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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/logiqueetprincipOOduma
LOGIQUE
E T PRINCIPES DE GRAMMAIRE,
PAR M. DU MARSAIS.
LOGIQUE
E T
PRINCIPES
DE GRAMMAIRE,
Par M. DU MarSAIS:
Ouvrages posthumes en partie^ et en partie extraits de plusieurs Traités qui ont déjà paru de cet Auteur»
NOUVELLE ÉDITION
Augmentée du Traité de l' Inversion»
UBRiM«S -
^'^rfy
A PARIS,
GriEZ LES Libraires Associes.
\\\^']:>à./J
AVIS
DE L'ÉDITEUR.
Le Public n'a pas une entière confiance dans les ouvrages pos- thumes ; et ses soupçons , à cet égard , ne sont que trop souvent fondés. Quelquefois ces sortes d'ou- vrages sont imprimés sur des copies inexactes ou sur des fragmens inter- ceptés 5 qu'on réunit le mieux qu'il est possible ; et d'ailleurs il n'est pas. sans exemple qu'un livre qui étoit bon en sortant des mains de son auteur , se soit trouvé au-dessous du médiocre à force d'être corrigé par une main étrangère. Un éditeur est flatté d'ajouter quelque chose du sien à son original ; mais il faut être bien sûr de soi-même pour confon- dre ses propres idées avec celles d'un. Ecrivain dont la réputation est feitea
AVIS
Pour dissiper les doutes qiTî pour- roient naître par rapport aux deux ouvrages de feu M. du Marsais , que nous donnons au Public , nous croyons devoir dire ici confinent ils nous sont parvenus
Vers Tan > 745 . M du Marsais se lia d'amitié avec M. deP^ochebrune , Commissaire auChâtelet. Cette liai- son se fortifia dans la suite , par 1;* conformité de leurs goûts pour ua même genre d'études j et le Philo- sophe voulut témoigner à son ami Paffection qu'il lui portoit , par u» présent qui fût analorgue aa motif qui les unissoit. Ce présent fut long- temps attendu , on en parloit tou- jours; mais enfin il fut fait en I75Q. *^ Je crois que cet ouvrage vous lira beaucoup de plaisir, dit M. du Marsai. à M. de Rochebrune en lui donnant sa logique : acceptez- le comme un gage de mon estime
pour vous Je veux que vous
en disposiez comme d'une diose qui vous appartient. ,, Le fragment
DE LFDTTEUR.
sur les causes de la parole a été pareil- len^ent donné à M. de Rochebrune , par l'auteur , en une autre circons- tance.
La liaison de ces deux amis sub- sista jusqu'à la mort de M. du Mar- sais 5 arrivée au mois d'août 1756- Dans cet intervalle ils eurent occa- sion de revoir plusieurs fois le manus- crit qui contenoit la Logique ; et l'auteur y fit les changemens ou additions nécessaires. C'est sur ce manuscrit , dont M. de Rochebrune à son tour m'a fait présent 5 que cette édition est faite.
Nous venons de voir que M. du Marsais étoit content de son ou- vrage ; et les personnes qui l'ont connu 3 et qui savent combien il étoit difficile sur ses productions 5 s'en rapporteront volontiers à son suffrage. Ceux qui n'ont point con- nu notre auteur , ne seront pas fâ- chés de trouver ici , sur la Logique de !VI. du Marsais le sentiment d'un homme célèbre , d'un Philosophe
AVIS DE LEDITEUR.
que le Nord nous a envié , et qui a préféré aux honneurs et à la fortune quiTattendoient ailleurs , la gloire plus désirée d'un sage^ d'être utile à sa Patrie.
^^ 11 avoit composé pour îusage de ses élèves , ou pour le sien , d au- tres ouvrages qui n'ont point paru. Nous ne citerons que sa logique , ou réflexions sur les opérations de Tesprit. Ce traité contient, sur l'art de raisonner 5 tout ce qu'il est utile d'apprendre , et sur la métaphysi- que , tout ce qu'il est permis de
savoir *. yy
Ces deux suffrages semblent ga- rantir celui de la plus saine partie du Public.
"^ Eloge do M. du Marsais , par M. d'Alem- bert. tome 11 de ses Molanges do Littcraiure , d'Histoire et de Philosophie , pag, a 16.
Nota. On ne trouvera point ici l'orthog^raphe par- ticulière dont se servDÏt l'auteur : il a paru plus con— \enabla de suivre l'Académie dans un ouvrage didac- tique.
LOGIQUE
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LOGIQUE,
OU RÉFLEXIONS
Sur les principales opérati&ns de lEsprîCl
1 EU a tiré du néant deux substan- ces , la substance spirituelle , et 'a substance corporelle.
Par la substance spirituelle , on
entend celle qui a la propriété de
p^iiseï , a Ujjercevoir » de vouloir , de raisonner et de sentir, c'est-à-dire, d'avoir des affections sensibles.
On ne distingue que deux sortes de substan- ces spirituelles créées \ savoir , l'ange , et lama humaine.
A l'égard des anges , nous n'en savons qu« ce que la foi nous en enseigne. Comme les ange5 sont dos substances spirituelles , ils ne peuvent point affecter nos sens , et par conséquent ils sont au-dessus de nos luraiùres naturelles ', et c'est un axiome reçu de tous les savans , qu'à l'égard des anges , la foi nous en apprend fort: peu de choses , l'imagination beaucoup , et la raison rien : en effet , le peuple en raconte UÛ^ infinité d'histoires fabuleuses.
0 principe f
Au reste , par ce mot ange , on entend Tet anges bons et les anges mauvais , c'est-à-dire, |3S démons» Les opérations des uns et des autret ne nous sont connues que par la foi.
A 1 égard de lame , c'est-à-dire , de cetta substance qui pense en nous , qui aperçoit , qui veut , qui sent , nous ne la connoissons que par le sentiment intérieur que nous a^ons de nos penséL^s , de nos perceptions , de nos vouloirs i)u volontés , et de nos sentimens de plaisir ou de douleur.
Ainsi , remarquez que nous ne connoissons poiiit la substance de t'ame. Nous ne connois- sons lame que par le sentiment intérieur qu& nous avons de ses propriétés d'apercevoir , d» vouloir et de sentir.
Article premier.
Vi la dij^renc3 de iange , et de Vame humalnK
X OUTE la difformes qne les sarans mettent entre l'ange et l'ame humaine , c'est, disent- ils ,^ que Van^iri est une substance complète , subsrantia compléta , et que l'amc; est une subs- tance inconipU.te , substantia inccmpleta ; c'est- à-dire , que Van^c. a tout ce qu'il faut pour êtr» ango , et existe indépendamment de toute autrei substance • au lieu que lame humaine doit être •nio au corps : c'est ainsi qu'un pied et une main ont relation ^ un corps : en un mot , l'ange est un tout , au lieu quo l'auio humaine n'est (qu'une |>ar/«r.
de Logique. Art. II. 9
Article IL
Ve ta distinction de lame et du cerpt»
i^A foi nous enseigne que l'ame est distingues du corp5 , de la môme distinction qu'il y a entro une substance et une autre substance , et noa de la distinction qu'il y a entre une substance» et ses propriétés.
Voici la preuve quR l'on donne de la distinc- tion de lame et du corps par les lumières de U raison.
Un être est distingué d'un autre être quand l'idée qu^ j'ai de l'un est différontf^ de celle qu« j'ai de l'autre , et sur-tout lorsque lïinn est in- compatible avec l'autre ; l'idée que j'ai du soleil est différente de l'idée que j'ai de la terre : donc le soleil et la terre sont deux substances diffé- rentes.
La distinction sera encore plus jî;rande, si un© idée exclud l'autre idée ; par exemple , l'idé© du cercle exclud l'idée du carré ; or l'idée qu© nous avons de l'étendue renferme l'idée do parties , de longueur, de largeur et de profon- deur , et elle exclud lidée de pensée et de sen< timent : donc ce qui est étendu est distingué do ce qui pense ; de même l'idée que nous avons de la pensée ne renferme point l'idée de l'éten- due , et même l'exclud ; ainsi , l'ame étant en BOUS Vêtre qui pense , n'est pas Vetre qui est étendu; et le corps étant en nous l'être étendu , n'est pas lêtre qui pense , parce que l'idée de l'uxi n'est paf l'idée de l'autre.
A 9
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O
Principes
Article III. De l'union de l'ame et au corps»
N ne conçoit pas comment un être pure- jnent spirituel , c'est-à-dire , pensant sans êtr* étendu f peut êtro uni à un corps qui est étendu et ne pense point. Nous ne pouvons pas cepen- dant douter de cette union , puisque nous pen- sons et que nous avons un corps.
Cette union est le secret du Créateur. Tout €e que nous en savons , c'est qu a l'occasion des pensées et des volontés de Tame notre corps fait certains mouvemens , et que récipro- quement , à l'occasion des mouvemens de notre corps , notre ame a certaines pensées et cer- tains sentimens, le tout conformément aux loix établies par l'Auteur cîe la nature. Ce sont ces loix qu'on appelle [es loix de î union de lame et du corps,
..»■ ■ I I . .. .... . I ■ , — j .!■ . I . jm
Article IV. Des propriétés de lame,
OUS ne connoissons l'ame et ses proprîe- Ici , que par le sentiment intérieur que nous en avons. Nous sentons , et même nous avens un sentiment réfléchi de nos sensations ; nous sentons que nous sentons.
Ce sentiment intérieur est la propriété la plus étendue d« l'ame Le corps est incapable de sentiment; c'est l'ame seule qui sent.
Dc-IA est venue l'opinion des Cartésiens , qui ont imaginé que les bêtes n'étoient que de simpb'S automates , comme le lluieur et lo canard de M. do Vaucnnson; car, disent-ils, si les bêles scnt«mt , elles ont wne ame; si elles ont une ame , elles sont capables de bien et do
N
cli Logique, An. IV. '5
Inal •, et par conséquent , de récompense et do punition ; d'où il s'ensiiivroit , conlinuc;it-ils , quo lame des bêles seroit immortelle.
Mais quand nous parlons des propriétés do rame , nous ne parfons que de lame humaine. Ce qui se passe dans les bètes est connu do Dieu , dont la puissance infinie peut avoir fait des âmes de diflcrens ordres , dont les unes seront immortelles et les autres mortelles : les unes connoî Iront le bien et le mal , et les aurres n'en auront aucune connoissancc. II y a diffé- rens ordres dans les anges; il y a différens degrés de lumière parmi les ajncs des hommes ', et no convient-on pas que les imbécilles , les insensés , et mêmes les enfans jusqu'à un certain âge, sont incapables de bien et de mal.
Avant Descartes , les anciens et les modernes ont cru que les animaux avoient le sentiment de la vue , de l'ouie , etc. et qu'ils étoient sen- sibles au plaisir et à la douleur. Je ne sais que vous; me voyez , que parce que je vois que vous avez des yeux comme les miens , et que vous agissez en conséquence des impressions que vcs yeux reçoivent : je remarque les mêmes orga- nes e^ la même suite d'opérations dans les animaux.
Observez deux sortes de sentiraens : i°. L'un que nous appelons , sentiment immédiat , et l'au- tre que nous appelons , sentiment médiat.
Le sentiment immédiat est celui que nous recevons immédiatement des impressions exté- rieures des objets sur les organes des sens.
2.°. Le sentiment médiat , est la réflexion intime que nous faisons sur l'impression que nous avons reçue par le sentiment immédiat' C'est le sentiment du sentiment. Il est appelé sentiment médiat, parce qu'il suppose un moyen , f t ce moyen est le sentiment immédiat. Quand
A3
Cf Principes
j'ai vu le soîoil , ce sentiment que Te «oleîl a excité en moi par lui-même , est ce quo nous appelons le sentiment immédiat , parce que ce jentimont ne suppose que l'objet et l'organe. Le sentiment que je reçois à l'occasion d'un instrument de musique , est un sentiment im- jncdiat -, pnrce qu'il ne suppose que l'instrunaent et les oreilles.
Mais les réflexions intérieures que je fais ensuite à l'occasion de ces premiers sentimens, se font par un sentiment méfliat •, c'est-à-dire, par un sentiment qui suppose un sentiment antérieur.
L'ame n'a cette faculté de sentir , soit immé- diatement , soit médiatement , que par les dif- férens organes du corps , selon les loix de l'union établies par le Créateur.
Elle sent immédiatement par les sens extë- lieurs , et elle sent médiatemeiit par les organes du sens intérieur du cerveau.
Un sens extérieur est une partie extérieure de mon corps , par laquelle je suis alTecté de manière , que toute autre partie d'; mon corps ïie m'affectera jamais de même. Ainsi , je ne vois que par m«s yeux , et je n'entends que par jnes oroi!!es.
Ôa Compte ordinairement cinq sens exté- TÎeurs , la vue , l'ouie , le goût , le toucher et 1 odorat.
La vue , ap'^rçoit la lumière et les couleurs ; l'ouie est affectée par les sons *, le goût , par les saveurs , l'odorat , par les odeurs ; enfin le toucher, par les différentes qualités tactil'S des objets : tels sont la chaleur , le froid , la dureté. Ta mollesse , la propriété d être ou de n'être pas poli , cl quelques autres semblables , s'il y en a.
La structure d<^s sens extérieurs est digne d» U cuxiosit<J d'uu Philosophe : il suflit de Tçnar<
êe Logique, Art, IV. f
qucr ici que les nerfs , par lesquels toutes les Sensations se font , ont clf^ux extrémités ; l'une çxléri(*ure, qui reçoit l'iiiiprossion des objets ; et l'autre intérieure , qui la communique aii cerveau.
Le cerveau est une substance molle , plus on moins blanchâtre , composée de glandes extrê- mement petites , remplies de petites voineS capillaires ; elle est le réservoir et la source des esprits animaux. Tous les nerfs par lesquels nous recevons des impressions, aboutissent au cerveau et sur-tout à cette partie du cerveau qu'on appelle le corp.<; calleux , que l'on i'egard* comme le siège de l'ame.
De la variété qui se trouve dans la consis- tance , dans la nature et dans l'arrangement des parties fines qui composent la substance du cer- veau , vient la différence presque infinie dei esprits ', suivant cet axiome , que tout ce qui est reçu y est reçu suivant la disposition et Vétat de ce
Sui reçoit. C'est ainsi que les rayons du soleil urcissent la terre glaise , et amolissent la cire.
Quand les impressions des objets qiii affec- tent la partie extérieure des sens , sont portées par l'extrémité intérieure des nerfs sensuels dans la substance du cerveau , alors nous aper- cevons les objets , et c'est là une impressioa immédiate.
Cette première impression fait une trac^ dans le cerreau , et cette trace y demeure plus ou moins selon la mollesse ou la solidité de la substance du cerveau. Quand cette trace , ce pli , cette impression est réveillée par Ife cours des esprits animaux ou du sang , nous nous rappelions l'idée première ©u immédiate; et c'est ce qu'on appelle mémoire. *
C'est par le secours de ces traces ou vestiges > qM ea léiîéchissaiit sur Bous-mêmes , nous sc^
A4' • -
H *' principes
tons que nous avons senti ; et c'est ce sentîmcnl xëiléchi , que nous appelons idée médiate , puis- fju'elle ne nous vient que par le moyen des prefnières impressions que nous avons reçues par les sens.
Après que nous avons reçu quelques impres- sions {)ar les yeux , nous pouvons nous rappeler l'imagG clc3 objets qui nous ont affectes. On appelle cette faculté , imagination. C'est encore un cifct des traces qui sont restées dans le cerveau.
Nous ne saurions nous former des idées , ni cles images des choses , qui , précédemment , n'auroient fait aucune impression sur nos sens *, jpoais voici quelques opérations que nous pou- vons faire à l'occasion des impressions que nous «vons reçues.
1°. Nous pouvons joindre ensemble certaines idées. Par exemple , de 1 idée de montagne et i\c f uléc d or , nous pouvons nous imaginer une montagne d'or.
2^. Nous pouvons nous former des id('^ps pat ampliation , comme lorsque de l'idée de l'hom- me , nor.s nous formons l'idée d'un géant.
3". Nous pouvons aussi nous former des idées par diminution , comme lorsque de l'idée d'un homme , nous nous formons l'idée d'un nain ou d'un pigraéc..
4*^. La iiiariicre médiate la plus remarquable do nous former des idées , est celle qui se lait par abslrpction. Abstraire , c'est tirer , séparer ; ainsi , après avoir reçu des impressions , d'un objet , nous pouvons faire attention à ces im- pressions, ou A qunlqu'unes do ces impressions «ans penser à lobj^n qui les a causées Nous îic<}U<:rons , par l'usage de la vie, mie infinitcS clidéos particulières , i l'occasion des impres- ^ûijLLS scosibles dos objets qui nous aftecten»^
Jcf Lff^^lqae. An. IV. g
.*Nous pensons ensuite , séparémont et par abs- traction , à quelqu'une de ces impressions, Siias nous attacher à aucun objet. Nous avons souvent compté des corps particuliers : de-Ià l'idée des nombres , auxquels npus pensons ensuite , et dont nous raisonnons par abstraction *, c'est-à- dire , sans penser à aucun corps particulier ; comme quand nous disons : 2 et 2 font 4 ; i ajouté à 6 fait 6: 2 sont A 4 , comme 4 sont à 8. C'est ainsi que quand on parle do la distance qu'il y a entre une ville et une autre ville , on. ne fait attention qu'à la longueur du chemin, sans avoir aucun égard à la largeur , ni aux antres circonstances du chemin.
C'est par cette opération de l'esprit que les Géomètres disent que la ligne n'a point de lar- geur » et que le point n'a point d'étendue. Il n'y a point de lignes physiques sans largeur, ni xle points physiques sans étendue ; mais comme les Géomètres ne font usage que de la longueur de la ligne , et qu'ils ne regardent le point que comme le terme d'où l'on part , ou celui où l'on arrive , sans aucun besoin de l'étendue de ce ternie , ou dj cecte borne ; ils disent , par abs- traction , que la ligne n'a point de largeur, et que le point n'a pas d étendue.
Observez que toutes res manières de penser^ par réminiscence, par imagination, paramplia-»- tion , par diminution , par abstraction , etc* supposent toujours des impressions antérieures immédiates.
La volonté , c'est-à-dire , la faculté que nous avons de vouloir , on do ne vouloir pas , est aussi une propriété de notre ame. On observQ encore ce que les Philosophes appellent Vappetif sensirif \ c'est-à-dire , ce penchar t que notis avons pour le bien sensible, et ! éioignemenc ,^ue nous arona pour tout ce qui nous affoci^
A 6
%o Principes
Aésagréûblement , et pour tout ce quî est sensi- blement opp^ié à notre bien-être et à notre conservation.
Il y a sur-tout quatre opérations de notre l^^pritqui demandent une^attention particulière»
I °. L'idée , qui comprend aussi l'LoiajiQatioOr
^^. Le jugement.
3*. Le raisonnement.
4°. La méthode.
L'abstraction est donc , pour ainsi dire , le Ipoint de réunion scion lequel notre esprit aper- çoit que certains objets conviennent entre eux. C'est lerésultat de la ressemblance des individus.
L'abstraction se fait donc par un point de vue de l'esprit , qui , à l'occasion de l'uniformité ou ressemblance de quelques impressions sensi- bles , fait une réflexion, à laquelle il donne un jtiom , par imitation des noms que nous donnon» «ux objets réels.
Par exemple , nous avons vu plusieurs per- sonnes mourir, nous avons inventé le nom de wnort ; et ce nom marque le point de vue de l'esprit qui considère , par abstraction , l'état de l'animal qui cesse de vivre. Tous les animaux conviennent entre eux par lappori à cet dtat ; «t lorsqufi nous considérons cet état sans eu faire aucune application particulière , cette vue de notre esprit est une abstraction. On parle •nsuito do la mort , comme d'un objet réel ; mais il ii'v a de rJol que les êtres particuliers , fp\ existent indépendamment de notre esprit : tous les autres mots nr marquent que des points do vua , ou considérations do l'esprit*, et lo terme général étant une fois trouvé, nous pou- vons en fiiire d<^s apjtlications particulières , par imitation de l'usage quo nous faisons des mot» ^iii marquent dos objets réels. Ainsi , comme %fi\Xi di^0U5 i'iMbii dt Fierii , lu main de Picrrt ,
de Lof;îque» Art. V. Ti
«cas disons aussi la mort de Pierre , la probité ^ la
science , etc. de Pierre.
»_ — ■ • •' (*
Article T.
Des quatre principales opérations de Vesprîi,
JL AR ce mot, esprit , on entend ici la faculté que nous avons de concevoir et d'imaginer, Oa l'appelle aussi entendement.
Toute affection de notre ame par laquelle nous concevons , ou nous imaginons , est ce qu'on appelle idée. Idée , en général , est donc un. terme abstrait. C'est le point de réunion auquel nous rapportons tout ce qui n'est qu'une simple considération de notre esprit.
Nous ferons ensuite des applications particu- lières de ce mot idée. Lorsque^je ne fais que m« représenter un triangle , cette affection de mon esprit , par laquelle je me représ^-nte le triangle, est appelée Vidée da triangle.
Idée, est donc le nom que je donne aux affec- tions de l'ame qui conçoit, ou qui sa représente un objet , sans en porter aucun jugement.
Car si je juge , c'est-à-dire , si je pense., par exemple , que le triangle a trois côtés, je pass« de Vidée au jugement.
Le jugement est donc aussi un terme abstrait ; c'est le nom que l'on donne â l'onéraiion d« l'esprit, par laquelle nous pensons qu'un objet est , ou nest pas de telle ou telle manière.
Tout jugement suppose donc Vidée ; car il faut avoir l'idée d'une chose , avant que de pens,er qu'elle est , ou qu'elle nest pas de telle ou tel^la manière. , ... , , ..
Le jugement suppose néce5sairexn,ent deux idées ; l'idée de l'objet dont on juge , et Tidéc de ce qu'on juge de l'objet. Il y a de plus dax^s
A 6
Principes
le Jugement une opération de l'csprît par la- quelle Dous regardons l'objet , et ce que news en jugeons , comme ne faisant qu'un mêMne tout» Nous unissons , pour ainsi dire , l'un avec l'autre.
L'objet dont on juge s'appelle le sujet du j'ise" Vient ; et quand le jugement est exprime par des mots , l'assemblage de tous ces mots , qui sont l'expression du jugement , esf appelé proposi' tion \ et alors les mots qui expriment l'ebjet du jugement sont appelés le sujet de la proposition.
Ce que l'on juge de ce sujet y est appelé Vattri' but , parce que c'est ce que l'on attribue au sujet. On rappelle aussi le prédicat , parce que c'est ce qu'on dit du sujet, dont la valeur emporte avec elle le signe ou la marque que l'on juge -, c'est- à-dire , que l'on regarde un olijot comme étant de telle ou telle façon : ainsi le verbe est , est le Snot do la proposition qui marque expressément l'action de l'esprit qui unit un attribut au sujet.
Le verbe est une partie essentielle de l'attrr- but. La terre est ronde : ces trois mots forment iftnc proposition ; c'ost-î-dire , qu'ils sont l'é- noncé du jugement inférieur que je porte ^ <]ua nd je p.3nse que la terre est ronde.
La terre est le sujet de la proposition* car c*est de la terre dont on. jugf^.
Est ronde , c'est l'attribut-, et dans cet attribut; il y a le verbe est , qui fait connoître qn*» je juge <|ue la teri'e est roule ; c'est-;î-dire , que je regarde la leirc comme étant ou e: îstant ronde.
Le jn,'^ement est une réflexion ou attention
{>ar l.iqiicllc nous exprimons les afleciions (jue os'olijets ont faites en nous : nous disons ce qje y^TU"? r. vor\î senti. /!« ^cleil «st lumimux ; j'exprime dùp^ \>. soir.'îl .revcité en moi le sentiment do Kirnî-'A'^//'.^ s.krt est doux ; j'exprime que le sucxo l»'a :ifio€ioi^3r S4 doucçm.
3e Logique. Art. V. iS
W n'est pas inutile de remorquer que l'on dis- tingue ordinairement deux sortes de jugeniens*, l'un , qu'on apjicllc jugement nffirnuitij ; c'est la rellexioii que je fais sur ce que j'ai réenement senti. Le sucre est doux ; je me rends â mo'i- mc'me le temoigrage que le sucre a excité ea moi le Sentiment de douceur.
L'autre sorte d«î jug-^ment s'appelle /ffg"<7n£nf négatij : en réflcchissant sur moi-même , j'ob- serve (jue je n'ai pas senti , et que je n'ai pas reçu l'impression que le jugement aiBrmatif supposoroit.
Ce iugement se marque dans le langage ou dans la proposition, parles j^articulesniigatives, non , ne , fas , ou point j par exemple, le sucre n'est point amer.
Il y a une affirmation dans tout jcf^ement négatif , en ce qu'on afçTme ou assure qu'an n'a pas senti.
mmri, i i i i m ■ . . . ■ . i. ...—.i^— — »
Article VI.
Remarques sur l'idéf»
X-iES Philosophes distinguent pïusÎGars sortes d'idées , ou perceptions.
Les idées qu'ils appellent adventices ^ ce sont celles qui nous viennent immédiatement des objets , comme l'idée du soled , et toutes les autres idées imm.cdiatesv Ce moi adventices ^ vient du latin ADFENJRE ^ arriver,
ïl y a d'autres idées q-i'on âp\i?.\le factices^ du mot latin , F ACERE . faire : ce sont celles que nous faisons par ampîiation , diminution , etc» comme 'orsque nous imaginons une mon- tagne d'or.
Qiielqu-'s Philosophes disentqu'iî y a des idées ianéfs , c'esL-à-(.tirc , nces avec jnous ] mais uQXis
#4 Principes
croyons que si l'on y fait bien attention , qae «î on veal prendre la peine de se rappeler l'histoire de ses idées dès la première enfance , on sera convaincu que toutes les idées sont adventices, et qu'il n'y a en nous d'innée , qu'une disposi- • tion , plus ou moins grande , à recevoir certai- nes idées. Ainsi ce principe , qu*il/ûKr rendre à 'chacun ce qui lui est dû , n'est pas un principe inné • il suppose lidée acquise de rendre , l'idée de devoir , et l'idce de cluicun : idées que nous acquérons dés l'enfance , par l'usage de \à vie.
Mais ce principe est bien plus facilement entendu , qu'un principe abstrait de métaphy- sique. La nécessité de la conservation ae la société et notre propre intérêt , nous font aisé- ment entendre que tout seroit bouleversé , si on ne rendoit pas à autrui ce qui lui appartient.
Les créatures nous élèvent aisément à la con- Hoissanccdu Créateur, sans qu'il soit nécessaire «jue ridée de Dieu soit innée ; et si neus voulons nous rappeler de bonne foi l'histoire de notre enfance , noas avouerons que nous ne sommes parrenus à l'idée du Créateur , qu'après ijue notre cerver.u a nu ?cquis une certaine consis- tance , et qu'après qne nous avons eu observé des causes et des effets.
Les idéos abstraites , telles que de couleur en général , à'ètre , do néant , de yérité , de vien^ tûnge , sont une produclioii de nos réflexions. ^'ous avons inventé ces mots , pour marquer l'uniformité qui se trouve entre certaines im- pressions Tous les objets blancs font en mci une impression scmblr.ble : je ré;jlise , en quoi- que sorte , crltc monirre de m'aficcteT ; et la considérant , pour ainsi dire , en elle-même et sans aucune a])j)îication particulière, je l'appelle ilancheur. Ces idées abstraites peuvent 6tie r*p- |iorices à h classa des Mi:^ factices.
ie Loglfue. Art. VI. i5
Il y a des idées qu'on appelle claires , et rVaii- tres qu'on appelle conjasea. Les idoas claires ^ sont celles qu'on aperçoit aisément , et dont on embrasse tout d'un coup toute l'étendue.
A parler exactement , il n'y a d'idées confuses, que par rapport à une idée plus distincte que nous avons eue. L'idée d'un homme vu de loin , est ridée claire d'un homme vu de loin : nous ne devons juger de cet homme que lorsque nous le verrons de plus près , parce qu'il faut toujours attendre que notre jugem.ent ait la cause propre et précise qui doit l'exciter. Mais parce que nous avons une idée claire et complète d'un homme que nous voyons de près , nous appe- lons confuse l'idée de celui que nous voyons de loin- Ainsi , à propren\cnt parler , l'idée confuse n'est qu'une idée incowplete ; c'est-à-dire , une idée , une image à laquelle notre expérience et notre réflexion nous font sentir qu'il manque quelque chose.
Il y a des idées qu'on appelle ëccesKoires. Une idée accessoire , est celle qui est réveiller en nous à l'occasion d'une autre idée.
Lorfque deuT ou plusieurs idées ont été exci- tées en nous dans le même temps , si dans la suite l'une des deux est excitée , il est rare que l'autre ne le soit pas aussi , et c'est cette dernière que l'on appelle accessoire.
Si l'on parle , par exemple , d'une ville csk l'on a demeuré , l'image de quelque objet qu'on aura vu dans celte ville , se retracera à notre imagination , et excitera en nous une idée ûc- €essoire.
Il y a aussi des idées qu'on appelle idées exem' flaires. Ce sont celles qui servent , pour ainsi dire , de modèles à celles que nous recevons dan* la suite.
L'expéri€ncft , c'est-à-dire , les impressions
%6 Princl^s
extén«ur€6 que nous recpv-ons clos olïj^ts^r
l'usage de la vie , et les réil axions que nous fai- sons ensuife sur ces impressions . sont les deux seules causes de nos idées ; tour^ autre opinioa n'est qu'un Roman. Il fiiui pr'^n(!.*e rhorr,me tel qui] est, er ne pas faire dos suppoiiiicii' oui ne sont qnimaginées. La principale cause de ces sortes d'erreurs , vient de ce qu'on rtalise do simples abstractions , ou des êtres de raison. C'est ainsi que le Père Mallebranche regarde les idées comme des réalités distinctes et sép*- lées do l'entendement qui \es reçoit.
Les idées , considérées séparément de notre entendement , ne sont pas puis des êtres, que la blancheur considérée par abstraction , indé- pendamment de tout objet blanc , on la fi^ore considéi'ée indépcadamraent de i«irt oh'yJL tÊguré,
ARTICt£ Vîl.
Du Haisonxitmêut ,
V^OMMF. tout jugement siippose des îd*^s; de môme tout raisonnement -suppose dos iup^- nens. Le raisonnement consiste à déduire , k à iiiféi^r , à tb-er un ja^f'meni d'anlres'jngemerîs déjà connus : on plutôt à fali'e voir q»e 1p juge- ment dont il s'agit a drija été piirté d'une m»— nièrc implicite ; de sorte qu'il n'est pTn« qnos- tien que de lo développ-r , et (ren faire roir l'idotnité avec quelque jug'^Ha -nt antérÎTxr. Cette ojjération de 1 rsprir , par laquelle nous
tirons un jitgeinentd'aurTi'>jii^emens,s'a.)»c1ki raisortnt'mrnt. Par exemple :
Toute personne tjui vc.ir apprcrxlro , 4oit ecouleri Vous voulez apprendre ;
de Logique, Art. VIT. T^v*
Totis ces jugemcns pris ensemble , forment ce qu on appelle un raisonnement , et en latia Discuiisvs.
Les êtres particuliers excitent en nous des idofs exemplaires ; c'est-à-dire , d' s idées qui sont le modelé des impressions que nous trouvons dans la suite , ou semblables ou différentes. Par exemple , le disque de la lune, ou quclqu'autrc cerc'e particulier, m'adonne lieu de mn former ridée exemplaire ou générale du cercle. J 'ai donné un nom à celte idée abstraite : j'ai appelé cercle toute figure dont les lignes , tirées du centre à la circonférence , sont égnles.
Ainsi , toute figure qui m.e rappellera la ma- rne idée , sera cercle.
Tout objet qui excite la même idée , est le même , par rapport à cette idée : tout ce qui est rond est rond. Un tel cercle en particulier , a toutes les mêmes propriétés qu'un autre cercle, en tant que cercle.
Je veux prouver que Pierre est animal , je consulte l'idée que j'ai de Pierre , et l'idée que j'ai d'animal ; et voyant que Pierre excite en moi l'idée d'animal , ja dis qu'en ce point , il est un de ces individus qui m'ont donné lieu de me former l'idée d'animal , et que je développe par «et argument.
Tout être gui a <3u sentiment et du mouvement»
est ce que j'sppelle /nimal ; Or je vois que Pierre a du sentiment et du moK-
veraent : Donc il est aniaial.
C'est donc avec raiscn que je <:®nclus que Pie ne est animal.
Ce qui est , est. Une cîiose ne sauroit être et netre pas. Le corde est rond , et en tant jque ronfl , il n'<}st pas carré ; et -en -tant que load ^ >1 a touies les piopriélcs duicnd.
i 8 Principes
Ainsi , la règle vérirable et fondamentale ^u raisonnement , ou syllofiisme , est que le sujet de la cofKrlusion soit compris dans l'extension de l'idée générale à laquelle on a recours pour CD tirer Ja conclusion.
ArticleVIII.
Du Syllogisme*
XjE Syllogisme est toujours composé de trois
Î)roposi lions *, la première s'appelle îa majeure , a seconde s'appelle la mineure , et la troiaièm* est appelée la conséquence»
Dans la première proposition , on chercht ce qui , de l'aveu de celui à qui on parle , a la propriété qui est en question. Dans la seconde, on fait voir que le sujet donf il s'agit , est un des individus compris dans l'extension de l'idée générale dont les individus ont cette propriété: d'où l'on conclud , dans la conséquence , qu« le sujet dont il s'agit a la propriété qu'on lui dispute.
Vous concevez que ce qui est cliaud , dilate l'air: or , le soleil est compris dans l'extension de l'idée générale de ce qui est chaud : donc le soleil dilate lair , parce qu'il doit avoir les mê- mes propriéîés qu^ ce qui est clinud. Puisqu« ce qui est , est ; une chose ne saurait être et n'étr» pas : puisque le soleil est compris dans lidee générale de c*^ qui rst chaud , il doit avoir les oéBies propriétés on tant que chaud.
Ia.'.s doux pr' nûèrf'S propositions du syllo- ÇÎsrac , «ont appelées pré.iaisses , c'est-à-dira , .mises avant Inconséquence.
Si les d<Mix prémisses eontvérilabl'is, et qu'on ^aconvieuuc, ou doit aoc^rdcik conséquence:
3e Logique, Art. VITI. y^
au contraire , si les prémisses , ou quelqu'un» des pif^misses, n'est pas véritable , alors on nî« la conféquence.
1! arrive souvent qu'une des prémisses est Yéritable i quelques égards , et fausse à quelques autres égards : alors la conséquence est vérita- ble , dans le sens que cette prémisse est vérita- ble -, et elle est fausse , dans le sens que celte prémisse est fausse.
En ces occasions , on distingue îa prémisse ; mais on nie la conséquence. Quelquefois on la distingue. Par exemple , si lorsqu'il est jour, et que le temps est couvert quelqu'un vouîoit prouver que les cadrans solaires doivent mar- quer l'heure , et qu'il se servît de ce syllogisme;
Lorsque le soleil est sur notre horizon , les cadrai»
solaires marquent l'heure ; Or le soleil est actutlit ment sur notre horiron : Donc \fs cadrons solaires do.vtnt actuellement
marquer l'heure.
Ce syllogisme est en bonne forme ; maïs il faut distinguer la majeure de cette sorte: lorsque Je soleil est sur notre horizon , et qu'il n'y a point de nuages qui intercept-^nt ses rayons de lumière , les cadrans solaires doivent marquer l'heure : j'accorde la majeure. Lorsque Iç soleil est sur notre horizon , et qu'il y a des nuages qui interceptent ses rayons de lumière , les cadrans solaires doivent marquer l'heure ; je nie la majeure : donc les cadrans solaires doivent marquer l'heure ; actuellement que le Ciel eat couvert de nuages ; je^nie la coEséquence.
On fait , dans les Ecoles , plusieurs obser- ▼alions sur la forme des syllogismes , cciriBie <ur les aigumens en barmajra ou qh bakoco. Ces observations ne sont pas d'un usage dans U pratique ; quelques personnes les appc!lentdc« bagatelles flli&£i1«i , piFFZCUES nuGjE^-
^O Principes
La voyelle A , qui est dans les trois sjlîabtiW de BARBÀBA , rnarque que les trois propositions qui composent l'arginnent en Barbara , doi- vent être des propositions affirmatives univer- selles , parce qu'on est convenu que la lettre A seroit le signe de la proposition affirmative uni- verselle.
Asserit A , Tiegat E ; verum generaliter ambo, Assfrit I , negat O ', sed particitlariter ambo.
C'est à-dirr , A affirme , E nie; mais l'une et l'autre généralement : ainsi un syllogisme en. BARBARA , est composé de trois propositions affirmatives universelles,
Par exemple :
Ceux qui n'étudient point , sont ig^norans ; Les paresseux n'étudient point : Donc les paresseux sont iû[iu)rans.
On a fait des mots artificiels , oïl ces quatre lettres A, £, l -, O, sont combinées selon toiftes les combinaisons possibles pour faire voir les différentes espèc^^s de syllogismes.'
Mais il nous suffit de bi^n comprendre le fondement du syllogisme , et les différentes règles que l'on doit observer.
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Article IX.
Observations sur îe féndement lu Syllegismc*
,I^.Xl n'y a dans le monde qtie des fîtxe« par- ticiiHcrs PiciTC , Panl , etc. sont des êtres particuliers ; ce diairuint , ci^tte pierre sonX aussi des êtres parîicuîicTs *, cet écu , ce louis d'or , sont aussi de» éti-es ^mnicuïicjs. Il eu ect de môme de tout ce qiii existe dans ia- jiiviîrs. ■Irf'.s <étx«s paxliculù^n iout ^|ijH:lii> par Iq$
^j Lo'^ique, Art. IX." i#
Philosophes , des individus ; c'est-à-dire , de» êtres qui ne peuvent pas être divisés sans ces- ser d être ce qu'ils sont. Ce dianiint , si vous le divisez, ne sera plus ce diamant *, il n'aura ni la ni'jine valeur , ni le m*3me poids , ni le? niC'iues propriétés.
Notre esprit fait ensuite des observations sur les individus et sur leur manière d'être j et ce sont-ces observations , ces réflexions, ces abstractions , qui forment l'ordre métaphy- sique , et les êtres purement abstraits , que riôus exprimons par des mots , à ^imita^ioIl des noms que nous donnons aux êtrss réels. Par exemple , quand je vois un écu , j'en ob>^ serve la ligure , la matière , le poids , etc. j'ai l'idée de cet écu et de ses propriétés. J'ap- prends ensuite par l'usage , que cet écu n'est pas le seul qu'il y ait dans le monde ; je vois d 'autres écus qui me réveillent l'idée du pre- mier écu et de ses propriétés : j'observe tout ce en quoi les écus sont semblables entre eux.
J'observe de même que les louis d'or sont semblables entre eux , et que de plus , ils ont aussi des propriétés différentes des propriétés de l'écu, Voilà uije ressemblance et une dif- férence.
C'est ce qui a donné lieu à ce que les Phi- losophes appellent espèce et genre. L'écu est une espèce de monnoie ; le louis d'or est un© autre espèce de monnoie : monnoie est le genre. Tous les êtres dans lesquels nous remarquons des qualités communes , nous ont donné lieu de former l'idée abstraite et métaphysique de genre : ainsi , l'idée que nous avons de monnoie^ est l'idée du genre, par rapport aux différentes espèces de monnaie. Toutes les moiinoies con- ▼ionnetit entr'elles , en ce qu'elles sont la ma- tière qui nous sert à acquérir toui ce dout ixqw
gt- ■ Principes
avons besoin ; mais , parmi les monnoîes , il f-' en a qui sont d'or , d'autres d'argent, d'autre» de cuivre , d'autres plus grandes, d'autres plus petites : c'est ce qui constitue les différentes espèces. C'est la difféience que nous remar- quons entre les individus du même genre qui nous adonné lieu de former le terme abstrait espèce.
2°, Nous appelons animal tout individu qui a du sentiment , qui a la propriété de se mouvoir , qui vit , qui mange, etc. Ces pro- priétés , que nous observons dans un si grand nombre d'individus , nous ont donné lieu de former l'idée abstraite d'animal.
Nous avons observé dans ces animaux des propriétés qui ne conviennent qu'à un certain nombre d individus ; par exemple, quelques- uns de ces animaux volent , pendant que les autres n'ont point d'aîles ; quelques-uns mar- chent à quatre pieds , d'autres rampent. Ces propriétés qui ne conviennent qu a un certain nombre d'animaux, et par lesquelles ils dif- fèrent les uns des autres , nous ont donné lieu de former l'idée abstraite d'espèce d'animaux. Le point de vue de l'esprit qui , après un grand nombre d'idées acquises par l'usage de la vie , observe que les propriétés qu'il a ob- servées conviennent à tous les animaux , est ce (ju'on appelle genre.
Le point de vue de l'esprit par lequel on considère ensemble les propriétés qui ne con- viennent qu'à quelques individus du g^nre , est ce qu'on appelle espèce.
Genre supposo espèce ', espèce suppose gf^ft réciproquement*, cependant observez que ce qui sera genre par rapport à certaines espèces « p^ut n'être considéré par notre esprit que com- me une espèce , si vous ne folles dtteAtioii
ie Logique. Art. X. aj
^u'à des propriécés plus générales. Par exemple, SI , par un point de vue de votre esprit, vous ne considérez , dans le nombre infini des in- dividus qui sont dans le monde , que la sim- ple propriété d'exister, vous formez l'idée abs- traite d'ctre*, et les différences que vous ob- fervcrez entre les êtres en feront autant d'es- pèces. Ainsi animal , qui est genre par rapport a toutes les espèces d'animaux , ne sera plus ici c\n espèce par rapport à être ; et animal , qui est espèce par rapport à être , deviendra genr9 par rapport à ses inférieurs , parce qu animal se 5e divise en raisonnable et irraisonnable. Tout cela prouve que ce ne sont que les différentes Ynos de l'esprit qui forment tous ces di^férenf êtres métaphysiques. Il y en a cinq , qu'on ap— p'^lle les cinq universaux , cest-à-^dire , cin(| îdécs abstraites , qu'on exprim^î par de» termes absolus ou noms substantifs : genre ^ espèce , d[;^érence , propre , accident.
»>■■— — ^~* '■ I II III— M— ^— g
Article X.
De la matière du Syllogtsntep
JLjE syllogisme est nécessairement composé de trois idées simples ou complexes. La questioa qui dans le syllogisme devient la conclusion ^ est composée de deux idées, dont l'une s'ap- pelîe le sujet , et ^au^re V attribut.
Le sujet est appelé le petit terme , et en latiix
MINUS EXTREMUM.
L'attribut de la conclusion , ainsi appol^ parce qu'on l'attribue au sujet , est appelé le grand terme ^ et en latin majus exvremum f parce qu'd peut se dire d'un plus grand nom- fcre d'individus.
Outre SCS deux idées ^ oa a recours à uae
^4 Principes
troisième, qu'on appelle le moyen, atedivm^ C'est par l'eatremise de cette troisième idée que l'on découvre si l'attribut de la conclusion, convient ou ne convient pas au sujet de ceU« Blême conclusion.
L'Etre tout-puissant doit erre adoré ; Dieu est l'Etre tout-puissant : Donc Dieu <ioit être adoré.
Dieu est le sujet de la proposition ', doit êtr$ adoré est l'attribut j \Eire tour-puissant est le moyen terme.
Tous les hommes peuvent se tromper ; , Vous ér39 hommes : Donc vous pouvez vous tromper.
Vous est le sujet de la conclusion , et par conséquont le périt ternie ; pouve^ vous rromper , est l'atrribut : ro.'ts les hommes, est le moyen, ternie ou lidée moyenne-
Article XI. Fondement du Syllogisme,
V-/OMME dans l'ordre physique on ne peut tirer d'un corps que les différentes matières qui y sont contenues -, do même dans l'ordro métajihysique on ne peut déduire un jugement au conséquence d'un autre jugement , que parce que cette consécjuence ou jugement a di'jn été porté en d'autres termes , ou , comme on dit communément, c'est que la majeure ou {)ropositiongénérale contient la conclusion, et la minoure Ihir voir qu*^ cette conclusioi\ est conienue duns |a majeure.
Aûisi , c'f'St ri<l(întilé' qui est le seul et vo- rital^''^ fond.'iuent du syllogisme.
La conclusion est en d'autres termes le
mOm»
de Logiquf. Art. Xî. iS*
WKSmc jiîgoment qa'ou a porté dans la majeure , arec la seule dilfcrence qne la majeure est pins étendue et plus générale que la con- clusion ; c'est ce qu'il est aisé de faire voir pac 4cs exemples,
L'Erré rort- puissant doit êire adoré ; Dieu est i'Kire tout-puîssant : Donc Ditu doit être adoré.
Je dis que cette conclusion , Dieu doit êtrB adoré ^ est (Uns le fond le môme jugement que celui-ci : lEtre tout puissant doit être adoré. Ea effet , cette proposition , \ Etre tout-puissant doit être adoré , contient colle-ci : Qieu doit être adoré , parce que Dieu seul est \Etre tout"] fui s s an t.
La rainenre sert uniquement â faire voîr que la conséquence est contenue dans la ma*^ jcure , puisqu'elle tous dit que Dieu est VEtre. tout-yuissjnt ; d'où il suit que ce que vous dites de lEtre tout-puissant , vous le dites de Dieu%
Tous les hommes peuvent se tromper ;
Or vous ères homme :
Donc vous pouvez vous tromper.
Cette proposition : tous les hommes peuvent se tromper, contient visiblement celîe-ci , vous êtes homme II est visible f[\i'ho!77me est un mot générique qui contient tous les individus qui sont hommes ; et qu'ainsi tout ce que je dis da l'homme , seulement en tant (y^homnie , je lo dis de vous; par conséquent lorsque j'ai dit: tous les hommes peuvent se tromper , j'ai déjà dit de vous que vous pouviez vous tromper , puis- que vous et homme est la même chose , en co sens que vous "êtes contenu dans l'idée exem- plaire que j'ai de l'homme, comme le cercle en particulier est contenu dans l'idée exem- plaire que jai du cercle en général. Cette ma» iiciQ cicndue que j'appelle cercle , n'est ainsi
B
^'S Principes
appelée que parce qu'elle excite en îïioî une impression que je trouve conforme à l'idéo exemplaire que j'ai acquise du cercle par l'usago de la vie. /< 11^ ■■ ,. , ■ . II. I . I ... I , ^
Article XII.
Hegles dit Syllogisme,
V/uoiQUE les mots paroi ssent nous donnef des' idées différentes , cependant , quand le sens que nous donnons aux mots est bien ap- ■orécic , il est évident que , quoique l'on s'ex- plique en termes différens , souvent on entend fa même chose. Ainsi , par l'Etre tout-fiiissant y j'entends Dieu, D'où l'on pourroit conclure qu'à la rigueur il n'y a que deux termes dan» Je sylio&isiTLe , et qu'en un sens, la conclusi^on est la même proposition que la majeure : VEtrô toKt-'puissant doit être adoré , et Dieu doit itrà adoré , c'est au fond la même chose.
De ce piiacipe , bien entendu, suivent ïe^ règles qu'on donne dans les Eceles touçhaQj» Je syllogisme.
Première Règle.
L'idée moyenne , c'est-à-dire , les mots qui l'expriment, doivent être pris , au moins Une foij , universellement.
ExPLi c ATio y.
Le moyen, est l'idée qui doit contenir î« fnjet de la conclusion ; il ne peut le contenir Ijue lorsqu'il est pris généralement, par exempii^
Quelqo'hdmme est savant ; (^uelqii'hiimme est riche : iioiic qat.lquc nok* est s^iTilBti
de Logique. Art. XIT. 2^
' Le mol d'homrne de la majeure et de la mn neiire , étant pris particulièrement , puisque dans l'une et dans l'autre proposition, il si- .^niJie diverses sortes d'hommes, ne peut con- tenir le sujet de la conclusion , ou y être ap-* pliqué; parce qiic \o particulier n'est point ren* iermû.dans le particulier , mais dans le gcneraU
Seconde Règle. Les termes ne doivent pas être pris plust universellement dans la conclusion, qu'ils Uô l'ont ôLc dans les prémisses.
Explication.
Puisque la majeure doit contenir la con-^ clusion , et que le particulier ne sauroit con-^ ienir le général ; il est évident que si Ie« termes de la concinsion sont pris uni^iersoî- lem-Mit dans la conclusion , et parliculièremenC dans les prémisses , le raisonnement sera faux ;[ comme si de ce que quelqu homme est noir ^^ je conciuois que tout homme est noir.
Troisième Règle.
On ne peut rien conclure de deux propg^ sitions négatives.
Explication.
Les propositions négatives ne conliennenC que" la négation de ce qu'elles nient ; ainsi , on nen peut tirer une autre négation. De ce que je dis que Pierre n'a pas dix louis , il ne s'ensuit pas qu'il n'ait pas d'esprit. D'une pro- position négative , vous pouvez encore moins tirer une conclusion affirmative : de C3 que Pierre n'est pas riche , il ne s'ensuit pas qu'il, soit savant.
Les Espagnols ne sont pas Ti<rc8 ; I^s«; Turcs ne jonr pas Chrétiens : Donc les Espagnol» ne scdi pas Chrétiens,
£ 2
>S Principes
On voît visiblement que la conséquence J3i*est pas contenue dans la majeure.
Quatrième Règle. On ne peut pas prouver une conclusion néj |;ative par deux propositions affirmatives. Explication,
Une proposition est ne'gative , quand oit n'aperçoit aucune identité entre le sujet cB lattribut , et qu'au contraire on y découvre de Ja différence et de l'opposition/
Au contraire , une proposition est affir- ïnative , quand on aperçoit que le sujet et i attribut ne font qu'un même tout : or la con- clusion étant négative , elle ne peut pas être la même chose qu'une ou deux proposition^ affirmatives.
Cinquième Règle.
Si une des prémisses est particulière , I» tonclusion doit être particulière; et si une des prémisses est négative , la conclusion doit aussi être négative : c'est ce qu'on dit cora« muncmr^ni dans les écoles ^ que la conclusion guit toujours la plus foiblc partie.
E X P L I c J T I ç N.
La conclusion devant toujours être contenu© dans les prémisses , elle ne sauroît avoir une plus grande étendue que les prémisses : or elle auroit plus d'étendue : si elle étoit universelle , lorsqu'une des prémisses est particulière.
D'ailleurs , elle ne peut pas affirmer lors- qu'une des pté/Aisses est négative par la mémo raison.
De cette règle il suit qu'une proposition qut cundud le gtineral , conclud le particulier : Si tout homme a une aîné , Pierre a une inne.
Mais une proposilien qui couclud U parti*'
ie Logique. Art. XII. l$
culicr, ne conclucl pas pour cela le général, ou plutôt n'est pas la même chose que le général, i^uelques hommes sont noirs , il ne s'ensuit pas de- là que tous les hommes soient neîrs.
Sixième règle.
On ne peut rien conclure de deux propositions particulières , c'est-à-dire , que de deux propo- sitions particulières on ne sauroit en déduira une troisième proposition. De ce que Pierre est: savant , et que Paul est sage , il ne s'ensuit pas que Jean soit sage ou savant.
Explication.
Les propositions particulières ne sont dites que des objets particuliers qu'elles expriment : on ne peut donc pas les appliquer aux autres objets dont elles ne disent rien. Une majeure particulière n'étant' dite que de quelques objets particuliers , ne peut dont point contenir une conséquence qui est différente d'elle-même.
> . . . . — .... ..,.■■. — wii * '
Article XIII.
Des Sophismes»
X OUT ce qui n'est pas conforme à la règle., n'est pas droit : il faut donc avoir la connois- sanco de la règle , pour dire que ceci ou cela n'est pas droit. Il en est de même du raisonne- ment ; il faut en savoir les règles , pour bien démêler un raisonnement faux.
1°. Une des principales observations , c'est que tout jugement doit être excité par une cause extérieure , et que cette cause extérieure doit ôtre la cause propre et précise de ce jugement. Tout jugement doit avoir son motif propre ; misi , Uû historien qui racoate un faic qui s'est
^ 3
Bo Pr'i ncipes
passe plusieurs siècles avant lui , n*estpas dîgn» de foi , à moins qu'il ne s'appuie sur le témoi- gnage des auteurs contemporains, et ce témoi- gnage est encore sujet à l'examen.
2*^, Le raisonnement est intérieur ; on n« raisonne que sur ses propres idées: ainsi, dans Ja suit® d'un raisonnement il faut toujours con- server les mêmes idées. Car ce qui est vrai d'une idée ne l'est pas d'une autre ; ainsi , quand on raisonne avec quelqu'un , il faut bien prendre gafde s'il a les mômes idées que nous; s'il entend les mots dont nous nous servons , dans le mém« sens que nous les entendons.
Il faut sur-tout prendre garde dans la chaleur de la dispute , de donner toujours précisément le même sens aux mots dont on se sert , parce que ce que vous dites d'un mot pris en un cer- tain sens n'est pas vrai lor^'ie vous prenez ce mot dans une signification différente. C'est paur cfîla qu'«n certaines occasions il est bon lie déiinif les termes, et do convenir de leur signification.
Les passions sont comme autant de verres colorés , qui nous font voir les objets autrement que nous ne les verrions , si nous étions dans l'état tranquille de la raison. Nous devons donc J10U3 défier de nos passions si nous voulons iporlcr des jugemens sains.
Les préjugés , c'ost-à-dirc , les jugcmens qu« jious avons portés dans notre entance , et qui m'ont pas été précédcis de l'oxamen , nous indui- eent sou\cnt en erreur.
Les observations que nous venons dn fair« ïie seront pas inutiles pour nous aider à drmé- Jcr les subtilités des soyhismes. On entend par soylilsmes , certains raisonnumeiis éblouissans dont on sent bien la fausseté; mais on est «UiiJjîirassO à h dvcouvrir , et à dire précisé-
(le Logique, An. XIIT. 8Ï
ment pourquoi tel raisonnement est faux et captieux.
Premier Sophisme.
Ambiguïté des Termes , ou équivoque.
Le sophisme , qui consiste dans l'ambiguittf des termes , est appelé par les Philosophes , Crammatica F alla ci a.
Par exemple :
Il y a dans le ciel une constellation qui est I3 lion;
Or le lion nigit :
Donc il y a dans le ciel une constellation qui rugit,
La fausseté de ce raisonnement consiste dans l'ambiguité du mot lïon ; défaut qu'on appelle aussi amphibologie : car dans la pi'emiére propo- sition , le mot lion ne signifie que le simple nom qu'on a donné à une certaine constellation ; au lieu que dans la seconde proposition , lion signifÎG une sorte d'animal qui rugit. Ainsi , cet argument a quatre termes; 1°. constellation dans le ciel; 2°. lion est pris pour le simple nom que l'on donne à cette constellation ; 3°. lion est pris pour un animal véritable ; 4°- rugit-: ot un argument ne doit avoir que trois termes j savoir ,'i". le sujet de la conclusion ; 2°. l'attri- but de la conclusion ; 3°. le mot qui exprime l'idée exemplaire que l'on compare avec le sujet de la conclusion , pour voir si ce sujet est con- tenu dans cette idée moyenne et exemplaire , et s'il est la même chose.
Le rzt ronge ;
Or le rat est une syllabe :
Donc une syllabe ronge.
Il est aisé de faire voir dans cet argument le. Blême défaut que dans le précédent : rat y est pri$ en deux sens différens, «L'homme pense ;
'Z2 Prlncîpef
Or l'homme est composé de genre et £e diff^
rence : Donc le genre et la différence pensent.
Le défaut de cet argument consiste en et qu'on passe de l'ordre ph^fsique à l'ordre roéta- physique. L'homme dans l'ordre physique et Xééi pense. Il est vrai qu? Ihonime a des pro- priétés communes à tous les animaux ; on ap- pelle ces propriétés communes , le frenre. Il a aussi des propriétés particulières qui le distin- guent des autres animaux; ces propriétés sont appelé'.^s , la différence. Ce genre et cette diffèr" rence ^ q-ii ne sont que des êtres métaphysiques, c'est-à-dire , de simples vues de l'esprit, ne sont point rhomme physique qui pense ; ainsi , la conclusion n'est point contenue dans la ma- jeure.
Dieu esf -par-tcnt ;
Par-rcuf est un adverbe:
Donc Dieu est un adverbe.
Dans cet argument, le mot par-tûut est d'a- l^ord pris selon sa signification. Pieu est par" Sout , c'est-à-dire , Dieu est en tous lieux ) ensuite on considère par-tout giammaticaJcment , et ca lant que par- tout est un mot.
II Sophisme.
Tgnoratio tlenchi , «xrvj^of.
Mot ffrec qui signifie argument , sujet,
Co sophisme consiste dans l'ignorance da éujot. C'est lors(ju'on prouve contre son advcj^ sairc toute autre chose que ce dont il s'agit, ou ce qu'il ne nie point , ou enfin lout ce qui est étranger à la question : c'est proprement le ^^UI
PRO QUO.
Les exemples n'en sont que trop fréqurns flans la conversatioa , dans les disputes, dans les laciuoifc» d'diiaii'us , qù l'o^ s etïorç# sou*.
Je Logique. Art. XIIT. 84
vent de prouver ce qui ne fait rien à la question dont il s'agit. On en voit aussi |Dlusicurs oxenri- plcs dans les livres didactiques, ( ctèa.r<i) signifie enseigner ).
Les auteurs de comédies nous fournissent souvent des exemples de ces qin pro QUo ^ qu'ils n'ont imaginés que pour amuser les spec- tateurs. Il yen a un exemple dans la troisième scène du cinquième acte de l'Avare do Molière, Harpagon accuse Valère d'avoir commis l'at- îentat le plus horrible qui jamais ait été commis. Va 1ère répond que puisqu'on a tout découvert à Harpagon ] il ne veut pas nier la chose ; mais Harpagon vouloit parler de l'argent qu'on lui avoit volé , et Valcre entendoit parler d'Elisc, sa maîtresse, fille d'Harpagon. Il y en a un exemple pareil dans les Plaideurs àe Racine , où la comtesse de Pimbesche s'imagine qu'on la traite de folle à lier , pendant qu'on lui con- seille simplement d'aller se jetter aux pieds de 5on juge.
i'^. La précaution qu'il y a à prendre contre ce sophisme , c'est de bien déterminer l'état de la question , en évitant exactement l'équivoque dans les mots et dans le sens,
2°, Quand une fois l'état de ïa question est bien déterminé, et que votre adversaire s'en lécarte , il faut avoir soin de l'y rappeler.
III Sophisme.
La pétition de principe.
Dans le sophisme précédent on rc'pond 3 autre chose que ce qui est en question ; au lien que dans la pétition de principe , on répond en termes différens la même chose que ce qui est "en question : Qu'est-ce que le beau , c'est ce qui pla/r , ou biea , disent quelques anciens , c'eif,
B 6 -
S^ Principes
ce qui Convient. Voilà une vcritablo pétition dé principo.
Ce mot s appel Ig pétition de principe , du mot grec WiTitisH qui signiiie voler vers quelque chose ^ se porter , recourir à . . . et du mot latin PRINCI- flUM , qui veut dire commencement \ ainsi faire tine pétition de principe , c'est recourir en d'autres termes à la m3me chos3 que ce qui a d'abord été mis en quoshon : c'est rendre en d'autres -termes le môme sens que ce qu'on vous a ^demandé d'abord.
Molière , dans le Malade imaginaire , fait >é^Qm:xx\à.Qv pourquoi Vopiumfait dormir'', on répond Vjuo c'est parce quil a une vertu dormitive , ou vous ."^oyez-que c'est repondre , en termes différens, •la même chose que ce qui est en question. Celui •qui demande pourquoi l'opium fait dormir, sait i'ort bien que l'opium a une vertu dormitive ; pnais il dc-îmatide pourquoi il a cette vertu ? * Pourquoi l'opium fdit il dormir, ou pourquoi 3'opiuuia-t-il une vertu dormitive ? c'est la myu"i!3 «clomaudo. Pourquoi le vin enivre-t-il , ou pour- cjuoi le vin a-î-il une vertu qui enivre l c'est fairo Ja mCme question ; ainsi que l'un soit la réponso «ou la demande , on n'en est pas plus instruit. C'est répondre précisément ce quf est en ques- tion ; c'est recourir au principe , au commen- cement de Ja question , ù ce qu'on demandoiç «l'abord.
La plupart de^ jeunes gens (jui apprennent îe latin , s'nccouJumi^nt à cetl(i mauNaisc ma- îiiAr.3 do raisonner ; car si on leur demande jfîOUTquoî , quand on dit lume^j sous ^ scLis est-il nu f^énilif ? ils répondent que c'est par là y'îglc fie J ifiFR Prtri : ce qui «'st une pétition fl'3 pri ncîpf^ , c;ir pourquoi Pf.tki est-il ail g'initit? Il soioit nuoux , ce ino semble, do tpépoadro i^ue scijs est au géuiiif, parce qu'v)
3e Lû^icme, Art. XIIλ 35
ïî»3tcrmiaG lumen, qu'il en fi^tn la significa- tion. Lumen signifie tonte lumiore ; mais si vous ajoutez soLis à lumen vous déterminez la signification vague de lumen à ne plus sig- nifier que la lumière du soleil ,et telle est en' latin la destinalion du génitif: on met augénitif UH nom qui en détermine un autre.
Il en est de mcme dans cet exemple : J/iio Veum. Pourquoi Deum est-rl à l'accusatif? ou répond , c'est parce que ^iMo gouverne l'^cu- satif , ce qui est une véritable pétition de prin- cipe; car c'est dire: D£C/yU esta l'accusatif après ^MD , parce qu'après Jmo il est à l'accusatif; au lieu de dire que les mots latins changent de terminaison pour marquer les différentes vues sous lesquelles l'esprit considère le même objet, et que la terminaison de l'accusatif est destinée i marquer que le nom qui est l'accusatif est le terme ou l'objet du sentiment ou de l'action que le verbe signifie ; ainsi , Deum à l'accusatif marque que Dieu est le terme du sentiment d'aimer , que c'est ce que j'aime.
Le cercle vicieux est une pétition de principe,' C'est une sorte d'argument vicieux dans lequel on suppose d'abord ce qu'on doit prouver, et tensulte ce qù'oil a supposé ; on le prouve par ce qu'on' croit avoir prouvé par cette première supposition comme ces métaphysiciens qui proiî» vent Dieu par. les créatures , et les créatures , par I idée qu'ils ont de Dieu ; et ceux qui prou- vent l'existence des corps par la foi.
IV Sophisme,
De fa'îso supponenle.
Supposer pour vrai ce qui est faux»
Il n'arrive que trop souvent que par une sort^ <Jc bonûc foi îiatur Cille on ne s'imagine pa<;
B 6
^ Principes
çfu'on puisse êtxo txônjpé de sang-froid et $zns aucun intérêt de la part de ceux qui nous trom- pent , et qui souvent sont tromptis eux-mémeà îe» premiers : aiasi , on suppose que ce qu'ils disent est vrai , ce qui d'ailleurs seconde noire paresse , et nous exempte de la peine de l'exa- men. C'est ainsi que les anciens ont été trom- pés , en croyajiC les histoir^^s fabuleuses du rhénix , du Rémora et de tant d'autres contes populaires don:; tous les livres sont remplis,
il 'arrive souvent par le même sophisme ^ jqu'au lieu d'avouer son ignorance, on explique ce qui n'est pas, parce qui n'est pas aussi, témoia l'histoire de la prilendue dr-nt d'or. Uncharlaran du dix-septième siècle montroit de viile en ville lin jeune homme (^ui avoît , uisoit-il, une dent d'or. Les Fhilcsophes de ces teir.ps-Ià firent des dissertations pour faire voir que la matière avoit pu s'arranger dons la dent de ce jeune homme de la même manière qu'elle s'arrange dans les jiiines d'or •, mais un Chirurgien plus habile découvrit q-ie cotte j>roter.due dent dor ne cou- éistoit qu'on une feuille d'or dont on avoit enve- loppé la dent , et qu'on avoit adiroiiemonr insi- nué dans la gencive. Cet exemple fait voir âu'avant que d'entreprendre d'expliquer la cause- 'un effet , il faut commencer par se bien assit- sexsilefait exisic.
V Sophisme.
Non causa pro causa.
Prendre -pour causé ce qui n\st pas causr-
Hien no coûte tant à l'esprit humain quff de defueurt-r ind<jtrrminé et do diroyV n\'n sais rien ^ jusqM\\ ce qu'on ait le motif propre que le juge- luci't suoposo : f|p-là vient que lorsqu'on voit oxiivQX uj^ciïct dûut oni^uoie U cause ^ au liem
3e tonique, JkiX, XHI, ^;y
de convenir simplement de noire ignorance natuiolîe et Avs bornes des connoiss.uaces hu- maines , nous prenons pour cause de cet effet , ou ce qjii est arrivé avant Ttiflet sans y avoir aucun rapport , ou ce qui airi\e on moiiie temps , et qui n'a aucune liaison physique avec cet effet. C'est ce qu'on appelle rosr hoc ,
ERGO TROPTER HcC , OU bien CUM HDC , ERGO P^ OPTER HOC,
Soûve.iu apies qu uiie coîvè c a paru dans le ciel , iî arrive quelqu'un d; ces «jcc dens fâcheux auxquels les hommes sont sujets , comme la peste , la faii inc ou îa ruort iVun Prince. Cette comète n'a ancurje liaison physique avec ces évënemens ; cependant le peuple regarde la. comète comme la cause de Te. éiiement • pcst HOC , ERGù FROFTER HOC. L'uvénemcnt ^3t •arrivé après la comète: donc il est arrivé à cause de la conîète. C'est un sophisme pcpi^Iaire.
II p!eut après la nouvelle ou la pleine lune: ■donc iî p'eut à cause de la pleine ou de la noij» velie lune. C'est encore une erreur populaire. Oïl a observé , après un p^rand nombre d'ejcpt^ riences réitérées, que la îune ne produisoit sur Je gîolw3 terrestre aucun de ces effets i*hysiques q-je le peuple lui attribue , ot qu il esf inut*?c d'observer b'^s quartiers de la lune pour sera tx et pourc'ltivcr les plantes , aus-i- bien qu<^ po'ir les ch;irtg'^niens des temps Vojez la Quintinip, i/i':trucn:>n<; sur les jardins , et une belle disseria- tion çur les prétendues influences de la lune , dans le Mercure de 1740.
Les aaci'ms Romaîns^ ne comme nçoie«t aucune arfiire sans consulter les dieux par le inoyp'ri d'^s .u^pîcos , po'ir savoir si ^'Gntre|)rise^ seroit heiireus;' ou malh'îure -e. Il esl évid'^nt que le v I de? oi*^eaux et les autr?s opératiouç de ces animaux n'ont aucune liaison nécessaire
'<^>S Pruicipe^
avec les evcnemcns futurs , et que , par cotiso*" quent , ils ne peuvent en être ni la cause ni mê- me le signe : ainsi , que l'auspice fût favorable ou non , c'étoit mal raisonner que d'en attendre un événement heureux ou malheureux.
Lorsque Claudius Pulcher , Consul Romain et Général de l'armée navale , fut envové contre les Carthaginois , on consulta les sacrés pou- lets , qui ne voulurent point manger. Le Consul ordonna que puisqu'ils ne vouloient point manger , on les jottât dans la mer pour les faire boire \ il arriva par l'événement que les Romains perdirent la bataille ; mais on ne doit point attribuer cette perte aux auspices : ce seroit •prendre pour cause ce qui ne seroit pas cause, ot tomber dans le sophisme rosT hoc , ergo 'fropter hoc.
-» Les Historiens remarquent que les Carthagi- nois avoient de meilleurs vaisseaux et des ra- îneurs plus habiles que ciux (les Romains ; ils •ajoutent que les Carlhagincis aVoient choisi un •lieu plus avantageux ; que ]os Romains ne pou- voient rompre l'ordre de l'ennemi , ni l'envc*» lonper , à cause de la pesanteur de leurs vais- seaux et de l'incapacité de leurs rameurs; d'ail- leurs le trouble intérieur et les remords que ?e Tnépriî de la religion irispiroit aux soldats , Jenr abatloiv^nt le courage , et ils croyoient combattro contre les dieux irrités. Voilà les vé'iitablcs causes de la perle de la b.ilaillj de Claudius Pul- cher contre les Carthaginois. Il faut rapporter les évcînemcns à leurs véritables cau'.cs , si on les connoît , sinon il faut avouer qu'on l-îs fgriore.
CN'St encore prendre pour cause ce qui u v.si. ^as cause , que d'expliquer los effets ph vsiqu*»5 en Icô attribuant à des qualités occultes , à l'hor- •f.vur îjiu Yuidc ou à l'aUraction , etc. Il est plus
Je Lcf^iquC'An. XIII. 59
ifnisonnn])lc cI^î convouir de son ij;norance, que dctrc satisfait par des mois qui ne présentent aucune idée à Icsprit.
Les paroles et" les autres grimaces des pré- tendus sorciers ne peuvent pas non plus raison- nablement: élre prises pour des véritables causes physiques. Les paroles ne sont qu'un air battu ; ainsi , elles ne peuvent produire ph ysiquiment et par elles-mêmes trautre effet que le son. Ceux qui leur donnent une autre vertu , supposent deux choses qui nous sont également incon- nues ,^ et qui môme sont injurieuses au souve- rain Etre, à l'Etre parfait; car, puisque l'on convient que les démons ne peuvent rien faire sans la permission de Dieu , les paroles magi- ques sTipposervt une convention particulière entre Dieu et le démon. Il faudroit en effet que Dieu fût convenu que toutes les fois que certains hommes diroient telles ou telles paroles, ou feroient telle ou telle action , il pevmeîtroit au démon de produire tel ou tel effet.
Il faudroit , en second lieu , que nous eussions une révélation détaillée de cette prétendue cori" vention entre Dieu et le démon. Il y a dans l'un et l'autre point bien peu de saiâon et d© décence.
Si une femme joue heureusement pendant que quelqu'un est auprès d'elle , eUe s'imagin©' que cette personne lui porte bonheur. G^est îo sophisme cu.n hoc , ergo proftem hoc. L9 bonheur n'est point un être réel qu'on puiss© porter.
Quelques personnes ont de la peine a se trouver à table , au nombre de treize convives.
En effet , il arrive souvent que de treize per- "sonncs qui se sont trouvées ensemble à table , il en meurt quelqu'une dans le courant de l'an- née ) ce qui seroit bien moins étonr^axit ii m.
40 Principes
Jieu de treize convives , il y en avolt eu treatçl Ainsi , uîi contive €st mort, non parce quil s'est trouv(- â tabl« avec douze autres personnes; mai? p.irce qne les hommes sont mortels, et qu'ainsi plus il y a de personnes assemblées , plus il est vraisemblable d^ dire que dans l'es- pace d un cen.iin temps quelqu'une de ces per- soniies paiera à la nature ie oribut que toutes les autres paieront chacune à leur tour.
Ceux qui conr.ulienr Jc:j songes , ceux qui ajoutent foi àluchirom incie * . ceux qui croient qu'on est heureux qnaiid o.i est né coéffé , etc tombent dans le sophisme dont nous venons de parler.
La honte d'ignorer , le goût du merveilleux et le pcachant à la superstition,, sont la cause de ce ^o^vhisme.
VI Sophisme.
Dénombrement imparfait.
Antrefeîs ^n se moquoit df^ quelques Philo- sophes qui disoient qu'il y avoit des Antipodes: quel -esi 1 homme assez inr-ensé , disoit Lac- iance, -^ pour croire qu'il y a desliommes dont » les pieds sont ,»lus élevés que la tête "^^ ?ï>
L'expérience a fait voir qwe ceux ^ui tron- voîeiit l<;s Antipodes impossibles, se sont trom- pés. Leur erreur est reane du dénombrement imp.irfuif. Ms n'avoient pas examiné ni connu la vérilable raison qui fait que les hommes mar- chc-it sur 1j terre , et sont poussas vers le centre du globe terrestre , quelqu-î part où il se trou- rent sur ce globe , et ne sont jamais pounsës vers le ciel.
* Art de deviner parla cousi4««tioxid<;sixiaii6, «4 Lau, 3. €,-35.
àe Lcpque, Art. XIII. 41
On lombo donc dans le sophisme du dénom- Ijroment imparfait, lorsque connoissant une ou plusieurs manières dont une chose se fait , on croit qu'il n'y a que ces manières là qui soient la cause de cet eflet , pendant qu'il y en a qael- qu'autre qu'on ne compte point , et qui cepen- tinnt eti est la cause véritable. Vous connoissez qu'une chose se fait d'une certaine façon , d'oîi vous concluez qu'elle ne se peut faire que de cette manière-là : c'est tomber dans le sophisme du dénombrement imparfait. Avant que de dccidrr , vous devez examiner si vous connois- sez toutes les manières dont une chose se peut faire , et ne pas décider témérairement qu'un© chose ne peut se faire que de la manière que vous connoissez. C'est comme si un aveugio disoit que la lumière ne sauroit être lumineuse , parce qu'il no lui connoU pas cette propriété.
Un Officier étoit payé tous les ans de sa pen- sion au trésor royal , au bout de la rue du Roi de Sicile. Un autre OfEcier étoit aussi payé de sa pension au trésor royal , rue d'Orléans ; enfin , un troisième étoit aussi payé de sa pen- sion au trésor royal , rue des Quatre-Fils. Ce* trois Officiers se trouvèrent ensemble à la pro- menade. Le premier dit qu'il avoit été payé de sa pension au trésor royal , rue du Roi de Sicile; les autres soutinrent que le trésor royal, li 'étoit point rue du Roi de Sicile , et qu ils avoient été payés ailleurs : c€ qui donna lieu à une contestation très-vive , par le sophisme dix dénombrement imparfait-, x:ar, quoiqu'il n'y ait proprement qu'un trésor royal , il y a cepen- dant trois Ganles du trésor royal gui sont suo- ccssivement en cxexcioe j et paient chacun ce qui les conceree.
4 ^ Principes
Vil Sophisme.
Induction défectueuse.
On appelle induction^ une conséquence géné- rale , que l'on tÎFe du cl éîi cm b rement que l'on fait de plusieurs choses particulières. Ce sophis- me a bv?aocoup de rapport ad dénombrement Imparfait dont nous venons de parler. La diffc- jence consiste en ce auc , dans le dénombrement impartait , on ne ccjnsidcrc pas assez toutes les jnanicres dont una chose ]jeut être ou peut arriver ; d'où on conclud qu'elle n'est pas , quoi- que souvent elle soit d'une manière à laquelle on n'a pas fait allenlion. Dans l'induction , on commence par la considéralion des choses par- ticulières , d'où on tire ensuite une conséquence générale. Par exemple , on a éprouvé , sur beaucoup de mers , que l'eau en est salée , et sur beaucoup de rivières , que l'eau en est douce : de-]à on a conclu généralement qse l'eau de la mer ctoit salée , et celles des rivières douce. On n'a point trouvé de peuple , dans aucun pays , où les hommes ne se servissent point des sons de la voix pour signifier leurs pensées : de-là on a conclu que tous les peuples evoicnt l'usage de la parole.
Ces sortes de conséquences générales ne sont justes , qu'autant que le dénombrement dos choses singulières qu'elles supposent, est exact. Ainsi , si on cHsoif , les François sont blancs , les Anglois sont blancs , les Italiens et les AIlc- ïnands sont felancs , donc tous Ifs hommes sont Ijlancs ; U conséquence ne seroit pas juste , par la faute du dénombrement , qui jic «croit pas exact. L'induction seroit tirée d'un dénombre- ment défectueux , puisqu'un Ethiopie Igs hom- Hios «ont auirs.
âe I.opque, Art. XIII. 4S
Avnnt les expéricucos que Ton a faites, vers le milieu du dernier siècle , sur la pesanteur de l'air , on croyoit qu'il étoit impossible de lircr le piston d'une seringue , bien bouchée , sans la faire crever ; et que l'on pouvoil faire monler de l'eau aussi haut que l'on voudroit, par le moyen des pompes aspirantes. On liroit ces conséquences des expériences que l'on avoit faites • mais on n'en avoit pas fait assez. Les noiivcUes expériences ont fait voir qu'on lire le piston d'une seringue , quelque bouchée qu'elle soit , pourvu qu'on y emploie une l'orce supérieure au poids de sa colonne d'air. Elles ont fait voir aussi qu'une pompe aspirante n« peut élever l'eau plus haut de 32 à 33 pieds.
Remarquez la différence qu'il y a entre l'in* duclion et l'idée générale ou exemplaire.
L'induction ne tombe que sur les qualités accidentelles des oljjers, au linu que l'idée exem- plaire qui nous sert de modèle , regarde l'es*» sence. Pour dire que To^u des rivières est douce , il est nécessaire d'avoir goûte de l'eau de plusieurs rivières ; mais pour dire que tout triangle a trois côtés , il n'est pas nécessaire que j'aie vu plusieurs triangles *, parce que le premier triangle que j'ai vu , ma donné l'iuéQ du triangle : j'appelle triangle , tout ce qui est conforme à cette idée \ et je dis que tout ce qiù n'y est pas conforme , n'est pas triangle.
VIII Sophisme.
Passer de ce qui est vrai à quelque é^ard , à C€ qui est vrai simplement.
Les historiens lîomains ont écrit quelques faits fabuleux : il seroit déraisonnable d'en con- clure que tout ce qu'ils ont écrit est fabuleux.
La forme humaine est , ù ce que nous
•44 Principes
croyons , la plus belle , par rapport aux autres animaux: de-làles Epicuriens concluoient qu# les Dieux avoient Ja forme humaine.
Pierre est bon ;
Pierre est Peintre :
Donc Pierre est bon Peintre.
Ou bien :
Pierre e«;t bon Peintre ;
Pierre est homme :
Donc Pierre est bon homme.
II y a plusieurs défauts dans ces sophisraç». 1**. Le mot de bon , est pris en deux sens diffé- jens. Bon, ]o\nt à Peintre , s'igaihe habile j bon, îoint à homme , signifie humain , doux , corn" plaisant.
2^. D'ailleurs , en disant que Pierre est bon Feintre , si on étend le mot bon à signifier toute sorte de bonté , on passera de ce qui est vrai , 0i quelque égard, à ce qui est vrai simplement.
IX Sophisme.
Juger (Tune chose par ce qui ne lui convient que par accident.
Fallacia accidenlîs.
C'est lorsqu'on tire une conséquence absolue, simple et sans restriction , de ce qui n'est vrai que par accident. C'est ce que font ceux qnt blâment les sciences et les arts , à cause des abus que quelques personnes en font. L'emc- tique inal appliqué , pioduit de mauvais effets, donc il ne faut jamais s'en «crvir. La consé- quence n>st pas luste. Quelquee Médecins font Oes faiitrs dans l'exercice de la médecine : donc ilfau: bhimof ahââlmsuxotjamcdocinc. Ccscrpit «ual raikoxmer.
^e Logique. Art. XIIÎ. '4S
X Sophisme.
Passer du sens divisé au sens composé ; ou du seni composé au sens divisé, '
Nous avons déjà remarqué que , dans !e raî*' sonnement , il faut démêler bien prcciscracnC le sens des mots , et prendre toujours le mémo mot dans le môme sens , dans toute la suite du raisonnement.
Saint Jean-Baptiste ayant envoyé deux de se» disciples à Jesus-Christ , pour lui demander s'il étoit celui qui devoit venir r Jesus-Christ ré- pondit : les aveugles voient , les halteux marchent ^ Us sourde entendent , etc.
Or , Io3 aveugles ne voient point , les boiteujC ne nnrchent point comme les autres , et les sourds n'entendent point.
C'est que dans la première proposition , qui est cc^le de Jesus-Christ , par les aveugles , on, entend ceux qui étoiont aveugles : ce sont le» aveugles , divisés de leur aveuglement. C'est ce qu'on appelle le sens divisé. Les sourds entendent : on parle encore-là des sourds dans le sens divisé ; c'est-à-dire, de ceux qui étoient sourds, e.t qui ne le sont plus.
Au lieu que dans la seconde proposition | h» aveugles ne voient point , il est clair qu'on veut parler des aveugles , en tant qu'aveugles j ce qui est le sens composé.
Une chose est prise dans le sens composé, quand elle est regardée conjointement avec uno autre ; et elle est prise dans le sens divisé , quand elle est considérée sépartiment. Pieu juS" tifîe les impies : impies , est pris- là dans le sens divisé ] c'est-à-dire , que Di»^u les justifie par sa grâce , en les séparant de leur impiété. Au lieu que si vous disiez : les impies n'entreront point dans lu royaume du Ciel , vous prendriez impies daijf
4^ Principes
le sens composé. C'est dans ce sens compose que saint Paul a dit que les médisans , les avares , etc. n entreront Vâinr dans le royaume du Ciel ; c'est- à-dire,* s'ils persévèrent jusqu'à la mort dansco* habitudes criminelles.
On ne peut passer , sans sophisme, de l'un de ces sens à l'autre , dans la suite d'un même raisonnement.
On peut rapporter ici les faux jugemcns qu« l'on fait quelqutfois sur la conduite des hom- mes , en les considérant selon le sens divisé ; c'est-â'dire , selon quelques-unes de leurs bonnes ou de leurs mauvaises qualités , sans avoir égard aux autres.
Aiuiibal étoit grand capitaine: selon cette considération , après la bataille de Cannes, on jugea qu'il alloit se rendre maître de Rome : c'étoit !e sens divisé. Mais le trop de confiance et la ma'.'osse le retinrent à Capoue , et par celte conduite , selon le sens composé , il donna aux Romains le temps de se mettre en état de le chasser de l'Italie.
Ce magistrat , en tant que magistrat , ce religieux , en tant que religieux , cet homme d'esprit , en tant qu'homme d'esprit , ne fera pas une telle action ; c'est le sens composé : mais en tant que sujet à une passion phis forte que la considération do ses devoirs , il se lais- sera emporter à cette passion , malgré ses lumières: c'est-lA le sens divise. Ce qui fait voir qu'il ne f:mt pas juger des hommes , ni par cer- taines qualités extérieures , ni même par ce qui est d'j l«nr propre intérêt ; mais ï)ar leur tem- pérament, leurs penchans , leurs inclinations; en un mot, dans le sens composé.
Dans le sens composé , un mot conserve sa signification à tous égn)Tls, et cette signific.ition «iitro dans la coinposiLion do toute la phrase r
de Logique, Art. XIII. ^f
«a lieu qiio dans le sens divisé , ce n'est qu'eu lin certain sens et avec restriction , qu'un mot conserve sa première signification. Les aveugles yo'unt ) c'est àclire , ceux qui ont (ité aveugles.
XI Sophisme.
Passer du sens collectif au sens distributif , et da sens distributif au sens collectif.
Par exemple :
L'homme pense ;
Or l'homme e-it composé àe corps et d'ame :
Donc le corps et l'ame pensent.
L'homme pense flans le sens distributif ,■• c'est-Adire , salon une de ses parties ; ce quï s 11 Hit pour faire dire en général que l'homma pense- mais l'homme ne pense pas collective-» inent , selon toutes ses parties.
C'est ainsi qu'on résout ce sophisme puériî<i(
Les Apôtres étoîent donze; Or Saint Pierre étoit Apatre : Donc Saint Pierre étoIt douze.
Les Apôtres , étaient douie collectivement ^ c'est-à-dire , pris tous ensemble , et non distri» butivem^ent •, c"«st-à dire , pris chacun séparé-, ment. Donc saint Pierre étoit dou^e , c'est-à-dire, qu'il ctoit distributiveraent l'un des douze , e|> jfion tous les douze ensemble collectivement,
XII Sophisme.
Du, naturel au surnaturel ; du naturel à Vartijîciet*
Passer d'un genre à un autre.
I**. Lorsque l'on passe de l'ordre métaphy- sique à l'ordre physique. Je sais ce que j'entends quand je parle de montagne , de ville , d'affir- mation , do négation , de vie , de mort , etc. Je dis alors que j'ai l'iddc de montagne ^ d^
4^ Principes
ville » etc. Mais le verbe avoir est pris II par abug dans un sens figuré ; nous n'avons pas une idéo de la mîine manière que nous avons quelque objet réel : ainsi , ceux qui regardent les idées comme des êtres réels , passent de l'ordre mé- taphysique à l'ordre physique.
Il en est de même do matière. Les différent corps particuliers et réels qui nous environnent, nous affectent pnr les impressions qu'ils font sur les organes de nos sens. Ensuite , faisant abstraction de toutes les impressions particu- lières , c'est-à-dire , n'ayant égard ni à la cou- leur , ni à la solidité , ni à la mollesse , ni enfin à aucjne autre sorte de propriété sensible des corps particuliers , nous nous formons par ana- logie , avec une base ou un pied-destal sur quoi on pose qaolqucî chose , l'idéo d'un suppôt général do toutes cos propriétés ; et ce suppôt imaginé nous l'appelons matière ou matière pre- mière , que nous regardons comme la base d© toutes CCS propriétés , et qui n'est qu'un terme abstrait, tel que Ungiieurf hlancheur , couleur, etc. car il n'y a point d'être réel qui ne soit que matière dépouillée de toute autre propriété.
Il n'y a parmi les créatures que des êtres par- ticuliers. La matière en général , ou matière pre^ mihe , n'est qu'un terme abstrait et une pur» production de notre esprit.
Ainsi , au lieu de nous borner à ne considérer la matière que comme le suppôt imaginé des propriétés des corps, rcgiidons la comme ua signe d'une afficfion de notre esprit , en ua mot , d'une abstraction, et non comme l'ex- pfrcssion d'un objot réel , cjr c'est passer dt^ l'ordre métaphysique ou ideali l'ordre phj'sifjue, que de regarder la matière comme un être réel susceptible de tontes sortes de formes , et d« «.voiïc que les corps paiticulicxs ac sont ce qu'ils
s 01)1»
Je Logique, Art. II. 49
sont , que par l'a r rangement ou disposition des parliez de ctMte prc't<îndue niaiùre yremicre , qui , ii'otaiil elle- même rien de réel , ne sauroic avoir de parries.
C'est celte fausse manière de raisonner qui a fait, imaginer à certains fanatiques , toujours dupes de leur prévention , que l'existence do l'or ne consistoit que dans un certain arrange- ment de matière-, qu'ainsi , 1 art pouvoit donner cet arrangement aux autres métaux , et par-là les fdiie devenir or.
Mais les corps particuliers , dans l'ordre phy- sique , sont intrinsèquement en euî^-niêmes et par leur propre existence , ce qu'ils sont, et nft peuvent recevoir d'eilicration que jusqu'à un certain poirit , et selon 1? procédé uniforme et invariable de U nature , et dont le peu de saga- cité dos organes de nos sens nous dérobe lô mécanisme. Vous n'aurez jamais de bled que par des grains -do bled , ni d'animal vivant que par la voie établie dans la nature pour la pro- duction des animaux : vous n'aurez jamais de nourriture solide avec de simples liqueurs , et. votre estomach ne formera jamais de bon chile avec du poison. Ce que l'on dit de Mithridate n'est qu'une fable. Le Czar Pierre voulut accou- tumer les en fans de ses matelots à ne boire que de 1 oau do lu nier. Ils moururent tous.
Ainsi , ne regardons le mot de matière que comme un terme îtl)srrait, et comme le suppôt imaginé des qualités sensibles : n'ôtons nî n'ajoutons rien à ce que nous entendons par cette idiJe,
Les Mathématiciens regardent par abstrac- tion la ligne comme une simple longueur : ce seroic encore passer de l'ordre métaphysique à l'ordre physique , que de ne considérer ensuite 4a ligne ph^'sique uniqucnicnt que selon sa lou-
C
So Principes
gueur , et dire qu uno ligne urée sur quelque corps , n'a que de la longuoiir saas aucune largeur.
2'\ On passe encore cjun genre à un autre , lorsque l'on vf34ît expliquer les mystères de la Religion , qui scut de l'ordre surnaturel , par des raisonnemens fondés sur l'ordre physique. Quelques anciens sont tombais dans ce sophis- me , lorsqu'ils ont voulu expliquer le myslère de la résurrectiQn par le phénix *, en quoi ils se sont encore égarés par le sophisme de la fausse supposition : car il n'y a jamais eu de phénix xcproduit de ses propres cendres.
Ainsi , quand il s'agit des mystères de la foi , on doit imposer silence i la raison , pour s'en tenir simplement à la révélation , c'est-à-dire, aux choses que Dieu a découvertes aux hommes d'une manière sumsturelle ; au lieu de donner }a torture à l'esprit pour in-pginer des systèmes de conciliation entre la foi et la raison. Si le point dont il s'agit est révélé , tout est dit -, il faut le croire -, 0 aititudo ! Plus de raison- nement , plus de comparaison ni d'analogie , plus de création do termes abstraits , imaginés pour éluder dos difficultés qui doivent ccder à {'autorité divine. Si ce dont il s'agit n'est pas lévélé , ou n'est pas une conséquence nécessaire d'une vérité révélée , la raison , dont Dieu jn-nue est l'auteur, rentre dans ses droits. On ne doit suivre alors que les simples lumières naturelles , rectifiées par l'expérience et par les réflexions , c'ost-à-diro , par l'esprit d'observa- tion et de justesse , sans recourir à des raison- jiemens qui nous paroisscnt analogues avec les mystères.
Ainsi , ceux qui veulent ou excuser ou défen- dre le merveilleux im.iginé du pagnni.^nie , par l^ rcsse.mblance qu'ils y trouvent avec le mer-
de Logique. An. XIII. .Si
yeiUiîiix r6el et rëvél«i de l'Ecriture sainte , mo paroissont toinbcr tlaas le sophisme dont nous parlons.
Homère , à la fin du içf. livre de so]i Iliade, fait purl<»r k chovai d'Achillo. Madame Dacicr ne se contente pas de l'eYCuser ', elle ladmire. « C tJtoit ( dit-elle ) une tradition reçue parmi
V les Grncs , que Te bélier de Phryxus avoit parle.
V L'histoire aacienne , où Ton rapporte pla- ^'^ sieurs miracles semblables , par exemple , 5> qu'un bœuf a ^arhi , sembloit autoriser Ho- y mère. D ailleurs , il pouvoît avoir oui parler >> du miracle de l'ànesse de Balaam , qui parla.» Et dans lo livre de ta corruprion du Goût , p. iS/,
«J'ose dire (c'est Madame Dacier qui parle) ^> qu'il n'y a point d'eiiaroit dans Homère où U y grand^^ adresse de \;e Poète paroisse dans un •f> plus grand jour.
-» Le P, Le Sossu a fort bien dit , ( continue- t-elle ) que cet incident doit être mis entre les ^> miracles dont l'Iliide est pleine ; comme on » lit dans l'histoire Pvomaine que cela est quel- >? quefois arrivé , et comms nous le sçavons d& » l'anessc d3 Balaam : de sorte que quand Ho- » more auroit «se plus souvent de cette licence , » on ne pourroit blâmer sa fable de quoique ^> irr;>guiarité. •» Voilà ( poursuit toujours Ma- dame Dacier ) comme parlent les gens instruits.
Il me paro.t, au contraire , one c'est manquer d'instruction et de justesse dans l« raiionne-- lacnt, et avoir bien peu médité sur le caractère de l'esprit humain , ot sur la difrérencc que l'on doit mettre entre Tordre nature' , c-t l'ordre surnaturel , que de se servir do l'exemple de I ànesse de Bahum pour justifier la fiction pué- rile d Homire , ou pour nous faire croire c» que Ihistoire profane rapporte des animaux qui oui parlé. C'est abuser de l'écriture sainte, q«9
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52 Principes
de la faire servir à autoriser les r(5veries des Poêles ou des Historiens profanes , et les bruits populaires qui couroientde leur teinps
Qu'Agamemrion immole sa fille Iphig«nie , et que notre imagination s amuse encore aujour- d'hui à ia rnprcseutarion de cette histoire , ou de cette fable , si honteuse à la manière do penser de ces temps-là ; mais qu'on ne l'autorise ni de l'exemple de Jephté , ni de celui d'Abra- ham. En un mot , tenons-nous aux bonnes règles , soit pour former notre goût dans les ouvraf^es d esprit , soit pour la conduite de nos mœurs , soit enfin pour la croyance que nous devons accorder ou refuser à ce que l'histoire nous raconte de merveilleux.
Il a plu autrefois à Dieu de faire connoître sa volonté par des songes ; nous servirons-nous de ces exemples particuliers pour autoriser le songe d Hécube , et tant d'autres songes dont il €st parlé dans l'histoire , dans la fable ? et n'est- ce pas avec raison que l'Eglise nous défend aujourd'hui d ajouter foi aux songes et â toute révéij'ion qu'elle n'autorise pas ? Elle seule est la colonne de la vérité , la règle , le canal et l'interprète de la divine révélation.
L'ordre naturel est uniforme ; ainsi , nous avons droit de raisonner par analogie et sur de simples coi)iformités,dans les choses naturelles. Co qui est vrai une fois dans l'ordre de la jiatuie , l'est toujours , quand les circonstances se trouvent exactement les mêmes : ainsi , où nous voyons les mêmes appaiences , nous devons juger la même cause ; et il ne nous faut pas moins qu'à saint Joseph , ce chaste époux de Marie , une divine révélation pour nous tirer de l'ordre commun.
Mais la manière dont Dieu agit dans l'ordre piiraaturcl , n'est point fondée sur une pareille
Je Logique. Art. XIIT. 53
uniformitô : au contraire , les faits surnaturels Ti<; soiU ])ro(luits que par une volonté particu- lière de Dieu , ou par une permission spéciale. Ainsi , nous ne devons jamais raisonner par analogie dans les faits de l'ordre surnaturel , et nous devons nous tenu' précisément a ce qui ea est révélé.
L'Ecriture sainte nous apprend que Nabucho- donosor fut changé (^n bœuf, par une punition divine : c'est passer d'un s^etna à 'un autre, que de se servir de et eveuiple pour autoriser les méramorphoses d'Ovide ; et si quelques lanali- qncs se croyoient changés en bceuis ou en Joiips , les Médecins et les Philosophes no devraient pas moins les traiter d'hypocondria- ques , ei regarder ces accidens comme des effets de la force et du dérèglement de l'imagination. Horace , daas ie récit qu'il fait d'un de ses voya- ges , dit q;ie lorsqu'il fut arrivé à Gnatia , les habifnns de cette ville lui fournirent une occa- sion de rire et de plaisanter. <<. Ils voulurent x> nous persuader , dit-il , que l'encens qu'ils ïf mettent sur le seuil de leur temple , s'enflâme ^ de lui-môme sans feu ». Sur quoi Madame Dacier ne manque pas d'observer que ce miraclei a beaucoup de conformité avec celui d'Elie ^ qui Ht descendre le feu du Ciel sur son sacrifice : ce qui est passer d'un ordre à un autre.
En un mot , tous nos jugemens doivent avoir un motif propre et légitime , sur lequel l'ac— quiescement de notre esprit doit être fondé. Les faits surnaturels marqués dans l'Ecriture? sainte , nous sont connus par an témoignage qui a droit d'exiger notre consentement ; au lieu que ce qu,e les hommes nous racontent de con- traire aux règles uniformes de la nature . ne peut erre qu'une produchon ou de leur igno- rance , ou do leur goût pour le merveilleux, ou
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54 Principes
do leur imbécîlité , ou du dérangement d9 leurs idées, ou du plaisir (jueîes esprits gauches trouvent à en imposer aux autres , ou enfin de leur fourberie , qui s'accorde souvent avec leur iiitcrct.
Ainsi , toutes les Fois que îes faits extraordi- naires ne seront pas autorisés expressément par- l'Auteur et le Ma-ître de la nature m:ême , la droite raison exige que nous soyons persuadés, que ceux qui les raconteiit se trompent , ou qu'ils sont trompés , plutôt f]ue de croire , sur leur simple témoignage, dont nous ne connois- sons que trop la foibiesse , que la nature se soit- démentie , et que son divin Auteur , dont nous adorons l'immutabilité , s'assujettisse à nos caj)rices.
Mais rien ne coûte tanl à l'esprit que d'avouer «on ignorance , et de se tenir simplement dans cet aveu. D'un autre côté , l'esprit est pares- seux, et n'aime pas les diseussions de Texamen; cependant il veut juger , et quand il ne voit pas d'une première vue la cause d'un elfet qui l'étonné , il en imagine une ", et si une cause naluroife ne se présente point à son esprit, on a rrcoiM's aux raus(3S Gurnatureiles. C'est ainsi que !tîs joueurs 'de gobleis , les danseurs d* corrlc , ceux qui* paroissent manger du l'eu et faire s^)rtir du ruban de biur bouche , et même- ceux qui lont jouer les marioncttes , ont souvent passé pour sorciers fKirmi le peuple , toujours avide de merveilleux, incapable d'examen et de^ léflexions combinéies ', et qui ne juge des hom- jiics ([uo par la manière commune da^ir de ceux qui Tcnvironnent.
Los bergei's de la crtmpaî^né , qui , pir dei causes très-ii-aturclles , se p'aisent à surprendre leurs vo'.sins , ou sevcngcnt d<î Ipurs onn<^mis, passent aussi peur instruits des mystèfes de U
de Logique. Art. XIII. 55
mag'c. Lus furieux , îcs cpilcpliques , pour lesquels la sagesse des derniers temjDS a fait constiuirc dos iiv'j)ilaux utiles , qui enliivont au ])euple un préle;:ic do superslition , ont sou- vent pas?c pour doiiioniiiques : mais voici quel- ques réflexions qui pourront servir de préser- vatif contre ces erreurs.
1°. L'ignorance de la Physique , jointe au f^oùt du merveilleux , et au penchant de vouloir toujours décider et trouver une couse quelcon- que , plutôt que d'cxiiminer ou de demeurer i'iidetennim: , a donne lieu de recourir à une cause surn;iti're!!e , ce tjui est arrivé , même dans le pag,ainsmc , et cjui arrive encore aujour- d'hui daas !e Nord , ?ux Indes , et chez tous les peuples où 1^ Physique est ignorée.
Ce fut celte ignoiance de la Phyrique qui porta autrefois des p':;rsonncs , d'ailleurs très- resp'jcrablt'S , à condamner ceux qui , voyant que le soleil se lève le matin d'un côté et se couche le soir f\\\i\ autre , soupçonnèrent que ce coucher du soleil , par rapport à nous , pour- roit bien être son lever , par rapport à d'autres peuples. Ces malheureux Philosophes furent condamnés , et même exclus de la société des iidèles : cependant , l'expérience a justiiié leurs conjectures , et a fait voir avec combien de sagesse et de retenue ©n doit a^rir en ces ren- contres , avant que de faire éclater la condam- nation. Je pourois en rapporter plusieurs autres exemples -, mais je me contenterai d'observer que plus on aura de connoissances détaillées oans la Physique et dans l'histoire des mœurs et des opinions des hommes , moins on sera It dupe fies erreurs populaires.
2'. Tous les Théologiens et les Philosophes nous enseignent que les pures lumières natu- relles ne nous apprennent rien touchant le»
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S^ Principes
Anges fît les Démons : de àngelis et Dis:'"
MONIBUS RATIO NULÏ A , FIDES PJUCA , JAIAGINATIO Q^UAMPLURIMA, Ainsî , lors-
cju'aucun motif surnaturel ne nous tire pas de l'ordre commun , dans lequel nous n'avons que la raison pour guide , nous ne devons jamais avoir recours à une cause qu'elle ne connoît pas : ce seroît tomber dans le fanatisme , où les jugemens ne sont fondés sur aucun motif légitime.
D'ailleurs, la Religion nous apprend que les démons ne peuvent rien sans une permission spéciale de Dieu \ ainsi , ceux qui croient , comme les payons , qu'il y a des hommes qui peuvent produire des effets surnaturels par le commerce qu'ils ont avec le démon , ne pren- nent pas garde qu'outre qu'ils adoptent en cela le système du paganisme , il faut nécessaire- ment qu'ils admettent deux suppositions, dont ils ne sauroient a})porter aucune preuve. En offet , cette opinion supposo : i°. une con- vention entre Dieu et le démon , que toutes les fois qu'il plairoit à quelques fanatiques de faire certaines opérations ou de pronon- cer certaines paroles , Dieu permettroit au démon de produire au gré du fanatique ce que celui-ci denianderoît. 2°. H faudroit au fanatique une révélation de cette conven- tion , pour savoir > et les paroles qu'il doit dire , et les gritnacos qu'il doit faire : or quelles prf^uves avons-nous d'un traité si inju- rieuxan souverain Etre , dont nous adorons la sagesse et la l)onté infinie ? et puisqu'on n'a aucune révélation de ce traité, comment peul- On savoir (|ue telles paroles ou telles opérations sont plus propres que d'autres i produire les <;ffet3 dont il s agit.
3**. Les corps observent ontr'cux un certain
Je Logique* Art. XIII* 5/
ordre invariable , qui n'est point subordonné à la volonté des esprits créés , qui , par leur nature , n'ont auciin-e relation avec les corps. Il n'y auroit plus rien de certain dans la Phy- sique , si des êtres spirituels pouvoient changer les niouvemens: ainsi, tous les ]irétendus ciïets surnaturels , s'ils ont quelque fondement , ne doivent être attribués qu'à des causes naturelles ; et s'ils sont supposés , ils ne sont que de vaines productions de l'imposture ou du ianalisme.
4^. Certains effets , tels que ceux de la pierre d'aimant, de l'électricité^ de la production des plantes , de la génération des animaux , d© leur nutrition , etc. quelques merveilîeux qu ils soient, n'excitent point en nous ce sentiment d'adiïiiration qui nous fait recom'ir à une cause surnaturelle : pourquoi ? seroit-ce parce que nous trouvon; ces effets dans la nature l cela seul devroit suffire -^ mais non : c'est parce qu'ils arrivent tous les jours j nous y sommes accou- tumés.
Or les événemens plus rares qui nous éton- nent , sont-ils moins dans la nature , parce qu'ds arrivent rarement , et que noiis en igno- rons la cause ? est-ce-U une raison qui doive nous faire recourir à une caus-? surnaturelle? Une comète ne paroi t pas si frét|uernmc3nt que la lune ou le soleil : en est-elle moins dans l'ordre de la nature l \}n bruit soudain nous éveille pendant la nuit : donc c'est un esprit follet ou un revenant qui l'a causé : n'est-ce pas là passer de l'ordre naturel à l'ordre surnaturel? ne seroit-il pas plus raisonnable d'attribuer ce bruit à quelque cause naturelle , quoiqu'in- connue.
6^. Il y a eu dans tous les temps des impos- teurs et des fanatiques de bonne foi , qui , secondés par l'iguorance , Ja foiblesse et la
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58 Princ'ipeT •''.
su]ierstition (les peuples , ont (iLiblI dés sectes^ » qui, semblables à la coatagioii , ou, si vous- Touiez ;. aux comètes , ont duré plus ou moins^ iong-temps. Environ mille ans avant notre ère , le culte de ridole Fo ou Foe fut établi dans l'Asie orientale , où il subsiste encore ' aujourd'hui. C'est ce dieu que -prêchent les Bonzes à la Chine ; c'est en son nom , dit l'Auteur de IHistoire de l'esprit humain , qn'ils prêchent une vie immortelle , et que des mil-' iiers de Bonzes consacrent leurs jours à des- exercices de j»énitenc3 qui effraient la nature. Quelques-uns passent leur vie nuds et enchaî-- nês , d'autres portent un carcan de fer qui plie leur corps , et lient leur front toujours baissé- en terre. On peut dire , à leur égard , ce que Tertuîlien disoil autn.'fois : Ce n'est pas lô^ suplice qui fait le martyr , c'est la cause. Ces Bonzes sont séduits par leur fanatisme , et leur fanatisme sédsiit ces peuples par ce qu'il a de jïierv<;illi;ux et de surprenant. Si o-^s Donzes jnenoient uno vie commune, et qu'ils- donnas- sent des leçons et des exemples do molesse ou de volupté , le })euple ne trouveroit rien cle surnaturel dans leurs sermons ni dans leur conduite ; au lieu que la vie extraordinaire qu'ils mènent , fait que le peuple , que tout sur- prend , hors le commun et l'ordinaire , passe- a leur égard de l'ordre naturel dont il ne con- jnoU pas l'étendue , à un ordre surnaturel dont son imagination se trouve étonnée , satisfaite- et remplie.
C'est encore passer d'un ordre à un autre » nue de prendre dans le sens propre , ce qui n'est dit que dans b; sens figuré.
Quand Jesus-Christ dit que là âù est notre tres- ser , îii est notre dWVK ; par ce mot caur on ne 4oit poiut eaicadfe cette parlh; do uotru corps
Je Logique, Art. XIL !)()
qu'on rogarde comin«Iaprincipa]e;onentencIeri cet cadroir , par ce mot Vafeciion de lame. C'est ainsi quo Ton dit : Donnei votre CCF.UR à Dieu , c'est-à-dire , aimei Dieu. Il y a plusieurs autres façons de parler , où ce mot cœur ne doit être en- tendu que dans un sens figuré: c^est ainsi qu'oix dit donner son cœur , reprendre son sceur ., etc.
Cependant , un grand prédicateur du sei- zième siècle , die qu'un Seigneur avare étant mort, lorsque l'on rit l'ouverture de son corps pour l'embaumer , on n'y trouva point de cœur j ce qui surprit beaucoup les Chirurgiens : mais un personnage grave et savant , qui étoit j)ré- sent à l'ouverture du cadavre , ])ersuacla aux pareas et aux Chirurgiens d'aller voir si le cœur ne seroit pas dans le coffre-fort : Allez , dit-il ^ au coflVc-fort du défunt ; peut-être que , selon la parole du Seigneur , vous y trouverez ce cœur que vous ne trouvez point dans son corps. En effet , dit l'auteur , on va au coffre-fort , on l'ouvre , et on Y trouve réellement le cœur de cet avare. De pareilles fables , d ibitées de bonne foi , sont plus instructives que les fables d'Esopo, parce qu'elles apprennent à connoitre l'esprit humain.
Nota exewplum de ilîo avaro d'ivite , cujiif; cùm cadaver posi mortem aperiretiir , forte ut bals a ma- retur , sîcut Nobilibus interdiim fieri soUt , nec à Chirurgicis cor ejus inveniretur y ait quidam vir gravis £t djctus ibi adstaris : Ite ad arcam in qaà reconditi sunt thesiiuri ejus , et forte invenietis , juxtà Domine sententiam. Quod cùm factum fuisse t , ihi realiter inventum est divino nutu , cor ejus , in signum dam-' nationis sua , nuîli dubium.
Expositio Evangeliorum quadragerimalium R, F. Gui 11. Pepini , Parisiensis , Doct. Theol. Ord. Prœdic. Venetiis i668, Expos, in die Cineruta^ j)a^. 12. , verso.
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^o Principes
XIII S o P H î s M £►
Passer de Vignorance à la Science»
La régie est de passer du connu à l'inconnu ', mais il j a , au contraire , des personnes qui veulent nous faire passer de l'inconnu à ce qu'ils «roient savoir.
XiV Sophisme.
Du pouvoir à l'aclo.
A pcsse ad acrum , non valet consequentia.
Du cercle vicieux.
C'est ce qu'on appelle autrement dïaîleU ou ëlrernaroire , Ai»\>^<*i*f , âWuyn , mvtatic aWirç» , MUTo. Lorsquc pour prouver une chose qui est en question , nous nous servons d'une autre chose dont la preuve dépend de celle-là même qui est en question , les conclu- fions doivent être ronteimées dans les propo- sitions dont on les tire.
Article XIV.
DtS' différentes manikres de raisonner»
JNIous avons dit que le syllof^isme étoit com- posé de trois propositions , la majeure , Fa «lineure , la conclusion ou conséquence.
Dans les discours oratoires et rians les con- versations familières , on ne se sert point expli- citement du syllogisme ; ce serort une ma- nière de parler trop dtirc et trop sèche", mais le syllogisme est toujours exprimé ou rentermû dans tout raisonnement. Les Orateurs pren- A«iic cbdç^u^ proposition «o particulier , les
de Logique, An. XIV. 6î
ëtenrient , les amplifient , avant que de venir à la concliKsion. Par exemple , le Logicien dira : Tout le monde est obligé d'honorer les Rois ; Louis XV est R©i : donc tout le monde est obligé d honorer Louis XV'. L'Orateur s'éten- dra sur chaque proposition ; il fera voir que les loix naturelles , divines et humaines , que la pieté , que la religion , obligent les sujets d'honorer les Rois. Ensuite il passera à la seconde proposition. Il admirera la grandeur, la puissance , la modération , la bonté de Louis XV , la vaste étendue de son génie , etc. Enfin , il conclura que ses sujets doivent l'aimer comme leur père , le révérer comme leur maî- tre , et Ihonorer comme celui qui tient la place de Dieu même sur la terre.
L'oraison de Cicéron , pour la défense de Mi Ion , n'est qu'im svl'o;;îsme tourné en Ora* teur. Un Logicien auroit dit simplement qui! est permis de tuer celui qui p>^îs dresse des embûches •- que Clodius a dressé des embûches à Milon: donc il a été permis à Milon de tuer Clodius. Cicéron étend d'abord la preTniére proposition ; il la prouve par le droit naturel, par le droit des gens , par les exemples , etc. 11 desceiifl ensuite à la seconcte proposition ; \ï examine l'équipage, la suit^ et toutes les cir- constances du voyage de Clodius j et il fait voir que Clodius vou.'oit exécuter le projet dVissns- siner Milon : d'où il conclud que Milon n'otoit point coupable d'avoir nsé du droit que donne la nécessité trnne légitime défense.
Outre Te syllogisme , à quoi se réduisent tous les discours suivis , il faut encore obser- ver renthymème , le dilemme , le sorite Qi l'inductiocL
62 Principes
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Article X Y. De rEnthymème.
JLj'ENTH 1 M ÈME est un syllogisme impar- fait dans Texpressioa : syIîogi<nvuî tritnca:us ; parce qu'on y supprime quelqu'une clos propo- sitions , Comme trop claires et trop connues. On suppose que ceux à qui l'on parltî pourront aisément la suppléer. Par exemple : la comédie est dangereuse , parce qu'elle amollît le ccsur.
Ou bien :
Tout ce qui aaioliit le cœur es: dangereux : Donc la coiT.éùie est d^ji^jereuse.
Il est visible que Ton saus-entend h mineure dans cet enihymcnie. Le syllogisme serort :
Tout ce qiî» amollit le cœrr est dangereux ; Or la corne ciie amollit Ici cœur : Donc la comédie est dangereuse.
On donne ordinairement pour exemple ce vers que Senéque fait dire à Médée :
J'ai bien pu te sauver ; ne puis-je pas te perdre l Le syllogisme scroit ,
Il est plus fîcili de perdre quelqu'un, que de U
sauver ; Or je t'ai sauvé : Doac je peux le perdre.
Tid est encore cet cnthymème fameux.
Mortel . ne garde point une haine itnmorielle»
Le syllogisme seroit :
Ce qui est mortel ne doit pas conserver une haine
immortelle qui dure plus i;ue lui ; Or Vous ère? mort'.! : Dune vous ne devez pas conserver une luis».
immortelle»
de Logique, Art. XYT. 63,
A K T I C L L XVI.
Du Dilemme^
i_jE dilemme est un raisonnement composé, dans lequel on clivfse un tout en ses parties ; et l'on concilie! du tout, ce que Ton a conclu do chacune de ses parties. C'est pourquoi on. l'appelle : Argumentum utrimque feriens ,• c'est-à- dire , argument qui frappe des deux cotés. C'est pour- çcîla encore qu'on lappelio argument fourchu. Par exemple , on dit aux Pyrrhoniens , qui préten- dent qu'op ne peut rien savoir :
Ou vous sr4vez ce que vous diies , ou vous ne le.
savez pas ; Si vous savez ce qwe vo'js dites , on peut donc:
savoir quelque chose : Si vous ne savez ce que vous dires , vous aveZ'
donc tort d^assurer qu'on ne peut rien savoir ;
car on ne doit point as>ui-er ce qu'on ne sair pas^
La grande règle des dilemmes ; c'est que le lout &v)it divisé exactement en toutes ses par- ties • car si 1-e dénombrement est imparfait , il est évident que la conclusian ne sera p.^s juste..
Par exemple , un Philosop!-:e prouvoit qy'il: ne falloit pas se marier , parce que , disoit-il ,. ou la femme que l'on épouse est belle , ou elîe- est laide ; si elle est belle elle causera elfe la: jalousie-, si elle est laide elle déplaira.
La division n'est pas exacte , et la conclu- sion paiticulféro de chaque partie n'est pas nécessaire •, car ,
1°. Tl peut y avoir des femmes qai ne seront* pas belles au point de causer de la jalousie j nt si laides , qu'elles déplaisent.
a^. Une femme peut être belle , et en même temps être si sa^e et si vertueuse , (ju'eile ly^
^4 Principes
causera point de jalousie; et une laide peut plaire par I esprit et le caractère»
Il faut sur tout , dans le diîsmnie , dans les autres raisonnemens , se mettre à l'abri de la rétorsion : Par exemple , un ancien prouvoit qu'on ne dcvoit point se charger des aiîaires de la République , par ce dilemme :
Ou l'on s'y conduira bien , ou l'on s'y conduira»
mal ; Si l'on s'y cancl-jÏ! bien , on se fera des ennemis ; Si l'on s'y conduit mal , on oirens^n ^es dieux.
On lui répliqua pnr cette rétorsion :
Si l'on s'y gouverne avec souplesse et avec condes'- cendance , on se feia des amis ; et si l'on pard* exactement la justice , on contentera les dieux.
Article XVII.
Du Sorire.
XL j a une autre sorte de raisonnement , com- posé d'une suite de propositions, dont la seconde doit expliquer l'attribut de la première ; Ta trohième , l'attribut de la seconde ; ainsi de suiic jusqu'à ce qu'enfin on arrive à la consé- quonco que l'on veut tirer.
Par exemple , je veux prouver que les avare» sont misérables , je dis :
Les avares sont pleins d»^ désirs ;
C'-UX qii sont pl^ijis de désir* , manquent de
beaucoup de chi'Sts ; Ceux qui m:incjueni de beaucoup de choses sort
misérables : Donc les avares sent nniscrables.
Rem.'irquc'^v qu'il est essentiel à un bon sorîto que les propositions qui se suivent soient liées ^ «t que l'une explique l'autr? ) auirem^ût cUos
de Lopque. Art. XVI IL 65
n^ seroiont fin'aurai.'t dp propositions particu- lioros qui ne contiendroi(;nt pas la conclusion. Par cxompfe , ce sorito de; Cyrano de Bergerac.
L'Europe est la plus belle pjrrie du monde ;
I,a Fiamc tst le plus beau royaume de l'Europe;
Paris esr la plus belle ville de la Frarrce ;
Le collèfîe de Beauvais est ie plus beau collège
de Paris ; Ala chambre e<t la plu» belle chambre du collège
(ie Beauvais ; Je .'uis le plus bef homme de ma chambre : Donc je suis le plus bel homme du monde.
Cp raisonnement n'est connposé que de pro- posiiions , qui ne sont ch^icune scparcrneiit > qu'autant de propositions particulières , dont l'une n'explique pas l'autre , et dont aucune ne contient la conséquence»
Article XVII L De l'Induction^
X-i' INDUCTION est encore tme sorte de rai- sonnement , par lequel on va de la connois- sance de plusieurs choses particulières , à la connoissanco d'une vérité générale. Par exem- ple , on a observé que tous les hommes aiment à recevoir des impressions agréables ; qu'ils évitoient tout ce qui leur causoit de la douleur: de ces différentes observations particulières on çn a conclu , par induction , que tous les hom- Xnes aimoient le bien , et qu'aucun ne pouvoit aimer le mal , en tant que maK
66 principes
Article XIX.
Conclusion,
JL est évident , par tout ce que nous venons de dire , que le raisonnement ne consiste qu'en trois opérations de l'esprit :
1*^. A se rappeler l'idût; exemplaire de ce dont on veut juger. Ces idées exemplaires , ROMS les acquérons p;^r ï'iisaîie de la vie , et par la réilexion. Nous prenons l'icléc exercn-aiio îa p!i]5 connue , par rapport au sujet dont i! s'agit daus la conclusion.
i". A examiner si l'objet dont il s'agit, est, ou n'est pas conforme à cette idée exemplaire.
3"^. A exprimer , par la conclusion , ce que je sens touchant cette conformité ou celte non- conformité. Par exemple , on me dispute que cette figure O soit un cercle j je me rappelle I'id(5e exemplaire du cercle ; je compare cette figure à cette idée , et j'exprime, par la con- clusion , ce que je sens à l'occasion de cette comparaison.
Article XX. De Id Méthode.
JLiA Méthode est l'art de disposer ses idées et ses raisonncmens , de manière qu'on les entende soi-mT^me avec plus d'ordre , cl qu'on les fasse entendre aux autres avec plus dô facilité.
On (lit corunHniL-nïf nt qu'il y a deux sortes ♦le melhode; l'une qu'un appelle analyse^ cl l'autre synthèse.
de Loqique, Art. XX. 67 ,
L'analyse se, fi/it lorscjun , par los détails , on parvicjit'à co qu'on cherche: c'est imo sorte, criacluclion. Ou l'appelle aussi méthcde de réso' lunon.
La synthèse , qu'on app'jlla aussi méthode de ccmyvsiùon , consiste à couimcncor ])ar les chos^'S les plus gcniirales , pour passer à colles qui le sont moins : par exemple , expliquer le giiare avant que do pail.er dos espèces et des imlividiis. On appelle aussi cette iiuHhode , méihode de doctrine , parce que ceux qui ensei- gnent , commencenl ordinairement par les principes génëraux.
L'une et l'autre nrJlhode peut pourtant être suivie pour enseigner; et l'analyse est souvent la plus propre , parce qu'elle suit l'histoire de nos idées , en nous menant du particulier au
général
Voici quelques principes de méthode :
1°. Aller toujours du connu à l'iriconnu.
2^. Concevoir nettement et distinctement le point précis de la question. On fait souvent ce que fcroit un domestique à qui le Maître "diroit: Allez me chercher un de mes amis. Si le domes- tique partoit avant que de s'être fait expliquer prcicisément quel est cet ami que son maitro demande , il tomberoit dans le défout de se déterminer , avant que de concevoir bien dis- tinciement ce qu'on lui demande.
3°. Ecarter tout ce qui et inutile et étranger à la question.
4°. N'admettre jamais pour vrai , que ce que l'on connoît évidemment être vrai.
5°, Eviter la précipitation et la prévention.
6°. Ne comprendre dans ses jurremens rien de plus que ce qu'ils présentent à l'esprit.
7**. Examiner si le jugement est fondé sur 1© motif extérieur et propre ^u'il suppose.
6% Principes
S°. ^enfîre pour vrni ce qui paroît ëviclem- ïîient vrai , pour douteux ce qui est douteux , et pour vraisemblable , c<î qui n'est que vrai- semblable.
9*. Diviser le sujet dont il s'agit ci\ autant de parties que cela est nécessaire , pour 1 eclaircir et le bien traiter.
10*. Faire par-tout des dcnombremens si entiers , qu'on puisse s'assurer de ne rien «mettre,
A R T I C L E X X î.
De la Aléîhode des Géomètres,
ï**.L«ES Géomètres commencent par les définitions , afin do no laisser aucune ambiguité dans les ternies , ils n'emploient dans ces défi- nilions que des rertnes connus ou irxpliqués. •.
2*^. Ils établissent ensuite des principes clairs €t évidens ', pair exemple , que le tout est plus grand que quelques-unes de ses parties , prises en particulier.
3^. Ils prouvent les propositions un peu obs- cures ou difficiles , par les définitions qui ont présidé , ou par les axiomes qui ont été d'abord expliqués , ou qui leur ont été accordés , C6 qu'ils appellent demande ; ou , enfin , par des propositions qui ont déjà été démontrées.
F / iV.
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PRINCIPES
DE GRAMMAIRE,
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FRAGMENS
Sur les causes de la Parole.
lE S que noiis vonons a« monde , BÏ^ÎTf i! iiûus soinmos affectés de différentes ç^'-^i. Il sortes de sensations , à roccasion "T'I il^^5 impressions sensibles que les objets extérieurs font sur nos sens.
ÎSous sojr.mes capables de voir , d'entendre , d'imaginer , de concevoir , de ressentir du plaisir et de la douleur -, et dans la suite nous xél-léçhissons sur toutes ces différentes affec- tions ; nous les comparons , nous en tirons <ie3 inductions , etc.
Ces sentimens ou affections supposent pre- mièrement , et -de notre part , qu'il y ait en nous tout ce qu'il faut pour en être susceptibles •, c'est- ---dire , que nous ayons les or^ganes destinés par l'Auteur de la Nature à produire ces effets, et que ces organes soient bien disposés.
En s'îcond lieu , il est nécessaire de la part des objets , qu'ils soient tels qu'ils doivent être , afin qua te! sentiiîicnL résulte , de icillc jnipreàsioii.
yo Principes
Les aveugles n^ voient point , parGo qii<; leurs yciix n'ont point la contoniîation requise pour voir • et nous ce voyons point dans les tonél)i-es , parce que los corps ne reçoivent aucune lumière qu ils puissent renvoyeà' à'nos yeux.
Les impressions que les objets font sur les parties extérieures fie nos sens , sont portées |usqu"au cerveau , qui est le sens interne , et où tous les nerfs des sens extérieurs aboutissent; ou , ce qui est la même chose , tous les nerfs partent du cerveau et se tprtninent aux dilïé- rentes exhvîaîitës de notre corps , propres à recevoir et à porter au cerveau les impressions €Xtérieu:os des obiers.
Comment tout cela se fait-il ? c'est le secret du Cvdaieur. Nos connoissances ne peuvent aller que jusqu'i un certain point , après lequel il vaut mieux reconnoltre simplement les bor- nes de notre esprit, quo de nous laisser sédaire par de frivoles imaginations. Si la 'Nature a des procûrlés au-dessus de nos lumières , c'est savoir oeaucoup que de reconnoître que nous ne pou- vons les pénétrer , et que nous sommes à cet égard ce qu'est l'avougle-né par rapport aux couleurs , et le sourd de naissanc» par rapport aux sons.
Je dis donc qu'en conséquence de notre état naturel, et dos diffénmtes impressions -des objets , nous voyons , nous entendons , nous comparons , nous tonn®is<ons , nous jugeons, nou^ faisons des réllexions , etc.
Ces différentes pensées et cr's divers jugemens se font en nous par un point de vue (!c l'esprit qui forme d'a^)ord sans fliv isions toute la ponsée.
Je veux dire qu!î no? j ij;emens se font d'jl)ord par ^eiiriinent , cVst-'^-dire-, pnr nun nifeclioii intérieure ou percep'ion do l'cspHt , sans quo
de Grammaire. 7^
l'esprit divise sa î>onsL"3 , ft considère pronné- reineiit la choî<3 , puis la qualité , et ciu'in uiiisso , co'.niTi'i on dit , une idée à nno wuiro idéfi. C(KLo division de la pfiinéo est nm- sv^coadc t)i)crario!i de lespiit qui se lait relativenieiit à l'clocutioii.
Ces mots idée , concept , jugement , doute , imayinjtioi , ne sont quo des tcrines abstraits et iiiuiaphysiques inventés par imitation pour abfof^er le discours , et réduire à des classes particulicvrs cerlaines sortes de vue de l'esprit.
Nous avons d abord donné des noms aux êtres sensibles qui nous ont affectés , le soleil y la lune , le piiin, un livre, une mor.rre , eîc. ensuite nous en avons inventé par ivpit.îtion , nui nous servent à énonc<^r des points de vue pariiciiliers do noire esprit. Par exemple , pour marquer l'ctat précis de l'animal , en tauî qu il exerco ses fonctions , nous disons la vie ; l'état où il est , (juand il cesse de vivre , nous l'appelons la mort, il en est de même de scmmeil , ouïe , yeur , amoar , haine , tnvie , beauté , laideur , et d une infinité d'autres. Tous ces mots no mar- quent point d'objets réels qui existent hors à^ notre esprit , tels que les noms que nous don- nons aux objets sensibles. Los termes métaphy- siques dont ]^. parle sont des mots inventés par imitation , pour-nous servir à énoncer avec plus de facilité et de précision certaines considéra- tions partiv:alieres de notre esprii. C'est ainsi que nous nous servons des signes de l'arithmé- tique et de ceux de l'algèbre.
Quand je considère le soleil , je donne un certain temps à cette considération. Si je pense ensuite à la raer , à la lune , aux étoiles , cha- cune de ces pensées a aussi son temps , dont l'un est différent de l'autre , et chacun dps objets de ces pensées a son nom. Ds inôm^ , je
7 a Principes
sens que dans 1 état ou je me trouve , quand je suis occupé d'une abstiaction , et que je réduis, par exemple , chaque sorte de propriété à un certain point auquel je les rapporte toutes chacune sépajcment, ces diiiérej.is états de moi pensant oiU chacun leur instant , et je donne des noms particuliers à ces difi'érentes pensées abstraites, sans qu'il y ait hors de moi aucun objet réel qui ruponde à .chacun de ces noui6 , comme il y a un objet qui répond au mat soUil^ un autre au mot lune , et ainsi des autres mots qui spQt les noms d'êtres qui ont une existejicç indépeiidante de ma pensée.
Lordce physique a des noms appellatifs qui ne soiU au lond que des tenues abscraiis quand on ïiQïi fait aucune applvcation particulière -, par exemple , ville , monta" ne , ru'U're » arbre ^ animal , homme , etc. Ces noms sont dits ensuite des objets particuliers à la manière des noms adjectiis. Il en est de mênae dans l'ordre mé" taphysique. II a aussi ses noms nppellatifs , idée , concept , jugemeJit , a^rmation , négation , doute i etc. On en /ait aussi d'.^« applications singulières , une .telle idée , lui tel jugement , etc. et ces noms ainsi appliqués dans l'un ou l'autre ordre n'étant plus considérés selon ce qu'ils ont de commun, ou avec des considérations pareilles de l!esprit , ou av.ec d'au 1res êtres semblables , ils devienuL'nt comine autant de noms propres, en vertu des mots i^ie nous y joignons pour en faire une application singtilicre.
Ces termes métaphysiques étant une fois inventés et adoptés par l'u^n^e , ils erilient dans le dictionuaiie do la langue , cl nous on usons de la même manière que nous usons des mots qui marquent d(is ol)jcls r(;«ls.
Nous commenvons loi>J!)urs par le sensible. J^ous avoas dit , j'ai un kabit , jai uru pomme »
j'ai
Je' Gréimmaire, 70
jn'i un livre. Nous nous somraos faniiliarîscs avec \c verbe avoir , qui est un mot très-intéressant. Ensuite la disette;.' de termes , et le besoin de nous exjirimer , nou-s ont fait transporter ce root autur en d"autres occasions, où nous obser- vons quelque sorte de rapport à la possession , parce qu'en effet nous voulons exprimer alors un état qui nous est propre. Ainsi , comme nous avons dit j'ai un livre , j ai un diam.int , j ai une montre ^ nous disons par imitation .^ y'ûi /a juvre , fai envie , fai peur , j'ai un doute , fai ■pitié , j^ai une idée , etc. iTiais livre , diamant , montre , sont a-utant de noms d'objets réels qui existent indépendamment de notre manière do penser ■ au lieu que c.anté , fihre , peur , doute , envie, ne sont que des tertnes métaphysiques , ■qj.ii ne désigrjent nue des m.Tnièras d'êtres con- sidéré:? par dc5 points de vue pailiculitres de l'os p fil. -
Dans cet exemple , j'ai '.ni' montre , j'ai est une expression qui doit être prise dans le sens propre ; mais dans j'ai une idée , j'ai n'est dit tjue par une imitation. Cost une expression empruntée. J'ai une idée , c'esl-à-dire , je pense y jp conçois de telle ou telle manière. J'ai envie , c'est- à-dire , je désire ; j'ai la volonré , c'est-à-dire , je veu^ ; elc.
. Ainsi, idée ^ concept , imagination , ne mar- quent point d'objets réels , et encore moins des êtres sensibles que Ton puisse- unir l'un avec l'autre.
Ce n'est point par de telles opérations que les enfans commencent à juger , ni que les sourds et muets de naissance , forment leur jugement. Ils n'ont pas l'usage des mots qui seuls nous servent dans la suite à diviser notre pensée. Los mois n'étant'formés (]ije par des sons qui se succèdent l'an à l'autre , il-j'-^f^ivoiit
D
f4 Principes
être joinlrs ou séparés , et c'est ainsi qu'ils noiîs servent à considérer séparément ce qui en soi n'est point séparé.
Un enfant à qui pour la première fois on donne du sucre , sent que le sucre est doux ; mais il ne considère pas sépaniment le sucre et puis la qualité de doux, dont il n'a point encore lait un terme abstrait. D'abord il n'a que le sentiment , et lorsque dans la suite il se rap- pelle ce sentiment par la réiloxion , ou qu'il le compare avec quelqu'autre sensation , tout cela se fait par autant de points de vue de l'esprit qui sont la suite ou le résultat des différentes impressions qu'il a reçues , sans qu'il fasse encore aucune de ces considérations particu- lières qui divisent la pensée.
Mais il nous importe par bien des motifs de faire connoître aux autres no? sentimr^ns ou nos jîonsé^s : or comment leur communiquer les nffcctions intérieures ? Les autres hommes aussi bien que nous , ne peuvent connoître que ce qui fait quelque impression sensible sur les tjrganes de leurs sens , ou ce qui n'est qu'une suite , une conséquence , une induction de Cjuelques-unes de ces impressions : or ce qui se passe au-dedans de nous-mêmes , ce qui nous affecte intérieurement , ne peut par soi exciter aucune impression sur les organes des autres iionimes.
Nos besoins nous ont appris le secret de cette communication de pensées. D ..il)ord la Nature jious a donné le: signes des passions -, ils sont entendus dans toutes les nations , à causr d'une sorte d'unisson qu'il y a entre nos organes et los organes des autres honunes. Ces signes des passions sont h) rirc^ l6s larmes les ciis, Icssou- ])irs, les regard i, les émotions rlu visage, les ges- tes . ric. Va seul mouvement do tête fait connc>
Jd Grammaire, 73
Irc une approbation , im consenîcmoni ou un refus. Ces signes répondent à la simplicité et à l'unité (lo h pt'nsée ; mais ils ne la détaillent pas assez, et par-là ils ne peuvent su iTire à tout.
C'est ce qui nous fait recourir à l'usage de la parole. Les sons articulés qui sont en grand nombre , et auxquels l'expérience et l'usage ont enfin donné des destinations particulières , nous fournissent le moyen d habiller , pour iiinsi dire , notre pensée , de la rendre sensi- ble , de la diviser , de l'analyser , en un mot de la rendre telle qu'elle puisse être communi- quée aux autres avec plus de précision et de détail.
Ainsi , les pensées particulières sont , pour niiisi dire , chacune un ensemble , un tout que l'usage de la parole divise , analyse et distri- bue en détail par le moyen des différentes articulations des organes de la parole qui for- ment les mots.
La nécessité d'analyser notre pensée , afin. de pouvoir l'énoncer par l'entremise des mots , nous y fait observer ce que nous n'y aurions jamais remarqué , si nous n'avions point été forcés dn recourir à cette analyse pour ren- dre nos pensées communicables , el \qs faire pisser , pour ainsi dire , dans l'esprit des autres.
L'éducation et le commerce que nous avons avec les autres hommes , nous apprennent peu i peu la valeur des mois , leurs diiférentes deiti nations , les divers usages de leurs ter- minaisons , et ce q-ii fait qn ils concourent ensemble à exciter dans l'espri? de celui qui lit , ou qui écoute , le sens total ou la pensée que nous voulons faire naître. L'usage de la vie nous fournit une abondaiite nrovision de CC3 différons secours . que l'habiiudo et l'inn'-
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76 Principes
lalion nous font ensuite employer au besoin et à propos.
/)îais il s'en faut Lion que tous les peuples du ïiioncie se servent des mêmes mots et de la même méiliode pour analyser leurs pensées ^ et pour les communiquer aux autres.
Comme chaque langue particulière est d'ins- litutioii humaiae , et quelles ont été formées en difféienles sociétés d'hommes rassemblés en certains pays , qui ne pouvoient point avoir un commerce de tons les jours et de toutes les heures avec les autres peuples ; de-là est venu la diflé^'ence dans les langages , aussi-bien qua la variété que l'on remarque dans la maniera do s'hiibillcr , dans les mœurs , ilans les goûts fit dans d'anrrcs usages. Le climat et le concours «le niillo autres ciitonstancei apporte aussi des différences dans tous les points ; mais pour ne parler que du la;igage , observons que les lan- gues difforent entre elles.
1°. Par la nomenclature , cest-â-dire , par le son particulier des mots. Nous disons le Rci , les Latins disoient Rex , les Grecs B^piAii-r.
z'^. Les langues diffèrent par l'abondance des mots. M y a des langues bien plus riches en mots , et même en lettres que d'autres langues. Dans les langues riches , les pen- sées sont analysées avec plus de détail , île netteté et de jirécisiou. La langue hébraïqu* rst fort stérile •, la langue grecque est trcs- fibondanle.
On peut observer à ce sujet qu'il n'y a point de langue qui n'ait queUpie mot (pi'on ne sau- roit rendre en nulle autre langue , nulreinont que pnr une périphrase. Par exemple , nous avons rl^ne et royaume ; les Latins n'ont (|U« regium , royaume , et s'i's veuleiU dire sous le rti^u d'Angusti , ils ont recours ù la pcriphrase ,
ie Grammaire, 77
ians \e tfmp<i qu Auguste régnoif , -fous Auguste^ Tcgnant : régnante Ca'sare Augusto.
3*^. H y a ^lans toutes les langiK s des façons de parier particulières , qu'on appelle uiiotismesj ou phrases d'une lan.gue. On dit , est ur.o phrasô de la langue françoise. Si dlce , est une p'nras» de la langue italienne.
Il arrive souvent que les Iraducteurs ne peu- vent rendre ces façons de parler par d'autres qui y répondent exactement; aîors on a recours à des équivalens , ou à la périphrase.
Tous les mots et toutes les façons de parler qui ne sont point en usage dans une nation , LîcF.-^ent les oreilles de ceux qui n'y sont pas accoutumés , parce qu'il faut alors que les esprits animaux se fraient dans le cerveau une route nouvelle. On doit, dans ces occasions , se servir de façons de parler connues qui répondent , autant qu'il est possible , au sens de la phrase étrangère. Par exemple : comment vous poriei- vous ! ne sauroit être rendu en 'atin par quomoda fers te ! Celte façon de parler latine : dabis pœnas , qui veut dire , vous en sere^ puni , vous en porterei la peine , ne sauroit être exprimée en françois par vous donnere^ les peines. Si le feil
£rend à la maison , nous crions au feu \ 1«3 atins crioient les eaux.
Territa vicinos Teïa clamât aquas,
Propert. lih. TV. Elrg. IX. Ce qu'on ne sauroît bien rendre en françois qu'en disant .* Tdg épouvantée voulint faire venir les voisins à son secours ^ èe met à crier au feu , au feu. Ce qui fait bien voir qu'avant de composer en une langue , le bon sens et la droite raison demandent qu'on ait appris par l'explication les différentes façons da parler propres à celle languo : en un ir.ot , oa
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7^ Principes
doit connoître l'original avant que de faire des copies. Tel est le seniiment tle tous les grands Alaitr^s.
Outre les différences arbitraires qui dislir^- quent !cs langues l'ur^.e de l'autre on doit obser- ver que toutes les langue^Jconviennent en ce qu'elles ne forment de sens que par le rapport ou la relation q'je les mots ont entre eux dans la m-îme proposition. Ces rapports sont mar- qués par l'ordre successif observ é dans la cons- truction simple ou les mots se divisent en déter' minés et en déterminans.
Outre cette construction simple et naturelle qui énonce les mots , selon la déterminatioa que le mot qui suit donne à celui qui le précède, il y a encore la construction usuelle et élégante, selon laquelle à la vérité cet ordre est inter- rompu ; mais il doit être rétabli par l'esprit, qui n'entend le sens que par cet ordre, et par la détermination successive des mots , sur-touK d^s les langues qui ont des cas. Les différentes terminaisons de ces cas aident l'esprit à rétablir l'ûlrdrc quand toute la proposition est finie.
Tltyre , ta patulce reciibans siib terminé "^
Formcsam resonarc doces Amaryllida Syîvas*
A\)Yès que la phrase est fmie , l'esprit aperçoit des rapports de tous les correLitifs , et les rango selon l'ordre de ces rapports : Tityre , tu reçu- ban^' suh tegmine fagi patuliF , doces Sylvjs resonart Amarillidiiformosam. On trouve dans Cicéron y tuas iiccfpi littcras , et Itiierus acctpi tuas ^ct vnfiïi accepi litteras tuas. Ces trois manières signifient égaLemoni : J'.ii reçu votre lettre , parce ciwo les t Mininaisons indiquent X l'esprit l'orurQ signiiicalif.
de Grammaire. 79
En fiançois , dans la conslrnclîoa iisucllo niêiiîc , ou suit communcnnint l'ordre do h\, construclion simple , et l'on ne s'ea écarte que quand cot ordre peut facilement être apperçu par Tcsprit. he Roi aime le peuple : le Roi , le peuple f voilà les noms sans aucune variété d'îa- iluxion , et par conséquent san.s cas. Mais , selon l'ordre successif de leurs relations , le Roi étant mis le premier , et le peuple étant placé après le verbe , c'est le Roi qui aime , et c'est le peuple qui est aimé. Ce qui est si vrai , que si Ion dit le peuple aime le Roi : cot arrangement fait un autre sens. // vient , vient-ill ce sont deux sens différens. Le df'rnior marque une interro- gation. Les Latins pour la marquer , se ser« voient de certaines particules : nùm , an , nuni* quid , etc.
Il faut donc non-senlciiiRnt entendre Ie$ mots , mais on doit de plus connoître les signes établis dans une langue , pour marquer les rap- ports que l'on met entre les mots quand on fait l'ar.alj se'rles pensées , sans quoi nogs ne sau- rions les développer aux autres. C'est ce qui fait l'embarras où se trouvent les jeunes gens , et ceux qui ont passé dans Iq solitude les pre- mières années de leur- vie. Quand iis veulent énoncer leurs pensées , ils n'ont point acquis une suffisante provisio^n de mots ou signes poiic développer nettement ce qu'ils pensent , seîori l'usage établi parmi ceux qui ont vécu dans la commerce des honnêtes aens d'une nation.
La connoissance du signe de la relation des mots est si nécessaire , que quand mémo vous entendriez la simple signification de tous les mots d'une langue , sans, avoir la connoissance du signe dont nous parlons , vous ne pourriez explique^- que les phrases dont les mots seroient arrangés suivant l'ordre que nous suivons en
s» Principes
françois. Par exemple , Fhèdrc parlant de J'énouvants où furent Jes grenouilles après auo Jupiter leur eut envoyé un hycho pour Roi , dit : Vocem prœcl idit merus. Je suppose que quel- qu'un ne conr oisse point le signe de la relation des mots latins , et que cependant il sache que tûcem sîgnihn îa voix , metus i h crainte ; s'il tra- duit selon l'ordre où il trouve ({ue les mots sont placés en latin , il (Hra la voix Icir ferme la crainte ; ce qui fera un contro-scns ridicule. Mais celui qui connoit le signe établi en latin pour mar- quer la relation dont nous parlons , voyant vcccrt à l'accusarif , et metus 3U nominatif, com- prendra d'abord l'ordre significatif que Phédrs avoit dans l'esprit -, qu'ainsi l'Auteur a voufii dire que la crainte étou^a la voix aux grenouilles.
Dans la construrnoa qui est en usage parmi ceux qui entendor.t et qui parlent bien une langue , on use de transpositions , d'ellipses et des autres figures qui sans nuire à la clarté du discours , y apportent de la vivacilô et dç l'agrément.
C'est ainsi que Cicérona dit: Diuturni siteniii^ que erum his temporibus usas , finem hodiernus dics attulit.
Selon la même manière, M. Flcchicr a dit: « Ce fut après uïi solemncl et magnifique sacrî- y fice , où coula îe sanp de milic vicriiues en V présence du Dieu d'Israël , que Salonion , s; déjà rempli de son fesprît et de sa sagesse , ^ fit cet uloge du Roi son père.
Et dans la Henriade :
Sur lt!S bords foruni'S de l'antiqu'* Idaii? , Luux ou finit rFuiope , ei commence l'Asie , S'cievc Ln vieux Palais resptttè par li ttinps.
Ceux qui entendent l'un»' ot l'autre Km';ue , coi-voîNcnt aisémej^t la poi.sée dj l'urai^iw:
ie Grammaire, 8l
KoTTjnin , celle d'.î l'oratoiir François et cnllc de notre Poole -, mais co n ejt qu'après que l'on a acivivé de liro l'enscmblo des mois qui énon- cent la pensée. De plus , observez , i". que vous ne comprendriez rien dans ces exemples, si vous n entendiez la nom^^nclnturo , c'est-à- dire , la signilVaiion de chaque mot particu- lier. En second lieu , vous n'y comprendriez rien non plus , si par une vue de l'esprit vou5 ne rappiochiez les mots qui ont relation l'un :i l'autre. Ce que vous ne pouvez faire qu'âpre» avoir entendu toute la phrase. Par exemple , si vous avtz quelque usage du latin , lorsque veu> lisez la phrase que je viens de rapporter d^î Cicéron , en jetant les yeux sur diuturni silentilf vous voyez bien que ces deux mots ont la ter- minaison du génitif, et qu'ils ne peuvent l'avoir que parce qu'ils se rapportent à quelque nom substantif , et vous apercevez que ce nom ne peut être que Jînem. "Vous dîtes donc Jinem sileruii diarurni ; mais fnem étant à l'accusatii: , vous le rapportez à attuîit , attulit finem diuturni siLnni, Vous voyez aussi qu attulit est à la troi- sième personne dj singulier , ce qui supposa un nom singulier de la troisième personne , et ce nom vous le trouvez en dies hodiemus. L'usago de la langue vous ayant donné la perception de ces différens rapports , vous entendez îa pensée do Cicéron aussi facilement que s'il avoit dit : Dies hodiemus attulit finem diuturni silentii. S'it y a quelque circonstance accidentelle , ou do temps , ou de lieu , ou de manière , etc elles n'emp'îchent pas d'apercevoir les relation* essentielles dont nous pavions.
Mais puisqu'il faut que l'esprit aperçoive ces divers rapports , pourcpioi Cicéron no s'est-il point énoncé selon 1 ordre de la relation des iïiols ? c'^it que les Latins ayx»nt contracté dès
Dk
t2 principes
l'enfance rhabitucle de déiiicîer avec facililtî ces diverses relations , par la tlifférence et la destination des terminaisons , ils ctoient moins attachés à suivre scrupuleusement l'ordre sec et mutaphjfsique de ces relations aisées pour eux à apercevoir , qu'ils n etoient sensibles à l'harmonie , au nombre , au rithme que produis un certain arrangement de syllabes et de mots pour ceux qui ont un grand usage de îa lan- gue 5 et ils aimoicnt mieux suivre les saillies de rimaginatiQ.n qui conduit son pinceau com- me il lui plaît , que de s'astreindre à la séche- resse de l'ordre grammatical. D'un côté ^ l'usage de la langue leur donnoit l'intelligence, et de l'autre l'arrangement des mots leur pro- curoit l'agrément et l'harmonie à quoi ils étoient très-sensibles , à cause de leurs longues et leurs brèves , et de leur manière de pronon- cer , qui étoit une espèce de chant. Tout cela étoit bien plus marqué parmi les anciens qu'il jie lest aujourd hui parmi nous , quoique nous ne soyons pas dépourvus de ces agrémens.
Mars remarquez que , soit en latin , soit ea François , ou dans toute autre langue , le dépla* cernent des mots ne doit pas tellement servir l'harmonie et l'imagination, qu'il nuise à l'in- telli^ence et à la clarté du discours , c'est-à- dire , que ce déplacement no doit pas être ua obstacle qui empêche l'esprit do celui qui lit ou qui entend , de démêler après que la phraso est finie , les différentes relations que celui qui a «crit a misr's entre les mots , on que celui qui parle y met. Le but essentiel du discours , c'est que l'on soit entendu. Les agrémcns ont leur prix , mais ce ne sont que des accessoires. C'est ainsi que l'on n'a inventé les habits quo pour se garantir fies injures de l'air , quoique
dâas la suite on les ait fait servir à h parure»
âe Grarmfimre» ^3
Ainsi , lorsque nous parlons une langii'î qui nous est connun , et f]ne cotte langue est faiwi-» lière à ceux qui nous lisent ou qui nous écou- lent , nous devons analyser nos pensées par lo secours (les mots selon la manière la plus gci'vé- ra'emcnt usitée parmi les honnêtes gens de il ration.
C'est cette manière qu'on appelle cor.structlo:i élégante , construction ordinaire , construction iisuell-i ou d'usage.
Mais cette manière ne peut être entencluo que par la perception des relations ou rapi»orti que les mots ont entre eux dans l'esprit de celui qui parle , soit qu'il les exprime tous , soit qu'il n'en énonce qu'une partie.
Remarquez que lorsqu'il s'agit de faire enten- dre une langue à ceux à qui cette lançrue est inconnue , et sur-tout une langue morte , il est plus naturel et plus facile de faire d'abord l'analyse des pensées selon l'ordre de la leîaiion des mots , et c'cst-Ià une autre sorte d'analyso dont j'entends parler.
Puisque ceux m(3me qui entendent une lan- gue morte ne l'entendent que par la perceplioil cîc la relation des mots , il est indispensable d-3 faire apercevoir ces relations à ceux qui veulent: aprcndre une langue. Or , cette opération n'est-elle pas plus facile, si Ton déplace les mots qui interrompent les relations , et qu'oa les range tous oelon l'ordre du rapport qui est critre eux ? C'est un sacrifice indispensable qu^ l'élégance et l'harmonie doivent faire à l'intoili- gence -, et voilà pourquoi , quand on expliqua un Auteur latin dans les premières classes , oa en fait ce qu'on appelle îa construction. Ce qu'or\ pratique à cet égard do vive-voix dans les collè- ges , peut fort bien être exécuté par écrit, a{:i\ àc tuciUier Us répéUwions, et que eux qui vou-
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s 4 Principes
lent apprendre puissent toujours avoir un mar- tre tout prut.
Par-là ils peuvent plus facilement étudier les- ©r'ginaux , observer la différence de la cons- trLiCtion élégante , d'avnc celle qui n'a d'autre but que de donner l'intelligence , et qui bien que moins usitée est l'unique fondement de celle qui est en usage. Enfin par ces observa- tions , on se trouvera ea état d'entendre Ifes meilleurs Auteurs.
Tel est le but que l'on doit se proposer dans îa construction du texte des Auteuis latins.
Au reste , on doit faire cette construction , non selon le françois ainsi que quelques person- nes le publient , mais selon Tordre signii:calif des mots de toutes langues ; et telle est la rela- tion que l'esprit de tout Auteur met entre lès mrembies de chaque prcposilicn particulière do son discours.
Ainsi , la phrase de Cicéron que j'ai rappor- tée plus haut sera rangée de cette sorte : Dus hodierniis attulit f.nem siîetiùi diuturrri , quo eraiu ' usiis in h'is temporibus.
La phrase de M. Fléchir r , quand on veut en faire entendre îa construction à un élrungcr ^ doit étr« rangée ainsi :
Ce , à savoir que Saîcmon déjà rempli de la sag;esst et de r esprit de Dieu , fit cet elo^e du rci son père ; cela , dis-je , fur , c'est-à-dire, arriva après un sacrifice solenind it magnifique , cit U :ang de mille rii [imis coula.
Dans la même vue , les vers de la Hcnriade doivent être construits selon l'analyse dont il s'cgit en la manière qui suit. Un vieux palais respecté p..r les temps ièltve , c'est-à-dire , est clo'fé , est bâti sur hs bords fcrtunis de lIddUe antique , lieux cù iEurcpe fir,ir , it ci: l'Asit ivta- mcntc.
F.
3e Grammaire, 85
Lf» but de cette sorte d'analyse n'est que OUI" donner rintolligence , et faire apercevoir es rapports des mots à ceux qui veulent: apprendre une langue , ou entendre un Auteur diincile à leur egaril.
Il y a une grande injustice, ou peu de bonno foi , ou , ce qui me paroît plus vraisemblable et plus digne d'excuse ; il y a bien peu da lumitre dans ceux qui pub'ient que cette ma- nière éloigne les jeunes gens de l'élégance. C'est précisément tout le contraire. Cette ana- lyse fait voir les fondemens de la construction élégante ; et quand une fois on entend bien Je sens de ce qu'on lit , on prend avec bien plus de facilité le goût de la construction élé- gante , par la fréquente lecture du texte de
I Auteur. On y observe les transpositions, les ellipses et tout ce qui rend le discours plus vif ^ plus harmonieux , et le fait lire avec plaisir et avec goût. Je prends à témoin ce grand nom- bre de personnes qui' ont négligé leurs études pendant le temps précieux qui y étoit destiné.
II leur est arrivé quelquefois dans la suite d'avoir ouvert un Horace ou un Virgile , et d'avoir refermé le livre par la seule raison qu'ils n'y coniprenoient rien.
Il y a , par exemple , bien plus d'harmonie à dire avec Fléchier daris le style élevé , eu coula U sang de mille victimes , qu'à suivre l'ordre de la construction que nous avons rapporté.
Je pourrois ajouter ici plusieurs autres exem- ples , pour faire voir, que nous avons aussi d«s inversions en françois • mais elles doivent tou^ jours être de façon à no point causer d'équi- voq'ies , et ne doivent point einnêcher l'es- prit d'apercevoir aisément les différentes reca- lions des mois , ainsi q^u3 uous l'avoas dé\k remarqué.
86" Principes
Ce n'est pas seulement lorsque les ïnôts sont déplacés et transportés selon la conslrucuon usuelle et élégante » qu'on doit les ranger sui- vant Tordre de leur relation respective ■ on doit encore suivre cet ordre ou cette seconde sorte d'analyse , lorsque dans la phrase élégante tous les mots ne sont pas exprimés ainsi qu'ils le seroient si quelque raison particulière n'étoient pas la cause de leur suppression.
Comme nous saisissons toute notre pensée par un seul point do vue de Tesprit , nous aimons à abréger le discours , et à le faire ré- pondre , autant qu'il est possible , à la simpli- cité et à l'unité de la pensée.
Ainsi , dans les circonstances oîi nous jugeons qu'un mot ou deu^ suffisent pour nows faire entendre , nous nous dispensons d'exprimer les autres mots établis selon l'analogie et l'usage de la langue , pour énoncer en détail toute la pensée. Si nous nous exprimions alors tout au long , nous nous servirions de plusieurs mots qui devenus inutiles par les circonstances , ne fourniroieiit aucufle occupation à l'esprit. Quand une fois on a présenté à l'esprit tout ce qu'oa veut qu'il saisisse , et qu'on s'aperçoit qu'il l'a saisi, c'est le blesser que do lui faire prendre la peine d'écouter ce qui n'ajoute ricu de nou- veau à la pensée qu'on y a fait naître.
Telle est la cause de toutes ces propositions abrégées qui sont en usage non-seulement dans la conversation , mais encore dans les meilleurs Auteurs en toutes l''S langues. Quiind viendrez- vous l demain. Il est évident que ce seul mot , demain , présente à l'esprit de celui qui a fait l'interrogation , un sens complet qui net peut (■ire analysé en détail que par ces mots : Ji yiendrai demain. Dans Coruçillc , lo pèrç dos trois Horace*
Je Grammaire. S 7
ne sachant point encore le motif de la fuite de son i?ls , aj)pieiid avec douleur qu'il a ftii devant les trois Curiaces : Que vouliej-vous qu'il jit contre trois ^ lui dit Julie l Qu'il mourût ^ répond le père. Or vous voyez que ces mots, quil mourût ^ pré- sentent un sens total dont l'analyse est : J'aw rois mieux aimé qu'il mourût , que de le voir couvert de honte et d'infamie par la fuite.
Dans une autre tragédie de Corneille , Prusîas dit qu'il veut se conduire en père , en mari ; Ne scyei ni l'un ni Vautre , lui dit INicomède. Prusias répond : Et que dois-je être ? Roi , réplique Kiconiédc. Ce seul mot , Roi , excite dans 1 es- prit un sens total qui est aisément entendu pac ce qui précède , et qui ne peut être énoncé ea détail que par la proposition entière : Vous deve^ vous conduire en Roi ; vous devej^ , etc.
Observez que tous ces mots isolés sont tou- jours construits dans toutes les langues de la môme manière qu'ils le seroient , si le sens qui est dans l'esprit de celui qui parle étoit énoncé rn détail par une proposition entière ; ce qui .est encore plus sensible en latin, à cause de la différence des terminaisons.
Quand on voit un étourdi qui , sans conduite et sans lumières , se môle de donner des avis a un homme sage et instruit : Cest gros Jean , disons-nous , qui remontre à son Curé. Les Latins en pareil cas disoient: Sus AJinervam ; c'est un cochon , un animal ; une grosse bête qui veut donner des leçons à Minerve , déesse de la sagesse, de la science et des beaux arts. Pour- quoi le premier de ces deux mots est-il au nominatif et le second à l'accusatif? c'est que si la pensée que ces deux mots excitent dans l'es- ^prit de celui qui parle et do celui qui écoule, ttoit exprimée en détail selon l'usage de la lan« jguQ latine , on diroit : ^s do cet Minervm ;
88 Principes
ainsi , sui est au nominatif, parce qu'il est le sujet (le la proposition , et Minervam et à l'ac- cusatif , parce qu'il est le terme de l'action do docet ou doeeat , quoique ce mot ne soit pas exprimé. Ainsi , ces mots isoles ont une véri- table relation à ceux avec lesquels ils exprime- roient le sens total qui est dans l'esprit de celui qui parle , si la construction étoit pleine et entière.
Sur le rideau ou la toile de la comédie italienne on lit ; Sublato jure nocendi. Pourquoi ces trois mots sont-ils dans des cas obliques ? c'est que les circonstances du lieu , et ce qu'on sait qui s'y passe , réveillent dans l'esprit de tout hom- me instruit un sens qui seroit exprimé tout au- long en ces termes : Ridemus riria sub jure nocendi sublato. Nous rions ici des défauts d' autrui , sans nous permettre de blesser personne.
Il en est de même du fameux quos ego de Virgile , du quid ais omnium de Térence , et de tous les autres exemples pareils , où les mots ne peuvent jamais être construits que dépen- damment de la relation qu'ils ont avec ceux qu'on exprimeroit si la pensée étoit énoncée e:|;i détail.
Ainsi , en toute langue , les mots exprimés ou «<:"us-entendtts sont toujours construits selon le signe du rapport qu ils ont entre eux dans la même proposition. C'est-là le principe fon« damental de toute syntaxe ; c'est le fil d'Arianes qui doit nous conduire dans le labyrinthe d'vs transpositions et des ellipses. On doit toujours rapprocher les mots de leurs corrélatifs , et exprimer ceux qui sont sous entendus , lorsque l'on peut pénétrer le sens de l'Auteur qui , dans le temps mêniî qu'il ne l'énonce qu'on peu d(5 mots , parle toujours conformément^ X l'analogie de sa langue , et imilo les fa<;ous \lo
de Grammaire. S9
parler où tous les mots sont exprimes. Ce n'est (]U'3 par celte imilalion , et en vertu de cette uniiormite , que ces ononciations abrégées pcu- Ycnr cire entendue'?.
Cette remarque nous auroit épargné bien flos règles inutiU'S et embarrassantes clo la mé- thode vulgaire. M. l'abbé Girard , de l'Académie Françoise , dit que ces régies , quoique laites pour nous guider, nous égarent dans un laby- rinthe d'exceptions , d'où il ne résulte qu'wu cahos dans l'imagination , et un poids assom- mant pour la mémoire. Tome premier, yiï^ge yo. « Ce qui fait , ajoute-il , que l'esprit des jeunes » gens est continuellement dans l incertitude, i> et flotte entre un fiux et reflux perpétuel d« » règles et d'irrégularités. » Tomf premier ,
En effet, ces règles ne sont pas tn-ées du rapport établi en toutes langues entre les pen- sées et les signes destinés à les exprimer. Par exemple, le responsif, dit-on, doit être au môme cas que l'ioterrogatif. Quis te redcmit l ^. Christus. Christus , dit-on , est au nominatif, parcs que l'interrogatif quis est au nominatif. Ciijus est liber l'^t. Pétri. Pétri est au génitif , parce que cujns est au génitif.
Celte règle , ajoute-t-on , a deux exceptions, 1°. si vous répoiidez par un pronom , ce pro- nom doit être au nominatif. Cujus est liber T ^. Meus. z^. Si le responsif est un nom de prix, on le met à l'abîalif. Quanti emisti l ijj. decem ûsslbus.
Pour moi , qui connoîs l'inutilité de toutes ces règlos , et qui suis persuadé qu'au lieu d'éclairer et de form.er la raison des jeunes gens , elles ne sont propres qu'à leur gâtgr l'esprit , parce qu'elles n'ont aucun fondement: lians la Nature , et que ce ac sont point ces
ço Principes
règles qui ont guidé ceux qui les premiers oint fait usage de la parole , je les réduis toutes à la coanoissance de la proposition , de la période et des signes clos différentes relations que les mots ont entre eux dans la même proposition* car les mots d'une proposition ne so construi- sent pas avec ceux d'une aiitre proposition. Il n'y a de construction qu'entre les mots de la même proposition , parce qu'il n'y a d'assem- blages de mots propres à former un sens selon l'institution d'une langue , qu'autant qu'il y a de sens particuliers à exprimer. Ainsi , les mots ne doivent concourir entre eux qu'à exprimer chacun de ces sens particuliers , autrement tout seroit confondu. Quis te redemitl Voilà un sens particulier, avec lequel les mors de la répoiiso n'ont rien de commun par rapport à leur cons- truction ; et si on répond Christus , c'est que lo répondant a dans l'esprit Christus redemit in^i Ainsi , Christus est au nominatif , non par la raison de qnis , mais parce que Christus est le sujot de la proposition du répundr.nt , qui auroit pu donner un autre tour à sa réponse , sans ca altérer le sens. Cujui est liber ^ i\i. Pétri, c'est-à-dire , hic liber est liber Pétri. Cujus est liber l ^t. meus , c'csl-à-d.irc , hic liber est meus. Quanti emisti l ly. deccm assibus y c'est-à-dire , emi yfo decem assibus. ,
Les n^ots étant une fois trouvés , et leur valeur ainsi que leur destination '"t leur emploi étant détermimis par l'usag»* , rarrarigemtnt que l'on en a fait dans la pro])osition , selon l'ordre de; leur relation , est la manière la plus simple d'analyser la pensée.
Tâchons donc de donner de la proposition et do la période la connoissance nécessaire X tout (irari:inairi(Mi judicieux.
Ja âais bien qu'il y a dt-s Gramu}aii:ic;;s doat
de Grammaire, <) *
l'esprit est assez peu philosophique pour désap- prouver Kî pratique quo je propose. Ils veulent qu'on s'en tienne seuleuieiii à un usnge aveu- g\c , comme si cette pratique avoit d'autre but que (Pcclairer le bon usage, et do le faire suivre avec ])lus de lumièrf^ , par conséquent avnc plus de goût. Comme les personnes dont je parlo se rendent pKitôt à l'autorité qu'à la raison, je me contente de leur opposer ce passage de Priscien , Grammairien célèbre, qui vivoit à la fin du cinquième siècle et au commencement du sixième :
Sicut recra ratio scripturce docet îltterarum cort" griiani juncturam , sic etiam rectam oraticnls corn- pcsiticnem ratio crdinationls ostendit. Solet qiiœn causa ordinis elementorum , sic etiam de ordinatione Cdsuum , et ipsarum partium orationis scîet quœri t qiiamvis quidam siicp soîatiuw imperitiœ qucrrentes , aiunt non cpportere de liujusmodi rébus quœrere , suspicantes fortuitas esse ordinationis positiones ; quûd exisiimare^ penitiis stuirum est. Si autem in quibusdam concedunt esse ordinationem , necesse est etiam in ommbits eam concedere. (r)
A rautorité de cet ancien^ jGrammairien ,* on se contentera d'ajouter celle d'un célèbre Grammairien du XV^. siècle , qui avoit été pendant plus de trente ans Principal d'un fameux col!é<;c d'Allemagne.
In grammatica dictionum syntaxi , puerorum phi" rimiim interest ut inter exponendum , non modj sensum , pluribus verbis utcumque ac confuse coa- cervatis , reddant , scd digérant eriam erdine , grainmatico voces alicujus periodi , quœ aliogui apud autores acri aurium judicio consulentes , rAe- toricâ compositione commissœ sunt,
( I ) Prifciànus , d<i Consiruaione , lib. XIX , siit iuiiio.
if 2 Principes
Hune verborum ordinem à pueris in interpreianâê ai unguem eslgere , qu'idnam uiilitatis aferat , e'g(f ipse , qui duos et triginta jam annos Phrontisterli sardes , molestias ac curas pertuli , non semel expertus sum,- Illi enim ac via fixis , ut aiunt , eculis intuentur , accuratiusque animadvertunt ^ quot Vûces sensum absolvant , quo pacte dlctloniim struC' tura cohcFreat , quod modis sing'dis nominibus slngula verba respondeant. Qnod quidem fierl nequit , prœcipne in îcngiuscuîd période , nisi hoc crdine velutl per scalarum gradus per singulas periodi paries progrediantur (i).
DE LA CONSTRUCTION GRAMMATICALE.
J2'N terme de Grammaire , on appelle cens- truction , 1 arranj[;emont {\cs mois dans le dis- cours. Le mot est pris ici dans un sens méta- phorique , et vient du latin , construire ,' cons- truire , b;Uir , arranger.
La construction est vicieuse , quand fes mots d'une phrase ne sont pas arrangés selon l'usage d'uii(î langue. On dit (pj'une construc- tion est grecnue ou latine , lorsque les mots sont rangés clans un ordre conforme à l'usago, au tour , au g<;niM rie la langue grecque , ou à celui de la langue latine.
(i ) Grammatice .irti? in^rirutio per Joannem Fv»- Sfrnhroruni RavfiirpurJ:! ludi ma^isrrum jatn dtnuo acLuraie coucmniu. Baidete , au. i6j^.
de Grammaire, 9 5
Construction louche. C'est lorsque les mot$ sont |jlaccs do iaçon qu'ils semblent se rap- porter à ce qui précède , pendant qu'ils se rap- portent réellement à ce qui suit. On a donné ce nom à cette sorte de construction , par une métaphore tirée de ce que dans le sens propre, les louches seniLlenc regarder d un côic , pen- dant qu ils regardent d'un autre.
On dit Construction pleine , quand on exprmie tous les mots dont les rapports successifs for- rnent le sens que l'on veut énoncer. Au con- traire , la construction est elliptique , lorsque quelqu'un de ces mots est sous-cntcndu.
Je crois qu'on ne doit pas confondre cons- truction avec syntaxe. Construction ne présente (jiie l'idée de combinaison et d'arrangement. Cicérona dit , selon trois combinaisons diffé- rentes , Accepi lit ter as tuas ; tuas a^^cepi littcras , et lirreras accepi tuas. Il y a là trois constructions diilérenfes , puisqu'il v a trois différons arran- gemens de mots : cependant il n'y a qu'une syntaxe ; car dans chacune de ces construc- tions , il y a les mêmes signes dos rapports tjue les mots ont entre eux: ainsi ces rapports sont les mêmes dans chacune de ces phrases. Chaque mot de l'une indique égalemont le même corrélatif qui est ijidiqué dans chacune lies deux autres : en sorte qu'après qu'on a achevé de lire ou d'f'otendre quelqu'une de ces trois propositions , l'esprit voit également que litteras est le déterminant à!accepi \ que tuas est l'adjectif de litteras. Ainsi , chacun de ces trois ;u"raagemeas excite dans l'esprit le même sens. J'ai reçu votre lettre. Or ce qui \n\\. en chaqua langue , que les mots excitent le sens que Ton veut faire naître dans l'esprit de ceux qui savent la langue , c'est ce qu'or appelle syntaxe. La syntaxe ejt donc la partie do la Grammaire qui
94 Principes
donne la connoissance des signes établis dans une langue pour exciter un sens dans l'esprit. Ces signes , quand on en sait la destination , font connoître les rapports successifs que les mots ont entre eux. C'est pourquoi , lorsque celui qui parle ou qui écrit s'écarte de cet ordre, par des transpositions que l usage autorise , J esprit de celui qui écoute ou qui lit , rétablit cep'înclant tout dans l'ordre , en vertu des signes dont nous parlons , et dont il connoit la destination par usage.
II y a en toute langue trois sortes de cons- tructions , qu'il faut bien remarquer.
I. Construction nécessaire , signifi» CATivE ou ÉNoNCiATiVE. C'est celle par laquelle seule les mots font un sens. On l'ap- pclie aussi Construction simple et Ccns- TRUCTioN NATURELLE , parce quc c'est celle qui est la plus conforme à l'état des choses , comme nous le ferons voir dans la suite , et que d'ailleurs cette construction est le moyen le plus propre et le plus facile que la nature nous ait donné pour faire connoître nos pensées par la parole. C'est ^insi que lorsque d^ns un traité de Gcom-itrio , les propositions sont rangées dans un ordre successif qui nous en fait aper- cevoir aisément la liaison et le rapport, sans qu'il y ait aucune proposition intermédiaire à sup])'cer , nous disons que les propositions de ce traité sont rangées dans l'ordre naturel.
Cette construction est encore anpelléc A'E- CESSAIRE , parce que c'est d'elle seule que les autres etyri.:tructions empruntent la propriété qu'elles ont de signifier : au point qiu; si la construction nécessaire ne non voit pas se retrou- ver dans les autres sortes dénonciations, celles- ci n'exciteroient aucun sens dans l'esprit , o'i n'y exciteroieut pas celui qu'on \ouloit y faire
a\' Grammaire, 9 5
naître. C est ce que nous ferons voir bientôt ])liis sensiblom-^Qt.
II. La seconde sorte de construction , est la CjysTnucTioN riJCRF.E.
m. Enfin , la troisième est celle où les mots ne sont ni tous arrangés suivant l'ordre de la construction simple , ni tous disposés selon la construction figurée. Celte troisième sorte d'ar- rangement est le plus en usage , c'est pourquoi je l'appelle Construction usuelle,
I. De la Construction simple.
Pour bien comprendre ce que j'entends par Construction simple et nécessaire , il faut observer qu'il y a bien de la différence entre concevoir un sens total , et énoncer ensuice par la parole ce qu'on a conçu.
L'homme est un être vivant , capable de sentir, de penser, de connoître , d'imagitier, de juger, de vouloir , do se ressouvenir, etc. Les actes particuliers de ces facultés se font en nous d'une manière qui ne nous est pas plus connue que la cause du inouvemen.t du cœur, ou de celui des pieds et dos mains. Nous savons par sentiment intérieur , que chaque acte par- ticulier de la faculté de penser , ou chaque pensée singulière , est excitée en nous en un. instant , sans divisions , et par une simple affection intérieure de nous-mêmes. C'est une vérité dont nous pouvons aisément nous con- vaincre par notre propre expérience , et sur- tout , en nous rappellant ce qui se passe en nous dans les premières années de notre en- fance. Avant que nous eussions fait une assez grande provision de mots pour énoncer nos pensées , les mots nous manquoicnt , et nous ne laissions pas de penser , de sôHlir , d ima- giner , de concevoir et de juger. C'est ainsi
9^
Principes
que nous voulons , par un acte simple de notr* volonté ; acte dont notre sens interne est affecté aussi promptement que nos yeux le sont par les différentes impressions singulières do U lumière. Ainsi je crois que si après la création Ihomme fût demeuré seul dans le monde , il ne se seroit jamais avisé d'observer dans sa pensée un Sujet , un Attribut , un Substantif, lin Adjectif, une Conjonction, un Adverbe, Mne particule négative , etc.
C'est ainsi que souvent nous rie faisons con- noître nos senlimens intérieurs que par des gestes , des mines , des regards , dos soupirs, rtts larmes , et par tous les autres signes , qui sont le langage des passions plutôt que celui d« l'intelligenco. La pensée , tant qu'elle n'est que dans notre esprit , sans aucun égard i l'énon- ciaiion , n"a besoin ni de bouche , ni de lan- gea , ui du son des syllabes : elle n'est ni hebraique , ni giecque , ni latine , ni barbare; elle n'est qiu'à jioiis. Inrus , ii domicilio cogita" Uonis , nec lubrera , nec grœca , nec Luina , nec barbard vcriias , sins oris et lingiiœ crganis , sine strepitu syllabarum (i).
. Mais des qu'il s'agit de fjire connoître aux autres les affections ou p<'.nsoes singulicMes et , pour ainsi dire , individuelles de i intelligence, nous ne pouvons profiuirecet effet qu'en faisant en dtitdil des im^jressions , ou sur l'organe de l'ouie , par des sons, dont les autres hommeg connoissenc , comme nous , la destination ; ou sur l'organe de la vue , en exposant à leurs yeux par l'écriture , les signes convenus de ces mêmes sons. Or , pour exciter ces inq:)ressions, nous sommes contraints de donner à notre
(l ) S. Au^justiii , CcnJiSi /. XI , f 3.
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Je Grammaire. 97
Hennés de l'ciiendue , pour ainsi dir« , ce ihi parties , afin do la fairo passer dans l'esprit dus antres , où elle ne peut s'introduire quft par -leurs sens.
Ces parties que nous donnons ainsi à noire pensée par la nécessite de l'clocutioii , devien- nent ensuite l'original des signes dont nous nous servons dans l'usage de !a parole. Ainsi nous divisons , nous analysons , comme par instinct , notre pensée : nous en rassemblons toutes les parties , selon l'ordre de leurs rap- ports -. nous lions ces parties à des signes. Ce soni les mot? , dont nous nous servons ensuit© prj'jr en altecter les sens de ceux à qui nous voulons communiquer notre pensée. Ainsi les mots sont on même temps , et l'instrument , «t le signe de la divis'on de la pensée. C'est de là que vient la dilférence de<v langues et celle des iaiotisroes *, pnrce que les hommes ne se servent pas des moines signes par-?out , et que le môme fond de pansée peut être analysé et exprimé en plus cVniie manière.
Dès les premières années de la vie , le pen- chant que la nature et la constitution des orga- nes donnent r^ux enfans pour rimitarion , les besoins , la curiosité , et la présence des objets qui excitent l'attention , les signes qu'on fait aux enfans en leur niontrant les objets j les noms qu'i's entendent en même-temps qu'on leur donne -, l'ordre successif qu'ils observent que l'on suit , en nommant d'abord les objet^r et en énonçant ensuite les modificatifs et Icj; mots dcterminans \ l'expérience répétée à cha- que instant et d'une m.Tnicre uniforme; toutes ces circonstances , et la liaison qui se trouve entre tant de inouvemcns excités en même- temps : tout cela , dis-je , apprend aux enfans , non-seulement les sons et la valeur des mots ;
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que nous voulons , par un acte simple de notr# volonté; acte dont notre sens interne est affecté aussi promptement que nos yeux le sont par les différentes impressions singulières do la lumière. Ainsi je crois que si après la création 1 homme fût demeuré seul dans le monde , il ne se seroit jamais avisé d'observer dans sa pensée un Sujet , un Attribut , un Substantif , va Adjectif, une Conjonction, un Adverbe, Mne particule négative , etc.
C'est ainsi que souvent nous ne faisons con- noître nos seniimens intérieurs que par des gestes , des mines , des regards , dos soupirs, otts larmes , et par tous les autres signes , qui sont le langage des passions plutôt que celui ds lintelligonco. La pensée , tant quelle n'est que dans notre esprit , sans aucun é,^ard à l'énon- ciaiiou , n"a besoin ni de bouche , ni de lan- g):e , lii du son des syllabes : elle n'est ni hébraïque , ni grecque , ni latine , ni barbare; elle n'est qti'à nous. Inrus , in domicillo cogita- ûonis , nec iwbrepa , nec grœca , nec Luina , rue barbard vcritas , sine oris et lin^uce organis , sine strepitu syllabarum (i).
Mais des qu'il s'agit de faire connoître aux autres les affections ou pensées singulières et , pour ainsi dire , individuelles de I intelligence, nous ue pouvons produire cet effet qu'en laisant en détail des impressions , ou sur l'organo de l'ouie , pjr des sons , dont les autres hommes connoissenc , comme nous , la destination * ou sur l'organe de la vue , en exposant à leurs yeux par l'écriture , les signes convenus de ces jnêmes sons. Or , pour exciter ces impressions, cous sommes contraints de donner à notre
Ci ) S. Augustin , CcnfiSi, /. >. I , r 3.
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^e Grammaire. 97
Hf»n?;c^î da rc-tenduc , pour ainsi dire , ce d«;$ parlicà , atin do la faira passer dans l'esprit des antres , où elle ne peut s'ialroduire qut par leurs sous.
Ces parties que nous donnons ainsi à noire pensée par la nécessité de l'élocution , devien- nent ensuite l'original des signes doiU nous nous servons dans l'usage de la parole. Ainsi nous divisons , nous analysons , comme par instinct , notre pensée : nous en rassemblons toutes les parties , selon Tordre de leurs rap- ports : nous lions ces parties à des signes. Le sont les mots , dont nous nous servons ensuit© p'jnr en aftecter les sens de ceux à qui nous voulons communiquer notre pensée. Ainsi les mots sont en même temps , et l'instrument , €t le signe de la division de la pensée, C'est: de là que vient la dilférence de<i langues etcalle des iaiotisroes ; parce que les konimes ne se servent pas des mnmes signes par-'out , et que le mî'me fond de pensée peut être analysé et exprimé en plus d'une manière.
Dès los promiérîs années de la vie , le pen- chant que la na;ure et la consliiution des orga- nes donnent î\ux enfans pour rimitation , les besoins , la curiosité , et la présence des objets qui excitent Taltention , les signes qu'on fait aux enfans en leur montrant les objets ; les noms qu'i's entenfîcnt en même-temps qu'on leur donne ; l'ordre successif qu'ils observent que l'on suit , en nommant d'abord l^s objet^r et en énonçant ensuite les modificalifs et \\.,^ mots déterrninans ; l'expérience répétée à cha- que instant et d'une m.inière uniforme; toutes ces circonstances , et la liaison qui se trouve entre tant de mouvemens excités en même- temps : tout cela , dis-jo , apprend aux enfans , xion-sculement les sons et la valeur des mots ;
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9 8 Principes
mais encore l'analyse qu'ils doivent fairo de la: pensée qu'ils ont à énoncer , et de quelle ma- nière ils doivent se servir des mots pour fairo cette analyse , et pour former un sens dans l'esprit des citoyens parmi lesquels la Provi- dence les a fait naître.
Cette méthode , dont on s'est servi, â notre égard, est la m5me qu'on a employés clans tous les temps et dans tous les pays du monde ; et c'est celle que les Nations les plus policées et les Peuples les plus barbares mettent en œuvrai pour apprendre à parler à leurs enfans •. c'est un art que la Nature même enseigne. Ainsi ^ je trouve que dans toutes les langues du monde, il n'y a qji'uae môme manière nécessaire pour former un sens avec les mots : c'est l'ordre suc- cessif des relalions qui se trouvent entre les mots, dont les uns sont énoncés comme devant être modifiés ou déterminés , et les autres comme modifiant ou déterminant. Les premiers exci- tent l'attention et la curiosité ; ceux qui sui- rent , la satisfont successivement.
C'est par cette manière que l'on a commencé dans notrr enfance à nous donner Texemple et l'usage de l'clocution. D'abord on nous a mon» tï6 l'objet • ensuite on l'a nommé. Si le nom vulgaire étoit composé de lettres dont la pro- nonciation fût alors trop difficile pour nous , on en substilHoit d'autres plus aisées à articuler. Après le nom de l'objet , on ajoutoit les mots qui le modifioient, qui en marq loient les qua- lités ou les actions , et que les circonstances et les idées accessoires pouvoient' aisément nous faire connoitre.
A mesine que nous avancions en âge, et que l'expéïrience nous apprenoit le sens et l'usage des Prépositions , des Adv<irbes, des Conjonc- tions , Qt sur-tout des diflwrcnles terminaisons
Jif Grammaire, p^
iîr's ^'orbo8 , ilrslinces A mnrqiinr le nonihrc , les personnes et les tomps , nous devenions plus lubiles à démêler les rapnorl? dos mots , cl à en nporcovoir l'ordre succossi/, qui forni^î le sens total des phrases , et qu'on aroil grande attention de s:iivrc on nous p.irlant.
Coite minière d'énoncer les mots successi- vement , selon l'ordre de la modi':caîion ou <3cî:erminGtion que le mot qui suit donne à celui qui le précède a fait règle dans notre esprit. Elle est devenue notre modèle invariable ', au }»oint que , sans e11(î , ou du moins sans Ie$ secours qui nous aident à la rétablir , les mots ne présentent que leur signification absolue , sans (|ue leur enscîiible puisse former aucun, sens.
Par exemple :
Arma virumque eano , Trojœ qui primus
ab oris , Italiam , fato prefugus , Lavinaque venit
littora.
Oiez à ces mots latins les terminaisons OM rlésinances , qui sont les signes de leur valeur relative , et ne leur laissez que la première ter- minaison , qui n'indique aucun rapport , vous ne formerez aucun sens. Ce seroit comme si ion disoit :
Armes , homme , je chante , Troie , qui ,
premier <, des côtes , Italie , destin , fugitifs Laviniens , vint ^
rivages.
Si ces mots étoiont ainsi énoncés en latin avec leurs terminaisons absolues , quand même on les rangeroit dans l'ordre où on les voit dans Virgile , non-seulement ils perdroient lear
E 2
1 00 Principes
grâce , mais encore ils ne formeroient aucun sens : i)ropriéto qa'ils n'ont que par leurs ter- minaisons relatives , qui , après que toute la proposition est finie, nous les fout regarder selon l'ordre t!e leurs rapports , et par consé- quent selon l'ordre de la construcilon simple y nécessaire et sig'iijlcative.
Cariû arma crque vinim , qui vir , profugus à fcito , Vc'iiit prlmus , ab oris Trojœ , in haiiani , atque ad littora Lavina : tant la suite des mots et leurs d jsinances ont de force pour faire enten- dre le sans I
Tantum séries junctitraque poîler,
Horace , Art. Poet. v. 24c.
Quand une fois cette opération m'a conduit a l'intelligence du sens , je lis et je relii le texte de 1 Auteur •, je me livre au plaisir cjue me cause le soin de rétablir , sans trop de peii e , l'ordre que la vivacité et rempressemeni de l'imagina- tion, lélégance et l'harmonie avoieiit renversé: et ces fitquenteô lectures me font acquérir un goût éclaire pour 11 belle latinité.
La consiruction simple est aussi appellée CoyS' TRUCTioN NAi'UjiELLE , parce que c'est celle que nous avons apprise sans maître , par la seule constitution mcchaniciue de nos organes , par notre attention et notre penchant ;\ l'imitalion. Elle est 1*3 seul moyen nécessaire pour énoncer nos pensées pur la parole , puisque les autres ■•ortcs de coristructions ne forment un sens que lorsque par un simple regard de l'esprit, nous y apercevons aisément l'ordre successif do la construction simple.
Cet ordre est le plus propre à faire apcrcc- Toir les parties que la nécessité de l'elocution nous fait donner à la peasée. Il nous indique les lapporls que ces parties ont çntr'clUs : rap-
cle Granmiûire. lOf
port? clonr le concert produ't l'onsoiTiblc , et, pour ;iinsi diro , lo corps fie chaque pensée par- ticulière. Tnlln csl la relation éiablie entre la p'^nst'-o et les mots; c'cst-à-rliro , entre Ta chose et les siiincs nai la font connoître : connoissanco acquise dés los prcînières années de la vie, pav: (les actes si souvent répétés, qu'il en résulte uno habitude que nous regardons comme un effet n.3turcl. Que celui qui paile emp^oif^ ce que l'art ad'3 plus séduisant pour nous plaire, et plus pro- pre à nous loucher , nous applaudirons à ses talens. Mais son premier devoir est de respecter les règles de la consrrucrion simple , et d'éviter les obstacles qui pourroient nous empêcher d'y réduire sans peine ce qu'il nous dit.
Comme par- tout les hommes pensent , et qu ils cherchent à faire connoitre la pensée par la parole , l'ordre dont nous parlons est au fond uniforme par- tout ; et c'est encore un autre motif pour l'appeler naîiireL
II est vrai qu'il y a des différences dans les langues •, différence «lans le vocabulaire ou là nomencîaîure , qui énonce les noms des objet^ et ceux' de leurs qualificatifs ; différence dans les terminaisons, qui sont les signes de l'ordre successif fies corrélaiifs ; différence dans Tusago des métaphores , dans les idiotismos , et dans Jes tours de la constr-ACt'wn usuelle : mais il y a uniformité , en ce que par-tout la pensée qui est à énoncer est divisée par les mets qui en représentent les parties , et que ces parties ont des signes de leur relation.
Enfin cette construction est encore appelé^ NATURELLE , parce qu'elle suit la nature ; j© veux dire , parce qu'elle énonce les mots selon l'état où l'esprit conçoit les choses. Le Soleil est lumineux. On suit ou l'ordre de la relation des causes avec les effets , ou celui des effaU
53
102 Principes
avec leur cause. Je veux dire que la ccnstraction simple procède , ou en niUnt de la cause à l'effo: , ou de l'agent ?.u patient; comme quand on dit : Duu a créé Je monde : Julien le Roi a fait cette montre : Auguste vainquit Antoine : c'est ce que les Grammairiens appellent la voix active : ou bien la construction énonce la pensée , en remon- tant de reft«t à la cause, et du patient à l'agent, selon le langage des philosophes : ce que les Grammairiens appellent la voix passive : Le Tionde a été créé par lEtre tout-puissant : cette montre a été faite pjr Julien le Roi : Antoine fut raincu par Auguste. La construction simple pré- jente d'abord 1 objet ou sujet ; ensuite elle le Cjuabne selon les jiroprictés ou les accidens que les sens y découvrent , ou que 1 imagination y suppose.
Or , dans Tun et dans l'autre do ces deux 03*3 , l'état des choses demande que l'on com- monce par nommer le sujet. Eneiïet, lanatur* et la raison ne nous apprennenl-elles pas , 1°. qu'il faut être avant que d'opérer j prlus est esse quàm operari ; 2°. qu'il faut exister avant (jue de pouvoir cire l'objet de l'action d'un autre : 3". enfin , qu'il faut avoir une existence rétiJle ou imaginée , avant que de pouvoir Olro (jualifié , c'est-à-dire , avant (jue de pouvoir tire considéré comme ayant telle ou lello modification propre , ou bien tel ou tel de ces accidens qui donneiit lieu à ce que 1rs Logi- ciens appollcnt des dènoniinations cxtnnes : Il est aimé : Il est haï : // est loué : // est blâmé.
On observe la même [)raliquc par imitation, quand on parle de noms abstraits et d'êtres purement métaphysiques. Ainsi on dit que la vertu a des charmes, comu^c on dit que le Roi « des Soldats.
La c»)ii3iniciiori simple > comme nous l'avons
de Grammaire, io3
déj.î remarqué , énonce d'abord le sujet dont on jnnr : après qnoi clic dit , ou qu'il est , ou (|u/7 fait , ou c\uil souffre , ou qu7/ a , soit dans le snis propre , soit ou f'^ure.
Tour mieux f«irc ent»'.ndro ma pensée , quand je dis que h construction simple suit l état des chosfs , j'observerai qiie dan? la réalité l'Ad- jectif n'énonce qu'une qualification du Subs- tantif. L'Adjectif n'est donc que le Substantif même , considéré avec telle ou lelle modifica- tion. Tel est l'olat des choses. Aussi, ]a cons- truction simple ne sépare-t-elle jamais l'Adjectif du Substantif. Ainsi quand Virgile a dit :
Fris^idus , AgricoUm , si quando continet imber (i)
L'Adjectif fùgldus étant séparé par plusieurs inots de son Substantif im/'c^r, cette construction sera , tant qu'il vous plaira , une construction éldganie , mais jamais une phrase de la cons- truction simple , parce qu'on n'y suit pas l'or- dre de l'éiat des choses , ni du rapport im»mé- diat qui est entre les mois , en conséquence' de cet état.
Lorsque les mots essentiels à la proposition ont des modificatifs qui en étendent ou qui en restreignent la valeur , la construction simple place ces m.odificalifs à la suite des mots qu ils modifient. Ainsi tous les mots se trouvent ran- gés successivement , selon le rapport immédiat du mot qui suit avec celui qui le précède. Par exemple : Alexandre vainquit Darius ; voici une simple proposition. Mais si j'ajoute des modi- ficatifs ou adjoints à chacun de ses termes , la construction simple les placera successivement.
O ) Georg. l.h. 7, y, z«J9.
J.04 Principes
selon I orclre de leur relation. Alexandre , fiL< de Philippe et Poi de Macédoine , vainquit , avfc peu de troupes , 'Pcrius , Roi des Perses , qui étoit à la îète dune armée nombreuse.
Si Ton cnonc3 des circonstances , dont le sens tombe sur toute la proposition , on peut les placer ou au commonccm^nr , ou à la fin d(3 Ja proposition. Par exemple : En la troisitme année de la CXIl'. olympiade , 33o. ans avant JtsuS" Christ , cnje jours après une éclipse dt Lune y Alexandre vainquit Durius : ou bien , Alexandre vainquit Darius en la troisième année , etc.
Les liaisons des différentes parties du discours, tell&s que cependant , sur ces entr.Jaites , dans ces circifnstances ^ mais ,. quoique , après que , avant que , etc. doivent piéckler le sujet de la pro- position où elles se. trouvent \ parce que ce» liaisons ne sont que dos adjoints, ou des tran- sitions OH des coi.jonctions particulières qui lient les propositions partielles dont les pério- des sont composées.
par la même raison , le relatif qui , quœ , quod , et nos qui , que , dont , précèdent tous les mots de la proposition à laquelle ils appar- tiennent , parce qu'ils servent à lier cette pro- position à quoique mot d'une autre , et que ce qui lie doit être entre df;nx termes Ainsi dans cet exemple vulgaire , Deus quem adoramus est omnipotens , le Dieu que nous adorons est tout- puissant , quem précode adoramus , et que est avant nous adorons , quoique l'un dépende d'ado' ramuS et l'autre de nous adorons^ quem détermine Ûeus. Cello place du relatif entre les deux pro- positions corrélatives , en fait appercovoir la liaison plus aisément , que si le quem ou le que étoient placés après les verbes qu'ils détcr- iBtcmnt.
Jk dis donc que pour s'exprimer selon la
Je Grammaire, toi,
constmction siinple , on doit i^ énoncer tous les mots qui sont les signes des différente» parties que l'on est obligé de donner à la pen- sée , par la nécessité de l'elocution , et selon l'analogie de la langue en laquelle on a à s'énoncer.
2°. En second lieu , la construction simple exige que les mots soient énoncés dans l'ordre successif des rapports qu'il y a cntr'cux , en sorte que le mot qui est à modii'er ou \ diiter- miner , précède celui qui le modifie ou I» détermine.
3*. Enfin , dans les langues ou les mots ont. des terminaisons qui sont les signes de leur position et de leurs relations , ce seroit une faute , si l'on se contentoit de placer un mot dans l'ordre eu il doit être selon la construc- tion simple , sans lui donner la terminaison destinée à indiquer cette position. Ainsi on ne dira pas en latin , Diliges Dominas Deus tuus , ce qui ieroit la terminaison de la valeur absolue , ou celle du sujet de la proposition ; mais on dira Diliges Dominum Deam tuiim , ce qui est la ter- ininaison de la valeur relative de ces trois der- niers mots. Tel est dans ces langues le service et la destination des terminaisons : elles indi- quent la place et les rapports des mots : ce qui est d'un grand usage lorsqu'il y a inversion y c'est-à-dire , lorsque les mots ne sont pas énon- cés dans l'ordre de la construction simple : ordre toujours indiqué , mais rarement observé dans la construction usuelle des langues dont les noms ont des cas , c'est-à-dire , des termi- naisons particulières destinées en toute cons- truction à marquer les différentes relations ou les différejitcs sortes de valeurs relatives dç^3 jcaoïs.
10$ Principes
II. De la Construction figurée.
L'ordre successif des rapports des mots n'esî pas loajours exactement suivi dans l'exucutioa de la paroJe. La vivacité de l'imagination , l'empressement à faire connoître ce qu'on pense^ le concours des idées accessoires , Iharmonie , Je nombre , le rythme , font souvent que l'oa- supprime des mots , dont on se contente- d'énonqpr les corrélatifa. On interrompt l'ordre de l'analyse , on donne aux mots une place on Hne forme , qui au premier aspect ne paroît pas être celle qu'on agroit dû leur donner. Ce- pendant , celui qui lit ou qui écoute , ne laisse- pas d'entendre le sens de ce qu'on lui dit, parce que l'esprit rectifie rirréguiaritc de renon- ciation , et place dans l'ordre de l'analyse les- divers sens particuliers , et môme le sens des mots qui ne sont pes exprimés.
C'est en ces occasions que l'analogie est d'un- gra^nd usage. Ce n'est alors que par anc^logie > par imitation , et en allant (!u conrm à lin- connu , que nous pouvons concevoir ce qu'oa nous dit. Si cette analogie nous raanquoit , que^ pourrions- nous coniprendre dans ce que nous entendrions tnre ? Ce seroit pour nous un lan- gage inconnu et inintelligible. La connoissance et la praticpie de cette analogie ne s'acquièrent <jue par imitation, et par un long usage com- Miencé dès les premières années de notre vie.
Les façons de parler dont l'analogie est p pour ainsi dire , l'interprète , sont des phrases ti'î la construction figurée.
- La Construction fi^urie est donc celle où l'or- dre et le procédé do l'^n.nlyse énonciative ne sont pas suivis , quoiqu'ils doivent toujours être ap^»r«;us , rectifiés ou suppléés.
Celle secoade sortv de coasUuctio4 est afk-
I
de Grammaire, TO^
y^îcf! Ccnstnicncn figurée , parce qu'on effet ell<î prend uno ilj^ure , une forme , qui n'est pas colle (le la construction simple. La construc- tion ligiirëu est à la vérité autorisée par un U3ag« particulier ; mais elle n'^est pas conforme à la manière de parler la plus régulière , c'est-à- dire , à cette construction pleine et suivie doiu nous avons parlé d'abord. Par exemple , selon cette première sorte de construction , on dit : La faiblesse des hommes est grande : le verbe est s'accorde en nombre et en personne avec soa sujet la faiblesse , et non avec des hommes. Tet est l'ordre signiiicatif ; tel est l'usage général. Cependant on dit fort bien , Lii plupart de9 hommes se persuadent , etc. où vous voyez que le rerbc s'accorde avec des hommes , et non avec la plupart. Les savons disent ; les ignorans s'ima» ginent , etc. telle est la manière de parler géné- rale : le nominatif pluriel est énoncé par l'ar- ticle les. Cependant on dit fort bien , Des savans m ont dit ; des ignorans s'imaginent ; du pain et de teaii suffisent , etc.
Voilà awssi des nominatifs, selon nos Gram- mairie. Pourquoi ces prétendus nominatifs ne son -1 t^ *;rf an a' os-u^s aux nominatifs ordi- mires * Il ©n es- i * . i .
-ÇLjneme en latin , et en tnnr(»«i langues. Je xn« ^ . i i
toutes diio -nterai de ces deux
exemples.
lO La préposition Ante se constru. cusatif : tel est l'usage ordinaire :cepea.c, en trouve cette préposition avec 1 ablatit dans
les meilleurs Auteurs : >^^"^^'^^'^'%7';* .^^ \o «o Selon la pratique ordinaire , quana le ^cm ci^ la persoL^ , ou celui de la chose est Wii.^de li proposition , ce nom est au nomi- x^a f u faut bicA , en effet , nommer la per- sonne ou la chose dont on ]uge , afin quon puise emervdre ce qu'o;. ca dit. C|P|ndaftt ^u
ic8 Principes
frouvc des phrases sans nominatif-, et ce qiiï est plus irrégulier encore , c'est que le mot , qui selon la règle, devroit être au nominatif, se trouve au contraire en un cas oblique. Pœnitet me peccati ; Je me repens de mon péché. Le verbe est ici à la troisième personne en latin , et à la première en françois.
Qu'il me soit permis de comparer la construC'^ tion simple au droit commun , et la figurée au droit privilégié. Les Jurisconsultes habiles ramonent les privilèges aux loix supérieures du droit commun , et regardent comme des abus que les Législateurs devroient réformer , les privilèges qui ne sauroient être réduits à ces loix.
11 en est de même des phrases do la construc- î'ion figurée : elles doivent toutes être rapportées aux loix générales du discours , en tant qu'il est signe de l'analyse des pensées et des diffé- rentes vues de l'esprit. C'est une opération que le peuple fait p«Tr senliment , puisqu'il entend le sens de ces phrases. Mais le Grammairien philosophe doit pénétrer le mystère de leur
irrégularité , et faire voir nue malgré le m-^M"^ • -• '-- •• .viit pour-
ire voir
par plusieurs e.yfé ' jf f,„ , J""^' >^ procéden I _L r ' ""^^ observer qui v a
avec plusvrè fteures nm' cr^r,^ ,r M^ " ^ a
r t,i'«cî> qui sont d un "rand usafr«
mrol '"'!"'-•"« °" Pt'ut réduire toutes las.
I. L-EWpsi. ,™^^^l"'"' ' ''°"-"'"'''' ' ""-^^î"""""' , défaut.
ie Grammaire. lo^
tlotî simple n'est pas exprime , et quo cepen- dant ce mot est la seule cause de la modificatioi» d'un autre mot de la phrase. Par exemple: Ne sus Aîinervam. Alinervam n'ost, à raccusatif , que parce qu(; coux qui entendent le sens de ce pro- verbe se rappellent aisément dans l'esprit le vcrbo dûceat. Ciccron l'a exprimé (i). Ainsi lo sens est , Susnonàoceat Minervam\ Qu'un cochon, qu une bête , qu'un ignorant ne s'avise pas do vouloir donner des leçons à Minerve , déesse de la Science et des beaux Arts. Triste lupus stabulis , c'est-à-dire , Lupus est negotium triste stabulis. Ad Castoris , suppléez cedem , ou tein- plum Castons. Sanctius et les autres Analogiste^ ont recueilli un grand nombre d'exemples oii cette figure est en usag#. Mais comme les Au- teurs latins emploient souvent cette figure , et que la langue latine est , powr ainsi dire , toute elliptique , il n'est pas possible de rapporter toutes les occasions où cette figure peut avoir lieu. Peut-être même n'y a-t-il aucun mot latin qui ne soit sous-entenda en quelque phrase, Vulcani item complures , suppléez /u^ravir. Primus calo natus \ ex quo MinervQ Apollinem , oii l'on sous-entend peperit (2). Et dans Térence (3). Egône illam ! Quœ illum ? Quœ me l Quœ non l Sur quoi Donat observe que Tusage de l'Ellipse est fréquent dans la colère , et qu'ici le sens est: Egone illdm non uîciscar l Quœ illum recepit ? Quu: cvrlusit me l Quœ non admisitl Priscien rem» plit ces Ellipb^w Jo I3 Tnanière suivante : Egone illam dlgnor adventu meo '. e„ ,7/^^ prœposuit piihi ? Quœ me sprevit ? Quœ non suscepn i..f-^
(1 ) Acad. l , c. 4.
( a) Cicéron , de natvra DeoTum , lib. 111 , C. «».
j[j ) Eunuc, Act. I. Se. l.
lîO Principes
Il est indifférent que l'EUipss soFt rempîfè par tel on tel mot , pourvu que le sens indiqua pnr les adjoints et par les circonstances soit rendu.
Ces soufi-ententes .^ dit M. Patru (i) , sont fré^ quentes en notre langue , comme en toutes les autres^» Cependant elles y sont bien moins ordinaire^ qu'elles ne le sont dans les langues qui ont des cas , parce que dans celles-ci le rapport du mot exprimé avec le mot sous-entendu , est indi- qué par une terminaison relative : au lieu qu'en françois et dans les langues , dont les mots gardent toujours leur terminaison absolue , il n'y a que l'ordre , ou observé ou facilement aperçn et rétabli par l'esprit , qui puisse faire entendre le sens des mots énoncés.
Ce n'est qu'à cette condition , que l'usag© autorise les transpositions et les Ellipses. Of cette condition est bien plus facile à remplir dans les langues qui ont des cas : ce qui est sen- sible dans l'exemple que nous avons rapporté , Ne sus AJinervam: ces cir-nx mots rendus en fran- çois n'indi(|ueroient pas ce qu'il y a à suppléer. Alais quan»! la condition dont nous venons d« parler peut aisén\ent être remplie , alors nous faisons usage de l'Ellipse , sur-tout quand nou» iommes animés de quelque passion.
(2) Je t'almois inconstant : Quaurois-jf
fait fidèle ?
On voit aisém*-' 'i"^^ ^® '^"' ^^^ > <?"' «'««'
( I ) Notes >tir les Remarques de VaugcUs , tom I, p'ig. 2p2 , cdit. de i7j3.
( 3 ) Racine , trj^ed. d'AndruœaqHc , A*t, IV ,
Je Grammaire. i T I
râ'is-jf pas fait si tu avais étii Jidîle l Avec quelle ardeur n: t'aurois-je pas aimé si tu avais été jidcle. Mais l'Ellipse rend Texpression de Racine bieu plus vivo , (jue si ce po«5te avoit fait parler Her- mione selon la construction pleine. C'est ainsi que lorsque dans la conversation on nous de- mande , Quand reviendrei-vaus ! nous répondons , Id semaine prochaine , cest-i-dire , Je reviendrai dans la semaine prochaine : A la mi-Août , c'est-à- dire , à la moitié du mois d'Août. A la Saint-Mar- tin ; à la Toussaints ; au lieu de à la fête de tous les Saints. Que vous a-t-il dit l Rien : c'est-à-dire, il ne m'a rien dit ', millam rem: on sous-entend Ja négation ne. Qu'il fasse ce quil voudra , ce qu'il lui plaira : on sous-entend faire et c'est de ce mot sous-entendu que dépend le que apostro- phé devant il.
C'est par l'Ellipse qu'on doit rendre raison d'une façon de parler qui n'est plus en usago aujourd hui dans notre langue *, mais qu'on trouve dans les livres , môme du siècle passé. C'est , Et qu'ainsi ne soit , pour dire , ce que je vous dis est si vrai que , etc. Cette manière de parler , dit Danet , verbo Ainsi , se prend eut un sens tout contraire à celui qu'elle semble avoir •, car , dit-il , elle est affirmative , nonobs- tant la négation , J'étais dans ce jardin , et qu'ainsi ne soit , voilà une fleur que j'y ai cueillie : c'est comwie si je disois : et pour preuve de cela , voilà une flfiir que j'y ai cueillie : Atque ut rem ita esse inielligas. JouW^rt dit aussi , Et qu'ainsi ne soit , c'est à-dire , pour preuve yu. ../^ est y'Argument& est quod , au mot AiNsi.
Molière , dans Pourceaugnac , Acte I , bc, XI , fait dire à un Médecin , que M. de Pour- ceaugnac est atteint et convaincu de la maladie qu'on appelle Mélancholie hypocondriaque : E: qu'ainsi ne soit , ajoute le ]>lédecia, pour die-
lit Principes
gnôstic incontestable de ce que je dis , vous n'avef
au à considérer ce grand sérieux , etc.
M. de la Fontaine ', dans son Belphégor ^ qui
est imprimé à la fin du XIl<^. livre des fables ,
dit :
C'est le cœur seul qui peut rendre tranquille:
].e cœur fait tout , \c reste est inutile,
Qu ainsi ne seit , voyons d'autres erats , etc.
L'Ellipse explique cette façon de parler, Ea voici la construction pleine ; Et afin que vous ne disiei point que cela ne soi: pas ainsi , c'est que , etc.
Passons aux exemples que nous avons rap- portés plus haut: Des savons m'ont dit ; des ignorans s'imaginent. Quand je dis, Les savons disent , Les ignorans s'imaginent , je parle de tous les savans et cle tous les ignorans : je prens savans et ignorans dans un sens a ppellatifjC est-à-dire, dans une éten- due qui comprend tous les individus auxquels ces mots peuvent être appliqués. Mais quand jô dis , Des savans m'ont dit ; Des ignorans s'imagi' nent , je ne veux parler que de quclques-unâ d'entre les savans , ou d'entre les ignorans : c'est ime façon de parler abrégée. On a dans l'esprit, quelques-uns : c'est ce pluriel qui est le vrai sujet de la proposition : de et des no sont en ces occasions que des prépositions extractivcs ou partiiives. Sur quoi je ferai en passant une légéro observation : c'est qu'on dit qu'alors savans et ignorans sont pris dans un sens partitif. Je crois que le partage ou l'extraction n'est marqu<^ qLi« par la préposition ot par le mot c«»a>-entendu , et que le mot cxnriiT^- --^' "3"* ^^"^^ sa valeur , et parcon" ■ 1--"^ "^"^s toute son étendue, puis- »^Li<ï c est do cette étendue ou généralité que l'on tire les individus dont on parle: Quelques-uns dg les savans.
Il en est do même de ces phrases ; Du pair» 0 de l'eau suffisent ; Donue^-moi du pain et de l'eau*
de Grcmmairc, liS
ttC. c'e.'^t-à-diro , quelque chose tic , une porrion de ou du , etc. Il y a dans ces in(,ons de parler Syllepse et Ellipse. )i y a Syllepse , puisqu'on fiiit la construction selon le sens que l'on a dans l'esprit y comme nous le dirons bientôt ; et il j a Ellipse , c'est-à-dire, suppression y manquement rie quelques mots dont la valeur ou le sens est dans l'esprit. L'empressement que nous avons à énoncer noire pensée , et à savoir celle de ceux qui nous parlent , est la cause de la sup- pression de bien des mots qui seroient expri- 3nés , si l'on suivoit exactement le détail de J'analyse énonciative des pensées.
Aîulfi^ anre ann{.<. Il y a encore ici une Ellipse. j4nre n'est pas le corrélatif de annis ; car on veut dire que le fait dont il s'agit s'est passé dans un temps qui est bien antérieur au temps ok l'on parle : Illud fuit gestum in annis muliis ante hoc tempus. Voici un exemple de Cicéron (i) qi i Justine bien cette explication : Hospitium , multis annis ante hoc tempus , Gcditani ciim Lucio Cornelio Bclbo fecerant : oîi vous voyez que là construction scion l'ordre de l'analyse énoncia- tive est , Caditani fecerant hospitium. cum Lucia Cornelio Balbo , in multis annis ante hoc tempus.
Peenitet me peccati ; Je me repens de mon péchés Voilà sans doute une proposition en latin et en François. II doit donc y avoir un sujet et un attribut exprimé ou sous-entendu. J'aperçois l'attribut , car je vois In verbe pœnitct me. L'at« tribut commence toujours par le verbe , et ici pœnitet me est tout l'attiibut. Cherchons le sujet. Je ne vois d'autre mot que peccati. Mais ce mot étant au génitif, ne sauroit être le sujet de la proposition \ puisque , selon l'analogie de la
'■ t^'^'*»
(i) Dans rOfaison , ^r# L» Corn. Balb$,
114 Principes
construction ordinaire , le génitif est un cas ©blique qui ne sert qu'à ciéfermincr un nom d'espèce. Quel est ce nom que peccatl déter- mine l Le fond de la pensée et l'imitation doi- vent nous aider à le trouver. Commençons par l'imitation. Plante fait dire à une jeune mariée (i) : Et me quidem hœc conditio nunc non pœnitet. Cette condition , c'est-à-:lire, ce mariage ne me fait peint de peine , ne m'affecte pas de repentir : Je m me repens pas d'avoir épouse le mari que mon père m'adonne ; où vous voyez queconci/V/oest le nomi- natif de panitet. Et Cicéron dit (2) : Sapientis est proprium , nihil quoi pcBni:ere possit , facere : c'est-à-dire , Non facere hilum quod possit pœnitere sapientcm , est proprium sapientis : où vous vovez que quod est le nominatif de pessit panitere : rien qui puisse affecter le sage de repentir. Âccius (!it (3) que , neque id sanè me pœnitet : cela ne m affecte point f(e repentir.
Voici encore un autre exemple : Si vous avief eu un peu plus de dtférena pour mes avis , dit Cicéron à son frère *, si vous avie-r sacrifié quelques hons mets , quelques plaisanteries , nous n aurions pas lieu au/ourd hui de nous -repentir. Si apnd te plus autoritas mea , quum dicendi sal facetiœqut valuisset , nihil sanè esset quod nos pœniteret. Il n'y aurait rien qui nous affecuît de repentir (4).
Souvent , dit Faber dans son Trésor , au mot
pœnitet , les Anciens ont donné un nominatif
à ce verbe. Veteres et cum nominativo copularunt.
Poursuivons notre analogie. Cicéron a dit («j).
(i) Stiih. Act. I, Se. I. y. ^o.
U) Tusc. hh. V. c. 28.
(} ) /pnJGall. n. A, lih. Xill , c. 2.
( + ) Cicéron , ni Quint. /nur, lib. I, tp.
i 5 ) i'^i»*»!. V.
I
de Grammaire, ï i ^
Conscicntia peccatorum timoré nccentcs ojjicit ; et ailleurs (ij, Tuœ îibidines tcrquent te ; conscientiœ malcfsciorinn tuorum stimulant te : Vos remords vous rourwenteRt : et ailleurs on trouve , Conscientia sctlerum iniprobjs in morte vexât : A Vartlcle de la mort ^ les mechans sont tourmentés par leur propre conscience.
Je (lirai donc par analogie , par imitation r Censcientia peccaii pœnitet me: c'est-à-dire, ajficif nie piFnâ ; comme Cicéron a dit , afficit timoré , stimulât , vesat , torquet , mcrdet : le remords , le souvenir , la pensée de ma faute m affecte de peine , m'aflige , me tourmente : je m'en afflige ; je m en peine ; je m'en repens. ISotre verbe repentir est forme de la proposition iiisé[)arable , re , rétro ^ et de peine ; se peiner du passé. ISitot écrit se pener de : ainsi se repentir, c'est s'affliger , se punir soi-même de ; Qiiem pœnitet , is , doUndo , a se quasi pœnani sUiX temeritatis exigit (2).
Le seijs de Ja période entière Tait souvent entendre le mot qui est sous-entendu. Par cxempit? : FcHx qid pcriiîr nrum cognoscere eau-- sas (3). L'antcccdent de qui n'est point exprimé. Cependant le sens nous fait voir , que l'ordre de la construction est , Ille qui potuit cognoscere causas rerum est f dix. Il y a une sorte d'Ellipse qu'on appelle ^eugma , mot grec , qui signifi© connexion , assemblage. Cette figure sera facile- ment entendue par les exemples. Salluste a dit : Non de tyranno , sed de cive , non de domino , sed de parente loquimur ; oui vous voyez que co mot icqiiimur lie tous ces divers sens particuliers , et qu'il est sous-entendu en chacun. Voilà l'Ellipse
_ — --
( 1) Parad. II.
(2) Aîartiiius , yerie Pœniret.
(3 ) Virgile , Geerg. L. W , y. 49«,
lî^ Pilncîpcs
qu'on appelle jeurma. Ainsi le ^eiigna se fait lorsqu'un niot exprimé clans quelque membre d'une période , est sous-entendu clans un autre Tnemlire de la même période. Souvent le mot est bien le môme , eu égard à la signifîcaiion ; mais il est différent par rapport au nombre ou au genre. Aquilœ volarunt , htrc ah oriente , illa ah occidente. La construction pleine est , Hcrc volavît ab oriente ; illa voîavit ah occidente : où vous voyez que voîavit , qui f'st sons-entendu , difîére de volarunt par le nombre. Et de même dans Virgile (i), Hic iîlius arma ^ hic currus fuit : oh vous voyez qu'il faut sous-entendre fuerunt dans le premier membre. Voici une différence par raport au genre : Uùnap} a-it hic snrdus ^ aut hœc mntd facta sit (2). Dans le pre- mier sens on sous-entend factus 5;/ , et il v a facta dans le second. L'usage de cotte sorte de zeugma est souffert en latin •, mais la langwo Françoise est plus délicate et plus difScile à cet cgnrd. Comme elle est plus assujétie à l'ordre significatif, on ny doit sous-cntendvc un mot déjà exprimé, que quand ce mot peut convenir également au membre de phrase où il est sous- entendu. Voici un exemple qui fria entendre raa pensée. Un Auteur moderne a dit ; Cette histoire achèvera de désahuscr ceux qui méritent de létre : on sous-entend désabuses dans ce tiernier membre ou incise ; et c'est désahuser qui est expriiné dans le premier. C'est une négligenc« dans laquelle de bons Auteurs sont tombés.
II. Le PLonasme. La seconde sorte de figure est le conlrair»
( . ) jtm. 1. I.
Cl) Térwice, Àndr. Act. III. Se. L
Je Gra!nmaLi:i. Wf
de l'Ellipse. C'est lorsqu'il y a dans la phiaso quelque mot sujjerilu , qui pouiroiten eue retranché sans rien l'aire perdre du sens. Lors- que ces mots ajoutes donnent au discours ou plus de grâce , ou plus de nelieté , ou enfiii plus de ïbrce on plus d'énergie , ils font une tigure approuvée. Par exemple , quand , en cerlainej occasions , on dit , Je Val vu de nus yeux ; )e lai entendu de mes propres oreilles , elc. Je me meurs ; ce me n'est'^là que par energi?.
C'est peul-elre cette raison de 1 énergie qui a consacre le pléonasme en certaines laçons de parler •, comme quand on dit : Oest une affaire cù il y va du salut de l Etat : ce qui est mieux , quc'si Ion disoit , C est une affaire où il va , etc. en supprimant y , qui est inutile à cause de où. Car , comme on l'a observé dans les Remarques et décisions de VAcadém-e françoise , lOçS , pag. 39 ; 7/ y va , il y a y il en est , sont des formides aiuorisëes dont on ne peut rien ôter.
La rigure dont nous parlons est appelée Pléonasme , mot grec qui signifie surabondance^ Au reste , la surabondance qui n'est pas con- sacrée par l'usage , et qui n'apporte ni plus de netteté , ni plus de grâce , ni plus d'éner- gie , est un vice , ou du moins une négligence qu'on doit éviter. Ainsi , on ne tloit pas join- dre k un substantif une épithete qui n'ajoute xien au sens , et qui n'excite que la môme idée: par exemple , une ttmp: te orageuse, ii en est de jiîôme de cette façon de parler : // est vrai de dire que ; de dire est entièrement inutile. Un de nos Auteurs a dit (i) , que Cicéron avoit étendu les bornes et les limites de l'éloquence. Limites
( I ) Défende de Voiture , vj^. i.
î I ? . Principes
n'ajoute rien à Tidee de bornes : c'est un PÎJo- nasme.
III. La SyJlepse ou Synthèse,
La troisième sorte de figure est celle qu or appelle Sï'llepse ou Synthèse, C'est lors- que les mots sont construits selon le sens et la pensée , plutôt que selon l'usage de la cons- tructio/i ordinaire. Par exemple ,- monstrum étant du genre neutre , le relatif qui suit ce mot doit aussi être mis au genre neutre ; monstrvm qucd. Cependant Horace , lib. I ^ cd. -^y , -a dit : Fcr- taîe monstrum , quœ generosius -périr e quœrens. Mais ce prodige, ce monstre fatal , c'est Clëopatre: ainsi Horace a dit que? au féminin , parce qu'il «voit Cléopatre dans l'esprit. Il a donc fait la construction selon la pensée et non selon les mots. Ce sont des hommes qui ont: sont est au pluriel , aussi bien que ont , parce que l'objet de la pensée c est des hommes y plutôt que ce , qui est pris ici collectivement.
On peut aussi résoudre ces façons de parler par TEilipse. Car , ce sont des hommes qui ont , etc. ce , c'est-à-dire , îes personnes qui ont , etc. sont du nombre des hommes qui ; etc. Quand on dit : La foibîesse des hommes est grande , le verbe est étant au singulier , s'accorde avec son nomi- natif hi foibUsse: mais quand on dit , La plupart àes hommes s imaginent , etc. ce mot la plupart présente une pluralité à l'esprit : ainsi le verbe répond à celte pluralité, qui est son corrélatif. C'est encore ici une Syllepse ou Synthèse , c'est-à-dire , une figure selon laqu'^llc les mots sont construits selon la pensée et la chose , plutôt que selon la lettre et la forme gramma- ticale. C'est par la môme figure que le mot de personne , qui grammaticalement est du geai*<3 féminin , se Uouve souvent suivi de il
dd Grammair*. \i<^
•u /?s* au TTnsculin ; pnrcc qu'alors on a (Un> l'esprit 1 homme ou les horunios dont on parle?, qui sont physiqueijient du gonre masculin. C'est par c*nte ligure que l'on pnut rendre rai- son de Ctîrtaines phrases ou l'on exprime la parlicule ne , quohju'il semble qu'elle dût être supprimée , comme lorsqu'on dit : Je crains eu il ne vienne ; j'empêcherai qu'il ne vienne ; fai peur qu'il n'oublie ; etc. En ces occasions , on est occupé du désir que la chose n'arrive pas : on a la volonté de faire tout ce qu'on pourra , afin que rien n'apporte d'obstacle à ce qu'on sou- haite. Voilà ce qui fait énoncer la négation.
IV. L'Hyperbare.
Li quatrième sorte d(i figure , c'est THyper- BATE ; c'est à-dire , confusion , mélange de mots. C'est lorsqu'on s'écarte de Tordre successif de la C(mstruction simple. Saxa vacant Itali ; mediîs quiF in jluctibiiS , aras (i). La construction est , hali vûcjnt aras illa saxa quce sunt in f.ucî'ibus mediîs. Cette figure étoit , pour ainsi dire , natureHe au latin. Comme il n'y avoit que les terminaisons des mots , qui dans l'usage ordi- naire fussent les signes de la relation que les mots avoient enlr'eux , les Latins n'avoiont égard f|a'à ces terminaisons , et ils piaçoient les mots selon qu'ils étoient présentés à l'ima- gination , ou selon que cet arrangement leur paroissoit produire une cadence etunc harr;îon.Ie plus agréable -, mais parce qu'en françois les noms ne changent point de terminaison , nous sommes obligés communément de suivre l'or- dre de la relation que les mots ont entr'eux. Ainsi nous ne saurions faire usa^e do cette
(»} ^£r.eid. 1. I , v. ijj,
Î20 Principes
iîgnre , que lorsque le rapport des coTreîatifs n'est pas difficile :i apercevoir. Nous ne pour- rions pas dire comme Viroile (i) :
Frigldus , ô piieri , fugite hinc , îaiet anguis in herba-
L'adjeciif frigidas Commence le vers , et le substantif anguis en est séparé par plusieurs mots , sans que cette sopararioa apporte la moindre confusion. Les terminaisons font aisé- ment rapprocher l'un de l'autre à ceux qui savent la langue. Mais nous n« serions pas en- tendus enfrançois , si nou^ mettions un si grand intervalle entre le subct^ntif e>: l'adjectif. Il faut que nous disions : Fuy-'^ , un froid serpent esc cache suiis l'herbe.
Nous ne pouvons donc faire usage des inver- sion^ , que lorsqu'elles sont aisées à ramener à l'ordre significatif de la construction simple. Ce n'est que relativement à cet ordre , que lorsqu'il n'est pas suivi , on dit en toute langue qu il y a inversion , et non par rapport à un prétendu ordre d'iniérjt et de jiassion , qui ne sauroit jamais être un ordre certain , auquel on peut opposer le terme d'inversion : Jncerta heec si ru po'ituîes ratione cerin facere , nihilo plus ngas , qu.im si des operam ut cum ratione insanias (2).
En eftet on trouve dans Cicéron et dans chacun des Auteurs qui ont beaucoup écrit- on trouve , dis-J3 , en difléiens endroits , le même fond de pensée énoncé avec les moines mots', mais loHjours disposé dans un ordre différent. Quel est celui de ces divers arrangetnens , par rapport auquel on doit dire qii'il y a inversion?
( 1 ) Ei:fl<),'î. 111. V. 9j.
(j) Tcreace , Euauch, Act. I. Se. I. y. 16.
C«
de Grammaire. 12 1
Cfe ne pout jamais 6tre que relatîrcment â la construction simple. Il n'y ^ inversion que lors- que cet ordre n'est pas suivi. Toute autre ide'e est sans fondement » et n'oppose inversion qu'au caprice ou à un goût particulier et mo- mentané.
Mais revenons à nos inversions françoises* Madame Deshouliéres dit'.
Que les fongueux Aquilons , Sous sa nef, ouvrenr de l'onde Les gouffres les plus profonds.
La construction simple est , Que les À^julîons
fougueux ouvrent sous sa nèfles gouffres les plus pro • fonds de l'onde. M. Fléchier , dans une de ses Oraisons funèbres , a dit , Sacrifice cù coula le sang de mitle- victimes. La construciion est , 5a- orifice où le sang dé mille victimes coula.
11 faut prendre garde que les transpositions et le renversement d'ordre ne donnent pas lieu à des phrases louches , équivoques , et où l'es- prit ne puisse pas aisément rétablir l'ordre signi- ncarif. Car on ne doit jamais perdre de vue qu'on ne parle que pour être entendu. Ainsi lorsque les transpositions servent à la clarté , on doit , même dans le discours ordinaire , les préférer â la construction simple. Madame Des. itoulières a dit :
Dans les transports qu'inspire Cette agréable saison , Où le cœur , à son empire, Assujettit la raison.
L'esprit saisit plus aisément la pense'c , quo si cette illustre Dame avoit dit , Dans les trans- vorts que cette agréable saison , oit le cœur assujettit la raison à son empire , inspire. Cependant , ea ces occasions-là jhOjiîc , l'cspHt aperçoit 2m
122 ^ PnnCLpfs, ,.
raports d,es inats ,, sejoA l'ordre cle^, la coai,^ iruct-ioii si^nUiçatiivc.
V. L'Hellénisme , etc.
La cinq\i;i,()me scrte de jGgure , ç'eist î'imit^- tion de que!«|ue façon de parler d'une lufj^ué ctrar^re , ou, jncme.de la. langue qu'on parle. Le commerce ec les relations qu'una Nation a avec les autres peuples , font souvent passer , dciis une languo , non-seulement des mots , mais encore dés façons de parler , qui ne sont pas co-aformes à la construction ordinaire de ^eico langue,, C'est ajn^i.qup dans les meilleijrs Aiiitoujçs lauus on observe des phrases.grecques. qu'on appelle Héllénismes. C'est par une telle Jjiutu.cijti qu Hora.ce a dit (i) , Daunus agresùum M^gnuvU pjpuloruni: Les Grecs disent E* '«£r/\?o« ^'jy \'Ji. Il y en a plusieurs autres exemples, Jllais dans ces façons de parler.grectjues , il y a ou un nom substantif sous-entcndu , ou quel-, -qu'une do ces prépositions grecques qui so cons'ru'scut avec le ^éninf. Ici on sous-entend,, BttJii^fiMV comme M, pacicr l'a ^ejuarquc: Heg^: navLt regnirn populcrum,^l{or.\C2 a dii ailleurs (2}» Y.'!Cfn::ta rura. Ah.s\ (juaudoii dit que tcllj façon de I- aller est une phrase grGC(|ue , cel^ veut dire que l'EjUj^se d un certain mot est e^ usa^e en grec dans ces occasions , et que celto Ellipse n'e5t pas en usage en latin dans la cons- truction usuelle ; q'^i 'ainsi on ne l'y trouve que par iniitation des Grec?. Les Grrcs ont plu- sieurs préposiiiohs qu'ils construisent avec le ^cîiitif •, et dî'.ns l'usago ordinaire ils^ suj)pri-
sieurs préposiiiohs qu'ils construisent avec le II tiient les prc;^osiiions , en sorte qu il ne reste
(i) l.ih.lU, Od<'. ^0. y. Il, (a) Lib.ll. Odf.C, y, 11.
Jj'Grammaire, 123
fftîc îc génitif. C'est ce que les Latins ont sou- vont iniilô. royri Saactius , et la Méthode df. P. /?. d(? l'Hellôriisine , p. iSp. Mais , soit ca Jailli, soit en grec, on doit toujours tout réduire à la construction pleine et à l'analogie ordi- naire. Cette figure est aussi usitée dans la ménri'î langue , sur-tout quand on passe du sens propre au sens fguré. On dit au sens propre , qu un hoimne a de Vorgent , une mon^ tre , un livre , et l'on dit par imitation , qn'il a envie , qu'il a peur , qu'il a besoin , qu'il a faim , etc.
L'imitation a donne lieu à plusieurs façons de pnrier , qui ne sont que des formules que l'usage â consr.crées. On so sert si souvent du pronom // , pour rapcller dans l'esprit la per- sonne déjà nomm('c , qne ce pronom a passé ensuite par imitation dans plusienrs façons de parler , où ii ne rap])Ci.'e l'idée d'aucun indi- vidu particulier. // est plutôt une sorte de nom métaphysique idéa! , ou d'imitation. C'est ainsi que ion dit : Il pleut , // tonne , /' faut , il y a des gens qui s'imaginent , elc Ce il , illud , est «n mot qti'on emploie par analogie , à l'imi— falion de la construction usuelle , qui donne en nominatif à tout verbe au mode fmi. Ainsi !•/ pleut , c'est le ciel ou le tems qui est tel , qu'il fait tomber la pîuie. Il faut , c'est-à-dire» cela , illud , telle chose est nécessaire , savoir ^ etc.
VL L* Attraction,
On raporte à l'Hellénisme nne figure r*emar- quablc , qu'on appelle Attraction, En oïïai cette fifinre est fort ordirjairc aux Grecs. Mais parce qu'on en trouve aussi dos exemples dans les autres langues , j'en fais ici une figure par- ticulière.
F 3
î 2/j Principes
Powr bien coiriprendre cet figure , il faut observer , que souvent le m«3chanisme des organes de la parole apporte des changemens dans les lettres des mots qui précèdent ou qm fuivcnt d'autres moiS. Ainsi , au lieu de dire régulièrement adloqui aliquem , on chanf;e le d de la préposition ad en / , â cause de 17 qu'oa va prononcer, et que Ton dit , al-loqni aliquenti, plutôt que ad-loqui ; et .de même ir-ruere , au lieu de in-raere , coî-loqul , au lieu de ciim ou jcan-loqui , etc. Ajnsi 17 attire une autre / , etc^
Ce que le méchanisme de la parole fait faire à l'égard des jettres , la vue de l'esprit tournée vers un mot principal , le faijt pratiquer â J égard de la terminaison des mots. On prend oin mot selon sa signification ; on n'en change point la valeur , mais à cause du cas ou du . ^enre , ou du nombre , ou enfin de la termi- j:iaison d'un autre mot dont l'imagination est occupée , on donne à nn mot voisin de celui- là , une terminaison différente do celle qu'il ^uroit eu selon la construction ordinaire ; en çorte que îa terminaison du mot dont l'esprit est occupé ; attire une terminaison semblable, jTiais qui n'est pas régulière. Urbem quant statuo yestra est (i). Quam statiio a attiré urbem au lieu fie urhs ; et de même Populo ut placèrent quas fecL^set fahulfls ; au lieu ôe fabulœ (2).
Je sais bien qu'on peut expliquer ces exem- ples par 1 Ellipse : Htrc urhs , quam urbem sta^ (uo , f'tc. ni(r fabula , quas fabulas fecisset : mais l'attraction en est peut-être In véritable raison. Çi^i non concessêre poeris esse mediocribus (3). Me^
m' ' " ■ ' ■ ■ — ^
(0 /€n. 1. I.
( a ) Trrence , Ar.dr. Prol.
(| ) Hg^ace , de Arte Poetica,
de Grammaire, T2 5
éiccribus est attire par poeris. Animeî providurn et sagax , quem vocamus hominem (i) ; où vous voyez que hominem a attire quem , parce qu'en €Éïet hominem étoit clans I esprit de Cicéroa dans le tems qu'il a dit , animal provicium. Bene- volentia f qui est amicitiœ fons (2): Fons a attiré- fui , au lieu de qiiœ Benevolenria est fons , qui tst fons amicitiœ. Il y a un grand nombre- d'exemples pareils dans Sanctius , et dans la' Méthode latine P, H. On doit en refîdre raison, }>ar la direction de la vue de l'esprit , qili se' porte plus particulièrement vers un certain' Biot , ainsi que nous venons de l'obsierver,- C est le ressort des idées accessoires.
nr. De la Construction usuelle,-
La troisième sorte de construction est com- posée des deux précédentes. Je l'appelle Cons-' TBUCTION USUELLE , parcïe que j'entends' par cette construction , l'arrang^riiént des mots ^ui est en usage dans les livres , dans les lettres et dans la conversai ion dès Honnêtes-gens. Cette construction n'est souvent, ni touto simple , ni toute figurée') Les mots doivent' être simples , clairs , naturels , et exciter dans' l'esprit plus de sens quei la lettre né paroît eii exprimer. Les mots doivent être énoncés dans un ordre qui n'excite pas un sentirhent désa- gréable à Toreille. On doit y observer , autant que la convenance des différens styles le per- met , ce qu'on appelle le nofnbre , le rythme , Iharmonie, etc. Je ne m'arrêterai point à recueil- lir les différentes renlàrqUes que plusieurs bons Ailleurs ont faites au sujet' de'cetté construc-
fi ) Cicéron', Leg. V, 77 (») Ciceron.
iz6 Principes
x'ion. Telles sont celles de JMM. de VAc^émie Françoise , de Vaugelas , de M. l'Abbé d Oli- vet, du P. Bouhours , de l'Abbé de Beliegarde, de M. de Gv^maches , etc. Ja remarquerai seule- liierit, que les figures dont nous avuns parlé, se trouvent souvent dans la construction usuelle; mais elles n'y sont pas nécessaires •, et mém© coiTiciunément , réiogance est jointe à la sim- plicité ", et si elle ad:net des transpositions , des ellipses , ou queljju'autre figure , elles sont aisées à ramener à l'ordre de l'analyse énon- ciative. Les endroits qui sont les plus beaux dans ies ancibas , sont aussi les plus simples €t les plus faciles.
il y a donc i''. une Construction simple, nécessaire , naturelle , où chaque pensée est analysée reîalivement à renonciation. Les inota forment un tout qui a des partit^s : or la per- ception simple du raport que ces parties ont l'une à l'autre , et qui nous en fait concevoir J'ensemblc , nous vient u>rtii|ueraent de la cens» truction simple , qui , énonçant les mots sui- vant L'ordre successif de leurs raports , ncas !es présente de la manière la plus propre à nous faire apercevoir ces riipurts , et à faire na'.tie la pensée totale.
Cette première sorte de construction fst le fondement de toute énor cialîon. Si elle ne sert de base à lOraleiir , la ci'.tite du discours est certaine, dit Quinlilicn (i). Nlsi Oratori fundametita fidtlittr jecerit , qiddquid super strxixerit corruee. Mais il no faut pas'croivc , ave-c quel- quo.s Grammairiens , que ce soit par c<îttt5 manière simple que qu'jlque lanouc ait jamais été formée. Ça été après d«i assemblages sans
(i) lusîir. cr. /. 1. 1. IV,
^nfrc c!c nicrrGs n't c|o mntcvianx , qn'ônt éré ..its les édifices les plus rôgulicrs : sont- ils ôirtvcs , l'ordre sirapio qu'on y observe cnchc ce qu'il cin a couto à l'srt. Comme nous sai- sissons aisément ce qui e^t simple et bicrî ordonné , et que nous apercevons sans poinc les raports <\^% partibs qui font rcnsembîc , 'Tîous nç iaison's pas assez d'attention que ce qui nous p^fôît' atvofr cte fait sans peine , est l6' fj'uit dé la rcflexion , du travail , de Vcxpc'- rience et de l'exercice. Rien de plur. irrcgulier qu'une langue qui se forme ou qui se perd.
iAinsî , quoique dans l'état d'une langu;?' formée , la construction dont nous pai'îoins soit la première , à cause de l'ordre qui fait apero A'oir la liaison , la dépendance et le raport des 'inots'-, cependant les. langues n'ont pas eu d'a^ bord cette première sorte de construction. Il y a une espèce de métaijhjsifjue d'instinct et île sentiment , qui a préside à la formation des langues : sur quoi les Grammairiens ont fait fensuitb' leurs observations » et ont aperçu un- ordre grammatical , fondé sur l'analyse do 'a pensée , sur les parties que la nécessité de rélo- cutiori fait donnera la pensée , sur les signes de ces parties , et sur le raport et le service de 'ces signes. Ils ont observé encore l'ordre pra- tique et d'usage.
2°. La seconde sorte de construction est cppellée Construction figurée. Celle-ci "s'écarte de l'arrangement de la construction slm" ph , et de l'ordre de l'analyse éhonciative.
'3**. Enfin , il y a une Consthucttgn us.p;^LLE , où l'on suit la manière ordinaird de parler des IicnnÔtes-gens de la nation dont on parle la langue , soit que les expressions dont on se sert se trouvent conformes à la consiructicn siiiiple , ou qu'on s'énonce par 1»
f 4
128 Principes
côîistructien figurée. A« reste , par les hon^ nêtes gens de la nation , j'entends les personnes que la condition , la fortune ou le mérite élèvent au-dessus du vulgaire , et qui ont l'es- prit cultivé par la lecture , par la réflexion, et par le commerce avec d'autres personnes qui ont ces mêmes avantages. Trois points qu'il ne faut pas séparer -, i**. Distinction au-dessus du vulgaire , ou par la naissance et la fortune, ©u par le mérite personnel ; 2". avoir l'esprit cultivé • S**, être en commerce avec des per- sonnes qui ont ces mênres avantages.
Toute construction simple n'est pas toujours conforme à la construction usuelle. Mais une phrase de la construction usuelle , même de la plus élégante , peut être énoncée selon l'ordre de la construction simple. Turenne est mort ; la fortune chancelle ; la victoire s'arrête ; le cour a g* Aes troupes est abattu par la douleur , et ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile (i). Quoi de plus simple dans la construction! quoi de plus éloquent et de plus élégant daiis l'ex- pression I
U en est de même de la construction figurée. Une construction figurée peut être ou n'être pas élégante. Les Ellipses , les transpositions et les autres figures , se trouvent dans les dis- cours vulgaires , comme elles se trouvent dans Jes plus sublimes. Je fais ici cette remarque , parce que la plupart des Grammairiens confon- dent la construction élégante avec la construc- tion figurée , et s'imaginent que toute cons- truction figurée est tlég-inte , et que toute construction simple no l'est pas.
Au reste , la construction figurée est défec-
( I ) Fkchier , Otaisgn funèhie de //. d< Tuitnnt^
de Grammaire, 12g
tueuse , quand elle n'est pas autorisée par l'usage. Mais , quoique l'usage e> rhabiludo nous fassent concevoir aisément Je sens de ces constructions figurées , il n'est pas toujours si facile d'en réduire les mois à l'ordre de la cons- hruclion simple. C'est pourtant à cet ordre qu'il faut tout ramener , si l'on veut pénétrer la rai- son des différâmes modifications que les mots reçoivent dans le discours. Car, comme nous l'avons dcjà remarqué , les constructions figu- rées , ne sont entendues , que parce que Tes- prit en rectifie l'irrégularité, par le secours deg idées accessoires , qui font concevoir ce qu'oa- lit et ce au'on entend , comme si le sens étoit énoncé dans l'ordre de la construciion simple. C'est par ce motif, sans doute , que dans les écoles où l'on enseigne le latin , sur-tout selon- la mjLhode de 'explication , les maîtres habiles commencent par arranger les mots selon ror-* dre dont ncus parlons ; et c'est ce qu'oi> appelle fare la construction. Après quoi fiA- îiccoutume les jeunes gens à l'élégance , par d^ fréquentes lectures du texte, dont ils enten-^ dent alors le sens , bien mieux , et avec plus de fruit , que si l'on avoit commencé par Ift' texf« , sans le réduire à la construction simple. Hé, n'est-ce pas ainsi que, quandon enseigne quelqu'un des Ails libéraux ,• la danse , la musique , la peinture, l'écriture, etc.-onmène long-temps les jeunes élèves comme par la' main : on les fait passer par oe qu'il y a de plus' simple et de plus fnoile ; on bîur montre- le$ fondemsns et les principes de l'Art , et on les mène ensuite sans peine à ce que TArt a d« plus sublime.
Ainsi , quoi qu'en puissent dire quelque*' personnes , peu accoutumées à rexactitudc du"^ Xaisouiiement , et à i-cznQnt€i-en tout auxvraH'
r6
l3o Principes
principes » la méthode dont jo parle est extrê- mement utilp. Je vais en exposer ici les fonde* jtnens , et donner les connoissances nccessaires pour la pratiquer avec succès.
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DU DISCOURS
CONSIDÉRÉ GRAMMATICALEMENT,
Et des parties qui le composent.
J_E Discours est un assemblage de proposi- tions , d'énonciations et de périodes, qui toutes doivent se raporter à en bu't principal.
La propcsiiion est un assemblage de mots, cui par Ife concours des diilérens ra ports qu'ils ent entr'eux , énoncent un jugement ou quel- rue considération particulière de l'esprit , quî regarde un objet comme tel.
C«tte considération de l'esprit peut se f^îro en plusieurs manières différentes -, et ce sont ces diftérentes manières qui ont donné lieu aux jiiodrs des verbes.
Le? mots dont Pasbemblage forme un sens, «ont donc , ou le sione d'un jiioemciit , ou î'cK pression d\in simple roj^-'rd do l'esprit , uî con-idrro un objet avec telle ou lellc médi- cation *, ce qu'il faut bien dislirigu(T.
Jii^^tr , c'<^st penser qu'un obj.'t est de teU% ou de to'le façon ; c'est affnrocr oa i ier ; c'est di'cidrr relative mnnt â l'état où l'on suppose ^Hj les objets sout eu cux-m6uics. ISos juge-
t
êi' Grammaire, t o i
îttcns sont donc on affirmatiis ou ns^jatifs. La terre tourne autour du soleil: voilà un jagr^îmeiil: afnnnalif. Lg soL'il ne tourne point autant de l.i ttrre : voilà un j'j;;ement ^dgaht;. Toutes les ijfoposi tiens exprimées par !e mode indicatif énoncent autant (!e jugemens. Je chante , je chamois , j'ai chanté , j'avois chanté , je chanterai ; ce sont là autant de propositions ai^irmarives , qni devionnent négatives par \d seule additioça des particules ne , non , ne pas , etc.
Ces propositions niarvr|U9nt un état réol de l'objet dont on juge. Jo veux dire , que nous supposons alors que l'objet est , ou qu'il a été, ou enfin qu'il sera tel que nous lo disons , indépendamment de notre manière de penser.
Mais quand je dis , Soyer^ sage , ce n'-7St (|uo dans mon esprit que je raporie à vous ia pe:- ccpiion ou idée d'être sage , sans rien énon- cer , au moins directement, de votre état .ne- tucl. Je ne i'ais que dire ce que je souhaile que vous soyez : l'cction de mon esprit n*a ■ que cela pour objet , et non d'énoncer que vous êtes sr.ge , ni que vous ne Fêtes pas. II en est de même de ces autres phrases : Si-vàus édei sage ; afin que vods soyei sage ; et m '-m'^^ des phrases, énoncées dans un sens abstrdl: p.ir l'infinitif; Pierre être sage. -.Oàus toutes d'às phrases , il y. a toajorirs. le signe. .de l'actioiT? do l'cîprit , qui .aplique , qui rr. porte , qùr adapte une peiGcption ou une qualilTcaiion à ûhi-. objet', mais qui l'adapte, ou avec la forme dt a commandcrKent , ou avec celle d-j condirion , de souhait , de dcpend.ince , etc. mais il ny a point là di décision qui affirme ou qfui nie, relativement à l'otyt positif de l'objet.
Voilà une diiiérance , essentielle entre les proposirions : î-?s unes sont directen^ent a.^îi:--" ïQjlivcs ou negitives , et énoncent dis iu-^o'--
F ^
j2» Principes
jaetis i les autres n'entrent dans le discoure i\ue pour y énoncer certaines vues de 1 osprif. Ainsi elles peuvent être appelées simplement énorjciationS'
Tous les modes dii verbe , autres que l'indi- catif , nous donnent de ces sorros d'énoncia- tions , même l'infinitif , sur-tout en latin : ce que nous expliquerons bientôt plus en détail. Il suffit maintenant d'observer cette première division générale de la proposition.
3. Proposition dincte énoncée par le mode indicatif.
Proposition oblique , ou simple énonclation exprimée par quelqu'un des autres modes du verbe*
W ne s'îTa pas inutile d'observer , que les pro- positions et les énonciations sont quelquefois appelées Phrases. Mais phrase est un mot géné- lique qui se dit de tout assemblage de mots liéf entr'eux , soit qu'ils fassent un sens fini y ou que ce sens ne soit qu'incomplet.
Ce mot phrase se dit plus particulièrement cVune façon de parler, d'un tour d*expression, en tint que les mots y sc^t construits et assem- bli s d'une manière particulière. Par exemple, On dit , est ime phrase françoise ; Hoc dicitur ^ est une phrase latine •, 5"/ dice , est une phrase italienne : Il y m long-temps , est une phrase françoise ; E molto tempo , est une phrase ita- lienne : voilà autynt de manièros différentes ^'anr.lysci ot de remlrc la ponséo. Quand on veut rendre raison d'une phrase , il faut tou-
i'ours la réduire à hi proposition , et en achever c sens , par démêler exactement les rapports qiio les mots ont enJr'eux , selojQ l'usage do U langue dont il s'agit.
ie Crammaire. i^
Dis partits dé ta proposition et de Vétiûnciation.
La proposition a deux parties essentielles : 1*. le Sujet : 2°. l Attribut. Il en est de ménac de renonciation.
i**. Le Sujet. C'est le mot nui marque î^f personne ou la chose dont on jnge , ou quef l'on regarde avec telle eu telle qualité ou tnodl* £cauon
i**. L'Attribut. Ce sont les mots qui mar- quent ce que l'on juge du sujet , ou ce que ion regarde corame mode du sujet.
L'attribut contient essentiellement le verbe -^ parce que le verbe est dit du sujet , et mar- que l'action de l'esprit , qui considère fe sujef comme ctant de tollc ou telle façon .comme ayant ou faisant telle ou telle chose. Observes^ cfonc que iaitiibut commence toujours par le verbe.
Diffénnîes sortes âe Sujets,
Xî y a quatre sortes de Sujets, i*. Sujet simpte^ tant au singulier qu'au plurier ; s**» Sujet mal" tifle ; 3°. Sujet complexe ; 4^. Sujft énoncé pat plusieurs mots qui forment un sens total\ et qui sonf équivalens à un nom.
1^. Sujet simple , énoncé en un seul mot. Le soleil est levé ; le soleil est le sujet simple au sii.gulier. Les astres brillent ; les astres sont lé sujet simple au plurier.
2.^. Sujet multiple. C'est lorsque pour abréger^ on donne un attribut commun a plusieurs objets ditfi'nens. La foi , lespéiance et la charité sonj trois vertus théologales ; cc qui ost p^us court que si 1 on flis ir , la foi est une vertu théologale ; î espé* Tance est une vertu théologale la charité est une vertu tkéologule. Ces trois mots, ta foi , V espérance^ I4
3:S4 PrkLCiféS
tharlù ^ sont le svi^et in ni li pic. Et de même j S, Pierre , S. Jean , S. Manhieu , etc. étaient apSfns .' S. Pierre^ S. Jean, S. Matthieu^ voilà le sujet mul- tiple •, étaient cpôtres , en est i'aiîrîbul commnfli
3°. Suj^t con-phxe. Ce met çpmphxe vient du ]a\\n cowpîexus , Cjui signi£e emberassé ^ composé. Vil Sujet est complexe , lorsqu'il est accom- pagnai xië cpJ'-'lqu'ail j î<:lif , ou do qucîqu autre modi£catif. Alexandre vzinquit Darius ; Alexan^ are est un Sujet simp'e. ]\^aJF si je à\s Ahxcrdre^ fils de Fhilifpe , on Aies.mdrê , roi dé Aîûcèdoinf ^ voilî un sv,]rt complexe. Il fijut bien distin- guer , dans le sujet complexe , le sujet person- Kei ou individuel , -et les iï.ots qui le rendent siij^t complexe. Dops reA-empfe ci-desnus ^ Altxandie est !c fujcî personnel \fdsae Philippe ^ ou roi de M^iadair^ , ce sont le^ mots qui n'ëunt point sépaits ^* Alexandre , rendent ce mot sujet complexe.
On p ut <:ompaiar le -sujet complexe à une personue habîflt-e. Lcinotijui énonce le sujet €s.t , pour «insi dite , la |«r50iine j et les mots cpii reiident le sifjet complexe, ce sont connne les habits de la perscnr.e. Observez que lors- que lo sujet est compicio , eu dit que la pro- posiiiaii est complexe ou ccmposce.
L'attribut p*^ut nussi éXirt complexe. Si je dis ,Ci^\* Alexcitidre vainquit Varias , fîci de Perse y lattiibut cs-t ce nr.plexe : ainsi la proposition est coranosi'o par rapoxt à Îat1ril;ut. Uae proposi- iion peut aussi être €om]4ncc , pat rap( rt au $uj<*t , et par raport à lUnjibut.
4*. La qu;itrièuie sorte do $itjtt , r5t un su;2t ënoncô par plusieurs tuo;s., qui forment un sens tOiiii , v\ qui sent etpiivafcns à unnow»*
1! n'y a point i\c hngu<i<t^\\\ ail un assez grand nouibre do dioîs , nouj rviCire à f^xpri- ïULT pdr ua mol particulier chaque idtie ou
Ae'Grammaîre. ijS
p^T^so'c qui peut nous venir dans r<3sririt : alors on a recours i îa périphrase. Par exemple, les Latins n'avoient point de mot pour expri- Jiiei" la durée du temps pendant leipit,] un princa exerce Son autorité. Ils ne pciivoienl pas dire, comme nous , Sous le re^ne d'Augusie : ils disoient alors , Dans le temps qu'Auguste étoif Empereur : Imperante Casare Augusto ; car régnant no sir;,nihe f|ue rosaunie.
Ce que je veux dire de cette quatrième sorte de sujet , s'entendra mieux par des exemples. Différer de profiter de Vcccasion , ccst souvent .la laisser échapper sans retour. Diff^^rtr de profiter de Vcccasion , voilà le sujet éiaoncé par plusieurs mois qui forment un sens total , dont on dit que c'est souvent laisser échapper Voccasion sans retour.
C'est un grand art , d£ coeher Vurl. Ce , hcc ^^ 2 savoir , cach<r V-crt , voilà le sujet , dont oa dit que c est un grand art.
Bien vivre est un moyen sur de désarmer l-a médi- sance. Bien vivre est le sujet ; est un moyen sûr de désarmer la médisance , c'est l'attribut.
// vaut mieux être juste que dette riche j itr^ raisonnoble , que dette savant, il y a là quatre propositions, selon l'analyse grammaiicale ; deux aCîrmatives , et deux négatives , du moii-s en Iran rot s.
I**. // , illud , ceci , à savoir être juste v<2uf jnîei'x qu£ l'avantage d'être riche ne vaut. Eirs juste est h^ su]"t de la première proposition , qui f^<;l affirmative. Etre riche est le sujet de la seconde proposiiion, qui est négative en ffan- çois , prrc<î (ju'on scus-entond , ne veut , îtrê riche ne v< ut pas ranr.
2°. [I -^n est de même de la suivante : Etre raisonnahle vi-it mieux que d'être savartT:-^re raisûiinabU est le sujet, dont on dit vaut mieux ,
îâ^ frinctper
€l c<rtte proposition est affirmatfvc. Dans la^ coriélaiive , être sa^'ant ne vaut pas tant ', être tavant est le sujet.
Majus est ^ certeque grarius' , prodesse hominl- hus , quâm opes magnas habere (l). Prodesse hominibiLs\ être utile aux hommes ; voilà le sujet; c^es» de quoi on a^iirme que c'eçt une chose plus grande , plus 'oiiable et plus satisfaisante, que de poss der de grands bions.
Remarqu^'Z, i^. que dans ces sortes de sujets,- il n'y a point de sujet personnel , que l'ort^ puisse séparer des auti-es mots. C'est le sens total , qui résulte des divers raports que les mots ont entr'eux , q. li est lo sujet de la propo- sition. Le jugetnent ne tombe que sur l'en- semble , et non sur aucun mot particulier de fa phrase. 2**. Observez que l'on n'a recours à plusieurs mots pour éuoHcer un sens total , que ^rce quon ne trouve pas dans la langue un^ iiom sjbsraHtif destiné à l'exprimer. Ainsi les nK>ts qui énoncent ce sens total , suppléent à un nom qui manque. Par exemple , Aimer à cèlig r er à faire du hien , est une qualité qui mar- tj^ue une grande ame. Aimer à obliger et à faire ûu bien , Vv^iilà le sujet de la proposition. M. l'abbé de Saint- Pierre a mis en usage le mot de bien- faisance , qui exprime le sens à*aimer à obliger €t à faire du bien Ainsi , au lieu de ces mots ,. 7XOU5 pouvons dire, la bienfaisance est une qualité qui marque une grande ame. Si nous n'avions p«s ïe mot Nourrice , nous dirions , une femme ^ui donne à têter à un enfant , et qui prend soin de Ia pretnière enfance.
(1*) Gc^ron , ât Nat. Peor, c, if.
ie Grammnlre, 187
'A*^trts strtts de propositions à distinguer , jtcur bien faire la construction.
II. Proposition absolue ou complette : Proposition^ relative ou partielle.
1®. Lorsqu'une proposition est telle , que l'esprit n'a besoin^ que des mots qui y sont énonces pour en entendre le sens , nous disons que c est-là une proposition absolue ou complette,
a°. Quand le sens d'une préposition met l'es- prit dans la situation d'exigei ou de supposer le sens d'une autre proposition , nous disons que ces propositions sont relatives , et que l'une est la corrélative de l'autre. Alors ces proposi- tions sont liées enti'clles par des conjonctions, eu par des termes relatifs. Les reports mutuels que ces propositions ont alors entr'elles , for- ment un sens total , que les Logiciens appel- lent proposition composée ; et ces propositions , qui forment le tout , sont chacune des proposi- tions partielles.
L'assemblage de différentes propositicMis liées entr'elles , par des conjonctions ou par d'autres^ termes relatifs , est appelé Période par les Rhéteurs, Il ne sera pas inutile d'en, dire ici ce q.ue le Grammairien en doit savoir.
DE LA PÉRIODE.
La pérrode est un assemblage de proposition* liées entr'elles par des conjonctions , qui toutes ensembr© font un sens fini. Ce sens fini est aussi appelé sens complet. Le sens est fini , lors- que I esprit n a pas besoin d'autres mots pour l'intelligence complette du sens , en sorte que toutes les pnrties de J'analyse de la pensée sont énoccc^^. Je suppose ^u'un lecieui eatoAde^at
î3S Principes
langns .; qu'il scit en état de démêler ce qui est* sujet , et ce qui est attribut dans une prof^osi- tion , et G|u'il connoisse les signes qui rendent les propositions corrélatives. Les autres con- ïioissances sont étrangères à ]a Grammaire.
Il y a dans une période autant de proposi- tions qu'il y a de verbes , sur-tout à quelque mode fini • car tout verbe employé dans uns période , marque ou un jugement, ou ijnreg.'.rd de l'esprit qui applique un qualificatif à un sujef. Or tout jugement suppose un sujet, puisqu'on ne peut juger , qu'on ne juge de quelqu'un oU de quelque chose. Ainsi le verbe m'indique une proposition, puf.«que la proposition n'est qu'un assemblage dos mots qui énoncent un jugemen't porté sur quelque sujet. Ou bien le verbe m'in- dique une énonciation , puisque 'le verbe mat*- que l'action de l'esprit qui adapte oU' appliqua un qualificatif à un sujet , de quelque manière que cette application se fasse.
Je dis , sctr-Tout à quelque mode fini : car Tin- finilif est souvent pris pour un nom , je veux àin , et lors même qu'il est verbe , il forme un sens partiel avec un nom ; et ce sens est exprimé par une énonciation , qui est , ou le «ujot d'une proposition logique , ou le termo de l'action d'un vorbe ; c(* qui est trcs-ordinairé en latin. Voici d.^s <*itemples de l'un et de l'autre ; et premicrèjnent , d'une énonciation, qui est le sujet d'une proposition logiqne. Ovide fait dire au Nover, qu'il est bien fâcheux pour lui de porlfîr des fi-iiits. Sûcet rste ftracfm \ mot à mot , F/re fertile est ni:is:bfe â mci : où VOUS voyez que ces mots, être fertile , font nu »«ns loUil , qui «»5t le suj'n do est nunihîe^ nose'r. Et (!«î m<Mne , fiSagna ars est ^ nsn apparere artem ; mot à mot , lart ne point paraître ,. est un grand tirt ; c'est an grand art do cacher l'art : de il*-
Je Grammaire. i Sç
tafllor de façon qu'on ne reconnoisso pas la pcino que l'ouvrier a eue ; il faut qti'il semiile que les choses se soient faites ainsi naturelle- ment. Dan* un autre sens , cacher l'art , c'est ne pas donner lieu de se déiier de quelqu'ar-^ tifice. Ainsi , Vart ne fcint paraître , voilà le sujet dont on dit que c'est un grand art. Ti diici ad mortem , Caiilina , jam pndem opcrtebar (i) ,' mot à mot , Toi être mené à la mort , est ce qu'on aiiroit dû faire il y a long-temps. Tcî être mené à la r.ort , voilà le sujet. Et quelques lignes après , Cicéron ajoute Interfectum te esse , Cati- iinj , convenit. Toi erre tué , Catilina , convient à la République. Toi être tus , voilà le sujet • .con- vient à hi République , c'est l'attribut. Hominem esse solum non est b'jnum : Hominetii esse solum y Ycilà le sujet : non est bonum , c'est l'attribut.
Ce sens formé par un nom avec un infinitif, est aussi fort souvent le terme de l'action d'un verbe , Cupio me esse ctcmenrem (::). Cupio , je désire : et quoi ? me esse clément em , moi être indulgent : où vous voyez , que me esse clementem fait un sens total , qui est le terme de ractioa de cupio. Cupio , hoc neirpe , me esse clémente-^»- Il y a en latin un très-grand nombre d'exenli p!es , de ce sens total formé par un nom avec un infinitif; sens qui étant é'quivaîent à uil nom , peut cgalnnent être , ou 1^ sujet d'une proposition , ou le termo de laction du verbe.
Ces sortes d'énonciations , qr.i déterminent un verbe , et qui en font une apjilicaiion , comme 'quand on dit , Je vei'x are sage , être 5ag< detennine p veux : ces «or-ces d^énoncia- lions , dis-je , ou de détexininatiQixs , ne se
(l) CAcôr oa t î. Onilm.
{j) -Cicér^n , I. Cmil, fut irûtio»
140 Principes
font pas seulement por des infinitifs * elles se font aussi quelquefois par des propositions mâ- me , comme quand on dit , Je ne sais qui a 'fait cela ; et en latin , Nescio quis fecit \ Nescio uter y etc.
II y a donc des propositions ou énonciations , qui ne servent qu'à expliquer ou déterminer un Hiot d'une proposition précédente. Mais avant que de parler cle ces sortes de propositions , et de quitter la période , il ne sera pas inutile de faire les observations suivantes.
Chaq^ue phrase ou assemblage de mots qui forme un sens partiel dans une période , et qui a une certaine étendue, est appelé membre de la période , «Jxc» Si le sens est énoncé en peu de mots , on Tappelle Incise , xêuucc , segmen , inci- sum. Si tous les sens particuliers qui composent Ta période , sont ainsi énoncés en peu de mots, c est le style coupé ; c'est ce que Cicéron ap- pelle , Incisant dicere ; Parler par incise. C'est ainsi , comme nous l'avons déjà vu , que M. Fléchier a dit: Turenne est mort ; la victoire s'af" pête ; la fortune chancelle y tout le camp demeurt immobile. VoilA quatre propositions , qui ne sont legardées que comme des incises , parce qu'elles sont courtes : le style périodique emplois des phrases plus longues.
Ainsi , une période peut être composée, ou feulement de membres , ce qui arrive lorsque chaque membre a une certaine étendue, ou seu- lëmmt d'incises , lorsque chaque sens particu- lier est énoncé en peu de mors -, ou enfin une période est composée de membres et d'incises.
m. Rroposition explicative. Proposition dé termi native,
La propositioo €xpli€ativij^it différente de h^
le Grammaire, i4t
dtterminarive , en ce que cnllc qtii ne sert qu'à expliquer un ir.ot , laisse le mot dans toute sa falear , sans aucune rcstxi<:tion : elle ne sert qu'à i'aire remarquer quelqi:c propriété , quel- que qualité de l'objet. Par exemple: L'homme^ qui est un animal raisonnable , devrait s'attacher à régler ses passions : Qui est un animal raisonnabU , c'est une proposition explicative , qui ne res- treint point retendue du mot d'homme. L'on pourroit dire également : Lhemme devrait s*atta' cher à régler ses passions. Cette proposition expli- cative fait seulement remarquer en l'homme une propriété , qui es-t une raison qui devroit le porter i régler ses passions.
Mais si je dis, l'homme m'est venu voir a matin , ou l'homme que nous venons de r-encontrer , ou dont vous m'avei parlé , est fort savant : ces trois pré- positions sont dêterminatives. Chacune délies restreint la signification d'homme, à un seul individu de l'espèce humaine ; et je ne puis pas dire simplement, l'homme est fort savant , parce que l'homme seroit pris alors dans toute son étendue : c'est-.i-diie , gu il seroit dit de tous Jes individus de Tespèce humaine. Les hommes qui sont créés pour aimer Dieu , ne doivent point s'attacher aux bagatelles : Qxii sont créés pour aimer Dieu ; voilà une proposition explicative , qui n» restreint point l'étendue du mot homme. Les hommes qui sont complaisans se font aimer : Qui sont complaisans , c'est une proposition déter- jninative , qui restreint l'étendue d'hommes , à ceux qui sont complaisans : en sorte que 1 attri- biit , se font aimer , n'est pas dit de tous les hommes , mais seulement de ceux qui soat complaisans.
Ces énonciations , ou propositions , qui no sont qu'explicatives ou dêterminatives , sont com- munément liées aux mots qu'elles expliquent ^
I4^ • Principes
«ru à ccjT qn'cller, cleî:erminont , par quî^ ou par
jg«g , ou par do-u , di:q\iel , etc.
Elles sont iices par qui , lorsque ce mot est le sujet de la. proposition explicative ou cléter- minativo. Celui qtii craint le Seigneur : Les jeunes gens qui étudient,
Etl.es sont liées par que : ce qui arrive en deux .manicpes.
i". Ce mot que , est souvent le terme de l'action du verbe qui suit. Par exemple, Le livre quçî je lis ; q'.ie est le terme de l'.iction de lire. C'est ainsi que dont , duquel , desquels , à qui > (Tuquel y auxquels ^ servent aufsi â lier les propo- sitions , selon les raports que ces pronoms. rela- tifs ont avec les mots qui suivent.
a°. Ce mot que , est encore souvent le repré- sentatif de la proposition déterminylivc qui va suivre un vorbe : Je dis que ; qn.' est d'abord le terme de l'action je dis ; Dicj qvr-d : la propo- sition qui le suit est l'explication d-T que . Je dis que les ^ens de bien sont estimés. Ainsi i! y a de« propositions qui servent à expliquer ou ù déter- lainer quelque mot , avr».c lequel ell'^s entrent «iisuito clans la composition d'une période.
IV. Proposition principale. Proposition incidente»
Un mot n'a de nport fi;rammatical avec un aJitre mot , que dans la môme proposition. Il est donc essentiel de rr.portor chaque mot à U proposition particulière dont il fait partie , sur- tout quand le rnport des mots so irouve inter- rompu par quelque proposition incidente , ou par quciqu'incise ou sens détaché.
La proposition incidente est celle qui se tfouve entre le stijct personnel ot l'attribut d'une autre proposition , qu'on appelle propo-^
de Grammaire. 14.5
t^pn pAÎncipale , parc<î qu^î colîe-ci contient; ordinairaiîîeat co que l'oii veut priacipalemont, faire cn.,î cadre.
Co in'jt incidente vient (In îalin incidere , /îjm- it-f rf.f.i^. Par ejiampic , AUxandre y^ul éfoit roi dc' Macédoine ^ Vfii7q4t Darius. Alexandre vainquit, Ddiiiis f yo\\X la proposition principale. Aîexan-^ dre on est le sujtl ; vainquit Darius , c'est l'attri» but- Mais entre Alexandre et vainquit il y a une. auli*f3 proposition , ^ui étoit roi de Macédoine» Comme elle to;nb3 entre le sujet et l'airribut dc^ la proposition principale , on l'appelle pra- pjii;;j:i incidenie. Qui , en est le sujet ; ce qui J'appelle lidés d'Alexandre qui.; c'est-à-dire , I^qud Alexandre ; étoit roi de Maçédo^ns , c'esK Tattribut. Deus qiievi adoramus est omnipotens : Le Dieu que ncus adorons est tout-puissani. Deus €Sf, o.mnipjicns *, voilà la proposition principale ^ quem adoramus , c'est la proposition incid^ato^' Nos adoramus quem Deuni ; nous adorons lequel Dlc.i.
Ces propositions incidentes sont aussi de$ propositions explicatifes , ou des [jropositions ttJternainatives.
V. Proposition explicite» Proposition implicite ou elliptique.
Une proposition est explicite, lorsque le sujet Qt l'attribut y sont exprimes.
Elle est implicite, imparfaite ou eliiptique ,, lorsque le sujet ou le verbe ne sont pas expri- més , et que l'on se contente d'énoncer quelque, mot , qui par la liaison que les idées accessoires. ont entr'elles , est destiné à réveiller dans l'es- prit do celui qui lit , le sens do toute la pro- position. .,
Ces propositions elliptiques sont fort ej»
1 44 Principes
usage dans les devises et dans les proverbes. En ces dccasions , los mots exprimés doivent réveil- ler aisément l'idée des autres mots que l'ellipse rupprime.
Il faut observer , que les mots énoncés doi- vent être présentés , dans la forme qu'ils le seroient si la proposition étoit explicite : ce qui est sensible en latin. Par exemple, dans le pro- rerbe dont nous avons parlé, A'^^ sus Minervam : Alinervam n'est à l'accusatif , que parce qu'il y seroit dans Ta proposition explicite , à laquelle ces mots doivent être raportés : Sus non doceat Minervam : qu'un ignorant ne se mêle point de vc»u- loir instruire Minerve. Et de même ces trots mots JDeo optimo mcrximo /qu'on ne désigne souvent que par les lettres initiales , D. O. M, font une proposition implicfte , dont la construction pleine est, Hoc monumentum ou Thefis hœc dica" tur , vovetar , consecratur Deo optimo miximo.
Sur le rideau dfî la comédie Italienne , on lit ces mots *, tirés de l Art poétique d'Honce : Sïiblaio jure nocendi : le droit de nuire ôtê. Les circonstrmces du lieu doivent faire entendra*, avi lecteur intelligent , que celui qui a donné ctte inscription, a eu dessein de faire dire aux Co- médiens : Ridemus vitia , sublatc jure nocendi : tfous rions ici des défauts d'autrui , sans nous per- mettre de blesser personne.
La devise est une représentation allégorique, dont on se sert pour faire entendre une pcn- »éc , par une comparaison. La devise doit avoir un corps et une ame. Le corps de la devise , c'est l'image ou représentation. L'anic de la devise , sont les paroles qui doivent s'cnlcndro d'a1)ord littéralement de 1 image ou corps sym- bolique , et en même-temps , le concours da corps et de l'amn de la devise , doit porter l'os* ^rit à l'application que l'oa vout faire | c ost-à-
àe Gramma're, i^5
dîrc , â l'objet de la comparaison.
L'ame tli' l;i devise est ordinairement une proposition cl!ij)ti(]nc. Je me contenterai de ce seul exemple. On a représenté le soleil au milit.ni ri'nn cartouche , et autour du soleil on a peint d abord les planètes ; ce qu'on a négligé do faire dans la suite. L'ame de cette devise C3t , Nec pluribus impar: mot à mot , // nfst pas insufisanr pour plusieurs. Le Roi Louis XIV fut l'objet de cette allégorie. Le dessein de l'Au- teur fut de faire entendre , que comme le soleil peut fournir assez de lumière pour éclairer ces ilifiérenles planètes , et qu'il a assez de fore© pour surmonter tous les obstacles , et produire dans" la nature les différens effets que nous voyons tous les jours qu'il produit : ainsi le Roî est doué de qualités si -éminentes , qu'il seroit capable de gouverner plusieurs royaumes. Il Q (l'aiileurs tant de ressources et tant de forces qu'il peut résister à ce grand nombre d'enne- mis ligutjs contre lui , et les vaincre. De sorte que la construction pleine , est , Sicut sol non est impar pluribus orhibus illuminandis , ita Liido" viens XÎV non est impar pluribus regnis regendis p nec pluribus hostibus profligandis. Ce qui fait bien voir , que lorsqu'il s'agit de construction , it faut toujours réduire toutes les phrases et toutes les propositions à la construction pleine,
VL Proposinon vonsidérée grammaticalement» Proposition considérée logiquement^ T
On peut considérer une proposition , oti grammaticalement, ou logiquement. Quand ofll considère une proposition grammaticalement, on n'a égard qu'aux raports réciproques qui sont «ntr^ les mots ; au li^Mi que dans Ja proposition logique , on n'a égard qu'au sens total qui
Q
J4^ Pr incives
résulte de l'assemblage des mots. En sorte qu'om pourroit dire , que la proposition considérée giammaticalement , est la proposition de l'élo- cuiion ; au lieu que la proposition considérée logiquement ^ est celle de l'entendement , qui n'a égard qu'aux différentes parties-, je veux dire aux ditférens points de vue de sa pensée. Il en considère une partie comme sujei , l'autre comme attribut, sans avoir égard aux mots ; ou bien , il en regarde une comme cause , l'autre comme effet ; ainsi des autres manières qui sont l'objet de la pensée. C'est ce qui va être éclairci par des exemples.
Celui qui me suit , dit Jesus-6hrist , ne marche point dans hs ténebrts. Considérons d'abord cette phrase ou cet assemblage de mots grammatica- le mer t , c'est-à-dire, selon les raports que les ïnots ont entr'eux; raports d'où résulte le sens. Je trouve que cette phrase , au lieu d'une seule proposition , en contient trois.
l". Celui ^ est le sujet de ne marche 'point dans les ténèbres ; et voilà une proposition principale» Celui étan,t le sujet , est ce que les Grammai- •riens appellent le nominatif du verbe,
Nf marche point dans les ténèbres , c'est l'attri- but. Marche est le verbe , qui est au singulier, et à la troisi'ème personne , parce que le sujet est au singulier , et est un nom de la troisième personne , puisqu'il ne marque ni la personne qui parle , ni celle à qui l'on parle. Ne point , est la négation , qui nie du sujet , l'aclion de fji'Jrcher dans les ténèbres.
Dans les ténèbres , est une modification de l'action de celui qui marche ; // marche dans les fénèbres. Dans est une proposition qui no mar- que d'abord qu'une modification ou manière jncomplette *, c'ost-à-dire » que dans étant une propoiilion , n'indique d'abord qu'une espèce,
(le Grammaire. 147
tine sorrc de modification , oui doit (5trc ensuite singulai-isvi'î , appliquco , déterminée par ua. aiUic mot , qu'on appelle par celte raison le complément de la préposition. Ainsi les ténèbres est le complément do dans : et alors ces mots, dans les ténèbres ^ forment un sens particulier (^UÎ modifie marche ; c'est-à-dire , qui énonce une manière particulière de marcher.
2°. Q^d'i me suit. Ces trois mots font une pro-î position incidence , qui détermine celui , et 1© restreint à ne signifier que Le disciple de JesuS" Christ , c'est-à-dire, celui qui règle sa conduite et ses mœurs sur les maximes de TErangile. Les propositions incidentes , énoncées par gui, soQt équivalentes à un adjectif.
Qui est le sujet de cette proposition incidente; me suit, est l'attribut; suit est le verbe; me, est le déterminant , ou terme de l'action de suit "^ car selon l'ordre de la pensée et des raports , me est après suit , mais selon l'éloculion ordi— riiiire , ou construction usuelle , ces sortes d» pronoms précèdent le verbe. Notre langue x conservé beaucoup plus d'inversions latines qu on ne pense.
'S°' Dit Jesus-Christ. C'est une troisième pro- position, qui fait une incise ou sens détaché; c'est un adjoint. En ces occasions, la construc- tion usuelle mot le sujet de la proposition après le verbe ; Jesus-Christ est le sujet , et dit est l'attribut.
Considérons maintenant cette proposition 1 la manière des Logiciens. Commençons d'abord à en séparer l'incise , dit Jesus-Christ: il ne nous restera plus qu'une seu'e proposition ; Celui que me suit. Ces mots ne forment qu'un sens total. Qui est le sujet de la proposition logique , sujet complexe ou composé : car on ne juge de eelul^ qu'en tant qu'il est celui qui jne suit. YoiU le
Î4^ Principes
sujet logique ou de l'entendement. C'est de ce *ujer que l'on pense , et que l'on dit qu'// ne marche point dans Us ténèbres.
I] en est de même de cette autre proposition: Alexandre , qui éfoit roi 4^ Macédoine , vainquit Darius. Examinons d'abord cette phrase gram- jnaticaleijient. J'y trouve deux propositions : Alexandre vainquit Darius , voilà une propositioa principale , Alexandre en est le sujet ; vainquit Darius , c'est l'attribut. Qui était roi de Macédoine , c'est une proposition incidente ; Qui en est le sujet , et éroit roi de Macédoine , l'attribut. Mais logiquement , CfiS mots , Alexandre , qui était roi de Macédoine , forment un sens totgl , équiva- lant à Alexandre roi de Macédoine. Ce sens total est le sujet complexe de la proposition \ Vain^ quit Darius c'est l'attribut.
Je crois qu'un Grammairien ne peut pas se clisponser de reconnoîtjre ces différentes sortes cle propositions , ?'il veut faire la conslructiaa d'une manière raisonnable.
Los divers noms que l'on dqnne aux diffé- rentes propositions , et souvent à la wiême , sont tirés dfs divers points de vue sous lesquels on les considère. Nous allons rassembler ici celles dont nous venons de parler , et que noi^i croyons qu'ua Grammairien doit connoUre.
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"ïS© Principes
Il faut observer que les Logiciens donnent T» nom de Proposition composée à tout sens total qui résulte du raport que deux propositions grammaticales ont entr'elles : raport qui est jnarqud par la valeur des différentes conjonc- tions qui unissent les propositions gramma- ticales.
Ces propositions composées ont divers noms , selon la valeur de la conjonction ou de l'adveibe conjonctif , ou du relatif qui unit les simples propositions pailielles , et en fait un tout. Par exemple , ou , aut , vel , est une conjonction disjonctive on de division. On rassemble d'a- bord deux objets pour donner ensuite Talter- native de l'an ou de l'autre. Ainsi , après avoir (d'abord rassemblé dans mon esprit l'idée du soleil et celle de la terre , je dis que c'est la soleil qui tourne , ou que c'est la terre. Voila deux propositions grammaticales relatives , dont les Logiciens ne font qu'une proposition com- posée , qu'ils appellent Proposition disjonctive.
Telles sont encore les pioposicions condiiton- nelles , qui résultent du raport de deux propo- sitions , par la conjonction conditionnelle 5/, ou pourvu qui , Si vous étudiai bien , vous devien" àni savant : voilà une proposition composée qu'on appelle conditionnelle. Ces propositions sont compofées de deux propositions particu- lières , dont l'une exprime une condition , d'oil dépend un effet que l'autre énonce. Celle ou est la condition s'appelle \ antécédent : Si vous étudie'^ bien. Celle qui énonce l'effet qui suivra la condition e»t appelée le conséquent : vous deviendrez savant.
Il est estimé purce qu'il est savant et vertueux» Voilà une proposition composée , que les l^o^i- ciens appellent causale , du mot parce que ^ qui sert i exprimer la cause de l'effet que la pro-
ie Grammaire, i5^f
HiièrC proposition ëiionce. // est estimé , voilà l'cftV't: pourquoi? Parce qu'il ^st savant et vertueux: voilA la cause de l'estime.
La fortune peut bien ôitr les richesses \ mais elle ne y eue pas orer la vertu. Voilà une proposition Coiiiposéc qu'on appelle adversative ou discrétive (i) , qui sert à séparer , à distinguer , parce
au'elîe est composée de deux propositions , ont la seconde marque une distinction , une séparation , une sorte de contrariété et d'oppo- sition , par raporl à la première ; et celte se [2^' ration est marquée par la conjonction adversa- tive mais.
Il est facile dô démêler ainsi les autres sortes de propositions composées. Il su/fit pour cela deconnoîtro la valeur des conjonctions qui lient les propositions particulières , et qui par cette liaison forment un tout , qu'on appelle Propo* sition composée. On fait ensuite aisément la cons- truction détaillée de chacune ÛQi, propositions particulières qu'on appelle aussi partielles , o\x corrélstives.
Je no parle point ici des airtres sortes de pro- positions , comme des propositions universelles ^^■ des particulières , des singulières , des indcfinies , des affirmatives , des négatives , des contrcidictcim tes ^ etc. Quoique ces connoii^snnces soient trèr<rf' utiles , j'ai cru ne devoir parler ici de la propo- sition , qu'autant qu'il est nécessaire de la con- noître , pour avoir des principes sûrs de conj'.- truction.
( 1 ) Du latin , Discrttivus,
Gif
jSz Principes
Deux raports généraux entre les mots , dans îa construction,
I. Raport d^ Identité.
II. Raport de détermination^
Tous les raports particuliers de construc- tion , se réduisent à deux sortes de raports généraux.
I, Raport d'identité. C'est le fondement de l'accord de l'adjectif avec son substantif; car l'adjectif ne fait qu'énoncer ou déclarer ce que l'on dit qu'est le substantif; ensorte que l'ad- jectif, c'est le substantif analysé , c'est à-dire, considéré comme étant de telle ou telle façon, comme ayant telle ou telle qualité. Ainsi l'ad- jectif ne doit pas marquer, par i*aport au genre, au nombre et au cas , des vues qui soient dif- férentes de celles sous lesquelles l'esprit consi- dère le substantif.
Il en est d*^ même entre le verbe et le sujet de la proposition , parce que le verbe énonce que lesprit considère le suj't comme étant , ayant , ou faisant quelque chose. Ainsi le verbe doit indi(|uer le même nombre et la mémo per- sonne que le sujet indique ; et il y a des lan* gués , tel est l'Hcbreu , où le verbe indique môme le genre. Voilà ce que j'appelle raport ou raison d'identité , du Latin idem.
II. La seconde sorte de raport, qui rcgîe la construction des mois , c'est le raport de déter- mination.
Le service des moîs dans le discours , ne con- fiiste qu'en deux points.
1**. A énoncer une idée : Lumen , lumière ; Soi , soleil.
2°. A faire coanoluii le raport qu'une idue a
de Grammaïte, i 5 8
av<»c uAe antre idée. Ce qui se fait p.iv fcs signes établis on chaque langue pour étendre , ou res- treindre les idées , et en faire des applications particulières.
L'esprit conçoit une pensée tout d'un coup ^ par la simple inieHigence, comme nous l'avors déjà remarqué. Mais quand il s'agit d'énoncée une pensée , nous sommes obligés de la diviser , de la présenter en détail par les mots , et de nous servir des signes établis , pour en mar- quer les divers raports. Si je veux pailer de l.t lumière du soleil , je dirai en latin , Lumc/t solis , et en François , De le soleil , et par con- traction, Du soleil, selon la construction usuelle, Ainsi en laîin , la terminaison de Solis , déter- mine Lumen à ne signifier alors que la lumière du soleil. Cctie dëterrriination se marqn.e qtj. françois par la préposition de , dont les Latins ont souvent fait le même usage , comme nous- le ferons voir en parlant de l'Article : Templ.urf DE marmcre ; un temple DE marbre.
La détermination qui se fait en lati^n par la terminaison de l'accusatif. Diliges Dominuvv Deum tuum , ou Dominum Deum tuumailiges: cette- détermination y dis-je , se marque en françoi» par la place ou pasition du mot , qui , selon la construction ordinaire, se met après le verbe t Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. L«s autres déter- minations ne se font auJGurd'iui , en françois, que par le secours des prépositions. Je dis aujourd'hui , parce qu'autreiois un nom sub^-- tantifpîaco immédiale^nent après uti autre norcc substantif, le déterminoit de la même manière^ qu'en latin. Un nom qui a la terminaison dur génitif, détermine le nom auquel il se ranorte: Lumen '^alis ; Liber Pétri: Al tens Innocent Ifl (r)>/;
(,i) Viilchardcuiix»-.
ï 54 Principes
au temps J'Jiinocent III : L'Incarnation None^» Seigneur , pour 1 Incarnation de Notre-Seigneur : Le service Dieu , pour le service de Dieu : Le {rire V Empereur , pour Le frère de l'Empereur : et c'est delà qu'on dit encore \ Hôtel-Dieu , etc. Voyez la Préface des Antiquités Gauloises de Bôrel. Ainsi nos Pères ont d'abord imité l'une et l'autre manière des Latins : premièrement, en se servant en ces occasions de la préposi- tion de : Templum de mannore , un temple de jnarbre j secondement , en plaçant le substantif modifiant immédiatement aprcs le modifié ; Frater Imperatoris , le Frère l'Exipereur ; Domus Dei , l'Hôtel-Dieu. Mais alors le larin dési- gnoit , par une terminaison particulière , l'effet du nom modifiant : avantage qui ne se trouvoit point dans les noms françois , dont la termi- naison ne varie point. On a enfin donné la préférence à la première manière, qui marque cette sorte de détermination par le secours de la préposition de : La gloiie do Dieu.
La syntaxe d'une lânouc ne consiste que dans lés sig;nes de ces différentes déterminations. Quand on connôit bien l'usage et la destination de ces signes on sait la syntaxe de la langue. J'entends la syntaxe nécessaire ; car la syntaxe usuelle et é-'/V^nn/^domande encore d'autres obser- vations. Mais ces observations supposent tou- jours celles de là syntaxe nécessaire , et no regardent que Inncttnjé, la vivacité et les grâces de l'éiocution ; te qui n'est pas maintenant de jiotre sujet. '*
Un mot doit Otre suivi d'un ou de plusieurs antres mots détciminans , toutes les fois que par lui-même , il ne fnif qu'une partie del'ana- iVee d'un sens [jnrticuîier L'<"spr!t se trouve alors dans la nécessité d'attendre et de deman- der le mot détcimiaant ; pour avoli tout le sent
de Grammaire. i 55
particulier que le premier mot ne lui annonce qu'en partie. C'est ce qui arrive à toutes les pré- positions , et à tous le* verbes actifs transitifs: )/ ist allé à ) à n'énonce pas tout le sens parti- culier -, et je demande eà ! on répond , à la chasse , à Versaillfs , selon le sens particulier qu'on a à designer. Alors le mot qui achève le sens , dont la préposition n'a énoncé qu'une partie , est le complément de la préposition : c'est-à-dire , que la préposition et le mot qui la détermine, font ensemble un sens partiel, qui est ensuite adapté aux autres mots de la phrase. En sorte que la préposition est , pour ^insi dire , un mot d'espèce ou de sorte qui doit ensufte être détenniné individuellement. Par* exemple , Cela est dans ; dans marque une sorte de manière d'être par raport au lieu : et si j'a- joute dans la maison , je détermine , j indivi"- dualise , pour ainsi dire , cette manière «péci-r fique ô erre dufr^:
JI en est de même des verbes actifs. Quel-- qiu'un me dit que le Roi a donné : ces mots , a donné , ne sont qu'une partie du sens particu-- lier : l'esprit n'est pas satisfait ; il n'est qu'ému. On attend ou l'on demande , i**. ce que U Roi a donné \ 2°. à qui il a donné. On répond , par exemple , à la première question , que le Roi abonné un Régiment] voilà l'esprit satisfait pat raport à la chose donnée , régiment est donc à cet égard le déterminant de a donné: il dëter- rT(i'\ ne a donné. On demande ensuite , A qui le Roi a~:-il donné un régiment / Oh répond à Mon'*- sieur N. Ainsi la préposition à suivie du ncmi' qui la détermine , faït un sens partiel qui est le déterminant de a donné , par raport à la ver-' xonne à qui. Ces deux sortes de relations sont encore plus sensibles en latin-, où elles sont- jiiarqaées par des terminaisons particulière^é-
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1 56 Principes
Reddite ( illa ) quœ sunt Casaris , Ccesari , e/ ( illa ) quœ sunt Dei , Oeo.
Voilà deux sortes de déterminations , aussi nécessaires et aussi directes l'une que l'autre , chacune dans son espèce. On peut , à la vérité, ajouter , d'autre circonstances à l'action, com- me le temps , le motif , la manière. Les mots qui jiiarquent ces circonstances , ne sont que des adjoints , que les mots précédens n'exigent pas aiéccssairenient. II faut donc bien distinguer les déterminations nécessaires , d'avec celles qui jQ'influent en rien à l'essence de la propositidû .grammaticale , en sorte que sans ces adjoints ,on perdroit, à la vérité, quelques circonstances .de sens ; mais la proposition n'en seroit pas jnoins telle proposition.
A l'occasion du raport de détermination , il jne sera pas inutile d'observer qu'un nom subs- tantif ne peut déterminer que trois sortes de mots : I®. Un autre nom , 2*. un verbe , 3°. ou *nfin , une préposition. Voilà les seules par- ties du discours qui a^'ent besoin d'être déter- minées : car l'adverbe ajoute quelque circons- tance de temps , de lieu , ou de manière. Ainsi 51 détermine lui-raéme l'action , ou ce qu'oa dit du sujet , et n'a pas besoin d'ôtrc déterminé. Les conjonctions lient les propositions ; et â l'égard de l'adjectif, il se construit avec sou substantif, par le raport d'identité.
1°. Lorsqu'un nom substantif détermine un autre nom substantif, l; substantifdéterminaat «e met au génitif en latin , lumen solis ; et en françois , ce raport se marque par la proposition de. Sur quoi il faut remarquer , que lorsque le Xiom déterminant est un individu de l'espèco qu'il détermine , on peut considérer le nom d'espèce comme un adjectif, et alors on mot U} dcujL aoxus A\x mùmu cas ; par raport d'icWn-j
<le Grammaire. i5*7
tite : Vrhs Rama , Roma quœ est urbs : c'est ce que les Gramn.airicus appellent appvs'uion. C'est ainsi que nous disons le Alont- Parnasse , le fleuve Don , et le Cheval Pégase , etc. mais en dépit des Grammairiens modernes , les. meilleurs Auteurs Inlins ont aussi mis au génitif le nom de 1 individu , par raport de détermi- nation : In oppiJo Antiochiœ (i) : et CeJsam Bu^ troti ascendimus urbem (2). Exemple remarqua- ble ; car urbem Butroti est à la question quo. Aussi les Comn^entateurs qui prélVrent la règle de nos Grammairiens à Virgile , n'ont pas manqlië de naettre dans leurs^noles , Ascendimus in urbem Batrotum. Pour nous , qui proférons rauloiité incontestable et soutenue des Auteurs latins y aux remarques frivoles de nos Grsmmaiiiens , nous croyons que quand on dit, Maneo Lutetiœ y il faut sous entendre , in urbe.
2°. Quand un nom détermine un verbe ,-il faut suivre l'usage établi dans une langue , pour marquer cette détermitiation. Un verbe doit être suivi d'autant de noms détermina ns , qu'il' V a de sortes d'émotions que le verbe excite' nécessairement dans i'espvit. J'ai donné ^ quoi? et à qui ?
3*. A l'égard de la préposition , nous venons d'en parler. Nous observerons .feulement ici , qu'une préposition ne détermine qu'un nom substantif , ou un mot pris substantivement ;. et que quand on trouve une préposition suivie d'une autre , comm.e quand on dit , pour àis- pain . par des hommes , etc. alors il y a ellipse, pour quelque partie du pain , par quelques-uns des hommes.
( I ) CicéroM,
{2) Virgde, w£7J, /. III. V. 3<^jr
iSf' PrincîfiS
Autrts femûtqius four hun fairt la censtructlen»
r. Quand on veut faire îa construction d'une Période , on doit d aberd la lire entièrement; €t s'il y a quelque mot de sous-entendu , le sens dok aider à le snppîcier. Ainsi l'exemple trivial de« rudimens , Deus quem adoramus , est défec- tueux. On ne voit pas pourquoi Deus est au nominatif: il faut dire , Deus quem adoramus est 0mnipot€ns Deus est omnipetins ; voîîà une pro« position : Quem adoramus ^ en est une autre.
l!. Dans les propositions absolues ou coin- pîettes , il faut toujours commencer par le sujet de la proposition -, et ce sujet est toujours ou lin iiidividu , soit réel , soit métaphysique; ou bien un sens total exprimé par plusieurs mots.
HT. Mais loTsquo \es propositions sont rela- tives , et qu'<Hes forment des Périodes , on commence par les conjonctions ou par les ad- verbes conjonctifs ^ qui les rendent relatives-, Par exemple , si , quand , lorsque , jjendaat que , etc. On mrt à part la conjonction , ou ladTeibc corijonctif , et l'on examine ensuite chaque pro- position séparément : car il faut bien observer qu*un mot n'a aucon accident grammatical , qu à oaus<^ de son se -vice tians la seule proposi- tion où il est -employé.
IV. Divisez d'aoord la pTX>position en sujet eti en att.ibut, le plus simplement qu'il «era pos- sible. Après quoi, ujontez au su j^t personnel, ou réel , ou abstrait , chrque mot qui y a raj>ort , soit par la raison de Videnuté , ou par la ruison de la détermination. Enr.uitc , pairsez à I altril»iit en commeHçant par l« verbe , et ajoutant cha- «ue mot qui y a r:iport sc^on l'ordre le phis simple , et selon les riéierminations que les mots f^e donnent successivement.
S'il y a quelque adjoint ou incise , qui aj/njîo
ie Grammaire. 1 5pf
aTa proposition , quclquecirconstance de temps, de manière , ou quolqii 'autre ; après avoir fait la confifniclion de cet incise , et après avoir connu la raison de la modiiîcatioa qu'il a , placcz-lo au commencement ou à la fin de la. période , selon que cela vous poroltra plus sim.-' pie et plus naturel.
Par exemple , fmpfrante Cœsare Au£^usto , oui— genitus Dei jillus Christ us , in civitate David , qnœ vccatnr Bethléem , natus est. Je cherche d'abordj le sujet personnel , et je trouve Christus. Je passe à l'attribut , et je vois est natus. Je dis d'abord , Christus est natus- Ensuite je connois par la terminaison , que Filius uni genitus , te reporte à Christus , par raport d'identiré ; et fe yois que Dei étant au génitif , se raporto à Filius^. par raport dr> dttcnninaiion. Ce mot Dei déter- mine Filius à sioniiier ici le Fils uniaue de DieUi Ainsi j écris le sujet total : Christus unigenitus^ flius Dei.
Est natus , voilà l'attribut nécessaire. Natus es^ au nominatif, par rapodt d'idenlifé avec Christus : car le verbe est marque simplement (jppe le sujet est, et le mot natus dit ce qu'il est, né : Est natus y est né , e:^t celui qui naquit ; tst natus , comme nous disons , il est venu ; il est elle. L indication du temps passé est dans le^ participe v*/7m , allé , natus , etc.
In civitate David ; voiià un adjoint, qui mar-- que la circonstance du lieu de la naissance. Tn, proposition de lieu , déterminée par civitate David. David , nom propre , qui détTm'ne civitate. David : ce mot se trouve quelquefois di'cl'nc à la manière des Latins , David , Da^ vidis. Mais ici il est eu! ployé comme un nom-- hébreu , qui , passant dai s la langue latine , \ians en prendre !es inflexions, est considéié; coffioie indéclinable.
1 6o Principes
Cette citée 5e David est déterminée plu* singulièrement par la proposition incidente ^ quee vocatur Bethléem.
Il y a de plus ici un autre adjoint , qui énonce une circonstance de temps , împfrante Ccesare Augusio. On place ces sortes d'adj&inls ou au commencrment , ou à la fin de la pro— position , selon que l'on sent que la manière de les placer aporte ou plus de grâce , ou plus de clarté.
Je ne voudrois pas que Ton fatiguât les jeunes gens qui commencent , en les obligeant de faire ainsi (3ux-m^*Tiies la construction , ni d'en ren- dre raison de la manière que nous venons de le faire. Leur cerveau n a pas encore assez de consistance pour ces opérations réfléchies. Je voudrois seulement , qu'on ne les occupât d'à- Jiord qu'à expliquer un texte suivi , construit selon ces idées Ils commenceront ainsi à les saisir par sentiment : et lorsqu'ils seront en état de concevoir les raisons de la construction » •n ne leur en aprendra point d'autres , que celles dont la nature et leurs propres lumières leur feront sentir la vérité. Rien de plus facile que de les leur faire entendre peu â-peu , sur un latin où elles sont observées , et qu'on leur a fait expliquer plusi-'urs fois. Il en résulte deux grands avantages: r**. moins de dégoûts et moins cie peine ; -**. leur raison se forme , leur esprit ive se gâto point , et ne s'accoutume point i prendre le (aux pour le vrai", les ténèbres pour la 1 uiic.e ^ ui à admettre des uiots pour des choses.
Quand on coni oît bi^'n les fondetnsns do la construcii' n , on prend le jzoût de l'élf^^ance
I)«r de fn'qiiei tes I-clures des Auteurs qui onJt e plus de véputaiion. Les principes mélaph^'siqijes de la cojQStrui;-
Je Grammahe, 16%
lion , sont les mémos dans toutes les Ianj;!ics, Je vais en faire l'cpplicatioiT sur une Idylle de Madame Dcshoulièrcs.
Idylle de Madame Deshcul'ùres.
LES MOUTONS.
il ELAS ! petits moutons , que vous êtes heureux ? Vous paissez dans nos champs , sans souci , saiis alarmes»
Au'.si-rôt aimes qu'amoureux , Ort ne vous torce point a rcpandr.- des larmes. Vous ne formez jamais d'inutilts des rs : Dans vos -.raïKjui les cœurs l'amour suii la nature. S.ins resseniir ses maux , vous avez ses plaisirs. L'ambitic)n , l'honneur , l'inrérêt , l'imposture ,
Qui font tant de maux parmi nous ,
INe se rencontrent point chtii vous. Cependant nous avons la raison pour partage >
Et tous en ignorez l'usage. nnocens animaux n en soyez poms jaloux ,
Ce n'est pas un grand avantage. Cette iiere raison , dont on fait tant de bruit j Contre les passions n'est pas un sCir remède.
Un peu de vin la trouble»
Un enfant la séduit. Et deciiirer un tœor qui l'appelle a son ai(îe>
Est tout l'tfftt qu'elle produit.
Toujours impuissante et sévère , Elle s'oppose a loui , et ne surmonte rien,
buus la garde de votre (hien t Vous devez beaucoup moins redoute la cotcre
Des lonps cruels et ravissans , Que , sous l'auiorité d'une telle chimère ,
Nous ne devons craindre ooe sent. Ke vaudroii-il pas mieux vivre , comme vous raifef>
Dai:s une douce oisiveté î Ke vaudroit-il pas nneux être comme vous êtes »
Dans une heortuse obscurité
Que d avoir , saas tranqiiiiliié ».
Des riche*K-i , de la uiissance.
De r<:sprit e« ce la bt-auit ? Ces prétendui trésors, dt;nt on -ftir vanité ,
Valent mulxis ^ue voUv mdwltuce.
j62 Principes
Ils nous livrent «ans cesse à des soins crîmineb.
Par eux , plus d'un remors nous ronge.
Nous voulons les rendre éternels, Sans songer , qu'eux et nous , passeront comme «ift^ songe.
Il n'est , dans ce vaste univers i
Rien d'assuré , rWn de solide. X)es choses d*ici-ba« , la fortune décide ,
Selon ses caprices divers.
Tour l'effort de notre prudence Ke peut nous dérober au moindre de ses coupst Paissez , mcmtons , paissez sans règle et sans science.
Maigre la trompeuse apparence , Vous êtes plus heureux et plus sages que nous.
Construction grammaticale et raisonnèe de cette Idylle,
Helas / fetits moutons , qui vous êtes heureux !
Vous êtes heureux. C'est la proposition.
Helas ! petits moutons. Ce sont les adjoints â la proposition *, c'est-à-dire , que ce sont de* mots qui n'entrent grammaticalement , ni dan* le sujet , ni dans l'attribut de la proposition,
Helas I est une inierjeciion , qui marque un «entiment de compassion. Ce sentiment a ici pour objet , la personne même qui parle. Elle 80 croit dans un état plus malheureux que la condiifon des moutons.
Petits moutons. Ces deux mots sont une suite ëe l'exclamation. Ils marquant , que c'est aux Bioutons que l'Auteur adresse la parole. Il leur parle comme à ries personnes raisonnables.
Moutons y c'est le substantif; c'est-à-dire , lo suppôt , I être existant , c'est le mot qui expli- que vous.
Petits : c'est l'adjectif ou qualificatif. C'est le mol qui mnrntie que Ton regarde le substantif avec la qd.ilificalion que ce mot exprime. C'est le 6ubsiaatii mCme cousidéiii sous un tel point de vue.
âe Grammaire, 1 63"
Tft'us f n'est pas ici un adjectif qui marque directement le volume et la petitesse des niou- tons : c'est plutôt un terme d'affection et de lendresse. La nature nous inspire ce seniiment pour les enfans et pour les petits animaux , qui ont plus de besoin de notre secours que les grands.
Petits mourons. Selon l'ordre de l'analyse cnonciative de la pensée , il faudroit dire mou- rons petits , car petits suppose moutons : on ne met petits au pluriel et au masculin , que parce que moutons est au pluriel et au masculin. L'ad- jectif suit le nombre et le genre de son subs» tanlif , parce que l'adjectif n'est que le subs- tantif même consKlérc avec telle ou telle quali- Écation. Mais parce que ces différentes consi- dérations de l'esprit se font intérieurement dans }c môme instant , et qu'elles ne sont divisées que par la nécessité de renonciation , la cons- truction usuelki place au gré de l'usage certains- adjectifs avant , tt d'autres après leurs subs- tantifs
Qui vous ht: heurtux ! Que est pris ndverbîa» lemcnt , et vient du laiin quantum , ad qvan» tuni ; à qutl point , combien. Ainsi , qut modifie le verbe: il maïque une manière d'être, et vaut autant que l'adverbe combien.
Vous , est le sujet de !a proposition \ c'est de vêns que l'on juge. Vous- , est le prorom de I4 second^» personne. Il est ici au pluriel.
Etes heureux , c'est l'attribut : c'est ce qu'on Juge de vous.
Etes , est le verbe qui , outre la valeur ou signification particulière de marquer l'existence,, fait connoiive faction de l'esprit qui attribue cette existence heureuse à vous', et c'est par cette* propriété que ce mot est verbe. On affiiœe que- vous existe^ hew£UK*
ï 64 Principes
Les antres mots ne sont qUo des dénomina- tions : mais le verbe , outre Ja valeur ou signi- fication particuljéie du qualificatif qu'il ren- ferme , marque encore l'action de l'esprit qui attribue ou ap[>lique cette valeur à un sujet.
Etes. La terminaison de ce verbe marque" encore le nombre , la personne et le temps présent.
Heureux , est le qualificatif, que l'esprit con- sidère comme uni et ideniffié à vous , à vo'r» existence C'est ce que nous appelons raparf d'identité.
Vous palsseï dans nés champs , sans souci , sans alarmes.
Voici une autre' proposition.
Vous , en est encore le sujet simple. C'est un pronom substantif , car c'est le nom de la seconde personne , en tant qu'elle est la per- sonne à qui on adresse la parole •, comme roi , pape , sont des noms de personnes , en tant qu'elles possèdent ces dignités. Ensuite , les circonstances font connoitre de quel roi ou de quel pape on entend parler. De même , ici , les circonstances , les adjoints, font connoitre que ce vous , ce sont les moutons. C'est se faire énc fausse idée des pronoms , que de le» pren- dre pour de simples vice gérens , et les regar- der comme des mots mis à la pUcc des vrais noms. Si cela étoit , quand l«»s Latins disent CéfiS poui h pain , ou Bacchus pour le vin i Cérh et B<cchus scroient des pronoms.
Paisse^ , est te verbe , dans un sens neutre , c'est à-dirf, que ce veibe inarqu-^ ici un état de sujet • il exprime «a mônie-tinnps l'action et le terme de l'aclion. Car vpu^ paisse-^ , tst autant que vous mangej I herbe. Si le teniie de l'actiou cLoil exj^rijuc séparcmeut , et qu'oa dît vous
Je Grammaire, 1 6i
paiss^l l'herbe naissante , le verbe seroit actif iransilif.
Dans nos champs , voiU une circonstance de l'action.
Pans est une proposition qui marque une vue de l'esprit par raport au lieu. Mais dans ne dcter- inine point le lieu: c'est un de ces mots incom- plets dont nous avons parlé , qui ne font qu'une partie d un sens particulier , et qui ont besoin d'un autre mot pour former ce sens. Ainsi dans est la préjtosition , et nos champs en est le complément. Alors, ces Tnois , dans nos champs , font un sens particulier , qui entre dans la cemposition de la préposition. Ces sortes de sens sont souvent exprimés ea un seul mot , qu'on appelle adverbe.
Sans souci ; voilà eficore une préposition avec son complément : c'est un sens particulier qui fait un incise. Incise vient du latin incisum , qui $igniii'3 coupé. C'est un sens détaché qui ajoute une circonstance de plus à la proposition. Si ce sens étoit supprimé , la proposition auroit une circonstance ae moins ; mais elle n'ea seroit pas moins proposition.
Sans alarmes , est un autre incise.
Aussi-lot aimés qu'amoureux , On ne vous force point à répandre des larmes»
Voici une nouvelle période : elle a deui; membres.
Aussi-rot aimés qu'amoureux , c'est le premier membre , c'ost-A-dire , le premier sens partie! , qui entre dans la composition de la période.
Il y a ici ellipse , c'est-à-dire , que pour faire la construction pleine , il faut suppléer des mots que la constructmn usuelle supprime , mais dont le sens est daû^ i'esprit.
^66 Piincipes
Aussi' tôt aimés qu amoureux ; c'est- i- dire , Çomm& vous êtes aimés aussi - tôt que vrus êtes amoureux.
Comme, est ici un adverbe relatif, qni sert au raisonnement , ot qui doit avoir un corré- latif , comme , c'est-à-dire , et parce que vous êtes , etc.
Fous , est le sujet j êtes aimés aussi-tot , est l'attribut. Aisfi-tôt est un adverbe relatif de temps , dans le même temps.
Que , autre adverbe de temps ; c'est le cor- rélatif i\Aussi-tjr. Que appartient à la proposi- tion suivante , que vous êtes amoureux : ce que vient du latin , in quo , dans lequel , cum.
Fo'is ères amoureux ; c'est la proposition cor- rélative de la précédente.
On ne vous force point à révaridre d^s larmes. Cette proposition est la corrélative du sens total des deux propositions précédentes.
On , est le sujet de la proposition. On vient de Homo. Nos pères disoient hom , noa y a liom sur la ferre (i). On ^ se prend dans nu sens indéfini , indéterminé , une personne quelconque , un individu de votre espèce.
Ne vous force point à répandre des larmes. Voila Joat l'attribut : c'est l'attribut total : c'est ce qu'on juge de On.
Force , est le verbe qui est dit de on : c'est pour ce!a (|u'il est au singulier , et à la troi- sième personne.
Ne poinj : ces drux mots font une négation; ainsi la proposition est né;2.Jiiv3. Voyez ce que nous disons de point , en parlant de V Article ^ vers la lin.
Fous. Ce mot, scion la construction usuelle.
( I ) Voytw Porel au mot H§m,
de Grajnmnire, iGy
est ici avant le vcrbo ; mais , selon l'ordrfî do, ta construction dos rues do l'esprit , voa% est après le verbe , puisqu'il est le terme ou l'objet drî l'action de forcer.
Celte transposition du pronom n'est pas en usage dans toutes ies langues. Les Anglois diieiit , / dress my self; mot i mot, j'habilU moi-mène. Nous disons je m'habille , selon la construction usuelle ; ce qui est une véritable inversion , que l'habitude nous fait préféror à ]a construction régulière. On lit trois fois , au dernier chapitre de lEvangile de Saint-vlean , Simon , diligis me f Simon , cmas me l Pierre , aimej-vou!> moi ! Ntjus disons Pierre , m'aime^vous f
La plupart des étrangers qui viennent du nord , disent j'aime vous , j'aime lai ; au lieu d« dire , je vcus aime , je l aime , selon notre cons- truction usuelle.
À répandre des larmes. Répandre des larmes ; CCS trois mots font un sens votai , qui est le complément de la préposition à. Cette prépo- lition met le sens total en raport arec force , forcer à , cogère ad. Virgile a dit , Cogitur ire ad Idcrymas (i) , et Vocant ad lacryma: (2).
Répandre des larmes. Des larmes n'est pas ici le complément immédiat de répandre. Des larmes est ici dans un sens partitif. II y a ellipse d'un substantif générique , répandre une certaine quan» titè de les larmes ; ou , comme disent les Poètes latins , Imhrem lacrymarum , une pluie de larmes»
Vous ne formel jamais d'inutiles désirs.
Vous , est le sujet de la proposition. Les mitres mots sont l'attribut. Formel , est le verbe,
(i) >>E,i. /. IV. y. 41 j. <a) 4r. XI. y. 9^.
T S% Principes
à la seconde» personne du présent de Tindicatif.
Ne , est la negaM'en , qui rend ia proposition négative. Jamais est un adt^erbe de temps. Jamais , en aucun temps. Ce mot vient de deux mots latins , jam et ma gis.
D'inutiles désirs. C'est encore un sens partitif. fous ne forme^ Jamais certains désirs , quelques désirs qui soient au nombre dcS désirs inutiles.
D^inutilfs désirs. Quand le substantif et l'ad- jectif sont ainsi le déterminant d'un verbe , ou le complément d'un« préposition dans un sens affirmatif , si l'adjectif précède le substantif, il tient lieu d'article , et marque la sorte oa «spéc^. Vous formel d'inutiles désirs. On qualifie d inutiles , les désirs que vous formez» Si au contraire , le substantif précède l'adjectif, on lui rend l'article : c'est le sens individuel : Vous formel ^^^ dcsirs inutiles. On veut dire que les désirs particuliers ou singuliers que vous for- mez , sont du nombre de les désirs inutiles. Mais dans le sens négatif, on diroit , Vous ne formej^ jamais , pas , point , de désirs inutiles. C'csi alors le sens spéciHque. Il ne s'agit point de déter- miner tels ou tels dcsirs singuli-îrs. On ne fait que marquer l'espèce ou sorte de désirs que vous formez^
Dans vos tranquilles coeurs l'amour suit la nature*
La construction est : L'umour suit la nature dans rcs cœurs tranquilles. L'amour , est le sujet de la proposition , et par cette raison il précède le verbe. La nature , est le terme de l'action , de suit , et par cette vnison ce mot est après le verbe. Cntte position est dans toutes les langues , selon l'ordre de renonciation et d« l'analys»^ dos pensées. Mais lorsque cet ordro est int»'rrompu par das transpositions , dans les languos (jui ozu des cas , il est iadiqué par
une
ie Grammaire, 1^9
une terminaison particulière , qu'on appelle cccusatif. En sorte qu'après que toute la phrase est finie , l'esprit remet le mot à sa place.
5*1^5 ressentir ses maux , vous ave^ ses plaisirs.
Construction , yous ave:^ ses plaisirs , sans ressentir ses maux. Vous , est le sujet : les autres jnots , sont l'attribut.
Sans ressentir ses maux est une préposition 9 dont ressentir les maux est le complément. Res^ sentir ses maux , est un sens particulier , équi- valent à un nom. Ressentir , est ici un nom verbal. Sans ressentir , est une proposition implicite , sans que vous ressentie^. Ses maux ^ est après l'infinitif ressentir , parce qu'il en est 1© déterminant. Il est le terme de l'action de ressentir.
L'ambition , Vhonneur , V intérêt , Vimposturt» Qui font tant de maux parmi nous ^ Ne se rencontrent point chei vous.
Voilà la proposition principale.
L'ambition , l'honneur , Vintéret , Vimposture .* c'est lA le sujet de la proposition. Cette sorte de sujet est appelés sujet multiple , parce que ce sont plusieurs individus , qui ont un attribut commun. Ces individus sont ici des individus métaphysiques , des termes abstraits à rirai- tation d'objets réels.
Ne se rencontrent point che^ vous , c'est l'attribut* On pouvoit dire , l'ambition ne se rencontre point cftf j vous , Vhonneur ne se rencontre point che'^ vous; l'intérêt , etc. ce qui auroit fait quatre proposi- tions. En rassemblant lus divers sujets dont on Tcut dire la même chose , oa abrège le discours, •t on 1« rend plus vif.
(lui font tant de maux parmi nous. C'est la pra- jfositioii incidente. Qui , en est le sujet. Ceil
H
Ï7® Principes
le pronom relalif. II rappelle à l'esprit l'ambi--' tion , / honneur y l intérêt , Vimpesture , dont ou yienl cie parler.
Font tant d,i maux parmi nous. C'est l'attribut de Fa proposition incidente.
Tant de maux ; c'est le déterminant de font \ c'est le terme (ie i'àcrior\, de font.
Tant , viont de Tadjcclit tanrus y a. um. Tant est p is; ici s-ubstantivement : Tcntum malorum , tantum --^.'•» nalerum , une si grande quantité de
De maux , est le qualificatif de tant. C'est un des usagos de la préposition de , de servir à I4 qualification.
Maux , est ici dans un sens spécifique , indé- fini , et non dans un sers individuel. Ainsi , maux n'est pas précédé de l'article les.
Parmi n:us , est une circonstance de lieu. J^ûus , est le complément de la préposiiioa' parmi.
Cependant , nous avons la raison pour partage \ Et vous en ignore-^ l'usage.
Voilà doux propositions liéeâ entre elles , par la conjonction et. Cependant , adverbe , ou conjoaciion adversative , c'est-à-dire, qui marque restriclion ou opposition, par raport à invî autre idée ou pensée. Ici cette pensée est. Nous avons h raison ; cependant malgré cet awi/i— îage , les passions font tant de maux parmi nous. Ainsi , cependant marque opposition , contra- riété , entre avoir la raison , et avoir des passions. Il y a donc ici une d^ ces propositions que le$ Lof^iciens appellent adversative ou discrétive.
Nous , est le sujet, avons la raison pour partage f «st l'attribut.
La raison pour partage. L'auteur pouvoit dire , la raison en partage : nuis alors il y auroit eu
de Gramma'irs, I7î
tin bâillement ou hiatus , parce que la raison finit par la voyelle nazale on , qui auroit dlc suivie (le en. Les Poètes ne sont pas toujours si exacts , et redoublent Vn en ces occasions; Id raison-rt-en partage : ce qui est une pronon* cialion vicieuse. D'un autre côté , en disant, pour partage , la rencontre de ces deux syllabes, pour , par , est désagréable à l'oreille.
Vous en ignorei lusage. Vous , est le sujet ; en igncrei l'usage , est l'attribut. Ignore:^ , est le verbe. L'usage , est le déterminant de ignorei: c'esc le terme de la signification (.Vignorer-, c'est Ja chose ignorée ] c'est le mot qui détermine ignore i.
En , est une sorte d'adverbe pronominal. Je dis ejue en est une sorte d'ad\erbe , parce qu'il signifie autant qu'une préposition et uu nom. En , inde \ de cela \ de la raison. En , est un adverbe pronominal , parce qu'il n'est employé que pour réveiller l'idée d'un, uutro mot 3 Vous ignorei l'usage ds la raison,
Innocens animaux , n'en soye? point Jaloux :
C'est ici une énonciation à l'impératif. Innocens animaux. Ces mots ne dépendent d'aucun autre qui les précède , et sont énoncés sans articles. Ils marquent , en pareil cïs , la personne â qui l'on adresse la parole.
Sjyei j est le verbe à l'impératif. Ne poiit , est la négation.
En , de cela , de ce que nous avons la raisoll pour partage.
Jaloux est l'adjeciif. Cest ce qu'on dit qui
les animaux ne doivent pas être. Ainsi , seloa
a poncée , jaloux se raporte â animaux , par
aport d'identité , mais négativement j ne soyei
fus Jaloux.
Ce n'est pas un grand avant aa^e.
Ha
principes
Ce , pronom de la troisiem^personne. Hoc ^ ce , cela , à savoir que , nous avons la raison t nest pas un grand avantage.
Cette fiere ralsen , dont on fait tant de bruit , Contre les passions n'est pas un sur remède.
Voici proposition principale , et proposition incidente.
Cette fiere raison nest pas un remède sûr contre les passions \ Voilà la proposition principale.
Dont on fait tant de bruit : c'est la propositioa incidente.
Dont , est encore un adverbe pronominal , 4e laquelle , touchant laquelle. Dont vient du mot uade , par mula'ion ou transposition de lettres, dit Nicot , nous nous en servons pour duquel^ de laquelle , de qui , de quoi.
On , est le sujet de cette proposition inci* dcnift.
, Fait tant de bruit , en est l'attribut. Fait , est le verhe. Tant de bruit , est le déterminant de fait. Tant de bruit , tantum x^*.^** joctationis y tant.fn rem jactationis»
Un peu de vin la trouble.
Un peu : peu est un substantif ; parum vint ; une petite quantité de vin. On dit , le peu , de peu , à pdu j p^nir peu. Peu , est ordinairement suivi à\\n qualificatif. De vin , est le qualificatif de peu. Un peu ; un et h sont des adjectifs prépo- sitifs qui indiquent des individus. Le tt ce indi- quent des individus déterminés ; au lif^u que un indif|ue un individu indéterminé : il a le même sens que quelque. Ainsi un peu est bien différent de le peu : celui-ci précède l'individu ^étermhié , et l'autre 1 individu indéterminé.
Un p^u de vin, Ces (|[uatrc mots expriment
Je Grammaire. î/S
«ne idée particulière qui est le sujet de la pro- position.
La trouble , c'est l'attribut. Trouble , est lé verbe. La , est le tnrrne de l'action du verbe. La , est un pronom de la troisième personne c'esl-â-dire , que la rapelie l'idée de fa personne ou de la chose dont on a parlé : Trouble là tilt , la raison.
Un enfant ( l'amour ) la séduit.
C'est la mî^me Construction que datis la pro* posîlion précédente.
Et déchirer un cœur , qui l'appelle à son aide ^ Est tout l'effet quelle produit.
La construction de cette petite période mérite^ attention. Je dis* période , grammaticalement parlant , parce que cette phrase est Composte de trois propositions grammaticales: car il y a trois verbes à l'indicatif , appelle , est , produit.
Déchirer un cœur est tout l'effet : c'est la pre- miéra proposition grammaticale , c'est la pro- position principale.
Déchirer un cœur , c'est le sujet énoncé pat plusieurs mots , qui font un sens qui pourroit être énoncé par un seul mot , si l'usage en avoit établi un. Trouble , agitation , repentir y remors , sont à-peu-près les éqjivalens de déchirer tin cœur.
Déchirer un cœur est donc le sujet ; et est tout l'effet c'^st l'atlribut.
Qui rappelle à son aide ; c'est une proposition incidente.
Qui , en est le sujet : ce qui est le produit relatif qui rappelle , cœur.
L'appelle à son aide , c'est l'attribut de qui) la, est le terme de laction d'appelle : appelle elle y fi f psi le la raisvn. • ■
H 3
>74 Princîpef
Quelle proâuîr ^ ell e produif lequel effet ; c'est la troisième propositio n.
Elle , est le sujet : elle est un pronom qiti lapelîe raison. ^
Produit que , c'est l'attribut à'e^s. Que est îc terme as produit , C'est un pronom qui Ta pelle ejret. .
Que étant le d^iterminant , ou terme de l.'^Çr tioa cl'3 produit , est sprès produit , dans l'ordre des pensées , et selon la construction simple: ïnais la construction usuelle l'énonce avant produit ; parce que le que étant un relatif con- jonctif , il rapello effets et joint , elle produit ^ avec- efit. Or, ce qui joint , doit être entre «leux termes. L^ relation en est plws aisément aperçue , comme nous l'avons déjà remarque. Voilà trois propositions grammaticales j. mais logiquement , il n'y a là qu'une seule pro- position.
Et déchirer un cœur qui l appelle à son aide : ces •mots font un sens tolal , qui est le sujet de la proposition logique.
Est tout Vefet quelle produit \ voila un autre cens total , qui est l'attiibut. C'est ce qu'on dit 4e déchirer un caur.
* Toujours impuissante et shen , JLlle s oppose à tout et ne surmonte rien,
11 y a encore ici e-lipsc , dans le premier jgûemmc de cct,te pliraso. La construction pleine est : La raison est toujours impuissante ft sfvère. Elle s'oppose à tout , purce qn tlle est sévère ; et elle ne surmonte rien , parce quelle es: impuissante. ^
Elle s^oppose à tout , co que nous voudrions faire qui nous seroit apnjjb!*î. Opposer , ponere sb , poser devant , s'opposer , opposer soi , 5^ mettre ievant comme un obstacle. Se , esl le terme do JOc^oii d'opposir. La ccnstrucljon usuelle lo
ie Grammaire, iyà
"fhet .ivant son v^ibc , comme 771^ , te , h , que , etc. <i tout ; Cicoron a dit , Opponere ad.
Ne surmonte rien. Bien , est ici' le terme de l'action cl>; surmonrr. Rien , est toujours acccmi- pa^nc (le la nôgalion oxj:)rimée ou sous-cntcn- •iue. JRien , nulLim rem.
Sur routes riens garde ces points. Mehnn , au Testnment : où vous voyez que sur toutes riens Veut dire , sur toutes choses.
S,v.ts la garde de votre chieri , Vous dever beaucoup rnoins redouter la colère
Des loups cruels et ravissons , Que , sous Vaurorité d'une telle cliimere ,
Nous ne devons craindre nos sens.
Il y a ici ellipse et synthèse. La synthcse SG fait lorsque les mots se trouvent exprimés oïl arrangés selon un ecrtain sens que l'on a dans l'esprit.
De ce que ( ex eo quod , profiferea quod) ^ous f*tP8 soiis la garde de votre chien , vous devez redDiiter ïa coîère des loups cruels et ravissans^ beaucoup moins ; au lieu que nous , qui ne sommes- qne sous la gaide de la raison , q'îi n'est qu'une chimère , nous n'en devons pas craindre nos sens beaucoup moins.
Nous n'en devons pas moins craindre nos sens .' Toiii la synthèse ou syllepse , qui attire le ne dans cette phrase.
La colère deK loups. La poésie se permet cette expression. L'image en est plus noble et plus vive. Mais ce n'e.^t pas par colère , que les lonns et nous man^-cons les miOutons. Phèdre a dit , fauce iwprobâ • et la Fontaine a dit, Id' faim.
Beauccnip moii.s , multo minus : c'est une exprès-' sion adverbiale , qui sert à la comparaison , et qui , par conaér^ucnt , demande un corrél-atil^
H 4
% 7^ Principes
que , etc. Beaucoup) moins , selon un eou-p moinî beau , moins grand. Voyez ce que nous disons de Beaucoup , en parlant de l'ariicle.
Ne vaudroit-iî pas" mieux vivre , comme vous faites f Dans une douce oisiveté.
Voilà une proposition qui fait un sens incom- plet, parce que la corrélativ^e n'est pas exprimée: mais elle va l'être dans la période suivante, qui a le même tour.
Comme vous faites , est un« proposition inci- dente.
Comme , adverbe. Quomedo \ à la manière que vous le faites.
Ne Vi\udroit-il pas mieux être , comme vous êtes ^ Dans une heureuse obscurité ^ Que d'avoir sans tranquillité , Des richesses , de la naissance , De l'esprit et de la beauté.
Il n'y a dans cette période , que deux pro- positions relatives , et une incidente.
Ne vaudroit-il pas mieux être , comme vous êtes ^ dans une heureuse obscurité ; c'est la première proposition relative , avec l'incidente ^ commt vous êtes.
Notre syntaxe marque l'interrogation , en mettant les pronoms personnels après le verbe, inêmr; lorsque \c\ nom est exprimé. Le Rot ira» 4-il à Fontainebleau \ Aimej-vous la vérité l Irai-je l
Voici quel est le sujet de cette proposition» Jl , Jllud , ceci , i savoir , être dans une heureuse obscurité ; sens total énoncé par plusieurs motf équivalons à un seul. Ce sen5 total est le sujet de la proposition.
Ne vaudrait il pas mieux ? Voilà l'attribut « avec le signe de l'interrogation. Ce ne interra- jgatil nous v'uiat des Latins , Egone , adei^ne ,
Je Grarîimaire. 177
super atne , jamne vides l Voyei-vous l Ne voye^' vous pas ?
Que y quam. C'ost la conjonction ou particule, qui lie la proposition suivante-, en sorte que la proposition précédente et celle qui suit , sont les deux corrélatives de la comparaiso^.
Que la chose , ^agrément d'avoir , sans rranquil^ lue , Vabûndance des richesses , Vavantage de {a naissance , de l'esprit et de le beauté. Voilà le sujet;.; de la proposition corrélative^
Ne vaut , qui est sous-entenda , en est l'at- tribut. Ne , parce qu'on a dans l'esprit, ne vaut pas tant que votre obscurité vaut.
Ces prétendus trésors , dent on fait vanité , Valent moins que votre indolence.
Ces prétendus trésors valent ynoins ) voilà une ' proposition grammaticale relative.
Que votre indolence ne vaut ', vo-ilà la cor- rélative.
Votre indolence n'est pas dans le même cas t elle ne vaut pas ce moins : elle vaut bien davantage.
Dont on fait vanité , est une proposition inci- dente : On fait vanité desquels , a cause desquelsr On dit , faire vanité , tirer vanité de , dont , des- quels. On fait vanité : ce mot ranité entre dans îa composition du verbe , et ne marque pas une- telle vanité en particulier -, ainsi il n'y a point d'articltî.
Jls nous livreur sans cesse à des soins criminels.
Ils ( ces trésors , ces avantages ) : Ils est lei sujet.
Livrent nous sans cesse à ,. etc. c'est Fattribut/
A des soins criminels -, c'est le sens partitif",
c'est à-dire , que les seins auxquels ils noviS'
livjceut , soiU da nombre des soins crimineh j il*
d'un remers nous ronge, voili le sujot complexe de
ijyS.. Principes
Rn font pSTtie. Ces prétendus nranta^^cs noK9 livrent à certains soins , s quelques soins , qui sont de l^classe des seins criminels.
Sans ^Êe , façon de parler adverbiale , fine iilla intermissione.
Par eux , p/u5
Plus d'un remors , Ja proposition.
Eonge nous par eux, à l'occasion de ces trésors; c'est l'attribut.
^Plus d'un remors. Plus , est ici le substantif, et signifie une quantité de remors -plus grande que. celle d'un seul remors.
Nous voulons les rendre éternels , Sans songer queux et noux passerons comme un songe..
' Nous j est le sujet de la ptoposiiion. Voulons les rendre éternels , sans songer , etc» c*cst l'attribut logique.
Voulons , est un verbe actif. Quand on veut, on veut quelque chose ; les rendre éternels , rendre ces trévsors éternels : ces mots forment un sons, f|ui est le terme de l'action de voulons: c'est la chose que nous voulons.
^ans songer queux et nous passerons comme un songe.
Sans songer. Sens, préposition. Songer, est j)ris ici substantivement. C'est le complément de la préposition sans \ sens la pensée qué. Sans songer piut aussi être regardé comnîo une pro- position implicite : sans que nous songions.
Que , est ici une conjonction , qui unit a. songer , h chose à quoi l'on ne songe point.
Eus et nous passerons comme un songe. Ces ïtiots forment un sens t«taJ , qui exprime k.
ic Grammaire» 175)
ctiosc à quoi l'on cirvroit sonf^er. Ce sens total <st Ononcd clans In foru.e cl une proposition ; ce qui est ordinaire en toutes les langues. Je T.e sais qui a fait cela , Ncscio qui s fecir ; QiiiS' {ecit est le ternie ou l'objet de nescio : Nesci*' hoc , neinpè , quis fecir.
Il îiest dans ce vaste univers , Rien d'assuré , rien de solide.
Il y illnd , ncmpè , ceci ^ à savoir, rien d'at^ sure , rien de solide. Quelque chose d'assuré , quelque chose de solide ; voilà le sujet de la pro- position. N'est ( pas ) dans ce vaste unive'rs] en voilà laltribur. La négation ne rend la propo- sition négative.
D^assuré, Ce mot est pris ici substantivement:' Ne hilum quidem certi. D assuré est encore ici clans un sens qualificatif, et non dans un sens individuel : et c'est pour cela qu'il n'est précéda que de la préposition de , sans article.
Des choses d'Ici bas la Fortuné décide ,, Selon ses caprices divers.
La Fortune, sujet simple, terme abstrait per^ sonnifié: c'est le sujet de la proposition. Quand nous ne connoissons pas la cause d'un événe- incnt , notre imagination vient au secours de notre esprit , qui n'aime pas i demeurer dans un état vague et indéterminé. Elle le fixe à r)es fantôme*^ qu'elle réalise , et auxquels elle^ flonne des noms. Fortune, Hasard, Bonheur ^ Malheur.
Décide des choses dici bas , selon ses caprices: divers. C'est l'attribut complexe.
Des choses , de les choses : de signifie îc^ touchant. *
Dici bas dcterraiuo choses. Ici bas est pri>
î2o Ptinctf.es
Selon sêi caprices divers , est une manière de .décider. Selon , est la préposition. Sts caprku ,diverj , est le coropl^me^t de la préposition.
Tout r effort de notre prudence Ne peut nous dérober au moindre de ses coups.
Tout l'effort de notre prudence , voili le sujet complexe : de notre prudence détermine l'effort» et le rend sujet complexe. L effort de est ua individu ynetaphysique , et par imitation ; comme un tel homme ne peut , de mémo tout V effort ne peut.
Ne peut dérober nous , et selon la construc- tion usuelle , nous dérober.
Au moindre , à le moindre \ à , est la préposi- tion ', h moindre , est lu complément de U préposition.
Au moindre de ses coups ; au moindre coup de ses coups. De ses coups , est dans le sens partitif.
Paissej , moutons , paisse-^ sans règle et sans scient e»
Malgré la trompeuse apparence , Vous êtes plus heureux et plus sages q^ue nous.
La trompeuse apparence , est ici Un individu jBrtétaphysiquc personnifié.
Malgré. Ce mot est composé de l'adjectif mauvais , et du substantif gré , qui se prend pour volonté , goût^ Avec le mauvais gré de , en jretifanchant \e de , à la manière de nos pères, qui supprin:^oiont souvent cette préposition % comme nous l'avons observé en parlant du sraport de détermination. Les anciens disoient Htflugré ', puis on a dit malgré. Malgré moi , aifeo- If mauvais gré de moi ^ Cum mea mala gratia \ mêc invita. Aujourd'hui on fait de malgré une pré- iposition- Malgré la trompeuse apparence , qui nO: cherche qu'à en imposer et à nous en faire ^ccroifo ^ vous éim , au. lead et \\%oa U
Je 'Grammaire. iZi
iiealfté , plus heureux et plus sag«s que nous ne le sommes.
Tel est le détail de la constniction des mots de celle Idylle. Il n'y a yK)int d'ouvrage , eu quelque langue que ce puisse être , qu'on ne pût réduire aux principes que je viens d'exposer, pourvu que l'on connût les signes des raports des mois en cetie langue , el ce qu'il y a d'ar- bitraire , qui la distingue des autres.
Au reste , si les observations que j'ai faites paroissent trop métaphysiques à quelques per- sonnes , peu accoutun^ées peut-être à réHéchit sur ce qui se passe en olles-môrnes ", je les prie de considérer qu'on ne sauroii traiter raisonna- blement do ce qui concerne les mots , que ce ne soit relativement à la forme que Ion donae à la pensé'e , à l'analyse que l on est obligé d'en faire par la nécessité de l'élocutioa , c'est-à- dire , pour la faire passer dans l'esprit des autres ; et dés-îors on se trouve dans îc pays de la Mctaphysiqu*'. Je n'ai donc pas été cher- cher de la Métaphysique , pour en amener dan& une contrée étrangère ; je n'*ii hk que montrer C2 qui est dans l'esprit , i-elativcnient su dis- cours ^t à la aécessité de l'élocution. C'est ainsi que i'anatomiste montre les parties du corpe humain , sans y en ajouter cle nouveHes. T«ut ce qu'on dit des mots , qui n'a pas «ne rclaticn directe avec la pensée , ou avec la forme de la pensée ; tout cela, dis-je , n'excite aucune idée nette dans l'esprit. On doit connoitre la raison des règles de l'élocution , c'est-â-dfrc , de l'art de parler et d'écrire , afin d'éviter les fautes de construction , et pour acquérir l'habitude d& s'énoncer avec une exactitude raisonnable qui jie contraigne point le génie.
Il est vrai que l'imagination auroit été pli» ^igréablemçAt amusée ^ par quelqiues réflexions
1 82 Principes
sur là sfmpTîcîté et lâ veriTé des images , attssî bien que sur les expressions fines et nsives , par lesquelles cette illustre Dame peint si bien le sentiment.
Mais comme la constrvction simple et néces- saire , est la base et le fondement de toute construction usuelle et élégante ; ^que les pensées les plus sublimis , aussi bien que les plus sim- ples , perdent leur prix , quand elles sont énoncées par des phrases irrégulières ; et que d'ailleurs le public est moins riche en observa- tions sur cette construction fondanien'aîe , j'ai cru qu'après avoir tâché d'en développer hs- véritables principes , il ne seroit pas inutile fVon faire l'application sur un ouvrage aussi €onnu et aussi généralement estimé que l'est ridj'îîe des Mourons de Madame Doshoulières^
INVERSION
Par du MARSAIS.
iJPrr.IUS Carvilius ctoit devenu boiteux ^ d'une blessure qu'il avoit reçue dans un com- bat. Il se faisoit une sorte de honte de paroitre- en public en cet étal. Que ne vous montrez- vous , mon fds , lui dit sa mère; à chaque pas^ q;i?î vous fer«-z , vous vous ressouviendrez d«' votre valeur.
Voici comme Cicéron fait parler cette femme arespectable.
Qiiin prodis , mi Spuri ? ut quotiescum.que* l'radum faciès , loties libi tuarum virtutumvcfliat in monte m. Crc. de. Orat. 11, LXi.
de Grammaire. ^ %%
Bornonsnoiis à la dernière proposition toîi^ tlbi tuamui^viriuium veniat in ment cm.
.le veux' expliquer cette proposition a un j'^iine homme , rt suivre la mëtliode de M. Fluchc , et de M. Chomprc (i).
Premièrement. Le premier pas que j'ai à faire , selon Al. Pluche , c'est de raporler nette- ment en langue vulgaire , ce qui est le sujet Ue la traduction.
Soit. Je viens de faire ce premier pas.
Le second , c'est de lire , et de rendre fidè- lement en notre langue , le latin dont on a annoncé le contenu , en un mot , de tra- duire (2).
Ce mot traduire , est imprimé en Italique , je soupçonne là quelque mystère.
Le troisième pas est de relire de suite tout lo latin , traduit, en donnant € chaque mot le tow , ( et le bon ton , p. 160. ) et l'inflexion, de la voix qu'on lui donneroit dans la con- versation.
Ces trois premières démarches sont l'afraire du Maître , dit M. Pluche.
C'est précisément ce qui ne rn^e paroît pas assez déveluppé.
Qu'entencfez-vons dans le second paTs , Iir(? et rendre fidèlement en notre langue le latin , cju 'est-ce que cg fidèlement et ce traduire ?
Ce qui tait ma difficulté , c'est que dans votre- troisième pas vous dites que le Maître dott relire de suite tout le latin traduit. Cela semble supposer que dans le second procédé , il n a pas lu de suite le latin , qu'il la décomposé ,, qu'il en a fait la construction , et qu'il la cxpli-
(1) Paf« 1^4. la) Page 155»,
%%4 frindpes
qiié 1t«<5f>àîenicnt «t mot i mot. C est-îà viaw seniblab1«inf;nt c« que vous -avez entendu par votre traduira , en Italique. En effet , que feroic le Maître dans ce second pas , qui fut différent de ce que vous voulez qu'il fasse dans le troi- sième , où il n'a qu'à relire de suite tout te latin traduit.
Les Maîtres de pratiques m'entendront bien» Si mes soupçons sont fondés , le Maître , dans son second procédé , a fuit la construc- tion , et il a traduit mot à mot.
Ea ce cas , je suis ravi de me trouver de mémo sentiment avec M. Pluche , et avec NL Chfiiupré. La seule différence qu'il y aura entre nous, c'est que ces Messieurs veulent seule- ment que le Ma. Ire parle, au lieu que je donn« par ûcut toute la besogne faite , tant pour le soulagement des Maîtres , que pour faciliter l'étude et la répéfition à l'Ecoïier , qui trouve même de quoi s'occuper ntîlement quand il n'est pas 5«us les yeux du Maître.
Mais poursuivons Inapplication de la méthode de ces Messieurs , sur la pbrasc de Cicéron , que )'«i prise pour exemple.
Nous venons de voir ce que M. Pluche veut <^iïe le Maître fasse , voici ce qu'il prescrit au Disciple.
We voici à ma place , reprenons notre phras* de Cicéron : Taies libi ruurum virruium veniat in Mientem.
ÎVJ. Pluclie (c) veut que moi, disciple, je ïépète la4mdnciion sans dérani^cr l'ordre des mots latins. Je dirai donc , «e!©n les modèles que "M. Chonipre en donne (a) , autant de fois-, a toi , dé tes vertus , vienne , dans l'esprit,
»■ I ■ . I . ' . m ■ . I ■ I. I— — ■! Il ■ «1
U) Pafje i^s-
(a ) Fane 40 de la Synuxtc^
de Grammaire, i85
Mais n'esNco pas là un françois bîen extraor- dinaire , eu il n'y a ni grammaire , ni bon usage. De tes vertus au pluriel , vienne au singulier , on n'y entend rien.
N'est-ce pas U accoutumer un enfant à ua mauvais goût l N'est-ce pas exciter dans sou esprit une idée exemplaire , qui sera pour lui un mauvais modèle , une règle fausse.
La première et longue habitude du mal , a des suites aussi fâcheuses en fait de langues , qu'en fait de mœurs, C est faire parler îimosin ou auvergnac à un jeune Espagnol , dans l intention de le perfec- tionner ensuite à F^ersailles. Que ne commence:^-vous par l'amener à Versailles. S'il y est sédentaire , vous le prendrei bientôt pour un jeune François ; il n en- tendra que le langage de Versailles , et retiendra cussi-hien le bon françois , quil auroit retenu le mauvais ; et ne sera jamais réduit à se défaire des tours et des accens Hmosins.
Rendons plus de justice à ces Messieurs. M, Chompré nous donne quelques passages latins, qu'il explique ensuite à sa manière i par exem- ple celui-ci tiré des Tusculancs de Cicéron , 1, C. i6.
Phidias mi similem speclem inclusit in Clypeo Minervœ cum scriber» non liceret, (i).
M. Chompré explique ce passage ; (a) pre« inièrement selon le tour latin en ces termes.
Phidias , de soi , le semblable portrait , enferma, dans le bouclier de Alinerve , lorsque d'y graver s^it nom , il n'êtoit pas permis.
Ce françois , à la vérité , est pis que l'au- vergnac et le Iimosin , mais l'Auteur n'^ d'abord
( 1 ) De la Syntaxe , pige ^.
(jl) De U Syouxe françoife , ^s;ç 40,
it^ Principes
d'autre rue que da donner à son disciple uit françois qui ne soit que l'image du latin.
i\ est important d'observer ici que le pur auvergnac et Je pur limosin , ne conduisant ni au françois , ni au Jatin , 1 application qu'on en feroit contre M. Chompré ne seroit pas juste. Le jeune Espagnol dont parle M. Pluche , après avoir apris pendant quelques années Tauver- gnac ou le limosin , n'en seroit que plus reculé par raport au bon françois , au-lieu que le mau- vais françois qui répond au bon latin, conduit à l'intolligence de ce latin.
Mais de plus , à côté de ce françois barbare , M. Cliompré met le françois usuel et régulier qui fait encore mieux entendre Je sens.
Phidias n'ayant pas la liberté d'écrire son nom Sur le bouclier de Minerve y grava son propre portrait.
Hé , Messieurs , n'ayons pas deux poids et deux mesures , Je françois dont je me sers d'abord dans mes versions interlînéaires n'est due pour expliquer lo latin mot à mot , seloa l'ordre signitKiaiif de la construciiou , ce fran- çois , dis-jo , n'est-il pas toujours accompagné du françois d'usoge , et lorsqu'on 1722 je donnai pour la prcmièro fois l'exposition d<3 cette mé- thode , n'en fis- je pas l'application sur le poème séculaire d'Horac»^ avec cî double françois , et ne suis-je pas autorisé à dire que j'en ai eu la pensée long-tomps avant vous: mais pormoltcz- moi de vous dire que vous, n'avez pas voulu vous donner la peine de la saisir cclt<^ meihodu •, c'est ce q.ue je vais tâcher de développrr.
Votre grand principe , votre marche , voire point d'apui (i) , c'est qu'il faut tcttjours luisffr
( I ) Avert. pag^. IX.
{fe Gtammmre, i ?7
hs mots larlns lians la structure naturelle de cette langue , donnant seulement à l'enfant la juste signi" f canon des mots sans rien déplacer et que le déran- gement des mots latins qu'on appelle vial-à-propos , dites -vous , construction , est une vèritabU deS" truction.
Je prétends , au contraire , qu'en quelque langue que ce soit , ancienne ou moderne, la seule signification des mots ne suffit pas pour faire entoiidre une phrase , il faut de plus bien connoître le signe de chaque sorte de raport différent que ce» mots ont entre eux dans cette phrase , parce que ce n'est que par ces raporfs que les mots font un sens , nous n'entendons ce qu'on nous dit que par k perception de ces raports.
La connoissance des signes de ces raports et de cet enchaînement des mots , no peut être acquise qu'en deux manières.
1®. Ou par la connoissance qu on nous en donne quand on nous aprend une langue ancienne , ou quelque langue étrangère.
a®. Ou par uti long usage tel que celui que
nous avons de notre langue naturelle. Alors
le commerce des hommes avec lesquels nous
vivons , les gestei les démonstrarions , et tous
Jcs autres signes dont ils accompagnent C3 qu'ils
nous disent nous donnent après un certain
Icjnps , non*seuIemcnt la signification des
mots y mais encore la connoissance de ce qui.
fait que les mots excitent dans notre esprit la
pensée que ceux qui nous parlent veulent y
exciter.
I : Tout cola se fait de la même manière qu'il
^ arrive que nous remuons les bras et les jambes ,
quoique nous ignorions ce que nous avons à
faire pour les mettre en mouvement.
L'Ànatomisle observateur a sur ces derniers
îSS Principes
articles jusqu'à un certain point des connois- sances inconnues aux hommes vulgaires.
Ainsi la plupart des hommes parlent sans connoître ni le mécanisme de la parole , ni ce qui fait qu ils sont entendus.
Mais le Grammairien philosophe porte sut ces deux points ses observations aussi loin que la foiblesse de lesprit humain peut les porter.
Par exemple , il remarque que lorsque Cicc- rOQ vint haranguer César en plein Sénat , pour le remercier du pardon accordé à Marccllus , si cet Orateur avoit énoncé les objets de ses idées selon l'ordre dont parle M. Batteux, en se contentant de les nommer sans leur donner aucune autre modification » il n'auroit excité aucun sens dans l'esprit de ses auditeurs.
Piuturnum , siUntium , finis , hodiernus y dits , ajferre.
On n'auroit rien compris à ce langage. Pour» quoi ? parce que les mots y marquent à la vérité ce qu'ils signifient , mais ils le marquent sans indiquer aucune liaison , aucune dépendance » aucun enchaînement, en un mot aucun report réciproque. Or » ce n'est que par ces raports que les mots font un sens ; et l'on n'entend ce sens que parce que l'on connoît les signes de CCS raports. Ainsi , à parler exactement , on ne peut pas dire que dans cette phrase Cicéron n'ait présenté que les objets , puisqu'il les a
Ï>résen:ës avec le signe destiné par l'usoge de sa anguc à marquer les vues de l'esprit , sous lesquelles il vouloit que Cf>s mots fussent con- sidéitfi , sous lesquelles ils le sont en effet; quand l'Orateur a prononcé toute la phrase , l'esprit de cdui qui a entendu , les place par ua 41 m pie regard , dansl'crdre fignificatif.
de Grammaire. 189
Diutttrni silentii finem hodiernus dies attulit.
L'auditeur qui onlcnd la langue latine entend 1°. que ce sont les tenninaisoris qui sont le signe des divers raports que les mots ont en- tr'cux , et que ces terminaisons ont leur desti- nation particulière ; ce que l'usage , plus que la Grammaire a appris à tous ceux qui savent la langue.
Lorsque les terminaisons toutes seules ne suffisent pas pour exprimer certaines vues de l'esprit , on a recours aux prépositions -, là pré- position du datif suffira pour marquer que j'ai donné ou dit telle chose â mon père , dedi ou dixi patri ; mais il n'y a aucune terminaison en latin qui puisse me servir pour marquer que j'ai fait ou dit telle chose devant mon père ou pour mon père , j'aurai donc recours alors à une préposition /(fa , on dixi corani pâtre , ou propter patrem , ainsi les prépositions suppléent aux défauts des cas , et les cas emportent U valeur des prépositions.
II. Les mots n'ont entr'eux de relation grara- jnaticalc selon leurs diverses terminaisons , que dans la même proposition ; ou , ce qui est la même chose , les mots ne sont construits gram- maticalement que selon les raports qu'ils ont entr'eux dans la mêoie proposition.
IIL Chaque pensée particulière est un tout séparé qui a pour signe une proposition , et cefie proposition est énoncée en plus ou moins de mots , selon l'usage de la langue. Ces mots sont comme les parties de la pensée que chaque langue dirise en sa manière.
IV. L'enchaînement des rnots entre eux ne peut être aperçu en quelque langue que Vw s'exprime, qu'après qu'oû a. énoncé explici-
îpo Principes
tement ou implicitement tous les mots qui for- ment la propositioQ ou !a période.
Ainsi dans cette phrase de Cicéron : Diuturni ùlenîii finem kodlernus dies attulit. Je ne puis entendre le sens qu'après que j'ai lu atnilir.
Si j'entends le sens , c'est une preuve que r". je sais la signification des mots , 2°. que j'aperçois la dépendance et la suite des raports qiie ces mots ont entr'eux : je vois que silentium , ciiange ici la terminaison de sa preaiière déno- mination en celle d'un cas oblique dont je connois la destination; tout ce qui change, change par autrui , tout changement de termi- naison est un effet • tout effet a une cause. Or je vois ici que finem est la seule cause du cénitif aiuturnt silentii ; je dis d9nc finem diuturni siîer.tii, non parce que je dirois en françois la fin du silence, mais parce que la cause précède l'effet, et que ce qui est déterminé et modifié , doit être avant ce qui le modifie et le détermine : c'est la priorité de cause. Or, diunirrii silentii détermine finem \ ces deux mots font prendre finem dans une acception singulière , il ne s'agit pas de toute fin , mais de la fin du silence que Cicéron gardoit depuis long-temps.
Finem est encore un cas oblique , à cause do attulit , et attuliti pour raison de sa terminaison dies h od tenus.
Ces deux derniers mots conservent la ter- nima:son de leur promièrn détermination , parce qu'ils ne sont précédés d'aucun autre mot q îi puisse f.iire changer cette pre^nine détermination. C(i mol dits est donc le sujet de la proposition, c'est lui qui mène le branle, si j'ose parler ainsi.
Je dis donc que si je n'aperçois pas entre les mots d'une proposition l'enchaîne aient doat je vicas de parler , je û'cûicuds rieû au
tie Grammain. 19 1
s§ji8. L?$ mots a'oxcitenl alors aucune pense© dans mon esprit , et c est en vain qu'ils fati- guent mes yeux ou mos oi'feilles.
Jo dis en second lieu que si j'aperçois la suite et renchaincment de ces raports , j'on- tenils le sens. Or , la perception de cette suite d« raports n'est autre chose que la construction aperçue ; si vous récitez les mots scion cet «nchaînemeiit et cette suite , ce sera la cons- truction prononcée , et si vous 1 écrivez , ce sera la construction écrite.
Dites donc , tant qu'il vous plaira , que construction est destruction , vous n'avez que ce seul moyen pour entendre le sens d'un Auteur , tel est la base et le fondement de Ihannonie , du nombre et de l'elégance. Tout sens énoncé suppose une construction , parce que toute éconciation suppose des raports entre les mots.
Construction est destruction , corwme le jour est la nuit, comme le cercle est carré , comme l'être est le néant. N'est-ce pas là pren" dre Martre pour Renard , selon la noble expres- sion de M. Chompré , p. Xiv. Quoi qu'il en soit , amusez votre imagination tant qu'il vous plaira , par de pareilles antithèses , votre pro- ; pre raison vous démentira , et vous n'en impo- serez qu a ces hommes vulgaires , qui n'ont jamais apris à penser ni à rechercher les vérita- bles principes des choses.
' Ce n'est donc que par la connoîssance que j'ai de l'analogie générale de la langue latine, que j'entends un dicours latin que je lis pour la première fois ; je n'ai pas besoin qu'on m'explique chaque phrase en particulier tant ^ue je puis y observer cette analogie. ! Mais si , lorsqu'on m'a montré le latin dans »d jeuûcîso , oii a'a fiiit que me donûer ua©
T^2 Principes
ample provision de mots et , qu'on ne m'aîfc pas apris les principes généraux et les signe» des reports que les mots ont entr'eux , quand je trouverai certaines phrases que je ne pourrai pas réduire à l'analogie générale , par exemple, pœnitet me peccati , mea refert , sus Minervam , etc. alors j'aurai besoin promiérement que l'on m'explique ces phrases d'abord , si l'on veut , par des équivalcns , et sans égard à l'analogie, pœnitet me peccati , signifie je me repens de ma faute ; mea refert , veut dire , /'/ m'importe ; svs Minervam , qu'un écolier ne s'avise pas de vou- loir donner des leçons à son maître.
Mais ensuite on doit , autant qu'il est possi- ble , raporter ces façons de parler à l'analogi* générale , et â la construction régulière, par laquelle seule les mots assemblés ont d'abord fait un sens. Cette construction se découvre par la voie de l'imitation , c'est-à-dire , par des exemples analogues. On trouve conscientia scele- rum mordet eos , ainsi je dis conscientia peccati pjenitet me , le remord ne mon péché , le sen- timent intérieur que je ressens m'affecte de peine , m'afflige , etc. De même comme on trouve souvent dans Plaute et ailleurs , quid ad rem meam refert l Persa , Act, IV , Se. III , v. 44» Quam ad rem istuc refert. Plaut. Epidic. Act. II, Se. Il , V. 91. Ainsi par analogie, mea refert f la construction est hoc refert ad mea negotia. 5»ç Minervam , la construction est sus d»cet Mimrvam , un cochon , ou un vil animal , veut: donner des leçons k Minerve.
11 en est de m 3me de notre on dit , de notra il y a des personnes qui , etc. sur quoi il faut observer , que quand on ne pourroir pas démô- 1er l'origiii'î de cos farons de parler , ni le» raporter aux principes généraux , on ne doit pas faire do dilEcultc de s'en sorvir , pourvu
qu'elle!
Je Grammaire, ig3
qu'elles soient autorisées par un usage constant; mais d'ailleurs elhîs ne doivent servir ni à intro- duire des laçons de parler irrcgulières , ni à faire douter des règles générales , ni à troubler l'analogie de la langue.
Nous avons vu que les différentes terminai- sons des mots latins étoient le signe des divers i^aports que les mots ont entr eux , selon la destination de chacune de ces terminaisons , pour achever de développer ce que je pense sur le système de M. Pluche et de M. Chompré , il faut observer qu'en françois , hors peut-être dans les pronoms personnels, nous n'avons ni cas ni tleclinaisons , et que nous ne faisons que nommer ; il n'y a que nos verbes qui chan- gent de terminaison : les noms ne reçoivent qu'un léger changement du singulier au pluriel.
Quel est donc le signe dont nous nous ser- vons pour marquer la suite et l'enchaînement des raports que les mots doivent avoir néces- sairement pour faire un sens? Car si ce moyen manque , et qu'on ne fasse que nommer , il n'y a plus que des mots qui ne réveillent aucunç pensée suivie *, par exemple, si nous ôtons les terminaisons dos cas obliques , des mots latins du premier vers de l'Enéide de Virgile , nous n'aurons aucun sens.
Arma , vlrque , cd^^ , troja , qui , primus , ab , orœ , Italid , fatum , profugus , Lavinaque , venire. Lit tara.
pendons au latin les terminaisons qui sont le signe des raports réciproques des mots, nous ^aurons un sens.
Arma , virumque cano , Trojœ qui primus ab oris Itaïiam , fato profugus , Lavinaque venit Littora,
I
Ï94 Principes
Dérangez Tordre qui t'ait le vers , et l'har- mop-ie , mais sans changer les terminaisons » le sens^sera toujours également entendu.
/^ana arma , virumque , qui profugus fato Venit primas ab oris Trojœ , Italiam , ar^ur Littora lavina.
Est-ce la même chose en François ? Non. Parce qu'encore un coup , les terminaisons des noms ne font rien au sens , nous ne ferons que r.ommer les objets de nos idées ; et ce qui nous indique les raports réciproques des mots , c'est leur place , c'est leur position immédiate et successive , qui lie les mots , et qui marque la détermination ou modification que le mot qui , suit donne à coliii (]ui le précède. Et si l'har- I monie , l'enthoasiasire ou la mesure du vers dérange cet ordre et cette suite , il faut que le dérangement soit toi , qu'il ne puisse causer aucune méprise , ni aucune confusion , et qu'une simple vue do l'esprit , puisse aisément considérer les mots dans l'ordre de l'analogie générale de la langue. Là coule un clair ruisseau.
J'entends le sens aussi aisément que s'il y avoit là un clair ruisseau coule»
De Vamour j'ai toutes les fureurs ; l'esprit entend la ponséc comme s'il y avoit , selon l'analogie ordinaire , jai tcMfi les fureurs de Vamour. Et il ne doit rien y a^îr avant ni après les mots de la proposition qui puisse induire J'csprit à donner 2ux mots un raport différent de celui qu'on a intention de leur donner.
Ces principps hion entendus , principes cer- tains ;voyoiis laquelle des deux méiho'les élé- mcntaires es: la plus raisonnable , la plus sûre ©t la plus facile à pratiquer , celle de M. Piu- che Cl de M. Chompré i ou colle que je pro- IpQsai ^ oa 1722.
de Grammaire. T9S
Avant qus d'entrer dans la discussion des preuves que l'on donne , pour faire voir que c'est nous qui renversons l'ordre naturel , j« vais tâcher de J n-nloppor ce qu'on entend ici par ordre , par inversion et par naiurti. Je ferai voir en nrJine t'^mps ce que les anciens gram- mairiens en ont pensé, et ce que nous devons «n punser nous-mêmes ; après quoi je passerai aux preuves du système moderne , elles seront alors moins difficiles à éclaircir.
De l'ordre et de l inversion^
En i;énéral ordre veut dire arrangement soit des choses , soit des mots.
Quand le mot d'ordre , est pris absolument, sans aucune qualification , et qu'on parle d'êtres physiques , on entend que les olîjets nous sont présentés de manière que nous faisoBs aisément l'image de l'arisemble et des raports selon les- quels ces objets sont disposés entre eux.
Si nous ne pouvons pas nous représenter aisément cet ensemble , et que nous aperce- vions que les objets ne sont pas disposés suivant la convenance et les raports qu'ils ont entre eux , nous disons qu'il y a confusion , déran- gement , désordre.
S'il s'agit de Syntaxe ou construction gram- tnaticale , ordre , no se dit pas de tout arrange- ment des mots *, il .semble que ces termes arran- •gement , structure , aient en grammaiie un sens plus érendu que le mot d'ordre. : on dit la struc- ture d'un discours , l'arrangement des mots d'une phra*e.
A l'égard d'ordre, il ne se dit à la rigueur <ju« 'de la constiuction grammaticale régulière.
Lorsque les anciens grammairiens trouvoient dans les Auteurs , certaines phrases cmbaras- «ées , et qu'ils vouloient en éclaîrcir la cons*
I z
196 Principes
truction ', ih en rangeoient les mêmes mots d'uiiç autre manière , et selon ce nouvel arran- gement , l'esprit avoit moins de peine à aper- cevoir les raports des mots corrélatifs. C'est cet arrangement que les anciens appelloient ordo^ ordo , est , disoieat-ils. Priscien l'appelle aussi structura , ordinatio , conjiinctio sequentium.
Il en a fait deux livres , le XVII et le XV^III , qu'il a intitules , De Constructione , sive de ordinatione partium orationis.
Ainsi ordre ne signifie pas alors un arrange- ment quelconque , il ne marque en ces occa- sions que l'arrangement particulier des mots, selon la suite des signes des raports qu'ils ont entr'eux pour faire un sens conjunctio sequen- tium , dit Priscien.
Les mots en quelque langue que ce puisse être , ne peuvent exciter de sens dans l'esprit de celui qui lit ou qui écoute , que par la con- lioissance qu'il a des signes de ces raports. Connoissance qui s'acquiert ou simplement par usage , c'est-à-dire , par le commerce que l'on a avoc les personnes qui parlent une langue , ou bien par la voie de l'étude , de l'instruction et de la lecture.
Le sens total qui résulte de l'assemblage et de la consiiuction des mots , ne peut être entendu, en quelque langue que ce soit , qu'a- près que toute la proposition est énoncée.
Alors l'esprit , par un simple regard , aper- çoit toute la suiie et l'enchaînenienl des raports; c est cotre suite du raports qu'on appelle sim- pl(;incut ordre , et souvent aussi ordre gï^rwnx^- tical, oidre naturel.
I! faut encoro observer que l'élocution a trois objnrs.
Le premier, qu'on peut appeler l'objet pri- 2Aiùf Qu priacipal , c'est d'exciter dajs^s l'esprit
de Grammaire, igy
de celui qui lit ou qui écoute la ponsee qu'on a dessein d exciter. On parle pour ûtre entendu , c'est le premier but de lo parole , c'est le pre- mier objet de toute la langue , et en chaque langue il y a un moyen propre établi pour arri- ver à cette fin indépendamment de toute autre considération.
Les deux autres objets que l'on se propose souvent en parlant , c'est ou de plaire , ou de toucher.
Ces doux objets supposent towjours le pre- mier , il est leur instrument nécessaire , sans lequel les autres ne peuvent arriver à leur but.
il en est , pour ainsi dire , de la parole , comme d'une jeune personne • veut-elle plaire , veut-elle toucher et intéresser , il faut qu'elle commence à se faire voir.
Voulez-vous plaire par rithme , par l'har- monie , par le nombre , c'est-à-dire par une Certaine convenance de syllabes , par la liaison , l'enchaînement , la mesure ou proportion des mois entr'eux , de façon q:]'il en résulte une cadence agréable à l'oreille ', soit en prose , soit en vers , il faut que vous commenciez par vous faire entendre.
Les mots, les plus sonores , l'arrangement le plus harmonieux , ne peuvent plaire que comme le feroit un instrument de musique ; mais ce n'est plus alors plaire par la parole qui est ici uniquement ce dont il s'agit.
Il est également impossible de toucher , et d'intéresser si l'on n'est pas entendu.
Ainsi quoique mon intérêt ou le vôtre soit 1« motif principal qui me porte à vous adresser la parole , je suis toujours obligé de me faire entendre , et de me servir du moyen établi à cet effet dans la langue connue entre nous.
Ce moyen peut bien être mis en usage par
1^8 Principes
''intérêt \ mais il n'en dépend en auconc ma» niére , il a pour ainsi dire son être à part « auquel l'intérêt n'influe en rien. C'est ainsi que l intérêt porte le pilotes se servir de l'aiguille aimantée ; mais cette aiguille se meut indépen- damment de l'intérêt du pilote.
Ainsi la construction usuelle , c'est-à-dire , celle qui est communément en usage, la cons- truction élégante , aussi bien que la figure » sont toujours subordonnées à la construction analogue d'une langue , elles la supposent tou- jours • et ce n'est jamais que par cette construc- tion analogue que les mots font un sens , en quelque languo que ce puisse être.
Jl y a donc d'abord dans les nfots l'arrange- jnent de la construction analogue et nécessaire, en vertu duquel seul on se fait entendre , soit que de plus on veuille plaire ou toucher ; c'est cet arrangement que les Grammairiens anciens , et les Grammairiens modernes ont appelé ordre ; c'est le seul qu'ils reconnoissent quand jl ne s'agit que de syntaxe. Et ce n'a jamais été que relativement â cet ordro lâ que jusqu'ici les Grammairiens ont dit qu'il y avait , ou qu'il n'y a voit pas inversion,
Qiiîiid tous les mots d'une phrase sont expri* itif^s . or qu'ils sont rangés selon la suito et l'cnchain'ment de lours raports , on dit qu'il n'y a pas inversion. Si les mots ne sont pas rangés soîon la suite de leurs raports il y a inversion ^ c'est-à-dire que l'onchainemeut des raports est ou renversé ou interrompu.
Si tou«; les mots nécessaires pour rendre la construction pleine et entieMO ne sont pas exprimés , on no dit pas pour cela qu'il y ait invnrsion , on dit qu'il y a (îllipse , c'est-.i-dtre, suopr^'ssion , omission dt> (|i)«>lquo mot , dont res|)rtt suplce aisément la valeur. Lci ellipses
de Grammaire» î^J
rendent le discours plus vif et plus concis ; mais il faut éviter qu'elles ne donnent lieu à quelque équivoque , on qu'elles ne jettent de l'obscurité dans le discours.
Les ellipses doivent être telles que celui qui lit ou qui écoute entende si aisément le sens , qu'il ne s'aperçoive pas seulement qu il y ait des mots supprimés dans ce qu'on lui dit. Quand viendrez -vous l demain. Ce seul mot demain, excite la même idée que si je disois tout au long , Je reviendrai demain. Et que dois-je être! fiit Prusias à Nicomède. Roi , lui réplique Nico- anède. Voilà une ellipse qui fait entendre à Kicomède , qu'il ne doit écouter que l'intérêt de sa grandeur et de son autorité. La réponse d« NicomcHç par ce seul mot est bien plus vivo et bien plus sublime que si Nicomède se fut énoncé d'une 7nanière plus étendue.
Ainsi ellipse est opposé à construction pleine et entière , et inversion à construction selon 4'ordre analogue et successif des reports des mots.
Si je dis Cano arma virnmque , il n'y a p^ts d'in- version , la cause précèdo l'effet. Le vp,o\. qui détermine est après celui qui e^i déterminé , virum est un cas oblique , la première dénomi- nation de ce mot , c'est vir Pourquoi pr3nd- il ici une nouvelle terminaison l C'est pouc marquer et sa dépendance et son raport avec cano. Je chante ; eh quoi l virum ; ainsi virum dé- termine cano ; et rano modifie virum , je veuxdlrs qu'il est la cause pourquoi virum prend une ter- minaison qui n'est pas celle delà première dcno- DFiination ; tout ce qui change , change par autrui.
Tous les mots sont donc dans l'ordre gram- matical. Lorsque je dis cano arma virumque , ils sont tous selon la suite immédiate et l'enchai- Dfimeiit successif de leurs raports.
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i2oo Principes
Ainsi il n'y a point alors d'inversion.
Mais par cet arrangement simple je fats per- dre à l'eprit le plaisir qu'il auroit de lever , pour ainsi dire , le voile léger avec lequel l'in- version sembleroit lui cacher le sens.
Au lieu que si j'interromps , avec ménage- ment pourtant , fe suite des mots , sans en changer les terminaisons , ces ternxinaisons feront apercevoir à l'esprit l'ordre des raports des mots , et il croira trouver ainsi comme de lui-même le sens de la phrase.
Je conviens donc que lorsque je dis cano armû viruiTKjue , ma phrase est bien moins élégante , bien moins vive , et bien moins harmonieuse que si je disois comme Virgile , anna virumque cano. Alors il y aura inversion , puisque les mots ne seront pas rangés selon la dépendance et la suite immédiate de leurs raports. Au con- traire , l'effet sera présenté avant la cause , et le modifié avant le mot qui modifie : mais ce dérangement n'a qu'urne apparence d'irrégu- larité , dit Quintilien. Ce Rhéteur le compare â un acide agréable , qui réveille l'appétit des convives.
Les inversions bien ménagées donnent donc de la grâce au discours , sur-tout dans les lan- gues où les raports des mots sont indiqués par la destination connue des différentes terminai- sons ; mais en quelque langue que ce puisse 6tre , les inversions ou transpositions doivent être faciles à démêler. L'esprit veut être occupé; mais d'une occupation douce et non par un travail pénible.
Que I inversion n'ôte donc jamais à l'esprit le plaisir de se savoir gré d'apercevoir le sens malgré la transposition , et do placer en lui- ïnéme , par un simple regard , tous les mots daas l'oidre selon lequel seul ils lui préson-»
de Grammaire. 201
tent un sens , après que la phrasfî est finie.
Tout c<î quo nous venons d'observor , est , au fond , la fluclrine des anciens Grammairiens , qui ont écrit dans un temps où la langue lalind doit encore une langue vivante.
Priscien , Grammairien célèbre , qtii vivoit au commencement du sixième siècle , a hit un ouvraf^e bien sec , à la vérité , mais d'où l'on peut tirer des lumières par raport à la gram- maire. Il s'est donné la peine de faire , ce qu'on appelle encore aujourd'hui , les pariies et la construciicn de chaque premier vers des douze livres de TEné'de de Virgile.
Cet ouvrage se trouve après le livre XVni De consîruct'wne , il a pour titre : Pnsciani Gnim- matlci partitiones versuum Xn ALneidos principa^ Hum. I! est par demandes et par réponses. On lit d'abord le premier vers du premier livre : Arma virumque cano , elc. Ensuite, après quel- ques questions , le (b'scip'e demande à son. maître , en quel cas est arn:a , car ii peut être regardé , dit-il, ou comme étant au nominatif pluriel , ou comme é'ant à l'accusatif. Le maître lui répond : qu'en ces occasions il faut chan.'^îr le mot qui a une terminaison équivoque en un autre mot dont la désinance indique le cas d'une manière précise et détenrtinéc ; qu'il n'y a d'ailleurs qu'à prendre la peine d? faire la construction , et que cette construction analo- gue lui fera connoître que arma est à l'accusaiif. Hoc certum est , dit Priscien , à structura , id est erdmarione et conjunctione sequert'ium , c'est- à-dire , l'ordre successif des vues d l'esprit , relativement à l'clocution. Alors dit Priscien , manifestiibirur tibi casus ut in hoc loco cano virum dixit Virgilius
>' Ainsi , cano virum selon Prifcieri est la cons- truction simple. Structura , ordinatio , conjunc/h
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202 Principes
sequenTÎum. Or , si cano virum est la construction simple virum cano est l'inversioii ; cette inver- sion est donc dans la construction usuelle et élégante des Latins , selon les Grammairiens- même ;. et il est bien évident ce me semble , que PriscicQ , no l'auroit pas trouvé dans le irançcis qui dit tout de suite : Je chante ce héros,. Cano virum.
Au reste , ce n'est pas pour en imposer que nous disons avec Priscien que Virgile a dit cano virurj. Il s'agissoit de déîerminor le cas dea/ma» Faites la construction , dit Priseierv , et vous trouverez que selon ranviloi»ie , arma doit être* au même cas que virum' dont la terminaison vous indique claireiiient l'accusai if. Si Virgile a dit virum j c'est que selon l'ordre de la syntaxe dss vues de l'esprit , virur^i est après cano , ainsi quoique .selon la construction élégante et usu- elle , qui admet presque toujours Tinversion en latin , Virgile ait dit arma virumque cane , il avoii eu r»ecessaireipcnl: dans l'esprit par une prioriie d'ordre , cano avant arma virumque , teîla ust la suite des vues de l'esprit dépcndr.mmcnt de l'ordre nécessaire de rdocution , et ce n'est jamais que relativement à cette suite qu'il y a inversion dans la construction usuelle et élé- gante rie toute langue. Alors les mots ne sont j)as énoncés selon l'ordre et la suite de leurs raporls , mais (]uand la transposition n'est pas forcée , l'esprii raprocho aisément deux corré- latifs qu'on lui prcsontc séparés , et malgré le déran'M'iuent , il aprrçoir av«>c une sorte de plaisir tous les mots selon renchaiiieTiient , I4 riéptmdance et la liaison de leurs raports. E> cette sorte de phiisir que l'écrivain ménage avec art à son lecteur , n'^st pas une des moindre^ causes qui fait Ciouver de Télegauc^ dajDJ U
Jt' (jrammalre, 2o3
Lns différentes observations quo les Rhéteurs ont faites sur rarraiigenienl des niots , en tant que cet arrangement peut donnera la phrase, ou plus (le grâce , ou plus d'harmonie , ou U rendre plus vive ou plus pathétique , cps obser- vations , clis-je , appartiennent à l'élocutioa orr.loire , et sont étrangères à Ja Granimaiie , qui n'a proprement pour ol)jet que lemolci des signes des raports i\qs mots , en tant que len- scir.blc et la suite de ces signes forme , selon lanalogie de la langue , le ser-.s qu'^ l'on \'eut énoncer. Il est indifférent par raport à la Gram- maire , que dans cet ensemble , il y ait des dissonances, qu'il s'y rencontre des baiilcmeus, que les mots ne soient pas rangés selon les mouvemens de l'intérêt , et que îa nécessité de construction , pour me servir des termes de (Juintilien , nécessitas ordinis sui , donne à \a j)hrase un air sec et dur.
Ne contondons point la grammaire nécessaire avec l'élégance , ni avec le pathétique ou Tart de remuer les passions.
C'est la grammaire qui donne la première forme extérieure aux pensées qu'on veut énon- cer , c'est elle qui leur fait prendre , pour ainsi dire , un corps , c'est elle qui leur donne des membres et différentes parties , ensuite (^le les livre à lelocution oratoire , pour les orner et les embellir
Nous avons plusieurs ouvrages utiles sur l'élégance et la politesse du style , sur l'arran- gement des mots , par raport à la netteté , ou à la grâce , ou à l'harmonie ou à la force des expressions *, or s'il arrive que dans l'arrange- ment des mots l'orateur ne se conforme point à ces observations , les oreilles en seront plus ;©u moins blessées ; on dira que c'est une faute xontre l'harmonie , contre la pureté du style ♦
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504- Principes
on donnera à cette faute telle qualification qu'il conviendra , mais jamais ou ne s avisera de l'appeler inversion , ni de dire qu'il y a inver- sion , à moins que ce ne soit relativement à l'ordre grammatical nécessaire et analogue.
Il y a plus , c'est qu'il suffit d'avoir une légère connoissance de quelque larjgue que ce soit , pour apercevoir.
Premièrement , qu'il y a dans cette langue un ordre analogue et nécessaire , par lequel seul les mots assemblés font un sens.
Secondement , que dans le langage usuel , on s'écarte de cet ordre y (|u"il y a de n'ûme de lia grâce de s'en écarter , qu'ainsi ces écarts sont autorisés , pourvu que lorsque la phrase est jftnie , l'esprit puisse raporter aisément tous les mots -1 l'ordre analogue , et suppléer même ceux qui ne sont pas exprimés.
Troioièniemcnt enfin , qne c'est principale- ment d« ces écarts que, résultent lelcgance , la grâce , et la vivacité du style , surtout du style tilevé , rt du style poétique. . On tombe donc dans l'erreur , lorsque l'on •veut se faire une mesure commune entre l'ordre •jQécessaire des mots selon la construction ana- ïo^^ue , et entre l'arrangement arbitraire de la construction usuelie, et élégante , et que l'on parle de Tune et de l'autre de ces constructions, comme si elles civoient Ihs mêmes régies, sans prendre garde que Tune est nécessaire , et ne dépend que d elle-même.
Au lieu que l'autre , c'est-à-dire l'élégante , est subordonnée à la première , mais d'ailleurs elle est arbitraire en tout ce qui n'empêche pas l'effet de celle qui lui impose des loix , dont elle ne peut être dispensée.
Denis d'Halicarnasse , cité par M. Datteux l^st tombé dans U mépriso dont aou$ parloAS^^
Je Grammaire, 2o5
Je m'imaginais , dil-il , que les noms exprimant l objet , dévoient être avant le verbe , qui n'est qu accessoire â l objet ; le verbe avant l'adverbe , parce qu*il faut savoir Vaction avant la manière de l'action ; le substantij avant l adjectif pur une raison pareille : mais j'ai trouvé tant d exemples contraires , de l'un et de l'autre orran^emer-n , con- tinue Denis , que je suis persuada que la looique ne peut diriger l' orateur dans cette partie.
Voici los réflexions de M. Balteux , sur ces\ paioles.
Denis d'Halicarnasse , dit M. Balteux , avait bien senti qu'il devoit y avoir un principe pour les consfrucrions , mais il chercha dans l esprit de l'homme , au lieu quil eût jallu le chercher dans- son Cixur^ C'est l'intérêt qui j oit parler les hommes y et c'est aussi lui qui règle l'ordre des mots , en les plaçant selon leur degré d'importance. Ce sont Jes tormos de M. Batleiix, p. i6.
Voici ce cjne je dirois à Denis d'Halicarnasse^r Vous aviez raison de chercher des règles et des principes pour los constructions : mais vous cherchiez une chimère, si vous vouliez réduire en un seul mot et môme principe la construc- tion riLcessaire , et la construction oratoire ou élégante. V^ous avez eu grande raison d'être enfin persuadé que la logique ne pouvoit diri- ger l'orateur en ce qui regarde I arrangemenE des mots dans le style oratoire. ' La logique et la grammaire prescrivent ;$ l'orateur certaines règles dont il ne peut se dispenser , et qui sont communes à tous ceux qui veulent faire usage de leur raison et de la parole • mais d'ailleurs l'orateur , afoute à ces régies , celles de son avt , et celles-ci jettent des grâces et des orneinens sur l'œuvre de la logique et de la grammaire , œuvre qu'elles eonservent duas toute bon Jatcgrité j c'est alasl
2p6 Principes
qwe , malgré tonte réloquence et les ornemeTîS que Cicéion a mis en usage dans sa iV*« iiouiene , on y découvre en entier le syllogisme , à quoi cette harangue peut être réduite. Ce que nous venons de dire de la logique est également vrai à légard de la grammaire , l'œuvre de la grammaire , est un diamant brut , que la rhé- torique polit , ce qui a fait dire à un de nos plus judicieux Grammairiens : que là oh finit la Rrammaire , cest la même que commence la rhéto- rique. ( Grammaire du P. Buffier , édition de 17^3, p. 92. )
Les écoliers de rhétorique doivent toujours observer les règles fondamentales de gram- maire , qu'ils ont apprises en sixième. Ainsi comme les Rhéteurs et M. Batteux lui-même , ( Cours de Belles-Lettres , tome I , Noliorts Préliminaires , p. 42, ) distinguent fort bien le syllogisme philosophique du s) llogime ou argument oratoire , distinguons de même la conslructicn grammaticale néc-essaire de lar- rangement des mots , selon le stylo oratoire.
Mais continuons à faire voir que nous pen- sons au fond sur les inversions comme les anciens Grammairiens en ont pensé.
Quinliiien , ce Rhéteur judicieux , dit que Vordre , c'cst-.T-dire , la construction analogue n'est point une ilgure , mais que la transposi- tion des mors , faite avec grâce , est une véri- table figure qii'on apelle hyperbale , et qu'à l'exemple de Cecilius , il la compte parmi les iîgiu'es.
Ce mot Hyperbato est grec i\tp^nr*rid est trajectus verh^rum ordo , manière de parler , qui est au-delà de I ordre naturel , et analogue, ûcri^ ultra audclà et /S«/V«» eo , je vais. Hyperbate ré- pond précisément â inversion ou transpoùiion.
Qu;eda:ii cmaino non mut ^gurie âiciAI
^e Grammaire, ic/
onlo .vpvliovum aul>*m concinna îransgressio ^
id est hypeib.iton , fjuod Cecilius qnoque putat schéma , à nobis esl interposila. ( Quiiitilien , lib. IX , Chap. 3, de verborum fleuris, 416. )
Qiielcpielois , dit- il au ménie chapitre , \m\' certaines suppressions , par dos changemens » et par des tours singulifcrs dans 1 ordre , ou réveille latttntion de 1 aiiditf.'ur , et il arriva? cjue ce$ déiectuosités apparentes jettent de I9 grâce dans le discours. C'est ainsi , dit-il , que , ciaiis les repas , un peu dacide aiguise lappérit.
Hcrc schemata , et his similia quœ trunt per ruatotionem , adjcctionem , àétrdctionem , ordinr>m , convertunt in se audirorem , nec hr'lyuere patiiinfur y et habcnt quondam ex iîla vltiï simiitiudine groricm: ut in cibis intérim acor ipse jucundus est. Quint» Inst. Crat. I. IX, c. 3.
Souvent , dit encore Quintîlien au livre vilî, c. 6 , la grâce de l'ëlocution nous fait trans- porter les mots , et c'est ce que nous appelons byperbate. C'est ainsi , poursuit-il , que Cicé- ron , dans son Oraison pour Ciuentius , a ditt Animadverri judices , omnem accusatoris orationem in duas divisam esse partes. S'il avait dit , in duas partes , l'expression auroit été régulière , dis Quintilien , mais dure et sans grâces. Cum decoris gratiâ disrruhitur hngius verbum proprie hyperkati tfnet nomen , ut cnimcàverti judices y cmntm accusatoris orationem in duas divisam esse partes • nam in duas partes divisam esse reclum erat sed durum et inconceptum, La simple sépara- tion de duas d'avec partes , par les deux motsr divisam esse , est regardée , par Quintilien. , comme une inverrion , comme une hyperbato»
Or, le François dit : divisée en deux parties, et non jamais en deux divisée parties. En laquelle des «Jeux langues Quiniilien auroit-il tiouyè i'ijûversioûi
20 s . Principes
Encore nn passage de Quintilien.
L'hyperbale , dit ce sage Rhéteur, est une transposition dv3 mots , que la grâce du discours demande souvent. C'est avec juste raison que nous mettons cette figure au rang des princi- paux agrémcns du langage : car il n'arrive que trop souvent que le discours est rude , sans mesure , sans harmonie et que les oreilles sont blessées par des sons désagréables , lorsque chaque mot est placé selon la suite nécessaire de son ordre , ( cest-à-dire , de la construction ef dfe la syntaxe. ) Il faut donc alars transporter les mots , placer les uns après , et mettre les autres devant. Imitons les Architectes , qui dans l'arrangement des pierres les plus gros- sières trouvent à chacune une place convenable. Nous no pouvons pas corriger les mots , ni leur donner plus de grâce qu ils n'en ont. Il laut les prendre comme nous les trouvons , et leur choisir une pince qui leur convienne •, rien ne contribue tant à l'harmonie et au nombre du discours que le changement d'ordre , quant il est fait avec discernement. :
Hyperbaton quoque id est verbi transgressionem^ quam fréquenter ratio composition'^ , et décor pos- cir , non immerito inter virtiites hnbemits. Fit enim freqiientissimè aspera et dura et dissoliita et hians oratio , si cd necessitatem ordinis siti verba redi- gditiir , et u: quodque orintr , ira proximis etiam alligenir , dijferenda igirur quœdjm et prœsiimenda , atque ut in structures lipidum impcliiûrum loco quo convenit quidque ponendiim , non enim recidere ea , n£C polire possumus , qito coagmentata se magis jungiint , sed utendinu liis , qualia sunt , eligenda' que sedts , nec aliiid potest sermonem jucere nume- rosum quam oportuna ordinis mutario. Quint. Inst. Orat. LVIII. C. VI. de Trovis.
Qu'jI autio sens pcut-ou àoaxici i neccsntaten
de Grammaire. 209
êrdinis sui , sinon celui de construction , et que peut on entendre par ordinis mutatls : sinon l'inversion , conformément à l'acception que nous avons donnée à l'un et à l'autre de ces mots.
Voici encore un passage d'Isidore, qui fera plaisir ce nie semble aux lecteurs qui aiment les preuves.
Isidore trouve de la confusion et de l'em- barras dans ces vers de Virgile, u^n. L 2 :, V. 347.
Juvenes , fortissima frustra Pectora , si vobis , audentem extrema cupido est drîa sequi , ( quœ sit rébus forruna vidctis. Excessere omnes aditis , arisquï rehctis. Dî , quitus imperium hoc steterat : ) succurrîtit
urbi Jncenss : moriamur , et In média arma ruamuS.
L'arrangement des mots dans ces vers , sur- tout dans les premiers , paroit obscur s Isidore , confusa sunt verba, ce sont ses Jernies. Que fait- il ? il range les mêmes mots selon l'ordre de la construction. Ordo talis est , dit-il , cela ne veut-il pas dire : il y a inversion dans ces vers , mais voici la construction.
: Juvenes , fortissima pectora , frustra succurrîtis urbi incensœ , quia excessere DU , quihus hoc irn» perium steterat. Unde si vobis cupido certa est sequi me audentem ex tréma , ruamus in média arma et moriamur.
îsidori. Orig. 1. i. c. 35.
Servius , ancien Grammairien , dont les commentaires sur Virgile sont si fort estimés, fait souvent la construction des vers de ce Poète, quand ils ne lui paroissent pas îssez clairs , par exemple.
2 1 G Principes
Saxa vacant Itali , mediis quœ in fiactibus êras^ 0rdo 9St , dit cet ancien Grammairien , quœ faxa latentia in mediis fiuctibus , Itali aras vacant, £n. I. I. V. i3.
Donat , ce fameux Grammairien , qui fut l'un des maîtres de S. Jérôme , observe aussi la même pratique à Pégard des vers de Térence., quand la construction en est nn peu trop em-» Barassée.
Ordo est , dit-il , etc.
Dirons-nous après ces autorités et après tant d'autres que je sacrifie , dirons-nous que si ces anciens Grammairiens revenoient au monde ils trouveroient que l'inversion est dans le Fran- çois , et qu'elle n'étoit pas dans le latin usuel l Mais voyons ce qu'on entend par naturel.
Selon les Physiciens , ce qui est naturel , c'est ce qui se fait sans le ministère de l'art , par un enchaînement qui nous est inconnu de causes et d'effets , et qui dépend de cette force supérieure , de ce méchanisme inflexible qui ne prend conseil ni rie notre volonté , ni de nos ir.ttérôts , et qui n'est subordonné qu'aux loix du Créateur. C'est ninsi que le printemps est suivi de l'été , l'été de l'automne , l'automne de rhyvcr , que la nuit vient après le jour , et que le jour succède à la nuit. C'est encori; ainsi que l'on dit que l'or est naturel , parce qu'il est formé dans les entrailles de la terre sans aucune opération de notre part , au lieu que nous (lisons que In tombnc est artificiel , parce que dans la production du tonibac , c'est l'iirt qui fait opérer la Pcnture. Nous avoni^ aussi dos fleurs naturelles ot i\pt^ fleurs artiiicijîlles. C'est une division qui distingue un £*r;^nd nombre c| objets , lf:s nus ne sont ijne do s'inpN's p/o- dluctioas dî la nalurc , et les autres sont dos offets de l'art. La naluic toute seule produit 1«
de Grammaire, ait
bîed , l'art fait le pain : en cmpriintanl le i»*»cours d*^ la ualiire , dont il esl toujours I"es- clavo , l'ait iste ne pont opérer qu'en étudiant la nature , et en se conformant à ses loix.
Conmic ce qui est produit par le seul ordre Tiature! et physique n'exige pas de grands soins de notre part , nue nous n'avons qu'à mettre la nature en état ue produire , que souvent nous ri 'avons besoin que de recueillir ce qu'elle nous offre , de là par extension on s'est servi du mot de naturel pour marquer ce qui est facile , ce qui n'a aucun air de travail ni de contrainte , ce qui yiaroit , pour ainsi-dire , se faire tout seul , ce qui se présente comme de soi-même, «t n'exige qu'une lécèie attention de notre part. Lt quodqae oritur , selon l'expression que nous venons de citer de Quintilien.
C'est selon cette idée , que jusqu'ici les Grammairiens anciens , et les Grammairiens modernes , par »rdre naturel des mots , ont eniendu cet arrangemept suivi , qui fait con- cevoir nisf'raent !e sens d'une phrase à ceux qui connoissent l'analogie et la syntaxe d'nne lan- gue , *^t qui sont en ëtar de comprendre la pen- sée que le discours leur présente.
Dans le dialogue que Cicëron a composé touchant la partition oratoire , ( àe partirione eratoriâ ) et où Cicéron père et Cicéron £ls , sont It^s deKx interlocuteurs : Cicéron iiîs prie son père de lui expliquer comment il faut s'y prendre pour exprimer la même pensée en plusieurs manières différentes. Le père répond qiion peut varier le discours , premièrement en substituant d'autres mots à la place de ceux: dont on s'est servi d'abord. 1d totum genus situm in commuratione verborum. Ce que Cicéron remar- que sur ce point est indiffèrent à notre sujet y or*ais ce qui suit vient à propos.
2 1 2 Principes
Dans les mots construits , dit Cicéron , oh peut user de trois sortes de changemens , en conservant toujours les mêmes mots , et ne faisant qu'en changer l'ordre, i®. D'abord on s'énonce directement et de la manière que la nature mime l'inspire, a®. Ensuite on peut mettre à la fin de la phrase les mots qui étoient d'abord au commencement , on bien mettre au commencement ceux qui étoient â la fin. S'*. On peut encore séparer les mots corrélatifs , et les mêler avec d'autres.
C'est ainsi que nous avons vu plus haut àaas séparé de partes , in duas divisam esse partes, Tityre tu patulœ recuhans sub tegmine fagl : patulce est séparé de son substa; .tif/ag"/. Ces sortes de séparations ou de désunions sont trés-fréquen- tes en latin , parce que la terminaison indique le corrélatif. Frigidus, 6 pueri , fugite hinc , latet anguis in herbâ. f''irg. Eclog. 3. v. çS-.
Frigidus , agricolam si quando continet imher. Virfiile , Georg. Liv. I , v. zyj.
L'exercice , dit Cicéron , apprend à faire avec ait ces différentes inversions.
în conjunctis autem verbis triplex adhîberi potest commutatio , non verborum , sed ordinis tantum^ modo , ut cum semel dictum sit directe , sicut natura ipsa tulerit , invertitur ordo , et idem quasi sursum- versus retroque dicatur. Deinde idem intercise atqiie permistè. Eloquendi autem exercitatio maxime irt hoc toto convertendi génère versatur. Cicéron , Dt partitione Oratoriâ. C VU.
Nos Dictionnaires ( Danot , Boudot , etc. ) traduisent dirtcte , par selon l ordre naturel. F. li- sons ra])plicaiion de ce que (Cicéron dit ici , sur une ^euIft petite phrase de ce jîrand homii <
Legi tuas litrcras quibus ad me scribi~< , etc. < Ce sont les premiers mois d'une lettro qu'il écrit à JLeuiulus ( Ep. ad Famil. L. l, £pi*tA
de Grammaire, ± 1 3
VII ) J'iii reçu votre lettre , dit-il , par Uqiielh v.vts m'êtriviej que , etc. Voilà une phras(î écrite directe , sicut natura ip!^ii tulit. C'est la prcmiéro façon ; mais à U lettre IV , du troisième livre, Cicéron met au commencom-înt ce que dans U prouiière lettre il avoit mis à l<\ fin , Litteras taasaccepif c'est la seconde sorte d'arrangement surs^ini versus. Passons à la troisième manièrcî qui est lorsque les mots corrélatits sont sépa- rés et coupes par d'autres mots intercisè atque permistè.
Raras tuas quidem , fortassè enim non per- feruniur, sed suaves accipio litteras. Epist. ad* famil. L. 2 , Ep. XIII.
Dans le premier exemple , les mots sont rangés selon la suite de leurs raports , îegi , j'ai lu , j'ai reçu. Hé quoi l tuas litteras , vos lettres. Outre cet arrangement , chaque mot a encore la terminaison qui indique sa relation avec lin autre mot , selon l'analogie établie dajis la langue latine. Voilà ce que jusqu'ici tous les Grammairiens ont appelé l'ordre naturel , c'er.t-à-dire , celui auquel tous les autres arrangcmons de mots , doivent être ra portés parce qu'il est le premier moyen établi parmi les hommes , pour faire connoître les'' pensées par la parole , et qu'il est le premier dans l'esprit de celui qui parle.
Arrêtons-nous un moment aux deux autres exempl'^n de Cicéron , ou plutôt pour abréger , ne rapellons que le dernier, Raras tuas quidzm , fortdise enim non perferuntur , sed suaves. Quel sens ces paroles oeiîvent,-e'les exciter dans mon esprit , si je n'achève pa^de iire. toute la pro- position ? Voilà d'abord deux a^djectifs raras tuas., mais les adjectifs , c'est-à-dire, les mots qui ne sont que de simples qualitcatifs , ne peuveut pas entrer dans le discours sans qu oja
2T4 Principes
y voye l'objet ou le siipost qu'ils qualifient. Mais que vois-je cacore ! ces deux mots Taras tuas , ont une terminaison qui indique un sens oblique , un sens dépendant : voyons tour. Accipio litteras , ces deux derniers mots répandent la lumière dans toute la phrase, je vois les raports de tous les mots entre eux. Je préfère le conseil de Priscien à celui de nos Grammairiens , qui ne veulent pas qu'on déplace les mots. Je fais la construction Accipia litteras tuos , raras quidem , sed suaves. Tout est dans l'ordre naturel , ordre conforme à notre manière de concevoir pir la parole et à Ihabi- tude que nous arons contractée naturellement dès l'enfance , quand nous avons apris notre langue naturelle ou quelqu'auti^. Ordre enfin
2ui doit avoir été le premier dans l'esprit de icéron , quand il a commencé sa lettre pai Taras tuas , car comment auroit-il donné à ces deux mots , la tf^rminaison du genre féminin , s'il n'avoit pas eu dans l'esprit Litteras , et pour- quoi leur auroit-il doniré la terminaison de l'accusatif, s'il n'avoit pas voulu faire connoitre que ces mots se raportoient à Je reçois dans h moment une de vos lettres , vous m*en écrive-^ bien rarement , mais elles me font toujours un sensiblt plaisir.
Ordre enfin que nos Grammairiens moder- nes qui ne veulent point de construction , soal obligés d'apercevoir , car s'ils ne l'apcrçoivenl point , ils ne ])ourroient pas comprendre le acns do la phrase.
Ainsi l'ordre naturel n'est autre chose que l'arrangement des rirjois , ', selon la suite dos signes dc> ra:pjrts , sous lesquels celui qui |)ar'e veut faire consifléier Ins mots. Une liste de tons les mots d une lanf^ne , selon letir pre- mière dénomination , et sans aucun signe dt
de' Grammaire, ai 5
raport d'un mot à an autre , ne feroit aucun
sens.
Observations sur ce que les Grammairiens appellent
DlSCJNyENAi\CES.
On se sert du terme de Disconvenance , pour désigiior des mots qui composent- les divers membres d'une pôriode , lorsque ces mots ne conviennent pas cntr'eux , soit paicc qu'ils sont construits contre l'analogie , ou parce qu'ils rassemblent des idées disparates , entre Icsquellej l'esprit aperçoit de l'opposition , ou ne voit aucun raport. Il semble qu'on tourne d'abord 1 esprit d un certain côté , et que lors- qu il croit poursuivre la môme route , il se sent tout d uti coup transporté dans un autre che- min. Ce que je veux dire s'entendra mieux par des exemples.
Un de nos Auteurs a dit que , Notre réputa^ tiji ne dépend pas des louanges quon nous donne ^ mai^ des actions louables que nous faisons.
Il y a disconvenance entre les deux membres de cette période , en ce que le premier pré- sente d'abord un sens négatif, ne dépend pai ; et dans le second membre on sous-entend le même veibe dans un sens afErmatif. Il falloir dire , Notrs réputation dépend , non des louanges qu'on nous donne , mais des actions louables que nous faisons.
Nos Grammairiens soutiennent, que lorsque dans le premier membre d'une période , on a exprimé un adjectif, auquel on a donné , ou le genre rriasculin , ou le féminin , on ne doit pas dans le second membre sous-entendre cet adjectif en un autre genre , comme dans ce vers de Racine.
Sa réponse est dictée , et même son silence.
2\6 Principes
Les oreilles et les imaginations délicates veulent qu'en ces occasions , l'Ellipse soit pré- cisément du même mot au même genre , autre- ment , ce seroit un mot différent.
Les adjectifs qui ont la même terminaison au masculin et au féminin , sage , fidèle , volage , ne sont pas exposés à cette disconvenance.
Voici une disconvenance de temps. // regarde votre malheur , comme une punition du peu de complaisance que vous ave:j^ eue pour lui , dans le temps quil vous pria , etc. 11 falloit dire , que vous eûtes pour lui dans le temps quil vous pria.
On dit fort bien / Les nouveaux philoitophes disent que la couleur est un sentiment de Vame : mais il faut dire , les nouveaux philosophes veulent que la couleur soit un Sintime.nt de famé.
On dit , Je crois , je soutiens , f assure , que vous êtes savant : mais il faut dire , je veux , je souhaite , je désire que vous soyez savant.
Une disconvenance bien sensible , est celle qui se trouve assez souvent dans les mots d'une métaphore. Les expressions métaphoriques doivent être lié^^s entr'elles de la même manière qu'elles le scroient dans le sens propre. On a reproché à Malherbe d'avoir dit :
Prends ta foudre , Louis , et va comme un lion.
Il falloit dire , somme Jupiter. Il y a discon- yenance entre foudre et lion.
Dans les premières éditions du Cid , Chi- mènc disoit :
Alalgré des feux si beaux , qui rompent ma coUn,
Feux et rompre ne vont point ensfunbl' c'est une disconvonancc , comme l'Acudéiu l'a remarqué.
Encore se dit fort bien dans un sens métn-
phoiiquc ,
kU Grcmmaire. 21T
pnori.juft , pour h-s dehors , l'apparence des chos'JS. Ainsi , l'o!! dit que les ignonins s'arrè- ■ :t à l'ccorce \ qu'ils s'amusent à Vécorce. Ces Tcrli'îs conviennent iort l)ien avec écorce pris au propre Mais on ne dirait pas au propre , fondre l écorce : Fondre se dit de la glace ou du aiiitaJ. J'avoue que fondre Vècorce m'a paru \}\\Q expression trop hardie dans une Ode do Rousseau ;
Et les jeunes lêphirs , par leurs chaudes haleines , Ont fondu récorce des eaux.
Livre in. Ode VI.
Il y a un grand nombre d'exemples de dis- convenances de mots , dans nos meilleurs Ecrivains , parce que , dans la chaleur de la composition , on est p'us occupé des pensées , qu'on l'est des mots qui servent à énoncer les pensées.
On doit encore éviter les disconvenances dans le style j comme , lorsque traitant uu sujet grave , on se sert de termes bas , ou qui ne conviennent qu'au style simple. Il y a aussi des disconvenances dans les pensées , dans les gestes , etc,
Sinjjiili qu«que locum teneant sortira decenrer. Ut ridenlibus arridenr , ira flentibus adsunt Humani vultus. Si vis me Hère , dolendum est Primùnx ipse tibi , etc. (1)
Des mots e>fplélifs.
Le mot explétif , vient du latin cxplere , remplir. En effet , les mots explétifs ne ser- vent , comme les interjections -, qu'à remplir
( i) Horace , de Aite poetico»
« î 8 Principes
le discours , et n'entrent pour rien dans \% constniclion de la phrase , dont on entend également le sens , soit que le mot explétif soit énonce , ou qu'il ne le soit pas.
Notre woi et notre vous sont quelquefois explé- tifs dans le style familier.
On se sert de moi , quand on parle à l'im-
Îtcratif et au présent. On se sert de vous , dans es narrations. Tartuffe , dans Molière , Acte III , Scène II , voyant Dorine , dont la gorge ne lai paroissoit pas assez couverte , tire un mouchoir de sa poche , et lui dit.
Ah ! mon Dieu , je vous prie ,
A^ant q'^€ de parler , prensi-moi ce mouchoir,
ot Marot a dit ;
Faites-les-moi les plus laids que Von puisse: Foche{ cet ail , fessei-uioi cette cuisse.
En sorto que , lorsque je lis dans Terence (i) , fac /7J? ut sclam , je suis fort tente de croire que ce me est explétif en latin , comme notre moi en françoi.5.
On a aussi plusieurs exemples dii vous explé- tif , dans les fav(>ns de parler familières: // vous la prend et l'emporte , etc. Notre mètne est souvent expléiif : Le Roi y est venu /u/'-même : Jirai mot -même. Ce mcme n'ajoute rien à la valeur du mot Roi , ni à colle de je.
Au troisième livre de l'Enéide , v. 6'^2 , Acho- mcnicle dit qu'il a vu lui-même le Cyclope so saisir de deux autres compagnons d Ulysse , «t les dévorer :
(i) Haut. «a. K soin, IV. v. i»-.
& (Srammciirc, £19
Viâl egj-TX\Q\. duo de Wimero , cîs,
Oîi vous voyez qu'après vidi et après ego , la particule met n'ajoiim rion au sens. Ainsi met «st uiio particule cxplelivc , dont il y a plu- sieurs exemples : fé^^j-met narrabo (i) .• suscipe vte-Tïiet tctuai , dit Vatinius à Cic<îron , en le priant de le rec«5voir tout entier sous sa pro- tection. C'est ainsi qu'on lit dans les manus- crits.
La syllabe er , ajoutée à l'infinitif passif d*UBL Terbc latin , est explèlive , puisqu'elle n'indi- r|ue ni temps , ni personno , ni aucun autre accident particulier du verbe. Il est vrai qu'en vers elle sert à abrévier l'i do l'infinitif, et à fournir un dactylo au Poëte. C'est: îa raison, qu'en donne Servius , sur ce vers de Virgile, jÇ^néide , livre III , v. 493.
Duke caput , maglcas invitam accingl-er artes,
Accingier , id est prseparari , dit Servius. AcciNGlER autem , ut cd infinitum modnm er ad- d.itur , ratio efficit me tri. Nam cùm in eo JCCINGX ultima sit longa , addita ER syllaba , brevis fit.
Mais , ce qui est remarquable , et ce quî ncus autorise à regarder cette syllabe comme «xplétive , c'est qu'on en trouve aussi des exemples en prose. Vatinius cliens pro se causai PiciER vidr (2). Quand on ajoute ainsi quelque syllabe à la fin d'un mot , les Grammairiens disent que c'est une figure qu'on appelle Pa- ragoge.
Parmi nous , dit M. l'Abbé Régnier (3) , il
(i) Térence , Aàelp. act. IV, scen. III, y. ij. ( 3 ) Apud Ciceron. lib. V. ad famil. epist. IX, ( 5 ) Grammairt , pag. 56$ , in-^.
K 2.
2.2Q Principes
y a aussi des particules explétives. Par exem- ple , les pronoms me , te , se , joints à la par- ticule en , comme quand on dit , je m'en retourne : // s'en va. Les pronoms moi , toi , lui , employés pjr repétition : S'il ne veut pas vous le dire , je vous le dirai , moi ; // ne m'appartient pas , â moi , de me mêler de vos araires : Il lui appartient bien , à lji , de parhr comme il fait.
Ces mots , gj/zn , seulement , à tout hasard , après tout ^ et quelques autres, ne doivent sou- vent être regardas que comme des mots explé- tifs et surabondons ] c'est-à-dire , des mots qui no contribuent en rien à la construction ni au sens de la proposition • mais ils ont deux «ervices.
I. Nous a\ons remarqué ailleurs , que les langues se sont formées , par usage , et comme par une esj.'èce d instinct , et non après une d'ilibératioa raisonnée de tout un peuple. Ainsi , quand certaines façons d« parler ont été autorisées par une lanf.ue prali(]ue , et qu'elles sont reçues parmi les honnêtes gens de Ja nation , nous dorons les admettrcî , quoi- qu'elles nous paroissent composées de mots rédondans et combinés d'une manière qui ne jious paroi t pas régulière.
Avous-rious à traduire ces doux mots d'Ho- race , sunt quos , etc. au lieu do dire , quelque?' uns sont , qui , etc. ou prendre queîqu'aulre tour c\n\ soit en usa^:;c parmi nous.
L'Académie Fr;inçoisea romarquo, qu-^ dans cette phrase *. C'est une a faire où il y va du sclut de l'état ^ la particule^ paroil inutile , puisque •:/ suffit pour le sens. Alais , dit rAcadémie (i) ,
( i ) Rema'^ques et de'cisicm de l'Acaàîmit Frofiitist, Ch4X Cui^iuidi 1698.
l
^e Grammaire, 221
ge sont /.î des formules dont on ne peut rien ôter, La particule ne est aussi fort souvent oxplotivo, et ne do ■ pas pour cela Otro rotrajichée. J'ai affaire , e je ne veux pa<i qu'on vienne niinter- rompre : c crains pourtant que vous ne venic'^. Que fait-là ce ne î c'pst voire vernie que je c.jins : je flcvrois donc dire simi)iement , je cr.iins que vous venie^. Non , dit l'Acadomic. // est certain , ajoule-t-cl!e , aussi bien que Vau— gelas j Bouhours , etc. quavec craindre , empê- cher , et quelques autres verbes , // faut nécessai" rem en t ajouter la négative ne. J' empêcherai bien que vous ne soye^ du nombre , etc.
C'est la pensée habituelle de celui qui parle, qui attire cette négation. Je ne veux pas que vous veaie-^ ; Je crains en souhaitant que vous ne venie^ pas. Mon esprit tourné vers la négation , la met dans le discours. Voyez ce que nous avons dit de la ^ylhpse et de l'attraction , dans l'article de la construction.
Ainsi , le premier service des particules explétives , c'est d'entrer dans certaines façons de parler consacrées par l'usage?
II. Le second service , et In pîns raisonna- ble , c'est de ré>iondro au Sijntiment intérieur dont on est affecté , r-t de donner ainsi plus de force et d'énergie à 1 expression L'intelli- gence est promptre : elle n'a qu'un instant. JVÎais le sentiment est p'us dur-bie : il nous affecie , et c'est dans le temps que dure cette affection , que nous laissons échaper les inter- jections , et que nous prononçons les mois explétifs , qui sont une sorte crinleijcclion , puisqu'ils sont un effet du sentiment.
C'est à vous à sortir , vous qui parlc^ (l).
Ci ) Moliera.
K 3
^23 Principes
Veus qui parîe:^ , est une phrase explétive qui donne plus de force au discours.
Je l'ai vu , dis-je , w\i ^ de mes propres yeux VD »
ce qu'on appelle vu (l). SEt je ne puis du tout me mettre dans Vesprit , Quil ait osé tenter les choses que Von dit.
Ces mot , vu de mes yeux , du tout , sont explétifs , et ne servent qu'à mieux assurer ce que l'on d't. Je ne parle pas sur le témoignage d'un autre ; Je l'ai vu moi-même ; je tai entendu d'e mes propres oreillfs : et dans Virgile , au neu- vième livre de Y Enéide , vers 467:
Me me adsum qui feci : in me convertite ferrum.
Ces deux premiers mu ne sont là que par énergie , et par sentiment. Ehcutio ist dclorû turbati , dit Servius.
■w.tnmRX'T «nHBBts»!
DE L' ARTICLE.
JL^E mot article , vient du latin articufus , diminutif de artus , jtiembre , parce que dant le sens propre on entend par article les join- tures dos os du corps dos animaux , unies de difforenles manières , et scion les divers mou- vcniens qui leur sont propres , do-là , par méta- phore et par extension , oji a donné divers sens à ce mot.
(».' Idem Turtuffe , an. V. i;.7i. III.
cle Grammaire, 22 S
Les Graniniaiiicns ont appelé articles , cer- tains pelits mots qui ne sij^nilicnt rien de pliysiquc , qui sont identifiés avec ceux devant les(]ucls 011 les place , et les t'ont prendre dans nue acception particulière. Par oxtMnple , L^ roi aime le peuple ; le premier le ne présente qu'une mônie idée avec roi , mais il m indique un roi particulier que les circonstances du pays où je suis , ou du pays dont on parle me font entendre. L'autre le qui précède peuple , fait "aussi le même effet â Icgard de peuple \ et de plus le peuple étant placé après aime , celle posi- tion fail connoîtrc que le peuple est le terme ou l'objet du sentiment que Ton attribue au roi.
Les articles ne signifient point des choses ni des qualités seulement ; ils indiquent à l'esprit le mot qu'ils précèdent , et le font considérer comme un objet tel , que sans l'article , cet objet seroit regardé sous un autre point de vue: ce qui s'entendra mieux dans la suite , sur-tout par les exemples.
Les mots que les Grammairiens appellent articles , n'ont pas toujours dans les autres langues des équivaiens qui ayent le même usage. Les Grecs mettent souvent leurs articles devant les noms propres , tels que Philippe . Alexandre^ César , etc. Nous ne raetlons point 1 article devant ces mots-là. Enfin , il y a des langues qui ont des articles , et d'autres qui n'en ont point.
Les Latins, faisoient un usage si fréquent da leur adjectif démonstratif, ille , illa , illud , i\'.\'\\ y a lieu de croire que c'est de ces mots qje viennent notre le et notre la. Ille ego ; Alulier illa : Hic illa parva Petilia Philoctetee (i)»
(1} Vugile , yEneid. 1. 3. v. 40..
K 4
•2 2^ Principes
OesT là que la petite ville de Pétille fut bâtie -pef Phllûctete. Ausoniœ pars illa prccul qitam pandit Apclio ([). Pétrone faisant parler un guerrier qui S'3 plaignoit de ce que son bras ëloit devenu paralytique , Jui fair dire : Funerata est pars illa corpcris mei quâ quondam A^hiUes eram : Il est mort , ce bras ," pur lequel j'étcis autrefois un Achile. nie Deiim potcr. Quisquis fuit ille Deo^ rum, Ovid.
Il y a un grand nombre d'exemples de cet usage que les Latins faisoient de leur ille , illa , illud , sur-lout dans les comiques , dans Phè- dre , et dans les Auteurs de'la b sse latinité. C'est de la dernière svllabe de ce mot ille , quand il n'est pas employé comme pronom ., et qu'il n'est qu'un simple adjectif indicatif, que vient notre article le , à l'égard de notre article la , il vient du féminin illa. La première syllabe du masculin ille a donné lieu à notre pronom // , dont nous. faisons usa.<îe avec les verbes. Ille affirmât. Ille fecit. Ingénia vires ilU àat , ille rapit. A l'égard de elle , il vient de i7/a. Jl/a veretur.
Dans presque toutes les langues vulgaires , les peuples , soit à l'exemple d'^s Grecs , soit pliu6t par une pareille disposition d'esprit , se sont faits de ces préposirils qu'on appelle articles. Nous nous arrêterons principalement à l'article françois.
Tout préjjosilif n'est pas appelle article. Ce ^ ces ; cet , cette ] ceci , cela ; celui , celle \ ceux ^ celles ; celui-ci , celui-là ; celles-ci , celles-là ; certain , qnelque , tout , chaque , nul , aucun , mon , nja , mes , etc. ne sont que des adjectils métaphysiques. Ils précèdent toujours leurs
( » ) Ih'ul. y. -^79.»
I
Je? Grammaire, r?r.5
5nl)>tnntifs : et pniscju'ils no scrvonf: qu'à leur donner tnic qualthcation inôtaphysiqiio , je ne sais pourquoi on les met dans la classo dos pronoms. Quoi qu'il en soit , on ne donne pas 1^ nom & article à ces adjcclifs : ce sont spécialon)ent ces trois mots le , Li , les , que nos Grammairions nomment articles , peut- ^tre parce que ces mots sont d'un usage plus fréquont. Avant que d'en parler plus en détail, observons que :
1°. Nous nous serrons de le devant les noms masculins au singulier; le roi , le jour. 2°. Nous employons la. devant les noms féminins aa singulier , la reine , la nuit. 3^. La lettre s , qui , selon l'analooie delà langue , marque le pluriel , quand elle est ajoutée au sinf^ulier , a formé les , du singulier/^. Les sert également pour les deux {genres , les rois , les reines , ht jours , les nuits. 4*^. Le , la , les , sont les trois articles simples ; mais ils entrent aussi en com- position avec la préposition à , et avec la pré- position de. Alors ils forment les quatre articles composés , eu , aux , du , des.
Au est composé de la préposition à , et de l'article le \ en sorte que au est autant que à le. Nos pères disoient cr/, al tempT Innocent ITl : c'est-à-dire , nu temps d'Inaocent III. L'apos- toile manda al prodome , etc. Le pape envoya au prufi'horame (i). Mainte lerme l fu plorss de pitié al déparrir (2). Vigenere traduit .• Aîaintes larmes furent plorêes à leur département , et au prendre congé. C'est le son obscur de Ve muet assez commun en notre langue de / en x , comme mal , maux ', cheval , chevaux ; altus ,
( \ ) ViUehardouin , liy, i , p. j, V ^) Ib.d. vcg. 16.
lib
226 Principes
haut ; aînus , aulne ( arbre ; ) «/«« , sune CniesurG-, ) alter ^ autre y qui ont fait dire au , au lieu de à /^ , ou de al. Ce n'est que quand les noms masculins commencent par une con- sonne ou une voyelle aspirée , que l'on s» sert de au , au lieu de à le. Car si le nom masculin commence par une voyelle , alor» en ne fait point de contraction , la préposi- tion à et l'article le demeurent chacun dans leur entier. Ainsi , quoiqu'on dise le cœur , au Ci£ur y on dit l'esprit , à l'esprit ; le père , au père; et on dit lenfant , à l'enfant ; on dit le plomb ^ au plomb ; et on dit l'or , à l'or , Vargent , à l'argent. Car quand le substantif commence par une voyelle , Ve muet de le s'élide avec cctie voyelle. Ainsi la raison qui a donné lieu k la contraction au ne subsiste plus ; et d'ailleurs , il se faroit un bâillement désagréable si l'on disoit au esprit , au argent , au enfant , etc. Si le nom est féminin , n'y ayant point d'* muet dans l'article la , on no peut plus en faire au \ îiinsi l'on conserve alors Ki préposition et l'ar- ticle , la raison , à la raison ; la vertu , à /« verra.
Aux sert aa pluriel pour les deux genrei- C'est une contraction pour à les , aux hortwies , sux femmes ; aux rois , aux reines , pour à les hommes , à les femmes ; à les rois , à les reines, etc»
Du est encore une contraction pour de le* C'est le son obscur des deux e muets de suit© àe le , qui a amené la contraction du. Autrelois «n disoir del • La sîn del conseil si fut tel.- L'ar^- Tttè di conseil fut , etc (i). Gervaise àtl Châtelp ^servais du Castel. Or\ dit donc dtt bien , et du pial , pour de le bien , de le mal , et ainsi da
0} V;6llUur«louiû , Ui* 7 , fag. 107,
de Grammaire, 227
fons îes noms masculins (jiii commencent par ijiio consoniio : car si le nom comuiuiic<i pac luie vovelle , ou qu'il soit du gcnro fémiiiin , aloi-s on r<iviont à la simplicilé do la proposi- tion , ot à celle de l'ariicle qui convioni: au j:enro du nom. Ainsi on dit , de l esprit ^ de la nrtu , de la peine. Far-là on évite le bâillement: c'est la inémc raison que Ton a marquée sur au» Enfin, des sert pour les deux genres au plu- riel , et se dit pour de les , des rois , des reines.
Nos enfans , qvii commencent à parler , s'énoncent d'abord sans contraction. Ils disent de. le pain , de le vin. Tel est encore l'usage dans y-tresqne toutes nos provinces limitrophes, sur- tout parmi le peuple. C'est peut-ôtre ce qui a donné lieu aux premières observations que nos Graiiimairiens ont faites de ces contractions.
Les Italiens ont un plus grand nombre de prépositions qui se contractent avec leurs articles.
Mais les Anglois , qui ont comme nous des prépositions et des articles , ne font pas ces contractions. Ainsi ils disent of rhe , de le , où nous disons du ; the king , le, roi ; of rhe king ^ de le roi ; et en françois du roi : of the qiieèn , de 11 reine ; to the king , à le roi , au roi ; to the quien , à la rnne. Cette remarque n'est pas de fimple c jriosité. Il est important , pour ren- dre raison de la construction , de séparer la préposition de larticle , quand ils sont l'un et l'autre en composicion. Par exemple, si je veux ïiendre raison de cette façon de parler , du pain êcijjit ; je commence à dire de le pain. Alors la préposiiion ex tract ive , et qui comine toutes les autres prépositions doit être entre deux termes , cette préposition , dis-je, me fait con« Xioltre qu il v a ici une ellipse.
riièdre , Qans la fable de la Vipère et de h
MO
22S PrinC'-pgs
Lime , pour dire que cette vipère cHercHoil cf»- quoi manger , dit : HiPc , quùm tenraret si qiia res esset cibi : où vous voyez que aîiqua res cibi: fait connoitre par analogie , que du rein , c'est cliqua res partis , paiiînluni panis ; quelque chose , une partie , une portion du pain. C'est ainsi que les Anglois , pour dire, Donnez-moi du pain y disent Give me some hreàd , Donnej-moi quelque pain : et pour dire , J'af vu des hommes ; I hâve scen scm men ; mot à mot , Tai vu quelques kcmmes , à des médecins , to some physicians , à quelques médecins.
L usr.ge de sous-entendre ainsi quelque nom générique devant de , du ^ des , qui commen- cent une phrase , n'etoit pas inconnu aux: Latins. Lentulus écrit à Ciccron de s'intéresser à sa gloire ', de faire valoir dans le sénat ef a-illeurs , tout ce qui pourroit lui faire honneur: £)e nostra dignitate velim tibi ut sempercurœ sir (i)» Il est évident que de nostra dignitote , ne peut erre le nominatif de curœ sif. Cependant ce verbe sit étant à un mode fini , doit avoir un noTninolif. Ainsi Lcnlulus avoit dans l'esprit, ratio , ou sermo de nostrà âi^ritate , / intérêt de ma gloire. Et qu^nd m6me oh ne trouveroic pas en ces occasions de mot convenable \ suppléer, l'esprit n'en seroit pas moins occupe d'une idée que les mots énoncés dans la phrasî:. réveillent , mais (]irils n'expriment point. T< lie 'est l'analogio , tel est l'ordre de l'analyse de renonciation. Ainsi nos Grammairiens man- quant dVxnclitude , quand ils distant que la T)réposilion dont nous parlons sert à marquer h nomnatify lorsqu'on ne veat que désigner une partit
(3) Ciccron, Epist. lib, 13, ep. i^.
Je Grammaire, 22^
if la chôfif (2). Jls ne prennent pas garde que les prépositions ne saïuoient entrer clans 1© cliscûiirs sans marquer un ra})ort ou relation entre deux termes , entre \u\ mot et un mot. Par exemple , la prcposilion pour marque un motif, une fin , une raison , mais ensuite il faut énoncer l'objet qui est le terme de ce motif; et cest ce qu'on appelle le complément de la proposition. Par exemple , // travaille pour la patrie , la patrie est le complément de pour ^ c'est le mot qui détermine pour. Ces deux mots pour la patrie , lorit un sens particulier qui a raport à travaille \ et ce dernier au sujet de la proposition , le Roi travaille pour la patrie. Il en est de même des prépositions de et. à: Le livre de Pierre est beau. Pierre est le complément de de ; et ces deux mots , de Pierre se raportent à livre , qu ils déterminent : c'est-à-dire , qu'ils donnr'nt à ce mot le sens particulier qu'il a dans l'esprit , et qui dans renonciation le rend sujet de l'attribut qui le suit. C'est de ce livré que je dis qu'il est beau.
A est aussi une préposition , qui entr'autres usages , marque un raport d'attribution : Donner son cœur à Dieu ; Parler à quelqu'un : Dire sa pensée à son ami.
Cependant , communément nos Grammai- riens ne regardent ces deux mois ( c/e et à ) que comme des particules, qui servent, disent- ils , à décliner nos noms. L'une est , dit-on, la marque du génitif , et Tautre , celle du datif. Mais , n'est-il pas plus simple , et plus analo- gue au procédé des langues , dont les noms ne changent point leur dernière syllabe , de
I I I M
(2) Grammaire de Kcgiiiçx , fag. 170 ; de Restaut?
^3o Pnncwes
n'y admettre ni cas , ni déclinaisons , et d ob- server sriulement comment ces langues énon- ' cent les mêmes vues de l'esprit , que les latins foat coanoitre par la diiTércnce des terminai- sons l Tout cela se l'ait ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions.
Les Latins n'ont que six cas ; cependant il y a bien plus de raports à marquer : ce plus , ils l'énoncent par le secours tic leurs préposi- tions. Hé bien, quand la place du mot ne peut pas nous servir à faire connoitre le raport que nous avons à marquer , nous taisons alors co que les Latins faisoient au défaut d'une dési- nence ou terminaison particulière. Comme nous n'avons point de terminaison destinée à mar- quer le génitif, nous avons recours à une pré- Eosition. Il en est do même du raport d'attri- ution : nous le marquons par la préposition à ou par la préposition -p^ur , et mcMne ])af quelques autres , et les Latins marquoienl ce raport par une terminaison particulière , qui fiiisoit dire que le mot ctoit alors au datif.
Nos Grammairiens ne nous donnent que six cas , sans doute parce que les Latins n'en ont que six. Notre accusatif, dit-on , est toujours semblable au nominatif. Hé , y a-l-il autre chose qui les distingue , sinon la ])Iace l l'un se met devant , et 1 autre après : dans l'une ol dans l'autre occasion , le nom n'est qu'un» .simple dénomination. Le génitif, selon nos Grammairiens , est aussi toujours semblable i l'ablatif. Le (htif a le privilège d'être seul avec le prétendu ariicie à. fyJals d* et à ont loujour» un complément , comme 1<.'S autres préposi- tions , et ont également des raports [larticu- liers à marquer. Par conséquent , si de et à font des cas , aur y pur, pour ^ soux ^ dans ^ aveCf et les autres préposiiions ,.d<3vroi€ût eu ïjt'im
de Giammatre. aSt
lussi. II n'y a que lo nombre délerminé des six cas lalins , qui s'y op])ose. Ce que je veux. dire est encore plus sensible en i'alien. On. trouvera dans la Graniinaire d^ Buonimal^i » la pîus estimée |)our la langue italienne , u* grand nombre d'exemples qui prouvent , quo di f à , lia , qui serrent à i'oriner ce qu'on appelle cas , ne sont que des prépositions jointes à l'article , et qu'il y a beaucoup d'au- tres prépositions qui se joignent aux mots , coinme celles-là.
Mais pour se convaincre que notre de et notre à ne sont que des prépositions , il faut encore observer qu'elles viennent, l'une de la préposition latine de , et l'autre de ad , ou à.
Les Latins ont fait de leui: préposition d» le mémo usage que nous faisons de notre de. Or si en latin de est toujours préposition , 1^ àc François doit l'être aussi toujours.
1°. Le premier usage fie cette préposition est de remarquer l'extraction , c'est-à-dire , d'où une chose est tirée , d'où elle vient, d'où elle a pjris son nom. Ainsi nous disons , Un temple de marbre , un pont de pierres , un homme du peuple , les femmes de notre siècle.
i". Et par extension, celte préposition sert à marquer la propriété : Le livre de Pierre^ c'est- à-dire , le livre tiré d'entre les choses qui appar" tiennent à Pierre.
C'est selon ces acceptions , que les Latins ont dit , Templum de marmore ponam (i). Je ferai bâtir un temple de marbre. Fuit in tcctis de marmore templum (2). Il y avait dans son palais un temple de marbre.
(1) Virgile , Gcorg. \. lU. y, jj. (a}^y£n. IV . y. 457.
2^2 Principes
Soîido de marmore tempîj
Instituùin , festûsque aies de nomine Pho'bi (3^.
JiT f^rji bâîir des temples de marbre , et 'fêta- blirai des fêtes , du nom de Fhebus , en l'honneur ' de Phébus.
Les Latins , au linii de l'adjecrif , se sont " soavcnt servis de !a préposifion de suivie du nom ] iainsi de marmore est équivalent à marmo" reum. On pourroit en raporter un très-grand nombre d'exemples. '
3". De se prend aussi en latin et en François pour pend.int. De die , de nocte ; De jour , de nuit,
4®. De pour touchant » au regard de. Si res de amore meo secundar essent : si les affaires de mon amour alloient bien (i). Lsgati "ae poce : des envoyés touchani la paix , pour parler de paix. De captivis conimuiandis : pour l'échange des prisonniers.
6'*. De , à cause dj , pour : Nos amas de fîdi" ilnâ istac : vous m aimez à cause de cette inusi- cicnne. Lœtus de arnica : il est gai à cause de sa maîtresse. Rapto de frntre dolentis : inconsolable- do la mort de son ficre. Accusare , arg'iere de : accuser , reprendre de,
6^. En-fin , cette préposition sert à former des façons de parler adverbiales. De intégra x de nouveau. De indastrià , de propos délibéré , à dessein.
Si nous passions v.wx. Aaroiyrs de la bass« Intinité , nous trouverions encore un plus j^rnnrf nombre d'exemples. De calis Deus , Dien df*s Cieux. Pannus de lanâ , un drap , une étoffe de laine.
ii ) Am. VI , f, 70» (1) Terencf.
de Groînmahe* 2 35
Aînsi ï'tisagc que les Lai iris ont fait do cette préposilion a donné linu à celui que nous en faisons. Les autorites que je viens de raporter doivent suffire , œ me semble , pour dttruire le prcjup,é ri'pandu dans toutes nos Gram- wiaires , que notre de est la marque du génitif. JMais , encore un coup , pui'^qu'on latin , Tem" plum de mnrmore ; prunus de plèbe ; rahula de foro ; dcclamator de ludo ; homo de scholâ ; mu- lieras de nostro sarulo , quœ sponfe peccant ; rell- quiim de roriuncuîj ; pannus de lanâ ; de n'est qu'une préposition avec son complément à l'ablatif , pourquoi ce ninrae de passant dans la langue franroice avec un pareil complément , le trouveroit-il transformé en particule , et pourquoi ce complément qui est à l'ablatif en latin, se trouveroit-il au génitif en françoîs l
H n'y est ni au génitif, ni à l'ablatif. ÎVous n'avons point de cas proprement dits en fran- çois. Nous ne faisons que nommer: et à l'égard fies raports ou vues différentes sous lesquels nous considérons les mots , nous marquons ce» vues , ou par la place du mot ; ou par le secours de quelque préposition.
La préposition de est employée le plus sou- vent à la qualification et à fa détermination i c'est-à-drre , qu'eUe sert à mettre en raport le mot qui qualifie avec celui qui est qualifié. Un palais de Foi , un couvasse de héros.
Lorsqu'il n'y a que la simple préposition de , sans l'article , la préposition et son complément sont pris adjoclivrmerit Un palais de Foi est équivalent à un Pal nr-Foyal ; une valeur de héros, équivaut à une valeur héroïque. C'est un sens spécif^.qne ou de sort^*. Mais quand il y a un sens individuel ou personnel , soit universel soit singulier , c'est-à-dire , quand on veut parler de tous les Kois pcrsonnellcmezitj coxaca*
2 34 Piincipes
si l'on clisoit V intérêt des Rois , ou de quelque Roi particulier , la gloire du Roi , la valeur du héros que j'aime , alors on ajoute l'article à la prépo- sition : car des Rois ; c'est de les Rois ; et du héros , c'est de le héros.
A l'égard dv notre. à , il vient le plus souvent de la préposition latine ad , dont les Italiens se servent encore aujourd'hui devant une voyelle : ûd iiomo dintellecto , à un homme d'esprit * ad uno ad uno , un à un. Les Latins disoient également loqui alicui et loqui ad aliquem : a^errê cliquid alicui , ou ad aliquem. Parler à quelqu'un 1 apporter quelque chose à quelqu'un. Si de ces deux manières de s'exprimer , nous avons choisi celle qui s'énonce par la préposition , c*est que nous n'avons point de dalif.
1°. Les Latins disoient aussi pertinere ad : nous disons de piôme avec la préposition t aparté nir à.
2°. Notre préposition à vient aussi quelque- fois de la préposition latine à ou ab , auferrt aliquid alicui ou ab allquo , ôter quelque chose à qufîlqu'un. On dit aussi , eriyere aliquid alicui ou ab eliquo. Petere veniam à DiQ Demander pardon à Dieu.
Tout ce que dit M. l'abbé Régnier , pour faire voir que nous avons des datifs , me paroît bien mal assorti avec tant d'observations judi- cieuses qui sont répandues dans sa Grammaire. Selon ce cé'èbre Académicien , ( pdg> a3^. ) quand on dit , voilà un chien qui s'est donné à moi y à moi est au datif. Mais si l'on dit , un chiett qui s'est adonné à moi cet ] moi n'est plus alors au datif; c'est, dit-il , la préposition latine cd, J'avoii'3 (|ue je no saiirois reconnoîtro la pré- position latine dans adonné à ; sans la voir aufsi dans donné J \ et que diUis l'une et dans l'autre lie cws phrases , l^a di..>ax à mu pdroisicut d*
de Grammaire, :i.3b
iflcmo rsjxjce , et avoir la inéme origine* En HQ mot , puisque ad aliqucm , ou ab aliquo , ne sont point ries datifs en latin , je ne vois pas pourquoi à queJquun pourroit être un clalif en franc ois.
Ja rtfiarde donc de et à comme de simples pré[)Osilions , aussi-bien que ;n?r, pour, avec y etc. Les unes et les autres servent à faire connoltrc en françois les raports particuliers que l'usage les a charges de marquer , sauf à la langue latine à exprimer autrement ces mêmes raports.
A l'égard de le , la , les , je n'en fais pas Hne classe particulière de mots sons le nom ô Article ; je les place avec les adjectifs pré- positifs , qui ne se mettent jamais que devant leurs substantifs , et qui ont chacun un service qui leur est propre. On pourroit les appeiler Prénoms.
Comme la société civile ne sauroît employer trop de moyens pour faire naître dans le cœur des hommes des sentimens , qui d'une part les portent à éviter le ma! qui est contraire à cett® société , et de l'autre les engagent à pratiquer le bien , qui sert à la maintenir et à la rendre florissante ; de même l'art de la parole n© sauroit nous donner trop de secours pour nous faire éviter l'obscurité et l'amphibologie , ni inventer un assez grand nombre de mots , pour énoncer non-seulement les diverses idées que nous avons dans l'esprit , mais encore pour exprimer les différentes fac^^s sous les- quelles nous considérons les objets de ces idées.
Telle est la destination des prénoms o« adjectifs métaphysiques , qui marquent , non des quaHtés physiques des objets , mais seule- ment des points de vue do l'e'prit , ou des laces difjLcvcntes sous lesquelles l'esprit consi-
236 Principes
dère le iïi(»mG mot. Tels sont , tout , chaque, nul , aucun , quelque , certain , dans le sens clè quidam , u^ , c^ , Cf'/r^ , ces , /e , /a , /e5" , aux- quels ora peut joindre encore les adjectifs pos- sessifs tirés des pronoms personnels : tels sont mon , ma , mes , et les noms do nombre cardi- nal , un , deux , trois , quatre , cir^q , six , etc.
Ainsi je mets , le , la , /f-<^ , au rang de ces prénoms ou adjectifs métaphysiques. Pourquoi les ôLer de la classe de ces antres adjectifs ?
Ils sont adjectifs , puisqu'ils modifient leu? substantif, et qu'ils le font prendre dans une acception particulière , indU'iduelle et person- nelle. Ce sont des adjectifs métaphysiques , puisqu'ils marquent , non des qualités physiques mais une simple vue particulière de l'esprit.
Fresque tous nos Gr^immairiens ( Régnier, pag. 141. Restaut , p 64. ) nous disent que le , la , les , servent à faire connoitre le genre des noms , comme si c'étoit là une propriété qui fût particulière à c^s petits mots. Quand on a un adjecrif à joindre à un nom , on donne à cet adjectif, ou la terminaison masculine , ou la féminine , selon ce que Tusage nous en a apis. Si nous disons le soleil ^ Y)lutôr que la soleil , comme les Allemands , c'est que nous savons qu'eu françois soleil est du genre mas- culin , c'est-à-dire , qu'il est dans la classe des noms de choses inanimées auxquelles l'usage a consacré la terminaison des adjectifs de'a des- tinés aux noms des mâles , quand il s'agit des animaux. Ainsi , lorsque nous parlons du so'eil, nous disons le soleil , pintot que la , p.-!r la même raison que nous flirioris heoii soleil , hrî" lant soleil , plutôt que helJ" . hrillanr, .
Au reste , quelques Grammairiens mettent le ^ la ^ les, au rang des |)ronoms. Mais si lo pronom est un mot qui su met à la place du
de Grammaire, 207
SMTn dont il ra|);DeIIc l'idoe , le , la ,, les , ne
seront: pronoms , que lorsqu'ils feront celle furiciion. Alors cfs mois vont tous seuls et ne 5c irouvent point avnc lo nom qu'ils ropré- s^'uLeiit : La verni est ainuhle , aime-^-îa. i^e premier /a esl adjectif métaphysifjuc, ou, comnio on dit , article ; il précède son substantii vertu \ il persoanirte la vertu ; il la fait regarder coninie un individu môlapliysiquc. Mais lo second /j , qai est après ainiei , rappelle la vertu ; nt c'est pour cela qu'il est pronom , ot qu'il va tout seul. Alors U vient de ilhm , elle.
C'est la diffcience du service ou emploi des mots , et non la différence matérielle au son, qui les fait placer en difiérentes classes. C'est ainsi que linlinitif des verbes est souvent nom, le bjire , le manger.
Mais sans quitter nos mots , ce môme ssn. la n'est-il pas aussi quelquefois un adverbe qui répond aux adverbes latins ibi , kck , îsthâc , illlc : il demeure là , il va là , etc. N est-il pas encore \\\\ nom substantif, quand il signifie une particule explétive qui sert à 1 énergie l Cz jeune liomr.iz-la , cette femme-la.
A l'égard de un , une , dans le sens de quel- que ou certain , en latin quidam , c'est encore un adjectif prépositif qui désigne un individu particulier , tiré dune espèce , mais-saris déter- miner singulièrement quel e^t cet individu , si c'est Pioi'xo ou Paul. Ce mot nous vient aussi du Latin. Quls est is homo , unusiie amator l Hic est unus servus violentissimus (1). Sicut unus pater famiîias (2). Qui variare cupit rem prodigialitef unam (^). Celui qui croit embellir un sujet.
( 1 ) Plaute. ( 2 ) Cicéron. ( 3 ) Horace.
â3S Principes
unam rem , en j Taisant entrer du merrcilIeiiXi Forte unam asplcio adolescentalam (i). Donat , qui a commenté Tôrence , dans le temps que la langue latine étoit encore une langue vivante, dit sur ce passage , que Tcrence a parlé selon l'usage ; et que s il a dit unam au lieu de quan- dam , c'est que telle étoit , dit-il , et que telle Qst encore la manière de parler.
La Grammaire générale de P. R. dit que un est article indéfini. Ce mot ne nae paroît pas plus aniclo indéfini , que rour article universel , ou tfc, cette , cet , articles définis. L'auteur ajoute, qu'on croit d^crdinaire que un n'a point de pluriel ; qu'il est vrai qu'il n'en a point qui soit formé de lui-même : ( on dit pourtant les uns , quelques nns ; et les Latins on dit au pluriel , uni , nnce , etc. Ex unis geminas mihi conficiet nuptias (2), Aderit una in unis œdihus (3). Je dis , pour- suit l'Auteur, que un a un pluriel pris d'un autre mot , qui est des , avant Us substantifs , des animaux , et de , quand l'adjectif précède , de beaux lits. De un pluriel ! cela est nouveau.
Si l'on veut hien faire attention que des est pour de les ; que quand on dit , à des hommes , c'est à de les hommes , que de ne sauroit alors déterminer à ; qu'ainsi il y a ellipse , à des hommes , c'est-à-dire , à quelques-uns de les hommes , quihusdani ex hom'mibus ; qu'au con- traire , quand on dit le Sauveur des nommes , U construction est toute simple ; on dit au sin- gulier , le Sauveur de l'homme , et au pluriel U Sauveur de les hommes , il n'y a de différence
( I ) TtTcncc. (a) Térencc. C4) Utn,
Ji! Grammaire, 2^9
qiirt de le , à les , et non A la "njéposition : il seroit inutile et ridicule de la réijcter. 11 en est de des , comme de aux • l'un est de les , et l'au- tre à les. Or , comme lorsque le sens n'est pas partitif , on dit aux hommes , sans ellipse , ou dit au3.>i des hommes dans le même sens général. JJiSiniarance des hommes , la vanité des hommes.
Ainsi regardons i". It , la., les, comme de simples adjectiTs , indicatifs et métaphysiques, aussi-bien que ce , cet , cette , un , quelqu'un , certain , etc.
2°. Considérons de comme une préposition, qui , ainsi que par. yêur , en , avec , sans , etc. sert à tourner l'esprit vers doux objets , et à faire apercevoir le raport qu'on veut indiquée entre l'un et l'autre.
3°. Enfin, décomposons au y aux ^ du, des ^ faisant attention à In destination et à la naLar« de chacun des mots décomposés , et tout so trouvera applani.
Mais avant que de passer à un plus grand détail , touchant l'emploi et l'usage do ces af:Viectirs , je crois qu'il ne sera pas inutile de nous arrêter un moment aux çonsidéralions suivantes.
C!:r.que être singulier devroit avoir son nom propre , comme dans chaque famille , chaque personne a le sien. Mais cela n'a pas été pos- sible , à cause de la multitude innombrable de CCS êtres particuliers , de leurs propriétés , et de leurs raporis. On a donc été obligé de don- ner le même nom à tous les individus qui ont cntr'eux certaines qualités communes , c'est- à-dire , qui en forment l'espèce.
I®. Le nom propre , c'est le nom qui n'est dit que d'un être particulier , du moins durs la sphère où cet être se trouve. Ainsi Louis , Marie , sont des noms propres , qui , daos le«
2^Q Principes
l-îcux où oa en connoit la destination , ïW désignent que telle ou telle personne et non lino sorte ou es^jéce de personnes.
Les objets particuliers auxquels on -donne CCS sortes de noms , sont appelles des indi-^ vidus j c'est-à-dire , que chacun d'eux ne sauroit être divisé en un autre lui-même, sans cesser ri^rre ce qu'il est. Ce diamant , si vous le divisez , ne sera plus ce diamant. L'idée qui Jo représente ne vous otfre que lui et n'en renfoime pas dautres qui lui soient subor- donnés.
2". Les noms d'espèce , ce sont des noms qui conviennent à tous les individus qui ont entr'eux certaines qualités communes. Ainsi , chien est un nom d espèce , parce que ce nom convient à tous les chiens particuliers , dont chacun est un individu , semblable en certains points essen- tiels à tous les autr-es individus , qui , à cause de cette ressemblance , sont dits être de même espèce et ont entr'eux un nom commun , chien,
3°. Il y a une tioisième sorte de noms qu il a plu aux maîtres de l'art d'appeller noms de genre , c tiSt-i-dire , noms plus généraux , plus itendus encore que los simples noms d'espèce. Ce sont ceux cjui sont communs à chaque indi- vidu de toures les espèces subordonnées à ce genre. Par exemple , anim.il , se dit du chien , du cheval , du lion , du cerf ^ et de tou^ les individus particuliers qui vivent , qui peuvent se transporter pir eux-mêmes d'un lieu â un autre , qui ont des organes.
Les espèces subordonnées à leur genre , sont distinguées l-îs unes des autres par quelque propriété essentielle. Chaque espèce a un carac- tèic propre , qui la distingue d'une autre ospèce, comme chaque individu a son suppôt particulier
încoiaiiiAiicable d tout autre.
C«
Cf^ c-iiMClère disiinctil, c<» moiif , cette ^-àison «'li tioiis a donne lieu de nous former Cf^«i ilivî^rs noms d'espèce , esl ce (ju'on ajDpéllo di^fcrencc.
Rnmarqii'^z bien que toii'. ces noms genn , f<:pcce , différence , n? f.ont quo d^s If ruT^s inérn- j)hvsiqiie3, tel? que les noms abstraits Aum^7/Vi, honte , et une infinité d'autres qni no marquent que dfîs considcrations particulières, de notre esprit , sans qu'il y ait hors do nous rl'objet rècl qui soit ou espèce , ou genre , ou huma- nité , etc.
L'usage oîi nous sonimos do donner dis noms aux objets des idées qui nous représen- tent des cfres réels , nous a pofîds à en donnei" ajssi par imitation aux objets métaphysiques des idées abstraites dont nous a'/ons connois- sance. Ainsi nous en parlons comme nous fai- s )ni des objets réels. Ensorte que l'ordre méti- p'iysiquo a aussi ses noms d'espèce et ses noms d iiidividuÀ. Cette vériti y cette vertu ^ ce vice ^ voilà des mots pris par imitation dans un sens individuel.
C'est le besoin de faire connoitre aux autres les objets singuliers de nos idées , et certaines yues ou manières particulières de considérer CCS objets , soit réels , soit abstraits eu méta- physiques ; c'est ce besoin , dis-je , qui , au défaut das noms propr-es pour chaque idée particulière , nous a donné lieu d'inventer , d'un cjtc les noms d'espèce, et de l'autre les adjectifs prépositifs , qui en font des applica- tions individuelles. Les objets particuliers dont nous voulons parler , et qui n'ont pas de nom propre , se trouvent confondus avec tons les autres individus de leur espèce. Le nom de eotte espèce leur convient également à tous. ., Chacua de ces êtres innombrables qui nagent
242 Principes
dans la mer est égalament appelé poisson. Airsi le nom d'espèce tout seul , et par lui-même , n'a qu'une valeur indéfinie , c'est-à-dire , une valeur applicable , qui n'est adaptée à aucun objet particulier ; comme quand on dit vrai » bjn , beau , sans joindre ces adjectifs à quel- qii'étre rcel 01 métaphysique. Ce sont les pré- noms qr.i , de concert avec les antres mots de la phrase , tirent l'objet particulier dont on parle, do 1 indétermination du nom d'espèce, ot en font ainsi une sorte de nom propre. Par exemple , si lastre qui nous éclaire n'avoit. pas son nom propre , soleil , et que nous eussions â en parler , nous prendrions d'abord le nom d'espèce , astre , ensuite nous nous seri'irions du prépositif qui conviondroit pour faire connoitre que nous ne voulons parler que d'un individu de l'espèce ô'astre : ainsi nous dirions cet astre , ou ïastre : après quoi nous aurions recours aux mots qui nous paroîtroient les plus propres à déterminer singulièrement cet indiviilu d'astre. Nous dirions donc , Cet astre qui nous éclaire ; lastre père du jour ; rame de la nature , elc. Autre exemple , Livre est un nom d'espèce dont la valeur n'est point appli- quée. Mais si je dis , Mon livre , ce livre , le livre que je viens d'acheter , on conçoit d'abord par les |)iénoms ou nréposilils , won ^ ce y h y et ensuite par les adjoints ou mois ajoutés , que je parle d'un tel livre , d'un tel individu de l'espèce de livre.
Observez que , lorsque nous avons à nppli- quer quelque qualification à des individus (l'une, espèce ; ou nous voulons faire cette applica- lion 1°. à tous les individus de cette espèce; 4*. ou seulement à quelques-uns que nous ne voulons ou que nous ne pouvons pas déter- miner ; y, ou eafiu À ua seul que uous tou-
ie Grammaire. 24S
Ions faire connollre singiilif^rement. Ce sont ces trois sortes de vues de l'osprit que les Lo;^i- cieiH anpellcnt Xticfiàva de la provcsiricn.
Tout discours est composé de divers sens particuliers (irioncés par des assemblages de mots qui forment des propositions , et les propositions font les périodes. Or, route pro- position a i**. ou une étendue universelle ; c'est le premier cas dont nous avons parlé : 2°. ou une étendue particulière ; c'est le second cas; 3°. ou enfin , une étendue singulière , c'est le dernier cas.
i^. Si celui qui parle donne un sens universel, an sujet de sa proposition , c'est-à-dire , s'il applique quelque qualificatif à tous les individus dune espèce , alors l'étendue de la proposition est universelle ; ou , ce qui est la même chose, la proposition est universallo.
2^. Si l'individu dont on parle , n'est pas déterminé expressément , alors on dit que la proposition est particulière : elle n'a qu'une étendue particulière. C'est-à-dire, que ce qu'on dit , n'est dit que d'un sujet qui n'est pas désigné expressément.
3°. Enfin, les propositions sont singulières , lorsque le sujet , c'est-à-dire , la personne oa la chos'î dont on parle , doHt on juge , est un individu singulier déterminé. Alors l'attribue de la proposition , c'est-à-dire , ce qu'on juge du sujet , n'a qu'une étendue singulière , ou ce qui est la même chose , ne doit s'entendre que de ce sujet. Louis XV a triomphé de ses ennemis : Le scleil est levé.
Dans chacun de ces trois cas , notre langue nous fournit un prénom destiné à chacune de ces vues particulières de notre esprit. Voyons dont l'effet propre , ou le serrice particulier de ces prénoms.
244 Prîncwt's -'
I. Tout homim est animal : Chaque hcr.ifp.e eal anim.iî. VoiîA chaque inrlividu de l'eSjîùce Ijumaine qualifié par animal ^ qai alors se prend adjectivement. Car tout homme est animal , c'est- à-dire , tout homme végète , est vivant , se meut , a des sensations ; en un mot , tout homme a les qualités qui distinguent l'animal de l'être insensi- îîle. Ainsi , tout étant le prépositif d'un nom oppeîlatif , donne à ce nom une extension uni- verselle ] cVst-â-dire , qae ce que l'on dit alors du nom , par ex-^raple d'homme , est censé dit fie chaqu!^ individu île l'espèce : ainsi la pro- position est universelle. Quand je dis tout homme est mortel , c'est autant que si je disois , Alexandre et oit mortel ; Ccsar était mortel ; Phi~ ■lippe est mortel , et ainsi de chaque individu , passé , présent et à venir, ec même possible de l'espèce humaine.
Remarquez ces trois façons de parler , tout homme e~t Ignorant y tous Us hommes sont igno- rans , tant homme n'est que faiblesse. Tout homme , c'est-â-diro , chaque individu de l'espèce hu- maine , t|iielq;rindividu que ce puisse être de i'espéce humaine : alors tout est un pur adjectif. Tous L'S hommes soat ignorans ; c'est encore le n"i'";me s?ns ; ces d"ux propciitions ne sont dif- férentes qn-^ par la forme. Durii In première , tout veut dire chaque , elle présente h totalité flistribtîiivement , c'est-à-dire , qu'olH jjreud en quelque sorte les individus l'un après l'autre; au lieu que tous Us hommes les présente cj!! ac- tivement tous ensemble. Alors tons est un pré- posilif dpsiiné à marijuer luaiversalité de Us nommes. Tous'n ici une sorte do signification adverbiale , avec la forme adjcclire : c'est ainsi qiie le parlici le lient du verbe et du nom. Tous y c'ost-à-dire , univtrselUment , sans fxcep' ùan : ce qui est si vni , qu'on peut iëparer
de Grammaire. 2/^:t
tcit ifn son subtanlif , et le joindre an verbo* Quiiiault , parlant c!es oiseaux, dit : En amour ils sont tous moins bêtes que nous. Et voilà pour- quoi , en CCS phiasos , l'articic les no quilti3 point son subslantii' , et ne se met pas avant rous> ToutVhomme ^ c'est-à-dire, Vhomme en entier ^ t'homme entièrement Jhoinmc considéré comme un individu spécifique. Nul , aucun , donnent aussi une extension universelle à leur substan- tif; mais dans un sons négatif. Nul homme y aucun homme , n^est immortel : j.e nie l'imnior- talitc de chaque individu de l'espoce humaine* La proposition est universelle , mais négaLi\e, au lien qu'avec tous sans négation ,. la pioposi- tion est universelle , affirmative. Dans les pro- positions dont nous parlons ,. nul et aucun étant adjectifs du sujet , doivent être accompagnés d'une négation. Nul homme n'est exempt de la nécessité de mourir. Aucun philosophe de l antiq-ûtè. na eu autant de connaissance de physique qu'en ci a aujourd'hui.
II. Tout , chaque , nul , aucun , sont donc la marque de la généralité ou universalité de» propositions^ Mais souvent ces mots ne sont pas exprimés , comme quand on dit: Les fran- Çcis sont polis j Les Italiens sont politiques. Alors- ces propositions ne sont que m.oralcment uni- verselles , de more , ut sunt mores ; c'est-à-dire , selon ce qu'on voit communément parmi les hommes. Ces propositions sont aussi appelées indéfinies , parce que d'un côté on ne peut pas assurer qu'elles comprennent généralement et sans exception tous l'3S individus dont on parle; et d'un autre côté , on ne peut pas dire non plus qu'elles excluent tel ou tel individu. Ainsi, comme les individus compris et les individus excTus ne sont pas précisément déterminés , et que c?s proposithons ne doivent ctrc entendue*
L a
246 Principes
que du plus grand nombre , on dit qu eîles soat indéfinies.
III. Quelque , un , marquent aussi un indi- TÎdu de l'espoco dont on parle. Mais ces pré- noms ne désignent pas singulièrement cet indi- vidu. Quelque homme est riche , un savant mest venu voir : je paris d'»n individu de l'espèce hiimaine : mais je ne détermine pas si cet indi- vidu est Pierre ou Paul, C'est ainsi qu'on dit , une certaine personne , un particulier ; et alors par- ticulier est opposé à général et à singulier. Il mar- que à la vérité un individu ; mais un individu qui n'est pas déterminé singulièrement. Ces propositions sont appelées particulières^
Aucun , sans négation , a aussi un sens parti- culier dans les vieux livres , et signifient quel~ qu'un , quif^piam , non-nuUus y non-nenio. Ce mot est encore en usage en ce sens parmi le peuple, et dans le style du Palais. Aucuns soutiennent , etc. quidam affirmant , etc. Ainsi , aucunefois 9 dans le vieux style , veut dire quelquefois , dt temps en temps , plerumque , interdusi , nonnun-^ quam.
On sert aussi aux propositions particulières. On m'a dit , c'est à-dire , Quelquun m'a dit ; ua homme m'a dit. Car on vient de homme ; «t c'est par Cette raison que pour éviter le bâillement Ou rencontre de doux voyelles , on dit souvent l'on , comme on dit l'homme , 5^1 l'on. Dans phi- sieurs autres langu^îs , le mot qui signifia homme , se prend aussi en un sens indéfini » comme notre on. De , des , qui sont des pré- positions cxtractives , servent aussi à tairo d«î$ propositions pariiculicr<'S. Des Philosiwlies 01» d'anciens Phiïosophis ont cru qu'il y avoit des anti^ fodes , c'est-à-dire : Quehjues-'un^ des Philosophes , ©u un certain nombre d'iinciens VhUoSûylui « au UA vieux styl« , aucuns PhiUsophes»
de Grammaire. 247
IV. Ce marque un individu doterminé , qu'il prés'Mito à l'imagination. Ce livre , cet hcmme , et'tte femme , cet enfant , etc.
V. Le ^ la y les , indiquent que l'on parle , î®. ou d'un tel individu réel , que l'on tire Ad ^o\\ espèce , comme quand on dit , Le roi , la reine , le soleil , la lune : 1'^, ou d url individu métaphysique , et par imitation ou analogie : La vérité , le mensonge ; l'esprit , c'est-à-dire le génie ; le cœur , c'est-à-dire , la sensibilité , Ven- rendement , la volonté , la vie , la mort ^ la nature y le mouvement , le repos , le néant , etc.
C'est ainsi que l'on parle de l'espèce tirée du genre auquel elle est subordonnée , lorsqu'on Ja considère par abstraction , et pour ainsi dire , en elle-même sous la forme d'un tout individuel et métaphysique. ' Par exemple , quand on dit que parmi le: animaux , / homme seul est raisonnable , ï homme est-là un individu spécifique.
C'est encore ainsi que , sans parler d'aucun objet réel en particulier , on dit par abstraction , Vor est le plus précieux des métaux ; le fer se fond et se forge ; le marbre sert d'ornement aux édi^ fices ; le verre n'est point malléable ; la pierre est utile ; le cercle est rond , etc. tous ces mots , Vor y le fer y le marbre, eic. sont pris dans un sens individuel , mais métaphysique et spéciikjue ; c'est-à-dire , que sous un nom singulier ils comprennent tous les individus d'une espèce; en sorte que ces mots ne sont proprement que Jes noms de l'idée exemplaire du point de réunion , ou concept , que nous avons dans l'osprit, de chacuncs de ces espèces d'ôtres. Ge sont ces individus métaphysique? qui sont l'ob- jet des Mathématiques , le point , la ligne , I0 ser-cle , le triangle , etc.
C'§st par un« pareille opération de l'esprit ,
2 4$ Principes
que Ton persoBÏfie si souvent la nature et l'art.
Ces noms d'individus spéciiiques sont fort en usnge dans l'Apologue. Le loup et Vaffneau ,. l homme et h cheval , etc. On ne fait parler, ni aucun loup , ni aucun agneau particulier : c'est un individu spécifique et métaphysique qui parle avec un autre individu.
Ajoutons ici quelques observations à l 'occa- sion de ces nomci spécifiques.-
i*^. Quand un nom d'espèce est pris adjec- tivement , il n'a pas besoin darlicle : Tout homme est animal : homme est pris substantive-* ment : c'est un individu spécifique qui a son préposilif tout -, mais animal est pris adjcctive- jnent, comme nous l'avons déjà observé. Ainsi il n'a pas plus de prépositif que tout lutro adjectif n'en auroit ; et l'on dit ici an'unal y comme l'on diroit mortel ^ ignorant , etc.
C'e§t ainsi que l'Ecriture dit que toute chair est fcirt , omnis caro fœnuni (i) ; cCol-à-dire , peu durable , p'jéiissable , corruptible -, otc. et c'est ,'iin^i que riois uisoiis d un homuii; ijus esprit^ <^:ï'il- est bcti.
a°. Le nom d'espèce n'admet pas l'articl» lorsqu'il est pris selon sa valeur indéfinie , sans «ucuue extension ni restriction, ou application judividuolle ; c'est-à-dire . qu'aloi'S 1« nom est considéré indéfiniment comme sorte , comme espèce , et non comme un individu spécifique. C'est ce qui arrive sur-tout , lorsque le non\ det>pèc(! précédé d une ))ie]>o:>ition , iorme un sons iidvcrbial avec cetlo préjiosilion , comnia quand on dit, par jalousie ^ ji#r prudence ^ en présence , sans contrainte , sans jeinie. C i*st dans ce même sens indeiini i|ue l'on dit , aïoirpeur^
ik) ,V'"^' * '^- +^- '•
de Giammaire. i.y)
mi>ir honte , faire piîié. Ainsi on dira sansarliclc: Cheval est un nom d' es pi ce : Hcninie est un nom d'fxrH'ce ; et l'on no dira pas , /<? cheval e::t un nom a'espèce ] l'homme est un nom d'e.s-pèce, (33ice que Ifî pronom le marquoroit que Ion voudroic parh;r d'un individu , ou d'un nom considérô individuellement.
^^. C'est par la mô-no raison que le nom- d'espèce n'a point de pr;ipositif , lorsqu'avec le' secours do la préposition de , il ne fait que l'office de simple qualificatif d'espèce • c'est ii- dire , lorsqu'il ne sert qu'à désigner qu'un tel individu est de telle espèce ; Une montre d'or \ une épée d'argent \ un homme de rohe\ un marchand de vin \ un joueur de violon , etc. un& action de clé- tnence ; une femme de vertu.
4". Mn:s quand on persoiaifie l'espèce , qu'on en parle comme d'un individu spécifique , ou cj.u'il ne s'agit que d'un individu particulier tiré de la généralité de celte m^^Miie espèce , alors, le nom d'espèce étant considéré individuelle- ment, est précédé d'un prénom *. La peur trouble la raison ; la peur que j'd de mal faire : la crainte de vous importuner \ l'envie de bien faire ) Vanimaî er.t plus parfait que l'être insensible \ Jouer du violon , du luth , de la harpe : on reoards alors le violon , le luth , la harpe , etc. comme l*^.-! inslrument partfculier , et on n'a point d'individu à qualiucr. adjectirernont. Ainsi oii dirn dans le3 sens qualificatif adjectif^ Un rayon d'espérance , un rayon de gloire , un senti' ment d'amour: aulieuqucsi l'on rj oxionifie la gloire ^^ ramour , etc. on dira avec un prépositif ^
T^n héros que la .gloire ilève
ÎS'est q'j'a demi iVi.ornperisé ;
Ht c est peu , si l'amoiir n'aciièvs
Ce que la gloire a commencé (ï\
( î ) Qainaulr.
L b
2jer frmcipes
Et do même on dira , J ai acheté une tahatiirf d'or , et J'ai fait faire une tabatière d'un er ou dô i'sr qui m'est venu d^Espagne. Dans le premier exemple , d'or est qualificatif indéfini , ou plu* tût c'ost un qualificatif pris adjectivement ; au- lieu que dans le second , de l'or , ou d'un or y il s'ag:it d'un tel or : c'est un qualificatif indivi- duel -, c'est un individu de l'ftspéce de l'or.
On dit d'un prince ou d'un ministre , qu'// s r esprit de gouvernement ; de gouvernement est un qualificatif pris adjectivement. On veut dire, que ce ministre gouverneroit bien, dans quel- que pays que ce puisse être où il seroit employé; au lieu que si l'on disoit de ce ministre , qu'/i a l'esprit du gouvernement , du gouvernement seroit un qualificatif individuel de l'esprit de ce minis- tre ; on le regarderoit comme propre singii« Ijtrement à la conduite des affaires du pays par- ticulier où on le met en œuvre.
Il faut donc bien distinguer le qualificatif spécifique adjectif, du qualificatif iiidividueL Vm tabatière d'or , voilà un qualificatif adjectif : une tabatière de Vor que , ou d'un or que , c'est un qualificatif individuel : c'est un individu d« l'espèce do l'or. Mon esprit est occupé de deu.^ substantifs ; i**. de la tabatière *, 2'*. de l'or parliculier dont elle a été faite.
Observez qu'il y a aussi des individus col- lectifs , ou plutôt des noms collectifs , dont on parle commo si c'étoit autant d'individus par- ticuîifu's. C'est ainsi que l'on dit , le peupU , Varmée , li nation , îe parlement , etc.
On considère ces mcts-îà comme non?s rVun tout , d'un ensemble ; l'esprit les regarde pu" imitation comme autant de noms d'indi- ▼ idus ré" Is qui ont plusieurs parties ; et c'est jpar cette raison , (pie lorstjuc quelqu'un ds €q:s mots est lo sujet d'uuu proposilioa , I9&
de Grammaire, 2.5 1
Logiciens disGDt que la proposition esl singu- litre.
On voit donc que le annonce toujours un objfl considéré individuellement par cctui qui parle ", soit au singulier , la maison de mon vois>n\ soit au pluriel , les maisons d'une telle ville sont bâties de brique.
Ce ajoute à l'idée de le , en ce qu'il montre, pour ainsi dire , l'objet à Timagination , et suppose que cet objet est déjà connu , ou qu'oiA en a parle auparavant. C'est ainsi que Cicëroa a dit , Quid est enim hoc ipsum diu ! Qu'est-ce ca ofiet que ce long-temps.
Dans le style didactique , ceux qui écrivent en latin , lorsqu'ils veulent faire remarquer un mot , en tant qu'il est un tel mot , se servent, les uns de l'article grec rb les autres de ly. -b edhuc est adverbium compositum : Ce mot adhus esr un adverbe composé (i).
Et l'Auteur d'une Logique , après avoir dit que rkoFime sciil est raisonnable ; homo tantum ratijnalis , ajoute que ly tantum reliqita entia txJudit : Ce mot tantum exclud tous les autres êtres (2).
Ce fut Pierre Lombard, dans le XIÏ^. siècle, et saint Thomas dans le Xill'-'. qui introdui- sirent l'usage de ce ly. Leurs disciples les ont imités. Ce ly n'est autre chose que l'article trançois H , qui étoit en usage dans ce? temps- là. Ainsi fu U chatiau de Galathas pris : Li baron et li dux de Venise : Li Finit iens par mer et îi François par terre (^).
Villehardouin et ses contemporains écri-
( 1 ) Peri?onius , in SancTii Mir.erya , p. 576. (a) Pkilos .ration, ar.ct. P. Franc, Caro. Veusî^ iCS^i J,l) Villehardouin, Uy- }>pas- 53.
JL 6
2.52 Principes
voient li , et quelquerois // , d'où, on a fait ly.y. soit pour remplir la lettre , soit pour donner à ce mot un air scientiBque , et î'elever. au-dessus du. langage vulgaire de ces temps-là..
Les lialiens ont conseiv'é cet article au plu- riel, et en ont fait aussi un adverbe qui signifie !iï : en 5orle que ly rantum , c'est coname si 1 eu disoit ce mot-là lantum
No'.re ce et notre U ont le môme oflîce ihdicatif que ib et que /v ", mais ce avec plus dénerg'e que U,
b"^. Mon , ma , mes , ton , ta , t^s , son , sa , 5^' , etc. ne sont que simples adjectifs tirés d^^s proiioms personnels. Ils marquent que leur substantif a un raport de propriété avec la prc- TTîiJre , la seconde , ou l'a troisième personne. Mai:? d-e plus , comme ils sont eux-mjmes adjectifs prépositifs , et qu'ils indiquant leurs substantifs , ils n'ont pas besoin dotre nccom- pagnéi dt; l'article le. Que si 1 on dit le mien , le tien , c'est que ces mots sont alors dos pronoms substantifs. On dit proverbialement que L^mùn et le tien sont pères de la discorde.
6°. Les noms de nombre cardinal un , deux ^ etc. font aussi l'ofiice de préuoms ou adjecfiis prépositifs , Dix soldats , cent ccus.
Mais si l'adjectif numéri(|ue et son substantif font ensemble un tout , une sorte d'individu collectif, et que l'on veuille marquer que l'oa considère ce tout sons quelque vue dj l'esprit , autre encore que celle de nombre , i:lors \c nom d(; nombre est précodé de raaicle ob prén m , qui inc!ic|MO c(i nouveau raport. Le 70ur do la muîriolicaiion des pains , les Apotrrs dirent à Jesus-Chrîst: Nous n'avons que cinq pairs et de IX poissons : voilA cinq pa'ns a deux poissons dans un sens numéri jue absolu. Mais ensuite î'Evungélisto ajoute que Jcsus-Cbrist prenant;
cle Grammaire. 253
/t'5 cinq pains et les deux poissons , les bénit , etc. vdHà les cinq pains et let deux poissons dans iiil sens relatif à ce qui précède. Ce sont les cinq pains et les deux [)oissons dont on avoit parhi dabord. Cet exemplfc doit bien faire sentir que le ^ hi 1 les; ce, celle, ces \ ne sont que des adjoci-ils qui marqu'^nt le niouvenicnt de l'esprit (jui se tourne vers l'objet particulier de soa idce.
Les prépositifs d<isignent donc des individus détorjuinés dans l'esprit de celui qui parle. Mais lorsque cette première df*termination n'est pas aisoe à apercevoir par celui qtii lit ou qui écoute , ce bont les circonstances ou les mots q-ui suivent , qui ajoutent ce que l'article n? Sjuroit faire entendre. Par oxcjnple , si je dis : Je viens de Versailles , j'y ai vu U roi , les circons- tances font connoître (jue je parle de notre au{ju:.te monarque. Mais si je voulois faire eiitendre que j y ai vu le roi de Pologne , je serois obligé d ajouter de Pologne à le roi : et de même si en lisant 1 histoire de quelque monar- chie ancienne ou étrangère , je voyois qu'en un tel temps le roi fit telle chose , je compren-^ drois bien que ce seroit le roi du royaume dont il s'agiroit.
DES NOMS PROPRES.
Les noms propres n'étant pas des noms d'espèces, nos pères n'ont pas cru avoir besoin de recojrir à l'article pour en faire des noms diiidiv idus , puisque par eux- nièiucs ils ne sont q^ie cela.
î] en est de môme des êtres inanimés aux- quels on adresse la parole. On les voit , ces êtres, puisqu'on leur parle : il sont présens, iu moins à l'imagination. Gi\ n'a donc pas
3^4
Principes
berîoin d'article pour les tirer de la généralité d© leur espèce , et en faire des individus.
Coulez , ruisseau , coulez , fuyez-noos. Helas , petits moutons , que vous êtes heureux! Fille des plaisirs , triste goutte (i).
Cependant , quand on veut appeler un homme ou une femme du peuple qui passe , on dit communément , l'homme \ la femme ; icj'utei la belle fille , la belle enjant , etc. Je crois qu'alors il y a ellipse : Ecoute^ vous qui êtes l.i belle fille , etc. f^oiis qui è:es l homme à qui je veux parler y etc. Nous ne mettons pas l'arbicle, sur- tout devant les noms propres personnels : Pierre , Marie , Alexandre , César y etc. Voici quelques remarques à ce sujet.
J. Si par figure on donne à un nom propre tine signincation de nom d'espèce , et qu'on applique ensuite cette signification , alors on aura besoin de l'article. Par exemple , si vous donnez au nom (V Alexandre la signincation de êonquérant ou de héros , vous direz que Charles XII a été l'Alexandre de notre siècle. C'est ainsi nu'on dit les Cicérons , les Déniosthénes \ c'est à- nire , les grands orateurs , tels que Ciccron et Démosthcnes. Les FirgiUs , c'cst-à-diro , les grands poètes.
Dieu est le nom du souverain Etre. Mais si par rapoFt à ses divers attributs , on en fait une sorte de nom d'espèce , on dira , Le Pieu dt miséricorde ; le Pieu des Chrétiens , etc.
II. Il y a un très-grand nombre île norn$ propres , qui c?ans leur origine n'cloicnt qu« fUîs noms appellalifs. Par exemple , Ferré qui
.'( 1 ) Dcskoulirrcs,
de Grammaire. 2 SA
n'ont par syncope de jermeté , signifioit autre- fois citadille. Ainsi , quand on voiiloit parler d'imc citaflelle particulière , on disoit la Ferre d'un tel iMidroit: et c'est de-lâ que nous vien- HGUt il Ferté'lmbauU , îd Fertè-Milon y etc.
Mesnil est aussi un vieux mot , qui signifioît mciison de campagne , village , du latin Manile et MdsniU dans la basse latinité. C'est de-lâ que nous viennent les noms de tant de petits bourg» appelés le Mesnil. II en est de même de lé Mans , le Perche , etc. Le Câtelet , c'est-à-dire, /.' pi'tit château \ le Quesnoi , c'étoit un lieu planté de Chênes ; le ché prononcé par kè à la manière de Picardie , et des pays circonvoisins.
11 y a aussi plusieurs qualificntifs qui sont devenus noms propres d'hommes , tels que le Blanc , le Noir , le Brun , te Beau , le Bel , le Blond , etc. et ces noms conservent leurs pré- noms , quand on parle de la femme. Madame le Blanc , c'est-i dire , femme de M. le Blanc.
m. Quand on parle de certaines femmes , on se sert du prénom la , parce qu'il y a un nom d'espèce sous-entendu. La le Maire , c'est- à-dire , l'actrice le Maire.
IV. C'est peut-être par la même raison qu'on dit , le Tasse , l'Ariosre , le Dante , en sous- «ntendant poète ; et qu'on dit le Titien y le Carache, en sous-entendant pfi/ifr^", ce qui nou» rient des Italiens.
Qu'il me soit permis d'observer ici que les noms propres de famille ne doivent être pré- cédés de la préposition de , que lorsqu'ils sont tirés de noms de terre. Nous avons en France ^e grandes maisons qui ne sont connues que par le nom de la principale terre que le chef de la maison possédoit avant que les noms propres de famille fussent en usage. Alors le jiom est précédé de la prépositioa de , paixe
zbS
rinci
ipes
q-u'oH sous-entend sire , seigneur , dlic , mur^ cuis , QIC. ou sifur d'un tel fief. Tcîlti est la mai- son de France , donl la branche d'aîné en aîné na d'à 11 Ire nom que France.
ISous avons aiussi des maisons très-illustres et très-anciennes ^ dont le nom n'est point précédé de la préposition de , parce que co nom n'a pas été tiré d'un nom de terre. C'est un nom de famille ou maison.
Il y a de la petitesse à certains gentils- hommes d'ajouter le de à leur nom de famille ; rien ne décelé tant l'hornme nouveau et peu instruit.
Quelquefois les noms propres sont accom— pngnés d'adjectifs ; sur quoi il y a quelques observa ti on 1 à faire.
I. Si l'adjectif p^t un nom d-3 nombre ordi- nal , tel que premier , s(rond , etc. et qu'il suive- immédiatement son substantif , comme ne iaisant ensemble qu'un même tout, alors on n'-i fait aucun u'^age de l'article. Ainsi on dit ^ François I , Charles H , Henri IF , pour ^»a— uieme.
II. Quand on se sr^rt de l'adjectif pour mar- quer une simple qualité du substantif qu'il pré- cède , alors l'article QiX mis avant rid";eclif. Li s-jvant Sci'li^rr , le calant Ovide.
III. Do m/îmc , si l'adjecnf n'est ajouté que- ]M)!ir distinguer 1»^ substantif des autr-^.^ qui nrir- Lunt le même nom , alors l'adjectif suit le subs- tantif, et cet adjectif est précédé de l'article. Henri le Grand , Louis h Ju<!te , etc. où vous voyez que /r liro Hturi ot Louis du nombre dos autres Henris <'\ des autres Louis , cf en fait des» indi\idus particuliers , distingués par une qua- lité sptcialo.
IV. On dit aussi avec le comparatif ot avec* le superlatif relatif , llomire , U Meilleur poers dêt
de Grammaire, 2^7
rtuiquiiè , Varron , U ylas savant des Pomains»
Il paioil , par les obsen allons ci- dessus , que I()r(|u'à la sinijjlc iflco du nom ]jro[jrc ou 'yoUit quolqii'aulre îdce ,.ou que le nom dans sa première origine a été tiré d'un nom , oii çVun qihiliiicahl" qui a éîo adapté à un objet par- liculiur, parle ciianêemeiit de nueiques letires , alors on a recours au préposiiil , par une suite de la première origine. C'est ainsi que nous disons le p.iradi^ \ mot qui à la lettre signifie un. j^ardia planté d'arbres qui portent toute sorte d'cxcollenls fruits , et p^u* extension un lieu de délices.
L'enfer , c'est un lieu bas i {Vinferus. Via infera , la rue d enfer , rue inlérieiu'e par rapoit à une autre qu-i est au-dessus.
Vunivgrs , universiis orbis \ l erre universel ) Vas^ semhlage de tous les êtres eréh
Le monde , du latin , mandus , adjectif qui signjfie- prjpre^ élégant, ajusté , paré, et qui est pris ici substaati\ement. Les Païens , frapés de l'éclat des astres , et de l'ordre qui /eur paroissoit rc'gner dans l'univers , lui donnèrent un nom tiré de cette beauté ec de cet ordre.
Miindus est encore pris substantivement , lorsqu'on dit Mandas maliehris , la toilette des dames , où sont tous les petits meubles dont elles se servent pour se rendre plus propres , plus ajustées , plus séduisantes. Le mot grec y.yduOs . qui si^nilio , ordre ^ornement,, beauté^ répond au miindas des Latins.
Le soleil , de solus , SQ.\on Cicéron , parce que c'est le seul astre qui nous paroisse aussi giand , et que lorsqu'il est levé , tous les autres disparoisscnt à nos yeux.
La lune , à lucendo ,. c'cst-à dire , la planète qui nous éclaire , sur-toul en certains temps pondant la auil. ^"4'/ , ^el quia s.olus ex oninikus.
:t58 Principes
sïderibus est tantus , vel quia cnm exortus , ohscuratls omnibus , soins appcireî. Luna à lucendo nominata \ $adem est enim Lncina (i).
-Lq mer , c'est-à-dire , leau amère. Propriè aiitem Aliire appellatur , eo qaod aquce ejus amarœ sint (2).
La terre , c est-à-clire , l'éUment sec , du grec Tii >aif sécher , et au futur du second rr^i. Aussi voyons-nous qu'elle est appelée Arida dans la Genèse , c/i. i , v. 9 , et en saint Matthieu , ch. 2?} , V. 16. Circuitis mare et aridam. Cette étymo- Jogie me paroît plus naturelle que celle que Varron en donne. Terra dicta eo q.iod teritur (3).
Elément est donc le nom gonérique de quatre tspèces , qui sont le feu , lair, l'eau et la terre.
DES NO Al S DE P A Y S.
Les noms de pays , de royaumes , do pro- vinces , de montagnes , da rivières , entrent souvent dans le discours sans article , comme noms qualiricatifs , le royaume de France , d'Es» pagne , etc. En d'autres occasions , ils pren- nent l'article, soit qu'on sous- entende alors terre , ou région , pays , montagne , fleuve , rivière y vaisseau , etc. Ils prennent sur-tout l'article quand ils sont personnifies : l'intérêt de la France ; la politesse de la France,
Quoi qu'il en soit , j'ai cru qu'on seroit biea aise de trouver dans les exoniplps suivans , quel est aujourd'hui l'usage à l'égard de ces mots , sauf au loctour :\ s'en tenir simplement à cet usage, ou à chercher à faire l'application des principes que nous avons établis , s'il trouve qu'il y ait lieu.
( ! ) Cicrron , de Narura Deotum , 1. 1 , c. 27.
(a) Isidor. /. ij. c. M.
li) Viirfn de Lin^ua Utinji t IV ^ ^.
de G
rammaire.
Nonif propres employés seulement avec une pré- fcsiticn sdn3 Vcrticle.
Royaume de FaUnce. l>lo de Candie. Royaume de France , etc.
Il vient de Pologne. II est aile en F erse , en Suède , etc.
Il est revenu d'Espa- \e , de Perse , d'A- d'Asie , etc.
frique
Il demeure en
Italie ,
Noms propres employés avec l'article»
La France. L'Espagne. L Angleterre* La Chine. Le Japon.
Il vient de la Chine ^ du Japon , de l'Amérique ^ du Pérou.
en France , et à Alal- the , à Rouen , à Avi- gnon (i) , etc.
l\ demeure au Pérou ^ au Japon , à la Chine ^ aux Indes , à Vlsle
St.'Domingue.
Les modes , les vins de ha politesse de la France France , les vins ^^i L'intérêt de / Espagne, Bourgogne , de Cham- On attribue à l'Aile-'
pagne , de Bordeaux , de Tokay.
magne linvealiou d«1 I Imprimerie.
Le Mexique , le Pérou p. les Indes.
Le AI aine , la Marche ^ U Perche , le Mildne-;^ , U Mantouan , le Parma- San. Vin du Rhin.
( 1 ) Les Languedociens et les Provençaux disert e^ Avi^U9ih , poux QvicQr le ^aUUmsni. C'ô»i une favLtfa
2$o Principes
ïl vient de Flandre. Il vient de la Flandre A mon départ d'Aile- Françoise.
magne. La gloire de V AlUmc^
L'Empire d'Allemagne. gne. Chevaux d'Angleterre ,
de Barbarie ^ etc. *
On dit par apposition , le Mont-Parnasse ^ le Mont'VaUrien , etc. et on dit la montagne de Tarare. On dit le fleuve Don , et la rivicre de Seine : ainsi de quelques autres , sur quoi nous renvoyons à l'usage.
Remarques sur ces phrases.
1.*. // a beaucoup d*argent \ il a bien de Var^ gent \ a^. // a beaucoup d'argent ; il na point d'argent.
I. L*or , l'argent, l'esprit, etc. peuvent être considérés , ainsi que nous l'avons observé , comme des individus spécifiques. Alors , cha- cun de ce3 individus est regardé comme un tout , dont on pout tirer une portion. Ainsi, Il a de l argent , c'est // a une portion de ce tout qu'on appelle argent , esprit , etc. La préposi- tion d.e o>t alors extensive d'un individu , comme la préposition latine ex ou de.. Il a bien de Vargent , de l esprit , etc. C'est ainsi que Plautc dit , Credo ego illic inesse auri et argenti hrgiter.
II. A l'éj^ard de // a beaucoup d'argent , d'eS' prit , etc. il n'a point d'argent , d'esprit , etc ) il faut observer (me ces mois beaucoup , peu , nas , peint , rien , sorte , espèce , tunt , moins , plus , que lorsqu'il fient de quantum , comme tlaiis CCS vers.
Que de m^^pris voii< arr/ l'tm pour l'autre !
de Graminalvi', 261
ces mois , dis-je., ne sont poiiiL dos adverlios; ils sont tJo véritables noms , (la moins dani Iciu" ori«;ine -, et c'est pour cela qu ils so:il nioJitidi par un simple qualilicalH inciôîirn' , qui n'étant point pris individiielb;nont , n'a pjs besoin d article. Il ne lui faut que la seule préposition pour le mettre en rapoit avec beaucoup , peu , point , pas , rien , sorte , etc.
Beaucoup vient , selon Nicoî , de hella , id rst , bona et magna copia \ une belle abondante , comme on dit une belle récohe ^ etc. Ainsi, d'argent , d'esprit , sont les qualificatifs de coup , en tant qu'il \ient de copia. II a abondance d-argent , desprit , etc.
M. Ménage dit que ce mot est formé de l'acljectii beau , et du substantif coup. Ainsi quelqu'ctymologie qu'on lui donne , on voit que ce n^'est que par abus qu'il est coiisidéré comme un adv-erbe. On dit , // est meilleur'de beaucoup , c'est-à dire , selon un beaucoup : ou vous voyez que la préposition décelé le subs- tunlif.
Feu , signifie petite quantité. On dit le peu , un peu , de peu , â peu , quelque peu. Tous les analogisies soutiennent qu'en latin avec paruni , on sous-entend ad ou per , et qu'on dit paruni- yer , comme on dit te-cum , en meitant la pré- position après le nom. Ainsi nous disons un peu de vin , comme les Latins disent parum vint, £n sorte que comme vinl qualifie parum subs- tantif, notre de vin quaîifîepru par le moyen da la préposition de.
Bien vient de rem , accusatif de res. Les langues qui se sont formées du latin , ont sou- vent pris des cas obliques pour en faire dss dénominations directes : ce qui est fort ordi- xiaire en italien. Nos pères disoicnt, sur toutes
stSi Principes
riens (i) ; et dans Nicot , Elh le hait sur faut rien , c'est-à-dire , sur toutes choses. Aujourd'hui rien , veut ^ire aucune chose. On sous-entend la négalion , et on l'exprime même ordinai- rement : P{e dites rien , ne faites rien. On dit , le rien vaut mieux que le mauvais. Ainsi , rien de bon , ni de beau , c'est aucune chose de bon , etc.
De bon ou de beau , sont donc des qualih- catiis de rien ; et alors de bon ou de beau citant pris dans an sens qualiiicatif de sorte ou des* pèce , ils n'ont point Tarlicle. Au lieu que si ion prenoit bon ou beau individuellement, ils seroient précédés d'un prénom *, le beau vous touche ] j'aime le vrai , etc.
Nos pères . pour exprimer le sens négatif , se servirent d'abord , comme en latin , de la simple négative ne : Sachiei nos ne venismes por vos mal faire (2). Dans la suite , pour donner plus de force et plus d'énergie â la négation , on y ajouta quelqu'un des mots qui ne marquent que de petits objets , lois que grain , goutte , mie , brin , pas , point ; Quia tes est minuta , ser^ moni vernaculo additur ad majortm negationem (3). II y a toujours quelque mot de sous-enrendu na ces occasions : Je n'en ai grain ne goutte: Je n'en «i pour la valeur ou la grosseur d'un grain , clc. Ainsi , quoique ces mots servent à la négation , ils n'en sont pas moins de vrais substantifs. Je ne veux pas on point ; c'est-à-dire , Je ne veux tela même de la longueur d'un Pas , ni de la gros^ ieur d'un Point. Je n'irai point : c'est comme si je disois : Je ne ferai un Pas pour y aller ; je ne m'avancerai d'un Point : Quasi dicas , dit
( » ) Mehun,
(2) Villchardouin , pag. 48.
( ) ) Nâcei t au »ot Gratte,
êc Grammaire, 2 63-
ftîicot , ne puncruin qu'idem progredlar ut eam illo. C est ainsi que mie , clans le sons do miette de pain , s'employoit aal refois avec la particule négative : // ne laara mie. Il m est mie un homme de bien ■ Ne prohiraris ijuidcm mica in. eç^cst ([). Cette façon de parler est encore en 4teage en Flandre.
Le substantif brin , qui se dit au propre des menus jets des herbes , sert souvent par figure à faire une négation , comme pas et point. Et si l'usago de ce mot étoit aussi fréquent piirnii les honnêtes gens, qu'il l'est parmi le peuple , il se roi t regarde , aussi- bien que pas et point , comine une particule négative : A-t-il de les- prit l il n'en a brin. Je ne lai va quun petit brin , etc.
On doit regarder ne pas , ne point , comme le nihil des Latins. Nihil est composé de U négation ne , et du mot hiluni qui signifie la petite marque noire qu'on voit aU bout d'une fève. L'^'s Latins disoiant : Hoc nos neque pertinet hilum (2). Cela ne nous intéresse en rien , pas même de la valeur de la petite marque noire d'une fève, Neque proficit hilum , etc.
Or , comme dans la suite le hilum des Latins s'uiiit si fort avec la négation ne , que ces deux mots n'en firent plus qu'un seul nihilam , nihil ^ ml , et que nihil se prend souvent pour le simple zzi?;j : Nihil circuitione usus es (3) ] de morne noire pis et notre point ne sont plus regardés dans l'usago , que comme des particules néga- tives qui accompagnent la négation ne \ mais qui ne laissent pas de conserver toujours des miiraues de leur origine.
( 1 ) Nicor , au mot Goutte. {2 ) Lucrèce , /jy. j. y. 845. ( 5 } Térence.
^$4 Principes
Or, corr.mçï ea latin nihil est souvent snivî rl'un qnaiificatii" , nikil fidsi dlxi ,_ mi senex (i) , vihil încommodi , nihil gratiœ , nihil liicri , nihii saiicri , etc. de même le pas et le point étant pris pon£.une trés-pelite quantité, pour un rien y sont siflK^ en François d'un qualificatif*. // n'a pas de pain , dargeni , d'esprit , etc. ces noms pain , argent , fi^prir , étant alors des qualifi- catifs indéfinis , ils ne doivent point avoir de prépositif
Les Latins disoient aussi , Ne faire pas plus do cas de quelqu'un ou de quelque chose , qu'on en fait de ces petits floccous do laine ou de soie que le vent eiT\[iOTle , jlocci facere , c'est-à-dire , factre rem jlocci ; nous disons un féru.
La Grammaire générale j\\t ( p. 82 ) , que dans ^c sens aflirniatif , on dit avec l'article , // rt de l\iro-ent , du cœur , de la charité , de iam- b'jïon \ au lieu qn on dit négativement sans article : // na point d'argent , de cœur , de cha^ Ttte , d'ambition , parce que , dit-on, le propre de la négation est de tout ôter.
Je conviens q'.io selon le sons , la négation 6te le tout de la chose *. mais je ne vois pas pourquoi dans l'expression , elle nous ntoroit l'article , sans nous ôter la préposition. D'ail'- leurs , ne dit-on pas dans lo sens affirmatil , sans article , // a encore un peu d argent , ot tlans le siim négatif avec l'article , Il n'a pas le sou \ Il n'a plus an sou de l'argent qu'il avoit ; Les langues ne sont point des sciences ', On ne coupe point des mors inséparables , dit fort bien M. l'abbé d'Olivet. Ainsi , jo crois que la véri* lablc raison do la différence tlo ce» façons de
i I ) Jdem»
parler
de Grammaire. 26:)
parlor doit se lirei* du sens individuel et défini, ■qiii so'jI admet rarticle , et du sens spécifitjVia ind-ifiiii et quaiificalii , qui n'est jamais précède do J article.
Les éclaircissemens que Ton vient de donner pourront servir à résoudre les principales diffi- cultés que l'on pourroit avoir au sujet des arti- cles. Cependant on croit devoir encore ajouter ix:i des exemples qui ne seront point inutiles dans les cas pareils.
Noms construits sans prénom ni pré-position , à la suite d'un verbe dont ils sont le complément.
Souvent un nom est mis sans prénom ni préposition après un verbe qu'il détermine j ce qui arrive en deux, occasions : 1°. parce que le nom est pris alors dans un sens indéfini , comme quand on dit , // aime à faire plaisir , à rendre service ; car il ne s'agit pas alors d'un tel plaisir , ni d'un tel service particulier ; en ce cas on diroit , faites-moi ce ou le plaisir] rendez- moi ce service , ou le service , ou un service , qui , etc. 2^. Cela se fait aussi souvent pour abréger , par ellipse , ou dans des façons de parler familières et provcrbiables • ou enfin , parce que les deux mors ne font qu'une sorte de mot composé : ce qui sera facile à démêler dans les exemples suivans :
Avoir faim , soif, dessein , lionte , coutume^ piîié , compassion , froid , chaud , mal , besoin , part au gâteau , envie , etc.
Chercher fonune , malheur.
Courir fortune , risque.
Demander, raison , vengeance , grâce, par^ don , justice.
Dire vrai , faux , matines, vêpres.
Donner prise , jour , parole , avis , caution y quittance , atteinte , etc.
M
2^6 Principes
EcHAPER. îî la échopc belle ; c'est-à-dire , peu s'en est fallu ou il ne lui soit arrivé quelque malheur.
Entendre raison , raillerie , malice , vêpres , etc.
Faire vie qui dure , bonne chère , envie , corps neuf , réflexion , honte , honneur , peur , plaisir ^ cas de quelquun , alliance , marché , argent de tout , provision , semblant , raur^ , /ronf , face , difficulté.
Gagner pays , gro5.
Mettre ordre , ^/r.
Parler vrai , rcisa/i , bon sens , /flf//T , fran^ çois , etc.
Porter envie , témoignage , coup , bonheur , malheur , compassion.
Prendre garde , patience, séance , médecine ^ congé , conseil , langue , elc.
Rendre service , amour pour amour , v/jrir« , g-orge , etc.
Savoir lire , v/rr« , chanter , etc.
Tenir parole , prison , ^on , ferme.
Ces adjectifs sont pris adverbialement.
JYom5 Construits avec une préposition sans article.
Les noms d'espèce qui sont pris selon leur simple signification spécifique , se construisent avec une préposition sans article.
Changej ces pierres en pains. Léducation que le fère d'Horace donna à son fils est digne d*étre prise pour modèle. A Rome , à Athènes , à bras ouverts. Il est arrivé à bon port , à minuit. Il est à jeun. A Vêpres. Tour ce que l'Espagne a nourri de vaillans. Vivre sans pain. Une livre de pain. Il n'a piis de pain. Un peu de pain. Beaucoup de pain. Une grande quantité de pain.
J'ai un coquin de frère , c'cst-i-dirc , qui ts:
Je Grammahe. :i57
Ae V espèce de frère , comme on dit , quelle' espèce d^cmme ctes-Vi^us. Toience a dit , quid hcfiinis , et ailleurs , Quid mens tri.
Remarquez que dans ces exemples , le qui ^i^Q se r.iporle point au nom spécifique , mais iiu nom individuel qui prcicède. C^est un bon homme de père qui ; Je qui se ra porte à bon homme.
Se conduire par sentiment ; parler avec esprit avec grâce , avec facilité ; agir par dépit , par colère , par amour ^ par foiblesse.
En fait de physique , on donne souvent des mots pour des choses. Physique est pris dans un sens spécifique qualificatif de fait. A l'égard de on donne des mots , c'est le sens individuel partitif. Il y a ellipse. Le régime ou complément hmmé- ■diat du verbe donner est ici sous-entendu : ce que l'on entendra mieux par les exemples suivans.
Noms construits avec l'article ou prénom sans pri-^ pasition.
Ce que faime le mieux , c'est le pain ; ( indi- vidu spécifique. ) Apporte^ le pain ; voWi le pain qui est le complément immédiat ou régime naturel du verbe. Ce qui fait voir , que quand on dit , apportei ou donnei-mei du pain , alors il y a ellipse. Donnei-moi une portion , quelque chose du pain. C'est le sens individuel partitif.;
Tous les pains du marché , ou collectivement. Tout le pain du marché ne suffiroit pas pour , etc.
Donnej-moi un pain. Emportons quelques pains pour le voyage.
Noms construits avec la préposition et l'article.
Donnez-moi du pain , c'est-à-dire , de le pain. Encore un coup , il y a ellipse dans les phrases
Ma
2 6" 8 Principes
pareilles. Car ia chose donade se joint an vet\m donner sans le secours d'une préposition». Ainsi , donnez-moi du pain , c'est , donnei-mol quelque chose de le pain , de ce tout spécitique individuel qu'on appelle pain. Le nombre des pains que vous apportej^ n'est pas sufisanf.
Voilà bien des pains , de les pains ; individuel- lement , c'est-à-dire , considères comme fai- sant chacun un être à part.
"Remarques sur Vusage de l'article , quand Vad- jectif précède le substantif , ou quand il est après le substantif.
Si un nom substantif est employé dans le •dicours avec un adjectif, il arrive ou que l'ad- jectif précède le substantif , ou qu'il le suit.
L'adjectif n'est séparé de son substantif que lorsque le substantil est le sujet de ia préposi- tion , et que l'adjectif en est affirmé dans l'at- tribut. Dieu est le Tout-puissanr. Dieu est lo sujet", tout-puissant , qui eu dans l'attribut, en est séparé par lo verbe est , qui selon notre manière d'expliqurr la proposition, fait partie de l'attribut. Car ce n'est pas seulement tout' puissant que je juge de Dieu j j'en juge qu'il l'est , qu'il existe tel.
Lorsqu'une phrase commence par un adjectif 'Seul , par exemple , Savant en l'art de régner , ce prince se fit aimer de ses sujets et craindre de ses voisins , il est évident qu'alors on sous- entend , ce prince qui ètoit savant , etc. Ainsi savant en l'an de régner , est une proposition incidente , implicite , je veux dire, dont tout les mots ne sonr pas exprimés. En réduisant ces propositions à la construction simple , on voit qti il n'y a rien contre les renies ', et quo 51 dans la construction usuelle on profère la façon
de Grammaire, 2i^9
de p.ulor elliptique , c'est que l'expression cri est jjlas serrée et plus vive.
Quand le substaniif et racijocîif font ensem- ble le sujet de la proposition , ils forment ua tout inséparable. Alors les prôpositils se mct- KMt avant celui des deux qui commence la phrase. Ainsi on dit :
1°. Dans les propositions universelles : Tout homme , chaque homme , tons les hommes , nul homme , aucun homme.
2" Dans les propositions indéfinies : Les Turcs , les Persans , les hommes savons , les scivans philosophes.
3°. Dans les propositions particulières : Quelques hommes , certaines personnes soutien- nent , etc. Un savant m'a dit ; des savans nient dit , en sous-enlendant quelques-uns , aucuns , ou de savans philosophes , en scus-en tendant u.i certain nombre , ou quelqu'autre mot.
4''. Dans Tes propositions singulières : La soleil est levé : la lune est dans son plein , cet homme , cette femme , ce livre.
Ce que nous venons de dire des noms qiii sont sujets d'une proposition , se doit aussi entendre de ceux qui sont le complôq-icnt im- médiat de quelque verbe ou de quelques pré- positions : Détestons tous les vices , pratiquons Toutes les vertus , etc. Dans le ciel , sur la terre , etc.
J'ai dit /^ complément immédiat : j'entens par-là tout substantif qui fait un sens avec un verbe ou une préposition , sans qu'il y ait de mot scus- eritendu entre l'un et l'autre. Car quand on dit, Vous^ ainiei des ingrats , des ingrats n'est pas le complément imjnediat de aimei- La construc- tion eniicre est, Vous aimei certaines personnet: , qui sont du nombre des ingrats , ou quelques-uns, des ingrats , de les ingrats. Ainsi des ingrats énonÇQî
M 3
270 Princ'ipei
une partition ; c'est un sens partitif. Nous en avons souvent parlé.
Mais flans l'une ou dans l'autre de ces deui: occasions, c'est-à-dire , 1**. quand l'adjectif et le substantif , sont le sujet de la proposition -, 2°. o;i qa'ils sont le complément d'un verbe ou d'iat; prfiposition , en quelles occasions faut-il n'employer que cette simple préposition , et en quelles occasions faut-il y joindre l'ar- ticle , et dire du ou de le , et des , c'est-à-dire , de le^ l
La Grammaire générale dît ( pag. 64 ) qu'a- vant les substantifs on dit Des , des animaux , et qtî'pn dit De quand Vadjectlf précède , ds beaux lits.
Mais cette règle n'est pas générale. Car dans le sens qualificatif inaéiini on se sert de la simple préposition de , même devant le subs- tantif, sur-tout quand le nom qualifié est pré- cédé du prépositif un , et on se sert de des on de lès y quand lé mot qui qualifie est indivi- duel : Les lumières des philosophes anciens , ou des anciens philosophes.
Voici une liste d'exemples , dont le lecteur Judicieux pourra faire usage , et juger des prin- cipes que nous avons établis.
Les ouvraget de Ci- Lea ouvrages de CU céron sont pleins t/e'A- céron sont pleins d'i^ idées les plus sMnes. ( de dées saine f. les id'-ns. )
Voilà idées dans le sens individuel.
F.ii tes- vous des prin- cipes.
Idées saines est dans- le sens spécifinue indé- fini , général clc sorte. Nos connoissancos doivent être tirées d« \yrim:ipes évidens.
Je Grammaire.
271
Sens spéciiique : où vous voyoz que le subs- tantif précède.
N'avez -vous point ''de préjugé sur cette 'question. Cet arbre porJc des] Cet arbre porte d'ex^
C'est le sens inclivi
Défaites - vous des] préjuges de l'enfance.
fruits exceîlens.
Les espèces diffé- rentes des animaux qui pèces d'animaux sur la sont sur la terre. ( sens. terre, individuel universel. )j Différentes sortes de
cellens fruits ( sens de sorte. )
11 y a différentes es-
\f
vissons , etc.
Entrez dans le dé-f 11 entre dans un tail des règles d'une grand détail de règles saine dialectique. frivoles.
Voilà le substantif qui précède. C'est le sens spécifique indé- fini. On ne parle d au- cunes régies particu- lières. C'est le sens do sorte. Ces saisons sont des Ces raisons sont de conjectures bien ïolhle s ^'faibles conjectures.
Faire de nouveaux mots.
Choisir d'excellent ifruiîs.
Chercher de longs dé' tours pour exprimer les choses les plus aisées.
Ces exemples peu-»-
vent servir de modèles.
Evitez tout ce qui ^
Faire des mots nou- veaux.
Choisir des fruits] excellons.
Chercher des dé- tours.
Se servir des termes établis par l'usage.
Evitez l'air de l\iffec- tarion. (sens individueljun aÏT d'afecration»
M 4
l'j.i Principes
Charger sa nidmoirej Charger sa mémoire Q.€S phrases de C'icéTon.' de phrases.
Discours soutenus! Discours soutenus par des expressions /t/r- par de vbes expressions, les.
Plein de sentimens. Plein de grands s^n- timens.
Recueil de préceptes
Plein des sentlmens les plus beaux.
Il a recueilli des pré-
ceptes pour la langue et pour la langue et pour pour la morale.
Servez -vous des si- gnes dont nous sommes gés d'user de
la morale.
Nous sommes obli-
signes
coavenus.
Le choix des études.
extérieurs pour nous faire entendre.
Il a fait un choix de livres qui sont , etc. Les connoissances ont C'est un sujet d'esti- toujours été l'objet de me, de louanges et d'ad' l'estime , des louanges miration. et de l'admiration des iiommos.
Les richesses de l'es- Il y a au Pérou uno prit ne peuvent être abondance prodigieuse acquises que par l'é- de richesses inutiles. tucle.
Des biens de for- tune.
Il y a dans ce livre
Les biens de la for- tune sont fragiles.
L'enchaînement des preuves fait qu'elles plai- un admirable enchat- scrU et qu'elles persna- nement de meuves soli- dent. \des. ( sens de sorte. )
C est par la médita-' C'est par la médita- tion sur en qu'on lit tion qu'on acquiert de (ju'on acquiert des con- nouvelles conruu<<.-!'u noissances nouvelles.
Les avant3£es de la
mémoire.
Il y a dillo rentes so' tes de mémoire.
La mémoire des faits est la plus brillante.
La mémoire est le trésor de l'esprit , le fruit ^c' /'attention et de la réflexion.
Le but des bons maî- tres doit être de cul- tiver l'esprit de leurs disciples.
On ne doit proposer des difficultés que pour Caire triompher la vérité
Le goût des hommes est sujet à des vicissi- tudes.
Il n*a pas besoin de la leçon que vous vou lez lui donner.
(]e Grammaire. 273
Il n'a qu'une mé- moire de faits , et ne retient aucun raison- nement.
Présence d'esprit. La mémoire d'esprit et de raison est plus utile que les autres sortes de mémoire.
11 a un air de maître qui choque.
Il a fait un recueil de
difficultés^ dont il cher- che la solution.
Une société d'hom- mes choisis : ( d'hommps choisis qualifie la société adjectivement. )
César n'eut pas be- soin d'exemple.
Il n'a pas besoin de leçons.
Remarque,
Lorsque le substantif précède , comine il signifie par lui-même , ou un être réel ou un être métaphysique considéré par imitation , à îa manière des êtres réels , il présente d'abord à l'esprit une idée d'individualité d'être séparé evistant par lui-même ; au lisu que lorsque l'adjectif précède , il offre à l'esprit une idée de qualification , une idée de sorre , un sens adjectif. Ainsi l'article doit précéder le subs- tantif: au lieu qu'il sufat que la préposition précède l'adjectif, â moins que l'adjectif ne
M <y
2j/^ Principes'
serve lui-même avec le substantif à donner Fidee^ individuelle , comme quand on dit : Les savans- hommes de l antiquité ; h sentiment des grands phi' losoykcs de rantiquitê , des plus savans philosophes. On a jait la description des beaus lits qu on envoie en Portugal.
Keflexions sur cette règle
de M. do Vaugelas.
QiLon ne doit point mettre de relatif après un nom sans article.
L'Auteur de la Grammaire générale a examiné cette règle. ( II partie , ch. ic. ) Cet Autour paroît la restreindre à l'usage présent de notre langue. Cependant , de la manière que je la conçois , je la crois de toutes les langues , et de tous les temps.
En toute langue et en toute construction , il y a une justesse à observer dans l'emploi que l'on fait dos signes destinés par l'usage pour marquer non-seulement les objets de nos idées , mais encore les différentes vues sous lesquelles l'esprit considère ces objets. L'article , les prépositions , les conjonctions , les verbes avec leurs différentes inflexions , enfin tous lea mots qui ne marquent point des choses , n'ont d'autre destination que de faire connoîtrc ces diffcM'ontcs vues de l'esprit.
D'ailleurs , c'est une régie des plus communes du raisonnement , que lorsqu'au commence- ment du discours on a donné à un mot une Cî^Tlainc signilication , on no doit pas lui en flanncr une autre dans la suite du mémo dis- cours. 11 en est do même ])ar raport au sens graminaticaf. Je veux dire , que dans la même Période , ua mot qui ogt au singulier dam 1^
de' Grammaire. lyb
prcTT.irr membre do cette pôiioclî , ne doit pas avoir dans l'aLitre moiiibic un coirclatit: on adjectit qui le suppose au pluriel. En voici ua exemple tiré do la Princesse de Clèves , ( tom». 3 , p. 119 ) : /II. de Nemours ne laissoit échaper aucune occasion, de voir Aladanie de Clcves , sans' laisser paroi:re ncanmcins qu'il les cherchât. Ce les du second membre étant au pluiiel , ne devoit pas êtve destiné à rappeler occasion , qui est au singulier dans le premier membre de la période.
Par la même raison , si dans le premier membre de la phrase , vous m'avez d'abord prés'înté le mot dans un sens spécifique , c'est- à-dire , comme nous l'avons dit , dans un sens qualificatif adjectif, vous ne devez pas , dans le membre qui suit , donner à ce mot un rela- tif, parce que îo relatif rappelle toujours l'idée d'uHQ personne ou d'une chose, d'un individu réel ou nu'raphysinue , et jamais celle d'ua simple quuliiicatif , qui n'a aucune existence , et qui n'est cfue mode. C'est uniquement à un substantif , ou à un adjectif considéré comme substantif, et non comme mode , que le qui peut se raporter. L'antécédent de qui doit être pris dans le môme sens , aussi-bien dans toute i'étendue de la période , que dans toute la suite du syllogisme.
Ainsi , quand on dît , // a été reçu avec poli" tesse , c^îs deux mots , avec politesse , sont une expression adverbiale, modificativc, adjective, qui no présente aucun être réel ni métaphysi- que. Ces mots avec politesse ne marquent point une teî/e politesse individuelle. Si vous voulez marquer une telle politesse , vous avez besoin d'un prépositif qui donne à politesse un sens individuel, réel, soit universel , soit particu- lier , soit singulier i alors 1q qui fera son ofic«>
H 6
276 Principes
Encore un coup , avec politesse est une express sion adverbiale. C'est l'adverbe ^j/im^^ir décom- posé.
Or , ces sortes d'adverbes sont absolus ,. c'ost-à-djre , qu'ils n'ont ni suite ni coinplé- lïient : et quand on veut les rendre relatifs , il faut ajouter quelque mot qui marque la corré- lation. // a été reçu SI -pclïment que , etc. // a été reçu €vec TANT de -politesse , que , etc : ou bien,. avec UNE politesse qui , etc.
Ainsi , je crois que le sens dejla règle de Vaugelas e^t que , lorsqu'en un premier mem- bre de la période un mot est pris dans un sens absolu , adjectivement ou adverbialement , ce qui est ordinairement marqué en françois par la suppression de l'article , et par les circons- tances , on ne doit pas , dans le membre suivant , ajouter un re'atif y ni même quel- qu 'autre mot qui supposeroit que la première expression auroit été yrise dans un sens fmi et individuel , soit universel , soit particulier ou singulier. Ce seroit tomber dans le sophisme que les Logic ens appellent , Passer de l espèce à ï individu ; passer du général au particulier.
Ainsi , je ne puis pas dire , L'homme est animal qii raison e , parce que animal , dans lo prem'er menibrvî , étant sans article , est un ïïom despècc p is adjectivement et dans un sens qualificatif. Or , qui raisonne ne peut se dire que d'un ir.dividu réel qui est ou déter-' miné ou indéterminé , c'est-à-dire 1 pris dans le sens par iculier dont nous avons parlé. Ainsi j î dois dire , L'homme est le seul animal , ou un animal qui raisonne.
Par la môme raison , on dira fort-bien , // fta point de livre qu'il n'ait Ut. Citte proposition est équivalente à celles-ci : // n'a pas un seul livre quil ti*ait lu. Chaque livre qu'il a , il la /u.v
Je Grammaire, 277
li n'y a peint d'injustice qu'il ne commette ; c'est- à-dire , Chaque sorte ci injustice , il la commet. Esi-il ville dans le royaume qui soit plus obéissante l c'est-à-dire , Est-il dans le royaume quelqu'autre- ville , une ville qui soit plus obéissante que ? etc. // n'y a homme qui sache cela ; aucun homme ne sait et la.
Ainsi , c'est le sens individuel qui autorise le relatif ] et c'est le sens qualilicatif adjectif ou adverbial qui fait supprimer l'article ; la. négation n'y fait rien , quoi qu'en dise l'Auteur do la Grammaire générale. Si l'on dit de quel- qu'un qu'il agit en roi , en père , en ami , et qu'on prenne roi , père , ami , dans le sens spécifique , et selon toute la valeur que ces mots peuvent avoir , on ne doit point ajouter le qui. Mais si les circonstances font connoître qu'en disant roi , père , ami , on a dans l'esprit l'idée particulière de tel roi , de tel père , de tel ojni , et que l'expression ne soit pas consacrée par l'usage au seul sens spécifique ou adverbial, ulors on peut ajouter le qui : // se conduit erf père tendre qui : car c'est autant que si l'on disoit , comme un père tendre. C'est le sens par- ticulier , qui peut recevoir ensuite une déter- mination singulière.
Il est accablé de maux , c'est à-dire , de maux particuliers ^ ou de dettes particulières , qui , elc* Une sorte de fruits qui , etc. Une sorte tire ce mot fruits de le généralité du nom fruit. Une sorte est un individu spécifique , ou un indi- vidu collectif.
Ainsi , je crois que la vivacité , le feu , l'en- thousiasme , que le style poétique demande , ont pu autoriser Racine à dire ( Esther , Act^ 2 y Se. 8 ). Nulle paix pour l'impie : il la cher» che , elle le fuit. Mais cette expression ne seroit pas rég.u livre en prose , parce que la prenjièfe;
27 s Prmdpe'j
proposition étant universelle négative , et oh nulle emporte toute paix pour l'impie, les pro- noms la et elle des propositions qui suivent ne doivent pas rappeler dans un sens affirmatif et individuel , un mot qui a d'abord été pris dans un sens négatif universel. Peut-être pour- roit-on dire , Nulle paix qui soit durable n'est donnée au-x hommes : mais on feroit mieux de dire : Vue paix durable n'est point dannée aux. hommtis.
Telle est la justesse d'esprit , et îa précision que nous demandons dans ceux qui veulent écrire en notre langue , et môme dans ceux qui la parlent. Ainsi , on dit absolument dans un sens indcHni , 5"^ donner en spectacle y avoir peur , aviur pitié , un esprit de parti , un esprit d'erreur. On ne doit donc pas ajouter ensuite à ces substantifs , pris dans un sens général , des- adjcclifs qui les supposeroient dans un sens fini , et en ieroient des individus métaphysi- ques. Cn ne doit donc point dire , Se donner en spectacle funeste , ni un esprit d'erreur fatale , de sécurité téméraire , ni avoir peur terrible. On- dit pourtant avoir grand' peur , parce qu'alors* cet adjectif grand , qui précocle son substantif, et qui perd même ici sa terminaison féminine, ne fait qu'un même mot avec peur , comme dans gri7nd'messe , grand' mère. Par le mémo prin- cipe , je crois qu'un di nos Auteurs n'a pas parlé exaclcmcnt , quand il a dit (i) , Octavieit déclare en pUm sénat , qu il \iut lui rsmettre le gouvernement de la rrp::blique. En plein sénat est une circonstance rlc lieu : c'est une sorte d'ex- pression adverbiale , où sénat no sn présente? pas sous l'idcG d'un fitre personnilié. C'est
(O Le P. Sanadon i V--c d'Hinace, p. 4.7»
Je Grammaire. 279:
cependant cette idée qwe suppose lui remettre. Il falloit diro , Octavlen déclare au sénat assemblé , qu'il veut lui remettre , etc. ou pre-ndre quel- qu'autre tour.
Si les Lngues qui ont des Articles ont un avan- tage sur celles qui n\n ont poiat.
La perfection des langues consiste principa- lement en deux points. 1^. Avoir u^e assez grande abondance de mots pour suffire à énon- cer les dilïérens objets des idées que nous avons dans l'esprit. Par exemple , en latin , regnum signifie royaume ; c'est le pays dsns lequel un souverain exerce son autorité. Mais les Latins n'ont point de nom particulier pour exprimer la durée de l'autorité du souverain. Alors ils ont recours à la périphrase. Ainsi , pour dire , .7JU5 le rtgne d'Auguste , ils disent Imperante Ccesare Augusto , dans le temps qu Auguste régnoiî. Au lieu qu'en françois nous avons royaume, et de plus règne. La langue françoise n'a pas tou"- jours de pareils avantages sur la latine. 2^. Une langue est plus parfaite , lorsqu'elle a plus de moyens pour exprimer les divers points de vue sous lesquels notre esprit peut considérer le inérae objet. Le roi aime le peuple , et le peuple aime le roi. Dans chacune de ces phrases le roi et le peuple sont considérés sous un raport dif- férent. Dans la première , c'esr le roi qui aime\ dans la seconde , c'est le roi qui est aimé. La place ou position dans laquelle on met roi et peuple , fait connoître l'un et l'autre de ces points de vue.
Les prépositifs et les prépositions servent aussi à de pareils usages en françois.
Selon ces principes , il paroît qu'une langue qui 4 une sorte de mots de plus qu'une amse >
2So Principes
doit avoir un moyen de plus pour exprimer quelque vue fine de l'esprit ; qu'ainsi les lan- gues qui ont des articles ou prépositifs , doivent s'énoncer avec plus de justesse et de précision que celles qui n'en ont point. L'article le tire un nom de la généralité du nom d'espèce , et en fait un nom d individu , h rai , ou d indi- vidus , les rois. Le nom sans article ou prépo- srcif est un nom d'espèce ; c'est un adjectif. Les Lat'ins , qui n'avoient point d'articles , avoient souvent recours aux adjectifs démons- tralits. [}ic ut lapides isti panes fiant : Dites que ces pierres deviennent pains. Quand ces adjectifs manquent , les adjoints ne suffisent pas tou- jours pour mettre la phrase dans toute la clartd qu'elle doit avoir ? Si fiîius Dei es , on peut traduire , Si vous êtes fils de Dieu, et voWà fils nom d'espèce ; au lieu qu'en traduisant Si vous êtes le fils de Dieu y le fils est individu.
Nous mettons de la différence entre ces quatre expressions: i. fils de roi ; 2. fils d'un roi ; 3. fils du roi ; l\. le fils du roi. En fils de roi , roi est ua nom d'espèce , qui , avec la préposition , n'est qu'un qualificatif. 2. Fih d\in roi , d'an roi est pris dans le sens parti- culier dont nous avons parlé , c'est le fils de quelque roi. 3. Tils du roi ; fds est un nom d'es- pèce ou appellatif , et roi est un nom d'indi- vidu , fds de le roi. 4- -^^ f^l^ ^^ ''^* > ^^ fi^^ marque un individu. Fillus régis ne fait pas $enrir ces diff'irences.
EteS'Vous roi ! Etes'vous It roi ! Dans la pre- mi<irc phrase , roi est un nom appellatif : dans la seconde , roi est pris individuelle^ ifient. Rex es tu ! ne distingue pas ces diverses acceptions. Nemo satis graiiani régi refert (i) ,
(1) Térence , Phorm. Il, a, a^.
de Grammaire, 281^
où régi peut signifier au roi , ou à un roi.
Ln palais de prince , est un beau palais qu'un prince habile , ou qu'un prince pourroit habi- ter cléccinmcnt. Mais le palais du prince ( de le prince ) est le palais dclerminé qu'un rel prince habite. Ces dilTércntes vues ne sont pas distin- guées en latin d'une manière aussi simple. Si, en se mettant à table on demande le pain , c'est une totalité qu'on demande : le latin dira da ou affer panem. Si , étant à table , on demande du pain , c'est une portion de le pain : cependant le lalin dira également panem.
Il est dit au second chapitre de saint Mat- thieu , que les Mages s'étant mis en chemin au sortir du palais d'Hérode , videntes srellam ,
favisi sunt ; et intrantes domum , invenerunt puerum. oilà étoile , maison , enfant , sans aucun adjectif déterminatif. Je conviens que ce qui précède fait entendre que cette étoile est celle qui avoit guidé les Mages depuis l'Orient *, que cette maison est la maison que l'étoile leur indiquoif, et que cet enfant est celui qu'ils venoiônt adorer. Mais le latin n'a rien qui présente ces mots avec leur délermiration particulière. Il faut que l'es- prit supplée à tout. Ces mots ne seroient pas énoncés autrement , quand ils seroient noms d'espèce. N'est-ce pas un avantage de la langue trançoise , de ne pouvoir employer ces trois mots qu'avec un prépositif qui fasse connoitre qu'ils sont pris dans un sens individuel déter- mine par les circonstances ? Us virent Vétoile ; ils entrèrent dans la maison ; et trouvèrent V enfant.
Je pourrois raporter plusieurs exemples, qui feroieiit voir que lorsqu'on veut s'exprimer en latin d'une manière qui distingue le sens indi- viduel du sens adjectif ou indéfini , ou bien le sens partitif du sens total , on est oblige d'avoir fCcours à quclqu'adjeclif démonstratif, au à
2Î2 Principes
qiiGlqn'autre adjoint. On ne doit donc pas nocrs reprocher que nos articles rendent nos expres- sions moins fortes et moins serrées que celles de la langue latine. Le défaut de force et de précision est le défaut de l'écrivain , et non celui de la langue.
Je conviens que quand l'article ne sert point à rendre l'expression plus claire , et plus pré- cise , on devroit être autorisé à le supprimer. J'aimerois mieux dire , comme nos pères , Pau- vreté n'est pas vice , que de dire, la pauvreté nest pas un vice. Il y a plus de vivacité et d'énergie tlans la phrase ancienne , mais cette vivacité et cette énergie ne sont louables, que lorsque la suppression de l'ariicle ne fait rien perdre de la précision de l'idée , et ne donne aucun lieu à l'indétermination du sens.
L habitude de parler avec précision , de dis- tinguer le sens individuel du sens spécifique adjectif et indéfini , nous fait quelquefois mettre l'article où nous pouvions le supprimer. Mafs Hous aimons mieux que notre style soit alors moins serré, que de nous exposer à être obscurs- Car en général , /'/ est certain (i) qut r article mis ou supprimé devant un nom , fait quelquefois une si grande différence de sens , qu'on ne peut douter que tes lanpues qui admettent /'article , n'ayent un grand avantage sur la langue latine , pour exprimer nfttement et clairement certains raports ou vues do l'esprit , que l'article seul peut dési- gner , sans quoi le lecteur est exposé à se mépreriilro.
Je me contenterai de ce seul exemple. OviiL faisant la description des onchanKîmens qu'il imagine que Medée fit pour rajeanir J.ison ,
(i) Régnier, Crativr.iiire , pnj, i^i,
Je Gramniairg. 283
t[\\ quo Méiloo (i). Tecris , nuâa pedem , egre^ ditur. Les tracliiclcurs instruits que les Poêles cmi)loiont souvent un singulier pour un plu- riel, iiguro dont ils avoient un exemple devant les yeux en crinem irroravit aquis (2) , qui se trouvent quelques vers plus bas ; ces traduc-- tcurs , dis-je , ont cru qu'en nuda pedem , pedem etoit aussi un singulier pour un plurier ; et tous , hors l'abbé Banier , ont traduit nuda; pcdern , par ayant les pieds nitds. Ils dévoient mcltro , comme l'abbé Banier, ayant un pied nud. C'étoit effectivement la pratique de ces jnagiciens , dans leurs prestiges , d'avoir un pied chaussé et l'autre nud. Nuda pedem peut donc signifier ayant un pied nud , ou ayant les pieds nuds ; et alors la Îungut3 , faute d'article , manque de précision , et donne lieu aux mé- prises. Il est vrai que par le secours des adjec- tifs déterminatifs , le latin peut suppléer aa défaut des articles : et c'est ce que Virgile a fait en une occasion pareille à celle dont parla Ovide. Mais alors le lacin perd le prétendu avantage d'être plus serré et plus concis qua le François.
Lorsque Didon ©ut receurs aux enchante- mnns , elle avoit un pied nud , dit Virgile... (3).v Unum exuia pedem vinclis ; et ce pied , c'étoit le gauche , selon les Commentateurs.
Jo conviens qu*Ovide s'est énoncé d'une manière plus serrée , nuda pedem \ mais il a donné lieu à une méprise. Virgile a parla comme il auroit fait , s'il avoil écrit en Fran- çois ; unum exuta pedem , ayant un pied nud. Il a
■ ■ ■■i»^... tm ■■-■■■ ■■■■iw .,. ...■■i, .■I-»- ■ ■■■l-a
(1) AfeT-am. lib, 7, v. 184.
(a) V. 189.
(i) ^neiJ, lib. 4 , V 51 S.
284 Principes
évité l'équivoque , par le secours de l'adjecnf irulicatif unum \ et ainsi il s est exprimé avec plus de justesse qu'Ovide.
En un mot , la netteté et la précision sont les premières qualités que le discours do t avoir. On ne parle que pour exciter dans l'esprit des autres une pensée , précisément telle qu'on la conçoit. Or , les langues qui ont des articles, ont un instrument de plus pour arriver à celte un ; et jose assurer qu'il y a dans les livres latins bien des passages obscurs , qui ne sont tels que par le défaut d'articles ; dofaut qui a souvent induit les Auteurs à négliger les autres adjectifs démonstratifs , à cause de Ihabitude où ctoient ces auteurs d'énoncer les mots sans articles , et de laisser au lecteur à sup- pléer.
Je finis par une réflexion judicieuse du P. Buifier (i). Nous avons tiré nos éclaircisse- mens d'une métaphysiqae , peut-être un peu subtile,
mais très-réelle C'est ainsi que les sciences
se prêtent mutuellement leurs secours. Si la Mèta- fjkysique contribue à démêler nettement des points essentiels à la Grammaire , celle-ci bien apprise^ ne contribuerait peut-être pas moins à éclaircir les. discours les plus métaphysiques.
(1) Grammaire t n. }^o.
J
ae Grammaire, 286
BauxHBWW/k.a^MtC'Xrt A £<-'BV'^irt9 nrr^-aoïs «K» : a
OBSERVATIONS
SUR
LES LETTRES DE L'ALPHABET.
V_/N divise les lettres en voyelles et en con- sonnes. Les voyelles sont ainsi appellces du mot vjjix , parce quelles se font entendre par elles- mêmes. Elles forment toutes seules un son , une voix. Les consonnes , au contraire , ne sont entendues qu'avec lair qui fait la voix ou voyelle ; et c'est de là que vient le nom de consonne , consonans , c'est-à-dire , qa'i sonne avec une uurr£.
II n'y a aucun être particulier qui soit voyelle , ni aucun qui soit consonne. Mais on a observé des différences dans les modifications que l'oii donne à 1 air qui sort des poumons , lorsqu'on en fait usage pour former les sons destinés à être les signes des pensées. Ce sont ces diffé- rentes consitiérations ou précisions de noire esprit , à l'occasion des modifications de la voix -, ce sont , dis-je , ces précisions qui nous •ont donné lieu de former les mots de voyelle , de consonne , d'articulation , et autres. Ce qui distingue les différons points de vue de notre esprit , sur le méchamsme de la parole , et nous donne lieu d'en discourir avec plus de justesse.
J\îon dessein n'est par. d'entrer ici dans l'exa- nnen et dans le détail de la formation de cha- que lettre particulière. Mais comme la mécha-
z%6 Principes
nique de la voix est un sujet intéressant , qwft c'est princijDalement par !a parole que noas vivons en société , j'ai cru devoir donner uac idée générale de la inéchaniqne de la voix , qui fera entendre plus aisément la différence qu'il y a entre la consonne et la voyelle.
D'abord il faut observer , que l'air qui sort des poumons est la matière de la voix , c'est- à-dire , du chant et de la parole. Lorsque la poitrine s'élève par l'action cle certains muscles , l'air extérieur entre dans les vésicules des pou- mons , comme il entre dans une pompe dont on élève le piston. Ce mouvement , par lequel les poumons reçoivent l'air , est ce qu'on appelle inspiration. Quand la poitrine s'affaisse, l'air sort d'îs poumons •, c'est ce qu'on nomme expiration. Le mot respiration comprend l'un et l'autre de ces mouvemens : ils en sont les deux espèces.
Les cartilages et les muscles de la partie supérieure de la trachée artère forment une espèce de tète , ou une sorte de couronne oblongue qui donne passage à l'air que nous X'espirons. Cest ce que le peuple appelle lu pomme ou le morceau d'Adam. Les Anatomistcs Je nomment larynx, y ûfvyl; d'où vient yafv^eiy clamo , je crie. L'ouverture du larynx est appellëe glotte , y\ÛTit4 , et suivant qu'elle est resserrée ou dilatée par le moyen de certains muscles , elle forme la voix ou plus grêle ou plus pleine.
Au-dessus de la glotte , il y a une espèce de sovipape , qui dans le temps du passage des alimens couvre la glotle •, co qui les empêche d'entrer dans la trachée artère. On l'appelle éfiglotte -, d'îw-"i, super , sur , et yxiHct ^ ou yy.tiîîriis. ,
M. Fcrreiii , célèbre aaatomistc, a observa
de Grammaire, 287
à chaque lèvro do la glotte une espic.o do ruban large d'une ligno tendu horisontalemcnt. L'ac- tion do l'air qui passe par la ferito ou glotîc , cxcile dans cgs rubans des vibralions qui los font sonner comme les cordes d'un instrument de musique. M. Ferrein appelle ces rubans cordes vocales. Les muscles du larynx tendent ou relâchent plus ou moins ces cordes vocales: ce qui fait la différence des tons dans le chant , dans les plaintes et dans les cris (i).
Les poumons , ia trachée artère , le larynx, la glotte et ses cordes vocales , sont les pre- miers organes de la voix , auxquels il faut ajou- ter le palais, c'est-à-dire, la partie supérieure et intérieure de la bouche, les dents , les lèvres, la langue , et même ces deux ouvertures qui sont au fond du palais et qui répondent aux narines : elles donnent passage à l'air quand la bouche est fermée.
Tout air qui sort de la trachée artère n'excite pas pour cela du son. Il faut , pour produire cet effet , que l'air soit poussé par une impul- sion particulière , et que dans le temps de son passage il soit rendu sonore par les organes de la parole. Ce qui lui arrive par deux causes différentes.
1°. L'air étant poussé avec plus ou moins de violence par les poumons , il est rendu sonore par la seul ' situalion oû se trouvent les organes de la bouche. 2°. L'air qui sort de la trachée artère est rendu sonore dons son passage , par l'action ou mouvement de quelqu'un des orga- nes de la parole.
Voilà deux causes qu'il faut bien distinguer;
( I ) Voyez le Mémoire de M. Ferrein , Hist, àe i Académie des Sciences , année 174 1 , pag. 4.09,
â88 Principes
i^. simnlc situation des organes* 2**. action ou rnouvoment de quclqu'orgatie particulier sur î'air qui sort de la trachée artère.
Je compare la pirmière manière à ces fentes qui rendent sonore le vent qui y passe , et je trouve qu'il en est à peu prés de la seconde , commo de l'effet que produit l'action d'un corps solide qui en frappe un autre.
Les différentes sortes de parties qui forment l'ensemble de lorgane de la voix , donnent lieu de comparer cet organe , selon les diffé- rens effets de ces parties , tantôt à un instru- ment à vent tel que l'orgue ou la flutte , tantôt à un instrument à corde , tantôt enfin à quel- qu'autre corps capable de faire entendre un son , comme une cloche frapée par son battant, ou une enclume sur laquelle on donne des coups de marteau.
Par exemple , s'agit-il d'expliquer la voyelle , on aura recours à une comparaison tirée de quclqu instrument à vent. Supposons un tuyau d'orgue ouvert -, il est certain que tant que ce tuyau demeurera ouvert , et tant que le soufflet fournira de vent ou d'air , lo tuyau rendra le son qui est l'effet propre de létat et de la situation où se trouvent les parties par lesquelles l'air passe. Il eu est de même de la flutte. Tant ^ue celui qui en joue y souiPio de l'air, on entend le son propre au trou que les doigts lais- sent ouvert. Le tuyau d'orgue ni la flutte n'agis- sent point ; ils ne font que se prêter à l'air poussé , et demeure dans l'état où cet air les trouve.
Voilà précisément la voyelle. Chaque voyelle cxig<3 que les orgmes de la bouche soient dans Il situation requise pour faire prendre à l'air qui sort de la trachée artère la modification propre i exciter le son de tcllo ou icilc voyelle. L»
situai icjr
I
ie Grammaire, 389
-{fîtiiation qui doit faire entendre l'a , n'est pas }a môme que celle qui doit exciter le son de 1 t. Ainsi des autres.
Tant que la situation des organes subsiste dans le même état, on entend [a même vo) elle, ,nussi Jong-temj33 (]uc la respiration peut fournir il'air. Les poumons sont à cet égard ce que les soufflets sont à l'orgue.
Selon ce que nous venons d'observer , il sui* que le nombre des voyelles est bien plus grand qu'on ne le dit communément.
Tout son qui ne résulte que d'une situation ^'organe , sans exiger aucun battement ni mouvement qui survienne aux parties de la bouche , et qui peut être continuée aussi long- temps que l'expiration peut fournir dair , un tel son est une voyelle* Ainsi a,â,é,è,e,if <? , u , ou , «"u , et sa foible e muet , et les naza- îes , an , en , etc ; tous ces sons-là sont autant àe voyelles particulières , tant celles qui ne sont écrites que par un seul caractère , tel que fl , ^, i , o , i/, que celles qui faute d'un carac- tère propre , sont écrites par plusieurs lettres, telles que on , eu , oient , etc. Ce n'est pas la manière d'écrire qui fait la voyelle, c'est la simplicité du son , qui ne dépend que d'une eiluation d organes , et qui peut être continué. Ainsi , au , eau , ou , eu , aient , etc , quoiqu'écrits par plus d'une lettre , n'en sont pas moins de simples voyelles. Nous avons donc la voyelle u et la voyelle ou : les italiens n'ont que Vcu , qu'ils écrivent par le simple a. iN^ous avons de plus la voyelle eu, feu , lieu '. \'e muet en est la foible, et aussi une voyelle particulière.
Il n'en est pas de méîYîe de la consonncr Elle ne dépend pas , comme la voyelle, d'une situation d'organes qui puisse être permanente. Elle est l'cfret d'une action passagère , d'an
N
290 Principes
trémoussement, ou d'un mouvement mereen* tauée (i) cl« quelque organe de la parole ^ co.nme de la langue , des lèvres, etc. En sort* <}ue si j ai comparé la veyeile au son qui résulta d'un tuyau d'orgue ou du trou d'une flûte , je crois pouvoir comparer la consonne â l'effet que produit le baliaiu d'une c'oche ou le marteau enr lenc'jme. Fournissez de l'air à un tuyau iVorgue ou au trou d une flûte , vous entendez toujoUiS le même son au lieu qu'il faut répéter les coups du battant de la cloche et ceux du marteau sur l'enclume , pour avoir encore le son qu on a entendu la premièie fois. Demême , si vous cessez de répéter le mouvement des Jevres qui a fait entendre le be ou le p* \ si vous ne redoublez point le trémoussement de la langue qui a produit Je re , on n'entendra plus «es consonnes. On n'entend de son , que par le trémoussement que les parties sonores de l'air reçoivent dos divers corps qui les agitent. Or l'action des lèvres ou les agitations de la langue , donnent à l'air qui sort de la bouche la modification , propre à faire entendre tell© DU telle consonne. Or , si après une telle modi- fication , l'émission de l'air qui l'a reçue dure encore , la bouche demeurant nécessair^nent ouverte pour donner passage à l'air , et les organes se trouvant dans la situation qui a fait «Mitendro la voyelle , le son de cette voyelle
(1) Ecrive/, ivementcmèe par denx f/. Telle cjt J'aiul"(ïie des mois tr.in(,oi5 qui viennent d«< mots ] ùn<i eu , eus. C'est ainsi que l'on dit les Champs- Lliséei ; les Mcnts-Pyrinîes , le Collisee ; et non le (-due ; le fleuve Alphe'e , et non le fleuve Alphi , Puviu^ AlrhJes. Voyez le Dicrionn.iire de l'Académie, celui de Trtvoujc , et celui de Joubcrt 1 aux aaoïs iiKrr<r-:fu'î!^<r et spontanée.
ie Grammaire* 2g t
Fourra être continué aussi lon^-temps que omission de l'air durera : ai! lien que 1« sorv de la corisoime n'est plus entendu , après Vaction de l'organe qui l'a produite.
L'union oa combinaison d'une consonno avec une voyelle ne peut se faire que par une mccne émission d? voix. Cette union est a^ppe'lëe artimlaricn. Il y a des articulationi Mmples et d autres qui sont plus ou moins com' posées : ce qae M. H.irdouin , secrétaire do la Société Liileraire d Arras, a extrêmement bien Uévelopvi dans un mémoire particulier. Cetto combinaison se fait d'une manière snccessivfî , et elle no peut être que momentanée L'oreili*^? cjistingue l'effet du batteni'int et celui de la situation : elle entend séparément l'un après lautro. Par exemple , dans la sillabe ba , l'oreille entend d'abord le b , ensuite l'a ; ec Ton garde ce même ordre , quand on écrit les lettres qui font les syllabes , et les syllabes qui font les mots.
Enfin , cette union est de peu de dure'e ,' parce qu'il ne seroit pas possible que les organes de la parois fussent en même temps en deuîC étals , qui ont chacun leur effet propre ec dif- férent. Ce que nous venons d'observer à l'égard de la consonne qui entre dans la compositioa d'une syllabe , arrive anssi par la même raison flans les deux voyelles quî font une diphtoiigne, comme ui , dans lui , nuit , bruit , etc. L'm est «ntendu le premier , il n'y a que le son de l't qui puisse être continiîé , parce que la situation des organes qiii forme 1'/ a succédé subitement à celle qui avoit fait entendre lu.
L'articulation ou combinaison d'une con- sonne avec une voyelle fait une syllabe • cepen* fiant une seule voyelle fait aussi fort souvent une syllabe. I^a sylbbc est un son ou simple
2f^x Principes
ou compose ^ prononcé par une seule impulsion de voix. A'jou-tè , re^u-ni , cré-é.
Les syllabes qui sont lerminées par des con- sonnes sont toujours suivies d'un son foible , qui est regardé comme un e muet. C'est le nona qu'on donne à l'effet de la dernière ondulation , ou du dernier trémoussement de l'air sonore ; c'est le dernier ébranlement que le nerf auditif reçoit de cet air. Je veux dire que cet e muet foible n'est pas de même nature que Ve muet, excité à dessein , tel que Ve de la fin des mots vtt-e , vi-e , et tels que sont tous les e de nos rimes féminines. Ainsi il y a bien de la diffé- rence entre le son foible que l'on entend à la un du mot Michel , et le dernier du mot Michèle ; entre bel et belle ; entre coq et coque ; entre Job et robe ; bel et balle ; cap et cape ; Siam et ame , etc.
S'il y a dans un mot plusieurs consonnes de suite , il faut toujours supposer entre chaque consonne cet e foil)lc et fort bref. Il est comme le son que Ton distingue entre chaque coup de marteau , quand il y en a plusieurs qui se sui- vent d aussi prèsqu'il est possible. Ces réflexions font voir que Ve muet foible est dans toutes les langues.
Kecneillons de ce que nous avons dit , (]ue la voyelle est le son qui rtisulre de la silualion où les organes de la-parole se trouvent dans le temps que l'nir de la voix sort par la trachée artère , et que la consonne est k'eftet de la modification passagère que cet air reçoit de l'actioa momentanée de quelque organe parti» culior de la parole.
C'est relativement à chacun de ces organes , C)Uf> d.ms toutes les langues on divise les lettres eu cnrlainos classes , où elles sont nommées du nom de 1 organe particulier qui paroît contri-
de Grammaire, 298
bucr le plus à leur formation. Ainsi les une* sont appullées labiales , d'autres linguales , ou bien palatiales , ou dentales , ou naïaUs ou gut- mraies. Quelques-unes peuvent étio dans 1 une et daas l'autre do ces classes , lorsque divers •rganes concourent à leur tormatioû.
Labiales. B, P, F, V , M.
Linguales. D , 1 , N , L , R.
Palatiales. G , J , G fort ou K oa Q i le laiouillé -fort IIU et Je mouille loible^^.
Dentales ou sillantes. S ou C Joax , tel qua se , si , Z , CH. C'est à cause de ce siilernenC <jue les Anciens ont appelle ces consonoes se.nivocaJes ^ sêmivocales , demi-voyelles i au lieu qu'ils appeloient les autres muettes.
Nazaies. M , N. GN. ■
Gutturales. C'est le nom qu'on donne a celles C|ui sont prononcées avec une aspiration forte, et par un mouvement du fond de la trachée artère. Ces aspirations fortes sont fréquentes en Orient et au Midi. 11 y a des lettres gutturales parmi les peuples du Nord. Ces lettres paroissent Tudes à ceux qui n'y sont pas accoutumés. Noui n'avons do son guttural qwe le kè^ qu'on appelle coînmunément H aspirée. Celte aspiration est l'effet d'un mouvement particulier des parties internes de la trachée artère. Nous ne l'articu- lons qu'avec les voyelles, le héros , la hauteur.
Il y a des Grammairiens qui mettent le H au rang des consonnes , d'autres , au contraire , soutiennent que ce signe ne marquant aucun son particulier , analogue aux sons i\QS autres consonnes , il ne doit être considéré que comme un signe d'aspiration.
Pour moi , je crois que puisque les uns et les
autres de ces Grammairiens conviennent de la
valeur de ce signe , ils doivent se permettre réci-
.proqut^jnent de l'appeler, ou consonne^^ ou ngnt
294 Principes
d'aspiration , selon le point de vue qui les affecfe ]9 plus.
La diversité des climats cause des différences dans la prononciation des langues. Il y a des pcMj^nles qui mettent en action certains organes, et même certaines parties d«5 organes , dont les autres ne font point usage. Il y a aussi une forme ou manière pa^rticuîière de faire agir les organes. De plus , en chaque nation , er^jcha- qiie province , et même en chaqne ville , otl s'énonce avec une sorte de modulation parti- culière : c'est ce qu'on appelle accent nationul , ou accen: provincial. On en contracte l'habitude par l'éducatioa , et qu-and les esprits animaux ont pris u-ie certaine route , il ost bic-n difficile-, malgré l'empiie de i'ame , de leur en faire pren- dre Une nouvelle. De-lâ vient aussi qu'il y a des peuples qui ne sauroient prononcer certaines let- tres. Les réflexions qu'on peut faire sur ce sujet sont fort utiles pour rendre raison des changc- Hiens arrivés a certains mots, qui ont passé d'une langue dans une autre. Voyez la Dissertation d« M.Falconet, sur les principes de l'étymologie ^ dans VHistûire de l'Académie des Belles-Lettres. Il faut voir aussi les Grammaires des différentes langue*.
A l'égard du nombre de nos consonnes , si l'on ne comj)te que ces sons et qu'on ne s'ar- rête point aux caractères de notre alphabet , ni à l'usage souvent déraisonnable q^ue l'on fait de ces caractères , on trouvera que nous avons -di-x- huit consonnes , qui ont un son bi^n marqué , er auxquelles la qualification de consonnt n'est point contestée.
Nous devrions donner un caractère pTopra , détermine , unique et invariablo à chacun do ces ?ons : ce que les Grecs ont fait exactement, conlorménient aux lumières naturelles. Est- il CD. cfiet idiiOiinabU que lo même signe ait du*
de Grammaire, 2çb
destinations différentes dans le même ^enre , et que le môme objet soit indique tantôt par un signe , tantôt par un autre l
Avant que d entrer dans le compte de nos consonnes , je crois devoir faire une courte obserratiorj sur laraanièro de les nommer.
II y a cent ans qug la Grammaire générale de Port-Royal (i) proposa une manière d'appren- dre à lire facilement en toutes sortes de langues. Cette manière consiste i nommer les consonnes par le son propre qu'elles ont dans les syllabes où elles se trouvent , en ajoutant seulement à ce son propre celui de Ye muet , qui est l'effet de l'impulsion de l'air nécessaire pour faire entendre la consonne. Par exemple , si je veux nommer la lettre B dans les mots Bcbylonne , Bibuî , etc. je l'appellerai be , comme on le prononce dans Ta dernière syllabe de tombe , ou dans la première de besoin.
Ainsi du D , que je nommerai de , comme on l'entend dans ronde.
Je ne dirai plus effe] je dirai /(? , comme dan« fera , éiof}.
Cette pratique facilite extrêmement la liaison des consonnes avec les voyelles , pour en faire des syllabes. Elle a été renouvellée de nos jours , par MM. de Launay , père et fils , et par d'autres maîtres habiles. Les mouvement que M. Dumas s'est donnés pendant sa vie pour établir son bureau typographique , ont aussi beaucoup contribué â taire connoltre cette dénomination , en sorte qu'elle est aujour- d hui pratiquée môme dans les petites écoles.
Voyons maintenant le nombre de nos conson- nes. Je les joindrai , autant qu'il sera possible, à chacune de nos huit voyelles principales. ' ' — — ... . ■ , ■ ■,.
( J ) Parrcc I , ch. 6.
N4
2^6
■Figure de B , i.
C, c dur
D, d.
F,f.
G , g ffivr
/ti lettre. Be.
J,
Qoe.
De.
LFe.
Gjc
J.;
Principes
Exemphs de chaque eênsenue avee chaque voyelle.
a é i
Babyîone , Béat , bière , o u oa eu
feoiinet , baie , boulo , beurre,
e muer. bedeau.
Cadre ou quailre , karat em carat , kalendes ou caleneles, lo Quénoi , qui , kiriell&:, coco , cure , le cou , queue, quérir , querelle.
Comme je ne cherche que le» sons propres de chaque letrre de notre langue , désignés par un eul caractère incommunicable à tour autre son , je ne donne ici aa c que le son fort qu'il a dans les syllabes ca , co , eu. Le t.on doux ce , ci , a Pi arrient au S , et le sou {e , '^i , appartient à la lettre |.
David , un dé , Diane » (lodu, duché, douleur, deux, demander.
Faveur , féminin , fini , orêt , funeste , le four , le i"eu , femelle.
Gage , guérir ,
guttural ,
guide , goulu , gueux , guedo.
Je ne doimt; ici à ce caractère * que le son (lu'il a devant u, o, u: le son tbible ^e , gi , appartient au J.
Jamais , jésuite , j'irai , joli , jupe , joue , jeu , jetler , ellou ,
ie Grammaire,
197
Fi^nre de\ |
|
laU |
ure. |
L, |
1. |
M, |
m. |
N, |
n. |
P, |
P- |
R, |
r. |
S, |
f. |
T, |
t. |
V |
▼. |
Le.
Me.
Nom de Le son du JT devant i a été donné la lettre, dans notre orthographe vulgaire au g doux , gibier ^ gîte , giboul^ lèe , eic : et souvent maigre l'ety- niologic , tomme dans ci git , hic jacet. Les partisans de l'ortho- graphe vwlgaire ne respectent rétyraologie que lorsqu'elle eët favorable à leurs préjuges.
La , légion , livre , loge , la lune , Louis , leurrer^, leçons. \
Machine , médisant , midi , tnorule , muse , moulin l, meunier , mener. ,
Nager , Néron , Nicole*, novice , nuage , nourrice , neutre , mener.
Pape , péril , pigeon , pom- made , punition , poupée , peuple , pelé , pelote.
Ragoût , règle , rivage , Rome , rude , rouge , Reut- lingen , ville de Souabe ^ reve- nir.
Sa^q , séjour , Sion , Se- lon , sucre , souvenir, seul, semaine.
Table , ténèbres , tiarre , tonère , tuteur , Toulouse , l'ordre Teutonique en JUe*- magne , tenir.
Valeur , vélin , ville volonté, vulgaire, vouloir
y^ veux 9 Ysnir. .^
Ne
Pe.
Re.
Se,
Te.
Ve.
*9
Fleure de la lettre.
Nom de
la lettre.
Ch , ch.
Gn, pn.
Che.
me.
Principes
Zacharie , féphire , zîxa- nie , zone , Zurich , ville di Suisse.
Aux quinze son» que nous venons de remarquer on doit en ajouter encore quatre autres qui devroienr avoir un caractère par- ticulier. Les Grecs n'auroienr pas manquai de leur en donner un comme ils firent à l'e long , à V0 long et aux lettres aspirées. Les quatre sons dont je veux parler ici sont kl j/i , qu'on nomme che * le gn , qu'on nomme ^ne , le // ou lie , qui est un son mouillé fort, et le y qu'on n(>mme yè , qui est un son mouille foihle.
Chapeau , chciir, chicane, chose , chute , chou , che- min , cheval.
Il ne s'agit pas de ces deux
let'res , quind elles gardtnt leur
on propre, comme dans gnom^j,
nmgnus .: il s'agit du s^n inouillé
qu'on leur donne dans ,
Pays de Coca-gue, Allema- fjiie , ma-gnaninie, Champa- gne , r(';-gne , li-gnc , insi- gne, ma-gnifique, Avignon, oi-gnon.
Les Espignols marauent ce son
par un n surmonte d'une petite ligne , qu'ils appellent tilde , c'est- à-dire , titre. wWonfiiDa , mon- tagne , E^pi-.r^a , Lspagnc.
Nous devrions avoir aussi un caractère particulier des- tiné uniquement à marqueif le suu tic / mouille, Comi»^
de Grammaire» '299
•oc caractère nous manrjue , notre orthographe liVst pns uniforme dans la manière de dcsignet ce son. Tantôt nous l'indiquons par un seul /, tantôt par deux // , quelquefois par //i. Ondoie seulement observer que / mouillé est presque toujours précédé d'un i. Mais cet i n'est pas pour cela la marque caractéristique du / mouillé , comnîe on le voit dans civil , nil ^ exil , fil , file , vil , vile , où le / n'est point mouillé , non plus que dans Achille , pupille , tranquille , qu'oa fcroit mieux de n'écrire qu'avec un seul /.
Il faut observer , qu'en plusieurs mots Vi so fait entendre dans la syllabe avant le sou mouillé ; comme dans péril , on entend Vi , ensuite le son moiùWé pé-ri l.
Il y a au contraire , plusieurs mots où Vi est muet ; c'est-à-dire , qu'il n'y est pas entendu séparément tlu son mouillé. Il est confondu avec ce son ; ou plutô*t , ou il n'y est point •quoiqu'on l'écrive, ou il y est bien foible. .
Exemple où l'ï est entendu.
Péri-1 , avri-1 , babi-I , du mi-I , genti-Ihomme , Brési-l , fi-lle , babi-lle , véti-IIe , freti-lle , chevi-lle , fami-lle , cédi-lle , Sévi-Ile.
Exemples où /'i est muet , et confondu avec le son moitillé.
De l'a-il , de Vail , qu'il s'en ai-Ile /bou-ill- «>n , bouillir , boHte-ille , berca-il , éma-il ^ éventa-il , qu'il fou-ille , qu'il fa-ille , le village de Sulli , merve-ille , mou-ille , mou-iller , ni sou ni ma-ille , sans pare-ille , il ra-ille , le duc de Suili , le seu-il de la porte , le somme- il , // lomme-ille , sou-illor , trava-il , trava-ilier 3 §ttil veii-ille, la ye-iilç , rien qui va-ille,
3 00 Principes
Le son mouillé du / est aussi marqué dans quelques noms propres par Ih , Aîilhau , ville de Rouergue , M. Silhon , M. de Pardalhac.
On a observé que nous n'avons point de mot» qui commencent par le son mouillé.
Du } é , ou mouillé faible*
Le peuple de Paris change le mouillé fort en mouillé foiblc. Il prononce fi-ye , au lieu de fille , Versa-yes , pour Versailles. Cette pronon- ciation a donné lieu à quelques Grammairiens modernes d'obs«rver ce mouillé foible. En effet , il y a bien de la différence dans la pro- nonciation de ien dans mien , tien , etc , et de celle de mo-yen , pa-yen , a-yeux, ayant, Ba- yonne , Ma-yence , Bla-ye ville de Guienne , /a- ya.ice , eniplo-yons à l'indicatif , afin que nous emplo-i-ycns , que votis a-i-ye^ , que vous so-z- yej au subjonctif. La ville de No-yon , le duc de Ala~yenne , le chevalier Ba-yard , la Ca-yenne , ea-yer , fo-yer , bo-yeame.
Ces Grammairiens disent que ce son mouillé est une consonne. M. du Mas , qui a inventé Je bureau typographique , dit que dans les mots pa-yer , emplo-yer , etc , yé est une espèce d't mouillé consonne ou demi-consisnnc (i).
M. do Launay dit que cette lettre y est amphi- bie ; qu'elle est voyelles quand elle a la pronon- ciation de \'i; mais qu'elle est consonne, quand on i'emploio avec les voyelles , comme dans les syllabes ya , yé , etc ; et qu'alors il la n>et au rang des consonnes (2).
Pour moi , je ne dispute point sur le nom ;
( 1 ) Bibliothèque des Fnfans , llle, voh p, I09.
de Grammaire. iof
l'essentiel est de bien distinguer et de biea prononcer cette lettre. Je regarde ce son yé dans les exemples ci-dessiis , comme un soa mixte , qui trg paroît tenir de la voyelle et de la consonne , et faire une classe à part.
Ainsi , en ajoutant le che et les deux sons mouillés gn et // , aux quinze premières con- sonnes , cela fait dix-huit consonnes , sans compter le h aspiré , ni le mouillé foible ou son mixte yé.
Je n'ai point placé la lettre x parmi les con- sonnes , parce qu'elle n'a point de son qui lui soit propre. C'est une lettre double , que les copistes ont mise en usage pour abréger. Elle fait quelquefois le service de deux lettres forliS ês , et quelquefois celui des deux foibles g{.
Exemples,
Axe.
Axiome.
Alexandre.
Fluxion.
Sexe.
Taxe.
Vexé.
Xavier.
Xénophon.
X pour es,
Prononceii
Ac-se.
Ac-siome.
Alec-sandre.'
Fluc-sion.
Sec-se.
Tac-se.
Vec-sé.
Csavier,
Csé-nophon<
X Pour GZ.
Exemples,
Examen' Exemple. £xaucer.
^rononce^t
Eg-zamen, £g-zemple; £g-zducef.
3 02 Principes
Exarque. Eg-zarqiie,
Exercice. Eg-zercic«»
Exil. Eg-zil.
Exiger. Eg-ziger.
Exode, Eg-zodc.
Exhorter. Eg-zhorter.
A la fin des mots , \'x a , en quelques nom» propres , le son du es ; Ajax , Pollux , Styx : on prononce Aja^s , Pollues , Stycs. Il en est de même de l'adjectif ^préjix , qu'on prononce préfics.
Mais dans les autres mots que les maîtres à écrire , pour donner plus de jeu à la plume , ent terminés par un x , ce x tient seulement la place du s , comme dans je veux , Us deux , Us yeux , la voix , six , dix , chevaux.
Le X est employé pour deux ss dans soixante, BruxelUs , Auxone , Auxerre. On dit Ausserre , soissante ^ Brusselles , Aussone , à la manière des Italiens qui n'ont point de x , dans laur Alpha- bet , et qui <3mploient les deux ss à la place de cette lettre : Alessandro , Alessio,
On écrit aussi , par abus , le x au lieu du ^, en ces mots sixième , deuxième, quoiqu'oQ pro- nonce siiième , deuiième. Le x tient lieu du c dans excellent , prononcez eccelUnt^
Dans la liste que j'ai donnée des consonnes, î'ai rejette les caractères auxquels un usage aveu- gle a donné le son de quelqu'un de ceux qu« j'y ai comptés. Tels sont le /t et le ç , puisque le g dur marque exactement le son de ces lettres. Je n ai point donné au c le son du jr , ni au 5 , le «on du i. C'est ainsi qu'en grec le x , cappa , est toujours cappa , le f , sigma , toujours siffma. De sorte que si en grec la prononciation d'un }D.ot Yieâ( 4 chëpgcx ou p^x coiitii»cûejQ ou ^n,
ile Grammaire. Sû3
la forme> de la conjugaison , ou par la raison tic quelque diaiocie , l'ortographe de ce mot se conforme au nouveau Son qu on lui donne. Ou ii'a égard , en grec , qu'à la manière de prononcer les mots , et non à la source d'où ils viennent , quand elle n'influe en rien sur ]a prononciation , qui est le seul but de l'or- thographe. Elle ne doit que peindre la parole, qui est son original j elle ne doit point en dou- bler les traits , ni lui eu donner qu'il n'a pas, ni s'obsiiner à le peindre a présent tel qu'il élok il y a plusieurs années.
Au reste , les réflexions que je fais ici n'ont d'autre but , que de tâcher de découvrir les sons de notre langue. Je ne cherche que îe fait. D'ailleurs , je respecte l'usage , dans le temps même que j'en reconnois les écarts et la dérai- son ; et je m'y conforme , malgré la réflexion, sage du célèbre prote de Poitiers et de M. Res- ta ut , qui nous disent (i) qu'il est toujours louable , en fait d'orthographe , de quitter unt mauvaise habitude pour en contracter une meilleure; c'est-à-dire , plus conforme aux lumières natu- re'ltrs et au but de l'art.
Que si quelqu'un trouve qu'il y a de la con- trariété dans cette conduite , je lui répons qu« tel est 1g procédé du genre humain. Agissons- nous toujours conformément à nos lumières et à nos principes ?
Depuis M. l'abbé Dangeau , nos Grammai- riens divisent les consonnes en faibles et en fortes. Effectivement il y a plusieurs lettres qui se prononcent facilement l'une pour l'autre , parce que ces lettres étant produites par les
( I ) Traite de rOnhograph* t» fçïm ^f Dic^i^M }iuiig f à ÏÀ leurt ^
So4 ' Principes
Hiêmes organes , il suffit d'appuyer un peu pluj ou un peu moins pour les iaire entendre , ou l'une ou l'autre. Ainsi le même organe poussé par un moavement doux , produit une con- sonne foible , comme B , et s'il a un mouve- ment plus fort et plus appuyé , il fait enlendro une consonne forte , comme P. B est donc la foible de P , et P est la forte de B, Je vais opposer ici ces lettres les unes aux autres.
Consonnes foibles» Consonnes fortes^
B. P.
Bâcha. Pacha.
Baigner. Peigner,
Bain. Pain.
Bal. Pal , ierme de blason»
Balle. Pâle.
Ban. Pan , divinité du ptzg«*
nisme.
Baquet. Paquet. Bar , duché en Lorraine,? diC.
Bâté. Pâté.
Bâtard. Patar , petite monnoiei.
Beau. Peau.
Bêcher. POchcr.
Bercer. PcFcer.
Billard. Piliard.
Blanch©» Planche.
Bois. Pois.
D. T.
Pactyle , termt de Pc^'-Tactile , qui peut êtrt siti touché y ou qui concerne
le sens du toucher : Us quêUtéa tact-iles»
de Grammaire. 3o5
Consonnes foibles. Consonnes fortes»
Danser. Tanser, répriinandtro
D.uil. Tard.
Dater. Tàter.
Dcistè, Théiste.
Doue. Tette , Tête.
Doge. Toge.
Doigt, Toit.
Duiiuer. Tonner.
G , gue» C dur , K ou Q , qnt.
Gabaret |
co> |
Cabaret. |
Gâche. |
Giche. |
|
Gage. |
Cage. |
|
Gale. |
Cale , terme ie Marîn-e^ |
|
Gand. |
Quand. |
Can, quon écrit commit'* élément Caén. |
Glace. |
Classe. |
|
Grâce. |
Crasse, |
|
Grand. |
Cran. |
|
Grève. |
Crève. |
|
Gris. |
Cri , cris. |
|
Grosse. |
Crosse. |
|
GroLtc. |
Croite. |
J i je» Ch , chc,
Japon. Chapon.
Jarretière. Charretière.
Jatte. Chatte.
( I Ville de Gascogne.
3o6
Principes
Cênsonnes foibUs* |
Ctns^nms forlê9. |
y ,né. |
F , fi. |
Vain. Valoir. Vaner. Yendre , Tenâa. |
Faim. Faloir. Faner. Fendre , fendu. |
Z, if. |
S , se. |
Zèle. |
Selle. il Sonne , ai senner. Le |
Saône , rivière. |
Yc mouillé foihle» L , Il mouillé fort.
Quit pa-ye,
Pa-ycn.
Mo-ycn.
La ville de Bla-ye en
Guyenne, Les Lsles Luca-yes en
Amérique, La ville de Noyon en
Picardie , etc.
Pa-ille. Maille. Va-ille. Versa-illes.
Fi-lle.
Faini lie , etc.
Par ce détail des consonnes foibles et dei fortes , il paroU qu il ny a que les deux lettres natale m , a et les deux liquides / , r , dont le son ne change point d'un plus foiblc en un plus fort , ni d'un plus fort en un plus foible. Et ce qu'il y a de plus remarquable à l'égard de ces quatre lettres , iclon l'observation que M. Harduin a fuite dans le Mémoire dont j'ai parlé , c'est qu'ellfîs peuvent se lier avec cha- que espèce de cousoaue , soit avec les foiblos>
de Grammaire, 3 07
»eit avec les fortes , sans apporier aucune alté- ration à ces lettres. Par exemple , imbibé ; voili le m devant une faible •, impitoyable , le voilà devant ane forte. Je ne prétens pas dire due ces quatre consonnes soient immuables ; elles se changent souvent , sur-tout entr'elles : je dis seulement qu'elles peuvent précéder ou suivre indifféremment ou une lettre foible ou une lettre forte. C'est peut-être par cette raisou que les anciens ont donné le nom de liquides a ces quatre consonnes , / , m , /i , r.
Au-iieu qu'à l'égard des autres, si une foible vient â être suivie d'une forte , les organei prenant la disposition requise pour articuler cetic lettre forte , font prendre le son fort à le foible qui précède , en sorte que celle qui doit C'trc prononcée la dernière , change celle qui est devant en une lettre de son espèce : la fortft chanj^e la foitle en forte , et la foible fait que la feiie devient foible.
C'est ainsi que nous avons vu que le x vaut tantôt es , qui sont deux fortes , et tantôt gj, qui sont deux foibles. C'est par la même raison, qu'au prétérit le b de scribo le change en p , à cause d'une lettre forte qui doit suivre : ainsi on dit , scribe , scripsi , scriptum. M. Harduin €3t entré à ce sujet dans un détail fort exact , par raport à la langue françoise ; et il observe que , quoique nous écrivions absent , si nous voulons y prendre garde , nous trouverons qii« nous prononçons apsent.
VQ*
3o8 Principes
DE LA LETTRE E,
X-jA lettre E , e , est la cinquième de la pîu- |)art des alphabets , et la seconde des voyelles.
Les anciens Grecs s'étant apperçus qu'en certaines syllabes de leurs mots , IV étoit moins Jong et moins ouvert qu'il ne l'étoit en d'autres syllabes , trouvèrent à propos de marquer par des caractères particuliers cette ditïérence , .qui étoit si sensible dans la prononciation.
En latin , et dans la plupart des langues , Ve «st prononcé , comme notre e ouvert commua çu milieu clos mots, lorsqu'il çst suivi d'une consonne , avec laquelle il ne fait qu'uup même «yllalw \ cje^lebs , mel , p^r , patrèm , omnipo-tèn" ùm , ji)€s , et , etc : mais selon notrç manière dp prononcer le latin , \e est fermé , quand il finit le mot , mare , cubile , pâtre , etc. Dans nos provinces d'au-delà de la Loire , on pro- nonce Ve final latin , comme un e ouvert. C'est une faute.
Il y a beaucoup d'analogie entre Ve ferme et Vi\ c'est pour cela que l'on trouve souvent l'une deceslotlres au lieu de l'autre , herè ^ herï. C'est par la même raison , que l'ablatif de plusieurs mots latins est en e ou en i \ prudente et prw demi.
Mais passons à notre e françois. J'observerai d'abord , que plusieurs dp nos Grainniairion<; disent , qu(' nous avonc qu;itro sortes d'f. La Aléthode de Port- Royal au Traité des Lettres , pug. 622 , dit que ces (]ualfo prononciaiioiiî
de Grammaire, io^
différentes de IV se peuvent remarqner dans co^ Srtiil mot , déterrement \ mais il est aisé de voir qu'aujourrihiii \e de la dernière S}'llabe , ment, ii*est e que dans Tticrituro.
La prononciation de nos mots a varié. L'écri- ture n'a été inventée , que pour indiquer la prononciation ; mais elle ne sauroit en suivre tous les écarts , je veux dire , tous les divers nhangemcns.. Les enfans s'éloignent insensi- blement de la prononciation de leurs pères : ainsi l'orlhographe ne peut se conformer à sa destination que de loin en loin. Elle a d'abord été liée dans les livres , au gré des premiers inventeurs. Chaque signe ne signifioit d'abord que le son pour lequel il avoit été inventé : le signe a , marquoit le son a \ le signe e , le son f , etc. C est ce que nous voyons encore aujour- d hui dans la langue grecque , dans la latine , et même daus l'italienne et dans l'espagnole. Ces deux dernières , quoique langues vivantes, sont moins sujettes aux variations que la nôtre.
Parmi nous, nos yeux s'accoutument dès l'enfance à la manière dont nos peres écrivoient un mot , conformément à leur manière de le prononcer ; de sorte que , quand la pronon- ciation est venu à changer , les yeux accoutu- més à la manière d écrire de nos pères , se sont , opposés au concert que la raison auroit voulu introduire entre la prononciation et l'ortho- |;raphe , selon la première destination des caractcres. Ainsi i! y a nu alors parmi nous , la lang'ie qui p rie à loreille , et qui seule est la véritable langue ; et il y a eu la manière de la représ'înter aux yeux , non telle que nous l'ar- ticulons , mais telle que nos pères la pronon- çoicnt , en sorte que nous avons à reconnoîtrc nn moderne sous un habillement antique. Nous faisons aiort une double faute : celle d'écrire
s î o Principes
on TTîOt autrement que nous ne le pronençony, et ceile de le prononcer tsnsuite autrement qu'il n'est écrit. î\ous prononçons a et nous écrivons e , uniquement parce que nos pères pronen- çoienr ^^i écrivo^snt e. ... ... . Le premier / dans
les mois empereur , enfant , femme , eic fait voir seulement , que l'on proaonçoit mp^r^i/r, enfant , ferne , et c es' ainsi que ces mots sont prononcés dans quelques-unes de nos pro- vinces. Mais cela ne fait pas une quatrième sorte cVe.
Nous n'avons proprement qne trois sortes d'«. Ce qui les distingue , c'est la manière de prononcer le , ou en un temps plus ou moins iong , ou en ouvrant plus ou moins la bouche^ Ces trois sortes d'^ , sont ïe ouvert, ïe fer- ïné , et Ve muet. On les trouve tous trois ea plusieurs mots Fermeté , honnêteté , Vvf^u^ , sévère , échelle , etc.
Le premier e de fermeté est ouvert : c'est pourquoi il est marqué d'un accent grave. La seconde sj^Ilabe me n'a point d'accent parce que Ve y est muet. Té est marqué de Taccenl aigu ; c'est le signe de \e fermé.
Ces trois sortes d'« sont encore susceptibles de plus ou de moins.
Ve ouvert est de trois sortes : i". Ve ouvert commun : a**. Ve plus ouvert : 3*. Ve très- ouvert.
I**. L'e ouvert commun : c'est l'e de presqu» toutes les Ijn^ues : c'est Ve que nous pronon- -çons dans les premicMes syllabes de pire , mire , fr'tsre y et dans il appelle , it mine , ma nièce, et encore dans tous les mots où Ve est suivi ■d'une consonne, avec laquelle il forme syllabe, i moins que cette consonne ne soit Vs ou I<| f , qui manquent le pluriel , ou de la troisième |>ersonne du pluxicl des verbes. Ainsi vu dil
I
ià Grammaire, 3iîl
fxcmin et non txamèn. On dit ùl , hel , eiel ^ thej\ bref, Joseph, nef, relief y Israël y Abèl , Babil , réil , Michel , miel , pluriel , criminel , Bu*7 , naturtl , /iwr^/ , mortel , mutuel , / /i)fmin , }idddiu\'cn ^ Chaldétn , il vient, il soutient y etc.
Toutes les fois qu'un mot finit par un * muet , on ne sauioit soutenir la voix sur cet « i^uet , puisque si on la soutenoit , IV ne seroit plus muet. Il faut donc que l'on appuie sur la syllabe qui précède cet e muet ', €l alors , st cette syllabe , est elle-même un e muet , cat e devient ouvert commun , et sert de point d'ap- pui à la voix , pour rendre le dernier e muet : ce qui s'entendra mieux par les exemples. Dans mener , appeller , etc. le premier e est muet et nest point accentué. Mais si je dis je mène, Rappelle , cet e muet devient x^uvert commun , «t doit être accentué : je mène , f appelle. De môme , quand je dis , ]'aime , je demande , le derniers de chacun de ces mots est muet : mais si je dis , par interrogation , aimè-jt, ne demandé" je pas ! alors \e qui étuit muet, devient $ ouverl commun.
Je sais qu'à cette occasion , nos Grammaî» riens disent que la raison de ce changement de Ve muet , c'est qu'j7 ne sauroit y avoir deux « muets de suite : mais il faut ajouter , à la fin d'un mot. Car , dès que la voix passe dans le. même mot , à une syllabe soutenue , cette syllabe peut être précédée de plus d'un e muet, jKEDEmanàer , REVEnir , etc. Nous avons même
Ïdusieurs e muets de suite , par des monosyl— abes •, mais il faut que la voix passe de Ve muet à une syllabe soutenue. Par exemple , de ce qui je redemande ce qui m'est du. , etc ", voilà six $ muets de suite , au commencement de celte phrase , et il n« sauroit s'en trouver deux pré- cisémcju à la ï:n du mot»
s f 2 PrincipeJ
' 3*. h'e est plus ouvert en pUisiours mets > comme dans la première syllabe de fermtté , où il est ouvert bref. Il est ouvert lo«g dans grèfi,
3". L> est trés-ouvert daas accès , succès , ^tre , tempête , i/ f5f , û^t't'^j* , sans c^^sse , pro- /^i^^ y arrêt , /or^V , rr^iv^ , la grève , il rêve f ia /^V^.
LV ouvert cammun au singulier , devient ouvert long au pluriel , le chef , les chefs; un tnot bref , les mots brefs ; un aurel , des autels, )\ en est de mémo des .autres voyelle» , qui deviennent plus longues au plurier. Voyei le Traité de la Prosodie , de M. l'abbé d'Olivet.
Ces différences sont très-sensibles aux per- sonnes qui ont reçu une bonne éducation dans \t capitale. Depuis qu'un certain esprit de jus- tesse , de précision et d'exactitud« s'est un peu répandu parmi nous , nous marquons par dej accens la diffjrence des e.
C est sur-tout à l'occasion de nos e brefs et de nos e longs , que nos Grammairiens font deux observations qui ne me paroissent pas justes.
La première , c'est qu'ils pre'tendent que nos pères ont doublé les consonnes , pour marquer que la voyelle qui précède étoit brève. Cotte opération ne me paroit pas naturelle. 11 ne seroit pas difficile de trouver plusieurs mots où la voyelle est longue , malgré la consonne doublée , comme dans gr'efe , et ni' fie. Le pre- mier e est long , selon M. l'abbé d'Olivet (i). 4
L'e est ouvert long dans abtèsse , professe , sans cesse , malgré \'s redoublée. Je crois que ce prétendu effet de la consonne redoublée , à été imaginé par zèle pour l'ancienne orihogra-^
( i ) Frosod» paf . 67.
pht.
d^ Grammaire, 3 1 3
phe. Nos pores écrivoioiit ces (!o\iI)Ics lell.rn.'î , parce qu'ils les prononvoient , ainsi qu'on le* prononce en latin ; et comme on a trouvé par tradition ces lettres ccrilcs , les ycMix s'y sont tellement accourûmes , rjuils en souffrent avec peine le retranchement. II falloit bien trouver une raison pour excuser cette fo;!}K;sse.
Quoiqu'il en soit , il faut ccnsidérer la voyelle en elle-mtjmo , qui en tel mot est brève , €t en tel autre longue. L'a est bref dans p/jcc, et long dans grâce , etc.
Quand les poètes Latins avoiont lîesoin d'al- longer une voyelle , ils redoubioiont la con- sonne suivante , relligio. La première de ces consonnes étant prononcée avec la voyelle , la rendoit longue, cela paroi t raisonnable. Nicot, fians son Dicnennaire , au mot Aage , observe que , ce mot cet écrit par un double aa , pour dénoter re grand A François , ainsi que l'a grec : lequel aa nous prononçons avec traînée de la voix en aucuns mots , comme en C-haalons. Aujourd'hiii , nous mettons l'accent circontlexe sur Va. Il seroît bien extraordinaire qu« nos pères eussent dou- blé les voyelles pour allonger , et les consonnes pour abréger.
La seconde observation , qni ne me paroît pas exacte , c'est qu'on dit qu'anciennement les voyelles longuis étoient suivies cVs muettes qui en marquoient la longueur. Les Grainmci- riens qui ont fait cette remarque , n'ont pas voyage au midi de la France , où toutes ces s se prononcent encore , même celle de la troi- sième personne du verbe est : ce qui fait voir que toutes ces s n'ont d'abord été écrites , que parce qu'elles étoir^nt prononcées. L'ortbcgra- phe a d'abord sui; i , fort exaciement , sa pre- mière destination: on écrivoit une s, parce qu'on prononçoit une s. Cn prononce encore
O
3î4 Principes
ces s on pUisicurs mots j qui ont îa même racine; que ceux où elle ne se prononce plus. Nous disons encore /^5.'i.7 , de fête ; la Bastille y et en Provence , la Bastide , d î éJnV. Nous disons prendre une ville par escalade , d^écheîle ; don- ner la bdstonade , de Wr^n ; ce joune homme a fait une escapade, quoique nous (lisions s'écka- ■per , sans s.
En Provence , en Lanj^ucdcc , et dans \ei autres provinces méridionales , on ju'ononce IV de Pasques ; et à Parii , quoiqu'on dise Pâque , on dit , Pascal , Pasquln , yasquinade.
Nous avons une espèce de chiens , qu'on nppelloit autrefois , Espagnols , parce qu'ils nous viennent d'Espagne. Aujourd huî , on écrit Epagneul ^ on prononce ce mot sans 5 , et Ve y est bref. On dit prestolet ^ presbytère , de •prêtre , prestarioi dei serment ; prestesse , celé- rit as , de presto esse , être prt't.
L'<? est aussi bref en plusieurs mois , quoique suivi d'une s , comme dans presque ^ modeste , leste , terre<itre , trimestre , e'c.
Selon M. l'ai)!)''; d'Olivet (i) , il y a aussi plusieurs mois où Ve est bref , quoique Vs en ait été retranchée , échelle. Erre est Kong à l'in- finirif ; mais il est bref dnns vous êtes , // a été.
Enfin , M. Restaut , dans le Qicrionnaire de lOrtlîcgriiphe françoise , au mot registre , dit que !'<?, sonne aussi sensiiîtcmont dans registre , que dans liste (î\fur:este ; et il ol)s<'rve que du temps do Marot ; on prononçoit épistre\ f omm*^ ^*'5^' "•"- ire , et que c'est par cette raison que Marot .1 fait rimer registre avec épi^.^r?. Tant il est vrai , que c'est do la prononciption que Von doit liror les rè;»If;5 de l'orthographe. Mais revenons à nos r.
(i) Protod.
r?J GrammrJri*. 3 i ')
LV r:rmé est celui que l'on pvononco en •ouvrant moins la bouche ([u'on no l'ouAro lors- fju'on prononce un e ou\crt commun. Tel ose IV (le Id dernière sylhibe à^fermac , bonté , cic.
Cet c est aussi aj'peilG masculin , parce f{u<i Iorsr[u'il se trouvera la fni d'un participe ou d'un adj(;ctif , il indique le masculin, aisé y ha^'illé , aiwé , etc.
h'e clos infinitifs est fermé , tant que Vr no se prononce po«int *, mais si l'on \icnt A pro- noncer Vr , ce qui arrive toutes les fois que le mot qui suit commence par une vo}'olle , alors 1'^ ferme devient ouvert commun; ce qui donne lieu à deux observations.
L°. Ue fermé ne rînie point avec IV ouvert: ûïnier , abtrmr , ne riment point avec la iner ^ jr.are. Ainsi Mr.dame Deshoulièros n'a pas été ex'acto , lorsque dans Vldylie du ruisseau , elle n dit :
DariK votre sein il cherche à s'ahinicTt Vô'.is et lui , jusau'à la mer , Vous n'êtes qu'une même chose.
2^. Mais comme Ve de l'infiniliF devient ■ouvert commun , loisqnc Vr qui le suit est lié avec la voyelle qui commence le mot suivant^ on. peut rappeller la rime en disant:
Dans votre sein il cherche à s" abîmer ;
Et vous et lui , jusqu'à la mer ,
f'^ous n'êtes quuie même chose.
IJe muet est ainsi appelé' , pclativemcnl aux autres c. 11 n'a pas , coniine ceux-ci , un sou fort , distinct et marque. Par excmpls dans mener, demander , on fait enlendre Vm et le dy comme ni l'on écrivoit , mner , dmander.
O a
di6 Principes
Le son foiblc qni 5c* ù\\t à peine sentir entre l'tn , et \'n de mener , et entre !o d et Vm de demander , est précisément le muet. C'est uuQ suite de lair sonore qui a été modifié pnr les organes de la parole , pour faire entendre ces consonnes.
h'e muet des rnonosvnabcs me ^ te ^ r,e , le , de , est up peu plus marqué. Mais il ne faut pas en faiio un e ouvert , comm": font ceux qui disent cm- ne -le : \e prend plutCt alors le son de \(\i foible.
Dans lo chant , à la fm des mots , toi que gloire , jidele , triomphe , Ve muet est moins foible que 1> muet commun , et cp proche davantage de Veu foible.
Le muet foible, tel qu'il est dans rjencr , demander , se trouve dans toutes les Ian<;ues , toutes les fois qu'une consonne est suivie immé- diatement par une autre consonne. Alors , fa première d<? ces consonnes ne sauroit être pro- noncco sans le secours d'un esyrit foibîn. Tel est le son que Ion entenrl enrrc le p et Vs , dans pseudj , psalmus , Psitracin! , et entre Vm et Vn de jnna , une mine , espèce de monnoie , Alnemcsine , la more {\es iMuscs , la Déesse de la mémoire.
On peut corrparer 1> muet , au son foible que Ton entend appjs le son fort que produit un coup de marteau qui frappe un corps solide.
Ainsi il faut toujours 5'arrôter sur la syllabe qui précède un e muet à la fin des mots.
Nous avons déjà observé , qti'on no sauroit prononcer deux e muets de suiie , à la fm d'un mot , et que c'est la raison pour laquelle l'é" muet de tnener devient ouvert fKiii*^ Je mine.
Les vers qui finissent par un e muet, ont une syllabe de plus que l?s ; ntres , par la raison que la dernière syllabe étant mucttOi on appuî«
de Gramjiiaire. 317
sur la pcnuliième. Alors , Jg veux dire à cette pénulliLMue , l'oreille est satisfaits , par raport au complcnierit du rithnic; et du nombre des syllabes : et comine la dernière ton)b(î foible- inent , et (|u'clie n'a pas un son plein , elle n'e^t point comptée , et la mesure est remplie à la pénultième :
Jeune et vaillant héros , dont lu haute sagesse.
L'oreille est satisfaite à la pénultième , ges , qui est le point dappui, après lequel on entend Ve muet de la dernière syllabe se^
h'e muet est appelle jV/;ii/7f^ , parce qu'il s^t à foruicr le féluinin des adjectifs. Par exemple , sC'int , sainte ; pur , pure ; bon , bonne , etc. Au lieu que Ve formé est appelle masculin , parce que lorsqu'il termine un adjectif, il indique le gnnre masculin ; un homme aimé , etc.
L e qu'on ajoute après le g , il mangea , etc., n'est que pour empOcher qu'on ne donne au g le son fort ga , qui est le seul qu'il devroit mar- quer. Or , cet: e fait qn'on lui donne le son foible , // rienja. Ainsi c^-ît e n'est ni ouvert , ni muut. Il marque seulement , qu'il faut adoucir le g'S 6t prononcer;^, connne dans la dernière syllabe de gage. On trouve en ce mot le son fort et le son. foible du g.
Ue muet est la voyelle foible de eu : ce qui paroît dans le c^ant , lorsqu'un mot finit par un e muet moins foible.
Bien ne peut V arrêter Quand la gloire l'appelle.
Cet eu ^ qui est la forte de Ve muet, est une véritable voyelle. Ce n'est qu'un son simple , lur lequel on neut faire une tenue. Celte voyelle
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s 1 8 Principes
est marquée dans l'écriture par denx caractères il no s'ensuit pas dc-là que eu soit une diphton- gue à l'oreille , puisqu'on n'entend pas deux: sons voyelles. Tout ce que nous pouvons en conclure , c'est que les auteurs de natre Alpha- bet no lui ont pas donné un caractère propre.
Les lettre'] écrites , qui , par les changeniens survenus à la prononciation , ne se pronon- cent point aujourfl'hui , ne doivent que nous avertir que la prononciation a changé. Mais ces lettres multipliées ne changent pas la nature du son simple , qui seul est aujourd'hui en-usage, comme dans la dernière s} l'abc de ils aimoienr^ aiTifihiint.
h'e est muet long dans les dernières syllabes fies troisièmes personnes du plurier des ver- bes , quoique cet e soit suivi d'nt qu'on pra- nonçoit autrefois , et que les vieillards pro- noncent encore en certaines provinces. Ces deuY. lettres viennent du latin , am^nt , ils ai nient.
Cet e muet est plus long ot plus sensible qu'il ne l'est su singuli(3r. Il y a peu de per- sonnes qui no ser;tcnt pas h dificv^^nce qu'il y a dans la prononciation, entre il aime et ils aiment.
tmn.m.rmMm3£» iMmmnt.trwwmtmTmwttas»
DES DIPHTONGUES.
jLjT. mot di[)htongue par lui-mc^me est adjectif du syliibe ; nj.iis dans l'usa-^e on le prfMid subs- taiiiiviMitent. A est une sylhibe monophtonguc^ lÙ>6^-À»dit« , une sylUbc cnoacOc pus un soa
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dd Grammaire, 3 19
unique ou simple ; au lieu (|ue la syllabe aa pioiioiiC(ie à la latine a ou ^ et comme on la prononce encore en Italie , ctc , et même clans nos provinces méridion;)Ios *, au , dis je , on plutôt d'Ou, c'est une diphtongue , c'est-à-dire , une syllabe qui fait cnlentlre le son de deux voyelles par une môme émission do voix, modi- f.ée par le concours des niouvemens simultanés des organes de la parole. De à, s, et d^^oyyos^ sonus.
L'essence de la diphtongue consiste donc en deux points.
1*^. Qu'il n'y ait pas , du înoins sensiblement, doui mouvemcns successiFs dans les organes de la parole.
2°. Que l'oreille sente distinctement les deux voyelles par la même émission de voix. Dieu^ j'entens Vi et la voyelle eu ; et ces deux sons se trouvent réunis en une seule syllabe , et énoncés en un seul temps. Cette réunion , qui t-st l'effet d'une seule émission de voix , fait la diphtongue ; ainsi au , ai , oient , etc. pro- noncés à la françoise., 0, t" , <? » lie sont poinL dijjhLongues. Le prenaier est prononcé corrirne un ô Tong , au-mone , au-ue. Les partisans méma de l'ancienne orthographe l'écrivent par 0 ea plusieurs mots , malgré l'étymclogie , or de aurum ; o-reille de auris ; et à l'égard do ai ^ oit ^ cJc:it , on les prononce comme un e , oui le plus souvent est ouvert , pa/aiy comme succès ^ ils av-oient ^ ils ûv^' , etc.
Celte différence entre l'orthographe et La prononciation , a donné lieu à nos Grannnai- rions de diviser les diphtongues , en vraies ou- propres , et en fausses ou impropres. Ils appel- i'ont aussi les prorpièros dif'kroniyues de l'oreille ,
; les aaties dipktonc^ues aux yeux. Ainsi V/E et 1 -1!^ 5 qui ne se prononcera plus aiiiourd'lmi que
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32 o Principes
comnij un e ^ no sont diphtongues qu^aux youx ; c est improprement qu'an les app=jlle
Nos voyelles sont a,é,è,ê,i,o,euye muet eu. Nous avons encore nos voyelles nasa- les , j-i , en , in , on , un. C'est la combinaison, ou l'union de deux de ces voyelles en une seule syllabe , en un seul temps , qui fait la diph- tongue.
Les Grecs nomment prépositive la première voyelle do la diphtongue , et postpositive la seconde : C3 n'est que sur celle-ci que l'on pout faire une tenuo comme nous l'avojis remarqua en parlant des consonnes.
Il seroit à souhaiter que nos Grammairiens fussent d'accord entr'eux sur le nombre de nos diphtongues , mais nous n'en sommes pas encore à ce point-là. Nous avons une Gram- maire qui commence la liste des diphtongues par eo , dont elle donne pour exemple Géogra- phie , Théologie. Cependant il m^ semble que c«s mots sont de cinq syllabes , Gé-o-gra-phi-e , Thé-û-îo-e^i e. Nos Grammairiens et nos Diction- naires nie paroissont avoir manc]ué d^» justesse et d'exactitude au sujet des diphtongues -, mais sans me croire plus infainible , voici colles que j'ai remirquées en suivant l'ordre des voyelles. Les unes se trouvent en plusieurs mots , et les autres seulement en quelques-uns.
At , tel qu'on l'entend dans l'interjection dvî douleur ou d'exclamation , ai., ci, ai , et quand l'a entre en composition dans la m^me srilabe avec le mouille fort , coaim'î dan> irt^ait , b-aîl , de Va-il , a-fîr-ail , éveii-t-dll , ptir-t ail , nrc. ou ou'il est suivi du mouillé foi- blo ; Il ville <b' Bi-aye v\\ G-uienne , les ile" Lu'C^ai<.'i en Ainijri»]u«\
Cotîe ciiohtonîzuo ci est îoït eu uîa^e dan*
de Grammaire, 32 1
nos provinces d'au-delà de la I.oirc. Tous les mois qu'on écrit un frarn^ois [Jiir «u' , comme faire , iieassjirc , jûmais , ph:ire , paîdis , etc. y sont prononcés para-/, dijibLongue; on entend la et r/. Telle eioit la T)rononciation de nos pures , et c'est ainsi (ju'on prononce celte diphioiigae en grec , jw^^f^i y rif^ca ' Telle est aussi la prononciation des Italiens > des Espa- gnols , eic. ce qui fait bien voir avec combien, pju d.3 raison quelques personnes s'obslincnt à vouloir introduire cette diphtongue oculairo à la pliicc de la dijjhtongue oculaire oi dans les inoLs français , croire , coirime si ai étoit plus piopre que oi à représenter le son de 1'^. Si vous avez à réformer oi dans les mots où il se prononce e , mettez e ; autrement c'est réfor- mer un abus par un plus grand » et c'est pécher contre lana'ogie. Si l'on écrit François , j' avais ^ c'est que nos porcs prononçcient François , j'avais ; mais on n'a jamais prononcé Français en faibant entendre Va et !'/. En un mot si J'on vouloir une réforme , il faîloit plutôt la tirer de proccs , succès , très , auprès , dès , etc. que de se régler sur pahùs et sur un petit nom- bre de mots pareils qu'on écrie par ai , par la raison de l'étymolegie païatium , et jjarce qiio telle étoit la prononciation de nos pères : pononciation qui se conserve encore , non- seuîenient dans les autres langues vulgaires , mais même dans quelques-unes de nos pro- vinces.
11 n'y a pas long-temps que l'on écrivoit nai , natiis ; il est nai. Mais entin la prononciation a soumis l'orlhographe en ce mot , et l'on écrit Hf^.
Mais passons aux autres diphtongues.
J'observerai d'abord que \i ne doit être ccHt pary , que lorsqu'il est si^^e du monillv' foibJo^
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322 Principes
Eau. Flhii , ce raot est de deux syllabej.
Etre î'efroî du monde , et le fléau de Dieu (i),
A l'égard de seau , eau , communément ces. ti'ois lettres eau se prûn.onC'3nt comme un 3 fort long , et alors ieur ensemble n'est qu'une diph- tongue ociîlaire ou une sorte de demi-diphton- gue , dont la prononciation doit être remar- quée ; car il y a bien de la dilïerence dans la. prononciation entre un seau à puiser de l'eau et un sot , entre de ïeau et un es , entre la peait, et le Po , ri vitre , ou Pau , ville. M l'abbé Kcgnier dit (2) que Vé qui est joint à an dans cette diphtongue se prononce comme un s féminin , et d'une manière presqu'impcrcep- lible.
El y comme en ^rec té/xu , tendo. Nous ne prononçons guère cette diphtongue que dans des mots étrangers , bei ou bey ; dci ou dey ; le Dei de Tunis ; ou avec Vn nasal , connnc dans tsindre , Reims , ville.
Selon quelques Grammairiens , on entend en ces mots un i trés-foible , ou un son parti- culier , qui tient do Ve et de 1'/. Il en est de même devant le son mouillé dans les naots so-l-eïl , con-S'iil , sorn-m-til , etc.
Mais selon d'autres , il n'y a en ces derniers, que Ve suivi du son mouillé ; le v-ie-iî homme, con-s~e-iI , som-'m-e-il , etcj et de môme avec les voyelles a ^ ou , eu. Ainsi ,' selon ces Gram». Biairiens , dans , ail , qu'on prononce euil, il ^ n'y a que eu suivi du son mouille , ce (pii ms paroît plus exact. Comme dans la prononcia-
( I ) Corneille.
(3} Gr4mmaire , pag. 70».
de Grammaire, 3^3
tion (lu son mouillé , les orf^aries commence iit d'aboi-d par ôlrc disnosôs , comme si rori alloit prononcer i , il semble qu'il y ait un i : mais ou n'enu-nd que lo son mouillé , qui dans le mouillé Tort est une consonne. Mais à legard du mouille Toible , c'est un son miioyen , qui nie paroîl tenir do la voyelle et de h consonne: mo~yen , pa-yen : en ces mots , yen est un sou bien diFférent de celui qu'on entend diuis blen^ 7711 ^n , rien.
Ia. D'ia-cre , D-ia-mant , f.ur-tout dans lo discours ordinaire. F-ia-cre ; les Plé-ia-des , de la v-ia-nde \ nc^o-c-lani ; incou-vè-n'un-t.
1e. P-iè ou p-Ud , les p-iè-ds ; ami-t-ic ; pl-tiéy ^re-TTi-ier ^ der-n-ier j :nc-i-ier,
lÈ ouvert. Une v-iè-îe , instrument ; voî-ie^ re , Gu'ie-ne , province de France ; F-iè-ne , ville , ou verbe y vejùar ; n-i\u-s , h-lai-s , on prononce nies , biès , f-ie-r ; un t-ie-rs <> le c-ie-l'^ Ca-br-\e-l ; es-sen-t-ie-l ; du ni-ie-î \ f-i^'l'
Ien , où Vi n'est pas mouillé foible *, h-ien » m'ien , t-ïen , s-ien , en-rre-î-ien , ck-ien , co-TTie-* d-ien , In-d-ien , gar-d-ien , pra-ti-c-ien. L'i et la voyelle nasale en en sont la diphtongue. Jeu ; D-leu , l-ieu , les c-ieux , m-ieux. lo , f-io-le , ca-pr-io-le , car-lùle ^ v-io'le ^ sur-tout en prose. '
Ion , p-ion , que nous ai'iri'icn'S , dl-s-ion-s ^ etc. Ac-t-ïon ; occds-ioTi, Ion est souvent cl«' deux syllabes en vers.
ijc^. Cette diphtongue n'est d^usage que dans nos provinces méridionales , ou bien en das mots qui viennent de-Ià. Afon-fes-qu-iou , Ch- iûn-r-TTie ; O-l-iou-Ics , ville de Provence , la Ciotat, ville de Provence , on dit la C~iou-tat.^ Y A , yiin , ye y £ muet ., yé , etc. L'i ou 1'^ a souvent devant les voyelles un son mouillQ' Suible j c'est-à-dire 3 ua soû expritné pajc uj|i
Q 6
'S 2^ Principes
mouvement moins fort , que celui qui fait entendre le scii mcuillé , dans Versailles , jpailU : mais le' peuple de Paris , qui proncnc(> Versa-ye , pa-ye , fait entendre un mouillé foi- ble. Ce son est l'effei {\\i mouvement affoibli qui produit le raouillé forx. Ce qui fait un^ pranonciaiiion particulière, difiérente de celle qu'on entend dans mien , tien , où il n'y a point" de son mouillé , comme nous l'avons déjà observé.
Ainsi je crois pouvoir mettre au ran[î;- des diphtongues les sons composés , qui résultent d'une voyelle jointe au mouillé foible. A-yant^ vo-yant , pa^yen , pai-yant , je pai-ye , emplo-ytr ^ do-yen ; afin que vous so-ye-i^ dé-Iai-y^-r ,. hrv -ye - r.
Ol. La prononciation naMn-elle de cette diphtongue est celle que l'on suit en grec .Xk'yst On entend l'o et Vi. C'est ainsi qu'on prononce CommuRément , vci-ye-le , voi-ye-r , rr ci-yen , loi-yal , rûi-yaume. On écrit communément , voyelle , voyer , moyen , îoynl , royaume. On pro- nonce encore ainsi plusieurs mots , dans les provinces d'au-delà de la Loire. On dit Sav-oi-e , en faisant entendre Vo et Vi. A Paris , an dit SavO'xa-rd : ya est la diphtongue.
Les autres manières de prononcer la diph- tongue oi ne jjeuvent pas se faire entendre exactement par écrit. Cepcnd;riit , ce que nous allons observer , ne sera pas inutile à ceux qui ont 1rs Oi'ganes assez délicats et assez souples pour écouter et pour imiter les personnes qui ont eu l'aval a nf;e d'avoir été élevées dans la capitale , et d'y avoir reçu une éducation per- fectionnée par le commerce des j>orsonnes qui ont l'esprit cultivé.
Il y a fies mots où 0/ est aujourd'hui pres- que toujours changé eu ce , d'autres où oi se
Je GTammaïre, 026
changfî cil ou , et d'autros enfin en oua. Mais il ne i.iiit pas perdre (ie vue, que hors les mots où îon entend l'a et Vi , comme ea grec xâyet il n'est pas possible de représen- ter bien cxaclcmcnt par écrit les difloreiites prononciations de celle diphtongue.
Oi , prononcé par oc ^ où IV a un son ouvert , qui approche de Vo : F-oi , l-oi , fr-oi-d » r-ci-t , m-oi , i j-oi-son y qu-si ^ c-oi-ffe y oiseau ^ j-oi^ ^ d-oi-gt > d~oi-t , ab-oi'S y t-oi-le , etc.
Ol , prononcé par oa : M-oi-s , p-oi-s ^ n-oi-x , tr^oi-s , la ville de Tr-oi-e , etc. Prononcez , m-oa , p-oa , etc.
Oi , prononce par cua \ b-oi-s *, prononcez, Ji-ou^a.
OiN, S-oin , l-oin , be~s-oin , f-oin , j-oin-dre ^ m-oin-s. On doit plutôt prononcer on ces mots une sorte dV nasal après Ve , que de pronon- cer ouin : ainsi prononcez soein , plutôt qwe sou in.
il f.iut toujours se ressouvenir que rous n'avons pas de signes pour représenter exacte- mont ces sortes de sons.
Oaa , écrit par «a, éq-ua-teur ^ èq'-ua-îion- , aq-ua-tique , quinq-ua-gésime. Prononcez e-c-oua- leur , e^q-oua'tion , a-q-oua tique , quin-q-oua-' gésime»
Oe. P-oe-te , p-oe m". Ces mots sont plus ordinairement de trois syllabes en vers. Mais dans la liberté de la conversation , on prononce poc , comme diphtongue.
OuEif. Ec-oaen , R-ouen , villes. Diphton- gues en prose.
OuE. O.ie-st , Sud-oiie-st. Oui. r^uis , Louis , en prose. Ce der- nier mot ett de deux sjUabes en vers , vui ^ iîa.
'620 Principes
Oui , ce sont ces plaisirs et ces pleurs que f envie, 0'ui , je t'achèterai ie Praticien François. Racinev
OuiN. Bara-g-ouin , bc-h-ouin.
Ue. Statue éq-ue-stre ^ caS'Ue-l, anrt-ue-î ,. éc-Lie-Ile , r-ue-lle , rr-ue-lle , sur-tout en prose-
Ul, L-tii , ét'ui , n^ui-t^ br-id-t ^ fr-ui-t , k'iil't , l-ui-n , je s-ui-s un S-ui-sse.
1/tn, Al-c-iiin , théologien célèbre du temps de Charleina«ne, Q-uin-q-iagésime , prononceif quin , comme en latin : et de même , Q-uin^ nUlen , le mois de- J-iiin,. On entend lu et 17 iiasaî.
Je ne parle point de Ca^n , Hjjrï , paon , J(?a,i , etc. parce qu'on ii'entoiid plus aujour- d'hui qu'une voyelle naiale en ces mols-Ui. Can, Pan , Lan , Jan.
Eniin , il faut observer , qu'il y a des coin* feinaisons do voyelles qui sont diphtongues en, Dfoscj et dans la conversation, et que nos poètes ront de deux syllabes.
Voiidrois-tu bien chanter pour moi , cher Licidary Quelqn'air Si-ci-li-en (i).
On dit Si-ciJien , en Ircis S)'llabes , dans lv3 discours ordinaire.
La foi y ce ncrv.d sacré , c( li-on précieux (2). Il est juste , gi'and Rvi , qu'un meuilri-er pè^
tisse (0- Mlt'X 9 vous dovii«eï mourir di pure honte (4)*
( 1 ) Longepierre. (2) BfébeuC { j ) Corneille, l.^; Molitro»
Jj Crammairc. ^27
Kous pCiJri-ez h temps en discours superflus (i)» Citte jii're raison dont on fait tant de brait , Contre les p;iSbi-ons «Wr pas un sûr remède (i). Non , je ne liais rien, tant que les contorsi-ons» De tous ces grands faiseurs de protesUti-ons (3)»
La pl'jpart (les mois en ion et ions sont (]i|}Ii- toiiguos en prose. Voyez les divers traités quo nous avons do la versification françoise.
Au reste , qu'il y ait on notre Iraigue plii^ ou moins de diphtongues que je n'en ai mar- qué , cela est fort indifférent:, pourvu qu'on les prononce bien. Il est utile, dit Quiritilienj, de faire ces observations. César , dii-il , Cicé- ron , et d'autres grands hommes ,' les ont faites -, mais il ne faut les faire qu'en passant. Mc.rcus Tullius orator , crtis hujv.s diligentissinius fuit , et in filio , ut in epistolis apparet. Non olstant ha disciplines per illas euntibus , sed circor illûs liitrentibus (4)«
( I ) Fontenelle,
(a ) Deslioulières,
( j ) Molière.
(4.) Quinulien , Jfijnr. orat, lii, i, cap. 7 , ia.
/fse.
3;S Prlncincs
DES ACCENS.
X-iE mot Accent vient ù'accentum , supin fin verbe accinerj , qui vient de ad et de canere^ Les Grecs I ajjpellenl nj'(^'w^ia , inoâuJatio qiice sjlLibis ûdhiterur , venant do ^ycfj piépositioa gi-ecque qui eriUe dans la composition des mots , et qui a divers usages , et d' aoù^ canins ^ chan!. On rappelle aussi rôk»f , ton»
11 laut ici disling^uer la chose , et le signe de la chose.
La chose , c est la voix ; la parole , c'est lo nsrOt , en tant que prononcé avec toutes les modifications établies par l'usage de la langue qu î l'on parle.
Chaque nation , chaque peuple , chaque province , chaque ville même , fliffére d'un autre dans le langage , nonseulemeat parce qu'on se sert de mois diffcrens •, mais encore par la manière d'articuler et de prononcer ies mois.
Cette manièce différente dans rariiculation des mois est .ippelco accent. En ce sons !e3 mois écrits n oiit point daccens ; car l'accent' ou l'articulation modific^e , ne peut affecter (pie l'oreille ; or l'écrituie n'est aperçue que par les yeux.
C'est encore en ce sens que les Poètes disent: Prôtez l'oreille à mes tristes accens ', et tpîo M, rdlisson disoit aux Rcfuj;i( s : \'ous tâcherez de vous former aux accens d'une langue «Lraxx-»
âe Grammaire. 025
Cette espèce de rnodalatioii dans le dis- ;oiirs , pariiciilierc à chaque pays , est ce que W. l'abbc d Olivet , dans son excellent Traité ie la Prosodie , appelle accent naiijnaL
Pour bien pailor une langue vivante , il fau- Iroit avoir le même accent , la même inflexion le voix qu'ont les honnêtes gens de la capitale. ^insi , quand on dit que pour bien parler fran- :ois , il ne faut point avoir d'accent , on veut dire ju'il ne faut avoir ni l'accent italien , ni l'accent ;ascon , ni l'accenlt picard , ni aucun autre icceut , qui n'est pas celui des honnèles gens :îe la capitale.
Accent , ou modulation de la voix dans le iliscours , est le genre dont chacjue accent aational est une espèce particulière. C'est ainsi ':]u' on dit V accent gascon , l accent jlay:iand. L'ac- :ent gascon élève la voix où , selon le boa usage , on la baisse ; il abrège des syllabes que le bon usage allonge. Par exemple un Gascon dit parconsquent , au lieu de dire par conséquent Il prononce sèchement toutes les voyelles nas>^Ies an , en , in , on , un , etc.
Soi on le méchanisme des organes de la parole , il y a plusieurs sortes de modifications particulières à observer dans l'accent en géné- ral , et toutes ces modifications se trouvent - aussi dans chaque accent national , quoiqu'elles soient appliquées dilféremment : car si l'on veut y prendre garde , on trouve par-tout uni- fomiitc et viriété. Par-tout les hommes ont ua visage , et pas un ne ressemble parfaitement à uti autre ; par-tout les hommes parlent , et chaque pays a sa manière particulière de parler et de modifier la voix. • \ oyons donc quelles sont ces différentes modifications de voix qui iont comprises sous le mot général à'accenr- L Preiniôrement , il faut observer que las
0-jo Principes
syllabes en toute langue , ne sont pas pronon- cées cla même ton. il y a diverses intlexioris de voix , dont les unes élèvent le ton , loi autres le baissent , et d'autres enfin , lélèvent d'abord et le rabaissent ensuite sur la môme syllabe. Le ton cievé est ce qu'on appelle accent cigii ; le ton bas ou baissé est ce (ju'on nomme accent grave j enfin Iv ton élevé et baissé succes- sivement et preSqu'en même temps sur la mémo syllabe , est laccent circonflexe,
« La nature de la voix est admirable , dit » Cicércn : toute sorte de chant est apjéable- » ment varié par le ton circonfiexe , par l'aigu » et par le grave : or le discours ordinaire, t yoursuit-il , est aussi une espèce de chant ». Mira est nutura vocis , cujus quidem , è tribus omninb sonis , injlexo , acuto , gravi , tanta sit et tam s-uavis varieras perfecta i;i cantibiis * est aiitem in dicendo eùam quidam camus (i). Cette diffé- rente modilication du ton , tantôt aigu , tantôt grave rt tantôt circonîlexo, est enc re sensible dans le cri A^s animaux et dans les instrumens de musique.
lî. Outre cette variété dans lo ton , qui est ou grave , ou ai^^u , ou circonflexe , il y a encore à observer le temps que l'on met à pro- noncer cha(]uc syllabe. Les unes f>ont pronon- cétjs en moins de temps que les autres , et l'oa dit de celles-ci qu'»dles sont longu;:s , et do Gelbs-là qu'elles sout brèves. Les brèves sont prononcées dans le moiu.; du temps qu'il est possible : aussi dit-on qu'elles n'ont qu'uni temps , c'esl-à-dir-î , une mesure , un batte- ment : au lieu (j'ie les lon(;ue> en ont (V'aïx. ; et voilà pourquoi les ancieni; doubloicnt sou-^j
(i) Gccrun , Otator. n. 17. et 18.
de Grammaire. - 3oi
rerit lUmis l'ccriturc les voyelles longues , co C]Li«î nos ptrcs ont imité en (icrivant nage.
Les anciens rclevoient la voix sur Va du nominatif, et lo marqiioient par un accent aif.li , Mu^i: au lieu qu'à l'ablatif , ils l'élevoient d'abord , et la rabaissoient ensuite , comme s'il y avoit eu Musàà\ et voilà l'acceut circonflexe (jue nous avons conserve dans 1 écriture , quoi- que nous en ayons perdu la prononciation.
III. On observe encore l'aspiration qui se fait devant 1 ?s voyelles en cei tains mots , et qui ikî se pratique pas en d'autres , quoiqu'avec la mcmc voyelle et dans une syllabe pareille. C'est ainsi que nous prononçons le héros avec aspiration , et que nous disons Vhéroïne , /'/le- roï.^me et les vertus héroïques sans aspiration.
ÏV. A ces trois différences que nous venons d'observer dans la prononciation , il faut encore ajouter la variété du ton paihétique , coimne dans l'interrogation , l'admiration , l'ironie , la colère et les autres passions. C'est ce que M» l'abbé d'Olivet appelle ïaccent oratoire.
V. Enfin , il y a à observer les intervalles que l'on met dans la prononciation , depuis la fin d'une période jusqu'au commencement de la période qui suif, et entre une proposition et une autre proposition : entre une incise , une parenthèse, une proposition incidente , et les mots de la proposiliori principale, dans lesquels cette incise , cette parenthèse ou cette proposi- tion incidente sont enfermées.
Toutes ces modifications de la voix , qui sont très-sensibles dans l'elocution , sont , ou peu- vent être marquées dans l'écriture , par des signes particuliers , que les anciens Grammai- riens ont aussi appelés accens. Ainsi ils ont donné le môme nom à la chos3 , et au signe de lî cho38.
332 Principes
Quoique l'oa dise communément que ces signes ou acceas sont une invention qui n'est p2S trop ancienne , et quoiqu'on montre des iTijnuscrits de mills ans , dans lesquels on ne voit aucun de ces signes , et on les mots sont ézïas di suile , sans être séparés les uns das autres , j'ai bien de la peine à croire que lors- qu'une langue a eu acquis un certain degré de perfection , lorsqu'elle a eu dos Orateurs et des Poètes , et nue les jMuses ont joui de la tran- quillité qui leur est nécessaire pour faire usage de leurs taleiis ; j'ai , dis-je , bien de la peine à nio persuader qu'alors les copistes habiles n'ayent pas fait tout ce qu'il falioit pour pein- dre la paro'e avec toute l'exactitude dont ils élo-ienl capables ; qu'ils n'ayent pas séparé les mocs par dî petits intervalles , comme nous les séparons aujourd hui , et qu'ils no se soient pas servis de (juelques signes pour indiquer la bonne prononciation.
Voici un passage do Cicéron qui me paroît prouver bien clairement qu'il y avoit de son t^^mps des noies ou signes dont les copistes fais')iont usage, liane diligentiam siibscquitiir rtiodus etiam et fjrma verborum. Vers4^ enim veferes l'ii , in hac saluta oratione propcmodutn , hoc est numéros qaosdam nolis esse adhibendos putarunf, Jnîerspiratlonis enim , non defati^^aricnis nosTrœ , nuque Ubi\iriùrum notls , sid verborum et senten^ lîarum modb inrerpu.icras cîausuîus in orationibus esse vvluerunt : idqiie princcps Isocrafes instituisst Jertiir (i). « Les anciens , dit-it , ont voulu >-> qu'il y eût dans la pose mCtne <les intervalles, y des séparations , du nombre et t!e la mesure, V coiiinie dans l'«s \crs : cl p;.r ces inlervulles
( a ) Ciccroa , Orator. Lb. j , n, 4*.
Je Grammaire, 333
î<> cottfï mesura . ro nombre , ils no veulent pHi
V par!:: ici do c^ qui est diîjà cîabli po:ir la lacj- » lité flo la rrîrpiraiion et pour soul3f,er la poi-
V trine de I Orateur , ni d?s notes ou signes- » des copistes : mais ils veulent parlor de cette » manière de prononcer qui donne de lame et ^ du sentiment aux mois et aux phrases , par ^ une sorte de modulation palhétiq'ie ». Il me semble que l'on peut concinrc de ce passage , que les signes , les notes , les accens , étoient connus et pratiqués dès avant Cicéron , au moins par les copistes habile-^.
Isidore , qui vivoit il y a environ douze cens ans , après avoir parlé des accens, parle encore de certaines noies qui étoient en usage , dit-il , chez les Auteurs célèbres , et que les anciens av^oient invenlées , poursuit-il, pour îi distinc- tion de l'écriture , et pour montrer la raison , cest-à-dire , le mode , la manière de chaque mot et de chaque phrase. Frcrterea , qii.vclam sen- tentiarum r.ctœ avud celehernmùs auîcres fuerunt , quasqiie antiqui od distinctionem scripturorum , car* minibus et historiis apposmrunt , ad demonstrandam unamjiamque verbi , senrentiarumque ^ ac versiuim rarionem (i).
Quoi q:j'il en soit , il est certain que la manière d'écrire a été sujette à bien des varia- tions , comme tons les autres arts. Ainsi , tout ce que l'on peut conclure de ces manuscrits , où l'on ne voit ni distance entre les mots , ni accens , ni points , ni virgules , c'est qu'ils ont été écrits ou dans dos temps d'ignorance-, ou par des copisles peu instruits.
Les Grecs pnroissent être les premiers qui ont introduit Î'usa2;e des accens dans l'écriture.
(i) Isidore , Gr\in. llb. i , c. 20.
-, /
334 Principes
Mais leurs acccns n avoient pour objet qiiG les ini^exions de la voix , en tant qu'elle peut être ou élevée ou rabaissée.
L accent aigu , que Ton écrivoit de droit à gauche , inarquoit qu'il falloit élever Ja voix cil prononçant la voyelle sur laquelle il ctoit écrit.
L'accent grave , ainsi écrit ' , marquoit au contraire qu'il i'alloit rabaisser la voix.
L accent circonflexo est composé do l'aigu cl du grave \ Dans la suite les copistes larron- diieut de cette manière "'j ce qui n'est en usage que dans le grec. Cet accent étoit destine à faire entendre qu'après avoir d'abord élevé la voix , il falloit la rabaisser sur la môme syllabr.
Les Latins on fait le même usaîie de ces trois accons. Cette élévation et cette dépression de la voix étoient plus sensibles chez les anciens , , quellis ne le sont parmi nous , parce que leur prononciation étoit plus sou'cnuo et plus chan- tante. Nous avons pourtant aussi élèvemcnt et abaissement de la voix dans notre manière de parler ; et cela indépendamnacnt des autres mots de la phrase ;, en sorte que les syllabes de nos mots sont cleviies o!: baissées selon l'.ic- c.erat prosoflique ou tonique , indépendamment de l'accent pathétique ; c'est-à-dire , du ton que la pission et le sentim^mt f»)nt donnera touto ]a phrare : crr il est de la nature de chaque voix , dit l'Auteur de la Méthode grecque de Port-Royal y ( png. 65i. ) d'avoir quclqu'élèvr»- mcnt qui soutienne la prononciation , et c^^t élèvemeni est onsuiro modéri) et diminué , <r ne porlp pas sur 1er. syllabe,'; suivantes.
r>iouç ne sommes pas dans l'usage de mar- quer dans l'écriture , par des signes ou accens c.fit clèvoment et cet abaissement de la voix. Notro prenoQcintion , encore un coup , '"^*"
^:f Grammaire, 535
moins sontenufî o.i moins chantante que la pro- nonci.uion des anciens ; pnr con?éqnent la modilication ou ton rie voix dont il s'agit nous est moins sonsibi^. L'habitude au2,incnle encore la difncuhc do démûlcr cos uilféronctis d<:Iicatos. Les anciciis prononçoicnt , au moins leurs vers, de façon qu'ils pouvoiont mesurer par des batte mens la durée des svl.'abes. Jdsueram. monim , poUicis sonore vcl -flciusu pedi-~ , discrimi- nare , qui doccnr artem , soient (i). Ce que nous ne pouvons l'aire qu'on chantant. Enfin , en toutes sortes d'accens oratoires , soit en inter- rogeant , en admirant, en nous fichant, etc. î is syllabes qui procèdent nos e muets ne sont- elles pas soutenues et élovëes comme elles le sont dans le discours ordinaire.
Cetîe différence entre la prononciation des anciens et la nôtre , me paroit être la véritable raison pour laqirille , quoique nous ayons une quant iré , comme ils en aroient une , cepen- dant la différence de nos longues et de nos brèves n'étant pas également sensibl'3 en tous nos mots , nos vers ne sont formés que par l'harmonie qui résulte du nombre des syllabes, au lieu que les vers grecs et les vers latins tirent Igur harmonie du nombre des pieds assortis par certaines combinaisons de longues et de brèves.
Aujourd'hui , dans la Grammaire latine, on ne donne le nom d'accent qu'aux trois signes [îont nous avons parlé , le grave , Ti^igu et le circonflexe. Mais les anciens Grammairiens latins donnoient le nom d'acient à plusieurs rmtres signes employés dans l'écriture. Pris- cien , qui vivoit dans le sixième siècle , et
{i ) Terentianus Mauru'î , de Aletris , ?.uh mei.
33i^ Principes
Isidore , qui vlvolt peu de temps après , disent également que les latins ont dix accens.
A notre égard , nous donnons le nom d'ac- cent , premièrement aux inflexions de vuix , et à la manière de prononcer des pays parti- culiers. Ainsi , comme nous l'avons déjà remarqué , nous disons l'accent gascon , etc. Cet homme a Vaccent étranger, c'est-i-dire , qu'il a des inflexions de voix et une manière dtî parler , qui n'est pas celle des personnes nées dans la capitale. Rn ce sens , accent comprend l'élévation de la voix , la quantité et la pro- nonciation particulière de chaque mot et de chaque syllabe.
Eîi second lieu , nous avons conservé le nom d'accent à chacun des trois siznos du ton , qui est ou air;u , ou grave , ou circonflexe. Mais ces trois signes ont perdu parmi nous leur ancienne desiin.jlion. Ils iie sont plus , à noire égard, que des accens imprimés.
Ex\ Trançois , nous élevons la syllabe qui précède un e inuct. Ainsi , quoique dans mener , ]'e de la première syllabe me soit muet , cet e devient ouvert , et doit être soutenu dans je mène , parce qu'alors il est suivi d'un e muet , qui finit h; mot. Cet e final rleviertt plus aisé- ment muet , quand la syllabe qui le précède cr.t soijtenue. C est le mcchanisme de la parole, nui produit toutes ces variété;s , qui pnroissent ries bisareries ou des caprices de l'usage à ceux qui ignorent les véritables causes des choses.
L'usage n'a point encore établi de mettre un accent sur IV ouvert , quand cet e est suivi d'une consonne, avec laquelle il nclaitqu'imo syllabe. Ainsi on écrit s;ms accent , la mer , le ftr , aimer , donner , etc.
DES
J
de Grammaire, 33/
>l1li»ittil»ir»i— «ta— B8»*' i »ry»taayi«»>*»Tg»a JOLI 111
DES NOMS ADJECTIFS.
J_jE mol adjectif vient du latîn adjectus , ajouté y parce qu'en effet le nom adjectif est toujours ajouté à un nom substan^if , qui est ou exprimé ou sous-entendu. L'adjectif est un mot qui donne une qualification au substantif : i! en. désigne la qualité ou manière d'étro. Or , comme toute qualité suppose la substance dont elle est qualité , il est évident que tout adjectif suppose un substantif : car il faut être , pour être tel. Que si nous disons , le beau voik îou— che ; le vrai doit être l'objet de nos recherches ; le Ion est préférable au bean , etc. Il est évident que nous ne considérons même alors ces qua- lités , qu'en tant qu eUes sont attachées à quel- que substance ou suppôt: le beau , c'est-à-dire , ce £}HL est beau , le vrai , c'csl-à-dire , ce qui est vrai , etc. En CCS exemples , le beau, le vrai , ne sont pas de purs adjectifs. Ce sont des adjectifs pris subs- tantivement , qui désignent un suppôt quel- conque , en tant qu'il est ou beau , ou vrai, ou lion , etc. Ces mots sont donc alors en même temps adjectifs et substantifs. Ils sont subs- tantifs , puisqu'ils désignent un suppôt , le
Ils sont adjectifs puisqu'ils désignent ce suppôt , en tant qu'il est te!.
Il y a autant de sortes d'adjectifs qu'il y a de sortes de qualités , do manières et de, rela- tions que notre esprit peut considérer dans les objets.
Nous ne connoissons point les substances eu
P
338 Principes
elles-mômes , nous ne les connoîssons que par les impressions qu elles font sur nos sens • et alors nous disons que les objets sont tels , selon le sens que c^:s impressions affectent. Si ce sont les yeux qui sont affectés , nous disons que l'objet est coloré , qu'il est ou blanc, ou noir, ou rouge , ou bleu , etc. Si c'est le goût , le corps est ou doux , ou amer , ou ai^re ou fade , etc. Si c'est le tact , l'objet est ou rude , ou poli , ou dur , ou mou , gras , huileux ou sec , etc.
Ainsi , ces mots , hîanc , noir , ronge , bleu , âoux , amer , aigre , fade , etc. sont autant de qualifications que nous donnons aux objeis , et sont par conséquent autant de noms adjectifs. Et parce que ce sont les impressions qu«î les objets physiques font sur nos sens , qui nous font donner à ces obj?ts les qualifications dont nous venons de parler , nous appellerons ces sortes d adjectifs , adjectifs -physiques.
Comme nous sommes accoutumés à qualifier les êtres physiques, en conséquence des impres» sions imnvjdiatcs qu'ils font sur nous , nous qualifions aussi les <"?tres métaphysiques et abs- traits , en conséquence de quelque considéra- tion de notre esprit à notre égard. Les adjectifs qui expriment ces sortes de vues ou coui-idc- rations , sont ceux que j'appelle adjectifs méta- physiques.
Les adjectifs métaphysiques sont en Ircs- grand nombre. On pourroit en faire autant dû classes différentes , qu'il y a do sortes de vues sous lesquelles l'oK^piit (^^Mit considérer les êtres physiques et les éircs métaphysiques.
Supposons une allée d'arlires , dans une vaste plaine. Deux hommes arrivent » cette allée , l'un par un botit , I autre par Je bout opposé. Chacun de ces hommes regardant les arbres d«
de Grammaire, 3oc)
CRtto aïlco , (lil: Voilà h' pn-mier ; de sorte quo 1 arbre que l'un appo'.K'; le primicr , est le dernier par raport à l'autre. Ainsi premier , dernier , et les autres noms do noiDUie ordinal , ne sont que des adjectifs métaphysiques. Ce sont des adjectifs de relation et de raport numéral.
Les noms de nombre cardinal , tels que deux , trois , etc. sont aussi dos adjeclil's méta- pliysiques , <iui qualifient une collection d in- dividus.
Alon ^ ma ; ton , ta y son , sa , etc. sont aussi des adjectifs métaphysiques , qui désignent un raport d'appartenance ou de proprioré , et non une qualité physique et permanente des objets.
Grand et petit son» encore des adjectifs iliéta- physiques. Car v.n corps , quel qu il soit, n'est ni grand, ni petit on lui-môrae; il n'est appelle tel , que par ranoit à un autre corps. Ce à quoi nous avons donné le nom do grand ^ a fait en nous une impression diiTérenie de celle que ce que nous appela, ns petit nous a fait. C'est !a perception de cette diffv^ence , qui nous a donne lieu d inventer les noms de ^rand , de petit , de moindre ^ eîc.
Différent , pareil semblable , sont aussi des adjectifs métaphysiques , qui qualifient les noms substantifs , en conséquence de certaines vues particulières de l'esimt. Différent qualifie un nom , précisém.ent en tant que je sens que la chose n'a pas iait en moi des impressiqns pareilles à celles qu'un aut.e y a faites. Deux objets , tels que j'aperçois que 1 un n'est pas l'autre , font pourtant en moi des impressions pareilles en certains points. Je dis qu'ils sont semblables en ces points-là , parce que je me ^ sens affecté à cet égard de la même manière. ' Ainsi ,^ semblable est un adjectif métaphysique,
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S/fO Principes
Tout corps me paroît borné , et )« vois une étendue nu-delà. Je dis donc que ces cor:)3 sont termines > bornés , finis. Ainsi borné ^ terminé , fini ^ ne -supposent que des bornes et la connoissance d'une écendus ultérieure -, ce sont donc des adjectifs métaphysiques.
Tout ce qui nous paroît tel , que nous n'aper- cevons pas qu'il puisse avoir un degré de bonté et d'excellence au - delà , nous l'appelons parfait»
Voici encore d'autres adjectifs métaphysiques qui demandent de l'attention.
Un nom est adjectif, quand il qualifie un nom substantif. Or , qualifier un nom subs- tantif, ce n'est pas seulement dire qu'il est rouge ou bleu , grand ou petit ; c'est en fixer l'étendue , la valeur , l'acception , étendre cette acception ou la restreindre , on sorte pourlaut que toujours l'adjectif-et le sui)Stantif pris ensemble , ne présentent qu'un m}rae objet à l'esprit. Au lieu que si je dis liber Petri , Fetri fixe à la vérité l'étendue de la signification de liber : mais ces doux mots présentent à l'es- prit deux objets diH'érnns , dont l'un n'est pas l'autre. Au contraire , quand je dis , le beau livre , il n'y a là qu'un objet réel , mais dont j'énonce qu il est beau. Ainsi , tout mot qui fîxs l'acception du substantif , qui en éteiul ou qui VA restreint la valeur , et qui ne pré- sente que le même objet à l'esprit , est un véritablo adjectif. Ainsi nécessaire , accidentel ^\ possible f iinpo^'iibie , to-tr , nul, quelque, aucun, chatjue , tel , quel j certain , a , cet , cette , mon ^ ma , ton , ta , ^a , votr^ , notre , ot n^'ine /# la , les , sont de voritab!'\-; adjectifs métaphy- siques , puisqu'ils modifient des substantilV et. les font reî^arder sous dos points de vu< pa rticulicrs. Tout homme , présente homme dansl
de Grammaire. Z/^l
1111 sens gcMieral affirmatif : nul homme l'annoiiCG dans un sv.ns gcncral nôgatii : quelque homme préscnlG un sens particuIi<jrJnclét«hMniné: son , sa , SCS ^ vos y clc. font coriSclérer le substantif sous un sens erappartcnaîice et do propriété. Car quand je dis meus ensis , mens est autant simple adj(3Ctif que Evandrius , dans ce vers de Virgile (i).
Nom t'ibi , Thymbre , caput Evandrius û65- tulit ensis.
Meus marque l'appartenance par raport à moi, et Evandrius la marque par raport à Evandre.
Il faut ici observer , que les mois changent de valeur, selon les dirrerentes vues que Fusage leur donne à exprimer Boire , manger , sont des verbes \ mais quand on dit le boire , le manger , etc. alors boire et manger sont des noms. Aimer est un verbe actif, mais dans ce vers de l'Opéra d'Atj's ,
Saime , c'est mon destin d'aimer toute ma vie.
Aimer est pris dans un sens neutre. Mien , tien , sien , étoient autrefois adjectifs. On disoit vn sien frère , un mien ami. Aujourd'hui , en ce sens , il n'y a que won , ton , son , qui soient adjeciifs. Âlien , rien , sien , sont de vrais subs- tantifs de la clause dos pronoms ; le mien , te tien , le sien. La discorde , dit la Fontaine , vint.
Avec Que si , Que non , son frère , Avec le tien , le mien , son père.
Nos , vos , sont toujours adjectifs • mais votre y
(i) yEneid. lib. lo , v 394.
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342 Principes
nôrre , sont souvent adjectifs et souvent p^ro- noms : le vSire , le nêtre. Vous et les. vôtres: voila le votre , voici le sien et le mien. Ces pro- noms indiquent albrs des objets certains aont on a déjà parlé.
Ces reflexions servent à décider si ces raots , père , roi , et autres semblables , sont adjectifs ou substantifs : qualifient ils ? ils sont adjectifs* JLouis XV est r&i ; roi qualifie Louis XV ; donc roi est-là adjectif Le roi est à V armée : le roi désigne s 'ors un individu ; il est donc subs- tantif. Ainsi CGS mots sont pris , tantôt adjec- ti'/emer." , tan ot substantivement: cela dépend de leur service ; c"est-à dire , de la valeur qu'on leur donr.e dans l'emploi qu'on en fait.
Jl reste à parler. de la s}'ntaxe des adjectifs. Ce qu'on peut dire â ce sujet se réduit à deux points : 1°. la terminaison de l'adjectif : 5°. la position de l'adjectif.
I. A renard du premier point , il faut se rappellcr ce princi le dont nous avons parlé ci-dessns , que l'adjeclif et le substantif iiiis ensemble en construction , ne présentent à l'esprit , qu'un seul et même indivi<lu , ou physique ou métaphysique. Ainsi , l'adjectif n'étant réellement que le substantif même con- sidéré avec Kl qualificaiion que l'adjf'çtif énonce ; ils doivent avoir l'un et l'autre les mêmes signes des vues parlicidières fous lesquelles Tesprit considère la chose qualifiée. Parlent- on d'ua objet singulier l l'adiectif doit avoir la termi- naison destinée à mar(]U(;r le singulier. Le subs- tantif est-il de la classe des noms (]u'on appelle ro:\sculins ! l'adjectif doit avoir le signe destine à marquer les noms de celte classe. Enfin , y a-t-il dans une hiigufc une manière établie pour racirquor les r.iporis oa points do vue qu'on .'>pj)eIlo Ci?; î radjeclji doit cucoro se conformof
dt' Grammaire. 343
ici au snbstanlif. En un mot , il doit énoncer les mÔMios raporis , et so- présenter sous les iTîèines faces qu? le substantif, parce qu'il n'est qu'un a\cc lui. C est ce que les Grammairiens appellent la concordance de f adjectif avec le subs' rantif, qui n'est fondé'? qun sur l'identité phy- sique de i'at'jpcîif avec le substantif,
II. A 1 ej;ard do la position de Tadjeclif , c'esl- a-dire , s'il fai-t le placer avan! ou après le subs- tantif, s'il doit êtie au commencement ou à la fîn de la ])hrase , s'il peut erre séparé du subs- tantif par d'autres mots , je répond'^ que dans les langues qui ont des cas , c'est-i-dire , qui marquent par tles terminaisons les raports que les mois ont entr'eux , la posiiion n'est d'aucun usage pour faire connortre l'identité de l'ad- jectif avec son substantif. C'est l'ouvrage ou plutôt la destination de la terminaison •,. elle seule a ce privilcige. Et dans ces langues , on consulte seulement l'oreille pour la position de l'adjectif , qui même peut être séparé de son substantif par d'autres mots.
7)Iais dans les langues qui n'ont pomt de cas, comme le François , l'adJGCt f est toujours joint à son substantif. Il n'en est séparé que lorsque l'adjeclif est attribut , comme Louis est juste ; Phcbiis est sourd ; Pégase est rétif ; et encore a\tx rendre , devenir , paraître.
Un vers éîoir rrop foihie , et vous le rendes dur». J"c\irt d'être lonjj , et je deviens obscur.
Dans las phrases telles que cc^lle qui suit , les adjectifs qui paroîssent isolés forment seuls^ par (illipse , une proposition particulière.
Heureux qui peut voir du rivag-e , Le terrible Octan par les vCiiis agité.
P 4
^44 P/incipes
Il y a là deux propositions grammaticales. Ccîui ( qui peut voir , rlu rivage , le terriblu Océan par les vents agité ) est heureux. Oii vous voyez quo heureux est l'attriburde la pro- position principale. ,
Il n'est point indiffèrent on françois , selon ja syntaxe élégante et d'usage , d'énoncer le substantif avant ladjectif , ou l'adjectif avant le substantif. Il est vrai que pour faire entendre le sens , il est égal de dire toner hlanc ou blanc Vonct \ mais par raport à l'eloçution et à la syn- taxe d'usage , on ne doit dire que honet hlanc, ISous n'avons sur ce point d'autre règle que J'areilJe exercée , c'est-à-dire , accoutumée aa commerce des personnes de la nation qui font le bon usage. Ainsi je me contenterai de donner ici des exemples qui pourront servir de guide dans les occasions analogues. On dit habic rouge ; ainsi dites htibit bleu , habit gris « et non hleu habit , gris, habit. Oo dit mon l vre ; ainsi dites ton livre , son livre y leurUvl'e. Vous verrez, dans la liste suivante ,. ^one torride , ainsi dites par analogie ^ob^ tempérée et ^one glaciale : ainsi des autres exemples.
Liste de. -plusieurs adjectifs qui ne vont qu après leurs subsiannjs dans les exem- ples quon en donne ici.
Accent gascon. Air indolent. Ange gardien. Beauté parfaite. Beotne romaine. Banet bLinc Cas direct. Cas cbliqne. Chiipcau noir. Chemin raboteux- Contrat clandestin. Conhur jaune. Dîme royale. Discours concis. Empire Ottoman. Esprit invincible. Etttf ecch'sias'tii.]uc. EtoHiS Jixes. Exvres- sion littérale. Eables chois-ies. Eigi:re rond^. tormt çvale. Canif cguisé, Gènit superiafr, Grammain
(le Grammaire. 04.5
rcihontiée. flortmag^ rendu. Homme i-^struir. ffom fie /uiti\ Laine blanche. Lettre anonyme. Lieu incic^ cessible. Ligne droite. Livres choisis. Vue courte. Vue basse. Des yeux noirs. Zone torride ^ etc.
Il y a au contraire des iuljectirs qui précè- doiit toujours les substantifs qu'ils qualifient , comme ,
Certaines gens. Grand général. Grand capitaine» Alauvsii^i' lir.bitude. Brave soldat. Belle situation. J.iste dejensc. Beau jardin. Don ouvrier. Gros arbre. Petit arbre. Petit animal. Saint religieux. Profond respect. Jeune homme. Vieux pécheur. Cker ami.. Réduit à la dernière misère. Tiers-Ordre. Triple alliance , etc.
Je n'ai pas prétendu insérer dans ces listes tous les adjectifs qui se placeiit les uns devant les substantifs ,• et les autres après. J'ai voulu seulement faire voir que celte position n'ctoit 'pas arbitraire.
Les adjectifs métaphysiques , comme le , la les f ce , cet , quelque , un , fout , chaque , tel , quel , son , sa , ses , votre , nos , leur , se placent toujours avant les substantifs qu'ils qualifient.
Les adjectifs de nombre précèdent aussi les substantifs appellatifs , et suivent les noms propres. Le premier homme y François premier; quatre personnes , Henri quatre r, pour quatrième. ÎVIais en parlant du nombre de nos rois , nous disons dans un sens appellatif , qu'/i y a en quinze Louis , et que naus en sommes au seizième. On dit aussi dans les citations , livrx premier , chapitre second: hors, de-là on dit le premier livre , le second livre.
D'autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs. C'est un savant homme j c'est un homme savant.' c'en un habile avocat , ou un avocat habile j et encore mieux ^ cest un homme fort savant ^ c'est un avocat fort
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34^ Principes
habile. Mais on ne dit point , c'est un exyéri'^ jfsenté avocat , au lieu qii on dit , c'est un avocat t^^pèrimenté y o\i fort expérimenté. C'est un Beau livre ; c'est un livre fort beau. Aim véritable , vèri» Table ami. De tendres reperds , des refrards tendres. JJ intelligence suprême , la suprême intelligence, Saveir profond , profond savoir. Affaire malheu.^ euse j vialheureuse affaire , elc.
Voiii des pratiques que le seul bon usage peut apprendre ; et ce sont-là de ces linessei, qui. nous. «Jchappent dans les langues mortes '. et qiîi (iloient sans doute très-sensibles à ceux qui parloient ces langues , dans le temps qu'el- les ctoiont vivantes.
La poésie , où les transpositions sont per- mises , et même où elles ont quelquefois des grâces , a sur ce point plus de liberté que la ])rose.
Cette posiiion de l'adjeclif devant ou après le substantif e">t si peu indifférente , qu'elle chon-^e quelqu'^fois entièrement la valeur du substantif. En voici des cxeinples bien sen- sibles.
CVj/ "/'< nouvelle certaine ; cest une chose cer- taine; c'est-à-dire, assurée ^ véritable , constantt , J'ai appris certaines choses , cerlainc nouvelle : olors certaine répond ;i\i quidam des Ln-tins , et fflit prendre les substaniifs dans un sens vague. ct-indéterminé.
Un honnête homme est un homme qui a des
mopurs., do la .probité et du la droiture. Un
^homm* honnête est un homme poli , qui a envie
de olaire. I^<-5 honnêtes gens d'un" ville » ce sont
iBSpersonnes.dc la ville qui so|it au-dessus du
■peuple , qui ont du bien , une réputatioa
intf'grn , un<) nair.sance honmlle , et qui ont eu
«le l'éducation. Co sont ceux doui Horace dit;
Quitus tsi c^uus «t^atci tt res^
de Gra7nmaire. 047
F/cl a un sens diif-iivînt , solo a qu'il est j)!acê jvanl ou après nu siibsi-jnlif. G'dlc^ est un vr:ti chiirLitan , c'est-à-dire , qu'il est rtellement nu chailalan. C'est un homme vrai , c est-à-ilire , véridique. C'est nue nouvelio vraie , c'est-à-dire , vêrirable.
C'est un pauvre hommi , se dit par mépris d'ua homme qui n'a pas nno sorte de mérite , d'un homme qui négli^^e ou qui est incapable de faire ce qu'on attend *dc lui ; el: ce pauvre homme peut Gtrç riche. Au lieu qu'un homme pauvre est un homme sans biens.
Un homme galant n'est pas toujours «n galant homme. Le premier est un homme qui cherche à plaire :iux femmes , qui leur rend de petits soins. Au lieu qu'un galant honmie est ua hoiiaéie homme , qui n'a que des- procédés simples.
En françois , nos adjectifs sont tcrmine's ,. i". ou par un e muet , comme sage , fidèle 5 utile , facile , habils , timide , riche , aimable , volage , troisième , quatrième , etc. Alors l'ad- jectif sert également pour le masculin et pour ie féminin. Un amant fidèle , une femme fidèle. Ceux qui écrivent fidel , util y font la même faute que s'ils écrivoient sag , au lieu de sage , çjui se dit également pour les deux genres.
2^. Si Tadjectif est terminé dans sa première dénomination par quclqu'autre lettre que par un e muet , alors cette première terminaison seit pour le genre masculin , pur , dur , brun ^ savant , fort , bon.
A l'égard du genre féminin , il faut dis- .tinguer. Ou l'adjeciif finit au masculin par une voyelle , ou il est lerminé par une con- sonne.
Si l'adjeciif masculin finit par toute autre' vûyc'lle que par un e muet , ajoutez seulemeulr Ve muet après celte voyelle , vous aureii. lii
JP 6
34S Princtpes
terminaison féminine do l'adjeclif. Sensé , sensée, fjoîi , jolie. Bourru , bourrue.
Si l'adjectif masculin iînit par une consonne, détachez cette consonne de la lettre qui 11. précède , et afO[ilez un e muet à cette con'- sonne détachée , vous aurez la lerîninaisoa féminine de l'adjectif. Pur , yu~re. Saim y sain-te,^. Sain ^ &ai-ne. Grande gran-de. Sot, so-te. Bon, bo-ne.
Je sais bien que les maîtres à écrire , pour yiiultipiier les jambiiges , dont la siiito rend récriture plus unie et plus agréable à la vue .^ ont introduit Jine soconden dans bo~ne, comme ils ont introduit une m dans ho-mt: ainsi on écrit communément bonne , homme , honneur , etc. mais ces lettres redoublées sont contraires à l'analogie , et ne servent qu'à multiplier les difficultés pour les étrangers et pour les gens qui apprennent à lire.
n y a quelques adjectifs qui s'ccartent de îa i-èj:!» : en voici le détail.
On disoit autrefois au masculin, tt7, nouvel, fol , mol , et nu féminin , selon la règle , belle ^ nouvelle , folle , molle. Ces féminins se sont conservés : mais les ma^^culins ne sont en usage que devant une vo) die , un bel hcmme , un nouvel amant , un fol amour : ainsi beau , nou" veau , fou , mou , ne forment point de féminin. JMais Espagnol est en usage , d'où vient Espa- ■ ^nole , selon la rt gle générale. Blanc fait blan- che ; franc , franche. Long fait longue : ce qui fait voir que le g do Ibr.g ett le g fort que les modnrnrs apprljont gue. Il est bon , dans ce» occasions , d avoir recours à l'analogie qu'il y a entre l'adjectif et le subslan if abstrait. Par exemple , hngueur-, long , longue ; douceur ^ don.\- y douce ; jalousie , jaloux , jalouse ; fraîcheur^ frais , fraîche ) sécheresse , sec , séclii»
de Grammalri. 849
Le / et le V sont nu fond la rnomc lettn? divisée on forte et en foiblc. Le /est la forie, et le i' est la foibio. De-la' nj//, vahe \ abusifs abusive ] chetif\, clttiive] dêfensif, défensive \ passif f, passive ; négatif , négativ.e ; purgatif , puga- tive , etc.
On dit won , wn : ton , ta .' son , sa ; mais devant une voyelle on dit également au féminin m.i^ , ton , son ', mon ame , ion ardeur , son epee. Ce que le méchanisme des organes de la parole- a introduit pour éviter le bâillement (]ui se feroit à la rencontre des deux voyelles ma ame y ta épée , sa épouse. En ces occasions son , ton , mon sont féminins , de la même manière que rAeSy tes , 5"^^ , hs le sont au pluriel , quand 011 dit mes filles , les femmes , etc.
L'adjectif doit avoir la terminaison qui con- vient au genre que l'usage a donné au subs- tantif. Sur quoi on doit faire une remarque singulière sur le mot Cens. On donne la termi- naison féminine à Tadjectif qui précède ce mot, et h masculine à celle qui le suit , fût-ce dans la même phrase. Il y a de certaines gens qui sont bien sots.
Le pluriel de l'adjectif se forme enr ajoutant une s au singulier , bon bons ; fort forts. J'ai conséquent puisqu'on écrit au singulier gâté , gâtée , on doit écrire au pluriel géités , gâtées ^ ajoutant simplement 1'^ pour le pluriel mascu- lin , comme on l'ajoute pour le pluriel féminin. Cela nie paroît plus analogue , que d'ôter l'ac- cent aigu au masculin , et ajouter un { , gate^. Je ne vois pas que le ^ ait plutôt que 1'^ le pri- vilège de marquer que 1^' qui le précède est un. € ferme. Pour moi je ne fais usage du j après Ve fermé , que pour la seconde personne plu- rielle du verbe , vous cimei ' ^® 9^' distingue le verbe du participe çt dç l'adjectif: vous êm
3 So Principes
aimés \ les perdreaux sont garés ; vous gate-^ a livre.
Les adjectifs terminés au singulier par une s servent aux deux nombres, il est gros et grcis\ ils sont gros et gras.
II y a quelques adjecîils qu'il a plu aux Maî- tres à éci-ire de- terminer par un x , au lieu de s , qui Hnissant en dedans ne donne pas à la main la liberté de faire de ces figures inutiles qu iU appellent iraiis. Il faut regarder cet x comme une véritable s. Ainsi on dit // est jaloux, et ils sont jaloux ; il est doux , et ils sont doux ; l^époux y les époux . etc. L7 final se change en aux , qu'on leroit mieux d'écrire aus , égal , Âgaus \ verbal y verèaus j féodal y féodaus *, miptial ^, nuptiaus j. etc.
A l'égard des adjectifs qui finissent par ent ou a/it au singulier , on forme leur pluriel en ajoutant s y selon la règle générale j et alorà on peut laisser ou rejeîler le t ; cependant lorsque le rsert au féminin, l'analogie demande qu'on le garde : excellent , excellente ; excellents, excellentes.
Outre le genre , le nombre et le cas > dont ■nous venons de parler, les adjectifs sont encore sujets à un antre accident , qu'on appelle les degrés de comparaison , et qu'on devroit plutôt appeler dégrés de jjualification ] car la qualifica- tion est susceptible de plus ou de moins ,. tjn y vieille ur , excellent ; savant , plus savant , très^ savant. Le premier de ces degrés est appcld positif \ le second, comparatif , et le troisième superlatif.
11 ne sera pas inutile d'ajouter ici deux observations.
La première , c'est que les adjectifs se prcn- jjicnt souvent adverbialement. Facile et dijfîcilèy uil Doja^t , quiv advirbia ponuKur , nj.r.liia
de Grammaire. 35l
potius dlc^nâa suni , pro advcrbiis posita ; ut est y torvùin clamât ; liorrondùm resonat ; et daas Horace (i), turbidùm latatur; resseat les saillies d une joie agitée et confuse (a) ', Pcrfidum ridens f'''enus , Vtiiius avec un sourire perfide. Et même , primo , secundo , tertio , postremj , sera f optatû , ne sont (jue des adjnclifs pris adverbia- lement. Il est vrai qu'au fond l'adjectif con- serve toujours sa nature, et qu'en ces occasions même il faut toujours sous-entendre une pré- vposition et un nom substantif , à quoi tout adverbe est réductible. Ainsi turbidùm latatur^ id est, lœtatiir juxta negotiuin , ou rn^dum turbi' dum. Primo ,, secundo , id est , in primo vel secundo loco ; opîdto advcnls , id est , in t empare optato».
A l'imitalion de cette façon de parler latine,, nos adjectifs sont souvent pris adverbialement. Parler haut ^ parler bas , sentir mauvais y. voir clair, ckanter faux f chanter juste , etc. On peut en ces occasions sous-entendre une prépo- sition et un nom substantif. Parler d un ton haut , sentir un mauvais goût ^ voir dun œil clair 9, chanter d'un ton faux. Mais quand il seroit vrai qu'on ne pourrôit point trouver de nom subs- tantif convenable et usité , la façon de parler n'en seroit pas moins elliptique ; on y sous- entendroit l'idée de chose on d'être dans un sens neutre.
La seconde remarque , c'est qu'iî ne faut pas confondre l'adj'îctif arec le nom substantif qui énonce une qualité , comme blancheur , étendue. L'adjectif qualifie un substantif; c'est Je substantif même considéré comme étant tel : Magistrat équitable. Ainsi l'adjectif n'existe
( 1) Lih. 2. Od. 19 , y. 6. (a) Lib, ). Qd. »j , r, 67.
352 Principes
dans le discours quo relativement au subs^ tantif , qui en est le suppôt , et auquel il se rapporte par l'idenlité ; au lieu que le subs- taniif qui exprime une qualitû , est un terme abstrait et métaphysique, qui énonce un con- cept particulier de l'esprit, qui considère la qualité indépendamment de toute application particulière , et comme si le mot étoit le nom d'un être réel et subsistant par lui-même. Tels sont , couleur , étendue , équité , etc. ce sont des noms substantifs par imitation.
Au reste , les adjectifs sont d'un grand usage , su»r-tont en poésie , où ils servent h faire des images et à donner de l'énergie. 'Mais il faut toujours que l'Orateur ou le Poète aient l'art d'en usera propos , et que l'adjectif n'ajoute jamais au substantif uneidée accessoire, inutile, vaine ou déplacée.
c- M ,^ "j • - > 1 — isnu
DU COMPARATIF.
i OUR bien entendre ce mot , c'est un adject/f pris substantivement , il faut observer que les objets peuvent Otre qualifiés ou absolument sans aucun raport à d'autres objets , on relali- Vernent^ c'est-à-diro , par raport à d'autres.
1. Lorsqu'on qualifie wn. objet absolument, l'adjectif qualificatif est dit être au positif. Ce premier degré est appelle positif, parce qu'il est comme la première pierre qui est poseo pour servir do fondement aux autres rlégrés ne signification. Ces degrés sont appeUés com- jiiun^jjic;it degrés dt c^mfiirais^n^
de Grammaire. 353
Ccsar ctoît vihillant : le soloil est brillant , vaillant et brillant sont au positif.
En second lien , quand on qualifie un objet relalivonicnt à un aulre ou à d'autres , alors ij y a entre ces ohjets ou un raport d'égalité , ou un raport de Fupériorilé , ou enfin un raport de prééminence.
S'il y a un ra/«jort d'égalité , l'adjectif qualifi- catif est toujours regardé comme étant au posi- tif; alors l'égalité est marquée par des adver- bes , œque ac ^ tam quam , ita uî , et en françois par autant que , aussi que. César étoit aussi brave qu'Alexandre l'avoit été. Si nous étions plus proches des étoiles , cHns nous paroîlroient aussi briUdntes^ que le soleil.
Aux équinoxes , les nuits sont aussi longues que les jours.
II. Lorsqu'on observe im raport de plus ou un raport de moins darfs la qualité de deux choses comparées , alors l'adjectif qui énonce ce raport est dit être au comparatif. C'est le second degré de signification , ou , comme on dit , de comparaison : Petrus est doctior Paulo , Pierre est plus savant que Paul : le soleil est plus brillant que la lune. Où vous voyez qu'en latin le comparatif est distingué du positif par-une terminaison particulière , et qu'en françois , il est distingué par l'addition cîn mol plus ou du mot moins.
III. Enfin , le troisième degré es,t appelé superlatif. Ce mot est formé de deux mots latins , super , au-dessus ., et htns , porté. Ainsi le superlatif marque Li qualité portée au suprême degré de plus ou de moins.
Il y a deux sortes de superlatifs en fran- çois.
I. Le superlatif absolu , que nous formons avec les mots , tris , fort , extrêmement ] et
354 Principes
quand il y a admiration , avec bien. Il est hien raisônncbU. Très vinnt du latin ter , trois fois, très- grand , c'est- i-dîre , trois fois grand^ Fort est un dhïégé de fortement.
ÎI. Nous avons encore le superlatif relatif , il .est h plus faisonnable de ses frères.
Les adverbes ont aussi des dégrés de signi- ficalion, bien, mieux j fort bien ; bene , melius , eptime.
Cs Notre langue , dit le P» B ou h ours , n a » point pris de superlatifs des Latins. Elle » n'en a point d'autre qu'^ Générdlissime , qui » çst tout frariçois , et (|ue le cardinal de » Richelieu fit de son autorité , aUant com- ï> mander les armées de France en Italie , si linons en croyons B;ilzac (i) y^ .
Nous avons emprunté des Italiens cinq ou six ternies de dignités , dont nous nous ser- vons en certaines formules , et auxquels nous nous contentons de donner une terminaison françoise , qui n'empêche pas de reconnoître leur origine latine. Tels sont, revenndissime y illustrissime , excellentissime , eminentissime.
(i) Douja sur la hn^e fran^oise, pag. 60.
v^
^e Grammaire, 355
DES CAS,
E mot Cas vient du btin casus^ ,. chite : racine , cadere ^ tomber. Les cas d'an nom sont les différentes inflexions ou terminaisons de ce nom On a regardé ces terminaisons comme autant de différentes chutes d'un môme jnot. L'imagination et les idées accessoires ont beaucoup de part aux dénominations et à bien d'autres sortes de pensées ; ainsi ce mot cas est dit ici dans un sens figuré et méta- phorique. Le nominatif, c'est-à-dire , la pre- mière dénçmination tombant, pour ainsi dire, en d'autres terminaisons , fait les autres cas qu'on appelle obliques Nominativus^ sive Eectus, cadens à sua terminatlone in alias , facit obliquas casas (i).
Ces terminaisons sont aussi appelées désl" fiances , mais ces mots terminaison , sont le genre» Gas est Vespece , qui ne se dit que des noms car les vorhes ont anssi des torminaisons diffé* rentes , / ai-ve , j'aimois , j aimerai y etc. Cepen-» dant on ne donne le nom de cas qu'aux ter- minaisons des noms , soit au singulier , soit au oluriel. Pater ^ patris ^ patri , patrem , pâtre* Voilà toutes l'5 terminaisons de ce mot aii. singulier ; en voilà tous les cas , en observant seulement que la première terminaison pater sert cgnlement pour nommer et pour appeler.
Les Latins ont six cas , tant au singulier
■■-■.. ■!■ I 1)1»
(i) Prise, liy. 5, df. cusu.
356 Princ'pes
qu'au pluriel , nominatif ^ génitif , datif y accu- satif y vocatif , ablatif.
Lr premier , c'est le nominatif, II est appelé cas par cxterisioii , et parce quil doit se trouver dans la liste clés autres tenuinaisous du non:i. Il nomme , il énonce l'objet dans toute l'été n- due de l'idcie qu'on en a , sans aucune modi- iication. C'est pour cela qu'on l'appelle aussi le cas direct , rectus. Quand un nom est au nominatif, les Grammairiens disent qu'il est in recto.
Le génitif est ainsi appelé, parce qu'il est, pour ainsi dire , le fils aine du nominatif, et qu'il sert ensuite plus parliculiirement à former les cas qui le suivent. Ils en gardent toujours la lettre caractéristique ou figurative , c'est-à dire , celle qui précède la terminaison propre qui fait la différence des déclinaisons , par exemple : is , i , em ou //;; , f ou / , sont les terminaisons des r.ouîs de la troisième déclinaison des Latins au singulier. Si vous avez'a décliner quelqu'un de ces noms , gardez la lettre qui précédera is au génitif. Par exemple, nominatif rt'x , c'est- à-dire , regs , génitif reg-is , ensuite reg-i , reg-em , reg-e , et de même au plumier , reg-es y reg-um , reg-ibus^ Genitivits naturalc vincuïum generis possidct : nascitur quident à no-minativo , générât autem omnes obliquas seqnentes (i).
Le datif sert à lUinMpicr principalement le raporl d'altrihntion , le prorit , le dommage , par raport à quoi , le pourquoi , finis cui.
L'ff(cw.v<7^// accuse , c'est-à-dire, iléclarc l'objet ou lo terme de Tact ion que lo verbe signifie. On le construit aussi avec certaines prépoài- tions et avec l'infinitif.
( I ) Piiiç. Vuid,
Jj Grammaire, 3^7
Lo vocatif sert A appeler. Priscicn l'appelle aussi salufatcrius.
L'ahialif sort à ôter , avec le «ecoiirs (.rune préposition.
Il ne tant pas oublier la remarque judicieuse de Priscicn. « Chacjuc cas , dit-il , a phisie.u'S » usages • mais les dônomiaatioris se tirant de » lusage ic plus connu et le plus fréquent ». Jlliihas afias quoqne et dlversas unusqiiisqne casus habet significationes \ sed à UQtionbas et frequen- tiorib'us acceperunt nominations m , slcut in aliis qujqiie 7iU'.lis hoc invcnimus (i).
Quand on dit de suite et dans un certain ordre toutes les terminaisons d'un nom , c est ce qu'on appelle chécliner. C'est encore une métaphore. On commence par la première terminaison dun nom , ensuite on descend , on décline , on va jusqu'à la dernière.
Les anciens Grammairiens se scrvoient égale- ment du mot décliner , tant à l'égard des noms Cju'à l'égard des verbes. Mais il y a long-temps que l'on a consacré le mot décliner anx noms ; et que lorsqu'il s'agit de verbes on dit conju- guer , cest-à-dire , ranger toutes les terminai- sons d'un verbe dans une même liste , et toct de suite comme sous un même joug. C'est
encore une metapnore.
Il y a en latin quelques mots qui gardent toujonrs la terminaison de leur première déno- minoiîon. On dit alors que ces mots sont indé- clinables. Tels sont/a^, nef as ^ cornu, au singu- lier, etc. ainsi ces mots n'ont point de cas.
Cependant, quand ces mots se trouvent dans une phrase , <:omHie lorsqu'Horace a dit (2) :
( I ) Pr^sc. ih\d,
(â) Lih, 1. Od. 18. y. 10.
3/)^ Principtf
Fa.i arque nef as exiguo fine libidinum àlsce-rnunt avidi ; et ailleurs (i) : Et peccare nefas , aut preti'im est mori ; et Virgile (2) : Jam cornu petat ; €t (3j cornu ferit iîle , caveto ; alors le sens , c'est-à-dire , l'ensemble des mots de la phrase, fait connoitre la relation que ces mots indécli- nables eat avec les autres mots de la même proposition , et sous quel raport ils y doivent "«Ire c®nsidérés.
Ainsi dans le premier passage d'Horace , je vois bien quo la constrnction est , //// avidï discernant fas et nefas» Je diiai donc que jds et mfas sont le terme de l'action ou l'objet de discernant , qx.c. Si je dis qu ils sont à laccu- salif, ce ne sera que par extension et par analogie avec les autros mois latins qui ont des cas , et qui en une pareille position anroieiat la terminaison de l'accusatif. J'en dis autant de cornu, ferit : ce ne sera non plus que par analogie que cornu est là à l'ablatif -, et l'on ne diroit ni l'un ni l'autre , si les autres mots de la langue ktine étoient égalemont indéclinables. Je fais ces observations pour faire voir , I. Que ce sont les terminaisons seules qui par leur variété constituent les cas , et doivent être appelées cas ; eu sorte qu'il n'y a point tlo cas , ni par conséquent de déclinaison dans les langues où les noms gardent toujours la terminaison de leur première dénomination ; et que lorsque nous disons un temyU' de marbre ^ ces lieux mots de nuijrbre ne sont pas plus au génitif que les mots latins de martnore , quand
(1) Lih. }. OJ. 4, V. i4. (i) Etlojrue 9. V. 57, () ) Ed. 9, y. 2^,
(Ij Grammaire. 3^)()
\'irf;ilc a dit, Tfjup^um de manriore pjnam (i). Ainsi à et de no rnuitiiicnt pns plus c!;^5 cris en françoii, que par, pour, en j,S'ir , elc. Voyez ce quo nous avons d'il sur ce sujot on traitant
do I ARTICLE.
II. Le second point qui ost à consid/irer dans les cas , ccst 1 nsage qu'on en fait dans les langues qui ont des ca.ç.
Ainsi i| faut bien obser'/er la destination do clia.^ue terminaison parlicn!iér3. Tel raport , telle vue de l'esprit est marque par tel cas , c'est-à-dire, par telle terminaison.
Or ces lerminaisous supposent un ordre dans les mots de la phrase. C'est l'ordre succe^>sif des vues de l'esprit de C'iui qui a pnr'é. C'est cet ordre qui est le fondement des velarions immédia'es des mots , de leurs enchalneniens €t de leurs terminaisons. PUrre bat. Paul , moi aime roi , etc. On va entendre ce que je vejx dire.
Les ca"; ne sont en usage que dans' les lan-' gués où les mots sont transp.osés , soit par la raison de I harmonie , soit par le feu de î'jn?ia- gina'.ion , pu par quolqu'autre cause.
Or , quand les mots sont transposés , com- ment puis je connoître leurs relations ?
Ce sont les diiTérentcs terminaisons ; ce sont les cas qui m'indiquent ces relations, et qui, lorsqn<î la phrase est finie , me donnent le rnoyen de rétit!)lir l'ordre des mots , tel qu'il a été nëcessuirement dans l'esprit de celui qui a pnrié , lorsqu'il a voulu énoncer sa pensée pax des mots. Par exemple :
( I ) Geor^. liy, j , y. 13 , et ailleurs.
3^o Principes
Frigîdus agricoîam si qnando continet irnber (i).
Je ne puis pas douter que , lorsque Virgile a fait ce vers , il n'ait joint dans son esprit l'idée de frigidus à celle cVimber ; puisque l'un est le substantif et l'autre l'adjectif. Or le substantif et l'adjectif sont la chose môme-: c'est l'objet considéré comme tel : ainsi l'esprit n». les a point séparés.
Cependant , voyez combien ici ces deux mots sont éloignés l'un de l'autre. Frigidus commence le vers et imber le finit.
Les terminaisons font que jnon esprit rapro- che ces deux mots , et les remet dans l'ordre des vues de l'esprit relatives à i'élocution • car l'esprit ne divise ainsi ses pensées que par la nécessité de renonciation.
Comme !a terminaison de frigidus me fait raportcr cet adjcciifà imber ^ de même voyant f:\i\ Agricoîam est à l'accusatif , j'aperçois qu'il jiû peut avoir de raport qu'avec continet. Ainsi je range ces mots selon leur ordre successif, par lequel seul ils font un sens : Si quando imber frigidus continet donii Agricoîam. Ce que nous disons ici est encore plus sensible dans ce vers.
Aret ager , vitio , moriens , sitit , aens , herba (a).
Ces mots , ainsi séparés de leurs corrélatifs, ne font aucun sens.
Est sec , le champ . vice , mourant , a soif A de l'air i Vherbe. Mais les terminaisons m'indi- {
( I ) Georg. lih. I , V. ^39. < a } Eclog. 7 , y. 57.
qucnt
d(! Grammaire, 36 1
quenl les corrélatifs , et cl;"'.î-!ors je troLivc le sens. \^oilà le vrai us.<ge des c.is.
A^cr arer , hcrba moriens sitic pvx vitio céri<.
Ainsi les cas sont les signes des raporls , et indiqu'înt l'ordre successif" par lequel seul, les mots font un sens. Leî cas n'indiquent donc le sens que relativement à cet ordre ; et vcili pourquoi les langues dont la synlaxe suit cet ordre , et ne s'en (icarte que par des inversions lrù,ères , aisées à apercevoir . et que l'esprit rétablit aisément ; ces Iad.'^ucs , dis-jo , n'ont point de cas : ils y seroient inutiles , puisqu'ils ne servent qu'à indiquer un ordre que ces lan- gues suivent : ce seroit un double ejTsnIoï. >'\insi , si je yeu:: rendre raison d'une plu'as» Irançoise ; par exenip'o , de celle-ci , Le roi aiiîie le -peu-pic , j-3 nt diiui pas que le roi est au. nominatif , ni que le peuple est â raccusatif : je ne voir, en 1 un ni en l'autre mot qu'une simple dénomination le, roi , le peuple. ?Ja:S comme je sais , par l'usage , l'analogie et la syntaxe de ma langue , la simple posiiion de ces mots me fait connoître leurs raporls , et les différentes vues de l'esprit de celui qui a parlé.
Ainsi je dis î°. Que le roi paroissant le pre- mier , est le sujet do la proposition; qu'il est l'agent , que c'est la personne qui a le 3enti- ment d'aimer.
i°. Q'dele peuple ct^nt énoncé après le verbe , le peuple est le complémenf ^ime : je veux dire que aime , tout seul , ne f croit pas un sens suf- fisant-, l'esprit ne seroit pas satisfait. li aime, hé quoi ? le peuple. Ces doux mois , cime h ptiiple , font un sens partiel dans la liroijosi- ll tion. Ainsi le peuple est le terme du senl^néat
Q
3^2 Pjincipes
•d'aimer ; c'est l'objet , c'est le patient ; t'est l'objet (la sentiment que j'attribue au roi. Or , ces raports sont indiqués en François par la place ou position des mots, et ce raêrnc ordre est montré en latin par les terminaisons.
Qu'il me soit permis d'emprunter ici pour un moment le stylo figuré. Je dirai donc, qu'en latin l'harmonie ou le caprice accorde aux mots la liberté de s'écartor de la ^>lace que l'iatelii- gencG leur avoit d'abord marquée. Mais ils n'ont cotte permission qu'à condition qu'après que toute la proposition sera finie , l'esprit de celui qui lit ou qui écoute , les remettra par un simple point de vue dans 1'^ môme ordre où ils auront été d'abord dans l'esprit de celui qui aura parlé.
Amusons-nous un moment à une fiction. S'il plaisoit à Dieu de faire revivre Cicéron , de' rions en donner la connoissance , et que Dieu ne donnât à Cicéron que l'intolligence des mots François , et nullement colle de notr " synt.ixe , c'est-à-dire , de ce qui Fait que nos iiiots assembles et rangés daas un certain ©rdro , font un sens. Je dis que si quelqu'uQ disoit à Cicéron , lllusire Rumain , après votre mort Auguste vainquit Antoine. Cicéron entcn- droit chacune de ces paroles en particulier •, mais il ne connoîtroit pa:i qui est celui qui a C't('' le vainqueur , ni celui qtii a été le vaincu. Il auroit besoin de quelques jours d'usage , pour apprendre parn)i nous que c'est l'ordre fies mots , leur position , et leur place , qui est le sig;ne principal de leurs raporls.
Or , comme en lalin il faut que le mol ait la terminaison destin(;c à sa position , et que sans cette condition la place n'influe en rien pour faire eainndre le sens , Au^ustiis vicH Antonius ne veut rien dirr» en lalin. Ainsi i
•I
de Gramtna'ire. o63
Angiiuff vainquit Anrolm no formcroit d'abord auc.in sens dans l'esprit de Cicdron ; parce que l'ordre successif ou significatif des vues de l esprit n'est indique en latin que par les cas ou tenninaisons des mots : ainsi il est indif- fèrent de dire Antonium vlcit Aitgusrus , ou Augu.uus vicit Antonium. Ciccron no conce- vroit donc point le sens d'une phrase , dont: la syntaxe lui seroit entièrement inconnue» Ainsi il n'entendroit rien à Auguste vainquit Antoine: ce seroit là pour lui trois mots qui n'auroient aucun signe de raport. Mais repre- nons la suite de nos réflexions sur les cas.
Il y a des langues qui ont plus de six cas , ot d autres qui en ont moins. Le P. Gaîanus, Théatin , qui avoit demeuré plusieurs années chez les Arméniens , dit qu'il y a dix cas dans la langue «rménienne. Les Arabes n'en ont que trois.
Les Grecs n'ont que cinq cas norninatif ^ génitif ^ datif ^ accusatif ^ 'vocatif. Mais la force de l'ablatif est souvent rendue par le génitif , et quelquefois par le îlatif , Ablativi forma Grœci carent , non vi , qua genitivo et aliquando dativû ref-riur (r).
Nous avons dit qu'il y a dans une langue et en chaque déclinaison , autant de cas qus de terminaisons différentes dans les noms. Cependant le génitif et le dalif de la première déclinaison des Latins , sont semblables aa singulier. Le datif de la seconde est aussi terminé comme lablatif. Il semble donc qu'il ne devroit y avoir que cinq cas en ces décli- naisons.
Mais 1°. il est certain que la proBoncialion
► ■ ■ ■ I — . ■ ■ I . ■■__■■
( 1 ) Cani?ii Hellrnisml , Part. crat. p. 87.
364 Principes
fie l'a au nominatif de la première déclinaison ctoit différente de Va à l'ablatif. Le premier est bref, l'autre est long.
2°. Le Génitif fut d'abord terminé en ai , d'où l'on forma ce pour le datif. In prima decïi- riatione dictum clim mensai , et hinc deinde for- natiim in dctivo mensîe (i).
3^. Enfin , l'analogie demande cette uni- formité de six cas dans les cinq déclinaisons ; et alors ceux qui ont une terminaison sembla- ble , sont des cas par imitation avec les cas <ies autres terminaisons : ce qui rend uniforme la raison des constructions. Casus sunt non vocis , sed significationis , necnon etiam structurœ rationem servamus (s).
Les raports qui ne sont pas indiqués par des cas en grec , en latin , et dans les auties langues qui ont des cas , ces raports , dis-je , sont suppléés par des prépositions. Clam patrem,
C'3s prépositions qui précèdent les noms , équivalent à des cas pour le sens , puisqu'elles marquent des vues particulières de lesprii. Mais elles ne font point des cas proprement dits; car l'essence du cas ne consiste que dans la terminaison du nom , destinée à indiquer une telle relation pariiculiére d'un mot à quelqu au- tre mot de la proposition.
( 1 ) Perizoni, s , m Sanrrii Minerva , /. i , •;. 6 , «.4.
(i) Prise. /. 'i , de CuiH,
Jcf Grarmnairel 365
OBSERVATIONS
SUR LES VERBES.
DES VERBES AUXILIAIRES.
JLE mot auxiliaire vient du latin auxiliaris , et signifie qui vient au secours. On appelle verbes auxiliaires le verbe être et le verbe avoir , parco qu'ils aident à conjuguer certains temps des autres verbes , et ces temps sont appelés temps composés.
11 y a dans les rorbes des temps qu'on appelle simples. C'est lorsque la valeur du verbe est énoncée en un seul mot : faime , j'aimois , j aimerai , etc.
Il y a encore des temps composés : /"a/ aimé , j'avois aimé f j'eurcis aimé , etc., ces temps sont énoncés en deux mots.
II y a même des temps doublement com- posés , qu'on appelle sur-composés. C'est lors- que le verbe est énoncé par trois mots ; quand il a eu dîne ; J'aurais été aimé , etc.
Plusieurs de ces temps , qui sont composés ou sur-composés en François . sont simples en latin , sur-tout à l'actif, amavi , fai aime , etc. Le François , n'a point de temps simples au passif. 11 en est de môme en espagnol , en italien , en allemand , et dans plusieurs autres langues vulgaires. Ainsi , quoiqu'on dise en latin , en ua seul mot , amor , amaris , amatur , •a dit en François , je suis aimé , etc. en espa-
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366 Principe 3
gnol , soy cmadù, ères amado , es amaâo \ en ita- lien, sono amato , sei amato , e amato.
Les verbes passifs des Latias ro sont eom- posôs qu'aux prétérits et aux autres temps quî se forment du participe passé , amatus s'^m ou fui , fai été aimé ', amatus ero ou fuero , j'aurai été aimé. On dit aussi à l'actif, amatum ire , quil aimera ou quil doit aimer ; et au passif, amatum. iri , quil sera ou qu'il doit être aimé. Amatum est alors un nom indéclinable , ire ou irl ad amatum.
Cependant, on ne s'est point avise en latin de donner en ces occasions le nom d'auxiliaire au verbe sum , ni à habeo , ni à ire , quoiqu'on dise habeo persuasum ; et que César ait dit , Jkfisit copias quas habebat paratas : habere grates^ fidem , mentionem , odium , etc.
Notre verbe devoir ne sert-il pas aussi d'auxi- liaire aux autres verbes , par métaphore , ou par extension, pour signifier ce qui arriverai je dois aller demain à f^ersailles ; je dois recevoir ; il doit partir ', il doit arriver \ etc.
Le vcrhe faire a souvent aussi le môme usnge, faire voir , faire part , faire des complimens , fairt honn , faire peur , faire pitié , eic.
Je crois qu'on n'a donné le nom d'auxiliaire à Ctre et à avoir , qiio parce que ces verbes étant suivis d'un nora verbal , deviennent équivalons à un verbe simple des Laîins. Veni, je suis venu. C'est ainsi que parce que propter est une propo- sition en latin , on a mis aussi notre à cause au rang des prépositions françoises , et ainsi do qU''Iquos autres
Pour moi je suis persuadé qu'il ne faut juger de la nature des mots , que relativement au service qu'ils rendent <lans la langue où ils sont en usago , et non ])ar raporl à quelqu'autre langue , dont ils sont l'équivalent. Ainsi co
de Grammaire, ^6'f
n'est que par périphrase ou circonlocution quc^ je suis venu est le prétérit ds venir. Je est le sujot; c'est un pronom personnel : suis est se il Je vcibe , à la première personne du temps présent , je suis ^ncUiclloment : venu est ua participe ou adjectif verbal , qui signifie uno action passée , et qui la signiîle adjective- ment comme arrivée ; au lieu qu avènement la signifie substantivement et dans un sens abs- trait. Ainsi , // est venu , c'est-à-d're , il est actuellement celui qui est venu , comme les Latins disent , venturus est , il est actuellement celui qui doit venir.
J'ai aimé : le verbe n'est que al , haheo. J'ai est dit alors par figure , par iHétaphore , par similitude. Quand nous disons , j'ai un livra , etc. J'ûj est au propre , et nous tenons le même langage par comparaison , lorsque nous nous- servons de termes abstraits. Ainsi nous disons, j'ai aimé , comme nous disons , j'ai honte , j'ai peur , j'ai envie , j'ai soif , j'ai faim , jai chaud j'ai froid. Je regarde donc aimé , comme uii véritable nom substantif abstrait et métaphy- sique , qui répond a amatum , amatu des Latins quand ils disent amatum ire , aller au sentiment d'aimer , ou amatum iri , l'action d'aller au sen- timent d'aimer être pris , viam iri ad amatum. Or , comme en latin amatum , amaui , n'est pa? le m-'ime mot ç\\iamatus ^ a , tum ^ de même aimé , dans j'ai aimé , n'est pas le même mot que dans je suis aimé ou aimée. Lo premier est actif , j'ai aimé \ au lieu que lautre est passif j je suis aimé.
Ainsi quand un officier dit , i\n habillé mon régiment , mes troupes ) habillé est un nom abs- trait pris dans un sens actif. Au lieu que quand il dit , les troupes que j'ai habillées , habillées est un pur adjectif participe , qui est dit dans la-
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^'68 Principes
Txi Vaie sens que parafas , dans la phrase ci- deôsus , copias quas habebat paratas (i).
Ainsi il me semble que nos Grammaires pourroieTit bien se passer du mot d'auxiliaire^ et qu'il suffiroit de remarquer en ces occasions le mot qui est le verbe , le mot qui est le nom , et la périphrase qui équivaut au mot simple des Laîins. Si cette précision paroît trop recher- chée à certaines personnes , du moins elles n'y trouveront rien qui les empêche de s'en tenir au train commun, ou plutôt à ce qu'elles savent déjà.
Ceux qui ne savent rien ont bien plus de facilité à apprendre bien , que ceux qui déjà 6a vent mal.
Nos Grammairiens , en voulant donner à nos verbes des temps qui répondissent comme en un seul mot , aux temps simples des Latins , ont inventé le mot de verbe auxiliaire. C'est ainsi qu'en voulant assujétir les langues moder- nes à la méthode latine , ils les ont embarras- sées d'un grand nombre de préceptes inutiles , de cas , de déclinaisons et autres termes qui ne conviennent point à ces langues , et qui n'y auroienl jamais éi6 reçus , si les Grammairiens ri'avoient p3s commencé par l'étude de la lan- gue latine. Ils ont assujéli de simples équiva- lons à des règles étrangères. Mais on ne doit pas régler la Grammaire d'une langue , par les lormuies do la Grammaire d'une autre langue-.
Les règles d'une langue ne doivent se tirer que de cette langue même. Les langues ont prJccilé les Gramtnairiens ; et cr^lles-ci no doivent ôtre formées que d'observations justes tir(';es du bon usage dj la langue particulioro dont elles irait; ut.
( I ) César.
de' Grammaire, 3 6' 9
tiiau i n»««r rryv»--»
DES CONJUGAISONS.
JLjiA Conjugaison (i) est im arrangement suivi , de toutes les terminaisons d'un verbe , selon les voix , les modes , les temps , les nombres et les personnes , termes de Gram- maire qu'il faut d'abord expliquer.
Le mot voix est pris ici dans uu sens figure. On personifie le verbe , on lui donne une voix , comme si le verbe parloit ; car les hom- mes pensent de toutes choses par ressemblance à eux-mêmes : ainsi la voix est comme le ton du verbe. On range toutes les terminaisons des vf^rbes en deux classes différentes : i°. les terminaisons qui font connoître que le sujet de la proposition fait une action , sont dites erre de la VOIX active , c'est-à-dire , que le sujet est considéré alors comme agent : c'est le sens actif : 2**. toutes celles qui sont destinées à indiquer que le sujet de la proposition est le terme de l'action qu'Hun autre fait , qu'il en est le patient, ces terminaisons sont dites être de la voix passive , c'est-à-dire , que le verbe énonce alors un sens passif.
Far modes, on entend les différentes manières d'exprimer l'action. Il y a quatre principaux modes , Vindicatif, le subjonctif ^ l'impératif et ïinfinirif , auxquels en certaines langues on ajoute Voptatif.
(1 ) En latin , 6onjugario. Ce mot signifie, jonction^,
Q h
070 Principe^
h'indicatif énonce l'action dune manière absolue , comme j'aime , fai aimé , j'avois aimé. J'aimerai. C'est le seul mo le qui forme des pro- positions , c'est-à-dire , qui énonce des juge- ineris •, les autres modes ne font que des ûnon- ciations. Voyez ce que nous disons à ce sujet à l'article Construction , o\l nous faisons voir la différence qu'il y a entre une proposi- tion et une simple énonciation.
Le subjonctif exprime laction d'une manière dépendante, subordonnée, incertaine, con- ditionnelle , en un mot , d'une manière qui n'est pas absolue, et qui suppose toujours un indicatif : quand j'ainierois , afin que j'aimasse ', ce qui ne dit pas que j'aime , ni que j'ai aimé.
h'ifptatif, que quol(|ues Grammairiens ajou- tent aux modes que nous avons nommés ^ exprime l'action avec la forme de désir et de souhait. Plut â Dieu qu'il vienne. Les Grecs ont des terminaisons particulières pour l'optatif. Les Latins n'en ont point. Quand ils veulent énoncer le sens de 1 optatif, ils empruntent les terminaisons du subjonctif , auxquelles ils ajoutent la particule de désir , Udnam , plùr à Dieu que. Dans les langues ou l'optatif n'a point de terminaisons qui lui soient propres , jl est inutile d'en faire un mode séparé du sul)jonchf.
L'impératif marque l'action avec la forme do commandement , ou d'exhortation , ou de prière , prens , viens , va donc.
h' infinitif énonce l'action dans un sens abs- trait , et n'en fait par lui même aucune appli- cation singulière et adaptée à un sujet : Aimer ^ donner , venir. Ainsi il a besoin , comme les propositions , les adjectifs , olc. d'être joint d quolquautre mot , afm qu'il puisse faire UU sens singulier et adapté.
Je Grammaire, 87 i
A iV'^ard des temps , il faut obs rver quo touto action est relative à un temps , piiiscju'elÎG se passe dans le temps. Ces raports de l'actioa au temps sont marqués en «pielqiies langues par {\cs j)jrticules ajoutées au verbe. Ces particules sont les signes du temps. Mais il est plus ordi- naire quo les temps soient désignés par des terminaisons particulières , au moins dans les temps simples. Tel est l'usage eu grec, en latin , en François , etc.
11 y a trois temps principaux \ le présent , comme omo , j'aime ; le passé ou prétérit ,,. comme amavi , j'ai aimé ) l'avenir ou futur , comme amabo , j'aimerai.
Ces trois temps sont des temps simples et absolus. On y ajoute les temps relatifs et combinés , comme je lisais , quand vous êtes venu.
Les nombres. Ce mot se dit de la propriété qu'ont les terminaisons de* noms et celles des verbes de marquer si le mot doit être entendit' d'une seule personne , ou si on doit l'entendre de plusieurs , amo , amamus.
Enhn , il faut savoir ce qu'on entend par les^ "personnes grammaticales. Pour cela il faut obser- ver que tout les objets qui peuvent faii-e la matièie du discours , sont , i". ou la personne qui parle d'elle-même , amo , j^aime; 2". ou la personne à qui on adresse la parole , amas, vous aime^ \ 3°. ou enfin quelqu'autre ol))et , qui n'est ni la personri'î qui parle , ni celle à qui l'on parle , Rex cmat pjpulum , le Roi aime le peuple.
Cette considération des mots , selon quel- qu'une de ces trois vues de l'osprit , a dornii^ lieu aux Grammairiens de faire un usnge par- ticulier du mot personne p:iT raport au discours, ils appellent première personne cc'Ip qui parle: .^.
Ç)6
3/^ Principes
parce que c'est d'elle que vient le discours. La personne à qui s'adresse le discours est appelée la seconde personne. Enfin , la troisième personne , c'est tout ce qui est considéré comme étant l'objet dont la première personne parle à la seconde.
Voyez combien de sortes de vues de l'esprit sont énoncées en même temps par une seule terminaison ajoutée aux lettres radicales du verbe. Par exemple , dans amare , ces deux lettres a , m , sont les radicales ou immuables. Si à ces deux lettres j'ajoute o , je forme amo. Or en disant amo , je fais connoître que je juge de moi ; je m'attribue lé sentiment d'ai- Mier. Je marque donc en même temps la voix , le mode , le temps , le nombre , la personne.
Je fais ici en passant cette observation , pour faire voir qu'outre la propriété de mar- (j^U'-r la voix , le mode , la personne , etc. et outre la valeur particulière de chaque verbe , qui énonce ou l'essence , ou l'existence , ou quelqu'action , ou quelque sentiment , etc. le verbe marque encore l'action de l'e.^^prit qui îippliquo cette valeur à un sujet, soit dans les propositions , soit dans les simples énoncia- tions ; et c'est ce qui disnrf,ue le verbe des aul.es mots , qui ne sont (juc de simples déno- minations. Mais revenons au mot conjugai- son.
On pf^nt aussi regarder ce mot comme un tcrine métaphorique tiré de l'action d'atteler les animaux sous le joug au môme char , et à îa iu"mft charrue , ce qui emporte toujours 1 idée d'assemblage , de liaison et de jonction. L^s anciens Graminniriens se sont servi indif- fën-'Tumont du mot de conjugaison et de celui de di'ciinaiiion , soit en parlant d'un veib©-.
Je Griimmaire, 873
soit en parlant d'un nom. Mais aujourd'hui on eiiiploii^ declinatio et declinare quand il s'apit des noms ; et on se sert, de conjagatio et do conjugare quand il est question des verbes.
Les Grammairiens de chaque langue ont observe qu'il y avoit des verbes qui énonçoiont les modes , les temps , les nombres et les per- sonnes par certaines terminaisons , et que d'autres verbes de la môme langue avoient des terminaisons toutes différentes pour marquer les mêmes modes , les mêmes temps , los mêmes nombres et les mêmes personnes. Alors les Grammairiens ont fait autant de classes dif- férentes de ces verbes , qu'il y a de variétés entre leurs terminaisons , qui malgré leurs différences ont cependant une égale destination par raport au temps , au nombre et à la per- sonne. Par exemple , amo , amavi , amatum y amare \ moneo , monui , monifum , monere ; hgo^ legi , lectum , légère ] audio , audivi , audinim , audire. Ces quatre sortes de terminaisons difié- rentes entr'elles énoncent également des vues de l'esprit de même espèce. Amav'i j'ai aimé; monui , j'ai averti ; legi , j'ai lu ; audivi , j'ai entendu. Vous vovez que ces différentes ter- minaisons marquent également la première personne au singulier , et au temps passé de l'indicatif. Il n'y a de différence que dans l'ac- tion que l'on attribue à chacune de ces pre- mières personnes ; et cette action est marquée par les lettres radicales du verbe , am , mon , leg , aud.
A l'égard du françois , il faut d'abord obser- ver que tous nos verbes sont terminés à l'infi- nitif, ou en er , ou en /r, ou en oir , ou en rf. Ainsi ce seul »ot technique , er-ir-oir-re , énonce par chacune do ses syllabes , chacune de nos quatre conjugaisons générales.
374 Principes
Ces quatre conjugaisons générales sofit ensuite subdivisées en d'autres , à cause des voyelles ou des diphtongues , ou des consonnes qui précédent la terminaison générale. Par exemple, er est une terminaison î^énérnle : Riais si er est précédé d'an son mouillé foible , comme , dans envo-yer ^ ennu-yer , ce son apporte- quelques différences dans la conjugaison. Il ea est dé même dans re. Ces deux lettres sont quelquefois précédées de consonnes , comma dans vaincre , rendre , baue , etc.
Je crois que plutôt que de fatigue-r l'esprft et la méinoire de règlf^s , il vaut mieux donner un paradygnie de chacune de ces quatre con- jugaisons générales, et mettre ensuite au-dessus une liste alphabétique des verbes que l'usage a exceptés de la règle.
Je crois aussi que l'on peut s'épargner la peine de se fatiguer après les observations que les Grammairiens ont faites sur lus formation» des temps. La seule inspection du paradygmo donne lieu à chacun de faire ses remarques sur ce point.
D'ailleurç les Grammairiens ne s'accordent point sur ces formations. Les uns commencent par l'infinitif. Il y en a qui tirent les formations de la première riersonne du présent de l'indi- catif : d'autres fie la seconde , etc. L'essentiel est de bien connoître la signification , l'usage- et le service d'un mot. Amusez-vous ensuite y tant qu'il vous plaira , à observer les raports ds filiation ou de paternité que ce mot peut avoii* avec d'autres.
S*il eût été possible que les langues eussent été le résultat d'une assemblée générale de la nation , et qu'après bien des discussions et des raisonnemcns , les philosophes y eussent été tcoutés , et eussent eu voix délibérative ', il est
de Grammaire, 376
▼raiscmblablo qu'il y auroit en plus d'unifor- mité dans les langues. 11 ny auroit eu , par exemple , qu'une seule conjnj;aison, et un seul paradygnie pour tous les verbes d'une langue. Àlais comme les langues n'ont été formées que par une sort© de mérap!iysique d'instinct et de sentiment , s il esl permis de parler ainsi ; il n'est pas étonnant qu'on n'y trouve pas une analogie bien exacte , et qu'il y ait des irrégu- larités. Par exemple , nous désignons la mémo vue de l'esprit par plus d'une manière , soit que la nature des lettres radicales qui formenî: le mot amène cette différence , ou par la seule raison du caprice et d'un usage aveugle. Ainsi nous marquons la première personne au singu- lier, quand nous aisons/'di/7i2. Nous désignons aussi cette première personne , ea disant , pe finis , ou bien je reçois , on je prens , etc. (Je sont ces différentes sortes de terminaisons aux- quelles les verbes sont assujélis dans une lan- gue , qui font ks diuérentos corjugaisons , comme nous l'avons déjà observé. H y a des langues ou les différentes vues de l'esprit sont marquées par des particules , dont les unes précèdent , et les autres suivent les radicales. Qu'importe comment , pourvu que les vues de l'esprit soient distinguées avec netteté , et que l'on apprenne par usage à connoître les signes de ces distinctions l
876 Principes
»m--.daiusxaÊammtim\*m iiaFjii.«MJ3irwEi— imjLjaii«i ■'iiwiiii ■naig— É|
DES PRÉPOSITIONS,
ET EN PARTICULIER DE LA PRÉPOSITIOxN A,
XL faut observer, â l'égard des prépositions :
I. Que toute préposition est entre deux termes qu'elle lie , et q^u'eHe met en raport.
II. Que ce raport est souvent marqué par la signification propre de la préposition même , comme , cn-ec , dj'-is , sur , etc.
III. Mais qîie souvent aussi les prcposiJor.5, sur-tout, à , de ^ ou du , outre le rapoit qu'elles indiquent quand elles sont prises dans leur sens primitif et propre , ne sont ensuite par figure et par extension , que de simples prépositions unilives ou indicatives , qui ne font qus mettre deux mots en raport : en sorte qu'alors c'est à l'esprit môme à remarquer la sorte de raporC qu il y a entre les deux termes de la relation unis entr'cux par la préposition. Par e::einplo, jipproche^'vous au feu : du Vie feu avec approche^- vuus : et l'esprit observe ensuite un r.ip(»rt d'ap- proximation , que du ne marque pas. Ehi^nei- vous du feu ; du lie feu avec éloigr.ci'Vous , et l'esprit observe là un raport d cloigncment. Vous voyez que la mémo préposition sert à niaïqucr des rapor«s opposés. On dit do même donntr à , et ôrer à. Ainsi ces sortes de raports diffèrent autant que les mots diffèrent entr'eux.
Je crois donc , que lorsque les prépositions ne sont , ou no paroisscnt pas prises dans 1-3
de Grammaire. 877
sens propre de leur première destination , et que par consO(]uent elles n'indiquent pas par elles-mêmes la sorte de raport particulier que celui qui parle veut faire entendre; alors c'est à celui qui écoute ou qui lit , à reconnoître la sorte de raport qui se trouve entre les mots lies par la préposition simplement unitive ou indi- cative.
Cependant , quelques Grammairiens ont mieux aimé épuiser la métaphysique la plus recherchée , et si je lose dire , la plus inutile et la plus vaine , que d'abandonner le lecteur au discernem(3nt que lui donne la connoissance et l'usage de sa propre langue. Raport de cause ; raport d'ejfet , d'instrument , de situation , d'épo-* que. Table à pieds de biche ; c'est la un raport de forme , dit l'abbé Girard (i). Bassin à barbe , raport de service \ Pierre à feu , raport de propriété productive (2) , etc. La préposition à n'est point destinée à marquer par elie-môme un raport de propriété productive , ou de service , ou de forme , etc. quoique ces raports se trouvent entre les mots liés par la préposition à. D'ailleurs , les m^imes raports sont souvent indiqués par des préposi lions différentes , et souvent des ra- ports opposés sont indiqués par la m.ême pré- position.
Il me paroît donc que l'on doit d'abord observer la première et principale destination d'une préposition. Par exemple , la principale destination de la préposition à , est de marquer Ja relation d'une chose à une autre , comme , le terme où l'on va , ou à quoi ce qu*on fait so termine , ie but, la fin , l'attribution, le
( 1 ) Tom, II , pag. 199.
(a) Girard 3 tome II, jage 199.
Sy^ Principes
pourquoi. Aller à Rome : Prêter de f argent à usure , à gros Intérêt : Donner quelque chose à quelqu'un , etc. Les autres usages de cette pré-" position reviennent ensuite à ceux-là , par catachrèse , abus , extension , ou imitation. Mais il est bon de remarquer quelques-uns de ces usages , afin d'avoir des exemples qui puissent servir de règle , et aider à décider les doutes par analogie et par imitation. On dit donc :
Apres un nom substantif.
Air à chanter. Billet à ordre , c'est-à-dire , payable à ordre. Chaise à deux. Doute à èclaircir. Entreprise à exécuter. Grenier à sel Habit à la mode. Instrument à vent. Matière à procès. Plaint à perte de vue > etc.
Après un adjectif»
Agréable à la vue. Contraire à la santé. Déli» deux à manger. Facile â faire.
Observez qu'on dit , // est facile de faire cela»
Quand on le veut , // est facile De s'assurer un repos plein d apas.
La raison de celle difFéronce est que dans lo dernier exejnple de n'a. pas raport à facile •, mais à il. Il , hoc , cela , à savoir de faire , etc» est facile , est une chose facile. Ainsi , il , de s assurer un repos plein d'apas j est le sujet de la proposition , et est facile , en est i'altribut.
Après un verbe.
S'abandonner à ses passions , s amuser à dts
Jt' Grammaire. 879
hagateUes, Applaudir à qnelquun. Aimtr à boire , € faire du bien. Les hommes n'aiment point g edniirer les autres : ils cherchent eux-mêmes à être goûtés et à être applaudis. La Eiuyère. Aller à cheval. S'fippliqner 2. S'attacher à' Ble^^ser à. Crier à Vaide , au jeu , etc. Conseiller quelque chose à quelqu'un. Demander à. Donner à boite à quelqu'un. Etre à , etc. Voyons à qui Vautre , c'esl-à-diro , voyons à ceci , ( attendamus ad hoc , ncmpe ), à savoir qui l'aura.
Avant une autre priposit'wn,
A se trouve quelquefois avant la préposition- de , comme en ces exemples :
Peut-on ne pas cJder à de si puissans charmes î Et peut-on refuser son caur A de beaux yeux qui U demandent»
Je crois qu'en ces occasions , il y a une ellipse; synthétique ; l'esprit est occupé des charmes oui lont frappé ; et il met ces charmes au rang des charmes puissans dont on ne sauroit se garantir. Peut-on ne pas céder à l'attrait , ou pou- voir de si puissans charmes. Peut- on refuser son cœur â ces yeux , qui sont de la classe des beaux yeux. L'usage abrège ensuite l'expression , et introduit dos façons de parler particulières , auxquoiies on doit se conformer , et qui ne dvitruisent pas les règles.
Ainsi je crois que de ou des , sont toujours tles prépositions extractives , et que quand on dit , des savans soutiennent ; des hommes m'ont dit , etc. des savans , des hommes , ne sont pas au nominatif. Et de même , quand on dit , j'ai vu des femmes , fai vu des hommes , etc. des femmes^ des hommes y ne sont pas à l'accusatif.
S8o Principes
Car si l'on veut bien y prendre garde , on reconnoîtra que ex hominibus , ex muîieribus , etc. ne peuvent être ni le sujet de la proposition , ni le terme de l'action du verbe ', et que celui qui parle , veut dire, que quelquss-uns des savons soutiennent , etc. quelques-uns des hommes ; quel- ques-unes des femmes , disent, etc.
A , après des adverbes.
On ne se sert de la préposition à après un adverbe , que lorsque l'adverbe marque rela- tion. Alors l'adverbe exprime la sorte de rela- tion , et la prépositiori indique le corrélatif. Ainsi on dit conformément à. On a jugé confor- mément à 1 Ordonnance de 1667. On dit aussi relativement à.
D'ailleurs , l'adverbe ne marquant qu'une circonstance absolue et déterminée de l'action, n'est pas suivi de la préposition à,
A , en des façons de parler adverbiales ^ et en celles qui sont équivalentes à des prépositions latines 9 ou de quelqu autre langue.
A jamais. A toujours , « Vencontre. Tour-à-tour.. Pas-à-pas. Vis-à-vis. A pleines mains. A fur et à mesure. A la fin , tandem , ali(|uarido. C'est- à-dire , nempe , scilicot. Suivre à la piste. Fain h diable à quatre. Se faire tenir à quatre. A cause f qu'on rend en latin par la jirëposition , prjpter» A raison de. Jusqu à , ou juujues à. Au-delà. Au" dessus. Au-dessous. A quoi bon , quorsum. A la vuf , à la présence , ou en présence , coram.
Telles sont les principales occasions où rus.i«;e a consacré la préposition à. Les exemples que nous venons de r.ipportor, serviront à décider par analogie les di/iicultés que l'on pourroit avoir sur cette préposition»
JcT Grammaire, 88 r
Au reste , la préposition an est la même qu-î la pr(ôposition à. La seule diftôrence qu'il y a entre l'inie et l'aLilre , c'est (}':;e à est iia mot simple , et que au est un mot compoio.
Ainsi il faut consitlérer la prcpositioii il en deux états difréreiis.
I. Dans son état simple : l**. R^ndej à César, ce qui appartient â Ce^cr : 2*. Se prêter à l'exem- ple : 3**. Se rendre à la raison. Dans le premier exemple à est devant un nom sans article. Dans le second exemple , à est suivi de l'article mas- culin , parce que le mot coramen^ce par une voyelle , à VexempU , à l esprit , à l'amour. Enfin dans le dernier , la préposition à précède l'ar- ticle féminin.
If. Hors de ces trois cas , la proposition à do'.ient un mot composé par sa jonction avec l'article le , ou avec l'article pluriel les. L'arti- cle le , à cause du son sourd de Ve muet , a amené au , de sorte qu'au lieu de dire à le , nous disons au , si le nom ne comm.enco pas par une voyelle ; s'adonner au bien. Et au plu- riel , au lieu de dire à les , nous changeons / en u ; ce qui arrive souvent dans notre langue, et nous disons aux , soit que le nom commence par une voyelle , ou par une consonne , aux hommes , aux femmes. Ainsi au est autant que à le , et aux , que à Us.
•3 s 2 Principes
DE L'ADVERBE.
X-jTL mot adverhe est formé de la préposition
€id , vers , auprès , et du mot v«r6e , parce que
l'adverbe se met ordinairement auprès du
veibe , auquel il ajoute quelque modification
^u circonstcince. // cime constamment : // écrit
mal. Les dénominations se tirent de l'usage le
plus fréquent : or le service l-e plus ordinaire
des adverbes est de modifier l'action que le
verbe signifie , et par conséquent de n'en être
pas éloigné : et voilà pourquoi on les a appelés
-adverbes • c'est-à-dire , mots joints au verbe.
Ce qui n'empîche pas qu'il n'y ait des adverbe»
qui se rapportent aussi au nom adjectif , au
participe et à des noms qualificatifs , tels que
roi , père , etc. car on dit , il m^a paru lort
changé : c'est une femme extrêmement sage et
fort aimable. Il est véritablement roi.
Eli faisant l'énunvérjtion des différentes sor- tes de mots (|ui entrent dans le discours , je pl.ic;î l'adverbe après la préposition , parce •qu'il me paroît que ce qui distingue l'adverbe des autres espèces de mots , c'est que l'adverbe ^aut amant qu'une proposition et un nom : il a la valeur d'une préposition avec son complé- ment : c'est un mot qui abrège. Par exemple saij^cment , vaut autant que , avec sagesse.
Ainsi , tout mot qui peut être rendu par une préposition et un nom , est un adverbe. Par conséquent ce mot y , quand on dit , i7 y est > co mot , dis-J3 , est un adverbe qui vient do;
lie Grammaire. 383
îatin îbl. Car, il y est j est comme si l'on disoit, ^ esr dans ce lieu-là.
Oii est encore un ad^erbo qui vient du latin Ubi , quo l'on prononçoit oubi. Où est-il , c'est- à dire , fil quel lieu.
Si , quand il n'est pas conjonction condi- lionnelle , est aussi adverbe , comme quand on dit , elle est si sage , // est si savant. Alors , si vient du latin Sic , c'est-à-dire , à ce point , au point que , etc. c'est la valeur ou signification du mot , et non le nombre des syllabes , qui doit faire mettre un mot en telle classe , plutôt qu'en telle autre. Ainsi A est préposition , quand il a le sens de h préposition latine à , ou celui de ad : au lieu que A est mis au rang des verbes , quand il signifie habet , et alors nos pères écrivoient ha.
Puisque l'advarbe emporte toujours avec lui la valeur d'ime préposition , et que chaque préposition marque une espèce de manière d'être , une sorte de modification dont le mot qui suit la préposition fait une application par- ticulière , il est évident que l'adverbe doit ajouter quelque modification ou quelque cir- constance à l'action que le verbe signifie. Par exemple , il a été reçu avec politesse , ou poli" ment.
11 suit encore de-Ià que l'adverbe n'a pas bosoin lui-même de complément. C'est un mot qui sert à m.odifier d'autres mots , et qui ne laisse pas l'esprit dans l'attente nécessaire d'un, -autre mot , comme fost le verbe actif et la •préposition. Car si je dis du roi quil a donné , on me demandera quoi , et à qui. Si je dis de quelqu'un qui! s'est conduit avec, ou par , ou sans , ces prépositions font attendre leur com- plément. Au lieu que si je dis , // s'est conduit fruderament , etc. l'osprit n'a plus <1g question
384 Principes
nécessaire a faire par raport A prudemment. Je puis bien , à la vérité , demander en quoi a consisté C3tte prudence ; mais ce n'est plus là le sens nécessaire et grammatical.
Pour bien entendre ce que je veux dire , il faut observer que toute proposition qui forme un sens complet , est composée de divers sens ou concepts particuliers , qui , par le raport qu'ils ont entre eux , forment l'ensemble ou sens complet.
Ces divers sens particuliers , qui sont comme les pierres du bâtiment , ont aussi leur ensem- ble. Quand je dis , h scL-'d est levé , voilà un sens complet. Mais ce sens complet est com- yiosé de deux concepts particuliers : j'ai le con- cept de soleil , et le concept de esr levé. Or remarquez , que ce dernier concept est com- posé de dewx mots , esr et levé , et que ce dernier suppose le premier. Pierre dort , voili deux concepts énoncés par deux mots : mais si je dis Pierre bat , ce mot bat n'est qu'une partie de mon concept -, il faut que j'énonce la personne ou la chose que Pierre bat. Pierre bat Paul , alors Paul est le complément de bat : hat Paul est le coiicnpt entier ; mais concept partiel de la proposition Pierre bat Paul.
De même , si je dis Pierre est avec , sur , OU dans y ces mots avec , sur , ou dans , n-i sont que des parties de concept , et ont besoin chacun d'un complr'mcint. Or ces mots joints à un complément font un concept , (pii, étant énoncé on un seul mot , forme l'adverbe, qui en tant que concept particulier et tout formé, n'a pas besoin de complément pour 6trc tel concept particulier.
Selon celte notion de l'adverbe , il est évident que les mots qui n« peuvent pas être réduits .i une préposilioa suivie de son complément ,
sont
de Grammaire. ^8, S
lonî ou des conjonctions ou des particules , qui ont des usages particuliers. Mnis ces mots ne doivent point être mis dans la classe des adver- bes. Ainsi je ne mets pas non , ni oui , parmi les adverbes. Non , ne , sont des particules négatives.
A l'égard de oui , je crois que c'est le parti- cipe passif du verbe ouir , et que nous disons oui , par ellipse , cela est oui , cela est entendu. C'est dans le même sens que les Latins disoienC dicfum puta (i).
Il y a donc autant de sortes d'adverbes qu'il y a d'espèces de manières d'être qui peuvent être énoncées par une préposition et son com- plément. On peut les réduire à certaines classes.
Adverbes de temps.
Il y a deux questions de temps qui se font par des adverbes , et auxquelles on répond ou par des adverbes , ou par des prépositions avec un complément.
I. Quand viendrez-vous ? demain, dans trois jours*
1. Combien de temps ? Si long-temps que. Autant de temps que. Combien de temps Jésus - Christ a t-il vécu l Trente-trois ans • on sous-entend, pendant.
Voici encore quelques adverbes de temps , Jusqu'à ce que. Tous les jours ; on sous-entend !a préposition pendant. Maintenant. Présentement, Alors , c'est-à-dire , à Vheure.
Auparavant. C« mot étant adverbe , ne doit point avoir de complément. Ainsi c'est une
( i) Térence , Andr, act, I , se, I,
^S6 Principes
faute de dire auparavant cela : il faut dire , avant cela. Autrefois. Dernièrement.
Aujourd'hui , c'est-à-dire , au jour de hui , au jour présent. On disoit autrefois simplement hui : je ri irai hui. ISicod. Hui est encore en usage dans nos provinces méridionales.
Hier. Demain. Autrefois. Un jour , pour le passé et pour l'avenir. Quelquefois , le matin , le soir. Tard. Avant-hier. Quelqiu jour , avec affir- mation. Jamais , avec négation. Déjà. Long' Temps. Depuis peu. Quand. Ci-devaiif. Ci-après, A l avenir. Avant que. Jusquà ce que. Tandis que. Bientôt. D abord. Tout â Vheure. Alors. Dès-lors» Enfin. A l'avenir. Ordinairement, D'ordinaire.
Ad r E R B E S DE Lieu,
Il y a quatre manières d'envisager le lîeu. On peut le regarder , i*. comme étant le lieu où l'on est j ou l'on demeure: 2°. comme étant hi lieu où l'on va : 3**. comme étant le lieu par où l'on passe : 4°. comme étant le lieu d'oîi Ion vient. C'est ce que les Grammairiens appellent , in loco , ad locum , ptr locum , de locOy ou autrement, uhi ^ quo , quâ , unde. Où est-il ? 11 est là. Où et là sont des adverbes: car on peut dire : En quel lieu l En et lieu ) etc.
Voici encore quelques adverbes de lieu , ou (rie situatibin. j : il ^ est. Ailleurs. Devant, Derrière. Dessus. Dessous. Dedans. Dehors. Par" tout. Autour,
Adverbes de Quantité,
Combien. Beaucoup. Peu. Davantage. Très-fort, Un peu. AUdiocrenient, Amplement, Èti abondance, A foison* Largement,
êe Grammaire, Z^j
ADVERBES DE QUALITE,
Savamment. Pieusement. Ardemment. Sagement^ Gaiement. Bien, Alal. Heureusement ; et grand nombre d'autres formés des adjectifs qui quali- fient leurs substantifs,
Adj^erbes de Manière,
Promptement* Tout d'un coup. Lentement. A îtt hâte. Peu à peu. Confusément, Insolemment, De diverses manières.
Il y a des adverbes qui servent â marquer le raport ©u la relation de ressemblance. Ainsi que. Comme, De la même manière que. De même
D'autres au contraire marquent diversité. Autrement, D'ailleurs,
D autres adverbes servent â compter com- bien de fois. Quelquefois. Combien de fois. Encore» Souvent, Rarement. Une fois , deux fois , trois fois , cent fois , mille fois : en françois nous sous-entendons ici quelques prépositions, pen^ dont , pour , par.
D'autres sont adverbes de nombre ordinal. Premièrement. Secondement, En troisième lieu , etc.
Adverbes d'Interrogation,
Pourquoi. Pour quel sujet. Comment, Il y a aussi , sur-tout en latin , des particules qui servent à l'interrogation. An , anne , num , nunqnid , nonne. Ne joint à un mot , Vides nel Voyei'vous l Ec joint à certains mots , Ëcquandoj quand ? Ecquis , qui l Ecqua mulier , qu€ne femme l
388 Principes
Adverbes d'Affirmation, Ainsi. Certainement. Vraiment oui. Sans doutt* Adverbes de Négation.
En aucune manière. Nullement. Point du tout»
Nulle part.
Adverbes de Diminution^ Presque. Peu s^en faut.
Adverbes de Doute,
Peut-être,
Il y a aussi des adverbes qui servent dans le raisonnement. Ainsi. Or. Parconséquenf.
D'.iUtres marquent assemblage. Ensemble , Cimjomtement , pareillement. D'autres , cli. ision. ji part , en particulier , séparément , en deraJ , lun après l autre. D'autres d'exception. Seule^ m.nt , etc.
11 y a aussi des mots qui servent dans les comparaisons , pour au;;menrer la signification des adjectifs. Par exemple , on dit au positif, pieux . plus pieux , trîs ou fcrt pifux. Ces mots plus , très , fort , sont considérés comme des iidverbes. Fort ; c'est-à-dire , fortement , extrè^ jnement. Très vient de ter , troisfois. Plus , c'est-à-diro , selon une plus si^rande valeur. Moins est encore un adverbe qui sert à lu compa- raison.
11 y a dus abvoibes qui se comparent , sur- tout les adverbes i\<t qualité, ou (jui expriment c(^ fjui est susceptible de plus ou do moins. Comme long-temps , plus long-temps. Savam,^
de Grammaire. SSg
ment , plus savamment , très-savamment. P aillam- ment , p!ii<! raillamment , trh-valUaniment.
Il y a des mots que certains Grammairiens placent avec les conjonctions , et que d'autres mettent avec les adverbe<î. Mais si ces mots rcnFertnent la valeur d'une préposition et do son complément , comme parce que , c'est pour- quoi , etc. ils sont adverbes ; et ?'ils font de plus l'ofTiciS de conjonction , nous dirons que ce sont des adverbes conjonctifs.
Il y a plusieurs adjectifs qui sont pris adver- bialement. // sent bon. Il sent mauvais. Il l'o.'f clair. Il chante juste. Parîej bas. Parle^ haut. Frape^ fort. Tenir bon. Tenir ferme , etc.
On aiîpelle expression adverbiale , celle q^'i est équivalente à un adverbe. Si l'usngc avoir établi un seul mot pour exprimer lé nnêm':î sens , ce mot seroit un adverbe : mais comme ce sens est énoncé en deux mots , on dit que c'e?!: une expression adverbiale. 11 en est de môme de vis à-vis , tout d'un coup , tout-à-coup , à coup sûr , qu'on exprime en latin en un seul mot , par des adverbes particuliers. Improvise, subito: certb , et tout de bon , serib , etc.
"""^
DES CONJONCTIONS.
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J_-»ES conjonctions sont de petits mots qui marquent que lesprit , outre la perception qu'il a de deux objets , aperçoit entre ces objets un raport ou d'accompagnement , ou d'opposition , ou de qneiqu'autre espèce. L'es- prit raproche alors en lui-même ces objets , et
R 3
Spo Princ'pes
les considère Tun par raport à l'autre , selon cette vue particulière. Or le mot qui n'a d atttrc office que de marquer cette consiaératiori rela- tive de l'esprit , est appelle Conjonction.
Par exemple , si je dis que Clcéron et Quiri' iilien sont les auteurs les plus judicieux de lanti^ quité , je porte de Quintilien le même jugement que j'énonce de Cicéron. Voilà le motif qui fait que je rassemble Cicéron avec Quintilien. Le mot et qui marque cette liaison , est la conjonction.
Il en est de même si l'on veut marquer quel- que raport d'opposition ou de discorivcnanc». Par exemple , si je dis qu'il y a un avantage réel â être instruit ; et que j'ajoute ensuite , sans aucune liaison , qu*^i/ ne faut pas que la science inspire de l'orgueil , j'énonce deux sens séparés. Mais si je veux raprocher ces deux sens , et en former Tun de ces ensembles qu'on appelle Période , j'aperçois d'abord do la disconve- nance , et une sorte d'éloignement et d'oppo- sition qui doit se trouver entre la science et l'orgueil.
Voilà le motif qui me fait réunir ces deux objets. C'est pour en marquer la disconvenance. Ainsi en les rassemblant , j'énoncerai cett© idée accessoire par la conjonction mais. Je dirai donc : Il y a un avantage réel à être instruit \ mais il ne faut pas que cet ax^ntage inspire de l'orgueil^ Ce mais ra proche les deux propositions ou membres do la période , et les met en oppo- sition.
Ainsi , la valeur do U conjonction consiste à lier des mots par une nouvelle modification, ou idée accessoire , ajoutcie à l'un par raport à J'autre. Les anciens Grammairiens ont balancc> s'ils placeroient les conjimctions au nombre lies parties du discours j ut cela par k» raisoa
de Grammaire, 09 1
3ue les conjonctions ne représentent point ickics do choses. Mais qu est-ce guêtre partie du discours , dit Priscicn (i) , sinon énoncer quel- que concept , quelqii affection ou mouvement inférieur de Vesprit l Quid enim est aliudpars orafionis , nisi vox indicans mentis conceptura , id est cogitaiionem l Il est vrai que les conjonctions n'énoncent pas , comme font les noms , des idées d'êtres ou réels ou métaphysiques : mais elles expri- ment l'état ou affection de l'esprit entre une idée et une autre idée , entre une proposicioa et une autre proposition. Ainsi les conjonc- tions supposent toujours deux idées et deux propositions , et elles font connoître l'espèce aidée accessoire que l'esprit conçoit entre l'une et l'autre.
Si l'on ne regarde dans les conjonctions , que la seule propriété de lier un sens à un autre , on doit reconnoître que ce service leur est commun avec bien d'autres mots.
i**. Le verbe , par exemple , lie l'attribut au sujet. Les pronoms lui , elle , eux ^ le , la , les , leur , lient une proposition à une auti-^. Mais ces mots tirent leur dénomination d'un autre emploi qui leur est plus particulier.
2°. Il y a aussi des adjectifs relatifs qui font l'office de conjonction. Tel est le relatif qui , lequel , laquelle. Car outre que ce mot rappelle et indique l'objet dont on a parlé , il joint encore et unit une autre proposition à cet objet. 11 identifie même cette nouvelle propo- sition avec l'objet. Dieu que nous adorons est tout-puissant : cet attribut, est tout-puissant , est affirmé de Dieu , en tant qu'il est celui que nous adorons. Tel , quel , Talis , qualis , tantus ,
( I ) Lib, XI ) suh initie*
R4
29^ Principes
^tiantiis , tôt , quot , etc. font aussi l'office de oui on c tions.
3°. Il y a des adverbes qui , outre la pro- priété de marquer une circonstance de temps ou de lieu , supposent de plus quelqu'autre pensée qui précède la proposition où ils se trouvent. Alors ces adverbes font aussi l'o-ffice de conjonction. Tels sont afin que. On trouve dans quelques anciens , et l'on dit môme encore aujourd'hui en certaines provinces , à celle fin que , ad hune finem secundùm quem ; où vous voyez la préposition et le nom qui font l'ad- verbe , et de plus lidoe accessoire de liaisoa et de dépendance. Il en est de même de à cause que , propterea quod ; parce que , quia ; encore , adhuc \ déjà , jam , etc. Ces mots doi- vent être considf*rés comme adverbes conjonc- tifs , puisqn ils font en même- temps l'otiice d'adverbes et celui de conjonctions. C'est du service (\cs, mots dans la phrase qu'on doit tire/ leur déiionn'naiion.
A l'égard d^îs conjonctions proprement dites, jl y en a dautant de sortes , qu'il y a de dif- férences dans les points de vue sous lesquels notre esjjrit observe un raport entre un mot et un mot , ou entre une pensée et une autro pensée. Ces diiïérences font autant de maniè- res particulières de lier les propositions et les périodes.
Les Grammairions , sur chaque partie du discours , observent ce qu'ils apprillent les accl- dens. Or ils en remarquent de deux sortes dans les conjonctions.
I**. La simplicité et la composition C'est ce que les Grammairiens appellent la figure. Us entendent par ce terme , la propriété d'ôlré un mot simple , ou d'être un mot composé.
Il y a djs conjouclians simples , telles scjnt
Je Grammaire, 89^
et , ou y mcis , si , car , ni , aussi , rr , Jo-tt, etc.
II y cMi a d'iiiilros qui sont composucs , à moins que , pourvu que , de sorte que , parce que , par con<^équent , etc.
2°. Le second accident des conjonctions , c'est leur signiticatioii , leur effet ou leur valeur. C'est ce qui leur a fait donner les divers noms dont nous allons parler. Sur quoi j'ai cru no pouvoir mieux faire que de suivre l'ordre que M. l'abbé Girard a gardé dans sa Grammaire , au traité d^s conjonctions (i). Cet ouvrage est rempli d'observations utiles , qui donnent lieu d'en faire d'autres , que l'on n auroit peut-être jamais faites , si l'on n'avoit point lu avec réflexion l'ouvrage de ce digne Académicien..
I. Conjonctions copulatives.
Et , ni , sont deux conjonctions , qu'on appelle copulatives ^ du latin, copulare , joindre, assembler , lier. La première est en usage dans Laflirniation , et l'autre dans la négation. // na ni vice ni vertu. Ni vient du nec des Latins , qui vaut autant que et non. On trouve souvent e( au lieu de ni dans les. propositions négatives ; mais cela ne me paroi t pas exact.
Je ne connoissols pas Almanzor et l'Ainoiir.
J'aimerois mieux ni Vamour. De mémo : La poésie n admet pas^ les expressions et les transposi- tions particulières , qui ne peuvent pas trouver quel" quefoLS leur place en prose dans le style vif et élevé, ïl faut dire avec le pore Buffier : la poésie n ad- met ni expression ni transposition , etc.
(i) Les véritables principes de la langue fran^çise^^ XUc Discours..
E6)
8p4 Principes
Observez que comme l'esprit est plus prompt que la parole , l'empressement d'énoncer ce que l'on conçoit , fait souvent supprimer les conjonctions , et sur-tout les copulatives. Atten^ ïion , soins , crédit y. argent , j'ai mis tout en usage pour , etc. Cette suppression rend le discours plus vif. On peut faire la même remarque à l'égard de quelques autres conjonctions , sur- tout dans le style poétique . et dans le langaga de la passion et de l'enthousiasme.
IL Conjonctions augmentatives , ou adverbes con* jonctifs augmentatifs.
De plus , d'ailleurs. Ces mots servent souvent de transition dans le discours.
Ilf. Conjonctions alternatives.
Ou , si^on , tantôt. Il faut quune porte soit ouverte ou fermée. Lise-^ ou écrive-^. Pratique'^ la. vertu y sinon vous serej^ malheureux. Tantôt il rit^ tantôt il pleure. Tantôt // veut , tantôt // n« veut pas.
Ces conjonctions , que M. l'abbc Girard appelle alternatives , parce qu'elles marquent une alternative , une distinction , ou sépara- tion dans les choses dont on parle -, ces con- jonctions , dis-jo, sont a-ppelées plus commu- nément disjonctives. Ce sont des conjonctions, parce qu'elles unissent d'abord d«ux objets , pour nier ensuite de l'un ce qu'on alfirme de l'autre. Par exempte , on considère d'abord le soleil ot la terre , et l'on dit ensuite , que c'est le soleil qui tourne autour de la terre , ou bior» que c est la terre qui tourne autour du soleiJ. De m<MTie , on certaines circonstances , an rcjiiniu Pierre et Paul cwinmo les acuks pet-
de Grammaire» ^^^
sonnes qui peuvent avoir fait une telle action. Los voilà donc d'abord considôrés ensemble , c'est la conjonclion : ensuite on les desunit , si l'on ajoute , C'est ou Pierre ou Paul qui a fdif cela : c est l'un ou c'est l'autre.
IV. Conjonctions hypothétiques.
Si , soit , pourvu que , à moins que , quand , sauf. M. l'abbé Girard les appelle hypothétiques ^ c'est-à-dire , conditionnelles , parce qu'en effet ces conjonctions énoncent une condition, une supposition , une hypothèse.
Si, Il y a un si conditionnel. Fous deviendrez savant si vous aime^ l'étude. Si vous almej^ l'étude , voilà l'hypothèse ou la condition. II y a un si de doute ] Je ne sais si , e'.c. Il y a encore un, si qui vient du sic des Latins. // est si studieux ^ qu'il deviendra savant. Ce si est alors adverbe ; sic adeo , à ce point , tellement.
Soit , slve ; soit goût , soir raison , soit caprice^ il aime la retraite. On peut aussi regarder soit ^ slve , comme une conjonction alternative ou de distinction.
Sauf , désigne une hypothèse , mais avec restriction.
V. Conjonctions adversatives.
On appelle Conjonctions adversatives , des conjonctions qui marquent quniq'ie différence» quelque restriction ou opposition entre ce qui suit et qui précède. Elles rassemblent les idées, et font servir Tune à contrebalancer latilre. Le mot adversative vient du latin adversus , con- traire , opposé. Il y a sept co.ijonciions advcr* satives ; mais , quoique , bien que , cependant , pourquoi j néanmoins , toutefois. Il y a cette diffé»
E 6
Sç^ Principes^
r^nce entre les conjonctions acWersatives et l'c^ disjonctives , que dans les adversatives , le premier sens peut subsister sans le second ^ qui lui est opposé, au lieu qu'avec les dis- jonctives , Tesprit considère d abord les deux, membres ensemble , et ensuite les divise , en donnant l'ahernative , en les partageant et les distinguant. Cest le soleil ou la terre qui tourne. C'est vous ou 77/0/. Soit que vous mangiei , soit que vous buviei. En un mot , l'adversative res-- îreint ou contrarie , au lieu que la disjonciive- sépare ou divise.
Il y a des conjonctions que M. l'abbé Girard- appelle extensives , parce qu'elles lient par extension de sen^j: telles 5ont jusques , encore,. aussi , même , tant que , non , plus , enfin.
Il y a des adverbes de temps que l'on peut- aussi regarder comme de véritables conjonc-^ îions. Par exemple, lorsque , quand y dès que, tandis que. Le lieu que ces mots expriment' consiste dans une correspondance de temps.
VI. D'autres marquent un motif, un but, une raison. Afin que , parce que , puisque , car , comme , aussi , attendu que ^ d'autant que. iM l'abbé' Girard pré;end (i) qu il faut bien distinguer dautant que , conjonction , qu'on écrit sans» ;ipostrophe , et d'autant , adverbe qui est tou- jours séparé de que , par p/«5 , mieux ou moins^ dautiint plus que , et (ju'on écrit avec l'apos- tTophe. Le perc Jonbert , dans son Diction- îfiairo , dit aussi dautant que , -conjonction : on- l'écrit, dii-il , sans apostrophe , quia, quoniam. Mais Al. l'abbé Régnier , dans sa Grammiite , ocrit d'autant que , conjonction , avpc l'apos- Uo^jhe ; et observe que ce mot , qui autrefois-
( 1 } Tcn. II , r.-^. a3c^
de Grammaire, S97'
etoit fort en usage , est renfermé aujourrlhur au style de chancellerie et de pratique. Pour irioi , je crois que d autant que et d\nitant mieux que sont le m-Mn-^ adverbe , qui de plus fait 1 office do conjonction dans cet exemple , que M. l'abbé Girard cite pour faire voir que d au- tant que est conjonction sans apostrophe. On ne devait pas si fort le louer , d autant qu'il ne le méri-- toit pas. N'cst-ii pas évident que d'autant que répond à ex eo quod , ex eo momenro secundùm qucd, ex eâ ratione s''cundùm quam ; et que l'on pourroit aussi dire , d autant mieux quil ne le méritait pas. Dans les premières éditions de Danet, on avoit écrit ddutant que sans apostrophe ; mais on a corrigé cette faute dans l'édition de 1721. La- môme faute est aussi dans Richclet..Nicot , Dic-^ tionnaire , 1606 , écrit toujours d'autant que avec l'apostrophe.
VU. On compte quatre conjonctions conclu- sives ^ c'est-à-dire, qui servent à déduire une con- séquence , donc , par conséquent , ainsi , partant, Mais ce dernier n'est guère d usage que dans- les comptes , où il marque un résultat.
Vill. Il y a des conjonctions explicatives , comme lorsqu'il se présente une similitude ou une conformité ; en tant que , savoir , sur-tout.
Auxquelles on joint les cinq expressions sui- vantes , qui sont des conjonctions com.posëes , de sorte que , ainsi que , de façon que f cesî'à- dire , si bien que.
On observe des conjonctions transitives, qui marquent un passage ou une transition d'une chose à une autre Or , au reste , quant â , rour, c'est-à-dire , à / égard de ; comme quanfi on dit^ Vun est venu ; pour l'autre , il est demeure.
JX. La conjonction que. Ce mot est d'un grand usage en françois. M. l'abbé Girard l'appelle cçnjonctioji coaducihe ^ parce qu'ail^
898 Principes
sert à conduire le sens à son complément. EIÎ0 est toujours placée entre deux idées , dont celle qui précède en fait toujours attendre une autre pour former un sens , de manière que l'union des deux est nécessaire pour former une continuité do sens. Par exemple : // est Impor^ tant que l on soit instruit de ses devoirs. Cette conjonction est d'un grand asage dans les com- paraisons. Elle conduit du terme comparé , au terme qu'on prend pour modèle ou pour exem- ple : Les femmes ont autant d intelligence ^ue les hommes : alors elle est comparative. Enfin , la conjonction que sert encore à marquer une res- triction dans les propositions négatives. Par exemple : // nest fait mention que d'un tel prédis cateur. Sur quoi il faut observer que l'on pré- sente d'abord une négation , doù l'on tire la chose pour la présenter dans un sens affirmatif exclusivement à tout autre. // n*y avoit dans cette assemblée que tel qui eût de l'esprit : Nous n avons que peu de temps à vivre , et nous ne cherchons qu'à le perdre. M. l'abbé Girard appelle alors cette conjonction restrictive.
Au fond , cette conjonction que , n'est sou- vent autre chose que le quôd des Latins , pris dans le sens de hoc. Je dis que vous êtes sage , dicû quod ; c'est-à-dire , dico hoc , nempè , vous êtes sage. Que vient aussi quelquefois de quamy ou de quantum , ou enfin de quot.
Au reste on peut se dispenser do charger sa mémoire rie divors noms de charfuc sorte de conjonction ; parce qu'indépendamment do quelqu'aulvc fonction qu'il peut avoir, il lie un niot à un autre mot , ou un sens à un autre sens , do la manière que nous l'avons oxpliquiS d'abord. Ainsi il y a des ndvi rbes et des pré- positions qui sont aussi des conjonctions compo* S€«s y couiiiic , afin gu* , farce ^we , à canu
de Grammaire, Sgç>
qne , etc. Ce qui est bien diiT«irent du simjDÎe' adverbe et do la simple piviposition , qui no iont fjuc marquer une circonstance uu un© manière d'être du nom ou du verbe.
De ce quon appelle Accwest , en ter-^ mes de Grammaire»
X_jE terme accident est sur-tout en usage dans les anciens Grammairiens. Ils ont d'abord regardé le mot , comme ayant îa propriété de signifier. Telle est , pour ainsi dire , la subs- tance du mot. C*est ce qu'ils appellent nominis positio. Ensuite ils ont fait des observations particulières sur cette position , ou substance métaphysique : et ce sont ces observatîons qui ont donné lieu à ce qu iî^s ont appelé accid£ns des dictions ; dlctionum accldentia.
Ainsi , par accident , les Grammairiens enten- dent une propriété qui , à la vérité , est atta- chée au mot : mais qui n'entre point dans la définition essentielle du mot» Car, de ce qu'un mot sera primitif, ou qu'il sera dérivé , simple ou composé , il n'en sera pas moins un terme ayant une signification. Voici quels sont ces accidens.
I. Toute diction ou mot , peut avoir un sens propre ou un sens figuré. \]a mot est au pro- pre , quand il signifie , ce pourquoi il a été premièrement établi. Le mot Liom été d'abord destiné à signifier cet animal qu'on appelle Lion. Si en parlant d'un homme emporté , je dis que c est uû lion ; lion est alo£S dws tuî
4oo Principes
sens figuré. Quand par comparaison, ou an.r- logie , un mot se prend en quelque sens , autre que celui de sa première destination, cet accident peut être appelé Vacceprion du mot.
K. En second lieu , on peut observer si un Taot est primitif, ou s'il est dérivé.
Un mot est primitif, lorsqu'il n'est tiré d'aucun autre mot de la langue dans laquelie" il est en usage. Ainsi , en françois , ciel , roi y bon , sont des mots primitifs.
Un mot est dérivé , lorsqu il est tiré de quel- qu'autre mot, comme de sa source. Ainsi ce7^.cr^, Toynl ) royaume , royauté , rosaUment , bonté , bon^ nement sont aurant do flérivés. Cet accident est appelé par les Grammairiens V espèce du n:pr. Ils disent qu'un mot est de l'espèce primitive, ou de l'espèce dérivée.
III. On peut observer si un mot est simple, ou s'il est composé. Juste , justice , sont dos mots simples : injuste , injustice, sont des mots composés. En latin , res est un mot simple ; pubîica est encore un mot simple : mais respw blica est un mot composé.
Cet accident d'êlre simple on d'être com- posé , a été appelé ])nr les anciens Gramnui- rions , la figure , ils disent qu'un mot est de la figure simple , ou qu'il est de la figure com- posée ; cnsortn qtie ^^ure vient ici de fingere , et se prend pour la foiiuc ou constitution d'un mot , qui peut être ou simple ou composé. C'e<ît ainsi que les anciens ont appelé f'''asa fictilia , ces vases qui se font en ajoutant matière à matière , et figuîus , l'ouvrier qui las fait, à fin^endo.
IV. Un autre accident des mots regarde la
Frononciation. Sur qtioi il faut distinîïuer accent , qtii est une t*l(ivation , ou un ahais- fitiuieiit cb la voi.x , toujours invariable dans k)
(Je Graiwnmre» 401
même mot ; et le ton et l'emphnsc , qui sont «les inflexions de voix qui varient selon les diverses [)assions et les diiïérentes circonstan- ces , un ton fier , un ton soumis , un ton inso- Lnt , elc.
Voilà quatre accidens , qui se trouvent on tontes sortes de mots. Mais de plus chaque sorte particulière de mots a ses accidens , qui lui sont propres.
Ainsi le nom substantif a encore pour acci- dens , le genre , le cas , la déclinaison , le nombre.
Le nom adjectif a un accident de plus, qui est la comparaison : doctus ^ docrior , dociissimus , savant , plus savant , très-savant.
Les pronoms ont les mêmes accidens que les noms.
A léf^ard des verbes, ils ont aussi par accident:
i". L'acgeption , qui est ou propre on figurée-. Ce vieillard marche d un pas ferme : marcher est là au propre. Celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres , dit Jesus-Christ ; suit et marche sont pris dans un sens figuré.
2°. h'espèce est aussi un accident des verbes» Ils sont , ou primitifs , comme parler , boire , sauter , trembler ; ou dérivés , comme parle- menter , buvoter , sautiller , tremblotter. Cette espèce de verbes dérivés en renferme plusieurs autres ; tels sont les inchoatifs , les fréquen- iatif<> , les augmentatifs , les diminutifs , les imitât if s et les désidératifs.
3^. Lf^s verbes ont aussi la figure , cest-à- dire , qu'ils sont simples , comme venir , tenir ^ faire y ou composés, corame prévenir , contenir, refaire , etc.
4° La voix ou forme du verbe. Elle est de trois sortes , la voix ou forme active , la forma passive , et la forme neutre.
40^ Principes
5". Le mode , c'est-à-dire , les diffe'renlcs Hianières d'exprimer ce que le verbe signifie, ou par Vindicatif ^ qui est le mode direct et absolu , ou par V impératif y ou par le subjonctif, ou enfin , par V infinitif.
6°. Le sixième accident des verbes , c'est de marquer le temps par des terminaisons par- ticulières. J'aime , j aimais , j'ai aimé , etc.
7°, Le septième est de marquer les person- nes , celle qui parle , celle à qui on parle , celle ou ce dont on parle.
En latin et en grec , les personnes et les temps sont marqués d'une manière plus dis- tincte , par des terminaisons particulières. Au lieu qu'en François , la différence des termi- naisons n'est souvent pas bien sensible ; et c'(;st pour cela que nous joignons aux verbes les pronoms , qui marquant les personnes : Je chante j tu chantes , // chante.
8". Le huitième accident des verbes est la conjugaison. La conjugaison est une distribu- tion ou liste de toutes les parties et de toutes les inflexions du verbe , selon une certain© analogie.
9". Enfin , le dernier accident des verbes » est y analogie , ou Vanomalie : c'est-à-dire , d être réguliers , et de suivre Vanalogie de leur paradygme , ou bien d(3 s'en écarter -, et alors on dit qu'ils sont irréguliers ou anomaux.
Que s'il arrive qu'ils manquent de quelque modo y do quelque r<3mps , ou de quelque per- sonne , on biS appelle d^fectifs.
A l'égard des prépositions , elles sont loutos primitives et simples , à y de ^ dans ^ avec y vÀC. Sur quoi il faut observer , qu il y a (\^)S langues qui énoncent en un seul mot ces vues de l'es- prit , ces raports , cos manières d'être ; ait kou qu'on d'autres langues , cos mûmes raport*
le Grammaire, 4o3
sont divisés par l'ùlocution , et exprîmcîj par plusieurs mots. Par exemple , coram pâtre , en prJsence de son père : ce mot coram , en latin , est un mot primitif et simple qui n'exprime qu'une manière d'être considéré par une vue simple de l'esprit. L'élocution n'a point ea fraiiçois de terme pour l'exprimer. On la divise en trois mots , en présence de. U en est de même de propter , pour l'amour de , et de quel- ques autres expressions , que nos Grammai- riens François ne mettent au nombre des pré- positions , que parce qu'elles répondent à des prépositions latines.
La proposition ne fait qu'ajouter une circons- tance ou manière au mot qui précède ; et elle est toujours considérée sous le même point de vue , c'est toujours la môme manière ou cir- constance qu'elle exprime. // est dans ^ que ca soit dans la ville , ou dans la maison , ou dans: le coffre , ce sera toujours être dans. Voilà pourquoi les prépositions ne se déclinent point.
Mais il faut observer qu'il y a des prépositions- séparables , telles que dans , sur , avec , etc. et d'autres qui sont appelées inséparables , parcô qu'elles entrent dans la composition des mots , de façon qu'elles n'en peuvent être séparées sans changer la signification particulière du mot. Par exemple , refaire , surfaire , défaire, contre' faire : ces mots re , sur , dé , contre , etc. sont alors des prépositions inséparables.
A l'égard de l'adverbe , c est un mot , qui dans sa valeur vaut autant qu'une prépo- sition et son complément. Ainsi , prudem- ment ) c'est avec prudence , sagement , avec sagesse , etc. Voyez l'article Adverbe , ci- devant page 382.
Il y a trois accidens à remarquer dans Tad-
4o4 Principef
verbe , outre la signification , comme dams tous les autres mots. Ces trois accidens sont ;
1°. U espèce , qui est toujours primirive ou àérivative. Ici , là , ailleurs , quand , lors , hier , où , etc. sont des sdverbes de l'ospèce primi- tive , parce qu'ils ne viennent d'aucun autre mot de la langue.
Au lieu que justement , sensément , poliment , absolument ^ tellement ^ etc. sont de l'espèce déri- vative. Ils viennent des noms adjectifs , juste , seasé , poli , absolu , r*'/ , etc
2^. La figure : c'est d'être simple ou com- posé. Les adverbes sont de la figure simple , «juand aucun autre mot , ni aucune préposition inséparable n'entre dans leur compositijcn. Ainsi , justement , lors , jamais , sont des adver- bes de la figure simple.
Mais , injustement , alors , aujourd'hui , et en latin , hodie , sont de la figure con>nosée.
3°. La Comparaison est le troisième accident des adverbes. Les adverbes qui viennent d^s noms de qualité se comparent justement , plus justement , très ou fort justement , le plus juste- ment ; bien ; mieux , le mieux ; mal , pis , le pis , plus mal , tret-mal , fort mal , etc.
A l'égard de la conjonction , c'est-à-dire , de ces petits mots qui serrent à exprimer la liaison que l'esprit met entre des mots et des mots , ou entre des phrases et îles phrases , outre leur signification particulière , il y a encore Wnir figure er leur position.
i^*. Qiiarul à la fg'ire^ il y en a do simples, comme , et , ou , mais , si , car , ni , orc.
Il y en a beaucoup de coriioosées , tt si , ma/'v si ; et mruKj il y en a qui sont compo' sées de noms ou de verbos : par exfjmple , à moins que , de sorte que , biin entendu qu$ , pxuin'u que.
Je' Grammaire, 4^5
2°. Pour ce qui est de loiir position , c'est- à-dire , (le l'ordre on rang que les coiijonc- lioiis doivent icair dans le tliscours , il fuut observer , qu'il n'y en a point qui ne suppose au moins un sens précédent* car ce qui joint, doit être entre doux termes. Ainsi vous ne sauriez commencer un discours par mais , et ^ cr y donc ^ eî-C. Mais ce sens peut quelcjuofois êlre transposé : ce qui arrive avec la condi- tionnelle si , qui peut fort bien commencer un discours. Si vous êtes utiles à la société , elle pourvoira à vos besoins. Ces deux p.;rases sont" liées par la conjonction si. C'est comme s'il y avoit : La société pourvoira à vos besoins , si vous y êtes utile.
S il arrive qu'un discours commence par or ou donc , ce discours n«Dst point censé la suite cVun auire qui s'est tenu intérieurement , et que l'orateur ou l'écrivain a sous- entendu , pour donner plus de véhémence à son début; c est plutôt une exclamation , une interio^a- tion. Malherbe , dans son Ode à Louis XIII partant pour la Rochelle , lui dit :
Donc un nouveau labeur à tes armes s'apréte.
C'est comme s'il y avoit , Un nouveau labeur s'apprête donc à tes armes l Mais cette manière de s'exprimer est rare. Elle ne peut être ea usage que dans la poésie ou le style oratoire. Dans le style moins orné , Malherbe auroit dit , Voici un nouveau labeur qui s'apprête à tes armes.
A l'égard des Interjections , elles ne servent qu'a marquer des mouvemens subits de l'ame. Il y a autant de sortes d'interjection , qu'il y a de passions dillcrenles. Ainsi il y en a pour la tristesse et la compassioa : hélas ! ha ! pour
4o6 Principes de Grammaire,
la douleur , ai ai , ah ! pour l'aversion et le dégoût , fi. Les interjections ne servent qu'à ce seul usage -, et n'étant jamais considérées sous la même face ne sont sujettes à aucun autre accident. On peut seulement observer, ^u'il y a des noms , des verbes et des adver- bes , qui étant prononcés dans certains mou- vemens de passions , ont la force de l'inter- jection : Courage , allons , han Dieu , voye^ , marche , tout-beau , paix , etc. C est le ton , plutôt que le mot , qui fait alors l'interjection.
F I N.
TABLE.
JLjOGIQUE , ou RÉFLEXIONS sur les principales
opérations de l'esprit , page I Article I. De la différence de Vunge et
de lame humaine , z Art. II. De la distinction de Vame et
du cerps , 3
Art. m. De l'union de Vame et du corps. 4 Art. IV. Des propriétés de Vame , ibid. Art. V. Des quatre principales opéra^
tiens de l'esprit , II
Art. VI. Remarques sur Vidée , l3
Art. vil Du Raisonnement , l6
Art. VFII. Du Syllogisme , l8 Art. IX. Observation sur le fondement du
Syllogisme , 20
Art. X. De la matière du Syllogisme , s3
Art. XI. Fondement du Syllogisme , â4
Art. XII. Règles du Syllogisme , 26
Art. XIII. Des Sophismes , 29 L Sophisme. Ambiguïté des temps ^ ou équi^
voque» 3l
II. 32
III. La pétition de principe, 33
IV. De falso supponente. supposer
pour vrai ce qui est faux. 35
V. Non causa pro causa. Prendre
pour cause ce qui ri est pas
cause. 36
VI. Dénombrement imparfaitm. 4® VU« Inducflgn défectueuse^ 4^
TABLE.
% lïï. Passer de ce qui est vrai à quelque égard , â ce qui est vrai sim- plement, pag. 43
ÎX. Jager d une chose par ce qui ne
lui convient que par accident, 44
X. Passer du sens divisé au sens com-
pose , 01 du sens compos é au sens divisé. 4^
XI. Passer du sens collectif au sens
distributif , et du sens distri^ butif au sens collectif. 47
XII. Du naturel au surnaturel ; du
naturel à Vartificiel. ibid.
XIf7. Passer dellgnorance à la science. 60 XIV. Du pouvoir à l'acte. ibid.
Art. XÏV. Des différentes manières de rai^
sonner , ibid.
Art. XV. De l'Enthymcme , 6z
Art. XVI. Du Dilemme , 63
A UT. XVII. Du Sorite , 64
Art. XVin. De l'Induction ^ 66
Art. XIX. Conclusion , 66
Art. XX. De la Methodz , ibid.
Art. XXI. De h méthode des Géomètres y 6^
g*
PRINCIPES DE GRAMMAIRE,
o u
Frag.mens sur les Causes de la parole ,
69
Df. la Construction Grammaticale y 9s
I. De la Construction simple , 96
il. De la Construction figurée y ic5
I. L ellipse , icîJ
II Le Pléonasme , 116
m. /-a Syllepsc , OU Synthèse* 118
IV.
T A B^ L E.
IV. Ulyperbare , pag. IT(^
V. L'Hellénisme ^ etc. izz
VI. L'Attraction , Xi.vi m. De la Construction usuelle y 12b
Du Discours considéré grQTr.maticdlemenî , et des parties qui le composer,! , iZ^*
L Proposition Directe énoncée par le modi indicatif t proposition oblique , ou simph ènonciation exprimée par quelqu'un des autres modes du verbe. l3z
Des parties de la proposition </ de Viacmilcuioti, 1 3Î5
Différentes sortes de sujets. ibid.
Autres sortes de propositions à distinguer , pour bien faire la Construction. l3j
II. Proposition absolue ou complette. Propo- sition relative ou partielle. ibid..
De la Période , ibid.
III. Proposition sxpUcativt, Prcposition dhermlnative. i4o
IV. Propos Ltiûn principale. Proposition inci- dente. lliZ
V. Proposition explicite. Proposition impll' cite ou elliptique , l43
VI. Proposition considérée gramme ti:aU- ment. Proposition considérée logiquement , l4^'
Table des divers noms que Von donne aux proposi- tions , aux sujets et aux attributs , 149
Deux raports généraux entre les mots dans la construction , ibz^
I. Raport d'identité , ibid»
II. Raport de détermination , ibid.
AiUres remarques pour bien faire la construction , 1 5^i Idylle de Madame Peshctdieres ^ les
s
TABLE.
Construction grammaticale et rai- sonnée sur cette Idylle , pag. i6z Infersion ^ iSz
De V ordre et de Vinversion , 196
Observations sur ce que les Grammairiens appel- lent DisconvenaQce , 21S
Des mots explétifs > 217
Vs l'Article , ^iz.
Des noms propres , s.b3
Des noms de pays , 268
Remarques sur ces phrases , 260
Noms construits sans prénom ni propo- sition y à la suite d'un verbe dont ils sont le complément , 26S
Ndms construits avec une préposition sans article , z66
Noms construits avec P article ou prénom sans préposition , lôj-
Noms construits avec la préposition et V article , ibid.
Remarques sur lusage de Varticle, quand Vadjectif précède le substantif , ou quand il est après le substantif , 268
Réflexion sur cette rl^le de Al. de f'au' gelas , etc. 274
Si Tes langues qui ont des Arliclos ont un avantage sur celles qui nen ont point , 279
Observations sur les Lettres de l alphabet , 285
De la lettre E, 3oS
Des Diphtongues y 3i8
Des Accens , 028
Des noms Adjectifs , 337
Du Comparatif , 362.
D^- Cas , 35^
TABLE.
OBSERyJTICNS SUB LES V ERRES , pjg. 355
Des Verbes auxiliaires , ibid.
Des Conjugaisons , 36g,
Des Prépositions , et en panicuîier de la préposirion A , 3yS
De l Adverbe , 882
Des Conjonctions , 389
De ce qiiûîi appelle ACCIDENT , en termes de Grammaire , S^^^?
Fia de la TabJev
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