^y^^^ s V»- ^^, i Kr-^'^ V^^ :^^^ Vi •V-Ni 1 -•H. SItîf E B- Ml ffiibrarg Nnrtl? Ûlaroltna S'talr îînitîrrBitg QK664 M6 V S00208447 P i: LIJ.l.IUCE. 1851 La publication par l'Académie royale des scien- ces, lettres et beaux-arts de Belgique, des notices adoptées par elle pour son bulletin des séances, permet aux auteurs de réunir par volumes les ti- rages à part de leurs communications. J'ai dit dans mon avant-propos de la Fuchsia, publiée en 1850, comment le volume portant ce nom, renfermait mes dissertations de i 845 à i 849. Le présent volume contient mes opuscules académiques présentés, en d850 et 1851, au premier corps savant de Bel- gique. J'ai placé , selon ma coutume , ce petit ou- vrage sous le patronage de la mémoire de Mathias de L'Obel , une de nos gloires nationales, et ce sou- venir m'a permis de joindre au litre un portrait, auparavant très-rare, de l'illustre botaniste fla- mand. La plupart des notices contenues dans ce volume sont relatives à la science des aberrations ou monstruosités végétales. Je me suis cru autorisé en parlie à placer ces sortes de phénomènes sous les auspices de L'Obel à cause de plusieurs circon- ( V. ) stances. Le botaniste lillois s'est fait peindre, te- nant à la main un lis blanc à cinq parties au pé- rianthe, ce qui est une monstruosité de réduction. Est-ce à dessein ou involontairement? je l'ignore, quoique je penche, je l'avoue vers la dernière idée , mais le fait n'en subsiste pas moins. Puis, les lobé- liacées dédiées à notre ancien compatriote, sont des types irréguliers dérivés des campanulacées, au point qu'autrefois, et même dans les écrits de deCan- dolle, on réunissait les uns et les autres dans une même famille. Enfin, les lobéliacées elles-mêmes m'ont fourni le sujet d'une notice sur un genre de monstruosités très -rare et très •= curieux pour la philosophie de la science tératologique. Je crois ces arguments suffisants pour légitimer le titre que j'ai donné à ce présent volume. Liège, oO décembre 1851. Ch. Morren. TAULE DES MATIÈRES. I. Prologue à la mémoiie de MaUiias de L'Obel o. Le globe, le temps et la vie ou discours sur les phénomènes pério- diques auxquels la physiologie de la terre est soumise ... 1 Mémorandum sur la vaniHe, son histoire et sa culture (1"^^ partie, 1 planche) 20 ■1 Sur la speiranthie des Cyprii)èdes, nouveau genre de monstruosités, 55 5. Étude d'une pétalification successive dans les Saxifrages (1 planche). C5 0. Notice sur la structure morphologique de la fleur des Lopéziées et sur une adénopétalic observée dans cette tribu {1 planche). . 73 7. Notice sur la disparition des organes sexuels (céuanthie) cl sur le développement de nombreux rameaux ananthes (mischomanie) dans le BcUevalia comosa et sa variété monstrosa { 2 planches ) 85 8. Les virescences distinctes des phyllomorphies et cas particulier d'une virescence du Chèvrefeuille (4 planche) 95 9. Note sur un procédé qui fait produire à certaines races de pommes de terre, quatre récoltes dans l'année. . lOÔ 10. Coryphyllic d'un Gesneria, genre de monstruosité où la feuillo termine l'axe végétal (1 planche) 107 1 1. Notice sur le spiralisme tératologique des tiges (1 planche). . . 1 i 1 12. De l'atrophie en général et démonstration par l'étude de l'organi- sation même, de ce fait que les pollens de certains monstres sont impuissants (1 planche) Ir>.j 15. D'une pélorisation sigmoïde des Calcéolaires, nouveau genre de monstruosité, d'une synanthie bicalcéifère et cndostaminalc, et enfin, d'uncsynauthieunicalcéifèrect exostaminalede ces mêmes plantes (1 planche) 157 ( VIII ) 14. Solénaïdie ou mélamorphose des organes sexuels en tubes creux et stériles (1 planche) 149 15. De l'influence de Téclipse du soleil du 28 juillet 1851, sur les plantes 157 1 G. Recherches sur un nouveau genre de monstruosités végétales mo- difiant l'axe de certaines fleurs et appelé gymnaxonie, ou dé- nudation de cet organe (1 planche) 109 17. Notice sur les anomalies de déplacement et analyse de monstres nouveaux compliqués de métaphérie, de dédoublement et de disjonction (1 planche) 177 18. Rapport sur un mémoire concernant la topographie, la géologie, l'économie rurale et la fertilité des polders 191 QUELQUES FLEBI^g PIE IKDMILM JBTKES SUR LA TOMBE u'UN DES PÈRES DE LA BOTANIQUE BELGE, MATHXA8 DE Z'OBEZ , KB A LILLi: EK rl.ANDIlE , EK , le Frnlicum suhfrulicum rremionim et arhorum ad- versaria concisipque recensiones^{\;u)s lequel il l'ail connaître (les niédicamenls nouveaux ou des végétaux singuliers, enlre autres les Sarracenia, qu'on appelait alors le Thuris limpidifolium , le caroubier, le jujubier, le laurier-lin, le chène-liége, l'arbre de Judée, le platane, l'érable et d'au- tres espèces intéressantes. Il y joint un appendix de plantes nouvelles qui lui étaient restées inconnues, et un formu- laire de remèdes écrit par Rondelet. Pendant l'impression de ses œuvres, de L'Obel se fixa comme médecin à Anvers: il eut ainsi le moyen d'en sur- veiller les corrections. îl ne paraît pas qu'il ait quitté la métropole du commerce belge, dont il cite souvent les pré- cieuses introductions, avant 1581 ; car on trouve dans la traduction lîamande de son Histoire des plantes qu'il y signa, le i" mai de celte année , la dédicace de son livre au prince d'Orange. 11 avait alors 45 ans; mais quelque temps après, attiré, sans doute, en Hollande par la famille du prince, il alla séjournera Delft,oii il se livra aussi à la pra- tique de la médecine. La dédicace du Kniydboek de 1581, donne d'ailleurs plusieurs motifs de son amitié pour les Hollandais. Il y fait connaître avec une vive reconnaissance que, grâce à l'activité et à la réputation des savants de celle nation, il a reçu un grand nombre de plantes des Indes, de Con- stanlinople, d'Italie, d'Allemagne et d'Espagne. Il s'y loue d'une façon toute spéciale de la largesse de Cbarles de L'Escluse, qui, à cette époque, occupait les fonctions d'in- tendant du jardin botanique de Vienne, mais se trouvait, en 1580, en Angleterre. Ces deux hommes étaient sans doute faits pour s'estimer. Dans cette même dédicace, de ( x»v ) L'Obel prend plaisir à citer quelques noms belges, chers à l'histoire de l'horticulture et de la botanique, dont nous le verrons bientôt peindre à grands traits le prodigieux développement dans nos provinces. Il mentionme les de Renoultre, de Brancion, Vanderdilft, morts h cette époque, et comme contemporains ayant le culte des fleurs en honneur, Philippe de Marnix de S'-Aldegonde, Charles de Houchin, seigneur de Longastre, Jean Boisot, Mathias Laurin, trésorier des états, Cornelis Druynen, également trésorier, maître Guillaume Martini et Jean de Hoboken, greflier de la ville d'Anvers , les gentilshommes Jacques Duym et Jaspar Roelofs, enfin Jean Mouton de Tournai et Jacques Durin. C'est à eux, dit-il, que la Belgique est redevable de l'introduction des plantes utiles d'Italie, d'Allemagne, d'Angleterre, du Languedoc et de la Pro- vence, et il les signale à la reconnaissance de la postérité. La première partie du Krmjdboek, formée de 994 pages in-folio, et la seconde qui en comprend 512, sont suivies du Traité des succédanés, 15 pages, en tout 1521 pages sans les tables. Les figures sont plus nombreuses que dans les Adversaria, et avaient servi, entre les mains de Plantin, aux éditions de Fuchs, Dodoëns, de L'Escluse et de Ma- thiole. L'auteur y a joint à la fin un petit traité des cham- pignons, et les arbres, cette fois, se trouvent non plus séparés comme dans les Adversaria, mais forment un cha- pitre seulement dans le traité général. Le Krmjdboek eut sans doute, dans les provinces flamandes et hollandaises, une vogue très-grande, puisqu'il est plus rare de le trouver aujourd'hui entier et bien conservé, que les Adversaria, dont la langue a permis cependant la diff'usiou dans toute l'Europe. De L'Obel avait dédié, pendant son séjour à Anvers, son { XV } Siirpium hisloria aux gouverneurs, magistrats et généraux (le la Gaule Belgique. M. Louis Debacker, dans son ouvrage sur Les Flamands de France, études sur leur langue, leur lii- térature et leurs monumenls, pul)lié récemment (1 {i52), croit que la rareté des monuments littéraires de quelque valeur antérieurs au \Y siècle, ne doit être attribuée qu'à l'état de guerre où se trouvaient ces provinces. « Comment l'ou- vrier de la pensée, dit-il, l'écrivain, aurait-il pu se livrer à ses méditations au milieu de ces cris d'alarme, de tout ce bruit des batailles, à la vue de ces lueurs sinistres que projetaient les villes incendiées? Pour se produire, ajoute l'auteur, les lettres et les arts ont besoin de paix et de liberté : les armes effraient leur muse. » Déjà, un de nos critiques, à la fois sagace et bienveillant, M. Edouard Félis , a fait remarquer avec grande raison que cette observation de M. Louis Debacker n'est pas applicable au culte des arts, qui certes prirent une élévation considérable sous la puis- sante et guerroyante maison de Bourgogne. Comme il est facile de se l'expliquer par la nature même des monu- ments de ces siècles agités, le contre-poids des armes était le culte, et une phase toute religieuse se pose ici dans la série des progrès de l'art. La biographie de de L'Obel atteste encore le même fait. Pendant ce XYP siècle, si sanglant et si abîmé, les savants s'occupaient, dans une sérénité par- faite, de l'étude des fleurs, les êtres les plus pacifiques et les plus placides de la création; et cependant à voir comment de L'Obel sent les événements de son époque, on reste convaincu que ce calme ne procède ni de l'insensibilité, ni de l'indifférence. Les botanistes aiment toujours leur patrie par un sentiment dont eux seuls peuvent apprécier le prix et la chaleur : ils adorent les fleurs; les premières qu'ils ont [)u admirer se sont écloses près de leur ber- ( ^^i ) . ccau, el Ton naîl avec l'amour dos Heurs comme on naîl pcinlre, poëte ou penseur. Ces impressions premières ne s'effacent jamais, et quand le botaniste songera son pays, il en voit dans son esprit l'attachante image, entourée de l'auréole de ses fleurs nationales. Au souvenir du lieu natal et des premières affections, la nature elle-même vient joindre celui de ses plus gracieuses merveilles : comment alors ne pas aimer deux fois le pays de sa nais- sance et de ses premières amours! « Je ne puis pas assez déplorer, disait de L'Obel , aux gouverneurs, magistrats et généraux de son pays, les cala- mités de notre commune patrie, déchirée misérablement par une odieuse guerre civile; nos villes voient tomber leurs remparts et l'incendie les consume; l'eau, le fer et la famine tuent des milliers de nos compatriotes; nos champs sont dévastés, nos villages pillés, nos laboureurs exterminés. Ces provinces, livrées naguère au culte char- mant des Muses, qui semblaient avoir quitté la Grèce pour chercher au milieu de nous un moderne Hélicon, nos provinces n'entendent plus les chants des poètes, ni les discours des sages : le clairon des combats retentit seul dans les airs; quel est l'homme de mansuétude et de piété, qui contemplera sans une suprême douleur des dissensions si malheureuses, et des dommages si irrépa- rables! Et cependant, tout ce pays si noble et si antique, cette Gaule Belgique, connue depuis longtemps sous le nom de Flandre ou de Germanie inférieure, est le plus vaste et le plus célèbre bazar de toute l'Europe, où l'on porte en abondance par terre et par mer, tout ce que les diffé- rentes contrées du globe offrent de curieux et de remar- quable, où l'on voit accumulés les trésors de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. Ce pays est fécond en liommes ( ^vij ) brillants par leur esprit, et livrés avec succès à réliide des arts e* des sciences. Kl quoique celle région seplen- Irionalesoit soumise à un ciel rigoureux, et devienne par conséquent moins [)roprc à nourrir une infinité de plantes, tant sévissent les froids et les longs hivers, tant sont fortes les tempôles et fréquentes les variations des temps; cependant telle est l'habileté de ce peuple, telle est sa con- stance et l'opportunité de ses soins dans fart de protéger les plantes contre l'inclémence des saisons , qu'il est im- possible de trouver un végétal, quelque délicat qu'il soit, qu'on ne parvienne à élever et à faire prospérer par l'as- siduité et l'infatigable travail de ces hommes instruits et illustres qui n'épargnent, pour arriver à celte fin, ni dé- penses , ni peines. C'est par cette raison que je ne fais aucune difficulté de mettre les Belges au premier rang dans l'art de la botanique (in excolenda re herbaria). Vous trouverez dans ce seul pays plus d'espèces et de variétés de plantes, d'arbustes et d'arbres que dans la Grèce an- tique, la spacieuse Espagne, toute l'Allemagne, l'Angle- terre, la France , dans fltalie, si bien cultivée, ou dans tel royaume et telle province adjacents. Aussi cette lloréale Belgique compte- elle eu nombre de zélés amateurs de l'art des jardins; et pour moi, je ne cite que ceux qui me sont connus : ils brillent non-seulement par la cul- ture des fleurs, mais aussi par la culture des lellres. Tels sont Charles de Croy, prince de Chimay, Pierre de Bossu, seigneur de Jeumont, Charles de Bossu, vicomte de Jiruxelles, feu le très-révérend seigneur Gérard d'Oiguies, évéque de Tournay, Jean de Brancion , Charles de Hou- chin, seigneur de Longastre, Jean Dilft, Jean Boisot, Jacques Utenhoven, Philippe Deurnagle, seigneur de Vroyland , Jean de Limoges, surnommé Nonnius, Charles 2 ( xviij ) (le L'Escluse, intendant du jardin de l'empereur Maximilien d'Autriche, le premier de tous les écrivains dans la science des plantes , et les professeurs royaux de l'antique et noble université de Louvain, Pierre de Breughel , Corneille Gemma et Jean Viringus, lesquels se sont livrés à cette étude avec un louable succès. Ces botanistes ont fait venir à grands frais de Constantiiiople, de la Grèce, d'Espagne, d'Italie, de différentes parties de l'Asie et de l'Afrique, et même du Nouveau Monde, récemment découvert, des vé- gétaux nombreux formant l'ornement de nos jardins. Moi même, j'en avais expédié d'Italie, de la Provence et du Languedoc, mais presque tous ont péri dans le sac de Lyon. » Ce passage des Adversaria est un magnifique éloge de l'horticulture ancienne de la Belgique, qui, depuis cinq siècles au moins, n'a pas failli dans cet amour raisonné et profondément senti des merveilles de la création. Aussi ces paroles, ou du moins une partie de ce passage, arran- gées avec plus ou moins de complaisance, selon les temps, les gouvernements et les vues politiques ou autres des écrivains, ont-elles été souvent reproduites ou rappelées : témoin les discours de Van Hulthem, la préface des Annales des sciences phtjsiques , rédigées par Bory de S^-Vincent, Van Mons et Drapier, les écrits de Voisin , etc. Nous nous sommes fait un devoir, nous, de donner ce passage de de L'Obel tel qu'il est, sans restriction ni variante, et nous ne pouvons, en effet, ne pas faire remarquer ici avec un sentiment pénible, qu'on ne comprend pas, dans cette citation des gloires du pays à l'endroit de la botanique, rémission du nom de Dodoëns, dont le botaniste lillois connaissait si bien les œuvres, qu'à propos des espèces, il en fait usage un grand nombre de fois , et que là il le désigne religieusement. Dans l'édition anglaise des ^(iver- ( xix ) saria, on trouve une préface adressée aux professeurs (Je Montpellier, où l'auleur déclare que son but n'est pas de suivre dans l'histoire d'une flore nationale le « très-docte et très-candide Dodonœus. » Il n'avait donc rien qui dût l'empccher dç rendre à l'illnsfre botaniste de Malincs la justice qu'il avait si bien méritée. Après son séjour en Hollande, nous retrouvons de L'Obel une seconde fois en Angleterre, où il accomplit la der- nière partie de sa carrière. Pulteney, dans ses Esquisses historiques et biographiques des progrés de la botanique en Angleterre (t. I, p. 100), sans déterminer à quelle époque précise le botaniste de Lille alla se fixer au delà du détroit, croit pouvoir toutefois conclure qu'il était dans la capitale de la Grande-Bretagne en 1570. Sans doute, il y était alors, mais pas à demeure; de 1575, au moins, à 1581 (6 ans), nous le trouvons médecin à Anvers, et, plus tard, à Dclft. Ce qui paraît certain, c'est que de L'Obel s'était fixé définitivement en Angleterre avant 1592. On a vu comment, en Belgique, ses connaissances en botanique le mettaient en relation avec de nobles et influents personnages : ce fait se reproduit partout, dans tous les pays et à propos de la plupart des botanistes illustres. De L'Obel, arrivé en Angleterre, y fut fêlé par de puissants seigneurs : il y connut lord Zoucli, qui, envoyé en ambassade auprès de la cour de Danemark, en 1592, pria de L'Obel de l'accompagner. Les écrits anglais sur les introductions des plantes mentionnent, à cet égard, qu'il saisit cette nouvelle occasion pour ramener avec lui des espèces de ce pays, des raretés exotiques, incon- nues auparavant dans les lies Britanniques , et pour établir avec les savants danois d'utiles correspondances. A son retour, il devint surintendant d'un jardin botanique, fondé ( XX ) par lord Zouch, à Hackney. Cette sorte de fonction était ambitionnée alors par plusieurs botanistes célèbres, et le fait se conçoit sans peine : nos temps actuels ont rem- placé sur le continent les grands seigneurs, par des gou- vernements, qui sont loin souvent, et très-loin, d'avoir la libéralité éclairée de ces premiers et généreux protecteurs des sciences. Nous voyons à cette même époque Gérard de Nantwich, en Cheshire, né en 1545, devenu médecin , recevoir la protection de lord Burleigh , qui possédait un jardin botanique au Strand, à Londres. Gérard exploitait lui-même un jardin de plantes médicinales, à Holborn. Gérard et de L'Obel se connurent et s'estimèrent : notre botaniste flamand mentionne 1100 sortes de plantes qu'il a vues chez son ami, à Holborn; et quand Gérard publia, en 1596, le catalogue de ses plantes cultivées, de L'Obel y inséra une lettre toute en faveur de son collègue. Il eut aussi des relations suivies avec Gray, riche pharmacien de Londres, et il le cite à propos de plusieurs plantes remar- quables. Le fils de Marie Stuart, Jacques V\ monta sur le trône d'Ecosse, en 1387. On sait que ce roi s'occupa de bota- nique, et que parmi les livres célèbres se trouve son fameux traité contre l'usage du tabac : Misocapnos sive de abusu tobacci, lusus regius, qu'il publia, en 1604, un an après être monté sur le trône d'Angleterre. L'amiral sir Walter Raleich fut, comme on le sait, le premier Anglais qui fuma dans son pays : il rapporta de Virginie l'usage des pipes, et l'on raconte que son domestique voyant de la fumée sortir de la bouche et du nez de son maître, s'imagina qu'il avait pris feu à l'intérieur et lui jeta un pot d'eau à la tête pour éteindre cette combustion. De f^'Escluse rap- porte comment le tabac fit fureur en Angleterre, surtout à ( X^J ) la cour. Jacques I" ne le soufl'rait pas, et dans son Miso- capnos, il regarde comme un soin qui ne déroge pas à la dignité de la couronne, d'écrire lui-même contre cet abus. « S'il vous reste quelque pudeur, ô mes concitoyens! » s'écrie-t-il, « laissez-là cette chose insensée: elle naquit » de l'ignominie; elle fut nourrie par l'erreur et propagée » par la folie. Cette fumée provoque la colère du Ciel; elle » altère la santé du corps; elle ruine le ménage; elle dé- » grade la nation; elle vieillit la demeure; elle empeste la » cité; elle est odieuse à voir, dégoûtante à sentir; elle » alourdit le cerveau et gangrène les poumons, et, il ne » faut pas hésiter à le dire, la fumée du tabac, c'est la » fumée de l'enfer. » A ce portrait, peu flatteur, précur- seur des lois qui mitigeaient ou proscrivaient l'usage du tabac , les jésuites répondirent par une brillante apologie de l'importation de Christophe Colomb. En 1604, l'année même où parut la première édition du Counlerblast to tohacco, texte anglais du Misocapnos, Jacques 1*"' bannit du royaume les prêtres catholiques. En 1605 éclata la fameuse conspiration des poudres, et les deux jésuites. Carnet et Oldcorn, furent pendus. Lambert, Gilles, Vincent et Thomas Morren , tous quatre prêtres, et quoique parents d'un membre de la haute chambre et de l'ambassadeur du roi lui-même, Bavon Morren, furent massacrés, martyrs de la foi catholique, avec les nombreuses victimes de la réaction. Lambert Morren, provincial des jésuites d'An- gleterre, dut fuir (1); et, en 1606, éclatèrent les divisions (1) Ces (lëlails sont puisés dans les papiers oii^jinaux de ma famille, que j'ai hérités de mon père, et que fai complélcs plus tard on Angleterre, et surtout en Ecosse. ( xxij ) entre le roi et le parlement. De L'Obel qui, peu d'années auparavant, avait déploré, comme nous l'avons vu, en termes si énergiques, les malheurs politiques et religieux de sa patrie, était allé se précipiter dans un gouffre nou- veau. C'est dans ces circonstances critiques que lui , catho- lique et belge, fut choisi par le roi comme botaniste royal, titre que n'eurent point ses contemporains nationaux, et qui n'excita de leur part ni plainte, ni récrimination : ce silence est un hommage éloquent à sa gloire, puisqu'il ratifie la justice que sa réputation lui avait acquise. A partir de cette époque et depuis cette nomination, de L'Obel , âgé alors de 68 ans, se repose. Pulteney pense qu'ayant marié sa fille à Jacques Coel, qui demeurait à Highgate, près de Londres, Malhias de L'Obel alla vivre avec son gendre. Il y mit la dernière main à un manuscrit sur les plantes alors inédites, et à leur propos, il mentionne souvent son jardin de Highgate. Ce manuscrit fut publié en 1655, trente-neuf ans après la mort de son auteur, par Guillaume IIow, sous le titre de : Slirpium illuslrationes , plurimas élaborantes ineditas plantas, Joannis Parkinsonii rapsodiis sparsim gravatae. London, 1655, in-4". En 1616, le 5 mars, mourut Mathias de L'Obel , âgé de soixante-dix-huit ans, ayant accompli une vie d'agitation et de labeurs, pleine d'études et de méditations qui eus- sent exigé du calme et qui furent accomplies cependant au milieu des malheurs de la guerre et des dissensions civiles et religieuses, exemple mémorable de l'indépen- dance que peut acquérir l'esprit et de la hauteur où peut se placer l'intelligence au-dessus des intérêts matériels de la vie commune. Pulteney finit la vie de L'Obel en parlant de son por- trait : il le dit très-rare, et l'historien de la botanique ( xxiij ) anglaise ne l'avait vu qu'une seule fois dans la collection de gravures de M. Gulslon. Nous avons été plus heureux. Parlant un jour de la rareté de ce portrait, qu'on ne trouve pas, en effet, en tête des œuvres du botaniste de Lille, au respectable et savant M. Treviranus , professeur de bota- ni(jue à Bonn, il se trouva que ce portrait avait été con- servé dans la famille de madame Treviranus, une des descendantes du célèbre Rivinus. Notre honorable collègue de Bonn nous a conlié ce portrait que nous avons dessiné avec tout le soin dont nous sommes capable, et nous ve- nons de le faire graver sur bois pour en orner la présente publication. Désormais, ce portrait permettra de repré- senter de L'Obel, comme il était, avec sa large tête, son front ample et pur, ses yeux d'observateur doux et per- çants à la fois, sa barbe grave et digne , coupée carrément , comme l'était le caractère de cet homme antique de mœurs et de langage. Il y a loin de ce portrait au buste qu'on voit à Gand, au Jardin botanique, buste donné na- guère par Van Hulthem et fait de fantaisie. Sur l'original, dessiné et gravé par François Dellarame, on lit en tête du portrait : Praesentem monslrat quaelihet hcrba Deum; au- tour de la tête cette inscription : Matheas de L'Obel, me- dicus et bolanographus InsiUensis anno rcparatae saliUis 1615 aetalis 7(). Cette date prouve d'abord que le portrait a été fait un an avant la mort de de L'Obel , et ensuite que sa naissance devrait être rapportée à 1559 et non à 1558, comme le disent tous ses biographes. I^'erreur étant pos- sible des deux côtés, nous avons suivi la date générale- ment ado[)tée. De L'Obel fit placer sur son portrait, d'un côté, les armoiries de sa famille, une fleur de lis d'argent sur champ d'azur, et de l'autre un écusson que nous prenons ( xxiv ) volontiers pour des armes parlantes : c'est un jardinier plantant deux arbres. Sous le portrait se lisent les épigra- phes Candore et Spe, mots placés sous un chérubin, et plus loin : Melius a limpidissimis fontium scaturiginibus ffaurire quam turbidox confectari rivulos. JUL. Ce qui indique clairement que, dans les eaux troubles de son époque , de L'Obel ne pécha ni sa fortune ni son existence, mais qu'il fit l'une et entretint l'autre des œuvres de sa haute intelligence. II n'était ni le savant flatteur des pouvoirs, ni l'intrigant politique faisant de son savoir un marchepied, et sa réputation dérivait de source pure, la science placée au-dessus de la puissance des hommes et à Dieu seul soumise : Deus scientiarum dominus est. Je ne sache pas que le mérite principal de de L'Obel comme botaniste ait jamais été mieux précisé que par Cu- vier. Son jugement, quoique de même nature que celui de Sprengel, embrasse les choses de plus haut et dans une appréciation philosophique; cette hauteur même est une qualité. « On aperçoit dans les ouvrages de de L'Obel, dit Cuvier, le sentiment des familles naturelles; plusieurs même y sont assez bien distribuées : ainsi les gramens, les orchis, les palmiers, les mousses y sont déjà séparés et ca- ractérisés à peu près comme ils le furent plus tard dans les ouvrages modernes. Les labiées, les personnées, les om- bellifères y sont aussi rapprochées les unes des autres, mais beaucoup d'autres plantes sont encore pêle-mêle. Toutefois, le désordre y est beaucoup moindre que dans les ouvrages antérieurs, et l'on y voit clairement un certain progrès. Il est surtout remarquable que chaque section ( \xv ) soit précédée d'un tableau synoptique des divisions des plantes. Ces divisions, quoique encore mal faites, pour- raient conduire à la détermination des espèces et des i;enres. Enlin, c'est dans de L'Ohel qu'on trouve pour la première fois la distinction tranchée des plantes mono- cotylédones et des plantes dicotylédones. Cette séparation est aujourd'hui fondamentale en botanique et y tient le même rang qu'en zoologie la division des animaux en ver- tébrés et en non vertébrés. » Ce jugement est un magnifique éloge, et la bouche qui le prononça est certes compétente. La Belgique peut donc s'enorgueillir de posséder dans son panthéon national le précurseur de Jussieu , et proclamer que c'est en flamand qu'ont été jetés les premiers fondements de la méthode naturelle. Les sciences de la nature sont des sciences toutes françaises, nos voisins du Midi ne cessent de nous le dire eux-mêmes dans chacune de leurs œuvres histori- ques : nous ne voyons aucun obstacle à cette prétention, du moment que, documents à la main , on veut y reconnaître un mélange de ce vieux sang de belge qui enfanta dans sa chaleur native ces gracieux contours de Van Dyck et ces brûlantes couleurs de Rubens. Si l'histoire des arts ne peut ensevelir dans l'oubli les phases glorieuses de notre école, l'histoire des sciences ne peut pas plus, sans cesser d'être juste, méconnaître l'influence et la gloire de nos artistes de la pensée. ACADEMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait du tome XVI , II» 12, dcsBuUclins.) LE GLOBE, LE TEMPS ET LA VIE, ou DISCOURS SUR LES PHÉNOMKNES PÉRIODIQUES AUXQUELS LA PHYSIOLOGIE DE LA TERRE EST SOUMISE; Membre de l'Académie royale de Krlgiqur. Flores appuruerunt in terra noxlra, lempus putalionis adienit : vox lurluris audita ext in terra nostra ; ficus protiilit grussos suos : vineae florentex dederunt odorem suum. Surge , anima mea, spe- ciusu meu et veiti. Los fleurs ont apparu sur notre terre, le temps de la taille est arrive : la voix de la tourterelle s'est fait entendre; le figuier a poussé ses fruits; les vignes en fli-ur ont répandu leur parfum. Lève-toi, mon amie, lè\c-toi, ma l)ien-ainiée, je suis venu. (Salomor, Cantique des Cantiques, chapitre II, verset 12.) Messieurs , Mes honorables confrères de la classe des sciences ont désiré que je prisse la parole dans cette circonstance so- lennelle. Je i)Ourrais leur dire avec plus de raisons que n'en avait Buffon, en parlant à l'Académie française : u Je n'ai, Messieurs, à vous offrir que votre propre bien. » En effet, si , de l'assentiment de la Compagnie , j'ai à vous re- tracer quelques idées sur le magnifique spectacle que nous présente la nature dans la manifestation des phénomènes soumis à la périodicité, je ne fais que prendre sur moi de dérouler à vos yeux une suite de longs et patients travaux, dus en grande partie à l'infatigable activité, à la conscien- cieuse précision, aux lumières aussi variées que fécondes de plusieurs de nos collègues. Ma j)Osition , devant vous, a le droit de réclamer d'autant plus voire bienveillance que le restaurateur des idées des grands maîtres de la science, le rénovateur d'un vaste système d'observations importantes, partage, en ce moment, la présidence de notre assemblée. Il eût bien mieux que moi embrassé ce vaste cadre, et fait jaillir de la comparaison de ses travaux avec ceux de ses prédécesseurs des pensées originales , in- génieuses et surtout utiles; il eût fécondé ce sujet au profit de l'intérêt public, de la gloire de sa patrie et de la re- nommée de l'époque. Ce système, il l'avait conçu depuis longtemps : qui mieux que lui eût pu nous en offrir un rapide exposé? S'il a voulu me voir remplir ici une partie de sa mission, c'est qu'il a désiré attirer sur un de ses amis et de ses anciens élèves, une part de la considération dont ses travaux sont entourés chez nous et à l'étranger, et m'as- socier ainsi à la propagation d'un ordre d'idées qui font l'objet de sa constante sollicitude. Mon anxiété redouble quand je vois ici des interprètes si instruits de la science des Buffon et des Cuvier, interprètes qui eussent pu, avec un succès auquel il m'est défendu d'aspirer, vous présenter la fidèle et éloquente peinture des harmonies qui lient entre eux, à des temps détermi- nés, ces innombrables êtres animés donnant à la nature sa vie et sa puissance; quand j'entrevois à mes côtés ces continuateurs du savoir des Linné et des De Candolle qui pourraient, dans un style digne des merveilles de la créa- tion, vous développer le tableau si coloré des végétations fleuries, prodiguant dans chaque saison à notre globe ses ornements et sa pompe. Chacun de mes honorables con- frères est venu apporter à l'édifice que la classe des sciences élève aux connaissances exactes, depuis près de quinze ans, des matériaux savamment élaborés; chacun eût pu vous lire, sur ses méditations et ses veilles, des aperçus du plus saisissant intérêt, et je dois regretter, pour vous comme pour moi, de ne pouvoir, en cette circonstance, applaudir à des paroles qui, mieux que les miennes, eussent retracé, avec vérité, celte phase du spectacle de l'univers. La terre parcourt dans l'espace sa route silencieuse et tracée par les lois de l'attraction. Son orbite est régulière, sans doute depuis l'origine des temps;elle force notre globe à revenir précisément à la même place où il se trouvait à l'heure correspondante dans son cycle précédent. Ainsi, tout est réglé divinement, et dans la rotation du globe sur lui-même et dans sa trajectoire autour du soleil. La fixité de la mécanique céleste ne frappe plus l'attention de nos populations adverses aux sciences, les penseurs seuls se préoccupent de ces admirables et providentielles combi- naisons, et le monde marche bien aux yeux de tant de gens, parce que l'almanach le dit ainsi. Dans le peuple, on ne va pas, on ne pense pas plus loin. Mais, pendant que s'accomplit ainsi la marche annuelle de la terre autour du soleil, les saisons se suivent, pour l'astronome, avec une régularité et une constance sembla- bles à celles du mouvement qui les fait naître, pour le commun des hommes, avec une irrégularité et une incon- stance qui font l'objet de quotidiennes préoccupations. On interroge la couleur du crépuscule, on s'inquiète de quel- ques nuages qui sillonnent les airs, on s'adresse à la fu- mée de l'âtre, aux galeries des fourmis, aux chants du coq pour savoir si, le lendemain, le temps sera celui de la veille, si l'hiver doit être rigoureux, l'été chaud ou froid, le printemps sec ou humide. Que d'absurdités écrites, mille fois imprimées, mille fois combattues par l'expérience et la raison et sans cesse reproduites, parce que rien n'inté- resse plus les petites ou les grandes actions de notre vie que ces variations de l'état de l'atmosphère où elles se passent. Qm ne se rappelle le soleil d'Austerlitz et les nuages qui paralysaient Manuel dans ses foudroyants dis- (4) cours? Il y aurait un livre curieux à écrire de l'influence du plus ou moins de vapeur dans l'air sur les événements politiques, sociaux etliltéraires. Ainsi, l'homme est en présence, d'un côté, de change- ments immuables, fixes et réglés par un imperturbable re- tour; de l'autre, de changements imprévus (on le croit du moins), instables (ils apparaissent tels), échappant, dirait- on , à cet instinct anxieux de notre espèce qui tend à tout catégoriser, limiter et prévoir. Or, tandis que les saisons reviennent , il se passe sur notre globe une série de phéno- mènes dont l'apparition est connue, qu'on a, de ci et de là, examinés isolément, mais dont les lois de retour ont échappé jusqu'à présent aux sciences si rigoureuses de l'ob- servation. Non-seulement, l'Académie s'est occupée de la recherche de ces lois, mais elle a pris à tâche de faire dé- couvrir encore celles de la coordination, de la dépendance et de la corrélation de ces difl'érents phénomènes. C'est à la conquête de toutes ces inconnues qu'elle marche réso- lument, et nous avons l'espoir fondé de la voir atteindre à son but. L'histoire du développement et des progrès des sciences nous prouve que, dans les pays de deuxième ou troisième ordre, privés de grandes et riches capitales qui seules peu- vent offrir les ressources si dispendieuses d'une haute et profonde instruclion, les travaux scientifiques se bornent à des découvertes partielles, à des avancements restreints, laborieusement et patiemment conquis. Ce sont des mono- graphies, des spécialités, des additions, des corrections d'idées ou de faits. Trop souvent encore, chez les peuples resserrés dans un territoire de peu d'étendue, mais carac- térisés par un grand amour national , l'activité littéraire ou scientifique ne s'occupe guère que de ce qui est cher à cette nation. Son sol, son histoire, sa littérature, ses arts, son industrie, son commerce, son agricullure, son climat, sa faune, sa flore, voilà la circonscription où s'agitent les débats et se poursuivent les recherches. Je ne blâme pas cette tendance, car elle est digne de respect; je ne fais que la signaler, et à ce signalement vous avez tous reconnu notre Belgique , dont l'histoire , en ce qui regarde les sciences, les lettres et les arts, vous est si bien connue. Mais lorsque la Belgique fut admise dans la grande famille européenne, que ses lois, la sagesse de ses peuples et du Roi qui les gouverne, eurent donné à ce pays le rang qu'il méritait d'occuper dans l'estime de l'Europe, le reflet de cette grandeur se lit entrevoir aussi dans le progrès de ses travaux scientifiques. On a pu le pressentir : quand il s'a- gissait de découvrir des lois inaperçues jusqu'à celte heure, lois qui s'appliquaient au globe terrestre tout entier; quand il fallut embrasser une étude véritablement cosmique dans toute son étendue, l'Académie royale des sciences secoua les langes qui la tenaient trop serrée sur le sein de sa mère, elle leva la tête en fille émancipée et fît un appel à toutes les nations de l'Europe, de l'Amérique et même de l'Asie. Sa voix fut entendue et de toutes les parties du monde civilisé partirent des accents de sympathie et de confraternité qui permirent, enfin, à la vieille institution de Marie-Thérèse d'étendre ses travaux, non plus sur un petit coin de terre, trop souvent morcelé, mais sur le globe terrestre tout entier. Qu'on promène dans les capitales de l'Europe les chefs- d'œuvre de notre peinture et de notre sculpture, nous y applaudissons; que nos artistes aillent de leur talent char- mer les sens des populations les plus délicates et les plus impressionnables de notre époque, notre fierté nationale s'en enorgueillit; mais qu'il nous soit permis de le dire aussi, à ceux surtout qui ne rendent |)as jusiico aux sa- (6) vants leurs compatriotes, la renommée scientifique de la Belgique ne s'arrête pas aux boulevards de Bruxelles, ni à la ligue de nos douanes; elle aussi a su faire estimer, res- pecter et aimer dans l'Europe entière les travaux que nos frères ont fournis au monde de la pensée, à l'égal de ceux que d'autres Belges ont produits dans le monde des arts. Nous devons en grande partie ces honorables succès à la vaste association qui s'est fondée pour observer les phéno- mènes de la nature, ramenés annuellement devant nos re- gards par la périodicité des saisons, association immense dont l'Académie de Bruxelles a donné l'initiative et est de- venue le centre. Il y aurait une faiblesse coupable à vous cacher ce résultat, car s'il récompense les labeurs de nos confrères, il devient honorable pour toute la famille belge. Vous parler des phénomènes périodiques, c'est donc encore entretenir chez vous cet amour de la patrie dont , depuis deux ans surtout, nous sommes si heureux de pou- voir donner des preuves. C'est appeler, par cela seul, une attention toute spéciale de votre part vers cet ordre de recherches. Observer les phénomènes périodiques, c'est s'attacher à connaître à quel jour, à quelle heure tout ce qui a vie sur cette terre, éclôt à l'existence, comment et quand grandis- sent et se développent les êtres, comment, pourquoi et quand ils s'épanouissent dans tous leurs organes, à quel moment et par quelle influence le feu de l'amour s'empare d'eux et de leur postérité naissante, d'après quelles règles se fait leur succession et quelle est l'heure fatale de leur dépérissement, de leur mort, de leur disparition. Là, ne s'arrête pas encore ce champ déjà si vaste de recherches, car il faut découvrir, après avoir traduit tous ces faits en lois et axiomes, par quels rapports ces phénomènes se lient entre eux. La nature est pleine d'harmonies. Avec ( ■) l'apparition d'un être coïncide la venue d'un autre : l'ar- rivée de l'hirondelle est annoncée par les jeunes thyrses des lilas; les lucioles, ces lanternes volantes dont Pline nous a déjà retracé l'histoire, viennent étinceler dans les airs quand le faucheur doit dépouiller la prairie de son foin; mille rapprochements de ce genre doivent pouvoir se déduire de l'étude comparative de ces faits, et de cette manière d'envisager cet ensemble, découlent une foule de déductions dont le commerce, pour la question des denrées alimentaires, le négoce, dans ses spéculations, l'agriculture et le jardinage, dans leurs importants travaux, l'hygiène publique ou la médecine, dans leurs impérieuses observa- tions, doivent immanquablement savoir tirer des avantages nombreux. Après tous ces faits, ces comparaisons et ces déductions, il faut encore rechercher de quelle manière ces naissances, ces migrations, ces développements, ces re- productions et ces dépérissements de tous les êtres orga- nisés coïncident avec les phénomènes du climat, avec ces états d'une atmosphère si variable, avec ces agents impon- dérables, tels que la chaleur, la lumière, l'électricité, qui exercent sur toutes les existences une si mystérieuse et si énergique influence. Ici, le monde animé est mis en rapport avec le monde inanimé, et c'est précisément dans la connaissance de l'action de l'un sur l'autre que j'aurai à signaler à votre attention une des plus belles découvertes que les travaux sur les phénomènes périodiques, entrepris par l'Académie, permettent d'inscrire dans notre histoire nationale des sciences. De ces différentes manières d'envisager le problème dé- coulent une série de lois naturelles qui se rattachent, par des rapports intimes, à ce qu'on est en droit d'appeler la physiologie du globe. C'est en réalité une science juirlicu- lière, ayant pour but de connaître la manifestation de la vie (8) réglée par le temps, c'est la pliénologie ({). La géologie abandonne le globe du moment qu'elle en a étudié la for- mation et l'état actuel, alors il tombe dans le domaine de la météorologie, qui examine comment les météores de toute espèce se comportent dans cette fine pellicule d'air qu'on appelle l'atmosphère; la botanigue s'empare de la vé- gétation de la surface de la terre, la zoologie étudie les races animales qui peuplent les airs, le sol et les eaux, Vanthro- pologie prend pour sujet l'homme, ce dernier terme de la création; une science générale, \2i physiologie, domine ces connaissances de l'homme, des animaux et des plantes : cette science est celle de la vie. Mais on le voit à l'instant, une lacune existe dans ces connaissances, c'est la science des rapports de la vie avec le globe lui-même , c'est la connaissance de ces rapports soumis à l'action des temps dont ils sont inséparables. Ainsi, trois éléments sont en relation constante : le globe, la vie et le temps. La science nouvelle, dont il s'agit, mérite donc un nom particulier; le nom ([q pliénologie , exprimant la science des phénomènes qui se manifestent successivement sur la surface du globe, (1) Pendive. La veille est consacrée au topinambour. (20) mains s'en emparent, prêle à plus d'un abus, et dans l'his- toire des phénomènes périodiques, les temps dont je parle ici, sont dignes, tout au plus, de commisération et de pitié. Vous voudrez bien me permettre de ne pas m'y ar- rêter plus longtemps. On comprendra facilement comment cette abjecte ins- piration dut être reçue en Belgique. A cette époque, nous nous glorifions de trouver un magistrat de la ville de Bruxelles, un bourgmestre, Vanderslegen de Putte, qui seul lutta, et par des armes aussi courageuses que sa- vantes, contre l'œuvre delà Convention. En 1794, ce na- turaliste honorable de notre pays publia un calendrier moral dans lequel les saints, les hommes célèbres , les plantes, les animaux, les minéraux et les arts trouvèrent tous leur jour de commémoration, et par un trait piquant, qu'il est permis, sans doute, de signaler, le spirituel ma- gistrat de Bruxelles conserva les décades républicaines, uniquement pour l'almanach des bêtes. Ailleurs, le di- manche était remis à sa place. Depuis cette époque et successivement , le naturaliste suédois Rosen, l'ancien élève de Linné qui vint apporter en Belgique les doctrines de son maître, M^'^ Victorine de Chastenay , dont Chateaubriand vante l'esprit et la grâce dans ses Mémoires d'outre-lombe, le botaniste Philibert, les naturalistes belges PoUart de Canivris et Jean Kickx, Emmanuel Gilibert de Lyon, Madame Lortet en France, le docteur Thomas Forster, habitant Bruges en ce mo- ment, Bigelovv, dans les États de New-York, les régents actuels de l'Université des États-Unis , le baron DHombre- Firmas, à Nismes, Charles Kreutzer, à Vienne, etc. , ont successivement publié un grand nombre de recherches, qui toutes tendent à ce but de nous faire connaître d'une (21 ) manière définitive dans quelle progression marche la na- ture, quand elle revêt le globe des feuilles de ses forêts, des fleurs de sa flore, et qu'elle anime sa surface des in- nombrables légions de ses animaux. Nous voguons à pleine voile dans un océan de faits : il faut des pilotes pour éclairer la route, des phares pour nous faire aborder au port, et je puis le dire avec bon- heur, parce que vos cœurs de Belges partageront ma joie, ce port, c'est Bruxelles. Après cette pérégrination à travers les siècles et les peuples, nous sommes revenus chez nous. Ce que Linné, Stillingfleet, Adanson et Lamarck pro- posèrent et ne surent accomplir, à savoir la fondation d'une vaste association embrassant sur des points nom- breux et très-diversifiés du globe terrestre des observa- tions simultanées, suivies et bien exécutées sur les phéno- mènes météorologiques, botaniques et zoologiques, la classe des sciences de l'Académie royale de Belgique a osé le proposer et l'a conduit à bien, grâce à l'infatigable ac- tivité, au zèle et aux lumières de son secrétaire général et perpétuel. Deux voies lui restaient ouvertes, ou d'observer par lui-même, pendant une série d'années , des êtres nom- breux et toujours les mêmes, ou de comparer entre elles des observations transmises par des tiers et venant de lieux multipliés. Il a parcouru ces deux voies avec un égal succès. Le système d'Adanson est tombé ! La fleuraison ne se fait pas d'après la somme des températures qui ont agi sur les plantes à partir de leur réveil, après le sommeil hivernal , mais d'après la somme des carrés de ces tempé- ratures. La chaleur agit donc à la manière des forces vives, et une loi vitale semble participer ici à la nature des forces mécaniques. 11 y a, dans ce premier pas, une source de ( 2-2 ) fécondes découvertes pour l'avenir. Mais quels qu'en soient les résultats, elle restera comme un des faits qui honorent la science belge. Humboldt traça sur le globe les lignes d'égales tempé- ratures moyennes et le partagea ainsi en zones isothermi- ques, dont l'étude est indispensable à ceux qui s'occupent sérieusement de la naturalisation des plantes, objet de si grave importance depuis qu'un lléau, tombé soudainement sur l'Europe, nous est venu prouver que, pas plus que nos aïeux, nous ne sommes à l'abri de la disette et de la fa- mine. D'autres météorologues ont tracé également sur le globe des lignes passant par tous les lieux d'égal hiver moyen, ce sont les lignes isochimènes. La botanique est venue prouver que les arbres et les plantes vivaces se dis- tribuent sur la terre dans leur culture selon ces lignes. Enfin, on dessina sur le globe des lignes passant partons les lieux d'un été moyen égal, ce sont les lignes isothères. Il se trouve que ces lignes indiquent précisément la cul- ture possible des plantes annuelles. Depuis longtemps la géographie des plantes possède des cartes et des mappe- mondes où sont indiquées les zones occupées sur le globe par les grandes cultures agricoles. Je n'ai pas besoin de faire ressortir ici les conséquences importantes de ces études pour le commerce, la navigation, l'économie fores- tière, l'agriculture et l'horticulture. Ces applications sau- tent aux yeux. La science est donc venue formuler en lois fixes ce qui d'abord n'était l'objet que de longs et pénibles tâtonnements, de recherches dirigées au hasard, de voyages à l'aventure. Les travaux de la classe des sciences de l'Aca- démie de Belgique ont fait tracer sur le globe des lignes et des zones non moins importantes et complètement incon- nues avant ces recherches. Ce sont les lignes et les zones MEMORANDUM SUK LA VANILLE, SON IIISTOIKE ET SA CULTUItË; FAR M. CHARLES JIORKEN, Membre ilc l'AcadcnHc lojalr de ncliji.iue. ACADEMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Exilait du toiiK; Wll , n'^ "2 , des Bulletins.) MEMORANDUM SUR LA VANILLE, SON HISTOIRE ET SA CULTURE. (première partie.) Lorsqu en 1840, la Belgique venait d'accomplir la 1(F an- née de son indépendance, l'Académie royale des sciences et des bellcs-leltres décida qu'elle publierait, par l'organe de son secrétaire perpétuel , un ra|)port décennal sur les travaux auxquels elle s'était livrée pendant celte période. Qu'il me soit permis de reproduire ici un passage de ce rapport, dont je ne récuse que la partie laudative. « Nous n'avons pu donner que l'indication de quelques-uns des nombreux mémoires (pie M. Morrcn a insérés dans nos recueils; nous ne devons cependant pas passer sous si- (30 ) Iciice la belle applicalion de la récoudalioii des oichidées à la produclioii de la vanille (|iii, si elle parvient à s'o- pérer avec racililé sur une échelle un peu grande, Ibr- niera une véritable conquête que la science aura laite au prolit de la société (1). » Le vœu de la Compagnie était donc de voir établir la culture du vanillier dans des proj)ortions comparables à celle qui ont lait de l'ananas, venu en Europe, un Iruit meilleur (jue celui du lieu natal. Lorsqu'en 1857, j'eus réussi à produire dans l'an- cienne serre, actuellement abattue, du Jardin Botanique de Liège, des fruits de vanille dignes en tout point de rivaliser avec ceux du Mexique, l'idée d'étendre ces essais et d'établir des plantations commercialement productives m'arriva aussi, et je proposai même, dès cette époque, au Gouvernement, un système pour parvenir à ce ré- sultat, la loi sur l'enseignement supérieur interdisant aux professeurs d'exercer une autre profession , à moins d'une autorisation spéciale du Gouvernement (art. J2). Ce sys- tème ne fut pas adopté, et la production de la vanille, dans nos serres d'Europe, resta à l'état de curiosité et de chose intéressante. Cette production , faite seulement sur quelques fruits, se répéta à Gand, à Paris, à Lon- dres, à Hambourg, à Padoue, mais toujours dans des proportions qui, certes, ne pouvaient porter la moindre atteinte au commerce mexicain. Le gouvernement des Pays-Bas fit même acheter, en 1840, un grand nombre de pieds de vanillier disponibles en Belgi(|ue; ils furent em- barqués à Amsterdam et soumis aux soins d'un horticul- teur, nommé Pierot, qui reçut la mission d'établir des (I) liapport décennal des travaux de l'Acadéiuic royale de Bruxelles, depuis \S'>0-^ \m- M. \ Oiiclolol : Ballet, de l'Jcad., 1840, tora. VII. 'l" partie, p. ôli). ( 51 ) cultures réglées de vanillier à Java. Pierol mourut peu (le temps après son arrivée aux Indes, et je ifai pas ap- pris que les plantations y eussent prospéré, encore moins produit un résultat important, conmie elles pouvaient en avoir. Devant ces faits et d'autres, on comprend (jue je tenais à cœur de répondre aux va;ux de l'Académie, la première institution savante de mon pays; et vers l'épo- que où je pouvais prévoir qu'un de mes fils fût capable de me remplacer dans la direction qu'il convenait de donner à une culture établie sur une grande écbelle, une vaste vanillière fut annexée à la demeure de la famille. L'expé- rience a déjà démontré actuellement que la culture en grand de la vanille est possible en Europe ; des produits obtenus à Liège sont partis pour le Mexique lui-même et revenus en Europe, pour faire pièce à de ridicules pré- jugés; ils ont été estimés par des négociants de premier ordre, comme des produits mexicains de qualité supé- rieure. Le vœu de l'Académie s'accomplira annuellement, et le succès de l'entreprise, je l'espère du moins, mar- chera selon de justes et rationnelles prévisions. A l'exposition agricole et horticole ouverte par les soins du gouvernement belge, en 1818, le public a pu voir l' la grappe détruits, qui a été représentée depuis dans les Annales de la Société d'hor lie nlture de Gand , grappe mon- trant la disposition des fruits, le nombre moyen des gous- ses, leur forme, leur direction, leurs grandeurs diverses, 2" des gousses parfaitement mûres , séchées , givrées, pré- parées pour les besoins du commerce, 5" d'autres gousses mures et non préparées, 4° des gousses mûres, fraicheset molles, quelques-unes à moitié mûres, offrant la moitié brune, l'autre verte, quelques autres commençant leur ma- turité à l'extrémité libre, et enfin .'i" des gousses entière- mont verles el (fui faisaient ) sont plutôt destinés à rendre plus ardue encore aujourd'hui, la (pn^stion de savoir à (luellos espèces, va- riétés et sortes do fruits provenant d'une môme plante, il faut l'aire remonter l'origine dos vanilles qu'on vend dans le commerce. Cotte question no peut être résolue que par un naturaliste instruit , examinant sur les lieux mêmes la production et ramenant les fruits dilléronts de longueur, de grosseur, de forme, de couleur, dégoût, de parfum et de valeur, d'abord aux insertions dilférentes que ces fruits ont sur une seule et même plante, ensuite aux variétés d'une espèce donnée et enfin aux espèces mêmes. Des diagnosos directes et de bonnes figures faites d'après le vivant, seraient ici nécessaires. \]\\ fait me semble cependant saAs réplique : c'est que nos serres d'Europe |)ro(luisent des fruits de vanille que l'œil le plus exercé ne dislingue pas des fruits de première qualité (primicra j. Il est de t'ait que ces fruits su|)érieurs proviennent du Vanilla plant folia d'Andrew. Or, devant les faits observés par M. Schiede, il est bien à craindre (jue YEpidendnun vanilla de Linné, devenu le Vanilla aromalica deSwartz, ne soit une pure création nominale ou une espèce non commerçable. Je cherche en vain par- tout dans les jardins botaniques de l'Europe et chez nos plus grands horticulteurs, depuis 11 ans, ce fameux Va- nilla aromalica et je ne le vois nulle part. Oiiand on en trouve l'éliquette, ou bien ollo osl annexi'o à un véri- ( 50 ) table Vanilln phnifnlia d'Andrew, on bien on Ta donnée à qnelqne l'ianche cliélive et malingie de celte même es- pèce, branciie dont les feuilles sont alors petites, plus pointues et difl'érentes de forme de celles d'un pied sain et vigoureux. IJnné n'a jamais vu sur le vivant !a plante (|ui [)roduit la vanille el dont il avait fait son Ejndmdrum, vanilla. Il la décrivit (Taprès Plumier, ne lui assigna que les carac- tères si vagues d'être une plante rampante, d'avoir des feuilles ovales-oblon^ues, nerveuses, sessiles et cauli- naires et des cirrhes en spirale (I). l.e vanillier de l'Inde et celui de l'Amérique sont pour lui la même espèce : elle est parasite, deux cîioses parfaitement inexactes. Plumier ("2) n'a donné qu'une diagnose insignilianle : Vanilla flore viridi et aibo, fnutu nigr'uauie, en s'en rapj^or- tant à la description de (Geoffroy, queSwaitzconsulla prin- ci{)alement pour séparer la vanille du genre Epidetidrum.* La vanille à fleur verte et blanche et à fruit noir de Plumier a été de nouveau figurée et décrite par Catesby, dans son Histoire naturrlle de la Caroline (p. 7, tab. 7). On trouve la copie de celte planche dans la Collectio slir- pium d'Élisabelli P>la( kwell ((^ centurie, tab. 590, et texte correspondant). Or, quand on examine celte planche, on y reconnaît évidemment le Vanilla planifolia d'Andrew avec son seconl mode d'inflorescence, car j'ai, par expé- rience multipliée, constaté que cette espèce de vanillier a deux inflorescences, celle en épi courî et ramassé, et celle en panicule lâche. La plante dessinée dans Catesby est du dernier mode. Si les feuilles paraissent nervées, on re- (1) Linn.. Snec , pdit. RichlPi-, fi08. ('1) Plantarum nmoncanarum fasciculi y edil. Buimanni; Amsted. 1055, |). 25. ( 57) connaît là raspoct d'nno feuille du pkimfolia, toile (jn'elle se trouve dans les lierbiers. Comme M. Schiede Ta déjà (ait remarquer, depuis \lJorlus Kewmsis d'Ailon , les diagnoses de Robert Biown, à savoir que le Vanilla nro- malica de Swariz aurait les t'eiiilies nervées et le plani- folia d'Andrew des feuilles simplement et obscurément striées, sont éternellement reproduites dans les ouvrages descriptifs, sans qu'un retrouve celte vanille à feuilles nervées ni en Europe dans les serres, ni en Amérique dans la nature. M. Schiede naguère, et M. Gardner dans ces dernièies années , ont visité les districts vanillicoles et n'ont pas trouvé un seul vanillier à feuilles nervées. M. Kunlh, dans i^ou Synopsis planiarum. aiquinoclia- lium (I), conserve encore le Vanilla aromaiica comme la plante produisant les vanilles du commerce el croissant sur les arbres el dans les creux des rochers de l'Amérique méridionale, dans la région la plus cbaude, mais ombra- gée, à la source des ruisseaux et sous un ciel ombrageux, sur les rives du lleuve de l'Orénoque, près de Carichaua, aux cataractes de Maypur et d'Aliir, à Javila el à Esnie- ralda ; dans la Nouvelle- Andalousie, près du couvent de Caripa, à San Fernando, Cordones et Carupano; dan^ la province de Venezuela, enUe Porto Cabeiio, (juayguaza, Aroa et Nueva Valencia; dans la Valle de Capaya et près du promontoire de Codera; dans les andes de la Nou- vel le-Greuad(% de Quilo el du Pérou, près de Tu rbaco , d'Almaguer et de Popayan ; sur le versant occi0.) Linuaea, pp. 514-o85, vol. IV, 1829. (45) l'âge ou une bonne croissance, il devient une plante énorme ; car lorsqu'on a abattu l'ancienne serre du jardin botanique de Liège, le vanillier qui avait porté fruit pour la première fois en Europe, en 1857, dut être enlevé, et l'on ne put y parvenir, tellement les brancbes avaient em- brassé lescolonnettes de fer qui soutenaient l'édifice. Cette plante mesurait plus de cinq cents pieds de longueur dans ses nombreux replis. Dans cet état de croissance, les feuilles deviennent larges, et, en se repliant à leur base, y prennent la forme d'un cœur. Les caractères de Scbiedc sont donc impropres à faire trancher la question de savoir si le vanillier d'Europe est le Vanilla pompona ou le s^jlves- tris. Seulement il y a plus de probabilité que ce soit le dernier, puisque les fruits se conservent, qu'ils se sèchent parfaitement et se couvrent de givre comme la vanille du commerce, qualités que Schiede dénie à la pompona. Je ferai remarquer encore qu'étant à Londres, en 1858, j'examinai les vanilles de l'herbier de M. Lindley. Le va- nilla planifolia, marqué d'un point d'interrogation dans cet herbier, est bien décidément la plante dont Francis Bauer a dessiné les nombreux détails anatomiques dans le Gênera and species of Orchidcous Plants; c'est bien dé- cidément l'espèce représentée par Andrew, dans le Repo- silory, et enfin, c'est bien elle qui se cultive à Liège et ailleurs, et produit les excellents fruits, rivaux de ceux de Mexique. Voilà des faits sur lesquels il ne peut y avoir aucun doute. D'après cela, 1" puisque les diagnoses de Schiede rela- tives aux Vanilla saliva, sylvestris et pompona, sont in- complètes et nécessitent un examen ultérieur ; 2° Puisqu'il est certain que le Vanilla nommé planifolia par Andrew, est bien celui qui donne des fruits tellement ( ^^ ) analogues à ceux que le commerce regarde comme les plus beaux, les meilleurs et de première qualité; o^Puisqu'il est non moins certain que le Vanilla pla- nifolia d'Andrew n'est pas l'espèce à fruit petit et couleur de corail et à Heur blanche de Plumier; 4° Puisqu'cnfin , le travail comparatif des sortes de va- nilles fournies par le commerce et publié par M. Desvaux, en 1846, ni les écrits de M. Blume, ne peuvent en rien établir une corrélation exacte entre les produits commer- ciaux et les spécifications botaniques, il est aussi juste que convenable de conserver au vanillier cultivé générale- ment en Europe, le nom de Vanilla planifolia qui lui a été donné par Andrew, le premier auteur qui l'a fait con- naître d'une manière certaine. Je rappellerai ici que le Vanilla viridiflora décrit et figuré par M. Blume, dans le Bijdragen tôt de flora van nederlandsch Indie, p. 422, n'est autre que le Vanilla 'planifolia d'Andrew , corrélation que l'auteur a reconnue lui-même dans la Rumphia, p. 196. Salisbury, dans le Paradisus Londinensis, l'appelait Mxjrohroma fragrans. Peu de temps après que j'eus, en 1857, obtenu des fruits mûrs et odorants de la vanille, je commençai à m'apercevoir que les relations et des botanistes et des médecins sur la spécification et l'histoire médicale du Va- nilla aromatica de Swartz, ou V Epidendrum vanilla de Linné, étaient essentiellement fautives; mais ces alléga- tions étaient tellement ancrées dans les ouvrages classi- ques que j'eus beaucoup de peine à convaincre certains esprits. Cependant, je prie de remarquer que le seul fait d'attribuer au Vanilla planifolia les beaux fruits du com- merce est d'une importance majeure pour les États qui peuvent se livrer à la culture de celte plante, comme les (43) gouveincmenls du Brésil, du Mexique, le gouvernemeiU des Pays-Bas pour ses colonies, celui d'Espagne pour l'île de Cuba et autres possessions, le Portugal, la France, etc. C'est donc un fait qui mérite d'être pris en très-sérieuse considération. Heureusement que des botanistes distin- gués se sont rangés de mon avis , et c'est pour moi un vrai bonheur que de pouvoir citer ici, à l'appui de mes vues, l'opinion de M. le professeur Lindley. Évidemment, c'est ce savant qui a le mieux aujourd'hui établi la monogra- phie du genre Vanilla. § 2. Monographie du genre Vanilla. En 1835, dans son Keij to structural physiological and systematic Botany , M. Lindley émet pour la première fois l'idée que les Vanilles et les Epistephium devaient former une famille particulière du règne végétal, à la suite des or- chidées finissant elles-mêmes par les Cypripedium. La qua- lité charnue du fruit, l'absence des valves, la non-exis- tence d'une membrane libre [spermophore des uns, testa des autres) autour des graines, le port et enfin les propriétés aromatiques des vanilles, étaient opposés aux fruits secs et valves, aux graines entourées d'une mem- brane scarieuse et à l'absence de tout principe aromatique avec l'existence d'un port spécial chez les vraies Orchidées. La famille des Vanillacées parut donc comme famille dis- tincte dans le Natural System ofBotany, de 183G (p. 341). Elle fut conservée, en 1838, dans la Flora- medica du même auteur (p. 579), à propos du Vanilla claviculata, seule espèce conservée comme médicinale, par M. Lindley, dans cet ouvrage. Cependant, dans le Gênera and species of Orcliideous Plants, part, Vl. Arclhuseae, publié après le (46) . Gênera de M. Endlicher, les Vaiiillacéesonl disparu, el le genre Vanilla devient le deux cent-quaranle-seplième genre de la famille des Orchidées et rentre dans les Arétfmsées. M. Lindley, dans la description du genre, admet l'opi- nion que la testa des graines serait ici fortement adhé- rente à la graine, qu'elle est crustacée et fragile. Cela est vrai, mais je ne pense pas que cette testa doive être comparée au sac libre des autres Orchidées nommé Sper- mophore par Blume et autres. Je crois, après des analyses minutieuses de la vanille, que ce sac ou spermophore, comparable à une arille, est simplement converti en pulpe odorante dans les vanilles parfumées. C'est, au reste, un sujet qui mérite d'être examiné de nouveau. Voici la monographie du genre Vanilla , telle qu'on peut l'établir actuellement. Elle tranche bien des doutes, et c'est, nous paraît-il, la seule rationnelle en ce moment. Fanilla. Plumier, Swarlz, Nov. Jet. Ups.,^S. p. G6, t. 5 , fig. 1. — Endlicher (jen., n" 1014. Myrohroma , Salisb. parad., 82. Vanilla. Sclnv. Perianthium «pce ton- Vanille. Schw. Périanthe ouvert seu- ium païens , cum ovario artirulalum, sue- lemenl au sommet, articulé avec l'ovaire, pius caliculatum. Sepala et pctala suhae- le plus souvent caliculé. Sépales et pétales qiialia co7iformia, basi libéra. Labellum suliégaux, conformes , libres à la base. cum cohimna co7inatum, integrum, con- Labellum conné avec la colonne, entier, cavum, medio barbatum. Columna elo7i- concave, barbu au milieu. Co/oH«e allon- gala , uptera. Anlliera terminalis, oper- gée, aptère. Anthère terminale, opercu- cularis. Pollinia duo, bilobn , (jranulosa. laircDeux/jo/Zm/esbilobces granuleuses. Fructus siliqiilfirmis , carnosus , a lulere Fruit siliquiforme , charnu , s'ouvrant de dehiscens , placentis 3-G seminiferis. Se- côté, placentas au nombre de trois à six , mina rjlobosa, testa arcte adnata , criista- séminifères. Graines globuleuses, testa cm , frngili. fortement adnc , crustacc , fragile. Plantes grimpantes, habitant l'Amérique el l'Asie tropicales. Tiges c>iin- ( 'i"? ) driques. Feuilles articulées à la tige, charnues, subcordécs à la base. Fleurs charnues. Fruit aromatique, chez quelques espèces, par une huile essentielle et l'acide benzoïque(?) qui se cristallise en aiguilles, à leur extérieur. ESPÈCES. 1 . Vamllv AUO.iiATicA. Swarlz , iiiAct. Ups., 0, p. (50. — R. Brown , in Hort. Rew., V , 220. y.FolUsovatooblongisaciiminattsses- V. Feiitlles ovalcs-oblongucs, acumi- fij7«6«s; perianlliii campanulali, laciniis nées sessilcs; jJerjVoif/je campanule, di- 5 undulatis acuminnlis apice revolutis ; visions au nombre de cinq, ondulées, labello acuminalo hasi cucullato, linea aiguës, révolutées au sommet; /«/>e//wm média nuda elevata (capsulis cijlmdraceis acuminé, cucullé à la base, ligne médiane longissimis). nue, élevée {capsules cylindriques très- longues). Synonymes. Fanilla flore viridi et alho , fructu nigricante. Plum. , ic. 183, t. 188. Epidendrum vanilla. Llnn., Sp., pi. 1547. Habite V Amérique méridionale , dans les bois subhumides des montagnes, d'après Swartz; au Brésil, près de Rio Janeiro, d'après Gardner, 632; dans la province de Minas Geraès, d'après Martius. Observations. — M. Lindley fait remarquer que les seuls échan- tillons qu'il possède de celte plante proviennent du Brésil, et qu'ils s'accordent parfaitement avec la figure de Plumier, par qui l'es- pèce a été établie. Cependant M. Lindley trouve que les feuilles ne sont pas plus costées que dans aucune autre espèce. Ceci me confirme dans l'idée que celte apparence de côles est ou un dé- faut de dessin , ou le résultat du dessèchement des feuilles. 11 ne paraît pas, ajoute M. Lindley, qu'il y ait une seule espèce de va- nille dans le Brésil qui entre dans le commerce. Une espèce est, dit-on, préparée au sucre, employée dans le pays et parfois en- voyée à Lisbonne, mais on ne la sèche pas pour les besoins du commerce. Est-ce peut-être le Vanilla pompona de Schiede? Ce qui est certain, dit en terminant M. Lindley, c'est qu'il est à croire que le Vanilla aromatica n'a rien à faire avec les fruits du commerce. ( ^*8) Depuis ([uc ce passage a été publié, M. Gardner a fait paraître son ouvrage sur le Brésil (1). Il y parle de la vanille du Brésil (2). Près d'une fazenda appelée Riacho d'Area, dans la contrée, entre Parnaguâ etSaco de Tanque, M. Gardner trouva, au milieu des endroits marécageux et fourrés, des pieds du Vanilla planifolia , portant rarement des fleurs et encore plus rarement des fruits. M. Gardner pense toutefois qu'il n'est pas encore clairement éta- bli que ce soit cette espèce-là qui fournit les fruits du commerce; mais il n'en est pas moins vrai que voilà donc le Vanilla plani- folia existant au Brésil. « Au Mexique, dit-il, on le cultive con- sidérablement pour les fruits qu'il y porte abondamment. Tandis que les plants de cette espèce qui ont été introduits dans les Indes orientales et dans les serres d'Europe, bien qu'ils aient fourni des fleurs, n'ont donné que fort rarement des fruits. Le docteur Morren, de Liège, a été le premier qui ait étudié attenti- vement l'histoire naturelle de cette plante et prouvé, par des expé- riences, que les fruits du vanillier peuvent être produits aussi facilement dans les serres qu'au Mexique. Il a découvert, par quel- ques particularités, dans les organes reproducteurs de cette plante, qu'il fallait, pour former le fruit, une fécondation artificielle. En 1836, une seule plante du Jardin Botanique de Liège produisit cinquante-quatre fleurs qui, fécondées artificiellement, donnèrent le même nombre de fruits, égaux à ceux importés du Mexique, et, en 1857, une nouvelle récolte d'environ cent gousses fut ob- tenue sur un autre pied par le même procédé. M. Morren attri- bue la fécondation de la plante au Mexique à l'action de quelque insecte qui fréquente les fleurs, et de là il conclut qu'en expatriant la plante, sans l'insecte, elle doit ailleurs rester sans produit. On (1) Travels in the inlerior of Brazil, principalles thromjh Ihe nor- thern provinces^ and the (jold and diamnnd dislricis, duriwj theyears 183G-18Î1 , by Georjje Gardner, surinlindant du Jardin Botanique ro)'al de Ci^Ian. Londres, Recvcs, 1848. (-2) Op. cit., p. 29G-297. ( 49 ) ne peut pas douter qu'elle ne soit aujourd'hui aussi parfaitement indigène au Brésil qu'elle l'est au Mexique; mais il n'en est pas moins certain qu'au Brt'sil il y a très-rarement des fruits mûrs. Doit-on attribuer ceci à l'absence des moyens par lesquels la na- ture fait effectuer la fécondation au Mexique? Ceci est un sujet qui, comme le professeur Morren l'a judicieusement fait observer, mérite une attention spéciale sous le point de vue commercial, depuis que l'expérience prouve que, dans toutes les contrées inter- tropicales, la vanille peut se cultiver et produire une grande abondance de fruits. » Je signale ce passage à l'attention sérieuse des gouvernements qui sont établis dans les régions intertropicales. 2. Vanilla claviculata. Swartz , in Schroder Journal, 1799 , 2 , fi^j. 1, fl. ind. occ. 1515. V. Foliis lanceolatis acutis concavis, V. Feuilles lancéolées, aiguës, con- reciirvalis rùjidis ; floribus aggregatis , caves , recourbées , roides; fleurs agré- sepalis carnosis , ovato-lanceolatis , ohtu- gées , sépales charnues, ovato-lancéolées, sis, concavis, pelalis ovato-lanceolatis, obtuses, concaves, pe^a/es ovato-lancéo- oblusis , poslice carinatis , labelli litnbo lés , obtus , postérieurement carinés , ovato dilatato, deflexo, tmdulato crispo limbe du /o6ei/Mm ovale dilaté, défléchi, ungue sulco hirsuto-ciliato exarato ; ciliis ondulé, crépu, parcouru à son onglet ramentaceis multifidis ; (ruclu ohlongoin- d'un sillon perdu cl cilié, cils ramenta- sipido, ces multilides; fruit oblong insipide. Synonymies. Epidendrum claviculatum. Swartz, Prodr.j 120. Cerei affinis, etc. Sloane, p. 160 , t. 224 , fig. 3-4. Habile les J nt il le s , ô ans les forêts intérieures et les lieux montagneux cal- caires ci Irès-secs, selon Swartz. Observations. — Les fleurs sont blanches. La plante est ap- pelée, à la Jamaïque, Greenwiche par les nègres. On fiiit servir une décoction de la plante entière dans le traitement des maladies syphilitiques. Ce remède est estimé. A Saint-Domingue, le jus exprimé de la plante nommée Liane à blessure, est regardé (30) comme vulnéraire. Le goût en est amer, mais l'odeur de cette Orchidée est très-puissante , selon Swarlz (1). J'ai observé, pendant une année, cette espèce de vanillier chez M. Jacob Makoi, à Liège. On eut toutes les peines du monde de la conserver en vie, le long d'un treillis, dans la serre à Orchidées. Elle périssait constamment du bas. J'en obtins quelques morceaux que je ne pus parvenir non plus à maintenir vivants dans une grande vanillière. Elle n'a point donné de fleurs et encore moins des fruits. .3. Vaivilla plamfolia. Bot. repos., 2, 5ô8 ; R. Brown, in Hort. Rew., V. 220. Bauer'sillustr. Gênera, t. 10 et 11 ; Blume, liumphia., 1 , 197, l. 68; Moiren, in Ann. of Nat. history , 3, 1 . — Id., Bulletin de l'Jcad. roy. des sciences , t. IV , n" 5 , p. 225. — Id., Jnn. de la Soc. roy. d'horticul- ture de Paris , t. 20, 1857, 331. — Id., Atli délia terza reunione degli scienziati italiani , Flor,, 1841 , p. 491 , etc. V. Foins oblongo-lanceolatis plnnis ob- V. Feit«7/es oblongues-lancéolées , pla- solele strialis, sepalis , pelalis^we oblon- nés, obscurément striées; sépales et pé- fjis ereclis oblusiusculis, labelli lamina taies oblongs droits et obtusiuscules , emargiuala crenata cris^m ulrinqxie re- labellum ayant la lame émarginée créne- curva medio lamellis brevibus Iransvcrsis lée , crépue , recourbée de cbaque côté , cunealis dentatis relrorsum imbricatis au milieu des lames courtes, transverses, cristata sub apice verrucosa, columna an- cunéiformes , dentées, imbriquées en ar- tice pilosa ; iruclu cylindraceo lo7igissimo rière en forme de crêtes, vcrruqueuse odoratissitno. au-dessous du sommet , colonne antérieu- rement poilue; fruil cylindracé , très- long et très-odorant. Synonymies. lUyrobroma fragrans. Salesb., Parad., l. 82. Fanilla viridiflora. Blume, Bydr., 422. Habite les Indes occidentales, selon Alton; apportée en Angleterre, de là en Belgique, d'où elle émigra dans les Indes orientales. Cultivée en Europe. Observations. — « C'est l'espèce, dit M. Lindley, de laquelle (1) Flora medica de Lindley , p. 579. ( 51 ) le professeur Morren est parvenu à obtenir d'excellents fruits dans le Jardin Botanique de Leyde (1). 11 est infiniment probable que c'est d'elle que proviennent la majeure partie des vanilles du com- merce Le botaniste, bien informé, Scbiede, regarde le V. syl- vestris comme étant probablement une synonymie du V. plani- folia, mais il n'est pas suffisamment démontré que cette opinion soit exacte. (Voy. Morren, dans les Aimais of natural history, vol. III, p. i, pour un aperçu détaillé sur la culture, etc., de la vanille.) » M. Blume, dans la Rumphia, p. ^98, déclare qu'il n'a pas vu de fruits de cette espèce à Java, et qu'il ne peut dire s'ils sont odo- rants ou non. 11 admet encore que le Vanilla aromatica a des feuilles à côtes, ce qui est aujourd'bui controuvé. M. Blume n'est pas plus heureux dans ses allégations au sujet de ce qu'il dit rela- tivement à la vanille qu'il a vue à Liège. Les fruits y ont, dit-il, la longueur d'un spithame, la grosseur d'un doigt d'enfant; ils sont subcylindriques, charnus, lisses, t^erts extérieurement, en dedans la matière solide est incolore; ils sont remplis de graines très-petites, d'un noir brun. Ces fruits coupés, ajoute-t-il, ré- pandent de suite l'odeur propre à la vanille marchande, mais moins forte, à moins qu'elle n'augmente par le dessèchement et le rejet de parties humides. Quand M. Blume visita les serres de Liège, il n'y vit que des fruits à l'état d'immaturité. Avec un peu de patience, il eût reconnu que ces fruits mûrs sont bruns à l'extérieur, que leur matière interne est brun noirâtre et que leur parfum ne le cède en rien à celui de la meilleure vanille du commerce. A Java, les fruits ne sont pas venus, parles mêmes raisons que M. Gardner a mieux expliquées pour le Brésil. Il est indubitable qu'une plantation bien dirigée produirait à Java d'a- bondantes récoltes. Je donnerai plus tard sur ce fait des détails précis. (1) Par erreur typographique, lisez Liège au lieu de Leyde. (52) 4. Vamlla albida. Blume, Bydr.j 422, c. analysi, Rumpkia, 1 , 197, t. 67. V. Foliis pctiolatis Inriceolatis crassis , V. Feuilles pétiolccs, lancéolées, épais- plniiis obsolète nervosis , spicis 3-9 floris, ses, planes, obscurément nerveuses, épis labelli liinboov(ilorotundalo,anticeet{n- de 3 à 9 fleurs, limbe du labelle ovale, /'««ce disco barbalo instructo, columna arrondi, antérieurement et à la gorge glabra; fructibus Iriquelris falcatis ma- pourvu d'un disque barbu, colonne gla- doris. bre; fruits triquètes , en faux , inodores. Habite les forêts vierges humides et montagneuses de Java; près du (leuve Tjapus, aux environs des monts Salak, dans les contrées montagneuses de Parang, etc. Presque toujours en fleur, selon Blume. Observations. — Le fruit est long d'environ trois pouces , lui- sant, (l'un pâle vert, avec des taches brunes. Les sépales et les pétales verdâtres. Le labellum est d un blanc de lait. 5. Vanilla GRANDiFLonA Liud., Orch. gen. et sp., 455. V. Foliis s])ica brevi multiflora , V. Feuilles épi court mulliflore , hri\cieis lotis rotundatis strialis, sepalis bractées larges arrondies, striées, sé- petalisçwe eloiujatis redis platiis oblongis pales et pétales allongés , droits , planes , obtusiusculis basi angustatis, labelli re- oblongs, oblusiusculcs étroits à la base, tusi opiculati crispi limbo basi lamellis labellum rétus , apiculé crépu , limbe brevibiis transversis cuneatis denlatis re- à la base des lamelles courtes transver- trorsum imbricatis cristaio sub apice gla- ses, cunéiformes, dentées, imbriquées bro venis paulo elevatis, columna antice en arrière, glabre sous le sommet, à pilosa. veines un peu élevées, colonne antérieu- rement poilue. Habite la Guyane française, selon Martin. M. Ward communiqua cette espèce à M. Lindley. Observations. — Quoique M. Lindley n'ait vu de cette plante qu'un épi de fleurs sèches, il ne peut y avoir aucun doute que ce ne soit une espèce distincte. Elle se rapproche du Vanilla pla- nt folia; mais ses fleurs sont plus grandes, les sépales et les pé- tales plus étroits et plus longs. L'absence des tubercules au som- met du labellum suffirait pour la distinguer. Néanmoins , M. Lindley ne peut déterminer si c'est une des espèces observées à Cayennc par Aublet. Cet auteur dit qu'il y a (55) dans cotte contrée trois espèces de vanillier. L'une s'accorde avec la figure de Plumier et paraît être le V. aromatica; la seconde (la pclile vanille) a les fruits seulement de 5 pouces de long sur un pouce et demi environ de diamètre et doit être une espèce dif- férente. La troisième (ou grosse vanille) n'est pas décrite. Voyez l'aperçu de cet auteur sur la culture, etc., de la vanille, dans les Plantes de la Guiane française, vol. II, p. 77, appendice. 6. Vanilla bicolor. Lind., in Bot. regist., 1838, Mise, n" 58. V. Foliis ovaio-ohlonfjis subsessilibus V. Fei«7/es ovalcs-oblongues, subscs- aculis strialis vmrgine rubescentibus , se- siles , aiguës , striées, rouges au bord, palis lineari-lanceolatis aculis palentibus sépales linéaires lancéolées aiguës planes, dorso rolundatis, pctalis conformibus ca- arrondies audos,péto/es conformes cari- rinatis, labello membranaceo semilibero nés, labellum membraneux , semilibre , convoiuto apiculalo undulato, venis ra- convolulé, apiculé, ondulé, veines ra- mentaceis in medio dense stuposis , colum- mentacécs au milieu , pressées , colonne na 6ar6«to , clinandrii auriculis crenu- barbue, ciùianrfre à oreilles crénulées. huis. Habite Demerara, selon Schomburgk. M. Loddiges cultive cette vanille. Observations. — Elle est très-odorante. Les fleurs sont pâles et ont trois pouces de longueur; les sépales et pétales sont d'un rouge terne, et le labellum d'une couleur de crème. 7. Vanilla Palmarum. Lind., Orch. gen. et sp., AôQ. V. Foliis ovatis siécordatis breii-pe- V. Feuilles ovales-subcordées à pélio- t iolulis succulentis , ttorihus geminis , se- les courts succulents, feurs géminées, palis et pctalis aiigustis oblomjis erectis st^a/es et ^efa/es étroits, oblongs, droits, planis , labcUo membranaceo ovario planes, labellum membraneux ovaire calyculato. calyculé. Synonymies. Epidendrum Palmarum. Salzmann , Pi. exsicc. braz. Epidendrum vanilla. Flora fluminensis , c. ic. Habite à Bahia, sur les tiges des palmiers. Salzmann. Observations. — M. Lindley a vainement cherché à reconnaî- tre la structure et la forme du labellum dans trois échantillons qu'il a eus à sa disposition. L'espèce diffère de toutes les autres par ses feuilles ovales, subcordées , et son calycule, qui, s'il est présent dans quelques espèces, n'est jamais si grand. 8. V.vMi.Lv APHYLLA. Blume , Bydr., 422, Humplna, 1 , 198, t. 68. V. Aphylln, pedunculis subtriporis , V. Aphyllc, pédoncules suhtriflores, Inhclli limbo loidulatoobtuso, medio bar- labellum à limbe ondule, obtus, barbu baU), anthcra biloba; fruclu crjlindraceo au milieu , anthère bilobée; fruit cylin- (insi'pido?). drique (insipide?). Habile les alluvions de Java, entre les arbrisseaux et aux bords des forêts, dans l'île de Nusa Kambangan , dans les broussailles, près des rives , selon M. Blume, et dans la Péninsule indienne, selon Wight. Observations. — Les échantillons procurés à M. Lindley par M. Wight s'accordent avec les figures et la description de M. Blume, seulement le nombre de fleurs était plutôt cinq que trois. Le limbe du labellum a paru aigu dans la seule fleur sou- mise à la dissection. Selon M. Blume, les fleurs sont vertes, avec le labellum violet; elles sont très-odorantes. J'ai vu également chez M. Jacob Makoi une espèce de vanillier aphylle, mais qui n'a point fleuri. Sur les tiges, grosses comme le petit doigt, lisses, mates et vertes, il y avait de chaque côté un sillon longitudinal , et la tige était partagée par des articula- tions placées à i5 centimètres de distance, où ces sillons s'arrê- taient pour ne pas se correspondre sur les mérithalles voisins. Cette singulière plante fut placée dans la mousse et dans la serre à Orchidées. Elle y languit longtemps et finit par mourir sans avoir poussé de nouveaux jets. A la suite de ces huit espèces, M. Lindley cite les dia- gnoses de Schiede, sans pouvoir les rapporter avec certi- tude à aucune de ces huit espèces, et fait remarquer que le Vanilla angustifolia de Willdenow, plante du Java et non du Japon, doit être entièrement éloigné de ce genre. ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait du tome XVII , n» 3, des Bulletins.) TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. SUR LA SPEIRANTHIE DES CYPRIPÈDES, NOUVEAU GENRE DE monstruosités; H. CH. MORRËN, Membre de l'Académie royale de Belgique. Un pied de Cypripedium insigne m'a présenté un si re- marquable assemblage de monstruosités de diverses espè- ces, que je n'ai pu m'empêcher d'en conserver le souvenir dans le musée de tératologie végétale que je forme ac- tuellement à Liège. Les orchidées offrent rarement des constructions anormales, mais toutes celles qui ont été signalées, sont riches en inductions philosophiques. Celle dont je publie en ce moment la dissection n'est pas moins importante dans la théorie actuelle de la science des aber- rations de la nature. (56) On doit se rappeler d'abord la structure normale du genre des Cypripedium , le seul sous-ordre des orchidées caractérisé par rcxislence de deux anthères latérales fer- tiles et par l'anlhère du milieu, devenue pétaloïde, et par- lant stérile. Le genre Cypripedium a, de plus, les folioles extérieures (calice) du périgone uninerves libres, posées sur le labcUum, la foliole supérieure conforme à l'inférieure, mais à nervures souvent au nombre de cinq, les folioles internes (corolle) plus étroites, le labellum grand, enilé et calcéiforme, la colonne courte, penchée, tripde au sommet, les lobes latéraux anthérifères au-dessous, ïinter- médiaire stérile , pétaloïde et dilaté , les anthères à loges séparées, presque bivalves, le pollen pulpeux granulacé, le style c?e/foiV/e , occupant la face de la colonne au-dessous des anthères, la capsule uniloculaire, à trois placentas pariétaux, et les graines nombreuses, scobiformes. Voici la très-singulière structure que m'offrait le monstre de Cypripedium insigne auquel j'avais affaire : Il existait deux folioles extérieures au périgone, mais au lieu de se trouver en haut et en bas, opposées au la- bellum , elles étaient placées latéralement l'une à gauche , l'autre à droite. (Voy. flg. V\) La foliole supérieure dans le type, la plus large des deux, celle qui devait offrir cinq nervures principales et qui en montrait neuf au contraire, avait fait un quart de cercle de révolution sinistrorse et descendante (je me sup- pose être laileur, ma gauche est, par conséquent, celle du monstre lui-même). Donc, cette foliole calicinale, de su- périeure qu'elle aurait dû être, était effectivement latérale. La foliole calicinale inférieure dans le type, celle qui se place au-dessous du labellum, avait fait un quart de cercle de révolution dextrorse et ascendante. Donc, elle se trouvait à droite vis-à-vis de sa voisine de gauche; mais, devenue plus étroite que celle du type, elle avait pris l'aspect, la grandeur, la forme, la coloration d'une foliole corolline du second verticille. (Voy. fig. ^^) La foliole corolline de droite, qui, dans le type, est la- térale et horizontale et se place vis-à-vis de sa voisine de gauche sur la même ligne, avait subi un mouvement as- cendant dextrorse, d'un quart de cercle, de manière à occuper la place de la foliole calicinale supérieure. Cette foliole corolline offrait tous les caractères de nervation, de grandeur , de coloration et de figure propres aux fo- lioles corollines ordinaires. Quant à la foliole corolline de gauche, elle était com- plètement atrophiée; il n'y en avait aucune trace. Son insertion, c'est-à-dire la hauteur de l'origine du se- cond verticille floral, était occupée par le labellum. Donc, puisque la foliole corolline droite occupait le sommet de la fleur, le bas devait être occupé à son tour par le la- bellum qui, cependant, se trouvait, dans celte position normale, faire le vis-à-vis d'un pétale latéral. La conséquence de cette étrange perturbation dans les insertions, était qu'en voyant cette fleur, on ne saisissait d'abord que la moitié de son intérêt : on prenait la foliole calicinale supérieure pour une foliole corolline gauche , la foliole calicinale inférieure pour une foliole corolline droite. La foliole corolline droite, on la prenait pour une foliole calicinale supérieure, et avoir le labellum dans sa place ordinaire, on ne s'apercevait pas de l'absence delà cinquième partie du périgone. Le labellum lui-même offrait bien la forme en pan- loulïc, caractéristique du genre, mais au lieu de présenter une convexité arrondie au bout extérieur de l'organe, il (58) montrait là un enfoncemenl comme un chapeau qui au- rait reçu un coup de poing. (Voy. fig. i'^) Cet enfoncement produisait une saillie dans l'intérieur de la cavité du la- bellum lequel était pourvu de ses rebords marginaux comme de coutume. (Voy. fig. 2.) La colonne montrait d'étranges changements. D'abord la colonne, plus grêle que dans le type, offrait une division en deux corps, l'un staminal supérieur, l'autre pistil laire inférieur. Ce corps pistillaire (fig, 5, 4, 5, 6) était normalement placé; il était terminé par le stigmate en disque propre au genre. Ce gynize conduisait à un ovaire régulier. De tous les organes de la fleur mons- trueuse, il n'y avait que l'élément pistillaire qui fût le [)lus régulièrement formé, développé et placé. Mais le corps staminal , au contraire, était celui dont les aberrations étaient les plus étranges : l'anthère de droite était seule développée {fig. 3, 4, 5 et 6), et elle l'é- tait régulièrement [fig. 7) ayant ses valves anthériennes bien distinctes , ouvertes en coquille et le pollen abon- dant et dans de bonnes conditions de fertilité. Quant à l'anthère de gauche et au lobe central, si développé en disque papillifère dans la plante normale, on n'en voyait aucune trace dans cette fleur. Les trois étamines primi- tives étaient donc réduites en une seule, celle de droite. Enlin , et pour finir cette description , au bas de l'ovaire (fig. r^) on voyait, à l'articulation de la bractée, celle-ci, petite et folii forme , sortir de la gaîne et se libérer , en forme (le lame, et la gaîne elle-même être formée par une énorme feuille développée comme celles de la tige verte et forte, et poursuivant sa longueur au-dessus de la fleur elle- même. Voilà I étal des choses dans leur complet. Voyons si ( 59 ) nous pouvons nous rendre compte de la nature intime de ce cas de tératologie et remonter, si possible, à sa cause. La feuille qui remplace la bractée, alors que celle-ci existe et que les feuilles, dans les monocotylédones sont normalement et primitivement alternes, semble donc bien être la feuille ayant la lleur à son aisselle, mais seulement supportée par un rameau, division de la tige. Donc là, se trouve un exemple d'une organisation anormale très-com- mune et très-explicable. L'ovaire est droit, sans torsion, dans des conditions ordinaires de développement, de même que tout l'appareil pistil laire. Donc, nous pouvons nous figurer l'axe de la fleur comme normal. Mais c'est aul(mr de cet axe que les forces d'aberration ont fait leur circonvolution et ont laissé les traces de leur puissance. D'abord , une force de torsion s'est emparée des deux éléments calicinaux et leur a fait subir un mouvement d'un quart de cercle en descension gauche. Puis une force de torsion a fait subir au second verticille floral un mouvement aussi d'un quart de cercle en ascension droite, et, dans cette torsion, un élément fo- liaire, un pétale a été anéanti, comme si les éléments or- ganiques, froissés par ce mouvement, s'étaient trouvés dans l'impossibilité de se développer, et partant de produire un appareil foliaire. Enfin, on peut facilement concevoir que cette torsion arrivée au bout de son axe et se rapprochant de plus en plus de l'appareil central, le pistil a fait avor- ter de môme et l'étamine de gauche et le lobe central de la colonne. L'idéalisation de cette cause nous représente donc cette force d'aberration tératologique comme consistant dans une torsion spiraloide marchant de droite à gauche, s'é- cartant d'abord de l'axe floral et entraînant ainsi, non la (60) destruction, mais le déplacement des premiers verlicilles de l'appareil floral, puis celle torsion se rapproche de l'axe contre lequel on dirait que ce mouvement en spirale froisse les organes et les anéanti t. Cette image, tout abstraite qu'elle est, nous explique d'une manière parfaite cette suite singulière de phénomènes d'atrophie, d'hypertrophie, de déplacement et de torsion que nous a offerts cette sin- gulière fleur de Cypripède. Je ne pense pas qu'il y ait une autre théorie possible pour nous rendre compte de cet or- dre de faits, et si l'on réfléchit aux causes qui doivent, de toute nécessité, agir dans la |)hyllotaxie pour faire naître les feuilles dans des positions exprimables par un système de fractions relatif à des spirales, on doit, ce me semble, être convaincu que ces spirales génératrices, déviées dans leurs propriétés pendant que l'organisme se forme, peuvent et doivent même donner lieu à certaines expressions téra- lologiques. Ce Cypripède réalise ce fait. Je ne sais si l'on y a réfléchi antérieurement dans les annales de la tératologie. Fig. i. Fig. -2. Fig. 3. Soient C C C", fig. i , angles du triangle équilatéral re- présentant le triple élément calicinal des orchidées, les trois sépales du calice, nous aurons par suite des lois d'al- ternance, en P, P' les pétales et en L le labellum, trois (01 ) parties du second triangle de superposition ou la corolle; nous aurons de même en Sss' les trois cléments du verti- cille slaminal, mais ici S seul se développe pour constituer la seule anthère des vraies orchidées, ss avortent ou mieux s'atrophient en staminodes, et enlin G est le pistil et l'o- vaire avec ses trois placentas pariétaux représentés par les trois angles du triangle central. De cette structure, il résultera : V que le labellum (L) sera situé, vis-à-vis de l'intervalle, entre deux sépales (C C") et vis-à-vis de l'anthère S; 2^ que les placentas, alternes avec les sépales, seront opposés aux pétales et au labellum. Dans les Cypripédiées, le fond de l'organisation reste le même, avec un simple changement de plus ou de moins dans le développement de l'appareil mâle, et des modifica- tions plus importantes dans le verticille extérieur de pro- tection. En effet, soit fig. 2 le diagramme des Cypripédiées, G pistil, reste immuable avec les trois placentas, mais l'an- thère S de la fig. 1, s'atrophie et devient s; au contraire, s, s' de la fig. i deviennent des étamines fertiles S S'. Le triangle corollin L, P, P' reste le même, mais le triangle calicinal s'anéantit. G' C" se soudent vis-à-vis de L (label- lum), et C seul reste en alternance de P P'. Il résulte de ces modifications : 1** que le labellum est si- tué vis-à-vis d'un sépale du calice qui, bien que moins grand parfois que son homologue G' G", n'en est pas moins formé de deux éléments foliaires, comme le prouvent les deux nervures principales partant de l'intervalle entre les pétales latéraux et le labellum; 2"" que le labellum est op- posé à l'étamine atrophiée s, donc au disque pétaloïde et papillifère des Gypripédium; 5° que le labellum est du côté des deux étamines fertiles; 4° que la loi d'alternance des placentas avec les sépales est détruite, un seul sépale, (02) C, fig.^, étant alterne avec deux placentas, le troisième, alterne avec les étamines fertiles, étant opposé au sépale placé vis-à-vis du labellum. Donc, si Ton compare les Cypripédiées aux orchidées, on voit que tout le jeu de variation a roulé sur le calice, dont ralternance a changé par une rotation des éléments C C vers L, fi(j. i , et une soudure de ces éléments. Quant à la variation de l'élément staminal, tout se borne à l'atro- phie d'un organe et à l'élévation aux fonctions des deux autres organes atrophiés dans le type des orchidées; mais dans l'alternance des éléments de ce verlicille, rien ne change : il n'y a pas de rotation. Dans la monstruosité par torsion, on voit évidemment, fig. ;. , que les relations des parties développées et atrophiées sont devenues les suivantes : G'C" (deux sépales du calice alternes au labellum dans les orchidées, opposés au label- lum dans les Cypripédiées) sont devenus de nouveau alter- nes au labellum L (développé) et au pétale p (atrophié), mais la disjonction n'a pas eu lieu comme dans les orchi- dées, le type cypripédien s'est conservé, et C" a fait une révolution d'un demi-cercle, C d'un quart de cercle. Quant à C, alterne dans les deux groupes, les orchidées et les Cypripédiées, avec les pétales PP', ce sépale opposé à son homologue C'C", devient alterne avec le labellum L (déve- loppé) et p' pétale atrophié. Si l'on suppose que, dans un calice disépale, l'organisme forme un tout, on voit que la droite C C' C" de la figure 2 a subi une simple rotation sur le milieu de la lleur, et de perpendiculaire est devenue horizontale. Quant à la corolle, L labellum devient immuable, maisP, un des pétales, subit la rotation de p en P, et p' avorte. De là l'opposition du labellum L à ce seul pétale P développé. //////,.//' /:lr^n/ /fo/ur/. 7}>N/t' \ / // /^' /M//'Ù(',/^ff(/f '^hc/ra// ////(' •//{ ( '/n^ff /><■,/////. /// {//A- /(/ni (G5 ) Dans le vcrticille staminal, tout le phénomène se borne, de même que dans la transformation des orchidées en Cy- pripédiées , à une simple atrophie, d'une part, et à une sim» pie élévation aux fonctions, de l'autre; ainsi S' reste étamine fertile, mais 5 et S s'atrophient, quoique le triangle sss' con- serve toutes ses relations d'alternance avec le triangle (i, immuable dans tous ces changements. Donc, il est évident que, dans cette monstruosité, la même force de variation qui a fait des orchidées un type de Cypripédiées par un simple mouvement de rotation ac- compagné d'atrophie et d'hypertrophie, a continué d'agir. II n'y a pas eu développement de forces nouvelles, mais continuation dans les effets d'une force donnée. On peut conclure de là que si les causes des changements mor- phologiques étaient connues, on serait conduit à savoir présumer quels sont les cas probables de la tératologie. La tératologie serait une déduction de la science des for- mes, au lieu d'être une énumération plus ou moins bien expliquée des monstruosités, regardées comme des aber- rations ou des écarts de la nature. Pour exprimer la construction singulière de ce Ci/pnpe- dium sans périphrase, je propose de nommer ce genre de construction tératologique speiranthie, de (TTref^wàjç, tors, torse, et oivQoçy fleur, fleur tordue. EXPLICATION DE LA PLANCHE. fig. l. Cypripedium insigne affecté de Fig.h. Colonne vue d'en haut, speiranthie. 6. Colonne vue de devant. 2. Coupe longitudinale du labelluni. 7. Anthère développée. ~. Colonne vue du côté droit. Les figures 3, 4, 5, G et 7 sont vues ^. Colonne vue du rôté gauche. la loupe. ACADÉMIE ROYALE DK «KLCilQUK (Exilait du tome XVII , u" .'i, dos Bulletin-^ TÉRATOLOGIE VÉtJETAlE. trnini' d uni; i'ktaijfication successive pans les saxiihvcis: par ]tl. €h.%ri.i:.«i IVIORRKM. Mouihro dorAcadcniio royale do Tîclgiqiip. La transformation des étamines en pétales est, comme l'on sait, la pi us commune des monslruosités. Celle pétai ifi- calion, avec le dédoublement, constitue le fond et la raison de la plupart de nos fleurs doubles de jardins. On a tant de fois et si profondément examiné ce phénomène lérato- logique qu'on devrait croire à sa radicale stérilité en fait de déductions nouvelles, et cependant nous avons vaine- ment cherché et dans la savante dissertation de M. Hugo Molli, sur la métamorphose des anthères (1), et dans le traité de Goethe, la tératologie de M. Moquin-Tandon , la cita- tion d'une pétalification très-remarquable dans l'ordre du développement successif qu'elle afl'ecte. Ce cas s'est offert il moi dans la culture du Saxifraga decipiens, Ehrh. Cette saxifrage, spontanée sur les rochers de l'Allemagne (1) Flora, 1836, et la lr;uliictioii eu français, Anu. dvs sciences uni. Bot.; 18Ô7, t. Vïlî, p. !iO. (6C) • et de la Bohême, ne présente pas cette transformation dans le jardin botanique où nous la cultivons entre des pierres placées à demeure dans la terre. Là, la plante offre un grand développement en traçant tout à la fois sur le sol et les morceaux de roches. Mais la pétalification des étamines s'est montrée dès la première année de la culture forcée de cette espèce dans une terre tempérée, où le végétal avait reçu une bonne terre terreautée et beaucoup de soins; les rameaux s'allongèrent considérablement, les feuilles s'es- pacèrent, les tiges florales, se montrant dès février, devin- rent grêles et longues, les fleurs plus grandes, moins serrées, se montrèrent peu à peu doubles, de sorte que sur un seul pied, on voit parfois se réaliser toutes les mo- difications qui s'emparent des étamines. Nous commencerons par exposer ces transformations sans commentaires. La fleur normale est dessinée fîgïire V\ Le calice, cam- paniforme, a ses cinq divisions ovales parfaitement indiffé- rentes dans tous les états; la corolle est formée par cinq pétales obovés, alternes avec les divisions calicinales, offrant un onglet court et large. Remarquons que ces pé- tales ont ce système-ci de nervation (voyez fig, 6) : une nervure médiane parcourt toute la longueur du pétale de l'onglet au sommet, et à l'endroit où le pétale s'élargit en lame, se détachent parallèlement aux bords marginaux, deux nervures latérales, de sorte que, prise dans son en- semble, cette nervation se compose de trois nervures à peu près parallèles, convergentes et presque de la même grosseur ou force. N'oublions pas ce fait. La fleur normale est considérée dans la théorie d'Agardh, comme diplostémonc; le premier rang d'élamines se trouve à l'aisselle des sépales (ici soudées à l'ovaire par le disque); ( 67 ) le second rang a ses organes à l'aisselle des pétales. L'éla- mine, quel que soit son rang, est formée d'un filet long, légèrement aplati , portant des poils glandulifères (fig. 7) jusqu'à la base de l'anthère , mais rares; l'anthère est large, ovale, le connectif très -développé et les loges de l'an- thère séparées, réniformes, s'ouvrant longitudinalement. Le disque est élargi, plat, vert ; on le voit baigné par dix gouttes de matière visqueuse, sécrétées devant chaque éla- mine, dont les deux rangs placés vers le pourtour extérieur du disque ne sont pas sensiblement sur deux lignes. Du centre du disque partent les deux styles obliquement tron- qués par le stigmate. L'appareil pistillaire restant aussi indifférent que le calicinal dans l'acte de la métamor- phose, nous ne parlerons guère ni de l'un ni de l'autre. Voilà l'état des choses normal. Prenons maintenant une fleur où la pétalifîcation ou la pétalomanie, comme le di- sait Decandolle, commence. (Voyez fig. 2.) Tci nous aper- cevons ce phénomène singulier qu'une étamine pétalifiée alterne avec une étamine normale , et bientôt on aperçoit que les seules étamines métamorphosées sont celles qui correspondent aux sépales ; donc , la force modificatrice prend son initiative dans le premier rang de l'androcée ou les étamines qu'Agardh considérait comme les bour- geons calicinaux. Ce fait mérite une considération toute particulière. Examinons de plus la forme de ces pétales pro venus de la métamorphose des étamines. Nous y voyons un onglet étroit, une lame proportionnellement plus large qu'aux pétales normaux (//(/. G''"), une forme plus rhomboïdalc, deux petits plis vers le bord inférieur qui rappellent en- core les loges de l'anthère, et sur tout l'organe se répète la nervation triplinervcdcs vrais pétales. Celte nervation rap- (08 ) proche d'une manière évidente les pétales staminaux des pétales corollins, et ce qui achève de les mettre en rap- port, c'est l'état entier de leurs bords. Mais, nous prenons une fleur du Saœifraga decipiens qui offre une seconde modification dans l'ordre des progrès tératologiques (fig. 5). Ici, ce sont encore les seules éta- mines calicinales qui offrent la métamorphose, mais, au lieu d'avoir formé des lames pétaloïdes simples, elles ont formé des lames pétaloïdes trifides. En effet, devant chaque sépale se trouve un pétale (fig. dO) constitué par un onglet plat, n'oflVant plus les poils glandulifères de l'étamine {fig. 7), mais des poils allongés, simples, et par une lame profondément trifide, le lobe du milieu plus large, plus grand, présentant la nervure médiane très-visible, et deux nervures latérales qui le sont moins dans les deux lobes latéraux. Évidemment, dans cette seconde phase de la mé- tamorphose, il s'est déclaré dans le premier rang d'une androcée diptostémoniée un éloignement de la forme co- rolline; mais, pour peu qu'on examine la plante entière, on est étonné de trouver entre cette forme trifide de l'éta- mine pélalifiée et celle des feuilles une analogie frappante {fig. 12). La force tératologique a été poussée tout à coup de trois degrés plus bas; elle a sauté par-dessus la forme corolline, calicinale, bractéenne, pour arriver à la forme foliaire, comme si elle obéissait jusque-là au pouvoir des métamorphoses descendantes de Goethe. Ce fait est fort curieux, et nous ne voyons pas qu'il ait été signalé anté- rieurement. Sur d'autres fleurs, nous retrouvons une phase encore plus avancée dans la transformation {fig. A). Ici, les éta- mines calicinales pétalifiées sont restées avec leur forme trifide, mais lesétamines corollines, jusque-là conservées ( 09 ) dans leur Ibuclion naliirellc, se sont elles-mêmes pélali- lîées. En premier lien, elles prennent la l'orme de simples lames pélaliformes , entières , à trois nervures , absolument comme l'ont fait les élamines du premier rang. En second lieu , sur des ilcurs arrivées au plus haut état de fleurs dou- bles dans ce genre, ces mêmes étamines du second rang ont acquis la forme trifide foliaire, comme on le voit fig. 5. Alors, la fleur est réduite à la sexualité du pistil, et sa per- fection horticole est accomplie. L'esthétique des horticul- teurs la rangera alors dans l'ordre des fleurs les plus perfec- tionnées, et l'architecte, comme le dessinateur, pourront en eff'et y puiser des idées de rosace d'une grande élégance et cette fois fondées sur la nature. Voilà les difl'érentes phases que subissent ces métamor- phoses qui s'accomplissent évidemment ici dans un ordre donné, d'après une marche progressive dont chaque sta- tion est réalisée par des états particuliers. Mais, pour tirer de ces comparaisons toutes les conséquences les plus utiles à la tératologie philosophique, nous devons faire remar- quer les analogies qui existent entre les organes métamor- phosés et les organes typiques, et démontrer comment les modifications s'établissent successivement. Au bas de la tige du Saxifraga decipiens, on trouve des feuilles entières (fuj. 11) plus grandes que les autres : ce sont les feuilles primordiales spatulées; elles olVrent un pétiole long, aplati, continu avec le limbe, et sur ce limbe trois nervures, dont les deux latérales, parallèles au bord marginal sont convergentes. La feuille caractéristique est d'abord trifide (fig. 1:1), chaque lobe ayant sa nervure médiane propre, et les poils commencent à abonder tant au-dessus qu'au-dessous. Puis, on aperçoit des feuilles dont un des lobes latéraux se bi- (70) fiirque {fig. 15), mais la bifurcation des deux lobes à la l'ois devient à la fin très-commune, et beaucoup de feuilles Tolfrent comme dans les espèces voisines du genre Saxifrage [Saxifraga paUnala, etc.). Nous n'avons jamais trouvé la irifurcalion d'un lobe latéral comme Sturm l'a figurée dans sa DeutscJdands Flora {V vol., X, 2), sur le Saxifraga pal- mata, pas plus que nous n'avons vu la bifurcation du lobe médian de la feuille palmée (à cinq lobes). Or, il est intéressant de remarquer que, dans la péta- lification des étamines, soit du premier, soit du second rang , l'irrégularité dans la formation des lobes peut avoir lieu comme dans la feuille. Ainsi, telles fleurs off*rent des étamines métamorphosées en pétales, mais dont un seul lobe latéral s'est développé (ftg. 9). Dans ce cas, la nervure latérale de l'autre côté est encore visible dans le lobe du milieu, preuve évidente que c'est la divarication des fibres qui amène cette formation de lobes. Un second fait que nous avons pu constater dans ces ob- servations, c'est qu'ici, comme dans un grand nombre de cas, il est évident que c'est le connectif de l'anthère qui se pétalifie le premier. Le principe d'Engelmann se vérifie donc, à savoir que le pétale staminal est une anthère dila- tée, bien que ce principe ne soit pas admis par tous les téra- tologistes (1). La fig. 8 représente une étamine en voie de se métamorphoser. Les poils sont encore glandulifères sur le filet, mais l'un d'entre eux devient déjà simple sur l'an- thère, les deux loges anthériennes existent encore, l'organe est toujours mâle , mais déjà le connectif, bien différent dans sa forme de ce qu'il est dans l'état normal {fig. 7) , est (1) Voy. Moqitiu-Tandon, Tératologie , [t. ^lô. (71 ) monstrueux; il devient le lobe médian du pétale staminal. donc les deux nervures latérales semblent bien représenter la cloison des loges anthériennes (trophopoUcn deTurpin). Enfin une dernière considération doit frapper l'obser- vateur. La métamorphose s'empare de l'organe mâle : il devient semblable aux pétales normaux. Puis, la force té- ratologique progressant toujours, l'étamine pétalifiée fran- chit dans ses modifications morphologiques , l'espace qui le sépare des organes intermédiaires, et il revêt la forme des feuilles normales, mais il prend cette forme foliaire entre le premier degré qu'elle revêt, celle des feuilles primordiales dévolue aux pétales corollins normaux, et le dernier degré, celle des feuilles palmées à cinq divisions, la plus haute complication que le principe de la divarication des fibres peut imprimer à l'espèce. Dans la fleur double, il y a donc limite à la puissance modificatrice. L'étamine peut bien devenir pétale, ce pétale peut bien devenir feuille, quant à la forme, mais la feuille revêtira une forme plus avancée en organisation à laquelle le pétale foliifié ne pourra at- teindre. L'art de la culture aura beau faire, il n'ira pas plus loin, et les modifications qu'il imprime aux êtres de la nature seront nettement tracées et fixées par elle-même. Le lecteur aura remarqué que nous ne nous sommes guère appesanti sur l'ordre d'alternance et de successibi- lité dans la métamorphose dont il s'agit. D'abord, il est évident que si l'on admet que les modifications tératologi- ques sont des conséquences d'une force éminemment vitale dans sa nature, mais perturbatrice de l'ordre naturel qui assure à chaque espèce son existence fixe, immuable dans un temps donné, si l'on admet que ces changements sont le produit d'une force plutôt simplement morphologique (juc physiologique et de la nature des fonctions nécessaires (72) à la vie, on devra cependant reconnaître que cette force et de forme et de perturbation, est réglée par la loi d'alter- nance, loi éminemment organologique et régulière. La na- ture de la force téralologique est essentiellement destruc- tive des fonctions : ce n'est pas l'organe qui est anéanti, c'est sa fonction qui est annulée, et cependant cette force qui produit les monstruosités ne peut échapper aux lois fonctionnelles. Ainsi l'on sait que, dans les fleurs diplosté- mones, la fécondation ne s'accomplit pas uniformément et indifiéremment par les étamines des doubles verticilles. L'un rang agit, puis l'autre; dans le Saœifraga decipiens, cette fécondation coordonnée d'après le rang des mâles est aussi évidente que dans la Rue, et les étamines calicinales ont la priorité. La modification tératologique suit cette loi; si le rang calicinal est le premier à agir, il est aussi le premier à se déformer; puis vient le tour du rang co- rollin dans l'une et l'autre de ces actions. Cette corrélation est curieuse. En résumé, on peut conclure de ces dilTérentes recher- ches que : 1" Dans les fleurs diplostémones, du genre des Saxi- frages, la pétalomanie ne s'établit pas sans ordre et con- fusément, mais elle suit la loi d'alternance organologique. Par suite, le rang des étamines opposées aux sépales se métamorphose le premier: tantôt la modification s'arrête là, tantôt elle se poursuit et s'empare alors du rang des étamines opposées aux pétales; 2° La fleur semi-double se féconde donc par le rang corollin de l'androcée , le rang calicinal étant le premier à perdre sa fonction, et la fleur double, annulée dans ses fonctions reproductives , ne l'est que lorsque le rang su- périeur a subi sa métamorphose tératologique; (75) 5° La première forme que subissent les étamines péta* liliées, les ramène à la morphologie de la corolle; la se- conde les fait descendre par une métamorphose décursive, en sautant sur plusieurs formes intermédiaires, à la forme des feuilles caractéristiques, tandis que la forme pélaloïde normale ou celle des premières métamorphoses ramenait la morphologie des organes pétalifiées à l'état des feuilles primordiales ; 4* Dans toutes ces modifications, la forme des organes modifiés est relative au système de nervation de la plante entière; toutes les combinaisons que permettent la divari- cation des libres ou leur soudure, sont réalisables, entre certaines limites, par les organes métamorphosés, sans que le type vasculaire se perde; 5° Dans la pétalification des étamines de cette nature, évidemment l'organe modificateur est le connectif repré- sentant de la nervure médiane de la feuille typique, et après lui viennent les nervures secondaires qui corres- pondent aux cloisons des loges anthériennes; de sorte qu'on peut en inférer que, dans l'étamine normale, les pa- rois des loges correspondent aux portions du parenchyme de la feuille que bordent ces mêmes nervures secondaires, tandis que la séparation des loges de l'étamine normale correspond à l'interveine qui s'étend entre la nervure mé- diane et les nervures secondaires principales; 6"* Donc, quand une fleur diploslémone se double, tou- tes les lois de l'alternance et de la similitude des parties dans un type donné d'organisation se conservent, quoi- que les fonctions pour l'exercice desquelles les organes sont créés soient abolies, et les aberrations des formes ne sont pas assez puissanles pour anéantir la nature intime et physiologique des appareils vitaux. ( 74) EXPLICATION DES FIGURES. fi(j. 1. Fleur normale du Saxifraga decipiens, grandie d'un tiers. "■1. Fleur pètalifiée dans le rang des étamines calicinales. 3. Fleur pètalifiée dans ce même rang , les pétales staminales trifides. 4. Fleur pètalifiée pour les deux rangs, le calicinal affectant la forme foliaire, le second la forme pétaloïde. I>. Fleur pètalifiée dans les deux rangs de Tandrocèf. selon le type foliaire. 6. Pétale normal. C. Pétale staminal de forme corolline. 7. Étamine normale, agrandie à la loupe. 8. Étamine se pétalifiant. 9. Pétale staminal à deux lobes , agrandi à la loupe. 10. Pétale staminal à trois lobes, agrandi à la loupe. 11. Feuille primordiale, grandeur naturelle. 12. Feuille trifide ordinaire. 13. Feuille quadrifide par la bifurcation d'un lobe latéral. 14. Feuille palmée. <;es trois dernières figures, 12, 13 et 14, sont de grandeur naturelle. Bn//.^/r rAuu/.Boy^f/c '/'()///(' ,17'// /'. ''/M///Ù', /'(/(/(' -/ - rreiO' -iit. uJf- IWa/f/iai/io/i r/n Sr/.zy/nuya (/cri/'w/uv. ACADÉl^HE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait (lu lonic XVII , n" 0, des Bulletins.) IVOTICE Sur la structure morphologique de la fleur des Lopéziées et sur une adénopétalie observée dans cette tribu; par M. Cl), Movmi, Membre de l'Académie royale de Belgique. On ne peut nier que les OEnolhérées {Onagrariées de Jussieu, Onagrariacées de Lindlcy, Onagrées de Spacli) ne constituent en majorité une organisation symétrique dont Je nombre normal est quatre ou ses multiples ou ses radi- caux (deux) , bien que le type dût être normalement cinq. Dans la tribu des Jussiévées , le type quinaire se rencontre encore, mais à partir des Épilobiées, l'agencement quater- naire l'emporte. La tribu des Lopéziées est évidemment la plus singulière du groupe. Nous prenons pour exemple le genre Lopezia (Cav.) lui-même. Examinons d'abord comment les idées morphologiques se sont fait jour dans la description orga- nographique de ce genre. Tube du calice subglobuleux, soudé à l'ovaire, limbe supère, quadri-partite, divisions colorées, étroites, lancéo- ( 76) lées, les trois poslérieures(l) subsecondes, l'antérieure (2) éloignée des autres. Corolle à quatre pétales insérés au sommet du tube du calice, alternes avec ses divisions, longuement onguiculés, les deux postérieurs (3) à onglets longs, glanduleux à leur sommet (4), articulés avec la lame , qui est étroite et elliptique (5) , les pétales anté- rieurs (G) ayant leur onglet plan et la lame ovale ou sub- orbiculée et continue avec Tonglet. Deux étamines (7) in- sérées sur le même rang que les pétales opposées aux divisions antérieure et postérieures du calice, l'étamine antérieure (8) stérile, en lame pétaloïde à son extrémité, l'étamine opposée fertile et embrassant d'abord le style, puis s'en séparant avec élasticité; fdet de l'étamine posté- rieure, subulée et aplatie, embrassant le style à la base, anthère intorse, biloculaire, ovale ou oblongue, loges pa- rallèles, s'ouvrant longitudinalement. Ovaire infère, qua- driloculaire. Ovules nombreux dans les loges, plurisériées, pendants, anatropes, style filiforme, court (9), stigmate (1 ) Ce mot est mal choisi : il exprime une idée fausse. Il n'y a pas deux rangs au calice mais un. Les divisions postérieures sont les supérieures dans la position horizontale de la fleur. (2) En réalité, Tinférieure. Pétales. (3) Encore une fois, les deux supérieurs. (4) Plus clairement, glanduleux à la base de la lame des pétales. (5) Cette articulation est importante à noter. Elle indique la nature mixte de cet organe glandulifère et pétalifère. (f)) Inférieurs. (7) La loi seule de ralternance permet ce langage. Ici la phytographie de- vfiSnt de la morphologie pure , car l'œil le plus complaisant ne pourrait voir dans un organe pétaloïde de forme, de fonction et d'insertion, une étaraine. (8) C'est-à-dire l'étamine inférieure. (9) Pas plus court que l'étamine, de manière que, dans la copulation, l'anthère se place justement au-dessus du stigmate. (77) capité(l); capsule globuleuse, quadriloculaire, loculicidc, quadiivalves, colonne tétraplore, persistante, cloisonnée aux angles séminifères sur les faces. Graines petites, nom- breuses, plurisériées. (Endlicher.) M. Auguste de Saint-Hilaire a fait remarquer (2) avec beaucoup de justesse que c'est, grâce à la perspicacité d'An- toine-Laurent De Jussieu, que les Lopezia n'ont pas fait le type d'une famille nouvelle, la tendance des botanistes de premier ordre étant plutôt de diminuer le nombre de ces groupes que de les augmenter (5). N'oublions pas toute- fois, qu'Adanson entrevit, le premier, que le Trapa, classé jusqu'alors parmi les monocotylédones , était voisin des onagraires où Ventenat le plaça définitivement entre les Circaea et les Ludwigia. Ce fut aussi Ventenat qui ramena les Lopezia à cette môme famille , et fît voir les analogies considérables qui les rapprochent des Circaea. Antoine De Jussieu le reconnaît lui-même (4). 11 ne fit donc que corroborer davantage les vues de Ventenat. Antoine De Jussieu , parce que les Lopezias ont visible- ment un calice quadrifide, conclut à l'existence forcée de quatre pétales. Naturellement, il devait regarder comme tels les deux pétales élargis en forme d'ailes (voy. fig. 1), et les deux pétales glandulifères étroits. Ce qu'il nomme le troisième pétale supérieur, et qui passerait, en effet, pour tel, si l'on s'en tenait aux formes et aux fonctions, est considéré par l'illustre botaniste français comme une éta- (1) Fortement poilu, cl visiblement bilobé. (2) Morphologie végétale^ p. 653. (ô) Observations sur la familk des piaules onagraires ^ par A. L. .^^^^ sien, Ann. du Mus., t. 111, p, ôl5. (4) Op. laud., p. Ô17. (78) mine avortée, dit-il. Il ne donne comme motif que son insertion plus élevée (verticille androcéen), mais il ne parle ni de la correspondance vis-à-vis d'une division du calice, au lieu de venir se placer en alternance avec ces divisions, ni de la forme de l'organe. En comparant avec la nature les figures analytiques d'un Lopezia publiées par Antoine De Jussieu, on s'aperçoit aisément de leur in- fériorité relative aux analyses qu'on est en droit d'exiger maintenant. Toutefois, la nature staminale de cet organe paraissait claire à ces esprits dès ce moment. Dans sa des- cription des figures, il n'est pas fait mention des glandes, dont la signification morphologique nous semble avoir été méconnue. Puisque le Lopezia a un calice quadrifide, dit De Jus- sieu , il doit avoir quatre pétales. Autant vaudrait conti- nuer la loi et dire : puisqu'il y a quatre divisions calicinales et quatre pétales, il doit y avoir quatre étamines. L'une loi est aussi certaine que l'autre. Or, une seule étamine n'est pas douteuse. La seconde est pour l'œil un pétale, et quant aux deux autres, on ne se donne pas la peine de les cher- cher. D'abord, nous ferons remarquer que l'insertion seule ne détermine pas la nature staminale du cinquième pétale apparent. Cet organe est coudé à sa base {fig. 5). Jusqu'au coude, il est simple et représente bien un filet comparable au filet déjà dilaté de l'étamine fonctionnelle (fig. G). Mais au-dessus, il se dilate, et quand on le déplie, on y trouve {fig. 4) deux lobes latéraux et un troisième plus petit, mais central. Il est bien diliicile de résister à l'idée de voir dans les deu>^ lobes latéraux les deux loges de l'anthère et dans le lobe médian le connectif. Les lobes latéraux obéis- sent encore à la loi du repliement, et leur tendance est do (79) faire une cavité close de toiil 1 ortçaiie. Les figures 1 , 5 et 7 montrent celle disposition d'une manière évidente. Qnand on ouvre avec soin un bouton du Lopczia liir- sula (Jacq.) , qui est l'espèce que nous avons particulière- ment étudiée, on voit que la fonction de cette élamine pétaliliée est de contenir, d'embrasser et d'envelopper com- plètement et le pistil et l'étamine fertile. Le style est em- brassé à son tour par une partie du filet de l'étamine fertile. La fig, 5 donne la clef de ce mécanisme. Le style {fig, 5) est articulé, dirait-on, au quart de sa longueur, vers le bas. En fait, il est simplement rétréci dans celte partie; puis il se dilate insensiblement. Or, dans sa partie la plus grosse, le filet de l'étamine fertile est rétréci éga- lement à sa base, au-dessus de son pied grossi (fig. 6) et dilaté, bientôt le style est contenu dans les replis de ce filet, de manière que l'anthère introrse vient se placer déjà dans le bouton au-dessus du stigmate bilobé et fortement poilu. Quand la fleur s'ouvre, les sexes sont conjoints et l'étamine se sépare brusquement du style en projetant le pollen , dont une bonne partie a certainement fécondé le stigmate dans le bouton. Ainsi, il en est ici comme des stylidiées où les sexes sont trop près l'un de l'autre et où la fécondation est favorisée par un éloignement, par un mouvement brusque qui projette le pollen et place le stig- mate dans une atmosphère de matière prolifique. Aussi , quand la fleur des Lopezias est fécondée, que sa mission d'existence est finie, Irouve-t-on l'étamine épuisée relevée, allant se cacher entre les deux pétales glandulifères et sous une division calicinale, ordinairement la supérieure. On dirait d'une pudeur instinctive qui place l'organe mâle sous la protection des enveloppes de la fleur, comme, dans les Justicia, on voit les deux étamines qui ont accompli leur (80 ) acte, se ployer en arrière et s'abriter derrière la lèvre su- périeure de la corolle, où elles ne sont plus en vue d'une femelle qui peut se passer d'elles. Si on attribuait de l'in- stinct ou du sentiment aux plantes, on verrait dans cette phase de l'accouplement un fait très-analogue à celui que nous montrent un grand nombre d'animaux, où les sexes se fuient après avoir cherché par tant de moyens à se rapprocher. Les deux pétales supérieurs ont chacun une glande nec- tarienne. Ces glandes existent au sommet de ce qu'on est convenu d'appeler l'onglet. Nous avons vu comment Endli- cher envisage les pétales, ou plutôt les lames de ces pétales, par rapport à ces glandes. Il trouve, et il a raison, une articulation entre l'onglet et la lame. Cette articulation se produit au-dessus et en arrière de la glande. La fig, 2 exprime ces relations. Or, ces deux glandes, avec leur pied ou support, nous paraissent bien des organes spéciaux auxquels les pétales se sont simplement annexés. Ils nous paraissent être les deux étamines dont on cherche vainement l'existence dans les Lopezias. Remarquons que la raison la plus forte invo- quée pour saluer du nom d'étamine le cinquième prétendu pétale inférieur, a été non sa forme, nous l'avons dit plus haut, mais son opposition au sépale (division calicinale). Or, ici pour les deux glandes, la fig, 1 démontre que bien que ces glandes paraissent attachées aux pétales supérieurs, de fait, par la réunion des trois divisions calicinales vers le haut de la fleur, elles sont opposées aux deux divisions latérales, comme l'étamine l'est à celle du milieu. Voilà pour la position. Quant au rang verticillaire qu'occupent les onglets pré- tendus, ils sont à la même hauteur que l'étamine fertile cl (81 ) rélamine pélalifiée. De ce côté donc, il n'y a pas d'obstacle à y voir les étamines. Les exemples où les étamines deviennent des nectaires, sont trop nombreux et passés à l'état d'axiome pour devoir y insister. La nature du nectar est chimiquement, dans un grand nombre d'organismes, analogue au moins à celle du pollen, et ici les glandes sécrètent un nectar visqueux qui engage les insectes ailés à visiter la fleur des Lope- zias, dont la figure rappelle si parfaitement celle d'un petit papillon. Nous prenons donc ces deux nectaires pour les deux étamines modifiées, et nous admettons seulement que les deux pétales supérieurs se sont soudés à leur support pour se libérer par une articulation en dehors (insertion exté- rieure) sous forme d'une lame à bords parallèles. De cette manière, il y a dans les Lopezias restitution de tout le type quaternaire des Onagraires, quatre divisions au calice, quatre pétales, quatre étamines et un pistil. Nous avions fait depuis longtemps ces réflexions au sujet de ce joli genre dont de charmantes espèces se cultivent aujourd'hui dans nos serres, lorsque nous avons trouvé une fleur monstrueuse dont l'explication génétique est possible dans ce système. Cette structure est dessinée fig. 7. On y voit trois grands pétales élargis et un seul aminci. De même , il n'y a qu'une glande. La position de ce pétale rétréci le place à l'intervalle de deux divisions calicinales. La troisième division qui , dans l'état normal, occupe le haut, s'est déjetée vers le bas, de sorte que le calice olTre la figure d'une croix de Saint-André et l'intervalle entre les deux bras du bas est visiblement occupé par le troisième pétale élargi. De même, l'étamine pélalifiée est plus grande, (8^2) plus pétaloïdc encore, et toute la fleur ofl're plus de volume que dans une fleur génuine. Cette monstruosité par métamorphose est, comme d'or- dinaire, compliquée d'une torsion latérale qui a entraîné les parties de gauche a droite. La torsion explique pour- quoi on doit voir le pétale normal de droite (je me sup- pose toujours l'axe de la fleur, comme on se suppose l'axe de la lige dans les dextrorses ou sinistrorses ) dans le pétale du bas. Donc le pétale droit supérieur ne peut pro- venir que d'un nectaire modifié et dont la substance orga- nique fait corps avec le pétale lui-même. C'est l'histoire des nectaires des aquiléges devenant pétales. Sans doute , il eût été plus élégant pour la théorie des Lopéziées de voir se transformer les nectaires en étamines que de voir un de ces organes se métamorphoser en pétale; mais on sait que la pétalomanic est bien plus commune que la stamino- manie (métamorphose des pétales ou autres organes en étamines), les métamorphoses décursives l'emportant en nombre et en facilité pour la nature sur les ascension- nelles qui doivent donner aux organes protecteurs la haute mission de la reproduction de l'espèce. Toutefois, ce genre de monstruosité n'a pas, à notre connaissance, été signalé dans les Lopezias, dont une pélorification serait une bonne fortune pour les botanistes qui s'occupent des lois intimes de l'organisation. M. Moquin-Tandon , dans ses Éléments de tératologie, admet quatre sortes de métamorphoses en organes floraux , c'est-à-dire en sépales, pétales, étamines et pistils, mais le point de départ n'est pas indiqué. Ce ne sont pas toujours des feuilles qui se transforment ainsi. Il vaudrait mieux , ce nous semble, mettre l'état final en rapport avec le point de départ, et traiter, par exemple, de la métamorphose /'//// (/(' /\iccu/./i.ojj(f/< Tor/K- XVII, 1 ''^part. pru/r (85) des sépales en pétales, des pétales en étamines, des éta- mines en pistils , etc. Dans ce mode d'envisager les choses, il faudrait une classe de faits oii les nectaires seraient envisagés dans leurs métamorphoses en sépales (Tropaeo- lumj, en pétales (Aquilegia, Lopezia) , en étamines (As- clepias, Cobaea, etc.) Le genre de monstruosité que nous venons de décrire nous semble être un cas particulier de la transformation décursive des nectaires, considérés eux- mêmes comme corps staminaux dans leur nature première, en pétales, et nous serions tenté de nommer ce groupe de métamorphoses des Adénopétalies dâïiv-aôsjog, glande, et r.hakcv, pétale. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Fleur ouverte du Lopezia hirsuta Jacq., agrandie h la loupe de six fois le , i^hioç, pédicelle, pédoncule, et //avra, manie), ou tendance à pro- duire une exagération de pédoncules, en admettant toute- fois que ce sont des pédoncules et des pédicelles ananthes. L'explication donnéeau phénomène par les horticulteurs est aussi fantasque qu'absurde. Nous lisons dans Miller que fi les fleurs naissent dans cette espèce sur des pédon- cules qui soutiennent chacun trois, quatreou cinq fleurs^ Bu//. /Nc XV/I, II:' part patj.JS, PL / ( <•//({//////(' c/f/ />('//(■ f^(///(/ (•('/// ././. ./rî; // // vf-fifru'-. .ùx; X lifA sielÂ-aji (95) dont les corolles sont découpées en filaments minces comme des poils et sont d'un bleu pourpràtre; mais comme elles n'ont ni élamine, ni germe, elles ne produisent jamais de semences. » Rien, hors l'imagination gratuite, sans base et sans examen, n'indique la présence de plusieurs fleurs au som- met des pédoncules verts, et il y a plus de dilïiculté encore à retrouver dans les filaments la trace des corolles. On s'explique beaucoup mieux cette forme curieuse, en admet- tant comme une expression de la force tératologique, la tendance à produire des divarications continues des axes qui par leur nombre extrême, et leur prolongement en quelque sorte indéfini, font avorter les verticilles floraux. C'est une exagération de la prolification, telle qu'on la connaît dans les rosiers, \e Sechium utile, les primevè- res, etc. EXPLICATION DES PLANCHES. PI. I, ^sr. 1. Périanthe d'une fleur fertile du Bellevalia cowoscr, grandie 4 fois au diamètre comme les autres figures de cette planche. 2. Même périanthe vu d'en haut. 3. Même fleur ouverte longitudinalemenl. 4. Périanthe entier commençant à devenir stérile. 5. Sommet fermé de la même fleur, fi. Même fleur ouverte en long, 7. Fleur tout à fait stérile. 8. Sommet de cette fleur. 9. Même fleur ouverte. 10. Fleur tout à fait neutre. 1!. Sommet de cette fleur. 1 2. Celte même fleur ouverte. (94) PI. II, fîg. 1. Rameau d'un panlcule du Bellevalia comosa var. mons- trosa , grandeur naturelle. 2. Rosace terminale d'un ramuscule; cette figure augmentée à la loupe a 4 diamètres. 3. Sommet d'un ramuscule examiné au microscope. ACADÉMIK ROYALE DE BELGIQUi: (Evirail (lu lomo XVII, r»'^ « , dos Bullcliris.) TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. LES VIRESCENCES DISTINCTES DES PHYLLOMORPHIES ET CAS PARTICULIER d'uNE VIRESCENCE DU CHÈVREFEUILLE; par m. Cl). moKxtn, Mciiiluo (le l'Acadciiiic io\;ilc de Belgique Engclmann, au rapport de M. Moquin-Tandon, qui a admis la manière de voir du premier auleur, a nommé v<- rcscence, virenscentia, la métamorphose des organes appen- diculaires, n'imporie leur nature, en feuilles. Tous les exemples cités dans les Éléments de tératologie végétale (p. 202-207) ont rapport, en effet, à des changements de bractées, de sépales, de pétales, d'étamines, de pistils et d'ovules en vraies feuilles. Nous devons regretter que le nom de virescencc ait été donné à une véritable métamorphose complète, tandis qu'au fond il n'indique que l'action de devenir vert. Quand un organe quelconque, depuis la stipule jusqu'à l'ovule, en passant par tous les ordres d'organes appendiculaires, (90) devient feuille, il s'opère en lui une série de changements qui atteignent toutes les parties à la fois organiques et his- tologiques, c'est-à-dire appareils et tissus. C'est là bien plus qu'une virescence. Ainsi, nous prenons pour exemple une étamine devenant feuille, comme nous l'avons vu dans V Anémone sylvatica. Le filet devient le pétiole, le connectif se change en lobe central et les anthères en lobes latéraux : voilà pour les appareils ; pour les tissus, le pollen disparaît ou plutôt les cellules ne servent de gangue qu'à des grains chlorophyllaires, le tissu inenchymateux ne se développe plus, et l'endothèque se convertit en mésophylle, tandis que l'exolhèque de l'anthère devient un derme supérieur; les trachées, qui formaient une seule ligne dans le filet pour mourir en pointes coniques au-dessous de l'anthère, se prolongent, augmentent en nombre et divariquent en système fixe de nervation. Ces métamorphoses sont radi- cales; elles ne se bornent pas, à la surface, à une simple viriditéqui reparaît ou qui s'étend, mais elles vont, si nous pouvons le dire, au cœur de l'organisation ; elles affectent l'essence de la vie. On conviendra qu'il y a là bien plus qu'une virescence, et si les mots sont destinés à représenter les idées, ce mot, ici, n'est pas heureusement choisi : l'idée qu'il entraîne est fausse. La métamorphose des organes appendiculaires, que l'in- sertion sur l'axe végétal détermine dans leur nature, en vraies feuilles, se désignerait mieux par le terme de phyllo- morphie, qui exprime à la fois le changement et la nature de l'organe. C'est ainsi que dans les plantains, il y a souvent une phyllomorphie de bractées, dans les roses une phyllo- morphie de sépales et ainsi du reste. Dans une science aussi neuve et aussi imparfaite encore que la tératologie végétale, il est important de ne pas fausser la nomencla- (97) lure et de la rendre aussi exacte, aussi claire que possible. Ce qui nous a étonné, c'est de ne pas trouver dans la partie consacrée à l'élude des prétendues virescences ou de ce que nous appelons des phylloniorphies, la relation d'une véritable viresccnce, c'est-à-dire d'une réduction à l'état vert et foliacé et non à l'état de feuille d'un organe qui, dans l'ordre normal, n'est pas destiné à être vert ni foliacé. Cette absence de cas précis nous expliquait pour- quoi le mot de virescence avait pu être adopté par M. Mo- quin-ïandon , puisqu'il ne semblait pouvoir s'appliquer à rien de plus exact. Mais la virescence, en tant que cban- gement d'un organe non foliacé de sa nature génuine en organe vert et foliacé, existe, et dès lors nous serions fort tenté de réserver ce mot à la cbose qu'il exprime si bien. On nous reprochera d'apporter dans la science tératologi- que une confusion ou une synonymie de plus, et nous n'aurons aucune envie de nous laver de ce reproche; car il nousscmble qu'en disant virescence, pour lamodilication à l'état vert et foliacé, et phyllomorphie pour la métamor- phose en feuille, chacun nous comprendra par l'énoncé même du fait, tandis que, dans la nomenclature établie, il y aura toujours ambiguïté en nommant virescence une métamorphose en feuille, alors qu'il existe réellement dans la nature un phénomène de simple viridité qui se mani- feste dans un organisme normalement coloré. Ce phénomène est très-ordinaire dans le chèvrefeuille de nos bois, Lonicera periclymenium L. Nous l'observons toutes les années dans les fleurs de nos haies et de nos charmilles. Au lieu de trouver au sommet du rameau deux bractées et un petit capitule de fleurs parfaites où les bractéoles sont naviculaires et opposées (fig. i) , un calice à cinq lobes s'ouvrant en étoile après la chute de la co- (98) rolle, une corolle en deux lèvres, dont la supérieure a normalement quatre lobes et l'inférieure un seul lobe, cinq étamines et un pistil, comme nous le rappelons par la figure 1, nous voyons au contraire le rameau non plus terminé par un capitule, mais par un thyrse irrégulier (voy. fig. 2). Aux aisselles des bractées naissent des axes floraux. Ces axes floraux se pressent au sommet en grande quantité. Mais aucune de ces fleurs n'est colorée en jaune nankin, aucune n'off're de système glandulaire et poilu (fig. 4); mais chacune est verte, quoique la corolle soit visiblement formée et distincte du calice ; les étamines se raccourcissent, les anthères deviennent hydropiques et ne s'ouvrent plus, et dans l'immense majorité des fleurs, ces étamines sont réduites en simples lames jaunâtres, le pistil est annulé et au centre de la fleur, là où l'ovaire devrait exister, il n'y a plus qu'un axe vert et solide, sans cavité ni ovule. Voilà dans quel état général se trouve cette monstruo- sité. Nous allons ajouter quelques détails qui la feront mieux connaître encore. D'abord remarquons que le nombre d'appareils qui réel- lement constituent au fond des fleurs , est infiniment plus considérable sur une inflorescence anormale que sur un capitule régulier. Les mérithalles sont rapprochés; il y a polyanthie prononcée. Avec cette augmentation tératolo- gique d'appareils floraux, se manifeste une série de chan- gements dans tout l'appareil floral en particulier, sans qu'aucun de ces changements puisse cependant se définir une métamorphose en feuille. Le seul fait qui soit bien distinct, est une modification des organes à la consistance foliacée, la viridité y comprise : r Cet étal n'afl'ecte pas le calice qui, si la baie se dévelop- ( 99 ) pait, serait toujours une aréole dont les dents ou les lobes couronneraient le sommet du fruit. Les figures 3, 4, ;> et G expriment bien celte permanence du calice. Il faut conclure de là que l'organe le plus foliacé natu- rellement de la fleur est précisément celui qui éprouve le moins la foliillcation , et, de tous les appareils, celui (jui se prêterait le mieux à la métamorphose que nous appelons plnjllomorphie , est justement celui qui ne l'accomplit pas. Cet antagonisme éloigne encore, par un caractère extrême- ment curieux, la monstruosité que nous décrivons ici de celles désignées par Engelmann sous le nom de vircscences. 2° La corolle conserve encore évidemment sa forme bilabiée,elle est toujours corolle, en tant que second ver- ticille floral. Toujours elle offre un tube et deux lèvres, dont l'une est large et l'autre étroite, dont l'une présente quatre lobes plus ou moins distincts, plus ou moins divisés, et l'autre un seul lobe. Cette structure saute aux yeux par les figures 5, 4 et 5. Mais le seul changement qu'on aper- çoive à cette corolle, est une diminution de volume, une plus grande irrégularité, une tendance à se crisper, à rouler ses bords, une viridité parfaite, une consistance foliacée, mais sans qu'il y ait un système de nervation foliaire, une absence de toute sécrétion, de toute odeur. Ainsi l'élément floral le plus antagoniste de la feuille, la corolle délicate, colorée, odorante, fugace, s'est con- vertie, nous ne dirons pas en feuille, mais en une corolle solide, verte, inodore et permanente, de sorte que c'est là , en eflet, une virescence dans le sens le plus énergique de l'expression. 3° L'androcée est, sur quelques fleurs, visible comme formée d'étamines; ces étamines sont encore composées d'anthères, mais les lilols dispaiaissent, de façon (pie ces ( 100 ) organes sont inclus au lieu d'être exsertes. Les anthères sont plus longues que normalement, plus grosses, comme il arrive aux organes mâles malades, hypertrophiés par excès d'humidité. Les anthères, en effet, ne s'ouvrent pas absolument comme dans le cas de cénanthie que nous avons constaté sur le Bellevalia comosa. Ailleurs, l'androcée se montre entre les lèvres de la co- rolle verdie comme formée de lames plus ou moins nom- breuses, planes et d'un jaune verdâtre (voy. fig. 4). Ordinairement on voit une de ses lames se détacher du côté de la lèvre unilobée de la corolle verdie. Si l'on dis- sèque avec soin (voy. fig. 5), on s'aperçoit que l'androcée forme une seconde corolle réunie en tube en bas et se divisant en lanières plus ou moins nombreuses, mais qui rappellentencore, dans leur ensemble, les lèvres polylobes et monolobes des corolles. C'est ce qui est visible dans la fig. 5, qui représente une de ces fleurs ouvertes pour mon- trer l'androcée disséquée. On ne peut pas dire, certes, que les lames qu'on sait être slaminales, soient des feuilles; on ne peut non plus y voir des pétales, bien qu'il fallût moins d'imagination pour cette spécification que pour la première; mais on voit ici des étamines laminifiées et accompagnées, dans ce changement, par le phénomène de la virescence. 4° Hors de là, il y a atrophie complète. Plus de style, plus d'ovaire, plus d'ovules, plus de cavité, mais, dans le calice, on trouve une simple masse de tissu cellulaire com- pacte, et au ceutre un axe ligneux qui va en divariquant ses fibres dans toutes les parties de celte fleur viridifiée. Nous pensons que ces détails confirment pleinement les inductions que nous avons exposées en tête de cette notice, et qu'il existe donc une virescence des organes flo- ( 101 ) raux bien distincte des métamorphoses en (èuilles que nous nommons phyllomorphies. EXPLICATION DES FIGURES. 1. Fleur an Loni'ccra perkîymenium , (le grandeur naturelle. 2. Sommet (l'un rameau à inilorescences virescentes, grandeur natiuelle. 3. Fleur viridifiéc à étamines encore anllK-tilères, grandeur naturelle. 4. Fleur viridifiée à étamines laminifiées. 5. Une fleur semblable ouverte. 6. Bas d'une fleur de ce genre coupée en deux. Les figures 4, 5 et 6 sont augmentées du double à la loupe. ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUiB. (Extrait du tome XVII, n» t-2, des Bulletins.) ÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. ? d'un Gesneria, genre de monstruosilé où la feuille termine l'axe végétal; M Ch. MORREN, Membre de lAcadémic royale de Belgique. Cue les feuilles soient des parties appendiculaires de jxe ascendant, il n'y aurait aucun moyen d'ébranler cette base fondamentale de toute la philosophie bota- nique, et par suite, il faut bien admettre que l'extrémité organique d'une plante est toujours la fin même de cet axe, quelle que soit sa forme, et non l'annexe de cet axe. Quand les morphologistes ont expliqué les vraies causes des insertions oppositifoliées, ils ont dû voir par les yeux de l'esprit une usurpation organique, la métamorphose de l'axe en vrille, en épine, etc., et le développement Iiy- pertrophique du rameau provenant du bourgeon axillaire de la feuille. La structure de la vigne, celle du Phijlo- lacca, etc., n'ont pas reçu d'autres interprétations. Cependant, dans les folioles des feuilles composées, on ( 108) a été enclin à voir plutôt des feuilles véritables que des divisions d'un organe appendiculaire réfléchissant dans ses parties la forme du tout, et là, dans les impari -pennées, on a dû reconnaître qu'une foliole peut devenir terminale; mais, quant à la théorie de l'axe, l'objection tombe, puis- que évidemment , la désarticulation le prouve , tout l'ap- pareil nommé feuille composée, ne peut faire partie de l'axe; il y est appendu, il est latéral, il est annexe, voilà tout : donc la foliole terminale ne prouve rien dans l'ordre d'idées qui nous occupe. Ce serait une anomalie contraire à toutes les lois de la nature qu'un axe terminé par une feuille, et ici nous entendons cette terminaison par un épanouissement des fibres de la tige elle-même et non par une feuille à l'éta,, d'appendice. Et en effet , ce cas anormal doit être très- rare, car nous en avons vainement cherché un seul exemple dans les ouvrages de tératologie végétale que nous possé- dons. M. Moquin-Tendon, entre autres, n'en dit pas un mot. Cependant , depuis deux ans que nous cultivons dans nos serres particulières le Gesneria Geroltiana (Kth. et Bouché) , il nous est déjà arrivé deux fois de constater un cas de tératologie que nous nommons Coryphijllie (de xopvfrjy bout d'en haut, et cpullov, feuille, feuille du bout d'en haut) , parce que, dans cette structure, il y a en effet, pour les yeux, une feuille réellement terminale de l'axe, tandis que l'intelligence trouve ailleurs sa place, son in- sertion et sa nature. Laissons-nous d'abord décrire le fait dont la planche est destinée à donner une idée. Une tige centrale porte deux feuilles opposées, de Faisselle desquelles s'échappent deux rameaux ordinaires, rameaux qui, à leur tour, ont des ( 109 ) feuilles opposées et se terminent par des inllorcscences cimeuses en thyrses. Mais la tige centrale, grosse du double des rameaux, continue son chemin et va se terminer par une énorme lame de feuille ayant quatre fois la longueur et la largeur des feuilles ordinaires. Ainsi les feuilles or- dinaires mesuraient 7 centimètres de longueur sur G V2 de largeur, et la feuille terminale en avait 29 de longueur et 27 de largeur. Cette feuille énorme se marbrait de pour- pre, de rose et de brun tout le long des nervures, ce que font aussi, mais moins, quelques feuilles ordinaires de cette espèce. On le conçoit facilement, cette coryphyllie devait trouver son explication; la nature ne pouvait forfaire à ses lois, et l'entente des œuvres de la création ne devait pas faillir devant une gesnérie. Or, en regardant atten- tivement, on observait sur la longueur de l'axe central une ligne horizontale, à partir de laquelle les fibres devenaient plus visibles et la surface plus linéolée. Cette ligne offrait, d'un côté, un point d'atrophie. Cela semblait un nœud, et c'était, aussi bien au moral qu'au physique, tout le nœud du monstre. En effet, il nous semble évident que l'axe a continué d'exister comme axe seulement jusqu'à cette ligne, mais là une feuille latérale, celle de gauche, s'est seule déve- loppée, en prenant à elle et à son profit exclusif, la sub- stance organique et de la feuille de droite et du bourgeon terminal, donc du thyrse floral qui devait, dans la struc- ture normale, couronner cette tige. De là, celte soudure par mixtion. De cette assimilation intime de la substance d'autrui au profit exclusif de son propre développement, est venue l'hypertrophie extraordinaire de cette feuille ter- minale; de là est venu l'aspect étrange de cette monstruo- ( HO ) site qui ne trouve pas d'analogue dans les exemples d'hy- pertrophie connus. Évidemment la feuille terminale s'est colorée, comme nous l'avons dit, parce que, malgré l'intime mixtion de tissus vivants dans ses diachymes, la nature des cell' qui eussent formé les fleurs, n'a pas tout à fait changé, j^ ces couleurs redisent à l'esprit les teintes de la '^ /fn //•/,■ /:lrr/././,\->//a/r /;v//,' .\'\7/ //'/w// Mvv /■'■'/ / ■•■ - '^^^% f / ïf /• / (/'(Wcr/wr (//< (7frf>/i'/('(/ 1 //(' AGADERIIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait du tome XVII , n» 8 , des Bulletins.) NOTE SUU UN PROCÉDÉ QUI FAIT PRODUIRE A CERTAINES RACES DE POMMES DE TERRE QUATRE RÉCOLTES DANS l'aNNÉE ; par iît. €ï). Mûvxtn^ Membre de l'Académie royale de Belgique. Dans tout élal de cause, que la maladie des pommes de terre sévisse en ce moment ou que ses dégâts soient peu imporlants, toujours croyons-nous utile de faire connaître à l'Académie un moyen que nous estimons entièrement neuf, pour augmenter les ressources, déjà si fécondes, de la précieuse solanée du Pérou. Jusqu'ici on avait cru généralement qu'un tubercule ap- partenant soit aux variétés hâtives, soit aux variétés tar- dives, ne pouvait donner qu'une seule progéniture immé- diate. En d'autres termes, on était d'avis qu'une plantation ne pouvait produire qu'une récolte par une seule semence (tubercule) déposée en terre. En 1840, et cette année, M. Leclerc, cultivateur h Gri- vegnéo près do l.iége, dont les utiles travaux ont été plu- ( 104 ) sieurs fois récompensés par des médailles d'or et par de premières dislinclions à nos grandes expositions agricoles, a fait voir qu'à l'égard de ce fait, on était dans l'erreur. La pomme de terre est en quelque sorte inépuisable dans sa bonté pour l'homme. Voici le fait reconnu par M. Leclerc dans toute sa sim- plicité, mais aussi dans toute son importance. Des pommes de terre de variétés très-hâtives, comme les sept semaines, les neuf semaines et sans doute aussi les circassiennes, plantées entières dès les premiers beaux jours de février, donnent, malgré les gelées du printemps, une récolte dans le mois de mai. Cette année, 1850, de semblables races, plantées le 9 février, ont fourni une abondante récolte le 11 mai. Nous avons dégusté ces pro- duits; ils étaient en touts points aussi farineux, aussi pleins, aussi savoureux que les meilleurs tubercules des premières récoltes à l'usage desquels nous sommes accou- tumés. Tci vient l'observation importante de M. Leclerc. 11 re- plante immédiatement la mère dans la même fosse d'où l'on vient d'extraire sa première progéniture. Dans la der- nière semaine de juin, cette mère produit une seconde récolte, même plus abondante que la première, et les tuber- cules sont plus gros , de la même consistance et de la même saveur que les produits d'une récolte première qui serait faite à la même époque et cela d'une race principale. Cette même mère, loin d'être flasque, ridée et surannée, est encore très-propre à donner une troisième progéniture. M. Leclerc la met de nouveau en terre, et la troisième se- maine d'août, il fouille la fosse et en relire une troisième progéniture semblable aux deux autres. Enfin , il la replante une quatrième fois, et vers la mi ou ( 105 ) tiii octobre, selon les circonstances ulniosphériciues, il fait la quatrième récolte de ces variétés, naguère réputées exclusivement hâtives, mais en réalité devenues tardives par le Tait même de ces mêmes relransplantalions. Voilà le fait pratique dont chacun peut prendre connais- sance dans les cultures de M. Leclerc et qu'il se fait un plaisir de montrer à tous les agronomes. Pour quiconque a étudié la physiologie des pommes de terre, ce résultat, quoiqu'inatlendu parce qu'on y a pas songé, n'a rien de surprenant. En eiï'et, on sait que le tu- bercule a, selon sa variété ou sa race, comme génératrices, une, deux ou trois spiiales d'yeux courant parallèlement de la base du tubercule au sommet. A la base, les yeux de ces spirales sont distants, au sommet ils sont rapprochés. A la base, ces yeux sont dormants; au sommet, ils sont poussants; à partir de la date fatale où le mouvement de la sève devient ascensionnel, c'est-à-dire du 27 janvier, les yeux poussants du sommet donnent les premiers jets qui produisent les premiers rameaux souterrains, dont les renflements sont les premières pommes de terre, celles de la première récolte. Puis viennent les yeux des tours de spires moyens antérieurs, moins poussants et à moitié dormants. Ils s'éveillent à la seconde plantation et donnent naissance à de nouveaux jets, qui encore une fois produi- sent des rameaux souterrains dont les amas de fécule, ac- cumulés dans des renflements spéciaux, constituent les pommes de terre de la seconde récolte. De même à la troi- sième plantation poussent les yeux dormant naguère, mais éveillés actuellement par le temps i)lus long où ils ont vécu, et ces yeux moyens postérieurs donnent naissance aux produits tuberculilormes de la troisième récolte. Eniin , à la quatrième récolte, les yeux de la base, dormant au [>rin- ( 106 ) lem])s, poussant vers la iin de l'été, ont jeté leurs rameaux souterrains et formé une nouvelle série de tubercules. On dit : les pommes de terre une fois plantées et ayant donné une progéniture ou une récolle, sont flasques, ri- dées, molles, sans fécule et pourries. Nous disons : qu'on y voie et l'on se convaincra que ce fait, assuré plus par habitude que par inspection, est loin d'être général pour toutes les races. Dans les races décidément hâtives, bien constituées, saines et résistantes, le fait contraire s'ob- serve : il y a des mères qui , après avoir enfanté plusieurs fois, sont encore d'une apparence virginale, tandis que d'autres, après leur première parlurition, sont flétries et condamnées à la stérilité. Cette vérité est surtout palpable, visible, vérifiable dans la nature à l'égard des pommes de terre, et il n'y a pas d'observateur exact qui n'ait eu l'oc- casion de la constater. Tout le procédé de M. Leclerc est le résultat d'une observation de ce genre; mais si le fait a été vu et revu plusieurs fois, nous pensons que ce cultiva- teur a été le premier à en tirer une application si haute- ment utile que celle qui vient de faire le sujet de celte notice. Nous ne voyons rien dans ce que nous venons d'annoncer qui ne soit parfaitement conforme aux principes de la phi- losophie des pommes de lerre, telle que l'illustre agronome Knight a cherché à l'établir dès le commencement de ce siècle, philosophie très-profonde et très-élégante qu'on ne perd que trop souvent de vue dans tout ce qu'on écrit de nos jours, à tort ou à raison, sur l'intéressant tubercule dont le mérite est non-seulement de faire rire quelques gens, mais de les nourrir tous. />'u//.r/r /'.hvu/. 7h//f<' X\ //, //.' /i((rL/Mf(/. , '//t. aI s,\^ "^ 1 ^^ v//--f^ ÏÏ\ '"^ ./; ^«f -V^- (('/■///>/n////r (/ u/( (/'('s/uTu/ (/Cf'c/r/ffff/fd . ACADiiMlE IlOVALi: Di: BKLGIQUi: (Kxirait du toiiie XVIII. n> I . des Bulletin';.) TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE. NOTICE SUR LE SPIRALISME TÉRATOLOGIQUE DES TIGES! par Û\, Cl). ilTorrcn, Membre de l'Académie royale de Belçriqup. Les tératologistes savent qu'il y a une tendance singu- lière, même de la part des organes les plus droits, à se con- tourner en spirale, cette courbe qui résume en elle toute la végétation et qu'on retrouve depuis la simple cellule, depuis l'élément le plus ténu de la constitution des plan- tes, la fibre, jusqu'aux organes et appareils compliqués, comme la tige, la feuille, l'appareil reproducteur, et enfin jusqu'à l'embryon, qui n'est, en dernier résultat, que l'être entier et pourvu de toute sa force de développement. I (112) Philippo Ué, en classant les cas tératologiques dans sa Pathologie végétale si incomplète d'ailleurs, n'a pas envisagé ce phénomène. Meyen , dans sa Pflanzen Pathologie , ne regarde pas non plus ce fait curieux comme le résultat d'une disposition morbide. On sait que cet auteur se proposait de publier une tératologie végétale , et il est probable qu'il eût alors traité de cet organisme comme d'une déviation de l'orga- nisation habituelle. M. Moquin-Tandon regarde ce genre de faits comme des monstruosités de forme, et les classant d2ins\es déformations des organes axiles, il appelle ce genre les torsions. Nous avouons que le mot n'exprime pas très- bien la nature du cas tératologique. Le mot de torsion im- plique une idée d'irrégularité ; on peut être tordu autre- ment qu'en spirale, et cependant ce qui frappe tous les ob- servateurs , c'est cette courbe régulière en hélice le long de laquelle les fibres semblent courir, et qui est tellement symétrique que des naturalistes comparent les plantes qui en sont afleclées à des mollusques, à des coquilles! Il nous semble donc que la dénomination de spiralisme exprimerait mieux l'idée, d'autant plus que ces spirales tératologiques s'observent sur une infinité d'appareils et qu'on peut dé- signer en y ajoutant simplement le nom de l'organe: ainsi il y a le spiralisme des racines, le spiralisme des tiges, le spira- lisme des columelles , le spiralisme des embryons, comme spi- ralismes axiles, et puis viennent les séries des spiralismes de tous les organes appendiculaires, comme pétioles, pé- liolules, feuilles, pédoncules, bractées, sépales, pétales, étamines, nectaires, pistils, etc. C'est sous ce point de vue que nous continuerons d'envisager le phénomène. M. Simon Kros, dans son élégante dissertation De spira in plantis compicua (Groningue, 18 15), a été le premier au- ( nr. ) leur (]ui ait rattache ce spiralisme leratologique à la cun- slitution spiraloïde générale et normale de tout l'orga- nisme végétal. Il a eu le bon es|)rit de faire dépendre ces cas de la phyllolaxie, sans toutelbis saisir une loi générale mathématique très-élégante qui git au fond du phénomène et dont nous parlerons plus loin. M. Simon Kros (Op. /awd., 75 et 95) démontra comment le verticille, sur une tige droite, peut téralologiquement semodifieren une foliation spirale donnant lieu à une position rentrant dans un cas normal d'une autre plante. Ainsi, dans l'exemple cité par lui, le Lilium marlagon observé par M. Nicolas Mulder, convertissait son verticille = o , à la position fraction- nelle!, qui est un des cas de la série connue. Jusqu'ici et sauf ce seul exemple, on s'est borné à inscrire les cas, maison ne s'est guère inquiété de mettre en rapport les formules phyllotaxiques de l'espèce normale avec les formules phyllotaxiques des monstruosités. On comprend dès lors combien ces simples enregistrements perdent de leur intérêt. Cet intérêt équivaut à celui d'une description d'espèce sans sa physiologie : c'est le cadavre et non la vie. Cependant ces enregistrements, malgré toute leur séche- resse, ont quelque chose d'intéressant. C'est qu'à mesure que la science marche, la répétition de ces spiralismes anormaux sur les mêmes espèces aide le naturaliste dans ses recherches, et il ne demande plus au hasard de son coup d'œil ce qu'il devra désormais à l'acquit de son esprit. On le voit, à quelque chose malheur est bon. Nous prou- vons ce fait par des exemples. Vaucher (i) a découvert le spiralisme leratologique dans (1) Monographie des Pr(^lcs, Gonèvo,182i>, p. ÔC, pi. 1 1. — Institut, 18 il ( 114 ) h Prèle M\\2Lii\e (Equisetum fluviatile). L'axe, normale- ment recliligne, s'y contourne régulièrement de la base au sommet. M. Adrien De Jussieu retrouve à Meudon le même cas tératologique sur la même espèce (1). Le profes- seur M. Van Hall, de Groningue, revoit le même monstre à Vreesdyck en 1852, et M. Kros déclare enfin qu'il est très- commun en Hollande (2). Voilà donc une plante sur la- quelle les tératologistes pourront étudier, avec plus de chances d'un exemple certain, la loi de ce spiralisme ac- cidentel. Puis, remarquons qu'il doit y avoir évidemment dans cette espèce une prédisposition à ce spiralisme. Quelle est la cause de cette prédisposition? l\ est singulier que dans un être dont l'ovule est entouré de spirales (élatères), la formation commence par une extension en lignes droites des filets confervoides, résultats de la germination de To- vule, et puis par une soudure de ces filets. Est-ce que dans les Prêles spiralisées, ces filets confervoides ne l'étaient pas déjà eux-mêmes? Est-ce la constitution de Tovule qui se poursuit? Toutes ces réflexions doivent maintenant occuper les esprits. Jusqu'ici , on s'est borné à constater Texistence du monstre, désormais, il faudra le voir venir et assister à sa formation. Cette recherche est possible actuellement : l'embryogénie de la tératologie est à nos portes. M. Van Hall a constaté le spiralisme dans YEquisetum limosiim (3). M. Adrien De Jussieu possède dans sa collection de monstruosités végétales un chaume de Scirpus lacustris (1) Moquin-Tandon, Térat.^ p. 181 (2) Kros, De spira , p. 73. (•■5) /b., p. 74. (115) assez régulièremont tordu par lui-mcme, dit M. Moquin- Tandon (I). M. Kros cite un cas dans les graminées : c'est le Phletim prateme. Il est remarquable que, dans le nombre immense de céréales semées, on n'ait jamais signalé un seul spira- lisme. Pour nous, nous n'en avons jamais vu dans nos guérets. M. Kros a trouvé dans l'île d'Ameland un Epipaclis pa- lustris dont la tige était spiralisée inférieurement. Près de Leeuwarden, en Frise, pays bas et humide, M. Kros trouva au lieu dit Achter de Iloven, un Safiittaria sa(jUlifolia , dont le pédoncule était spiralisé. Ainsi voilà sur six cas de monocotylédones et d'acotylé- dones supérieures cinq espèces des marais qui offrent le spiralisme monstrueux. Ajoutons que le spiralisme normal des tiges existe au plus haut point possible dans les Spi- ranthes, orchidées de pelouses sèches. Voilà un antago- nisme curieux. Cependant, MM. Schlechtendal , Yrolik et Nicolas Mul- der ont respectivement constaté l'existence du spiralisme anormal dans trois autres espèces de monocotylédones, sans qu'on sache précisément si elles croissaient en des lieux plus humides qu'elles n'auraient dû occuper. Le premier exemple est pris sur un Trilicum repens , mais le spiralisme n'avait lieu que sur la feuille supérieure qui forme la gaine de la (leur, et encore la partie inférieure de cette gaine était droite (2). Le second a été vu par M. G. Vrolik sur le Liliiun can- (1) Teratol., p. 181. (i') nnt. Xnt.^ 51 jiil. ISIÔ, p. iU- ( H6 ) diduin (l) , et en(iii le troisième alfeclait les verticilles du Lilium martagon. I^e fait a été observé par M. N. Mulder et analysé par M. Kros (2). Ces trois exemples , où l'on n'a pas tenu compte de la sta- tion des individus tératologiques, ne montrent finalement que des spiralismes restreints d'organes appendiculaires. Passons aux dicotylédones. Gilibert signala une Valériane monstrueuse : la tige en était courte, concave, striée : il la compara à une coquille connue sous le nom de Tonne (5). Évidemment, le spira- lismede la Valériane officinale, que mon fils Edouard décou- vrit dans une prairie (très-humide) de Tilft-sur-l'Ourthe (province de Liège), et que j'ai dessinée, fig, i, est le monstre de Gilibert ressuscité. On ne pouvait rien voir de plus conchyologique. Nous reviendrons sur cette mons- truosité. M. Lapierrede Roane trouva dans des forêts de chênes des départements de l'Allier et de la Loire des Valérianes offici- nales spiralisées. L'une d'elles avait une tige de 29 centimè- tresde hauteur, 27 millimètresde diamètre debase et portant feuilles et fleurs (4). La partie spiralisée du sommet offrait 81 millimètres de diamètre, circonstance qui s'est repro- duite sur la monstruosité découverte par Edouard Morren. M. Viviani a vu au jardin botanique de Pavie une Va- leriana dioica spiralisée avec rejet des feuilles et des fleurs sur le côté en série linéaire verticale; fait curieux qui se (1) Over eene rankvormige ontwikkeliiuj aan witte Lcliehloemen. Nouv. Mém. (le Plnstitut d'Amstordam, t. I, p. 50!';. (2) De spira, p. 75. (3) Moquin-Tandon, Térat., p. 181. (4) Mém. Soc. Linn.; Paris, t. IJ(, p. '"59. ( H7 ) trouve de nouveau sur la Valériane ofjlcinale monstrueuse que j'ai figurée lig. 1 (1). Voilà (Joncdes cas nombreux de spiralisme signalés chez les Valérianes par plusieurs auteurs et dans des localités diverses. Les Valérianes sont encore une Ibis des plantes qui ne se trouvent que dans les parties humides des bois et des prairies, le long des eaux. M. De Candoile signale et a l'ait dessiner par Ileyland un très-beau cas de spiralisme dans le Menlha aquatica (2). La lige se tord en spirale, elle porte des stries alternes d'un vert pâle et foncé; toutes les feuilles sont rejetées sur un côté. Il eût été excessivement intéressant de posséder la formule phyllotaxique de la spiralisation comparée à la normale. N'oublions pas de remarquer que voici de nou- veau une plante aquatique qui offre ce phénomène. Le professeur Van Hall retrouva à peu près la même monstruosité en 1859, dans le jardin économique de Gro- ningue, mais cette fois sur un Menlha viridis. La tige spi- ralisée est tétragone au-dessous, puis hexagone au-dessus, les feuilles sont ternées sur la première partie et sur la partie spiralisée subsécondes (5). Dans les rubiacées , il y a d'autres cas. George Franc (4) cite un Galium à tige renflée et fusiforme , terminée par un bouquet de feuilles. Tous les rameaux sortent d'une ligue latérale, comme les feuilles dans la menthe de De Can- doile. (1) Woquin-Taudon, p. 182. (i2) (irgaiiogr.^ t. I, p. 155; t. il, p. -J7«, p!. ÔG. (ô) Jh't Instituut, 1841. — Krus, De spira ^ 73. (i) Ephem. mit. cur., déc. 2, ami. 1 , p. (>8, fiy. 14. — Woqniu-'J'audori, Tèuit., p. 182. ( H8 ) î)e même, M.Nicolas Mulder possède, dans son herbier, une garance, Rubia tinctorum, spiralisée, à feuilles rejetées sur le côté (sans doute les stipules et les feuilles vraies). On cultiva la plante au Jardin botanique de Groningue; mais M. Kros ne dit pas ce qu'il en advint. Il affirme qu'en Zélande, dans les cultures de garance, cette monstruo- sité se retrouve souvent (1). M. Nicolas Mulder possède aussi un Fraxinus communis à rameaux spiralisés sur une longueur d'un pied et demi. Il est comprimé (sans doute fascié avec spiralisation, comme le Zinnia de M. Decaisne) et puis contourné, dit M. Kros, comme une corne de bélier. M. Van Hall conserve une branche de 4 pieds et V2 de la même espèce sujette aux mêmes monstruosités. M. Moquin-Tandon signale en effet un Zinnia où le spiralisme se joignait à la fasciation. Il y avait une seule spirale de la base au sommet de la plante. Le même auteur rappelle les spiralisations des rameaux, sur les Robinia pseudo-acacia, dont le tronc est d'ailleurs droit et les spiralisations en tire-bouchon des raves tor- tillées et des raiforts, lesquelles se transmettent aux races cultivées. Ce dernier phénomène est différent du spira- lisme dont nous parlons ici; nous reviendrons sur sa na- ture, qui est analogue à celle des liges volubiles. C'est un cas d'enroulement. Turpin dit que, dans les environs d'Alençon , où l'on cultive beaucoup de pommiers pour la fabrication du cidre, presque tous les troncs sont spiralisés dans le même sens. 11 affirme le môme fait pour les grenadiers fPunica gra- (1) Zcenicscltr î'olha-AJiiKnKicJi , IS^Ô, p. UXi. ( 149 ) naiumj, et le professeur Van Hall a observé le même l'ait sur tous les grenadiers de Groningue (1). M. le docteur Jaeger a observé un fait physiologique des plus curieux et qui se rattache, comme le docteur Kros l'a fait remarquer, au spiralisme (2). Ce phénomène a lieu sur le Pyrus tonninalis. M. Jaeger a remarqué que beaucoup de troncs de cette es- pèce étaient contournés en spirale,de sorte que les rameaux suivent une même direction. Un de ces pieds offrait les rameaux, quoique régulièrement placés, tous tournés vers le même point de l'horizon. Sept mois après, une torsion de 90"* eut lieu et à droite. L'arbre était déjà tourné quatre fois sur son axe de la même manière, quoiqu'il présentât, à trois pieds au-dessous du sol, une circonférence de sept pieds et une hauteur de cinquante. Pour tout le reste , il était fort sain. A ces cas connus de spiralisme, nous venons en ajouter trois nouveaux. Un premier , constaté dans le \'aleriana officinalis par mon fils, Edouard Morren , sur un pied venu dans les prairies humides de Tilft, aux bords de rOurthe, fig. 1. Cette spiralisalion est accompagnée de boursouflure et de torsion également en spirale et imite la coquille univalve dont parle Gilibert. Il y a quatre gros tours de spire terminant une lige, et ces spires sont recou- vertes d'un nombre considérable de petits traits d'un vert foncé et d'un vert pâle, alternativement, courant en spi- rale; le tout occupe 7 centimètres d'étendue. Une feuille existe à la base : elle est anormale de forme, elle porte (1) Froriep's neue Nutizcn,{. VUI , p. 147. (2) Àllgem. Gnrt Zeit. Ottn, n" 47. — Bot. Zeit., i2'"- .iiin.'o, 1 SÎ1, p. ^J31>. Kros , De Spirn ^ p. 7!'). ( 1-20 ) deux folioles terminales; un raphé formé d'une quantité considérable de feuilles court sur le côté et en une ligne tout le long de la boursouflure tordue et se termine en haut par des inflorescences rabougries entremêlés de feuilles. Nous ne pouvons reconnaître aucune position claire dans ces feuilles. Le sens du spiralisme est de gauche à droite. Le second cas est celui que nous a offert un Scabiosa arvensis trouvé par nous dans les prairies de Droixhe près de Liège, dans un endroit fort humide. La spiralisalion occupait plus d'un pied en longueur, mais on n'y voyait aucune feuille. Les taches brunes indiquent les spires aussi bien que les sillons, car cette tige fîstuleuse avait l'air d'être formée par un ruban contourné dont les bords se seraient soudés. La spire allait de gauche à droite. Elle cessait à la trifurcation de la tige. Voyez la fig. 2. Mais le cas le plus curieux est celui que nous avons con- staté sur un Dracocephalum speciosum, cultivé chez M. Ha- quin, horticulteur à Liège. La tige normale, fig. 5, off're quatre raies noirâtres et quatre angles brunâtres ; les feuil- les sont rectisériées et décussées. Sur la plante spiral isée, la tige était à la fois soumise à la spiralisation des fibres et à la torsion en même sens. Ce double état est exprimé dans la fig- o. Les feuilles bien développées naissaient le long d'une ligne, laquelle se tour- nait en spirale sur la lige. La pg 4 indique que l'inter- valle brun de la tige spiralisée correspondait entre les feuil- les et à la nervure médiane d'une feuille. Donc, il y avait quatre lignes brunes aboutissant chacune à un ordre de feuilles ou deux conjugués. Il est évident que le système phyllotaxique des feuilles, dans ce Dracocephalum normal, était un système rectisérié et que, dans le Dracocephalum tératologique, le système ( 1-21 ) clalt au conliairo curvisérié. Or, nous nous sommes de- mandé de suite si une formule pliyllotaxiquc exprimerait avec régularité la nouvelle disposition , et cette formule a été trouvée de ^. Ainsi la 15^ feuille recouvrait la première, et le nombre de tours de spire entre 1 et 15 feuilles était de 5. Or, si nous suivons pour un moment la notation ordi- naire pour les feuilles décussées comme pour les feuilles alternes, nous aurons, la première feuille recouverte par la cinquième et deux tours de spire, puisque les feuilles décussées résultent, dans ce cas-ci, de deux lignes conju- guées; soit donc | comme expression. Ceci admis, la formule jz, dans ses rapports avec |, mon- tre d'abord que, malgré l'organisation lératologiqu', elle rentre dans les formules existantes : 1  _5_ ^ etc 5' S» 15' -2 1' ^''^• De plus, il est remarquable que la fraction de la pliyl- lotaxie tératologique, ne déviant pas de la loi des phyl- lotaxies normales, est précisément celle qui résulte de l'addition des numérateurs d'une part et de l'autre des dé- nominateurs des deux fractions qui précèdent dans la série naturelle phyllotaxique. Celte coïncidence a lieu de surprendre. Nous voudrions qu'on retrouvât maintenant assez de spiralismes pour pou- voir examiner si la même loi se découvrira ailleurs. C'est pourquoi nous avons indiqué les genres des plantes où il y a chance de trouver ces curieuses monstruosités. Dans tous les cas, nous croyons pouvoir iixer l'atlention des tératologistes sur ces points, comme dcduclions du présent travail : r La spiralisalion ou le spiralisme est différent de la tor- sion : celui-ci est un rontonrncment de TaNO ou des parties ( 12-2 ) appeiidiculaires , tandis que celui-là est un phénomène qui tient aux fibres de la plante; ces faisceaux de fibres sont dans le spiralisme contournés en spirale. 2° Ce phénomène retrouvable dans les trois grandes divisions du règne végétal, semble se lier avec la station humide, comme si feau, qui déjà se meut en spirale dans une cellule isolée, tendait à suivre, dans le végétal entier, le cours de la courbe générale à tous les organismes végétaux. 5" Quand le spiralisme est axile, les feuilles détournées de leur position phyllotaxique normale, retombent dans une position phyllotaxique nouvelle, mais analogue à celle qui existe dans l'ordre des positions connues, absolument comme si les lois de la phyllotaxie étaient antérieures el supérieures à toutes les déviations tératologiques possibles. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Spiralisme boursouflé el tord» en coquille du Falerianaoffîcinalis. 2 Scabiosa arvensis spiralisé dans la tige. 5. Dracocephnlum speciostim spiralisé réduit à un tiers de la gran - deur. 4. Morceau de tige de ce Dracocephalum,vu au double de sa grandeur. 5. Position normale des feuilles sur cette espèce, grandeur naturelle. />'//////<■ /.!(•(/'<'//. 7 h/,/ .1/ '/// / '.'''/ffirr /'^fr/.')- ACADEMIE ROYALE DE BELGIQUE (lîxlrnil (lu lome XVIII, u" 4, ries Bullclins.) TÉRATOLOGIE VEGETALE. DE l'aTKOPHIE en GÉNÉRAL ET DÉMONSTRATION, PAIi l'ÉTUDE DE 1,'ORGANISATION MÊME , DE CE FAIT QUE LES POLLENS DE CERTAINS MONSTRES SONT IMPUISSANTS! m. Charles MORREN, Membre de l'Académie royale de Belgique. La tératologie actuelle classe les atrophies végétales en deux grands groupes: les atrophies de l'axe et les atrophies des parties appendiculaires. Nous n'avons pas l'intention de nous occuper actuellement des premières , mais seule- ment d'une partie de l'histoire des secondes. Ces atrophies ont été examinées dans les feuilles, mais d'une manière si incomplète que nous aurons bientôt l'occasion de démon- trer comment ce phénomène est beaucoup plus riche en faits physiologiques et en conséquences philosophiques, ( 1^24 ) qu'on ne le pense actuellement. Puis, on a cité quelques cas d'atrophies du calice, de la corolle , de l'androcée et du gynécée, et c'est à ce peu de documents que se bornent nos connaissances sur l'une des parties les plus intéressantes de la science des monstruosités. Il est à remarquer d'abord que l'on ne possède guère d'études approfondies de ce qui se passe dans les appareils vivants, alors qu'une cause inconnue les frappe d'atrophie. On part toujours de l'idée que l'état d'atrophie est l'état permanent d'une formation qui n'aurait dû être que passa- gère, ce qui, au fond, au lieu d'être un axiome, est un fait à démontrer. L'atrophie peut avoir en soi bien des causes déterminantes et bien des natures diverses : on arrive à cette conséquence après avoir vu avec soin ces phénomènes qu'on est convenu d'appeler de ce nom : L'atrophie est-elle le résultat inévitable d'une non-exis- tence? L'atrophie est-elle un arrêt de développement, ce qui suppose qu'alors l'organe ou l'appareil existerait? L'atrophie est-elle une déviation de ce développement avec réduction de volume? L'atrophie est-elle un avortement ou un retard dans le développement? Toutes ces questions d'origine restent à examiner, et pour peu qu'on cherche à les résoudre dans les réalités du monde physique, on demeure convaincu que le fait connu sous le nom d'atrophie est souvent accompagné de phéno- mènes qui en compliquent singulièrement et la nature et la signification. L'exposition de quelques faits de ce genre suffira pour faire comprendre la valid ité de cette assertion . Visitant, l'an- née dernière, les serres de M. le chevalier John De Knyff de ( 125 ) Waellieiii, nous y vimes un IJymenucalUs en Heur sous le nom (Yllijmcnocallis americana, espèce d'Aniaryllidée en- core incertaine quant à sa détermination. Découvrant en- tre les fleurs de cette superbe plante des appareils floraux avortés, puisque c'est là le nom vulgaire et même scienti- fique dont on se sert pour désigner ces organismes lérato- logiques, il nous prit fantaisie de les examiner, et M. De Knyfl' mit généreusement à notre disposition des pieds qui produisaient ces simulacres de fleurs, le désespoir des hor- ticulteurs et la joie de ces heureux botanistes qui trouvent les êtres contrefaits et mal bâtis bien plus intéressants que les plus beaux modèles du genre, fussent même des Vénus ou des Apollon. C'est donc l'analyse et la dissection de ces Hymenocallis atrophiés que nous nous proposons de faire connaître aujourd'hui. A la sertule de ces plantes, on trouve régulièrement cinq grandes et belles fleurs formées comme nous le dessinons fifj. 1. Le périgone est supère, corollin, marcescent, per- sistant, le tube allongé, droit, trigone, la gorge à peine renflée ou non, le limbe à six divisions presque égales, li- néaires, lâches et ouvertes. La couronne fauciale tantôt sinuée à six dents, les dents staminifères (étamines), les sinus bidentés ou rarement privés de dents, tantôt à six lobes et alors staminifère en- tre les lobes entiers ou bifides. Les étamines, au nombre de six , ouvertes, presque égales entre elles. Les filets filiformes décurrents. Les anthères linéaires, fixées au-dessous de leur milieu, incombantes. L'ovaire infère, oblong, trigone, triloculaire, les ovules anatropes. La colonne styline (style) filiforme, trigone, droite et déclinée, selon Herbert, ce qui dépend do l'houre où on ( 120 ) l'observe. Le stigmate capitellé est, au sommet, obscuré- ment trilobé. Une fleur normale de ce genre mesure moyennement quinze centimètres de l'extrémité du stigmate à la base de l'ovaire, et la même longueur se remarque d'un bout du périgone ouvert à l'autre horizontalement. Or, à plusieurs serlules, on trouvait de misérables fleurs, hautes de sept centimètres et larges de quinze mil- limètres, et tandis que les hyménocalles, régulièrement formées, répandaient, pendant le jour, une délicieuse odeur de tubéreuse susceptible d'aromatiser de grands ap- partements, les fleurs tératologiques, privées de tout par- fum , ne pouvaient charmer que l'intelligence d'un pen- seur. A ces fleurs les bractées ou spalhes se développent nor- malement (voy. fig. 2). Donc elles ont été protégées comme les fleurs normales, et ce ne sont pas les premières culottes (bractée-culotles) qui leur ont manqué. Ceci est un pre- mier avis à ceux qui font toujours intervenir les causes extérieures, le monde ambiant, les conditions externes comme provocatrices de tout phénomène tératologique, alors qu'il est évident que celui-ci procède le plus souvent d'une cause interne, d'une force qui afl"ecte l'organisme, même dans ce qu'il a d'intime et d'intérieur. Puis venait le périgone réduit à son verticille externe, donc calicinal, ce qui ne fait que corroborer ce que nous venons de dire. Ce verticille doit nous occuper un instant. A voir la fleur entière (fig. 2) , ou n'apercevait d'abord que deux divisions à ce calice, mais avec quelque soin, on découvrait que deux d'entre elles étaient seulement soudées en bas et en haut. La figure 5 montre comment cette sou- dure avait lieu par le moyen d'une bride cellulaire, dont ( 1-27 ) la division libre portait l'analogue au sommet. Chaque di- vision calicinale est canaîiculaire. Ainsi, le périgone de la fleur atrophiée, réduit à la moitié de ses éléments, avait subi ici : 1" une atrophie complète du verticille corollin ; 2° une diminution de volume, mais avec déviation de développement par soudure du verticille calicinal. Ici, il y avait déjà, quant au verticille extérieur, atrophie par arrêt de développement, mais (jui peut dire si le verticille intérieur n'était pas atrophié par non-exis- tence primitive? Pour résoudre cette question, il faudrait disséquer la fleur qui devrait s'avorter, rechercher, avant qu'elle ne s'avorte, l'état des mamelons primordiaux corol- lins dans la genèse de la fleur, et nous n'en sommes pas encore à ce progrès dans la tératologie rationnelle. Dans tous les cas, il est nécessaire de diriger les recherches de ce côté, puisque là seulement peut se trouver le moyen de répondre à l'une des questions d'origine. Comme corollaire, nous ferons observer encore, que si les bractées existaient normalement, l'organe protecteur le plus externe des appareils sexuels se retrouvait encore dans la fleur. Ainsi, il est toujours de plus en plus pro- bable que les profondes modihcations subies par ces ap- pareils importants, viennent du dedans et non du dehors. Nous passons à l'androcée. Évidemment la couronne fauciale des IJymcnocaUis représente le torus commun des deux rangs (verlicilles) de l'androcée. La vraie corolle, les trois divisions internes du périgone, étant devenue dans sa forme, calicinale, alors que ses fondions, partagées par le vrai calice, sont restées corollines (couleur, respiration, odeur, etc.), elle devenait moins importante (juant à cette forme. Celle-ci s'est transportée à la base de l'androcée, c'est-à-dire le torus, dont la vraie corolle est la manifeslalion ( J28 ) externe. Ainsi, par lu philosophie botanique, on s'explique Irès-bien pourquoi cette couronne fauciale devient corol- line. C'est par cette raison que la phytographie est en par- tie exacte cette fois, bien qu'elle ait tort de dire que les dents de cette couronne sont staminifères. C'est la cou- ronne elle-même qui est staminale; et en étudiant, chez VHijmenocalUs l'insertion des fibres qui correspondent à chaque étamine, libres dont trois sont opposées aux divi- sions calicinales et trois aux divisions corollines, il est aisé de se rendre compte de la nature de ces prétendues dents delà couronne fauciale, qu'on ferailmieuxde nommer di- rectement et simplement des filets. Aussi longtemps que la phytographie et le glossologie ne reposeront pas sur les axiomes de la philosophie botanique, ce seront des scien- ces conventionnelles où les mots iront en s'augmentanl, à mesure que les idées que ces mots sont destinés à ex- primer, iront en se simplifiant : étrange et déplorable an- tagonisme entre l'esprit et le verbe! Dans la Heur anormale, il y avait, pour les yeux, cinq étamines, chacune, proportionnellement avec les étamines normales, pourvue d'une grosse anthère et d'un petit filet; puis on remarquait absence complète de couronne fauciale. Cinq éléments androcéens au lieu de six, voilà un phé- nomène complexe de l'atrophie, qui demande qu'on aille plus avant dans l'analyse. Et d'abord, une étamine (voy. fig. 4) paraissait avoir et avait effectivement une anthère beaucoup plus petite que les autres; puis, à côté d'elle, l'étamine du milieu (en éten- dant l'androcée) se retrouvait beaucoup plus grosse que ses voisines. Au bas, pas la plus petite trace de couronne ni de membrane, mais chaque filet était mince, hormis celui de la grosse étamine. ( 1-29 ) Ce n est pas lout. Quatre étamines de la ileiir anormale avaient leurs anthères respectives insérées sur rexlrémilé du filet, un peu plus bas que le milieu de ranlhère. Donc, dans l'anthèse , l'anthère devient oscillante, à équilibre instable, et le zéphyr l'agite. Cette insertion anthérienne normale se retrouvait dans la (leur anormale chez quatre étamines sur cinq. Mais la cinquième étamine avait l'an- thère dressée, soudée par les deux lobes inférieurs de l'an- thère à un filet fort et large, ce qu'exprime la fig. 0, et, en suivant le fdet jusqu'au bas, on pouvait ouvrir ce lilct sans déchirer les tissus, en deux bords, comme le montre encore la fig. G. Pour l'insertion de l'anthère, comparez l'anthère fig. 5, vue sur le côté, avec l'anthère fig. G, et la différence sautera aux yeux. Ainsi ces faits nous révèlent deux ordres d'idées. En pre- mier lieu, il y a encore un souvenir de couronne fauciale au bas du fdel de la grosse étamine ; en second lieu, ce gros mâle en représente deux. L'hypertrophie de son an- thère compliquée d'un changement d'insertion et le gros volume de son soutien, plus l'élargissement de la base de son lilet, prouvent surabondamment que cet élément de l'androcée a fait soi la substance organique d'un de ses semblables. L'œil n'aperçoit ici aucune pièce séparée, soudée, annexée, qui rappelle celte double origine élé- mentaire, mais l'esprit aperçoit facilement que cette at- traction, cette absorption , cette assimilation d'un élément organique au profit d'un autre ont eu lieu. Ici encore la genèse des Heurs anormales bien étudiée rendrait service. Mais il ne résulte pas moins de ces combinaisons que voilà l'atrophie d'une lïeur, comportant l'atrophie de son androcée, poussée si loin qu'il y a absence apparente d'un élément du vorticille, compliquée d'unc^ liyperlro|due qui. ( 130 ) seule, peut expliquer et cette absence et la diminution de volume de l'organisme entier. Qu'on dise qu'une atrophie résulte d'une hypertrophie, et l'on criera au paradoxe! Et cependant tout cela fait bien l'effet de se passer ainsi. L'étude des anthères va donner à notre monstre d'Hy- ménocalleun nouvel intérêt. Plusieurs fleurs étaient anor- raalisées (qu'on me pardonne le mot, les savants sont de- puis longtemps brouillés avec l'Académie duDiclionnaire!) sur le même plan. Aucune, ni jeune, ni adulte, ni vieille, ne montrait des anthères déhiscentes. On peut donc croire que les organes mâles du monstre n'étaient jamais desti- nés à fournir du pollen, et encore moins, en conséquence, à entrer en copulation avec quelque femelle normale ou non. On a dit depuis longtemps, dans la tératologie ani- male, que les vrais monstres ou ne sont pas viables ou sont frappés de stérilité. La nature plus placide du végétal com- porte-t-elle aussi cet anathème? et si la malédiction a frappé l'être anormal, comment la punition providentielle s'accom- plit-elle? Nous ne croyons pas qu'on ait abordé jusqu'à présent en tératologie ni cette question, ni l'anatomie du pollen d'un monstre autre qu'un double. En examinant avec soin toutes les fleurs normales des Hyménocalles que nous avions devant nous, nous avons fini par trouver une élamine dont l'anthère, réduite en un pelit sac sphérique et latéral , n'était pas destinée à s'ouvrir, et cela d'une manière évidente. La fig. 7 donne la repré- sentation de cette anthère atrophiée, et condamnée elle aussi, dans une fleur normale, à la stérilité. Ce nouveau monstre devait, dans cette occurrence, nous plaire infini- ment : aussi nous le regardâmes comme un envoyé du ciel. Ces anthères stériles, d'où jamais le pollen ne devait ( 151 ) s'éjaculer, avaient-elles du pollen? première question , et, dans l'affirmative, ce pollen était-il normal ou anormal? deuxième question, et dans le cas de l'anormalité, com- ment était-il frappé d'impuissance, troisième question et, pensons-nous, la plus curieuse et la plus neuve de toutes? Nous allons répondre à chacun de ces points d'inter- rogation. L'anthère en sphère fermée de la fleur normale, de même que les anthères de forme normale, mais non déhis- cibles des fleurs atrophiées, renfermaient toutes du pollen. Ainsi l'organisme mâle s'est développé jusqu'à son essence, quoique, nous allons le voir, celle essence fût pervertie, déviée dans son organisation. Pour savoir comment ce pollen diffère d'un pollen gé- nuin, il nous faudra d'abord voir celui-ci. M. Hugo Mohl{l) avait déjà reconnu que, dans les Ama- ryllidées, le pollen est ellipsoïde, avec un ou deux sillons longitudinaux et la membrane externe variable. Comme dans le Pancralium marilimum, l'eximinine (membrane externe du pollen) est ici dans cet Htjmenocallis une mem- brane celluleuse. Le tissu cellulaire est du genre que nous avons nommé, depuis plus de quinze ans, colpenchyme, c'est-à-dire formé par des cellules sinueuses. Celle eximi- nine est forte, résistante; elle sécrète beaucoup d'huile jaune qui se ramasse en globe et tournoie sur elle-même dans l'eau. On en voit les amas représentés, figures 8, 9, 10, M et 12. Sur l'eximinine du pollen normal, on voit bien le sillon longitudinal. Cepollen est ellipsoïde, et toujours les grains (1) Jnn. drs scienc. nat.. nomcllr sriir, 184ri, Eot.. (. III, p. 508. ( 152 ) sont fermés aussi longtemps qu'ils sont sur l'anthère. La pg. 8 représente ce pollen normal. Nous examinâmes le pollen de l'anthère déformée et close de la fleur normale {fig. 7). Tous les grains, vus à sec, c'est-à-dire sans eau, sur le porte-objet, étaient ou- verts et uniformément du genre des figures il et 12. Les eximinines arrondies, sphériques, mais toutes ouvertes par une calotte de sphère qui en semblait tombée ou par une ouverture circulaire. De là sortait l'endiminine (mem- brane interne du pollen destinée à devenir boyau polli- nique dans la copulation), toujours repliée en demi-lune, tantôt en simple cœcum, tantôt portant un mamelon ter- minal. La fovilla était contenue dans l'endiminine comme un mucilage dense, montrant de petits points grouillants, mais pas de cellules ni de cystoblastes visibles. Dans les anthères fermées et bouffies des fleurs atteintes d'atrophie, un état analogue se rencontrait, quoique dif- férent. Les eximinines étaient aussi toutes ouvertes , tantôt sur l'un des bouts de l'ellipsoïde {fig. 9), et l'endiminine faisait hernie, tantôt, et c'était le cas le plus constant, le long du sillon longitudinal , de sorte que l'endiminine prenait la forme d'un fuseau au milieu duquel pendait l'eximinine, comme si c'eût été une moule à petites écailles et à gros animal. Ainsi, le fait général qui distingue le pollen sain du pollen des monstres, c'est que le premier est clos, destiné à s'ouvrir, selon ses lois, sur le stigmate, tandis que le second est crevé, d'une manière ou d'une autre; et, quoi- que les endiminines fussent entières, nous observions que bientôt, soit à l'air, soit dans un mucilage dégomme, soit dans du sirop , les membranes se rompaient et la fovilla sortait. Or, comme l'air atteindrait infailliblement le pollen ( l">5 ) des inonsli'cs, si leurs anthères s'ouvraient par ce lait même, les membranes internes rompues perdraient le contenu, et la métamorphose du boyau pollinique en em- bryon, ou la production de celui-ci par celui-là, ne pour- raient plus avoir lieu. Donc, l'impuissance des pollens des monstres est un résultat inévitable et fatal de leur organisation : ils crèvent avant d'agir et de plus, ils ne voient pas le jour. Enfin, il ne nous reste plus qu'à dire quelques mots au sujet de l'appareil gynécéen. La colonne styline dans la lleur anormale est l'organe le moins modifié (voy. fi(j. 2). Le stigmate ne diffère pas de celui d'une (leur régulière; le style est plus court de trois quarts, mais il conserve sa lon- gueur relative vis-à-vis des étamines de la ileur anormale. L'ovaire est plus petit, mais entièrement vide d'ovules remplacés seulement par un axe de tissu cellulaire Irès- dense. Ainsi l'organe femelle est, dans l'espèce, aussi sté- rile que l'appareil mâle est impuissant. Nous croyons pouvoir résumer, comme nous allons le faire, les principales conséquences des observations précé- dentes dans les propositions suivantes : 1° Quand l'atrophie atteint l'appareil floral, ce phéno- mène devient com|)lexe, et ne suit pas les mêmes manifes- tations dans toutes les parties et dans tous les verlicilles de cet appareil. 2° L'atrophie de l'appareil floral exprimée par une di- minution de volume du tout , peut comporter l'existence normale desorganes protecteurs, de manière à faire admet- tre que la cause déterminante du phénomène delalrophie même ne provient pas du monde ambiant externe, mais d'une cause interne inhérente à l'organisme même. .">" fAiltéralion alrojdiicpio croit du dehors au dedans. ( 154 ) de manière que les appareils les plus protégés sont les plus profondément atteints. 4" L'atrophie du calice peut se compliquer de soudure. 5° L'atrophie de l'appareil floral peut se compliquer de l'absence complète de l'élément corollin, sans doute par non-existence de cet élément, au lieu d'admettre toujours l'arrêt dans un développement qui présuppose la présence de l'organe. 6° L'atrophie de l'androcée peut se compliquer de l'ab- sorption complète des éléments qui eussent normalement formé un organe au profit d'un organe similaire, de sorte que l'hypertrophie de celui-ci sera la suite de l'atrophie de celui-là. La force hypertrophique viendra donc compliquer encore le phénomène de l'atrophie. 7" Dans l'atrophie de l'appareil staminal, les anthères pourront ne pas être susceptibles de déhiscence, comme une anthère d'une fleur normale pourra être frappée du même vice d'organisation; par conséquent, si ces anthères sont pollinifères, ce pollen n'est pas destiné à voir le jour. 8° Et dans ces deux cas, ce pollen est impuissant, parce que sa membrane externe, au lieu de rester close pour con- server, à travers l'air, l'intégrité de la membrane interne qui doit, ens'allongeant, donner naissance au boyau pol- linique, s'ouvre et donne passage à la membrane interne qui fait hernie. O** Sans que la membrane interne du pollen s'ouvre à son tour et que la fovilla se perde, cependant, dans les an- thères atrophiées ou dans les anthères des fleurs atteintes d'atrophie générale, le pollen est frappé d'impuissance, puis- que l'intérieur, qui doit être préservé contre les influences de Tair atmosphérique, est alors mis à nu. Par conséquent» ( 155 ) rimpuissaiice du pollen d'un mâle atrophié est une consé- quence de l'organisation viciée de ce dernier. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1 . Fleur en grandeur naturelle de V/h/menocaîlis americana. Kuntii. 2. Fleur anormale atrophiée, grandeur naturelle. ô. Yerticille calycinale de la même fleur. 4. Étamines, grandeur naturelle, vues devant le calice. 5. Etamine avec l'insertion dorsale de Panthère (2 diamètres). 6. Etamine hypertrophiée avec l'insertion basilaire. 7. Anthère atrophiée d'une fleur, autrement normale, 8. Grain de pollen normal très-grossi. 9 et 10. Grains de pollen d'une anthère de fleur atrophiée. 11 et 12. Grains de pollen d'une anthère atrophiée de fleur, autrement normale. Les fig. 8, 9, 10, 11,12 sont fortement grossies au microscope. /Ju//.^/r /'.lan/.A\H/. 7'(>/f/ . \ I /// , /"'/>(//■/ ./xir/. L'o(). ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait du lome XVIII, n" 6, dt»: Biill<'lins.) TERATOLOGIE VEGETALE. D'une pélorisaiion sigmoïde des Calcéolaires , nouveau genre de monstruosité, d'une synanthie bicalcéifére et endosta- niinaley et enfin d'une synanthie unicalcéifére et exosta- minale de ces mêmes plantes; itt. CI), ittovrcn , MtMiihro tie l'Acadeniio rovalc (!<• Relgiqiit J'ai traité précédemment (1) de la pélorisaiion lagéni- forme des calcéolaires, en citant les cas connus de cotte régularisation d'un type irrégulier. Les tératologistes aiv glais ont bien voulu traduire mes pages à cet égard (2) , et quoique habitant le pays le plus horticole de l'Europe, ils n'ont pas cependant cité des exemples nouveaux de (1) Bulletins ily' rjcadémic, t. XV, iv 7. — Fitdisia, p. 80. (ii) Tliomns Mooir, Vr/ya:///» of /Jnfani/, ISni, pnrJ. XVI, [>. h27. ( 158 ) celle singulière slruclure. M. l'abbé Van Oyen, professeur (le sciences physiques et naturelles au petit séminaire de S'-Trond , de lobligeance duquel je tenais les pélorisations décrites, a eu la com()laisance de m'en envoyer cette année quatre cas nouveaux, confirmant tous, sans exception, les délails précédemment observés. Le calice régulière- ment formé, la corolle, en longue bouteille, terminée par un col aplati et s'ouvrant par une bouche linéaire, celle corolle colorée en dedans, vers le bas, et en dehors, vers le col, de teintes plus vives, pas d'élamines et un pistil normal. Ces caractères de la monstruosité se sont tous re- trouvés sur ces quatre lleurs nouvelles. On peut donc ad- mettre que cette pélorisation se présente toujours avec une uniformité de structure qui manifeste aussi la fixité des lois sous l'empire desquelles elle se forme. A mesure que la tératologie avance, les idées sur la production des mon- stres par l'effet des causes extérieures se modifient, et cette théorie perd tous les jours de plus en plus de sa valeur. L'hypothèse d'une force interne, opposée, quant à la symétrisation , à la force formatrice spécifique {nisus for- mations specificus) acquiert, au contraire, de plus en plus de vraisemblance, et, de la même manière que les êtres normaux sont tous de la forme de fespèce , les êtres anor- maux sont tous aussi de la forme donnée de la monstruo- sité spécialisée. Pas plus là qu'ailleurs, le vague n'existe et l'indéterminé n'est pas dans la nature. Parmi les monstruosités remarquables que M. Van Oyen a bien voulu m'envoyer récemment, je distingue une pélo- risation d'un groupe qui , je crois, n'a pas encore été si- gnalée dans les cadres téralologiques. Quand je la nomme pélorisation, je me sers d'un nom impropre, mais la langue est si pauvre devant la richesse de la nature, qu'il faut bien ( 15!) ) ne [)as donner à rexjjression un sens trop absolu. La |>(''- lorie est, comme on le sait, la nionslruosilé icgulière d'une ileur irrégnlicre clans sa strucUire ordinaire. Les cal- céolaires sonl des scropluilariacées Irès-ir régulières; leur péloric est, au contraire, parfailement régulière. La |té- lorie lagénilbrme est droite et ne rappelle plus du tout la ligure calcéiforme du type générique. Or, qu'on veuille bien jeter les regards sur la (hj. 1". On y voit une monstruosité (jui lient le milieu entre la forme spccilique et la pélorie régulière lagénilorme. Le calice n'a rien de distinct. La corolle ofl're d'abonl le bas du tube droit et régulier comme dans la pélorie connue, puis, l'organe se détourne de sa direction ; il se rende en deux bosses en avant, lesquelles bosses rappellent évidem- ment les boursouilures de la lèvre inférieure des corolles calcéiformes normales. Au-dessus de ces reniïements, la corolle se rétrécit; elle se courbe en cou de cygne et pous- sant en avant deux dents creuses; elle relève une forme de bec où se trouve l'ouverture linéaire de la corolle. Quant au coloris, il suit l'interversion de la pélorie lagéniforme. Au bas, les couleurs foncées sont en dedans, et au bout elles sont en deliors. Au fond, et à moins de donner à la pélorie un sens trop restreint, ce cas de tératologie ne peut rentrer (jue dans la classe des i)élorisations. Seulement il nécessitera dé- sormais une section qu'il sera peut-être convenable de nommer semi-pélorisations, car, évidemment , c'est une pélorie arrivée à mi-cbemin de la régularisation : elle rap- pelle encore en tout point la corolle convoluléo du type généri(jue normal. Si l'on veut la laisser dans la classe des pélories, je proposerai de la distinguer de la jH-lorir lafjc'niformr , forme qu'elle n'a décidément pas, par le nom ( 140 ) depélorie sigmoïde , forme qui est bien la sienne. C'est un cou de cygne ou un S majuscule. Cette pélorisation sigmoïdale n'est pas sans une certaine éloquence dans l'interprétation des lois de la métamor- phose. Toute corolle est ouverte, les sexes devant être mis en rapport avec l'atmosphère et les êtres qui y vivent (oi- seaux, insectes, hommes, etc.), ou les météores qui le modifient (vent, chaleur, humidité, sécheresse, etc.). La pélorie lagéniforme présente son ouverture au bout, mais on ne voit pas de suite si cette ouverture représente bien celle du bas de la corolle du type générique des cal- céolaires. La pélorie sigmoïde le démontre à l'instant. Le col rétréci semble vouloir reporter cette ouverture à la base de l'organe, et cette indication donne la clef de l'interver- sion des coloris, observée précédemment entre les calcéo- laires normales et les calcéolaires pélorisées. En effet, sur une calcéolaire normale, la teinte la plus foncée est en dedans , vis-à-vis de l'ouverture du soulier que représente la corolle; puis, sur l'empeigne de cette pantoufle, la haute couleur se distribue de nouveau. Comparons cet état nor- mal à l'anormal. Il est clair que, dans les deux pélories lagéniforme et sigmoïde, la coloration foncée du dedans représente celle du bas, et la coloration foncée du dehors celle de l'empeigne. On peut donc se figurer la corolle cal- céiforme génuine se déroulant pour former la corolle lagé- niforme ou la corolle sigmoïde, en prolongeant l'empeigne primitive en bas et la changeant en col droit ou courbe. On lit maintenant mieux qu'on ne le faisait naguère, alors que les monstres de Chamisso, de Guillemin et de Van Oyen venaient d'être connus dans leur régularité, les pas- sages entre l'état complètement génuin ^t l'état complète- ment pèlorisè. ( i41 ) Ce n est pas cependant que ces deux pélories ne viennent inlinner la théorie pliysiologi(jue de feu Dutrochet, sur lu distribuliou des couleurs dans la (leur. En prélendani (jue les couleurs les plus l'oncées sont toujours e.vlérieures el en rapport avec la surface éclairée le plus, il reste à démontrer pounjuoi, ici, dans une corolle bien fermée, bien close, en long tube droit ou courbé, la couleur la plus haute est en dedans et la plus faible en dehors. Sur la corolle calcéiforme génuine, la théorie de Dutrochet a la ressource de la gorge ouverte par où la lumière entre, mais cette raison n'en est plus une pour la corolle lagéniforme et pour la corolle sigmoïde. Là, les gorges sont fermées ou à peu près. A mes yeux, ce fait prouve que la cause qui détermine les métamorphoses des formes normales en formes, je ne dis pas anormales, mais tératologiques, est plus puissante dans l'organisme qne les forces physiologiques, et qn'elle tient plus à l'essence même de la formation de l'être que la puissance fonctionnelle. Et si l'on descend de ces hau- teurs, peut-être un peu métaphysiques, alors que la science actuelle a assez l'habitude de marcher terre à terre, on ne peut s'empêcher de faire cette réllexion, à savoir que si, dans la physiologie de Dutrochet, les couleurs étaient les suites, les effets d'un éclairement plus ou moins actif, ici, sous une lumière diffuse, dans un tube clos et coloré, les teintes s'avivent sous un éclairement bien moindre que celui auquel est soumise la surface du dehors. Ce fait, certes, ne rend pas plus clairecelte théorie du pouvoir deréclairement. J'abandonne ici le monstre sigmoïde pour passer à l'é- tude d'un autre ordre de faits, dont M. Van Oyen m'avait fourni également un premier et m'a donné actuellemeni un second exemplaire. i. ( 142 ) Je veux parler des (leurs synanlliiques. J'ai déjà eu l'oe- tasioii plusieurs fois de monlrer combien peu les lois de la syuanlliie sont connues. Dans une classification générale, il est si vite établi que des (leurs peuvent se réunir, le nom de synanthie cache si promptement tout ce que ce phénomène a d'intéressant, qu'il arrive de ce nom ce qui advient de l'histoire naturelle en général. Quand on a trouvé le nom d'une espèce, on dirait que l'esprit n'a plus rien à faire, et ce n'est cependant que lorsque ce nom est trouvé, que le véritable naturaliste commence à réfléchir, s'il réfléchit. La connaissance de la nature ne se circon- scrit pas dans un dictionnaire de noms. Cependant telle est encore l'influence d'une tératologie commençante. Quand on a dit que tel monstre est une synanthie, on croit avoir expliqué une merveille, et la merveille est tout entière dans le silence qui suit la classification. Dans ma publication antérieure sur une synanthie de calcéolaire (1), je disais que, dans le cas jusqu'alors non signalé, il y avait des phénomènes compliqués, tels que la résorption de la lèvre supérieure, le non-développement d'un calice double, une résorption de la quatrième éta- inine, et j'ajoutais: « Cette forme tératologique permettra peut-être de mieux saisir un jour la cause intime des synanlhies. » Ce passage et le monstre lui-même ont eu l'honneur d'être traduit et reproduit par la presse anglaise et par une plume des plus savantes des Iles Britanniques. C'est en partie ce qui m'a engagé à consigner ici les détails d'une seconde synanthie bicalcéifèie de calcéolaire, qui présente des complications curieuses et prouve que la sou- (1) Fuchsia, p. 95. ( 145 ) (Jure de deux Heurs irrégulières peut être accompagnée de ()iiénomènes de genres divers. J'ai représenté la fleur synanlhisée, fig. 12, en avant et, jig. 5, en arrière. D'abord le calice, quoique formé sur un rang unique, présente en arrière (fig. 3) huit divisions, le double du nombre normal, tandis que, dans la fleur synan- lhisée précédemment décrite, il y avait un calice à quatre divisions et ayant l'aspect d'un organe normal. Ici, les deux divisions inférieures étaient atteintes d'une légère atrophie, mais aussi, par compensation, une neuvième division calicinale s'était développée du côté opposé et en avant, de manière à se pencher directement sur les deux lèvres supérieures et soudées de la corolle {fig. 2, b). Ce fait niontre comment, dans les synanthies, malgré la fusion de deux organismes, il y a tendance au dédoublement, quand, par le balancement organique, il y a atrophie de ipielques organes foliaires. I.a corolle, de la forme générique, était bien double, avec fusion plus grande du côté supérieur et division et in- dividualisme plus prononcés des lèvres inférieures, parties normalement hypertrophiées. Les deux corolles olïraient la grandeur et la coloration ordinaires à la variété qui avait produit le monstre. Dans la synanthie décrite dans ma Fiidisia, il y avait trois étamines : l'une était née vers le haut et sans hyper- trophie, de manière à faire admettre une torsion latérah^ du verticille androcéen et la résorption de la quatrième élamine. Ici, rien de semblable. Il y avait deux étamines seulement {fig. 2, c), l'une à droite et l'autre à gauche, comme dans une fleur génuine; mais elles étaient soudées Tune à l'autre par un fort frein mitoyen, indi(juanl par sa masse et sa position opposée aux lilels développés, que ( 144 ) c'était bien ce frein qui représentait à lui seul les deux étamines non développées. De ce côté donc, pour chaque tleur synanlhisée, il y avait réduction à la monandrie, et pour les deux fleurs réunies, diandrie tératologique imi- tant la diandrie naturelle. De même, on y voyait deux pistils, mais ceux-ci complets et frappés d'un caractère très-prononcé de divarication, chaque ovaire regardant la droite et la gauche oblique- ment, les styles dirigés augulairement et côtoyantranihère de son côté respectif (/?.gf. 2, d). Cette direction, cette obli- quité, ce développement de l'appareil pistillaire rendaient celte synanthie très-remarquable. Ainsi voilà dans un même type de fleur irrégulière et asymétrique au moins deux systèmes déjà connus desynan- thies très-difîërentes. D'une part, normalité de calice uni- que, dualité de corolles soudées, irrégularité dans l'an- drocée, fusion de deux pistils à ovaires distincts avec soudure complète de deux styles et de deux stigmates. D'une autre , dualité de calice et tendance à son dédouble- ment, dualité de corolles soudées comme dans le cas pré- cédent, mais réduction à Funilé de l'androcée normale déjà réduite à deux étamines normalement, fusion et mé- tamorphose en organe stérile des deux étamines restantes, enfin normalité des deux organes pistillaires. Ainsi, le type naturel s'était conservé dans l'un des cas au protit del'apr pareil calicinal, dans l'autre au profit de l'appareil pistil- laire, les deux pôles de la fleur qui ont entre eux et dans leur nature la plus grande et la plus profonde analogie. Dans les deux cas aussi, dissimilitude radicale dans les modes de fusion qui ont affecté les productions du torus, l'androcée et la corolle, les deux appareils les moins sta- bles de la (leur. Je pense donc avoir dit avec raison que ( 145 ) l'étude des syiianlhies nous conduirait un jour à apprécier plus profondément la cause intime de ces sortes de phéno- mènes. On voit ici clairement que Porganographie philo- sophique peut prévoir jusqu'à un certain point les varia- lions que la force tératologique doit apporter dans le développement des organismes anormaux, et j'entends par là ceux qui s'éloignent du type habituel. Ce n'est pas tout. M. Jules de Fisse m'envoya de même deS^-Trond une nouvelle synanthie qui offre un troisième système de soudure. J'ai figuré le monstre, fig. A , en avant ei,fig. 5, en arrière. De ce dernier côté, on voit manifeste- ment que sur un seul pédoncule naît un calice double, formé de huit divisions, dont les deux latérales sont de grandeur normale et plus développées que les autres. Puis vient la corolle dont la lèvre supérieure offre, comme dans les deux cas précédents, une soudure complète des deux lèvres primitives; mais ici la lèvre inférieure présente de même une fusion totale, de sorle que la synanthie est unicalcéifère. C'est ce que montre la figure 4. Mais le plus intéressant appartient à l'androcée. Nous venons de voir que, dans la synanthie bicalcéifère précédente, les deux é(a- mines développées parlent de la ligne médiane du monstre. Ici, c'est l'inverse, les deux seules élamines entièrement développées d'après le type de l'espèce sont externes. Dans la ligne médiane, il n'y a pas de trace d'organes mâles, mais on trouve deux pistils soudés entièrement et offrant avec une atrophie des deux styles, deux stigmates un peu divariqués. Il est évident, en com|)arant ce système au pré- cédent, que la différence réside surtout danscc dévelojipe- ment des deux étamines représentant, par une insertion incontestable, l'élamine externe latérale de chaque fleur, nommant étamines internes les (Kiix organes «le cette na- ( 140 ) lure qui dans une simple conjonction de deux fleurs sans soudure et fusion, se loucheraient Tun l'autre. C'est, sans aucun doute, celte fusion avec atrophie de ces organes absorbés au profit de l'être tératologique tout entier, qui a amené la soudure complète aussi des deux lèvres inférieures en pantoufle en une seule plus large, mais de celle même forme. Il est prudent de désigner ce mode de synanlhie d'une façon particulière, puisque ce mode est difl'érent. Nous le nommons synanllde unicalcéifère exostaminale , tandis que la précédente est une synanlhie bicalcéifére endostaminale , exprimant par là les structures lératologi- ques à la fois de la corolle et des étamines. M. Moquin-Tandon, dans son remarquable Irai lé de té- ratologie (p. 2G4 et suiv.), a déjà discuté en partie les lois des synanthies; mais ces exemples-ci avec ces singulières combinaisons lui étaient inconnus. Cependant la loi de la soudure des parties homologues s'y vérifie complélement et la confirment : cela saute aux yeux pour le calice, la corolle et le pistil. Seulement nulle part nous ne voyons ici la loi des homologues produire une fusion des étamines; mais, au contraire, une annihilation de ces éléments sla- minaux et, dans le premier cas, la synanlhie trislaminale , le déplacement par torsion d'une étamine de l'une des fleurs qui a fondu l'autre dans la greffe des deux fleurs. Un autre fait non moins remarquable, qui résulte de la comparaison de ces trois synanthies de calcéolaires, est celui du pre- mier cas où le calice était normal avec une soudure de deux corolles, de deux androcées et deux pistils, qui a amené une fusion complète entre les appareils pistillaires et la moitié de la corolle ou les deux lèvres supérieures. M. iMoquin-Tandon, qui a compulsé un grand nombre d'é- crits sur la science des monslruosilés, a raison de dire (147) que co cas d'unité (.l'un organe normal avec la tlualilé ou la pluralité des autres, est une des combinaisons les plus rares qu'elVeclue la nature, de même que les synanlliiesdo verlicilles lloraux, qui n'augmentent le nombre des élé- ments que d'un seul d'entre eux, ont pu se voir quelque- fois, mais doivent être classées aussi parmi les observations les [)lus rares. L'intérêt qui s'attache, par conséquent, au premier cas que nous avons fait connaître, ne fait que s'augmenter vis-à-vis des judicieuses déductions publiées par le savant professeur de Toulouse. EXPLICATION DE LA PLANCHE. /;/. 1. Fleur pélorisée ou pc'lorie siffmoïde d'une calcéoKiire, {ji-andeur na- turelle. :î. Fleurs synanlliisces bicalcéiCères et cndoslaminales, vues en avant. a. Calice. b. Division surnuméraire calicinale. c. Étamines. rf. Pistils. ô. Les mêmes fleurs vues en arrière pour montrer le calice. 4. Fleurs synanlhisées unicalcéifères et exostaminales, vues devant. o. Mêmes fleurs, vues en arrière pour montrer le calice. Hi/// //r / 'U(i<^ /^ ■iC^' '^^K '^.^m ife7 u w ^ Fc/orir su///ioi(/(' , St^/ia/i (/ne ifira /cci^c/'c cfn/o.v/ a/jn fi//ic \ ! ///, //.' /Jit/ //)({(/. /'(/ S\^/('/((((IIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extrait du tome XVIII , n" D , des Bulletins.) TERATOLOGIE VÉGÉTALE. Recherches sur un nouveau genre de monslruosUés végétales, modifianl l'axe de certaines fleurs et appelé gymnaxonib ou dénudation de cet organe; Membre de l'Académie royale de Belgique. Les tératologistes sont (l'accord sur ce l'ait, qui tientà l'un (les principes foiulameiuaux de l'organisation végétale, à savoir, que les structures anormales de l'axe sont infini- ment plus rares que les structures anormales des parties appendiculaires. La variabilité est la caractéristique de ces derniers organes; l'uniformité, l'essence du premier. Il s'ensuit que les chances d'apporter dans cette variabilité même des combinaisons qui ne tiennent pas à la forme ordiuaire de l'être, croissent dans la même [)roportion : c'est une raison pour laquelle il doit y avoir beaucoup plus de monstres dans les organismes péri[)liéri(pies (}ue dans les centraux. 11 y a une seconde raison : l'axe est un, car tige et racine ne diffèrent essentiellement que dans leur direction, ce qui est une propriété physiologique, non une ( 170 ) qualilé de struclurc; l'axe lîoial ou la coiumelle dans le fruit ne sont, après tout, qu'une extrémité de tige. De ce principe il découle que l'axe étant un et ses parties appen- diculaires multiples, il doit y avoir nécessairement et fata- lement très-peu de monstruosités pour l'axe et beaucoup pour les organes qui en naissent. La théorie tératologiqne des causes roule encore sur deux idées opj)osées, qui sont actuellement en présence à peu près avec des forces égales : l'anormal dans l'organisme est-il le résultat de l'action des fadeurs du monde ambiant ou provient-il d'une force t'ormalrice, pervertie en elle- même? La structure tératologiqne est-elleautochthone, sans que les influences du dehors la provoquent ou la produi- sent, ou, au contraire, est-elle un résultat des facteurs du dehors? Les parties appendiculaires vivent essentiellement sous l'action de ces facteurs. On a donc dit que la lumière, la chaleur, l'humidité, la sécheresse, le sol, la pression , les insectes, les parasites végétaux, pouvaient et devaient, en variant leurs influences, produire des formes inaccoutu- mées, des soudures, des avortements, des hypertrophies, des variations dans les organes. Or, l'axe est plus à l'abri de ces agents. Sa formation première est protégée dans la graine et le bourgeon, ses deux sièges d'enfance, par des parties appendiculaires préexistantes. Quand il se fait jour au dehors, c'est-à-dire qu'il se soumet aux actions des fadeurs du monde ambiant, il ne fait plus que se dévelop- j)er, que grandir, que s'étendre; il ne se forme plus, il est tout formé. La structure déviée, l'organisation térato- logiqne prend naissance, surtout à la première origine des corps, quand les organes qui en sont atteints, se forment eux-mêmes. Donc, on s'est dit que les axes étant raremej»l et très-rarement hétérodromes , c'est-à-dire autrement constitués (ju'ils doivent l'être dans la forme de l'espèce. ( »TI ) ce fait provient de ce (|ue les axes échappent aux itilïuen- ces pervertrices du monde ambiant; raisonnement qui implique de toute nécessité que c'est dans les facteurs ex- térieurs que gît la force de la {léviation, la cause occasion- nelle de l'anormal. Cette théorie est au fond, croyons-nous, plus s|)écieuse que réelle et exacte. Quand il s'agit de spécilier les faits , on ne lui trouve plus une seule assertion qui ne soit hasardée. Quand on fait varier, de propos j)rémédité et d'une ma- nière certaine, les actions des facteurs, quand on combine autour de l'organisme, en voie de formation, un anlre monde que celui de la nature, on ne i)roduil pas de mons- tres, on arrête ou on excite l'organisme, mais les formes restent ce qu'elles sont. On a dit cependant : semez des pa- vots à l'ombre, et vous convertirez les étamines en pistils; mais l'expérience a répondu et des pavots semés au soleil et développés sous une lumière pleine et entière, autant que le ciel peut en donner, ont produit lout autant qu'un semis à l'ombre, sur un nombre donné, des llcurs où les mâles étaient devenus des femelles. On n'ira pas sans douie se conlenter de raisons à priori et qui , pour élayer une hypothèse, s'appuient elles-mêmes sur une autre, au lieu de s'asseoir sur le positif et la certitude. Ainsi, quand on pose en fait que le mâle doit essentiellement être en relation avec la lumière, parce qu'à lui appartient l'action initiative de la perpétuité de l'espèce et que la femelle est un être passif, par suite qu'elle peut se former et croître à l'ombre, et qu'ainsi, ce facteur ambiant, l'ombre, peut, sur certains or- ganismes, qui y sont forcément soumis, métamorphoser le mâle en femelle; (piand on raisonne, disons-nous, sur ces bases, il faut avant tout dépouiller les prémisses du syllo- gisme de tout ce (pi'ellesont d'incertain et d'arbitraire. Or, il serait facile de prouver (ju'il y a tout autant de femelles ( 1-2 ) qui aiment et recherchent la lumière, se forment et vivent sous son influence, qu'il y en a pour lesquelles l'ombre est une condition d'existence et que, réciproquement, il y a autant de mâles se formant et se développant à l'ombre que des femelles, sans pour cela changer de sexe. Chaque fois que, dans la théorie des facteurs ambiants, on analyse un fait avancé, on lui trouve, comme dans le casque nous venons de citer, l'une ou l'autre base de rai- sonnement en défaut, et par suite de ces sophismes accu- mulés, on doit, en conscience, avoir sa conviction fortement ébranlée à l'endroit d'une théorie que le matérialisme sem- blait rendre si claire et si incontestable. On nous dira que la théorie de Tautochthonie des forces organisatrices perverties repose à son tour sur un prin- cipe qu'il s'agit précisément de démontrer, au lieu de l'ad- mettre comme fait premier pro[>re à expliquer ensuite les cas particuliers. Nous ne le nions pas; mais nous répon- dons qu'ici du moins, les faits ne nous contredisent pas, que nous n'avançons jamais rien dans cette doctrine, que nous ne puissions prouver, et qu'en dernier résultat, ad- mettre que l'organisation puisse dévier de sa marche en vertu d'une force intrinsèque, inhérente à son essence, n'est, après tout, pas plus difficile à concevoir que cette au- tre qualité de l'organisation , qui est de perpétuer son type normal et spécifique. C'est la vie, dit-on, qui, en raison de mouvement communiqué , imprime le cachet des for- mes dans la matière des êtres. Soit, nous pouvons donc tout aussi bien prétendre que cette même vie a le pouvoir de faire varier ce cachet entre certaines limites de variabi- lité au delà desquelles elle ne peut se manifester. Cette hypothèse permet du moins d'expliquer tous les grands problèmes tératoîogiques, comme la formation des mon- stres à l'origine de leur genèse, leur classement limité, (175) Icternilé ou la permanence des mômes types anormaux qui reviennent conslamnient les mômes, riiidépcndance des organismes déviés de raclioii des fadeurs du inonde ambiant, le résultat négatif de toutes les expériences faites pour faire varier l'organisme en faisant varier les agents extérieurs, et enlin les monstruosités, tout aussi possi- bles des parties internes excentriques que des parties ex- ternes et périphériques. Toutes les bases de la tératologie sont là. Nous avons dit plus haut la véritable cause, selon nous, pourquoi les monstruosités de l'axe sont moins fréquentes que celles des parties appcndiculaires, à savoir que l'axe est un de sa nature, qu'il n'est guère multiple dans ses expres- sions organiques comme les appendices de cet axe. S'atro- phier, s'hy[)ertrophier, se diviser, se souder, se spiraliser, se boursoufler et se fascier, voilà quelles sont à très-peu près les seules modilications qu'on a observées dans l'axe. Nous nous permettrons toutefois d'ajouter à ces cas connus et discutés de la tératologie des axes végétaux, une nouvelle forme anormale dont nous n'avons pas trouvé, dans les ouvrages et les écrits sur la matière, de citation antérieure. Nous sommes ici sur un cham[) tout neuf. Dans le Cuphea miniata, le Cuphca silenoïdcs et sur le Lobelia eriiius, nous avons observé, depuis quehpies années, un cas de slruclureanormale très-singulier. Nous prions le lecteur de jeter un coup d'œil sur notre prianche avant de nous lire. Dans le Cuphea miniala, la fleur est horizontale [fig. 1); elle ressemble à un fléau de balance dont les bras s!>iit inégaux en longueur. D'un cote, on a un éperon avec une glande nectarienne en dedans (//f/. 2), de l'autre, la corolle et au centre les étamines et le pistil; celui-ii ollVe un ovaire de la l'orme d'une gousse de [lois. Il suit (h' ( ^'-^ ) là que l'axe de la ileur arrivé au sommet du pédoncule, devient forcément horizontal, qu'il tait un aui'le droit avec le soutien de l'appareil floral , et qu'il se prolonge au centre de l'ovaire dans la fleur, de la capsule dans le fruit sous la forme d'un placentaire flliforme et central, auquel sont appendus les ovules ou les graines lenticulaires. Voilà la structure normale. Sur de grands pieds de Cuphéas, nous voyons souvent des fleurs isolées, en rien différentes des autres fleurs, chez lesquelles, pendant l'anthèse même et alors que la fleur est loin d'être fanée, la corolle et l'ovaire éclatés et sor- tant droit d'entre eux, dans la prolongation du pédoncule, un gros placentaire central, enflé et charnu, auquel ap- pendent des graines. En disséquant une fleur semblable, on voit l'ovaire réduit déjà à l'état de mince pellicule, comme sera l'enveloppe capsulaire elle-même. Les ligures 5 et 4 sont destinées à représenter cet état tératologique et l'ovaire ouvert. Si l'on coupe ce placentaire longitudinalement, on n'y voit qu'un parenchyme ordinaire et des fibres se rendant aux funicules des graines. Nous avons constaté par des expériences réitérées, que des graines prises sur des fleurs semblables étaient fécondes et devenaient mûres. Elles germent et produisent des plantes en tout conformes à l'essence de l'espèce. Nous avions cru pendant quelque temps que cet état du Cuphea représentait sa déhiscence naturelle et normale du fruit; mais il est facile de s'assurer, tant chez le Cuphea miniata que chez le Silenoïdes, quand la rupture normale du fruit s'opère, que l'axe reste horizontal, sans forte enflure et les funicules allongés et recourbés. Nous avons nommé ce genre de muiistruosilé Gym- ( no) naxonic (de yiiijvo;,^ nii, et da^wv-ovoç, axe), parce (jn'cri eflel, ce qu'il y a de singulier dans celle struclure, c'est la déniidalion, le redressement, l'hypertrophie de l'axe cen- tral /./ //V// '/(}///(• \ I ///, //.' iXI/f . />(!(/ 'J(f(l ACADÉMIE nOYALE DE BELGIQUE. (Exlr. (lu l. XVI II,!!"" Il cf 1-2, des Bullcliiis. ) ÎΩ1?ÏCÎB AP^OMALIES «E DÉPLACEMEINT ANALYbD I>K MONSTRES MOUYEAIX COMPLIQUES lH: MKTArillHli: Dr: DÉDOUIU.LMENT KT DE DISJONCTION; ill. Cl). ilTorrcn, M L .>; t n t u II L A r. A i.< i; ,>n E n o ï a l e de d e l g i q c e . (Luc dans la scaurc «lu S ik-icniljic I8M.) Un ort;onc esl pliilol luic'aiili (|ue (lé|)lacé, disait avec bean'oiip de justesse (ieollroy de S'-lJilaire. Ce principe, qui niaimicul dans toute sa valeur la théorie de linser- (178) lion, telle que M. Auguste de S^-Hilaire l'expose aujour- d'hui, est passée à l'état de vérilé daus la botanique téra- tologique. M. Moquin-Tandon a déjà fait entrevoir une des véritables causes pour lesquelles les ectopies ne se repré- sentent pas dans le règne végétal; car, en lisant attentive- ment tous les cas rapportés par le savant tératologue de Toulouse, on est convaincu qu'aucun n'est une ectopie véritable, c'est-à-dire un déplacement d'un organe quel- conque de l'endroit où il aurait dû naître dans un endroit où il aurait dû ne naître pas. Cette véritable cause, à laquelle les observateurs des anomalies végétales ne font pas une attention assez grande, est évidemment la méta- morphose, propriété si fondamentale de l'organisme des plantes et si inhérente à leur nature, qu'aucun individu n'y échappe. Ainsi, quand, sur une hampe de tulipe, on voit se développer en dehors de la fleur un organe qui possède toute l'apparence et toutes les couleurs d'une division du périanthe, il est évident que ce n'est point ni un sépale ni un pétale qui a pris son insertion en dehors de la fleur au milieu de la tige, mais la métamorphose d'une feuille en organe similaire à l'élément calicinal ou corollin. Ainsi, encore, si, dans le trèfle rampant, il est si commun de trouver au lieu du carpelle léguminiforme du pistil une feuille, ce n'est point cet organe qui a franchi l'espace du dessous de la fleur à son milieu ou au-dessus d'elle sur son axe, mais une simple conversion de la gousse en limbe foliaire. Ces faits et bien d'autres ne font plus conteste aujourd'hui. Lorsqu'on observe une feuille décurrente et qu'on aper- çoit la libération de la lame bien au-dessus du point d'in- sertion du pétiole, il n'est plus personne actuellement qui attribuerait ce fait à un déplacement, puisque la soudure ( i7y ) Texplique tout aussi bien que, se trouvant expliquées [»ar les mêmes raisons , rinllorcscencc épibrac lécnnc du tilleul ou les lleurs épijihylles des Rusciis. Quand donc on est en présence d'un cas de mélaphérie ([jLcTa-'fkpo ^ Iransporler) non encore expliqué, et vis-à-vis de la déclaration formelle des tératologues , que les ecto- pies ou déplacements (et non transport, remarquons-le bien) d'organes n'existent que dans le règne animal , on doit prendre toutes les précautions pour ne pas tomber dans une fausse interprétation des phénomènes, et user de tous les dons de la seconde vue , que possède si bien l'in- telligence humaine, capable d'apprécier les faits avec l'es- prit, autrement que ne le font nos yeux avec leur fonction. Ces réflexions sont commandées par la description d'un ordre de monstruosités végétales et florales du plus haut intérêt, dont aucun auteur de tératologie ne s'est encore occupé, à notre connaissance. Des collaborateurs au Carde- ners Chronide ont bien signalé et ligure dillérentes anoma- lies àes Fuchsia; mais aucune d'entre elles n'était du genre de celles dont nous allons nous occuper ici. Le petit sémi- naire de S^-Trond est devenu pour nous une pépinière de fort jolis monstres, la plu[)art très-instructifs et très-élo- quents, et c'est encore de cette source féconde que nous sont venus les cas fort remarquables de mélaphéries qui forment l'objet de cette notice. Nous en rendons grâce à M. le pro- fesseur Van Oyen et à l'un de ses élèves les plus perspi- caces, M. Jules de Fize. Rappelons-nous d'abord la structure normale et spéci- fique des fleurs de Fuchsia : un ovaire infère et un long tube calicinal terminé par (juatre divisions. Alternalive- menl entre elles, quatre pétales naissant (on mieux se lil)é- rant) au sommet du tube calicinal et plus courts, quoique { 180 ) plus larges que les divisions du calice; puis, huit étamines exserles, que le laxonomiste (Endlicher, par exemple) fait naître à l'insertion des pétales, et cette insertion il la place au sommet du tube du calice; les filets filiformes, simples, contenus et terminés par des anthères introrses, bilocu- laires, incombantes et longitudinalement déhiscentes. Le style est filiforme, libre dans le tubecalicinal , à partir de lovaire et exsert; il se termine par un stigmate capilé, en clou ou quadrifide. On sait combien les horticulteurs ont semé de Fuchsia pour en obtenir des centaines de variétés. L'une d'elles, appelée Scaramouche par cette singulière espèce de bota- nistes, si toutefois un horticulteur botanophile seulement et rien de plus, peut prétendre au grade de botaniste, pré- sente une vraie structure anomale des plus originales. Nous ne pensons pas qu'il y ait dans la végétation des monstres un second exemple de cette organisation où les yeux de la tête n'hésitent pas de voir un véritable déplace- ment d'organes. Ce Scaramouche se reproduit par bou- ture; il est plein d'enseignement et vaut beaucoup mieux que son nom, trop indigne, il faut le reconnaître, d'être jamais celui d'une plante respectable. On ne trouve ce nom de Scaramouche que dans les comédies de Molière et dans les catalogues horticoles. Nous regrettons donc de devoir l'employer, et nous ne le rappelons ici que pour fournir aux botanistes lératologisles l'agrément d'acheter un mon- stre curieux et unique dans l'histoire des belles horreurs de la nature. La figure V^ de notre planche représente une fleur de ce Scaramouche. L'ovaire est normal , le calice aussi ; mais immédiatement au-dessus commence l'anomalie. On voit sortir de l'endroit où cesse le tube calicinal et où com- ( 181 ) menccnt ses quatre divisions, les filets des élaniines, cette fois non enveloppés dans les quatre pétales. On dirait que ceux-ci manquent, du moins à leur place naturelle. Mais on est tout étonné de trouver ces quatre pétales sous la formede quatre grands capuchons corollins et d'un pourpre carminé éclatant, au sommet des élamincs et enveloppant les anthères. Le pistil passe intact et n'a rien d'anomal. Le calice en rose, les filets des étamines incarnats, et les capuchons seuls sont d'une couleur éclatante. Nous avons représenté la Heur vue en dedans (fig. 2). On y voit le pistil au centre parfaitement libre, très-long et normal ; puis on découvre quatre iilets, couleur de chair, longs et étroits, correspondant chacun, quant à sa libéra- tion, c'est-à-dire quant à son insertion selon la descrip- tion du taxonome, à la nervure médiane de chaque divi- sion calicinale. Chacun de ces filets porte sur le dos, extérieurement à l'axe de la lleur, un cornet ou pétale cuculliforme, en capuchon dilaté et très-grand. Le filet de gauche continue son filet sous la forme d'une seule éta- mine avec une anthère fertile qui se replie dans le capu- chon; les deux filets d'au-dessus et de droite ont chacun deux étamines à anthères fertiles, devenant distinctes Tune de l'autre, un peu au-dessus de la naissance du cornet. Enfin , le filet de dessous, outre un capuchon fort bien formé, offre trois étamines distinctes au-dessus du capu- chon et chacune ayant une arithère fertile. Voilà ce que l'on voit. Évidemment, si l'ectopie n'existe pas de la végétation, c'est-à-dire une monstruosité par déplacement, il doit y avoir certainement transport d'organes, car les pétales, au lieu de naître entre et à la base des divisions du calice, au-dessus de sou tube, naissent et deviennent visibles, ( 182 ) amples et colorés, au haut des étamines, au-dessous des anthères. Il y a donc ce que nous appelons métaphérie ou monstruosité par transport. Ce transport est une glissade organique; nous le verrons tout à l'iieure. Cette métaphérie donne lieu à plusieurs inductions inté- ressantes. Au fond, il est évident qu'en remontant à son origine première, on la trouve dans une soudure de l'élément corol- lin avec l'élément androcéen. Les fdels des étamines ont absorbé les pétales, ils les ont avalés, si nous pouvons le dire, ils ont fait soi les pétales , et puis, plus haut que leur lihération ordinaire, près des anthères, ces fibres pétaloïdes se sont fait jour, et l'organe a repris sa forme, sa texture, ses couleurs, avec quelque variation , il est vrai, mais au total avec la plupart des caractères essentiels et sa nature normale. A l'œil, on dirait l'insertion variée, transportée, dépla- cée; car nous ne voyons nulle part des étamines produire et porter des pétales, mais nous voyons souvent des pétales porter des étamines (stamina catapelala). Mais on a bien- tôt, par l'esprit, redressé l'erreur commise par l'inspection et ramené à sa véritable cause la soudure d'une anomalie si extraordinaire. Un second fait est non moins clair. C'est la dissimula- tion complète de la corolle dans les fdets de l'androcée, pendant tout le trajet où le capuchon n'existe pas. Si la soudure existe, et elle ne saurait se nier, on doit dire qu'elle est telle que son existence ne se traduit nullement au dehors. On dirait d'une fusion complète et d'une ré- duction totale de matières organisées. ïl est vrai que, dans une fleur de Fuchsia normale, la soudure intime avec fusion des matières organiques des (185) appareils confondus, se fait eiilre la corolle et le calice, de manière à libérer le premier de ces deux verticilles seule- ment là où le second perd sa l'orme de inho. Dans la méta- pliérie signalée, la fusion et la soudure des organes corol- lins se continue du calice aux lilels de l'androcée; mais ce fait même n'en est que d'autant pins intéressant. Le type spécifKjue de la lleur du Fuchsia est basé sur le nombre (pialre et ses multiples. Il s'ensuit qu'il y a pour les huit éiamines deux verticilles de quatre étamines chacun. Les lois de l'alternance prouvent donc (jue, dans la méla- phérie en question, ce sont les étamines du veriicille infé- rieur (ou le plus externe, ou le premier) qui ont forcé les antres à se souder avec elles. En effet, ces élamines du premier verticille doivent se trouver opposées avec les sépales, alterner avec les pétales, et la dissection prouve évidemment que ces élamines ont conservé leur rang, leur insertion , tandis que les autres ont perdu leur place pour venir se joindre aux premières lanlôt deux à deux , tantôt trois à trois, tantôt même (fig. 7) (piatre à quatre. Cette observation mène naturellement à une autre question plus dilTicile à résoudre et dont le résultat est plus entaché d'incertitude. Cette question la voici : Il est évident que, dans une (leur F)ormale de Fuchsia, les pétales occupent l'intervalle entre les divisioFis calici- nales. Cependant, dans la mélaphérie, chaque cornet péta- loïde est placé vis-à-vis des divisions du calice. Y a-l-il eu déplacement? Y a-t-il eu torsion de 45 degrés du verticille corollin dans la soudure androcéenne? Aucun indice d'un tel mouvement circulaire ne s'observe dans la direction des fibres : toutes celles du calice et des lilels sont reclili- gnes. Il serait donc plus j)in(Ient d'admettre que clKKjne cornet slaminal dans la métaphérie provient de deux ( 184 ) moitiés respectivement voisines de deux pétales alternes avec les sépales, à peu près comme on s'explique l'orga- nisation de l'androcée dans les Fumariacées et les Asclé- piadées. Mais nous n'hésitons ])as à déclarer qu'à l'égard de cette genèse des cornets, nous conservons quelques doutes, bien que nous soyons légitimement en droit de la concevoir de cette façon , vis-à-vis des lois de l'alter- nance, plus fixes que les disjonctions à soudures. Nous ferons remarquer qu'il est impossible, dans cette métapliérie, d'admettre que les cornets pétaloïdes et rouges qui accompagnent les étamines soient des modifications des connectifs comme dans les Aquiléges. Cette impossi- bilité saute aux yeux, vis-à-vis des figures 4 et 7 , qui re- présentent, l'une (4) un de ces cornets portant à son bord et à l'extrémité du filet une anthère parfaitement normale, sans modification aucune du connectif; l'autre (7) , un double cornet évidemment formé de deux parties soudées, mais provenant d'un filet renîbrcé de quatre élémenis staminaux. Aussi y a-t-il là quatre anthères conïplètes, dont trois terminent des extrémités de filets séparés, et une anthère soudée, la quatrième, porte même une loge supplémentaire transversale, qui ferait croire à une sou- dure avec demi-résorption de deux anthères en une. Il ne peut donc être question ici de modification du connectif en pétales. Nous verrons cependant conmient le passage entre ces deux sortes de cornets s'établit dans les Fuchsia Scaramouches mêmes. examinons la fleur représentée fig. 3. Elle est certes un monslredes plus intéressants. L'ovaire infère est netle- mcnt distinct du calice; mais au bas du tube de celui-ci se piésente une feuille dont la coloralion, d'un vert jaîinàtre, ferait soupçonner la nature des bradées, et à { 185 ) l'aisselle de cette feuille une élamine isolée, avec anthère fertile, placée donc entièrement hors de la fleur. Ici, on dirait d'une eclopie véritable. Puis vient le tube du calice, divisé, en haut, en sept lanières, et l'une de ces lanières oflVe une teinte rose sur une moitié et une teinte rouge pourpre sur l'autre. Deux pétales de forme ordinaire se développent immédiatement sur la gorge de ce calice évidemment dédoublé, et de là naissent aussi sept étamines, lesquelles ofl'rent les parti- cularités suivantes : Deux de ces organes présentent leur structure ordinaire ; Trois se trouvent soudés par leur lilet en un corps unique, mais vers la moitié de l'organe, les filets respectifs de ces étamines s'isolent ; Une étamine laisse voir, sur la moitié de la longueur de son fdet, un lambeau denté d'un pétale, rouge comme celui-ci; Une septième étamine présente, avec une torsion s[)ira- loide de son lilet , une conversion de son anthère en cornet pétaloide; Eniin, le pistil est normal. Sur deux autres fleurs de Fuchsia appartenant à d'au- tres variétés que leScaramouche, nous avons retrouvé un état analogue, et ce sont les analyses faites de ces anthères modifiées que nous avons représentées //f/wr^s 5 et 0. Sur l'étamine 5, il est évident que le cornet est dû à un prolon- gement du connectif, avec séparation et distraction des loges (le l'anthère rendues stériles. Ces loges sont réduites à deux callosités divergentes. L'étamine //r/. 0 montre le passage du cornet corollin de la /i(j. \ au cornet coniuctival de la /<{/. (>, pui^pu; l'organe rouge cl de consistanee pétaloide uait à la base (186) de Tanlhère et au-dessous, pour se prolonger au-dessus et comprendre dans son plan les deux loges de l'anthère ré- duites également à un état caronculaire. Donc, nous avions raison, pensons-nous, de nous servir de celte métaphore dans notre langage de plus haut, à savoir que le pétale glissait sur l'élamine pour se souder avec elle et se détacher ici à moitié chemin (éla- mine de la figure 5), là au-dessous de l'anlhère (étamine) des figures 1 et 2, figures 4 et 7), et enfin dans et au- dessus de l'anthère même, modifiant ainsi son conneclif, prolongement du lilet sur lequel le pétale a glissé {fig. 5 et 6). Ce glissement organique est un transport sans dé- placement, une métaphérie sans ectopie ; car l'insertion (placement) de Télément corollin n'a pas changé, mais seulement sa libération, son exsertion , comme l'eût dit De Candolle, a eu lieu plus haut, vers le sommet de la fleur, que dans l'état normal. Nous pensons que c'est là l'explication naturelle qu'il faut donner de ces phénomènes d'un ordre anomal. Il nous reste maintenant à discuter un des faits les plus intéressants signalés dans la fleur mélaphérique figurée au numéro 3. Nous voulons parler de cette étamine isolée, exlra-calicinale, naissant, dirait-on à l'aisselle d'une bractée. En décrivant la fleur, nous disions : on dirait d'une ectopie véritable. En effet, qu'y aurait-il de plus simple pour se rendre compte de cette insertion si extraordinaire que d'admettre le déplacement d'une éta- mine, élément organique interne dans la fleur, unité du verticille androcéen, le troisième en rang dans la fleur normale, dans un endroit externe, en dehors et au-des- sous du calice? Quand on a nié, ajouterait-on, dans les traités de tératologie végétale, l'existence des ectopies, ( 187) telles qu'il en existe dans le règne animal, c'est qu'un cas comme celui-ci ne s'était pas présenté. Mais ici , l'éla- mine ne naît pas à sa place; elle est insérée à l'aiselle (l'une bractée et en dehors et au-dessous du calice. Donc s'il y eût une eclopie au monde, c'est bien la structure de ce Fuchsia monslrueux. Mais telle est notre foi dans les lois immuables de l'or- ganisation typi(|ue, qu'un tait si extraordinaire, comme le serait un vrai déplacement contraire aux règles de l'in- sertion, ne peut pas à nos yeux exister réellement. Il faut dégager rap()arence de tout ce qu'elle olFre de captieux, et arriver à la vérité en écartant les causes nombreuses d'erreurs échelonnées sur la voie au bout de laquelle la nature restera saine et sauve, toujours semblable à elle- même. Analysons donc celle Heur essentiellement instruc- tive avec toute la perspicacité possible de la seconde vue que donne l'étude si attrayante d'une tératologie philo- sophicjue. L'organe bractéimorphe à l'aisselle duquel celte élamine prend naissance, est-ce bien une bractée? La couleur verte la ramène seule à cet ordre d'organes. Son insertion est au-dessus de l'ovaire, non au-dessous, el dans les Fuchsia l'ovaire est infère. Cette dernière raison suftirait pour rejeter l'opinion que ce put élre une bractée soudée à l'ovaire et se faisant jour au-dessus. Il y en a une se- conde. Dans cette lleur métaphérique, le calice est dédou- blé : on voit visiblement sept divisions au somme! du tube. Où est le liuilièine? Il en faut huit, puisque le nonibie normal des divisions caliciiiales est quatre. Evidt'ninu'nl, celte huitième division, ou, si l'on veut, cehuilième sépale est la bractée prétendue; seulement l'organe, la feuille cnlicinale, au lieu de |)oiirsnivre sa soudure au-dessus de ( 188) l'ovaire avec le tube de son verlicille, s'est libéré plus bas que de coutume, et cela sans doute à la suite du dédouble- ment organique de son verticille, du transport de deux pétales sur quatre et de la force d'anomalie qui déjà s'était emparée des organes staminaux. Une anomalie aussi profonde qu'une métaphérie, la seule qui se rapproche autant d'une ectopie impossible, peut bien, ce nous semble, agir sur l'organisme en voie de développement, au point de déjeler vers le dehors des fibres et des éléments tissulaires qui normalement auraient dii rester soudés. C'est même un petit effet pour une altération si grande. Reste maintenant à expliquer, d'après les lois ordinaires de la disjonction , la présence de l'étamine qui semblait une ectopie. Rien de plus simple. Il y a sept étamines en place dans la fleur : c'est donc la huitième seule qui serait déplacée et serait pourvue d'une insertion contraire à toutes les lois les plus immuables. Mais, remarquons que dans les fleurs de Fuchsia, les étamines sont normalement catapétales ou soudées en bas à la corolle, et celle ci est supère, donc soudée avec le calice. Or, quoi de plus na- turel que si un sépale, au lieu de se souder avec ses homo- logues en tube, reste libre, qu'il entraîne avec lui le filet de l'étamine du premier verticille de l'androcée corres- pondant à sa nervure médiane? C'est donc une simple disjonction, un rejet au dehors, une exsertion anticipée, que cette étamine si singulièrement située, mais ce n'est pas un déplacenient organique, ce n'est point une ectopie. Telle est, suivant nous, la véritable signilication tératolo- gique qu'il faut donner à ce genre de monstruosité ex- traordinaire, il est vrai, par sa rareté, curieux par les réflexions qu'elle fait naître et hautement intéressante par l'appui donné aux vcrilé^: fonda mentales d'une science si (189) inlimcmeiU rallachce aux vues les plus pliilosopliiciues el les plus cléganlcs. EXPLICATION DES FIGURES. I-i(j. 1. Fleur de Fuchsia, variété dite Scnramouche ; {yrandeiir nalurelle, 2. Id. vue en dedans et d'en haut. 5. Id. frappée de mélaj)hérie c( rolliue, de dédouble- ment calicinal et de disjonction staminale. 4. Cornet mélaphérié fi//.f/<' /Ucat/. A'f)//. 7o//f r \\ ///, // '/If f/-/ /'(i^/- '>(>'> Uc/((i>/ii'/-n\s- (/es /')(c//S/((S. ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Extr. du t. XVIII , nos 1 1 cl 1-2 , des Biillelias. ) UAPPOKT Sur un mémoire ayant pour épigraphe pro patria, présenté à r Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique, en 18jI , en réponse à la question suivante : « Faire connaître la nature, la formation et la topographie actuelle « des polders de la rive gauche de l'Escaut et du littoral belge; « donner un coup d'œil sur les différentes périodes de leur formation » et de leurs accroissements, en s'appuyant sur des documents hislo- » riques; en décrire la mise en culture , les endiguements et les tra- » vaux d'art, et exposer le système d'économie rurale qui y est ac- » tuellement en usage, les constructions, les instruments aratoires, » les races d'animaux domestiques, les causes de la fertilité; enfin, « étudier les différents moyens d'augmenter les ressources agricok's « de cette contrée. » PAR M. Ch. Morren. L'Académie, a de tout temps, regardé comme runc de ses plus nobles prérogatives, et nous disons même comme un de ses droits les plus imprescriptibles, de ne pas enserrer la science dans les liens étroits de la politique. 0"^ celle- ci limite les frontières de la Belgique, bien en deçà des rives de l'Escaut, la nature, sans s'incliner devant les po- ( 19-2 ) teaux de la douane ni limiter ses provinces par le bario- lage des uniformes, emploie, pour circonscrire ses régions par des barrières ineffaçables, des fleuves, des mers, des montagnes, l'ossature même du globe terrestre. L'Acadé- mie, en vertu de son éternelle mission , a donc cru devoir suivre en cette circonstance les prescriptions d'une géo- graphie vraiment naturelle, et sans s'inquiéter de la police des passe-ports , elle a étendu , cette fois , les bienfaits d'un concours national au delà des frontières du pays; elle a pensé que puisque la Flandre et la Zélande ont des côtes communes, on pouvait les regarder comme fatalement inséparables. C'est cette idée qui a fait comprendre dans une question du concours de 1851, et en vue d'une étude "complète, le littoral belge et la rive gauche de l'Escaut occidental. La Belgique, livrée depuis vingt et un ans, l'âge des majorités, aux libertés d une émancipation, virile de bonne heure, a compté et compte encore des peintres habiles qui ont esquissé à grands traits le caractère fortement accentué de plusieurs de nos régions. Les Ardennes ont été sillon- nées par des touristes doués de l'art difficile de bien dé- crire. Les bords de la Meuse , célébrés en vers et en prose, ont éveillé de chaleureux souvenirs; les légendes , les récits historiques charment les veillées autant que la description de leurs richesses industrielles. La Campine elle-même, avec ses vastes horizons et ses bruyères uniformes, si ri- ches d'avenir, s'est vue scrutée dans son sein comme à sa surface, dans son histoire comme dans ses ressources, et la Belgique tout entière s'est intéressée à son sort. Les plaines fécondes de la Flandre, les collines variées du Brabant, le Hainaut si puissant par son génie et ses trésors manufac- turiers, le pays de Liège si émouvant par le caractère pit- toresque de ses paysages et par les péripéties incessantes { i*J5 ) de sou liisloire, toutes ces régious sont incessamment parcourues, peintes et décrites par une foule empressée, heureuse de constater la puissance agricole, industrielle, artistique, littéraire et scientilique de ces anciennes pro- vinces. C'est ainsi que la Belgique augmentera l'estime qu'elle se doit à elle-même en apprenant à se connaître. Mais, afin qu'aucun membre do ce cor[)s, la patrie, qu'il s agit d'observer minutieusement, n'écliap[>e à l'in- vestigation de ceux qui le fécondent en l'étudiant, l'Aca- démie, qui n'a jamais cessé d'éclairer l'opinion publique dans le cercle de ses attributions, s'est emi»rcssée de lui signaler une partie du pays, rarement visitée par les hommes désireux de s'instruire et de s'émouvoir, oubliée, pour ainsi dire , sur nos côtes sans marine et à peine con- nue de quebpics-uns de ces savants fort rares, qui, dans l'intérêt de la géologie et pour connaître quelques terres , dans l'intérêt de la botanique et pour retrouver quelques chétives plantes, dans l'intérêt de l'agriculture, la science des paysans et des propriétaires campagnards, ne se font pas faute d'aller en pleine Europe à la découverte de cer- tains mondes ignorés. Celle partie du pays est celle généra- lement désignée sous le nom de région des polders, limité<^ du côté des eaux par l'Escaut occidental et la mer du Nord, et du côté des terres par une ligne partant de liurcht, près d'Anvers, longeant à peu près nos frontières linjitrophes de la Zélande jmur entrer dans la J'iandre occidenlale, laisser Bruges en dehors de sa direction , descendre enfni près de Dixmude, célèbre par ses gras j)âlui'nges, et abou- tir à Bulscanij), entre Eurnes et Duidvcnjue. Celle limite est une lisière en forme de croissant, de 150 kilomètres de longueur et de !.*> kilomètres de largeur; elle comprend une zone des plus curieuses, des plus instructives, des plus riches, et disons-le, quoiqu'on le conteste, une des ( 194 ) plus heureuses de nos contrées européennes. Elle abonde en phénomènes de tout genre, elle est pleine d'enseigne- ments dont d'autres pays, s'ils le veulent et s'ils compren- nent leurs intérêts, sauront tirer un fructueux parti. Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles l'Académie avait pensé h cette partie du pays, et remarquons-le, comme l'auteur du mémoire envoyé à son examen a eu la délica- tesse de le rappeler lui-même, le premier corps savant de la Belgique a manifesté plus d'une fois ses sympathies en faveur de celte zone intéressante. En 1775, il mettait au concours la relation de l'ancien état de la Flandre ma- ritime; en 1827, il demandait qu'on étudiât les change- ments que la côte avait subis d'Anvers à Boulogne, de- puis César jusqu'à nos jours, et chaque fois l'Académie eut à couronner des travaux qui avaient répondu à son appel avec un incontestable talent. Cette fois, en 1850, le concours sur l'exploration de cette région exigeait beau- coup plus de variété dans le savoir des auteurs : ce n'était plus une spécialité restreinte, mais la question embrassait la géologie, la topographie, les changements subis par le territoire dans la suite des siècles, les documents histori- ques, toute l'agriculture et l'économie rurale, les construc- tions, les endiguements, les travaux d'art, les hommes, les êtres animés et vivants; et pour couronner fructueuse- ment cet ensemble, le concours, ne se bornant pas à l'état actuel des choses, exigeait de tracer pour l'avenir des conseils utiles et des améliorations réalisables. On eût pu croire que, devant tant d'exigences, un zèle même éclairé, et précisément parce qu'il avait cette qualité, eût pu flé- chir; mais le rapporteur a hâte de le dire, il s'est trouvé parmi les fds mêmes de cette région des polders un homme instruit, qui a répondu presque avec un succès complet à l'attente de l'Académie; ce rapport aura plus d'une fois ( 195 ) roccasioii de faire valoir le mérite de son remarquable travail. Nous quillons liruxelICvS, plongée dans les distractions fastueuses des capitales, nous saluons devant Laeken le palais de nos souverains, nous volons à travers les prai- ries de Vilvorde, où l'œil de l'agronome voit subsister avec chagrin de nombreux monticules, suite d'une déplo- rable négligence; bientôt nous arrivons aux. sablesdeMa- lines, que l'engrais a fécondés, nous tournons vers les Flandres; le petit Brabant, région agiicole toute spéciale, apparaît à nos yeux, ceint de ses milliers de haies et de ses innombrables clôtures; insensiblement les champs prennent l'aspect blond et coquet que leur donne l'agricul- ture flamande; l'odorat nous avertit que nous sommes en pleine Flandre, et l'on se demande pourquoi la chimie, en possession de procédés très- simples, n'a pas assez d'em- pire sur ces populations si actives pour rendre à l'atmo- sphère de cette province une propreté digne de celle de ses terres: nous sommes à Gand, à qui incombe cette mission. De la seconde ville du royaume à la région des polders, aucun embranchement d'un chemin de kv quelconijuc ne conduit les populations sur les ailes de la vitesse. Le pre- mier contact qui met en relation l'étranger avec l'habitant de ces lieux , se fait par ranti(iue char à banc, ample et largement taillé, décoré dans le pays du nom radieux de phaéton. L'œil attentif s'est aperçu déjà d'un changement dans les proportions des objets, et quelques regards jetés sur le cocher et les chevaux , ont bientôt justilié ces ren)ar- ques. L'encolure, le poitrail, la croupe, les membres vi- goureux et dilatés de ces carrossiers, donnent à l'observa- teur une idée anticipée, mais vraie, de la fécondité du pays. A peine, grâce à leurs pas retentissants, a-t-on fran- chi les faubourgs de la ville, qu'on sent à je ne saisiiuellc ( 196 ) moiteur dans l'air et à quelle odeur salée , répandue autour de soi, qu'on se trouve dans une contrée très-basse et qu'on marche vers le littoral. Les fossés rectilignes, carrés et nombreux, la disparition complète des prairies, leur remplacement par des bordures vertes ceignant de petits champs, des haies doubles et parallèles, des arbres qui ne naissent pas de la surface de la terre, mais dont les troncs sortent d'à demi-côte dés fossés, des essences molles tail- lées pour en faire du bois à sabot, des chemins proprets et précautionneux , des routes pour les chevaux, des acco- tements pour les hommes et des arbres partout, tout cet ensemble caractérise la vraie Flandre agricole. Peu à peu les arbres deviennent plus nombreux et plus grands, des bois, des forêts même viennent ajouter leur fraîcheur à la brise naturelle et constante de l'air, une vi- ridité dont les autres provinces ne pourraient fournir un second exemple, vous entoure de toute part, le ciel a peine à se chercher entre les branches pressées et touffues; la terre toujours humectée est moussue et veloutée , et l'on comprend devant cette végétation arborescente pourquoi, dans les descriptions de cette partie de notre pays, on si- gnale ce hout-land (pays de bois) particulièrement; ce hout-land, quoique cultivé en parcelles très-petites et dis- tinctes, par des fermes exiguës, n'en contient pas moins plus d'arbres, à étendues de terrain égales, que nos pro- vinces les plus boisées. On croirait en effet voyager sous une voûte sans fin, de bosquets et de parcs seigneuriaux. Tout à coup et sans transition aucune, mais brusque- ment et subitement, tous les arbres sont laissés derrière vous , et un dernier regard , jeté sur le hout-land que vous (jiiitlez , vous montre sur toute l'étendue d'un horizon dont aucun accident de terrain ne vient interrompre l'unifor- mité, une longue lisière en rideau , espèce de serpent im- ( <97) meiise, donl ciiaqiie écaille est un tronc vigoureux cl de hajite taille. Au delà et devant vous, plus une cime, plus un tronc , mais de rares arbustes, rabougris et tortueux, et au lieu d'un dùme de verdure , l'azur pâle ou le voile gris de la voûte céleste. Les fossés, les haies, les clôtures ont disparu, mais des champs féconds, couverts d'une luxueuse et grasse végétation, admirablement labourés, remués et sillonnés malgré leur étendue, d'une propreté sans rivale, peignés et sans tache comme une statue anti- que, se parquent à vos côtés et à perle de vue. Ces champs se limitent par des ligues toujours droites, des angles droits et des digues élevées, toutes liées entre elles. De distance en distance et au milieu de ces plaines endiguées se détachent des fermes isolées. Une population dont le caractère grave et digne, dont les gestes mesurés quoiqu(; sans lenteur, dont le maintien, la physionomie et surtout le regard , expriment la droiture de la raison et le calme de l'âme, cette population, ce ciel et celte terre frappent de nous ne savons quel sentiment de méditation et de pru- dence, l'homme impressionnable qui visite les polders, car nous y étions dès que les cimes du houl-land nous avaient abandonnés. Nous avions raison de le dire , la zone des polders ne ressemble à aucune autre contrée de notre pays; ciel et terre, eaux et champs, plantes et animaux, demeures et hommes, langue et pensées, tout y dilfère d'ailleurs. « L'ha- bitant des polders, dit l'auteur du mémoire qui a été soumis au jugement de l'Académie, vit au milieu d'in- lluences énervantes; il a besoin de plus de bien-être, de plus propreté, de plus de chaleur, de plus de stimulants et de plus de nourriture. Tout cela le rend moins apte peut-être aux travaux et aux soins incessants de la vie des campagnards d'autres i)ays. Il dédaigne le travail des ( ^98 ) mains, il aime la conversation et même la lecture. Le soin réclamé par l'élève des animaux domestiques est peu de ses goûts; il préfère la culture des céréales dont la défaite est plus facile et plus assurée. Réduit à cette seule res- source, sa fortune, son avenir dépendent des chances du marché : quelques années de bas prix le ruinent, quelques bonnes années renrichissent et le mettent à même de se reposer de ses affaires. Tandis que le cultivateur retiré est, dans les Flandres, un homme vraiment à plaindre, dans les polders, il est considéré et en devient fier, le rusten land- man vit dans le confort et se donne largement les agré- ments d'une double vie, la matérielle et l'intellectuelle. » A tous ceux , en effet , qui sont fatigués des agitations de ce monde, nous dirions d'aller vivre dans les polders; ni villes, ni palais ne viennent vous rappeler les préoc- cupations et les soucis inquiets des peuples, et que mes- sieurs les publicistes, si chatouilleux sur l'immense empire exercé par la presse, nous le pardonnent, car nous ne saurions qu'y faire , mais leurs carrés de papier, s'ils y arri- vent, s'y oublient dans une indifférence complète. Le silence d'une quiétude générale pénètre l'atmosphère; les eaux, dont la vue ne saisit pas les limites, sont veuves de voiles, et des phoques nombreux, mais sans voix, soufflent avec crainte pour ne pas interrompre cette pause que la nature s'y donne; des nuées d'oiseaux du littoral y pèchent sans trouble une proie abondante, et dans quelques rares marais de la contrée, les hérons, appuyés gravement sur une patte, attendent dans une sécurité pressentant son succès que le reptile se présentera de lui-même pour lui servir de pâture. II y a partout dans cette région, dans tout ce qui vit, sent ou respire, un maintien d'assurance et de confiance en soi , tellement prononcé que l'ombre d'une inquiétude ne peut jeter la moindre perturbation ( 190 ) dans des jours qui s'y écoulent éternellemeni les mêmes. Quand les horizons politiques se rembrunissent , que les orages couvent, grondent ou éclatent, le cultivateur des polders trace paisiblement son sillon et se re[)Ose en Dieu et dans son grain, dont il sait bien que les hommes ne sauront jamais se passer. Cette assurance est le secret de sa vie tranquille. Conquises sur le domaine de l'Océan, les terres poldé- riennes n'ont pu être utilisées par l'homme qu'à la suite de grands et solides travaux d'art. La géologie donne exactement la limite de ces terres de dépôt. L'auteur du mémoire reçu, décrit, dans la première partie de son tra- vail, la topographie de celte localité; mais, prévenant le lecteur et ses juges, il déclare habiter ces lieux dans une privation complète de bibliothèque et de commerce scien- tilique. On ne saurait méconnaître, en effet, que la partie géologique est faible en comparaison de ses excellents chapitres sur l'économie rurale et l'agriculture. L'auteur l'ait de la géologie poétique; il parle volontiers de cata- clysmes et de soulèvements , comme si la géologie n'avait pas depuis longtemps abandonné en grande partie ses rêves de révolution et fait entrer aussi le calme dans la for- mation du globe. Cataclysmes et soulèvements dans un endroit où les sédiments et les dépôts se forment paisible- ment ne viennent guère à propos. Il est même à regretter que, M. Dumont ayant publié, dans le 5' volume du Bulletin de r Académie, et ce en 1858, une carte géologique des terrains poldériens avec des détails très-précis sur leur nature, l'auleur du mémoire n'ait pas pris connaissance de ce travail indicateur. Il le devait, selon nous, pour plus d'un molil". La ques- tion (le TAcadémio demandait de déterminer la nature i\cs terrains des polders, et cotte demande était faite* entière- ( 200 ) ment en faveur des concurrents : elle leur laissait l'occa- sion de publier, pour la première fois, l'analyse de terres les plus extraordinaires du monde , sous le rapport de leur fécondité. Il y avait lieu, à cette occasion, d'entrer dans les entrailles d'une agriculture raisonnée et exacte. Les minéralogistes et les géologues ont des idées très-vagues sur ce qu'il faut entendre par argile : ce sont pour eux des terres plutôt caractérisées par leurs propriétés physiques que par leur composition chimique. Les analyses de MM. Berthier et de Salvetal prouvent que, chez les argiles à poteries, la silice l'emporte sur l'alumine; le reste est, dans ces terres, de l'oxyde de fer, de la chaux, de la magnésie et de l'eau (1). Au contraire, les analyses de Thàer et d'Einhoff, confirmées par MM. Boussingault, Pelouse et Fremy(2), faites sur les terrains argileux, ré- putés les meilleurs pour la production du froment, donnent un excédant en faveur des éléments argileux au détriment de la silice ou du sable siliceux, et cela dans des rapports de nombre proportionnellement inverses. Le rapporteur de votre commission a étudié par lui-même les polders, il a analysé leurs terres au microscope et démontré l'excédant chez elles du sable; il possède des analyses chimiques mul- tipliées de différentes terres de ces contrées, faites par M. Kuppferschlaeger, professeur de chimie à l'Université de Liège, et ces recherches prouvent qu'à la fertilité la plus riche en fait de production de froment, les terres poldé- riennes joignent la composition des argiles à poteries : contradiction flagrante avec tous les principes admis en agriculture. De plus , il y avait à examiner à ce sujet com- (1) Voyez Dufresnoy, Minéralogie, l. III, p. 2i59. (2) Voyez Pelouse et Fremy, Chimie (1850), t. III, p. 847. ( 201 ) ment le sel , doiil la quanlité dans les polders, nouvelle- ment endigués, ne permet pas la culture de nos plantes alimentaires, disparaissait du sol ultérieurement et fai- sait place à une fécondité continue et remarquable. Le rap- porteur pense que, dans cet ordre de faits, la physiologie des plantes spontanées est appelée à jeter des lumières du plus haut inlérôt. Dans son esprit, en proposant la ques- tion à l'Académie, il avait en vue de laisser parcourir aux concurrents ce champ si heureux en découvertes utiles. Le concurrent ne s'y est pas avancé. La partie historique nous paraît beaucoup mieux traitée. L'auteur joint à son travail des cartes de 900, de 1300, de 1610, de 1773 et de 1811. L'un de nous regrette de ne pas voir l'analyse, parmi ces travaux , des études de l'in- génieur M. Rummer, et tout au moins la réduction des cartes publiées par ce savant. C'est, du reste, une omission facile à réparer. L'auteur discute, ce nous semble , en pleine connaissance de cause, les changements de nos côtes avec une sage critique, et il émet à cette occasion, sur la fosse Othonienne, des idées qui, sans doute , seront appré- ciées avec intérêt par nos collègues si érudits de la classe des lettres. La seconde partie de son mémoire s'étend sur les tra- vaux d'art. Elle est conforme aux vrais principes en celle matière, elle reproduit avec fidélité et dans une grande simplicité de langage, lelat des choses actuel , et sous ce point de vue, la publication de ce mémoire rendra des services aux contrées où des travaux analogues sont récla- més. Notre honorable collègue, M. De Vaux , chargé d'exa- miner avec nous ce travail, a consigné, dans son rapport spécial , des vues à cet égard entièrement conformes à no- ire propre jugement. La troisième |>arlie comprend l'économie rurale <'t lagri- ( 202 ) culture. Ici, nous nous croyons le droit d'être sévère, quoique juste, parce qu'évidemment, nous avons devant nous un homme qui possède le tact de ces affaires, riche de son expérience ou de celle d'autrui , éclairé de ses ob- servations ou de celles des autres, et, après une étude si remarquable des polders, il est certes très-licite de lui de- mander d'être exact et utile jusque dans les dernières li- mites. Le rapporteur se met donc à l'aise; il croit devoir, dans l'intérêt même du concurrent, attirer son attention sur plusieurs lacunes qu'on peut signaler dans un mémoire où, se plaisant à rappeler le correctif d'un regret, les bonnes qualités l'emportent de beaucoup sur les défectuosités. Après s'être attaché à l'étude du Thomas-Polder , près deBiervliel, l'auteur parle de l'enfouissement des herbes maritimes. Il était là sur une pente pleine d'intérêt. Son mémoire ne discute pas la question de savoir à quels or- dres de faits il faut faire remonter cette prodigieuse fécon- dité des terres poldériennes qui se couvrent de riches ré- coltes pendant vingt ans sans recevoir jamais d'engrais. Quand il expose la formation des schorres et la construction des premiers endiguemenls, il ne parle pas du singulier phénomène de la végétation initiale et spontanée de ces terres, toujours la même, se succédant toujours dans les mêmes variations. Il ignore, à ce qu'il paraît, le méca- nisme providentiel qu'emploie la nature pour ôter de ces terres le sel en excès au moyen de la bienfaisante sali- corne. Ces recherches si belles et les seules qui puissent ici satisfaire à la curiosité de l'esprit et à l'exigence de la raison , ne paraissent pas être du domaine de Tauteur, et nous nous l'expliquons, car dans plus d'un passage de son mémoire, il laisse percer cet éloignement que professent certains propriétaires-cultivateurs et non agronomes pour les savants, les livres et la vérité. Cependant, la science, et ( 205 ) même sculemenl la science complète et approfondie, peu( , dans lout ce qui appartient à rintelligence humaine (cl depuis (juand ragiiculturc ne serait-elle plus de son do- maine?) donner lo dernier mot des problèmes. Cette ten- dance, dans l'esprit de certains aveugles, peut momentané- ment être déplorable, mais c'est une simple question de temps, le grand niveleur des opinions au proiitdu vrai. En parlant des améliorations, l'auteur signale le drai- nage. Le rapporteur n'a pas vu, sans un pénible élonne- ment, que, dans un mémoire approfondi, exact surtout dans la description des méthodes de culture, le drainage dont on a tant parlé dans ces dernières années, était mé- connu dans son origine et dans son invention. En efl'et, le drainage par tuyaux en terre cuite et souterrains est pratiqué depuis des siècles dans les polders; les baux en font foi, et ces tuyaux y ont été appelés de tout temps droog-buysen , tuyaux de dessèchement. Cette importante amélioration agricole doit être réclamée par nous comme une invention nationale, que les Anglais sont venus copier chez nous et contrefaire chez eux. Les polders étaient lettre morte dans les annales de l'agriculture. 11 était facile de leur ravir, sans se donner l'apparence même d'un plagiat, une si féconde idée; mais nous, qui avons vu dans les pol- ders de l'arrondissement de Piiilippine, le drainage établi selon toutes les règles, nous à qui des cultivateurs répon- daient que leurs aïeux les plus reculés faisaient la même opération, comme on pouvait s'en assurer par les baux et par les fardes processales, nous ne pouvons conserveraucun doute sur la haute antiquité de ce travail dans les régions les mieux faites pour le recevoir et en recueillir les bienfaits. Quand l'auteur décrit et ligure la grande charrue, dite wallonne dans la région des polders, il en attribue la pro- pagation à des conscrits français réfugiés en Zélande. Le ( 204 ) rapporteur ne rend pas cet honneur à un conscrit français, mais à un conquérant d'une taille presque antédiluvienne, ni plus ni moins qu'à Charlemagne. Allen Ransome cile un manuscrit saxon, publié en Angleterre, où l'on voit figurer la charrue que Charlemagne faisait introduire par les Saxons vaincus dans les pays de son empire. C'est en tout point la charrue des polders, charrue qui jamais ne s'est vue dans nos provinces wallonnes depuis des temps connus. L'auleur ne parle pas non plus à ce sujet du con- tre circulaire et à mouvement continu, contre qu'on voit appliquer à cet instrument. Nous en avons trouvé le même modèle dans le Northumberland et le comté de Durham, où cette charrue servait à découper les tourbes. Ce coutre est aussi une très-ancienne invention. Le rapporteur signalera, de même, à l'auteur du mé- moire Pro patria, quelques lacunes moins importantes qu'il serait utile de combler dans l'intérêt de l'agriculture générale de notre royaume. Il voudrait voir publier le dessin de la charrette à trois roues, de l'araire ordinaire des polders, ainsi que les représentations du cheval, du taureau, de la génisse, du porc, du mouton de ces con- trées. Le rapporteur s'étonne, et il le confesse sans détour, de ne pas trouver dans ce travail sur l'économie rurale de notre littoral , un chapitre tout entier en faveur des ânes. On vante à tout propos les ânes de Malle. Il se fait en ce moment une exportation considérable de ces intéressants quadrupèdes en Amérique, qui demande à la vieille Eu- rope tout ce qu'elle a de perfectionné, de bon et d'utile. Un bel étalon d'âne se vend même dix mille francs; le rapporteur en citerait, au besoin, les acquéreurs. Or, tous ceux qui connaissent notre littoral savent quels ânes ma- gnifiques abondent aux environs de Nieuport. Le pinceau de notre célèbre confrère Verboeckhove peut seul rendre ( 205 ) ramplcnr élégante du corps, l'esprit, la (inesse épigram- niatique et le regard calculateur de ces ânes modèles. Nous prions Fauteur du mémoire de prendre Tâne en mûre con- sidération et de rendre justice à l'animal sobre, patient, docile et toujours calomnié. Un village est isolé au milieu des dunes, Adinkerke, c'est une oasis complète. La vache y paît l'herbe des dunes; elle devient petite, délicate, et lactifère comme une vache des Ardennes. Ainsi, tandis que tous les animaux attei- gnent, dans les polders et le long du littoral , à des dimen- sions au-dessus des moyennes, la vache d'Adinkerke se miniaturise. Quelle est la cause de ce phénomène? Est-ce l'influence de la nourriture qui l'emporte sur celle du climat? L'auteur ferait chose utile de joindre à ce qu'i' dit une bonne figure de cette race. En parlant de Dixmude, il cite, à bon droit, ses excel- lents pâturages; mais il conviendrait d'être explicite, même en étant savant et seulement à la condition de l'être. Quelle est la flore de ces prairies? i\L Lecoq, de Clermont-Ferrand , a publié un ouvrage classique sur cet ordre de faits, et il serait certes très-proii table à l'agricul- ture de la Belgique de voir de pareilles études appliquées à nos provinces. Enfin et pour terminer les observations que nous sou- mettons à l'Académie, nous regrettons quelques passages à l'endroit des améliorations à introduire. L'auteur attri- bue aux engrais artificiels une importance trop grande. Quand ces matières sont falsiliées et de mauvaise nature, la méfiance habituelle de nos cultivateurs les met vite à l'ombre et dans l'oubli. Une commission de surveillance établie par autorité du gouvernement, deviendrait inutile. Ses idées sur l'instruction agricole, qu'elle soit rran(^'aise ou flamande, sont un peu étroites, car après tout, ces termes • (20G) scientifiques contre lesquels on s'insurge avec coniphi- sance, existent en quantité dans tout langage parlé, même à la campagne. Enfin, il y a maints instruments aratoires, autres que ceux indiqués et prônés par l'auteur, qui peu- vent très-certainement s'introduire avec profit dans les polders et le littoral. Le rapporteur changerait la nature de son travail d'appréciation, s'il entrait dans les discus- sions à cet égard, mais il croit son opinion fondée sur l'état actuel de l'agriculture dans les pays les plus avancés. Nos observations paraîtront peut-être à quelques per- sonnes plus importantes que nous ne les avons dans noire volonté et dans notre désir. Nous les indiquons afin de rendre le mémoire aussi utile que possible, et tout notre vœu, le seul que nous formulions, est que l'auteur, du consentement de l'Académie, veuille bien y avoir égard. Nous regretterions sincèrement, dans l'intérêt de notre puissante industrie agricole, qu'un travail de cette valeur ne fût pas publié, même s'il restait forcément tel qu'il est; car il y dans ce mémoire des chapitres parfaitement étu- diés. Tout ce qui tient aux modes de cul tu e, aux exploi- tations, aux détails pratiques, y est fort bien conçu , clai- rement traité et élégamment décrit. Quelques instruments sont aussi bien détaillés que finement dessinés; l'utilité de cette publication nous paraît donc incontestable, et puisque l'auteur est sans concurrent, l'Académie ne fera tort à personne en signalant les lacunes qu'elle désire voir combler par l'auteur lui-même. Elle l'en croit très-capable. Cependant le mémoire, nous pensons avoir motivé notre jugement, laisse à désirer. Nous proposons donc à la classe des sciences de décerner à l'auteur du mémoire Pro patria la médaille de vermeil et les honneurs de l'impression. » ■^^ '^pr ty * %f k u iJiSiP^i^VKaS r%M •y,r m« // •^i^V- v^ •<*.•-"♦ V SFi'.i~^-or