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BERTE AUS GRANS PJÉS

LI ROUMANS

BERTE AUS GMNS PIES

ADENES LI ROIS

Poëme publié, d'après le manuscril (îe la bibliothèque de l'Arsenal, avec notes cl variantes

m. AUG. SCHELER

Associé (le rAcadt-inic rovale <lt- Belgique, bibliothécaire du Roi et du Comte Je Flandre

BRUXELLES

COMPTOIR UNIVERSEL M. CLOS.SO.\ ET Ci'

RDE SAIKT-JEAN, 26

C. MUQUARDT H. UERZBACH «UCC^*

LIBRAIRE DE LA COUR

1874

If BIDLIOTHECA )

PO .6a

PRÉFACE

Après avoir publié, il y a quelques mois, les Enfances Ogier, qui avec raison sont considérées comme le premier en date des quatre poèmes d'Adenés, nous leur faisons succé- der aujourd'hui celle des compositions du trouvère braban- çon qui pour la popularité du sujet et pour son mérite poé- tique jouit depuis longtemps d'une légitime réputation : le roman de Bertlie aux grands pieds. Avec Bîteves de Com- marchis qui suivra de bien près , nous aurons mené à fin la collection des œuvres du poëte belge , commencée en 1865 par la publication du Cléomadès.

Ce n'est pas pour la première fois que le roman de Berthe se produit en lettres moulées dans la littérature médiéviste. Dès 1832, un des philologues français les plus estimés, M. Paulin Paris, en fit le chef de file de cette série de romans et de chansons de gestes connue dans le monde savant et en librairie sous le nom de « Romans des douze Pairs ». Son édition, toutefois, réimprimée en 1836, non-

▼I PREFACE.

seulement est devenue presque introuvable, mais elle avait été établie sur certains principes qui ne satisfont plus guère aux exigences de la critique philologique moderne. Nous avons tout lieu de croire que l'illustre académicien, plus que tout autre à même d'apprécier le progrès de la science, reconnaît lui-même l'opportunité de la reprise d'une tâche qu'il avait assumée, il y a quarante-deux ans, avec les ché- tives ressources dont disposait alors un éditeur de textes antiques. Pendant longtemps on avait prêté à son fils, M. Gaston Paris, un des noms les plus brillants parmi les romanistes contemporains, l'intention de refaire une édi- tion critique de notre poëme, mais l'attente du public a été déçue jusqu'ici. C'était pour nous une raison de plus pour ne pas omettre dans la collection nationale des anciens trouvères belges la charmante composition d'Adenés et de la réimprimer sur les manuscrits mêmes. Les critiques com- pétents jugeront si notre reproduction a été faite au profit de la science aussi bien qu'elle satisfait à un besoin réel de la librairie française.

Les études consacrées à notre poëme, tant au point de vue de son sujet que de sa valeur littéraire, par des savants tels que MM.Ferd.WoU{U'eber die neuesten Leistung en der Franzosen filr die Herausgahe ihrer National- H elden- gedichte, Wien 1833), Paulin Paris {Histoire littéraire de France, t. XX), Gaston Paris {Histoire poétique de Char- lemagné) et Léon Gautier {Épopées françaises, t. II), nous dispensent de traiter à notre tour cette matière. Mais

PREFACE. Vil

en déclinant le rôle d'appréciateur littéraire \ nous ambi- tionnons d'autant plus le témoignage d'avoir répondu à la confiance placée en nous par la Commission académique en ce qui concerne notre tâche d'éditeur.

Il nous importe donc de faire connaître en quelques lignes sur quelles bases le texte que nous publions est fondé.

Les manuscrits connus de Berte ans grans pies sont au nombre de six ; quatre sont conservés à la bibliothèque

' M. Léon Gautier répond parfaitement à notre propre impression en traçant de la manière suivante la valeur littéraire de Berte {Épopées franc. H, p. 10, notes) : « C'est le meilleur de nos romans de la décadence. Rien d'héroïque, rien de primitif; mais des senti- ments délicatement rendus, une singulière pureté de style qui n'est pas dépourvue de toute prétention ; des descriptions intéressantes, bien qu'un peu longues ; toutes les qualités et fous les défauts d'une civilisation déjà trop avancée. » M. Ferd. Wolf, ce profond explora- teur des littératures de l'Europe occidentale, s'était exprimé dans le même sens il y a plus de quarante ans : « La manière dont ce sujet a été traité par notre poète, porte naturellement l'empreinte de son temps, c'est-à-dire une couleur tout-à-fait chevaleresque, une expo- sition fastidieusement prolixe et des descriptions minutieuses ; mais ce cachet même lui communique souvent une vive clarté qui charme le lecteur. La naïveté, propre aux compositions du moyen-âge , est nne qualité qu'AJenés partage avec beaucoup de ses contemporains, mais il s'en distingue par l'intimité et la délicatesse du sentiment (ainsi, p. e., les rapports entre Berthe et ses parents se présentent sous un aspect des plus tendres), par une simplicité toute naturelle, par une douce et touchante sensibilité et par une juste appréciation du caractère idyllique de la légende. Joignez à cela la pureté, l'élégance et la grâce peu communes de son style et de sa versification. » Voy. le livre cité plus haut, p. 68.

yill PRÉFACE.

Nationale de Paris, un à celle de l'Arsenal et un à Rouen. En voici l'indication exacte.

A. Bibliothèque de l'Arsenal, Belles-lettres françaises ^ 175, fin du XIIP siècle ; fol. 120 verso (col. 2) à 140 v.

B. Bibliothèque Nationale, mss. franc. 778 (anc. 7188 et 467), XIV- siècle ; fol. 1-22.

C. Bibl. Nat. mss. fr. 1447 (anc. 7534 ^ fonds Colbert 3124), fin du XIIP siècle ; fol. 21-66.

D. Bibl. Nat. mss. fr. 12467 (anc. suppl. 418), fin du XIIP siècle ; fol. 78 v^-QS.

E. Bibl. Nat. mss. fr. 24404 (La Vallière 52), commen- cement du XIV® siècle.

Le sixième manuscrit, appartenant à la bibliothèque de Rouen (Belles Lettres 42), est resté étranger à notre édition '.

Les cinq mss. de Paris que nous avons eus [sous les yeux, ne diffèrent entre eux que par des divergences ortho- graphiques, quelques changements insignifiants de mots et par ci par là, par l'omission, l'interpolation ou la modifi- cation d'un vers. Dans ces conditions, la préférence devait

* Le ms. B étant le seul qui contienne le Charlemagne de Girard d'Amiens doit être le même que celui dont il est parlé dans le cata- logue ms. des bibliothèques des rois Charles V et Charles VI (Biblioth. Nat. 8354^, Colbert 1008 et qui se trouve consigné aussi dans la Bibliothèque pro- typographique ^e^&no\s, [■^. i'è, n" 4). M. Fran- cisque Michel (Chanson des Saxons, Préface, p. lvi), signale un sep- tième ms. décrit dans la partie XI du catalogue de la bibliothèque de feu Richard Heber, p. 10, 103.

PREFACE. IX

être donnée à la leçon la plus conforme aux habitudes de langage propres à l'Ile-de-France et en même temps la plus soignée sous le rapport grammatical. Ces qualités se com- binaient dans le ms. de l'Arsenal (A) ; c'est donc lui que nous avons cru devoir reproduire, comme l'avait fait notre honorable confrère, M. Van Hasselt, à l'égard du Cléo- madès , comme nous l'avons fait nous-même pour les Enfances Ogier et comme nous le ferons encore (cette fois, il est vrai, par absence de choix) pour Bueves de Com- marcliis.

La transcription, par des raisons indépendantes de notre volonté, n'a pas été opérée sur l'original même, mais sur la copie exécutée, au siècle dernier, par Mouchet et con- servée à la Bibliothèque Nationale ; mais le transcripteur, M. Deprez, a eu soin de vérifier sa copie, avant de nous la remettre, sur le manuscrit de l'Arsenal et de corriger les quelques écarts dont Mouchet s'était rendu coupable. Notre texte était tiré quand un voyage à Paris nous per- mit de confronter, à notre tour, les bonnes feuilles avec l'original et d'y noter encore quelques petites corrections , que nous avons consignées sous la rubrique des Variantes.

Ces dernières ont été recueillies par M. Deprez en ce qui concerne les mss, désignés plus haut par B et C ; quant à D et E, nous les avons collationnés nous-même, un peu rapidement, à la vérité, mais suffisamment, pensons-nous, pour le but que nous poursuivions et qui ne comportait que le relevé des changements de mots ou de phrases, et nulle-

X PREFACE.

ment celui des variations purement orthographiques ou dia- lectales. En somme, nous nous flattons que notre texte sera reconnu fidèle et exact, sans être servile au point de repro- duire les moindres écarts de plume du scribe primitif.

Comme les autres publications dont nous avons eu l'hon- neur d'être chargé par la Commission académique , la pré- sente se termine par des Notes, dans lesquelles nous avons, aussi succinctement que possible , recueilli ou éclairci particulièrement deux genres de faits : d'abord ceux qui nous semblaient mériter l'attention des savants qui s'occu- pent spécialement de l'ancien langage français , puis ceux qui pouvaient offrir aux novices soit quelque obscurité, soit une occasion d'erreur. Nous avons tâché de ne pas trop nous répéter sur des points déjà touchés dans nos commentaires précédents et de ne pas multiplier les renseignements qui peuvent être puisés dans les divers glossaires de vieux français accessibles à la plupart de nos lecteurs.

Après les analyses diverses qui ont été faites du roman de Berthe, il nous a semblé inutile de faire suivre cette préface d'un sommaire tel que celui que nous avons inséré dans les Enfances Ogier. Nous renvoyons à cet égard aux ouvrages mentionnés plus haut et en outre à l'analyse de la version en prose du ms. de Berlin (mss. franc. 130) , que l'on trouve au premier chapitre de la partie des Roland s Abentheuer , publ, par F. W. V. Schmidt (Berlin 1820). Nous indiquons encore à nos lecteurs le livre cité de M. Léon Gautier comme source d'informations au sujet de la littéra-

PRÉFACE. XI

ture relative à la légende de Berthe en général et au poëme d'Adenés en particulier, en ajoutant que le texte du poëme de Charlemagne de Venise, pour autant qu'il se rapporte à la mère de l'empereur, vient d'être publié par M. Mussafîa dans la Romania de MM. Paul Meyer et Gas- ton Paris.

Bruxelles, 25 octobre, 1874.

AUG. SCHELER.

A l'issue d'avril, un tans doue et joli, Que herbeletes pongnent et pré sont raverdi , Et arbrissel désirent qu'il fussent parflori. Tout droit en cel termine que je ici vous di, 5 A Paris la cité estoie un venredi :

Pour ce qu'il ert devenres, en mon cuer m'assenti K'à Saint Denis iroie por priier Dieu merci. A un moine courtois c'on nonmoit Savari, M'acointai telement, Damedieu en graci,

10 Que le livre as estoires me moustra, et g'i vi L'estoire de Bertain, et de Pépin aussi Comment n'en quel manière le lion assailli ; Apprentie jongleour et eserivain mari Ont l'estoire faussée, onques mais ne vi si.

15 Ilueques demorai de lors jusqu'au mardi, Tant que la vraie estoire emportai avoec mi Si comme Berte fu en la forest par li. mainte grosse paine endura et soufri : L'estoire iert si rimée, par foi le vous plevi,

20 Que li mesentendant en seront abaubi. Et li bien entendant en seront esjoï.

1

LI ROMANS DE BERTE

II

A cel tans dont vous ai l'estoire commencie, Avoit un roi en France de moult grant seignorie, Qui moult fu fel et fiers et de grant estoutie :

25 Charles Martiaus ot non, mainte grant envahie Fist Gerart et Foucon et ceaus de lor partie ; Mainte ame en fu de cors sevrée et départie , Et maint hauherc rompu, mainte targe percie, Mainte tour abatue, mainte vile essillie.

30 Puis en fu la pais si et faite et establie Qu'il furent bon ami sans mal et sans envie. Après vinrent li Wandre, une gent maleïe, Qui furent moult grant gent, plain de mescreandie : Puis furent lor gent morte et trestoute essillie.

35 D'autre chose vous ai la matere acueillie. Entour la Saint Jehan que la rose est florie, Fu rois Charles Martiaus en sa sale voutie, A Paris la cité ot grant chevalerie ; Aine n'ot que deus enfans, n'est drois c'on m'en desdie

40 L'uns ot non Carlemans, moult fu de bone vie, Quatre ans fu chevaliers, plains fu de courtoisie, Et puis se rendi moines dedens une abeïe ; L'autres ot non Pépins, par Dieu le fill Marie, Cinc pies ot et demi de long, plus n'en ot mie,

45 Mais plus hardie chose ne fu onques choisie. El jardin le roi ot mainte table drecie, Au mengier sist li rois et sa gente maisnie ; D'autre part sist Pépins o la bachelerie. Leens ot un lion norri d'ancesserie,

AUS GRANS PIÉS.

50 De plus crueuse beste ne fu parole oïe ; Sa cage ot derrompue et toute depecie, Et son maistre estranglé qui fu de Normendie. Par le jardin ot mainte ente bien feuillie, S'en venoit li lions comme beste enragie ;

55 Deus damoisiaus a mors, estrais de Lombardie, Qui aloient joant seur l'erbe qui verdie. Charles Martiaus saut sus, que il plus ne detrie, Sa fenme enmaine o lui, ne l'i a pas laissie. N'en i a un tout seul n'ait la table guerpie.

60 Quant Pépins l'a veu, de maltalent rougie,

Dedens une chambre entre, n'ot pas chiere esmarie, Un espiel i trouva, fièrement le paumie, Vers le lion s'en va, ou soit sens ou folie.

III

(juant Pépins tint l'espiel, n'i volt plus demorer : 65 Vers le lion s'en va, n'ot talent d'arrester ; Apertement li va Pépins tel cop donner. Devant en la poitrine bien le sot aviser, L'espiel jusk'à la crois li fait el cors coler. Parmi le cors li fait le froit acier passer, 70 Mort l'abat sor la terre, puis ne pot relever. Chascuns i acorut la merveille esgarder ; Charles Martiaus meïsmes keurt son fill acoler, Et sa mère encommence de la joie à plorer : « Biaus très dous fils », fait ele, « conment osas penser 75 « Que si hideuse beste osas ains adeser ? »

« Dame », ce dist Pépins, « on ne doit pas douter

LI ROMANS DE BERTE

« Chose que on ne puist à nul blasme atorner. » Vint ans avoit Pépins, ainsy loï esmer. .

En cesti ci matere ne veuil plus arrester, 80 Parmi la vraie estoire m'en vorrai tost aler Et briément la matere et dire et deviser, liien savés c'on ne puet pas trestous jors durer ; Il fait moult bon bien faire, plus n'en puet on porter, Car nus ne vient à vie ne couviengne finer.

85 Le roi Charle Martel couvint à fin aler ; Après morut sa fenme, la roïne au vis cler ; Conme droit hoir de France font Pépin coronner. Après le marièrent por son cors honorer. Sa fenme fu estraite, sans mençonge parler,

90 De Gerbert, de Gerin, de Malvoisin le ber. A P"'romont orent guerre, ch'avés conter. Dont il couvint de cors mainte ame dessevrer, Maint chastel, mainte tour à terre craventer, S'en couvint à Pépin mainte paine endurer. 95 Onques de celé fenme ne pot hoir engendrer, Car il ne plot à Dieu qui tout a à garder. Grant tans furent ensamble ; se voloie aconter Toutes lor aventures, ne porroie assener. Celé dame morut, l'ame en puist Diex sauver !

100 Après vorrent Pépin assez tost marier ; Por iceste raison i ot fait assambler Li rois tous ses barons en cui se dut fier. Por regarder quel fenme li porront aviser. Mais ne sèvent quel part fenme puissent trouver.

105 Premiers en a parlé Engerrans de Montcler : « Sire, je en sai une, par le cors St Omer, « Fille au roi de Hongrie, moult l'ai loer, « Il n'a si bêle fenme deçà ne delà mer ; 0 Berte la debonaire, ainsi l'oï nonmer. »

AUS GRANS PIES.

110 « Seignor », ce dist Pépins, « ni a fors dou haster, « Car celé vueil avoir à moillier et à per. » Li rois Pépins a fait moult grant gent assambler Pour aler en Hongrie la dame demander. Tous ceaus qui i alèrent ne vous vueil deviser ;

115 Parmi celé Alemaigne acueillent lor errer. Mainte diverse gent leur convint trespasser. En Hongrie s'en vinrent un mardi au disner ; A une grant cité, Strigon l'oï nonmer. trovèrent le roi, qui moult fist à loer.

120 Trestoutes lor pai'oles ne vous vueill raconter. De par Pépin li vont la pucele rouver, Et li rois lor otrie, moult li pot agréer. Blancheflor la roïne fist sa fille mander, A nostre gent françoise la fist li rois moustrer,

125 Et no François la vont sagement saluer ;

Tant ert blanche et vermeille con s'i peiist mirer. Les tables furent mises, s'assisent au souper. Tant com il furent là, très bien en font penser Li rois et la roïne, et forment honnorer.

130 En la terre ne vorrent longuement sejorner.

Plus tost qu'il onques porent font lor oirre aprester ; Chevaus, or et argent leur fist on présenter, Mais aine n'en vorrent prendre la monte d'un soUer.

IV

Ijerte la debonaire, qui n'ot pensée avère, 135 Moult durement plorant prent congié à son père. « Sire », dist ele, « adieu ! saluez moi mon frère,

LI ROMANS DB BERTE

« Qui tient devers Poulane la terre de Grontere. » « Fille », ce dist li rois, « ressamblés vostre mère; « Ne soies vers les povres ne sure ne amere,

140 « Mais douce et debonaire et de bone matere, « Si k'à Dieu et au siècle la bontés de vous père, « Car qui ainsi le fait, moult noblement se père, « Et cil qui bien ne fait, en la fin le compère. « Aino plus bêle de vous ne vit rois n'emperere,

145 « Je vous conmant à Dieu qui est vrais gouvernere, « Qui en cors et en ame en soit dou tout gardere. »

V

Tout droit à celui tans que je ci vous devis, Avoit une coustume ens el tiois pays Que tout li grant seignor, li conte et li marchis

150 Avoient entour aus gent françoise tousdis Pour aprendre françois lor filles et lor fis ; Li rois et la roïne et Berte o le cler vis Sorent près d'aussi bien le françois de Paris Com se il fussent au bourc à Saint Denis,

155 Car li rois de Hongrie fu en France norris ; De son pays i fu menez moult très petis. François savoit Aliste, car leens l'ot apris : C'ertla fille la serve, ses cors soit li honnis, Car puis furent par li maint grant malice empris.

160 Adont tenoient Franc les Tiois por amis, S'aidoient li un l'autre contre les Arrabis ; Bien parut puis à Charles, qui fu rois poëstis, Que Alemant estoient chevalier de grant pris ;

AUS GRANS PIES.

Par aus fu puis mains Turs et mors et desconfis.

165 De ce ne vous iert ore nus Ions racontes dis :

De ce vous vueil parler que vous ai entrepris.

VI

Moult fu Berte courtoise et plaine de franchise, N'est nus qui la connoisse qui forment ne la prise. Le jour que ele dut sa voie avoir emprise,

170 S'est devant le roi Floire son père à génois mise, En plorant prent congié sans mal et sans faintise. Blanche fu et vermeille et plaisans à devise, N'ot plus bêle pucele de dusques en Pise, Et de faire tout bien fu en grant couvoitise,

175 Si k'à pièce ne fu de nul meflfait reprise ;

Mais puis fu par la serve en la forest malmise, Ainsi com vous orrés l'estoire le devise.

VII

Quant Berte ot pris congié à son père au cuer vrai, Forment li duelt li cuers, moult fu en grant esmai. 180 Les gens de celé terre, ne vous en mentirai, En plorèrent forment , car vraiement le sai. « Fille », dist la roïne, « je vous convoierai, « Sachiez, au plus avant que je onques porrai ;

Ll ROMAINS DE BERTE

« Margiste, vostre serve, avoec vous laisserai

185 « Et Alistô sa fille, plus belle rien ne sai ,

« Pour ce que vous ressamble, assez plus chiere l'ai, « Et Tibert lor cousin avoec envolerai, « Bien savez que tous trois de servage getai « Et que de mes deniers chascun d'aus rachetai,

190 « Et par ceste raison trop plus m'i fierai. » « Dame », ce a dit Berte, « et je les amerai, « Ne de chose que j'aie jamais ne leur faurrai^ « Trestoutes mes privances par leur conseil ferai ; « Aliste , se je puis, très bien marierai. »

195 « Fille », dist la roïne, « bon gré vous en sarai. » Un lundi par matin, por voir le vous dirai, Orent Bertain montée sor un palefroi bai ; Des jornées qu'il firent trop ne vous conterai. Par Sassogne s'en vinrent ; par le duc Nicholai

200 La duchoise estoit suer Bertain ; quant j'esgardai L'estoire à Saint Denis, tout ainsi le trouvai. D'aprochier la besongne plus ne detrierai. « Fille », dist Blancheflor, « arrière m'en irai, « De par vous vostre frère forment saluerai ;

205 « Se bien ne vous prouvez, de la dolor morrai ; « Cel anel de vo doit o moi enporterai, « En lermes et en plors souvent le baiserai. » En plorant li dist Berte : « Dame, je le ferai. »

VIII

Berte prent l'anelet, qu'ele plus n'i délaie, 210 A sa mère le baille, moult pleure, moult s'esmaie. « Fille, à Dieu vous conmant par cui 11 solaus raie ;

AUS GRANS PIES.

« Or vous faites amer gent letrée et gent laie ; « Qui de bien est venus, drois est k'à bien retraie « Adès de plus en plus, si que n'en retraie. »

215 « Douce mère », fait ele, « il m'est avis que j'aie « Parmi le cuer dou ventre d'un coutel une plaie. » « Fille », dist la roïne, « soies joians et gaie : « Vous en alez en France, de ce mes cuers s'apaie, « K'en nul pays n'a gent plus douce ne plus vraie. »

220 Au départir chascune à plorer se rassaie ; Berte chaï pasmée sor un drap noir com saie.

IX

La roïne s'en va à Dieu conmandement ;

Berte remest pasmée deseur le pavement.

La duchoise sa suer entre ses bras la prent, 225 Blancheflor fait tel duel près li cuers ne li fent ;

En Hongrie revient li rois l'atent.

Lor oirre ont aprestée nostre françoise gent ;

A sa suer prent congié Berte qui ot cuer gent,

El palefroi la metent sa gent moult doucement. 230 Alemaigne trespassent, n'i font delaiement ;

A Saint Herbert passèrent le Rin isnelement.

Par Ardenne chevauchent sans nul detriement ;

A Rostemont sor Muese ont pris herbergement,

Un très riche chastel qui siet moult noblement : 235 Entre deus grans rivières siet seignoriement,

Fores et praeries, tout ce n'i faut noient ;

Puis le frema dux Namles de Baiviere autrement

Qu'ele n'estoit fremée et moult plus fortement ;

10 Ll ROMANS DE BERTE

Pour ce que Namles est plains de grant hardement,

240 Preus et loiaus et sages et de bon escient, Fu Namur apelée despuis conmunement. Li quens les herberga moult honnoréement ; Cousins ert le roi Floire à cui Hongrie apent. A nostre gent françoise fist maint riche présent,

245 Mais aine ne vorrent prendre chevaus, or ne argent. De Rostemont se partent au matin liement, Hainaut ont trespassé, Vermandois ensement ; De ce ne vous ferai plus nul alongnement. Tout droit un diemenche, ainsi com je l'entent,

250 Sont venu à Paris devant l'avesprement. Encontre va li rois moult très joieusement Et sont en sa conpaigne plus de mil et sept cent, Qui trestout sont de lui tenant grant chasement ; Berte vont saluer bel et courtoisement.

255 Conme sage et courtoise, chascun son salut rent Com celé qui estoit de grant apensement, Et dist li uns à l'autre : « Par le cors St Climent, « Moult avons bêle dame et de joene jouvent. » Les cloches de la vile sonnèrent hautement ;

260 De ce ne vous vueill faire nul lonc acontement, Car n'ot rue en la vile, par le mien escient, Ne fust toute couverte de dras très richement, Et les rues jonchies d'erbe très netement. Et les dames, parées contre l'avènement,

265 Carolent et festient et chantent hautement ; De joiaus, de richesces toute Paris resplent. Au peron de la sale la roïne descent ; Maint haut baron l'adestrent moult debonairement, Car de li honnorer a chascuns grant talent.

AUS GRANS PIÉS. H

X

270 Après la mi aoust, ne quier que vous en mente, Par un jour si très bel qu'il ne pluet ne ne vente, Espousa rois Pépins Bertain la bêle gente. Richement fu vestue d'un riche drap d'Octrente ; Tel coronne ot el chief qui moult li atalente,

275 Cent mile mars valoit et plus, à droite vente, Berte fu gracieuse com est la flors sor l'ente. Chascuns la tient à bêle, n'est nus ne s'i assente. Ou jardin orent fait drecier la maistre tente ; Quant la messe fu dite, n'i firent longue atente,

280 Au mengier sont assis, ça cent, ça vint, ça trente. Mains grans princes le jour de servir se présente ; Devant la roïne ot mainte bêle jouventc Qui volentiers la servent, nus ne s'en destalente. Or est ele moult aise, mais tost sera dolente :

285 Margiste li fera recevoir tele rente,

Par son très grant malice la metra en tel sente Dont souvent iert de lermes sa chiere moult suUente, Damediex la confonde, Torde vielle pullente !

XI

Les napes ont ostées ; quant vint après mengier, 290 Ménestrel s'apareillent por faire lor mestier ; Trois menestrés i ot qui moult font à prisier,

12 Ll ROMANS DE BERTE

Devant le roi s'en vinrent, n'i vorrent detriier, Et devant la roïne por li esbaniier : Li uns fu vieleres, on l'apeloit Gautier,

295 Et l'autres fu harperes, s'ot non maistre Garnier, L'autres fu leiiteres, moult s'en sot bien aidier. Ne sai conment ot non, mentir ne vous en quier ; Volentiers les oïrent dames et chevalier ; Quant lor mestier ont fait, si s'en revont arrier.

300 Dont se dreça li rois, n'i volt plus atargier ; Dames et damoiseles prennent à festiier. Danses, baus et caroles veïssiez conmencier. La roïne adestrèrent duc et conte et princier, En ses chambres l'enmainent por son cors aaisier,

305 Puis retornent arrière, n'i vorrent delaiier, La roïne ne vorrent longuement traveillier. Atant es vous Margiste, cui Diex doinst encombrier : avoit en son cuer le conseil Taversier, Qu'ele avoit enpensé moult mortel destorbier.

310 Encoste la roïne se va agenoillier,

En l'oreille li prent tantost à conseillier : « Dame, trop sui dolente, par le cors St Richier, « Uns miens amis me vint dès ersoir acointier « Que, puis que Diex son cors laissa crucefiier,

315 « Ne fu bons nus qui tant fesist à ressongner

« Com fait li rois Pépins por delés vous couchier ; « Quant li rois vous devra enquennuit conpaignier « Et faire la droiture c'on fait à sa moillier, « Paour ai ne vous tut, si me puist Diex aidier.

320 « Je le sai grant pieça, ne l'osoie noncier,

« Pour vous, que ne voloie pas trop assouploiier. »

Quant ce ot la roïne, si preni à lermoiier,

De la paour qu'ele a cuide le sens changier.

(( Dame », ce dist la vielle, « ne vous chaut desmaier,

325 « Bien vous garandirai, par Dieu le droiturier : « Quant evesque et abé revenront de saigner

AUS GRANS PIES. i3

« Le lit au roi Pépin qui France a à baillier, « Vostre chambre ferai de toutes pars widier ; « Alistete ma fille ferai tost despoillier,

330 « En lieu de vous el lit la ferai je mucier. « J'en ai parlé à li, fait li ai otriier ; « J'aim miex que aie muire que vous, mentir n'en quier. » Quant Berte l'entendi, prist la à enbracier, Damedieu et ses sains en prent à graciier,

335 Ne fust mie si lie por l'or de Monpellier.

XII

(jrant joie otla roïne quant ele ot la manière Conment dou roi Pépin se porra traire arrière, Nostre Dame en gracie, la dame droituriere. De li se départi la maie chamberiere,

340 En une autre chambre entre l'orde vielle sorcière, Vers le jardin le roi bien près de la rivière ; Sa fille y a trouvée, cui la maie mors fiere, A une fenestrele qui est faite de piere. Miex ressamble Bertain que ne paindroit paigniere,

345 N'ert femme qui à eles de grant biauté s'afiere, Nient plus c'uns prés florfs samble gaste bruiere. Atant es vous la vielle qui fait moult lie chiere, Sa fille a embracie, si la baise en la chiere. La vielle et sa fille orent porparlé en derrière

350 Conment traïr porront Bertain n'en quel manière.

« Fille », ce dist la vielle, « moult forment vous ai chiere, « Car vous serez roïne, se Dieu plaist et saint Pierre. » a Mère », ce dist Aliste, « Diex oie vo prière !

14 LI ROMANS DE BERTE

« Envoiiés pour Tibert, avis m'est qu'il afiere 355 « Qu'il soit de ceste chose maistres et conseilliere ; 0 Mandés li k'à moi viengne, hastés que on le quiere « A toutes ces ensaignes k'ersoir ot m'aumosniere. » Et la vielle meïsmes i keurt comme levriere, De la traïson faire ne fu mie lanière.

XIII

360 Quant Tibers ot le mant, moult fu en grant désir K'à sa cousine puist hastéement venir, Et quant il fu venus tost le font assentir A celé traïson, moult li vint à plaisir. La traïson devisent entr'aus trois à loisir,

365 Conment n'en quel manière i porront avenir.

Par quoi Bertain leur dame puissent France tolir. « Fille », ce dist la mère, « ne vous en quier mentir, « On doit bien reculer por le plus loing saillir : « De ceste chose ares un petit à soufrir.

370 (( Ennuit ferai Bertain avoeques moi dormir ; « Tout droit à l'ajorner, quant devra esclarcir, « A vous l'envoierai si com por gésir ; « D'un coutel en vo cuisse vous couvenra ferir « Tel coup que le cler sanc en couvenra saillir,

375 « Dont crierés haro qu'ele vous veut murdrir ; « En la chambre entrerai, tantost Tirai saisir, « Dont de en avant m'en laissiés couvenir. » « Dame », ce dist la serve, « tout à vostre plaisir. » Ainsi l'ont devisé, Diex les puisse honnir !

380 La nuit après souper, quant vint à l'enserir,

AtJS GRANS PIES. 15

S'en vont vesque et abé por le lit beneVr. Après a fait la vielle toute gent fors issir. Les uns après les autres bêlement départir ; La clarté fait oster c'on n'i pot riens choisir. 385 El lit le roi Pépin fait sa fille couvrir :

Le coutel dont il doivent la traVson fournir

Ont mis droit à Tesponde, Diex les puist maleïr 1

XIV

Moult fu la vielle à aise, de joie prist à rire, En sa chambre s'en va Bertain sa dame dire :

390 « Dame, je lais ma fille dolente et plaine d'ire,

« Tant avons fait pour vous nus nel porroit descrire. » (( Dame, vous dites voir, Damediex le vous mire ! »> Couchier l'a fait la vielle ; Diex envoit mal martire Li, sa fille et Tybert ; tous maus en aus s'atire.

395 La vielle li dist lors bêlement tire à tire

Que droit au point dou jour couvient qu'ele s'atire Et que moult sagement delez le roi se vire. Berte la debonaire sans corrouz et sans ire Dist k'ainsi le fera, n'ot talent d'escondire,

400 Riens que la vielle vueille ne li veut contredire. En son lit en séant prist ses heures à dire, Car bien estoit letrée et bien sa voit escrire.

16 LI ROMANS DE BERTE

XV

{jele nuit fist li rois toute sa volenté De la très fausse serve, plaine de mauvaisté ;

405 Un hoir i engendra, par fine vérité.

Qui Rainfrois ot à non, n'ot gaires de bonté ; Puis en ot il un autre, Heudri l'ont apelé ; Plain furent de malice et de grant fausseté. Devant l'aube aparant, ains qu'il fust ajorné,

410 A la vielle Tybert le traïtour mandé, Et il i est venus volentiers et de gré. Berte s'est esveillie, n'i a plus demoré, En la chambre s'en entre bêlement et soé, Ainsi comme la vielle li avoit conmandé ;

415 Venue est à la serve, qui gist ou lit paré. La serve l'aperçoit, n'i a plus sejorné ; Le coutel a saisi, si l'a amont levé. En sa cuisse derrière a tel coup assené Que li clers sans en raie et de lonc et de lé.

420 La serve a le coutel à Bertain présenté, Et Berte le reçoit, qui mal n'i a pensé, Quar la vielle li ot tout ainsi enorté. Lors a la maie serve un moult grant cri geté : « Ha ! rois Pépins », fait ele, « je croi, mar vous vi

425 « Quant on me veut murdrir delez vostre costé. » Et li rois s'esveilla, s'a le coutel visé Que la roïne tient trestout ensanglenté ; En son séant se drece, près n'a le sens dervé. Atant es vous la vielle qui fist samblant iré,

430 Vers sa fille s'en va, s'a le sanc esgardé. Quant li rois l'a choisi, si en a Dieu juré

AUS GRANS PIES. 17

Que sa fille iert destruite, n'en iert trestorné.

« Ha ! rois », ce dist la vielle, « pour sainte charité,

« Faites la tost destruire, n'en aiez pité,

435 « Jamais ne l'amerai nul jour de mon aé. » La vielle prent Bertain, grant coup li a donné, De la chambre l'enboute, Bertain vint moult en gré, K'encore cuidoit ele que ce fust amisté. Et nepourquant dou coup li sont li œil troublé ;

440 Et Tjbers l'a saisie, qui moult ait mal dahé, Par le mantel l'enmaine, si qu'il l'a desciré. « Aide Diex », fait Berte, « rois plains d'umilité, « Que m'est il avenu, c'ont ces gens enpensé ? » Lors a la maie vielle un pou avant passé,

445 Un loien a ataint, Tybert l'a présenté ; Bertain ont abatue, n'i ont plus arresté, A force li ouvrirent sa bouche estre son gré ; A guise de cheval que on a afrené, Li ont mis celé corde, ce fu grant cruauté ;

450 Derrier ou hasterel li ont si fort noé

Que pour cent mile mars n'eùst un mot sonné ; Les mains li ont loiies par lor desloiauté, Deseur un lit l'abatent, un drap ont sus geté ; Or en ait Diex pité, li rois de majesté !

XVI

455 Quant il orent Bertain en tel point atornée K'estroit li ont la corde en la bouche noée, En travers sor le lit l'ont ilueques getée, Et la mauvaise vielle s'est lez li acoutée, En l'oreille li dit basset à recelée :

s

18 Ll" ROMANS DE BERTE

460 « Se vous criez », fait ele, « par la Virge honnorée, « Vous ares moult tost celé teste coupée. » Quant Berte l'entendi , moult fu espoentée ; Bien voit qu'il l'ont traie et qu'ele est enganée ; De duel et de mesaise s'est ilueques pasmée.

465 Et la vielle s'en torne, n'i est plus arrestée ; Tybert lait lez Bertain qu'ele soit bien gardée. En la chambre le roi s'en est la vielle entrée, Moult faisoit la dolente et moult sembloit irée ; qu'ele voit sa fille, au pié li est alée :

470 « Dame, merci, pour Dieu qui fist ciel et rousée, « Se vous saviés conment j'ai ma fille atornée, « Bien diriés que n'ai coupes en ceste destinée. »

« Taisiez vous », dist li rois, « pute vielle prouvée, « Bien est vo traison veiie et esprouvée ;

475 « Bertain vouliez murdrir, ma fenme, en recelée ; « Vo fille sera arse, n'en iert trestornée. »

« Sire », ce dist Aliste, « or n'aiez pensée « Que par ceste fust onques traison pourparlée,

« Qu'il n'a plus preude fenme jusqu'à la mer betée, 480 « Mais tousjours a sa fille esté sote noée, a Si con par lunoisons aussi conme dervée. H Sire, un don vous requier à ceste matinée, « C'est la première chose que je vous ai rouvée « Puis que m'eiistes, sire, à moillier espousée 485 « Et de coronne d'or fui pour vous coronnée : « Je vous pri, seur la foi que vous m'avez jurée, « Que ceste chose soit si teùe et celée « Que nus hom ne la sache qui soit de mère née ; « Pour la raison de ce k'o moi l'ai amenée, 490 « Trop dolente en seroie s'en faisiez renonmée ; « Mais prenez trois serjans droit à ceste ajornée, « Si leur soit tost la garce et errant délivrée ; « En un lointain pays en soit tantost menée, « sera enfouie ele iert estranglée ;

AUS CRANS PIES. 19

495 (( Moi n'en chaut c'on en face mais qu'ele soit tuée, n « Dame », ce dist la vielle, « bien estes avisée, « Je vorroie, par m'ame, qu'ele fust decolée « Ou en aiguë noiie ou au dyable alée. » Li rois ot la requeste, ne l'a pas refusée,

500 Ainçois li a trestoute otroiie et graée.

Tant a brassé la serve et tant s'en est penéa Que la vielle sa mère s'est au roi acordée Et que par li sera toute l'uevre achevée. De joie s'est la vielle vers le roi enclince,

505 Moult faisoit laide chiere , moult par ert esplorée ; Bien ot la traïson et faite et atemprée.

XVII

\j rois se dresce en piez, n'i volt plus demorer. Car forment le hastoient de la chose achever ; Il meVsmes ala trois sorjans apeler,

510 Mais ne leur volt de riens la chose demoustrer. A Margiste les maine, prent leur à deviser Que tout ce qu'ele veut facent sans refuser. « Seignor », ce dist la vielle, « alez vous atorner, « Et je irai la chose tout à point aprester,

515 « Et lors ferez vous ce que verrai conmander. » La chambre Berte fu leur a pris à monstre r : « Revenez à mi, moult vous cou vient haster. » Lors s'en torne la vielle, n'i volt plus demorer, Congié a pris dou roi, si prist à souspirer ;

520 II samble à sa manière qu'ele doive derver. Tout en plorant enprent le roi à apeler : « Sire, recouchiez vous, bien vous povez vanter

âO LI ROMANS DE BERTE

« Que jamais de la garce n'orrez un mot sonner ;

« Ne la tieng pas à fille, pour voir le puis jurer, 525 « Puisqu'ele veut ma dame murdrir ou estrangler. »

Lors s'en départ la vielle, Diex la puist craventer !

Et la serve sa fille prent forment à plorer,

Aussi qu'ele eust duel prent moult à souspirer.

Moult fu courtois li rois, prent l'a reconforter : 530 « Bêle », ce dist li rois, « laissiez ce duel ester,

« Laissiez aler la garce, Diex li puist mal donner !

« Bien vous peiist encore ocire ou enherber.

M Estes vous moult blecie ? Nel me devez celer, »

« Sire, nenil », fait ele, « ce ne me puet grever; 535 « Ce que je vi mon sanc me fait espoenter ;

« Je le vous mousterrai, alez l'uis refermer. »

Tout ce li disoit ele pour lui faire muser.

Pour avoir plus d'espace de lor chose arreer.

Et Tybers et la vielle n'ont cure d'arrester, 540 Ains font Bertain lor dame sor un ronchi lever ;

Li troi serjant l'enmainent droit après l'ajorner,

Et Tjbers fu li quars ; Diex puist Bertain sauver.

Qui de ce grant perill la vueille délivrer !

La vielle prent Tybert son cousin à rouver 545 Que le cuer l'en raporte, ce ne veut oublier.

Bien li a pris la vielle trestout à enorter

Conment la traïson il devra gouverner,

Et com Berte iert gardée qu'ele ne puist parler.

« Dame », ce dist Tjbers, « d'el vous convient penser, 550 « Bien ferai la besoigne, n'en estuet douter. »

Congié prent de la vielle, s'accueillent lor errer.

AUS GRAKS PIES. 31

XVIII

Après l'aube aparant luisoit la lune 'clere, Bertain en ont menée, qui à grant meschief are. Moult ert plaine de foi et de bone matera ;

555 Bien l'orent acouverte pour ce qu'ele ne père.

« Ha! sire Diex i>, fait ele, a qui estes souvrains père, « Ce que n'ai desservi couvient que je compère ; « Lasse ! com j'ai trouvée gent mauvaise et amere ! « A il mesaise ou monde qui la moie compère ?

560 (( Lasse ! mais ne verrai ma douce chiere mare

« Ne roi Floire mon père, ma seror ne mon frère ; « Or soit Diex de mon cors et de m'ame gardere ! »

XIX

Moult fu Berte dolente, mentir ne vous en quier, Damedieu reclama, le père droiturier,

565 Ne set on la maine, ou avant ou arrier,

Trestoutes lor jornées ne vous vueil rehercier. Quant à l'ostel vendent, en chambre ou en solier Metoit Tybers Bertain, n'i laissoit aprochier Nului fors lui tout seul, Diex li doinst enconbrier !

570 Et quant il li donoit à boire n'a mengier, En son poing tenoit nu son bran fourbi d'acier. Pour ce que la vouloit telement esmaier Qu'ele ne desist mot ne que n'osast noisiar ; De li ne se vouloit nule fois eslongnier,

575 Puis remetoit la corde dedens sa boucha arriar.

t LI ROMA>S DE BERTE

Puis li lioit les mains com félon pautonnier, Enserrer la faisoit dusques à l'esclairier. Tout ainsi s'en alèrent, sans mençonge acointier, Bien cinq grandes jornées, ne vorrent detriier,

580 Tant k'en un bois s'en vinrent haut et grant et plenier : C'ert la forest dou Mans, ç'ai oV tesmoignier ; Lors se sont arresté desous un olivier. « Seignor », ce dist Tybers, « par le cors St Richier , « De plus avant aler n'avons nous nul mestier. »

585 Et cil li respondirent : « Bien fait à otroier, « Lors sont tuit descendu à terre sor l'erbier ; L'uns avoit non Morans, forment fist à prisier, Et l'autres Godefrois, li tiers ot non Renier. La roine descendent, or li puist Diex aidier î

590 Onques mais de si près nel porent maniier. Car Tybers n'i laissojt fors que lui aprochier. Le drap deseur sa robe li font tost despoillier, Cote ot d'un blanc bliaut et mantel moult très chier. Quant si bêle la voient, prennent à lermoier,

595 Et Tybers li traïstres prent s'espée à sachier.

« Seignor », ce dist Tybers, « or vous traiez arrier, « A un coup li ferai la teste trebuchier. » Quant Berte vit l'espée, lors prent à sousploier, De paour va à dens sor la terre couchier ;

600 Lors conmence la terre doucement à baisier ; Sa grant mésaventure ne leur puet anoncier. Car la corde en la bouche ne la laisse raisnier. « Tybers », ce dist Morans, « garde, sor li ne fier, « Car, par cel saint seignor qui tout a à baillier,

605 « verroies tes menbres et ta teste trenchier, « Se jamais ne dévoie en France repairier. »

kVS GRAffS PIES. 25

XX

tiel jour fist moult lait tans et de froide manière. Et Berte gist à dens par deseur la br^iere ; Paour a de Tjbert que il sor li ne fiere, 610 Nostre Dame reclaime, la dame droituriere.

« Seignor », ce dist Morans, « pensée aroit lanière « Qui si bêle pucele mousterroit laide chiere. »

« Par Dieu » , ce dist Ty bers , « vis m'est que il afiere « Que nous locions tost, puis retornons arrière,

615 « Car je l'ai en couvent Margiste que j'ai chiere. n

a Tybers, » cedistMorans, « dur cuer as conme pierre ; « Se tu lui fais nul mal, par l'apostre St Pierre,

« Ne te gariroit raie tous li ors de Baiviere « Que ois bois ne te soit à tousjors mais litière. »

XXI

620 ^loult ot Tybers li lerres le cuer très corroucié, Quant de tuer Bertain ne li ont otriié ; Neporquant a li fel le bran fourbi sachié, Et li troi serjant l'ont par les flans enbracié,. Si qu'il l'ont contre terre par force agenoillié ;

625 Chascuns a trait s'espée, plus n'i ont atargié ; Entrues que li doi tienent Tybert le renoié, Ladesloie Morans, qui en ot grant pitié, Le loien de la bouche n'i a il pas laissié. « Bêle, fuiez vous ent, n'i ait plus detriié,

630 « Damediex vous conduise par sa douce amistié ! >:

24 Ll ROMANS DE BERTE

Berte s'en va fuiant, le cuer ot esmaié, Car bien cuidoit sans faille avoir le chief trenchié ; En la forest s'enfuit, moult a Dieu gracile. Ainsi eschapa Berte Tjbert sans son congié. 635 Quant Tybers l'a veu, moult ot le cuer irié :

« Seignor », ce dist Tybers, « mal avez esploitié, « Trestouz vous ferai pendre quant serez repairié. »

XXII

tiCl jour fist moult lait tans, car il plut et espart, Berte s'en va fuiant par delez un essart ;

640 Tant fuit que de li perdent li serjant le regart.

« Seignor », ce dist Morans, « si ait Diex en moi part « Que nous fesimes moult que fol et que musart « Que pour faire tel murdre venismes ceste part ; « Bien samble gentill fenme et sans nul mauvais art,

645 « Damediex la conduise et la praigne à sa part ! « En ceste forest a maint ours et maint liépart « Qui mengie l'aront ne demourra pas tart ; « Esploitié en avons com félon et renart ; « De duel et de pitié trestous li cuers m'en art. »

650 A ce mot remontèrent, chascuns de se part.

XXIII

En la forest fu Berte repuse entre buissons, Damediex la consaut et ses saintismes nons ! De li ici endroit à parler vous lairons ;

AUS GRANS PIES. 25

Quant tans et lieus en iert, ici le reprendrons. 655 Li serjant s'en repairent, n'i font arestoisons ;

« Seignor », ce dist Morans, « savez que nous ferons ?

(( Je lo que nous le cuer d'un porcel enportons,

« A madame Margiste si le présenterons ;

« Par iceste manière bien nous escuserons, 660 « Et si savez bien tuit k'en couvent li avons

« Que le cuer de celi raporter li devons.

« Tybert », ce dist Morans, « si m'aït St Sjmons,

« Se vous ne l'otriiez, tantost vous ocirons. »

« Seignor » , ce dist Tybers, « cis consaus est moult bons; 665 « Puisqu'ele est eschapée, au meilleur nous tenons ;

« Plus dout que vous ne faites, ne le vous cèlerons, « Que nous de ceste chose acusé ne soions. » Chascuns la fiancié, cours en fu li sermons. En iceste matere plus ne detrierons,

670 Trestout ainsi le firent com ci vous devisons ; A Paris sont venu, ne vous en mentirons. Grant joie en ot la vielle quant lor raisons. « Dame », ce dist Tjbers, « nous vous en raportons « Le cuer, vez le vous ci, présent vous en faisons ;

675 « La pucele avons morte, pour voir le vous disons. »

« Seignor », ce dist la vielle, « bien le desservirons, « N'avoit si maie garce tant com dure li mons. »

XXIV

ij troi serjant s'en vont, nus n'en est arrestus, A leur ostel s'en vienent, chascuns est descendus, 680 Et Tybers et la vielle sont iluec remansus. A la fausse roïne vont ensamble sus ;

96 Ll ROUANS DE BERTE

Grant joie a de Tybert qui estoit revenus.

« Dame », ce dist Tybers, « grans biens vous est cretis,

« Bertain avons ocise à nos brans esmolus. »

685 « Tybers », ce dist Aliste, « loez en soit Jhesus, « Bien avez desservi que vous soiez mes drus. » Ainsi fu de la serve liement respondus Tybers, car de grant joie fu ses cuers esmeiis. Ains de tel traïson n'oï à parler nus

690 Puis que de Judas fu nostre sires vendus; Damediex qui en crois fu pour nous estendus, Doinst k'encor leur en soit li guerredons rendus !

Bien ot li rois Pépins les Hongrois receûs Et riches dons donnés et noblement veiis.

695 Tant font qu'en lor pays est chascuns revenus ; Floire et Blancheflour font de par Pépin salus Et de par Torde serve, ses cors soit confondus î D'aus lairai à parler, n'en dirai ore plus, A Bertain revenrai. Ou bois qui ert ramus

700 Ert à moult grant meschief, ses cuers ert esperdus. Souvent reclaime Dieu et ses saintes vertus, Ne sot quel part aler, tousjours se trait ensus Dou lieu lot laissie Tybers li mescretis.

XXV

La dame fu el bois, qui durement plora. 705 S'oV les leus uller et li huans hua ; Il esclaire forment et roidement tonna, Et pluet menuement et grésille et venta. C'est hideus tans à dame qui conpaignie n'a.

AUS GRANS PIES.

Damedieu et ses sains doucement reclama : 710 « Ha! sire Diex », fait ele, « voirs est k'ainsi ala

« De virge naquesistes ; quant l'estoile leva,

« Li troi roi vous requirent ; nus hom ne sera

« Le jour desconseilliés qu'il les reclamera ;

« Melcior ot non cil qui le mirre porta, 715 « Jaspar ot non li autres qui l'encens vous donna,

« Et Baltazar li tiers qui l'or vous présenta.

« Sire, vous le presistes, chascuns s'agenoilla.

« Si voirs cora ce fu Diex ne mengonge n'i a,

« Si garis ceste lasse qui se dervera. » 720 Quant ot fait sa proière, son mantel escourça,

A Dieu s'est conmandée, aval le bois s'en va.

XXVI

Derte s'en va moult tost lez le pendant d'un val, Damedieu reclama, le père esperital, Lui et sa douce mère, qu'il la garde de mal ;

725 Ne set qu'ele puist faire, moult ot grant duel coral. « Ahi, vielle », fait ele, « le cuer eus desloial « Qui ainsi m'as traie de traïson crual ; M Lasse ! com arai hui soufert pesant jornal, « Mal samble que je soie de lignajre roial ;

730 « Diex et sains Juliens m'envoit à tel ostal

« Que mengier ne me puist nule beste mortal, « Car à Dieu ai mon cuer fin et ferme et loial. »

LI ROMANS DE BERTE

XXVII

(jel jour ot la roïne travail et paine maie, N'i ot sonmiers à cofres ne dras troussez en maie.

735 Meson pour osteler, chambre à voûte ne sale ; Plus dolente ert de cuer que cil c'on en mer cale. Il n'est plus bêle dame de ci jusqu'en Tessale, Non au mien escient de jusques en Gale, Mais traveillie estoit, s'en ert un petit pale ;

740 Or sachiez vraiement n'a talent qu'ele baie ;

Dou mal tans ert sa robe un poi pesans et sale. Une rivière trueve qui d'un pendant avale, Volentiers en beiist, mais trouble est com godale.

XXVIII

Par le bois va la dame, qui grant paour avoit ;

745 Ce n'est pas grant merveille se li cuers li doloit, Com celé qui ne set quel part aler devoit. A destre et à senestre moult souvent regardoit, Et devant et derrière, et puis si s'arrestoit. Quant s'estoit arrestée, moult tenrement ploroit,

750 A nus genous sus terre souvent s'agenoilloit, En crois sus l'erbe drue doucement se couchoit, La terre moult souvent piteusement baisoit ; Quant s'estoit relevée, maint grant souzpir getoit, Blanc!) eflour la roine, sa mère regretoit :

755 « Ha ! madame », fait ele, « se saviez orendroit « A quel meschief je sui, li cuers vous partiroit. »

AUS GRANS PIES. â9

Lors rejoingnoit ses mains et vers Dieu les tendoit : « Cil Damediex », fait ele, « qui haut siet et loing voit, « Parmi ceste forest hui en ce jour m'a voit, 760 « Et. sa très douce mère en tel lieu me convoit « mes cors à hontage mie livrez ne soit ! » Lors s'assiet souz un arbre, car li cuers li failloit, Ses très bêles mains blanches moult souvent detordoit, A Dieu et à sa mère souvent se conmandoit.

XXIX

'65 J^n la forest fu Berte qui fu gente et adroite, D'aler aval le bois moult très forment sesploite, Car fors à estre as chans moult durement couvoite, Mais la voie li est moult diverse et estroite, Ne set quel part aler pour trouver la plus droite.

770 « Ahi ! vielle », fait ele, « très mauvaise et revoite, u Pourquoi m'as envoiie en grant haste et en coite « Dedenz ceste forest en essil, en recoite, « Ne gart l'eure que bestes m'i aient acueilloite ; « D'avoir paine et travail m'avez bien escueilloite,

775 « De Dieu et de sa mère soiez vous maleoite.

« Ha ! sire Diex », fait ele, « com sui en maie esploite, u D'anui et de paour sui au cuer si destroite, tt Et car me secorez, mère Dieu beneoite ! »

XXX

Ija fille Blancheflour, la roïne au cler vis, 780 Fu dedens la forest, moult fu ses cuers pensis.

90 Ll ROMANS DE BERTE

Fille fu au roi Floire, qui fu preus et gentis ; S'il savoit ce meschief, moult seroit abaubis ; Une seror avoit qui ot non Aelis, Fenme au duc de Sassoigne, et si ert quens marchis,

785 De Brandebourc tenoit la terre et le pays.

Moult fu de haut lignage Berte, ce vous plevis. De rois, d'empereours et de princes eslis. Souz un arbre est assise, moult ot poi de delis. Vermeille ert comme rose, blanche com llours de lis.

790 « Ha, Diex ! verrai je mais », fait ele, « mes amis? « Ainmi lasse dolente ! com mes cors est malmis, « Dolens et à mesaise, courrouciez et maris, « Povres et esgarez, essilliez et despris ! « Ha, Diex ! je cuidoie estre montée en moult haut pris

795 « Quant Pépin fui donnée, qui est rois poëstis, « Et je fui amenée en la cit à Paris, « Mais je voi vraiement, si com moi est avis, « Que ma chose s'en va toujours de mal en pis. » Piteusement fait crois de ses braz seur son pis.

XXXI

^^ Ija dame fu ou bois desouz un arbre assise, Vestu ot un bliaut pardesus sa chemise, Afublé un mantel, dont la penne estoit grise, Et li dras en fu fais el régné de Lutise ; Bien sambla gentil fenme, grans en fu la devise,

805 Mais li cuers li faiiloit, n'ot point de faintise. Car si l'avoit atainte et la pluie et la bise Et la grelle qui s'i ert seur sa robe remise, Qu'elle chaï pasraée seur une pierre bise.

AUS GRANS PIÉS. 31

Quant vint de pasraoison, sa parole a emprise, 810 A Dieu s'est conmandée et au cors saint Denise :

« Ha ! cor ne set mes pères, li rois plains de franchise, « Que j'ai sans ma desserte tel mescheance aquise, « Et k'en ceste forest sui si seule et desprise ; « Je sai bien que encore fusse par lui requise, 815 « Requerre me feroit d'Espaigne dusqu'en Frise, « Mais je ne sai par quoi ne conment n'en quel guise « Soit mais de moi à lui nule nouvele aprise ; « Je me conmant à Dieu qui le mortel juïse « Reçut pour pecheours ; si com je l'aim et prise, 820 « Destourt mon cors de honte que ne soie maimise « Ne de beste sauvage dévorée ne prise. »

XXXII

Berte fu enz ou bois assise souz un fo Sor une riverete c'on apeloit Mincie ; Ne puet outre passer s'ele n'i passe à no. '

885 « Ha ! sire Diex », fait ele, « mon cuer à vous avo, « Vueillez que cors et ame et quanque j'ai soit vo, « Com celé qui dou tout à vous servir me vo » Si durement s'estoit hurtée à un chaillo Que parmi son soler ot en son pié un tro,

830 Si sainnoit com ce fust perceùre de clo, « Ainmi lasse ! » fait ele , « je criasse haro, u Mais je n'os pour ces bestes k'en ce bois glatir o ; « D'aler biens m'aviengne puis je bien dire ho, « Car pour ce que j'ai froit, en mon mantel m'enclo ;

835 « Mais quel mesaise k'aie, tout adès Dieu en lo.

« Ha ! rois Pépins », fait ele, « vo bien ne sont pas no , « Vous en avez assez, et je en ai trop po. »

Sa LI ROMANS DE BERTE

XXXIII

Derte gist sor la terre, qui est dure com groe ; Il n'ot plus bêle dame jusques à le Dynoe,

840 Sage fu et courtoise, sans chiere et sans chipoe. Ne sait qui ot fait un siège d'une hoe, s'apoia la bêle qui de plorer fu roe, Car de paine clochoit com chevaus c'on encloe. En fuiant li ont fait les ronces mainte escroe

845 De sa robe, et la dame entour li la renoe. Sa color n'estoit pas de semblance de choe, Qu'ele estoit aussi blanclie corne croie c'on hoe, Mellée de vermeille et polie com poe. Uns rainsiaus l'ot atainte parmi sa destre joe

850 Si angoisseusement que la chars en fu bloe ; De travail et de paine fu forment feble et floe. Mais quoi k'ait à souffrir, Dieu et sa mère en loe, Bassetement, k'aucune beste parler ne l'oe ; Souvent de son meschief li siens maus li refroe.

855 « Ahi, Eiirs », fait ele, « com me faites la moe ! « Et Fortune me torne diversement la roe, « Quant de si haute honnor sui cheùe en la boe ; « Je ne sui pas si aise com li poissons qui noe, « Près sui k'en autel point que pinchons ou aloe

860 « K'espreviers fameilleus tient saisi en sa groe, « Car je ne garde l'eure que à dens ou à poe « Me tiengne ours ou lyons qui toute me desfroe, « Diex, si com vous savez que je dou tout sui voe, « Vueillez que vostre mère m'ame de s'amour doe

865 « Si amoreusement que mais ne l'en descloe, « Sique avoeques li en paradis l'encloe, « Car des mains au dyable maint pecheour desnoe. »

AUS CRANS PIES. 33

XXXIV

Moult fist cele jornée félon tans et cuivert, Et la roine pleure, qui suefre et a soufert

870 Grant travail et grant paine, mais de cuer aouvert Le prent pour Dieu en gré et loiaument le sert, Car qui ainsi le fait, paradis en dessert. « Diex ! que nel set ma mère », fait ele, « au cors apert, « Qu'ele Berte sa fille en ceste forest pert ;

875 « Moult ot li rois mes pères fol conseil et foubert « Qui me cliarcha la vielle et son cousin Tybert ; « Diex m'en doinst tel venjance k'encor soit descouvert « Lor maie traïsou devant tous en apert. « Quant je passai le Rin tout droit à Saint Herbert,

880 « Ne cuidai pas que ci fussent pris mi Herbert. »

XXXV

En la forest dou Mans fu la roVne Berte Et la nuis estoit moult et orrible et desperte ; De chief et de viaire fu presque descouverte, La roïne s'en a grant froidure souferte,

885 Qu'ele ert en la forest toute la plus déserte,

N'i ot fors buissonciaus dou vent s'est couverte. Car selon son travail estoit forment à perte. Parmi son douz viaire s'est de son bliaut terte. Sainte Barbe reclaime, qui fu vraie converte,

890 Et Sainte Katerine ; chascune fu offerte

Pour Dieu à grant martire, s'en orent tel desserte

3

-^ LI ROMANS DE BERTE

K'en paradis leur fu la droite porte ouverte, « Dont doi je prendre en gré, se j'ai froit et poverte ; < Diex, si que de vous croire sui fine et vraie et certe , 895 « Me gardez que ne soie prise à beste cuiverte « Ne mengie en ce bois, ne tornée à tel perte. »

XXXVI

Seignor, or escoutez, pour Dieu ne vous anuit, Si orrez vraie estoire dont li ver sont bien duit, Moult volontiers la doivent oïr toutes et tuit,

900 Car il en est moult poi, si corn je croi et cuit, Qui de vraie matere à ceste ici s'apuit ; A Saint Denis en France, ens ai mon acuit, je trouvai l'estoire dedens un livre estruit. Li jours va à déclin, si aprocha la nuit ;

905 Quant ce voit la roine, ou parfont bois s'enfuit, En un lieu que bestailles orent fait et estruit, Arbrissiaus i avoit ne sai ou set ou huit. Grant paour ot dou vent qui menoit trop grant bruit, Souvent s'est conmandée au Damedieu conduit ;

910 Rien c'on peiist mengier n'i ot, ne cru ne cuit, Ne pain ne char, ne vin ne gastiaus ne bescuit; Un poi s'est aclinée, qu'ele avoit le chief vuit. Sachiez que n'i ot gaires ne joie ne déduit La roïne qui puis porta le noble fruit

915 De quoi maint Sarrazin furent mort et destruit.

AUS GRANS PIES. 35

XXXVII

Quant ore voit la dame k'ens ou bois il anuite Et que la vesprée ert felonnesse et recuite, Contre vent fait escu d'arbrissiaus, moult i luite : « Diex », fait ele, « corn sui engingnie et souduite,

920 « Ris et soûlas et joie m'ont bien clamée quite, « Dedens ceste forest sui povrement déduite ; « Je croi ceste muchote que bestes l'ont estruite, « Car ele est, ce me samble, moult diversement duite ; « Je ne voi que ma chose à nesun bien s afruite,

925 « Car se eles me truevent, je sui morte et destruite, « Qu'eles me mcngeront plus tost crue que cuite, « Tout aussi volontiers com 11 lus fait la truite. « Diex me puot bien garder qui ci m'a aconduite ; « Ci endi'oit remaindrai, je n'i voi autre fuite. »

XXXVIII

930 Povre ostel ot la dame, quant vint à Tanuitier ; N'i ot maison ne sale, ne chambre ne solier. Ne coûte ne coussin, linçueil ne oreillier, Ne dame ne pucele, serjant ne escuier. Ne tapis estendus pour son cors aaisier.

935 Damedieu reclama, le père droiturier. Un moncelet a fait de feuilles d'olivier, Que ele se cuida un petitet cluingnier, Mais se Jhesus n'en pense, 11 pères droiturier, Ele aura moult tost merveilleus destorbier ;

36 LI ROMANS DE BERTE

940 Car doi larron venoient de marcheans gaitier ; Il regardent, si voient le bliaut blanchoier. Li uns d'aus passe avant, si le corut sachier ; La roïne saut sus, si prent à fourmiier, Guida que ce fust beste qui la vousist mengier.

945 Quant cil la vit si gcnte, si la keurt enbracier. Et l'autre li escrie : « Lai l'ester, pautonnier, « Elle sera m'amie, par le cors St Richier. » « Voire, sire, car vous la fesistes forgier ! « Se plus en parliiez, vous le comparriés chier. »

950 Cil la manace, le sens cuide changier,

Un grant coûtai a trait, ou cors li va fichier ; Et cil sache s'espée, tel coup l'en va paier K'ambedoi s'entrebatent tout sanglent en l'erbier. Et la roïne Berte s'est tost mise au frapier,

955 Et pour le miex fuïr se prist à escourcier. Tant a fui la lasse tout un estroit sentier Que l'alaine li faut ; ou bois se va lancier. En une drue espine s'est alée mucier , Jusqu'à tant qu'il fu nuis ne s'osa redrecier.

960 Quant la nuis fu venue, si prist à lermoier :

« Ha! nuis.com serez longue, moult vous doi ressongnier, « Et quant il sera jours, si me puist Diex aidier, « Ne sarai aler ou avant ou arrier, « Dont y a bien de quoi je me doie esmaier.

965 « De trois choses à l'une me couvient aprochier : « Ou je morrai de froit ou de fain sans targier, (I Ou je serai mengie ains qu'il doie esclairier ; « C'est povre parteiire selon mon desirrier, « Mère Dieu, car veuilles vostre douz fill priier

970 « K'à ce besoing me voeille, se lui plaist, conseillier, ft Dame, si vraiement com j'en ai grant mestier. » Lors se met à genous, la terre va baisier, « St Juliens », fait ele, « vueiliés moi conseillier ! » Sa pateinostre a dite, que n'i volt detriier,

AUS GRANS PIES. 37

975 Sus son destre costé s'est alée couchier.

De Dieu et de sa mère se commence à saignier, Plorant s'est endormie ; Diex la gart d'enconbrier !

XXXIX

t^n un moult divers lieu d'encoste une bruiere Ens ou pendant d'un tertre , delez une rivière,

980 Dort la roine Berte, souz son chief une piere; A Dieu s'est conmandée et au baron St Piere, Et à la mère Dieu, la douce dame chiere, Et à Saint Julien qui fu vrais hcrbergiere. A ses mains avoit trait un petit de feuchiere,

985 Si en avoit couvert et son cors et sa chiere Au miex qu'ele povoit, et devant et derrière. Car moult doutoit la bise qui ert trenchans et fiere, Ne les ronces n'ont pas laissié sa robe entière, Et s'estoit joene et tenre corn rousée en herbiere.

990 Moult ert sage et courtoise et de bonne manière, N'ot pas plus de seize ans quant la vielle sorcière L'amena de Hongrie, cui la maie mors fiere Et Tybert son cousin, qui est faus et trichiere ; Grant honte leur envoit la Dame droituriere !

XL

995

r^ns ou bois ert la dama, qui n'est pas asseUr ; Plust fust asseiirée s'ele fust à Namur, Qu'ele estoit du lignage ou bon conte Glansur,

58 LI ROMANS DE BERTE

Qui l'escu portoit d'or à un Ij'on d'azur

Et tint de par sa fenme la terre de Saumur,

1000 Puis fu mors en bataille outre mer devant Sur, de gens sarrazines ot estour moult très sur. Ne croi qu'il eiist dame de dusqu'à Delfur Qui de si grant afaire fust à tel meseiir ; Damediex par sa grâce li renvoit boneiir,

1005 Car de très fin euer l'aime, de vrai et de meiir. De paine et de travail dort si fort et si dur, Desouz un arbrisel lez un viez petit mur, Que on ne l'esveillast pas du son d'un tabur.

XLI

Derte dort enz el bois deseur la terre dure, 1010 Et la nuis estoit moult et hideuse et oscure. Et moult estoit li airs de froide tempreiire, Et la dame n'ot pas assez de vesteiire Selonc ce qu'ele ert joene et tenre créature, Mais ele par estoit de si fine nature, 1015 De foi et de créance si certaine et meiire, Com celé qui n'avoit fors de bien faire cure, K'en Dieu croire et amer ot si mise sa cure Que plus li ert la chose fors et pesans et dure, Prent pour Dieu plus en gré tous les maus qu'ele endure. 1020 Devant la mienuit li tans un poi s'escure

Et la lune est levée et bêle et clere et pure, Et li vens est cheiis et li tans s'assetire ; Il laissa le pleuvoir, s'amenri la froidure.

AUS GRANS PIES. 39

XLII

£indroit la mienuit laissa il le venter.

1025 La roine sesveille, si prent à souzpirer,

De la paour qu ele ot conmença à trambler ; A destre et à senestre conmence à regarder, Ciiida que il fust jours pour ce qu'il faisoit cler. « Hai ! sire Diex », fait ele, « quel part porrai aler

1030 « à mengier pelisse un petitet trouver,

« Que j'ai si très grant fain que ne sai que penser. » Lors conmence la dame tenrement à plorer Et son père et sa mère forment à regreter : « Ahi ! ma douce mère, tant me soûliez amer,

1035 « Et vous, biau très douz père, baisier et acoler ; « Jamais ne me verrez, ce puis je bien jurer, n A genous et à coûtes va la terre encliner. « Ha ! sire Diex », fait ele, « tu te laissas cloer « Enz en la sainte croix, pour ton pueple sauver,

1040 « Dont vous doit bien chascuns servir et honnorer ; « Qui plus a à soufrir, plus vous doit aorer, « Car vous le povez, sire, si bien guerredonner ; « Ceaus qui ainsi le font, ce sai je sans douter, « K'en vo saint paradis les faites coronner ;

1045 « Puisqu'il vous plaist, biau sire, que j'aie à endurer, « Je vueil pour vous mon cors traveillier etpener ; « Or me vueilliez, biau sire, de ce perill geter. « Je vueil pour vostre amour ici endroit vouer « Un veu que je tenrai à tousjours sans fausser,

1050 « Que jamais ne dirai, tant corn porrai durer, « Que soie fille à roi, ne k'à Pépin le ber « Soie fenme espousée, jamais n'en quier parler ; « G'iroie ains d'huis en huis mes aumosnes rouver,

40 LI ROMANS DE BERTE

« Se ce n'est par un point, celui en vueil oster : 1055 « Je le dirai avant, pour moi faire douter,

« Que dou cors me laissasse honnir ne vergonder ;

« Ma virginité vueil, se Dieu plaist, bien garder,

« Car qui part pucelage, ce est sans recouvrer ;

« Diex me doinst et sa mère de mon veu si ouvrer 1060 « Que à leur amour puisse droite voie assener ! »

Une ondée revint, si prist à plouviner,

Lors femuce ou buisson, si lait le tans aler.

XLIII

jjerte la débonnaire à moult grant mescief ère, K a l'ajorner fist tans de moult froide jnatere,

1065 « Ha ! sire Diex », fait ele, « vrais rois, vrais gouvernere, « De mon cors et de m'ame soies vous hui gardere, « Car la nuit c'ai passée ai trouvé moult amere, « De moi faire à soufrir n'a pas esté avère. « Ahi ! vielle », fait ele, « et Tybers, mauvais 1ère,

1070 « Vostre grant traïson m'est vis que je compère ; « Diex par sa pitié doinst que encore vous père ! » Ains que gaires de jour endroites apere, S'en départ la roïne, car la lune luist clere.

XLIV

Par la forest dou Mans, si qu'il fu ajorné, 1075 S'en va Berte as grans pies, n'i a plus demoré, Souvent reclaime Dieu, le roi de majesté.

A us GRANS PIES. 44

Une fontaine trueve, si en but à plenté.

Après ot si grant froit qu'ele a forment tramblé,

Ne set conment le froit puist avoir eschivé. 1080 Un petit sentier a la roïne trouvé,

En cel sentier s'enbat, n'i a plus arresté.

Tant a celui sentier poursivi et aie

C'un hermitage treuve, Dieu en a aoré ;

Bien sambloit l'ermitage de vies antiquité. 1085 Cela part est alée, si a Tuisset hurté.

D'un maillet qui pent a sor l'uis assené,

Et Termites i vient, qui fu plains de bonté ;

Un très petit huisset a tantost desfermé.

Quant Berte voit l'ermite, de Dieu l'a salué ; 1090 « Frans hom », fait ele, » ouvrés, pour sainte charité,

« Tant que mon cors eiisse un petit eschaufé,

« Car moult sui traveillie et plaine de lasté. »

Quant cil la vit si bêle, le cuer ot trespensé.

Forment fu esbahis de sa très grant biauté. 1095 « Diex », fait il, « je vous tieng à mon droit avoué,

« Ne soufrés qu'anemis ait sor moi poësté.

« Dont vient si bêle fenme parmi ce bois ramé ?

« Aine mais ne vi si bêle en trestout mon ;

« Li dyables me cuide bien avoir engané, 1100 « Mais n'i ara povoir, se Diex me doinst santé. »

Devant son vis fist crois, puis li a demandé

S' ele estoit de par Dieu, moult l'en a conjuré.

« Sire », fait ele, « oïl, mon cuerli ai donné. »

« Et dont estes vous née ? dites en vérité. » 1105 « Sire, une fenme sui plaine de povreté,

« Laissiez m'entrer leens, tout vous sera conté « Qui sui et que je quier, ne vous iert celé. »

« Bêle », ce dist Termites, « ne l'ai pas en pensé « Que ceens entre fenme ne yver ne esté,

1110 « K'ainsi ont no menistre cest ordre devisé ; K II a passé maint an k'ainsi fu ordené ;

Ll ROMANS DE BERTE

« Vous n'i enterrez pas, car ainsi l'ai voué. » Quant Berte l'entendi, tenrement a ploré. Et Termites li a de son pain présenté,

1115 Noirs ert et plains de paille, ne Tôt plus buleté. Berte le prent et dist que Diex l'en sache gré, Mais si fu traveillie qu'ele n'en a gousté, Nés un tout seul morsel n'en a ele avalé. Quant Termites le voit, si en a souzpiré,

1120 Ne s'en pot astenir, des iex en a lermé ; De bone part li samble, si en a grant pité. Il Teiist ens laissie, n'en fust trestorné, Mais il avoit le cuer si plain de loiauté Qu'il redoutoit que il n'eiist son veu faussé.

XLV

1125 « Jjele », dist li preudons, a ne soies si irée, « Bien vous est avenu à ceste matinée ; « Se croire me voulez, bien serez assenée. « A la maison Sjmon soit vo voie aprestée, « Et Constance sa fenme qui est sage et senée ;

1130 « Bone gent sont et sage et de grant renonmée. « serés herbergie et très bien eschaufée, « K'ainc ne vi meilleurs gens, si soit m'ame sauvée.

« Sire », ce a dit Berte, « je sui moult trespensée , « Car je n'i sai la voie, s'ele ne m'est moustrée. »

1135 « Bêle, ce dist Termites, « ne soies esfreée,

« Entrez en cel sentier, n'en issiez pour riens née. »

« Sire Diex le vous mire, qui fîst ciel et rousée, « Car je sai vraiement, morte sui et aléa

« S'encore gis ennuit en la forest ramée, 1140 « K'ennuit j'i ai esté povrement ostelée ;

AUS GRANS PIÉS. 43

« Se j'avoie cent vies, par la Virge honnerée, « Ne m'en porroit pas estre une seule eschapée. » Quant Termites l'entent, la porte a desfermée, En la voie la met, à Dieu l'a conmandée,

1145 De la pitié k'en a mainte lerme a plorée;

Et Berte rentre ou bois, dolente et tourmentée. Quant ele ot une pièce la sentelete errée. Une ourse a encontrée en une grant valée, Qui vers li s'en venoit corant gueule baée.

1150 Quant Berte l'a veiie, moult fu espoentée :

« Aide, Diex », fait ele, « qui fis la mer salée, « Père de paradis, or est ma vie outrée. » De la paour qu'ele ot est cheiie pasmée, Et l'ourse s'en départ, autre voie est tornée ;

1155 Moult tost eiist Bertain mengie et estranglée, Mais Diex l'a garanti et sa mère honnorée : Ne lor plot k'ainsi fust Berte à sa fin alée. Quant vint de pasmoison, si fu desseUrée K'à pou que ele n'ot sa voie entroubliée.

1160 A l'aide de Dieu sa voie a rassenée,

Car ce que ne voit l'ourse l'a moult rasseiirée ; La mère Dieu de li fu souvent reclamée. Ne povoit mais aler, car forment ert lassée, Car li fains et li frois l'avoit si adoujée

1165 Que, se Diex nel fesist, c'est vérité prouvée, Ne peust vers tel paino avoir nule durée Selonc sa norreture dont ele ert gouvernée. A ce point l'a Symons li vojers encontrée. Si tost com la choisi, a la resne tirée,

1170 Grant pitié ot pour ce qu'ele ert si esplorée. Quant vit son mantel gris dont ele ert afublée Et sa cote qui ert en maint lieu despanée Des ronces qui l'avoient ens ou bois descirée, Et vit Berte si blanche et si encolorée,

1175 Forment s'esmerveilla qui lot îimenée,

44 LI ROMANS DE BERTE

Ne si bêle fenme poroit estre trouvée.

Quant Berte le choisi, tantost s'est arrestée ;

Symons li vient devant, de Dieu Ta saluée ;

Son salu li rent Berte conme sage et senée : 1180 « Sire, que la vostre ame soit de Dieu coronnée !

« Car me moustrez la voie, s'il ne vous desagrée,

« A la maison Symon, c'on la m'a moult loée, ^

« Si ares fait aumosne, car moult sui esgarée ;

« Je ne menjai pieça, toute sui afamée, 1185 « Et de froit en ce bois sui ennuit engelée. »

XLVI

(Juant Sjmons ot Bertain parler si faitemeot, Bien samble gentil fenme , moult grant pitié l'en prent, Si que l'aiguë dou cuer sus sa face en descent : « Bêle, qui estes vous? dites seurement. »

1190 « Sire », ce dist la dame, « jel vous dirai briément: « Devers Aussai sui née, sachiez certainement ; « Moult a eli grant guerre ou pays longuement ; « Fille un vavasseur sui c'on apeloit Climent, « Qui en perdi sa terre et tout son chasement.

1195 « Tout fumes essillié et tuit nostre parent ; « Par estranges pays queriens chevissement. a Une marrastre avoie Damediex la cravant ! « Qui tousjours me batoit moult dolereusement « Et de poins et de pies, et menu et souvent ;

1200 « Je nel poi plus soufrir, ne me vint à talent,

« D'aus m'enblai l'autre jour, moult forment m'en repent, « Car puis en ai soufert grant paine et grant torment. « Uns hermites me dist orains moult doucement « Que se venir povoie, par nul assenement,

AUS GRANS PIES. 45

1205 K Chiez Symon le voier, trop y a bone gent, « Herbergie seroie et bien et liement, « Mais je n'i sai la voie, s'en pleure moult souvent, « Gentiex hom debonaires, pour Dieu, car la m'aprent, « Si ferés grant aumosne, par Dieu omnipotent. » 1210 « Bêle », ce dist Symon, « or ne plorez noient, « Cil sui que demandez, sachiez le vraiement. » Quant Berte l'entendi, ses mains à Dieu en tent, Ne pot parler de joie quant le preudome entent. En sa maison l'enmaine le passet bêlement ;

1215 Symons huche sa fenme. Constance o le cors gent, Moult estoit preude fenme et de bon escient : « Regardez, suer », fait il, a dont je vous faz présent, « Trouvé l'ai en ce bois trop merveilleusement ; « Conté m'a son affaire et tout son errement,

1220 « De bon lieu est venue, par amour pensés ent ; « Ennuit a jut ou bois moult perilleusement, « Moult forment me merveil, par le cors St Vincent, « Conment est eschapée des bestes telement ; « Ele est toute engelée et s'a fain moult forment.

1225 « Or soies bien songneuse de son respassement. » « Sire, si serai je, ce vous ai en couvent. » Par la main la saisist moult très courtoisement. Berte pleure de froit et dou mal qu'ele sent. Et Constance en lermie moult très piteusement.

1230 En sa chambre l'enmaine, delez le feu Testent,

Et ses deus bêles filles, sachiez, moult humblement La frotent et eschaufent de cuer songneusement, Et de pitié en pleure chascune tenrement. Quant Berte sent le feu, à Dieu grâces en rent.

46 LI ROMANS DE BERTE

XLVII

1235 \ la maison Symon, ne quier que vous en mente, Fu Berte la roïne ; forment li atalente Ce qu'ele est eschapée de si maie tormente. De son meschief estoit Constance moult dolente. Et ses filles aussi chascune se gaimente ;

1240 L'une ot non Ysabiaus et l'autre ot non Aiglente, Bones erent et bêles et de joene jovente, Chascune ert de manière et bone et bêle et gente ; A Bertain aaisier met chascune s'entente : A mengier li aportent, chascune l'en présente^,.

1245 Mais ele avoit ou bois reçut si maie rente

Que de pluseurs meschiés ot eiis plus de trente. Si que ne pot mengier, tant fu et feble et lente. « Ha ! ermites », fait ele, « Diex t'ame o lui assente, « Quant pour ici venir me mesis en la sente,

1250 « Car mes cors estoit mis à dolereuse vente

« Enz ou bois fait froit, car il i pluet et vente. » Tout en plorant de joie, delez le feu s'adente.

XLVIII

(jrant pitié ot Constance quant vit plorer Bertain, Et Symons et ses filles chascune ot cuer certain, 1255 Et douz et-debonaire, piteus et fin et sain ; A Bertain aaisier met chascune la main, Et Symons fait le feu, qui n'ot pas cuer vilain ; Entour li font estendre tapis et blanc estrain,

AUS GR.4NS PIÉS. 47

Touailles eschaufées li boutent en son sain.

1260 « Constance», dist Syraons, «je croi bienqu'ele ait fain. » « Sire, si mengera, par le cors St Germain. » « Dame », ce li dist Berte, « moult miex à chaufer m'ain, « Si ne menjai je riens, ce sachiez, dès iermain ; « Nonpourquant me donna Termites de son pain,

1265 « Mais je n'en poi mengier, tant avoie cuer vain. »

XLIX

Le fu par un lundi, au chief de la semaine, Que Berte fu trouvée en la forest dou Maine, ele ot moult soufert de travail et de paine, Mais Diex, qui est donneres de joie souveraine,

1270 Li a à cel lundi envoie bonne estraine,

Selonc ce que ele ert de ses amis lointaine, Car Diex maint desvoié bien à voie ramaine. Symons ist de la chambre, toute la gent enmaine, Fors Constance et ses filles ; Berte lor fu prochaine,

1275 De li bien aaisier chascune moult se paine.

La char avoit plus blanche que ne soit blanche laine, Et les cheveus plus blons que onques n ot Elaine.

Berte fu chiez Symon enz ou grant bois ramu. Constance et ses deus filles en ont pitié eii ; 1280 Bien en mcustrent samblant, et bien i a paru, Que ce qu eles en font, a Bertain moult valu :

48

LI ROMANS DE BERTE

Un petitet menjue quant reposée fu.

« Bêle », ce dist Constance, a que vous est avenu ?

« Dont venez vous si seule parmi ce gaut fueillu ? »

1285 Berte de son afaire li a tost respondu, Tout ainsi k'à Sjmon l'avoit reconneii. « Bêle », ce djst Constance, « par Dieu le roi Jhesu, « Mal fustes conseillie, tart vous en a chalu, « Quant pour vostre marrastre vo père avez perdu ;

1290 « Sachiez, vous en avez mauvais conseil creii. » (( Dame, vous dites voir, ainsi m'est mescheij, « Je croi k'à moi requerre ont moult petit tendu ; « Ne donroientde moi la monte d'un festu. » Par ceste escusion a bien son veu tenu,

1295 Conques tant qu'ele pot ne fu par li seii. Cel jour s'est bien chaufée Berte delez le fu Et à son plaisir a et mengié et beli.

LI

Ijele », ce dist Constance, « ne soiez esperdue, « Conment avez à non ? que bien soiez venue. » 1300 « Dame j'ai à non Berte, si soit m'ame assolue. »

« Ce soit à vostre joie, qui vous soit avenue ! « Ainsi a non la dame qui à Pépin est drue,

« Fille au roi de Hongrie, n'a mieudre souz la nue, « Chascuns dist k'ains ne fu plus bêle riens veUe. » 1305 Quant Berte l'entendi, tous li sans li remue, Poise li que de non ne s'est desconneiie. « Bêle », ce dist Constance, « mesaise avez eiie, « Que longuement avez esté ou bois perdue ?

« Dame, dès ier matin, toute en sui confondue ; 1310 « Ennuit me sui ou bois toute seule geiie.

AUS GRANS PIES. 49

a Mainte ronce i trouvai et mainte espine agiie,

« Qui m'ont toute ma robe descirée et rompue,

« Mainte trace m'ont fait par deseur ma char nuo,

« Car de paour fuioie come une beste mue ;

1315 « L'amour que m'avez faite vous soit de Dieu rendue.

« Bien a Diex et sa mère esté hui en m'ajue

« Quant je si matin sui de la forest issue :

« Bien m'avez reschaufée et moult bien repeiie,

« Grant mestier en avoie, toute estoie vaincue. »

LU

1320 forment se repent Berte que son non leur a dit, Ele amast assez miex que ele eiist mentit. « Constance », dist Symons, « faites li faire un lit, « Tant c'un petit eiist reposé et dormit, « Que ou bois a ennuit eii pou de délit. »

1325 « Sire », ce a dit Berte, « de Dieu vous soit merit ! « Or ne puis je pas dire que m'eiist en despit « Li bons preudons hermites qui hui si main me vit, (( Qui m'ensaigna la voie, de s'ame ait Diex mercit ! « S'il ne fust, morte fusse, n'i eiist contredit. »

1330 Puis dist entre ses dens, que nus ne l'a oït : « Cil Diex qui de la virge en Bethléem nasquit, « Il confonde Tjbert, le mauvais, le faillit, « Et Margiste la vielle, qui ainsi m'a trait ! « Ne cuida pas mes pères, li rois au cuer hardit,

1335 « Ne Blancheflour ma mère, ne ma suer Aëlit, « Que pour tele aventure me donnassent marit. « Bien sai, se le savoient, que maint cuer alentit « Aroit en leur roiaume et dolent et marit. » Lors conmence à plorer, le cuer ot abaubit.

4

50 LI ROMANS DE BERTE

LUI

1340 « Ijerte », ce dist Constance, « ne soiez desconfîte, « Vo marrastre vous a et batue et laidite, « Sachiez que ele a fait que mauvaise et despite, « Diex l'en rendra encore, sachiez, tout son mérite. (( De mauvaise marrastre est l'amor moult petite ;

1345 « Laissiez tout ce aler, n'en soit parole dite, « Car dedenz cest ostel ne serez pas sougite, « Un mois vous doing l'ostel trestout à vostre eslite, « De riens que conmandez ne serez desdite. » « Dame », ce a dit Berte, « ce don ne claim pas quite

1350 « Damediex le vous mire et le preudome ermite ; « Que dou Père et dou Fill et dou saint Esperite « Soit vostre ame et la seue hui ce jour beneïte. »

LIV

£jn la bêle forest ot maint haut sapin, En la maison Sjmon et Constance au cuer fin,

1355 Fu Berte la roïne ; moult tint le chief enclin, Moult souvent prie Dieu qu'il envoit bone fin Celui qui celé part la mist ens el chemin. Moult en pense Constance de vrai cuer et de fin, Et SCS filles andeus, Diex leur doinst bon destin !

1360 Li une li aporte à mengier d'un poucin.

Et l'autre li retrempe de fresche aiguë son vin, Puis la recuevrent chaut et de gris et d'ermin,

AUS GRANS PIES. 51

Moult s'en painent de cuer au soir et au matin ; Diex, que ne se vent ore qu'ele est fenme Pépin !

LV

1365 \ la maison Symon, en la chambre perrine, Se gist Berte as grans pies desouz une courtine. Diex, que ne set Constance que ce soit la roïne Que on eiist ainsi laissie en la gaudine ! Se ele le seûst, moult fust à li acline,

1370 Quant orendroit li est si prochaine voisine. Berte se fait amer com celé qui ne fine De servir plus à gré c'une povre meschine, Car ele ert apensée et bonne et sage et fine, Ne briseroit son veu pour soufrir decepline,

1375 Ainçois se lairoit traire le cuer souz la poitrine, Com celé qui ert plaine de foi très entérine. Bien li monstre Constance k'à li n'a pas haine. Plus l'aime que ses filles pour sa bonne doctrine.

LVI

Les deus filles Constance, ne vous en mentirai, 1380 Sorent d'or et de soie ouvrer, car bien le sai ;

Delez eles sist Berte, qui moult ot le cuer vrai.

Quant ot veû lor oevre, si dist : « Je vous ferai

« Une oevre, s'il vous plaist, que vous aprenderai ;

« Ma mère fu ouvrière, née fu vers Aussai. » 1385 « Berte », dist Ysabiaus, « bon gré vous en sarai. »

» LI ROUANS DE BERTE

Lors prent Berte à ouvrer si com je vous dirai, Si corne à St Denis en escrit le trouvai ; N'avoit meillour ouvrière de Tours jusk'à Cambrai. « Ysabiaus », dist Aiglente, « ne le vous cèlerai,

1390 {( A cesti n'en savons la montance d'un glai ; « A ma mère m'en vois corant, li noncerai , « Se Berte nous eschape, jamais joie n'arai. » Corant vint à sa mère, n'i mist pas lonc délai : « Dame , foi que je doi Dieu et saint Nicolai,

1395 « Berte est la mieudre ouvrière que j'onques esgardai ; (( Sachiez, s'ele s'en va k'avoec li m'en irai , « Ysabiau ma sereur mie n'i laisserai. » « Taisiez vous, bêle fille, k'o moi la retenrai ; (( Se ele veut bien faire, jamais ne li faurrai,

1400 « Et s'ele le dessert, je la marierai ;

« Ensamble vous et li vous acompaignerai,

« Vous deus dedenz ma chambre ensamble coucherai. »

De joie en rit Aiglente de fin cuer et de vrai :

« Bêle mère », fait ele, a Dieu en gracierai

1405 « Quant je tele conpaigne avoeques moi arai, « Conques si douce chose ne vi ne n'aoointai : « Ele est plus gracieuse ne soit la rose en mai.

LVII

(constance entre en la chambre, qu'ele plus n'i délaie, Et Aiglente sa fille, qui moult fu lie et gaie ; 1410 Bertain truevent ouvrant oevre très fine et vraie. D'ouvrer bien et à droit moult petitet s'esmaie. Quant Constance la voit, tous li cuers l'en apaie : ({ Berte », ce dist Constance, « or n'est il riens que j'aie « Ne soit à vo conmant, n'ai talent k'en retraie,

AUS GRANS PIES. 53

1415 « Or vous metez don tout en la moic manaie, « Et je soie honnie se je bien ne vous paie. » « Damediex le vous mire, par oui li solaus raie, « Très bien vous servirai, quel paine que j'en aie. »

LVIII

« Dame,o vous remaindrai, puisqu'il vous plaist ainsi,

1420 « Li vrais Diex le vous mire qui onques ne menti ; « L'eure soit beneoite que je onques vous vi. » A tous se fist amer Berte, tant vous en di ; Mais de li vous lairons ore à parler ici, Et quant lieus en venra, tost i serons verti.

1425 A voec Constance fu bien neuf ans et demi. Et avoeques Sjmon, quel trouva bon ami. Tant fist que leens n'ot nul souverain de li, De tout portoit les clés, qu ele l'ot desservi ; Ne vivoit fors de pain et d'yaue au samedi,

1430 Et si vestoit la haire tousjours le venredi,

En l'onnour de Jhesu qui pardon fist Longi, Et de sa douce mère de cui vint et nasqui. Pour le roi Pépin prie, nel met pas en oubli. Que Diex le gart et s'ame face en la fin merci.

1435 Le roi Floire son père regrete moult aussi. Et Blancheflor sa mère, qui soëf l'a norri. « Ahi, mère », fait ele, a com ariez coer mari, « Se vous saviez conment la serve m'a traV ; « Vous m'aviez mariée à un riche mari,

1440 « Mais je sui mariée à Dieu qui ne menti : « C'est li rois souverains à cui dou tout m'afi ; « Qu'il soit garde de vous si que du cuer l'em pri, « Et dou bon roi mon père, le chevalier hardi. »

54 LI ROMANS DE BERTE

LIX

(ji lairons de Bertain cui Jhesus beneie,

1445 Qui avoeques Constance a pris herbergerie En la maison Symon, en la forest antie ; Moult erent bone gent et de très sainte vie. Ains qu'ele i eûst mes année ne demie, L'orent si enamée en celé manandie,

1450 Et Sjmons et Constance et toute leur maisnie Et lor enfant trestuit l'orent si enchierie Qu'il l'amoient de cuer conme bien ensaignie. Symons en fait sa nièce, et Constance s'amie, Chascuns li porte honnor, douçour et conpaignie.

1455 De Pépin vous dirons à la chiere hardie, Et de la maie vielle qui sa dame a traïe. Et d'Aliste sa fille, cui 11 cors Dieu maudie. Droit après ce que Berte fu de Paris partie Et en la grant forest et menée et ravie,

1460 Que Tjbers et li autre l'orent iluec laissie, Fu li rois à Paris, la cité seignorie. Bien cuidoit vraiement, de ce ne doutés mie, Que il elist sa fenme o lui en sa baillie. Et que la serve fust fille au roi de Hongrie.

1465 Entrues que Berte fu de Pépin esloignie, Gaigna il deus enfans en la serve haïe ; L'uns ot à non Rainfrois, plains fu de tricherie, Et li autres Heudris, faus fu et plains d'envie ; Damediex les confonde, li fiex sainte Marie,

1470 Car puis fu par aus deus mainte gent essillie Et mainte traïson pourtraite et pourchacie, . Ainsi com vous orrez, s'il est qui le vous die. Celé serve ot en France la terre si honnie,

AUS GRAKS PIÉS. 53

Par le conseil sa mère, l'orde vielle fronoie ;

1475 Mainte maie coustume i ot celé establie : Taille et tonlieus assist ou pays par maistrie, De quoi la povre gent estoit moult mal baillie, Et la terre en fu moult en maint lieu apovrie. Encor le maintient on à Paris la garnie,

1480 Depuis en fu la vile assez plus asservie

Qu'ele n'estoit devant, puis n'en fu netiie ; Voirs est que on arrée tele chose à la fie Que, s'on l'avoit juré, nel desferoit on mie. Il n'avoit ou pajs prioré n'abeïe

1485 Dont la serve n'eûst outrageuse partie ; Il n'i ot si hardie qui riens li contredie, Car moult forment doutoient sa très grant félon nie, Que, plus faisoit la serve outrage et dyablie. Plus en estoit sa mère baude et joians et lie.

LX

1490 Xrestous li premiers enfes qu'ot la serve et li rois, Bien avez dire qu'il ot à non Rai nf rois ; L'autres ot non Heudris, fel furent et revois. En Hongrie en alèrent messagier par deus fois Au roi Floire, qui ert et sages et courtois,

1405 A Blancheflor sa fenme, qui avoit les crins blois. Les messagiers donnèrent chevaus et palefrois, Avoir et grans richeces orent tout à leur chois. De retorner arrière fu test pris li conrois, En France s'en revinrent à moult riche harnois.

1500 Se seiist li rois Floires conment sa fille ou bois F u ne en quel manière, ne fust pas esbanois. Sa fille la duchoise et ses fiex Godefrois

56 Ll ROMANS DE BERTE

Morurent tout ensamble, vraiement le sachois, Après le mariage Bertain, quatorze mois.

1505 Dolans en fu rois Floires, ce fu raisons et drois. Une fille en remest, hoirs fu des Sassoignois, Puis li toli Sassoigne uns rois Sarrazinois, Bours et chastiaus et viles, fermetez et destrois, Pour ce que si ancestre l'orent tenu ainçois ;

1510 Justamons ot à non, maistres fu de lor lois.

Après l'ot Guithechins, qui aine n'ama François ; Cil fu fiex Justamont, moult fu de grant bufois, Car bien cuida conquerre et France et Orlenois, Champenois et Bourgoigne, et Flamens et Englois ;

1515 Jusqu'à Coloigne fu, i fist mains desrois.

Longuement tint Sassoigne, k'ains nus n'i fist defois, Mais puis fu reconquise par Frans et par Tyois. Au reconquerre furent li baron Hurupois, Et Flamenc li euwage, Brabançon, Ardenois ;

1520 Mais de ceste matere orendroit plus n'orrois , A la première estoire or fui m'en revois.

LXI

Dolans fu li rois Floires, car moult forment li poise De ce que morte estoit sa fille la duchoiso Et Godefrois ses fiex, qui tint la tour d'Argoise ;

1525 N'ot plus d'oirs de son cors fors Berte la courtoise, Damediex la consaut quel part que ele voise ! Arrière revenrai à nostre gent françoise , Qui voient tout à un que la serve les boise Et k'à force leur toit leur bien et leur richoise.

1530 Nés en la buscherie prent la disime boise,

lus GRANS PIES. 57

N'est nus qui en parolt ne qui en face noise, Nus n'en ose parler, l'uns pour l'autre s'acoise.

LXII

forment se fist la serve et douter et cremir, Tant fist que moult forment se fist partout haïr.

1535 Deseur les marcheans fist coustume asseïr,

Et quant nus en parloit, ce sachiez sans mentir, As serjans le faisoit Tjbers tantost saisir, Et puis le faisoit tant en la prison gésir Que cil estoit tout liés qui s'en povoit partir.

1540 Chascuns redoutoit moult en lor mains à cheïr, Miex amoient dou lor à donner k'à morir Ne que en la prison les feïst on languir. Grant avoir assamblèrent. Dieu les puist maleïr ! Car li rois les laissoit de trestout couvenir,

1545 K'en la serve avoit mis cuer et cors et désir. Qui bien la regardast à droit et' à loisir. Bien desist que plus bêle ne peiist on choisir. Mais tant estoit mauvaise que Dieu nés obeïr Ne vouloit, n'au moustier ne aler ne venir;

1550 Ains puis qu'eles lor dame vorrent faire murdrir Et que premiers les prist talens de li traïr, Entre li et sa mère (que Diex puisse honnir), Et que Tybert i firent avoec aus assentir. Ne porent une messe entière paroïr,

1555 Car Diex ne le vouloit, ce sachiez, consentir ; Diex consent mainte gcnt traïson à fournir. Mais en la fin le set Diex si à point merir Que lor traïson pert ains qu'il puissent morir. Car Diex fait maintes fois droit à droit revenir.

58 LI ROUANS DE BERTE

LXIII

1560 jant fist la maie serve, cui Diex doinst mal martire, Ou roiaume de France, par force et par maistire, Seur trestoutes les choses que faire i pot eslire, Seur poivre, seur coumin, seur espices, seur cire, Et seur blés et seur vins, tout fist ensamble escrire,

1565 Ne saroie pas tout deviser tire à tire.

Tant d'avoir assambla que nel saroie dire, Dont mainte povre gent en orent duel et ire ; Ses trésors la faisoit souvent de joie rire, Mais se ele fust sage, miex le deiist despire,

1570 K'en la fin l'en couvint tenir devers le pire.

LXIV

jloult assambla en France la serve grant avoir, Tout partout le prenoit le povoit avoir ; Mainte gent povre et riche en fist le cuer doloir. Moult avoit grant désir d'acomplir son vouloir,

1575 K'en assambler trésor avoit mis son espoir. Mais foi et loiauté ot mis en nonchaloir. Tant fist de maies teches ou roiaume asseoir K'encor s'en pueent cil qui or sont percevoir. Un jour estoit rois Floires à un sien grant manoir,

1580 Tout droit en Honguerie un djemenche au soir, Delez lui Blancheflour, qui cuer ot triste et noir Pour sa fille Bertain que désire à veoir. « Dame »^ ce dist rois Floires, « or n'avonmes nul hoir

AUS GRANS PIES. 59

« Fors Bertain, qui me fait souvent le cuer doloir, 1585 « Que si ensus de nous est alée manoir *, « Le petit Heudriet vorroie bien avoir, « Si li donriens no terre et trestout nostre avoir ; « Se Diex li donnoit vie, qui seur tous a povoir, « Rois seroit de Hongrie, ne porroit remanoir ; 1590 « En France envoierons savoir s'il puet valoir, « Bien le verroit Pépins ainsi com je l'espoir. » « Cisconsaus », dist la dame,« me plaistet doit chaloir. »

LXV

IJn mardi par matin, ce tesmoigne l'estoire, Envoièrent en France Blancheflor et rois Floire

1595 Un certain messagier qui bien faisoit à croire ;

Pour bien faire un message n'estuet pas c'on le loire, Ne ressanbloit pas cens qui tant font par trop boire Que il en pardent si le sens et le mémoire Qu'il ne saroient pas dire parole voire.

1600 Bien et tost et à droit apareilla son oire Et fu très bien monté sor une mule noire ; Trop fust grans la jornée qui le fesist recroire. Droit en France s'en vint, ne m'en devez mescroire ; Le roi Pépin trouva à Tours qui siet sor Loire.

LXVI

1605 Quant li messages ot son afaire apresté, Au roi Pépin s'en va, n'i a plus arresté. Bel et courtoisement a le roi salué

60 LI ROMANS DE BERTE

Et de par le roi Floire li a le brief donné.

Li rois oevre la cire, s'a dedens regardé 1610 C'un de ses deus enfans li a Floires mandé ,

Et Blancheflour aussi, par moult grant amisté ;

Et bien truevent es lettres que il ont devisé

Qu'il iert rois de Hongrie et de leur ireté,

Et qu'il n'ont mais nul hoir, c'est fine vérité, 1615 Et qu'il sont trestout mort et à leur fin aie,

Fors seulement Bertain tant a de biauté.

"Quant Pépins l'entendi, si en ot grant pité ;

Lors s'assist au mengier si tost qu'il ot lavé.

Et no François en ont le messagier mené 1620 A la fausse roïne, cui Diex doinst mal dehé.

Ainsi fist son message c'on li ot conmandé ;

Les lettres li bailla si c'on li ot rouvé.

Grant joie en fist la serve, forment l'a honnoré ;

Quant ele ot lut les lettres et ele ot enz visé 1625 Que il n'est au roi Floire nul enfant demoré

Fors Bertain la roïne, que tienent en chierté,

Par traïson en a un petitet ploré,

Et Margiste sa mère en a moult souzpiré,

Com celé qui estoit plaine de fausseté 1630 Et de grant traïson et de deslojauté ;

Damediex la confonde li rois de majesté !

Quant U mes ot assez à la dame parlé,

Devant le roi enmainent le mes , a disné ;

Dusques à Tendemain a à Tours sejorné.

LXVII

1635 L'endemain par matin, droit après l'ajornée, Se leva li messages, n'i volt faire arrestée,

AUS GRANS PIES. 61

Au moustier St Martin a la messe escoutée, Congié prent à la serve quant ele fu levée, La serve a, et Margiste, à Jhesu conmandée ;

1640 Lettres li ont baillies en cire seelée.

Par samblant lait la serve dolente et esplorée ; Puis vint devant Pépin en la sale pavée ; Quant li rois l'a veu, si li dist sa pensée : « Amis, vous en irés en la vostre contrée,

1645 « Saluez moi roi Floire par bonne destinée, « Et Blancheflor ma dame, la roïne senée ; « De lor anui me poise, par la Virge honnorée, « Mais si vienent les choses que Dieu plaist et agrée ; « De Heudriet mon fil, dites li pour riens née

1650 a Ne seroit pas sa mère un seul jor consirrée. » Bien entent li messages que c'est chose passée Et que c'est pour noient que rois Floires i bée ; Congié prent, si s'en va. Sa voie a si hastée K'en Hongrie s'en vint sans gaire d'arrestée.

1655 Le roi a sa nouvele bien dite et bien contée, Que des enfans Pépin n'iert sa terre gardée ; D'autre lignie estuet que ele soit pueplée. Quant li rois l'entendi, forment li desagrée Et Blancheflors en est si forment adolée

1660 Et si très à mesaise et si fort tormentée K'a pou qu'ele de duel n'est cheiie pasmée ; Nés la gent dou rojame en fu moult destorbée.

LXVIII

Bien avez dire mainte fois et retraire Que traïson et murdre couvient k'en la fin paire. 1665 Moult fist la maie serve que fausse et deputaire.

62 LI ROMANS DE RERTE

Qui à sa droite dame fist tant de paine traire. Diex nel volt plus soufrir, car ne li de voit plaire, Qui de tous mesfais est sire et prevos et maire. Bon se feroit garder, qui porroit, de mal faire : 1670 Diex consent mainte gent lor traïson à faire. Mais puis leur fait il si desclorre lor aumaire Que trestous lor malices lor retorne à contraire Et puet on clerement connoistre lor afaire.

LXIX

Ijlancheflours la roi ne fu moult de haut parage 1675 Et bien creans en Dieu et de très bon corage. Une nuit se gisoit delez Floire le sage, En la terre Hongroise à un lor biau manage ; En dormant li sambloit que une ourse sauvage Li menjoit le bras destre, le costé et la nage, 1680 Et uns aigles venoit seoir seur son visage. Paour ot, si s'esveille, si mua son coraige ; Forment fu esfreée, de riens ne s'assouage, Si li doloit li cuers k'a pou qu'ele n'enrage.

LXX

Ijlanclieflours s'esveilla, moult ot le cuer mari, 1685 Son songe dist au roi, à bien li a verti ;

« Sire », dist la roïne, « pour Dieu qui ne menti, « Car me donnez un don, par amour le vous pri, « Que en France m'en voise à ceste pasques ci,

AUS GRANS PIÉS. 65

« VeoirBertain ma fille, la bêle que j'aim si, 1690 « Ou li cuers de mon ventre se partira par mi. »

« Dame », ce dist li rois, pour le cors St Rémi ,

« Conment porriens nous estre si lonc tans départi ? »

« Sire », ce dist la dame,» pour amour Dieu, merci ! « E ! n'a il passé près uit ans et demi

1695 « Que Berte nostre fille ne nous vit, ne nous li ? « Mal li moustrons samblant que soion si ami. » Quant li rois l'entendi, un petit s'assoupli. Tant li pria la dame que li rois s'assenti A ce que ele i voist, mais que soit par un si :

1700 Qu'ele amaint, s'ele puet, ou Rainfroi ou Heudri. « Sire, si ferai je, ma foi vous en plevi, « Ou Rainfroi ou Heudri amenrai avoec mi. »

« Dame », ce dist li rois, « et je le vous otri. »

LXXI

(jrant joie ot la roïne quant li rois li otrie 1705 Que ele s'en ira en France la garnie.

« Dame», ce dist li rois, « savez que je vous prie ? « Puisque l'aler en France ne voulez laissier mie , « Je vueil k'o vous s'en voist noble chevalerie ; « Cent chevaliers menez en vostre conpaignie, 1710 « Des plus vaillans qui soient en toute Honguerie. « Ne vueil pas qu'i alez à petite maisnie , « Car gent françoise sont de grant beubancerie. » Quant la dame l'entent, moult fu joians et lie, Conme sage et courtoise son seignor en mercie. 1715 Son aff'aire appareille, mains qu'ele puet detrie ; Tout ainsi com li rois l'ot dit à celé fie, L'arrea Blanchellours conme bien ensaignie.

64 LI ROUANS DE BERTE

De se départi à une aube esclairie ;

Li rois la convoia bien jornée et demie. 1720 Au partir l'a li rois moult doucement baisie,

A Dieu la conmanda, le fîU sainte Marie ;

Ainçois que le revoie, sera moult esmarie

Et à meschief de cuer et forment corroucie.

Mainte terre trespassent, mainte forest antie 1725 Et mainte grant rivière qui bien porte navie.

Tant que en France vienent, la terre seignorie.

Quant la gent dou roiaume ont la novele oie

Que mère ert la roïne, n'est nus ne la maudie ;

Souvent prient que Diex li doinst tel maladie 1730 K'ainçois qu'ele retourt soit morte et enfouie,

Et li ame de li soit en enfer ravie,

« Quant porta tel roïne qui ainsi nous maistrie

« Et ainsi nous formaine par sa mauvaise vie,

« Et cil qui l'engendra, s'ame soit maleïe ! 1735 A Blancheflour en fu la nouvele noncie

K'ainsi estoit sa fille ou roiaume haïe.

Quant ele ot la nouvele, moult en fu assouplie,

Et moult en fu de cuer dolente et abaubie.

« Dieu », fait ele, « dont vient si faite dyablie ? 1740 « fu Berte ma fille en si bon lieu norrie,

« Et s'est née et estraite de si bonne lignie,

« Et de père et de mère de vies ancisserie.

« Dont li est or venue ceste mélancolie

« Que ainsi toit la gent le lor par tricherie ? 1745 « n'a il plus preudome de ci jusqu'en Surie

« Com est Floires ses pères, ne plus sans vilonnie ;

« Je meïsmes n'aim pas outrage ne folie.

« Si en sui à mesaise que ne sai que j'en die ;

(I Ainçois que je retorne, Tarai si chastoïe 1750 « Que tout li ferai rendre ce dont ele est saisie,

« De quoi la povre gent est povre et mal baillie ;

« De ces nouveles ci me tieng à mal paie. »

AUS GRANS PIES. 65

LXXIl

(Jr s'en va Blancheflour, qui ot le cuer certain. Moult forment li anuie de sa fille Bertain

1755 De quoi la gent se plaingnent de toutes pars à plain. Enmi sa voie encontre un paysant vilain ; qu'il voit Blancheflour, si la prent par le frain : « Dame, merci pour Dieu, de vo fille me plain ; « N'a voie c'un cheval dont gaignoie mon pain,

1760 « Dont je me garissoie et ma fenme Margain, « Et mes petis enfans, qui or morront de fain ; « A Paris en portoie chaume et busche et estrain, « Soisante sous cousta. un an a en certain ; « Or le m'a fait tolir, Diex li doinst mal demain !

1765 « A meschief l'ai norri cest yver de mon grain,

« Mais, par ce saint seignor qui d'Adan fist Evain, « Je la maudirai tant et au soir et au main « Que venjance en arai dou père souverain. » Pitié en ot la dame, de duel ot le cuer vain,

1770 Cent sous li fait donner tout errant en sa main ; Cil l'en baise de joie l'estrief et le lorain : « Dame, Diex le vous mire, c'or ai cuer lié et sain, a Mais ne maudirai Berte, par le cors St Germain !

LXXIII

L.e fu par un lundi, au chief de la semaine, 1775 Que Blancheflour la bêle (cui Diex doinst bonne estraine] S'en aloit vers Paris qui siet pardesus Saine ;

5

66 LI ROMANS DE BERTE

Riches dras ot vestus, qui erent taint en graine. De sa fille ot nouvele k'au cuer li est grevaine, Chascuns se plaint de li, moult grant duel en demaine :

1780 « Ha 1 sire Diex », fait ele, « qui jesis à la Çaine, « Mère Dieu debonaire, roïne souveraine, « Dont vient ce que ma fille, qui plus bêle est k'Elaine, « Se fait ainsi haïr gent voisine et lointaine? « Quant parti de ma terre, de tous biens estoit plaine,

1785 « N avoit miex ensaignie dusqu'as pors d'Aquitaine ; « Or a bien fait compieng de sa clere fontaine, « Car c'est la plus haïe k'ainc vesti drap de laine ; « Diex, par ta grant douçour, à droit port la ramaine ! »

LXXIV

Or s'en va la roïne vers la cit de Paris. 1790 Au roi Pépin en fu uns messages tramis

Que Blanchefiour estoit entrée en son païs.

Quant li rois l'entendi, moult en fu esjoïs ;

Il meïsmes l'ala dire, ce m'est avis,

En sa chambre la serve, qui moult ot cler le vis. 1795 Quant la serve l'entent, moult fu ses cuers maris ,

Semblant fait k'en fust lie, s'en geta un faus ris,

Et li rois Pépins s'est de endroit partis.

Et la serve remaint, moult fu ses cuers pensis.

Sa mère a tost mandée, n'i fu Ions termes mis, 1800 Et Tybert son cousin, qui de Dieu soit maudis ;

En la chambre s'assiéent tout troi seur les tapis.

« Mère )^, ce dist la serve, « par le cors St Denis,

« Blanchefiour la roïne est en Cambresis,

« Ne sai que puissons faire, or va la chose au pis. » 1805 Quant Tybers l'entendi, forment fu abaubis.

« Tjbers », ce dist la vielle, « ne soiez si pensis,

AUS GRANS PIES. 67

« Tel conseil sai donner qui est bons et soutis :

« C'est que ma fille face le malade tousdis,

« Ne pour riens qui aviengne ne soit ses lis guerpis ;

1810 « Se tant poonmes faire k'au retour fussent pris

« Ces gens qui ci s'en viengnent, par Dieu de paradis, « Jamais n'en ariens garde, par foi le vous plevis. » « Dame », ce dist Tjbers, « vos cors soitbeneïs ! « Au besoing estes vous apensée et gentis,

1815 « Sans vous ne sauriens pas vaillant deus paresis. » A cel conseil se tienent, ainsi fu establis. Et lors fu moult trestost apareilliez li lis, Et la serve se couche, ses cors soit 11 honnis !

LXXV

Or fu la maie serve deseur son lit remise;

1820 Moult faisoit le malade, plaine estoit de faintise ; La vielle de paour tremble souz sa chemise , Damediex la confonde et li cors St Denise ! « Ha ! Diex », ce dist la vielle, « vrais rois plains de franchise, « Quel djable ont la voie Blancheflour ci aprise ?

1825 « Maudis soit il par cui sa voie fu enprise,

« Quant ma fille en est si de cuer triste et desprise. » Pour Conforter sa fille est delez li assise, Car ele a tel paour que toute s'en debrise. « Fille », ce dist la vielle, « savez je m'avise ?

1830 « A enherber m'aprist jadifi une juïse,

« Miex le sai ne set fenme qui soit dusques en Frise ; « Blancheflour trairai en poire ou en cerise, « Dou venin serai tost pourveiie et pourquise. » Quant la serve l'entent, ce conseil pas ne prise.

G8 LI ROMANS DE BERTE

LXXVI

1835 « Mère », ce dist la serve, « cis consaus n'est pas bons; De ci me vueil lever, si nous apareillons, Je lo pour le meilleur que nous nous enfuions ; Bien sai que par mes pies conneiies serons, N'ai pas de la moitié tés pies ne tés talons

1840 « Comme ot Berte no dame, que nous traïe avons,

Ce fu par vo conseil, dont c'est grans mesprisons. Je lo en bonne foi que nous nous en alons. Argent et or en plates sor les sonmiers troussons ; Mes deus enfans ici à leur père lairons,

1845 « Cil n'ont mort desservie, pas à ce ne pensons.

Droit à la mienuit ou chemin nous metons,

En Puille ou en Calabre ou en Sezile alons,

Et Tybert no cousin avoec nous enmenrons.

Car bien a desservi que nous ne li faillons ;

1850 « De prester à usure très bien nous garirons,

Autrement ne voi pas conment nous eschapons, Car s'on set nos malices, bien sai k'arses serons. » « Par Dieu », ce dist la vielle, « pas ne nous enfuirons; Laissiez moi convenir, si bien esploiterons

1855 « Que nous le roi Pépin avoec enherberons

Ains que de ceste chose à bon chief ne venons. Les huis et les fenestres très bien estouperons ; Gesez trestoute coie, car bien arréerons Que de vous n'iert veiis iex ne nés ne mentons ;

1860 « Par iceste manière bien nous escuserons. »

« Mère », ce dist la serve, « vostre conseil ferons, Damediex nous consaut et ses saintismes nous Que nous de ceste chose bien eschaper puissons, Car se nous la besongne ainsi faire poons,

1865 « Sagement et à droit esploitié avérons. »

AUS GRANS PIES.

LXXVII

A ce conseil se tienent, la vielle se dreça ; Si com devisé l'orent, tout ainsi l'arréa : Les huis et les feaestres tout errant estoupa, Tybert le traïtour pour l'uis garder laissa.

1870 Devers le roj Pépin tout en plorant s'en va; quele voit le roi, d'une part l'acena. Li rois Pépins vit bien que ele lermoia : « K avez vous ? » dist ii rois, « nel me celez vous jà. » « Sire», ce dist la vielle, « mauvaisement m'esta ;

1875 « Madame la roïne maintenant se coucha « Si malade k'à paines jamais en lèvera ; « Maintenant li est pris, je ne sai que ele a; « Je croi que Blancheflour mais à tans n'i venra. » Quant li rois l'entendi, forment l'en anuia.

1880 Grant duel faisoit la vielle, arrière retorna ; A sa fille s'en vint, moult la reconforta, Et li a dit conment au roi Pépin parla. Par toute la cité la nouvcle en ala Que malade est la dame si que ele morra.

1885 Quant la gent l'entendirent, chascuns grant joie en a, Moult maudient celui, de Dieu qui tout forma, Qui à sa garison nul conseil metera. (( Diex maudie celui qui la nous amena « Ne à la gent françoise premerains l'acointa,

1890 « Et qui au roi Pépin premerains la donna, « Et confonde la mère k'en ses flans la porta, « Et maudis soit li pères qui onques l'engendra, « K'ains plus desloiaus fenme ne but ne ne menga. » De li vous lairai ci, mais g'i revenraijà.

1895 Ez vous un messagier qui le roi salua

70 LI ROUANS DE BERTE

Et qui de Blancheflour nouveles anonca ; Dist li que à Montmartre la messe escoutera. Quant li rois l'entendi, trestout errant monta, Et Rainfrois et Heudris chascuns o lui ala ; 1900 Mainte haute personne les enfans adestra ; Arcevesque et evesque, chascuns s'apareilla, Et duc et conte et prince, nus n'en i demora ; Contre Blancheflour vont, qui moult grant duel ara Quant de Bertain sa fille les nouveles sara.

LXXVIII

1905 l^i rois Pépins de France ot le cuer irascu, Pour le mal la roïne cuido avoir tout perdu. De ci que à Montmartre ne se sont arrestu. La roïne ont trouvée, si li font gent salu, Et Blancheflour leur a lor salu bien rendu.

1910 Doucement a le roi en ses bras receii, Puis li a demandé, plus n'en a atendu : « Que fait Berte ma fille, pour le vrai roi Jhesu ? » « Dame, jel vous dirai ; puis que ele ot seii « Que la veniez veoir, si très joians en fu

1915 « De joie ot si le cuer ouvert et esmeii

« K'ainc puis ne fu levée, ains a tousjours geu, « Mais n'ara se bien non quant vous ara veii. » Quant Blancheflour l'entent, le cuer ot esperdu, Guida que fust sa fille dont a nouvelle eii.

AUS GRANS PIES. 71

LXXIX

1920 Jjolente fu la dame, moult fii taisans et mue, Car ele n'ot nouvele qui en mal ne se mue. Li rois Pépins la prent par sa blanche main nue : « Dame », ce dist li rois, « ne soiez esperdue, « Mais faites bon samblant que bien soiez venue,

1925 « Car vo fille iert garie quant vous ara veiie « Et Tarez doucement entre vos bras tenue. » Ez vous les fils le roy chevauchant par la rue, A pié sont descendu souz une ente fueillue ; Chascuns d'aus la roïne courtoisement salue.

1930 « Dame », ce dist li rois, « honnor vous est creiie, « Cil doi sont mi enfant de vo fille ma drue. » Quant Blancheflour les voit, tous li sans li remue, Li cuers ne l'i trait point que joie en ait eiie ; Maigrement les salue, tous li cors li tressuc.

LXXX

1935 Ijlancheflour la roïne, moult ot de bonté, Regarde les enfans qui sont dejoene ; Ele n'en a nesun baisié ne acolé , Car li cuers ne l'i trait, ce sachiez par verte. Et les gens qui furent l'en sorent mauvais gré,

1910 Et en a li uns l'autre tout coiement bouté

Et en ont moult entr'aus conseillié et parlé Et dient qu'il li vient de très grant mauvaisté. « Bien est drois que sa fille n'ait gaires d'amisté,

72 LI ROMANS DE BERTB

« N'a fenme en tout le monde tant ait fausseté ; 1945 « Maudis soit qui premiers l'amena el régné ;

« Ele gist moult malade ; que cent mile maufé

« Doinsent que le hastrel ait ennuit desnoé ! »

Dou moustier sont issu, n'i ont plus demoré ;

Li rois et si baron sont vestu de moré, 1950 Maint duc, maint conte y ot, maint vesque, maint abé.

La roïne ont montée sa gent, lors sont monté ;

Li rois Pépins l'adestre, d'iluec s'en sont torné.

Moult souvent fu maudite, ne vous iert celé,

Pour l'amour de la serve, cui Diex doinst mal dahé. 1955 Blancheflour ot le cuer moult triste et moult iré :

Bien set que se sa fille fust en bonne santé,

Qu'ele l'eiist veue ou aucun mant mandé.

Vers Paris s'en avalent, l'amirable cité ;

La contrée regarde et de lonc et de ; 1960 Moult li plot li pays quant l'ot bien avisé.

LXXXI

La dame ert à Montmartre, s'esgarda la valée , Vit la cit de Paris, qui est et longue et lée. Mainte tour, mainte sale et mainte cheminée Vit de Montleheri, la grant tour quarnelée ;

1965 La rivière de Saine vit, qui moult estoit lée. Et d'une part et d'autre mainte vigne plantée. Vit Pontoise et Poissi et Meullent en l'estrée, Marli, Montmorenci et Conflans en la prée, Dantmartin et Goiele, qui moult est bien fermée,

1970 Et mainte autre grant vile que je n'ai pas nonmée. Moult li plot li pais et toute la contrée : « Ha! Diex », fait ele, « sire, qui fis ciel etrousée,

AUS GRANS PIES. 73

« Cotn est Berte ma fille richement mariée « Et en très noble lieu venue et arrivée ! »

1975 Li rois Pépins l'adestre, forment l'a honnorée, / Et souvent dou roi Floire nouvele demandée. « Sire », dist la roïne , qui fu sage et senée, « Il est sainz et haitiez à bonne destinée ; « S'il savoit que sa fille eiisse ainsi trouvée,

1980 « Que de sa santé fust en tel point destemprée, « Moult tost seroit sa joie à grant duel retornée, « Car il aime sa fille plus que riens qui soit née. »

« Dame », ce dist Pépins, « à ce n'aiez pensée, « Car se Diex plaist, ele iert assez tost respassée ;

1985 « Quant vous verra, tost iert sa maladie alée, « Car sa joie li iert à cent doubles doublée. » En la vile s'en entre qui moult fu bien parée ; As fenestres avoit mainte dame acesmée, Trestoute la grant rue estoit encourtinée.

1990 De mainte gent i fu Blancheflour esgardée, Pour amour de la serve reçut celé jornée Maint dolereus maudit, basset à recelée. Au perron descendi de la sale pavée ; Li rois et li baron l'ont ou palais menée.

1995 Atant ez vous Margiste, forment fu esplorée ; A ses ongles s'estoit un pou esgratignée ; Devant Blancheflour vient aussi conme dervée, A ses pies se laissa cheoir conme pasmée. Blancheflour la connut, si l'en a relevée ;

2000 Tout en plorant la baise, forment l'a acolée.

« Margiste, est ma fille, fai que me soit moustrée. »

« Dame », ce dist Margiste, « de maie heure fui née « Quant vous avez vo fille en si fait point trouvée ; « Depuis qu'ele ot de vous la nouvele escoutée,

2005 « Ne fu aine puis haitie, ne soir ne matinée ; « De la joie k'en ot fu si desnaturée, « Pour ce que longuement vous avoit désirée,

74 LI ROMANS DE BERTE

« Que onques puis ne fu de son Ht remuée ; « Laissiez la reposer dusques à l'avesprée. »

2010 Quant Blancheflour l'entent, moult fu espoentée. De la sale est issue, en la chambre est entrée, Moult li doloit li cuers, forment fu trespeusée. Et la vielle s'en est tout errant retornée A la serve, en sa chambre, qui bien fu estcupée,

2015 De dras d'or et de soie très bien encourtinée.

LXXXII

Ijlancheflour la roïne ot moult le cuer dolent, Et li rois la conforte moult debonairement. « Sire », dist Blancheflour, « par le cors St Vincent, « Quant parti dou roi Floire, je li oi en couvent 2020 « Que tant feroie à vous, par vostrc assentement, « Que d'un de vos enfans li feroie présent, « Si arons de no fille aucun restorement, « Et nous en ferons roi, sachiez le vraiement. »

« Dame », ce dist Pépins, « faites le liement, 2025 « Et je ferai trestout vostre conmandement. »

« Sire », dist la roïne, « grans mercis vous en rent. » Les tables furent mises sanz lonc delaiement,

Au mengier sont assis chevalier quatre cent ;

Moult honneure li rois Blancheflour et sa gent. 2030 Quant vint après mengier, Blancheflour plus n'atent,

cuide sa fille s'en va isnelement.

La vielle vient encontre, entre ses bras la prent ;

« Dame », ce dist la vielle, « pour le cors St Climent,

« J'ai dit à la roine que ne venrez noient 2035 « Devant que il sera près de l'avesprement ;

« Un pou s'est endormie, pour Dieu râlez vous ent. »

AUS GRANS PIES. 75

« Volentiers », dist la dame, qui nul mal n'i entent, « Ci endroit remaindrai, par Dieu omnipotent, « De ci ne partirai, sachiez le vraiement, 2040 « S'arai veu ma fille Bertain o le cors gent

« Et baisie sa bouche, se Dieu plaist, doucement. » Quant la vielle Tentent, ne li vint à talent ; Tel paour ot k'a pou que li cuers ne li fent ; Damediex la confonde, qui fist le firmament !

LXXXIII

2045 f]n un très biau prael souz une fueillie ente,

Droit par devant la chambre Torde serve pullente, se siet Blancheflour, qui forment se démente ; Pour sa fille fu moult à mesaise et dolente. Diex ! que ne set la dame le mal et la tormente

2050 Que sa fille a soufert, Berte la bêle gente.

Par la mauvaise vielle, cui li cors Dieu cravente, Et par Tybert aussi, qui met moult grant entente A conforter la serve, qui forment s'espoente ; Damediex leur envoit tous trois si maie entente

2055 Que de lor faus marchié viengnent à droite vente !

LXXXIV

Blancheflour fu assise souz Tente en un prael, La fausse vielle apele, feu arde son musel ! Et ele i est venue moult tost et moult isnel. « Dites moi », fait la dame, « pour le cors St Marcel,

76 LI ROUANS DE 6ERTE

2060 « Qui a fait à ma fille brasser si fait chaudel

« Tout se plaingnent de li et vieil et jouvence! ?

« Or sachiez vraiement que ce ne m'est pas bel,

« Car en dame haïe a moult vilain jouel. » « Dame, il ont tort, par Dieu qui forma Daniel ;

2065 « Qui ce vous a conté, maudite soit sa pel,

« Car onques mieudre dame n'ot en son doit anel ;

« Tout ce que ele fait, ce nest fors par revel.

LXXXV

xjlancheflour la roine n'a talent que révèle ; D'autre chose la vielle à parler en rapele :

2070 « est ore ta fille, Alistete la bêle ? »

« Dame, jel vous dirai ; sachiez de voir que ele « Morut soubitement séant sus une sele, « Ne sai quel maus la prist souz sa destre maissele, « Je croi bien k en la fin eiist esté mesele ;

2075 « Sachiez, si m'en deut moult li cuers sous la mamele , « Car moult estoit aperte et plaisans et isnele ; « Je la fis enterrer vers une vies chapele « Coiement, que les gens n'en seiissent nouvele. » Ainsi li fait la vielle entendant la favele,

2080 Mais pas n'ira ainsi longuement la querele.

LXXXVI

Deus jours fu Blancheflour en tel point, sans mentir, K'ains ne pot à la serve ne aler ne venir,

AUS GRANS PIES. 77

Car Tybers et la vielle, cui Diex puist maleïp, Queroient tousdis tours pour aus mieux escremir.

2085 Droit devant le souper, si com dut avesprir,

Prist talent Blancheflour, ne s'en volt plus soufrir, Qu'ele verroit sa fille, ne s'en pot astenir. Maleoit gré Tybert li a fait l'uis ouvrir Une joene pucele que Diex puist beneïr,

2090 Qui gentil fenme estoit (li rois Tôt fait norrir). Et prist une ehandele, e'on n'i povoit veïr, Mais la vielle l'ala d'un baston si ferir Que ele en fist le sanc à la terre gésir. « Alez ent, orde garce, madame veut dormir,

2095 « Ele ne puet pour riens nule clarté choisir. » Quant ce voit la pucele, si conmence à frémir, Kanque ele onques puet s'en conmence à fuir. Bien voit que la vielle est plaine de mal espir. Duel en ot Blancheflour, mais tant et grant désir

2100 De venir à sa fille que tout lait convenir. Au lit la serve vient, sel conmence à sentir. « Mère », ce dist la serve, « bien puissiez vous venir », Si feblement k'à paines le pot la dame oiV, « Dame, que fait mes pères, que Diex puist beneïr ?

2105 « Fille, il le faisoit bien quant de lui duch partir. » « Dame, loez en soit Jhesus par son plaisir ! « De vous à festiier n'ai ore pas loisir, « Dont il m'en poise si que j'en euide morir, « Pour ce que ne vous puis à mon gré oonjoir. »

LXXXVII

2110 (jrant paour'ot la serve, plus que ne vous puis dire, Trestous li cors li tramble, n'a pas talent de rire.

78 LI ROMANS DE BERTE

Ensus de Blancheflour se trait tousjours et vire.

« Fille », dist Blancheflour, «tous li cuers me deseire

« De ce que ne vous voi, car forment le désire. » 2115 « Mère », ce dist la serve, « je suefre tel martire

« Que j'en sui aussi jaune devenue com cire ;

« Fisicien me dient que la clartés m'en pire,

« Et li parlers aussi , nule riens ne m'est pire ;

« Ne vous ose veoir, s'en ai au cuer grant ire ; 2120 « Après le roi mon père li cuers si fort me tire

« Que je ne sai que faire, près sui de desconfire ;

« Laissiez me reposer ; que Jhesus le vous mire ! »

LXXXVIII

Quant Blancheflour la serve ainsi parler oï,

Bien voit qu'ele désire le départir de li ; 2125 Dou duel que ele en ot dusqu'au cuer s'en senti :

« Aide Diex », fait ele, « qui onques ne menti,

« Ce n'est mie ma fille que j'ai trouvée ci ;

« Se fust demie morte, par le cors St Rémi, « M'eiist ele baisie assez et conjoï. » 2130 Par maltalent se lieve, qu'ele plus n'atendi,

Le grant huis de la chambre Blancheflour entrouvri,

Sa maisnie apela, qui l'atendent iki :

« Venez avant », fait ele, « pour Dieu, je vous en pri,

« N'ai pas trouvé ma fille, on m'a dou tout menti ; 2135 « sarai se c'est voirs, se Diex l'a consenti. »

Tjbers, qui gardoit Fuis, de paour en rougi.

Blanclieflour la roïne n'i mist pas lonc detri.

En la chambre retorne et sa maisnie aussi ;

Par terre ont abatu maint drap d'or, maint tapi. 2140 « Dame », ce dist la vielle », pour amour Dieu, merci 1

AUS GRANS PIES. 79

« Voulez tuer vo fille ? trois jours a ne dormi. »

« Tais te, vielle », fait ele, « n'en ferai riens pour ti. »

Les fenestres ouvrirent, ne sont pas alenti.

Quant Tjbers et les serves voient qu'il va ainsi, 2145 Or ne demandez mie s'il furent abauLti.

Blancheflour vint au lit la serve choisi.

Toute la couverture à ses deus mains saisi.

Si la sacha que toute la serve descouvri ;

Blancheflour voit les piez, tous li cuers li failli 2150 La serve prent un drap, jus dou lit se sailli ;

Blancheflour par les treces à terre l'abati,

Qui estoient moult blondes, par verte le vous di.

Chascuns entre en la chambre quant il oent le cri,

Des mains li ont ostée et ele s'en fuï, 2155 Dedens une autre chambre l'ont sa gent recueilli.

Et Blancheflour s'escrie : « Harou, traï, traï !

« Ce n'est mie ma fille, lasse dolente, aimi !

« C'est la fille Margiste, k'avoeques moi norri ;

« Murdri m'ont mon enfant, Bertain qui m'amoit si. » 2160 Un mes s'en vint au roi, qui tout li a gehi,

Et Pépins i akeurt quant la nouvele oi',

Et maint autre barpn, qui de près l'ont sivi.

Quant ces nouveles oent, tout furent esbahi.

LXXXIX

ijlancheflour la roïne fu forment esmarie ; 2165 qu'ele voit Pépin, en plorant li escrie :

« Frans roys, est ma fille, la blonde , l'eschevie , « La douce, la courtoise, la très bien ensaignie, « Berte la debonaire, qui souef fu norrie ? « Se tost n'en oi nouveles, serai enragie ;

80 LI ROMANS DE BERTE

2170 « Rois, ce n'est pas ma fille qui ci s'estoit couchie « C'est la fille Margiste, cui 11 cors Dieu maudie. <( Faites aler après, s'en sera fuie, « Et gardez que sa mère ne vous eschape mie. » A ce mot chiet pasmée en la chambre voutie,

2175 Et li rois l'en redrece, qui de pitié lermie ; A ce qu'il a connoist la tricherie, Bien se perçoit conment Berte li fu changie Et voit tout clerement qu'ele a esté traïe. Toute pasmée enportent Blancheflour sa maisnie,

2180 Et Pépins a tel duel k'a pou qu'il ne marvie.

« Haï! Berte )v, fait il, « bêle suer, douce amie, « Com je vous ai porté mauvaise conpaignie, « Mais cil le comparront, par Dieu le fill Marie, « Qui par leur fausseté vous ont ainsi traïe ;

2185 « Je sai bien vraiement, Tybers vous a murdrie, « Il vous a estranglée ou la teste trenchie, « Entre lui et Margiste, cui li cors Dieu maudie ; « Par aus avez esté souduite et engignie, « Mais ains qu'il soit demain li heure de compile,

2190 « Porront il bien savoir se il ont fait folie. »

xc

Maltalent ot li rois si que tous en rougist, Tant fu dolans de cuer k'a pou qu'il ne marist. Pitié ot de Bertain ; sachiez, s'il la seuïst Nule part en ce mont, que il la requesist. 2195 Quatre de ses serjans il meïsmes choisist,

La vielle leur fait prendre, chascuns la main i mist, Ou par bras ou par robe chascuns d'aus la saisist ; Tou7 li plus corrouciez de la joie en souzrist.

AUS GRANS PIES. 81

« Vielle », ce dist li rois, « à honnir t'entreprist 2200 « Qui ceste traison t'ensaigna et aprist,

a Saches que envers toi moult malement mesprist,

« Car tu en seras arse, par le cors Jhesu Crist. »

Quant l'entendi la vielle, de la paour fremist.

Après ceste parole li rois de la chambre ist, 2205 En la sale est venus, sor un siège s'assist.

Ses barons fait mander que chascuns i venist.

Quant il furent venu, li rois Pépins lor dist

Que ce seroit bien fait que on la vielle arsist.

« Sire », dient si home, « bon fust que gehisist 2210 « Que Berte est devenue ne quel chose ele en flst,

« Se ele la noia ou s'ele la murdrist. »

Et li rois lor respont bon fust c'en le fesist.

La vielle fu mandée, nus ne le contredist;

Quant li rois l'a veûe, il meïsmes maudist 2215 Qui premier pour Bertain à norrice l'eslist.

XCI

Quant la vielle fu prise, moult fu dolente et triste. Cel jour fist moult lait tans de tonnoirre et d'escliste Li rois fu en sa sale d'or painturée à liste ; La vielle demanda qui ot à non Margiste,

2220 Et sa fille ot non Berte en France, mais Aliste Fu nonmée en baptesme et fu née à Valgiste. « Ha î vielle », distli rois, « di, pourquoi traïsis te « Bertain ta douce dame ne pourquoi le fesis te ? « Tu ses bien que ta fille lés moi gésir mesis te ;

2225 « Ce fu grans faussetez ; pourquoi nelegehiste? « Se tes cors est perdus, l'ame que ne garis te V a Bien croi, s'a traïson de ton cuer l'empresis te, « Tu es de la semblance à la gent Antecriste. »

6

82 LI ROMANS DE BERTE

XCII

Quant li rois ot fait prendre et Margiste et Tybert 2230 Et la fausse roïne, tantost fu descouvert Lor maie traïson devant tous en*apert. « Ha ! Diex », ce dist chascuns, « pourquoi avés soufert « Si longuement tel murdre si lait et si despert? « Conment le puevent il ainsi avoir couvert? 2235 « Bons rois, faites qu'il soient tout à lor droit offert ; « Se pitié en avez, mal dahait qui vous sert ! » « Voir à foi », dist li rois, qui ot le cuer apert , « Se Tybers de son dos la grant rue ne tert. »

XCIII

lybers et les deus serves voient la chose aperte 2240 Et que lor faussetés est toute descouverte,

Bien voient qu'il aront de lor fais la desserte.

« Vielle », C8 dist chascuns, « com vous fustes desperte ,

« Qui de vo fille aviés fait la roïne Berte ;

« A cestui tour vous estes mauvaisement couverte ; 2245 « No dame avez murdrie, fait avons grande perte,

« Mais vous en serez tost à vo mérite offerte.

« Conment a Diex tel gent si longuement souferte ?

« Blancheflour, qui est moult de tous biens aouverte,

« Les geta de servage et de toute poverte ; 2250 « Moult mal li ont meri, ceste chose est bien certe. »

AUS GRAMS PIES. 83

XCIV

Li rois voit les deus serves et Tybert ensement. Sachiez que moult les het de cuer entièrement. Il fait prendre la vielle trestout premièrement, En un trou de tarere li boutent erranment

2255 Ses deus pois, puis les coignent moult angoisseusement Pour li faire gehir la destraignent forment. « Ha ! rois Pépin d, fait ele, « pour Dieu omnipotent, « Délivrés moi mes mains, je dirai tout briément. » Lors ostent la cheville, n'i font delaiement,

2260 Et la vielle a gehi oiant toute la gent. La trahison connoist tout ainsi faitement Com ele l'arréa dès le conmencement, Et a reconneii conme ele avoit talent D'enherber Blancheflour et Pépin ensement,

2265 Et avoit pourveii tout l'enpoisonncment. A ardoir fu jugie , et par droit jugement. Après parla Tybers tost et isnelement : « Sire rois », dist Tjbers, n par le cors St Vincent, « Je n'ocis pas Bertain, sachiez le vraiement,

2270 « Mais je l'eiisse morte, n'en mentirai noient,

« Ne fust Morans de cui j'en oi desfendement. » Lors leur conta la chose tout descouvertement. Tout ainsi com Morans mist Berte à sauvement ; « Ou bois avoec les bestes, dont i avoit granment,

2275 « Ours, sanglers et lyons, ainsi com je l'entent, « la laissâmes nous enz ou bois seulement ; « Je croi qu'ele soit morte , par le mien escient. » Et après leur conta tout ainsi faitement Com à Margiste liront dou cuer d'un porc présent,

2280 Et à la fausse serve, cui li cors Dieu cravent.

84 LI ROMANS DE BERTE

De la corde leur conte conment estroitement En fu Berte loiie et anuieusement, Qu'ele ne pelist dire son mesaaisement, Et conme la feroit et menu et souvent ;

2285 Trestouta conneû doat ot apensement.

De pitié en plorèrent plus de mil et sept cent. Lors vint avant la serve, cui Diex doinst marement : « Sire », fait ele au roi, « vous veez bien conment « La chose ne vint pas de mon arréement ;

2290 « De ma mauvaise mère vint il premièrement « Et par li sonmes nous venu à ce torment ; « Damediex la confonde qui maint ou firmament ! »

xcv

Moult fu toute la gent qui estoit, dolente Pour amour de leur dame, Berte la bêle gente.

2295 Un grant feu font d'espines, n'i firent longue atente ; L'uns atise le feu et li autres le vente, La vielle ara tost de son marchié la vente, Ele a bien desservi a recevoir tel rente : Qui traïson pourchace, drois est qu'il s'en repente ;

2300 De traïson à faire n'ert pas la vielle lente. Cel jour i a ploré mainte bêle jouvente Pour l'amour de Bertain, ne quier que vous en mente. Dedenz le feu gelèrent Torde vielle pullente, Ainsi fu la vielle arse et livrée à tormente.

2305 Quant sa fille le voit, forment s'en espoente, De la paour qu'ele ot sus la terre s'adente.

AUS GRANS PIES.

XCVI

(Juaj?t la vielle fu arse, Tjbert font ateler, Tout parmi la grant rue le firent traîner, A Montfaucon le firent sus au vent encroer.

2310 D'une part furent trait li demaine et li per :

« Sire », font il au roi, « nous vous voulons moustrer « Que grant chose est de roi, ce ne puet nus veer : « Se vous voulez la serve par no conseil mener, « Dont ne li faites mie dou cors la vie oster,

2315 « Mais laissiez la tant vivre qu'ele porra durer ; « Puis k'enfans en avez, ne doit pas demorer « Que les enfans et li ne doiez gouverner, « Mais nous disons par droit, nel vous voulons celer, « Que mais après ce jour ne doit à vous parler

2320 « Ne nule conpaignie en ce siècle porter. » Quant li rois l'entendi, si prist à souspirer : « Seignor », ce dist li rois, « par le cors St Omer, « Ele eiist desservi destruire et lapider, « Mais contre jugement ne vueil je mie aler. »

2325 Quant la serve sot ce, Dieu en prist à loer, Devant le roi se fist trestout errant mener ; qu'ele voit le roi, si li ala rouver : « Sire, car me vueilliez pour Dieu un don donner : « K a Montmartre me faites, s'il vous plaist, osteler ;

2330 « verrai estre nonne, bien sai lire et chanter ; « Pour l'amour des enfans que m'avez fait porter, « Me devez, biau douz sire, un petit déporter ; « Donnés me un pou d'avoir que j'ai fait assambler. « Quant mi fiU ierent grant, ferai les marier

2335 « Et, s'il vous plaist, biau sire, ferez les adouber, « Car il sont vostre enfant, de ce n'estuet douter. »

86 LI ROUANS DE BERTE

Et li rois li otrie, nel daigna refuser. Ainsi ala la chose que m'oez deviser. Son avoir à Montmartre fist la serve guier, 2340 Sor chars et sor charrettes et sor sonmiers trousser Huit jours mirent tous plains à l'avoir aliner. Tant i avoit trésor, entre argent et or «cler, Sans les autres richeces que ne sai raconter, K'à paines le puet on ne dire ne esmer.

XCVII

2345 Moult fu li rois Pépins de très franche matere,

N'avoit plus gentill cuer ne rois ne emperere ;

La perte de Bertain li fu sure et amere.

Blancheflour reconforte, qui à grant meschiefere,

Qui pour Berte estoit moult de cuer dolente mère. 2350 « Ahi ! fille », fait ele, « que dira vostre père,

a Qui çà vous envoia bêle et plaisans et clere !

« Vers povres gens n'estiez escharse ne avère.

« Or a Floires perdu et vo suer et vo frère ;

a Or en soit Diex des âmes, se il li plaist, gardere, 2355 « Cil qui de toute rien est sire et gouvernere.

« Vers mon seignor irai demain ains que jours père. »

XCVIII

Droit delez Blancheflour, la roïne au cler vis, Seoit li rois Pépins moult dolans et pensis. Moult forment sont dolant la gent de son pays

AUS GRANS PIÉS. 87

2360 Que la serve n'est arse ou ses cors enfouis. Ne volt plus Blancheflour demorer ou pays, Lor afaire arreèrent, n'i ont lonc terme mis. Li rois Pépins, qui fu courtois et bien apris, En fist tout son désir, n'en doit estre repris.

2365 L'endemain par matin, quant jours fu esclarcis, Blancheflour la roïne ont en litière mis Entre deus parlefrois qui furent de grant pris, Car ne pot chevauchier, tant fu ses cuers maris. Chascuns maudit la serve et crient à haus cris

2370 Que Jhesus la confonde, li rois de paradis. Quant par li est Pépins li gentis rois trais Et trestous li roiaumes essilliez et honnis ; De Dieu soit li siens cors essilliez et maudis Et si enfant aussi, et Rainfrois et Heudris !

2375 Blancheflour la roïne s'en va par St Denis, Li rois la convoia de dusqu'à Senlis, L'endemain s'en parti dolens et abaubis.

XCIX

Or s'en va Blancheflour moult dolente et desprise. « Ha ! mère Dieu », fait ele, « com sui ore malmise !

2380 « Berte, ma bêle fille, plaine de gentelise,

« Com par estiiez douce et plaine de franchise !

« De moi iert à vo père povre novele aprise,

a Qui vous amoit de cuer sans nul point de faintise,

« Je croi bien que detraite en iert sa barbe grise ;

2385 « Quant sara conment fu la traïson emprise ,

« N'ara plus dolent home d'Outremer dusk'en Frise. « Hélas ! pourquoi ne crieve mes cuers souz ma chemise, « Je n'arai jamais joie, par le cors St Denise,

88 LI ROMANS DE BERTE

« Se je tousjours duroie dusk'au jour dou juïse ; 2390 « Miex aim morir que vivre, si sui de duel aquise. »

Or s'en vont li Hongrois, n'i ont plus atendu, Mainte terre trespassent et maint grant bois ramu ; Grant duel fait Blancheflour de cuer très irascu. Tant ont par lor jornées aie et pourséii

2395 Que à la St Jehan, un haut jour assolu,

Sont tout droit en Hongrie, lor pais, revenu. Le roy Floire trouvèrent, qui à grant meschief fu Quant il ot la nouvele de sa fille entendu. Il et Blancheflour sont en plorant receii ;

2400 II ne porent mot dire, tant par sont esperdu ; En acolant l'uns l'autre sont à terre cheii, Lor gent les en relievent qui sont acoru. « Ha ! Diex n, distli rois Floires, « que nous est avenu, « Quant Bertain nostre enfant avons ainsi perdu !

2405 « Biaus Diex », faitli rois Floires; « vrais pères rois Jhesu, « Puisqu'il vous plaist, biau sire, qu'il me soit mescheii, « Loez en soiez vous, par vo douce vertu, « Car, quant il vous plaira, bien me sera rendu. »

CI

Quant en son pays fu Blancheflour revenue 2410 Et la gent dou roiaume ont la nouvele oue Ccnment Berte as grans pies a esté deceiie,

AUS GRANS PIES.

Maint cheveil i ot trait, mainte paume batue. Rois Floires fait tel duel k'a pou qu'il ne se tue. Et Blancheflour aussi, que trestoute tressue.

2415 Les gens pleurent forment parmi chascune rue : « Diex! » font il, « com a ci laide desconvenue, « Quant la bêle Bertain avons ainsi perdue ; « En ceste terre avoit, ains qu'ele en fust issue, « La povre gent souvent chaucie et revestue

2420 « Et de ses biens aussi maintes fois repeûe ; « Diex maudie la serve, qui fait courre la nue, « Et Tjbert et Margiste, car bien ont abatue « La joie ea ce pays qui y estoit creiie. « Or soit de Dieu li ame de Bertain assolue,

2425 « Conques mieudre de li ne fu par iex veiie. »

Cil

Jyloult par furent la gent en Hongrie adolé Pour l'amour de Bertain, tant ot de bonté ; Tant ot tousjours eii de debonaireté Qu'ele ot non Debonaire tousjours en son régné.

2430 Ne vous pourroie dire, se l'avoie juré,

Conment cil de Hongrie l'ont plaint et regreté, Ne la très grant dolor qu'il en ont démené. Blancheflour a le roi trestout dit et conté Conment la traVson ot Margiste arreé ;

2435 En plorant li a tout et dit et devisé L'afaire de Bertain, n'en a riens oublié, Et conment fu changie dedenz le lit paré. Et conment l'enmena Tjbers par fausseté, Et conment l'atornèrent qu'ele n'eiist parlé,

2440 Com Tybers li eiist ou bois le chief coupé.

01^. LI ROMANS DE BERTE

Ne fust Morans, cui Diex envoit joie et santé !

Il et si conpaignon, par debonaireté,

En laissièrent Bertain fuir ou bois ramé ;

ont son cors les bestes mengié et estranglé. 2445 En plorant l'a li rois mot à mot escouté.

De parfont cuer souzpire de duel et de pité.

Ci lairons dou roi Floire, qui le cuer ot iré,

De Blancheflour sa fenme, qui ot cuer apensé ;

Pour lor fille Bertain ont souvent souzpire ; 2450 Dou roi Pépin dirons, le preu et le séné.

Quant il et Blancheflour se furent dessevré

Et en plorant se furent à Jhesu conmandé,

A Paris s'en revint, l'amirable cité.

Lors a tantost Morant par devant lui mandé 2455 Et ses deus conpaignons ; ainsi l'ot conmandé.

Et il i sont venu volentiers et de gré ;

Pour lor dame Bertain ont tenrement ploré.

cm

« Morans, » ce dist li rois, « or oiez ma pensée, « Avoec ma fenme alastes quant ele en fu menée,

2460 « Bien sai, se ne fussiez, la teste eiist coupée ;

« Je croi bien que les bestes l'ont morte et dévorée, « Car s'ele ne fust morte, deçà fust retornée. « Je vueil que vers le Mans soit vo voie aprestée « Et demandez très bien par toute la contrée,

2465 « Pour savoir se de li seroit riens retrouvée, « Ne se nus l'aroit puis veiie n'encontrée « Que l'eustcs laissie en la forest ramée ; « S'aucune chose en ai, par la Virge honnorée, « De li ou de la robe que ele en ot portée,

AUS GRAN6 PIÉS. 91

2470 « Sachiez, je l'ameroie assez plus que riens née, « Et si la baiseroie et soir et matinée. « Pour Dieu, or en pensez, qui fîst ciel et rousée, (( Et la paine vous iert très bien guerredonnée. » « Sire, nous le ferons, puisque il vous agrée. »

2475 L'endemain se départent de à l'ajornée.

Tant vont et tant cheminent, sanz longue demorée. Que tout droit au lieu vienent, lez une grant valée, la derraine fois fu Berte d'aus sevrée ; Lors ont seur celé place mainte lerme plorée.

2480 De se départirent, n'i font longue arrestée ; Par trestout le pays ont Bertain demandée. Par toute la contrée en va la renommée C'en requiert la roïne de France la loée, Et k'ens ou bois dou Mans fu laissie esgarée.

2485 Quinze jours l'ont requise, mais n'en ont pas trouvée, Onques de li n'aprirent maillie ne denrée. A Sjmon le voier est la nouvele alée. Et Symons l'a sa fenme Constance recontée. Quant Constance l'entent, toute en fu trespensée.

CIV

2490 « Synions », ce dist Constance, «par la foi que vous doi, « Trestout droit en cel point dont ci parler vous oi, « Trouvastes vous Bertain, ainsi com je le croi ; « Alons à li parler, sire, entre vous et moi. » « Constance », dist Sjmons, »par monchief.jel'otroi. »

2495 Bertain ont apelée d'une part en requoi ; D'une part sont aie, il ne furent que troi. Lors li conte Sjmons, qui moult fu plains de foi, Le meschief et l'anui, le mal et le desroi.

9S Ll ROMANS DE BCRTE

Que il est avenu à Pépin le bon roi. 2500 « Berte, aussi vraiement que devant moi vous voi,

« Avint ce en cel point que trouvée vous oi ;

« Se c'estes vous, sel dites, ce vous requier et proi. »

Quant Berte l'entendi, moult fu en grant esfroi ;

« Sire », ce a dit Berte, « bien vous entent et oi, 2505 « Mais ce ne sui je mie, sachiez, je le vous noi. »

cv

(juant Berte entent Symo», moult forment s^en effroie, Des nouveles qu'ele ot tous li cuers l'en souploie. « Diex », fait ele en son cuer, « tenez m'en droite voie, « Sire, que de mon veu deceiie ne soie.

2510 « Sjmon », fait ele, « sire, pourquoi vous celeroie, « Se j'estoie roïne ? grant folie feroie ; « Pleiist Dieu que le fusse, j'en aroie grant joie ; « Vous povez bien savoir que je miex l'ameroie « Que manoir en ce bois ; bien dervée seroie

2515 « Se j'estoie roïne et puis le le vous celoie ; « Ce ne seroit pas sens, se je m'en escusoie, « Ains seroie moult foie se de ce vous mentoie», » De celer la besongne Berte si le desvoie Que Sjmons et Constance tous ses bons li otroie.

AUS GRANS PIÉS. 93

CVI

2520 [^[ lairons de Bertain au gent cors avenant, De Sjmoa le voier qui ot le euer vaillant, Be Constance sa fenme, cui Diex doinst joie grant ; Tant leur a Berte dit, et arrière et avant. Que tant kanqu'il leur plaist leur a fait entendant.

2525 De ceus vous parlerons qui Berte vont querant. Par trestout le pais vont la terre cerchant, De la chose qu'il quierent vont partout demandant, Mais onques n'en aprirent un bouton vaillissant ; A Paris s'en revindrent la cité bien séant.

2530 trouvèrent le roi de cuer triste et dolant, Et quant li rois les voit, si apele Morant, Et Morans vint à lui moult durement plorant. « Sire », ce dist Morans, par le cors St Amant, « Requis avon madame de cuer très désirant ;

2535 « N'a entour la forest remés home vivant, « Chevalier ne bourjois, vilain ne paisant, « Sarteur ne charbonnier, ne vilain ahanant, « Nés ceus qui sont les bestes en la forest gardant, « A glyse n'a chapelle, ne à gent trespassant,

2540 « Cui n'aions raconté trestout le convenant ;

« Mais or en savons mains que ne saviens devant. » Quant li rois l'entendi, de cuer va souspirant. Et li serjant se partent de lui à cuer dolant.

94 LI ROMANS DE BERTE

CVII

Quant voit li rois Pépins que nouveles n'orra

2545 De sa fenme Bertain, grant duel en démena. Tel duel en ot Morans de ce que il laissa Sa dame en la forest, quant Tybers l'enmena. Et si doi compaignon, que chascuns se croisa ; Pour faire penitance chascuns outre mer va.

2550 De ces trois compaignons nus ne s'en retorna, Fors que Morans sans plus ; cil revint pardeçà, Et li autre morurent ; sachiez k'ainsi ala ; Or en ait Diex les âmes, qui tout le mont forma ! Un jour li rois Pépins son oirre apareilla

2555 Pour aler vers Angieus, n'ot esté pieça. Tout droit en cel termine que li rois estoit là, Vint dux Namles à lui ; endroit le trouva Pour estre chevalier, grant volenté en a ;

2560 Bien douze conpaignons avoec lui amena. Devant le roj Pépin Namles s'agenoilla Et tuit li autre ensamble, chascuns le salua ; Dux Namles de Baiviere premièrement parla : « Bons rois », ce a dit Namles, « nous venons à vous çà,

2565 « sonmes d'Alemaigne, de la terre delà; « Fiex le duc de Baiviere sui, n'en mentirai ; « Pour estre chevalier à vous nous envoia. « Quant partîmes de lui, très bien nous conmanda « Ne fussiens chevalier fors de vous ; ce sera,

2570 « Gentiex rois debonaires, si tost corn vous plaira, « Et de vous à servir chascuns se penera. » Quant li rois ot Namlon, durement le prisa ; Tous les a retenus , forment li agréa, Et dist k'à Pentecouste chevaliers les fera,

AUS GRAMS PIES. 95

2575 Droit au Mans la cité, les adoubera.

Chascuns des damoisiaus le roi en enclina. A celé heure dux Namles en la court demora, Avoec le roy Pépin, et si" bien s'i prouva Que maistres fu de France et chascuns l'i ama ;

2580 Puis au roi Charlemaine maint bon conseil donna. Droit au Mans la cité li rois Pépins ala, Le jour de Pentecouste Namlon i adouba, Atous ses compaignons, que nul n'en i laissa, Et de cens de sa terre tant que cent en y a.

CVIII

^^^ Le jour de Pentecouste, si conme avez , Fu Namles chevaliers et maint autre avoec li. Moult par ot li dux Namles loial cuer et hardi. Par son hardement furent puis maint Turc assailli, Et par le sens de lui et mort et desconfî,

2590 Forment les honnora li rois et conjoï:

Quintaine font fermer en un biau pré flouri ; Dux Namles et li autre, chascuns d'aus i feri, Des nouviaus chevaliers nus ne s'en alenti. Li rois fu en un pré desouz un pin fueilli,

2595 Devant lui sont venu si plus privé ami.

« Sire », font il à lui, « pour le cors St Rémi, « Pourquoi ne prenez fenme ? serez toujours ainsi ? » « Seignor », ce dist li rois, « savez que je vous di « Ma premeraine fenme amai moult et chieri,

2600 « Ne plot Diex que j'eusse onques nul hoir de li ; « Puis en repris une autre dont moult me meschai", « Berte la debonaire, que je moult petit vi, « S'en ai si durement le cuer triste et mari

>96 LI ROMANS DE BERTE

« Que mais ne prenderai fenme, ce vous afi ; 2605 (1 Or ne m'en parolt nus, car, pour voir le vous di ,

« Quant me souvient de Berte, a pou que ne m'oci ;

« Mais puisqu'il plaist à Dieu, qui onques ne menti,

« Et à sa douce mère, de cuer les en graci

« De kanques il m'envoient , et moult les en merci. » 2610 Quant li baron l'oïrent, moult furent esbahi

Quant si faites paroles ont de Pépin ;

Nus ne parla après, tout furent abaubi.

Quant fu tans de souper, n'i mirent lonc detri.

En la cité dou Mans sont arrier reverti ; 2615 demora li rois dusques au merkedi.

En la forest ala chacier droit au joesdi.

Un grant cerf ont trouvé, celui ont acueilli.

Quant li rois l'a veu, forment li abeli ;

Sor un bon chaceour si le cerf poursivi, 2620 Que trestoutes ses gens uns et autres perdi.

CIX

(jr fu li rois Pépins en la forest antie. Parmi le bois s'en va tout sens sans eonpaignie. De Pépin vous lairai un pou à ceste fie, Si dirai de Bertain cui Jhesus beneïe,

2625 Qui lonc tans ens ou bois a esté herbergie En la maison Sjmon et Constance s'amie, Qui l'ont avoec lor fille moult doucement norrie. Lez la maison Sjmon, près d'une praerie, Avoit une chapele de grant ancisserie,

2630 Que hermite jadis i orent establie ;

La chapele ert venue es mains d'une abeïe. ooit Symons messe et toute sa maisnie ;

AUS GRANS PIÉS. 97

Quatre archies ert loing dou manoir, et demie.

En la chapele ert Berte qui bien fu ensaignie, 2635 Par derrière l'autel sert la bêle mucie,

de cuer prioit moult Dieu et sainte Marie

Que son père et sa mère doinst Jhesus bonne vie.

Pour le roi Pépin prie, celui n'oublie mie,

Que Damediex le gart de mal et de folie, 2640 Car bien li a esté la nouvele noncie

Que pour li a li rois souvent chiere assouplie

Et que la gent de France en est toute esmarie.

Constance et ses deus filles l'ont ilueques laissie;

Pour la raison de ce qu'eles n'en virent mie, 2645 Cuidièrent k'à l'ostel fust arrier repairie.

remest toute seule, Diex li soit en aïe.

Car assez tost sera durement corroucie.

ex

Par dedens la chapele fu Berte o le cors gent ;

Quant ele se perchoit qu'ele est si seulement, 2650 Son sautier et ses heures prent moult isnelement.

Devers l'autel s'encline, puis s'en ist erranment.

Ez vous le roi Pépin, qui ne va mie lent,

Corant par la forest et requérant sa gent.

qu'il voit la pucele, vers li vint bêlement, 2655 Et quant Berte le voit, moult grant paour l'en prent.

Et li rois la salue moult très courtoisement,

Et Berte conme sage au roi son salu rent.

« Bêle », ce dist Pépins, « n'aiez esfréement,

« Je sui des gens le roy douce France apent, 2660 « J'ai ma route perdue, s'en ai le cuer dolent ;

« Sauriiés vous ci près maison ne chasement

7

98 LI ROUANS DE BERTE

« je pelisse avoir aucun rassenement ? »

(( Sire », ce a dit Berte, « par Dieu omnipotent, « Cy devant maint Symons, preudons est durement,

2665 « Bien vous ravoiera par le mien escient. »

« Bêle », ce dist Pépins, « grans mercis vous en rent. » Quant Pépins voit son vis vermeil et rouvelent, Qu'ele ert blanche et vermeille et de joene jouvent, D'amour et de désir tous li cuers li esprent.

2670 De son cheval à terre tout maintenant descent, Et Berte remest coie, qui nul mal n'i entent, Et li rois assez tost entre ses bras la prent. Et quant Berte voit ce, moult ot grant marement, Damedieu reclama, qui maint ou firmament.

CXI

2675 l^i jours fu biaus et clers, qu'il ne pluet ne ne vente, Et Berte fu ou bois delez Pépin dolente. Qui moult estoit plaisans et de joene jouvente. Et Pépins li requiert pour Dieu k'à lui s'assente Et que de son vouloir faire ne soit pas lente :

2680 « 0 moi venrez en France, la terre noble et gente, « n'i verrez jouel, tant soit de chiere vente, « Que je ne vous achatte se il vous atalente, « Et si vous asserrai ou pays bêle rente, « N'aura home en la terre qui de riens vous tormente. »

2685 Tout ce ne prise Berte une fueille de mente ; Moult se blasme en son cuer et forment se démente K'ainsi s'est oubliée seule, moult s'en gaymente. Li rois Pépins voit bien que ele s'espoente.

AUS CRANS MES. QQ

CXII

Moult fu Berte dolente, la roïne au vis cler.

2690 « Franshom»,faiteleauroy,<( pour Dieu. laissiez m'ester, « Trop me faites ici longuement demorer, « Car mes oncles Symons doit assez tost disner, « Pour ce k'après mengier s'en doit au Mans aler « As gens le roi de France, pour vitaille porter. »

2695 « Bêle », ce dist Pépins, « je vous vueil demander « Qui vous fait ci si seule par ce bois converser. » « Sire », ce a dit Berte, « je nel vous quier celer : « A ceste chapelete que ci veez ester, « Estoie huimain venue pour la messe escouter

2700 « Avoec Sjmon mon oncle dont m'oez reclamer ; « En un anglet m'alai toute seule acouter « Pour pardire mes heures ; ce m'a fait oublier, n Quant 11 rois Pépins Tôt si doucement parler Et la voit si très bêle c'on s'i peiist mirer

2705 Le vis ot rouvelent, bel et riant et cler, Lors la prent en son cuer forment à goulouser. De la serve li menbre, cui Diex puist mal doner ; Vis li est k'ains ne vit fenme miex ressambler ; Encor li samble Berte plus bêle à esgarder.

2710 Lors ne se tenist mie, qui le deiist tuer.

Que son povoir ne face de s'amour conquester. « Bêle », ce dist Pépins, « par le cors St Omer, « Faites ma volenté, je vous vueil creanter « Tant vous donrai d'avoir oom oserez penser ;

2715 « En France vous menrai pour vo cors honnorer ; « Je sui maistres le roy qui France a à garder , « Miex sui de lui que nus, sans mençonge conter, H Sachiez, tant ai d'avoir k'assez vous puis donner ,

l'ûO LI ROMANS DE BERTE

« Ce est chose passée, n'i estuet penser : 2720 « Ma volenté ferez, quoi qu'il doie couster. » Quant Berte l'entendi, si prent à souspirer, Des biaus iex de son chief conmença à lermer ; Bien voit par autre tour ne porra eschaper K'à dire qui ele est , ne puet plus contrester. 2725 a Sire », fait ele au roi, « je vous vueil conmander, « El non à cel seignor qui se laissa pener « Ens en la sainte crois, pour son pueple sauver, « K a la fenme Pépin ne puissiez adeser : « Fille sui le roi Floire, de ce n'est uet douter 2730 « Et fille Blancheflour, que Diex puist honnorer. » Quant li rois l'entendi, color prist à muer. De la joie qu'il ot ne pot un mot sonner.

CXIII

" Sire », ce a dit Berte, « de Dieu et de sa mère « Desfeng que envers moi n'aiez pensée araere,

2735 « Que de mon pucelage ne me soiez tolère ;

« RoViie sui de France, n'en soit nus doutere,

« Fenme au roi Pépin sui, rois Floires est mes père,

« Et si est Blancheflour la roïne ma mère,

« Qui de tous biens est plaine, n'est escharse n'avère,

2740 « Mais douce et debonaire et de franche matere ; « La dame de Sassoigne est ma suer, j'ai un frère « Qui est dux de Poulane et des pors de Grontere ; « De par Dieu vous desfeng, qui est vrais gouvernere, « Que ne me faciez chose qui à honte me père ;

2745 « Miex vorroie estre morte, si me soit Diex sauvere.

AUS GRANS Plés. 101

CXIV

(Juant li rois ot que Berte li dist par vérité Que roine est de France, mouJt bien l'a escouté, Mais moult en ot le cuer durement trespensé. « Bêle », fait il, « s'il est si com m'avez conté,

2750 « Ne vous feroie mal pour mil mars d'or pesé. » Quant Berte l'entendi, forment le prist en gré, En son cuer en a moult Damedieu aoré; Vers la maison Symon a son vis retorné. En alant celé part, li a moult demandé

2755 Li rois de son afaire, mais moult l'en a celé ; Ele ne fait pas force que li ait raconté, Mais qu'ele eiist son cors de ce perill geté. Ele a bien en son cuer vraiement enpensé Que mais n'ira si seule en jour de son aé.

2760 Tant a le roi Pépin par parole mené

K'ens ou manoir Symon sont tout ensamble entré. A l'entrée ont Symon et Constance encontre, Ysabele et Aiglente, qui avoient ploré Pour amour de Bertain qui tant ot demoré ;

2765 II l'aloient requerre quant il l'ont regardé

Que uns hom la ramaine, si se sont arrcsté. Le visage Bertain voient tout esfreé, Bien voient que n'a pas eu sa volenté ; Or, sachiez vraiement, de cuer leur a pesé.

2770 Et li rois a Constance et Symon salué, Ysabele ot Aiglente n'i a pas oublié, Car moult avoit le cuer très sage et avisé ; Bien voient qu'il est hom de grant nobilité. Dist leur qu'il est au roi de Paris la cité

2775 Et que il est maris dedenz ce bois ramé.

102 Ll ROMANS DE BERTE

Quant il l'ont entendu, forment l'ont honnoré. Pépins a pris Sjmon, d'une part l'a mené, Car de Bertain vorra enquerre la purté, Com cil qui longuement l'a de cuer désiré.

cxv

2780 ^n la maison Sjmon, en la forest ramée, Fu li bons rois Pépins à la chiere menbrée. Quant à Sjmon ot dit un pou de sa pensée, Constance à cel conseil fu moult tost apelée. « Dame », ce dist li rois, « dites moi, s'il vous grée,

2785 « Qui est celé pucele que j'ai ci ramenée ? »

« Sire, c'est nostre nièce, lonc tans l'avons gardée, « Toute a par sa bonté nostre amour conquestée, « Plus l'aim que mes enfans, si soit m'ame sauvée ; « Forment se plaint de vous, moult en sui aïrée,

2790 « A force la vousistes avoir despucelée,

« Mais foi que doi Sjmon à la barbe mellée, « Se ne fussiez au roi de France l'onnorée, « La paour k'a eiie eussiez achetée ; « Miex vorroie estre morte, se ne soie dampnée,

2795 « Que de son pucelage l'eiissiez desrobée,

« Conques mais ne vi fenme de tous biens plus senée, « Ne qui si fust à Dieu dou tout en tout donnée. » Quant li rois Pépins l'ot, Constance a regardée : « Dame », fait il, « ne soit pas la chose celée,

2800 « Sachiez que par li m'est tel chose racontée « Que, se c'est vérité, bien serez eiirée « De ce que vous l'avez si lonc tans osteléo ; « Ele m'a conneii qu'ele est Berte apelée « Et que fenme est le voy de France la loée ;

AUS GRANS PIES. i03

2805 «'Dites moi se c'est voirs sans longue demorée,

« Et gardez k'en mençonge n'en soies pas trouvée, « Car vous en pourriez estre honnie et vergondée. Quant Symons et Constance ont la chose escoutée, N'y a celui des deus n'ait la colour muée ;

2810 Moult sont dolent de ce que nièce l'ont clamée. « Sires », ce dist Symons, « ore oies ma pensée : « Puis k'ainsi est la chose et venue et alée, « Et que ele meVsmes la vous a devisée, « Diei en soit graciés et sa mère aorée,

2815 « Car nous n'en saviens riens, par la Virge lionnourée. » Lors li a devisé le tans et la jornée, Conment il la trouva droit à une ajornée ; Tout le mescliief li conte conment ert esgarée Et de fain et de froit desprise et malmenée,

2820 Et sa desconnoissanoe n'i a pas oubliée,

Conment dist que d'Aussai estoit norrie et née Et que par guerre estoit dou pays dessevrée, Et conment ele estoit celé nuit engelée. « Sire, et vous di pour voir, k'à celé matinée

2825 « Fust morte, ainsi le croi, se ne fust reschaufée ; « Despuis l'avons céens norrie et alevée « Et l'avons mais tousdis nostre nièce apelée, « Pour ce que voulions qu'elle en fust plus doutée, « C'on ne li fesist chose dont point fust tormentée ;

2830 « Sachiez que de tous biens est si sage et fondée « Et a tout son afaire à tel chose atornée « Qu'il n'a si preude fenme en toute la contrée. » Quant Pépins l'entendi, moult li plaist et agrée.

104 LI ROMANS DE BERTE

CXVI

« Oire » , ce dist Sjmons, « par la foi que vous doi, 2835 « Puis ce di que vous estes des gens à nostre roi, ({ Ceens en mon ostel moult volentiers vous voi, « Et ce que vous me dites moult très volentiers oi ; « Onques mais en ma vie si très grant joie n'oi, « Mais nous n'en saviens riens, par la foi que vous doi, 2840 « Ne ce n'est ele pas, c'est ce que je miex croi : « Si me puist Diex aidier, ne saroie pourquoi « Ele leust celé, s'en sui en grant esfroi, « Selonc ce qu'ele est sage, sans mal et sansdesroi. »

« Sjmons », ce dist li rois, « savez que je vous proi? 2845 « K'alons à li parler , se il vous plaist, nous troi. »

« Sire puisqu'il vous plaist » , dist Sjmons , « je

[l'otroi. »

CXVII

« Oire », ce dist Symons, « savez que je feroie? « S'il vous venoit en gré, à li parler iroie, « Et Constance ma fenme avoeques moi menroie ;

2850 « Derrier celé courtine très bien vous reponroie, « Bertain ici endroit tout errant amenroie, « De ceste chose ici oiant vous enquerroie ; « C'est le miex que g'i sache, ainsi le loeroic. » Et li rois dit que ce li samble bonne voie ;

2855 Ainsi l'ont arreé puisque li rois l'otroie.

Sjmons vint à Bertain, si la prent par la doie,

AUS GRANS PIES. 105

Et Constance en sa chambre doucement la convoie.

« Dame », ce a dit Berte, « je vous demanderoie

« Que cil est devenus , se demander Tosoie, 2860 « Qui me fist tant d'anui, orains quant revenoie

« Devers nostre chapele ; encore m'en anoie. »

« Bêle, il en est alez, ne vous en mentiroie ;

« Tel chose nous a dite dont nous avons grant joie ;

« Pour quoi l'avés celé ? li cuers m'en assouploie. » 2865 Berte esgarde vers terre, un petit se hontoie ;

Symons l'assiet lés lui, moult fu taisans et coie.

CXVIII

" Berte », cedist Sjmons, « par le cors St Rémi, « Cis hom qui orendroit s'en est alez de ci, « Nous a dit tés nouveles dont Damedieu graci ,

2870 « Que fenme estes Pépin, le bon roi poesti ; « Lonc tans l'avez celé, certes ce poise mi, « Plus elisse vo cors honnoré et servi. » « Bêle », ce dist Constance, « n'iait de riens menti, « Mais dites vérité, pour Dieu je le vous pri. »

2875 Quant Berte l'entendi, moult durement rougi. Moult debonairement tout errant respondi : « Dame, autrefois », fait ele, « m'avez vous dit ainsi, « Dès lors, se je le fusse, l'eiisse je gehi, « Voire le premier jour que je onques ving ci.

2880 « Voirs est que autrement ne poi trouver merci « De l'home qui huimain enz ou bois m'assailli ; « Se ce ne fust, mon cors, je croi, eiist honni ; « Mais par ceste mençonge vers lui me garanti : « Dis li que g'ere fenme Pépin le roi hardi

2885 « Et fille le roi Floire, un roi moult seignori ;

106 Ll ROMANS DE fiERTE

(t Bien avoie dire conment on ot traï

« La roïne de France au gent cors et poli,

« Et conment fu laissie dedenz le bois fueilli,

« Si tost que dit li oi, tout errant me guerpi ;

2890 « Nul autre eschivement de moi garder n'i vi,

« De ce tour m'apensai, Damedieu en graci. »

CXIX

Ijerte fu en la chambre, la gente, l'eschevie, Entre li et Sjmon et Constance s'amie ; Li rois Pépins i fu, mais ele nel sot mie.

2895 De mainte chose i fu Berte moult araisnie Et souvent oposée et forment assaillie ; Tant doute à courroucier Dieu et Sainte Marie K'ainc ne leur volt connoistre denrée ne maillie. Constance la romaine en une autre partie ;

2900 En une chambre l'a lés ses filles laissie,

Puis s'en est tout errant vers Symon repairie. Le roi y a trouvé, qui ot chiere esmarie : (( Sire », ce dist Constance, qui fu bien ensaignie, « Ne sai que vous en dites, toute en sui abaubie ;

2905 « Par foi, se ce fust ele, trop seroit esbahie ; « Se ele le celoit, ce seroit derverie; « Sclonc ce qu'ai ôï, ne sai que vous en die. » Lors se leva li rois, mais n'a talent qu'il rie, Congié prent à Constance, que il plus ni detrie,

2910 Et Sjmons le convoie, que Jhesus beneïe.

Droit au Mans l'en remaine, s'a sa chace laissie, A celé heure li fu moult pou de chacerie.

AUS GRANS PIÉS. 107

cxx

Quant li rois Pépins fu dou manoir esloingniés, Sjmon en apela, qui bien fu ensaigniés :

2915 « Sjmon », fait il à lui, « vous ne me connoissiés, « Je sui li rois Pépins, tout de fi le sachiés. » Quant Symons l'entendi, joians en fu et liés ; Sagement s'est Symons vers lui humeliiés : « Sire », fait il au roi, « très bien venus soies,

2920 « Moult sui dolans de cuer quant si fui engingniés « Quant je ne vous connui, s'en sui mesaaisiés, « K'autrement honnorés en ma maison fussiés. » « Ne vous chaut » , dist li rois, « bien m'en ticng à paies, « Fors que pour la roïne ma fenme sui iriés,

2925 « Que par grant mescheance m'a tolue pechiés. » Moult souvent fu Symons de Pépin araisniés, Tous lor parlemens fu de Bertain as grans pies.

CXXI

" Synon », ce dist li rois, « savez que vous ferés? « Quant vendrai lez le Mans, arrier retornerés,

2930 « De ceste chose ci à nului ne parlerés,

« Fors sans plus k'à vo fenme, très bien vous en gardés, « Car sachiez que mes cuers est à ce atornés « Que celé soit ma fenme, mar le mescrerrés ; « De ce qu'ele le noie, tous en sui trespensés. »

2935 « Sire », ce dist Symons, « jamais ne me créés « Se ce n'est vostre fenme, Berte que tant amés.

108 LI ROMANS DE BERTE

« Quant la trouvai ou bois, moult ot de povretés, « Toute estoit afamée, ses cors ert engelés ; « Espoir fu en ce point de li tex veus voués 2940 « Par quoi de li doit estre ses afaires celés, « Et s'ele la voué, mar le mescrerrés, « Ne le briseroit mie pour l'or de dis cités, « Conques plus preude fenme ne vit hom qui soit nés. »

« Sjmons », ce dist li rois, « bien estes avisés, 2945 « Je croi bien vraiement que vous voir dit avés,

« Mais bien savez par fenme ai esté enganés,

« Et pour ce que ce soit plus grande seiirtés,

« Manderai au roi Floire, qui est preus et sénés,

« Et Blancheflour aussi, n'en iert nus oubliés,

2950 « Conment sui à Bertain en ce bois assenés ;

« Bien sai li uns des deus sera çà tost tournés.

« Ou ennuit ou demain iert li mes aprestés

« Par cui iert li messages en Hongrie portés ;

« Au plus tost que porrai, sachiez, me reverrés,

2955 « Gardez de ceste chose ne soit nus mos sonnés ;

« Constance vostre fenme moult me saluerés,

« Si vous pri de Bertain que vous plus l'onnorés

« Que ne faisiez devant, se vous de riens m'amés. »

« Sire, si ferai je, puisque vous le voulés. » 2960 Tant est Sjmons avoec le roi Pépin aies

Que de moult de sa gent fu li rois retrouvés.

Par le conmant le roy est Sjmons retornés.

Doucement fu dou roi à Jhesu conmandés.

A sa maison s'en vint, qui ot non Florimés ; 2965 De lui fu à Constance cis afaires contés.

De Constance en fu moult Damediex aôrés,

Sjmons en fu de joie baisiés et acolés.

En la cité dou Mans en est li rois entrés ;

Quant il fu descendus, ne s'i est arrestés, 2970 Un chapelain apele qui estoit ses privés,

Le brief li fait escrire, tantost fu seelés ;

AUS GRANS PIES.

109

En celui jour meïsmes s'en est li mes tornés, Damediex le conduie, li rois de majestés !

CXXII

Or s'en va li messages, durement se hasta, 2975 Car li bons rois Pépins moult de cuer l'en pria ; Dit li a k'au retour riche home le fera. A Paris la cité li rois s'en retorna, 0 lui le duc Namlon, que durement ama ; Lui et ses conpaignons moult forment honnora. 2980 Li mes par ses jornées tant fîst et tant ala Que le roi de Hongrie en sa terre trouva ; O lui fu Blancheflour, moult de tous biens a. Droit devant le roi Floire li mes s'agenoilla, De par le roi Pépin à point le salua, 2985 Et lui et la roïne, les lettres leur donna. Li rois oevre la cire, la lettre reversa ; Ains qu'il l'eûst parlute, la roïne apela : « Blancheflour, douce amie », fait il, « entendez çà, « Yez ci teles nouveles dont Diex loez sera, 2990 « C'est bien drois, que mains cuers grant joie en avéra, » Li rois a lut le brief, que riens n'i oublia ; Trouvée i a la chose ainsi com ele va, Conment li rois Pépins dedens le bois chaça, Conment Bertain la bêle ens ou bois encontra^ 2995 Et la raison pourquoi il l'a laissie ;

Bien croit que ce soit ele, mais la laissera Jusk'à tant que rois Floires la reconnoistera Ou Blancheflours sa mère ; par foi, or i parra Se li uns ne li autres onques Bertain ama. 3Û00 Li rois et la roïne l'uns l'autre regarda,

110 Ll ROMANS DE BERTE

Si sont espris de joie que nus d'aus ne parla ; De joie et de pitié rois Floires lermoia, La roïne de joie trestoute trèsala. Li rois entre ses bras Blancheflour releva ;

3005 Quant ele pot parler, si dist n'arrestera, Ne mais en une vile c'une nuit ne gerra, Jusqu'à tant que la bouche de Bertain baisera, Que bien set que c'est ele, plus n'i pensera ; Li cuers li dist pour voir, bien s'en asseiira.

3010 « Dame », ce dist li rois, « ne vous esmaiez jà, « Que j'ai non li rois Floires, qui avoec vous ira « Et qui demain à l'aube, se Dieu plaist, mouvera. » Quant la dame l'entent, forment l'en mercia. Tout tantost li rois Floires son oirre apareilla

3015 Pour l'endemain mouvoir ; ainsi le eonmanda. La roïne se drece, le message acola, Yoiant ceus qui furent doucement le baisa. L'endemain li rois Floires moult très matin leva, Maint haut baron o lui en la voie mena.

3020 Tant fist par ses jornées et si bien esploita K'à Paris est venus ; grant joie démena. Li rois et si baron chascuns moult l'onnora Et lui et Blancheflour, car bien raison v a.

CXXIII

Moult a li rois Pépins noblement receii 3025 Le bon roi de Hongrie qui ot le poil chenu.

Et Blancheflour sa fenme, mieudre dame ne fu ; Mainte chose a l'uns l'autre iluec ramenteii. « Rois Pépins », dist la dame, « pour Dieu le roi Jhesu, « Hastons nous d'aler pour quoi sonmes venu. »

Al)S GRANS PIÉS. 111

3030 « Dame », ce dist Pépins, « trop avons atendu,

« Mais demain, se Dieu plaist, serons matin meii. »

A Paris la cité n'ont c'une nuit geii.

Tant vont par lor jornées que au Mans sont venu

A heure de disner, ainsi l'ai entendu, 3035 Mais Blancheflour n'i a ne mengié ne beii,

Pour l'amour de sa fille a le cuer esperdu,

Que mais ne sera aise si avéra seii

Se c'est Berte sa fille, tost l'avera seii.

A tant ez vous Symon le bon voier venu, 3040 Vers le roi Pépin va, si li fist gent salu,

Et quant li rois le voit, tost l'a reconneii,

D'une part l'a mené en un lieu destolu.

CXXIV

« oire », ce dist Symons, est Blancheflour venue? »

« Oïl », ce dist li rois, » mais si est esperdue 3045 « Qu'ele ne puet dormir, ne boit ne ne menjue,

« N'aura joie s'aura Bertain reconneiie ;

« Sachiez, se c'est sa fille que tant avez eiie,

« Vous povez très bien dire honnours vous est creiie. »

« Sire », ce dist Sjmons, « si soit m'ame assolue 3050 « Que c'est Berte vo fenme, qui doit estre vo drue,

« Bons rois, que vous avez en ma maison veiie ; « Maintes fois en ai puis à li raison tenue ; « Si tost com j'en parole, tantost sa color mue « Ne ne me veut respondre, tant est taisans et mue, 3055 « Si en est abaubie que trestoute tressue. « Si vraiment me face Diex à ma fin ajue « Qu'il n'a plus preude fenme de li desouz la nue. » Quant li rois l'entendi, grant joie en a eiie.

il2 Ll ROMANS DE BERTE

« Symons », ce dist li rois, « la chose iert tost seiie,

3060 « Tout maintenant sera nostre voie tenue

« Droit en vostre maison en la forest ramue,

« Querre i alons grant joie, bien l'avons pourseiie ;

« Diex la nous doinst trouver, bien l'avons atendue ! »

cxxv

Moult ot ou roi Pépin sage honme et apensé ;

3065 Roi Floire et Blancheflour a tout errant mandé, Et il i sont venu, de l'aler apresté. A privée maisnie issent de la cité, Et Sjmons les convoie qui plains fu de bonté. Pépins a bien roi Floire et Blancheflour celé

3070 Que ce soit li preudons qui lor fille ait gardé. Jusqu'à tant qu'il en sachent vraiement la purté. Ainsi s'ent vont ensamble parmi le bois ramé, Jusk'au manoir Symon ne se sont arresté, Blancheflour la roine l'avoit moult désiré.

3075 Par dedens le manoir sont tout ensamble entré ; Symons vint à Constance, si li a demandé : « Bêle suer, est Berte, pour sainte charité ? « Vez ci le roi Pépin que j'ai ci amené « Et Floire et Blancheflour, moult a de bonté. »

3080 « Sire », ce dist Constance, « Diex en ait hui bon gré ! « Ele siet en ma chambre, par fine vérité, « ele a dès huimain moult durement ouvré « Au drap de nostre autel que trouva desciré. »

AUS GRAMS PIES. 115

CXXVI

Quant Symons li voiers ot sa fenme escoutée,

3085 Le roi Floire apela à la barbe mellée,

Pépin et Blancheflour, n'i fait plus d'arrestée ; En sa chambre les maine, qui estoit desfermée, Bertain la débonnaire ont endroit trouvée. Quant ele les choisi, tout tantost s'est levée,

3090 Tantost connut sa mère, au pié li est alée, Et Blancheflour de joie à tierre chiet pasmée. « Aide Diex ! » dist Floires, « nostre dame honnorée, « Ce est Berte ma fille que j'ai ici trouvée, « Diex par sa grant douçour la nous a rassenée. »

3095 Rois Floires prent Bertain, que tant ot désirée. Doucement l'a baisie, estrainte et acolée ; Blancheflour se relieve, des mains li a ostée. De li baisier ne puet estre bien saoulée. La gent qui estoient sont iluec assamblée ,

3100 Quant il sèvent conment ont joie recouvrée ; oïssiez de joie conmencier tel criée K'ainc tel joie ne fu veiie n esgardée. ^ « Ha! Diex », ce dist Pépins, « qui fis ci«l et rousée, « Sire, loez soiez de ceste destinée ;

3105 « Ma mescheance ai, sire, pour vous en gré portée, « Et vous la m'avez, sire, très bien guerredonnée, « Car ma mesaise avez en grant joie muée, u Conques mais en ma vie n'oi de joie denrée « Qui ore ne se soit à cent doubles doublée ;

3110 « Que celé qui de vous fist la sainte portée, « En soit hui en ce jour gracie et loée ! » Jusk'au Mans est moult tost celé nouvele alée, Toute la gent le roi i keurt conme dervée. Il n'a cloche en la vile que l'en n'i ait sonnée.

8

114 LI ROMANS DE BERTK

CXXVII

3115 Quant Berte voit son père et sa mère autressi, Ele ot si très grant joie, par verte le vous di, K a paine pot mot dire, tous li cuers li failli. Pépins vint lés Bertain, n'i mist pas lonc detri : « Douce amie », fait il, « pour Dieu parlez à mi,

3120 « Je sui li rois Pépins, qui vous prie merci « De ce k'ains en ma vie certes ne desservi. » Forment s'esmerveilla Berte quant l'entendi, Moult debonairement et à droit respondi : « Sire, se c'estes vous, Damedieu en graci,

3125 « Qui de la sainte Virge en Bethléem nasqui. » Blancheflour et rois Floires ont de cuer conjoi' Bertain la debonaire cent tans plus que ne di ; Onques de plus grant joie nus hom parler n'oï K'ot ce jour chiés Symon dedens le bois fueilli.

3130 Li rois Pépins apele un sien serjant Henri,

Gautier son mareschal, son chambellenc Tierri : « Alez en tost au Mans, ne soiez alenti, « Faites venir des tentes, car je le vueil ainsi ; « Ci endroit remanrai, par le cors StRemi,

3135 « Joie y ai retrouvée que je pieça ne vi ;

« Or nous pourveez bien, car nous remanrons ci ; « Faites venir Namlon, ce vous conmant et pri. » Cil s'en vont, qui dou faire sont tout ataienti, Tout ainsi l'arreèrent, ce fu par un lundi.

AUS GRANS PIES. 115

CXXVIII

3140 Moult refu Blancheflour de joie revestie, Puisqu'ele tient sa fille doucement embracie, Bertain la debonaire, la blonde, l'eschevie ; Mainte fois l'a le jour acolée et baisie. Devant leur vint Symons et Constance s'amie,

3145 Ysabiaus et Aiglente, que.Berte ne het mie.

Quant Berte les choisi, moult tost est sus saillie : « Mere », ce a dist Berte, pour Dieu le fill Marie, « Vez ci ma douce dame, qui souef m'a norrie, « Et vez ci mon seignor, oui Jhesus beneïe,

3150 « Qui seule me trouva en la forest antie ;

« Bien sai, se il ne fust, morte fusse ou mengie ; « Après Dieu sui par aus de la mort garantie, « Sachiez que, s'il ne fussent, ne fusse pas en vie. » Quant Blancheflour l'entent, encontre aus s'est drecie

3155 Aussi fist li rois Floires, li sires de Hongrie.

Moult forment ont Constance de vrai cuer conjpïe Et Symon le voier à la barbe flourie. Ez vous le roi Pépin qui faisoit chiere lie, Ensamble sont assis en la chambre voutie ;

3160 Or fu bien celé chambre de joie raemplie.

CXXIX

Eu la bêle forest, mentir ne vous en quier, Ont démené grant joie chiés Symon le voier ; Assez i firent tentes et paveillons drecier,

116 LI ROMANS De BERTE

Grant joie démenèrent, de ce n'estuet plaidier.

8165 Celé nuit jut Pépins avoeques sa moillier, Trois jours i sejornèrent, si l'oï tesmoignier. Une fille engendra, de ce n'estuet cuidier, Gille et non et fu mère RoUant le bon guerrier ; Après ot Charlemaine, le bon roi droiturier.

3170 Le bon Symon a fait Pépins apareillier

Et lui et ses deus filz, chascun fait chevalier. Mantiaus de fin drap d'or fait à chascun baillier, Bien seans a lor gré si conme à souhaidier ; De Sjmon fait li rois son maistre conseillier.

3175 Dux Namles leur ala les espérons chaucier,

Et li bons rois Pépins leur ceint les brans d'acier, L'acolée leur donne , puis les ala baisier. Quant Symons se voit si d'onnour montepliier, Dieu en prent en son cuer forment à graciier ;

3180 II et si doi enfant se vont agenoillier

Devant le roi Pépin pour lui à merciier

Et li vorrent le pié et la jambe baisier,

Et li rois il meïsmes les prent à redrecier.

« Symon », ce dist li rois, « par le cors St Richier,

3185 « Moult doi vous et Constance amer et tenir chier, « Car bien avez de joie mon cuer fait aaisier : « Par la grâce de Dieu le père droiturier, « M'avez gardé ma fenme de mortel encombrier. » Qui veïst Blancheflour, la dame au cuer entier,

3190 Constance et ses deus filles estraindre et enbracier, De joie et de pitié à la fois lermoier, Bien deïst que ce fust joie de desirrier.

AUS GRAMS PIES. 117

cxxx

Moult fu sage Constance et de bonne manière, Et moult ert preude fenme et très bonne aumosniere.

3195 Symon et ses enfans voit qu'il font lie chiere, Chascuns avoit mantel à penne bonne et chiere, Damedieu en gracie et le baron St Piere : « Ha ! sire Diex», fait ele, « dous rois, vrais justiciere, « Plus nous faites d'onnour, sire, k'à noua n'afiere ,

3200 « Nostre Dame en gracie, la dame droituriere,

« Bien sonmes en biau pré mis de povre bruiere ; « Pour ceus de cui part vient ferai mainte priiere, « Se Dieu plaist et je puis, n'en serai pas lanière. »

CXXXI

X>ien avez entendu ainsi com adouba 3205 Nostre bons rois Pépins Symon qu'il moult ama, Et lui et ses deus fils, grant amour leur moustra. Symon et ses enfans, chascun grant don donna. Mil livrées de terre à Symon présenta Et cinq cens bien seans chascuns de ses fils a ; 3210 Ysabel et Aiglante, ce dist, mariera,

Cinq cens livres par an à chascune donra. Et Symons passe avant, mie ne s'oublia, Et il et si doi ûll chascuns s'agenoilla ; Constance et ses deus filles, nule n'i demora, 3215 Chascune s'agenoille, envers le roi clina; Chascuns de Damedieu le roi en mercia. devienent si home ; chascun en foi baisa, Les armes qu'il portèrent, li rois les devisa :

118 LI ROMANS DE BERTE

D asur, mais que de blanc un poi les dyaspra 3220 Li maistres qui les fist, car on li conmanda ;

Une grant fleur de lis d'or tout en mi lieu a.

A cinq làbiaus de gueules l'ainsnés fils le porta;

Le label au mainsné d'argent on besenta.

Li rois, cui Jhesus gart qui tout le mont forma, 3225 Pour l'amour k'ot à aus ces armes leur charcha ;

Despuis l'a li lignages porté et portera,

Encor le porto cil qui l'eritage en a.

CXXXII

Après ce que Symons fu ainsi adoubés Et que li rois li ot donné grans iretés,

3230 Se sont tout li baron parti de Florimés.

De la roVne Berte fu mains souspirs getés Au partir de leens, car lonc tans i ot mes : Drois neuf ans et demi i fu, c'est vérités. Sachiez k'en la maison n'est uns tous seus remés,

3235 Ne vallés ne meschine, estrange ne privés,

Cui de par la roïne ne soit grans dons donnés : Blancheflour et rois Floires nés ont mie oubliés. Tant leur donnent que mais n'averont povretés. Et Sjmons et Constance, chascuns s'en est aies,

3240 Et lor fils et lor filles n'en i est nus remés. Au partir de leens, mar le mescrerrés, I fu de la maisnie mains piteus cris gstés, Mainte paume batue et mains cheveus tirés. « A ! douce dame, à Dieu ! » font il, « vous en aies,

3245 « A Damedieu de gloire soit vos cors conmandés,

« Qui vous rende les biens que vous fais nous avés ! » En plorant s'en part Berte, cui Diex croisse bontés,

AUS GRAISS PIES. It9

Et Constance et ses filles jouste 11 lés à lés. « Constance », ce dist Bcrte, « o moi vous en venrés 3250 « En la terre de France, ne mais ne me lairés ; « Ysabel et Aiglente, vos filles, me donnés ; « n'avérai richoise pour k'aient povretés. » « Dame », ce dist Constance, « si soit com dit avés, « Bien est drois que façons toutes vos volentés. »

CXXXIII

3255 Par un mardi matin, ce sachiez vraiement, Partent de Florimés mainte gent liement, Car lor dame en remainent, Bertain o le cors gent. Encontre sont venu cil dou Mans baudement; Lor dame ont salué bel et courtoisement.

3260 Rois Floires l'adestroit et Namles ensement, Delés li fu sa mère, qui l'esgarde souvent. Ce jour i ot de lances fait grant defroissement, Tous li sains de la ville sonnèrent hautement. Li clergiez vient encontre moult ordenéement

3265 A grant pourcession et bel et netement,

Fiertres et encensiers i ot d'or et d'argent. De dras d'or et de soie la champaigne resplent. Tous li pays i ert venus conmunaument, Dames et chevaliers i vienent noblement

3270 Pour connoistre lor dame, qu'il en ont grant talent. En la cité dou Mans entrèrent erranment, Les rues sont couvertes et bel et richement, Les chaucies jouchies deseur le pavement De fresche herbe et de jons partout espessement,

3275 Les dames as fenestres sont acesméement ; Ce jour i peiissiez veoir maint parement ;

120 LI ROMANS DE BERTE

De ce ne vous ferai nul lonc acontement. Au perron de la sale la reine descent, Namles et li baron l'adestrent doucement,

3280 Et la main tient sa mère, qu'ele aime durement ; Grant feste ot en la vile huit jours entièrement. Par tre'stout le roiaume la nouvele s'estent Que retrouvée est Berte, s'en gracie on souvent Dieu et sa douce mère et ses sains ensement.

3285 Dou Mans s'en départirent, ni font arrestement, Vers Paris la cité s'en vont joieusement.

CXXXIV

Or s'en vont li doi roi, n'i firent plus d'atente, Et Blancheflour et Berte, cui forment atalente. Près d'eles fu Constance, Isabele et Aiglente ;

3290 Joieusement chevauchent, n'est riens qui les tormente, Droit vers Paris s'en vont, la cité noble et gente. La serve deputaire, cui li cors Dieu cravente, A ces nouveles, forment en fu dolente, Durement li desplaist et moult li destalente.

3295 Moult en a grant paour, forment s'en espoente, Grant duel a que li rois à Symon donne rente, Dueil a, quant biens adrece. Torde serve pullente ; De son très faus marchié li rende Diex la rente !

AUS GRAKS PIES. 1^1

cxxxv

Par trestoutes les viles Berte trespassoit,

3300 La gent encontre li de toutes pars venoit

A grant pourcession ; chascuns moult l'onnoroit, Et prioient à Dieu, qui haut siet et loing voit, Qu'il confonde la serve, en quel lieu qu'ele soit, Et ii et les enfans qu'ele porté avoit,

3305 Quant pour li si lonc tans Berte perdue estoit. Par trestout le royaume si très grant joie avoit Pour amour de lor dame que Diex leur renvoioit, Que trestous li pays contre li acoroit, A pie et à cheval, que nus n'i demoroit.

3310 Bien cuidoitestre sires qui veoir la povoit. Ce n'est pas grant merveille se on la desiroit, Pour les bonnes nouveles que chascuns en disoit Et pour le biau miracle que Diex en demoustroit. Encontre la roïne chascuns s'agenoilloit

3315 Et de sa revenue Damedieu gracioit ; Et ele conme sage vers aus s'umelioit.

CXXXVI

La roïne de France fu moult sage et adroite ; Chascuns pour sa bonté à veoir la couvoite. Or est bien Blancheflour d'aise en la droite ploite, 3320 Nostre Dame en gracie, la dame beneoite.

Par petites jornées vont, n'ont pas trop grant coite ; Ménestrel i font joie, car chascuns la couvoite ; Qui plus i fait de joie, vis li est miex esploite.

123 LI ROMANS DE BERTE

Moult fu fausse la vielle et diverse et révolte, 3325 Qui tel dame traï faussement en recoite ; Maudite soit sa fille, Vorde serve destroite, Moult li sera la voie de Paradis estroite, S'ele n'a repeiitance d'uevre si maleoite.

CXXXVII

(jrant joie orent en France li joene et li chenu. 3330 Encontre Pépin vinrent si ami et si dru,

Et encontre lor dame dont grant joie ont eu ;

De ce qu'est retrouvée gracient moult Jhesu.

Tant vont que de Paris ont maint clochier veû ;

Paris ert acesmée c'onques mais si ne fu, 3335 Car moult furent la gent de grant joie esmeti

Pour le bien que il voient que Diex leur a rendu.

Ne remest en la vile ne chauf ne chevelu.

Ne moine ne abé, ordené ne rendu,

Qui à pourcession ne soient tuit venu. 3340 Sachiez cel jour i ot maint grant destrier coru

Et i ot mainte lance brisie sor escu ;

Berte la debonaire ot cel jour maint salu.

CXXXVIII

La- roïne de France est à Paris venue,

De mainte gent i fu moult volentiers veiie,

3345 Noblement Ten amainent contreval la grant rue.

« Ha Diex », disoit chascuns, « sainte Marie ajue,

« De la maie mort soit Torde serve férue

AUS GRANS PIES. 123

« Par cui si douce dame a tant esté perdue. » Au perron de la sale ont Bertain descendue.

3350 Or fu bien Blancheflour de grant aise esmeiie , Quant ele voit sa fille qui si est receue, Et voit conment chascuns en a grant joie eiie ; Damedieu en gracie, qui fait courre la nue, Lui et sa douce mère, ne s'en est pas tenue.

3355 A Paris ont huit jours la feste maintenue , Plus noble ne plus richen'iert mais ramenteiie.

CXXXIX

Moult ot ou roi Pépin très gentill home et ber. De cuer se penoit moult dou roi Floire honnorer, Et Blancheflour aussi, qui moult fist à loer.

3360 Tout droit un dyemenche, si com après disner, Ez vous venu Morant, qui revient d'Outremer ; que il voit le roi, si le va saluer ; Tel joie a des nouveles qu'il a conter K'à paines puet de joie au roi un mot sonner.

3365 « Sire », ce dist Morans, « Diex puisse j' aourer, « Quant vous ravez madame, la roïne au vis cler ; « las ! or n'oserai je mais devant li aler, « Car je sui uns de ceaus, je ne le puis celer, « Qui ou bois la menèrent pour son cors vergonder. »

3370 Lors conmence Morans durement à plorer.

« Morans », ce dist li rois, « n'en faites à blasmer, « Car par vous eschapa, ch'ai recorder. » Uns mes le va tantost la roïne conter. Quant la roïne l'ot, n'i volt plus demorer :

3375 Voiant tous s'est levée, Morant va acoler.

« Sire », fait ele au roi, « un don vous vueil rouver : « C'est ce que vous Morant vueilliez de cuer amer

124 LI ROMANS DE BERTE

{( Et chevalier le faites maintenant adouber, « Et li faites dou vostre si largement donner

3380 « Que si hoir après lui s'en puissent gouverner ; « S'il ne fust, morte fusse, sor sains le puis jurer, « Quant Tybers li traïstres me volt le chief couper. « Eu Sjmon et en lui me vueil tousjours fier « Et de toutes mes choses par lor conseil ouvrer. »

3385 Quant li rois l'entendi, ne le volt refuser :

De deus cens mars par an le fait bien assener, Et Morans, qui fu sages et moult fist à loer, En va le roy baisier le pié sor le soUer, Et en va la roïne à genouls encliner.

3390 Li rois Pépins le fist l'endemain arreer ; Morans fu chevaliers si com m'oez conter. Blancheflour et rois Floires font Morant présenter Grant avoir pour lor fille cui en oent parler. Pour ce fait bon bien faire, chascuns i doit penser,

3395 K'en la fin pert li biens, tant ne puet demorer.

CXL

Morans », dist la roïne, « à moult grant paour ère « Quant Tjbers tint l'espée, qui ert trenchans et clere ; (( La teste me vouloit jus des espaules rere, « vous trouvai piteus et de bone matere ;

3400 « Se vers moi eussiez eu pensée amere,

« Si com avoit Tjbers, qui ert traïstre et 1ère, « Mais n'eusse veiie ma douce chiere mère, « Ne le roi des François, ne roi Floire mon père. « Je vous trouvai loial et ami conme frère,

3405 « Mais de guerredonner ne serai pas avère. »

« Dame », ce dist Morans, « Diex nostre vrais sauvere, « Vous soit, très douce dame, de ce guerredonnere !

AUS GRAMS PIES. 125

CXLI

liXoult fu grande la joie à Paris la cité ;

Moult a 11 rois Pépins le roi Floire honnoré; 3410 Et lui et Blancheflour, moult les tient en chierté.

Après ce que li rois ot Morant adoubé,

Ne demora rois Floires c'un mois ens ou régné.

Ne vous aroie pas en grant pièce aconté

Les dons ne les richesces que on a présenté 8415 De par le roi Pépin as Hongrois et donné.

Et de par la roine, moult ot de bonté.

Par un joesdi matin ont lor oirre apresté.

Au partir de Paris ont maint souspir geté.

Roi Floire et Blancheflour ont à Dieu conmandé 3420 Toute gent, une et autre, qui les ont encontre ;

Trestout les beneïssent, et estrange et privé.

Li rois Pépins de France et Berte au cuer séné

Sont dusk'à Saint Quentin tousjours avoec aie ;

endroit n'ont ensamble que deus jours sejorné.

CXLII

3425 |out droit à Saint Quentin, c'est vérité prouvée. Se parti Blancheflour de Bertain la senée ; Rois Floires a sa fille baisie et acolée ; A li prennent congié, à Dieu l'ont conmandée, Et Berte la roïne remest toute pasmée ;

3430 Doucement l'a li rois Pépins reconfortée,

Et celé gent Hongroise s'en est tantost alée. Mainte terre trespassent, mainte estrange contrée,

i26 LI ROMANS DE BERTR

Tant k'en lor terre vihrent. Joie i ont raportée, Dont Diex fu moult loez et sa mère aorée.

3435 Après lor revenue, tout droit en celé année, Orent il une fille, Constance l'ont nonmée, Pour l'amour de Constance qui lor fille ot gardée. Si oonme avez oï, en la forest ramée. Celé fu de Hongrie puis roïne clamée,

3440 Danois li murent guerre, dont moult fu destorbée ; De ce ne vous iert ore plus raison racontée. Rois Floires, qui moult iert de très bonne pensée, Et Blancheflour aussi, la roïne loée, Une bêle abeïe ont ou pays fondée,

3445 En l'onnour de Jhesu qui fist ciel et rousée. Pour l'amour de Bertain que Diex ot ramenée, Et que de tel perill fu ainsi eschapée ; De soisante nonnains l'ont ainsi estorée, Encore est l'abeie la Valberte apelée.

3450 Ci lairai dou roi Floire à la barbe mellée,

De Blancheflour, que s'ame soit de Dieu coronnée, Si dirai de Pépin à la chiere menbrée Et de Bertain, cui Diex doinst bone destinée, Qui pour père et pour mère remest moult esplorée.

3455 Après ce qu'ele fu d'aus partie et sevrée, S'en vinrent à Paris, n'i firent demorée.

CXLIII

Kois Pépins et sa fenme au gent cors seignori Revindrent à Paris, n'i mirent lonc detri. Forment ama li rois Symon et conjoi' 3460 Et Constance sa fenme, bien l'orent desservi ; Ysabel et Aiglente maria li rois si

AUS GRA^S PIES. 127

Que de grant seignorie chascune revesti. La serve ert à Montmartre, qui la dame traï, Avoec li ses enfans, et Rainfrois et Heudri ; 3465 Moult seignoriement la serve les norri,

Puis furent par aus deus mainte gent malbailli Par leur très grant avoir dont il erent saisi, Si com porrés oïr, se l'estoire vous di.

CXLIV

Iji premiers des enfans, de ce ne doutez mie, 3470 Que Pépins ot de Berte, la blonde, l'eschevie, Orent il une fille, sage et bien ensaignie, Fenme Milon d'Aiglent, moult ot grant seignorie. Et fu mère Rollant qui fu sans couardie, Ains fu preus et hardis, plains de chevalerie. 3475 Après ot Charlemaine à la chiere hardie,

Qui puis fist seur paiens mainte grant envahie ; Par lui fu la loys Dieu levée ot essaucie. Par lui fu mainte terre de paiens essillie, Maint hiaume découpé, mainte targe percie, 3480 Maint hauberc derrompu, mainte teste trenchie ; Moult guerroia de cuer sor la gent paiennie. Si k'encore s'en duelent cil de celé lignie.

EXplicit db berte as grans pies.

VARIANTES <"

i Lisez avrill.

2 Noire ms. écrit le groupe ogn tantôt par ojign, tantôt par oign : on y voit aussi bien pongucut que puigiirtit, bc- songnc que bcsoiync.

4 E. a cel t.

7 C. por crier.

8 Nomnoit. Dans les Enfances

Ogier j'ai suivi, dans les cas analogues, l'orthographe «o?/- moit ; mais l'inspection du ras., qui dans ces cas porte toujours om , m'oblige à revenir sur ce système et à écrire doréna\ant onvi : donc uonmoit, conmander, Con- marchis, etc.; il m'est arrivé, çà et là, par inadvertance, de laisser imprimer comme comment (ainsi vv. 12 et 17), mais la faute n'en est guère

une au point de vue de la prononciation. 9 B. merci.

10 B. Qvar le livre.... au je vi.

13 BC. mettent après ce vers le suivant : Qui l'ont de liex en liex çà et conqucilli.

13 Lisez aprciUic ; BDE. ont nprcn- tif. IvCs deux formes se trouvent dans l'ancienne lan- gue, mais celle en ic ou is ou icc (= lat. iciiis) doit être la plus ancienne ; elle a survécu en esp.. port., angl. et dans de nombreux dialectes , et le dérivé apprentissage nous la fait envisager comme la normale.

13 Vers omis dans B.

17 B. Sicom lier te fu seule el grant

bois à par li.

18 C. Dnrepaine.

(1) A = ms. 175 Arsenal;B = ms. 778 (Bibl. Nat.);C = 1417 (B. N.) D = 12467 (B. N.;; E = 24404 (B. N.).

9

130

VARIANTES.

19 B. si menée.

20 B. csbaubi; celle variante est

constante dans ce ins.

27 C. de cors dcsevrée et partie.

28 B. partie.

29 B. maint chastel abatu.

30 B. Et puis en fu I. p. si faite

et establie.

31 B. et sans boisdie.

38 B. o (avec) p. ot (eut) ; cette variante me plaît davantage. 59 B. quamc en mcsdic.

40 B. Luns ot non Chalcmaine,

plain fu..

41 B. Trois ans f, ch. pi. icrt à. c.

Je note à celle occasion que dans notre ms. iert est toujours consacré au futur.

43 B. £< Pautre ot n. P. qui fu sanz

vilonie. 48 B. chevalerie.

51 B. a derrompue.

52 A. A son m. e. J'ai mis et se-

lon le sens et les autres mss.

BE. Pyquardic p. iVor- mcndie.

53 B. Par le ter (/ter. Cbien fîorie.

54 B. esragic.

58 C. que il pas ii'i oblie.

.^9 B. N'en y ot.

63 B. en va soit ou se}is o. f.

67 DE. assener.

68 C.jusk'en.

69 B. Parmi le cîier. 7i B, y est couru. 73 B. onc adescr.

77 B. à mal blasme

78 BCOK « t(i/it l'oy esmer.

79 BC. En icestc m. BCDE plus

drmorei'.

80 B. m'en verrai retowner.

81 B. la malere espondre et d. E.

et d. et raconter.

84 C. mis n'est en ce siècle.

89 BC. s. m. conter.

db B. en celé fenme. Avec cette leçon s'accorde le « n'i pot b. e. » que je trouve dans mon ms. ; j'ai mis «e d'après les autres mss. et en accord avec la leçon de celé f.

97 E. Lonc tans. CE. se voloie

conter.

98 Mon ms. a leur p. lor. Mon chan-

gement provient de l'idée qui m'est venue de régulari- ser l'alternance qui règne dans mou ms. entre letir et lor en consacrant, sauf quelques inconséquences , l'un (lor) au pronom possessif, l'autre [leur) au pronom personnel. J'ai abandonnécette idée dans Buevon de Comarchis , comme n'étant qu'un caprice ; les deux formes eur et or alter- nent de même, sans principe, pour le suffixe des substan- tifs [honeur et honor) , pour seureism' (sur), etc.

99 B. garder.

100 Lisez volrent. B. Après vou-

vlnt P.

107 B. qui moult fct à amer.

108 B. Qu'il n'a.

114-1 17 Ces quatre vers font défaut

VARIANTES.

131

dans B,

118. B. Strivon. Celte leçon se rap- porte au latin Strigonium comme roiiver à lai. rogare.

125 h. gentemcnt î,^\\XQr.

130 E. dcmorer.

133 C. lie vorrenl.

134 B. amerc.

135 C. pnst congié.

137 B. Qui vers Poulaine tient. HO B. de franche uiatere.

142 Vers omis dans B.

143 B. Car cil. C. nu (-= nel)

fait. 116 B. Qui en unie et en cors en s.

toits jors s^rdere. loô B. aussi bien français, ce vous

plevis. 153 B. funorriàParis. 158 B. Cicrt l3if. à la serve. 163 BG. de /laut pris.

165 B. ore plus Ions.

166 B. do7it vous ai (leçon préfé-

rable, cp. notre expression : « saisir qqn. d'une chose »).

170 B. FHd. I. r. Flaire.

173 B. siques en Pise.

175 B. qu'en pièce. Lisez fiut p. fa.

177 C. que estoirc devise. Vers omis dans l'édition imprimée.

183 B. le plus avant.

186 B. Pour ce qu'el v. r.

191 B. les enmerai ; le scribe vou- lait-il écrire enmenrai (em- mènerai) ?

193 Vers omis dans B.

205 B. de dolor en mo7Tai.

210 B. A sa mère 1. h. crranvient sanz délaie.

214 Le copiste de G. , voulant sans

doute éviter la répétition de retraie y a mis le synonyme recroie (se lasse) sans se sou- cier de la rime.

215 C. Douce davie.

217 G. et coie (contre la rime).

220 B. se ressaie.

221 B. sus p. SÛT.

225 B. près que son cuer ne fent.

228 BCDE. cor* gent.

229 B. la montent.

236 G. Floureles, praerics...

238 G. plus richement.

239 Lisez ert. p. est.

241 D. communaumenl.

242 G- Li quiex. B. honnournble-

ment.

218 B. plus lonc al.

254 B. moût très courtoisement.

260 B. plus lonc.

266 BG. très tout Paris.

269 B. ot cbascun bon talent.

271 G. Par un si 1res bel jour.

273 B. Noblement.

275 B. Il» mars.

278 Vers omis dans B.

280 G. ça X p. ça C.

281 B. ce jour.

286 C. Par sa t. g. malice.

287 G. Dont souvent iert au cuer

coreciée la gente.

288 B. l'orde «cric p.

290 G. Mencstcrcl s'atorncnt.

291 G. Trow^M^ferrc» (la grammaire

réclame jugleors).

132

VARIANTES.

294 Ë. C071 apeloit.

296 B. flciiteres ; C. Ictrcz.

300 C. plus dclaicr.

305 B. Puis remndrcnt.

309 C. encombrier.

315 B. lions nez.

318 B. c'on doit.

322 B, Quant l'entent.

329 B. Et Aliste.

352 B. Je aini viicx qu'cl en mtiire.

340 C. en une chambre en entre.

342 C. trouvée, la m. m. la fîerc.

345 B. fi li, C. à euls.

546 C. Nés plus.

550 B. Cornent Berte pourvoient

trahir. .352 B. Et vous. 355 BC. et maistre et c. 357 B. A iceles ensaignes. 366 B. Par quoi. 368 B. plus haut saillir. 370 D. gésir.

374 BE. issir. D. H clers sans

(voy. Notes).

375 B. Lors crierés.

380 BC. à l'ascrir.

381 B. se vont cvesqrie abé.

382 B. hors. 384 riens veïr.

383 B. au roi.

393 C- cui diex envoit martire.

39 i C. Et sa f.

401 E. à lire.

407 B. fu apelé.

il 2 B. «t se commande à De.

413 B. chambre est entrée,

415 B. quijut.

418 B. £« sa senestrc cuisse.

424 B. dist elle.

432 B. Sa fille serait arsc par nus (?) iert trestourné.

437 BC. la boute.

438 B. Quar encor.

439 B. Wontli yex terme; CBE. li

sont li oeil lermé.

440 B. qui Diex dont m. d.

444 B. avant aie; C. du pont aval passé.

447 A. fourcc (voy. Notes). B. la

bouche outre son gré.

448 C. En guise. BCE. cnfrené. 454 B, Or la sequeure Diex.

E. maïstë (variante con- stante).

457 B. Au tr. sor un lit.

459 Lisez dist. E. en recelée.

463 B. Bien set et qu'il Vont en-

ganée.

464 B. el de destresce.—C. paumée. 471 BC. Se vous veiez.

475 A. Bertc.

476 E. destornée. 479 E. mer salée. 481 A. Si non.

488 B. la sache q. s. de famé née. A. le sache (leçon justi- fiable ; l'accord avec chose n'est pas rigoureusement né- cessaire).

490 C. s'en cstoit renomée.

494 B. ou cl soit estranglée.

495 C. ne chaut.

498 B. En une caue ; E. Ou en cvc. 505 B. et moult iert ; E. moult estait

osplorée. S07 B. plus arrcsler.

VARIANTES

133

308 B. se hastoient.

515 E. deviser. B. El lors si ferez

ce que m'orrez commander. 318 BCDE. plus sejorncr. S2o B. murdrir et eslrangler. S28 B. que s'cûst duel forment à

s. C. corne c. d. preiit fort

as. D. prist. 829 B. prist.

531 Omis dans B.

532 C. et enherber.

533 G. nu (p. nel).

534 C. natc (p. nenil). 510 BC. montei:

5i5 B. a pris Margistc.

548 B. que ne puisse p.

530 B. de ce n'estucl.

536 B. qu estes souverain p. ; C. qui

es s. p. 559 BE. qu'à la moie c.

565 B. l'on.

566 B. vueil desclairicr , C, «ho/j-

cici'.

570 B. à boire et ài mengier ; AD.

n'a boire n'a m.

571 BD. le bran. 573 B. ne qn'cl.

576 Vers omis dans B.

577 A. à l'aisclnirier, D. à t'aniii-

lier. 579 BC. ni vorrent. 581 C. ce oy.

384 B. n'avons jjrts f/rant m. 586 A. tout (ma correction par luit

n'était pas nécessaire).

590 C. ne poreiit uprouchicr.

D. ne la poreiit baillier.

591 B. Que Tybers. BC. fors que

lui atouchier. 592 B. la robe. 602 Ë. ne H (avec cette leçon, il

faut traduire : ne [la] lui

laisse exprimer). 604 B. cel saint aposlelc. 607 B. Le jour fut moult oscur. 609 B. que dcsus H. 614 B. Que en traions le cucr. 618 B. gariroitpfls. 621 B. à tuer. 626 B. Entant que.

628 B. ne li a pas I.

629 B. délaie.

630 B. par la setie am. C. par sa

douce pitié. 637 B. Tous trois.

642 C. t'esimes tuit.

643 B. Quant pour faire tel choic.

645 E. en sa part.

646 DE. lupart.

647 B. ainz que soit gueres tari, 630 DE. cest mol.

651 B. repose, C. repostc.

652 B. par ses s. n.

654 B. Quant lieu et temps sera.

C. si i repairerons .

655 B. s'en retournent.

658 B. A Margiste et ma dame.

659 C. vos escHserons. B. acu-

serons. ;

663 B. S'ainsi ne l'otriiez. C. Se

vous ne Vocicz (!). 667 BE. encusé. 670 B. com nous vous d. 674 B. Le cuer, et vez le ci.

677 Vers omis dans B.

678 BE. nus n'i.

134

VARIANTES.

679 B. s'en vont.

680 D. remantts, E. reinasus. 683 B. vous est venuz.

68i B. 0 nos brans.

687 AE. portent fautivement vielle

p. sei've. 689 B. One de. BC. n'oy mes

parler. 699-700 B. qui ert et bois ramus

à m. (leçon incorrecte).

CDE. quel (E. cou) bois qui

ert ramus. 701 B. et les seucs vertus. 703 DE. laissic l'ot (laissie =

laissic).

705 BC. Les leus oy.

706 B. Il csparloit f. et durement

tona. 708 B. Cierl liideus t. 711 Lisejj nasquesi s tes.

713 D. qui vous reclamera,

714 BC. Melchion.

717 B. vous Vempresistcs. 72! BE. parmi le bois.

724 B. gardent.

725 C. moult fet gr. d.

726 B. cuer avez. ADE. cucr eus

d. ; j'ai eu tort de corriger le aier eus d. ; il faut pro- noncer CMS (voy. Notes).

728 C. arai ore.

750 B. ïo'avoit.

737 N'est est une erreur typogra- phique p. n'ot.

758 B. situes en Gale.

739 B. un poi plus pale.

744 B. Vers le bois.

745 B. Ce n'estait pas merveille.

749 752 7o3 Toi 762 766 767 768

770 771 772 773 780 784

786 787 790 791 792 794 796 797 798 802 803 807 808 809 81S 816

817 822

C. Ce n'ert pas gr. m. B. piteusement plouroit. B. par humblement haisoil. B. inoult granl. B. moult souvent regreloit. B. H doloit. B. moult durement. B. Car Jiors.

B. moult malement eslroite. C. encombreuse et cstroite.

C. rêve i te.

B. en si honteuse colle. B. pour avoir tel récolte. B. m'i aront. E. recueilloite. B. moult icrt. B. Fille au duc de S. et icrt

quens et m. C. qui cstoit

qu. m. B. de grant lignage. B. Des rois. G. verrai mais. B. E mi.

B. espoentcs, marris. B. en si haut pris. BC. en la cit de Paris. B. Mais or voi... il m'est avis.

B. Que mon a faire va. BC. fu grise.

C. el rcaumc de Frise. Corrigez : qui s'ert sus s. r. r.

B. lez une pierre. G. la parole.

C. Et querre.

B. cornent ne por quoi. C. par quoi, coumcnt ne en quel guise.

C. à vous. B. nouvele cnquisc. E. sour.

VARIANTES.

455

823 B. Miclo , C. Mticlo.

824 C. se il ?t't ; E. s'ele no p.

825 Corrigez ano ; c'est la leçon

bien nette de mon ms. (Â) ainsi que de DE ; par contre

B. a avo. 827 B. tnavo.

833 B. me viengne.

834 B. Pour ce que j'ai grant froil. 837 C. j'en ai assez po.

839 B. 11 n'ot si bêle. E. en la

Dynoe.

840 B. sans hohavz , s. ch. C.

sans orguel et ch.

841 Lisez sai. DE. sicget.

842 C. la bêle sa main destis sajoc

845 B. entour soi.

846 B m scmblance. C. n'estoil

viie pas de semblant de choc.

847 B. Qiiar ele iert... c'oei nnc (?). 849 BC. la destre.

851 E. flcbc et lloe.

852 Vers omis dans B.

853 B. Bassettement paro/<'9»r rifiis

parler ne l'oe.

835 B. comme me fez l. m.

859 B. com pinçon.

860 B. en la groe. 862 Lisez defroe.

866 B. siques en par. avoeques soi

l'encloe. 873 B. ne set, C. nu set. 876 C. cfiarga. B. Marglstr et

son c. T. 880 B. Ne cuidai iju'ki fust jà.

C. que ci fussent ici.

883 C. Qu'ele est. D. tout m la plus déserte.

894 B. si corn.

895 C. de beste.

900 B. ainsi com je le cuit.

903 B. l'estoire dont ces vers sont

estruit ; ADE. estuit (voy.

Notes). 906 Vers omis dans B.

911 C. ne bttef cuit.

912 B. quar avoit.

915 B. Par eut.

916 BC. que el bois. Corrigez H

p. .7.

919 B. sorirduite.

920 C. m'a bien.

922 B. est de bestes estruile. 927 B. com jai fait la Ir. 936 B. de lorier. 057 B. Qunr iluee.

938 B. se cil Dieu n'en pense.

BCDE. qui tout a à baillier.

939 C. dotdei'eus encombrier. 942 B. saut avant.

946 B. si H crie. 951 B. li va lanciei'. 932 BE. li va.

953 E. s'entrabatent. D. t. s. ior l'erbier.

955 B. plus tosl fuir se prist h te

courcicr.

956 B. par un estroit.

957 B. se va fichier.

938 B. Sous une cspine espesse; ADE. En une drue espesse; C. E)i un buisson espes .

959 B. que noir fisf. Ce vers est

omis dans C.

960 C. Durement eti son cuerapri». 965 B. De dcus choses. C me

136

VARIANTES.

couvient apoier. 1031

967 Vers omis dans B. 1035

968 B. Ce est povre pasturc ; C. C'est 1036

povre partisan. 1037

970 C. cest besoing. 1038

973 BCE. herhergier. 1039

974 C. delaicr. 1040

978 B. delez une br. 1044

979 B. d'un val. C. de costc

une r. 1 043

980 C «0» chiefsur une pierre. 1034

982 B. la douce vîrge ch. C. la 1057

baicoile et chiere. 1038

984 D. feugiere. 1062

983 B. sonchiefet s. ch. ; CDE. son

vis. 1070

995 B. quiitfrffaus. 1070

993 Corrigez Ji'erf p. ii'est. 1076

997 B. au preuz c. 1081

1001 Vers omis dans B. 1082

1002 B. dusques en P/iMr ; C. dus-

qu'ài Dephiir . 1084 1004 C. eiivoit.

1003 C. et de seûr.

1006 B. dort si ferm.

1007 BC. delez un petit mur.

1008 C. remplace ce vers par les 1083

deux suivants : 1086

A painc l'esvcillnst qui li cri- 1097

\ast bien dur, 1098

Non qui li tabourast granz 1106

\cous sus un tabur. 1 1 09

1011 B, atrempcûre, C. atemprciire. 1 112

1013 B. créance entérine et m. Il 13

J018 BCE. maie et pesaus et swre. 1117

1021 B. Après leva la lune... C. Et 1120

la 1. cri levée. 1122

1023 B. à plouvoir. 112i

B. Quar je ai si grant fain. B. mon très chier père.

B. Jamais moi ne verrez.

C. acliner.

C. laissas pener. C. le pueple.

B. Moult vous doit,

C. K'en vostre paradis, B. les fc7-ez.

B. douz sire. B. par un poi. Vers omis dans B.

A. recouvi'ier.

B. Lors se muce. BG. le tans passer.

B. convient que. B. de» qu'il fu. Vers omis dans B. B, si com il plot à Dé.

B. Si l'a tant poursut et tant a clwminé.

Tous les mss. ont viel ; cela n'en est pas moins faux; il faut ou le fém. vielle , ou vies qui est des deux genres ; de même au v. 1742.

E. s'a à l'uisset.

C. sor l'uis martelé. B. bele dame.

B. tant bele.

C. dont vous.

BC. n'en yver n'en esté.

B. quant ainsi.

BC. ne l'ot pas.

B. tant fu tr. que point..

A. larme.

B. il l'eust ens menée.

B. il se doutait par ce n'eiist.

VARIANTES.

137

C. son veu passé. H29 B. A Constance. 1139 C. anuit. 1U7 C. sa sentelete. B. ale'e

(p. crréc). H50 B. Berle l'aperçut.

1151 B. qui fcïs mer salée. Lo.

ms. A. a fist (qui peut êlre conservé).

1152 B. ma vie alée.

1153 B. qu'ele a.

1151 B. l'ourse Veschiva.

1136 B. et la virgc.

1158 B. à /afin.

1161 C. ce (ju'd ne voit. D.

asseurée. 1165 C. Et se iliex nu fesist. 1168 BC. Va choisi. 1170 B. quicrt si espoventee. 1 173 B. se mei-veilla qui ro< /«.

1185 C. sui vilment engelée.

1186 B. oy Bei'te. C. si f/et}te-

ment. 1188 B. l'iatic, C. l'eve. 1191 ce sachiez vraiemciit. 1193 C. Fille d'un vavasseur c'on.

1195 B. Tuïis f. e. nous et noslre p.

1 196 C. r/uier mon.

1 197 B. le cors dieu la cravant. 1199 C. des poins et des pies. 1202 B. grief tourment.

1206 B. et bien et riclicmoit,. 1213 Vers omis dans B.

1216 Vers omis dans B.

1217 B. Dame, esyardcz, fait il. 1222 B. Do«< forment.

122i C. cf si a fain forment. 1227 B. Par la main saisist Berte.

1228 1230 1235 1259 1249 1257

1262

1265 1275 1282 1288 1290 1292 1294 1299 1302 1308 1312 1329 1335 1337 1339

1341 1542 1348 1332 1553 1355 1358 1359 1361

1363

B. du froit.

C. En la chambre. En la maison.

B. s'en gaimente.

B. pour venir droit ci.

BC. Et s. f. le fou, n'ol pas le cuer vilain.

B. le chatifcr ain. B. ce // dist, ADE. ce a dit (leçon né- gligée involontairement dans mon texte).

B. iert H mien cuer vain.

C. ciiascune se demainne. B. un petit a menyie.

B. tant vous.

C. conseilc».

C. que à moi qucrre.

C- escHsoison.

C. avez vos non.

B. Aussi.

B. com longuement.

B. depccie et rompue.

E. n'i eùst nul rcspit.

B. ma mère cui damedicx ait.

B. alennil Çf).

C. csbaubit. B. le cuer li a hosmil.

B. fcrue.

B. qu'ele en a fait. B. Ne ricins. B. en cest jour. B. forest avnit m. h. s. B. moult o^ BCDE. cuer enterin. B. leur filles.

B. li aporte de fr. eauc (C. cve) en son vin. B. à soir et à matin.

10

lOO VARIANTES.

1364 C. que nu sevent.

1448

1569 CDE. encline.

1449

1374 B. soufrir médecine (!).

1430-

1381 B. fu Berte.

1390 B. ne savons.

1454

1391 B. li mousterrai.

1458

1393 B. n'i fist pas.

1466

1394 B. (loi ou cors saint N.

1482

1398 B. 0 moi.

1486

1399 Vers omis clans B.

1490-

1403 B. Adont soiirist Aiglenle.

C. el de gai.

1403 B. Quant icele {itcle ?j.

1407 B. que n'est.

1492

1410 B. d'œvre.

1495

141 1 A. pelîlcs (un simple lapsus, je

1497

pense).

1510

1412 C. voit.

1515

1414 B. à vo plesir, n'ai voloir

1516

qu'en recroie (contraire b la

1317

rime).

1518

1424 B. en sera.

1519

1429 B. que de pain.

1521

1430 B. (ousdis.

1522

1 433 D. nel mist.

1528

1434 B. à la Gn. C. qu'ait à la fin.

1437 C. coin ieri vo cuer.

1458 BC. Se saviez.

1439 B. seul porte aviez; tous les

1529

autres mss. ont avez, que

1530

j'aurais conserver.

1532

1440 Mais se trouve dans B. seul

1524

et se rapporte à la leçon

1539

aviez du v. préc. ; les autres

1546

mss., conséquemment k leur

1548

leçon avez, ont car, qui est

1550

la bonne leçon.

1351

1441 C. en qui.

1533

C. eûst mainz.

B. aamée.

53 Ces quatre vers manquent dans B.

C. honor dti cors (!).

B. Berte si' se fu départie.

B. Gaigna cil.

Lisez tel ch. à la fiie ; E. foïe.

B. cscondie.

91 B. Bien avez oy dire que nonmez fu RainTrois Le pre- mier enfes qu'ot en la serve li rois.

BCE. rcnois, AD. revois.

B. qui les crins avoit blois.

B. Avoirs.

B. sire fu.

C. fist il mains ; D. i7 fist.

B. k'ains n'i fu mis defois.

C. puis refu conquise. C. Hrrupois.

B. Breton et Ardenois.

BC. or fu.

B. durement li poise.

B. Qui moult par sont dolent que; C. Qui voient tout à plain que. ADE tout à une fi la serve (voy. Notes).

E. biens. Lisez hucherie.

C. se coise.

B. que mortelmcnt.

B. quant s'en.

E. par loisir.

B. qu'à Dieu.

B. puis que la leur dame.

BC. leur prist.

B. 0 eles assentir.

VARIANTES.

139

l5Si B. entièrement dit.

1S55 BE. ce sachiez sanz mentir.

1537 C. lor fct Diex.

1558 B. puissent fvMir.

1559 Vers omis dans B.

1560 C. par f'urce et par marlire. 1571 B. Tant assambla.

1577 B. cl puis asseoir.

1578 B. qui y sont. J582 B. quel désire. 1583 B. n'avons nous.

1585 Lisez , d'après mou ms. , Qui

si ; B. Que si. 1591 hC. \e voudroil {C. vorroit). 1596 C. moult avait bon mémoire. 15'J7 C. Ne sambloit mie ccus. 1609 B. quasse la cire s'a cl brief

esgarde, CD. dedens csgarde. 1612 B. bleu trouva.

1615 Vers omis dans B.

1616 B. tant ont d'amiste. 1031 B. les confonde.

1633 C. quant a disnë.

1635 B. à matin.

l6i-2 B. Quant vint.

1050 B. /«'enseroit pas la m.

1653 B. son oirre a si li.

1633 rt dite et racontée.

1659 B. El BI. aussi en est si ado-

lée.

1660 B. en malaise.

1661 B. k'a bien pou que de duel. 1666 B. Quant à.

1668 C. Car de tous. B. sire pre-

vos.

1669 D. de mcffaire. 1671 B. de moult haut p. 1681 B. Paour a... si mue s. c.

1683 BE. n'csrage.

1684 B. BI. la royne ol moult 1. c.

m. C. BI. se leva, moult. 1683 B. qu'à bien. 1689 B. «0 fille. 1691 B. par le cors. 1694 B, n'en a il, C. Et a il.

Lisez, d'après tous les mes.

(sauf B.), près d'uit. 1702 B. en amenrai o mi. 1710 B. trcstoute Honf/ric. 1712 B. demoult prant compaignic. 1722 B. to revoie. 1738 B. esbaubie. 1742 Tous les mss. onivicl p. l'tes;

voy. 1084. 1745 B. plus riche homme, C. si

preudome.

1748 B. S'en sui à tel mesaise.

1749 B. j'e« relorne.

1751 B. la bone genl. C. est morte

et malbaillie. 1757 E. par main.

1759 BC. qui me troHvoit mon pain

(C. du pain).

1760 B. je me chevissoie.

1761 B. muèrent. 1763 C. pour certain. 1766 C. par celui seignor. 1771 DE. cstrier.

1777 BC. qui furent.

1778 Vers omis dans B. 1780 Corrigez scsis p. jesis.

1782 C. qui plus blanclie est que lainne.

1786 C. fait pulel. A compicg,

1787 B. veslist. DE. dî-as. 1795 B. ala dire.

140

■VARIANTES

1794 B. En la chambre.

1795-96 B. Quant la serve l'enlent, s'en gela un faus ris, Sem- blant fait que fust lie, s'en iert son cuer marris.

1798 B. moult est.

1805 B. monll en fu esbauhis.

18Û6 B. ne soiez desconfis, D. csha- his.

1810 B. Se tant peilsàiens. BC. fussent mis, E. soient mis.

1812 C. n'aunons garde.

1813 C. no cors.

1815 C. saurions vaillant d. p.

1818 BC. sH couche.

1819 BC. declcnz son lit.

1820 B. plaine fu.

1821 B. trcmhloH.

1825 C. de faintise (sans doute un

lapsus calanii).

1826 C. et pensive (contraire à la

rime).

1827 B. s'est delez li assise.

1829 A. ce dist Xsl serve.

1830 C. juive (contraire à la rime). 1832 B. en joomeou.

1834 C. cel conseil.

1847 B. en Ccdile. BCDE. irons

(p. (dons).

1848 B. mon cousin.

1831 B. que eschaper paissons.

1838 B. Varréerons.

1839 B. ne iex ne vis.

1860 B. accuserons (contraire au

sens). 1865 B. esploitié en aro7is. 1873 B. orendroil se coucha. 1878 B. n'i sera.

1884 B. si qu'ele se morra. 1889 C. à la grant franchise (\)

1892 B. li pores de Dieu qui.

1893 B. Que plus. Tous les mss.

(sauf E.) ont desloial. 1899 C. 0 soi. 1904 E. orra. 1914 C. Que veniez à nous.

1918 C. ot ii-ascii.

1919 E. oie (entendu). 1922 B. par la blanche. 1939 B. Dont la gent qui.

1943 B. qu'en s. f. n'ait g. de bonté.

1946 E. Ele gui.

1947 BD. Fc(d/<??j< qu'ele ail ennuit

le lialercl froc ; C . Puissent le cors deslruire ains qu'il soit avesprd ; Ë. Doinscnl le lialercl ait...

1949 Vers omis dans B. C. sont moult bien acesmé.

1937 B. On de (cl?).

1961 CE. es/ à M., s' es garde.

1964 E. crénelé.

1963 B.cstloe'e.

1967 B. en rentrée.

1969 BC. Gnèle qui m. iert (C. ert). Corrigez c?i p. et.

1972 A. fist.

1975 B. qui monll l'a h.

1976 C. Et li a dou roi.

1977 B. qui inoull esloil senée.

1978 B. en bonne d. 1981 B. atornéc. 1987 E. ert. p. fu.

1990 B. De Blanchcflour i fu moxdt

grant la, rcnonnivc. 2002 B. sni née.

VARIANTES.

141

2006 B. qu'Ole ot.

2009 E. de ci à.

2014 BC. en <a chambre.

2023 C. du tout.

2027 C. nul delaiement.

2034 B. vcnrois.

2013 BGD. paour a. E. ka pou

tous li cuers. 2044 B. Celui dicx. 2046 B. par devers. 2052 C. qui t mist gr. e. 2054 B. maie atcnte. 2061 A. joeue et jouvencel. 2065 B. Qui tel nouvele porte. 2067 B. ele a fait. E. de revel.

2072 E. soudainement.

2073 Corrigez quels.

2075 ADE. deat si.

2076 B. Car trop.

2077 B. lez une v. ch. 2087 A. atenir.

2097 B. Au plus tost qucle peul.

2098 B. la vielle ïcrf. 2100 B. que la lait. 210o B. dui, C. dm.

2113 B. pas ne vie doit soufirc

(= plaire). 2125 B. se senli. 2129 C. Si m'ciist elle assez baisie

el cODJoï. 2132 CDE. cnki. 2fô9 C maint drap et maiul t.

2142 B. Tais toi.

2143 B. ne s'e/i sout aleuti. 2145 B. csbaubi.

2149 B. Lft dame voit.

2150 B. sesdrfu, /lorsdu lit «« sailli. 2152 pour verte.

2159 Murdri o?i< m. e., Bertain om'a-

moic si. 2161-62 Ces deux vers manquent

dans C.

2163 B. tout cti sont.

2164 B. est forment. Ê. esbahic.

2165 B. moult forment li e.

2169 B. esragie.

2170 B. c\cstoit.

2177 B. s'aperçoit.

2178 B. ot esté. 2184 D. honnie.

2187 B. Margiste, forde vielle pour- rie; D. eut Dicx doint maie vie.

2192 B. mui'vist.

2193 AE. le seuïst, B. la seuïst.

C. s'eslre poïst.

2194 C. Quen nul leu la trovast,

volenticrs la qucrist.

2196 B. les mains.

2197 E. robes (pluriel analogue à

celui de dras). 2201 B. vilainement mesprist.

2210 B. et qu'ele fere en Gst.

2211 B. Se ele fu noie ou se on. 2215 B. Vassist.

2217 B. mal temps.

2218 B. iasale fcie« painturée.

2220 B. Sa fille, que Vcn Bcrte wm-

moit adont, Aliste.

2221 B. ou val Giste. 2223 B. ne conmcnt. 2225 E. gesis (!).

2227 B. la fausseté d. t. c. l'apre-

le. 2232 B. as tant soufert. 2253 B. tant lait el tani. C. si

142

VARIANTES.

2235 2236 2243 2245 2246 2254 2255

2258 2260 2262 2273 2276 2279 2290 2292 2300 2310 2318

2332 2333 2334 2335 2342 2544 2351 2352 2353 2536 2359

2362 2364 2367 2368

gra7it et. ferez qu'il soient tost.

B. dnhait ait qui.

C. avés.

E. grande perle. B. Mais orc en. E. boutèrent errant. B. Les deus pois puis li cei- gnent. B. dirai voir briément.

B. voiant toute 1. g.

C. Vcnraia. B. la mist à s.

B. toute seule de gcnl.

BC. du porc.

B. vint tout premièrement.

B. Celui Dieu la c.

B. De trayson bastir.

B. se sont trait.

B. "por droit. E. nel vous devons celer.

Vers omis dans B.

C. a7nasser. E. seront. B. ordencr.

et argent et o. c.

B. les peuïst ne dire.

AD plaisons, B. plaisant.

B. Vers povres n'estiez.

E. perdu vo sereur.

B. Vers Honguerie irai.

B. Moult sont trestuit dolent

les bour jais de Paris. CE.

de ce pays.

B. n'i 0^ lonc terme quis. B. Son devoir, ne dut eslre r. B. qui ierent. B. tant iert.

2373 Vers omis dans B.

2374 B. Et si bastart andui. 2378 B. Dolente et entreprise. 2383 C. soit tirée.

2387 B. Lasse.

2390 B. Mieus veull morir.

2397 B. ont trouve.

2400 B. Ne porent un mot dire, tant

en s. e. 2404 Après ce vers BDE intercalent celui-ci : Grant duel font

por Bertain H joene et H

chenu. 2406 BC. biaupcrc, qu'il nous. 2408 B. nous sera.

2414 B. Blancheflour la roync de

pleurer s'esvcrtue.

2415 B. Les gens bâtent leur paumes

parmi cbascune rue. 2429 B. pur trestout s. r.

2432 C. De la Ir. gr.

2433 B. «M roi.

2440 C. Et Tybers.

2441 B. doint et joie et s. 2444 B. et mort et c. 2457 BCDE. de pilie ploré. 2465 B. se de Berte.

2468 B. chose avoie ; C. en oi (en- tends).

2478 C. la gentil royne Berte fu d'aus sevrée.

2485 B. mais ne Vont.

2486 B. demie ne denrée.

2488 Vers omis dans B.

2489 B. si en fu.

2491 C. dont je parler. 2493-4. Ces deux vers manquent dans C.

-

VARIANTES.

2496 B. el ne furent.

2610

2S01 B. AvinldmYen c. p.

2611-

2502 B. gel (= je le) vous ;

C.je

2611

vous.

2506 B. durement.

2616

2507 B. /( souploie.

2618

2510 B. le celeroie.

2619

2518 E. les desvoie.

2625

2519 C. ses biens.

2626

2524 B. il lui plaist.

2636

2528 C. un denier v. E.

Que

2659

onques.

2642

2329 B. s'en revincnt.

2644

2330 B. à cuer.

2649

2532 E. tenrcmcnt.

2655

2533 C. St \incent.

2656-

2334 C. Quisc avoines.

2639

2338 BC. de bcstes.

2662

2539 B. Eglysc ne chapelle

; c.

2668

iV'ff mousfier n'a ch.

2671

2341 C. mains ne savïens.

2343 B. de lui vius et taisant.

2545 C. De Dn-tain sa moi

Hier ,

sachiez, grant duel en c

t.

2546 B. de ce qu'ainssi laissa.

3555 Après ce vers le lypogi

raphe

2678

en a sauté un que j'ai

placé

2685

aux Notes.

2687

2560 C. enmena.

2563 B. le premerain.

2689

2566 BC. au duc.

2371 B. de vous bien servir.

2696

2573 B. les a receiiz.

2697

2583 Lisez Et tous.

2700

2584 C. el mainz autrez o H.

2704

2389 B. Vers omis dans B.

2708

2391 C.foni drecer.

2596 B. font il au roy.

2714

145

B. esbaiibi. E. moult m son^e. 12 Vers omis dans C. B. Que si faites. E. si faites 7iouvcles. B. fi juesdi. E. enbeli.

B. le cerf tant parsuï.

C. en ce bois. Bfi. A la maison.

B. prioit Deu et la virge M.

B. d'orgueil et de f.

B. marrie, C. wjarcte (foulée).

B. qu'il ne la virent mie. BC. s'aperçoit.

C. grant pitié.

-57 Vers omis dans B.

B. qui [G. ciii) d. Fr. a.

C. poisse.

Vers omis dans B.

Après ce vers on trouve dans BCE les deux suivants : Le roy puis {CE. Et H rois)l'arc- sonne moult debonnercment , Et Bei'te li rcspont moult apcnscemcnt.

B. la requiert.

B. la feuille d'une mente.

B. Qu'ainsi est demnrde s., m. se gamenle. C. gramcnte.

B. dolente, pour voir le puis jurer.

B. par ces hois.

B. ce {t dist B., nel.

B. que m'oez.

B. Et la vil.

B. onc (p. ains, ici et ailleurs). B. mieus reclamer {l).

B. penser.

144

VARIANTES.

2719 B. n'i convient. 2848

2724 Vers omis dans B. 2830

2729 B. Floire qui tant fct à loer. 283 i

2730 B. Blancheflour, de ce n'eslvct 2836

douter. 2874

2733 B. Vous deffeng qu'envers moi. 2876

E. pensée ave^'e. 2883

2741 Corrigez s'ai p. j'ai.

2742 B. Grondere. ' 2884 2746 B. la vérité.

2730 B. d'or pensé (forme plus la- 2894

tine p. pesé). 2896

2731 B. li vient à gré. 2898 2763 B. il ont regardé.

2769-73 Ces cinq vers manquent 2904

dans C. 2908

2773 B. que il est plain de grant

honnesté. D.Bien voit qu'il 2909

cstoit \ïom. 2911

2774 B. qu'il îer«(DE. ert). 2920 2773 B. Et7w'j7 icrt m. d. ce bois 2938

entré. DE. Et que il ert. 2939

2780 B. A la maison. 2941

2782 B. a dit. 2930

2786 B. Sire, eic est. 2951

2807 B. Car estre en pourriez. 2933

2815 B. Car riens 11 en savions. 2958

2822 B. de son pays sevrée. 2966

2827 C Vavomme tousdis. DE. 2970

nièce clamée. 2975

2830 B. tant plaine et fondée. 2980

2831 B. toute s'cntante.

2833 Puisquainssi est que estes. 2983

2836 C. Leens. B. moult très 2990

voleiiliers voi. 3006

2839 BCDE. Mais n'en sauoïcns riens 0OO8

par le cors Saint Eloi. 3009

2840 B. ainsi cuvi gc le croi. 3014

B. à gré.

B. vous muceroic.

B. tout erranment ci endroit.

C. si la prist.

D. je vous en pri.

B. erranment respondi.

C. mençonge , je croi , me garanti.

D. iere , E. g'icre. B. roi Pépin le hardi.

C. i est. Lisez set p. sot. B. et souvent assaillie. BCDE. denrée ne demie. A. maillie ne denrée. B. trop Qn sui csbaubic.

E. qu'il en rie (sic ! p. qu'en rie).

BC. ni detrie.

B. le roy maine.

B. qu'ainssi sui engiiigniés.

B. engcléç... afamez.

B. par li.

E. mar en douterez.

C. en cest bois.

B. Bien sai que li uns d'culz. E. uns mos. B. Quançois ne faisiez. Vers omis dans B. B. qui de lui iert privés. B. Or le conduie Dicx. B. fist tant et si ala ; E. et tant erra. BC. li donna. B. quar mains cuers.

B. mais.

C. puis.

D. l'en.

C. Et tanlosl.

VARIANTES.

3018 BCDE. matin monta.

3138

3022 B. joie en démena.

3143

3054 B. si con ai c.

5147

3037 B. de si qu'aura seii ; C. si

5151

Pavera veû.

5152

3038 Vers omis dans C.

5156

3040 si li rent g. s.

5166

3041 bieîi l'a r.

5174

3042 C. en lieu qui privé fii.

5175

3048 B. pour voir dire.

5180

3056 C. à sa fin (!).

5182

3057 B. Jusqri'à la nue.

3061 BC. à voslre maison (A. main-

son).

3065 B. a maintenant mandé.

5189

3083 B. quel (= que le) trouva.

5193

3089 B. erramnent s'est levée.

5200

3090 B. as picz.

5203

3092 B. douce dame.

5206

5093 B. Dont vint (n'a pas de sens).

E. j'ai ci retrouvée.

5215

3099 B. qui leenz ierent.

3214

3102 Lisez fist selon tous les mss.

5216

3111 B. Eu soit en icest jour;

5225

C. bui en ccst jour.

3223

3112 B. fn moull tost.

3255

3118 B. vint vers Bertain.

5240

3120 C. CT'ie merci.

5232

3122 B. se mer veilla.

5-255

3124 CE. eu merci.

5263

3127 B. plus cent tans.

3129 D. ce/ jour. Il est à remarquer

que le ce suivi de substantif

5273

est généralement é\ité par

3279

les autres mss. et remplacé

5280

par cel ou cest

5281

3131 B. se/ieschal.

5283

3133 C. Grnnt joie y ai trouvée.

5285

145

E. furent atalenti.

C. baisiée et conjote.

Lisez dit.

B. ne fussent.., et mengie.

CD. fui par aus.

B. de fin cuer.

E. ce ot t.

B. fist li rois.

BG. leur espérons.

B. Lui et si d. e.

B. El l'en vorrent. Les vers 5182 à 5259 se trouvent dans C. sur un feuillet transposé, coté 65 au lieu de 63.

C. la belle au c. e. BD. qui font.

B. la virge.

B. et je vis.

C. Et il (leçon fausse). B. grant honneur leur pwta.

B. Et lui.

B. îi'en demora. E. en salua.

C. un besant a. C. charga.

B. pour vérités. E. uns p. nus. B. Ja n'aurai mes.

B. Par un lundi.

BDE. sonnuient. Corrigez, selon Ws ta%&., tout [Qtx tuit) li saint.

E. desus.

C. si baron. DE. qui l'aime. C. gnnl joie.

B. gracient forment. B. se départirent.

11

i46

VARIANTES.

3287 B, plus atente ; E. longue

atente. 3290 E. lor tormenle.

3294 C. et H desatalente.

3295 D. et moult s'en espoeute. 3298 BC. la vente. E. haut mar-

chié... sa vente.

3303 B. quel part que ele soit.

3304 B. Et ele et ses enfans les-

quicx portez avoit. C el ses enfans.

3305 B. par li.

3307 B. PourramoMî-.— BDE. leur

ramcnoit. 3311 B. Ce n'estait pas merveille. 3313 E. i demoustroit. 3320 B. la virge.

3323 C. li fait.

3324 E. rcnoite.

3326 B. Torde vieille (de même

3347). 3331 Vers omis dans B. 3336 B. qu'il espoir oit. 3340 C. bon destrier. 3345 B. remaillent. 3330 DC. grant joie. 3334 B. pas teûe. 3361 B. Ez vous venir. 3365 B. puisse je o«rcr. 3372 B. raconter. 3377 B. Ce est que. 3383 B. du tout 6er. 3386 E. mars d'urgent le f. B. Va

bien fait assener. 3388 B. la jambe et le soller ; D. le

pié et I s. ; E. de sou pie le s.

3389 Vers omis dans B.

3396 B. en moult.

3398 B. La teste des espaules me voloit le fel rcre.

3400 A. avère, qui doit être main- tenu.

3405 B. Mais du guerredonner*

3407 B. ma douce d.

3412 B. en son régné.

3413 E. à pièce raconte ; en gp. p. encontre (l).

3416 B. moult a.

3420 B. Toutes gens uns et autres.

3435-41 Ces sept vers manquent

dans B. 5446 D. a ramenée. 3447 B. de ce perill, 3449 B. de Yalberte. E. clamée. 3454 B. emploure'c. E. toute es-

plorée. 3463 Lisez sa dame. 3474 C. Et fu. Après ce vers, B.

fait suivre les deux suivants : Après orent Constance, en an fu \courtoisie Et noblcsee et valeur sunz nule vi- [lonie. 3478 Vers omis dans B. 3482 Après notre dernier vers ,

B. ajoute les suivants :

Puis vint un autre Clialles le nmins-

\ne\ qu'en Hongrie,

Ainsi corne Dieu vout, soufri tel ma,'

[ladie

Que à grant paiuc en fu sunez jour

{de sa vie.

NOTES ET RECTIFICATIONS

1 Notre poëme est versifié en vers alexandrins et divisé en 144 strophes ou tirades monorimes de longueur variée. Ces tirades sont disposées de manière à ce qu'une strophe à rime masculine soit suivie d'une strophe offrant la même rime sous forme féminine. Nous trou- vons ainsi 23 groupes de rime divers, savoir : ai-aie (2 fois), ain-aine (2), al-ale (1), é-ée (8), eî-ele (1), ent-ente (6), er-ere (6) ier-iere (4), ert-erte (2), i-ie (8), iîi-ine (1), ir-ire (3), isise (4), ist-iste (1), it-ite (1), o-oe (1), oi-oie (2). oir-oire (1) , ois-oise (1) , oil- oite (2), u-iie (5), ur-ure (1), uit-uite (1). A ces rimes parallèles s'entremêlent 10 rimes masculines ou fémi- nines pour lesquelles un correspondant du genre opposé faisait défaut ; ce sont a (5 fois), âge (1), aire (1), ant (1), art (1), es (2 fois), {\) , iés (1), ons (2) et us (1). Le procédé d'Adenés a été suivi par Girard d'Amiens, l'auteur du Charlemagne ; il se représentera, avec une légère modification, dans Buevon de Commarchis.

6 L'emploi de la forme devenres (= à\es Veneris) après celle de tenredi (= Veneris dies) du v. préc, prouve que les deux étaient en vogue.

148 BERTHE AUS GRANS PlÊS.

8 Cp. Enf. Og. 46-48. et Buevon de Commarchis 12-15.

13 Mari, souvent écrit maj'H, fourvoyé, égaré (voj. Diez Et. Wœrterb. I , v" marrir). Ici le mot a le sens figuré ; nous le verrons au sens propre v. 2775. L'acception déduite « éperdu, affligé » (auj. simplement « fâché ») se voit V. 792 ; dans cette dernière , on emploie sou- vent aussi le composé esmari{\i^\. smarrito) , cp. v. 61 et 2902. Aprentic,voy. les Variantes.

17 Par H, à part elle, seule, abandonnée.

20 Méseutendant, mal intentionné, pervers.

25 Gerart, Gérard de Rossillon ; Foucon (Foulque), autre adversaire de Charles Martel, jouant un rôle impor- tant dans le roman de Gérard de Roussillon ; voy. Phil. Mouskés 1833.

32 Wandre, formé de Vandalîts, comme esclandre de scanda-

luni, titre de titidus.

33 Grant, en grand nombre ; cp. v. 112. 35 ÂcueilHr, ici entreprendre ; cp. v. 551.

37 Voutie ; ce féminin en le se rapporte à voutif, comme naïe (Buevon 1852) à naïf , antie à antif, jolie à jolif. C'est une irrégularité fondée sur la confusion des suffixes i et if, confusion déjà sensible au mas- culin, p. ex. dansyoZ^ t^. jolif .

39 Aine , encore , jamais , est fréquemment , dans notre ms., confondu orthographiquement avec ains (propr. avant), ainsi 75, 1304 ; on sait que les deux mots sont distincts d'origine.

45 Chose a souvent la valeur de créature , être, cp. 1406 ; il en est de même du synonyme rien, cp. 1304 ains ne fuplus bêle riens veiie, 185 plus bêle rien ne sai. Choisir, je n'ai guères besoin de le rappeler, est dans l'ancienne langue, un simple synonyme de voir, aper- cevoir ; cp. la liaison logique entre lat. cernere , trier, distinguer, démêler, et cernere^ voir. L'application du mot frappera particulièrement un lecteur moderne

NOIES. 149

dans la phrase choisir la clarté , voir la lumière (c.-à-d. la supporter), v. 2095.

49 D' ancesserie , pr. dès le temps des ancêtres , puis = de temps immémorial.

75 La répétition du mot osas est une négligence. Adeser, propr. toucher, mettre la main à(2728), ici, et souvent, attaquer.

82 Lieu commun qui revient Buevon 3880.

98 Assener , parvenir , arriver à bout ; j'ai déjà plus d'une fois (en dernier lieu , Enf. Og. 2216) exposé les diverses acceptions de ce mot et les raisons étymolo- giques qui les déterminent ; au v. 1086 , il signifie frapper (diriger un coup). Les aventures de la pre- mière femme (purement fictive) du roi Pépin consti- tuent un des sujets principaux de la Chanson des Loherains, à laquelle se rapportent aussi les person- nages cités vv. 90-91.

111 Per , époux , épouse ; cp. Gui de Nanteuil , 2303 Ains que Herviau l'ait prise à per et à moillier ; Buevon 2679 à per et à mari.

118 Strigon, lat. Sirigonium^ ville de la Hongrie située à 46 kilom. de Bude, au confluent du Gran et du Danube ; appelée autrefois Esztergom , Ostrikoii , aujourd'hui Gran. C'est que naquit saint Etienne et que rési- dèrent ses successeurs.

125 Sagement t dûment, selon l'étiquette usuelle.

134 ^p^r, pr. avare, au fig. intéressé, malin, méchant; la liaison pensée acere se rencontre plusieurs fois dans notre auteur , ainsi 3400 (où j'ai eu tort de mettre ainere), Buevon 97 et 3085.

137 Pouïane, Pologne ; Grotilerre, Grodno.

138 Matere prend souvent chez Adenés l'acception « qualité ,

naturel, caractère )),cp. 554, 2345, 3399, 1064 [tans de froide matere). 141 Père, lat. pareat , apparaisse , se manifeste ; il vient de

50 fiBRTHE AUS GRAINS PIES.

paroir , tandis que le mot de la rime vient de parer. Le père = pareat est aussi orthographié jjflire (1664).

158 La serve est introduite ici comme un personnage déjà

connu du lecteur. Cette négligence est peut-être due à ce que la remarque relative à la langue parlée par la fausse femme de Pépin a été insérée après coup, quand l'auteur s'est aperçu que cette remarque avait quelque importance pour la vraisemblance de son récit.

159 Sur malice masculin, voy. 1672. 165 Raconte, comme aconte, narration.

167 Franchise n'a pas chez les anciens la valeur moderne,

mais celle de noblesse, distinction. 169 L'infinitif passé pour le présent ; usage familier à Adenés

et relevé déjà dans les Enf. Ogier. 175 Lisez ftist.

177 Suppléez que après orns.

178 L'épithète vrai , appliqué au caractère, veut dire « pur ,

sans faux, qui inspire la confiance ».

187 Tiiert n'est pas, ainsi que l'entend M. Léon Gautier (Epo- pées françaises II, 15), le cousin de Berthe, mais celui de Margiste et de sa fille, comme il appert clairement de notre passage, et de plusieurs autres.

193 Pritances, affaires intimes.

200 Cette duchesse de Saxe est nommée Aelis au v. 1335.

203 Aprochier , poursuivre , continuer (un récit) ; cp. Frois- sart (éd. Kervyn) VII, 141 : « Nous parlerons dou prince de Galles et approcerons son voiage et compte- rons cornent il persévéra ».

213 Retraire à, se tourner vors , s'attacher à ; cependant on peut aussi l'expliquer ici par retraire = ressembler et traduire : « L'homme de bonne naissance doit en porter l'empreinte. »

220 Serassaier, pr. se remettre à l'épreuve, ici recommencer.

221 Saie est connu sous deux sens : 1. = lat. seta (autre

NOTES. 181

forme de soie, cp. creta, croie et craie), 2. = lat. sa-- gum , vêtement supérieur , couverture , nom d'étoffe. Je ne sais pas comment justifier l'expression noir com saie ; le mot aurait-il peut-être pris l'acception spéciale de drap mortuaire ?

225 Quand près a, comme ici. la valeur de « peu s'en faut » (rendue généralement par a pou que ou a pou tout court), il est suivi du verbe à la forme négative ; cp. 428.

229 Au nominatif singulier le mot ^e«^ n'est pas strictement soumis à Ys de flexion. On sait que le verbe au plu- riel avec gent pour sujet est presque de règle.

23 ) Saint-Heriert était une abbaye de Deuz , en face de Co- logne, fondée par l'archevêque Héribert (998-1021).

233 Je ne trouve dans les historiens de Namur aucune men- tion du château de Rostement, qui, au dire de notre poëte, serait la dénomination originelle du château de Namur. Ce nom serait-il aussi fabuleux que le rôle qu'Adenés , selon des traditions sans doute, fait jouer au duc Naime de Bavière dans les origines de notre cité de Namur, à laquelle il aurait même donné le nom ? Voy. sur les origines légendaires de Namur et sur les nombreuses tentatives étymologiques faites sur ce Jiom, /. Borgnet, Promenades dans la ville de Namur (Annales de la Société archéologigue de Na- mur, II, 127).

238 Fortement est une forme concurrente Ae forment, qui s'est

introduite quand yî;r^, Id^i-fortis, contrairement à la règle régissant les adjectifs français provenant d'ad- jectifs latins en w, a fait au féminin forte. Il y a, cependant, à remarquer, quant à la valeur, que for- tement se distinguait jadis Reforment, comme le mémo mot se distingue encore aujourd'hui de l'adverbe fort (lat. talde).

239 Lisez ert ^.est.

152 BERTHE AUS GRANS PIÉS.

255 Chasemeut, domaine, fief, prov. casamen ; du verbe

chaser, bas-lat. casare^ gratifier d'un fief, d'où chasé^ feudataire, vassal,

256 Ape)isement, intelligence, prudence.

264 Contre, selon, en rapport avec : « parées comme le comportait l'événement. »

274 ^l (en le) varie dans le ms. avec ou (v. 278) ; el lit 385, ou Ut 415. La forme ou dérive phonétiquement de el par eu (forme normande) ; cp. del (de le) deu dou.

281 Le jour =z lut. illo die, cp. 3143 ; on trouve tout aussi souvent ce jour , p-e. 3129, 3262.

283 JDestalenter, déplaire (opposé de atalenter, être à talent, à souhait) se voit construit tantôt avec le datif (cas nor- mal) p. e. 3294etBuevon 1370 (?i destalente), tantôt avec l'accusatif, Buevon 301 [nel destalente), ib. 789 {qui moult les destalente). Le tour réfléchi se desta- lenter d'une chose, que nous avons ici, = s'y refuser, y renoncer, est moins fréquent ; cp. Buevon 2239.

287 Sullent , mouillé , arrosé ; ailleurs : en sueur (Buevon

1356 D'ire et de maltalent ot la chiere sullente). Je ne connais pas l'origine du mot : on pourrait imaginer un type sud(u)lentus [de sudare) ; un type suc{cu)- lentus éloignerait trop du sens et nécessiterait aussi le mouillement de 1'^^. Dans le seul glossaire je ren- contre notre mot (Hippeau), il est traduit par « souf- flant, haletant », interprétation démentie par notre passage.

288 Pullent, puant, fig. infâme, méprisable ; d'après Burguy

de pur{u)lentus, par assimilation de r avec l ; cette étymologie est admissible et correcte, cp. pelle = perle.

296 S'aidier de ou en une chose, répond parfaitement à notre terme « s'exécuter » ; le mot se dit surtout de la con- duite du guerrier dans la mêlée.

302 Baus donne un démenti à la règle moderne qui prescrit le pluriel bals.

NOTES. 155

309 Que = car.

313 Acointier, notifier, apprendre ; le mot se trouve avec le

même sens v, 578, dans la phrase- cheville sans men-

congé acointier. 319 Tut, 3* pers. sg. du subj. prés, àetuer. 321 Souple, anciennement, était synonyme de triste ; donc

assouployer, attrister. 324 On s'attend plutôt au subj. chaille. 326 Saignïe)' , bénir (pr. faire le signe de la croix) ; cp. 381.

345 S'ajcrir, se comparer (pr. se rapporter).

346 Gaste, inculte, de guastine, désert. Sur les rapports du

mot avec le lat. vastus, \oy. Diez, I guasto. 319 Fnderiere, en cachette, syn. de à recelée. 356 « Sous ce prétexte qu'hier je l'ai chargé de quelques

dépenses » (litt. qu'il eut ma bourse). A toutes est \&

préposition à tout = avec, mise en accord de genre et

de nombre avec le substantif. 364 Deviser , discuter, concerter. 366 Bcrtain est un datif. ^

374 Convenir, falloir, étant un impersonnel et voulant le sujet

logique au cas- régi me, la variante li clers sans du ms.

12467 (D) constitue une faute grammaticale. 377 Laissier convenir, laisser faire, cp. 1544 et 1854 ; parfois

aussi = laissier ester, ne plus se soucier de rien, pas- ser outre, ainsi 2100. 380 Fnserir, faire soir, plus souvent asserir (aussi assener),

syn. d'avesprir ou plutôt d'ajinitier ; cp. Richars li

Biaus, 4958. 385 Esponde, bord extérieur du lit ; le latin sponda signifie

le bois du lit en général.

394 S'atirer, s'apprêter, se faire ; v. 396, s'habiller.

395 Tire à tire, pr. une chose après l'autre ; on trouve ail-

leurs bêlement et à trait, doucement et sans rien brus- quer (voy. Jean de Condé, notes II, p. 427). 403 Faire sa volenté, euphémisme usuel pour l'acte marital ,

154 BERTHE AUS GRA^S PIÉS.

cp. Cléomadès 6860 ; plus haut v. 31S faire la droi- ture à sa moilUer.

413 Entrer^ réfléchi ou non , est fréquemment accompagné de l'adv. en , aussi bien que courir^ aller, issir , et autres verbes de mouvement ; cp. 467 , Ki87, 2968 ; Richard li Biaus 654 : Ens en entra parmi la porte. L'adverbe implique l'idée « du lieu l'entrant se trouvait, »

432 lert trestourné est impersonnel ; la formule exprime : « il ne sera pas fait retour (remise, grâce) de cette résolution » ; cp. Enf. Og. 1337 : A mon povoir il sera destorné C'on ne li face ne honte ne griété.

437 Enlouter, pousser loin, repousser, chasser.

442 Umilité na. pas la valeur moderne, mais celle de bienveil- lance, débonnaireté ; cp. humblement 1231 = complai- samment.

447 Mon ms. porte , vérification faite , à fource (fourche) , leçon parfaitement acceptable, si l'on prend fourche au sens de bâillon. Estre , prép., = lat. extra.

450 Suppléez la (la corde) devant li.

459 Lisez dist.

470 que, dès que ; cp. la conjonction latine uhi ; cp. 1871, 2165 , 2327, 2654.

478 Sur l'expression mer hetée (caillée) , voy. Diez II , 424.

480 Noée = notée, connue ; cp. doer = doter ; je n'ai pas d'autre exemple de cette forme syncopée.

522 Se vanter, se promettre, s'assurer.

530 Laissier ester le duel , le faire cesser (voy. aussi pi h. 377) ; cp. l'ail, sein lassen.

551 « Acueillir son errer (iterare) ou son oirre (iter) » , entreprendre sa route , s'acheminer. Les diverses acceptions à^ acueillir (prendre, attaquer, etc.) décou- lent naturellement de l'idée première « colligere » , ramasser, prendre en mains.

555 Père, voy. v. 141 ; ici ^«mr signifie « être visible ».

NOTES. 155

566 Rehercie)' ; Roquefort : « exprimer , répéter ce qu'on a déjà dit » ; Mouchet , en marge de sa copie : répéter , redire, propr. rabâcher. Ces définitions ne conviennent guère à notre passage , qui appelle le sens « indiquer en détail , énumérer ». Ce sens se laisse facilement ramener à la notion de « herser, remuer la terre, sépa- rer, démêler ». Je rencontre le mot pour la première fois ; il ne doit pas avoir été très-répandu, car il est remplacé par d'autres termes dans deux de nos manuscrits (voy. les Variantes).

590 Manier, mettre la main, toucher.

592 Despoillier s'employait anciennement déjà tant avec le rég. dir. de la personne dépouillée , dévêtue, qu'avec celui du vêtement ôté. Ce vers fait allusion au V. 555.

611 II j a , je le rappelle , deux homon^'mes lanief , l'un signifiant paresseux, lent (359, 3203), l'autre, comme ici, cruel. Voy. Baud. de Condé, notes p. 417, et Enf. Ogier 428.

617 Lisez li au lieu de lui.

623 Enbracier, étreindre.

624 Agenouiller, au sens actif (mettre à genoux), est réprouvé

par la langue moderne. On ne saurait pas dire pour- quoi : on dit bien acculer qqn.

638 L'accouplement d'un passé {plut) et d'un présent [espart) ne gênait pas notre poète ; cp. vv. 706 et 707. Espar- tir, faire des éclairs ; d'où snbst. espart. Je n'ai pas encore rencontré d'éclaircissement étymologique sur ce mot ; j'imagine que c'est le même mot que espartir , diviser, séparer, et que sa signification provient de ce que la foudre « fend, fait crever » les nuages. La lettre s'oppose à ce qu'on le rattache à l'angl. spark, v. flam. sparke^ étincelle.

641 Avoir part en qqn. ou qqch. , s'y intéresser. Aussi prendre à (ou en) sa part , porter intérêt , protéger , V. 6-15.

156 Bi'RTHE ALS GRANS PIÉS.

646 Liepart ; la francisation de la combinaison latine co par le son se voit encore dans Theodoricus Thierri , Leodicum Liéffe, Léonard Liénard, etc. ; toutefois eo se trouve aussi transformé en eu et u, et au lieu de Uépart, on rencontre fréquemment leupart et lupart.

648 On voit s'attacher ici à l'adj. renart une idée de cruauté plutôt que de fourberie.

657 Loer (louer), conseiller.

659 S'escuser, se mettre à l'abri de reproche, litt. hors cause.

672 Raison, discours, récit.

676 Desservir , comme merir , signifie à la fois mériter (v. 686) et, comme ici, récompenser ; l'effet pour la cause. C'est ainsi que trouver dans le principe a signifier chercher, fouiller.

680 On connaît au verbe remanoir quatre formes de participe passé : remès (lat. remansus), remanu , remansu et remasu (voy. Var.). L'^ final au nomin. pluriel est une concession à la rime.

694 Veoir noiîement, traiter avec distinction.

705 Huant, chat-huant ; on sait que le terme moderne. est étymologiquement distinct de huant et l'eff'et d'une formation populaire (voy. mon Dict.).

711 Lisez nasquesistes .

718 Diex est un vocatif ; il faut le placer entre deux vir- gules.

720 F SCO urcier, retrousser, (pr. raccourci;) ; rèâéclns'escow- cier 955 ; voy. le Glossaire de Gachet ; le mot roman a donné naissance à l'ail, schilrzen .[^axa. schorten, schorsen.

726 Supprimez le et écrivez eus (voy. Xar.). C'est un véri- table oubli du caractère bissyllabique la seconde personne eils (habuisti) qui m'avait fait insérer le ; cp. 2467 eustes (eûtes).

728 /oma/,tàche journalière, fig. travail, peine (en général).

732 Ftii, vrai, sincère.

NOTES. ^87

737 Lisez iiot.

741 Rôle, comme 592, exprime l'ensemble des vêtements.

743 Godale, bière ; voy. Gachet.

756 Partir, neutre, se fendre, crever.

759 Avoit, subj. prés, de avoier, mettre sur le bon cliemin, conduire.

767 Fors à estre, à être dehors.

768 Divers, pr. contraire, puis pénible, difficile.

770 Revoite, fém. de revoit (forme normande reveit), que nou.s rencontrons encore avec une flexion faussée par la rime au v. 1439, et qui accuse pour type un participe irvictus pris au sens de convictus, convaincu (de crime), coupable. Je n'ai que très-peu d'exemples de cet adjectif ; d'abord celui cité par Burguy et par Hen- schel, Roman du Renart II, v. 17021 :

Je vos donrai le chardon tendre Tant comme vos en vodrez prendre, S'engigniez le félon revoit Qui tôt anble ce que il voit ;

en second lieu, celui cité par Burguy : Benoit, Chro- nique des ducs de Normandie II, 9306 :

... senz nul mesfait Que lor eiisse dit ne fait Me sunt eisi reveit sanglent Et hainos e mauvoillant ;

enfin la variante remis dans le deuxième vers ciié plus bas de la Chanson des Saxons.

Le mot serait-il réellement si rare? Je ne le pense pas, car je suis porté à croire que le mot renoit, d'un usage si fréquent dans les anciens poètes, n'est autre chose qu'une fausse lecture, commise par les copistes anciens et modernes, pour notre mot retoit ; l'extrême res- semblance de il et t dans l'ancienne écriture explique

158 BERTUE AUS GRANS PIKS.

cette confusion. J'indiquerai ici quelques exemples de renoit. Chanson des Saxons, couplet 18 : Et maudit Gilemer le traïtor renois ; ib. 33 : Lors nos seront livré H traïtor renois (var. revois) ; ib. 139 : Karle- maine, fait \\,fel traites renois ; ib. 232 : Sovantes foiz le clairae/(?Z traite renois ; Godefroid de Bouillon 18954 : le cief du traître renois ; Richars li Biaus 5428 : Fil à putain, fait il, renois ; Watriquet de Cou- vin, p. 60, V. 147 : ISule douleur ne doit trouver Li fel , li traîtres renois ; Fabliau d'Estourmi 380 : Je seroie coars renois., Se mon oncle honnir lessoie.

Dans tous ces exemples la substitution de revois à renois ne se fera qu'au profit du sens, surtout dans la formule traître ou couars renois (traître, lâche con- vaincu, pris sur le fait). C'est une expression analogue au terme moderne « coquin fieifé ». Ce qui m'engage à suspecter l'existence propre d'un adjectif r«»oi^, c'est la difficulté d'en justifier la facture. Les glossateurs, Roquefort, Burguj et autres , en font sans scrupule une forme variée et un synonyme de r^^oîV (renégat, parjure, perfide) ; si le sens s'y prête dans la plupart des cas, il n'en est pas ainsi en ce qui concerne la structure littérale du mot. Pour rattacher renoit k renegare , il faudrait pouvoir alléguer un participe renegitus., comme \\ exhie pUcitus (d'où ploit) k côté de plicatus ; or cette forme fait absolu défaut. Il y a pour moi plus de prudence à admettre dans renoit une méprise graphique invétérée p. revoit, qu'à torturer les lois de la phonétique pour sauver renoit.

La formule traïtoicr revoit est donc, selon moi , la véritable ; elle signifie « traditor revietus ou convic- tus » ou, selon une autre formule non moins usitée, « traïtour prové » (cp. pi. h. 473 pute vielle prove'e). Je n'ai pas sous la main d'exemples du faux adj. re- îioit muni de la flexion t ; tous ceux que j'ai allégués

NOTES, 159

ont renois, soit parce que cette flexion y est de règle, soit accidentellement par concession à la rime ; il n'en faut pas moins admettre pour thème renoit , fém. re- noite. Diez , à l'art, rivescio , fr. revêche , cite le V. fr. revois , comme synonyme de ce dernier et comme découlant de lat. revesus^= reversus ; je ne sais s'il a en vue le même vocable que celui qui nous oc- cupe ; si cela était, son étymologie tomberait à faux devant l'existence du masc. revoit. Burguy fait venir revoit de revocatus , étymologie contraire au sens et à la lettre. Quant à l'éditeur de Benoit , versant dans l'erreur commune, il voit dans reveit une fausse leçon p. reneit.

770 Coite, hâte, subst. verbal de coitier, sur lequel voy. mon Glossaire de Froissart quoitier.

112 Recoite , forme parallèle féminine d3 reguoi. repos, lieu retiré (2495) ; notre formule adverbiale en recoite, se- crètement, revient v. 3325.

773 Xe pas carder Veiire, s'attendre, prévoir ; cette locution

revient au v. 8G1 ; je l'ai déjà relevée dans les Enf. Ogier 1158. Acueillir, attaquer (voy. 551). Je comprends la terminaison oit pour le participe de cueillir et de ses composés, ainsi que pour celui de heneïr et maleïr (778, 775) ; elle répond correctement à celle des types latins coU^ctus , benedectus , male- dîctus ; mais je ne m'en rends pas compte dans des cas comme cheoit (de cheïr), Aye d'Avignon, p. 34 , ooit (de oïr), Moral, sur Job, p. 477, toloit, ib. p. 469 et 500, en/oiioit (de enfouir) , Phil. Mouskés 1886, aconsievoit, Froissart, éd. Kervyn X, S15,poursiecoit, ib. V, 239 ; afuioit, Froissart, III, 443 (var. du texte de M. Luce). Comment expliquer le passage de it ou ut en oit {eity.

774 Escueillir, faire partir, mettre en mouvement, en voie :

voy. mon Glossaire de Froissart.

160 RERTHE AUS CRANS PlÉS.

776 Esploite est une forme fém. de esploit : mais quel sens lui

donner en ce passage ? Le sens naturel « travail » peut-il convenir? Je pense que oui, et le terme s'ac- corde avec le « s'esploite » (s'efforce) du vers 766.

777 Destroit, lat. districtus, pr. serré, fig. angoissé.

778 L'exhortatif car (cp. 969, 1687 , 2326) est parfois ac-

compagné de et, cp. Bueves 2616.

785 Une observation parenthétique est souvent introduite par la formule et si.

793 Despris (cp. 813 , 1826 , 2378 , 2819) ; cet adjectif ex- prime le dénuement , la misère ; de desprendre , dépouiller, dénuer.

803 Lutise est sans doute le pays des Lutis (Luticii), des Wil-

zes (voy. l'art, de M. Gaston Paris dans la Remania II, 331).

804 Devise a ici le sens inaccoutumé de « air, apparence » ;

j'ai détaillé dans mon Gloss. de Froissart les acceptions diverses de deviser et de son dérivé devise ; cependant notre cas ne s'y range pas facilement. Y voir, comme on a fait, le latin divltia, m'e semble hardi ; la lettre ne s'y refuse pas, mais à part que l'on n'aurait pas d'autre exemple à citer d'un devise, richesse, le sens ne s'accommode guère de cette interprétation.

807 Lisez qui s'ert sus. Remise, fondue ; voy. Baud. de Condé, notes, p. 403, au v. 172.

820 Destourt, subj. prés, de destour ner.

823 « 11 existe encore, à quelque distance d'un ruisseau nommé le Fessart, un petit bois appelé le Minclou. Si la riverète dont parle Adenez n'est pas desséchée, il est probable que c'est le Fessart et que le nom de Minclo aura été transporté du ruisseau au bois dans lequel il coulait. » Note communiquée à M. Paris , et recueillie dans son édition.

825 .4 »o (c'est ainsi qu'il faut lire) est la 1*'* ps. sg. du prés, ind. de anoer = adiiodare, attacher.

NOTES. 161

826 Vo, forme abrégée de Tostre (cp. no 836) ; au v. suivant, vo représente la 1"^ pers. sing. du prés. ind. de voer.

828 Notre laisse en o détermine le changement de plusieurs substantifs habituellement terminés en ou : ainsi /o (p. fou = fagus), chaillo, tro^ clo ; aussi fo p. poii.

832 0, j'entends ; la forme Jiabituelle de l'auteur, est oi

(2169, 2491, 2837).

833 Ho est une interjection répondant à notre halte ! Dire ho

signifie par conséquent s'arrêter, fig. renoncer , se résigner. J'ai recueilli dans mon Gloss. de Froissartun passage ho se traduit par arrêt {et il ny a point de ho).

838 Qroe, gravier ; se rapporte pour la forme au prov. grava

(fr. grève), comme clo à clavus, choe (chouette) au picard cave.

839 Dynoe, Danube (ail. Donaw). La leçon en la Dynoe pré-

sente ce mot sous l'aspect d'un nom de contrée. Comme nom de fleuve je trouve Dunoe dans Chrétien de Troies, Chev. au lion 5973 : Einçois assanbleront les rives De la Dunoe et de Seone ; et comme nom de con- trée dans Fergus 170, 3 : N'a terre jusque» la Dunoe (var. de si Dunoe).

840 Chipoe ; dans les notes marginales de la copie de Mouchet,

ce mot est interprété par grimace. Cette interprétation est peut-être la bonne et s'accorde assez bien avec le mot chiere qui l'accompagne et qui a souvent le sens de moue (cp. Fergus 89, 22 : qui qu'en face ciere ne groing ; l'ail, dit de même ein Gfesicht machen). J'ai déjà rencontré notre mot chipoe dans le Dit du Singe de Jean de Condé (II, p. 218, v. 33) :

Divers usage sont venu

En avant, et grandes chipoues,

Grandes chieres et grandes moues ;

je l'y ai interprété par minauderie ou par morgue

11

16â BEtlTIlE AUS GRA^S PIES.

Quant à 1 etjmologie, je prendrais volontiers chipoe pour le subst. verbal d'un verbe cMpoer = chipoter, au sens de « faire des difficultés, grommeler, murmu- rer » ; cf. doer = doter.

841 Corrigez sai p. sait. Hoe ne peut guère être traduit

par houe, hojau ; le contexte appelle plutôt le sens « tertre, monticule », ce qui fait penser au bas-lat. hoga, colline, v. franc, hoge, tumulus.

842 Roe^ enrouée, lat. ranca^ rauque.

844 Escroe présente ici son sens primordial : déchirure ; de découlent les acceptions « lambeau, pièce », puis pièce de parchemin ou de papier, liste, cédule, rôle ; il est dérivé d'un verbe escroer^ déchirer (dont je n'ai cepen- dant pas d'exemple), qui est peut-être connexe avec l'ail, schroten, couper, tailler (appliqué jadis aussi à la coupe des étoffes). A son tour escroe, liste, rôle, est l'ascendant d'un second verbe escroer , auj. écrouer, inscrire, enregistrer (d'où écrou).

846 Choe ne m'est connu qu'avec la valeur de hibou, chouette ;

je ne suis toutefois pas sûr que cette signification con- vienne ici, il s'agit d'une comparaison sous le rap- port de la couleur.

847 Roe, de hoer, houer, fendre.

848 Vermeille]^, vermeil me frappe; je ne sais si c'est un

lapsus de ma copie sur lequel j'aurais glissé lors de mon coUationnement du ms. Poe, patte (ail. pote , pfote), ici ongle, griffe ; cp. v. 861.

850 Angoisseusement, douloureusement. Angoisseus est le

mot propre pour la douleur physique ; cp. 2258, et Buevon 1789 (où il s'agit du supplice par l'eau bouil- lante) : Pour ce que ce est mors d'angoisseuse manière.

851 Floe., fém. de^o, faible, languissant ; c'est le flam. Jlauw,

ail. Jlau. Le dictionnaire de Grimm m'apprend que le sens original du mot germanique est « dilutus » ; cela m'engage à renoncer à l'étymologie ^K*i«* que j'avais

NOTES. 163

conjecturalement avancée pour le fr. flou en tant que terme de peinture. .854 Ce vers est difficile à comprendre ; que veut dire refroer ? Froer, c'est briser (le composé defroer se présente V. 862) ; refroer pourrait donc, dans l'emploi neutre qu'on lui trouve ici, signifier redevenir brisant, redou- bler de force accablante, et le vers rendrait cette idée : « Sa pénible situation lui fait sentir plus vivement le mal qu'elle éprouve ». Refroer pourrait aussi exprimer « se répercuter ». Le verbe froer, si fréquent chez les trouvères, est sans doute identique avec l'équiva- lent prov, frocar, mais celui-ci, d'où vient-il ? Le lat. fricare {^vov.fregar, v. îr.froier) ne convient ni pour le sens, ni pour la forme.

859 Près sui que = je suis presque.

860 Groe (homonyme de ffroe, employé v. 838), griffe, ongle ;

c'est une variété de forme de grave, grawe, crampon, grappin ; la forme masculine est grau, en rouchi = griffe. L'interprétation par grotte est insoutenable.

863 Voe, forme féminine de vo, vôtre, tout-à-fait irrégulièro

et amenée par la rime.

864 Doer, doter, gratifier.

865 Desclore, exclure, expulser.

868 On voit (\xxefel et cuicert, appliqués ici à la température, n'ont pas toujours une acception morale.

874 Berte, employé au cas-régime p. Bertain, est exceptionnel

dans le ms.

875 Fouhert, perfide? Adjectif inconnu, a Nom proverbial,

dit M. Paulin Paris , pour désigner un chevalier déloyal. »

876 Charchier (charger), ici confier ; plus souvent encarchier ;

plus loin V. 3225 : charchier des armes à qqn. , lui

décerner des armoiries. 880 Herbert^, herberc, logis. 882 Despert, vif, rude ; voy. sur ce mot, qui n'a absolument

164 BERTHE AUS GRANS PIES.

rien à faire avec desperare, ma note Jean de Condé I, 395, et mon Gloss. de Froissart. Du sens premier, fl éveillé » se dégagent les acceptions «. vif, rude, sau- vage », op. vv. 2233, 2242.

888 Terty participe passé de terdre (lat. tergere), nettoyer,

essuyer ; forme concurrente de ters, terse (lat. tersus) ; cp. tors et tort , despers et despert, çains (Froissart, Poésies) et çaint, et enfin convers et couvert, dont nous rencontrons le fém. converte au v. suiv.

889 Concerte p. converse, nonne, voy. la note préc. 893 Poverte, voy. la note du v, 1105.

898 Duit, formé ; cp. 923.

901 S^puier revêt ici l'acception figurée « s'approcher, se

comparer ».

902 Aciiit, acquit, garantie.

903 Tous les mss. collationnés, sauf B, ont estuit ; ma cor-

rection estruit est aussi contraire à celui que je repro- duis ; mais que faire de cet adjectif ou participe estuit ? Je renonce à toute solution de cette question. Un par- ticipe estuit = étuyé , enchâssé , inséré j'ai trouvé l'histoire insérée dans un livre ») est inadmis- sible, non pas précisément à cause de la discordance du genre avec estoire, mais parce qu'il y a pas d'autre trace d'un verbe estuire^ =-. bas lat. stugere (part. stuclus)i primitif supposablo de eslugium, fr. estai. Si, ce qui est à vérifier, les rass. permettent de lire aussi \Àen escuitq}iQ estuit, on aurait la ressource de voir dans ce mot le représentant d'un participe latin excoctus au sens figuré de « afiîné, purifié, mûri, parfait ». La variante du ms. B. est probablement fondée sur ce que le scribe ne comprenait paa plus que moi soit estuit, ou escuii.

909 Damedieu ; inversion du génitif.

912 Vuit, vide (au sens do faible, malade), cp. v. 1265, et 1709 ciier vain.

NOTES. i65

916 Corrigez li p. il ; a que la nuit lui vient » ; cp. Bueves

3809 il lorf 10 ajourné.

917 Recuit appliqué à une personne signifie fin, rusé, pervers

(voy. Baud. de Condé, notes, p. 394) ; appliqué à une chose, comme ici, le sens se généralise en celui de mauvais.

919 Soudtdt^ trompé, pr. conduit subtilement dans un mauvais

pas ; on trouve aussi, avec le même sens, sourduire.

920 Clamer quite, abandonner ; ailleurs renoncer à, refuser,

ainsi 1349 ce don ne daim pas quite. ' 921 Muchote (de muchier) , cachette ; les patois ont encore muchette. Bstruit, lat. structvs, construit.

923 Diversement, étrangement.

924 6" a fruitier, profiter, tourner à bien.

937. Secluingnier^ se coucher ; d'un type clinicare, d'où cHu- gier, cligner d'où cluignier (cp. briser et braiser) ? ou d'un type cluniare, s'accroupir (de clunis, fesse) ?

941 Blanchoier, jeter sa couleur blanche. Ce verbe, négligé par l'Académie, a été avec raison réhabilité par Littré.

943 Fourmier, s'agiter, du lat. formicare pris dans un sens figuré. Le mot se représente, modifié en fremier , Bueves 034. Un iy^a formidare {àoni Vi est long) est parfaitement acceptable, mais je n'oserais l'affir- mer.

949 Les désinences iens (ions) et iez des imparfaits et condi- tionnels sont dans Adonés indifféremment bissylla- biques et monosyllabiques (voy. ma note Enf. Og. 1631) ; notre vers offre les deux manières : parliiez et comparrie's. Je remarque toutefois que le monosylla- bisme prédomine.

954 $e mettre au frapiery prendre la fuite, se sauver. L'emploi du vevhe frapier = fuir, est remarquable, d'autant plus que l'on ne connaît pas d'exemple du verbe frapper remontant au delà du 14® siècle. La terminaison en ier après la consonne p, Cait aussi

166 BERTHE AUS GRAINS PIÉS.

quelque difficulté. La locution se mettre aufrafier

n'est pas rare ; on la trouve p. e. Renart 24406 et

Eustache le Moine 1136. 958 Mon ms. porte espesse (p. espine) , de même le ms. D. Un

substantif espesse, fourré, m'est inconnu ; c'est ce qui

me l'a fait remplacer ; toutefois il peut bien avoir

existé (cp. l'ail, dickicht). 065 Aprochier à qqch., ici •=^ encourir, être menacé. 968 Parteiire, alternative, dilemme, cp. Bueves 1386 : Savés

quel parteûre ici vous partirons ? 976 Se saignier, se signer.

989 Herhière, forme parallèle féminine d^ herbier, gazon. 993 Tyiert est un régime direct de iïere.

996 Lisez Plus.

997 Je m'abstiens d'éclaircissements historiques sur ce « bon

conte Glamsur de Namur, seigneur de Saumur, mort devant Sur » ; j'aurais trop de peine à en trouver.

1002 Delfur = Dar-fur, le pays de Phur ; je laisse aux géographes -historiens de vérifier cette identification.

1011 Tempreiire est la vraie forme française de notre mot savant température.

1020 Escurer, ital. sgurare (= lat. excurare), nettoyer, pr. soigner, tenir ou mettre en bon état ; ici s'escurer est synonyme de « se remettre, s'éclaircir. »

1023 laissa le plouvoir, tournure impersonnelle, cp. en allemand : es hôrte das Regnen auf. Cp. le vers sui- vant. On sait que le sujet logique d'un verbe imper- sonnel est à la forme du régime ; cp. 1111 : il a passé tnaint an (non pas mains ans) ; voy. aussi 1625. M. Bormans (Obs. sur le texte de Cléomadès, p. 38) n'avait donc pas à suspecter la forme trois dans le v. 760 de Cléomadès : De cel poindre trois en cheï Qui onques puis n'orent santé. Le nom. troi eût été con- traire à la règle.

1037 Coûte , masc, coude. Encliner, v. a., se baisser

NOTES. 167

vers (de le sens habituel saluer) ; ici se prosterner.

1042 II vaut mieux lier le v. suiv. a celui-ci et supprimer le point- virgule ; gtierredonner sera ainsi accompagné et de l'accusatif de la chose ijk) et du datif de la per- sonne [ceaus).

1045 Endurer^ ici au sens absolu de souffrir.

1048 Vouer un vœu ; op. mander un mant 1957, partir une jparteiire Bueves 1386.

1053 Aiiis^ plutôt.

1054 « Sauf un cas que je veux réserver. » 1060 Droite voie, adverbe, tout droit.

1062 Meniuder, sens neutre, se cacher de nouveau.

1071 Vous père (pareat), « que cela vous devienne manifeste,

sensible », c.-à.-d. que vous en subissiez le châtiment.

1072 Eîhdroites, extension de endroit par la flexion adver-

biale es ; cp. ar et ores, onc et onques. 1084 Lisez ermitages. 1086 Assener, frapper.

1092 Lasté, lassitude. Ailleurs le mot prend le sens de misère

et de lâcheté.

1093 Trespensé, embarrassé, inquiet, cp. 1133. 1096 Anemi, le diable.

1099 Enganer, tromper, attirer dans ses filets ; cp 2946. Sur l'étymologie, \oy. Enf. Ogier 2912 (notes).

1105 Mettez un tiret devant le guillemet. Ici povreté = pau- pertàtem, plus haut (v. 893) poverie = paupértas ; c'est ainsi que se distinguent, étymologiquement, poésie et poëste', cit (civitas) et a^^(civitàtem). Mon explication donnée, quant à cit, Enf. Og. 1771, doit être rectifiée.

1115 Buleté, bluté (voy. mon Dict.)^

1121 De bo7ie part, lat. bono loco, de bonne origine, de haut

parage, ailleurs, Bueves 2569 et 2675, de bon aire, de fin aire.

1 122 Trestourner, détourner, retenir, est ici un verbe per-

sonnel (cp. 432).

168 BERTHE AUS GRANS PIES.

1127 Assené, dirige, adressé.

1129 Constance et^t un génitif comme Symon.

1138 AU, perdu, mort ; cp. l'angl. gone.

1151 lÀSGZflSt.

1153 Outré, fini (cp. 1157 à sa fin alée).

1156 L'orthographe usuelle ancienne est garandi ; les dérivés

(le mots en mil affaiblissent régulièrement le t en d.

11 vaut peut-être mieux lire la garanti (défini). 1158 Desseiire', perplexe, dérouté.

1166 Durée, résistance.

1167 Gouverner , cniveienir, nowvTw ; c^. 2>2P>0 se gouverner,

subvenir à ses besoins.

1169 Lisez m p. la. Tirer sa resne, s'arrêter.

1170 Sur ce en césure (cp. 2810), voy.- Enf. Og., notes v. 5451 , 1182 C'on = car on.

1188 Aigice dou cuer est de belle poésie. 1191 Ausai, Alsace.

1195 Le ras. a ici et ailleurs tout, qui est moins correct au

nom. plur. ; je n'ai pas corrigé chaque fois, m'étant aperçu que le ms., sans exclure tout à fait tuit (voy. 899, 3339), était coutumier de la forme tout.

1196 Chevissement , moyen do se ckevir, de s'entretenir,

moyen de subsistance (voy. mon Gloss. de Froissart,

V. chievir) . On disait aussi chevance. 1202 Orains, tout-à-l'heure ; composé de ore (heure , moment)

et ains (avant) ; cp. 2860. Le synonyme oi'endroit

(2868) signifie proprement a à l'heure même » . 1204 « Par quelque direction, indication ». 1214 Le passet, adv., au petit pas. 1217 /Swer se trouve souvent employé au vocatif avec le sens

d'épouse ; cp. 2181, 3077. 1220 Penser de, prendre soin, cp. 1358. 1225 Respassement, rétablissement. 1245 Notre auteur emploie deux formes de participe passé de

recevoir : la première est fondée sur la finale du latin

NOTES. 469

receptus, savoir reçut, forme forte (ici et Enf. Og. 5674), la seconde est faite d'après le système normal de conjugaison romane, type reciputus, fr. receil, forme faible (cp. 1910, 2399 , 3024). J'ai eu tort de pré- senter, dans les Enf. Ogier ad v. 5661, reçut comme une forme contracte de receii. On rencontre le même dualisme dans lut, fém. lute{lQ24, 2987), et leiifém. leile, eslit et esleû, but et beu.

1247 Zent, ici languissant.

1248 Assenter , placer, ital. assentare, esp. port, asentar ;ie

ne connais que ce seul exemple du verbe assenter.

L'origine est le participe sedentem. 1252 Mettre à vente, livrer, exposer ; pr. mettre à prix. Nous

voyons aussi, du sens prix (2681 jouel de chiere

vente), découler celui de récompense, ainsi 2055. 1263 La conjonction si a ici la force de « et pourtant ». 1265 Vain , malade ; cp. Durmart le Gallois 250 Vains et

pesaus et dehaitiés. L'adj. tuit dit la même chose dans

\Qchief vmt{9\2). 1271 Selonc ce que ^^ quant on considère, eu égard à ce que ;

cp. 1167. 1274 Prochain, à cœur, cher (ce qui touche de près). 1284 Gaut, forêt, représente correctement l'ail, wald, forêt ;

plus loin (1368), la forme dérivative gaudine. 1294 Escusion est un mot mal fait, c'est comme si l'on disait

(et on la parfois imprime dans des journaux) consta-

tion p. constatation ; la leçon de D. excusoison est donc

préférable. Un exemple ancien de la même licence

est ano7icion p. annonciation. 1300 Mettez une virgule après dame. 1303 Mieudre étant un nominatif (cp. 1395, 2066, 2425), la

grammaire réclamait meillour (cp. 1388). Adenés

présente plusieurs exemples de cette irrégularité, cp.

Enf. Og. 5359 , Cléomadès 1080. 1306 « Il lui pèse qu'elle n'ait donné un faux nom. n Se des-

connoistre, pr. se rendre méconnaissable.

170 BERTHE AUS GRANS PIES.

1310 Geil, partie, de gésir ; type latin jacutus ; cp. 3032.

1314 Mue, fém. de mut, lat. mutus ; épithète constante d'une bête fauve.

1319 Vaincîi, ici anéanti.

1329 NH eiist contredit, phrase adverbiale = indubitable- ment, sans faute.

1335 Aelit p. Aelis, licence de rime.

1337 Alentit, affligé ; de lent, languissant, abattu (1247) ; = lent, paresseux 2143.

1339 Ms. B. porte le cuer H a bosmit ; jusqu'ici on n'a point

relevé de verbe hosmir (on connaît l'adj. abosme\ voy. Enf. Og. 123).

1340 Desconfit, pr. défait, ici éperdu.

1342 Faire que, agir comme (formule connue). B espit, adj. = lat. despectus, méprisable.

1344 Amor p. amors est conforme au texte.

1345 Laissier aler, plus souvent laissier ester, fig. ne plus

s'en inquiéter.

1346 Sougite ^= lat. siibjecta ; autre forme de sujette (cp.

profectus^;*o;f^).

1347 Ostel, ici hospitalité ; ailleurs ostelage . Eslite, choix ;

àeslite, à discrétion.

1361 Retremper ; le préfixe re équivaut à « à son tour. »

1365 Perrin, recouvert de pierre, dallé, pavé.

1369 Acliti, enclin, pr. incliné (1355), fig. soumis, respec- tueux.

1374 Pour, au risque de. Decepline, châtiment, particu- lièrement celui de la flagellation ; aussi mort, destruc- tion, carnage. Voy. sur ce mot, le Glossaire de Gachet, mon Glossaire de Froissart, et l'historique du Dict. de Littré, notre passage est cité.

1378 Doctrine, manières, éducation.

1379 Lisez doi (nomin.) p. deus.

1390 A cesti, en comparaison avec celle-ci.

1410 Vrai, sincère (1403), tourne ici au sens de parfait,

NOTES. 171

comme ^», du sens « fini », passe à celui de « vrai, sincère » (732).

1411 A droit, comme il faut, lat. recte. On pourrait aussi écrire

en ce passage adroit et l'envisager comme l'adverbe de l'adj. adroit {76b), habile. Les observations faites par M. Bormans au sujet de l'orthographe adroit p. à droit en quelques endroits du texte imprimé de Cléo- madès ont peut-être été trop sévères.

1412 Apaier, neutre, pr. s'apaiser, se sentir à Taise, ici se

réjouir.

1414 Retraire , neutre , pr. se retirer, ici revenir sur sa

parole, se dédire.

1415 Manaie, protection ; \oy, Enf. Og. notes, v. 310.

1426 Quel = que (car) le.

1427 Souverain de, supieur à.

1439-40 Corrigez matez p. m'aviez, et Car p. Mais ; j'ai eu tort d'adopter la leçon de B , qui dénature le sens.

1442 Lisez de cuer l'en pri.

1448 Me's, demeuré (partie, de manoir).

1451. Trestuit est une correction que j'ai faite, selon la gram- maire stricte , avant d'avoir coUationné les mss. ; ceux-ci ont trestout ; voy. v. 1195.

1466 La préposition e7i est digne de note ; elle est aussi logique que de et même plus naturelle ; cp. 405 un hoir i engendra.

1476 Par maistrie, d'autorité ; plus bas, v. 1560, nous aurons la forme maistire.

1482 Corrigez, conformément au ms., tel chose à lafiie la fois, ce qui veut dire « parfois »). Cette forme fiie, qui a précédé/?^, répond correctement, selon les prin- cipes phonologiques, au iy^ejiata (encore conservé en italien) ; d'abord J,ede (Livre des Rois), puis^-îVrf, puis, iée se simplifiant en ie, fi-ie, d'où Jie (1716). L'i bref passant en oi, on a eu aussi /oîû, allégé souvent en foie. C'est ainsi que ligata est devenu successive-

172 BERTHE AUS GRANS PIÉS.

ment li-iée, U-ie, loi-ie, loïe {ct^. chastoïe 1749). Le passage de Uie à lie ne s'est pas fait, parce qu'il aurait amené la confusion avec lie (joyeuse) qui vient de liée, féminin de lie (raonos}'}!.), qui est = lat. letus., laeius; cp. la simplification de chiéent assiéent en cJiient assient (Bueves 3201). Pour se convaincre de la jus- tesse démon raisonnement, il faut partir de l'ancienne règle, d'après laquelle a tonique latin fait (non pas simplement é) après ibref : de li-ier, fl-iée, non pas li-er, fi-ée. Je prends occasion de remarquer à pro- pos de foie (variante de E) , que M. Bormans a méconnu cette forme en corrigeant (p. 182 de ses Obs.) la var. signalée par l'éditeur au v. 8976 de Cléomadès ; le vers suspecté est correct, mais c'est /oàfc et non pas/oig qu'il faut lire. 1483 B'on = comme si on.

1485 Outrageus, démesuré.

1486 Lisez, selon l'exigence du sens, hardi p. hardie.

1492 Revois p. revoit, à cause de la rime ; sur ce mot, voj. pi. h. V. 770. Il est bon de noter que les scribes de B et E ont lu remis.

1495 Sur l'étymologie de hloi, blond, voj. Diez 1, V biondo.

1496 Les messagiers est un datif. 1498 Conroi, apprêts, dispositions.

1501 Eslanoi ne peut être pris pour un adjectif ; il faut donc

traduire : « ce n'eût pas été de la réjouissance. » Toutefois l'emploi adjectival d'un substantif ne serait pas sans exemple ; ainsi l'adjectif aise est emprunté au substantif aù^.

1502 Duchoise ; ànche^se Ae Saxe, voy. v. 200; Godefroit,

le seigneur de Gronterre (Grodno) en Pologne, voy. v. 136-7.

1503 Sachois, forme concurrente de sachies, amenée ici ,

exceptionnellement, par la rime ; de même v. 1520 orrais p. orrés.

NOTES. 173

1510 Justamont tué par Pépin ; cp. Chanson des Saxons , couplet IV.

1512 Bwfois^ p. hufoi ; si on veut en faire un pluriel, il fau- dra corriger grans.

1516 Defois, desfois, défense, voy. Enf. Og. notes, v. 6427.

1518 Hnrupois ou Herupois = cil de Herupe ; voy. sur ce terme géographique, le glossaire de M. de Reiffenberg à la suite de son édition de Philippe Mouskes.

1520 Euwage, lat. aquaiicus, a les Flamands du littoral ». L'éd. imprimée porte contrairement à la mesure et àuxmss. : Ft FIame7is, Liégeois... Cp. Chanson des Saxons, couplet CLXI : Et Baviers et Lombarz et Bourguignons evage.

1524 Tour d'Argoise ; je na.[ aucun renseignement sur cette localité.

1528 Mon ms. porte : Qui voient tout à unefi la serve les boise. Cette leçon, qui est aussi (si je ne me trompe) celle de DE , est suspecte pour deux raisons : d'abord la forme insolite^ P-J*?^, puis la séparation des mots une fi par la césure. J'ai donc corrigé tout à, un que la...

1530 Busclierie (le ms. écrit moins bien bucherié), coupe des bois ; dérivé de l'anc. verbe buscher., ligna caedere. Nés, même. Boise, bûche (en rouchi boisse).

1535 Coustume, impôt (conservé dans Tangl. custom).

1544 Laissier convenir, voy. 377.

1552 Entre li et sa mère, formule connue, = elle et sa mère ; op. 2187, 2351, 2493, 2893 et ma note Enf. Og. 6971.

1552 Paroïr, entendre jusqu'à bout ; cp. parlire '2987, par- dire 2702.

1558 Pert, deparoir.

1500-62 La proposition appelée par tafii vient, avec omis- sion de que, au v. 1565. Tantfist. . . seur toutes choses a le sens « elle imposa de telle sorte toutes les choses », mais l'expression n'est pas nette : on s'attendrait à tantfist lever (ou asseoir) seur t. ch. , car il n'est guère

174 BERTHE ALS GRANS PlÉS.

possible de lier tant fist eslire ; ce dernier verbe tient à rincidente : « qu'elle put y faire désigner. » Une correction Aejist parm^ (de seoir) = assist n'est pas admissible.

1564 Escrire, inscrire (sur le rôle des impositions).

1570 « Car finalement elle en tira le pire parti ».

1577 Teche, d'habitude = qualité, s'impose ici comme signi- fiant taxe (bas-lat. tasca). Il paraît y avoir eu confu- sion entre les deux mots. Ou faut-il traduire teches par habitudes, coutumes ?

1585 Lisez Qui p. Que.

1589 Remanoir, manquer ; le synonyme demorer a le même

sens, cp. Bueves, 3067.

1590 Valoir, être agréé.

1596 Loirier, leurrer, allécher par des promesses.

1598 Fardent p. perdent est une orthographe de mon ms. qui se présente plusieurs fois ; je l'ai généralement négligée, puisqu'elle n'est pas constante. J'ai de même écTÏt percevoir quand mon texte donnait parcevoir. Le genre masculin de mémoire est connu.

1602 Recroire, renoncer à la tâche. Jornée , propr. che- min parcouru en une journée (d'où la phrase « tant faire par ses journées » 3020), puis voyage en général ; cp. angl. journey.

1610 Mander, demander ou faire demander.

1612 Truevient, a pour sujet le roi et son entourage.

1614 Ireté, ailleurs hérité, héritage.

1625 Notre grammaire moderne exigerait nus enfes (nomi- natif), mais voyez ma note v. 1023.

1627 Traïson, ici feinte, dissimulation.

1631 Mettez une virgule après confonde.

1641 Le sujet de lait est li messages.

1647 Construisez : « Il me poise de lor anui » ; cp. en latin taedet ou mise)'et me alicujus rei. Cp. 1754 [il] lui amie de.

NOTES. 175

1649-50 Se consirrer de =■ se passer de, est connu (voy. Enf. Ogier, notes, v. 3884), mais la tournure passive esire consirré d'une chose (en être privé) m'est nou- velle.

1651 Passé, arrêté, décidé.

1653 Voie^ voyage ; cp. lat. iter {.-= fr. oirre), chemin et voyage.

1663 Retraire, dire, alléguer.

1664 Ici, pour la rime, paire (vienne au jour) ; ailleurs on

trouve l'orthographe ^ere (p. e. 555).

1671 « Ouvrir leur armoire » ; nous dirions « l'arsenal » de

leurs ruses. Le mot aumaire suppose pour type le bas- lat. almarium, altéré de armarium ; de aussi l'ail. altuer.

1672 Malices est un nominatif singulier, comme au v. 159

maint grant malice un nomin. pluriel ; le mot est masculin (cp. 286 et Cléomadès 2500, 3456) ; voy. ma note Baudouin de Condé, p. 428 (ad v. 103) et mon Glossaire de Froissart.

1679 Nage (lat. natica), fesse.

1681 Lisez corage p. coraige.

1684 Enragier, perdre le sens (l'acception ancienne est moins forte que la moderne) ; cp. 2169.

1687 Malgré sa forme plurielle pasgues est traité en singu- lier.

1694 Lisez d'uit p. iiit.

1699 Pa?' un si, à une condition. On connaît la conjonction par si que, à la condition que (Cléom. 1556), de façon que (Jean de Condé I, p. 15, v. 492) ; le mot si représente non pas lat. si, mais lat. sic.

1712 Beubancerie, faste.

1740 implique ici, comme v. 1745, l'idée de pourtant.

1742 Vies ; tous les mss. ont ùel qui est insoutenable (voyez

les variantes, v. 1084).

1743 Mélancolie n'a pas le sens qu'y attache l'usage moderne,

mais celui de u pensée malheureuse, funeste ».

176 BERTHE AUS GRANS PIES.

1751 La leçon hone gent de B. est évidemment préférable.

1760 Se garir, ici r= se cTievir^ tirer sa subsistance ; de même

1850.

1771 Estrief, étrier, primitif de estrivière.

1773 Mais, plus jamais, cp. 3402.

1780 Corrigez sesis (défiai de seoir) au lieu dejesis.

1782 Ce que = que (lat. id quod).

1783 6fe?it est un datif, = à (par) gent.

1786 Compieng, bourbier (je ne connais pas l'étymologic de ce mot). La variante puiel est une forme variée du roncM 2Mtée^ dépôt de puits, vase, bourbe.

1810 Estrepris au retour, être en voie ou sur le point de retourner.

1812 Avoir garde, avoir à craindre.

1830 Juïs, fém. juïse., a pour type jiùdiclus au lieu de judaeus ou judivus.

1833 Pourquérre est un synonyme de pourveoir , tant à l'ac- tif et au réfléchi qu'au participe passé.

1846 Ce vers forme une parenthèse de l'incidente « que nous traVe avons ».

1843 Plates, plaques, lingots.

1860 S'esciiscr, se tirer d'affaire (litt. hors cause).

1871 Acciier, faire signe pour appeler , ital. accennare ; sur rétymologie du mot, voy. Diez Et. Wôrt. I, cenno. Le mot a aussi été écrit asener, ainsi Raoul de Cam- brai, p. 147 : La dame l'a à son gant asené. Par une faute inverse nous écrivons forcené '^. for séné.

1874 M'esta est un présent : « il me va mal ». On sait que le verbe ester (lat. stare), qui a prêté au verbe estre (lat, esseré) son imparf. indic. et ses participes, a formé un présent ind. tout-à-fait irrégulier : 1*'' pers. sg, estais {estais), 3* pers, sg. esta {estait), 3= pers, pi. estant.

1877 Maintenant U est pris, cela lui a pris il n'y a qu'un instant.

NOTES. 477

1893 Ms. desloial ; en mettant desloiaiis, j'ai voulu satisfaire à la grammaire.

1906 La roïne est un génitif.

1917 Atov' Me/'i = être bien portant.

1928 Fnte, arbre, pr. plante en général.

1941 Coiiseilliei', dire à l'oreille, chuchoter.

1947 Lems. àhairel (sans s, qui, d'ailleurs, manque souvent). Au V. 450, hasterel ; sur la formation du mot , voy. mon Dict. sous hâtereau.

1949 More, étoffe noire.

1954 Pour l'amour (aussi sans l'article, 1991) est une for- mule consacrée dont le sens s'aplatit en celui de « à cause de » .

1957 La répétition du que après une incidente est un fait fréquent.

1964 Quanielé = crénelé (leçon de E).

1967 Estrée, ital. strada, esp. prov. estrada, chemin pavé, grand'route ; du lat. strata s. e. via.

1969 Lisez p. et. Dammartin-enGoële est bien connu.

1972 Lisez ^^^ p. fis.

1978 A bo?ine destinée, locution = heureusement. Dieu merci. Haitié, en bonne santé, cp. 2005.

1980 Destempré, dérangé ; cp. 2006 desnaturé.

1989 II faudrait correctement (jrans.

2029 Oi, j'eus (2271, 2501, 2838). Le même mot se rencon- tre avec la P* pers. sing. de l'indic. prés, de oïr (2169, 2491,2504, 2837).

2022 Restorement, dédommagement, compensation.

2040 Si suivi d'un futur , après une proposition négative, équivaut à jusqu'à ce que, cp. 3037, 3046, voy. Enf. Ogier 624 (notes).

2054 Maie entente, mauvaise intelligence, conduite malhabile

de leur machination.

2055 Droite vente, paiement dû, mérité. * 2057 II faudrait correctement /i?M5.

12

178 BERTBE AUS GRANS PIES.

2060 Pour la locution brasser un chaudeî, comparez Jean de Condél, p. 8, v. 261.

Qui un tel caudiel lui atempre Dont anuiera (anui ara ?) tart ou tempre

, et ma note p. 383. 2065 Pel ; il faudrait peaus, mais la rime fait fi de la gram- maire. 2076 Par revel, par plaisanterie, pour s'amuser. 2069 Za vielle est le régime direct de rapele.

2073 Corrigez quels. Maissele, lat. maxilla , mâchoire ,

joue.

2074 Mesel, lépreux, bas -latin misellus (dimin. de miser) ;

le mot est resté dans Tangl. measles, rougeole (sens spécialisé ; l'anc. meazel signifiait lépreux).

2075 Deut, présent de doloir (employé impersonnellement ;

cp. il m'en poise).

2079 Favele, lat. fabella, fable, discours vain, conte, bourde.

Cp. Chanson des Saxons CCLIII Vassax, dit Fiera- mor, lai ester ta favele ; ib. XLI : n'i font longe favele ; Raoul de Cambrai p. 48 : Dame, dist il, ci a longe favele (Le Glay, songeant sans doute kf avère, traduit inexactement par flatterie, mensonge, illusion).

2080 Querele, au sens ancien =• affaire, chose.

2084 fS'escremir, se tenir sur la défensive, empêcher tout

accès. 2086 Se soufrir, patienter. 2088 Maleoit gré., formule prépositionnelle, = malgré, litt.

« le gré (de Tibert) étant maudit ». 2090 Oeiitil n'est pas correct ; il faudrait gentis ou gentius.

On voit que notre ms. abonde en négligences de ce

genre (absence de flexion nominativale).

2100 Laissier couveinr, voy. 377.

2101 La serve est un génitif. Sel=^si le (le lit). Sentir,

tâter.

NOTES. 179

2105 Le faire, se porter. Voy. mon Glossaire de Froissart

sous/aeVe 4°. 2117 Empirier., v. a., nuire. 2121 Desconfire, sens neutre, être anéanti. 2132 Iqui^ ici = ital. qui , esp. aqui ; ces formes découlent

du type latin ecm'hic, tandis que ici, ci répondent à

ecce hic. A côté de iqvÀ , on employait aussi les ormes nasalisées enqui, anqui; voy.Diez Etym. Wôrt.

tome I qui. 2136 Notre auteur emploie indifféremment les formes rougir

(2191) et rougier (60) ; voy. Enf. Og. 2825. 2139 Tapi = tapetum ; tapis = tapicium ; les deux formes

étaient en cours. 2160 Lisez Uns p. Un. 2166 Fschevi, voy. Enf. Og. 1435. 2181 Lisez Ahi t^. Haï.

2217 Fsclisie, éclair ; les patois du Nord disent encore éclitre.

Diez propose pour étymologie, le nord, glitra, refléter la lumière, ou l'angl. glisier , briller ; n'y aurait-il pas plutôt connexité avec esclisse, éclat (de bois) allongé, et parla avec Tall. schlitzen, fendre? Cp. le synonyme espart de espartir , diviser, fendre (voy. 638).

2218 A liste, à bordures.

2222 Te à la fin de ce vers et des cinq suivants, est la forme enclitique de tu ; nous l'avons rencontré , comme forme enclitique de toi, v. 2142 (tais té) ; cp. 2333 donnés me, Traïsis, forme inchoative du parf. défini de traïr, au lieu de traïs ; il en est de même pour Timparf. du subj. gehisist (2209) p. gehist. Cette forme inchoative est exceptionnelle au défini et à l'imparf. du subj. Voy. sur ce phénomène la Gram- maire de Diez (2« éd.) II, 220.

2226 « Que ne sauves tu du moins ton âme par un franc aveu de ton crime ? »

180 BERTHE AUS GRANS PIES.

2227 tS^à est une faute de ma copie ; le ms. a la ; traduisez :

« la trahison, c'est de ton propre mouvement que tu

las entreprise » ; mettez donc une virgule après traï-

son. 2235 Offert, sacrifié ; à ïor droit, selon leur mérite. 2238 Tert (lat. tergit), de terdre, nettojer, ici balayer. 2248 Aouverte de tous Mens est une expression étrange ; le

sens est ou « reconnue posséder toutes les vertus »,

ou « prodigue de tous biens ». 2255 Pois, forme forte de polce, pouce (lat. pollicem). Coi-

gnier, serrer. 2261 Conoistre , synonyme de gehir ; deux lignes plus loin

reconnoistre. 2265 Pourveoir une chose, 1. se la procurer, 2. comme ici ,

la préparer. ,

2290 Vint il , tournure impersonnelle = la chose vint du

vers précédent. 2300 De., à suivi de Tinfîn., voy. Enf. Og. notes v. 9 ; cp.

2571 [de vous à servir) et 3181 {pour lui à merciier), 2309 Encroer, pendre, type incrocare, pendre au croc. 2312 Veer, 1. défendre, 2. refuser, enfin 3., comme ici, con- tester. 2317 Gouverner, entretenir, prendre à sa charge. 2323 Ces infinitifs sont des régimes directs et ont, comme

souvent, une valeur passive. 2332 Déporter, ménager, épargner (litt. mettre hors, lat. ex-

cipere). Cp. Cléomadès 6856.

Que mais ne le déportera Qu'il n'en face tout son plaisir.

M. Bormans (p. 156) suspecte inutilement l'exactitude de cette leçon ; traduisez : « il pense qu'il ne lui fera plus la grâce de ne pas en faire tout son plaisir. »

2339 6^«2>r (guider), conduire.

2351 Plaisans est une faute du ms. p. plaisant.

NOTES. 181

2353 Suer est grammaticalement fautif pour serour (accus.) ;

voy. Enf. Og. 8116 (notes). 2358-9 Lisez dolens, dolente. 2367 Lisez palefrois.

2390 Aquis = requis, assailli.

2391 Jour assolu, jour saint ; cp. jeudi assolu ; Chanson des

Saxons LXXXII : A feste saint Jehan, un haut jor assolu. Au V. 2424 le mot est = absous.

2410 Ow, forme secondaire de oï;cL senti sentu, tesii vestu, etc.; cp. Enf. Og. 4730.

2412 Cheveil, forme mouillée de chevel.

2421 Qui a pour antécédent JDiex.

2478 Sevré ou dessevré {2i5l), séparé, parti.

2485 N'en ont pas trouvée, ]p. a ne l'ont pas trouvée»; cet

idiotisme de l'ancienne langue s'explique par le carac- tère substantival des négatifs 2)as, point, mie, rien. Nous acceptons bien la phrase moderne : ils n'ont pas trouvé de Berthe ; le pronom en est tout aussi logique. Cp. v. 2644 eles lien (= ne la) virent mie ; Richars li biaus 3797 : « Che castiel là, qui le con- noist ? » Cascuns a dit : « N'en connais mie » ; Tristan I, p. 50 Beau mestre , n'aipoint de m'espée. On trou- vera d'autres exemples de ce tour dans ntes notes Baud. de Condé p. 525, v. 2385, et Jean de Condé I, p. 196 (où j'ai remarqué que le mot mie ou son équi- valent point ou rien pouvait faire défaut) ; voyez encore les Observations de M. Bormans sur le texte de Cléomadès, p. 183.

2486 MaUlie (valeur d'une maille) , denrée (valeur d'un

denier) ; mots destinés à renforcer la négation.

2487 J'ai oublié de rappeler, dès la première apparition du

mot voier (1168), que la valeur de ce terme ne répon- dait pas encore à ce qu'il exprime aujourd'hui ; le viarius (fr. voier) était un seigneur féodal qui avait la moyenne ou la basse justice. Voy. à ce sujet, l'art.

BERTHE AUS GRANS PLES.

viarim de Du Cange ; mon avis est que viarius est un mot fait sous l'influence du fr. voier, et qu'en réalité celui-ci vient de vicarîus et n'est qu'une autre forme de viguier.

2488 Reconté, conté à son tour.

2505 Noi , je nie ; cp. proi, de prier.

2509 « Que je ne me laisse égarer à violer le vœu que j'ai prononcé. »

2515 Supprimez le premier le.

2518 Nous dirions à celer ou en celant.

2519 Ses bons, ce qui lui plaît, ses fantaisies ; ou le terme

équivaudrait-il ici à « ses affirmations » ? 2529 II faut une virgule après revindrent. 2533 On a oublié un guillemet devant par.

2537 Sarteur n'est ni un tailleur ni un cordonnier, comme

on a pensé, mais un essarteur ou défricheur de bois. Vilain ahanant^ simple laboureur.

2538 Nés, pas même. Le poëte sort ici de sa construction ,

et je pense que le passage est altéré ; je voudrais y trouver : N'a teus (tels), et puis au v. suiv. Na glyse.. ne n'a g. tr., Cui n'aions...

2540 Lisez convenant (situation, affaire, circonstances).

2555 Je trouve dans mon ms. Angieus ou ^\\xiô\. Angiens ^ dans BDE, Angiers. Letype .4 «(f^^arww produit régu- lièrement .4 ?yow, comme clavus fait clou , Pictavum Poitou ; mais d'où faut-il dériver Angiens et Angiers ? D'un type Andegani l'un , et Andegarii l'autre ? Anjou se rapporte à Angers, comme Poitou à Poi- tiers ; notre auteur emploie lui-même au v. suiv. (sauté par le typographe, voy. la note suiv.) la forme Anjou comme nom du pays.

2555 J'ai eu le malheur de laisser sauter par le typographe tout un vers de ma copie, que je rétablis ici : Par la terre d'Anjou longuement conversa (séjourna).

2583 Lisez Et tous.

NOTES.

183

2589 Desconfi p. desconfit, à cause de la rime. A vrai dire, je l'ai trouvé aussi hors rime, ainsi Bueves 1975; cela s'accorderait avec l'infinitif confir , qui se voit aussi. Cp. sougi p. sougit, Cléom. 1418.

2591 L'expression fermer la quintaine ( fermer = fixer, dresser) fait voir que le sens primordial de quintaine était non pas le jeu, mais le poteau ou la construc- tion quelconque qui y servait. L'étymologie de quin- taine est encore toujours à l'état de problème.

2598 Savez est un impératif ; ce mode coïncide, comme on sait, régulièrement avec le prés, de l'ind. ; aieZy veuillez^ soyez, sachiez, qui sont tirés du subjonctif, sont des exceptions.

2600 Corrigez Dieu p. Diex.

2617 Acneillir, attaquer.

2619 Poiirsivi ; le composé poursivre a deux formes de par- ticipe passé : poursivi et poiirseil (2396, 3062) ; ce dernier sur le type latin secuiîis. Je n'ai pas remar- qué, dans Adenés, la forme seiè pour le verbe simple sivre ; la confusion avec seii de savoir l'a fait écarter ; on trouve sivi au v. 2162.

2627 Lisez filles.

2633 Ardue ■= archiée, portée d'arc,

2644 Pour uen, voy. v. 2485.

2660 Ma route, non pas « ma route (chemin), mais « ma compagnie ».

2662 Rassemment, indication, renseignement, de rassener, remettre sur la voie = ratoier (2665).

2667 Rouvelent, rouge, vermeil ; Phil. Mouskes 24043 : Et si ot couleur rouvelente Aussi comme la flors sor Tente ; Romans d'Alixandre p. 496, 6. Paraît être une forme diminutive de rouvert (lat. riibentem) que l'on trouve dans le roman d'Alixandre p. 479, 18 : qui la chiere a rouvente.

2683 Asserrai, futur d'asseoir, ici établir, fixer, assigner; pour la forme voy. Enf. Og. 4932.

184 BERTIIE A US GRANS PIÉS.

2696 Converser, aller et venir, séjourner.

2700 Se reclamer de, ici faire mention.

2701 S'acouter, s'appuyer, lat. acculitare (cp. douter de duH-

tare) ; auj. accouder. 2710 Qui, si on.

2716 Maistres le roy, maire du roi, majordome.

2717 Estrehieii àex[({Xi., en être bien vu, honoré; ail. gui

mit einem stehen. Cette locution a déjà été relevée par moi Baud. de Condé p. 409 (v. 45), et depuis par Tobler, Mittheilungen I, 262.

2727 Ens en semble peu convenir au terme crois ; passe pour en la crois, qui se présente aussi souvent que monter el destrier^ mais le renforcement ens en est moins jus- tifiable.

2729 II faut une virgule à la fin du vers.

2735 Tolère, nominatif de toleur, ravisseur.

2741 Corrigez s' ai p. fai.

2742 Cp. V. 137.

2746 Par vérité, sérieusement.

2756 Faire force, faire cas, tenir compte, insister. Le sub- jonctif ait communique au relatif que la valeur de « quodcunque. »

2778 Purté, vérité.

2790 Ici encore l'infinitif passé pour l'infinitif présent , cp. 169.

2806 Trouver en mençonge, convaincre de mensonge, cp. Cléo- madès 6811 ; opposé de trouver en vérité (Cléom. 2163, 3699).

2820 Desconnoissance, action de se descomioistre, de se rendre descoimeio (inconnu) ; déguisement.

2826 Despuis, litt. = de ipso postea.

2828 Douté, ici simplement « respecté. »

2830 Fondé, comme souvent = « instruit ».

2835 Mieux vaut écrire en un seul mot fuiscedi ; le sens lit- téral « depuis ce jour » s'étant effacé dans l'usage.

NOTES. 185

840 La liaison de ce vers avec ce qui précède est un peu

lâche ; le premier ce implique l'idée « ce pour quoi

elle s'est déclarée. » 2846 Mettez une virgule après Sire. 2850 Reponre, cacher ; aussi sous la forme adoucie rebondre ;

partie, passé repuns (d'où repus, fém. repuse) et

repost (lat. repostus). 2856 Dote, forme féminine, arbitrairement formée pour la

rime, de doit, doi. 2861 Devers serait peut-être mieux écrit de vers quand il

exprime un terminus a quo et que le de conserve sa

valeur naturelle ; on le distinguerait ainsi de devers

= vers (terminus ad quem), de n'est qu'un élément

de composition sans valeur propre. 2870 Poësti p. poëstif, licence de rime. 2877 Autrefois ; allusion aux vv. 2500 et suiv. 2890 Eschivement , mojen de s esquiver ; les mots de moi

garder constituent une redondance. 2894 Corrigez set au lieu de sot. 2896 Oposer qqn., lui faire des objections, attaquer de paroles ;

cp. Cléomadès 6812. 2912 H m'est pou de, je ne me soucie guère. 2918 S'/iumelier, s'incliner (au sens propre), cp. 3316.

2920 Engingnié, pr. trompé, ici = aveuglé (sens moral).

2921 Quant serait mieux remplacé par que en corrélation avec

le si qui précède.

2923 Paie, satisfait ; plus haut apaié.

2925 Pechié, crime, attentat.

2930 Corrigez parlés p. parlere's.

2933 Mar suivi du futur équivaut à un impératif négatif : « n'en doutez point ». Cette particularité n'a pas encore été relevée que je sache.

2937 Povreté sï^m^e privation, tourment ; de son emploi au pluriel (cp. 3238, 3252) ; nous dirions « des mi- sères. » Il est digne de noter qu'autant les modernes

186 BERTHE AUS GRAINS PIES.

éviteraient le pluriel de pauvreté, autant les anciens ie faisaient à l'égard de misère.

2939 Espoir, peut-être.

2940 Afaire^ situation, état, rang ; « de haut afairc « se voit

souvent.

2957 L'indicatif o^wo;*^* après 5i WW5 ^n n'a rien d'inaccou- tumé.

2974 Le pluriel majestés est un simple effet de rime.

2986 Reverser^ pr. tourner de tous côtés, de les acceptions parcourir, examiner ; dans Raoul de Cambrai , p. 147, reverser est appliqué à la visite des morts sur un champ de bataille (l'éditeur a mal compris en le tradui- sant par « relever ») ; Jean de Condé I, p, 333, v. 955 parle du métier des veneurs « des bos ciercier et revierser ». Dans Bueves 16 on trouve reverckier au sens de faire des recherches, fureter ; c'est, au fond, le même mot, mais tiré d'un type reverticare.

2957 De Bertain^ en ce qui concerne Berte.

2963 Conmander à Dieu ou à Jhesu, formule constante pour

« congédier. »

2964 Florime's, litt. séjour des fleurs. « On ne reconnaît

plus de souvenirs du nom de Florimés dans le voisi- nage de la ville de Mans. Seulement on peut conjec- turer que Florimés se trouvait sur le territoire du village de Roezé [Roziacnm, jardin de roses). A l'ap- pui de cette conjecture on peut remarquer que le ruisseau le Fessart , qui semble devoir être l'ancien Minclo , coule à quelques pas du clocher de Roezé. » Note communiquée à M. Paulin F'aris.

2990 Qîie = car.

3003 Trèsaler, litt. trans-ire, fig. s'évanouir.

3006 Gerra.^ futur de gésir , tiré d'un inûniixî gcrre (qui se rapporte à gésir , comme taire à taisir, îoire à loisir, etc.).

3008 Penser à, ici comme souvent, douter de.

NOTES. 187

3012 Mouvoir, se mettre en route ; cp. 3031.

3020 Esploitier , au sens absolu, comme au réfléchi , rend l'idée « accomplir sa tâche , faire sa besogne. » Voy. sur les diverses applications de ce mot, mon Glossaire de Froissart.

3032 Geii, part, de gésir, coucher, prendre gîte.

3038 Le ms. porte seil ; mais, évidemment, il faut rempla- cer ce mot par veii, qu'ont les autres manuscrits.

3042 Destolu, écarté ; Chanson des Saxons LXXXII Berart

firent baignieren un leu destolu.

3043 Mettez un guillemet devant est. 3056 Corrigez vraiement p. vraiment.

3064 Voj. sur ce tour (cp. 3357), ma note Enf. Og. 6154 ; il est signalé aussi dans la grammaire de Diez III, 171.

3067 A privée maisnie, avec une suite de quelques familiers,

3004 Rassener, actif, faire revenir.

3103 Lisez Jst p. /s.

3111 Lisez, selon l'exigence de la mesure et de la grammaire graciie, cp. 1481 netiie, 3178 moniepliier, 3179 gra- ciier ; voy. d'ailleurs la note 1482.

3114 Ven , l'on ; je ne me rappelle pas avoir rencontré cette forme picarde de Ton dans quelque autre passage de notre poëte.

3140 Revesti de joie est une heureuse expression.

3147 Lisez dit p. dist.

3164 Plaidier, faire de longs discours.

3168 Sur les parents de Roland , Gille et Milon d'Aiglant, VOJ. Gautier, Épopées françaises II, 57 et suiv. ; cp. V. 3472.

3173 Lisez à p. a.

3177 Je n'ai pas écrit la colée, comme font quelques éditeurs, parce que le terme savant accolade parle en faveur Racolée ; cependant je n'insiste pas, le mot ro/ce ajant une existence constatée par des centaines d'exemples il ne peut être question d'une fausse lecture la

188 liERTHE AUS GRANS PIÉS.

colée p. Vacolée , comme la jornée p. Vajorme (je ne citerai que notre auteur, Bue ves 887, tele colée). Ce que je tiens beaucoup plus à redresser, c'est l'erreur de ceux qui font dériver colée de col (orthographe variée de colp), coup , au lieu de col, cou ; c'est pr. , un coup sur le col, cp. le terme jouée, soufflet.

3192 Joie de desirrier , joie désirable ? ou joie provoquée par l'accomplissement d'un long désir , par une longue privation ?

3196 Penne, fourrure.

3209 Ms. biens. Le scribe s'est abandonné ici, indûment, à l'usage , souvent constaté , de munir l'adverbe de la même flexion que le substantif qu'il détermine et précède ; cp. 3233 drois (juste) neuf ans et demi, Richars li biaus 3542 Li mains (lat. mane) levers pas ne li griève.

3237 Nés, ne les.

3263 Tous li sains est une erreur de ma copie que j'ai laissée passer ; le ms. porte, conformément à la grammaire, tout li saint. Le mot saiîit est une fausse ortho- graphe (due sans doute à une confusion avec saint = sanctus) pour saine ou sain, qui représente le lat. signum, signal, au moyen âge = cloche. De toque- sain, d'où tocsin. '

3266 Fiertre, lat. feretrum, châsse.

3269 Corrigez chevalier (sans s).

3297 Adrecier paraît avoir ici le sens neutre d'arriver, se produire.

3310 Estre sire, fig. être privilégié, heureux.

3319 Ploite, forme féminine de ploit ; quant à ce dernier, c'est le subst. verbal de ploitier, lequel répond à un type plicitare, fréquentatif de plicare. Entre ploi (pli) et j?ZoîY il y a équivalence, mais différence d'origine immédiate. Fstrc en la droite ploite, litt. être dans le bon pli, fig. être en bon chemin.

NOTES. 489

3326 Retoite, voy. v. 770.

3326 Destroit est ici, comme notre mot misérable , un simple terme d'ijijure.

3337 Chauf, forme masculine abandonnée sans raison par les

modernes, comme ils l'ont fait pour roit (roide) et aver (avare). ^

3338 Rendu , moine , particulièrement frère lai ; le terme

vient de la formule se rendre moine (v. 42). Voy. Du Cange redditus. /

3368 La forme ceaus alterne dans le ms. avec cens ; cepen- dant je n'y ai jamais remarqué eus (illos) p. aus.

3390 Arréer, ici = adouher (3378).

3395 Pert, de paroir, venir au jour.

3398 Rere, lat. radere.

3400 Lisez, d'après le ms., avère., et voy. note 134.

3406 Mettez une virgule aprôs Diex.

3419 Lisez Rois p. Roi.

3439 Sur cette reine Constance, voy. Enf. Og. p. 320. Le scribe du ms. B omet les sept vers 3435-41, relatifs à la naissance de la reine Constance de Hongrie. Par contre il interpole deux vers à la suite de 3474 (voy. les Var.), il fait de Constance le deuxième enfant de Bertbe et de Pépin. La leçon de B est inac- ceptable, car elle est en désaccord avec les Enf. Ogier, Constance est plusieurs fois mentionnée comme la tante de Charlemagne (vv. 67, 8040, 8042).

3441 Ce vers confirme la supposition générale que le poëme

de Berte a été composé postérieurement à celui des Enfances Ogier, la guerre des Danois contre Con- stance se trouve traitée.

3442 Lisez, d'après le ms., ert ; la forme diphthonguée iert

est, dans notre ms., régulièrement réservée au futur. 3449 Je ne sais si une abbaye du nom de Val-Berte a jamais

existé. 3463 Lisez sa dame.

190 6ERTHE ALS GRANS PIES.

3464 Ces deux bâtards jouent un rôle important dans Ja légende des Enfances de Charlemagne, voy. l'Histoire poétique de Charlemagne par G. Paris, et les Epopées françaises par Léon Gautier.

3469 Ce sujet li premiers des cnfans est en désaccord avec le verbe orent il qui suit ; des anacoluthes de ce genre ne sont pas rares chez les trouvères.

3471-73 Cp. V. 3168.

3480 Lisez desrompu.

3482 Après ce vers l'écrivain du ms. B fait encore mention d'un second Charles issu de Pépin et de Berthe ; il s'agit de Carloman , frère puîné du grand empereur, dont la légende dit qu'il fut faible d'entendement , qu'il passa douze ans chez son grand-père en Hongrie, mais que « petit amenda » (Girard d'Amiens , Char- lemagne, cité par L. Gautier II, 32).

ynivorJtaa «ai^

TABLE.

Page».

Préface ^'

Texte du poëme 1

Variantes ^29

Notes, rectifications et errata ....,.• H^

La Bibliothèque

Université d'Ottawa

Echéance

The Librory

University of Ottawa

Date due

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