f LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE RÉDIGÉES ET COMMENTÉES PAR V . jî ^ M. ALPH. DE CÏ'NDOLLE . . 1 — Éditeur et en partie auteur du Prodromus systematis naturalis verjetabilium. [ 4^1 Texte préparé sur la demande du Comité d’organisation du Congrès international de botanique de Paris, du 16 août 1867, pour servir de base aux discussions sur les points controversés en nomenclature. V. MASSON ET FILS, LIBRAIRES Place de l’École de Médecine, 17 1867 v GENÈVE. IMPRIMERIE RA.MBOZ ET SCHUCHARDT INTRODUCTION Le système de nomenclature des êtres organisés, fondé par Linné, a été regardé jusque vers le milieu du siècle actuel comme extrêmement ingénieux, et même, selon quelques auteurs, comme admirable. On le citait dans les cours de philosophie. On le trou- vait supérieur à celui de la nomenclature chimique, parce qu’il se prête mieux aux changements nécessités par le progrès des dé- couvertes. Les botanistes professaient pour ce système un vérita- ble culte. Ils se vantaient de l’avoir mieux compris et mieux dé- veloppé que les zoologistes, et ce n’est pas étonnant puisque les plus illustres d’entre eux, il y a trente ou quarante ans, s’en oc- cupaient infiniment plus que les zoologistes du même ordre, leurs contemporains. Cependant, depuis quelques années, on peut remarquer un changement : l’opinion est ébranlée, l’enthousiasme s’est re- froidi. Il s’élève, çà et là, dans divers pays, et des doutes et des plaintes sur le système de la nomenclature botanique. Ce sont des horticulteurs qui ne peuvent plus s’orienter au milieu des noms nouveaux et des synonymes accumulés, ou qui demandent à sortir du chaos, qu’ils ont eux-mêmes créé, dans la nomen- clature des variétés cultivées. Ce sont aussi des botanistes qui s’inquiètent de l’augmentation de noms causée par la diversité des points de vue sur le genre et sur l’espèce, et qui cherchent 4 des procédés nouveaux pour fixer la nomenclature au milieu de la variation incessante des faits connus et des idées. D’horti- culteurs à botanistes, on se renvoie des quolibets, sur le ridicule des noms de jardin et sur la mobilité d’une nomenclature qui semblait devoir être fixe, une fois qu’on la disait positive et logique. Heureusement nous nous renvoyons aussi des demandes polies et sérieuses, tendant à nous aider, si possible, ou au moins à ne pas nous nuire les uns aux autres. J’ai adressé moi-même aux horticulteurs 1 la demande de ne pas donner aux simples variétés ou sous-variétés cultivées des noms latins, semblables de forme à ceux des véritables espèces, afin d’éviter une cause d’erreurs dans les ouvrages de botanique, et M. Charles Koch, de son côté, a profité de la réunion internationale de botanique à Londres, en 1866, pour demander que les congrès de cette espèce fussent employés à examiner les questions douteuses sur la nomenclature et les réformes propres à diminuer l’ encombre- ment des synonymes 2 . Nous ne pouvions disposer à Londres que de deux séances, dont les ordres du jour étaient déjà très-chargés. D’ailleurs nous n’avions aucun texte de propositions sur lequel on put discuter. Il fallut nous séparer sans avoir même abordé le sujet, mais les paroles de M. Koch n’ont pas été perdues. Celui qui avait l’hon- neur de présider les séances y a souvent pensé depuis, et quand il a annoncé au Comité d’organisation du prochain congrès bo- tanique à Paris, le désir de traiter, dans cette occasion, d’une manière spéciale, certaines questions touchant la nomenclature, le Comité l’a engagé à rédiger un ensemble, une sorte de code des lois de la nomenclature botanique, afin qu’on pût mieux dis- cuter les points qui attireraient plus particulièrement l’attention au moment de la réunion. J’ai essayé de répondre à ce vœu. Une longue pratique de la botanique descriptive, des rapports continuels avec les savants qui m’aident dans le travail du Prodromus , enfin, le souvenir précieux des directions que j’ai reçues dans ma jeunesse, ren- daient la tâche plus facile peut-être pour moi que pour beaucoup 1 Bulletin du Congrès horticole à Bruxelles, 1864, p. 171. 2 Report of the proceedings of the bot. congress, 1866, p. 188. 5 d’autres. Les idées sur la nomenclature sont tellement présentes à mon esprit que j’ai pu suivre dans mon travail une marche très-directe. J’ai rédigé d’abord, sans imiter ni copier aucun auteur, un exposé des lois et des usages tels qu’on les suit, ou qu’on devrait, selon moi, les suivre en botanique. La série de mes articles a été coordonnée en chapitres et sections, de ma- nière à faire ressortir les principes dirigeants et à rapprocher les objets connexes. Après cela j’ai lu attentivement les Funda- menta et la Fhïlosophia botanica de Linné, la critique du pre- mier de ces ouvrages par Heister 1 2 3 , contemporain de Linné, le chapitre de la nomenclature dans la Théorie élémentaire de De Candolle, les chapitres de Lindley, dans son Introduction to bo- tany , sur la nomenclature et la synonymie, le recueil motivé des lois de la nomenclature zoologique, présenté à F Association bri- tannique, en 1842, par des naturalistes très-distingués, presque tous zoologistes, MM. Strickland, Owen, Darwin, Phillips, Wa- terhouse, Westwood, etc. 5 , ainsi que la préface remarquable du Nomenclator pjootogicus 5 de M. Agassiz, sur la nomenclature des genres, enfin le chapitre de Denominatione animalium dans la Flàlosophia zooiogica de M.Yan der llœven 4 , me réservant de consulter d’autres auteurs sur des points spéciaux plus ou moins controversés. J’ai tiré de ces lectures quelques articles de plus à intercaler, mais, à ma grande satisfaction, il m’a paru que j’a- vais obtenu certains avantages relativement aux travaux analo- gues de mes devanciers. Linné et Heister parlent presque uni- quement des noms de genres, car tout ce qu’ils disent des an- ciennes phrases spécifiques n’a plus d’application aujourd’hui 5 . 1 Systema plantarum, etc., cui annectuntur regulæ de nominibus planta- rum a cel. Linnæi longe diversæ. 1 vol. in-8, 48 pages, 1748. 2 Report of a Committee, etc., dans Report of the British Association for 1842 , p. 105. 5 Un vol. in-4°. Soloduri, 1842-46. 4 Un vol. in-8°. Lugduni-batav., 1864. 3 Les Fundamenia sont de 1736; la Philosophia est de 1751. La pre- mière édition du Species est de 1753, mais Linné avait employé les noms d’espèces réduits systématiquement à un seul mot, déjà en juin 1745, dans sa dissertation sur les Amphibia gyllenborgiana (Amæn. acad., I, p. 107), et pour la botanique, en décembre 1745, dans sa dissertation sur les Passi- flora (Amæn. acad., I, p. 211). Ce qui nous paraît aujourd’hui la plus 6 Le comité anglais avait en vue surtout la zoologie. M. Agassiz a pensé également à la zoologie et n’avait pas à parler des espèces. De Candolle et Lindley ont été très-explicites 'pour leur temps, le premier surtout, mais beaucoup de questions se sont élevées depuis lors. Chaque auteur est nécessairement préoccupé de certaines ten- dances, de certains besoins de son époque, d’où il résulte que tous les vingt ans, par exemple, il est à propos de revoir l’en- semble des règles admises. On en profite pour mettre de côté les articles devenus tout à fait inutiles, et d’autres dispositions, sui- des sujets nouveaux, prennent leur place. Sans remonter bien haut, il est aisé de voir que, depuis la fin du XVIII rae siècle, les botanistes ont tendu à s’affranchir d’entraves inutiles mises par Linné et que ses disciples avaient exagérées, surtout quant au choix des noms de genres. De Candolle était dominé par l’idée de faire respecter la loi de priorité, qu’on se faisait peu de scru- pule d’enfreindre il y a cinquante ans. Ensuite les auteurs ont visé à obtenir plus de précision, et à faire cadrer la nomenclature avec la nécessité croissante de diviser le règne végétal en grou- pes plus nombreux, compris les uns dans les autres. Aujourd’hui la nomenclature des espèces cultivées et de leurs modifications innombrables exige une attention particulière. Je ne propose aucune innovation grave à cet égard, mais, seule- ment de choisir, entre les procédés employés, ceux qui offrent le plus d’avantage, et de raccorder, autant que possible, les divi- heureuse et la plus importante des idées de Linné, lui a semblé, pendant longtemps, une chose accessoire ; car dans les éditions de la Philosophât qu’il a publiées toutes après 1745, il s’étend longuement sur les phrases (nomina specifica) et mentionne seulement ce que nous appelons aujourd’hui des noms spécifiques (ses nomina trivialia). De ces derniers, il ne dit que deux mots (§ 257), même dans l’édition de 1765. Parmi les 186 disserta- tions de Linné, il n’y en a pas une seule sur les noms appelés aujourd’hui spécifiques. Dans sa dissertation de juin 1753, Incrementa bolanices (Amæn. acad., III, p. 377), où il s’intitule Réformateur de la science, et où ses ou- vrages, même le Speeies, qui venait de paraître, sont appréciés, il ne fait pas remarquer l’emploi de la nomenclature binominale. Il en parle, enfin, dans la dissertation Beformatio botanices (Amæn. acad. VI, p. 315), en décembre 1762, mais ce n’est pas pour donner des règles sur ces noms, c’est pour en rappeler les très-grands avantages. 7 sions principales des espèces qui intéressent les botanistes au- tant que les horticulteurs, avec les subdivisions minutieuses dont on s’occupe en horticulture seulement. La citation des noms d’auteurs à la suite des noms de genre et d’espèce, quand il y a eu des changements, est devenue une question importante, qui s’est élevée depuis vingt ans, et il n’est pas jusqu’à la manière d’abréger les noms d’auteurs dont il a fallu m’occuper. Ce détail semble puéril, mais une fois qu’un certain nombre de botanistes se sont mis à abréger les noms d’une manière inintelligible, il faut bien le leur dire et leur rappeler comment on abrège les mots dans tous les dictionnaires. Mon travail se compose d’un texte, suivi d’un commentaire, dans lequel se trouvent des explications, des exemples ou des motifs à l’appui de plusieurs des articles. Je disais en commençant qu’on remarque une certaine inquié- tude, causée par la complication toujours plus grande delà syno- nymie. Sans doute les botanistes ayant un peu d’expérience ne s’en inquiètent guère. Ils n’adoptent pas les noms nouveaux sans en avoir constaté la nécessité, ou au moins sans être sûrs qu’ils ont été approuvés, après examen, par plusieurs hommes compétents. D’ailleurs, la synonymie n’est pas à leurs yeux sans mérite. Elle constitue l’histoire de la^science. Exposée complè- tement et dans l’ordre des dates, elle est souvent instructive et curieuse. Mais, il faut bien le reconnaître, beaucoup de personnes s’inquiètent de l’accroissement des synonymes, et dans la pra- tique, la multiplicité des noms est incommode. Certains perfec- tionnements dans le système de la nomenclature pourront avoir un peu d’influence à cet égard. Il faut pourtant savoir regarder le mal en face et comprendre qu’il provient de causes très-di- verses, en partie inévitables. Voici quelques rapprochements qui n’ont pas encore été faits. Dans les quatre premiers volumes du Prodromus , publiés de 1824 à 1830, la proportion des genres admis aux genres synony- mes était, approximativement', de 100 à 55. C’est dire qu’il y 1 Le calcul a été fait sur les lettres A et B des tables de Buek, compre- nant 277 genres admis et 154 synonymes, de plusieurs familles différentes, les synonymes antérieurs à Linné non compris. 8 avait alors, à peu près, moitié de synonymes. Dans le Généra plantanmi , de MM. Bentham et Hooker fils, fascicules 1 et 2, publiés de 1862 à 1865, qui comprennent à peu près la même série de familles, j’ai trouvé en faisant le même calcul approxi- matif ', pour 100 genres admis 117 synonymes. Donc la propor- tion des synonymes génériques aurait doublé en 86 ans. L’augmentation continuera-t-elle dé la même manière pendant longtemps? cela ne paraît nullement probable. Plus on connaît d’espèces, plus leur groupement par genres est conforme à la nature, sans parler des moyens d’analyse qui sont meilleurs qu’ autrefois et de l’amélioration générale des descriptions. On a été conduit à créer, pendant 40 ans, une foule de genres sui- des matériaux imparfaits, mais cela sera moins fréquent à l’ave- nir. De plus, nous approchons du terme des découvertes en fait de genres. A chaque volume du Prodromus je remarque une diminution dans la proportion des genres nouveaux. Il y a des familles dans lesquelles le nombre des genres ne change presque plus. Lindley, en 1853, estimait le nombre des genres d’Euphor- biacées à 191 ; il se trouve être dans la monographie récente de M. Boissier et du D r Millier (Prodr. XV, sect. 2) précisément de 191. J’ai montré ailleurs a que Faire géographique moyenne des genres est d’environ jAt de la surface terrestre. Malgré la petitesse exceptionnelle de certaines aires, on peut croire que les collecteurs ont presque toujours passé sur le pays occupé par chaque genre, et que nous sommes ainsi assez près de con- naître tous les genres qui existent. Évidemment rien n’est plus rare aujourd’hui qu’un genre nouveau proposé, et surtout admis, dans les flores de l’hémisphère boréal hors des tropiques. Il y aura encore quelque temps des remaniements, surtout des trans- formations de genres en sections ou de sections en genres, mais si l’on en juge d’après les flores d’Europe, ces mutations auront aussi un terme. Par là une grande source de synonymes d’es- pèces sera tarie. Je disais, il y a un instant, que nous approchons de l’époque * 1 D’après les mêmes lettres A et B de la table, comprenant à peu près les mêmes familles. 2 Géographie botanique raisonnée, p. 1142. 9 où l’on connaîtra tous les genres. En voici la preuve, tirée des volumes du Prodromus qui ont paru depuis 1844 et dont je. me suis spécialement occupé, comme auteur ou éditeur. Je les ai divisés par séries de trois volumes, d’après les dates de publica- tion; ensuite j’ai compté combien il y a, dans chaque série, de genres admis et combien, parmi eux, de genres nouveaux; j’ai aussi relevé le nombre des espèces admises et celui des espèces nouvelles, en considérant comme nouvelles seulement les espèces qui n’avaient pas été décrites auparavant J’ai ensuite calculé la proportion sur cent, des genres nouveaux et des espèces nou- velles. Les chiffres montrent une décroissance régulière dans la proportion des genres nouveaux, et une marche légèrement as- cendante dans la proportion des espèces nouvelles. . Volumes Date des Genres Espèces du Prodromus. Vlll, IX, X. volumes. 1844-46 total 840 nouveaux. 130 iiroport. 0 /» 15,4 total. 8495 nouvelles. 1636 proport. °/„ 19,1 XI, XII, XIII. 1847-52 602 65 10,7 8308 1783 21,4 XIV, XV, XVI, sect. 2, l'asc. 1. 1857-66 476 35 7,3 7832 1864 23,7 Totaux. 1918 230 24635 5283 Quant aux espèces, le Nomendator de Steudel, l 10 édition, de 1821, avait pour 100 espèces admises, à peu près 55 synonymes 1 2 . La seconde édition, de 1840, fournit la proportion de 100 à 75 3 . Nous n’avons pas de troisième édition qui permette de conti- nuer la comparaison. Les tables du Prodromus, publiées par M. Buek, pour les volumes VII, part. 2, à XIII, qui ont paru, an- née moyenne, en 1845, donnent une proportion pour 100 espè- 1 Un genre détaché d’un autre est considéré comme nouveau, mais pas celui dont le nom seul est changé. De même pour les espèces. Les genres et les espèces décrits pour la première, fois avaient reçu souvent des noms dans des listes ou des herbiers. On a compris comme nouveautés du Prodromus les genres et espèces décrits à l’occasion de l’ouvrage et publiés quelquefois dans des journaux, un peu avant, pour prendre date. 8 Le calcul a été fait sur la colonne de gauche des pages 10, 20, 30, etc., jusqu’à. 400, comprenant 893 espèces admises et 451 synonymes, qui appar- tiennent à une très-grande quantité de genres différents pris au hasard. 3 En calculant de la même manière. Les 40 colonnes comprennent 927 espèces admises et 702 synonymes. 10 ces admises de 102 synonymes \ Cette différence d’avec Steudel, pour une époque très-rapprochée, s’explique par la circonstance que Steudel ne revoyait pas les espèces une à une et citait com- me valables celles que d’autres auteurs n’avaient pas détruites, tandis que les rédacteurs du Prodromus ont fait des monogra- phies, ont revu toutes les espèces et en ont rejeté beaucoup au rang des simples synonymes. Les tables détaillées du D v Buek n’ont pas encore paru pour les derniers volumes, mais je ne doute pas que la proportion des synonymes n’y soit très-forte. A mesure que les volumes du Prodromus paraissent, la propor- tion des synonymes augmente. Ceci peut continuer encore long- temps. La fixation des genres tarira bien une source considé- rable de synonymes, mais on continuera de publier beaucoup d’espèces légèrement faites, les matériaux continueront de manquer à plusieurs botanistes pour bien travailler, les ma- nières de concevoir l’espèce seront longtemps variées, et il y aura toujours peu d’auteurs qui se donnent la peine d’étudier toutes les formes d’une espèce, toutes les espèces d’un genre, dans les principaux herbiers de l’Europe, ce qui est indispensable pour éviter des erreurs. Les travaux faits par localités, par es- pèces isolées ou par petits groupes d’espèces, en herborisant dans une province, ou au moyen d’herbiers insuffisants, et les travaux plus généraux, mais d’auteurs médiocres, seront long- temps encore des sources de synonymes quant aux espèces. Dans tout cela il est évident que la nomenclature joue un rôle très-secondaire. Elle facilite les travaux, en mettant de l’ordre dans les faits et les idées, mais elle n’empêche pas les diversités d’opinions sur la limite des genres et des espèces, surtout elle n’empêche pas les travaux superficiels, égrénés, ceux où l’auteur s’enferme dans un seul pays ou dans un seul herbier, travaux qui accumulent une quantité de genres mal faits et surtout d’es- pèces mal faites, qui tombent ensuite. Viendra pourtant une époque où les formes végétales actuelles ayant toutes été décrites, les herbiers en offrant des types cer- tains, les botanistes ayant fait, défait, quelquefois refait, élevé 1 En calculant semblablement sur les pages 10, 20, 30, etc., jusqu’à 400. Elles renferment 816 espèces admises et 831 synonymes. 11 ou abaissé, et surtout modifié plusieurs centaines de milliers de groupes, depuis les classes jusqu’aux simples variétés d’es- pèces, le nombre des synonymes étant devenu infiniment plus considérable que celui des groupes admis, la science aura besoin de quelque grande rénovation dans les formes. Cette nomencla- ture que nous nous efforçons d’améliorer, paraîtra alors comme un vieil échafaudage, formé de pièces renouvelées péniblement, une à une, et entouré de débris constitués par toutes les parties rejetées qui formeront un encombrement plus ou moins gênant. L’édifice de la science aura été construit, mais il ne sera pas assez dégagé de tout ce qui a servi à l’élever. Alors, peut-être, il sur- gira quelque chose de tout différent de la nomenclature lin- néenne, quelque chose qui sera imaginé pour donner définitive- ment des noms à des groupes définitifs. Cela est le secret de l’avenir, et d’un avenir encore bien éloi- gné. En attendant perfectionnons le système de la nomenclature bi- nominale, introduit par Linné. Tâchons qu’il s’adapte mieux aux changements continuels et nécessaires de la science, et pour cela répandons, le plus possible, les principes de la méthode, at- taquons les petits abus, les petites négligences, et mettons-nous d’accord, s’il est possible, sur les points controversés. Nous pré- parerons ainsi, pour quelques années, une meilleure marche dans les travaux de classification des botanistes. Genève. 1 er août 1867. . . . ' s . ■ ■ ' - . LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE CHAPITRE I C onsidérations générales et principes dirigeants. Article 1 . L’histoire naturelle ne peut faire de progrès sans un système régulier de nomenclature, qui soit recon- nu et employé par l’immense majorité des naturalistes de tous les pays. Art. 2. Les règles de la nomenclature ne peuvent être ni arbitraires ni imposées. Elles doivent être basées sur des motifs assez clairs et assez forts pour que chacun les com- prenne et les accepte. Art. 3. Dans toutes les parties de la nomenclature, le principe essentiel est d’éviter ou de repousser l’emploi de formes et de noms pouvant produire des erreurs ou jeter de la confusion dans la science. Après cela, ce qu’il y a de plus important est d’éviter toute création inutile de noms. Les autres considérations, telles que la correction gram- maticale absolue, la régularité ou l’euphonie des noms, un usage plus ou moins répandu, les égards pour des person- nes, etc., sont relativement accessoires. Art. 4. Aucun usage contraire aux règles ne peut être maintenu s’il entraîne des confusions ou des erreurs. Lors- 14 qu’un usage n’a pas d’inconvénient grave de cette nature, ii peut motiver des exceptions qu’il faut cependant se garder d’étendre ou d’imiter. Enfin, à défaut de règle, ou si les conséquences des règles sont douteuses, un usage établi fait loi. Art. 5. Les principes et les formes de la nomenclature doivent être aussi semblables que possible en botanique et en zoologie. Art. 6. Les noms scientifiques sont en langue latine. Quand on les tire d’une autre langue, ils prennent des dési- nences latines. Si on les traduit dans une langue moderne, on cherche à leur conserver le plus possible une ressem- blance avec les noms originaux latins. Art. 7. La nomenclature comprend deux catégories de noms: 1° Des noms, ou plutôt des termes, qui expriment la nature des groupes compris les uns dans les autres ; 2° des noms particuliers à chacun des groupes de plantes ou d’ani- maux que l’observation a fait connaître. CHAPITRE II Sur la manière de désigner la nature et la subordination des groupes qui composent le règne végétal. Art. 8. Tout individu végétal appartient à une espèce (■ species ), toute espèce à un genre ( genus ), tout genre à une famille ( ordo , familia ), toute famille à une cohorte (cohors), toute cohorte à une classe ( classis ). Art. 9. On reconnaît aussi dans plusieurs espèces des variétés et des variations , dans certaines espèces cultivées, des modifications plus nombreuses encore ; dans plusieurs genres des sections , dans plusieurs familles des tribus. 15 Art. 10. Enfin, comme la complication des faits conduit souvent à distinguer des groupes intermédiaires plus nom- breux, on peut créer par le moyen de la syllabe sous (sub), mise avant un nom de groupe, des subdivisions de ce grou- pe, de telle manière que sous-famille ( subordo ) exprime un groupe entre une famille et une tribu, sous-tribu (sub tribus), un groupe entre une tribu et un genre, etc. L’ensemble des groupes subordonnés peut ainsi s’élever, pour les plantes spontanées seulement, jusqu’à 18 degrés dans l’ordre sui- vant : Regnum vegetabile. Classis. Subclassis. Coh ors. Subcohors. Ordo (gallice: Famille ). Subordo (gall. Sous- famille). Tribus. Subtribus. Genus. Subgenus. Sectio. Subsectio. Species. Subspecies (vel Proies, gall. Race.) Varietas. Subvarietas. Variatio. Subvariatio. Planta. 16 Art. 11 . La définition de chacun de ces noms de grou- pes varie, jusqu’à un certain point, suivant les opinions indi- viduelles et l’état de la science, mais leur ordre relatif, sanc- tionné par l’usage, ne peut être interverti. Toute classifi- cation contenant des interversions, comme une division de genres en familles ou d’espèces en genres , n’est pas admis- sible. Art. 12. La fécondation d’une espèce par une autre es - pèce, crée un hybride (hybridas), celle d’une modification soit subdivision d’espèce par une autre modification de la même espèce crée un métis (■ mislus ), Art. 13. Le classement des espèces dans un genre ou dans une subdivision de genre se fait au moyen de signes typographiques, de lettres ou de chiffres. Les hybrides se classent après l’une des espèces dont ils proviennent, avec le signe X mis avant le nom générique. Le classement des sous-espèces dans l’espèce se fait par des lettres ou par des chiffres ; celui des variétés, par la sé- rie des lettres grecques «, j3, y, etc. Les groupes inférieurs aux variétés et les métis sont indiqués par des lettres, des chiffres ou des signes typographiques, à la volonté de cha- que auteur. Art. 14. Les modifications des espèces cultivées doi- vent être rattachées, autant que possible, aux espèces spon- tanées d’où elles dérivent. A cet effet, les plus importantes de ces modifications sont assimilées à des sous-espèces ( subspecies ), et quand on est certain de leur hérédité constante par graines, elles se nomment races (proies). Les modifications de second ordre prennent le nom de variétés, et si l’on est certain de leur hérédité à peu près 17 constante par graines, elles se nomment sous-races ( subpro - les). Les modifications moins importantes, comparables aux sous- variétés , variations , sous- variations , des espèces spontanées, sont indiquées d’après leur origine (lorsqu’elle est connue) de la manière suivante: 1° Saïus (semis; seed- ling, en angl.; Samling, en allemand), pour une forme pro- venant de graines ; 2° mistus (métis ; en angl. blending ; en ail. Blendlinge), pour une forme provenant de fécondation croisée dans l’espèce ; 3° lusus (sport), pour une forme née d’un bourgeon, tubercule ou autre organe et propagée par division. CHAPITRE III Sur la manière de désigner chaque groupe ou association de végétaux en particulier. Section 1. Principes gên éraux. Art. 15. Chaque groupe naturel de végétaux ne peut por- ter dans la science qu’une seule désignation valable, savoir la première qui lui ait été donnée, en botanique, par Linné, ou depuis Linné, et qui soit conforme aux règles essentiel- les de la nomenclature. Art. 16. Nul ne doit changer un nom ou une combinai- son de noms sans des motifs graves, fondés sur une con- naissance plus approfondie des faits, ou sur la nécessité d’a- bandonner une nomenclature contraire aux règles essen- tielles (art. 3, 1 er alinéa, 4, 11, 15, etc., voyez sect. 6.) 2 18 Art. 17. La forme, le nombre et l’arrangement des noms dépendent de la nature de chaque groupe, selon les règles qui suivent. Section 2. Nomenclature des divers groupes. \ 1. Noms de classes et sous-classes. Art. 18. Les noms de classes et sous-classes se tirent d’un des principaux caractères. Ils s’expriment au moyen de mots d’origine grecque ou latine, et en donnant aux groupes de même nature une certaine harmonie de forme et de dési- nence (Phanérogames, Cryptogames; Monocotylédones, Di- cotylédones, etc.). Art. 19. Dans les Cryptogames, les noms anciens de familles, tels que Filices, Musci, Fungi, Lichenes, Algæ, peuvent être employés comme noms de classes ou sous- classes. i 2. Noms de cohortes et sous-cohortes. Art. 20. Les cohortes sont désignées par le nom d’une de leurs principales familles, avec la désinence aies. Les sous-cohortes (rarement employées) peuvent être désignées de la même manière. $ 3. Noms de familles (ordo) et sous-familles (subordo), de tribus et sous-tribus. Art. 21. Les familles (Ordines, Famüiœ) sont désignées par le nom d’un de leurs genres, avec la désinence aceœ. (Rosaceæ, de Posa; Ranunculaceæ, de Ranunculus, etc.). Art. 22. L’usage justifie les exceptions suivantes : 1° Lorsque le genre d’où le nom de famille est tiré se 19 termine en latin par ix ou is (génitif ici* ou ulis, ou iscis, la désinence iceœ, ou ideœ , ou mm est admise (Salicineæ, de Salix ; Berberideæ, de Berberis ; Tamariscineæ, de Ta- marix). 2° Lorsque le genre d’où le nom est tiré a un nom d’une longueur inusitée et qu’il n’y a pas de nom de tribu fondé sur ce même genre dans la famille, on admet la terminaison en eœ. (Dipterocarpeæ, de Dipterocarpus). 3° Pour quelques grandes familles anciennement nommées, très-connues sous leurs noms exceptionnels, on conserve les noms anciens (Cruciferæ, Leguminosæ, Guttiferæ, Umbelli- feræ, Compositæ, Labiatæ, Cupuliferæ, Coniferæ, Palmæ, Gramineæ). 4° Un ancien nom de genre devenu nom de section ou d’espèce, peut être maintenu comme base d’un nom de fa- mille (Lentibularieæ, de Lentibularia ; Hippocastaneæ, de Æsculus Hippocastanum ; Caryophylleæ, de Dianthus Caryo- phyllus ; etc.) Art. 23. Les noms de sous-familles ( sabordmes ) sont ti- rés du nom d’un des genres qui se trouvent dans le groupe, avec la désinence en eœ ou ineœ. Art. 24. Les noms de tribus et sous-tribus se tirent du nom d’un des genres qui en font partie, avec la désinence eœ (Roseæ, de Posa). £ 4. Noms de genres et de divisions de genres supérieures aux espèces. Art. 25. Les genres, sous-genres et sections, reçoivent des noms, ordinairement substantifs, qui sont pour chacun d’eux comme nos noms propres de famille. Ces noms peuvent être tirés d’une source quelconque et même être composés d’une manière absolument arbitraire, sous la réserve des conditions indiquées plus loin. 20 Art. 26. Les sous-sections et autres subdivisions infé- rieures des genres peuvent recevoir un nom, substantif ou adjectif, ou porter simplement un numéro d’ordre ou une lettre, sans nom. Art. 27. Lorsqu’un nom de genre, sous-genre ou sec- tion est tiré d’un nom d’homme, on le constitue de la ma- nière suivante: Le nom, dégagé de tout titre et de toute particule préli- minaire accessoire, est terminé en a ou ia. Les syllabes qui ne sont pas modifiées, par cette dési- nence conservent leur orthographe exacte, même avec les lettres ou diphtongues usitées dans certaines langues et qui ne l’étaient pas en latin. Cependant les a, o, ii, des langues germaniques, deviennent des æ, œ, u, les é et è de la lan- gue française, deviennent des e. Art. 28. Les botanistes qui ont à publier des noms de genre font preuve de discernement et de goût s’ils ont égard aux recommandations suivantes : 1° Ne pas faire des noms très-longs ou difficiles à pro- noncer. 2° Indiquer l’étymologie de chaque nom. 3,° S’ils ont créé autrefois un nom qui n’a pas été admis, ne pas créer eux-mêmes un autre genre sous le même nom , surtout dans la même famille ou dans une des familles voi- sines. 4° Ne pas dédier des genres à des personnes absolument étrangères à la botanique, ou du moins aux sciences natu- relles, ni à des personnes tout à fait inconnues. 5° Ne tirer des noms de langues barbares, que si ces noms se trouvent fréquemment cités dans les livres des voya- geurs et présentent une forme agréable qui s’adapte aisé- ment à la langue latine et aux langues des pays civilisés. 21 6° Rappeler, si possible, par la composition ou la dési- nence du nom, les affinités ou les analogies du genre. 7° Éviter les noms adjectifs. 8° Ne pas donner à un genre un nom dont la forme est plutôt celle d’un nom de section (Eusideroxylon, par exem- ple). 9° Éviter de reprendre des noms qui ont existé, mais qu’on a refusé d’admettre, pour nommer des genres diffé- rents des anciens, à moins qu’il ne s’agisse de dédier de nouveau un genre à un botaniste, mais dans ce cas il est à désirer encore : 1° Que l’abandon du premier genre soit bien constaté: 2° Que la famille où l’on veut rétablir le nom soit tout à fait différente de la première. Art. 29. Les botanistes qui construisent des noms de sous-genres ou de sections feront bien d’avoir égard aux re- commandations de l’article précédent et en outre à celles-ci : 1° Prendre volontiers pour la principale division d’un genre, un nom qui le rappelle par quelque modification ou addition (Eu mis au commencement du nom, quand il est d’origine grecque ; asirum , alla, à la fin du nom, quand il est latin, ou telle autre modification conforme à la gram- maire et aux usages de la langue latine). 2° Éviter dans un genre de nommer une section par le nom du genre terminé en aides ou en opsis ; mais au con- traire rechercher cette désinence pour une section qui res- semblerait à un autre genre, en ajoutant alors ouïes ou opsis au nom de cet autre genre, s’il est d’origine grecque, pour former le nom de la section. 3° Éviter de prendre comme nom de section un nom qui existe déjà comme tel dans un autre genre, ou qui est le nom d’un genre admis. Art. 30. Lorsqu’on désire énoncer un nom de section v 22 conjointement avec le nom de genre et le nom d’espèce, le nom de section se place entre les deux autres en paren- thèse. # 5. Noms d’espèces, d'hybrides et de subdivisions des espèces soit spontanées soit cultivées. Art. 31. Chaque espèce, même celles qui composent à elles seules un genre, est désignée par le nom du genre au- quel elle appartient suivi d’un nom dit spécifique, le plus ordinairement de la nature des adjectifs. Art. 32. Le nom spécifique doit, en général, indiquer quelque chose de l’apparence, des caractères, de l’origine, de l’histoire ou des propriétés de l’espèce. S’il est tiré d’un nom d’homme c’est ordinairement pour rappeler le nom de celui qui l’a découverte ou décrite, ou qui s’en est occupé d’une manière quelconque. Art. 33. Un nom spécifique peut être un ancien nom de genre ou un nom propre substantif. Il prend alors une grande lettre et ne s’accorde pas avec le nom de genre. (Digi- talis Sceptrum, Coronilla Emerus). Art. 34. Deux espèces du même genre ne peuvent avoir le même nom spécifique, mais le même nom spécifique peut être donné dans plusieurs genres. Art. 35. En construisant des noms spécifiques, les bo- tanistes font bien d’avoir égard aux recommandations sui- vantes : 1° Éviter les noms très-longs ou d’une prononciation dif- ficile. 2° Éviter les noms qui expriment un caractère commun à toutes ou presque toutes les espèces du genre. 3° Éviter les noms tirés de localités peu connues, ou très- restreintes, à moins que l’habitation de l’espèce ne soit tout à fait locale. 4° Éviter, dans le même genre, les noms trop sembla- bles de forme ou de sens, ceux surtout qui ne diffèrent que par les dernières lettres. 5° Adopter volontiers les noms inédits qui se trouvent dans les notes des voyageurs ou dans les herbiers, à moins qu’ils ne soient plus ou moins défectueux (voir art. 47). 6° Éviter les noms qui ont été employés auparavant dans le genre ou dans quelque genre voisin et qui sont devenus des synonymes. 7° Ne pas dédier une espèce à quelqu’un qui ne l’a pas découverte, ni décrite, ni figurée, ni étudiée en aucune ma- nière. Art. 36. Les hybrides d’origine certaine sont désignés par le nom de genre auquel on ajoute une combinaison des noms spécifiques des deux espèces dont ils proviennent, le nom de l’espèce mère étant mis le premier, avec la terminai- son i ou o , et celui de l’espèce qui a fourni le pollen venant ensuite, avec un trait d’union entre les deux (Amaryllis vit- tato-reginæ). Les hybrides d’origine douteuse se nomment comme des espèces. On les distingue par l’absence de numéro d’ordre et par le signe x précédant le nom de genre (X Salix capreola Kern.). Art. 37. Les noms de sous-espèces et de variétés se forment comme les noms spécifiques, et s’ajoutent à eux dans leur ordre, en commençant par ceux du degré supé- rieur de division. Les métis d’origine douteuse se nomment et se classent de la même manière. Art. 38. Les sous-variétés, variations et sous-varia- 24 tions de plantes spontanées, peuvent recevoir des noms analogues aux précédents, ou seulement des numéros ou des lettres qui facilitent leur classement. Art. 39. Les métis d’une origine certaine sont désignés par une combinaison des deux noms de sous-espèces, varié- tés, sous- variétés, etc., qui leur ont donné naissance, en ob- servant les mêmes règles que pour les noms d’hybrides. Art. 40. Dans les plantes cultivées les semis, les métis d’origine obscure et les sports , reçoivent des noms de fan- taisie, en langue vulgaire, aussi différents que possible des noms latins d’espèces ou de variétés. Quand on peut les rattacher à une espèce, à une sous-espèce ou une variété botanique, on l’indique par la succession des noms (Pélar- gonium zonale Mistress-Pollock). Section 3. De la publication des noms et de la date de chaque nom ou combinaison de noms. Art. 41. La date d’un nom ou d’une combinaison de noms est celle de leur publication effective, c’est-à-dire d’une publicité irrévocable. Art. 42. La publication résulte de la vente ou de la distribution, dans le public, d’imprimés, de planches, d’au- tographies ou seulement d’étiquettes accompagnant des échantillons d’herbier. Art. 43. Une communication dans une séance publique, des noms mis dans des collections ou des jardins ouverts au public, ne constituent pas une publication. Art. 44. La date mise sur un ouvrage est présumée exacte, jusqu’à preuve contraire. Art. 45. Une espèce n’est considérée comme nommée 25 que si elle a un nom générique en même temps qu’un nom spécifique. Art. 46. Une espèce annoncée dans un ouvrage sous des noms générique et spécifique, mais sans aucun rensei- gnement, ne peut être considéréemomme publiée. Il en est de même d’un genre annoncé sans aucune indication, pas même en disant de quelles espèces d’un autre genre on le compose. Si plus tard l’auteur ou une autre personne, font connaître publiquement ce que signifiait le nom, la date de cette seconde publication est la seule qui compte. Art. 47. Les botanistes feront bien d’avoir égard aux recommandations suivantes : 1° Indiquer exactement la date de la publication de leurs ouvrages ou fractions d’ouvrages, et celle de la dis- tribution de plantes nommées. 2° Ne pas publier un nom sans indiquer clairement si c’est un nom de famille ou de tribu, de genre ou de section, d’espèce ou de variété, en un mot sans indiquer une opi- nion sur la nature du groupe auquel ils donnent le nom. 3° Éviter de publier ou de mentionner dans leurs publi- cations des noms inédits qu’ils n’acceptent pas, surtout si les personnes qui ont fait ces noms n’en ont pas autorisé formellement la publication (voir 35, 5°). Section 4. De la précision à donner aux noms par la citation du botaniste qui les a publiés le premier. Art. 48. Pour être exact et complet dans l’indication du nom ou des noms d’un groupe quelconque, il faut citer l’auteur qui a publié le premier le nom ou la combinaison de noms dont il s’agit. 26 Art. 49. Un changement de caractères constitutifs ou de circonscription dans un groupe, n’autorise pas à citer un autre auteur que celui ayant publié le premier le nom ou la combinaison de noms. Quand les changements ont été considérables, on ajoute à la citation de l’auteur primitif: mutatis charnel., ou pro parte , ou excl. gen ., excl. sp ., excl. car., ou telle autre indi- cation abrégée, selon la nature des changements surve- nus et du groupe dont il s’agit. Art. 50, Les noms publiés d’après un document inédit, tel qu’un herbier, une collection non distribuée, etc., sont précisés par l’addition du nom de l’auteur qui publie, mal- gré l’indication contraire qu’il a pu donner. De même les noms usités dans les jardins sont précisés par la mention du premier auteur qui les publie. Dans le texte développé, on cite l’herbier, la collection, le jardin. (Lata, ex Commers. in lierb. pur.; hindi, ex hortû Lodd.) Art. 51. Lorsqu'un nom existant est appliqué à un groupe qui devient d’un ordre supérieur ou inférieur à ce qu’il était auparavant, le changement opéré équivaut à la création d’un nouveau groupe et l’auteur à citer est celui qui a fait le changement. Art. 52. Les noms d’auteurs mis après les noms de plantes s’indiquent par abréviations, à moins qu’ils ne soient très-courts. A cet effet on retranche d’abord les particules ou lettres préliminaires qui ne font pas strictement partie du nom, puis on indique les premières lettres, sans en omettre au- cune. Si un nom d’une seule syllabe est assez compliqué pour qu’il vaille la peine de l’abréger, on indique les pre- mières consonnes (Br. pour Brown) ; si le nom a deux ou plusieurs syllabes, on indique la première syllabe, plus la 27 première lettre de la syllabe suivante, ou les deux premières quand elles sont des consonnes (Juss. pour de Jussieu ; Rick, pour Richard). Lorsqu’on est forcé d’abréger moins, pour éviter une confusion entre des noms qui commencent par les mêmes syllabes, on suit le même système, en donnant, par exemple, deux syllabes avec la ou les premières consonnes de la troi- sième, ou bien l’on indique une des dernières consonnes caractéristiques du nom ( Bertol . pour Bertoloni, afin de dis- tinguer de Bertero; ou Michæ pour Michaux, afin de distin- guer de Micheli). Les noms de baptême ou les désignations accessoires, propres à distinguer deux botanistes du même nom, s’abrégent de la même manière (. Adr . Juss. pour Adrien de Jussieu, Gærtn. fil. ou Gœrtn. f. pour Gærtner fils). Lorsque l’usage est bien établi d’abréger un nom d’une autre manière, le mieux est de s’y conformer (L. pour Linné, St-Bil. pour de Saint-Hilaire). Section 5. Des noms à conserver lorsqu' un groupe est divisé, remanié) trans- porté, élevé ou abaissé , ou quand deux groupes de même ordre sont réunis. Art. 53. Un changement de caractères, ou une révision qui entraîne l’exclusion de certains éléments d’un groupe ou des additions de nouveaux éléments, n’autorisent pas à changer le nom ou les noms du groupe. Art. 54. Lorsqu’un genre est divisé en deux ou plu- sieurs, le nom doit être conservé et il est donné à l’une des divisions principales. Si le genre contenait une section ou autre division qui, d’après son nom ou ses espèces, était le 28 type ou l’origine du groupe, le nom est réservé pour cette partie. S’il n’existe pas de section ou subdivision pareille, mais qu’une des fractions détachées soit beaucoup plus nombreuse en espèces que les autres, c’est à elle que le nom doit être réservé. Art. 55. Dans le cas de réunion de deux ou plusieurs groupes de même nature, le nom le plus ancien subsiste. Si les noms sont de même date l’auteur choisit. Art. 56. Lorsqu’on divise une espèce en deux ou plu- sieurs espèces, la forme qui avait le plus anciennement le nom est celle qui le conserve. Art. 57. Lorsqu’une section ou une espèce sont por- tées dans un autre genre, lorsqu’une variété ou autre divi- sion de l’espèce sont portées au même titre dans une autre espèce, le nom de la section, le nom spécifique ou le nom de la division d’espèce subsistent, à moins que dans la nou- velle position il n’existe un des obstacles indiqués aux ar- ticles 62 et 63. Art. 58. Lorsqu’un genre devient subdivision de genre ou que le contraire arrive, lorsqu’une espèce devient sub- division d’espèce ou vice versa, les noms qui leur étaient propres subsistent pourvu qu’il n’en résulte pas deux gen- res du même nom dans le règne végétal, deux subdivisions de genre ou deux espèces du même nom dans le même genre, ou deux subdivisions du même nom dans la même espèce. Section 6. Des noms à rejeter , changer ou modifier. Art. 59. Nul n’est autorisé à changer un nom sous pré- texte qu’il est mal choisi, qu’il n’est pas agréable, qu’un 29 autre est meilleur ou plus connu, qu’il n’est pas d’une lati- nité suffisamment pure, ou par tout autre motif contestable ou de peu de valeur. Art. 60. Chacun doit se refuser à admettre un nom dans les cas suivants : 1° Quand ce nom est appliqué dans le règne végétal à un groupe nommé antérieurement d’un nom valable. 2° Quand il forme double emploi dans les noms de clas- ses ou de genres, ou dans les subdivisions ou espèces du même genre, ou dans les subdivisions de la même espèce. 3° Quand il exprime un caractère ou un attribut positi- vement faux dans la totalité du groupe en question, ou seu- lement dans la majorité des éléments qui le composent. 4° Quand il est formé par la combinaison de deux langues (exemple: eu mis avant un nom latin, sub avant un mot grec, oides , opsis, appliqués à un mot latin, etc.). 5° Quand il est contraire aux articles de la section 5. Art. 61. Un nom de cohorte, sous-cohorte, famille ou sous-famille, tribu ou sous-tribu, doit être changé lorsqu’il est tiré d’un genre qu’on reconnaît ne pas faire partie du groupe en question. Art. 62. Lorsqu’un sous-genre, une section ou une sous- section passe au même titre dans un autre genre, le nom doit être changé s’il existe déjà dans le genre un groupe de même ordre sous ce nom. Lorsqu’une espèce est portée d’un genre dans un autre, son nom spécifique doit être changé s’il existe déjà pour une des espèces du genre. De même lorsqu’une sous-espèce, variété ou autre subdivision d’espèce est portée dans une autre espèce, le nom en doit être changé s’il existe déjà dans l’espèce pour une modification du même ordre. Art. 63. Lorsqu’un groupe est transporté dans un autre 30 en y conservant le même rang, son nom doit être changé s’il devient un contre-sens ou une cause évidente d’erreur et de confusion dans la nouvelle position qui lui est attribuée. Art. 64. Dans les cas prévus aux articles 60, 61, 62, 63, le nom à rejeter ou à changer est remplacé par le plus ancien nom valable existant pour legroupe dont il s’agit, et à défaut de nom valable ancien un nom nouveau doit être créé. Art. 65. Un nom de classe, tribu ou autre groupe su- périeur au genre peut être modifié dans sa désinence, pour être rendu conforme aux règles et aux usages. Art. 66 . Lorsqu’un nom tiré du grec ou du latin a été mal écrit ou mal construit, ou qu’un nom tiré d’un nom d’homme n’a pas été écrit conformément à l’orthographe réelle du nom, ou qu’une erreur sur le genre grammatical d’un nom a entraîné une désinence vicieuse dans les noms d’espèces ou de modifications d’espèces, chaque botaniste est autorisé à rectifier le nom fautif ou les désinences fautives, à moins qu’il ne s’agisse d’un nom très-ancien et passé entièrement dans l’usage sous la forme erronée. On doit user de cette faculté avec réserve, particulièrement si le changement doit porter sur la première syllabe, surtout sur la première lettre du nom. Quand un nom a été tiré d’une langue vulgaire, il doit subsister tel qu’on l’a fait, même dans le cas où l’orthogra- phe du nom a été mal comprise par l’auteur et donne lieu à des critiques fondées. Section 7. Des noms déplantés dans les langues modernes. Art. 67. Les botanistes emploient dans les langues mo- 31 dernes les noms scientifiques latins ou ceux qui en dérivent immédiatement, de préférence aux noms d'une autre na- ture ou d’une autre origine. Ils évitent de se servir de ces derniers noms, à moins qu’ils ne soient très- clairs et très- usuels. Art. 68. Tout ami des sciences doit s’opposer à l’intro- duction dans une langue moderne de noms de plantes qui n’y existent pas, à moins qu’ils ne soient dérivés du nom botanique latin, au moyen de quelque légère modification. COMMENTAIRE 1. Le but de l’article 1 er est d’établir le principe de l’univer- salité de la nomenclature botanique. L’article 6 en découle. 2. Linné avait posé des règles absolument arbitraires, qu’il n’essayait pas même de justifier (voir FUI. lot. § 225, 226, 229, 230, 231). Son antagoniste Heister faisait de même. A notre époque on ne veut point se soumettre à la volonté, même d’un homme de génie, mais on ne serait pas très-éloigné d’obéir à des majorités. L’article 2 signifie, entre autres choses, qu’un con- grès de savants peut bien élucider une question, ou manifester une opinion par un vote, mais non imposer une règle ou pro- hiber une méthode. 3. En nomenclature, comme partout dans les sciences, il est impossible d’admettre ce qui implique des équivoques ou un fait faux. Toutes les règles, du moins toutes les règles nécessaires, c’est-à-dire celles qu’on ne peut enfreindre sans faire quelque chose de nul, sont le développement de ce principe fondamental. S’il s’élève un doute sur une question de nomenclature, le moyen de lever l’incertitude est presque toujours de se dire : En suivant tel procédé ou tel autre, en résulte-t-il des équivoques, des as- sertions fausses, des erreurs, immédiates ou possibles? La ré- ponse indique ce qui est permis ou ce qui ne l’est pas. 4. Il est impossible de ne pas reconnaître un certain droit à Vu- sage, car le maintien de noms très-connus, de formes très-usi- 34 tées, donne souvent de la clarté et de la précision et dispense de noms nouveaux. Seulement il ne faudrait pas consacrer une erreur grave pour l’avantage médiocre de suivre une habitude. Nous rappelons aussi que les exceptions fondées sur l’usage, étant des exceptions, ne doivent être ni imitées ni étendues. C’est le principe ordinaire du droit. 8. Linné employait le mot Familia , qui n’est pas de très-bonne latinité. On préfère en général Or do, et en français on aurait pu dire Ordre , comme on dit en anglais Order. Le mot Famille a été trouvé ingénieux; cependant c’est plutôt le genre qui res- semble à une famille humaine, puisque dans celle-ci tous les in- dividus portent le même nom, chacun ayant en outre son nom de baptême analogue au nom spécifique. Le mot Cohorte, Cohors , de très-bon latin, a été employé dès 1835, par M. de Marti fis, dans son Conspeotus regni vegetahilis , pour les groupes supérieurs aux familles et inférieurs aux classes. MM. Bentham et Hooker fils l’ont adopté dans leur Généra. Il nous paraît préférable au mot classe, qui s’entend ordinairement de divisions plus grandes, et au mot alliance , de Lindley, qui a l’inconvénient de ne pas pouvoir être traduit par un mot analo- gue en latin, fœdus ayant une forme tout autre. Cohors est fa- cile à introduire dans les langues modernes, sans altération ou avec un léger changement de désinence. 9. La division des espèces devient chaque jour plus impor- tante. Plusieurs botanistes contestent les caractères attribués par d’autres à l’espèce, mais aucun ne peut nier l’existence de grou- pes collectifs de la nature de ceux appelés par Linné espèces , et ils doivent bien reconnaître, en même temps, qu’il existe beaucoup d’autres groupes inférieurs, surtout parmi les plantes cultivées. Si l’hérédité ou non-hérédité des formes était toujours une chose claire et tranchée, la division de l’espèce serait facile: il y au- rait 1° des races qu’on pourrait aussi appeler variétés principa- les ou sous-espèces, et 2° des variétés non héréditaires. Mais l’hé- rédité est une tendance commune à toutes les formes, seulement, elle est plus ou moins constante et plus ou moins complète. Quand une modification d’espèce est habituellement héréditaire elle devient à proprement parler une sous-espèce , en d’autres termes on peut hésiter à l’appeler une espèce et beaucoup l’ap- pellent ainsi. Avec des caractères moins tranchés et une trans- mission par graines moins fréquente, c’est certainement, au dire de tout le monde, une variété. Moins de caractères et moins d’hé- rédité constituent des subdivisions de variétés ou sous-variétés. Enfin, il [existe des variations provenant d’un même individu, variations qui ont quelque tendance à se propager de graines, comme on peut le voir en récoltant des graines sur la branche qui les a produites. De ce point on descend, lorsqu’il s’agit de plantes cultivées, à des modifications tellement nombreuses et tellement compliquées, qu’il est impossible de les nommer, à moins de procédés particuliers dont nous parlerons plus loin (art. 14 ). 9. 10. On peut hésiter entre le terme de sectio et celui de sié- gerais, pour désigner les subdivisions naturelles de plusieurs genres. Subgenus est plus expressif, mais sectio a cet avantage de permettre un double degré de division, ce qui parfois est né- cessaire. En effet subgenus peut se placer aisément entre genus et sectio , de telle sorte, qu’en employant encore le mot subsectio , les genres nombreux en espèces et d’une organisation variée, se subdivisent, avec une grande clarté, selon l’importance des caractères. Du reste, le mot sectio , dans le sens de sous-genre, est devenu familier par son adoption dans le Frodronius. Les nombreuses subdivisions indiquées à l’art. 10 devraient servir, dans beaucoup de cas obscurs ou contestables, à éviter des noms nouveaux de genres et d’espèces. Iiésitez-vous à créer un genre? faites-en un sous-genre ou une section. Hésitez-vous à créer une espèce? faites-en une sous-espèce ou une variété. Voilà des termes moyens sur lesquels peuvent s’accorder les bota- nistes qui voient essentiellement les différences et ceux qui voient essentiellement les ressemblances. Distinguer, sous un nom commun et ancien, n’est pas confondre; ce n’est pas non plus séparer, mais c’est éviter une foule de noms nouveaux, surtout d’espèces, qui seraient contestés. 12. Nous avons cherché un mot latin pour le mot français très- connu et très-précis de métis. Les dictionnaires indiquent bige- ner , is, mais le mot genre étant pris en histoire naturelle dans une acception particulière, ce serait créer une erreur, une con- fusion, d’employer bigener pour un hybride et à plus forte rai- 36 son pour un métis. Le mot m$tm existe ; il répond presque lit- téralement à métis. Ce mot n’a pas en latin le sens précis que nous proposons de lui donner, mais on peut en dire autant des mots gémis et species. C’est une nécessité de la science de limiter le sens des mots latins, pour rendre des idées plus claires et plus précises. 14. Les botanistes, proprement dits, lorsqu’ils ont voulu s’oc- cuper des espèces cultivées, n’ont pas eu de peine à désigner certaines formes principales comme races ou sous-espèces, et d’autres moins importantes comme variétés ou sous-variétés. On peut citer, sous ce rapport, le mémoire sur les Brassica, par de Candolle (Trans. of the Linn. Soc. vol. 5), couronné en 1821, par la Société d’horticulture de Londres, et résumé sous une forme strictement botanique, dans le Systema, 2, p. 583. Dans ce travail, les races sont nommées en latin stirps , mais le mot proies nous paraît indiquer mieux une propagation par hérédité. Il se prête mieux aussi à l’addition de siib, qui a de l’avantage pour caractériser une sous-race. Un autre travail très-remarquable est celui sur les blés par Louis Vilmorin (Essai d’un catalogue des froments, br. in-8°, 1850). Sa valeur est évidente quant au fond, mais l’auteur a désigné les principales formes du Triticum vulgare par les termes de va- riétés et ensuite d £ sections. Il aurait mieux fait d’appeler ces for- mes, essentiellement héréditaires, des races et sous-races , car le mot section a un autre sens dans les livres de botanique. L’ouvrage important de Dochmal, sur les arbres fruitiers, tom- be encore plus dans cet écueil 1 . Les genres y sont divisés en tri- bus et les espèces en genres (!). Que dirait-on d’une armée dans laquelle des compagnies se diviseraient en régiments ou en ba- taillons? d’un pays où certaines communes se diviseraient elles-mêmes en provinces et en départements ? d’une ville où les rues s’appelleraient des quartiers ? Evidemment il y aurait progrès si les agriculteurs et horti- culteurs adoptaient les termes usités en botanique pour les prin- cipales subdivisions des espèces. Quant aux modifications extrê- 1 Ber sichere Fiihrer in d. Obsfkunde, 4 vol. in-8°. X liront) erg 1855 — 60. Voir 4, p. 201, 213, etc. 37 mes clés plantes cultivées, elles n’ont pas de limites. Dans beau- coup de cas elles sont tellement nombreuses, tellement légères, tellement incertaines quant à leur origine, et si souvent com- pliquées d’hybridité, qu’il est impossible de prétendre à une classification régulière et satisfaisante. Certaines espèces sont recherchées des amateurs pour des variations infinies de nuan- ces, de taches, de grandeurs de pétales, etc. Les formes dont on parle sont, pour ainsi dire, éphémères. Elles passent, ou d’ elles-mêmes, ou quand la mode changeant on les abandonne. Mettre de la régularité dans la nomenclature de ces mille et mille productions des jardins, serait aussi impossible que d’es- .sayer une classification des étoffes que les fabricants créent et dénomment chaque année. Les mots de semis et de sport. usités en horticulture, ont l’avantage, 1° d’être connus, 2° de désigner le fait important de l’origine, 3° de ne pas trop pré- ciser le degré de fixité et d’importance de modifications tou- jours peu importantes. On traduit aisément ces mots en latin, car salas et hmis, sont dans tous les dictionnaires. Le mot sport des anglais ( lusus ), peut parfaitement s’introduire en fran- çais et en allemand. Il est déjà plus ou moins connu et sa briè- veté le rend commode. Du reste, les sports et les semis deviennent quelquefois héré- ditaires et prennent alors le nom de race ou sous-race. Les sports et les semis peuvent se croiser, et les métis, qu’on propage par greffe, bouture, etc., paraissent comme des sports. Il résulte ainsi, de la diversité même des faits, une complication, pour ainsi dire inextricable, intéressante au point de vue physiologique, mais qui échappe aux méthodes régulières de classification. Tâ- chons d’obtenir que les grandes divisions des espèces cultivées soient assimilées à celles des espèces spontanées. Ce serait déjà beaucoup relativement à l’état actuel des choses, etil est proba- ble que les horticulteurs le sentent aussi nettement que les bo- tanistes. 15. A l’époque de Linné, quelques naturalistes d’un grand mé- rite ont blâmé, non sans raison, l’arbitraire avec lequel il chan- geait des noms de genre qui existaient. Aujourd’hui ces abus sont légitimés par cent ans d’usage. Il y a, comme disent les ju- risconsultes, prescription. Quant aux noms d’espèces, Linné les 38 ayant employés le premier, il a pour ceux qu’il a faits, le droit le plus légitime, celui de la priorité. Nous disons en botanique ; ainsi le même nom peut être em- ployé, selon nous, dans les deux règnes. Ceci est contraire à Tune des règles de Linné (PMI. bot. 230), mais il faut remonter pour cette question au principe fondamental (art. 3) de toute nomen- clature, qui est d’éviter les erreurs, les ambiguïtés, les confu- sions. Y a-t-il confusion possible quand un groupe de plantes est nommé comme un groupe d’animaux? Évidemment non. Si par hasard un genre de plantes recevait le nom de Psittacus, personne au monde ne prendrait les espèces pour des perro- quets. A toute rigueur il pourrait y avoir des équivoques dans certaines catégories obscures d’êtres qui ont été rejetées d’un règne à l’autre, comme les Oscillaires, les Diatomacées. Nous en concluons seulement que, dans ces classes douteuses, un naturaliste fait bien d’éviter des noms communs aux deux rè- gnes. 20. La désinence aies pour les cohortes, a été proposée en 1835 ‘par Lindley. Celle en ineœ, employée plus tard dans quel- ques ouvrages, a l’inconvénient d’être moins tranchée, d’être employée déjà pour plusieurs familles et d’avoir plutôt l’appa- rence d’un diminutif. A ce point de vue, elle est meilleure pour des sous-familles que pour des agglomérations de familles. La forme en aies est adoptée dans le Généra de MM. Bentham et Hooker fils. 22. La dérivation en acece est très-conforme au génie de la langue latine, mais celle en inece existait aussi pour des sens analogues, d’après ce que m’a expliqué un habile professeur de langues anciennes s , in, dans les radicaux latins étant employé dans le sens de ac. L’euphonie a décidé, tantôt pour une des formes, tantôt pour l’autre, et les botanistes ont imité. Les exceptions à ces deux désinences, pour quelques familles se justifient par un long usage, et quelquefois par l’usage et l’euphonie en même temps. Le principe général de changer les noms le moins possible s’applique ici. Enfin, dans les grandes 1 A key to botany. ï M. A. Cherbuliez. 39 familles, très-apparentes, anciennes, qui ont des noms d’une tout autre forme, la difficulté de choisir un des genres, parmi des centaines, pour en faire en quelque sorte le drapeau de la famille, est un obstacle réel. Pourquoi les Légumineuses s’ap- pelleraient-elles Fabacêes , plutôt que Trifoliacées, Astragala- cées, ou de cinquante autres manières? En pensant à plusieurs familles, un de leurs genres se présente souvent seul à l’esprit; mais quand on pense aux Légumineuses, une foule viennent aussitôt à la mémoire, et pas plus le Faba qu’un autre. L’ob- jection que certaines Légumineuses n’ont pas des légumes; que certaines Composées ont des fleurs isolées, n’est pas bien forte, en comparaison de l’ avantage de noms anciens et très- connus. La fixité des noms est un principe d’ordre supérieur (art. 3). 25. Il en est des noms de genres ou de sections comme de nos noms patronymiques. Certainement beaucoup de noms d’hom- mes sont incommodes ou même ridicules, parce qu’ils ont la forme d’adjectif, ayant un sens, ou qu’ils sont difficiles à pro- noncer, ou par telle autre cause, mais une fois qu’ils existent pourquoi les changer? La science n’a pas pour but de faire des noms. Elle se sert des noms pour distinguer les choses. Si un nom est différent des autres, le point essentiel est obtenu. On tire les noms génériques de certains caractères, de certai- nes apparences, de l’habitation principale, de noms d’hommes, de noms vulgaires et même de combinaisons de lettres tout à fait arbitraires. Il suffit qu’un nom n’entraîne pas de confusion ou d’erreur. Aussi longtemps qu’on n’a pas voulu remonter à ce principe très-général, on est tombé dans le défaut de fixer des règles admises par les uns, repoussées par les autres. Il a été fait quelquefois en l’honneur du même savant des noms de genres très-divers, quand les noms s’y prêtaient. On a fait Pittonia etTournefortia, pour Pitton deTournefort, Brownia et Brunonia pour Brown, etc. Ces noms nous semblent pou- voir rester, car ils ne peuvent se confondre dans les tables, ni dans le discours. Assurément si, depuis qu’on a fait Brownia, il avait paru un botaniste appelé Brunon , personne n’aurait critiqué un genre Brunonia, donc Brunonia est un nom de genre admissible. 40 28, 3° Rien de plus incommode, en synonymie, que d’avoir à ex- pliquer comment tel genre de tel auteur, n’est pas tel genre sous le même nom, du même auteur, à une autre époque. Si c’est dans la même famille la difficulté est encore plus grande, et il y a vraiment danger de confusion. 28, 4° En dédiant des genres à de grands personnages étran- gers à la botanique, même à des savants illustres qui ne se sont point occupés de sciences naturelles, on fiatte des personnes qui ne vous en savent souvent aucun gré, on n’encourage pas les jeunes botanistes, qui aiment une distinction réservée aux bota- nistes, et parfois on choque des susceptibilités nationales ou re- ligieuses, qui n’ont rien à voir dans la science. Ainsi l’idée de nommer le plus grand des arbres Wellingtonia a été une double faute. D’abord il existait un nom de genre, Séquoia, lequel a dù rester. En outre on a provoqué un troisième synonyme, non moins inutile, Washingtonia, à l’imitation duquel chaque nation se serait mise à forger un nom d’après son héros favori. 28, 6° On se trouve bien d’avoir plusieurs genres de fougères dont le nom est terminé en pteris , plusieurs de plantes fossiles en ites, plusieurs de la famille des Lauracées en daphne, etc. 29, 2° On a fait quelquefois des noms de section en ajoutant oides ou opsis au nom du genre lui-même. C’est un pléonasme un peu trop naïf, car une section rappelle nécessairement son genre et lui ressemble. Annuler des noms ainsi faits aurait pourtant plus d’inconvénient que d’avantage, car d’un côté on cite rare- ment les noms de section, et de l’autre en les changeant, on crée des synonymes de plus. 29, 3° Établir le même nom de section dans plusieurs genres n’a pas beaucoup d’inconvénient, surtout dans des familles dif- férentes, parce qu’on ne cite pas un nom de section sans dire le genre. Cependant il vaut mieux l’éviter. Cela gêne, si, plus tard, les sections sont converties en genres. 40. Le système que nous indiquons pour les plantes cultivées (art. 14 et 40) se résume à ceci : 1° Pour les principales modifications de l’espèce adopter les noms et les formes usitées dans les espèces spontanées, c’est-à- dire classer les sous-espèces, variétés, sous-variétés, d’après leur importance; dire, si possible, lesquelles sont habituellement 41 héréditaires (races, comparables à des sous-espèces), lesquelles le sont moins régulièrement (sous-races, variétés), lesquelles le sont rarement (sous-variétés) ; employer pour tous ces degrés et pour leurs métis, des adjectifs latins, comme dans les espèces ordinaires. 2° Pour les modifications inférieures, en nombre illimité (se- mis, métis du degré inférieur, sports), avoir des noms en lan- gues modernes, des noms tout différents du latin, comme les horticulteurs ont déjà T habitude d’en donner. Par le moyen de cette double combinaison les grandes modi- fications, qui intéressent b histoire naturelle générale, sont ratta- chées aux formes scientifiques, mais en même temps les modifi- cations si nombreuses et si minimes d’importance, obtenues dans les jardins, portent des noms qui les distinguent. On ne peut plus les confondre, dans les livres, avec des variétés ou des espèces botaniques. Cette précaution est nécessaire parce que les horticulteurs, pour abréger, sont conduits à supprimer les noms intermédiaires entre le nom de genre et le nom du semis ou du sport. Ils ne peuvent pas dire : Brassica oleracea, ace- pliala, vulgaris , viridis , cavalier , qui exprime complètement les rapports du chou-cavalier avec les autres espèces de Brassica ; ils diront Chou-cavalier. Si au lieu de cavalier, il y avait un nom tel que grandis, ils diraient infailliblement Brassica grandis , et cela paraîtrait comme une espèce spontanée. Évitons à l’avenir cette source d’équivoque. Il existe malheu- reusement des noms tels que Rhododendron papiïionaceum, Ca- mellia planipetcda, etc., qui ont l’air d’espèces et qui se glissent dans les livres de botanique. O 11 chercherait en vain dans la na- ture ou dans les herbiers, ce qu’ils représentent. Ces produits des jardins sont factices. Qu’on les traite comme tels, et qu’on ne s’expose plus à les confondre avec des végétaux spontanés. D’ailleurs au bout de quelques années, la mode change. Per- sonne ne se soucie alors de ces innombrables créations horti- coles d’une espèce, qui ont fait les délices des amateurs. Où sont les deux ou trois mille dahlias de tel ou tel catalogue d’il y a trente ans? La plupart n’existent plus; leurs noms sont oubliés. Il est fort heureux que la plupart aient été nommés d’après un 42 général ou une clame, dont alors on s’occupait, plutôt que par un nom latin qui serait resté dans les livres. 43. Les communications dans des séances publiques, si elles ne sont pas accompagnées de la publication d’un compte rendu, peuvent laisser du doute dans la mémoire des auditeurs. Les étiquettes des collections publiques et des jardins, peuvent être transposées ou enlevées d’un moment à l’autre. Dans tous ces exemples, le fait de la publication ne peut pas être constaté suffi- samment b 45. 46. Un nom d’espèce sans nom de genre, une combinai- son de noms générique et spécifique sans la moindre explication, ne sont rien. Ce sont des mots vides de sens. Ils ne prennent une valeur, que du jour ou quelqu’un leur donne un sens en les complétant. Peut-être, dira-t-on, il y a des phrases spécifi- ques tellement courtes, tellement mal faites, qu’elles ne signi- fient à peu près rien, et de cette manière on devrait ou regarder comme nulles toutes les publications trop incomplètes, ou ad- mettre à la fois et ces publications incomplètes et les noms purs et simples. Il y a cependant une différence entre ces deux cas. Le fait de l’absence de tout caractère ajouté au nom, est un fait défini, positif. L’insuffisance d’une description est quelque chose de vague, pouvant être contesté. Dailleurs un mot en ap- parence insignifiant, fait quelquefois deviner une espèce. 47, 1° Il serait très-utile de publier dans les journaux et dans les ouvrages de bibliographie, la date exacte de plusieurs livres et de planches sur lesquels on est trompé par les titres, ou l’on est dans le vague, à cause du défaut de titres datés. C’est surtout le cas des ouvrages par livraisons. Dans les herbiers bien organisés, on note sur les étiquettes des collections distribuées la date de réception, qui indique presque toujours celle de la distribution. 47, 3° Publier un nom que l’on ne peut adopter c’est jeter inu- tilement un synonyme dans la circulation, au moins dans les tables et les dictionnaires. Le Nomenclator de Steudel serait doublé s’il fallait y mettre tous les noms qui existent dans les jardins, les herbiers ouïes notes des voyageurs, même ceux qu’on Voyez Bentham, Address to thc* Linn. Soc. 1867. 43 reconnaît ne rien valoir. Les noms de eette nature, quand on les publie, sont des morts-nés. Pourquoi augmenter leur nombre, à moins d’exception, par exemple quand l’auteur exige qu’on les fasse connaître ? 48. Pendant longtemps l’ universalité des botanistes a cité, pour une combinaison de deux noms, générique et spécifique, l’auteur qui l’avait appliquée le premier à une espèce. Quelques zoologistes ont suivi une autre méthode recommandée, en 1842, par le comité de MM. Strikland, Owen, etc., à l’Association bri- tanique (Report § D), mais fortement combattue dès le premier moment par M. Agassiz ( Nomenclator , p. xxvi). Divers bota- nistes, MM. Fries, Fr. Schultz, Kirschleger, etc., ayant introduit la même méthode en botanique, ils ont rencontré aussi une vive opposition, et, par exemple, la commission du Bulletin de la Société botanique de France, a publié sur ce point une note mo- tivée, qui a fait sensation (Bull. 1860, p. 438). La nouvelle méthode proposée consiste à citer toujours pour une espèce, le nom de l’auteur qui l’a nommée et décrite le premier, indépendamment du nom de genre auquel cette es- pèce a été rapportée par les botanistes successifs. Parmi les adeptes de cette méthode, les uns se contentent de citer l’au- teur de l’espèce, sans aucune explication; d’autres, surtout les zoologistes, ajoutent au nom ($p.), pour dire que l’auteur a fait l’espèce seulement; d’autres enfin, plus consciencieux, ajoutent: sub tel genre. Ainsi Matlàola tristis (L. sub Cheirantho ), veut dire : l’espèce que Linné appelait Cheirantas tristis , et qu’un au- tre (on lit dans la synonymie que c’ est Brown), a appelée Matlàola tristis. Prenons la méthode sous cette dernière forme, la plus perfectionnée évidemment, et voyons comment elle a été dé- fendue et attaquée. Nous dirons ensuite notre opinion. Le Comité de l’Association britannique s’exprimait de la ma- nière suivante par l’organe de M. Strikland : « Il nous paraît que l’auteur qui a le premier décrit et nommé une espèce, formant la base de généralisations futures, a plus de droit à voir son nom rappelé que celui qui a défini plus tard un genre dans lequel se trouve cette espèce, ou qui, par une 1 Report of the Brit. assoc. for 1842, p. 120. 44 sorte de hasard, a été conduit à réunir le nom spécifique au nom générique. En donnant l’autorité pour le nom spécifique de pré- férence à tous les autres, le lecteur est conduit directement à la description originale, l’habitation, etc., de l’espèce, ainsi qu’à la date de sa découverte. » Ainsi le Muscicarpa crinita , L., rap- porté depuis au genre Tyrannus , doit être indiqué Tyrannies crinitus L. ( sp .), et, dit une note au bas de la page, Tyrannus crinitus (L.) serait peut-être préférable à cause de sa grande brièveté. M. Agassiz, dans la préface de son Nomenclator soologims (p. xxv) s’opposait fortement. Il loue d’abord Linné d’avoir dit: « Nomen specificum nilest nisi distinctio specierum sub suo genere. Nulla dari potest differentia specifica ubi nullum genus. » Cela montre bien, dit M. Agassiz, quelle importance Linné attachait à la réunion du nom spécifique et du nom générique. Si l’on veut, comme le désirent les savants anglais, ne faire tort à personne, il faut citer une nouvelle autorité pour une nouvelle combinaison de noms. Je ne crains pas de dire que Linné aurait récusé expressément l’ expression Tyrannus crinitus L. (sp.) Il avait mis cette espèce dans son genre Muscicarpa et il l’aurait maintenue dans ce genre aussi longtemps qu’il n’ aurait pas eu des doutes » « De cette méthode proposée par les savants anglais, dit encore M. Agassiz, il découlerait nécessairement l’idée que les travaux faits pour constituer les genres valent moins que ceux faits pour distinguer les espèces, ce qui n’avan- cerait pas la science. » ... « Mais il en résulterait aussi une chose excessivement incommode : on ne pourrait pas, sans des recher- ches fastidieuses, remonter aux sources. Comment, en effet, trouver dans les ouvrages de Linné, ce qu’il a dit du Muscicarpa crinita , à moins qu’on 11e dise sous quel genre Linné en a parlé 1 ? Et combien la synonymie sera inextricable s’il y a plus tard un Tyrannus crinitus (L.) sp. selon Swainson , et un Tyrannus cri- * Les partisans de la méthode répondraient peut-être qu’on publierait des tables de Linné par espèces. Ainsi au mot crinitus on trouverait toutes les pages des livres de zoologie et de botanique dans lesquelles Linné a fait une espèce portant le nom de crinitus, ce serait comme si dans un al- manach des adresses on classait les individus par leurs noms de baptême. — A notre avis on pourrait le faire, mais ce serait très-incommode. 45 nitus (L.) sp. selon un autre auteur , qui aura confondu une nou- velle espèce avec l’ancienne crinita. Il faudra donc alors dire : Tyrannus crinitus L. {sp.) Sivains , et Tyrannus crinitus L. (sp.) x. » Agassiz termine en suppliant les auteurs de la nou- velle méthode, au nom des intérêts de la science, qu’ils ont à cœur, comme lui, « ut propositum deserant, schisma novum in scientiam non introducant, systema vero Linnæi simplicissimum illud, et erroribus babylonicæque in nomenclatura confusioni omnium minime obnoxium, æquo animo répétant. » Passons maintenant des zoologistes aux botanistes, leur opi- nion ayant, pour nous, plus d’importance. M. Kirschleger, en 1852, dans l’avant-propos de sa Flore d’Al- sace, s’exprimait ainsi, après avoir mentionné les genres Ranun- culus et Batrachium : « Nous avons, par un procédé très-simple, rendu à chacun l’honneur qui lui est dû. A l’auteur du genre nouveau détaché d’un genre ancien, nous avons laissé le mérite (s’il y en a) d’a- voir élevé un ancien sous-genre au rang de genre, en y attachant son nom. Mais le nom spécifique, nous l’avons laissé suivre du nom de celui qui le créa ou l’appliqua le premier, et en ayant même soin d’intercaler ce nom d’auteur dans une parenthèse, par exemple Ceplialaria pilosa (L. sub Dipsaco). Nous savons bien que cela peut blesser l’amour-propre de certains auteurs, mais nous préférons ne pas blesser les sentiments de justice et de reconnaissance envers les anciens ? » En 1858, M. l’abbé Questier réclamait sur cette nouvelle mé- thode auprès de la Société botanique de France (Bull., vol. 5, p. 37). Il cite M. Billot comme ayant écrit : Mulgedium alpinum L. sp. 1117 ( sub : Sonchus ), Les s. syn. 142 , etc. « N’est-on pas tout d’abord étonné et choqué, dit M. Questier, de voir le genre Mulgedium attribué à Linné? Il est vrai que le correctif se trouve dans la parenthèse, mais la nomenclature jusqu’ici en usage nous apprenait la même chose plus clairement et avec moins de risque d’erreur. Si vous tenez à savoir, ce qui est tout naturel, à qui revient le Mulgedium alpinum vous devinerez peut-être, ou à force de recherches dans les livres, si vous les avez, vous par- viendrez à savoir que c’est au premier auteur cité après la pa- renthèse. Je suppose que, d’après les ouvrages où l’on suit le 46 nouveau système, on ait à faire une table, une liste, un catalo- gue, une flore locale, un synopsis, un compendium, qui laissent peu ou point de place au développement de la synonymie, n’est-il pas à craindre qu’on ne néglige la parenthèse et tout ce qui s’ensuit, et qu’on ne nous donne purement et simplement des Midgedium alpinum L., Asterothrix hispanica Wilid., etc. Que devient alors l’histoire de la botanique? N’est-elle pas altérée, faussée? Et à qui la faute? Aux novateurs qui ont introduit ou propagé ce système dangereux ? » M. Kirschleger reprend la plume en 1860, et dit dans le Bul- letin de la Société botanique (7, p. 437) : « Je crois à la nécessité de restituer une foule d’espèces à leurs véritables auteurs et propriétaires. On écrit : Cota altissinia Gay et non Linné. Quel mérite a dans ce cas M. Gay ? Il a fait le genre Cota (bon ou mauvais, n’importe). Eh bien, que les honneurs du genre lui restent intacts et glorieux. Mais quelle prétention peut-il avoir à l’épithète (Y altissinia? Elle appartient à Linné ou à Tournefort. C’est de Y espèce que je veux parler, et non du genre, et si j’é- cris : Cota Gay altissinia L. (sub Anthemide) j ’ ai contenté, à la fois, la justice et la gloire et le mérite de chacun. Vous direz : cette notation est un peu longue. Au besoin, abandonnez dans les catalogues le nom de l’auteur du nouveau genre, et mettez le nom de l’auteur de l’espèce entre parenthèse. » M. Kirschleger dit ensuite ironiquement : La notation orthodoxe a l’avantage immense de favoriser les autorités. » Il entend par là « les mihi, les nobis, ajoutés à d’anciens noms, la gloriole de mettre son nom dans les livres. » En réponse, la Commission du Bulletin de la Société botani- que ajoutait l’article suivant (7, p. 438): « La Commission ' croit devoir maintenir pleinement, dans les publications de la Société, la notation que M. Kirschleger ap- pelle orthodoxe (c’est-à-dire l’ancienne). Cette manière régulière d’indiquer le nom des auteurs de familles, genres, espèces ou variétés (consacrée par les deux plus importants ouvrages de la botanique systématique de ce siècle, le Prodromus de de Can- dolle et le Généra d’Endlicher), est à la fois la plus simple, la 1 Elle était composée de MM. Cosson, Duchartre et Prillieux. 47 plus brève et la plus claire. C’est là son grand avantage, son principal mérite. Tout autre système, si équitable qu’il paraisse envers le premier auteur de chaque groupe de formes végétales, aura toujours l’immense inconvénient de jeter, dans le dédale déjà si embrouillé de la synonymie, un nouvel élément de trou- ble, d’incertitude et de confusion. » « C’est d’ailleurs, ce nous semble, une erreur, ou au moins une exagération, que de considérer uniquement comme un hom- mage rendu au mérite et à la gloire de l’auteur cette sorte de si- gnature que l’usage place à la suite du nom de chaque groupe de formes végétales établi, restreint, étendu, subdivisé ou trans- posé. Le nom de l’auteur ainsi placé n’est pas seulement la re- connaissance d’un droit que cet auteur exerce, mais est aussi la constatation d’une responsabilité qu’il doit subir. La perfection de la méthode naturelle est (comme l’a dit Linné lui-même) le but suprême de la botanique descriptive. Or, toute innovation taxonomique (création, restriction, extension, subdivision, trans- position, de famille, de genre, d’espèce ou de variété est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise. Est-elle bonne, elle perfectionne la méthode en un point quelconque, et il est juste que son au- teur en soit honoré. Est-elle mauvaise, elle gâte la méthode en un point quelconque et son auteur doit en porter la peine. Dans l’un et l’autre cas, le nom d’auteur, régulièrement placé, indique pour chaque innovation la part de mérite comme la part de res- ponsabilité qui incombe à chacun : Rien de moins, rien de plus. » Enfin, nous citerons M. Boissier, qui dans la préface toute récente du premier volume de sa Flore orientalis 1 soutient le système nouveau. « Deux raisons, dit-il, m’ont conduit à ce mode de nomenclature déjà adopté par plusieurs auteurs, l’une de justice, l’autre d’utilité. Il y a, en effet, dans chaque plante deux sortes de caractères, les uns sont individuels, constituent en quelque sorte l’essence de l’espèce et permettent delà distin- guer des espèces voisines, ils restent toujours aussi immuables qu’elle-même, ce sont les caractères spécifiques. Puis viennent d’autres caractères collectifs, communs à plusieurs espèces, sou- vent basés sur des rapports réels entre les êtres organisés lors- Un vol. in-8, Genève, 1867. \ qu’il s’agit de genres appelés naturels, mais souvent aussi com- pris d’une manière très-différente et très-variable par les bota- nistes suivant leur tour d’esprit et l’importance relative qu’ils donnent à ces rapports, ce sont les caractères génériques. 11 m’a paru que pour le nom d’une espèce, les caractères spécifiques devaient primer les génériques, et qu’il est juste et logique d’at- tacher comme autorité au nom spécifique qui exprime les pre- miers et 11 e change pas, celui de l’auteur qui, le premier, a fait connaître la plante, plutôt que celui du botaniste qui a compris de telle ou telle manière ses affinités génériques. Ce mode sou- lage la mémoire en faisant faire un pas de plus à l’immutabilité des noms ; enfin il permet aux botanistes sérieux de remanier à leur grêla classification des espèces à un point de vue purement scientifique, sans risquer qu’on les confonde avec ces auteurs qui se laissent entraîner à des innovations intéressées où l’amour- propre a plus de part que la recherche de la vérité. » Après ces citations que nous avons données m extenso par es- prit d’impartialité, nous dirons notre opinion, qui a toujours été parfaitement arrêtée sur cette question. L’usage de citer un nom d’auteur à la suite des noms de plantes n’est pas venu, comme le pensent quelques personnes, du désir de rendre hommage ou d’exercer un acte de justice. Sans doute il ne faut pas être injuste, par exemple en attribuant à un auteur un nom qu’il n’a pas fait, une idée qu’il 11 ’a pas eue, mais le procédé de citer les noms d’auteur est avant tout une mesure d’ordre. Son but est : 1° de distinguer deux ou plusieurs genres, deux ou plusieurs espèces qui ont peut-être, malheureusement, reçu dans la science le même nom; 2° de faciliter la recherche d’un détail extrêmement important: la date de publication d’un nom ou d’une combinaison de noms, l’un générique et l’autre spécifique. Quand on veut rendre hommage à un botaniste, on lui dédie un genre. Quand on veut parler de ses mérites ou démérites au sujet d’une espèce ou d’un genre, on signale et on apprécie ses opinions, soit dans le texte d’une description, soit par quelque parenthèse dans la synonymie, mais la citation du nom à la suite du ou des noms relatifs à la plante n’exprime en soi ni mérite ni démérite. C’est la constatation d’un fait , savoir que tel au- 49 teur a le premier donné tel nom à un genre, ou qu’il a le pre- mier rapporté telle espèce à tel genre ; de la même manière on peut indiquer, à la suite, qu’un autre auteur a fait telle autre combinaison de noms spécifique et générique. Chaque auteur a eu raison ou tort ; ceci n’est pas la question. Avant tout on a be- soin de savoir quand un nom a été fait, ou quand une combinai- son de noms a été faite, pour n’en pas proposer de semblables. Or, pour arriver à la date, il faut connaître l’auteur. On aurait pu donner la date même, au lieu du nom d’auteur, mais ce serait moins sûr, parce que dans une même année deux personnes pourraient, par hasard, donner le même nom à deux genres diffé- rents ou à deux espèces différentes. On a donc adopté l’usage de citer le nom de l’auteur plutôt que la date, et ce nom n’exprime en lui-même qu’un fait. Mais, dira-t-on, il y a souvent deux faits à constater: l’espèce a été rapportée cl’abord à un genre, ensuite à un autre. Dans ce cas il est, à notre avis, plus clair de dire les choses successive- ment : l’auteur A a fait telle combinaison de noms ; l’auteur B a fait telle autre. En général, si l’on veut être bien compris, cha- que idée doit être exprimée dans une phrase, ou au moins dans un membre de phrase distinct. Quand on veut exprimer deux choses clairement, on les sépare. Linné a fait une espèce appelée Chei- ranthus tristis, et Brown a fait ensuite le Mathiola tristis. Pour l’exprimer il est plus clair de dire: CheirantJms tristis L ., et ensuite, à la ligne, ou après un point, Mathiola tristis Br ., que de dire, par voie de condensation, Mathiola tristis (L. sub Chm- rantho). Avec ce style tout contracté: « Brevis esse laboro obscurus fio. » Dans l’exemple ci-dessus, on a voulu tout dire en peu de mots, et l’on a sauté un fait très-important, celui que Brown a créé la combinaison Mathiola tristis, par où vous pouvez remonter à la date et aux motifs de la création du genre Mathiola, ainsi qu’à la date et aux motifs qu’avait Brown pour rapporter l’espèce à son nouveau genre Mathiola. L’expression L . sub Cheirantho esta double et même triple sens. Elle comporte ouïe sens qu’on propose de lui donner, ou elle signifie que Linné, dans quelque note sous le genre Cheiranthus aurait parlé du genre Mathiola , 4 50 ou encore qu’il aurait mentionné une espèce appelée par lui Ma- thiola tristis. Les partisans de la méthode proposée demandent qu’on soit juste, mais, à notre avis, ils se trompent dans l’application de ce principe excellent. Rien n’est moins juste que d’attribuer à Linné, par exemple, une combinaison de noms qu’il n’a pas faite, dont il n’avait pas l’idée, qu’il aurait peut-être blâmée s’il l’avait connue. On dira que l’expression Mathiola tristis (L. sub Cheirantho) n’attribue pas la combinaison des noms à Linné. Cela est vrai quand on connaît bien le sens de la parenthèse et qu’on la copie ou qu’on l’énonce textuellement, mais il y a les ellipses, les abréviations presque forcées, dont parlait ci-dessus M. l’abbé Questier. Comme on ne peut pas mettre les parenthèses entières dans les tables, qu’on ne peut pas non plus s’en servir dans la conversa- tion ou dans le texte des discussions sur les espèces, on les omet. La preuve en est que dans la table de la Flora orientalis de M. Boissier, on trouve : Mathiola tristis , L. — Gypsophüa ace- rosa Boiss. — Tunica proliféra L., etc. Or, jamais Linné n’a fait un Mathiola tristis, ni un Tunica proliféra ; M. Boissier n’a pas fait non plus un Gypsophila acerosa. Ce sont autant d’in- exactitudes, qui peuvent être des injustices, car nous ne savons pas si Linné aurait approuvé qu’on fît les genres Mathiola et Tunica, ou si ces genres étant reconnus bons par lui, il leur eut rapporté les dites espèces. Si l’on tient avant tout à être juste, il faudrait bien autre chose que ce qu’on propose. B faudrait chercher quel est l’auteur qui a, le premier, non pas nommé un genre ou une espèce, ni rapporté une espèce à un genre, il faudrait chercher celui qui a donné la meilleure description du genre ou de l’espèce, qui en a le mieux fait comprendre les affinités, etc. Quand un botaniste crée un genre bien naturel, sur des caractères méconnus jusqu’alors, c’est à lui qu’il faudrait attribuer toutes les espèces qu’on adjoint plus tard à ce genre, car il a été la cause intelligente de ce qui s’est fait après lui. Il est plus important de savoir exactement le nom du genre que celui de l’espèce. Dites à un élève qu’une plante se nomme grata, qu’est-ce que cela lui apprend? rien. Dites- lui qu’elle est du genre Clematis, ce sera beaucoup, car il pourra 51 chercher l’espèce dans les livres et il sait déjà peut-être à quelle famille appartient le genre. Rapporter une variété à une espèce a quelquefois plus de mérite que n’en avait la description de la variété par le premier qui en a parlé. S’il est question de mé- rite, il faut le chercher partout et dans chaque cas. Une fois le mérite principal reconnu, on citerait le nom de l’auteur, fallut-il remonter à Théophraste ; et quand un autre aurait rendu de plus grands services, on débaptiserait le genre ou l’espèce pour lui donner un autre titulaire. Recherches interminables, contestables, inexécutables, à moins qu’on ne soit occupé à faire des travaux tout spéciaux sur l’histoire de la science! Les par- tisans de la nouvelle méthode doivent répugner profondément à citer le premier auteur d’une espèce quand il l’a mal comprise, mal décrite, ce qui arrive assez souvent. Le fait est que ni la nou- velle méthode ni l’ancienne ne se prêtent à rendre une justice suffisante par le moyen des citations d’auteurs. Mais l’ancienne méthode au moins est exacte : elle donne avec précision ce qu’on veut avoir par la citation des noms d’auteurs. A cause de cela nous la préférons. On dira que la méthode ordinaire encourage les amateurs de gloriole, ceux qui se plaisent à voir leur nom imprimé. C’est un bien petit côté de la question. Disons seulement que les amateurs de gloriole, d après leur caractère même, doivent un peu crain- dre le ridicule; or, faire des noms qui tombent aussitôt dans le bas-fond des synonymes, se faire appeler parmi les botanistes sérieux un faiseur , voilà qui est passablement ridicule et qui doit influer sur les amours-propres un peu plus que tel ou tel procédé de nomenclature. Encore un mot d’un argument avancé par le dernier des auteurs que nous avons cités. Il est regrettable que les genres ne soient pas tous évidents et que, faute de les avoir discernés d’entrée, on doive souvent hésiter, créer ou renverser tel ou tel genre, porter des es- pèces de l’un à l’autre, etc. Mais les espèces, de leur côté, sont-elles invmuables? Pas le moins du monde. On les comprend diversement; on les coupe, on les réunit, etc., comme les genres, plus peut-être que les geures. Leurs caractères ne sont pas fixes. Us doivent être changés quand on transporte une espèce dans 52 un autre genre, car alors elle doit être comparée avec d’au- tres espèces. De ces deux choses, l’espèce et le genre, malheu- reusement peu déterminées, le genre est pourtant le pivot le moifîs mobile, parce qu’il est basé sur des caractères plus appa- rents, plus importants, moins variables, parce que le nombre des genres est moins considérable que celui des espèces, et qu’on approche davantage de connaître tous ceux qui existent : nous entendons ici tous les genres naturels, car nous n’en admettons pas d’autres. 49. Il n’est pas complètement exact de dire qu’un genre est de tel auteur, qu’une espèce est de tel auteur, lorsqu’on change le sens attribué au groupe par l’auteur en question. C’est pour cela que Robert Brown, et après lui divers auteurs et tout ré- cemment le D 1 ' Millier, d’Argovie ’, ont considéré comme faits par eux des groupes dont le nom était ancien, par exemple de Linné, mais dont ils modifiaient sensiblement les caractères ou la composition. Ainsi R. Brown (Prodr. fl. Novæ Holl., p. 494) donne un genre Myosotis , sans nom d’auteur (ce qui signifie dans l’ouvrage que le genre est de lui, voir p. 495 ExarrJiena , et ailleurs), puis il ajoute, comme synonyme, Myosotidis speci es. L. Il fait de même un genre Cynoglossimi (p. 495), qui a pour synonyme Cynoglossi sp ., L. Il attribue Convolvulus à Jacqum (p. 482), avec le synonyme Convolmûi species , L., parce qu’il entend le genre comme Jacquin l’avait modifié. De la même manière De Candolle (Prodr., III, p. 121) attribue son genre j Uhexia à Brown, parce qu’il l’entend comme Brown, et il donne pour synonyme lihexire sp ., L. Il dit aussi Crassula Haw . (voir Prodr., III, p. 383), et donne pour synonyme Crassidce sp., L. Dunal, dans le Prodromus, met Solarium Sendtn. Je pourrais multiplier ces exemples. Le procédé, il faut en convenir, est d’une exactitude rigou- reuse. Le genre Myosotis de Brown n’est pas précisément celui de Linné. Peut-être Linné n’aurait pas voulu l’entendre à la ma- nière de Brown, par conséquent il n’est ni exact ni bien conve- nable de le lui attribuer. D’un autre côté, ce système a le très- grand inconvénient de reconnaître une foule de genres sous le 1 Dans les Eupliorbiacées du Prodromus. XY, sectio 2. 53 même nom, lorsqu’ils; diffèrent à peine. Ces genres viennent encombrer la synonymie et plus particulièrement les tables. Au bout de cinquante ans ou d’un siècle, on ne pourrait plus se reconnaître au milieu des noms, car il y aurait dans les Borra- ginées par exemple, autant de genres Myosotis ou Cynoglossum que d’auteurs ayant défini ces genres un peu diversement. De même pour les espèces. Chaque auteur qui aurait défini une espèce autrement, de manière à exclure ou inclure une lonne de plus ou de moins, serait censé avoir détruit l’ancienne espèce et en avoir créé une autre sous le même nom. Au bout de quel- ques années, l’indication des auteurs ne signifierait, pour ainsi dire, plus rien, et les ouvrages tels que ceux de Steudel seraient tellement remplis de noms semblables, qu’on ne s’y reconnaî- trait plus. Il convient donc de ne pas prétendre à une exactitude aussi absolue. Mieux vaut profiter d’un moyen simple, souvent employé, qui existe, pour obtenir la plus grande partie de la pré- cision à laquelle on vise. Ce moyen est d’ajouter au nom de Fauteur qui a fait le genre ou l’espèce quelque chose indiquant une restriction, une addition ou une modification apportée au sens primitif. Les. mots pro parte , reformatas characteribus , ex- clusis specïbus , exclusa varietate , etc., peuvent être mis sous forme abrégée, et suffisent très-bien pour avertir du change- ment. Ils n’exposent pas à affirmer qu’un groupe est de tel au- teur quand ce n’est pas rigoureusement exact. Après tout, le nom est ce qui importe le plus, à cause de la validité de ce nom qu’il faut justifier par la date. On changera tout ce qu’on vou- dra, par exemple, dans le genre Xerotes , Br. ; mais il y a une chose certaine et immuable, c’est que Brown a fait, en 1810, un genre sous ce nom. Ace point de vue, qui est le principal, Brown devra toujours être cité pour Xerotes. 50. La publication d’un nom est le fait essentiel, car c’est celui qui empêche de changer le nom, à moins de motifs graves. Celui qui publie a fait l’acte principal. Le voyageur qui a re- cueilli la plante, qui lui a peut-être donné un nom provisoire dans son herbier, mérite sans doute la reconnaissance des bota- nistes. Il a parfois plus de titres à cette reconnaissance que l’éditeur du nom; aussi est-il très-convenable de le citer à l’oc- casion de la patrie ou de l’herbier, mais ce n’est, pas lui qui a 4 * 54 rendu le nom public à une certaine date. Si on l’avait consulté alors, il aurait peut-être publié sous un autre nom. Du reste, la conséquence de l’article n’est pas aussi grande qu’il semble, attendu que beaucoup de voyageurs ou collecteurs publient leurs noms, en distribuant leurs plantes (art. 42). Spruce, Kotsehy, Wallich et une foule d’autres ont publié leurs noms, au moyen d’étiquettes ou de catalogues, et doivent donc être cités. D’autres n’ont pas mis des noms, ou n’ont pas dis- tribué leurs plantes ; alors on ne peut citer que les auteurs qui ont publié. Il est exact, par exemple, de citer Spruce pour une espèce nommée et publié par lui, décrite ensuite par Bentham, et de citer Bentham pour une plante de Hartweg distribuée par lui, sans nom, sous un numéro, mais nommée plus tard par Bentham. Agir autrement serait inexact, et pour d’anciens voyageurs ce serait peu équitable. Commerson, par exemple, a laissé des noms de plantes dans les herbiers, sans les publier. Ceux qui les publient maintenant, ne peuvent pas, en cons- cience, les attribuer à Commerson, puisque la botanique ayant changé beaucoup depuis l’époque de ce zélé collecteur, il n’au- rait pas nommé ses plantes à présent comme il les nommait autrefois, et que peut-être, lui-même, après avoir mis un nom sur une étiquette en avait reconnu la fausseté. 51. C’est une erreur assez commune, mais regrettable, de citer comme auteur d’un nom de section celui qui avait fait le nom à titre de genre, ou vice-versa, ou encore de citer comme auteur d’une espèce celui qui avait nommé une variété qu’on élève au rang d’espèce. Par cette négligence on représente mal l’opinion de l’auteur primitif, et on trompe le lecteur sur la date du nom de section ou de genre, ou des noms collectifs d’espèce ou de variété. 52. La règle énoncée était suivie par Linné, de Jussieu, de Candolle, Encllicher, et tous les botanistes jusqu’à ces dernières années. Depuis quelque temps, il y a des botanistes qui se sont mis à abréger en supprimant les voyelles, même dans la première syllabe, et il en résulte : 1° que beaucoup de ces abréviations sont inintelligibles ; 2° que si l’on veut chercher le nom dans une liste alphabétique des auteurs ou dans l’ouvrage classique de Pritzel, qui contient tous les botanistes antérieurs à 1841, on 55 est obligé de lire tous les noms commençant par la première lettre indiquée, qu’il faut hésiter entre plusieurs d’entre eux, et que souvent on ne parvient pas à découvrir le véritable. Voici, par exemple, quelques abréviations tirées d’ouvrages récents ' : Htzsch. H. Bn. Brm. Brghtw. Bvn. Btt. HK. Hsch. |png; Devine qui pourra! Nous sommes parvenus à comprendre que, dans certains ou- vrages, Ôrd. veut dire Ôrsted ; que Bth veut dire Bentham, plu- tôt que Booth; que Sz veut dire Schultz, plutôt que Steetz ou Szowitz; mais un jeune botaniste ne peut pas deviner. Si du moins la dernière lettre du nom était mise en exposant, comme Ôr d , on comprendrait mieux; mais entre r et d, dans Ôrd., on peut chercher une quantité de voyelles ou de diphton- gues, et l’on peut croire qu’après le d il y a encore des voyelles. Ce qui rend ce mode d’abréviation très-obscur, c’est le grand nombre des voyelles ou diphtongues employées dans les diverses langues. Nous n’avons pas à chercher seulement parmi les noms latins ou de langues latines, mais aussi dans les noms allemands, danois, hongrois, bohèmes, russes, etc., qui ont des lettres et des combinaisons de voyelles différentes. Si l’on écrit Hook. pour Hooker, le premier commençant venu comprendra; on trouvera facilement le sens d’après Pritzel, car il y a peu de botanistes dont le nom commence par ces quatre lettres. Mais qu’un no- vateur s’avise d’écrire Hkr, on pourra croire que le nom com- mence par les combinaisons suivantes en laissant même de côté quelques combinaisons peu probables : Ha, Hæ, Ha, He, Hi, Ho, Hô, Hœ, Hu, Hü, Hy, Haa, Hae, Hai, Hao, Hau, Hea, Hee, Hei, Heo, Heu, Hey, Hii, Hia, Hie, Hiæ, Hio, Hiœ, Hiu, Hoo, Hoa, Hoe, Hoi, Hou, Hoy, Hua, Huæ, Hue, Hui, Huu, Huy, Hya, Hyæ, Hye, Hyo, Hyô, Hyu (total 47). Entre le ~k et IV 1 Nous pourrions dire quels ouvrages et à quelles pages, mais par égard pour les auteurs nous nous contentons de citer ces espèces de hiérogly- phes. 56 on peut hésiter entre les mêmes voyelles; enfin après IV, il pourrait y avoir encore 47 espèces de voyelles ou diphtongues, mais s’il n’y a pas de point après IV on pensera que le nom finit à r. 47 x 47 = 2,209. Il peut donc y avoir 2,209 noms, au moins, cachés sous l’abréviation Hkr — Le procédé de citer complètement la première syllabe et le commencement de la seconde est décidément plus clair, sans être sensiblement plus long. C’est toujours une faute dans une abréviation de ne pas mettre un point quand il y a des lettres omises; de mettre, par exemple, RBr., pour Robert Brown; HBK., pour Humboldt, Bonpland, Kunth. Quelques abréviations défectueuses se sont introduites dans les livres , et sont devenues si fréquentes que tout le monde, pour ainsi dire, les connaît, et qu’il serait ou difficile ou au moins inutile d’y renoncer. Par exemple, le nom que je porte aurait dû être abrégé ou DeC., ou D.C., ou plus régulièrement Cand., au lieu de DC. qui a prévalu. Si quelqu’un s’avisait d’a- bréger Du Petit-Thouars par DP., personne ne comprendrait. Dans les règles d’abréviation, comme pour d’autres, on est obligé d’admettre des exceptions, pour être plus clair ou éviter certains inconvénients qui se présenteraient. Ainsi on a l’habi- tude d’abréger le mot Saint par S 1 , Sanctus par S us ; par consé- quent, il est naturel d’abréger le nom de Saint-Hilaire par S 1 Hil. Quand un nom a été abrégé des milliers de fois d’une manière exceptionnelle, il faut bien que les commençants le sachent. Prendre un mode correct ne détruirait pas ce qui existe, et le même auteur aurait une double désignation, ce qu’il convient d’éviter. Il y a aussi des combinaisons rares de lettres qui ren- draient une abrévation incommode et presque nulle si l’on sui- vait exactement la règle. Par exemple, le nom Decaisne ne serait pas désigné suffisamment par Dec., et il l’est très-clairement si l’on écrit Dcsne, surtout si dans la série des synonymes on ne met pas un point après Ye final. C’est, en effet, une cause d’obscurité très-fréquente dans les livres, que la faute typographique de mettre un point après la lettre finale d’un nom, quand le point n’est pas forcé par une terminaison de phrase ou une suppres- sion de lettres. Les compositeurs d’imprimerie ignorent presque 57 toujours que Re, Blume, Don, Ker, Blytt et autres ne sont pas des noms abrégés, que dans Michx Ta; est la lettre finale, et que, par conséquent, ces noms ne doivent pas avoir à la fin un point qui signifie une coupure, une abréviation. On a proposé quelquefois des règles précises pour le cas d’a- bréviations qui seraient identiques en se bornant à la forme ordi- naire, par exemple pour deux botanistes de la même famille, ou ayant le même nom, ou des noms qui commencent de même. Il n’y a pas d’inconvénient à laisser chaque auteur faire ce qui lui paraît le mieux, dans chaque cas particulier. Qu’on abrège Gært- ner fils par Gærtn. f. et de Jussieu fils par Adr. Juss., c’est bien indifférent, les deux abréviations étant très-claires. Si pour distinguer Michaux de Micheli, on met Michx ou mieux Mich x ; si pour éviter l’incertitude qui résulterait de l’abondance des noms commençant par Reich, on abrège Reichenbach par Reichb.; si pour ne pas confondre Marschall von Bieberstein avec d’au- tres Marschall, on l’indique par M. Bieb. ou même Bieb., il y a quelques avantages de clarté, et la règle principale n’en est pas moins bonne. 54. D’après Linné, le nom du genre divisé doit rester à l’es- pèce la plus commune et à celle qui est officinale (vulgatis- simæ et officinali), expression équivoque s’il y a une espèce très- commune et une autre officinale. Les auteurs subséquents disent, en général, qu’il faut laisser le nom aux espèces le plus ancien- nement connues, à celles formant le type ancien, etc., mais il est impossible de ne pas tenir compte du nombre relatif des espè- ces. Le Convolvulus sepiiim et Y Erica vulgaris étaient des es- pèces bien communes, bien anciennement nommées, lorsque Brown a fait de l’une son genre Calystegia, et De Candolle, de l’autre, son genre Calhma. Ils ont pourtant mieux fait que de changer le nom d’une centaine de Convolvulus et de 200 Erica. 59. Un auteur qui regrette d’avoir publié un nom peut-il le changer? Oui, mais seulement dans les cas où le nom peut être changé par tout botaniste. En effet la publication est un fait que l’auteur ne peut pas annuler. Voir aussi le commentaire sur l’art. 25. 60, 1° Voyez le commentaire sur l’art. 15. 60, 3° s’entend de noms d’une fausseté flagrante, complète, 58 impossible à tourner au moyen cle quelque interprétation, par- exemple une espèce appelée annua qui serait vivace, une espèce portant le nom d’un pays où elle ne croit pas, un genre dont le nom exprime un caractère faux dans toutes ou presque toutes les espèces, surtout un caractère opposé à ceux qui distinguent le genre des genres voisins. — Du reste, l’inconvénient de chan- ger des noms est si évident qu’on recule le plus possible devant l’application de cette règle. Ainsi le Plantago major n’est pas le plus grand de tous, mais il est plus grand que tel autre, cela suffit; le Circæa lutetiana croit dans une grande partie de l’Eu- rope, mais se trouve autour de Paris, cela suffit ; les Crysantlie- mum n’ont pas tous la fleur jaune, mais presque tous l’ont, cela suffit; beaucoup d’espèces des Andes ou de l’Himalaya ont été appelées alpina, mais le mot Alpes a été pris, mal à propos, dans le sens de hautes montagnes, donc alpina peut passer, etc, 60, 4° On n’est guère autorisé à détruire les noms de section formés d’un nom d’homme avec eu , oides ou opsis, quoique les noms d’hommes soient latinisés et non grécisés. Ils ne sont pas d’origine latine, cela doit suffire, car il faut éviter de changer les noms ; seulement un botaniste attentif évite de faire ces noms bizarres. 66. Changer les premières lettres, surtout la première lettre d’un nom, a beaucoup d’inconvénients, à cause des tables, cata- logues et dictionnaires arrangés par ordre alphabétique. Il est très-incommode, par exemple, que plusieurs noms génériques commençant par E aient été changés en Re. à cause d’un ac- cent rude en grec. Ces noms doivent être cherchés en deux en- droits dans toutes les tables. Les accents grecs variaient suivant les dialectes; on ne voit pas pourquoi les botanistes seraient tenus d’être plus rigoureux que les Grecs. — Changer des noms très- connus sous une certaine orthographe, a aussi de l’inconvénient. Lors du congrès botanique de 1866, à Londres, il fut proposé de modifier le nom Cinchona, par le motif que le genre était dédié à la comtesse Chinchon, mais la majorité des botanistes présents fut d’avis que l’usage maintenant établi devait prévaloir. Gun- clelia est bien éloigné de Gundelsheimer ; mais puisque les an- ciens botanistes se sont permis cette licence et qu’elle a été consacrée par cent ans d’un usage habituel, pourquoi changer? 59 Les puristes n’ont qu’à oublier Gfundelsheimer et à prendre le nom Gfundelia pour arbitraire. Dans ces sortes de questions, il faut se rappeler : 1° que la fixité des noms est d’un intérêt ma- jeur; 2° qu’un botaniste a le droit de construire un nom générique d’une manière quelconque, par exemple sous une forme qui se rapproche d’un nom d’homme. Les noms vulgaires, surtout dans les langues barbares, sont fréquemment incertains, et la manière de les écrire est souvent douteuse. Une fois qu’on en a fait un nom scientifique, il serait trop aisé de changer si l’on veut prétendre à une exactitude ri- goureuse. Coffea , par exemple, deviendrait Covea , Cavea , Ccm- fea, etc., selon l’idée de chacun sur l’orthographe du nom arabe. Assez souvent la même propriété existe dans plusieurs espèces voisines et leur fait donner le même nom par des peu- plades différentes. Un botaniste attribue le nom à une des es- pèces ; peu importe, sans quoi l’on contesterait et changerait continuellement. 67. Il est à désirer que l’usage du latin se conserve en bota- nique pour les descriptions, et plus encore pour les noms. Ceux- ci, comme nos noms propres, doivent servir dans toutes les lan- gues. Sans doute quelques noms de plantes cultivées ou très- connues passent dans le langage plus couramment que des noms botaniques, et ce serait ridicule, par exemple, de dire toujours dans un texte français, Quercus au lieu de chêne. Hormis ces cas, rien de plus commode que les noms latins, employés tels quels, ou légèrement modifiés. Le public les adopte vite, même quand ils sont bizarres. C’est affaire d’habitude. Personne n’ob- jecte à des noms tels que Fuchsia, Rhododendron, etc., devenus communs à tous les peuples. Il existe dans chaque langue des noms de plantes dont le sens n’est pas bien précis ou dont l’emploi est si rare que la plupart des habitants du pays les ignorent. Mieux vaut ne pas s’en servir dans les livres et habituer le public aux noms de la langue uni- verselle. 68. A plus forte raison faut-il proscrire une fabrication de noms dits vulgaires, totalement différents des noms latins. Le public auquel on s’adresse n’y trouve aucun avantage, car ce sont des nouveautés pour lui. L’ouvrage de Lindley, intitulé 60 Vegetable Kingdom, aurait été plus goûté des Anglais si l’au- teur ne l’avait pas criblé de noms anglais nouveaux, qui n’exis- tent dans aucun dictionnaire, et qui ne dispensent pas d’ap- prendre de quels noms latins ils sont synonymes. Pour compren- dre combien la multiplicité des noms vulgaires est nuisible, il faut se représenter ce que deviendrait la géographie, ou, par exemple, l’administration des postes, si chaque ville avait un nom absolument différent dans chaque langue. y £7 k ** i y * & V V. ■ ' ; \/ > • ' ,v v • • « ■TJ- ■ - : j. ; -• - ^ ■ -