^^ttrfm!*£2t£Z* f ^ \^ \ ^ \ i 1 ' mV / *>>d BIBLIOTKECA Lbibekiana MAISON rustique; A L'DSAGE DES HABITANS DE CAYENNE; . ■■'■« ? MAISON RUSTI QUE, A V USAGE Des Ha BIT ANS de la partie de la France cquinoxiale x connue fous le nom de Çayenne. Par M» de Préfo.ntaine, ancien Habitant , Che- valier de l'Ordre de Saint-Louis , Commandant de la partie du Nord de la Guyane. A P A R I S > Quai des Àugufiins s !€hez CI. J. B. B a v c h e , Libraire , à Sainte Geneviève 3 & à Saint Jean dans le defert. M. DÇC. LXIII. £ffcl£ Approbation & Privilège du Ro^ . .-i .J. ■■• " -..' fil _. A MONSEIGNEUR LE DUC DE CHOISEUL* MIN I S T R E DE LA GUERRE ET DE LA MARINE» MONSEIGNEUR, L'OBJET de cet Ouvrage a été d'être utile aux Hahitans de Cayenne & aux Co- lonies en général. A ce titre ilayoit droit à votre Protection ; celle dont vous l'honore^ -rfiautorife a. vous le préfente r. Un qele pa- triotique mavoit animé au fond de mon habitation ; vous me metie\ a portée de le faire paraître fur un plus grand théâtre. V habitude du climat, la connoijfance â pays & des Indiens > un voyage entrepris avec fuccès dans les montagnes contre les Nègres marrons > conjointement âVeù M. le Chevalier de Villers & autres Officiers de marque ; quelques efforts heureux dans les commijjions dont j'ai été chargé > peut- être enfin des vues générales fur taccroif Jement & l'avantage de la Colonie ; voilà mes titres pour obtenir quelques grâces de vous. Dans celles dont vous me comblé^ > je trouve une nouvelle fource d'encourage- ment. Les objlacles qu'il efi pojjîble de fur- monter j ne doivent-ils pas céder aux ref fources que doit faire kaître en moi le dejfir de jujlijier votre choix ? J'oferai même le dire , je fuis fur de mériter de plus en plus vos bontés. Vos ordres font précis y il ne s'agit que de les exécuter pour faire le biert* Je fuis avec refpecl > MONSEIGNEUR, Votre très-humble & trcS^ obéiflanc ferviteur, Prefontaine. MAISON M A I S O RUSTIQUE, V U S A G E D E s H A B it ANS delà partie de la Franco èquinoxlale , connue fous le nom de Cayenne» INTRODUCTION. J e me trouve tout étonne d'avoir fait un livre ; rhzh j'ai cru pouvoir être utile , en préfentant à ceux qui habitent ou voudroient habiter îa partie de la France équinoxiale 5 connue fous le nom de Caycnne , les moyens les plus fûrs pour y Former , entretenir * amé- liorer 5 6c multiplier diverfes branches d'induftrie ÔC de commerce. Ce ne font point de fimpîes fpécula- tions , ou des conjectures hafardées que j'offre ; c'eft le fruit de vingt ans de féjour àCayenne , c'eft le réfultae de réflexions & d'épreuves confirmées par l'expérience* Je n'ai furement pas dit tout ce qui feroit ou pourroic être avantageux à cette Colonie ; le tems donnera lieu à des obfervations plus étendues , résiliera 8c perfec- tionnera mes idées ? en indiquera de nouvelles : jg A BtoL i Maison Rustique, ferai trop content d'avoir mis fur les voies , & je jouis d'avance en bon citoyen des progrès auxquels j'aurai peut- être donné lieu. On ne doit pas exiger de moi de l'élégance dans leftyle ; je ne promets que de l'exacti- tude & de la clarté. J'entre en matière. Je fuppofe un homme , muni d'une conceffion & arrivant à Cayenne pour s'y faire habitant. La moindre recommandation qu'il pourra y avoir , lui aflure pour les premiers jours une retraite & fa nourriture. Veut- ii bientôt après ne dépendre que de lui-même ? il doit fe procurer quelques efclaves , avec lefquels il fe fera conftruire, fur le terrein concédé , une café ou carbet à l'Indienne , en y obfervant trois fépararions , une pour loger fes efclaves , une autre pour apprêter fa nourriture , & la troifieme qui lui fervira de logement. En même tems j il plantera des racines pour fa fub- fiftance, & en attendant qu'elles foient en état d'être arrachées s il traitera avec les Indiens pour en avoir. Il trouvera auffi les fruits naturels au pays > il aura encore la reffburce de la chaflTe & de la pêche. Bientôt après il fongera à fe faire un établifTement plus folide , à former une habitation. Ce qu'on entend en général par le mot ^habitation , c'eft une certaine étendue de terrein fur une longueur & une largeur dé- terminées , qu'on a en propriété , à titre de conceffion du Roi. Lorfqu'elle n'a été ni défrichée ni cultivée , on l'appelle à Cayenne terre brute ou bois debout , parce qu'elle eft couverte des bois que la nature y a placés au hafard. 11 eft d'une importance extrême de bien connoître le terrein fur lequel on fe propofe de faire un établifTe- ment à demeure. J'ai vu fouvent que ce qu'on avoit fait d'abord nuifoit dans la fuite à ce qu'on vouloit faire , larfqu'on fe trouvoit en état d'entreprendre da- vantage. Je confeille donc avant tout, tant pour affurer fa jouifïance, que pour éviter toute difeuffion ^ défaire À L'USAGE t> E C A Y £ N N E. | jreconrioître&conftater, par l'Arpenteur de la Colonie, ï'étendue & les bornes de fa conceflîon , de la parcourir enfuite plufieurs fois dans tous les fens , de s'aiTurer des différentes 'qualités du fol , des aire de vent qui y régnent , d'obferver la quantité &: la pente des eaux qui s'y trouvent , les mornes ou monticules > les fon- drières, les periperi , mot indien qui fignifie marécages. Toutes cqs considérations font indifpenfables avant que de déterminer le lieu eu l'on établira fa maifon Ou fon habitation particulière. Plufieurs bâtimens Veîi dépendent nécessairement , tels que les cafés des Né- gresse magafin à vivres , la cuifine , &c. fans compter ceux qui doivent fervir à l'exploitation de la denrée qu'on fabrique , qui varient en conféquence , & qui font plus ou moins étendus relativement à telle ou i telle denrée. On ne faufoit trop recommander à un habitant qui commence , de ne point entreprendre au-deli de fes for- ces. Le mal-aife qui en réfulte influe fur fa fortune pour le refte de fa vie. Mais il eft à defirer > Se peut-être né- ceffaire , que ce même habitant qui commence par fa- briquer la denrée la plus facile Se la moins coûteufe $ fe perfuade qu'en ne forçant rien $ il pourra par fori activité , fon intelligence Se fon économie , embrafler dans la fuite les branches de commerce les plus étendues &c les plus difpendieufes. Il eft encore de notoriété qu'un habitant , qui veut réuflir , ne doit s'occuper que d'un feul objet de cul- ture & de fabrique. Si fes fuccès le mettent en fîtuatiori d'en entreprendre un plus confidérable , il doit aban- donner le premier à ceux qui commencent comme il a commencé. Le cotton eft la marchandife la plus fa- cile Se la moins chère à exploiter, ÎLefucre eft celle qui exige plus de dépenfe , d'attirails, de bâtimens , Se par conféquent plus d'emplacement. Que Tefpace héceflairé pour une fucrerie complette 5 telle que l'offre le plan , ferye à fixer i'éteadue que notre nouvel habitant choi-  ij 4 Maison Rustique, (ira : qu'il n'y élevé que ce qui lui eft néceflaire pour l'objet qu'il émfcraffe ; s'il en change , il n'aura qu'à ajouter > & il fe trouvera toujours dans la pofition la plus convenable. Mais cet emplacement choifi fe trouve rempli de brouffailles , de plantes , d'arbrifieaux de d'arbres : il faut nettoyer la place ; c eft ce qu'on fait par le moyen des abattis. . k CHAPITRE PREMIER. Des Abattis. Xj e s Abattis fe font , ou avec les Nègres qu'on peut avoir , ou par un marché que l'on fait avec les Jndiens. On les fait en été , & de façon qu'ils puiffent être finis un mois avant la faifon des pluies. On employé d'abord quelques journées à faire le petit bois. C'eft ainfi que Ton appelle les arbriffeaux plus ou moins gros que la jambe , 5c tout ce qui n eft pas fait pour être coupé avec la hache. Cette précau- tion donne l'efpace néceflaire pour que tes gros arbres puiffent être abattus fans blefler perfonne. Ce petit bois doit être coupé le plus près de terre qu'il eft poffible , Se non à trois ou quatre pieds de terre comme il ar- rive le plus fouvent. La négligence à cet égard caufe des malheurs. Quand on met à terre les gros arbres , dont on n eft pas toujours le maître de diriger la chute, les Neares qui veulent s'en garantir fe trouvent em- barrafles dans ces bouts de bois , & font quelquefois écrafés. Dès que la hache a lieu ; & tandis qu'elle agit d'un côté , on continue de l'autre a faire le petit bois. Le maître doit y être préfent , mais il ne fe trouve gueres quand on abat le grand bois. Les Nègres profirent à la A L USAGE DE C A Y E N N E. JJ vérité de fou abfence pour fe faire des chapeaux de paille , des borgnes, des gouris > &c. &: autres uftenfiles à leur ufage 5 mais on ferme les yeux fur cet abus. 11 feroit même imprudent au maître de vouloir furpren- dre les efclaves ; la chute imprévue de quelque arbre pourroit lui être funefte ; & loifqu une fois par jour il y va faire fa tournée , fes cris répétés doivent avenir de fufpendre les haches. La place la plus fûre eft au- près de celui qui coupe. Malgré leur adreMe , malgré l'habitude qu'ils en ont & les précautions qu'ils pren- nent j, les Nègres regardent ce travail comme dange- reux ; il y en a qui , en y allant , embraient leurs en- fans &c leur difent adieu. Quand il fe trouve des arbres dans la même direc- tion , ils les entaillent de façon qu'en abattant le pre- mier, fa chute fait tomber les autres. On en trouve qu'on ne peut jetter à terre qu'en faifant autour d'eux un échafaud ( appelle boucan ) de dix à douze pieds de haut. Ce font ceux dont le tronc eft porté fur plu- fieurs racines larges qui s'élèvent de terre de plufieurs pieds , & qu'on appelle arcabas. Tels font le figuier fauvage , le carapa > le jîpanaou 3 Se quelques autres bois mous. Il ne faut jamais les choifir pour que leur chute entraîne ceux qui fe pourroient trouver fur la même ligne : en cas de quelque accident qu'on ne pour- roit prévoir &: que pourroit occasionner la chute fuc- ceffive de plufieurs grands arbres , les Nègres montés fur Téchafaud auroient de la peine à fe fauver. Une attention très-utile à avoir, c'eft de fe faire rendre compte le foir de l'efpece des arbres qu'on a abattus dans le jour 3 &c de ceux qu'on doit abattre le lendemain. On recommande alors de faire tomber avec précaution ceux qui peuvent faire des canots. Ils font fujets à fe fendre dans toute leur longueur , lorfqu é- tant fur un terrein qui va en pente , leur corps en- traîné , en tombant , trop loin de fa fouche 3 éprouve A iij — S Maison Rustique, un ébranlement trop violent. Un crochet trop fort qu'on y laifferoit produiroit le même effet. L'abattis qu'on s'eft propofé de faire étant fini , oi\ le laiffe fécher pendant trois femaines avant que d'y xnettre le feu ; pour cette opération , qui ne dure que quelques heures , on choifît un jour très-chaud , qui aura été précédé de quelques beaux jours. Le ciel doit être fans nuages. Le moindre grain de pluie pendant la nuit , la veille de l'opération , y feroit tort. Le feu fe met le plus au vent qu'on le peut , en obfervant cependant que le vent ne foitpas trop fort. La flamme emportée par le courant d'air brûleroit trop fuperficiellement* Son effet , tel qu'il foit , n'empêche pas qu'il ne faille chapufer. C'eft faire différens tas dépérîtes branches éparfes çà & U , êc des bouts de bois à demi-brûlés 5 on jette deffus les brouffailles que le feu a ménagées ; quelques vieux efclaves Se des enfans brûlent ces tas à mefure qu'ils font faits. Il n'y a pas de teins à perdre pour cet ouvrage. Si les pluies furvenoient avant qu'il fût fini _, la récolte feroit au moins retardée. On ne pourroit en effet dans les intervalles que biffent les gros arbres refpeétés par le feu Se couchés par terre , planter ni les diverfes racines néceffàires à la nourri- ture 3 ni la denrée qu'on a deffèin de cultiver. On rif- queroit que l'endroit deftiné au mil qui doit être femé fur des mottes près à près dans les lieux bas Se maréca- geux , ne fe trouvât plein d'eau avant que le grain, germé fût forti de terre : en général quand la place, éft nette , il faut planter àhs qu'il commence à pleu- voir de tems à autre. Il s'agit alors de débiter dans l'abattis même les bois, dont on a befoin pour bâtir -% la rareté de la pierre, du, ^noilon Se de la brique ne laiffe point jufqu'à préfent d'autres refFourçes pour fe mettre à couvert. Dans le, chapitre qui; concerne les bâti mens , on trouvera le, compta longueur a l'épaifleur des différentes pièces qui A L* USAGE DE C A Y E N N E. 7 entrent dans la conftruécion ; & pour la qualité des bois qui conviennent à l'emploi de chacune de ces pièces , il fera aifé de confulter le chapitre qui contient le cata- logue alphabétique des plantes & arbres dont on fait ufa*e à Cayenne 5 on y trouvera ce à quoi chacun peut être employé. Dès que le bois eft débité, on faittranf- porter , fur le lieu où l'on veut bâtir , ce qui eft nécef- faire: le furplus fe laiffe dans l'abattis , élevé fur des chantiers & couvert de feuilles , à l'abti de 1 humidité de la tetre & de l'ardeur du: foleil , jufqu'à ce qu'on ait ptéparé un endroit pour l'y faire tranfpotter Ôc le mettre à couvert. CHAPITRE II. D E lafuuadon de la Maifon du Maître , & de la difpofuion des Bâtimens qui en défendent, L A Maifon doit être en bon air , fans être diredfce- ment oppofée au vent régnant , ni aux pluies exceflives - de cetcaines faifons. Un tetrein , un peu exhaulfé , a fon. avantage pour l'agrément de la vue \ mais il ne doit pas être trop élevé , pour ne point fatiguer les efclayes dans les tranfports , ni les heftkux dans le tirage. Un petit plateau où l'on monteroit par une pente douce Se qui domineroic fur toutes les dépendances de la maifon doit être préféré. J'obferverai qu'entre une fituation plus agréable , & une autre où un emplacement plus vafte rempliroit mieux les vues d'agrandiffement qu oti doit avoir , il faùdroir facritier l'agrément à l'utilue. Si le local quiauroit été choifi fe trouvoit près de ma- récages , il feroit très-imprudent de placer la maifon de façon que le vent y portât les exhalaifons qui forcent ae csî eaux croupies , du moin&daas de certains tems. La *■,.'* A iv g Maison Rustique, maifbn en feroit infe&ée , & c'eft fouvent la fouree èè maladies. Tous les autres bâtirnens qui regardent l'économie intérieure , ainli que les cafés des Nègres , &: ceux qui concernent la manufa&ure à laquelle on s'adonne , doivent être/ fous les yeux du Maître. Ce qui tient au ménage , comme magafin de vivres , cuifine , &c. doit être vu par la MaîtrefTe de l'endroit où elle travaille. CHAPITRE III. Des Bâtirnens. A pierre n'eft pas commune à Cayenne jufqu'à préfent. On y en connoît de deux fortes , le grifon qui fe taille difficilement 5 & dont peut-être on pourvoit tirer parti en le piquant comme du grais. On en fait du moiîon qui ne réfîfte pas au feu. La roche à ravets eft trouée , rougeâtre j incapable de foutenir aucun or- nement d'architefture. Elle fert aux ouvrages folides, pour les entrevoux , pour les arriere-vouflures , &e. mais les arrêtes n'en font jamais pures ni vives. Son meilleur ufage eft pouf des murs contre lefquels on adoffe des cheminées j elle fe taille facilement & ré- lifte au feu. La brique faite avec foin eft aflfez bonne. On ne connoît encore de chaux que celle qui fe fait avec des coquilles d'huître. Il eft aifé de voir par ce détail qu'on n'a gueres à Cayenne que la reffource de bâtir avec le bois que le pays fournit abondamment. Toutes les maifons font à-peu-près fur le même plan ; très- peu ont un étage j ce ne font que des re^~ «Hc-chaufiTce. En voici les proportions les plus ordinaires. Ce fonç crois chambres de pbin-pied î celle du milieu A l'usage de Caybnne. 9 'a feize ou dix-huit pieds de long ; les deux des cotés ont feize pieds , le tout offrant une façade de quarante- huit à cinquante pieds , fur feize de large , non com- pris les galeries autour du bâtiment , qui font à jour , &: qui doivent être au moins de fix à fept pieds de large. Avant que de tracer fur le terrein , on l'applanit , on fait arracher les chicots qui peuvent s'y trouver. On fait enfuite des trous de quatre pieds en quatre pieds , dans lefquels on enfonce de deux pieds des poteaux ap- pelles fourches • après en avoir enlevé l'écorce , & faïc brûler la partie qui doit entrer en terre. Ces poteaux ont fix à fept pouces d'épaifleur , & dix pieds de lon- gueur. Le deffous du plancher aura ainfi huit pieds de haut , &c rentre-deux des poteaux fera d'environ trois pieds &c demi. Sur ces poteaux on place en long des fablieres ron- des , fi l'on veut , & de quatre pouces d'épaifleur , fur lef- quelles on place en travers des tirans qui font l'effet de folives , diftantes Tune de l'autre d'environ deux pieds ; ils ont fix pouces de gros & dix-huit pieds de longueur. Sur le bout des tirans on paffe d'autres petites fablieres qui reçoivent le bout des chevrons ; ces chevrons de- paflent'la fabliere d'un pied 3 pour jettet les eaux plus loin de la muraille. Quand on veut avoir des galeries volantes ou autres , les tirans ont vingt-fix à vingt-huit pieds de long : les chevrons alors feront plus longs , pour pouvoir être appuyés fur une troifieme fabliere > chevillée ou lianée fur le bout des tirans , dans lefquels elle entrera d'environ deux pouces pour la folidité. Les chevrons la dépafleront toujours de près d'un pied. Les galeries dont le bord extérieur fera foutenu par des poteaux de huit pieds en huit pieds , fervent à ref- pirer le frais dans les grandes chaleurs , facilitent la promenade à couvert en tems de pluie ; elles garantif- fent les murs & la maifon de l'humidité j & on a même encore l'attention , dans cette vue , de creufer tout au tour de la maifon i à quelque diftançe , des rigoles qui '~ *o Maison Rustïqvi, fa 'orifent l'écoulement des eaux dans la faifon des, pluies. Dans le milieu des cloifons qui féparent les cham- bres , on place , pour foucenir le faîtage > de grandes fourches de vingt-un pieds de long, chevillées ou lia- nées avec les tirans. Elles font élevées au-deffus deux , non-feulement de la moitié de la largeur de la maifon , mais encore de deux pieds & demi , c eft-à-dire , en tout de dix pieds & demi pour faciliter l'écoulement fies eaux. Le faîtage eft de quatre pouces comme les fablieres. Les chevrons ont trois pouces. Les couvertures fe font quelquefois avec du bardeau j fêibfti des morceaux de bois débités , d'un demi-pouce d'épais y d'un pied & demi de long , & de fept à huit de large > pofés fur des lattes qu'on attache fur les che- vrons. Leplusfouvent on fefert de feuilles de certaines plantes qui feront indiquées ; fuivant leur qualité , elles s'arrangent différemment çn long ou en travers. Faute de feuilles on fe fert de paille de cannes. La crainte du feu me feroit préférer aux pailles de canne Y herbe a bled 3 ou la queue de biche favanne y dite yappe\ Il n'y a pas jufqu'aux bâtons de rofeaux qui ne puiflent fer- vir à cet ufage. Un habitant qui fur fon terrein n'a gueres de plantes ou d'arbres > dont les feuilles puiffènt remplir cet objet , eft très à plaindre. Au défaut de bardeau a c'eft la couverture la plus folide ; les autres peuvent fubfifteç une ou deux années , celle - ci dure dix à douze ans. Il eft étonnant qu'on ne prenne pas plus de précaution pour empêcher la dégradation an- nuelle^ qui fe fait des palmiftes fi utiles à cet égard, On n'héfite pas à détruire l'arbre ,en le coupant uni- quement pour en avoir le chou ou les graines. Au moyen de planches pofées fur les tirans , on fe fait un grenier 5 auquel on laiflTe dans la couverture une ouverture du côté du vent régnant. Il eft inutile d'en prouver l'utilité. Au défaut de planches ordinaires , on peut fe fervir 3 pour former le plancher , de larges H a l'usage D! Cayiéni. ït pineaux > fendus en quatre. Il faut alors que les tirans plus près les uns des autres j les pineaux pour- : fléchir dans l'intervalle des deux pieds qui fépa- foient roient rent les tirans. Quand la maifon eft élevée & couverte , on fonge à en conftruire les murailles , c'eft à-dire j à remplir les intervalles des poteaux. 11 n'y a point ordinairement de fenêtres } on y fupplée en choififfant de chaque côté de la maifon l'intervalle du milieu de chaque chambre pour en faire deux portes, tune peut fe fermer quand l'autre refte ouverte. Les autres intervalles fe garniffent 'd'abord de tan- çons ou morceaux de bois très-fec , mis en travers , gros de deux à trois pouces , amincis par les deux bouts , ^pour être placés dans les entailles qu'on fait aux po- teaux , & plus longs d'un pouce & demi que l'inter- valle même , afin de les y forcer. On en diftribue cinq dans la hauteur à diftances égales 5 celui d'en haut doit être à trois pouces de la fabliere , comme celui d'en bas doit être à trois pouces de terrée L'efpace entre les tançons fe remplit quelquefois avec de» la terre pétrie & figurée en moilons , ou en briques , que Ton ppfe de même les uns fur les autres en recouvrant les joints. Les tançons en font envelop- pés. On unit le tout avec la main en bornéyant les po- teaux j Se à mefure que la terre fe feche , on a foin de remplir les crevaffes. Une terre blanche , délayée dans l'eau , fert , au défaut de chaux , à blanchir la muraille. Quand on veut qu'elle foit plus folide , on employé des gaulettes : pour les faire on fend la tige d'un petie arbriffeauj lequel de fon ufage a retenu le nom de bois cl gaulettes. On les choifît vertesl & de quatre pieds de long , pour que deux au bout l'une de l'autre faffent la hauteur des poteaux. On les entrelace dans- ïes tançons, l'une à côté de l'autre > & alternativement dans un fens contraire. L'un des bouts eft arrêté fur le xançon du milieu > & l'autre %m\ à la fabliere ou. | h ï* Maison Rustique, terre» Les petits vuides qui peuvent fe trouver entre les gaulettes fe remplirent avec des petits bouts ck même bois. Le gauktagt fini , on procède ou bownllage. Pour cet effet on fait 3 à portée du bâtiment , un tas de terre grafle. De l'eau qu'on verfe à rnefure dans une efpece de baflin , donne lieu de pétrir cette terre qu'on prend à poignée ôc qu'on jette avec force contre les gaulettes , jufqu'à ce que le tout foit également en- duit. On ie polit avec la main , on remplit les crevaf- fes , ôc on finit par le blanchir , quand le tout eft par- faitement £ec. Aux proportions près , tous les bâtimens dépendans de la maifon fe font de la même manière. Le nombre en peut varier , félon le plus ou le moins de befoin qu'on en a. Mais il en eft d'indifpenfables , tels que les cafés pour les Nègres , le magafin à vivres , la cui- fine , &c. Les cafés à Nègres ont communément, y compris les deux féparations qu'on y obferve , trente-fix pieds de long fur douze de large. Chaque Nègre a fa café particulière, foit pour lui , fa femme ôc fes enfans , foit pour lui feul. On les place fouvent au hafard , ôc il en peut réfulter de grands inconvéniens. Le mieux feroit qu'elles fuffent vues de la maifon du Maître , rangées fur deux lignes , avec un efpace d'environ vingt pieds entre chacune , fans permettre qu'il y eût plus d'une porte , & autrement que fur le devant. Cet ef- pace de vingt pieds empêche que fi le feu prenoit à tine café , il ne fe communique aux autres ; Ôc de plus il leur eft néceiïàire pour planter quelques arbres utiles, àes pois, du tabac 5 &c. Le magafin à vivres du Maître doit tenir à. la mai- fon. A côté du magafin il faut placer la eu fine j elle en fera féparée par un mur de roche à ravets 3 auquel on adoftera une cheminée conftruite en briques. Dans l'en- , droit ou eft le feu , on met une plaquevqui , commun*- A h U S A G E D £ CAYÏÎÎN!, ï f quant de la 'chaleur au magafin , y garantit les vivres de riiumidité. H faut obferver en général que tous les bâtimens où on eft obligé d^allumer du feu foient tou- jours fous le vent des autres , comme la café à cajfave , la buanderie y &c. Tous encore doivent avoir une ga- lerie en avant , telle petite quelle foit , tant pour les préferver de l'humidité s que pour que la Maîtrefle , du lieu où elle eft , puifTe y avoir l'œil. Si le terrein ne permet pas que ces bâtimens foient tous fur la même ligne , leur pofition en tour d'équerre doit Erre préférée comme la plus avantageufe. ^ Il ne faut pas oublier d'avoir une café qui ferve d'hô- pital pour les Nègres férieufement malades. 11 leur faut un endroit féparé où ils puifTent être foignés. Dans la galerie qui fera en avant de cette café , on fera bien de placer un madrier , fur lequel les Nègres infirmes ou convalefcens puiflent s'affeoir ; on jugera plus aifémenc de leur état ou du genre de travail auquel on peut les occuper pendant leur convalefcence , &c proportionné- ment à leurs forces. On mettra au vent les cafés deftinées aux manufac- tures & aux denrées. Le détail qui les concerne & la façon de les conftruire , fe trouveront à l'article de cha- que manufacture. CHAPITRE IV. De la Nourriture. J e ne parlerai que de ce que le pays peut fournir pour la nourriture des habitans fans fecours étrangers. La fa- rine , le vin & le bœuf font apportés à Cayenne par des navires. Les vivres qu'il eft le plus facile de fe procurer en peu de tems font les racines , comme les Ignames > les gâtâtes > la Tayove > ou les choux caraïbes ., le Magnoc '- ri4 Maison Rustique; & le Camagnoc ; le Mil , le Ris 3 les #er^ & îel Légumes , dont il y en a de naturels aupays 5 d'autres qui y font naturalifés. Les fruits de plantes &c d'arbres y font abondans. Les animaux domeftiques qu'on peut élever dans une baffe-cour & dans les favannes , font une reffburce in- dépendante de celle qu'offrent là chaffe & la pêche. Le pays offre encore des moyens pour apprêter St âffaifonner les mets • Se l'on peut s'y procurer des boif- fons plus ou moins agréables , mais du moins toujours Utiles , tant aux habitans qu'aux nègres. Je dois prévenir qu'en détaillant chacun de ces arti- cles , j'ai cru , pour éviter les répétitions , ne devoir qu'indiquer , par rapport aux plantes j lufagè dont elles font pour la nourriture. Leurâ différentes préparations fe trouveront à l'article de ces plantes 5 dans le catalo- gue général & alphabétique des herbes y plantes , arbrif- feaux & arbres dent on tire parti à Cayenne , relativi- sent à divers objets. A k TICLE PREMIER, Racines. Ignames. Il y eti a plusieurs fortes qui font bonnes à manger fix mois après qu'elles ont été plantées. Elles s'apprêtent de différentes manières. On les mange rôties ou bouillies • on en fait du langou ; elles fervent niêmé de pain aux Nègres. Patates. Ce& la pomme de terre de l'Amérique. Toutes les variétés ont aux Ifles une dénomination par- ticulière : on les recueille au bout de quatre mois. Les François les préfèrent à la châtaigne , dont elles ont le goût. Tayove. Nom corrompu du mot indien taya. Cette plante eft connue dans les Ifles fous le nom de chou caràibc. Les feuilles fe mangent da$>s la foupe \ la tm A L USAGE DfeCAYËNltft. îf tïne eft la meilleure de toutes 5c la plus nourriffante* On en fait , pour ainfi dire , trois récoltes dans l'année. MAGNOC. C'eft un arbrifteau dont on connoît à Cayenne trois efpeces. Le maille , dont la racine eft bonne à arracher au bout de neuf mois ; le rouge ,, qui a plus de goût , & dont la racine doit refter un an ett terre ; & le baccoua ^ |ui n eft en ufage que chez les feuls Indiens. Ces racines ne fe mangent point , on eft obligé de les mettre en prefle ôc de les écrafer pour en exprimer le jus qui eft un poifon. La farine qui refte eft de la plus grande reflburce. Par des opérations qui feront décrites en leur lieu , on en fait ou du coâac _, que les Indiens préfèrent , & qui eft connu à la Martinique fous le nom de fimple farine de magnoc , ou de lacaf- fave. La caflave eft le pain des Nègres , ôc les François s'en accommodent parfaitement. Quoique l'eau de magnoc foit dangereufe , elle n'eft pas entièrement inutile. En la laiflant repofer 5 on trouvé au fond du vafe un marc appelle cipipa _, qui fait def petites caftaves très-délicates , & qu'on employé pour faire des maflTepains. L'eau qui fumage ce marc, mêlée avec de l'eau fim* {>le de magnoc , toutes deux dangereufes , entrent dans a composition d'une efpece de moutarde appeUée ca- tzouj à laquelle les Indiens ajoutent force fel & du piment. Le LANGOU eft une nourriture faine &c légère , pré- parée avec de Y igname ou avec de la cajjave _, qui d'à- bord eft trempée dans de l'eau froide , & jettée enfuite dans de l'eau bouillante Cette pâte eft la nourriture la plus ordinaire des Nègres. Le MATÉTÉ _> qu'on fait également avec de Youangle s avec du mil _, avec de la caffave 3 foit de magnoc 3 foit de camagnoc , demande > à peu de différence près 3 la même préparation que le langou ; on y ajoute du fyrop , êç c'eft la nourriture des Nègres dans leurs maladies* t6 Maison Rustique* Camagnoc. C'eft une efpece de magnoc , dont m racine fe mange fans danger , rôtie ou bouillie. On la travaille comme le magnoc ; l'eau qu'on en exprime n'eft: nullement dangereufe. Sa farine a plus de goût que celle du magnoc, mais l'arbriflTeau donne une moins grande quantité de racines» Article IL Herbes & Légumes. Mil. Bled d'Inde ou bled de Turquie. Si on îe planté dans le tems*convenable & avec les précautions nécefîai- res 5 la récolte fera abondante au bout de deux ou trois mois. Les finges quelquefois y font grand tort quand on n'a pas le foin de les chafler. Les Caraïbes de les Créoles le mangent rôti fur des charbons ; aux Ifles oh mêle quelquefois fa farine avec celle de froment, tk on en fait d'aflTez bon pain. On en fait en Guyenne avec du mil feul , & les payfans qui s'en nourrirent s'en trouvent bien. Les autres préparations du mil font le matétê , le langou déjà décrit , ainfi que d'autres efpeces de langou qu'on appelle loconon & brin. Elles font plus à l'ufage des Nègres ; mais c'eft toujours un grand avantage pour un hamtant de trouver dans le pays de quoi nourrir ceux dont il a un befoin indifpenfabîe pour faire valoir fon habitation. Cette réflexion doit avoir fon application pour toutes les autres reffources qu'offre le pays , & aux- quelles les François auroient peine à fe prêter pour eux- mêmes. On fait auffi avec le mil des galettes , ou de petites caffaves. Ris. Son utilité eft connue. On fait qu'il eft très- fain Se nourrifïant. Je n'ai rien à ajouter , fi ce n'eft que fa culture eft facile. Calalou ou Caroulou , le Gombo. Cette plante eft efTentielle aux Blancs comme aux Nègres. Son fruit haché À L* USAGE DE CàYSENNÈ. If Hache avec quelques feuilles detayovepar exemple 3 où les feuilles naiffantes de la plante même , & cuit avec du lard ou du poiffbn boucané , eft le premier mets qu'on préfente aux perfonnes les plus distinguées. Son fruit jeune fe mange en falade. Feuilles de Tayove. Elles font très -bonnes dans là foupe : elles entrent dans le Calalou^ comme on l'a vu» Feuilles de magnoc. Epinars. Nom que l'on adonné à une plante qui pouffe au premier grain dans un abatti neuf. On l'ap- prête comme des épinars. Elle eft très - commune 9 vient fort vite , eft très-néceflaire aux Nègres , & agréa-* ble aux Blancs. Mignonetté. On la mange eh falade*, Oseille de Guinée. On en fait le même ufage que de i'ofeille en Europe j & de plus des confitures. Ouangle j Sefame. Les Nègres n'ont garde d'en hé* gliger la culture : la graine fe recueille au bout de deut mois. Ils en font du matele. Cette graine réduite erî pâte , fe mange avec du piment de du fel ; ou avec du lucre. Comcombre. Que les Portugais cultivent à Para , éè qui vient facilement à Cayenne. Pois. Il y en a de blancs ^ de noirs , de rouges $ âe'é pois de fept ans , des pois d'Angoleou de Congo, qu'oit met dans le potage > de qu'on accommode de différen- tes manières. Les herbes & légumes qu'on a pu naturalifer dans le pays > font les choux j la ciboule _, le perjîl , le céleri & les navets 3 les raves > ainfi que beaucoup d'autres. Les citrouilles , les potirons , les concombres y ont tin goût exquis. Les melons y font très-bons; avec un peu de foin on en pourroit avoir toute l'année. L'atti- ehaut n'y vient pas s il ne pouffe qu'en feuilles. Je hé fais pourquoi on ne réuffiroit pas à y avoir des fraifes, II y en a une efpecè qui eft particulière au chili > M S " I S M^ÏSOM RTJSTÎQtJ*, on en élevé à la Martinique» On pourrait furement augmenter les richeffes en ce genre» Je n'aurai pas de peine à perfuader qu'il feroit très- avantageux à un habitant d'avoir un endroit où il pût former un potager. Que d'agrémens & d'utilité n'en retireroit-il pas ! Mais je dois avertir que les grandes pluies peuvent lui faire perdre le fruit de fes foins , s'il ne prend des précautions. Ces pluies font plus nui- fibies aux hetbages que les chaleurs de l'été. La chaleur fe tempère par des arrofemens , les grandes averfes continues pourritîènt tout. Pour prévenir cet inconvénient 5 il faut , i°. que le fol du jardin foit plus élevé que le terrein qui l'envi- ronne , quand on feroit obligé de creufer un puits au milieu pour avoir l'eau dont on peut avoir befoin. i°. Que chaque carreau ou plate-bande foit d'un pied plus haut que le fol du jardin. 30. Que chaque carreau foit encore entouré de bandes de Balatas de deux pieds de haut , dont un pied entrera en terre , & inclinées un peu en dedans du carreau. On ajoutera fur les côtés Se au milieu des piquets du même bois , pour y atta- cher les barres qui lieront le tout enfemble , pour porter un treillage de Bâches. On jette deffus quelques feuilles de Baroulou ; c'eit le moyen d'empêcher les pluies de coucher par terre 3c de pourrir les plantes pendant l'hiver , ôc le foleil de les brûler pendant l'été. Indépendamment de ces précautions , un foffé de deux pieds de profondeur fur quatre de large au moins , doit être creufé autour du jardin , pour donner aux eaux la facilité de s'écouler. C'eft auilî un obftacle à oppofer aux fourmis , qui dans une nuit peuvent, en quelque forte , détruire un jardin. Elles font fur-tout à craindre pendant l'été. Quand on les voit s'achemi- ner vers le potager , il faut envoyer un vieux Nègre pour les piler & les brûler. Le feul moyen de les faire. A L* Û t A G È DÉ CàYÈNKÈ. t> frènohcer a leur entreprife , eft de les inquiéter , fi on lie peut les détruire. 11 eft fi facile , quand on a un jardin potager * d'y réunir fans frais les fleurs du pays , que cet agrément n'eft pas d négliger. J'ai fait tranfporter dans le mien plufieurs efpeces d'oignons fauvages dont les fleurs qui ont du rapporta la tulipe , s'épanouiffent dans les plus fortes chaleurs fans avoir befoin d'être arrofées. Les cabinets ou tonelles qui peuvent fervir d'abri contre le foleil y font couverts de plantes farmenteufes dont les fleurs enchantent par l'odeur , par la forme , parla va- riété des couleurs. Depuis 1753 on a des rofes à Cayenne ; mais elles ne paroilTent fouvent qu'autant qu'on frappe le rofier jufqu'à l'excoriation. L'œillet y vient à merveille , mais il a peu d'odeur. R T I C L £ I I l Des Fruits. 11 n'y a Cayenne d'arbres fruitiers d'Europe que des grenadiers qui viennent aitez beaux , des figuiers qui réunifient à merveille , Se du raifin qui ne mûrie ni également ni parfaitement. Sur la même grappe , il y a des grains verds , des grains mûrs ôc des grains pour- ris. Mais les plantes &c les arbres du pays fournifient aftez de fruits bons à manger pour dédommager de ceux qui manquent. Ananas. Il eft inutile de le faire connoître & de prouver l'agrément & l'utilité qu'on en retire. Bananier à fruit plus long, C'eft une nourriture e5s> cellente , c'eft la viande des Nègres > comme la caffàve eft leur pain. Il y en a plufieurs efpeces ou variétés plus ou moins grottes , & qui rapportent plus ou moins. On les mange fur le gril , au vin , à l'eau & au fel , &c* Les habitans de la Grenade en font une efpece de pam > fort en ufage autrefois dans cette Ifle. Bij 10 Maison Rustique, Bananier à fruit plus court. Bacobe , ou figue bai cobe. On veut que fon fruit foit plus délicat. On le mange cru \ ou fur le gril , ou cuit au four. Un feul coup de fabre l'abat , quelque gros qu'il foit. Pistache. Ceft le fruit d'une herbe rampante j il fe mange au deffert , ou cru , ou pafle au four. Oranger, Citronnier. Ceft ici le lieu de rendre compte d une expérience qui m'a réufli , & que j'ai répétée plufieurs fois au fu- iet d'orangers & d'arbres fruitiers que j'ai fait tranf- porter d'un endroit affez éloigné & replanter avec fuc- cès. Deux ou trois mois après ils étoient couverts de feuilles. Je vais indiquer les précautions que j'ai pnfes pour réuffir. J'ai fait cette opération au decours ou au renouvelle- ment de la lune ; avant que d'enlever l'arbre , je mar- - quois d'un coup de ferpe le côté expofé au vent ré- gnant ; je faifois enfuite une fouille très-large autour de l'arbre pour couper aifément les groffes racines & ménager les petites qui forment le chevelu. Je tâchois enfuite d'enlever l'arbre en motte , ce qui eft allez fa- cile quand il n'a point de pivot ; car lorfqu'ilfaut cou- per le pivot le fuccès eft douteux ; dès que l'arbre eft arraché , on ôte toutes les branches , à la réferve de deux ou trois petites , auxquelles on biffe quelques pe- tites feuilles pour s'affurer de la reprife de l'arbre. Ces feuilles ne fe flétrirent même pas quand on doit réuflir. Pour le replanter il ne faut pas que ce foit par un tems pluvieux ou par un foleil trop ardent , mais par un tems fombre &c brumeux. On met au fond du trou où il doit être placé un lit de fumier • on confulte la marque faite au tronc de l'arbre pour la préfenter au îfcême air de vent. On fait pan cher un peu l'arbre de ce côté; on l'enterre d'un pied & demi plus qu'il ne l'étoit , fans laiffer de vuide entre les racines. La terre qu'on jette deffus doit être preffée exactement, mais peu a peu ; enfin avec un bois fourchu on étaye fous le vent une des branches qu'on a laiffées. al'usagedeCayenne. xi Les arbres fruitiers connus font le fapotiller , l'avo- cat , l'abricotier , le poirier , le cerifier , deux efpeces ; le faouari , le coupi , le balatas , le goyavier , plufieurs efpeces > le papayer, le jaune-d'œuf , le corofolier , le pomme de canelle , &c. Les palmiers , favoir le cocotier , le pahpou. Les palmiftes ou choux palmiftes , tels que l'aouara, le canmouri , le maripa , le mocaya ou montcaya. Confultez l'article de chacun de ces arbres dans le catalogue général des plantes , bois & arbres d'ufage à Cayenne. ( Chapitre X). _ Je ne puis me difpenfer d'ajouter ici une reHexion fur l'habitude où l'on eft de planter au hafard des arbres fruitiers. Rien de fi aiféquedefe ménager des avenues ou des allées qui joindroient l'utilité à l'agrément. L'ef- pace qu'on lailferoit pour chaque allée feron propor- tionné à celui qu'il faut pour la crue parfaite de l'arbre , ainfi que la diftance de l'un à l'autre fur la même ligne. La forme des arbres , leur port , leur élévation déci- deront de l'arrangement qu'on doit leur donner. Ceux qui font mal faits ou trop petits, trouveront place hors rang & dans une efpece de verger. Ces palmiftes fi utiles d'ailleurs , rant par 1 huile qu'on tire de quelques-uns , que par leurs feuilles fi ne- ceffaires pour les couvertures , portent au haut de leur Ôge ce qu'on appelle en Amérique un chou qui eft bon à "manger : pour avoir le chou il faut abattre l'arbre ; l'avantage d'un moment ôte pour l'avenir des reflources très eflentielles. Cette dégradation allou jufqu'à couper l'arbre uniquement pour avoir les feuilles dont on avoir befoin. Quelle perte ! La plupart renouvellent de feuil es tous les ans. J'ai mis en ufage un moyen pour couper les feuilles fans détruire le palmifte j rien de fi aifc quand il n'eft pas abfolument alfez haut pour empêcher 1?. force & le jeu d'une ferpette emmanchée dans une gau- lette i autrement on fe fert , ou d'une chèvre triangu- laire , ou en prenant , à la manière indienne , des liens B îij '" s xi Maison Rustique^ pour aflurer les pieds , afin d'embraiTer le corps d§ l'arbre. Article IV. 'Animaux domejliques qui peuvent s'élever à Cayennç dans une bajfe-cour. On trouve de la volaille à acheter à Cayenne j les Nègres en élèvent & en fourniflTent la Ville. Une poule coûte vingt fols , un chapon quarante , une poule pondante , dite Maman _, coûte vingt-quatre fols y la douzaine d'œufs autant. Le canard coûte trois livres , & la canne deux livres j le dindon coûte fix li- vres , la dinde quatre livres • la pintade ne vaut que deux livres, &c. Il feroit plus avantageux à un habitant d'avoir une baffe-cour fur {on habitation : l'utilité en eft d'autant plus grande dans la faifon des pluies , que la chaffe & la pêche font moins abondantes. Le détail en regarde particulièrement la Maîtreffe. L'expofition & la conftru&ion d'un poulaiilier de- mandent des attentions.. La forme ronde en pain de fucre eft la plus avantageufe , en ce qu'elle donne moins de prife au vent. Entre chaque poteau on fait entrer des tançons à force 5 & fur les tançons on entrelace très- ferré & très-près des gaulettes. On ne boufille en bas qu'un pied & demi de terre fur la jonction des gau- lettes & tout en haut. Par ce moyen le poulaiilier eft comme a jour ; il y entre beaucoup d'air & de fraîcheur. En dedans il doiry avoir une efpece de petit poulaiilier féparé y dans lequel on jette la volaille qu'on traite avec les Nègres ou avec les Indiens , foit qu'on la deftine à être mangée , foit qu'on veuille renouveller ou aug- menter celle qu'on a. Au devant du poulaiilier il doic y avoir une galerie large Se baffe , pour que la petite volaille puitfe à l'abri du vent s'y promener à l'aife <$£ km crainte. Quand elle y çft expoféç 5 ou court xil^m a l'dsagi de Cayenne. >x$ qu'il ne porte dans leurs yeux de petits grains de fable qui l'aveuglent & la font périr. Le poulaillier doit encore être clos avec la plus grande exactitude , pour prévenir les ravages qu'y feraient les rats de terre & d'autres quadrupèdes. Des trappes & des pièges en garantirent. Les oifeaux de proie , Cona- biby , Pagari ; & une efpece de petite Jiglt rouge font aufli une guerre continuelle , fur tout à la petite volaille. On ne s'en débarrafïe qu'à coups de fuf.l. U volaille eft encore fujette au pian , qui fe paffe quelquefois , mais qui ne lailïe pas d'en détruire. Jufqu'a prelent on n'y connoîtpoinr de remède. Il me refte à indiquer les foins particuliers que de- mande chaque efpece de volaille. Les poules doivent être feules dans des paniers ou elles couvent. Ces paniers font attachés au milieu du panneau , entre la fabliere d'en bas & la terre. Pour qu'elles puiflent pondre tous les jours , on a de grands paniers aux deux coins du poulaillier , éloignes des gau- lettes qu'on a foin de mettre en dedans pat étages pour donner aux poules la facilité de jucher. On a foin de leur donner de l'eau. En général les poules donnent beaucoup d'œufs , & les poulets réuffiiTent fort bien. Les dindons s'élèvent difficilement dans de certains quartiers. Ils font fujets à la goutte qui les empêche de profiter. Pour la prévenir on les met dans des paniers remplis de foin. ,, La pintade eft moins commune. On néglige d en élever , parce qu'il lui faut un endroit particulier , d au- tant qu'elle nuit aux autres volailles , & que d'ailleurs le défagrément de fes cris continuels obhgeroit a la relé- guer loin de la maifon. Le canard de Cayenne eft meilleur & plus gros que celui d'Europe : les petits demandent beaucoup de ioins pendant les premiers mois. Les cannes pondent pendant L'hiver ; les grandes pluies leur font contraires. 11 faut ' ' ° B îv '$4 Maison RustiquiJ que le canard foit vieux , au lieu qu'il faut que le coq foit jeune 9 fi l'on veut que la volaille profpere. Le canard fauvage eft monftrueux. Il a la chair moins compacte j il s?éleve avec des canards domeftiques , & $1 en naît des petits dont le goût tient des deux. Les pigeons font auffi d'un rapport tràs-eonfidérable 9 pourvu qu'on les mette à l'abri des rats ; il fuffit que le colombier foit élevé fur des poteaux , auxquels on at- tache des godets renverfés qui empêchent les rats d'y ■monter. Il eft aifé auffi de nourrir des lapins , mais dans des tonneaux. Article V, animaux domeftiques & utiles qui s3 élèvent & peuvent fe multiplier dans les fayannes. Les favannes font des prairies naturelles , plus ou moins bonnes , fuivant la qualité de l'herbe qui y do- mine. Avant que de fe décider fur telle ou telle favanne a il faut d'abord examiner fi dans les environs il y a quel- que rivière ou des trous qui foient toujours remplis d'eau ; à la fin de l'été on les fera fouiller , pour s'apu- rer de leur profondeur & de la quantité d'eau qu'ils contiennent. Si l'herbe y eft verte , fi elle a du corps fans être extrêmement longue , on s'en contentera jus- qu'à cequ'on ait aftez de forces pour y planter du chien- dent. La favanne la plus étendue , mais qui ne feroie remplie que de mauyaifes herbes , telles que Y herbe à lied 3 le queue de biche favanne ou yappe j devroit être abandonnée , ou labourée plufieurs fois. Le bétail qu'on y élèverais maigrirpit a feroit moins fécond $ç pioins bon à manger. D'après ces obferyadons 3 qui déterminent fur fa fhoix de la ftWRftB « m M>nwçnçç % faire ççnforàç A L U;S A G E DE CaVENNE. 1$ un Carbet ou AjoUpd> pour que les beftiaux puiffent are à l'abri du vent ôc des grains de pluie. Il faudra en même tems faire un petit parc entouré de boutures de méde- cinier > qu'on attachera avec des lianes fur des gau- lettes fichées en terre , jufqu' à ce que le médecinier aie pris racine. Tous les foirs on y fera entrer fes beftiaux. Cette précaution les empêche d'être fauvages , les met à l'abri des tigres , & raffure fur le tort que les beftiaux: en liberté pourraient faire aux voifins, # Ce devroit être une convention entre tous les habi- tans d'enfermer le foir leurs beftiaux pour l'intérêt com- mun de la Colonie. On ne peut imaginer le tort qu'ils peuvent faire. Sont-ils dans un champ de rocou , ils fe frottent à tous les arbres , les ébranlent 5 fur- tout quand ils font jeunes , & en font tomber les fleurs ; fi c'eft ua champ rempli de bananes , de calebaffiers 5 pour lef- quels ces animaux ont un goût décidé , tout fe trouve détruit en peu de tems. L'ajoupa fini ( qui ne doit fubfifter qu'en attendant un établiffement plus folide ) & le parc conftruit , l'ha- bitant jettera dans fa favanne une couple de genilTes U un bouvard , fi (es facultés le lui permettent , ou en fa- ciété avec un autre , à moitié de profit. Les Cabrites profperentfi bien àCayenne 5 ainfique les moutons , qu'il y joindra une douzaine de l'une ôç l'autre efpece. Mais il ne paffera jamais le nombre de cinquante de chacune. J'ai remarqué , ainfi que bien d'autres , qu'en plus grande quantité ils dépendent à vue d'oeil, au lieu qu'en fe bornant à ce nombre, il n'y aura pas de femaine qu'il n'en puifle manger. Le cochon eft la meilleure refïburce fans contredit , mais il caufe à lui feul plus de dégâts que tous les autres beftiaux réunis. 11 faut pourtant en avoir toujours un a l'engrais, un autre mâle pour perpétuer l'efpece , Se qu'on coupe enfuite pour le mettre à l'engrais quand on Uie celui qui y eft. gn général les beftiaux font plus gras & ont meiUeiu i6 Maison Rustique, "goût quand ils vivent fur le bord de la mer. Les bêtes I cornes ôc les chevaux font moins attaqués de la maladie des barbes. Le fable que la mer a couvert & qu'ils lè- chent peut y contribuer. Les cabrits y réuffiffènt très bien , les jeunes font auflï délicats que l'agneau. Les moutons multiplient beaucoup. La bergerie doit être faite de manière qu'il y entre de l'air , ainfi qu'on l'a observé par rapport au poulaiilier. Si on vouloir deftiner un nombre d'hommes fuffifant pour garder des troupeaux de cochons , ce feroit un grand avantage pour la Colonie. Le lait des vaches eft bon , mais elles en donnent moins que celles d'Europe ; on en fait des fromages que l'on pourroit perfectionner. Les boeufs, fi utiles pour la nourriture & pour le charroi , pourroient être encore plus communs. Il ne feroit pas même difficile d'avoir une boucherie ouverte a Guyenne ; mais on n'y en trouve que quand les fu- criers en fournifTent. Le bœuf fe vend feptâ huit fols la livre ; le taureau Se la vache fix à fept fols ; le mou- ton, le veau., le cochon & la biche dix fols. C'eft le Procureur du Roi qui en fait le prix. Une réflexion que je ne puis me refufer , c'eft que quand le bœuf deviendrait beaucoup plus commun , il faudrait bien fe donner de garde d'accoutumer les Nè- gres à cette nourriture , qui les rendrait plus difficiles fur celle dont ils fe contentent. Si un fucrier perd un bœuf, foit qu'il ait été mordu par un ferpent , ou tué par âes^ tigres , ou empoifonné par une efpece de petite grenouille verte qui vit fur l'herbe & qu'il avale quel- quefois , il doit plutôt l'enterrer que. le diftribuer à fes Nègres ; le gardien du troupeau qu1 bifferait em- bourber un bœuf de façon à ne pouvoir plus rendre de fervice , mérite d'être puni très-févérement. Les Nè- gres ne fe feraient point fcrupule d'eftropier lin bœuf qu'ils feraient fûrs de manger. A L* USAGE DE CAYENNE. Article VI. *7 Animaux du pays qui fervent à la nourriture des hahU bitans > & qu'ils peuvent fe procurer par le moyen dt la chajje ou par le moyen de la pêche, §. i. • De la Chajje. Les Blancs chaflent au fufil , ou avec des chiens cou- rans bien drefles & uniques en ce genre. Les chafleurs nègres vont communément fans fuiîl \ mais avec des chiens qu'on appelle chiens à trous 3 à caufe du gibier qui terre dans des trous , & que ces chiens ont l'art de découvrir. Une ferpe fuffit au Nègre pour fouiller dans l'endroit où eft l'animai qu'il veut prendre. Les quadrupèdes font Y Agouti , le Pac 3 leTatou _, le Cabaffouj le Quachi ou Couachi 3 la Biche > le Cerf.> le Manipouri Se le Cabiai. Ces deux derniers font amphi- bies , de on ne les tue que par hafard. Les Jinges _, tels que le makaque fimple , le cornu , le fapajou , le tamarin 5 le finge de nuit , le finge rouge , l'alouata ou couata. Les tortues de terre , dont il y a dix à douze efp eces. Les tortues de mer mâle 5c femelle 3 que l'on guette la nuit fur le rivage pour les retourner fur le dos. La tortue caouane , qu'on prend plutôt pour en tirer l'huile , quoique les Nègres en mangent. Enfin des tortues de favannes, que les Indiens ap- portent d'Oyapock. Le peu de remarques que j'ajouterai fur ces ani- maux ne contentera pas un Naturalifte , mais pourra fuffire à un habitant, L'Agouti eft le lapin d'Amérique. Il eft gros comme un chat tirant fur le rçux. Il s'apprivoife. Sa femelle zS Maison Rustique,' rapporte cinq à fîx petits au commencement du beaaÉ rems. Les chiens les prennent à la courfe dans les en- droits découverts. On les fait tomber dans des trappes j on en tue auffi beaucoup à l'affût. Les graines de l'arbre qui porte le nom d'agouti leur fervent de nourriture j ils lui préfèrent la graine de maripa. Quand le canmoun eft en fruit , fi on ne trouve pas d'agoutis au pied , le chaffqpr les fiffle , ils accourent , & il eft facile de les ruer. Le Pack eft gros comme uneochon de lait ; il y en a de blancs marqués de noir , d'autres mouchetés fous le ventre. Sa chair eft entrelardée 3 appetiffante % mais raiTafiante. Il plonge & reftedans l'eau plusieurs heures. Il eft difficile à chafler pendant l'hiver ; les grandes eaux lui font favorables. Il porte au commencement des pluies. Il faut des chiens drefles pour le prendre. Il fe cache en terre 5 mais peu profondément ; de forte que fouvent les chafteurs en marchant enfoncent dans l'en- droit où il eft caché , & le font partir. Il y a trois iffues en triangle dans la retraite qu'il fe fait. Il les recouvre de feuilles feches , qui font croire au chafTeur que c'eft tin ancien trou abandonné ; quand on veut le prendre en vie , on bouche deux iffues , & on fouille la troifieme. Le Tatou eft couvert d'une écaille qui lui forme une efpece de cuiraffe , qui eft pliante & fe prête à tous fes mouvemens. Il terre très-promptement ; il ne marche jamais que la nuit ; il vit de vers le long des'rigoles. Il fait fes petits au commencement de juin : la portée eft de quatre ; en le fouillant on court rifque de le voir s'échapper. Une journée ne fuffit quelquefois pas peur le joindre. Le Tatou-Cab assou eft plus gros du double. Il [terre fur les mornes & craint l'eau. 11 vit auffi de vers j il eft irioins bon que le tatou 3 & il fent le mufe. Il y a du rifque à le fouiller • mais comme il n'a qu'un trou , on fait du feu defïiis pour que la fumée l'étouffé. On en eft affuré quand il cette de faire du bruit. On le fouïlk alois fans rien craindre. A X* USAGE D fc C A Y ï N >î E. ly LeCouAHci ou le Coati a le mufeau étroit & long comme un grouin de cochon ; fa mâchoire fupérieure avance plus que l'inférieure d'un pouce & demi. La couleur de cet animal eft brune \ il eft aufïi fin que le renard : c'eft le deftrudeur des chiens qu'on employé à cette chafle , Se pour laquelle il faut qu'ils foient cou- rageux. Sa dent eft venimeufe. On ne peut l'avoir qu'en le tuant à coups de fufil ; il faut même ne le tirer que quand il fuit > & non quand il eft arrêté. Sa chair eft aflez bonne. La Biche & le Cerf. On appelle indifféremment dans le pays du nom de biche le mâle Se la femelle ., la biche & le cerf. La biche ne diffère de celle de France que par fa groffeur , le cerf par la petitefTe de fon bois. Mais ils ne font pas aufli agiles. Un chien ordinaire lance une biche en plaine. Quand cet animal eft pour- fuivi dans les bois, il écume fî fort que les chiens ne le quittent plus. On en tue beaucoup a l'affût dans les magnocs , dont ils aiment la jeune feuille. La viande en eft fort bonne & délicate. On mange généralement à Cayenne tous ksjïnges* Les plus communs font le finge makaque fimple; c'eft ce- lui qui s'apprivoifele plus aifément. Quelques habitans le mangent, malgré fa chair filandreufe. Le cornu, le fapajou°, { akarima ) dont la tète eft petite & la couleur olivâtre clair. Le tamarin , qui eft très - petit & a des oreilles d'éléphant. Le finge de nuit, le finge rouge couata. On dit que ce dernier fait une foupe excel- lente , & qu'il eft parfait en civet -y mais c'eft le feul dont je n'ayepu me réfoudre à manger. Je n'ai pu vaincre cette foiblefle dans les plus grandes néceflirés où je me fuis trouvé au milieu des bois ; & cette foiblefle n'a d'autre principe que le hideux de fa figure. Son poil eft noir , long & femé fort clair , celui de la tête menace le ciel , & entoure , en forme de rayons , un vifage long , large par le haut , étroit par le bas ^ dont le fond eft fang-de-bœuf clair. 11 aie nez fort écrafé , l'œil rouge 5 o Maison Rustique; 6 la prunelle noire , un col noir & alongé , prefqug fans poil , eft placé fur des épaules étroites ; fon corps mince fe termine tout-à-coup par un ventre auflî gros que celui d'un chien noyé : le tout monté fur deux lon- gues cuiffes où l'on ne voit qu'un os d'où parr une main décharnée ; chaque doigt eft auflî long que la moitié de la jambe. Les Tortues. Il y a dix à douze efpeces différentes de tortues de terre. Le hafard feul en fait la chaffe. Les Indiens apportent d'Oyapock , à la fin de la belle faifon , des tortues de favannes , qui font très-bonnes , ôc plus ou moins chères , fuivant le plus ou le moins qu'ils en apportent. Celles de mer qui montent fur le bord des anfes de la mer , Se communément fur celles de Senamary , ont quatre pieds de la tête à la queue. Les Indiens font exactement la fentinelle pendant la nuit pour les re- tourner fur le dos, quand elles cherchent le frais furie fable 'y elles viennent y faire leur ponte , qu elles recou- vrent avec foin de menu fable. On retourne peu de carras ou de mâles de tortue, dont l'écaillé, comme on le fait , eft bien plus eftimée. La tortue caouane fe pêche affez communément fur les anfes de Korou & de Senamary. La bonne tortue ne monte prefque jamais dans les endroits habités par la caouane. Il faut que les Nègres foient bien affamés pour en manger ; elle ne fert qu'à faire de l'huile qu'ils vendent un écu le pot. Ceft en Mars & en Avril qu'on la pêche aux grands iflets de Cayenne , avec des folles, ainfi que Yefvadon 3 poiffbn dont on tire auflî de l'huile. Les gros oifeaux ne font pas faciles à rencontrer. Entre les petits il y en a tels , dont même une aflez grande quantité ne payeroit pas la journée d'un Nègre. Les Ocos ou Hgcos , efpece de dindes de bois , à qui on a probablement donné ce nom , parce qu'ils femblent exprimer par leurs cris les deux fyllabe's de A t* USAGE DE CaYENKE. J I leur nom , ont la tète furmontée d'une hupe , compo- fée de plufieurs plumes comme étagées , qui a quel- quefois plus de trois pouces de hauteur • ces plumes font blanches , mais noires à l'extrémité , de fe replient en devant. Cet oifeau levé & baiffe fa hupe à volonté. Les Gros becs ou Toucans ont la langue fîn- guliere , c'eft une plume fort déliée , qui a environ demi-pied de long ; les canards fauv âges _, oifeaux de paffage , fe repaiffent dans les favannes , les faifans cl tête jaune 3 dits paraka ou parakoua _, les tourtes y & autres femblables , fe trouvent communément. Les autres oifeaux qui font communs à Cayennefont les ramiers , le paie &c le doré ^ que Ton trouve en quantité dans les abattis revenus ; la chair de ces oi- feaux eft amere dans le tems qu'ils mangent la graine de balifîers. Les Cailles , auflî délicates qu'en France 3 ne font point rares dans les prairies de Makouria. Les Taiouiou ou ToYCOU ^ appelles Flamands en Europe , fe pofent par bandes dans les prairies en tems de pluie : ils font gros comme des dindes ; leur corps blanc eft haut monté ; ils ont le col long , la tête noire & pelée , l'extrémité des ailes noire , le bec aigu , terminé en pointe. On les apprivoife fort aifément y mais ils font difficiles à élever : pour l'ordinaire ils lan- guiffent &c meurent en très-peu de tems. Les greffes plumes de ces oifeaux font excellentes pour les cla- veflins. L'Espatule a le bec terminé comme l'inftrument de ce nom. Il habite les prairies fur le bord de la mer; c eft une efpece de héron , dont les plumes changent de couleur en vieilliflant ; ce qui eft affèz commun à plufieurs oifeaux de l'Amérique. Celles-ci deviennent jaunes 6c rouges. VOnourê eft un oifeau de marécage qui a les plu- mes émaillées de gris & de blanc , fon bec eft court 3c pointu. Dès que la nuit eft venue il prononce exacte- '■ ji Maison RtJSTiQtrïJ ment ces quatre mots , ut ^ mi _, fol 3 ut. Les Negt'ëS en tuent beaucoup. 11 n'eft bon qu'à la daube. Les Sarcelles j favoir les groffes Kavîrici & les petites Soucourourou j couvrent les mares d'eau en tems de pluie ; elles font excellentes rôties. Il y a tant d'efpeces d'alouettes , toutes très-bonnes > qu'un feul coup de fufii tiré au bord de la mer fur le fable qui en eft couvert , en tue par ricochet alTez pour nourrir un homme pendant la journée.» Les Aigrettes Hanches Se grifes ne valent rien en hiver dans le tems des pluies ^ c'eft une efpece de héron qui n'eft gueres plus gros qu'un perdreau. Ses jambes ont un pied de haut : le corps eft tout blanc. Un chaflfeur a encore la reffburce des perroquets pour nourrir fon maître. Le perroquet ordinaire , le Krie _, dont le dos eft jau- nâtre ; le Taucha _> qu'on préfère même à tous les au- tres ; le violet , Kianko j valent une poule dans la foupe & à la daube. Le Meunier , l'amazone dont le plumage eft d'un verd éblouiflant ; YArras rouge Connorou , le bleu Ka~ raraoua font une fois plus gros que les premiers. Tous i étant bouillis , reffemblent, pour le goût5 à la chair de bœuf. La Perruche paouane Se Arras des favannes font très-communs au commencement du beau tems j ils font encore plus délicats que les autres perroquets* § I I- De la Pêche, Quiconque â uft pêcheur , fe nourrit très-bien , & peut encore tirer vingt fols par jour du poifTon qu'il a de trop , Se qu'il peut vendre à la Ville. Les poifTons de mer que l'on prend le plus ordinaire- ment à h folie j ( efpece de filet dont les mailles ont im pied A l'usa es de Cay^nl jj jf>îed en quarré ) font le Maxoran ou Machoiran blanc j la grande Se la petite Gueule j les Cocos blancs Se jau-* nés , Sec. Ceux qu'on flèche font les Lutines Se autres poifïons à écailles ; les Vieilles , dont il y a plufieurs efpeces 3 & qui pefent au moins un demi-quintal. Ceft du bord des anfes qu'on flèche les Gros-yeux. On les laifle venir à la lame , pour les tuer plus commodément , quand la lame efl: déployée fur le fable. On les tueaufli à la lueur d'un flambeau > qui les offufque , & qui les empêche de retourner fur la même lame qui les a apportés. Le Cra- paud k prend à la ligne à. baffe mer 5 dans les trous de roche où il fe plaît. On l'y enyvre auffî quelquefois. Les Nègres pêcheurs à la journée ont le plusfouvem une ligne de cinquante à foixante brafîes , de laquelle il fort quantité de petites lignes en forme de rameaux s armées de trois ou quatre hameçons qu'ils déployenc à la mer , après avoir mis leurs canots à l'ancre. Lorfau'ib s'y endorment avec la fatale précaution d'attacher la maîrreiïe ligne au gros doigt du pied , ou au bas de la jambe 5 il arrive fouvent qu'un gros poifTon avalant ceux qui fe font pris aux hameçons , attire à lui pair des fecouffes réitérées le canot qu il oblige à tourner* Les coups fréquensde nord enlèvent chaque année des pêcheurs de prix pendant les mois de Janvier , Février Se Mars» Parmi les Nègres , il y a fouvent des flécheurs qui f@ déterminent à cet exercice par la crainte du châtiment* Les Indiens fe payent par jour , ou même par mois * s'ils n'aiment mieux une aulne Se demie de toile de Saint- Jean. On leur donne de plus deux coups detafïïâ par jour. Il leur faut un canot Couillara , ou pointu des âeut bouts , de quinze pieds de long fur deux de large. Un jeune Nègre accompagne toujours le flécheur Indien , tant pour apprendre le métier que pour gouverner le canot. L'Indien fe pofte à l'avant du canot s d'où il C 34 Maison Rustique 3 tire fa flèche fur le poiflbn qu'il voie filer entre deux eaux. Les poiflons de riviere,ou d'eau douce dans l'intérieur des terres, font les Occarons , dont la piquûre eft dange- reufe , par les deux éperons qu'ils portent au-deflbus des ouies , ainfi que celle de la Barbe à la roche cou- lant , qui eft eftimé le meilleur de tous ceux des Sa- vannes , les Patagais _, les Gorrets , les Attipa ou Appas ^ les Langues-mortes _, les Danaouagues _, qui mordent , les Ayeya blancs ou Ayaya. Tous les terreins ont plus ou moins de trous., baflîns ou rigoles , dont un habitant peut tirer de grands fe- cours pour lui & pour fes Nègres. 11 peut avoir facile- ment une faine , s'il a foin de planter de la plue à lali- fiere de fon habitation. Prefque tous les Nègres favent faire cette efpece de filet. Le borgne eft un autre infini- ment de pêche qui fe fait avec la côte des feuilles du Cau- rnoux j fendue de longueur , entrelacée avec de la liane franche , ou de la liane crapée. On le pofe vers le mois de Juin , le bois indien j dont la racine pilée produit cet effet , le Conani franc 9 qui enyvre par fes feuilles , ainfi que le A l' USAGE DE CAYEKNE. je Conani de Para > dont l'a&ion eft beaucoup moins prompte. Le lait que rend un arbre nommé OuaJJacou en Pentaillant , mêlé avec autant d'eau ôc de la vafe Se mis dans une feuille 5 ou du linge qu'on laiffe trem- per dans l'eau , a une vertu très-fubite. Mais on n'em- ployé gueres cette manière , attendu qu'il faut fur le champ éventrer le poifTon qui fe gâte bientôt après ; de que d'ailleurs quand on entaille l'arbre à coups de ha- che ou de ferpe , il feroit très-dangereux qu'il fautât de ce lait dans les yeux 3 car il eft auffi corrofif que l'eau forte. Je ne dois pas oublier les huîtres & les crabes, qui font un aliment très-général dans le pays. Il y a deux fortes d'Huîtres à Cayenne , les huîtres des palétuviers y &: celles de roche. Les premières font petites , & s'attachent aux racines ou jambes de ces arbres , & même à leurs branches. Elles y font placées quelquefois de façon à faire une ef- pece de rameau qui pend j elles font excellentes en été, moins bonnes dans le temps des pluies ; elles fe trou- vent alors privées d'un certain goût falé, qui contribue à leur bonté. Celles de roche font plus rares • elles font excellen- tes j & leur largeur va quelquefois jufqu'à dix pouces de diamètre. On les mange à différentes fauces. Il y en a dans la rivière de Senamary 3 mais le plus fouvent ce font les Indiens , ou quelques Nègres libres qui en pro- curent. Leur coquille fert à faire de la chaux j il n'y en a pas d'autre dans le pays jufqu'à préfent. Les crabes font une nourriture des plus communes à Cayenne , & qui n'incommode jamais. Il y en a fixef- peces , qu'on diftingue par différens noms : les crabes des palétuviers '3 de terre , d'eau douce ± les blancs , les acalichats ^ de mer ou chancres. Les crabes des palétuviers font plus ou moins bons , félon les faifons , délicieux en Mars , difficiles à-fouiller dansletems des pluies. Le gonflement des rivières rem- Ci; + <; Maison Rustiqui, piir alors d'eau les trous où ils fe réfugient , dès qu'ils apperçoivent les Nègres. Il faut de l'adreffe ôc une forte de précaution pour les prendre dans leur trou. Ils n'y entrent que de côté , c'eft leur façon de marcher. Dans cette fituation , ils'préfentent leurs ferres pour leur dé- fenfe. Le mal qu'ils font eft quelquefois confidérable. Les Nègres , pour n'être point mordus , fe fervent quel- quefois d'un bâton crochu pour les attraper. Dans de certains tems ils couvrent la vafe. On les prend alors aifément ; mais ils font mous, & moins bons que dans le refte de Tannée. Leur têt ou coquille , ap- pellée Tamarin à Cayenne , & Tamalin aux Ifles , n'eft alors qu'une efpece de pâte fans confiftance , & qui n'eft pas de garde. Les crabes de terre font du double plus gros , & in- finiment meilleurs. Leur couleur eft plus foncée. Les crabes d'eau douce tiennent , pour la groffeur > le milieu entre ceux de terre & ceux des palétuviers. Les crabes blancs fe trouvent dans les fables au bord de la mer. On les néglige. Les acaliehats font de la largeur d'un écu de fix li- vres , rouges en deffus , blancs en deflbus. Ils fe trou- vent au bord de la mer fur les palétuviers 3 ainfi que dans les rivières, ou criques, où ils remontent. Il y en a prefqu'autant fur les arbres que dans la vafe ou à terre. Le bouillon qu'on en fait eft fouverain contre le fang diflbut , & pour les convalefcens. Les crabes de mer, ou chancres , font plats & de la couleur de l'acalichat. Ils font très-bons ôc très-gros dans certaines faifons. On les pêche à mer baffe > dans les cavités qu'elle laiffe remplies d'eau. On les attire avec des tripes au bord de la lame , ou dans quelque endroit aflez creux pour qu'on puiffe paffer un panier au-deffbus d'eux quand ils y paroiffent. Le chancre eft gourmand ,& pince plus fort que tout autre crabe. Il y a plusieurs manières d'apprêter la chair des crabes, A l' USAGE DE C A Y E N N E. 37 qu'on commence par hacher avec du fel , de la ciboule > du poivre & autres épiceries. i°. On la met alors dans fon tamarin ou têt ; & on la fait cuire fur le gril. 2°. De la même chair hachée on fait des boulettes qu'on mange frites. 3°. On la mêle avec des œufs dans des omelettes. Article VII. Des rejfources que le Pays fournit pour F affaifonnement des mets. ' On tire du Pataoua une huile excellente 5 & la meil- leure de toutes pour être mangée en falade. On l'extrait comme celle de XÂouara. On tire de l'huile du fruit du Caumoun. Cette huile eft au-ffi très-bonne en falade. Celle qu'on tire de la graine de Sefame , dit Ouungle 3 fert au même ufage , ôc équivaut à l'huile d'olives. Le Moncaya en fournit une qui eft moins bonne que les deux premières , mais dont on ne laifte pas de fe fervir. Celle qu'on tire de la chair du fruit de XAouara eft dans le même cas. Les Nègres l'employent beaucoup dans leurs ragoûts. Pour fuppléer au beurre qui manque , on tire des noyaux de ïaouara > dont la chair a donné de l'huile , après les avoir gardés en tas pendant une année entière , une graifle , qui conferve d'abord un peu de goût aroma- tique j mais quand on veut l'employer en friture >on}* fait bouillir avec un morceau de caflTave , & le goût d'a- romate difparoît. Le beurre de Cacao eft connu en France comme re- mède adouciffànt ; il eft , au befoin , très-utile à Cay enne pour la cuifine , & très-agréable à manger. C ii) 3$ Maison Rustique, Le fucre eft d'une reffburce infinie pour les gelées » conficures Se marmelades. Le Gingembre , les différens Piments font d'un ufage très-familier chez les Créoles, les Nègres Se les Indiens. On les cultive ordinairement dans les jardins Se dans les plantations. On tire encore du vinaigre de plufieurs fruits , qui a ainfi que le citron ., donne du goût à difFérens mets. R T I C L E VIII. Des différentes Boijjbns. Ou icou y & par corruption Kl cou. La farine de magnoc, non boucanée , paiïee Ample- ment fur la platine pour lui ôter fa crudité , étant ré- duite en pâte dans l'eau tiède , on y mêle trois ou quatre Patates gragées qui lui fervent de levain. Vingt-quatre heures après on la délaye dans l'eau , Se quand on l'a paflee, la liqueur eft bonne à boire. Quoique cette boiiTon ne foit pas la meilleure , elle eft la plus en ufage chez les François Se les Indiens. Nouvellement faite, elle eft aftringente , rafraîchif- fante & très-agréable > fur-tout quand on a fatigué. Elle perd fa vertu quand elle, commence à vieillir. Elle, donne même des vents, quand on en ufe habituelle- ment. La pâte , avant que d'être délayée dans l'eau ^ fe conferve affez de tems dans desCatourïs de feuilles , efpece de hotte , qui , en laiffànt écouler l'eau 5 empê- che la pâte de s'aigrir. CACHIRIj ou Cassiri. Ceft la boifTon la plus diftinguée des Indiens. Le magnoc Amplement gragé , & non mis dans la couleu- i A L* USAGE DI CAYINNE. S9 Vre , on preffe , bouc cinq ou fix heures avec une dou- zaine de patates gragées. Pour ne point manquer le point de cuilïbn , on met en même tems une racine de magnoc entière ; quand elle s'écrafe fous les doigts, le cachiri eft potable. t Les Indiens friands y mettent un quart de farine de magnoc préparée , &c connue fous le nom de couac ; Se comme le défaut d'une jufte cuiiïbn pourroit être pré- judiciable » ils attendent qu'au bout de vingt-quatre heu- res ils apperçoivent une crème rougeâtre & collante fur toute la furface. , Cette boiiTon patte pour la plus faine. Elle elt laxa- tive ; elle reiTerre en vieilliffant , & n'eft bonne à boire que pendant cinq à fix jours. Elle a du rapport avec le cidre j & enyvre comme le vin. Palinot j ou Cariacou. On fait rouffir une cafiTave bien mince , avant que d'être boucanée ; on la détrempe dans de l'eau chaude avec une douzaine de patates gragées , pour aider à la fermentation. La quantité d'eau eft de fix pots de me- fure par chaque caffave ; on y ajoute un peu de fyrop, ou de couac. Paya. Il eft fait de caffaves non boucanées , épaifTes du double des caffaves ordinaires , en quantité propor- tionnée au vin que Ton veut faire. On les enveloppe dans des feuilles , pour quelles fe pourrirent & s'y gonflent, jufqu'à ce qu'elles foient rouges en dehors , ce qui les adoucit. Mifes dans l'eau chaude & réduites en pâte, les Blancs les font fermenter par le moyen de patates gragées , & les indiens à force de les mâcher &C remâcher. Le tout fe met dans un Canari ., ou Chamacou, vafes de terre qui contiennent une barrique , que l'on remplit d'eau. Au bout de quatre à cinq jours on le palîe dans un Manant. G'eft ce qui forme le Paya. C iv ~ I 1 1 40 Maison Rustique, C'eft le vin le plus délicat , ôc le plus eftiméchez îe$ Indiens , qui n'en boivent que dans les grandes oçca- fions. 11 eft plus fort que tous les autres. Dépôt j ou M a r c de Paya. La liqueur qui en réfulte plaît plus aux Indiens qua nos meilleures boirions. Elle parfe pour mal faine , 6c caufe les plus grands défordres. Quand elle leur porte à la tête , ils entrent dans une telle fureur que la fête ne finit fpuvent que par le maffàcre de la moitié des convives. Fin be Patates. On fe fert préférablement de la patate rouge pour faire une liqueur agréable. On la fait bouillir dans de l'eau , après quoi on la parle dans un manaret. On la laiflfe fermenter ; Ôc quand la liqueur a acquis une odeur fpiritueufe 5 elle eft à fa perfection. Si le vafe dans le- quel on la fait a déjà fervi au même ufage , la fermen- tation s'y excite plus promptemenc , de le vin eft plutôt en état d'être bu. Fin de Bananes j ou Gruau de Bananes. Elles fe cuifent avec leur peau,qu on ôte enfuite pour brarîer le fruit dans de l'eau , où il fe délaye. Il en réfulte une boirïbn d'un bon goût , 6c qui eft très-nécefïaire aus Nègres. Fin d* Inham e. Les Indiens en général , ainfi que les Caraïbes > ea firent un vin , qui n'eft pas fi bon que celui de bananes.. Fin d'Jnanas, On îairfe fermenter, h fruit ? qh y r^êîç un peu d§ jf^çre | k lit^r eft agréable A L* USAGE DE C A Y E N N E. Vin de C o r o s ol. 4* On exprime le jus , & pour chaque pinte de jus oh mec un demi-quarteron de fucre blanc : en cet état la liqueur eft agréable Se rafraîchiflante. S'il fermente trente-fix à quarante heures, on a un vin très-bon , mais il s'aigrit au bout de deux jours. Pour le conferver un peu plus long-tems , il faut doubler la dofe du fucre. Ce vin porte à la tête , Se fon ufage fré- quent feroit nuifible. Le vinaigre qu'on en tire eft un des plus forts que l'on puifle tirer des fruits du pays. Fin d'Jcajou. Il n'eft pas d ufage à Cayenne ; il fe fait à peu près comme le vin d'ananas. Limonade. Il fuffit de dire qu'il y a beaucoup de citrons à Cayenne, Orangeade. Celle qui fe fait avec des oranges douces eft très- agréable. Celle qui fe fait avec des oranges ameres fe mêle avec de l'eau-de-vie de cannes, Se du fucre à vo- lonté. Cette boiftbn plaît généralement. L'ufage des boitions dans lefquelles les acides végé- taux dominent eft utile , 8e même néeeflfaire aux habi- tans de l'Amérique. Elles préviennent la trop grande fermentation du fang , Se l'arrêtent même lorfqu'elle çft vçnue; elles diffipent le feorbut que l'air falin fur les bords de la mer & l'ufage des viandes falées pour- roient occafîonner. Elles font auffi utiles aux Nègres qu'aux Blancs. fi 4* Maison Rustique, V i n x> e Rais i n. Le raifin n'eft pas encore affez abondant en Amérique pour en faire du vin. La maturité de fes grappes n'eft pas affez générale ; il eft afTez ordinaire de voir dans la même grappe des grains en verjus & des grains déjà pourris. Peut-être, que s'il étoit plus commun, on pour- roit corriger fa verdeur > en y ajoutant un peu de fucre jaffiné avant la fermentation. Cl T R O N ELLE C A N E L É E. En faifant bouillir la feuille du bois citron avec du lois crabe , on a une liqueur qui tient de l'un & de l'autre. CHAPITRE V. Des fecours quon trouve à Cayenne , par rapport aux commodités de la vie , au détail du ménage & aux Manufactures. Ju e s Habitans fe fervent de l'huile cYAouara , princi- palement pour s'éclairer. Elle brûle en entier , & fans qu'il y ait aucune perte. Celle que fournit l'arbre Carapas n'eft bonne qu'au même ufage ; elle n'a aucune odeur , elle a pourtant la propriété de garantir des infe&es les meubles qu'on en frotte légèrement. On l'employé encore contre les vers qui attaquent les canots. L'huile de la tortue , Caouanc , dont la pêche fe fait en Mars & Avril aux grands iflets de Cayenne , ne fert qu'à brûler dans la forge ôc dans les autres endroits A l' usage de Cayenne. 43 peu fréquentés des Maîtres. On s'en fert même très-peu pour frotter le cuir des foufflets de la forge j elle le brûle 6c le coupe. L'efpadon, qu'on pêche à la folle aux petites Mes de Ramire , & qui eft ordinairement fort gros , & a douze pieds de long , donne encore une huile qu'on n'employé que dans les lampes. La gomme refîne du bois rouge , paflee dans des bois mous , 3c l'écorce du courbaril étant allumés >font des efpeces de flambeaux > &c l'effet du pin dans les Pyré- nées. Mais la nature , indépendamment des fecours dont j'ai parlé , a pourvu encore aux befoins en ce genre par V arbre àfuif; fa graine eft remplie d'une graifle dont on fait de la chandelle. Lecotton filé donne les mèches. Il eft jufte de faire connoître celui à qui Cayenne doit une découverte fi heureufe. C'eft le fieur Bochard , habitant fur la rivière d'Oyapock , à qui les Indiens donnèrent cette connoiflance , qu'il a communiquée à la Colonie. On trouve de la terre propre à faire de la poterie 3 8c les ingrediens propres pour leur donner une efpece de vernis. Il y a du choix pour la brique : celle de Raca- mon eft la meilleure. Les cendres du bois canon , mêlées avec un corps de bananes , donnent de très-bon favori. Le cœur d'un arbre nommé Montouchl _, amolli à coups de marteau , fournit des bouchons. La moelle du caratas , ainfî que la tige de l'ouaye * fervent & amadoue. La gomme réfine que portent les vieilles branches de l'arbre Many 3 conferve le bois des pyrogues ôc ca- nots. Tant de lianes , qui font fort communes dans les bois & que les Nègres favent travailler , font l'office de cor-? des de toutes grofleurs. L'écorce du maho j & quelques autres arbres , rendent le même fervice. ■ 44 Maison Rustique, Parmi les arbres , il y en a dont on fait du mairraïn pour les douves ; d'autres étant refendus, fervent de cercles pour les barriques. Il y en a même qui , creux naturellement , tels que le Sampa j forment des tuyaux très-utiles pour la commu- nication des eaux \ d'autres peuvent fervir $ éviers- Ceft une précaution utile, & commode pour les efclaves , qui fe trouvent incommodés d'être fouvent courbés , pour laver fur les roches , ou fur les carreaux. Les Arcahas y fe- raient très bons. Le Carapas y eft encore plus propre. Il s'en trouve de quatre à cinq pouces d'épaifTeur qu'on creufe pour cet ufage. Des corps d'arbres très-longs & creufés avec art > font les pyrogues , canots & tout autre bâtiment propre à naviger. On peut ajouter à ce que les Indiens favoient faire en ce genre : on a acquis à cet égard , de l'on peut acquérir davantage. On verra dans un Chapitre parti- culier ce que je propofe pour perfectionner la conftrue- tion des canots. Je n'entrerai pas dans le détail des différens meubles utiles dans les maifons, &: qu'on peut faire faire dans le pays. Ceux qui font particuliers à chaque Manufacture fe trouvent décrits dans l'article de la Manufacture même. J'indiquerai feulement ici les bois connus qu'on em- ployé le plus à cet ufage , tels que le bois marbré ou de Fero/es j le bois tapir é \ le bois fatiné _, le Benoît fin ô le bois de lettres , le bois de Sainte-Lucie j Yébene verte j ¥a- cajou 3 le courbaril j &£c. Je ne dois pas oublier les arcabas : ces racines larges ont jufqu'à fept ou huit pieds de haut , mais , fans être également larges des deux côtés, elles n'en font: pas moins utiles. Ces racines fortent de terre jufqu'à une certaine hauteur , d'après laquelle s'élève le tronc de l'arbre. Il y en a de fi grandes de de fi droites , qu'on peut , à peu de frais , en faire des tables de cuifine ,ou de magafin, ou pour repaffer le linge. Des planches épaif* a l' usage deCayenne. 4$' fes rendroient le même fervice ; mais on a cane d'autres façons de les employer utilement 5 qu'on fait bien d'y employer des arcabas , qui ne fonegueres pro- pres qu'à cet ufage. Le Coupy , dont le boiseft trop lourd pour être em- ployé en bâtiment ; le Courbaril, qui vient très-gros, Se qu'on eft obligé de tronçonner pour voir file cœur n'eâ; point'altéré , ce qui lui arrive fouvent , font auflî em- ployés à ces fortes de tables. Ils pofent fur quatre bons pieux debalatas , dont le tour eft garni de lattes, pour iervir de cages à poulets dans la cuifine. Quant aux divers uftenfiles de ménage , on a vu qu'on, peut fe procurer toutes*fortes de vafes de terre. Les feuls fruits des difFérens calbafliers font des pots , des jattes , des verres , des plats Se des afliettes. Les paniers -, hottes , bailles , tamis , couleuvres , fe travaillent avec des plantes,qui font propres à chacun de ces objets. Les Nègres & les Indiens connoiffent ces plantes , & favent les préparer pour l'ufage auquel on les deftine. Ceft auflï à leur adrefïe qu'on doit la conftrudion des inftrumens de pêche dont j'ai parlé. J'ajouterai feulement ici le nom particulier , foit In- dien , foit François , de quelques-uns de ces difFérens uftenfiles. Canari. Vafe de terre qui contient à-peu-près ce que contient une barrique. Samacou , ou Chamacou , nom commun aux In- diens,ainfi qu'aux Caraïbes. Ce font quinze de ces vaif- feaux qui fervent à mettre leur ouicou dans leurs feftins , &c ces feftins durent jufqu'à ce que tout foit vuidé. Jare. Qui contient moins de liqueur ; Boutcicha ea Caraïbe. Coui. Nom François > qui fignifiela moitié dune ca * lebafle. Manaret. Efpece de tamis. Manaret eft le mot corrompu du mot Caraïbe manale> qui fignifie la même chofe , & que les femmes Caraïbes appellent hriechet. rjçê Maison RustiquIj mot qui eft auffi devenu françois aux Ifles. Vôye\ le F, du Tertre. Pagara. Corbeille. Couleuvre. Preffè. Platine. Catoury. Efpece de hotte , qu'on fait avec des feuilles. CHAPITRE VI Des moyens de voiturer fes marchandifes & denrées. §. i. Par eau. Canots à navîger ^ & de la manière de les fabriquer en général. I j es arbres propres à la conftrucrion des Canots à naviger 3 font les cèdres blancs , noirs , jaunes ; le ba- gafïè j le fipanaou 3 le grignon , le faouari pour les Ca- nots de pêche 5 l'ouaille 3 le coupy pour les courbes 8c fourches des canots , l'angelique , le couipo rouge & le blanc , le maho > le gagou , le bois de lettres jaune , le pagaye. Voye^ leurs différens articles dans le Chapitre fur les Bois , &c. Je ne peux trop recommander à l'habitant de veiller à la confervation des arbres de ce genre qui tombent dans fon abattis. C'eft un grand préjudice que de né- gliger de nettoyer la place où l'arbre doit tomber. Sou- vent fans cette fage précaution , il eft fujet a fe brifer ou à s'endommager. Pour que les Canots en général foient navigables Se A L* USAGE DE C A Y I N N I. 47 d'une forme gracieufe , les proportions qu'on doit leur donner font toujours les mêmes. Il y a trois fortes de Canots à Cayenne * le grand Canot ou pyrogue , qui fert aux charrois de force ; le Portillon > employé pour les bagages légers & la vîteffe ; &: enfin le Canot de pêche. Un arbre de douze pieds de tour s'ouvre ordinaire- ment de quatre pieds &: demi , &ainfi en diminuant ou en augmentant, félon le plus ou le moins de circonfé- rence. La longueur du Canot doit porter trois pieds au- delà de fon 'tour, fans compter l'étrane , qui devient plus ou moins longue ôc forte , fi le bordage qu'on def- tine au Canot eft plus ou moins haut ; ce qu'on doit en- core obferver , relativement à fon ouverture ; car elle doit être combinée avec la nature de ce même bordage, & être plus grande , s'il eft plus liant ; fans quoi le Ca- not feroit trop léger 3c périlleux. Il y a des bois qui demandent à être travaillés verds , comme le grignon ; fans quoi ils fe percent , & font de Veau continuellement. Ceux qui ont beaucoup &Aubourx ou d'écorce , font aiïèz fujets à ces inconvéniens. 11 nj a nul avantage à les biffer pourrir avant que de les met- tre en œuvre , vu qu'ils ne peuvent pourrir fans afFe&er le cœur du bois. 11 convient donc de rogner l'arbre par les deux extrémités à la longueur déterminée • il eft même bon de l'entourer auparavant de fortes lia- nes , à un pied plus haut qu'on ne le rogne, dans le cas où l'on craint qu'il ne fe fende. On confidere en- fuite avec attention le côté le plus propre à lui donner la façon. Ce doit être toujours celui qui préfente une fuperficie convexe , autrement il faudroit diminuer le Canot. Il faut auffi examiner où fe trouve l'enflure du bois ; car fi elle fe trouvoit à l'une ou à l'autre extré- mité , on ne pourroit pas s'empêcher d'arrondir l'arbre parfaitement ,en lui ôtant fon aubour^ou fes groffèurs • ce qui ne fe fait cependant pas toujours , lorfquelles fe rencontrent au centre. KâyJL i|| Maison Rustique, Les bois ainfi contournés ont ordinairement le coté ôppofé concave , c'eft celui qu'on deftinera précifémene à être ouvert. On arrondit alors les côtés qui fe préfen- tent, 8c on les dépouille jufqu'au vif de tout ce qui les entoure; puis on retourne l'arbre perpendiculairement, pour lui faire préfenter la partie concave. Après avoir élevé l'arbre fur des chantiers à quatre ou cinq pouces de terre , on étage les extrémités de bons fûquets , puis on trace des lignes d'un bon pied , quand e bois eft d'une belle grolîeur. Enfuite par un à-plomb exad , tiré du milieu de ces deux lignes , qui doit être auffi abfolument celui de l'arbre , on abaiffe une per- pendiculaire y dont la façon du derrière du Canot fe prend au quart ; c'eft-à dire , que fi la ligne perpendi- culaire a vingt-quatre pouces de long , on tire une ligne d'équerre y dont les côtés s'élèvent infenfiblement , comme on peut le voir à l'infpe&ion de la planche fur la conftrudion des Canots. On en fait autant pour donner la façon du devant , obfervant que'la ligne du devant doit être continuée jufqu'au tiers du de(Tous du Canot , afin de l'élever infenfiblement , Se de lui donner 3 en naviguant, de l'avantage fur les eaux , Ce qui eft abfolument ne- ceflaire pour la marche. Car il faut remarquer que Ci le deflous du Canot touche trop l'eau de l'avant en ar- rière \ il gouverne mal , &: marche imparfaitement ; de même que s'il a trop de façon il fe défend mal à la mer , & devient fujet à chanvirer , ou à tourner à la moindre lame. ^ t Quoiqu'un Canot foit tracé dans toute la proportion , il faut encore beaucoup d'intelligence pour lui donner la façon. Sa rondeur ne doit être ni trop plate 5 ni trop courbe 5 mais toujours d'une forme égale , ôc diminuant toujours en defeendant. 11 faut la même attention pour les flancs de l'avant ou de l'arriére. Cette façon exactement donnée , on tire des lignes d'un À l' usage ôe C a y £ n n i, 49 la uh pied quarré , que Ton croife par d'autres , pour être percées dans tous les angles avec trois vrilles diffé- rentes , & marquées félon la profondeur que l'on veut donner aux trous, ce qui détermine l'épaiiTeur qu'on veut donner au Canot. Depuis le bord du Canot jufqu'àl'épaiiTeur d'environ, dix-huit pouces , là vrille doit Être marquée à quatorze & quinze lignes * de-là au flanc , la féconde de dix-huit à vingt ; ôc la troifieme de vingt-quatre à vingt-fix, lorfqu'on defcend vers le fond. Cette épaiffeur n'eft que pour les Canots qui ne doivent jamais être mis à fec , ni conféquemraent traînés fur le fable } car alors il faut qu'ils ayent au moins trois pouces au fond, fans quoi ils font bientôt hors de fervice. Cette opération achevée , on remet le Canot d'a- plomb comme il étoit lorfqu'on a tracé les deux lignes parallèles defon ouverture, qu'on fait à la hache , tant qu'elle peut jouer ; il faut au moins trois à quatre pieds de jeu pour chaque Nègre, fans quoi ils s'ïncommoderoient. Les outils qui fuccedent à la hache font ceux de re- versées tilles plates & courbes de toutes longeurs, dont on ne ceffe de fe fervir , que lorfqu'on rencontre les trous ; le Nègre doit alors ménager fes coups , afin de rendre la coque unie Se également forte par-tout. Il faut augmenter le nombre des piquets autour de la coque à mefure que l'on creufe , afin d'en empêcher l'écart & le travail. Pour cet effet il fera bon d amarrer la tête des piquets , afin de les affujettir plus pofitive*- ment , ainfi que la coque. On doit aufîi ne la point laiflèr expofée aux ardeurs du foleil lorfqu'on ceffe d'y tra- vailler. Quand on fouille le Canot , il faut lui laifferau moins un demi-pied en arrière, ainfi qu'en avant , pour l'em- pêcher de fe fendre : les gens bien inftruits ne le débar- raffènt même qu'au moment où ils veulent l'ouvrir. Au refte avant cette préparation , on jette la coque % préparée y comme je l'ai déjà dit , dans une marre d'eau â D 5a M a i s ô •« Rûstiqui; où on la 'biffe tremper pendant quinze jours > ce qui la rend beaucoup plus facile à ouvrir. Le jour pris pour fon ouverture , l'on fait couper des bois gros comme la cuiffe , d'environ fix à fept pieds de long , que Ton fend également en deux d'un pied & demi , & dans la fente on infinue en travers un autre morceau de bois gros comme le poignet , que l'on atta- che avec une liane. Ces bois fe nomment tenailles. On les place de pied en pied le long des bords du Canot à & de la manière qu'on le voit dans la figure. Le Canot eft foutenu de l'avant à l'arriére par deux croffes che- villées j afin qu'elles puiffent s'élargir , à mefurequeles enaiile s pefent & que le feu travaille. On ne fauroit pporter trop de précaution & de patience pour l'ouver- ture du Canot ; ear cette opération décide de fon fuccès ou de fon défavantage. On remplit le fond & les flancs du Canot de fable* ou de terrera la hauteur de deux pouces r afin de pouvoir y placer du feu fans l'endommager , ce qui le contraint à s'ouvrir facilement par en haut ; & comme le Canot n'eft élevé de terre que d'un pied , on place auffi du feu deffous afin de faire agir les flancs & le feu égale- ment. Il ne faut pas perdre de vue les lianes qui font at- tachées à la tête des tenailles 3 afin de les roidir égale- ment fur leurs poteaux , & de procurer au Canot l'ou- verture qui doit fe faire au gré de 1 ouvrier , & non par le plus ou le moins de pefanteur des tenailles qu'on aura eu foin de fabriquer de la même groffeur. A me- fure que la coque s'ouvrira , on l'humeétera continuel- lement avec l'eau qu'on tirera des bailles , ouréfervoirs , dont onfe fera muni. Un endroit ne doit pas être plus chauffé qu'un autre. Il faut éviter de rien brûler , & fe fouvenir que les deux extrémités font fujettes à fe fendre \ quand on ne conduit pas les croifées avec bien du ménagement. Les fiftules ôtent le poids à un Canot , & fouvent le rendent très- incommode à l'entretien* On bouche les trous avec des chevilles de bois de grignon , qui fe gonfle à l'eau» A 1* U S A G Ê DÉ CaYENNÊ. 52 J'ai fait connoître à l'article des bois tous ceux qui font utiles pour les arcabas j étraves > bordages , cour- bes , bancs Se avirons. Il n'y a pas d'habitant un peu en- tendu qui ne finiffè un Canot , dès qu'il eft bien ouverte Les courbes les plus greffes ne rendent pas un Canot plus fort. La quantité eft plus néceflaire que PépaifTeur. Les pyrogues deftiïiées aux forts charrois doivgnt les avoir de deux pieds en deux pieds, abfolument jointes au corps de la coque. Il faut avoir à cet effet un modèle de cour- bes pliantes , voyez la figure. Je ne recommanderai jamais à un habitant une quan- tité de Canots , fur-tout en rivière ; ce font des chevaux à. l'écurie , qui dépériffent fouvent fans avoir fait ren- trer leurs frais. Il faut avoir , quoiqu'il en coûte 5 un Canot de pécha qui foit parfait. Le peu d'attention de quelques-uns à cet égard les expofe fouvent à de grandes pertes ^ s'il arrive cjue les Nègres périflènt & foient engloutis dans les eaux par cette négligence. § U- Pa R T 1 R R E* i°. Les tranfports fe font fur des bë tes de fomniè i telles que des mulets, des ânes 3 des chevaux. Je ne fauroistrop dire combien il feroit utile de multiplier les ânes 9 qui coûtent fi peu à nourrir , qui exigent fi peu de foins , qui rendent de fi bons fervices. Il eft encore bon d'avoir des mulets , dont l'avantage eft alTes connu. Les premiers chevaux furent portés à Cayenne par Guerin Spranger , lorfqu il s'y établit en venant du Para. Auffi les chevaux créoles ont-ils la taille Efpagnoîe» Ils font vifs > courageux , foutiennent le travail ; mais ils font naturellement quinteux. En général ils n'ont poing de bouche > ce qu'on doit attribuer fur-tout à la façon Dij " ,t Maison Rustique, dont les Nègres les domptent , qui leur offenfe entiè- rement les barres. Ils produifent beaucoup , mais le peu d'attention qu'ont les habitans pour les élever rend leur fécondité peu utile. Ils les biffent à l'air ,ians abri , jufqu'au tems où ils en veulent tirer du fervice. C'eft alors qu'en les examinant , peut-être pour la pre- mière fois ?iis s'apperçoivent de leurs difformités , & fouvent delturs bleffures. J'ai fuivi une route toute op- pofée , & je m'en fuis parfaitement bien trouve. Les Anglois en amènent de tems en tems à Cayenne , où ils n'ont même d'entrée que par ce commerce ;mais il faut fe garder d'acheter des chevaux qui ayent atteint dix ans ; aucuns à cet âge ne.réuflïffent. _ Les chevaux font la plupart deftinés au fervice du moulin dans les fucreries. On s'en fert peu pour tirer , & le'plus fouvent les marchandées, ou denrées, fetrani- porrent à tète de Nègre , plutôt qu'à dos de ch eval. En 1746 , dans le rems que je formai une Compa- onie de Cavalerie à Cayenne , les Indiens m'ont affure au'il y avoit des chevaux lauvages entre Senamaij & Maton v , qui s'étoient multipliés après s'être fauves a la naae d'un navire Anglois qui s'étoit perdu à cette cote. Il feroit fort aifé de fournir Cayenne de chevaux ex- cellens & à bon compte. Un cheval ne coûte au Para que très-peu en traite. i°. Par charrois. Ils ne fe font que par des bcems, qu'on élevé dans les favannes , ainfi que les autres bef- naux , Se que l'on garde enfuite dans des parcs particu- liers ,' à portée de 'l'habitation , où ils font deftinés au fervice journalier. Ce n'eft point un tems perdu que de les taire garder quand ils font en pâturage. Un Nègre raifonnable doit en avoir foin. 11 fera aidé par de petits Négrillons , que cet exercice rendra ingambes , Se qu'il accoutumera a obéir. Le Vacher doit , foir Se matin , rendre un compte sxact des beftiaux malades ou abfens. Le Maître fera A l'usage de Cayenne. 55 bien d'être préfent tous les jours au panfement qui s'en doit faire. Il n'eft pas moins néceflàire > pour la confervation des bœufs , de veiller fur les condu&eurs des charriots , ou cabrouets. Un Nègre de confiance doit avoir le com- mandement fur les autres. Ceft à lui que le Maître s'en prendra, fi par fa négligence , ou celle de ceux qui font fous lui ,, les bœufs s'écornent , ou fi les équipages fe bri- fent , foit qu'ils s'embourbent par leur mal-adreiïe , foit qu'on charge trop les voitures , ou qu'on les charge mal. Ceft un abus très-grand que de vouloir doubler , ou forcer le travail des bœufs. Ils ne courent aucun rifque dans les gros charrois , quelque forts qu'ils puiiTent être , pourvu qu'on fe ferve d'un diable. Avec toutes ces précautions , on confervera les bef- tiaux , & on en tirera le fervice qu'on doit en attendre. Mais elles feroient encore inutiles , fi Ton n'avoit l'at- tention continuelle de veiller fur la commodité des chemins. 11 faut avant tout avoir foin de les rendre pra- ticables , & ne pas négliger de les entretenir. On s'imagineroit 3 en voyant les chemins publics Se de travçrfe d'une habitation à l'autre , que les Sauvages font encore habitans du pays occupé par la Colonie de Cayenne. Le peu de goût & d'attention des Chefs eft la caufe de cette incommodité , comme de toutes les autres qui nuifent au bien général. Tout manque à cet égard. Les chemins font à travers les bois, ainfi qu'il plaît aux Nègres de les tracer. On s'éloigne de fa route à chaque moment } ils font fi étroits & fi e m barra (Tes de bois qui y tombe , qu'on auroit peine à les croire deftinés à aller &c venir. On n'y trouve aucune marque pour indiquer & montrer le chemin ? chofe cependant indifpen fable s fur-tout en tems de guerre , où les piquets obliges de battre la campagne , ne peuvent fouverit exécuter leur devoir , pour avoir fait quatre fois plus de chemin qu il D iij '54 Maison Rustique; ne faudroit. Les ruiffeaux, ou criques , font fans ponti 5 & Ion ne découvre rien qui faffe connoître que le pays eft occupé par des Européans. On trouve cependant dans le pays de quoi rendre les chemins commodes. On peut voir à l'article des fucre- ries ce qu'on y peut employer de mieux. CHAPITRE VII. J)es différentes i Manufactures 5 ou des devers objets de Culture. Du C o T T O No JL e Cotton eft de toutes les denrées de l'Amérique h plus facile à cultiver , & qui exige le moins de Nègres, Ç'eft auffi par elle que les nouveaux habitans commen- cent. Le Cottonnier vient de graines. Il fe plante en O&obre & Décembre. Il vient également bien planté en Janvier Se en Février. Lorfqu'un habitant plante des Cottons a |1 doit , autant qu'il peut , calculer de forte que le tems adfcuel foit humide pour le développement des germes , $c que la récolte arrive dans un mois chaud. Tout terrein convient affez au Cotton , lorfqu'une fois il eft forti de terre. On met communément trois graines dans chaque trou. On en met jufqu â fix dans une terre où il y a des fourmis , ou fur les anfes de la mer. Son bois ne vient jamais ni fort haut , ni fort gros» Dans le premier farclage qu'on lui donne , on I foin d'oter les jets qui occafionnent de la confuiîon. La touffe du Cottonnier pâtit fouvent de ce travail. On doiç Recommander aux Nègres , pour ne pas fatiguer la ûm a l'usage de Cayinnï. 55 dont ils veulent retrancher l'excédent, de mettre le pied aufli près de la racine qu'ils peuvent. Lorfque l'arbre eft parvenu à la hauteur de fept a huit pieds i on lui cafte le fommet j &c il s'arrondit. On le coupe au raz de terre tous les trois ans , pour le renouveller ; les nouveaux jets qu'il donne portent un Cotton plus beau & plus abondant. Le Cottonnier porte du Cotton au bout de lix mois. Il y a deux récoltes , une d'été ôc une d'hiver. La première eft la plus abondante & la plus belle. Plus le tems eft chaud, lorfque la caboffè qui renferme le Cotton s'ouvre , plus le Cotton eft propre & fec. Cette récolta fe fait en Septembre &c O&obre. Celle d'hiver , qui eft communément en Mars , eft moins avantageufe, par rapport aux pluies quifaliffent le Cotton , & aux vents qui fatiguent l'arbre. La négligence des Nègres oçcafionne quelquefois la détérioration de cette denrée. Ils cueillent les çabpffes a, poignée § Se mêlent au Cotton des feuilles feches qui le faliflent. Le moulin s'embarraffe de ces feuilles , & la qualité de la denrée en eft altérée. ; Pour bien cueillir le Cotton 5 un Nègre ne doit le fervir que de trois doigts. 11 réfulte de la négligence que Ton a de ne pointcafler le fommet du Cottonnierjorfqu'il a atteint une certaine hauteur , un inconvénient très- grand. Le Nègre qui cueille , pour avoir une caboffe qu'il ne peut atteindre 9 attire à lui la branche. Le bois du Cottonnier moi. & fra- gile , cède au moindre effort ôt fe rompt. Cinq à fix au- tres caboiTes vertes encore , ou près de leur maturité , attachées à cette branche caflée , ne reçoivent plus h nourriture du pied , & font en pure perte pour l'ha- bitant. Un Maître attentif doit vifiter fesefclaves au travail, & voir dans la cueille du Cotton , fi par parefle , ou pour éviter de faire le tour de l'arbre , ils n'attirent pas à eux les branches, & ne fe mettent pas dans le cas d'en cafter. D -iv m -. •J tf M A I S ON RUSTIQUI, Pour ce travail le Nègre n'a befoin que d'un panier 2 dans lequel il met le Cotton ;, le panier doit en contenir -une cinquantaine de livres en graine. On expofe au foieil pendant l'efpace de deux à trois Jours , le Cotton nouvellement cueilli , après quoi on le met en magafin. On trouvera dans une des planches le plan de la çafe à Cotton. Les godets de fer-blanc , qui y font, empêchent les rats d'y monter. Ces animaux en font ïrès-friands. On fe fert de moulins à une, deux & quatre paffes pour éplucher le Cotton & pour en féparer la graine ; ceux à deux & quatre paiîès font fort en ufage à Cayennç. I^orfqu il eft épluché , & qu'on veut le mettre en balle , voici la façon dont on s'y prend. On coupe de la toile, proportionnellement à la gran- deur qu'on veut donner à fon fac. On prend ordinaire- ment celle de Vitré , qui a quarante- fix pouces , ou trois pieds dix pouces de large. On la coud le mieux qu'il eft poffible j on mouille le fac , afin que le Cotton s'y at- tache ôc qu'on pnifïe le fouler. Un Nègre entre dans le fac , fufpendu en l'air par des traverfes attachées à des poteaux } il foule le Cotton qu'on lui donne peu à peu , &c le foule également. Lorfque le fac eft plein , on coud l'ouverture. Une balle bien faite doit contenir autant de quintaux de Cotton qu'on a employé d'aulnes de toile. En cet état le Cottoo eft marchand , «Se peut être fnvoyé en France. Observation s% Avant que de mettre le Cotton dans le fac 5 il fam fonger à laitier au fac deux oreilles pleines de Cotton , afin de le pouvoir remuer quand il eft plein , & avoiç foin , en le foulanç , de frapper la balle çn dehors pour la mieux arrondir. A L* US AGE DE ÔAYENNE. 57 Cacao. Le Cacao eft le fruit d'un arbre appelle Cacaotier! Cet arbre vient naturellement dans plusieurs cantons de la terre ferme de l'Amérique. Il y en a des forets en- tières dans les hauteurs d'Oyapoc dans la Province de Guyanne. Après leCotton , c'eft la denrée qui exige le moins de force. 11 fe plante de graines. Toute terre ne lui eft pas indifférente, comme au Cotton. Il faut, avant que de planter une Cacaotiere , fonder le terrein qu'on y deftine -y la maîtreffe racine du Cacao pouffe avant dans la terre /perpendiculairement à fon tronc. Un lie de tuf,ou de pierres,qu'elle rencontre la fait rebrouiïk , & l'arbre ne trouvant plus de nourriture périt bientôt. Il faut que la terre ait au moins fix pieds de profondeur. Lorfqu'on a trouvé un terrein de cette nature , &C qu'on l'a nettoyé , on divife 5c on trace l'étendue qu'on veut y employer. A cet effet on fe fert de cor- deaux de la longueur du terrein , divifés par des nœuds , à la diftance de huit pieds : on plante un piquet à chaque nœud. Lorfque le premier alignement eft: fait , on reporte le cordeau à huit pieds de diftance , 5c on continue ainfi de fuite. Il y a plufieurs raifons de prendre cet aligne- ment ; i°. pour l'agrément , Tordre eft préférable à la confufîon ; i°. dans une Cacaotiere bien alignée , les Nègres au travail ne peuvent échapper aux yeux du Maî- tre, ou du Commandeur ; 30. dans le tems de la cueille, pn 'Mlles allées les unes après les autres, & ainfi on n'eft pas expofé à laifïer du fruit aux arbres. Les Cacaotiers fe plaifent ordinairement fur des col- lines , près des ruiffeaux , dans des lieux qui ne foient ni tropfecs ni trop humides. Quelques Auteurs ont écrit que le vent faifoit du tore aux Cacaos. Je neconnois que les ouragans qui puiffent |eur en faire. Car ceux de la côte, de Malhuri font très- 58 Maison Rustique, expofés , & font néanmoins très~6eaux & d'un grand rapporr. Au furplus , il eft facile à un habitant d'y remédier t en plantant des lifîeres autour de la Cacaotiere, ou en laiffant autour des bouquets de bois. Il eft bien plus im- portant de les abryer du foleil , lorfque les arbres font jeunes > ce qu'on fait en plantant des bananiers auprès d'eux. Le rerrein étant aligné & divifé , on porte à chaque piquet un petit panier, dans lequel on a fait germer des graines de Cacao. On les enfouit en terre félon l'ali- gnement des piquets. La délicatefle de ce jeune arbre exige , dans les terres où il y a des fourmis , criquets > ou autres petits infe&es* fa précaution de planter la graine dans des paniers de la forme d'un cul de chapeau ; un Nègre en fait trente par jqur. On fait lever la graine dans un endroit choifî pu les fourmis ne donnent pas : lorfque le plan a acquis une certaine force , il eft moins expofé aux torts que peuvent lui faire les infectes j on les plante alors en pleine terre , le panier s'y pourrit. Lorfque la nature du terrein n'exige pas ces précautions , on feme les graine^ dans des trous creufés à la profondeur de quatre à cinq pouces, L'amande doit y être mife droite , le gros bout en bas. On en met trois dans chaque trou. Lorfque les arbres ont un pied ôc demi de hauteur , on la (Te le plus beau , & on levé les deux autres , s'ils font venus. Les pépinières de Cacao ne conviennent nulle- ment j car la racine de ce jeune arbre eft fi délicate,qu'efi le levant de terre & le replantant, il eft impoflîble de ne le pas offenfer. Le panier remédie à cet inconvénient. On plante , comme je l'ai déjà dit , des bananiers ou du magnoc dans les allées , pour préferver ce jeune arbre des rayons du foleil. On entretient fa terre bien propre > en la fardant. Le magnoc ne s'arrachant qu'au bout de dix mois ou d'un an , Se pouffant plus rapidement que le Cacao , fait office de parafol pour cette plante délicate pendant ce tems-ià* A l USAGE DE CAYEKNE. 59 Ail bout de deux ans &c demi , le Cacao a quatre pieds de haut , & commence à fleurir. Le fruit qu'il ren4 alors eft fi peu de chofe y que bien des gens font tom- ber les premières fleurs , pour que l'arbre fe fortifie da- vantage. A trois ans on cueille du fruit. A fix ans lç Cacaotier eft dans toute fa force. Lorfqu'il eft parvenu à une certaine hauteur , il n'e- xige aucun foin de farclage } l'ombre qu'il donne à la terre , fes feuilles qui le couvrent > empêchent l'herbe de venir 3 de fervent a-le fumer. Xxxrfqu'on cueille le Cacao il faut avoir attention d'en ôter les guis , d'arracher ou de faire tomber les vieilles cabofles > de découper les branches feches, ainfi. que les branches gourmandes. La précaution de tailler le bout des branches de cet arbre me paroîtroit néceflaire , quelle que foit la négli- gence des habitans à cet égard. Le tems de le faire efl: quinze jours avant l'hivernage; les EfpagnolsdeCarraque en ufent ainfi 3 & je crois que c'eft à cette pratique que le Cacao de cette Province doit la réputation dont il jouit. La forte récolte du Cacao fe fait au mois de Juin ; il eft bon alors de vifiter fouvent fa Cacaptiere , crainte de laiflèr germer ou noircir les cabofles , qui tom bent quelquefois d'elles-mêmes , lorfqu on laifle trop long- tems le fruit fur l'arbre. Lorfque les Nègres cueillent les cabofles de Cacao 5 il faut empêcher qu'ils ne fecouent trop les arbres avec leurs ferpettes emmanchées : ils font tomber alors quantité de fleurs, dont l'arbre eft fouvent chargé lors de la récolte, & appauvriflent par-là la récolte à venir , dans laquelle ces fleurs tombées euffent donné des fruits, Chaque Nègre a fon panier qu'il emplit de cabofles , pour les porter de la Cacaotiere à la café où l'on fabrique le Cacao. Lorfqu'il fait beau tems , on cafle la cabofTe fous îe Cacaotier même , Se on la jette au pied de l'arbrequi l'a produite. Elle lui fert de fumier 3 & on nepor te que les graines à la Manufacture. io Maison Rustique, Dans !e cas où on y porte les cabofïès , il ne faut pa§ que les graines y reftent plus de trois jours , fur-tout dans le tems des pluies , car elles font fujettes à germer. Les cabofïes ont neuf à dix pouces de long fur trois a quatre de diamètre. Elles reffemblent à des concom- bres partagés par des côtes j elles renferment commu- nément vingt-cinq amandes. Auffi-tôt que les amandes font a la Manufacture _, on les met foit dans des cuves , foit dans des vafes ou des canots, pour en exprimer le vin ; on les couvre de feuilles de balizier , on met des planches 3c des pierres deflus pour les charger, & aider la fermentation qui s'y excite. Elles fermentent ainfî pendant quatre à cinq jours j on a foin de les brafler &c remuer tous les matins. Lorfque les amandes ont acquis une couleur rouge- obfcur , on les tire de la cuve, 3c on les expofeau foleil pour fécher. On les met enfuite en magafin , d'où on les fort de tems en tems pour les fécher. Si on les met a l'étuve, elles confervent une couleur violette. Le Cacao eft , après le Cotton , la marchandife la plus aifée à cultiver & à fabriquer , fur-tout pour ceux qui n'ont pas beaucoup de Nègres. Cette denrée eft incom- parable pour la facilité. Les outils néceffaires confident en ferpettes emman- chées de différentes longueurs , en paniers , facs , ca- nots à cuver , grandes caiffes de grignon , expofées au midi , élevées de terre, Çc contenant un millier ou cinq quintaux d'amandes. La méthode de les faire fécher dans des tiroirs à cou- îifles , comme on le voit au plan de la café de cette Ma- nufacture , eft , au défaut d'étuves , ce qu'il y a de mieux imaginé. D U C A F F i. Le CafFé fait l'objet d'un grand commerce entre l'Amérique & l'Europe ; c'eft une des meilleures den- rées à laquelle un habitant puiife s'attacher. A L* USAGE DE CAYENNE. 6t Le Caffé fe plante de graines ; la terre qu on lui def- tine doit être égale pour la profondeur a celle d'une Cacaotiere , bien nettoyée d'herbes à la furface , & au- tant qu'on le peut , de fouches 8c de racines. On aligne le terrein , & l'on plante les piquet» de fept en fept pieds. On choifitpour planter le Caffé les plus grandes pluies. Le tems fombre & les brouillards font préférables. On levé les plans de Caffé pour les tranfplanter , lorfqu ils font arrivés à la hauteur de fept à huit pouces. On nettoie & on fouille profondément le trou dans lequel on les met. Le vent du nord n'eft pas favorable aux Caffés. La plante jeune eft affez délicate & amie de l'ombre j avant que de faire fa plantation de Caffé 5 il convient que le terrein qu'on y deftine foit couvert de magnoc , ou de bananiers , pour l'ombrager. 11 ne faut pas toujours fe fier à la belle apparence du Caffé. Cet air de profpérité qu'on lui trouve n'eft fou- vent qu'à la fuperficie de la terre. Si la racine trouve un tuf différent , il jaunit ; il arrive même qu'il vient mal d'abord , & qu'il renaît enfuite à vue d'œil , lorfqu'il a trouvé le lit de terre qui lui eft propre. On a foin d'entretenir la terre nette autour de ces jeunes plantes , & on ne doit pas fe dégoûter de far- der les mauvaifes herbes qui leur nuifent. Il faut être exaéfc à en détruire les branches gourmandes de les guis. Comme les Caffés viendroient à une hauteur trop confidérable , pour la facilité de la récolte des graines , on les borne à fix ou fept pieds de hauteur , en leur cou- pant le fommet : on l'oblige par-là de fe couronner & de fe garnir. Un habitant fucrier , ou travaillant à toute autre den- rée qu'au Caffé 3 doit en avoir un parc pour lufagedo- meftique. La caboffè du Roucou 8c les graines du Cotton font un très-bon fumier pour cet arbre. Le Caffé croît affez vite lorfqu'il eft bien entretenu. Il vient naturellement très-rond par le pied. Ses branches 6i M a î s o n R c s t ï q u E ; partent du tronc avec une régularité qui produit un dé agréable ; il ne rapporte qu'au bout de trois ans. Il fleu- rit en Octobre & Novembre. On le recueille en Juin. On fait deux récoltes de Caffé par an ; celle d'hiver eft la plus abondante. Ses fleurs reflemblent â celles du pê- cher , & les fruits qu'il produit a une petite cerife. 1b font d abord verds , rougifTent à mefure qu'ils appro- chent de leur maturité. Une couleur tannée en eft un indice certain. On les cueille alors; cette cueille ne fe fait qu'a mefure qu'ils mûriffent. Les Nègres , pour cette récolte , n'ont befoin que de paniers & de leurs doiets s & ils la portent à la maifon deftinée à cette Manu- facture. On fe fert , pour féparer le Caffé de fon enveloppe, d un moulin appelle à cet effet moulin à Caffé. L'enve- joppe tombe d'un côté , & le Caffé en patchemin de 1 autre. Le peu d'habitans qui cultivent uniquement cette denrée à Cayenne , rend l'ufage de ce moulin très- rare : mais nais on peut juger du tems que doivent perdre ceux qui font obligés de faire cette féparation par l'u- nique moyen de leurs doigts. Quelques habitans laiffent fécher au foleil leur Caffé avec l'enveloppe , les autres en parchemin. Lorfqu'il eft bien fec,on le pile dans de grands mortiers de bois,pour enlever le parchemin & avoir la graine marchande -, on le trie , & on fépare les graines défectueufes d'avec les bonnes. On l'éventé lorfque le rebut en eft féparé. On a , pour cet effet , un moulin plus rare encore à Cayenne que le premier dont j'ai parlé. k Pour que le Caffé foit de la première qualité , il doit être peut & de couleur de corne , dur au point de crier dans la main en le remuant. L'humidité que les pluies occafionnent dans l'air le Fait blanchir fouvent à Cayenne. Je crois que pour re- médier à cet inconvénient, il feroitnéceffaire en hiver d'avon- une étuve pour le faire fécher à petit feu , avec i attention de ne le pas mettre trop épais fur les étages. A l' U S A G ï D * CaYENN!,' 6) On eft quelquefois furpris de voir dépérir un beau Caffé en peu de cems ; cela eft fouvent occafionné par îa mouche appellée mouche à Caffé 3 longue de fix pou- ces, qui porte à fa tête deux fcies avec lesquelles elle entaille ces arbres jufqu'au vif. Lorfqu'on rencontre de ces mouches , on ne doit pas héfiter de les tuer. Il arrive auflî que les pucerons, petits infeétes blancs , attaquent les Caffés , 8c non-feulement les empêchent de produire , mais même les font périr. Dans ce cas , il eft impoffible de préferver les Carrés de leur ruine par une autre voie que par celle de planter des ananas dans les allées. Les infedbes quittent les Caffés pour ce fruit • qu'ils préfèrent , 8c dont ils fe gorgent. L'acide de ce fruit ou les tue , ou les empêche de pulluler. Lorfque le Caffé eft en rapport, 8c fuffifamment fourni de branches , il ne demande prefque point d'entretien; l'ombre qu'il donne empêche les mauvaifes herbes de pouffer. J'ai examiné que l'extrême humidité des Caffés nuifoit aux Nègres lors de la cueille ; il eft bon à un habitant de les obliger à fe couvrir pendant ce travail. Du R o v c o u. Le Roucou eft une teinture rouge , produite par la pellicule des graines d'un arbre appelle Roucouyer. Cette denrée eft d'un bon débit en Europe , Se a fur-tout fou- tenu Cayenne , où on la fabrique mieux , 8c en plus grande quantité que dans toutes les autres Colonies Françoifes. Une terre eft bien mauvaife fi elle ne rapporte pas du Roucou. Telle qu'elle foit, en la nettoyé , 8c on fait de petits trous avec la houe à la diftance de dix pieds les uns des autres, dans lefquels on enfouit trois ou quatre graines. Lorfqu'on ne veut pas aligner fon terrein avec la même exactitude que pour le Cacao, ou pour le Caffé, il faut faire mettre le pied du Nègre dans le premier trou , - &4 Maison Rustique J êc faite fouiller l'autre à la longueur de la houe & ââ bras j en portant toutefois le pied droit en avant , 8c eri fuivant exactement le rang. Les trous fe trouvent alors » à peu de chofe près , à une diftance égale. Le tems de le planter eft en Décembre 3 ou Janvier , au plus tard. Le Roucouyer planté de graines dure plus long-tems j il faut près de deux ans à l'arbre pour qu'il produife. Les arbres font plus beaux de plan , ils rapportent au bout de dix-huit mois , mais ils durent moins. Dans le casoù on préféreroit cette dernière méthode , il faudroic fe mettre en plan une année auparavant. On choifit toujours , ainfi que pour les autres plantations > un tems | humide. Il eft important de farder le plus qu'on peut le jeune plan. En été on met beaucoup de halliers au pied de l'arbre , la chaleur les tue. En hiver le fumier qui pro- vient des halliers pourris 3 fert à donner du frais à la plante. Lorfque l'on farcie dans la mauvaife faifon , qui eft celle des pluies > on n'en prend que le cœur ; les autres bois durs, peuvent yêtte employés. Manarets. Il en faut quatre pour ceux qui neveu- • lent faite que de belle marchandife. Ceux qui font faits de toile font les plus fetrés & les meilleurs. Chaudières. Il en faut deux des plus grandes, pat la raifon que le Rouccu eftd'autant plus beau que la quan- tité qu'on en cuit eft confidérable. On les fait monter fur des fourneaux qu'on maçonne : on travaille alors avec plus de commodité & de propreté. A L USAGE DE C A Y E N N E. £9 Cuillères pour brafferle Roucou. On les fait de bois dur lorfqu'on n'en a pas de fer. A leur défaut on em- manche de groflTes callebafles, elles font plus légères ôc moins coûteufes. Caisses. Elles font faites de canots hors de fervice , larges & portatives } elles fervent autant que celles qu'on fabrique de planches , & coûtent moins d'entretien. Indigo. L'Indigo eft une couleur bleue tirée d'une plante de ce nom , & qu'on cultive beaucoup dans les Colonies françoifes. C'eft une des meilleures cultures de l'Amé- rique } mais auflî une des plus délicates 5 qui demande la plus grande atrention de la part de celui qui cultive > & peut-être une des meilleures qualités de terre. M. Rouffeau , Officier & habitant, eft le feul qui foit parvenu à faire l'Indigo avec fuccès. La qualité à laquelle il a porté cette denrée doit fèrvir d'encourage- ment à ceux qui auroient envie de fe livrer à cette cul- ture , & dément la prétendue impoffibilité dans laquelle on croit les habitans de Cayenne de réuffir en ce genre, L'Indigo fe feme dans une terre plate , unie , un peu humide & très-gtaffe. 11 eft allez indifférent dans les autres plantations que les corps d'arbres , les fouches , les racines , &c. retient à pourrir fur le terrein ; mais il eft effentiel pour cette plante de le déharraiTer autant qu'on le peut. On fait alors des trous alignés à un pied de diftance , auxquels on donne trois pouces de profon- deur avec la houe. Les Nègres femeurs mettent dix graines dans chaque trou , qu'ils recouvrent foigneufe- ment avec leurs pieds. Pour cette opération on doit choifir un tems humide ou qui promette de la pluie. Les graines rifqueroient d'être deiTechces par un tems fec , & l'Indigo qui forti- roit de terre feroit de mince espèce. Lorfque la pluie jo Maison Rustique," vient après la plantation faite , on voit fortir la planta au bout de cinq à fix jours. Les mauvaifes herbes lui difputent bientôt le terrein & les fucs de la terrç. Il faut être foigneux à l'en débar- raffer en les fardant légèrement 5 fans offenfer les jeunes plantes j on fi les Nègres n'ont pas affez de légèreté , il faut les leur faire arracher avec la main. Au bout de deux mois ordinairement l'Indigo eft bon à être coupé , ce qui fe connoît par la facilité quç les feuilles ont à fe cafter , par leur couleur vive & fon- cée. Il eft effentiel de couper l'Indigo à propos, Lorfque la feuille fe feche oufe fane , la coupe eft defavanta- geufe , & le produit perd beaucoup en quantité & en qualité. Il faut un tems auffi humide pour couper l'Indigo que pour le femer ; fi le foleii venoit à paroître & à darder avec vivacité fur un champ d'Indigo nouvellement cou- pé , il fe feroit une crifpation à l'orifice des fouches des plantes , Ôc la végétation feroit ralentie , fi les plantes ne mouroient pas 3 ce qui néceiîîteroit à arracher & à femer de nouveau. Une pièce d'Indigo bien entretenue peut durer deux ans 5 après lefquels il faut l'arracher ; rien ne reflemble tant à, une pièce de luzerne. Lprfqu'on fait les coupes on fe fert de faucilles j on met la plante coupée dans de grands morceaux de toile pour la porter à la Manufac- ture. Quelques uns la tiennent en bottes comme du foin ; mais la première méthode convient mieux, parce qu'on pe perd rien. L'Indigo coupé avant fa maturité donne une plus belle couleur , mais rend beaucoup moins. Lorfqu'on le coupe rrop tard on perd encore plus , Se o#n a un indigo de $nauvaife qualité. Il y a un moyen de voir fi l'Indigo eft mûr _, en pre-* riant à poignée une tige de cette plante , & coulant la main dq bas en haut j fi la feuille crie 3 l'Indigo eft bon à couper, A L USAGE DE CAYENNE. J l Cette plante eft fujette à une efpece de chenille qui vient par vol comme une nuée &: la mange totalement danspeudetems. Cet infe&e eft commun, fur-tout à Saint-Domingue. La feule reffburce de l'habitant eft de couper fon Indigo dans l'état où il eft. On le jette dans l'eau avec les chenilles qui rendent gorge. C'eft fans doute un grand malheur. Mais malgré le peu d'Indigo qu'on tjre&, ce n'eft pas tout perdre. Il eft encore un moyen ex- périmenté pour la deftru&ion des chenilles qui paroîtra iingulier. Si-tôt que l'Indigo en eft attaqué , on laiffe entrer un ou plufieurs cochons dans la pièce d'Indigo. Ces animaux avec leur nez font remuer la. tige & en font tomber les chenilles 3 fur lefquelles. ils fe jettent avide- ment. Il faut, pour fabriquer l'Indigo % avoir trois cuves pofées les unes à côté des autres à des hauteurs différen- tes. On les place dans un endroit où on puiflfe avoir Feau à difcrétion. Voyc{ la Planche. La première eft d'ordinaire de quinze à dix-huit pieds de long fur douze de large , & trois à quatre de profon- deur. On lui donne un pied & demi d'épais , &c on la ci- mente bien. La féconde eft communément de la moitié moins grande que la première , & la troifieme d'un tiers plus petite que la féconde. Les trois cuves font difpofées de manière que par des ouvertures fabriquées dans le fond , elles puiffent recevoir de celles qui leur font fupérieures les liqueurs qui y font contenues. On appelle la première cuve la Trempoire 3 parce qu'elle reçoit la plante dans une quantité d'eau qu'elle contient, Se elle y fermente. La féconde s'appelle h Bac** tcrle , parce qu'on y bat l'eau de la trempoire qu'on y a introduit. La troifieme fe nomme le Diablotin ; c'eft celle où le produit des deux autres ferafteoit, & dans la- quelle l'Indigo s'achève. 11 eft important que ces cuves foientbien enduites &c E iv j% Maison Rustique, ayent une certaine épaifleuf pour réfifter à la fermer tatïon qui s'y excite. Elles fe font ou en briques , ou en pierres, Si elles fe font de bois creufé > Se qu'on veuille qu'elles durent long-tems ,il faut les doubler de plomb très-mince. On pratique dans lès côtés de la batterie des robinets à différentes diftances 5 pour faire écouler l'eau lorfque Ja précipitation de la fécule eft faite. La plante coupée , eft apportée à tète de Nègres } l'Indigo par paquet fe jette dans la première cuve i lorfqu'elle eft pleine d'herbe , on met deffus des pièces de bois de deux à trois pouces, moins larges que l'in- térieur de la cuve , pour empêcher que l'eau dont on la remplit ne faffè élever l'herbe. L'eau doit couvrir toute la plante de trois ou quatre pouces par deffus. La fermentation s'excite plus ou moins vite , félon que la plante a été coupée plus ou moins mûre. Il eft rare Qu'elle foi t plus de vingt heures à s'exciter. La liqueur s'échauffe de bouillonne , elle fe colore , & fe charge des principes huileux & falins de la plante. Lorfqu'elle a acquis une couleur bleue , tirant fur le violet , on ouvre les robinets qui font au fond de la cuve , & on laiffe tomber toute l'eau dans la batterie. Gn jette les herbes qui ont fubi cette fermentation , & on nettoyé la trempoire , pour y recommencer cette opération avec une herbe nouvelle. Cette eau colorée étant dans la batterie , on l'agite continuellement par différens moyens. Ceux qui donnent le plus grand mou- vement avec moins de bras font préférables. Les fléaux ^ les manivelles font employés le plus communément. L'objet de ce travail eft de lier enfemble , par le mouvement continuel qu'on donne à l'eau , les princi- pes de la plante que la fermentation a extraits & atté- nués dans la trempoire. La grande agitation fait que le* parties errantes fq rencontrent dans le fluide , s'unifient fmv fcdjjfâ €S qu'on appelle le grain. V^drefFè âq A l'usage de Cayekne. 73 Vïndiwtier confifte à faifir l'inftant où il fe forme* Pour cet effet , pendant que les Nègres battent , il tire de l'eau de la batterie dans une taffe d'argent , ou de criftal ^ ( cette dernière eft préférable à caufe de fa rranfparence ) il examina fi la fécule fe précipite 3 ou fi elle eft encore errante. Il fait cefTer le travail , fi elle fe précipite , & fait continuer , fi elle eft errante. L'inconvénient de faire cefTer trop tôt le mouve- ment , ou de le continuer trop > eft également préju- diciable. Dans le premier cas, la précipitation ne fe fait pas , ou ne fe fait qu'en partie. Dans le fécond , le grain formé fe diffbut par la décompofition des parties huileufes, falines & terreftres. Un Indigotier ne fauroit donc trop apporter de vi- gilance à faifir lç moment où il fait cefler de battre, Lorfqu'il eft fur de fon opération , il fait retirer les Nègres batteurs , & iaifie la liqueur tranquille , la pré- cipitation fe fait ; l'eau dégagée de fon grain s'éclaircit peu à peu , & laiffe voir au fond une matière boueufe. Pour lors on ouvre les robinets dont j'ai parlé , & on- fait écouler l'èau jufqu'à la hauteur du marc. On ouvre enfuite les robinets du fond , pour faire tomber le marc dans le diablotin 5 où il fe rafleoit en- core un peu de tems. Dans cet état on prend la fécule L ou le marc , avec une ctûlliere ; en en emplit des chauf- fes de toile de figure conique > de la longueur de 15 à 20 pouces. On fufpend ces chauifes à des perches } l'eau interpofée entre les parties de cette matière fe filtre. À mefure que l'humide fe diffipe, l'Indigo acquiert une confiftance de pâte. On vuide alors ces chauffes dans des caifïbns quarrés J ou oblongs ^ d'environ deux pouces & demi à trois pou- ces de profondeur. On le fait fecher à l'ombre , expofé £ l'air , mais jamais ati foleil5qui détruiroit la couleur, La pluie , ou une trop grande humidité j ne lui font pas moins contraires. La pluie fur-tout , le corrotaproiç ffS tl faifaiK diffbudre, On le coupe en petits painâ * 74 Maison RustiquëJ quarrés , de on les mec dans des barriques pour les en- voyer en France. L'habitant qui cultive l'Indigo ne fauroit avoir trop d'attention à le perfectionner. Plus cette denrée eft belle , mieux elle fe vend. Elle n'a jamais de prix fixe , ainfi que leCaffé , le Cotton , & le Cacao. Sa qualité détermine toujours fon prix. 11 ne doit pas tant vifer à la quantité qu'à la qualité. Ceux qui battent les herbes dans la trempoire , afin que les feuilles Ôc l'écorce fe mêlent à la liqueur , gagnent en apparence j & perdent en effet. Les acheteurs favent trop bien faire la différence d'un Indigo pur , d'avec un Indigo chargé de matières étrangères. Celui de Cayenne eft d'un fond plus bleu que celui de Saint-Domingue : il n'eft pas fi fu|et aux chenilles. La graine fauvage rapporte beaucoup plus , & lui donne un coup-d'œil plus marchand > ôc par conféquent pré- férable. Il faut peu d'uftenfiles pour cette Manufacture : la plus grande dépenfe confifte dans l'entretien des cuves, qu'il faut bien vifiter , de peur qu'il ne s'y faiTe quelque crevaffe 5 par laquelle toute la liqueur fe perdroit. Je confeillerois de les faire de bois , fur-tout la trem- poire. Si on n'a pas de pièce de bois aflez foxte , poul- ies faire d'un feul arbre creufé , on peut faire de gran- des cuves de plufieurs morceaux , obfervant de les biea calfeutrer Se godronner en dehors. Du refte , il ne faut que des faucilles , des quarrés de toile avec des cordons aux bouts pour lier les paquets d'herbe , des fléaux , ou manivelles 5 pour la batterie y des chauffes Se des caifles pour fecher l'Indigo. ' Du SUCRE ^ des Sucreries ^ & de tout ce qui y a rapport. La Manufacture de Sucre eft la plus confidérable de eelles de l'Amérique. Elle exige la plus grande force de  l'usage de Cayenne. 7$ bras , des établiflemens vaftes , Se demande tant d'au- ttes parties différentes & inféparables , que fi celui qui en établit une, ne fait pas les lier , Se les faire mouvoir toutes enfemble Se chacune en particulier , félon l'exi- gence des cas , tout languit & fç détruit. L'état d'habitant Sucrier étant celui qui donne le plus de confidération aux colons , quant à la partie de la culture , bien des gens le préfèrent à celui de Caféyer , d'Indigotier , &ec. ôc font fouvent les dupes de leur va- nité y Se de leur peu de réflexion. On ne fait jamais de démarche à faux dans cette partie 3 fans qu'on n'ait lieu de s'en repentir. L'imprudence Se le défaut de calcul, détruifent la fortune de quiconque tente cette entrepnfe fans la connoître. De vingt-fix Sucreries qui étoient à Cayenne en 1724 , plus de la moitié ont été détruites par cet incon- vénient. Il faut donc compter avec foi-même , Se cal- culer tous les accidens , avant que de fe porter à une entreprife fujette à tant de revers. Le plan d'une Sucrerie doit être fait long-tems avant l'établiflement même ; on doit auflî avoir prévu tous les obftacles Se les moyens de les furmonter. Bien des gens ont été ruinés , tant à Cayenne que dans les Antilles , pour s'être promis un produit affuré de leurs jumens , de leurs bœufs , &c. fans avoir prévu tous les accidens que le hafard peut faire naître , 8e pour s'être déterminés dans cette confiance à l'établil- fement d'une Sucrerie. Enfuite la récolte s'eft trouvée malheureufe , ils ont perdu des beftiaux : il a fallu payer , réparer ces pertes Se le tems perdu ; à peine ont-ils fait un revenu pour les dépenfes annuelles, Se au bout de dix ans tout leur profit s'eft trouvé borné au vain honneur d'avoir entrepris une Sucrerie. Mon deffein neft pas , en expofant aux yeux des Ha- bitans ces réflexions , tirées de l'expérience , de leur infpirer du dégoût pour cet établiflement , Se de dé- ÇQVirager ceux qui auraient, des vues d'agrandiilem^nt. y 6 Maison Rustique, Mais j'écris pour tout le monde. L'homme fage & pru- dent fe reconnoîtra dans les précautions & dans les ma- ximes que je propofe y l'ambitieux y trouvera un frein utile. Tel peut avoir une grande Roucouyerie, quin'au- roit qu'une Sucrerie languitfante. Ceft rémérité & im- prudence de faire un changement de culture , s'il n'y a du gain. M. Coutard père > ancien Roucouyer de Cayennê , voulut quitter le Roucou pour faire du Sucre. Il avoit la réputation du plus parfait habitant de Cayenne : il la foutint par le tems qu'il laiffà entre la naiflfance Se l'exécution de fon projet. Il avoit du terrein 8c des Nègres ; l'efTentiel lui manquoit encore > favoir les Nè- gres ouvriers, fans lefquels une Sucrerie tombe. Il en acheta , & n'entreprit fa Sucrerie que lorfqu'ilfut muni d'un nombre fuffifant d'ouvriers de toute efpece. Il faut néceffairement des Charrons , qui doivent fervir de Charpentiers dans l'occafion , des Forgerons > des Potiers 3 des Tonneliers 5 des Maçons > & un par- fait Commandeur -y il faut avoir ces ouvriers dans la Sucrerie même , & parmi fes efclaves , pour les répa- rations & les entretiens continuels de la Manufacture, L'habitant prudent formera donc des ouvriers d'a- vance. Un Nègre intelligent ., tel qu'on a coutume d'en choifir pour cette deftination , peut apprendre fon mé- tier en dix-huit à vingt mois. J'ai éprouvé dans la fu- crerie que j'ai à Cayenne, dans le quartier de Timou- tou, que fans ce fecours , un tel établiflement rappor- tait à peine de quoi faire face aux inconvéniens , pour lefquels on eft forcé de recourir à la main - d'œuvre étrangère. Pendant que les ouvriers font en apprentiiTage , je fais conftruire mes bâcimens fur un terrein choifî avec attention. Avant que faire mes abattis 3 je fonge à joindre l'agréable à l'utile. Je place mes cafés fous mes yeux , fans cependant qu'elles m otent la vue de mes parcs , jardins > trous à formes 3 &c, A l' usage de Cayenne. 77 Mes bâcimens finis , je les meuble de leurs uftenfiles nécefTaires, & je me mets en équipage pendant les dix- huit mois que mes cannes font à croître. Les bâtimens que j'ai fait conftruire font : Un Moulin. 11 y en a de trois efpeces , ou qui font mus par trois agens différens j favoir , l'eau, lair & les beftiaux. Une Sucrerie. Où Ton cuit le Sucre. Une Purgerie. Une Étuve. Une VlNAlGRERIE. Un Magasin. Un Hôpital. Une Forge. Un Magasin général duGroflîer , qui doit conte- nir la Tonnellerie & tout ce qui y a rapport. Une Remise. Tous cqs bâtimens doivent être fournis des attirails nécefTaires. On doit trouver au Moulin , fontes , crapaudines , pinots , culs-d'ceufs , plaques, pinces , lanternes , clo- che à fonner les quarts Se à tenir le Garde du Moulin éveillé , ( une horloge de cuivre à réveil feroit d'une utilité infinie ) leviers , voles garnies. A la Sucrerie. Gourmand , quatre chaudières courantes , & un jeu de chaudières pour le befoin , refroidifïbire , corbin , quatre écumoires , quatre cuillères , des balais , deux paffbirs & leurs quadres , quatre lampes , une pour chaque chaudière, pots, formes, chaux & cendres en barrils. A la Purgerie. Quarrés à braffer la terre à terrer le Sucre , quatre palettes en forme d'avirons , chaux , refervoirs à fyrops , 7S Maison Rustique, pots , formes , poids à flots > piles , pilons , lampes am^ bulantes & ftables , eanots pour paiïer la terre , coiiis pour terrer , battes de forme 3 truelle à terrer. A L9 É T V V £. Le bâtiment eft une maçonnerie de feize pieds de haut, Bc large de douze pieds dans l'intérieur. On lui donne une porte de deux pieds 3c demi de large fur fept de hauteur. On fait les étages de deux en deux pieds a avec des lattes. Il faut une ferre , un coffre à feu , ou , à fon défaut , une chaudière > deux lampes , des grattoirs ,■ des balais. A LA FlNAIG RERI E > oh fe fait l'cdu-de-vie de cannes. Deux chaudières pour le moins & leurs chapiteaux , pot à vinaigre deftiné à cet ufage , cinq canots à boif- fon 5 pour faire du taffia tous les jours , un refervoir de petite eau-de-vie y deux couleuvres au moins , deux à trois bayes , de un puits dans la Vinaigrerie. Au Magasin £>e la'Vi naig rerix. Des jarres, qui contiennent au moins cinq cens pots de taffia ; des dames-jeannes , au défaut de barrils , qui contiennent cinquante pots ; de grands & de petits en- tonnoirs , des pots , des pintes 3 des pipes avinées pour réfervoirs , des palans 3 des cordages , du bray , des éroupes 5 des doubles palans, des clous de toute efpece, boucans élevés pour des dames jeannes. A LJ H 6 P i T A L. Pvemedes , boucans , & leurs paillafTes ; chaudière à ftfane j un étui de chirurgie , garni des pièces ordi- a l'usage de Cayenne. 79 naires , pour remédier aux accidens journaliers d'une habitation. A la Forge. Enclumes , grands & petits marteaux , foufflets , tenailles , établi garni de différentes limes , différent fers, forge maçonnée , canot a tremper _, charbon, graille à huiler le foufflet tous les mois. Le magafin général du groiîier eft néceflairej & les Habitans de Cayenne qui ne convenoient pas de fon utilité , en jugèrent autrement , quand ils virent le parti que je tirai de celui que je fis conftruire dans ma Sucrerie. Il doit contenir : La Tonnellerie , fur dix-huit pieds quarrés 5 avec tout ce qui y a rapport , comme mains , cercles 3 lia- nes y ÔCC. Remife , Charronnerie , & tout ce qui en dépend , fers de quatre cabrouets montés , & leur attirail. Un Appentis de trente pieds de long fur autant de large , dans lequel on place du bardeau , courbes , en- traves , arcabas , en un mot , tout ce qui eft nécelfaireà l'entretien. On évite par-là de perdre du tems à cher- cher au loin ce dont on a befoin , 6c de retarder fou- vent des travaux qui prefTent. Cet Appentis , ou Magafin , doit erre à jour , bâti de baletas , de grofies fourches fort en tirans , fur lefquel- les traVerfe de long bois rond liane à diftances , pour placer à l'air le mil dépouillé 3 ainfi que des planches de pinot , pour fervir à ferrer ce qui ne doit pas être abfo- lument fous la main , comme planches , lattes 5 gau- lettes , &c. J'ai cru devoir entrer dans le détail de tous les uften- files nécefiaires , avant que de parler des plantations & de la manière de fabriquer le Sucre ; car c'eft d'après la pofîibilité de fe les procurer , qu'on doit fe décider à s'établir Sucrier. Le Moulin eft un des établiffemens les plus utiles a 35 Maîsoîî Rûstïqùi J une Sucrerie. Il faut , autant qu'on peut , qu'il aille par le moyen de l'eau. Après l'eau, le vent eft l'agent lé plus propre à l'objet d'une Sucrerie ; mais Tinconftance de cet agent, qui ne peut être afTuré que dans un pays où onjquiroitd'un vent réglé , fait qu'il faut, outre le Moulin à vent , un autre Moulin mu par desbeftiaux * lequel foit d'une ftruéture aufli légère que ceux de Saint- Chriftophe. Ceux de Cayenne exi ;ent une charpente qui coûte plus que les uft enfiles du Moulin. Après avoir confideré les uns & les autres , j ai ima- giné un Moulina vent, enté b pour ainfi dire , fur un Moulin à beftiaux , tel qu'on peut le voir ci-après. Voye$_ la Planche. J'ai dit que l'eau étoit le meilleur agenu II faut donc, lorfque le terrein le permet 5 fe placer de façon qu'elle puiffe fe porter d'elle-même par-tout où elle peut être néceffaire. Mon nouvel établiflement de Sucrerie ( Voye^ la Planche ). eft exécuté de même chez moi. Quelques Habitans ont d'abord commencé par le critiquer , êc m'ont enfin imité. Au refte , je n'ai pas toujours été 1<* maître de conformer entietement ma fituation à mon plan , parce que, pour conferver quelques bâtimens qui fe trouvoient neufs, il m'a fallu arranger autrement une partie de ce que je propofe de plus utile 5 de plus commode &c de moins coûteux. Je ne donne ici une idée de mon plan , que pouf qu'il ferve à donner aux bâtimens un arrangement ôc un ordre ^ où puiflent fe trouver également & l'agréable Se l'utile , ce qu'on a négligé jufqu'ici à Cayenne , quoi- que l'on y ait en abondance de beaux arbres pour faire une conftrudtion folide. Ce plan peut s'exécuter , dans quelque terrein que ce foit ; il s'agit feulement de bien reconnoître les lieux $ avant que de rien entreprendre. On tournera la vue de l'établifiement du coté des eaux , afin de jouir de tout à la fois. La Sucrerie fe placera toujours fous le vent de toute l'habitation , de forte que les cafés à BagaJJe j qui 'a l'irsAO! Dt Cayïh'mi; g r xpA n'en peuvent être trop éloignées -, n'y puiflent pas nuire , ni en recevoir préjudice. On ne peut trop travailler à fe procurer des eaux abondantes > & à les faire circuler près des bâtimensoù elles font néceflaires , fur-tout pour la Buanderie, fur laquelle on doit veiller. La Vinaigrerie doit particulièrement avoir un puits d'où j par le moyen des dalles , l'eau fe diftribue à la Sucrerie & à la Purgerie , foit qu'on l'y conduife pen- dant la veillée, par des refervoirs faits de canots , ou dans d'autres tems , félon l'exigence des befoins. Ua feul Nègre peut le faire , fans fe déranger de l'occupa non à laquelle il vaque , près du feu , en travaillant au Tafna. Comme les divers bâtimens de cette Manufacture ne forment qu'un édifice commun , on ne doit fouffric qu'une feule porte. Elle doit être large , ôc s'ouvrir à deux battans. Toutes les croifées feront grillées, & don- neront fur la cour , excepté celles qui font nécefTaires pour voir les fourniers & la café à BagaJJhs i lorfqu on eft dans la Sucrerie. Les eaux qui fe trouveront dans l'intérieur du bâti- ment, pourront être conduites par elles-mêmes jufques dans les citernes. En acceptant ma méthode de les y porter, on réformera tous les pots , & autres dépenfes ôc incommodités inféparables de l'ancienne méthode. Ayant été obligé de faire exécuter ce plan dans une gorge ôc au-deiïbusde l'eau , il paroît différent dans la forme & à la vue , quoiqu'il n'y ait cependant ni plus ni moins de bâtimens, l'eau & la fituation du terrein ne m'ayant pas permis d'autres arrangemens. Il paroît ce- pendant dans une fituation agréable, régulière ôc com- mode. Quelques perfonnes regardent comme inutile le lieu qui doit fervir à aflTembler lesNegres pour la prière. Pour moi je déclare qu'on ne pourroit s'en pafTer , que dans des lieux où la facilité de bâtir ferok moins grande qu'à F ~ — — — Il Maison RvstiqviÏ Cayenne. Indépendamment de la décence , la néceflîté où eft chaque Nègre de fe trouver à fa place marquée d donne au Maître la facilité de remarquer d'un coup* d'œil ceux qui manquent. D'ailleurs s'il pleut , ils font à couvert , Ôc de la galerie le Maître peut les compter , & leur donner fes ordres. Enfin,ce Heu eft toujours très* utile dans une grande habitation , dans les cas où l'on a des chofes à mettre à l'abri , & qui doivent être mifes à vue pour quelques jours. Apres l'édification des bâtimens , on s'occupe de les enclore , avec des portes pratiquées dans l'abattis , & on fait l'entourage. Il faut enfuite conftrnire des chemins , partie e(Ten- tielle dans toute habitation , & fur* tout dans une Su- crerie. Il en faut qui conduifent de laSucrerie au dégras, & de l'établiiTement aux 'plantations ; il en faut qui conduifent à travers les plantations mêmes , pour ne point nuire aux plantes. Le chemin le plus important , eft celui qui mène de la Sucrerie au dégras. On fait aboutir à celui-là ., autant qu'il eft poffîble , tous les chemins de traverfe. Il ne faut pas toujours prendre le trajet le plus court pour percer les chemins j il faut voir > (î en l'augmentant un peu , on ne pourroit pas rencontrer un terrein meilleur , & une iffue plus favorable pour les autres chemins qui y doivent aboutir. Il arrive fonvent qu'en une récolte , on perd plus de beftiaux , par la négligence à rendre les chemins aifés , qu'on ne feroic en dix , lorfque les voi- tures roulent avec facilité. On fe fervoit à Cayenne , pour affermir les chemins , de bois rond ou fendu indifféremment. Mais voyant que les inégalités qui reftoient entre chaque bûche oc- cafionnoient des fecoufles qui ébranloient les jantes , les clous 3 les bandes , ce qui exigeoit des réparations con- tinuelles , je me fuis fervi d'une efpece de palmier nom- mé Bâche y ou Latannier > que je faifois fendre & cou- per de la largeur du chemin , Se incrufter dans la boue % A L*VSAÔI DE CAYENN!, 8) cette méthode eft encore d'autant meilleure , que le Bâ- che croisant dans des endroits marécageux , fe conferve dans l'eau. Le chemin que j'ai fait ainfï conftruire il y a dix ans, de qui mené de mon habitation à la mer n'a été réparé que par le remplacement de quelques mor- ceaux de bois coupés par les charrois. Au défaut de Bâche 3 les Pinots , fur-tout ceux de marais, font bons. Le Moncaya peut être également employé àcetufacre. * Cette précaution ne fuffiroit pas pour les cheminsdes plantations faites dans les abattis : il faut \ avant que de les ferrer , déterrer les chicots. Au moindre détour ils briferoient une roue. On peut faire cet ouvrage au clair de la lune. Lorfqu'oti deftine le terrein d'un abattis à une plan- tation de cannes 5 il faut avoir foin de le bien nettoyer - on le partage enfuite en quarrés de ioo,ouuo pieds! Entre ces quarrés , on laide un chemin de 18 pieds de large , tant pour le partage des cabrouets , que pour empêcher , ou au moins retarder la communication du feu , dans le cas des incendies. On plante fur les bords de ces chemins des pois d'Angole, ou de fept ans. Er* difpofant ainfi le terrein , les plantations de cannes for- ment des allées fk des promenades. ^ Les cannes à Sucre font des efpeces de rofeâtix parta- gés par des nœuds , qui font plus ou moins diftants les uns des autres , félon le degré de bonté du terrein. De ces nœuds partent des feuilles, qui tombent k mefure que la canne mûrit; & lorfqu'elle fe couronne de feuilles à fon fommet , elle approche de fa matu- rité. Les cannes viennent communément à la hauteur de îo à 15 pieds. Il leur faut depuis 14 jufqua 18 mois pour parvenir à une maturité convenable. Mais comme il n^eft pas de règles fixes pour aucune récolte \ parce que la végétation va plus vite dans un tems que dans un au- tre , voici des expériences qui font connoître la maturité des cannes. 84 Maison RustiquiJ ■ Lorfqu elles font jaunes , que leur écorce eft liffe ; qu'elles font pefantes , que la matière fpongieufe qu'elles renferment, de blanche quelle étoit fe brunit 3 que le fuc qu on en exprime eft doux & gluant , il faut les couper &c les porter au moulin. Les terres grajjes & fortes produifent de belles can- nes , qui donnent un Sucre mauvais & difficile à tra- vailler. Les terres peu profondes 3 fous lefquelles on rencontre le tuf à une petite profondeur , ne produifent que des cannes maigres , noueufes 9 & dont on retire peu de Sucre. Les terres fortes & rouges donnent des cannes oroffes & hautes. Mais il faut les couper à propos ; car fi elles font un peu vertes , le Sucre eft difficile à dégraiffer. Les terres profondes à légères 3 ponceufcs 3 qul ont affez de pente pour que les eaux puiffent s'écouler , &C qui font continuellement expofées au foleil, depuis fon lever jufqu'àfon coucher , font les meilleures de toutes. Les terres neuves abondent tellement en huile & en fels , qu'il faut fouvent les dégraiffer avant que d'en obtenir des cannes dont le Sucre puiffe être travaillé, Ceft ce qu'on fait , en coupant les premières cannes au bout de fix mois ; on met de côté de quoi replanter , ÔC on fait du taffia avec le refte ; on brûle enfui te les pailles des cannes fur le terrein. Les cannes qui viennent des rejettons, donnent un Sucre moins huileux & plus fa- cile à travailler. Il convient de bien aligner fon terrein , pour la facilité de farder , & d'appercevoir les files de Nègres au travail. On choilit , pour planter les cannes, un^tems humide , &C la faifon des pluies. On plantoit communément à Cayenne , les cannes inclinées vers la terre, ce qui ne permettait aux pouffes de fortir que par chaque bout. A la Martinique , & aux autres Ifles Françoifes 5 elles fe plantent couchées , ce qui vaut affurément mieux ,  t'tîSAGÎ D 1 CaYSNKI,1 'tf puifque les jets fortant de toutes parts dans cette pcfi- tion , forment des touffes confidérables.. Aux Ifles Angloifes , & nommément à Saint-Chrif- tophe , où j'ai eu le malheur d'être conduit prifonnier en 1762 , je me fuisapperçu qu'on les plantoit encore mieux , à en juger par la beauté des champs de cannes que produuent d une année a 1 autre les mêmes ter- reins. En coupant les cannes , on a l'attention d'égalifer les pailles à mefure fur la terre , on fillonne large de deux bons pieds, en relevant à foi la terre d'un pied de haut en talus , & fucceffivement. Ces filions font fi bien ali- gnés, qu'on les croiroit l'ouvrage de la charrue. En coupant les filions , on eft contraint de couper les pailles , & de les démêler d'avec la terre , ainfi que les fouches , qu'on a foin de placer fur le talus de la rigole pêle-mêle avec de la terre, afin que cette partie relevé le fumier , & l'apprête à être rigolé une autre année , où fucceffivement elle doit être plantée ; les quarrés qui ont rapporté une année, ferepofent dans cet état l'année fuivante , pendant qu'un pareil nombre de quarrés eft mis en valeur , afin que le revenu foit toujours le même; car le but des Habitans de Saint-Chriftophe , n'eft pas dç faire plus de revenu une année qu'une autre ; ce qu'ils poffedent de terre eft économifé dans fa plus gran- de valeur. Le plus ou le moins de revenu annuel, dépend du plus ou moins de féchereffe , qui réduit fouvent à moitié les revenus de certains quartiers de l'Ifle. Le tems de la plantation des cannes étant venu , on. repaflTe cette rigole, &c à mefure le, rang des Nègres faic des trous dans la rigole.de deux en deux pieds , vis-à-vis le plan de l'année précédente , quand le terrein eft bon : fi le terrein n'eft pas bien bon , on les creufe angulaire- ment. Les NégrefTes fuivent , plantent x Se couvrent à mefure. Les cannes plantées veulent être fardées jufqu'a ce qu'elles couvrent la tenre autour d'elles. Deux farclages F iij 86 Maison Rustique fufEfent au commencement. Lorsqu'elles ont cinq à fîx mois , on leur donne la dernière façon ; elles font alors trop hautes pour que la houe puiffe jouer y les Nègres arrachent les mauvaifes herbes de les lianes , de on ne les touche plus jufqu'à leur maturité. Un habile habitant doit , autant qu'il peut , faire fes plantations de manière qu'il puiffe couper fes cannes vers le commencement de la faifon des pluies ; car les rejetions qu'on obtient des fouches, ont autant befoin d'humidité , que les fouches elles-mêmes , lors- qu'elles ont été plantées. Lorfqu'on voit les cannes mûres , & qu'il eft queftion de les couper , on difpofe les Nègres & Nègre flès le long de la pièce qu'on va couper , chacun une ferpe à la main , tk à la diftance de trois pieds les uns des au- tres , pour qu'ils ne fe bleffent pas. Le nombre des coupeurs doit être proportionné à la force de l'équipage j qui travaille aux cannes. Seize fufEfent ordinairement pour un moulin mû par des bœufs y il faut y joindre trois amarreurs , lorfque les cannes font ferrées & bien fournies _, deux fufEfent quand elles le font moins. Lorf- que la hauteur des cannes le permet , le coupeur en abat l'œil , ou la tête , à trois ou quatre pouces de diftance de la feuille la plus baffe j il traite ainfi chaque rejetton, après quoi il coupe la canne par le pied , le plus net qu'il eft poflible. Si la canne eft trop haute 3 on n'en coupe la tête que lorfqu'elle eft abattue. On les coupe enfuite en deux ou trois parties , félon leur longueur. Des Nègres qui fuivent la file des coupeurs , les met- tent en tas , & les amarrent avec les extrémités des têtes des cannes. Le commandeur les fait porter au bord du quarré , où les cabrouets les reçoivent pour les voiturer au moulin. 11 faut éviter d'en couper plus que le moulin n'en peut écrafer en vingt-quatre heures. On décharge les cannes dans un parc couvert auprès du moulin , d'où on les tire pour les mettre entre les cylindres. Quatre A L'USAG! DB C A V E H N 1. 8/ Nécrreffes fuffifent ordinairement pour le fervice du moulin. L'une , qui expofe les cannes à la preffion du moulin ; eft occupée à lespouflfer toujours entre les cylindres, & a foin de ne les laiiïer jamais vuides , fans les embar- rafler. Une autre , poftée de l'autre côté des cylindres > reçoit les cannes qui fortent d'entre le premier & le fécond cylindre, & les repliant en deux , les fait re- payer entre l'intervalle du fécond & du troifieme. Un autre enfin prend les bagafles , c'eft-à-dire , les cannes paffees au moulin , en fait des paquets , & les porte fous de grands appentis > qu'on appelle cafés à Ba- gages. ' L'art de faire le Sucre à Cayenne , n'étoit qu'une pratique aveugle , fans principes afliirés. J'ai reçu fur cette partie des lumières plus étendues d'un Econome que je fis venir de la Grenade en 1761 : elles me met- tront en état d'ea traiter avec plus de connoifTance. Je ne prétends pourtant pas la traiter à fond ; mais ce que j'en dirai , pourra fervir à établir des principes géné- raux. Enfuite la pratique , mieux que tous les fyftêmes , fera connoître les variations qu'apportent dans ce tra- vail la nature du terrein , &c les différentes qualités des cannes. Les Sucres de Cayenne ont péché {ufqu aujourd'hui par le défaut d'enyvrage & de quitte , par la malpropreté des Manufacturiers , qui laiflbient pafTer des journées entières fans nettoyer leurs chaudières , fans y brûler de l'eau-de-vie , les gratter , & en ôter ce que les dif- férentes cuiflbns du Sucre y dépofent à la longue, ôC qu'on prendroit pour la matière de la chaudière même. On ne fe fervoit ni de Blanchets y ni de Paffolrs. On n employoit que deux Nègres à écumer las chau- dières , lorfqu'il eft certain qu'il en faut autant que de chaudières , occupés continuellement à ce travail. On fe fervoit machinalement de leflive , faite d'en certain bois -, que ion verfoû dans les chaudières , plu- F iv _ $8 Maison Rustique? tôt pour fatisfaire à la coutume que par raifoti. Cette leffive étoit Fenyvrage général. On en mettoit plus ou moins , fans avoir égard à la qualité du Vefou , com- munément appelle vin de cannes , ni à la qualité de la terre fur laquelle on avoit coupé les cannes. Le jus des cannes appelle Vefou y exprimé par le moulin , coule par des dallots dans un grand canot 5) cToù , par le même moyen , on le fait couler dans la première chaudière > appellée la Grande. C'eft dans cette chaudière que l'on enyvre le Vefou 3 par le mé- lange de la cendre & de la chaux. La chaleur que l'on donne à cette chaudière j 1 e- chauffe jufqu'au frémiffement de la liqueur. Les par- ties alcalines de la cendre & de la chaux la purifient des matières graflTës , qui montent à la furface en écume qu'un Nègre a foin d'enlever , avec la précaution de ne pas troubler la liqueur. Comme l'adiion du feu n'eft pas affèz violente pour faire monter les écumes avec rapi- dité y le Nègre qui fert cette chaudière , eft chargé de laver les Manchets & les formes, dès qu'ils ont fervi. Dans l'ancienne méthode des Sucriers de Cayenne^ cet ouvrage regardoit le fournier , qui peut à peine fub- venir à fon occupation. De-là la malpropreté produite par rimpoffibilité où étoit le fournier de remplir fon travail. C'eft dans l'art denyvrer le Vefou que confifte la fcience du Raffineur. C'eft cette opération qui doit dé- cider de la qualité du. Sucre. Lorfque le Vefou eft blanc , il demande plus d'eny- vrage. Mais il faut obferver que le trop de cendre le grille 5 Se trop de chaux le rougit ordinairement. Lork que le Vefou en demande une trop grande quantité , c'eft une preuve de la mauvaife qualité des cannes. Un Raffineur doit tâtonner aux premières batteries de cannes coupées dans un terrein neuf. Si elles provien- nent d'un terrein morne , un tiers de chaux fuffit contre cleu^de cendre, SiçUes viennent d'un terrein humide â À l'tJSAGE DE CàTEMM!. 89 il en faut le double. On ne peut donc donner de règles certaines fur cette matière , puifque tout dépend de la qualité des cannes. Ceft au Manufacturier a la bien re- çonnoître , pour leur donner au jufte l'enyvrage quelles demandent. Il faut que les quatre chaudières foient pleines, afin que le feu qui augmente de chaudière en chaudière juf- qu'à h Batterie , ne les brûle pas ; & lorfque h Batterie eft tirée , & que les trois chaudières ont le Vefou préparé pour leur ufage , on pafle la liqueur enyvrée de celles- là dans la grande, par le moyen d'un Blanchet ^ qui eft un gros drap blanc. On emplit la féconde chaudière , nommée la Pro- pre , de ce jus de cannes purifié. Il y foufFre une ébulli- tion encore plus forte que dans la Grande. On met fur l'écumoir deux ou trois pincées de chaux Se de cendre \ on les fait fondre ainfi à la furface de la liqueur , pour l'obliger à rendre le refte de la matière graffe qu'elle peut contenir. Elle veut être alors écumée continuelle- ment. L'évaporation qui s'en fait par l'ébullition, lui donne peu à peu une confiftance moins liquide ^ & la matière du Sucre fè rapproche. Lorfque le Vefou nouveau a fuffifamment bouilli & pouffe des écumes dans la Grande _, on vuide la Propre dans la troifieme chaudière , appellée le Flambeau. Le degré de feu du Flambeau eft plus grand que celui des deux premières. Il faut écumer , avec toute la dili- gence poffible. Si la liqueur forme des yeux huileux à la furface , ceft une marque qu'elle demande encore de l'enyvrage. On y jette , petit à petit , des cuillerées d'eau de chaux, avec le foin de bien mêler la liqueur , pour qu'elle reçoive dans toute fon étendue l'addition qu'on y jette. Lorfque la liqueur , autant purifiée qu'il eft poffible , acquiert la confiftance de fyrop , on la tranfvuide dans la Batterie 3 quatrième & dernière chaudière. Le feu que Ton donne à cette chaudière çft le plus 3$ Maison RuStïqviÎ violent ; on élevé , avec l'écumoir , le fyrop qui y bout J afin de lui donner de l'air ; il s'y gonfle, & rejailliroit hors de h Batterie par la violence du feu , fi de rems en terns on n'y jettoit une pincée ou deux de fuif , & quel- quefois un peu d'eau froide. Il faut avoir attention de n'expofer fon Sucre au feu de la Batterie, que lorfqu'on eft fur de l'avoir bien dégraiffé. On s'apperçoit que le Sucre eft cuit, à la forme du bouillon qu'il prend. Mais comme cette connoiffance n'eft que pour ceux qui ont un grand ufage de cette opé- ration , on peut pafler le doigt légèrement fur la cuillère, pour attirer le Sucre de bas en haut. Lorfqu'il file peu, qu'il fe cafle , & qu'il fe recoquille , il faut tirer la Bat- terie. On doit obferver que la première Batterie fe tire cuite à fon point , la féconde beaucoup plus , afin de donner au Sucre une confiftan/e qu'il n'a pas fans cela , Se qui lui eft néceifaire à Cayenne , à caufe de la grande humidité. %' On brade la première Batterie dans le Refroidijfoir 3 dès qu'elle y eft tombée , afin d'unir le grain du Sucre. On juge qu'elle eft cuite , par une crème grisâtre qui pa- roît au-defïiis. Elle s'y forme promptement , lorfque le Sucre eft bien cuit. Lorfqu'on joint la féconde B atterie à. la première, on braffe une féconde fois, avec une efpece de rame , & on répète cette opération une troifieme fois fur la mafle , afin d'unir le grain qui s'eft attaché aux bords avec le refte , & d'aider , par le mouvement , la formation des autres grains. Une demi-heure après , tout au plus , on met le Su- cre dans les formes j le Nègre qui porte le Bec-de-cor~ bin le partage également dans quatre ou cinq formes , êc les remplit ainlî dans plufieurs voyages , donnant à- peu-près égale portion de fon bec de corbin à chaque forme. Elles doivent avoir été trempées auparavant dans l'eau. L'humidité qu'elles retiennent , facilite le loche- ment du Sucre. Vingt-quatre heures après , il faut en boucher le trou inférieur. A t'USAG! DE CaYINNL CI Le Sucre bien préparé par Penyvrage & bien cuit , fe congelé d'abord , il a un œil verdâtre comme une glace. S'il n'a pas cette qualité , il eft cenfé manquer de cuitte , ou d'enyvrage, Lorfqu'on voit la matière prête à prendre confiftance , on la brafTe a droite &c à gauche avec une palette. On ratifTe le long de la forme juf- qu'en bas , en tournant le Sucre vers le centre de la for- me. Ce mouvement fert à former le grain , & à le faire monter en haut. Lorfque le Sucre eft bien fabriqué , oa peut lever la forme le foir même , pour être mife fur le pot , après l'avoir toutefois percé avec une cheville mouillée , pour laifler écouler le fyrop. Ceux qui ont vu & jugé de la commodité de mes dalles , fe garderont bien de leur préférer les pots. Je m'en pâlie aufli abfolument que fi je ne faifois que du Sucre brut. On perce une féconde fois les formes , avant que de les paffer à la purgerie , ou bien on a foin de les placer le plus d'à-plomb qu'il eft pofiible , afin d'être tra- vaillées auiîi-tôt qu'on en aura fait écouler les Sucres , &c. On fouille la forme , afin d'égalifer le Sucre & de le difpofer à être terré. La préparation de la terre qu'on employé à cette opé- ration , fe fait dans un canot où on la met tremper. Les qualités de cette terre doivent être , de ne pas teindre l'eau dans laquelle on la met , de la biffer filtrer égale- ment , de ne pas s'imbiber de la graiflfe du Sucre lors- qu'elle eft fur la forme. Quand on aura bien égalifé le Sucre dans la forme , l'eau ne le creufera pas inégalement. S'il paroît quel- qu'enfoncement à la furface5on le bouche par une ad- dition de terre. Auflî tôt que cette terre fe détache des bords de la forme & de la furface du Sucre , on la levé pour égalifer le Sucre une féconde fois & le rebattre a en examinant s'il a trop ou trop peu coulé. Cette remar- que doit fervir de règle pour la féconde terre qu'on y doit ajouter. "$£ Maison R v s t i q v t ' ï Il faut avoir foin de fermer les fenêtres de la purge- rie , afin que le vent ne deflTeche pas trop l'humidité de ia terre qui recouvre les formes. Si le Sucre eft bien fait _, deux terres fuffifent pour ie blanchir dans toute l'étendue de la forme. La féconde terre ôtée , on ouvre les fenêtres de la purgerie , afin que l'air qui y entre feche le Sucre , qui peut enfuite être mis àl'oifir dans l'étuve. On doit avoir un oreiller épais , rempli de feuilles de bananes ? de la largeur de la porte , fous laquelle on loche les formes , en les jettant adroitement , l'ouver- ture en bas fur le paillaflbn : un feul coup fuffit pour en détacher le Sucre net. On range ces pains de Sucre fur les planches de l'étuve , faites en pinots, à la diftance d'un pouce l'un de l'autre , excepté l'étage qui eft im- médiatement fur le fer d'étuve. La trappe ne s'ouvre que dans cette opération , & fe referme bien , ainfi que la porte ? afin de mettre le feu au fourneau deux ou trois fois par jour foigneufement , fans cependant le pouffer crop. il ne faut jamais laiffer l'étuve fans feu , tant qu'il y a des pains de Sucre dedans ; car alors ils y feroient ex- pofésà l'humidité. Il faut être preffe de livrer fon Su- cre 5 pour ne pas lui donner au moins quinze jours d'étuve , & le faire apprêter au milieu de la journée 5 puifque chaque veillée peut fournir une ou deux barri- ques , qu'il faut faire fermer le lendemain , pour con- ferver au Sucre fa qualité. Il n'y a qu'à Cayenne où il faille prendre tant de précaution contre l'humidité ; car dans toutes les autres Colonies Angloifes & Françoifes , si eft en magafin fur le bord de la mer , quelque tenis qu'il faffe. Observations sur le Moulin. Le Moulin n'eft pas moins digne d'attention que les autres lieux occupés à la fabrique du Sucre. Un bon A t* US AGI 1>B CàYINUL <)i Grarde-Moulin eft précieux. Par fon attention 5 tout va heureufement. Les beftiaux font ménagés \ il a foin de les changer exactement aux heures marquées ; pour qu'ils ne s'échappent pas , il les lie à des endroits mar- qués. Il eft bon de fonner les heures Se demi-heures , afin de régler Tordre de chaque opération avec jufteflTe. J'ai fait placer , pour cette raifon , un horloge à réveil fur le chaffis appelle Garde-Moulin. Cette précaution eft inutile dans les Moulins à eau ou à vent. Mais dans un Moulin mu par des beftiaux , elle eft eiïentielle , Se fur-tout à Cayenne , où il importe extrêmement de conferver les beftiaux qui y font chers. Les Nègres n'é- coutent pas volontiers ces leçons d'économie. Le Garde-Moulin doit d'ailleurs veiller a ne pas biffer crier le Moulin 3 ni engager les cylindres par la quantité de , qui Bagajjes , s'y accumulant > arrêtent l'é- quipage , & brifent fouvent quelque chofe d'efiTentiel. Il doit aller Se venir continuellement 5 pour prendre aarde que les dalles , dans lefquelles coule le Fefou, ne s'engorgent , Se que la table du Moulin ne fe rempliffe de Bagajjes brifées, ce qui fait répandre le Vefou. Ces inconvéniens font plus fréquens la nuit que le jour. La prudence demande qu'on tienne tout monté le double des pièces néceiïairesà un Moulin , fur-tout de grands Se de petits rouleaux , afin de les avoir tout prêts , dans le cas que quelqu'un vienne à manquer. On lave le Moulin l'été à quatre Se à huit heures. La propreté du Sucre dépend de cette précaution. FlNAlGRERIE. La Vinaigrerie eft un bâtiment où Ton fait, avec de l'eau Se du fyrop , un vin qui fermente , & duquel on retire , par la diftillation , une eau-de-vie nommée Taffia. La force Se la bonté de cette liqueur dépend de la proportion 4'eau & de fyrop qu'on employé, de l'inf- - |4 Maison R v s t î q t* t ; tant où Ton prend la liqueur fermentée pour la jettef dans la chaudière. Les vafes dans lefquels on tnet les mélanges d'eau & de fyrop , font ordinairement des canots nommés canots à boiiïbn. On les emplit d'eau jufqu'aux deux tiers , quelquefois jufquaux trois quarts, on achevé de les emplir avec du gros fyrop & des écu- mes de fucre, On les couvre , afin que l'air n'empêche pas la fermentation. Au bout de trois ou quatre jours , la liqueur eft tran- quille. 11 faut être exaâ: à vifiter les canots pleins > afin que quand la liqueur rend une odeur vineufe, & qu'elle ne bout plus , on la mette dans une chaudière. Quand elle en eft remplie , on l'écume , on la couvre de fon chapiteau 5 & on diftille. L'efprit monte par une couleuvre , qui pa(Te par un tonneau rempli d'eau , qu'il faut renouveller de tems en tems. On diftille tant qu'on voit de la preuve à la liqueur ; lorfqu'elle n'en donne plus , on l'appelle petit taffia. On le rejette fur une féconde quantité de liqueur fermentée * il fert à fortifier le taffia qu'on en tire. Car on peut , au lieu d'eau 5 employer ce qui reftede la dif- tillation précédente , pour remplir les canots , pourvu cependant qu'elle foit fraîche. Il faut avoir foin de tenir bien nettes les couleuvres, de bien rafraîchir l'eau des bayes par où elles paflent, de bien nettoyer les chaudières & les chapiteaux. Dans certaines Sucreries , on reçoit l'eau-de-vie dans des Bâtiaux. Ils font fermés ôc jaugés , de forte que la preuve du taffia n'eft jamais altérée , ni la quantité di- minuée. Il faut empêcher que les Nègres , qui font naturelle- ment voleurs & yvrognes , ne s'accoutument à cette boiiïbn , qui eft toujours nuifible , comme toutes les liqueurs fortes dans un pays chaud , & qui leur fait tou- jours commettre quelque défordre. Il eft important de bien nettoyer les canots à boiflfon toutes les fois qu'on repofe , &c de les rincer à chaque travail. X l'usâci o ! C a y ï n n «; 9 f Je me flatte , quant à la partie de l'économie dans les bâtimens , d'être arrivé à l'arrangement le plus com- mode pour ce travail. Cette commodité vient de la dif- pofition de mes dalles , qui, fe réunifiant toutes de la Sucrerie à une dalle commune , portent tous les fyrops dans une citerne qui fert de refervoir , Sec. Les fyrops de la Purgerie s'y rendent auffi par chaque tête des dalles , percée à l'extrémité , & toutes élevées d'un demi- pied au-deflus de la citerne. Le plan de la Vinaigrerie fera fentir à tous ceux qui voudront employer ma méthode , pour l'écoulement des liquides , tout l'avantage dont je jouis pour la faci- lité du travail _, & le peu de monde qu'exige ma nou- velle Sucrerie , & tout ce qui y a rapport en général. Des Incendies a l'égard des Sucreries. Malgré les précautions les plus fages , il eft fouvent difficile de garantir les plus beaux champs de cannes d'être ravagés par le feu. Il ne faut pour cela qu'un ef- clave marron mal infpiré , ou l'imprudence de quel- qu'autre , qui , parlant près d'un abattis de cannes , en va couper , fans confiderer qu'il a une pipe à la bouche 3 & qu'il peut tomber du feu , foit en fe baiffant 3 foit même en fecouant fapipe pour la remplir de tabac. Les habitations coupées de favannes Se de bois qu'on abat pour y planter des cannes , font plus fujettes que d'autres à ces inconvéniens , vu qu'elles font ordinaire- ment plus fréquentées par les Nègres vachers, qui font inconsidérément du feu } cela occafionne chaque an- née , dans les quartiers de Timoutou Se de Malhouri , des embrâfemens de trois ou quatre lieues de prairies , où fouvent on ne peut apporter de remèdes 3 qu'après avoir eiTuyé déjà des dommages irréparables. Il n'eft point d'endroit où l'on foit plus en garde contre le feu qu'à la Martinique , & où l'on puniffe plus féveremenc la moindre négligence fur ce fujet. Les _ te£ Maison Rustique (exemples funeftes de divers embrâfemens de la Ville prefqu'entiere , ont appris qu'il eft quelquefois nécef- faire de févir contre un délinquant. Un feul exemple de vigueur en ce genre à Cayenne , remettroit la tran- quillité chez les Sucriers , qui ne dorment qu'en trem- blant depuis Mai jufqu'en Octobre , tems des grandes chaleurs & celui des récoltes ; les caufes de ces accidens n'y étant jamais recherchées > ils s'y multiplient tous les jours. Il eft bien fingulier qu'on tolère de tels abus , fans punir l'efclave qui aura mis le feu , ou le maître qui le lui aura ordonné , dans la vue d'engraiiïer les beftiaux par de nouvelles herbes. Si cela eft nécefiaire , pourquoi le Maître lui-même ne fe tranfporte-t-il pas * avec quelques Nègres , dans la favanne qu'il veut re- nouvelle^ pour marquer l'endroit qu'il veut faire brû- ler , obfervant de fe mettre à l'extrémité de la favanne qui eft fous le vent , & ne laifïànt gagner le feu que du côté où il peut s'éteindre , fans porter préjudice à per- fonne ? Avec cette précaution > on peut fans danger faire mettre le feu aux favannes , afin qu'elles produi- fent des herbes propres à engraiflfer les beftiaux. Pour remédier à ces malheurs , auxquels on eft ex- pofé par le peu d'attention qu'on y apporte , je crois , i°. qu'il devroit être défendu à tout habitant de mettre jamais le feu à fes abattis _, favannes , &c. fans en avoir averti préalablement fes voifins ; i°. que ce même ha- bitant devroit , au défaut de cela , répondre corporelle- ment des torts qui réfulteroient de fa négligence 3 fi fes biens n'étoient pas fuffifans pour les réparer. 3°. Que tout Nègre trouvé depuis le mois de Mai jufqu'au mois d'Odobre avec tin tifon , une pipe , même fans être allumée , ou garde-feu pendu à fa ceinture ^ devroit fubirune punition corporelle, Se qu'à cet effet il feroit permis à tous Blancs , ou Nègres de Maréchauf- fées , de les arrêter fur les chemins publics ou de tra- veife j & aux Commandeurs Blancs ou Nègres des ha- bitations , A t'ùSAÔÉ Dï CàYENNI, hy Citations , de les mettre aux fers , s'ils enrencontroient en contravention pendant le tems fufdit. Si , malgré ces précautions , le feu prenoit a un champ de cannes , il eft plus difficile de l'arrêter lors- qu'il fe trouve au vent que fous le vent ; parce que dans ce dernier cas 5 la fumée n'incommode pas les travail- leurs , qui peuvent ouvrir des chemins de dix-huit à vingt pieds de large , en coupant promptement les can- nes , & les jettant le plus loin qu'ils peuvent fur celles qui brûlent , tandis que les NégrefTes de leur côté dé» barraffent les pailles, Se les jettent également du côté que le feu ravage. On occupe cependant quelques vieux Nègres à fouil- ler des trous de diftance en diftance , afin que les Né- grefTes puiffent emplir d'eau des pots Se des couis. Cette manoeuvre eft néceflairelorfque les cannes font dans un fond ; on détache quelques Nègres pour couper des branches de Bâche > ou d'autres arbres dont le feuillage foit verd Se bien fourni , afin d'étouffer le feu qui pour- voit fe communiquer au chemin j ou trouver d'autres iflues. Mais ce neft pas avoir tout fait que d'avoir empêché le feu de gagner au-delà du chemin , il vit quelquefois encore fous la cendre Se dans chaque tronçon, racine , ou corps d'arbre qui font reftés debout au tems où l'on a fait l'abattis. Les Pinots , les Maripas Se autres Palmif- tesj, font far-tout à craindre en pareil cas , Se on doit s'en défier 3 parce qu'ils reftent allumés intérieurement» & s'enflamment très-fouvent deux jours après. Alors les vents emportant les étincelles fur les endroits que l'on a pris foin degarentir , occafionnenr de nouveau les mê- mes accidens. Il faut donc , auffi-tôt que l'Incendie eft arrêté j jetter de l'eau fur tout ce qui eft encore allumé par terre , ou qui fume debout. La prudence même exige , outre ces précautions , qu'on laiffe fur les lieux un ou deux vieux Nègres pour éteindre ce qui pourrok fe rallumer. G *g Maison Rosiiqui, ^ J'ai «lit , à l'article des cannes brûlées , qu'on en ti- roir du- Sucre brut pendant deux jours , quand on avoir eu la commodité de les jetter dans l'eau j mais quelles »e pouvoient rendre que du fyrop pendant huit à neuf jours, encore falloir-il les couvrir , pour que le foleil ne deflechât pas ce que le feu leur avoir laide. Quoi qu'il en foit, j'ai éprouvé que ce travail force ne paye jamais les peines qu'on fe donne. Aufli ai-je regardé comme une faute de combwaifons de recourir à fes voifins de trois ou quatre lieues. Un Sucrier n'a pas malheureufement de quoi reparer t>ar cette reflburce , le quart de fon infortune, quand même il viendroie à bout de raflembler cent Nègres & cent chevaux en vingt-quatre heures j il femble d a- bord , à ceux qui ne connoiflent pas cette partie , que plus il y a de bras & de forces , plus il va de travail ; ïue les chevaux allant le galop , le moulin prefle plus de cannes , & qu'il y a par conféquenr une plus grande quanrité de vefou. Mais fi un Suctier eft quelquefois obligé de faire arrêter le moulin lorfqu'il rourne fans être°preflé par le trop de vin de cannes , il doit être bien plus forcé de le faire lorfque fon moulin fournit le rriple de liqueur. On lui aura donc procure effecti- vement quelque fecours ; mais on lui auroit rendu un fervice beaucoup plus eflentiel fi on lui eut prête des chaudières , des fourneaux Se du bois. U y a très-peu de Sucriers qui ayent deux jeux de chaudières , ce qui eft une grande imprudence , non- feulemenren cas d'Incendie , mais encore parce ou au milieu d'une récolte une batterie peut manquet. Mais quand on fuppoferoir deux jeux de chaudières , qui peu e fe flatter d'avoir une provifion de bois pour un tems aufll urgent, tandis que pour tourner à l'aife on nen coupe que quelques jours avant la récolte , & qu on en manque fouvent avant que de finir de broyer ? Je me fuis moi-même trouvé dans ce cas , faute de favoir encore qu'un bon économe doit employer les À t9 Ù S A G I DE CàYINKI, 99 jours de pluie tous {es Nègres au bois fucre , & doit le leur faire mettre en pile fous le vent de la Sucrerie les jours où l'on ne peut ni farder ni recueillir > afin d'a- voir non-feulement le bois néceflaire pour fa récolte mais encore ce qu'il faudroit pour un jour de malheur. La chofe la plus néceflaire en cas d'Incendie , n'eft donc pas , comme on pourroit fe l'imaginer , de s'at- tendre fur le fecours de fes voifins. On doit , en pré- voyant ce malheur > fe procurer les moyens de le ré- parer. Dans les Colonies bien établies , la proximité des ha- bitations le rend beaucoup plus réparable. Les voifîns n'envoyent pas pour lors leurs chevaux ni leurs efclaves pour accélérer le tranfport des cannes brûlées , mais ils les font apporter chez eux , ce qui facilite bien davan- tage le travail &c diminue la perte de beaucoup. Comme il n'eft rien de plus naturel que de recourir à l'affiftance de fes voifîns en pareil cas , il n'y a rien auflî de plus honnête de leur côté que de fe porter d'eux-mêmes à faire éteindre l'Incendie d'une habitation dès qu'ils s'en apperçoivent ; mais il faut convenir qu'il eft imprudent d'exiger ce fecours quand un abattis de cannes eft en feu, a moins qu'au préalable on n'ait chez foi plusieurs jeux de chaudières & une bonne provilion de bois. Du Charbon. Quand on examine tout ce qui a rapporta une Su- crerie , on n'eft pas furpris qu'un établitfement en ce genre fe foutienne difficilement à Cayenne , où l'on eft dans l'ufage de ne rien tirer , pour ainfi dire , de foti propre fonds , mais de recourir au contraire prefque toujours y faute d'induftrie , au dehors pour fe procurer les befoins journaliers. Le Charbon , par exemple , coûte au Sucrier 8 à 10 liv. le barril en argent , tandis qu'il pourroit fe difpenfer de cet achat, ôc même en céder aux autres , s'il vouloit mettre à profit fes proprés Gij îô0 Maison R u s ï ï q v i ,' reflburces , & employer les moyens qu'il a de n'en ja- mais manquer. ^ ■ On ne doit fonger à faire du Charbon que dans le fort du beau tems , c'eft-à-dire, en Août ou en Septem- bre. Le lieu deftiné à le faire doit être garni de bois de gaulettes , de bois rouge , &c, en un mot , des jeunes bois les plus durs , dont la groffeur n'excède pas celle du poignet. Pour cet ouvrage , il ne faut qu'un coup de înain de tout l'attelier. Les Nègres abattent les bois , & coupent en deux ceux qui fe trouvent trop longs. On les fait enfuite charroyer par une Négreiïe au heu def- tiné. Là, les Nègres les tronçonnent, & les reduifent à un pied & demi de longueur. Pendant que les monceaux de ces bois s'accumulent, deux Nègres commencent à former l'enceinte du bû- cher, en fichant en terre trois gaules droites & groffes comme le bras , angulairement & à la diftance d'un pied Se demi l'une de l'autre. Les gaules doivent avoir 1 1 à 1 3 pieds de longueur , & leurs\êtes doivent être appuyées fur un cercle de lia- nes dé 5 à 6 pouces de circonférence 3 ajufté au haut du bûcher , pour biffer un paffàge libre au feu. On adapte pareillement un fécond cercle de lianes à cinq pieds d'élévation de terre , pour contenir davantage les gaules & les affermir. On difpofe enfuite des pailles , des copeaux & autres matières combuftibles pour allumer le bûcher quand on le fouhaitera. Mais on garnit auparavant les intervalles des gaules ,, de quelques bois dont la tête doit également porter fon appui fur le cercle Supérieur , & de quel- ques autres gaules plus courtes , en obfervant de laiffer de petits efpaces pour la communication de l'air & du feu. Il faut auffi garnir la terre d'un bon lit de paille , ou de matières feches /afin d'éloigner l'humidité du pied du bûcher , à mefure qu'on le garnit. L Le fuccès de ce travail dépend prefque toujours de Ja bonne façon d'opérer. 11 faut que les tronçons de bois A L' V S A G E DI C A Y I N N E. 101 deftinés a être convertis en charbon, foient rangés avec égalité autour du centre , s'élèvent avec ordre , & foient bien garnis , de façon qu'il n'y refte que peu d'inter- valles vuides , quoiqu'appuyés & un peu penchés furies gaules. La gradation de ce travail fe continuera avec le même foin ïucceflîvement > & toujours en diminuant, avec la figure du bûcher qui eft toujours conique. Cette opération faite, on laiflefécher le bûcher pen- dant huit jours , puis on l'enduit de bas en haut de le- paiflTeur d'environ un pouce Se demi ou deux pouces , avec de la vafe ou de la terre délayée , à laquelle on laiffe une bonne confiftance. On fe fert, pour cet ouvrage, d'échelles faites avec des gaules & des lianes , par-là on vient à bout d'enduire les lieux les plus élevés du bûcher. On choifît un jour extrêmement chaud pour irriter le feu, qu'on met par l'endroit indiqué vers les dix à onze iieures. On laiffe l'extrémité du bûcher ouverte jufqu'au moment où l'on en voit fortir la fumée , qui indique que le feu agit fur la matière. On la referme alors pour la rouvrir cependant fi le cas l'exige. Il faut avoir des bailles, construites avec des palmes de Bâches de toutes longueurs , on les emplit d'eau s'il y en a auprès , ou bien on fait des refervoirs à côté du bûcher , pour arrofer les endroits.de la terre qui fechent trop ardemment. On fe fert auïlî de couis pour envoyer l'eau dans des endroits où elle ne peut, fç porter comr modément. Si le bûcher eft exadement boifé , comme je le pref- cris , le feu brûlant également fait de bon charbon , qui fe trouve réduit vers les quatre à cinq heures; du foir , lorfque le bûcher n'a été employé qu'à laprovifion or- dinaire. Car s'il en contenoit davantage , il y faudroijt lettre le feu plutôt. Comme la pluie & l'humidité nuifent au charbon , on doit le dépofer dès qu'il eft éteint fous un Ajoupa % ou appentis de grandeur fuififante , & n'y pas manquer x G iij ! ,01 Maison Rvsnqvit quand même on feroit fur de le faire tranfporter au ma- gafin dans peu de jours. Un bûcher de quatorze pieds de haut & de douze de diamètre , doit rendre vingt-cinq bamts de charbon, fans y comprendre ce qu'on appelle le rebut. CHAPITRE VIII. Des Nègres. Ci s t ordinairement avec les Nègres qu'on cultiva les terres en Amérique , & leur nombre fait la nchefle de l'habitant. _, , Ceux dont on fe fert communément dans nos Colo- nies viennent de la côte d'Afrique. Je parlerai en fon lieu de l'achat des Nègres j mais je dois donner aupa- ravant une idée de leur caradere , qu'il eft important» un habitant de connoître. .... Le peu d'éducation qu'ils reçoivent dans leur pays natal , les feroit foupçonner plus près de la nature que les Européans , & par conféqucnt peu fufcepnbles de grands vices comme de grandes verras. Mais a même ttufe qui leur donne une couleur différente de la notre , paroît aufli leur rendre l'ame mauvaife. * Ils font rufés , hypocrites , mechans ; , railleurs , men- teurs , fuperftitieux , parefTeux , adroits a connoître le foible de leurs Maîtres & à en profiter vindicatifs & orgueilleux dans leur état abject. Voilà les vices ordi- naires des Nègres ; je ne parlerai pas de leurs venus. On ne leur en connoît gueres en Afrique ou ils jouiffent d'un état libre, & l'efclavage ou ils font réduits dans nos Colonies n'eft pas capable d'en faire naître en eux. Tels qu'ils font , ils font nécefiâires. On apprivoife les animaux les plus féroces; il eft moins difficile a un homme éclairé de tirer un parti avantageux des Nè- gres , tout méchans qu'ils font. , ■.<* b Le premier but d'un habitant doit être de s établir un A L* US AGI DE CaYIHNI, 10$ cara&ere de fupériorité , de juftice, de fermeté fur tous fes eicUves. Il doit enfuite étudier chacun d'eux en par- ticulier , connoître leurs inclinations bonnes ou mau- vaifes , faire même tourner leurs vices à fon avantage, ou enfin les mettre dans rimpoffibilité de nuire. L orgueil & la fuperftition font entre les mains d'un Maître habile des armes contr'eux. La façon de s'en fervir dépend du degré de force dont ils en font affec- tés , & de l'habileté du Maître. La fermexé d'un Maître ne doit pas fe fignaler par la feule crainte ; il doit fe faire refpe&er 3 & ne jamais déroger à fon titre , en fe familiarifant avec eux ; il doit punir féverement leur défobéiffance , & les accoutumer à refpe&er les Blancs , & le Nègre auquel il a confié le commandement pour les travaux j il faut qu'il leur ca- che (qs foiblelTes autant qu'il eft poffible , & qu'il ne leur montre que des vertus. C'eft-là le moyen de faire naître le refped en eux. Le caradere de juftice n'eft pas moins néeefïàire. Quelque peu familiers que les Nègres foient avec les vertus , ils en ont les notions les plus exa&es. Rien ne leur échappe dans l'étude qu'ils font de leurs Maîtres fur cet article ; Se comme ils fe décident d'après l'expé- rience, ou pour la haine, ou pour l'amou r, il eft impor- tant à un habitant de ne point errer dans fes principes. Il ne doit jamais exiger de fes efclaves rien qui foie au-deffus de leurs forces : il doit leur fournir exa&ement leur nourriture , s'il s'en charge , ou leur laifler la libre jouiffance du Samedi pour cultiver leur petit jardin. Il ne leur infligera de punition que quand ils l'auront méritée -, elle doit fervir d'exemple aux autres , & être toujours proportionnée aux fautes; il eft néeefïàire de prouver le délit devant les autres efclaves , pour qu'ils voyent que ce n'eft ni le caprice, ni la paflionqui le détermine. On ne doit les récompenfer que rarement du bien qu ils font, afin de les accoutumera penfer qu'ils le G iv toJL . 104 Maison Rustique J doivent toujours faire; ou fi Ton veut marquera un en- clave quelque fatisfadtion 3 on doit lui en laifïèr attendre quelque tems les témoignages , 8c paroître lui faire plu- tôt une gracè que lui rendre juftice. Au contraire quand ils font le mal , il faut les punir fttr le champ. La pratique de cette maxime eft impor- tante. Le Nègre coupable profite fouvent de l'intervalle qu'on lui lai(Fe pour devenir Marron. On prévient cet effet de fa crainte > par la punition qui délivre fa conf- çience de la crainte du châtiment. La trop grande douceur a un inconvénient aufli fu- aefte que l'extrême rigueur \ Tune infpire l'arrogance., $c l'autre caufe le défefpoir. L'habitant le plus fage , fera celui qui fe fera refpeo* ter de fes Nègres 5 & qui ne paroîtra pas craindre de les punir lorfqu'ils manquent à leur devoir. On doit être ferme , fans être dur. il eft utile de conferver fon fang- froid , 3c de remarquer l'effet que le châtiment produit fur les fpe&ateurs. Si le murmure éclate 5 il faut paroître n'y pas faire attention , 8c redoubler de fermeté. Lors- qu'on ne peut réuffir à leur en imppfer par une bonne contenance 5 il faut alors recourir à des voies de rigueur, êc ne pas être arrêté par aucune vue d'intérêt. Ces fitua- tions font rares ; un Maître prudent les prévienr. Mais s'il y eft réduit , il doit choifir le plus mutin 8c le plus coupable , ôc le frapper. La fédition s'éteint avec fon chef. Un des principaux objets que doit fe propofer un habitant ^ eft d'attacher les Nègres à fon habitation , & de prévenir leur fuite , ou Marronage 3 mal très-com- mun , & que Ton doit attribuer fouvent autant aux vices. <§ti Maître qu a ceux de l'efclave. La plupart des efclaves achetés à la cote d'Afrique , font efclaves nés ; les autres , fujets d'un Prince defpo- rique , qui les vend aux Européans en échange des marchandises de, nos Manufa&ures , ont toujours été $ans un état au-deffous de î'efckvage même. La bonne Conduite d'un Maître pourra leur laifler faire , en fayeijç A l'usage de C a yen ne: ^oj de fon habitation , la comparaifon de leur état pafle &Ê de leur état a&uel. , m Voyons ce qu'il doit faire pour rendre leur état auiU fupportable qu'il peut l'être. 11 les logera le plus commodément qu'il pourra ; il placera leurs cafés dans la foliation, la plus agréable après la fienne , la crainte des Incendies demandant qu'on les tienne féparées de vingt pieds. 11 leur diltri- buera derrière un terrein pour fe faire un périr jardin , qu'ils fépareront chacun avec des pahlfades, dans le- quel ils cultiveront des légumes , des racines , destruirs ; leur Maîrre leur fournira de quoi planrer. Ces comme, dires les attacheronr à leur petit domicile. Cette pol- feflion , quelque petite qu'elle foit , nourrira & flattera leur amour propre. , Le Maître les vifitera de tems en rems , accompagne de fon Econome ou de fon Commandeur. Si quelqu'un d eux manque du néceffaire , il le lui fera donner : il témoignera fon contentement à ceux qui tiendronr leur café mieux rangée , dont le jardin fera mieux cultive ; il fera naître par-là l'émulation entre fes efclaves, dans cette partie trop négligée dans nos Colonies _, & dont les perfonnes fenfées connoîtront l'imporrance. Il donnera à fes Nègres nouveaux une couple de vo- laille , fur-rout lorfqu'ils auronr recueilli du mil dans leur jardin ; ils les élèvent , & dans des jours de fête , où ils fe régalent entr'eux , certe reflburce leur fait plai- fîr. Je n'ai gueres vu de Nègre aller marron , lorfqu'il a un jardin cultivé près de fa café , un cochon , des vo- lailles , & lesaurres douceurs qu'un Maître humain leur peut procurer fans fe faire rort. H leur en coûte trop pour fe décider à perdre ces avantages. Outre le jardin de leur café , lorfqu'on ne les nourrit pas , on leur donne un rerrein qu'on appelle abattis des Nègres , où ils planrent chacun des vivres de toute ei- pece. Le Maître doit vifuer ces abattis , & voir s'il n'y a pas quelqu'un de fes Nègres } qui , par pareffe , comme ie^ Maison Rustique» il arrive fouvent , laifle fou abattis inculte. Il arrive mê- me que quelques - uns d entr'eux négligeant leur jar- din , vivent du vol qu'ils font fur leurs compagnons, ou. attendent leur nourriture de leur compaffion. Lorfqu'un Maître ne peut parvenir à intéreffer à fa fubfiftance un Nègre de cette forte , le meilleur parti eft de fe charger de fa nourriture , en lui refufant le Samedi, Il faut , autant qu'on le peut , marier fes Nègres. Il faut , à la vérité , pour cela un nombre égal de mâles & de femelles , qui ne font pas auiîi utiles que les hom- mes ; mais on gagne plus à les marier qu'à les laifler dans le célibat. Les Nègres font de complexion amoureufe , & leurs mariages font ordinairement aflfez unis ; ce qui vient probablement de l'attention à ne pas les priver du feul plaifir fur lequel les Maîtres ne peuvent exercer leur au- torité. Un habitant doit s'interdire toute communication avec les femmes de fes Nègres. Outre l'indécence d'une telle conduite , par laquelle on déroge au cara&ere de Maître , en fe rapprochant d'une efclave , c'eft l'a&e le plus tyrannique qu'il puifle exercer. On devient la fable de fes efclaves , qui ne manquent jamais de faifir le ri- dicule de pareilles adions. Ils chanfonnententr'euxleur Maître , avec toute la malignité dont ils font capables. Au lieu de troubler la jouifTance des plaifirs que le mariage offre à cqs malheureux, un Maître doit veiller, autant qu'il peut , à maintenir l'union dans le ménage de fes Nègres. Ce n'eft pas dans ces occasions où il doit faire montre de fon autorité. Il les éloigneroit plutôt que de les rapprocher. Il faut prendre les voies de la douceur , lorfqu'il voit que la brouillerie ne porte pas fur des objets eflèntiels ; s'il s'agit de fautes graves & avérées de la part des femmes , il doit les faire punir exemplairement. Le foin qu'il prend des enfans , eft encore un moyen de s'attacher les pères & mères. Toute dépravée queft A l'uSAGI DI CaYISNI. 107 leur nature , elle eft encore capable d'amour & de ten- dreffe pour leurs enfans.Ceux qui naiflentdes Negredes non mariées , ont un égal droit aux bontés du Maatre » l'humanité & l'intérêt l'exigent. Je dois parler d'un abus malheureufemenc trop com- mun dans nos Colonies , & qui eft auffi contraire a la population qu'outrageant à l'humanité Ceft Ijfacnfice Le les Négreffesnon mariées font de leurs enfans. Une politique mal entendue de la part des Maittefles , laf- ktation criminelle d'une dévotion fans pvincipes , & le point d'honneur mal placé , mettent fouvent ces malheureufes dans la néceffité d'outrager U nature , pour éviter les châtimens rigoureux qu'on leur inflige dans les cas de galanterie. Une Maîtreffè doit fans doute veil- ler à la bonne conduite de fes Négrefles ; mais lorfque celles-ci trompent fa vigilance , Ceft un malheur iur lequel elle doit prendre fon parti. Les chimmens de la première n'étoufferont pas dans les autres? le penchant 5e la nature, mais les rendront plus ingenieufes a en cacher les fuires. Et de-là mille défordres plus crimi- nels que la faute même quelles veulent fouftraire aux yeux de la Maîtrelîe. L'attention à faire foigner les Nègres dans leurs ma- ladies , que leurs travaux & leur mifere rendent plus fréquentes chez eux que parmi les Blancs , eit encore un moyen de fe les attacher. Ils n'attendent cl autres re- cours alors que de l'humaniré de leurs Maures. Je par- lerai dans fon lieu de leurs maladies Se de la façon de les traiter. , . ,T « Il eft prudent à un Maître d'attacher fe?; Nègres les Dimanches à fon habitation,pendant lefque'ls après avoir aflifté à la Méfie , ils font libres le refte du jour. Il le peut aifément , en leur procuranr quelques petits di- vertiffemens , auxquels ils pourront tous prendre lous fes yeux une part égale. . . En retenant ainfi les Nègres dans leur habitation , on prévient les affemblées nombreuses qui fe^ font dans les ioS ^ Maison Rustique; habitations voifines , Se où fe forment les complots Se les liaifons de cœur avec les Négreffes. Un jeune Nègre amoureux n'héfite pas de faire deux ou trois lieues pendant la nuit , Se de s'expofer à toutes fortes de dangers pour aller voir fa maîtreffè. Il vient le lendemain dormir fur fa houe. L epuifement de {es forces le met hors d'état de fuivre la file des travail- leurs , 8c lui attire de la part du Commandeur des coups de fouet , qu'il offre à fa maîtreffè. 11 tombe bientôt tttilade , Se périt miférablement. Je ne finirais pas , fi je voulois épuifer cette matière. Je n'ai parcouru que les circonftances générales où fe peut trouver un Maître ; pour les cas particuliers , cha- cun tient la conduire que fa prudence lui fuggere. Paf- fons aux enfans des Nègres ; reffburçe précieufe pour un habitant qui fait la faire valoir. Des N é g r I L L O N S. On appelle Négrillons les enfans des Nègres ; il en vient quelquefois de la côte d'Afrique ; ceux fur-tout dont je vais parler naiffent dans les habitations ,& s ap- pellent Créoles. Il eft fuxprenant que nos Colonies ne foient pas en- core peuplées entièrement de Nègres créoles depuis qu'elles fubfiftent , puifque le mariage des Nègres s'ac- corde avec leur propre inclination de avec l'intérêt des Maîtres. Il y a fans doute quelque vice dans la conduite des Européans à l'égard de leurs enfans , puifqu on eft obligé de renouveller continuellement les efclaves de Guinée, Il n'y a pas de comparaifon entre l'adreffe d'un Ne^ gre créole Se celle d'un Nègre d'Afrique. Outre leur iervice , l'avantage de voir leur attelier fe multiplier 5 devroit engager les Habitans à porter fur cette partie l'attention la plus exadre. Certains habitans deviennent affezindifférens fur ççm A l'usage de C a yen ne. 100 partie économique , parce que leurs befoins & leur nourriture détournent leurs mères de leur travail. Mai$ s'ils veulent confiderer , qu'au tems de l'accouchement près , ces enfans ne détournent leurs mères que médio- crement , que leur nourriture eft prife fur le fonds de l'habitation , ils conviendront qu'ils jugent aufïî mal que ceux qui diroient que le commerce des poulains eft défavantageux , parce qu'ils ne peuvent pas encore être utiles. Quelque voie que la nature employé pour la repro- duction , elle eft toujours avantageufe. Un habitant qui en eft perfuadé , loin d'être indifférent fur la po- pulation de fes efclaves , doit au contraire l'encourager par toutes les voies que la décence permet. Une Négrefïe porte fon enfant aux travaux derrière elle , on le lui laifTe jufqu'à ce qu'il foit fevré. On les fevre en Amérique plutôt qu'en Europe. L'habitant doit alors fuppléer par fes foins _, à ceux que la mère occupée aux travaux ne peut plus leur donner. Ces pe- tites attentions font ordinairement du reflort de la Maîtreffe. Celles qui font fenfibles , trouvent dans ce petit détail une occupation fatisfaifante. Elles leur ap- prennent les premiers principes de la Religion , & ac- quièrent fur eux le titre de bienfaitrice , par le bien qu'elles leur font. Lorfqu'ils font parvenus à un certain âge , on exige d'eux les travaux proportionnés à leurs ^forces. On les accoutume de bonne heure au refpeci 6c à TobéiiTance. On les metenfuite au jardin , à la garde d'une vieille Négreffe hors d'état de fervir , qui leur dis- tribue mille petits travaux. Les uns gardent les beftiaux , les volailles , les éloignent de la café du Maître ; les autres portent du fumier dans de petits paniers. Il faut avoir foin fur-tout de ne pas leur donner des tâches fu- périeures à leurs forces. C'eft ce manque de confidéra- tion , qui fait que l'on voit dans les habitations tant de Nègres eftropiés. Le Maître doit avoir foin de vifiter fes Négrillons tî$ Maison Rustique; deux ou trois fois par femaine , de les faire laver , rafef i lorfqu'ils en ont befoin , tirer leurs chiques , infectes communs à l'Amérique , èc qui attaquent les pieds des Nègres. 11 examine leur langue , pour reconnoître s'ils ne mangent pas de la terre \ examen qu'il répète toutes les fois que le hafard les lui fait rencontrer. Ce vice eft commun aux jeunes Nègres, & en fait périr une grande quantité. On doit les punir féverement , lorfqu ils font dans ce cas. H y a des Habitans qui portent l'attention pour leurs NéeriUons > jufqu'à leur deftiner un coin d'abattis où ils font planter des Ignames , des Patates , des Bananes 9 des Caialous , & autres vivres capables d'aider les Né- grillons à fe fortifier. Le foin qu'un habitant prend des cnfans de fes Nègres , tourne toujours à fon profit. Il eft cft aufli nuifible quinjufte pour lui de les négliger. Du Commandeur. Le Commandeur eft celui qui conduit les Nègres dans leurs travaux , & qui eft commis pour faire exé- cuter les ordres du Maître. C'eft quelquefois un Blanc, le plus fouvent c'eft un Nègre. Un Maître ne doit con- fier cet emploi qu'à celui de fes efclaves qui eft le plus intelligent & le plus fidèle. Lorfqqe le nombre des ef- claves eft petit ,, un habitant doit être lui-même Com- mandeur , & les travaux n'en vont que mieux. Lors- qu'il eft plus conlidérable , on prend celui d'entr'eux qui paroît le plus propre à commander aux autres. Ce pofte eft affèz diftingué parmi les efclaves , pour qu'ils le défirent. Lorfqu une fois le choix eft fait, l'habitant doit pro- céder aux formalités les plap fimples, pour le faire re- connoître fupérieur à tout l'attelier. Le devoir d'un Commandeur eft de conduire les Ne- ores à la prière du matin de du foir , Se aux travaux que le Maître a ordonnés. Il a foin que chaque Nègre farcie 5 A t' USAGE DI CàYINNÏ. Hf plante , ou cueille , obferve fon rang 3 Se que tous ail- lent enfemble & d'une marche égale ; enforte qu'il n'y ait dans la ligne du terrein où les travailleurs font oc- cupés, d'autre inégalité que celle que le terrein même offre quelquefois -y que tous les travailleurs laiflent entre chacun d'eux un efpace libre pour le mouvement de la houe , & pour qu'ils ne s'embarraiTent pas mutuelle- ment. Si le Commandeur voit un Nègre en arrière de la ligne des autres travailleurs , il doit aller le preffèr , & fi fes paroles n'ont pas d'effet , lui décharger quelques coups d'un fouet qu'il doit toujours porter a la main. Il doit empêcher que les Nègres ne volent le Maître, ce qui leur arrive aflez fouvent , fur-tout pour des vivres , comm* du Ris, du Mil , &c. Pour cet effet, il doit fe placer fur un endroit élevé , afin de voir celui qui fe baiue , ou s'éloigne , pour cacher fon vol à la faveur des plantes qui font à portée. Les Nègres & NégreflTes ont coutume de fortir de leur rang de propos délibéré , & fous prétexte de befoins , ce qui leur fait perdre un tems considérable. Un bon Commandeur ne le fouffrira pas , ou ne les laiflera fortir que les uns après les autres. On donne aux Nègres une demi-heure à déjeuner * une heure & demie à dîner , enfuite on reprend le tra- vail jufqu'au foir. Une horloge de fable pofée fur le lieu où ils travaillent , indique la fin du travail & la durée du repos. Le Commandeur y veille. Le foir il ramené les efclaves à la café du Maître j rend compte de ce qui s'eft palTé au jardin , porte les plaintes qu'il peut avoir à faire contre les Nègres en Faute , les punit félon qu'il en reçoit ordre , inftruie le Maître des abfens de l'attelier , foit pourcaufede ma- ladies , ou parce qu'ils font détournés par ordre même du Maître. Il prend les ordres pour le lendemain , & diftribue ks Nègres aux ouvrages de la veillée. i^ *ïi Maison RustiquIJ Observations sur les Commandeurs NEGREè, Dès qu'un Commandeur Nègre fe porte au bien, & qu'il prend a cœur les intérêts de fon Maître , il eft cer- tain qu'il peut faire manœuvrer l'attelier mieux qu'un Blanc. Etant Nègre 9 il connoît les détours de ceux de fon efpece 5 & les prévient , au lieu qu'ils échappent au Blanc le plus clairvoyant. Les travaux fous lui fe font à point nommé , & avec une précifion finguliere. Il ar- rive fouvent que les Nègres n'aimant pas un conduc- teur fi actif , lui fufcitent des embarras 3c des traverfes. Ceftà la prudence du Maître d'approfondir ce qui en eft , afin de châtier les coupables. Quelque bon que foit un Commandeur Nègre , il faut être toujours en garde , ôc ne pas lui faire fentir lé cas qu'on fait de lui • car il eft toujours Nègre, quoi- que meilleur que les autres. S'il étoit pofîible qu'il fût fans parens dans l'habitation , les chofesn'en iroient que mieux. Quand on eft fatisfait de fes travaux , on lui doit- chaque année une culotte, une chemife , une vefte & un chapeau de paille , chaque femaine du pqiflbn ou du bœuf falé , une bouteille de Taffia. S'il étoit porté à boire , on exigeroit qu'il vînt prendre toutes les fois fon coup de Taffia. Il ne lui eft pas permis de donner plus de fix coups de fouet ; patte fix , il doit rendre compte de la faute. Rien n'approche de l'avantage d'avoir un bon Com- mandeur Blanc. On ne doit pas regarder au prix , ii gagne toujours fes appointerions 3 s'il eft humain , fo- bre , vigilant & fage. Ces vertus dans un Commandeur font impayables. Les Nègres défolés d'avoir un furveil- lant fi attentif, ne manquent pas de faire tout de tra- vers , pour le faire tomber dans quelque faute. S'il avoit quelque défaut , ils en inftruiroienc bientôt. Lorfquon A l' USAGE DE C A Y !K N 8, ï î | Lorfqu'on ne voit pas un Commandeur Blanc fumer 5 ou prendre du tabac avec les Nègres Se fe confondre avec eux , on peut alors lui pafïèr quelque chofe en fa- veur de ce qu'il eft exempt de ces foibleflès. Le libertinage du Commandeur Blanc avec les Né- greffes , eft plus à craindre que celui du Commandeur Nègre. Ceft fur quoi il faut fur-tout exa&ement veiller. Un Commandeur Blanc violent 5 eft un homme dan- gereux ; il faut alors lui défendre de ne porter que le fouet 5 & lui marquer le nombre de coups qu'il lui fera permis de frapper. Au refte , quelque faute qu'il farte , il eft bon de ne jamais l'en reprendre devant les Nègres j il vaudrok mieux le renvoyer , que de lui donner le deflbus en leur préfence. Le Commandeur Blanc doit avoir fa café fituée de manière qu'il voye tout. On doit avoir foin de le bien nourrir , 8c de marquer pour fa couleur & fa qualité de Blanc , une confîdération qui en impofe aux Nègres. Un Maître ne doit pas toujours s'en rapporter aux foins de fon Commandeur , qui fouvent pèche , ou par trop de févérité , ou par trop de foibleffe pour {qs fem- blables. Il doit fouvent vifiter fon jardin , pour voir fï on y exécute fes ordres , & fi le Commandeur eft exact S'il s'apperçoit qu'il ait pris , comme il arrive quelque- fois, un Nègre en averhon , 3c qu'il le molefte injuste- ment , il lui en fera des réprimandes en particulier. Enfin s'il abufe de fon autorité , ou ne fait pas la faire valoir , ou bien fi on lui trouve des défauts dans l'exer- cice de fon emploi 5 il faut le lui ôter 3 & faire un autre choix. Souvent la dureté & l'injuftice d'un Commandeur , ont contraint tout un attelier à aller marron pour éviter fa cruauté. H — % 14 Maison Rustiqui, Ordre journalier pour le Travail, L'habitant doit établir un ordre journalier pour le travail de fes Nègres , ôc accoutumer fon attelier à l'ob- ferver avec exa&itude. Il faut qu'il foit toujours le mê- me,quels quefoient les travaux. Si quelque circonftance particulière exige du changement , il faut le faire avec beaucoup de ménagement. Les ordres pour le travail du lendemain fe donnent toujours > foit avant , foit après la prière du foir. On les adrelTe , ou dire&ement aux Nègres mêmes > on au Commandeur , qui les fait connaître à tout Tattelier , fi la nature du travail demande tous les bras de l'habita- tion 5 ou bien en détail à chacun des efclaves. Il eft dans Tordre , outre le travail de la journée > d'exiger des Nègres une veillée de trois heures , foir ou matin , félon que le cas le requiert } il feroit injufte d'en demander deux, La veillée du foir commence ordinairement à fix heures ôc demie , Se finit à neuf & demie. On pro- portionne les tâches de chaque Nègre à l'efpace de rems qu'elle occupe. Lorfque les pluies , ou le défaut de clair de lune 3 font préférer à l'habitant la veillée du matin, qui s'appelle à Cayenne le Coq chanté _, & qui com- mence à trois ou quatre heures du matin , on n'exige pas celle du foir. Il y auroit de l'inhumanité à vouloir que des gens qui ont travaillé une journée entière à des ouvrages pénibles 5 fe levaient le lendemain à trois heures du matin pour recommencer. J'avoue qu'il y a des travaux qui exigent , dans de certaines occafions 5 un mouvement plus continu : tel eft le tems où les Sucre- ries tournent ; mais l'établifiement du quart empêche que le Nègre ne foit vexé ou furchargé , il eft même très-fatisfait de cet ordre, & chacun devroit le fuivre chez foi. Lorfque la prière eft faite > il eft du bon ordre que les A L* USAGE DE CAYENNE. î I | Nègres ne retournent point à leurs cafés, mais qu'ils te rendent où l'ouvrage les appelle. Tout l'attelier doit un paquet de bois chaque jour à îa cuifine : il eft égal au Maître que chaque Ne^re ap- porte le fien le foir ou le matin } mais il Faut tenir la main a cette corvée , que les Nègres exécutent toujours le plus mal qu'ils peuvent. Afin qu'ils puiiîent remplir cette obligation , on doit leur faire quitter le travail un quart-d'heure plutôt. Ouvrages différent auxquels les Negrts font employés > & leurs tâches. Tasche des Nègres Sucriers; Un Nègre employé à la latte , doit en rendre cin- quante toutes doléesde feize à dix-huitpoucesdelong , & foixanté de douze à quinze pouces. Trois Nègres au bardeau , dont deux fcieurs & uh fendeur 5 doivent donner par jour cinq cens bardeaux , Se mille fi l'on met deux fcieurs de bardeau marchand , portant quatre pouces & demi. Il y a des tâches où i'bh exige que les Nègres dolent le bardeau : alors ils n'eii doivent que trois cens ; cette tâche n'eft pas avanta- geufe , parce qu'il y a certaines Manufactures de Sucre fujettes à intervalles , fur-tout aux veillées , fi elles n'a- voient toujours en magafin du bardeau à doler , ou d'au- tres ouvrages femblables : le bardeau le plus haut doit avoir feize pouces. Mairins. Le même nombre de Nègres qui travaillent aux bardeaux > fuffit aux mairins ; la tâche eft de trois cens mairins valides pour douvelles , de quatre cens cin- quante pour les fonds de bonne largeur , c'eft-à-dire , à quatre au plus pour chaque fonds. Postes. Au bois à terre, trois Nègres rendent pat jour quatre-vingt poftes de huit pieds de long Se de fi£ pouces de large 3 fur tous les fens, Lorfque le hafard Hij ut; Maison Rustique, n'en donne que de quatre à cinq pouces ^ Se que le bois eft commun , on peut les faire de dix pieds 3 afin de les retourner au bout de dix ans , fi elles fe trouvent faites de Ouacapou j ou de cœur de Balatas. Un Nègre perce dix poftes par jour à quatre morraifes > fi elles font de Balatas > 8f quinze de Ouapa ; car il faut beaucoup moins de précautions pour ce dernier bois que pour le Balatas > qui fe fend facilement. Les mefures des mor- taifes doivent être marquées } il eft effentiel de le faire avec attention , car les trous trop voifins affoiblifTent la mortaife , & donnent la facilité au bétail de fauter les barrières ; ils pourroient auflî parler les cornes entre les barres j & enlever la barrière. Trois Nègres doivent rendre par jour quatre cens cinquante rais de trois pou- ces fur tous les fens , foit de Balatas _, foit de bois rou- oe , ou même de Ouapa , au défaut des premiers. Un Nègre doit fournir vingt gentes , s'il eft obligé d'abattre l'arbre , & trente s'il eft à terre , foit de bois de Coupy 3 foit de Saouary 3 ou de Cœur dehors 3 ce qui n'eft pas rare dans les abattis nouvellement brûlés. Les ellieux fe tronçonnent ordinairement lors des cha- pufages , crainte que les Nègres , qui n'ont pas la con- noiffance de leur longueur êc de leur groffeur ? ne les coupent fans attention ; on les avertit de ne couper au- cun Balatas y branche ou tronc de telle de de telle grof- feur , mais de rendre compte de tous ceux qu'ils auront remarqués être bons à cet ufage , ou à tout autre : alors le Charron marque les mefures , &: chacun coupe en parlant le bois qu'il trouve marqué fur fon chemin , pour être tranfporté le foir par les Nègres en fortant de Tabattis , & dépofé fur le champ au magafin 3 pour y fecher , & être équarri quand les pluies ne permettent pas de travailler dehors > & ainfî des autres bois à ufages différent Barres. Deux Nègres doivent rendre par jour foi- xante- douze barres de fix pieds 3c demi de long , fur trois à quatre pouces de large au moins , devant entrer tle plus d'un demi-pied dans les morcajfçs. A L* USAGE DE CAYENNE, Il 7 On ne peut fans doute exécuter toutes ces tâches en leur entier , qu'autant que l'abattis où on les ordonne fera peuplé des bois qui leur font propres j c'eft à l'ha- bitant à décider , par fes eonnoifTances > fi cela fe peut ou non , félon la quantité 5c la qualité de fes bois , car à bois debout , cela feroit différent > comme je l'aï éprouvé. Aucun bois n'eft plus propre à faire des barres que Y Agouti. Il faut , pour les portes , du Balatas _, du Ouapa _, de YOuacapou j de Y Agouti fans être fendu , & du bois rouge , au défaut des autres. Pour faire des rais , il faut du Balatas fec 5 Se pour des moyeux , du Cœur dehors. La tâche eft à deux Nè- gres douze billes par jour , de la longueur des moyeux bois à terre , & dix s'il faut le jetter. Pour connoître & s'aiïurer fi tel arbre bois rouge,, Balatas y& que l'on deftine à fendre 3 fe fendra droit ou non , foit qu'il foit à terre ou debout 5 le Nègre don- nera un coup de ferpe en bas > 8c tirera l'écorce de bas en haut ^ fi elle fe détache en ligne droite , l'arbre fe fendra de même -y fi , au contraire Técorce fe levé de biais > il faut deftiner l'arbre à faire des poftes. Un Nègre doit fournir par jour du bois fuffifamment pour emplir un cabrouet ; mais il faut que ce ioit de bon bois -, & qu'il ne foit point appuyé à côté de gros corps darbre , ôc placé de façon qu'on puiffe le vifiter commodément. On ne peut s'imaginer combien la négligence à cet égard eft préjudiciable ; on ne la fent que lorfqu'on vient à manquer de bois fur la fin d'une quinzaine de tournage , pendant lequel tems on avoit compté ne eonfommer que deux cabrouets par vingt quatre heu-* res , & qu'on fe trouve en arrière de cinq à fix , quoi- qu'on ait employé trente Nègres à cette tâche. Lork qu'on veut faire amarrer des BagaJJes à la veillée pen- dant qu'on tourne , la tâche eft de trente paquets portés H iij y^ _ nS Maison R 0 s t i q u i J au fourneau par perfonne : chacun doit > en revenant de l'abattis , un paquet de paille de cannes pour les bef- tiaux de quart. Quoique ces tâches regardent particulièrement le Sucrier , les autres Manufactures doivent > en pareil cas , avoir recours à cette méthode. T A SC HE DES COTTONNIERS. Un Moulin bien monté à une paffe , doit rendre par jour vingt livres de Cotton 3 veillée comprife ; il doit en rendre le double s'il eft à deux paflès : on doit em- ployer trois Nègres au premier , 6c fix au fécond. Un Nègre doit faire dans fa journée trois paniers de mefure 5 s'il va chercher des lianes , & fix fi la liane eft prête. La mefure de trois paniers doit tenir un barril de farine. Il y a des paniers foulés qui le contiennent. Comme les Nègres le doivent par jour au tems de la récolte , il eft indifférent qu'ils n'en ayent qu'un. Un Moulin à quatre paiTes doit éplucher le barril en une veillée. La tâche à la main pour la veillée d'un Nègre , eft d'un Couy foulé , grand comme la forme d'un chapeau. Un barril de farine plein comme il faut , contient dix livres de Cotton épluché. Trois livres de Cotton en graine 3 en donne une épluchée. Ta $ c h e des Rqucouyers* 11 n'y a pas de tâche pour la cueille du Roucou , ni pour le charroi. Deux Nègres doivent à leur journée , la veillée comprife , un barril de bœuf plein de graines ; Jiuit Nègres doivent le fournira leurs veillées. Lorfque le canot de pile eft proportionné, au nombre $es pileurs , ils en doivent deux piles. yn habitant qui n'auroit que deux Nègres ? nepauç* A l'TïS AGE DE CAYENNE. H? Mit avoir qu'une pile de dix à douze pieds, dun 8c demi d'ouverture , & autant de profondeur. La tâche de la cuitte pour une Negreffe, fera dune chaudière de Roucou par jour , veillée comprife , bois prêt Se calé ; car s'il ne l'étoit pas elle ne la pourroit rendre qu'en vingt-quatre heures. Le panier du Rou- couyer eft beaucoup plus grand que celui du Cotron- S Les Nègres habiles à éplucher ont fini leurs tache de bonne heure , & tout Maître judicieux ne doit pas fe croire en droit d'en exiger davantage. Tasche des Caezeyers* Un Neore doit rendre , au fort de la récolte deux paniers de Caffé ; rrois Nègres doivent par jour un barril de Caffé en parchemin. ■ . Il n'y a pas de tâche pour la pile du Gaffe y Sx pej> fonnes doivent rendre par jour cent cinquante livres de Caffé trié. . , Tout ce qui regatdent le Cacao le tait a vue. Tasche s Générales. Un Neote doit rendre vingt-cinq paquets de gaulet- tes , fur le terrain où elles ne font ni communes , m ra- res; le paquet doit être la charge d un Nègre , fo C qu'il comprenne trois ou quatre groffes , ou fix a huit PetLeebois tors ne vaut abfolument rien qu'à faire des étançons Si on l'employé verd , il obéit plus facilement ; mais en fechant dans le panneau , le bois fe rerire , « brife l'enduit de terre. Lors donc qu'on eft au petit bois , l'on peut, quand on va le chercher au loin , le ménager , en le faifant couper en avant des travailleurs , Zs rapporter le foir à k café. Il faut obierver de le feadre de quatre pieds , pour être mis. eirmagahn , « il iv no Maison Rustique; le faire tremper un jour avant que de l'employer : les Sucriers fur-tout doivent avoir cette attention. Lorfqu'il eft queftion d'aligner des Cacaoyers , on Caftes , un Nègre doit rendre quatre cens piquets de quatre pieds de long Se pointus , ce qui fait huit pa- quets , à raifon de cinquante à chaque. ^ Il doit rendre par jour , liane prête , trente paniers a Cacao , de la grandeur Se de la figure'dune forme de chapeau ; il en doit cinquante s'ils font plus petits. Un Tonnelier doit par jour fa barrique , cercles , lianes & mairins prêts. Deux Nègres feieurs doivent rendre par jour deux planches de douze pieds de long , pièces équarries & montées. Un Nègre doit par jour quarante chevrons équarris fur deux faces avec l'herminette, bois à terre , & douze feulement lorfqu'il eft obligé de les abattre ; ces che- vrons doivent avoir quinze pieds de long. Un Nègre fouille fix pieds de terre en longueur , fur trois de profondeur & huit de largeur 9 quand la terre eft facile à travailler. ^ Un Nègre doit rendre par jour vingt pieds de bois équarris , fur fix à fept pouces de large. Un Nègre peleur de bardeaux , doit en rendre un millier par jour. Un Nègre doit fournir par jour trente livres de farine de magnoc , veillée comprife , bien entendu qu'il l'ar- rache 3 le gratte > le grage Se le preife. Tout habitant qui veut faire des vivres à la veillée ; donne à un Nègre un panier de mefure , lequel rend nuit caffàves de trois livres chacune. Un Nègre doit trois mains de mil amarré , conte- nant chaque cinquante épies marchands. ^ Un Forgeron., & fon valet , doivent rendre par jour cinq pièces de ferremens , foit houes , haches , ou fer- pes , pourvu que ce foit dans une forge bien montée. A1 t'USAGE DE CàYENN!, Ht Un Potier , trente pots Se vingt formes. Un Nègre doit cent bardeaux dolés par veillée , 8c une Négreffe foixante-dix ; & par jour, veillée com- prife , le Nègre en doit fix cens , & la Négreffe quatre cens cinquante. Charrois a teste de Nègres. Ceft un des travaux qui nuit le plus aux Nègres ; lorfqu'il n'eft pas proportionné : il empêche de grandit les jeunes Nègres , les éreinte , & leur donne des def- centes. Un Nègre de douze ans porte vingt-cinq livres. Un Nègre fait porte foixante livres , lorfque le che- min eft court; car s'il excède un quart de lieue, il doic n'en porter que cinquante , & une Négreffe quarante. On recule (es affaires , faute de ces petites confidéra- tions , il arrive la même chofe , lorfqu'on met trop toc le Nègre à la houe. Il eft facile de connoître les Habi- tans qui les négligent , lorfqu'on voit leurs efclaves. Un Nègre fait une couleuvre à prefler le magnoc entre deux foleils , Arrouma prêt/. Il eft étonnant de voir de grandes habitations , fans qu'il s'y trouve fouvent de Nègres décidés proprement à de certains travaux journaliers , tels que Lamati 3 le Payara , le Manant 3 la Couleuvre & le Rempaillement. On perdroit bien moins de tems , fi on formoit des fujets propres à des ufages particuliers , & l'on tirerok de grands avantages de trouver fous fa main , en tous tems , des efclaves capables d'être employés à l'agréable comme à l'utile. Du Commerce & de l'achat des Nègres à Cayenne. L'avidité des Habitans fur l'achat des Nègres , expofe à de greffes pertes. Il en vient , à la vérité , fi peu 3 qu'on in Maison Rustique? croie devoir fe preffer. Il eft cependant dangereux de îë faire trop légèrement. Il feroit mieux , au contraire, d'imiter à cet égard les anciens Colons , qui s'attachent moins à juger d'un Nègre par fon extérieur , que par la nation dont il eft originaire. Ceft auflï par la conftitu- tion de fes membres , ôc par la vivacité defes geftes 8c de fes yeux , qu'on doit fe décider. Ceft en effet ce qui indique la qualité des organes. Un doit avoir foin , lorfqu on traite un Nègre , de lui faire tirer la langue , pour voir fi elle eft vermeille, & fi elle n'eft point chargée , ce qui eft un allez bon indice de la fanté dont il jouit. Il faut le mettre vis-à- vis d'un Nègre de fon pays pour le faire jafer , pour favoir s'il n'a pas de douleur , s'il n'a pas eu de coups dans la traversée. On doit le voir manger , afin d'exa- miner s'il le fait avec appétit Se vivement , s'il eft gai , s'il rit en parlant. Le Chirurgien le vifitera > pour di- verfes maladies cachées, Se fur- tout pour le Mal rouge y qu'on appelle en France Ladrerie. 11 fera bon de le faire courir à la diftance de deux ou trois portées de fufil , pour découvrir s'il eft ingambe. On nç fauroit _, en un mot , examiner trop fcrupuleufement ce qu'on acheté , quand on traite des Nègres. Ceft de-là que dépend le fuccès de nos travaux Se notre fortune. ^ On doit apporter la même attention à l'examen d'une NégreflTe , Se y ajouter au furplus celle qui eft par- ticulière à fon fexe. L'ufage de vendre plus cher une Négreffe enceinte, me paroît déplacé, en confidéranc les rifques de l'accouchement. Si j'avois à traiter des efclaves de Ton & l'autre fexe , je m'attacherois à des enfans de dix à douze ans , parce qu'indépendamment de ce qu'ils font moins chers, on les forme à fa fantaifie , Se ils fe trouvent infenfible- ment Nègres faits au bout de peu d'années, 11 eft vrai que pour de telles fpéculations , il eft indifpeniable d'a^ voir un attelier monté. A queleju'âge au refte qu'on traite les Nègres a qî* A L'USAGE DE CaYENNI, 11} doit employer toute la prudence imaginable , & ne pas fe pre(Ter de les appliquer aux travaux fatigans j car il n'eft pas naturel d'attendre autant de fecours d'un Nègre nouveau que d'un ancien. Les premières occu- pations doivent être autour de la café , on le fera balayer & nettoyer , on l'enverra à l'eau , il s'accoutumera in- fenfiblement au travail & à l'obéifTance , qu'on lui ren- dra fupportable par un ton modéré & un air de bonté, qui ferviront à l'attacher au Maître > fur-tout s'il eftbiea nourri &c bien foigné. La première attention d'un habitant ^ Se la plus im- portante en ce genre , doit être de faire faigner & pur- ger un Nègre aufii-tôt qu'on en aura fait la traite. Il y a beaucoup d'habitans qui ne traiteroientpas d'un Nègre 5 s'iln'étoit pas d'une nation diftinguée. En effet, on doit en faire un grand choix. LesCongoSj par exem- ple , font rarement bons fujets , & ont quantité de dé- fauts nationaux ; ils font pareiTeux , voleurs , menteurs , ont une propenfion à manger de la terre , & à f e pen- dre pour le moindre chagrin. Ce n'eft pas feulement à leur arrivée qu'ils ont cette manie , elle fubfifte encore même après pîufieurs années de fervice. Ils ont cepen- dant le talent de commercer habilement ; mais ce n'eft pas fans y mêler la rufe & la friponnerie. Les Carmentins font vifs , adroits , apprennent faci- lement tout ce qu'on leur enfeigne ; mais ils font mu- tins & brouillons , fomentent volontiers des complots, de demandent à être traités plus févérement que les autres. Les Aradas méritent la préférence fur toutes les au- tres nations , pour le travail groflier d'une habitation. Ils ont le cœur excellent > & fufceptible d'attachement* Ils font experts dans le métier de la Corderie , & s'era- ployent à tous les travaux qui regardent la pêche. Ils ont un goût naturel pour arranger leurs cafés ; ils ai- ment à bien vivre : auiîî fe donnent-ils beaucoup de peine & de mouYernens pour fe procurer lafubfiftance-. **4 Maison Rustique," Ceux du Senégaiïont afifez généralement bons ; ils font noirs , 6c communément bien faits & vifs , travaillans plus pour leur Maître que pour eux ; i{s font craintifs & obéiffans. Les autres nations de l'Afrique font peu connues à Cayenne , il en vient rarement ÛAngole 8c de Mozambique. Un habitant qui veut réuffir , doit s'appliquer indif- penfablement à bien connoître cette partie intéreflànte , & ne rien omettre des préceptes que je viens d'énon- cer, obfervant en outre de ne jamais regarder à une dixaine de piftoles par Nègre , pour avoir un fujet choifî ; c'eft un argent bien employé , & qu'on ne re- grette jamais. Le prix ordinaire d'un Nègre à Cayenne , en tems de paix 3 eft de mille livres. Une Négreffe vaut neuf cens livres , une Nègre de huit à neuf ans , fept à huit cens livres. Il y a quelquefois de bons coups à faire , en achetant les reftes des cargaifons. Mais cela n'arrive que rarement. Maladies les plus communes aux Nègres ; manière de les traiter. Parmi les maladies communes aux Nègres , & qui demandent l'attention d'un Maître > il faut s'attacher particulièrement à les traiter des maladies vénériennes, qui leur font très-familieres 3 & en tirer l'aveu ; car le foin qu'ils prennent de les taire , occafionne une infi- nité de morts , qu'il feroit d'autant plus facile d'éviter, qu'on peut les guérir même fans le fecours du Chi- rurgien. Grands Rem e d e s. On commence à difpofer , pendant quinze jours y les Nègres par des bains chauds à la veillée du foir : après les bains 3 on les fait faigner & purger 3 avec ua A L* USAGE DE CaYENNE. ï 2. j gros de pilules mercurielles ; on les tient enfuite dans une chambre bien chaude , puis on les frotte pendant trois jours d'un gros d'onguent mercuriel à toutes les jointures , on l'employé à plus grande dofe , fi le fujet eft difficile à faliver. On diminue l'onguent de moitié, jufqu'à ce que la falive pefe quatre livres : on donne pour cet effet au malade une mefure marquée , qu'il doit remplir en vingt-quatre heures, & qu'on a jaugée avec de l'eau. Si le malade , au lieu de faliver , alloit Amplement à la felle , il faut avoir alors l'attention de lui nettoyer la bouche avec duMaubin bouilli matin & foir , ôc lui faire prendre une allez grande quantité de ptifane de Salfepareille. Lorfqu'on s'apperçoit que le mercure corrode les gencives Se ébranle les dents , on peut mettre du taffia dans leMaubin bouilli, pour net- toyer la bouche avec de la charpie au bout d'un petit manche. Le malade doit boire , pendant un mois, une ptifane compofée d'une demi poignée de Gayac 9 autant de Sajjafras , & , à fon défaut _, de Panera brava > & une poignée à' Antimoine : on laiffe bouillir Se réduire le tout à une chopine. Le malade ne doit pas s'expofer fubirement au grand air 5 il faut préalablement le faigner & le purger , ce qui le mené à huitaine , pendant lequel terns il prend des petites ptifanes, Se mange un peu de foupe , afin de réparer fes forces. Dans le cours des remèdes , il vit de Matété y de Mil bouilli clair. La Gonorrhee fe guérit aufli facilement que radi- calement. On faigne Se on purge , pour mettre le corps en mouvement. On fait bouillir environ une poignée de racines de Petits Ballets 3 ou de Croc -de chien , dans deux pintes d'eau , qu'on réduit à une , pour eri boire à ia foif pendant quinze jours , au bout defquels , s'il n'a fait aucunes débauches, on fera réduire une poignée de racines de Genipa , d'une pinte d'eau à une chopine. Le malade en boira matin & foir pendant huicaine, ce qui t%6 Maison Rustique, le purgera , en mettant fin à la maladie. Au feftê, l£ feule racine de Genipa peut guérir radicalement cette maladie , en prenant pendant quinzaine deux bouteilles par jour de cette décoction. Chancres. Prenez de la racine de Canne Congo : exprimez-en le jus , dont on boira matin &c foir , eft guife de ptifane ^ en appliquant fnr le Chancre la pelli- cule du dedans du Bois canon _, que vous ratifierez : changez de poudre matin &c foir , le Chancre difparoît en huit jours ; &; s'il eft vénérien , il faudra garder pen- dant trois femaines le régime de l'article précédent. Ces fimples font communs dans les habitations, &; c'eft à tort que beaucoup d'habitans payent fort cher des Chi- rurgiens 5 qui n'employent pas autre chofe pour les guérir. Mal de Rate. Ce mal eft fort commun à Cayenne : la longueur des fièvres , & la quantité de faignées , le donnent immanquablement ; les eaux peuvent auffi y contribuer. Le remède le plus fur eft une poignée de Vcrvainc > que Ton pile menue ; on y joint un jaune d'œuf frais , & une cuillerée d'huile d'olives , on braflè le tout enfemble , pour être appliqué en cataplafme. Point de Cote. Une poignée de Bajîlic du Para _, cuit avec du fort vinaigre, & appliqué fort chaud , l'en* levé , s'il ne provient que de vents , ou de douleur. Dartres vives et rouges. Je dis rouges , parce qu'il y en a de différentes couleurs & figures j les rouges , comme les plus communes , & les plus faciles à enle- ver, n'ont befoin que de gomme de Poirier fauvage 3 qui croit dans les favannes êc les bois , Se qui eft connu de tous les Nègres. On tranche l'arbre , duquel fort une gomme jaunâtre 3 dont on frotte la dartre, après l'avoir animée : répétez le matin ce remède pendant trois jours , & elle difparoîtra. La dartre lépreufe ne fe guérit qu'avec la graine que îa mer apporte quelquefois fur le rivage ; elle eft place comme une lentille , & large d'un écu j elle donne ia À L* U S A G E DE C A Y E N N E. 127 fièvre. On croit que c'eft de la graine de Palétuvier. Les Pians. On peut regarder cette maladie cruelle comme la petite vérole Américaine. Il eft avantageux pour un Maître que fcs petits Nègres ayent cette mafadie de bonne heure ; car dès qu'ils font grands , cela les jette dans des dérangemens confidérables , leur procure des douleurs qui ne ceflènt point , ôc fouvent même les eftropient. Ceux qui font attaqués de cette maladie, ne doivent jamais approcher de la café du Maître • on court de grands niques à n'y pas apporter la plus forte attention. Il n'y a de remède à cette maladie dans les enfans que le tems, ôc un travail pénible & continuel pour les perfonnes faites, lefquelles boiront de la pti- fane, lorfquelles verront les Pians fécher & diminuer d'eux-mêmes. Onfefertdelait de Mapas Jorfque les Pians après deux ans s'opiniâtrent fur le Négrillon ; il faut cepen- dant obferver de ne s en fervir qu'après la difparition de la mère des Pians. On doit alors laver les enfans avec la feuille & la racine de Mapas bouilli : cette at- tention les garantit des Crapes j des Guignes ôc des Saouaois. Les Crapes -, ce reliquat de Pians a vient ordinai- rement fous la plante des pieds , entre les doiars , ou au talon. Le mal qu'il caufe aux Nègres les empêche de marcher , Ôc fouvent on prend du mâchefer Ôc du jus de citron mêlé avec du vinaigre ôc du Calalbu , le tout bouilli jufqu'à confiftance d'onguent, que l'on applique très-chaud fur la Crape _, après l'avoir fouillée Ôc arra- chée jufqu'au vif. On la détruit , en l'attaquant ainfi , à trois à quatre reprifes. La Cuigne. C'eft encore , pour l'ordinaire , un refte de Pians. Ce mal jette la chair en dehors i ôc forme un petit bouton très-incommode : le verd de gris pilé ôc mêlé avec du citron , eft un remède unique , mais il caufe des douleurs inexprimables pendant deux ou trois heures. Il faut , pour emporter ce mal , fe fervir juf- j^g Maison Rustiquis qu'à trois fois de ce remède , qui eft également fpéci- fique pour de petits ulcères , qui viennent fouvent au% pieds. Les Saouaoîs font des taches qui viennent commu- nément aux mains } la peau fe levé alors par écailles. Ce refte de Pians s'adoucit à force de le laver avec du jus de citron , mais il eft incurable. Mal d'Estomac. Cette maladie eft commune parmi les Nègres , & vient de plufieurs caufes ; les pa- refleux, les Nègres rebutés , les mangeurs de terre , en font facilement attaqués ; un habitant doit y être très- attentif. 11 vient quelquefois à la fuite d'une longue maladie ; il provoque à dormir 5 ou à l'inertie ; il faut faire agir le malade , en le forçant de monter des mornes. •• ■ ■■'■' La boiflbn la plus ordinaire dans cette iorte de ma- ladie i fe fait avec la racine de Petits Balets & du Ci- tronnier. On prend une poignée de chaque , qu'on fait bouillir dans fix pintes d'eau , réduites à quatre , & on ajoute dans la décoftion une livre de gros fyrop. On ne doit faire ufage d'aucune autre boiflbn pendant un mois, obfervantde purger tous les huit jours avec des pilules mercurielles. Ou bien prenez de l'écorce de Bois immortel 3 bran- che i corps & racine b environ demi-livre ; grattez-en la peau , & la coupez par morceaux ; ajoutez-y égale partie de racine de Pois à gratter , racine d'Indigo fau- vage ôc de Guimauve ; mettez le tout dans un pot à fy- rop , laiffez infufer à froid pendant vingt-quatre heu- res 5 l'infufion faite , jettez-y de la rouille , ou un mor- ceau de fer paffé au feu. 11 faut boire tout avant de re- mettre de nouvelles racines , & continuer ce remède pendant un mois. Des Fièvres Nègres. On peut les nommer ainii; crir être faigné aujourd'hui , purgé demain , fe repofer^ le lendemain > travailler le quatrième jour , telle eft la" marche de cette maladie , qui diffère beaucoup des nôtres ; A l'usage de Cayénns, iïj iiôtres ; il faudroic renoncer aux travaux , s'ils en étoient attaqués. Le remède le plue fouverain _, eft la gomme outte i donnée i la dofe d'un dez ; lorfqu'elle eft rare , on prend huit grotfes graines de Palrna-Chrijli 5 que Poil pile , & que Ton brade enfuite dans un peu d'eau chaude 3 afin d'être paffee & réduire dans un verre à un pouce de haut *? on met le verre à moitié pour les pet- fonnes difficiles à émouvoir. La gomrhe gutte fe met le foir dans un verre > Se on verfe defïus de l'eau froide i à la hauteur d'un pouce , afin de la trouver délayée le lendemain marin. Il y a des Nègres que la gomme guttè pure rend malades : on peut dans ce cas mêler vingts- cinq grains de jalap , avec autant de gomme gutte. Je parlerai du Quioquio ? qui tft auffi un purgatif > à à l'article de YAouara _, d'où il provient. Un habitant en règle, doit toujours avoir che£ lui de l'huile de Palma-Chrifti y de de la graifle de Quio* qùiù , pour purger les enfans , à la dofe qui leur con> vient* Des Vers. Tout le monde y eft fujet , & les .en-» fans fur-tout ; fans cette vermine , ôc le Mai de ma* thoirt j il n'y auroit pas de pays au monde plus peuplé* On fe fert , pour la détruire , d'huile 8c de citron $ qu'on prend à jeun : on fait encore ufage du lait d'une efpece de figuier , dont la dofe eft d'une? cuillerée à caffé avec autant d'eau ; cet acide coupe les vers en morceaux 5 maison a foin de le mitiger avec l'eau > dang la crainte qu'il n'attaque & ne corrodé les inteftins* Des Malingres. On les panfe communément avec du Taffia _, mais c'eft à tort \ il n'eft bon qu'aux écor- chures & blelTures accidentelles , Se contraire aux plaies qui viennent par l'abondance ou le vice des humeurs* Il eft facile de diftinguer cette dernière efpece , car lei plaies grandiflfent à vue d'œil : on les panfe alors avec un onguent de précipité rouge ou d'alun -, fi cela n'o* père pas j» le plus court eft de tremper : ce remède ad* 1 gfo Maison Rustique, mirable n'eft en ufageque parmi les Nègres. On prend nn vafe proportionné ad malingre -, on mec force ci- trons entiers , avec une ou deux poignées de Liane franche & de Bois de ptifane 3 efpece de liane qui vient fort grotTe dans les bois de revenue j elle eft de couleur de vin. Des Maladies accidentelles. On n avoir point connu à Cayenne de maladies générales avant l'année 1754. Les fièvres furent très communes & très-dange- reufes à la fin de l'été* En 1 7 5 5 , on fut attaqué de co- queluches violentes , accompagnées de fièvres de de maux de tête. En 1 7 5 6T , il y eut des fièvres putrides de des fluxions de poitrine. En 1757 >il régna un fluxAhé; patique , qui reparoît encore de tems de tems. j'ai tâche de recueillir , dans ces tems de calamité , tous les re- medes propres à ces épidémies , au cas quelles repa- roifient. ^ a On traita d'abord la coqueluche à tâtons , de quel- ques habitans en furent les victimes. On parvint enfin à adoucir le mal par une faignée du bras , qu'on réité- roit félon la violence du mal , fans crainte d'arrêter l'expectoration. On prenoit une prife de thénaque fur les trois à quatre heures ; de pour peu qu'on vît de di- minution ,oti prenoit une purgation violente. La boif- fon écoit de coquelico 3 au défaut de la fleur d'ébene bouillie , qui eft plus pe&oraie de plus purgative, car elle fert au défaut de i'ené : on employait anfli , avec fnecès , les potions abforbantes de fommreres. La maladie de 1756 tiroit toute fa malignité de l'a- bondance du fang : on faignoit dans le plus fort de la fièvre , de on donneit le vomitif au quatrième jour , il étôit fouverain ; les lavemens purgatifs fouvent réitérés faifoient partie du traitement. Pour guérir la maladie de 1757 » on employa l'é- corce de la racine de Monhin y de celles de Goyave , & Acajou, de Simarouba : on les faifoit bouillir, de on en tiroit la teinture , à laquelle on ajourait du facre com- À l'usagï de Cayènnï. ijt ftlitn , jufqu'à confiftance d'opiat > donc la dofe étoit d'un demi gros mêlé, pour la prife du foir, de trois gros d'opium : on faifoic boire , immédiatement après , au malade un verre de vin pur j fa boiiïon ordinaire étoit une limonade légère , à laquelle on ajoutoit une foiblè teinture de Taffià. Ce remède , ainfi que les précédens ? eurent beau- coup de fuccès , & je les ai recueillis pour les mettre en pratique , fi Dieu affligeoit encore cette Colonie de ce fléau , qui emporta la fleur des Habitans. Il y a un remède fur à Cayenne contre le flux ordi- naire , lequel fut mis Vainement en ufage contre celui qui regnoit alors , parce qu'il provenoit d'une autre caufe. Ce remède eft entre les mains de M. de Cukn$ Officier diftingué par fa naiiïance &c par fon mérite ± il fe fait un plaifir infini de le fournir en toute occa- fîon. Le Simarouba en fait la bafe. Hémôrrhagîe. On arrête quelque Hémorrîiagiequa ce foit avec des feuilles de Pois de fept ans pilées ; on lave la plaie > s'il eft poflible j finon oh applique lu marc. Morsure de Serpent. Le Serpent eft l'animal la plus à craindre pour les Nègres ôc les beftiaux. Toué ne le font pas également : ceux qui caufent , pour ainfl dire 5 fubitement la mort , font le ferpent à Grave 3 à Grelots 3 XYayaye ; il y a plufieurs remèdes contre leur; morfure , mais qui ne font pas également fouverains ! le premier eft la Tayove _, dont on applique le marc fut la plaie ; le fécond eft le Pois Serpent pilé 5 on doit toujours avoir de ce remedë fur foi, fur-tout le Com- mandeur , dans les abattis où il eft plus ordinaire d@ rencontrer le Serpent. De tous les remèdes , c'eft le Ouangue qui emporta plus rapidement le venin. J'en parlerai dans la fuite & à fon lieu* XJ* Maison Rustique, CHAPITRE IX. Des Indiens. J e ne traite de ces peuples que relativement aux fer- vices que les Habitans peuvent en tirer. Les voyages que j'ai faits parmi eux , m'ont donné la connoiflance des différentes paffions auxquelles ils font fujets , , & j ai toujours penfé qu'on pouvoir en tirer un moyen de plus de le les affujettir plus particulièrement. Les Portugais excellent dans l'arr de fubjuguer ces peuples , & h on leur a reproché de la dureré à leur égard, ne doit-on pas auffi convenir que le François eft fur ce point trop léger & rrop inconféquent ? On a afefolument néglige les fecours qu'on peur en attendre en faveur du Roi ou de l'habitant. On aurok dû fans doute les mettre dans la néceffité indifpenfable d'avoir befoin des François ; cette politique n'échappera pas à un Général habile. Alors loin de les aller tirer du fond des terres , il vien- dront d'eux-mêmes nous offrir leurs fervices. Tant qu'on ne s'appliquera pas à cette étude , 1 In- dien s'arrogera toujous la liberté de quitter un habitant, de fauffer fes conventions , & même d'emporter les avances qu'il en aura reçues. L'indifférence de ceux qui ont l'autorité , occafionne ces délits ; fouvent aufli l'habitant fe les attire , en ne rempliffant pas fes enga- «remens > ou fes promeffes , en leur refufant quelques coups de Taffia les Fêtes & Dimanches , quoiqu'ils n'aillent pas à la chaffe , & enfin en les maltraitant , lorfqu'ils manquent un jour d'apporter , ou du gibier, ou du poïflon , s'ils y font engagés. La plupart des Habitans SOyapoc en ont chez eux , au défaut de Nègres , pour ramaiïer leurs Caffés , leurs Gacaos , ou pour les autres befoins de la vie. Ces Indiens A î/u$AG! D I CAYINNI. I $ $ leur font communément leurs abattis, moyennant une braflTe de toile par mois , ou autres traités équivalens , comme une hache, ou une ferpe. On leur doit un coup d'eau-de-vie par jour , du Ouicou , 3c trois caflaves par femaine , ou neuf livres de Çouac. Ils en détachent quelques-uns pour la pêche, ou pour aller aux Crabes. Lorfqu on eft en règle avec eux , Se qu'on ne leur manque pas , un habitant peut leur par- ler ferme , & les obliger à un travail aflîdu. Les fem- mes Indiennes leur préparent leur manger ; dans l'in- tervalle elles filent du Cotton pour l'habitant , &: font des hamacs ; on leur fournit la matière , & on leur fait préfentde quelques rafFades, & 4'une Juppé de Zingue , ou de toile bleue. Les meilleures conditions pour les Indiens , font les Rajfades moyennes, des couleurs les plus tranchan- tes ; de l'indienne rouge à grandes fleurs blanches ; delà toile bleue j des couteaux à manche de corne, non à trois clous , mais à cinq ; des miroirs à tiretre , & des ferremens pour les hommes ; un bon chien de chafïe doit coûter une ferpe Se une hache , ou quatre braf- fes de toile de grand Saint-Jean. Il ne faut pas croire que les Indiens foient également propres à la chaffe > à la pêche , à faire des canots , des abattis & des voyages par mer. On manque fouvent fes affaires , faute de faire cette réflexion. Les Indiens du fond des terres ne font nullement propres à la pêche de la mer • ils en ignorent même les poiffbns , ils ne s'occupent que de la chafïe , encore cft-ce à la flèche , & non au fufil. Ils pèchent bien dans les rivières , lacs , mares d'eau , Perlperis , &c. Ceux qui habitent les bords de la mer font généralement plus adroits. Parmi les nations dont on a le plus de befoin , celle des Maillés excelle à faire des Canots^ Ce font eux qui en ont enfeigné aux autres les proportions , &C l'arc (|e les çreufer. Ils font d'un afpeft defagréabîe , étant î54 Maison Rustique, couverts d'une dartre naturelle & farineufe. Ils fone d'ailleurs méprifables par leur pareiîe , ils ne plantent jamais rien , vivent de graines de Bâches , & de tout ce que la nature leur offre , comme aux animaux. Il femble même quelle ait pourvu à leur fubfiftance , en leur procurant un bois de magnoc qui vient en huit mois , tandis qu'il en faut douze à tous les autres. Les Maillés n'habitent qu'au milieu des marécages , ils enfoncent quatre piquets , fur lefquels ils amarrent une efpece de plancher de Pineau. Ils couvrent le touç de quelques feuilles de Bâches j ils fe fervent d'une moitié d'arbre creufé M qu'on appelle Coque , avec la- quelle ils vont & viennent fur leurs marécages. Les Palicours , leurs voifins , font au contraire très- propres , toujours Tapirés 5ç huilés. Ils ont de vaftes carbets dans des lues a ou ils jouiflent de toutes les com- modités connues aux Indiens ; leurs talens particuliers font les voyages fur mer , auffi ne doit-on fe mêler de rien, quand ils conduifent une pyrogue ; fi le rems étoit abfolument fi mauvais qu'on ne pût envifagec d'autre reffburçe que de fe perdre , on eft sûr de ne point périr , quand on ne les a pas forcés à manœuvrer contre leur volonté > par des coups ou par d'autres mau- vais traitemens. Nous en avons divers exemples a Cayemie. tes Mar.aonnés; , & plufieurs autres nations , comme les llputants , font excellens chafleurs & flecheurs. Les G alibis joignent à ces talens l'art de bâtir à l'Indienne a ftvec plus de diftin&ion que toutes les autres nations, ^uflî font-ils préférés pour élever nos maifons. " Nul Indien n eft plus propre à faire des abattis que ceux das terres , ils font incomparables pour les décou- vertes, & pour trouver des reffburçes nour h fubfiftance $V! milieu des bois, L'ïndien eft en général parefFeui % vain a railleur 3 A I 'usage db Cayenne, 13 j "ï: '>".*!►•*>.' w ■ ■• ■*'. .". ■• S ■HHBHBDBB9B3BHBB9BI CHAPITRE X. Z> £ S PLANTES, Herbes , Ârbrijjeaux & Arbres qui naiffent à Cayenne 5 & dont on y fait ufage , relativement à divers objets. J e répéterai ici à-peu-près ce que j'ai déjà dît en parlant des Animaux qui pouvoient fervir de nourri- ture aux Habitans de Cayenne. Le Naturalifte aura dû. trouver ma description très imparfaite , un Botanifte en dira autant , par rapport aux Plantes que je cire. Je n'ai point prétendu faire connoître toutes celles qui croiiïent dans la Guyane , ni même toutes celle* que j'ai pu voir. Je me reftrains à parler de celles qui font le plus connues à Cayenne, qui y font de quelque ufa^e , en marquant l'emploi qui convient le mieux à chacune. L'expérience & . les Sauvages ont été mes maîtres. J'aurai très-peu fait pour l'avantage de la Bo- tanique j j'aurai fait beaucoup pour celui de la Co- lonie. Il ne doit point être indifférent d'employer indiftinc- tement toutes fortes d'arbres a toutes fortes d'ouvrages. On courroit le nfque de ne point affez ménager des bois qui deviennent précieux, par l'efpece d'utilité dont ils font , qui , quelquefois même , fonç rares en de certains quartiers , & de s'en fervir pour telle destina- tion , à laquelle tout autre qui feroît très-commun pourroit fuppléer. On pourroit auffi choifc , pour ce qui doit être folide Se durable , des bois , nt nue d'en- èc ds qualité , ne rempliraient pas cet objet. Âv: trer dans le détail particulier de chaque fes différens uiages , j'indiquerai çij abf ggé ljpa>glqi le plus ordinaire de la plus grande partie de ces Plantes.* I iv l$6 Maison Rustique,' qui feront décrites plus amplement, chacune à leur article. ARBRES FRUITIERS. Oranger* Citronnier, Sa- potiller , Abricotu r , Avocat 3 Poirier , Cerijïer 3 Goyavier 3 Acajou-Pomme 3 Calebafiler 3 Corojfolier^ 6cg. Choux-Palmiftes , Palmiers \ &c. Saouary 3 Coupi3 donr les graines fe mangent. PLANTES dont les fruits font bons à manger , Ba~ cobe , Bananier 3 Ananas 3 &c. RACINES qui fervent à la nourriture , Igname 3 Patate 3 Tayove. HERBES ET" LEGUMES. Mil, ou Mays 3 Ris ; Epïnars / Pijlache de terre 3 Bec. & plufieurs Plantes d'Europe qui font naturalifées à Cayenne. PLANTES qui font (objet de diverfes Manufac- tures, Le Cottofi 3 le Cacao 3 le Gaffé 3\t Roucou A V Indigo 3 la Canne à Sucre. BOIS propres à faire des Canots 5 en tout ou en partie. Cèdres blancs 3 noirs 3 jaunes y Bagaffe 3 G ri- gnon y Saouary 3 Ouaille 3 Coupy 3 Angélique 3 Couipo rouge 3 blanc , Maho , Gagou \ Pagaye 3 Bois de Let- tres jaune j &c. if '. BOIS A MEUBLES. Les bois marbré, ou de Fé~ rôles 3 faùné 3 de Lettres 3 de Sainte Lucie , Tapir é 3 Bouts' fin 3 Ac.joii 3 Ebene verte 3 Bois rouge 3 &c. ; BOIS A BASTIR. Bons pour fourches. Ceft ainfi qu'on appelle les po- teaux* qu on enfonce en terre , après avoir paffé au feu ce qui doit y entrer , & qui foutiennent les maifons. Balatas3 Cœur dehors 3 Bois rouge 3 Ouapa 3 Ouaca- pou 3 Bois agouti 3 Bois citron. Bois crabe 3 Pagaye 3 Lami n couard ô &c. Pour portes. Ce font les gros pieux qui forment les entourages. " ^' <••* *•■ V. c.V,?.; Pour piquées % barres y &c. Bois rougç • Ouapa 4 \\\ ^ l'usage de C a y e n n e. 137 Pour planches. Grignon j Courbaril , Carapas > mais en employant, celles ci > aufli-tôt quelles font fai- tes , &c. Pour pilotis. Cœur dehors > Sampa > Ouapa , Oua« capou _, &c. Pour bardeau. Balatas , Grignon 3 Many , Ouapa ; Ouacapou _, &c. Pour lattes. Pineau 3 Sampa j &c. Pour chevilles à tenir le bardeau. Bois moujjé j Mon* bin fauvage , &c. Pour chevrons , fablieres , & tout ce qu'on employé à couvert dans le haut des maifons , Campas ^ Bois caca _, Bois d'ébene j Bois makaque ■, &c. PLANTES ôc Arbres dont les feuilles fervent à cou- vrir les cafés. Ouaye 3 Tourloury à Maricoupi , Cau- moun ,, Maripa , Baroulou _, Herbe à bled 3 Queue de Biche favane j ou Yappe > R.ofeaux j Pailles de canne de fucre. PLANTES ET ARBRISSEAUX propres à faire des hayes vives ou paliflfades. Citronnier ^ Oranger amer > Medecinier , Bois immortel 3 Pommes raquettes > Sec. PLANTES Se bois à enyvrer le poilïbn. Sinapou > Bois Indien „ Conami j ou Conani franc > Conani du Para _, Quaffacou _, &c. POUR DIVERS USAGES 5 fa voir pour gros ou- vrages. Balatas à grojfe ècorce. Pour bordage & ma- driers, Bois Duc j Contacitrain j ou Fente dure. Pour barriques. M#ny. Pour cercles. Bois puant , Couratari > Oucle. Pour rouleaux , tables de moulin & moyeux. Cœur dehors j Cour baril j ÔC Couipo blanc , au défaut dii Courbaril. Pour courbes. Racines Se branches de Cou- py j deMaho. Pour tuyaux. Sampa. Pour des piles. Bois de Lettres, Pour pilons. Coupy > le gros Panacoceo. 'Ce tableau abrégé, fuffit pour guider \ la lecture de chaque article guidera plus fûrernent. J'avois fait ce qui dépendoit de moi. On a jugé que ^ aux Plantes quej;iqdic|ue3 on ajouîoic non-feukmens i$% Maison Rustique, les noms Caraïbes , mais auflîceux fous lefquels Marc- grave & Pifon les ont fait connoître , ainfi que celui qui eft le plus reçu par les Botaniftes , cette addition pour- roi c avoir fon utilité. J'ai été aidé par rapport à celles qui pouvoient être connues , ou que Barrere avoit ci- rées, ou que ma description , toute imparfaite quelle eft , a pu faire reconnoître. ABRICOTIER. Arbre fruitier , très-beau , grand , touffu , dont les branches montent & s'élèvent égale- ment de toutes parts , en pyramide ; très-propre à être planté en avenue , & nullement à faire des allées cou- vertes. Etant ifolé & expofé au grand vent , il eftfujet à fe cafter. Son bois eft mol , filandreux , & n'eft d'aucun ufage ; fes feuilles font larges 3 d'un beau verd , allez fembla- blés à celles du Laurier , longues de quatre à cinq pou- ces , épaiiTes , luifantes. Ses fleurs ont une odeur douce. Etant diftillées , elles donnent une liqueur agréable. Le fruit eft rond , & gros comme une balle à jouer. L'écorce en eft crevafîée & brune , la chair eft épaifte d'environ un pouce, jaune comme celle d'un Coin, ayant ainfi à-peu-près la couleur àes Abricots d'Eu- rope , dont elle a atiffi quelque goût : cette raifon a fait donner à l'arbre le nom à" Abricotier. Son noyau eft gros comme un œuf de poule , fillon- jpé , Se couvert de filamens. On le mange crud , ou dans du vin } on en fait d'ex- cellentes gelées. L'arbre n'eft point naturel au pays. Il eft connu fous le nom $ Abricot de Saint-Domingue. Ceftdc cette Ifie que les premières iemences ont été transportées ailleurs. Mamei. PL Ic\, 170. Manchiboui 3 Car, Arbre qui porte de grojjes pommes pâteufes y à trois noyaux. ACACIA- Petit ArbnflTeau épineux, ta fleur c& A L'USAGE DE CAYEKMt I35> jaune. On l'employé pour former des hayes vives , qui fervent d'entourages. ACAJOU A PLANCHES. Arbre qui vient haut & çros A proportion j on en tire des planches , qui ont deux pieds de large. Le bois en eft rouge , il y en a de marbré , de jaune & de blanc clair. Il fe polit aifément , Se a un coup- d'œil luifant. Il l'emporte fur celui des Mes , par la fi- nelTe de fon grain , comme par la nuance de fes fibres* On en fait des meubles. Il a une odeur très-fuave , qu'il communique au linge qui feroit enfermé dans une armoire faite de ce bois. Par les hommes Caraïbes , Oubouherl Parles fem- mes, IacàkachL ]onfoniayAL 343. Cèdre à Saint-Do- mingue. ACAJOU-POMME. Arbre tortueux 5 Se qui ne s'élève pas beaucoup. m Sa fleur répand une odeur très-douce. Son fruit eft une pomme terminée par une noix verte. La pomme n'eft bonne à manger , Se n eft agréable , que quand elle eft bien mûre. La noix , dont l'amande fe mange en guife de cerneau , ou fur le gril , ne fe peut ouvrit qu'avec un couteau 5 ou un marteau. Les deux coques ont une huile cauftique , qui cauferoit des douleurs vives , fi on les portoit à la bouche. On dit que le fruit eft propre à faire périr les vers des enfans > Se qu'il rafraîchit. Les Indiens le regar- dent comme un remède propre à refterrer dans le cours de ventre : les Caraïbes font brûler la noix , & en bif- fent diftiller l'huile fur leurs dartres. Le bois en eft dur 3 moins cependant que celui da l'Acajou à meubles , plus brun , fechant moins vite ,, Se fans aucune odeur. Comme il eft tortueux, on tire da fes branches des ceintres propres à former des délias d'armoire > des corniches arrondies. Ses contours fonç quelquefois fi. naturels , qu'il n'y a plus qu'à leur don- ner quelques coups de cifeau pour les perfectionner \ 08 %\\ fajç a^ili ck$ iwmusdç tables 3 de bureaux > &c*. 14® Maison Rustique, Quand on caille l'arbre , il en fort une gomme dont on fe fert pour coller tout ce qu'on veut fouftraire à l'humidité & aux infe&es. On la palfe auflï fur les meu- bles, pour leur donner un vernis agréable. Il fleurit en Septembre. Les fruits font mûrs en Dé- cembre de en Janvier. Aloi. Car, Aloi ichiç. Noix , ( bout , tête , ) d'Aca- jou. Ou/oui Car. Acaju iba 3 Acaja iba J Marçg. 49. F/g. Acaju fruclus , id. îbid. Acaguacaya > Acajuti > lu- makoera > Caflanea , id. ibid. Fig. Acajou, Thev. ANANAS. Le fruit de cette Plante , qui s'élève peu de terre , varie beaucoup. 11 y en a qui font en forme dçEûf > avec la chair blanche ; d'autres en pyramide, avec la chair rouge ; il y en a de plus ou moins gros ; le rouge eft préféré. V Ananas phe eft eftimé à caufe de l'odeur plus agréa- ble qu'il répand , & qui s'augmente a médire qii'il mû- rit. Il doit être cultivé par préférence dans les jardins. Tous font excellens , ou cruds , ou par tranches dans du vin 5 8c dans de l'eau de-vie. On les met en entiers dans du fyrop , ils s y confifent naturellement , s'y con- fervent , & peuvent fe tranfporter auffi loin qu'on veut. Ils fe multiplient de plan eu dœilfetons. Nana. Marcg. Yayaouay Car. Ananas. ANGELIQUE, Grand arbre propre à faire des Ca- nots , Se qui méritèrent même la préférence fur le Ba- Le bois eft grifâtre , filandreux j le grain reffèmbîe à celui de VOouacapou. Je ne l'indique ici , que comme devant, être dans la terre ferme ., Ôc pour engager à l'y chercher. Il eft très- commun au Para. AOUARA. Efpece de chou Palmifte , qui ne fe trouve que dans certains quartiers , & plus volontiers aux bords de la mer. Il vient fort haut ; il eft garni de piquans k long de Ça tige j foa fruit vient par régime , la graine somb^ a l'usage de Cayenne. 14* d'elle-même quand elle eft mare , ou par l'effet des vents de Nord qui régnent au mois de Mars. Elle en- graiffr les beftiaux } & par cette feule raifon 5 l'arbre doit être ménagé dans les favanes. Mais l'huile qu'on en exprime , par décodion , offre une utilité bien plus grande } c'eft proprement ÏHuile de Palme des lfles. Palma daàyllfera aculeata fruclu corrallino major. Plum. Barr.^Sj. Pindova 3 Marcg. Huile d'Aouara. Dès qu'on a fait porter chez foi 3 la graine qu'on ramaîTe au pied de l'arbre , on k met par tas , qu'on couvre de feuilles , & qu'on charge de bois , pour la garantir du grand air & du foleil. Elle eft pourrie au bout de quinze jours. On la pile alors dans un Canot ( efpece d'auge) fait exprès 3 & qui ne doit fervir qu'à cet ufage , pour fépârer toute la chair d'avec le noyau \oxx achevé avec la main ce que le pilou n'a pu faire. On jette enfuite dans une chaudière qui eft fur le feu , autant de chair que l'on petit en mettre dans les prefles qu'on peut avoir \ il ne faut même la, mettre dans les prefles , que lorfqu'on voit cette chair fumer fortement \ avant ce moment 5 on remue con- tinuellement . pour faire furnager les parties huileufes. La preflè, ou la Couleuvre 3 fe charge comme quand on veut prefler le magnoc. L'huile qui en fort eft reçue dans un vafe , Se mife tout de fuite dans des pots.. Quand toute la récolte eft finie j on fait rebouillir cette huile pour la purger de toute fon eau , alors elle eft de garde. On s'en fert pour brûler dans les maifons 5 & elle brûle en entier , fans la moindre perte. Les Nègres l'empioyent pour afïaifonner leurs mets ; les Biaacs même en font le même ufage , quand ils n'en ont point d'autre. On l'employé, félon Barrere j avec fuccès , pour appaifer les douleurs de coiiiqae &c celles d'oreille. Quroquio. C'eft le nom de la graille qu'on tire de 1 amande de ÏAouara. Le noyau qu'on aféparédela 7 f. ff; i m s4i Maison Rùsti^tti; graine , fe conferve pendant une année , au tout de laquelle , on le cafTe pour en tirer l'amande. Il ne faut prendre de ces amandes que trois à quatre poignées j qu'on jette dans une chaudière moyenne , mife fur feu modéré 5 pour pouvoir les BraJJer , ou re- muer à fon aife. La graiffe fumage peu à peu , on l'en- levé à mefure avec une cuillère : on a grand foin de là pafler , avant que de la mettre dans un Vafe , parce qu'elle fe fige prefqu'auffî-tôt. Si on veut l'employer en friture , on la fait bouillir auparavant avec un morceau de caflàve , ce qui achevé de lui ôter un goût aromatique > qui lui eft naturel. Huit cuillerées de cette graifle 5 dans quatre d'eau de pourpier 5 purgent fortement le Nègre le plus ro- bufte 3 &: fans aucune tranchée. ARBRE D'ENCENS. Le bois eft tougeâtre ; là comme réfine qui coule abondamment de cet Arbre , eft femblable à la gomme elemi. Elle eft d'un jaune pâle ; on la brûle dans les Egliiïes de Cayenne au lieu d'Encens. Son odeur eft bien moins agréable que celle de l'Encens qu'on brûle en France. Cette comme fe mêle avec Fefpece de bray qu'oïl rire 'du Many 3 & fert à lui donner plus de corps. Terebinthus piltaciét frucla non eduli. Plum. Barr* p. 107. An Icicariba. Marcg. ? Stpo. Gai. Barr. ARBRE de Saint- Jean , ou May s ou Bois blanc. Cet Arbre ne vient jamais gros , mais très-haut &C droit , avec une fimple touffe de feuilles au fommet j on le préfère à tous les autres 3 pour la cérémonie de planter le May. Le bois d'ailleurs fert à faire des chèvres , des grues * des échelles , parce qu'il eft léger. On en fait aufli des chevilles j au défaut de Bois mouffe. ARROUMA. Plante qui pafle pour une efpece de Pineau j qui croît le long des prairies , & dans les fonds aras &c marécageux , de la hauteur d'environ dix pieds. La tige , qui eft anguleufe & fans nœuds , eft greffe A t* V S A G E DE CayEMNË." Î45 tomme le pouce , ou du moins comme le petit doi^t, vers le bas de la tige qui diminue dans fa hauteur. Elle fe fend aifément en long , comme l'ofier franc ; une pellicule forte , qui fert d'ccorce à la côte des feuil- les 8 fe levé avec un couteau , par bandes d'un demi- pouce au plus. On en fait des manants _, des Borgnes 3 des Gou~ ris ; Se d'autres inftrumens , dont les Sauvages fe fer- vent dans leurs travaux. Ils font très-adroits a l'em- ployer pour tous les ouvrages de vannerie ; les Pa- garas _, ou corbeilles , les Cataolls 3 ou hottes , leurs Racouma _, ou couleuvres , leurs Matoutou ^ ou petites tables à manger , fe tirent de la même Plante. Du côté du Para > il y a de petits paniers nommés Bacalla 3 de diverfes formes , de diverfifiées par un co- loris artificiel , qui ne font qu'un tilTu délicat > de petits brins de la tige d'Arrouma & de ks feuilles. Barrere croit qu'avec l'Arrouma ^ on pourroit faire des nattes. Quand ils ont coupé la longueur qui leur convient, ils ôtent l'écorce verre avec le dos d'un couteau , ôc vont enfuite au bord de l'eau parler , dans leurs mains pleines de fable , les brins coupés , pour enlever le peu d'écorce cjui refte. Ils noirciîTent enfuite ces brins ^ les divifent en qua- tre quartiers , ôc chaque quartier en deux 5 tirant en même tems la moelle qui eft au centre. En mettant alors un des deux bouts entre leurs dents , 3c le tenant delà main gauche , ils lèvent encore de la main droite une lanière mince comme du papier _, dont ils font leurs ouvrages. On pourroit l'employer au même ufage que le Ro- tang , dont il a la couleur quand il eft fec. Palma daclylifera hum'dis y Cannacoroïdes _, caudice lenui fiJJilL Barr. EJf. p. 89. Aroman aux Mes 3 Herbe aux hebéchets 3Du> T. 185. Atïcone par les hommes Caraïbes 3 Ôudïloman par les femmes. Bikal 3 Plum. dont il eft une efpece. AVOCAT. Arbre fruitier , qui s'élève moins haut ïA4r Maison Rtj s t* q'»<;. que l'Abricotier , & peut entrer dans 1 ornement cPuiï jardin ; mais le bois en eft mol , & fujet à prendre la pente fous le vent , il faut avoir foin de l'étayer. Son fruit eft agréable ; on le mange comme le me- lon , avec du fel ôc du poivre. Il eft gros , ainfi que fon noyau , duquel on tire , en Tincifant , une petite couleur violette. Dq fil teint de cette couleur feroit très-propre à marquer le linge. On fe fert d'un moyen plus court : on étend fur le noyau l'endroit du linge que l'on veut marquer y& avec la pointe dJun couteau , on trace fur le linge la lettre qu'on veut. La couleur alors fuivant la trace qu'on a faite , s'imbibe dans le linge , & ne fe palïè jamais. Trois ou quatre de ces Arbres , feroient très-utiles à coté de chaque café de Nègres , pour eux ôc pour leurs enfans Le bois n'eft bon à rien. Ahuaca quahultl. Xim. 140, Laet. 2V. O. nG, Agita- cate Hlfpanis corrupto nomme jLaet. ibii. Aouacate Car. The Avocado or. alligator Pear trée SI. cat. i$6.Perfea Cluf. Làurus. Bois d'Anis, Gall. BACHE , Latanier aux Ifles. Palmier grand & beau 5 qui croît dans les endroits marécageux ; il eft creux en dedans , ôc rempli de moelle. Fendu ôc vuidé de fa moelle , il fert naturellement de goutieres. Si on le coupe de la longueur des chemins qu'on veut rendre praticables , & qu'après l'avoir fendu ôc vuidé on l'incrufte dans la Boue , fon ufage fera préfé- rable à ces bois ronds qu'on y employoit , & dont l'i- négalité ébranloit , par des cahors répétés, les bandes j démanchoit les jentes des voitures. Les feuilles font plates & en forme d'éventail. En naiffant , c'eft un éventail fermé- épanouies 3 c'eft un éventail ouvert , excepté que les bouts font pointus ôc féparés. Elles fervent de parafols , de para- pluies , on en couvre les cafés. Les Sauvages lient deux ou quatre de ces feuilles enfemble , favoir deux delîus & deux délions 5 dans le milieu , A l USAGE tf E CayIHNE, I 4 * fhilîeu, ils mettent des poiflbns attachés par la queue $ qu'ils expofent au feu pour les conferver. Les Maillés font un grand cas de ce Palmier • ils en mangent le fruit , qu'on appelle Pomme de Bâche 3 fe fervent des feuilles pour couvrir leurs cafés > & en ti- rent un fil pour faire leurs hamacs, On en prend des morceaux gros comme la moitié du poignet , qu'on attache au corps du Canot j pour en re- lever les côtés en guife de bordage. La Bâche fendue en long , & taillée en manière de litteaux , arrêtés avec des brins de Pâte J leur fort de voiles. Barr. ReL 154. Palma daclylïfera radiaia major glabra 3 PlumratîU Baru 90. Carnaiba iPif. 16 5% .p 116, Al an a ni Car BACOBE , ou BACOVE , Voye^ BANANIER. BAGASSE. Très-grand arbre , touffu , qui vient droit & gros; fa feuille eft digitée , il y en a une ef- pece qui croît fur les mornes , ou petites montagnes , ôc une autre près des marécages. Celui-ci eft léger , il dure davantage , & ne caîe ou ne s'enfonce jamais ; auffi eft il préféré à celui des mor- nes , quoiqu'il foit plus difficile à ouvrir. La partie d'Oyapock eft la plus abondante en Ba- gaffê. Les Habitans de ce canton en font commerce avec ceux de Cayenne. Bagafje. On appelle de ce nom la canne preflee qui fort du moulin. BALATAS BLANC. Arbre qui vient fort & très- droit , la feuille eft étroite & pointue 5 fon ccorce eft adhérente , brune Se tailladée. Il eft très- facile à feier à il a la même couleur & le même aubier que Y J coma des Ides , dont parle le P. Labat. Il s'éclate , & fe fend au foleil. On en peut faire du bardeau , & l'employer dans le haut des charpentes • mais on s'en fert peu pour des poteaux ^ ou fourches en terre. Il attire les poux de bois , qui s'infirment dans fon cœur d'un bout jufqu i l'autre. , K — i4rS Maison R u s t i q u s ,_ Si on s'en fert pour faire des fourches , il fautqu elles foient grottes, & que l'arbre foit vieux. Quand on l'employé , la couleur eft rougeatre ; mai elle difparoît dans la fuite , & le bois devient tout Blanc. Le Balatas rouge perd auffi de fa couleur rouge , mais elle ne devient que grisâtre. BAL AT AS ROUGE , appelle a Saint-Domingue Sapotilkr mitron, Ceft le premier des bois pour bâtir. Il l'emporte fur tous les autres par fa beauté , par fa ti*e droite , ainfi que par fa longueur & par fa groffeur. Il vient ordinairement au bord des nvieres ; ia reuihe eft petite. Il s'équarm parfaitement bien : c'eft un de ceux qui durent le plus à l'air , il eft fans hn lorfqu il eft à couvert. , „ i , i Il a le cœur plus gros que le Ba.atas blanc. H s'éclate quelquefois , ôc fe fend au foleil. Son fruit rond & gr.s , ou lorguet & jaune , refïemble a une prune d'Europe. Ce fruit eft fort recherche ; on le mange au d^ffert , il eft doux , agréable & lucre. Balcta , Car. Sapota, , . .. _, BALÂTAS A GROSSE ECORCE. Il vient aufii haut & plus gros que le Balatas rouge , mais il eft tortu & plein de nœuds. ' Il n'eft bon qu'à de gros ouvrages , étant trop plein de fève. On en fa t des pihs à BÎoucou. Mais il ne vaut rien pour des baguetres à cotton. Le bois fe letire. On en fait auiîï du bardeau ; mais moins bon qu a- vec d'autres bois , en ce qu'il fe rétrécit , Se fait la gou- tiere. , .. , BANANIER. Il y en a de deux elpeces , ou deux variétés qui différent par le fruit. Le fruit de l'une s'appelle Bacobe 3 ou Bacove , Se on lui donne le nom de Figue. 11 eft plus court, plus oros , & meme plus délie u que celui de la Banane :, qui eft plus long. La tige du Bacovier , en dehors , eu d un verd taché de noir , celle du Bananier eft toute verte.  t5 USAGE t> t CàYÏNNK. Hj Les Portugais n'ofent manger de ces fruits par fu* perdition , parce qu'en les coupant en ti aveis , As croyent, dans la figure qui s'y c ouve marquée , ' re- connoître la Croix de Jefus Ghrift, Ce n'eft qu'un Y. ' On les mange cruds , ou cuits a f ur 3 ou coupes par rouelles en trois morceaux for le gril , ou coupés en deu< & fechés au foleil \ on les mange au vin , à" l'eau , au fel , cuits enfin avec quelque graiffe que 'ce foit. On donne le nom ÙEmbagnan à une forte de bouillie qui fe fait avec des Bananes. Les Habitans de la Grenade en font une ef-ece de pain , qui eft d'un grand ufage parmi eux. Enfin on en fait une boiffdrt agréable; des Bananes cuites avec leur peau dans de l'eau, la rendent focrée ; après avoir ôré la peau, on les bralFe. Cette boiiïon eft très nécelTure aux Nègres, La tige , qui s'éleva à la hauteur de dix i douze pieds * fût elle plus greffe que la cuiffe , s'abattroit d'un feul coup de fa" re. La Plante fe multiplie comme l'Ananas* par des œilletons qui naiifer.t au pied. Il n'y a qu'une hgue Bacobe , il y a plufieurs fortes de Bananes , qu'on diftingue par des noms differens ; un habitant doit avoir de toutes fur fan habitation Lafmp/e & la mufqu^e font celles dont les Blancs font le plus d'ufage. C'eft une excellente nourriture : les Nègres de la Grenade ne vivent prefque pas d autre chofe. La Banane cochon eft la plus grofle ; & quoique moins délicate , fe mange avec plaifir : elle eft excel- . lente cuite au four. La Guingm fournît moins que les autres ; elle ne rapporte que cinq ou fix fruit, par régime , les autres en donnent vingt-cinq ou trente. Dans une terre ordinaire, les Bananiers rapportent au bout d'un an • dans une très-bonne terre , eu près des parcs à beftiaux , ils rapportent plutôt. J'ai fçu que les Sauvages , pour kvi-.ce- h maturité des fruits , les enveloppoient dans des feuilles de la & ij î4$ Maison Rustique, Plante même , & les mettoient dans un trou fait à un coin de leurs cafés. A quelques jours de-là , ils les reti- roient mûrs , Se plus jaunes que des coins. L'eau qui fort du corps de la Plante, ou d'une feuille qu'on romprait , eft jaunâtre , & laide au linge une ta- che qui ne s'efface jamais : mêlée avec le jus des feuilles du Pois de fept ans , qui donne une belle couleur verte, elle lui donne de la confiftance & l'empêche de pâlir. Balatana , Balatanna 3 Car. Grolfes Bananes. Ba- loulou y Car. Petites Bananes. Baccoucou 3 Car. Figue Bacobe. Mufafruclu cucumerino breviori. Plurn.^ Bacobe. Mufa fruclu cucumerino longiori. Plum: Bananier. BARALOU , ou BAROULOU. Balifier. Cette Plante a du rapport , par fes feuilles longues & larges , avec le Bananier. Mais fa tige eft plate , Se un peu con- cave dans le milieu. Elle croît ordinairement dans les bois revenus , & prouve la bonté du terrein. Ses feuilles fervenr à couvrir les cafés , en les ten- dant par le milieu le long de la côte, Se les rangeant enfuite fucceffivement fur le toît qu'on veut couvrir ; on les coud de pied en pied , pour qu'elles ne foient pas tourmentées par les vents. D'autres les attachent côte à côte , comme les autres feuilles employées a la couverture. De cette dernière manière , les couvertures durent le double de tems , fur-tout fur les cuifmes , par rapport au feu. On fe fert de ces feuilles pour doubler les Pagaras. . Divers oifeaux , les Ramiers fur -tout , font fort friands des graines du Balifier , ce qui rend leur chair amere , dans la faifon où ils en mangent. farrere dit que les Sauvages mangent auffi ces grai- nes par délices, & qu'ils mettent au feules fruits pour en tirer les graines. . . 11 eft certain que la graine de Balifier teint en beau pourpre , il ne s'agiroit que de trouver quelque ingré- dient qui pût àflurei cette couleur Se ta rendre du- rable. A L* USAGE Dï CAYINNB. 149 Cannacorus muft folio & fade. Barr. Eff. p. jo. Baliri > Balliri 3 Car. BAMBOU. Foyei CAMBROUZE. BEAUME DE SA VANNE , ou BASILIC DU PA- RA. EfpecedeBeaumequi s'élève à 1 pieds de hauteur. Une poignée de ce Bafilic , cuite avec du fort vinai- gre , & appliquée fort chaud fur le point de côté , le guérit , s'il ne provient que de vents. La feuille eft rude , d'un verd noir. La fleur eft pe- tite & bleue. BOCO. Foye% PANACOCCO. BOIS A CANON , BOIS CANON. Arbriffeau affez élevé > dont l'intérieur eft creux 5c féparé de dif- tance en diftance par une membrane. Il ne porte que quelques branches à fan forn met, & peu de feuilles à chaque branche } ces feuilles font plus larges à leur extrémité , très-grandes , digitées 9 comme celles du Papayer , Se pofées de même fur la tige , vertes en-deflus , blanchâtres en defious. Le bois eft blanc , mol , fe fendant aifément : on peut l'employer pour faire des goutieres , Ôctranfporter de l'eau d'un endroit dans un autre. Il ne laifte pas que de durer , étant à couvert. La pellicule du dedans du bois étant ratiffée 7 guérit les chancres , s'ils ne font pas vénériens • ils difparoif- fent au bout de huit jours , en renouvellant l'ufage de cette poudre matin ôc foir. Le fel fixe que donne ce bois , eft d'un grand fecours pour dégraiGTer , & faire écumer le vin des cannes a Sucre : peut-être, félon Barrere , pourroit-il fervir â faire du verre , du favon , & être de quelque ufage dans le blanchiiïage des toiles. Ambaiba BraJiL Urakufiba Eraf. Jaruma. OvieJ. BOIS A FLAMBEAU^ Foyei BOIS ROUGE. On donne ce nom au Bois rouge _, par la propiiété qu'a foa éepree de brûler , de de faire l'office d'un flambeau. AnCabureiba ? Pif K iij jrjo Maison Rusttquiï BOISAGAULETTES. Cet ArbnfTeau a qui efttrès- commun , vient droit, d'environ 9310 pieds de hau- teur. On le coupe en morceaux , de quatre a cinq pieds de longueur , ce qui fait la moitié de la hauteur la plus ordinaire d'un plancher On refend ces morceaux , ÔC les gaulettes refendues qu'on en tire , ont environ trois lignes d'épaifi^ur. On les entrelace dans les étançons, placés entre les poteaux ou fourches qui fouriennent les maifons, très- près les unes des autres , Se de chaque côré alternative-* ment. Lès petits intervalles qui peuvent fe trouver en^ îr'eiles, font remplis par des bouts du même bois , qu'on pofe en travers : le gaulerage ainfi fait , a une confiftance qui réfifte à tous les efforts. Pour le détruire, il faut couper les étançons. 11 faut obferver que les gaulettes foient verres. C'eft ce gaul tage qui fait les murailles de la plupart des maifons. On les Bou^il/e en fuite. On choifit une terre grafFe > que l'on racle par couches \ on en fait un gros tas , au milieu duquel on fait un baiïïn , qu'on remput d'eau , dans lequel on jette de la terre fuccefîive- ment , en la broyant d rnefure. On prend des poignées de cette terre pétrie , qu'on jetre avec force contre les gaulettes ? 3c qui emplit l'intervalle & les couvre; avec la main , qu'on a foin de tenir mouillée , on égaliie , on polit 5 on remplit les crevafTes à mefure que la terre f§ feche • ôc quand la muraille eft feche en entier ? on Ten- duit plufieurs fois avec du Carcabeuf ; c'eft de la bouze de achej puis on la blanchit avec de la chaux , faite de coquillages 3 ou avec une terre blanche 3 délavée & paflSe, Coulouliroua , Car, BOIS AGOUTI. Sa graine fert de nourriture à l'a~ ïumal nommé Agouti^ dont l'arbre a pris Je nom da Bots Agouti* L'Arbre eft grand 3 mal f3.it 2 mais fon hois dure long^ tgms en rerre, Lq fruit eft une çfpece de peûcc noifeute. X l'DSAG! DJ CAY1NNE. 15» Yattouhai , Car. Bois Lézard, ou Bois d'Agouti aux BOIS BENOIST FIN. Arbre d'une auez belle ve- nue , grand & gros. On s'en fert pour faire des meu- bles. Ce bois a les veines plus rouges que celles du bois fariné; le fond en eft jaunâtre. BOIS BLANC. Voye\ ARBRE de Saint- Jean. BOIS BLANC. Voyez POIRIER fauvage. B°>1S CACA , ou de merde. Grand Arbre allez commun , dont le bois eft de peu de durée en terre , mais qui peut fervir à couvert dans le haut desbati- mens. ■ . c • L'odeur qu'il répand , quand on le coupe , lui a tau donner le nom fous lequel il eft connu. Cette odeur s'évapore en fechant. . L'ecorce eft unie , blanche , la feuille longue , le tout eft une petite graine verte. Kavalam. H, Malab. Ad. BOIS CAPUCIN. Foye% BOIS ligner BOIS CITRON, ou BOIS DE ROSE- Bel Ar- bre , appelle Bois jaune aux liles , bon a taire de» fourches ou poteaux à mettre en terre. Le bois eft de couleur de citron , ayant une petite odeur de rofe ; fa feuille a l'odeur de citronnelle. ^ La feuille bouillie , avec le Bois de Crabe 3 donne a l'eau une odeur qui tient de l'une & de l'autre , & qui en fait une boiffbn très-agréable. , On l'employé auffi dans des bains contre les eenau- boulures. . , ,. Bois de Rofe , Barr. Bois jaune aux mes. Arbor li- gna citrino rofam [virante. Barr. p. \6. BOIS D'EBENE, Voyez EBE.NE. BOIS DE CRABE. Canelle Gérofiée. Cet Arbni- feau eft bon a faire des fourches , ou poteaux entonces en terre. Barrere a vu des Carbers d'indiens t» tstou? de ce bois. Il croît dans la terre ferme 5 du cote de la liviere d'Ourapeu. ■ K iv 152. Maison Rustique; L'odeur de fon bois eft aromatique ; ce bois bouilli f avec la feuille du Bols Citron y qui a l'odeur de citron- nelle , produit une boiiïbn qui tient de Tune & de l'autre odeur. Myrthus arborea caryophylli aromatlcl odore. Barr. Eugenia. BOIS DE FER. Grand Arbre. C'eft un bois dur, mm fi fujet aux poux de bois \ qu'il n'eft de nul ufage dans les bâtimens. On l'employé en ptifane. liera puteana , Ibira Obi _, Marcg. POIS DE FEROLES , ou BOIS MARBRÉ. Ce bois eft comme Jafpé , ou parfemé de taches qui ref- femblentà celles d'un marbre veiné de rouge, de blanc Se de jaune : ce qui lui a" fait donner auffi le nom de Bols marbré ou colorié. Il conferve le nom de Bols de Féroles "3 parce qu'il a été trouvé , pour la première fois , dans un abattis de l'habitation de M. de Féroles 3 alors Gouverneur de Çayenne. C eft le bois le plus recherché pour les ouvrages de marqueterie ? & pour différens meubles. Le fond en eft blanc. l'erolla arbor llgno in modurn marmorls variegato. Barr, Ef.p. 51. m BOIS DE LETTRES. Le bois de Lettres a le cœur tigré _, on moucheté de noir. Le fond en eft rouge. _ Le cœur eft beau , luifant j très-dur j on en fait des pilon?. Il y en a dont le fond eft jaune. L'un &: l'autre s'employent en meubles 5 fur ~ tout pour des niontansde chaife , parce que le cœur eft très- petit , n'excedantpas trois à quatre pouces de diamètre. J-e jaune fertplus ordinairement de canne aux Nègres. Arbor lauri folio \ llgno variegato $ vulgo lignum lllteratum> Barri p. jêl Baira , Car, BOIS m MËSCBE, Fom CARATAS Se OUAY& A l' u s a g e de Cayïnnb; I > jjj BOIS DE MERDE. Poyq BOIS Caca. BOIS DE PTISANE. Liane qui vient fort grofle , qui fe trouve dans les bois revenus, &: qui eft de cou- leur de vin. On en prend une ou deux poignées , que l'on mêle avec force citrons entiers , pour faire tremper les Malingres, BOIS DE ROSE. Voye% BOIS Citron. BOIS DE SAINTE -LUCIE. Très-grand Arbre qu'on employé à faire des meubles. BOIS DE SAVANE. Voye[ POIRIER fauvage. BOIS DUC. Grand Arbre dont on fe fet* dans les bâtimens. On en tire du bordage qu'on laiifè au fond , pour renouveller la boiffon. Le bois vient aifément de boutures, & il eft excellent pour faire des entourages, Corallodendron triphyllum Americanum 3 fpinofum 3 flore raherrimo. Inft. App> Barr. p. 41. Ahiphi ^ Tui-> nanti Iba , Car. BOIS INDIEN. Groffe liane qui fe trouve dans le gros bois. La racine battue , jufqu'à ce qu'elle foit divifée à l'infini , trempée enfuira dans le lieu qu'on veut en- yvrer , manœuvre qu'on répète jufqu'à ce qu'il ne refte plus de jus dans la' racine, envvre très bien les trous de favane ,' & ceux dçs bords de la mer , lorfqu'elle eft Ij4 Maison Rustique, BOIS LONG. Ainfi nommé par les Portugais du Para , Pao comprido _, eft un Arbre laiteux , dont le fuc eft corrofif & dangereux pour les yeux , s'il en rejaillit loifqu'on en taille le tronc. Il eft très-rare dans la Guyane , 3c n'y eft connu fous aucun nom. Son fuc lai- teux s'épaiffit fans aucun mélange 5 &c a beaucoup de rapport à ceiuî du Bois feringue. j'indique cet Arbre , comme pouvant être utile , & je ne le connois que d'a- près la defcription de M. Frefneau. Mém. de l'Acadé- mie des Sciences , 1 75 1 , p. 3 16 , qui a donné la figure ée l'Arbre , de fa feuille , de fon fruit , de fon noyau , p. 552, PL XIX. n°. ^7,^9- BOÏS MAKAQUE. Grand Arbre de peu de durée en terre , dur , bon à couvert dans le haut desbâtimens. Il eft plein de trous. L'Arbre eft ainfi appelle 5 parce que l'efpece de Ange 5 dit Makaque > préfère fon fruit à tout autre, BOIS MARBRÉ. Foyer BOIS de Feroles. BOIS MOUSSE. Ceft un bois moi , très-léger , qui vient très-droit , Se qui dure aflez long-tems mis en œuvre. On l'employé le plus fouvent à faire des chevilles » pour faire tenir le bardeau. On le feie par billes > lon- gues de trois pouces ; il fe refend enfuite , & fe débite en chevilles. On en fait auffi des chèvres > des échelles. BOIS PUANT. Arbrsffeau qui pouflepiufienrs tiges. Il eft commun furies bord'? des (avaries en de certains quartiers , êc fur-tout au bord de la mer. On l'employé à faire des cercles pour les barriques ; mais fuôt qu'il eft coupé , il faut le mettre à l'ombre , pour être refendu tout de fuite 5 & préparé en cercles à Tas tournés. Il dure alors > & fondent le crochet quand le cercle eft large. An ' Yakalou 3 Car. Heiera arhor fœtiia > nucls }u~ glandls folio j fructu maximo. Barr. EJf. 5 S* A I* tî S À C ï DE CaYIKN!. 15J BOIS QUINQUINA. On ne fait point ce qui a fait donner à ce bois le nom de Quinquina, avec lequel il ne paroîc avoir aucun rapport. Cet ArbrifTeau croît naturellement dans les grandes favanes , ou prairies abandonnées depuis long-tems. Barrere ajoute qu'on s'eft fervi quelquefois, dans la dyfTenterie , du bois & de l'écorce de cet ArbrifTeau , avec le même fuccès que du Simarouba. Malpighia latifolia cortice fanguineo. Barr. EJf. p. ji. Xourouquouy. Gai. BOIS ROUGE. Très-grand Arbre. C'eft après le Baîaras le meilleur pour bâtir. 11 eft bon a faire des fourches en terre , des piquets , des portes, des barres, du bardeau , & même , au défaut de Balatas , des aiguilles de Cabrouet , & autres ouvra- ges en ce genre. Il eft nommé Bois rouge , parce que le cœur du bois étant travaillé eft très-rouge. Il éclaircit , &c devient gris à la longue. Son écorce , qui eft grife d'abord , devient rouge en fechant , tant en dehors qu'en dedans. Les Indiens fe fervent même quelquefois de cette couleur pour colorer certains ouvrages; ils l'employant pour s'éclairer , de même qu'on employé le Pin dans les Pyrénées. Anacoucouj Cir. Cabueriba 3 Pifo. Terebinthus procera balC'-mrfero rubra- Barr. p. gé- nieur , l'a, décoaverc dans cette Colonie. Voyez-en la \$é. Maison Rustique defcription _, la figure des feuilles &c du fruit , Se fe£ wfages y dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de 1751, p. 329 Se p. 432 y PI. XIX. lesfig. 10 , 11 » it2 , 13 , 14 & 15. Le nom de Bois Seringue , Pao de Xiringa , lui a été don n né par les Portugais , parce qu'ils font de cette ré- fine des feringu.es , à l'imitation des Omaguas , nation du centre du continent de l'Amérique méridionale. Hkévc dans la Province des Emeraudes \ écrit levé par les Efpagnols. Caoutchouc chez les Mainas _, nation du bord de la rivière des Amazones. BOIS SIGNOR , ou CAPUCIN. Très-grand Arbre , bon à bâtir. C'eft une efpece de Balatas3 mais d'un grain plus fin. Il eft encore de peu d'ufage à Cayenne , où à peine efb il connu , quoique les quartiers de Ko & de Provat en foient aiTez fournis. On en doit même la connoif- fance à des Indiens fugitifs du Para. BOIS TAPIRÉ. Grand Arbre , dont le cœur eft Biêlé de rouge Se de jonquille. On l'employé pour faire des meubles. Il a une excellente odeur ,& la communique au linge qu'on renferme dans les armoires faites de ce bois. BOIS VIOLET. On fait de ce bois des ameuble- mens y Se plusieurs beaux ouvrages de marqueterie ; fon violet clair , tirant fur le purpurin , fe ternit aifémenta fi on n'a foin de le cirer de rems en tems. Barr. 105. Il croît au bord des marécages , Se eft monté fur des ^r cabas. Spartium arboreum trifolium ligno violaceo. Barr. E(f» /\ioç. BOULET DE CANON. La grofïkir & la forme fphérique du fruit de cet Arbre , lui a fait donner par les Créoles le nom de Boulet de Canon. La feuille eft grande _, liflTe ; fa nervure principale va jufqu'à fon extrémité 5 les autres font allez; diftantes les unes des autres , Si obliques. A L* USAGE DE C A YEN NE. I57 L'écorce du fruit eft épaifTe , dure , jaunâtre , cou- verte de taches cendrées : le fruit contient une chair douce , dans laquelle il y a plufieurs noyaux , qui font du bruit les uns contre les autres , en remuant le fruit lorfqu'il eft defleché. Les Sauvages aiment ce fruit i Ôc les Blancs n'en font ufage que dans les maladies de poitrine. Pifon dit qu'il y en a une autre efpece 3 que les Por- tugais appellent Sctim > dont le bois ne fe pourrit ja- mais , ôc qui ieroit très-propre à faire des Canots. Voyc\ la figure de l'arbre & du fruit dans l'Appendix de Marcgrave , p. 293. Pekia fruciu maximo globofo. Barr. p. 92, Kourou pitoutoumouCar. Pequca Jivc Pckia. Pif 1658 3p. 141. CACAO. La culture des Arbres qui donnent le Ca- cao , eft un des objets de manufacture qui font détaillés dans l'ouvrage , il eft inutile de répéter ici ce qui en a été dit. On a quelquefois éprouvé le dépériffement des Ca- caoyers dans prefque toute la Colonie. On a cru pouvoir l'attribuer au tuf qui fe trouve aux environs de Cayenne , à une certaine profondeur. Ce tuf eft très-argilleux & très-dur. Le moyen de prévenir cet inconvénient , feroit de tranfplanter les jeunes plans , & de couper la moitié de leur pivot. CACHIMAN. Nom générique d'un Arbre dont il y a plufieurs efpeces. Celles que j'ai remarquées à Cayenne font , i°. le Petit Corofol , ou le Cœur de Bœuf ; i°. le Pommier de Canelle. Guanabanus. PL Anona. i°. Petit Corosol , ou Cœua de Bœuf. Cet Arbre commun à Cayenne 5 vient facilement dans les terrems défrichés , abattus. Son fruit , qui a un goût aigrelet , n'eft gros que comme la plus grofte poire. Celui des Iftesa jufqu'àfix pouces de diamètre , tk pefe jufqu'à huit livres. Il a !a figure d'un cœur , la couleur eft d un verd clair } il eft 1 5 s Maison Rustique^ Couvert de petites écailles , qui reffemblent à la pomma de Pin Sa chair eft blanche , & remplie de petits pépins noirs. Elle eft agréable au goût & le reveille. L'Arbre fleu.it deux fois Tan. 11 eft propres former des entourages j on le mêle avec le Medecinier qu'il foutient. On prétend que fa racine eft employée par les In- diens contre Tépilepiîe , & qu'ils la font avaler pulvé- rifée au malade , dans linftant qu'il s'en trouve attaqué. Cette même racine , prife par le nez comme du tabac, produit le même effet. Alacalyoua s Car. Guànahanus fruciu turbînato minori luteo. Barr. 2°. Pommîfr de Canellê. Sa tige eft plus petite que celle du Cœur cle Bœuf ou du Corofol ; la feuilJe eft presque la même. Son goût aromatique diffère peu de celui du Corofol. j'ignore ce qui lui a fait donner le nom de Pomme de Candie : il n'en a aucunement le goût , & ne re£ fernble en rien au Canelier de l'Inde. Je crois poffeder le plus beau de cette efpece. 11 exiftoit à plus de fix lieues de mon habitation f dans une habitation abandonnée j je rifqnai le tranf- port ^ quoiqu'il fût déjà fort gros, je ne lui laifïai qu'une branche & une racine : je le plantai en cet état au com- mencement de la faifon dç$ pluits. Six femaines aprèss il pouffa de pentes feuilles. On vint voir cette expé- rience par curiofité. Ses feuilles feches , infufées dans le Taffîa , m'ont donné une liqueur très-agréable. Guànahanus fruciu aureo & molliler aculeaîo. P/um* G en. Barr. CAFfE. Le dérail qui fe trouve dans l'ouvrage fur la culture &c la récolte du Cafté , difpenfe d'en rien dire ici. ÇÂLALOU. KAROULOU , Barr. p. 66. Cette Blaruè eft effenûelle aux Blancs cornais aux Negresjelle A L5 USAGE Î)E CayîNNE, I f$ monte à quatre ou cinq pieds de haut , & rapporte de petits fruits tendres , remplis de petites graines mua- iagineufes. On hache par petits morceaux , les graines Se la to/^c'eft ainfi qu'on appelle l'enveloppe qui les contient j au défaut de feuilles de Maguoc , ou de Tayove , on y mêle des jeunes feuilles de la Plante; le tout fe cuit avec quelque graille , ou du lard , ou du poilïon boucané ; Se c eft le mets que les Créoles don- nent par préférence aux pe^fonnes les plus distinguées. Le fruit étant jeune , fe cueille pour être mangé en falade , à Peau & au fel. Il e& bon pour l'eftomac , 8c convenable aux convaiefeens. Ketmia Brafluenfîs, folio ficus ~ frv.czu pyramidato fui- cato. Inft. Karoulou. Barr. Ej]\ p. 66. Quaouayama y Car. Citrouille, Potiron , Giraumont. Ils les mettent bouillir dans de l'eau avec la pelure Se les pépins , pour les mander fans autre fauffe. Quingombo Lujhanis. Marcg* CALEBASSE DE TERRE. Cette Plante n'a aucun rapport avec le Calebaffier. Elle eft rampante, Se tient du genre des Coloquintes. On en tire un excellent vomitif. Il y en a pîufienrs efpeces , ou variétés. Colocynthis oblonga 3 C. B. Barr. Effi p. 37. Cale- baffe de terre. = Parvo fruclu turbinato. Barr. ibli. Pe- tite Calebaiïe. = Fruclu fiavo pyriformi. Barr. ibïd. Camoucoulou 3 Car. Calebaiïe d'herbe. CALEBASSIER. Toutes les efpeces ou variétés de cet Arbre font égales entr'elles , quant au tronc Se aux feuilles. Les branches des plus gros partent à trois ou quatre pieds de terre , Se portent les plus gros fruits. Le plus haut Caiebaflier ne palTe pas feize pieds. Cujete Marcg. Caiebailier. Matallou _, par les hom- mes , Hulra j p«r les femmes, Car. Tiboucoulou _, Car\ Petite Calebaiïe d'arbre» Mouloutoucou j par les hommes ? Commori ^ par les femmes , Car. ft6ù Maison Rustique; Tonton j par les hommes, Ehuéyu^ parles femmes* Car. CalebafTe longue , ouverte par le milieu j qui fert comme de pot a vin. Imalagali 3 par les hommes , Chkhira 9 par les fem- mes , Car. CalebafTe médiocre , pleine de petites pier- res , qui leur fert de violon. Tamoucoulou > Car. CalebafTe faite comme un pif- tolet. i°. Le fruit le plus gros eft plus plat que haut. Se n'a qu'une très-légère épaifTeur. Il a la forme 8c la grofleur d'un potiron , les Nègres en font des pots } il y en a qui contiennent douze à quatorze bouteilles. i°. Celui que les Nègres appellent GcgUgo _, fe coupe aux deux tiers , & le tiers coupé fert de couverture aux deux autres. Cette couverture a deux pouces d'épaif- feur. On la paffe dans une ficelle , dont l'autre bout tient à la partie qui eft plus confidérable , & afTujetic enfemble les deux parties. Ce vafe fert à contenu la pro- vision du jour pour ceux qui travaillent. Cette CalebafTe eft la meilleure & la plus dure , c'eft d'elle dont on tire ce fyrop fi renommé. 3°« Il y en a une efpece , qui refïèmble en petit à une Citrouille. Les Portugais en varient les formes. Quand elle eft à moitié mûre , ils la ferrent avec force, fuivant la figtire à laquelle ils veulent Taffujettir j c'eft le plus fouvent à côte de melon • le fruit en avançant en maturité , s'augmente dans les endroits où il n'eft pas gêné. Quand il eft mûr , une ficelle fait l'office d'un couteau pour le couper en deux : on vuide l'intérieur , on colore l'extérieur avec Aqs couleurs apprêtées dans de ii gomme d'Acajou. 4°. En forme de Concombre. 5°. Qui reffemble à un Cornichon. Ces fruits , comme on le voit , font très -miles. On en tire des pots , des verres , des plats ^ des afliettes , &c. Oa ,. A^t'ùSAGE DE CâYENNS, î g \ On en ôte la chair, en la laiffant pourrir peu à peii avec de l'eau chaude. Ce qui en relie fe détache avec de petits inftrumens \ ou bien l'on y infère , foie àà gros plomb , foie de petites roches, cjue Ton remue avec force > pour achever de féparer les parties qui peuvent relier attachées /& les faire for tir. CAMAGNOC Efpece de Magnoc qu'on plante de même que le Magnoc 5 & dont la racine s'arrache au bout de fept mois ; on la mange alors rôtie ou bouillie* Si on la huile plus long-tems en terre > elle n'eft bonne qu'à être mife en, farine , & à être travaillée comme le Magnoc ; avec cette différence que feau qui en fort n'eft pas dangereufe ; fa farine même en; préférée à celle de Magnoc. On en fait de bonne cafîave , &r quand oh veut don- ner plus de goût à celle qu'on fait avec la farine or* dinairede Magnoc , on y mêle de celle de Caniagnoc* Si cette efpece venoic dans toutes (oues de terreins 4 & qu'elle rendît. autant de racines , on la cultiveroit par préférence. On fait auffi avec la caffave de Carnagnoc , un Ma * tété 3 par le même procédé qu'on employé pour celui qu'on fait avec la cafîave de Magnoc. CAMBROUZE. Efpece de Bambou ; c'eft un rofead creux & gros comme le bas de la jambe > dont les nœuds , qui font de pied en pied , n'excèdent pas en dehors ; une petite pellicule épaifle , de trois lignes , leè fépare en dedans les uns des autres. Ce rofeau vient Ordinairement au bord des marécages y à la hauteur dé huit à dix pieds 5 Se quelquefois plus : il croît par touf- fes , fes feuilles font éparfes au fommet , la tige eft °zz* nie de longs piquans. On le coupe de longueur , pour faire des bois de ha* mac 5 à quoi il efb plus propre que tout autre bois ? à caufe de fa légèreté : les Sauvages peignent ces bois & les verniiïsiu. Un autre ufage qu'ils font de la tige d& Jmi i€z Maison Rustique, Cambrouze , eft de s'en fervir en guife de cornets ; le fon qu'ils en tirent 5 les annonce dans les rivières , à ceux qu'ils veulent avertir de leur arrivée. Ils s'en fervent auffi pour Appeller le vent 3 c'eft ainfî qu'ils s'expriment > ils fonnent de cette efpece de cor , & croyent que le vent qui leur manque leur obéira. Le Ne bu en guife de ptifane matin & foir , s'employe avec fuo cès pour la guérifon des chancres. Alpîna fpicata purpurea cannacori foliis j abletis co- ntint referens. Barr. Ejf. p. 7- Jacuacanga 3 Pif. 1^48 i 98. Paco caotingœj Pif. 165 8 y 214. Siriourou > Barr. 7, Anachiri 3 Car. CANNE DE SUCRE. On fe fert des têtes , comme de celles des autres Cannes , pour couvrir les maifons. Le refte qui concerne cette Plante > fe trouvera dé- crû à l'article de la Sucrerie. Arundo faceharifera > C.B. Tacomarée >Car. Caniche, Car. Mot emprunté des Efpagnols. Caniche ira > Car. Jus de la Canne , fyrop, fucre. Choucre y Car Sucre. CARAEROU, ou CARIAROU. Liane de la feuille de laquelle les Portugais fe fervent pour teindre leurs hamacs en cramoifi. On tire des feuilles de cette Plante , une efpece de fécule qui imite le vermillon , & dont les Indiens fe peignent le corps. Il y en a un berceau au Gouvernement de Cayenne , il feroit aifé de multiplier cette Plante. Convolvulus tinclorius fruclu vitigineo. Barr. Ejf. 39. Kariarou 3 félon Barr. fignifie & la Plante & la fécule. Karyouarçu ^ Car, | CARAPAS. Très-grand Arbre , donc le bois léger à filandreux , eft très-huileux , ce qui le garantit des poux de bois. On l'employé à divers ufages. Faute d'autre il trouve place dans le haut de's bâtimens j on en tire auiïî des planches propres à divers ouvrages , pourvu qu'on les employé aufli-tôt qu'elles font refendues ; fans cette précaution ? elles font fujettes à fe fendre. Il y a des meubles communs que le Carapas peut fournir. C'efl un des meilleurs bois pour des Bal/les à couleuvres. Comme il eft monté fur des Arcabas 3 ( ces efpeces de racines droites , élevées hors de terre , qui réunies en un point , foutiennentle corps de l'arbre ) on peut , de ces Arcabas , faire des tables d'office 3 de magafin , même pour repafter le linge ; mais dans ce dernier cas , il n@ faut point s'en fervir à nud , lorfqu'il eft frais coupé 5 le bois tacheroit le linge* ^ La plus grande utilité du Carapas , confifte dans l'huile qu'on tire de fon fruit, qui eft rond , & reffem- ble à la Cabojje du Cacao. On fait cuire ces fruits aux trois quarts 5 après quoi on les met par tas , pour les charger d'un poids conve- nable. Un mois après , on les calFe , on fépare l'amande que l'on pile , ôc qu'on met tout de fuite fur le feu dans une chaudière. On la preiTe incontinent après dans une couleuvre. A peine l'huile eft-elle exprimée \ qu'on la fait bouillir & rebouillir pour la conferver. ( Cette huile n'a aucune odeur, & n'eft bonne qu'à brûler. On s'en fert auflï pour frotter légèrement lçg meubles que Ton veut garantir des mitres j ou autres petits infe&es , qui ne peuvent fupporter fon amer- tume. Les Nègres chalfeurs s'en frottent pour fe pré- ferver des Chiques. Les Indiens auiïî en font un grand ufag2. Ils la mêlent avec des fleurs de Roucou 5 pour l'étendre fur leur vifage , leur corps ôc leurs cheveux. Elle eft encore excellente avec le bray (te Se le gou- dron > pour garantir les Canots des vers. Des Navires j L;jj ië4 Maîsôn Rustique, après un long féjour à Cayenne , s'en trouvèrent moins piqués > pour en avoir été frottés auffi-tôt après qu'ils eurent déchargé leurs marchandifes. Les Indiens tirent cette huile d'une manière un peu différente. Après avoir pilé l'amande , ils Texpofent à Fardeur du foleii , fur des morceaux de bois , ou de larges écorces , qu'ils inclinent un peu pour laiflèr cou- leA'huile , qui eft reçue dans un vafe. Par cette mé- thode , on a moins d'huile , mais elle ne fe fige point. Karapa 3 Gai. CARAPAT , ou PALM A CHR1STL Le fruit fera- îmffe en Novembre , & s'ouvre de lui même au foleii. On en tire une huile qui ne fert qu'à purger. Ladofe pour les enfans , à qui elle eft le plus utile , eft de deux à trois cuillerées de caffé ; on en donne huit cuillerées à une perfonne faite, & neuf à dix pour une perfonne difficile à purger. Huit greffes graines que l'on pile , & qu'on brade dans un peu d'eau chaude , pour pouvoir les palier , réduites dans un verre à la hauteur d'un pouce , ou d'un pouce de demi pour les perfonnes difficiles , font le meilleur remède pour guérir les fièvres Nègres , quand on n'a pas de gomme gutte : la gomme gutte , dont la dofe eft de la groffeur d'un dez mife le foir dans un peu d'eau froide , & qui fe trouve diffbute le matin , eft encore plus efficace. Ricinus» Vulgarïs C. B. Fulgo Palma Chrîfii. Infi. 532. Carapatos Lujitanis. Pifo. Lamaheu ; A lama-La- marou; Chouloumanum >Car. Les Nègres font de l'huile avec la oraine 5 pour ^'lïQ mourir leurs poux , ou pour s'en préferver s'ils n'en ont point. Les Caraïbes en lèvent la peau pat aiguillette ? en font un frontal contre le mal de tête ; chauffent la feuille 3 en frottent la partie douloureufe , & en reçoivent du foulagement. CARATAS. Appelle Sois de mèche dans le pays, parce que la moelle' dé cette Plante fert d'ama4«ueau* Nègres* a l'usage deCayenne. 1 6*5 Sa feuille chauffée fur la cendre Se appliquée fur la partie affligée de rhumatifmes , foulage beaucoup. C'eft un remède fouverain pour les bleffures. Le fruit de cette Plante s'appelle Citron de terre. Citron > parce qu'il a le goût acide ; de terre y parce qu'il faut la fouiller pour le trouver. Karatas fo/iis altijjimis angujlijjimis & aculeatis% P/um. gen. Caraguata > Pifo. CAUMOUN. Efpece de chou palmifte , qui s'élève haut , & qui vient*prefque par-tour, aiTez ordinairement. Sa graine , qui eft très- petite , eft couverte d'une pellicule d'un noir tirant fur le pourpre. Cette pelli- cule , prefTée entre les doigts pour féparer l'amande , & braffée avec elle dans l'eau , donne à la liqueur qui en réfulte & qui a du corps , la couleur du chocolat. C'eft ) boiiîbn agréable dont les Créoles font friands ainfi que les Nègres > 5c qui les détermine fou- vent à mettre l'arbre à bas pour avoir fa graine 3 avant qu'une parfaite maturité la faffe tomber. Il en réfulte la deftru&ion d'un arbre fi nécefTaire 5 tant par l'huile qu'on en tire , que par fes feuilles propres à cou-? vrir les cafés. L'envie de manger le chou y contribue auffï. L'huile qu'on tire du Caumoun s'exprime ainfi que celle de l'Aouara ; mais ce n'eft pas feulement la chair qui entoure le noyau qui donne l'huile , on em- ployé le fruit en entier , ôc dès qu'il a été recueilli. Le fruit eft fi petit , que la chair feule ne produiroit proba- blement que très-peu d'huile, Un panier de meftire ordinaire rempli de graines , rend une bouteille d'huile. Elle eft préférable à celle de l'Aouara , par fon goût ôc par fa couleur ; aulfi bonne en falade que l'huile ^Ouangle ^ qui équivaut à celle d'Olive. Les feuilles s'employent pour couvrir les cafés , mais pofées en travers , à caufede la fumée \ elles durent cinq à iix ans. L iij ~ i6$ Mai-son Rustique^ Elles repouflent chaque année ; ainfi on pourrait fe contenter , fans abattre l'arbre , de ne couper que les feuilles. Cette précaution conferveroit une refïburce annuelle aux Habitans. Si on n'a pas à employer les feuilles coupées , on les refend j & on les met à cou- vert; elles en durent même plus long-tems d'avoir été gardées, Palma coccifera latifolia frucly atro purpureo om- nium minimo. Barr. p. 87. CEDRE ROUGE. On en trouve dans la Comté , canton particulier dans la terre ferme ; ce Cèdre ref- femble beaucoup à celui de la Bermude. Le bois en eft excellent en bordage & en membrure pour les bâtimens ; fi l'Arbre étoit rond , on en feroit de bonnes planches. Les vers ni les poux de bois ne l'attaquent jamais. CEDRES. Très-grands Arbres. Il y en a de blancs , de noirs , de jaunes. Tous fer- vent à faire des Canots : tous viennent droits & d'une certaine grofteur. Le jaune eft préféré. 11 eft très- léger ., fe travaille |)ien 5 s'ouvre facilement , ne cale jamais : les autres ne durent pas autant* Anhuiba 3 Car. CERISIER. Arbre qui n'efi pas propre à placer es ligne ^ ou eu avenue dans ' un jardin , mais dans quelque coin. Il porte des cerifes pareilles à celles de France > & plus agréables que celles du Cerifier canelé ; auffi les préfere-t-on 3 foit pour les manger cuites Amplement,, foit pour en faire des confitures 5 ou des gelées. CERISIER CANELÉ. Les cerifes qu'il produit om lin goût aromatique. Malpighia fruçiu ccrajino fulcato. Ban. EJJ. -]%* J^chyoulou j Car. Ibipltanga. Marcg. Pif. COCOTIER. Ce Palmier vient haut , mais jamajs A l' usage de Cayenne. \Gj droit. Si on en élevoit dans les habitations , il faudroit le placer dans l'endroit deftiné à un verger , &: non dans le jardin principal. Ses branches., qui pendent * font très-incommodes. On fait des confitures de fon fruit. Palma indica coccifera angulofa. Ç. B. Barr. EQ. p. 8<. Inaya-Guacuiba jy Car. CŒUR DE BŒUF , ou PETIT GOROSQL. Voyei CACHIMAN. CŒUR DEHORS. Cet Arbre ne vient pas très- gros , il n'a pas un pouce d'aubier , ce qui lui a fait donner le nom de Cœur dehors. 11 eft excellent pour bâtir en toute terre \ qualité qui n'eft pas commune à tous les bois. C'eft le meilleur de tous pour les moyeux , fans être plus lourd que les autres bois. On le préfère aufli au Courbarïl pour les rouleaux de moulin 5 étant moins poreux Se plus ferré. Il dure long-tems dans l'eau , & en conféquence on s'en fert pour les pilotis & pour les jantes de moulin. Les Sucriers ne peuvent apporter trop.de foin en chappufant leurs abattis , pour tronçonner les bois de cette efpece , qui fe trouvent propres aux ufages que je viens de détailler i on les. met en magafîn , pour: les employer fecs, CONANA. Palmifte affez beau ; mais fi rempli de piquans, qu'on ne peut en approcher. Il rapporte un fruit qui naît autour de quelques branches de la tète de l'Arbre. Ce fruit eft entouré d'une chair qui couvre un noyau fort dur , de la qualité du Coco,. y gros, environ comme une grofle noifette. Au dedans eft une amande fort blanche , que l'on mange , après avoir fait chauffer lç noyau pour l'en tirer. Le goût approche un peu de celui de nos amandes. Palma daclilifera caudice & fruclu aculeatis, Barr. 8 S» CONANA SAUVAGE. Cet Arbre n'a aucun rap- pojt- avec le Çonana Palmifte , quoiqu'ils ayent tous L iv ~ ï£8 Mâïsqn Rustique; deux le même nom parmi les Sauvages. Il fe trouve dans les grands bois ; le fruit refTemble aiîezau coino^" il eft jaune , ôc conrient quatre graines entourées d'une pellicule aigrelette , tirant un peu fur la grenade quand elle n'eft pas tout à-fait mûre. Les Sauvages en fonç une boiffon , qui approche plus du vin qu'aucune autre de leurs boiflons. Lès fangliers vivent ordinairement de ce fruit dans |a faifon ; ce qui fait que îorfqu'il donne , les chaflTeurs font sûrs de tuer beaucoup de ces animaux. La graine refTemble à celle de l'Avocat j le fruit eft renflé , arrondi 3 avec deux éminences aux deux bouts > différentes en gtoffeur , mais toutes deux moufles. Dans l'efpece qui croît aux environs du Para, il y a trois graines , qu'on appelle mufcades , & qu'on em- ployé dans les coliques. ' CONANÏ FRANC Petit Arbrideau ; connu fous le nom de Bois a enyvrer le poiffon. On prétend qu'il tire ce nom de Conani _, rivière au bord de laquelle il fe trouve \ mais il paroît que c'eft le Conamy cité dans le Dictionnaire Caraïbe s p. 177 | & par Barr. p. 50. ' ' On pile la feuille dans un trou fait en terre. On en favonne le marc dans le trou qu'on veut enyvrer. Ce poifon eft fi fubtil, qu'auffi-tôt le poiifon paroît fus; î'eau. Barrere n'indique cette Plante fous le nom à'Eupa* lorium arbore/cens venenatum florlbus albïs glomeratis l g. 50 , que comme un poifon. Le Dictionnaire Caraïbe dit que c'eft une herbe qui vient fi abondamment dans les jardins , qu'ils en font infe&és. L'ufage qu'on en fait dans les liles > eft de l'écrafer fur une roche. On la. |eççe dans l'eau dormante , les poifTons viennent tni Feau 8c raeurenf 1 on les mange 3 fans qu'on en re£» 4ente aucune incommodité, 14 ÇONANY DU PARA. Il kn à enyvrer le poiffbo ; a l'usage de Cayïvni. t^ «Je la même manière que le Conany franc ; mais fa yercu eft des trois quarts moins prompte. Les Sauvages Maillés qui habitent les pays noyés du coté d'Oyapok , l'ont , dit-on , reçu des Indiens fugi- tifs du Para , & nous l'ont communiqué. CONCOMBRE. Gette efpece de Concombre quç les Portugais cultivent au Para , s'élève très-facilement à Cayenne. Le fruit eft oblong , d'un pourpre noirâtre. Cucumïs fruSu ohlongo âlfiurè purpurajeente. Barr. Efl. p. 44. Coroa. Gai. Barr. 44. CONTACITRAIN > ou FENTE DURE. Grand Arbre , dont le bois eft très lié & très-difficile à fen- dre , ce qui lui a fait donner le nom de Fente dure. Il s'employe dans les bâtimens ; on en tire du bor^; daçe , des madriers & de? planches. COROSOL. Foyei CACH1MAN. COTTON. Voyei fon article , au commencement du Chapitre qui traite des Manufa&ures. Xylon arboreum. J. B. Barr. 117. ^ ; f Nota. Dès qu'un e branche a porté fon fruit à maturité , il faut la couper, afin qu'il renauTe,des principaux troncs , de nouveaux rejetions j fans quoi l'arbrilTeau périt en peu de tems. Mankoulou , Car. COUAILLE. Grand Arbre. Son bois eft dur , mais fe conferve peu dans la terre. Il peut fervir dans le haut des bâtimens à couvert. Couatta 3 Car. COURBARIL. Mal à propos nommé Noyer,, & le fruit Noix de Courbaril. b Ge* Arbre vient fort gros ; il ne vaut rien à l'air a ni en fourches , mais il peut fervir à couvert aux mê- mes ufages que le Cœur dehors. Il eft cependant fujeta être gâté" dans le cœur , ce qui détermine à le tronçon- ner fur l'abattis même, pour s'aiTurer de la bonté d^ cœur. S'il eft gâté > on parcage l'Abre en quatre. S'il eft S7& Maison Rustique; fain , on en fait de belles tables de moulin , des rou2 leaux , les deux maîtrefles pièces qui fervent à efcacher les cannes à fucre , &c. Les planches qu'on tire de l'Arbre , portent jufqu'à dix-huit pouces de large. II s'équarrit proprement , fe polit fort bien , & s employé à faire de beaux meubles. Sa réfine eft vendue ordinairement fous le nom de Gomme animé. Elle eft tranfparente ; les Indiens s'en fervent pour vernir leur poterie. Ils la paflTent dans un bois mol , & elle leur fert de flambeau. Peut-être en paurroit-on tirer partie pour Fufage des habirations , au défaut d'huile. La coque des noix eft dure , mais les noyaux le font incomparablement plus ; ils font entourés de fibres fa- rineufes , Ôc qui ont le goût de pain d epice , mais pâteufes. Au commencement de la Colonie delà Guadeloupe y on en faifoit du pain , qui étoit plus beau que bon. Courbaril bifolia flore pyramiiato.. Plum. COUIPO. Ce nom , dans le langage des Sauvages, fignifie Cœur de roches ; il a été donné par cette raifon a cet Arbre 5 qui porte dans fon cœur des petites pier- res, ou roches. Il y en a de deux fortes , le Rouge & le Blanc. Tous deux fervents* faire des Canots. Le rouge cale, mais il dure plus que le blanc , il tient l'eau. L un Se l'autre peut fervir aux mêmes ufages que le Courbaril , dont il a le grain. COUPA YA. Grand Arbre. C'eft un faux Simarou- ba , &: qu'on a tort d'employer au lieu du véritable. Il çft aifé de les diftinguer par leurs racines ; celle du Coupaya eft d'un brun fombre, & filandreufe j celle du Simarouba eft jaune & compacte. COUPY. Grand Arbre qui vient gros , fore droite & fe travaille facilement. Mais on ne remployé pas à bâtir , à caufe de fa p.efanteur , qui lui a fait donnée par les Sauvages le nom de Coupy j, c'eft- i-dire , ^ A l'usage de Cayenne. ï?* fant. H eft employé quelquefois pour conftruire des Canots , mais ce n'eft que faute d'autres bois , parce qu'il cale. .,-#/* - i Il eft d'ailleurs d'une grande utilité. On en tire des dalles , qui ont jufqu'à cinquante pieds , & que les Su- criers peuvent employer. Les Indigotiers &c les Roucouyers fe fervent de fon bois par préférence , pour provoquer leurs denrées à caler /ou à fe précipiter. C'eft une de fes vertus par- ticulières. ^ Ses racines Se fes branches tortueufes font de très- bonnes jentes : on y trouve des courbes , des Etraves 3 & des Fourcas de Canots. Il eft excellent pour des chaflîs de Cabrouet , pour des pilons à deux firis 5 qu'on employé dans la cuifine. Il dure plus , &c eft plusfolide que le chêne. Barr. 42. Son fruit eft un peu plus gros que celui du Souary ; il tombe en Mars. On le mange auffi comme le cer- neau , il a prefque le même goût , & eft tout auffi agréable. Coupy arbor hirfuto folio.. Barr, Ejf. p. 42. an Za- bucayo Pifo. CQURATARY. Efpece de liane très-grofTe, &qui le devient davantage que le bois Puant ; elle fe fend par quartiers ; on l'employé pour faire des cercles de bar- riques 5 au défaut du Bois Puant. Les feuilles de cet Arbre , qui reiïèmblent à celles du Noyer , font affez rudes pour feryir aux Indiens à polir leurs différens ouvrages. Son écorce pourroit être bonne à tanner les cuirs. Malpighia afperrima & amplo nucis Juglandis falto, Barr. Ejf. 71. Balalaboué 3 Car. Caouroubara > Car. CROC-DE-CHIEN. D'une poignée de fa racine bouillie dans deux pintes d'eau réduites à une , on fait une ptifane 3 qu'on boit pendant quinze jours * Se qui fuffit le plus fouvent pour guérir de la gonorrhée. : de la racine de Genioa dans une pinte 4'eau réduite 171 Maison Rustique, à une chopine , achèvera la guérifon , fi le mal efl opiniâtre. Zqyphus. EBENE NOIRE. Voye^ gros PANACOCO. EBENE VERTE. Le bois en eft extrêmement dur. On l'employé en meubles & dans le haut des bâtimens j il ne dure pas en terre. Sa fleiK , qui eft grande &: jaune , étant bouillie , fert, au défaut de fené , pour purger avec fuccès. Ce purgatif donné à tems , réuflit en 1755 > pendant l'épi- démie qui regnoit à Cayenne ; c'étoient des attaques de coqueluche violente , accompagnées de fièvres & de maux de tète. Bignonia arbor Hexaphy lia flore maximo lut eo ., Ebe~ nusyocata.Barr.EJf. p. zx. Guirapariba J M. loS.vel Uruparlba^ Pao d'Arco Lufltanis. Marcg. p. 118. Fig. EBENE JAUNE. Ceft une variété de l'Ebene verte. Toutes deux croifTent dans la grande terre , fur des montagnes peu élevées. Bignonia arbor hexaphy lia ligno cïtrino. Barr. EJJ. il. EPETIT. Efpece de hallier , qui croît dans les fa- illies naturelles. Les Indiens lemployent à frotter , jufqu'aufang , le nez des chiens qu'ils deftinent à la chaffè , pour leur infmim dans les plaies , la vertu qu'ils fuppofent à ce simple. Ils lui accordent encore une autre qualité , dont la plupart des Créoles ne doutent pas , c'eft celle de fe faire aimer , quand on en porte fur foi. Ceft ce qui a nné lieu ai* proverbe , on lui a donné de PEpetitx quand on parle de quelqu'un bien amoureux. Cette dernière vertu eft, dit-on, commune à quel- ques lianes. EPINARS. On lui donne ce nom , parce que les Créoles mangent les feuilles de cette Plante en guife çFepinars. la Plante eft naturelle au pays , & croît à la premier^ A l'usage de Cayenni. 17 \ pîtûequi furvient , après que les abattis font brûlés. Elle eft d'une grande reflburce aux Nègres , les Blancs la mangent avec plaifir. C'eft une efpece d'arbufte qui vient fans culture. Les feuilles fe mangent dans le potage > après en avoir ôté le premier bouillon qui en eft noirci. Phytolacca Amcricana minorifruclu. Barr. Ejf. p. 9$. Coity , Car. Lanmayan* Car. Magnyanhouan 3Car. ETOILE. Ga\on. La fleur eft petite , 8c de couleur de feu ; la plante , qui eft grimpante , vient auflï vite & auffi touffue que le Jafmin , qui mêlant fa blancheur à l'incarnat de V Etoile ^ forme des berceaux très-agréa«* blés. Quamoclit folils tenuher indjzs & pinnaûs. Barr. Ejjl p. 96. FIGUIER. Cet Arbre eft très-haut , très-rameux , rempli de piquans , monté fur des Arcabas. On verra dans la planche les précautions qu'il faut prendre pour abattre cette efpece d'arbre , monté fur des efpeces d'arcs-boutans qui fortent de fon tronc , 8c qui vont jufqu'à terre , où ils fe prolongent en racines raboteufes 8c rampantes. Le bois en eft mol j &c n'eft d'aucua ufage. Nota. Il paroît que c'eft le Figuier cité par Barrere , fous le titre de Figuier venimeux , Pougouly. Barrere ajoute que cet Arbre eft rempli d'un fuc laiteux , Ci cauftique , qu'il caufe des ulcères &: des inflammations» Les Sauvages prennent la précaution de fe couvrir le corps de feuilles , quand ils coupent cet Arbre. Voyt^ en la defeription fous le nom de Figuier fau- yage , dans les Mém. de l'Académie , année 1751, p* 5Z4. Voye\ ibld. la tigure , fa feuille, fon fruit, p* Comacài 3 chez les Portugais du Para. FIGUIER. Voyc{ POIRE fauvage. FRANGIPANIER. Je ne parle ici de cette Plante, - i^4 Maison Rustique; que parce qu'elle peut fervir d'ornemenr dans les jaf- dins j Se que rien n'eft à négliger. Il y en a une efpece à fleur blanche odorante , à feuilles longues , étroites & pointues j une autre à grande feuille de laurier rofe , êc dont la fleur blanche n'a point d'odeur. Une troifieme , dont la fleur eft couleur de rofe , 6c tfès-odorante. Cette Plante vient très-bien de bouture , & eft pref- que toujours garnie de fleurs. Plumeriez , Inft. "FROMAGER. La houatte , ou le cottoh que donné cet Arbre , n'eft d'aucun ufage à Cayenne ; peut être pourroit-on en tirer partie Il découle de l'Arbre une gomme qui fe diflbut dans l'eau , & qu'on néglige. On en connoît deux efpeces 3 dont l'une a la tige lifle y la tige de l'autre eft épineufe , mais ces épines né tiennent qu'à l'écorce. Aux Ifles on l'appelle aufli Mapou s nom générique qu'on donne afîez communément aux bois mois , tels que celui-ci. Ceiba viticis foliis caudice aculeato. Plum. Barr. 35. Zamaouna. Pif, GAGOU. Grand Arbre. On en fait des Canots , & le Gagou aurou la préférence fur le Grignon j s'il n'é- tait pas aufli difficile à ouvrir. On le met au rang des Cèdres ; fon bois reflemble 3 par la couleur , à la pierre à ftifil. Les Canots qu'on en fait font très-volages , jufqu'à. ce qu'ils foient imbibés. GAIGAMADOU. Les Indiens prétendent que c'eft une efpece différente de Y Arbre à fuify ou Ouarouchi* A Cayenne on les confond. GAY AC Une demi-poignée de bois de Gayac , avec autant de faflafras , encre dans la ptifane contre les maladies vénériennes. A l'usage di Càyenni. tff Les racines font jaunes , & fortent beaucoup hors de terre. Hivourae y Car. Ibirac 3 Car. Maïira^ Manlira , Can Guajacum. GAZON. Voyei ÉTOILE. GENIPA. Une poignée de fa racine , dans une pinte d'eau, réduite à chopine, fait une ptifane purgative , qu'on boit matin ôc foir pendant huit jours > &c qui guérit la gonorrhée. L'Arbre vient grand & haut , fes feuilles font gran- des , fes fleurs blanches , fon fruit rond , rempli de graines ; le fruit étant verd eft très amer ; étant mûr \ il devient jaune en dehors & en dedans. Il eft très-bon , & fe fond dans la bouche. Le bois fe travaille bien : on en fait les filières des cafés. Mais les fourmis de bois le détruifeiit en peu de tems , moins cependant encore que la pluie qui comberoic deffus. Du jus de fa poire molle & mûre , lequel eft clair comme de l'eau , les femmes peignent leurs maris en noir, quand ils font las de la couleur rouge. Cette eau claire noircit la peau quelques heures après qu'elle a été employée , & la couleur noire ne fe diiîipe entièrement qu'au bout de quelques jours. Ce jus peut auffi fervir d'encre pour écrire. Genipa fruciu ovato. Plum. Barr. ^.Janipaba^ Pljl GOYAVIER. Arbrilfeau affez bon , dont il y a trois efpeces , ou plutôt trois variétés , le blanc 5 le rouge 5c l'amazone ; le blanc eft un des meilleurs , il refterre ; l'amazone eft auffi très-bon &: fort gros. On fait d'ex- cellentes marmelades des trois. Son écorce eft préférée à toutes les autres pour tanner les cuirs ; mais il faut prendre garde à ne pas l'enlever totalement , l'arbre périroit. Le Goyavier eft fujet à avoir des vers dans fon fruit , quand le fruit eft mûr ; le rouge en a davantage; le blanc eft préféré , le goût en eft plus agréable : mais ea *gjg MaîSÔK RllSTÎQtJlj général ce fruit n'eft pas très fain quand on îe man on la fait bouillir , puis on la fait? fecher a l'ombre. Cette Plante vient fi aifément à Cayenne , qu'elle fembleêtre naturelle au pays. Les Indiens l'emoloyent pouf a l'usage de C A YEN, NE. IJf pour faciliter le crachement , quand les rhumes font bpiniâtres. Confit au fucre , il reveille l'appétit aux conva-^ lefcens. Les racines fraîchement cueillies , fe fervent fur table comme des raves : il n'y a d'autre apprêt que de les bien laver. 'Zïngiber , C. S. HERBE A BALAI, PETIT BALAI. Cette efpece de mauve croît dans les rues à Cayenne ; elle tire fou nom de ce qu'on l'employé à faire de petits balays. Sa racine , dont on prend environ une poignée qu'on fait bouillir dans deux pintes d'eau réduites à une , fait un bouillon dont on boit à fa foif pendanc quinze jours , pour guérir la gonorrhée. Cette même racine 3 A la même dofe > mêlée avec autant de citronnier , ôc bouillie dans fix pintes d'eau: réduites à quatre 5 eft la boifïon la plus ordinaire contre le Mal d'eflomac 3 en y ajoutant une livre de gros fyrqp. Malva ulmifoliafemîne roflratG. Injl. Barr.É/f.p. y ? HERBE A BLED. Mauvaife herbe qu'on ne trouvé que trop dans les favanes , &: qui nourrit très-mal les beftiaux. On l'employé quelquefois , faute de mieux , pouè couvrir les cafés j la touffe eft de poignée , comme celle du chaume , 3c s'arrange de même* Ayalli. Car. HERBE A ÉCHAUFFURE. Ce nom qVon lui donne dans le pays indique fon ufage. I Le fruit eft garni d'une petite couronne , formée par les découpures du calice. Cette Plante , ainfï que plu- (ieurs de fes efpeces j vient le plus fouvent fur Iqs mu- railles de Cayenne. On en fait des lotions pour les élévations de la peau0 Bégonia hit fut a flore albo j folio aurito ^ fiuciu coro- nato. Barr. EJJ. p. 2 1 „ M 17S Maison Rustique, HERBE A LA FIEVRE Cette Plante eft petite* rampante, reflemblant aiïez au Plantain par la forme &c répaiffeur de {es feuilles : elle a une odeur forte ôC defagréable quand on paife auprès. Elle en: agréable au goût , & fébrifuge quand on en prend les feuilles en infufion comme du thé. On Teniploye âuflï pour des bains dans des fièvres opiniâtres. Balliem , Car. HERBE COUPANTE. Je ne rapporte ce fouchet, donc les feuilles & les tiges font dentelées fur les bords , ou plutôt découpées en fcie 5 que pour engager à s'en garantir. Cette Plante accroche & déchire les palîans j les écorchures font quelquelquefois difficiles à guérir. Cyperus fcandens foins &. caule fe. ratis, Barr. EJf, 47. JAUNE D'ŒUF. Ëfpece de Prunier. Cet Arbre eft beau , très élevé , fort droit & touffu. Il porte un fruit femblable à un jaune d'œuf , du double plus gros que ce jaune ne feft ordinairement : le fruit eft fi nour- riffant , qu'on eft à l'abri du danger de mourir de faim dans les endroits les plus deferts , fi cet Arbre s'y ren- contre. Le fruit emporte la bouche 5 3c n'eft pas des plus agréables au goût ; mais il eft nourri flànt , & ne peut faire aucun mal. Deux perfonnes exilées fur le grand Illet pour avoir tramé une confpiration j 3c condamnées à y mourir de faim , y vécurent pendant trois mois , nourris de ce feul fruit 3 Ôc en meilleure fanté qu elles n'y étoient arri- vées. 1CAQUE. Foyei PRUNE des Anfes. Le nom d'Ica- que n'eft pas en ufage à Cayenne. INDIGO SAUVAGE. Cette Plante vient naturelle- ment par-tout Sa racine écrafée , appliquée fur les dents , en amortit la douleur , au rapport des Créoles. Barr. p. 49. Emerusjiliquis longiffïmis & angujlijjïtnis. Plum* Barr* EJf. p. 49. Indigo. Amcrk. Ad. ~+m A t/ Û S À G £ DE C A Y fe N N É. ïfâ HERBE DE CRAMANTIN. Sa racine entre dans Un remède compofé pour guérir le mal d'eftomac. Adhatodafpicazci _, odorata J Perficœjoliis. Ban Effl p. 49. INHAME , ou IGNAME. Ceft une liane dont la racine eft longue d'un pied de demi dans les bonnes terres. Elle fe plante eh Décembre. On peut fix mois après l'arracher ; on connoît fa maturité lorfque les feuillet fe flétriffent. On la coupe en morceaux • on la mange rôtie fous là braife ; ou biefl quand elle eft d'une grofîeur moyenne ■> on la fait bouillir entière , avec le bœuf falé. Elle fert quelquefois de pain. On en fait auffi des bouillies agréables* Les Nègres en font du Langou, Couchou j Car. Hétich. Th. 52. Diofcoïta. PL Le. 1 % 7, LAMINCOUARD. Arbre de moyenne grandeur. Son bois eft quelquefois percé à jour. Il e(t très-bort pour faire des fourches > ou poteaux à enfoncer dans la :erre. 11 fert a cet ufage , faute d'autres bois. LIANE A AIL. Àinfi appellée , parce qu'étant frai- rhement coupée, elle répand une odeur forte ëc défi* ;réable , comme celle de l'ail. Bignonia feandens 3 fôliis citri , allîuth rèdolens. Barr, LIANE _ A PANIER. Son nom defigne l'emploi ju'on en fait particulièrement. Elle reflemble à la Liane blanche par la couleur , elle m diffère par les noeuds. Barrere paroît avoir confondu la Liane à panier A ivec la Liane blanche , dont on fait auffi certains pa- liers. On fait j dit-il , de cette Liane { à panier ) dé zes fortes de paniers 3 qu'on met fur les bêtes de Comme , & fur des chevaux de bât. LIANE BLANCHE, Elle eft employée aux mêmes M ;j ï8o Maison Rustique, ufages que la Liane franche 3 & la Liane punaife 3 ex cepté que les Tonneliers ne s'en fervent pas pour atta cher leurs cercles. On en fait des paniers, qui font fort bons pourcon tenir les denrées que l'on veut voiturer j mais elle ei différente de celle qui a particulièrement le nom d Liane à panier. Bignonia bifolia fcandens fliquis lads & longioribu femme lato. Plum. ÉJf. p. 23. , LIANE CRAPE. Liane dont la groffeur n excède p2 celle d'une grofle ficelle. Quand on n'en a point d'autres , elle fert , ainfi qu la liane Seguine , à amarrer des barrières , à coudre U panneaux faits de feuilles de Baroulou , à faire m Borgnes \ Gouris , 8c autres inftrumens de pêche, LIANE FRANCHE. C'eft la meilleure de tontes 1< lianes que le pays produit. Elle dure plus que le clo qui l'attache , &c qui , avec le tems , ou fe caffe , ou I détruit par la rouille j elle n'eft pas commune dans 1< lieux habités. On la vend vingt fols le paquet de de| cens brins marchands, c'eft- à- dire , fans nœuds , & c deux brafles de longueur. On la trempe pour l'employer 5 elle fe fend aif( tuent , ôc fert généralement à tout. On en garnit les bouteilles, dites Damesjeannes* Les Tonneliers l'emploient en guife de jonc , poi attacher les cercles. Elle a le même ufage que le Rc tang j 3c fe fend de la même longueur & épaifleur. Dans un vafe proportionné au Malingre \, ( efpet d'ulcère ) on met force citrons entiers , avec une c deux poignées de Liane franche ■, & d'une autre lian appellée Bois de ptifane. Ce remède s'appelle Tremper ; ileft très» efficace, i n'eft en ufage que parmi les Nègres. Bignonia fcandens viminea 3 Jîliquâ enfiformi brevioi flêre albo. Barr. Eff. p. 24. Kerere > Car. LIANE PUNAISE, Elle monte jufqu'au faut f A L? USAGE DE C A Y E N N E. l8l dus arands Arbres , qui en font quelquefois étouffés. Son brin eft de quarante pieds fans nœuds; elle eft noins bonne que la Liane franche , & fert aux mêmes îfages. LIANE QUARREE. Elle a les mêmes ufages que a Liane rouge , Se demande la même préparation ; mais slle n'a pas la même propriété de fournir de l'eau à :eux qui auroient foif. LIANE ROUGE , ou LIANE A EAU. Elle ne fert ]ue pour les gros amarrages, comme barrières, palif- rades , Sec. Il faut , avant que de la mettre en œuvre, a tordre ; les Nègres en connoiffent la préparation > ?ans cette précaution , elle feroît d'un mauvais ufage. Elle vient fort vite , eft fort commune , Se dure un m , étant employée Se expofée à l'air. Il y en a d'auffi groiTes que le bas de la jambe. Etant XHipée., elle rend une eau claire Se pure, dont les voyageurs & les chafîeurs altérés font un grand ufage. ïlle m'a été à moi-même fort utile. Mais il faut obi- 'erver , après l'avoir coupée par le bas , d'en couper >romptement la longueur de trois à quatre pieds dans e haut , pour obliger l'eau a defeendre , fans quoi ^eau , au lieu de s'écouler , remonte dans Tinftant vers e haut de la tige. J'ai appris cette précaution d'un In- lien qui fe moquoit de moi , en voyant qu ayant coupé slufieurs fois cette liane par le bas , je ne trouvois point ïe quoi me défaltérer : l'eau en effet au lieu de defeen- Jre remontoir ; mais quand après avoir coupé dans le 3as , je coupai fur le champ a hauteur d'homme,^ :rue j'eus renverfé le bout d'en haut dans ma bouche P "y trouvai l'eau qui tendoit toujours à monter , Se que j'interrompois , pour ainfi dire , dans fon cours. Bignonia feandens j rubens & viminea. Liane rouge. Barr. p. 23. Nota. Barrere , p. 18 , cite une Liane à eau _, Aka* tate x fous la dénomination fuivante. Arum feandens anoufti-folium aquam mgnans* Ç'eft , félon lui , uns- M ijj — ïS2 Maison RustïqueJ Plante farmanteufe , ainfi appellée , parce qu'en effet 3 quand on la coupe en travers, elle rend beaucoup d'eauj dont les voyageurs même fe fervent utilement contre lafoif. LIANE SEGUINE. Cette Liane eft très-bonne en ptifane, mais il ne faut fe fervir que de fon maître brin > que les Nègres appellent Mamam. Faute d'autres lianes , elle fçr'ï à amarrer des barriè- res , comme la Liane Crape, On l'employé auffi pour coudre des panneaux dç feuilles de Baroulou ; mais fur-tout a faire hsBorgnes j Gouris , Se autres inftrumens de pêche. m LIANE TOCOYENNE, Elle fert à faire des pa- niers propres au ménage : elle aune éçorce double , & coûte davantage à préparer , parce qu'on eft obligé 'de îa gratter deux fois avant que de s'en fervir. Son nom lui vienC probablement de ce qu'elle naît plus abondamment dans le pays habité par la nation appellée Tacoyenne. MAGNOC. MANIHOT. C'eft une Plante qui s'élève d^ terre à trois pieds de hauteur , ou environ : on en connoît de trois fortes à Cayenne. Le Maillé 3 qui tire fon nom de la nation Indienne dite les Maillés. _, de chez laquelle on l'a apporté. Cette racine eft bonne à arracher au bout de huit à neuf mois : elle 3 îa figure d'une bette- rave , elle en a même la cou- leur , quand on lui a ôté îa première peau. Le Rouge j qui a plus de goût , & qui doit refter en terre un an. Le Baccacoua _, qui eft en ufige chez les feuls In- diens. Ils le préparent d'une manière particulière. La racine étant gragée , ou écrafée , ils en font bouillie l'eau jufqu'à confiftance de fyrop. On planfe le Magnoc quand il commence à pieu-* voir de tems en rems. On coupe en morceaux de fept $ huit pouces 5 les branches auxquelles on donne le nom de bois, j ( qu dit BqU dç JMagnoc à Bms de Maillé }.« a l'usage »* Cayenne. 183 Tandis qu'un Nègre met en tas les branches qu'il coupe> d'autres font des trous en terre à trois pieds l'un de l'autre , & les Négreifes , après avoir mis un bâton , ou morceau coupé 3 dans chaque trou, le recouvrent de terre , en obfervant de laitier dehors un des bouts, avec un ou deux yeux. Je confeillerois , pour ne pas courir le rifque de manquer fa récolte , de mettre deux bâ- tons au lieu d'un feul , comme on fait à l'égard des cannes de fucre. Si l'un neréuffit pas , l'autre vient j oa employé le double du bois , mais pas plus de tems. Les branches fervent a multiplier la Plante ; c'eft la racine dont on fait ufage pour la nourriture. Quand elle eft arrachée & feparée de fa rige 3 on l'a porte dans la café deftihée à la préparer ; les paniers pour les Nè- gres forts font de foixante-dix ou foixante-quinze livres de racine , quand il n'y a pas trop loin à porter 5 de cinquante cinq à foixante pour les Négrefîes ; de vingt- cinq à trente pour les jeunes Nègres de douze à qua- torze ans, On commence par laver la racine , on la gratte , puis on la grage , l'écrafe , & en cet état on la met dans une couleuvre , efpece de chauffe faite avec M Arrouma 3 ou quelqu'autre Plante, que l'on charge beaucoup, pour en exprimer toute l'eau. Cette eau eft un poifon 5 5c un habitant attentif a , fous l'endroit où fe met la cou- leuvre , un trou en terre , couvert d'une grille de bois, ou de fer 3 pour que l'eau qui y tombe puiffe s'y per- dre. On prévient par ce moyen les accidens que les ani- maux , friands de cette eau , éprouveraient , s'ils étaient à portée d'en boire. Le P. Labat avance aflez gratuite- ment que peu à peu on pourroit s'accoutumer a cette eau , fans courir de rifque , comme les Turcs s'accou- tument à l'opium. Ce qu'il y a de sûr , c'eft que le vrai contre- poifon eft une poignée de Roucou , brade 5c cuit , ou bien en fleurs , avalée fur le champ. Ce re- mède n'auroit aucun effet , fi on laiflbit p.\fler plus d'une demi-heure avant eue de s'en, feryir Miv ï§4 Maison Rustique; ! Ce quieft encore auiîî vrai , c'eftque cette même eaii fait partie de divers alimens , fans qu'on en reffente de mauvais effets. Voye^ l'article du Cipipa 3 &c dû Cabiou. Le panier de mefure marchande doit contenir cent livres de racines de Magnoc , & rend foixante-quinzs livres de farine. Il fe ^end communément un écu. Manihot Theocll ^ juca & cajfavi 3 J> Ba Mandihoca %(o. Usage de la farine de Magnoc* On en fait du Couac 3 ou de la Caffavç* Du C O U A ç. Les Indiens de la côte de Cayenne , & fur-tout ceux qui font fugitifs des Millions Portugaifes , préfèrent le Couac à laCaiïave. Il eft connu à la Martinique fous lé nom de farine de Magnoc j on en fait au moins autant d'ufage que de la Caffave. Rien de fi aifé que de faire le Couac ordinaire , rien de fi difficile que de le mettre au point où il faut qu'il Xoit pour être gardé ; il peut alors durer dix ans. L'hu- midité étant la caufe de fa détérioration , il ne s'agiroit , pour le co.nferver ,' que de l'expofer au foleil de tems en tems. Comment avec cette reflburce une Colonie peut-elle manquer de vivres pour les troupes ? Le pre- mier fonds une fois fait , on vendrait l'année d'après, en le renouvellant , celui qui feroit en magafin ; un "barril nourrit feize Nègres pendant une femaine. Il contient foixante & quelques pots de farine. Il ne faut 5 pour faire le Couac , qu'une poêle de quatre pieds de diamètre \ Se de fix pouces de profon- deur j on la met fur le feu , on y jette la farine de Ma- gnoc. Oh remue cette farine pendant huit heures de luite , de peur quelle ne fe pelote en mafle's. Il fane — a l'usagi de Cayinhï' ïS$ que le feu foie égal & modéré , afin que l'eau qui peut refter dans la farine s'évapore • un trop grand feu cuirons la farine avec l'eau , dont elle eft imbibée. L opération eft finie quand la fumée diminue , Se que le Couac ea roagtflant fe réunit en petits grains. Un Nègre fort fuffit pour remuer le 'Couac 3 tandis qu'une Négrefle le paflè , & le garde pour l'empêcher de fe falir , Se le préferver des beftiaux. D e A C A S S A V Eu On commence par faire boucaner la farine de Ma- çnoc , telle qu'elle fort de la couleuvre j le terme de Boucan fignifie en général un exhauffement de quelques pieds au-deiïus déferre, fous lequel on allume du feu pour cuire , ou pour fecher. Ce mot s'applique auffi à un fimple échaffaud , comme on l'a vu dans le Chapitre des Abattis, Pour faire la Caffave , il a le plus ordinairement qua- tre pieds Se demi de hauteur ; on entretient deffbus moins de feu que de fumée ; trop de feu , en cuifant trop la farine 5 en diminue la quantité, Se d'ailleurs k rend coriace Se difficile à tremper. Quand elle eft bou- canée Se rendue compacte > on la caffe pour la palier dans une efpece de tamis > appelle Manant; Se dans cette opération, on fait chauffer jufqu' à un certain point la platine qui eft au haut du boucan. Elle eft chez les Indiens , ou de terre cuite , ou d'une roche qui fe trouve fur U bord -de la mer, Se dont ils enlèvent des dales, par le moyen du feu : le plus fouvent on en a de fer. Sur cette platine chauffée au point qu'il faut , oa étend la fariné jufqu'au bord , de tous lesf côtés. Lors- qu'elle fe couvre dé petites élévations , c'eft une preuve que la CafTave eft cuite du côté où elle touche la pla- tine ; on la retourne alors pour lui faire prendre corps de l'autre côté , fans quoi elle ne feroit pas de garde. On a encore l'attention, de l'exoofer au fpkil 9 ce qui ïS6 Maison Rustique, achevé d'enlever toute l'humidité, ôc lui donne la qua- lité qu'elle doit avoir. Si l'on négligeoit cette dernière précaution , il faudrait en faire ufage prqmptement j en rems pluvieux elle fe moifiroit5à moins que l'on n'eût y dans le magafîn , un endroit toujours chaud , au défaut d'étuve. Ceux qui veulent vendre leur Caiïave , ont une me- fure contenant trois livres de farine ; ces trois livres étendues à la fois fur la platine , produifent la Caflave , qui , à ce poids 5 eft marchande. Préparation & ufage du Magnoc chéries Indiens de Maragnctn, Ils raclent îa racine avec une efpecede râpe de bois , ou il y a force pointes faites la plupart de pierres & d'os de poifîbn. Ils prennent ces raclures, ôc les expriment avec les mains dans un vafe de terre. i°. Du marc ils font des boules qu'ils font fecher au foleil , qu'ils pilent enfuite , Se font cuire dans un vaifïeau de terre fur le feu , juf- _,qu'à ce qu'il foit en petits grumeaux. Cette farine eft bonne , ftomacale > & de facile digeftion. 2°. Du jus repofé , ils rirent le plus clair , pour en faire du potage bon à manger. Manipoy. £°« Du réfidu de ce jus 5 ils font de petits gâteaux , qu'ils appellent CafTave , ôc qui font beaucoup meilleurs que la farine. AlJT RE manière de faire la farine de Magnoc > par les mimes. Ils font tremper les racines entières pendant deux ou crois Jours dans leau : ils les font après fecher au foleil % elles deviennent toutes blanches ôc fort tendres ; puis ils les pulvérifent ôc les font cuire. N'ayant point été preiïées , leur fuc qui refte en entier rend cette farine meilleure. Quand ils veulent que cette farine fe coa- A l'usagï de Cayïnne. 187 ferve long-rems , ils la font cuire plufieurs fois , 6c à proportion qu'ils lu veulent garder plus long-rems. Diverses préparations dont l'eau de Magnoc eft la bafe. Du C 1 p 1 p a. Ce n'eft autre chofe que le marc de l'eau de Ma- gnoc. C'eft la partie la plus fine de la farine que l'eau a entraînée avec elle , & qui dépofe, au bout d'un certain rems, dans le fond du vafe, où l'on conferve à cedelTein. l'eau de Magnoc. On lave enfuite ce marc 3 & on le braiTe plufieurs fois dans de l'eau nouvelle , pour lui ôter toure fa cauf- ticité : on l'expo fe a la plus vive ardeur du foleil ; 8c lorfqu'il eft parfaitement ùc , on l'écrafe , on le pafïè dans un tamis très fin : on en fait de petites Caffaves très-blanches &c très délicates , ainfi que des maiTe- pains 5 & d'autres friandifes, en y mêlant un peu de lucre. Ce marc a encore un autre ufage , c'eft de fervir de poudre à poudrer 5 mais il brûle les cheveux , quand on s'en fert habituellement. D u C A B I O U. L'eau de Magnoc toute fimple 3 Se l'eau qui fumage quand le Cipîpa eft tombé au fond du vafe _, quoique toutes deux dangereufes , font la bafe du Cabiou. On les fait bouillir enfemblej on les réduit à moitié, en les écumant à mefure ; on y ajoute alors une cuil- lerée de Cïpipa ,, on fait rebouillir le tout jufqu'à ce qu'il ait acquis une certaine confiftance. On y met du fcl & du piment. Les Indiens en mettent une fi grande quantité ., que cette efpece de moutarde emporte la ^§î Maison Rustique; bouche , & qu'ils n'en mangent eux-mêmes qu'avec précaution. Diverses autres préparations. Du L a N G o U, On en fait , comme on la vu , avec l'Igname j çn ©n fait aufîî avec le Mil. Celui qu'on fait avec la CafTave , canfifte à tremper im peu la CaïTaye dans de l'eau froide, & a la jetter fftfàite dans une chaudière d'eau bouillante , pour y être brafTée. L'inftant d'après 3 il s'en forme une pâte , qui eft h nourriture la plus ordinaire des Nègres. Elle eft faine Se légère. On la mange le plus fouyenc avec le Calaient. D u Ma t E T E. | On trempe la CafTave un peu plus long-tems dans Feau froide que pour le Langou ; on la pétrit fortement, fufqu à la rendre blanche. On la jette alors dans une chaudière d'eau bouillante, on l'y brade pendant une demi-heure ; on la mêle avec du fucre, ou du fyrop. C'eft la nourriture des Nègres pendant leurs maladies. On fait aufli du Matété avec du Mil , ainfî qu'avec du Camagnoc. ^ MAHOT ( franc ). Cet Arbre , pour ctre commun , si'eft pas moins utile y il eft tout tortu , & fans lui nous ne faurions prefque rien faire de droit. Si l'on veut bien monter un rolle de Petun 3 fi on. veut attacher des rofeaux , s'il faut lier quelque chofe \ c'eft avec du Mahot. ^ Les femmes Caraïbes en lèvent de larges & longues aiguillettes > qu'elles pofent fur lçt*r front \ & emoral- A l'usage de Cayenjîl i$y îent de deux côtés de leur Catolï 3 ou hottes , pour les porter : les hommes s en fervent ^ au lieu d'étoupes y pour calfater leurs pirogues. Les Nègres font bien mollement, quand ils ont du Mahot pour faire une cabane j enfin je ne fais ce qu'on feroit fans Mahot. L'écorce de cette Plante eft fibreufe 9 Se propre 4 faire des cordes. Le bois eft mol , & c'eft un de ceux qu'on employé à faire du feu par le frottement. Ketmia ampliffimo folio cor iif or mi flore vario. Plum. Oûagneu 3 Car. Ses efpeces font : M.aterebc _, Car, Mahot fauvage , dont on enlevé la peau \ on en tire le juSj qu'on boit pour arrêter le flux de ventre. Il eft toujours chargé de certaines graines, qui s'at- tachent aux cheveux 8c aux habits , & qu'on appelle Confins. Chouchourou _, Car. Efpece de Mahot fauvage s dont on prefTe les feuilles pour en tirer le jus , qu'on diftille dans la bouche des enfans 3 pour les guérir def tranchées. MAPAS. Arbre laiteux , qui vient très-haut & très- gros , fans être branchu. Son écorce eft lifte. Le fuc de cet Arbre , mêlé avec une égale quantité de fuc de Fi- guier fauvage , produit une matière impénétrable a l'eau 3 une efpece de cuir non éiaftique , qui s'amollit pourtant au feu , ou expofé à la grande ardeur du foleiL Les Nègres employent le lait qu'ils en tirent pour fecher les pians des enfans , qui ont fouvent bien de la peine à guérir de cette maladie. Mais il ne faut s'en fervir qu'après la difparition de la mère des pians. On lave alors les enfans avec la feuille de la racine de Ma- pas bouilli. Cette attention épargne aux enfans les fuites funeftes des pians. - Cet Arbre , au défaut d'autres , peut fervir a faire Ses planches j mais elles ne font bonnes qu'à e&p ■i ï95 Maison Rustique; employées à des couvercles pour les vafes 5 ou Canots > qui fervent au Rouccu , ou aux différentes boiflbns. Map a, Amapa au Para» MAR1COUPY. Cette Plante n'a point de tige „ les feuilles forcent de terre. Ce font les meilleures dé toutes pour couvrir les cafés , quand on n'a point de celles de l'Oiïaye 3 &: du Tourlcury. MARÎPA. Efpece de chou paîmifte ? qui ne vient pas fi haut que le Caumoun; ion port eft admirable pair la façon dont il foutient its feuilles. Une avenue de ce Palmifte feroit un très-bel effet. Ses feuilles s'employent pour la couverture .> de la même façon que celles du Caumoun. Elles fe renouvel- lent dune année à l'autre ; il n'y a aucun rifque d'avoir provifion de ces feuilles , pourvu qu'on les fende & qu'on les mette à couvert, Elles en font même meil- leures à" être employées , de durent plus long-tems. Ses graines font couvertes d'une pellicule fort agréa- ble. On en mange beaucoup dans la faifon qui les produit. Les Agoutis en font fort friands. Palma daclylîfera caùdïce perdulti tdïilt Barr. Ejf.iî* Tucum. Pif, i6'^8 j p. 128. MARIT AMBOUR. Ceft une liane dont le fruif eft jaune & gros comme un abricot. Sa feuille eft large & forte* fa tige fine Se déliée comme une ficelle, 'a de pentes vrilles, qui retiennent conftamment toutes fes parties, ôc forment un couvert très-épais. Sa fleur enchante par fa figure , par fon odeur 3 &C par la variété de fes couleurs. Merecoy. Car, Fleur de la Pafiion. Granadilla. MANL Arbre affez commun , qui porte ordinaire- ment fur fes vieilles branches , une gomme qui fert de bray aux Habitans. Cette gomme conferve le bois del Canots qu'on en frotte. Pour l'avoir , il faut quelque- fois abattre l'Arbre , qui fert à d'autres ufages. — — ^m A L* U S A G 1 DE C A Y S N y !. în x On le coupe de longueur. On te refend pour en Eure des douves de barriques : le bardeau qu'on en fait dure dix ans. Mani rèfinifera > folio mucronato 3 întrorfum incurva. 'Barr. Effl 76. MÉDECINIER. Foible Arbriflku. Il prend aifé- ment de bouture. Au défaut de Citronnier , qui eft préférable à tous égards _, de l'Acacia , du Bois immor- tel > on l'employé à faire des haies vives, pour en- tourer les parcs à vivres , ou a beftiaux ,'& pour d'au- tres efpeces de clôtures ? à-peu-près comme on fe fert de fureau en France. Il vient fort vîte , mais il ne fe forment pas. On l'attache près à près avec des lianes contre des piquets , quand on n*a point de quoi faire des Poftes. Les poftes fe plantent le plus â-plomb qu'il eft pof- fible ; & s'il y avoit une pente à leur donner , ce ferok du côté où les beftiaux peuvent vouloir les forcer. Elles ne doivent pas avoir plus de diftance entr'elles que de cinq pieds j on les joint l'une à l'autre par des Barres 3 on les enfonce de deux pieds en terre , après avoir parte au feu la partie qui doit y entrer. On ne fe donne pas la peine de les équarrir 5 on ne fait qu oter Pécorce, La graine du Médecinier eft purgative , l'huile qu'on en tire produit à cet égard un effet très violent. Mundui-guacu Pif. Riclnoïdes GoJJypzi folio Inft* MIL. On n'attend pas ordinairement les premiers grains de pluie pour le planter. Dès que les abattis font brûlés , on remplit les intervalles qui fe trouvent entre les bois abattus. Qu'on faiiifTe au commencement de l'été le moment de défricher un marécage , 3c qu'on y plante du MU > il réuffira , quelques chaleurs qu'il feffè. On le cueille deux mois après qu'il a été femé - les Sauvages le rôtiffent fur les charbons , & le manaenr! Les Galibisen font du Palinoi 3 qui ne vaut pas moins que labierre. Les François en nourriffent la volaille , d'autres la mettent en farine 3 qu'ils mêlent par moitié lak Maison Rustique; >» avec celle du bled de France , Se en font un pain 45un aflez bon goût. Peut être , avec le Mil feul , parvien- dra-1- on à en faire du pain pareil à celui que l'on fait en Guyenne 5 &,dont les payfans fe nourri flen t. les finges font tort au Mil , Se l'arrachent ; ils s'y; affemblent par troupes ; on lai (Te ordinairement un Vieux Ne^re pour garder le Mil & en écarter ces ani- maux. ,..,/; . /,: . : . k Aouachi , Car. par les hommes. Manchi j par les femmes. Mays granls auras. Inji. Gros Millet 5 ou Bled de Turquie. % ., , f Matété de Mil. On egraine le Mil, on le met tremper vingt-quatre heures , on change l'eau pour la propreté j puis on le pile , Se on le bra(Te pendant une demi-heure , pour le réduire en bouillie , qui eft auffi faine que celle de Caffave , Se plus rafraîchiflante ; les Nègres y mettent du fyrop , Se s en noumflfent dans leurs grandes maladies. ■ * . Langou. Le Mil égrené & trempe la veille le pile ; la farine paflfée fe met dans de l'eau bouillante' , & fe braffie jufqu'à ce quelle foit en bouillie , ou au point de Matété: on y met de la farine de teins en tems. , juf- qu'à ce qu'on ne fente plus l'odeur de mil , ce qui prouve la jufte cuiffon. Le Mil frais fait le meilleur Langou. tocoNON. Efpece de Langou à l'ufage des Nègres I de même que le premier ; mais auquel ils ajoutent dé fhml^JouaraSc des Bananes gragées. 11 devient dur, on l'enveloppe dans des feuilles , ilfert pour les voyages un peu longs. . , j Brin. Autre efpece de Langou moins dur que le Loconon. La farine de Mil fe met dans un pot , pour aigrir pendant deux jours ; on la fait enfuite bouillir deux fois , après quoi on la met dans des feuilles , pour le même ufage que le Loconon. De la farine de Mil , on fait auffi des Galettes, qu'on faix cuire dans des feuilles fur le gril , ou fur une pla- tine : A L^USAGE DB CaybNNÊ. 157/ titae : on y mêle de l'huile d'Aouara. Ces différens Langous font à l'ufage des Nègres. MOCAYA, ou MONCAYA. Efpece de ChouPal- mifie. On tire de l'amande do Moncaya une huile , qui fait en peinture le même effet que l'huile de noix. Au défaut des autres , elle peut fervir dans l'affaifon- hement des mets. Cette huile , ou graille , fe tire du fruit qu on garde pendant un an_,comme on garde les noyaux de l'Aouara, Il ne faut faire cette opération que dans le cœur de l'été , un an après la chute des graines. Son bois fupplée aux Bâches 8c aux Pineaux pour raccommoder les chemins. Palma iaclyUfera fruclu globofo major. Pium. gen* Barr. EJf. p. 89. Airy. Pif. 1^58. 129. ^ MONBIN. Prunier. IJ eft moins gros que IeMon- bin fauvage > ou bâtard. Il vient de bouture ; ôc fert à foutenir les barrières au long defqueiles on le plante. Son fruit a un goût afTez agréable , quoiqu aromati- que. Il agace un peu les dents , mais 1 odeu/en eftflat- teufe; On en fait une marmelade , qui refTeifobie- beaucoup à celle d'abricot par la couleur 5 & qui paiTe pour la plus exquife du pays. On la mêle avec de leau-de-vie, & cette liqueur eft délicieufe* Cet Arbre porte un fruit jaune & longuet , qui n'eft pas defagréable , mais il a peu de chair, Les Sauvages qui fe fentent attaqués de gouttes font un trou dans la terre , où ils jettent de la braife bien ardente, fur laquelle ils mettent des noyaux de ces prunes, (qu'on appelle Prunes de Monbin ) puis pofent le genouil , ou la partie malade defïus , endu- rent la fumée le plus long-tems qu'ils peuvent > & fe guériffent de la forte , ( à ce qu'ils croyent ). Oubou j par les hommes Caraïbes. Monben 3 par les femmes , Car. Monbin ô PI. MONBIN SAUVAGE , ou BASTARD. Au ds- N ï94 Maison Rustique^ faut du Bois mouffé , on l'employé pour faire des che- villes. Ilvientplus gros que leMonbin prunier. Il prend fort bien de bouture , & fert, ainfi que l'autre , à fou- tenir des barrières , le long defquelles on le plante. ^ MONT-JOLY. Toute la Plante a une odeur péné- trante , approchante de la racine du Meum. Elle efl propre aux maladies du cerveau & de la matrice- Je m'en fuis fervi en fomentation , pour fortifier les nerfs Se diffiper Fenflure des plaies. Barr. 19* Camara arborefeens falvia folio. Plum. gen. Camara juba y Pifo. MONTOUCHY. Ceft le liège du pays , par rap- port à 1 ufage qu'on en tire. On prend le cœur du bois qu'on amollit à coups de marteau , & dont on fait de: bouchons. OIGNONS DE FLEURS. Il y a plufieurs efpece d'Oi comme de l'ofeille dejar din , au défaut d'autre. On en fait une boiffon agréable On en fait aufli des confitures. Ketmia indica go (fypii folio acetofa fapore. Jnjl. OUACAPOU. Cet Arbre a les mêmes propriétés S ufages que YOuapa, À t'OJAGE fis C A YEN NE.' îo> OUAILLE. Cet Arbre fert à faire des Canots^ Vient dans la plaine , & fur les hauteurs. Il y en a de deux fortes 5 le rouge croît fur les monta- gnes, & le blanc dans les plaines; le rouge dure plus. Le bois en eft bon dans les bâtimens ; étant à cnnLT OUANGUE. OUANGLE. Sefame. La graine de cette Plante, ecrafée & réduite en farine, fea aux Ne grès à faire une efpece de bouillie afTez nourriflante " dont ils font fort friands. Barr. EJf. p. 48. * ■ La même graine , àuffi feche* qu'il fe peut • „m tee & pilée , fe jette dans une terrine d'eau chaude ï on 'écume jufqu'à ce qu'elle ne rende plus de parties huileufes , que Ion a foin , à mefure qu'elles paroif- fent, de mettre a part. Oh fait rebouillir cette huile on la paffe dans un linge fin , & el|e eft auffi bonne | manger que 1 huile d'olive. Sefamum. Ad. OÙAPA. Arbre qui vient dans les terres gràlfes emi h'eft pas droit ordinairement , qui a même des cavités '■ mais qui eft excellent à divers ouvrages , tels que les Fourches en terre, les Poftes & les Piquets employés au foutien des terres. Le bardeau qu'on en fait dura autant , & plus que celui qu'on fait du Balatas On l'employé avec le plus grand fuccês pour les pi- lotis , parce qu'il fe conferve dans l'eau & dans la vafe Orobus arborais latifolius 3 filiqua maxima , corn- prtfafalcem référence. Barr. EJJ. 8 4. F 'kafeolus maxi- mus perenms femme cômprejfo lato 3 nigris macuiïs notato. SI. îam. OUAROUCHI. ( Arbre de fuif). Cet Arbre eft laiteux, & paffe pour un Figuier. Sa graine , qui eft jaune , de la figure d'une mufeade , & de la groiTeur dune noifette, eft couverte d'une petite pellicule quj couvre fon amande. C'eft de cette amande Mattel lavée Se pilee , qu'on fait une pâte , qui eft fortement remuée dans une chaudière , jufqu'à qu'elle fe couvre d humidité , Se d'une efpece de fumée; on la prefTe Nij , çipalement des Canots > qu'on appelle de fon nom^ Yakelele , Car. PALETUVIER , ou PÂRETUVIER. Il y en a de trois fortes, le blanc , le rouge , & le violet. Le boi$ 31'en èffc bon qu'à brûler. Les Indiens fe fervent de Té- corce du violet pour teindre en cette couleur Se en îioir. Elle feroit propre auffi à canner les cuirs , de même que le Chêne & Terme. Aux Ifles , on appelle du même nom de Paretuvier (te l'Etang , ( en Caraïbe Taonaba ) & les Arbres qui l'entourent (en Caraïbe Montochi). Le long des Paretu- viers 5 il pouffe un grand nombre de filets qui leur font incorporés , & prennent racinç. Les Caraïbes s'en fervent pour lier. Quand on veut conferver lesfeines, les lignes , Se les autres inftrumens de pêche , on les fait bouillir avec l'écorce de cet Arbre , à laquelle on joint un morceau de gomme d'Acajou : la teinture violette qu'ils acque- çgçt les fait dorer plus long-tems. Nota. Le Palétuvier blanc de Cayenne diffère effèn- tiellement ^ par fes parties eflentielles , du Mangle véri^ tab>le. Barrere admet le nom de Marçgrave , Cereiba A & y ajoute pour phrafe ^ paludofa 3 amplo Pyri folio* Mangles 3 Fifo. Montochi Paretuvier j Car. PALIPOU ■ ou PAREPOU. Le régime de ce Pak inier reffemble à celui de VAouara. Le fruit eft petite On le préfente au deffert j il fe cuit Amplement avec de l'eau & du fel : fon goût n'eft pas d'abord attrayant , on a même de la peine à s'y accoutumer ; mais on s*y fait 5 & on le mange même avec plaifir. Il excite à boire 1 êç donne de l'appétit, Palma daciyHfcra fruciu minori turbinato. Batr. EJfc v. 89. ! PALMA CHRISTL Voye^ CARAPAT. !GROS PANACOÇQ- Très-grand Arbre >.q«|>a$ft A LUSAG! X> * CaYENKL 195^ pour XEbene noire. Son aubier eft auiiî dur que fon coeur. Chaque graine eft comme un poids parfaitement rou^e , avec une petite tache noire. Les Négrefles en. font de jolis colliers , des chapelets , &c. Le cœur de ce bois fert à faire des pilons fi durs , qu'ils émouftenc le fer. PETIT PANACOCO. Ceft une liane qui entre dans la ptifane : les fleurs font jaunes.^ Le fruit eft petit , rouge , marqueté de noir. Abrus , Ad. Aouarou ^ Car. Par écoutai. Barr. Effi 83. PAPAYER. Les femences de Papayer commun ont un goût de poivre ; un fcrupule de ces femences en poudre,pris pendant quelques jours,fait mourir les vers. Barr. Effi p. 9 1 . Le Papayer fauvage eft plus gros , le fruit ne fe mange point , il ne rapporte des feuilles qu'au haut de la tige. Le Papayer ordinaire eft moins^ gros. Le fruit fe mange par les Créoles , on fait confire fon écorce avec de l'écorce d'orange -y on en fait auffi des confitures. Papaya frublu maximo _, cucumerïs effigie. Barr. E[f. p* 91. Groffe Papaye, fruclu melopeponïs effigie. Plum. Papaye commune. G ro (Te Papaye. Ababai ^Car. Petite. Aleulé y Car. Alèlé 3 Car. PAREIRA BRAVA. On l'employé en ptifane > au défaut de faflafras. , PATAOUA. Palmier très-commun dans la grande terre > plus fort que le Maripa \ mais foutenant moins fes feuilles 3 rapportant un régime à-peu- près fembia- ble : le fruit en eft plus petit &c plus rond. On tire de ce fruit une huile préférable à toutes les autres , pour être mangée en falade ; elle n'a aucun goût. On la tire comme celle de TAouara. Les Ne Se les charmilles qu'on en feroit réuffîroient pour l'agrément , mais de- manderoient de quoi les foutenir. Les volailles les dé- truifent , auffi a-t-on foin d'entourer les Pimens , quand ils font en plein champ. Les Pimens Doux font d'une forme toute différente pour la figure , le bois , le goût & l'ufage. On les fait confire tout verds dans le vinaigre : lorsqu'ils font par- faitement rouges , ils ne font propres qu'à donner de la graine. Les autres fe plantent de bouture. Oualliri 3 Car. Piment , Ad 3 Poivre , ou Pi- ment , long comme le fer d'une aiguillette. Oùa- lin , plus long Se plus gros. Bohemoin y le plus gros de tous. Car. Capjicum. PINEAU. Ce Palmier vient droit , il a jtifqu a un pied de circonférence ; il ne porte fes feuilles qu'au fommet , fon bois eft roide Se ferré. Il fe fend aifément en quatre^quand il eft bien mûr3&: après qu'on l'a tron- çonné de la longueur néceffaire aux planches qu'on en veut tirer pour les planchers. Les tirans fur lefquels cette efpece de plancher eft établi , doivent être plus près les uns des autres , fans quoi les planchers feroienc trop foibles. Le bois fert auffi à faire des efpeces de lattes , qu'on attache fur les chevrons avec des clous , pour foutenir le bardeau qu'on cheville deffus ; mais ce qui doit lui donner un plus grand mérite aux yeux de l'habitant 3 c'eft qu'étant coupé de la largeur des chemins , qu'on veut rendre praticables , il remplit par- faitement cet objet. Tous les Pineaux font bons > ceux <}ui viennent dans les marécages font les meilleurs pour les cafés > Se les autres pour les chemins. Palma dactylifera caudke fiijlli _, vaginas textiles hn~ tiijjimas déferais, Barr> EJfcp.St. Ouajfu G ah fcdx Maison RustïqusJ j PISTACHE DE TERRE. Après que les fleurs font paflees , leurs pédicules fe recourbent , ôc s'enfoncent dans la terre , où Ton trouve un fruit membraneux J cpi contient le plus fouvent deux amandes. Elles ont à peu-près le goût de noifette ; on les mange au deffert , ou crues , ou cuites au four -y on en fait des dragées, Manli. Car. Arachiina quadrïfolia villofa ^ flore Imteo. Plum. gen. PITE. ( Ananas). Efpece d3 Ananas y qu'on doit éle- ver de préférence dans les jardins , à caufe de fon odeur agréable j que répand fon fruit quand il eft mûr. Le goût en eft auflî bon que de l'Ananas ordinaire. Cabuyo* Car. Coulao. Car. PITE, ( Aloé ). On teille la Pite comme le Chan- we. Le fil en eft fort. Plus le fruit eft gros , moins le Chanvre eft bon. Sa feuille eft liffe a & n'a qu'un pi* cpiant au bout. Les Indiens Temployenr à faire des cordes Se desha- îpsacs. JLes Portugais du Bréfil en font des bas & des gants j on tiroit autrefois en Rouffillon , ainfi qu'en lifpagne , une efpece de filaffe de l'Aloé ordinaire 5 don£ 0m faifoit des dentelles. Barr. Ejf. p. 7. Couîaoua. Car* Le Chanvre du pays. Aloldes. Agave. Lin. POIRIER. Grand Arbre > qui vient plus haut 5 & «|ul s'étend plus que l'Avocat. Son fruit eft femblable aux greffes noix de France. On le nomme Poire , parce «|u'il a des pépins , 6c qu'il a un peu de rapport avec «ine efpece de Poire. Il eft fauvage _, 6c fon fruit peut être mis au rang des meilleurs. Il figureroit très-bien en avenue. Bamatta. Car. POIRIER. Poirier d'Avogato. Damp. 1 > 2 1 S. Voyez AVOCAT. POIRIER SAUVAGE > ou BOIS DE SAVANE* Ceft , félon Barrere , un Figuier à feuilles de Citron- A I* tT S A G I D! CAY«KM!: 10^ mer, dont le fruit , qui eft verd , s'appelle dans le pays Poire fauvage. En effet , par fa fève laiteufe , & par la ligure de fon fruit , il reflemble plus à un Figuier qu'à un Poirier. Il croît dans les favanes & dans les bois. La tige eft haute &: rameufe ; fi on entaille l'arbre , il en fort une liqueur gommeufe & jaunâtre , dont on frotte les dartres rouges pour les guérir. Le fruit a affez l'air d'une nèfle. Il en diffère par la queue ; il a auili plus de fuc Se moins de graines , qui font velues , de de la forme d'une petite lentille. Il ne fe mange point. Ficus folio citrei acutiore fruciu viridh Plum. Ban. p. 52. Couma j par les Indiens. M. Frefneau dit que le fruit fe mange , qu'il eft paC* fablement bon , qu'il poiffeles lèvres, & qu'il produit le même effet que la nèfle. Les quadrupèdes en font; friands. Voyc{ la figure de la feuille , de fon fruit , de fes graines , Mém. de l'Académie , p. 3 3 2 , PI. XIX. fig« 4 & 5- POIRIER PIQUANT. Voye^ POMMES DE RA* QUETTES. POIS A GRATTER. La racine de Pois à gratter y coupée par morceaux , entre dans un remède compofé pour guérir le mal d'eftomac. Il y en a de deux fortes , le petit , Phafeolus hirfutus yïrgatus prurigineuse Plum. 8c le gros , Phafeolus fili~ quis latis hifpodis & rugofs. Plum. Muçuna Marcg. Apitabo. Gai. Mantiakeyra. Car. Pois fauvage. POIS D'ANGOLE , ou POIS DE CONGO. Cet Arbrifleau 3 qui vient d'Afrique 3 eft cultivé; fon fruit eft bon à manger. Dans une difette de Mil , il fert à pourrir la volaille , de fur-tout les pigeons. Cytifus arboref cens > fruciu eduli albo. Plum. Bipicaa GaL Fohe ^ Qandou ^ Car, Kajan. Ad, io4 Maison RusïiqusJ POIS DE KOUROU. Koumata Gai. Anouagou prima _, Sur. Phafeolus am^ pllffimus flore violaceo , Jîtiquis latioribus ^ femine fulvo iurijfimo. Barr. 95. POIS DE SEPT ANS. Sa feuille pïlée rend un jus qui eft fouverain contre toute hémorrhagie. On lave la plaie avec ce jus > fi l'on pe:it j finon on applique le marc defTus. Cette Plante eft vivace , Se dure Fefpace de fept ans, Le fruit en eft bon à manger. Phafeolus perennis femïnt albo fubrotundo. Barr. EJJ. 94, POIS SAUVAGE. Foyei POIS A GRATTER. | Le gros ). POIS SUCRE. Le goût en eft doucereux & aigrelet * quoique fucré } il fert à rafraîchir les voyageurs dans les bois. Barrere en cite quatre efpeces > ou variétés, EJfp6^. L'Arbre eft fort grand , fa fleur eft jaune. Il porte pour fruit des colles fort longues &c étroites , remplies de pois , autour defquels eft une chair fort blanche èc douce au goût, Bayroua. Car. Inga. Marçg. Plum. POIVRE DES NÈGRES, appelle par eux POIVRE DE GUINEE. Le fruit de cet Arbre eft d'un goût pi- quant 3 comme le Poivre dont les Nègres fe fervent fors fouvent , au lieu dçpices, pour relever la faveur des viandes. Les Indiens empîoyent l'écorce de cet Arbre pour peindre dirTérens ouvrages. La tannerie trouveroit dans Tufage de cet Arbrifleau3 une manière de corroyer les cuirs , fans mauvaife odeur. Barr. EJf. p. 110. Thymelea arboreafalicis folio fubtus argent eo >j fru&u pipera to. Barr. EJf io$% Jmace. Galib. EmbiraftuPm* daiba. Braf Pif- A l'tTSAGE DE CaYENNI. lùf POMMES DE RAQUETTES. On les employé pour faire des haies vives. Bac ta. Car. Opuntia. Lonlc. POMMIER DE CANELLE. Voye^ CACHIMAN. PRUN^ DES ANSES. Ceft le fruit d'un ArbniTeatt qui fe trouve dans les anfes au bord de la mer , connu aux Mes fous le nom dlcaque. 11 y en a plufieurs ef- peces. Icaco fruciu ex albo rubefcente. Plum. Guajeru* M arc g. fruciu nigro. PL fruciu purpureo. PL PRUNE COTTON. Efpece d'Icaque. On l'appelle ain(î , parce que la chair eft auffi blanche que ducotton; c'eft une Prune un peu longue , de couleur cramoifi , foncée d'un coté & claire de l'autre. Le frttit eft aftringent , il peut fe manger avec piaifir. PRUNIER JAUNE D'ŒUF. Voyc^ JAUNE D'(EUR PRUNIER DE MONBIN. Voye^ MONBIN. QUEUE DE BICHE SAVANE. Fbyei YÂPPÉ. RIS, Le Ris fe plante dans les fonds , aux premiers grains de pluie ; on choifit les endroits élevés , ou les petites mottes de terre, fur lefquelles on met le grain; dans les endroits nlus bas , entre les mottes ou eft le Ris , on plante le Mil. Ils viennent tous deux en quatre mois. II n'y a point d'inconvénient que l'eau couvre le Ris $ pourvu que le grain foit levé. Il faut obferver de ne pas planter une grande pièce de Ris Se de Mil tout à~la-fois j il faut , pour ainfi dire, féparer le terrain , de ne planter l'étendue qu'on fepro- pofe , qu'en deux tems , a une quinzaine de jours de diftance. Sans cette attention , tout mûrit à la fois, & il y a de la perte pour l'habitant qui néglige cette pré- caution. Ory^a. Plin. ROUCOU. Son fruit vient par touffe. Les oîfeaux $ font tore > aufli les Sauvages plantent-ils cet Arbre lô? Maison Rustiqui, auprès de leurs cafés. Pour en avoir la teinture , ils font! bouillir le fruit dans l'eau , & le frottent entre leurs mains. La partie colorante tombe au fond , & formé comme un pain de cire. Ils y mêlent enfuite de la pouf- fiere de bois de fandal , parce que Péclat trop vif de cette fécule offenferoit la vue ; ils la trempent dans de l'huile , avant que de l'employer , pour fe rougir tout le corps. Cette efpece d'enduit ferme les pores , em- pêche que l'eau de la mer ne fe fige fur leurs corps I fait fuir les maringoins & mourir les chiques. Le commerce en eft fi abondant , que pour en trou- ver le débit 3 on eft obligé de le tranfporter dans le Nord. Ceft un contre-poifon du fuc de Magnoc. Barr* Mitella Amcricana maxima tinclona. Inft. Barr. Ematabî.Car. Roucou , Cochehué 3 par les hommes Caraïbes 3 Bichet > par les femmes. Urucu. Pif. ROSEAU. 11 y en a plufieurs efpeces , qui fervent à différens ufages. De la tête des rofeaux , on couvre les cafés. Les Sauvages en font fecher , Se les brûlent ; avec la cendre , ils frottent, & en noircirent, ceux qui ont les Pians. Les bâtons , ou tuyaux , fervent à latter les toits § ou à palliffader & fermer les cafés. Manboulou. Car. ROSEAU A FAIRE DES PANIERS. Ticashet. Car. Ticafquet. Car. Plioua. Nom commun au Rofeau & à la flèche. ROSEAU A FLECHES. Ce Rofeau produit fa fleur ; ou fa panicule ., au haut d'une tige droite • cette tige fert aux Sauvages pour faire le corps de la flèche j qui porte le même nom du Rofeau. Arundo faoittaria. Barr. Ejff. p. 19. Bouléoua. Caré Kourou-Mary. Barr. EJf. 19. Fuba. Marcg.p. 4. SALSEPAREILLE. On fait quels font les effets de fa A l'usage de Cayennz, loy ptîfane , qu'on employé avec fuccès dans l'ufage du grand remède. S mil a x* SAMPA. C'efl: une efpece de Palmier , qui vient dans l'eau. Le bois eft moins roide Ôc moins ferré dans fes parties que celui du Pineau. Il fert aux mêmes u li- ges , tant pour rendre les chemins praticables , que pour Faire des planchers , & pour en tirer des lattes , propres à fupporter ie bardeau. Mais ce qui le diftingue de tous les autres , c*eft qu'il fournit des tuyaux naturels pour la communication des eaux. Son bois creux dans le milieu , eft rempli de moelle. Pour 1 oter , on fe fert d'un bâton noueux , qui , en tournant , fert à la tirer peu à peu ; dès que cette opération eft faite, il faut employer ces tuyaux , fans quoi ils fécheroient & fe fendroient. L'Arbre peut avoir un pied & demi de circonférence ; fon écorce , ou plutôt ce qui entoure la moelle , a environ un pouce d'épais. Il fe pourriroit dans un terrein fec 3 s'il n'étoit pas toujours rempli d'eau ; il fe conferve dans une terre humide. Pour joindre les tuyaux , on les fait entrer les uns dans les autres , on met fur la jondion des cercles de fer , & on les calfate avec du cotton ,, qu'on a le foin d'enduire de bray. Le Sampa & le Pineau , lequel eft moins gros , don- nent pour fruit des graines dont les oifeaux , fur-tout les Gros-becs > font friands. Les Bâches , dont le Sampa Se le Pineau pourroient être des efpeces , qui viennent dans les marécages , &c jamais fur les montagnes , ont un fruit qu'on appelle Pommes de Bâches, Se qui fer- vent de nourriture aux Indiens Maillés. SAOUARY. Au défaut d'autres bois pour conftruïre des Canots , on employé le Souary s & fur-tout en Ca- nots pour la pêche. Il eft fujet aux vers & à de grands entretiens ; mais écant mis à couvert , il eft très-utile aux Sucriers , Rou- couyers & Indigotiers. &c$ Maison Rustique, Son fruit reflemble à la Châtaigne dans fa coque ; U dedans fe nrfnge comme le cerneau ,& a quelque chofe de plus délicat. Cette coque ofleufe 3 garnie de piquans à-peu-près comme nos châtaignes , a la figure d'un rein. L'amande qui eft dedans eft douceâtre > 6c bonne à manger. Saouarou. Car. Schaouarouy. Car. SAPOTILLER. Barrere paroît s'être trompé en lui 'donnant le nom Galibi , de Maritambour . Le Mari- tambour que je connois , eft une efpece de Fleur de la Pajjion. Le Sapotiller , grand Arbre , très-propre à or- ner un jardin , porte les branches en forme d'enton- noir 3 tandis que du milieu il fort un jet fort droit , qui s'élève plus haut que tout le" refte j fa feuille eft d'un verd plus clair que celle de l'Oranger, Son fruit patte , avec raifon 9 pour un des meilleurs 'de l'Amérique , & n'a que trois pépins ; l'Arbre fe tranfplante où l'on veut , en prenant les précautions que j'ai indiquées en parlant de l'Oranger , Se vient fa- cilement. Il y en a une autre efpece 3 dont le fruit eft comme un œuf j plus long que l'autre , mais moins délicat. A Saint-Domingue , on appelle Sapotiller maron 3 une efpece de Balatas. Sapotafrutlu ovato major!. Plum. gen. Barr. EJJ. p. ioï. Maritambour. id. ibid. SASSAFRAS. îl entre dans la ptifane contre les ma- ladies vénériennes. On y en met une demi-poignée,, avec autant de Gayac. SENAPOU , ou SINAPOU. Sa racine écrafée s'em- pîoye , ainfî que celle du Bois Indien 3 pour eqyvrer le poiiTon. Afiragalus incanus frutelans 3 venenatus y floribus pifir* pureis. Barr. EJf. p. 19. SIMAROUBA. La racine de cet Arbre , dont on doit la connoiflànce aux Indiens , eft un des plus aiïnrés fpécifîques contre la dysenterie. En A t' U S A fi t D E C A Y E N N K. 10à En faifant bouillir l'écorce de fa racine , avec celles de Monbin ■ d'Acajou 8c de Goyave , on obtenoit une teinture , a laquelle on ajoutoit du fucre commun iuf- qulconfiftance de fyrop , 8c qui fut employé avec fuc- cès àCayenne dans la maladie épidémique de i7<6 L'Arbre eft grand , fort droit , ayant la feuille allez comme celle du Pommier. On ne fe fert que de l'écorce de fa racine. La racine eft jaune & compacte. Nous avons déjà dit que celle du faux Simarouba ( Caupaya ) eft d'un brun fombre, & filandreufe» i Il faut ordinairement deux Nègres pour faire un pa- quet marchand de foixante dix livres; l'un la coupe, & 1 autre la dépouille , ce qui ne fe fait qu'en battant la racine ; le coup qu'on donne fait enlever l'écorce. Les Nègres , pour ce travail , ont une culotté & une chemife : fans cette précaution „ l'eau qui fort de la ra- cine leur donneroit la gale , & des élévations fur la peau , qui empêchent de marcher pendant quelques jours. s Evonymus fmclu nïgro tetrageno ^ulgo Simarouba. c^i'f' s°' ChiP'l0tt ? Car- Boteamer. SIPANAOU. Arbre dont il y a deux efpeces : de blancs & de rouges. On les employé pour conftruire des Canots. Apres le bois appelle Bagaffe , c'eft un des meilleurs pour cet ufage. Il eft moins léger , plus dur a travailler ; mais comme il eft fujet à fe fendre , il faut, en le travaillant, y apporter beaucoup d'attention. On préfère le Sipanwu rouge -, il a cette propriété, de caufer de a demangeaifon à celui qui s'y couchetoic nud , quand il eft nouvellement employé. TABAC Les Nègre? fenls le cultivent pour leur uiage. Ils le fement dans les abattis nouvellement brû- les , pour en avoir du plan , ce qui eft même contraire au plantage. Ils le tranfportent enfuite dans les terreins abandonnes , qui ont fervi de parcs à beftiaux , & où la terre a reçu l'efpece d'engrais que le féjour de ces bef- »aux y produit. Ils le mettent en carotte pour h ven- O Vïo Maison R u s t î q y i , dre ; ils en font ufage. ,-.& par le nez , & en furfrâht Nicotiana major x anguftifoUa # cv latifolia > C. 2?. | 7 TAMARIN. Cêft le Tamarin des Ifles -, rranfportéà Cayenne. . On en fait des confitures , avec du fucre feulement j Veft un remède contre le mal de tuer , & contre le vo- àîiiffemcnt qu'il excite, ^ Tamarindus. Park. * ■ ; #- 'fg TARIRI. Arbre que* les Indiens fugitifs du Para noo* On en fait de la bouillie | on la met, au début de fiavets , ou d'autres légumes , dans la foupe , à laquelle elle donne un bon goût. Arum. Ouaheu , Car. Tajoba. Pif Chou des Caraïbe^ TOURLOURY. Sa feuille eft de quinze à feizt pieds , féparée dans fa longueur par une côte. Elle Remployé en long & en travers , pour couvrir les cafés f en pretïant les cotes fort près les unes des au- tres. Elle dure prefqtie autant que le bardeau , le feu n'y prend pas aifément. Ceft , après celle de VQuay^ I "plus recherchée , & elle eft plus epmrnune, Urucury. Pif? A l ' V S A G B fc » CAYKNNIv 11%, VERVEINE. Une poignée de cette Plante , pilée menu , mêlée avec un jaune d'œuf , & une cuillerée d'olive, eft le remède le plus fur contre le mal de rate , de reins &c le point de côté , même contre les coups à la tête. Vtrbena. Pltn* YAPPÉ , ou QUEUE DE BICHE SAVANE. C'eft une mauvaife herbe , dont il eft fâcheux que les favanes foient couvertes ; on ne l'y conferve que jufqu'à ce qu'on ait les moyens d'y planter du chien dent > qu'on prend fur le bord de la mer y elle ne fait aucun profit aux be£ îiaux. Quand on manque absolument de feuilles pour cou- vrir les cafés > on fe fert ÛYappé > mis. en touffe ; la îouffe eft de poignée, & s'arrange comme le chaume en France. Toute médiocre qu'eft fa couverture 3 el|e eft préférable à la paille de cannes, tçapc.j Car, lape j Car. Aguape > Marcg^ ? I N, O — ■ TABLE DES CHAPITRES, Jn TRQDUCTION. Page i Chap. L Des Abattis. 4 Çhap. IL De lafituation de la maifôn du Maître > & de la difpoftion des bâtimens qui. en dépendent. 7 Chaî. IIL Des bâtimens. 8 Chap. IV- De ta nourriture-. 13 Article. I. Racines, 14 Vf âge de la farine tk Magnoc, 184 Du couac, ibid. De la caffave. 185 Préparation & ufage du Magnoc che% les Indiens de Maragnan. 1 8 £ Autre manière défaire la farine de Magnoc par les mêmes. ibid. Diverfes préparations dont teau de Magnoc efi la. hafe. 187 Diverfes autres préparations. 188 Art. IL Herbes & légumes* i6\ Art. III. Fruits* 1 9. Art. IV. Animaux domejliques qui peuvent s'é- lever a Cayenne dans une bajfe-cour. 1% Art. V. Animaux domejliques & utiles qui syéle~ vent & peuvent fe multiplier dans lesSavannes. 24 A ^ t. VI. Animaux du pays qui fervent a la nour- riture des habit ans _, & qu ils peuvent fe procurer par le moyen de la ckajfe ou de la pêche* ij §. I. Delà chaffe. ibtf. §. 1 1. De la pêche. 3^ Art. VII. Des rejjburces que le pays fournit pour r affaifonnement des mets. 3 7 Art. VIII. Des différentes boiffons. 38 Chap. V. Des fecours quon trouve à Cayenne _, par rapport aux commodités de la vie 5 au détail du ménage & aux manufactures. 42, Chap. VL Des moyens dey oiturer f es marchandif es & denrées^ 4# $. I. Par eau. Des Canots à naviger & de fabriquer en général. §.11. Parterre. C h a p. VU. Des différentes manufactures vers objets de culture* Du Cotton. Obfervationst Du Cacao. Du Caffé. Du Roucou. De l'Indigo, ta manière de lei ibid. 5*1 ou des di~ S4 ibid. 56 57 60 *i 69 9*- 9$ 99 loi 108 IIO III 114 Du Sucre, des fucreries , & de tout ce qui y a rap- port. ' jty&fàv; Obfervationsfur le moulin. Des incendies à l'égard des fucreries* Du charbon. Chap. VIII. D>es Nègres. Des Négrillons. Du Commandeur. Obfervations fur les Commandeurs Nègres. Ordre journalier pour le travail. Ouvrages- différens auxquels les Nègres font employés & leurs tâches. * } S Tâche des Nègres fucriers. ibid. Tâche des Cottonniers. m * 5 8 Tâche des Roucouyers., imd. Tâche des Cajfeyers. .* }9 Tâches générales. iftdï Charrois à tête de Nègres. \" Du commerce & de l'achat des Nègres à Cayennex ibid. Maladies les plus communes aux Nègres j manière de> les traiter. l^4 Grands remèdes. ibid» Chap. IX. Des Indiens. l3% Chap. X. Des plantes 3 herbes x arbrijfeaux & arbres qui naijfent à Cayenne \ & dont on y fait ufage , rela- tivement à divers objem 1 5 5 & fm* ipÊTÀl& Û indication des Planchés de l& < Mai/on Rufliqm à Vufage de Çayenne. i 4fc; Vue de l'Habitation du fîeur de Préfontaine. *B. Plan général d'une Habitation , où toutes les parties qui la compofent font à la vue du Maître. c ) Planche IL  Plans ^ Goupes d'unç Çafe ordinaire de Cayenne , fa*î$ çldus ni mortaifes , mais lianée. mi B. Plan du res-de-çhaufïie, Coupe dans fa longueur. Coupe dans fa largeur. Coupe en long d'uoe Café à Gotçon , avec des godets renverfés pour garantir des rats. Nouvelle forme d'une Çafe à Roucou , avec la difpofition de fes canots > ou auges & chaudières. » Ctives-p0ur l'Indigoçerie , contenant le Tr^PV poir 3 le Diablotin > la Batterie. L A N Ç H; E 111. { Travaux concernant , i°. Diyerfes préparations d& Hagnoç. % 4- S- jgt Layeufe de Racine de Magnac. Grâtteufe de Magnoc. Grageurs de Magnoc, Preffeurs de Magnoc. Paflfeufe de farine de Magno'Ço Faifeufe de Caffave. Ififtrumeat à / ^.ouçaoneÇo i°. L'huile qu'on tire de l'ÀoUara* Pileurs d'Aouarâ. Cuifeufes d'Aouarâ. Planché IV. Plan & élévation d'une nouvelle Sucrerie , perfec- tionnée par le fieur de Préfontaine > & exécutée dans fon Habitation de Cayenne. A. PL A N CÎÎE V. I Coupé relative au Plan & à l'élévation de là nouvelle Sucrerie. Détail d'une Café de dégras à conftruire fur les bords de la mer , d'une rivière ou d'une crique , dont moitié bâtie fur terre , fert d'entrepôt aux rnarchandifes , Se l'autre avance fur l'eau , pout fervir d'abri au Canot , bu Pyrogue. P L À N C H E VI. Coupe d'un Moulin à. fucrë qui fe meut parle moyen du vent , ou des chevaux. Boucan , ou échaffaut qui fert à abattre les Ar- bres montés fur des arcabas. Planche VIL ÏHans & détail concernant la fabrication d'un Canon Ô&iqô t 1 1 1 tw J^Uà^MW'nr i*. 3» ■<».»;».■* :«i -*■■ -a '•■»»■« .» dHÉI N^l ■M iUMUiU.l 11 .[.l,| j.i | j ! u J 1 .1,1 .1 ! UML • UJJJilJJJj . A Olipc da\is \\la\ l,//■ le ,/''■/,• PrelontiiilK- ,■/ c.iwn/r '•/,!».<■ ,'ViiII,iluttili.>it ,/,■ (\n/