LAN e AU VURARAN EVENE MERE MAUNEUE CARAMNTLAAMANIUER » ANA NA TA EAN ANOMRCNEEENUEMONNE LATE AU Ver DE RDA DCR DOTE AN LENOIR CEA DEC 4 4x WC Un 4 avt M iv \ DEN A UE A : et, Ut 0 1 LANCE : . CR A NA AU Us et L CRC MAD AE LENAN À EAP UNOE LT FOOD DOCS AA 4% ot vunzt (IAA V4! var v ve 5 eo tx A LA à + d AMOUE OPA EN INA HOUSE ARE LECTURE ANA \ RUPTURE AE LANGE De DA AE OS Dr | OU) CA LATE DECO EE De PC EN 4 (CAC Ut 44 ONCE . LA A) 144 ALL AMAUE AA E | 4 2 LUE 4% Ce \ U + CRC ALIAS PUPL YU UN eo LEUR À ù AURA LEA LU, RAA v 127 (4) \ + # VALINEUES ESA A7 t AAA MEN A 4% ù ?, ce Lt : A CRARDON-LA- Rocnérer, C l he tant pour Paris que pour es RU Re Fame de 1%, Prairiakan VL ÉIQ dus Le prix de ce. 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On y rend convte des expériences nouvelles. On y donne un précis de que les séances des sociétés littéraires ont offert de: | plus intéressant ; une description de ce que les dépôts d'objets d'arts et des sciences renferment de plus Curieux, On y trouve 1 notices sur ts vie et les ouvrages des Savans, des Littérateurs et des Artistes distingués dont üh regrette la peñte ; enfin , les uouvelles litté- raires de toute espèce. , Ce Journal est composé de six RTE in -8°, par an ,.de 600 pages chacun, Il paroît le premier de chaque mois. La livraison est divisée en deux nu- MÉTOS de chacun 9 feuilles, … On s'adresse, pour Pabonnement à Paris, au à Béreah du Magasin Encyclopédique , chez le C. Fucas , Li- braire, rue des Mathurins , hôtel Cluny. A Amsterdam , chez la veuve Changuion et d'Eengst ; ‘ét chez Van-Gulik 7 . À Bruxelles , chez Lemaire. Me A-Florence , chez Molimi. SAS À Franefort-sur-le-Mein , chez Fleischer. " A Genève , chez Manget ef Paschoud,. Res À Hambourg , chez Hoffmann, A À Leipsic, chez Wolf. ee Re À Leyde, chez les frères. Murray. | ? A Londres ; chez de Boffe, et Gerard Streets , 504 - À Strasbourg , chez Levrault. + ee A Vienne , c ez Degéhs rm “À WVesel, ? chez Geisler ; Dites dot Postes. pl faut affranchir les lettres, a ü D 2: ROME CAN Ps Pr NRA MAGASIN ENCYCLOPEDIQUE. IV. ANNÉE. TOME PREMIER, MAGASIN ÉNWNCYOCLOPEDIQUE, QU JOURNAL DES SCIENCES, DES LETTRES £r DES ARTS, RÉDIGÉ MA Abe MEL LIN, ConNserp ATEUR du Muséum des Antiques à La Bibliothèque nationale, Professeur d Histoire ei d’' Antiquités ; des Sociétés d'Histoire natu- relle et philomathique de Paris, d’ Emulation deRouen et d’ Abbeville; de l’Académie des Cu- rieux de la Nature à Erlang ; de l’Académie de Dublin, de la Soctété Linnéene de Londres, de celles de Médecine de Bruxelles, des Scien- ces physiques de Zurich , d'Histoire naturelle dIena-. \ TOME PREMIER. 7) F € A Pa R Liutiih, Chez Fucus, Libraire, rue des Mathurins, maison de Cluny, n°. 334. AN VI.— 1798. AA ro ! ü e + der PE FRE Va eh, Qi mate ry FRS Hoi Séririewme un. pe ces # ) AU 1 F5 5 Re + l - + mit fi _ ut = ’ AA, &e Ÿ L'AEA PC À | : es Fr A S AS 204 “ cs U f dr" 4 LS TA pig + D” y: at re # #1 a: EME SG CURE EL de, à 1: LS t " ; À Ce “ rs £ DAT : y: : A? +: de NO CO NRA *: e ' d © à } cp LIVES EU TN . ’ ‘ t s ‘ = PS. i RE e 4 F] 6 Le y 11” { - ot s « « DES, 2 ; F4 La . l +4 Tr 44 Q eu ( * Eye v A LE 1 WA t'a NAT * : 10°) .54 ANR ñ FN VEN YE 1" 2 " , & = RE -" L = 1; * Fra, Eee ta" A PIERRE LATREILLE, PROFOND ENTOMOLOGISTE, SA TOYEN A ESSSP:E C:T AD LA. SAVANT MODESTE, AMI PRE CELE LD X. COM M AGE DE MON ESTIME POUR SES TALENS, DE MON ATTACHEMENT POUR SA PERSONNE. ; s EU. #4 4 fee "à Fi MR ; " % ; à AE : F1 LL. TEA . Sat ou DAS po ‘re | LAMY O A /AUOS THAMEMOLTTA NOM À EIMVOSHAT LE AUOT TATME M usé ‘ 1 s* } à à LE AE | EAN RCA R SARA SOUS ) ï LR ‘ME N : , ; 4e { > . . sr 1 ; k | A + É : LA d - Ta 4 + + HR ET h .- N .* “ : + À MAC ASIN NCYCLOPÉDIQUE. ms cn sers ARTS CHYMIQUES. More de fabriquer une corne artificielle, com- muniqué à l’Institut national , par Le citoyen Rocaox. Lx défaut de cornes, pour en faire les fanaux des vaisseaux , a porté le citoyen Rochon à imaginer le moyen suivant , qui donne une substance peut-être supérieure à la curne , par la grandeur des pièces que l’on peut faire, et par son incombustibilité. On plonge des pièces plus où moïns grandes et bien tendues, de gazes métalliques, formées de fils de lai- tôn, dans une décoction de colle de poisson qui en remplit toutesles maïllés , et qui s’y coagule par le réfroidissement, On les y replonge autant de fois qu’il lé fut pour doùner à la lame de colle lépaisseur nécessäiré , puis on la vernit pour empêcher l’ac- tion dé lPhumidité, La transparence des James que lon obtient par te protédé, égale celle de Ia plus belle corne ; et on n’en émploïe presque plus d’äutres dans nos arsenaux maritimes. On peut suüppléer à la colle de poisson du commerce, par des décoctions de toutes les membranes du corps des poissons, 8 | Arts chymigues. . Manière de fabriquer les alcarrazas , décrite à la Société Philomatique , par le citoyen LASTÉRIE. OX appelle ainsi en Espagne, des vases de terre irès-poreux , destinés a faire rafraïchir l’eau que Pen veut boire, au moyen de l’évaporation continuelle qui a lieu sur toute la surface, Tous les ménages de Madrid ont de ces vases, qui portent les diffé- rens noms de jarras, botisas et cantaros , selon leur grandeur, On sait qu’ils ont été introduits dans ce pays par les Arabes, er qu’ils sont également en usage en Syrie, en Perse, à la Chine, en Ægypte, etc. Ceux de Madrid sont faits avec une terre mar- neuse , prise sur les bords du ruisseau Tanusoro, à un quart de lieue de la ville d’AÆuduxar, dans l’Andalousie. Elle contient, d’après une analyse que le citoyen Darcet vient d’en faire, un tiers environ de terre calcaire, un d’alumine, un tiers de silex, et une très-petite portion de fer. Pour faire les alcarrazas, après avoir fait sécher Ja terre, on la divise en petits morceaux de la gros- seur d’une noix, qu’on répand dans un bassin ou cu- vier :.on la recouvre d’eau, et on la laisse détremper pendant douze heures : on la pétrit ensuite. Lors- qu’elle a été bien divisée, on l’étale en couches, de épaisseur de six doigts sur un emplacement uni, recouvert en briques, sur lequel on a répandu un peu de cendre tamisée. On la laisse dans ce lieu jusqu’à ce qu’il se soit formé des retraits : on en détache « Alcarraxas. ÿ a cendre ,et , la transportant dans un lieu carrelé et propre ; on mêle à cette terre à peu près la ving- tième partie de son poids de sel marin, si on doit er faire des jarres, et la quarantième seulement lors- qu’elle est destinée pour des vases d’une plus petite capacité. On pêtrit de nouveau ce mélange avec les pieds, et on la met sur le tour, après avoir eu soin d’ôter toutes les pailles ou petites pierres qui pour- roient y rester. Ces vases sont mis alors dans des Fours de potier ; mais on ne leur donne qu’une demi- cuisson, C’est à cela, et au sel marin qu’on y ajoute, qu’ils doivent leur porosité ; car on fait avec cette même terre des poteries ordinaires, en n’y ajoutant point de sel, et la faisant cuire davantage. On fait, dans l’Estramadure , à un lieu nommé Salvatierra , des vases rouges, appelés bucaros, qui servent aussi à rafraîchir l’eau , à laquelle ils com- muniquent un goût argilleux désagréable , mais ce- pendant recherché des femmes de Madrid. Les filles ont un goût particulier pour cette espèce de poterie, et en mangent lorsqu’elles ont les pâles couleurs. Des vases à peu près semblables servent dans le Por- tugal , à humecter le tabac. On les p'onge pour cela dans l’eau , après les avoir remplis de cette poudre, A. B. PARRERSEE ARENA CE AT ARE AN MEDECINE. Memorr4a sobre una dificuldad de respirar periodica ; que manifiest@ el influxo de la luna en el cuerpo humano , etc. MÉMOIRE sur une difficulté de respirer périodique , qui prouve l'influence de la tune sur le corps humain ; imprimé dans le premier tome des Mémoires de l’Académie royale de Madrid , et lu dans cette Académie par son vice-pré- sident le docteur don AnTONrO FRANSERT, médecin de la famille royale , etc. Madrid, imprimerie royale, 1797. Lavrcvr > après avoir rappelé les opinions des anciens sur l’influence exercée par la lune sur le corps humain (1), opinions, dit-il, abandonnées et (1) Dans l’état ordinaire , l’homme n’éprouve point d’une manière sensible les effets de l'influence lunaire : il n’en est pas non plus affecté sensiblement dans le cours des maladies les plus communes , et les affections périodiques n’ont elles- mêmes aucune relation avec les phases de la lune. Cependant des médecins célèbres , même parmi les modernes , Pitcarn, Mead , etc. nous ont transmis des observations qui semblent attester dans quelques cas la réalité de cette influence sur des organes et dans des constitutions dont la sensibilité s’est trou- vée portée à un extrême degré. C’est sur-tout dans les pays chauds et dans les contrées voisines des tropiques, que ces ob- servations se sont présentées le plus fréquemment ; et Lind, un des écrivains les plus exacts, les plus judicieux et les plus philosophes, nous en donne un exemple remarquab!e , en rap- portant ce que lui et d’autres ont observé sur des fièvres épi- Influence de la lune. 1É rejetées depuis comme des préjugés ridicules, renou- velées ensuite par le célèbre Mead et d’autres mé- decins anglais, exprime son désir de rétablir à cet égard et en général l'esprit d'observation, Il présente à académie l’histoire d’une d'yspnée ou difficulté de respirer , accompagnée d’asthme et d’orthopnée (2), tellement soumise à l'influence des périodes lunaires, que , pendant l’espace de 21 ans consé-utifs , elle s’est renouvelée constamment à l’époque des pleines et ” démiques, et sur l’ésoque de leurs rechüûtes dans les provinces de Bengale et de Bencoolen. ( V. Essay on diseases incidental to europeans in hot climates ; Lond. 1768 , p. 80 et 81 ). Mais pulle part on ne trouve d’observation aussi singulière, aussi détaillée , aussi long-temps continuée , et, autant qu’on peut en juger, aussi authentique que celle dont nous allons donner Ja traduction. Le mémoire qui la contient est divisé en deux parties : la première donne l’histoire de la maladie , telle qu’elle est ici ; nous n’en avons retrauché' que quelques pléo- nasmes et quelques phrases superflues, dontles lacunes sont annoncées par des points ; la deuxième contient les réflexions de l’auteur | dont mous pourrons donner l’extrait dans un autre numéro de ce jourval (H ). ( Note du traducteur }), (2) Les mots d'asthme et d’orthopnée se distinguent du mot de dyspnée,en ce que l’asthme est une difficulté de Tespi= rer périodique, avec sentiment de resserrement dans la poitrine, (voy. Cullen,nosol. méthod. gen. 52) et l’oropnée est princi- _palement distinguée de l’asthbme , par la grande précipitation des mouvemens de la respiration , l’état de contraction dans lequel sont alors tous les muscles du cou et eeux qui s’atta- chent à la poitrine , qui la tiennent élevée , le cou tendu , et le tronc dans un état de roideur extrêmement violent, ( Note du traducteur ). 12 Médecine. des nouvelles lunes, en sorte que, l’amanach en main, on pouvoit avec certitude annoncer , et” le moment où devoit commencer l’accès, et celui où il devoit se terminer. Le sujet de cette observation est une dame de la cour d’Espagne, très-connue (dona Maria-Francisca de Partearroyo y Avendanno , veuve de sennor don Francisco Eduardo Paniagua, du conseil de sa majesté , son secrétaire et grand-official de la secrétairerie des Indes, pour ce qui regarde le Pérou) , et quantité de personnes instruites et dé médecins de réputation, ont été témoins des phénomènes de cette singulière infirmité. L'auteur divise la maladie en trois époques. Nous allons offrir une traduction fidèle de cette singulière description , dont nous ne retranchons que quelques pléonasmes inutiles , ou quelques répétitions évi- demment superflues. Première époque. En 1775, une dame d’un tempérament bilieux, d’une constitution sèche , ayant le système nerveux très-susceptible , des règles très-abondantes, ayant joui d’une santé très-foible pendant presque toute sa vie, parvenue à l’âge de 43 ans , éprouva au mois de septembre une difficulté de respirer , fort semblable à l’asthme, qui cependant ne l’empêcha pas de sortir et de faire différentes choses. Cela dura deux jours.: peu de temps après le même accident se renouvela , et dura deux autres jours. La seule cause apparente qui eût précédé cette afection étoit une grande frayeur. Influence de la lune. 13 Après trois attaques pareilles, il y en eut une quatrième qui fut accompagnée d’une telle oppression et d'un tel serrement de poitrine, que la malade prioit qu’on la lui ouvrit, et faisoit avec ses mains comme des eflorts pour y parvenir ..... Dans cet état elle ne pouvoit avaler uue goutte d’eau ; et si, pour humecter sa gorge desséchée par la fréquence de sa respiration, elle essayoit de le faire , ïl lui sembloit qu’elle suffoquoit ; la sueur du front, de la poitrine , la douleur de dos, des cris rauques et douloureux accompagnoiert cet état ; la précipitation de la respiration parvint subitement à un tel point, qu’elle ne ponvoit plus aller au - delà, et que la malade ne pouvoit subsister dans cet état. Arrivée à ce point, il lui survint tout-à-coup une défaillance ; le corps, par son propre poids , se précipita sur le lit ; la respiration ainsi que l’usage des sens internes et externes furent suspendus, tellement qu’on l’eût prise pour un cadavre , sans le pouls qui se mainte- noit toujours dans l’état naturel. Pour la tirer de cette sorte de mort apparente, on {ui jetoit au visage de l’eau froide ; aussitôt elle revenoit à elle; mais la même foule de symptômes et la séfiocation se renouvelant , la malade se trouvoit de nouveau au même point, et étoit de nouveau reprise d’une pareille défaillance , avec la même suspension de respiration. Cette alternative de suffocations extrêmes et de défaillances , avec suspension de la respira- tion et perle de tous les sens , duroit environ deux heures ,; à la fin desquelles la respiration restoit telle que dans un asthme ordinaire , laissant à la ï4 Médecine. malade la liberté de se jeter sur son lit, et d’y reposer quelques heures seulement, parce que de pareils accès se renouveloient plusieurs fois dans l’espace de deux jours. Ce temps passé, tous les maux s’'évanouissoient; la malade se trouvoit très- bien, la respiration comme dans l’état paturel , et de pleine santé. Ce bien-être duroit ainsi pendant dix à douze jours, au bout desquels , sans cause ap= parenté, la difliculté de respirer recommençCoit de la manière qui vient d’être décrite, pour disparoître encore pendant dix à douze jours , et revenir ensuite comme auparavant. ” Le retour de ces paroxysmes , au bout d’un certain nombre de jours, sans cause sensible ; me porta à soupconner cetie régularité d'être lefetde Pinfluence tunaire ; cela me parut digne d’exainen ; Encore que J’eusse bien peu de confiance en cette idée. Je con- sultai alors mon almanach, pour voir quel joùr de la [une se rencontroit avec le paroxysme actuel, et Je trouvai que c’étoit avant: veille de la pleine lune ; je réfléchis, et je me rappelai les jours auxquels étoient arrivés les paroxvsimes ant-rieurs ; je refar- quai que c’étoit exactement dans les deux Jours qui avoient précédé la nouvelle et la peine lune : néan- moins je laissai passer les deux jours du paroxysme actuel , et j’attendis, pour m’assurer davantage de ce que je soupconnois ,que l’avant-veille de la nouvelle June arrivât ; le terme venu, je vis en effet que l’accès se renouveloit au jour précis . . . . et depuis, la constance de ces retours m'a pleinement convaincu Influence de la lune. 15 que le renouvellement périodique des mêmes maux étoit l'effet de l’influence de la lune . . .. Lesjours d’intermission se comptoient depuis le jour .même de la nouvelle lune, jusqu’à Pavant-veille de la pleine lune suivante, et du jour de la pleine lune à l'avant-veille de la nouvelle, Dans le jour qui pré- cédoit l’avant-veille, la malade éprouvoit une cer= taine oppression dans toute la cavité de la poitrine; c’étoit une annonce cerlaine de la dyspnée ou dif- ficulté de respirer qui devoit survenir à la tombée du jour suivant. C’étoit alors que la malade étoit contrainte de se mettre au lit. L’accès d’orthopnée arrivoit précisément de neuf à onze heures de nuit. Pendant le reste de la nuit, et tout le jour suivant, Ja gêne de la respiration se soutenoit , mais de manière que la malade pouvoït rester couchée, et reposer sans autre tourment, jusqu’à ce que neuf heures du soir fussent arrivées, et avec cette heure l'accès d’orthopnée comme dans la soirée précédente ét avec la même durée de deux heures. A la pointe du jour suivant, qui étoit celui de la pleine ou de la nouvelle lune , la respiration se remettoit pleine- ment dans son état naturel ; la malade quittoit le lit, et se portoit bien jusqu’à la nuit de Pavant-veille de la prochaine lunaison.….. À force d’éprouver les retours de ces accès vio'ens et redoutables , il étoit impossible qu’il ne s’ensuivit un grand renversement et un trouble extrême dans l’économie animale. En effet , les jours paisibles de l'intermission se changèrent en des Jours &e fatigue 16 Médecine, et de douleur. À l’état d’orthopnée des paroxysmes se joignirent de nouveaux symptônees. Ainsi on ob- serva que, dans les jours d’intermission même , la foiblesse devenoit si grande, ainsi que la suscepti- bilité des organes dela respiration, qu’au moindre effort de la malade pour se mouvoir , ou sortir de son lit, ou faire deux pas, la respiration se pré- cipitoit au point que, si la malade ne demeuroit tranquille , elle se sentoit étouffer. Elle ne pouvoit même exécuter le foible mouvement de coudre et detricoter. Si elle Pessayoit, la respiration en deve- noit affectée, Dans le cœur de Phiver , et au plus fort d2 l’été, il étoit.-peu de jours où elle pâût quit- ter le lit, à cause de la continuité de la gêne qu’éprous voit sa respiration, Dans les saisons tempérées seules ; elle passoit les jours d’intermission avec moins de fatigue. Les jambes, les cuisses et le ventre se tuméfioient ; les urines étoient en petite quantité , le désoût au comble, la soif excessive ne s’étanchoit par aucune boisson, et mettoit la malade dans un état de désespoir auquel elle préféroit les souffrances mêmes de ses accès, dans lesquels sa vie paroissoit être dans un pressant danger. Elle se retenoit , à la vé- rité, de boire; mais ce n’étoit pas de peur d’aug- menter l’enflure , mais seulement parce que sa soif ne s’étanchoit nullement par la boisson. Le gosier se desséchoit, et les lèvres se peloient de séche- resse. La Jangue n’étoit pas aride, mais il sembloit à la malade que la pointe en füt continuellement chargée de poivre, Il survint, outre cela, un flux blanc très-abondant, extrêmement âcre et bilieux. Influence de la lune. 17 Dans l’état orthopnoïque des paroxrsmes , on observoit que les symptômes ci - dessus exposés alternoient avec une espèce de somnolence ou d’as- soupissement, accompagnée de respiralion difficile et stertoreuse. Cela duroit cinq à six minutes et se dissipoit par ua bâillement , et aussitôt se renouve- loient la précipitation de la respiration , lévanouis- sement et tous les autres symptômes. On en pro- voquoit aussi le retour en excilant dans les narines un chatouillement, au moyen d’une fnèche trempée dans le vinaigre; moyen auquel on avoit recours lorsque , le bâillement tardant trop, la malade pa. roissoit menacée de léthargie. C’est dans ces alter« natives que se pastoit la triste période de neuf à onze heures;-et il est remarquable que , jusqu’à dix heures, la force et la violence de laccès n’éprouvoient pas la moindre diminution , et que c’étoit toujours avec une extiême impatience que l’on attendoit cette heure pour être assurés de voir la malade échapper cette nuit au danger imminent qui paroissoit menacer sa vie. Dans l’espace de plus de quatre ans passés dans ces tourmens , 1lne s’étoit point manifesté de fièvre ; mais vers le commencement de janvier 1760 , on observa uxe fièvre quotidienne, qui s’annoncoit vers la nuit a\ec de légères horripilations. La chaleur étoit forte et mordante : il n’y avoit ni soif, ni sé- cheresse à la langue. La respiraïion étoit un peu ac- célérée, mais non pas autant que dans les accès d’asthme, et seulement en proportionde Îa fréquence des ur du cœur et de la force de la fièvre. Tome I. pes 18 Médecine. Celle-ci baïissoit après minuit, et se dissipoit à la pointe du jour par une sueur douce et générale. Cette fièvre se soutint pendant six mois, prenant tous les jours à la nuit, excepté dans les jours du pa- roxysme: luvaire. Il arriva cependant quelquefois que la fièvre se montra une des deux nuits du pa- roxysme + c’étoit toujours la seconde, et pour-lors l’accès d’orthopnée manquoit ce jour-là de neuf à onze heures, Les évacuations menstruelles ne manquèrent jamais d'arriver en leurs temps. Elles duroient ‘six à huit jours; et quand (3) elles se rencontroient dans les paroxysmes lunaires, l’évacuation s’arrêtoit le jour mêxe, ne paroissoit pas jusqu’à la fin du paroxysme, et, ce temps passé, reprenoit son cours , etse complétoit dans le nombre de jours ac- coutumés. Le flux blanc s’arrêtoit également , et re- hé aussi à l’expiration de laccès, Je n’ai jamais cru ë propos de faire aucun re- mède, dans intention de faire cesser cette fièvre noc- turve. En effet, voyant qu’elle n’aggravoit pas l’état de la malade , il me paroissoit qu’il valoit mieux la laisser , et qu’elle pouvoit être considérée comme utile et capable de diminuer le poids de tant de souffrances. — Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’à la suite de ces six mois de fièvre nocturne , lenflure (3) ILest à remarquer que ; dans une personne si singulière- ment susceptible de l'influence des périodes lunaires , la pé- riode des évacuations menstruelles n’aroit aucune relation avec cette influence. ( Note du traducteur ), ‘# Influence de la lune. 2 des jambes, des cuisses et du ventre se dissipa ; les urines devinrent plus abondantes, le flux blanc moins âcre et moins considérable , la soif plus modérée, Vappétit plus grand, Pagilité et l’act'vité des mou- vemens plus sensibles : la malade pouvoit se pro- mener sans fatigue ni lassitude ; elle prenoit plus d’embonpoint et une meilleure couleur ; enfin, l’im- pression vive que les différentes causes extérieures, hormis l’influence lunaire , faisoient sur sa respira- tion , étoit sensiblement moindre, On n’observoit pas une égale amélioration dans les accès d’orthor- née, qui continuoient avec la même intensité et le même danger aux époques lunaiïres, excepté, ce qui étoit fort rare, lorsque la fièvre se manifestoit dans le second jour de lattaque. Le calme des jours d’in- termission ne devint pas non plus plus considérable : nous en allons voir les raisons dans l’exposition de ce qui s’est passé dans l’époque suivante. Deuxième époque. La malade étoit dans la quarante-septième année de son âge , et dans la cinquième de sa maladie : alors commencèrent les irrégularités de Pévacuation mens- trudllé, qui ordinairement se font remarquer quand cette évacuation disparoît , conformément à la loi de la nature. Elle manquoit tantôt un mois , tantôt deux et trois ; tantôt elle avoit lieu deux fois dans le mois, tantôt avec profusion , tantôt très-foiblement. Pendant cette .menstruation irrégulière ,; la maladé éprouva de nouvelles et de plus grandes douleurs: B 2 il s’y joignit des douleurs très-aiguës qui prenoient naissance à la ceinture, s’étendoient aux lombes, aux épaules, au ventre, et duroient une, deux ou trois heures ; elles se faisoient sentir sans ordre ni période certains. À leur approche, le flux blanc se suspendoit ainsi que l’évacuation mens- truelle si elle avoit lieu, et ces évacuations repa- roissoient sitôt que les douleurs étoient passées. Ce qu’il y avoit de plus pénible, étoit que dès que les douleurs devenoient très-violentes ( ce qui ar- rivoit souvent ), parvenues à leur plus haut point , elles se terminoient par la dyspnée et l’orthopnée, et alors elles cessoient aussitôt ; toutes fois, que les douleurs précédassent ou non les paroxysmes lu- naires, ceux-ci avoient lieu en leur temps ;...... mais il y avoit cela de nouveau , qu’on n’y observoit plus cetle somnolence stertoreuse et ces défaiilances qui alternoient avec les angoisses de la respiration. Cet accident étoit remplacé par des mouvemens con- vulsifs du tronc, de la tête, des bras et des mains, tels que celles - ci se serroient au point de pouvoir à peine s’ouvrir par les plus grands efforts. Au mi- lieu de sa suffocation, la malade, sémblable à une désespérée , faisoit effort pour sortir de son Ji, se ‘frappoit la tête contre le mur ou le chevet, se don- noit des coups de poing dans la poitrine et la tête, et luttoit avec la plus grande force pour se débar- rasser de ceux qui la maintenoient..…. Dans ces mou- vemens cénvulsifs, la gêne et l’accélération de la res- piration w’eloient pas, à beaucoup près, aussi extrêmes et si dangereuses que précédemment : il sembloit Influence de la lune. 21 que le mal se partageât entre les organes de la res- piration et les muscles des bras et des jambes, etc. et la preuve de céla, c’est que, quand les convul- sions étoient plus modérées ou r’avoient pas lieu, _ Paccès orthopnoique reprenoit sa première vivacité et la même force que dans la première époque. On observoit aussi que si , pendant l’accès orthopnoïque, cette dame voyoit de l’eau près d’elle , ou si on lui en humectoit les lèvres et la bouche, elle éprouvoit un tremblement excessif par l’efflet de lhorreur qu’elle en concevoit. C’est une chose remarquable, que cette aversion qui duroit tout le temps du pa- roxysme malgré la soif, tandis que, hors de l'accès, la malade éprouvoit à boire un plaisir délicieux. Ce n’est pas là tout ce que cette seconde époque a présenié de nouveau. Tant de mouvemens con- vulsifs, ... d’orthopnées. ... avoient donné une dé- licatesse et une sensibilité particulière aux organes de la respiration , en sorte que fa vue d’un rat , un léger dégoût , un changement dans atmosphère, ex- citoient aussitôt la difficuité de respirer dans les jours d’intermission. Bien plus, toute sonuerie des cloches en volée un peu forte, du moment qu’elle com- mencoit , lui occasionnoit peu à peu la dyspnée , qui croissoit successivement jusqu’à désénérer en une orthopnée qui mettoit ses jours en péril. Cet accident ne se calmoit que long-iemps après que le bruit des cioches avoit cessé ; et comme la demeure de cette dame étoit place del Cordon , età une grande proxi- mité des deux tours ou cempaniles dss églises pa- roissiaies de Saëint- Pierre, et de Saint-Just et B 35 22 Médecine. Saint- Pasteur , on avoit de fréquentes oceasions d’observer ces accidens toutes les fois qu’on sonnoit en volée ; ce qui arrivoit souvent à cause des fêtes nombreuses célébrées dans ces deux temples : la pré- caution de fermer toutes les fenêtres, les portes, et de tenir la malade dans son alcove, ne servoient derien ; le grand bruit lui parvenoit suffisamment de toutes parts. De quelque manière qu’on s’y soit pris pour obtenir que les volées fussent moins prolongées, en avertissant ceux qui pouvoient y mettre ordre du danger dans lequel la malade étoit par l’effet d’une longue et violeñte sonnerie, on n’en put venir à bout, parce que les cloches sont confiées à de petits garcous qui ne pouvoient jamais se déter- miner à les laisser tranquilles ; il falloit donc se résigner et. patienter.... Par bonheur, tandis que ?étois à bout et désolé, il me vint à lesprit un moyen de prévenir une impression si funeste, + et ce moyen fut suivi du succès : le voici. J’imaginai que ce bruit si implacable des volées de sonneries pourroit être combattu et affoibli par d’autres bruits agréables à la malade, et qu’ainsi elle pourroit être mise à l’abri des inconvéniens du premier. Je fis en sorte que, du moment où les cloches sonnoïent, jusqu’à la fin de leur volée, on tint près de la ma- lade une mandoline dont on joueroit en accoinpagnant de Ja voix, sans cesser un instant : ce son agréable ainsi continué , rendoit insensible celui des cloches, et la malade n’éprouvoit plus de difficulté de res- pirer. Au contraire, cette dyspnée survenoit immane quablement si, par hasard ou par oubli, la volée com Influence de La lune. -23 mençoit avant l’instrument : néanmoins alors même le son de la mandoline > quoique venu un peu tard, étoit utile et même nécessaire pour empêcher les progrès de la dyspnée, qui sans cela seroit devenue plus violente et même dangereuse , en proportion de la continuité du bruit des volées. Il sembloit incroyable que cette dame püût résister à une telle continuité de maux accumulés qui l’ont afiligée presque sans intervalle pendant toute la durée d'environ cinq années qui forment cette époque , d’autant qu’il s’y étoit joint une palpitation de cœur très-pénible et continuelle. Ce fut un grand bonheur qu’alors, c’est-à-dire vers la moitié de janvier 1786 et au plus fort de tant de troubles et de malheurs, la fièvre nocturne se déclara... Les heureux effets dont elle avoit été suivie dans Pépoque antécédente, la faisoient regarder comme une étoile de bon au- gure et comme l’aurore de la tranquillité : elle se manifestoit à la tombée du jour avec les mêmes symp- tômes que précédemment , et disparoissoit au point du jour suivant. Ses retours périodiques se sputinrent plus de quatre mois, et disparurent à la fin de mai. . . On doit avertir ici que, quoiqu’en général la fièvre n’eût pas lieu dans les deux jours du pairoxysme lu- paire, on a observé néanmoins qu’elle s’est mc ntrée plusieurs fois la seconde nuit , et même une ou deux fois la première, et qu’alors elle avoit l’avantage de faire manquer l’accès orthopnoïque de neuf à onze heures, Jamais, dans la première époque , on n’avoit vu la fièvre se montrer dans la première auit, B 4 24 Midecine. À mesure que les accès de la fièvre se succédoient, la malade éprouvoit un grand relâche dans toutes ses souffrances , en sorte que l’effet en fut de faire disparoître les douleurs des lombes, des hanches et du ventre; de détruire l’impression que produisoit auparavant le bruit des cloches , de diminuer la puissance des causes externes qui oc‘asionoient si facilement la dyspnée et l’orthopnée dans les jours d'intervalle ; de dissiper les mouvemens extraordi- naires qui se Joignoient à l’accès d’orthopnée , qui dès-lors n’eut plus ni la violence ni le danger qui Pavoit accompagné jusqu'alors ; de rendre les pal- pitations du cœur extrêmement modérées ; enfin, de metire un terme aux évacuations menstruelles et aux fleurs blanches. Epoque troisième. Après un changement si grand et si heureux opéré par la fièvre, il sembloit que cette disposition cu corps, qui le rendoit si susceptible de l’influence lunaire , devoit cesser et être remplacée par uu état qui n’eût aucun rapport avec ceile influence, On .mwobtint pas entièrement cet effet : néanmoins on éprouva que liniensité des paroxvsmes asthmatiques alloient en diminuant successivement et par degrés ; is changèrent aussi dans l’ordre de leur invasion et dans leur durée. Dès le commencement de cette époque le paro- xysme lunaire, qui constamment se manitestoit à la tombée du jour, la sirveille de la pleine et de la nouvelle lune , se déclara à Paurore du troisième Influence de La lune. 25 jour avant les lunaisons. Dans l’espace d'un an ïl anticipa encore d’un jour, en sorte que la durée du paroxysme lunaire fut dès-iors de quatre jours, se déclarant à la pointe du quatrième jour avant les lunes, et se terminant à la pointe du jour auquel se rencontroit la pleine ou la nouvelle lune, ayant ce- pendant cela de particulier , que, pendant plus de dix ans, il n’est point arrivé que l’accès d’orthopnée soit survenu dans les deux premiers de ces quatre jours, mais toujours précisément dans les nuits de la veille et de la surveille des lunaisons. Pareille- ment aussi dès le commencement de cette époque, l’ac- cès orihopnoïque eut cela de nouveau, qu'ilavança d’une heure , en sorte que , commeilse manifestoit auparavant de neuf à onze, il eut lieu des-lors de huit à dix heures du soir. Suivons le fil de l’histoire de cette maladie, telle qu'elle s’est présentée dans cette époque. Au point du quatrième jour avant la lunaison, la respiration devenoit tant soit peu fréquente et courte : cela obli- geoit la malade à rester au lits car quand elle es- sayoit deselever, elle se fatiguoit extrêmement. Cette difficulté n’augmentoit ni ne diminuoit jusqu’à peu de minutes avant huit heures du soir de la surveille de la lunaison. Alors la malade sentoit dans tout son corps uve certaine anxiété. tourmentante , semblable à ce qu’on appelle des inquiétudes : elle éprouvoit un sentiment de compression dans la poitrine, des bâil- lemens répétés qui accéléroient la respiration, et la serroient jusqu’à ce qu’elle fût parvenue à l’état d’or- thopnée , c’est-à-dire, de ne pouvoir respirer £ Où Essar analytique sur les principes des jugemens que portent naturellement Les hommes , d’abord sur les actions des autres , et ensuite sur Leurs Propres actions ; suivi d’une dissertation sur l’origine des langues , par Anam Smiru ge traduit de l'anglais , sur la septième et dernière édition , parS. Groucar , veuve Conporcer G elle y à joint huit lettres sur La sympathie : 2 vol. in-8°. À Paris, chez Buisson, imprimeur- libraire , rue Haute-Feuille, n°, 20. Lrs bons esprits étoient surpris que cette histoire du cœur humain, publiée depuis quarante ans en Angleterre , ‘et qui y étoit devenue un livre clas- sique, ne nous füt encore connue que par une tra- duction informe , inexacte, et méme nuisible, On avoit traduit des histoires estimables, des voyages iustructifs , quelques romans intéressans , et les grands principes de la morale, si nécessaires à l’homme pour se connoître lui - même et pour se guider dans la route de la vie, avoient été oubliés. Faudroit-il eccuser de cette insouciance la futilité de nos goûts, Pinstabilié de nos Jouissances , la légéreté du ca- ractère national, notre inaptitude à sonder les Mmys- èes de la pensée? Ah ! si ce n’étoit pas de pa- eils obstacles, qu’on peut appeler indigènes, qui n°8 privent de tant de bons ouvrages sur la science de Tome LI, C " 34 | Métaphysique. l’homme, nous lirions les profondes spéculations phi- losophiques d’un Butler, d’un Hutton, d’un Blair, d'un Fergusson , d’un Benthan, d’un Stewart, qu’on peut placer au premier rang des connoïssances humaines. La France a eu quelques philosophes sans doute qui se sont occupés de cette étude, Montagne est, depuis quelque temps, beaucoup cité, mais il n’est pas plus médité ; Charron , son disciple et son ami, est ignoré ; la Bruyère a été lu tant qu’on a cru avoir sous les yeux les originaux qu’il vouloit peindre ; Duclos a ramasssé , dans la société de quelques hommes du monde qui se rassembloient chez le comte de Forcalquier, les meilleurs chapitres de ses Considérations ; mais ces moralistes ont vu l’homme tel qu’il se présentoit à eux, avec les diverses mo- difications du caractère que le despotisme social produit sur ées goûts, sur ses passions, sur ses vertus mêmes. Smih a été jusqu’à la source de ses actions ; il a fouillé dans la profondeur de son ame ; il a mis.à découvert les ressorts qui le font mouvoir ; il a deviné le secret de son existence morale. On ne devoit pas s’attendre que l’ouvrage du plus grand philesophe de notre temps nous fût transmis par une femme, faite plutôt pour embellir la société, que pour s’enfoncer dans les aspérités de la méta- physique. La citoyenne Condorcet s’est chargée de cette tâche, qui n’étoit point sans difficulté : nous lui - devons de la reconnoissance pour lavoir entreprise avec courage, et des éloges pour l’avoir terminée avec succès. On auroit désiré qu’elle nous eût fait con- noître l’homme avant que de nous présenter ie plj- Sentimens moraux. 35 losophe, Nous allons y. suppléer par un précis de Sa vie, que nous emprunterons en partie de celle que M. Stewart son ami, a donnée en publiant les Opus- cules philosophiques de ce grand observateur. Adam Smith naquit le 5 juin 1723 ,» quelques mois après la mort de son père ; c’étoit le seul en- faat qu'il euteu de Marouerite Douglas. La foiblesse de sa constitution fut si grande pendant son enfance, qu'il ne dut qu’aux soins assidus de la tendresse maternelle, et même à une complaisance sans bornes, de n’y pas succomber ; il fut assez heureux pour lui en témoigner sa reconnoissance pendant soixante ans. Un événement assez singulier faillit priver cette bonne mère d’un fils d’autant plus cher, qu’il lui avoit causé plus d'inquiétude : il n’avoit que trois ans lorsque des vagabonds + Connus sous le nom de Chaudronngers , l’enlevèrent : son oucle se mit à leur poursuite, et le leur repril ; il ne pouvoit soup- gonner alors quelles obligations la société lui auroit un jour, de lui avoir conservé un génie fait pour Péclairer. Il fit ses premiers c+ercices d’iostruction dans l’école de Kirkaldy sa patrie, et il Sy fit remar. quer par son ardeur pour l'étude, et par l’étendue de sa mémoire. 1! passa de là à PUniversité de Glasgow , et ensuite à Oxford, où il s’occupa prin- cipalement des mathématiques et de la physique. Ce n’étoit pas cependant à ces sciences que son goût natur.] le desiinoit , coût que les leçons du docteur Hutcheson développerent. L'étude de la nature lu- maine, et sur-tout l’histoire politique de la société , Ca 36 Métaphysique. furent dès-lors l’objet direct de ses méditations; la belle littérature en fut le délassement. Les langues anciennes et modernes , les auteurs grecs, latins, français, italiens , lui devinrent familiers , et lui ap- prirent à connoïtre le caractère, les mœurs, le gouvernement de ces diverses nations. Ses amis le destinoient à l’état ecclésiastique ; mais ses goûts s’y opposoient, son inclination devoit avoir la préfé- rence sur les vues de fortune qu’on avoit eues pour lui. Les membres de l’Université de Glasgow, qui avoient su l’apprécier et le distinguer , le nom- mèrent, en 1751, à la chaire de logique, et l’an- uée suivante à celle de philosophie morale, Placé alors dans le centre des travaux vers lesquels son penchant l’entrainoit , rappelé tous les jours par devoir à ses études favorites, son ue se fami- liarisoit avec les profondes et ing‘nieuses spécula« tions dont il a donné depuis les résultats dans les deux ouvrages que nous avons de lui. L’empressement à suivre ses leçons , et la méthode d'instruction qu’il avoit créée , firent de l’étude de la morale une mode : ses opinions jetoient, dans les sociétés lit- téraires et politiques , des semences de discussion dont cette science profitoit. Ce fut dans ce moment d’effervescence méthaphysique que M. Smith pu- blia son système des sentimens moraux : il y Joi- gnit une dissert tion sur Porigine des langues, et sur le différent cénie de celles qui sont originales et composées. Le grand succès qu’eut cet onvrage, et la réputation qu’il fit à son auteur, décidèrent Je lord Townsend à lui proposer d’accompagner le Sentimens moraux; 37 duc Buckiengh dans ses voyages. Cette invitation, jointe à des offres avantageuses, et le desir de connoïtre par lui-même des peuples qu’il n’avoit aperçus que par les yeux des autres, le tirèrent du cercle très-circonscrit d’une Université, et il abandonna ses occupations d’habitude. Son génie d’observation s’enrichit du grand spectacle que le monde lui offrit. Il y puisa sans doute des notions nouvelles , qui furent autant d’acquisitions pour les gouvernemens et pour les peuples. Le séjour qu'il fit à Toulouse, avec son Télémaque , pen- dant dix-huit mois, le mit en liaison. avec les hommes les plus instruits de la magistrature , et lui fournit des renseignemens exacts sur la politique intérieure de la France, Après avoir parcouru nos provinces méridionales , les voyaceurs vinrent à Paris , où , recommandé par M. Hume son ami, M. Smith jouit de tous les agrémens et de tous les avantages de sa réputation. Turgot, Necker, Ques- nay , Helvétuus, d’Alembert, Marmontel, furent les hommes qu’il connut le plus, et plusieurs devinrent ses amis 3 mais il ne se borna pas à ces liaisons littéraires ; il cultiva aussi son £oùt pour les beaux arts, sous les rapports qu’ils ont avec les principes généraux de l’esprit humain, et sur-tont eu raison de l’application qu’il en faisoit à ses théories, Il avoit cherché, pendant son s’ jour chez les peuples qu’il avoit visités, à fortifier les idées particulières qu’il avoit sur les arts d'imitation, « Îi regardoit, dit » M. Stewart, comire un principe fondamental, » qu’une grande partie du plaisir qu’ils donnent, est C3 ‘38 Métaphysique. » due à ladifficultéquiaccompagne limitation. » Mais, peut-être poussa- {il trop loin Papplication de ce prin- cipe , sur-tout dans ses opinions sur la poésie et sur la compotition dramatique. « Une des conséquences » de ce système étoit que les mêmes circonstances qui, dans la tragédie, donnent Pavantage aux vers blancs sur la prose, doivent donner lavan- täge à la poésie rimée sur Îles vers blanës , et M. Smith avoit toujours été entraîné par cette ES = opinion; il app'iquoit même celte doctrine à ia » comedie, et il regrettoit que les excellens tableaux » de la vie ét des mœurs qu’on trouve dans Île » théâtre anglais, n’eussent pas été exécutés sur les mo- » dèles de l’école française. L’admiration qu’il avoit » pourles grands auteurs dramatiques de la France, » tendoit à le confirmer dans cette opinion _: cette ad- # miration résultoit du caractère général de son goût; il » avoit plus de plaisir à observer cette flexibilité de » génie qui sait se conformer à des règles reçues, » qu'à suivre les élans hardis d’une liinagination indisciplinée ; il éprouva ce plaisir d’admiration lorsqu'il vit exécuter ;, sur la scène française, les chef-d’œuvres qui lPavoient charmé dans le Ca= binet. » De relour en Angleterre, M. Smith se réunit à sa famille, et passa dix ans dans une retraite qu’il consacra à des études de son goût, et aux jouissances de l’ame : il vivoit avec une mère chérie, avec une parente eslimable , avec d'anciens camarades d’école , et c’est peut-être l’époque de sa vie où il sentit plus vivement le bonheur de l’existence. Cette éclipse Sentiméens moraux. 39 littéraire produisit cependant l’ouvrage qui lui a as- suré la réputation dont il a joui : la publication de ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations , traduites en français par l’infortuné Roucher, jeta un grand jour sur l'administration des états , et doit devenir le rudi- ment de tous ceux qui auront le malheur d’être des- tinés à gouverner. Le duc de Bucklengh, qui étoit resté l’ami de M. Smith après avoir été son pupille, crut devoir re- connoître les sacrifices qu’il lui avoit faits ; il lui ob- tint un poste considérable dans les douanes d’Ecosse sa patrie. Les devoirs de cet oflice nuisirent à ses occupations littéraires ; mais l’augmentation de son revenu sembla le dédommager , en quelque sorte, des privations de son goût, en lui donnant les moyens de satisfaire sa générosité naturelle. Livré, pendant douze ans , à l’exercice de son emploi, il put à peine s’occuper des engagemens qu’il avoit contractés avec le public , et de ce qu’il se devoit à lui-même : ce ne fut qu’averti par les infirmités, qu’il réunit les principaux matérianx des ouvrages qu’il avoit an- noncés dans la Thécrie des sentimens morau, etdansses Recherches sur La richesse des nations: les additions à sa première production ne furent écrites et imprimées que pendant sa dernière ma= ladie, qui ; au mois de juillet 1790 , a privé PAn- gleterre et la république des letues d’un ae ees hommes que les annales de Phumanité mettront au rang de ses bienfaiteurs. On lit même dans le petit avertissement de la septième édition de cet ouvrage, C4 40 Métaphysique. sur laquelle la traduction dont nous allons parler est faite , que ses occupations multipliées l’avoient détourné de le revoir avec le soin et l’attention qu’il voulit y mettre, d’y faire les corrections, d’y donner les développemens qui s’étoient offerts à ses réflexions. Les principaux changemens de cette édition se trouvent dans le dernier chapitre de la troisième section de la première partie , et dans les quatre premiers chapitres de la troisième. La sixième partie est entièrement neuve. J’ai aussi cherché à exposer plus complétement , et à examinêr d’une manière plus avalytique , quelques parties de la doctrine des Stoïciens. Dans la dernière section de la septième partie, jai rassemblé plusieurs obser- » vations relatives au devoir de la véracité : le » lecteur trouvera peu de changement dans le reste » de l’ouvrage. » Quelques jours avant sa mort, M. Smith fit dé- truire plusieurs manuscrits : c’étoit sans doute des sacrifices faits à l’amour-propre ; quelques essais dé- tachés furent seuls exceptés : ce sont ceux que M. Stewart, son disciple et son ami, a publiés sur l’as- tronomie des anciens , sur leur physique , sur les arts d'imitation ; morceaux précieux que M. le professeur Prévost, de Genève, a traduits avec cette élégante exactitude que la profonde connois- sance des deux langues peut seule donner , et qui ne permet pas de regrets sur l’impuissance où l’on est de lire un ouvra:e dans l’original (r). Ge mérite, (1) Cette traduction se trouve à Paris, chez Agasses Hbraire, rue des Poitevins. S'entimens moraux. 41 rare dans les traductions , se trouve dans celle que nous allons faire connoitre, Dans les sept parties, divisées en sections et en chapitres, qui composent ce vasre édifice de philo- Sophie morale, M. Smith place d’abord l’homme vis-à-vis de lui-même, et examine le caractère propre de ses actions ; il établit ensnite ses rapports avec ses semblables sur la sympathie, base de tout son svstème ; il passe de là aux différentes passions qui s’arcordent avec la bienséance sociale ; ce qui le conduit à parler de l’origine de ambition, de la distinction des rangs et de la corruption de nos sen- timens moraux ; ce qui produit nécessairement l’ana- lyse des-sentimens du mérite et du mérite de nos actions, de celui de la justive et de la bienfaisance, et des causes de Pinfluence de la fortune sur nos sentimens. La troisième partie traite des motifs des jugemens que nous portons sur nos propres sentimens, de l’amour de la louange et de la crainte du blâme, du pouvoir de la conscience et du sentim.nt du devoir comme principe de nos actions. On trouve dans la quatrième partie deux chapitres sur la va- leur que l’apparence de l’utilité donne au caractère, à la conduite des hommes et aux productions des arts. La cinquième partie est le dévelop:ement d'une opinion de l’auteur, qui penchoit à regarder /a mode et l'usage comme ayant une influence directe sur la manière de juger de la beauté ; il regarde ces deux véhicules comme dirigeant, même en matière de morale, nos sentinens d'approbation ou d’im- probation : le caractère de prudence de l’indiviitiu 42 Métaphysique. relativement à son propre bonheur, À celui de soù semblable, comme particulier , et cornme réuni en société, est la matière de la sixième partie intitulée : Caractère de la vertu. Les divers systèmes des phi- Josophes aucieus et modernes qui ont traité des af- fections morales, et les diverses questions à discuter dans Pexamen de celte théorie, terminent l’ouvrage de M. Smith. On aperçoit , par cette simple indi< cation, toute l’étendue de.cetie anatomie morale dans laquelle auteur parcourt, avec la sonde de l’obser= vation, tous les replis de ce composé de vertus, de contradictions , d’erreurs , de passions et de crimes qu’on nomme le cœur humain. On voit en même temps , qu’il est impossible de pouvoir analyser, avec une certaine étendue , ce qui n’est que le ré- sultat de la méditation et de l’étude approfondie de l’homme de la nature et de l’homme de la société. Il faudra donc se borner à faire connoitre la base sur laquelle le philosophe écossais pose son système de la science morale, dans l’intention seulement d'engager ceux qui s’occupent de cette même étude, à méditer un ouvrage qui nous développe les prin- cipes ; les causes et les effets des divers sentimens qui nous déterminent dans nos penchans bons ou matvais , raiscnnabies ou extrêmes , justes ou dé- réplés. « Quelque degré d’amour de soi qu’on puisse sup- » poser à l’homme , dit M. Smith, il y a évidem- » ment dans sa nature un principe d’intérêt pour ce » qui arrive aux autres, qui lui rend leur bonheur » nécessaire, lors même qu’il n’en retire que le plaisir , Sentimens moraux. 43 * d’en être témoin. C’est ce principe qui produit » la pitié, la compassion et les diverses émotions » que nous éprouvons pour les infortunes des antres. » La source de notre sensibilité , pour les souffrances ou pour les satisfactions des individus , est dans la faculté que nous avons de nous mettre, par l’ima- ginalion , à leur place ; faculté qui nous rend capables de concevoir ce qu’ils sentent , et d’en être alectés : c’ést cette sensation qui nous fait partager également les peines et les plaisirs, les douleurs et les jouis- sances de nos pareils ; les revers et les succès des héros de romans ou de tragédies. « On se sert des » mots de pitié, de compassion, pour exprimer ce » qui nous affecte dans les autres, quoique Je mot de sympathie füt originellement borné à cette si- gnification ; cependant on peut ; sans impropriété, » l’employer pour exprimer la faculté de partager les passions des autres, quelles qu’elles soient. » C’est dans cette sympathie que l’auteur trouve toutes les sensations que nous éprouvons à l’aspect ou au récit de celles qui affectent nos semblables , quoiqu’il as- signe différens degrés d’intérêt et de sensibilité aux effets qu’elles produisent : on jugera peut-être que le principe est trop généralisé. Peut-on croire , en eflet , que ce soit le même sentiment qui nous inté- resse au sort de celui que le crime conduit à l’écha- faud , et à l’homme innocent, victime de la tyrannie? D'ailleurs , les modifications de la sensibilité doivent être en raison des individus : n’ont-elles pas des causes résultantes de la constitution physique, de l’éduca- tion , de l’amour de soi , de la corruption des mœurs, C2 LA 44 Métaphysique. | de l’effervescence des passions, de ce monstre social trop connu sous le nom d’écoïsme ? L'application de cette sympathie à toutes les situa- tions de peine et de plaisir dans lesquelles l’homme peut se trouver , sert de développement aux preuves de l’auteur. Les douleurs morales sympathisent, selon lui, bien plus vivement avec nous, que la douleur physique, à moins qu’elle ne soit accompagnée de quelque danger ; c’est par la même raison que les passions heureuses nous intéressent moins que celles qui sont mêlées de crainte et de tristesse ) pârce que la crainte est une passion créée par l'imagination, qui nous livre aux fluctuations de l’incertitude et au sentiment, non de ce que nous $ouffrons réellement, mais de ce que nous pouvons souffrir. « Nous sommes » profondément émus de l’amour de Phèdre , dans » Racine, malgré l’extravagance et le crime où cette » passion l’a conduite , et qui peut-être même sont » un des molifs de notre intérêt : la crainte, la honte, » leremords, l’horreur, le désespoir auxquels Phèdre »_est livrée , nous en paroissent plus vrais et plus » déchirans. Toutes ces passions secondaires ( s’il en » est auxquelles on puisse donner ce nom ) qui » naissent des situations où le coupable amour de » Phèdre est placé, en deviennent nécessairement » plus violentes et plus furieuses, et c’est principa- » lement avec elles que nous sympathisons. » M. Smith parle ensuite de l’effet que produisent sur notre ame les passions insociales, la haine, le res- sentiment , la colère, la vengeance; et des passions sociales, la générosité , la bonté, humanité , la com- Sentimens moraux. 45 passion ; l’amifié , {estime mutuelle , ct enfin des passions qui ont pour objet l’amour de nous-mêmes. Cette vivacité de sympathie qu’excite en nous la douleur plutôt que le- plaisir , a sa source dans les peines qui nous rappellent celles que nous avons éprouvées , ou qu’il est possible que nous éprouvions; au lieu que le plaisir qu’occasione quelque cir- constance heureuse , ne nous affecte que passagère- ment. Lorsque de grands malheurs sont soutenus avec gourage , nous sommes attendris et frappés de l’eflort qui excite notre admiration. Caton , accablé par ses ennemis, et nécessité de se donner la mort , s’oc- cupant; à son dernier moment, des ordres que de- mande la sureté de ce qui lui est cher ; Socrate, buvant la ciguë avec tranquillité , environné de ses amis en pleurs, nous entraînent vers cette appro- bation sympathique que commande l’héroïsme , de quelque nature qu’il soit, et nous ne pardonnons pas ceite extrême foiblesse que montra au moment de son supplice le duc de Biron, qui avoit tant de fois bravé la mort sur le champ de bataille, Le moraliste, après avoir considéré en quoi con- siste le Sentiment que nous avons de la propriété ou de l’impropriété de nos actions, traite de leur mé- fte et de leur démérite, des objets naturels de notre reconnoissance et de notre ressentiment. « Quand » nous lisons dans l’histoire quelque trait de gran- »* deur d’ame et de bienfaisance, avec quelle passion * nous en partageons tous les sentimens ! avec quelle ardeur uous désirons les voir couronnés par le » succès ! combien nous sommes afiligés lorsque la 46 | Métaphysique. » fortune les déjoue ! Nons devenons , dans notre » propre pensée, la personne même qui agit : notre » imagination nous placs au milieu de ces événe- » mens si éloignés de nous ; et nous croyons un » moment jouer le rôle de Scipion ou de Camille, » de Timoléon ou d’Aristide. Nos sentimens sont donc alors fondés, et sur une sympathie directe avec la personne qui agit, et sur une sympathie indirecte » avec la personne pour laquelle Paction de l’autre » est un bienfait. Quand nous nous mettons à la » place de la persoune obligée, avec queile tendre Li D] et vive sympathie nous partageons sa :reconnois- sance ! Notre cœur s’unit aux plus ardens transports » de sa gratitude; nous applaudissons également au » retour de services qu’elle cherche à rendre à son » bienfaiteur, et nous sommes blessés lorsqu’elle pa- » roît n’avoir qu’un foible sentiment du bienfait » qu’elle a reçu ; en un mot, le:sentiment que nous » avons du mérite de ces sortes d’actions, de la » convenance qui se trouve à les récompenser, naît » entièrement des émotions sympathiques de recon- » noissance et d’amour que nous éprouvons pour un » bienfaiteur généreux, en nous mettant à la place » de la personne obligée. » Dans le chapitre où M. Swith compare la justice à la bienfaisance, 1l met lame à découvert ; et dans celui. où il analyse le mérite de nos actions , il fait de l’homuime livré à l’ac- tivité du remords, un portrait que nous ne pouvons ne pastranscrire. Que d'hommes pourront s’y recon- noître, si l'excès de la perversité n’étouffe pas en eux le tourment des souvenirs ! « Ce-ni qui vio'e les loiÿ » » » Sentimens moraux. 47 les plus sacrées de la justice, ne sauroit réfléchir sur les sentimens qu’il inspire aux hommes, sans éprouver toutes les angoisses de la terreur , de la honte et du désespoir. Quand la passion qui l’a conduit au crime est satisfaite , et qu’il commence à réfléchir sur sa conduite passée , il ne peut ap- prouver aucun des motifs qui l’ont déterminé 3 il se trouve aussi haïssable qu’il le paroît aux autres ; il devient pour lui-même un objet d’effroi, par une espèce de sympathie pour l’horreur qu’il inspire à tout le monde. Le sort de la personne qui a été victime de son crime , lui fait connoiïtre , malgré lui, la pitié : la seule pensée de la situation où il l’a réduite, le déchire ; il déplore les funestes effets de sa passion 3 il sent qu’ils le rendent l'objet de Pindignation publique. Cette pensée s’attache au fond de son cœur , et le remplit d’épouvante et d'horreur ; 1l croit être rejeté de la société des hommes, et pour jamais banni de leur affection. Dans l’excès même de son malleur', il ne peut es- pérer les douces consolations de la sympathie ; ce senfiment est banni sans retour du cœur de ses semblables , par le souvenir de son crime. Les sen- imens qu’il leur inspire sont précisément ceux mêmes qui le remplissent de terreur ; il voit par-tout des ennemis ; il voudroit fuir dans un désert in- hospitalier , où jamais l’aspect d’un être humain ne puisse se rencontrer ; mais la solitude est encore plus redoutable pour lui que la société. Sa pensée ne peut rien lui offrir que de désastreux ; elle n’est que la sombre prévoyance de sa misère et de sa 8 Métaphysique. + ruine : l’effroi de la solitude le rejette dans le monde ; il y cherche quelque appui, quelque pro tection dans la présence de ces mêmes juges, par lesquels il sait bien que sa condamnation est presque unanime nent prononcée. Telle est la nature du remords, de ce sentiment le pius redoutable de ceux qui peuvent entrer dans le cœur humain ; il naît de la honte, il naît de la conscience même du crime, du regret de ses effets, de la crainte du châtiment , suite certaine et reconnue du juste r'es- sentiment de tout être raisonnable, » Dans la troisième partie, le philosophe écossais s’attacie plus particulièrement à chercher l’origine et la cause des jugemens que nous portons de nous- mêuies, et il pense que les principes d’après les- quels nous nous jugeons, sont les mêmes que ceux par lesquels nous approuvons ou nous désapprou= vons la conduite des autres, et qu’en nous mettant, en imagination, à leur place, nous sympathisons où non avec les sentimens et les motifs qui l'ont dirigée. Le désir de la louange, la crainte du blâme, sont les deux ressorts actifs des act ons des hommes: miais rien ne prouve plus la foiblesse et la légé- reté, que d’être flatté des éloges qu’on ne mérite pas : c’est ce qui est proprement La vanité, source des vices les plus ridicules et les plus méprisables , de cette affectation de mensonge habituel qu’on trouve dens le commerce du monde. Iinsensé ha- YU TE SU 8 y bleur qui veut capiiver lattention d’un cercle par le faux récit deses aventures; le fat important, qui se donne les airs d’un rang et d’un mérite qu’il sait Sentimens moraux. 49 sait bien ne pas avoir, s’enivrent tous les deux des applaudiss:mens qu’ils excroquent ; mais celui qui, par Sa conduite, s’est assuré de l’estime de ses sem- blables , se comp'ait dans l’idée que tôt ou tard elle lui obtiendra leur approbation. Que d’actions de courage ! que de sacrifices de ses veilles, de la vie même, sont perdus d’abord vis-à-vis des contem- porains , et ne le sont pas pour celui qui les fait! 11 se place dans l’avenir pour être témoin de $à renommée ; il est la postérité pour jouir de sa gloire : le bruit des applaudissemens qu’il ne devoit pas entendre, retentit autour de lui; la pensée de l’ad- miration des siècles erre avec complaisance au milieu de ses pensées. Désirer et même accepter les louanges non méritées, peut être uniquement lef. fet d’une vanité méprisable. Désirer les louanges véritablement dues, c’est seulement désirer qu’on remplisse envers nous un devoir de justice. Un homme très-sensible est souvent plus abattu. par le blâme qu’il a mérité, qu'il n’est heureux par les éloges qu’on lui donne. Un homme sage re- pousse toujours avec mépris des éloges non mérités, et il est quelquefois profondément affecté d’une censure injuste. Racine annoncoit à son fils , que les critiques les plus absurdes lui causoient toujours plus de peine que les éloges les plus flatteurs : ce fut le peu de succès de Phèdre, la plus belle tra- gédie peut-être de toutes celles qui existént dans aucune langue, qui l’éloisna du théâtre. On con- noît ce que les plus légères critiques ont fait vomir de méchancetés et d’injures à Voltaire, et la Dun- Tome I. D 5o Métaphysique. , ciade de Pope est le produit de sa successibilité à quelques misérab'es pamphlets : c’est dans les arts de l’esprit principalement, que ceux qui les cul- tivent sentent plus vivement les éloges ou la cri- tique : ceux qui s'occupent des mathématiques et des sciences naturelles, dont les travaux ont la vérité et la démonstration pour base, sont indifférens sur les jugemens qu’on en porte. La ranqhiltté de New- ton ne fut point altérée par l’oubli où on laissa, pendant plusieurs années, son immortel ouvrage des Principes mathématiques de La phisolophie naturelle. Les poëtes et les grands écrivains en prose excitent loujours des factions littéraires où , des deux côtés, chacun est l’ennemi mortel de la réputation de son rival, et emploie sonvent les moyens d’intrigue et de sollicitation les plus bas, pour assurer l'opinion publique à son parti En France, Racine et Despréaux ne dédaignèrent pas de se meltre à la tête d’une cabale, pour abaisser d’abord la réputalion de Perrault et de Quinault, ensuite de Fontenelle et de la Mothe (2). En An- gleterre, l’aimable Adisson ne jugea pas indigne de la modestie de son caractère, de former une cabale du même genre , dont le but toit d’étouffer le génie naissant de Pope, M. Smith attribue l’im- (2) Racine n’a pu être un des chefs du parti qui étoit op- posé à Fontenelle, mais sur-tout à la;Mothe; celui-ci n’étoit encore connu , à. la mort de Racine en 1699, que par une mauvaise pièce jouée aux Italiens : c’est à Boileau seul qu’il faut attribuer les persécutions du parti des anciens contre ce- lui des modernes, Sentimens moraux. 5£ passibilité des uns et la sensibilité des aujres à lincérlitude des jugemens qu ’on porte sur les ou- vrages de ceux-ci, dont le degré de mérite et. de perfection dépend de la pureté et de la délicatesse:du goût, au lieu que le succès des premiers ,est le produit de démonstrations évidentes et de faits in- contesiables. ce | En parlant des louanges ou du blâme que, nous avons mérités ou démérités, l’auteur prouve que nous avons en nous un censeur sévère, mais im» partial, qui nous présente nos actions telles, qu’elles sont indépendantes desjugemens des hommes ; « Cet * esprit intérieur , cette espèce de demi-dieu, qui » juge dans nos ames, semble, comme les demi-dieux » des poëtes, avoir une origine immortelle et une » origine mottelle. Il paroît obéir à son origine cé- » leste, quand ses jugemens sont l’empreinte ineffa- » Çable du sentiment de ce qui mérite la louange » et de ce qui mérite le biâme ; il semble rester » Soumis à son origine terrestre, quand il se laisse » ébranler et confondre par les jugemens de l’igno- » rance et de la foiblesse humaine. Dans ce dernier » cas , la seule consolation efficace qui reste à » l’homme abatiu et malheureux, est d’en appeler » au tribunal suprême du juge clairvoyant et in- » corruptble des Mondes. Une ferme confiance » dans la rectitude immortelle de ses jugemens, » qui, en dernier ressort, proclament l’innocence » et récompensent la vertu , nous soutient seule » contre l’abattement et le désespoir d’une cons- » cience qui n’a d'autre témoignage que le set” D 2 52 Métaphysique. » propre , quoique la nature ait cependant destiné » la conscience à être la” sauve-garde de la tran- » quillité de l’homme comme de sa vertu. » » Tous les hommes , mais sur-tout ceux qui pré- tendént à la pénible fonction de gouverner leurs semblables, doivent lire et méditer le profond cha- pitre du Pouvoir de La conscience ; c’est dans un de ses paragraphes qu’on trouve le portrait du säge. « L’homme , d’un caractère ferme et constant; » lé sage, qui, dès l'aurore de sa vie, cherche à » se rendre maître de lui-même, reste supérieur » à Ses passions au milieu du bruit du monde et » du soin des affaires, parmi agitation et l’injus- » ‘tice des partis, au séin même des dangers de la »'guerre, et semble garder la même contenance, » et être affecté de la même maniere, soit qu’il » vive avec les homimes, soit qu’il reste dans la » solitude. Il reconhoît souvent que cette mâle in- » dépendance lui est néces saire dans les succès comme s” dans les di graces, dans la prospérité comme dans » ladversité, devant ses amis comine devant ses » énnémis. Jamäis il n'oublie le jugement qu’un » spectateur impartial peut porter de ses sentimens » et de sa condüite ; jamais il ne permet à sa cons- » cience de cesser un moment de Jes surveiller. Il » s’est accotituiné à juger tout ce qui a rapport à » lui, avec les yeux de ce témoin intérieur. L’ha- » bitüde lui à rendu comme nécessaire, de modeler » Où au moins de ébercher à modeler , el Sa con= » duite extérieure , ét ses senlimens sur ceux de ce » Jüec' impartial et rédoutable ? il finit par s’iden- Sentimens moraux. 53 » tifior tellement avec lui, qu’il en adopte tous les » sentimens , et ne peut plus éprouver que ceux » vers lesquels il le dirige, » Le philosophe oppose à son sage l’homme dominé par l’avarice, l’ambition, la vaine gloire , Pespr't de” domination , par les passions extravagantes qui aftaquent et troublent la paix de la société, « Examinez touies les pages de x l’histoire ; rappelez-vous ce qui vous est arrivé »* dans le cercle de votre propre expérience ; étu= diez avec soin la conduite de tous les hommes célèbres par leurs malheurs publics ou privés, et vous reconnoîtrez que la plupart de leurs in- fortunes n’ont eu lieu que parce qu’ils ont ignoré qu’il ne leur manquoit rien pour être bien, et qu'ils n’ont pas su qu’ils devoient rester tran- quilles et se trouver satisfaits. On peut appli- quer, avec Justice , à l’avarice et à lPambition ; trompées dans leurs poursuites, cette inscription » gravée sur la tombe d’un homme qui avoit essayé » de perfectionner, par les médicamens, une consti- » fution physique passablement-bonne : J’étois bien, » J'ai voulu être mieux , et Je suis ici.» Les ra- vages des passions sont bien plus funestes à la société À lorsqu’elles s'emparent d’une nation entière divisée sur ses intérêts. « 1] Y a souvent plus d’animosité » entre des factions ennemies, pour des eauses re- « ligieuses ou politiques, qu'entre des rations, même » en guerre l’une contre l’autre , et souvent aussi » leur conduite est plus atroce, Les auteurs les plus » graves, en établissant ce qu’on appelle Les Lois » des factions, ont. moins fait encore attention D 3 # VE vs = » »% 54 Métaphysique. SO % & EE 6 © LOU v. v YO % %. w % » » > ] » >» » » >» ei) » » aux règles immuables de la justice, qu’en parlant de celles des nations. Jamais un honime de parti n’a mis en doute si on doit tenir sa parole à un ennemi, et même les plus célèbres professeurs de droit civil- ôu ecclésiastique ont débattu entr’eux , avec une sorte de fureur, la question de savoir si on doit ténir sa parole à un rebelle, à un hérétique. Il n’est pas, ce me semble, nécessaire d’observer que ces ennemis publics, ces rebelles, ‘ces hérétiques ne sont autre chose ( quand on en est venu aux plus violentes extré- mités), que les infortunés qui ont le malheur de se trouver du parti le plus foible. Dans une na- tion décliirée par les factions , il y a sans doute bien plus d'hommes dont l’animosité contagieuse de lesprit de parti n’ait pas corrompu le juge- ment : si on peut en découvrir un seul, ©’est un individu +olitaire, isolé, sañs aucune influence, exclu ‘es deux partis, privé de leur confiance par sa candeur et par sa vertu, et qui, parce qu’il est un des hommes les plus sages, devient pré- cisément un des plus inutiles. De tels hommes sont l’objet de la dérision , du mépris, et souvent même l’aversion des chefs les plus violens des deux partis. Un véritable homme de parti haït et méprise la sincérité; et en eflet, cette vertu le rend, plus qu’aucun vice , incapable d’agir comme homme de parti. Le spectateur impar- tial est, dans toutes les circonstances possibles , à une très-grande distance de ceux qu’entraînent la violence et là rage des factions ennemies, On Sentimens moraux. LL s peut dire que pour ceux-là il existe à peine un tel spectateur sur la terre ; ils vont même jusqu’à prêter leurs préjugés haineux à la divinité, et ils la supposent animée de toutes leurs passions furieuses. Les factions et le fanatisme sont donc les “» plus fortes causes de la corruption de nos senti- 2 mens moraux. » M. Smith éioit persuadé , comme nous l’avons observé, que Pusage et la mode avoient une in- fluence sensible sur nos sentimens d'approbation ou d’improbation, en matière de morale ; aussi dans la cinquième partie de cet ouvrage , il appuie cetie opinion sur des raisonnemens, sur des faits, sur des exemples. « La mode est différente de l’asace, » dit-il, cu plutôtelle est elle-même un genre par- » ticulier d'usage ; La mode n’est po nt ce que tout » le monde porte , mais ce que portent les personnes » qui sont dans un rarg et dans une situation élevée ; » les formes qu’elles adoptent sont regardées comme élégantes et agréables, quoiqu’indifiérentes en elles- » mêmes ; elles ne perdent leurs graces et leur » charme que quand elles sont adoptées par le » peuple. » Rien n’est plus inconstant que la mode qui décide du goût cles habillemens et des meubles. Il n’en est pas de même des productions des arts: leur invention n’est pas si immédiatement soumise à l'empire de la mode. Un gravd monument peut exister des siècles ; une chanson est conservée par uné espèce de tradition , et passe à travers plusieurs géné rations : un beau poëme peut durèr autant que le monde, et, pendant plusieurs siècles, ANS le style, 4 56 Métaphysique. le goût et la forme des ouvrages du même genre. Quand un auteur a été loué pour avoir épuré le goût de sa nation , le plus grand éloge qu’on puisse peut-être donner à un autre, c’est de dire qu il l’a corrompu. Quintilien accusa Sénèque d’avoir cor- rompu le goût des Romains; Saluste et Tacite es- suyèrent le même reproche : on prétendoit qu’ils avoient fait adopter un style qui, quoique très- concis, irès-élégant, manquoit de grace, de sim- plicité, de naturel. Quelles grandes qualités cepen- dant, que celles qui couvrent de charmes tant de défauts ! Pope et Swift ont introduit dans la langue anglaise , un pour les longs vers, l’autre pour les courts, des formes différentes de celles qui étoient en usage avant eux dans les ouvrages de poésie rimée. L’éléscance de Butler a fait place à la sim- plicité de Swift ; la fougue indomptable de Dryden et la correction souvent prosaïque et fatiguante d’Adis- son , ne seroient plus des modèles maintenant , tan- dis qu’on cherche à imiter la nerveuse précision de Pope. La coutume et la mode n’influent pas seulement sur les productions des arts ; elles dominent encore nos jusemens relativement à la beauté des objets naturels. Combien les idées de la beauté, de la figure et du corps humain ne sont -elles pas différentes chez les différentes nations ? La blancheur du tein passe pour un défaut sur la côte de Guinée ; les jèvres grosses ou un nez écrasé y sont une beauté. Chez quelques peuples, les oreilles pendantes jus- qu'aux épaules excitent l’admiration : en Chine, Sentimens moraux. Sr une femme passe pour un moustre de laideur, si elle a le pied assez grand pour pouvoir marcher. Quelques sauvages d'Amérique attachent quatre planches autour de la tête de leurs enfans , et en pressent les os encore tendres et flexibles, de ma- nière à lui donner une forme absolument quarrée. 11 ne faut cependant pas croire que le sentiment que nous avons de la beauté des formes extérieures soit absolument fondé sur l’usage. L’utilité de chaque forme, la convenance , relativement au but qui Pa fait choisir , nous la rend agréable , même indépen- damment de la coutume. Nos sentimens moraux ne sont pas indépendans, en totalité , de la mode et de l’usage ; les formes les plus bizarres , les plus capricieuses auxquelles la mode nous accoutume , l’habitude nous les rend aimables ; mais le caractère des hommes tels que Tibere, Claude. Néron, Calioula , Robespierre, Marat , etc. est tel que la mode et lusage ne sauroient nous empêcher de le ‘détester. Les pre- miers nous inspirent toujours de l’effroi et de ’hor- reur ; les seconds nous parofiront toujours mépri- sables ét odieux. Les sentimens moraux de lestime et du blâme sont fondés sur les passions ies plus fortes de la nature humaine : si on peut ies employer, on ne peut jamais ies pervertir entièrement. « La » mode va même quelquefois jusqu’à metire en vogue certains défauts , jusqu’à faire excuser cer- tains vices, jusqu’à décrier certaines qualités qui méritent de l’estime. Sous le règne de CharlesIT, sous la régence de Philippe d'Orléans , on regar- 5 * » à» 58 Métaphysique. doit le libertinage et la débauche comme la marque d’une belle éducation : dans les idées de ces temps, ces vices paroissoient inséparables de la générosité, de la franchise, de la grandeur d’ame, de la loyauté. » Les différentes professions dont les hommes s’oc- cupent, habituent à certaines passions, et les con- duisent nécessairement à des dispositions et àdesmœurs très-diverses : ces mœurs particulières ont une conve- nance indépendante de la coutume. Un ecclésiastique a d’autres mœurs , d’autres goûts que ceux d’un mili- taire. Celui dont toute Poccupation a pour but de par- ler aux hommes de l’avenir qui les attend, de leur montrer les suites du crime, de les confirmer dans la pratique de leurs devoirs, ne peut s'éloigner des ma- nières qui conviennent à cetle profession ; sans perdre l’estime et la confiance qui lui sont nécessaires pour persuader. : Les siècles et les climats donnent aux hommes des caractères différens , et leurs opinions sur le de- gré de bonté et de méchanceté varient selon l’usage de leur pays et de leur siècle. Le degré de poli- tesse, dont on fait tant de cas en Angleterre , pas seroit peut-être pour une basse adulation en Russie , ou pour de la grossiéreté en France ; de même, le degré d'économie et de frugalité qui seroit regardé parmi la noblesse polonaise comme une avarice excessive, auroit l’air d’une prodigalité extrava- gante chezun bourgeois d’ Amsterdam. Dans chaque siècle et dansles pays divers, la conduite des per- sonnes les plus distinguées ou les plus estimées , est Sentimens moraux. 59 Ja mesure du degré où lon doit porter les vertus et les qualités; mais les différentes circonstances faisant varier cette mesure, ont plus ou moins con- verti ces vertus-en habitudes : les opinious des hommes sur l’exacte convenance du caractère de telle ou telle conduite , varient en conséquence. Dans la sixième partie, qui traite du caractère de la vertu, M. Smith considère homme sous deux âspects différens; d’abord , relativement à ce qu’il est pour son propre bonheur; en second lieu, relativeinent à l'influence qu’il peut avoir sur le bonheur des autres. « La prudence est le premier caractère qui » peut contribuer au bonheur de l'individu ; le soin * de notre santé, de notre fortune , de notre rang, de notre réputation, de tout ce qui peut intéresser » notre sureté, notre tranquillité , est proprement » l’objet de la vertu que l’on nomme prudence. » L'auteur entre ensuite dans l’énumération des qua- lités qui constituent l’homme prudent : une de ces qualités, la plus essentielle, est le respect pour les usages établis dans le monde. « Il doit donner à cet égard , ajoute-t-il, un autre exemple que celui qui » a été donné par des hommes supérieurs en talens » eten vertus, qui, dans divers âges, depuis Socrate » et Aristipe jusqu’à Swift et Voltaire, depuis Phi- » lippe et Alexandre jusqu’au czar Pierre I°r., se » » sont trop souvent distingués. par un mépris inso- lent et inconvenable des manières établies dans le » monde et dans la conversalion ; exemple conta- _» gieux qu'ont fidellement suivi tous ceux qui cher, » choient à leur ressembler , et qui, ne pouvant 6a Métaphysique. » atteindre à leurs talens, vouloient au moins imiter » leurs défauts. La prudence, unie aux autres vertus, » constitue le plus noble caractère, comme l’impru- » dence, jointe au vice, constitue le caractère le plus abject. » En examinant quelle est l’influence utile ou nui- sible du caractère de l’individu sur le bonheur de ses semblables, M. Smiih traite de l’ordre dans lequel la Nature appelle nos soins et notre attention sur chaque individu. La Nature y a placé d’abord ceux pour qui notre sympathie est plus directe et plus déterminée, nos enfans , nos frères, nos sœurs : il observe que cette sympathie, cette affection natu- relle s’aoïblissent à mesure que les liens du sang s'étendent et se relâchent. C’est dans ce chapitre qu’il discute les avantages et les désavantages de l’éduca- tion publiqre et de l’éducalion domestique , et il se décide pour la dernière. Ceite question, qui a été si Jong-temps une matière d’observation et de discus- sion pour les hommes d’état et pour les philosophes, a plus généralement obtenu des résultats contraires à celui de notre auteur. Si nous osions manifester notre opinion particulière sur ce sujet, il nous seroit aisé de démontrer par des faits, et d’après les re- cherches que nous avions été chargés de faire, les avantages incontestables de l’éducation publique , en- visagés sous tous les rapports, sur l’éducation par- ticulière, | À près les liaisons du sang, les personnes qui, par leurs qualités personnelles, ont obtenu une affection d'estime , sont celles qui ont mérité notre confiance Sentimens moraux. 6r et notre amitié : il y en a d’autres qui n’ont droit qu’à des égards, à quelques bons offices. De ces di- verses modifications de sympathie, le moraliste écos- Saïs passe aux sentinens d’affeclion que la société nous demande : le pays qui nous a vu naître, le gouvernement sous lequel nous vivons , doivent né- _cessairement nous intéresser davantage ; ils nous sont chers ,et pour nous-mêmes , et parce qu’ils réunissent tous les objets de nos affections. L’amour du bien public résulte nécessairement de ce sentiment : c’est cet attachement qui fait le vrai citoyen ; c’est lui qui, s’exerçant avec plus d’étendue et d’utilité, fait l’homme d’état, forme des alliances avec les nations, soit pour conserver , entretenir ce qu’on appelle la balance des pouvoirs , soit pour y maintenir la paix et l’harmonie, C’est ce désir du bonheur général qui, selon le cardinal: de Retz , auroit fait sacrifier au comte d’Anaux sa propre vie, pour que le traité de Westphalie assurât la tranquillité de l’Europe. Le roi Guillaume montroit un grand zèle pour l’indé- psndance de tous les souverains de l’Europe ; mais ce sentiment n’étoit-il pas excité par sa haine pour la France, qui , à cette époque , sembloit menacer la liberté des autres puissances ? Cet esprit public ne se montre jamais mieux en bien ou en mal, que dans les temps de faction. « Au milieu même des troubles » et des désordres civils, un certain esprit de sys- » tème se mêle souvent au véritable.esprit public, » qui est fondé sur amour de l’humanité , et sur une » profonde sympathie pour les maux auxquels une 62 Métaphysique. » » » » » » » » æ » » » » » » ù >» » » » ÿ 5 v' v *Y partie de nos concitoyens est exposée. Cet esprit de système a le même but que le plus uoble esprit public ; il l’exalte toujours,et souvent il l’enflamme jusqu’à la folie da fanatisme. Les chefs du parti mécontent ne manquent jamais de proposer quelque plan plausible de réforme, par lequel ils prétendent remédier aux maux actuels, et prévenir leur re tour ; ils présentent donc un nouveau modèle de constitution, et altèrent, dans ses parties les plus ime portantes, les systèmes du gouvernement qui a fait, pendant plusieurs siècles, la paix , le bonheur et la gloire de tous les sujets d’un grand Empire. La majorité du parti réformateur est enivrée de la beauté imaginaire du nouveau système qui n’a point subi l’épreuve de l’expérience , mais qui leur est présenté fpar leurs chefs, sous les couleurs les plus brillantes : les chefs eux-mêmes, quoiqu’ils » naient songé dans l’origine, qu’à l’agrandissement de leur fortune , deviennent peu à peu dupes de leurs propres systèmes , et se passionnent pour une réforme générale , comme leurs moindres partisans et comme leurs plus zélés disciples. Mais, lorsqu'ils se sont préservés de cet enthousiasme fanatique, ( ce qui arrive le plus souvent ), ils n’osent pas toujours tromper l’attente de leurs partisans , et ils sont souvent oblisés d’agir, malgré leur cons- cience et leurs principes, conformément à l’illu- sion générale : la violence des partis, repoussant tout palliatif, tout tempérament , tout accord rai- sonnable , en exigeant trop , n’obtient souvent rien; Sentimens moraux. 63 » et les abus qu’on eût pu détruire ou affoiblir par » la modération, restent sans aucun espoir de re- » mède. » C’est à cette époque de notre histoire que nous devons engager les Français de lire et de méditer tous les chapitres de cette sixième partie , sur-tout ceux de lÆmour de la Patrie et de l’Empire sur soi-même : ils se convaincront que le vrai in- térêt de notre propre bonheur doit nous conduire à la prudence ; que l’intérêt du bonheur des autres nous porte à la justice et à la bienfaisance. La justice nous éloigne de tout ce qui peut uuire au bonheur d’autrui ; la bienfaisance nous fait rechercher tout ce qui peut y concourir : la pratique de ces trois vertus ne peut produire que des effets agréables ou utiles , soit pour nous, soit pour les autres, Les différentes questions qu’on doit examiner dans une théorie des sentimens moraux , terminent ces grands développemens que l’étude de l’homme a pré- sentés au profond observateur de l’ame humaine. Il parcourt tous les systèmes des philosophes, tant an- ciens que modernes ; il analyse les uns avec clarté, il combat les autres avec force. Platon , Aristote, Z£énon , font consister la vertu dans la propriété ou la convenance de nos actions ; Clarke la fait agir d’une manière conforme au rapport que les choses ont entr’elles ; elle règle notre conduite selon la con- venance ou l’inconvenance qu’il peul y avoir dans l’application de certaines actious à certains objets, ou à certaines relations. Wollaston veut qu’elle agisse conformément à la vérité des choses ; Shasterbury 64 Métaphysique. la place dans un certain équilibre entre, toutes les passions : tous ces systèmes sont l’exposition plus ou moivs exacte des idées fondamentales de la vertu. Epicure veut que la vertu soit la prudence : ce sys- tème, par lequel la vertu n’agit que de la manière la plus convenable pour obtenir les principaux objets de nosdésirs naturels, s'accorde essentiellement avec ceux de Platon, d’Aristote et de Zénon. Les philosophes qu’on a nommés Eclectiques ou Platoniciens mo- dernes , et dont le système a été dominant avant et après le siècle d'Avguste , faisoient consister cette même vertu dans la bienveillance. Les Pères de l'Eglise y trouvèrent tant de rapport avec le principe d'amour et de bienveillance, qui est le principal at- tribut de la nature divine, qu’ils le mêlèrent à leur ascétisme ; et après la réformation , il fut adopté par les hommes les plus savans et les plus religieux. Hutcheson, dans ses Considératrons-sur la vertu , a encore resserré ce principe de bienveillance , en observant que, lorsque des motifs étrangers se mêlent à une action qu’on croyoit dictée par la bienveil- lance, elle perd à nos yeux du mérite que nous lui trouvions , à proportion de l'influence que ces mêmes motifs. ont sur elle. Par une conséquence naturelle, l'amour de soi est un principe qui ue peut jamais être vertueux , à quelque degré qu’il se trouve et quelque direction qu’il donne à ses actions ; il de- vient vicieux quand il est contraire au bien général. Ici M. Smith s’aitache à montrer que les trois sys tèmes de convenance , de prudence et de bienveil- lance renferment toutes les définitions qu’on peut donner Sentimens moraux. 65 donner de la vertu ; car il n’en est point qu’on ne puisse rapporter à l’une d’elles , quelque éloignée qu’elle en soit en apparence. Il s'attache ensuite à combattre les systèmes li cencieux et immoraux , tels que celui de Mande- ville, qui, cherchant à aréantir toute distinction entre le vice et la vertu, attribue toutes les actions que nous nommons vertueuses , à la »anvté. Tout son ouvrage, intilulé Fable des abeilles , ne tend qu’à prouver qu’il n’y a point de vertu réelle, et que ce qui passe pour vertu n’e:t qu’une chimère qui trompe les hommes ; et il établit ensuite que les vices privés sont avantageux à la société , puisque sans eux la société ne pourroit ni prospérer ni fleurir. Smithpasse aux systèmes qui se sont formés sur le principe de lapprobation , c’est-à-dire ; la puissance ou la faculté de l’amie qui nous fait trouver certains ca- ractères agréables ou désagréables, qui nous fait pré- férer telle ou telle conduite , considérer l’une comme l’objet de approbation , de l'estime et des récom- penses, et l’autre comme celui du blâme, de la censure et du châtiment. Les uns ont placé ce prin= cipe dans amour de nous-mêmes ou dans l’intérêt personnel, comme Hobbes; les autres, dans la raison; ceux-ci, dans les sentimens; ceux-là, dans l’utilité : toutes les origines de nos sentimens moraux de sym- pathie s’éloignent plus ou moins du système de M. Smith. Pour ne rien laisser à désirer, le moraliste ter mine son ouvrage en donnant quelques aperçus sur Tome I. E 66 Métaphysique. les règles pratiques de la morale, « Comime Îes dif- » férens principes de morale sont susceptibles de plus » ou de moins de rigueur, les auteurs qui les ont » recueillis, et qui ont tâché de les réduire en sys- » tème, ont adopté deux manières différentes : les » uns ont suivi un mode vague el incertain, auquel » l'examen de chaque espète de veriu particulière » devoit les conduire ; les autres ont porté, dans leur philosophie ; cette exacte sévérité de raisonnement, » dont elle seule est succeptible. Les premiers ont » écrit comme des critiques, les seconds comme des » gra amairiens.» Parmiles premiers, on peut placer les anciens moralistes, et ensuite les casuistes des der niers siècles; les seconds sont les jurisconsultes. ’objet de la jurisprudence est de fixer les règles d’après lesquelles les juges et les arhitres doivent prononcer, el celui des casuistes est de déterminer les règles de la conduite de l’homme de bien, Ces deux sciences, distinctes dans leur but, se rap- prochent par les sujets quelles traitent : la plupart des auteurs qui ont voulu écrire sur la jurisprudence, ont décidé les questions qu’ils ont examinées , tantôt, suiväñt les principes de Ia jurisprudence, tantôt suivant les principes de la morale des casuistes. Les nombreux traités de morale de ces derniers, par léuts distinctions subtiles, par leurs raisonnemens réthaphysiques , font näiître dans les cœurs toutes les inquiétudes du doute, toutes les angoisses de la conscience, et produisent rarement ces sentimens de justice , de modestie, de véracité qui doivent sans Sentimens moraux, 67 cesse conduire nomme vertueux. Les ovrages des jurisconsultes | sur chaque système de loi positive, sont également inexacts et incomplets, parce que leurs raisonnemens sur les vices et sur le perfec- tionnement des lois, ne les ont jamais conduits à rechercher quelles sont les règles naturelles de la justice , indépendamment de toute institution poli- tique. Cicéron, dans ses Offices , Aristote , dans ses Traités de morale, ne parlent pas de la justice d’une manière plus précise et plus complète. M, Smith s’étoit proposé de remplir cette lacune im- portante de Phistoire des lois , en publiant un ou- vrage sur les principes généraux des lois et du gou- vernement , et sur les différentes révolutions qu’ils ont essuyés dans les différens âges de la société : une santé foible, maisplus encore des devoirs en- tièrement opposés aux objets de ses méditations, nous ont privés d’une production qui auroit com- plété les travaux auxquels son amour pour le bon- beur public, son désir du perfectionnement des corps politiques , et linstruction de ceux qui les gouver- nent , l’auroient occupé pendant tout le cours de sa vie. Peut-on espérer qu’un extrait, quelque étendu qu'il soit, fasse connoître et apprécier un ouvrage de la nature de celui-ci? Non assurément. On seroit flatié si ce qu’on en a pu dire engageoit ceux qui ne sont pas entièrement o-cupés des frivolités du jour ou des dissensions de parti, à le lire avec ré- flexion, à le méditer sans préjugé, à en comparer | E 2 68 Métaphysique. les principes avec nos actions. Que d’hommes au= roient à rougir d’eux-mêmes ! Quelle lumière ef- frayante cette lecture jettrroit dans leur ame! Ce traité de philosophie morale est le plus beau monu- ment que l’homme ait pu élever à l’honneur de la pature humaine. Il est de notre devoir de rendre au traducteur toute la justice qui lui est due : correc- tion, clarté , élégance, caractérisent le produit de ses veilles. On doit lui savoir d’autant plus de gré de s’être livré à une occupation aussi peu satisfai- sante pour l’amour-propre , qu’elle n’est pas ordi- . nairement celle des personnes qui, comme elle, réunissent aux présens de la nature , les agrémens de l’esprit et le charme des qualités sociales. On fera connoître les huit lettres sur la sympa- thie, qu’on trouve à la fin du second volume. A. J. D. B. re ere NS RER A 1e Lei Le sage craint quand le ciel est serein : dans les tempêtes , il marchera sur les flots et sur les vents, Morale de CoNFucius. Des ConsorArrons , ou Recuerz choisi de tout cé que la raison et là religion“peuvent offrir de consolations aux malheureux : 15 vol, «18 , figures. Q UE ce litre de la Relision unie à la raison , n’ef- * farouche point certains lecteurs : c’est ici »pour la, plus grande partie de ce recueil, la religion na- turelle chez tous les-peuples de Univers. Ce sont les principes des premiers philosophes de Panti- quité, de Platon, de Socrate, de Plutarque , d’Epic- tète, de Cicéron, de Sérèque , de Marc-Aurèle , etc. des poëtes les plus célèbres , Homère , Pindare, Eschyle, Sophocle, Euripide | Horace. C’est la religion et la raison de Confucius chez les Chinois; VPextrait des livres sacrés des Indiens, des Persans, des Arabes, des Turcs et de leurs poëtes les ‘plus célèbres. L'auteur est surpris, et avec raison, qu’il existe des recueils pour toutes les connoissances humaines, et qu’il n’en existe point encore pour Ja plus dif ficile de toutes, celle de l’adversité , c’est-à-dire sur le sujet qui l’exigeoit davantage , le plus néces- saire à homme, et en même temps le plus déli- ES 70 Morale. , cat et le plus difficile à traiter ; caron sait, qu’une plaie trop récente et ulcérée est bien sensible , et s’ir- rite alors qu’on ose y toucher. J’auteur de cette collection a pensé à cet égard, qu’elle ne pouvoit paroître plus à propos qu’à la suite d’une des révolutions d'Etat la plus consi- “dérable de toutes cel!es connues dans l’histoire; révo- Jutions qui touiours nécessairement entraînent avec elles le renversement des plus grandes maisons, comme des fortunes les plus riches et les plus bril- lantes. D’ailleurs, et dans quelque temps que ce soit, l’esprit le plus borné, à moins qu’il ne veuille absolument s’aveugler lui-même sur ce qui se passe tous les jours sous nos yeux et autour de nous, pourroit-il ignorer que le faite des grandenrs et la chute la plus prompte et la plus humiliante, en un mot, que la prospérité et l’adversité se touchent presque toujours de bien près? Et quel est l’homme qui n’ait pas un ami, qui wait pas un parent dans sa famille , la victime de quelque revers? Quel est l'homme encore qui nourrit en soi quelque semence de sentiment , de vertu et d’élévation, qui nese trouve heureux de venir au secours de son ami, de son frère : de pouvoir essuyer ses larmes et en faire tarir la source ! Au reste, l’infortune , les revers, les pertes ne sont pas pour l’homnie le comble du malheur; c’est le dé'aut d’instruction et de sa- gesse, dans ladversité, qui en rendent l'aiguillon trop piquant , et le poids insupportable. Dans ces mo:vens critiques, il a do & besoin d’un véritable ami, d’un sage, d’un consolateur : mais, on l’a Des Consolations. 7 dit, que cette tâche est bien délicate et très-difficile à remplir. Le sommaire du tom. IV indique à cet égard , toute la prudence et les précautions dont il faut adroitement se servir pour gagner d’abord la confiance du maiade , pour parvenir ensuite à pouvoir lui être utile. Le grand avantage de ce recueil est que le ma- lade ,ou celui qui se chargera de fermer sa blessure, trouvera ici tout aprêté en quelque sorie , le baume propre et particulier pour chaque genre de plaie qu’il aura à guérir, Il est difficile en effet d’être à la fois plus éloquent, plus persuasif et plus conso- lant que Plutarque et Sénèque , sur la perte d’un Jils, sur la perte d’une fille et de plusieurs petits- fils ; sur la mort d’un époux, sur le bannisse- ment du doux pays où l’on est né, sur la perte des richesses , et sur celle de la santé, plus pré- cieuse que tous les biens du monde, Ailleurs, c’est le premier des philosophes et des orateurg romains, qui vous encourage, qui vous fortifie , et qui amortit les plus cruelles atteintes des chagrius , de la dou- leur et de la mort mêine. Tantôt ce sont des mo- tifs de consolations dans la patience et le courage ; dans la confiance en une divine piovidence, par Senèque , Salvien, Théodoret ; dans l’espérance de Pimmortalité, par Socrate et Platon. Enfin, ce sont une infinité de moyens et de ressources contre les coups diversifiés de l’adversité. Ah ! combien d’ames trop sensibles, combien d'hommes estimés penseurs , qui se sont eux-mêmes défait de la vie, comme d’un fardeau qu’ils n’étoient point capables de sup- Lu 72 Morale. porter, seroient encore existans s'ils avoient lu les tomes IX et X de cette précieuse collection ; vo- Jumes où l’auteur repasse et rend nulles les prin- cipales causes qui peuvent porter l’homme foible et malheureux au suicide ! Là, ils auroient trouvé des motifs de courage, de fermeté et d’énergie contre les craintes de la vengeance et de la terreur 3 de quoi remettre un esprit égaré et en démence, un malheureux , la proie du fanatisme ou des re- mords des plus grands crimes; enfin, ils y auroient trouvé du soulagement et des appuis dans tontes les positions les plus fâcheuses et les plus désespérées de la vie. Pour servir la cause sublime de la vertu, qui se perfectionne dans l’adversité, rien dans ce recueil n’est plus énergique et plus lumineux à la fois, que le rapprochement de la morale des divers sages sur les épreuves réservées trop souvent aux gens de bien : c’est ici comme un faisceau d’armes et de lumières qui remplissent en même temps ce double objet. L'auteur de cet ouvrese a su encore, par des abrégés historiques ; et dans des notes expli- catives , mêler aux grandes maximes de la morale, - les exemples les plus frappans qui en conïirment les lecons , soit par l’üéroïsme de la vertu, soit par la seule inspection dés revers les plus éclatans dans les différens âges du monde. À Pappui de cette morale , et de, cette histoire philosophique de l'instabilité des choses humaines , l’éditeur à joint un nombre d’estampes sur des sujets choisis et re- Des Consolations., 73 latifs au contenu du recueil. Ces estampes achèvent à l’œil , effet des impressions que la raison et l’élo- quence des premiers orateurs et des plus grands philosophes de ious les siécles avoient déjà pu ._ faire sur lesprit et le cœur de ses lecteurs. Ces gravures, par le choix des objets et par leur cor- rection ; méritent quelques détails particuliers. Cet intéressant ouvrage est orné de huit char- mantes estampes : pour en faire l’éloge, il suffit de dire qu’elles sont gravées par le citoyen GAUCHER. Dans toutes, on reconnoît l’expression, le sentiment et le caractère des principaux personnages qui en font le sujet s elles sont toutes exécutées avec ce bu- rin moëlleux et suave qui distingue les productions de cet excellent artiste. Les dessins sont dus au génie du citoyen Monxer , dont le style noble et pittoresque est également estimé du public et des gens de goût, Les principaux sujets qu’il a composés pour les Con- solations , sont : « Marius assis sur les ruines de » Carthage ; Socrate s’eniretenant avec ses amis, » sur l’immortalité de l’ame avant de boire le fatal » ‘breuvage 3 Æpollonius auprès du tombeau de » son fils; c'est là que ce père infortuné vient lire » le traité de Consolation de Plutarque. On voit » sur la figure de ce malheureux père, que cette » lecture comnence à parler à son cœur; Cicéron » immolé par les satellites des Triumvirs, et plu- » sieurs autres sujets de ce genre.» Dans tous, on remarque une composition poétique, jointe à un ef- fet piquant et har nouieux. Pour compléter ce cours universel de morale et 74 Morale. de philosophis , puisées dans la religion de tous les peuples, on a eu soin de rapprocher dans les quatre derniers volumes de cette collection , les plus beaux passages de Tertullien, Basile » Cyprien, Chrysostôme , Théodoret, Saivien, Gerson , etc. Ces derniers fragmens ne déparent point les pre- miers ; et l’on ne peut s'empêcher d’avouer avec Fontenelle et le philosophe de Genève, que la mo- rale évangélique n’est pas moins consolante pour les malheureux , que celle de Socrate et de Platon. L'auteur, qui a mis à contribution les moralistes es plus célèbres, anciens et modernes; qui a su glaner jusque chez les Italiens, qui a extrait un morceau précieux de Pétrarque, auroit pu mois- sonner avantageusement chez le peuple entre tous, réputé penseur , par Montesquieu , Rousseau , Vol- taire ,et par plusieurs autres, de nos meilleurs écri- vains ; je veux dire, chez les philosophes et les poëtes anglais. Les œuvres de Shakespear, de Milton, de Pope , d’Adisson , de Steèle et de quelques autres, lui auroient abondamment fourni d’excellens mor- ceaux, qui auroient enrichi et fortifié cette série morale et philosophique. Les auteurs allemands au- roient pu lui offrir encore une récolte non moins avantageuse, Ou auroit pu aisément multiplier davantage les passages en vers, Les vers qui se mêlent à la prose Pembellissent ,; lui donnent de Pagrément, et y produisent un autre graud avantage : ils s’impriment plus aisément dans la mémoire, et s’y reliennent plus long temps. La poésie, dans un sujet aussi sé- Des Consolations. 75 rieux et d'aussi longue haleine , auroit par inter- valles, délassé et rifraîichi en quelque sorte le lec- teur. On remarque à cet égard , plusieurs passages que les deux Racines et quelques autres poëtes français ont supérieurement traduits en vers. L’auteur auroit pu rappeler c?s imitations, ou en place du texte, ou au bas des passages, comme en note, Nos académies avoient couronné un nombre de sujets trailés en vers, sur la mort d’un père , d'un Jils, d’une épouse, d’un ami,et sur plusieurs autres événemens malheureux de la vie. Divers recueils de poésies renferment encore des élégies sur la mort des personnes qui étoient chères à leurs auteurs(r).On auroit désiré que toute cette collection eu prose eût été terminée par un ou deux volumes de poésies, contenant un choix des meilleures pièces en vers sur ces différens sujets : on auroit mis en tête la beile ode de Malherbe, imitée de! celle d'Horace,. Ta douleur , Duperrier , sera donc éternelle ? Ma'gré ces moyens d'améliorations que nous sou- mettons à l’auteur, et qu’il sera toujours temps de ‘ (1) Voyez Elite des poésies fugitives , tom. V ,pag 2555. une pièce de vers adressée à une mère sur la mort de son fils : Œuvres choisies de DM. Gessner, en vers français. Paris, 1774, in-12, une ode de Haller, sur la mort de son épouse: Œuvres du citoyen Vigée. Paris, Desenne , an VI, une pièce de vers de l’auteur, sur la mort de son propre fils , etc. etc, 76 Morale. réaliser dans leur plus grande partie , on ne peutque lui savoir gré d’un but aussi louable , et de la manière dont il a su y atteindre. Les traductions du grec, du latin, etc. bien choi- sies, sont des meilleurs littérateurs. On y distingue celles du citoyen Ricard, qui a bien mérité de la république des lettres, comme traducteur à la fois élécant et fidèle ; par son poëmne de l’astrono- mie , qui fera époque dans notre ère poétique ; et dans tous ses ouvrages, par des notes savantes qui montrent autant de goût que d’érudition Ce recueil précieux par son contenu, par son exécution typographique , et par ses accessoires, les ornemens d’un burin pur, élégant et spirituel , mérite de faire suite à la bibliothèque nombreuse dans ce même format «n-18 , exécutée par les pre- miers artistes de la capitale , de nos meilleurs au- teurs (philosophes, politiques, philologues, poëtes, romanciers, etc.); bibliothèque dans sa majeure par- tie, plus agréable et plus amusante, je lavoue, mais à coup - sûr moins utile et moins importante que cette nouvelle collection. On la trouve à Paris, chez LE Crerc, impri- meur-libraire, rue Saint- Re près la rue aux, Ours. Le prix des 15 vol. in-18 , ornés de huit es- tampes, est pour Paris, de 22 liw. 10 sous , et 27 lip. franc de port pour Les départenens. | Philologie. 77 Il en a été tiré quelques exemplaires sur papier vélin , figures avant la lettre : leur prix est de 45 Liv. pour Paris , et de 5o liv. pour les dé- partemens. E. B. RARE O"E'O:G'TE. ST.-L*** 4 CHARDON-L14-ROCHETTE, Sur un lire rare et fort peu connu , intitulé : Omnium horarum Opsonia. Francfort, 1614, in-8°. | M oprcæ fides , quare dubitasti ? Vous pensiez, mon cher voisin, que ce livre qui m’étoit promis depuis plus de six mois , que l’on me disoit arrivé à Paris depuis cinq semaines, et que l’on ne m’ap- portoit pas, je ne le recevrois point ; vous regardiez la promesse de mon amicomme une gasconnade..…. Eh bien ! hier, trois heures après votre aimable visite, mon ami entra chez moi , le livre à la main, me priant de l’accepter et d’excuser le long retard... Et qu'est-ce que ce livre? Vous vousrappelez que, d’après ce que m’avoit dit le propriétaire du volume, qui ne l’avoit pas vu depuis deux ans, je vous ma- nifestai le soupcon que j’avois sur ce titre; et que je vous dis que ce pourroit bien être le masque de 76 Philologie. quelque livre irès-connu : vous repoussâtes ce soup- con... J’avois pourtant raison sans le savoir. Ces prétendus Omnium horarum Opsonia ne sont autre chose que l’Anthologie grecque-latine, publiée par Jérôme Megiser, à Francfort, sumptibus Au- thoris (circonstance remarquable }, en 1602, én-8». J’avois heureusement encore votre exemplaire de Megiser ; il m’a servi pour me convaincre de liden- tité des deux livres. Ce Mepiser , comme vous savez, présente en lête douze feuillets liminaires pour le titre, la dédicace, l'avis au lecteur, concernant le sujet de lAntho- logie ; trois tables, la première, des matières, la se- coude , des auteurs des épigrammes de lAntholovie, et la troisième, des traducteurs latins des épigrammes employes dans le volume ; enfin , deux pièces de vers élégiaques à la louange de Megiser et de sa : compilation. Le fripon qui 4 voulu débarrasser le magasin du libraire , où étoit un certain nombre d'exemplaires du livre, a commencé par déchirer ces douze premiers feuillets ; puis il en a substitué Auc£ autres seulement , pour son beau titre, l'avis au lec- teur (1), la première des trois tables, et pour un petit poëme en vers élégiaques, de Conrad Celtès , iutituté : Quôd divers ad diversa studia nati sint j se reérd àd amorem natum esse screbui (2). (1) À Ja septième ligne de eet avis au lecteur, l’imprimeur de Megiser avoit mis xvsAor au lieu de xyxAov. Le faussaire n’a pas seulement daigné corriger cette faute. (2) Les œuvres de Conrad Ceitès furent imprimées à Nu- Megisseri Opsonia. 79 Le faussaire a donc retranché celles des pièces limi- paires qui pouvoient faire reconnoître le livre de Megiser (3): il a retranché les deux tablés d'auteurs : ei il a rempli les sixième, septième et huitième feuillets par le poëme de Conrad Celiès, C’est tout ce qu'il y a de nouveau dans les Omnium horarum Opsonia, imprimés à Francfort, curante Johanne- Jacobo Porsio , en 1614. Ces huit premiers feuil- lets exceptés , le volume ne présente rien, absolu- ment rien, autre que l’ouvrage de Megiser > dont la première partie a 560 pages, et la deuxième 535. Je vous envoie les deux volumes ; voyez vous-même : Vide pedes , vide manus ; noliesse incredulus. Maintenant, que M. B...., littérateur hollandais, se largue tant qu’il voudra de ia possession des Omn- fuum horarum Opsonia : nous savons désormais remberg en 1502, n-4°, , grand format » avec fig. en bois, édition très-rare, dont les exemplairesde Sainte-Geneviève et des Quatre - Nations sont défectueux de Ja deuxième par- tie toute entière. Celui de la bibliothèque nationale , est bien complet, mais court de marges : la pièce de Celtès, reproduite , on ne sait Fourquoi, dans les Opsonia, est Ja dixième élégie du seeond livre 4morum de Celtès. Il yade ce poëte > quatre livres d’Odes qui ne sont pas dans l’édition susdite de 1502, et qui furentimprimées à Strasbourg en 1513, in-4°. (3) Jérôme Megiser , auteur de plusieurs ouvrages ( en- tr'autres d’une Grammaire Turque imprimée en 1612 , et des Annales de Carinthie » publiées en 1608, in-folio ), ne mourut qu’en 1616. Ainsi la friponnerie se fit pendant qu’il Yivoil encore, à son insu ou desonayeu, c’est ce que j’iguore, 80 Philologie. ce que c’est que ce prétendu trésor. Mais est-il concevable que Fabricius , dans sa Bibliothèque Grecque (tom. IT , pag. 699 et 700 ), indique froi- dement ces Opsonta , imprimés en 16r4, et puis PAnthologie cum paraphrast metric& Hieron. Me- giseri, Francof., 1602, sans avoir vu ni lun ni l’autre, sans se douter seulement que c’est un seul et même ouvrage, et que ce n’est point une para- phrase en vers de Anthologie, par Jérôme Me- giser , qui n’a traduit iui-même qu’un petit nombre d’épigrammes (4) ? Est-il concevable que David Clément nous donne ( Bcblioth. curieuse , tom. I) un long article sur Anthologie , sur sa traduction par Eilhard Lubin , etc. sans dire un seul mot de la compilation de Megiser ni des Opsonia ? Concevez- vous que Freytag, au tome IL, pag. 781-793 de son Ædparatus litterarius , parle de diverses éditions et traductions latines, même de l’édition donnée par les Jésuites de la Fléche, en 1624, én-8°., sans faire la moindre mention du recueil de Mesiser ni des Opsonia ? Megiser , sous le titre Anthologia , 1602, est pourtantun livre peu commun, et il est encore plus rare sous le masque d’Omnium horarum Op- sont@, de 1614. J’ai compulsé plusieurs catalogues, et je ne me rappelle Pavoir trouvé sous ce dernier (4) M. Haries, dans sa nouvelle édition de la Bibliothèque grecque de Fabricius , a - t- il laissé ces deux fautes ? Voir le tome IV de cette édition , répondant aux pages 699 et 700 de l’ancienne ; mais je n’ai que les deux premiers volumes de cette nouvelle édilion. titre, Megisseri Opsonia. 8 titre, que dans la Bibliotheca Oixeliana > im- primée à Leyde en 1687, in-Bo. » partie IT, pag. 311, n°. 308. l’égard de nos bibliographes francais de livres rares, Debure, leur oracle > Dayant point parlé de noire volune , il est tout simple que les Osmont, les Caïlleau, n’en aient rien dit non plus. Ces éclaircissemens | que j'écris rapidement à Pinstant où je recois les Opsonia , vous seront su- _rement agréables : si vous croyez qu’ils puissent être utiles aux littérateurs et aux bibliophiles, faites-les emmagasiner bien vite ; per me Licet. Arr de tout le cœur, ce pe P. S. Croiriez-veus que le docte abbé Morelli a pris, comme tant d’autres , PAnthologicum græco - latinum de Michel Neander, imprimé à Bâle en 1556, &n-8v. , pour une édition grecque- latine de l’Anthologie ? Voyez son catalogue de Maf- fée Pinelli, tom. II, pag. 257, ne. 4063. La Biblio- teca portatile degli autori classici, publiée à Venise en 1793, én-&°., deux volumes, par Mauro Bons et Barth. Gamba , copie la même bévue à la page 84 du tome Ier. Je ne désespère pas de voir dans quelque catalogue , les Dissertationes 4 N- : THOLOGICÆ de Georges-Chrét. Gebaver, im- primées à Leipsic en 1733, in-8°., comme un livre qui traite de l’Ænthologie grecque. Tome I. E 82 | Philologie. RÉPONSE. FVrpeso quia Propheta es tu, me suis-je écrié : lorsqu’ouvrant votre gros #n-6°. j'ai reconnu tout. de suite mon bon Mesiser, et me suis rappelé vos justes soupçons sur cette fraude, qui certes ne peut être nommée pieuse. Ainsi, mou cher voisin, je courois depuis dix ans après le faux Sosie, tandis que le véritable logeoit depuis douze au moins sous le même toit. Pauvre espèce humaine , tu es donc condamnée à poursuivre sans cesse des phantômes! Vous voulez savoir si, dans la nouvelle édition de la Bibliothèque grecque de Fabricius , on a arraché le masque au faussaire. Non ; il occupe toujours la même place parmi les extraits de Anthologie, pag. 446; mais l’éditeur, trompé par Hamberger, a cru que le véritable Megiser renfermoit PAnthologie en- tière. Il a substitué pourtant son titre véritable au titre ridicule que lui donne la première édition de Fabricius : les trois index y sont bien énoncés; mais | l'éditeur ajoute : Hæc editio rara continet VIL Libros. In tertio indice enumerantur 93 inter- pretes. Vid. Hamberger,Zuverlassen Nachrich- ten , tom. IV, pag. 570. Fabricius eam edi- tionem enumerarat in catalogo librorum singu- Larum vel epigrammatum selectorwm. Cependant Fabricius avoit raison de ranger parmi les Se/ecta le recueil de Megiser, puisqu’il ne renferme que des extraits des livres LI, IT, III, IV, VI, VII de la Megisseri Opsonias 83 collection de Planude , et au’il ne s’y trouve pas une. seule épigramme du livre V. Dans le VII, dont les fleurs si fraîches, si vivement, si diversement colo-, riées , invitent toutes les mains à les cueillir ,. 113 sur 210 ont été seulement lraduites, soit que les ,in- terprêtes aient craint de les faner , soit qu’ils aient été retenus par cette pudeur que j’appellerois volon- ers avec Apulée, asinalem .verecundiam (x). _ Comme M. Harles donnera sas doute pour ce quatrième volume, des addenda et èmendanda , il ‘ me saura gré de relever ici quelques autres erreurs qui lui sont échappées dans ce chapitre, et de lever quelques-uns de ses doutes. Un honime seul ne peut fournir une si longue et si pénible carrière : il ne peut tout voir par ses yeux ; il est obligé de s’en rapporter aux catalogues , presque toujours préci- pitämment et par conséquent négligemment faits, ou bien d'emprunter les yeux d'amis qui souvent n’ap- portent pas à ce travail minutieux toute l’attention mécessaire. Chacun doit donc venir au secours de l’homme laborieux qui a eu le courage de se chaïger d’une entreprise aussi pénible pour lui qu’elle est utile aux lettres. 1°. Page 419, note f. La scholie grecque du ms. Pélatino-Vatican , pages 81-82, que M. Harles a trouvée écrite de la main de Fabricius sur la marge de son exemplaire , n’est rien moins qu’exacte. Au lieu de Keqarñ , il faut lire Keganas. ( Dans la derniere ligne de cette page, uroriæeræ, , au lieu d'uretéqu:qe: , est surement une faute d’impress'on ) ; au lieu de xvxais , il faut lire #fvx7». Ensuite ces F 2 84 Philologie. mots 9 à MeAfæyges =. 7. à. doivent former une nouvelle scholie qui finit par ceux-ci é Kô rÿ vf». Ces deux scholies occupent, dans le ms., le milieu de la marge de la page 8r : une partie de celle de la page 82 est remplie par la scholie oi rar ériygaw- maqur x. r. À dans laquelle il faut lire cuvée o M. au lieu de œuvéqaëe o M. Eile finit à Asoxasa. Viennent ensuite les deux petites scholies suivantes: Zhqu Ty mov Medcdyes tr TO 7e. T'adwenvos #v , @s év Trois épmeocley &yos iv] : 'Epynmoyeucey. peuaærty Em Déhelxs TS top d1s. J'observerai encore que, dans la note marginale de Fabricius, plusieurs noms sout autrement ortogra- phiés que dans le ms.; mais cela nous meneroit trop loin. Page 420--21 , note g. On lit dans le ms. p. 83: dy émoinre nada piumris Mikcdyes , oœuvius di x. 7. À, Après Kewayoes , il faut ajouter AyTiQiAge Page 426, la scholie grecque , recueillie, comme les autres, sur la marge de l’exemplaire de Fabri- cius , est également tronquée. Après ces mots: +£g meydéhs, On lit dans le ms. page 83 syeuder de x44 irlogia 491 TÈ éroromaldpeve AaQyriaud. ty. dt. 3. 7e Xe Mais outre cette scholie marginale, on lit encore dans le ms. le titre suivant, en tête de la préfac2 d’Agathias. "Ayabis rHohasqixs Acta g Mueivais ru ÀAoy# VÉGY ériyeauméqor ; Ex]ebeiræ ëy Koyoar}ivsm ét mecs Orcd'uper Araspioyæ Toy Kocpe Een jo di ra Teooipein te Tag MIYEMÉIS MUOOTEIS TOUS KA] EXEIVO XO'9S HET AILTE Cette préface , encore inédite, est composée de Megisser: Opsonia. 85 46 vers ïiambes, et de 87 alexandrins. Les quatre que cite ici l’éditeur , sont les 104--73 mais on lit dans le ms. v. 104: Mind vo œuQdys EiShs ,et v. 106 , eë éAyoto. 2°. La Muse de Siraton, Haidixy Mÿre , renferme 220 épig. toutes ont été disséminées dans les Ana- lectes de Brunck. 3°, Je puis donner des renseignemens sûrs touchant le manuscrit de Philaras , qui avoit appartenu à la bibliothèque de Coislin : je l’ai copié d’un bout à l’autre ; mais comme vous et notre illustre et com- mun ami Van Santen désirez avoir quelques no- tices sur Philaras, et que j'en ai ramassé d’assez curieuses , je réserve cet article pour une autre lettre, afin de ne pas trop alonger celle-ci. 4. Ce fut Warton qui, en 1766, fit réimprimer à Oxford , avec une préface de sa façon , les trois livres de l’Anthologie de Constantin Céphalas, que Reiske avoit publiés à Leipsic en 1754 ; mais il sup- prima les rotes de ce dernier, où il y a beaucoup de choses inutiles, hasardées , ridicules même, mais qui fournissent pourtant beaucoup de renseignemens utiles. C’est ce même Warton qui a donné dans la même ville, en 1770, en deux vol. £71-4°,, une édi- tion de Théocrite, recommandable par les disser- tations excellentes dont immortel Toup l’a enrichie ; mais pour que les exemplaires soient complets, on doit trouver à la, fin du second vo'ume les Curæ Posteriores de Toup, imprimées à Londres en 1772. F 3 86 Philologie. 3 Ce cahier précieux manque dans beaucoup d’exem-= plaires. 5°, Page 430. M. Harles semble adopter la con- jecture du savant évèque d’Avranche:, Il a tort. Planude n’est point auteur des titres on /errmes qu’il a mis à un petit vombre d’épigrammes. Il les avoit trouvés dans le recueil de Constantin Céphalas, et presque toujours il les a dénaturés, Par exemple, voici celui que porte dans le ms. p. 472 , l’épigramme qui a donné lieu à la fausse conjecture de Huet. : 4 4 4 ; Vs727 4 eds moinlss TS Baessxdhs els AsTeoy Exov [Tiydæpgoy. TAule ct, Iirdupe ; pénnoy euois éxdbnpæ p'eélgors , K@i ne agirqor vdwe T'apor 1Pnrlæ péver. Mais ce savant évêque, qui n’étoit pourtant aux yeux de J. B. Rousseau qu’un savant à vision, un génie asses borné (a), a très-bien développé le sens de celte épigramme dans une note marginale de son exemplaire : Utinam te , Pindare, aquis mecs abluissem,potius quam reliqguos qui huc ls vandicaussavenire solent ; meamutiqueaquam duntaxat optimam dixisses. Je remarquerai en passant, qu’une partie seulement de ces notes mar- ginales, portées sur son exemplaire, édition de We- ‘chel , furent envoyées à Grævius et publiées par lui, Je les donnerai en entier dars mon édition. | 6°. Pag. 434. Il est indubitable qu’il n’existe en Europe, à moins que ce ne soit dans quelque bi- bliothèque de Constantinople, d'autre manuscrit de (z) Voyez ses Lettres, tom. I, pag. 133. . Megisseri Opsonia. 67 la collection de Céphalas, que celui qui passa de la bibliothèque palatine dans celle du Vatican , et qui fait partie de ceux que le pape nous a fournis (2). Tous les autres, répandus en Europe ,et connus sous le nom d’Anthologie inédite, en sont émanés. Je ne connois que trois copies entières de ce manuscrit unique ; celle que Dorville fils tient ensevelie , avec les papiers précieux de son père , dans quelque coin . de l’Angleterre ; celle que le duc de Saxe - Weimar a achetée des héritiers de Spalletti, et celle que je possède. Tous les autres manuscrits ne sont que des extraits plus ou moirs étendus du manuscrit palatin, comme je l’ai déjà dit dans ce Magasin , deuxième année , tom. [ , pag. 92 et suiv. Le plus considé- rable de ces extraits est celui de la Barberine (3), dont M. Harles donne la description, pag. 435-7, d’après une lettre de M. Schow ; mais ce savant Danois - s’est trompé lorsqu'il lui a écrit : /4 aulém apos graphum transcriplum est ipsa Holstenii manu, guæ mozx agnoscitur, EX CELEBRI ILLO APFOGRAPHO SALMASIANO quod , dum Lucas Holstenicus Parisiis agebat , IN BIBLI. REGIA servabatur. La bibliothèque du roi, ni aucune bibliothèque de Paris, n’a jamais possédé ce prétenduCELEBRE APOGRAPHUM SALMASITANUM : Sav- maise avoit d’abord collationné sur un exemplaire de l'édition de Wechel que j’ai sous les yeux, les épigrammes qui composent le recusil de Pianude; ensuite il avoit porté en différens temps, sur des cahiers particuliers, à mesure qu’il les rencontroit, F4 88 = Philologie, les épigrammes inédites ou qu’il croyoit telles (4). Ces cahiers, il les communiquoit avec une générosité peu commune aux savans qui le pressoient de leur faire part de ces lrésors nouvellement découverts ; mais on avoit toujours soin de les lui renvoyer après en avoir pris copie(5) : on ne sait aujourd’hui ce quesont devenus ces cahiers. Jusqu’au mornent où le ma- nuscrit de Guyet, copié de la main de Guyet,entra dans la bibliothèque du roi, après la mort de Mé- nage (d); qui l’avoit acheté après celle de Guyet, et qui le légua à son secrétaire Simon de Valhebert, il n’y exista aucun manuscrit de l’Anthologie iné- dite, 7% Pag. 439. Je suis possesseur de l’exemplaire de l’édition d’Alde , 1503, cum notis manu- scriptis viri docti sœculi XVI, qui faisoit partie de la. bibliothèque de Pinelli, n°. 4057 du cata- Jogue. Comme ce livre étoit dans sa première re- Hüûre, assez usée , on lui avoit donné un surtout de parchemin. En l’ôtant , afin d’examiner toutes les notes dont l’intérieur de la couverture est ta- pissé, j'ai trouvé la suivante , d’une main ita- lienne de la fin du seizième ou du commencement du dix - septième siècle : Lib. precioso per Le note che sonno del già ecc.mo senclittico (c). Cornme le parchemin cachoit entièrement ertte note, elle a sans doute échappé à la sagacité du savant abbé Morelli, qui asrédigé le eatalogue de cette biblio- (3) Arrivée le 23 juillet 1692. (c) Je copie exactement. Megisseri Opsonia. 89 thèque, catalogue également recommandable par le grand nombre de livres précieux qu'il ren- feime, par le portrait admirable de Pinelli, des- siné et gravé par le célèbre Bartolozzi , avec cette finesse de burin et cette grace qui le distinguent; par les belles gravures qui ornent le cinquième volume ; enfin, par la manière savante avec laquelle il a été rédigé. Aucun homme, un peu au fait de l’histoire Littéraire, n’ignore que M. labbé Morelli partage ayec vous, mon cher et illustre voisin, la gloire d’être en bibliographie et en histoire littéraire , l’un des premiers hommes de l’Europe. Je suis bien fâché que ce maudit surtout de par- chemin ait dérobé à ses yeux la note italienne que je viens de rapporter ; elle lui auroit peut-être donné lPéveil sur ce gà eccellentissimo sin- clittico : Ce sénateur, défunt depuis quelque temps, à qui ces notes marginales et interlinéaires sont dues. Ce savant bibliothécaire de Saint-Marc vient de m'envoyer une brochure extrêmement in- téressante , élégamment imprimée sur papier fort, à Bassano , chez les Remondini , én-8°. de 66 pages. DIONIS CASSIIHISTORIARUM ROMA- NARUM FRAGMENTA , CUM NOFVIS EARUMDEM LECTIONIBUS , 4I14COPO MORELLIO , Bibliothecæ Venetæ præfecto , nunc primum edita. Je vous la communiquerai , et en rendrai compte dans ce journal. (La suite au numéro prochain.) go Philologie. NOTES. () Nous lisons dans une lettre de Pline le jeune (a) : Si nonnulla tibi petulantiora paulo videbuntur , erit eruditionis u@ cogitare summos illos et gravissimos viros , qui talia scrip= Sérunt , non modo lascivia rerum , sed ne verbis quidem nudis abstinuisse : quæ nos refugimus non quia SEVFERIORES (UNDE ENIM ?)SÆD QUIA TIMIDIORES SUMUS. Apulée, dans son Apologie (3), nous apprend que l’empereur Hadrien écrivit sur la tombe du poëte Voconius son ami : Lascivus versu , Mente pudicus eras. Plusieurs Pères, grees et latins , rapportent des anecdotes, des traits d’érudition d’un rare cynisme; et, pour ne pas sortir de notre sujet, l’évêque d’Avranches , qui certes joignoit une grande piété à une érudition universelle , n’a pas craint de copier le manuscrit de Guyet avec les notes qui l’accom- pagnent , d’y joindre deux excellentes tables pour les auteurs et les matières, de noter sur les feuillets blancs du commen- cement et de la fin les épigrammes qui sont rapportées dans différens auteurs sacrés et prophanes , et d’en transcrire quel- ques-unes. Celles qu’il avoit oubliées dans cette copie, il les a nolées ou portées en entier sur le feuillet blanc de son exem- plaire de l’édition de VVechel : il nous apprend lui-même, selon sa coutume, que ce dernier travail fut terminé le 28 mai 1670. (2) Le Pape étoit si jaloux de conserver ce manuscrit, qu’il le fit porter à Terracine avec ses bijoux les plus précieux ; mais nos commissaires Le firent rapporter; et s’apercevant (a) Liv. IV , 14. (8) Pag. 15, ed. Pricœi, Paris ; 1635 ,; 1n-4°. Megisserr Opsonia. [ed * qu’il avoit été relié à neuf et que l’Anacréon en avoit êté déta- ché, ils firent rapporter aussi l’Anacréon , et ces deux parties ne furent comptées que pour un seul manuscrit. Je yous promets, mon cher voisin, de l’examiner intus et in cute, et de mettre à cet examen tout le zèle et toute la patience que vous me connoïssez pour cette sarte de travail. Je vous jure qu’il ne m’échappera pas un iota. | (3) Holstenius a puisé dans ce manuscrit , copié de sa main , les nombreuses éjigrammes qu'il a semées , mais en y laissant toutes les fautes qui les déparent, dans ses excel- lentes notes sur Etienne de Bysance , publiées après sa mort per Ryckius (c). Trois de ces épigrammes ont échappé aux re- cherches de illustre éditeur des Analectes, 1°, Ceile de la p:ge 69, 7 ‘ / Atos moy BoimTe. x. 7. À C’estla XVIe. des XIX épigrammes faites sur des bas-re- hefs qui ornoient les colonnes du temple consacré par les habitans de Cyzique à Apollonis, mère d’Attale et d’'Eumène, rois de Pergamme : c’est aussi la seule qui aitété publiée.Nous ne connoissions que les titres de irois autres : deux avoient été publiés très - incorrectement par Meziriac (d) , et Sau- - maise (e) nous avoit donné celui de la dix-septième, dont il - pe reste que trois mois : \ * ! Iluços 4x4 Yyaiss. . . / * ‘ , LA Le copiste a mis en marge: Qy7er ro hoimor ériyeauuu. Le resle de l’épigramnne manque, Mais cette épigramme est une preuve de ce que j’ai ayancé plus haut. Holstenius y a laissé une faute qu’il a trouvée dans le manuscrit, et qui détruit le mètre, [1 faut lire au second (ec) Zugd. Bat. 1684, in-fol. (a) Comm. sur les Ep. d'Ovide , tom. II, pag. 27 et 115. (e) Plin. Exer., pag. 78. 92 Philologie. vers : Myfége 6», au licu de née. Il faut Lire aussi ay troisième : re yvæ 7e. 2°. Celle de la page 151. \ e ’ Ororuhai ai Bots. x. 7. À. Elie est de Théodoridas , et doit être ajoutée à l’article de du Jon sur le statuaire Phradmon, dans le catalogue des Artistes, imprimé à la suite de son traitéde Picturd Feterum, deuxième édition. Le titre de cette épigramme , dans le ms. est es Rôas xærxias : elle appartient , ainsi que la suivante, au livre des épigrammes descriptives ( ra» éroduxqix@ ). 3”. Ceile de la page 320. LA re A wgoy Tégueccoio. x. T. À. elle n’a dans le manuscrit, ni titre , ni nom d’auteur. (4) Le travail de Saumaise sur l’Anthologie grecque est perdu. J’ai fait faire sur les lieux, par les personnes les plus intelligentes , les recherthes les plus actives : elles ont été in- fructueuses. Je ne peux donc former que des conjectures ; mais ces conjectures équivalent, ce me semble, àune démons- ration, Elles sont fondées sur une lecture réfléchie de ses ou- vrages , dans lesquels il a rapporté, comme on sait , un grand nombre de ces épigrammes inédites ou des fragmens de ces épigrammes , et sur l’examen non moins réfléchi de l’exem- plaire de l’édition de Wechel , qu’il a cellationné sur le ma- auserit palatin. Il résulte de ce double examen : 1%. Que Saumaise avoit fait un index , par ordre alphabé- tique , du premier mot seulement lorsqu’il étoit marquant, ou des deux ou trois premiers mots de chaque épigramme, Cet index l’a souvent induit en erreur, lorsqu’il s’est agi de copier les é;igrammes inédites : j’ai remarqué en effet que , quand deux épigrammes commencoient par le même mot, et que Pune d’elles se trouvoit dans la collection de Planude, celle qui ne s’y trouvoit ;as restoit dans le manuscrit. J’en don- perai une preuve dans mon article sur Philaras : j’ai encore observé que quand les premiers mots d’une é;igramme Megisseri Opssonia. 53 n’étoient pas les mêmes dans le manuscrit et dans Planude, Saumaise l’avoit portée , comme inédile , sur ses cahiers, 2°. Que Saumaise , jeté tout à coup à l’âge de dix-huit ans, au milieu des trésors de la bibliothèque palatine, et dévoré de l’amour du savoir, ne donna point à l’examen du manuscrit de l’Anthologie toute l’attention qu’il méritoit. Ce furent ses premières armes : car , arrivé à Heidelberg en 1606 , il avoit déjà envoyé à Jos. Scaliger , dans les premiers mois de l’an- née suivante ; une partie des épigrammes inédites du manu- scrit (/). Or, il étoit impossible qu’en aussi peu de temps il eût pu faire un index , collationner le recueil de Planude et relever avec soin toutes les épigrammes inédites. Je montrerai ailleurs que celte dernière collation a été faite beaucoup trop légérement; mais une preuve incontestable que beaucoup d’é, igrammes avoient échappé à ses recherches , c’est qu’il ne les a pas employées dans ceux de ses ouvrages où elles trou- voient naturellement leur place : je n’en citerai qu’un exemple. Dans ses Historiæ Augustæ Scriptores, iln’auroit pas mauqué de citer sur Carin cette épigramme inédite , l’une des plus élégantes de l’Anthologie , et qui fait partie des satiriques (ro exwnixer ). L’auteur est inconnu. Ts Aciys Ta AaQuea DaS ay Er AeurE Kægivos ; "Haas xeiprein , duomevur EeiQar. Eide Xÿ4 Adgdoqeis To PRET (as d') éPopdra "Qyego xg4 Athdyss Aaiporiy tyyEAdous. « Chargé des dépouilles de l'Asie, Carin mit à la voile, > nn jour d’hiver , après le coucher des Chevreaux. Ces dé » pouilles n'échapperènt point aux regards d’Adrasiée ; mais > Carin poursuivit sa roule, s’inquiélant peu d’être aperçu » d’elle, et se moquant insolemment des Divinités de la mer.» Dans le manuscrit il y a une lacune au troisième vers : ce que j'ai mis entre deux onglets la supplée. On y lit aussi Pope. (f) Voyez la lettre 245 de Scaliger, édit. de 1626, 57-8° Elzevir. 94 Philologie. 3°. Que Saumaise , dans les épigrammes qu'il a publiées 5! a souvent et très-souvent dénaturé le texte : j’en citerai deux. exemples. Daus la préface du traité de Nil, sur la Pyimauté du pape, pag. 7, édit. de 1645 , in-4%, , Saumaise rapporte une épigramme sur un moine appelé Nil, qu’il croit être. l’évêque de Thessalonique, C’est la quatre-vingt-dix-huitième du livre des épigrammes chrétiennes. "Qs Nes moæteore gdes xéore aide moTiCsiv Neias à av Hovæysors Adyos Peirus 10e iwivesy. e Les eaux du Nil abreuvent la terre; les discours de Nil > rafraichissent nos ames. » C’est, comme on voit, un con- cetti ; mais le manuscrit porte au premier vers : Ne/ay peëy mro- Jauoso , et la correction de Saumaise est ridicule. Dans le traité De Homonymis Hyles Jatreæ ; imprimé après sa mort , et joint à la seconde édition de ses Plin. Hxercit., on lit, pag. 192, le distique suivant : » » / / 15 SCD Ouxe] teurs Dopéet Papi en of TO£e 94 ig5" "Asbidmoy de xovr ‘æqi Bénwy meoygée. « L'amour ne porte plus ni carquois, ni are, ni flèches : la » poudre des Æthiopiens lui tient lieu de traits. » Mais on lit dans le manuscrit, pag. 631 , / \ / DA \ Aapsradu peer meoËMLEY Eews mgÿe Te 2 D « L’amour a jeté loin de lui son flambeau, son arc, etc. » et certes Saumaise a eu tort de changer cette leçon, qui est la bonne. | Cette poudre des Æthiopiens est la poudre d’or qu’on donnoit et qu’on donne encore , en échange des marchandises im- portées, dans une pariie de Afrique et des Indes. Saumaise est tombé dans une étrange erreur lorsqu'il a éerit : Koysy ‘ Axlromoy rocat ; arigro forte colore, Nec enim hoc distichon aliter possum accipere, nisi de pulycre lormentario, ... Quo sensuel poëta Eythimicus nostlras cecinit alicubi > AN1Orem NON amplius esse sagiliarium sed sclopetarium, Dites-mci, je vous ‘ Megissert Opsonia. 95 prie, mon voisin , quel est ce poëla Rythmicus dont parle ici Saumaise. Ce distique fait partie des épigrawumes énigmatiques dont . vingt et une sont encore inédites. Vous ne serez pas fâché , je crois, que je vous régale de deux ou trois, en attendant le reste. Le mot de ces énigmes ne se trouve point dans le ma= puscrit : je suis presque sûr de l’avoir deviné , et le post- scriptum vous le donnera. Je n’ai point traduit la seconde, parce qu’elle joue sur le mot, et que la traduire ce seroit l’ex- pliquer. I. "’Anledms pinos cils 0 4j répver idyeose Tedupatos aieouérs d'usqer Hé Aios. < Je suis une partie du corps humain : le fer me coupe ; Ôtes une lettre et le soleil sera couché. » II. Euvexæ Qaos tyo Qus watre Qus dt Tab] ds Das pos mort Qihoy mov xaeiQd mevos. REY À VOugtor per yerépens + d'évdecr d'éuor 6m hs90 “K7%p ; Tlde dé rune * Baonos À eiui pehærvopéyy* Hy dé jé Erw ntpéuoso méîne Thén , Babsius “Agmuïos aeihds Cuoua tirs e Je naquis sur les montagnes ; un arbre est ma mère ; le > feu esl mon père ; je suis une masse compacte et noirâtre; > mais si mon père me fait fondre dans un vase de terre , je > guéris les profondes blessures du char marin. » 4%. Que Saumaise nous auroit donné sans doute une édition excellente de l’Anthologie : personne n’en étoit plus capable que cet Hercule littéraire qui pouvoit dompter tous les mons- tres , et que personne ne révère plus que moi ; mais comme il n’avoit point copié enentier le manuscrit pal., nous n’aurions 96 è Philologie. eu que le recueil de Planude avec un supplément; etcependant, comme je l’ai déjà dit dans ce journal, beaucoup d’épi- grammes sont presque inintelligibles si elles ne sont point rap- prochées des imitations qui en ont été faites. J’ai vu des hommes du savoir le plus rare, Lomber dans des erreurs graves , parce qu’ils n’avoient pu faire ce rapprochement. Joseph Scaliger vouloit que Saumaise publiät le tout, et que chaque épigramme fût mise à sa place. Il lui écrivoit, au mois de mai 1607 (g) : Non igitur parvam a studiosis gratiam ini= peris » si lotum Aybedoyiæs volumen cum illis , quæ hactenus desiderata sunt, edideris , et OMNIA IN SUA CAPITA CONJECERIS. (5) Joseph Sealiger écrivoit à Saumaise (A) : Si tanti desi-… derium meum vel potius preces feceris ; ut omnium horum autographum tuum mittas , curabo ut summd diligentiä et op- timé fide omnia fibi remittantur, Dans une autre lettre (:) il lui écrit : Nunc ad 1e Chirographa tua , quæ propter molem tabellario commitii non potuerunt | remitto. (g) Lettre 245. (A4) L 1. (ë) Lettre 246. NOUVELLES NOUVELLES LITTERAIRES. L E s travaux présentés à la classe des siences phy- siques de l’Institut, par ses membres et par ses as- sociés, pendant le trimestre dernier, out eu prin« cipalement pour objet l'Economie rurale, l'Art vé- térinaire et la Chymie.. Des expériences récemment faites sur des chevaux, des moutons, des chèvres et des lapins, prouvent que ces animaux meurent promptement, et avec des convulsions , lorsqu’ils mangent une certaine quantité de feuilles et de baies d’i£ Le citoyen Daubenton pense que cet arbre est dangereux , qu’on ne doit point le transporter däns les pays que la nature en a préservés, et qu’il vaut mieux le détruire que de le cultiver. Un mémoire du citoyen Ce/s , sur l'utilité d’em- ployer l’analogie dans les sciences naturelles, et sur son application à la Botanique pour les progrès de l'Economie rurale , a pour objet de prouver que les propriétés des corps étant la suite de leur organisa- tion, plus il y a de rapports entre des êtres, et plus les usages auxquels nous pouvons les employer sont rapprochés. - Le cioyen Gülbert à fait sentir la nécessité de soumettre à des expériences comparatives toutes les opérations de l’agriculture , afin de faire faire à la science rurale tous les progrès dont elle est encore susceptible. Il pense qu’il seroit nécessaire de former des établissemens ruraux , spécialement Tome I. G 93 Noufelles. littéraires. consacrés à la recherche des meilleures pratiques , tant pour la culture des végétaux, que pour l’amé- lioration des races d'animaux domestiques, dont il est si nécessaire, de s'occuper, sur-lout en ce mo- ment, Un, mémoire du citoyen Tenon a pour objet la comparaison des diverses manières par lesquelles se fait la manducation dans l’homme, le cheval et l’élé- phant. Le citoyen Chabert a communiqué ses réflexions sur une maladie du cheval , connue sous le nom d’immobilité, laquelle n’avoit pas été décrite, et qui a beaucoup de rapport avec celle connue dans l’homme , sous le nom de catalepsie Une tumeur osseuse survenue au jarret d’un che- val, à la suite d’un effort, a été pour le citoyen Huzard, un sujet de dexious sur la formation de cette maladie, et sur les moyens de la guérir, lors- qu’elle est traitée dans son principe. Le citoyen Teissier arapporté qu’un, homme, après avoir été enfoui pendant huit jours, sous des dé- combres, en creusant un puits, en a élé retiré vivant. Jauteur indique les moyens qu’on doit em- ployer pour prévenir un pareil accident, et ceux par lesquels on, peut y remédier lorsqu’il est ar- rivé. | Le citoyen, Leliègre. a, annoncé qu’on avoit ré- cemment, découvert en France, du sulfate de stron- tiane en masse striée, C’est à cinq mètres (15 à 16 pieds.) de profondeur. d’une glaisière qu’on exploi- Nouvelles littéraires. 99- tait depuis quelques années à Bouvron , près Toul, qu’on a trouvé une masse de ce sulfate, Le citoyen Dolomrieu a fait voir aussi du sul fate de strontiane cristallisé, qu’il avoit rapporté de son voyage de Sicile, et qui , ainsi que le précédent , a été-analÿsé par le citoyen Vauquelin, On: sait que l’acide nitro-muriatique est le vrai disselvant de Por ; et que ce métal peut être en- levé à sa dissolution par lether sulfurique. Le citoyen Sage a fait voir l’or réduit ; nageaut entre léther et l’acide nitro-muriatique |; sous la forme de réseaux , de feuillets, et au fond du flacon en, petites masses brillantes, sur lesquelles on a remar- qué des lames triangulaires , élémens de la crisial- lisation de ce métal. Le: citoyen Chaptal a lu un mémoire sur um nouvéau moyen de fabriquer lé vert-de-oris, Ce nouveäu procédé, pratiqué à Montpellier depuis quelques années, consiste à faire fermenter le marc de raisin, et à le stratifier avec des lames de cuivre, pour y développer l’oxyde métallique, appelé vert- de-gris. Cetie méthode a sur l’ancienne j’avantage d’être d’une exécution plus facile , et de présene ter une grande économie, puisqu’on n’emploie plus de vin. = Quelques expériences du même auteur prouvent aussi qu’on peut fabriquer le blanc-de-plomb par la même méthode ; ce qui fait espérer qu’on ne tar- dera pas à s'approprier en France ce genre très- précieux de fabrication, Le même Chymiste a lu un autre mémoire sur G: 2 100 Nouvelles littéraires. l’acétate de cuivre, ou cristaux de Vénus. Il a fait part de plusieurs expériences pour oxyder le cuivre avec plus d’avantage , et le rendre par ce moyen soluble dans l’acide acéteux. . Le citoyen Bertholec a communiqué une notice sur un acide particulier qu’il vient de découvrir , et auquel il donne le nom d’acide zoolnique , parce que c’est essentiellement des substances animales qu’il est retiré. : Un mémoire du citoyen Dolomieu , sur des tour- malinés trouvées au mont Saint-Gothard , a pour objet de rechercher jusqu’à quel point la doutes considérée comme caractère des pierres, peut en dé- terminer la nature. Enfin , de nouvelles expériences du citoyen F’au quelin, sur le plomb rouge dé Sibérie, et sur une nouvelle terre qu’il a trouvée dans le beril ou aigue-marine, sont la base d’un mémoire qu’il a lu dans 'cette séance. RapPorr au nom de la commission nommée POUF examiner Les discours envoyés sur cette guestion proposée pur la section de pesnture : Quelle a été et quelle peut être encore linfluence de la peinture sur les mœurs et le gouvernement d’un peuple hbre ? Ludans ja séance publique de l’Institut national des sciences etarts , le15 ep ne an:6 de la république, En reudant compte des mol:fs qui out déterminé le jugement , nous suivrous l’ordre inverse des TAaugs Fe Nouvelles littéraires. ‘10T assignés par le jugement même ‘aux trois mémoires (r) ‘qui ont été distingués dans le nombre de ceux en- voyés au concours, Et- d’abord le mémoire n°. 1, qui obtient la se- conde mention, est un ouvrage de longue haleine ; il n’auroit guère moins de deux cents pages d’im- pression , et tiendroit plus de deux heures de lec- ture. Aussi l’auteur a-t-1il fait beaucoup plus qu’on n’avoit demandé par la question proposée’; il s’est jeté dans de longues dissertations sur la peinture en général, sur les moyens qu’elle emploie ; sur Les divers buts qu’elle se propose, sur les objets de ses imitätlions , etc. Ge n’est que vers la seconde (x) Le prix a été décerné au mémoire n°. 4, ayant pour épi. graphe: Les dispositions législatives et réglementaires ; rela- tives à la peinture, doivent faire \partie des institutions d’un peuple libre. L'auteur n’a pas joint à son ouvrage de billet cacheté contenant son nom. AIT L'institut pational auroit voté l'impression de ce mémoire ; mais il a cru ne pas pouvoir, sans te consentement de l’auteur, disposer de son ouvrage. PA ge a: me. La première meulion honorable a été accordée au mémoire n°. 5; portant pour épigraphé : :Graifs ingenium. Depuis que le jugement a été rendu publie, l’auteur s’est fait connoître ; c’est le citoyen Robin, peintre, le même quia peint le pla- fond de la salle du théâtre ap Arts , celui de la salle de Bordeaux, etc. | Il a été fait une seconde mention dû mémoire n°.1, dont Vépigraphe est : 'Disce bonas artes , mûneo, ronara Juventus. Le billet contenant le nom de !’auteur n’a pas été décacheté. gi : | G 3 To2 . Nouvelles littéraires. moitié de la seconde partie de. son mémoire qu wil a commencé à traiter le sujet du prix ; en ,5sort8 qu'il n’y a consacré que le quart environ de son travail. Ce dernier quart a paru le meilleur , à la vérité ; mais on y est arrivé faligué de tout ce qu’on avoit lu de surabondant et d’étranger à la ques- #ion. Cette fatigue s’est d’autant plus fait sentir, que l’auteur a beaucoup trop douné.à son goût. pour la métaphysique : il a promis, au commencement de son mémoire , de ne s'adresser niau cœur nià l’ima- gination , mais à la raison seule ; et il n’a que trop bien tenu sa parole. Est-il done possible de parler des beaux artssans que le cœur s’émeuve ,; sans que l'imagination s’échauffe ? Malheur à qui peut en par- Jer ainsi ! Quaud ou croit avoir bien analysé, di- visé, disséqué les causes et les effets des émotions que : produisent sur. les :ames sensibles les chefs- d'œuvres des beux D y AN qu’on a gagné sur une. dissertation bien méthodique et bien ela- ciale, c’est en voyant un tableau de Raphaël, c’est en lisant une ode de Malherbe , que le Corrège et la Fontaine ont senti: leur talent. Ceux dont tousles ouvrages se bornent à ‘faîre des traités sur les ou- vrages des autres, né ‘connoissent point assez le pouvoir de l’inspiration , du bonheur , de instinct ; ils ne, savent point assez qu’il y a chez les vrais poëtes, chez les grands artistes, un génie. qui se joue de loutes ces analyses, qui devine les règles , qui les fait sans s’en douter, et qui ne s’embarrasse Nouvelles littéraires. 103 guère de chercher le comment et le pourquoi dés chefs-d’œuvres qu’il produit. Ce goût, nous dirions presque cetté furéur de métaphysique, a conduit quelquefois l’aüteur à des résultats justes et fins; maïs elle la fait tomber aussi dans d’étranges paradoxes ét dans dés érreurs palpables : par exemple , il véut retrancher à là peinture et à la sculpture toutes lés allégoriés, toutes les images d'êtres qui né sont pas réellement ekis- tans dans la nature sous des figurés corporelles $ il ne veut point que l’on représenté les dieux de la fable. D'avance, Boileau avoit condaïihé cétté opinion de l’auteur dans ces vèrs: Bientôt ils défendront de peindre la Prudence, De donner à Thémis ni bandeau ni balance, De figurer aux yeux la Guerre au front d’airain, Où le Temps qui s’enfuit une horloge à la main. Cè même Boileau, si judicieux ; ce poëte de lé raison, après avoir dit, Rien n’est beau que le vrai , le vrai seul est aimable... a eu soin d’ajouter tout de suite Il doit régner par-tout , ef méme dans la fable. Car la fable a aussi sa vérité. Enfin, ce mémoire n’a pas paru en général bien écrit ; lè style en est souvent embarrassé ; traînänt : on y a même rencontré plus d’uñé incorrection. © Toutefois, nous aimons à le répéter, la dernièrè portion sur:out de cé travail eontient dé très-bünnes G4 104 Nouvelles littéraires. vues ; il a dû coûter beaucoup de peine , et cetie peine n’a pas été toujours infructueuse : aussi l’avons- nous cru digne d’altention et d’encouragement. La carrière de la métaphysique semble être celle qui convient le mieux aux méditations de l’auteur : qu’il la suive ; la palme qui lui échappe aujourd’hui , il Pobtiendra peut-être dans un autre genre de combat. Un mémoire qui nous a paru préférable à celui dont nous venons de parler , porte le n°. 5 et cette épigramme : Graiis ingentum. Il est d’un gènre bien différent, Nous reprochions à l’un de la froideur et de la sécheresse : peut-être Pautre a-t-il été emporté trop loin par l’enthou- siasme et par l’amour des arts, et sur-tout de l’an- tiquité. | L'auteur de ce mémoire doit être un érudit, ac- coutumé à vivre avec les anciens: Aristote, Pau sanias, Pline, Plutarque, lui sont familiers ; il s’est plu à décrire, d’après ces auteurs, une foule de tableaux des peintres grecs les plus célèbres, des Polygnotes , des Nicias, des Panænus : il ne doute pas un moment que ce ne fussent autant de chefs-d’œuvres, que ces artistes n’aient éié infini- ment supérieurs aux peintres modernes, sur-tout du côté de l’expression : il admet sans restriction tous les éloges que leurs historiens leur ont donnés; il enchérit même sur eux. Parle-t-il, par exemple, du tableau de Pausias, représentant la bataille de Mantinée, gagnée par les Thébains sous les ordres d’Epaminondas, qui ÿ fut tué : « Sans doute, dit-il, » Pausias avoit fait ressortir pour la disposition de D. Nouvelles littéraires. 165 » ses grouppes, et peut-être par les effets et la puis- » sance des tons, tout ce qu’avoit gagné sa palrie » à la mort d’Epaminondas, » Il faut des yeux bien percans, ou plutôt une ima- giuation bien vive, Pour voir tant de choses dans un tableau qu’on ne voit pas. Mais ce qu’on ne peut trop louer dans l’auteur de ce mémoire, c’est un véritable et ardent amour de Ja patrie, qu’il a sans doute puisé chez ces an- ciens, dont il est l’admirateur et le disciple ; c’est le goût des vertus publiques et privées ; c’est lPai- mable sensibilité , c’est la douce chaleuravec laquelle il parle, et des bonnes mœurs » et des beaux arts : à Coup-sûr, cel estimable citoyen aime bien son pays, et en souhaite vivement la prospérité. Les moyens par lesquels il croit qu’on pourroit donner à la peinture de l’influence sur nos mœurs ei notre, gouvernement, sont ceux qui se présente roient d’abord à tous les esprits, et que la plupart de ses rivaux ont indiqués comme lui, Ce seroit de faire représenter , non-seulement les grands traits historiques les plus honorables à notre nation, mais aussi des traits de désintéressement, de Justice, de piété filiale, en un mot des exem- ples de toutes lesyertus publiques et privées ; d’orner de ces tableaux les temples, les palais, les lieux publics ; d’en écarter toutes les images lascives qui ne peuvent que corrompre les mœurs et enflammer Jes passions. ; Ce seroit encore d’honorer les grands peintres , de les récompenser par des distinctions, de leur -ac- 106 Nouvelles littéraires. corder des places remarquables dans les théâtres et les cérémonies publiques. Mais une idée qui lui est particulière , ou dt moins qu'il a plus développée que tous:ses con- currens, c’est qu’il recommande beaucoup de re- mettre en usage la peinturé à fresque, comme plus propre à de grandes compositions, moins susceptible d’altération , et plus facile à entrétenir et à ste Cette idée a paru justé et digne d’êtré offerte à l’a teñtion du gouvernement. La fresque setoit en da très - bonne à employer pour décorer nos édifices publics de grands sujets historiques ét nationaux. L'auteur va jusqu’à offrir lui-même une suite dè sujets de tableaux qu’il croit propres à atteindre son but, à ranimer le goût des vertus èt l’amiour dela patrie. On se doute bien qu’il va éhetchér presque tous ses sujets dans l’hisioire ancienne , ét jusque dans la fable ; mais il n’a garde non plus d’oubliér ces étonnans exploits de nos guerriers, qui rappellent, qui effacent les temps héroïques. Il propose de peindre le passagé du pont dé Lodi, celui du Ta+ gliämento, ét tant d’autres vittoirés, et tañt dé traité de modération ét dé sagesse du héros staligue, qu’il compäre à Epaminondas, à Alexandre, à Sci- pion ; et ; malgré sa préférence marquée pour les viens , l’auteur avoué avec plaisir qu'aucun des homnies qué vante l’ântiquité n’avoit, si jeune , fait autant de grandes choses, ni montré autañt de mo- destié après les avoir faites. ® Mais lé savant, l’honnête auteur de cé mémoire, Nouvelles littéraires. 107 qui connoît mieux peut-être les anciens que ses con- temporains , ne fait nulle difficulté de nous consi- dérer comme des Grecs et des Romains du siècle des Fabricius et des Camille. Il nous vante les mœurs simples et pures des beaux temps des anciennes ré- publiques ; il se récrie sur-lout coïtre les funestes effets du luxe, et cite avec éloge cet adage d’un ancien : « Qu’une sédition dans la place publique » est moins dangereuse qu’une nouvelle bandelette » ajoutée à la parure d’une femme. » Nos Fran- çaises , quoiqu’elles imitent l’habillement des an- ciennes Grecques, pourroient trouver cette morale un peu sévère. Que diroieut-elles , si, comme à Athènes , un grave magistrat étoit institué tout ex- près pour juger leur parure et leur en interdire l'excès ? L'auteur semble me pas douter que la peinture ne nous eût bientôt corrigés ; qu’elle n’influât en peu dé temps sur nos mœurs et sur vos habitudes : maïs il n’a pas vu la véritable d'fficulté, qui consiste en ceci, que la peinture et les beaux arts en général, influent bien moins sur les mœurs et le gouverne- ment d’une nation, que les mœurs ét le gouver- nement ninfluent sur eux. J. J. Rousseau a fort bien remarqué que les pièces de théâtre ne peuvent avoir aucun Succès , si elles ve flattent les opinions et les penchans des spectateurs. Pour que la peinture soit utile, pour qu’elle ins- pire et fortifie l’amour de la liberté et de la patrie, et le goût des bonnes mœurs, il faut qu’elle n’agisse 108 Nouvelles littéraires. pas seule ; il faut que toutes les institutions marchent ensemble ,, en se prétant un mutuel appui. C’est ce qu’a bien senti l’auteur du mémoire n°. 4, auquel le prix est adjugé, Sa modestie le dérobe én ce moment à son triomphe et aux applaudissémens du public : il n’a pas jugé à propos de se faire con- noître. Nous espérons que le succès le décidera à ne plus garder l’anonyme. : Lui seul a réellement vu et:traité la question ; à Ja finesse d’observation de l’un de ses concurrens, il a joint la sensibilité, la chaleur qui distingue l’autre, et il les a surpassés tous deux. Mais , en commencant, nous lui. adresserons un reproche, ou plutôt nous exprimerons un regret sur ce que, faisant si bien , il. n’a pas fait assez. Son mémoire, extrêmement court, et peut-être jeté trop rapidement, n'a pas paru offrir assez de dévelop- pemens des idées qu’il indique , :ni traiter, la ques- tion d’une manière complète : ila donné une bonne esquisse ; il auroit pu faire un beau tableau : le talent ne lui manquoit pas. Il faudroit aussi faire disparoître de ce mémoire, quelques légères incorrections de style. Mais nous aurons plus de plaisir à rendre compte de ce qu’il -y a de bon dans cet ouvrage estimable, L’auteur établit d’abord que la peinture & néces= sairement une influence morale, et que de fait elle a éu quelquefois une influence politique. 11 parcourt l’histoire ancienne et moderne , et re- cherche quelle a été ceite influence chez les Egyp- Nouvelles Littératres. 109 tiens, chez les Israélites, chez lès Grecs , particuliè- rement chez les Athéniens , eusuite chez les Romains, et enfin dans toute l’Europe depuis le christianisme. * Il observe que les Athéniens suls ont fait servir là peinture à récompenser les défenseurs de leur li- beité , et les prêtres catholiques à affermir leur puissance. Cet art du sacerdoce, qui a inondé l’Europe mo- derne de tableaux de dévotion, cette espèce de Spé- culation pieuse sur les talens des grands maîtres, le pouvoir enfin de tant de chefs-d’œuvres pour accré- diter et maintenir le catholicisme , ont fourni à l'auteur un morceau dont les idées , à la vérité, ne sont pas neuves , mais qui est très-élégamment écrit : nous regrettons que les bornes de ce rapport ne nous permettent pas de le citer en entier. Mais hâtons-nous d'arriver aux moyens à l’aide desquels, selon lui, pourroit se faire sentir chez les Français libres l’influence de la peinture. . Jci nous allons faire parler l’auteur lui-même; nous serons forcés, par le défaut de temps, de labréger , de le tronquer peut-être : qu’il nous le pardonne ; nous tâcherons du moins d’en faire assez connoîlre pour prouver qu’il a mérité son succès, et nous n'oublions pas que nous avons aussi notre jugement à justifier. « Puisque la peinture, dit l’auteur , parle à l’ima- gination des peuples, c’est au législateur à faire en sorte qu’elle ne lui donne qué d’utiles lecons; c’est à lui de la faire servir à la conservation des mœurs, iio Nouvelles littéraires: à la propagation des vertus qui doivent composer le caractère national. « Les dispositions législatives et réglementaires re- latives à la peinture, doivent donc faire partie des institutions d’un peuple libre ; mais il ne suffit pas de créer des écoles, d'ouvrir des ateliers poun y former des élèves, d’étabiir des prix en faveur de ceux qui se distinguent , et d’assurer aux peintres les plus célèbres une place dans l’assemblée des sa vans les plus distingués et des premiers artistes de la nation : ces établissemens sont sans douté utiles et nécessaires aux progrès de l’art; mais si l’art n’est pas dirigé , il prendra dans les mains du peintre læ direction qu’il recevra de son génie particulier ou de son intérêt. « En suivant l’impulsion de nos intérêts, l'artiste obéit principalement au goût de sa nation, ou plu- tôt de la classe assez riche pour acheter les pro- ductions de son pincean. Si cette classe est cor- rompue, si elle est plongée dans la mollesse, les crayons de l’artiste s’amoiliront comme eile, Il ne produira plus rien de grand : ses tableaux de che- valet orneront les boudoirs ; ses compositions vo- luptueuses ne retraceront que les images des plaï- sirs. Heureux celui qui s'élève # de plus Hautes con: ceptions, sil est favorisé des dons de la fortune! Maiheur à lui , s’il a besoin que Peau du Pactole vienne humecter quelquefois ses'pinceaux, ou si son ame: énergique n’est ‘résolue d'arriver à la gloire, à traversles ronces de l’indigence ! Ses fiers Romains épouvanteront: nos. Aspasies., et læ sensible. Phryné- Nouvelles lütéraures. trf ne placera jamais à côté de aimable Alcibiade le sombre et farouche Brutus. « Si la nation chez laquelle vit l’artiste ne peut payer son talent, il recoit la loi des peuples voisins, et le génie devient alors tributaire de l’or étranger. Ceci arrive quand le gouvernement et les particuliers: sont trop appauvris ou trop gênés pour acheter Îles productions des arts qui naissent sur le territoire. Telle est à peu près la situation de la France , qui, par un contraste singulier, mais qu’expliquent sa gloirermilitaire, et le désordre de ses finances, ras- semble dans son sein les tableaux des autres na- tions, et ne: saurait payer ceux de ses grands maîtres. . Ceci regarde le gouvernement. Quant aux particu- liers, le bouleversement des fortunes a placé les ri- chesses dans une classe nouvelle, pour qui les jouis- sances, que procurent les beaux arts ne sont rien, et qui ne les cultive: ni par ton nipar amour. Cette ex- portation | favorable d’ailleurs sous un. point de vue financier , n’est réellement funeste que quand elle nous enlève les ouvrages les plus estimables. Elle le seroit bien plus si les peuples voisins étoient plus sages , et si les productions corruptrices des mœurs n'avoient chez eux ; comme chez nous, la préfé- rence sur les beautés mâles et sévères. « Comment conserverau-milieu de nous les chefs- d'œuvres, de nos artistes, diriger leurs travaux vers un but utile , et faire servir leur génie. à la restau-” ration. de l’esprit publie et des mœurs ? Le gouver- nementpeut-il acheter leurs produciions ou salarier leurs, pinceaux? Non sans doute ; et nul gouverne- 113 Nouvelles littéraires. ment n’est assez riche pour le tenter. Mais or est-il pour les chefs des nations le seul élément de leur puissance ? Est-il le seul ressort qu’ils puissent em- ployer pour les gouverner? IL en faut sans doute ; et quand l’ordre règne dans administration, il n’est pas de gouvernement qui ne puisse consacrer à l’encouragement des arts une légère portion des re= venus de l’Etat. Que son emploi soit déterminé avec sagesse; qu’il soit consacré à l’acquisition des tableaux les plus propres à linstruction du peuple, et con- verti en secours pour les artistes qui se livrent à ce genre ingrat, dans ce siècle où les mots de pa- trie et de vertu ne sont dans toutes les bouches, que parce qu’on semble leur avoir fermé tous les cœurs. L’argent n’est pas la seule faveur que le gou- vernement puisse offrir à ces arlistes : que les édi- fices consacrés aux arts, mieux distribués, et, sil en est besoin , agrandis ou multipliés , leur offrent des asiles, reçoivent leurs ateliers, et que ce soit un honneur public d’y être admis Ne parlez pas seulement à l'intérêt de l'artiste ; honorez-le : sil est doué du génie de son art, l’amour de la gloire et de la considération parleront plus fort que Pintérêt à son cœur. Que les ouvrages des arlistes vivans les plus fameux soient exposés habituelle- ment , dans les palais nationaux ou dans un mu- séum particulier, à admiration des citoyens et des ! étrangers; que leurs personnes soient. accueillies, distinguées ; «et que les chefs des peuples ne dé- daignent pas dadmeltre dans leur intimité ces hommes inspirés par les dieux. Croyez-en la nature du Nouvelles littéraires, 113 du cœur humain, et l’expérience trop rarement ou trop mal essayée ; ce crédit acccordé à l’artiste, ces honneurs bien ménagés, suppléeront à l’insuf- fisance du trésor national : combinés avec les mo- diques secours que ce trésor peut fournir, ils of- friront au véritable homme d’Etat une immense res= source , et soutiendront la concurrence des Crassus de la nation et de l’or étranger. « Ce ne sera pas assez d'offrir les chefs-d’œuvres des artistes à l’admiration dans un seul point de la république : multipliez-les par le dessin et la gra- vure ; peuplez-en les bibliothèques et les écoles publiques ; offrez-les ,| comme des modèles , à l’etude de la jeunesse, et choisissez , s’il se peut, les au- teurs mêmes de ces ouvrages pour ses inslituteurs dans leur art. « Mais en donnant cette impulsion aux artistes, veillez aussi sur l’instruction de leurs élèves : ins- pirez-leur, des les premiers instans , le goût des genres qui plaisent à la patrie ; nationalisez ces genres; enun mot , que les sujets de concours ne s’en écartent jamais; que tous les prix leur soient exclusivement réservés, et que l’Institut national couronne à la fois désormais le talent de l’élève et la moralité de son ouvrage. F « Me dira-t-on que c’est mettre à l’art des bornes . ridicules ? Eh quoi donc ! n’est-ce pas assez d’avoir à peindre les événemens les plus mémorables de Phistoire des peuples libres, les scènes les plus écla- tantes, relatives à la conquête, au maintien et à la perte de leur liberté ? N’est-ce rien que d’avoir à Tome I. H 114 Nouvelles littéraires. reproduire tous les personnages fameux qui les ont illustrés , et les traits les plus remarquables de leur vie politique, militaire ou privée ? N'est-ce rien que d’avoir à retracer les époques les plus fameuses de notre révolution, et tous les prodiges opérés par nos guerriers ? N'est-ce pas une carrière immense et toute nouvelle à parcourir ? L’ingratitude de notre cosiume sera-t-elle l’éternelle objection de nos ar- tistes ? Aucun d’eux n’essaiera-t-il de vaincre cette difficulté , et leur génie restera-t-il muet devant tant de miracles? Mais pourquoi le gouvernement ne les encourageroit-il pas à tenter une entreprise qui doit éterniser la gloire de la nation, et devenir une desrécompenses de nos défenseurs et des Miltiades qui les ont conduits à la victoire ? Pourquoi sa politique re feroit-elle pas éclore les Vander-Meulen, dont leurs exploits devroient déà fatiguer les pinceaux. » Il recommande ensuite de présenter aussi des mo- dèles des vertus paisibles et domestiques. Mais sur-tout il désire qu’aussitôt que les législa- teurs et le gouvernement auront adopté ce plan et commencé son exéculion , ils y coordonnent tous les accessoires. C’est le seul moyen d’en espérer du succès. « Avant de terminer cet essai (dit-il, et c’est le dernier paragraphe de son mémoire), ajoutons une réflexion , sans laquelle l’opinion que nous venons d'exposer ne sauroit être bien appréciée. En essayant de déterminer le rôle que la peinture doit jouer dans les institutions républicaines, nous n’avous jamais pensé qu’il füt possible de la réglementer avec suc- ct EE D ct mc Nouvelles littéraires. 115 cès , si l’on ne s'occupe en même temps, et de front , de l'établissement de ces institutions. En général, il est au moins hasardeux de vouloir établir ou de croire consulider celles d’une nation, et sur- tout d’un peuple libre , indépendamment les unes des autres. C’est la voûte dont il faut assembler tous les voussoirs avant d’ôter l’échafaudage , et qui s'écroule si l’un d’eux vient à manquer. Il faut donc que ces institutions soient, pour ainsi dire, formées d’un seul jet, et qu’elles se prêtent mu- tuellemeat leur appuis . . + . Mais où trouvera-t-on le Lycurgue, le Numa de la France ? Quand viendra-t-il enfin nous apprendre à être libres ? Quelles institutions donnera-t-il à ce peuple inconstant et léger, déjà fatigré d’une li- berté qu’il a si chèrement acquise , seul dans l’Eu- rope indifférent à sa gloire, et qui semble ne plus assister aux événemens qui d(cident ses destinées, que comme le spectateur aux jeux de ses théâtres ou comme le Tuic hébété aux révolutions du sé- rail ? » Ah ! sans doute lPauteur ne voudroit pas qu’on prit à la lettie cette expression exagcrée d’une in- digration vertueuse : non , les Français ne sont pas indifférens à leur destinées ; il en est encore , et Pauteur lui-même est du nombre ; il en est des mil- liers qui sentent leur dignité, qui ont attaché leur sort à celui de la république , qui ne souffriront pas une marche rét'ograde vers la servitude et l'ignorance. La Frauce a vaincu une partie de l’Eu- H 116 Nouvelles Littéraires. rope ; elle a élonné le monde : elle a désormais un grand devoir à remplir , celui de répandre sur l’hu- manité toute entière les bienfaits des sciences, de la raison et des beaux arts. Fait en commission le 13 germinal, an VI de la république fran çaise. Signé, VIEN; Vincenr, Davip, DUFOURNY» Moncez , LEBLOND, ANDRIEUX: ñ me La petite pièce des Revenans ; donnée au théâtre du Vaudeville le 27 germinal , a été très-bien reçue du public : voici quel en est le sujet. M. Cassandre , habitant de Bergame, a résolu de marier sa fille à Gilles , aussi riche que bête , et par conséquent un bon parti. Gilles est marié » mais on croit sa femme morte, et Scapin est le seul qui sache le contraire : ce Scapin est un fri- pon qui a volé l'argent d’Arlequin ; rival de Gilles, et amant d’Argentine , qui le préfère quoiqu’on le croie mort depuis quelque temps. Il loge dans une maison voisine de celle de Cassandre, et a fait faire une porte secrète dans la chambre de ce dernier. Par ce moyen, il s’'introduit dans cette chambre avec Rosetre, femme de Gilles, et il cherche à se faire entendre d'Argentine en lui parlant par la cheminée. Argentine l’entend en effet, et reconnoît sa voix; mais Cassandre , Gilles er Scapin qui se trouvoient avec elle, lont entendue aussi, et la prennent pour celle de quelque revenant. Cassandre Nouvelles litiéraires, 117 alarmé , fait une visite exacte dans chaque recoin de son appartement, et Scapin, profitant de sa frayeur, imagine un stratagême pour forcer Argentine à épou- ser Gilles, Il le fait déguiser en revenant, lui dit d’appa- roître au milieu de la nuit comme l’ombre d’Arle- quin, et d’ordonner à Cassandre de donner sa fille à Gilles ; mais Arlequin qui a tout entendu en profite. Cassandre se couche , sa fille veiile auprès de lui, et Gilles ayant un masque noir, enveloppé d’un drap blanc et une torche à la main, paroit et les effraye beaucoup : Arlequin de l’autre côté , et dans le même attirail , se rencontre nez à nez avec Gilles, qui, le prenant pour un phantôme , se jette à ge- noux et lui demande pardon. Arlequin, lui dit qu’il va le livrer à un esprit plus méchant que lui, et le remet entre les mains de sa femme; puis ôtant son grotesque habillement , il se fait reconnoître pour le véritable Arlequin vivant, et épouse Argentine après s’être fait rendre les 3000 liv. que Scapin lui avoit volées. Cette petite pièce a été très-bien jouée. On con- noît le talent du citoyen Laporte dans le rôle d’Arle- quin ; il a été parfaitement secondé par les autres acteurs. La pièce est du citoyen Ségur. Nous cite- rons deux couplets qui ont été demandés , celui d’annonce et celui d’Arlequin. Autrefois par notre folie, Les morts faisoient peur aux vivans. Etant enfants , je le parie, Vous aviez peur des revenans. H3 118 Nouvelles littéraires. Aujourd’hui , par un sort contraire n Les revenans ont peur de vous. Sur ce sujet, nos nouveaux sages Ont publié de beaux écrits : Ils ont tant fait par leurs ouvrages, Que l’on ne croit ;lus aux esprits. Maïs il vous seroit très-facile De nous rendre un peu plus croyans # Venez souvent au Vaudeville, Nous faire croire aux revenans. me Le citoven Messier , astronome, de l’Institut na- tional , a découvert de son observatoire , une nou- velle comète , le 23 germinal an VI, vers les 7. heures du soir , dans le Taureau, près dés Pléiades, et dans la parallèle de la principale étoile des Pléïades , à laquelle elle fut comparée directement à 8 heures 58 minuies 16 secondes de temps vrai, Son ascension droite étoit de 49 degrés 19 minutes 47 secondes, et sa déclinaison , 23 degrés 22 mi- putes 55 secondes boréales. Le lendemain 24, la comète fut comparée de nouveau à la même étoile, à 6 heures 25 minutes 46 secondes. Son ascension . droite fut trouvée de 50 degrés 52 minut:s 55 se- condes , et sa déclinaison de 25 degrés 18 minutes 58 secondes, Cette comète est petite , ronde, sans queue et brillante : on ne pouvoit la voir à la vue simple. | Nouvelles littéraires. 119 Le 25 , sa lumière étoit augmentée ; ce qui semble indiquer qu’elle s’approche de la terre. C’est la 20me. comète que le citoyen Messier a découverte depuis 1758 , et la 3gme. qu’il observe. Le nombre des comètes connues se trouve actuel- lement de 88. LA classe des sciences physiques et mathéma- tiques avoit présenté , il y a un mois, à l’assemblée générale de l’Institut, pour associés correspondans : 1°. À la section de Physique , les citoyens Cas- sini, Girard et Merlin. Sur 534 votes, le citoyen Cassini en a réuni 256 et a été élu. 2°. Pour la section d'Histoire naturelle, les ci- toyens Geoffroi, Latreille et Olivier. Sur 498 votes, le citoyen Geoffroi en a réuni 245 et a été élu. La classe des sciences morales et politiques a présenté , pour la section d'Histoire , les citoyens Papon, le Grand-d’Aussi et Gaïl. Cette élection aura lieu le 5 prairial. La Société libre des sciences, lettres et arts de Paris, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, a tenu une séance publique le 9 floréal , dans la salle ordinaire de ses assemb'ées (1), au palais national (x) La séance publique n’ayant pâs pu avoir lieu le 9 ga- minal , suivant l’usage , à cause des assemblées primaires , a été remise au 9 de ce mois. H 4 120 Nouvelles littéraires. » des Arts. Elle étoit présidée par le citoyen Cailleau. 1. Le eñoyen E. T. Simon , l’un des secrétaires, a lu lPexrrait des travaux de la société pendant le dernier trimestre. 2. Le citoyen Deguerle : Un Chant élégiaque pour servir d’Epilogue à un recueil de poésies érotiques. 3. Le citoyen La Chapelle : Une dissertation sur la nécessité d’une éducation nationale, 4. Le citoyen Barau : La traduction en vers de la 7e. Ode du 3e, livre d’Horace : Quid fles , As- terie , etc. et celle de la 3re, du rer. liv. : Quid dedicatum poscit Apollinem vates , etc. 5. Le citoyen Thiébault : Un discours dans lequel il a trailé de Pinfluence des langues sur le style. _ 6. Le citoyen Boutet-Monvel : Bayard , ou la jeune Bressane , nouvelle en vers. 7. Le citoyen Cailleau : Deux fables ; le Cerf et la Biche, le vieux Rat et ses enfans. 8. Le citoyen Legrand : Un plan d’éducation pour une école nationale. 9. Le citoyen Guyot-Desherbiers : Un Chant de son poëme des Chats, intitulé : /e Chat de la fable. Le public étoitnombreux , et a témoigné sa satis- faction par des applaudissemens. JusriNus Vrscuneusxr , né à Bazan en 1750; pendant huit années professeur de la langue russe, “et catechète dans le Collége des Grecs, que l’impé- rairice de Russie, Catherine IT , avoit fondé en 1774 pour les Grecs de FArchipel, ensuite, pene . Nouvelles littéraires. 12 dant dix-huit années, aumônier de l’ambassade de Russie à Venise, a composé une grammaure sla- vonne , qui s’imprime dans ce moment à Péters- bourg : l’impression sera semblable à celle des 4n- nales de Nestor et d’autres ouvrages russes, Cette grammaire slavonne , destinée pour les Russes qui désirent apprendre la langue de lEglise, ou le Slavon savant , a pour titre : Ws/uplenie wo slawenskuju Grammatikcu ; Introductio in sla- vonicam Grammaticam. Elle a quatre parties : les trois premières traitent de l’étymologie ; et la quatrième de la syntaxe , à laquelle sera joint un Catalogus verborum simplicium cum illorum radicibus. Cet ouvrage est d’autant plus intéressant pour la littérature slavonne, que les grammaires de cette langue sont très-rares, et que l’auteur s’est oc- cupé à Venise pendant plus de dix ans, à méditer et à travailler sur cette matière. UXE anecdote singulière attribuée à Dufresny , a fourni le sujet de Rivierre Dufresny, ou Le Ma- riage impromptu , comédie en un acte, donnée au Vaudeville le r1 germinal. Cet homme extraordi- naire, et qui réunissoit presque tous les talens agréables , se trouvoit souvent, par son inconduite, dénué d’argent et de ressources. Dans un de ces momens de gêne, pressé par sa blanchisseuse , d’ac- quitter une dette de trente pistoles, il apprit qu’elle étoit sur le point de se marier et qu’elle destinoit à son futur une dot de deux cents ducats. Tenté par 22 Nouvelles littéraires. cet argent, Dufresny se présente lui-même pour Pépouser, parvient sans peine à supplanter un rival peu dangereux , et gagne ainsi à la fois l’argent qu’il devoit et celui qui étoit destiné à un autre. L'auteur a rendu sa pièce très- comique par le rôle d’un huissier, rival de Dufresny, et qui vient pour lui faire payer sa capitation. Regnard, qui se trouve là, lui demande s’il est l’huissier du Mont- Parnasse : Non , répond l’huissier, je ne vais que Jusqu’à la barrière d’ Enfer. Cette saillie et d’autres du même genre , ont été vivement applaudies. Voici le couplet d’annonce qu’on a fait répéter : Air d’Arlequin afficheur. Vers, compas, musique et pinceaux, Dufresny , trouvant tout facile, . Aimoit à changer de travaux Et plus encor de domicile. Il en eut dans quatre faubourgs , Sans cesse allant de l’un à l’autre : Puissent vos bontés pour toujours Le fixer dans le nôtre ! La pièce est du citoyen Deschamps, auteur de Piron avec ses amis. Elle a eu le plus grand succès, SuccÉés de la médecine en Suède et en Dannemarkc. Gothenbourg possède, dit un nouveau voyageur allemand , trois excellens médecins : j’en trouvai, Nouvelles littéraires. 123 ajoute-t-il, un quatrième de cette même ville, et qui promet beaucoup , à Copenhague, où il faisoit ses études à /’Aôpital des femmes en couches, sous le professeur Saxiorf, l’un des premiers accoucheurs de l’Europe, et qui a rendu cet établissement un des premiers et des plus fréquentés de l'Univers. La médecine et la chirurgie sont cultivées en Suède et en Dannemarkc avec le plus heureux succès : les meilleures têtes se sont appliquées à cette étude bien faisante, et les Universités d’Upsal et de Copen- hague ; ainsi que l’académie de chirurgie de Co- penhague, offrent un nombre si considérable d’ex- cellens professeurs dans ces sciences, et dans celles qui s’y rapportent, sur-tout en Botanique, qu’il n’y a guère d'Université en Europe qui l’emporte à cet égard. Les élèves de médecine ne viennent pas dans un âge trop tendre, prendre des leçons à ces Univer- sités. Ils savent bien le latin ; ils assistent aux leçons des professeurs pendant cinq, six à sept années, se fortifient bien dans la théorie avant de se livrer à la pratique ; et enfin, avant d’être promus aux grades, ils ont à soutenir des épreuves très-rigou- reuses. Ensuite ils sont presque obligés de voyager beaucoup ; s’ils veulent acquérir quelque réputa- tion. C’est ainsi qu'ont fait Murray, Thunberg, Akrel, les trois Alxelius, Sparrmann, Cat- Lisen , Winsloo et nombre d’autres ; c’est ce que font aujourd’hui, par exemple , les deux fils du grand Entomologue Fabricius , qui, après avoir séjourné long-lemps à Vienne, se trouvent mainte« 124 Nouvelles littéraires: nant à Paris, d’où ils iront encore visiter l’An- gleterre. M. ScurAper , le cadet, professeur de l’Uni- versité de Kiel, en Holstein, passe au service de la Russie en qualité d’opticien inspecteur du ca- binet de Physique, et membre de l’académie des sciences à Pétersbourg , avec 1400 roubles d’appoin- temens. Ce savant a publié récemment en allemand , uneÉsquisse de Physique expérimentale, fondée, guant à la partie chymique , sur La nouvelle théorie. Cet ouvrage est imprimé à Hambourg, et on en a publié à Copenhague une traduction da- noise. M. Schrader est particulièrement connu, de- puis plusieurs années, comme constructeur de téles- copes , d’après le modèle de M. Herschel , de la longueur de quatre jusqu’à vingt pieds. Le méca- pisme de ses télescopes est exactement calqué sur les plans de ce célèbre astronome : quant à la fa- brication des miroirs qui forment la partie princi- pale de ces instrumens, une longue habitude et beaucoup de patience lui ont procuré une certaine facilité pour leur donner leur forme parabolique, et pour achever un télescope en moins de temps qu’à ordinaire, Il emploie une composition de son invention , et qui est très-inaltérable. M. Schrader prétend qu’il acheveroit vraisemblablement deux miroirs , tandis que M. Herschel n’en acheveroit qu’un dela même dimension et de la même qualité. ee Nouvelles littéraires. 125 LE premier historiographe duDannemarck, etpeut. être l’historien et le littérateur le plus savant de tout le Nord , homme également estimable par son caractère doux et officieux , et son entretien inté- ressant , M. de Suhm , a ouvert ,il y a plusieurs an- nées , sa vaste bibliothèque au public de Copen- hague ; maintenant que la grande bibliothèque a reçu les arrangemens convenables, celle de M. _ Schrader a été vendue au roi de Dannemarck, qui l’a _ fait incorporer dans la grande. Une association de citoyens anonymes a cru devoir donner à M. de Suhm un témoignage public de reconnoissance pour avoir ouvert sa bibliothèque dans le temps où iln’y en avoit pas de semblable, et lui a envoyé, dans une lettre très-polie, une médaille dont un côté représente son effigie avec ces mots : Petrus Fri- dericus Suhm, 1797 ; l’autre un temple (celui d’Apollon sur le mont Palatin , où Auguste avoit formé une bibliothèque publique ) avec une porte ouverte , et l'inscription : Aparuut. Pa DL. Harn czarse, àPétersbourg, annonce aux ama- teurs de Guitare, qu’il se propose de donner un journal d’airsitaliens, francais et russes, avec ac- compagnement de cet instrument. Il paroîtra une feuille chaque semaine , à commencer du 1 oc- tobre 1797. Le prix de l’abonnement annuel est de vingt-cinq roubles pour Pétersbourg. Les amateurs de musique pourront espérer que ; par ce Jour- nal , ils auront quelques notions exactes sur la mu- 126 Nouvelles littéraires. sique russe, sur laquelle leur attention s’est peut- être portée depuis que plusieurs journaux ont ré- pendu un article intéressant sur uu de ces genres. L'annonce suivante de Thorn en Prusse , pourra indiquer à quel point la langue polonaise y est esti- mée , et combien elle doit être cultivée. « Dans le » mois de septembre passé est arrivé ici de Dauzic » la troupe Polonaise Tuskolaskique de Warso- » vie, ci-devant prévilégiée par le roi Stanislas- » Auguste , et qui se distingue beaucoup à tous égards. Quelque temps auparavant cette troupe étoit allé à Danzic pour y donner des représen- tations pendant un certain temps, la troupe ordi- naire allemande n’ayant pu sy rendre. Elle y a joue tros semaines avec un tel succès, et de si grands applaudissemens , que la troupe allemande n’avoit jamais obtenu un triomphe plus complet, Chez nous elle a débuté par un opéra-comique, Les Noces de villages. Elle a également donné, avec le même succès, des opéras-bouffons italiens, traduits en polonois. Elle est enfin allée à la foire de Lowicz, et retourne ensuite à Waïsovie, où elle attend un privilége de S. M. Prussienne afin de pouvoir jouer dans toute la Prusse mé- ridionalz. » Nouvelles littéraires. 127 M. Muxoz , littérateur distingué , auteur de la vie d'Antoine de Lebrija, dont le citoyen Chardon-la- Rochette a donné un excellent extrait dans le Tome III, page 181 de la troisième année du Ma- gasin , après avoir souffert , pendant un an, sans relâche , des fluxions éyuéliée à la tête et à la gorge, qui LS empêché de travailler à son hisioie du Nouveau-Monde , a rétabli sa santé, et a repris en- üuèrement , depuis six mois, son ouvrage. L’ardeur et les connoissances profondes de ce savant nous font espérer que la république des lettres jouira bientôt du second volume, qui se terminera avec le règne de Ferdinand Le catholique. 11 se propose de donner en même temps un volume entier de pièces justificatives relatives à cette époque ; pièces incon- nues et très intéressantes pour éclaireir certains points de l’ouvrage. Celui-ci seroit sans doute moins curieux, si, par des accidens imprévus, l’auteur qui l’a com- mencé , ne le conduisoit point au terme ; car il est difficile de trouver un homme dont l'esprit, le ju= gement , les connoissances soient à un plus haut degré que dans M. Munoz. Quelques littérateurs ont blâmé sa critique, quoique impartiale et noble, et telle que le vouloit l’orateur romain : Ne quid ver non audeat. Plusieurs de ses compatriotes sont fâchés de lire dans l’histoire les crimes des conquérants ; mais tranquille et ferme dans ses prncipes, il con- tinue sa marche en se rappelant toujours ce beau vers de Virgile : Tros Tyriusque mihi nullo diserimine agetur. 128 Nouvelles littéraires. Pour le détourner sans doute de ses travaux, plutôt que pour afloiblir la réputation méritée du premier volume que les savans ont reçu avec éloge et re- connoissance, et que les Allemands ont déjà traduit, on vient d'imprimer à Madrid , contre M. Munoz, un pamphlet plein d’interprétations malicieuses et de sarcasmes : ceux qui l’ont fait ont imaginé un nom barroque pour cacher celui du véritable auteur , et ils le supposent écrit à Rome; cette supercherie est découverte aujourd’hui. Ils accusent M. Munoz de plagiat, parce qu’ils ont trouvé dans son ouvrage quelques mots de Robertson et d’autres auteurs, tels que de Paw, les Mohedanos , etc. Une seule faute d'impression dans le seul mot anona (1), au lieu d’ananas , ( pag. 169 du premier vol. ), a donné lieu à une invective ridicule et lourde : cependant ces critiques n’ont pas osé attaquer le fond de lou- vrage ; ils se sont arrêtés seulement à quelques traits. épars dans le livre premier, qui, quoique décoré de ce nom, doit être regardé comme une introduction à l’histoire du Nouveau-Monde. Mais ils ne seront pas assez heureux pour détourner ce savant de ses travaux utiles ; il achevera avec succès et remplira la tâche pénible et glorieuse qu’il s’est imposée. eee ee ne me LAuURENT-VAN-SANTEN , poëte latin estimé, et savant éditeur de quelques classiques , est mort à (1) M. Munoz avoit écrit dans son manuscrit, la suave y olorosa pin o ananas , et il a avoué la faute d’impression devant plusieurs personnes, Leyde Nouvelles littéraires, 129 Leyde dans le courant du mois de germinal dernier , âgé de 53 ans. Fils d’un négociant d’A msterdam p il avoit eu quelque peine à obtenir de son père la permission de suivre une autre carrière que celle du commerce ; mais sa passion pour les lettres lPemporta enfin sur des considérations d’intérêt et de fortune. Adrien van Royen l'en félicitoit ainsi : Qui studiis ardens an imum emendare seperis, Præposuit fluxis musiea sacra Bonis e e ° 0 . . o e E . 0 o . . . . Ætvoti eriguus, fundo contentus apito, Concinno cecinit carmine F’, eris opes , etc. Disciple et ami des Burman » il ne tarda pas à se signaler par d’honorables progrès, En 1775 , étant à Paris, il y fit imprimer, chez F. A, Didot , Laurentii Santenic , Batavi, carmina Juveni- ta. La principale partie de ce recueil est composée d’élégies dans le genre érotique , et intitulées Ida. Nous ÿ rencontrons, parmi les autres pièces, celle- ci, qu’en changeant le nom Dreux dans celui de van Santen , nous donnerions portrait moral de ce dernier : volontiers comme le Fidisti nitidæ quod pressit ab ubere vaccæ , Rustica formosé lac Galatea manu ? “lut hiberna nives cum fudit bruma recentes F Æncessu nulli quas fetigere pedes ? Hæc j'acies, hoc Santeni candoris imago est : Pectora sio nullé labe notata gerii, Il a fait im primer depuis, plusieurs suites à ce Tome I. I 130 Nouvelles littéraires. recueil de ses poésies. Van-Santen auroit pu prendre pour devise,dans ses travaux littéraires adage connu: Festina lente , que Boileau a périphrasé ainsi ? Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Etne vous piquez point d'une folle vitesse : Hätez-vous lentement. . + + + + + + ° C’est ce qui nousa privés jusqu'ici, et ce qui peut- être nous privera tout à fait dé plusieurs de ses en= treprises , entr’autres de la nouvelle éditionqu'ilavoit projetée de, Terentianus Maurus. Il étoit d'une | complexiomdélicate ; mais il logeoit dans un corps débile une ame forte, caractérisée sur-tout par un ardent amour de la liberté. Depuis la révolution il avoit été nommé curateur de l’Université de Leyde; et si nous avions un reproche à faire à sa mémoire, il auroit pour obj:t les persécutions que, dans cette qualité, il a fait éprouver à Pestimable professeur Jean Luxac. Quelques dissentimens politiques ne * peuvent pas EXCUST ; selon nous, la conduite de van * Santen à cet égard. P. H. M. rt PE LE dernier ouvrage de Beauverlet , formant le complément de son œuvre; vient de paroître : 6’est une estampe! représentant Les Chevaliers danois séduits parles nymphes d’ A rmide. Elle est d’après .-Jé tableau de Lagrenée laîné , et fait ‘pendant à, Nouvelles Littéraires. 131 celle de Télémaque dans l’île de Calyvso : on y reconnoît la finesse du burin de Beauwberlet , que la mort a enlevé depuis quelques mois, et que les consoisseurs placent avec raison , au rang des plus habiles graveurs que la France ait produits. Les dernières lettres de Stockholm annoncent la mort de Charles-Gustave Schuirz d’Asscherade , ministre du. roi de Suède à Berlin. Il a décrit en latin une partie des événemens du dix-huitième siècle, sous le titre de Àes swo œvo gestas me- moriæ tradidit C. G.Schult; a Asscherade , reg. soc. litter. Holmens ; in-8°. de 295 pages, imprimé à la Haye, chez Gosse, en 1788. Cette narration se resserre dans une période assez courte , 1755-1763 : elle débute par un effrayant tabieau du tremblement de terre qui bouleversa Lishonne en 1755: les détails de la guerre de sept ans en font ensuite le prineipal objet. Le récit est rapide, Je style concis; quelquefois ii manque de clarté : l’auteur s’étoit proposé pour modèle Tacite : os... In magnis et voluisse sat est. La devise de l’historien est : Vec odio , nec stu- dio ; mais ce devoir, il ne semble pas toujours lavoir également présent à ses yeux : il est à ge- noux devant le roi de Prusse et lord Chatham ; il traite tort durement Louis XV. Son ouvrage est - terminé par des pensées sur le caractère et les mœurs I 2 132 Nouvelles littéraires. du siècle : il a vécu assez long-temps depuis sa pu- blication , pour qu’il eût trouvé beaucoup de choses à y changer. | P.H.M. Dumonr = V'ArDAsou est mort à Paris le 25 germinal, âgé de 7o ans. Le beau-frère de la citoyenne /’aldajou a adressé, à cette occasion, la lettre suivante au rédacteur du Pwbliciste. Au rédacteur du Publiciste. Paris, le 28 germinal. Citoyen , vous avez annoncé , dans une de vos dernières feuilles, la mort du célèbre Dumont-Val- dajou, chirurgien-renoueur. Vous êtes prié par sa veuve, de vouloir bien publier aussi qu’elle a con- tinué , pendant la maladie de feu son mari, ses pansemens gratuits aux citoyens indigens, et qu’elle les continuera également à l’avenir, les jours iu- diqués. | Depuis seize ans elle partageoit les travaux de son époux : les connoissances qu’elle a acquises au- près d’un homme aussi habile, et ses dispositions naturelles, l’ont mise dans le cas de mériter la confiance de ses concitoyens. | Signé , Forcer , beau-frère de la cit. Valdajou. La famille des 7. aldajou , originaire du Val- Livres divers. 133 d’Ajol, dans les Vôges, a vu , depuis sept généra- tions, le même talent pour le enouement , c’est- ä-dire, pour la profession de remettre les membres disloqués, se perpétuer dans son sein. Parmi les notes intéressantes qu’on lit à la suite du poëme des Vôges, par le citoyen Francois de Neufcha- teau, il s’en trouve une sur cette famille, dont le nom a été souvent usurpé chez l’étranger. On y renvoie à un mémoire curieux du citoyen de Tressan, sur le même sujet, inséré dans le Socrate rustique. LEV RES.: D I VERS.*: CosMoLOGIE. Noureau Spectacle de la Nature , contenant * des notions claires et précises , et des détails éntéressans sur tous les objets dont l’homme doit être instruit , etc. etc. suipi d’un exposé simple de la morale universelle , avec neuf planches en taille-douce ; par À. F. CnEeyr- GNARD. 2v0l. in-80. : prix , 9 liw., ét 12 li. franc de port. Paris, chez Déterville, libraire, rue du Battoir , n°. 16. An VI. Le but de l’auteur est de donner une idée juste et précise de notre monde , et en général de lUni- vers. Après l’histoire de la création, l’auteur parle des apparences célestes, de la chaleur et de la lu- 13 134 Livres divers. mière, des planètes et des éclipses, du feu, des ph‘nomènes et des météores 3 des différences de chaleur, de froid et de saisons dans les diverses parties de la terre. Il donne ensuite des détails cir- constanciés sur le froid excessif et l’intempérie de l'air que l’on éprouve dans les Zones glaciale, bo- réale et australe : de là il passe à une courte des- criptiou de rotre globe et de ce qu’il contient, et à Phistoire abrégée des opérations qui nous ont fait connoltre sa figure et ses dimensions, Il expose les différens changemens arrivés sur la surface de la terre , occasionés par d’effrayantes catastrophes : il n’a point oublié les volcans , les montagnes , les tremblemens de terre, les tempêtes, Il a joint l’his- toire des animaux et des végétaux rares, des perles , des pierres précieuses , des métaux et minéraux, des mines , des glaces, des sels, etc. etc. etc. Cet ouvrage est plutôt un traité élémentaire de Cosmologie et de Géologie , qu’un traité d’His- toire naturelle : ce qui concerne cette dernière science est très-peu étendu. Le citoyen Ghevignard termine par un exposé de la morale universelle , auquel il a dons la forme dé dictionnaire. PHYsSsI1O0OLOGIE. Sur l'Organe de l’'Ame, par S. T. Sæœm- MERING , über das Organ der Seele; 1 vol. in-4°. de 86 pages. Kœnigsberg ; 1796. Cette dissertation, dédiée au célèbre métaphy- sicien Kant, est écrite selon les principes de la +) { hs dns RE SE 5 Livres divers. 135 philosophie, Elle a pour objet de déterminer quelle est la partie du cerveau qui forme essentiellement le sensorium commune. L'auteur prouve par ses recherches, et par les observations de plusieurs autres anatomistes, que les ventricules du cerveau ne sont pas seulement des cavités possibles, dont les parois se toucheroïent, mais que ces parois sont réellement écartés, et que leur intervalle est toujours rempli, dans l’état de santé, d’une hu meur qui leur est propre. Il v outre de plus, en détail , que tous les nerfs du cerveau peuvent être suivis jusques à quelque paint des parois de ces ven- tricules, et que la moëlle alongée n’étant que le faisceau commur de tous les nerfs de lépine, on peut mettre en fait que tous les nerfs ont leur extré- mité cérébrale en contact avec l’humeur qui remplit les ventricules du cerveau. Parcourant ensuite les opinions des é:rivains qui l’ont précédé, sur le lieu du sensorium commune , il établit, non-seulement que toutes ces opinions sont dénuées de fondement , mais même qu’il n’est pas probable qu'aucune partie solide puisse en r.mplir les fonctions, tandis qu’un fluide, par la quantité de mouvemens divers, soit phy- siques, soit chymiques , qu’il peut admettre ou trans- mettre, paroît beaucoup plus propre à cela. [l'en con- clut que l’humeur des ventricules est véritablement le sensorium commune, c'est-à-dire, que nos sensa- tions sont liées, d’une manière intime , aux divers mouvemens chymiques ou physiques que les’ nerfs produisent dans cette humeur , lorsqu’ils sont eux- * La 136 Livres divers. mêmes affectés par les corps extérieurs, ou bien aux mouvemens qui $’y exercent spontanément, soit par l’effet de l’imagination, soit par celui des songes ; et que, d’un autre côté, les mouvemens volontaires sont produits par les changemens qu’opère dans le fluide nerveux la réaction de cette humeur. BrEaAUx-ARTSs. ÆExpP1icATION détaillée des gravures d'Hogarth, par M. J. E. LicaTENBERG, professeur de .Gottingue, ouvrage traduit de l'allemand en français, par M. Lamr, avec six planches, par M. É. RrEPENNAUSEN. À Gottingue, 1797. Cette explication , des plus plaisantes , ne dément pas ‘la réputation que l’auteur s’est acquise par ses saillies , ainsi que par ses profondes connoissances en physique. * ART SOCIAL. De La république ou du meilleur gouvernement , ouvrage traduit de Cicéron , et rétabli d'après des fragmens et ses autres écrits, avec des -notes historiques et critiques , et une disser- tation sur l’origine des sciences ; des arts, de la philosophie , etc. chez les Romauns. Paris, Fuchs, an VI, 1798; 2 vol. en-80. 5 liv. et 6 iv. 15 sous franc de port. Discours prononcé à Mayence le 2 pluriôse a cé tn ls AT TE PS 1 A Livres divers, 137 an VI , anniversaire du 21 janÿier 1703 j par F. V.Muior. Mayence, chez JS. Wisth ,an VI, ECONOMIE RURALE. CowTexTacron a las observationes de la Cria de ArROzESs en las riberas del Xucar , Reyno de Valencia , e influencia de ju cultivo enla salud publica que publico el abate D. Josef- Antonio Cavanilles. Escribiala D. VrncEeNTE Tewacro- Franco Ginpan4no de la Villa Nueva. En Valencia, en la Oficina del Diario; por Thomas de Orga, anno 1797. — RÉPLIQUE de D. VincentT-lonace-FrANCO GINDADANO, de V'ille-Neuve, aux observations sur La cul- ture du res sur les rives du Xucar, dans le royaume de Valence, et sur Blaise de ceite culture pour la santé des habitans , publiées par l'abbé D. Joseph-Antoine Cava- nilles ; écrite en 1797, petit én-4°. de 52 p. L'auteur de cette brochure tâche de combattre les faits et les raisons avec lesquels M. Cavaniiles a démontré que la culture du riz dans le royaume de Valence , nuit prodigieusement à la santé des hommes. Les marécages et les eaux stagnantes des rizières ont été toujours la cause des fièvres et des ma- ladies qui dépeuplent sans cesse la contrée dite Ribera del Xucar ; en sorte que la perte réelle , dans l’espace de 57 ans, aété de 15,739 personnes. Mal- gré cette cruelle expérience , l’auteur veut faire 138 Livres divers. croire le contraire, par la seule raison que la fèvre- tierce et d’autres maladies se font sentir dans plu- sieurs endroits , où la culture du riz est inconnue, Il prétend que la population augmente, et que les hommes vivent long-temps dans la ÆRibera , parce qu'il a vu quelques personnes privilégiées qui ont vécu au-delà de 60 ans, et parce que la popula- : tion actuelle se trouve un peu augmentée sur celle de la moitié du siècle présent ; effet"dû (comme M. Cavanilles l’a bien remarqué) au nombre pro- digieux des famillés que Pappât du gain engage à succéder aux premières,et qui,à leur tour,paient trop souvent leur cupidité de la vie. L’auteur , pour sé- duire son lecteur , peint avec des couleurs riantes, des champs et des villages qui ne sont que des ci- metières. Il augmente le nombre des feux d’une ma- nière contraire aux attestations délivrées au général de la Province eu 1793 , lors des élections des Poluntarios honrrados (x), etil se croit à l’abri de tout reproche, en disant que tel notaire et tel autre lui a donné l’attestation de ce qu’il avance. À la page 38 , il fait un faux calcul des terres et des produits. Il sait fort bien que les rizières, suppri- mées par ordre du gouvernement sur les bords du (1) Dans l’état des feux , imprimé dans l’an 1794, on lit que San-Felipe en a 2344, et l’auteur de la brochure lui en manne dut. 4 ne ARR SES pe 0e Ale SA OS Alcira . . . 1913 et l’auteur , ete. . . . . * 3000. Carcavente . 1310 et l’auteur , eto. . . . + . 1900. Cullera. . . 889 et l’auteur , etc. . . plusde 1000, Sueca . . . 928 et l’auteur , etc. . au-delà de 1000. Lures divers. 139 Turia > Ldonnoient à peine le quart de celles du Xucar, non-seulement parce que les champs sont d’une qualité inférieure, mais encore parce qu’ils se reposent de deux années l’une : cependant il les calcule sur le même pied que ceux du Xucar, et il reproche à M. Cavanilles de n’avoir donné à la mesure du riz que 5 peros pour prix, quand elle en vaut 10 : mais M. Cavanilles avoit expliqué/la cause de cette difference dans la note de la page 24 de ses observations, dont nous avons donné l’extrait (2). L’auteur de la brochure vante par-tout la culture du riz, comme très-ulile aux propriétaires et à Pétat, chose bien connue et avouée par M. Cavanilles ; mais il ne veut point la reconnoître comme un fléau de l’espèce humaine, qui diminue toujours dans les villages cultivateurs du riz. Salus populi suprema lex esto. GÉOGRAPHIE. Drcrronnvarrs géographique-portatif , ou Des« cRIPTION des royaumes , provinces ; villes ; etc. etc. et autres lieux considérables des quatre parties du Monde , par Vos@rex. Nou- velle édition augmentée de la division du serritoire de La république en départemens 6t en cantons : de La Géographie ancienne ;, et de plus de 700 articles de La Géographie mo- derne , ainsi que corrigés et augmentés dans un grand nombre d’autres. 2 vol. in-8°. : pPriz , (z) Magas. Encycl., ann. II , tom, IL, pag. #6. x40 Livres divers. 7 Liv. 10 s., et 10 Liv. franc de port. A Paris, chez Moutardier , imprimeur- libraire, quai des Augustins, n°, 28, au coin de la rue Git-le-Cœur. H1:sSsTOIRE. «Camracxes des Français pendant la révolu- tion ; ouvrage entrepris pour fixer l'opinion sur la guerre que nous soutenons depuis six ans , et pour remettre sous les yeux des mili- taures de tous les grades, les différentes affaires auxquelles chacun d'eux a parts- cipé : tome premier, contenant les campagnes de 1792 ; par 4. Lrezr. Blois, chez Billault. An Vi, 1796. Chaque année formera un volume d’environ 300 pages, qui se vendra 3 liv. 10 sous broché ; clles paroitront et seront mises en vente successivement , afin qu’on puisse se procurer tout l’ouvrage. Les personnes qui, en prenant le premier volume, s’obligeront pour les six suivans, auront le septième gratis: mais pour jouir de cet avantage, il faudra toujours avoir payé un volume d'avance ; en sorte qu’en prenant le premier on en paiera deux, et cette avance d’un volume paiera le sixième, qui sera livré avec le septième. Le délai de faveur ne courra que jusqu’au 30 prairial de cette année , passé le- quel tous les volumes se paieront. Cet ouvrage se trouvera dans toutes les villes principales de la république, et particulièrement à Livres divers. IAI Blois, chez le citoyen Billault ; et à Paris, chez le citoyen Onfroy, rue St. Victor y De de | Vorace en Portugal, et particulièrement à Lisbonne , ou TasreAu moral, civil, physique et religieux de celte capitale, etc etc. suc de plusieurs lettres sur l’état ancien et actuel de ce. royaume; x vol, in-8° : prix , 4 liv., et :5 lip. 10 sous franc de port. Paris , Dé- _terville , 1798, an VI. ARCHÆOLOGIE. Caorx de Costumes civils et militaire des peuples de l’antiquité , leurs instrumens de musique , leurs meubles , et Les décorations intérieures de leurs maisons , d'après Les monumens an- tiques , avecun texte tiré des anciens auteurs > dessiné , gravé et rédigé par N. X, Wrcre- min. Tome I , petit in-fol. À Paris, chez l’au- teur, au Musée des monumens français, rue des Petits-Augustins , faubourg Germain ; et Guot, graveur, rue de la Monnoie, n°. 20. De l’impri- merie de Pierre Plassan. An VI de la répu- blique. Nous renvoyons.pour le prix de cet ouvrage.à l’an- nonce que nous avons faite de son prospectus. L’au- teur, dans une courte introduction, indique le but de son ouvrage, qui sera divisé entrois parties, pour PAfrique , l’Asie et l’Europe. Ce premier cahier : \ 142 . Livres divers. contient le costume des peuples de l'Afrique : il est accompagné de cinq planches, dont les gra- vures sont tirées de Norden, de Gaylus, de Poc- koke et de Bruce. Le texte ne contient que des généralités sur 1ès costumes et les usages des Ægyptiens , des Grecs fixés en Ægypte, des Libyens et des Æthiopiens On _ne peut disconvenir qu'il laisse à désirer une foule de détails, et que l’auteur, entièrement livré aux arts, n’a pas fait une assez longue étude des Classiques , pour exécuter un ouvrage aussi difficile : malgré cela son ouvrage par la réunion des objets qu’il présente, et qui sont épars dans beaucoup de vo- lumes, peut offrir aux artistes un répertoire de figures commodes. A ce titre, son entreprise doit être encouragée, et regardée comme utile aux arts et aux lettres, LITTÉRATURE GRECQUE. ATTISCHES Museum, herausgegeben von C. M. WrELAND. — Museum attique , publié par C. M. W1ELAND , premier numéro du second volume , 164 pages. A Zuric, chez Gessner , et à Leipsic, chez Woif, 1797. \ Nous avons déjà parlé des numéros précédens de cette collection précieuse pour les amateurs de la littérature grecque : ce numéro contient les Cheva- liers ou les Dérnagogues , comédie d’Aristophanse. La traduction est telle qu’on pouvoit l’aitendre de . # LM EF, . Livres divers. 143 M. Wieland : il l’a en outre enrichie de remarques utiles et piquantes. Outre la traduction de la comédie d’Aristophane, ce numéro contient encore une introduction très- intéressante sur les comédies d’Aristophane , sur le genre de ce poëte, l'esprit du peuple athénien, qui ne se fâcha point lorsque le poëte le ridiculisa dans cette pièce sous le nom de Demos, et qui le gas rantit également contre les persécutions du déma- gogue Cléon, qu’Aristophane montra dans un jour très-défavorable, en dévoilant ses turpitudes et en le bafouant. Cette introduction est suivie d’un récit des faits qui ont provoqué cette pièce, et qu’il faut connoitre pour la bien comprendre. | PRE LiNGES: C. D. ILGEN Opuscula varia Repos 11 . tom in - 84. > 1797. M. Llgen , un des plus grands connoïsseurs de l’an- tiquité grecque et romaine , donne dans ces deux vo- ‘lumes un choix de ses écrits philologiques, tous marqués au coin de l’érudition là plus vaste et d’une sagacité profonde : la plupart ont déjà : été im- . plusieurs fois. Lés philologues verront ce re- cueil avec plaisir : voici les titres des mémoires qui en font partie. Prems:er Vorume. Leonidæ Tarentinc epi- pt Ÿ m specimina : cum nostr be n po ‘ SE co ND VOLUME. PP da in cz ceronis et pro = a poeta. HS ER RAT. A; Tome VI, page 440, ligne première , resont danions , s lisez : résonoit dans. an Page 448; ligne 15, contre son cœur, lisez : contre son cours, PL NE US On peut s’adresser au Bureau du Magasin Encyclopédique, pour se procurer tous les Livres qui paroissent en France et chez l’Étranger , et généralement pour tout ce Le concerne la. | Librairie ancienne et moderne. On s’y charge aussi de toutes sortes d'impressions. dé sl Les Livres nouveaux sont annoncés: dans ce J' ournal aussi= tôt après qu’ils ont été remis au Bureau ; c’est= “à FE dans Numéro qui se publie après cette remise. Anne"? Le Magasin paroît RME le premier de " Re 2 ARR mois. Fe On prie les Libraires qui envoient des Éliépour les an= 4 noncer » d’en indiquer toujours le priæ . "1 à Sc Li fe =" or Fe Se OUI 7 9 EAN À Du ee 1e Ù £ on Q qe, o)i Prairial an VL. MAGASIN. ENCYCLOPÉDIQUE, tél GE LA FAN 1 LÆ hé AS PAL DE NET : L L ONE", #11) ; a UE | pouraL DES PACE DES LETTRES sr DES ARTS, Lips N # D 1 G Par A. L. MiiLinx. L « ; KART NS ‘4 AVIS DES SpiTæuns à 9 francs pour trois mois , }: 18 francs pour six mois, LA 36 francs pour un an, juatpeus Ho que pour les Départemens, bride de port, he: Ce 3 ournal , auquel la plupart des hommes qui ont Di distingué , une réputation justement acquisa dans quelque partie des arts ou des sciences, tels que les ‘&itoyens he DoLôomiEu, DESGENETTES » SILVESTRE DE SACY, FouRcRoY, HALLÉ, HERMANN, Sonweicaæuser , LACÉPÈDE, LANGLÈS, LALANDE, LAGRANGE , LEBRUN , Marron , MENTELLE . Bansien-DuBocace, MorezLerT , NOEL, OBERLIN, HARDON-LA- ROCHETTE, CAILLARD, SAINT-LÉGER, Var- -Mons, TRrAULLÉ , LÉVEILLÉ, COUSIN, CUVIER; # Tome L, (4%. An.) 40 “4 % cu Pa merum Te r an » de 600 payes Chacun, Il paroît le premier Grommpr Va NTENAT, CAYANILLES, Usrert, Bor onss’attache sür-tout à en donnerwne anälyse exac . ef à la faire gone plus:prômptement possib | pos: sit s'r-tout ceux qui sont propres à en accélérer #ions .utiles dans tous les genres.:On y rend eompte Curieux. à des Savans, des Littérateurs et des Artistes distingués RAD ar "a 1 ENIe CS ÆYHSOU à NOTA + TIGER ,Vrsconrt ,etc."etc.- ont fourni des Mémoies, “ contient l’extrait des principaux ouvrages nationaux? | après leur publication. On y donne une notice des meilleurs écrits imprimés chez lPétranger. On y insère les mémoires les plus intéressans sur toutes les parties des arts et des sciences: on choi- les progrès. * ss On y.publie les découvertes ingénieuses , les iaven des expériences nouvelles. On y donne un précis de ce que les séances des sociétés Htréraires ont offert: de plus intéressant ; une description de ce que les dépô d'objets d’arts et des sciences renferment de pl _ On ÿ trouve desnotices.sur la vie et les ouvrage dont on regrette la perte; enfin , les nouvelles litté- raires de toute espèce. ue Ce Journal est composé de six volumes £n -89.. chaiue mois. La livraison est divisée en deux n! méros, de chacun 9 feuilles. dre On s'adresse, pour l’abonnement à Paris, au Burea du Magasin Encyclopédique, chez le C. Fucus , Li braïre , rue des Mathurins, hôtel Cluny. chez Van-Gulik. : À Bruxelles , chez Lemaire, k. À Florence , chez Molini, ; À Fons ,; chez Fleisther, à: chez Manget. A perte ? | chez SAS A Hambeurg , chez Hoffmann. A Leipsic, chez Wolf. | “À Leyde , chez les frères Murray. -À Londres , chez de Boffe, gerard Street. À Strasbourg , chez Levrault, "A Vienne , chez Degen. A À VWVesel , chez Geisler, Directeur des Postes. Zi faut affranchir les lettres. A Amsterdam chez la veuve Changuion et d'Hengst s 7 PHYSIQUE ANIMALE. NourvreLLe mécanique des mouvemens de l’homme et des animaux , par P.J. BurTHez, membre des académies des sciences de Bertin , de Stockholm et de Liusanne ; de l’acadé- mie de médecine de Madrid ; membre hono- rarre de La seciété médicale de Paris ; ci-de- vant chancelier de l’Université de médecine de Montpellier ; assocté libre de l'académie des sciences de Paris , et de Pacadémie des ins- criptions ét belles-lettres , etc. À Carcassonne, de l’imprimerie de Pierre Polère. An VI, 1798. Dis cette époque orageuse du siècle , quoique _ les intérêts sociaux s’emparent de toutes parts de VPattention publique, l’étude de la nature n’est point ‘ totalement abandonnée : quelques savans lui con- sacrent encore leurs veilles. Un écrivain philosophe vient d'employer les loisirs de sa solitude à rassem- bler les résultats de ses longues méditations sur l’un _ des plus beaux et des plus importans phénomènes de la vie : il a placé , sur de nouveaux. fondemens, la théorie des mouvemens de l’homme et des ani- maux. Nous offrons , à noslecteurs , un abrégé très= succinct de cet important travail : nous l’annoncçons comme un présage heureux que éclipse littéraire est à sa fin, et que les sciences physiques vont remar- Tome I. K 146 Physique animale. cher d’un pas ferme et sûr vers leur complément et leur perfection. L L'ouvrage est partagé en six sections principales, qui ont successivement pour objet le mécanisme de la station dans les diverses classes d'animaux, celui des mouvemens progressifs chez l’homme et les quadrupèdes , celui du ramper, du nager, du vol des oiseaux. Avant de traiter séparément ces diffé- rens articles, l’auteur expose dans un discours pré- liminaire , écrit avec autant d'énergie que d’éléva- tion , ses idées sur la nature du principe vital, cause première des phénomènes qu’il se propose d'expliquer. Nous ne reviendrons point sur cette doctrine appréciée depuis long-temps par les mé- decins philosophes, et vérifiée par les applications salutaires qu’on en fait journellement à l’art de gué- rir. D'ailleurs, le citoyen Barthez n’a pour but que de, se livrer à l’étude des causes prochaines et mé- caniques de la loco-motion , comme il Le dit ex- pressément dans ses prolégomènes , où il retrace rapidement les erretrs de Borelli et de quelques autres physiciens qui se sont occupés de cette ma- tière , et où il présente une exposition concise de ses propres théories, dont il offrira bientôt les de- veloppemens. Il a cru, en terminant son introduction, devoir instruire le lecteur des raisons qui l’ont déter- miné à recueillir et à publier ses recherches. Il a cru aussi devoir alléguer les motifs de la retraite qu'il garde depuis plusieurs années , et qu’il faut attribuer en partis à une santé foible et chance- w D: lante, fruit amer d’une vie toute consacrée aux % Mécanique des mouvemens. 147 becupations pénibles de l’enseignement et au sou- lagement de l’humanité; « Cependant, dit-il, ce n’a ete qu'en travaillant beaucoup et même trop, que jai pu justifier à mon gré ce loisir forcé, et en soulager les ennuis. Je me suis dit ce que disoit Martial en parlant de l’Espagne , où il étoi: revenu après un long séjour à Rome : Dans cette solitude de La province , si je ne me livre » à l’élude , même avec excès , ma retraite ne » m'offre plus de consolation , ni de moyens » sufisans pour l'excuser.» Ce langage a quel- que chose de bien atiachant pour tous ceux qui savent combien le citoyen Bäarthez est cher aux lettres et à la philosophie. On ne sauroit voir sans un attendrisserment mélé de respect, celui qui a fourni sa carrière par des travaux aussi glorieux, s’affliger encore de loisiveié d’une vieiliesse hono- rable. Tout intéresse chez un grand homme dont le silence étoit un désastre pour noire art, cormme le repos d'Achille fut long-ten:ps une calamité pour les Grecs : mais reprenons l’examen de son livre, et tâchons d’en extraire les principaux résultats. Du mécanisme de La station de l’homme et des animauT. PREMIÈRE SECTION. L'auteur examine en premier lieu, si ia station sur deux pieds à corps perpen- diculaire est essentiellement propre à l’homme, La position et direction du trou occipital dans Par- ticulation de la tête, la foiblesse du ligament cer- K. 2 ra8 Physique animale. vical postérieur, Pévasion dela poitrine sur les côtes , la longueur des extrémités inférieures, etc. donnent lieu de croire qu’elle est inhérente à sa nature. Le citoyen Barthez pense au surplus que l’homme est naturellement bipède après sa première enfance ; mais qu'à cette époque de la vie , la station doit naturellement s’opérer sur les quatre ex- trémités, comme chezles autres mammifères. Cette question m’est point oiseuse, ni pour le physiolo- giste, ni pour le médecin : elle influe sur Féduca- tion physique des enfans ; lorsqu’on les contraint de trop bonne heure à ne s’appuyer que sur les deux pieds, les jambes se courbent et se contournent; les cavités articulaires se déforment, et la claudi« cation peut en résulter. Que se passe-t-il dans le mode de station parti- culier à l’homme ? La première considération qui doit occuper, c’est que la colonne vertébrale af- fecte des arcs ou des inflexions alternativement disposées en sens contraire, qui l’éloignent ou qui la rapprochent alternativement de la ligne du centre de gravité : c’est par ce mécanisme admirable que les viscères de la tête, de la poitrine et du bas- ventre, qui y sont attachés dans sa longueur , se trouvent nécessairement rangés dans cette même ligne , qui est toujours perpendiculaire à la base du corps. Cependant, pour que la station s’effectue , il est nécessaire que les muscles extenseurs de l’épine et des extrémités inférieures soient en contraction; mais cet état ne sauroit être que momentané. D’un autre côté, la mobilité des os articulés, et le peu Mécanique des mouvemens. 149 détendue des surfaces qu’ils s’opposent , ainsi que la Variation des plans dans les différentes articulations suivant les diverses positions qui peuvent avoir lieu dans la station , produisent des mouvemens peu sen- sibles de vacillation, qui poussent le corps, partie en avant, et partie en arrière de la direction de la ligne centrale de gravité : des efforts impercep- tibles tendent néanmoins constamment à ramener la colonne vertébrale à son état d’extension primitive, et à rétablir les parties du corps dans l’ordre de dis- tribution le plus convenable par rapport à la ligne u centre de gravité. Après avoir démontré le mouvement d’extension qui s’exécute sur les vertèbres de la colonne épi- nière , le citoyen Bathez apprécie successivement les avantages mécaniques que présentent la struc- ture particulière et les différentes directions des apo- physes des vertèbres cervicales , dorsales et lom- baires : il représente les apophyses épineuses comme des léviers prolongés , inclinés et dirigés par le plus grand avantage de l’action des muscles extenseurs des vertèbres | et de la manière la plus favorable à leurs centres de mouvement. La théorie du citoyen Barthez , que nous nous contentons d'indiquer, recoit une nouvelle confirmation par l’anatomie comparée de divers quadrupèdes. Il faut lire dans Pouvrage même de l’auteur , ce qu’il dit sur la disposition des apophyses épineuses des vertèbres dans le cheval et Péléphant , dans le caméléon et le fourmilier, dans le phoque , ainsi que ses remarques sur l’enclavement ou engrenure des apoplyses articulaires des ver- K 3 x50 | Physique animate. ièbres lombaires et des dernières dorsales , observé dans les animaux qui exécutent de grands mouve- mens dans celte partie ; dans ceux qui affectent une stuätion à demi-redressée sur leur dos accroupi, iels que le chat, lPécureuil, le singe, etc. Le citoyen Barthez s’occupe ensuite dé la dispo- sitiou particulière uw’affectent les os du bassin : il démontre que les difficultés qu'éprouve le redres- sement du cor s ou la station perpendiculaire, sont en raison directe du desré de leur obliquité naturelle, Aussi ce degré d’obliquité devient-il successivement plus considérable dans l'orang-outang, dans le gibbon, etenfin dans les quadrupédes. Les os du bassin sont en outre un support circulaire qui donne aux membres inférieurs la direciion convenable en empêchant leur convergence , et qui les fixe et les affermit en ex-r- cant sur eux une pression approchante de la verti- cale ; de là vient que les bras arqués et fortement appuyés contre les hanches assurent davantage la, station du tronc : les personnes qui portent des far- deaux , les danseurs même, dans certains cas, ont machinalement recours à cette attitude. Quant aux os longs et cylindriques qui forment les extrémitésinférieures dans l’homme , et les quatre jambes dans les quadrupèdes , il faut les considérer comme autant de colonnes qui, à raison de leur nombre et de leur division, soutiennent avec plus de sureté le poids du trone , que ne feroient des co- lonnes de même épaisseur et de même élévation, puisque, comme l’a démontré Euler , Les poids que soutsennent, sans fléchir, des colonnes supposées Ée., Lit- Mécanique des mouvèmens. 151 flexibles , de même matière et également grosses, sont , en raison réciproque , des quarrés des hauteurs de ces colonnes. Parent,dans ses Essais et Recherches de mathé- matiques ,a voulu déterminer la base là plus avan- tageuse de sustentation de Phomme, ou ce qui est la même chose, quelle est l’ouverture des pieds la plus convenable au maintien de la station per- pendiculaire. Le citoyen Bart'ez s’est proposé le même problême ; mais il ep a donné une solution plus exacte et plus complette, en réformant les erreurs du physicien dont nous venons de parler. La base de sustentation du corps étant une fois déterminée , les efforts des muscles extenseurs de la jambe , pour fixer sur cette base la ligne de propen- sion du centre de gravité du corps, doivent croître comme les distances du centre de gravité aux centres d'équilibre ou de mouvement du corps sur les ex* trémités inférieures. Camper et Dupui ne sétoient occupés que de quelques accidens causés par Péloi- gnement vicieux du centre de gravité, d'avec lé centre des mouveémens du corps. L'auteur traité des variations des distances de ces deux centres dans lPétat naturel de la station , et contemple ainsi son sujet sous un aspect absolument nouveau ; il fait voir comment la station devient plus facile et plus assurée daus la pronation et l’abduction du pied, à l’aide du péroné et des muscles qui viennent s’y implanter. Après avoir indiqué les fins princi- pales de la mobilité du péroné , il remarqué qué cet os est beaucoup plus considérable dans les anix K 4 152 Physique animale. maux qui se soutiennent appuyés par les côtés in- ternes des pieds , sur des arbres ou sur des sur faces verticales et raboteuses, comme quelques singes, Pécureuil , ‘le lézard, etc. Le même phénomène s’observe dans la fouïne et dans la sarigue , dont le péroné a presque la grosseur du tibia, comine l’a fort bien vu le citoyen Daubenton. Bertin resardoit la voûte que-les os du tarse et du métatarse peuvent former sur le cou-de-pied , comme avantageuse au soutien du corps. Le citoyen Bar- thez croit que son usage est relatif aux vacillations _ momentanées inséparables de la station perpendi- culaire, et dont nous avons déjà parlé. Une remarque non moins intéressante , c’est que les articulations des extrémités de l’homme et des animaux qui jouissent d’une santé vigoureuse, sont dans un de- gré de flexion foible , entretenue par une contraction déterminée , énergique et constante de leurs muscles extenseurs. Cette contraction soulève une partie du poids du corps en le tenant ainsi suspendu , et diminue d’autant la charge de ce poids sur fes ar- ticulations des membres inférieurs: lorsqu’au con- traire un animal est considérablement affoibli, le poids du corps, Sur ses appuis au sol, n’éprouve aucune diminution. On donne ainsi la raison pour laquelle nous nous sentons plus pesans , quand nous sommes plus foibles qu’à lPordinaire, et comment le bœuf fatigué imprime plus profondément ses pas. Le citoyen Barthez, après avoir établi que la force qui nous soutient debout , soit dans la station , ‘oit daus le marcher , réside non-seulement dans les Mécanique des mouvemens. 153 muscles jumeaux et solaire , mais aussi dans les “muscles fessiers très-considérables dans Phomne, se livre à des observations intéressantes sur l: mode de station propre aux singes, et il ajoute aux idées déjà émises sur cet obet par les célèlres Daubenton et Vicq-d’Azyr ; il ‘occupe ensuite des usaces que peut avoir la queue dans des quadrupèdes de dif- férens genres, pour rendre la station plus fa i'e et plus assurée. Cet organe fait quelquefois fonc- ‘tion de balancier par l'effet des agitations succes- sives que lui imprime lanimal : souvent c’est un long lévier à Paide duquel la partie postérieure du corps est mise en équilibre avec l’autérieure , par rapport aux centres de mouvement sur jes extré= mités inférieures, comme on peut le voir dans les écureuils. Quelques animaux du genre des lézards, tels que le dab, le booka-shash et le warral, s’en servent pour frapper fortement la terre, et c’est ainsi qu’ils arrêtent ou qu’ils modèrent les impul- sions latérales qui accompagnent leur progression. Dans plusieurs quadrupèdes , le jeu alternatif de la queue augmente considérablement la vitesse de leurs mouvemens progressifs ,; en modérant la force des balancemens du corps jelé successivement vers l’un ou vers lautre côté, eic. L'auteur termine ceite section par quelques re- marques sur les divers moyens qui facilitent la station dans les oiseaux , soit dans l’état de repos, soit dans le marcher : il observe que leur corps est d’autant mieux soutenu en équilibre, que danschaque extrémité inférieure , le fémur qui est articulé avec 154 Physique animale. los du croupion, se porte vers le milieu du corps, au dessous duquel il s’articule avec le tibia, Les pieds de l’oiseau étant ainsi naturellement portés en avant, la ligue de direction du centre de gravité de leur corps tombe plus facilément sur la base de Sustentation. La station des oiseaux est encore as- surée par la déjection des ailes derrière la colonne vertébrale, par la structure de leurs pattes munies de doigts très-divergens, et enfin par l’action de la queue plus où moins prolongée dans les différens oiseaux , comme on peut le voir dans l’oiseau dit lavandière ( motacilla ), chez qui la déscente al- teraative de ce balancier redresse à chaque instant le corps prêt à s’abattre en avant sur ses appuis. D’autres bipedes, tels que le traquet ( rubetra }, ont un besoin indispensable d’agiter les ailes conjointe- ment avec la queue , durant les courts instans où ils deineurent posés : les ailes servent encore à raffermir la station dans les efforts que nécessitent certaines fonctions des oiseaux ; les oiseaux de proie, par exemple , battent fréquemment leur proie placée à terre avec cesorganes ; les cogs en amour abaissent leurs ailes sur leurs côlés , et les agitent lorsqu’ils chantent, ù Plusieurs physiologistes ont cherché à déterminer par quel mécanisme les oiseaux peuvent se tenir perchés pendant leur sommeil ; mais ils n’ont donné de ce fait singulier qu’une explication purement mécanique : certains ont cru que le poids de Poi- seau sufisoit pour maintenir les phalanges de leurs doigts dans un état de flexion permanente. L'auteur Mécanique des mouvemens. 155 pense que la vraie raison de ce phénomène est que, dans les oiseaux , les muscles destinés à fléchir les pattes et les doigts, ont, par nature et par habitude, des forces toniques très-supérieures à celles des muscles extenseurs leurs antagonistes : cette supé- riorité des forces toniques des fléchisseurs sur celles des extenseurs , a lieu durant le sommeil dans les autres animaux, ainsi que dans l’homme. | Le dernier paragraphe qui traite de la station, a pour objet d'expliquer les différens mouvemens de la tête ou de l’avant-corps que détermine la statiou des oiseaux , et de rendre raison des ébranlemens latéraux que supporte leur corps dans une progres- sion rapide. L’abondance des articles qu’il nous reste à extraire et les bornes qui nous sont prescriles , font que nous nous contentons de Pindiquer à nos lecteurs, Des mouvemens progressifs de l’homme. SEcownr sxcrron. Cette section a deux parties. La première traite de la théorie du marcher de Phomme , qu’on a voulu expliquer par la percus- sion du sol et sa réaction. Le citoyen Barthez a déterminé plus exactement pourquoi, dans le trans- port du corps en avant, les pieds étant inégalement avancés, la jambe postérieure ( qui doit être la première transportée ), pendant que son pied arc- boute contre le sol, recoit et transmet une impul- sion qui porte le corps en haut et en avant ; il en voit la vraie cause dans l’action des muscles du 256 Physique animale. talon , qui en deviennent de simples releveurs ; qui l’élèvent en la faisant tourner autour de la pointe du pied, et qui, par le jeu de ce talon, poussent le tibia dans le sens de sa direction. Lors- que la course est la plus rapide possible , le corps reçoit la plus forte impulsion en avant par une action singulièrement énergique des extenseurs du genou de chaque jambe mise en mouvement. Le talon reste fixement redressé, et chaque genou ne subit qu’une très-légère flexion avant chaque pas. Les muscles qui agissent dans les mouvemens violens et répétés des coureurs, étant nécessités à des efforts considérables, les vertèbres , les côtes et le bassin où ces muscles ont leur insertion , doivent avoir une fixité convenable. Pour que cela soit ainsi, il importe de diminuer les ébranlemens de la charpente osseuse, causés par les secousses de l’ex- piration ; c’est ce qui fait que les coureurs font de grandes inspirations qu’ils s’efforcent de prolonger : leur diaphragme est dans un état presque constant de contraction, qu’appuie l’air retenu dans le pou- mon en plus grande quantité qu’à l’ordinaire. C’est au concours soutenu de ces deux actions, que le ci- toyen Barthez rapporte ce qu’on nomme commu- nément force d’haleine : quand cette force com- mence à nous manquer dans la course, noushaletons pour fixer encore , autant que possible , la poitrine etJa colonne vertébrale. Une considération impor- tante vient ensuite ; c’est que la proportion des os de la jambe, qui se rapproche le plus possible de légalité, est la plus propre à rendre les pas faciles Mécanique des mouvemens. 157 et étendus, Si les chèvres ont le pas plus grand que les autres quadrupèdes , c’est vraisemblablement parce que la longueur des os de chaque jambe: est presqu’égale dans ces animaux. L’auteur continue d’observer que dans le marcher, lorsque le tronc, _ poussé par la jambe postérieure , est mu en avant sur la jambe antérieure fixe qui le supporte , il se meut sur la tête du fémur de celle-ci ; et que lorsque ce mouvement n’est pas convenablement gradué , il produit une apparence de chute du tronc et une sorte de boiter. Mais cette descente de los innominé sur le fémur fixe , est graduée par la résistance du ligament rond , avant que d’être absolument arrêtée par le ligament orbiculaire de Particulation de la hanche, et par le bourrelet ligamenteux de la cavité cotyloïde. Le citoyen Barthez achève cette théorie du marcher de l’homme , en déterminant l’usage principal de la rotule , qui, dans cette fonction, n’est point faite, comme on l’a cru , pour empêcher que Pextension du genou n’aille trop loin , maïs pour fa- ciliter la graduation des mouvemens de flexion du genou , et s’opposer à ce qu’ils ne s’exécutent avec trop de précipitation : il n’est pas difficile de prévoir , d’après cela, les nombreux inconvéniens que peut entraîner le déplacement ou la rupture de la rotule. Au surplus, l’auteur constate l’utilité spéciale de cet os par un fait intéressant extrait de Duverney, et qui a ses analogues dans les ouvrages de plusieurs autres praticiens. Il s’agit d’un jeune homme chez qui l’aponevrese de la rotule avoit été rupturée à la suite d’une flexion du genou. « Cet os fut élevé 158 Physique animale; par les muscles , et ensuite fixé un travers de doigt au dessus des condyles du fémur. Au bout d’un an , ce Jeune homme essaya de marcher : il né pouvoit se metire à genoux, ni monter un esca« lier que très - difficilement ; mais il le descendoit sans beaucoup de peine. Lorsqu’on lui eut mis un petit bourrelet attaché par des cordons autour du genou , il fut moins gêné ; il pouvoit se soutenir sur cette jambe, et la plioit avec facilité. » La deuxième partie de cette section est toute con sacrée à la théorie du saut. L'auteur commence d’abord par réfuter les théories émises par Willis, Boreili, Mayÿow, Hamberger, sur le mécanisme du saut. Il résulte de celle qui lui est particulière, que deux conditions essentielles constituent le vrai mé canisme du saut : la première est l’action simul: tanée de deux articulations de la jambe qui se suivent, étant disposées en sens alternatifs, et qui ont préa- lablement subi un degré plus ou moins considérable de flexion. La deuxième est le mouvement que l'os intermédiaire de ces articulations consécutives reçoit de leurs extenseurs , et qui le détermine à tourner par ses extrémités autour d’un centre de rotation vas riable , de manière que cetos, ne se mouvant plus autour d’un point fixe , peut suivre la résultante des forces motrices, et se détacher ainsi du sol ou sautér. Un jeu semblable des extenszurs peut avoir lieu dans certains cas pathologiques , où l’on voit se produire convulsivement des sauts extraordinaires de tout le corps : témoin l’hydrophobe observé par Ridiey, pliant ses membres en sens contraires, et qui lançoit Mécanique des mouvemens. 159 son corps jusqu’à sept pieds de distance, L'auteur examine ensuite les différences des mouvemens qui operent les différentes espèces de saut. En s’occupant des avantages mécaniques qui peu- vent donner plus d’étendue au saut, le citoyen Bar- thez insiste spécialement sur ceux que présente la structure de la grenouille. Puis cherchant à détermi- ner Putilité générale des poids appelés haltères par les anciens , et dont les athlètes se chargeoient les maips pour mieux sauter, il pense qu’en ajoutant à la charge du corps, ils rendent nécessaire un plus grand effort pour le redressement des extrémités in= férieures qui doit précéder le saut , et qu’ils excitent ou déterminent ainsi une application plus longue et plus avantageuse des forces des muscles extenseurs des articulations de ces extrémités. Au rapport de Mercurialis, dans Pexercice du saut on portoit aussi quelquefois sur la tête ou sur les épaules des poids de différentes formes; ce qui vient à l’appui de la précédente assertion : de là découle un principe gÉ= néral que le citoyen Barthez développe et appuie sur beaucoup de faits, savoir, que lorsque les résistances à vaincre surpassent celles que les muscles surmontent habituellement , sans néanmoins être immodérées x le sentinvent de ces résistances excile la nature, et la détermine à augmenter l’action des muscles moieurs plus que dans l’état ordinaire, ou bien à rendre plus avantageux l’emploi du même degré de cette action. Ici Pauteur fait succéder des considérations inté- ressantes sur le saut des serpens et des insectes. Les serpens, qui jouissent de la faculté de sauter, s’élancent x60 Physique animale. de deux manières : la plus sinple est celle qu’em- ploient l’Æcontias et le serpent à sonnettes. Ces animaux se donnent la figure d’un arc, en rappro- chant leur tête de leur queue, etils s’élancenten s’ap- puyant fortement sur ces deux extrémités : en éten= dant très-fortement la partie supérieure de Povale de leur corps, ils la plient en dedans, et établissent ainsi un centre d’inflexion , par rapport auquel, et aux vertèbres extrêmes qui sont fléchies , des mou- vemens d’extension sont imprimés en sens opposés ; ce qui donne aux deux moitiés du corps du serpent le pouvoir de sauter. Les serpens ont une autre facon de sauter plus compliquée : certains établissent un grand nombre d’arcs dans la plus grande partie de leur corps , après avoir fait plusieurs tours de tout leur corps, qu’ils entortillent autour de leurs têtes ; mais le saut de chacun de ces arcs est ensuite pro- duit par les extenseurs des vertèbres , de la même manière qu'il est produit dans les serpens dont le corps entier ne forme qu’un arc semblable. Tous ces arcs se détachent du sol dans le même temps, ei leurs mouvemens multipliés en divers sens se modifient , se balancent et se combinent au gré de Panimal de la manière la plus avantageuse. Pour ce qui concerne le saut des insectes, rien n’est plus merveilleux que ce mécanisme, sur-tout dans la puce , qui s’élance avec une vîtesse excessive, et à une distance prodigieuse, par rapport à la lon- gueur de son corps, suivant l’observation de Swam- merdam : les sauterelles s’élèvent par leur saut à une hauteur deux cents fois plus grande que Îa longueur de Mécanique des mouvemens. 16k de leur corps: Le citoyen Barthez remarque que, dans les pattes postérieures de ces insectes, qui pro« duisent le saut, les cuisses sont articulées vers le milieu du corps, dont elles soutiennent le centre de gravité ; que les jambes sont comme des pieux fort élevés entre lesquels le corps de l’insecte suspendu “est d’abord balancé, pour être jeté avec plus de force par l’action des muscles extenseurs. Il ajoute que la Naucore ou mouche scorpion saute avec agilité, mais avec moins d'avantage que la sauterelle, parce que ses deux dernières pattes, dont le jeu produit le saut, étant d’ailleurs très-longues , sont atiachées à la partie inférieure du corps, et non vers son milieu: Le saut propre au ver du fromage, qui courbe cir+ culairement son corps , s'explique de la même ma- ière que le saut des serpens ; mais la mécanique du saut de Pinsecte appelé £/ater ou Taupuin , est sur-tout curieuse à considérer. On sait qu’étant couché sur le dos , il saute de mauière à retomber sur ses pattes. Je transcris ici littéralement Pexplis » cation que donne l’auteur de ce phénomène. « Pour connoître la véritable mécanique de cé | » saut, il faut savoir que le corcelet de cet insecte “ » a un prolongement écailleux qui avance et sem- » boîte dans une coulisse placée sur le haut du ventre; -» ce qui forme une espèce d’articulation. | » Cet insecte ayant le dos couché sur un plan, im- & » médiatement avant de faire eflort pour sauter, _» fléchit son corps en un angle dont le sommet qui à s'éloigne du plan, porte larticulation susdite, Dans l'instant suivant où il fait effort pour sauter, Tome 5 4 L I EYES VS 7% cédente, divisée en deux parties. La première à | pour objet les mouvemens progressifs du cheval , et la deuxième traite des variétés que présentent ces mouvemens dans «autres genres de quadrupèdes & je vais tâcher d’exposer aussi succinctement que 62 Physique animale. il fléchit fortement la même articulation en sens inverse , en contractant ses fibres antagonistes de celles qui ont agi dans l’instant précédent. L'action de ces fibres se continue au point de forcer l’ar- ticulation, et de dégager précipitamment le pro- longement du corcelet, qui fait une petite chute hors et au dessous du rebord saillant de la coulisse du ventre. « Par l’effet de cette chute soudaine, le corcelet de cet insecte que le ventre ne soutient plus, heurte avec force du côté du sol par son rebord inférieur. Ce rebord en est réfléchi, et son mou- vement ne se fait plus autour du même point fixe, par rapport auquel la partie supérieure du corcelet a reçu un mouvement de projection en avant, imprimé par les mêmes fibres qui ont forcé l’articulation : dès-lors le centre des mouve- mens des deux extrémités du corcelet n’étant plus fixe, mais variable , le corcelet peut obéir à l’im- pression résultante de ces deux mouvemens ; il peut sauter, et rejeter le corps de Pinsecte en avant sur ses paîtes , etc. » Des mouvemens progressifs des quadrupèdes. Trorsième sEcTION. Elle est, ainsi que la pré- : Mécanique des mouvemens. 163 possible , les vues majeures que l’auteur a offertes sur ces deux objets, On observe que , dans les chevaux, dont les allures ont une grande étendue, et sur-tout dans les che- vaux de trait, la tête et l’encolure se prolongent en avant. Le même phénomène a lieu dans ceux qui ont essuyé les faiigues d’une longue marche : ce prolongement du cou, en portant plus avant le centre de gravité, a oute à son transport par une égale force d’impulsion. Le C. Barthez remarque en outre que l'extension du cou est encore assez avantageuse pour que le tronc du corps soit plus facilement sou- levé, par l'impulsion des jambes de derrière, au- tour des appuis que lui donnent les jambes de de- vant. Il en donne pour raison, qu’une partie du poids de ce tronc et de sa charge est mise en équilibre, et suspendue sur ces appuis par l'effort de la tête portée au bout du lévier du long cou du cheval, C’est ainsi qu’on doit expliquer comment le cou très- long des chameaux leur est si utile pour se relever avec les fardeaux dont on les a chargés. Dans le cheval, les jambes antérieures contribuent d’autant plus foie blement à la progression , par l’eflort qu’eiles font en s’élevant sur les bords de leurs soles avant de se détacher du sol, que l’omoplate sur laquelle le tronc est porté alors, n’est point articulée avec le tronc, mais y est seulement liée par les attaches de | ses muscles avx vertèbres cervicales et dorsales : . ce sont donc les jambes de derrière qui aident principalement à la poussée du corps en avant, et l’impulsion qu’elles donnent dépend essentielle L 2 64 à Physique animale. ment des muscles releveurs de l’os du jarret et des’ ] extenseurs du genou. Dans le mouvement du trot, quoique les deux paires que forment les jambes opposées en diagonale, se détachent de terre et y reiombent alternativements il arrive quelquefois que l’une de ces paires ne re- tombe pas à terre précisément au même temps que Pautre s’en élève ; souvent les quatre jambes sont détachées du sol à la fois: il y a alors un élances. ment ou saut du corps que produit leffort d’une jambe postérieure, un moment avant que l’autre jambe postérieure ne retombe à terre. Le pas grand ou alongé est plus fatigant pour les chevaux que le trot, parce que les jambes, pendant qu’elles sont fixes , doivent faire effort pour changer leurs direc- tions dans le pas; ce qui w’arrive pas dans le mou- vement du trot. Le galop forcé, qui est celui des chevaux usés , se fait en deux temps : le premier est marqué par Jeslévation des jambes antérieures , et le second par l’élk'vation des jambes postérieures. Dans le galop ordinaire on distingue, ou trois ou quatre temps, Ces ten\vs peuvent être distingués relativement à l’ordre su.‘vant lequel les quatre jambes s’élèvent par leurs fo.ulées ; aussi bien que relativement à l’ordre suivant lequel elles se posent à terre dans leurs battues. {ette dernière distinction des temps lans ces deux esj'èces de galop, est celle qu’ont arquée généralement les auteurs d’hippiatrique. citoyen Barthez pense au contraire que, pour . ire des idées justes du galop, il faut sur-tout ER nd Sn RS | Micanique des mouvemens. 165 avoir égard à l’ordre des temps des ÿfoulées. Je ne fais pas mention de quelques autres considéra- tions non moins importantes qui terminent la pre= mière partie de cette section, et que les limites dans lesquelles je suisresserré ne me permettent pas d’extraire : je me hâte de passer à ce que l’auteur a exposé sur les variétés des mouvemens progres- sifs dans diflérens genres de quadupèdes. Des faits nombreux prouvent que les principales différences observées dans les mouvemens progres- sifs des quadrupèdes de divers genres, sont relatives aux proportions de longueur qu’ont le tronc au corps, les jambes anlérieures et les postérieures. Dans ceux dont le tronc est massif ou prolongé, suspendu entre des jambes dont la hauteur est à peu près la même , le galop et le saut ne peuvent s’exécuter que péniblement, et pendant une très- courte durée , s’ils ne sont doués d’une force ex- traordinaire , parce qu’il leur faut trop d'effort pour l’équilibre qu’ils doivent donner à leurs corps sur les jambes de derrière, immédiatement avant chaque saut : mais dans les animaux chez qui les jambes postérieures ont plus d’élévation que les an- _ térieures , comme le lapin, le lièvre, la gerboise, etc. le mouvement progressif est accompagné d’un saut particulier du train de derrière ; aussi ces animaux, dans leur démarche la plus lente ; vont au pas avec le train de devant, et sautent avec le train de derrière. Lorsqu’après avoir été lancés en Pair par les jambes postérieures, ils retombent sur les an- térieures, un mouvement particulier du ressaut s6. L3. 166 Physique animale. marque dans la moitié postérieure de leur corps qu'ils font arquer : c’est ce mouvement particulier de ressaut, produit à la suite de chaque impulsion des jambes postérieures, qui fatigue ou retarde ces animaux lorsqu'ils courent dans la plaine, ou qu’ils descendent sur un plan incliné : cet inconvénient n’a pas lieu lorsqu'ils montent, parce qu’alors ils arquent moins la partie postérieure du corps, à cause de la position plus élevée des jambes de devant, Dans la girafe, le train antérieur est beaucoup plus élevé que le train postérieur. Cette disposition influe mauifestemeut sur les mouvemens progressifs de cet animal, dont le pied gauche postérieur part avant le pied droit antérieur. La raison en est que si sa jambe antérieure transportoit le tronc en partant avant la jambe postérieure qui lui est opposée en diagonale, le tronc ainsi incliné et prolongé seroit trop exposé à s’affaisser , parce qu’il agiroit par un trop long bras de lévier sur les appuis des pieds des jambes pos- térieures. À L'auteur pose ensuite en principe, que plus le pied postérieur d’un quadrupède est alongé, plus lim- pulsion qu’il donne dans la marche en se mouvant circulairement sur sa pointe se dirige désavantageu- sement par rapport au tronc, et plusen même-temps doit être forte la vacillation latérale du corps qui en- traîne un mouvement proportionné. Mais les mouvemens des quadrupèdes doivent va- rier autant que vaiient les positions des extrémités , par rapport au tronc. Les lézards, par exemple, ne peuvent se mouvoir d’un mouvement de saut mi de r …— Mécanique des mouvemens. 167 galop , à cause de la foiblesse des jambes postérieures et du peu d’élévation qu’elles donnent au corps. Dans le caméléon , les os du bassin ne font point corps avec Vos sacrum (auquel ils ne sont point unis, suivant observation de Perrault }; c’est ce qui fait que cet animal, dans sa marche, rapproche ses jambes d’un côté en même-temps qu’il éloigne extrêémeinent l’une de l’autre les jambes de l’autre côté ; de sorte que ses mouvemens prosressifs qui s’exécutent avec une cer- taine flexion de tout le corps, ont quelque chose de ridicule. Une disposition singulière des pieds peut aussi in- fluer sensiblement sur les mouvemens progressifs des quadrupèdes, La taupe, dans sa marche, tourne en dehors ses pieds de derrière ,etses pieds antérieurs eu dedans ; c’est de cette cause que proviennent les zig- zags qu’elle fait en courant. On peut rapporter à la rigidité et à létroitesse singulière que doivent avoir les ligamens environnans des articulations des pieds dans le renne et dans l’élan, le son comme d’un cra- quement qu’on entend dans ces articulations lorsque ces animaux se meuvent, et sur-tout lorsqu’ils courent ou précipitent leurs pas. Plusieurs duadrupèdes , au commencement ou à la fin de leur saut , rapprochent . leur tête de leurs jamkes, et par conséquent le cen- tre de gravité de leur corps. L’agneau qui bondit saute des pieds de derrière, et en même-temps ap- proche sa tête de la terre. Le duyker-bok (bouc p'ongeur), au rapport de Sparrman, entremêle des sauts dans sa course, ou lorsqu'il s’élève il tient sa tête haute , et lorsqu'il retombe il la cache enire ses L 4 168 Physique animale, jambes ; ce.qui peut lui donner Pair de plonger. Le éhamois fait sur li-même un mouvement de rotation lorsqu’ 1h saute en bondissant sur des rochers, et semble se. réfléchir d’un rocher sur un autre, Le spring-bok (bouc sauteur) a quelquefois dans ses grands sauts les quatre pieds fort rapprochés, le dos étant arrondi'et convexe , el la têt: abaissée ; d’autres fois son dos est courbé vers en bas, et son ventre s’avance en dessous, la nuque et la croupe étant fort, rapprochées , de sorte que les pieds de devant sont éloignés des pieds de derrière autant qu’ils peuvent Pêtre. Le citoyen Barthez indique Putilité de ces différentes attitudes , et ses explications sont toujours plausibles pour le lecteur. Il finit par une observation générale qui intéresse le Philosophe autant que le Physicien ; c’est qu’il est yn grand nombre d’animaux chez lesquels on peut reconnoître de la manière la plus sensible, que les af- fections habituelles de leur ame ou du principe du sentiment et de la volonté recoivent empreinte des modifications que la conformation particulière de leur corps onne à leurs mouvemens progressifs ;. ainsi 3, par exemple, où remarque dans les émigrations des rats de Norwège (où ils sont réunis en troupes pro- digieuses ), que leur marche est dirigée suivant une même ligne droite, et qu’ils la reprennent toujours ay- -delà d’un rocher ou de tout autre obstacle qu’ils ont été forcés de tourner. On peut sans doute rap porter en grande partie cette habitude de se mouvoir en ligne droite, à ce que ces animaux marc bent par bandes, c de sorte qu ils ne pourraient faire des mou- es Et dis Rs 14 Mécanique des mouvemens. 169 vemens de côté sans se gêner et s'empêcher mutuelle. ment ; mais elles sont principalement déterminées par les formes de leurs corps, qui leur font éprouver une grande difficulté à se détourner pour changer leur première direction. Ces formes consistent en ce que la partie antérieure de leur corps se termine en pointe : leurs jambes de devant sont fort courtes, et ont très-peu de jeu latéralement ; et dans leurs jambes de derrière le fémur, par une triple tête , est articulé avec la cavité cotyloïde de l’os innominé (ainsi que Wormius l’a remarqué). Des exemples plus connus concourent à établir une corrélation mauifeste que les caractères de l’ame ont avec les formes et les mouvemens du corps dans divers genres d’animaux. Le corps de la panthère, par la souplesse et la légé- reté de sa conformation, se rapporte à la vîtesse et à Pimpétuosité des mouvemens que son instinct lui im- prime, tandis que le corps de l’ours, pesant, massif, et ayant peu de jeu dans ses articulations, répond à la nature de cet animal, qui est lente, lourde et détournée dans sa malfaisance., L'instinct qui produit les mouvemens très-vifs , irréguliers et capricieux de la chèvre, tient beaucoup à la mobilité de ses jambes etaux autres avantages de la conformation de son corps, qui la rendent aussi agile qu’inconstante, etc. Il me resteroit maintenant à faire connoître les trois sections qui suivent , dans lesquelles l’auteur présente successivement les idées qui lui sont propres, sur d’autres modes de progression, telsque le ramper des chenilles, des autres reptiles mous et des ser- pens; le nager, considéré dans les poissons , dans 170 Physique animale. les quadrupèdes et dans l’homme même : il me resteroit à analyser la belle et curieuse théorie qu’il a donnée sur le vol des oiseaux ; mais les dévelop= pemens qu’exigent des articles aussi importans pour les progrès de la physique animale, me contraignent à en faire un extrait séparé que j’offrirai incessam- ment à nos lecteurs dans ce même journal. D’après le tableau de ce qui précède, il est néan- moins aisé de se convaincre que le citoyen Barthez a traité d’une manière absolument neuve une ma- tière qui ne l’étoit pas. Il seroit difficile de pénétrer plus avant que lui dans une carrière aussi intéres- sante. C’est avec une sagacité bien remarquable, qu’il a montré dans le mécanisme des corps vivans, ce que peu d'hommes savent y contempler. J’a- verts, au surplus, que je n’ai exposé que les simples fondemens de cette savante construction, qui sera bien plus dignement appréciée du lecteur , lorsqu’une étude approfondie lui en aura fait connoître les dé- tails, La vaste érudition que l’auteur y a déployée, annonce qu’il a saisi la science par tous ses côtés, et que rien de ce qui tient à elle ne lui est étranger. Un semblable ouvrage à dû coûter bien des labeurs et des veilles ; mais c’est ainsi qu’il faut DE pour parvenir à fixer la gloire: elle ne sourit qu’aux travaux pénibles et rassemblés avec une sage len- teur. Les productions improvisées n’appartiennent , pour la plupart, qu’à des hommes d’un esprit su- balterne , et ne s’échappent de leur tête que pour s’engloutir dans Poubli. C’est au flambeau d’une longue expér.ence que doivent s’épurer toutes les re- Le cette d'en dé tn ES PR EE “1 ET - Agriculture. 17£ cherches de la pensée. Le célèbre auteur de la nou- velle mécanique des mouvemens de l’homme et des animaux , est un des patriarches de sa proies. sion : depuis long-temps il est familier avec la nature. Qui pouvoit mieux que lui, nous meitre dans le secret de ses merveilles et de ses lois! J, L. ALIBERT. AGRICULTURE. DescrrPTION d’une machine pour réduire les os en poudre , et les favre servir à l’engrais des terres, lue à la Socuété philomathique , par le citoyen LASTÉRIE. LIST machine est mise en action par le moyen de l’eau qui fait tourner une roue fixée sur son arbre. Un anneau de fer est attaché sur cet arbre. Celui-ci est surmonté d’une iraverse de bois qui le coupe à angle droit , et qui est soutenue par deux po- teaux. La traverse est percée d’une trémie qui s’ouvre sur l’anneau, C’est dans cette trémie , revêlue de plaques de tole , qu’on met les os pour les réduire en poudre, Lorsque l’arbre est en mouvement, un homme exerce une pression sur lesos, par le moyen d’un lévier qui s'adapte avec son crochet au piton fixé à lune des extrémités de la traverse. Vers les deux 192 Agriculture. tiers du lévier est attaché un tampon de bois qui entre dans la trémie , et contient les os lorsque Pouvrier agit sur le lévier. Les os sont 1éduits en poudre à peu près comme de la grosse sciure de bois. | L'auteur a dessiné cette machine à Thiers, dans le département du Puy - de - Dôme , où il en existe plusieurs de ce genre, Il se fabrique dans cette ville. une prodigieuse quantité de couteaux , et l’on em- ploie principalement des os pour faire des manches. Les habitans s'étant aperçus que les rognures de ces os, répandues sur la terre, donnoïent plus d’activité à la végétation que toute autre espèce d’engrais , 1Ima- ginèrent d’employer les extrémités des os quirestent après qu’on a pris la partie du milieu , la seule em- ployée pour faire les manches de couteau. C’est ce qui fit sans doute ünaginer le moulin dont uous venons de donner la description. Cet engrais est très-recherché dans le pays, et renchérit tous les jours. Les os entiers se vendent 7 francs le quintal , et ofr.lorsqu’ils sont réduits en. poudre : on les a quelquefois payés jusqu’à r1 francs ; aussi dans chaque ménage, les cuisinières ont soin. de ramasser tous les os , et leur peine trouve son salaire dans les petits profits qu’elles en retirent an- nuellement. ul Les os qui n’ont pas subi Pébullition, donnent, comme on conçoit, un engrais plus actif : aussi se vendent-ils plus cher. Cet engrais réussit principalement sur les terres. PET EE NS DURS DT: Description d’une machine, 173 . qui ne sont ni trop sablonneuses, ni trop dépour- vues d’huiniaité. Il seroit utile d’établir dans différentes parties de la France, des moulins de cette espèce. Celui-ci, qüoïque fort simple, est susceptible d’être perfec- tionné : on pourroit même obtenir des résultats plus avantageux , en employant un mécanisrne différent. En eflet , si on se servoit de grosses meules de pierre de 3 mètres de diamètre, qui tourneroient ver- ticalement dans une auge, à la manière des moulins à cidre, où réduiroit en poudre une bien plus grande quantité d’os, dans un même espace de temps, et avec des forces égales. Il se perd chaque jour à Paris, et sur-tout dans les autres grandes communes de la république , une prodisieuse quantité d’os qui pourroient être em- ployés à féconder les champs, et à augmenter la masse de nos productions territoriales. Celui qui construiroit des moulins pour réduire les os en poudre, rendroit un service à l’agriculture, et trouveroit cer- tainement dans ce genre de spéculation un bénéice très-lucratif. V'O.Y 4 Guru A Tour in Srritserland , etc. by Herrev-ManrA Wrcrrams. A Londres , chex G. G.et J. Ro- binson ; 2 vol. in-8°. Noureau Voyage en Suisse, contenant une peinture de ce pays, de ses mœurs et de ses gouvernemens actuels, avec quelques traits de comparaison entre Les usages de la Suisse et ceux de Paris mo- derne, par HÉLENE-Manrr4 Wicrrams, traduit de l'anglais par J. B. Sar. 2 vol. in-8°. : Le premier de 300 pag., le second de 264 pag. À Paris, chez Charles Pougens, Au°VI, 1798. La terreur régnoit : la France n’ctoit plus peuplée que de bourreaux et de victines, quand l’auteur, que d’autres espérauces avoient aitirée dans ce pays, obtint un passeport pour la Suisse. Un passeport ! Qui pourra concevoir ce que ce mot renfermoit alors de bonheur ? Elle arrive à Bâle , et nous peint les premières impressions que la vue de la Suisse pro duisit sur elle. L’aspect du pays répondoit déjà aux rêves brillans de son imagination. Q uant au ca- ractère et aux mœurs de ses habitaus, un séjour de quelques semaines à Bâle tempéra un peu son en- thousiasme : argent étoit la seule idole des Bâlois. « Je n’entendis parler , dit-elle, que de la valeur » comparative du louis et de l’assignat, et, si je s n’avois pas vu le Rhin rouler ses vagues turbu- \ Voyage en Suisse. 175 » lentes au dessous de mes fenêtres, je me serois » crue encore dans le voisinage du Palais-Royal. » Par-tout miss Williams entremêle ses récits de la Suisse d'observations relatives à ce qui se passe en France. Vivant en France , nous nous arrêterons peu à celte partie de l’ouvrage dont nous ayons en- trepris de rendre compte. La cataracte du Rhin étoit le premier grand objet dont miss Williams étoit impatiente de rassasier ses regards, Les circonstances de la guerre l’obligèrent à un long détour pour y aller, et un Bâlois voulut l’en détourner tout à fait , parce que , selon lui, la chose n’en valoit pas la peine. « Après tout , disoit- » il, ce n’est qu’une chute d’eau. » L’auteur prend la route de Bâle à Zurich : de Zurich elle visite la célèbre cataracte , et s’applaudit de ne pas avoir suivi l’avis de son Bâlois ; elle dé» crit en poële cet imposant phénoruène, Revenue à Zurich, Lavater est l’homme qu’elle désire parti- culièrement de connoître ; elle est recue chez ce vieillard vénérable. « Sa mine est longue et affilée, » sestraits prononcés, son front sillonné: il estgrand, » mince ; sa figure intéresse : lorsqu'il est sérieux , » elle est empreinte de mélancolie et presque d’in- » quiétude ; mais quand il sourit , elle prend une » expression de douceur et d’inteliigence, Il y a dans » sa conversation une éloquence simple, une fran- » chise bienveillante qui la rend extrèmement atta- » chante : 1l parle français avec peine , et quand il » ne trouve pas le mot dont il a besoin , il a recours » à Pallemand. » C3 mot allemand est souvent in: 176 Poyage. traduisible, parce qu’il est de sa création, —- Lavaier rendit un témoignage bien flatteur aux mœurs zuris coises : depuis tout le temps qu’il exerce ses fonc- tions pastorales dans cette ville, il déclara qu’il se seroit rendu ridicule si, une seule fois, il'avoit prê- ché contre la vénalité ‘et la corruption. « Je m'’a- » perçus, dit miss Williams, que j’avois fait bien » du chemin, depuis que j’avois quitté Londres et » Paris. » Un compagnon de voyage de miss Williams, dé- sirant arracher à Lasvater sa profession de foi, passa rapidement en revue devant lui une infinité d’opi- nionsrelisieuses, depuis Justin le martyr et Origène , ) jusqu’au docteur Priestley. Layater ne parut point s’être appliqué à la controverse : il y a plus de sentiment que de logique dans ses conclusions 3 il ne s’est occupé des fondemens de là religion, que pour en appliquer les préceptes à régler nos pas- sions, dont il trouve les plus délicates nuances dans les formes extérieures du corps. Au retour de Zurich à Bâle, une des choses qui frappent le plus notre dirsable voyageuse , est le cimetière du village de Balstal. Le pieux hommage qu’on doit aux morts y est acquitté, on -seulement par des tombesux peints et des croix dorées, mais encore par des fleurs odorantes, des œillets , des violettes, qui couvrent les monticules verdoyans , asiles des humaines dépouilles, Ce cimetière ; en- touré d’ailleurs de rochers garnis d’arbustes et de collines champêtres , rappelle à miss Williams ce souhait d’Ossian : « O vous, pour qui la lumière brille … | Voyage en Suisse. 177 » brille encore , déposez-moi auprès d’un des rochers » de vos collines ! Que Fépais coudrier soit autour! » que le chêne mugissant soit auprès ! Qu’il se montre » verdoyant sur le lieu de mon repos, et que le » murmure du torrent lointain s’y fasse entendre ! » Revenue à Bâle, miss Williams s’y arrête encore un peu de temps, et elle nous fait part de ses obser- vations sut le régime politique de cette cité et sur le caractère de ses habitans, sur ses manufactures, ses curiosités, etc. Elle donne un démenti formel à Coxe sur linstruction littéraire des Bâlois , et elle paroît généralement un peu prévenue contre eux (1). (x) Miss Williams ne nomme, parmi les gens de lettres, que les citoyens Frey et le Grand : il nous semble que la ville de Bäle compte un plus grand nombre d'hommes de mérite. Son Université possède des hommes instruits ; sa bibliothèque est curieuse et très - fréquentée. Outre la colleetion célèbre d'Histoire naturelle du citoyen Bernouilli , qui annonce dans cette famille un goût héréditaire de l'instruction , on en trouve plusieurs de curieuses. Le citoyen Ochs , chancelier de la république , n’auroit pas dû être oublié parmi les gens de lettres ; le citoyen Antoni, qui a une collection précieuse d'Histoire naturelle , de dessins de maitres italiens, et de bons livres, qui est à la fois versé dans l’Histoire na- turelle , la connoissance des classiques et celle des arts, _ mériloit d’être cité, ainsi que le citoyen Lachenal , professeur de Botanique connu dans l'Europe ; il pos- sède uve des plus considérables collections de livres de Botanique , digne de rivaliser avec eelles de M. Bancks à _ Londres, et du citoyen l’Héritier à Paris. Quoique les leitres soient aujourd’hui plus cultivées à Zurich , elles ne sont pas tout à fait exclues de Bâle, et je me plais à rendre aux savans que je viens de nommer , la justice qui leur est due , et à Tome I. M 178 : Foyage. Enfin elle prend congé de Bâle, dans Pintention d’aller jouir de plus près des sites et des phénomènes qui attirent principalement en Suisse la curiosité des voyageurs. Elle maverse le Havenstein, et dirige sa course du côté d’Arbourg, Parvenue au lac de Sem pach et au bourg de même nom, elle nous décrit la fameuse bataille où périt,en s’immortalisant, Arnold de I inketried. Les habitans actuels né sont pas insensibles à la gloire de leurs ancêtres. La maîtresse de l’auberge du lieu, faisant les fonctions de Cice- rone , disoit : « Là , sur le haut de cette colline,nous » nous étions portées, vêtues de sarraux de charretiers, » et les Autrichiens nous prirent pour une armée de » réserve. » (Vous vouloit dire les femmes d’alors (1306), qui, suivant une tradition locale, avoient imaginé ce stratagême pour multiplier aux yeux de l'ennemi les forces des confédérés, Lucerne, Gersau, Schweitz, Brumen , Altorff, sont décrits à leur tour. Par-tout on rencontre des points de vue imposans, majéstueux, pittoresques, et par-tout les honorables monumens de la liberté. Ce n'est point comme un monument de ce genre , mais seulement comme un objet de curiosité, que nous mentionnerons une ancienne peinture que l’on voit à Lucerne. Elle représente une exécution, et Pins- trument de mort ressemble à celui que, sous le leur témoigner ma reconnoissance de l'accueil que j’en ai reçu en 1792, lorsque je fus envoyé en qualité de chargé d’af. faires auprès des Ligues Grises. A. L. M. Voyage èn Suisse: $ 159 fègre de la terreur , on appeloït si improptement er France Le glaive de la loi (2). | (2) Cet instrument de décollalion , que des vues louables d'humanité firent proposer à l’Assemblée constituante par le titoyen Guillotin , et qué le Gosce Louis contribua à per- fectionner , n’étoit rien Moins qu’une invention nouvelle, Le poëte hollandais Cats , qui florissoit vers le milieu du dix- septième siècle, décrit, avec sa verbeuse facilité, uné machine absolument pareille, dans celui de ses ouvrâges in- titulé : Doodikiste voer de levpendige , c’est-à-dire, Cercueil à l’usage des vivans ; pag. 37 , édition des Œuvres de Cast, im- primée à Amsterdam , chez J. J. Schipper , 1 vol. in- fol. Le poële parle de cette manière de décapiter, comme d’une anñcisnne pratique : il peint le fatal tranchant suspendu à un fil ; et après avoir fait frissonner ses lecteurs à l’idée du Moment où il va tomber , 1l leur dit : e C’ést notre histoire >» à tous : là vie de l’homme , même jouissant de la plusre- » buste santé , ne tient qu’à un fil. » Uné gravure , relative mn. à ce passage de Cufs , représente la machine qu’il décrit. — A peu près à là même époque , Jean san Horne, professeur , d'Anatomie et de Chirurgie à Leyde , a mis cette note au traité de Léonard Botall, de vulneribus sclopetorum , dans le recueil des Œuvres de Botall, publié par lui en un volume 1n-12 à Leyde , 1660 : Wenetits non semel »idi, et citissime et exactissime capita faciñorosorum detruncari | posilæ cervice tutra duas columnus liyneas sulcatas , impositoque ferre late et àcie prædito non vulgari; quod ferrum ; cervicë iinpositum $ LA analleo ligneo adigebalur ; vel ex chordà suspensum ; eêque cultro dissecté , suo pondere descendebat. Plus d’un siècle au- parävant , Achilles Bocchius ; dé Bologne, a publié ses Sym- Bolicarum quæstionum de universo genere ques serio ludebat , \Libri F7, imprimés à Bologne en 1555 , petit vol. ën-4°. , en- tichi de gravures , et l’on y voit au Symbolum XFIIT, pag. 36, la représentation d’une machine semblable à celle éi-dessus décrité, Ces trois ouvrages sont à la Bibliothèque M 2 , 180: . Voyage. LA Il n’y a que 200 ans que l’arbre, au pied duquel fut lié le fils de Guillaume Tell, existoit encore à Altorff. On a bâti dans cet endroit sacré une espèce de tour peinte, et à peu de distance de là, à la place même où l’on dit que le père lança la flèche qui abattit la pomme , on a construit une fontaine nommée la fon taine de Tell, et décorée de la statue de ce libéra- teur de son pays. Ici Pauteur n’a pu s’abstenir d’une sortie contre un Bernois (3) qui, il y a environ 30 ans, a soutenu nationale. Le citoyen Millin possède aussi un petit tableau ancien , qui lui a été donné par le bibliothécaire national du département de Seine et Marne , le citoyen Guyot ,' repré- sentant une décapitation de martyr par le même moyen; mais nous n’ayons rien trouvé qui s’y rapporte dans le traité d’An- toine Gallonius, de crucialibus martyrum. Au seizième siècle, pareil instrument de décollation étoit connuetusité en Ecosse et en Angleterre : en Yorckshire on l’appeloit , nous ignorons pourquoi, the maiden ou la Pucelle. Nous devons une partie de ces particularités à un savant bibliographe, qui n’a pas peu contribué à enrichir le Magasin encyclopédique. P. H.;,M. (3) Ce Bernois étoit Gottlob- Emmanuel Haller , fils d’Albert ; etla brochure désignée par notre auteur a paru en 1760, et avoit pour. titre : Guillaume Tell, fable danoise, avec cette épigraphe : À L'homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour le mensonge. VOLTAIRE. in-8°. de 30 pages. Elle fut rigoureusement supprimée et proscrite par tous les cantons , et celui d’Uri la fit brûler par Voyage en Suisse. 181 que toutes les actions romanesques attribuées à Guillaume Tell appartenoient à un Danois nommé Tok , qui, vers le dixième siècle, leva l’étendard de la liberté contre le roi Harold. « Ce triste com- Menfateuf ne savoit pas combien il causeroit de regrets au voyageur philosophe. On prétend qu’à la vérité il y a une funeste ressemblance entre le récit des historiens danois et la tradition sur Guil- laume Tel! : il y a eù une pomme abattue , Une mâle réponse adressée au tyran ; mais une de ces actions n’exclut pas l’autre. Quoi qu’il en soit, le conseil souverain de Berne fit brûler ce livre , et J'avoue, dit miss Williams > que je me sens portée à excuser cette vengeance. Te/l est en Angleterre , aussi bien qu’en Suisse , le héros de notre enfance : l’histoire merveilleuse de la pomme entre dans les premières lecons que l’on nous donne. Qui de nous pourroit souffrir que ce tri- but d’admiration , payé dès nos plus jeunes an- nées au héros d’Altorff, fût transporté à un autre » homme , à un autre pays, à un autre siècle ? » Miss Williams arrive au pied du mont Saint-Gothard, Le pont appelé, dans le langage du pays, Le saut _ du prêtre , la fait trembler, On craint que l’appui MON UN... Vif 1. 4 les mains du bourreau : cette réfutation ne yaloit pas celle à laquelle elle a donné lieu de la part de plusieurs hommes de lettres patriotes , dans le nombre desquels on remarque un autre Faller, ( Louis Haller de Kænigsfelden ). Voyez |’ His- toire des Suisses par Jean Muller , tom, II, pag. 361 dela iraduction française , note 211. PH. M 3 382 | Froyage. qui vous retient, ne s'écroule avec vous , et ne vous plonge dans Pabyme 3 il faut quelques instans pour calmer cette pénible sensation : alors elle est rem- placée par une admiration enivrante qui remplit ct gonfie le cœur à mesure que les yeux se pro- mènent sur tant de merveilles accumulées. La route jusqu’à Wassen est on ne, peut pas plus- romantique. Les aspects tout à l’entour sovt éton- pans par leur variété , non moins que parleur beamté. L'auteur retrace avec sa touche poëtique l’eflet des avalanches. Biéntôt les sites ue sont plus que terribles. « Plus de pins ne balancent leurs têtes » dans les airs; aucun buisson ne montre plus son » épine fleurie, et l’aride chardon lui-même, avec » sou armure piquante, a cessé d’avertir le piéton » de l’existence d’un être organisé. » On re peut rien imaginer de plus hardi, de plus audacieux, que la route que-parcourt la val- lée de Schellenen. Enfin, on arrive au pont du Diable. Des montagnes droites et élevées sembloient à nos voyageurs, avoir fixé là le terme de leur course : la seule issue qui paroissoit soffrir étoit le lit du torrent; mais, par cette embrasure, les eaux iritées tomboient par cascade sur des rocs brisés, et remplissoient l’air de leur fracas et de leur écume: « Si la superst tion est pardonnable quelque part, » sans doute c’est ici. Heureusement le diable n’est » point, aux yeux de ces bons montaonards, un ennemi » ingénieux pour le mal ; quoiqu'il ait choisi pour » sa demeure ce chaos de la nature, ïl est assez : 4 Voyage en Suisse. 183 bonne personne ; et loin de se déruber aux re- gards , comme certaines autres puissances , il a pris tous les soins imagimables pour rendre son palais accessible , en perçant des rochers , en jetant des ponts à travérs des précipices, etc. ouvrages que Jui seul pouvoit éxécuter ; et par lesquels il a très- certainement bien mérité de la patrie. » RE ES 7 Au sortir d’une caverne ténébreuse , le passage qui se déploie aux yeux semble un prestige : la nature se montre tout à coup revêtue des plus ai- mables couleurs, et de toutes les eraces de son en- fance.Une vallée délicieuse s’étendenviron trois milles de long et de large : vers son milieu est le village d’An-de-Mat ; à son extrémité, celui d'Hospital ; elle en enferme deux autres; ce sont les communes les plus élevées ‘de l’Europe. Les monts qu’on a franchis jusques-là ne sont , à proprement parler, que la base de Saint-Gothard: on commence à le gravir ici. Par-tout s'offrent des traces de végétation ; le myrthe des montagnes, Phellébore blanc, d’autres plantes buissonneuses parti- -culières à ces régions aériennes. La Reuss devient tou- jours plus modeste à mesure qu’on anproche de sa source : métant plus alimentée par les eaux de la vallée d’Urseren et des hauteurs qui la dominent, elle n’est bientôt plus qu’un humble ruisseau. — Une montagne succède à une autre, et la vue est ainsi pendant long-temps assez bornée, Le séjour des fri- mats sé présente. Quelques arbustes rabougris es- saient par fois de se montrer 3 mais leurs efforts im- M 4 184 Voyage: puissans attestent la proscription étendue, à de pa- reilles hauteurs, sur tout le règne végétal. Enfin on est au sommet de Saint-Gothard. Des ca- pucins hospitaliers y accueillent le voyageur battu par la tempête , exténué, transi ; il trouve chez eux de la nourriture et du repos. Si tous les ordres mo- nastiques s’étoient voués à des fonctions aussi utiles, ils auroient bien mérité de la patrie , et ils eussent subsisté plus long-temps. Selon les historiens , le nom de Gothard fut donné à cette montagne avant l’établissement du chris- tianisme , d’après le nom de la divinité qu’on y adoroit. Gothard signifie Dieu du sommet, Dieu élevé par-dessus tout. On connoît dans l’Ancien Testament l’adoration sur les hauts lieux. La ca- nonisation de la montagne veut lieu qu’au douzième siècle. Clément IL, fidèle à la politique de l’église romaine, enchaîña un dieu payen, désormais vaincu au char de triomphe de la foi chrétienne. ‘ Cette platie-forme, si élevée au dessus du niveau commun de la terre, n’est elle-même qu’une profonde vallée, comparée aux pics, aux rochers qui la bordent. Tout ce qu’on voit dans ce désert, c’est l’habita- tion des capucins , et les lacs qui en sont proches, Si lon parvenoit à atteindre la cime d’un de ces Trocs environnans, qu’apercevroit-on sous ses pieds? Un chaos de rochers, de montagnes entassées parmi des nuages et des vapeurs, la région des EIeSs éternelles. Miss Williams se décide à redescendre la mon- tagne du côté de l'Italie : un excellent pavé fa- Ù 1 ! Voyage en Suisse. 185 .cilite-cette descente rapide : après avoir descendu long-temps , on est frappé de la vue du Tesin, qui semble venir du ciel, et s’élancer avec im, étuo- sité sur des rochers escarpés. On le perd, on le retrouve à chaque instant ; l’aspect des montagnes s’adoucit progressivement, et le danger des préci- pices s’évanouit, À moitié chemin , entre l’hospice et le premier village italien , on passe sur un pont où le Tesin , enflé par un torrent qui sort d’une gorge voisine, et comme excité par son nouveau compagnon, roule de nouveau avec rage et dé- sordre parmi des rochers. De là jusqu’au bas de la montagne , les sites sont tout à faii pittoresques. On entre dans la vallée Levantine à Airola, qui est un bourg bien bâti en pierres au pied du Saint-Gothard , et le principal entrepôt du com- merce de l’Italie avec la Suisse. — Un chapitre en« tier est consacré au gouvernement de la vallée Mevantine : on porte à environ 12,000 habitans la population de plusieurs jolis villages qu’elle ren- ferme. Le canton démocratique d’Uri les tient dans un entier asservissement : l’archevêque de Milan pour- voit à leurs besoins spirituels. Miss Williams traite dans le chapitre suivant, de l’origine de la liberté helvétique , du gouverne- . ment des petits cantons, de leur haine pour la révolution française, et du caractère superstitieux de leurs habitans. Faido, Giornico, Bellinsoue , le mont Cenère, Lugano et son lac , se pré- sentent tour à tour dans cet attachant itinéraire. Sous 186 “7 Voyage peu de ‘jours’ un nouveau £ouverneur devoit être | installé à Lugano : notre auteur s'arrange pour as- sister à cette solennité, A en croire les poëtes du Pays, l’âge d’or révenoit à Lugano sous l’adminis- tration du très-illustre setgnéiür don Francisto- Saverio Zeltner ; conseiller et capitaine #d’artil- derie de la très -excelleme villé et république de Lucerne. Cet avénement fut célébré | selon Pusage des Italiens, par des odes , des sonnets, etc. que Pon distribua avec profusion dans Péglise, après la Cérémonie du sacre. « Les noms des rois qui vivoient * avant Agamémnon, ont péri dans l'oubli faute de > poëtes pour les chanter (4) ; celui de don Zeltner * n’est point exposé à un pareil malheur, » Rien m'est plus piquant que l’extrait , assaisonné du sel de Pironie, que miss Williams présente ici des chéfs- d'œuvres poëtiques du Signor Abbate don Ama- tore Solar, Prorésent , professeur extraordinaire ‘lc. etc. du noble fiscal Snor don Pietro-F fase A R (4) Ce passage fait évidemment allusion à ces vers d’Ho- race (Od.4,9, 25 ): Vixere fortes ante ÆAgæememnona Hulti, sed omner tllacrymabiles Urgentur ignotique longé MNocte , carent quia val!e sacro. AiTeurs miss Williams aime à citer Homère > que Peps'a en quelque sorte nationalisé pour les Anglais. | P H M. Voyage en Suisse. 167 du galant capuein P. C. 4. Gricont, qui gazouille ayec grâce les perfeclions infinies de la très-ravis- sante ssgnora Donna Orsola Zeltner, épouse du gouverneur; de ssynor Prelsocchi, et sur-tout du Vénérable colléze des notaires de Lugano , pour qui - le capitaine Zeltner est bien au-dessus d'Alexandre , s + + . . Dal domato Eufrate, _ et qui n'ont pas oublié non plus les ossemens d'Achille et La trompette achéenne. L’auteur laisse tout le monde se complimenter à Lugano, pour aller se proineuer en bateau le long des côtes du lac : elle dirige sa course vers Le vil- lage Capo di Lago , et review à Lugano le soir, en.côtoyant la hsière opposée. Cette ville est le siége des affaires non moins que des plaisirs : la naviga- tion de son lac la rend le principal entrepôt du com- merce qui se fait entre le Nord de l’Italie et les états qui sont au-delà des Alpes. Il s’y imprimoit uue gazette sous le nom de Journal de Lugane , où les nouvelles du jour étoient racontées avec assez de fidélité et de hardiesse. Après avoir essuyé un fort orage sur le lac de Lugano , miss Williams revient à Bellinzone : elle y assiste encore à l’installation d’un baillif, et croit s’apercevoir que le peuple commence à considérer ces magistrats, plutôt comme des collecteurs de taxe envoyés pour le piller légalement , que comme les conservateurs de la paix et des propriétés, les re- présentans d’un gouvernement équitable et juste, Les excursions de miss Williams dans les environs 188 Voyage. de Bellinzone ont sur-tout été profondément graï vées dans sa mémoire, par la rencontre qu’elle y fit d’une émigrée française, madame de C..., dont elle nous raconte l’histoire avec beaucoup d’intérêt. — Une autre fois elle visite la vallée de Masox, dépen- dante des Grisons ; ce qui lui fournit l’occasion d’en- trer dans quelques détails sur la révolution qui ve noit de s’opérer dans ce pays. — Elle quitte ensuite les vallées italiennes, gravit le mont Saint-Bernard , trouve près de son sommet un grand - vicaire expulsé d’un des principaux diocèses de France. Il traïnoit sa pénible existence sous ce ciel inhospita- lier, privé de toute communication avec le monde pendant la majeure partie de l’année, et n’ayant pour vivre que le maigre revenu d’une petite cha- pelle ,ne se montant pas au dessus de six à sept louis par an. Îl se consoloit avec son bréviaire , sa bible et un Ovide. Les premiers de ceslivres lui enseignoient , disoit-il, à se résigner aux volontés du ciel , et son cœur sympathisoit avec l’auteur des Trestia , ayant échangé , comme lui, les délices d’une cour polie contre un aride désert. En redescendant la montagne du côté du Nord, un superbe tableau.se déploie. Les hautes collines cou- vertes de pins, qui enferment la vallée du Rhin, frappent les regards du voyageur, etilles plonge en même-temps dans les vastes profondeurs ouvertes sous ses pieds. Après avoir descendu long-temps par un chemin escarpé, mais sûr, il aperçoit le Rhin, ce fleuve qu’il avoit vu naguères roulant vers la mer la masse imposante et tumultueuse de ses eaux, ef Voyage en Suisse. 189 qui, maintenant modeste, à peine échappé de sa source , coule presque inconnu au fond d’une vallée solitaire, « doux comme le sommeil d’un enfant qui » vient d’éclore à la vit. » Une visite aux glaciers de la vallée du Rhin ter- mine ce premier volume. Pendant que les compa- gnons de miss Williams erroient cà et là sur ce lac de glace , elle demeura assise sur les confins du gla- cier. De quel spectacle sublime et nouveau-elle jouis- soit à loisir! Se recueillant sur les impressions qu’avoient produites sur elle les différentes vues des Alpes, elle entonna un hymne sublime à l’auteur de la nature. Il fait honneur à sa verve, déjà si ayanta- geusement connue par tant d’autres productions. Elle regrefte toutefois qu’il ne soit pas au pouvoir du lansage humain d’exprimer toutes les”sensations que l’amant de la nature éprouve dans ces régions inspirantes, dans ces lieux où elle étale toute sa ma- gniticence. | Nous croyons cet extrait du premier volume des voyagés de miss Williams suffisant pour caractériser cette nouvelle production de sa plume. Les bornes de ce journal ne nous permettant pas d’analyser avec la même étendue le second tome, nous n’en offrirons qu’un léger apercu. La vallée du Rhin fait le principal sujet du pre. mier chapitre. En suivant le cours de ce fleuve nous éprouvâmes, dit l’auteur, le délicieux contraste du calme après le chaos des Alpes. C’étoit l’automne de Thompson, ou l’élégie de Gray , après une ba- » taille des anges de Milton. » — Au sortir d’une 190 0 Voyage. forêt de pins qui s’étend dans espace de quelques milles , les antiques touts de Coire frappent la vue. — Le gouvernement dés Grisons et les révolutions de la Valteline sont esquissés dans le second chapitres « L’ignorance a étendu sur ce pays son sceptre de » plomb : l’emblême de ce peuple est dans l’histoire » des compagnons d'Ulysse. » — La dernière insurs rection des Valtélins est traitée avec un peu plus de détails dans le chapitre suivant, et Buonaparte y recoit en passant un juste tribut d'adues. — Les bains de Pfeflèr, le bailliage de Sargans , lâ ville et le Jac de Waïlencstadt s’offrent à leur iour dans cet iti- néraire, et nous conduisent à Glaris. — On traverse ensuite une pariie du canton de Schwéitz pour ar river à Lachén, port sur le lac de Zurich, où s’en- treposent les marchandises qui vont chez les Grisons ou en Italie. — Miss Williams revient à Zurich, et elle ajoute beaucoup de nouveaux détails à ceux déjà antérieurement présentés. Les réglemens domestiques et municipaux de Zurich sont dignes des plus grands éloges : l’état fait singulièrement son affaire de tout ce qui a trait à l’éducation publique, et cette sur- veillance du développement des facultés de l’eufancé explique l’honorable prééminence des Zuricois en fait de morale et de littérature. On a appelé Zurich l’Athènes de la Suisse. | Une excursion dans le canton d’Underwald est le sujet du septième chavitte : la ville de Stantz, capi- tale du canton ÿ woffre rien de plus remarquable que la statue de lPinmortel Winkelried , placée au devant dé la principale fontaine. — Miss Wil- Voyage en Suisse. 191 Jiams s'arrête avec complaisance sur la Montagne des Anges ou à l’abbaye d’Ergelberg, dont abbé, qui est un prince de l’Empire , honoré par le peuple du beau nom de père du pays, la comble d’atten- tous et de bontés (5). Le canton, la ville et le lac de Zug sont décrits dans le chapitre suivant : Lucerne, où l’auteur n’a- voit fait d’abord que passer , y reçoit aussi une nouvelle mention un peu plus ample. « Nous avions consacré , dit l’auteur , notre été à ». parcourir les montagnes, et réservé l’automne pour les régions moins élevées. À peine avions - nous vu _» le canton de Berne, et les bords du lac de Genève » nous étoient encore inconnus. » — La course de nos voyageurs se dirige donc vers ces contrées : Soleure et Bienne les conduisent à Neufchâtel. Après plu- sieurs excursions dans les environs de cette ville, et jusqu’a Yverdun, ils vont par le lac de Neuf. châtel à Morat, et visitent l’ossuaire des Bourgui- gnons, qui l’a été depuis par Buonaparte ; et qui -ne le sera plus par personne. — D’Avenches ils vont à Moudon, capitale du pays de Vaud, d’où ils par- . viennent au haut des mont:gnes qui environnent le lac de Genève. Lausanne les charme par ses aspects; (5) L’abbé et les moines d’Engelberg se sont fait un devoir bien agréable ( à ce qu’ils disent eux-mêmes), de rétablirle peuple de la vallée d'Engelberg dansltous les droits de la souveraineté , el ils ont envoyé au citoyen Mengaud, lex avril 1798 , l’acte authentique de leur rénoncialion à leurs an- ciens priviléges. P. H. M. 192 Poyage. mais ils ne conçoivent pas par quelle bizarrerie des hommes ont rassemblé leurs habitations sur le point le moins favorable de la contrée. S Suit un précis historique ; mais non achevé, des révolutions arrivées à Genève depuis la fondation de la république française. Miss Williams prévoit que ce satellite de la république francaise aura de la peine à échapper à la force de gravitation d’une si puissante planète, Nous avons remarqué dans ce précis , communiqué de bonne part, un nom de- venu méconnoissable par une faute typographique : page üij, Micheli-Incoust;lisez Micheli-du-Crest. Vevay et ses environs enchanteurs, où Rousseau a placé la scène de sa touchante Héloïse ; le terri- toire de la démocratie valaisanne , Saint: Maurice, Sion , Fribourg, conduisent nos voyageurs à Berne. Les chapitres XTIT, XIV, XV, XVI, XVII sont consacrés à la ville et au canton de ce nom, ainsi qu’aux réclamations des habitans du pays de Vaud. contre le gouvernement bernois, dont on sait quelles ont été depuis les mémorables suites. Tel est en substance ce voyage de Suisse, qui se au lire après tant d’autres avec un intérêt soutenu : il ne peut qu’ajouter un nouveau fleuron à la cou- ronne littéraire de miss Williams , honorablement connue dans la littérature ang'aise par plusieurs ou- vrages en vers et.en prose. On distingue, parmi ces derniers, neuf volumes publiés successivement de Letires surla révolution française. Elles res- pirent, de même que l’ouvrage que nous venons d’esquisser, un ardent amour de la liberté, mais d’une Voyage en Suisse; 193 d’üne liberté fondée sur les lois, et amie de l’hu- manilé. Jean-Jacques disoit de d’ Arnaud : « Les » autres écrivent avec leur esprit 3 celui-là écrit » avec son cœur. » Nous dirons que miss Williams écrit avec son esprit et avec son cœur; et quelque flatteur que soit cet éloge, nous ne craignons pas de le voir démenti. — Miss Williams à eu le bon- à heur de rencontrer dans l’estimable J, B. Say, un excellent traducteur. — A la fin du second volume on trouve pour appendice, des observations du ci- toyen Hamond sur les glacières et les glaciers , tirées de ses additions au Voyage de Coxe , et enrichies de quelques notes de miss Williams: ilen est deux parmi ces dernières , que nous ne devons pas passer sous silence : l’une est relative au poëme du docteur Darwin , intitulé : The Botanic Gar- \ den ( le Jardin Botanique ) , ouvrage que nous ‘avons. fait connoître dans un article sur la nouvellé édition de Connubia Florum de Démétrius de La Croix (Magasin Encyclopédique du 1 gerrminal » an VI, n°. 2r, pag. 78, noie 3). Miss Williams plaisante un peu le docteur et ses zymphes du feu prinutif : elle lui adresse, au nom de la déesse . des glaciers , une réclamation en vers, où lon retrouve tour le talent de notre Muse britannique, L'autre note offre l’extrait suivant, d’une lettre écrite à miss Williams par le citoyen Ramond : « Je » poursuis maintenant mes observations , et si la lec- » ture de celles que jai’ publiées vous inspire de » l'intérêt pour les montagnes que j'habite aujour- » d’hui, vous ne serez pas fâchée d’apprendre que Tome 1. N 194 Voyage. \ cette année je suis parvenu à la partie moyenne du Mont-Perdu, que lon peut regarder comme le Mont-Blanc des Pyrénées , et que personne encore n’avoit tenté d'approcher. Là j'ai trouvé des glaciers qui n6 le cèdent guère à ce que les Alpes ont de plus magnifique en ce genre ; mais ce que les Alpes ne vous ont point montré ; AE A RE = observateur ,; ce sont les formes étranges, l’as- ÿ » ternes, portées à une telle hauteur ; ce sont les » débris du règne organique gissans sur leurs cimes; , ce sont les ossemens des quadrupèdes terrestres ; » mêlés aux coquilles des testacées et aux loges » des zoophytesz c’est le cimetière des Antédilu- » viens , à quinze ou dix-huit cents toises au dessus , du niveau actuel de la mer.» is P. E.M. l / ce qu'elles ne montreront probablement à aucun pect épouvantable des montagnes calcaires subal- : , , = FPS) HS TO TE - RE: Hirsrorre de l'Amérique, livres IX et X , con- tenant lhustoire de la Virginie jusqu’à l’année 1788 , et celle de la Nouvelle-Angle- terre jusqu’en l’année 1652 ; ouvrage post- hume de feu M. RoBerTsON , principal de l'Université d'Edimbourg , historiographe de S. M. britannique pour l'Écosse , et membre de l’Académie d'histoire à Madrid : traduite par AxDRé Monrezzer ; deux parties. À Paris, chez Denné jeune, libraire, rue Vivienne. Les quatre volumes de cet ouvrage , publiés en 1780 , ne renferfoient que l’histoire de la décou- verte du Nouveau-Monde par Christothe Colomb, et celle des établissemens que les Espagnols y avoient faits; il restoit à l’auteur à nous faire connoître quelles étoient les parties que les autres nations européennes étoient parvenues à s’approprier. Il promettoit dans sa préface , de traiter successivement des divers éta- blissemens qu’ils s’y étoient procurés : il y annoncoit même que son travail sur les colonies anglaises étoit déjà assez avancé, mais qu’il ne le publieroit que ‘ lorsque la commotion politique qui les agitoit alors seroit calmée. On espéroit que la paix rendroit à l’auteur toute la liberté dont l’historien avoit besoin pour remplir l’ensagement qu’il avoit pris avec la vérité et avec le public : quinze ans d’atiente ont trompé l’impatience des lecteurs. M, Robertson « N 2 196 Histoire. fini, et il n’a laissé que les fragmeus publiés au- jourd’hui par son fils, fragmens assez imparfaits, dans lesquels cependant on aperçoit l’historien de Charles V , mais où on ne le trouve pas tout entier. Les deux premières colonies que les Anglais je- tèrent sur le continent américain , furent celles de la Virginie et de la Nouvelle - Angleterre : l’une fut l’ouvrage d’une émulation intéressée , aiguillonnée par les brillans récits de l’Argaunaute gênois ; Pautre dut sa fondation aux dissentimens religieux , toujours suivis de persécution et de haine. Les premières tentatives ne furent rien moins qu’heureuses : on cher- choit de Por, et on ne trouva que la faim et la mort: ce ne fut que quand on commença à se persuader que la terre pouvoit être une mine plus riche et plus facile à exploiter que la profohdeur des rochers, qu’on lui d’nanda ce qu’on avoit cru inutilement trouver dans des espérances trompées. A l’époque où Christophe Colomb traversa l'Océan ; ét brava les tempêtes et l’envie, les Anglais étoient bien éloi- gnés des connoissances nautiques qui pouvoient leur permettre de le suivre : la Méditerranée leur étoit . inconnue ; ils ignoroïient les premiers élémens du commerce ; les olijets de nécessité et de luxe leur étoient fournis par des vaisseaux étrangers , et leur navigation se bornoïit aux mers qui ceignoient leurs Îles ; aussi Henri VIT füt-il obligé de confier à un étranger la première course lointaine que les Anplais. aient entreprise. Le vénitien Cabot partit dé Bristol à la fin du quinzième siècle , avec une commission de ce prince, qui l’auturisoit à näviguer sous le pa- Amérique septentrionale. 197 Villon anglais, vers l’est, le nord , l’ouest, pour découvrir des contrées non occupées par aucune puis- sance chrétienne , en prendre posses-ion en son nom, et y établir un commerce exclusif avec ses habitans, Se dirigeant d’abord sur les conjectures de Colomb, il voulut chercher un passage plus court pour ar- river aux Indes Orientales, que celui qu’avoient dé- couvert les Portugais : espérant aborder bientôt sur les côtes du Cathay ou de la Chine, il se trouva sur celles du Labrador, qu’il prolongea jusqu’à celles de Ja Virginie, et il revint en Ang'eterre sans qu’il paroisse avoir fait quelque acquisition. Des divisions intestines , des guerres contiventales, des querelles avec la cour de Rome, firent oublier les découvertes de Cabot : ce ne fut que sous le règne d’Elisabeth , que le projet de chercher par le nord un passage aux Indes, fut repris; trois voyages de Frobisher infructueux , répandirent le découragement que l’heu- reuse expédition de Drackte fitdisparoitre. Ce n’est qu’à cette époque qu’on doit cet enthou- siasme d’entreprise, cet élan de courage, ce degré d’habileté qui conduisirent les Anglais sur toutes les mers alors connues , et qui les rendirent bientôt les rivaux des Portugais. M. Robertson développe, avec sa sagacité connue , les vrais ressorts d'intérêt poli- tique , de jalousie nationale qui portèrent la nation anglaise à s'établir dans les parties de l'Amérique que ses navigateurs n’avoient encore qu’aperçues. La première charte émanée de l’autorité fut celle d’Elisabeih à Gilbert. Les espérances qu’on avoit conçues de son expédition ne se réalisèrent poinl; il N ä 198 Histoire. n’effectua aucun établissement sur le continent, et il périt sans avoir fait autre chose que de prendre pos- session de l’île de Terre-Neuve au nom de son sou- verain, Walter Ralegh, beau-frère de Gilbert, homme hardi, entreprenant , courageux, et qui étoit alors dans les bonnes graces de la reine, obtint de cette princesse, non-seulement les mêmes autorisa- tions que Gilbert, mais une juridiction et des préro- gatives les plus amples. Les hommes qu’il chargea de cette nouvelle tentative abandonnèrent la route du nord , qui avoit égaré ceux qui les avoient précé- dés ; ils prirent celle des Comeries, des îles occiden- tales, abordèrent par le golfe de la Eloride sur les côtes du continent, aujourd’hui la Caroline du nord, et les parcoururent jusqu’au détroit d’Albemarle ; ils eurent des entrevues avec les naturels, dans les- quels ils trouvèrent tous les caractères de l’incivilisa- tion, et s’en retournèrent, emmenant avec eux deux sauvages. Fidèles à l’usage des faiseurs de décou- vertes, ils donnèrent des détails si séduisans de la beauté du climat, de la fertilité du sol, qu’Elisabeth, flatiée de régner sur des régions si supérieures à tout ce que les navigateurs anglais avoient découvert w jusques-là, voulut que ces nouvelles terres portassent le nom de Y’érgince, par allusion à l’état d’indépen- dance qu’elle avoit adopté. Sur de pareils rapports, Ralegh s’'empressa de prendre possession d’une pron priété si précieuse ; il chargea Richard Greenville de cette expédition. Celui-ci s'établit sur Pile de Rao-* noke, position incommode, presque inhabitée, ets sans un. port sûr. La fausse direction du conseil d'Es- Amérique septentrionale. 199 |_pagne, qui croyoit trouver dans des mines d’or et d’argent la vraie richesse des États, séduisit aus:i les aventuriers qui avoient suivi Greenville ; ils se livrèrent avec une activité infatisgable à cette recher- che, et bientôt, attaqués par les Sauvages et plus en- core par les besoins de toute espèce, ils furent fort heureux que l’amiral Drake vint les sauver d’une perte assurée en les ramenant en Angleterre. Des observations exactes faites par Harriot, mathémali- cien instruit et bon observateur, sur le sol, le cli- mat, les productions, les mœurs des habitaus, furent le seul avantage qu’on obtint de cet essai. Doit-on regarder comme une conquête la connoïissance et Pusage du tabac dont les Sauvages donnèrent lhabi- tude à ces aventuriers ? Voici ce que M. Robertson pense à ce sujet. « Les Anglais retournant dans leur » patrie, y apportèrent cette production inconaue ; » ils ensei_nèrent la manière d’en user , que Ralegh » et quelques jeunes gens à la mode adoptèrent avec » empressement. L’imitation, lPamour de la nou- veauté et l’opinion de quelques médecins sur les qualités salutaires de cette plante, en répandirent bientôt l’usage en Angleterre, Les Espagnols et les Portugais l’avoient déjà introduit en d’autres par- ties de l’Europe: l’habitude de prendre du tabac se répandit insensiblement du nord au sud. Exemple du caprice de lPespèce humaine , non moins singu- lier qu’inexplicable , lorsqu'on considère le besoin tyrannique que l’habitude établit bientôt pour une sensation produite par une plante qui n’a aucune utilité bien conuue ,et qui est non-seulement dé N 4 L SU + à à Se 6 6 y 200 Histoire. sagréable , mais nauséabonde pour celui qui com-. mence à en user, et qu’on voit le besoin pour ainsi » dire acquis de veair presque aussi universel que L2 » ceux qui sout en nous originairement donnés par vw la nâture, et nécessaires à notre conservation. » D'autres tentatives ne furent pas plus avantageuses ; aussi depuis la découverte du continent-nord il s’é- coula plus d’un siècle ; et depuis la première colonie de Rälegn , plus de vingt années sans qu'il y eût un seul Anglais dans cette partie du Nouveau-Monde à la mort d’Elisabeth. M. Robertson fait connoître les obstacles qui s’opposèrent aux succès de ces émi- grafions. } Sous le règne du premier des Stuarts, les colonies anglaises en Amérique acquirent quelque consis- tnce. Gosnold , en prenant une route plus directe, avoit abrégé d’un tiers les distances. Parvenu à un promontoire qui dépend aujourd’hui de lPElat de Massasuchets, et qu’il nomma Cap-Cod , il suivit la côte de l’ouest, et toucba à deux îles qu’il nomma la vigne de Marthe et Elisabeth. Gette nouvelle: route ranima les entreprises, et les projets coloniaux devinrent presque une épidémie nationale. Hackluyt, chanoine de Westminster, fut le plus ardent pro- moteur de ces projets, et le plus heureux dans ses efforts : on peut avancer que l’Angleterre lui doit plus qu’à tout autre homme de ce siècle, ses posses- sions de l'Amérique. Cette effervescence produisit de nombreuses asso- ciations , qui sollicitoient des eoncessions pour ce continent mieux counu, Jacques [er. se détermina : Amérique septentrionale. 2aF alors à diviser en deux parties égales cette étendue de côtes et de terres comprises entre le trente-qua- trième et le quarante - cinquième degré de latitude ; Pune fut appelée Virginie ou colonie du Sud, Pautre colonie du Nord. Deux chartes furent en con- séquence accordées à deux compagnies. Certes , ni le souverain qui distribuoit les terres, ni ses sujets qui les acquéroient ainsi, ne pouvoient croire qu’ils alloïient créer de grands et riches Etats assez unis pour devenir un jour wne puissance indépendante. Par ces chartes le gouvernement des colonies fut attribué à un conseil résidant en Angleterre; une juridiction subordonnée résidant en Amérique devoit être nommée par le roi. Cette constitution contraire aux droits de la liberté fut ornée de tous les privi- léges qui en cachoiïent le vice. « Dans l’enfance de » la théorie de la formation des colonies, et avant » qu’on eût été guidé par l'observation et l’expé- » rience, les idées n’étoient pas encore assez déve- » res ou assez bien arrangées pour qu’on en pût déduire les meilleurs principes de conduite » dans celte sorte d’entreprise. » | C’est ici que commence l’histoire des deux co- lonies. M. Robertson ne devoit faire que des ob- servations générales sur le temps , les motifs et les circonstances principales des autres établissemens anglais : son objet dans cette histoire , étoit de faire connoîire l’origine de celles qui ont été la pépinière des aatres : on regrettera, en lisant ce qu’il a laissé, . qu il wait parlé que de leur evfance. Newport, qui fut le père de la colonie virgi- in 202 Histoire. niene, ne dut la découverte de l’immense baie de , Chesapeack qu’a une tempête. Cette baie reçoit un grand nombre de rivières qui conduisent dans l’intérieur du pays, et donnent des cominunications favorables au commerce. Il entra dans celle de Pohatan, qu’il nomma rivière de James ; et étant remonté jusqu’à quarante mille au dessus de son embouchure , il jeta les fondemens de la ville encore aujourd’hui nommée James Town ; bientôt la ja- lousie des pouvoirs , l’esprit d’indépendance , des inimitiés violentes, jetèrent la division parmi les Colons que la nécessité d’une défense commune put à peine calmer. Les sauvages, dont ils avoient ex- cité la défiance par leur indiscrétion, et la férocité naturelle par Pinjustice , fatiguèrent par leurs hosti- lités, la colonie encore au berceau. L’insalubrité du climat ,la chaleur excessive , l’humidité d’un sol cou- vert de bois, se joignirent à l’inquiétude de l’exis- tence , et détruisirent la moitié des nouveaux Colons. Ce fut dans cette extrémité que ce qui restoit d’émigrans fut forcé d’avoir recours au capitaine Smith, qui avoit été l’objet de leur jalousie au moment du débarquement , pour les tirer de la si- tuation de détresse à laquelle ils étoient réduits, « C’est dans de telles extrémités, dit M. Robertson, » que l’homme prend sa place et l’ascendant que » lui donnent son g‘nie et sa capacité, » L'autorité lui fat rendue ; il cherche dès-lors à gagner quelques peuplades par des caresses et des présens ; il com- battit les autres et les repoussa. Ge fut dans une de ces exéursions qu’il fut surpris par un corps | PV TS CRE SR À Amérique septentrionale. 203 nombreux d’Indiens, et forcé de se rendre. Le sort qui Pattendoit lui étoit connu , et il ne dut la vie qu’aux prières et aux larmes de la fille bien aimée de Powhatan, chef de cette horde sauvage. C’est cette fille; nommée Pocahonta , qui épousa en 1616 le jeune anglais Rolf , et qui, conduite en Angle- terre, y fut recue du roi et de la reine avec des égards mérités par des services importans reudus à la colonie; elle y, mourut à Page de 22 ans, et laissa un fils qui, retourné en Virginie, y a encore des descendans parmi les familles les plus respec- tables de cet Etat. Smith , échappé à la mort, au grand étonnement de ses camarades , entreprit de parcourir le champ immense de découvertes qui se présentoit à lui; Al partit du Cap Charles, s’avanca jusqu’à la rivière Susquehannab , en remonta plusieurs autres ; et après avoir navigué pendant quatre mois, avec une pa- tience et un courage qui égaloient ce que les Espa- gnols avoient entrepris de plus hardi, il revint avec une description si exacte et si circonstanciée de cette grande portion de continent comprise sous le nom de Marisland et de Virginie, qu’aprés 150 ans de recherches sa carte ne diffère guère des plus mo dernes. Cependant la nouvelle colonie marchoit ra- pidement à sa destruction : les secours qui lui furent envoyés en hommes et en denrées, furent contra- riés par les tempêtes, et n’y parvinrent qu’en partie, La division des anciens et des nouveaux Colons en auroit accéléré l’anéantissement , si la sagesse, les exhortations , l’autorité et la considération per- 204 | Histoire. sonnelle due au lord Delaware, qui étoit venu ra- nimer la colonie avec de nouveaux émigrans, et tout ce qui pouvoit être nécessaire à sa culture et à sa defense , n’avoient rétabli l’ordre par la douceur, appaisé les querelles par l’indulgence mêlée à la sévérité, réconcilié toutes les passions par la disci- pline et la subordination, et fait succéder le travail à l’oisiveté et à la débauche; malheureusement l’in- fluence du climat priva cet établissement de son se cond fondateur. L’administration fut confiée à des gouverneurs qui se succédèrent assez promptement. Tomas Dale fut revêtu par la compagnie, d’une autorité plus absolue qu’aucun de ses prédécesseurs ; il pouvoit mettre en vigueur la loi martiale dont les Espagnols mêmes n’avoient osé faire usage dans leurs nouveaux établissemens. Cette mesure fut ap- prouvée par le philosophe le plus éclairé de son siècle, François Bacon. Il est vrai que l’ineffi- cacité de tous les moyens employés contre lesprit de mutinerie et de désordre répandu parmi des hommes qui ne vouloient reconnoître ni loi ni chef, la rendoit nécessaire : heureusement que Thomas Dale r’en fit usage qu'avec prudence et modéra- tion. | | La colonie, après tant de revers et d’agitations, commenca dès-lors à prendre une forme régulière : la police qu’une loi de rigueur établit, donna à Pactivité des dissentions une direction d’utilité gé- nérale ; les travaux de la culture vinrent aider la ferulité du sol, et la bonté du climat prodigua jus- qu'a la superfluité, aux habitans tranquilles de la Amérique septentrionale. 205 colonie, tout ce qui pouvoit satisfaire à leurs be- soins. Les terres avoient été jusqu'à cetté époque, exploitée et cultivée en commun ; ses produits étoient une propriété générale , distribuée à chaque famille en proportion du nombre ; ce fut alors qu’on les divisa entre les Colons, et qu’elles devinrent une propriété individuelle. L'industrie en acquit plus Re © » et la paresse eut moins de ressource ; il faut dire que cette industrie se dirigea avec une ardeur importante sur une culture qui faillit à être funeste à la colonie. « La culture du tabac , qui est devenue depuis le grand objet du commerce de la Virginie et la source de sa richesse, y fut in- troduite vers ce temps-là. Comme la passion pour l'usage de cette plante continuoit à se répandre en Angleterre malgré les déclamations violentes de Jacques Ier. , le tabac importé de Virginie de. vint une marchandise d’un débit sûr , et donnant un grand profit, quoiqu'il füt assez inférieur en qualité à celui que les Espagnols tiroient de leurs îles des Indes occidentales , pour ne se vendre que trois schelings la livre, tandis que le tabac espagnol se vendoit dix-huit schelings. Séduits par la perspective d’un produit prompt et certain, les Colons négligèrent bientôt tous les autres genres d’industrie. La terre qu’il eût fallu réserver pour s'assurer des vivres, et jusqu'aux rues de James Town, furent plantées en labac : on fitquel- % SOS Viry = ST + ss s y % % v Y ques régiemens contre cet abus ; mais les planteurs, entraînés par l’appât d’un profit présent, furent sourds à tous les conseils , et se jouèrent de loutes ss w, É. 8 206 Histoire. » les défenses. Les subsistances commencèrent à leuf . » manquer, tellement qu’ils furent forcés de rerourit » de nouveau à celles des Indiens. Ceux-ci, voyant » recommencer lesexactions, reprirent leur première » aversion pour les Anglais avec un surcroît d’ani- » mosité, ét commencèrent à former des projets de » vengeance avec le secret que les Américains savent » si bien garder. » Ce succès apparent, en, multi- pliant les planteurs , répandit Paisance , créa l’opu- lence : cette prospérilé trompeuse fit sentir aux Co- lons , avec plus d’impatience, la pesanteur d’une loi arbitraire ; ils réclamèrent les mêmes droits dont ils avoient joui dans leur pays nalal. Le gouverneur Georges Yeardeley convoqua la première assemblée qui ait été tenue en Virginie ; les lois qu’elle adopia ne furentnibiennombreuses, ni bien importantes; mais la seule convocation fut une jouissance pour le peuple, parce qu’il trouvoit dans sa nouvelle patrie, un simulacre de la constitution de celle qu’il avoit quittée. La compagnie anglaise donna une forme légale à ce gouvernement, en établissant un chef tenant la place du roi, un conseil d’état nommé par elle, et un conseil des représenians semblable à celui de la chambre des communes. Les planteurs , vainqueurs des difficultés sans nombre qui avoient contrarié leur stabilité, et devenus indépesdans, se répandirent sur les bords : des rivières de James et d’Yorck , et y vivoient dans la confiance de la sécurité , tandis que les Tandiens, dissimulés par foiblesse et vindicatifs par caractère, se préparoient à leur destruction : leur plan d’atiaque Amérique septentrionale. 207 fut müri par plusieurs années de réflexion ; assuré par le secret , il éclata enfin, et en une heure de temps la quarantième partie de la colonie fut exter- minée sans presque savoir par quelles mains elle périssoit. Ceux qui échappèrent au massacre se ras- semblèrent à James Town, et résolurent d’anéantir cette race sauvage. La conduite des Espagnols envers les malheureux Mexicains fut proposée et adoptée; et oubliant tout principe de bonne - foi et d'huma- nité, presque toutes les Tribus voisines furent pour- suivies avec toute l’animosité de la rage, et exter- minées avec uue atrocilé de vengeance que rien n’a pu excuser. Cet événement malheureux produisit un nouvel ordre de choses qui influa sur l’existence de la colonie. Le gourvernement anglais en profita pour enlever à la compagnie, de laquelle elle étoit dépendante , toutes les concessions qui lui avoient été faites. Des commissaires furent nommés pour examiner toutes ses opérations depuis sa création , _ et ses infractions aux chartes qu’elle avoit obtenues. Le résultat de ce travail fut conforme aux vues de la cour : la compagnie fit une résistance que lin- térêt, étayé des priviléges accordés, sembloit au- _ toriser. Des historiens instruits ont parlé de sa dis- solution comme de l’événement le plus désastreux pour la colonie, et de lentreprisse du roi Jacques comme du procédé le plus arbitraire. M. Robert- son et son estimable traducteur pensent bien diffé- remment. « Il n’y a peut-être, dit le premier, » aucun moyen de gouverner une colonie naissante, » plus ennemi de sa liberté, que la domination 208 Histoire. » » » » » » >» » 2 » ÿ d’une compägnie privilégiée , revêtue de tous les pouvoirs que Jacques lui - même auroit conférés à la compagnie des aventuriers de Virginie. Pendant longues années les Colons ne purent diffi- cilement se regarder que comme des sérviteurs de la compagnie ; nourris de ses magasins, obligés d’obéir aveuglement à tous ses ordres, et soumis au plus rigoureux de tous les despotismes, la loi marliale, même après que esprit de liberté eut commencé à se relever de cetie oppression , et eut extorqué de leurs maîtres le droit de faire des lois pour le gouvernement de la société dont » ils étoient membres ; comme aucun äcte, quoique appuyé du concours dé toutes les parties de la législature, n’auroit force de loi s’il n’étoit con- firmé par l’assemblée générale en Angleterre , la compagnie relenoit toujours dans ses mains la suprême autorité, et ce pouvoir n’étoit pas moins contraire à la prospérité de la colonie qu’à sa liberté. Un corps nombreux dé marchands, s’oc- cupant d'opérations pürement commerciales, peut les conduire avec discernement et avec succès 3 mais l’esprit mercantile ne semble pas capable de suivre un plan vaste d’ane politique libérale dans la formation d’une société nouvelle ; et rarement en effet ; sous ladininistration étroite et intéressée des compaguies, les colonies se sont-elles élevées à quelque prospérité et quelque grandeur. » On avoit dépensé cent cinquante mille livres sterlings pour les premières tentatives; neuf mille hommes avoient abandonné leur patrie pour concourir à cet établis- sement 0 — . + ‘ ; J h ni] RE Ë À Cl D 1® f x : ne Amérique septentrionale. 209 sement et à la dissolution de la compagnie : la na» tion, en dédommagement de tant de pertes , ne re- cevoit que vingt mille livres par an en importation de ce pays, ét on n’y comptoit plus que deux mille habitans. Charles Ier., à son avénement à la cou- ronne , déclara que la Virginie lui étoit annexée et immédiatement soumise à son autorité, Péndant presque tout son règne, les Virginiens ne connurent d’autres lois que sa volonté ; ils furent dépouillés de leurs droits politiques , leurs propriétés n’en furent pas même à l’abri : on leur désigna des commis- sionnaires à qui ils devoient exclusivement vendre leur tabac. Tandis que cette denrée, la richesse la plus précieuse de la colonie , perdoit, par le mo- nopole , une partie de sa valeur | Charles multi- plioit, par ignorance de la topographie du pays, les concessions en faveur de ses courtisans, et ces concessions s’étendoient même sur des terrains de- venus des propriétés. Un tel système d’administra- tion, mis à exécution par la rigueur , excita les murmures , fit fermenter les mécontentemens, et les Colons, poussés par l’injustice au dernier degré d’in- dignation, s’emparèrent du gouverneur Hervey, et le renvoyèrent en Angleterre, accompagné de deux députés chargés d’accusation contre lui. Ils ne furent point écoutés : Charles crut qu’il étoit nécessaire au maintien de son autorité, de renvoyer le gouverneur à son poste; mais bientôt il lui donna pour succes- seur Williams Berkeley, bien capable par son rang, par ses talens , et sur-tout par ses vertus, de se rendre agréable au peuple. Ce fut sous-sa douce et Tome I. C 310 Historre. sage administration , que cette colonie Jouit , pendant quarante ans, de tou: l2s encouragemens, de tous les avantages que le roi lui accordoit à sa sollicita- tion, et qui furent le véhicule le plus actif de ses progrès et de sa prospérité. En donnant à la Virginie une administration pa- reille à celle de l’Ansleterre, en rendant aux Colons tous les droits d'hommes libres et de citoyens, Charles voulut que le commerce des productions de cette colonie se dirigeât uniquement sur les posses- sions de la Grande-Bretagne en Europe. Cette con- trainte ne nuisit point à son industrie et à sa popu- lation ; et au moment où la guerre civile éclata , elle possédoit vingt mille habitans. La reconnoissance des planteurs se montra en cette occasion par leur constante fidélité pour Charles, même lorsqu'il n’étoit plus ; aussi furent-ils traités en rebelles par l’anar- chie parlementaire ; leurs ports furent défendus aux vaisseaux , nop-seulement anglais, mais étrangers. Une escadre fut envoyée dans la baie de Chesa- peak pour les soumettre. Leur résistance, quoiqu’elle ne fût pas heureuse, leur obtint des conditions fa- vorables » et une amnistie générale leur rendit tous leurs droits. Charles II ne reconnut cette fidélité courageuse que par l’ingratitude , et par cet acte de navigation qui a été le fondement de la prospérité commerciale de PAnegleterre , et peut-être la pre- mière étincelle des mécontentemens successifs qui ont produit l’indépendance de ces colonies. Les ré- clamations des Virginiens contre cet acte furent re- poussées : des entraves multipliées , des concessions NE NN Es CR EPP UE Amérique septentrionale, 2it houvelles , aussi injustes que les premières , répan- dirent un esprit d’aigreur qui devint bientôt une révolte : un chef se présenta , et l’insurrection fut générale. Nathaniel Bacon , colonel de milice, homme entreprenant , ambitieux , éloquent, animé ou du zèle du bien public, ou par l’espoir de s’élever au pou\oir ,; se mit à la tête des mécontens, Ber- keley , ce gouverneur à qui les Virginiens étoient redevables de leur liberté et de leur bonheur , fut forcé par la violence, et Pour éviter de plus grands malheurs, de signer une cominission qui établissoit Bacon général en chef de toute la force armée de la Virginie ; mais par une de ces bizarreries toujours inexplicables , et dont le peuple présente si souvent lexemple , une crainte excessive succéda à une bar- _diesse présomptueuse. Bacon fut déclaré rebelle, Sa commission annullée, ses adhérans furent pour- suivis. Cet abandon que Pambitieux Bacon traitoit de bassesse et de trahison , l’indigna : il rassembla ses partisans , se les attacha Par un serment , et la guerre civile fut déclarée. James To:n fut incen- diée , les cantons les mieux cultivés furent dévastés ; la colonie alloit peut-être disparoîre, si la mort de cet audacieux rebelle ne l’eût préservée de sa perte, Berkeley reprit le pouvoir , convoqua l'assemblée des représentans : toutes les passions se caimèrent en présence de sa raison et de ses vertus j personne ne fut puni de mort; une amnistie générale rappela la concorde , la paix, la prospérité , les richesses ; et malgre les lois oppressives du commerce et les maximes arbitraires du gouvernement, qui caractés ; 0 2 212 Histoire. ; risent les dernières années du règne de CharlesIl et celles du règne de son frère , à l’époque de la révolution de 1688 , la population de la Virginie étoit de plus de soixante mille habitans. | Nous avons dit que Jacques Ier. avoit divisé le continent américain en deux portions égales, con- cédées à deux compagnies : celle qui avoit dans son lot la partie Nord, établie à Plymouth, ne fut pas plus heureuse dansses premières tentatives , que celle du Sud. L’aspérité du climat qu’il falloit braver , d’épaisses forêts qu’il falloit conquérir , des peuplades sauvages qu’il falloit civiliser ou vaincre, présen- toient des obstacles presque insurmontables , et de- mandoient des travaux pénibles soutenus par la cons- tance, dont des avantages mêmes d’espérance ne promettoient pas de dédommager. Des établissemens que la Nature et Pintérêt ne protégoient pas, ne pouvoient attirer ni la cupidité ni la confiance. Qui auroit pu imaginer que cette création seroit due à des causes bien étrangères à ces sortes de projets ? Ce fut le fanatisme qui vint peupler la Nouvelle-An- gleterre : des disputes religieuses que la réformation fit naître, qui divisèrent si long-temps l’Angleterre, Brent pour la colonie du Nord ce que n’avoient pu opérer les encouragemens , les promesses, les pri- vilèges : ce fanatisme, exalté par les contradictions, et qui renferme en lui-même cet esprit de persécu- tion qui sait braver les dangers et résister aux obs- tacles, fut le législateur de la moitié du continent américain. M. Robertson développe la naissance et les progrès de ces luttes théologiques ; il fait l’his- 1 Le # c ET ET TS Ce ne RE fe — VU " si Los à Amérique septentrionale. 213 toire de la hiérarchie ecclésiastique adoptée en An- gleterre, et amalgamée au souvernement, persécutée par Marie, protégée par Elizabeth > ui, amoureuse -de la pompe des cérémonies, et familiarisée avec » l’étude des Controverses, ayant, comme son père » ? une grande confiance dans ses propres lumières, * Croyoit être en état de décider toutes les questions » qui pouvoient s'élever entre des sectes opposées. » Les Puritains, c’est-à-dire , ceux qui refusoient de se soumettre à l’acte d’uniformité qu’elle avoit fait publier en arrivant au trône, s’élevèrent contre des pratiques qu’ils appeloient superstitieuses > et s’occupèrent avec soin et avec aaresse, à répandre leurs opinions parmi le peuple. Ce peuple, qui pense et agit toujours comme il plait à ceux qui sont in- téressés à le tromper et à le conduire » adopta, et se passionna pour leur rigorisme. Elisabeth sévit contre les principaux chefs de la secte, et ordonna que toute personne qui, dans un mois > ne se pré- senteroit pas à l’église, seroit punie de l’amende et de la prison, et dans trois mois bannie du royaume si elle ne renonçoit pas aux erreurs du protestan- tisme, Craignant alors que leur grande découverte en matière spirituelle ne fût perdue pour le genre humain, les martyrs de la secte se déterminèrent à la transporter sur un sol plus favorable 3 ils pas+ sèrent en Hollande, où ils ne trouvèrent pas plus d'encouragement que dans leur patrie. Enfin , gé- missant sur l’aveuglement des hommes , ils allèrent se fixer sur une côte qui fait aujourd’hui partie de Pétai de Massachussets, et qu’ils rommèrent la Nou- 0 3 s14 Histoire. velle-Plymouth. D’abord ils songèrent à former une constitution fondée, comme on doit s’y attendre » sur leurs idées d'égalité naturelle , sur la commu- naulé des biens, sur la punition des crimes em- pruntée de Moyse. Cette propriété commune de biens et de travail eut biëntôt tous les inconvéniens dont les Virginiens s’étoient ressentis , et leurs principes religieux, ennemis de tout ordre social, répandirent sur cette association , isolée de tout lien, politique» inertie et la langueur , précurseurs de sa désorga- nisation, La tranquillité de mort dont paroissoient jouir les frères de la Nouvelle-Plymouth, et la violente per- sécution à laquelle les Puritains de toutes les nuances étoient en butte en Angleterre, déterminèrent le mi- nistre White à réunirles croyans, et à aller cher cher un asile en Amérique : il acquit de la com- pagnie de Plymouth tout le terrain qui s’étendoit entre les rivières de Merrimack et de Charles, et qui, en profondeur, va de l’Atlantique à l’Océan du Sud ; il eut besoin, pour animer un espace d’une si grande étendue, d’associés opulens, et il en trouva , soit dans les espérances de la cupidité, soit dans les partisans déclarés ou secrets de ses opinions. Trois cents passagers, presque tous zélés Pu- ritains , débarquèrent sur cette terre qui fut nommée Nouvelle- Angleterre; et jetèrent les fondemens de Salem. Leur première opération fit connoître toute l’absurdité de la réforme qui devoit servir de base à leur. constitution ; et sans avoir égard à la charte qui leur donnoit la consistance d’un corps politique , pe TS noce nt pie sm cs nr. ne, das à NE re. La. à Amérique septentrionale. 215 ei en opposition à la condition qui prescrivoit le serment d’alléseance , ils adoptèrent, pour l’église qu’ils imaginoient, le système connu depuis sous le nom de Système des Indépendans. La forme de leur culte fut débarrassée de toute cérémonie ;ils outrèrent même Ja nudité de celui de Calvin. Ce modèle pré- tendu d’une église pure et exempte de supetstition, qu’on a voulu faire revivre dans un temps plus rap- proché de nous , ne produisit d’autres effets que de répandre le germe des disputes d’opinions, des di- visions d’entêtement et de la persécution ; de sorte que les Puritains que cette même persécution avoit chassés d'Europe , devinrent persécuteurs en Amé. rique. Les Quakers et les Anabatistes furent succes- sivement les victimes de cette äpreté de zèle qui a tourmenté les sectes dans tous les temps : ligno- rance vint encore servir d’aliment au fanatisme, et la colonie auroit peut-être succombé sous toutes ces causes réunies , si l’activité de la persécution de Land v’eût été un principe de vie pour la Nouvelle- Anpeleterre. Dans moins de quarante ans 120 villes furent fondées, prirent des accroissemens rapides, et se lièrent par une confédération défensive sous le titre de Colontes-Unres. La compagnie de Ply- -mouth, regrettant des avances perdues, et n’ayani que des espérances éloignées, abandonna sa charte et le gouvernement de ces possessions lointaines à tous ceux qui voudroient s'établir sur le terrain qui lui avoit été concédé : transaction singulière dont l’histoire des colonies n’offre point d'exemple. Plu- sieurs des intéressés et nombre d’aventuriers s’em. O 4 216 Histoire. pressèrent de profiter de cet abandon : les membres de la corporation qui ne voulurent pas s’expatrier , eurent une part dans les profits de la compagnie pendant sept ans. Dix-sept vaisseaux ayant à bord quinze cents personnes, partirent pour s’élablr autour de la baïé, et créèrent Boston, Chartes Town, Dorchester, Roxborough et d’autres villes. Une église telle que celle de Sa/em fut donnée à cha- cune de ces villes. En cimentant leur liberté po- tique, les bourgeois assemblés donnèrent atteinte à leur liberté relizieuse par une loi qui vouloit que personne ne fût rgardé comme membre de l’état, et ne püt participer à son gouvernement, qu’il n’eût été admis dans l’église comme membre de la com- munion. Cette résolution , qui concentroit toute l’au- torité dans les mains des ministres et des chefs de chaque corporation, donnoit l’action la plus indé- pendante à leur volonté , et la plus grande lati- tude à la persécution ; aussi le fanatisme se mon- tra tous les jours plus bizarre et plus extravagant, Ainsi dans tous les temps ( dit un philosophe mo- derne (1) dans un ouvrage instructif écrit avec sa- gesse et élégance ) : « Sous le sol de la liberté » comme sous l’empire des tyrans, sous.l’influence » d’une religion douce et pure comme sous le des- 1) Le passage eité ci-dessus est tiré d’un ouvrage de passag L 8 M. Charles Pictet de Genève , intitulé Tzk4leau de la situa- tion actuelle des Etats-Unis d'Amérique ; à après Jedidihah Mors et les meilleurs auteurs américains ; qu’on trouve chez Dupont , imjrimeur - libraire, rue de la Loi, n°. 1232, à Paris. / à Er F M, F à 1 | È | - Amérique septentrionale. 217 » potsme d’une superstition sanguinaire, la mal: » heureuse espèce humaine est condamnée à passer ? Par tous les excès, à connoître toutes les folies, v à déplorer toutes les fureurs. » M. Robertson en fournit la preuve. Mistriss Hutchinson » fachée que son sexe ne fût pas admis aux assemblées parti- culières, où l’on conféroit sur la doctrine contenue dans les sermons qu’on avoit entendus, en forme une semblable pour les femmes , dans laquelle elle répétoit ce qu’elle avoit pu recueillir des discours des prêcheurs ; elle ne se contenta pas de ce que sa mémoire lui fournissoit, elle commenta, elle censura 5 et débita enfin ses propres opinions, qui , de la part d’une femme, devoient avoir une forte teinte de fanatisme : « Elle enseignoit en effet que la sainteté -» de la vie n’assure point la justification , et v’éprouve » point qu'on soit en grace auprès de Dieu, et que » Ceux qui insistoient sur la nécessité de manifester sa foi par les œuvres, n’étoient que des esclaves ; que l’esprit de Dieu habitoit en personne dans les gens de bien, et qu’ils connoissoient parfaitement la volonté de Dieu par les révélations et les im- ë& » pressions intérieures qu'ils en recevoient, » La confiance avec laquelle elle débitoit sa doctrine lui donna des prosélytes et des admirateurs. Des dis- sentions assez violentes pour ébranler les fondemens de la colonie en furent les suites : un synode gé- néral se hâta de condamner ces opinions extrêmes, et de bannir le prédicateur ; mais le repos de l’as- sociation en fut troublé, et lexpulsion d’un mi- 218 Histoire. : nistre accrédité de Salem , arrivant au moment de cette fermentation, dissémina cette population sur le reste du continent, Providence , Rhode Island , Connecticut , Newhamspire et Main dûrent leur k à \ existence aux querelles religieuses, aux méconten- temens , aux proscriptions : le fanatisme a plus fait pour les progrès des établissemens du Nouveau- Monde , que les encouragemens, la protection et les priviléges ; ce n’est certainement pas le cha- pitre le moins curieux de son histoire, M. Robertson finit par une anecdote remar- quable. Le gouvernement anglais, alarmé du nombre d’émigrans que les troubles civils poussoient vers le continent américain , défendit à tout maître de na- vire d’embarquer des passagers pour la Nouvelle- Angleterre sans une permission spéciale. Cette dé- fense fut souvent violée, et ne le fut pas assez pour qu’elle empêchât Arthur Asterig, John Hamp- dem ; Olivier Cromwel de sortir d’Angleterre. » Charles, bien éloigné de soupconner que la ré- » volution prochaine dans ses royaumes, seroit ex- » citée et conduite par des personnes d’un état si » peu marquant dans la société, retint sans le sa- » voir, par force, des hommes destinés à renverser » son trône, et à lui faire terminer sa vie sur un » échafaud. » Les principes religieux de lusurpa- teur étoient trop conformes à ceux qui avoient peu- plé la Nouvelle- Angleterre , pour que les indé- pendans- ne trouvassent pas dans sa protection, la sanction de toutes les infractions qu’avoit souffertes PT 7 - Amérique septentrionale. 219 leur charte primitive, et l’approbation des institu- * tions tant politiques que religieuses qu’il leur auroit plu d'imaginer. L’extrait de ces fragmens historiques donnera sans doute des regrets sur la privation de l’histoire en- tière, histoire qui pouvoit intéresser toutes les na- tions européennes. Des négligences qu’on apercoit dans cette partie de son travail , pourroient faire croire qu’il n’y avoit pas mis la dernière main : on y retrouve cependant , comme dit son traducteur , juge très-capable d’apprécier les talens en tout genre, « cet esprit sage et fin, cette philosophie modérée, » ceite profondeur de recherches , cette netteté » d'idées et cette justesse de réflexion qui caracté- » risent les ouvrages de cet auteur. » On retrouve également dans cette traduction, cette élégante exac- titude , cette connoissance parfaite du génie et des finesses des deux idiomes , qui ont donné aux ou- vrages du même historien qu'André Morellet avoit déjà traduits, une portion de la célébrité qu’ils ont obtenue de l’Europe letirée. A. J. D. B. MP DUB CUEINCE Esquisse d’une histoire de la Médecine et de Ë + «A La Chirurgie , depuis leur commencement jus- qu’à nos Jours, ainsi que de leurs principaux auteurs , progrès , imperfections et erreurs , traduite de l'anglais de M. VW. Bracx , M. D., par Cor4r, M. D. ; avec un tableau chro- nologique des auteurs de Médecine et de Chirurgie. À Paris, chez Fuchs, libraire ; rue des Mathurins , hôtel Cluny , n°. 334. An VL. in-8°., pag. XV , 478. T'Hisrome de la Médecine , dit le traducteur, doit être pour le praticien ce que l’histoire géné- rale est pour l’homme d'état. Tnstruit par les ré- volutions des Empires et les malheurs des nations, ce dernier apprend l’art de gouverner les hommes : c’est de même en réfléchissant sur les différentes révolutions qu’a éprouvées la Médecine, que celui qui la professe saura distinguer le petit nombre de vérités salutaires qui ont survécu à ceux qui eurent le courage de les enseigner , comme à ceux qui eurent l'audace de les combattre , de ces édifices brillans d’hvpothèses et de systèmes, dont la chute rapide a prouvé qu’ils n’avoient pour fondemens que les chimères d’une imagination effrénée. » La Médecine a, comine l’histoire, ses temps fa- buleux : il faut traverser des milliers de siècles avant de recueillir quelques traditions sures; mais l’art doit se rattacher nécessairement à la formation des \ : k 1h $ 4 4 + k Histoire littéraire. 21 premières sociétés. Aussitôt qu’un certain nombre d’hommes se trouva réuni, la société entière prit part aux infirmités qui attaquoient un de ses mem- bres , ou aux accidens qui lui survenoient, Chaque individu avoit appris dans sa vie errante , soit du hasard , soit de l'instinct des animaux , l’usage de quelque plante médicinale : les plus ‘rusés y avoient ajouté quelque secret , quelque enchantement : ces secrets et ces enchantemens se retrouvent encore parmi les peuplades sauvages , et même dans les montagnes à demi-sauvages de notre Europe policée ; chacun apporta en commun, c’est-à-dire, pour l’u- sage commun , ses prétendues découvertes. On ta- tonna long-temps : on trouva enfin quelques remèdes grossiers ; on fit un peu de bien et beaucoup de mal. Telle dut être l’origine de la Médecine et de ! la Chirurgie, qui se donnèrent la main pendant plu- … sieurs siècles , et qui ne se séparèrent que fort 1 tard. Leur enfance fut très-longue ; car, selon la remarque de Black , « ce ne fut que cinquante ans avant le siége de Troie qu’Esculape fut déifié à cause dé ses connoissances en médecine , et que lon érigea à sa mémoire des temples où il étoit adoré comme une divinité. Dans plusieurs de ces temples, comme à Pergame, dans lile de Cos, et dans d’autres parties de la Grèce, on enregis- troit les maladies et les cures, en les gravant sur des tables-de marbre ou de pierre, exposées aux yeux du public, pour le profit et l’instruction de ceux qui auroient pu se trouver dans le cas d’avoir » besoin du secours de la médecine, Les prêtres, SA NS DS Ov v* y 222 Médecine. » les prêtresses, les gardiens des temples et ceux qui préparoient les remèdes, firent du culte d’Es- culape un trafic lucratif; et il est présumable qu’ils agissoient dans diverses occasions, comme agissent aujourd’hui les propriétaires des sources minérales ; ils inventoient de fausses histoires , et forgeoient des cures pour augmenter la re- nommée de l’oracle. Un grand nombre de ma- ! lades entreprenoient de longs voyages , et venoient de pays très-éloignés pour consulter Poracle grec; et pour tâcher de se le concilier par des présens magoifiques. Il y eut, quelques siècles après, » des exemples d’empereurs romains, qui, affligés » de maladies, faisoient le voyage de Pergame pour » y chercher la guérison. » Notre auteur observe avec raison que, dans la maladie pestilentielle qui attaqua l’armée grecque devant Troie, Podalirius et Machaon, tous deux fils d’Esculape, ne furent point consultés. On avoit recours à eux que pour guérir les plaies, retirer les dards et les flèches. « Dans ces temps d’ignorance, les maladies épidémiques, » et toutes les autres maladies dont les causes ne » frappoient pas d’une manière immédiate les sens » encore grossiers des hommes, étoient attribuées à » la colère immédiate du ciel, et non à des causes » naturelles : les seuls remèdes qu’on employoit dans » de pareilles calamités , étoient les prières, les sa- » crifices , les enchantemens, la magie et les fraudes # à } L | | 1 » religieuses: c’étoit au moins une méthode aisée et » courte d’apprécier et de chercher à détourner les » phénomènes de la Nature, bien adaptée à la ca- Re RDS 5 À LE ss & CR PSE IT CETTE ER ES Histoire littéraire. * pacité du vulcaire. On r comme des traits divinités invisibles 223 ecarcoit les maladies que le Courroux de quelques lançoit sur la tête des coupables mortels; et il étoit naturel qu’une semblable idée fit trembler ceux qui avoient le malheur d’en être attaqués, et qu’elle les forçât à avoir recours à la superstition comme à un remède physique, » « La Médecine encore dans son enfance, n’avoit » TEÇU aucun secours de toute cette riche partie de » l'Asie, qui tremble aujourd’hui sous le sceptre de fer des Turcs et des Persans, et qui fut Jadis le siége des puissantes Mmonarchies et des despotes absolus des Assyriens, des Ba byloniens , des Mèdes et des Perses, et ensuite d'Alexandre et des Maé. doniens. Les Chaldéens et les prêtres de Babylone, au rapport d’'Hérodote, avoient la réputation de grands Astronomes ; mais il n’y avoit pas chez eux des Médecins. Les Babÿloniens .exposoient leurs malades dans les chemins publics, dans les Märe chés et dans les endroits les plus fréquentés. Les ? Voyageurs ou les passans sinformoient de leurs ? Maux, et leur indiquoient les remèdes qu’ils avoient * vu employer avec succès dans des cas semblables ” Pour eux ou pour leurs voisins : c’éio » passer près d’un malade sans s’info » de mal qui l’afflipeoit. » La Médecine ne fut ÿ $ it un crime de rmer de lespèce guère qu’un empirisme jus- | qu’au temps d’Hippocrate, Ce fut ce grand homme _ Qui en fit une science méthodique, qui rassembla en un corps de doctrine toutes les notions éparses avant lui, Son génie, l’un des plus beaux que la Grèce ait 224 _ Médecine. produits, y Joignit ses propres observations, je diroïs presque ses divinations ; car il a tellement médité son art,ilen a si bien établi les principes, que le germe de tous les progrès que la Médecine a faits depuis lui se trouve dans $es divins écrits. C’est à cette lumière pure qu’ont été allumés les fanaux qui ont éclairé les générations suivantes, et qui jettent aujourd’hui un si vif éclat. Black expose succiucte- ment, et beaucoup trop succinctement, la méthode qu’employoit Hippocrate dans la cure des diverses maladies, puis il termine son article par quelques réflexions qui ne sont pas toujours justes. Selon lui, « le style d’Hippocrate est extraordinairement con- » cis, et par cette cause souvent obscur. Il est bien » moins élégant que celui de quelques-uns de ses » prédécesseurs ,; ainsi que de plusieurs autres » Ecrivains qui lui ont succédé, » Son savant traduc= teur lui prouve très-bien dans une note, qu’il ñe nous _reste aucun écrit de ses prédécesseurs, et que par conséquent nous ne pouvons comparer leur style avec le sien : quant aux Ecrivains qui lui ont suc- cédé , les plus estimés sont Galien et Aretéex et ces Auteurs sont aussi loin de la beauté du style” d’'Hip- pocrate,que ceux de la Byzantine le sont d’Hérodote et de Thucydide. Le D. Coray pouvoit ajouter que Pobscurité qu’on luireprochoitvenoiten grande partie des fautes iunombrables qui défigurent son téxte. Il ne sera rendu à sa pureté, ef par conséquent à sa clarté, que quand le D. Coray aura termmé $on tra- vail admirabie sur ce père de la Médecine. « Hippocrate est on ne peut pas plus vigilant ni plus Histoire littéraire. 225 » plus attentif à suivre la marche souvent tortueuse » des maladies, et à examiner avec une patience in » fatigable tous leurs changemens. C’est Hippocrate » qui traça le premier la véritable ronte qui conduit » aux connoissances médicales. C’est lui qui jeta les premiers fondemens de presque toutes les bran- ches de la Médecine , quoiqu'il n’en portât aucune à la perfection. Dans un espace de temps si court il fit des merveilles pour un seul homme ; mais l’édifice d’une science telle que la Médecine, étoit trop vaste pour être terminé par une seule per- sonne. Il aura toujours la gloire immortelle d’avoir fourni , le premier, le modèle que les Médecins de » plusieurs siècles successifs ont imité et surpassé en » grande partie. . . . Il exerçoit toutes les branches » de la Médecine ; et il faisoit , suivant les occasions, » l'office de Mécecin , de Chirurgien, d’Accoucheur, » et même par fois de garde-malade. » Nous nous sommes un peu étendus sur l’article d'Hippocrate, parce que c’est lui qui a pose le fanal. Il est ua des quatre grands hommes que les générations les plus reculées envieront toujours à la Grèce. Je n’ai pas : besoin de nommer ies trois autres : on devine aisé- » ment que je veux parler d’Homère, de Platon et : d’Aristote. Ces quatre têtes, malgré leurs erreurs, … sont les têtes les mieux organisées, les mieux pen- … santes, les plus richement ornées de l’autiquité. Les - beaux génies qui sont venus ensuite ont trouvé la route éclairée et les écueils marqués (r). L’Anatomie, portée de nos jours à un degré si étonnant de perfection, m’avoit presque fait aucun _ Tome I. P SOU = >» v y y »y 226 Médecine. progrès au temps d’Hippocrate, L’art de disséquer les iommes trouvoit un obstacle naturel et pour ainsi dire insurmontable , daus le respect religieux des Grecs pour les morts. Toutes les observations ana- tomiques se faisoient sur les animaux, sur - tout sur les singes , dont la conformation se rapproche le plus de celle de l’homme. Hérophile de Chalcédoine et Erasistrate de Céos (aujourd’hui Zia), environ 250 ans avant l’ère vulgaire, disséquèrent les pre- miers des corps humains à Alexandrie , sous la pro- tection des rois d’Ægypte. « Au rapport de certains » Auteurs, il ne fallut rien moins que l’autorité des- » potique des rois d’Ægypte pour protéger contre » l’indignation publique les premiers disséqueurs » de corps humains. Leurs travaux étoient regardés * avec horreur, et on les taxoit d’impiété. » LaMédecine et la Chirurgie, qui jusqu’alors avoient été pratiquées par la même personne, se divisèrent du temps d’Hérophile et d’Erasistrate , en trois branches distinctes ; la Diététique, la Pharmaceutique et la Chirurgie. « Ces divisions ne répondent pas exac- » tement à la division actuelle de la Médecine, Le » Chirurgien, dans ce temps, u’exerçoit que la partie » manuelle de l’art, et se bornoit aux seules opéra- » tions. Les ulcères, même les plaies er les tumeurs, » qui sembleroient lui appartenir de droit, “toient » confiés au Pharmacien. I| ne restoit au Méde- » cén que le soin de régler la diète , et d’ordonner » les médicamens internes, si le Cas en indiquoit » l’usage. » Vers la mêine époque la Médecine se sépara en Histoire littéraire. 227 . deux sectes, celle des Empiriques (#) et celle des Dogmatiques. Il s’'éleva, entre ces deux sectes , des disputes éternelles sur lesquelles on peut consulter Celse. | Selon Pline l’ancien , 600 ans s’étoient déjà écou- lés depuis la fondation de Rome, et aucun Mé- decin ne s’éloit encore établi dans cette ville, Denys d’Halicarnasse ne compte que 300 ans ; mais il y a peut-être un moyen facile de concilier ces deux auteurs; c’est de supposer que Pline n’a pas voulu donner le nom de Médecin aux empiiques ignorans qui exerçoient alors la Médecine. En effet , il faut descendre jusqu’à l’an 69e de la fondatiort de Rome, 62 de l’ère chrétienne, pour trouver , chez les Romaïns , un Médecin de quelque mérite. À cette époque nous rencontrons Asclepiade , natif de Bithynie, ami intime de Cicéron. Thémison , son disciple , fonda la secte des Méthodiques, ainsi nommés parce que leur doctrine fournissoit , selon eux , une méthode courte et facile pour ac- quérir les connoissances médicinales. On croit qu’il fut le premier qui fit usage des sangsues, et qui les appliqua aux tempes , dans les maux de tête. Pline : liv. XXIX , fait mention de plusieurs Médecins babiles qui vinrent après Thémison ; tels que Cas- sius, Calpetanus , Arruntius, Aibutius, Rubrius, qui recevoient de la cour un trailement annuel de 25,000 de nos francs. Thessalus, qui vivoit sous Néron, se vantoit d’avoir tellement simplifié l’étude de la Médecine, que six mois suffisoient pour l’ap- prendre, C’étoit un ambitieux plein d’arrogance, P 2 228 Médecine. aux yeux duquel Hippecrate lui-même n’étoit qu'uft ignorant. Jamais homme ne parut en publie, ac- eompagné d’un plus brillant cortége, et il porta l’impudence jusqu’à se faire appeler sur son tombeau, placé sur la voie Appienne , Vainqueur des Mé- decins ('laTeorixns ). Thessalus avoit pour concur- xent le Marseillais Crinas , qui , réunissant les Ma- thématiques à la Médecine, consultoit les mouve- mens des astres, pour assigner les heures où il falloit donner de la nourriture aux malades (a). Ces deux gharlatans régloient les destinées de Rome, lors- qu’un autre Marsaillais, Charmis, vint tout-à-coup attaquer leur réputation et s’emparer de l’opinion publiqu:. Il blâma hautement leur méthode, ainsi. que les bains chauds ; il mit en vogue les bains froids, même dans la saison la plus rigoureuse ; il faisoit plonger les malades dans les lacs , et l’on vit bientôt des vicillards Consulaires se faire gloire du froid qui engourdissoit leurs membres (6). Il n’est pas douteux , ajoute Pline, que tous ces hommes, ja- loux de se faire un nom à l’aide de quelque nou- (a) De là naquit la dénomivation d’Ie]pouabnmaix de. (Bb) Horace fait allusion à ces bains froids , lorsqu'il écrit à Ç. Numonius Vala, Quæ sit hiems Veliæ , quod cœlum ; Vala, Salerni ; Quorum hominum regio , et qualis via : ( nam mihi Baiac Musa supervacuas Antonius , et tamen illis Me facit invisum , gelida cum perluor unda Per medium frigus. : soso nue ee Ep. XV.1. Hustôire littéraire. 229 veauté | n'aient dès leur arrivée spéculé sur nos vies (c). « La secte des Méthodiques conserva pendant » plusieurs siècles sa grande réputation. Les Méde- » cins de cette secte décrivoient les symptômes des » maladies, avec une exactitude particulière ; mais 5 ils népligeoient l'étude de l’Anatonie et de la » Physiologie. Ils ne faisoient pas non plus ; dans » leur pratiqué, une grande attention à l’âge, au » sexe » aux coutumes ét habitudes du malade ,au + climat, à la saison de l’année , etc. Ils ne s’em< » barrassoient guère de l’état des fluides , persuadés » que là constitution du corps n’étoit dérangée le » plus souvent que par la trop grande tension ; ou » par la trop grande relaxation dés solides. Ges s trois sectes, d’'Empuriques , de Dogmatiques » etde Méthodigqués , donnèrent naissance à trois » autres, connués sous lé nom d’Episynthétiques, » d’Eclectiques et de Pneumatiques ». Cælius - Aurelianus , originaire de Numidie ; qui vivoit vers l’an 450 de l’ère chrétienne, nous a conservé le système le plus complet de la théorie et de là pratique des Méthodigues. Aiétéé de Cappadoce ; Pune des lumières de Ja Médecine , florissoit vers l’an 150 de la même ère: (c) de etiam hibernis algoribus lavari persuasit, Mersit œgros in lacus, Videbamus senes Consulares usque in ostentationem rigentes. Qué de re estafeliam Anñæi Senécæ adstipulatio. Nec dubium est, omnes istos famain noeilatÿ aliqué aucupantes ; anima statim nostra negoliari. Plin. ibid. P3 230 Médecine. , tout le monde connoît ses écrits; mais ils ont beau- coup souffert, M. Kühn, savant professeur de Mé- decine à Leipsic, en prépare une édition, et le D. Coray, qui a purgé son texte des fautes inom- brabl-s qui en rendent la lecture pénible , en pré- pare une traduction française | accompagnée de re- marques relatives à l’art, et du travail précieux qu’il a fait sur le texte. Celse, qui vivoit à Rome vers Pan 25, avoit reçu de la Nature un génie flexible qui s’accom- modoit-à tout. Il écrivit sur la Rhétorique, sur PAgriculture, sur l’Art militaire, sur la Médecine, et fraita tous ces. différens sujets avec beaucoup de netteté et d'ordre. Son style est si pur , et son ha- bileté dans la Médecine si grande, qu’il a mé- rité d’être appelé le Cicéron des Médecins et VPHippocrate des Latins. Quintilien dit de lui, liv. X,ch.r1: Scripsié non parum multa Cor- nelius Celsus , Scepticos secutus , non sine cultu ac nitore. Le traducteur oppose, il est vrai, à ce témoignage, ce que le même Quintilien dit plus bas, liv. XII, ch. XI: Mediuocris vir in- genii. Mais il faut s’en tenir au premier jugement, confirmé par tout ce qu'il y a eu d'hommes éclairés depuis lui. « Heureusement pour la Médecine et » pour la Chirurgie, dit Black , tous ses ouvrages , » relatifs à ces deux arts, sont parvenus jusqu’à » nous. Dans huit livres qui ne forment en tout » qu’un petit volume , il a décrit avec autant d’élé- » gance que de concision , toutes les maladies con- » nues de son temps ; et l’on peut dire que sou Histoire Littéraire. 331 » ouvrage renferme en abrégé tout ce qu’il y a » d’essentiel dans l’ancienne M ‘decine et Chirargies. Black , pour donner un échantillon du style de Celse , cite en entier le chapitre premier du livre premier, Je me contenterai de citer la fin du même chapitre , parce qu’elle renferme des préceptes exiré- mement importans et pleins de sagesse. Concubilus vero neque nimis concupiscendus, neque nimis pertimescendus est : rarus , Corpus excitat ; frequens , solvit. Cum autem frequens non numero sit, sed natura , ratione ætatis et corporis, scire licet eum non inutilem esse, quem corporis neque languor neque dolor se- guitur. Idem cnterdiu pejor est, noctu tutror ; ita tamen si neque illum cibus neque hunc cum vigilia Labor statim sequitur. Hæc firmis ser- vanda sunt , cavendumque ne , in secunda valetudine , adversæ præsidia consumantur. _ Dioscoride de Cilicie , qui vécut sous les régnes de Néron et de Vespasien, nous a laissé cinq livres complels , dans lesquels il décrit les simples et les drogues qui étoient en usage de son temps. « Il » divise la matière médicale en trois classes ; savoir, » les plantes, les animaux: et les minéraux; il in- » dique les endroits où l’on trouve ces différentes » simples, la manière de les préparer et de les con- » server pour l’usage, ainsi que les vertus qu’on leur » attribuoit relativement aux différentes maladies. » Pline le naturaliste doit trouver nécessairement sa place dans une histoire de la Médecine , lui qui im. P 4 232 Médecine. a écrit plusieurs chapitres sur l’origine et l’histoire de la Médecine, sur la matière médicale, et sur la Pharmacie, Selon Black, il appeloit le vin le sang de la terre , et il le considéroit comme le plus ‘agréable cordial que la nature ait produit pour égayer . Phomme. Le traducteur avertit avec raison, que ce fut Androcydes qui ; dans une lettre à Alexandre, douna cette qualification au vin. Pline diten effet, liv. XIV , chap. V ( et non VIT): Y’éno naturæ est, hausto accendendi calore viscera intus,foris snfuso refrigerandi. Nec alienum fuerit com- memorare hoc in Loco quod Androcydes sapien- ta clarus ad Alexandrum magnum scripsie , intemperantiam ejus cohibens : venum poturus ; rex, memento te bibere sanguinem terræ. Du reste , il étoit facile de se méprendre. Pline est reme : pli de ces expressions pittoresques et hardies, : Galien, né à Pergame vers l’an 13r , sous lé règne d’Adrien , est le dernier Médecin de marque qui ait exercé son art à Rome, Black lui consacre un long article, parce que Galien a été, pendant treize siècles, loracle des Médecins d'Europe , d'Afrique et d'Asie : il fut sur-lout en grande vénération parmi les Arabes ; et certes, malgré de grands défauts, une jactance souvent ridicule, et une partialité bien marquée dans tous les jugemens qu’il porte sur Hippocrate et sur les Médecins qui l’avoient pré cédé , c’est, après le père de la Médecine, celui qui a rendu les plus grands services à l’art. Le Médecin, le philosophe, le rhéteur, lé critique ; Histoire Littéraire. 233 le grammairien , lisent ses ouvrages avec un égal fruit : on y trouve même des fragmens d’élégies qu’on chercheroit vainement ailleurs, Il seroit im- portant, pour le plus grand nombre des littérateurs, qu’une main patiente féunit les morceaux littéraires et en fît un recueil particulier. Les Médecins qui vinrent après Gallien, tels qu’Ori- base , Aëtius , Alexandre de Tralles, Paul d’Egine, etc. ne firent presque que le copier, Jusqu’ici nous avons suivi d’assez près notre au- teur, parce qu’il s’agissoit des #rands hommes qui ont fondé l’édifice dé la Médecine. Maintenant que les fondemens sont assis, et que nous voyous l’édi- fice s'élever majestueusement , confions-le à ses hautes destinées. Les mains les plus habiles tra- vaillent, depuis la renaissance des lettres, à lache- ver ,;et jamais elles n’ontété si actives que dans la dernière moitié du siècle qui va finir. Nous nous contenterons donc d’indiquer les ma- tières traitéés dans les chapitres suivans V - IX. La destruction de l'Empire romain en Occident par les Goths et les Vandales, dans le sixième siècle ; Mahomet et l’invasion des Arabes ; l'influence de ce peuple sur la Médecine et sur la Littérature ; écri- vains arabes sur la Médecine et sur la Chirurgie ; origine de la petite vérole et de la rougeole. — Etat de la Médecine et de la Chirurgie, dépuis le onzième jusqu’au milieu presque du quinzième siècle ; la lèpre introduite en Europe. — Destruction de l’Empire ro- main en Orient, et prise de Constantinople au quin- 234 Médecine. zième siècle. — Déçouverte de l’Imprimerie. — Découverte de l’Amérique. — Origine de la ma- ladie vénérienne, — Origine du scorbut de mer. — Origine de la suette. — Esquisse générale des pro- grès de la Médecine et de la Chirurgie en Europe, ainsi que des principaux écrivains et des décou- vertes importantes depuis le commencement du seizième siècle jusqu’à nos jours; ce qui comprend Lys l’espace de trois cents ans. — Anatomie et! Physiologie. — Chymie et Physique. — Sociétés litiéraires. — Botanique. — Histoire naturelle. — Matière médicale et Pharmacie. — Auteurs de Mé- decine-Pretique , de Thérapeutique et de Patho- logie. — Art des accouchemens. — Chirurgie. — Théorie de la Médecine. — Revue générale et pa- rallèle des anciens et des modernes , et conclusion de cette histoire par quelques réflexions générales. L'ouvrage est terminé par une excellente table des matières et un tableau chronologique de deux pieds sur un et demi, et sur plusieurs colonges, commençant à Hippocraie , 400 ans avant l’ère vul- gaire, et marquant ,de siècle en siècle , ceux qui se sont distingués dans l’Anatomie et la Physio- logie; la Chymie et la Physique ; l'Histoire natu- relle, la Botanique , la matière médicale et la Pharmacie ; ; la Médecine-Pratique , Thérapeutique et la Pathologie : ; l’Art des accouchemens ; la Chi- rurgie ; enfin les Historiographes et les Lexiques. Ce tableau a été revu avec soin, corrigé et accompagné de notes par le traducteur Histoire littéraire. 235 On peut faire à l’auteur anglais plus d’un reproche grave. Trop souvent il divague et s’occupe d’obijets étrangers à son livre, ou n’ayant avec lui qu’un rapport éloigné ; ce qui le force ensuite à étrangler des articles importans. Ses jugemens sont souvent _erronés ou puisés dans des sources suspectes : je mets au nombre de ces derniers celui de Bolingbroke sur Platon et Aristote, pag. 51 et 52. Bolingbroke fut sans doute un grand homme ; mais son caractère ardent, ou plutôt fougueux , lui a fait avancer plus d’un paradoxe , et l’on trouve dans ses écrits d’étranges rêveries. D’ailleurs, l’Historien ne doit pas citer ; il doit lire et juger par lui-même. Le nôtre _ manque en général de méthode , et ce défaut lui est commun avec un grand nombre d’écrivains an- glais, qui savent très-bien faire quelques chapitres d’un livre, mais qui ne savent pas faire un livre, et à qui l’on peut appliquer à chaque instant ce passage de l’Art poétique d’Horace : In/eliz operis summa : quia ponere totum Mesciet. On lui pardonne l’enthousiasme pour sa nation ; * mais cet enthousiasme ne doit pas le rendre injuste ‘envers les nations voisines. Heureusement son tra- . ducteur, impartial comme la vérité, a redressé notre auteur toutes les fois qu’il a eu besoin de l'être; il _a suppléé , dans les notes, les noms distingués que Black avoit oubliés ou néeligés. Quelques-uns cepen- dant lui ont échappé : par exemple , pag. 406, il 236 Médecine. auroit dû rétablir, dans une noté à l’occasion du Frère Jaeques , le nom du Frère Cosme, Feuillant, Vun des plus habiles, et certainement le plus res- pectable des Lithotomistes ; et dans la note de la page 412, ceux des deux frères Grand-Jean, qui ont toujours joui d’une réputation méritée en France et chez l’étranger. Nous pensons cependant que l’auteur anglais a rendu un grand service aux élèves en Médeciné et en Chirurgie, et même aux mäiîtres, Les premiers trouveront dans cet abrégé , des notivns préliminaires suffisantes su» l’art auquel ils s’appliquent ; il rap- pellera aux seconds ce qu’ils ont déjà appris. Le Clerc et Freind sont chers et assez rares, et d’ail- leurs ils ne viennent pas jusqu’à nos jours. Nommer le traducteur français, le docteur Coray , c’est as- surer le lecteur que la traduction est fidèle , et que des notes excellentes lui donnent un nouveau prix (d). Les gens de l’art savent que nous devons au D. Coray la traduction des ouvrages du D. Selle de Berlin, l’un des premiers. peut-être même le pre- mier praticien de l’Allemagne, et du vade me- cum du médecin, traduit de l’anglais, petit én-8°., élégamment imprimé, et qui est un véritable tré- sor portatif, Ce savant Grec, regardé comme un des premiers critiques du siècle, et certes l’homme le plus savant de sa nation, 4 fait une traduction nouvelle des caractères de Théophraste , accompa- (d) Voyez entr’autres celle de là pag. 244. … Histoire littéraire. 237 gnée de notes , et précédée du texte grec corrigé, Comme une partie des usages dont parle Théo- phrate, existe encore en tout ou en partie dans la Grèce moderne , il n’y a guère qu’un Grec qui puisse nous donner le mot de loutes ces énigmes qui ont embarrassé le grand Casaubon , et ceux qui ont couru après lui la même carrière. L'ouvrage for meroit 1 vol. £n-8°. d’une vingtaine de feuilles. Il a traduit encore le Traité d’Hippocrate , del’ Air, des Lieux et des Eaux ; c’est le chef-d'œuvre de ce père de la Médecine. Le texte, corrigé et revu sur les ma- puscrils, est accompagné d’une traduction française , de notes grammaticales, de notes relatives à l’art,et de notes historiques dans lesquelles on a recueilli tout ce qu’on trouve de curieux sur la Topographie des lieux, et Pinfluence du climat et des eaux, dans les auteurs anciens et modernes. Il faudroit y joiudre deux cartes géographiques , et le tout formeroit r vol, in-4. de 5 à 600 pages. Ces deux ouvrages se- roient recherchés de l’étranger , et pour leur im- portance , et d’après le nom bien connu du traduc- teur. Si quelque libraire francais vouloit en traiter avec le D. Coray , le citoyen Millin se feroit un plaisir de lui donner des renseignemens ultérieurs. CHARDOK-LA-ROCHETTE. NOTES. (x) Dans le livre de l’Anthologie grecque de Cons. tantin Cephalas, qui renferme les épigrammes descriptives 238 Médecine. (T'A ‘ATIOAEIKTIKA’ }, on en trouve une de Nicodème d’Héraclée sur Hippecrate ; d’autres l’attribuent à Bassus, qui cependant n’a rien fait dans ce genre. Dans le recueil de Planude, elle estla première du chapitre XXXIX du livre I ; mais une erreur de copiste a changé Nicodème en Nicomède, et a fait croire à l’illustre éditeur des Analectes, que ce distique et les sept autres dont nous parlerons plus bas, étoient de Nicomède , Médecin de Smyrne, dont l’épitaphe élégante , gravée sur un cippe de marbre , fut découverte à Rome , et publiée , pour la première fois, par Oftayio Fal= conieri y pag. 135 de ses Anscriptiones Athleticæ. Roma , 1668 ,; in-4°. Le distique sur Hippocrate est un de ceux qu’ on appelle ænacycliques , c’est-à-dire , qui roulent sur eux-mêmes , et que l’on peut prendre indifféremment par læ tête ou par la queue. Dans le livre des épigrammes votives, ily a sept autres distiques du même genre : ils composent dans Planude le chapitre IV du livre VI, et, dans l’un et dans l’autre recueil, ils sont attribués à Nicodème d’Héraclée ; ce qui prouve invivciblement que le manuscrit palatin a eu raison de mettre sur son compte celui qui suit : Inmoxgaque Pur 4 ÉESqRe 27) rato Da &y VEdveæ , #o4 VEx day 4 cmévis év didn. On le retourne ainsi : , 2,/ / CS PEL PA Er did omis My VexÜar , #94 tôveæ Auar Zéro , 4 méeomur 4 Pos Ixrmoxed]ns. « Hippocrale fut le sauveur des hommes : des peuples > entiers lui durent la vie , et tant qu’il vécutily eut disette > de morts dans les enfers. » Quelques poëtes latins , modernes , ont voulu imiter dans 3 leur traduction le même tour de force. Florent Chrétien nous. paroit l’avoir fait avec succès. Hippocrates hominum est columen , decus , aura salutis. Aula palet raris jam nigra funeribus. Histoire Littéraire. : Funeribus nigra jam raris patet aula. Salutis Aura ; decus ; columen est hominum Hippecrates. 239 Le génie heureux de Grotius paroît l’avoir abandonné dans la traduction de cette épigramwe, qui peut également se retourner. Hippocrates Deus est populis et lucifer orbi Maximus , et paucos en rapit interitus. Nous avons parlé plus haut de l’épitaphe élégante de Nico- mède de Smyrne, que Spon suppose avoir véeu à Rome du temps de l’empereur Gallien. Nous la donnons ici d’autant plus volontiers, que c’est l’épitaphe d’un Médecin , et que, dans les Analectes , tom. IT, pag. 384 , on n’a publié que les quatre vers lambes. ©. .P Dr? lyear Nixouides evyyevsis r. Os »” air os inîeos €y Laos OT #. ToAAgs Te ouras Papménois ados ; "Araduyer To cüpa voy Exel Ordi. Evdoxa Nixoundys , oois x num, vof Syevéumr ” sx tit, 404 8 Aug, Céras 5]n M A. «ay fuieus KT. AUX DIEUXx MANES. ce Les parens de Nicomède lui ontélevyé ce cippe. Nicomède » fut un médecin habile , lorsqu’il étoit au nombre des » vivans. Par ses remèdes une infinité de malades furent dé- > livrés de la douleur : maintenant qu’il n’est plus , son corps > est à l’abri de ses atteintes. > (CN icomède prend ici la parole, ) « Le courage de Nicomède est ferme : du néant je passai à » l’être,et je retourne au néant sans en être affligé,après avoir > vécu 44 ans et 23 jours. » L'auteur des Aualectes attribue cette épitaphe à Nicoméde 240 … Médecine. lui-mème, Nous croyons qu’il se trompe : le style en est plué élégant que eelui des deux inseriptions publiées par le même Falconieri , etqui sont véritablement de lui. Ensuite la con- texture de l’épitaphe semble indiquer qu’elle est d’une main étrangère ; et si on lui fait prendre la parole dans la prose qui suit les vers , le savant éditeur des Analectes sait mieux que nous que cela ne prouve rien , et que , dans une partie des épigrammes sépuicrales , c’est le mort qui est censé adresser la parole au passant ; ce qui les rend plus touchantes. (2) Pline nons apprend que cette secte se forma en Sicile , et qu’elle eut pour fondateur, Acron , Médecin d’Agrigente. ÆAlia factio { ab experimentis cognominant Empiricen (a) )s ab Acrone , Ægrigentino ; Empedoclis auctoritata commen dato (b). Diogène-Laerce raconte dans la vie d’Empedocle (c), qu’A- eron demanda un jour au sénat d’Agrigente ; qu’attendu son extrème supériorité sur les autres Médecins , dia Tyv éy rois iæeois AKPOTHTA, il lui fut accurdé un terrain où il pût élever un tombeau à son père ; mais qu'Empedocle s’opposa à cette concession , et qu’après avoir rappelé Acron aux principes de l’égalité,il lui dit : Quelle inscription graverions- nous sur ce tombeau , si ce n’est celle-ci ? Auger iueor Axear Axguyar]ivoy ; m&]eos axes » Kedmqeu xgnpros axcgos maeidas axgo]dqns. Summum Medicum Acronem ; -Acragantinum ; summmi patris filium ; tegit summus vertez summæ patriæe D’autres rapportent ainsi le second vers : "Axeo]dins xopuPñs rÜplos PAT ILPAIE Summi culminis summum habet sepulcrum. (a) Enegixr. (6) Liv. XXIX , 1. (c) VIH. 03. Le Û # 4 L Biographie. 241 Le jeu de mots ne peut se conserver en français ni mêmé en latin. Empedocle joue sur le nom du médecin , dérivé d'axgos > qui occupe le sommet, l’exrémité, et sur l'expression dont il s’étoit servi dans le sénat » #xe071n1æ , la sommité # ctsur le nom d’Agrigente , qui commence aussi var Axga. I a trouvé le moyen de fäire entrer dans son d'stique onze el» huit x, et d’accorder les honneurs de la sommité au mé decin aw pè + du médecin, à l’endroit escarpé sur lequel seroit bâti le tombeau , et à la patrie du mort, mm BIOGRAPHIE. Norice sur Jrax - Baprrsre - Lours Faire, Architecte. L ES arts Viennent de perdre un ami digne de les cuiliver et de hâter leurs progrès , dans la personne du jeune Faiyre , architecte d’un talent distingué $ une maladie de poitrine l’a enlevé à la société , qu’il eût enrichie par sestravaux ; Comme il en fai- soit le charme par son esprit, son heureux CaraC= tère, et des vertus malheureusement plus rares en« core que l’esprit et les talens, C’est adoucir les regrets de ses amis, de ses cas marades dont il étoit chéri, que de faire connoître les droits qu’il avoit à l'estime publique, et les es- pérances que tous avoient conçues de ses talens, de ses succès et de son ardeur infatigable pour le travail, | Jean-Baptiste-Louis Faivre naquit à Paris, Tome 1. Q 242 Biographie: le 13 avril 1766. Jean - Baptiste Faivre son père, le destina de bonne heure à embrasser larchitec- ture qu’il pratiquoit lui-même, et J. F. Loir sa mère, douée aussi d’un lil mérite , fit germer dans son cœur, dès les premières années, le goût des arts et de l’étude dont elle avoit hérité de ses ancêtres. Elle étoit petite-fille de Nicolas Loir, connu avantageusement dans l’Ecole française par plusieurs plafonds qu’on voit encore avec plaisir au palais des Tuileries et au château de Versailles, et arrière-nièce du celèbre Girardon , sculpteur , dont le ciseau a produit le mausolée du cardinal de Richelieu et tant d’autres chefs-d’œuvres. Le jeune Faivre fit des progrès rapides dans Île dessin, et fut bientôt présenté comme élève à l'Académie d'Architecture, parle citoyen Trouard, Vun de ses membres. Le citoyen Paris, membre de la même Académie, et célèbre Dessinateur(r), seconda de tout son pouvoir les dispositions du jeune Faivre son parent, et c’est particulièrement sur les dessins précieux de cet habile maître et par ses conseils , qu’il acquit bientôt cette finesse et cette légéreté si nécessaires pour bien rendre à la plume et au lavis les détails de Parchitecture ; il lui ins- pira également ce goût pour l'antique, et cettepas- M (x) Depuis long-temps on ne voit plus rien paroître de cet artiste, digne de servir de modèle par ses qualités so- ciales, la multiplicité de ses connoissances et l’étendue de sestalens, J’ai peu rencontré d'hommes qui réunissent à la pratique des arts, un esprit aussi aimable et aussi eul- tivé. A.L.M. Notice sur Faivre, 243 sion des recherches et des études relatives , qui, si elle n’est pas une preuve infaillible du talent , est au moins un des plus grands moyens de acquérir, Faivre n’avoit encore que 20 ans lorsau”il remporta, en 1786 , la première médaille des prix d’émulation 2 elle fut bientôt suivie de six à sept autres , et enfin il obtint, et sur-tout mérita Je grand prix d’archia tecture en 1789 ; le programe demandoit des écoles de médecine, Ce fit vers la fin de cette année qu’il partit pour l'Italie > Ce but désiré de tous les artistes, et où ils s’'empressent d'aller puiser des sou- venirs délicieux pour le reste de leur vie, Arrivé à Rome > avec une habitude du travail déjà contractée dans l’âge de la dissipation, Faivre se livra à l’étude avec une nouve'le ardeur : Jes Monurrens anciens, les musées ; les campagnes de cette ville célèbre, attirèrent ses regards curieux , enflammèrent son imagination , exercèr-pt son ju- gemeni et ses crayons : ce fut au Panthéon qu'il rendit son premiet hommage ; il en leva et mesura le plan et toùs les détails. Les pensionnaires étoient encore frappés de la Mort du jeune Drouais , qu’ils avoient perdu l’an- née précédente ; et si les peintres sentoient plus vi- vement la perte de cet émule > dont les essais avoieñt été pour ainti dire des modèles pour eux ; les architectes ponvoient concevoir du jeune Faivre une semblable espérance pour leur art, en Voyant réunir dans sa personne la méme ardeur au travail, de grandes dispositions et des moyens Q 2 244 Biographie. de fortune qui lui permettoient de ne rien ÉPRrete pour porter ses études à la perfection. Après un séjour de trois annécs à Rome , et mal- gré les obstacles que la révolution française com- mençoit à apporter aux voyages en pays étrangers, limpatience de cet artiste, auquel Rome ne suf- fisoit plus, ne lui permit pas de différer son voyage de Naples et de Pestum ; il vouloit même aller jusqu’en Sucile. Il obtint par le citoyen Makau, alors ministre de France à Naples , la permission d’y satisfaire sa curiosité 3 il partit avec un de ses camarades peintre ur , devenu son ami intime ; il par- tagea avec lui tous les événemens , toutes les jouis- sances du voyage. Ils entrèrent dans Naples au mo- ment même de l’éruption du Vésuve et à l’arrivée de la division commandée par legénéral Latouche , deux événemens mémorables dans l’histoire de la pature et dans celle des peuples. L’assassinat de Basseville lorsqu’il revint à Rome , obligea tous les Francais de s’exiler. Ge ne fut pas sans danger, et sur-tout sans regrets que les deux amis s’en arrachèrent. Ils retrouvèrent à Florence, dans l'accueil du ministre français, sureté, protec= tion, et aussi le bcenheur de l’etude. Faivre n’y vit point sans admiration l’architecture si imposante de cette ville superbe, non plus que les chefs-d’œuvres nombreux dont sa célèbre galerie est eurichie. Yenise, Padoue, Vicence, Véronne, Bologne et (2) Le citoyen Gounod , pensionuaire de [Académie de peinture. se / Notice sur Faivre. 245 Gènes frappèrent successivement ses regards. Le tra- vail attisoit son ardeur ; et l’Italie n’ayant plus d’ob- jets nouveaux à lui offrir, il voulut visiter encore la Provence et le Languedoc. Marseille, Aix , Saint- Remy, Arles, Nimes , lui présentèrent des objets d’étude et d’observations, et il revint à Paris en 1793, ayant à vingt-sept ans recueilli la plus riche moisson d’études qu’un artiste de son âge puisse am- bitionner ; personne aussi n’étoit plus fait pour en jouir : il trouvoit, si jeune encore, dans le sein de sa famille , dans la société d’un petit nombre d’amis e: dans l’abondance de ses porte-feuilles , un bonheur qu’on ne croiroit fait que pour l’automune de la vie; mais une application d’esprit trop constante rendit ce bonheur peu durable. En vain cherchoit-on à le distraire ou l’engageoit-on à se donner quelque re- lâche. Faivre ne voyoit dans son art qu’un champ vaste et sans limites, et ne paroissoit pas songer que les forces humaines ont un terme. Il ne se plaisoit que daws son cabinet, dont il avoit fait une espèce de muséum, Là, entouré de livres, de gravures, de médailles, de tableaux , de sculpture, il ne pouvoit assez repaitre son esprit et ses regards de tous les fruits du génie qui lui retraçoient les plus beaux mo- numeps de l’antiquité. Il ne comptoit enfin ses heures que par l’étude et le travail, abrégeant, pour s’y livrer, celles mêmes du repas et du sommeil ; ou si la Nature vaincue l’avertissoit de prendre quelque dé- lassement , il ne le trouvoit que dans les conversa- tions savantes, dans des lectures utiles ou dans le commerce des Muses, qui ne lui étoit pas non plus Q 3 246 Biographie. étranger. Parmi quelques vers sans prétention qui lui sont échappés, on ne citera que ce quatrain , qu’il mit au bas du portrait de sa mère, dessiné de sa main ? Ab ! si de tes vertus fidèle imitateur, Ainsi que de tes traits je présentois l’image, Tu pourrais dire un jour, en voyani cet ouvrage Le peintre étoit mon fils, c ’est moi qui suis l’auteurs Le Gouvernement proposa successivement des prix aux architectes pour les projets d’une colonne à éri= ger aux défenseurs de la patrie, et d’un monument friomphal pour Ja place des Püctoires. Le jeune Faivre concourut deux f'is, et il obtint deux cou= ronnes. On voyoit dan: l'hôtél- de-ville de Marseille, patrie du céièbre Puget, une cheminée , ouvrage de cet artiste, à la fois architecte, peintre € el sculpteur 3 ce m opument ayant été détruit dans le cours de læ révolution, on proposa aux artistes de le remplacer, Faivre envoya un projet ; il s’occupoit à refaire ce dessin pour dissiper les langueurs de sa maladie, et c’est le dernier qui soit sorti de ses mains; il suce comba le 18 germmiual ,n ayant pas, encore atteint sa trente-deuxième année, Une parlie des indemnités que la république a fait donner par la cour de Rome aux artistes pen- sionnaires qui avoient éprouvé des pertes par suite des troubles que causa l’assassinat de Basseville , fut consacrée par le jeune Faivre, à l'exécution du mo- dèle du premier prix qu’il avoit remporté pour le monument triomphal de la place des Fictorres, Lo Notice sur Faivre 247 dont on a déjà parlé ; ce modèle sera achevé par les soins de son père et de son frère, et réuni aux ou- vrages d’arts à la prochaine exposition qui aura lieu au Louvre. l … Ainsi le public appréciera ce que les arts ont perdu; et les compagnons d’étude, les amis de Faivre, pour- ront peut-être encore se dissimuler un moment cette perte en voyant ses ouvrages exposés parmi les leurs. Il n’appartient qu’à ceux qui ont vécu dans son inti- mité, de regretter en lui un modèle de piété filiale et de tendresse fraternelle (2). | Le Granp, Architecte. (2) J’ai été lié avec J. B. L. Faivre, depuis letemps où il est sorti de l’enfance; j’ai connu sa respectable et intéressante mère, et son père qui lui a survécu ; son frère est mon ami : mais çe ne sont pas ces liaisons qui me font confirmer le jugement que le citoyen le Grand porte de ce jeune artisie ; tous ceux qui l’ont evnnu out pensé de mème , et c’est pour moi une satisfaction de contribuer à adoucir les regrets de sa fa- mille en honorant sa mémoire , et en rendant un juste hom- mage à ses aïmables qualités et à ses rares talens. « À. L, M. Q 4: mt au emmener ru de Een, Le dé Le. : Lamine vero sncf BIBLIOGRAPHIE. Nore sur Pexemplaire acquis récemment par la Bibliothèque Magnarine , de L’Acerba de Cecco d’'Ascoli, seconde édition de 1478. L'ivrérér PRHENIÉE que je prends à la biblio- thèque Mazarine, m’a fait voir avec une très-srande satisfaction, l’exempl'ire qu elle vi-nt d’ac quérir de la seconde édition de lÆcerba de Cecco Esculano, ou Francesco Degli Srapirr, Ascolano, faite à Ve- nise , cur@ Phelippi-Petr Venetr et Bartholomæti Thei Camoani ponticurvensis ; en 1478, 67. nonas matas, in-4°. , beaux caractères ronds (1). L’exemplaire provenant de la bibliothèque des Petits- Pères de la place des Victoires , est beau et bien conservé. | Je qualifie seconde cette édition de 1478, parce que je regarde comme chimériques les trois citées sur la foi d’Appiani, par le P. Niceron et le comte Mazzuchelli ; savoir, une de Venise, £n-4°., sans date ; l’autre cn Bessalibus à Philippo Petro l'eneto , etc. 1458, aussi &2-4°,, qui ne doit évi- demmeni l'existence qu’à la date 1458 au lieu de 1478; et la troisième de Venise, per Maestro Phi- (1) Les feuillets de cette belle édition ne sont pas chiffrés ; mais elle a des signatures depuis a jusqu’à o inclusivement: elle a aussi des réclames à la fin de chaque cahier. La sous- cription s’y trouve au quatrième feuillet recto de la signature e , dont le verso est tout blanc, Note sur la sec. édit. de Cecco d’Ascoli 249 dippo de Piero , 1475. La première de toutes est celle de Venise per Maistro Philippo de Pcero, 1476, én-4°. , rarissime , dont la bibliotheque im- périale à Vienne possède un exemplaire, au rap- port de l’abbé Denis, pag. 59, n°. 388 de son sup- plément à Maittaire. Ceite seconde édition de 1478 est partagée en quatre livres, de même que celles de Venise per Thomam de Alexandnä , 14813; les deux de la même année 1484, Venise, Bapt. de Tortis, die 12 februarit , et Milan, Ant. Zarottus , die 18 mais ; celle de 1487, à Venise, per Bernardinum de Novarië , et autres ; au lieu que dans les édi- tions postérieures , le poëme est partagé en cinq livres, parce que l’on y a fait un cinquième livre des deux derniers chapitres du quatrième. L’exemplaire de l'édition de 1478 ; acquis par la bibliothèque Mazarine, a un prix de plus que les autres, par l’addition que l’on y a faite d’une co- pie de la sentence prononcée par l’{nquisition de Florence contre l’auteur , le 15 septembre 1327, laquelle fut exécutée le même jour. Si cette sentence ma pas été imprimée , la copie que l’on’en a ici est précieuse, parce que l’on y voit un détail cu- rieux des différentes accusations formées contre Cecco d’Ascoli , tant à Bologne où il s’étoit retracté et sou- mis, qu’à Fiorence où il fit condamné comme re- laps (2). Niceron , tem. XXX , pag. 73 de ses mé- (2) Les biographes de Cecco disent bien qu’un des chefs d'accusation contre lui , fut qu’il avoit soumis Jésus-Christ à l’empire des astres , dout les influences ayoient dirigé la nais+ 250 _ Bibliographie. moires, paroït avoir vu cette sentence 5 mais il est évident qu’il n’en avoit lu qu’un extrait informe. Après avoir rapporté qu’un des chefs d’accusation contre Cecco , étoit d’avoir enseigné « que, sui= » vaut la doctrine d’Hermès , quelques esprits qui éloient dans la première ne , (étoient sou- mis aux enchantemens » et qu’on pouvoit, par »* leur moyen , faire des choses merveilleuses, » Ni- ceron ajoute qu'il west pas fait mention de cet article dans les actes de sa condamnation ; ce qui est très-vrai : dans toute la sentence, il n’est ques- tion qu’une fois d'Hermès, savoir, au feuillet second du manuscrit, où Cecco avoue qu’il a enseigné que « Dell ottava sfera nascano huomini felici di » Divinita , à quali sû chiamono dynabet, & » quali mutono le leggi secondo piu à meno, » come fu Moise , Ermete , Merlo, e Simon » MAS ; » circonstance dont ne parle pas Niceron : mais ce qui me persuade que ce Barnabite n’avoit vu que des extraits de la sentence dont il s’agits c’est qu'après avoir cité l’Æcerba , le commentaire sur la sphère de Sacro Bosco, et un sonnet italien sance , la vie et la mort; mais ils ne parlent pas d’un article concernant l’Ante-Christ , dont Cecco avoit dit qu’il « Era * per venire in forma di buon soldato, et accompagnato nobil- * mente, ne verra in forma di poltrone come venne Christo, »* accompagnato da’ poltront , » ( feuillet second, verso de la copie ). Les biographes ne parlent pas non plus du moyen astrologique employé par Cecco, pour expliquer le commerce. criminel d’une femme avec un homme , etc. etc. Toutes ces réticences me confirment dans l’opinion qu’ils n’ont pas lu Ia sentence toute entière, Note sur La sec. édit, de Cecco d'Ascoli. 256 de Cecco d’Ascoli, il se contente de dire que celui- ci composa encore plusieurs ouvrages qui n'ont point vu le jour. Or, si Niceroû avoit vu la sentence entière , il y auroit lu que Cecco d’Ascoli, prié par uu Florentin de lui expliquer le livre d'Alchabit trai- tant désegni e congiuntione dé signi della natiwita degl huomins , .…. insegno al detto Florentino trovare un certo comento, il quale L’istesso maëes- 10 Cecco fece sopra il me“esimo libro , stimolan- dalo che procurassi d’haverlo. Ce con men= taire sur le livre des nativités d’Alçhabit par Cecco, Niceron n’auroit pas manqué de l'indiquer distincte- ment , s’il avoit eu sous les yeux la sentencé en« tière. J’en dis autant de Mazzuchelli, qui donne les titres de plusieurs ouvrages manuscrits de Cecca d’Ascoli, sans dire un seul mot de son commentaire sur À lchabit. 1e | Je pense donc que quand même cette sentence auroit été imprimée, soit en entier, soit par €x« trâits, la copie qui se trouve à lafin de l’exemplaire de la bibliothèque Mazarine en augmente certaine- went le prix, parce que les livres où la sentence pourrait avoir été impriniée sont peu connus (3). Quoi qu’il en soit, je ne dis rien ici de la vie de Francesco Degli Stabili, parce que ce philosophe malheureux a un bon article dans le tome XXX, pag. 166—185 des Mémoires du P. Niceron ,et dans (3) L’abbé Nicolas Rossi, mort à Rome en 1785 , possé- doit aussi une copie mabuscrite de cetle sentence. Voyez le catalogue de sa bibliothèque asquise par Ja maison Corsiui, imprimé à Rome en 1786, in-80. , 228: 40 » n°. 403. 252 _ Bibliographie. les Scriütort d'Italia de Mazzuchelli, tome I, part. 2, pag. 1151—1156. J’observe seulement qu’il y a, dans ces articles, quelques légères méprises, telles que celle où Niceron rapporte ( pag. 177) un passage de {a Cité des Dames, par Catherine de Pisan, où il est question de Cecco. Niceron devoit dire Christine, et non pas Catherine de Pisan , et Mazzuchelli ne devoit pas ajouter une seconde faute à la première, en nommant (pag. 1153 , note 11) Caierina da Pisa,cette femme célèbre, sur laquelle ou pent lire un bon précis de sa vie et de ses écrits par l'abbé Lebeuf, en tête de l’extrait étendu de la vie de notre roi Charles V , dans le troisième volume des Dissertations sur l'Histoire ecclésiastique et civile de Puris, publiées par ce laborieux Acadé- micien en 1743, én-12. Dans le passage de Christine, rapporté par Niceron, elle jobserve que Cecco, en un chapitre dit des Femmes,moult.de abominations merveilleuses plus que nul.autre. J'ai été curieux de voir cet ar- ticle dans le Poëme de Cecco ; je l’ai donc cherché, et trouvé dans le huitième chapitre du quatrième livre , feuillet 8. de la signature MZ , où , enire autres choses injurieuses au sexe , on lit : Femina che fece menda, et che fera Radice e ramo e fructo dogni male, Superba et avara, scioccha el austera , Veneno che avenena il cor del corpo y t Viainiqua, porta prava , infernale Quando se penge punge piu che Scorpo. € PRET OO Note sur La sec. édit. de Cecco d'Ascoli. 153 Tossico dolce, putrida sentina , rma del Diabolo et gran flagello , Prompta nel mal st perfida assassina , Luzxuria maligna molle et vagha Conduce l’homo ad fuste et a cappello Gloria vana st insanabil piagha. Niceron dit encore pag. 169, que Cecco « fut ap- pelé à Bologne, où on lui donna de gros appoin- » temens pour enseigner la Philosophie et l’Astro- logie , quoique ce poëte eût fort mal parlé dans » son poëme,du peuple de cette ville. » C’est au chapitre quinzième du livre second , intitulé : De luxurià , feuillet E ïüj de l’édition de Venise, 1478, que je trouve l’apostrophe suivante : « O Bolognesi, o pur alme di focho , A picchol tempo vegnertiti al ponto [2 è Che cadera Bologna a pocho a pocho ; » Hor ve ricorde chel divino archo » Ogni peecalo con la pena ha gionto [2 Et aspeclando assai piu sefa carcho, » Mazzuchelli rapporte ces vers (pag. 1152, note 4), qu'il dit être du chapitre XIII, sans indication du livre , et il les rapporte avec des différences , en changeant l’orthographe ancienne. Je ne finirai pas cette note sans avertir que Jean Lami , dans le catalogue des manuscrits de la biblio- thèque Ricardi à Florence, imprimé à Livourne en 1756, in-folio , publie (pag. 235 et 236, d’après un manuscrit de cette bibliothèque) un précis histo à54 Bibliographie. | | rique des deux procès faits à Cecco, tant à Bologré en 1324 , qu’à Florence en 1327; et qu’à la page 29 il rapporte un sonnet italien de Mucio de Ravenne à la louange de Cecco, qui y est porté aux nues, et loué avec autant d’excès, qu’il fut invectivé et mal- traité par ses ennernis: - -Je noterai encore que la bibliothèque de Nani à Venise possède un opuscule italien écrt sur la fin du dernier siècle, peut - être par Bernard Benvenuti, prieur de Sainte-Félicité, dans lequel l’auteur ano- nyme décrit, d’après les idées que l’on avoit données du pouvoir magique de Cecco , plusieurs de ses tours et de ses métimorplioses magiques. À Florence, Cecco fit croire à un Barbier qui venoit de le raser, qu’il lui avoit coupé la tête : une autre fois, dans une place publique, il fit paroître un nuage comme descendu du ciel avec un moine et une religieuse, etc. etc. Voyez le catalogue des manuscrits italiens de Nani, par le docte Jacques Morelli, £n-4°: page 100. P. S. La bibliothèque Mazarine possédoit déjà deux éditions de l’Acerba de Cecco d’Ascoli : celle de Milan , Joan.-Angelo Scinzenzeler , 1521 , Ædi 23 de Zenaro , ün-4°. de 76 feuillets chiffrés ; ét celle de Venise , sans nom d’imprimeur, 1624, Adi 20 Auosto ;, in-8°. de 128 feuillets. Ces deux édi- tions sont en caractères ronds, ornés de mauvaises figures en bois , et les deux premiers livres seuls y sont accompagnés d’un commentaire de Nicolas Masset:, de Modène, qui a encore ajouté une ex« Note sur la sec. édit. de Cecco d'Ascoli, 255 Plication au Sixain du chapitre XI, quatrième livre, commencant par les mots : Ben si vorria » feuillet 70 de l’édition £n-40, » et feuillet 118 de celle n-go. Dans toutes deux » le poëme est divisé en ctng livres, parce que, du dernier chapitre du quatrième livre intitulé : Della nostra sancta Fede , on y a fait un cinquième livre, en ajoutant à ce Chapitre-]à Qualorze vers sous le titre : Conclusio hujus operis , "Cap. ultimo ; lesquels quatorze vers ne sont pas dans l'édition de 1478. L'édition én-40. de 1521 fourmille dé fautes gros- sières d'impression » quoique dans le titre on lise : & Cecco d’Ascoli. revisto er emendato, da multa & sn correctione extirpato , etc. » Celle tn-8°, de 1524 paroît moins incorrecte ; mais il s’y trouve encorè bien des fautes, malgré Pavis au lecteur qui est un verso du frontispice : avis qui ne se trouve pas dans Pin-4e. de r52r , et dans lequel on prétend avoir corrigé les fautes des éditions précédentes ; ensorte qu’à l’aide d’anciens exemplaires, le poëte est re- devenu ici /ucido , chiaro et éntelligibile. Dans ces deux éditions » l’ordre des chapitres de chaque livre du poëme est le même ; mais il diffère de celui de l'édition de 1478. Par exemple, les vers injurieux au sexe s’y trouvent au chapitre XI du quatrième livre ; au lieu que daus l'édition de 1478, ils sont, comme je l’ai observé > au builième cha pitre. De même, l’apostrophe aux Bolonois > que j’ai Copiée du chapitre XV du livre second, édition de 1478 , se trouve dans nos deux éditions de 1521 et de 1524, au XIIle, chapitre du troisième livre. En 256 | Poésie. outre, le texte a subi des changemens dans ces deux éditions où je lis : O Bolognest anime d£ fuoco ! etc, de même qu’a lu Mazzuchelli qui paroît n’avoir vu qu’une de ces éditions du $eizième siècle, totalement différentes de celles de 1478, et sans doute aussi des autres du quinzième siècle. Ce détail que la crainte de fatiguer le lecteur m'empêche d’étendre encore , servira également 4 rectifier les méprises de Niceron et de Mazzuchelli sur l’ÆAcerka de Cecco, et à prouver que l’on se fourvoie presque toujours quand on parle des livres et de leurs diverses éditions sur parole, et sans les avoir Vus par soi-même, S. 177: Paris, 28 germinal an VI. PO SES LE Œurrres d’Horace , traduites en vers par Prerre Danru. À Paris, chez De Mailly , rue de la Perle, n°. 470. 2 vol. in 8”. Le juste succès de la traduction des Géorgiques de Viyile par Delille, a inspiré une noble émulation aux gens de lettres : plusieurs ont entrepris des tra ductions en vers de Théocrite, de Sophocle, de Juvenal, de Tibulle , d’Ovide , de la Jérusalem délivrée , . Traduction d'Horace. 257 délivrée ; et de divers poëtes célèbres anciens et étrangers (1). L'ouvrage que nous annonçons contient la tra- duction des Oces et des Epîtres d’Horace , ainsi que de son Art poétique. Le talent que montre le tra- ducteur nous fait désirer qu’il y joigne la traduc- tion des Satyres. Le citoyen Daru a pris une épigraphe modeste qui lui fait honneur. = ÆRumanæ fidicen lyræ , Quod spiro et placeo ; ( si placeo ) , tuum est. On lira aussi avec plaisir les vers suivans, qui se trouvent dans son épitre dédicatoire : Mais si, des destins ennemis, Vous éprouviez un jour la haine, Songez que ces momens de peine Appartiennent à vos amis. Daignez songer qu’un cœur fidelle, Nourri par les neuf doctes Sœurs, Sait de la fortune cruelle : Mépriser les biens , les rigueurs, Et ne sait pas changer comme elle, Ces vers plairont à toutes les ames sensibles , et rappelleront, 1°. l’Elégie que Lafontaine fit en fa- veur de Fouquet mis à la bastille ; 2°. et le trait (1) On dit même qu’un poëte travaille à la traduction de la Pædotropie de Sainte Marthe , et il seroit à souhaiter qu'on nous donnât quelque jour une traduction en vers français, de l’art poétique de Vida. Tome I. R 258 Poésie. de Sruderi , auteur d’Alaric , qui, ayant dédié son poëme à un écrivain devenu malheureux , laissa subsister sa dédicace ,; qu’on lui proposoit de re- trancher pour choisir un protecteur plus puissant , et déclara qu’él ne détruirout jamais l'autel sur lequel il avoit sacrifié. Le traducteur rappelle dans sa préface , écrite avec goût et avec esprit, ceux qui ont donné des tradu-tions d’Horace en vers. Il y parle avec éloge d’une traduction en vers de ce poëte , faite en 1789. Il auroit dû indiquer chez quel libraire elle a paru. Je ne sais si c’est celle q:’a publiée le citoyen Le- fevre de la Roche, et qui n'a été distribuée qu’à ses amis. Parui ceux qui ont suivi ka même carrière , le citoyen Daru a oublié, 1°. la traduction du pre- mier livre complet des Odes d’Horace, faite par le citoyen Didot l’ainé, qui a paru en l’an V ; 20. les traductions faites par la Harpe , par D. P. ( du Poirier ) , et par un grand nombre de gens de leitres ,; de plusieurs Odes ; 3°. les imitalions qu'ont publiées les citoyens Ximenes et Cerutti; 4°. les traductions que les citoyens Andrieux et Collin - d'Harlsville ont faites de Beatus ile gus procul negotius. Ai auroit été à souhaiter que le citoyei Piuot ’ainé continuât son travail , nous au- rons eu plusieurs traductions estimatles d’Horace, No:s ne pouvons nous em;jêcher de citer ici les veis suivans du citvyen Didoi, qui forment le com- PT TT Traduction d'Horace. 259 mencement de sa traduction de la septième Ode : _ Laudabunt alii claram Rhodon , etc. D’autres célébreront Ephèse ou Mitylène , Rhodes que dans son île admire l’univers 7e L’orgueilleuse Corynthe assise sur deux mers î Du berceau de Bacchus Thèbes encore plus vaine, Tempé dont Flore habite et chérit le vallon 4 Et Delphe où retentit l’oracle d’A pollon, Ces beaux vers, et ceux où nos poëtes ont décrit d’une manière brillante, des pays, des climats et° les mœurs de divers peuples, mériteroient d’orner nos géographies, pour en corriger la sécheresse ; ils auroient d’ailleurs Pavantage de faciliter l’étude de cette science importante. Nous ne parlerons aujourd’hui que des Odes tra- duites par le citoyen Daru : les pères de famille lui sauront gré d’avoir adouci quelques traits dangereux, et Supprimé deux Odes par respect pour les mœurs, en suivant le sage principe de Quintilien : Hora- tium in quibusdam nolim interpretari. On ditque Wieland , dans sa traduction d’Horace en verts ai- lemands , n’a pas toujours ea cetile sagesse, La traduction des Odes par M. Daru, nous a paru en général élégante, et supérieure à celles qui ont paru jusqu’ici. L’homme de lettres, qui fait ses délices de la lecture du Pindare latin » regretteræ nécessairement des beautés quelquefois omises, et quelquefois rendues foiblement ; mais s’il est juste, il w’oubliera jamais combien un pareil ouvrage pré- R 2 260 Poésie. sente de difficultés, et il trouvera assez de mérite à la traduction pour la lire avec plaisir, et pour engager l’auteur à la perfectionner, en consultant des amis sévères. Le lecteur peut juger si noS éloges sont fondés par cetie traduction faite par le ctoyen Daru , de la troisième Ode du quatrième livre : Quem tu ; Melpomene ; semel nascentem pla- cido lumine videris 3 Etc. Celui que tu vis naître avec un œil pro’ices Nira point, Melpomène, au milieu dela lice , Conquérir des lauriers : On ne le verra point, guidant un char rapide, Ramener eu Vainqueur ; des plaines de V’Élide, Ses dociles coursiers. Mars ne le verra point monter.au Ca,itole, Après avoir puni la menace frivole Des rois présomptueux ; Mais plutôt de. Tibur cherchant les doux ombrages, JL fera retentir ses aimables rivages De chants mélodieux. Rome , parmi les chœurs des fils de l'harmonie , Rome a margué (2) ma place; et déjà de l’envie Je méprise les coups (3). , (2) J’aimerois mieux substituer daigne marquer s pour rendre dignatur : On pou roit alors supprimer plus bas le mot daigner , en meltani : Tu veux bien me prêter ta igre enchanteresse, au lieu du vers : Tu daignes accorder ma lyre enchanteresse. (3) se proposerois de subetituer ressens moins Ei jem pente MINUS mordeor invido, Traduction d'Horace. 261 Aux muets habitans de l’Empire liquide , Tu peux donner du cygne , aimable Piéride, Les accens les plus doux. Tu daignes accorder ma lyre enchanteresse , Et je vois sur mes pas la foule qui se presse Pour contempler mes traits. Le premier des Latins, je maniai la lyre ; Si je vis pour la gloire , et st Rome m’admire , Ce sont là tes bienfaits. Cette traduction seroit encore plus fidèle en met- tant sc Le premier Latin , au lieu de Le premi®æ des Latins. Cette Ode est pleine de modestie, et peut servir d’excuse à l’exegi monumentum. Aussi admire ,' dans l’avant-dernier vers, est peut-être trop fort, ainsi que le mot enchanteresse. Il nous seroit facile de multiplier ici des cita- tions qui feroient honneur au citoyen Daru; mais nous croyons que cette Ode suffit pour que les amateurs de la poésie puissent juger par eux-mêmes, et nous les prévenons que cette Ode n’est pas la mieux traduite du recueil. : Voici quelques passages que nous engageons l’au- teur à retoucher. Nous croyons que, dans l’Ode éntactis opulentior thesauris Arabum , on ne doit pas dire: Quand tu posséderois les trésors de l’Asie Qu’ont eneor épargnés les crimes des Romains. Cette expression descrimes des Romains appliquée R3 262 Poésie. à la spoliation des autres nations, me paroît une idée des modernes , qu’Horace r’avoit peut-être pas, et qu’il n’auroit certainement point présentée sans -ménagement à ses compatriotes : «mtactis est beau- coup plus doux. On connoît ce beau vœu du carmen seculare , vœu que chaque bon citoyen doit former pour son pays : Di ! probos mores docili juventæ , + Dis ! senectuti placidæ guietem , Romulæ gent: date , remque , prolemque » Et decus omne. Le citoyen Daru le rend ainsi: Dieux protecteurs ! donnez des mœurs et des vertus A notre docile jeunesse ; Accordez le repos à la froide vieillesse , Le bonheur et la gloire aux fils de Romulus. Il me semble que le mot de froide vieillesse rap- pelle ici des idées tristes ; et que par placidæ Horace a voula exprimer le calme que la vieillesse doit à l’exemption des passions : j’aimerois donc nieux substituer au mot de frocde, celui de sage, ou tout autre qui rendroit la vieillesse intéressante. Le vers, nos humilem feriemus dgnam , est rendu äinsi: Et moi, je vais offrir. le sang d’une génisse. L’humilem mériteroit d’être exprimé : il rend le sacrifice plus touchant, et feroit d’ailleurs disparoître CE, PEN Traduction d'Horace. 263 le mot de sang qui souille les vers! et qui malheu- reusement ne manque à la langue d’aucun peuple. Natis ad usum lætitiæ scyphis Pugnare Thracum est. Combattre avec les pots destinés aux festins, C'est imiter le Thrace et ses fureurs cruelles.| Le mot pot ne peut pas entrer dans des vers , et sur-tout dans une Ode. Ces taches peuvent dispa- roitre aisément. .... Opere in longo fas estobrepere somnum ; Verum ubi plura nitent in carmine , non ego paucis Offendar maculis. On connoît l’art admirable avec lequel Lafontaine a présenté l’idée de eux por cassé, dans Philemon et Baucis. Baucis en appuya les débris chancelans Dés débris d’un vieux vase , autre injure des ans. Voilà un modèle que nos poëtes doivent étudier sans cesse, ainsi que Boileau et Racine. Cette traduction , qui présente en regard Pau- teur latin , est bien imprimée et peu coûteuse. C’est un nouveau mérite de l’auteur, d’avoir mis son ouvrage à un prix accessible au plus grand nombre des hommes studieux. Nous pensons que les amateurs des lettres éprouveront de la satis- faction en lisant cette traduction, et doivent en- courager l’auteur. Enfin, l’ouvrage nous paroît de- voir être utile aux pères de familles , aux ins- tituteurs et à la jeunesse. A. M. H.B. x RES DROIT CETTE SRE EG + N'°O-U:V ‘EL: T'E*S"” E T CORRESPONDANCE LITTÉRAIRES. Norrce des travaux de la classe des sciences Physiques et Mathématiques , pendant le de.æième trimestre de l’an VI, par Le citoyen Lerërre GINEAU. PARTIE MATHÉMATIQUE. Le citoyen Flaugergue , associé, a fait part à la classe des sciences Physiques et Mathématiques , de plusieurs observations de Physique générale, et lui a envoyé une table calculée par lui, des solides sy- métriques qui peuvent être inscrits dans une sphère. Le citoyen Lalande a lu la description d’un Zo- diaque sculpté sur le portail de l’église de Stras- bourg. Il le compare avec ceux de Notre-Dame de Paris et de Saint-Denis, et avec celui qu’on voit sur de très-belles heures qui sont à la Bibliothèque na- tionale. Il explique la cause de quelques différences dans les signes et dans les tableaux des opérations agricoles qui accompagnent chaque signe. Le même auteur a présenté la notice imprimée de l’histoire de l’Astronomie pour Pan V. Il y rend compte de la découverte de quatre nouveaux satel- lites de la planète Herschel, et des résultats où est arrivé le citoyen Lefrançais dans son travail de la Nouvelles littéraires. 265 description du ciel : déjà le nombre des étoiles qu’il a observées, est de 44 mille. Il a aussi présenté une table propre à régler les horloges sur le temps moyen: on retrouve cette table dans la nouvelle édition des Traités de la Sphère et du Calendrier, par Rivard, que le citoyen Lalande vient de publier. Le citoyen Thulis a communiqué les observations météorologiques qu’il a faites à Marseille depuis plusieurs années. Le citoyen Prony a rendu compte du travail de la commission chargée par l’Iustitut , de faire des re- cherches sur les moyens propres à sauver, lors d’un incendie , les personnes qui seroient enfermées daus la maison en feu. Le citoyen Rochon a lu un mémoire sur la pré- paration et l’emploi des gazes métalliques recouvertes d’un enduit solide et transparent. Ces gazes sont un moyen de suppléer les cornes à lanternes dans la construction des fanaux de soute, d’entreponts, de combat. Le modèle du fanal a été mis sous les yeux de l’Institut. - Les matières qui fournissent l’enduit sont la colle de parchemin, la colle, les vessies à air, et les meme branes de poissons. On le garantit de l’action de Phumidité par Phuile de lin rendue siccative, Dans un autre mémoire imprimé , le même au- teur développe l’utilité des méihodes graphiques pour la détermination des longitudes en mer, par les dis- tances de la lune au soleil et aux étoiles. Il est à désirer que l’instruction mathématique se répande assez dans la marine , pour que les méthodes gra- phiques cessent d’y être. nécessaires, En attendant 266 Nouvelles littéraires. que ce vœu s’accomplisse, le citoyen Rochon donne , AUX navigateurs deux cartes et une table , à laide desquelles ils pourront trouver , presque sans calcul, la distance vraie de la lune au soleil ; d’après la dis- tance apparente observée » El par cette méthode gra- phique obtenir la longitude du vaisseau, Le citoyen Laplace à lu un mémoire sur les équations séculaires du mouvement de la lune, de son apogée et de ses nœuds. La comparaison des observations modernes avec celles des Chaldéens et des Arabes, avoit fait con- ncitre l’accélération du moyen mouvement de la lune; mais on n’avoit soupçonné aucune variation: dans les moyens mouvemens des nœuds et de l’apo- gée. Le citoyen Laplace, après avoir trouvé la cause de l’équation séculaire des mouvemens de la lune, a reconnu que le mouvement des nœuds et celui de Papogée se ralentissent, tandis que celui de la lune s'accélère : d’où il résulte que le mouvement sécu- la re de la nomalie de nos tables lunaires doit être augmenté de buit minutes et demie ; et que dès aujourd’hui il faut, dans ces tables, augmenter l’ano- valie de quatre minutes, si on veut leur conserver le degré de précision qu’elles avoient vers 1750. Le citoyen Laplace soumet ensuite à l’analyse la résistance de léther et la transmission successive de la gravité. Ces deux causes hypothétique: , ima- ginées pour expliquer les variations du mouvement de la lune, lorsqu'on n’en savoit pas encore la vé- rilable cause, ne produisent aucune altération sen- Nouvelles littéraires. 267 sible dans les mouvemens des nœuds et de l’apogée ; ce qui suffit, ajoute le citoyen Laplace, pour les exclure , puisque le ralentissement de ces mouve- mens est bien constaté par les observations. Le 29 Nivôse dernier, vers une heure trois quarts, le citoyen Dangos , associé, vit sur le disque du soleil, un point noir qu'il prit d’abord pour une tache. À une heure 58 minutes, sa distance au bord du soleil avoit considérablement diminué. Ce mou- vement fit penser au citoyen Dangos, que ce qu’il avoit pris pour une tache étoit un astre. À 2 heures ” minutes 12 secondes et demie, le point noir était arrivé -au bord du soleil ; alors le filet de lumière qui le rasoit encore s’éteignit instantanément , phé- nomène qui ne permet guère de douter que cene soit un corps qui ait passé sur le soleil. Le citoyen Coulomb à lu un mémoire, dans le- quel il donne le résultat de plusieurs expériences des- tinées à déterminer la quantité d’action que les hommes peuvent fournir par leur travail journa- lier, suivant les différentes manières dont ils em- ploient leurs forces. Il y a deux choses à distinguer dans le travail des hommes’; l’effet que peut produire lPemploi de leurs forces, et la fatigue qu’ils éprouvent en pro- duisant cet rffet. Dans le transport des fardeaux, Peffet produit est d’autant plus grand, que le poids du fardeau à chaque voyage est plus grand , que la distance de transport est plus grande , et que le travail dure plus long-témps ; en sorte que deux 268 Nouvelles littéraires. hommes auront produit des effets égaux, si l’un d’eux a transporté un poids double à une distance simple, et l’autre un poids simple à une distance double, S:1t qu'on emploie la force des hommes à porter des fardeaux , à mouvoir des machines, à läbourer la terre ou à tout autre travail, l'effet Pourra toujours êire évalué par un poids équivalent à la résistance qu’il aura fallu vaincre, multiplié par l’espace que l’on aura fait parcourir à cette ré- sisiance pendant la durée du travail. Pour vaincre une résistance, l’homme exerce une pression sur un point qu’il met en mouvement , et la fatigue se compose de la grandeur de la pression , de la vitesse du point pressé et du temps que dure l’action ; de sorte que la fatigue peut être exprimée en nombre, par le produit d’un poids équivalent à la pression exercée, et multiplié par la vitesse du point pressé, et par le temps que dure la pres- sion. De auelle manière faut-il combiner entr’eux les différens degrés de pression , de vitesse et de temps, pour qu’uu homme , à fatigue égale , puisse four- nir la plus grande quantité d’action ? C’est a la solution de ce problème intéressant, que le citoyen Colomb applique les principes que nous venons d’exposer. Successivement il s'occupe du travail d’un homme qui s'élève par un escalier ou une rampe , ou qui marche sur un plan horizontal en portaut une charge et sans charge ; portant la charge à bras ou à dos, ou la portant sur une broueite. he he ES RSR. Sn DURS EL re Nouvelles littéraires. 266 En analysant le travail des transports , il distingue deux parties dans l’effet produit : l’une est le trans- port effectif du fardeau , c’est l’effet utile. Mais Phomme transporte aussi son propre corps avec la charge, et ensuite revient sans charge , c’est la se- conde partie de l’effet; elle exige une certaine quan- tité d’action, et par conséquent une certaine fatigue qui ne sert point du tout à l’effet utile , et qui de- voit être déduite de l’action totale, daus la déter- mination de l'effet réel , utile, résultant de cette action. Le citoyen Coulomb tourne ensuite ses recherches sur le travail des hommes appliqués au mouton pour battre et enfoncer des pilotis ; des hommes qui agissent sur des manivelles ou sur une bêche pour le labourage. Les résultäts obtenus par l’analyse de ses divers travaux , donnent des quantités d’action moins considérables que celles dont la plupart des auteurs font usage dans le calcul des machines ;' cela vient de ce que ces auteurs se sont fondés presque tous sur des expériences qui n’ont duré que quelques minutes, ef qui ont été exécutées par des hommes choisis. Le même auteur a donné une nouvelle édition de ses recherches sur les moyens d’exécuter sous l’eau toutes sortes de travaux hydrauliques, sans employer aucun épuisement. Nous désirons que les moyens proposés dans cet ouvrage reçoivent enfin leur ap- plication , lorsque le retour de la paix permettra de s'occuper de constructions d’une utilité générale 270 Nouvelles littéraires. et majeure , et dont le gouvernement seul peut et doit faire les premiers éssais. LE gouvernement a donné ordre de mettre sur les principales portes du Louvre cette inscription : Palais national des Sciences et Arts. On voit par-là l’intention où il est de consacrer entièrement ce superbe édifice à des établisseraens d’instruction publique. LA citoyenne Marie Joly , qui a joué avec beau- coup de succès les emplois de soubrettes , d’abord au théâtre français, ensuite au théâtre de la répu- blique, est morte le 16 floréal ; elle avoit débuté sur le théâtre de Versailles, avant de succéder au théâtre français, à mademoiselle Fannier, qui s’est retirée en 1784. Elle avoit épousé M. de Longbois, ‘ancien mousquetaire. Elle laisse cinq enfans. Ses deux filles aînées ont débuté à lOdéon, et anuoncent tous les talens de la mère. Elle avoit beaucoup d’es- prit et un goût très-sûr. C’est elle qui, visitant lile des peupliers à Ermenonville , suspendit des guir- landes autour du tombeau de Jean-Jacques , et y joiguit cette inscription: À J.-J, Rousseau , Marie Joly, épouse et mère. Nouvelles littéraires. 271 CHARDON-LA-lèocuzrTE à A. L. Mrrzin. Paris, 21 floréal an VI. Mon cer MILLiIn, Votre Magasin Encyclopédique deviendra l’en- trepôt littéraire, si je puis m’exprimer ainsi, de Europe , de l’A nérique et d’une partie de Asie, lorsque la bienfaisante paix aura rétabli les com- munications , et rendu la confiance et le repos aux pations , à présent ennemies cachées ou ouverles de la nôtre. Permettez-moi , en attendant cette heureuse époque, de faire à quelqu'un de vos correspondans de la république ligurieune (1), la question sui- vante : Est-il vrai que , chez les Pères Dominicains de Gènes, on conserve encore /a Queue de l’Anesse ou de l’Anon , dont Pun porta et l’autre accom- pagna Jésus-Christ lorsqu'il fit son entrée à Jé- rusalem ? Il existe un petit livre de prières, intitulé : Ofx- cium Hebdomudæ Sanctæ juxta Formam is- salis et Brevcar:: Romans, Pii V. P. M. jussu eduër , ad Fidelium devotionem excitandam , (x) Quelques-uns de nos publioistes écrivent encore Lygu- rienne , olygarchie ; olygargues. Je vous exhorte, mon cher Millin , à faire réimprimer dans le Magasin , en faveur de ceux de vos lecteurs qui ne lisent pas la Décade Philoso- phique , ia lettre ingénieuse de !’F grec , que vous y avez fait insérer il y a deux ou trois ans. 272 Nouvelles littéraires. adjunctis italico sermone declarationibus mul- tarum rerum quæ sunt et dicuntur ën earum recitatione. | Per Magistrum Hieronymum-loannem è Ca- _ pugnano ,; Bonontensem ,1nstituti Prædica- Lorum. Et in fine Psalmis pænitentialibus et oratio= nibus : aggiuntovi un breve esame della conscienza, per bene e perfettamente confessarsi. Penetiis,1636, apud Petrum Turrinum (2), petit in-12 de 334 pages. Or, dans ce petit livre , pages 11 et 12, SUF lé Dimanche des Rameaux (/a Domenica dell Olivo } on lit ce qui suit : Dalla parte d’Oriente stava il monte Oliveto, da Guerusalemme distante duo tergi di miglio, et in mexzo Loro sivedeva la valle di Cedrone, alla quale avvicinandosé ib Signore le turbe vennero ad incontrarlo quailro Giorni prima del Giovedi seguente. La Palma da cui presero L rami hoggi le turbe , per far a Iddio un testimonio degno dé cosi nobil trionfo , volsecheper Li molti secolc dapotr ancora verdegiante sù vedesse nel solito Luogo chiamato FARINGE , quantunque tutti gli altri acbert quipi tagliati fossero ; € spelti affatto , fin alie radici, mentre Gierusalemme da Tito attarniata fù con l’assedio,e distruttas (2) L’enseigne de ce libraire n’a pas été connue de Baillet: c’est, conformément à son nom, Une Tour fortifiée , du sommet de laquelle s’élance à mi-c0rps une renommée. Nouvelles littéraires. 273 Degno è ancora di sapere come LA CODA D'UNO DI QUEI DUE ANIMALI,in questo atto adoperati dal signore, SENZ A ARTE HUMANA INCORRUTIBILE SI CON- SERFA OGGIDI IN GENOA PRESSO 1 MIEI PADRI DI SAN DOMENICO , fa- cendo pia rimenbranga della humiltà c’hebbe il figliuot d'Iddio per nor in questa entrata, etc. C'est-à-dire : « du côté de l’Orient étoit le Mont » Olivet , éloigné de Jérusalem de deux tiers de » mille. La vallée de Cédron est située entre la ville et la montagne. Ce fut près de cette vallée que » la multitude vint au devant du Seigneur, quatre jours avant le jeudi suivant. » « Le Palmier qui fournit les rameaux dont on fit usage ce jour-ci pour rendre le triomphé plus éclatant, Dieu a voulu que depuis cette époque il ait conservé pendant tant de siècles, et qu’il conserve encore sa verdure, dans le lieu appelé Faringe , quoique pendant le siége , et après la destruction de Jérusalem par Titus , tous les autres arbres eussent été non-seulement abattus, mais même déracinés. » » Il est encore bon de savoir que la QUEUE » DE LUN DE CES DEUX ANIMAUX, em- » ployés par notre Seigneur dans cette cérémonie, » SE CONSERVE ENCORE AUJOURD'HUI » INCORRUPTIBLE , SANS AUCUN ARTI- » FICE HUMAIN, A GENES, CHEZ MES » PÈRES DE SAINT-DOMINIQUE, pour nous » rappeler le pieux souvenir de l’abaissement au- Tome I. S > Sr US 274 Nouvelles littéraires: .» quel se soumit pour nous le Fils de Dieu, dans » celte èntrée, etc,» < Salut et amitié, CHARDON-LA-ROCHETTE. Le petit opéra de {a Rencontre en Voyage, joué dernièrement sur le théâtre Feydeau, a eu beaucoup de succès. Voici quel en est le sujet. - Un jeune Français et un jeune Espagnol qui vont à Cadix, se rencontrent dans une auberge à . quelques lieues de cette ville. Rassemblés par la cir- constance , ils se racontent mutuellement le but de leur voyage : l'Espagnol va épouser une jeune per- sonne qu’il ne connoïl pas, et dont il n’est pas connu ; mais il veut se présenter à elle sous un nom em- prunté, et ne prétend l’épouser qu’au cas où il lui plairoit. Le Francais, au contraire, se rend à Cadix pour épouser une jeune personne qu’il a vue il y a trois ans, qu'il aime et dont il est aimé, et que vingt bonnes fortunes, dit-il, n’ont pu lui faire oublier. L’Espagnol , dont le caractère est bien différent, s’étonne que le jeune Français fasse si facilement des conquêtes : lorsqu'il arrive dans l’auberge , une jeune personne paroît avec son père. Le Français pas rie que, s’il veut, il rendra dans la journée cette jeuve personne amoureuse de lui; l'Espagnol parie le contraire. Constance , c’est le nom de cette jeune personne, entre et reconnoît dans le jeune Français Nouvelles littéraires. 275 un amant qu’elle n’a pas vu depuis trois ans , et le Français reconnoît la maîtresse qu’il alloit cher- cher à Cadix , et qui est en même temps celle que PEspagnol vouloit éprouver. Le père de Constance recoit dans le même moment une ilettre qui lui an- nonce le dessein de son cendre futur, et lui apprend qu’il doit être à Cadix. Cependant laubergiste Jui ayant certitié que tous les voyageurs qui avoient passé la nuit dans l’auberge y étoient encore, il s’assure que ce ne peut être que l’un des deux jeunes voya- geurs qu’il vient de voir, et croit que c’est le Fran- Cais qu’il surprend aux geuoux de sa fille pendant une partie de piquet qu’il fait avec l’Espagnol. Il le force À signer une promesse de mariase , et est fort étonné quand il voit sa signature ; il l’est encore bien plus quand il apprend que l'Espagnol est le gendre qu’il attendoit, et qu’il y a trois aus que sa fille aime le jeune Français. Comme il ne veut pas forcer ses inclinations, et que l’Espagnol ne vouloit l’épouser qu’au cas où il en seroit aimé , tout s’arrange très- facilement , et Constance épouse son amant. Tel est le fond de cette petite pièce que l’auteur a su rendre très-amusante par le contraste du caractère de l’Espagnol et du Français : le rôle de ce dernier a été parfutement joué par le citoyen Jausserand. * L'auteur des paroles est le citoyen Pujoulx , et celui de la musique le citoyen Brun:. Celui-ci avoit déjà fait preuve de talent dans un opéra intitulé La Forêt de Sicile, joué dernièrement au théâtre Montansier. S 2 276 Nouvelles littéraires. | Paris, 12 prairial. MoncHER MILLIin, L'art auquel on a donné en France le nom de polytypie ou stéréotypie, est connu sous le nom de block printing , impression en blocouen masse chez les Anglais, qui probablement ne prennent des dénominations dans le grec , que lorsque leur langue ;, plus pauvre encore que la nôtre, se refuse absolu- ment à leurs efforts. ” Voici ce que disent les anecdotes de Bowger;p. 585, et le Dictionnaire biographique anglais, Art Ged. Parmi les modernes , Guillaume Ged, orfèvre d’'Edimbourg, artiste plein de génie, mais malheu- reux dans ses entreprises, est le premier qui ait re- nouvelé cetté pratique usitée par les Chinois, les Japonois, et en Europe par les Coster, les Guitem- berg , les Fauste , dans l’enfance de l’art. Ce fut en 1725 qu'il tenta d'ajouter ce nouveau degré de perfection à lart d'imprimer. Son pro- cédé étoit fort simple. Au lieu de fondre séparé- ment chacun des caractères qui devoient former une page ou une feuille d'impression , il les fondoit en masse ; moyen, disoit Jacques Ged, qui réunis- soit les avantages d’une dépense moindre, d’une plus grande correction ; d’une exécution plus bril- lante et d’un tirage plus égal; ce qui lui fut alors contesté par M. Mores et plusieurs autres. En Juillet :729, Guillaume Ged sassocia avec M. Fermo , imprimeur de Londres, qui devoit avoir la moitié des Eénéfices, parce qu’il avançoit Nouvelles littérarres: 277 tous les fonds. En 1730, ils demandèrent à lUniver- sité de Cambridge un privilége pour imprimer de cette manière les bibles et les livres d'église. Ils l’ob- tinrent en 1731 ; ils dépensèrent des sommes im- menses, et ne finirent que deux livres d’église ; de sorte qu’ils furent forcés de renoncer à leur entre- prise, et de vendre le priviiége. Ged rejetoit son peu de succès sur la mauvaise foi des garçons impri- meurs, et sur les prévarications de Fermo, qu’on lui conseilla de poursuivre en réparation, Cependant il n’en fit rien, et repartit pour l’Ecosse , où, à l’aide de quelques amateurs de l’art qui vouloient essayer cette nouvelle méthode, il fit paroître en 1736 un Salluste dont le titre porte : Edémborgt Guillemus Ged , aurifaber Edinensi, non typis mobilibus, ut vulgo fieri solet , sed tabellis seu laminis fusis excudebat. Fermo mourut insolvable en 1735. Jacques Ged fils, désespéré du dérangement de ses affaires, se joignit en 1745 au parti du prétendant, et servit comme capitaine dans le régiment de Porth. Pris à Carlisle, il fut condamné à mort, et obtint sa grace du duc de Newcastle, en consid'ration des malheurs et des talens de son père. En 1748, il travailloit comme ouvrier chez M. Beltenhom. IL voulut former un nouvel établissement ; mais n’ayant pas pu satisfaire à ses engagemens, il partit en secret pour la Ja- maïque, où l’un de ses frères cadets, imprimeur comme lui, avoit été plus heureux. Avant son dé- part il avoit déposé ses outils chez un homme qu’il croyoit son ami, et qui, au lieu de les lui faire parve- S 3 278 Nouvelles littéraires. nir, eut la bassesse de les retenir pour essayer d’en faire usage. M. Thomas Jacques, fondeur, qui mourut en 1748, Consomma une grande partie de sa fortune . dans ce projet, qui lui ôta même les ressources de son commerce ; car, dit M. Moret, les imprimeurs- ne vouloient plus l’employer, parce qu’ils craignoient d’être ruinés si la nouvelle manière réussissoit. Guillaume Ged mourut.en 1749, dans un état très- voisin de la misère. Il venoit d’envoyer ses outils à Leith pour les faire passer à Londres, où i! alloit s’associer avec son fils Jacques, qui y avoit une im- primerie. Tel fut le‘terme de la vie et du projet de Guillaume Ged , qui probablement ne sera pas renouvelé; car, ajoute M. Moret, il porte en lui-même un prin- cipe de ruine, et son succès n’eût fait qu’accélérer sa chute, Il appuie cette assertion de raisonnemens sur lesquels ce n’est pas ici le lieu d’insister. En 17871, Jean Nichols publia des mémoires bio. graphiques de Guillaume Ged , dans lesquels il entre dans beaucoup de détails sur les divers procé- dés employés par cet artiste pour parvenir à son but. Caslon, célèbre fondeur de caractères à Londres, voulut aussi s’essayer dans ce genre; mais il n’y réussit pas, et l’abandonna très-promptement. S. D DORE S CODEN ER ST. | BOTANIQUE. Dicrronnarre des termes latins consacrés à l'étude de la Botanique , composé d’après les auteurs les plus estimés. À Paris, chez Deter- ville, an VI, 1798, én-8°. Prix, 1 liv. 10 sous; franc de port, 2 liv. Ce petit ouvrage pourroit être plus étendu ; mais il est utile et commode: on doit cependant regretter que quelques termes imaginés par les Botanistes les plus modernes, Scopoli, Wildenow, Persoon, etc, n’y trouvent pas leur explication. AIN ALES DE CU TMI IE ANNALES de Chymie, par Les citoyens Guyton, Monge, Berthollet , Fourcroy , Adet , Has- senfratz, Seguin, Vauqguelin , C. A. Prieur, Chaptal et Van-Mons , Numéros 73, 74 et 75, faisant le tome XXF de la collection , et Le premier de l’année 1798 (v. st.). Prix, 3 liv. 15 sous pour Paris, et 4 liv. 10 sous francs de port. Au Bureau des Annales, rue de l’Eperon, n.° 12. Ces trois cahiers, qui forment le volume du pré- mier trimestre de l’année courante , contiennent plu- S 4 280 Livres divers. sieurs mémoires importans, les uns fournis par les membres de la société, les autres envoyés par des savans étrangers, d’autres traduits ou extraits de ceux de leurs ouvrages qui renferment des observa- tious et des vues propres à avancer la science de la _chymie, et à éclairer les arts qui en dépendent. Pour en faire sentir l’intérêt, il suffit d’indiquer les sujets de quelques-uns des principaux articles de ces trois cahiers. Deux mémoires du citoyen Vauquelin sur le nou- veau métal appelé chrôme ; qu’il a découvert dans la mive dite de plomb rouge de Sibérie, … L'examen des propriétés du platine, par le citoyen Guyion. | Un rapport sur les couleurs pour la porcelaine, par le citoyen Fourcroy. L’examen du suc acide de l’anapas, par le citoyen Adet. Un mémoire contenant une suite d’expériences sur le gaz hydrogène sulfuré , par le citoyen Berthollet. . L’extrait d’un mémoire du citoyen Guyton sur les tables de composition des sels. = Des observations du citoyen Chaptal sur la fabri- cation de l’oxyde de cuivre appelé vert-de-grés , et sur la fabrication de l’acétate de cuivre ou verdet. Des expériences de M. Rolle sur le sucre. Des réflexions de M. Link sur la fluidité, la soli- dité et la solution des corps. La description des machines pneumatiques per- _fectionnées par MM. Sienne et Cuthbertson, avec deux planches gravées, Livres divers. aër L'analyse de l’eau minérale de Lasceldas près de Lisbonne, par M. Withering. Un mémoire de M, Fabroni sur la couleur pourpre que donne l’aloës, Enfin le mémoire de M. Klaprote sur le nouveau métal qu’il vient de découvrir dans la mine d’or de Negyan, et qu’il a nommé éellure. On trouve encore dans ces cahiers, comme dans les précédens, des extraits plus ou moins étendus, suivant l’intérêt des matières, des annales chymi- ques allemandes de Von Crell; des nouveaux ob- jets de chymie de Richter, du journal universel de Jena ; des annales chymiques italiennes de Brugua- telli et du journal de physique anglais de Nicholson ; plusieurs articles de nouvelles relatives aux travaux des chymistes étrangers sont tirés de la correspon- dance que les rédacteurs entretiennent avec eux. MORALE. Brocrarnies de Suicides, par Cur. SPrEss, traduites de l'allemand , et augmentées de quelgues réflexions philosophiques et morales, par J. H. Porr, 2 vol.in-12. Prix, 4 liv. 10 s. et 6 liv. 5 sous frafics de port. À Paris, chez Fuchs, libraire, rue des Mathurins, maison Cluny, n.° 334. Ce recueil paroît réunir de l'intérêt à une bonne morale, et présenter sous des couleurs vives les suites malheureuses des passions humaines. L’au- 262 Livres divers. teur et le traducteur y ont hasardé quelquefois des pensées philosophiques qui ne déparent pas l’ou- vrage. POESIE Les Dôners du Vaudeville, Numéro 19, Gér- minal, au VI. ; Il y a long-temps que nous n’avons parlé de ce joli recueil, qui se continue toujours avec le même succès. VOYAGE ET BEAUX ARTS. ’. oÿREe pittoresque de l'Istrie et de la Dat- mate. SE CON DT, Tr v D AT sS 0 N: 12. Vue de la ville et du port de Pola, prise du côté de l’amphithéâtre , gravée par Pillement et Duparc. 17. Vue de l’amphithéâtre de Pola, prise dans l’intérieur , en regardant Pentrée du port, gravée par Paris et Liénard. 20. Vue de l’arc-de-triomphe appelé Porta-Aurea» prise en dehors de la ville de Pola. Dans cette vue sont réunis lés costumes des ha- bitans de l’fstrie et de la Dalmatie , gravés DE Kéville et Croutelle. 44. Plan et élévation du temple de Jupiter à Spalatro, gravés par Delaporte et Giraud. 49. Plan et élévation du temple d’Esculape à Spalatro , gravés par Desmauisons et Frussotte. 08. Vue de la grande cascade de la Cettina , ap- U Livres divers. 283 pelée Velika Gubowiza, gravée par la citoyenne Levée. TROISIÈME LIVRAISON. 4. Vue de la Grotte où la Ruecca se précipite, au dessous de Saint-Canciana ou Sanct - Kozian, gravée par Levée. : 22. Vue en grand de la partie latérale de l’arc-de- triomphe ou Porta-Aurea , gravée par Reville et Frussoite, 26. Vue latérale du temple d’Auguste à Pola, gra- vée par Desmaisons et Duparc. 43. Elévation et détail des ornemens d’architec- ture d’une porte du palais de Dioclétien à Spalatro, gravée par de la Porte et Frussotte. 5o. Elévation et coupe latérale du temple d’Es- culape à Spalatro , gravée par Desmaisons et Frussotte. 53. Vue du temple d’Esculape, prise en face au milieu de la rue qui conduit au temple de Jupiter, gravée par Lepageles et Liénard. QUATRIÈME LIVRAISON. 10. Vue de Pirano, prise de la Punta di Salvori, en regardant Capo d’Istria et le fond du golfe de Trieste , gravée par Chenu et Née. 25. Vue du temple d’Auguste à Pola , prise du côté de la place, gravée par Filhol et Duparc. 27. Vue des deux temples et du palais du Po- destat , prise du côté de la mer, gravée par Le- pagelez et Giraud. x . ” 284 Livres divers. 29. Vue générale de la Cascade de la Kerka, prise en face sur la rivière , gravée par Miguet frères. 46. Détail des ornemens de la porte et des enta- blemens du Temple de Jupiter, gravé par Réville. 52. Vue de la porte et du vestibule du temple d’Esculape, ainsi que de quelques tombeaux et bas- reliefs, gravée par Desmaisons et Liénard. Les numéros placés sur ces planches indiquent le rang qu’elles tiendront dans l’ouvrage. Nous renvoyons, pour le but et le plan de ce grand ouvrage, à ce que nous en avons déjà dit dans le numéro 3 de la seconde année du Magasin, pag. 565. Nous ne pouvons qu’indiquer le sujet des planches des trois livraisons qui viennent de paroître : nous ferons connoître le texte aussitôt qu’il aura été, pu- blié. Cette entreprise est une des plus grandes et des ‘plus importantes pour les arts et l’histoire : elle sert à compléter la suite curieuse des différens voyages pittoresques. L’ouvrage sera composé de 12 livraisons, qui paroissent de deux en deux mois. Chaque li- vraison coûte 15 liv. ARCHYOGRAPHIE. Gazerre antique, première contrée, deuxième et troisième livraisons. À Paris, chez les cit. Delettre et Boutrois, graveurs, rue et maison Ser- pente, n-folio. Prix, 6 francs chaque livraison, composée de huit planches. Nous avons fait connoître précédemment dans notre tome de la troisième année, page cette DRE DER Livres divers. 285 entreprise vraiment utile pour les artistes. Elle les mettra à même de jouir d’une manière peu dispen_ dieuse de plusieurs monuæmens qui doivent être pour eux des sujets continuels d’étude. Nous avons indiqué ce que contenoit la première livraison. La seconde offre différens bas-reliefs du Parthenon au temple de Minerve à Athènes, le plan et l’éléva- tion des Propylées. La troisième présente les détails des Propylées et quelques-uns des bas-reliefs dont ils étoient décorés. Les explications mises au bas des pages, quoique très-courtes, sont faites avec intelligence, et suffi. sent pour l'intelligence des sujets représentés. MÉLANGE. Poccrr FrorenTiNr Facetiarum libellus uni- cus, notulis imitatores indicantibus , et non- nulles sive latinis , sive gallicis imitationibus ullustratus ; simulque ad fidem optimarum editionum emendatus. Cor lœtum pro mediciné est ; spiritus rerd fristis exsiccaf ossa. Lib. Proverb. €. 17 , v. 22, Tomus prior; Mileti. Londini, 1798. In-24 de 283 page Londres, la ville du Spléen, la patrie des con- somptionnaires, et Milet , la ei-devant métropole des 2686 Livres divers, plaisirs et de la gaieté, hurlent de se voir accoléessur ce titre. À notre avis, ni l’une ni l’autre n’a vu sortir de ses presses cette nouvelle édition des Facéties du Pogge, mais bien plutôt la patrie, aussi un peu sérieuse, de l’aimable Jean Second , si connu par ses Baësers charmans , si prématurément en- levé, il y a-déjà plus de deux siècleset demi, à l'Amour et aux Muses. L'éditeur signe sa préface Gelasius Fabulo , Milescus. Ce nom vaut mieux sans doute , et sur-tout il est moins auslère que celui qui ne retrace qu'un vilain instrument de pénitence, et la messe üe minuit, quoique sous cet autre nom Pauteur ait également appelé à lui l’estime et l’in- térêt. Nous sommes partisans à outrance du sys- tème de Gelasius Fabulo , qui étoit aussi celui du monarque hébreux cité sur le titre de ce petit vo- lume; celui d’un fameux philosophe de l'antiquité, qui riait toujours ,; en dépit des Abbéritains ses compatriotes ;.celui d’Horace , témoin son précepte frui quod adest, et le conseil qu'il donne à Aïbinovanus , Gaudere et bene rem gerere ; ce- lui d’un saint apôtre (voyez premiere épitre aux Thess., chap. V , vers. 16; celui enfin ( pour ne pas nous étendre sans mesure ) que pratiquoit avec ses amis, dans un petit réduit du Vatican, qu’ils ap- peloient £ .Buggiale , le secrétaire du Saint-Siége, depuis Boniface IX jusqu’à Calixte TITI, ( c’est-à- dire , encore dans le bon temps), Jean - Francois Poggio - Bracciolini ,; communément appelé le Pogge , né-à Terra-Nuova , dans le terriloire de Florence, en 1380, et mort à 79 ans en 1459. Nous ef ai ee #. nn de \K Livres divers. 287 n’entrerons ici dans aucun détail sur ce célèbre per= sonvage , parce que Gelasius Fabulo nous en pro- met une nouvelle Biographie dans son second vo- lume, où il doit en même temps nous faire connoître les nombreux imitateurs des Facetiæ , soit en italien, soit en latin ou en français, au nombre desquels il nomme Bocace, Rabelais , Veïville , Lafon- taine, Rousseau, Piron etla Monnoie. L'éditeur publiera même de ce dernier plusieurs pièces , de meurées inédites jusqu’à ce jour, et que celles déjà connues ne peuvent que faire désirer avec impa- tience. Il y ajoutera des traductions en vers latins d’un de ses amis encore existant , et qui pareille- ment verront le jour pour la première fois. Ce pre- mier volume ne contient autre chose que le texte même des Facéties , et une préface de léditeur , dont la latinité est digne d’éloges , ainsi qu’une courte dédicace aux mânes de Bernard de La Monnoie , dédicace qui rappelle l’envoi que Catulle faisoit de ses vers à Corvelius Nepos. Nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré de leur transcrire ici cette dernière pièce : Quoi dono veterem et dico libellum » Quem ; jocis lepidum facetiisque r Situ pulvereo in diem vocavi ? O Moneta , tibi , elegantiarum Parens , et salium artifez venuste, Nugatorque placens ! Te enim legendo , Te duce , auspice te , imbibi medullis Jocorum hanc animam et faceliarum , Que levamine temperant benigno , 288 Livres divers. Quidquid vita parit molestiarum. Incepto fareas , sérenoe et ore Ridens excipias , precor , libellum , Quéem evoleisse tibi fuit voluptas Olim tantaseni , labrisque risum Qui Jato gelidis adhuc reduxit, Adsis , 6 bone ! Grata fabulanti Sic plaudant tibi Lucienus , atque hie , Quem fecere hominem rosæ ex asello ; Ætnoster Rabelæsius , levesque Umbræ omnes veterum et recentiorum , Que multo sale defricare nôrunt Ærrores hominum , et movere risum Festivis salibus ; nemusque circa . Soluto Elysium sonet cachinne, ERRATA, Page 149, ligne 20 , par le plus grand avantage, lisez: pour le plus grand avantage. On prie les Libraires qui envoient des Livres pour les an. noncer y d'en ne toujours le pris. “sil US NS SA 3 Fr _@ hâteaux ‘ét autres D paroît déjà 4 volumes én-4°. à 42 livres le volume, et 4 volumes £n-fol. à 72 liv. le volume, .. sen feuilles. ( On netire ce dernier format qu’à - 200 exemplaires.) Chaque volume est composé de _4à 500 pages et d'environ 60 Estampes. Les Monumens décrits dans cet ouvrage sont presque tous aujourd’hui détruits ou dégradés; Pau- 1 ‘teur a encore beaucoup de Mémoires et de Dessins. Le cinquième volunie est sous presse. ne » :: ÉLémens D'Hisroire NATURELLE. Ouvrage cou- + _ronné par le Juri des livres élémentaires, et adopté €" le corps législatif pour les écoles nationales. ‘Seconde édition | £n-8°. de 600 pages; Prix s .&iuq francs. _ Cette nouvelle édition est revue , corrigée et très- Augmentée. \ Ixrropucrton à L'étude des Pierres gravées. ‘Seconde édition , augmentée et corrigée, in-8°. Prix, ._ æ hiv. 8 s. | > Chez L’Auteur, à la Bibliothèque Nationale, FM, TrS _ Fuoss, Libraire ,-rue des Mathurins, Hôtel : Cluiy. + . Francois-GronGzs LEVRAULT, à Strasbourg. - Ivrronucrion à l’étude des Monumens An- #iques , 11.45. ‘Inrronverron à l'étude des Médailles, in-B°. 3 Liv. 10 6: y 4 Le can Nauel Fr. AE Dr: des mouvemens de, red it. Marie ty *b. Ph x et des animauT 145 ‘Char Rovherte à Le AGRICULTURE. s \2mE “Last rie, Descrip Lion d’ une ma |° À l'héâtre : “chinepour réduire les os en! La Rencontre en FRFebte putes et à" | 172 San le Popper Lo AE EN ” | Héléne-Maria Williams. NS e | veau Rage en A 174| $ de 4 M que, | nié Dictionnaire des isrmes latins ed per. ré A aber see à l'étude de la Bo= lesdie Esquisse d'une histoire| ‘5 Anales “4 Chymie. : * de la Médecine et de la Chi- Nurnéros 73,74 et 73. des An MÉGE BC: NT 2 ME males de Chymie. ibid, Te RATES È Morale, | Le Grand. Notice sur J.-B.-L. \c. Spies. Biographies des SUt— Faivie, , Architecte. 24 cides ia: ele. 28r BIBLIOGRAPHIE. dE Poésie. se -L***, Note sur l’'exe mplaire Les Diners. du F'auderille. 282 acquis . récemment par la Bi-| Veyageet Beaux-Arts. … Bliorhèque Mazarine.. 248\ Ft oyage pittoresque de l'Istrie ‘P.o É s 1 Z. ad tra: la Dalmatie. ibid. Fax Paru Œuvres d' Horace} d* Archæographie. Fi ‘+ . 156! Galerie fenoue. 284 | Novveiss gr CORRESPON-, Mélanges.” DANCE LITTÉRAIRES: Le À Florentin ibellus ; ape prpomi Ru nr unieuf » #16. 285 : 1 FAP D | je # sie L'an dar KE A GE É 4 M (Hu (NQUE 4} à AN ON