitiés sur amitiés. Comment reconnaître tant de soins ? Je vois avec plaisir qu'Ampère et vous souteniez la revue : qu'est donc devenu Planche ? Ma mère m'écrit que Buloz est parti pour les eaux : ceci me rappelera avant deux numéros sans doute. Je ferai tout ce que désirez Retz, Lesage, Voltaire et Jean- Jacques. Je ferai mieux Lesage après avoir vu Naples : me promener dans la rue de Tolède m'a fait l'ef- fet de relire Gil-Blas. Si vous rencontrez quelque petite note relative à Lesage ou à Retz, mettez de côté, je vous prie. Nous nous mettrons aussi aux historiens, à commencer par Guizot, le père de tous nos modernes. Et puis Port-Royal ? vous voyez que l'ardeur ne me manque pas. J'achève, en attendant, quelques rimes de voyage : c'est une chimère tou- jours que d'être poète, nous enterrerons cela sous tant de volumes de prose qu'il n'en sera plus question.

Amitiés à Louandre. Adieu, à bientôt.

Dites à Bonnaire que je lui écrirai et lui répondrai pour lui dire : présent.

A vous.

Sainte-Beuve.

44 LETTRES INÉDITES DE SAINTE BEUVE

XXXI

Monsieur Lahitte, 11, rue des Maçons Sorbonne.

Ce vendredi [fin 1838|. Cher Labitte,

Voici le Fontanes (1) que je remets entre vos mains. Je voulais joindre une feuille de Port-Rojal à lire, mais j'ai encore à en parler avec Chabaille. Pensez s'il vous plaît à ce Lépreux de Madame Cottin si votre mémoire vous a rappelé qui l'avait.

Bien à vous d'amitié.

Sainte-Beuve.

XXXII

Monsieur Labitte, 11, rue des Maçons Sorbonne.

Ce lundi [fin 1838 ou début 1839].

Cher Labitte,

Puis-je ajouter au bout de la note que vous m'avez donnée après : (traduit de Guillaume Pépin Sermones. 1536) « ces sermons, pas plus que ceux de Menot, n'avaient pas été pro- noncés en latin mais on les mettait en latin pour les impri- mer » (2).

(1) « Mon Fontanes va paraître dans la Revue le 1" et le 15 décembre; lisez-le, ce sera mon chef-d'œuvre classique ». [Correspondance inédite de Sainte-Beuve avec M. et 51'^' Justf Olivier, 15 novembre 1838). « Sainte-Beuve avait raison d'appeler son Fontanes classique. C'est vraiment qu il rompit délibérément et définitivement avec les romantiques. Le « charme » avait cessé ». (Note de M. Léon Séché).

(2) Cette note a été imprimée au bas de la page 53» du tome P' de Port-Royal.

A CHARLES LABITTE 45

J'ai besoin d'ajouter cela pour aller au devant d'une objec- tion du lecteur ; mais est-ce exact de Pépin comme de Menot ?

Mille amitiés. Si vous avez le Guizot, Céleste le prendra.

Sainte-Beuve.

XXXIII

Monsieur Lahitte, n^ 11, rue des Maçons Sorhonne, Paris.

Ce 8 janv. 1839,

Cher Labitte,

Voilà une nouvelle thèse à la Sorbonne des plus remar- quables, celle de M. Ozanam. Celle-là, celle de Ravaisson, celle de M. Huet, je crois, sur Bacon, celle de Varin^ de Lenormand, demanderaient un article à part : vous pourriez y joindre le travail de mon Monsieur de Montpellier sur ^'£"5- clavage : dans le même bulletin, je ferais, moi, toute une série de poésies récentes Turquety et bien d'autres encore : j'ai dessus un point de vue assez joli que m'a suggéré la leçon de Patin : vous pourriez, vous, réitérer vos conclusions de l'ex- cellent article sur Leclerc (1). Nous ferions un bon travail à deux : si vous montez je vous dirai comme je conçois le con- cert de ces deux choses et l'esprit de ce petit bulletin qui pourrait être assez capital comme critique. Ainsi nous serions utiles, si l'on peut l'être par la critique, et nous ferions hon- neur à la Revue que feuilletera quelque jour un érudit curieux des choses oubliées et dont on ne sait plus que le nom.

Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

Venez en causer au passage.

(1) Voyez la Revue de Pans du 6 janvier 1839 : Les journaux chez les Ro- mains, par M. Victor Le Clerc. Article de Charles Labitte.

4G LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

XXXIV

Monsieur Lahitte, 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis.

[Février 1839?] Voici les feuilles, cher Labitte.

Amitiés (Et n'allez pas à Amiens) et mille choses à Louan- dre.

Sainte-Beuve.

Bien des remerciemens pour la note sur le Bibliophile.

XXXV

Monsieur Labitte, n" 19, quai Bourbon, lie S^-Louis, Paris.

Ce vendredi 1'' mars [1839]. Cher Labitte,

Je viens de m'apercevoir que grâce à l'énormité habituelle de mes volumes de critique, je n'ai pas assez pour remplir mon dernier volume : il me faut donc ajouter deux ou trois portraits, je vais faire Xavier de Maistre (1) : aurez-vous la bonté de me dire s'il y a chance, par le côté que vous espé- riez, de me procurer le Lépreux de Madame Cottin ? S'il n'y a pas moyen, je tâcherai de l'avoir par la bibliothèque. Outre Xavier de Maistre, je ferai aussi Madame de Charrière ; pour celle-ci j'ai tout ce qu'il me faut (2). Et peut-être me faudra-t-

il y joindre encore , pour lequel j'aurai fort besoin de votre

secours.

fl) Cet article a paru dans la Revue des Veux-Mondes du 1" mai 1839. (2) Voir la Revue des Deux-Mondes du lo mars : Sainte-Beuve mit vraiment peu de temps à écrire cet article.

A CHARLES LABITTE 47

A VOUS d'amitié : un petit mot de réponse, s'il vous plaît, sur la chance du Lépreux.

Sainte-Beuve.

XXXVI

Monsieur Charles Labitte, n" 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis,

Paris.

Ce 20 soir [mars 1839]. Cher Labitte,

Nous avons oublié, parmi les livres qui vous reviennent, le plus important de la quinzaine : le livre de l'abbé Lacor- daire sur S^ Dominique. Sx vous ou M. Louandre le vouliez faire, c'est un point capital à ne le prendre qu'historiquement. Voyez à l'avoir, s'il vous plaît. En feuilletant Beuchot, nous pourrions bien en trouver d'autre encore : prenez chez Buloz ces journaux de librairie, s'il vous plaît. A vous de cœur.

Sainte-Beuve. Amitiés à M. Louandre.

XXXVII

Monsieur Labitte, n'' 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis, Paris.

[14 octobre 18391.

La notice sur M. de la Romiguière est (comme la notice déjà ancienne sur M. Thurot) une manière de protestation contre l'Académie des sciences morales {une Académie etc. qui s'intitule... (fin de l'article la Romiguière) qui semble en effet être trop le pis aller de ceux qui n'en trouveraient pas d'autre et dont le premier début très malheureux a été de

48 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

préférer comme organe un esprit a^fresfe, M. Ch. Comte, au secrétaire attique tout trouvé dans M. Daunou. Bonjour.

Saixte-Beuve.

XXXVIII

Monsieur Labitte, 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis, Paris.

Ce 23 [novembre 1839].

En vertu de l'angle de réflexion qui est parfaitement égal à l'angle d'incidence, je puis vous dire que M. Villemain doit avant cinq semaines vous donner quelque chose qui vous sera fort agréable, assure-t-il. Il ajoute que ce ne sera que justice envers vous. Si la demande a été refusée, çà été sur un rapport de Cousin ; les règlemens étaient là. Mais on a à cœur de faire le possible (1).

Amitiés à Louandre.

Sainte-Beuve.

XXXIX

Monsieur Labitte, 19, quai Bourbon.

Ce samedi [1839 ?]

Mon cher Ami,

Je suis désolé que vous ayez pris la peine de venir chez ma mère : je ne comptais plus sur vous. Je suis très-fatigué et j'ai été occupé sans relâche à écrire cet article Deshoulières

(1) Sainte-Beuve fait probablement allusion à la nomination de Ch. Labitte dans une faculté. Labitte ne fut envoyé k la faculté de Rennes qu'eu avril 1840, comme professeur de littérature étrangère, par M. Cousin, ministre dans le cabinet Thiers depuis le 1" mars 1840.

A CHARLES LABITTE 49

qui n'est pas encore achevé. Je ne puis m'occupcr de cette tête de Revue que quand je saurai ce qui y entre, et pas avant demain. BuJoz m'a dit que n'aviez rien donné encore à l'im- primerie. Si vous passiez devant chez moi ce matin, veuillez monter un moment. Je dois sortir à 2 heures.

Amitiés.

Sainte-Beuve.

Dès que j'aurai les bonnes feuilles de P.-R., vous les aurez.

XL

Ce 28 [1839 ou 1840|.

Mon cher Labitte,

Dans nos multiplicités de correction, je trouve plus court

recourir à vous pour une petite continuation. N'est-il pas

vrai que Newton passe pour être mort uier^e et que Voltaire

plaisante plus d'une fois dessus ?

Amitiés et vœux.

Sainte-Beuve.

J'ai pour vous un petit post-scriptum additionnel à la lettre de mardi, dans lequel post-scriptum il nomme en toutes lettres Campanella.

XLI

Monsieur Labitte^ 19, quai Bourbon^ Ile S^-Louis, Paris.

Ce jeudi [janvier 1840]. Mon cher Labitte,

Merci de vos bonnes indications. Quant à l'académie, si vous ne savez rien de plus particulier, c'est qu'il n'y a rien : il faudra soutenir Hugo et indiquer M. Mole (1), ce que je ferai

(l) M. Mole fut élu. Hugo ne le fut qu'un an après, en 1841.

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oO LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

en quelques lignes de préambule je parlerai aussi de la comédie de Valeski et des Guêpes. Je n'ai qu'un regret, c'est pour Michiels pour qui un ajournement indéfini équi- vaut au silence : quand vous n'écririez qu'une demi-page où, sans entrer dans plus de détails, vous feriez sentir ces qua- lités que vous dites, ce serait bien. Voyez ce qui est possible sans vous forcer à plus de lecture.

Pourriez-vous me prêter pour quelques jours les tomes II et V des Critiques et portraits : c'est pour en copier qques vers à mettre dans le recueil complet.

Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

XLII

Monsieur Lahitte, n" 19, quai Bourbon^ Ile S^-Louis, Paris.

Lundi [29 janvier 1840]. Cher Labitte,

J'ai omis de vous parler de plusieurs petits points.

1" J'ai rencontré le fils de M. Renduel : il doit faire réim- primer/a Société poh'e : je lui ai parlé de quelques légères rectifications, n'en auriez vous pas vous-même ? une petite liste serait bonne et aiderait à rendre le livre excellent.

2" Comment vous a semblé le livre de Michiels (1) : est-il possible d'en parler dans le sens je le désirerais bien vive- ment ?

3" Si vous ou Louandre aviez quelque remarque particu- lière sur le livre d'Ampère (2), je vous prierais de me les communiquer à la rencontre.

Enfin priez Louandre de me dire l'endroit précis il a lu ce détail sur la cécité de P. le Jeune.

Voilà bien des choses mais moindres que votre inépuisable complaisance. Amitiés.

Sainte-Beuve.

(1) Eludes sur l'Allemagne (1839, 2 vol. in-S").

(2) Histoire littéraire de la France avant le III* siècle.

A CHARLES LABITTE 51

Enfin Bonnaire me dit qu'il y a dans les cancans acadé- miques matière à dix pages : je ne puis croire cela à moins que vous ne me l'affirmiez.

» XLIII Monsieur Labitte, quai Bourbon, 19, Ile S^-Louis, Paris.

18 août [1840].

MOX CHER LaBITTE,

Merci de la bibliothèque ministérielle. Cet article si bien- veillan est de M. Diodati (i), je savais qu'il en avait fait un, mais je n'avais pas pu mettre encore la main dessus. Allez donc voir M. Guénard qui me parlait de vous ce matin et qui pourrait vous faire avoir peut-être la suppléance de M. Le- tronne au Collège de France. A vous.

Sainte-Beuve.

XLIV

Monsieur Labitte, 19, quai Bourbon {Ile S^-Louis), Paris.

23 octobre [1840]. Mon cher Labitte,

Je ne vois pas que Jansénius soit auteur de V Adnioyiitio qui selon Naudé est de 1622. Il l'est de Marc Gallien 1633. Mais en 1622 il était parfaitement inconnu, ce n'est qu'après

(1) « M. Diodati avait fait, dans la Bibliothèque universelle de Genève, un grand article sur Port-Royal ». Note de M. Léon Séché, Correspondance de Sainte-Beuve avec M. et M"' Juste Olivier. Et Sainte-Beuve écrivait le 1" septembre : « J'ai écrit à M. Diodati dont j'ai lu l'article si bienveillant sur moi » (id.).

52 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

ceci qu'on a pu songer à lui, et par une induction très hasardée. A vous.

Sainte-Beuve.

XLV

Monsieur Labitte

Ce 22 décembre (1840 ?] Mon cher Labitte,

Buloz me dit vous avoir remis les rapports et discours de M. Damiens. D'un autre côté M. Damiens m'écrit pour me prier qu'on en parle. Tâchez, je vous en prie, que dans le mot que vous en direz, il n'y ait rien que ne puisse avouer un dis- ciple de cet excellent homme. Je vous le confie.

Bien à vous d'amitié.

Sainte-Beuve.

XLVI

Monsieur Ch. Labitte, 19, quai Bourbon, ILe S^-Louis,

Paris.

Ce vendredi [22 janvier [1841]. Mon cher Labitte,

Il est très-urgent que vous ne souffriez pas qu'un très-res- pectable parent (1) vote pour Ancelot contre Ballanche (2). Agissez sur lui, s'il vous plaît, il y va de la majorité. On

(1) M. de Pongerville, de l'Académie française, parent très-éloigné de Ch. Labitte, mais avec qui celui-ci entretenait des relations assez suivies.

(2) C'est Ancelot qui l'emporta : Ballanche ne fut élu qu'en 1842.

A CHARLES LABITTE 53

dit qu'il est très vacillant. Un coup de main pour l'excellent Théosophe, s'il vous plaît et Yabhaye entière vous en con- jure.

A vous.

Sainte-Beuve.

On dirait que c'est rahcune du matérialiste Lacroix contre le spiritualisme : oh ! cela ferait très mauvais effet.

XLVII

Monsieur Cli. Labitte, 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis, Paris.

Dimanche [1841]. Mon cher Labitte,

Recommandation sur recommandation : celle-ci vient de Madame de Ran.... qui patrône beaucoup M. Moreau (son bibliothécaire de S^'^-Geneviève) lequel a fait la préface des prières de Madame de Duras. M. Moreau (mon ancien cama- rade de collège) a traduit, et très-bien, les Confessions de S* Augustin avec introduction ; il concourt à l'Académie pour le prix accordé aux meilleures traductions. Il est digne de tout. Veuillez en parler à M. votre oncle (1) qui est de la commission.

Bien à vous.

Sainte-Beuve.

XLVIII

Monsieur Ch. Labitte, 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis,

Paris.

Ce vendredi [1841],

Cher Labitte,

J'ai vu M. Lauriel : nous irons ensemble : si je vous voyais demain un instant, nous conviendrions de l'heure pour

(i( M. de Pongerville.

34 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

dimanche. Il a été très-bien, je n'ai articulé aucune demande précise, mais il ma promis de chercher avec vous ce qu'il aurait de renseignemens sur Dante (1).

Amitiés et à Louandre que j'ai le regret d'avoir bien manqué.

Sainte-Beuve.

IL

Monsieur Ch. Lahitte, Professeur à la Faculté des Lettres,

à Rennes.

16 août [1841].

Mon cher Labitte,

Pourriez-vous, si vous êtes encore à Rennes, me savoir avec quelque précision et confidentiellement, quelle est la capacité de M. Boulian(2) professeur de seconde à Stras- bourg : (il voudrait, entre nous, devenir professeur de litté- rature latine à Lausanne) il est Elève de l'Ecole normale, quelqu'un de vos collègues le doit connaître. Tâchez de me savoir cela, s'il vous plaît, et de me le dire à l'oreille. On me presse dessus de là-bas. Quel homme est-ce?

Je n'ai pas encore appris l'adresse de Mad. de la Roche- jacquelin.

Vous voyez que la Revue ne va pas mal. Simon a donné son article Donald qui est très-bon (3) ; Bluze a égorgeté les frères Deschamps, mais enfin l'article n'est pas mauvais, sil est un

(1) Ch. Labitte s'occupait particulièrement de Dante : Biographes et tra- ducteurs de Dante (iler«e des Deî/.r-jT7ondes du 1" octobre 1841); la divine Comédie avant Dante {Revue des D.-M. du l"" septembre 1842).

(2) Madame Olivier avait écrit quelques jours auparavant à Sainte-Beuve : « Vous rendriez, cher ami, un grand service au canton de Vaud d'une part et de l'autre au président embarrassé du Conseil d'Etat, si vous parveniez à découvrir ce qu'est un M. Boulian qu'on nous offre comme professeur de litté- rature latine. Il enseigne en cette qualité (ou professeur de seconde) à Stras- bourg). Il est élève de l'Eécole normale... Mon père vous prie donc de vouloir bien donner sur ce point toutes les lumières qu'il vous sera possible de réu- nir... etc. » (Correspondance de Sainte-Beuve avec M. et M"" Juste Olivier).

(3) Voir Revue des Deux-Mondes du 13 août 1841 : Philosophes et publicistes contemporains : M. de Bonald,

A CHARLES LABITTE 55

peu méchant. Buloz grogne toujours, et je ne le vois pas, pour éviter d'être bourré.

J'ai assez travaillé ; depuis quelques jours pourtant je me relâche. Il laut bien profiter de ce qu'on appelle nos vacances et qui va être déjà fini. Au fond, mon cher Labitte, je souffre beaucoup de ma position qui est fausse, contraire à mes goûts, et qui le devient dt'plus en plus, par les mille liens la résidence m'engage.

Oh ! que je suis un mauvais cheval de cabriolet, et que je voudrais faire sauter le brancard ! Je n'ai pas vu Louandre depuis des siècles. Brizeux vient de publier son volume de poésies. Nous sommes assez bien avec Marmier que pour- tant je ne vois que peu. Il y a disparition et mort^ c'est que vous n'y êtes pas.

Amitiés de cœur, et à votre frère s'il est près de vous, et à vos collègues.

Sainte-Beuve.

Monsieur Cli. Labitte, 19, quai Bourbon, {lie S*-Louis).

[Paris).

1" septembre [1841].

Cher Labitte,

Le Cras séria de l'autre jour m'a fait oublier dans notre très aimable diner, de vous prier de compléter à la rencontre les renseignemens confidentiels sur M. Bouiian : j'ai écrit à Lausanne le jugement raccourci, mais je ne serais pas fâché d'avoir encore quelques notes à l'appui, (c'est pour être pro- fesseur de littérature latine).

Bien à vous de cœur.

Sainte-Beuve.

ou LETTRES INEDITES DE SAINTE-BEUVE

LI

Monsieur Lahitte, 14, quai Bourbon, lie S^-Louis.

Ce lundi soir [1842 ?]

Mon cher Labitte,

Dans les petites notes que j'ai recommandées à votre

auxiliaire amitié, j'ai omis celle de consulter le Boileau, S'

sur Polyeucte.

Amitiés.

Sainte-Beuve.

Serez vous assez bon pour me mettre aussi au passage la Mézelie de Madame Raybaud ; je vous dirai pourquoi.

LU

Monsieur Lahitte, 19, quai Bourbon, Ile S^-Louis.

[1842?]

Cher Labitte,

Avez-vous mes feuilles de Port-Royal ? Je vous recom- mande aussi, au passage vers l'Arsenal, Camus Esprit de St François, 6 vol.

Amitiés de cœur.

Sainte-Beuve.

Capefigue un de ces écrivains décriés prenait dans une époque le rôle de La Beaumelle et consorts. Les... flétris pour qu'il ne vienne pas un jour quelque sot impudent qui les réha- bilite.

A CHARLES LA BITTE 57

LUI

Monsieur Lahitte, 19, quai Bourbon.

Ce vendredi [1842 ?] Cher Labitte,

Si par hasard M. Louandre a pris la peine d'avoir le Cicé- ron, qu'il ne prenne pas celle de venir jusqu'à chez ma mère ce soir : j'ai un rendez-vous bien loin à 7 heures : j'enverrai prendre demain matin les volumes chez vous. Cet article m'ennuie bien, et à mon dégoût de cette solide érudition je vois bien que je n'aime que les bluettes.

Merci et amitiés.

Sainte-Beuve.

LIV

Monsieur Ch. Labitte, 15, rue des Beaux- Arts.

Ce 21 [1843].

Cher Labitte,

Auriez vous la bonté de me donner ce que vous m'avez dit avoir de notes sur Gabriel Naudé?

De m'indiquer de plus la date de la Revue des 2 mondes est l'article que vous avez mis sur lui ?

J'y suis et le labeur est le remède en tous sens, avec lenteur,

Si vous n'avez plus besoin de Viollet-le-Duc, vou- driez vous aussi me le rendre ? Je refais des petits amas de x\V siècle.

(1) Sainte-Beuve préparait un article sur Gabriel Naudé qui parut dans la Revue des Deux-Mondes du 1" décembre 1843.

58 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

Et le Chenier ? à quand (1) ? A vous de cœur,

Sainte-Beuve.

LV '

[1843 ?]

Mon cher Labitte,

Etes vous assez aimable pour remettre la lettre de Parny que M. Ravenel fait dire qu'il vous a donnée ? Je suis bien affairé avec l'article Thiers, et veux arriver à jour fixe. Pourquoi donc ne remplaceriez vous pas M. A....? vous n'au- riez plus à vous soucier de votre gorge pour parler en public, d'ailleurs l'un n'empêcherait pas l'autre. Faites-en donc vite parler à M. Villemain.

A vous, cher,

Sainte-Beuve.

Ce 24.

LVI

Monsieur Charles Labitte, 17, rue des Beaux-Arts.

Ce 17 janv. [1843 ?] Cher Labitte,

Pourrai-je vous devoir encore de lire la Conférence de Pie VI et de Louis XVIII? Prenez vous en à votre excellent article de me mettre ainsi en goût ? M. Ravenel l'a- t-il publié ? Je l'achèterais.

A vous de cœur.

Sainte-Beuve.

(1) L'article de Ch. Labitte sur M. J. Chenier parut dans la Revue des Deux-Mondes du 15 janvier 1844.

A CHARLES LABITTE 59

LVIl

Monsieur Labitte.

[1844 ?]

Cher Labitte, soyez assez bon pour joindre ce livre aux autres du bulletin : je m'intéresse beaucoup à l'auteur, bien qu'il cite Grenier et je ne sais plus qui (bonhomie de provin- cial) il est d'un meilleur calibre, ce me semble, une demi-page serait bien bonne. Je fais^ moi, un préambule avec la pré- face de Balzac. Amitiés.

Sainte-Beuve.

Pourriez-vous me prêter pour deux jours mes portraits et critiques le volume de Madame de Staël et le 1" seconde édition si vous l'avez.

LVIII Monsieur Charles Labitte, à Abbeville {Somme).

Ce 16 [mars 1844] . Cher Ami,

En toute hâte, tout est mieux : réconciliation avec Hugo et Vigny. Celui-ci passera la prochaine fois. Il y a promesse de la part de nos amis. Cela a aidé à l'élection de Mérimée. A demain le reste.

A vous de tout cœur, cher ami.

Sainte-Beuve.

Je ne veux que vous informer et empêcher toute idée hos- tile. Mes respects à votre bonne mère.

60 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

LIX

Monsieur Ch. Labitte^ 15, rue des Beaux-Arts.

Ce samedi [mai 1844].

Mon CHER Labitte,

Pourriez-vous me prêter la brochure de Frémy, sur la litté- rature et la langue française (Thèse de doctorat), ou pourriez vous l'avoir de lui comme pour vous? voici : je veux répon- dre peut-être à son article contre A. Chénier qui a paru dans la Bévue indépendante (1), et je ne veux pas la lui demander moi-même. Peut être Tavez-vous ?

Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

Lisez dans le Supp. à la biographie universelle l'article Michaud qui est un pamphlet que le frère a fait insérer contre son aine et dites en un mot dans la Revue de Paris comme pendant au Pamphlet contre Nodier,

LX

[26 juin 1844].

Merci, cher Labitte, je renvoie tout cela. Je suis bien affairé à ce Daunou (2), que votre choix me rend difficile. Vous avez accoutumé nos lecteurs à tant de choses.

A vous, double malheur vaut mieux que nos tracas.

Sainte-Beuve.

Ce 26.

(1) '( Un factura contre A. Chénier. Réponse à un article publié dans la Revue Indépendante du 10 mai 1844, par M. Arnould Fremy ». Revue des Deux-Mondes du 1" juin 1844.

(2) Voyez la Revue des Deux-Mondes du l" août 1844.

A CHARLES LABITTE 61

La date précise, s'il vous plaît, de votre article Chénier dans la Revue, c'est pour une citation.

LXI >

Monsieur Ch. Lahitte, 15 ou \1 , rue des Beaux- Arts.

Ce 12 [1844]. Cher Labitte,

Je vous tourmente sans cesse. Vous aurez hier trouvé sur votre table le Parny avec les lettres: j'en ai pris copie, et je me suis procuré un Parny d'ailleurs, pour ne pas abuser trop longtemps de celui de M. Tissot (1). Si vous pouviez savoir de lui V adresse de M. Desmarets je serais au comble ; cela achèverait de me compléter et me suffirait. Ce M. Des- marets ne demeure t-il plus rue iîic/ier.

Mille et mille amitiés.

Sainte-Beuve.

LXII

Monsieur Charles Labitte, 15, rue des Beaux-Arts.

Ce samedi [1844-1845]. Cher Ami,

Je suis bien touché de toutes vos démarches et amabilités. J aurais été très heureux et très honoré d'aller demain diner avec vous chez M. Villemain, mais je suis invité à dîner chez Madame de Chègue, précisément je devais diner il y a huit jours avec lui.

(1) L'article de Sainte-Beuve sur Parny a paru dans la Revue des Deux- Mondes du l" décembre 1844.

62 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

Veuillez, s'il vous plaît, m'excuser auprès de lui en le remerciant, en attendant que je l'aille faire moi-même. Tout à vous de cœur.

Sainte-Beuve.

LXIII Monsieur Ch. Labitte, 15, rue des Beaux- Arts.

[1844-1845]. Cher ami et latinarian elegantiarum arbiter,

Pour dire de Victorien Lalu (?) sortant de l'arène vaincu, et revenant pousif {sic) voici mon vers :

Taurus abit mœrens e regnis ecce redit bos

(11 sortit en taureau mais il revint en bœuf).

Mon vers est-il métriquement et latinement sur ses pieds?

A vous, cher

Sainte-Beuve. Ce mercredi.

LXIV

Monsieur Ch. Labitte, 15, rue des Beaux-Arts.

Ce mardi [février 1845]. Cher,

Je serai à 6 heures à la Revue, nous irons (sans rien dire) diner ensemble et je vous lirai mon discours. Tout le monde est enchanté de votre article : c'est un vrai succès. Il 3' a un moment le talent produit ainsi un bouton que tout le monde se met à montrer du doigt quoiqu'il ait produit déià

A CHARLES LABITTE 63

plus d'une fleur. Votre 3férimée{i) est un de ces boutons très en vue : ày.u.f[. A vous.

Sainte-Beuve.

» LXV

Monsieur Ck. Labitte, 15, rue des Beaux-Arts.

[Février 18451 .

Cher Ami,

J'ai ce regret de vous manquer hier. Je vous en supplie soyez bien pour V. Hugo. Il a été pour moi d'autant mieux que la veille je lui avais résisté sur qques points, et qu'il a maintenu tous ses éloges.

A vous de cœur.

Sainte-Beuve.

LXVI

[1" mars 1845].

Cher,

Que c'est aimable, que c'est flatteur, que c'est délicat pour vos amis (2) ! Je vous sais bien du gré aussi d'avoir tenu compte de ce que ma double position de votre ami et vis-à-vis de Hugo exigeait de ménagemens : vous n'avez mis de ména- gemens que là, vous m'avez comblé d'ailleurs. Comment reconnaître tant de témoignages réitérés et infatigables, qu'en me sentant de plus en plus

Vôtre,

Sainte-Beuve. Ce 1"

(1) Voyez Reime des Deux-Mondes du 15 février 1845.

(2) Sainte-Beuve venait de lire l'article que Ch. Labitte lui avait consacré au sujet de sa réception à l'Académie française, qui avait eu lieu le 27 février précédent.

64 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

LXVII

Monsieur Ch. Lahitte.

[7 mars 1845?] Cher,

Voilà un 2= volume ; le premier que je n'ai pas avec le fran- çais vous arrivera dans deux ou trois jours. A ce soir. Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

Ce 7 mars.

LXVIII

Monsieur Cli. Lahitte, n'^ 15, rue des Beaux-Arts.

[Avril 1845].

Cher, je suis pris mardi pour dîner chez Vatin : n'en êtes vous donc pas? j'ai de plus une semaine bien envahie par mon Fauriel (1) et par mille soin.s. Mais voyez quelqu'autre jour. Amitiés à Turquety.

A vous, cher.

Sainte-Beuve.

Ce lundi.

(1) Voyez les numéros du 15 mai et du 1" juin 1845 de la Revue des Deux- ilondex.

A CHARLES LABITTE 65

LXIX

Monsieur Lahitte (Charles), 47, rue des Beaux-Arts.

Ce 15 [août 1845). Cher,

C'est de Térence qu'ont été traduites 3 comédies (l'An- drienne, les Adelphes et le Pharmion) publiées en 1647 sous le nom de S'-Aubin.

C'est à dire Le Maistre de Sacy.

M, de la Menée dit que l'avocat Le Maistre revit cette tra- duction de son frère.

D'autres y donnent une part à Lancelot et à Nicole.

Mais à coup sûr c'est M. de Sacy qui est le principal auteur.

Il y eut de plus une comédie de Plante Les Captifs, dont une traduction fut publiée en 1666. Il paraît certain que cette traduction est de quelqu'un de Port-Royal, et il paraît égale- ment qu'elle est d'un M. Guyot maître à ces Ecoles et sur lequel Rabier a écrit une notice (Magasin Encyclopédique 1813 tome IV, p. 275).

Voilà, cher, toute mon érudition; votre Varron est char- mant (1) et ses maximes me paraissent des sentences d'or. Celle du cerf qu'on n'a pas tué, vrai récit de chasse, devrait être inscrite sur les murs de l'Académie des Inscriptions, pour tempérer l'orgueil des Quatremère.

Je suis souffrant et peu propre à dîner. Attendons le soleil pour Bellevue.

Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

(1) Article de Ch. Labitle dans la Revue des Deux-Mondes du 1" août 1843 Varron et ses Ménippées.

5

66 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

Mon cher Ami,

LXX

[1845?]

Moi aussi j'ai souffert de vous entendre non pas seulement hier, mais ce matin, si irrité pour un fait qui, je le crois dans ces circonstances, n'est pas un tort. Je reçois au même moment la plainte de M. Lebrun qui est fondée. Voyez quelle lettre vous lui avez écrite. Cette place d'amphithéâtre que vous trouvez peu convenable, est, me dit-il, celle il envoie sa femme Madame Lebrun, eu égard à la détresse d'un mo- ment. Et puis parce qu'un homme aurait un tort de ce genre, si atténué par les circonstances, est-ce une raison pour qu'un esprit et un cœur comme le vôtre menacent de le traiter de médiocre auteur comme si ce détail changeait sa situation lit- téraire. Il faut laisser cette manière de prouver son ressenti- ment à qui de droit. Pardon, mon cher Labitte, de ma propre vivacité ; mais je vous assure que j'ai souffert d'entendre ce matin de votre bouche ce qui m'avait paru hier une simple vivacité du moment. Je n'en puis plus de tout ceci et mon plaisir (si plaisir il y a) est bien empoisonné.

Embrassons-nous donc, voulez-vous.

Sainte-Beuve.

LXXI

Monsieur Ch. Labitte, 15, rue des (sic).

[1843].

Cher,

J'ai vu hier M. Cousin. Nous dinons avec lui et avec vous vendredi chez Pinson 6 heures : vous voilà informé. Très cher à vous,

Sainte-Beuve.

Ma mère me charge expressément de vous remercier.

A CHARLES LABITTE G7

LXXIl

Monsieur Charles Labitte, il, rue des Beaux-Arts.

(1845?] Cher,

N'auriez vous pas le volume de Cousin Les fragments litté- raires dans lequel se trouvent {sic) le discours mortuaire prononcé sur la tombe de Lojson ?

Mille amitiés.

Sainte-Beuve.

Ce 17.

LXXIII

Monsieur Ch. Labitte.

Cher Ami,

Pouvez-vous me donner l'adresse de mon ami que je

voudrais remercier d'un cadeau de livres qu'il m'a fait. Je succombe sous l'article. A vous.

Sainte-Beuve. Ce 29.

LXXIV

Discours prononcé par Sainte-Beuve, le mardi

23 septembre 1845,

sur la tombe de Ck. Labitte

Ne quittons point cette tombe disparaissent les restes mortels d'un ami si cher, sans dire au moins quelque chose

68 LETTRES INEDITES DE SAINTE-BEUVE

de ce que tous nous ressentons, sans faire entendre surtout l'expression bien faible de ce que perdent en lui les Lettres auxquelles fut tout entière dévouée cette vie si pure, si aimable, si désintéressée, cette vie moissonnée tout d'un coup avant trente ans. Ce qu'il était dès l'enfance et dès sa plus tendre jeunesse, nous le savons toi^s, car ses jours, de bonne heure remplis par le travail, se ressemblaient : lorsqu'il arriva à Paris au sortir des premières études et comme tout frais encore des soins maternels, ce jeune homme de dix -huit ans, doux, modeste, rougissant, était déjà plus instruit que ne le sont la plupart après de longues années ; il avait tout lu, tout dévoré, il aurait pu s'appeler déjà érudit ; et il n'a cessé, durant les douze années qui suivirent, d'accroître, d'enrichir ce premier fonds, de le fertiliser et de le mûrir dans tous les sens. Et tout cela il le faisait avec une aisance, une facilité, j'oserai dire une gaîté pleine de fraîcheur, qui est le plus heureux signe des vocations naturelles. L'amitié, qui fut avec l'étude son plus cher partage profitant de tout ce que l'autre acquérait : ce qu'il était encore à cet égard, est-il besoin de le redire ? quel ami plus prompt, plus ouvert aux études de ses amis, plus disposé à 3^ entrer à chaque instant et à y verser, sans compter, le résultat des siennes propres ! I^ était aussi heureux, plus heureux de ce qui se faisait autour de lui, que de ce qu'il faisait lui-même ; il aimait les Lettres, les Etudes, pour ce qu'elles produisent de bon, pour cette vive et intime satisfaction qu'elles procurent au cœur qu'une autre ambition n'envahit pas. Et c'est une consolation du moins qu'il faut se redire dans ce malheur : assurément, dans sa courte vie, il leur a de longues et abondantes jouissances. Ainsi heureux d'un bonheur qu'il tenait, ce semble, entre ses mains ; au moment d'asseoir plus complètement sa destinée et de la couronner dune pleine félicité domestique; désigné par la confiance et l'amitié de ses maîtres pour les représenter et les continuer avec honneur ; marchant au premier rang de cette génération qui a le droit de se dire jeune encore ; connu du public par des œuvres sérieuses qui n'étaient pour lui que des essais, par les productions faciles, redoublées, spirituelles, à la fois solides et gracieuses, d'une plume faite pour rendre la science accessible et aimable ; chéri de ses nombreux amis entre lesquels il était un bien actif, incessant, et comme un messager perpétuel d'union littéraire (car beaucoup d'entre

A CHARLES LABITTE 69

nous qui sommes ici, nous nous connaissions, nous nous aimions par lui et en lui), le voilà enlevé à tant d'espérances, à tant d'avenir, et d'un coup si soudain que, dans ce premier éclat de la douleur, c'est peut-être encore l'étonnement qui domine. Accablants mystères, devant lesquels notre faiblesse n'a qu'à s'incliner !... Sa pensée du moins ne mourra pas; l'amitié emporte de lui uiie vivante image, et les Lettres, qui sont encore ce qu'il y a de plus durable parmi les choses mortelles, sauveront et multiplieront le souvenir de celui qui les a tant aimées, qui ne vivait que pour elles, et que leur pure ardeur a dévoré (1) !

LXXV

Paris ce mardi [184S].

Monsieur (2),

Veyne (3) me charge de répondre en peu de mots à votre douloureuse et déchirante lettre. Tous les malheurs se sont combinés ici ; M. Porphyre (4) est absent de Paris ; il n'est pas encore revenu d'un voyage qu'il a entreprendre il y a quelques jours, ayant été chargé par la faculté de médecine d'aller faire une collection d'histoire naturelle. On attend avec auxiété son retour pour remplir les tristes vœux de votre douleur. Les restes mortels de notre pauvre ami sont déposés provisoirement dans un caveau du père Lachaise, comme l'a indiqué Madame de Pongerville. Les papiers ont été mis sous clé dès le premier moment ; depuis il y a eu apposition de scellés. Tous les soins ont été pris à cet égard. Notre douleur, Monsieur, comprend la vôtre, celle d'une mère; nous sommes tous consternés et frappés du même

(1) Un autre discours fut prononcé également par M. Tissot, dont Ch. Labittc était le suppléant au Collège de France.

(2) Cette lettre est adressée à M. Alex. Porphyre Labitte, père de Charles Labitte.

(3) Médecin de Sainte-Beuve et l'un de ses bons amis.

(4) Porphyre Labitte /1823-1885), frère cadet de Charles Labitte. 11 s'occupa d'histoire naturelle et fut l'un des organisateurs du musée Orfila. Conseiller général du canton sud d'Abbeville en 1871, député de la Somme en 1876 et en 1882 sénateur.

70 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

coup. Je ne trouve pas de paroles à vous dire en ce moment et ne puis que vous apporter comme triste hommage l'afflic- tion de tous, elle est universelle et bien profonde.

Sainte-Beuve.

LXXVF

Ce 18 mai [18i6].

Monsieur (1

Rien ne pouvait m'être plus doux que votre témoignage et le sentiment que votre cœur était satisfait par le tribut du mien (2). J'ai vu hier Monsieur Porphyre ; il a très bien réglé tout ce qui doit entrer dans les volumes et aujourd'hui même il doit remettre le tout à M. Gendès pour commencer l'im- pression (3). J'espère que nous n'aurons pas de retard, et que ce monument qui renfermera les meilleures preuves de cet Esprit solide et charmant sera bientôt achevé. C'est un honneur pour moi, en même temps qu'un devoir triste et doux, que mon nom s'y trouve attaché; ce qu'il eût fait pour moi et ce sur quoi j'aimais à compter de sa part, voilà que je l'ai fait pour lui, bien trop incomplètement, mais autant que je l'ai pu.

Je me suis permis puisque vous voulez bien m'y engagez, de réserver pour moi quelques notes tirées de ses riches dossiers, et j'ai aussi demandé à M. Porphyre deux volumes sur M. Etienne qui m'ont paru offrir beaucoup d'intérêt. Offrez, je vous en prie, à Madame Labitte l'expression de mes meilleurs et de mes plus respectueux hommages et agréez, Monsieur, mes sentimens bien touchés et bien dévoués.

Sainte-Beuve.

(1) Lettre adressée à M. Alex. Porphyre Labitte.

(2) Allusion aux remerciements de M. A. P. Labitte, à l'occasion de la notice de Sainte-Beuve sur son ami, parue dans la Revue des Deux-Mondes du 1" mai 1846, et reproduite ensuite en tète des Etudex Littéraires.

(3) Ces volumes sont les Etudes Littéraires de Ch. Labitte. V. introduction, page 8, note 4.

A CHARLES LABITTE 71

LXXVII

Ce 25 juillet [1846]. Cher Monsieur PcÎrphyre (1),

C'est à vous que je dois ce buste qui m'est si cher puisqu'il me retrace les traits d'un ami à qui je pense sans cesse. Merci. Dites à Madame votre Mère que je l'aurais été voir si je n'avais été tous ces jours extrêmemen fatigué et souf- frant. Offrez lui mes humbles respects.

On doit avancer et entrevoir le but dans cette impres- sion du 2e volume.

Tout à vous de cœur.

Sainte-Beuve.

Quel est ce M. Sauvage ?

Je ne le connaissais pas.

APPENDICE

Lettre inédite de J. Olivier à Charles Labitte,

relative au cours que Sainte Beuve fit à Lausanne

sur Port-Royal.

Monsieur Labitte.

[3 juin 1838],

Monsieur,

Comme je suis bien sûr que M. Sainte-Beuve ne vous don- nera pas sur son cours tous les détails techniques qui inté- resseraient votre amitié, je viens vous demander la permis-

(1) Porphyre Labitte.

72 LETTRES INÉDITES DE SAINTE-BEUVE

sion d'y suppléer un peu : c'est une petite niche à laquelle je vous invite pour déjouer sa modestie.

Je ne veux d'ailleurs pas laisser partir notre ami sans vous remercier, Monsieur, de la peine que vous avez bien voulu prendre pour moi aux Archives (l). 11 m'était précieux de constater qu'on ne trouverait là, sur notre major Davel, aucun fait nouveau. *

Le cours a eu quatre-vingt-une séances. Dans notre Acadé- mie notre leçon est d'une heure qu'étudiants et professeurs s'aident, de temps immémorial, à rogner de dix minutes. Les leçons de M. Sainte-Beuve ont presque toujours pris cinq quarts d'heure, comme celles de vos cours à Paris. Il faut donc compter trois de celles-ci ou quatre des nôtres par semaine pendant sept mois, sans aucune interruption que sept jours au nouvel-an , et deux congés d'une leçon que notre sollicitude parvint à lui arracher à grand peine. Il a été incontestablement de tous nos professeurs le plus infati- gable et le plus assidu. Tout le monde l'a remarqué, tout le monde en a joui, mais tout le monde aussi en était inquiet. Sa santé en souffrait. Un grand nombre de ses auditeurs le prêchaient contre eux-mêmes (M. Vinet en tête) et le sup- pliaient de se ménager, d'interrompre de temps en temps comme il en voyait assez d'exemples à l'Académie. Nous ne pûmes rien obtenir. Il est vrai que les brusqueries extraordi- naires de la saison contribuaient peut-être encore plus que le cours à lui faire du mal. Ses derniers mois, au reste, ont été beaucoup meilleurs. Malheureusement les préparatifs du départ ont assez fatigué M. Sainte-Beuve pour que nous le voyions se mettre en route avec beaucoup de peine en ce moment.

Les leçons ont été très-régulièrement et très-nombreuse- ment suivies. Lausanne est une petite ville de 12 à 14 mille âmes. Le public littéraire n'y fait donc pas foule ; il est de plus assez habitué aux Cours pour s'en lasser fort vite une fois la première curiosité passée. M. Sainte-Beuve a eu pour- tant jusqu'à trois cents auditeurs et plus ; et par des temps affreux de boue, de vent et de neige, malgré le difficile accès du quartier, une abominable salle vaste, lourde, obscure et froide, nous dépassions toujours de beaucoup la centaine.

(1) Voyez lettres XXVI, XXVII et XXVIII.

A CHARLES LABITTE 73

L'entière publicité des séances était due à la courtoisie de M. Sainte-Beuve. Mais elle a augmenté sa tâche. L'auditoire, ainsi beaucoup plus varié, plus incertain, assez changeant du moins sur les bords, était infiniment plus redoutable ou plus pénible à manier. Vous ne sauriez cependant assez vous dire, Monsieur, à quel point ila^étépris. Le début fut passablement épineux. Il y a partout des hommes que le sérieux seul jette en fureur bien qu'ils soient les gens les nmoins véritablement gais et les plus tristes du monde. La gravité du sujet, la solidité de l'enseignement les désappointèrent, car ils espéraient tout autrechose; la finesse, la pénétration leur échappait sans leur dévoiler leur pauvreté grossière : heureusement en petit nombre, à notre contentement à tous ils se rebutèrent bien vite. Ceux qui n'avaient été qu'étonnés, comme quelques autres, furent bientôt mis au pas, et les beaux-esprits tout faits eurent en peu de temps bouche close. Des magistrats, des professeurs, des étudiants, des théologiens, des avocats, des étrangers, un très grand nombre de dames ont suivi le cours sans interruption et avec un enchantement que je vou- drais pouvoir vous dire, mais je vous griffonne ceci très à la hâte n'ayant que quelques moments avant le départ de M. Sainte-Beuve et devant me borner aux renseignements tout matériels. Le reste, la conscience des recherches, l'originalité et la justesse des vues, l'intime et pittoresque vérité des portraits, vous le verrez par l'ouvrage lui-même qui devra faire l'effet d'un des plus originaux et des plus substantiels de notre temps si notre temps est capable de le sentir et de le comprendre.

Mais ce que l'ouvrage ne pourra rendre ni à personne ni à nous, c'est le cours lui-même. M. Sainte-Beuve a très-mau- vaise opinion de l'épreuve qu'il vient de faire. Quant à l'effet du professorat sur sa santés il est possible que M. Sainte- Beuve ait raison. Mais ne lui laissez pas dire que les leçons n'ont point eu d'autre mérite, d'autre intérêt que le livre n'en aura ; et s'il vous conte qu'il n'est pas orateur répondez-lui de notre part qu'il est éloquent. Son cours avait un attrait que je n'ai senti nulle part. Le livre n'aura rien de l'accent, du geste, du timbre de la voix, du souffle de l'âme, du jeu extérieur de la pensée ; et tout cela, joint au sérieux, à la grandeur, à la beauté, à l'inconnu du sujet, à la vérité, à la simplicité, à la convenance et à l'originalité des détails, à la

LETTRES INEDITES DE SAINTE-BEUVE A CHARLES LABITTE

sympathie du professeur et de ses auditeurs pour les person- nages, pour leur vie, leurs idées, tout cela formait un ensemble que je crois unique et j'ai pourtant entendu de bien célèbres cours. Que de choses que nous ne retrouverons que dans notre souvenir et dont nous avons malheureusement joui seuls ! Puisqu'il fallait qu'il y eut un choix, j'ose presque dire que nous en avons été dignes par l'attrait profond, durable, efficace dont ce cours avait rempli notre hiver lau- sannois, par la sympathie d'esprit et de cœur avec laquelle, une fois la reconnaissance faite et les premirèes difficultés passées, les esprits les plus élevés y ont répondu.

Adieu, Monsieur. Voilà l'heure du départ de notre ami. Recevez encore mes excuses de cet informe narré dont j'ai eu l'idée trop tard, et tous les remerciements de votre obéissant serviteur

J. Olivier. Lausanne, 3 juin 1838 (1).

(1) Charles Labitte dut utiliser cette lettre en faveur des lecteurs de la Revue, car Sainte-Beuve écrivait le 6 juin 1838 : « J'ai vu Buloz qu'on avait saigné le matin ; les épreuves de la Revue lui avaient donné le sang dans les yeux. Il a été content de me revoir et en ami plus qu'en intéressé. Il avait reçu plusieurs lettres de Lausanne sur mon cours ; je suppose qu'il y en avait une de M. Monnard (sans en être sur), mais j'ai cru reconnaître l'écriture sur l'adresse ; on n'a pas voulu me nommer les bienveilians indiscrets. Je crains bien moi-même d'avoir porté à Labitte, à qui Buloz a remis toutes ces dépêches, une dénonciation de plus et de véritables lettres de Bellerophon ou d'Uri ; je dis ceci pour notre cher et incorrigible ami Olivier. Labitte m'a ri au nez en lisant la lettre. » {Correspondance de Sainte-Beuve avec M. et M"' Juste Olivier).

TABLE ALPHABETIQUE

NOMS DE PERSONNES CITES DANS CET OUVRAGE

Ampère, 35, 43, 50.

Ancelot, 52.

Angélique (La Mère), 41.

Arnaull (Antoine), 28, 32, 41, 42.

Arnault d'Andilly, 26, 28, 42.

Augustin (Saint), 53.

Bacon, 45. Ballanche, 52. Balzac, 59. Balzac, 31, 32, 34, 41. Béattie, 15. Beuchot, 47. Bluze, 54. Boileau, 41, 56. Bonald (de), 54. Bonnaire, 43, 50. Bouhours, 29. Boulian, 54, 55. Bourdaloue, 29. Bouzenot, 18. Brizeux, 55. Brunetière, 10.

Buloz, 18, 19, 29, 30, 32, 34, 35, 37, 38, 41, 43, 47, 49, 52, 54, 74.

Camus, 27, 28, 56.

Campanella, 49.

Cantor (M'"^), 30.

Capefigue, 56.

Céleste, 32, 45.

César, 24.

Chabaille, 9, 32, 33, 35, 37, 38,

40, 43. Charrière (M""^ de), 46. Chasles, 7. Chègue (M^i^ de), 61. Chémier (André), 14, 60. Chénier (Marie-Joseph^, 58, 61. Chevalier (Michel), 35. Cicéron, 57. Clément, 14. Collin (Léopold), 28. Collins, 15. Comte (Ch.), 48. Corneille (Pierre), 26, 31, 32. Costar, 22. Cottin (M'"^), 43, 46. Coupet. Cousin, 6, 31, 48, 66, 67.

76

TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES

Cowper, 15. Crabbe, 15.

Damiens, 52. Danjou, 37, 38, 40, 48. Dante, 54.

Daunou, 19, 37, 48, 60. Davel, 38, 40, 72. Delille, 16. Denis, 22.

Desbordes-Valmore. Vot/e^ Val- more. Deschamps, 54. Deshouillières, 48. Desmarets, 61. Dessalles, 22, 23, 24. Diodati, 51. Dominique (Saint), 47. Duguet, 38, 41. Duras (M"»^ de), 53.

E

Ebrard, 17.

Etienne, 70.

Fauriel, 64. Fenelon, 26. Fontanes (de), 44. Fontanes (,M™« de), 39. Fontenelle, 26. Frémy, 60.

G

Gendès, 70. Geoffroy, 20.

Géruzez, 39. Girac, 22. Goldsmith, 15. Gosselin, 39. Grammont, 28. Gray, 15. Grenier, 59. Guénard, 20, 51. Guizot, 19, 20, 43, 45. Guizot (M'"^), 20. Guyot, 65.

Hamon, 41. Hecquet, 18. Huet, 28, 45. Hugo, 15, 49, 59, 63.

Jacqueminot, 40, Jansénius, 51. Jasmin, 22, 23.

Krùdner (M-^^ de), 20. Krûdner (Paul de), 20.

Labeaumelle, 56.

Labitte (Alexandre-Porphyre),

69, 70. Labitte (M'"^ Alex.-P.), 70. Labitte (Porphyre), 69, 70, 71. Lacordaire, 47. Lacroix, 53. Ladame (M«*), 30. Lafayette (M™« de), 18.

TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES

77

Lalu, 62. Lamartine, 6, 35. La Menée (de), 65. Lamotte, 26. Lancelot, 41, 42, 65. La Rue, 35.

Lauriel, 53. .>

Lebrun, 66. Lebrun {M""«), 66. Leclerc, 45. Lemaitre, 41, 42, 65. Lenormand, 45. Le Prévost, 39. Le Sage, 43. Letronne, 51. Leudière, 25. Levavasseur, 27. Longueville (M"« de), 27, 41. Louandre, 6, 9, 24, 25, 32, 35, 37, 43, 46, 47, 48, 50, 54, 55, 57. Louis XIV, 17, 21. Louis XVIII, 58. Loyson, 67.

M

Machiavel. Macqueron, 5, 14. Magnin, 40.

Maistre (Joseph de), 27. Maistre (Xavier de), 46. Malebranche, 38, 41. Marc Gallien, 51. Marmier, 55. Mauprat, 22. Menot, 44. Mérimée, 59, 63. Michaud, 60. Michelet, 35. Michiels, 50. Mignet, 19. Millevoye, 22, 23. Mole, 49. Molière, 10.

Monnard, 74. Montaigne, 34, 41. Moreau, 53.

N

Narville, 28.

Naudé, 17, 18, 21, 51, 57.

Newton, 49.

Nicole, 26, 27, 41, 65.

Ninon, 28.

Nisard, 21.

Nodier, 6, 60.

O

Olivier (M. et M"^ Juste), 7, 8, 11, 24, 38, 39, 40, 42, 43, 51, 54. 71, 74.

Ollivier (le libraire), 21, 27, 29, 33.

Orfila, 69.

Ozanam, 45.

Pany, 8.

Parny, 58, 61.

Pascal, 10,27,33, 34,37, 41.

Patin, 28, 35, 45.

Patru, 28.

Pépin (Guillaume), 44, 45.

Perraut, 41.

Pictet, 32.

Pie VI, 58.

Pilon, 35.

Pinson, 66.

Planche, 19, 35, 39, 43.

Plaute, 65.

Pline le Jeune, 50.

Pongerville (de), 27, 52, 53.

Pongerville [M'^' de), 69.

78

TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES

Ouatremère, 65. Ouinet, 19.

Rabier, 65.

Racine, 26, 38, 41.

Rapin, 29.

Ravaisson, 25, 32, 35, 37, 38, 40,

41, 45. Ravenel, 58. Raybaud (M"«), 56. Raynouard, 21. Rem usai, 40. Rendue!, 17, 24, 29, 50. Retz, 43. Rocheiacquelin (M*"^ de la), 29,

30, 32, 34, 39, 54. Romiguière (de la}, 47. Rochette, 40. Rollin, 27. Ronsard, 32. Rotrou, 32. Rousseau (Jean-Jacques), 43.

S

Sacy (de), l'orientaliste, 27. Sacy (de), 27, 41, 42, 65. Saint-Aubin, 65. Saint-Cyran, 32, 37, 41, 42. Sainte-Beuve (M'"«), 31. Saint-Evremond, 28, 35, Saintis (J. de), 25. Saint-Pierre (Abbé de), 27. Sales (Saint François de), 32,34,

41, 56. Sarrazin, 22. Sauvage, 71. Scudéry (M"ede), 26. Séché :Léon), 7, 39, 42, 43, 51. Senancourt (de), 16, 17,

Simon, 54. Singlin, 41, 42. Souvestre, 19. Staël (M"'<= de), 59. Stephens, 41.

Tacite, 24.

Tallemont, 27, 32, 33, 35.

Tastu (M'"^), 6, 40.

Térence, 65.

Thiers, 48, 58.

Thurot. 22, 47.

Tillemont (de), 41,42.

Tissot, 7, 61,69.

Toulouse, 32, 33, 35.

Tour-du-Pin-Gouvernet (de la),

29. Tournemine, 29. Turquety, 45. 64.

Valeski, 50. Valmore (M^"-;, 37. 40. Varin, 45. Varron, 65. Vatin, 64. Vauvenargues, 32. Vergue (M-"^), 32, 35. Veyne, 69. Vigny (A. de), 59. Villemain, 39, 48, 58, 61. Villemain [M'^'), 39. Vinet, 32, 72. Viollet-le-Duc, 57. Voiture, 21, 22. Voltaire, 43, 49.

W

VS^akefield, 15. W^ordworth, 15.

TABLE DES MATIERES

Pages

[ntroduction 5

I à LXXIII. Lettres inédites de Sainte-Beuve à Charles

Labitte 13

LXXIV. Discours prononcé par Sainte-Beuve le mardi

23 septembre 1845, sur la tombe de Ch. Labitte 67

LXXV et LXXVL Lettres inédites de Sainte-Beuve à M. Alexandre-Porphyre Labitte 69

LXXVIL Lettre inédite de Sainte-Beuve à M. Porphyre Labitte 71

Appendice. Lettre inédite de Juste Olivier à Charles Labitte, relative au cours que Sainte-Beuve fit à Lausanne sur Port-Royal 71

Table alphabétique des noms de personnes cités dans cet

ouvrage 75

ABBEVILLE. IMPRIMERIE F. PAILLART

Uiiiversity of Britis

DUE

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DATE

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