met nb ce et à MES heat RE LE re MEL TT RES EURO ONE NE Wide MW, F à L H : 1 } 4 DA 2e M mn 0 mn Lan age ne Dome ce Boni 8 on D pm Si de 0 D "à PRÉ = LETTRES À JULIE BIG NEDHO'L O0 G LE * Fr e LYON. — IMPRIMERIE … RA° L Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Illinois Urbana-Champaign http://www.archive.org/details/lettresjuliesu00muls LETTRES À JULIE SUR FEHOLOGTE L'OR! E. MULSANT SOUS-BIBLIOTHECAIRE DE LA VILLE DE LYON PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURÈÉLLE AU LYCÉE ET PRÉSIDENT DE LA SOCIETE LINNEENNE DE LA MEME VILLE CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRÜCTION PUBLIQUE ETC., ETC. ILLUSTRÉES PAR ÉDOUARD TRAVIES MAGNIFIQUES DESSINS D'APRÈS NATURE, COLORIÉS AVEC LE PLUS GRAND SOIN PARIS ANCIENNE MAISON MORIZOT AAA CEE TIR RARES D LEUR DORUEN SE GULERQUNS Jous droits reserve PRÉFACE S'ilestunescience beaucoup trop négligée jusqu’à présent, et qui cependant aurait le droit d'occuper un des premiers rangs parmi celles qui passionnent les hommes sérieux de notre époque, assurément, c’est celle de lOrnithologie. Omne tulit punctum qui miscuit utile duleri, a dit avec infiniment de sens etde philosophie Pillustre poëte de Tibur, l’immortel Horace. Or, est-il une étude qui réunisse à un plus haut deoré ces deux qualités précieuses de l’ufile et de l’'agréable que celle dont nous parlons en ce moment? En nous initiant aux mœurs, aux caractères et aux habitudes multiples de ces charmantes créatures qui peuplent les champs de l’espace, et dont plusieurs viennent ajouter pour À, VI PRÉFACE l’homme au bien-être et à l'agrément de la vie, l'Ornitho- logie semble nous détacher de la terre et des choses que j'appellerai inférieures, pour nous transporter dans des récions plus élevées, plus pures, plus suaves; et, d'autre part, en nous fournissant une foule de connaissances utiles, souvent même nécessaires, sur les habitants de l’air, elle donne à nos loisirs une occupation avantageuse qui ne saurait manquer de porter ses fruits. Nous nous sommes demandé souvent comment il se fai- sait que, malgré son utilité incontestable et son charme évi- dent, cette science n'ait trouvé jusqu’à présent que de rares disciples sérieux. La cause de cette négligence nous a paru venir surtout du petit nombre d'ouvrages relatifs à la ma- tière, et traitant ce sujet d’une manière à la fois instructive etattrayante. Parmi les traités d'Ornithologie parus jusqu’à ce jour, les uns étaient trop arides et trop succincts, les autres trop peu méthodiques et trop diffus; presque tous manquaient de ce je ne sais quoi de gracieux et d’aimable qui sait dissimuler la science sous les fleurs, et captive né- cessairement le lecteur. L'ouvrage que nous avons la bonne fortune d'offrir au- jourd’hui au public nous semble éviter les inconvénients PRÉFACE VII que nous venons de signaler, tout en réunissant les avan- tages de ses devanciers, et en y ajoutant même de nouvelles qualités. Ce que son auteur avait déjà fait pour les Insectes dans ses Lettres sur l'Entomologie, ouvrage dont on n’a pas oublié le succès si éclatant et si mérité, il vient de le faire pour les Oiseaux dans une nouvelle série de Lettres à Julie sur lOrnithologie. Dans ce dernier livre, comme dans le premier, M. Mulsant exerce un tel attrait sur son lecteur, 1l fait briller à ses yeux une telle richesse d’expres- sions heureuses, de traits fins et délicatement choisis, 11 dépense en un mot tant d'esprit, qu'il est impossible de ne pas le suivre jusqu’au bout du volume, impossible de ne pas apprendre à aimer une science qu'il parait tant aimer lui- même à nous faire connaître. Mais ce n’est pas seulement à notre intelligence et à notre imagination que s'adresse l’au- teur des Lettres à Julie; doué d’une sensibilité exquise, il trouve le secret d’émouvoir et de faire vibrer plus d’une corde intime de notre cœur, tantôt en nous dépeignant, dans les termes les plus touchants, la tendresse maternelle des Oiseaux pour leurs petits, image imparfaite, mais image fidèle cependant, de l'amour des mères pour leurs enfants : tantôt en nous représentant la jeune et faible Tourterelle se débattant vainement sous la serre cruelle du Vautour. VIII PRÉFACE image, hélas ! trop fidèle d’une autre faiblesse succombant bien souvent dans sa lutte contre le fort. Mais nous nous reprocherions d'arrêter plus longtemps le lecteur au seuil d’une galerie qu'il lui tarde sans doute de parcourir et d'examiner dans tous ses détails. Un mot cependant encore, et nous avons terminé. En louant sans réserve les Lettres à Julie sur l'Ornithologie, ce n’est pas une vaine réclame d’éditeur que nous avons voulu faire ; c'est un juste tribut d’admiration que nous avons voulu payer au savant professeur de Lyon. Qu'il nous permette de le lui dire ici, düt samodestie en être offensée, nous avons peu lu d'ouvrages qui nous aient procuré des satisfactions plus douces et plus complètes que celui-ci, et nous n’avons rien à retrancher à ce quenous exprimions en commencant : que c’est une bonne fortune pour nous d'offrir ce livre au public intelligent et sérieux. Nous ne dirons rien des nom- breuses gravures coloriées dont nous avons tenu à enrichir ce volume, sinon qu'en chargeant de ce travail un artiste aussi connu et aussi justement aïmé que M. Traviès, nous avons voulu que tout fût en parfaite harmonie dans cette publication. Au lecteur d'apprécier si notre espérance n’a pas été trompée : pour nous, confiant dans un succès que nous avons tout fait pour obtenir et sur lequel nous croyons PRÉFACE IX pouvoir compter avec une entière assurance, ilne nous reste plus qu'à nous mettre à la place de l’auteur, ou plutôt à nous Joindre à lui pour adresser au lecteur ce distique bien connu : Si de vous agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. L'ÉDITEUR : ' n | +. : a à A hi PA: Là ; |: À E : PAL ; j - > #5 _ l % L : es - D LEUR © » - Lu . | : 2 : Ar, t Cr * 1 es a LE L À TI d Fa L “ 2 1 + CET LA SES | | _ e : : | ’ LT … ] - . LETTRES 1. Physiologie de l’Oiseau. — Organes de la vie de nutrition. Ie — — Structure du corps, etc. IT. — — Organes des sens, etc. 3 IV. Amour des Oiseaux. — Construction des nids. — Incubation. Y. Soins des Oiseaux pour leurs petits. — Migration des Oiseaux, etc. VI. Classification des Oiseaux. ee VII. Les PERRoQUETS. Aras, Perruches, etc. VIII. Les VautTours. Vautours, Gypaëtes, etc. IX. Les AiGLes. Aigles, Pygargues, Buses, etc. ; X. Les Faucoxs. Le Gerfaut, le Pèlerin, le Hobereau, etc. XI. Les Caouerres. Hibous, Effraies, Ducs, Scops, etc. XII. Les PasserEAux. — Leurs divisions en groupes. XII. Les Cuériponxs. Engoulevents, Hirondelles, Martinets . XIV Les GoBE-MOUCHES. XV. LES PIES-GRIÈCHES. . SE XVI. Les Meres. Cincles, Loriots, etc. . XVII. — Merles, Grives, etc. XVIII. Les Becs-rixs. Traquets, . . . ee GS XIX. — Rubiettes, ne Roue gorges, etc. XX. =— Fauvettes, ete. XXI. — Rousserolles, etc. : XXII. — Hippolaïs, Pouillots, Toglodute. Dee XXIII. Les HocuEQUEUES ou Motacilles. Bergeronnettes, Farlouses. XXIV. LES ALOUETTES. : se : XXV. LES FRINGILLES. Bec-croisé, Ge ea BA rcuie etc. XX VI. — Moineaux. TABLE DES MATIÈRES PAGES 109 115 125 131 141 143 153 159 165 171 177 TABLE DES MATIÈRES XII LETTRES PAGES XXVII. Les FRINGILLES. Pinsons, Chardonnerets, Linottes, Bruants . 183 XXVIII. Les MÉSANGESs. Roitelets . : Te 189 XXIX. Les CorBEaAux. Corbeaux, Pies, Geais, Pure etc. 195 XXX. Les GRIMPEREAUX. Sitelles, Grimpereaux, Huppes, etc. 205 XXXI. Les ALcyoxs. Martins-pêcheurs, Guêpiers 211 XXXII. Les Pics. Pics, Torcols. 217 XXXIH. Les Coucous. TE : 295 XXXIV. Les CoLoMBEs. Pigeons, Dont lles. 2 : 231 XXXV. Les Térras, Cogs de Bruyère, Gelinottes, Dacobedes ete. 239 XXXVI. LES PERpRriIx. Perdrix, Cailles. 245 XXXVII. LES FAISANS. 253 XXXVIII. Les Coas. ARR, PU Un PE E TEA 259 XXXIX. LES PINTADES. — LEs PAoNs. — LES DINDONS . 267 XL. LES AUTRUCHES > re ATEN 275 XLI. Les OurTarpes, Œdinèmes.— Las PrvieRs. Vanneaux, etc. 283 XLII. Les GRUEs. — LES HÉroxs. Cigognes, Spatules . 291 XLIII. Les Igits. — Les Bécasses, Courlis, Barges, Combattants, etc. 297 XLIV. Les AVOCETTES. — LES FLAMMANTS . 305 XLV. Les RALES. — LES POULES D'EAU . 311 XLVI. Les PérTreLs, Labbes. — Les MoUETTES, Stérnés. 317 XLVII, Les PÉLIcANS. — Cormorans. 325 XLVIII. LES OEs. 331 XLIX. Les CyGNes. 339 L. Les CANARDS. 345 LI. Les HARLES. : PEN EREAEE DS, RP 391 LII. LES PLONGEONS. — Fe PiNGouINs. — LEs MANCHOTS. 395 Notes . 361 365 Table Méthodique des Familles et Genres d'Oiseaux . LETTRES À JULIE SUR L'ORNITHOLOGIE LETTRE PREMIÈRE PAHVSIOLOGIE DE L'OISEAU I — Organes de la vie de nutrition — Après avoir essayé de vous faire connaître les merveilles de l'histoire des Insectes, vous m'avez témoigné, Julie, le désir d’être initiée aussi à la science qui s'occupe des Oiseaux, de ces êtres charmants dont plusieurs sont l’objet de vos soins particuliers. Avec empressement j'accepte emploi si doux, Je pourrai du moins, mon amie, Grâces à l’Ornithologie, Correspondre encore avec vous. J’admire et je comprends votre goût pour cette gent ailée. Votre sexe, doué d’une sensibilité plus exquise que le nôtre, est 2 LETTRES A JULIR naturellement plus porté que nous à se passionner pour les plus cracieuses créations de Dieu : les Fleurs et les Oiseaux; et ces derniers s’attachent, je crois, plus volontiers aux femmes, parce qu'elles savent mieux aimer. Je connais bon nombre de Perruches qui ne souffriraient pas d’être caressées par d’autres mains que par celles de leur maïîtresse: et souvent ces êtres empennés S'irritent et témoignent une vive jalousie, quand celle qui les nourrit ne leur consacre pas toute sa tendresse. Le Moineau de Lesbie mordait Catulle, quand celui-ci cherchait à obtenir de son amie des témoignages d'affection dont le Passereau préten- dait jouir sans partage. L'amour de ces charmantes créatures est la première passion de l'enfance ; je me rappelle encore les pleurs que me faisait ver- ser la mort de mes jeunes nourrissons. Les Oiseaux ont recu diverses qualités pour nous plaire. Aucun des animaux supérieurs n’a, en général, des formes aussi gra- cieuses ; la nature en a paré plusieurs avec une magnificence devant laquelle pâlirait le luxe éblouissant des sultans, dans les plus opulentes cours orientales ; une foule d’entre eux savent tirer de leur gosier des sons faits pour charmer nos oreilles ; quelques uns semblent même vouloir converser avec nous, en répétant les mots dont nous avons essayé de meubler leur mémoire. L'Oiseau est le roi de Fatmosphère. Il s'élève parfois à des hauteurs où nos regards ont peine à le suivre. Il se joue au-dessus des nuages dans lesquels la foudre roule ses carreaux enflammés et d'où découlent pour nous les orages et les tempêtes. Il se rit des distances et franchit les espaces avec la vitesse des vents. Il nous fait envier le plus beau de ses priviléges, celui de pouvoir à volonté parcourir tous les champs de Pair. Aussi notre imagi- nation donne-t-elle des ailes à ces Esprits célestes dont le Très- Haut fait ses messagers, et à ces Anges tutélaires auxquels Dieu PEMSIORO GLE* DEL YOISEAU LAS confie chaque enfant arrivant à la vie, pour le guider dans la voie du bien. N’en prête-t-elle pas encore à tout ce qui est volage, comme le plaisir et l'amour ? à tout ce qui tend à s'élever, à la pensée et au génie? Écoutez ces chants de la jeune captive, dont Chénier nous a redit les douloureuses plaintes : D'une prison sur moi les murs pèsent en vain : — 4 J'ai les ailes de l'Espérance. I ne me faudrait donc pas de bien longues phrases pour vous donner les moyens de reconnaitre les Oiseaux ! entre tous les autres êtres de la création : leur corps couvert de plumes et pourvu d'ailes suffit pour les distinguer. Un naturaliste de profession se croirait obligé d’étaler un plus grand luxe scientifique ; mais peut-être ne voulez-vous pas péné- trer la science dans toutes ses profondeurs : Elle est moins destinée aux femmes : Ce n'est pas par elle, Mesdames, Que vous montrez votre pouvoir : Plaire, sans y songer, peut-être, Est votre principal savoir; Or, dans cet art, sans le vouloir, Vous n'avez pas besoin de maître. D'ailleurs, si vous vous avisiez d’usurper le domaine des sa- vants, ces messieurs en seraient jaloux ; or, la nature à été trop libérale envers votre sexe, elle l’a été surtout pour vous, Julie, d’une manière trop particulière, pour laisser place dans votre cœur à semblable ambition. 1 Les Oiseaux sont des animaux vertébrés, ovipares, ayant la respiration pulmo- paire, le sang chaud, le cœur à quatre cavités, la circulation complète et double, le diaphragme incomplet ou rudimentaire, la mâchoire inférieure articulée avec le crâne à l’aide d'un os particulier (l'os carré), le corps couvert de plumes, porté par les membres postérieurs et ayant ceux de devant en forme d'ailes. il LETTRES A JULIE À tous les agréments du corps Qui nous charment dans une femme, Elle a, chez vous, joint les trésors D'un noble cœur, d’une belle âme: Vertus, esprit, grâces, talents, Vous possédez tout en partage : Vous pouvez, sans peine, aux savants Abandonner quelque avantage. Sans suivre ces messieurs (dans les routes les plus cachées, il est néanmoins indispensable d'entrer dans quelques détails sur la physiologie de l'Oiseau, et d’effleurer ce point le plus aride de notre sujet. Les explications dans lesquelles j’entrerai, en cher- chant à être le plus clair possible, serviront à vous faire com- prendre avec quelle sagesse providentielle tons les organes des animaux correspondent d’une manière harmonique au rôle qu'ils doivent remplir. Jetons d’abord un coup d'œil sur ceux qui se rapportent à la vie de nutrition des êtres qui vont nous occuper. Les Oiseaux n’ont pas de dents ; ils ne sont donc pas destinés à mâcher. Par suite de cette disposition, ils manquent des glandes parotides , chargées d’humecter les aliments introduits dans la bouche ; ils n’ont que les sublinquales, dont le produit est destiné à faciliter la déglutition. Le tube digestif est, comme vous le savez, une sorte d'appareil chimique, dans lequel les matières alimentaires doivent être dé- composées sous l’influence de divers sues ! avec lesquels elles se mettent en contact, pour être converties en un liquide (le chyle) destiné à devenir du sang. Le tube alimentaire doit nécessaire- ment présenter des modifications, suivant le genre de vie des Oiseaux. Il est en général d'autant plus long, plus fort et plus com- { Le suc gastrique, le suc biliaire et le suc pancréatique. PHNVSIOEOCIE DEL L'OISEAU D pliqué que l'animal se nourrit d'une manière plus exclusive de ma- tières végétales. Ainsi, chez nos Pigeons et nos Poules, il présente trois renflements ou sortes d’estomacs : le jabot, espèce de sac, dans lequel les graines commencent à s’humecter et à se ramol- lir !: le ventricule succinturier, dans lequel elles s'imbibent d’un suc particulier : le gésier, où véritable estomac, pourvu de fibro- cartilages assez puissants pour les broyer et faciliter, par là, la di- gestion. Chez les Oiseaux vivant de substances animales, le jabot manque parfois ; le ventricule succinturier semble se confondre avec le gésier en un seul sac, dont les muscles et le velouté sont réduts à une très-grande faiblesse ; grâce à ces dernières qualités, les Coucous peuvent rejeter la dépouille des Chenilles poilues dont ils se nourrissent: les Martins-pêcheurs, les arêtes et autres parties solides des Poissons qu'ils ont pu saisir ; les Chouettes, les os des Rongeurs qu'elles ont avalés tout entiers ?. Le chyle, ou le liquide produit de la digestion, se rend dans la partie droite du cœur, qui l'envoie aux poumons; et là, sous l’in- fluence de l'oxygène de Pair, il prend la couleur êt les qualités du sang artériel où propre à entretenir la vie. Le sang, vous le savez, a non-seulement la mission de nourrir le corps et de réparer les pertes de nos organes, mais aussi d'exciter la fibre musculaire et de lui donner son énergie. Le sang a done une action d'autant plus grande et une chaleur d'autant plus élevée qu'il absorbe une plus grande quantité d'oxygène. Chez les Oiseaux, la poitrine n'étant pas, comme chez les Mam- mifères, séparée de l’abdomen par la cloison charnue appelée ‘ Quelques Oiseaux humectent ou font macérer leur nourriture pour la ramollir avant de l’avaler. 2 Chez presque tous les Oiseaux, le tube digestif se termine par une sorte de poche ou cloaque, dans laquelle les urines se mélent aux matières excrémentielles solides. Ô LETTRES A JULIE diaphragme, les poumons peuvent prendre plus d'extension et se prolonger dans la cavité abdominale ; ils sont enveloppés d’une membrane percée de trous qui permettent à l’air de se rendre dans diverses cavités intérieures, et de pénétrer même, chez les Oiseaux de haut vol, dans l’intérieur des os, qui deviennent ainsi des tubes remplis d'air. Ce fluide peut done hématoser le sang dans presque toutes les parties du corps, exercer sur lui une in- fluence réparatrice plus grande et donner aux Oiseaux une force musculaire suffisante pour lutter avec avantage contre les courants aériens. Ni je ne connaissais votre esprit d'élite, je n'aurais peut-être pas osé entrer dans ces détails physiologiques ; mais j'aurais craint, en usant de plus de réserve, de vous entendre me reprocher de nourrir un trop profond dédain pour la perspicacité de votre sexe ; or, quelques femmes nous ont laissé des ouvrages si remarquables, qu'on serait tenté de soupconner qu'elles ont voulu défier notre esprit de s'élever jusqu'à la hauteur de leur intelligence. Dans ma prochame lettre, nous continuerons cette étude sur l’organisation des Oiseaux ; j'ai besoin de fractionner mes récits, pour ménager n0S JoUSSaNCes : Car le plaisir de vous écrire Pour mon cœur a de tels attraits, Que, pendant longtemps, je voudrais Avoir quelque chose à vous dire. PHXSIOLOGIE DE, L'OTISEAU 7 LETTRE IT PHNVSIOLOGIE DE L'OISEAU II — Structure du Corps, etc. — Vraiment, la physiologie Vous semble pleine d'intérêt: Vous n'avez trouvé rien d'abstrait Dans ses lois pleines d'harmonie, Et votre indulgente bonté Admire mon habileté A vous rendre la lecon claire ! De ce prétendu savoir-faire Ne louez pas trop mon esprit : Quaud la science nous est chère On sait assez bien, d'ordinaire, Énoncer tout ce que l’on dit, Et surtout quand on songe à plaire - A Jamie à qui l’on écrit. Encouragé par votre bienveillance, je vais poursuivre l'étude commencée. 8 LETTRES A JULTE Le squelette des Oiseaux, malgré son analogie avec celui des Mammifères, présente nécessairement des modifications partieu- lières. Je me bornerai à vous signaler les principales. Les deux #24choires, auxquelles on donne le nom de >»andi- bules, sontrevêtues chacune d’une enveloppe cornée, et constituent le bec. Elles s'unissent au crâne : la supérieure, par des lames élastiques qui lui laissent une certaine liberté : linférieure, à l’aide d’un os mobile, appelé os carré, qui joue un rôle important dans l’abaissement de la mandibule inférieure. Le bec est l'instrument le plus utile à l’Oiseau : il lui sert à prendre sa nourriture, à construire son nid, à attaquer et à se défendre, et souvent à quelques autres usages. Sa forme si variable sert done à indiquer le genre de vie de chaque espèce. Chez les Oiseaux de proie diurnes, la base du bec est entourée d'une membrane épaisse, appelée cre, en raison de sa couleur. Les narines sont percées dans la mandibule supérieure : souvent elles sont garnies de soies raides ; quelquefois elles sont protégées par une écaille cartilagimeuse où voilées par des plumes. L’épine du dos, plus connue sous le nom de colonne verté- brale, parce qu'elle est formée par la réunion d'espèces d’anneaux osseux appelés vertèbres, se partage en plusieurs régions : celle du cou offre des pièces plus nombreuses et surtout plus mobiles que chez les Mammifères : la première vertèbre où Paflas, par sa configuration, laisse à la tête une plus grande liberté de mou- vements. La région dorsale constitue, avec les côtes et le sternum, l'espèce de cage osseuse dans laquelle se trouvent enfermés les viscères les plus importants : le cœur et les poumons. Gette sorte de carcasse semble avoir servi de modèle à celle de nos na- vires ; mais elle offre dans l’économie de ses ressorts, dans la PHYSFOLOGIE DEUM'OISEAU 9 légèreté et cependant dans la solidité des pièces qui la composent, une perfection que les mains de l’homme ne pourront jamais attemdre. Chez les Oiseaux destinés à un vol rapide ou prolongé, la partie dorsale de la colonne vertébrale est soudée pour donner plus de solidité à cette cage osseuse. Les côtes, dans le même but, émet- tent une branche s'appuyant sur la côte voisine; le ser num, où l'os du devant de la poitrine, se relève en une sorte de carène appelée brechet, pour permettre à lOiseau de fendre l'air avec moins de peine, et'surtout pour servir d'attache aux muscles chargés abaisser l'aile, quand celle-ci doit choquer le fluide aérien. Chez les Oiseaux moins disposés au vol, comme nos Gallinacés. la carène est moms saillante, le sternum est obtus où tronqué sur sa crête, et largement et profondément échancré de chaque côté pour affublir la puissance des muscles moteurs de Paile. Chez lAutruche, condamnée à une existence terrestre, les ver- tèbres dorsales jouissent d’une certaine liberté de mouvements et le sternum est plat. Ces diverses modifications dans cette partie sternale vous feront facilement comprendre pourquoi, sur nos tables, nous employons des méthodes différentes, en découpant un Poulet ou un Canard. Les Oiseaux de ce dernier genre, dans l’état sauvage, habitent principalement, pendant Pété, les contrées boréales; aux appro- ches des froids, 1ls sont forcés de venir chercher, sous un ciel plus doux, une nourriture qu'ils ne trouveraient plus sur la surface congelée des lacs qu’ils fréquentaient ; ils avaient besoin de muscles pectoraux volummeux pour exécuter ces longs voyages aériens. ! Il est formé de cinq pièces : une médiane, dont fait partie le brechet ou lame sail- lante ; deux latérales antérieures pour l’attache des côtes; deux latérales postérieures pour donner plus d'extension à sa surface. 10 LETTRES A JULIE et nous leur enlevons ces parties charnues, connues sous le nom daiguillettes. Nos Poulets et autres Gallinacés, destinés à vivre près de nous, ont les muscles pectoraux d’une faiblesse qui nous empêche d'employer le même procédé. Ces détails, faits pour vous donner à comprendre les différences qui doivent exister entre un Oiseau bon où mauvais voilier, soit sous le rapport de la conformation du sternum, soit sous celui du volume et par conséquent de la puissance des parties charnues destinées à faire mouvoir les organes du vol, pourraient porter toute autre que vous à me questionner sur la structure de ces mêmes parties chez certain petit dieu qu'on dit si volage. On n’a pas, que je sache, analysé l'Amour ; On n’a rien dit jusqu'à ce jour Des organes puissants de ses mouvantes ailes: Ils doivent ressembler à ceux des Hirondelles, A ceux des Colibris, si changeants dans leurs goûts ; Plutôt qu'à ceux de ces Oiseaux fidèles, De ces Gallinacés qui vivent près de nous. Mais ne parlons pas de ce dieu, dont vous ignorez le pouvoir, quoique la nature vous ait douée de tous les dons les plus capables de lui aider à étendre son empire. Je reviens à notre sujet. Les clavicules, ou les os chargés de tenir les épaules écartées, convergent vers leur partie inférieure, et se réunissent ordinai- rement vers ce point pour constituer ce qu'on appelle la fourchette. Chez les Faucons, elles formentdes ares-boutants très-solides, pour répondre à la puissance avec laquelle lOiseau choque lair dans son vol rapide. Les dernières vertèbres sont redressées, et vont d'ordinaire en S’étalant d'avant en arrière : elles sont d'autant plus nombreuses PHYSTOLOGIE DELL'OTSEAU 11 que la queue est destinée à jour d’une plus grande liberté de mouvements. Les membres antérieurs, ou les ailes, sont soutenus par l’huinérus, os du bras, le cubitus et le radius, os de l'avant- bras, et par les os du poignet, improprement appelé main. L’humérus, comparé au cubitus, est toujours d'autant plus court que l’Oiseau est meilleur voilier. Les extrémités antérieures, étant inutiles pour la station ou pour la progression terrestre, présentent seulement une rangée d’os carpiens, un métacarpe, un os en forme de stylet, représen- tant le pouce, un doigt à deux phalanges, et les vestiges d'un autre doigt. Les membres postérieurs, ou les pieds, comprennent quatre parties : la cursse, la jambe, le tarse et les doigts. Vous savez que les deux premières de ces parties sont, dans la charpente osseuse, le fémur et le #ibia : ce dernier est accompagné d’un péroné orêle et plus où moins raccourci. La cuisse est presque entièrement cachée dans les plumes, et s'articule avec la jambe au moyen d’une charnière, qui forme le genou, dirigé en avant. La jambe, dans son articulation avec le larse, offre le {alon dirigé en arrière. Le farse est constitué par un seul os, représentant nos os tau- siens et métatarsiens, où ceux du pied et du cou-de-pied, et par suite de l’état caché dans lequel se trouve la cuisse, 1l est consi- déré comme étant la jambe par la plupart des personnes étran- sûres à l’histoire naturelle. Les doigts, dans leur chiffre le plus complet, sont au nombre de quatre : le pouce, l’interne, le inédian et Vexterne ; mais chez les coureurs, auxquels le pouce apporterait un obstacle à la rapidité des pieds, 1l est assez élevé pour ne pas toucher à terre, ou même il manque tout à fait. Chez l’Autruche africaine, capable 12 LETTRES À JULIE de lutter de vitesse avec le coursier arabe, l’interne lui-même fait défaut, et les doigts sont réduits à deux. Les ongles, qui terminent la dernière phalange, sont d’une forme variable, suivant leur destination. Les pieds, chargés de porter le corps, sont ordinairement insé- rés en avant, pour permettre à l’Oiseau de conserver l'équilibre : mais chez les nageurs, dont la poitrine et le ventre reposent presque constamment sur les eaux, ils sont d'autant plus rejetés en arrière que Panimal est destiné à une vie plus exclusivement aquatique. Les pieds sont pourvus d’une série de muscles insérés sur la longueur du bassin et s'étendant souvent jusqu'aux dernières pha- langes en passant sur le genou et le talon, et disposés alors de telle sorte que le poids des Oiseaux faits pour se percher suffit pour lire fléchir les doigts, et leur permettre d’embrasser fortement la branche sur laquelle 1ls sont posés. C'est surtout entre les membres opposés qu'on peut admirer ce système de compensation et cette loi d'équilibre d’après laquelle aucune partie du corps ne peut recevoir un trop grand dévelop- pement, sans qu'une autre partie perde quelques-uns de ses avantages. Ainsi chez les Frégates et les Martinets, dont les lon- oues ailes sont douées d’une grande puissance de vol, les pieds sont d’une brièveté remarquable. Chez les Grèbes et les Plon- œeons, dont les tarses et les doigts constituent des avirons si actifs, les ailes sont presque impropres à soutenir le corps dans les airs : chez PAutruche aux pieds infatigables, les membres antérieurs ne sont plus que des organes de parade. Est-il besoin de vous parler des parties extérieures du corps de l'Oiseau ? La fête comprend le front ou partie antérieure, le zertex où sommet, et l'occiput prolongé jusqu'à la nuque, qui joint la base du cou. PHYSTOLOGIE DE" L'OISEAU L' Le dos occupe l’espace compris entre les ailes, à partir de leur. point d’origine jusqu'au croupion ; celui-ci est ordinairement chargé d’une glande, sécrétant une humeur huileuse, destinée à lustrer les plumes. N'avez-vous pas vu quelquefois une Poule, après avoir enduré la pluie, secouer sa robe mouillée, dès que le beau temps est revenu, et se hâter d’aller demander à cette elande, à laide de son bec, le fluide nécessaire pour réparer le désordre de sa toilette ? On donne le nom de gorge à la partie la plus antérieure du cou : celui-ci est suivi du plastron, qui couvre la poitrme ou du moins sa partie antérieure. Le ventre s'étend depuis l'extrémité du sternum jusqu'à la queue. Les flancs sont la partie du dessous du corps abritée par les ailes en état de repos. Le corps est revêtu de plumes, téguments légers destinés à garantir l’Oiseau des variations de température dans les régions de l’atmosphère ou dans son contact avec l’eau. Mais la nature n’a pas prodigué inutilement ces appendices dé- licats. Les Oiseaux nageurs, ceux qui sont destinés à marcher, à arpenter le sol, à piétiner dans la boue, et beaucoup d’autres, ont les doigts et les tarses dénudés, et alors l’épiderme s’est souvent transformé en espèces d’écussons où en sortes d’écailles, pour protéger les muscles sous-jacents contre l'influence des agents extérieurs ; les Échassiers ont même leurs pantalons retroussés, pour leur permettre d'entrer dans l’eau jusqu'à mi-jambe. Les plumes tombent, suivant les espèces, une ou deux fois par an ; et, dans ce cas, le plumage de la saison des amours est sou- vent différent de celui de l'hiver. La femelle, qui a recu pour elle la grâce et divers autres dons pour plaire, a une parure moms recherchée où une robe de couleur moins vive. Beaucoup d’Oiseaux subissent encore une autre mue, en passant du jeune âge à l’adulte; et, à cette époque, l’espèce de robe 14 LETTRES A JULIE prétexte du jeune se rapproche de la livrée de la mère, jusqu'au moment où il commence à endosser sa robe virile. Les plumes ne servent pas seulement à vêtir le corps de l’Oiseau, elles lui fournissent souvent des ornements variés. Elles parent la tête de panaches ou d’aigrettes ; elles ornent le cou d’une collerette ou d’une fraise; elles donnent à la queue des configurations sin- oulières. Quelles modifications ne présentent-elles pas? Quelques-unes sont lîches ou flottantes; d’autres, duvetées ou soyeuses ; un petit nombre, criniformes; plusieurs, satinées, métalliques, squammi- formes où gemmacées. Chaque plume est composée d’une tige cornée dont la base cons- titue un tuyau rempli d'air ; la partie qui suit celui-ci est convexe et polie à sa surface, creusée d’une rainure en dessous, spon- gieuse en dedans. Cette seconde partie de la tige est générale- ment garnie de chaque côté de barbes, portant souvent elles-mêmes des barbules. Les plumes sont les unes douces et moelleuses, analogues au duvet des Mammifères, et particulièrement chargées de conserver au sang sa chaleur ; d’autres, moins délicates, forment la robe de l'Oiseau ; d’autres enfin, plus fortes et plus longues, et dont les barbules admirablement bien unies empêchent lair de les tra- verser, portent le nom de pennes. Celles de la queue sont appelées rectrices ; elles varient de dix à dix-huit et font l'office de gou- vernail chez les Oiseaux d’une vie aérienne. Elles se raccourcissent chez les espèces aquatiques, chez lesquelles elles n’ont plus le ” même emploi. Les pennes attachées à la main, généralement au nombre de dix, sont appelées rémiges, parce qu’elles forment la principale partie’ des rames aériennes ; leur réunion constituele fouet de l'aile, qu'on a Soin de couper aux oiseaux d’une fidélité équivoque, capables HS TOUL O0 GTE DE" ALAOTISE AU 11 d'être tentés d'échapper, par la fuite, à notre esclavage. Ces rémiges portent aussi le nom de primaires, pour les distin- guer des secondaires, fixées à lavant-bras, avec lesquelles elles composent les principaux éléments des voiles du navire aérien. Ces pennes secondaires sont plus où moins nombreuses, suivant les espèces. Diverses autres plumes ont recu des noms particuliers !, Les ailes varient dans leur forme et leur longueur. Elles sont dites aiguës quand la première ou la seconde des pennes sont les plus longues : elles permettent à l’Oiseau d’avoir un vol plus rapide, mais elles lui ôtent la possibilité de s'élever verticalement dans les airs. L'animal jouit au contraire de cette faculté quand l'aile est obfuse où comme obliquement tronquée à son extrémité antérieure 9. Saint François d'Assise disait aux Oiseaux, auxquels il donnait le doux nom de frères : « Mes Oiseaux, vous êtes extrêmement obligés à Dieu, votre Créateur ; et, toujours et en tous lieux, vous devez le louer, parce qu’il vous à donné la liberté de voler partout #, » L’espérance ne semble-t-elle pas nous dire, qu’un jour nous pourrons traverser l’espace, comme POiseau fend Pair, pour arriver dans la sphère du bonheur ? Aussi, le Prophète-Roi s’écriait-il dans des moments d’afflic- 1 Ainsi l'on appelle polliciales celles attachées au pouce; tertiaires ou internes, celles fixées à l’humérus; petites couvertures des ailes, celles qui couvrent l'insertion des pennes et forment la bordure des ailes; scapulaires, celles de l'épaule; fectrices alaires où grances couvertures des ailes, celles qui naissent immédiatement après les scapulaires ; fectrices sur-caudales, celles qui ombragent la queue ; tectrices sous- caudales, celles qui voilent la partie inférieure de cette base. 2 L’aile est dite sur-aiqué (Hirondelle et Colibri) quand la première penne égale ou surpasse la seconde; aiqué, quand la seconde est la plus longue (Faucon); sub- obtuse (Gypaëte), quand la troisième égale la quatrième ; obluse (Aigle), quand la quatrième est la plus grande; swr-obtuse (Geai), lorsque la cinquième surpasse la quatrième en longueur. 3 OZANAM, Œuvres complètes. Paris, 1855, t. V. p. 269. 16 LETTRES A JUÆETE tion et d’amertume : « Qui me donnera, comme à la Colombe. des ailes pour m’envoler et trouver mon repos !? » Les ailes pourraient donc nous rendre jaloux des priviléges dont jouissent les Oiseaux, et certainement S'il m'arrivait de souhaiter L'un des dons qu'ils ont en partage, Dont la Providence si sage A pris le soin de les doter, Je n’envirais, je puis le dire, Ni l'instrument harmonieux Qui souvent leur sert à produire Les sons les plus mélodieux, Ni leurs couleurs parfois si belles : Mais, quand vous êtes loin de nous, Je voudrais posséder leurs ailes, Pour voler vite près de vous. i Psaume LIV, v. O. Ah! qui me donnera l'aile de la Colombe? J'irais, je volerais dans le sein du repos. Louis RACINE. Voyez la note A, à la fin du volume. LOGIE DE L'OISEAU 17 PH Y SO LETTRE III D PHYSIOLOGIE BE L'OISEAU THAT — Grganes des Sens, etc. — Il me reste, pour terminer l'essai physiologique de Oiseau, à vous parler des sens de ces animaux. Le foucher doit être sans contredit fort obtus chez eux, ear leur corps est recouvert de plumes msensibles ; et siquelques-uns, comme PAutruche et les Vautours, ont la tête et le cou en partie nus, ils ne s’en servent pas comme d’un instrument de tact. Quant aux pieds, ils ont une peau si épaisse qu’ils sont peu propres à jouir des qualités d’un toucher délicat. Mais chez quelques-uns de ces êtres ailés, chez les Canards et les Bécasses, l'extrémité du bec est revêtue d’une peau molle, dans laquelle réside une cer- tune sensibilité tactile, capable de leur permettre de distinguer, dans la vase, les larves ou les insectes recherchés par les premiers. où dans la terre humide, les vers ou autres animaux invertébrés dont se nourrissent les secondes. 18 LETTRES À JULIE Les Oiseaux sont encore mal organisés pour jour du sens du goût. On peut en juger par les Autruches gloutonnes, qui avalent tout ce qu’on leur jette : des morceaux de fer, des boutons de métal etautres choses semblables. Le besoin de manger beaucoup, pour réparer la dépense de leurs forces, et fournir au sang les matières combustibles qui entretiennent leur chaleur ani- male, supplée, chez ces êtres emplumés, au désir de mettre de la recherche dans leurs aliments ; on rencontre chez eux des goulus où polyphages, comme les Otomaques ! et les Bohémiens, plutôt que de fines fourchettes, comme les Brillat- Savarin. Vous savez que chez homme etles animaux supérieurs le goût réside principalement dans les papilles de la langue; mais celles-ci, pour dissoudre les corps solides, ont besom d’être lubrifiées par le produit des glandes sous-inaxillaires ; or, les matières nutri- tives n'étant pas destinées à séjourner dans la bouche, pour y ôtre maâchées, ces glandes manquent, ainsi que les parotides, chez les êtres qui nous occcupent. La langue est faiblement museu= laire, et la nature de sa surface la rend ordinairement peu propre à recevoir les impressions gustatives; chez plusieurs elie est un instrument particulier de préhension. Les Oiseaux- mouches où Colibris, ces bijoux vivants, dont la vie, comme celle des Papillons, se passe à voler de fleur en fleur, pour dérober à ces gracieuses productions de la terre les sues emmiellés sé- crétés par leurs nectaires, sont peut-être les êtres emplumés chez lesquels-le goût a le plus de sensibilité. Le sens de l’odoratsuit, dans son imperfection chez les Oiseaux, celui du goût. Des animaux qui mangent beaucoup, et qui avalent, souvent sans choix, les aliments qu'ils ingurgitent dans leur tube { Indiens de la Colomhie PES DO LOGI Fr DÉS I ONS.E AU 19 digestif, n'avaient pas besom d'une sentinelle avancée pour les avertir de labonne ou de la mauvaise qualité de la nourriture qu’ils vont prendre. Ajoutez à ces considérations que l’odorat était peu nécessaire à ceux qui vivent de graines, car ces fruits laissent rarement échapper des effluves odorants. Cependant les Corbeaux et les Vautours, qui accourent souvent d'assez loin vers les chairs en voie de décomposition, doivent, malgré lopinion de divers Naturalistes, éventer les matières dégoûtantes dont la Providence a confié la destruction à leur zèle. Les Oiseaux ont été amplement dédommagés, pour: les deux derniers sens, des avantages refusés aux premiers. La nécessité d'entendre les moindres bruits capables de les inquiéter, et d’être avertis, par là, des dangers auxquels ils peuvent être exposés, était un des besoms inhérents à leur nature. Aussi ne pouvons- nous marcher le long d’une haie, même d’un pied délicat, sans quele Passereau qui s’y cache ne soit averti de notre présence par le bruit de nos pas. Encore la finesse de l'audition des Oiseaux diurnes n’a-t-elle rien de comparable à sa délicatesse, chez les Rapaces obligés de chercher leur nourriture dans les ténèbres. Chez l'Effraie, par exemple, l'entrée du conduit auditif a été élar- aie et rendue un peu saillante, de manière à constituer une oreille externe rudimentaire, et les plumes effilées et délicates dont len- trée de cette conque est parsemée sont munies de barbules très- lâches, plutôt faites pour modérer la violence des ondulations sonores que pour s’epposer à leur introduction ; les cavités avec lesquelles la caisse ou oreille moyenne est en communication ont été agrandies et formées de lames plus élastiques, pour renforcer l’action des sons sur les filets nerveux qui se rendent dans l'oreille interne. Aussi, ces Oiseaux nocturnes sont-ils peut-être ouidés plutôt par Pouie que par la vue, quand leur appétit les porte à chercher fortune, Le moindre Rongeur ne peut trottmer sur 20 LETTRES A JULIE la mousse sans éveiller leur attention, et grâce au duvet dont la page mférieure de leurs ailes est hérissée, ils peuvent arriver sur le maraudeur, avant que celui-ci ait pu songer à chercher son salut dans un trou. Vous connaissez d’ailleurs les harmonies qui existent entre la faculté de produire des sons et celle de les entendre. Les Cigales assourdiraient-elles nos oreilles pendant l'été, si leurs bruits stri- dulants ne devaient être perçus, et souvent à une assez longue distance, par la femelle à laquelle ils sont adressés ? Les Oiseaux avaient encore davantage le besoin de s’entendre quand ils poussent des cris d'appel ou de ralliement, et surtout quand ils veulent exprimer leur bonheur ou leur amour. Le Rossi- enol troublerait-il le silence des nuits, si les accords mélodieux produits par son gosier sonore n'étaient destinés à faire oublier à sa compagne les ennuis de Pincubation ? Sans posséder une voix aussi brillante, la plupart des petits Oiseaux de nos champs, à l’aide des gazouillements les plus timides, obtiennent le même résultat. Le son de voix de ceux qu’on aime A quelque chose de si doux, Que malgré sa faiblesse extrême Il arrive aisément à nous. La /rachée-artère, où le tube cartilagineux chargé de laisser pénétrer l'air dans les poumons, présente en général chez les Oiseaux, vers sa bifurcation, une seconde glotte, constituant un larynx inférieur, principal organe de la voix, surtout chez les Oiseaux chanteurs. Cette fente glottique est pourvue de muscles particuliers, chargés d'en faire varier Pouverture, et de diver- sifier le chant de ces musiciens emplumés. PHYSIOLOGIE DE L'OISEAU 2] om C'est par là que souvent produisant des merveilles, Lorsque dans nos bosquets ils chantent leur bonheur, Ils ont captivé vos oreilles Et peut-être ému votre cœur. L’énorme provision d'air contenue dans les réservoirs aériens et les replis ou autres modifications de la trachée-artère, donne parfois à la voix de certains Oiseaux une puissance telle, qu'à éga- lité de taille surtout, aucun des Mammifères et l'Homme même ne pourraient en approcher. Le Butor, qu suit le bord de nos rivières, doit son nom à son mugissement de taureau ; PAgami de la Guyane pourrait, avec succès, remplacer le premier trompette de nos régiments; et les Grues, à l’époque de leurs voyages, font entendre, du haut des airs, des sons éclatants, que nos porte- voix les mieux perfectionnés seraient imptussants à pousser aussi loin. L’organe de la sion est, en général, le plus parfait de ceux des sens de l’Oiseau; mais cet organe subit quelques modifica- tions suivant le genre de vie et par conséquent les besoins des espèces. Les Oiseaux dont l’activité est diurne ont les yeux dirigés de côté et la pupille petite où médiocre, pour empêcher l’introduc- tion d’une trop grande quantité de rayons lumineux, capables de blesser leur rétine. Leurs yeux n’ont généralement pas de cils : mais, outre les deux paupières que nous possédons, ils en ont une troisième, fixée à l’angle interne, susceptible de sedéployer à volonté au devant du globe oculaire; elle peut ainsi tenir la cornée cons- tamment propre et luisante, comme le verre d’une montre, on faire l'office d’un voile protecteur, et permettre à l’animal de fixer, sans danger, les rayons les plus vifs du soleil. L'œil de certains Oiseaux est le plus merveilleux des instru- 22 LETTRES AMULIE ments d'optique ; il leur permet de raccourcir où d’allonger leur vue à volonté, et d’embrasser ainsi des espaces immenses. Le Faucon, des hauteurs de atmosphère où notre regard le décou-- vre à peine, peut apercevoir la Gaille sur laquelle 1l va se précipi- ter comme un trait, et Hirondelle sait distinguer, à plus de trois cents pas, le moucheron se jouant dans les airs, qu'elle va englou- tir dans son bec entr'ouvert. L’acuité de la vue correspond toujours à la rapidité du vol: sans cela, les Oiseaux dont laile est rapide se heurteraient sou- vent contre les obstacles placés sur leur passage. Chez les Rapaces nocturnes, les yeux sontdirigés en avant, pour rendre plus facile la distinction des objets, et la pupille est lar- gement ouverte, pour leur permettre de recueillir les moindres lueurs éparses dans l’atmosphère; aussi ces nyctalopes ne s’aven- turent-ils jamais au grand jour, dont les rayons blesseraient leur rétine. Les avantages de l’Oiseau ne s'arrêtent pas là. Sa sensibilité exquise lui permet de pressentir les momdres perturbations de l'élément léger dans lequel il vit, et de prédire le temps, au moins vingt-quatre heures à l'avance, avec une sûreté plus parfaite que l’Astrologue de Liége. Les Frégates et autres écumeurs de mer se hâtent dé regagner le rivage, quand la tempête doit soulever les flots de l'Océan, et menacer d’ensevelir dans ses abimes les mal- heureux vaisseaux exposés aux fureurs des vagues. La Providence a doué les Oiseaux d’un instinct étonnant. Ils ne se trompent jamais sur l’époque de la maturité des fruits qui les attendent dans d’autres contrées. Des Colibris, introuvables durant quelques mois, dans certaines provinces de l'Amérique, Sy montrent tout à coup, dès l’aube du jour, sitôt que le soleil à fait éclore les premières corolles des fleurs dont ils sont les courtisans. Par quelsecret mystérieux des Pigeons de la Belgique, apportés PHYS1I0 LORIE DE L'OISEAU me à Lyon dans des cages voilées, savent-ils retrouver leur chemin, dès qu'ils sont rendus à la liberté. et parvenir en quelques heures sur leurs œufs dont on les avait séparés Par quel prodige non moins admirable l'Hirondelle, qui passe les hivers dans les régions équatoriales, revient-elle au prin- temps, et sans faire de longs détours, retrouver le nid qui Pa vue naître ? Ces voyageurs ailés conservent-ils le souvenir de leurs étapes et de la topographie des contrées qu'ils traversent ? Mais si l’Oiseau peut trouver dans sa mémoire des points de repère, comment le Saumon, qui voyage durant la mauvaise saison dans les immenses profondeurs de lOcéan revient-il avec tant de fidélité, vers les beaux jours, dans la rivière où il prit naissance ? La science de l’homme peut raisonner sur ces sujets, mais elle ne parviendra jamais à expliquer tous les mystères de l'instinct si merveilleux dont le Créateur a doté les animaux. Les Oiseaux, si impressionnables de leur nature, sont doués d’une certaine imagination (du moins les espèces les plus aimantes et les mieux avantagées sous le rapport dela voix), et ils jouissent de la faculté de rêver. Qui ne rêve pas dans la vie? Autant les sages que les sots. Sitôt que le Dieu du repos A nous endormir nous convie, Les songes, enfants du Sommeil, Aiment, dans ces nocturnes heures, A s'établir dans nos demeures Jusques au moment du réveil. Souvent ces êtres fantastiques Dans des espaces chimériques Emportent alors nos esprits, ni LETTRES MMULTIE Et sous des formes étonnantes Ou des figures effrayantes S'offrent à nos regards surpris : D'autres fois ces sylphes volages, Comme des mirages trompeurs, Viennent nous offrir des images Qui nous bercent dans nos erreurs. Ainsi, l'homme qui des grandeurs Poursuit la fragile conquête, Se figure voir les honneurs Pleuvant en foule sur sa tête. Celui qui met tout son bonheur Dans l'or dont la soif le dévore, Voit, par un prestige enchanteur, Près de lui couler le Chrysorrhe. Tous nos Esculapes nouveaux Dont l'heureux coffre-fort s’engraisse De la fréquence de nos maux, Apercoivent tous les fléaux Déchainés sur l’humaïine espèce. La plupart de nos procureurs S'imaginent que pour leur plaire, Déversant sur eux ses faveurs, La chicane qui leur est chère Crée une foule de plaideurs Recourant à leur ministère, Et plus encor qu'à l'ordinaire Payant grassement leurs labeurs. est ainsi que parfois les songes, Grâces à d’aimables mensonges, Cherchent à flatter nos désirs ; Pour moi qui borne mes plaisirs À me préoccuper sans cesse De tous ceux que chérit mon cœur, PHYSIODOGTE: DE L'OTSEAU 25 Si quelque songe me caresse De son prestige séducteur, Besoin n'est alors de vous dire Quels objets viennent me sourire Et rendre ces moments si doux ; Mais si vos Oiseaux ont mes goûts Et si leur tendance est la même, Votre Perruche qui vous aime Doit réver bien souvent à vous. AMOURS DES OISEAUX 27 LETTRE IV MOULES DE OISEAUX _ Construction des Nids, Incubation. — Depuis ma dernière lettre, la terre attristée pendant les longs mois de l'hiver, a commencé, sous l'influence de la chaleur renaissante et des vents attiédis d'avril, à se parer de nouveaux altours, Nos prés décolorés naguère Se montrent déjà rajeunis, Et sur leur verdoyant tapis La flave et tendre Primevère Étale son frais coloris. Près d'elle, l’humble Päquerette, Aux blancs rayons, au disque d'or, Mi-cachée au sein de l’herbette, Trouve l’art de nous plaire encor. Gonflés par la séve ascendante, Les bourgeons des arbres divers, 28 LETTRES À JULIE Parmi leurs cônes entr'ouverts Nous montrent la feuille naissante, Et dans peu de temps leurs rameaux, Qu'avait dépouillés la froidure, Auront recouvré leur verdure Et leurs ornements Les plus beaux. Les Oiseaux ne sauraient rester insensibles à ce réveil de la Nature. Ceux qui nous avaient abandonné à l’approche des froids, pour aller vivre sous des cieux plus favorisés, reviennent en foule dans nos champs, alléchés par lPéclosion des larves d'insectes, chargées de leur fournir de délicieux banquets. Tous saluent le printemps à leur manière, et commencent à animer de leurs chants variés nos bois et nos campagnes. La plupart ont recouvré ces voix harmonieuses, et quelques-uns même ces accents pas- sionnés, qui ne tarderont pas à s'arrêter après la saison de leurs amours. La Fauvette par son ramage, La Mauviette par ses chants, Le Merle par son caquetage, Tous savent trouver un langage Pour exprimer leurs sentiments. La Tourterelle fait entendre dans les bois des soupirs lan- zoureux où mélancoliques ; mille autres concourent à former de mélodieux concerts. Les nuits mêmes, naguère tristes et silencieu- ses, résonnent de chants inaccoutumés. La Bécassine parcourt les airs, en annonçant par ses cris chevrotants la route quelle suit dans les ombres. Voyez le Pinson : il voltige de branche en branche ; une inquié- tude visible l'agite ; il semble épuiser tous les moyens de plaire. Le Ramier tourne en roucoulant autour de sa compagne ; le Paon CONSER UC ETONADES IN TDS 29 étale avec orgueil sa queue parée des cent yeux d’Argus. La Nature a même pris soin de donner à plusieurs des habits de noce ou des ornements particuliers, destinés à tomber ou à dis- paraitre quand aura passé la saison de plaire et d'aimer ! La partie mamelônnée de nos Coqs d'Inde s’empourpre d’un rouge plus vif; leurs appendices charnus acquièrent un allongement remarquable. La tête des Combattants se couvre de papilles ; leur cou se hérisse d’une crinière de plumes, dont la durée est bornée aux jours passagers de leur passion. Tous se disposent à préparer le berceau de leur famille future : déjà même les plus empressés ont achevé la couche qui doit la recevoir. Chez les animaux invertébrés, et même chez les Poissons et les Reptiles, les sollicitudes de la femelle se hornent, vous le savez, à déposer des œufs dans l'endroit convenable, et, au besoin, à les placer de manière à ce que le jeune animal qui en sortira trouve, en naissant, la nourriture nécessaire à son existence : puis, elle abandonne à la Providence le som de faire éclore ces eraines vivantes, et de veiller à la conservation de lespèce. Chez ces animaux déshérités, on ignore les joies de la famille et les liens de la fraternité. Placez, dans un réservoir, sans y mettre d’autres poissons, des Brochetons issus d’une même ponte : ils ne tarderont pas à s’entre-dévorer. Les Oiseaux sont les premiers animaux qui aient connu les douceurs de la maternité, puisque leurs œufs ont besoin, pour éclore, de sentir la douce influence de la chaleur de leur corps. N’avez-vous pas admiré, Julie, avec quel som, quel art et quel instinct admirable chaque espèce sait choisir l’endroit le plus propre à dérober son nid aux regards indiscrets où malveillants, et mettre en usage les matériaux divers employés à sa construc- tion ? avec quelle délicate attention surtout, chaque femelle sait le 30 LETTRES A JULIE tapisser intérieurement de bourre, de coton où de duvet, pour rendre plus moelleuse la couche sur laquelle reposeront les petits? Quand il's’agit de ceux qui lui devront le jour, Quelle mère jamais fut plus ingénieuse, Et sut trouver mieux qu'elle une ressource heureuse Dans son cœur et dans son amour ? Dès que le nid est achevé, la femelle ne tarde pas à Y déposer l'espérance de la perpétuité de l’espèce, c’est-à-dire les œufs. Le nombre de ceux-ci varie depuis un ou deux jusques à plus de vingt. Les espèces les plus utiles à l’homme sont généralement les plus fécondes. L’œuf, dont vous connaissez peut-être déjà la composition, pré- sente à extérieur une coquille où enveloppe calcaire, assez solide pour résister à une certaine pression. Sous la coquille, se montre une membrane entourant une sorte de glaire, hquide albumineux connu sous le nom de banc, quand il est coagulé sous l’in- fluence de la chaleur. Au milieu de ce dernier, est suspendu le ritellus où jaune, masse globuleuse, entourant une résicule, sur laquelle se montre la cicatricule, tache gélatineuse, au sein de laquelle la vie commence à se montrer. La ponte une fois achevée, la mère se condamne à rester sur ses œufs, pour leur communiquer la chaleur nécessaire à l'éclosion du jeune Oiseau. L'amour maternel dont elle est enflammée élève d’une manière remarquable la température de son sang. Elle doit à cette ardeur temporaire, produite par lexaltation de son système nerveux, la patience dont elle à besoin pour rester sur son nid pendant les longs jours de l’incubation, et le courage de défendre son trésor, suivant toute l’étendue de ses moyens, contre les ennemis qui oseraient l'attaquer. INCUBATION 31 Sous l'influence bienfaisante de la chaleur de la couveuse, se dessinent bientôt, dans la cicatricule, les premiers linéaments du corps du Jeune Oiseau, dont les diverses parties se développent et se consolident graduellement. Ne me demandez pas, Julie, par quelle action mystérieuse la vie peut ainsi se montrer au sein d’une matière presque inerte. Les anciens, dans limpossibilité d'expliquer cette action mer- veilleuse, avaient imaginé la fable de Prométhée dérobant aux cieux le feu qui anime les corps, pour nous montrer qu'il faut remonter jusqu'à la Divinité pour y trouver le principe de tout être. Ne cherchons donc pas ailleurs que dans la puissance du Créateur la cause de ce phénomène. Il est tant d’autres mystères incompréhensibles pour nous ! Qui pourrait nous dire, par exemple, comment peut s’allumer en nous ce sentiment de vive sympathie que vous savez si facile ment y faire naître, mais qui ne saurait aller au delà des limites approuvées par la vertu ? Si quelqu'un, dans un fol orgueil, | Sur ce pouvoir magique avait quelque scrupule, Montrez-vous à lui : d’un coup d'œil Vous convertirez l'incrédule. Pendant la période de lincubation, le mâle prête souvent son concours à la couveuse ; il s'efforce du moins, par mille moyens, de la distraire, et de lui faire oublier ses ennuis. Le Rossignol, dans ce but, prolonge jusqu'aux heures matinales ses nocturnes et ravissants concerts. A ses mélodieux accents, A sa voix chaleureuse et tendre. Il est facile de comprendre LETTRES A JULIE Que l’amour anime ses chants. Grâce à sa douce mélodie, Il sait, du temps, pour son amie, Tromper la pénible longueur. Comme cet aimable chanteur, J’emploîrais les nuits de grand cœur A l’aimable correspondance Que ma plume vient d'entamer, Si j'osais avoir l’espérance De vous plaire et de vous charmer. SOINS PODRC MES PETITES LETTRE V SOINS DES OISE A U X POUR LEURS PETITS _— Migrations et utilité des Oiseaux — Je vous entretenais, dans mes derniers récits, De l'instinct des Oiseaux, des soins qu'ils savent prendre Pour construire et cacher leurs nids: Aujourd'hui, j'avais à m'étendre Sur cet attachement si tendre Qu'ils témoignent pour leurs petits, Quand cette nuit, bercé par un heureux mensonge, Il me semblait revoir dans les douceurs d’un songe Celle qui me donna le jour; Elle était gracieuse et belle Comme nous l'avons vue au terrestre séjour ; Jamais du maternel amour On n'aurait pu citer un plus parfait modèle : Tout plein encor de ses bontés Dont je conserverai l’éternelle mémoire, J'allais pour l'embrasser, comme vous pouvez croire. 34 LÉTTRESALIULIE Lorsqu'elle disparut de mes yeux enchantés Dans une auréole de gloire. Le temps, fait pour calmer les peines de nos cœurs, N'a pu jusqu'à présent adoucir les douleurs Que m'a causé le deuil d’une tête si chère : J'avais, en m'éveillant, les yeux mouillés de pleurs, Au doux souvenir de ma mère ! Nous avons laissé, dans ma précédente lettre, les Oiseaux livrés aux soins de l’incubation. Celle-ci dure, suivant les espè- ces, de huit jours à quelquefois plus de emquante, chez certains Oiseaux aquatiques. À part quelques ménages modèles, comme ceux des Tourterelles et des Pigeons, les mâles poussent rare- ment le dévouement jusqu'à partager alors les pemes de leur compagne. Dès le moment où ils arrivent à la vie, les petits sortis d’une ponte nombreuse, comme les poussins et les canetons, sont revè- tus d’un duvet assez épais pour les préserver jusqu'à un certain point de la froidure. La plupart des autres ont le corps dé- pourvu de plumes, et sont incapables de chercher leur nourriture. Mais Dieu, dans sa bonté, a tout prévu pour eux; il a inspiré leurs parents cette sollicitude active et ces soins touchants qui les portent à pourvoir à tous leurs besoins; ils les abritent sous leurs corps et les couvrent de leurs ailes tutélaires, pour les réchauffer et les préserver de l'influence nuisible ou mortelle des froids ; ils vont chercher à leurs nouveau-nés les aliments appropriés ‘à leur faiblesse. Le mâle prend surtout sur lui ce soin important, pour donner à la femelle, amaigrie par les fatigues et les veilles, le temps de réparer ses forces. Et, chose admirable! on dirait quelquefois que les Oiseaux ont l’idée de cette vertu sublime qui embrasait le cœur de saint Vincent de Paul. J'avais un jour placé, en dehors d’une fenêtre, une cage contenant un nid de S'OLNSMPOUR LES EMIES 39 Jeunes Moimeaux, auxquels les parents restés libres continuaient à donner leurs soins. Ceux-ci furent saisis et emportés lun après l'autre, et presque sous mes yeux, par un Épervier. Les petits orphelins ne devinrent pas pour cela des abandonnés : d’autres Moïneaux vinrent leur apporter la nourriture quotidienne et leur: prodiguer une tendresse toute paternelle, jusqu'à ce qu'ils fussent en état de s’en passer. Mais de combien de dangers la jeune couvée n’est-elle pas menacée! Les Reptiles et les Belettes ne se bornent pas à manger les œufs; ils détruisent aussi les petits. Les Enfants, dont l’âge est sans pitié, enlèvent souvent aux Oiseaux leur trésor le plus cher. Les Chats, dénicheurs souvent plus habiles, savent grim- per sur les arbres pour y trouver une proie facile. Les Rapaces, enfin, non moins avides et non moins cruels, dévorent quelque- fois les parents et toute la nichée! Le corps des Oisillons assez heureux pour échapper à ces divers périls se garnit d’abord d’un duvet moelleux, puis des plumes chargées de constituer leur robe ; peu à peu les grandes pennes se dégagent aussi de leur tuyau, et acquièrent un dé- veloppement suffisant pour permettre aux jeunes d'essayer dans les airs leurs aïles novices. N’avez-vous Jamais vu les soins que prend alors la mère pour les inviter à quitter leur couche devenue trop étroite ? Elle se place sur une branche voisme, et les convie par sa voix pressante à venir la rejoindre. Les plus aimants, ou les plus empressés à répondre à ses vœux, se posent sur les bords du nid, agitent leurs ailes frémissantes en faisant entendre des cris, visibles expres- sions de leurs désirs et de leur crainte. Le plus hardi fait enfin un effort, vole vers celle qui l'appelle, et les autres ne tardent pas à le suivre. Ce premier essai une fois tenté, leur vol devient de jour en jour plus assuré. 4 30 LETTRES A JULIE Dès que les petits sont devenus assez habiles pour se confier à l'élément léger fait pour les porter, les parents leur continuent encore pendant quelque temps les soins nécessaires pour leur éducation ; puis 1ls les abandonnent à eux-mêmes : leur mission est désormais accomplie. Toutefois, les Oiseaux de proie, qui ne voient plus en eux que des rivaux, forcent alors leurs nourrissons à s'éloigner des lieux qui constituent leur empire, Chez nous il n’en est pas de même : Les auteurs bénis de nos jours De leur affection nous entourent toujours Jusques à leur vieillesse extrême. Ceux qu’en sa libéralité Le Ciel m'avait donnés pour soigner mon enfance, Semblaient être par leur bonté L'image de la Providence. Chercher, durant leur existence, A rendre heureux tous leurs enfants. Fut, avec leur plus douce envie, Le but de leurs efforts constants : Quand on perd de pareils parents, On les pleure toute sa vie ! Tous les Oiseaux que le printemps voit arriver au jour dans nos Campagnes ne sont pas destinés à y séjourner toute l’année. La plupart, avertis par un instinct particulier de lPapproche d’une saison moins favorable, nous quittent, vers la fin de lété où dans l'automne, pour aller, sous des cieux moins inconstants, chercher une nourriture qu'ils ne trouveraient plus dans nos champs attristés. Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux, Vont se réfugier dans des climats plus doux, Ne laïisseront jamais la saison rigoureuse Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse ; Dans un sage conseil, par les chefs assemblé, Du départ général le grand jour est réglé : Il arrive ; tout part : le plus jeune peut-être Demande, en regrettant les lieux qui l'ont vu naître, Quand viendra ce printemps, par qui tant d'exilés Dans les champs paternels se verront rappelés. Louis RAGINE. Mais tandis que les petits musiciens dont les chants animaient nos campagnes nous abandonnent, une foule d'Oiseaux du nord viennent nous visiter, et cet échange merveilleux contribue à nos jouissances et à nos plaisirs. En général, ces émigrants savent attendre, quand ils doivent passer les mers, les vents les plus favorables pour leur permettre de gagner plus facilement les rives étrangères. Un sens exquis où plutôt un instinct providentiel leur tient lieu de boussole, et les etude dans les champs de lespace, vers les lieux qu'ils doivent atteindre. Cet instinct se manifeste d’une manière non moins éton- nante à leur retour, et nous lui devons de voir revenir, chaque année, sous notre toit hospitalier, les Hirondelles qui y avaient bâti leur nid quelques mois auparavant. Je ne puis terminer cette lettre sans vous parler de Putilité des Oiseaux, sans vous faire connaître le but de leur création. Les uns, suivant les lois admirables du Tout-Puissant, sont des- tinés à maintenir dans de justes limites les espèces animales on végétales : d’autres, à faire disparaitre les matières en voice de décomposition, capables d’infecter Pair de leurs effluves nuisibles. Maus outre cette action providentielle qu'ils sont appelés à exer- cer, une foule d'entre eux sont un des merveilleux témoignages de 36 LE MM RIES AMOIUEDTPE LAS 2 la bonté de Dieu pour l’homme. La plupart nous fournissent une chair saine et appétissante. Ceux que le besoin porte à changer de climat nous offrent, dans leurs migrations périodiques, une sorte de manne délicieuse qui ne nous fait jamais défaut. Les espèces vivant près de nous, à l’état domestique, sont princi- palement chargées de garnir nos tables. Quelles ressources ne tirons-nous pas des œufs des Gallinacés? Ils ne servent pas seule- ment à notre alimentation, ils sont utilisés dans les arts et reçoi- vent divers autres emplois. Certains peuples se faconnent des habits avec la peau des Plongeons, des Pingouins et des Manchots. Les plumes sont réservées à des usages variés. Avec le duvet, nous nous composons des couches plus molles, des vêtements plus chauds, des couvertures plus recherchées ; avec les autres plumes, des parures et des ornements divers ; avec les pennes de plusieurs, nous pouvons fixer notre pensée sur le papier, et donner un corps visible aux conceptions de notre génie et aux sen- timents de notre cœur. Get art heureux que je chéris Et dont j'admire la puissance, Me donne, quand je vous écris, Ma plus aimable jouissance. CLASSIFICATION DES OISEAUX 39 LETTRE VI CLASSIFICATION DES OISEAUX Si je ne connaissais, Julie, la supériorité de votre intelligence et son aptitude à s'occuper des sciences dans ce qu'elles ont de sérieux, je craindrais peut-être de mettre aujourd’hui votre esprit à la torture, en vous parlant de la Classification des Oiseaux. Mais, sans les méthodes, comment se reconnaitre au mileu des œuvres de la création? On les a comparées avec raison au fil d'Ariane. Thésée, vous le savez, enflammé par lexemple d’'Hercule, qui s'était illustré par tant de travaux difficiles, se proposa à son tour de délivrer les Athéniens du tribut honteux qu'ils payaient à Minos, en tuant le monstre auquel, tous les sept ans, 1l fallait des victimes humaines. Que serait devenu ce héros, si son courage n'avait touché le cœur d'Ariane ? 40 LETTRES A JULIE Elle lui remit un peloton de fil dont elle tenait le bout : Il put, grâce à la main aimable Qui lui fournit un tel secours. S'aventurer dans les détours Du labyrinthe inextricable, Triompher du monstre odieux, Revenir couronné de gloire, Et dans un accueil gracieux Trouver le prix de sa victoire. Nous allons aussi faire usage d’un fil chargé de nous conduire dans un dédale de merveilles, dont nous ne pourrions sortir sans son aide. Mais, ici, les rôles seront intervertis : je serai le guide et vous l'explorateur. Heureusement vous n'aurez pas à combattre un minotaure. Si grâce à mon fil conducteur Votre intelligence subtile De ce dédale difficile Peut se tirer avec bonheur, Ne payerez-vous pas d’un sourire Celui qui, quoique d'un peu loin. Reste par vous chargé du soin De vous guider, de vous instruire ? Les Classifications, pour avoir quelque valeur, doivent autant que possible se rapprocher de la marche de la Nature. Gelle des Oiseaux est fondée principalement sur la conformation des pattes et du bec, capables plus que toutes les autres parties extérieures d'indiquer le genre de vie de ces animaux. Le but des Classifications est d’abréger nos recherches pour parvenir à la connaissance des espèces, On y arrive en établis- sant des groupes de plus en plus restreimts. CLASSIFICATION DES OLSEAUX 41 La CLASSE des oiseaux est divisée en ORDRES : ceux-ci en FAMILLES : ces dernières en GENRES, et les genres en espèces. Veuillez, je vous prie, jeter les yeux sur le tableau suivant, chargé de nous conduire d’abord jusqu'aux ordres. Ordres ! Deux doigts en avant, deux en arrière; bec gros et robuste, entouré à sa base d’une membrane où sont Derccesslesinarin es RE TRE CU 0 PRÉHENSEURS. Trois doigts en avant et un en arrière ; bec tranchant: ongles propres à enserrer une proie ; pieds ordinai- susceptibles de pré- hension;bec crochu. \ rement assez robustes pour l'emporter. . . . . RAPACES. [ © = RC SCT : : NÉE NREE [ Z | Trois doigts devant et un EME UT = ef + si LUN = 2 derrièrers 5": PASSEREAUX. © m + © = + & ‘= = 2 ä : M PE © 9 | 2 = © À = |.£ | Deux doigts devant et deux EU) ‘à RES & 3 lérrier : Re = | Æ =] « = LE derrière . . . . . . CRIMPEURS. LAN es) « D Ÿ FALL CR —— | = 1 = Sd © END St QE om PU Pod / + T G Q s = CSP NT ARC Narines percées dans un espace = DRE \ 2 D Re \ membraneux de la base du bec SU ER ee SE 2 82 "a et recouvertes par une écaille : _— D ei El > = ° : s , SE 5 2e © = | ailes courtes: corps lourd . . (TALLINACÉS. = = € ® , = © © n 2 a Ÿ à 2 © + a ; ; Front = DEN RES Jambes dénudées dans leur moitié in- (7) RNAND OS Ste , È Le, SEVEN férieure ; tarses élevés; cou et bec = = S À ; ; = A \ SOUventrallonseés NN NT TU ECHASSIERS. Doigts unis par une membrane : pieds assez courts, \ | situés plus ou moins en arrière; tarses comprimés. PALMIPÉDES. Cette Classification, en la prenant au rebours, semble corres- pondre à l’ordre de l'apparition des Oiseaux sur le globe. Quand la terre était couverte d’une mer umiverselle, il ne pouvait y avoir que des animaux d'eau et des Oiseaux nageurs, chargés de décimer ces populations aquatiques. Dès qu'il y eut un certain nombre de lambeaux de la croûte solide émergés, Dieu créa les Reptiles, dont les pieds déjetés en dehors semblent faits pour permettre à ces vertébrés de ramper sur les rivages, et alors parurent aussi des Echassiers destinés à chercher leur vie sur les 42 LETTRES A JULIE » bords des mers étendues de l'époque, et plus tard, quelques autres Oiseaux du même ordre, faits pour arpenter les terres devenues moins restreintes. Un silence de mort régnait encore sur le globe ; la Nature n’avait point de voix ou ne laissait entendre que des cris lugu- bres. Mais quand la terre, devenue plus continentale, se para d’une flore plus nombreuse, plus riche et plus gracieuse, elle se vit peuplée d'Oiseaux dune existence plus terrestre, et bientôt aussi se montrèrent ceux dont la voix donne de l’animation à nos champs, c’est-à-dire ceux qui se plaisent à grimper et ceux qui se tien- nent perchés dans le repos. Dieu embelhissait ainsi de mille maniè- res la surface de la planète destinée à être le séjour de l'Homme. Si nous voulions suivre lordre chronologique, nous commen cerions done par les Oiseaux nageurs ; mais puisque nous placons à. la tête des animaux ceux qui se rapprochent le plus de l'Homme par leur caractère physique, nous suivrons aussi pour les Verté- brés, dont je dois vous esquisser l’histoire, une marche descen- dante. Ainsi, Julie, parmi ces êtres emplumés, il en est dont les doigts constituent de véritables organes de préhension, c’est-à-dire propres à saisir les objets, organes qui se rapprochent, chez les premiers, des pattes préhensiles des Singes. Entre les Oiseaux jouissant de ce privilége, les uns, comme les Perroquets, constituant l’ordre des Préhenseurs, ont deux doigts devant et deux derrière, pour favoriser leur grimper sur les bran- ches des arbres, et sont pourvus d’un bec fort, dur et solide, pour briser Penveloppe des graines dont ils se nourrissent. Les autres, comme-les Aigles, les Faucons, ont trois doigts devant et un derrière ; les ongles acérés et arqués pour enserrer une proie; des pattes ordinairement assez robustes pour lem- porter ; un bee crochu et tranchant pour la déchirer. Ils ont été CLASSIFICATION DES -OLSE AUX 43 à bon droit nommés AÆRapaces où Oiseaux de proie. Le bon La Fontaine, ce profond observateur, les avait, aussi bien que les naturalistes de profession, caractérisés dans ce vers : Au bec retors, à la tranchante serre. Les autres Oiseaux n’ont pas les pattes susceptibles de préhen- sion; mais il en est dont la conformation suffit pour révéler les habitudes. Ainsi, les Canards, les Oies et autres Palinipèdes, grâce à leurs doigts unis par unemembrane et transformés ainsi en na- weoires, à leurs tarses courts et comprimés, à leurs pieds peu allongés et d'autant plus rejetés en arrière qu'ils sont destinés à une vie plus exclusivement aquatique, sont visiblement faits pour la nage. Les Vanneaux, les Hérons et autres Æchassiers, à l'aide de leurs tarses élevés, de leurs jambes dépourvues -de plumes dans leur moitié inférieure, ne sont-ils pas propres à marcher dans les marécages et à guéer le bord des rivières ? Ils ont d’ailleurs souvent le cou et le bec allongés, pour saisir leur nourriture à leurs pieds où dans les eaux ; et ne trouvez-vous pas que notre 1Immor- tel fabuliste les avait parfaitement dépeints dans ces vers : Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où, Un Héron au long bec emmanché d’un long cou : Il côtoyait une rivière. Les Gallinacés, comme nos Pigeons et surtout nos Poules et nos Dindons, par leurs ailes souvent courtes, leur corps en général assez lourd, leur sternum diminué par deux fortes échancrures, sont, la plupart, destinés à ne voler qu'avec peine, où à n’avoir qu'un vol peu prolongé. La Providence en a destiné plusieurs à 41 BETTRES A JULIE vivre près de nous pour servir au besoin de nos tables, et dans ce but, elle à affaibli la puissance de leurs muscles pectoraux et raccourci leurs ailes; ils ont d’ailleurs les narines percées dans un espace membraneux de la base du bec, et recouvertes par une écaille. Les Grinpeurs ont deux doigts devant et deux dirigés en arrière, pour favoriser leur marche ascendante sur les arbres. Les Pics peuvent servir de types pour les Oiseaux de cet ordre. Enfin, les Passereaux, tels que les Hirondelles, les Merles, les Moineaux, etc., ne peuvent être désignés que par la négation des caractères propres à faire reconnaitre les Oiseaux précé- dents; ils n’ont aucune des marques distinctives de ceux-ci ; ils constituent un ordre nombreux, auquel appartiennent la plupart de nos Oiseaux chanteurs. C'est ainsi, Julie, que les Classifications peuvent nous permettre de nous reconnaitre au milieu des œuvres de la création, et d’ar- river, par des divisions successives, au but de nos recherches. On pourrait, avec leur aide, parvenir à désigner assez bien celle à qui J'écris en ce moment, pour ne laisser aucun doute sur l'objet que je voudrais mdiquer, par exemple : Si je disais : entre les femmes Qui nous charment par leur beauté, Il n’est peut-être point de dames Sachant, à tant de dignité, Unir cette grâce infinie Sans laquelle la plus jolie Manque du principal attrait, Déjà, sans doute on penserait : Ce pourrait bien être Julie. Mais en dehors des agréments De son corps ou de sa figure, CLASSIFICATION DES OISPBAUX 45 Elle a recu de la Nature De plus rares enchantements : Avec une telle élégance Elle exprime ce qu’elle dit : La raison et l'intelligence Brillent si bien dans son récit, Qu'en dépit de sa modestie On admire son sens parfait. Et l’on devine son génie... Dès ce moment on se dirait : C’est ou ce doit être Julie. A cette esquisse ou ce portrait Si j'allais ajouter encore : Aux talents qui lui font honneur, A la grâce qui la décore, Elle unit tous les dons du cœur: Elle ne peut voir le malheur Sans compatir à la souffrance : Dans l'asile de l’indigence, Comme un ange consolateur. Elle rappelle l'espérance, Elle ramène le bonheur, Et de crainte qu'on ne publie Le bien qu’elle peut avoir fait, Elle tait son nom … à ce trait. Tout le monde alors s'écrirait, Ce ne peut être que Julie. a \ xs : NL) douar / PERNOQUET AMAZONE {mp Lermercier & CE Parys À FRONT BLEU LEStPERROQUETS. 47 LETTRE VII RS ME EE O QUES — Aras, Perruches, etc.— En vérité, Julie, vous avez saisi avec une sagacité si imtelli- gente la première division de la classe des Oiseaux, que je serais tenté de m’écrier avec Molière : Digna, digna es intrare…. Ce qui signifie en termes plus imtelligibles : vous êtes vraiment digne de prendre rang dans le corps savant des ornithologistes. En examimant la jolie Perruche qui vous sert parfois d’amu- sement et de compagne, vous avez compris tout de suite, à la disposition de ses doigts et aux qualités dont ils sont doués, qu’elle devait être rangée dans la première catégorie, c’est-à-dire parmi les Oiseaux qui ont ces organes susceptibles de préhension. 1 PREMIER ORDRE : LES PRÉHENSEURS. — CarAcTÈRES : Pattes susceptibles de préhension : deux doigts devant et deux derrière. Bec gros, solide et crochu, — Une seule famille : LES PERROQUETS. 20 LETTRES À JULIE ques autres de leurs qualités, ont de tout temps excité notre admi- ration ; ce sont à peu près les seuls Oiseaux qui aient le pouvoir de fixer lattention des sauvages, généralement si insensibles aux beautés de la nature. La Providence, en les avantageant sous le rapport de la viva- cité des couleurs de leur robe, ne leur a donné qu'une voix criarde et désagréable. Chez les Oiseaux, comme chez nous. Qui peut avoir tout en partage ? Rarement on a l'avantage De montrer l’heureux assemblage Des dons si différents qui nous charment en vous. Dans les régions équatoriales, ils font au lever du soleil un caquetage assourdissant. Leur mandibule supérieure, concave en dedans, et leur langue charnue, leur donnent la facilité d’'imiter la voix de divers animaux, de jeter des éclats de rire, de retenir et de répéter des mots et même des phrases lorsqu'ils ont l’habitude de les entendre prononcer fréquemment. On en a vu imitant grotesquement la danse des sauvages, en redisant leurs chansons. La plupart S’apprivoisent facilement et deviennent caressants et dociles. Comme nous, quelquefois ils bâillent d'ennui. Ces Oiseaux devant vous, et je le parirais, N'ont commis telle irrévérence : Pourrait-on s'ennuyer jamais, Quand on est en votre présence ? Leurs diverses qualités, surtout leur faculté d’articuler des sons. les ont fait rechercher en tont temps. + ,u v NS uard ra 10 Por LES PERROQUETS El Les premiers qui parurent en Europe y furent apportés de l'Inde par Onésicrite, commandant de la flotte d'Alexandre. A Rome, où les Oiseaux parleurs étaient prisés si haut, ils furent bientôt en grande faveur. On les logeait dans des cages d'argent, d'écaille où d'ivoire, et tel Perroquet, capable de répéter quelques phrases, se vendit souvent plus cher qu'un esclave. Cependant ces êtres, qui semblent si bien doués, sont comme la voix d'Écho : ils n’ont pas l'intelligence de ce qu'ils disent, et vous savez, par l'histoire lamentable de Vert- Vert, que s'ils apprennent de jolies phrases, ils savent aussi retenir des mots peu propres à flatter l'oreille. L'un de ces Oiseaux, dans les jours les plus orageux de notre Révolution, fut, dit-on, fatal à son possesseur. Sa cage avait été imprudemment placée sur le devant d’une croisée donnant sur l’une des rues les plus fréquentées de la capitale, Maitre Jacquot, pour faire admirer son savoir aux passants, s’évertuait à faire entendre, d’une voix sonore et fortement accentuée, le cri de Vive le Roi. En montrant ainsi l'éducation qu'il avait recue, il révéla les sentiments monarchiques de son maître, et fut la cause de sa mort !. Je me garderais bien d’avoir, dans mon logis, un de ces Oiseaux, si je craignais de manifester les pensées dont j'aime à me bercer. Il est un nom que si souvent, Quand je suis seul, je fais entendre, ! Dans l'une de nos plus grandes villes, un Perroquet, pendant les jours de la Terreur, faisait entendre le cri de Five le Roi; il appartenait à un pauvre cordon- nier: le proconsul cruel qui gouvernait la cité n'osa pas faire jeter dans les cachots le propriétaire de l'Oiseau, qui était un homme du peuple: mais il se fit apporter le Perroquet coupable et le fit décapiter sous ses yeux. U. or ILL ait bientôt l'apprendre, Et ce babillard indi LA En répétant ce nom que j'aime, | Sans s'en douter pourrait, de mème, De mon cœur trahir le secret. F2 Fa LE SNVAAUURONURIS Qt QI BES V AUMOURS — Vautours, Gypaëtes — Comment espérer de pouvoir vous intéresser aujourd'hui, en vous parlant de ces Oiseaux cruels pour lesquels la rapine est un besom et la destruction une nécessité ? Ils n'ont pas recu en vain le nom odieux de ÆRapaces, dont ils ont été qualifiés. Toujours prêts à poursuivre une proie, lorsque la faim se fait sentir, ils ont les ongles arqués, rétractiles et disposés pour l’enserrer ; les pieds assez robustes pour emporter ; le bec crochu, tranchant, et propre à la déchirer. On peut, à leur extérieur, Reconnaître leur caractère. Leur sauvage et farouche humeur { DEUXIEME oRDRE : LES RAPACES ou OISEAUX DE PROIE. — CARACTERES : Putles robustes, susceptibles de préhension : trois doigts devant et un derrière, Bec crochu et tranchant. D4 LETTRES A JULTE Et leur appétit sanguinaire : Comme à vos yeux pleins de douceur Chacun sait, avec assurance, Deviner votre intelligence Et la bonté de votre cœur. Les Rapaces ont, comme les Mammifères carnivores, l'estomac assez simple et membraneux, et les intestins courts. Mais en dehors des caractères qui servent à les faire reconnaitre, ils n’ont pas complétement le même genre de vie. Les uns se livrent en plein jour à leurs déprédations, les autres attendent pour commettre leurs rapines que les ombres aient couvert la terre : de 1à, leur division naturelle en deux tribus : les Dévrnes * et les Nocturnes. Les uns et les autres, vous le devinez sans peine, ont une organisation en harmonie avec leurs besoms. Ainsi les premiers ont la pupille petite où médiocre, pour ne pas laisser arriver jusqu'à la rétine une trop grande quantité de rayons lumineux capables de la blesser ; les yeux dirigés de côté; la vue percante ; les pennes fortes, pour choquer Pair avec une grande puissance; le vol élevé; ils ont encore, pour se fre reconnaitre, la tète médiocre et arrondie, et la base du bec recouverte d’une membrane appelée cire, en raison de sa couleur, membrane dans laquelle sont percées les narines. Les grandes espèces établissent, parmi des rochers plus où moins inaccessibles, des nids à surface presque plane appelés aires, et sont généralement fidèles aux lieux choisis par elles pour v élever leur famille, et aux nœuds conjugaux qu'elles ont formés. ! RAPAGES DIURNES. Yeux diviges de côts. Pupille petite où médiocre. {iles sans plumes duveteuses en dessous. — Ils forment trois familles : LES VAUTOURS, LES AIGLES ET LES FAUcOXS. LES VAUTOURS DD Le mâle, ordinairement d’un tiers plus petit que la femelle, a reçu le nom de Trercelet, appliqué surtout à celui de l'Épervier. Les Oiseaux de proie ont un plumage différent suivant l’âge, et mettent plusieurs années à acquérir leur robe virile, ce qui rend souvent assez difficile la distinction des espèces. On les partage en trois principales familles : les Vautours, les Aigles et les Faucons. Les Vautours ont les yeux à fleur de tête, les serres plus où moins faibles. Les Aigles et les Faucons ont Pos du front saillant, ce qui fait paraitre Poil enfoncé dans l'orbite, et leur donne un caractère plus prononcé de férocité. Le bec des Aigles est sans échancrure, et la quatrième penne de leurs ailes est ordinairement la plus longue. Les Faucons ont la mandibule supérieure munie d’une où de deux dents, et la deuxième penne des ailes la plus grande. Je ne vous parlerai aujourd’hui que des Rapaces de la première famille. Les Vautours ont le bec droit à la base, courbé seulement. à son extrémité, et par là même plus faible: la tête et le con souvent nus ou seulement garnis de duvet ; ils ont en général le port indo- lent ; les ailes écartées et mi-pendantes dans l’état de repos: le jabot saillant à la base du cou, après le repas, comme le goître disgracieux d’un crétin. Les vrais Vautours ont la tête et le cou plus où moms dégarnis de plumes, pour enfoncer plus facilement ces parties dans la sanie impure dont ils se nourrissent. Ministres d’une Providence qui à tout fait pour le bien-être de l’homme, ils ont été placés dans les chaudes contrées du globe pour y détruire les chairs en voie de décomposition. Émules du Chacal et de FHvène, ils concourent avec ces derniers à 510) LETTRES À JULTE faire disparaitre les restes des animaux que les Lions et autres carnassiers terrestres n’ont pu engloutir tout entiers dans leurs repas. | Dans le but de les rendre plus utiles, le Créateur leur a donné une très-grande facilité à rejeter les aliments dont ils ont rem- ph leur poche stomacale, pour les tenir toujours disposés à nous rendre les mêmes services. Et, pour nous ôter jusqu'à l’idée de songer à détruire des êtres chargés de remplir un rôle si important, de leurs narines découle une humeur infecte ; leur chair exhale une odeur‘ désagréable, capable de révolter le goût du bohémien le moins délicat. La Nature les a doués de la faculté de pouvoir, de très-loin, percevoir les effluves odorants qui s’échappent des matières cor- rompues, etils S'empressent daccourir à la curée, pour remplir la mission bienfaisante dont ils sont chargés. Ne nous étonnons pas si lun de ces Oiseaux, le Perenoptère d'Égypte, connu aussi sous le nom de Poule de Pharaon, a été considéré par les habitants du Nil comme une divinité tutélaire. Toutefois Ces peuples qu'on à dit si sages N'étaient pas sans doute assez sots Pour adresser leurs vœux dévots, Leurs suppliques ou leurs hommages, À cette foule d’animaux Dont leurs monuments les plus beaux Nous offrent encor les images ; Maïs, dans les pensers de leur cœur, Is adoraient le Créateur Dans ses admirables ouvrages. Le Percnoptère est encore en Égypte l'objet du respect et de PES" V AUTOUR'S 97 la vénération des Musulmans, et quelques-uns de ces sectateurs du Prophète consacrent parfois des legs dans le but d'entretenir dans leur village un certain nombre de ces Oiseaux. Ne soyez pas surprise de ces soins : ces vidangeurs emplumés purgent le sol des serpents, des animaux noyés par les crues du Nil, et viennent souvent, jusque dans les villes, délivrer les rues des matières capables d’exhaler des effluves nusibles. L'Urubu offre le même genre d'utilité aux habitants des con- trées chaudes de l'Amérique méridionale et y inspire le même intérêt. Aussi est-il mviolable au Mexique et dans les autres ré- publiques du nouveau continent. Ces Oiseaux étendent leur solli- citude sur toutes les localités dépendantes de leur domame, et se rendent tous les jours dans chacune de celles-ci, avec une ponctualité qui ferait honneur au vidangeur le plus assidu à remplir son rôle. Les sauvages eux-mêmes sont heureux de voir venir ces Oiseaux près de leurs cases, leur rendre des services dont ils savent appré- cler tout le prix. Le Condor, le plus remarquable de ces Rapaces, quitte rare ment les solitudes élevées des Andes, où il semble régner en roi. Les derniers Oiseaux de cette famille ont la tête et le cou emplumés. On les à séparés des vrais Vautours sous le nom générique de Gypaëtes. Is ne se réunissent plus en troupes , comme les précédents, pour travailler en commun à faire disparaitre les chairs corrompues. Ils mangent encore leur proie sur place, au lieu de lemporter, comme les vrais Rapaces: mais ils ont déjà les doigts moins faibles, et semblent servir de transition aux Oiseaux des groupes suivants, dont ils se rapprochent par leurs mœurs cruelles. Le Gvypaëte barbu, connu sous le nom de Vawtour des Agneau, habite les lieux escarpés de nos deux chaines de mon - D8 LETTRES AJULIE tagnes les plus élevées. Il se nourrit de chairs mortes, quand 1l en trouve l’occasion ; mais 1l fait aussi la guerre aux Lièvres et à d’autres Mammifères. Dès qu'il s’est rendu maitre de sa proie, L'Oiseau triomphant et vainqueur, Avant d'ouvrir les flancs du captif qu'il enchaine, Attend sa compagne, sa reine, Heureux de partager avec sa souveraine Le noble prix de sa valeur ; Ainsi, pour moi c'est un bonheur De vous offrir chaque semaine L'hommage des récits que votre serviteur Pour vous plaire produit sans peine. LES AIGLES 9 LETTRE IX ER SNX PGO LS — Aigles, Pygargues, Buses, etc. — Il me reste à vous parler des deux familles les plus importantes des Rapaces diurnes. Peut-être trouverez-vous que test vous entretenir trop longuement de ces êtres odieux. Mais que voulez- vous ? Tous les animaux, dans ce monde, in deux parts semblent partagés : Les mangeurs, dont l'espèce abonde, Et ceux faits pour être mangés. Un philosophe morose trouverait peut-être, sous ce rapport, beaucoup d'analogie entre l'espèce humaine etles animaux ; mais Je laisse à d’autres le soin de discuter cette question. l Jec sans échancrure, Quatriéme ou. plus rarement, troisième pemme des ailes la plus longue. 60 LETTRES À JULIE Les (rypaëtes, par lesquels je terminais ma dernière lettre, nous conduisent, par une transition naturelle, aux Oiseaux des deux autres familles de Rapaces diurnes. Ceux-ci, ordinairement destinés à se nourrir de proie vivante, ont les yeux enfoncés dans lorbite, le regard audacieux et cruel, les ailes étendues, les barbes des pennes raides, le vol plus ou moins rapide. Dans le repos, ils se tiennent perchés sur les rochers où sur les arbres, pour ne pas émousser leurs ongles, et les tenir ainsi toujours propres à s’enfoncer dans les chairs palpitantes qu'ils doivent emporter. Les mâles, quoique d'une tulle mférieure à celle de la femelle, semblent être, comme les chevaliers du moyen âge, sous la dépendance complète de celle-ci, et tout faire pour être agréables à la reme de leur pensée, S'agit-il de se rendre maitre d’une proie, la femelle jette à son serviteur un regard dont il comprend sans peine la signification ; il s’élance au combat, enflammé de cou- rage par la présence de celle qu'il aime, et ne sort triomphant de la lutte que pour aller mettre aux pieds de sa compagne le prix de sa victoire. Si l’intervention de ces Garnivores est nécessaire pour maintenir dans de justes limites le nombre des animaux vertébrés, la Nature a voulu néanmoins mettre des bornes à leurs ravages en limitant la fécondité des espèces les plus redoutables : la plupart pondent seulement deux ou trois œufs. Comme nos Ganelons du moyen age, ces espèces cruelles rent sur les rochers les plus escarpés, et se cachent dans les solitudes les plus sauvages aux regards des animaux dont ils sont la terreur. Les Rapaces de la famille des Aigles ont, vous ai-je dit, lt mandibule supérieure sans échancrure, et la quatrième ou LES AIGLES (HI la troisième penne des ailes la plus longue. Cette disposition leur donne la facilité de s'élever verticalement dans les airs, mais ne leur permet pas d'avoir la rapidité des Faucons aux rames aiguës, qui fendent Pair avec la vitesse du trait. Les Oiseaux de notre seconde famille se prêtent, en général. avec moins de docilité, à nos désirs de les utiliser à notre profit pour la chasse, et les fanconniers les ont qualifiés par cette raison du nom d'ignobles. Les uns ont le bec à pen près droit dans sa moitié postérieure et crochu seulement à l'extrémité : tels sont les Aigles, les Py- garques, les Balbuzards et les Circaëtes. Les Aigles méritent à tous égards de nous occuper les pre- miers ; celui auquel on à donné le nom d'Impérial est le plus puissant des Rapaces:; aucun autre bipède emplumé ne s'élève en Europe aussi haut dans les régions de l'atmosphère. l’Aigle était l'oiseau favori de Jupiter: il Favait chargé de varder sa foudre : il Pavait fait le roi de la gent enplumée : et le maitre des dieux n'avait pas craint de prendre la forme de ce tyran des airs pour enlever Ganvmède et le transporter dans l'OIympe. Ces Oiseaux ont le plumage serré et les tarses emplumés, pour résister aux froids des hautes régions qu'ils habitent, Le brun on le fauve forment ordinairement le fond principal de leur robe. L’Aïgle, à dit un de nos poëtes des plus illustres, . ne veut que des roes escarpés, Que l'hiver a blanchis, que la foudre à frappés: Des rivages couverts des débris du naufrage, Et des champs tout noircis des restes du carnage : Et, tandis que l’Oiseau qui chante ses douleurs Bätit au bord des eaux son nid parmi les fleurs, Lui, des sommets d'Athos franchit l'horrible cime, 52 LETTRES VANTMUETE Suspend aux flanes des monts son aire sur l’abime, Et là, seul, entouré de membres palpitants, De rochers d'un sang noir sans cesse dégouttants, Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie, 3ercé par la tempête, il s'endort dans la joie. LAMARTINE. Les Oiseaux de ce genre, dont on connait un certain nombre : d'espèces, se trouvent en effet dans les montagnes les plus élevées, Sy tiennent dans les lieux les plus inaccessibles, y font la guerre aux Chevreaux, aux jeunes Chamois, aux Lièvres et à une foule d'autres Mammifères où Oiseaux. Il y a quelques années, un de ces puissants Rapaces a osé même, dans les Pyrénées, enlever une Jeune enfant, jouant avec son frère sur la pelouse, à quelques pas de ses parents. On frémit en songeant à la douleur amère, A ces déchirements affreux, Qu'à ce spectacle douloureux Dut éprouver la pauvre mère ! Le Pygargue ordmaire, d'une taille égale à celle de PAïgle impérial, est presque aussi redoutable que lui. I $’attache surtout à faire la guerre aux Oiseaux amis des eaux et aux Poissons; ses tarses, exposés à être mouillés, ont été, par cette raison, dépourvus de plumes. Ï faut le voir, à l’époque des migrations des Oies, des Canards et autres Palmipèdes. À Paudace du Tigre il joint la patience du Lion. Perché sur la plus haute branche des arbres parant le bord des étangs ou des rivières, de ses yeux: scrutateurs semblent Jullir des éclairs. Du point culminant où il se trouve, son regard peut embrasser tout l'horizon: son oreille est attentive à recueillir LES AIGLES 63 les moindres ondulations sonores. Avant de découvrir les émigrants dont il attend la venue, souvent il les devine aux mouvements inprimés à l'air par le battement de leurs ailes. Dès qu'ils appro- chent, il est prêt au combat ; il fond sur la troupe avec la vélocité de la foudre, et pour lui, attaquer c’est vaincre. Le Balbuzard est de tous les Oiseaux de proie le pêcheur le plus ardent et le plus infatigable, et par là, le plus grand ennemi des Poissons. Il peut lutter avec la Loutre pour dévaster en peu de temps un étang. La Nature lui a donné toutes les qualités nécessaires pour le genre de vie auquel elle le destinait; ses membres postérieurs ont été revêtus, jusqu'au genou, de plumes courtes et serrées, constituant des cuissarts imperméables ; ses tarses ont été revêtus d'écailles imbriquées ; le dessous de ses doigts a été muni de pe- lotes rugueuses et armé de petites épines pour leur permettre de appliquer sur la surface glissante de l'enveloppe tégumentaire des Poissons ; ses ongles arrondis en dessous, au lieu d’être creu- sés en gouttière, sont recourbés en demi-cercle pour remplir loffice d'hamecons, et peuvent s'implanter, comme des harpons, dans le corps des Carpes et des autres habitants de l’eau. Le Balbuzard fait également la chasse aux Palmipèdes qui osent lui faire concurrence ; mais il est aussi forcé quelquefois, à son tour, de livrer son butin au Pygargue, qui l’accuse, d’après la loi du plus fort, d’oser chasser sur ses terres. Je vous dirai peu de chose du Circaëte, connu sous le nom de Jean-le-Blanc, en raison de la couleur lactée de sa poitrine ; il a les tarses nus, les deux doigts externes unis à la base par une membrane. On le trouve dans plusieurs de nos provinces, sur les montagnes boisées. Pendant l'été, il fréquente les bords des marais, v vit d'Oiseaux, de Mulots, de Lézards où même au besoin d’In- sectes, L'hiver, il vient près des habitations, et nons enlève parfois 51 LETTRES A JULIE quelques-uns de nos Gallinacés ; il se rapproche par ses mœurs des autres Oiseaux de proie dont il me reste à vous parler. Les derniers Rapaces de la famille des Aigles ont le bec arqué dés la base : tels sont les Zuses, les Milans, les Busards et les L'perviers. Plusieurs de ces Oiseaux, comme quelques-uns des précédents, suivent dans leurs migrations les espèces ailées auxquelles 1ls sont habitués à faire la chasse, La Buse ordinaire west pas rare dans nos provinces. Elle s’v tient dans le voisinage des bois, sur les arbres et même sur les haies, perchée à une faible où médiocre hauteur, Elle y attend sa proie, la guette, où cherche les moyens de la surprendre. Souvent cette vilaine race, Près des fermes ou des donjons, Ose enlever avec audace Nos volailles ou nos Pigeons. Quelquefois deux de ces Oiseaux s'unissent pour poursuivré une proie difficile à atteindre, Le hasard'n’a permis plusieurs fois d’être témoin de leur chasse à l'Écureuil. L'une des Buses, la femelle, shnple spectatrice de la lutte qui va avoir lieu, décrit, dans les airs, des cercles au-dessus du bois dans lequel se cache ce petit Rongéur ; le rôle du mâle est de s'insinuer au travers des arbres pour le saisir, Pris de la sorte entre deux feux, Le gentil animal en vain alors s’escrime Pour pouvoir échapper à son destin affreux; En vain, comme un éclair, ce pauvre malheureux Grimpe sur nos sapins du pied jusqu'à la cime, En vain il fait des bonds et des sauts périlleux, [Il devient bientôt la victime De ses ennemis dangereux. > LES AIGLES bo Le mâle, après l'avoir saisi sous ses ongles cruels, attend alors sa compagne, pour déchirer avec elle les chairs du pauvre vaineu. L'homme est parvenu à dompter le Lion, le plus puissant des CGarnassiers ; ila su apprivoiser aussi divers Oiseaux farouches et cruels. L'histoire de la Buse de feu Fontaine, curé de Belesme !, est pleme dintérêt. Cette Buse était devenue si familière, qu’elle assistait à tous les diners de son maitre, se mettait sur un coin de la table, et venait le caresser souvent avec sa tête et son bec. Elle usait de sa hberté pour voler dans les bois voisins ; ne souffrait aucun autre oiseau de proie dans les environs ; se défendait admi- rablement contre les Chats, et osait même leur: enlever le morceau de chair qui leur était jeté, ou les forcer à le lui abandonner, en leur faisant sentir la vigueur de ses coups de bec, Chose plus mer- veilleuse, elle s'était imposé la loi de respecter les Oiseaux de basse-cour de son ami ; mais elle n’accordait pas le même privi- lége à ceux des voisins ; et le bon curé, pour empêcher qu'on ne lui fit du mal, avait fait publier qu'il payerait tous les dommagescansés par elle. On a vu des Buses couver des œufs de Poule et avoir som des jeunes poussins, comme s'ils étaient de leur famille. Ces excel- lentes bêtes auraient fait honte au vieux Saturne, qui dévorait ses propres enfants. L Les Buses sont généralement indolentes ; à défaut de Pigeons ou de Perdrix, elles mangent volontiers des Taupes, des Rats, et mème au besoin des Reptiles. La Bondrée, lune d'elles, détruit un bon nombre d’Abeilles et de Guèpes. Les Milans sont aussi la terreur des Gallinacés ; mais, moins audacieux que la plupart des autres Oiseaux de rapine, ils se con- tentent souvent d’une chair morte. { Buffon, édit, de l'Imp. roy., t. XXI, 1779, note, article Perroquet. 66 LETTRES ANJMULTE Le Milan royal jouait autrefois son rôle dans les chasses des puissants de la terre. Get Oiseau est remarquable par son port et par sa queue profondément fendue. Il a le vol élégant, et semble chercher à attirer nos regards en décrivant, dans les hauteurs de l'atmosphère, des cercles plus où moins réguliers, avec une len- teur qu'on dirait calculée ; il paraît nager dans l’air, sans laisser apercevoir les mouvements de ses ailes. Il suit les Bécasses dans leurs migrations périodiques ; et dans ces voyages; "il remplit le rôle du Loup plutôt que celui du Chien de berger. Les Éperviers ne se contentent pas d'attaquer les petits Mam- mifères, de décimer les Passereaux ; ils sont aussi les ennemis de nos Gallinacés domestiques, et dans les campagnes, ils poussent parfois l'audace jusqu’à les venir prendre dans nos basses-cours. Les deux espèces les plus connues sont lAutour et l'Épervier proprement dt. Le premier a le bec plus gros, les tarses moins longs, et les deux sexes ont entre eux une différence de taille moins sensible. Tous les deux nichent ordinairement sur les arbres élevés ; mais l'Épervier ne craint pas d’habiter les villes, de loger alors sa famille dans les vieilles tours et dans les clochers. Il rend service à nos cités, en contribuant à les purger des Surmulots et des Rats et en faisant la guerre aux Moineaux. Mais il attaque aussinos Pigeons, et l'un deces forbans, assez osé pour poursuivre un de ces inno- cents Oiseaux jusque dans la chambre dans laquelle il avait son domicile, a été pris en flagrant délit, eta payé de sa vie sa crimi- nelle tentative. Le bonheur parfait ne peut donc pas exister dans ce monde, même pour les êtres aussi doux et aussi aimants que les Colombes, ? L'existence, sur cette terre, Aurait sans doute trop d’attraits, Si tant de gens ne semblaient faits LES AIGLES 67 Pour nous livrer toujours la guerre: Mais dans le chemin orageux Que nous suivons dans cette vie, Lorsque l’on est assez heureux Pour rencontrer une Julie, Sans peine auprès d'elle on oublie Les méchants ou les envieux, Toujours disposés à nous nuire, Et l’on est tenté de se dire : Tout ici-bas est pour le mieux. LES EAUCONS 69 LETTRE X ES PAU CONS" _— Le Gerfaut, le Pélerin, le Hobereau, etc — Les Faucons, dont nous allons nous occuper, ont été destinés à être, dans éette classe, les analogues des grands Carnassiers terrestres. Ils ont en effet une organisation qui en fait les Oiseaux de proie les plus redoutables. Leur bec, arqué dès Ia base, pré- sente par là toute la force nécessaire pour déchirer le corps de leur victime. Leur mandibule supérieure, pourvue d’une échan- crure, offre à la partie antérieure de celle-ci, une sorte de dent qui rappelle les lanières des Lions et des Tigres. Leurs ailes, plus longues, plus effilées et plus aiguës que celles des autres Rapaces, ont la seconde penne la plus longue : cette disposition empêche ces Oiseaux de s'élever verticalement dans les airs et de sv balancer comme l Aigle, à des hauteurs que l'Homme et le Condor 1 Bec offrant une échancrure à la mandibule supérieure ; deuxième penne des ailes la plus longue. 70 LETTRES A TUMLTE ont seuls pu dépasser ;. mais elle donne à leur vol une qualité plus précieuse : elle leur permet de tenir contre le vent et de fondre sur leur proie avec la rapidité de la foudre. Le bruit de leurs organes du vol imite alors le sifflement de la balle. Les Faucons nichent dans les fentes ou les creux des rochers, dans les tours et les châteaux en ruine, sur les arbres élevés ; quelquefois 1ls cachent leur couvée dans les clochers et dans les vieux édifices de nos villes. Ils pondent de trois à six œufs. Les principales espèces de cette famille, sont : Le Gerfaut, le Pèlerin, le Hobereau, l'Émérillon, la Cres- serelle et le Kobez. On leur à donné lépithète de nobles parce qu'ils servaient aux amusements des gentilshommes. Les deux premiers de ces Oiseaux font la guerre aux Lièvres et à divers autres Mammifères, aux Canards, aux Hérons, et tien- nent même en respect les plus puissants Rapaces. Les autres, plus faibles, vivent de Rongeurs, de Passereaux et, au besoin, d’In- sectes, surtout de Sauterelles et de Criquets, si abondants quel- quefois dans nos prés où nos champs. | Dès les temps les plus anciens, PHomme parait avoir su ürer parti des Faucons pour la chasse. En France, c’est au moyen âge, à l’époque où la chevalerie était dans tout son éclat, qu’on utilsait avec le plus de passion lhabileté de ces Rapaces, qui semblent se mettre volontiers, comme le Chien, au service de l'Homme. | Le Gerfaut et le Pêlerin se vendaient alors à un haut prix. Le premier, le plus réputé des chasseurs de haut vol, magnifique Oiseau à la poitrine blanche et aux éperons d’or semble aujour- d’hui avoir quitté notre pays pour des contrées plus boréales de l'Europe. Le Pèlerin nous est resté fidèle. L'art de la fauconnerie était alors en grand honneur, et la LES FAUCONS TL charge de grand fauconnier du roi était une des plus importantes de la cour. La chasse recevait le nom de #07: elle se faisait ordinairement à cheval ; les dames et les gentilshommes avaient seuls le privilége de s’y livrer. On donnait le nom d'affaitage aux moyens employés pour rendre ces Oiseaux dociles et obéissants à la voix de l'Homme. Après avoir attaché le Faucon par la patte, on le lançait sur des Perdrix empaillées où autres Moquettes, auxquelles était fixé un morceau de chair, et on les forçait à rapporter au maitre cette proie factice. Quand le Faucon était bien dressé et qu'on voulait employer ses services, on enveloppait sa tête d’un chaperon, pour le priver momentanément de la vue des objets capables de le distraire, et le fauconmier, dont la main était revêtue d’un gant de peau très-épaisse, le portait sur le pong jusqu'au lieu fixé. Aussitôt du noble animal On déchaperonnait la tête. Alors, la reine de la fête De son vol donnait le signal. Si de choisir la plus jolie On s’imposait encor la loi, Sans le moindre doute, Julie, Vous aufiez seule cet emploi. Le Faucon s'élevait alors dans les airs, et de son œil perçant découvrait bientôt la proie sur laquelle il allait fondre. Mais quelquefois lOiseau infidèle profitait de la liberté qui lui était donnée pour chasser pour son compte, au lieu de rapporter le oibier à son maitre. Nous voyons par expérience Beaucoup de gens ont ainsi faits. L E'MBRRS A JULIE -) tÙ Qui pour servir leurs intérêts Trahissent notre confiance. Les autres Fauconiens sont des bretailleurs auprès des preux dont nous venons de parler. Le Hobereau, plus petit que l'Épervier, difficile à éduquer, moins docile que les autres à retenir les lecons, est un des enne- mis les plus prononcés de PAlouette. L'Émérillon, plus vif, plus intelligent, plus fidèle, vole la Gaulle, le Merle, la Grive et une foule d’autres Oiseaux. La Cresserelle fait la guerre aux Moineaux, aux Pinsons, et ne dédaigne pas le Mulot, qui se permet souvent de prélever la dime sur la récolte de grains qu'attend le laboureur. Aucun Oiseau ne sait faire avec autant de grâce ce qu'on appelle le Saint-Esprit, c'est-à-dire se tenir suspendu dans les airs, à la manière des Insectes à deux ailes connus sous le nom de Syrphes. Les espèces les plus carnassières vivent en général solitaires : le Kobez, où Faucon à pieds rouges, réduit par sa taille assez fable à vivre souvent d'Insectes, fait exception à cette règle. On le trouve, pendant toute l'année, constituant des troupes assez nombreuses, et quand le soleil abaissé vers lhorizon se dispose à nous quitter, pour éclairer des terres plus occidentales, ces Oiseaux semblent lui faire leurs adieux, en exécutant dans les airs des évolutions nombreuses pour saluer ses derniers rayons ; puis, quand les ombres commencent à descendre des montagnes, ils se réunissent en rangs pressés sur le même arbre, pour y passer la nuit. Je ne puis terminer cette lettre sur les Carnassiers diurnes, sans vous parler d'un Rapace singulier vivant dans les envi- rons du Cap de Bonne-Espérance. Son occiput, pourvu d’une huppe raide et dirigée en arrière, comme la plume que les scribes LES FAUCGONS I posent sur l'oreille dans les moments de repos, l’a fait nommer Secrétaire. On l'appelle aussi Messager. Aux longs tarses de la Cigogne, il joint le bec de lAigle. Il rend de si grands services aux habitants du Cap des Tempêtes, qu'on ne peut tuer un de ces animaux sans encourir une très-forte amende. Cet Oiseau fait uniquement la chasse aux Serpents, et ne craint pas d'attaquer ceux dont le venin est le plus atroce. Les doigts courts et robustes qui terminent ses tarses élevés sont de véritables assommoirs. Il se sert de ces instruments redoutables pour briser l’épne dorsale des Reptiles, puis il écrase leur tête sous son bec et les avale. Ce Rapace à qui la nature A donné de semblables goûts. Qui choisit pour sa nourriture Ces Reptiles dont la morsure Serait dangereuse pour nous, Doit nous porter à bénir toux Cette divine Intelligence Qui créa pour notre défense Ce Messager, dont l'existence Rend des services si nombreux, Comme les pauvres malheureux Dont vous êtes la providence Doivent rendre grâce à leur tour, A la souveraine Puissance De vous avoir donné le jour. ü “1 i- LES CHOUETTES | © LETTRE XI PAS CCTO'UE TT ES" —Hibous, Effraies, Ducs, Scops, etc.-- Je m'étais laissé attarder ce soir dans une promenade à tra- vers les champs. Les ombres avaient couvert la terre de leur voile vaporeux; le ciel, complétement dépouillé de nuages, mon- trait dans toute sa magnificence la voûte étoilée du firmament ; l'air était tiède et embaumé de senteurs; jamais mois de mai n'avait offert une nuit plus belle. Je m'étais assis sur la lisière d’un bouquet de bois, et bientôt mon esprit s'était laissé aller à la rêverie. Qui ne songe en veillant ? dit le bon La Fontaine. On s’abandonne alors sans peine Aux charmes d’une aimable erreur, { RAPAGES NOGTURNES. Yeux dirigés en avant: Pupille grande. Ailes garnies en dessous de plumes duveteuses, etc. Une seule famille : les Chouettes. 76 LETTRES: A JUMLE Et tandis qu'elle nous promène Dans les régions du bonheur, Son illusion mensongère Donne du moins à notre cœur Une jouissance éphémère: Il n’est souvent rien de si doux. J'en avais la preuve, Julie : Dans ces moments de rêverie Je m'occupais alors de vous. Je songeais à l'obligation scientitique que j'ai peut-être trop imprudemment contractée, et je méditais de vous écrire, quand un son criard et pleureur est venu frapper mes oreilles ; on aurait presque dit le miaulement accentué d’un Chat. C'était le cri lugubre de Pan de ces Rapaces nocturnes dont il me reste à vous parler pour terminer Fhistoire des Oiseaux de proie. Ces Car- nassiers emplumés, ces tyrans des airs, n'aiment pas tous, comme je vous lai dit, à prendre le jour pour témom de leurs exploits : plusieurs attendent lobscurité pour se livrer à leurs actes de violence ou de carnage. Tous les méchants, pour l'ordinaire, Ont à peu près instinct pareil : Quand on a dessein de mal faire, On craint les rayons du soleil. Durant les heures diurnes, les Rapaces dont il s'agit ici se tiennent cachés dans les fentes des rochers, dans les troncs des arbres caverneux, pour y fuir, dans un repos somnolent, la lumière qui les importune. Mais dès que le jour à fait place à l'obscurité, ils se mettent en quête de leur nourriture. Tous sont, comme Pa dit La Fontaine, rechignés, ont Pair triste, DES ICHTOUEL'PES an une voix de mégère. [Is ont été merveillensement organisés pour le genre de vie auquel ils ont été dévolus. Leur robe présente en sénéral des tetes sombres, comme la nuit dont ils aiment empire. Leur pupille est très-ouverte, pour leur permettre de recueillir le peu de rayons lumineux épars dans Fatmosphère, Leur tête, erosse et à face aplatie, tourne sur la première vertèbre comme sur un pivot ; elle porte des veux dirigés en avant, afin de rendre plus distincte la vue des objets, en faisant converger leurs rayons vers le même point. Leur organe de l’ouïe concourt à faciliter leurs recherches ; leur crâne à de grandes cavités faites pour renforcer les sons qui S'y rendent: leur conque auditive, plus où moms saillante, et dont les plumes, par leur disposition, augmentent parfois l'étendue, est construite de manière à recevoir les moindres ondulations sonores arrivant à leur oreille. Leur bec, formé de deux pièces, peut reproduire à volonté le cliquetis des castagnettes ; leurs serres portent ordinairement des plumes jusqu'à la base des ongles. Au sem des nuits souvent obscures au milieu desquelles ils déploient leur activité, il leur serait impossible de parcourir les airs avec la rapidité de lAutour où du Faucon sans se heurter parfois contre les arbres où les rochers. La nature y a pourvu : elle a mis sous leurs ailes des plumes duveteuses, faites pour amortir le choc de ces rames aériennes, et pour permettre à ces Oiseaux, tout en volant avec une certaine lenteur, d'arriver sans bruit sur leur proie. Mais n'allez pas regarder, avec le vulgaire, la création de ces Rapaces comme une erreur de lAuteur souverain de toutes choses ; car ils sont principalement réservés à faire la guerre à ces Mammifères rongeurs dont les races pullulent avec tant de rapidité que, sans les Oiseaux chargés de défendre nos droits, cette gent trotte-menu serait bientôt un fléau pour nos récoltes. te ° LÉTTRESAUI ULTE -—) Laissons faire la Providence : Ses soins ne sont pas en défaut ; Beaucoup mieux que notre science, Elle connaît ce qu'il nous faut. La plupart des habitants des campagnes, quand ils peuvent tuer un de ces Rapaces, le clouent triomphalement au portail de leur habitation, pour faire parade de leur victoire, ne soupcon- nant pas qu'ils se sont privés d’un auxiliaire utile, chargé, pendant leur sommeil, de veiller à leurs intérêts. Quelques-uns, cepen- dant, livrent aussi la guerre aux Oiseaux vivant de fruits ou d’Insectes ; aussi sont-ils tous maudits de la tourbe menue de la ent emplumée. Si l’un de ces monstres à figure hagarde ose se montrer, c’est un hourra général contre lui. Quand vous paraissez, au contraire, Le cœur se réjouit tout bas, Et chacun, jaloux de vous plaire, Voudrait s'attacher à vos pas. L’imitation plus où moins parfaite du cri de la Chouette fait, comme vous le savez, le succès de la chasse à la pipée. Caché dans une cabane de feuillage, près d’un arbre isolé dont les rameaux dépouillés de verdure ont été englués, le pipeur, vers l’heure du crépuscule, fait entendre le cri sinistre, et aussitôt wie foule de Passereaux remplissent l'air de leur voix de malé- diction. Ils viennent se poser sur les rameaux perfides, où bientôt leurs pattes et leurs ailes encollées par la glu les rendent la proie du chasseur. Quelques espèces de CGhouettes, telles que la Zapone et d'au- tres, propres aux régions arctiques, où le jour a moins d'éclat, chassent pendant les heures diurnes : celles de nos pays sont LES CHOUETTES 19 plus où moins nocturnes. Les unes, comme la Chouette, ou Chat-huant, la Chevêche et lEffraie, ont la tête dépourvue d’ornements : les autres, tels que les Æibous, les Ducs, les Scops ont le chef paré de deux aigrettes. Les grandes espèces attendent en général la nuit pour sortir de leurs repaires, et font la guerre aux Lièvres, aux Écureuils, aux Perdrix ; les petites, comme les Scops, commencent à voler à la clarté douteuse du crépuscule du soir. Ges derniers surprennent les petits Passereaux au moment où ils vont se coucher, et détrui- sent aussi un grand nombre d’Insectes crépusculaires, des Hanne- tons principalement. Les anciens, vous le savez, avaient consacré à Minerve, déesse de la Sagesse, le Dragon et la Chouette, ce qui avait donné lieu à Démosthène, exilé, de dire que cette protectrice des Athéniens se plaisait dans la compagnie de trois vilaines bêtes : la Chouette, le Dragon et le peuple. Je ne puis comprendre, en effet, comment on à pu offrir à cette divinité païenne un Oiseau de figure si rechignée. La Sagesse ne saurait plaire En nous offrant un front sévère, Un air triste ou disgracieux ; Pourrait-elle charmer nos yeux° Avec les traits d’une mégère ? . Oh ! combien vous possédez mieux L'art de nous attirer vers elle, Vous, qui suivez si bien ses lois, Et qui, d’un pied toujours fidèle, Marchez si docile à sa voix! En nous montrant un caractère D'une si douce égalité, En unissant à la bonté Une prudence salutaire, so | DETTRES ANUR Et cet esprit de charité Qui, régnant en vous sans partage, Ne cesse de vous animer, Vous semblez, être son image Et vous nous la faites aimer. LES PASSEREAUX 81 LETTRE XII LÉSPASSEBERE AU X — Leurs divisions en groupes. — Je n'ai plus à parler enfin Des êtres au cœur sanguinaire, Remplis d’un courage assassin, Qui dans les roes cachent leur aire, Et dont l'impitoyable serre Et le tranchant bec de corbin Font subir un triste destin A ceux auxquels ils font la guerre. Pour les méchants on n’aime guère A se servir de ses pinceaux, Et dépeindre leur caractère, Est un sujet peu fait pour plaire. Même alors qu'il s’agit d'Oiseaux. t TROISIÈME ORDRE : LES PASSEREAUX. — CARACTÈRES : Doigls non suscep tibles de préhension; en majeure partie libres : trois devant et un derrière. Cuisses couvertes de plumes. Narines non couvertes d'une écaille. 82 LETTRES" A J'UBRE Ce n’est pas que parmi les Passereaux, dont nous allons aujour- d’hui commencer à nous occuper, plusieurs n'aient, sous le rap- port de la cruauté, quelques peccadilles à se reprocher; mais en œénéral les Oiseaux de ce troisième ordre ont les mœurs moins cruelles où plus douces. Un grand nombre vivent de graines, au moins pendant une partie de l’année, et si les autres font la chasse à des êtres animés, c’est aux insectes surtout dont nous avons parfois tant à nous plaindre. Et nous sommes si bons apôtres Que lorsqu'on sert notre intérêt, Nous trouvons que l’on a bien fait, Alors même qu'on nuit aux autres. Les Passereaux, comme tous les Oiseaux dont il nous reste à faire l’histoire, n’ont pas des pattes susceptibles de préhension : mais ils n’ont, pour les distinguer de ceux des ordres suivants, aucun caractère extérieur particulier. N’étant pas destinés à une vie aquatique, ils n’ont pas les doigts transformés en rames, comme les Palmipèdes, ni les jambes en partie dénudées, comme les Échassiers. Ils s’éloignent des Gal- lnacés par leur corps moins lourd, par leurs ailes plus propres an vol, par leurs narines libres, seulement recouvertes par une membrane; ils se distinguent des Grimpeurs, par leur doigt externe dirigé en avant au lieu de l'être en arrière. Ils ont toujours fait le désespoir des classificateurs par la dif- ficulté de leur trouver des ‘signes distinctifs. Aussi a-t-on souvent songé à les distribuer en plusieurs ordres. Mais le genre de vie de diverses espèces est si peu tranché, leurs habitudes se lient ou se mélangent de telle sorte, qu’il convient de les laisser en- semble. LES PASSEREAUX oe] CO Les Passereaux ont une foule de titres à notre intérêt. La plu- part animent de leur présence les lieux que nous fréquentons ; ils habitent les bois dont nous recherchons les ombrages; ils peuplent, au temps de leur hyménée, les tapis émaillés de fleurs de nos prés, les blés de nos coteaux ou de nos plaines; nous les retrouvons le long des ruisseaux, dont la fraicheur et les bords riants attirent nos pas; nous les rencontrons à chaque instant dans les haies de nos chemins; ils égayent les bosquets ou les vergers où nous aimons à nous reposer, et les jardins, lieux favoris de nos pro- menades journalières; plusieurs viennent même se loger sous nos toits ou dans les fentes de nos murailles. Cest parmi les Passereaux surtout que figurent ces petits vir- tuoses dont les voix mélodieuses semblent faites pour charmer nos oreilles. Leur vie subit, suivant les familles ou les genres, des modifica- tons si diverses qu’on a parfois de la peine à deviner à quelle sorte de nourriture ils doivent donner la préférence, et quelles doivent Ôtre leurs mœurs. Ne voit-on pas souvent, chez nous. Des gens au visage vulgaire, Dont on ne peut dire les goûts, Les penchants ou le caractère? Il n’en est pas ainsi de vous : De votre brillante prunelle Semble jaillir une étincelle De votre esprit observateur, Et vos traits remplis de douceur, Les grâces de votre figure Montrent, avec votre droiture, Tous les trésors dont la Nature Voulut enrichir votre cœur. S{ LE T'ORE S ANJOU TE On a essayé néanmoins de diviser les Passereaux en cm grou- pes, pour: en rendre l’étude plus facile. Les premiers ont le doigt externe libre où uni seulement au inédian par une où deux phalanges. Parmi ceux-ci, les uns ont, comme les Hirondelles, un bec court, large, aplati, et profondément fendu, caractère qui leur a valu le nom de Fssirostres. D’autres, comme les Pies-orièches et quelques autres, ont le bec échancré de chaque côté près de la pointe de la mandibule supérieure ; ils offrent par conséquent une sorte de dent vers la partie antérieure de cette échancrure : de là le nom de Denti- rostres, sous lequel ils sont désignés. Ceux du troisième groupe ont le bec ordinairement fort, plus où moins rapproché de la forme d’un cône; conformation que nous retrouverons chez les Moimeaux, les Gros-becs, etc., et qu'on a exprimée par le mot de Controstres. Les Passereaux du quatrième groupe ont le bec grêle et allongé, d’où leur est venu le nom de Tenuirostres, qui convient si bien à notre Grimpereau. Les derniers Passereaux ont un caractère facile à saisir : leur doigt externe, presque égal à son voisin, C'est-à-dire à celui du milieu, lui est uni presque jusqu'à la dernière phalange, comme on le voit chez les Martins-pêcheurs ; on les a nommés, en raison île cette particularité, Syndactyles, mot tiré de la langue grec- que, et qui sert à indiquer leur liaison. Dans ma prochaine lettre, nous commencerons létude de ces différents groupes; je n'arrête aujourd’hui : je sens le besoin de devenir économe de mes plaisirs. Ilenest de vous écrire comme de causer avec vous, le cœur ne dit jamais : c’est assez. LES PASSEREAUX ë. Qt Lorsqu'une heureuse circonstance Me permet, en servant mes gouts, De jouir de votre présence, De m'entretenir avec vous, L'agrément que mon cœur y trouve, Et tous les plaisirs que j'éprouve Ont pour moi de si doux attraits, Qu'un charme indicible m'enchaine Et que je m'arrache avee peine Au bonheur dont je m'enivrais. 25 » Lerercrer & CT Par fl Ft # FLD LES CHÉLIDONS 87 LETTRE XIII LES CHÉLIDONS: — Engoulevents, Hirondelles, Martinets. — Parmi les types curieux Dont notre espèce humaine abonde, N'avez-vous jamais, dans le monde, Trouvé par hasard sous vos yeux Quelques-unes de ces figures, Véritables caricatures, Dignes du crayon de Callot, Offrant la bouche si fendue, Qu'on dirait celle d’un magot Jusqu'aux oreilles étendue? Lavater, dans ses études physiognomoniques , en comparant aux figures de divers animaux celles de certains individus qui 1 PREMIER GROUPE : FISSIROSTRES. — CARACTERES : Bec tres-court, largement fendu, déprimé à sa base, courbé à la pointe, eb échancré près de l'extrémité de la mandibule supérieure. Ailes longues. Pieds courts. — Une seule famille : LES CHÉLIDONS (xs2104%), Hirondelles, 88 LE PMPR ES M ANIUNERE semblent s’en rapprocher, indique la bouche d’une grandeur dé- mesurée comme lun des signes caractéristiques du babillard ; s'il avait parlé de celle du glouton, il eût comparée au bec de nos Æssirostr'es. Ces Oiseaux ont, en effet, un bec court, aplati et largement fendu, pour engloutir, en volant, les Insectes qu'ils poursuivent où qu'ils aperçoivent dans les airs. Or, les Insectes tombant en léthargie dès le moment où la température s’abaisse jusqu'à certain point, leur genre de vie les force naturellement à quitter nos contrées à l'approche des froids. Les uns chassent en plein jour ; les autres attendent l’arrivée des ombres pour se livrer à une vie active. Les Engoulevents appartiennent à cette dernière catégorie. Ils se rapprochent des Oiseaux de proie nocturnes par la lécèreté de leur plumage, par la couleur de leur robe, mélangée de cendré et de brun, par la grandeur de leurs yeux et de leur pupille. Leur bec est garni de fortes moustaches ; leur salive est gluante, pour retenir ou faire glisser dans leur gosier les Insectes engouffrés dans leur bouche ?. Deux espèces seulement habitent Europe. La plus commune y vit isolée, fait la guerre aux Phalènes, et détruit, au mois de mai, un grand nombre de Hannetons. Son large bec lui a valu dans nos contrées les noms de Téte-chèvre, et son vol sautillant celui de Crapaud volant. Dans ses chasses crépusculaires où nocturnes, elle fait entendre un bow-donnement particuher produit par Pair qui s'engouffre dans sa bouche alors toujours ouverte. La femelle ne fait point de nid; elle dépose deux œufs sur la mousse, sur les bruyères où entre des racines, et les change sou- vent de place. i Ils ont les tarses emplumés ; le doigt externe composé seulement de quatre pha- langes, et le doigt médian souvent dentelé. LES: CHÉLIDONS °89 Les espèces diurnes composent les genres Martinet et Hiron- delle. Ces charmants Oiseaux, qui délaissent nos pays à l'approche des hivers, reviennent animer nos campagnes au retour des beaux jours. Souvent, après leur arrivée, des froids passagers font re- tomber en léthargie les Insectes qui s'étaient réveillés de leur sommeil hivernal, et forcent ainsi ces voyageurs emplumés à nous qutter momentanément, pour retourner, sous des cieux plus méridionaux, à la recherche d’une nourriture qui vient à leur manquer. Il y à quelques années, par suite d’un abaissement exceptionnel de la température arrivé vers la mi-juim, les airs se trouvèrent, pendant trois jours, dépeuplés d’Insectes; néanmoins ces Oiseaux ne désertèrent pas nos contrées. Un assez grand nombre d’entre eux moururent victimes de cette obstination. Quel motif impérieux pouvait done alors les retenir ? Vous qui nourrissez dans votre âme Tous les sentiments délicats Que Dieu mit au cœur de la femme, Vous comprendrez sans embarras Pourquoi, dans ces jours de froidure, Ces Oiseaux si bons voyageurs D'une telle température Supportaient toutes les rigueur, Au lieu de chercher les douceurs Des beaux climats que la Nature Comble de toutes ses faveurs : C'est qu'hélas ces pauvres chasseurs Avaient sous nos toits protecteurs Leurs œufs ou leur progéniture, Et qu'enchainés à ces trésors, Ils préféraient cent fois alors Endurer la faim la plus dure, 90 LETTRES. À JULIE Subir la plus cruelle mort, Plutôt que d'avoir la faiblesse : De laisser à leur triste sort Ces chers objets de leur tendresse, Les Martinets, plus rapides voiliers et dépensant plus de force dans leurs courses aériennes, furent les premiers à succomber à la faim. Ces Oiseaux montrent visiblement, par la grandeur de leurs ailes et par la puissance de leurs muscles pectoraux, à quelle activité leur vie est réservée. Leurs pieds, devenus moms utiles, ont été raccourcis pour ne rien Ôter à la rapidité de leur vol. La brièveté de leurs organes de la marche et la longueur de leurs ailes leur per- mettraient difficilement de s'élever dans les airs s’ils se posaient à terre. Ils ne vont donc pas sur le sol chercher des matériaux pour construre une couche à leurs petits ; ils nichent dans les trous des murailles ou des rochers, etils peuvent ainsi déployer leurs rames aériennes en toute liberté, quand ils sortent de leur retraite. Leurs ongles arqués, aigus et robustes leur permettent de se cramponner contre les murs et d'y grimper. Leur pouce peut se porter en avant, et leurs deux doigts externes sont réduits à trois phalanges, comme l’interne. Ils pondent trois où quatre œufs. Les Hirondelles ont les doigts conformés comme les autres Passereaux. Elles sont plus empressées à nous revenir, et moins promptes à nous quitter. Elles semblent les messagères des beaux Jours; et vous vous rappelez sans doute ces vers de Florian, placés dans la bouche d'Estelle : Que j'aime à voir les Hirondelles. A ma fenêtre tous les ans, LES CHÉLIDONS 91 Venir m'apporter des nouvelles De l'approche du doux printemps! À Rhodes, où leur retour est plus hâtif, on faisait une sorte de quête, en chantant à la porte des personnes chez lesquelles on se présentait : « Elle est venue ! elle est venue l’'Hirondelle, qui amène avec elle les charmantes saisons et les belles années !. » Les Hirondelles pondent de quatre à six œufs : l’une d’elles, celle de rivage, creuse dans les berges, à l’aide de ses pattes, une retraite pour y cacher sa couvée. La Salangane, particulière à l’Archipel des Indes et à quelques autres parties orientales, est célèbre par ses nids formés d’une substance animale dont on ne connait pas encore la nature ; leur vertu restaurante les rend un objet de commerce considérable, car, dit-on, Souvent, grâce au pouvoir magique De ce merveilleux spécifique, Plus d'un mandarin décrépit, Peut voir, dans sa poche gastrique, S'éveiller encor l'appétit. L’Hirondelle de rocher se plait dans les lieux sauvages et cache son nid dans les roches escarpées. Les Hirondelles dites de cheminée et de fenêtre se servent de la terre gächée pour bâtir, sous les saillies de nos toits, sous nos hangars, et parfois Jusque dans nos appartements, des nids maconnés avec art et garnis de plumes en dedans. ! ATHÉNÉE, Banquet des savants, traduit par LEFEBVRE DE VILLEBRUNE, Paris, 1789, t, ILI, p, 347, 92 LETTRES À JULIE Vous ne lirez pas sans doute sans intérêt les détails suivants sur Hirondelle de Thienemann : « En 1841, dit ce naturaliste, une couvée de jeunes Hirondelles état sortie du nid par un temps froid et humide. Les parents ne pouvaient trouver assez de nourriture pour leurs petits, qui s’é- lient posés sur un acacia, près de ma chambre à coucher. L'un d'eux avait déjà succombé. Je me mis alors à prendre des Mouches dans mon appartement, et, ouvrant la fenêtre, je les faisais envoler les unes après les autres. Les Jeunes Hirondelles atten- daient avec impatience de voir la croisée s’entr’ouvrir. Bientôt, touchées de mes soins, elles se mirent‘à entrer souvent dans mon logis. « Au printemps suvant, une de ces Hirondelles arriva vers ma fenêtre, en cherchant, par ses mouvements, à attirer mon atten- tion. Dès que la croisée fut ouverte, elle s’introduisit dans ma chambre, se posa sur un meuble et se mit à chanter joyeusement. Elle entrait et sortait en toute liberté, et finit par choisir pour leu de repos la tringle du rideau de mon lit. Peu de temps après, elle amena avec elle une compagne. Celle-ci, d’abord mtimidée, finit aussi par élire domicile dans ma chambre, et bien tôt toutes les deux devinrent assez familières pour venir prendre les Insectes où les Araignées que ma main leur offrait. « Les boiseries vernissées firent d’abord échouer leur projet de batir leur nid dans mon appartement; mais je vins à leur secours : Je fixai contre des planches quelques nids abandonnés: ces Oiseanx apportèrent du mortier pour réparer celui qui parut leur convenir le mieux. Je mis à leur disposition, sur une table, des brins de paille, du duvet, ete. Mes hôtes emplumés utilisèrent ces maté- Maux, et la femelle pondit cinq œufs, qui arrivèrent à bien. « Je ne me levais guère avant cinq heures. Si je tardais trop. le mâle commençait à gazouiller tout doucement: si mon repos LES CHÉLIDONS 92 se prolongeait, il élevait le ton. Je comprenais bien vite son désir: J'ouvrais la fenêtre, et il S'échappait comme un trait. «J'avais habitude d'aller tous les matins à Dresde, et d’en revenir à midi. À mon départ, l'Oiseau m'accompagnait toujours lort loin, soit en faisant mille tours en l’air, soit en effleurant le sol, et toujours en passant et repassant devant moi, en faisant entendre son joyeux #0i4fivitt. À mon retour, mon Hirondelle venait à ma rencontre en répétant le même manége. Souvent, absorbé par mes réflexions, je ne l’apercevais pas : elle voltigeait alors près de ma tête, jusqu'à ce que je l'eusse remarquée; puis elle prenait les devants, et, à mon arrivée, je la trouvais ga- zotillant dans ma chambre. « Quelquefois, dans ces petits voyages quotidiens, j’essayais de me cacher dans un buisson; mon amie emplumée ne tardait pas à me dénicher et à me témoigner sa joie par ses chants joyeux. « Un beau matin du mois d'avril de Pannée suivante, je recon- nus mon Hirondelle aux cris qu'elle poussait dans les airs: elle s’empressa de voler près de moi pour m'annoncer son retour : mais, hélas ! elle vint seule habiter ma chambre : aucune autre ne voulut la rejomdre. Elle y conserva pendant tout l'été son domicile solitaire ; et, quand ses compagnes se rassemblèrent pour émigrer, elle les rejoignit ; mais elle ne tarda pas à revenir près de moi ; on aurait dit qu'il lui en coûtait beaucoup de me quitter. « Quelques jours après, vers le soir, elle se mit à chanter plus vivement que d'habitude : c'était son chant d'adieu ; elle partit. «Au printemps de 1843, elle fut une des premières à repa- raitre dans nos champs. Elle frappa de son bec aux vitraux, pour se faire ouvrir la fenêtre, et me salua de son joli ramage. N'ayant pu déterminer aucune autre Hirondelle à nicher dans ma chambre, elle se décida à suivre une compagne dans une écurie, où elles construsirent un nid: mais elle rentrait chaque soir près de moi. 94 IREMTRES À JULIE Pendant le jour, elle ne m’abandonnait pas complétement ; elle revenait, de temps à autre, me faire entendre son gazouillement. « Le printemps suivant est revenu, comme de coutume, et avec lui les Hirondelles nées dans ce village; mais, hélas! j'attends vainement la mienne !... » Ce pauvre ornithophile à dû redire avec Reboul : Zéphyr, du souffle de son aile, A triomphé de nos frimas ; La terre de fleurs étincelle : Tout revient, et mon Hirondelle Ne revient pas ! Pour te recevoir, ma fenêtre Est toujours ouverte à demi; Qui peut t'empêcher de paraître { Crains-tu de retrouver un maître Dans ton ami ? Non, tu ne m'es pas infidèle : Les serres d'un cruel Autour T'auront, d'une étreinte mortelle, Surprise, Ô ma pauvre Hirondelle, A ton retour ! On dirait que ces Oiseaux ont l'instinct des services qu’ils nous rendent en pourchassant les Insectes, quand ils viennent se mettre, pour ainsi dire, sous notre protection, en établissant leur nid si près de nous. Quel homme assez cruel aurait le courage de leur: nuire ? Quant à moi, Souvent j'aime à suivre des yeux Ces gracieuses Hirondelles, LES CHÉLIDOMNS A voir leur vol capricieux Et le jeu mouvant de leurs ailes. A la patte de l’une d'elles, Qui nous est venue en avril, J'ai fini par nouer un fil, Pour la reconnaitre entre celles Qui sous mon toit ont fait leur nid. Le matin, avant que l’aurore Aït fait place au jour qui la suit, Elle quitte sa couche et fuit, Revient et part saisir encore Les moucherons qu'elle poursuit. En fendant les airs à toute heure, Elle doit, dans son long parcours, Passer près de votre demeure : Et lorsqu'après mille détours, Elle revient vers ma fenêtre, En gazouillant d’un ton si doux. Je me figure que peut-être Elle veut me parler de vous. x | ® + FARAL SET 2e | E RU AN > ON pra CEE LES GOBE-MOUCHES ce si LETTRE XIV LES GOBE-MOUCHES: — Hochequeues, Gobe-mouches, etc. N’avez-vous jamais, dans la vie, Rencontré sur votre chemin De ces gens tout pétris d'envie, Ou remplis d’un esprit malin, Qui, par instinct ou par étude, Dans leurs discours pleins de venin. 1 DEUXIÈME GROUPE: DENTIROSTES. — CaRaACTÈRES. Bec, échancré près de l'extrémité de la mandibule supérieure. Ils peuvent être compris dans les cinq familles suivantes : GOBE-MOUCHES, PIES-GRIÈCHES, MERLES, BEGS-FINS. A. Rémiges secondaires non échancrées. Rémiges tertiaires ne couvrant pas l'aile, quand celle-ci est repliée. B. Bec fortement échancré, crochu à la pointe. C. Bec déprimé et garni de poils à la base. CC. Bec comprimé, et ordinairement sans poils à É DR BB. Bec faiblement échancré, non crochu à la pointe. D. Bec plus ou moins fort, comprimé, ordinairement un peu arqué. : DD. Bec grêle, or ren roi ne SRE AA. Rémiges secondaires échancrées. Rémiges tertiaires atteienant l'extrémité de l'aile, quand celle-ci est repliée. HOCHEQUEUES. Gobe-mouches. Pies-grièches. Meïles. Becs-fins. Hochequeues. 98 LETTRES A JULIE Ont la déplorable habitude De mordre toujours le prochain ? Quant à vous, on voudrait en vain Songer à vous faire l'injure De chercher dans votre nature ; L'ombre de ces penchants mauvais : Vous avez une âme trop bonne, Pour avoir pu montrer jamais La moindre dent contre personne. On ne peut pas en dire autant des Oiseaux qui constituent le second groupe des Passereaux. Leur mandibule supérieure pré- sente, près de son extrémité, une échanerure formant, à sa partie: antérieure, une sorte de dent. Ces caractères, dont les Faucons nous ont déjà offert l'exemple, révèlent aussi des dispositions à vivre de chair chez les espèces ayant le bec robuste et cette dent plus prononcée; mais leurs doigts sont impropres à enserrer une proie ; le volume trop faible de leur corps ne leur permet pas toujours de satisfaire leurs goûts carnassiers, et les force à se contenter d’Insectes. Quant aux Den- tirostres, dont le bec médiocre ou faible offre une échancrure moins prononcée, ils sont insectivores ou se nourrissent de baies. Les Passereaux de ce groupe, qui se trouvent en France, peu- vent être répartis en cinq familles : les Gobe-mouches, les Pies- grièches, les Merles, les Becs-fins et les Hochequeues. Je vous parlerai aujourd'hui de la première. Les Gobe-mouches ! se rapprochent des Fissirostres par leur bec largement fendu, et visiblement destiné à engloutir aussi des 1 Bec médiocre, très-fendu, déprimé à sa base, courbé à sa pointe, échancré près le l'extrémité de la mandibule supérieure, garni de soies vers le front. Tarses mé- diocres. Doigts médian et externe nus à la base. Ailes médiocres et suballongées. Queue de douze pennes. LES GOBE-MOUCHES 99 Insectes pris au vol; mais ce bec est échancré près de son extré- mité, et courbé à sa pointe pour permettre à l'Oiseau de retenir plus facilement sa proie. Quoique destinés à un genre de vie analogue à celui des Hi- rondelles où des Martinets, ils sont loin de se donner autant de mouvement que ces derniers : leurs ailes, de longueur médiocre, ne pourraient leur permettre de se livrer à de pareils exercices. IIS ne parcourent donc pas sans cesse Les champs de l’air, comme ces rapides voiliers, pour saisir les Moucherons prenant leurs ébats dans les espaces aériens. Ils aiment les lieux boisés, où se plaisent en plus grand nombre les Insectes, objet de leur convoitise. Ts re- cherchent surtout les arbres situés sur la lisière des forêts ou des taillis, sur les bords des chemins, où ceux qui parent nos vergers où nos jardins. Ils se tiennent ordinairement posés sur les bran- ches avancées où sur les rameaux desséchés, et de ce point d'ob- servation, leur œil vigilant est constamment à Paffüt de tout ce qui se passe. On les voit alors parfois agiter leurs ailes, comme s’ils étaient prêts à s'envoler. On dirait qu'ils les exercent à servir avec promptitude leurs désirs à la moindre occasion. Un Mouche- ron mal avisé se présente-t-il à leur vue, ils lui volent sus avec rapidité, et le happent avec une merveilleuse adresse. Je ne sais pourquoi nous avons qualifié du nom de ces Oiseaux les gens qui semblent donner tout leur temps à des bagatelles. Je ne connais pas d'homme, appliqué au som de sa fortune, plus sérieusement attaché que nos Gobe-mouches à chercher ses profits. Leur profession les oblige à vivre solitaires. Les petits éclos d’une même ponte, une fois abandonnés à leur sort par leurs pa- rents, sont forcés de renoncer aux douces réunions de famille, pour avoir pas à se disputer la nourriture nécessaire à leur existence. 100 BAR ES "ANUMCTE Constamment préoccupés du soin de chercher leurs aliments, ils n’ont pas le loisir de donner beaucoup de temps à la musique : ils manquent de chant proprement dit; mais ils font entendre parfois, surtout à l’époque où la terre étale sa plus fraiche parure, un petit eri plaintif et mélancolique, qui finit par devenir mono tone. Ces Passereaux n’ont pas reçu de la Nature la livrée brillante dont elle a paré certains Oiseaux ; leur robe n’est cependant pas sans agréments. Le eris, le noir et le blanc en forment les cou leurs principales ; et, quoiqu'ils ne subissent qu'une seule mue, les nuances de leurs plumes se modifient suivant les saisons. Quand ils reviennent nous visiter, après les tristes mois de l'hiver, leur humble costume est en harmonie avec leur vie errante d’émi- orants ; mais, quan( le printemps leur prépare des jours d'amour et de bonheur, le gris de leur manteau passe successivement au brun et au uoir foncé, et leurs teintes les plus pâles se transforment en blanc d’une pureté irréprochable. Vers la fin de l'été, époque à laquelle ils songent à déserter nos campagnes, ils ont repris leur modeste habit de voyage. S'ils ont alors perdu de leur beauté, leur chair se trouve avoir acquis une graisse et une saveur dune délicatesse faite pour allécher le goût sensuel de nos gourmets. Hélas! ces qualités précieuses, bien propres à les faire rechercher, les exposent à mille embüches. Les oiseleurs leur tendent toutes sortes de piéges dans les lieux de leur passage, pour les décimer avant leur départ et leur procurer l’honneur de figurer sur la table de nos Lucullus. Nous avons, en France, trois espèces de ces Oiseaux : le Gobe- mouches à collier, le Noir et le Gris. Le Noir porte improprement, dans quelques pays, le nom de Becfique. Vers larrière-saison, il LES GOBE-MOUCHE (gp) 101 se rapproche souvent de nos habitations , on le voit même parfois, ainsi que le Gris, sur le toit de nos maisons. Si, prêt à se mettre en voyage, L'un de ces petits émigrants, Faisait ses adieux à nos champs Aux entours de votre ermitage, Je songerais, selon mes goûts, Qu'il vient, en se mettant en route. Vous dire combien il lui coûte De s'éloigner ainsi de vous. Mais je m'abuserais sans doute, En supposant dans ces moments Qu'il peut montrer les sentiments Dont mon âme serait bercée ; Bien pardonnable est mon erreur, Car je lui prête la pensée Que je trouverais dans mon cœur. ‘ | : : Fed r ‘4 L re + “ | L3 È : À = : : « - 4 l . A r cr: | a Es 17- 3 Æ s où . | = "4 o _ = 2 L: = . à | s = Z, d Pre . : _ - L - - ' LA = 7) 06 » à = h : at à RL à 6: * 20 2e == #7 : 0 1 7 h | = : si = de L LORS ‘ ï “2 ‘ll : cs sir , 1e te LE 1 . E- | | Ar < È A . ! M - l Là à Se FER = er | | FE | C : Fe | Æ | | 2 » 1 œ $ : & eu _ si € L à L a . = E l nd Mr 1 10 : F true L Pere 4 LHSTPIES2CRMVE CELLES 103 LETTRE XV èS PIES-GRIECHES: — Merles, Becs-fins, Hochequeues, etc. Je vous ai prévenue déjà que nous trouverions, dans l'ordre des Passereaux, des mœurs très-variées, par suite des diverses confi- gurations dont leur instrument professionnel nous offre des exem- ples. Les Pies-grièches, dont j'ai à vous esquisser l’histoire, ont, plus fortement que les autres Dentirostres, la mandibule supérieure échancrée et erochue à l'extrémité. Leur bec est fort et comprimé, au leu d’être large et déprimé comme chez les Gobe-mouches. Elles suivent, sans avoir des habitudes différentes de celles de ces derniers. Ceux-ci se lient naturellement aux Engoulevents, qui semblent se rapprocher des Rapaces nocturnes. Les Pies-erièches, au contraire, présentent de lanalogie avec les Oiseaux de proie diurnes, dont elles ont le courage et la cruauté. Il faudrait les ! Bec comprimé, fortement échancré, crochu à la pointe ; comprimé et ordinaire- ment sans poils à la base ; sa mandibule inférieure retroussée, aiguë, Pieds et ailes médiocres. Queue à douze rectrices. 101 DEPPRES. ATULPE ranger à la fin de ces Oiseaux de rapine, si elles avaient des ongles propres à enserrer leur proie, et des pieds assez robustes pour l'enlever. Faute de ces avantages, elles se contentent de la déchirer sur place, en se servant de leur bec pour l’em- porter. Leur voix est criarde; leur caractère agressif et querelleur. Aussi, donne-t-on en français Leur nom maudit à ces pimbèches Qui d’un sexe rempli d’attraits N'offrent que de hideux portraits ; Véritables femmes grièches, Aux humeurs aigres et revêches, Avec qui l’on ne peut jamais, Quoi qu'on fasse, trouver la paix. Les Pies-grièches emplumées se nourrissent ordinairement de oros insectes; mais elles ne craignent pas, dans l’occasion, de manger les petits Oiseaux ou les petits Mammifères qu'elles ont le courage d'attaquer. Elles se défendent avec une merveilleuse audace contre des ennemis d’une puissance supérieure. Quand surtout leur amour maternel est en jeu, elles font fuir les Pies, les Corneilles et même les Cresserelles, qui cherchent à leur enlever leur progéniture. Quelle mère, dans son amour, Ne trouve pas cette énergie, Quand il faut défendre la vie De ceux qui lui doivent le jour ! Un Oiseau de cette famille avait, un jour, bâti son nid sur un poirier à grand vent, dans le jardin de lun de nos amis. Le Chat domestique, voleur et assassin de profession, finit par le découvrir L'ESVPTIES=-GRIÈCHES 105 dans une de ses rondes journalières. Il se mit aussitôt à grimper sur le trone de l'arbre, et déjà sans doute 1l se félicitait du bon repas qu'il allait faire; mais il avait compté sans son hôte. A la vue du danger dont sa famille était menacée, la mère s’élance sur le matou, le mord sur le cou à le faire crier et le force à redescendre. Maitre Raminagrobis ne se tint pas pour battu; il espérait être plus heureux une autre fois : ses nouvelles tentatives n’eurent pas plus de succès. Enfin, un jour, la bête scélérate épia le moment où les parents, occupés à chercher des aliments pour leurs petits, avaient laissé le nid sans défenseurs. Le Carnassier à robe fourrée se croit cette fois bien sûr de son coup. Il n’était plus qu'à une fauble distance du but, quand le père et la mère assaillent le ravisseur avec une telle violence qu'ils le forcent à se jeter brusquement en bas. Dès lors cet animal confus Jura qu'on ne l'y prendrait plus. Les Pies-crièches se plaisent principalement dans les bois, les tllis et les vergers. Elles placent sur les arbres, et quelquefois dans les haies, leur nid extérieurement formé d'herbes sèches dans les parties tempérées, et de plantes odoriférantes dans le Midi. Elles y déposent de cinq à sept œufs, ordinairement d’un blanc sale ou verdâtre et maculés de taches de couleurs variées. La robe des mâles présente des teintes plus vives et offre des différences plus où moins sensibles avec celle des femelles. Une partie de ces Oiseaux quitte notre pays aux approches de l'hiver ; ceux qui y passent la mauvaise saison désertent alors les bois pour se rapprocher des habitations. On trouve en France, durant les beaux jours, les Pies-grièches suivantes : la Grise, la Méridionale, celle à Poitrine Rose, la Rousse 106 LETTRES A JULIE et l'Écorcheur. Les deux dernières ont un talent merveilleux pour imiter le chant des petits Oiseaux établis dans leur voisinage. Peut- ôtre ces sons trompeurs, comme ceux des Sirènes, sont-ils destmés à attirer les petits malheureux dont ils cherchent à faure leur proie. La Pie-grièche grise, la plus audacieuse et la plus cruelle, aime, dès les premiers beaux jours, à se tenir perchée à la cime des arbres élevés. De ce point inaccessible, son œil vigilant sait dé- couvrir sans peine l'ennemi; elle se laisse alors difficilement approcher. Quand elle vole, ses ailes et sa queue, mélangées de noir et de brun, produisent à la vue un effet assez gracieux. La Méridionale se tient de préférence sur les coteaux arides et pierreux. La Rousse a un esprit de famille qu'on ne trouve pas au même degré chez les autres : les petits, devenus aptes à se servir de leurs ailes, accompagnent assez longtemps le père et la mère. L'Écorcheur est le plus répandu de ces Oiseaux. Les combats accompagnés de cris que se livrent souvent les mâles, au prin- temps, lui ont fait donner, dans diverses localités, le nom de Ba- laillard. À doit celui d’'Écorchewr à l'habitude qu'il a d’embro- cher aux épines des buissons les gros Insectes qui s'offrent à sa vue, afin de les retrouver au besoin. Dans ma première enfane?, à l’époque où je furetas dans les champs, pour v dénicher les convées des Oiseaux, Je trouvai, un jour, un gros et brillant Carabe empalé à l'extrémité d’un rameau de prunellier. L’Insecte se mouvait encore; je me hätai de Parra- cer à son instrument de supplice et de le poser à terre. Un mé- chant petit berger, me disais-je en moi-même, peut seul avoir été coupable de cet acte de cruauté ! Quelques années après, je me promenais, s'il vous en sou- vient, avec vous et quelques-unes de vos compagnes, dans les LES PIES=GRIÉÈCEHES 107 allées de votre verger. Le printemps avait déjà fait sentir son heureuse mfluence sur tous les végétaux. Nous vimes, à peu de distance de nous, une Pie-grièche Écorcheur s’élancer de la haie sur laquelle elle était posée, fondre sur un Grillon qui s'était aven- turé hors de son trou, emporter avec son bec et le fixer à une pomte d’aubépine. L’Oiseau aurait bien pu le manger de suite, Mais 1l crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d’appétit, comme le Héron du bon La Fontaine. Nous délivrâimes l’Insecte fouisseur, qui a dû périr de sa bles- sure. La Pie-grièche s’envola à notre approche ; mais elle venait de me procurer une satisfaction, en me révélant les auteurs de ces actes cruels dont J'avais témérairement cru des bergers cou- pables. Toutes les fois que sous mes yeux Se montre cet Insectivore, Il me fait souvenir encore De cet incident curieux: Il rappelle dans ma mémoire Ces moments déjà loin de nous... Mais besoin n’est de cette histoire. Pour me faire songer à vous. LES MERLES 109 LETTRE XVI LES-MERLES — Cincles, Loriots, etc. — Je vous écris de cette riante vallée dans laquelle coule le ruisseau du Rheins, dont vous aimez les bords enchantés. On peut y trou- ver les principaux représentants de la famille dont je suis appelé à vous parler en ce moment. Là, en effet, Le Cincle, d'une aile rapide, Effleure le cristal des eaux ; Moins ami de l'empire humide, Sur les arbres de mes coteaux, Le Loriot au beau plumage Fait entendre ses airs nouveaux : Le Merle, de son caquetage, Anime les échos des bois, 1 Bec faiblement échancré, non crochu à la pointe, comprimé, plus où moins fort, ordinairement un peu arqué. 110 LETTRES A JUBTE ît la Grive, sous leur feuillage, Fait au loin retentir sa voix. Ces divers Oiseaux se rattachent tous à la famille des Merles, par leur bec comprimé, moins fortement échancré que celui des Pies-grièches, peu ou point crochu à la ponte. Mais, en dehors de ces caractères généraux, les types que je viens d’énumérer offrent entre eux assez de différence, dans leurs mœurs et dans leur conformation, pour mériter d’être répartis dans plusieurs genres. Je vous parlerai aujourd’hui des Cincles et des Loriots. Le Cincle ! a le dos brun, la gorge et la poitrine bleues, le ventre d’un roux foncé, les ailes et la queue d’un noir teinté de cendré. C’est un Merle rapproché du Martin-pêcheur par ses habi- tudes. Aussi est-il connu sous le nom de Merle d'eau et de Merle plongeur. Il recherche les ruisseaux d’une onde claire coulant sur un fond caillouteux et offrant, de temps en temps, des cascades. IT s’y constitue un domaine dont il ne dépasse pas les limites; mais il ne souffre pas d’empiétement de la part de ses semblables. Si lun d'eux ose s’avancer sur l’espace qu'il s’est choisi, il poursuit l’u- surpateur, en faisant entendre un cri dur et crépitant paraissant tenir de la ventriloquie. Est-il poursuivi au delà des bornes qu’il s’est imposées ? il fuit dans les bois, où il attend que l'ennemi lui laisse le champ libre. La Nature a enchainé le Cincle au bord des ruisseaux, en le forçant à y chercher sa nourriture. Malgré la liberté presque com- 1 Bec comprimé, emplumé à sa base, légérement fléchi à sa pointe, très-finement dentelé sur le bord des mandibules. Ailes courtes. Queue courte, de douze pennes, Doigts longs, forts, munis en dessous de petites pelotes saillantes. Le médian uni à la base avec l’externe. Ongles robustes et très-arqués. LES LORMIOIMS UE plète de ses doigts, elle en à fait un plongeur d’une adresse admi- rable. Dans ce dessein, sa queue à été raccourcie, et ses plumes serrées ont reçu la faculté de n'être pas mouillées par leur contact avec Pélément humide. Quand Oiseau s’immerge jusqu’au fond des cours d’eau, pour y aller saisir les Crevettes, les Larves d’Insectes, les frais de Poissons où autres aliments nécessaires à son existence, les bulles d’air qui s’échappent des diverses parties de sa robe le couvrent d’un manteau de perles liquides, et ses ongles robustes servent à lui permettre de se cramponner aux cailloux, pour Jui donner la facilité de pêcher à son aise. Le Cincle, surtout à cette époque de l’année où la plupart des Passereaux trouvent une voix pour redire leur bonheur, produit un chant rapproché de celui du Merle par les notes de sa gamme et par sa douceur; mais, quand il rase la surface des eaux, il pousse parfois un cri aigu, qui semble être l'expression tantôt d’une frayeur passagère, tantôt d’une joie vive et subite, à l'aspect d’une heureuse rencontre. La ponte de cet Oiseau se compose de quatre à six œufs d’un blanc pur. Son nid, d’un volume assez considérable, construit avec de la mousse et des herbes entrelacées, a l'ouverture située sur le côté. L’Oiseau le cache sur le bord des ruisseaux et souvent sous la voûte d’une cascade, en sorte qu'il est obligé, pour s’y rendre, de traverser la nappe d’eau chargée de le dérober aux regards malveillants. Les Loriots l'ont des habitudes bien différentes de celles des Cincles. Ils aiment les bois et les vergers, et se tiennent ordinaire- ment sur les arbres élevés. À leur plumage éclatant, à leur robe d’un jaune plus où moins pur, et formant un contraste frappant * 1 Bec allongé, caréné en dessus, à crète entourant les plumes du front, comprimé à la pointe, Tarses courts, robustes, Ailes allongées, Queue moyenne, de douze rec- trices. 112 LETTRES A JULIE avec les parties noires de leurs ailes et de leur queue, on dirait des Oiseaux des tropiques égarés sous notre zone. Ils ont, en effet, une parenté évidente avec un certain nombre de petites familles des terres équatoriales, dont le manteau rouge, orangé où cou- leur d’or annonce, par sa richesse, influence exercée sur leur vêtement par les rayons de feu dont le soleil inonde ces chaudes contrées. La seule espèce de ce genre qui se hasarde à visiter, pendant les beaux jours, les pays méridionaux ou tempérés de l'Europe, y est attirée par la gourmandise. Elle vient s'y régaler des drupes rouges et succulents produits par nos cerisiers. Elle en fait, à l’époque de leur maturité, une consommation considérable. Mais, en attendant que ces fruits soient en état de flatter leur ooût, ces Oiseaux délivrent nos arbres des Insectes qui les outra- vent; ils font, surtout des Chenilles processionnaires de nos chênes et de celles de la chrysorrhée, une boucherie bien capable de leur faire pardonner les torts qu'ils nous causent en mangeant nos merises Où nos bigarreaux. Le Loriot produit un chant dont son nom semble être la fidèle expression. Le peuple de la campagne linterprète de la manière suivante : Je suis le Loriot Qui mange la cerise et laisse le noyau. Ces Passereaux nous arrivent en avril, et nous quittent vers la fin d'août où même plus tôt. Pendant leur court séjour dans nos campagnes, ils nous donnent l'exemple des ménages les plus heu- r'eux. On nous cite les Tourterelles Comme les plus parfaits modèles ES LORLOTS 113 De la tendresse des époux : Mais les Loriots, dans leurs goûts, Ne paraissent pas moins fidèles : Par l'amour conjugal unis, On voit les deux conjoints se suivre, Et l’un pour l'autre ils semblent vivre, Comme Philémon et Baucis. Ces Oiseaux, par l’art admirable qu'ils déploient dans la cons- truction du berceau de leurs petits, peuvent passer pour les plus habiles architectes de la gent ailée. IIS auraient pu apprendre à l'Homme l’art de tisser les étoifes. Leur nid est une sorte de hamac suspendu par des liens solides et flexibles aux deux four- ches d’une branche, comme ces molles couchettes fixées aux arbres des forêts, dans lesquelles les femmes des sauvages de l'Amérique déposent leurs jeunes enfants, en laissant à la brise caressante le soi de les bercer. L’élégante barcarole de nos Oiseaux est extérieurement cachée sous un revêtement de lichens cendrés, abondants sur l'écorce de nos grands végétaux ; elle est composée, sous cette enveloppe, d’un tissu de laine garni d’un matelas de duvet. La mère y dépose quatre où cinq œufs blancs parsemés de points bruns d’une grosseur inégale. L’incubation est d’une ving- taine de jours. Les petits sont à peine éclos qu'ils témoignent un appétit presque insatiable ; mais la tendresse et l’activité de leurs parents suffisent à tous leurs besoins. Ceux-ci vont à la recherche des Chenilles, dont la mollesse du corps semble une pâtée appropriée à la faiblesse de leurs nourrissons, et ils nous rendent service en les détruisant. Les Loriots ont les pieds courts et de longues ailes. La Nature leur à ainsi donné des qualités nécessaires pour en faire des voya- geurs infatigables. Aussi, dès que les figues commencent à mürir v 11H LETTRES A JUDLTE dans les champs du Midi, ils s’empressent d'aller d’abord profiter de ces fruits que la Providence place sur leur passage; puis ils vont sur le sol africain chercher de nouvelles jouissances et de Nouveaux plaisirs. Chacun vers l'objet qui l'attire Tourne ses désirs et son cœur : Pour moi, besoin n’est de vous dire Où je trouverais mon bonheur. ‘# LES MERLES 115 LETTRE XVII LES MERLES: II — Merles, Grives, etc. — Lorsque le Dieu de l'univers, Après avoir créé le monde, Le peupla des êtres divers Dont partout sa surface abonde, Chacun d'eux, d'unequalité, Fut doté suivant son espèce : Le Lion recut la noblesse, La puissance et la majesté : L'Écureuil, la légèreté : Le Singe, une étonnante adresse : L’Aigle, la force et la fierté ; Le Merle eut pour lot la finesse. Je suis naturellement conduit aujourd’hui à vous parler de ces derniers Oiseaux. 1 Bec faiblement échancré, non crochu à sa pointe, ordinairement un peu arqué, comprimé, LS 116 LE IMR ES CA JUL TE Nous avons déjà séparé des véritables Merles les Cincles et les Loriots; nous partagerons encore les autres espèces en deux coupes : les Merles et les Grives. Les premiers ont la robe unicolore, ou parée de couleurs distri- buées en grandes masses ; les secondes ont la poitrine grivelée, où parsemée de mouchetures brunes où d’un brun roussâtre sur un fond pâle. Qui ne connaît le Merle ordmaire, ce doux habitant de nos cam- pagnes, auxquelles il reste ordinairement fidèle? Le mâle est remarquable par sa robe couleur de jais et par son bec du jaune le plus pur. La femelle a des teintes un peu moins sombres et des mandibules moins vivement colorées. Cet Oiseau vit solitaire. Il se plait, durant les beaux jours, dans les bois, dans les taillis où dans les haïes assez épaisses pour lui offrir une retraite. Il hante volontiers les parcs seigneuriaux, les jardins paysagers des châteaux et même les allées ombragées des jardins aristocratiques des grandes villes. Durant l'hiver, il cherche les abris, les buissons, au pied des- quels il peut trouver encore quelques-uns de ces fruits de laubé- pine connus sous le nom de poires des Oiseaux, où dénicher, dans la mousse, quelque Goléoptère engourdi. Au printemps, où la Nature fait éclore par milliers des Larves de toutes sortes et réveille des Insectes endormis, il contribue à rendre leurs dégâts moins considérables ; mais, quand Pété pare les arbres de fruits, il recherche les baies, et prélève, quand il le peut, des droits illicites sur les produits de nos vignes. Son œil vif, son regard inquiet et pénétrant, son ouïe subtile le üennent sans cesse en garde contre une surprise. Si, par hasard, sa défiance est en défant, il fuit à tire-d’aile, en poussant un cri d'épouvante, Le chasseur s’obstine-t-il à le poursuivre, il vole à une certaine distance, choisit, pour se poser, les branches situées LES MERLES 1 La sur le côté de l'arbre opposé à celui où se trouve l'ennemi, il épie les démarches de celui-ci, et fuit de nouveau, avant de permettre au braconnier de l’approcher d’assez près pour l’atteindre de son plomb meurtrier. I amuse aussi de la sorte le Renard qui cherche à en faire sa proie. Ce dernier, ainsi que l'Homme, perd ordinairement son temps à le poursuivre. De là sans doute est venu le proverbe Fin comme un Merle. On voit, chez nous, mainte coquette Dont les charmes et la toilette Attirent de nombreux servants, Posséder aussi la recette De tromper, adroite caillette, L'espoir de tous ses poursuivants. La sollicitude instinctive du Merle pour sa conservation tient peut-être plus à la timidité ou à la crainte qu'à la finesse, car il se laisse facilement prendre aux piéges et aux lacets qui lui ins- pirent peu de défiance. Quand il a découvert des baies faites pour l’allécher, dans un leu où il craint d'être surpris, près d’une habitation, par exemple, il n'ose s'aventurer tout dun coup; il fait entendre un caquetage, interprète de ses pensées de convoitise où de crainte. Si le silence se fait autour de lu, 11 vole d’un trait vers l'arbre qui lattire, lui dérobe à la hâte et avec inquiétude les fruits nécessaires à son repas ; puis, Satisfait de ses succès, 1l va dans un massif ou dans un fourré, pour y digérer en paix sa nourriture. Le Merle est un des Oiseaux les plus empressés à préparer le berceau de sa future couvée; il commence ordinairement à le bâtir dès que le mois de mars fait épanouir les fleurs d’or du Léon- 118 LETTRES A JULIE todon et les petites marguerites des prés. Son nid, en forme de coupe profonde, fabriqué avec de la terre gachée, est revêtu, à l'extérieur, de mousse et de racines. Il le cache dans les buissons, dans les taillis, le place sur les arbustes des jardins où sur les branches de moyenne hauteur ; il y dépose de quatre à six œufs ordinairement verdâtres ou bleuâtres et maculés de taches nom- breuses. Pendant ces jours printaniers d’amour et de bonheur où Phy- men lui promet une famille, le Merle estun des chantres harmo- nieux de nos bois ; mais, dès que ses désirs sont comblés, 1l cesse de se faire entendre. Ce Passereau, quoique timide, s’habitue facilement à l'esclavage; il finit même par devenir familier. On Jui apprend à siffler, à chanter différents airs, et même à articuler quelques mots. Si j'avais le pouvoir d'instruire Ceux qui vivent tout près de vous. Je voudrais leur faire redire Quelques-uns de ces mots si doux Que je n'ose pas vous écrire. À Paris, pendant la Révolution, deux de ces Merles parleurs se trouvaient encagés dans la même rue, à peu de distance l’un de l’autre. Is amusaient le public en faisant ressortir la différence de leur éducation. L'un se plaisait à redire : Vive le rot! tandis que l’autre s’égosillait à crier : Ca tra. Le Merle, à Pépoque de la maturité des raisins et autres baies, acquiertune chair assez délicate: cependant son embonpoint et la saveur de sa chair sont généralement inférieurs à ceux des Grives ; de là le proverbe des oiseleurs : Faute de Grrives, on prend des Merles. 1mp.Lemercier &r C'° Par LES MERLES 119 Vous connaissez sans doute à ce sujet anecdote suivante : Un avocat était chargé d’un procès pour un tendeur : « Tâchez, dit-il à ce dernier, de n’apporter un certain nombre de Grives, » -— À défaut de celles-ci, prendrez-vous des Merles? » reprit le cent. « - Volontiers, » répliqua l’homme de loi. Le plaideur revint, mais les mains vides, « -- Où sont donc les Grives? s’empressa de lui demander son défenseur. « — Hélas! bal- butia le chasseur, elles m'ont fait faux bond. Je m'en suis un peu consolé en songeant qu'au besom vous prendriez des Merles,. Tâchez donc attraper ces derniers, car ils sont plus fins que moi. » Je ne vous parlerai pas du Merle blanc. Celui dont la robe à pris cette couleur, la doit à une maladie connue sous le nom d’albi- nisme. Il est pour nous un objet de curiosité; mais il ose à peine se montrer parmi ses semblables. Le Merle à plastron blanc habite les montagnes boisées et ro cheuses et nos chaines alpestres. Le Merle de roche a la tête et le cou d’un bleu cendré, le dos noir, la poitrine et l'abdomen d’un roux vif. Il vit principalement dans nos provinces du Midi, se tient, pendant l'été, sur les monta- ones élevées et dénudées, se perche sur les tours en ruines, établit son domicile dans les châteaux démantelés du moyen âge, cache son nid dans leurs crevasses où dans les rochers. Le Merle bleu est un de nos plus beaux Oiseaux des chaines subalpines du Dauphiné et des contrées voisines. Il a les habitudes et la vie solitaire du précédent. à Les Grives ont la plus grande analogie avec les Merles, sous le rapport de leur régime et de leur organisation ; mais elles ont le caractère plus sauvage, l'humeur plus disposée aux voyages : elles se distinguent surtout de ceux-ci par un costume particulier. Leur manteau est d’un fauve olivätre, leur gorge et leur poitrine 120 LETTRES A JULIE sont parsemées de taches brunes sur un fond pâle où d’un blanc sale. Les Grives, comme les Merles, se nourrissent aussi, au prin- temps, de vers, de colimacons et d’insectes, et, dans ce but, elles suivent quelquefois, de loi, le laboureur, pour profiter des Ver- misseaux que son instrument met à découvert; mais, dès que les cerises commencent à rougir sur les arbres dont elles sont l’orne- ment, elles délaissent la nourriture animale pour les drupes et les baies. Ainsi elles recherchent, suivant les lieux, les fruits de Pali- zier, du sorbier des oiseleurs, du lierre, du gui, du genévrier, du myrte, de l’if, et surtout le fruit de la vigne. Elles s’abreuvent du jus de nos raisins à en avoir le corps alourdi, à se laisser prendre à tous les piéges, à en perdre un peu la tête, à s’enivrer. De là le proverbe : Saoûl comme une Grive. Grâce à la nourriture abondante que leur offre la Nature, la chair de ces Oiseaux acquiert, en automne, un goût et une délica- tesse remarquables. Ces qualités précieuses leur valent l'honneur de faire le fond de nos meilleurs rôtis; on les met en pâtés, en salmis, et l’on peut dire à toutes sauces. Les Romains, nos maitres en gastronomie, avaient déjà su apprécier le haut mérite de ces Passereaux. « Rien n’est bon comme la Grive, » a dit Horace!, Martial ? préférait une cou- ronne de Grives à une couronne de roses. Il n’était pas dégoûté! dirait un gastronome. Dans les environs de Rome, on se servait, pour engraisser ces Oiseaux, d’une méthode analogue à celle que nous employons pour les Ortolans, et ce genre d'industrie était Pobjet d’un com- merce considérable. 1 Nil melius Tuïdo. 2 MarTiAL, Œuvres, édit. Panckoucke, t. IV. p. 127. LES GRIVES 121 Les Grives prises dans les piéges où tombées sous le plomb du chasseur ont naturellement une saveur variable, suivant leur senre de nourriture. Celles qui se gorgent, dans les Alpes, des baies du genévrier ont un goût résmeux très-estimé des habi- tants de ces montagnes et de ceux de nos provinces méridionales, où les herbes fortement aromatiques jouent un rôle indispensable dans Part culinaire, mais chatouille désagréablement les palais plus délicats. Ces Passereaux, sans être des voyageurs de long cours, comme les Loriots, sans traverser ordinairement la Méditerranée, comme les Gailles, vont toutes les années prendre leurs quar- tiers d'hiver dans nos départements méridionaux ou dans les cli- mats plus tièdes de l'Espagne et de l'Italie Nous trouvons, en France, quatre espèces de Grives : le Iau- is, la Litorne, la Draine et la Grive proprement dite. Les deux premières ne visitent notre pays qu'en passant; les autres y élèvent leur famille. Le Mauvis a le dessous des ailes et les flancs d’un roux vif: de là, le nom de Rouge-aile, sous lequel cette espèce est connue. Elle nous arrive vers la fin d'octobre pour prendre part aux vendan- ges, quitte nos contrées après la récolte du raisin, et, à son retour, nous annonce, par ses sons Joyeux, l'approche du printemps. Elle rachète la petitesse de sa taille par lexcellence de sa chair. La Litorne, moins estimée sur nos tables, est plus tardive à nous visiter, et passe l’hiver dans quelques-unes de nos provinces, où on la connait sous le nom de Grive d'hiver. Elle est facile à distinguer des autres espèces par son manteau en grande partie cendré et par son plastron d’un roux orangé. Elle fait entendre un ! En février 1867, il tomba beaucoup de neige en Provence; les Grives qui s'y trou- vaient, surprises par cette température anomale, remontérent vers le Nord. Il en arriva une nuée à Lyon. Le lendemain, les marchés en furent abondamment pourvus, 122 LETTRES À JULIE cri d'appel dont le mot de #afia est l'expression phonétique. Quand ces Oiseaux sont rassemblés en grand nombre sur un arbre, ils produisent un cliquetis ou une sorte de charivari assour- dissant. La Draine ou Drenne est la plus grosse de nos Grives. Elle a la robe un peu plus pâle que la suivante, et le dessous des aiïles blanc. Elle a le chant moins agréable que celui de cette dernière ; mais elle le fait entendre depuis les derniers froids jusqu’au mois de juillet. Elle place son nid sur les arbres, à une médiocre hauteur, le construit avec des débris de bois mort agelutinés avec sa salive, le revêt de hchens en dehors, le garnit en dedans d'herbes menues et desséchées ; elle y place de quatre à six œufs grisâtres tiquetés de roux. Elle défend son trésor, avec un courage incroyable, contre les Pies et autres ravisseurs ailés, et souvent tous les individus de cette espèce vivant dans nn voisinage rapproché forment une société d'assurance mutuelle contre leurs ennemis communs. Enfin la Grive, à bon droit appelée la Grive chanteuse, est celle dont la voix est la plus harmonieuse et dont la chair figure le plus souvent dans nos repas. Elle est la joie du printemps, l'espoir et la fortune des oiseleurs, les délices des gourmets. Elle est l’image du franc buveur ; elle est toujours disposée, en au- lomne, à s’enivrer du jus de nos treilles. Aussi est-elle la plus redoutée des vignerons. Quand une volée de ces Oiseaux vient à S’abattre sur une vigne, ils ont bientôt enlevé de quoi remplir plu- sieurs tonnes; mais nous le leur faisons bien paver : les fusils et les engins de toutes sortes nous servent à décimer les rangs de ces courmands et à nous régaler de leur chair grasse et parfumée. La Grive met encore plas d'art que la Draine dans la construc- hon de son nid, L'intérieur de la coupe de celui-ci est composé dun stuc poli, gâché avec de la terre argilense et de la poussière de bois, et son revêtement de mousse ou d'herbes séchées sert à le LES GRIVES 12: es rendre moins apparent.Il recoit quatre ou six œufs d’un bleu ver- dâtre. Pendant la saison de ses amours, la Grive charme de sa voix les forêts ou les lieux dans lesquels elle à élu son domicile ; mais elle n’atteud pas, pour nous faire entendre ses chants, que la terre se soit parée de sa première verdure, que les noisetiers aient laissé pendre leurs chatons couleur citron, où que le groseillier ait mon- tré ses feuilles nouvelles. Lorsque règne encor la froidure, Quand les autres Oiseaux des bois. Tristes du deuil de la Nature, Retiennent encore leur voix, Au sommet d’un arbre perchée, : Ou dans les hauts rameaux cachée. La Grive de ses sons joyeux Fait retentir le voisinage, Et ses accents mélodieux, Pour le pasteur sont le présage De l'approche d’un temps meilleur. Comme votre aimable présence Est pour nous la douce assurance De quelques moments de bonheur, LES BECS-FINS 125 LETTRE XVIIT LS BEC SP INS I — Traquets — Peut-on rester au sein des villes, Quand tout nous offre dans les champs Des jouissances si tranquilles Et de si doux enchantements ? Quand les vents les plus caressants Attiédissent notre atmosphère ; Quand, suivant sa marche ordinaire, Le soleil décrit tous les jours Un plus grand chemin circulaire : Quand enfin, si triste naguère, La terre a repris ses atours, Grâce à l’astre qui nous éclaire Et féconde tout dans son cours ? Venez voir les métamorphoses Qu'a su produire le printemps, 1 Bec droit, grèle, semblable à un poinçon, On peut les subdiviser en quatre peti- tes familles : les Traquets, les Rubiettes, les Fauvettes et les Rousserolles. 126 LETTRES À JUMIE Et comme il sait en toutes choses Donner des plaisirs à nos sens! Des fleurs qui précèdent les roses Partout les jardins sont parés, Et d’autres, par milliers écloses,. Émaillent les tapis des prés. Tandis que la vue est charmée De leurs ravissantes couleurs, De leur corolle parfumée S'exhalent de douces senteurs, Dont l'atmosphère est embaumée. Tous les petits Oiseaux chanteurs, Qu'ont vu revenir nos bocages, S'efforcent, dans leurs doux langages, De nous raconter leur bonheur: Tous à l’envi font des merveilles, Et leurs accents pleins de douceur Donnent, en charmant nos oreilles. Mille plaisirs à notre cœur. Que ne puis-je, avec vous, parcourir nos coteaux aujourd'hui si riants, et vous inilier de vive voix à ces notions auxquelles votre esprit, toujours avide d'apprendre, se plait à trouver quelque intérêt! Nous y rencontrerions vraisemblablement, sans peine, quelques-uns des êtres dont je vais vous commencer l’histoire. Les Oiseaux qui constituent la famille des Becs-fins où A15ta- cilles sont tous reconnaissables à leur bec droit, menu, semblable à un poincon, et bien propre à saisir les Larves on les Insectes dont ils font leur: nourriture, au moins durant le printemps. Les espèces qui rentrent dans ce groupe nous offrent, en général, un intérêt particulier, parce qu'elles nous charment souvent par les agré- ments de leur voix. LES TRAQUETS 127 Je vous ferai successivement passer la revue des groupes prin- cipaux dont se compose cette nombreuse famille. Les T'raquets}, qui commencent cette série, ont ordinairement des plumes blanches à la queue ou sur le croupion. IIS constituent le groupe des Pieds-notirs, dont les gourmets estiment à si haut prix la chair succulente. Ces Oiseaux sont, en général, remarquables par leur vivacité. Quand ils se posent, ils choisissent toujours un point culminant. soit la branche morte d’un buisson, d’une aubépine où d’une ronce, soit une roche sallante au milieu d’un champ, soit un monticule terreux. IIS veulent être ainsi plus à portée d'observer ce qui se passe autour d'eux et d'apercevoir plus facilement les Insectes, objet de leur convoitise. Tous nichent à terre où près du sol, dans les champs ou les prés, quelquefois dans les rochers ou les vieux édifices. Leur nid est ordinairement composé d'herbes sèches où de mousse, doublé d'un coussimet de crin, et quelquefois garni de plumes. Is le pla- cent dans des rocailles, au pied d’une motte où d’une taupinière, dans un tas de bois ou sous quelque autre abri et y déposent de cinq à sept œufs bleus où d’un bleu verdâtre. Les uns se plaisent principalement sur le bord des prés où des champs ; ils suivent quelquefois le laboureur, pour saisir les Larves onles Vers mis à découvert par son travail. On les reconnait faci- lement à leur caractère remuant, à leur agitation continuelle, à leur habitude de se percher sur des piquets ou sur les branches les plus élevées. De ce point dominant, aperçoivent-ils un Insecte cou- rant sur le sol ou volant à leur portée, fondre sur lui et avaler est l'affaire d’un instant, et quelquefois, satisfaits de leur capture, 1 Bec grèle, droit, plus large que haut à la base, garni de quelques poils, à man- dibule supérieure échancrée et courbée seulement à l'extrémité. Narines à moilié fermées par une membrane, Queue carrée ou légèrement arrondie, 128 LETTRES A JULIE ils se balancent joyeusement dans les airs avant de retourner se poser à la cime d’un buisson, d’où ils pourront encore découvrir quelque nouvelle bonne fortune. Ils font souvent entendre un cri presque semblable au tie-tac d'un moulin, ce qui leur a valu, de la part des savants, le nom de Traquet, et les dénominations populaires de Vifrec, Bis- tratra,-etc. Le Traquetordinaire est facile à reconnaitre à sa gorge noire, à sa poitrine d’un roux orangé, à son croupion blanc. Le Tarier a les teintes moins vives ; il semble aimer davantage les lieux solitaires; il fréquente les landes et les champs couverts de bruyères; cependant on le voit aussi sur la lisière des bois où au bord des ruisseaux. Les autres Traquets, connus sous le nom de Motteux, recher- chent de préférence les lieux incultes, les coteaux pierreux, les terres labourées. Quoique ces Oiseaux ne muent qu'une fois par an, leur costume varie de couleur ou de nuance, suivant les saisons. Sur leur robe de noce, toujours la plus remarquable, le brun roussâtre de leur tenue la plus modeste disparait presque entièrement, pour faire place à un blanc pur et à un noir profond. Les Motteux ont un ramage irrégulier et jettent souvent, en volant, leurs notes décousues. Comme les précédents, 1ls changent de lieux à l’approche des froids. Le Traquet-Motteux doit son nom à son habitude de se poser sur les mottes de terre les plus saillantes. Il est connu, dans les campagnes, sous le nom de Cul-blanc. Quand on l'approche, il fuit d'un vol peu élevé, pour aller de nouveau se placer sur un point culminant, d’où il lui est facile de découvrir limportun qui le poursuit. LES TRAQUETS 129 Le Strapazin est commun dans nos provinces méridionales. Il se tient ordinairement au printemps sur le flanc des montagnes, et l'été il descend dans les plaines. Il vit d’Insectes qu'il prend souvent au vol où à la course. Il construit son nid sans beaucoup l’art et le cache dans des tas de fagots où de pierres, où dans des trous de rochers ou de murailles. Il imite, dit-on, assez fidèlement le chant des autres Oiseaux. En visitant, un jour, sur les bords de la Méditerranée, à quel- ques lieues de Montpellier, une grange à fourrage, dernier vestige de l’ancienne cité de Maguelonne, je trouvai, au pied d’un nid de Scops, les dépouilles nombreuses d'individus de cette espèce qui avaient servi de nourriture aux petits de ce Rapace nocturne. L'Oiseau cruel mw’avait pas eu beaucoup de peme à se procurer ces petits Traquets ; ils abondaient, vers le soir, sur les luzernières des champs voisins. La solitude s’est faite aujourd’hui sur l'emplacement occupé par cette ville épiscopale du moyen âge; son port est comblé par les sables, et nous chercherions en vain, sur nos cartes géographi- ques, l’emplacement qu’elle occupait; mais son nom rappellera toujours l’histoire touchante de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne !. Les poëtes et les historiens ont ainsi le privilége d’éterniser le souvenir des personnes célébrées dans leurs œuvres. Si dans le temple de la Gloire Mes écrits pouvaient parvenir, Je voudrais, à votre mémoire, Assurer un long avenir. Ces vers qu’en votre honneur ma muse aime à produire, Après les jours bornés où je ne serai plus, 1 Histoire de Pierre fils du conte de Prouuence et de la belle Maguelonne fille du Roy de Naples. In-4°, sin. loc. neg. anno (vers 1472). LETRRRSANULTE A nos neveux iraient redire Et vos grâces et vos vertus. Voyez des maitres de la lyre Quel est le pouvoir enchanté : Plus d’un siècle a passé sur la cendre de Laure, Et les chants du poëte, épris de sa beauté, Feront bien longtemps vivre encore Son nom par le temps respecté. LES" ROISSIGNOLS 131 LETTRE XIX LES BECS-FINS:! IT — Rossignols, Philomèles, Rouges-Gorges, etc. — Je suis encore, en vous écrivant, sous l’impression des heures délicieuses que j'ai passées hier. J’étais allé à la campagne, chez mon ami, M. S°°”, dont vous connaissez la charmante habitation. Après le diner et quelques tours de promenade dans le jardin pay- sager, des fauteuils nous attendaient sur la plate-forme qui do- mine le parterre. Nous étions arrivés à cette heure de la soirée où les ombres succèdent au jour qui s’enfuit. Les dernières lueurs du crépuscule laissaient déjà apercevoir dans le firmament quelques- uns des corps célestes dont les rayons devaient bientôt scintiller sur le voile de la nuit. Une brise attiédie apportait à nos sens les suaves odeurs exhalées par les corolles des fleurs. Chacun de nous oubliait, dans d’aimables causeries, la fuite rapide du temps, 1 Les Becs-fins de la section des Rubiettes ont le bec un peu plus étroit à la base que les précédents. 132 CE'T'PRIES ASSUME quand, tout à coup, des sons enchanteurs se sont fait entendre. Un Rossignol, caché dans le bocage voisin, préludait à ses ravissants concerts. La douceur de la température, le plaisir d’être ensemble, tout contribuait à prêter à ses accents un attrait particulier. Jamais les sons tirés de son gosier harmonieux n'avaient produit sur nous une impression plus vive. Le charme sous lequel je me trouvais devait durer longtemps encore. La chambre à coucher qui m'avait été assignée avait ses jours sur le jardin: Avant de me livrer au repos, javais ouvert lune des fenêtres, et, accoudé sur son appui, vous m'auriez vu d'abord dans cette admiration muette si bien exprimée dans le tableau de Compte-Calix sur la figure de ses jeunes personnes écoutant, au clair de lune, le chant du Rossignol. L'idée m'est venue ensuite d’imiter la voix de ce petit musicien, en faisant vi- brer Pair chassé de mes poumons entre ma lèvre supérieure et la feuille d’une sorte de graminée ! appliquée contre elle. Dès qu’il entendit ces sons inaccoutumés, Oiseau se tut pour juger du talent de son audacieux rival; mais sitôt que je m’arrêtai, il reprit son chant avec une vivacité nouvelle, pour me faire reconnaitre la supériorité de son pouvoir merveilleux. Cette lutte se prolongea quelque temps, avec les mêmes interruptions de sa part. Mon si- lence finit enfin par lui avouer ma défaite. Apollon m'aurait fait écorcher vif comme un autre Marsyas ; mais les charmantes créa- tures de Dieu n’ont pas l'esprit vmdicatif des divinités hameuses du paganisme. Les Orientaux, vous le savez, ont choisi la rose pour emblème de la beauté, et le chant du Rossignol pour l’expression des senti- ments qu'elle inspire. Aussi plusieurs poëtes osmanlis ont-ils célé- bré les amours du chantre ailé du printemps aveela plus belle des , Brachypodüuon syleaticum, DE CANDOLLE. LES ROSSIGNOLS 133 fleurs de nos jardins. Lisez à ce sujet le roman allégorique de la Rose et du Rossignol ! du poëte Falsi, où écoutez, par la bouche de son traducteur, Servan de Sugny, les conseils de morale que le sultan Bajazet IT donnait à une jeune fille dans lapologue suivant: La Rose, un jour, au Rossignol, Qui lui tenait un doux langage, S'abandonna, fleur trop peu sage ; Mais l’aquilon, rude en son vol, L’ayant maltraitée au passage, Ses débris jonchèrent le sol. Lamartine à fait allusion aux idées des poëtes orientaux, dans son Voyage en Orient, quand il dit à la jeune fille qui lui deman- dait des vers : Qui, toi, me demander l'encens de poésie ? Toi, fille d'Orient, née aux vents du désert, Fleur des jardins d'Alep que Gulgul ? eût choisie Pour languir et chanter sur son calice ouvert. On a cherché souvent à imiter, par des syllabes où par des notes de musique, le chant de ce petit Orphée; mais aucun instrument, si ce n’est peut-être le merveilleux organe de la voix humaine *, nesaurait reproduire jamais les moelleuses et flexibles ondulations de son gosier sonore. Dans son mélodieux ramage, dont il peut varier les tons à volonté, il sait communiquer à notre âme tous les ! SERVAN DE SUGNY, Muse ottomane, p. 97. 2 Dans la langue turque, le Rossignol se nomme Gulgul el la rose, Bul. 5 Chez les Romains, un homme, en soufflant dans un chalumeau rempli d’eau et garni d'une languette, imitait le Rossignol de manière à faire illusion. (PuixE, Hb. X, xLH1.) Au repas de Trimalchion, un valet égyptien se mit à imiter le chant du Rossignol. Nous avons pu voir de nos jours des gens sachant reproduire ce chant avec une imitation parfaite. 134 : LETTRES A JULIE sentiments qui l’agitent, Voyez comme on sesent porté à la mélan- cole quand il file ses sons flûtés et d’une douceur si langoureuse! Mais bientôt, dans des ronlades rapides et brillantes, dans des éclats de voix cadencés, il déploie toutes les ressources de son talent, toute la puissance de ses poumons, toute la magie de ses enchantements. Puis, après un murmure à peine appréciable, et qui semble tenir de la ventriloquie, sa voix plus touchante et plus tendre prend Paccent plaintif des soupirs, le langage expressif de là passion, et il remue jusqu'aux fibres les moims impressionnables de notre sensibilité. Pour exprimer ses sentiments D'une facon si merveilleuse, Le faire en accords si touchants Et d'une voix si chaleureuse, Il faut éprouver dans son cœur Tous les transports de la tendresse, Il faut connaître enfin l'ivresse Et l’enchantement du bonheur. Son chant semble, en effet, Pexpression de son amour, de “son bonheur et de ses espérances. Virgile s'est évidemment trompé dans son touchant épisode d'Eurydice, quand il a dit : Telle sur un rameau, durant la nuit obscure, Philomèle plaintive attendrit la Nature, Accuse en gémissant l'oiseleur inhumain, Qui, glissant dans son nid une furtive main, Ravit ces tendres fruits que l'amour fit éclore, Et qu'un léger duvet ne couvrait pas encore !. Trad. de DELILLE. Qualis populeaæ mœrens, elec. ViRGILE, Georg., lib. IV. vers 511-515. L2 LES ROSSIGNOLS 135 Ce charmant Oiseau aime les lieux ombragés et solitaires, ceux principalement où l'écho se plait à répéter ses accents. Il évite le voisinage de ses semblables, pour n’avoir pas à redouter la com- paraison dun talent rival. I se plait surtout à chanter dans le silence des nuits, où seul il remplit l'air de ses mélodies, où la Nature, attentive et recueillie, semble n'avoir doreilles que pour lui. Sideux Rossignols se trouvent établis trop près l'un de lPautre, ils se disputent le prix du chant en luttant de toute la force de leurs poumons, et parfois lun d’eux succombe en faisant encore entendre ses dernières notes !. Si leur résistance se prolonge, ils se livrent alorsun combat à outrance, jusqu'à ce que le vaincu soit forcé de laisser le champ libre. Le Rossignol arrive dans nos contrées vers le 10 mai. Le male, vous le savez, jouit seul du don de charmer nos oreilles. I] reste silencieux pendant deux ou trois jours ; puis il fait entendre ses préludes, et bientôt après 11 anime nos bosquets le jour et la nuit. ILessaye, par les expressions de sa tendresse, de distraire sa compagne des peines auxquelles elle est assujettie. Gelle-ci à été chargée par la Nature de communiquer aux œufs sur lesquels elle repose la chaleur nécessaire pour réaliser ses espérances. Dès qu'ils sont éclos, le mâle, préoccupé comme elle des soms et de la nourriture à donner à la jeune famille, ne chante plus que la nuit. II continue à se taire, durant le jour, pendant tout le temps nécessaire à éducation de ses petits. Dès qu'ils sont en état de se passer de leurs parents, la femelle recommence une nouvelle ponte *, et les concerts du mâle subissent les mêmes phases que la première fois. Quand cette seconde tâche est achevée, le Rossignol cesse de L OVicla norte finit sæpe vilam, spirilu prius deficiente cantu. PEINE, Lb-°X XLIIT. ? Dans nos provinces du Nord, il parait n'avoir qu'une couvée. 136 LETTRES À JULIE chanter. Il s'opère même bientôt, dans la production des sons sortant de son larynx, une triste métamorphose. Sa voix, naguère si harmonieuse, ne fait plus entendre, vers la fin de été, qu'un cri rauque analogue au coassement d'un reptile. Mais, dans l’état de captivité, où ses aspirations restent sans résultat, il continue à chanter pendant huit à dix mois. Le Rossignol est naturellement craintif; mais 1l se laisse faci- lement apprivoiser. Un de ces Oiseaux avait bâti son nid dans le jardin de Pun de mes amis, au pied d’une touffe de syringas, dans le voisinage d'une charmille où le propriétaire aimait souvent à venir méditer où travailler. L’Oiseau l’émerveillait de son chant. Mon ami voulut payer ce petit musicien du plaisir qu'il lui procurait, et, dans ce but, 1l plaça sur la table fixée au milieu du berceau de verdure une foule de ces larves de Ténébrions connues sous le nom de Vers de la farine. Le Rossignol aperçut bientôt cette nourriture friande; mais la crainte l’empêchait d'approcher. Le maitre s'était à peine éloigné de quelques pas, que le petit gour- mand se Jetait avec avidité sur ces vers. Les jours suivants, la table se trouva pourvue dela même manière. Peu à peu, POiseau se hasarda à prendre cette nourriture en présence de mon ami. Un peu plus tard, il ne craignit pas de la recevoir de la main qui la lui offrait ; à la fin, il devint bientôt assez familier pour accou- rir à la voix du pourvoyeur complaisant qui l’appelait. Les mauvais jours arrivèrent, et, fidèle à ses mstincts, le Ros- sienol émigra vers les contrées orientales, où l'hiver sans rigueur lui permet de trouver une nourriture facile. Au printemps suvant, il se hâta de revoir les lieux où 1l avait élevé sa famille. Il se fit bientôt reconnaitre, et, comme aupa- ravant, ne tarda pas à venir prendre aux doigts de mon ami les vers de couleur jaune que celui-ci lui montrait. LES ROSSIGNOLS 137 Laés par une affection réciproque, tous les deux étaient heu- l'eUX : Mais qui jouit jamais d'un bonheur sans mélange ? a dit Horace !. Un Chat perfide, qui guettait depuis quelque temps le charmant Oiseau, finit un Jour par le saisir sous ses ongles cruels et par l'emporter. I a fallu le luxe dépravé des Romains pour oser faire servir aux jouissances du goût cet Oiseau, qui donne des plaisirs si doux à nos oreilles. On le mangeait rôti, sur un lit de confitures. Toutes les Rubiettes sont remarquables par leur légèreté et par quelques parties de leur corps revêtues de plumes rousses, dont la famille a tiré son nom. Elles pondent, suivant les espèces, de quatre à huit œufs, et vivent principalement d’Insectes. L'une d'elles doit à l'agrément de son chant le nom de Phrlo- mnèle. Elle abonde dans l'ile de Bornholm, dépendante du Dane- mark. Il est vrai que, nulle part, elle ne pourrait trouver des | ombrages plus propices pour y moduler en paix ses ravissantes chansons. L'ile présente des vallées étroites, au fond desquelles coulent, en murmurant à peine, de paisibles ruisseaux. Les co- teaux qui les bordent, de plus où moins près, sont couronnés de rochers escarpés et couverts sur leurs flancs d’arbrisseaux touffus, principalement d’aubépines, dont les rameaux offrent un obstacle invincible aux Oiseaux de proie. Les Philomèles, en sûreté sous ces abris protecteurs, y font entendre en liberté leurs délicieux concerts. Quand surtout le soleil, plongé au-dessous de lhorizon, abandonne à la nuit l'empire des airs, le chant de ces Oiseaux Ê Nihil est «bonini parte beatuwir. Quel mortel ici-bas goûte un bonheur parfait? Horace, trad. du général Delort. Odes, liv. 11. p. 225. 138 LETTRES A JULIE semble prendre plus de plénitude, d'harmonie et d'éclat, et il est difficile de prêter l'oreille aux chœurs nombreux de ces musiciens enchanteurs sans éprouver un ravissement inexprimable et sans tomber presque en extase ?. La complaisance peut-être trop grande avec laquelle je vous ai entretenue des Rubiettes précédentes me force à me borner à quel- ques mots sur d’autres espèces de notre pays. La Gorge-bleue, ainsi nommée en raison de son magnifique plastron d'azur, se plait sur le bord des eaux, dans les cemtures boisées des étangs, niche sous les racines des saules ou dans leurs troncs caverneux : elle a été moins bien avantagée sous le rapport de la voix, ayant reçu une plus belle parure. La Gorge-noire où Rossignol de muraille à la gorge noire, la poitrire et les plumes latérales de la queue rousses. Elle niche dans les creux des arbres et surtout dans les trous de nos vieilles murailles et jusque près du sommet de nos tours les plus élevées. La Queue-rousse où Rouge-queue à la poitrine noire, comme la gorge. Elle niche aussi dans les crevasses des rochers, sous les toits des vieilles maisons. Ces deux dernières espèces n’ont pas heu de bénir leur sort à la vue de la persécution atroce dont elles sont l’objet : on leur tend une foule de piéges dans lesquels leur nature confiante les fait tomber. Que vous dirai-je du ÆRouge-gorge, lun de mes Oiseaux fa- voris ? Moins brillant dans ses chants que le Rossignol, il Pemi- porte sur lui par son air coquet et gracieux et par la parure moins humble de son corsage. Durant la belle saison, il semble fuir les lieux où le plus mélo- dieux de nos virtuoses emplumés a le secret de captiver les î Voyez Fischer (J.-C.-H.) in SctopTE, Natuwrsthiorisk Tidsskrift (1863), p. 68. LES ROUGES-GORGES 139 L1 oreilles. Il recherche alors les solitudes des bois et des forûts. Mais quand le soleil d'octobre commence à raccourcir d’une manière plus sensible le cercle des jours, il se rapproche de la cabane du bûcheron où de celle du pauvre charbonnier, frétille près des tisons qui servent à les réchauffer, leur module sa petite chanson, et semble leur dire qu’il est temps pour eux comme pour lui de quitter les montagnes, où les frimas vont établir leur domi- cile. Il vient alors chercher un abri dans les buissons voisins des chaumières et autres habitations des campagnes. L'air triste et souffreteux, 11 module à voix basse un chant doux et plaintif ; on dirait une sorte de prière pour nous rappeler d’avoir som des malheureux. Le froid augmente-tl de rigueur, la terre se couvre- t-elle de son manteau de neige, on le voit souvent se poser sur le bord de nos fenêtres, et même parfois frapper de son bec aux vitraux, pour solliciter un hospitalier abri. Pour lui, durant ces jours rigoureux, Plus n’est d'amour et partant plus de joie. Il traine une vie misérable Jusqu'au moment où le printemps viendra lui rendre sa nourriture favorite et réveiller ses ardeurs passagères. Chez nous, comme vous l’éprouverez sans doute un jour, les affections ont une plus constante durée. Quand dans cette heureuse saison Qu'on nomme printemps de la vie, L'amour, l'hymen et la raison, C Par une assez rare harmonie, S'entendent pour unir deux cœurs, Le feu de leur vive tendresse Ne voit pas, avec leur jeunesse, S'éteindre toutes les ardeurs : LETTRES A JULIE El Le Temps, qui détruit tant de choses Sous ses doigts cruels et glacés, Respecte les liens de roses Dont ils se trouvent enlacés, Et si, dans sa marche incessante, I1 peut, sous son souffle vainqueur, Attiédir leur flamme brülante, Il en conserve la douceur; Et jusqu'à leur dernière aurore, L'amour qui les unit toujours, Moins vif, mais aussi tendre encore, Continue à charmer leurs jours. LES FAUVETTES 141 LETTRE XX TITI — Fauvettes, etc. — Si vous parcouriez l'Italie, vous auriezsouvent, vers l’heure où cesse le travail de la journée, l’occasion d'entendre, dans les moin- dres villages, des groupes de simples artisans faisant, sur des tons divers et avec un accord parfait, retentir l'air de ces joyeuses canzonetli que la langue du Tasse rend si douces à l'oreille, et vous vous diriez sans doute que les habitants des heureuses con- trées dans lesquelles Rossini vit le jour, ont recu de la Nature le don de la musique. Certains groupes d’Oiseaux semblent avoir été favorisés de inême. | Je vous entretenais, l’autre jour, des virtuoses emplumés dont ! Les Becs-fins de la section des Fauvettes ont le bec droit, grèle, un peu comprimé en avant, avec l’arète supérieure légèrement courbée vers la pointe. On les divise en Fauvettes proprement dites et en Rousserolles. Les premières ont la queue unicolore et carrée, 142 LETTRESIA JULRE s'honore la famille des Rubiettes; celle des Fauvettes va nous offrir également des musiciens de premier mérite. Ces Passereaux toutefois n’ont pas été dotés d’une voix ravis- sante dans le seul but de redire leur bonheur : Dieu, avant de tirer l'Homme du néant, à voulu, par tous les moyens possibles, prêter des charmes ou des agréments à la terre dont il devait être le roi ; il a créé les fleurs pour charmer nos regards, les Oiseaux, pour captiver nos oreilles. Quels plaisirs, cependant, ces derniers ne donnent-ils pas sou- vent à nos sens ? Mais leurs cordes vocales ne sauraient produire ces sons magiques à l’aide desquels le gosier d'une femme peut remuer notre âme et réveiller les fibres de notre cœur. Peu de personnes, plus que vous, Doivent connaître la puissance Que le chant exerce sur nous. Lorsque dans quelque circonstance Votre gosier harmonieux Fait entendre une voix si pure Et des sons si mélodieux, Tous les traits de notre figure Et le doux éclat de nos yeux, Sans embarras, doivent vous dire Quel est alors notre bonheur, Et l'effet que sur notre cœur Vos doux accents savent produire. Les Fauvettes ne sont pas rares dans nos bois, nos bosquets et nême dans nos Jardins. Leurs allures vives et légères, leur mobi- Hté remarquable attirent sur elles nos regards. Elles se plaisent à changer souvent de place, à voltiger de branche en branche ou à pirouetter même dans les airs, comme si elles étaient dans l'ivresse du bonheur. LES FAUVENTES 143 Leur naturel aimant et tendre se révèle à la douceur de leur chant. L’une d'elles, celle à tête noire, est presque l’émule du Rossignol. J’ai connu une de celles-ci, à qui sa cage constamment ouverte laissait la liberté de voltiger à volonté dans la chambre de sa maitresse. Elle venait, à la voix de cette dernière, se poser sur son doigt et lui modulait aussitôt son chant d'amour. Mais l'Oi- seau était plus matinal que la dame, et, pour: empêcher le soleil de réveiller de trop bonne heure les muscles assoupis du larynx de la chanteuse, on avait pris le parti de recouvrir d’un drap noir le petit palais dans lequel celle-ci passait la nuit. La Fauvette avait fini par comprendre que sa voix troublait le repos matinal de celle qu’elle aimait ; et, quand le sommeil l’abandonnait, devi- nant le jour qu'on cherchait à lui cacher, elle s’esquivait de sa prison, venait se poser sur l’oreiller de la belle dormeuse et atten- dait de lui voir entr'ouvrir les paupières pour la saluer de son chant. La plupart des Fauvettes ont deux et jusqu'à trois couvées. Pendant la bonne saison, Pincubation dure une dizaine de jours, et, pendant ce temps, le mâle s’évertue à faire entendre son ra- mage pour charmer sa compagne et lu faire trouver moins longues les heures pendant lesquelles ses devoirs la retiennent sur son nid. Le berceau destiné à recevoir les jeunes Fauvettes est, en géné- ral, construit avec légèreté, caché dans les buissons où sur les herbes des prés, et recoit quatre à six œufs. Ces aimables Passereaux viennent chaque printemps dans nos vergers, nos jardins où nos champs prendre leur part des Larves et des Insectes nombreux que les mois davril et de mai voient paraître; mais, vers la fin de l'été, où les articulés hexapodes commencent à être moins nombreux, la Nature les convie à d’autres emplois; elle les destine à empêcher aux graines de se répandre 141 LETTRES À JULIE avec trop d'abondance sur la terre. Les Fauvettes recherchent alors les fruits, surtout ceux dont les principes sucrés rendent la saveur plus agréable. Les figues, dans le Midi, les mûres, les oroseilles et les baies de sureau, dans nos contrées, leur doivent des visites fréquentes et intéressées. Grâce à ces aliments exquis, dont le soleil hâte plus où moins la maturité, ces Passereaux acquièrent une graisse délicieuse et sont recherchés des gourmets. Les braconniers, dans quelques pays, confondent ces divers Pas- sereaux sous le nom de Prieds-noirs, appliqué à d’autres Oi- seaux. La plupart des ornithologistes ont séparé des vraies Fauvettes, sons le nom générique d'Accenteur, le Pégot et le Mouchet!. Le Pégot ou Accenteur des Alpes aime les lieux rapproché: des neiges éternelles, les flanes rupestres des montagnes élevées; il se tient habituellement sur les pointes saillantes des rochers, et se laisse approcher de très-près, comme s’il avait la confiance qu'on ne pourrait songer à Jui nuire. Il vient quelquefois dans les jardins des reclus de la Grande-Chartrense, pour leur moduler ses notes mélancoliques et pleines de douceur, et leur offrir un témoignage de la bonté de Dieu, qui Pa relégué dans ces déserts pour en charmer les solitudes. Il se nourrit, en été, de Larves et d'Insectes, et de graines et de petits Colimacons, dans la saison moins heureuse, Il niche dans les fentes des rochers et sous les Loits de chaume épars sur ces pentes abruptes. Le Mouchet ou 77aine-buisson se trouve presque partout. Pendant l'été, il se tient principalement dans les bois ; mais, vers l'arrière-saison, il suit le pied de nos haies dépouillées de verdure, furette dans nos piles de bois, vient même jusque dans nos gran- ses et dans nos cours chercher les graines nécessaires an soutien ‘Ils ont le bord des mandibules un peu rentré en dedans L'ESCERMRON ETTES 145 de son existence. Sa voix est alors d’une tristesse analogue à celle de la Nature. Pauvre Oiseau! le printemps lui apporte des peines de cœur plus grandes encore! La femelle du Coucou choisit souvent son nid pour y déposer son œuf parasite, et pour y établir un intrus qui chassera de leur berceau les héritiers légi- times. Les véritables Fauvettes se trouvent en assez grand nombre dans notre pays; je me bornerai à citer les suivantes : La Fauvette des jardins semble se plaire à vivre près de nous, pour nous récréer par ses chants. Les anciens ont calom- née en en faisant l'emblème de l'amour volage ; le mâle d'aucun autre Oiseau n’a peut-être des soins plus attentifs et plus délicats pour sa compagne, et une tendresse plus vive pour ses petits. Quand cette espèce s'est gorgée en automne des baies sucrées dont elle est avide, sa chair peut rivaliser, pour la bonté, avec celle de POrtolan et du Becfigue ; et, dans quelques provinces, on lui donne improprement ce dernier nom. La Fauvette babillarde, faale à reconnaitre à sa gorge blan- che, et la Grisette, sont peut-être les plus habiles à pirouetter: dans l'air, à y faire diverses évolutions, pour plonger ensuite dans les herbes ou les buissons, en continuant à v faire entendre leurs joyeuses ritournelles. La Fauvelte Orphée se plait dans nos bosquets et nos jardins, et confie parfois son nid aux ramées de nos pins. La Passerinette aime les endroits couverts de broussailles, et fait souvent entendre un cri strident qui révèle sa présence. Tous les Oiseaux de cette petite famille ne brillent pas par la beauté de leur livrée; le brun, le roux où d’autres teintes appro- chantes et vulgaires en composent principalement le fond ; mais ils peuvent se consoler de l'indigence de leur parure par les dons plus précieux dont ils ont été doués. La richesse de la robe pâlira tou- 10 116 L'ET TR ESRANU LITE jours devant celle des talents : qui, mieux que vous, pourrait nous en fournir la preuve? Dans ces salons dont la dorure Sert à rehausser la beauté, Où des femmes, dont la figure Montre toute la nullité, Se pavanent dans léur parure Par la plus sotte vanité, Si vous paraissiez d'aventure Vêtue avec simplicité, Dès que vous prendriez la parole, Vous auriez bientôt le beau rôle, Sans peine on peut le présumer: Par votre esprit, votre élégance, Votre grâce à vous exprimer, Non moins que par votre science , Mieux qu'elles vous sauriez charmer, Et malgré leur riche toilette, Leurs diamants ou leurs bijoux, Leur mise élégante et coquette, On n'aurait des yeux que pour vous. LES ROUSSEROLLES Il pa + LETTRE XXI LES BECS-:FINS LV — Les Rousserolles!i,etc. Vous qui possédez en partage, Avec la grâce et la beauté, La noblesse, la dignité, Cette élégance de langage, Cet esprit plein d'activité, Et plus d'une autre qualité, Qui sont l’admirable apanage De la supériorité, Vous trouvez des gens, je le gage, Poussant jusqu'à l'extrémité Les limites du cousinage, Pour se vanter de l'avantage D'être de votre parenté: Mais au peu de délicatesse De leurs sentiments, de leurs goûts. ti Les Rousserolles ont ordinairement la queue arrondie où conique 148 LETTRES A MULTE On peut, sans beaucoup de finesse, Voir combien ils sont loin de vous. Les Rousserolles ont beau avoir Pair de se dire les parents des Fauvettes, et même divers classificateurs complaisants, les Saint- Alais ou généalogistes des Oiseaux, ont en vain cherché à les rattacher à cette noble famille; elles n’en ont ni les habitudes distinguées, ni éducation cultivée, ni les talents remarquables, ni enfin le même genre de vie. Les véritables Fauvettes ont reçu de la Nature une voix pleine de charme, un véritable talent musical : elles aiment à se rappro- cher de nous; elles se plaisent dans nos jardins paysagers, dans nos bosquets, nos potagers et même dans les parterres ombragés disséminés comme des oasis au sein de nos villes. Elles se nour- rissent, au printemps, de Larves où d’Insectes; puis, quand le soleil commence à faire mürir les fruits, devenues plus délicates dans leurs goûts, elles recherchent les baies succulentes ou sucrées. Les Rousserolles, au contraire, se tiennent, en général, lom de nos regards, sur les rives buissonneuses des ruisseaux, où parmi les flaques et les marécages, dans lesquels végètent les jones et les roseaux, c’est-à-dire, comme Pa dit La Fontaine : Sur les humides bords des royaumes du Vent. Leur chant n’a plus le même agrément. Quelques-unes savent, il est vrai, imiter jusqu'à certain point la voix de divers autres Oiseaux ; mais le langage de la plupart des autres semble s'être abätardi et corrompu par le voisnage des Grenouilles : elles sont devenues jaseuses, babillardes, criailleuses et presque coassenses comme celles-cr, LES ROUSSEROLLES 149 Elles vivent presque exclusivement d’Insectes, quelquefois pris au vol avec une adresse admirable. Aussi quand, avec les beaux jours, disparaissent les êtres chargés de leur fournir leurs ali- ments, elles quittent nos contrées jusqu’au retour de la saison printanière. Les Rousserolles pondent quatre à six œufs, et déploient, dans la construction du berceau destiné à leur couvée, un art souvent étonnant. | Les espèces les plus amies des eaux fixent leur barcarolle, par des liens solides, aux longues tiges des plantes aquatiques, et, quand le vent fait rider la surface mobile des étangs où des ma- rais, la couveuse ou les petits se trouvent bercés dans leur hamac. Souvent alors le mâle, pour désennuyer sa couveuse, s'écosille à lui faire entendre des chants dont le ca-cra d'une Crécelle peut faire comprendre l'agrément. Ces Oiseaux, par un instinct admirable, ont som de donner à ces couchettes la forme d’une poche où d’un panier profond, pour ne pas exposer les œufs ou les jeunes nourrissons à être immergés, quand Pair, violemment agité, fait courber les tiges flexibles aux- quelles sont attachés ces berceaux. Quelques autres espèces cachent leur nid dans les buissons, sur les branches basses des arbres des rivages, au pied des aulnes ou sur les saules étêtés. Nos fausses Fauvettes de France ont été réparties dans diverses coupes génériques. Les Rousserolles proprement dites ont, en général, le carac- tère hargneux et colère; elles se tiennent parmi les herbes aqua- tiques, y semblent l’image du mouvement perpétuel: on les voit sans cesse grimpant sur les tiges, passant avec inquiétude de une à l'autre, toujours à Paffitdes Cousins, des Phryganes et des libellules passant à leur portée, où sachant, avec une merveilleuse 150 LETTRES A PULTE adresse, attraper au vol les petits Coléoptères que leur mauvaise étoile conduit près d'elles. Durant l’incubation, le mâle babille presque toute la Journée. Quand il célèbre ainsi les joies de lhyménée, souvent il ne craint pas de s’exposer aux serres de la Cresserelle, en se perchant sur les parties élevées des joncs où des roseaux. Il justifie ainsi la vérité de ces vers de La Fontaine : Amour, anour, quand tu nous tiens, On peut bien dire adieu prudence. L'£ffarvcatte et la Turdoïde, qu appartiennent à ce genre, n’ont pas à se glorifier de la voix qu'elles ont recue : elle est de nature à déchirer les oreilles les moins délicates. La Verderolle comprend sans doute combien est désagréable le langage de ses parentes; aussi quitte-t-elle souvent ses accents naturels pour imiter la voix de divers petits Oiseaux. Les Cetlies se rapprochent des précédentes par leurs habitudes. L'une d’elles, la Puscarle, commune dans notre Midi, pousse des notes saccadées et monotones qui ne manquent cependant pas d’une certaine douceur. | Les Phragimites vivent au milieu des jones et des roseaux. où dans les buissons voisins des ruisseaux ; elles y révèlent leur présence par leur musique fatigante, formée de sons aigres, dis- cordants et fréquemment répétés. À défaut d’Insectes, elles se contentent au besoin de graines de plantes aquatiques. Plus pru- dentes que les précédentes, elles craignent d'exposer leur famille aux dangers d'une habitation lacustre. Aussi choisissent-elles de préférence, pour bâtir leurs nids, les herbes rapprochées des rivières, les arbrisseaux voisins des étangs, et toujours à peu de distance du sol. En automne, à l’époque de leurs migrations, on LES ROUSSEROLLES 151 les rencontre dans les prairies et sur les luzernières. Elles ont alors Pembonpoint de l’Ortolan, et doivent à la délicatesse et à la saveur de leur chair l'honneur d’être recherchées sur nos tables. Nous en avons deux espèces : celle des jones et l'Aguatique. La première a recu des gourmets le nom de Grasset. Les Locustelles, vers la fin de l'été, se transforment aussi en pelottes de graisse, pour les plaisirs de notre sens du goût ; mais elles ont des habitudes moins aquatiques que les précédentes. Elles se plaisent dans les lieux frais et humides, où abondent les Insectes et surtout les Vers, dont elles font leur nourriture. Elles fréquentent aussi les tullis et les fourrés, et échappent au chasseur, soit en fuyant d’un pied léger à travers les branches basses, soit en se collant contre terre, au pied d’une souche, et en restant im- mobiles jusqu'au moment où le dinger est passé. Elles doivent leur nom à leur chant strident, assez semblable aux sons aigres et déchirants que font entendre les petites Sauterelles où Criquets, en râclant où en faisant jouer, comme un archet de violon, leurs jambes épmeuses sur leurs élytres de parchemin. La Locustelle tachetée, la seule qui se trouve en France, batit son nid près de terre. Les Rousserolles, comme j'ai cherché à vous le montrer, sont donc très-mférieures en mérite aux véritables Fauvettes : en serait-il chez les Oiseaux comme chez nous? Certains philosophes sévères, Lorsqu'on veut bien les écouter, Ne cessent de nous répéter Que nous valons moins que nos père, Et que nos fils ou légataires Seront encore plus MAUVAIS. J'ignore, comme on veut le dire, Si, chez les hommes désormais, Tout doit aller du mal au pire, 192 LETTRES A JULIE Mais lorsque, par des nœuds charmants, Le dieu puissant de l'hyménée Fixera votre destinée Et recevra vos doux serments, S'il vous accorde une lignée, Les derniers de vos descendant: N'auront jamais cet art de plaire, Cet esprit, ces rares talents, Cette douceur de caractère, Ges grâces et ces agréments Qu'aura possédés leur g£rand'mére. LES POUILLOTS 153 LETTRE XXII LES BECS-FINS - Hippolaïs!, Pouillots. Troglodyte _- Souvent, malgré la ressemblance Que montrent entre eux des parents. IIS présentent dans leurs penchants Une notable différence. Nous avons vu combien les Rousserolles S'éloignent des véri- tables Fanvettes par leurs goûts pour les lieux aquatiques et par leur chant, sur lequel la voix désagréable des Grenouilles semble exercer une fâcheuse Influence. Voici d'autres Oiseaux unis à la même famille pau des liens de parenté impossibles à méconnaitre, qui vont nous offrir des mœurs un peu différentes à étudier. Ils constituent les genres Æippolais, Pouillot et Troglodyte. { Les Hippolais s'éloignent un peu des Rousserolles precedentes par leur bec larce à la base et déprimé dans toute son étendue. Chez les autres, cet organe devient rêle et en alène, 154 LETTRES" ANT UERTE Les premiers semblent ici les représentants des Gobe-mouches, par leur bec élargi à la base et par leur habileté à prendre les Insectes au vol. Comme ceux-ci, ils ne permettent pas à leurs pareils de s'établir près d'eux et de chasser sur leurs terres. Le besoin de défendre leurs droits, dans les lieux constituant leur domaine, leur donne une humeur acariâtre, un caractère querel- leur, et les porte facilement à se battre avec Oiseau importun où mal avisé qui ose les troubler dans leur possession. Ils se plaisent dans les tllis, fréquentent nos bosquets et nos jardins. Leur langage varie suivant la nature de leurs sentiments. Sont-ils agités par la crainte, ils font entendre un murmure, une sorte de bruissement, visible expression de leur inquiétude. Mais, dans leurs moments de bonheur, dans leurs chants de tendresse et d'amour, leur voix module des sons variés, pleins de douceur et faits pour captiver nos oreilles. En dehors de ce talent, ils ont recu celui d’imiter le chant de plusieurs autres Passereaux, et de le faire avec une perfection à tromper ces Oiseaux eux- mêmes. Les Hippolais construisent des nids en forme de coupe pro- fonde, composés d'herbes sôches à l'extérieur, et tapissés en dedans du duvet cotonneux de divers végétaux. Ils y déposent quatre à Six œufs. Vers la fin de lPété, époque à laquelle les Insectes se montrent moins abondants, ils se contentent de baies, avant de quitter les lieux où la nourriture est devenue plus difficile à trouver pour eux. Les Pouillots sont, avec les Roitelets, les plus petits Oiseaux de nos contrées. Ils se rapprochent de ces derniers par leur genre de vie et par la couleur de leur robe, verdâtre sur le dos, jau- nätre sous le dessons du corps. Il est impossible de ne pas les connaitre, quand on habite la LESAPOULLEOMS | 155 campagne. Ils sont l’image du mouvement perpétuel ; pour eux, bouger c'est vivre. On les voit constamment fureter sur: les arbres, visiter les fissures, le dessous des feuilles, papillonner autour des rameaux. Leur légèreté, leur humeur remuante leur à valu, dans quelques provinces, le nom de Frétillets. Nos végé- taux ligneux n’ont pas d'échenilleurs plus infatigables; les Puce- rons et les Larves que leur petitesse peut faire échapper à l'œil de divers autres Oiseaux insectivores n’ont pas à redouter de plus dangereux ennemis. Durant l'été, ils habitent les bois, où ils trouvent une nourriture abondante, un séjour plus agréable et une retraite plus tranquille pour y cacher leurs heureux jours. Ils construisent, au pied des buissons où sous quelque touffe d'herbes, un nid presque sphérique, offrant une ouverture sur le côté, formé de mousse dans sa partie extérieure et matelassé de crin et de laine en dedans. La femelle y dépose quatre où cinq œufs, et les petits, à leur arrivée au jour, trouvent dans cet abri protecteur une chaleur bienfaisante, né- cessaire à leur délicatesse. Pendant cette belle saison, ils font entendre un chant qui n’est pas sans agrément ; 1} consiste en une sorte de gloussement entre- coupé par des sons stridents et suivis d’un ramage assez doux. La seconde intonation de leur chanson rappelle le bruit de certains Criquets où le tintement des pièces d'argent tombant lune sur l’autre : de là le nom de Chercheur d’écus donné à lune des espèces. Mais, quand à passé la saison d'aimer, quand l'approche des froids les convie à visiter nos jardins, en émigrant vers des lieux d'une température plus douce, leur chant est réduit à un Partant monotone, qui s’harmonie avec la saison où la terre commence à perdre toutes ses grâces. IIS voyagent alors en petites familles, Le Troglodyte est improprement désigné dans nos cunpagnes 156 LETTRES À JULIE sous le nom de Roitelet. Il est revêtu d’un manteau brun paré de bandes onduleuses plus foncées, et offre, en dessous, un plu- mage mélangé de gris et de blanc. Il porte la queue relevée ; il a £ le corps court et ramassé, la démarche vive et allègre, le vol court et le mouvement des ailes rapide. On le voit toujours sautillant ou tournoyant sur lui-même, sans changer beaucoup de place. Mal- heur alors aux petits Insectes qui s'offrent à ses regards! Durant la belle saison, il recherche lombrage et le silence des bois, pour y couler en paix les jours de bonheur et de fête que lui réserve l’hyménée. [cache son nid au pied des arbres caverneux, dans les retraites abandonnées par les Rongeurs, au sein des fa- 2ots empilés dans les forêts, dans les trous des murailles où sous les toits de chaume des habitations champêtres. Il le construit en forme de boule, utilise la mousse pour ses revêtements extérieurs ot la dispose avec un désordre calculé, pour le rendre moins appa- rent. Il y dépose six à dix œufs. Malgré la petitesse de sa taille, cet Oiseant est un des plus ardents à défendre sa progéniture. À l'approche de la Chouette, il harcèle de sa poursuite cet Oiseau de rapine et cherche à lui crever les veux. Dans les chasses à la pipée, il pénètre jusque dans la cabane d'où partent les sons sinistres qu'il croit produits par l’Oiseau de malédiction. Le Troglodyte est, comme le Rouge-gorge, un des Oiseaux qui semblent craindre le moins le voisinage de l'Homme: il vient souvent consoler le bûcheron de ses peines, le distraire de ses fa- igues et l’encourager au travail, en lui modulant sa petite chan- son. Vers l’époque des mauvais jours, 11 se rapproche des habita- tons: il'estalors presque le seul dont la voix douce etsympathique nous console du silence de tous les autres Oiseaux. I semble Ta rendre plus gaie et plus sonore, quand la neige est venue couvrir nos champs, pour nous faire oublier la tristesse de Phiver. LE T'R'O'GLODAAME 157 Ilse tient alors dans les broussailles, dans les piles de bois : il va furetant dans les lieux les plus obscurs, pour y trouver des Araignées, des Chrysalides où des Insectes engourdis dont 1} puisse faire sa proie. Son habitude de se cacher ainsi dans les trous lui à valu le nom de Troglodyte, donné par les anciens à des peuples qu vivaient dans des cavernes. Dans l’année où je vous adressais mes premières pages entomo- logiques, un de ces Oiseaux, par une froide journée du mois de janvier, pénétra dans mon cabinet, dont la fenêtre était ouverte : je ly retins prisonnier. Cet esclavage sembla d'abord lui peser beaucoup; mais je lui prodiguai des soins si bienveillants qu'il ne tarda pas à s’habituer à sa nouvelle position. Il devint bientôt assez familier pour accourir à ma voix; il venait de temps en temps se reposer sur ma table de travail et semblait heureux de me tenir compagnie. Quelques mois se passèrent ainsi: mais. quand le soleil de mars commença à réchauffer la terre et à mettre en mouvement la séve des végétaux, il parut agité d'une mquiétude visible : IL était aisé de connaitre Que malgré les soins de son maitre Lui pesait sa captivité : Entr'ouvrant alors la fenêtre, Je lui rendis la liberté. « Va, mon pauvre ami, murmurai-je, « Tu n'as plus à craindre aujourd'hui « Les frimas, la glace ou la neige, & Mais tu mourrais ici d'ennui. « Tu vois s'embellir la Nature, « Sous l'influence des beaux jours, « Les bois reprendre leur parure « Et leurs plus gracieux atours, & Et tu voudrais, sous leur verdure. LETTRES A JULIE « « Chanter encore tes amours. Déjà sans doute la compagne Qui te charmait l’autre printemps, Errante au sein de la campagne, T'appelle par ses tristes chants : Peut-être, en voyant ton silence, T'accuse-t-elle d'inconstance Et gémit-elle de douleur : Va mettre un terme à sa souffrance : Je sens trop les maux de l'absence Pour faire obstacle à son bonheur ! » LES HOCHEQUEUES 159 LETTRE XXIII ES HOCHEOUEURS OU MOTACILLES ! — Bergeronnettes, Farlouses - Le temps emporte en vain nos jours Et nos trop rapides années : En vain, quelquefois, dans son cours, Voit-il changer nos destinées, Il ne peut effacer toujours, Malgré sa funeste influence, L'image des plaisirs si courts Qui charmèrent notre existence : Malgré lui, le doux souvenir Vient raviver et rajeunir Leur fugitive jouissance. Quelques-uns des Passereanx dont j'ai à vous parler aujour- d'hui me rappellent une de ces journées que les anciens auraient i Bec grèle, droit, échancré vers l'extrémité de la mandibule supérieure, Rémiges secondaires ordinairement échancrées au bout. Réniges tertiaires où grandes cou vertures claires atteisnant l'extrémité de l'aile, quand celle-ci est repliée. 160 LETTRES À JULIE notée d’un caillou blanc, dans laquelle j'ai passé, près de vous et de ceux qui vous sont chers, des moments délicieux. Ces instants, dont l'amitié se chargeait d'augmenter les douceurs, ne furent pas perdus pour l'étude de la Nature, qui déjà vous captivait. Dans les prairies situées au-dessous de votre charmante habitation de Beaugrand, vous vous plaisiez à suivre des yeux, avec moi, et à étudier les mœurs de quelques-unes de ces Bergeronnettes qui vont faire, avec les Farlouses, le sujet de cette lettre. Ces Oiseaux, les derniers du groupe des Dentirostres, semblent nous conduire, d’une manière insensible, aux Alouettes, qui commencent le groupe suivant. IIS ont, comme ces dernières, les pennes secondaires de leurs ailes échancrées vers l'extrémité : mais ils ont les formes plus élancées, et l'habitude d’agiter leur queue de haut en bas, lorsqu'ils marchent où même quand ils sont en repos. De là le nom de Hochequeue où de Mofacille donné à cette famille. Ils se distinguent surtout des Alouettes par leur mandibule supérieure munie d’une petite dent, caractère qui révèle leurs goûts insectivores. Tous ont des tarses longs et arêles, la démarche graciense, le vol court et ondulé. Ils nichent à terre, dans des lieux divers, et pondent de quatre À Six œufs. Qui ne connait ces charmants Passereaux appelés Bergeron- nettes? On donne principalement ce nom aux espèces amies des pâturages, et celui de Zavandières à celles qui fréquentent les lavoirs ou les bords des eaux. Pendant le printemps et le commencement de l'été, les Berge- ronnettes, préoccupées de leurs devoirs de famille, se tiennent dans les lieux où se trouvent cachés leurs œufs; elles s'occupent de la nourriture ou de l'éducation de leurs petits. Les Mouches et autres Insectes ailés semblent alors composer le fond principal de L_ À LES BERGERONNETTES 161 leurs repas; mais, quand la faux a dépouillé nos prés des plantes et des fleurs dont ils étaient parés ; quand les foins, rentrés dans nos granges, permettent à nos Ruminants domestiques d'aller dans les champs de verdure profiter des herbes que la douceur de la saison y fait pousser encore, on les voit voltiger on se promener: au milieu de notre bétail, et chercher dans le gazon les Insectes ou les Vers qui s’y cachent. Les trouble-t-on dans leurs occupa tions, elles s’envolent en poussant un cri, et vont se poser seule- ment à quelques pas. Au peu de défiance de ces Passereaux, à la familiarité avec laquelle ils S'approchent souvent des bergers, on dirait qu'ils sentent que nous ne pouvons avoir le courage de leur faire du mal, si nous songeons au bien qu'ils font à nos champs, en les délivrant d’une foule d’Insectes nuisibles. Is ne craignent même pas souvent de se poser sur le dos des Vaches où des Mou- tons, pour les débarrasser des parasites dont ceux-ci sont impor- tunés. Les Bergeronnettes se plaisent surtout sur les bords des lacs et des ruisseaux ; elles courent d’un pied léger sur la grève des ri- vages, trempent quelquefois leurs doigts et le bas du tarse dans l'eau, pour y saisir une proie imprudente qui s'approche trop près du bord. La présence des laveuses ne les effarouche pas: elles viennent se poser souvent assez près d'elles, et y gagnent parfois quelques miettes de pain, pour remerciment de leur visite. Elles cachent ordinairement leur nid dans les rochers, sous les piles de bois, ou entre les racines des arbres voisins des cours d’eau, et il faut voir avec quelle sollicitude inquiète elles veillent à la sûreté de leur couvée. Un promeneur malencontreux vient-il à s'approcher de leur jeune famille, elles voltigent au-devant de lui, pour le porter à les suivre et pour entrainer ainsi loin du lieu où elles ont caché leur trésor. Ont-elles à faire à an ennemi qui leur enlève leurs petits, elles poursuivent le ravisseur en fusant il 162 LETTRES A MUBEE entendre des accents douloureux ; elles voltigent autour de cet homme sans pitié, effleurent son corps où son visage, et appellent, par leurs eris déchirants, leurs nourrissons, quine peuvent, hélas! les suivre. Après la saison de leur hyménée, elles vivent moins isolées : elles suivent le laboureur traçant ses sillons dans nos guérets. pour faire leur profit des Vermisseaux et des Larves que la charrue met à découvert : elles visitent les Heux bas et humides, les plaines inondées, quand les eaux se sont retirées; elles se rassemblent dans nos champs où nos pâturages, se jouent où se balancent dans les airs, se poursuivent dans Patmosphère, en faisant entendre un quit-quit fréquemment répété, qui trouve un écho dans celles qui sont à terre; se posent sur-nos toits, S'y promènent en sautil- lant, en faisant entendre un eri où un murmure assez doux. Quand la nuit approche et les avertit de goûter le repos, elles se retirent dans les haies voisines des étangs, dans les oseraies rapprochées des rivières, en faisant entendre un chamaillis qui semble l'an- nonce de lenr prochain départ. Les larlouses, plus connues sous le nom de Prpr, nom imitatif du cri que ces Oiseaux font entendre, se rapprochent davantage des Alouettes; la plupart en ont presque la robe, et elles savent. comme celles-ci, s'élever dans les airs et chanter en se rap- prochant de la terre. L'une des espèces de ce genre, la Aousse- line, produit des sons analogues à ceux de la Calandrelle, et le Pipr des prés a été souvent placé parmi les Alouettes. Leurs mœurs varient suivant les espèces. En général, pendant l'automne et l'hiver, les Pipis se tiennent dans les lieux bas et hu- mides, dans les prairies naturelles ou artificielles; mais, pendant l'été, les uns se plaisent sur les montagnes élevées ; quelques au- tres. sur les coteaux arides ou pierreux, qu'ils arpentent d’un pied lécer: d’autres enfin se cachent dans les vignes ou les taillis. « te) LES FARLOUSES 16: Enfin, plusieurs Pipis vivent isolés pendant toute l'année ; quel- ques=uns, comme celui des prés, se réunissent en automne et composent parfois des bandes assez nombreuses, qui permettent aux oiseleurs munis de filets d'éclaircir leurs rangs et d’en appro- visionner nos tables. Le plus renommé de ces Oiseaux, celui dont la gloire surpasse tous les autres, le premier de nos Passereaux, par ordre d’excel- lence, est sans contredit le Becfigue, désigné par les savants sous le nom de Pipi des arbres où Pipi des buissons. 1 nous arrive vers le mois de septembre et s’engraisse au moins autant que l'Ortolan. Les graines de la mercuriale annuelle lui donnent une amertume légère et un parfum si exquis, « qu'ils engagent, remplissent et béatifient, dit Brillat-Savarin, toutes les puissances de notre goût. Si un Becfigue était de la grosseur d’un Faisan. ajoute cet auteur, on le payerait à légal d’un arpent de terre. » Quelques-uns des Oiseaux auxquels ce récit est consacré paraissent vivre sédentaires en nos provinces, mais ceux qui habitent, durant les beaux jours, des lieux dans lesquels ils ne sauraient trouver leur nourriture pendant l'hiver, émigrent naturellement plus où moins loin, et la plupart aiment à s'arrêter dans nos pâturages, en allant s'établir dans des contrées plus favorisées. Quand vous verrez dans vos prairies Ces Bergeronnettes joltes S'entremêler à vos troupeaux, Sans crainte et sans inquiétude, Jusqu'aux pieds de vos animaux Chercher, suivant leur habitude, Les Larves et les Vermisseaux Qui leur servent de nourriture, Peut-être ces charmants Oiseaux. LETTRES’: A J'UALTE Par leur vive et joyeuse allure, ar leurs formes pleines d’attraits, Sauront-ils, à votre mémoire, Rappeler encore l'histoire Du jour heureux dont je parlais, Quand j'essayais de vous instruire : Mais ils ne pourraient pas vous dire Le bonheur dont je jouissais. LES ALOUETTES 165 LETTRE XXIV LES ALOUETTES:! Dans ces belles matinées de printemps où, sous l’influence dela chaleur, on voit chaque jour la Nature acquérir des grâces nou- velles ; quand le soleil s’est élevé radieux et fait étinceler de la beauté des diamants les gouttes de rosée fixées aux feuilles des blés, n’avez-vous jamais senti votre cœur se dilater à la vue de L TROISIÈME GROUPE DES PASSEREAUX : Les CONIROSTRES.— CARACTÈRES : Bec en forme de cône, sans échancrure à la mandibule supérieure. Ils peuvent être réduits à quatre familles : A. Rémiges secondaires échancrées au bout. Ongle du pouce long et presque droit. Espace intermaxillaire en angle aigu. Alouettes. AA. Rémiges secondaires entières. B. Espace intermaxillaire de la base de la mandibule infé- rieure à peine aussi avancé que les narines, offrant un arc plus ou moins faible à son bord antérieur. . . . Æringilles. BB. Espace intermaxillaire en angle aigu, dépassant plus ou moins le niveau des narines. C. Bec menu, court et conique. . . . ne Mesanges: CC. Bec en cône plus ou moins long. . . . . . . . Corbeau. 166 LETTRES À JULIE l’Alouette s'élevant verticalement dans l'atmosphère, en jetant au vent son Joveux #7t/ili 1? En montant ainsi dans les airs, Elle semble offrir son hommage Au Dieu puissant de l'univers, Publier, dans son doux ramage. Et sa puissance et sa grandeur, Et s'efforcer, dans son langage, De nous raconter son bonheur ?. Les Alouettes ont des rapports nombreux avec les Farlouses, qui terminent le second groupe des Passereaux : elles commen- cent la série de ceux qui ont le bec en forme de cône et non muni d'une dent: mais elles s’éloignent de tous ceux qui sont compris dans la même catégorie par leurs rémiges secondaires échancrées vers le bout, et par leur pouce armé d’un ongle presque droit et d’une longueur démesurée. La dimension de leur doigt postérieur et de son appendice corné laisse peu de facilité à ces Oiseaux pour se percher. Is sont donc destinés à vivre principalement sur le sol, et, pour les sous- taire plus facilement aux regards de leurs ennemis, Lx Nature leur a donné une robe modeste, dont la couleur se confond avec celle de nos guérets. Û On entenditchanter à l'Alouette Ce trilili que son gosiergoyeux Jette avec grâce en s'élevant aux cieux. SERVAN DE SUGNY, Muse ottomane. p, 15. 2 Le poëte du Barlas à cherché à imiter dans les vers suivants le chant de l'Alouette : La geutille Alouette avec son tirelire. Tivelire relire et tirelirant tire Vers la voûte du ciel, puis son vol vers ce lieu Vire et désire dire. adieu. adieu. adieu. LES ALOUETTES 167 Elles habitent, en général, nos champs cultivés, savent. comme nos Poules, faire voler la poussière sur leur manteau, pour inquiéter les Parasites qui lés importunent. Elles vivent principalement de graines: mais, at printemps surtout, elles se nourrissent de Vermisseaux et d’'Insectes, et savent se contenter d'herbes au besoin. Elles nichent à terre, choisissent, S'il est possible, une petite dépression du sol, telle que le creux formé par le pied d'un Bœuf, recherchent surtout l'abri d’une motte, pour placer à sa base le berceau de là jeune funille. La ponte se compose de quatre où six œufs, suivant les espèces. Les petits n’attendent pas d'avoir leurs plumes au grand complet pour essayer de trottiner aux alentours de leur couchette. Les Alouettes ont, en général, un chant joyeux et agréable : aussi passaient-elles, chez les anciens, pour le svmbole de la saleté. Nous en élevons quelques-unes pour l'agrément de leur voix, et plusieurs finissent par retenir les airs qu'on leur à serinés pendant un certain temps. Les Alouettes ne restent pas fixées toute l'année dans les lieux de leur naissance. En automne, elles se réunissent en troupes nombreuses dans les pays de plaine, et semblent alors une manne que la Providence nous envoie pour l'entretien de nos tables !. On compte, en France, un certain nombre d'espèces d’'Alouettes : je me bornerai à vous citer les suivantes : 1 On se plaint avec raison, dans quelques provinces, de la diminution des petits Oi- seaux. Cette diminution tient au peu de surveillance exercée sur les enfants destruc- teurs des nids, à la multiplication des habitations de campagne et à celle des Chats. Quant aux Alouettes, pour lesquelles certains économistes demandent la proscription des filetset autres engins, elles semblent, comme les Harengsz avoir reçu une grande fecondité, en vue du bien-être de l'Homme, et si l’on n'en faisait pas servir sur nos fables une si grande quantité. elles seraient bientôt un fléau pour nos récoltes. 168 LETTRES A JULIE La Calandre, la plus grosse du genre, habite nos provinces méridionales. Elle offre, sur le bas de son cou, une sorte de demi collier noir qui fait ressortir la couleur blanche des parties voi- sines. La Calandrelle, plus commune dans le Midi que dans le Centre, a les rectrices brunes, avec les deux plus externes en majeure partie blanches. Elle constitue, en Provence, des bandes nombreuses vers la fin de Pautomne. Quelques-unes émigrent en Grèce et en Algérie: les autres ne quittent pas là France. L'Alouette Lulu où des bois a la tête parée de plumes allon- oées dun gris brun, le dessous du corps blanc, parsemé sur la poitrine de taches brunes disposées souvent de manière à consti- tuer presque des lignes; elle est surtout remarquable par sa queue écourtée. On la trouve presque partout, dans les champs, les gué- rets où même les bruyères. Quand elle se lève devant le prome- neur où le braconnier, elle se rabat à peu de distance et se colle contre le sol avec tant d'art qu'il est difficile de la découvrir. Elle voyage par petites troupes vers la fin de l’automne, en faisant entendre, d’une voix douce, des sons qu'on peut rendre par lowlr- louli, auxquels elle doit son nom. Le Cochevis a la tête huppée, le dessous d’un blanc roussâtre, avec des taches brunes au bas du cou, à la poitrine et sur les flanes. Elle est la moins sociable de toutes ses congénères; elle ne se rassemble jamais en troupes. On la trouve surtout dans les champs voisins des grandes routes, elle fouille dans les fientes des chevaux, pour y faire son profit des Larves qui s’y cachent. Les oourmets font un cas médiocre de sa chair; mais les oiseleurs recherchent cet Oiseau à raison de son aptitude à retenir les airs qu'on lui apprend. LA louette des charps, à ventre blancet à poitrine grivelée LE SA LOUPAATPEIS 169 de taches brunes ou noires sur un fond d’un blanc roussâtre. Elle est commune dans toutes nos provinces. Les poëtes se sont visiblement trompés en faisant métamor- phoser la perfide Scylla en ce charmant Oiseau. Cette Alouette est la joie des campagnes. Avec quelle grâce elle s'élève verticalement dans l'atmosphère, en remplissant Pair de ses chansons! Sa voix agréable et retentissante est une des plus douces mélodies du printemps: ses notes semblent un hymne au Créateur. Et, chose merveilleuse, après nous avoir charmés pen- dant sa vie, elle nous offre encore, après sa mort, un des mets les plus savoureux. La Providence lui a donné, pour fournir nos tables, une fécondité prodigieuse, une fécondité telle que, si notre sensualisme et notre gourmandise ne nous portaient à en diminuer le nombre, elle deviendrait pour nos récoltes un fléau, en enlevant les grains que le semeur confie à la terre. Quand le mois d'octobre nous amène les tristesses de l'automne, les Alouettes se rassemblent en hordes nombreuses et recherchent . les plaines, où on les traque de diverses manières. Il'en tombe alors un si grand nombre entre nos mains, que l’espèce semblerait devoir être bientôt exterminée. On les prend surtout aux filets, et, pour les attirer, on se sert du miroir, sorte d’instrument monté sur pivot, pirouettant sans cesse sur son pied, et garni de petits fragments de glaces dont le miroitement les éblouit et les fait tomber dans nos piéces. Souvent aussi, l'œil d'une femme Produit cet attrait séducteur ; Les yeux, vous le savez, sont le miroir de l'âme Et des pensers de notre cœur L'interprète Le plus fidèle ; Quand, sur leur brillante prunelle, Se peint la vertu, la candeur!, LETTRES.A JULIE Et que leur éclat nous révèle L'intelligence et la douceur, Leur charme secret nous attire, On lui cède sans le vouloir... Mais pourquoi chercher à vous dire Quel est leur magique pouvoir? Qui, mieux que vous, pourrait savoir Jusqu'où peut aller leur empire ? L'ESAERIN GITES VAI LETTRE XXV Eee ÉeRINGIE LES: __ Bec-croisé, Gros-bec, Bouvreuils, etc. — Vous savez que chez les Diseanx Il n’en est pas dont la Nature Ait, plus que chez les Passereaux, Du bec varié la figure : Cet instrument, par sa structure, Sert à révéler leur métier, Et par ses formes on augure Si l'animal est carnassier Ou vit d'une autre nourriture. A voir le bec robuste des premiers Passereaux de ce troisième oroupe, ne crolrait-0n pas avoir sous les veux des Oiseaux alliés «aux Perroquets ? IIS en ont le corps trapu, et si la Nature ne leur l Réiniges Seconduires entières. Espace intermaxillaire de la base de la man- dibule inférieure à peine aussi avancé que les narines, ofrant un are plus où moins faible à son bord antérieur, 172 LETTRES A JULIE a pas accordé la faculté de grimper sur les arbres, elle leur à donné pour nourriture le même genre d'aliments : ils sont aussi destinés à vivre de graines. Ils comprennent les genres Bec-croisé, Dur-bec, Verdier, (rros-bec et Bourreul. Malgré la presque identité de leurs goûts, voyez avec quel art le Créateur a su, chez ces diverses espèces, modifier suivant leurs besoins la forme de Finstrument chargé de leur procurer leur nourriture | Le Bec-croisé !, avec ses mandibules biscornues, divergeant l’une à droite , l'autre à gauche, la supérieure s’inclinant vers le sol, quand l’inférieure se relève, ne semble-t-il pas un malheu- reux disgracié de la Nature? Gardez-vous toutefois de le plamdre. Sans cette conformation bizarre il ne pourrait extraire , des cônes des pins et autres arbres verts, les semences dont il est si friand. Nous lui pardonnerions sans doute volontiers de disputer ces eraines aux Écureuils ; mais il se permet de visiter nos vergers , et de faire dans le péricarpe charnu de nos poires et de nos pommes des ouvertures assez larges et assez profondes, pour aller saisir les pepins cachés dans leur intérieur. La robe de cet Oiseau varie suivant l’âge et le sexe. Elle est erise chez les jeunes; d’un cendré verdâtre, chez la femelle ; d’un rouge de brique, chez le mâle. Le Bec-croisé habite principalement la Belgique, PAllemagne et autres contrées.du Nord ; mais il émigre souvent, vers la fin de l'automne, dans plusieurs de nos provinces, et jusque dans les parties tempérées de notre bassin du Rhône. Il semble alors être dépaysé, et se laisse souvent approcher et tuer avec facilité. Dès le commencement de janvier, il retourne dans ses forêts ! Bec à mandibules croisées en sens inverse. LES VERDIERS 178 habituelles, pour y bâtir son nid. Il le place sous l'abri d’une grosse branche, et l’enduit de résine, pour empêcher la pluie et au froid d'en traverser les parois. Il y dépose quatre où cinq œufs. Au moment où ses petits arrivent au jour, les semences des pins ont acquis toute leur maturité : les parents les dévorgent dans le bec des jeunes, après les avoir fait ramollir dans leur tube digestif. Un peu plus tard, cet Oiseau recommence une nouvelle ponte. Ce Passereau est susceptible d’une certaine éducation. Il apprend à répéter les airs des sermettes et même à articuler quelques mots. Le Dur-bec’, le Verdier et le Tarin ont un bec un peu com- primé; les mandibules, chez eux, rentrent dans la direction nor- male ; mais la supérieure dépasse sensiblement l’nférieure. Le premier habite les contrées du Nord, se tient dans les forêts de ps, et se montre quelquefois en France dans les hivers. Le Verdier et le Tarin ont un manteau d’un verdâtre tirant davantage sur le jaune. Par leur talent d'architectes et de mu- siciens, ils ont une grande analogie avec quelques-uns des der- mers Fringilles. Le Verdier® vit sédentaire dans plusieurs de nos provinces. Il recherche les lieux ombragés, les sols bas et humides, et ne craint pas de s’établr dans nos vergers, nos jardins, et jusque sur les arbres des promenades de nos villes. Il s'accommode de toutes sortes de graimes, et laisse souvent des traces déplorables de ses visites à nos chènevières. Son nid, placé à une médiocre hauteur et caché avec art entre les nombreux scions développés sur le tronc des arbres après le ! Bec allongé, fortement recourhé vers la pointe. Ongles du pouce et du doigt mé dian gros. ? Bec fort, un peu aplati sur les côtés, à mandibule supérieure un peu plus lonoue que l'inférieure, Nurines cachées par les plumes du front, Queue fourchue. 174 LETTRES A JULTE passage de la serpe, est plus artistement construit que celui du Dur-bec. Au dedans de la partie externe formée d'herbes sèches, peu faite pour attirer les regards, existe une doublure de mousses entrelacées avec soin, constituant une coupe suffisamment pro- fonde, garnie d’un matelas de laine et de crins, sur lequel repo- sent quatre à six œuis. Le mâle est un modèle d’époux. Il prend sur lui, pour la cons- truction de cette bâtisse, l'apport de tous les matériaux que la femelle met en œuvre. Il se charge de la nourriture de celle-ci, pendant qu'elle consacre à ses œufs des jours de dévouement, et, comme le Rossignol, il essaye dans ses chansons de lui témoigner son amour et son bonheur. Les Tarins! se rapprochent des Chardonnerets et des Linottes par leurs mœurs, leurs habitudes et leurs chants. Il est peu d'Oiseaux qui s’habituent aussi facilement à la vie d’esclavage, et qui deviennent aussi promptement familiers en captivité. TIs contractent même avec les Serins et quelques autres petits Passe- reaux de nos volières des unions clandestines, donnant naissance à des métis revêtus de robes d’arlequins plus où moms smgulières. Le Tarin ne le cède ni au Pinson, ni à aucun autre Vitruve de ce genre, dans l’art de construire son nid. Ille cache ordinaire ment dans les bois de pins. Sa ponte est de quatre ou cinq œufs. Ces Oiseaux mangent volontiers toutes sortes de graines: mais celles des aulnes ont pour eux un attrait particulier. Vers le mois d'octobre, 1ls se rassemblent en grand nombre pour changer de localités, et ils tombent alors dans les piéges des oiseleurs. Je me suis souvent apitoyé à la vue du Gros-bec. Il à l'œil liste, la queue courte, le corps" épais, et le bec analogue à ! Bec en cône allongé, légèrement fléchi vers la pointe. Naïines à peine couvertes par les plumes du front, Queue échancrée. LES BOUVREUILS 175 ces nez d’une grosseur exagérée qu'on voit parfois sur des mas- ques, à l’époque du carnaval. Tout son ensemble lui donne l'ai d'un niais où d'un butor, et son savoir correspond à sa tournure, Il ne sait à peu près rien dire. Cest un gros mangeur, quisemble ne songer qu'à son estomac. I est armé d’un instrument capable de lui permettre de briser les coques des noix et des noisettes et les noyaux des cerises. Il se régale de diverses sortes de baies, et se mêle quelquefois d’ébour- œeonner nos arbres. Il n’est pas rare dans quelques-unes de nos provinces du Nord: il vit, durant l'été, retiré dans les forêts, et y bâtit un nid assez grossièrement construit, pouvant recevoir trois à cinq œufs. Le Bouvreuil’, avec un bec presque aussi gros, mais plus court et plus arrondi, a une toilette plus remarquable. Il a la calotte et la queue couleur d’ébène , le dos cendré, le cronpion blanc , le dessous du corps couleur de chair. On l'élève dans nos volières, soit à cause de sa robe, soit en raison de sa docilité à S’apprivoiser. Il habite les parties froides où montagneuses pendant la belle saison ; mais dans hiver. il vient visiter nos vergers et nos Jardins. A cette époque du deuil de la Nature, quand le givre et les gla- cons pendent aux branches dénudées des arbres, quand les rares Oiseaux qui nous sont restés fidèles errent, muets et souffreteux, dans nos vallons dépouillés de verdure , 1l fait entendre une note plaintive et mélancolique, parfaitement en harmonie avec la tris- tesse de la saison. On aimerait davantage ces Passereaux, s’ils ne demandaient pas leur nourriture aux bourgeons de nos arbres fruitiers , et ne nous privaient pas ainsi des fruits que Pautomne aurait pu nous donner. L Bec très-court, très-bombé. Queue échancrée. À C LETTRES ATULIE Sitôt que les zéphyrs nouveaux Réveillent de nos arbrisseaux La séve longtemps engourdie, Et tirent de leur léthargie Une foule de Vermisseaux; Lorsque sur l'herbe rajeunie Le papillon aux ailes d'or, Vers quelque fleur épanouie, Commence à prendre son essor, Les Bouvreuils quittent nos campagnes Avec le retour des beaux jours, Pour aller cacher leurs amours Dans les forêts de nos montagnes. De ces Oiseaux j'aurais les goûts, Et comme eux je saurais me plaire Dans le lieu le plus solitaire, Si j'y vivais auprès de vous. LES MOINEAUX IT D'EAPAAR EEE PPS EE LN CELLES TT -- Les Moineaux |! - De tous les nombreux Passereaux Dont la race partout abonde, Les plus connus de tout le monde Sans contredit sont les Moineaux. Allez aux champs ou dans les villes, Près des fermes ou des châteaux, Vous verrez plus de ces Oiseaux Que des mille autres volatiles. Ils sont l’image de ces gens Qui, dévolus à la paresse, Ont néanmoins assez d'adresse Pour se faufiler près des grands, Pour profiter de leur richesse Et s'engraisser à leurs dépens. 1 CARACTÈRES : Bec court, à mandibule bombée et inclinée à la pointe, à bords rentrants. Tarses et ailes médiocres. 178 L'ETMRES ACJUEME Aueun Oiseau parmi ceux dont je vous retrace les mœurs n'offre autant l'image de ces parasites que le Momeau domestique. Il visite nos granges, pour y manger les graines de sa convenance: il S'introduit dans nos greniers pour y piller nos tas de blé; il vient dans nos basses-cours prendre une part de la nourriture destinée à nos Volailles; il enlève dans les champs, à l'époque des se- mailles, une foule de: graines confiées à la terre par le laboureur : il se jette sur les épis vers l’époque de leur maturité, pour prélever la dime de nos récoltes; et quand les gerbes de nos céréales sont disposées en meules, il est le plus empressé à les fouiller, afin de les dépouiller d'une partie des richesses sur lesquelles à droit de compter le colon. Ne soyez donc pas étonnée si, dans certains cantons, on à mis quelquefois à prix la tête de ces Oiseanx, et si l'on a cherché à en exterminer la race. C'est ainsi que souvent, émus A l'aspect de la moindre offense, Notre cœur perd la souvenance Des biens que nous avons recus. Nous oublions trop vite, en effet, à la vue des dommages que nous cause le Moineau durant l'été, les services signalés qu'il nous rend au printemps. Nul autre, à cette époque, ne détruit une aussi grande quantité de jeunes Sauterelles et de Chenilles, soit pour sa nourriture, soit pour celle de sa famille ; et, comme il a plusieurs couvées par an, à chacune d'elles nous lui devons des services nouveaux. Aussi, dans les lieux où, cédant aux opinions de quelques économistes prévenus, on a essayé de faire une Saint- Barthélemy de ces Passereaux, n’a-t-on pas tardé à sé repentir de ces massacres irréfléchis. Faisons-leur la chasse en automne, LES MOINEAUX 179 pour éclaircir leurs rangs, mais ne cherchons pas à en détruire l'espèce. Le Moineau cache ordinairement son nid dans les trous des murailles, sous les tuiles où dans les pots fixés, dans ce but, près des fenêtres de nos granges ou de nos greniers. Dans ces cas di- vers, il le construit négligemment avec du foin ou de la paille en dehors, et des plumes en dedans. Si l’on vient à détruire son ou vrage, il lui faut à peine plus d'un jour pour réparer le dommage. Quand il le bâtit sur un arbre, il y apporte plus de soins; il le couvre d'un toit pour être à l'abri de la pluie : il v dépose emq où Six œufs. Il lui arrive parfois, au premier printemps, de s'emparer du nid d'une Hirondelle et de défendre à coups de bec son usurpation. quand la propriétaire, au retour des zéphyrs, vient retrouver son bien. Ordinairement alors l’Hirondelle dépossédée raconte sa mésaventure à ses compagnes, et toutes effleurent en volant la retraite de l’usurpateur, en poussant des cris de menace, pour le forcer à la retraite. Ces moyens sont-ils impuissants ? On à vu quelquefois ces Oiseaux voyageurs aller, comme de concert, cher- cher chacun, près de la mare voisine, une becquée de terre, et murer dans sa cage ce voleur effronté. Le Moineau a l'esprit de famille. Les divers individus s’aver- tissent fraternellement dès qu'ils ont fait une trouvaille, et s’enten- dent comme des larrons pour aller à la maraude. Sont-ils surpris dans leur expédition, ils s’envolent tous à la fois et avec bruit, pour aller se poser sur les arbres peu éloignés, avec l'intention sans doute de revenir bientôt à la charge, dès que le proprié- {aire aura tourné le dos: ils piaulent souvent alors, en faisant un concert discordant. On serait tenté de croire qu'ils se phku- onent d’avoir été dérangés. Ceux qui se rendent, le soir, dans les haies où dans les hosquets pour y passer la nuit, poussent aussi ST 0 Ave D 180 LETTRES ARAULTE des cris bruyants, en s’appelant mutuellement avant de prendre leur repos. Vous connaissez sans doute les deux autres espèces de ce genre qui se trouvent en France. Je me bornerai à vous en dire quel- ques mots. Le Friquet où Moineau des bois est d'un naturel plus sauvage. Il se tient de préférence dans les champs ou les saulaies ; mais il vientsouvent, pendant hiver, se mêler aux troupes de Moineaux domestiques où de Pénsons. La Soulcie, amie des provinces méridionales, fuit le voisinage des habitations, se plait dans les montagnes durant l'été, et dans les plaines pendant l'hiver. Elle niche dans les creux des arbres. Je me borne à ces indications, pour revenir à notre vrai Moineau, à celui que sa marche sautillante, sa vivacité et sa pétulance ont fait appeler Pierrot. Peu d’Oiseaux ont plus que lui la finesse et la ruse en partage. Il est d’une défiance extrême et se laisse difficilement prendre aux piéges, sice n’est quand la terre est couverte de neige. [l'est cepen- dant peu craintif et devient aisément familier, surtout quand 11 est Jeune. Un jour d'hiver, chez un de mes amis, la fenêtre de la cuisine se trouvait ouverte; un Moineau aperçut sur une table quelques miettes de pain. La faim, l’occasion, et je pense Quelque diable aussi le poussant, ilse hasarda à venir prendre, sous les yeux mêmes de la maitresse, un repas qui lui semblait offert. Cette hardiesse familière plut à la dame du logis, et tous les jours suivants la table fut garnie d’une provision capable de laffriander. Maitre Pierrot ne se fit pas prier. À tous moments il venait chercher une nourriture qu LETPRE XXVII BE Sr PRAINEG TEL TE: ES ITI — Pinsons, Chardonnerets, Linottes, Bruants — On nous cite en vain les beautés Des divers pays exotiques Sur qui le soleil &es tropiques Verse ses feux et ses clartés. Les lieux témoins de ma naissance, Ceux qui virent mes premiers pas Et les plaisirs de mon enfance Moffriront toujours plus d’appas. Si plus tiède est leur atmosphère, Si le jour s’y montre moins pur, Si leur ciel a moins de lumière Et leur firmament moins d'azur, De combien d’autres avantages Nos champs ne sont-ils pas dotés ! Leurs asiles les plus sauvages N'ont point d'animaux redoutés : On n'y craint pas, sous leurs herbagés. 184 LETTRES" A JUETE Mille reptiles odieux ; Leurs bois ont de plus doux ombrages, Et les Oiseaux de leurs bocages Ont des chants plus mélodieux. Je faisais ces réflexions en écoutant quelques-uns des Passe- reaux dont j'ai à vous entretenir. Ils font encore partie de la nombreuse famille des Fringilles. Ils comprennent les genres Pinson, Chardonneret, Linotte et Bruant, dont vous connaissez les principaux représentants. De tous les petits chansonniers de nos vergers, notre Pinson ! ordinaire est le premier à saluer le retour du printemps. Dès qu'avril commence à réveiller la séve engourdie de nos arbres fruitiers, cet aimable Oiseau fait entendre des airs joyeux. On le voit voltiger sur les pommiers ; il semble y chercher lendroit où il cachera le berceau de sa famille. Son choix estAl fait, il apporte des brins de mousse, les entrelace avec art, et en peu de temps construit une couchette extérieurement revêtue de lichens, et garnie en dedans de crins et de plumes. Sa voix prend alors des tons plus variés et plus doux ; elle semble vouloir redire à toutes les oreilles le bonheur dont il jouit. Les agréments du chant de ce petit musicien plaisent à tous et vont jusqu'à passionner certaines personnes. Dans diverses localités, principalement dans le nord de la France, on trouve des ama- teurs qui mettent leur gloire à posséder le Pinson laissant le moins reposer son gosier. On fait lutter entre eux ces Oiseaux pour le chant, comme les coqs dans les combats. Oserai-je vous dire que, pour rendre ces chanteurs moins distraits, on a la barbare cou- tume de leur crever les yeux? La plupart de nos villageois ont ! Bec conique, assez allongé, non hombé à la pointe. Narines cachées. Queue lourchue. LES MOINEAUX 181 coûtait peu à sa paresse. Bientôt il sembla être un des animaux domestiques de la maison ; il y passait une partie de la journée, en jouissant de la liberté d'aller voleter dans le voisinage. Le printemps vint ; il se choisit une compagne ; l'amour le ren- dit infidèle à l'amitié ; 1l délaissa les maîtres du logiset se borna à venir plauler de temps en temps sur la fenêtre, pour les remer- cier de leurs bienfaits. Mais, quand 1l est pris jeune, le Moineau est moins inconstant ; et vous en connaissez un, chez une de vos amies, qui fait les dé- lices de sa maitresse, comme celui qui inspira les jolis vers de Catulle ! : Ce poëte a chanté lOiseau Doux objet des soins de Lesbie, Et pour consoler son amie De la perte de ce Moineau, A gémi, dans une élégie, Sur la mort de ce Passereau. Vous savez vous-même, Julie, Comme aisément on s'associe À la plus légère douleur Des amis dont la sympathie Ext l'âme de notre bonheur. Éprouvent-ils quelque malheur, Leurs peines deviennent les nôtres ; Or, vous qui connaissez mon cœur, Vous savez avec quelle ardeur Je saurais partager les vôtres. 1 CATULLE, édit. Panckoucke, IT, p. 5. La = re DU : L . Le 2 - : | . ; r: à — L £ i net huis na à donr: A E = "VF DRE N l'Y ue 0" dj . 7 | sie- Ê e : or : n if er éd el : Rd STI TÈER : [ne | | “dy A: A 2 id * ù Me (fl: "re € D F qu : : S s; c7 | APTE PTE ES r 4 1 fui} 2 Ve | : Sa) 4 RAS f à La x AT À DR : Le : CONTE. de f te ä. " = . L À EN ; 0 | : a 14 de Û ; = À ; \ 3 Sa FT 4 2 Se = . 2 : hu 5 3 : on: Pre ü ' * 1 ; PE , ) =” : y n - 1e 12 E . | CS | M =. AE Ée a: + LI el de ne C = . à] | v | ! ! QUES 1 a+ niti cu h CA : Le E . > PS LA = 0 a. ITS ni 04 : _ | qe | A f U 7 ” À « D 4 TA afp RS. LIT S Ro. %e à ti ei É TS L Ur . fsb É& | Ê - - Cr ; | : : a ne _ La ER ; = y LT : nn L == e | : : » sh MU OT 4 4f ce k : L LL = … COR L OR AR = ea : il Pr f . L = Vie FA Fin Û . on "4 Fn C2 CARE Li er L À : DL F d Mr te > 23 Fr RN LES, B'RU/ANTES 187 champs cultivés, les bords des chemins, les lisières des bois ; re cherchent surtout les Insectes an printemps, et, plus tard, les oraines de diverses sortes. Les uns aiment les lieux secs: les autres se plaisent dans les endroits humides ou les marécages. Les premiers nichent dans les broussailles où dans les herbes : les se- conds parmi les roseaux ou autres plantes aquatiques. Les mâles se distinguent toujours par une robe différente où plus vivement colorée. Le Bruant jaune doit son nom à la beauté des plumes qui parent sa tête, le devant du couet les parties inférieures du corps, surtout chez les mâles. Le Z221 a le dessus de la tête d'un cendré olivatre, et moins de jaune sur le cou. Ces deux Oiseaux sont communs dans nos champs. Durant l'hiver, ils se mêlent volontiers aux Pinsons, qui cherchent alors misérablement leur pâture: quelquefois même, à l'exemple des Moineaux, ils viennent jusque dans les cours de nos fermes glaner les grains de blé qui s’y trouvent épars. En automne, où les se- mences, plus abondantes, leur fournissent une nourriture copiense, leur chair acquiert plus de délicatesse et les expose, par cette excellente qualité, au plomb des chasseurs. Au genre Bruant se rattache un Oiseau dont la réputation est proverbiale chez les amis de la bonne chère. Je veux parler de POrtolan. Malheureusement 1] ne se trouve pas sous toutes les zones: il recherche surtout les méridionales. Mis en cage et dans un lieu obscur, Son corps se transforme bientôt en une pelotte de oraisse, dont la vue seule suftit pour faire venir Peau à la bouche d'un gourmet. Chacun trouve ici ses plaisirs, Son bonheur et sa jouissance Dans ce qui flatte ses désirs, 188 LETTRESLCA JULIE L'ambitieux, dans la puissance, Dans la poursuite des honneurs, Dans la richesse, l’opulence Et le vain éclat des grandeurs ; L'avare, en sa concupiscence A veiller près de son trésor, Qui le laisse, au milieu de l'or, Aux prises avec l’indigence ; Le favori de la science, Dans ces recherches, ces labeurs, Qui font son mérite et sa gloire Et promettent à sa mémoire De vivre en un long avenir ; Vous, dans le louable désir De savoir les mœurs et l'histoire Des Oiseaux qui charment vos goûts, Dans les œuvres de bienfaisance Que vous pratiquez en silence Et qui vous font bénir de toux. Quant à moi, besoin n'est de dire Que la faveur de vous écrire Fait mon passe-temps le plus doux. LES CHARDONNERETS 185 une certaine affection pour cet Oiseau. Dans beaucoup de localités, ils Jui accordent une sorte de protection. On n'oserait lui enlever ses petits, et malheur à celui qui les tuerait! Le Pinson est granivore; mais il ne cherche ordinairement qu'à terre les semences qui y sont tombées ; il nous fait conséquem- ment peu de torts et nous rend service en mangeant les graines des plantes inutiles où nuisibles. Get Oiseau nous reste fidèle toute l’année et nous console, pen- dant l'hiver, du départ de la plupart des autres , mais il se tait du- rant cette morte saison et, dès la fin de l'été, ne fait plus entendre qu'un pi-pr monotone, dont la tristesse semble le présage de lap- proche des froids. Quand ces Passereaux se sont abattus quelque part pour v trouver leur picorage, s'ils sont obligés de fuir effrayés où si leur désir les pousse vers d’autres champs, ils ne prennent pas simulta- nément leur essor et se suivent à la file au lieu de voler rapprochés. Cette espèce ne constitue jamais de grandes bandes, comme celle des Ardennes, qui nous arrive à Fapproche des froids. Le Chardonneret ! est aussi un des Passereaux les plus com- muns de nos campagnes. La Nature la paré avec coquetterie. Ses ailes noires sont ornées d’une bande d’un jaune citron, et sa queue couleur de jais est agréablement tachée de blanc vers l'extrémité. Le front du mâle est couvert, comme d’un diadème, de plumes dun rouge cramoisi, auxquellesil faut deux printemps pour acqué- rir tout leur lustre. Ce gracieux Oiseau se nourrit principalement de semences : mais, comme beaucoup d’autres Passereaux , 1l décime aussi les Insectes au printemps. Vers la fin de l'été, 1l pille volontiers nos oraines de chanvre; mais il nous fait oublier ses torts en recher- ! Bec en cône allongé, comprimé et très-aigu vers la pointe, Narines à peine re- couvertes. Queue échancrée. IS6 EETTRES ATJURTE chant celles des chardons, que leurs légères aigrettes permettent aux vents de transporter au loin, dans les champs qu'ils empes- tent. Le Chardonneret construit ordmairement son nid près de l'ex- trémité des branches des arbres où des arbrisseaux, et le tapisse intérieurement du coton des saules où des peupliers. C'est un des Oiseaux qui se familiarisent le plus facilement en captivité et qui répondent le mieux à nos soins. Emprisonné avec des Serins, il donne naissance à des métis dont la robe est moins richement colorée, mais dont le chant a plus d'éclat et de variété. La Linotte! ordinaire est encore un des petits chanteurs dont lt voix douce et mélodieuse flatte le plus agréablement nos oreilles. Le male surtout est estimé sous ce rapport. Son front et sa poitrine sont parés de plumes dun rouge de sang qui ont une couleur dit- lérente chez sa compagne. La Linotte se nourrit prmcipalement de graines: cache son nid dans les charmilles ou les buissons. Elle est sédentaire dans plu- sieurs de nos provinces, etseulement de passage dans d’autres, aux deux saisons équinoxiales. Pendant l'été, elle se plait volontiers dans les montagnes, et descend, lhiver, dans les plaines. Elle sv rassemble souvent alors en troupes composées dune multitude prodigieuse. Toute la bande prend son vol en même temps -et S'abat de mème. Paurais beaucoup de choses à vous dire des Bruants ?, car a liste de ces Passereaux est assez longue, Je me bornerai aux espèces les plus connues. Ces Oiseaux n'ont pas, en général, la voix aussi loquace m le gosier aussi harmonieux que les précédents. Ts fréquentent les l Bec court, à pointe un peu aiguë, Nasines à peine recouvertes, Queue échancrée. ? Bec court. conique, comprime : à mandibule supérieure plus elroite. Narines en partie recouvertes, douard Traviés del et Jith LES MÉSANGES 189 LETTRE XXVIII LES MÉSANGES: — Roitelets — Vous qui joignez à mille attraits Tant d’autres dons de la Nature, En vain nous offrez-vous les traits D'une ravissante figure, Si quelque malin enchanteur Ou quelque fée atrabilaire Vous avait, pour votre malheur, Donné le méchant caractère Et cette détestable humeur Dont ils avaient doté Mégère, Malgré les dehors séduisants Que vous pouvez faire paraître, Vous n’inspireriez pas aux gens, Sitôt qu'ils pourraient vous connaître, 1 Rémiges secondaires entières. Espace intermaæillaire en angle aigu, dépas. sant plus ou moins le niveau des narines. Bec menu, court et conique. 190 L'ET TRES. AÀA. MUILTE Ces sympathiques sentiments Que votre présence fait naître. Les Mésanges, dont j'ai à vous esquisser histoire, ont beau avoir des formes gracieuses, des couleurs agréables, leur mé- chante humeur porte les autres petits Oiseaux à les fuir, et nous- mémes ne sommes guère tentés de leur donner place dans nos volières, pour notre plaisir où notre agrément. L'aigreur de leur caractère se révèle à leur regard audacieux où cruel, à leurs moustaches qui rappellent celles des Chats, à leur voix désagréable et grincante , à linquiétude de leurs mou- vements. On les voit dans une agitation continuelle: elles voltigent d'arbre en arbre, s'accrochent aux branches dans toute; les posi- lions, s’y tiennent parfois suspendues la tête en bas, pour fouiller dans les fentes de Pécorce, et v saisir les divers êtres vivants qui s'y cachent. Le but de toutes ces manœuvres est de se mettre en quête de leur nourriture. Dans la recherche de leurs aliments , elles nous causent parfois quelques dommages, mais elles nous rendent des services plus évidents. En furetant sur nos végétaux ligneux, elles les délivrent des Chenilles et autres Larves vivant à leurs dépens. et des œufs qui, plus tard, donneraient naissance à d'autre: êtres nuisibles. Elles détruisent une grande quantité d'Insectes , happent même, quand elles le peuvent, les espèces ailées, et, sous ce rapport, nous font tort quelquefois en décimant les Abeilles de nos ruches. Leur appétit carnassier se révèle dans mille occa- sions. Dans nos cages, elles se montrent avides de sang et de viandes gâtées. Dans les champs, elles vont, à l'instar des Cor- beaux, tirer parti des animaux morts. Rencontrent-elles un Oiseau faible où maladif, elles ont la cruauté de lattaqner et de LES. MÉSANGES 191 lui fendre le crane, pour se repaitre de sa cervelle, Elles ne crai- enent mème pas quelquefois de faire subir un sort semblable aux Chardonnerets, dont elles sont dans nos volières les compagnes l'esclavage. Malgré la faiblesse de leur tulle , tout révèle dans leur orga- nisation la vigueur et l'audace. Il faut les voir, à l'approche de la Chouette où de l'Efraie : leur sang s’échauffe aussitôt. leurs plumes se hérissent , Et, dans leur faible corps, S'allume un grand courage 1: . DELILIE. elles s’élancent avec fureur sur POisean de rapine et cherchent à lui crever les veux. Sont-elles prises dans nos piéges, elles mordent Poiseleur pour lui faire lâcher prise, et poussent des cris douloureux. comme pour appeler à leur aide les individus de leur espèce. Ea Providence les à douées d’un bec fort, légèrement com- primé, tranchant et pointu, approprié à leurs besoins. Elles s’en servent tantôt comme d’une arme redoutable , tantôt comme d’un mstrument utile. Leurs muscles du cou sont doués d’une puissance suffisante pour leur permettre de percer à coups redoublés. Elles peuvent amsi briser le péricarpe ligneux des noix , des amandes où des faines, et déchirer l'enveloppe solide des graines de chanvre, pour en manger les parties intérieures. Leurs doigts sont assez robustes pour enserrer où assujettir ces fruits on ces eraines pendant qu'elles les attaquent. Les Mésanges sont en général très-fécondes. Quelques-unes pondent jusqu'à plus de vingt œufs. Elles ont, suivant les espèces, L Ingenles animss anguslo in pectore versant. ViRGiLx. Geoig.. lib. IV. vers S2. 192 LETTRES A JMULTIE des soins différents pour dérober leur couvée à leurs emmemis. Les unes cachent leurs œufs dans les trous des murailles , dans les arbres caverneux, et se servent de leur bec pour donner une forme convenable à la cavité qui doit servir de berceau à leur famille, et en faire disparaitre les aspérités ; les autres bâtissent des nids construits avec une mdustrie merveilleuse. Pendant lété, la plupart de ces Oiseaux se tiennent dans les forêts, les haies où les vergers ; quelques autres préfèrent les bords ombragés des rivières ou des marais. Aux approches de l'hiver, les Mésanges quittent les montagnes ou les cantons exposés aux rieueurs des froids, pour émigrer dans des lieux d’une température plus douce. On les voit alors voltiger par peütes troupes, en s’appelant mutuellement; mais, dans ces voyages périodiques, elles n’offrent pas la confraternité des Li= nottes et des Pinsons. Elles se tiennent toujours à une certaine distance les unes des autres ; on dirait qu'elles redoutent quelque surprise de leurs semblables. Plusieurs de ces Passereaux sont assez communs dans notre pays où dans quelques provinces de la France; je me bornerai à vous citer les Mésanges suivantes : La Charbonnière. La moins petite et l’une des plus audacieuses. Il faut la voir, dans les derniers jours de l'automne, cramponnée contre les bourses construites sur les chênes où sur nos arbres fruitiers par la chenille de la Chrysorrhée, déchirant à coups de bec les tentes de soie sous lesquelles se trouvent abritées ces Larves, pour se nourrir de celles-ci. La Bleue, qui sous une jolie robe cache un des caractères les plus acariâtres et un instinct cruel. La Nonnetle, amie des marais boisés et des ruisseaux bordés de saules, dont les troncs caverneux servent souvent à cacher ses œufs. LES MÉSANGES 193 La Mésange à longue queue, remarquable par la longueur de ses rectrices; elle ne l’est pas moins par l'instinct déployé dans la construction de son nid. Elle le bâtit en forme de bourse revêtue extérieurement de lichens et de mousses, et le garnit de bourre en dedans. La Penduline, plus industrieuse encore. Elle utilise le duvet des saules et des peupliers, pour fabriquer un nid curieux, presque en forme de cornemuse, ayant son ouverture vers la partie supé- rieure de l’un des côtés, et suspendu sur le bord des rivières, à l'extrémité d’une branche flexible. Les Roitelets se lient aux Mésanges par la forme de leur bec, par leur vivacité, leur activité remuante, leurs goûts insectivores, leur habitude de se suspendre aux branches des arbres où des buissons, pour y chercher leur nourriture. On les trouve princi- palement dans les bois de pins où de sapins ; mais ils voyagent en petites troupes dans les tristes jours de l’automne ou de l'hiver; et, dans ces migrations, ils visitent parfois nos vergers et nos jar- dins pour délivrer nos pommiers des Pucerons lanigères dont ils sont infestés. Ils sont, en Europe, les Lilliputiens de la gent ailée qui nous occupe. L’espèce la plus connue porte sur son vertex des plumes effilées d’un jaune plus ou moins pur, susceptibles de se relever en forme de huppe et de simuler un de ces ornements qui parent les têtes couronnées. La plupart de nous, dans la vie, Se trouvent portés, quelquefois, À jeter un regard d'envie Sur le sort fortuné des rois ; Hélas ! insensés que nous sommes ! Ce ne sont jamais les grandeurs Qui donnent le bonheur aux hommes : 13 191 LETTRES A JULIÉ J'out prince surchargé d'honneurs, Malgré l'éclat qui l'environne, Sent se cacher, dans sa couronne, Des épines parmi les fleurs, Et se prend, bien souvent peut-être, A regretter d’avoir dû naître Dans un rang aussi périlleux. Pour moi, si jamais la fortune, Par une faveur peu commune, M'offrait de combler tous mes vœux, Point n'irais, pour croire être heureux, Demander à sa bienveillance Soit le sceptre de la puissance, Soit les emplois brillants des cours, Ou le faste de l’opulence ; Mais si j'avais l’heureuse chance De couler près de vous mes jours Dans une douce indépendance, Je ne voudrais pas, croyez-moi, Changer alors mon existence Contre celle du plus grand roi. LES GORBEAUX 195 LETTRE XXIX LES COR BEA ET X — Corbeaux, Pies, Geais, Étourneaux — . Souvent on se plaint dans le monde Que sur notre machine ronde Tout est loin d'aller pour le mieux : Lorsqu’en effet l’on considère Les méchants et les ennuyeux Qui pullulent sur cette terre, Ne se trouve-t-on pas tenté D'approuver l’ingénuité Du philosophe de la Grèce, Qu'on voyait déplorant sans cesse Le malheur de l'humanité? 1 CARACTÈRES : Espuce intermaæillaire en angle aigu, dépassant plus ou moins le niveau des narines. Bec en cène plus ou moins long. Ils se partagent en deux divisions : 1° Bec épais, plus ou moins fort. Narines voilées par des plumes Corbeaux. 2° Bec allongé, assez grèle. Narines à moitié fermées par une MEN PAIE Se OCÉNOUITIEQUT. 196 LETTRES AJULTE Ce n’est pas seulement parmi nos semblables que se trouvent des individus dont nous avons à nous plaindre ; les Oiseaux dont je vais vous esquisser l’histoire nous offriront aussi des pillards et des forbans, portés à nous causer des dommages, quandils en trouvent l’occasion. La première division de cette famille comprend les genres Corbeau, Pie, Geai et Casse-norx. Tous ces Oiseaux ont le bec épais, en cône comprimé, et plus où moins allongé; les narines recouvertes par des poils où par des plumes raides ou décomposées ; la voix criarde et désagréable ; le larynx organisé pour articuler des mots ou pour imiter les cris de divers autres animaux. Presque tous s’apprivoisent avec assez de facilité ; mais, dans nos maisons, ils ont besoin d’être surveillés. Ils emportent volon- tiers, pour les cacher, les objets laissés à leur portée, surtout ceux qui brillent d’un éclat métallique. Ils sont comme les avares, ils amassent sans jouir. Les Corbeaux portent tous sur leur robe les insignes du deuil où de la douleur. La plupart, d’après les ouvrages des écrivains de l'antiquité, étaient considérés comme des Oiseaux de malheur. Ecoutez Virgile : Trois fois, il m'en souvient, la sinistre Corneille Des flancs creux de l’yeuse a frappé mon oreille f. VirG., trad, de Berthollon de Pollet. i Sepe sinistra cava prædixit ub ilice Cornix. VIRGILE, Ægl., I. Voyez aussi ce passage de Plaute: Non lemere'st, quod Corvus cantal mini nunc ab leva manu. PLAUTE, Aulul., act. IV, se. ri. Ce n'est pas pour rien que le Corbeau vient de crier à mes oreilles du côté gauche. Trad. de Nisard. LES GORBEAUX 197 Le véritable Corbeau, celui des anciens, emporte sur les autres espèces par une taille plus avantageuse. IT a les plumes d’un noir violacé. Il a le cœur noir comme son manteau : C'est l’'Oiseau de mauvais augure. JAUFFRET. Sa voix à Je ne sais quoi de lugubre; il servait aux augures à prédire les événements futurs. Dans le sombre avenir il sait lire de loin. È Il aime les hautes montagnes, les lieux solitaires; il fixe le plus souvent son domicile et le berceau de sa famille dans le creux d’un rocher, et il reste ordinairement fidèle à la retraite qu'il s’est choisie. Il descend des hauteurs qu'il habite pour aller chercher sa nourriture. Son odorat exquis lui permet d’éventer d'assez loin les chairs en voie de décomposition dont il fait volontiers sa pâture. Il devrait être rangé parmi les animaux éminemment utiles, si son goût le portait exclusivement vers ces matières infectes ; mais il ne se fait pas faute de manger, quand ille peut, des Oiseaux, des Le- vrauts et même des Mammifères de moins petite taille, auxquels il cherche d'abord à crever les yeux. I faut voir avec quelle audace il ose se mesurer avec le Milan, quand celui-ci menace sa famille en s’approchant de son nid. Il prend aussitôt l’essor, s’élance dans les airs au-dessus de son ennemi, fond sur lui avec impétuosité et lui fait sentir la violence de ses coups de bec. L'Oiseau de rapine cherche-t=il à prendre le dessus, le Corbeau fait de nouveaux efforts pour conserver ses avantages, et souvent les deux adversaires montent, en luttant ainsi, à des hauteurs où notre regard finit par les perdre. 198 LETTRES A JULIE Le Corbeau a la vie très-tenace ; il peut voir passer sur sa tête un siècle et même plus. On l’a plus d’une fois dressé à la chasse, mais souvent, servi- teur infidèle, il s'approprie le produit de son adresse, au lieu d’ap- porter le gibier. Il parait susceptible d’attachement, jusqu'au point de défendre son maitre dans l’occasion. Valérius, surnommé Corvmus, dut sa victoire contre un Gaulois qui l'avait provoqué en combat singu- lier, à un sien Corbeau qui, s’acharnant contre son adversaire, lui déchirait les mains et lui sautait au visage. Au même genre appartiennent encore la Corneille, la Cor- neille mantelée, le Freux et le Choucas. Les deux premières ont encore les goûts variés et parfois nuisibles du Corbeau : chairs corrompues, Oiseaux, Poissons vivants où morts, Insectes, et au besoin les graines, tout leur est bon ; elles recherchent les œufs de Perdrix et visitent parfois les lacets que nous tendons, pour nous enlever le gibier sur lequel nous avions le droit de compter. Ces espèces nichent principalement dans les grandes forêts des montagnes où dans les contrées du Nord, et apparaissent dans nos provinces moins froides avec les jours brameux de automne. Elles arrivent en troupes nombreuses, poussent ordinairement des cris dans les airs pour nous annoncer leur retour, et se mêlent souvent à nos troupeaux, dans les prés et les champs ; mais, malgré cette apparence de familiarité, elles ont assez de méfiance et de ruse pour se laisser difficilement approcher. | Le Freux est moins carnivore ; il habite aussi les pays septen- tionaux pendant les beaux jours. On y voit quelquefois près de trente nids de ces Oiseaux sur le même arbre; mais ces sortes d'amis ne se font pas faute de voler les matériaux apportés par leurs voisins, si ces derniers ne sont pas sur leurs gardes. Les Freux vivent principalement de graines, de fruits et d’In- LES PIES 199 sectes ; ils pillent quelquefois, en maraudeurs, nos diverses ré- coltes. Aux approches de l'hiver, ils viennent visiter nos prairies et ficher leur bec dans la terre, pour saisir les Vers blancs et autres Larves vivant aux dépens des racines. Le Choucas niche, dans plusieurs de nos provinces, sur les arbres, sur les rochers où dans les trous des vieux édifices. IT est principalement insectivore; il détruit, au printemps, un grand nombre de Hannetons. Qui ne connait Dame Margot? Son manteau porte les couleurs d'une veuve à qui le deuil commence à peser. Elle à dans la tour- nure quelque chose de plus coquet où de plus svelte que les Cor- beaux. Ses rectrices étagées lui donnent certaine grâce; elle est d’un caractère plus pétulant. Se pose-t-elle à terre, elle saute autant qu'elle marche : elle hoche sans cesse Ja quene. Sa loquacité à fait naître le proverbe : Jaseur conne une Pie. Margot la Pie en tous lieux est connue Par son caquet. STASSART, Fubles. Au repas de Trimalchion, une Pie logée dans une cage d’or souhaitait le bonjour à tous ceux qui entraient. Elle bâtit son nid sur des arbres élevés, établit sur des bran- ches assez faibles, le construit avec des bûchettes flexibles ou avec des rameaux parfois épineux, le couvre d’un treillis clair, formé de matériaux semblables, afin de ne laisser qu'une ouverture la- térale, qui le rende moins accessible aux ennemis de sa progé- . niture. La Pie est omnivore : elle détruit les œufs des autres Oiseaux, mange volontiers leurs petits, et ose même prendre ceux de nos Poules sous les veux de leurs mères, 200 LETPRES AAIUETRE Dans l’un des grands domaines de nos environs, une fermière voyait chaque jour ses Poussins diminuer de nombre; plus de soixante manquaient déjà à l'appel. Elle voulut, à tout prix, con- naitre le maraudeur qui lui faisait un tort si fréquemment répété ; elle établit un surveillant armé d’un fusil : le coupable était une Pie; prise en flagrant délit, elle paya de sa vie le mal qu’elle avait Causé. Margot, dans nos maisons, devient bientôt familière ; elle s’y fait craindre des Chats et des Roquets, et semble y avoir droit de maitrise; maisil faut la surveiller : elle est voleuse. Certains mo- ralistes prétendent qu'en faisant notre examen de conscience, nous trouverions souvent qu'elle se borne à copier nos vices. Un traitant avait un commis ; Le commis un valet ; le valet une Pie; Quoique de la rapine ils fussent tous amis, Des quatre, l'animal était la moins harpie. LAMOTTE, Fables. On sat quelle erreur cruelle un de ces Oiseaux voleurs à faut commettre à la justice dans le moyen âge. Les Geais n’ont plus la robe lugubre des Corbeaux, ni le demi- deuil de la Pie, mais les couleurs riantes qu'étale la veuve dont les pleurs ont cessé de couler. Eutre la veuve d’une année Et la veuve d’une journée La différence est grande. a dt La Fontaine. Le jour où, d'une voix mourante, L'époux dit pour toujours adieu, D'abord on jure de le suivre, LES GEAIS 201 Puis sur sa tombe on veut errer, On rougirait de lui survivre Et l’on survit pour le pleurer ; Puis le temps sèche enfin les larmes, Le temps apaise la douleur ; On se souvient qu'on a des charmes, On sent que l’on possède un cœur. DE Loy, Le Geai a, en effet, une mise coquette; son front est paré de plumes noires, bleues et blanches, qui constituent une houppe mobile ; les rémiges de ses ailes ont une plaque d’un azur céleste ; l'extrémité de ces rames aériennes et sa queue, de la couleur du Jus, font ressortir le gris légèrement violâtre du reste de son plumage. I se nourrit de cerises, de pois, et surtout de châtaignes, de noix et de glands. Il est commun, durant les beaux jours, dans les bois de chênes et dans les haies g'arnies de ces arbres. Cet Oiseau est vif, pétulant, colère et braillard. À l'aspect du Renard ou de la Chouette, il pousse des cris pour convier ses sem- blables à harceler l'ennemi; aussi est-il un des premiers à s’en eluer, dans la chasse à la pipée. Le Casse-noix ! est un habitant des forêts d’arbres verts qui couvrent nos Alpes et les montagnes de la Suisse ou des contrées plus septentrionales. Il se nourrit, comme les Pies, de toutes sortes de substances; mais, moins méfiant que ces dernières, il se laisse aborder d'assez près. Le Rollier ? se rapproche des Geais par son bec, et du Guêpier ! Bec droit, à mandibule supérieure plus longue, aplati et émoussé à l'extrémite. Doigt latéral soudé à la base avec le médian. 2? Bec droit, un peu crochu à la pointe. Rectrices externes plus longues que les autres. 202 LE PRES t A JNU'ETE par son manteau d'aigue-marine. C'est un Oiseau méridional, vivant d’Insectes et nichant dans les troncs des arbres. Ce serait ici le cas de vous parler de ces Paradisiers merveil- leux qui nous arrivent du pays des Papous, si remarquables par l'élégance de leur costume. Les uns ont des parures de velours, d'autres laissent flotter au gré des vents les plumes effilées dont les personnes de votre sexe composent des panaches si gracieux. Les dépouilles de ces gracieux Passereaux arrivaient ordimaire- ment privées de pieds, et, pendant quelque temps, on a cru qu'ils avaient une vie toute aérienne. Ces Oiseaux vivent de mais et d’autres graines, se tiennent à la cime des arbres élevés et nichent dans des rochers inaccessibles. Les Oiseaux de la seconde division ont le bec proportionnelle- ment plus long et moins fort; ils sont incapables, par là, d’être aussi voraces que les Corbeaux. Ils vivent principalement dIn- sectes et de baies et mangent aussi des graines. Ils forment les genres Aartin et Etourneau. Le Martin ! révèle son origine méridionale par son costume joyeux. Sa robe couleur de chair la fait nommer Roselin ; sa tête est parée d’une huppe d’un noir violacé, et la couleur d'ébène de ses ailes et de sa- queue forme un contraste agréable avec le rose tendre du reste de son corps. Get Oiseau habite ordinaire- ment les chaudes contrées situées à l’est de la Méditerranée où abondent les Sauterelles ; mais il vient visiter quelquefois les prairies du delta du Rhône. Il niche dans les trous des rochers et pond quatre à six œuts. Les Étourneaux ? se plaisent dans les prairies marécageuses, dans les pâturages humides, où ils détruisent une incroyable l Téte ornée d'une huppe ou garnie de caroncules ? Téte Sans huppe ni caroncules, LES ÉTOURNEAMUX 203 quantité de Larves et d’Insectes. Les Criquets n’ont pas d’ennemis plus redoutables. Ils aiment aussi à suivre le laboureur traçant ses sillons, pour faire leur profit des Vers blancs mis à découvert par la charrue. En raison des services qu'ils nous rendent, il faut leur pardonner si parfois, à l’exemple des Grives, ils se répandent dans nos vignes et s’enivrent du jus de nos raisins. Le besoin de chercher sans cesse leur nourriture leur donne une vie agitée. Le mouvement et le changement de place semblent être pour eux un besoin. La Providence a voulu sans doute sauvegarder ces Oiseaux utiles contre les embüches des chasseurs, en leur donnant une chair peu faite pour tenter notre goût. Les Étourneaux nichent dans les trous des arbres ou des ro- chers, dans les fentes des vieilles murailles. En automne, ils se mêlent souvent aux Corneilles, se rassem- blent pour émigrer, etarrivent en Afrique, en bataillons parfois si épais, que le soleil en est voilé sur une longue étendue. L'Étourneau ordinaire, connu sous le nom de Sansonnef, est recherché par les oiseleurs, en raison de sa facilité à retenir les airs qu'on lui serine. Il articule aussi des mots, mais d’une ma- nière moins nette que la Pie ou le Corbeau, et devient quelquefois fatigant par son babillage. Ce n'est pas seulement chez eux Qu'on trouve de ces ennuyeux Dont le babil nous importune : Les gens de semblable travers Sont une chose assez commune, Sur les sujets les plus divers IIS trouvent quelque chose à dire : Heureux encor quand leur satire Ne s'attaque pas au prochain, LETTRES A JULIE Ils pourraient, quand ils sont en train, Tant ils sont experts de la langue, Nous débiter une harangue Sur le plus futile sujet ; Et l’on a même sur ce fait Souvent calomnié les femmes. Si les détracteurs de nos dames Connaissaient celle à qui j'écris, S'ils pouvaient, pour leur jouissance, Prêter l'oreille à ces récits, Où la raison, l'intelligence, Les grâces et leur éloquence, Souvent vous prêtent leur puissance, Pour nous charmer par vos discours, Enchantés de votre langage, Ils se plaindraient bientôt, je gage, Que vos entretiens sont trop courts. LES GRÆMPEREAUX 205 LETTRE XXX BE GRIMEPE REED X — Sitelles, Grimpereaux, Huppes — Ouvrez vos yeux et vos oreilles ; Je veux dans mes récits nouveaux Vous faire entrevoir des merveilles, En vous faisant, dans mes tableaux, Passer sous les yeux la peinture De quelques-uns de ces Oiseaux Qui semblent une mignature, Et dont le corps si gracieux Nous semble être, par sa parure, 1 QUATRIÈME GROUPE : Les TÉNUIROSTRES.—CARACTÈRES : Bec grèle, allongé, sans échancrure. Ces Oiseaux comprennent en Europe les deux familles suivantes : A. Bec allongé, termini en cône ou pointe aiguë. Pouce ter- miné par un ongle arqué ou crochu. . . . + + + Grimpereaux. AA. Bec trigone à la base, grèle ensuite, à mandibule supé- rieure plus longue. Pouce terminé par un ongle pres- duerdroits. US. SN …__- . CHUPDE: A ce groupe se rattachent les Oiseaux exotiques connus sous les noms de Souwi- Mangas et Colibris. 206 LÉ TITRE SAUT 'UIME Ou l’un des chefs-d'œuvre des cieux Ou le bijou de la Nature. Vous devinez déjà que je veux vous entretenir des Oiseaux- mouches, dont la plupart constituent quelques-unes des merveilles du Nouveau-Monde. Mais, avant de vous parler de ces gra- cieuses créatures, J'ai besoin de vous faire passer en revue les présentants européens du groupe des Ténuirostres, où Passe- reaux à bec grêle, auquel ils appartiennent. Ceux-ci comprennent les genres Srfelle, (rrimpereau et [uppe, répartis eu deux familles. La Sitelle, connue sous le nom de Torchepot, a une robe d'un cendré bleuâtre en dessus, et en majeure partie d’un roux jau- nâtre en dessous. Elle se rapproche des Étourneaux par la forme de son bec, et des Pies par ses habitudes. On la voit, dans nos bois, grimper sans cesse sur les arbres, en parcourir les branches en tous sens, et parfois en se tenant suspendue à l’extrémité des rameaux, à la manière -des Mésanges. Mais elle ne se borne pas à délivrer nos grands végétaux des Insectes qui les outragent; elle mange aussi des graines, et, quand elle visite nos chènevières, nous avons à nous plaindre de ses ravages. La Kitelle pond, dans les creux des arbres, cinq à six œufs blancs ou teintés de jaunâtre. N’avez-vous jamais pris plaisir à voir, dans nos parcs où nos vergers, le petit Grimpereau visitant nos arbres, principalement ceux dont l'écorce envahie par la mousse annonce la décadence ? Sa légèreté, sa robe mélangée de brun, de fauve et de blanc sale, lui donnent un cachet particulier. Il grimpe sur nos grands végé- laux presque à la manière des Pics. Ses ongles longs, arqués et acérés sont faits pour favoriser sa marche ascendante; il s’aide de sa queue comme d’un are-boutant : anssi ses rectrices se mon- trent-elles usées à l’extrémité. LES HUPPES 207 J'aime à le voir, avec prestesse, Sur les arbres de mon jardin, Surtout sur ceux que la vieillesse Montre penchant vers leur déclin, Grimper, dans l'espoir d’un festin, Et de son bec agile et fin Saisir, avec beaucoup d'adresse, Tous les Insectes qui sans cesse Se rencontrent sur son chemin. Il ne quitte pas nos champs durant les froids, et niche dans les trous des arbres. Une autre espèce, plus particulière aux montagnes élevées de nos provinces méridionales, est remarquable par ses couvertures alaires et par une partie de ses rémiges d’un roux vif. Son habitude | de papillonner en grimpant contre les murs lui à valu le nom d'Échelette où de Grimpereau de muraille *, Les Huppes sont remarquables par leur tête parée d’une rangée de longues plumes pouvant se relever à volonté. L'espèce que vous connaissez nous arrive en avril où en mai et s’en retourne vers l’époque des vendanges. Elle se nourrit de Vers et d’Insectes, principalement de ceux qui se cachent dans la mousse ou dans les lieux humides. Elle établit son nid dans le creux des arbres ou dans les fentes des rochers et y dépose quatre où cinq œufs. Son plumage d’un cendré roussâtre, sa queue noire barrée de blanc, et surtout l’ornement dont sa tête est surmontée, lui donnent ui air coquet : cependant Malgré sa tournure assez belle, Cet Oiseau n’est pas réputé i Le Tichodrome Échelette des auteurs. 208 LETTRES!'A JULIE Pour être le parfait modèle De la vertu de propreté. à Mais c’est aux pays exotiques qu'il faut demander les Ténui- rostres les plus nombreux et les plus brillants. L’Asie et surtout l'Afrique nous offrent la belle famille des Soui-Mangas. Ges Oi- seaux ont le bec long, dentelé sur les bords, et la langue fourchue. Les mâles, au moins à l’époque de leurs amours, sont revêtus de plumes métalliques dont la beauté se rapproche de celle des Colibris. Comme ceux-ci, ils vivent du suc emmiellé des fleurs. Les Colibris habitent tous le Nouveau-Monde, principalement les contrées tropicales. Destinés à une vie presque toute aérienne, _ils se distinguent des autres Ténuirostres par la brièveté de leurs pieds, par la longueur de leurs ailes ou par la rigidité des barbes de leurs rames légères. La plupart sont d’une taille si petite qu'on leur à donné le nom d’Oiseaux-mouches. Le volume de leurs muscles de la poitrine et le raccourcissement de leur os du bras, leur sternum sans échancrure les rapprochent de l’organisation des Martinets, et révèlent la puissance de leur vol. Sous ce rapport, ils l’emportent sur tous les autres Oiseaux. Hs franchissent les distances avec la rapidité de la flèche, et notre regard peut à peine les suivre dans les airs. Leur langue extensible et divisée en deux lanières leur sert à recueillir, dans la coupe des fleurs, les liquides sucrés exsudés par les nectaires et à enla- cer les petits Insectes qui viennent chercher leur nourriture dans ces coupes colorées. | Quand ils courtisent ces gracieuses productions de la terre, ils imitent la manière des Papillons crépusculaires connus sous le nom de Sphynæ ; ils butinent sans se poser sur la corolle, et font vibrer leurs organes du vol avec tant de rapidité qu’en les voyant LES GOLIBRIS 209 ainsi, les ailes déployées, on les croirait suspendus dans les airs par un fil mvisible. La longueur de leur bec varie avec leur genre de vie. Ceux de ces Oiseaux chez lesquels 1l est court se bornent à courtiser les petites fleurs des champs ; ceux chez lesquels il égale où surpasse même la longueur du corps recherchent les corolles campaniformes où tubuleuses. Quelques-uns ne s’éloignent jamais des champs heureux où fut placé leur berceau ; d’autres, au contraire, émigrent réeulière- ment chaque année et, suivant les poétiques expressions de Buffon. volent sur l'aile des zéphyrs, à la suite d’un printemps éternel, c’est-à-dire s'élèvent sur les flancs des montagnes, à mesure que les fleurs de leur choix commencent à passer dans les plaines. Mais que vous dire de la magnificence avec laquelle la Nature s’est plue à parer le mâle et souvent aussi la femelle de ces char- mants Oiseaux ? J'aurais besoin de la palette Des peintres les plus renommés, Pour vous esquisser la toilette De ces bipèdes emplumés, Qui, sous les cieux les plus aimés, Etalent leur robe coquette. Chez un grand nombre, le front, la gorge, la poitrine et le crouplon sont revêtus de plumes ayant la forme d’écailles sillon- nées ; frappées d'une manière différente par les rayons lumineux. elles produisent les contrastes les plus inattendus et les plus éton- nants. Vues sous un certain jour, elles ont la teinte mate du ve- lours ; sous un autre, l'éclat le plus vif et le plus brillant. Quand le soleil les inonde de ses feux, l'émeraude, l’opale et le saphir 14 210 LETTRES À JULIE à + palissent devant leur richesse, et l'or Ini=même ne: saurait al | ser avec leur magnificence. La Nature n’a pas seulement pris soi de parer avec somptuosité ces légers enfants de Pair; elle a mis ses complaisances à varier les ornements de leur toilette. Les uns présentent sur leur tête des huppes, des panaches où des aigrettes; d’autres laissent pendre sur leur poitrine des barbes de vieillards, des rabats mélangés d’or; quelques-uns étalent sur les côtés du cou des collerettes où des fraises élégantes. Les pennes de leur queue s’éloignent souvent des formes ordi- naires. Elles sont parfois longues et étagées ; d’autres fois termi- nées en raquette, rétrécies en alène, où réduites à une étroitesse linéaire, à une sorte de crin. Combien de femmes s'enorgueilliraient d’être vêtues comme ces charmantes petites créatures! Mais vous n'avez pas à former les mêmes souhaits. Vous, qui par un rare bonheur, Recütes pour votre partage, Avec le plus charmant visage, Ces rares qualités du cœur Qui vous rendent à tous si chère, N'enviez pas les ornements Qui parent cette gent légère ; Vous avez recu pour nous plaire De plus précieux agréments! La plus somptueuse parure Ne rivalisera jamais Avec la grâce et les attraits Que vous devez à la Nature. à je FATSS LES" ALC MONS 211 LETTRE XXXI Le AE VONS _— Martins-Péêcheurs, Guêpiers — Dans ces beaux jours où la Nature Offre à nos yeux tous ses attraits, Vers l'heure où la température Nous porte à rechercher le frais, J'aime à m'arracher à l'étude Pour aller, dans la solitude, Jouir du calme et de la paix. Souvent, alors, fuyant la ville, Je vais aux bois de nos coteaux Demander un discret asile, Ou, sur les bords de nos ruisseaux, Chercher le lieu le plus tranquille, Pour entrecouper mes travaux 1 CINQUIÈME GROUPE : Les SYNDACTYLES. — Doigt médian uni à l'externe jusqu'à l'avant-dernière articulation. Une seule famille : celle des Alcyons. L ET PRES ANQUETE © dèsr( (AS D'un repos à l'esprit utile. Là, retiré sous des abris Formés par les plus doux ombrages, Tantôt je parcours quelques pages De nos poëtes favoris, Tantôt laissant, sur la campagne, S'égarer mes regards distraits, Je fais des châteaux en Espagne Qui s'écroulent bientôt après, Comme fuit un songe volage; Mais pendant le temps enchanteur Où je jouis de mon erreur Séduisante comme un mirage, Si ce n’est pas là le bonheur, Y'en est, pour moi, du moins l'image. J'étais allé hier, dans l’après-midi, me promener le long des rives solitaires dun ruisseau. J’avais pris sous mon bras, pour compagnon de route, un de ces auteurs de génie dont on ne se lasse pas de relire les écrits. Parvenu dans un lieu convenable, je m'étais assis sur la mousse, au pied d’un aulne, et, depuis un moment, j'étais tout entier à la lecture qui me captivait, quand un son léger, une sorte de frémissement, attira mon attention en la détournant du livre que javais sous les yeux. Le bruit avait été produit par le mouvement rapide des ailes d’un Martin-pêcheur, qui effleurait la surface des eaux. Vous connaissez depuis longtemps ce charmant Oiseau, que sa robe d’un bleu céleste rend peut-être le plus coquettement paré de tous ceux de nos contrées. Cet Alcyon vit principalement de Poissons, d’Insectes où de Larves aquatiques: aussi s’éloigne-t-il peu du bassin des cours d'eau, où il trouve les moyens de satisfaire son appétit. Il rase, LES MARTINS-PÉCHEURS 213 dans son vol, le cristal des ruisseaux, pour saisir à la dérobée le fretin qui s'approche trop près de la surface. L’Oiseau que j'avais vu passer près de moi me permit, dans ses allées et venues continuelles, d'étudier ses habitudes. Ancun de nos pêcheurs ne saurait lui disputer le prix de l'adresse, Avec quelle habileté je lui ai vu enlever un petit Poisson qui s’oubliait dans ses jeux, st son passage! Son bec, semblable à une pince agile et mtelligente, l’enserra et le fit glisser dans sa poche gas- trique. Mais le hasard ne se montre pas toujours soigneux de pourvoir à ses besoins ; 11 lui faut souvent attendre longtemps une occasion favorable pour avoir le menu de son déjeuner ou de son diner; de là, découle la nécessité de ce vol presque incessant, auquel loblige Ia recherche de sa nourriture. Dans ses moments de repos, ilse pose sur une branche étendue au-dessus des eaux, guette d’un œil avide les Poissons que leur mauvaise fortune amène près de lui, et, si l’un d'eux passe à sa portée, il fond sur limprudent ou le malheureux avec la rapidité du Faucon, et l’engloutit avant qu’il ait eu le temps de se douter du danger. Après la digestion, il a la faculté de rejeter les écailles etautres parties solides incapables d’être décomposées. Notre Martin-pêcheur cache son nid dans des trous situés le long des berges des ruisseaux ou des rivières; souvent il utilise les cavités creusées entre les racines des arbres par les pluies où par: les flots, ou les retraites délaissées par les Rats d’eau et autres rongeurs. Sa ponte est de six à huit œufs. Le corps de cet Alcyon exhale une odeur musquée peu agréable : il se charge difficilement de graisse, et sa chair peut sonvent être desséchée en échappant aux lois de la décomposition. Cette faculté le fait passer, aux yeux du vulgaire, pour éloigner les tei- gnes destructrices de nos draps; aussi, chez quelques marchands de nos villages, voit-on, dans ce but. un Martin-pêcheur empullé, 214 L'EPTR ESA ETE suspendu à un fil. Dans cette position, 1l passe aussi pour servir de baromètre, en tournant son bec d’une manière variable, suivant le temps. | Le Guépier \ joint à la puissance d'un vol rapide la faculté de se Jouer dans les airs avec grâce et lécèreté. Son manteau d’un roux marron passant au roux jaunâtre ; sa gorge et le devant de son cou couleur dor ; ses ailes et sa queue, d’un vert d'olive, en font un des plus beaux Oiseaux de notre pays. Il semble un voya- seur parti des contrées équatoriales pour visiter notre Midi. Il doit son nom à son genre de vie. Il est destiné à faire la euerre aux Guêpes et aux Bembex, sortes d’Hyménoptères fouis- seurs, cachant leur postérité dans des terrains sablonneux. Aussi ne s’éloigne-t-il guère des lieux dans lesquels vivent ces hexa- podes ; il les saisit au vol, ou se place près de leur retraite souter- raine, et les happe au moment où ils en sortent. Il cache ses œufs dans les galeries abandonnées par les Hiron- delles de rivage, où dans les trous situés sur les bords des ruis- sCaUx. A ce dernier groupe des Passereaux se rattachent les Oiseaux exotiques connus sous le nom de Calaos, remarquables par leur taille et surtout par leur bec arqué, gros, poreux, léger et ordimai- rement surmonté d’excroissances en forme de casque, dont Ja configuration varie suivant l’âge et les espèces. IIS habitent l'Afrique, les Indes et la Nouvelle-FHollande. Mais à quoi bon vous entretenir des Oiseaux étrangers ; ceux de notre pays suffisent et au delà pour occuper nos loisirs et pour: captiver notre esprit par l'étude de leurs mœurs et de leur mdus- trie souvent admirable. | Bec allongé, légérement courbé, épais à la Lase. Rectrices médianes plus longues que les autres. L'ESCGUÉPIERS 215 Que n’étiez-vous près de moi, quand notre Martin-pêcheur dé- ployait sous mes regards son instinct si merveilleux! Vous qui trouvez tant de charmes à prendre la Nature sur le fait, quel plai- sir lauriez-vous pas trouvé dans le spectacle qui n'était offert! C'est ainsi que, loin de la ville, loubliais, en ce lieu tranquille, La fuite rapide du temps ; Assis sur un lit de verdure, Je passais ces heureux instants Dans l'étude de la Nature, Quand cet Alcyon gracieux, Suivant l'habitude commune De ses desseins capricieux, Alla plus loin chercher fortune ; Lorsque je n'eus plus sous les yeux Cette charmante créature, Je n'éprouvai plus le désir De continuer la lecture Qui m'avait donné du plaisir : L'esprit rempli de votre image, Et captivé sur ce rivage Par mille pensers des plus doux. Je négligeai de la poursuivre : Je laissait de côté le livre, Pour ne m'occuper que de vous. d - * e s “ pe _ . - = LA \! T « Pl Hi # . _ ” = last Pa ren cmt. D pe A PS PS entier et OC Pa 7 {ID . LE ael.ef {1 rés LES PRES 2 LETTRE X XXII Lei ECS * Pics, Torcols J'ai parcouru, ce matin, Fun des chemins les plus curieux, les plus sauvages et les plus pittoresques dans lesquels on puisse Ja mais s'engager, et je pourrais ajouter, en alignant des épithètes, à limitation de Paimable madame de Sévigné, j'ai jou tour à tour des vues les plus variées, les plus singulières, les plus belles, les plus admirables, les plus étonnantes, les plus grandioses, les plus frappantes, les plus surprenantes, les plus magnifiques, les plus eflrayantes, les plus merveilleuses, les plus attachantes, les plus saisissantes, les plus inattendues et les plus émouvantes, en suI= vant la voie qui conduit de Saint-Laurent du Pont à la Grande- Chartreuse. Si je devais me borner à vous faire connaitre mes iNpressIOns de touriste, j'aimerais à vous donner, S'il était possible, une idée de 1 QUATRIÈME ORDRE : Les GRIMPEURS. — Pattes non susceptibles de préhen- sion : deux doigts devant: deux doigts (très-rarement un seul) derrière. 218 LETARRES A MULIE cette route accidentée, souvent usurpée sur les rochers perpendi- culaires qui la bordent d’un côté, tandis qu’elle domine, de l’autre, le ruisseau torrentiel du Guier, dont les eaux, souvent entravées par des obstacles, roulent ou se précipitent avec un murmure con- fus, et sont parfois encaissées dans d’affreux précipices. Mais dans cette correspondance Où je ne suis que professeur, Il faut savoir, avec prudence, . Contenir l'esprit et le cœur ; Si je cessais d’être leur maitre, Et de les guider avec soin, L'un des deux, le second peut-être, M'entrainerait un peu trop loin. Je me hâte donc d'entrer dans le domaine de la science, sans laquelle ces lettres seraient peut-être sans intérêt pour vous. Les Grimpeurs dont j'ai à vous retracer la vie sont reconnais- sables entre tous les Oiseaux dépourvus de pattes susceptibles de préhension, à leur doigt externe dirigé en arrière comme le pouce. Cette disposition leur permet de grimper etsouvent de se cram- ponner sur le tronc des arbres. Is se partagent en deux familles : les Pres l'etles Coucous. Les Pics *, grimpeurs par excellence, sont destinés à se nourrir des Larves on des Insectes qui outragent la vieillesse de nos grands végétaux. La Nature leur a donné tous les moyens de remplir cette mission bienfaisante. Leurs pieds sont courts et vigoureux ; leur tarse fait un angle droit avec la jambe ; leurs doigts robustes sont armés d'ongles forts et arqués. Leur queue, infléchie et formée de pennes à tiges solides et munie de barbes raides, leur sert, comme 1 Langue tlrès-extensible, susceptible de se projeter en avant. Rectrice externe peu visible. — Cette famille se divise en deux genres : Pic et Torcol. > Langue armée d'épines dirigées en arrière. Queue pouvant faciliter le grimper. LES PTOS 219 un arc-boutant, à les soutenir dans leur marche ascendante. Leur bec allongé, cannelé dans sa longueur, rétréci à l'extrémité en forme de coin ou de ciseau, semble construit tout exprès pour leur permettre d'entamer et de fendre les troncs des arbres, dans les quels se cachent des Vers rongeurs. Leur col court et pourvu de muscles puissants prête son concours à cet instrument de travail. pour lui permettre de frapper avec vigueur. Leur langue, longue. effilée etextensible, est terminée par une pointe osseuse où cornée, bien propre à percer et à embrocher les Larves dont ils font la rencontre ; elle est armée de chaque côté, vers son extrémité, de petites épines crigées en arrière pour retenir la proie qui leur est échue; des glandes salivaires limbibent d’une humeur visqueuse pour concourir au même but. Cette langue peut, comme la lance de nos soldats, être vivement projetée en avant, et reprendre sa place habituelle, grâce aux muscles puissants chargés de la retirer. Les Pies sont de mauvais voiliers : à quoi leur serviraient de rapides ailes ? Ils se bornent à aller, d’un vol ondulé, chercher! d'arbre en arbre, leur nourriture; à se promener, pour ainsi dire, dans leurs domaines. Ils ne s’éloignent pas des lieux boisés. Is ont le naturel sauvage, l'air inquiet, les mouvements brns- ques ; dans la colère ou l’effrot, ils hérissent à moitié les plumes de leur tête. Quand ils grimpent, ils frappent de leur bec le tronc de l'arbre, sans doute pour reconnaitre, au son produit, si l'écorce est détachée de laubier, et s'ils ont, par là même, une bonne fortune à espérer. Peut-être leur odorat contribue-t-il à les guider dans leurs re- cherches. Souvent, après avoir donné un coup au trone, ils se portent de l’autre côté, soit pour voir si le mouvement imprimé à arbre n'aurait pas fait sortir quelque Insecte, soit pour donner le temps de se montrer au dehors à la Larve cachée dans l'écorce quils ont attaquée; puis, quand ils reviennent à leur première 220 LETTRES? MOTTE TE place, si la proie ne s'offre pas à leurs veux, ils ont bientôt déchiré les couches corticales, et trouvent le moyen de l’atteindre dans la retraite où elle se croyait en sûreté. On s'est demandé souvent si ces Oiseaux étaient nuisibles ou utiles aux forêts. La question semble facile à résoudre. La Provi- dence n’a pas entièrement abandonné nos arbres à la voracité des Insectes et de leurs Larves. Elle a chargé les Pics de décimer ces races lignivores ; un instinct particulier guide nos Grimpeurs vers les végétaux séculaires attaqués par les Vers rongeurs. Que fe- raent-ils sur les arbres sains? Ils n’y trouveraient pas la récom- pense de leurs peines. Il faut donc considérer comme un bienfait la création de ces chasseurs empennés. Nulle part, peut-être, il n’est plus facile qu'ici de reconnaitre la mission providentielle de ces Oiseaux à tête écarlate, Le Pre vert, le Pic noùr, le grand et le petit Epaiche, agréablement variés de noir et de blanc, semblent s’y être donné rendez-vous. Les sapins dans la force de l’âge ne portent aucune trace de leur passage ; mais les troncs frappés par la foudre ou prêts à périr de vieillesse sont souvent criblés des trous faits par eux. Les Pics font leur nid dans le cœur des arbres cariés. Ni les pluies et le temps n'ont pas formé une ouverture extérieure, le male et la femelle en ont bientôt pratiqué une, et creusé un trou assez profond pour y mettre leur famille en sûreté. Ils y pondent quatre à six œufs. Quoique rivaux par leur genre d'industrie, et obligés de vivre isolés les uns des autres, ces Oiseaux s'entr'aident dans le besoin avec un empressement qui souvent ferait honte à notre espèce. On ne peut lire sans intérêt l'histoire touchante rapportée à ce sujet par M. Servaux !, Ce naturaliste, en bouchant le trou d'un arbre {Annales de la Soc. Linn. de Lyon, & VII, 1860, p. 150. LES PFCS caverneux dans lequel étaient cachés les œufs d’un Pie vert, avait, sans s’en douter, rendu prisonnière la femelle, occupée aux de- voirs del’incubation. Le mâle, pour hâter la délivrance de sa com- pagne, avait réclamé le concours de lun de ses semblables, et celui-ci était venu aussitôt lui aider à pratiquer une ouverture. pour rendre la liberté à la captive. Ces bûcherons mettaient, lun après l’autre, tant d'ardeur à ce travail, qu'ils se seraient presque laissé prendre sur le faut; la femelle, de son côté, frappait avec vivacité, pour concourir à atteindre plus vite le but désiré. L’en- lèvement de la pierre qu boachait l'ouverture mit fin à leurs pemes et leur rendit à tous la joie et le bonheur. Ge Pie n'est pas rare sur les bords, garnis d'arbres, des biez des usines, principalement des moulins. Sa voix forte etretentissante, quiljette parfois au vent, dans son vol, lui a valu le nom d’Az0- cal de meumer \. Get Oiseau tenait un des premiers rangs dans les auspices. Les habitants des campagnes cherchent encore, dans les modifications de son cri, des indices sur les changements de température. Ce Pic décrit ordinairement des spirales en grimpant sur les arbres. On le voit moins rarement à terre que ses congénères. Si ses recherches sur nos grands végétaux ont été infructueuses, il s'accroupit près d’une fourmilière, y introduit sa langue gluante où lallonge sur le chemin que suivent ces Insectes, et la retire bientôt garnie des individus qui s’y sont encollés. Le froid engour- dit-il ces petits animaux, où la température, trop basse, les re- tient-elle dans leur retraite, l'Oiseau dissémine, avec une sorte de colère, l'édifice de ces laborieux travailleurs et fait un carnage { On l'appelle aussi Procureur des meuniers, parce que son crisemble annoncer la pluie, qui remplit d'eau les écluses des moulins. Les Anglais, par la mème raison, l'ap- pellent Oiseau de pluie. 222 LETTRES À JULIE de ces Hyménoptères et de leurs Nymphes, connues sous le nom d'Œufs de Fourmis. Le Torcol? appartient à la famille des Pics par sa langue ex- tensible et enduite d’un suc visqueux ; mais elle est dépourvue des petites épnes dont celle de ces Oiseaux est munie. Il grimpe sur les arbres presqu'à la manière de ces derniers: mais sa queue, mu- tile pour une progression ascendante, peut s'épanouir en éventail. Le Torcol doit son nom à l'habitude singulière de tourner le cou en tous sens, en produisant des mouvements onduleux, à la manière des Reptiles. Dans ces sortes de crises, qui semblent pro- duites par l'effroi et dues à une cause nerveuse, il tient la tête renversée vers le dos et les veux à demi fermés. La Nature semble hu avoir fourni ce moyen pour effraver ses ennemis. Cet Oiseau vit solitaire, se nourrit principalement de Fourmis. qu'il attrape en dardant dans les nids de ces Insectes sa langue visqueuse et très-extensible : 11 niche, comme les Pics, dans les troncs des arbres caverneux. La graisse dont son corps se trouve chargé, en automne, le rend alors un excellent gibier ; aussi, dans quelques localités, Ini donne-t-on improprement le nom d’Ortolan. En voilà bien assez pour aujourd’hui ; ne soyez pas jalouse si Je vous quitte pour admirer la Nature grandiose que j'ai devant Mol, Guidé par mon goût pour l'étude, J'ai porté mes pas curieux Dans cette chère solitude, Où tout élève l'âme, où tout frappe les yeux. Au sein de ces bois séculaires Peuplés de tant d'Oiseaux divers, ! Lunique Sans épines. Queue pouvant s'étaler, impropre à faciliter le erimper. L'HS TP TES Dont quelques échos solitaires Peuvent seuls répéter les airs, J'ai voulu suivre l’industrie De la plupart de ces Grimpeurs Dont je vous esquisse la vie. Mais dans les moments où j'errais Sous ces longs dômes de verdure, En demandant à la Nature De me dévoiler ses secrets, Le souvenir m'offrait vos traits Et votre gracieuse image ; Je vous voyais sous le feuillage Et je me croyais avec vous: En fallait-il donc davantage, Pour me faire, en ce lieu sauvage, Trouver les plaisirs les plus doux ? LES GOUGOUS tÙ © Ct LETTRE KXXXTII INISSUNONCRORGREAUE Vous, qui recûtes en partage, Avec l'esprit et la beauté, Les grâces et la dignité, Et le jugement le plus sage : De la Nature, enfant sâté, Vous qui, par un rare avantage, Possédez, par hérédité, Cette délicatesse exquise, Ce goût parfait et si vanté, Par lesquels on se sent porté Vers tous les genres de beauté Dont notre âme peut être éprise, Laissez-vous un jour égarer Dans cette chaîne montagneuse : Venez voir, venez admirer Les champs de la Grande-Chartreuse. e Je n'ai pu résister au désir: d'y prolonger mon séjour. Accondé tout à l'heure sur la fenêtre de ma cellule, je contemplais le 15 L EM PPRE SA RUE tŸ © tableau déroulé devant moi. Le désert était plongé dans un silence pareil à celui du tombeau ; la lune, dans tout son éclat, prêtait à la nuit un attrait particulier. Ma vue se promenait tantôt sur les sombres bois de sapins qui couvrent, Comme un manteau, les flancs de la montagne : tantôt elle s'élevait vers ce grand Somi, dont la cime chenue semble soutenir lt voûte des cieux. Mon ima- oination se laissait aller à tous les caprices de ses rêveries : j'étais dans l’extase et le ravissement ; jaurais, je crois, oublié le monde, si votre pensée ne m'y avait rappelé. J'avais vu et entendu, dans le courant de la journée, quelques- uns des Grimpeurs dont il me reste à vous parler, et j'ai eu Pidée de profiter de cette belle soirée pour vous raconter leur histoire. Les Coucous ! sont connus de tout le monde par le chant sonore et particulier dont leur nom est une imitation. Contrairement aux autres Oiseaux, au lien de prendre le som de construire un nid et de couver leurs œufs, ils laissent ce souciet cet embarras à divers petits Passereaux. Dans cette pensée, ils épient les manœuvres des Fauvettes, des Pinsons, des Traine-buissons et autres espèces de petite taille ; au moment où ces Oiseaux sont occupés à préparer le berceau de leur famille, et quand ce dernier est achevé et que l’ouvrière de cette couchette a commencé à y pondre un œuf où deux, la femelle du Coucou vient en ajouter un autre. | Ce dépôt, je n’ai pas besoin de vous le dire, doit être fait à l'insu des parents possesseurs du nid: ils ne doivent pas se douter: de la fraude, car Nul d'entre eux n'aimerait peut-être A caresser avec amour, L Langue non extensible. Queue lonvue, élagée. MSA OMICOIUIS te (AY + A nourrir volontiers un être Qui ne leur devrait pas le jour. La femelle du Coucou s’y prend, pour cela, d’une manière très- adroite, Elle pond à terre un œuf, le prend ensuite à son bec, et, en le tenant ainsi, vole autour du lieu dans lequel il doit être placé ; puis, sitôt que les petits Oiseaux aux soins desquels elle veut le confier se trouvent éloignés, elle le laisse tomber dans leur uid, qu'elle effleure d’une aile rapide. ; Quandon tue, au printemps, une femelle de Coucou préoccupée du soin de déposer son œuf, ce dernier glisse ordinairement dans le gosier, quand le plomb meurtrier vient la frapper, et cette ob servation aura suffi pour fre accuser mjustement ces Grimpeurs de manger les œufs des autres Oiseaux. La Nature semble se prêter elle-même à favoriser la super- cherie qu'emploie la femelle du Coucou, en réduisant les œufs de cet Oiseau à la faible grosseur de ceux des Passereaux chargés d'en prendre soin, et même, dit-on, en leur donnant des couleurs et des taches analogues à celles des œufs de ces derniers. Le jeune Coucou, au sortir de sa prison, ne tarde pas à devenir plus gros que ses jeunes compagnons, et gêné par ceux-ci dans sa couchette, il trouve le moyen de se mettre à l'aise, en jetant hors du nid, par ses mouvements, un où plusieurs de ceux qui l’embarrassent. Il peut, de la sorte, rester quelquefois seul héri- ter de la tendresse de ses parents adoptif. Peut-être seriez=vous tentée de vous récrier contre l'abandon cruel dans lequel nos Coucous laissent leurs petits : Xe leur faites pas cette injure : i.es plus nobles des animaux, Les Mammifères, les Oiseaux, Ont tous recu, je vous le jure, 228 LETTRES A JULIE Une tendresse sans mesure Pour ceux qui leur devront le jour, Et dans la moindre conjoncture, Ils font preuve de leur amour. Le Rossignol, sous la verdure, La Tiscresse, dans les forêts, Montrent chacun les soins parfaits Que leur suggère la Nature : Quelle mère pourrait jamais Délaisser sa progéniture ! Les petits de nos Coucons ne sont donc pas abandonnés, mais seulement mis en nourrice. Dès qu’ils sont assez forts pour essayer de faire usage de leurs ailes, les parents véritables, qui ne les ont pas perdus de vue, les reprennent avec eux, pour faire leur éducation. Les Coucous viennent dans nos pays au printemps, et nous quittent vers la fin de l'été. Nous leur devons de nous débarrasser d'une partie des Chenilles poilues dédaignées par beaucoup d’autres Insectivores emplumés. Quand la digestion de ces Larves est achevée dans leur estomac, ils en rejettent les dépouilles, dont ils ue pourraient tirer parti. « Les ornithologistes se bornent à citer une, où tout au plus trois espèces de Coucous visitant la France chaque année; mais, au dire de quelques naturalistes qui se prétendent bien imstruits, Ce genre, en espèces abonde, Et ces malencontreux Coucous Sont bien plus nombreux dans le monde Qu'on ne le pense parmi nous. Un Oiseau africain de cette famille à recu le nom d'Zrdica- leur, en raison de ses habitudes. Il se délecte du miel des Abeilles LES, C'OUCOU:S 22€ sauvages; en cherchant sa nourriture, 1l pousse des cris retentis- sants, et met ainsi l'Homme sur la voie du lieu oùse cachent ces Hyménoptères. La Nature a favorisé ce Mellivore en lui donnant ti COrps cuirassé d’une peau assez dure pour lui permettre de braver la colère des Insectes auxquels il dérobe leurs trésors, et de se jouer de leurs piqüres. Pendant que je vous écris, la nuit poursuit sa marche tranquille : mais le Hambeau qui me prêtait sa lumière touche à sa fin et me force à songer au repos. Si jamais il vous prend envie De venir visiter ces lieux, De porter vos pas curieux Vers cette retraite bénie, Choisissez-moi pour conducteur Dans ce charmant pèlerinage ; Avec quel plaisir, quel bonheur, Je ferais un pareil voyage ! Le désert, revu par vos yeux, M'offrirait des grâces nouvelles, Et de ses beautés naturelles, Je le sens, je jouirais mieux. Pa À ; h , # LS “ ï ' L i 4 2 z : : = L + - : CS = ' : Ï 2 s “ 3 ' _ le n 0 = CR L , : ; He 1 LA } D ' ; … = : “ _ ; ea . =. 1 : ar e . : L t =, 11 LE ïd = à. " h Î LZ + x - { Ê 4 Fe ! à L'ESSCO LOMPBES 231 : LETTRE XXXIV LES COLOMBES! — Pigeons, Tourterelles, etc. — Je dois aujourd'hui, mon amie, Vous retracer, dans mes tableaux, Les habitudes et la vie De ces doux et charmants Oiseaux Auxquels déjà, je le parie. Votre cœur Si plein de bonté Porte une grande sympathie, Car ils ont, dès l'antiquité, Dans notre esprit passé sans cesse D 'CINQUIÈME ORDRE : Les GALLINACES. — Patles non susceplibles de préhen- sion. Doigts ordinairement au nombre de quatre, libres ou seulement unis à la base par une courte membrane. Janbes emplumées. Narines recouvertes par une écaille cartilagineuse, où percées dans une membrane voûtie, On les divise en deux sous- ordres : 1° Les PassertGALLes Colombes: Doigts libres. Pouce inséré au niveau des autres doigts. > Les GALLINACÉS proprement dits: Doigts unis à la base par une courte mem- brane. Pouce inséré plus haut que les autres doigts. . LÉMTPR ES ANMURTE Pour des modèles de tendresse, D'amour et de fidélité. Les Colombes sont, en général, d'une nature indolente et semblent se balancer en marchant. Elles sont certainement les Oiseaux les plus remarquables par l'expression de leur tendresse, N'avez-vous pas observé avec quel empressement, avec quels témoignages de joie, de satisfaction et d'amour, le mäle se pré- sente devant sa compagne? On voit qu'il subit Pinfluence de ce sentiment que les poëtes ont personmfié, et que, sans vous en douter, vous savez si facilement inspirer. Lorsque d'un trait de son carquois L'Amour s'est rendu notre maitre. Et nous à soumis à ses lois, Sans que nous y songions peut-être, L'objet aimé peut reconnaitre L'effet de son pouvoir vainqueur : La voix, les yeux, l'air du visage, Tout semble en nous prendre un langage Pour manifester notre ardeur ; Et dans cet état de servage, Un mot, un rien, une simple rougeur, Il n’en faut Jamais davantage Pour trahir bientôt notre cœur. Les témoignages d'amour des Colombes varient suivant les espèces. Ainsi, le mâle de la Tourterelle, en s'avançant vers sa compagne, s'incline jusqu'à plus de quinze fois devant elle, en abaissant son bec jusqu'à terre. Le Pigeon, en saluant aussi la sienne, piafle et tourne en rond autour d'elle. Les uns et les autres ont pour but de se donner des gräces. LES COLOMBES 233 Quand on est épris, on veut plaire A l'objet qui nous a charmé, Car rien n’est plus doux sur la terre Que de pouvoir se croire aimé. Ces Oiseaux, si pleins de sentiment, savent jomdre la voix aux gestes. Ils font entendre un roucoulement où une sorte de chant, produit par l'air engouffré dans leur jabot, et qui vibre d'une manière sonore en passant par les voies étroites du larynx. Il ne manque ni d'expression, ni d’une certaine douceur, mais il fatigue bientôt par sa monotonie. Celui de la Tourterelle à quelque chose de langoureux qui le rapproche du gémissement. S'il vous arrive quelquefois D'entendre ainsi la Tourterelle Fatiguant les échos des bois De sa plaintive ritournelle, Au lieu de prendre pitié d'elle Et de gémir de sa douleur, Songez que sans doute elle appelle Ou qu'elle chante son bonheur. Les Colombes passent à bon droit pour servir de modèle aux époux. Le mâle ne borne pas ses soins à aider sa compagne dans la construction du nid, il partage avec elle les ennuis de lincu- bation. Ces Oiseaux ne déposent jamais que deux œufs dans le ber- ceau destiné à loger leur famille. Le premier pondu donne tou- jours naissance à un mâle; le second, à une femelle !. Quand les petits sont éclos, ils n’ont pas, comme ceux des i Cette observation, connue dejà du temps d'Élien (ÉLIEN, AHist. diverses, trad. par Dacier, p. 11, Paris, 1827}, a été confirmée par les naturalistes modernes. LETERES. À JULIE LS . 22 [en Poules, le corps revêtu de duvet; mais la tendresse de leurs parents vient en aide à leur nudité ; Car la prévoyante Nature Leur inspire aussi bien qu'à nous, Pour leur chère progéniture, Les soins attentifs les plus doux. . IS couvrent de leur corps leurs nouveau-nés, pour les protéger contre la froidure , et, pour les alimenter, ils dégorgent dans leur bec une nourriture déjà macérée dans leur jabot. Les pays lointains, surtout les chaudes contrées du globe , offrent à nos études diverses espèces de Colombes qui se rap- prochent de certains Gallinacés par les longues plumes de leur cou et par les caroncules dont leur tête est ornée. Plusieurs vivent en troupes, et se réunissent, à l’époque de leurs migra- tions, en bandes assez nombreuses pour obscurcir les rayons du soleil pendant des heures entières, à l'instar des Sauterelles de passage. Dans notre pays, les Colombes suivantes sont les plus connues : Le Ranier où Pigeon des bois construit sur les grands arbres un nid large et aplati. Dans les forêts, il dispute aux Geais les faines et les glands que recherchent ces derniers. IIS nuisent aussi à quelques-unes de nos récoltes, à celles des colzas surtout : et pendant lhiver, à défaut d'autre nourriture, ils mangent les cœurs de ces plantes, et détruisent ainsi à lavance les espé- rances des fruts qu'ils auraient produits. Un certain nombre de ces Oiseaux se sont établis dans les jardins des Tuileries et du Luxembourg, et y sont devenus assez familiers pour venir prendre dans la main la nourriture qui leur est offerte. Le pehit Raïier où Colonbir, dont les mœurs sont analogues à celles du précédent, “5e DLL LES PIGEONS 239 Le Biset, qui semble là souche de nos Pigeons domestiques. La Zonrterelle, vivant dans les bois comme les Ranners: Prise jeune et élevée dans nos maisons, elle + devient parfois assez familière ; mais si Pun de ces tendres époux vient à périr. l'autre ne turde pas ordinairement à le suivre. Quand on s'est aliné dans la vie. Quand on a, près de Son amie, Pu compter des jours de bonheur. On se sent brisé de douleur Si le Temps, du bout de son aile, Vient détruire des nœuds si doux : Alors, au lieu d'être cruelle, La mort est un bienfait pour nous ! Les Pigeons pourraent à eux seuls fournir le sujet d'un long chapitre; mais je dois me borner à esquisser leur histoire. Ceux de nos volières réclament des soins, pour donner des produits plus abondants. TIS aiment un colombier placé sur un lieu élevé, blanchi à Pextérieur, tenu proprement en dedans. pourvu d'un nombre suffisant de casiers dans lesquels ils puis- sent bâtir leurs nids. Leur demeure doit surtout être préservée de la visite des Fouines, des Belettes et des Rats, leurs mortels ennemis. Les Pigeons ne sont pas de véritables Oiseaux domestiques : maus ils consentent volontiers à être nos hôtes, et à nous récom- penser de nos soms , Si nous avons pour eux les attentions néces- saires. Quand ils se trouvent mal, ils abandonnent notre toit, el souvent pour n'y plus revenir. Certaines variétés veulent trouver leur nourriture dans le colombier, d’autres savent Paller cher- cher au lom. Dans lPOrient, amour a souvent réclamé le service de ces 230 LETTRES A JULIE voyageurs aériens pour faire parvenir à l’objet aimé des mis- sives secrètes où mystérieuses. Dans notre pays, la cupidité en a fait autant pour favoriser la fortune dans les chances des loteries ou dans les jeux de Bourse. Si je pouvais avoir l'adresse D'employer ces Oiseaux légers, Comme d'utiles messagers Tout prêts à m'obéir sans cesse, Chaque jour, j'utiliserais La rapidité de leurs ailes Pour obtenir de vos nouvelles Ou pour vous porter mes souhaits. Les Pigeons sont employés quelquefois, comme les chevaux de course, à des paris plus où moms importants. N'’avez-vous jamais vu, dans nos villes, des troupes de ces Oiseaux , appartenant à divers intéressés de la Belgique ou de la Hollande, rendues publiquement à la liberté, par l'autorité locale, à une heure indiquée à l'avance? Le meilleur voilier, celui qui regagne le plus promptement son gîte, devient, pour son heureux possesseur, le sujet d’un bénéfice et d’un triomphe. Mais vous savez, par le charmant récit de La Fontaine, com- bien de dangers ils courent dans leurs voyages ! Si j'avais un Jour l'espérance De pouvoir vivre près de vous, De jouir du plaisir si doux Qu'on éprouve en votre présence, D'avoir part à ces entretiens Où votre esprit, votre génie, Savent, et souvent à des riens, Préter une grâce infinie. LES PIGEONS 237 Où vous laissez percer toujours, Jusque dans vos moindres discours, Ces belles qualités de l'âme, Ces trésors d’un cœur sans détours Qui nous charment dans une femme : Jamais une inquiète humeur Ne me ferait, veuillez le croire, Compromettre un pareil bonheur, Comme le Pigeon voyageur Dont vous savez la triste histoire : :Trouverais-je sous d’autres cieux Un destin plus digne d'envie ? Et n’aurais-je pas dans ces lieux Tout ce qui flatte dans la vie? + _ L = À w 4 PC: d- ire he ges NC DT nb din pu À ” 2 rss clua % More Î A ALAIN vas . #4 L Nés sa à 4 DA 4 rl ESA TÉEUNXS 230 LEPRRE XEXV SERIES € _ Coqs de Bruyère, Gelinottes, Lagopèdes, etc. Parmi les mille Oiseaux divers Dont on peut passer la revue, Les uns, d’une aile soutenue, Effleurent le cristal des mers : D'autres voltigent dans les airs Ou s'élèvent jusqu'à la nue; Ceux dont je vais, dans mes portraits, Ésquisser aujourd'hui les traits, Sont loin d’avoir cette énergie : Presque tous ils sont assez lourds, Et quelques-uns traînent leur vie Au milieu de nos basses-cours : La Providence toujours sage, En les plaçant auprès de nous, Les réserva pour notre usage, Pour nos besoins et pour nos goûts. ! Les GALLINACÉS proprement dits. — CARAGCTÈRES : Doigts unis à la base par une courte membrane, Pouce inséré plus haut que les autres doigts. 210 LETTRES A JULIE Dieu, dans sa bonté pour l'Homme, semble avoir destiné à vivre sous notre dépendance un certain nombre des Oiseaux de cet ordre, que leur analogie avec notre Coq à fait nommer Galli- naAcés. Et voyez combien il semble en avoir coûté peu à sa toute- puissance pour en faire des animaux domestiques. Il lui a suffi d'alourdir leur corps, de raccourcir leurs ailes, d’échancrer le ster- num de chaque côté, et d’affaiblir ainsi la puissance des muscles chargés de faire mouvoir ces organes, pour en faire des êtres peu disposés à se servir de ces rames aériennes, et peu tentés, par conséquent, de se soustraire à l’esclavage. Aussi, quand nous pour- suivons une Poule, se prend-elle d'abord à courir ; si nous la pres- sons davantage, elle se sert de ses ailes pour rendre sa fuite plus active; puis, elle ne se décide à prendre son vol qu'au moment où elle se voit sur le point d’être saisie. Les Gallinacés ont leurs trois doigts antérieurs unis à la base par une courte membrane constituant de faibles entraves. Is offrent une certaine analogie avec les Colombes ; mais quelle diffé- rence dans l’expression de leurs sentiments et dans leurs habi- tudes ! Ne cherchons plus chez eux cette tendresse conjugale dont nous avons admiré la fidélité dans nos Pigeons, ni cet empressement du male à seconder sa compagne dans ses occupations maternelles. n étudiant les mœurs de plusieurs de ces Oiseaux, on se croirait transporté dans une de ces cours orientales dans lesquelles un sultan se voit entouré d’un certain nombre de belles esclaves W'ayant d'autre occupation que celle de lui plaire. Ne régner que par la puissance Sur celle qui sait nous charmer Est-ce done une jouissance ? Est-ce là le plaisir d'aimer ? LES 'GALELINACEÉS 241 Non, non, l’amour dans la contrainte Ne peut exister un instant; Il meurt de suite en tremblotant Quand il est troublé par la crainte. Pour trouver par lui le bonheur, Il faut posséder l’art de plaire, Il faut savoir gagner le cœur De la beauté qui nous est chère. Le larynx mférieur des Gallinacés est simple et a peu de part à la production des sons ; aussi aucun d’eux ne possède-t-il un chant propre à captiver nos oreilles par ses agréments ; mais plusieurs de ces petits sultans emplumés ont une voix sonore et assez retentis- sante pour révéler leur tyrannique pouvoir. Ces Oiseaux sont principalement granivores. Ils ont un jabot dans lequel les graines sont reçues pour y être humectées et ramollies, et un gésier pourvu de muscles dont les fibres tendineuses constituent un puissant moyen de trituration. Le broïement des matières ingérées est, en outre, facilité par des grains de sable, qu'ils ont le soin d’avaler. Je ne vous ai pas encore parlé de la robe et des parures de ces Oiseaux, et cependant c’est un chapitre auquel votre sexe attache ordinairement une certaine importance. Leur queue a le plus sou- vent de quatorze à dix-huit pennes, et, dans la saison où ils doivent chercher à plaire, plusieurs mâles présentent, sur quelques parties de leur corps, des ornements sur lesquels nous reviendrons. Tous ces Gallinacés sont un bon manger; plusieurs ont même une chair très-recherchée; et nous devons rendre grâces à la Providence de la fécondité dont ils sont doués’; ils pondent géné- ralement un bon nombre d'œufs, et la plupart des petits, en sortant de la coque, peuvent se passer d’une partie des soins de leurs parents. 16 LETTRES. ArNULTE (AS ae (A On trouve, en France, à l’état sauvage, quatre familles de ces Oiseaux ! : les Tétras, les Gangas, les Perdrix et les Faisans. Nous avons, en outre, quelques espèces originaires d’autres con- trées, qui vivent près de nous, dans un état de servage. Je vais vous parler de la première de ces familles. Les Tétras* ont le bec garni de plumes à la base; leurs panta- lons descendent jusque près des doigts de pied, et couvrent quel- quefois ceux-ci ; ils portent une bande soureilière nue, verruqueuse et de couleur écarlate. Ces Oiseaux se plaisent dans les zones froides on tempérées, habitent principalement les montagnes, surtout celles dont les sapins couvrent les flancs de leur sombre verdure ; plusieurs re- cherchent même ces chaines alpines dont les sommets crénelés semblent parfois se perdre dans les cieux. IIS se cachent dans les taillis, les forêts ou les bruyères, se nourrissent de bourgeons, de baies et d’Insectes; ils ont le vol court et rapide , et montrent une livrée différente, suivant l’âge ou le sexe. | Tous sont connus des gourmets, et malheureusement le haut prix que ceux-ci mettent à les obtenir allèche depuis longtemps les braconniers, et rend ce gibier plus rare de jour en jour. Cette famille comprend les Tétras proprement dits et les Zago- pèdes. Les premiers * sont polygames, et Dieu sait les combats que les 1 A, Tarses au moins en partie couverts de plumes. Bec emplumé dès la base. B. Tétras, bande sourcilière nue et papilleuse, couleur écarlate, BB. Ganga, bande sourcilière garnie de plumes non rouges. AA. Tarses glabres. C. Perdrix, queue courte, penchée. CC. Faisan, queue longue et étagée. 2 Bec emplumé dès la base, Tarses au moins en majeure partie couverts de plumes. 5 Doigts à bords pectinés; les trois antérieurs nus. LES MPIUROREATS 24: LR males ont souvent à soutenir au printemps, pour jouir de leurs droits de pachas. Je me bornerai à vous dire quelques mots des trois espèces de notre pays. Le Tétras Urogalle ou grand Coq de bruyère est, après l’'Outarde, le plus volumineux de nos gibiers. C'est un Oiseau magnifique, à manteau noir irisé de reflets verts et bleus, qui don- nent à son costume une couleur chatoyante et un certain éclat. Le feu de ses yeux suffit pour révéler son énergique nature. Le petit Tétras a des habitudes analogues à celles de ce dernier. La (relinotte se rapproche de la Perdrix rouge par la couleur de son corsage. Comme les deux espèces précédentes, elle se tient principalement à terre; mais, dans les moments de danger, elle cherche un refuge dans les branches les plus fourrées des sapins, et y reste accroupie en silence, bravant ainsi la poursuite du chasseur. Pendant l'été, elle vit de diverses graines: elle recherche les mûres et surtout les fruits aigrelets et sucrés de Pairelle, qui con- tribuent à donner à sa chair un parfum particulier. En hiver, ses doigts robustes et pectinés lui servent à gratter la neige, à y cher- cher les graines de genévrier éparses sur le sol, à déterrer les Fourmis où à dénicher les Insectes cachés dans la mousse. Les Lagopèdes !, destinés à vivre à des altitudes plus élevées et où le froid se fait sentir plus vivement, sont gantés jusqu'à la base des ongles. Chargés d'animer les tristes lieux où les Mar- mottes trainent leur misérable existence, où la terre, couverte de neige pendant une partie de l’année, n’a plus la force de nourrir de grands végétaux, 1ls ont des pieds peu propres à se percher et plus plats que ceux des précédents Oiseaux. Ils nous plaisent mieux sous un autre rapport : 1ls ont banni de leurs lois la poly- 1 Doigts non pectnés; entièrement vèbus. 244 LETTRES À JULIE gamie en usage chez les précédents, pour adopter le régime des unions régulières. Aux approches des froids, les Lagopèdes quittent leur robe de noce, pour se parer d'une livrée blanche comme celle de l’her- mine. Vous devinez en cela Pattention prévoyante de la Nature. Aussitôt que dans nos climats Le vent glacé de la Norwége Ramène avec lui les frimas; Quand l'hiver déjà nous assiége, D'un manteau blanc ils sont vêtus. Pour empêcher que sur la neige Ils ne soient trop vite apercus. Je voulais vous parler des Gangas !, reconnaissables à leurs pantalons écourtés, à leur bande sourcilière n'ayant plus la couleur du feu. Mais nous n’en avons, en France, qu'une seule espèce, connue sous le nom de Gelinotte des Pyrénées. On la trouve dans les plaines caillouteuses de la Crau et de quelques autres parties voisines de la Méditerranée; encore y est-elle assez rare. Chez les Oiseaux, c’est comme chez nous; il est des types qu'il est difficile de rencontrer. A ce propos-là je pourrais Citer une aimable personne, Qui, par ses grâces, ses attraits Et par la beauté de ses traits, Semble un de ces chefs-d’œuvre rares, Dorit les cieux toujours trop avare Ne prodiguent pas les portraits. 1 Point de bande sourcilière nue et rouge. Doigts nus. Turses en partie sans plumes. LES. PERDRIX 245 LETTRE XKXXYVI EPS PRE DELX — Perdrix, Cailles — Nous voici arrivés, par l’ordre des choses, à ces charmants Gallinacés, dont le nom seul suffit pour animer le regard d’un chasseur et pour faire épanouir la figure de tout ami de la bonne chère. Ai-je besoin de nommer les Perdrix et les Carlles? Tous ces Oiseaux ont la démarche gracieuse, lœil vif, les pieds agiles, le vol lourd, mais assez rapide, et peu prolongé. Faits pour vivre dans les plaines, sur les coteaux où sur les montagnes peu élevées, ils n'avaient pas besoin, comme les Lago- pèdes , d’avoir les pieds revêtus de fourrures; aussi, leurs pan- talons s’arrêtent-ils au bas de la jambe, en laissant tout le tarse dégarni de plumes. La Nature, qui les a destinés à vivre sur la terre plutôt qu'à se percher, leur à donné une robe dont la couleur prin- cipale se confond sans peine avec celle du sol; mais elle en à 1! Tarses glabres, Queue courte, penchée, 246 LETTRES A JULIE nuancé les diverses teintes avec tant d'harmonie, que leur cos- tume ne manque pas d’agréments. Ces Oiseaux se nourrissent de graines, de Vers, d'Insectes, et au besoin d'herbes. IIS aiment à venir, après la moisson, dans les terres dépouillées de nos graminées les plus précieuses, glaner les grains de blé que le vent où d’autres causes ont fait couler des épis. Tous nichent à terre et pondent un grand nombre d'œufs. Ils ne changent de plumes qu'une fois dans l’année , et les jeunes ont une livrée particulière jusqu'à leur première mue. Ces Gallinacés, au moins durant les beaux Jours , s’éloignent peu des lieux qui les ont vus naître. Ils ont les pieds agiles, et réclament d'abord leur secours pour échapper aux dangers dont ils sont menacés ; ils montrent une certaine paresse à faire usage de leurs organes du vol. Malgré les liens évidents qui unissent tous ces Oiseaux, il existe dans leurs signes extérieurs et dans leurs habitudes des motifs suffisants pour séparer les Perdrix des Cailles. Les premières ! sont parées d’une bande soureilière rouge. Elles ont moins d’inconstance dans leur caractère et dans leurs ooûts. Elles sont monogames et contractent des unions d’une fidé- lité inaltérable, au moins pendant une année; elles ont un esprit de famille qui manque aux autres : les jeunes ne se séparent pas de leurs parents, et forment avec eux des compagnies plus ou moins nombreuses, jusqu'au moment où le dieu de l'Hyménée les appelle à contracter des unions. Elles n’ont pas surtout la déman- geaison de voyager qui tourmente les Cailles. Aussi, pour leur ôter lPenvie de nous quitter, la Nature leur a-t] Les mâles montrent sur leur tarse un tubercule osseux, pre- mière ébauche de l’ergot dont nos Coqs sont armés. Les Perdrix de notre pays les plus connues sont la Grise et la Rouge. Les amateurs sont aussi partagés pour accorder leur préférence à celle-ci où à celle-là que les amis du beau sexe, pour donner la palme à la brune ou à la blonde. La Perdrix grise est la plus répandue; elle est facile à recon- naitre à son plumage bariolé. Dès le mois de février, ces Oiseaux commencent à se recher- cher. La femelle fait entendre des notes d'appel qui lui ont valu le nom de Chanterelle. Besom n’est de vous dire que les mâles s’empressent d'accourir, et celui qui a l’art de plaire devient l'époux de la chanteuse. Vous m'avez plus d’une fois fait comprendre l'empire que votre sexe peut exercer sur le nôtre par le charme d'une voix mélo- dieuse : Le chant que produit une femme A quelque chose de si doux, Que souvent on se sent, quand il vient jusqu'à nous, Remué jusqu'au fond de l’âme. À la fin d'avril ou au commencement de mai, ces Perdrix com mencent à pondre; lincubation dure vingt et un jours. En juin, tous les petits sont éclos : de là le proverbe connu de tous les chasseurs : A la Saint-Jean Perdreaux volants. Ceux-ci sont dits s2aillés, quand les plumes grises des côtés du cou ontété remplacées, en septembre, par d’autres plus vivement 248 L PAPMREISN AC HUILE colorées ; mais il leur faut le mois d'octobre pour subir une mue complète et prendre la face d’une teinte orangée. Aussi dit-on : A la Saint-Denis Perdreaux, Perdrix. Les sexes ne sont pas équilibrés chez les Gallinacés comme chez les Pigeons : les mâles y sont toujours en majorité. Aussi un certun nombre de ces derniers se trouvent-ils forcément privés des douceurs de lhyménée. On accuse quelques-uns de ces mé- contents d'aller, par jalousie, troubler le bonheur de leurs rivaux, en détruisant les œufs sur lesquels un couple heureux fondait ses plus douces espérances. Ces surnuméraires, moins prudents qu'Ulysse, viennent facile- ment S’exposer à la mort, en accourant à la voix d’une Chante- relle, qu'un chasseur tient enfermée dans une cage. Vers la fin de l'été, le temps, chargé d'apporter du baume à toutes les douleurs, parait avoir fait oublier à ces infortunés leurs mécomptes conjugaux, et ils se réunissent à leurs pareils pour for- mer des compagnies de célibataires. Les Perdrix, grâce à leur fécondité, abonderaient dans nos champs sr'elles n'avaient pas tant d’ennemis; mais, sans compter le Renard, la Fouine et les autres Carnassiers vermiformes, les Oiseaux de proie, la Pie et le Corbeau, elles ont à craindre notre espèce : Et la bonté savoureuse De leur chair délicieuse Leur réserve un triste sort : Nos appétits stomachiques Et nos goûts gastronomiques Nous font rechercher leur mort. LES PERDRIX 249 Sitôt que la Canicule Des feux dont elle nous brûle Attiédit enfin l’ardeur, Et que Septembre ramène Dans les airs plus de fraîcheur, Voyez là-bas dans la plaine Marcher un adroit chasseur : De ses noirs desseins complice, Sur ses pas, son lévrier, Fait à ce noble exercice, Cherche en courant le gibier. Grâces à son flair sagace, Il trouve bientôt la trace Des malheureuses Perdrix, Et jusque dans leur retraite Leur essaim se voit surpris. Le chien à propos s'arrête, Se tapit comme un Lézard, Fixe la troupe craintive, La fascine du regard ; Le chasseur bientôt arrive, Et le gibier, effaré, Dans ses angoisses mortelles, Demande alors à ses ailes Un salut mal assuré ; Mais le braconnier avide A sur lui les yeux ouverts ; Son fusil, que son œil guide, Suit de la Perdrix timide Tous les mouvements divers : Le coup part, le plomb perfide Atteint l'Oiseau dans les airs. Outre la Perdrix rouge, qualification qu'elle doit à la con- leur de son bec et de ses pieds, on trouve dans nos départements 250 LE MREIS TE AT JULIE méridionaux la Bartacelle, qui se tient principalement sur les flancs des montagnes élevées, La Caille !, d’une taille plus faible que nos Perdrix, n’a pas la bande sourcilière écarlate de celles-ei. Ces gracieuses créatures nous arrivent vers la fin d'avril où au commencement de mai, et ne tardent pas à se livrer aux devoirs de l'incubation. Chaque nid reçoit une douzaine d'œufs, et les pontes se succèdent pendant plusieurs mois. Les Cailles, plus encore que les Perdrix, fourmilleraient dans nos champs sans une foule d’ennemis, entre lesquels l'Homme est le plus redoutable. À l’époque de leurs migrations, elles sont obligées de s'arrêter dans quelques îles de la Méditerranée; elles y arrivent en bandes aussi nombreuses que les Sauterelles de passage; mais les filets et autres moyens de destruction y sont organisés sur une si large échelle, que le plus grand nombre des émigrants y trouvent leur tombeau. Le Ces Oiseaux n’ont pas la fidélité conjugale ni esprit de famille des Perdrix. La fréquence de leurs pontes les oblige à abandon- ner leurs petits dès qu'ils peuvent se passer de leurs soins. La Caille ne perche jamais. Elle est mdolente et a une propen- sion innée pour la vie de Sybarite. Il faut la voir, quand elle a satis- fait les désirs de son estomac, s’accroupir sur le sol, y demeurer, le corps à demi caché dansla poudre, tenant ses plumes ébouriffées pour recevoir plus facilement l'influence des rayons solaires, et jouissant, dans cette attitude, de toutes les douceurs qu jar niente ! Aussi, comme ces odalisques qui passent leur existence dans un repos presque continuel, acquiert-elle une doublure de graisse qui rend sa chair plus succulente que celle de la Perdrix. Pour favoriser ses habitudes vagabondes et ses désirs de l Point d'espace nu derriere les yeux. LES CAILLES 291 voyage, qui la portent, en captivité, à se casser la tête contre les barreaux de sa cage, quand le besoin de changer de pays la prend, la Nature à suppléé à la médiocrité de ses organes du vol, en lui donnant des ailes aiguës et mises en mouvement par des muscles assez volumineux. Grâce à ces dispositions, Quand l'hiver a fini son cours, Délaissant les plages lointaines, Elles reviennent dans nos plaines Passer le temps de leurs amours ; Mais quand, vers la saison dernière, L'astre qui verse la lumière Raccoureit le cercle des jours, Quand nos champs perdent leur verdure, Et nous font pressentir à tous Le deuil prochain de la Nature, Alors, vers des climats plus doux Par instinct elles sont poussées, Comme chaque jour mes pensées Tendent à s'envoler vers vous. $ : J = 4 Le | nu * Ea | ä Ne 4 | ; L À L2 L * 293 LETTRE XXXVII ÉD AIS NS Devant feu Brillat-Savarin, Ce gourmet de chère mémoire, Et d’un goût si sûr et si fin, On rappelait un jour l'histoire De ces Argonautes fameux, Dont le courage aventureux Put obtenir enfin la gloire De conquérir la Toison d'or : « Ah! s'écria le Gastronome, « À ces héros que l’on renomme « On doit un bien plus cher trésor; « Par eux, du colchique rivage, « En Europe fut importé « Le Faisan qui vivait sauvage. « A ces guerriers rendons hommage « Pour cet Oiseau si réputé, « Qui fait tout l'honneur d’une table, « Et dont la chair incomparable « Sait, avec sensualité, 254 LETTRESA JULIE « Flatter par son goût délectable « Le palais le plus dégoûté. » Je laisse à ce physiologiste de notre second sens le som de vous apprendre, dans son code gastronomique, combien de temps votre cuisinier devra laisser faisander ce gibier, pour l’offrir avec son funet le plus parfumé et avec sa délicatesse la plus exquise. Vous préférez être initiée aux travaux de Cuvier plutôt qu'aux lecons de Berchoux. Les Faisans!, chargés de faire le fond de cet entretien, sont originaires de l’Asie, surtout des parties orientales de ce pays. On dirait qu'en plaçant ces beaux Oiseaux dans ces riches contrées, le Créateur a voulu consoler celles-ci de leur avoir refusé les Coli- bris. La plupart, en effet, sont d’une telle magnificence que les pierreries et les métaux précieux semblent avoir été dissous sur leur robe, pour lui donner ces couleurs brillantes, ces reflets cha- toyants dont chaque mouvement du corps fait varier les nuances et l'éclat. Ces Gallinacés, comme notre Coq, se nourrissent de grains, de baies, d'herbes et d’Insectes. Ils ont le bec voûté, la face nue et vermillonnée, la tête parée d’une touffe de plumes retombant en arrière, les rectrices médianes d’une longueur souvent démesurée, le port élégant, la marche rapide, le vol lourd et bruyant. Ils sont polygames, et les mâles, moins nombreux que les femelles, se distinguent de celles-ci par une taille plus forte, pau: un costume plus riche et plus remarquable. I faut voir, au printemps, avec quelle noble fierté se dressent ces petits Sultans ! Ils marchent d'un air provocateur, faisant bril- ! Tarses glabres. Queue longue et étagée. Téle sans crête charnue. LES FATSANS 299 ler leur éperon, comme une dague prète à percer limprudent qui oserait leur disputer le haut du pavé. C’est l’époque de leurs riva- lités et, par suite, de leurs combats, et souvent plus d’un brave Charles XIT, vaincu par un autre Pierre I”, est obligé d’aller au loin cacher sa honte et tâcher de se consoler de sa défaite. Près des Faisanes, ces petits pachas, sans perdre cet air de supériorité et ce ton protecteur inhérent à leur nature, adoucis- sent la vaniteuse hauteur de leur physionomie, montrent des atti- tudes plus gracieuses, des veux plus vifs, des regards plus animés. Chaque femelle pond, suivant les espèces, huit ou dix œufs et parfois plus de vingt; limcubation dure vingt-trois à vingt-cinq jours. On reproche à quelques Faïisanes d’être, en captivité, moins bonnes couveuses que les Poules, et lon préfère souvent confier leurs œufs à la sollicitude plus soigneuse de celles-cr. Quand on laisse à la Faisane le soin de remplir ses devoirs maternels, il est nécessaire de séparer les mäles, qui deviennent souvent les bourreaux des petits nouvellement éclos. Pendant les premiers jours de leur existence, on donne aux Fai- sandeaux les Nymphes connues sous le nom d'ŒÆufs de Fouriis; puis on met à leur portée des jaunes d'œufs hachés bien menus et mêlés à un peu de mie de pain humectée. Il est surtout indispensable de préserver ces frêles créatures de l’action du froid, si souvent mortel pour tous les jeunes êtres ani- més à sang chaud. L'Europe doit, comme vous le savez, l'importation du Faisan ordinaire à la conquête de la Toison d’or par les Argonautes. Des bords du Phase, fleuve de l’ancienne Colchide, aujourd'hui Min- grélie, cet Oiseau fut apporté en Grèce et s’y vit bientôt natu- ralisé. Des rives du Céphise, il passa sur celles du Tibre. Les troubles de la décadence de l'empire et les invasions des Barbares 256 LETTRES NE LE le firent oublier; mais le grand mouvement des peuples vers l'Orient, à l’époque des Croisades, le répandit dans une partie de l’Europe. En France, on en a peuplé les forêts de l’État; les grands sei- oneurs en ont garni les parcs de leurs châteaux; divers pro- priétaires riches en élèvent dans des parquets. Le mâle est d’une beauté remarquable. Les plumes d’un roux cuivreux et nuancées de vert du dessus de la tête passent, sur les côtés du cou, au vert teinté de bleu, de violet ou d'acier brülé. Son plumage semble imbriqué décailles d'un marron pourpré, bordées de noir violacé. Son occiput est paré d’un pinceau de plumes près des oreilles. Ses yeux, à iris orangé, sont couronnés d’une caron- cule écarlate, dont le feu augmente avec les mouvements de ses passions. La femelle à une robe plus modeste, en majeure partie d'un gris terreux. La beauté de notre Faisan vulgaire est éclipsée sans peine par celle du Faisan doré, introduit en Europe, dans le siècle dernier, par sir Hans Sloane !. Ce magnifique Oiseau, à huppe d’or, ori- œinaire de la Chine, est aujourd’hui parfaitement acclimaté chez nous. Une autre espèce, provenant du même pays, le Faisan argenté, s’est propagée en France avec plus de facilité encore. Cette der- nière, d’une taille plus avantageuse, a un genre de beauté parti- culier ; elle a le dos d’un blanc soyeux et nacré, et le dessous du corps d’un noir d’ébène *. Je ne puis terminer cette lettre sans vous mentionner le Faisan ! Né en Irlande le 16 avril 1660, mort à Chelsea le 11 janvier 1753. 2 Le catalogue des Gallinacés de ce genre s'est accru depuis quelques années de plusieurs superbes espèces provenant du Céleste-Empire. La science en doit princi- palement la connaissance à MM. Verreaux, dont les voyageurs explorent les diverses contrées du globe. L'un de leurs amis, M. Elliot, promet de nous donner une mono- graphie complete de ces Oiseaux. LES FAISANS 291 : argus, de la taille du Dindon, originaire des parties méridionales de l'Inde, de Sumatra et iles voisines ; sa tête est presque nue ; les pennes secondaires de ses ailes sont couverts de taches ana- logues aux yeux de lêtre mythologique dont il porte le nom, et quand elles sont étalées, elles produisent un effet merveilleux. L/Asie, à laquelle nous devons tous les Faisans, nourrit, dans l’Indoustan, un Oiseau rapproché de ceux-ci par sa conformation, et dont la beauté fait l’une des plus magnifiques créatures qui soient sous les cieux. Je veux parler du Zophophore, dont on doit la connaissance à lady Impey, à qui cette merveille à été dédiée. Je ne saurais vous dire les sentiments d’admiration dont J'ai été saisi quand j'eus l’occasion d’en voir une paire vivante, dans le jardin zoologique de feu le comte Derby. À part la queue, dont les rectrices sont d’un roux vif, l'or, le cuivre, le vert et le bleu se nuancent et se marient sur le corps de cet Oiseau avec un éclat et une harmonie admirables. On dirait que, fâché de mavoir pas animé les métaux et les pierreries, le Créateur en à réuni toutes les richesses sur la robe de ce phénix. Quand la Nature offre à nos veux Cette beauté qui nous attire Par un pouvoir mystérieux, Elle parvient à nous séduire D'autant plus qu'on la connaît mieux. Oserai-je aussi vous le dire : Vous montrez-vous dans quelques lieux, Aussitôt en vous on admire Avec la grâce, la fraicheur, Cet air rempli de modestie Qui rehausse votre candeur ; Et si bientôt on étudie . Ces rares qualités du cœur Que tout le monde vous envie, 17 258 LETTRES À JULIE Et cet esprit supérieur Que, sans vous en douter peut-être, En causant vous faites paraître, Et dont chacun serait jaloux ; Plus on apprend à vous connaître, Et plus le cœur s'attache à voux. FES GOQS 250 LÉETPRE XX XVIII Que de choses j'aurais à vous dire sur l'espèce de nos Galli- nacés qui constitue la principale richesse de nos basses-cours ! Mais il faut suivre le conseil fort sage de l’un de nos maitres : te) Loin d'épuiser une matière, On n’en doit prendre que la fleur. Ne me demandez pas le pays originaire de cette espèce domes- tique; c’est un point aussi controversé que la patrie d'Homère. Donnez pour type à notre Coq celui de Bankiva, rapporté de Java par Leschenaud, celui de Sonnerat, trouvé par ce natura- liste dans l’Indoustan , ou quelques autres encore; l'espèce otfre aujourd’hui un si grand nombre de variétés, que je me perdrais peut-être dans ce dédale, si je voulais m'y engager. 1 Différent des Faisans par la tète surmontée d’une crète charnue et par leur man- dibule inférieure garnie de deux appendices charnus et pendants. 260 LETTRES À JULIE Ces Oiseaux, vous le savez, portent différents noms, suivant l’âge ou le sexe. Au sortir de l'œuf, ils sont appelés Poussins : puis, Poulets où Poulettes, quand ils ont revêtu toutes leurs plumes, et enfin Cogs où Poules, à leur âge adulte. Ces Gallinacés sont omnivores: ils grattent la terre pour déni- cher les Vers, les Larves, les Insectes ou les graines cachés dans le sol, et, en raison de cette habitude, 1ls doivent être enfermés à l’époque des semailles. Dans les grandes fermes, on leur laisse la liberté de rayon- ner autour de la maison, et ils y trouvent une partie de leur nourriture. On a soin néanmoins de leur donner des criblures, des pommes de terre, etc. !, soit pour satisfaire complétement leur appétit, soit pour rendre les Poules plus fécondes. Ces Oiseaux sont pulvérateurs, c’est-à-dire font, à laide de leurs pattes, voler sur leur dos la terre ou la poussière, dans le but, peut-être, de se débarrasser de la vermine qui les incom- mode. Ils sont sujets à diverses maladies, provenant la plupart du froid, de Phumidité, où des eaux croupissantes où malsaines qu'ils ont à boire, maladies souvent aisées à prévenir par un régime hygiénique. Le Coq, sultan fier et jaloux, est facile à reconnaitre à sa crête plus développée et d’un rouge plus enflammé , à ses tarses armés d’un fort éperon, à ses deux rectrices médianes longues et courbées en arc. Sa voix est forte et retentissante. Son perçant coquerico, dont se plaignaient à bon droit les deux chambrières mises en scène ! Dans quelques endroits, on établit des verminières, c’est-à-dire des fosses remplies de paille hachée, et dans lesquelles on jette des débris de matières animales. Divers Insectes viennent y déposer leurs œufs, et il en naît des Larves, dont les Poules sont avides. LES GOQS 261 par La Fontaine, réveille avant l'aurore les échos endormis des habitations de la campagne. Mais cet Oiseau à l’art, suivant les circonstances, d’adoucir les sons produits par son larynx. Sa voix devient douce et pressante, quand il convie les Poules dont il est entouré à se partager une nourriture qu'il leur abandonne en entier. Elle devient rude et impérieuse , s'il rappelle près de Jui celles qui s’éloignent trop de sa vue. Il faut le voir au milieu de ses odalisques emplumées! Son regard est vif et dominateur; il marche avec lenteur et gravité, portant le cou relevé, la tête haute et fière. Si un autre Coq ose alors se montrer etfaire mine de lui disputer l’empire qu’il exerce, l'œil en feu, les plumes hérissées, il s’élance sur ce rival et le combat jusqu'à l’épuisement de ses forces où jusqu’à la retraite du nouveau venu. Vainqueur, 1l entonne aussitôt son chant de victoire! Ceci vous rappellera sans doute le charmant apologue de notre Fabuliste : Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint, Et voici la guerre allumée, La Fontaine aurait pu facilement trouver le sujet de sa fable dans l’histoire de la vie humaine ; car, Nous mettons tous notre bonheur À jouir en entier du cœur De celle qui recut le nôtre : On est en vain plein de douceur, On sent une jalouse humeur, S'il est disputé par un autre, Le caractère belliqueux des Cogs a depuis longtemps porté divers peuples à se créer un triste spectacle. de leurs combats. Ces 262 L'ET'PRES AU TLIE duels passionnaient les Rhodiens et les Pergamasques:; ils plaisent encore aux Chinois. Les habitants de Java et de Sumatra y pren- nent un vif plaisir ; et les Anglais, pour trouver des émotions plus fortes, en rendant ces luttes plus sanglantes, revêtent d’une pointe d'acier les ergots de ces gladiateurs d’un nouveau genre. Thémistocle, en montrant un jour à ses soldats l’acharnement avec lequel se battaient ces Gallinacés, enflamma le courage de ses troupes, et remporta une victoire signalée sur les Perses. Le Coq a joué un certain rôle dans l'antiquité. IL était l’em- blême de la vigilance et de l’activité ; on le consacrait à Mercure, à Minerve et à Mars ; on le sacrifiait à Esculape après une gué- rison. Les Gaulois ornaïient leurs enseignes de son image. A Rome, on entretenait, aux frais de l’État, des Poulets sacrés, dont on tirait des présages. Nos sorciers modernes usent, dit-on, encore de cette pratique dans les pays attardés, pour soutirer l'argent de la poche des badauds. Dans leur manoir, au milieu de trois cierges, ist élevé, sur des pieds en sautoir, Comme un autel, rond, plat, de marbre noir, Au bord duquel, dans deux circonférences, Sont évidés, à d’égales distances, Vingt-quatre creux ayant, chacun devant, De l’alpabet une lettre d'argent. Quand au sorcier arrive ma pratique, Il prend d'abord sa baguette magique, Roule les Yeux, et trace sans compas Un cercle en-l’air, prononce à demi bas Cinq ou six mots inconnus et qu'il forge : Dans chaque case il dépose un grain d'orge. Choisit un Goq à jeûn, le met debout LES COQS Sur cet autel, bien au centre surtout: Du centre au grain dont l'odeur l'électrise, Ce Coq bientôt s'avance (quoi que dise Jean Buridan 1), en croque deux ou trois, Ou plus où moins ; de ceux dont il fait choix Le Sorcier suit les lettres sans rien dire, Et puis feignant que quelque dieu l'inspire, D'après cela, débite hardiment Une réponse. On paye grassement, Et l'on s’en va très-instruit : dans la suite S'il s'est trouvé menteur, on en est quitte Pour dire aux gens qu'ils ne l'ont pas compris. JUNQUIERES. La Poule est d’une taille plus petite ; sa crête et les deux ap- pendices charnus pendants sous son bec sont moins développés ; sa queue est redressée et manque des deux longues plumes qui parent celle du mâle. | Sa voix a moins d'éclat, et elle en varie aussi les tons, suivant ses sentiments. Elle prend Paccent du triomphe où du bonheur, quand elle s’est débarrassée de Pœuf qu'elle avait à pondre. Son æloussement a, au contraire, quelque chose de doux et de cares- sant, quand elle appelle ses Poussins. La Poule est le plus précieux de nos Gallinacés , en raison des œufs qu'elle nous livre journellement presque tonte l’année. Elle winterrompt cette tâche qu'à l'époque de la mue ; mais on peut abréger le temps de son infécondité, en la tenant dans des lieux peu exposés au froid, et en lui donnant une nourriture échauf- fante ?. ! Jean Buridan soutenait qu'un Ane, placé juste au milieu de deux picotins d'avoine À d parfaitement égaux, ne pourrait jamais se déterminer à toucher ni à l’un ni à l'autre. ? La qualité de la nourriture influe souvent sur le goût des œufs. On estime peu ceux qu proviennent des Poules auxquelles on jette une grande quantité de Vers à soie malades. 264 LETTRES À JULIE Au bout de quatre où cinq ans, elle doit être remplacée par d'autres plus jeunes. Les Poules manifestent ordinairement au printemps l'intention de couver ; ce désir devient bientôt, pour plusieurs , une véritable passion. L'amour de la maternité est si fort chez elles , qu’elles donnent aux œufs de Canes ou de Dindes qu’on leur confie , et aux petits qui en éclosent, les mêmes soins qu'à ceux de leur espèce. Si l’'hymen, excité par le dieu de Cythère, À ses lois vous enchaîne un jour, Vous connaîtrez, à votre tour, ombien la tendresse et l'amour Enflamment le cœur d’une mère. La durée de l’incubation est de vingt.et un jours. À lexpiration de ce terme, le jeune Poussin brise sa coque pour sortir de sa prison. La Nature, pour cet usage, a armé son bec d’une protu- bérence cornée qui ne tarde pas à tomber, lorsquelle est devenue inutile. Malgré les recherches de Réaumur, nous sommes moins ha- biles que les anciens Égyptiens dans l’art de faire éclore ces Oiseaux par des incubations artificielles. Les produits d’une couvée n’ont pas tous le même sort. Les uns sont destinés à remplacer dans nos basses-cours ceux que leur âge voue à la mort; les autres sont vendus, on préparés pour être des Chapons ou des Poulardes. Ces derniers sont placés dans des épinettes et dans l'obscurité, pour favoriser leur engraissement par le repos et par le som- meil. On leur donne une nourriture abondante et choisie, dont la composition varie suivant les localités. La qualité de l’eau et celle de l'air paraissent avoir une influence particulière sur la blancheur, LES COQS 265 l’abondanee et le goût succulent de leur graisse. Le pays Cauchois et notre Bresse surtout ont acquis, vous le savez, par l'excellence de leurs Volailles grasses, une réputation qui ne saurait être sur- passée !. Pour vous donner une idée des sensuelles jouissances que peu- vent causer parfois à notre organe du goût ces morceaux exquis, permettez-moi de terminer cette lettre, déjà un peu longue, par l’histoire gastronomique suivante : À un diner très-confortable, auquel prenait part un ancien pro- cureur, désigné par les plaideurs sous le nom de maitre Vampire, le Vatel du logis avait choisi pour rôti une Poularde, mais'une Poularde qui aurait fait venir l’eau à la bouche de tout homme sortant de table. À son croupion, dont la graisse Avait arrondi le contour, Chacun devinait que la Bresse Avait dû lui donner le jour. Dom Vampire lui fait un signe, Sur elle tourne ses yeux doux, Et réclame l'honneur insigne De lui porter les premiers coups. Aussitôt d'une main adroite, Et faite à ce noble métier, A l’aide du tranchant acier, Sans peine, à gauche ainsi qu'à droite, Il fait tomber chaque quartier. Pour lui, tout à coup, quelle joie ! Il sent, dans les flancs parfumés De la Volaille qu'il festoie, Les cryptogames renommés Que le Périgord nous envoie ! ! Les Déliens, suivant Pline,-ont connu les premiers l'art d’engraisser les Poules. L'ELPRES A TU LITE Ce sont bien eux : jusqu'à son nez S'est élevé leur doux arome: A l'’aimable odeur qui l'embaume, De suite il les a devinés! Poussé par son impatience, Le couteau plonge dans le corps Et l'entr'ouvre sans résistance: De son sein, la Bressane alors, Aux yeux charmés de l'assistance, Comme une corne d’abondance, Laisse échapper ses noirs trésors! Aussitôt qu'elle est dépecée, Tous à l’envi lui font la cour: Dom Vampire, au regard d’Autour, Dans sa ronde ainsi commencée, La suivait d’un regard d'amour, En souriant à la pensée De lui voir faire plus d’un tour. Trois fois, à la belle engraissée, Surtout aux accompagnements, Il fait une fête empressée, Et trois fois, en quelques moments, Son assiette se montre vide! De ces cryptogames chéris Dont son estomac est avide: Quelques honorables débris, Sous un reste de la carcasse, Osaient encore se cacher, Mais son regard, qui les pourchasse, A su bientôt les dénicher, Et convaineu que les scrupules N'arrêtent jamais que les sots, IL a l’art, à ces tubercules, De dire enfin le dernier mot! LES: PINPADES 267 LETTRE XXXIX ÉHSSPINTADES _ Paons, Dindons — Des mille qualités du cœur Que dans les autres on préfère, Une inaltérable douceur Nous semble toujours la plus chère. Comment pourrait-on ne pas plaire, Quand on est assez bien doté Pour posséder un caractère Dont rien ne trouble, ni n’altère La constante amabilité : Quand on sait, avec charité, Supporter les défauts des autres, Et leur faire oublier les nôtres Par une indulgente bonté? Jouir d'un si rare avantage, Avoir une pareille humeur, C'est donner à notre entourage Une atmosphère de bonheur. 268 LETTRES A JULIE Aussi, vous, mon aimable amie, Vous, dont le commerce est si doux, Vous nous faites porter envie À ceux qui vivent près de vous. Les Pintades |, que nous élevons dans quelques-unes de nos basses-cours, y seraient plus généralement admises, en raison de l'excellence de leur chair, sans leur voix criarde et surtout sans leur humeur turbulente et querelleuse. Elles ne peuvent y laisser la paix à nos Poules ; elles les inquiètent sans cesse ou les pour- suivent à coups de bec ; elles se font même craindre des Dindons et s’arrogent le droit de domination sur tous nos Oiseaux domes- tiques. La Nature les a cependant assez bien dotées sous le rapport des avantages extérieurs. Elles ont la tête nue, souvent ornée d’une crête calleuse sur le sommet; des barbillons charnus au bas des joues; la robe d’un gris bleuâtre, perlée de taches blanches et arrondies. Elles rappellent un peu les formes des Perdrix par leur queue courte et pendante et par leur dos que la disposition des plumes fait paraître voûté. | La Pintade ordinaire est originaire du pays des anciens Nu- mides, et vit encore à l’état sauvage dans plusieurs parties de l'Algérie. Suivant la Fable, les sœurs désolées de Méléagre avaient été transformées en ces Oiseaux, et elles émigraient chaque année d'Afrique en Béotie pour visiter le tombeau de leur frère. Maus laissons la Fable de côté. Elles furent introduites en Grèce par: les Étoliens, et de là furent transportées à Rome, où elles se vendaient encore très-cher du temps de Varron *. \ Tête nue, souvent surmontée d’une crête calleuse. Des barbillons au bas des joues (Queue courte. ? VarroN, De re rusticü, édit. Panckoucke. p. 329. Paris, IS45. LES PAONS 269 Il me reste à vous parler de deux autres genres d’Oiseaux qui servent aussi à peupler nos basses-cours. Le Dindon viendrait naturellement à la sute de la Pintade; mais Je vais céder à la fierté du Paon! et le mettre en scène le premier. Cet Oiseau passe pour l'emblème De ces favoris de Plutus, Qui gonflés d’un orgueil extrême, Quoique sans talents, sans vertus, Sans autres dons que leurs éeus, Vont en se pavanant de même. Si la richesse de la parure constituait le mérite, le mâle de notre Paon ordinaire l’emporterait sans peine sur tous les autres Oiseaux vivant en Europe. Il faut le voir, au printemps, quand s'allume en lui le désir de plaire! Sa compagne vient-elle s'offrir à ses regards, ses yeux brillent aussitôt d’un éclat inaccoutumé, sa pose devient fière, sa démarche majestueuse ; il relève son cou avec grâce, pour mon- trer les plumes soyeuses du devant de son corps, dont Pémeraude etle saphir semblent composer les teintes ; il agite sur sa tête son aigrette élégante et mobile, nuancée de mille couleurs; il relève -et déploie en éventail les longues plumes de sa queue, parées de barbes d’un vert lustré d’or et de nombreuses taches ocellées : ces taches, plus miroitantes que les yeux d’Argus, semblent em- prunter aux pierreries les plus précieuses leur inimitable splen- deur, et les mouvements de l’Oiseau en font varier à chaque instant les nuances chatoyantes. Mais cette parure somptueuse, que la Nature lui avait donnée pour ses jours de fête, se flétrit et tombe après la saison de ses amours. l Couvertures caudales plus longues chez le màle que les rectrices. 270 LETTRES A JULIE On a souvent cherché à utiliser ces plumes caudales magni- tiques ; autrefois on les tressait en couronnes, pour en ceindre la tête des troubadours ; on en fait encore parfois des éventails, Et souvent plus d'une coquette Se sert, comme d'une amusette, De ces instruments gracieux, Pour savoir attirer les yeux Sur sa figure ou sa toilette. La Paonne, revêtue d’une robe plus modeste, manque des lon- genes plumes qui font l’ornement du mâle. Le Paon est originaire des Indes. Il abondait à Babylone, dans les temps de splendeur de cet empire. Les flottes de Salomon la- vaient apporté en Judée, des contrées arrosées par le Gange ; mais on doit à Alexandre son introduction en Europe. Il fut naturalisé d’abord dans lile de Samos, et il passa de là dans toute la Grèce. Pendant longtemps il était si rare à Athènes, qu’on le montrait comme un objet de curiosité à chaque Néoménie ou fête de la nou- velle lune. Q. Hortensius le fit servir le premier dans un repas somptueux, quand il fut nommé augure’. Son exemple trouva bientôt de nombreux imitateurs, et à cette époque de décadence de l'empire romain où le luxe et la sensualité ne connurent plus de bornes, Héliogabale offrait à ses convives des plats remplis de cervelles de Paon. Un troupeau d’une centaine de ces Oiseaux rendit bientôt jusqu'à dix ou douze mille francs par an. Le Paon est encore un Gallinacé qui se pose en maitre ou en tyran au milieu de nos autres Oiseaux de basse-cour. On lélève- rait plus volontiers, sans ses habitudes de voler sur les toits et d’occasionner des gouttières en dérangeant les tuiles, et sans sa VarrON, De re rusticä, édit. Panckoucke, p. 303. Paris, 1843, LES DINDOINS 211 —————— _ —_ voix désagréablement retentissante. Son cri était déjà, du temps de Théophraste, un indice de pluie. La Paonne pond ses œufs de trois ou quatre jours lun, et les couve vingt-sept à trente Jours. Je voulais vous parler du /occo, Gallinacé d'Amérique d'assez erande taille, qui viendra peut-être quelque jour prendre place parmi nos Oiseaux domestiques: mais j'ai hâte d'arriver au Dindon !. Ge dernier est également originaire du Nouveau-Monde : on le trouve encore à l’état sauvage dans les Montagnes Rocheuses et quelques autres lieux. Il a été importé du Mexique par les Espa- gnols, vers le commencement du seizième siècle, puis transporté en Angleterre vers 1524, sous le règne de Henri VII, et peut-être en France, sous celui de François 1”. Dans tous les cas, il figura au repas de noces de Charles IX, en 1570. Le Dindon a la tête assez petite, couverte d’une peau bleuâtre presque nue, chargée de mamelons en partie blancs, ornée vers la base du bec d’une caroncule charnue; la partie supérieure du cou dénudée, mamelonnée de rouge; Pinférieure garnie d'une touffe de poils ou crins noirs. La robe de cet Oiseau a les couleurs du deuil ; mais, dans quel- ques parties où dans diverses circonstances, ses plumes noires offrent un lustre qui leur prête une certaine beauté. Dans l’état ordmaire, le port du Dindon est humble et modeste, et lui donne un air particulier qui lui à fait une triste réputation. Aussi un poëte a=t-il dit : Les Poulets d'Inde, entre autres avantages. Sont réputés de si sots personnages, 1 Tête el partie supérieure du cou nues el mamelonnées. 212 LEMPRESL A JULIE Que l'on a fait, tant elle saute aux yeux, De leur bêtise un proverbe en tous lieux. JUNQUIÈRES. Mais, au printemps, dans la saison des amours, le Dmdon cherche=t-1l à étaler ses grâces aux yeux de sa femelle, sa tête et son cou se gonflent, ses mamelons s’empourprent d’un rouge plus vif, les plumes de son cou et de son dos se hérissent, sa caroncule s’allonge et pend de quelques pouces plus bas que le bec, sa queue se relève en éventail ; il déploie les pennes de ses ailes en les fai- sant trainer à terre ; il piaffe autour de sa compagne, en faisant sortir de ses poumons un murmure sourd suivi d’un long bourdon- nement. Vient-on le troubler dans ces moments, il s'avance vers l’importun par des mouvements saccadés ; toute sa démarche té- moigne de ses sentiments de colère ou de fureur ; il les exprime par un glou-glou qui semble une, voix de menace. Il ose même parfois assaillir le malencontreux à coups de bec. Tout annonce, dans la Dinde, la faiblesse particulière à son sexe. Elle est plus petite ; les saillies glanduleuses de sa tête et de son cou sont moins vivement colorées ; sa caroncule, plus pâle, est incapable de s’allonger ; elle n’a pas le pouvoir de relever ses rec- trices et de faire la roue; elle manque de la touffe de crins et des ergots, qui sont un des apanages du mâle; sa voix est réduite à un cri plaintif, et la fuite est sa seule défense contre le danger. La Dinde fait ordinairement deux pontes annuelles, en février où mars et en août. Les œufs sont produits, le plus souvent, de deux jours l’un. L’incubation dure de trente à trente-deux jours. | La première nourriture des petits consiste en mie de pain et en œufs cuits durs, mélangés avec des orties également cuites, le tout haché très-menu. Il faut surtout tenir les Dindonneaux, au sortir de l’œuf et dans les jours humides et froids, dans des pièces où ils LES DINDONS 273 puissent être à l'abri de l’nfluence fâcheuse d’une température nuisible. Les Dindons constituent aujourd'hui une richesse agricole importante dans les campagnes où l’on en élève de nombreux troupeaux. Ils fournissent une chair excellente et recherchée, sur- tout lorsqu'elle est grasse. Get Oiseau a détrôné l’Oie dans ces réunions aimables où les membres d’une même famille se plaisent à resserrer, à table, les liens qui les unissent. Malheureusement. ces réunions deviennent moins fréquentes et ont perdu quelques- unes des coutumes qui en augmentaient l’agrément. Dans ces repas pleins de gaîté, Exempts d’étiquette et de gêne, On se choisissait une Reine Et l'on buvait à sa santé. Pourquoi, de ce temps si vanté, N'a-t-on pas gardé ces usages? Votre cœur si plein de bonté, Votre gracieuse beauté Et les mille autres avantages Dont on sait votre esprit doté, Vous garantiraient nos suffrages Pour cette douce royauté. 13 É LES AUMRUCHES 279 LETTRE XL PES. AUTRUCHES Dans le pays si monotone Qui, des campagnes de Bordeaux, S'étend jusque près de Bayonne, Les bergers gardant leurs troupeaux, Au sein de ces landes sauvages, Sur des échasses sont montés, Pour traverser les marécages Sans de grandes difficultés. Les Oiseaux de l’ordre nouveau dont nous avons à nous occuper semblent, comme les pasteurs landais , élevés sur des échasses, par suite de la hauteur souvent démesurée de leurs tarses : de là leur est venu le nom d’Æ'chassiers. La Providence, en leur donnant cette conformation singulière, a destiné le plus grand nombre à suivre les bords des rivières ou L SIXIÈME ORDRE : Les EÉCHASSIERS. — CaraAcTÈRES : Pattes non susceptibles de préhension. Doigts ordinairement en majeure partie libres. Jambes dénudées dans leur moitié inférieure, Tarses élevés. Cou et bec souvent allongés. 276 LETTRES A JULIE à vivre dans les marais, et, dans ce but, elle a dépouillé de plumes la moitié inférieure de leurs jambes, afin qu’en entrant dans l’eau jusqu'à une certaine profondeur, ils ne puissent pas mouiller ces appendices légers, qui se couvriraient de glaçons dans les jours rigoureux de Phiver. Leur cou et leur bec se montrent allongés en proportion de leurs organes de la marche, quand ils doivent prendre leur nourriture près de leurs pieds. Ces mêmes parties ont au contraire reçu un développement moins remarquable, quand ils ont peu besoin d'abaisser la tête pour saisir leurs aliments. La forme de leur bec indique par ses modifications leur genre de vie. Il est long et fort chez ceux qui vivent de Reptiles ou de Poissons ; grêle et faible, chez ceux qui se nourrissent de Vers où d’Insectes; court, chez ceux qui déciment les Mollusques fixés aux herbes des étangs, et surtout chez ceux qu sont herbivores ou granivores. Malgré la nudité de la partie inférieure de leurs jambes , tous ne sont pas amis des eaux. Plusieurs sont destinés à arpenter les déserts : ceux-ci sont en général d’habiles coureurs, et man- quent d’un pouce, qui nuirait à la rapidité de leurs mouvements. On a partagé les Échassiers en plusieurs groupes !: les Bre- pipennes, les Pressirostres, les Cultrirostres, les Longürostres, les Latipèdes et les Macrodactyles. 1 A. Ales impropres au vol. + . . . + + + .-. .-. Brevipennes. AA. Ailes propres au vol. B. Doigts courts ou médiocres. C. Pieds non palmés. D. Bec médiocre. Pouce nul ou œ court pour tou- Chenatterte ec CT ETC SSUIOS TIMES DD. Bee gros, lonz et fort, souvent aa te Donne Cultrirostres. HE Bec grêle et faible, . . . . . . . . . .- Longirostres. Pieds palmes RE DUUTVPENES: . É- très-allongés et Paris es de manière à être propres à la nage. . . . . . . . . « . Macrodactyles. LES CASOARS 217 Je me bornerai aujourd'hui à vous entretenir de ceux du pre- mier groupe. Ces Oiseaux, doués d’une grande taille, ont les ailes d’une brièveté qui les rend impropres au vol. Peut-être, en raison du poids de leur corps, n’auraient-ils pas pu avoir des muscles assez puissants pour faire mouvoir des rames capables de les soutenir dans les airs. La Nature les a dédommagés, sous un autre rap- port, de la privation du vol: leurs cuisses et leurs jambes ont gagné en énergie ce que leurs ailes ont perdu en force. Aussi ces Échassiers à courtes ailes peuvent-ils passer pour des coureurs sans pareils : le Lévrier le plus habile, le Cheval arabe le plus rapide, ne peuvent les devancer. Les muscles de leur poitrine n'ayant qu'un faible rôle à remplir, par suite de la presque inutilité de leurs ailes, ont une grande faiblesse, et le sternum, au lieu de se relever en carène, cons- titue une sorte de bouclier. Ce groupe se compose de deux genres principaux : les Autru- ches et les Casoars. Ces derniers sont remarquables par leurs plumes, presque sem- blables à des crins, par suite de la brièveté de leurs barbes. Ils vivent de fruits et de racines. On en connait deux espèces : Pune, des Indes, désignée sous le nom d’£meu, ayant la tête recou- verte d’un casque corné, et sur laquelle s'élève une proéminence osseuse ; l’autre, privée de cet ornement, habite la Nouvelle- Hollande. On compte aussi deux espèces d’Autruches : celle d'Amérique, appelée Nandou, dont les pieds ont trois doigts, et celle d'Afrique, sur laquelle M. le général Daumas nous a donné des détails si intéressants !. Voyez Daumas, Les Chevaux du Sahara, p. 261 et suiv. 278 LETTRES À JULIE Cette dernière est le plus grand des Oiseaux vivants !. Elle atteint sept à huit pieds de hauteur, et pèse jusqu’à quatre-vingts livres. Ses pieds n’ont que deux doigts. Elle a la tête petite, chauve supérieurement; le cou long et grêle, les ailes armées chacune de deux piquants, et pourvues, ainsi que la queue, de ces plumes à tiges flexibles et ondoyantes dont les longues barbes restent indépendantes les unes des autres, au lieu d’avoir des dispositions à s’accrocher. L’Autruche se nourrit principalement d'herbes ; mais elle mange aussi diverses sortes de fruits, les Serpents venimeux ou non, les Lézards, les Scorpions, les Sauterelles, etc. Sa puis- sance digestive est incroyable. Elle peut se passer de boire pen- dant plusieurs jours ; mais quand l'éclair brille et annonce une pluie d'orage, elle témoigne sa joie par des gambades et des mou- vements très-significatifs, et court avec rapidité vers les lieux où la pluie est tombée. L’Autruche pond de vingt-cinq à trente œufs; mais quelquefois plusieurs couples se réunissent pour couver en commun. On compte parfois alors plus de cent œufs réunis. L’incubation dure quatre- vingt-dix nuits. Elle commence vers le mois de novembre. Sous l'équateur , l’'Autruche cache, dit-on, ses œufs dans le sable durant le jour, et les couvre de son corps seulement pen- dant la nuit. Dans le Sahara, elle construit, dans une terre sablon- neuse, un nid circulaire, en rejetant simplement le sable du centre à la circonférence. Quand elle le creuse, elle fait entendre des plaintes langoureuses. La femelle se livre à l’incubation depuis le matin jusqu’au mi- lieu de la journée, et, pendant ce temps, le mâle va au pâturage. ‘ On a trouvé à Madagascar des restes d'autres Oiseaux désignés sous le nom d'Épiornis, d'une taille plus grande encore. LES AUTRUCHES 219 A midi, celui-ci revient , et la femelle va chercher sa nourriture à son tour. Quand elle retourne vers son nid, elle se place à quel- ques pas du mâle, qui reste pendant toute la nuit sur les œufs. C’est à lui qu'est réservé le soin de les défendre ; la Nature l’a doté à cet effet du courage et de la force nécessaires. La femelle est timide et peureuse. Aussi les Arabes comparent-ils PHomme qui défend bien sa tente au mäle ou De/n, et le faible où pusil- lanime, à la femelle ou Rewinda. | Le Delim résiste au Chien et à l’'Hyène : il triomphe du Chacal et de l’Aigle : Homme seul est à craindre pour lu. On fait la chasse à l’Autruche à cheval et à l'affût. Dans le premier cas, les Chevaux arabes réservés pour cette poursuite ‘sont préparés à l’avance aux fatigues de cet exercice, comme les lutteurs chez les anciens. L'époque la plus favorable est celle des grandes chaleurs : l’'Autruche alors a moins de vigueur. On s’informe d’abord des lieux dans lesquels se trouvent un grand nombre de ces Oiseaux; ils se tiennent ordinairement dans les endroits herbeux, et où la pluie est tombée depuis peu. Dès qu’on est suffisamment renseigné, dix cavaliers se mettent en route, suivis chacun d’un domestique monté sur un Chamean. Ce dernier doit porter en outre toutes les provisions nécessaires aux Hommes et aux animaux de la caravane. A mesure qu'on s'approche du lieu indiqué, deux domestiques, n'ayant d’autres vêtements qu'un mouchoir, en guise de caleçon, sont envoyés en reconnaissance. Dès qu’ils ont apercu les Au- truches, l’un d’eux se couche , l’autre va prévenir le goum. Guidés par ce messager, les cavaliers s’'avancent avec toutes les précautions nécessaires pour n’être pas aperçus ; ils enferment, dans un vaste cercle le mamelon sur lequel se trouvent les Oiseaux objet de leur convoitise. Aussitôt qu'ils ont franchi les derniers mouvements de terrain qui cachaient leur marche , les 280 LETTRESSA JULIE domestiques se dirigent vers les Autruches ; celles-ci fuient épou- vantées. Les cavaliers se bornent d’abord à les enclore dans le cercle fatal qu'ils resserrent de plus en plus. Ces malheureux Oiseaux ont beau ne pas ménager leur air et chercher leur salut en mettant en action toute la vigueur de leurs jambes, leurs forces s’épuisent; leur lassitude se trahit par ouverture de leurs ailes. Chaque chasseur se dirige alors vers une Autruche, finit par l’atteindre, lui assène sur la tête un coup du long bâton dont il est armé : l’animal tombe, et le cavalier s’empresse de mettre pied à terre pour le saigner. On chasse l’Autruche à l'affût en creusant un trou capable de cacher l'Homme, soit près des sources où elle vient s’abreuver , soit à vingt pas environ de son nid. Ce trou est recouvert de longues herbes , de manière à dérober entièrement la vue des chasseurs, et capable dé contenir deux excellents tireurs. L’Autruche, prise jeune, s’apprivoise très-facilement , et ne cherche presque jamais à s’éloigner par la fuite de la tente de l'Arabe qui la nourrit. La peau des plantes des pieds de cet Oiseau est utilisée par les habitants du désert à consolider leurs chaussures ; avec les ten- dons on fait des lanières pour coudre les selles et raccommoder divers objets en cuir. La graisse est employée pour préparer les aliments , et indiquée comme remède dans diverses maladies. La chair des jeunes est tendre et délicate; les œufs frais forment une excellente nourriture. Les plumes constituant le duvet du ventre, et connues sous le nom de peñit-qris, servent comme gar- nitures où comme fourrures. Les longues pennes de la queue et des ailes sont recherchées pour les dais, les ameublements, les cérémonies funèbres , les habillements de théâtre, et pour la pa- rure des personnes de votre sexe. Celles des mâles ont plus de prix, Mais combien de préparations ne faut-il pas pour les rendre LES AUTRUCHES 281 F propres à vous orner! On est obligé de les détirer, c’est-à-dire d'étendre les franges, de les dégraisser, de les blanchir, de les dresser, de leur passer le poil, etc., avant d’être livrées aux marchands qui s’enrichissent avec ces objets de mode. Vous n’avez jamais, à nos yeux, Même dans les beaux jours de fête, Laissé flotter sur votre tête Ces panaches si gracieux ; Et lorsque tout cède à l'empire Du tyran le plus odieux, De la mode, s’il faut le dire, Quand chaque dame, de nos jours, Dans la mise de ses atours, Cherchant à singer la lorette, Étale, sans être coquette, Un luxe souvent effronté, Vous montrez dans votre toilette Une noble simplicité. Vous avez raison : à votre âge, Surtout quand, avec la beauté, On a cent talents en partage, Pourquoi recourir à l’usage De mille ornements superflus ? Vous devez à dame Nature Une bien plus riche parure, Dans votre charmante figure, Dans vos grâces et vos vertus. FX « LES OUTARDES 283 LETTRE XLI DS OUIARDES, _ Œdicnèmes. Pluviers, Vanneaux, etc. — L'été fuit, et déjà la terre Perd de ses charmes gracieux : Les prés n’offrent plus à nos yeux Les fleurs qui les paraient naguère : On ne voit plus au sein des champs Des blés la surface mouvante Cadoyer au souffle des vents, Et de la vague menacante Reproduire les mouvements ; La faux à dépouillé nos plaines De ses ornements du printemps: Chaque jour les efforts du temps Amoindrissent les agréments Dont nos campagnes étaient pleines. t DEuxtEME GRouPE: Les PRESSIROSTRES. — Ailes propres au vol. Doigls impropres à la nage. Bec médiocre. Pouce nul ou trop court pour toucher à terre 284 LETTRES A JULIE Les Oiseaux ont perdu leur voix ; On n'entend plus leur mélodie Résonner au fond de nos bois : Telle est l'image de la vie! A mesure qu'avec lenteur Nous avancons vers la vieillesse, Ne voit-on pas, avec douleur, S'envoler aussi, pièce à pièce, Tous les prestiges du bonheur Qui nous charmaient dans la jeunesse? Je faisais ces réflexions en songeant à la triste existence des Oiseaux dont nous avons commencé l’histoire. Ils fuient, en géné- ral, les regards de PHomme, se retirent dans les solitudes ou se cachent dans les marécages. Ils ne sont donc plus destinés à faire entendre ces accents mélodieux à l’aide desquels divers Passe- reaux savent charmer nos oreilles. Ceux dont nous avons à nous occuper aujourd’hui ont le bec médiocre et sensiblement comprimé; de là leur est venu le nom de Pressirostres. Is manquent d’ailleurs de pouce, où en ont un trop court pour toucher à terre. Ils se divisent en deux familles : les Outardes et les Pluviers. Les premiers ! ont une certaine analogie avec les Gallinacés par leur port massif et leur genre de vie; mais toute leur organisation les rattache aux Oiseaux de cet ordre. Les Outardes ont desliens de parenté évidentsavecles Autruches des déserts. Comme celles-ci, elles sont des coureurs intrépides ; aussi fréquentent-elles uniquementles steppesetles grandes plaies. La vie sauvage qu’elles mènent les rend naturellement farouches et les oblige à se tenir sans cesse sur le qui-vive. Sont-elles me- ! Bec légèrement arqué et voûté en dessus. Pouce nul: trois doigts en avant unis par une courte membrane. LES OUTARDES 285 nacées de quelque danger, elles commencent à courir en ouvrant leurs ailes, avant de pouvoir prendre leur essor et chercher leur salut dans un vol pémble et peu élevé. Dans les nuits froides des mauvais jours, le verglas paralyse leurs rames aériennes et les empêche d’en faire usage. Les Outardes vivent d'herbes, de Vers et d’Insectes, et consti- tuent un gibier très-recherché. Les mâles sont, comme nos Coqgs domestiques, des sultans s’arrogeant le droit de prendre sous leur égide un certain nombre de femelles. Mais combien de combats ces polygames n’ont-ils pas à soutenir pour rester maitres de leur petit harem! Leurs membres antérieurs portent souvent les traces des blessures recues dans ces luttes acharnées. Le vainqueur, après avoir forcé son rival à aller cacher sa honte, se glorifie de sa victoire en piaffant et faisant la roue près de ses odalisques. Chaque femelle ne tarde pas à se retirer dans un lieu conve- nable, pour y faire sa ponte. Elles déposent deux à quatre œufs dans les blés, dans les steppes ou dans les grandes herbes, et les petits, en arrivant au jour, ont le corps protégé par un duvet suffi- sant pour s’exposer à l’air et courir comme des Rats. Les Outardes sont devenues peu communes en France, Nous en avons deux espèces : la grande et la petite. La première, portant moustaches, comme nos grenadiers, est le plus pesant des Oiseaux de l'Europe; elle fréquente les grandes plaines, comme celles de la Champagne. La seconde, connue sous le nom de Canepetière, moins rare et plus vagabonde, est de la grosseur d’un Faisan. Le mâle, dans la saison d'été, est paré d’un magnifique collier de velours noir sur un fond blanc. ji Les Pluviers 1 constituent une famille plus nombreuse. Les uns i Bec ordinairement plus court que la tète, rétréci dans le milieu ou vers la base, 286 LETTRES À JULIE manquent de pouce et sont, en conséquence, tridactyles; les autres ont quatre doigts. À la première catégorie appartiennent les genres Œdicnème, Pluvier et Huitrier: à la seconde, les genres Garéole et Vanneau. L’Œdicnème * semble lier les Outardes aux Pluviers. Il en a les jambes agiïles et le caractère craintif ou farouche. Comme celles- là, 1l préfère aux lieux humides et aquatiques les terres stériles ou caillouteuses, les plaines arides ou sablonneuses. La femelle y dé- pose, dans un enfoncement, deux à quatre œufs. Get Oiseau doit son nom à l’enflure de ses genoux. Ses gros yeux, sa tête trop volumineuse pour son corps, lui donnent un air stupide. Sa robe est d’un cendré roussâtre en dessus et d’un blanc sale en dessous, avec des lignes brunes sur la tige des plumes ; les rémiges sont noires, avec des taches blanches. Il a une activité principalement crépusculaire, c’est-à-dire il choisit principalement le soir pour se montrer et se faire entendre. On l’accuse de ne pas se contenter toujours de Vers et d’Insectes, et de manger de petits Mammifères quand il en trouve l’occasion. Les Pluviers et les Vanneaux ont entre eux de nombreux rap- ports dans leurs habitudes et leur genre de vie. Ils passent dans le Nord la saison d’été, et viennent nous visiter en automne. Ils voyagent par troupes, vivent d’Insectes et surtout de Vers, qu'ils font sortir en piétinant le sol; puis, par mesure de propreté, ils vont, de temps à autre, se laver les pieds salis par leur industrie nourricière. Is fréquentent principalement les sols bas et humides, les prairies, le voismage des eaux, les terres fraichement labourées. La plupart nichent dans des lieux marécageux, sur les rives des marais ou sur les bords de la mer, et pondent trois à cinq œufs. 1 Doigts unis à la base par une membrane. LES PLUVIERS 287 Les Pluviers ! ont la tête grosse, le cou court, les ailes aiguës, les pieds agiles. Ils courent et volent avec légèreté. Comme les Autruches, ils sont polygames. Je me bornerai à vous citer les trois espèces suivantes : Le Pluvier doré, vêtu d’un manteau brun, parsemé de taches d’un blanc flavescent. Le Guignard, d'un brunâtre cendré en dessus, orné en dessous d’un plastron d’un roux cannelle, suivi d’une bande transversale noire, propre à faire ressortir davantage la couleur lactée du ventre. Il se tient, contrairement aux autres, dansles terres éle- vées, dans les lieux secs où montagneux. Dans le temps où il était plus commun dans la Beauce, il faisait le fond des pâtés chartrains dont les gourmets avaient étendu au loin la réputation. Le Pluvier à collier, brun en dessus, blanc en dessous et sur: la baguette de la rémige externe, orné d’un collier noir vers la partie antérieure de la poitrme. On le trouve principalement sur les bords de la mer. Un Oiseau de ce genre, dont l'Égypte est la patrie, semble fait pour servir de cure-dent au Crocodile. Ce Reptile dangereux vit, comme vous savez, de matières animales en voie de décomposi- tion. Après ses repas, 1l dort la gueule ouverte. Souvent quelques lambeaux de chairs restent entre les redoutables instruments de division dont ses mâchoires sont armées, et sa langue est trop courte pour les recueillir. Le Pluvier complaisant entre dans la gueule du monstre et se charge de l’en débarrasser. Le Carnassier reconnaissant se garderait bien de nuire à l’ami qui lui rend un pareil service. Les Vanneaux ? préfèrent à la polygamie le bonheur de vivre 1 Doigts au nombre de quatre : le médian uni à l’externe par une membrane; l'in- terne libre : pouce ne touchant pas à terre. Narines longitudinales. 2 Doigts au nombre de trois: le médian uni à l’externe par une membrane; l'in- terne libre. 288 LETPRES ATULRE avec une seule compagne. Comme les Pluviers, ils nous fournis- sent un gibier dont l’excellence a été peut-être un peu exagérée, si l’on s’en rapporte au proverbe : Qui n’a pas mangé de Vanneau Ne connaît pas un bon morceau. Ils produisent des œufs d’une délicatesse exquise, dont il se fait, dans le Nord, un commerce assez considérable. Ils doivent leur nom, suivant Buffon, au battement de leurs ailes, qui imite le bruit d’un van qu'on agite pour purger le blé. À l’époque de leurs amours, ils témoignent leur plaisir ou leur bonheur par des évolutions ou des pirouettes aériennes remar- quables. Le Vanneau huppé est vêtu d'un manteau verdâtre, à reflets métalliques, et porte derrière la tête une sorte d’aigrette élégam- ment recourbée à son extrémité ; il rend des services signalés en Hollande, en faisant la guerre aux Tarets, ces Mollusques qui percent les digues. Les Glaréoles ! sont des Oiseaux méridionaux vivant, durant les beaux jours, dans certaines parties du Languedoc et de la Provence. Elles se nourrissent de Vers et d’Insectes. Elles ont les pieds agiles et les aïles plus légères encore. Elles saisissent au vol les Sauterelles, en sucent les humeurs eten rejettent les par- es coriaces ou parcheminées. Elles se tiennent dans les prairies, sur les bords des ruisseaux limpides ; nichent dans les endroits marécageux, et pondent trois ou quatre œufs. Vers l’arrière- saison, elles émigrent par petites troupes. Ces Oiseaux ont un sentiment de confraternité dont les Pluviers 1 Doigts au nombre de quatre : le médian uni à la base avec l’externe: pouce ne touchant à terre que par le bout. Narines obliques. LES OUTARDES 280 donnent aussi l'exemple. Si lun d'eux est atteint par le plomb meurtrier du chasseur, tous les autres accourent en criant, pour compatir à sa misère, et donnent ainsi au braconnier l’occasion de décimer leurs rangs. L'Huitrier ! recherche les plages maritimes, les bords des marais salins, où la Nature lu à assigné sa nourriture. I y vit d'Annélides, d’Astéries, de Crustacés et de Mollusques. Son bec robuste et terminé en com lui permet d'ouvrir les coquilles des Moules pour en manger Panimal. Son costume noir et blane l’a fait surnommer Pie de iner. Get Oiseau à un caractère agressif et querelleur, surtout au printemps. Il fait entendre parfois des cris stridents d’une grande portée et propres à déchirer les oreilles. Cette espèce niche dans les marécages, vit en troupes nom- brenses, et change de rivage suivant les époques de l'année. Vous savez quelle analogie Existe entre chaque saison Et les âges de notre vie; Ainsi, succède à la jeunesse Le temps où règne la raison, Puis vient l'hiver ou la vieillesse. Mais, si cette comparaison Offre une certaine justesse En ce qui regarde nos ans, Lorsqu'il s’agit des sentiments, Il n’en est pas toujours de même : En vain voyons-nous fuir le temps Avec une vitesse extrême, Quand on vit près de ce qu'on aime, Pour nous c’est toujours le printemps. 1 Jec terminé en cône. Doigts au nombre de trois, bordés de callosilés. 19 PA Er mmrsteg aa, À #£ | ISA CISGOGNE get FA e Împ.Lemercrer et C*Porrs LETTRE XLII Pre CGLUMe — Hérons, Cigognes, Spatules De nos poëtes favoris Dont j'aime à faire ma lecture, Ceux dont je suis le plus épris, Sont eeux qui dans tous leurs écrits Font le mieux parler la Nature. Ainsi quand Molière, en ses vers, De nos vices fait la censure, Avec quel art, de nos travers Ne trace-t-il pas la peinture ! Quand le plus parfait des auteurs, Celui de Phèdre et d'Athalie, De nos yeux arrache des pleurs, Qui n’admire, avec son génie, Cette connaissance infinie Qu'il avait des replis du cœur ? Enfin, quand le bon La Fontaine { TROISIÈME GROUPE : Les CULTRIROSTRES. — Ailes propres au vol. Doigts courts ou médiocres, impropres à la nage. Bec gros, long et fort, souvent tranchant et pointu. 292 LR DIRES MAP ABMLURE Met en scène les animaux, Et reproduit dans ses tableaux Les actes de la vie humaine, On voit que cet aimable auteur N'est pas seulement moraliste, Mais un profond observateur Et un parfait naturaliste. Avec quelle fidélité n’a=t=il pas caractérisé le Héron, Pun des Oiseaux dont il va être aujourd’hui question ! Les Échassiers de ce troisième eroupe ont reçu le nom de Cu/- trirostres. en raison de leur bec ordinairement semblable à un coutre ou fer de charrue. Ils constituent deux familles : les Grues et les Jérons. Les premières! fréquentent prmcipalement les terrains hu- mides où marécageux, les embouchures des fleuves et les bords de la mer. Elles se nourrissent d'herbes et de graines, et moissonnent quelquefois avant nous nos champs de blé; mais elles font aussi la enerre aux Mulots et aux Grenouilles. Gräce à leur vol, d’une puissance remarquable, elles établissent leurs quartiers d'hiver dans les régions équatoriales, et vont, au printemps, à plus de mille lieues de leur point de départ, se fixer dans les climats du nord de l’Europe et de l'Asie. Elles y cachent leurs nids dans les hautes herbes ou sous les buissons, et y pon- dent deux œufs. Elles ont pour leurs petits une tendresse sans évale ; s'ils sont menacés de quelque danger, elles les défendent contre les animaux et contre l'Homme même, avec un courage dont une mère seule peut être capable. Les Grues, dès Les temps les plus anciens, avaient attiré l’atten- tion des peuples par leurs migrations périodiques et surtout par les 1 Jec médiocre, Poure élevé et très-court. LES HÉRONS 293 sons retentissants qu’elles font entendre du haut des airs. Dans ces voyages, qu'elles ont soin d'entreprendre la nuit, elles adoptent la disposition triangulaire que suivent aussi les Oies. Je ne vous rapporteyai pas les récits de Pline et des autres écri- vains de l'antiquité relativement aux guerres que ces Oiseaux livraient chaque année aux Pygmées, Lilliputiens de deux pieds de hauteur, qui vivaient dans des grottes: je ne pourrais vous donner de ces faits, dénaturés par la Fable, qu'une explication hasardée. Mais je dois vous parler du goût que ces Oiseaux montrent pour la danse, non pas celle qu'on fait exécuter aux Dindes en Îles posant sur des barres de fer fortement échauffées qui forcent ces malheureuses bêtes à lever successivement les pattes sitôt que l’une d’elles touche le métal brûlant ; mais une véritable danse, ayant des figures et des pas qui se rapprochent de quelques-uns des nôtres. La Grue d'Europe, à robe grise, est la moins aflolée de cet exercice; mais deux autres espèces d'Afrique, la Dernorselle de Numidie et surtout la Grue couronnée, sy livrent avec une ardeur sans égale. La famille des Hérons ! comprend, outre les Oiseaux qui por- tent particulièrement ce nom, les genres Cigogne et Spatule. Les Hérons? sont amis des bords des rivières et des lacs, des marécages et des prés humides. Ils déciment les Poissons quand ils en trouvent occasion ; mais il faut leur pardonner ces actes de gourmandise en faveur des services qu'ils nous rendent. Ils avalent les Serpents et autres Reptiles et une foule de Rongeurs ennemis de nos récoltes. Dans \ Bec allongé. Pouce élevé et appuyant entièrement sur le sol. 2 Bec plus long que la tète, pointu à l'extrémité. Ongle du doigt médian dentelé à son bord interne. l _— = TT = 294 LETTRES À JULIE les circonstances difhiciles, ils se rabattent, comme celui de la fable, sur les Mollusques, les Vers et les Insectes. Ils nichent, suivant les espèces, dans les grandes herbes, sur les buissons ou sur les arbres riverains des lieux aquatiques. Le Héron commun choisit même quelques localités couvertes de vieux chênes pour y établir des Léronnières, c’est-à-dire pour y construire en société des nids nombreux, que chaque couple vient retrouver au printemps suvant. Ces Oiseaux pondent trois à cinq œufs. Les petits, en arrivant au jour, sont revêtus de duvet, mais ne sortent pas du nid avant de pouvoir faire usage de leurs ailes : ils reçoivent jusqu'à ce moment la nourriture de leurs parents. Les Hérons se tiennent souvent posés sur un seul pied, dans l’état de repos. Quand ils se disposent à pêcher, ils rejettent leur tôte sur le dos, cachent leur bec entre les épaules et tiennent leur regard fixé sur les eaux. Si un Poisson s’aventure près d’eux, leur col, qui était immobile, semble éprouver un brusque mouve- ment de détente, et leur bec atteint, avec une adresse admirable, l’imprudent qui n’a pas su éviter le danger. Ce bec n’est pas seulement un dard dangereux, une pmce imtel- ligente, l’animal s’en sert aussi comme d’une arme défensive, comme d’une espèce de poignard, qu'il cherche à lancer à la face où aux yeux du Chien où même de Homme qui menace sa vie. Le gosier des Hérons jouit, comme celui des Serpents, de la propriété de se dilater suffisamment pour leur permettre d'avaler une proie d’un volume souvent très-disproportionné avec le dia- mètre apparent de leur œsophage. Les Hérons ont un air triste et mélancolique. La plupart sont migrateurs où changent du moins de rivage suivant les époques de l’année. Ils tiennent, en volant, les jambes étendues. Vous connaissez le {léron cendré, ayant la nuque parée LES: CIGOGNES 299 d’une sorte de chignon formé de plumes étagées en partie noires. Je vous citerai encore le Butor, à voix de Taureau, presque entièrement d’un roux Jaunâtre, avec le front et le vertex noirs. Les autres espèces offrent moins d'intérêt. Les Cigognes !, comme les Hirondelles, paraissent comprendre combien elles nous sont utiles et combien nous avons intérêt à les protéger, car elles viennent se placer sous notre sauvegarde, s’é- tablir sur nos édifices. Elles sont les ennemis les plus acharnés des Serpents, de ces immondes Batraciens qui pullulent dans les eaux dormantes et des petits Rongeurs qui vivent en pillards effrontés au milieu de nos récoltes. Elles détruisent bon nombre d’Insectes et suivent parfois le laboureur dans le but intéressé que vous devinez. La protection que nous accordons à ces Oiseaux est donc toute naturelle. Dans divers pays, il est expressément défendu de leur nuire; dans d’autres, on porte.envie à la maison que ia Cigogne a choisie pour. y élever sa famille. . Ces Oiseaux sont, comme les Colombes, des modèles de fidélité conjugale et de dévouement maternel. En voici un trait entre mille : Un incendie dévorait une maison sur laquelle était placé le nid d’un de ces Échassiers. La mère, ne pouvant sauver ses petits, se précipita dans les flammes pour périr avec eux. On connait deux espèces de Cigognes : la Noire, propre aux parties orientales de l'Europe, et la Blanche, dont les aïles noires font ressortir la robe lactée. Cette dernière à le bec et les pieds rouses. Elle niche en Alsace et surtout en Hollande, où elle trouve une abondante nourriture. Vers le milieu de l’été, elle va chercher en Afrique des aliments que nos contrées ne pourraient { Bec plus long que la Bite, pointu à l'extremite. Ougle du doigt médian à bord entier. 296 LETTRES A JULIE plus lui fournir. Les vieux males semblent toujours précéder les femelles et les jeunes dans ces migrations, Ces Oiseaux s'élèvent parfois, dans ces voyages, aux plus hautes régions de l'air. La Cigogne blanche S'apprivoise facilement, Pendant assez longtemps jen ai possédé une, à laquelle un coup de feu avait cassé l'aile; elle se promenait avec la gravité d’un sénateur, et faisait claquer ses mandibules lune contre l’autre quand on l’approchait. La Spatule est un Oiseau à robe blanche, qui doit son nom à la forme de son bec. Elle a presque les mœurs des Cigognes et émigre, comme elles, à l'approche des froids. Elle se nourrit de Poissons, d’Insectes, de Mollusques et, au besoin, d'herbes aqua- tiques. On la voit souvent, perchée sur un arbre, épier la proie sur laquelle elle va fondre. La faiblesse de son bec semble faire pres- sentir l'apparition des Échassiers de l’ordre suivant, qui, comme elle, auront besoin de se nourrir d’une proie molle. Quelques personnes lui font un mérite d’être muette, même à l’époque de ses amours, au lieu de corner à nos oreilles, comme le Butor, des sons mugissants propres à déchirer le tympan. Mas pourquoi blîmer ce dernier ? Ce pauvre Oiseau, sitôt qu'il aime Et qu'il a su faire son choix, Pense, dans son amour extrême, Qu'il doit le crier sur les toits: Ne voit-on pas chez nous parfois Plus d’un amant agir de même ? Quant à moi, qui depuis longtemps Ai su reconnaitre l'empire Qu'exercent sur nos sentiments Tous les dons qu'en vous on admire, Besoin n'est de vous le prôner ; Mes regards ont pu vous le dire: Vous avez dû le deviner. À EU Vas de . . a =: FL ” b xs le Paris D L mp.lemercier &({ | LES IBIS 297 LETTRE XLIIT ESS EPS _— Bécasses, Courlis, Barges, Combattants, Échasses, etc. — Lorsqu'à l'approche du printemps, Loin de nous s'enfuit la froidure, Qu'au souffle des vents caressants Nos prés reprennent leur verdure, Qu'une tiède température Nous porte à parcourir les champs, Quand déjà l'Insecte murmure, Quand tout semble prendre une voix Pour célébrer, dans ces beaux mois, Le doux réveil de la Nature, Vous est-il arrivé parfois, A l'heure où dans l’air se balance La lune aux rayons tremblotants, D'entendre des cris chevrotants De la nuit troubler le silence ? Ces cris, ou plutôt ces sons joyeux, sont produits par Pun des Oiseaux dont j'ai à vous esquisser l’histoire. 298 LETTRES ALIJULIE Les Échassiers de ce quatrième groupe ont été appelés Lon- girostres |, en raison de leur bec allongé, ordinairement cylin- drique et renflé à l'extrémité. À voir la forme de cet organe, il ne vous sera pas difficile de deviner sa destination. Ces Oiseaux s’en servent pour chercher , dans la vase ou dans les terres humides, les Vermisseaux ou les Larves d’Insectes qui s’y cachent. Ce bec, souvent muni dune peau molle à sa partie antérieure, est pour eux un organe de tact et peut-être d’odorat, d’une sûreté remarquable , et leur permet de trouver avec facilité la nourriture qui leur convient. Destinés par la Nature à fréquenter les bords des mers ou des rivières , à vivre dans les lieux marécageux où l'Homme craint de porter ses pas, ils ont une existence triste, une vue faible, un naturel timide, des habitudes sauvages , une intelligence obtuse. Leurs ailes ne leur servent ni à se jouer dans les airs, ni à se percher ; elles leur ont été données pour-fuir avec rapidité le danger qui les menace ou pour changer de lieu. La plupart émi- erent à des époques régulières , et reviennent dans nos contrées pendant une certaine saison de l’année. Ne cherchez pas chez ces Échassiers les gracieuses formes, ni les voix harmonieuses de la plupart des petits musiciens de nos vergers. Leur bec allongé, leurs yeux souvent gros et rejetés en arrière, leur donnent un air de stupidité devenu proverbial pour quelques-uns. Les Oiseaux de ce groupe peuvent être partagés en deux familles : les Zhis * et les Bécasses. Une seule espèce est de passage dans nos provinces méridio- nales; mais le nom de l’/bis sacré vous est connu depuis long- ! Bec faible et grèle. ? Bec long et arqué. Zéle nue, au moins en partie. Pouce portant à terre sur toute sa longueur. LES CHEVALIERS 299 temps. Les anciens habitants des bords du Nil le vénéraient, comme un témoignage de cette Providence adorable dont les œuvres manifestent si hautement sa bonté pour l'Homme. Son arrivée annonçait la crue du Nil, et quand le fleuve retirait ses eaux chargées de donner à la terre sa fécondité, cet Oiseau déli- vrait le sol des Serpents, des Sauterelles et autres Insectes nui- sibles. En reconnaissance de ces bienfaits, les habitants de Thèbes et de Memphis élevaient quelques Ibis dans les temples ; on les embaumait après leur mort, et diverses momies se trouvent accom- pagnées de ces êtres bienfaisants. Aux Bécasses ! se rattachent une foule d’Oiseaux offrant des différences peu tranchées , soit dans leur manière de vivre, soit dans leurs caractères extérieurs. Nous les passerons rapidement en revue. Les Courhs* se rapprochent des Ibis par la longueur et la forme de leur bec. Dans leurs voyages annuels, plusieurs d’entre eux s'arrêtent dans la plupart des marécages qui se trouvent sur leur route. Les Barges*, au bec droit où légèrement recourbé, nous four- nissent les pièces d’un gibier recherché. Les Chevaliers" doivent leur nom à leur conformation. Juchés sur leurs longues échasses, comme le dit Belon”, ils semblent à cheval. Quelques-uns nichent dans nos contrées. IIS fréquentent les prairies humides, les bords des eaux douces et salées, courent avec une légèreté remarquable, font entendre en 1 Tête garnie de plumes. Pouce court ou portant à terre seulement par le bout. Doigts non garnis d’une membrane lobée. 2 Bec très-long, grèle et arqué. Narines linéaires, ouvertes dans le sillon du bec. Pouce petit, élevé avec l’ongle rudimentaire. 5 Bec très-long, flexible, cylindrique à la base, droit et recourbé ensuite en haut. : Bec droit ou légèrement recourbé, à mandibule supérieure fléchie sur l'inférieure qui esb un peu plus courte. > Histoire de la nature des Oiseaux. Paris, 1555, p. 207. 300 L'ERTRES AMEULTE volant des notes de rappel, et produisent, quand ils sont prêts à se poser, des sons plus doux, dont les modulations varient suivant les espèces. Les Paons de mer, plus connus sous le nom de Cornbattants ?, méritent bien cette dénomination par les guerres acharnées que les mâles se livrent au printemps. Ai-je besoin de vous dire que l'amour et la jalousie sont les causes de leurs querelles? Le dieu qui, sur notre existence, Notre repos, notre bonheur, Exerce une grande influence, Sait aussi soumettre leur cœur À sa tyrannique puissance. La Nature leur donne, à époque de leurs noces, des parures plus où moins singulières. Leur tête se couvre de papilles em pourprées ; leur cou se hérisse d’une crinière diversement colorée et bizarrement disposée, mais dont la durée ne dépasse pas celle de leur lune de miel. Les Tourne-pierres* ont l'art, comme Pindique leur nom, d'employer leur bec, avec autant d'adresse que nos mains, à retourner les pierres, pour y trouver les Vers dont ils sont avides. Les Échasses® doivent, par leur conformation et leurs habi- tudes, être placées à la fin de ce groupe. Les tarses d’une lon- sueur démesurée sur lesquels elles sont montées indiquent le rôle qu'elles ont à remplir. Elles fréquentent les terrains submergés, 1 Bec médiocre, très-faiblement renflé à sa pointe, incliné à celle-ci. Jambes deénu- dées inférieurement. Ailes sur-aiguës. ? Bec court et conique, à pointe dure et tronquée ; à mandibule supérieure légère- ment retroussée. Doigts libres. 5 Bec deux fois aussi long que la Lète, pointu; à mandibule supérieure un peu flé- chie sur l’inférieure, Jambes presque entièrement dénudées. Tarses tres-longs. Dorgt médian uni à ses voisins par une membrane. LES. BÉCASSES 901 et peuvent, sans se mouiller, parcourir les marécages inondés dans lesquels se cache leur nourriture. L'espèce qui vit en France est d’une inquiétude extrême, et elle en avait besoin pour n'être pas surprise, car elle à une certaine peine, pour prendre son vol, à dégager ses pieds de la vase dans laquelle ils sont enfouis. Les chasseurs lui en veulent, parce que, en fuyant, elle fait en- tendre un certain cri, qui annonce aux Canards la présence de l'ennemi. Les Bécasseaux \ habitent les bords des lacs ou des marais, et se réunissent en troupes à l’époque de leurs adieux. Les Bécasses * terminent cette liste assez longue. Je me bor- neral à vous parler des deux espèces les plus connues. La Bécassine vient en mars. Elle se tient dans les marais ou sur les bords les plus humides des étangs. Quand on approche des lieux dans lesquels elle vit cachée, elle s'élève en jetant un cri de frayeur court et sifflé, fuit en faisant des crochets dans son vol rapide, et s'élève parfois si haut qu'on la perd bientôt de vue. Dans les belles soirées du printemps, elle parcourt les airs en pro- duisant des sons qui Pont fait nommer Chèvre volanteonu Chèvre de saint Martin. Elle niche à terre, dans les prés où à l'abri d’un buisson voisin _des eaux, et pond quatre ou cinq œufs. La grosse Bécasse habite le Nord durant la belle saison, et passe deux fois par an sur nos terres dans ses voyages annuels. Quand elle quitte les contrées septentrionales, elle nous arrive vers la fin d'octobre : elle est alors grasse et recherchée des ama- teurs. Elle se montre en plein passage en novembre ; aussi la ! Bec médiocre, grèle, flexible, sillonné, comprimé à sa base, dilaté à sa pointe. Jainbes un peu dénudées inférieurement. Ailes sur-aisuës. 2? Bec long, grèle, non renflé et obtus à sa pointe. Jainbes peu ou point d‘nudées inlérieurement. Pieds médiocres. Ailes sur-aiguës. 302 LETTRES - A JULIE pleine lune de ce mois est-elle appelée, sur le calendrier des chasseurs, Lune des Bécasses. Klle revient ensuite en mars, pour aller reprendre, sous des latitudes plus voisines des cercles polaires, ses cantonnements d'été. Durant les visites qu’elle nous fait, elle se tient dans les bois humides; elle fuit, devant le chas- seur, d'un vol rapide, mais peu longtemps soutenu, et s’abat comme une masse inerte. Elle choisit ordinairement les clairières pour se poser, pus court, d'un pied léger, se cacher dans les four rés, Quelquefois, accroupie entre des feuilles, au pied d’un arbre, elle laisse passer le chasseur près d’elle sans bouger. L’excellence de sa chair lexpose à bien des dangers. On lui fait la chasse au fusil et à laide de piéges de toutes sortes. Elle passe, quand elle est faite convenablement, pour le morceau le plus capable de fatter le palais d’un gourmet. Faut-il que je vous reproduise Les conseils que feu Savarin A laissés sur son calepin, Pour son code de gourmandise? La Bécasse, dit cet auteur, Doit être à point mortifiée, Pour être, par un amateur, A juste droit glorifiée : Surtout que votre cuisinier, Par une imprévoyance folle, Ne fasse cuire ce gibier Dans une indigne casserole : Ses membres doivent, tour à tour, Du feu sentir la douce approche, Et quand l’Oiseau tourne à la broche, Votre Vatel, s'il est soigneux. Doit, d’un liquide butyreux, Humecter sa peau ramoitie. La bête, par là, garantie MESVBÉCASSIES 303 Des ardeurs d’un feu de Vulcain, Parfume bientôt La rôtie Sous elle étendue à dessein, En laissant tomber sur le pain La plus succulente partie Des riches trésors de son sein. On dit alors que la Bécasse Est le manger le plus exquis, Et l'estomac a toujours place Pour un moreeau d'un pareil prix. Ce mets sans doute est délectable Pour ceux qui semblent si jaloux De tous les plaisirs de la table : Mais je trouve, en suivant mes goûts, Un bonheur cent fois préférable À m'entretenir avec vous. — MN LES AVOCETTES | 309 LETTRE LXIV le AN ODCRTEES; — Les Flammants —- Paut-être jamais la Nature, N'a-t-elle produit dans ses jeux, Entre les êtres curieux Dont nous admirons la structure Ou les dessins capricieux, De plus excentrique figure Que les Oiseaux dont, à vos veux, Je vais exposer la peinture. Ce n’est pas seulement par leur tournure hétéroclite, smgulière où bizarre, que les Échassiers dont je vais vous parler méritent de fixer notre attention, ils semblent nous offrir un problème à résoudre. A voir leurs doigts unis par une membrane, on serait tenté de L CiNQUIÈME GROUPE : Les LATIPÉDES. — CaRACTÈRES : Ailes propres au vol. Pieds palmés. 20 306 LEUR SNA» JOIE les déplacer de l’ordre dans lequel nous les rangeons, pour les rejeter parmi les Palmipèdes; mais tout naturaliste intelligent, en considérant la longueur de leurs pieds, ne peut manquer de recon- naître que ces organes ne sont pas destinés à servir de rames ou davirons. Les tarses élevés et les jambes en partie dénudées de ces Oiseaux nous les montrent faits pour vivre dans les marécages, et la Nature, en palmant leurs pieds et en leur constituant ainsi une plus large base, à voulu donner à ces Paludéens la faculté d’arpenter les boues les plus détrempées, les vases les plus molles, sans crainte d'y engager leurs organes de la marche. Le pouce, dont la longueur serait embarrassante, a été élevé, raccourci ou presque anmibilé. Mais, en dehors du caractère commun, qui permet de réunir les Avocettes et les Flaminants dans un petit groupe particulier, ces Oiseaux ont peu de rapports entre eux dans leurs formes et dans leurs habitudes. Les Avocettes! ont le nez à la Roxelane, c’est-à-dire re- troussé. À la vue de ce bec allongé, flexible comme une baleme, oraduellement rétréci jusqu'à l'extrémité qui est recourbée, on est naturellement porté à se demander à quel usage doit servir un pareil instrument. Peut-être vous le donnerais-je en cent, que vous seriez obligée de jeter votre langue au Chat. Cet organe si singulier est pour l’Avocette le crochet du chiffonnier. En parcourant les marécages qui constituent ses domaines, apercoit-elle une Larve où un Insecte engagé dans la boue ou cheminant sur sa surface, elle le fait sauter en l'air avec son croc, et le recoit dans son bec quand il retombe. On dirait une sorte de jeu de bilboquet. Vous conviendrez que la Nature ne 1 Bec long, crèle, recourbé à l'extrémité. LES FLAMMANTS 307 pouvait pas imaginer une manière plus amusante de lui faire gagner sa vie. Les Avocettes vivent en troupes sur les plages limoneuses de l'embouchure des fleuves, dans les marais voisins des mers, cou- rent avec assez de rapidité et pondent deux ou trois œufs. Le Flammant' constitue un type plus original encore. Ses pieds palmés, son cou grêle, onduleux et allongé comme le corps d’un Serpent; son bec garni sur les côtés de petites lames, comme celui des Canards, lui donnent presque Pair d’un Cygne blanc à ailes roses, monté sur les plus longues gieues des Échassiers. Et ce n’est encore là qu'une partie des singularités de son organisa- tion. Sa mandibule supérieure semble avoir recu un choc, à la suite duquel elle s’est trouvée presque ployée en deux. De cette facon, elle est sensiblement relevée depuis la base jusqu'au milieu, et infléchie en devant. Elle laisse par là, entre elle et la mandibule inférieure, un espace suffisant pour loger la langue, plus épaisse que chez les autres Oiseaux. Cette langue, remplie d’une graisse savoureuse, passe pour un morceau exquis. Apicius, le plus raffiné de tous les gourmands de Rome, fut le premier à le révéler?, et vous savez qu'Héliogabale, Pun des empereurs qui ont poussé le plus loin le luxe et la folie des dépenses de la table, ne craignait pas de sacri- fier des centaines de Flammants, pour faire servir à ses convives des plats de langues de ces Oiseaux. Cet Échassier est sédentaire dans les parties marécageuses où couvertes d’étangs de nos provinces méridionales. Il y vit en société; mais le bataillon se laisse difficilement approcher. A l'exemple des Chamois, pendant que le gros de la troupe est occupé à chercher sa nourriture, Pun de ces Oiseaux reste de planton, l Bec épais, garni sur ses bords de lamelles transversales; à mandibule supérieure comme ployée dans son milieu, et infléchie à l'extrémité. 2 Pcixe, Hist. nat., édit, Panckoucke, t. VII, liv. X, p. 305. 308 LETTRES A JULTE pour éviter toute surprise. Cette sentinelle vigilante aperçoit-elle quelque danger, elle pousse un cri retentissant comme le bruit du cluron, et tous cherchent aussitôt leur salut dans les airs. Ils volent les jambes pendantes. Ces Oiseaux ont cependant, chaque année, à passer une époque critique, pendant laquelle leur vie court plus particulièrement des dangers. Au moment de la mue, les pennes de leurs ailes tombent d’une manière subite, et les laissent dans l’impossibilité de prendre leur vol, jusqu’à leur remplacement par de nouvelles rémiges. La couleur de ces Oiseaux a donné lieu à une méprise singu- lière dans les années du siècle dernier où les Anglais tentaient des descentes dans notre ile Saint-Domingue. Un nègre ayant aperçu, à deux lieues de lui, sur les bords de la mer, une quantité prodigieuse de Flammants aux ailes rouges, accourut en toute hâte aux Gonaïves, en criant dans les rues :«L’Anglais yo apres veni.» Le commandant de la place fait battre aussitôt la générale, double les postes et envoie à la découverte. Le détachement se met en marche : à son approche, les eunemis s’envorent!, Ces Oiseaux se nourrissent de Poissons, de Mollusques et d’In- sectes. La longueur de leur cou leur permet d’enfoncer leur tête profondément dans les eaux, pour y chercher leur proie, que les lamelles de leur bec leur donnent les moyens de retenir. La femelle du Flammant niche sur le bord de la mer ou des étangs, et pond deux œufs. On prétend que, pour n'être pas em barrassée de ses longues pattes, elle construit un nid en cône tronqué, une mignature des montagnes de la chaine des puys, dont l'élévation est suffisante pour lui permettre de rester assise pendant les moments de l’incubation; mais il parait qu’elle se 1 DescourTizz, Voyage d'un Naturaliste. Paris, 1809, €. II, p. 217. LES FLAMMANTS 309 borne souvent à utiliser les accidents de terrain capables de lui offrir les mêmes avantages. Ces Oiseaux n’ont pas des ailes d’une étendue proportionnée au volume de leur corps; mais la Nature y a suppléé en donnant à leur squelette plus de légèreté, en évidant la plupart de leurs os. Les anciens, qui s'étaient servis du tibia des Cerfs ou des Anes pour construire des flûtes, en fabriquèrent avec le fémur des Flammants, dont les sons étaient enchanteurs. Mais quel instrument assez doux Ou quel joueur assez habile Pourrait jamais produire en nous L’impression presque fébrile Que vous exercez sur nos sens, Quand votre voix pure et facile S'unit aux accords ravissants Que, sous vos doigts obéissants, Rend votre harpe si docile ? ” LES RADES 311 LETTRE XLV LES RALES. — Les Poules d'eau — Si vous montriez votre main blanche À quelque chiromancien, Il pourrait, l’examinant bien, Deviner, sans doute, en revanche, Grâce à son art bohémien, Cet adorable caractère, Ces mille qualités du cœur Et cet esprit plein de douceur Qui vous rendent à tous si chère. ) Vous savez que la science des Goclès* et des Belot*, celle de 1 CINQUIÈME GROUPE : Les MACRODACTYLES.— CARACTÈRES : Bec comprime : plus court que la tète, rarement plus long. Doigts au nombre de quatre: le médian au moins de la longueur du tarse, ! BarProLoMæt Cociris. Physionomic et chiromantiæ Compendium, Argen- torati,1536, 5 Œuvres de Jean Belot, Rouen, 1640. In&, a 312 LETTRES A JULIE pouvoir connaitre la destinée, le tempérament et les inclinations d'une personne, repose sur l'inspection des lignes de la paume de la main. Chez les Oiseaux, on se sert du pied comme caractère indicatif des mœurs et des habitudes de ces animaux. A voir les Échassiers, auxquels la longueur de leurs doigts a fait donner le nom de Hacrodactyles, il est facile de deviner que ces extrémités des membres postérieurs ont été allongées outre mesure pour permettre à ces amis des marécages de s’ap- puyer en marchant sur les herbes couchées sur la vase, sans enfoncer dans celle-ci. Ces Oiseaux constituent deux familles : les Adles et les Poules d'eau. Les Räles ! se plaisent dans les lieux retirés, principalement dans les solitudes marécageuses, s’y tiennent cachés dans les roseaux et autres herbes élevées, et y pondent six à douze œufs. Ils se nourrissent de Vermisseaux, d’Insectes, de Mollusques, de graines et de pousses tendres de plantes aquatiques. Ces Oiseaux sont timides et craintifs; leur vol est lourd et de courte durée; mais la Nature leur à donné la ruse en partage, et a doué leurs pieds d’une agilité remarquable. Sont-ils menacés de quelque danger, ils fuient avec une rapidité dont on ne les croirait pas capables, savent se faufiler à travers les herbes, se couler, comme des Rats, sous les racines dénudées des arbres riverains des ruisseaux ou des marécages, faire des marches et des contre-marches, de manière à dépister les Chiens les plus habiles. Je me bornerai à vous citer les trois espèces suivantes : Le Räle des genëts, véritable gibier de roi, connu de tous les œourmets en raison de l’excellence de sa chair. Il niche dans les ‘ Front garni de plumes. Doigts lisses. LE SLP'OUTLES DIE AU 313 prairies humides, mais se tient, plus tard, dans les blés, les taillis et les genêts. Il fait entendre un bruit de crécelle désa- oréable, dont le mot crex est imitatif, On l’a surnommé Æoc des Cailles, parce qu'il suit à peu près celles-ci dans leurs migrations périodiques. La Marouette, autre gibier de première valeur, très-commune dans les marais situés sur la route de la Grande-Chartreuse, au- dessous de Saint-Laurent-du-Pont, ayant le dos et la poitrine dun brun olivâtre, parsemés de taches blanches, et les ailes bor- dées d’un blanc plus pur. Le Räle d'eau, aux ailes unicolores, d’une existence plus exclu- sivement aquatique. Les Poules d’eau !, connues aussi sous le nom générique de Foulque et de Gallinule, sont organisées pour nager et même pour plonger avec une certaine facilité ; elles semblent former une transition naturelle des Échassiers aux Palmipèdes, dont nous aurons bientôt à nous occuper. La Poule d’eau ordinaire a le corps comprimé et de la grosseur de celui d’une Perdrix. Son dos d’un brun olivatre, son plastron d’un bleu noir lui constituent un costume peu propre à la faire découvrir au milieu des hautes herbes des étangs, des marais et des tourbières au sein desquelles elle se cache. Elle profite ordi- nairement des heures crépusculaires pour se promener ou nager sur les parties découvertes de ces lieux humides; cependant on la voit quelquefois s’aventurer, durant le jour, hors des dédales qui lui servent d'asile, si le silence le plus profond la rassure sur ses démarches. Un bruit insolite vient-il alors à frapper ses oreilles, elle se hâte de regagner, à la nage ou en volant par saccades et les pieds pendants, ses retraites habituelles ; elle plonge parfois 1 Front marqué d'une plaque dénudée, Doigts bordés d'une membrane, 514 LETTRES A JURTE pour échapper au danger ; une humeur huileuse ne permet pas à ses plumes d'être mouillées tant qu'elle est vivante. Elle fait entendre, de temps à autre, des notes sonores de rappel. La Poule d’eau vit d’Insectes et de Mollusques aquatiques, de Tétards, de Grenouilles, de frai de Poissons. Elle bâtit avec des herbes sèches un nid assez élevé pour être à l'abri des grosses eaux. Elle y dépose huit à dix œufs. Les petits, en naissant, sont garnis d’un duvet noir et peuvent courir en sor- tant de la coque. Unsjour, passant près de l’un de vos étangs de Beaugrand, l'idée me vint de nrarrèter près de cette eau dormante, pour tâcher de découvrir quelques-uns de ces Oiseaux qui, chaque année, viennent s’y cacher durant les beaux jours. Assis au sein des arbrisseaux Qui garnissent ces bords tranquilles, Je crus voir de quelques roseaux Vaciller les tiges mobiles ; C'était un de ces volatiles Qui les touchait dans son parcours, En suivant les obscurs détours De son aquatique domaine. Malgré les obstacles nombreux Qui me le dérobaïient sans peine, Dans ses dédales ténébreux Je suivais sa marche incertaine. Parfois le timide animal S'aventurait sur le cristal De l’herbeuse et liquide plaine, Y cherchait un repas frugal, Puis revenait en diligence ’ Se cacher dans les jones mouvants. Depuis longtemps, dans le silence, Je suivais, avec patience, LESSP OULES), D'EAU v] Qt Ses capricieux mouvements, Et je me livrais à l'étude De ses penchants et de ses goûts, Quand, par suite de l'habitude De m'occuper souvent de vous, L'illusion, comme un mirage, Vint, par un prestige nouveau, Offrir à mes yeux votre image : Je négligeai bientôt l'Oiseau Qui me captivait sans partage. Ce n'était plus la Poule d'eau Qui m'attachait à ce rivage. LES PÉTREES 517 LETTRE XLVI LOS PERLE LS: -— Labbes. Mouettes, Sternes — Il faut déserter désormais Ces bois, ces champs et ces prairies Où naguère je me plaisais À promener mes réveries, Où, pour répondre à vos désirs, Je venais avec patience Épier, dans leur existence, Ces êtres qui, de mes loisirs, Font la plus douce jouissance : Où je méditais les lecons Que je vous tracais dans mes veilles: Où les Fauvettes, les Pinsons, De leur voix m'offraient les merveilles, Et savaient tenir mes oreilles ! SEPTIÈME ORDRE: Les PALMIPEDES. — CaArACTÈRES : Pieds ordinairement courts et robustes. Doigts palmés ou garnis d’une membrane lobée. Queue le plus souvent courte ou nulle. 318 LETTRES AJULTE Sous le charme de leurs chansons. Quittons encor ces marécages, Au sein desquels d’autres Oiseaux Cachent au milieu des roseaux Leurs mœurs timides et sauvages. Allons camper sur les rivages Des lacs cachés dans les déserts, Des océans suivre les plages, Ou parcourir dans nos voyages La surface des flots amers. Les Échassiers, dont nous avons terminé l’histoire, nous con- duisent naturellement à des Oiseaux d’une existence plus aqua- tique encore. Tous sont amis des mers, des lacs, des fleuves où des étangs, et la Nature leur à donné, pour vivre sur ces nappes liquides, une organisation dont vous comprendrez sans peine les dispositions intelligentes. Ils ont recu des doigts palmés où garnis d’une membrane lobée, pour être propres à la nage; des plumes imprégnées d’une humeur huileuse, pour les rendre incapables d’être mouillées; des pieds courts et robustes, pour résister aux fatigues d’une natation lon- ouement prolongée. Quoique destinés à vivre aux dépens des habitants de l’humide empire, ces Oiseaux ne s’y prennent pas tous de la même manière pour se procurer leur nourriture. Les uns, comme les Hirondelles de mer, voiliers infatigables, saisissent leur proie en effleurant la surface des eaux. Ils se repo- sent parfois sur les rivages, le plus souvent sur les mers; mais ils ne plongent jamais pour aller chercher le Poisson dans ses hu- mides retraites. Leur pouce est libre ou fait défaut. D’autres, comme les Cormorans, sont encore de bons voiliers : mais ils ont le pouce uniau doigt interne par une membrane ; ils LES PÉTRELS 319 attrapent leur proie en s’abattant sur elle, après lavoir guettée en se balançant sur ces nappes liquides, et la poursuivent quelque- fois dans les eaux. Dans le repos, ils aiment à se percher sur les arbres ou sur les rochers. Un grand nombre d’autres Palmipèdes, comme les Cygnes et les Ganards, se plaisent principalement sur les eaux dormantes, semblent glisser sur leur surface comme nos nacelles. Ils vivent, près de leurs bords, d'herbes, de graines où d’Insectes, enfoncent souvent leur tête dans l’eau ou dans la vase, pour y chercher leurs aliments. Tous ont, sur les côtés du bec, des lamelles ou des dents pour retenir avec plus de facilité ce qu'ils ont saisi. Leurs ailes médiocres ne sont, en général, réservées à un rôle pénible qu’à l’époque de leurs migrations. Les derniers Oiseaux de cet ordre, tels que les Pingouins, sont condamnés, par la brièveté ou l’état presque impenné de leurs ailes, à une existence toute aquatique. Leur ventre est revêtu d’un duvet plus épais et plus chaud, pour être à labri de lhumi- dité et du froid. Leurs pieds ont été rejetés en arrière pour servir d’aviron et de gouvernail; leur queue, devenue sans emploi, a été très-raccourcie. Ils plongent avec une facilité incroyable et sont des rameurs infatigables. On ne les voit sur les rivages qu'à Pé- poque de leur ponte où quand ils y sont poussés par les tempêtes. Ces considérations ont fait répartir les Palmipèdes en quatre oroupes ! : les Zongipennes, les Totipalines, les Lamellirostres etles PBrachyptères. 1 A, Ailes longues ou médiocres. B. Bec non garni d’une peau molle en devant, rarement denticulé. Cr Poucelibre OR Ton ginennes: CC. Pouce uni au doigt interne par une membrane. . . Totipalmes. BB. Bec garni d’une peau molle en devant, et de lamelles oude dents surles COS Mn Lamellirostres. AA. Ailes courtes, souvent impropres au vol. . . . . Brachyptères. Les Longipennes !, dont nous allons nous occuper aujourd’hui, doivent à la conformation de leurs organes du vol la faculté de pouvoir s'éloigner des côtes, et souvent à de très-longues dis- tances. On les partage en deux familles : les Pétrels et les Mouettes. Les Pétrels ? doivent leur nom (Petit Pierre *) à leur habitude de marcher souvent sur les eaux, en s’aidant de leurs aïles. On les connait aussi sous la dénomination de Procellaires où Oiseauz: de ternpéte. Ces Palmipèdes sont les Vautours des océans; ils sont chargés de purger ces grands réservoirs des matières en voie de décompo- sition flottant à la surface des flots. Animaux voraces, ils s’acquit- tent de leur mission providentielle avec un zèle incroyable. Leur tarse porte, au lieu de pouce, un ergot fait pour permettre à leurs pieds de se cramponner sur les cadavres des Cétacés, des Poissons et autres animaux dont ils doivent faire disparaitre les restes. La Nature a rendu immangeable la chair de ces Oiseaux im- mondes, pour nous empêcher de détruire ces êtres utiles. Elle leur a même donné un moyen singulier de se défendre contre leurs ennemis: ils lancent sur ceux qui les attaquent un sue huileux qui découle de leurs narines et dont leur estomac est toujours rempli. Is nichent dans les crevasses des rochers; mais ils n’ont pas l’heureuse fécondité des Canards et des autres Oiseaux que la Pro- vidence semble nous envoyer chaque année pour servir à l’entre- tien de nos tables; ils ne pondent qu'un œuf. 1 CARAGTÈRES : Ales très-longues et aiguës, dépassant la queue. Pieds insérés à l'équilibre du corps. Jambes dénudées dans leur partie inférieure, Pouce libre ou nul. 2 Narines tubuleuses. Pouce nul ou remplacé par un ergot,. Ogs. Les ornithologistesles partagent souvent en trois genres: Pétrel, Puffin el Thalassidrome. 5 Saint Pierre, près de Capharnaüm, voyant venir Jésus sur le Jac de Tibériade, s'avança vers lui en marchant sur les eaux. LES MOUETTES 321 La plupart sont nocturnes et se tiennent cachés durant le jour. Mais le ciel se couvre-t-il de nuages, les vents irrités soulèvent- ils les flots, en menaçant d’engloutir les malheureux esquifs expo- sés aux fureurs des vagues, ces messagers de Ja mort apparaissent bientôt dans le sillage des navires, pour mettre à profit les bonnes fortunes que la tempête leur offrira. Ne soyez donc pas surprise si l’une des espèces est connue des navigateurs sous les noms de Satanite et dÉpouvantail. LA lbatros, dont vous avez vu divers représentants dans nos cabmets d'histoire naturelle, surnommé Mouton du Cap, en rai- son le la blancheur de son plumage, est le plus massif des Oiseaux d’eau. Quand il plane dans les airs, en étendant ses longues ailes, on croirait voir dans le lointain une frégate avec ses voiles dé- ployées : de là le nom de Vaisseau de querre sous lequel il est désigné par quelques navigateurs. Sa voix a presque le retentis- sement de celle de l’Ane. Il habite les mers au delà du tropique du Capricorne. Les Poissons volants n’ont pas de plus terrible ennemi; mais 1l vit aussi de Poulpes, de toutes les matières animales ballotées par les flots et des immondices jetées des navires. Les Mouettes ? sont encore des Oiseaux de haute mer, dont quelques espèces s’aventurent sur nos fleuves, vers leur embou- chure, où en remontent le cours en volant. Elles nichent près des bords de la mer, et pondent deux à quatre œufs. Quoique membres d’une même famille, tous ces Oiseaux n’ont pas les mêmes habitudes, ni des mœurs identiques; aussi les par- tage-t-on en trois genres : Labbe, Mouette et Sterne. Ceux des deux premières coupes remplissent sur les plaines marmes le rôle des Hyènes sur les terres africaines, c'est-à-dire I Nurines tubuleuses. Pouce existant, libre et articulé sur le tarse. 322 LETTRES AVJULTE une mission analogue à celle des Pétrels, et ils se nourrissent de matières aussi dégoûtantes. Les Labbes !, appelés aussi S/ercoraires, en raison des habi- tudes sordides qu'on leur suppose, vivent dans les régions arcti- ques et viennentrarement sur nos côtes. J'aurais, je crois, négligé de vous en parler, si leur existence ne se trouvait souvent liée à celle des Mouettes et des Sternes, dont ils sont les tyrans. D'un naturel agressifet querelleur, ils abusent souvent de la faiblesse et du naturel timide où lâche de ces Oiseaux pour les forcer à rejeter de leur estomac la nourriture qu'ils viennent d’y introduire, afin d'en faire leur profit. Nous avons déjà vu le Pygargue exercer envers le Balbuzard un empire aussi tyrannique. Au reste, les actes de servilité ou les sacrifices que font les Mouettes aux Stercoraires paraissent leur coûter peu. Elles jouis- sent d’une grande facilité à vider leur poche gastrique, pour être, comme les Vautours, disposées à la remplir de nouveau à la pre- mière OCCASION. Les Mouettes?, connues sous le nom de Goëlands, sont des Oiseaux criards. Elles se réunissent en troupes nombreuses sur les eaux, et ne craignent pas de s'approcher des navires. Elles ont l'instinct de se diriger vers les terres à l'approche des tempêtes ; parfois elles trouvent la mort contre les rochers sur lesquels les jettent les flots en courroux. Les femelles nichent sur les bords des mers et quelquefois en société. Les Sternes? où Hirondelles de mer doivent répugner à être alliées à une si ignoble famille. Aussi fuient-elles parfois les lieux | Bec crochu, pourvu d’une cire. Narines situées près de l'extrémité du bec. ? Bec dépourvu de cire, Narines situées au milieu du bec. 5 Bec terminé en pointe, avec la mandibule supérieure légèrement fléchie. Narines percées de part en part. Queue fourchue. LES MOUETTES 29 où les Labbes et les Mouettes font des repas de Bohémiens, et les voit-on remonter le cours de nos fleuves, en décrivant dans les airs des courbes gracieuses, soit en rasant la surface des eaux pour y saisir les Poissons, soit en fendant les airs pour attraper les Insectes se jouant dans atmosphère, et qu'une mauvaise fortune fait trouver sur leur route. Elles cachent leur nid dans les marécages, et y pondent deux où trois œufs. Malgré leurs courses capricieuses dans les bassins de nos fleuves, elles se tiennent de préférence sur les mers, en poussant de grands cris. Elles exécutent chaque année de longs voyages. Quand nous les voyons effleurer Le cristal d'un fleuve limpide, On dirait qu’en leur vol rapide Elles aiment à se mirer Dans cette surface liquide, Qui doit réfléchir à vos yeux Quand vous fixez une onde pure, La plus angélique figure Que nous puissions voir sous les cieux. LE SOUPE LLCANS 325 LERTRE XLVII AD SN PO IL RCAAPNIS — Cormorans — N'avez-vous jamais entendu, en passant devant une de ces ménageries ambulantes qu’on promène de ville en ville, le pierrot de la troupe, revêtu de son costume pittoresque et coiffé d'un cha- peau pointu dont les bords démesurément élargis font l'effet d'un parapluie de famille, criant à tue-tête, pour attirer les curieux : Accourez tous, passants, Venez voir là dedans, Les grands Pélicans blancs, Qui se percent les flancs, Pour nourrir leurs enfants! Si vous n'avez jamais eu l’occasion de voir ces Oiseaux singu- liers, je vais tâcher de vous les faire connaitre. Ils appartiennent 1 DEUXIÈME GROUPE : Les TOTIPALMES. — CARAGTÈRES : Ailes longues ou médiocres. Bec non garni d’une peau molle en devant, Pouce uni au doigt interne par une membrane, 320 LETTRES À JULIE à un groupe de Palmipèdes ayant le pouce également uni aux autres doigts par une membrane : de là le nom de Tofipalmes, imposé aux Oiseaux de cette division. Malgré ces entraves, ces amis des eaux aiment à se percher et placent souvent sur les arbres le berceau de leurs descen- dants. La famille dont les Pélicans constituent le genre le plus remar- quable renferme encore les Fous, les Frégates et les Corino- rans, qui tous vont faire le sujet de cette lettre. Ces Oiseaux ont le bec allongé ; l’espace compris entre les deux branches des mâchoires occupé par une membrane plus où moins extensible, les tarses courts, le pouce tourné en avant. La Nature a fait de ces Palmipèdes non-seulement de très-bons nageurs, mais des pêcheurs par excellence. Leurs narines sont à peine ouvertes et souvent peu apparentes, pour empêcher le fluide aqueux de s’introduire par cette voie, quand ils nagent entre deux eaux. Lorsqu'ils ouvrent le.bec pour saisir le Poisson, leur trachée-artère se porte en avant, de manière à abriter son ouver- ture, et leur œæsophage se resserre sous l'influence de deux mus- cles destinés à cet usage : l’eau ne peut ainsi ni pénétrer dans leurs poumons, ni couler dans leur estomac. Les Pélicans ! proprement dits habitent principalement les con- trées orientales de l’Europe et divers pays de Asie et de l'Afrique. Leur espèce de jabot ou de sac sous-maxillaire, plissé et réduit à un faible volume, quand il est vide, jouit de la faculté de se dilater au point de contenir jusqu’à vingt litres*. Ils peuvent porter au loin l'eau dont ils sont remplis; aussiles Égyptiens ont- ils surnommé ces Oiseaux Chameaux de rivière. ‘ Bec large, aplati, terminé par un onglet crochu. Face et gorge nues. Membrane sous-mazillaire très-dilatable. Ongle médian sans dentelure. Queue arrondie. 2 On emploie ces poches à faire des blagues à tabac, des sacs, des bonnets, etc. L'E SR OUS 327 Les Pélicans peuvent lutter de taille avec les plus gros Oiseaux ; leur envergure atteint jusqu'à dix ou douze pieds. Grâce à la lon- gueur de leurs rames aériennes et à la force des muscles pectoraux chargés de les faire mouvoir, ils ont un vol d’une puissance extrême et s'élèvent parfois si haut dans les régions de l’atmos- phère, qu'ils semblent réduits à la grosseur d’un Martinet ou d'une Hirondelle. L'empereur Maximien en avait un qui était devenu très-fami- lier ; ilaccompagnait, en volant, l’armée de ce prince, quand elle était en marche. Lorsque le Pélican veut pêcher, ilse balance gracieusement dans les airs, s’y soutient, pendant quelques moments, presque Immo bile, à la façon de l'Épervier, change brusquement de place, pour recommencer, un peu plus lon, semblable manége: puis, quand il aperçoit une proie qui ne peut lui échapper, il se laisse tomber à plomb pour la saisir. Si le Poisson, trop agile, a eu le temps de fur, il le poursuit dans l’eau avec la rapidité du trait, et ne tarde pas à l’attraper. Quand il a rempli son énorme poissonnière, il se retire dans un lieu écarté pour avaler en paix la proie dont il s’est emparé. Pour la dégorger, il presse contre sa poitrine le sac qui la contient, ce qui a sans doute donné lieu à la fable, répétée depuis nombre de siècles, du dévouement imaginaire déployé par cet Oiseau pour nourri ses petits de sa propre substance. Les Fous ? doivent leur nom à l’espèce de stupidité avec la quelle ils se laissent souvent assommer, sans fuir ni sans se dé- fendre. La difficulté de mettre en mouvement leurs trop longues ailes est peut-être cause de cette inertie. Aussi, quand ils quittent les mers, pour se reposer sur le rivage, choisissent-ils ordinaire- ! Bec droit, conique, paraissant composé de trois pièces, pointu et un peu fléchi à son extrémité, Doigt médian pectiné à sa partie interne. Queue en cône. 328 LETTRES À JULIE ment les points les plus élevés, pour être plus facilement en état de prendre leur vol. Les Fous pêchent, à la manière des Pélicans, en planant au- dessus des eaux, et en tombant à l’improviste sur les Poissons téméraires qui s’'approchent de trop près de la surface des mers ; mais souvent ils ne jouissent pas longtemps du fruit de leur adresse. Un ennemi puissant, la Frégate, autre Oiseau de cette famille, les poursuit et les force, à coups d’ailes et de bec, à dégor- ser le butin qu'ils avaient fait. C’est ainsi que nous enlevons aux Abeilles le doux produit de leurs travaux !. Me voilà conduit à vous dire quelques mots de ce forban des tropiques, le plus rapide voilier de la gent ailée. La Frégate ?, à peine plus grosse qu'une Poule, a jusqu'à douze ou quatorze pieds d'envergure. Les navigateurs la reconnaissent de loin à ses longues ailes et à sa queue fourchue. Elle passe sa vie au-dessus des mers. Elle quitte le rivage le matin, ets’en éloigne de plusieurs centaines de lieues, pour n’y revenir que le soir. Elle cherche surtout les Poissons qui, voyageant en troupe, offrent une proie plus abondante. En effleurant la surface de l'Océan, elle saisit avec adresse, à l’aide de son bec crochu, les imprudents qui s’exposent à son avidité. Aussi, quand les Dactyloptères et autres Poissons volants, poursuivis par les Dorades, s’élancent hors de l’eau, pour échapper à leurs ennemis, ils sont souvent happés par les Frégates, et tombent ainsi de Charybde en Scylla. Quand les vents déchainés soulèvent les flots et forcent les ha- bitants de l’humide empire à se cacher dans les profondeurs des I Sic vos non vobis mellificalis Apes. VIRGILE. 2 Bec à mandibule et mâchoire courbées en bas. Ailes très-longues. Queue four- chue. Membrane des pieds profondément échancrée. LES CORMORANS 329 mers, la Frégate s'élève dans les hauteurs de l'atmosphère, comme si elle était le roi de l'Empyrée, et plane dans ces régions supé- rieures, jusqu'à ce que la tempête qui mugit au-dessous d’elle ait apaisé SON COUITOUX. Les Cormorans ! ne sont pas moins redoutables que les Pélicans aux paisibles habitants des eaux douces ou salées. Quand ils s’a- battent sur un étang, ils y commettent des ravages affreux. Ha- biles à poursuivre leur proie entre deux eaux, ils ne tardent pas à reparaitre avec un Poisson en travers du bec. Pour le faire entrer dans sa poche sous-maxillaire où pour l’avaler, POi- seau le jette en l'air, et le recoit toujours par la tête quand il tombe. Nous avons instruit le Faucon à chasser pour notre compte ; les Chinois savent aussi utiliser à leur profit le talent de pêcher de l’une des espèces de ces Palmipèdes. En se promenant en bateau sur les lacs de leur Céleste Empire, ils emportent avec eux un Cormoran, lui mettent un anneau au cou, pour empêcher d’en- gloutir sa proie, et l’envoient chercher fortune; on lui apprend même à rapporter au maitre le Poisson qu'il a pris; mais, tant qu'on n’est pas bien assuré de sa fidélité, on a som d’attacher à son tarse un ruban de fil, pour le rappeler quand il a fait une provision suftisante. Besoin n’est de semblable chaine Pour nous attirer près de vous ; Vous avez des moyens plus doux Qui vous réussissent sans peine: Votre bonté, votre douceur, jette grâce qui vous couronne, t(Corvus marinus, Corbeau marin), Bec droit, un peu comprimé, à mandibule en pointe crochue et acerée; l'inférieure plus courte, Ongle médian dentelé en scie. Ailes médiocres, Queue arrondie. 330 LEMMRES A JULIE Ce charme que la vertu donne, Et cet esprit supérieur Qui de vos prunelles rayonne Et brille dans vos entretiens, Sans que vous le vouliez peut-être, Sont de plus solides liens Pour ceux qui peuvent vous connaître. LES OIES 391 LETTRE XLVIII Les Palmipèdes dont nous allons étudier la nouvelle série ont le bec épais et large, garni sur ses bords de petites dents ou de lames transversales, qui leur ont fait donner le nom de Lamelli- rostres. Ces saillies dont les mandibules sont armées servent aux uns à couper l’herbe dont ils se nourrissent, aux autres, à retenir la proie qu'ils saisissent dans les marécages. Chez ces derniers, elles remplissent encore un rôle analogue aux fanons des Baleines : elles laissent écouler au dehors l’eau, souvent chargée de boue, qu accompagne les Larves d’Insectes où autres animaux aquatiques dont l'animal s’est emparé. La partie antérieure du bec est revê- tue d’une membrane molle plutôt que d’une véritable corne, et ! TROISIÈME GROUPE : Les LAMELLIROSTRES. — CARACTÈRES : Ailes longues ou médiocres, Becgarni ordinairement d'une peau molle en devant et de lamelles ou de dents sur les côtés. 332 LETTRES A JULIE jouit, par là, d’une sensibilité tactile propre à favoriser leurs re- cherches. Ces Oiseaux fréquentent, en général, les eaux douces plutôt que les mers. Onles divise en quatre principaux groupes : les Ces, les Cy- ynes, les Canards et les HJarles. Les premiers de ces Oiseaux feront seuls le sujet de cette lettre. Les Oies ! ont le bec court ou médiocre, plus haut que large à la base, plus étroit en avant qu'en arrière. Leurs pieds sont insérés près du milieu de leur corps et facilitent amsi leur marche. Pen- dant le jour, elles se tiennent ordinairement dans les prairies, dont l'herbe leur sert de nourriture, et que leurs lamelles, en forme de petites dents pointues, leur permettent de couper avec facilité; et, le soir, comme ces peuplades qui se créaient des habitations la- custres, elles se retirent sur les eaux pour y dormir plus en sûreté. On connait plusieurs espèces de ce genre; telles sont : l'Ore rieuse et l'Oie des neiges, particulières aux contrées du Nord, l'Ore d'Égypte ?, parée d’une robe aux couleurs éclatantes ; aux ailes armées d'un éperon; elle est douée pour ses petits d’un atta- chement qui en avait fait jadis un objet de vénération pour les anciens habitants des bords du Nil. Mais j'ai assez de choses à vous dire de notre Oie domestique, pour me borner à ces simples indications sur celles que je viens de mentionner. Cette Oie, dont le plumage à subi de nombreuses modifications dans l’état d’esclavage, provient de l’'Oie cendrée. Celle-là a la ! Bec court ou médiocre, conique, plus haut que large à la base; mandibules gar- nies de dentelures pointues, Pieds insérés à l'équilibre du corps. Pouce libre et élevé. ? Elle fait partie du genre Bernanche de quelques auteurs. LES OIES 333 robe grise, le manteau brun ondé de gris, le bec orangé, noir à ses extrémités ; elle vit dans les contrées orientales de l'Europe. Ces Oies émigrent à l'approche des froids. Le mouvement de leur vol ne s'annonce par aucun bruit; mais l'ordre dans lequel s’opèrent ces voyages aériens dénote un sentiment instinctif admi- rable. La troupe se place sur deux lignes obliques constituant un triangle. L’individu placé en tête fend Pair, comme la carène d’un vaisseau, et rend ainsi le vol moins pénible pour ceux qui le sui- vent; puis, quand il à occupé pendant un certain temps cette place fatigante, il va se reposer au dernier rang, et celui qui le suivait prend sa place. Ce trait suffirait seul pour montrer combien est injuste la répu- tation odieuse qu'on a faite aux Oies. Certes, l'Oiseau dont ce récit Va tracer à vos yeux l'histoire Est moins bête sans contredit Que la foule n'aime à le croire, Et j'espère dans votre esprit Réhabiliter sa mémoire. L'opinion populaire qui leur donne la sottise en partage a peut-être pris sa source dans la manière dont elles se conduisent envers l'étranger qui les trouble dans leurs occupations, ou qui met le pied dans nos basses-cours; elles le poursuivent le cou tendu, en cherchant à le mordre et en faisant entendre un siffle- ment analogue à celui du Serpent. Elles ont la vue excellente, l’ouie très-fine, et jamais leur vigi- lance ne se trouve prise en défaut. Pendant leur sommeil, l’une d'elles est toujours en sentinelle et prête à donner le signal an moindre danger. Elle fait alors entendre un cri bruyant, analogue 334 L'ETRRES ADULTE au son retentissant de la trompette ou du clairon, et toutes alors le répêtent à l’unisson. Et par ces cris, vous savez comme Ces Palmipèdes autrefois Empêchèrent nos bons Gaulois De devenir maîtres de Rome. Les guerriers de Brennus étaient sur le pot de pénétrer dans le Capitole, dont ils escaladaient les murs, quand les clameurs des Oies réveillèrent les soldats de Manlius, et devinrent la cause de la défaite de nos ancêtres. Les Romains reconnaissants établirent, à dater de ce jour, une sorte de procession annuelle, dans laquelle on portait une Oie en triomphe. Cet Oiseau est encore, pour nos basses-cours, un gardien pres- que aussi précieux que le Chien, et 1l témoigne quelquefois à notre espèce un attachement qui se rapproche de celui de ce quadrupède. Dans diverses campagnes, on emploie le J/ars, c’est-à-dire POie mâle, à la garde des Moutons, et il remplit ce rôle avec l’intelli- œence d’un Chien de berger. Dans celles de nos provinces où l’on se livre à l'éducation des Oies, les soins qu'on leur donne pendant l’été sont peu coûteux ; ils se réduisent à les conduire aux champs le matin et à les en ramener le soir, et à leur procurer un abri commode pour la nuit. La ponte commence en mars, et elle a lieu ordinairement de deux jours l’un. On enferme alors les Oies dans un lieu destiné à cet usage, et dès que chacune d’elle a huit à douze œufs, elle devient sédentaire sur son nid ; lincubation dure un mois. Pen- dant ce temps, on place près de la couveuse un vase contenant de l'orge détrempée dans de Peau. Les Oisons réclament des soins pour échapper aux maladies ou LES OIES 339 à la mort. Ils doivent être mis à l’abri des ardeurs du soleil et sur- tout de la pluie ou des froids humides; on leur donne pour nour- riture de l’orge moulue détrempée dans du lait. L’Oie nous fournit un aliment recherché. Elle occupait autre- fois, dans les repas de famille, la place que la Dinde lui a enlevée. Sa graisse est utilisée de diverses manières dans l’art culinaire. Ses ailes et ses cuisses confites font encore les délices des gour- mets. On engraisse ces Oiseaux en les tenant à lépinette et dans les ténèbres; la privation de la liberté de leurs mouvements et T'obs- eurité, qui portent l'animal au sommeil, favorisent l’engraisse- ment, Gardons-nous d'y ajouter la coutume inutile et barbare, pratiquée en quelques lieux, de leur clouer les pattes et de leur cre- ver les yeux. Les Romains, qui ont porté si loin les recherches de la gour- mandise et de la sensualité, nous ont appris à obtenir des foies gras de ces Oiseaux, dont le poids peut s'élever jusqu'à une livre et demie. Dans ce but, on fait avaler aux Oies des boulettes de pain sec, d’une grosseur capable de les étouffer à moitié. Les pou- mons ne pouvant alors remplir leurs fonctions que d’une manière incomplète, l'organe sécréteur de la bile acquiert un développe- ment anomal, pour suppléer en quelque sorte aux fonctions de celui de la respiration ”. Les Oies nous sont encore utiles par les dépouilles de leur robe. Leur moelleux duvet est employé à divers usages, surtout à prè- ter à nos têtes, pendant le sommeil, un lieu de repos plus commode 1 Nous devons aux Romains les moyens employés pour faire grossir le foie des Oies qu'on engraisse. Suivant Pline (Histoire naturelle, édit. Panckoucke, t. VII, liv. X, p. 245), l'honneur de cette découverte revient à Scipion Metellus ou à M. Seius. Les pâtés de foies gras furent inventés à Strasbourg, en 1780, par Close, maitre d'hôtel du maréchal de Contades. En 1792, un nommé Doyen, à Bordeaux, perfectionna le pâté de foies gras, en y ajoutant des truffes. 330 L'ET'PRES" A NULTE et plus chaud. Les Oies maigres en fournissent davantage et d’une qualité plus recherchée. Gelui qu'on arrache aux Oiseaux vivants conserve plus d’élasticité et à conséquemment plus de prix. L'époque la plus favorable pour l'enlever est le moment où il commence à tomber. Ce duvet, après avoir été extrait, a besoin d’être exposé au soleil ou à la chaleur modérée d’un four, pour dessécher la membrane inhérente au tuyau : la méthode de les passer à la chaux pulvérisée, pour obtenir ce résultat, est insa- lubre et doit être rejetée. Les Oies nous fournissent enfin ces pennes à l’aide desquelles nous confions au papier l’expression de nos pensées et de nos sen- timents. Grâce à cet art ingénieux On peut fixer le mot qui vole, Rendre visible la parole, En la montrant peinte à nos yeux. Eh ! quelle n’est pas la puissance De ce secret si merveilleux ! Il rend moins pénible l'absence Des amis qu'appellent nos vœux, En nous donnant la jouissance De pouvoir, malgré la distance, Converser encore avec eux. Les plumes dont nous faisons usage proviennent des rémiges ou pennes des ailes. On peut, aux vieilles Oies, les arracher trois fois par an, à deux mois d'intervalle. Ces pennes sont imprégnées d’une humeur graisseuse qui empêcherait l'encre de s'attacher à leur parois, et dont il faut les débarrasser pour les rendre propres à nous servir. Les Hollandais, pendant longtemps, ont eu seuls le secret de cette opération ; aussi appelait-on plumes hollandaï ses LES OIES 9391 les bonnes plumes à écrire. Ge secret consiste à passer au four ces rémiges, après leur extraction, et à les tenir ensuite, pendant quel- que temps, dans des cendres chaudes ou dans de la terre absor- bante de Sommières. Notre paresse à les tailler nous a portés à substituer à ces pennes si coulantes, des instruments de cuivre ou d'acier, qui ne les rem- placeront jamais entièrement. . La plume, cet objet utile, Jouit d’un privilége égal, A celui, quelquefois fatal, De notre langue si mobile ; A l’une et l’autre il est facile De faire ou du bien ou du mal. Mais le mal que fait la parole En frappant l'oreille s'envole, Et souvent n’est plus qu'un vain bruit : Celui que la plume produit Laisse une trace plus profonde, Et peut, jusqu’à la fin du monde, Porter son détestable fruit. Si parfois, favorable au vice, La plume se fait la complice De l'écrivain qui la conduit, Il faut du moins qu’on la bénisse Quand elle se met au service Du sage auteur qui nous instruit: Avec Gerson et son beau livre, Elle nous dit la voie à suivre Pour savoir, mais avec effort, Trouver le bonheur dans la vie, En l’assurant après la mort. Avec l'exquise poésie Du sublime auteur d’Athalie Elle nous charme et nous ravit; 22 39 LETTRES A JULIE Avec les diverses sciences, L'horizon de nos connaissances Et s’illumine et s'agrandit ; Elle conserve la mémoire Des événements et des faits Capables d'enrichir l’histoire : Elle nous garde les bienfaits De nos découvertes passées. Sous votre main qui la régit, Elle sait rendre les pensées Qui jaillissent de votre esprit, En un style dont la magie, L'élégance et les heureux tours Feraient naître la jalousie Chez les Sévignés de nos jours. Enfin, grâces à son secours, Mais avec plus de modestie, Pour vous complaire je remplis Le doux emploi de vous instruire, Et bien qu’en mes légers récits Je ne puisse pas vous écrire Tous les sentiments de mon cœur, Je ne saurais assez vous dire ,» Combien j'y trouve de bonheur r & €. Zemercl np? Îr “douard Iravies del etlith ROUGE —ù Va CYGNE À BE! E LETTRE XLIX MES MENES Vous à qui le Ciel accorda, Avec une rare mémoire, Tant de dons qui font votre gloire, Veuillez aujourd'hui, de Léda, Vous rappeler la vieille histoire. Suivant la Fable, il faudrait croire Que l’un des dieux les plus parfaits, Celui qui lançait le tonnerre, Se sentit épris des attraits De cette fille de la terre, Et que d’un Cygne il prit les traits Pour la charmer et pour lui plaire. Il fallait que maître Jupin Eût peu d'esprit de sa nature, Ou qu'il eût reçu du Destin Une pitoyable tournure, Pour croire, sous cette figure, Pouvoir être mieux accepté: 3410 LETTRES A INULTE Je ne saurais me mettre en tête Qu'on puisse être jamais tenté, Pour captiver une beauté De prendre l'aspect d’une bête. Les peuples anciens, dont les yeux étaient fermés aux lumières de la révélation, sont tombés, comme vous le savez, dans les idées les plus bizarres et les plus absurdes. Ils se représentaient les dieux Avec les passions des hommes, Et les hôtes divers des cieux Moins sages que nous ne le sommes. Mais laissons de côté les fables mythologiques, pour admirer les œuvres de la Providence. Les Cygnes !, dont je veux vous entretenir aujourd’hui, ont une conformation qui révèle en eux des habitudes plus aquatiques que celles des Oies. Leur duvet plus fin et plus moelleux leur constitue un vêtement à l’aide duquel ils peuvent braver le froid et l'humidité. Leurs pieds courts et situés un peu en arrière du corps, admirablement conformés pour la natation, ne leur permet tent de conserver l’équilibre sur la terre qu’en repliant leur cou en arrière. Ce cou, long, grêle, flexible et onduleux, leur sert, en outre, pour aller chercher dans les eaux les graines, les diverses parties des plantes, les Sangsues ou les Insectes aquatiques dont ils font leur nourriture. Les lamelles transversales dont les bords du bec sont garnis servent à saisir les Invertébrés aquatiques ou à couper les diverses parties des végétaux qui leur servent d’a- liments. 1 Bec d'égale largeur, épais à la base, aplati et obtus à l'extrémité, dentelé sur les bords. Cou grèle et très-long. Pieds insérés un peu à l'arrière du corps. LES CYGNES 341 Ces Oiseaux gracieux ne s’éloignent pas des lacs, des étangs ou des rivières. Quand ils s’avancent sur leur humide surface, on les dirait les rois des eaux. Ils choisissent, pour cacher leur nid, les lieux les plus solitaires où les moins accessibles des bords qu'ils fréquentent. Ils le placent sur les herbes desséchées ou sur les roseaux abattus où à demi brisés par les orages; ils y déposent sept où huit œufs, dont Pincubation dure environ six semaines. Les Cygnes passent pour avoir une vie séculaire. Ils habitent généralement les contrées du Nord, mais émigrent à l'approche des jours rigoureux des hivers. Dans ces voyages aériens, les adultes se placent toujours aux deux extrémités de la phalange, en laissant les jeunes en occuper la partie centrale. Le mouvement de leurs aiïles produit un bruit sonore et harmonieux. Ces Oiseaux ont, dans la force de leurs organes, un énergique moyen de défense. On prétend qu'un seul coup de ces rames aériennes suffirait pour casser la jambe d’un Homme. Hélas! cette arme redoutable ne les défends pas toujours contre le Py- gargue, le plus redoutable de leurs ennemis. Il faut lire dans Audubon, ce peintre admirable de la Nature, dont notre Buffon aurait peut-être envié le génie, les détails émou- vants de la scène qui se passe à l’époque des migrations des Oiseaux d’eau. L’Aiïgle, placé sur la dernière branche de l'arbre le plus élevé, attend sa victime. À peine son œil perçant l’a-t-il apercue dans le lointain, qu'il s'apprête au combat. Au moment où le Cygne passe, le Rapace pousse un cri affreux ; il se dirige vers sa proie, se place au-dessous du Palmipède, pour l'empêcher de cher- cher son salut dans le fleuve, le suit dans tous ses mouvements, le harcèle, le fatigue, le pousse à l'épuisement de ses forces, et triomphe bientôt du malheureux, en lui portant dans les flancs un coup mortel. 342 LETTRE ST A NJUMLTE On connait, en Europe, deux espèces de Gygnes, ayant, l’un, le bec noir, et l’autre rouge. Le premier a le front sans tubercule. Il habite les régions sep- tentrionales des deux continents, et ne se montre en France et dans les autres régions tempérées que dans les hivers les plus rigoureux. Il estaussi connu sous les noms de Cygne sauvage où de Cygne chanteur. Les anciens lui attribuaient une voix mélodieuse et prétendaient que, sur le point de mourir, 1l faisait entendre ses chants les plus doux; et, d’après cette idée, nous nous sommes habitués à dire, en parlant des derniers efforts d’un génie près de s'étendre : C’est le chant du Cygne. Mais l’observation a dé- truit cette opinion erronée. Get Oiseau, à l’époque de ses amours, fait entendre une voix sonore, analogue à celle du Paon; il crie, mais ne chante pas. Le Cygne à bec rouge offre un tubercule sur le front. Son plu- mage est du blanc le plus irréprochable. Sa grâce et sa beauté l'avaient fait consacrer à Vénus. Cette déesse était souvent repré- sentée dans un char trainé par des Cygnes. Ce bel Oiseau semble originaire des grands lacs ou des mers intérieures des parties occidentales de l'Asie; mais il s’est natura- lisé dans la plupart des contrées de l’Europe, où il est devenu un Oiseau domestique. On peut, dit-on, tirer un pronostic du temps à venir, de sa ma- nière de se comporter sur les eaux. S'il plonge la moitié de son corps dans l’élément humide qui le porte, c’est un signe de beau temps ; on doit, au contraire, craindre la pluie, s’il s'amuse à faire sauter Peau autour de Jui. Son duvet fin et moelleux était employé à faire des houppes à poudrer ; on s’en sert encore dans la fabrication des manchons : on l'utilise pour fourrures. LES CYGNES 343 Le Cygne fait l’ornement des pares des maisons princières ou seigneuriales; il anime les pièces d’eau sur lesquelles il se joue : il S'y nourrit de plantes aquatiques en voie de décomposition, et détruit ainsi les foyers de corruption qu’elles pourraient créer. Que j'aime, assis sur le rivage Des petits lacs de nos châteaux, A voir le Cygne au blanc plumage Glissant sur la nappe des eaux. Lorsque, sur leur cristal tranquille, Il se promène avec fierté, Et que son cou souple et mobile, Si docile à sa volonté, Ondule avec tant de souplesse, Il réunit à la beauté Les attraits de la majesté, De la grâce et de la noblesse, Mais pourquoi vouloir, en mes vers, Vous parler de ces dons divers, Dont le merveilleux assemblage Est si rare et si recherché : En consultant votre psyché, Vous en verrez bien mieux l'image. LES CANARDS 345 LETTRE L RS AOAUN ANR DE Adieu, désormais pour longtemps; A ces beaux jours, où la verdure, Où les vents les plus caressants, Où les charmes de la Nature Attiraient nos pas vers les champs" La terre n’est plus émaillée Des aimables fleurs du printemps : Les moissonneurs l'ont dépouillée Des blés qui couvraient nos guérets : On n'entend plus dans nos bosquets Chanter l'Oiseau sous la feuillée : Nos vergers ont livré les fruits Dont les avait dotés Pomone, Et des pampres les doux produits. Müris par le soleil d'automne, De leur jus remplissent nos muids, 346 LETTRES A JULIE Déjà les Oiseaux voyageurs du Nord commencent à se livrer à leurs migrations périodiques. Ils quittent les solitudes boréales pour venir jouir, durant les froids, des avantages que leur offrent nos zones tempérées. N’avez-vous pas admiré déjà le som avec lequel la Providence les attire, au retour des beaux jours, sur les lacs déserts des sauvages contrées voisines des pôles, où ils peu- vent, sans trouble et sans crainte, élever leur jeune famille ? Puis, quand ils ont grossi leurs rangs, ils nous fournissent, dans leurs voyages annuels, l’occasion de les décimer et de les faire servir à l'entretien de nos tables. Le Créateur semble avoir ainsi tout fait pour le bien-être de l'Homme. Les Canards !, dont j'ai le dessein de vous entretenir aujour- d’hui, se distinguent aisément des Oies. Ils ont le bec aplati, les pieds un peu rejetés en arrière, les tarses courts et comprimés ; ils sont ainsi constitués pour être d'excellents nageurs; mais, sur la terre, 1ls sont obligés de marcher en se balançant. Ces Oiseaux se tiennent presque constamment sur les eaux douces. Ils s’y nourrissent de petits Poissons, de Tétards, d’In- sectes sous toutes les formes, et, au besoin, de graines et de plantes aquatiques. Ils muent deux fois par an, en juin et en octobre; mais ils sont vêtus d’une livrée différente, selon les sexes. La Nature a toujours le soin de donner au mâle une parure plus remarquable, pour lui fournir les moyens de plaire à sa com- pagne. Les ailes de ces Oiseaux présentent une sorte de plaque, appe- lée #ntrotr, formée de plumes à reflets métalliques, dont les cou- leurs différentes servent à distinguer les espèces. ! Bec large, en majeure partie garni de lames sur les bords des mandibules. Pieds insérés un peu à l'arrière du corps. 4iles médiocres, Pouce petit et élevé. LES CANARDS 347 Le Canard sauvage, souche de notre Canard domestique, arrive dans nos contrées vers le mois de novembre où un peu plus tôt. Il y reste, sur nos étangs et nos marais, tant que les glaces ne le forcent pas à aller chercher des cieux plus doux. Ces Palmipèdes voyagent par troupes plus où moins nom- breuses, et choisissent principalement le soir ou la nuit pour chan- cer de lieu; et, dans ce dernier cas, le sifflement de leurs ailes avertit de leur passage dans les airs. Ils volent le cou tendu, les pieds rejetés en arrière, et habituellement disposés sur deux lignes réunies en angle. Dès le mois de février ou de mars, la plupart regagnent les régions boréales, où des jours plus tranquilles leur sont promis. Quelques-uns cependant refusent de s'éloigner de nos eaux dor- mantes. La femelle choisit, dans les lieux les plus retirés ou les moins accessibles, une touffe de jones où d’autres herbes élevées pour y construre son nid. Elle le tapisse d’un duvet qu’elle s’ar- rache, pour rendre plus moelleuse la couchette de sa famille future. Elle y dépose dix, quinze et jusqu'à dix-huit œufs. L’incu- bation dure trente jours. Au sortir de la coquille, les Canetons ont le corps couvert de duvet, et, dès le premier jour, la mère les con- duit à l’eau. Les Moucherons et autres Insectes qu’ils peuvent saisir forment leur première nourriture. Les pennes de leurs ailes, plus tardives à pousser que chez beaucoup d’autres Oiseaux, met- tent trois mois avant d'être propres au vol. On donne alors à ces jeunes Oiseaux le nom de Zallebrans. Ces Palmipèdes, vous le savez, sont recherchés pour la bonté de leur chair. On les chasse de diverses manières, soit avec des fusils de gros calibre appelés canardières, soit avec des filets. On se sert parfois, pour les attirer, des Oiseaux de nos basses-cours. Le Canard domestique a subi nécessairement l’influence de la servitude. Ses pennes sont moins légères et moins gracieuses, ses 348 LETTRES A JULIE couleurs variables et moins vives, sa chair moins délicate ; la femelle n’a pas pour ses œufs des soins si attentifs. Aussi les con- tie-t-on souvent à des Poules ou à des Dindes, qui peuvent en abri- ter sous leurs ailes un plus grand nombre. En déchargeant la Cane du soin de couver, on jouit plus long- temps de sa faculté de pondre; elle nous livre jusqu'à plus de cm- quante œufs; ils sont plus recherchés que ceux des Poules, pour la pâtisserie. Dès que les petits sont éclos, on leur donne de la mie de pain trempée dans du lait ou dans du vin ; puis, le lendemain, une pâtée composée de farine de maïs ou de froment, mêlée à des orties tendres et hachées très-menu; deux jours après, on les laisse aller à l’eau. Lorsque les Ganetons sont confiés aux soins d’une Poule, vous savez avec quel tourment celle-ci les voit pour la première fois se précipiter sur la surface de nos étangs, vers lesquels les pousse leur instinct. Retenue sur les bords de cet élément humide, qui n'est pas fait pour sa nature, elle les appelle par ses cris, et elle exprime ses craintes par des sortes de gémissements. Une mère est partout la même : Sitôt que le moindre danger Ou le péril le plus léger Semble menacer ceux qu’elle aime, De quelle vive anxiété, De quelle inquiétude extrême Son cœur n'est-il pas agité ! La femelle seule cancane ; le mâle ne dit rien. On pourrait dire avec f.-B. Rousseau : « Il n’en est-pas plus mauvais pour cela. » Quand on a, près des habitations, des marécages où des étangs, les Canetons coûtent peu d'entretien, Il suffit de leur donner l’ha- LES CANARDS 349 bitude de rentrer chaque soir dans la basse-cour. Les Canards élevés de la sorte acquièrent un goût plus estimé !. Dans certaines localités où les eaux douces sont couvertes de ces Oiseaux domestiques appartenant à divers propriétaires, chacun de ceux-ci a soin de faire une marque particulière à ceux qui lui appartiennent, pour les reconnaitre au besoin. On a donné le nom de Sarcelles à des Canards d’une taille plus petite. L’une de ces espèces niche dans nos contrées; une autre n’y vient que pendant la mauvaise saison. La Chine en offre une autre, remarquable par la richesse de ses couleurs et la singularité de sa parure. Elle passe, dans le Céleste Empire, pour l’emblème de la fidélité, et quand une jeune fille se marie, elle reçoit ordinairement de ses amies une paire de ces Oiseaux, dont le corps est paré de rubans aux joyeuses couleurs. Les Canards sont nombreux en espèces. Je pourrais vous parler du Canard siffleur, du Souchet, de la Macreuse * et de quelques autres, qui fréquentent nos contrées pendant l'hiver; mais j'allon- serais trop cette lettre. Je veux me borner à vous dire quelques mots de PZider. Cet Oiseau habite les régions du cercle arctique, le Spitzherg, le Groënland, la Laponie, et vient rarement dans les zones tempé- rées de l'Europe à l'approche des frimas. Destiné à vivre sous des cieux plus incléments, la Nature a eu le soin de lui donner un vêtement assez chaud pour lui permettre ! Les Romains n’estimaient, dans le Canard, que les aiguillettes et la cervelle. Tota quidem ponalur anas;sed pectore tantuin El cervice sapil: cetera redde coquo. MartTiaL, lib. XIII, p. 52. « Fais-toi servir le Canard tout entier ; mais, comme il n’a de délicat que la cervelle et la poitrine : renvoie le reste au cuisinier. » Aujourd'hui nous coupons le cou au Canard et rejetons la tète ; est-ce parce qu'elle est difficile à plumer ? ? Les Macreuses et les Liders constituent des coupes génériques particuliéres, dans divers ouvrages. 300 LETTRES" AJUETE de braver la froidure. C’est lui qui nous fournit ce duvet fin, élas- tique et précieux, connu sous le nom d'édredon, à laide duquel nous formons les couvertures du même nom, si utiles pendant les NAUVAIS JOUTS. Vous qui, durant les longues nuits De cette saison rigoureuse, Savez apprécier le prix De cette plume si moelleuse, Quand vous goûtez sous vos rideaux Toutes les douceurs du bien-être, Songez quelquefois aux Oiseaux Que la Providence fit naître Pour fournir ce riche duvet, Et peut-être par ricochet Penserez-vous à votre maître. ve LES HARLES 901 LETTRE LI CS EPA ERS Ce matin, alors que la nuit Commencait à plier ses voiles, Et que l’aurore qui la suit Par degré chassait les étoiles, La campagne offrait à mes yeux Le coup d’æil le plus fantastique, Le spectacle le plus magique, Et l'effet le plus curieux ; On aurait dit que la baguette D'une fée ou d’une péri, Pour charmer quelque bachelette Ou quelque prince favori, Avait, par la vertu secrète De son talisman enchanté, 1 Bec droit, épais el déprimé à sa base, cylinlrique ensuite, courhé à sa pointe, qui est onguiculée; garni de dents pointues sur les bords des mandibules, Narines per cées de part en part. Pieds insérés un peu en arrière. 392 LETTRES A JUBEIE Recouvert d’un voile argenté Les prés verdoyants de la veille. Les bois, par une autre merveille, Semblaient parés de diamants ; Ceux-ci pendaient en ornements Sous les branches éblouissantes : Ils s’élevaient en filaments, En aiguilles étincelantes, Sur les feuilles et les rameaux ; Et de mille autres végétaux La parure était composée D'aussi magnifiques cristaux ; Jamais, je crois, blanche rosée N'offrit des effets aussi beaux. Ce spectacle, que la Nature Montre assez souvent dans ce mois, Est le désagréable augure De la triste approche des froids. Hélas! c'est aussi le présage Qu'il me faut, à mon grand dommage, Renoncer bientôt à l'usage De m'’entretenir avec vous, Et perdre avec cet avantage L'un de mes plaisirs les plus doux. Les Harles, dont j'ai à vous entretenir aujourd’hui, termment la série des Palmipèdes lamellirostres. Leur bec plus mince et plus cylindrique que celui des précédents, crochu à l’extrémité de la mandibule, est garni, sur les bords de celle-ci et de la mà- choire, de petites dents pointues dirigées en arrière comme celles des Brochets et destinées à leur permettre de retenir avec facilité leur proie revêtue d’une peau souvent glissante. Leur langue, dans le même but, est hérissée de dures papilles ayant la même direction. LES HARLES 303 Les Harles sont des Oiseaux du Nord. Ils y vivent sur les lacs, les étangs et les rivières; 1ls se nourrissent principalement de Poissons, et ont souvent été comparés aux Loutres à cause des ravages qu'ils exercent. Quelquefois ils attaquent une proie trop volumineuse pour pouvoir glisser de suite dans leur tube digestif : ils la retiennent alors dans leur bouche, à la manière des Bro- chets, et attendent, pour faire passer le reste du corps, que la partie antérieure ait été digérée. Ces Oiseaux, en nageant, tiennent la tête seule hors de l’élé- ment liquide. Ils plongent souvent à d'assez grandes prôfondeurs, pour aller saisir les Crevettes, dont ils font aussi leur nourriture. Leur larynx, renflé dans sa partie inférieure, surtout chez les mâles, leur permet de faire, dans la trachée-artèré, une provision d'air capable de leur permettre de rester assez longtemps sous l’eau sans avoir besoin de venir respirer à sa surface. Les Harles ont à peu près le plumage des Canards, mais leur robe varie suivant l’âge et le sexe. Leur tête est parée, au moins chez le mâle, d’une huppe élégante, dont les plumes retombent parfois comme la crinière d’un casque. Ces Oiseaux nichent sur les bords des eaux, dans les jones, dans les rochers où dans les creux des arbres. Is y pondent huit à douze œufs. Malgré le médiocre développement de leurs ailes, la puissance de leurs muscles pectoraux leur donne la faculté d’avoir un vol rapide et d’assez longue durée. Cet avantage leur était nécessaire pour les migrations auxquelles ils sont obligés de se livrer à l’ap- proche des hivers ; ils désertent alors les régions arctiques, leur séjour de préférence, pour visiter des contrées moins boréales. On les voit, à cette époque, se montrer sur nos côtes. Leur apparition en troupes nombreuses fait supposer une accumulation plus grande des glaces vers les zones polaires, et semble le présage de froids 23 304 L'ETARIES COUR DE plus vifs et plus persistants durant la saison hyémale. Les années ont, comme nous, leur vieillesse. Hélas! tout passe, mon amie : Dès que du fleuve de la vie Nous suivons le cours inconstant, Nous ne pouvons, un seul instant, Fixer notre esquif au rivage ; Et durant ce trop court voyage, Combien de cruels changements Du temps ne sont-ils pas l'ouvrage ! Les grâces de votre visage Et les mille autres agréments Que vous recûtes en partage Devront sans doute, un jour, du temps Subir l’irréparable outrage ; Mais par vos qualités du cœur Faites pour enchanter sans cesse, Par votre esprit supérieur, Qui sait unir à la douceur Le jugement et la finesse, Par l’exquise délicatesse De vos sentiments, de vos goûts, Vous ne cesserez pas de plaire, Ni d’être toujours aussi chère A ceux qui vivront près de vous. r à CE ouar a [pavies à # NY A KY SAVE RTE LES PLONGEONS LETTRE LII LES. PO NGEONS! — Pingouins, Manchots — Dans les premiers âges du monde, Lorsque notre machine ronde Était couverte par les eaux, Et que peu de terrains nouveaux Surgissaient au-dessus de l’onde, Les premiers êtres emplumés Que la Providence fit naître Semblent avoir été, peut-être, Ceux qui portent des pieds palmés. Admirablement conformés Pour les desseins de la Nature, On voit à leur simple structure Qu'ils doivent vivre sur les mers, Et parcourir les flots amers, En décimant d'un bec avide 1 QUATRIÈME GROUPE, Les BRACHYPTÈRES. — CARACTÈRES souvent impropres au vol, Pieus rejetés en arrière. : Ailes courtes, 900 DERPRES A MTUETRE La foule d'animaux divers Habitant le royaume humide. Les Palmipèdes dont il me reste à vous parler semblent les plus visiblement créés pour ces habitudes aquatiques. Leurs pieds, implantés vers la partie postérieure du corps, ne leur permettent pas de conserver l’équilibre quand ils veulent marcher sur la terre. Is sont alors forcés de se tenir debout ou de se trainer sur le ventre. Leurs tarses, courts et comprimés, sont constitués d’une manière robuste pour résister aux fatigues d’une natation presque continuelle. Leurs ailes, dont la brièveté leur a valu le nom de Brachyptères (à ailes courtes), sont devenues des rames aquati- ques plutôt qu'aériennes. Le dessous de leur corps est revêtu d’un duvet épais, chaud et moelleux, et de plumes serrées et résis- tantes, pour les garantir de humidité et du froid. Leur graisse est chargée d'huile, pour conserver au sang sa chaleur, lustrer : leurs plumes et les empêcher de se mouiller. Destinés à poursuivre leur proie dans l’eau, ils ont reçu la faculté de faire des provisions d'air, principalement entre chair et peau, afin de pouvoir rester plus longtemps dans l'élément liquide, sans être obligés de venir à la surface pour respirer. Ils constituent deux principales familles : les Plongeons et les Pingouins. Les Plongeons! ont eux-mêmes été divisés en plusieurs genres?. Ceux auxquels on a donné le nom de Grèbes habitent générale- ment les lacs ou les étangs, plongent avec une admirable facilité et nagent souvent entre deux eaux, ou se tiennent cachés dans 1 Bec lisse, droit, comprimé et pointu. 2 À, Pouce existant, B. Doigts antérieurs élargis, unis seulement à la base, . Grèbe. BB. Doigts antérieurs palmés. . . . . . . . . . Plongeon. AVAMMIPOUCE AQU RC RG UIleMOE = = —— EE — LES PINGOUINS 357 l'élément humide, en ne laissant que leur tête à découvert, Ils vivent de petits Poissons, d’Insectes, de Vers ou de plantes aqua- tiques. La plupart portent à la tête, durant l'été, des ornements remarquables. Ils construisent un nid flottant attaché aux jones ou aux roseaux, et y déposent deux œufs. Ils émigrent en automne, et peuvent alors exécuter de longs voyages. La puissance de leurs muscles pectoraux, suppléant à la brièveté de leurs ailes, leur donne la faculté de se livrer à ces migrations périodiques. Les Plongeons et les Guillemots habitent les mers du Nord: mais ils apparaissent parfois sur nos côtes dans la mauvaise saison. Ils nichent sous terre où dans les rochers, et ne pondent qu'un œuf. Les Pingouins ! sont aussi des habitants des mers boréales, et ne viennent guère à terre que pour y nicher ou dans le but d'échapper aux tempêtes. Dans ce dernier cas, ils se placent sur les rochers les plus favorablement disposés pour leur per- mettre de se jeter à l’eau quand le calme est revenu. Ils se nourrissent de Poissons, de Mollusques, de petits Grus- tacés ou, au besoin, de plantes marines. Ils nichent dans les ro- chers et dans les terriers des Lapins, et ne pondent qu'un œuf. Plusieurs émigrent en effleurant les eaux par un vol rapide, mais de courte durée. On les partage en deux genres : les Hacareux etles Pingouins. Les derniers Oiseaux de ce groupe, ou les Manchots, ont les membres antérieurs plus impropres au vol que les précédents : ils sont garnis seulement de vestiges de plumes ayant, au pre- mier coup d'œil, l'apparence de petites écailles. ! Bec lres-comprimé ef tranchant sur le dos, ordinairement sillonné en travers. 308 LETTRES A JULIE Ces Oiseaux habitent les mers antarctiques, passent leur vie sur les océans, et ne viennent à terre que pour y nicher. La Nature semble ainsi vouloir rapprocher nos Brachyptères des Poissons, en transformant leurs ailes en nageoires. Au reste, la puissance créatrice nous montre souvent, quand on étudie ses œuvres admirables, avec quelle facilité elle sait, quand elle le veut, faire varier la destination des organes réservés pour la pro gression des animaux. Les Dactyloptères et autres Poissons volants n'ont-ils pas recu des nageoires assez développées pour leur per- mettre de se soutenir quelque temps dans les airs, tandis que les Phoques, voisins des Loutres par leurs habitudes, et que les Lamantins, rapprochés des Hippopotames par leur genre de vie, ont vu leurs pieds transformés en rames? Les Brachyptères terminent la série des Oiseaux dont j'avais pris Pengagement de vous esquisser l’histoire. Puissent mes récits, malgré leur imperfection, vous avoir fourni l’occasion d’ad- mirer la puissance et la grandeur de Dieu, la bonté de sa provi- dence, et la sagesse des lois d’après lesquelles les diverses espèces d'animaux, sans disparaitre de dessus le globe, y sont maintenus dans un juste équilibre | Ma tâche finit au moment où les tristesses de lautomne ren- dent peu agréable le séjour des champs. Déjà plus tardif tous les jours, Quand il commence sa carrière, Le soleil, en suivant son cours, Jette une moins vive lumière Et. des rayons plus affaiblis : Déjà les matins refroidis, En nous portant à la mollesse, Nous font, avec plus de paresse, Prolonger le repos des nuits. Quels motifs d’ailleurs, dès l’aurore, LES MANCHOTS * 8399 Au sein des champs pourraient encore Attirer nos pas curieux ? On n’entend plus ces doux ramages, Ces voix, ces chants harmonieux, Dont les accents mélodieux Prêtaient une âme à nos bocages. Noirs avant-coureurs des hivers, Les Corbeaux, de tristes présages, Dans nos vallons presque déserts Font entendre leurs cris sauvages, Et du Nord délaissant les plages Ou les lacs de glaces couverts, Une foule d'Oiseaux divers, Constants dans leurs pèlerinages, Recommencent au sein des airs Leurs périodiques voyages, Pour venir vivre près de nous, Sur les eaux de nos marécages, Et profiter des avantages Offerts par notre ciel plus doux. Nos forêts perdent leurs ombrages Et par là tous leurs agréments; Les feuilles presque desséchées, Des rameaux sans peine arrachées, Volent au loin au gré des vents. Ces bois qui, durant le printemps, Offraient tout l’air de la jeunesse, Semblent, dans ces jours de tristesse, Pleurer leurs charmes gracieux, Et ne présentent à nos yeux Que l’image de la vieillesse. Bientôt, ainsi que d’un linceul, Le vent glacé de la Norwége, Va couvrir nos coteaux en deuil D'une épaisse couche de neige. Adieu désormais aux plaisirs, 300 LE TPPRE SANNEETE Que souvent je goûtais naguères, Dans ces promenades si chères Qui souriaient à mes désirs : Adieu, surtout, à ces études Sur les mœurs et les habitudes Des Oiseaux, objet de vos goûts, Que, jusque dans les solitudes, J'allais alors faire pour vous ! Il est vrai que dans la Nature Le temps change tout dans son cours : Après ces moments de froidure Reparaîtront de meilleurs jours : La terre, aujourd'hui sans parure, Reprendra de nouveaux atours ; Les bois, dépouillés de verdure, De feuilles se verront garnis ; Les prés, languissants et flétris, - S'émailleront de fleurs nouvelles Sur leurs jeunes et frais tapis ; Les voyageuses Hirondelles, Sous le toit de notre logis, À leurs habitudes fidèles, Reviendront maconner leurs nids : Les doux chantres de nos bocages, Qui, dès l’approche des frimas, Avaient fui vers d’autres rivages, Revoleront vers nos climats Sitôt que soufflera Zéphyre.… Mais le plaisir de vous écrire, AS, DO 101 ne reviendra pas ! Las, pour moi ne reviendra pas ! NOTES 301 NOTES Note A, page 16. Qui ine donnera, comme à la Colombe, etc... M. l’abbé Cha- bert, à qui l’on doit la belle traduction en vers français des Visions d'Isaïe, fils d'Amos, a traduit également en langue poétique, et avec une fidélité remarquable, les psaumes du Roi-prophète. Ces deux volumes, sortis des presses de Perrin, ont été imprimés avec le soin et avec les caractères d'une beauté remarquable qui ont fait la réputation de cet artiste typographe. Note B, page 133. On a cherché soucent à imiter, etc... Charles Nodier, dans son Diclionnaire des Onomatopeées, p. 315, a reproduit avec de nombreuses remarques, et avec la traduction francaise de l'abbé de Marolles, l'Ælegia de Plilomela, dont Ovidius Juveatinius ‘ parait être l’auteur. 1 JuvENTINIUS (Albinius Ovidius), poëte latin, vivait probablement dans le troisième siècle. Il à laissé trente-cinq-distiques, intitulés Elegia Ce Philomela. CO © to LETTRES A JULIE Il a rappelé l'Élégie à la louange du Rossignol, de Julius Spera- tus; le travail de Bærius' sur le mème sujet, et enfin l'essai tenté par Beckstein*. Suivant cet auteur, le chant de cet Oiseau aurait vingt-quatre strophes differentes et mème plus, sans compter les petites variantes. Dureau de la Malle n’admet pas les strophes aussi nombreuses; il se borne à reproduire de la manière suivante le chant de ce petit musicien : Tinù, tin, tinu, tinü, Spretiu, z'qua, Quorror, pi, pi, Mio; ti0: HO," tix, Qutid, qutid, qutid, qutiô, Zquô, zquô, zquû zquo, PISNLIS ZI 21, 71, ZI EL, Quorror, tui, zquà pi, pi, qui. Note C, page 166 Les vers de Saluste, seigneur du Bartas, sur l'Alouette, ont eu diverses variantes. On lit dans l'édition de 1606, Lyon, Thibaud Ancelin, p. 68 : La gentille Alouette avec son tire-lire, Tire-lire aux faschez, puis d'un plumage las, Changeant un peu de ton, se laisse choir en bas. Note D, page 245 Il est facile d’elever une nichée de Perdrix, en faisant couver les œufs par une Poule. Mais il faut avoir une volière en plein midi, bien aérée et surtout à l’abri des Rats. ! BaEr (Nicolas), poëte latin allemand, né le 11 juillet 1639, mort le 12 août 1714. 11 a publié un poëme intitulé Crnithophoni«a. ? BECKSTEIN (Jean-Mathias), ornithologiste et forestier allemand, né le 11 juillet 1737, à Waterhausen, mort en 1822. Voyez son ouvrage Gemeinutsige Geschichte der Vogel Deutschlands, t. TI. NOTES 363 Pendant les huit premiers jours on donne aux Perdreaux des œufs de Fourmis, un peu de lait caillé et de la salade très-tendre, fraiche et finement hachée. Plus tard, quand le bec de ces Oiseaux a pris plus de force, ils coupent facilement les feuilles de salade. Au bout d’une quinzaine de jours, on broie, dans un moulin à café, du froment et du chanvre par moitié, en continuant, pendant un mois au moins, les œufs de Fourmis. Enfin, quand les Perdreaux ont atteint deux mois, on ne leur donne plus que du froment et de la salade. Quand les Perdreaux commencent à devenir gros, certaines Poules s’apercoivent sans doute qu'ils n’appartiennent pas à leur espèce, et les battent On est alors forcé de les séparer de ces marätres. Souvent, alors, ils périssent successivement. FIN DES NOTES TABLE MÉTHODIQUE 365 TABLE MÉTHODIQUE DES FAMILLES ET GENRES D’OISEAUX PAGES. | PAGES. PREMIER ORDRE TROISIÈME ORDRE LES PRÉHENSEURS . di LES PASSEREAUX . Sl Les Perroquets.. Re -Ai FISSIROSTRES AR cé re CR 0 || TES Chélidonsis. POLE. PART Perruche. sn "0 | Engoulevent + + -: 88 Rakatos ne 2 0 le En 49 | Martinet. . . ONE 1. 1":89 Perroquét. + + +. =. : 74 Hirondelle. LE =.) “0Û DeuxiÈME ORDRE DENTIROSTRES LES RAPACES.. . 93 | Les Gobe-mouches. . . . . . 97 DIURNES | Gobe-mouches ... 7 98 Les Vautours. . - . 53 | Les Pies-grièches ne, 1 cite VADTOUE Ed 0) Pie-grièche. - . . . :+ : : 104 Gypaëte. ML NC ET | Les MERS GC: 10) Les Aigles. . . FU der ... 59 Cincle 0 10 Aigle. PR RS er 60 FOTO CRE JU Balbuzard. . . : - __. 64 + Merle . . PEN ee UE ELTO Ce Le = 6l | Grive UN OI BUSC RE D 64 Les Becs-fins. . : : . .*. . 125 Milan DE 64 Traquet RS ND Te Hle7 Épervier. . . : 61 Rouge-gorge. . . RC ISS Les Faucons . . . Frs me: 60 ROSSIEnOl SE CE 132 CO MPPTAEE0 Rubiettes.n Ru … + 19 Secrétaire. . . - - 7 NT) Hauvette er. Cl R'ousSerOlle ee TT NOCTURNES | Céttie NET TS 0 Les Chouettes APRES | Phragmite, . 0 150 Chouette TE RTS Locustelle. . , RSI : ER #