Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa htip/www.archive.org/details/manueldocanogr00rouc MAXNONE LE D'OCÉANOGRAPHIE — PHYSIQUE — DU MÊME AUTEUR Manuel pratique de Météorologie, 1 vol. in-8 de 147 pages avec cartes hors texteetfig. (Masson ET Cie, éditeurs),2°édit., revue.. 10 fr. net. (Ouvrage couronné par la Société de Géographie, médaille d'or.) Préparation météorologique des Voyages aériens, 1 vol. in-8 de 60 pages avec figures (Masson ET Cie, éditeurs).... ... 6fr.net. Le Compas de navigation aérienne, 1 vol. in-8 de 72 pages avec figures (MAssON ET C!e, éditeurs). 7%... 211 AIOÎTMET (Ouvrages couronnés par la Société d’ encouragement - pour l'industrie nationale.) FASCICULES DE LA DEUXIÈME EXPÉDITION ANTARCTIQUE FRANÇAISE COMMANDÉE PAR LE Dr JEAN CHARCOT (1908-1910) (Masson ET Cie, éditeurs). Observations d’Électricité atmosphérique faites dans l'Antarctique, 1 fas- cicule in-4 de 40 pages avec figures et 7 planches hors texte. Observations Météorologiques, 1 fascicule in-4 de 260 pages avec 16 planches hors texte. Océanographie Physique, 1 fascicule in-4 de 46 pages avec figures et 2 planches hors texte. (Ouvrages couronnés par l'Académie des sciences, prix Victor Raulin.) Le Pôle Sud, histoire des voyages antarctiques (ERNEST FLAMMARION, éditeur). Lee Notice Météorologique sur les côtes de France et d'Algérie (SERVICE HYDROGRAPHIQUE DE LA MARINE). JL ROUCH Capitaine de Corvette Professeur à l'Ecole Navale MANUEL D'OCÉANOGRAPHIE BE PHYSIQUE — We + é Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays. | | ‘ Copyright 1] 922 by Masson et Cie, éditeurs. MANUEL D'OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE ; TNT ODUCTTON. Ce livre, comme la plupart de ceux que j'ai publiés jusqu’à ce jour, est le résultat d’un enseignement. Il résume le cours que je professe à l’École Navale. Au sens général, l’océanographie est la partie de la géogra- phie qui s’occupe de la mer. L'’océanographie physique com- prend l’étude des caractères physiques de la mer, profondeur, étendue, température, propriétés physiques et chimiques, mouvements. L'océanographie physique est une science d'observation. Avant de chercher à établir des lois, à étudier les relations des phénomènes entre eux, il faut d’abord les connaître et les mesurer. C’est cette considération qui m'a dicté le plan de l’ouvrage. Dans la première partie, j'expose les procé- dés et les méthodes d'observations : la deuxième partie est consacrée à l'examen des principaux résultats acquis jusqu’à ce Jour. Désirant faire avant tout un ouvrage pratique, — celui que j'aurais souhaité avoir moi-même lorsque je suis parti pour ma première mission océanographique, — J'ai pensé que je ne devais pas surcharger ce manuel de l'exposé histo- rique des questions, ni de l'examen de toutes les théories, de toutes les hypothèses qui ont été émises sur les phéno- mènes si complexes de la mer. Les faits acquis sont encore en si petit nombre que les explications sont souvent pré- maturées. Je me contente d'étudier l'instrument qui m'a paru le Océanographie. Il : INTRODUCTION | é meilleur. Les procédés indiqués sont ceux qui ont été approuvés et recommandés à plusieurs reprises par le Conseil permanent international pour l'exploralion.de la mer, et ïls viennent d’être encore adoptés par le Congrès pour l'explo- ralion de la Méditerranée, dont j'ai l'honneur de faire partie. J'ai laissé de côté des problèmes un peu spéciaux, qui exigent une science toute particulière, par exemple l’analyse des fonds marins, l'analyse complète de l’eau de mer, et bien d’autres. Ce livre a été écrit pour des lecteurs qui ne sont pas forcément chimistes ou minéralogistes, et je ne pouvais pas parler de choses que je ne connais pas suffisamment. Je n’ai pas non plus traité certaines questions, qui ne sont pas, à mon avis, du ressort de l’océanographie physique propre- ment dite, comme la topographie littorale, la forma- tion des rivages, les coraux, les volcans sous-marins, etc. Par contre, j'ai pensé que, tout en essayant de conserver à cet ouvrage un caractère élémentaire, je ne pouvais pas escamoter, sous prétexte qu’elle était difficile, l’étude de la marée (1). Il n’est pas possible aujourd’hui d'écrire un livre sur l’océanographie physique sans faire plusieurs emprunts aux livres classiques de M. Thoulet et du Dr Richard. C’est à l’école de ces deux savants que j'ai appris l’océanogra- phie, et ce modeste manuel, à côté des traités fondamen- taux qu'ils ont écrits, n’est que le témoignage de ce que je leur dois. Je suis aussi heureux de profiter de cette occasion pour adresser un souvenir à M. Camille Vallaux, dont les leçons faites à l'École Navale, il y a déjà plus de vingt ans, sur la « Géographie générale appliquée à l’étude des mers », m'ont donné le goût d’une science qui m'a procuré bien des joies et m'a fait faire de beaux voyages. Enfin, si un ouvrage de cette sorte comportait une dédi- (1) Les passages imprimés en petits caractères contiennent presque tous des développements théoriques, qui, quoique très élémentaires, peuvent être passés à première lecture. INTRODUCTION 3 cace, je l'aurais dédié à Jean Charcot, qui a tant fait pour le développement des études océanographiques en France et grâce auquel j'ai pu faire, dans l'Antarctique, la plus belle et la plus intéressante campagne océanographique qu’un marin pouvait rêver. PREMIÈRE PARTIE LES PROGÉDEÉS CHAPITRE PREMIER Fee SONDAGES PAR FAIBLES PROFONDEURS Le sondage est l'opération qui consiste à mesurer la pro- fondeur de la mer. On emploie très souvent le mot sonde pour désigner la profondeur elle-même : on dira par exemple une sonde de 10 mètres, de 20 mètres. L'étude des profondeurs de la mer au voisinage des terres doit être très complète pour fournir aux navigateurs des cartes exactes. Quand les profondeurs ne dépassent pas une vingtaine ou une trentaine de mètres, les sondages se pra- tiquent simplement en lançant un plomb dans la mer au bout d’une ligne graduée. Nous n'insisterons pas sur cette opération, qui, quoique très simple, demande, pour donner des renseignements exacts, des précautions minutieuses. Ces sondages-là sont d’ailleurs plutôt du ressort de l’'hydrographie que de l’océanographie proprement dite. Au-dessus de 30 mètres jusqu’à 200 mètres, les sondages se font, à bord des navires, à l’aide d'instruments spéciaux, dont les plus répandus sont le sondeur Thomson et le sondeur W arluzel. Ces deux instruments permettent de sonder jusqu’à une profondeur de 200 mètres, sans qu'il soit nécessaire de stopper le navire. C’est là un avantage sérieux en navigation, car il permet de multiplier les sondes au moment d’un atter- rissage, sans avoir à perdre du temps. 6 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE SONDEUR THOMSON. L'usage du sondeur, imaginé par sir William Thomson (lord Kelvin), s’est répandu dans toutes les marines du monde. Le modèle actuellement en service dans la marine fran- caise est le modèle 1904, dont voici le fonctionnement : Le sondeur se compose d’un touret en fonte, sur lequel sont enroulés 500 mè- tres de câble d'acier galvanisé à 7 brins, pouvant supporter une charge de 240 kilogram- mes (fig. 1). recevoir des manivelles, est, porté par un châssis en bois, de forme rectangulaire, évidé à la partie inférieure et ren- forcé de quatre garnitures en fonte, terminées à leur base par des équerres, permettant de fixer le sondeur sur le pont au moyen de vis. À sa partie supérieure, le châssis porte, sur une de ses faces, un compteur indiquant le nombre de mètres de câble déroulés. Cette indication est donnée par une aiguille action- née par l’axe du touret, au moyen d’un train d’engrenages. Le touret comprend deux parties distinctes (fig. 2) : 19 Un anneau T en forme de V, sur lequel est enroulé le câble d’acier : | 20 Un lambour, constitué par deux flasques P, P’, indé- pendants l’un de l’autre et pouvant être rendus solidaires. L'anneau est logé entre les deux flasques du tambour : il peut tourner librement, ou être entraîné par le mouvement du tambour, suivant que les flasques sont écartés ou rap- prochés. Ce dispositif forme frein en même temps. Le mou- L’axe du touret, qui peut SONDAGES PAR FAIBLES PROFONDEURS #9 vement des flasques est obtenu au moyen d’un écrou R, portant un bras B, que l’on peut im- mobiliser par un loquet en bronze L, mobile autour d’un axe horizontal, et qui est logé à la partie supérieure du châssis. L’écrou R se visse sur l’arbre H du touret et entraîne avec lui un des flasques; lorsqu'il est- immobilisé par le loquet L, si l'on tourne les manivelles de l’arbre dans un sens ou dans l’autre, on rapproche ou on éloigne les flasques que porte l'arbre. Lorsque les flasques sont rap- prochés, ils immobilisent l'anneau T, qui devient complètement solidaire T de l'arbre une fois le loquet L soulevé. Au sortir du touret, le câble d’acier passe dans une petite poulie fixée sur l'arrière du Hal navire. Afin d'éviter les coques qui peuvent se pro- duire dans le câble lorsque le plomb a touché le fond, le plomb de sonde n’est pas attaché directement au câble, mais à un bout de ligne en fin, long de 3 mètres envi. ron, qui le termine. Sur cette ligne, on fixe, à l’aide de deux bridures, un étui en laiton, percé à ses deux extrémités de deux trous permettant à l’eau d'y pénétrer aisément (fig. 3). Dans l’étui, on introduit un tubeen verre, bien calibré, de 3 millimètres environ de diamètre, dit {ube de sonde. Ce tube est fermé à l’une de ses extrémités par une capsule Petite masse de plomb “Evidement pour le suif Fig. 3. 8 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE en cuivre collée à la gomme-laque, et l’intérieur est enduit d’une couche de chromate d’argent (CrO#Ag) de couleur brune. Entre le chlorure de sodium [(NaCl) de l’eau de mer qui pénètre dans le tube, et le chromate d'argent, 1l se pro- duit la réaction suivante : CrOfAg + NaCI — AgCI + CrOfNa. Le chlore du chlorure de sodium se combine avec l’argent pour faire un chlorure d’argent (AgCÏ) blanc, insoluble, qui transforme en une coloration blanche la coloration brune de toute la partie du tube dans laquelle a pénétré l’eau de mer. Le chrome se combine avec le sodium pour faire un chromate de soude (CrONa) soluble, qui est entraîné par l’eau de mer, lorsque celle-ci s'échappe du tube. Sous l'influence de la pression, l’eau pénètre dans l’inté- rieur du tube de sonde, et, d’après la loi de Mariotte, elle pénètre d'autant plus que la pression est plus grande. Cette pression est égale au poids de la colonne d’eau située au- dessus du tube, augmentée de la pression atmosphérique. La longueur de la partie non décolorée du tube, inver- sement proportionnelle au volume d’eau qui a pénétré, peut donc servir à mesurer la profondeur de la mer, si le tube a atteint le fond. Le volume occupé par l’eau dans le tube varie très lentement, dès que la profondeur est un peu grande. Le tube Thomson ne peut donc donner des indica- tions précises qu’à des profondeurs ne dépassant pas 150 à 200 mètres. Une règle graduée spéciale donne, en mètres, la profon- deur correspondant à la longueur de la partie non déco- lorée. Les indications de la règle doivent être corrigées de l’influerce de la pression atmosphérique. Si la pression barométrique est comprise entre 730 et 750 mäli- mètres, la correction est négligeable. Si la pression est comprise entre 750 et 760 millimètres, il faut ajouter 1 mètre pour 40 mètres de fond ; si la pression est comprise entre 750 et 770 millimètres, 1l faut ajouter 1 mètre pour 30 mètres SONDAGES PAR FAIBLES PROFONDEURS 9 de fond ; si la pression est comprise entre 770 et 780 millimètres, il faut ajouter 1 mètre par 20 mètres de fond. Le plomb de sonde est en fer galvanisé. Il pèse environ 10 kilogrammes et est évidé à sa partie inférieure pour rece- voir une masse de suif, qui ramènera un échantillon du fond. Si l’on veut ramasser des échantillons du fond pour des analyses ultérieures précises, on suspend au fil de sonde, au lieu du plomb ordinaire à suif, le ramasseur de fond Léger, dont il sera question plus loin (p. 21). Mais le ramas- seur Léger ne fonctionne bien que si la vitesse du navire est inférieure à © nœuds. Pratique de la sonde. — Pour sonder, le plomb étant suspendu à l’extérieur du navire, on engage le bras B de l’écrou R dans le loquet L ; en dévirant alors le touret d’un demi-tour ou d’un tour, on écarte les flasques du tambour, et on rend libre l’anneau T. Le fil se déroule. A l’aide d’un doigt en cuivre (fig. 3), qu’on tient appuyé sur le fil pen- dant le déroulement, on est prévenu de l'instant où le plomb touche le fond, en sentant le fil mollir brusquement. A ce moment, en virant le touret d’un demi-tour ou d’un tour de manivelle, on rapproche les flasques de l’anneau T, et on arrête ainsi le déroulement du fil. Lorsque les flasques serrent bien l’anneau, on soulève le loquet L, qui bloque le bras de l’écrou R, et on enroule le fil. Trois hommes suffisent pour la manœuvre, quelle que soit la vitesse du navire. Le plomb atteint le fond en quelques secondes, et il faut d’une demi-minute à cinq minutes pour le rentrer par des fonds de 20 à 200 mètres. On peut donc facilement avoir une sonde toutes les dix minutes ou tous les quarts d’heure. Sondages continus. — Quand on sonde à intervalles rapprochés, il n’est pas nécessaire d'employer un nouveau tube de verre à chaque coup de sonde. Il suffit, au moment où le plomb touche le fond, de noter la lecture du compteur, qui indique la longueur de fil déroulée. On peut admettre en effet que cette quantité est sensiblement proportionnelle à la profondeur, si celle-ci varie peu, et si l’état de la mer et 19 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE la vitesse du navire restent constants. Le premier sondage, effectué avec un tube de verre coloré, fournit le coefficient à employer pour les sondages suivants. On vérifie, de temps à autre, ce coefficient avec un nouveau tube de verre. Le rapport de la longueur du fil déroulé à la profondeur varie, non seulement avec la vitesse du navire, mais encore avec l’état de la mer et la profondeur elle-même. Ce rapport est un peu supérieur à 2 pour des vitesses inférieures à 11 nœuds, et atteint presque 3,5 pour une vitesse de 15 nœuds. SONDEUR WARLUZEL,. Comme le sondeur Thomson, le sondeur Warluzel permet de sonder, en marche, jusqu’à 200 mètres de profondeur. C’est un appareil plus simple que le sondeur Thomson, et son usage tend à se généraliser sur les navires français. Un fût tronconique, en fonte, fixé sur le pont, supporte un touret en bronze, monté sur un axe en acier, et sur lequel est enroulé le fil de sonde, qui est un câble d’acier galvanisé. La manœuvre est analogue à celle du sondeur Thomson, mais le freinage est automatique. En appuyant sur la mani- velle dans. le sens du dévirage, l’homme de sonde libère le touret et le câble se déroule ; il presse alors sur le fil, comme dans le sondeur Thomson, avec un doigt en cuivre pour «tâter le fond ». Lorsque la ligne cède brusquement sous la pression du doigt, le fond est atteint ; l’homme lâche la mani- velle, et le touret stoppeautomatiquement. L'homme reprend la manivelle et vire. Jusqu'à la vitesse de 10 nœuds, un homme suffit. A l'intérieur du touret, un frein à ressort empêche le dérou- lement trop rapide du fil. La vitesse normale de déroulement est d'environ 5 mètres par seconde. Le plomb de sonde est constitué par un gros tube de lai- ton T, fermé par le haut, autour duquel est coulé une masse de plomb de forme très allongée (fig. 4). Le tube T est calibré pour recevoir un deuxième tube {, appelé {ube indicaleur, et, dans ce but, il porte à sa partie inférieure un bouchon à vis B, que l’on enlève pour mettre et retirer le tube indica- } SONDAGES PAR FAIBLES PROFONDEURS 11 teur..Ce bouchon est évidé pour recevoir le suif ; deux trous percés dans son voisinage permettent l'introduction de l'eau dans le tube pendant la sonde. Dans le tube T, qui forme ainsi cloche à plongeur, on _Vauge graduée Anneau de suspension du fil de sonde D Fenêtre en T Huloïd -0 Tube indicateur 2: Plomb Hi DER 2e surf e SU) Fig. 4. introduit le tube indicateur, dont le bas est fermé et dont le haut est muni d’un bouchon-valve b. Pendant la descente, l’eau s'introduit dans le tube T par les trous de sa partie inférieure, remplit l’espace compris entre les deux tubes pendant les 6 premiers mètres de la 12 OCÉANOCRAPHIE PHYSIQUE descente, en refoulant l'air dans le tube indicateur, et pénètre à son tour dans celui-ci. Pendant la remontée du plomb, cette eau reste dans la partie inférieure du tube indicateur, et l'air, précédemment comprimé, s’évacue peu à peu par le bouchon-valve. Le volume non occupé par l’eau dans le tube indicateur indique la profondeur atteinte. On le mesure de la facon suivante : la partie supérieure du tube indicateur porte une double fenêtre en celluloïd marquée d’un trait noir : lorsque l’eau affleure ce trait, le fond est de 200 mètres. Dans le cas contraire, on dévisse le bouchon-valve, et l’on descend dans le tube une jauge conique graduée jusqu’à ce que l’eau vienne affleurer le trait : le nombre lu sur la jauge, à travers la fenêtre, indique le fond. , Le sondeur Warluzel présente les avantages suivants : Le sondage est très rapide, il demande une minute environ par petits fonds, trois à quatre minutes par grands fonds. Un homme seul suffit d'ordinaire à la manœuvre, tandis qu'il en faut trois pour le sondeur Thomson. Le tube indicateur sert indéfiniment, et le sondage est, par suite, très économique. On peut sonder en eau douce aussi bien qu’en eau salée, tandis que les.tubes recouverts de chromate d’argent sont inutilisables en eau douce. Le sondeur peut s'installer très commodément auprès de la passerelle, en faisant passer le fil dans une poulie de retour, fixée à un léger bout-dehors, débordant la coque du bâtiment (1). (1) Le sondeur Thomson comme le sondeur Warluzel ne servent pas simplement, en campagne océanographique, à sonder en marche. IS sont très commodes pour faire, le navire stoppé, toutes les opé- rations habituelles que nous décrivons plus loin (prises de température, récolte d'échantillons d’eau de mer, ete.) jusqu’à 300 ou 400 mètres de profondeur. à “$ xCA" >: sr LCN'T CHAPERRENI SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS Le sondage par grandes profondeurs présente des difti- cultés particulières. On ne se servait autrefois, dans les sondages même pro- fonds, que de cordes de chanvre. Ces cordes n’étaient pas assez solides pour résister à la traction du plomb, ou bien, ce qui arrivait le plus souvent, leur surface rugueuse finissait par exercer dans l’eau un frottement considérable, elles étaient arrêtées dans leur mouvement de descente et se pelotonnaient sur elles-mêmes à une certaine profondeur, sans jamais pouvoir atteindre le fond. Aïnsi s'expliquent les prétendus abimes sans fond des océans, que signalaient les anciens navigateurs. On employa ensuite des fils métalliques de cuivre ou de bronze phosphoreux, encore trop peu résistants, des fils d'acier qui, pour éviter l’oxydation, devaient être conservés dans un lait de chaux ou dans un bain d'huile. On a pu ainsi se servir de fils d’acier de 0mm,6 de diamètre, résistant à une traction de 80 kilogrammes et ne pesant pas plus de 3 kilo- grammes par 1 000 mètres. Mais la manœuvre de ce fil d’acier, dit corde à piano, est délicate, car la moindre coque entraîne la rupture du fil. Aujourd’hui, on se sert ordinairement d’un càble métallique galvanisé, formé de trois torons de trois fils d’acier chacun, de 2 à 3 millimètres de diamètre au maximum. Ce câble esi beaucoup plus souple que la corde à piano ; il supporte sans se rompre des tractions de 250 à 400 kilogrammes. Il pèse de 14 OCÉANOGRADHIE PHYSIQUE 15 à 20 kilogrammes pour 1 000 mètres. Il est assez résistant pour porter, en outre du plomb de sonde, divers appareils, thermomètres, bouteilles, etc., ce qui permet, en un seul coup de sonde, de mener de front plusicurs opérations dis- tinctes (1). LA MACHINE A SONDER. Le principe des machines à sonder par grande profondeur est le suivant : Dès que le plomb de sonde atteint le fond, son poids n’agissant plus sur Ja ligne de sonde, la machine à sonder est immédiate- ment et automatique- ment arrêtée. Soit A le tambour portant la ligne de sonde, B une poulie de retour portant un compteur de tours qui, à tout instant, indiquera Zae la longueur de la ligne 7 filée, P le plomb de sonde, 7 C un point fixe solidaire du bâti de l'appareil (fig. 5). La poulie de retour B est tenue par l'intermédiaire d’un ressort à boudin R. Lorsque le poids P n’agit plus pour tendre le ressort R, celui-ci rappelle la poulie B, qui, en se soulevant, commande = ER (1) Je me contenterai de signaler, car la question est actuellement à l'étude, le procédé de sondage par le son, qui consiste à faire détoner une petite charge d’explosif (25 grammes suffisent) et à enregistrer, sur un Chronographe très sensible ,le bruit de l'explosion ainsi que l'écho provenant de la réflexion sur le fond. Étant donnés l'intervalle qui sépare ces deux bruits et la vitesse du son dans la mer, on en déduit la profondeur. M. Marti a fait en France des applications fort intéres- santes de ce procédé, qui est utilisable même en marche. y SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS 15 * un frein à ruban F, et arrête immédiatement le tambour A. Le ressort, qui porte parfois le nom d’accumulaleur, a aussi un autre rôle. Les mouvements de roulis et de tangage du navire rendent irrégulier le déroulement de la ligne de sonde et provoquent des secousses brusques, capables d’amener des ruptures. Le roulis et le tangage produisent du mou dans le fil : c’est alors comme si le poids du plomb de sonde diminuait, et le ressort agit pour serrer automatique- ment le frein, ralentir le déroulement de la bobine et empé- cher, dans une certaine mesure tout au moins, le mou de se produire. Le réglage du frein est assez délicat. Si le frein est trop serré, la machine peut s'arrêter sans que le plomb de sonde ait atteint le fond. S'il ne l’est pas assez, le tambour peut s’emballer, le fil faire des coques et casser. S'il n’y avait pas de frottement, il faudrait, à mesure que la profondeur augmente, serrer le frein de la quantité corres- pondant au poids de la ligne filée. Mais la résistance due à la friction croît très vite, surtout quand on se sert d’un câble et non d’un fil simple. En réalité, dans beaucoup de machines à sonder, il faudrait desserrer le frein de plus en plus, à mesure que la ligne file, pour obtenir une vitesse constante de déroulement. Le tambour A doit être très solide, si le fil de sonde est enroulé directement sur lui, car il supporte des pressions formidables, qui risquent de le faire éclater. Le problème des efforts supportés par le tambour est étudié dans les traités de résistance des matériaux.On trouve que, sur un touret de 0m,30 de diamètre et de 0,25 de longueur, l’enroulement d’une ligne de sonde de 10 000 mètres, pesant 10 kilogrammes par 1000 mètres, détermine une pression de 920 kilogrammes par centi-, mètre carré. C’est là une pression analogue à celle que subit un canon perdant un tir. Si la machine à sonder comprend deux moteurs, un pour remonter le fil, un autre pour l’enrouler sur un tambour, ce dernier n’a plus alors à supporter de grands efforts de compression. Avec les données précédentes, si la ligne fait cinq tours sur un touret de relevage de mêmes dimensions que le touret d’enroulement, la 16 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE pression sur ce dernier n’est plus que le centième de sa valeur primitive, soit 9 kilogrammes par centimètre carré (1). Le plomb de sonde doit être d'autant plus lourd que la profondeur à atteindre est plus grande. Par très grande profondeur, on est amené à employer des plombs pesant plus de 60 kilogrammes. La vitesse de déroulement du câble est alors d'environ 2 mètres par seconde. A la remontée, ce poids est laissé sur le fond, afin d’éviter de soumettre le fil à des tensions trop fortes. Le sondage est dit alors à plomb perdu (2). Machine à sonder Lucas. — La machine à sonder Lucas, de la London Telegraph Construction Company. est une des plus em- ployées actuellement. Nous nous en sommes servi nous-même sur le d'Entrecasleauxr, dans l'Océan Indien, pour les travaux océanogra- phiques préliminaires à la pose du câble de Madagascar à La Réu- nion et à l’île Maurice, sur le Pourquoi-Pas ? dans l'Antarctique et sur le Chevigné sur les côtes de l'Afrique Occidentale. Le fil de sonde est enroulé sur un tambour A, d’un seul bloc d’acier fondu, qui peut contenir 8 000 à 10 000 mètres de câble de 1 à 2 millimètres de diamètre. Fig. G. (1) A bord de /’Hirondelle, le prince de Monaco se servait de la ma- .chine à sonder Leblanc, qui est construite sur ce principe. (2) Naturellement tout sondage, par faible ou grande profondeur ainsi d’ailleurs que toute autre opération d’océanographie, doit s’accom- pagner de la détermination précise de la position du navire au moment de son exécution. C’est là un problème de navigation qui naturellement n’a pas sa place dans cet ouvrage. Mais, si je fais cette remarque, c’est pour montrer à quel point l’océanographe, qui n’est pas officier de marine, est tributaire de l'officier de marine auquel est confié le soin a manier les instruments, de déterminer les positions et de manœuvrer e navire. re! SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS 17 Le fil quitte le tambour À par la partie inférieure et passe sur la poulie B, qui porte un compteur de tours (1). La pou- lie B commande un levier BCD, articulé en C au bâti de la machine et relié à son extrémité D à un frein à ruban F, fixé en E à la partie supérieure du bâti (fig. 6). Deux ressorts à boudin relient la poulie B à la partie supérieure du bâti, et leur tension est réglée par la mani- velle M. Lorsque le plomb de sonde P n’agit pas, les ressorts rappellent la poulie vers le tambour et, par l’inter- médiaire du levier BCD, serrent le frein F et bloquent le tambour, Un petit frein auxiliaire, mû par une vis T, permet d'arrêter la machine à tout instant. Sur l’axe du tambour A est clavetée une roue à gorge, permettant d’actionner le tambour à l’aide d’un moteur électrique ou à vapeur. La vitesse de déroulement du fil est d'environ une heure par 4 000 mètres. La remontée peut se faire plus rapidement, à la vitesse d’environ 100 à 150 mètres par minute. Le moteur doit avoir une puissance de 8 à 10 chevaux. Toutefois, si on se sert comme fil de la corde à piano et qu'on ne fasse que des opérations de sondages, un moteur de 2 à 3 chevaux peut suflire. Il existe deux modèles de machine à sonder Lucas (2). Les différences apparentes entre les deux machines sont minimes, à part la différence de taille. La plus petite, représentée schématique- ment sur la figure 6, est surtout destinée à utiliser la corde à piano. La plus grande peut recevoir 7 000 à 8 000 mètres de câble de 2mm,3 de diamètre. Dans cette machine, le frein auxiliaire C, au lieu d’être à la partie supérieure, est sur l’arrière. D’autre part, le guidage du fil pendant l’enroulement se fait, dans la première machine, à l’aide d’une fourche, dans laquelle passe le fil, et qu’on manœuvre à l’aide d’un levier. Dans la grande machine, la fourche est portée par un écrou E, qui se dé place le long d’un arbre fileté et (1) Le compteur de tours est généralement gradué en fathoms. Voir à l’appendice une table permettant de transformer les fathoms en mètres. (2) Sans parler d'une petite machine, construite sur le même prin- cipe, permettant de faire des sondages jusqu’à 500 mètres de profon- deur. Océanographie. 2 18 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE que commande une petite manivelle M manœæuvrée à Ja main (fig. 7). Certaines machines sont munies d’un petit moteur à vapeur à trois cylindres disposés en étoile à 1200 l’un de l’autre, et qui Fig7. agissent par une transmission à engrenages sur l’arbre du tambour. Ce dispositif est très souple et peu encombrant. Emplacement de la machine à sonder.— Le choix de l'emplacement est souvent limité par des considérations étrangères au sondage proprement dit (tuyautage de vapeur, par exemple, s’il s’agit d’un moteur de relevage à vapeur). Les principaux facteurs dont on doit tenir compte sont les suivants : 19 Il faut que l’accès de la machine soit facile, et, en particulier, il faut pouvoir manier commodément le plomb de sonde et les appareils divers à attacher au fil de sonde, SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS 19 Sur l’aviso francais Talisman, qui, en 1881, fit une mémo- rable campagne océanographique dans l’océan Atlantique, sur l’Hirondelle et la Princesse-Alice du prince de Monaco, au-dessous de la poulie dans laquelle passe le fil de sonde avant de tomber à l’eau, est installée une plate-forme, analogue aux plates-formes de coupée, afin de faciliter la manœuvre. Ce dispositif doit être recommandé chaque fois qu'il est possible. Il n’est pas indispensable, d’ailleurs, que ce soit la machine Bossor Couronnement arrière du {-fPourquoïfes ? (= Æbulie Jde retour / ; D courroie actionnent — la machine à sonder. Fig. 8. à sonder qui déborde elle-même la coque du navire. Pour rendre la surveillance du moteur plus facile, il peut y avoir intérêt à mettre la machine à l’intérieur du navire, avec un retour supplémentaire sur le pont et en abord. C’est la dis- position actuelle du Pourquoi-Pas ? dont la figure 8 donne un schéma. 2° Il faut pouvoir maintenir facilement, pendant la durée du sondage, le navire à l’aplomb du fil de sonde, qui doit évidemment rester vertical, ou à peu près vertical, pour qu'il n’y ait pas d'erreur appréciable sur l’évaluation de la profondeur. Sur le d'Entrecaslreaux, qui dérivait peu, la machine était, par le travers, à tribord.Sur le Pourquoi-Pas?, 20 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE qui a un fardage très important, la meilleure position est à l'arrière : par vent fort, en faisant doucement en arriére pendant le sondage, le navire prend une position d'équilibre pas très éloignée du vent arrière, et la dérive est ainsi com- battue. On peut sonder par houle assez forte, mais le fort clapotis est très gênant : le sondage peut alors être (Fldsnd beaucoup facilité en filant de l’huile. | Plombs de sonde. — Ainsi que nous l’avons indiqué, le sondage par grandes pro- fondeurs s'exécute généralement à plomb perdu. Les plombs sont des disques de fonte ou des demi-sphères évidées d’une dizaine de kilogrammes chacun. Ils s’enfilent sur le ramasseur de fond R et ne sont pas attachés directement à la ligne de sonde. Ils sont retenus par une petite élingue en filn E, qui passe dans un crochet d’un modèle spé- cial C, dit déclencheur Brooke, du nom de son inventeur (fig. 9). Lorsque le fond est atteint, la ligne prend du mou, les plombs font basculer le crochet, articulé en a avec le ramasseur de fond R; l’élingue est ainsi Fig. 9. rendue libre et, à la remontée, les plombs restent sur le fond. RAMASSEURS DE FOND. Un échantillon de fond, destiné à l’analyse, doit être absolument complet, tel que s'il avait été ramassé avec la main, en une seule poignée, sur le sol. Un échantil- lon récolté au suif, souillé, délavé, incomplet, doit être reJeté. On se sert couramment comme ramasseurs de fond de deux instruments : le ramasseur Léger et le lube-bouleille Buchanan. Le ramasseur Léger (fig. 10) se compose de deux lourdes écopes en bronze A, placées à l'extrémité d’une tige B de SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS 21 45 centimètres et maintenues ouvertes au moyen d'un loquet L. En touchant le fond, le loquet est soulevé et retombe en laissant libres les deux écopes, qui se referment brusquement à cause de leur poids, en emprison- nant une certaine quantité de mabière. L'instrument . pèse 7#8,500. Il est parfait pour tous les fonds sauf ceux de roche. Le lube-bouleille Buchanan (fig. 11) se compose d’un tube emporte-pièce T en laiton, de 25 millimètres de diamètre et de 30 à 50 centimètres de longueur. En arrivant sur le fond, il découpe Fig. 10. un cylindre de vase, qui offre l'avantage de présenter, sur une épaisseur assez grande, une coupe verticale du sol sous-marin. Sur les fonds sableux, le tube Buchanan revient tou- jours vide. Il faut choisir l'instrument le plus convenable à la récolte. Le tube T se visse en à sur une bouteille B, destinée à recueillir l’eau. C’est un cylin- dre de bronze de 55 millimètres de diamè- tre et de 50 centimètres de longueur, fermé en haut et en bas par des soupapes en cuir ou en caoutchouc, qui, à la descente, laissent | passer l’eau de bout en bout, mais qui, 87 l'appareil étant immobilisé par le contact avec le fond, retombent sur leur siège et ; emprisonnent ainsi un litre d’eau. Le” Un petit plomb, lâché en même temps que le plomb de sonde par le crochet Brooke C, Fig. 11. appuie, à la remontée, sur la soupape supé- rieure pour la maintenir sur son siège. L’étanchéité de ces soupapes m'a paru difficile à assurer dans les climats froids. C’est là un point délicat de Ouvert Fermé 22 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE cette bouteille, qu'il faut particulièrement surveiller. Lorsque l'appareil a bien fonctionné, on possède à la fois un échantillon d’eau et un échantillon du fond. CONSERVATION DES ÉCHANTILLONS DE FOND. Les échantillons provenant des ramasseurs Léger sont conservés dans des petits sacs de toile étiquetés. Les boudins, récoltés par le tube Buchanan, sont chassés hors du tube à l’aide d’un mandrin en bois et déposés sur une feuille de buvard, étendue sur un morceau de calicot. On marque immédiatement d’une manière indélébile, en les gravant dans la matière molle avec la pointe d’un canif, les lettres indiquant le haut et le bas du boudin, et on l'enveloppe, lorsqu'il est sec, dans le morceau de buvard et de calicot. Les fonds argileux étant difficiles à sécher complètement, il faut assez souvent changer les sacs en toile ou les morceaux de calicot, que la moisissure détériore rapidement dans les pays chauds. L'analyse des fonds est une opération compliquée, que l’on n’a pas à faire à bord des navires. On se contente de récolter les échantillons pour les remettre plus tard, avec toutes les indications utiles, au minéralogiste chargé d’en faire l’analyse. Cependant il peut y avoir intérêt, au point de vue de la navigation, à reconnaître les fonds d’une façon plus sûre que ne le permettent les dénominations courantes et assez vagues indiquées sur les cartes marines. En effet, les lignes qui déli- mitent les fonds de même nature ne sont pas les mêmes que les lignes d’égale profondeur et, dans certains cas, la pro- fondeur, combinée avec la nature du fond, permet de fixer la position du navire d’une façon approchée. Mais, pour que cette méthode porte ses fruits, il faut que les fonds soient exactement reconnus. On peut pour cela conserver dans des petits flacons de verre des échantillons- types, faciles à comparer à vue avec des échantillons qu’on vient de récolter sur le fond. Ce procédé ne peut être appliqué qu’à des régions limitées, par exemple en vue de SONDAGES PAR GRANDES PROFONDEURS 23 l’atterrissage de Brest en temps de brume. M. Thoulet a publié des cartes de la nature des fonds sur les côtes de France, qui facilitent l'emploi de cette méthode. Dénomination à donner aux fonds. — Si l’on veut dénommer les fonds d’une façon un peu précise, sans en faire l’analyse, on peut employer la méthode suivante, préconisée par M. Thoulet. On prend comme base la dimension des éléments composants, et, pour cela, on utilise des tamis, dont les mailles ont une longueur déterminée. Les plus gros, destinés aux grosses pierres, sont en toile métallique, les autres sont en soie à bluter. Cette soie est cataloguée dans le commerce par numéros, qui expriment le nombre de mailles que comporte un pouce, soit 27 millimètres. Le numéro 10 arrête les grains ayant un diamètre de 3 millimètres ; le numéro 200, qui est le plus fin, arrête les grains ayant 4 centièmes de millimètre. Les galets sont les éléments ayant plus de 3 centimètres ; ensuite vient le gravier, qui est gros, moyen, ou fin, selon que ses éléments sont arrêtés par les tamis 3, 6 ou 10. Le sable comprend les élé- ments arrêtés par les tamis 30 à 200. Tout ce qui traverse le tamis 200 constitue la vase. Dosage rapide du calcaire. — La proportion de calcaire contenu dans un échantillon de fond constitue une caractéristique du fond, qui peut être importante à connaître. Voici le procédé simple de dosage que m’avait recommandé M. Thoulet et qui est facile à employer. On pèse l’échantillon à analyser quand il est complètement sec. On le traite ensuite par l’acide chlorhydrique étendu de moitié d’eau, jusqu’à ce que toute effervescence ait cessé. On lave à plu- sieurs reprises en faisant passer au tamis 200. On sépare la vase qui a passé par le tamis et le sable, qui n’a pas passé. On sèche, on pèse et on retranche la somme des deux poids trouvés du poids initial. On a ainsi le poids du calcaire. CHAPÆETRESETI MESURES RELATIVES A L'EAU DE MER TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER. La température de l’eau de mer à toute profondeur est un élément de première importance pour déterminer les Fig. 12. caractères physiques de la mer (densité), pour étudier les courants, et pour délimiter les régions fa vo- rables ou non aux espèces animales, qui sont très sensibles aux moindres variations thermiques. A la surface, la température de l’eau de mer se mesure avec un thermomètre ordinaire. On puise à l'avant du navire un seau d’eau de mer,eton mesure immédiatement sa température en y plongeant un thermomètre. Le /hermomèlre plongeur, ther- : momètre placé à l’intérieur d’un petit tube en verre, qui se remplit d’eau lorsqu'il est plongé dans la mer, ne donne pas de meilleures indications, au contraire. Par grandes profondeurs, on se sert d’un /hermomèlre à renversement, imaginé par les constructeurs anglais Negretti et Zambra. Cet instrument marque la température en un point quelconque de l’océan, sans être ensuite influencé MESURES RELATIVES À L'EAU DE MER 2: Qt par la température des couches d’eau traversées pendant la remontée. Le principe du thermomètre à renversement est le sui- vant (fig. 12). La tige du thermomètre présente, près du réservoir, un étran- glement e du tube capillaire, tel que, si on renverse l'instrument, la colonne de mercure se brise en ce point et tombe à l'extrémité de la tige. La longueur de la colonne brisée est proportionnelle à la température du point où le thermo- mètre a été retourné. Afin de résister aux énormes pres- sions des abîmes, le thermomètre est enfermé dans un tube de cristal épais. A l’intérieur de ce tube, une masse de mercure protège particulièrement le réservoir. Divers perfectionnements ont été apportés à l’instrument pour obtenir que la colonne de mercure se brise toujours en un point très précis. On a aussi ajouté, dans le tube de cristal pro- tecteur, un thermomètre auxiliaire, fixé contre la tige du grand thermo- mètre, et destiné à permettre de corriger les lectures de la petite dilatation qui a pu se produire, pendant la remontée, dans la colonne de mercure brisée. Une table spéciale, fournie par le construc- teur, donne cette correction en fonction de la différence des températures du thermomètre auxiliaire et du thermo- mètre principal. Les deux modèles de thermomètres, dérivant des thermo- mètres Negretti et Zambra, actuellement employés sont les thermomètres Chabaud et Richter. La figure 13 donne le détail de la construction des derniers modèles de Negretti et Zambra. 26 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Montures à hélice. Montures à messager. — Les thermomètres sont insérés dans une monture spéciale, per- mettant leur retournement à l’endroit voulu. La figure 14 représente la monture à hélice, imaginée par Descente Remontée Fig. 14. l'amiral Magnaghi. Le thermomètre est maintenu droit au départ par la tige E, commandée par une petite hélice en laiton H. A la descente, la rotation de l’hélice visse vers le bas la tige E, et le thermomètre est maintenu droit dans sa monture T. A la remontée, l’hélice tourne en sens inverse, dévisse la tige E, qui libère le thermomètre. Celui-ci se retourne alors sous l’influence de son poids. Dans la monture à messager, l’hélice est remplacée par un levier L, actionné au moment voulu par un messager M. Le messager est un petit cylindre en laiton en deux parties s’emboîtant l’une dans l’autre, et qu’on peut enfiler sur le fil de sonde (fig. 15). La monture à messager a un fonctionnement plus sûr que MESURES RELATIVES A L'EAU DE MER 27 la monture à hélice. Le temps que met le messager à atteindre la monture n'est d’ailleurs pas complètement perdu, car, de toutes façons, il faut attendre quelques minutes avant de \ | ; | Di | | if mu LÉ Pur ner = 4) Descente Remontée ||} Fig. 15. retourner le thermomètre, afin qu'il se soit bien mis en équi- libre de température avec la couche d’eau dans laquelle il est plongé. Le plus souvent aujourd'hui, on n’emploie pas de mon- 28 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE ture spéciale pour le thermomètre. Le thermomètre est tou- jours accompagné d’une bouteille Richard, dont le poids est à peine supérieur à celui d’une simple monture ordinaire, et qui présente beaucoup de commodité pour l'installation du thermomètre {Voir au paragraphe suivant la description de la bouteille Richard). On peut, sans inconvénients, sur un càble de sonde de 2 à 3 millimètres, superposer quatre ou cinq thermomètres. Si ces thermomètres sont installés dans des montures à mes- sager, il faut que chaque thermomètre, en se renversant, libère un messager, qui fera retourner le thermomètre sui- vant et ainsi de suite. Il est facile d'imaginer un dispositif qui remplisse ces conditions. Sur les petits navires, il n’est pas commode, par fort roulis, d’accrocher les montures des thermomètres au fil de sonde, ni de les décrocher à la remontée. On perd ainsi pas mal de temps, et, tout compte fait, étant donné le grand risque que présente une rupture du cäble quand plusieurs instru- ments lui sont accrochés, il est souvent préférable de nese servir que d’un seul instrument, qu’on immerge plusieurs fois. Comme la vitesse de remontée du fil est très grande, afin de pouvoir stopper le moteur à temps, il est bon d’attacher au càble un morceau de chiffon, ou un bout de filin, à quelques mètres au-dessus de l'instrument, afin d’être prévenu de son arrivée à Ja surface. RÉCOLTE DES ÉCHANTILLONS D'EAU DE MER. A part la bouteille Buchanan, dont il a été question plus haut (p. 21}, on se sert presque uniquement de bou- leilles Richard pour récolter des échantillons d’eau à des pro- fondeurs diverses. La bouteille Richard pèse 2? kilogrammes et rapporte environ 390 centimètres cubes d’eau. Elle se compose d’un tube de 25 centimètres de long et de 4 centimètres de dia- mètre, terminé par un robinet R à chaque extrémité (fig. 16). MESURES RELATIVES À L'EAU DE MER 29 Les deux robinets sont reliés par une tige 1, de facon à s’ou- vrir et à se fermer en même temps. La tige { porte deux capsules de cuivre c, destinées à recevoir un thermomètre à renversement T.La bouteille peut basculer autour d'un axe horizontal, situé à son tiers inférieur. Elle est tenue dans sa position de départ par un prolonge- ment de l’axe de l’hélice Magnaghi, ou par un levier du système à mes- sager. La bouteille descend dans une positionlégèrement oblique, afin que l'eau pénètre librement dans ses ouvertures. À la montée, l’hélice, tournant en sens inverse, libère la bouteille qui bascule, les deux robi- nets R se ferment, etd’autant mieux que le thermomètre les aide dans ce sens par son poids, tout en se renversant lui-même. Dans la mon- ture à levier, le retournement est obtenu par l'envoi d’un messager. Un petit lest de plomb aide la bouteille à venir buter contre un arrêt-ressort, qui la maintient après le retournement. On peut faire sur ce modèle une bouteille de capacité quelconque. La bouteille Richard a été reconnue très pra- tique par toutes les expéditions océanographiques qui l'ont employée. Conservalion des échantillons d'eau de mer. — Les échan- tillons d’eau de mer, qui doivent servir à des analyses ulté- rieures, sont conservés dans des flacons de verre bouchés par un bouchon parafliné et portant, sur une étiquette, Loutes les indications sur leur origine. Les échantillons, qui doivent servir à des analyses détaillées précises, doivent être d’un litre au moins. 150 centimètres cubes suffisent pour mesurer la chloruration. Dans ce dernier cas, on emploie souvent des petits flacons de verre vert, bouchés avec un bouchon en porcelaine, muni d’une cou- Fig. 16. 30 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE ronne de caoutchouc, analogue à la fermeture ordinaire des canettes de bière (1). Le flacon doit toujours être soigneusement rincé avec l’eau de l'échantillon à conserver. La position géographique, la date, l'heure de la station sont notées sur une étiquette en parchemin, ficelée autour du goulot de la bouteille et assurant sa fermeture. DENSITÉ DE L'EAU DE MER. Le poids spécifique, désigné par le symbole $, est le rapport du poids de l’unité de volume de l’eau de mer à 1 au poids du même volume d’eau distillée à °. Ce poids spécifique s'appelle densilé, quand il est rapporté à l’eau distillée à 40. La densité de l’eau de mer à # a alors pour symbole Si. C’est cette densité qui est généralement notée. Pour certaines études, en particulier pour l'étude des cou- rants, il faut prendre la densité à la température et à la pression que l’eau possède in silu, c’est-à-dire à la place où elle se trouvait dans la masse océanique. Le symbole nS4 représente cette valeur et signifie la densité de l’eau de mer à la température 4, à la profondeur de n mètres, et sous la pression correspondante aux n mètres de profondeur. Le coefficient de compressibililé de l’eau de mer, c’est-à-dire la quantité dont l’unité de volume de cette eau est diminuée par mètre de profondeur, est égal à 0,00 000 466. Le tableau suivant donne, d’après Thoulet, le nombre par lequel on doit multiplier la densité trouvée pour une eau prise à la profondeur de n mètres, afin de tenir compte de la pression exercée par les couches sus-jacentes : (1) Il est important que les bouteilles soient en verre vert, qui est le seul à ne pas altérer à la longue l’eau de mer. C’est d’ailleurs celui qu’on emploie pour la bière, et les flacons nécessaires se trouvent chez tous les brasseurs. Si on le désire, on peut se procurer des bouteilles, contenant 200 centimètres cubes, au laboratoire hydrographique de Copenhague (2? Jens Kofæssgade). Ces bouteilles sont livrées dans des boîtes en bois à casiers, contenant chacune cinquante bouteilles. MESURES RELATIVES À L'EAU DE MER 31 | ! PROFONDEUR. PROFONDEUR. FACTEUR. PACTEUR. LL) ] nl oo mm Mètres. | Mètres. 50 1,000 23 1 500 1,006 99 100 1,000 47 | 2 000 1 009 32 150 1,00070 3 000 1,013 98 200 1.00093 4 000 1,018 64 300 1,001%40 5 000 1,023 31 400 1 001 S6 | 6 000 1,027 97 500 1.002 33 | 7 000 1,032 63 1 000 1 094 66 | 8 000 1,037 29 Par grandes profondeurs, le poids d’un litre d’eau de mer peut dépasser ainsi d’une quarantaine de grammes le poids obtenu sans tenir compte de la compressibilité. Mais cette augmentation de la densité de l’eau avec la profondeur est bien loin de justifier l’idée, répandue autre- fois, que l’eau devenait tellement lourde à une certaine pro- fondeur qu’un boulet de canon y flotterait entre deux eaux. Tout objet de densité supérieure à 1,1 arrivera sur le fond des mers les plus profondes. Des tables dressées par Knudsen et un graphique de M. Thoulet permettent de passer de S! à Sf, 4 et 9, étant des températures différentes (1). Mesure de la densilé de l’eau de mer par l'aréomèlre. — La détermination de la densité de l’eau de mer est une des opérations capitales de l’océanographie. Les deux méthodes que l’on peut employer à bord d’un navire sont la méthode par l’aréomètre et par la mesure de la salinité. Un aréomètre est un flotteur de verre lesté par de la grenaille de plomb ou du mercure, dont on connaît à chaque instant le poids P et le volume immergé V, c’est-à-dire les éléments nécessaires pour déterminer la densité D par la for- P mule D — NÉ (1) Hydrographical Tables, par MARTIN KNUDSEN, Copenhague, 1901. Le graphique de M. Thoulet est intitulé : Détermination de la densité de l’eau de mer. Il a été publié dans la collection des Résultats du voyage de la Belgica dans l'Antarctique, Anvers, 1902. 32 OCÉANO GRAPHIE PHYSIQUE L'aréomètre employé généralement est l’aréomélre de Buchanan à poids et à volume variables (fig. 17). L'aréomètre est en verre. Il est lesté à sa partie inférieure par une petite quantité de mercure. Sa tige cylindrique, parfaitement calibrée, a un dia- mètre d'environ 3 millimètres et une longueur de 12 centimètres. Le volume de sa portion renflée est de 150 centimètres cubes. La tige peut supporter à son sommet un petit plateau en nickel P et des poids additionnels en forme d’anneaux plats, de facon à faire enfoncer l’aréomètre Jusqu'à ce que l’eau affleure à la partie graduée de sa tige, On place l’aréomètre dans l’éprouvette contenant l’eau de mer, en prenant bien soin qu'aucune bulle d’air ne reste adhérente à sa surface. En ajoutant des poids annulaires connus sur le petit plateau qui surmonte la tige de l’instru- ment, le niveau affleure à une certaine divi- sion. On connaît ainsi le volume V immergé, c'est-à-dire celui de l’eau déplacée. La somme du poids de l’appareil et des poids ajoutés donne le poids P de l’eau ) déplacée, et T donne la densité S: 4 £ + à la température 1 de l’eau pendant l'expérience, tous les poids étant ramenés à la densité de l’eau à 4°. L'’aréomètre est relativement facile à employer sur un navire, en plaçant l’éprouvette sur une table à roulis, ou mieux encore en la suspendant au plafond. Cet instrument donne la densité à 3 ou 4 unités près de la cinquième déci- male. Il nécessite malheureusement une quantité d’eau assez grande (environ 1 litte) et ne peut être pratiquement employé que pour les eaux de surface (1). (1) Un modèle plus petit, ne comportant pas de poids additionnels, est en usage sur les sous-marins, mais cet instrument ne donne la densité qu’à une unité près de la troisième décimale, précision généralement insuffisante pour les travaux océanographiques. éticbtitinlit st til MESURES. RELATIVES À L'EAU DE MER 33 x MESURE DE LA SALINITÉ. Un litre d’eau de mer contient environ 35 grammes de sels (Voir la deuxième partie, chapitre IV). Les trois sels les plus importants sont le chlorure de sodium, le chlorure de magnésium et le sulfate de magnésie. L'expérience a montré que, bien que la quantité de sels en dissolution dans l’eau de mer, c’est-à-dire la salinilé, varie considérablement, les proportions des différents sels restent à peu près les mêmes partout. Dans ces conditions, il suffit de déterminer la quan- tité d’un sel contenu dans un échantillon donné d’eau de mer pour connaître les quantités des autres sels, et par suite la salinité. On dose généralement le chlore,et, quand on connaît le poids C du chlore contenu dans un kilogramme d’eau de mer, on en déduit la salinité totale Q par la formule empirique : OS C1) La méthode employée, préconisée d’ailleurs par le Conseil permanent international pour l'exploration de la mer, est très simple, et point n’est besoin d’être chimiste pour la pratiquer. Elle consiste à précipiter le chlore par une solution titrée d’azotate d’argent, aiguisée de quelques gouttes de chro- mate neutre de potasse, qui donne à l’échantillon une belle couleur jaune, et qui sert d’indicateur (2). L’azotate d’argent (AgNOS) précipite le chlore à l’état de chlorure d’argent blanc insoluble (AgCl) : NaCIl + AgNO3 — AgCI + NaNOë. Au moment seulement où tout le chlore est précipité, l'excès d’azotate d’argent ajouté décompose le chromate de potasse (K?CrOf) et donne lieu à une formation de chromate (1) Knudsen a adopté la formule Q =: 0,030 + 1,805 *x C. (2) On fait dissoudre environ 8 grammes de chromate neutre de potasse dans 100 centimètres cubes d’eau distillée, pour avoir la solu- tion de chromate de potasse, Octanograplie. 3 34 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE d'argent (Ag?CrO#) qui produit une forte coloration rouge. On est donc averti, par un changement de teinte très net, du moment où tout le chlorure d’argent est précipité. Il suffit, pour appliquer cette méthode, d’avoir une liqueur titrée d’azotate d'argent. On peut faire cette S nitrate d'argent SX Robinet | liqueur en campagne, en emportant dans des flacons bou- chés à l’émeri des quantités d’azotate d'argent exactement pesées, correspondant à 1 litre d’eau distillée. On connaît le nombre de milligrammes de chlore saturés par 1 centi- mètre cube de la liqueur titrée. Par exemple, 1 centimètre cube d’une solution contenant 472r,956 de nitrate d’argent par litre d’eau distillée à 15° sature exactement 0£r,01 de chlore. Des burettes graduées (burettes de Knudsen) permettent de mesurer la quantité de liqueur nécessaire pour saturer tout le chlore contenu dans 15 centimètres cubes d’eau de mer, puisés avec une pipette graduée (Pipette de Knudsen) (1). (1) Le Laboratoire Hydrographique international de Copenhague vend des doses de nitrate d’argent exactement pesées, contenant a MESURES RELATIVES À L'EAU DE MER 2 ©Q2 Q Dans la pratique, on ne détermine la chloruration qu'au mouillage, et on traite à la suite toute une série d’échan- tillons. Toutes les dix mesures, on procède à une détermi- nation de chioruration d’une eau normale, dont la salinité est très exactement connue. Ces échantillons d’eau normale sont fournis par le laboratoire hydrographique de Copenhague et conservés en tubes de verre scellés. De cette manière, on peut éliminer les erreurs d'expériences et rendre parfaitement comparables entre elles les différentes mesures (1). Une fois la quantité de chlore connue, il est aisé d’en déduire la salinité et la densité à diverses températures, grâce aux tables hydrographiques établies par Knudsen. L'erreur de la détermination de la densité par la mesure de la chloruration est du même ordre que l’erreur de la méthode aréométrique, et la chloruration présente l’avan- tage très important de ne nécessiter qu’une très faible quan- tité d’eau. On peut donc se servir,pour recueillir les échan- tillons d’eau, de petites bouteilles très légères et mettre par suite sans danger plusieurs bouteilles sur le même fil de sonde. D'ailleurs, la salinité est la caractéristique la plus impor- tante d’une eau de mer; c’est celle qui permet le mieux de suivre une eau déterminée au milieu dela masse océanique, et elle présente à l'esprit quelque chose de plus concret que la 2 x 372,11 et 4 x 376r,11 de nitrate d’argent cristallisé, qu’on doit dissoudre respectivement dans ? ou dans 4 litres d’eau distillée. Ces quantités conviennent à l'emploi des pipettes et des burettes de Knudsen et des tables hydrographiques dont nous avons parlé plus haut (p. 31). L'avantage des pipettes et des burettes de Knudsen est de repérer très facilement et d'une facon rigoureuse le volume de liquide, en lui faisant dépasser les robinets RR, qui sont fermés ensuite au moment de l’opération (fig. 18), L'opération est décrite dans tous ses détails et d’une façon minutieuse dans le Manuel pratique de l'analyse de l’eau de mer, publié par le Bulletin de la Commission internatio- nale pour l'exploration scientifique de la Méditerranée (1°r avril 1920). (1) C’est, en somme, l'application de la méthode bien connue des doubles pesées. Il est nécessaire, naturellement, d'employer une eau normale d’une salinité voisine de celle des échantillons à analyser. Suivant les régions, il faut se munir d'échantillons d’eau normale différente. 36 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE densité, en indiquant immédiatement le poids des sels dissous dans 1 kilogramme d’eau. La teneur en sel de l’océan est un facteur très important de l’existence, du développe- ment et de la diffusion des êtres organisés marins. Mesure de la densité de l’eau de mer par l’indice de la ré- fraction. — Depuis longtemps les océanographes avaient pensé à utiliser les relations qui existent, dans un même échantillon d’eau, entre l’indice de réfraction et la densité. M. Thoulet vient de mettre au point ce procédé (1921). On mesure sur quelques gouttes d’eau de mer, au moyen d’un réfractomètre approprié, à la température ambiante, l’indice de réfraction, de la valeur duquel, à laide de graphiques et de tableaux spéciaux, on passe ensuite immédiate- ment à la connaissance de l’indice ën situ, puis successivement à celle de la densité in situ, de la densité normale à 0°, et de là, si on le juge nécessaire, à la salinité et à la chloruration. ; M. Vaurabourg a dressé des tables d’équivalence entre les indices de réfraction et la densité, à diverses températures, d'échantillons identiques. L'opération totale s’effectue en cinq minutes environ, sur une quantité de liquide de quelques centimètres cubes. LA TRANSPARENCE ET LA COLORATION DE L'EAU DE MER. La transparence de l’eau de mer se mesure par la profon- deur à laquelle un disque métallique de 30 centimètres de diamètre, peint en blanc, cesse d’être vu. L'’observateur doit se mettre à l'abri du soleil et regai der le disque à travers une lunelle d’eau, qui consiste en un tube conique, dont la base est fermée par un disque de verre. L'examen à travers cette lunette, dont la base est immergée dans l’eau, est de beaucoup préférable à l'examen à l'œil nu, parce qu’on est à l’abri des légers mouvements de la surface de l’eau qui gènent la vue. Pour apprécier la coloration de la mer, le meilleur dispositif est d’en examiner une tranche horizontale au moyen d’un miroir incliné à 459, On rapporte la couleur à une gamme de couleurs, dite gamme de Forel, constituée par une série de 10 tubes scellés, remplis d’un mélange en proportions définies d’eau céleste des pharmaciens (1 grammede sulfate de cuivre MESURES RELATIVES À L'EAU DE MER 37 dans 9 grammes d’ammoniaque et 190 grammes d’eau distillée) et de solution de 1 gramme de chromate de potasse dans 199 grammes d’eau. On a ainsi une série de nuances contenant des proportions bien définies de Jaune et de bleu, le numéro 0 étant du bleu pur et le numéro 100 du jaune pur. Comme la solution jaune est plus fortement colorée que la bleue, à partir du numéro 5 (5 parties de jaune pour 95 parties de bleu), on a une couleur nettement verte, CHAPITRE IV OBSERVATION DE LA HOULE DÉFINITION DE LA HOULE. Le frottement du vent à la surface de la mer produit une agitation, qui constitue les vagues et les lames. Lorsque le vent a cessé, l'agitation persiste pendant un certain temps, et les ondulations régulières, qui s’établissent alors, portent le nom de houle. Les éléments de la houle sont : La longueur L, exprimée en mètres, de crête en crête, ou de creux en creux, mesurée perpendiculairement aux géné- ratrices horizontales de la houle : La hauteur ou le creux H, hauteur du creux à la crête des lames ; La période T, temps que mettent deux crêtes successives à passer au même point fixe ; La vilesse de translation où de propagation V, appelée aussi Bélertie Ne 2: La direction, azimut du point de l’horizon d’où paraît venir la houle. On mesure ces éléments, soit directement. soit par la mesure d’autres éléments auxiliaires, ainsi qu'il est indiqué ci-après (1). (1) Tous les procédés indiqués dans ce chapitre s'appliquent à une houle simple. Fréquemment on rencontre sur la mer des houles simul- tanées, de direction et de vitesse différentes. La rencontre de ces houles donne lieu à une mer agitée, à du clapolis. Il est très difficile de x OBSERVATION DE LA HOULE 39 MESURE DE DIRECTION, C’est la mesure la plus simple. Pour obtenir la direction avec exactitude, il suffit de tourner l’alidade du compas du côté d’une crête qui s’avance vers le navire, et perpendicu- lairement à l’orientation générale de cette crête. MESURE DE LA VITESSE DE PROPAGATION OU CÉLÉRITÉ, Le navire est en marche à une vitesse v, qui doit être expri- mée, pour son emploi dans les formules, en mètres par seconde (1 nœud — 0,51 par seconde). es Connaissant le cap du navire / houle et la direction de la houle, on en déduit l’angle : de la direc- tion de la houle avec le cap (fig. 19). Le navire étant en marche, la célérité de la houle, par rapport à un observateurplacé à\ bord, n’est pas la célérité vraie, mais la célérilé appa- renle : c’est la vitesse relative de la houle par rapport au navire. Pour avoircette célérité apparente Va, ïl faut com- poser la célérité vraie V avec Fig. 19. une vitesse égale et contraire à celle du navire. La vitesse du {navire v donne une compo- sante v sin :, parallèle aux crêtes, quinefmodifie en rien l’ap- parence de la houle ; l’autre composante, v [cos +, parallèle séparer les diverses houles constituant le clapotis, et les observations sont dans ce cas très difficiles. L’amiral Arago a essayé de déterminer des règles d'observation dans des cas simples. Il suffit de parcourir le mémoire de l'amiral Arago, publié dans les Annales hydrogra- Phiques de 1919-1920, pour se rendre compte de {la complexité du problème, 40 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE à la direction, s’ajoute à la célérité V, pour donner la célé- rité apparente : Va—=N Evcoso. Si la houle vient de l’avant, : est inférieur à 909, v cos est positif. La célérité apparente est plus grande que la célérité vraie. Si la houle vient de l’arrière, z est supérieur à 90, v cos est négatif : la célérité apparente est moindre, le navire fuyant la houle. Si l’on a mesuré la célérité apparente Va, la formule précédente donnera la célérité vraie V. Pour mesurer la célérité apparente, il suffit de déterminer le temps nécessaire à une crête pour parcourir une base choisie sur le navire. Si let {sont les instants où une même crête passe successi- vement devant deux pointssitués'sur le navire à une distance /, la crête franchit un espace exprimé par licosz dans un intervalle de temps égal à 17’. On peut donc écrire : Exceptionnellement, il peut arriver que, : étant supérieur à 900, la célérité apparente soit négative. C’est le cas où le navire, fuyant la lame, marche plus vite qu’elle, et la crête se propage apparemment de l’avant à l'arrière. Pour la précision des mesures, il y a avantage à avoir une base, / cos +, aussi longue que possible. Il faut done que # soit voisin de 0° ou de 1809, ce qui revient à dire que les circon- stances favorables à des mesures de houle sont celles où le cap du navire s'éloigne peu de la direction de la houle ou de la direction opposée. Quand z est compris entre 45° et 1359, la lame abordant les formes du navire très obliquement, la détermination de / et de Fest plus difficile. Il y a aussi avantage à avoir un intervalle {-F' aussi grand OBSERVATION DE LA HOULE 41 que possible. Si, en effet, la durée du parcours de la base est grande, des erreurs sur / et l’ entraîneront une erreur relative moindre pour {-{’ et par suite pour = Si le navire marche à la rencontre de la houle, la célérité apparente V + v cos « est plus grande que V ; s’il fuit la lame, elle estmoindre. Dans le premier cas, {—{’ sera moindre que dans le second. Si donc on opère en marchant à la rencontre de la houle, il y aura intérêt à réduire autant que possible la vitesse du navire, tout en le conservant bien gouvernant. Si, au contraire, le navire fuit la lame, il faudra marcher avec une vitesse aussi grande que possible. Cette dernière allure est celle qui présente les circonstances les plus favorables. MESURE DE LA LONGUEUR. Si l’on mesure l'intervalle de temps 5 compris entre les arrivées, au même point du navire, de deux crêtes succes- sives, on à la relation suivante entre la longueur L, la célérité apparente Va, déduite des mesures précédentes, et l’inter- valle 6 : L— Va X 86. En effet, lorsqu'une crête atteint un point donné du navire, la crête suivante s’en trouve à une distance L. Donc, lorsqu'elle atteint à son tour le même point, c’est qu'elle Fig. 20. a parcouru la distance L, et cela évidemment à une vitesse qui n’est autre que la célérité apparente. On peut encore mesurer directement la longueur de la façon suivante : deux observateurs s’éloignent l’un de l’autre, 49 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE en tâtonnant, jusqu'à ce que la crête d’une vague passe devant l’un en même temps que la crête de la vague sui- vante passe devant l’autre observateur. Le produit par cos z de la distance entre les deux observateurs donne L (fig. 20). Si la longueur L est plus grande que la longueur du navire, on laisse filer au bout d’une ligne un flotteur (par exemple le bateau de?loch), jusqu’à ce que celui-ci se trouve sur une crête en même temps que l’autre extrémité de la ligne, tenue à la main, se trouve au-dessus de la crête précédente. MESURE DE LA PÉRIODE. La période T se déduit de la longueur et de la vitesse par la formule : MESURE DE LA HAUTEUR. La mesure de la hauteur H est la plus difficile et peut donner lieu à des erreurs très grandes. Au moment où le navire est dans le creux de la lame, on s’élève sur les passe- relles ou dans la mâture jusqu’à ce qu’on puisse faire coïn- cider la crête de la vague avec l'horizon, quand le navire est à peu près droit. La hauteur de la lame est alors égale à la hauteur de lœil au-dessus de la flottaison. Cette opération, toute simple en apparence, est plus difii- aile qu’on ne croit,et il faut être très exercé pour ne pas commettre d'erreurs grossières. Dans les missions océanographiques, où l’on a du temps à consacrer aux mesures, on peut employer, lorsqu'il ne s’agit que de houles assez faibles, le race-vagues imaginé par Froude. L'appareil est basé sur la diminution très rapide que subit en profondeur le mouvement des vagues. Il se compose d’unef longue perche de bois graduée, à l’extrémité inférieure de laquelle est attachée, par une corde assez longue, une petite plate-forme horizontale lestée. La plate-forme étant à une profondeur où l’eau n’est plus agitée par la vague, OBSERVATION DE LA HOULE 43 la perche n’a qu’un mouvement vertical très faible, et on lit sur sa graduation la hauteur atteinte par les crêtes et les creux. Neumayer a essayé un autre procédé, qui consiste à déduire la hauteur des lames des variations d’un baromètre sensible flottant à la surface de l’eau. Pendant l’expédition antarctique du! Dr Charcot à bord du Pourquoi-Pas? (1908-1910), j’ai mesuré la hauteur des vagues de la mer à l’aide d’un procédé analogue (1). Je me suis servi du statoscope enregistreur construit par M. Richard. Cet instrument est un baromètre très sensible, per- mettant de déceler, à peu près instantanément et d’une façon très précise, les petites variations d’altitude, à condition que la pres- sion barométrique reste sensiblement constante pendant lexpé- rience. Il se compose essentiellement d’une série-de coquilles’métal- liques, analogues à celles des baromètres enregistreurs ordinaires, renfermées à l’intérieur d’un réservoir, entouré de matière iso- lante et contenu dans le socle en bois de l’appareil. Les coquilles communiquent librement entre elles et avec latmosphère exté- rieure. Un robinet permet de faire communiquer ou non le réser- voir avec l’atmosphère ; lorsque ce robinet est fermé, le statoscope devient un baromètre à air différentiel, qui enregistre la différence de pression entre l’atmosphère ambiante et lair enfermé dans le réservoir au début de l’expérience. Sur la feuille de l'instrument dont je me suis servi, 1 millimètre correspondrait à une variation de hauteur de 0,50 environ. Le cylindre enregistreur faisait un tour en cinquante-deux minutes, ce qui donnait un développement horizontal de 5 millimètres envi- ron par minute. Des vagues de période de six secondes donnaient lieu à dix oscillations par minute soit, sur la feuille, deux oscillations par millimètre. Il était donc très facile de distinguer les oscillations les unes des autres. La figure 21 reproduit l'aspect d’une des courbes obtenues. Toutefois la hauteur des vagues, déduite de ces observations, n’est exacte qu’à certaines conditions. 1° Au moment du passage du creux et de la crête, le navire, par suite de ses mouvements propres de tangage et de roulis, n’est pas (1) Pour plus de détails, voir le Bulletin de l’Institut océanogra- phique du 12 juillet 1920. 44 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE dans la même position. Sur le Pourquoi-Pas? le statoscope était placé assez près du milieu du navire pour que l’erreur causée par le roulis et le tangage soit toujours faible. . 2° Par vent fort, la pression barométrique éprouve elle- même des variations très rapides, dont amplitude s’ajoute à celle DERRE 1810": 27. 147 16 4187 20" 7220) Dam EN DOS 1910 due aux mouvements verticaux du navire. Ces variations de pression constituent ce qu’on appelle le pompage du baromètre Le trait tracé par la plume du statoscope s’épaissit, puis présente des crochets verticaux presque continuels. Certaines courbes de pompage à terre ressemblent, à s’y méprendre, aux courbes obte- nues en mer, etje ne vois pas le moyen d’éliminer une erreur de ce genre, sauf en considérant la moyenne d’un grand nombre d’obser- vations :on aurait ainsi la hauteur moyenne de la houle, mais non la hauteur maximum. L'expérience m’a montré qu’à terre le pompage ne commence à se manifester que par des vents de vitesse supérieure au degré 5 de l’échelle de Beaufort (1). En mer, il est très probable que le pompage est très atténué, car le vent y est beaucoup plus régulier qu’à terre. Cependant, je ne pense pas qu’on puisse faire état des observations de houle au statoscope faites par vent supérieur à 5. 3° Le statoscope enregistreur est très sensible aux chocs. Quand le Pourquoi-Pas? naviguait au milieu des glaces, les chocs des glaçons causaient fréquemment à la plume de l'instrument des (1) Vitesse d'environ 10 mètres par seconde. OBSERVATION DE LA HOULE 45 vibrations de 10 millimètres d'amplitude. Par grosse mer, le navire reçoit de véritables chocs des paquets de mer, qui embarquent à bord ou qui brisent contre la coque. Les vibrations de l’instrument peuvent être alors très importantes. C’est encore une raison pour rendre l’appareil difficilement utilisable par très mauvais temps, juste au moment où les observations de la hauteur des vagues seraient le plus intéressantes. CHAPITRE V OBSERVATION DE LA MARÉE ÉCHELLES DE MARÉES. L'observation de la marée consiste à noter, à des inter- valles de temps rapprochés, la hauteur qu’atteint le niveau 1 29 Fig. 22. de la mer. Pour mesurer cette hauteur, on place dans la mer une règle verticale fixe, graduée en décimètres d’une façon très visible, et assez haute pour que, à tout instant, le niveau de la mer baigne sa partie graduée (fig. 22 et 23). Cette règle s'appelle une échelle de marée. Elle doit être établie dans un endroit abrité autant que possible de la houle et du clapotis, afin que les lectures soient précises et faciles. Mais il est nécessaire que cet endroit communique librement avec le large : une souille, qui serait isolée à basse mer, ne se prête pas à l'installation d’une échelle de marée. Quand la mer marne beaucoup, on instal e deux échelles, une échelle de pleine mer, une échelle de basse mer. Il faut qu’au moment où l'échelle de basse mer va couvrir, la hauteur de la mer soit lisible sur l’échelle de pleine mer, afin de faire, pendant un certain temps, les lectures simultanément aux deux échelles. Contre un mur de quai, ou contre un appontement, l'échelle est fixée verticalement au moyen de crampons. Il faut naturellement la protéger contre les chocs des bateaux OBSERVATION DE LA MARÉE si Æ qui viennent accoster. Sur une plage, l'échelle est fixée à un pieu solidement enfoncé dans le sol, et elle est maintenue verticalement à l’aide de haubans en fil d’acier amarrés à des grappins. L'installation doit être très solide pour Première echelle . . “ Marégräghe se 2 2.Favée SS CL PP SES 2 ne \ " \ résister à la mer pendant toute la durée des observations. Dans les glaces, les mouvements des glaçons contre le rivage mettent rapidement hors d’usage les échelles de marée ordinaires. Voici le dispositif que M. Godfroy a employé dans l’Antarctique et qui donna toute satisfaction (fig. 24). Un grand trépied, reposant sur la banquise, supportait l’échelle, qui suivait ainsi les mouvements de la glace et, par suite, de la marée. Le long de l’échelle se déplaçait un curseur pesant, suspendu à un fil qui, par un retour simple de poulies, descendait se fixer par son autre extrémité à un paquet de gueuses reposant sur le fond. De cette façon. 48 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE tout mouvement du niveau pouvait se mesurer par le dépla- cement du curseur le long de la graduation de l’échelle. Pour empêcher que, sous l’action du gel, le fil ne fit corps Sssañenres CÉEEEEEEEEE Tube rempli ce pétrole { 1 , 1 1 1 1 1 Fig. 24. avec la banquise, il traversait la glace dans un tube de plus de 2 mètres de long, rempli de pétrole. De toute façon, il faut repérer l'échelle à un point fixe de la côte (trait gravé profondément sur un rocher par exemple) afin d’utiliser, si elle venait à être emportée, les observations déjà faites et afin de repérer une nouvelle échelle par rap- OBSERVATION DE LA MARÉE 49 port à la première. Ce repère permettra aussi de rendre comparables entre elles les observations ‘qui peuvent être reprises ultérieurement au même endroit. Les observations de l'échelle doivent être faites tous les quarts d'heure, avec une approximation d’une ou deux minutes (1). MARÉGRAPHES ENREGISTREURS, L'observation continue des échelles de marée est souvent très pénible et exige un personnel assez nombreux. D’autre part, au cours d’expéditions scientifiques, l'observation des marées à l’aide d’échelles directement lues par des obser- vateurs ne serait pas toujours praticable, car il est parfois utile de déterminer la loi des marées en plusieurs points du rivage souvent fort éloignés les uns des autres. Aussi a-t-on été amené à construire des appareils permettant d'enregistrer automatiquement la hauteur du niveau de la mer. Marégraphe Faré. — Parmi ces appareils, nous citerons le marégraphe plongeur de M. Favé (2). Cet appareil portatif n’enregistre pas Le directement la hauteur de l’eau, mais la ; D pression à laquelle ilest soumis, pression proportionnelle à la profondeur à laquelle il se trouve au-dessous de la surface, et par suite variable, pour un instru- ment reposant sur le fond, avec le dé- LES placement vertical de cette surface. Il AN fonctionne commeun-baromètreau fond Poe de la mer (fig. 25). Rene L'organe essentiel consiste en deux tubes manométriques de Bourdon TT, dont les extrémités (1) Il est indispensable que les observations de marées soient accom- pagnées d'observations météorologiques, les phénomènes météoro- logiques, en particulier la pression barométrique et le vent, ayant, comme nous le verrons, une influence sur la hauteur du niveau de la mer, (2) Le marégraphe Favé est décrit en détail dans les Annales hydro- graphiques de 1919. Océanographie. 4 50 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE AA’ sont encastrées dans un support commun, et qui sont enfermés dans une boîte hermétiquement close. L'intérieur de ces tubes, remplis de liquide, est mis en communication avec la mer et subit la pression de l’eau ambiante ; celles de leurs extrémités qui ne sont pas encastrées, BB, se dépla- cent sous l'influence des variations de la pression. Elles portent une lame flexible, pp’, munie d’une pointe qui vient s'appuyer sur un disque de verre D, auquel un mou- vement d’horlogerie donne un mouvement de rotation proportionnel au temps. La surface de ce disque est cou- verte d’un enduit très mince, sur lequel les pointes, en se déplaçant, tracent des traits d’une grande finesse. Les deux pointes se trouvent sur un même rayon du disque, et les tubes sont disposés de façon qu’elles s’écartent l’une de l’autre lorsque la pression augmente. La lecture des courbes tracées sur le disque se fait au microscope, lorsqu'on a relevé l’ap- pareil. L’amplitude du mouvement des pointes est très minime (3 mil- limètres environ pour chacune des Foulie vers . lenregistreur Flotteur ’ & pointes pour une variation de 106 mètres de hauteur d’eau), ce qui nécessite une très grande finesse pour les traits et une très grande Poule lestée EEE : ; ÿ É 4 précision pour l’appareil micromé- trique servant à mesurer la distance des courbes. Le marégraphe Favé permet d'observer la marée au large des Fig. 26. côtes. Les observations de ce genre, encore très rares, sont très pré- cieuses pour l’étude complète du phénomène. Marégraphe enregistreur du Service hydrogra- phique. — Dans les ports de guerre, et en certains points du littoral français, il existe des marégraphes enregis- treurs, basés sur un principe différent : les mouvements de la mer sont transmis à un cylindre enregistreur par OBSERVATION DE LA MARÉE 51 l'intermédiaire d’un flotteur, qui se déplace dans un puits, communiquant avec la mer par son extrémité inférieure (fig. 26). Le marégraphe du port de Brest a été installé en 1846 et fonctionne sans interruption depuis époque. : cette CHAPITRE WA OBSERVATION DES COURANTS Les principales mesures de courant superficiel au large ont été déduites des différences entre le point observé et le point estimé. Mais les erreurs qu’on peut faire séparément sur le point observé et sur le point estimé sont assez grandes pour rendre le procédé peu précis. Les erreurs du point estimé proviennent autant d'erreurs faites dan; la tenu: d2la route que des courants. Sur les bateaux à voiles, et mm? sur les bateaux à vapeur, dès que le vent est un peu fort, la dérive causée par le vent, difficile à apprécier exactement, est souvent plus forte que la dérive causée par les courants. La différence entre le point observé et le point estimé ne peut donc donner une indication sur les courants marins que dans les parages où les courants sont forts, et encore à con- dition de disposer d’un grand nombre d'observations (1). Quand le navire est maintenu immobile à l’ancre, et il faut pour cela qu'il soit affourché sur deux ancres, on peut, en laissant filer le loch (ou mieux la drague à courant dont nous parlerons plus loin), avoir des indications très précises sur la vitesse et la direction des courants. Ce procédé n’est d’ailleurs pas réservé au voisinage des côtes. Les bâtiments du Service hydrographique des États-Unis procédèrent de cette façon pour étudier le Gulf-Stream et réussirent à (1) Les courants se désignent par la direction dans laquelle ils por- tent : un courant nord est un courant qui se dirige vers le nord. Au contraire, un vent de nord est un vent qui souffle du nord vers le sud. OBSERVATION DES COURANTS 53 mouiller sur un câble en fil d'acier par plusieurs milliers de mètres de profondeur (1). La drague à courant comprend une partie immergée, constituée par un cabrion carré de 50 centimètres de lon- gueur et de 10 centimètres d’équar- rissage, sur lequel sont assemblées en croix quatre planches de sapin de même longueur et de 25 centimètres de largeur, le tout lesté avec un plomb de 5 kilogrammes environ (fig. 27). Une bouée en liège est reliée au cabrion par un orin, dont la longueur varie suivant la profondeur à laquelle on veut mesurer la vitesse du courant. La bouée doit émerger le moins pos- sible, afin de ne pas donner prise au vent. On emploie la drague à courant pour mesurer, avec une embarcation mouillée, la vitesse et la direction des courants de marée. La drague à courant peut être remplacée simplement par des bou- Fig. 27. teilles accouplées, la bouteille infé- ; rieure étant remplie de la quantité d’eau nécessaire pour la lester suffisamment. Un autre procédé consiste à abandonner en un point connu de l’océan des corps flottants, bouteilles ou barils, contenant un billet, invitant le découvreur d’un de ces flotteurs à faire connaître le lieu et la date de sa trouvaille. Le procédé est évidemment imprécis ; il ne renseigne pas du tout sur le trajet réel suivi par le flotteur entre son point de départ et son point d’arrivée, mais il peut, dans certains cas, donner des indications intéressantes. Une épave de la Jeannelle, broyée dans les glaces au nord de la Sibérie (1) Devant le cap Hatte:as, le Blake accomplit le fait remarquable de rester à l’ancre par 3337 mètres de fond avec des courants de 4 nœuds. 54 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE et retrouvée au Groenland, a donné à Nansen l’idée de sa fameuse exploration polaire, où son navire lui-même, le Fram, pris dans les glaces, a servi de flotteur et a démontré l'existence du courant de l’océan Arctique. On a pu vérifier dans la suite l’existence de ce courant, en lançant à la mer, vers le détroit de Behring, de solides flotteurs, dont l’un fut retrouvé, plusieurs années après, sur la côte septentrionale de l'Islande. C'est un flottage analogue, quoique naturel, qui révéla l'existence du Gulf-Stream : on trouva, sur les côtes du nord de l’Europe, des graines et des bois exotiques qui ne pou- vaient provenir que d'Amérique. Les expériences de flottage, entreprises depuis plus de vingt ans par le prince de Monaco, lui ont permis de déter- miner les trajectoires probables des mines sous-marines, jetées à la mer pendant la dernière guerre (1). On a aussi imaginé des mesureurs de courants, ou flusso- mètres, à hélice et à gouvernail, inscrivant automatiquement leurs indications ; mais le fonctionnement de ces appareils coûteux est toujours délicat. Pour mesurer les courants en profondeur, le seul appareil vraiment pratique est le mesureur de courant de l'amiral Makharof. Une hélice en laiton est portée par un panneau en fer ou‘en bois, qui s'oriente dans la direction du courant. À chaque tour d’hélice, c’est-à-dire pour un parcours déter- miné du courant, un marteau mobile, actionné par un res- sort, frappe un coup sur une cloche. Même avec un appareil grossièrement construit par les moyens du bord et dont la ligne est simplement tenue à la main, on entend la cloche très facilement jusqu’à 30 mètres. En remplaçant la cloche par un tam-tam plus sonore, et en se servant d’une ligne en fil d'acier branchée sur un appareil microphonique, on peut percevoir le son jusqu'à 500 mètres de profondeur. (1) Les épaves des navires naufragés ont aussi fourni des indica- tions très utiles. Malheureusement, ces épaves offrent au vent une sur- face importante, et leur dérive n’est pas uniquement due aux courants marins. Les Pilot Charts, dressées par le Weather Bureau de Washing- ton, contiennent quantité d'observations de ce genre. CAP PRES VIT OBSERVATION DES GLACES Il est très important de noter d’une facon précise la nature des glaces rencontrées en mer, car la glace joue un rôle consi- dérable dans les phénomènes de la mer, en particulier dans la circulation générale, par le refroidissement des eaux polaires, correspondant à l’échauffement des eaux super- ficielles de l'équateur et des tropiques. La dispersion des glaces polaires versles latitudes moyennes a une influence directe sur le climat et sur la trajectoire des dépressions. Enfin, au point de vue de la navigation, on sait les dangers considérables que présentent les glaces et les sinistres qu'il faut leur attribuer (naufrage du Tilanic eu 1912). On trouve, dans les mers arctiques et dans les mers antarctiques, deux sortes de glaces bien distinctes : la glace de terre et la glace de mer. GLACE DE TERRE. Dans les régions arctiques, la glace de terre, due à la congé- lation de l’eau douce, a deux origines : l’une provient des glaciers qui aboutissent à la mer, l’autre de la débâcle des glaces des fleuves d'Amérique et de Sibérie. La glace de terre antarctique appartient toute à la première catégorie. La glace de terre provient donc en grande majorité du vélage des glaciers, c’est-à-dire de la dislocation de la falaise de glace, par laquelle ils se terminent dans la mer. 56 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Ces fleuves de glace avancent graduellement leur front dans la mer, quelquefois à plusieurs kilomètres au large, ct l’eau les supporte jusqu’au moment où diverses causes, les mouvements de la mer, les tempêtes, et notamment les marées, en provoquent la cassure, qui se fait avec fracas et couvre l’eau de blocs de glace plus ou moins volumineux (fig. 28). On appelle ces blocs des icebergs quand ils atteignent des dimensions notables (fig. 1 de la planche I), des iceblocs quand ils ne sont pas très gros. Les anciens navigateurs français appelaient les tout petits iceblocs des bourguignons. La proportion de la partie de l’iceberg qui est sous l’eau à la partie visible au-dessus de l’eau a été pendant longtemps exagérée. Elle varie suivant la densité de l’iceberg, mais elle ne paraît pas dépasser 4 ou 5. Dans les mers antarctiques, les icebergs ont souvent des formes prismatiques régulières, avec un sommet sensible- ment horizontal ; on les appelle alors icebergs labulaires. C’est un iceberg tabulaire qui est représenté sur la figure 1 de la planche I. Cette forme tabulaire se rencontre aussi parfois dans les mers arctiques, en particulier auprès de la côte orientale du Groenland. GLACE DE MER. La glace de mer résulte de la congélation de l’eau de mer. Son eau de fusion est salée, tandis que l’eau de fusion de la glace de terre est douce (Voir la deuxième partie, chap. XI). PLANCHE I. Fig. 2. — Jeune glace. PLANCHE II. Fig. 1. — Floe. OBSERVATION DES GLACES 57 Quand la température de l’eau de mer s’abaisse à environ — 20, la congélation commence, en produisant une sorte de bouillie glacée de cristaux de glace, qui durcit quand le froid augmente (Pancake ice, où simplement jeune glace) (fig. 2 de la planche T). Ainsi se forment des champs de glace qui peuvent atteindre des centaines de kilomètres et qui constituent la banquise. Quand cette banquise est reliée à la terre et forme une banquette continue le long du rivage, on a la banquise côlière. Les bords de cette banquise se fragmentent en plaques, qu’on appelle des floes. La figure 1 de la planche IT montre un floe sur lequel s’ébattent des pingouins. Les floes attei- gnent rarement une dizaine de mètres d'épaisseur; les plus communs ont moins d’un mètre. Les floes épais d’une tren- taine ou d’une cinquantaine de mètres des mers arctiques, appelés par Nares les floes paléocrystiques, sont en réalité des petits icebergs, ainsi que Peary l’a démontré. La réunion de plusieurs floes constitue la banquise propre- ment dite ou le pack (fig. 2 de la planche IT). Le pack est lâche, quand :1l existe entre les différents floes des espaces d’eau libre. Si ces espaces d’eau libre sont assez nombreux pour que la navigation soit relativement facile entre les floes, on désigne parfois le pack sous le nom de drift. Sous l'influence des courants, des vents et des variations de température, les différentes parties de la banquise, dans les mers polaires, se pressent les unes contre les autres, en donnant naissance à des monticules de glace appelés hummocks, qui atteignent rarement une dizaine de mètres de hauteur. Ces pressions sont parfois considérables, et plusieurs navires polaires ont été broyés par elles (la Jean- nelle, la Hansa, le Tegethoff, le Polaris, le Karluk, dans le Nord, l'Anlar:lic, l' Endurance dans le Sud). La glace de mer a une couleur terne caractéristique, tandis que la glace de terre est toujours plus transparente et un peu plus bleue. Au-dessus du pack, le ciel prend des reflets blanchâtres, qui en annoncent de loin la présence et qu’on appelle l’ice- PLANCHES I ET Il. 58 CÉANOGRAPHIE PHYSIQUE blink. De même, lorsqu'on se trouve au milieu du pack, la présence de la mer libre est annoncée par des teintes plus sombres, qu’on appelle walersky. Sans parler des observations spéciales réservées aux expédi- lions polaires, il faut, lorsqu'on aperçoit des glaces, d’abord bien spécifier leur nature, noter toutes leurs particularités, évaluer leurs dimensions, surtout si elles paraissent excep- tionnelles, en prendre des échantillons s’il y a lieu, en vue d'analyses ultérieures. Si les glacons transportent de la terre ou des pierres, il faut en recueillir des échantillons, car leur étude permettra d’avoir des indications précises sur l’origine des glaces. Il faut enfin multiplier les observations de température et de densité de l’eau de mer, données qui peuvent avoir des rela- tions intéressantes avec la présence des glaces, ou qui peuvent, en tout cas, servir à déterminer les courants qui les ont amenées. SIGNES DE LA PROXIMITÉ DES GLACES DANS LES RÉGIONS TEMPÉRÉES. Avant d’apercevoir les glaces du pont d’un navire, s'il s’agit de pack de dérive, l’iceblink, dont nous avons parlé plus haut, se manifeste. Par journée claire, le ciel sera beau- coup plus pâle. Par brouillard, les icebergs apparaissent d’abord comme des objets foncés. Par brouillard épais, la première manifes- tation de l’iceberg est une ligne d’eau plus foncée à sa flot- taison. Un iceberg peut être parfois révélé par l’écho du sifflet ou de la sirène. L'absence d’écho n’est pas du tout un signe qu'il n'y a pas d’iceberg, car, pour qu'il y ait écho, il faut que l’iceberg présente un mur vertical, ce qui n’est pas tou- Jours le cas. La présence des icebergs est souvent révélée par le bruit qu'ils font en se brisant en morceaux. Ce bruit est analogue à celui des brisants ou d’une lointaine canonnade. OBSERVATION DES GLACES 59 Des débris de glace annoncent aussi parfois la présence de l’iceberg, qui leur a donné naissance. L'absence de houle et de vagues par brise fraîche est un signe qu'il y a de la glace dans le voisinage, si ce calme relatif ne peut pas être attribué à une terre. La présence de troupeaux de phoques est aussi un signe de glaces. La température de l’air se rafraichit. Quant à la tempéra- ture de la mer, il est à peu près démontré que l’on ne peut pas déceler la présence d’un iceberg par la baisse de tem- pérature de l’eau de mer. Au contraire, des observations récentes semblent montrer qu'on observe, à un mètre de profondeur, une légère hausse de température, quand on approche d’un iceberg. DEUXIÈME PARTIE PES RÉSULTATS CHAPITRE PREMIER GÉNÉRALITÉS SUR LES OCÉANS La géographie nous fournit sur les océans des données générales, qu'il est utile de rappeler. RÉPARTITION DES TERRES ET DES MERS. Les océans recouvrent à peu près les trois quarts de la surface terrestre. La surface du globe étant évaluée à 510 millions de kilomètres carrés, il y a environ 365 millions occupés par les eaux marines, pour 145 millions occupés par les terres. Ces terres ne sont pas également réparties dans les deux hémisphères : l’hémisphère Nord, qu’on appelle parfois l'hémisphère continental, comprend plus des deux tiers de toutes les terres (environ 100 millions de kilomètres carrés) ; l'hémisphère Sud, l'hémisphère marilime, comprend plus de la moitié des mers (environ 211 millions de kilomètres carrés). Il faut d’ailleurs remarquer que l'hémisphère dit conti- nental comprend, tout de même, plus de mers que de terres (155 millions de kilomètres carrés d’eau contre 100 millions de kilomètres carrés de terres). On a cherché à déterminer le pôle de l'hémisphère qui contiendrait le plus de terres, et, par tâätonnements, on est arrivé à montrer qu'un hémisphère, qui aurait pour pôle un 62 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE point situé en France, comprendrait 115 millions de kilo- mètres carrés de terres pour 140 millions de kilomètres carrés de mer, tandis que l’autre hémisphère, qui aurait son pôle vers la Nouvelle-Zélande, comprendrait 225 millions de kilomètres carrés de mer pour 30 millions de kiiomètres carrés de terres. Autrement dit, en chiffres ronds, l’hémisphère continental, ou émergé, comprend à peu près autant de terres que d’eau, tandis que l'hémisphère maritime, ou immergé, renferme sept fois plus d’eau que de terres (1). La répartition des terres et des mers joue un grand rôle dans l’étude des climats, et les différences climatériques observées entre les deux hémisphères, pour des régions situées à des latitudes égales, tiennent en grande partie à cette répartition différente. L'opposition diamétrale des continents et des mers a été aussi signalée depuis longtemps par les géographes. Presque tous les points de la surface des terres émergées ont sur les mers leurs antipodes (c’est-à-dire les points qui, dans l’autre hémisphère, leur sont diamétralement opposés). «Toute saillie qui émerge au-dessus de la surface des mers, a dit de Lapparent, a dix-neuf chances sur vingt d’avoir un creux pour point diamétralement opposé. » On a remarqué aussi depuis longtemps que l’ensemble des terres forme trois massifs très larges dans le nord et terminés en pointe vers le sud : Amérique, Europe-Afrique, Asie-Aus- tralasie. Par esprit de symétrie, on a voulu voir une disposition inverse des masses océaniques : la masse principale entoure le continent antarctique et envoie vers le nord trois grands prolongements, Atlantique, océan Indien, Pacifique. Il ne faut pas exagérer ces symétries, qui ne sont que de pures coïncidences. Les théories d’apparence ingénieuse qu’on a proposées pour les expliquer n’ont pas toujours une base sérieuse (2). (1) Certains géographes ont prétendu que nous avions lieu d’être fiers d’avoir notre pays situé au pôle de l’hémisphère continental : n'est-ce pas un orgueil un peu puéril de se croire prédestinés, par des causes géographiques, à devenir le centre du monde civilisé ? (2) Une des raisons de l’épanouissement apparent vers le nord des terres est probablement l'usage des planisphères en projection de GÉNÉRALITÉS SUR LES OCÉANS 63 p] CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES MER { Le terme océan est d'ordinaire réservé pour désigner les vastes étendues liquides, limitées par les continents : océan Atlantique, océan Pacifique, océan Indien, océan Arctique, océan Antarctique ou océan Austral. L’océan Pacifique, qui est le plus grand de tous, occupe une superficie d'environ 167 millions de kilomètres carrés ; l’océan Atlantique occupe 83 millions, l'océan Indien 75 mil- lions, l'océan Arctique 14 millions; l'océan Antarctique, dont les limites sont bien imprécises, a seulement 20 millions de kilomètres carrés. A titre de comparaison, nous rappellerons les superficies qui nous sont plus familières : l'Europe, 10 millions ; la mer Méditerranée, 3 millions ; la France, 550 000 kilomètres carrés. Le mot mer a, en géographie, une acception plus précise que dans le langage courant : il désigne les étendues d’eau presque fermées (mer Méditerranée) ou des portions bien définies d’un océan principal, on dit quelquefois mers bor- dières (mer du Nord, mer Baltique, mer Rouge, etc.). Mais les usages consacrés sont parfois plus forts que les classifi- cations, souvent artificielles (1). C’est ainsi que les marins continuent à dire les mers du Sud pour l’océan Austral, que l’on dit golfe Persique et non mer Persique, et plus souvent mer d’'Oman que golfe d’Oman et golfe du Bengale que mer du Bengale, quoiqu'il s’agisse de deux portions de l'océan Indien qui, au point de vue topographique, ne présentent pas de différences essentielles. Mercator. Comme les continents septentrionaux s'étendent jusqu'à de hautes latitudes, leurs dimensions sont très exagérées sur la carte. Il n’en est pas de même pour les continents de l'hémisphère sud, qui se terminent vers le quarantième degré. L'océan Austral occupe aussi une surface beaucoup moins grande, en réalité, qu’elle ne parait sur la carte de Mercator. (1) 11 faut se garder de donner raison aux détracteurs de la géo- graphie, qui prétendent qu’elle n’est qu'une science de mots et que les géographes sont les derniers « nominalistes ». CHAPITRE I1 LA PROFONDEUR DE LA MER PROFONDEUR MOYENNE DES OCÉANS. S'il existe encore de grandes étendues de mer qui n’ont Jamais été sondées, nous avons cependant aujourd'hui à notre disposition un nombre considérable de documents, qui permettent d'étudier d’une façon assez précise la structure des fonds. Pour figurer le relief sous-marin, on emploie le même pro- cédé que pour figurer le relief terrestre : on réunit par une ligne, appelée isobalhe, les points où la profondeur est la même. Une carte, qui indique les profondeurs, s’appelle une carle bathymétrique. D'après une évaluation qui ne doit pas comporter d'erreur grossière, la profondeur moyenne des mers est comprise entre 3 500 et 4 000 mètres (1). Ce chiffre est considérable, si l’on songe que la hauteur moyenne des terres émergées est d'environ 700 mètres (825 mètres si le continent antarctique a une hauteur moyenne de 2 000 mètres, ce qui paraît probable). Le volume total de la masse marine est d'environ 1300 000 kilomètres cubes, douze fois le volume des terres émergées. Si les terres étaient nivelées, les mers les recouvriraient d’une couche uniforme de 2500 mètres d'épaisseur. (1) KrummMmEez, dans son Handbuch der Ozeanographie, ose écrire 3997 mètres. Qui espère-t-on impressionner avec une pareille préci- sion? [SA LA PROFONDEUR DE LA MER 65 Ces nombres énormes dépassent d’ailleurs la portée de notre entendement : un fleuve qui débiterait ! kilomètre cube à la minute, depuis le début de l’ère chrétienne, n'aurait pas encore rempli le bassin actuel de la mer. La Seine, qui débite en moyenne 290 mètres cubes d’eau par seconde, mettrait, pour le faire, près de 200 millions d'années. PROFONDEURS MAXIMA. , Les plus grandes profondeurs mesurées actuellement se trouvent dans l’océan Pacifique. Voici, d’après les derniers documents publiés par l’Institut océanographique de Paris, la liste de celles qui dépassent 9 000 mètres (1). Re D SITUATION PROFONDEURS. LATITUDE. LONGITUDE. CÉOCRABHIQUE. 9 020 mètres... 6215°N 197092’E Philippines. 9031 — 59 212N 127048'E Philippines. 9440 — 3 60 46°S 1530 56‘E Au nord de Manahi 9184 — . 24000’$ 175200" W |lle Tonga. (109 (TEE x 280445 176004" W |ile Tonga. 94927 — : 380923/5 176039" W |fle Kermadec. 9636 — = 195407N 145930°7E Entre les Mariannes el les Carolines. PSS $ 9956/N 126°40'E Philippines. La plus grande profondeur de l'océan Atlantique est de 8 526 mètres au nord de Porto-Rico. Dans l'océan Indien, la profondeur ne dépasse pas 7 000 mètres, trouvés au sud de Java. Dans l’océan Arctique, Nansen a trouvé une profondeur maxima de 3 900 mètres. Quant à l’océan Antarctique, sa profondeur dépasse en plusieurs endroits 5 000 mètres. La plus grande profondeur observée jusqu'ici est de 5 700 mètres, au sud de l'Afrique. (1) Nous laissons à tous les sondages leur approximation du mètre, telle que l’ont donnée leurs auteurs, mais il faut se rappeler que c’est là une précision illusoire : on ne sonde pas par grande profondeur à 1 mètre près, mais seulement à une cinquantaine de mètres près. Océanographie. 5 66 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Dans la Méditerranée, la fosse de Corfou atteint 4 440 mè- tres. A titre de comparaison, il faut se rappeler que la plus haute montagne connue, le mont Everest, dans l'Himalaya, a une hauteur de 8 840 mètres. Les mers sont donc plus pro- fondes que les terres ne sont hautes. Le diagramme de la figure 29, imaginé par l’océanographe anglais Supan, représente l’étendue relative et le relief des parties du globe émergées et immergées. Ce diagramme est construit de la façon suivante. De part et d’autre d’une ligne représentant le niveau de la mer, on a tracé, à gauche, les échelles verticales du relief terrestre et à droite celles des profondeurs de la mer, à des distances horizontales propor- tionnelles aux étendues situées à tel ou tel niveau. La lon- gueur AB représente les 145 millions de kilomètres carrés de la surface émergée, tandis que AC figure les 365 millions de la surface marine. La distance qui sépare deux ordonnées successives, par exemple les ordonnées de 4 000 mètres et de 5 000 mètres, représente l’étendue des terres ou des mers dont les hauteurs, ou les profondeurs, sont comprises entre 4 000 et 5 000 mètres. On voit sur ce diagramme que, tandis que la surface des terres, dont l'altitude est inférieure à 1 000 mètres, dépasse de beaucoup la surface des terres plus élevées, la surface des mers de moins de 1 000 mètres de profondeur est très faible, par rapport au reste. Les très grandes altitudes et les très grandes profondeurs sont très rares et n’occupent qu’une très petite surface du globe. Sur les 145 millions de kilomètres carrés de terres émergées, 3 millions, soit environ 2 p. 100, s'élèvent au-dessus de 4 000 mètres ; sur les 365 millions de kilomètres carrés de mer, 185 millions, soit à peu près la moitié, ont une profondeur supérieure à 4 000 mètres. RÉPARTITION DES PROFONDEURS. Les océans ne se présentent pas sous la forme d'une cuvette s’approfondissant peu à peu à mesure qu’on s'éloigne du rivage, pas plus que les continents ne forment des sortes °68 ‘SW | zUM suol{| IUI 0S wO0O08 wOO0O9 w0O0O0Ÿ wOO0ZC & O H de uO {| Fu000Z Lu000 w0OO009 wO008 À SoJJs | 68 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE de dômes réguliers. Le fond de la mer est, dans ses grandes lignes, probablement aussi accidenté que la surface terrestre. Nous disons dans ses grandes lignes, car le fond de la mer n’est pas découpé et tourmenté, comme le relief terrestre, par les érosions, et les dépôts finissent à la longue par le niveler en partie. Il arrive souvent, comme le montre la carte de la figure 30 sur laquelle nous avons tracé les zones où la profondeur est supérieure à 6000 mètres, que les très grandes profondeurs se trouvent près du rivage. Les géologues ont cherché à relier les accidents sous-marins aux accidents du relief terrestre. Les uns et les autres pro- viennent en effet des mêmes causes : formation de plis par compression latérale due à la contraction de l’écorce terrestre et affaissements locaux. Les théories sont à ce sujet pré- maturées. Le relief sous-marin n’est pas encore en effet parfaitement connu. Il faudra de très nombreux sondages pour déterminer ce relief avec précision, car chaque sondage ne donne qu’une cote et ne renseigne pas du tout sur les pro- fondeurs voisines (1). Dans beaucoup de régions, il existe à peineun ou deux sondages pour une étendue grande comme la France, et quelquefois moins encore. Ne risquerions- nous pas de faire de grossières erreurs sur la topographie de la France si nous n’avions, pour la déterminer, qu’une ou deux mesures d'altitude prises au hasard? PLATEAU CONTINENTAL. Si les parties les plus profondes des océans ont un grand intérêt géographique ou géologique, les régions les moins pro- fondes, dont la profondeur ne dépasse pas 200 à 500 mètres, ont un intérêt pratique de premier ordre : au point de vue de la navigation, c’est la région qu’il faut connaître en détail, non seulement parce qu’elle peut présenter des hauts fonds dangereux, mais parce que les sondages peuvent alors (1) Une station géodésique à terre suffit au contraire à donner des renseignements sur toute la région environnante visible. Le levé du relief sous-marin est donc beaucoup plus long que le levé du relief terrestre. POP PTS Ce PES 69 LA PROFONDEUR DE LA MER S0/9294 0000 E Sa/N91J90NS SUJN9PUO/O deatiae 74 9 € ALES OT 70 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE servir à déterminer la position du navire, si l’on possède une carte bathymétrique exacte ; c’est aussi par ces profondeurs Er Profondeurs inferieures a 1000 métres Fig. 31. relativement faibles que s'exerce l’industrie des pêches. En partant du rivage, la pente des fonds est généralement LA PROFONDEUR DE LA MER 71 faible, et, à une distance plus ou moins grande de la côte, s'étend une plate-forme immergée, qui ne dépasse pas géné- ralement la profondeur de 200 mètres, mais qui peut atteindre en certaines régions 400 à 500 mètres, Du côté du large, cette plate-forme cesse assez brusquement, et, alors qu'il a fallu parcourir parfois des centaines de kilomètres pour atteindre D Fohreurs infèrieures à 1000 mêtres Fig. 32. la profondeur de 200 mètres, quelques kilomètres plus loin on atteint des profondeurs de 1 000 mètres et davantage. Cette plate-forme, qui borde les continents, a reçu le nom de socle ou de plaleau continental. Elle occupe une surface à peu près égale au dixième de la surface totale des mers. Les cartes des figures 31 et 32, sur lesquelles nous avons marqué l’aire où les profondeurs sont inférieures à 1 000 mètres, en donnent à peu près les limites. Le plateau continental est très développé dans l'océan Arctique. Les îles arctiques du Spitzberg, de François- Joseph, de la Nouvelle-Zemble, de Nicolas IT, de la Nouvelle- 72 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Sibérie, sont situées sur l'immense plate-forme, plus ou moins découpée, qui prolonge la côte de Sibérie. Il faut s’avancer à plus de 600 kilomètres au large pour trouver des profondeurs supérieures. à 100 mètres. Le fond y est très — Limites du Plateau Continental en Europe Vccidenta/e Fig. 33. égal, raboté par les gros glacons pris dans la banquise et entraînés par les courants. Le plateau continental est très développé sur les côtes de Norvège, o‘ sa largeur dépasse 200 kilomètres. Il est aussi très large sur les côtes de France, au nord de la Gironde : par le travers de Lorient, il atteint 300 kilomètres. Il est au con- traire très étroit sur les côtes occidentales de l’Amérique. La carte de la figure 33, sur laquelle l’isobathe de 200 mètres est tracée en pointillé, donne les limites du plateau conti- nental en Europe -occidentale. On reconnaît, dans le plateau continental, les principaux accidents du relief de la côte, qui se continuent sous les flots. LA PROFONDEUR DE LA MER 73 Ainsi, sur les côtes à fiords, profondes vallées encaissées, aux parois à pic, formées par des plissements de l'écorce et creusées par d’anciens glaciers, les fiords se continuent au large. Souvent, dans un fiord, les profondeurs les plus grandes se trouvent au voisinage de la côte, tandis qu'il existe au large un seuil, formé sans doute par les accumulations des anciennes moraines. Les types les plus complets de fiords se trouvent en Norvège, et quelques-uns d’entre eux pré- sentent des profondeurs supérieures à 500 mètres. Les vallées de beaucoup de fleuves terrestres se continuent aussi par des vallées sous-marines. Un exemple est fourni en France par la vallée du Trieux sur la côte nord de Bretagne, 1° I22E par les vallées du Congo en Afrique (fig.34), de l’Indus en Asie. Les cartes marines d'Islande montrent d'une facon très nette la prolongation sous les flots des vallées terrestres, et l’on a pu suivre, dans la mer du Nord, l’ancien cours du Rhin, dont les fleuves d'Angleterre et d'Écosse étaient alors les affluents. Plusieurs de ces vallées sous-marines ont été en effet formées autrefois par l'érosion des cours d’eau, lorsque le plateau continental n’était pas submergé, mais s'élevait plus ou moins au-dessus du niveau de la mer. Quelques-unes marquent même l’ancienne embouchure des cours d’eau. Tel est le gouf de Cap-Breton, dans le golfe de Gascogne (fig. 35), 74 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE qui est sans doute l’ancienne vallée de l’Adour (1). Auprès du cap Vert, dans la baie d’Yof (latitude 15°$, longitude 170 20° W), il existe une vallée sous-marine très nette, qui est sans doute la vallée d’un cours d’eau aujourd’hui disparu. Les rivages de la mer, qui nous paraissent très fixes, ont Fig. 35. éprouvé en effet, au cours des âges géologiques, des variations considérables. Ces variations se continuent d’ailleurs sous nos yeux. Pour ne citer que des exemples pris sur les côtes de France, il existe en Bretagne et sur les côtes de la Manche de nombreuses traces de submersion (2), tandis que les côtes du golfe de Gascogne et celles de la Méditerranée offrent des traces d’émersion. PENTES DES FONDS. Quand on dit que la limite du plateau continental vers le large est abrupte, il ne faut prendre ce mot que dans une (1) Cette interprétation, en ce qui concerne le gouf du Cap-Breton, n'est pas universellement admise. (2) Dans la baie du Morbihan, à l'ilot d’Erlanic, des dolmens et leurs cercles de pierres sont aujourd’hui sous les eaux et ne se montrent qu'à marée basse. LA PROFONDEUR DE LA MER 75 acception relative. La pente des fonds augmente quand on quitte le plateau continental, mais elle ne devient pas pour cela considérable. Si, au voisinage de certaines fosses très Niveau de /a mer B°de la Chapelle profondes, et surtout auprès d'iles volcaniques isolées en plein océan, les pentes peuvent dépasser, en des régions très limitées, la valeur de 50 p. 100, les pentes de 10 p. 100 sont rares, et ce sont ces pentes-là qui constituent la limite abruple du plateau continental. Les figures dans lesquelles la même échelle a été adoptée pour les profondeurs et pour les lon- gueurs montrent, dans des cas typiques, la valeur relative Récif Niveau de la mer 5860! À. 25: a — O0 10 20 230 40 590 60 kil Echelle commune -aux longueurs et aux profondeurs Fig. 31. des différentes pentes. La figure 36 donne, par exemple, la coupe du plateau continental par le travers de Lorient et la figure 37 la coupe de la fosse des îles Tonga, dans l'océan Pacifique. Dans le même ordre d'idées, il faut signaler que les fonds de l’océan sont très rarement concaves. Pour qu'un océan, dont les rivages sont en À et en B (fig. 38), présente un fond concave, il faut que sa profondeur soit plus grande que la flèche CD de l’arc AB. Or cette flèche est généralement consi- dérable. Dans le cas de l’Atlantique nord, l'arc AB, entre l’Europe et l'Amérique, est de 60° environ. La flèche CD a 76 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE alors une longueur de plus de 1 600 kilomètres. Ce n’est que dans des détroits (Pas-de-Calais par exemple) ou dans des D fosses très étroites et très profondes que le fond de l'océan présente une véritable concavité. LE NIVEAU DE LA- MER. Toutes les altitudes, toutes les profondeurs sont rapportées à un niveau conventionnel, qui est le niveau de la mer. Théoriquement la surface de l’océan est celle d’un ellipsoïde de révolution légèrement aplati. C’est à cette surface, pro- longée sous les continents, qu'on rapporte les altitudes terrestres. Mais le rivage de la mer est-il l'intersection de cette surface avec les terres ? Évidemment non. D'abord parce que le niveau de la mer n’est pas fixe : les mouvements de la mer, dont nous aurons à parler, et, en première ligne, les marées, le modifient. La pluie, la pression barométrique ont aussi leur influence. Le vent peut produire des dénivella- tions qui dépassent parfois 2 mètres. Le niveau moyen de la mer, que nous définirons exactement chapitre VIII, ne correspond pas forcément à cette surface théorique. Plu- sieurs causes interviennent, en effet, pour le modifier locale- ment d'une facon permanente. Les attractions locales des grandes masses continentales relèvent à leur voisinage le niveau de la mer. Cette surélévation de l’océan près des côtes £ LA PROFONDEUR DE LA MER 77 peut atteindre jusqu’à 250 mètres, d’après certaines estima- tions, d’ailleurs discutées (1). Le niveau de la mer n’est pas le même dans les différentes mers dont la salure et, par suite, la densité sont différentes. Ces mers, qui communiquent entre elles, se trouvent sou- mises aux mêmes lois que les vases communicants contenant des liquides de densité différente : les plus légères s'élèvent plus haut que les plus lourdes (2). Le niveau de la mer sera donc un niveau conventionnel, défini d’une façon précise en un certain lieu. En France, on a choisi le niveau moyen de la mer à Marseille. Le nivelle- ment général de la France a montré que le niveau moyen de la mer différait à Brest de 0M,17 du niveau moyen de la mer à Marseille (3). Il n’y a pas d’ailleurs que sur les côtes que le niveau de la mer s’écarte de la surface de rellipsoïde théorique. Des mesures récentes d'intensité de la pesanteur au milieu des océans semblent montrer qu'il y existe des dénivellations importantes. On constate, en effet, que l'intensité de la pesan- teur sur les îles isolées est plus forte que sur les continents, et on a attribué cette différence à une dénivellation de la surface océanique, qui la rapprocherait du centre de la terre, ce qui aurait pour effet d'augmenter la pesanteur. Aucune mesure géodésique ne permet de vérifier cette hypothèse, que certaines mesures de pesanteur en plein océan contre- disent d’ailleurs. En résumé, nos mesures d’altitude et de profondeur ne peuvent être rapportées qu'à un repère local, qui est le niveau moyen des mers en un point particulier de la région considérée. Il ne nous est pas possible de rapporter ces altitudes avec précision à la surface de l’ellipsoïde terrestre (1) Les attractions terrestres locales ont pour effet de produire des déviations de la verticale, qui ont pu être très exactement mesurées : ces déviations atteignent 16” à Nice, 14” à Toulon, 7” à Marseille. (2) Nous verrons, chapitre X, que cette différence de niveau, due aux différences de densités, est une des causes des courants. (3) Entre les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, pour une distance de 7 400 kilomètres, les Américains ont trouvé une différence de niveau de Om,19 seulement, 78 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE ou au centre de la terre. Des montagnes de4000 mètres de hauteur, mesurées à la même latitude en Europe, en Amérique ou au centre du Pacifique, devraient! théorique- ment avoir leur sommet à la même distance du centre de la terre. Rien ne permet d’affirmer qu'il en est ainsi, et, au contraire, il est très probable que cela n’est pas. À . on chu se Dés CHAPITRE, ITA NATURE DU FOND DE LA MER Ce n’est qu’en des endroits très limités et voisins des côtes quela croûte terrestresoriginelle forme le fond du lit océanique. Presque partout, la croûte terrestre a été recouverte par des sédiments de nature très variée, mais qui, en très grande majorité, appartiennent au genre vase. La classification des fonds marins a donné lieu et donne lieu encore à de nombreuses discussions. I a plus connue est la suivante, qui a au moins l’avantage d’être simple. On divise les fonds en trois grandes catégories : les dépôts litto- raux, les dépôts terrigènes et les dépôts pélagiques. DÉPÔTS LITTORAUX. Les dépôts littoraux sont ceux que l’on trouve dans la partie du rivage soumise au jeu des marées et au voisinage immédiat de la côte. Ils proviennent de la désagrégation du littoral sous l’effet de l’érosion marine. Ils sont formés des mêmes matériaux que le littoral. Ce sont d’abord des cailloux plus ou moins gros, transformés bientôt, en se frottant les uns sur les autres, en galets et en gravier, triés sur les plages par les vagues avec une précision parfois surprenante, tous les galets ou tous les graviers voisins ayant la même forme et la même grosseur. Les graviers finissent par devenir eux- mêmes, à l’usure, du sable. La vague pousse les matériaux les plus gros vers le haut de la plage et entraîne, en se retirant, les matériaux plus 80 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE petits, si bien que, théoriquement au moins, on doit ren- contrer d’abord une plage de galets, continuée par une plage de graviers et par une plage de sable. Enfin, à mesure qu’on s’avance vers le large, ce sable lui-même devient de plus en plus ténu et finit par former de la vase. En plus de ces dépôts qui proviennent de l'attaque du rivage par la mer, les fleuves apportent avec eux toute une série de matériaux, qui ont comme origine l’intérieur des terres. S'il arrive parfois que ces particules soient entraînées loin vers le large par des courants superficiels violents, le plus souvent les eaux limoneuses se déposent très près de l'embouchure du fleuve, car l’eau de mer a la propriété d'accélérer le dépôt des particules en suspension (1). Ainsi s'explique la formation des bancs de vase qui encombrent si souvent l'embouchure des fleuves et consti- tuent pour la navigation des obstacles importants. Si le fleuve débouche dans une mer sans marée et sans courants importants, les sédiments qu'il apporte finissent par obstruer son propre cours et par le diviser en deltas, aux bras multiples et peu profonds. Enfin les débris d'animaux tiennent, en certains endroits, une place importante dans les dépôts littoraux. DÉPÔTS TERRIGÈNES, Lorsque les vagues et les courants ont trituré les éléments littoraux au point de lestransformer en poudre presque impal-: pable, la vase, la dissémination peut s’en faire à de grandes distances, et on désigne sous le nom de dépôls lerrigènes ces dépôts dont l’origine est purement terrestre. Ils sont naturel- lement disposés sur le pourtour des continents (carte de la figure 39). On distingue ces vases surtout par la couleur. Les vases verles et les vases bleues présentent une couleur verdâtre ou bleuâtre (ardoise) due à du sulfate de fer et à des matières (1) Le dépôt se fait dans l’eau de mer en quinze fois moins de temps que dans l’eau douce. 81 NATURE DU FOND DE LA MER SU8900) S8/ Suep souebrso7 s30d2(7 C77777 Océanographie. 82 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE organiques. La partie directement en contact avec l’eau est rouge ou brune, par oxydation. Lorsque la couleur brune n'existe pas, c’est que l'oxydation n’a pas eu le temps de se produire. De la couleur de la vase, on peut donc déduire la rapidité de la sédimentation. Ces vases ont souvent l'odeur caractéristique de l'hydrogène sulfuré. Elles forment la partie la plus importante des dépôts terrigènes et couvrent complètement le fond des mers fermées, comme la Médi- terranée et l’océan Arctique. Il n’y a pas besoin d'aller très loin pour les trouver : ce sont elles qui constituent les fonds de la plupart de nos ports. Lorsque les vases bleues contiennent beaucoup de grains de glauconie (silicate double de potassium), elles prennent une teinte plus grise. Les vases à glauconie se rencontrent surtout au voisinage des côtes, où les cours d’eau sont peu importants (cap de Bonne-Espérance, côte orientale d’Aus- tralie, Japon, côte atlantique des États-Unis). Les vases rouges où jaunes proviennent des dépôts charriés par les fleuves dans certaines régions (par exemple Orénoque, Amazone, Yang-tse-Kiang). Autour des îles volcaniques, les vases sont grises ou noires et proviennent de ponces et de scories. Autour des iles et des récifs de coraux, les dépôts terri- gènes, dits coralliens, sont caractérisés par leur abondance en calcaire et sont généralement blanchälres. Aux dépôts terrigènes se rattachent les cailloux isolés qu’on trouve à toutes profondeurs et qui, pour la plupart, ont été transportés par des causes fortuites, en particulier par le charriage des icebergs (Voir plus loin, chapitre XI). On peut aussi leur rattacher les dépôls éoliens, dus aux poussières terrestres transportées sur les océans par les vents et qui sont loin d’être négligeables. DÉPÔTS PÉLAGIQUES. La plus grande partie des fonds de la mer est recouverte de dépôts qui n’ont pas été arrachés aux rivages par l’érosion fluviale ou marine. On appelle ces dépôts, qui se rencontrent NATURE DU FOND DE LA MER 83 toujours dans les mers profondes, des dépôls pélagiques. Beaucoup de ces dépôts sont des vases, dont la partie constituante la plus importante est composée de débris calcaires ou siliceux d'animaux marins. Suivant la proportion plus du moins grande de ces débris d’animaux, on distingue : La vase à pléropodes, très calcaire (jusqu’à 90 p. 100 de carbonate de chaux), et où abondent plus ou moins les débris des coquilles minces et très fragiles de petits mol- lusques vivant en troupes nombreuses, appelés pléropodes, souvent assez gros pour être visibles à l’œil nu. La vase à ptéropodes se trouve, dans les mers chaudes et tempérées. à des profondeurs inférieures à 2 000 mètres. La vase à globigérines, de couleur blanchâtre ou rosée, qui donne entre les doigts un sable fin à grains arrondis, et dont la teneur en carbonate de chaux est encore très grande (60 à 70 p. 100). Les globigérines sont des animaux inférieurs, de la classe des protozoaires, formés d’un petit nombre de loges calcaires sphériques, percées de pores et groupées suivant une spire mal définie. L'ensemble a ordinairement un diamètre inférieur à 1 millimètre. Leur carapace est munie de nom- breux prolongements très fins, qui aident l'animal à flotter. La vase à globigérines, beaucoup plus fréquente que la vase à ptéropodes, est surtout abondante dans l'Atlantique, par des profondeurs comprises entre 2 000 et 5 000 mètres. La vase à dialomées, dépôt blanchâtre, un peu rosé ou verdâtre, caractérisée par une grande quantité de carapaces siliceuses d’algues microscopiques, nommées diatomées. Chacune de ces algues se compose d’une masse protoplas- mique enfoncée dans une véritable boîte de cellulose, forte- ment incrustée de silice. Cette vase est surtout abondante sur le pourtour de l'océan Antarctique. La vase à radiolaires, vase argileuse, rougeàtre ou brune, dans laquelle on trouve des débris de radiolaires, animaux voisins des globigérines, mais qui possèdent un squelette formé de silice hydratée, c’est-à-dire d’opale. Ces squelettes présentent des formes extrêmement variées, depuis de fins spicules jusqu’à des combinaisons géométriques compli- quées et des dentelles très élégantes. La vase à radiolaires ne 84 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE se trouve que dans les régions tropicales de l’océan Paci- fique et de l'océan Indien, à des profondeurs supérieures àa4 000 mètres. Enfin les fonds des parties les plus profondes des océans, au-dessous de 5 000 mètres, sont constitués par une urgile rouge où brune (couleur chocolat), très plastique, et qui contient diverses matières étrangères : cendres volcaniques transportées par les vents, aérolithes ou poussières cosmiques (ces dernières plus importantes qu’on ne le croirait a priori), dents de requins, os de baleines. D’après M. Thoulet, l'argile rouge auneorigine multiple, et elle est l'aboutissement final. la dernière transformation de tous les sédiments marins. L’argile rouge recouvre plus de la moitié du fond du Paci- fique : elle recouvre environ 130 millions de kilomètres carrés, soit plus de 35 p. 100 de la surface immergée (fig. 40). D'une facon générale, à mesure que la profondeur aug- mente, la proportion de calcaire contenu dans la vase du fond diminue. Jusqu'à 1 500 ou 2 000 mètres, presque toutes les coquilles des animaux qui vivent dans la mer sont repré- sentées dans des dépôts, même les ptéropodes les plus fra- giles. À partir de 2 000 mètres, on ne trouve plus que les coquilles plus solides des globigérines; mais elles aussifinissent par devenir rares, dès que la profondeur dépasse 4000 mètres. Au-dessous de 5 000 mètres, dans la zone de la vase à ra- diolaires et de l’argile rouge, on ne trouve plus que des traces infimes de calcaire (1). Pourtant les organismes calcaires sont aussi abondants dans la mer au-dessus de l'argile rouge qu’au-dessus de la vase à ptéropodes. D’après Murray, une coquille de glo- bigérine met de trois à six jours pour tomber à 5 000 mé- tres de profondeur ; dans cette chute, elle traverse d’abord une couche comprise entre la surface et 2 000 mètres où les eaux, saturées de calcaire, ne peuvent la dissoudre, tandis que, plus bas, la dissolution est de plus en plus rapide et finit par la faire disparaître. (1) Récemment, M. Thoulet a signalé une exception à cette loi générale au voisinage des Açores. Elle ne doit pas être la seule (Comptes rendus de l Académie des sciences du 8 mai 1922). 86 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Mais pourquoi l’eau des grands fonds n’arrive-t-elle pas à se saturer de calcaire sous la pluie continuelle de coquilles qui lui arrivent des couches supérieures? C’est là un pro- blème encore mal résolu, qui est d’ailleurs du ressort de l’océanographie biologique. : CHAPITRE. TV L'EAU DE MER. — SA COMPOSITION CHIMIQUE LA SALINITÉ DE L'EAU DE MER. La caractéristique principale et bien connue de l’eau de mer est d’être salée et d’avoir en même temps une saveur amére. Dans 1 kilogramme d’eau de mer. il y a environ 35 grammes de sels divers. Ce nombre de grammes de sels contenus dans 1 kilogramme d’eau de mer est ce qu’on appelle la salinité, de cette eau. Voici la composition, en poids de sels contenus dans 1 000 grammes d’eau, d’un échantillon moyen d’eau de mer, en ne citant que les sels principaux : sr ChloraredeSodiumeNa Cl) 275r,3 Chlorure de magnésium (MgCl21...:........... 381,4 Sulfate de magnésium (MgS04)................ 287, 0e Sulistemdenealcium {Gas0t) "5220" ee 1er,3 Ghlorurestespotassiumi {ROLE MEME CAE 0°r,6 Carbonate de calcium {CO?Ca})....:.......... ELLE | Il est bon de rappeler les caractères de ces principaux sels. Le chlorure de sodium, bien connu sous le nom de sel marin, est un sel incolore et transparent. Le chlorure de magnésium se présente sous forme de lamelles cristallines enchevêtrées. Le sulfate de magnésium est un sel de saveur amère, connu pour ses propriétés purgatives. Le sulfate de calcium, blanc, insipide, est le gypse ou pierre à plâtre. 8s OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Le chlorure de potassium cristallise en cubes incolores et transparents. Le carbonate de calcium est la craie ordinaire, L'eau de mer contient d’ailleurs des traces de tous les corps connus, car les océans sont alimentés, depuis l’origine de la terre, par l’eau des fleuves ayant ruisselé sur tous les conti- nents. Si l'analyse chimique directe ne permet pas toujours de découvrir tous ces corps, tellement leurs traces sont infimes, on a la preuve qu'ils existent parce qu’on les trouve con- centrés dans certaines plantes ou animaux marins. Le réactif vivant possède en effet parfois une délicatesse dépassant de beaucoup celle des réactifs inorganiques (1). On s’est amusé à calculer que, si l’on arrivait à extraire l'or contenu dans l’eau de mer (la teneur moyenne est d’envi- ron )0 milligrammes par tonne), chaque habitant de la terre recevrait un bloc d’or de 46 000 kilogrammes. On a calculé aussi que le volume total des sels contenus dans les océans est à peu près le volume de l’Afrique au- dessus de la mer. Si les océans étaient complètement assé- chés, la couche de sel qui recouvrirait le sol serait épaisse d’une cinquantaine de mêtres. Au point de vue industriel, la présence des sels dans l’eau de mer a permis quelques exploitations intéressantes : l’évaporation de l’eau de mer dans les marais salants a fourni pendant longtemps presque tout l’approvisionnement de sel nécessaire à la consommation, et aujourd’hui encore cette industrie est assez prospère. On traite aussi les eaux-mères des marais salants pour en extraire le chlorure de magnésium. La salinité a d’ailleurs pour la navigation un grand Incon- vénient, puisqu'elle oblige à distiller l’eau de mer, tant pour la consommation des équipages que pour l'alimentation des chaudières. (1) « Des traces plus qu'infinitésimales, indiscernables par les pro- cédés analytiques les plus sensibles, de cuivre et d'argent, suflisent pour arrêter le développement de certaines algues ou les faire immédiatement périr, si ces métaux sont introduits après coup où elles ont végété » (Thoulet\. SA COMPOSITION CHIMIQUE 89 L'EAU DE MER. 90 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE CARTES DE LA SALINITÉ. La carte de la figure 41 indique les régions où la salinité à la surface est supérieure à 36, eaux très salées, et celles où la salinité est inférieure à 34, eaux peu salées. Les mers les plus salées sont les mers fermées, situées dans les régions tropicales ou subtropicales : la Méditerranée a une salinité moyenne voisine de 38 et atteint parfois 40 ; la salinité de la mer Rouge est presque partout supérieure à 40 ; le golfe Persique a une salinité de 37 à 38. La mer Baltique a, au contraire, une salinité très faible de 7,5. Il en est de même de la baie d'Hudson. La mer Noire, qui recoit des fleuves importants, a une salinité de 15 à 18. L’océan Arctique, la mer de Behring, la mer d’Okhotsk, la mer du Japon, la mer de Chine, le golfe du Bengale, le golfe du Saint-Laurent ont aussi des salinités nettement inférieures à la moyenne. Sur les océans, les parties les plus salées sont les régions tropicales, et on remarque une coïncidence très nette entre les régions de forte salure et les zones de hautes pressions (anticyclones tropicaux). L’insolation et, par suite, l’évapo- ration y sont en effet très fortes, l'humidité faible et les pluies rares. À l’équateur, où les pluies sont fréquentes, le ciel fréquemment couvert, la salinité est moins forte qu'aux tropiques. La salinité dépasse 36 aux tropiques, elle atteint même 37,9 en moyenne au milieu de l’Atlan- tique nord, tandis qu’elle descend à 35 et même 34 à l'équateur. Les régions les moins salées sont d’abord les régions côtières, où se déversent des fleuves importants, dont l’in- fluence peut se faire sentir très au large de l’embouchure ; les régions polaires, où la fusion des glaces apporte une quantité d’eau douce importante. Toutefois, je n’ai jamais trouvé dans lAntarctique de salinité inférieure à 32. La faible salinité qu’on observe en certaines régions del’océan Arctique, en particulier sur les côtes de Sibérie (20 et au-dessous), est L'EAU DE MER: — SA COMPOSITION CHIMIQUE 91 due beaucoup plus à l'apport des fleuves qu’à la présence des glaces (1). : VARIATION DE LA SALINITÉ AVEC LA PROFONDEUR. La salinité de l’eau de mer varie en un même endroit avec la profondeur. D'une façon générale, la salinité augmente avec la profondeur. Mais les exceptions ne sont pas rares. On trouve souvent en profondeur des eaux moins salées qu’à la surface, c’est le cas général des régions tropicales. Des courants sous-marins peuvent, en effet, amener en pro- fondeur des eaux plus douces, rendues plus lourdes que les eaux de surface par leur basse température. La circulation des eaux marines profondes est actuellement encore très peu connue, et on ne peut souvent hasarder que des hypothèses pour expliquer les anomalies observées. D’après les observations du Challenger, par 259 de latitude dans l'Atlantique, la salinité varie de la façon suivante en profondeur : OS PAL EE DIRES 2 Tete ne UD M SEA AUDELID TES EE AE mie dafe fe ec etes ere ec le etat lee 91, CU RE EE RO RC PT M PR EE EE 36,4 300 RS ES RES ÉPAISSEUR ES 36,2 400 — te A CR nelale ee 20 Se Eee de 36,1 500 NO MS DIE ED OR CN NT RC I LEE 56,0 1000 ST ni SE AR RL A SA OO LR TE 39,0 Les eaux très profondes des océans ont à peu près par- tout une salinité voisine de 35. Dans les régions polaires, les faibles salinités de la surface sont dues à la fusion des glaces, et la salinité augmente très vite dans les 100 premiers mètres de profondeur ; au delà, son augmentation est beaucoup plus lente. (1) Nous avons observé, dans les régions polaires, une variation annuelle très nette de la salinité : la salinité est plus grande en hiver qu’en été, .ce qui s'explique naturellement par la formation de glace de mer, qui enrichit l’eau de mer en sels pendant les mois où la congélation se produit d’une façon continue (Voir p. 205). 92 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Voici, par exemple, la salinité en profondeur résultant de deux sondages faits dans l’Antarctique : Latitude : 69945°S. Longilude : 1050 47° WW. SULÉAC EC MON TAN RE TEE TAN men En DE EE ES PUR 33,78 HOOEMÉITES RAS LEE TRE ee PR NE RL 2.04 88; 071 DUO ERA Ne re De ET DOTE ANS EU 750 RS PT É ae ete te RS ce M e 34,38 OT A TT MT nn ne RO SES ELU 54,96 Latitude : 70005°$. Longitude : 1180 50° W. D UBÉA CRE 0e Er Le de Se I AN CRE AE VENTE MERE re 32,90 LOOEMM ECS RES PRE SORTE ET AS RE Al) 200 RÉ P AND LED OR ERA Pie RE RE NE Le Ca à 34,60 300 — re D DAS LATE Te Se . 1134196 7590 — EEE Oo ES EN PSS RS ET O dt D 34,96 1 000 EE SE ROLE PARLER EE Ve MNT ee US AU G) RELATIONS ENTRE LA SALINITÉ ET LA DENSITÉ. La densité de l’eau de mer est proportionnelle à la quan- tité de sels qu'elle contient. En fonction de la salinité Q, la densité de l’eau de mer S est donnée par la formule suivante : Q = 1 309 (S— 1)(1). Le tableau suivant donne en fonction de la salinité Q (poids total des sels contenus dans 1 000 grammes d’eau) la densité S° de l’eau de mer à 09, par rapport à l’eau distillée à 40. {1) Cette formule, d'application commode, donne en réalité la densité de l’eau de mer par rapport à l’eau douce, les deux eaux étant à la tem- pérature de 179,5, c’est-à-dire qu'elle donne en réalité SA d'après les notations que nous avons adoptées dans la première partie (Voir p. 30). A l’aide des tables de Knudsen ou du graphique de Thoulet, il est facile de passer à la densité St, L'EAU DE MER. — SA COMPOSITION CHIMIQUE 93 SALINITÉ DENSITÉ | SALINITÉ DENSITÉ | O0. go. Q. | Su | ï ‘ Hé (u || R EE — ! | > 1,00153 25 | 102009 || k | 1,00316 30 | 1,02%11 | 6 1.004#78 32 1,02571 | $ 1,00639 34 | 1,02732 || 10 | 100801 36 | 1,02894 | 15 1,01205 | 38 1,03055 20 101607 | 40 1,03217 | Si l’on analyse une série d'échantillons d’eau de mer, on constate que la quantité de sels varie d’un échantillon à l’autre mais queleur proportion reste à peu près constante (1). Si, par exemple, le chlorure de sodium constitue 78 p. 100 de la salinité totale d’une eau de mer de salinité 35, il consti- tuera également 78 p. 100 de la salinité totale d’une eau de salinité 30. On sait que cette propriété permet de mesurer la salinité, et, par suite, la densité par la méthode dite de la chloruration (Voir p. 33). Il est utile d’avoir une idée de l'importance de la variation de la densité de l’eau de mer avec la température, cette variation intervenant dans l’étude des courants. A égalité de salinité, les eaux plus froides sont plus denses que les eaux plus chaudes, puisqu'elles occupent un volume moindre. Une eau de mer de densité 1,0270, valeur pas très éloignée de la densité moyenne à 00, aura, à des températures diffé- rentes, la densité suivante : 5° 109 | 450 ‘| 9200 ‘| 950 | 3ve Température... 0° ù Densité........ 1,92700|1,02659/1,0258S !1,02492)1,02372|1,02231 1.02070 La comparaison des deux tableaux précédents montre l'importance de la température pour modifier la densité in silu : une variation de 100 de température modifie autant la densité qu’une variation de ? unités de la salinité, c'est-à- (1) On a observé cependant, en certains endroits, une proportion assez différente de celle qui est couramment admise. Il ne faut donc attribuer à la formule de la page 33 qu'une précision relative. 9% OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE dire qu’une variation de ? grammes dans le poids total des sels dissous dans 1 kilogramme d’eau. CARTES DES DENSITÉS. Sauf au voisinage des côtes où se déversent des fleuves puissants, la densité de l’eau de mer varie de 1,020 à 1,030, la valeur moyenne étant de 1,028 environ à 00. Aïnsi que nous venons de l'indiquer, l'influence de la température primant l'influence de la salinité dans bien des cas, les eaux des hautes latitudes sont normalement les plus denses, et les eaux équatoriales les plus légères, si on prend les densités in sulu. Si l’on ramène toutes les densités à la même tempé-" rature, par exemple à 00, les cartes de densité n’indiquent rien d’autre que les cartes de salinité. MAXIMUM DE DENSITÉ DE L'EAU DE MER. On sait que l’eau douce a son maximum de densité à + 40. Pour l’eau de mer, le maximum de densité dépend de la salinité. Pour une salinité de 17, le maximum de densité a heu à 0°, Pour l’eau de mer normale, la densité continue à augmenter à mesure que la température baisse jusqu’au point de congélation, qui est voisin de — 29. Cette propriété de l’eau de mer est importante au point de vue de la tempé- rature des grandes profondeurs. En effet, dans un lac d’eau douce, les eaux qui sont au fond doivent avoir une densité plus grande que celle des eaux qui sont au-dessus d'elles, et, par suite, quelle que soit la profondeur, leur température ne peut descendre au-dessous de + 40. Tandis que, dans les océans, la température des eaux des fonds peut descendre jusqu'à — 2° sans que, pour cela, elles cessent d’être les plus lourdes. VARIATION DE LA DENSITÉ AVEC LA PROFONDEUR. La densité de l’eau de mer in silu augmente régulièrement avec la profondeur, à cause de la compressibilité de l’eau de — iii » ESS SN TT Le L'EAU DE MER. — SA COMPOSITION CHIMIQUE 95 mer. À égalité de salinité, les eaux profondes occupant un volume moindre sont plus denses, et il faudrait des inégalités de salinité très grandes pour que les eaux profondes arrivent à être plus légères que les eaux de surface (Voir le tableau de la page 31). Le physicien anglais Tait a signalé que la compressibilité de l’eau de mer, quoique très faible, a cependant des effets remarquables ; grâce à elle, la mer occupe un volume moindre que celui qu’elle occuperait si l’eau de mer était absolument incompressible, et le niveau général est abaissé de 35 mètres. LES GAZ DISSOUS DANS L'EAU DE MER. L'eau de mer, en contact avec l’atmosphère sur une sur- face considérable, contient naturellement les mêmes gaz qu'elle, mais en proportions variables : azote, oxygène, acide carbonique. Un litre d’eau de mer contient environ de 15 à 50 centimètres cubes de gaz, dont 10 à 15 centimètres cubes d'azote. Dans l'air, la proportion de l'oxygène à l’azote est d’un quart environ, tandis que, dans l’eau, cette proportion est de moitié. L’oxygène et l'acide carbonique varient en raison de l'importance de la respiration des animaux et des plantes. Les algues marines, comme les autres plantes, décom- posent l’acide carbonique et dégagent de l’oxygène, tandis que les animaux absorbent de l'oxygène et dégagent de l'acide carbonique. Suivant l’abondance des algues ou des animaux, la teneur en acide carbonique et en oxygène variera considérablement. La teneur en acide carbonique paraît dépendre de la salinité: les eaux plus salées absorbent plus d’acide carbonique ; une augmentation de température agit, au contraire, en sens inverse. La proportion des différents gaz varie avec la profondeur, mais la quantité d'azote reste à peu près constante. L'acide sulfhydrique se rencontre dans des conditions spéciales, par exemple dans la mer Noire,où la vase du fond en dégage beaucoup. Dans la mer Noire, la quantité d'acide 96 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE sulfhydrique qui, comme on le sait, est un poison violent, est telle qu’il n’existe aucun animal à partir de 200 mètres de profondeur. Contrairement à ce qu'on avait pensé tout d’abord, les gaz, qui sont au fond de la mer, ne sont pas à la pression de l'eau, mais à la pression atmosphérique. Suivant une ingé- nieuse comparaison, la mer, pour les gaz, est comparable à une masse poreuse, remplie de petits canaux, dans lesquels les gaz circulent librement. Ceux qui sont au bas de la masse ne subissent pas les pressions subies par la masse elle-même. La diffusion des gaz dans j’eau est extrêmement lente. Des expériences de laboratoire permettent de croire qu’il faut environ 1 000 ans pour qu’une molécule de gaz par- vienne de la surface à 4 000 mètres de profondeur. La diffu- sion des gaz en profondeur est activée probablement par la chute constante de coquilles ou de squelettes d'animaux, qui entraînent avec eux une petite quantité de gaz. La cir- culation verticale joue sans doute aussi un rôle important. Cette diffusion est d’ailleurs obligatoire. Lorsqu'elle ne se produit pas, — et il semble que l’absence de courants verti- caux en soit la principale cause, — la vie animale est impos- sible. C’est le cas des parties profondes de certains fiords de Norvège et de la mer Baltique. L'étude des gaz dissous dans l’eau de mer a donc, au point de vue biologique, une importance de premier ordre. CHAP PERRET. LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER DE SURFACE. De tous les éléments océanographiques, la température de l’eau de mer est peut-être le plus important, au point de vue pratique. L'expérience, en effet, a montré que les animaux marins sont extrêmement sensibles à la tempéra- ture de l’eau de mer, et que des variations de quelques degrés suffisent pour constituer d’infranchissables barrières, « des murs de glace ou de feu », comme disait Maury dans son pittoresque langage. D'autre part, la mer a une influence considérable sur l’atmosphère. elle agit pour réchauffer ou refroidir les couches d’air qui reposent sur elle, et, si l’on songe que la mer recouvre plus des trois quarts de la surface du globe, on comprend que la température de la mer constitue un des plus importants facteurs climatériques. La température de l’eau de mer de surface dépend de plu- sieurs causes : empruntant sa chaleur au soleil, comme la température de l'air, elle sera plus chaude dans les régions équatoriales que dans les régions polaires. Dans ces der- nières, elle ne pourra pas descendre au-dessous du point de congélation, qui varie avec la composition saline, mais qui est d'environ — 20. Nous n'avons pas observé dans l'Antarctique de température inférieure à — 12,9, même pendant lhiver, et les températures inférieures à — 29 et même à — 30, qui ont été signalées dans queiques régions polaires, paraissent très douteuses. — Océanographie, 98 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Dans les régions équatoriales, la température dépasse 290 et atteint en certains endroits, en plein océan, 270 et 280. Ces températures sont dépassées dans les mers fermées et au voisinage des côtes. C’est ainsi qu’on a observé 329 dans le golfe du Mexique, 34° dans la mer Rouge, 35° dans le golfe Persique. La distribution théorique par zones de latitude est troublée parfois d’une façon très importante par les courants marins, dont nous parlerons dans un chapitre prochain. Ces courants peuvent transporter sous des latitudes élevées les eaux chaudes équatoriales et ramener vers l’équateur les eaux froides du pôle. Les isothermes de l’eau de mer s’incurvent alors et présentent des sinuosités importantes (carte de la fig. 42). Comme la température de l'air, la température de l’eau de mer a une varialion saisonnière, mais son amplitude est beaucoup plus faible. Elle atteint à peine 19 dans les régions équatoriales. Elle n'est pas beaucoup plus forte dans les régions polaires. Dans l'Antarctique, nous avons observé une variation annuelle de 10,8 entre les moyennes des différents mois et une variation absolue de 3° {maximum 10,1, mini- mum — 10,9). Dans les régions tempérées, au large, la variation annuelle moyenne est en général comprise entre 5° et 100, Les régions côtières et les mers intérieures ont des variations saison- nières plus importantes, qui peuvent atteindre et même dépasser 200. C’est le cas pour la mer Noire, par exemple, où la variation annuellé de la température de la mer atteint,en certains endroits, 240. À Vladivostok, la température de la mer varie, au cours de l’année, de — 19,9 à + 220, Sur nos côtes de la Manche et de l'Océan, la variation annuelle moyenne est de 159 (+ 50 à + 200); sur nos côtes de la Méditerranée, elle est de 139 (119 à 240) (1). La variation annuelle est toujours en retard surla variation annuelle de la température de l'air : les maxima se produisent (1) Il ne s’agit là que des températures prises un peu au large de la côte ; en certains points du rivage, par faibles profondeurs, la variation annuelle peut être plus importante. “hate |: 99 7) MER DE L'EAU LA TEMPÉRATURE DE o COS... PEL - ee erer-ôfe . mL La + PELLE o0t Pr LL -"H OU 2001 o0c PPLELLTIO _— = ee! —_—— 100 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE en août-septembre dans notre hémisphère, les minima en mars. La variation diurne de la température de l’eau de mer est extrêmement faible. Pendant toute notre traversée de l'Atlantique, de France vers l'Antarctique, la température de l’eau de mer était mesurée six fois par jour, et nous n’avons pas observé une variation diurne moyenne de 10. La faiblesse de la variation annuelle comme celle de la variation diurne s'expliquent par la valeur de la chaleur spécifique de l’eau. La chaleur spécifique d’un corps est la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un degré centi- grade sa température. Cette caractéristique physique est évaluée en calories, quantité de chaleur nécessaire pour élever de 00 à 10 la température de 1 kilogramme d’eau distillée. Il faut environ Oc2l 959 pour opérer le même effet sur 1 kilogramme d’eau de mer. L’eau a la plus grande chaleur spécifique connue. De tous les corps, elle est la plus lente à s’échauffer et la plus lente à se refroidir. Elle cons- titue donc par excellence le régulateur des climats. La faible variation diurne de la température de l’eau de mer a une importance particulière en météorologie. Sur terre, en effet, la température du sol est sujette à des varia- tions considérables d’un endroit à l’autre et d’une heure à l’autre, variation qu'il n’est pas possible de connaître complètement. Alors que la variation diurne de la tempé- rature de la mer n’atteint pas un degré, la variation diurne de la température du sol dépasse fréquemment 300. Mais les variations de la température du sol sont si rapides qu’elles n'ont souvent qu’une influence momentanée et toute locale sur l’atmosphère. Tandis qu’en mer, une seule mesure de la température de la surface donne un renseignement généra- lement valable pour une grande étendue, pour plusieurs heures et même plusieurs jours successifs. Quand un chan- gement de la température de la mer est observé, même s'il ne S’agit que d’une fraction de degré, ce changement repré- sente une donnée importante, dont 1l faut tenir compte. Car ce changement agit sur d'énormes masses, et, pendant longtemps, et il finira, même s’il est minime, par avoir une influence décisive sur le temps. 5 2. LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 191 VARIATION DE LA TEMPÉRATURE AVEC LA PROFONDEUR. Considérons un bassin fermé, un lac par exemple, et supposons que, pour une raison quelconque, une masse d’eau située à la surface devienne plus froide que les eaux voisines. Cette masse d’eau, devenant en même temps plus dense, s’enfoncera, et elle s’enfoncera jusqu’à ce qu’elle soit en équi- libre de température et de densité avec les masses d’eau situées à la même profondeur. En même temps des masses d’eau des profondeurs auront remplacé à la surface la masse primitive. Si un nouveau refroidissement a lieu, le même phénomène se reproduira et, à la longue, ces mouvements verticaux ou, comme on dit, ces courants de convection, auront pour effet d’accumuler vers le fond des masses d’eau froide, dont la température se rapprochera de plus en plus des températures les plus basses observées à la surface. Ces simples considérations permettent d'expliquer, dans ses grandes lignes, la variation de la température de la mer avec la profondeur. Les sondages thermométriques ont bien montré que la température diminue avec la profondeur dans les océans, sauf les exceptions dont il sera question plus loin. Dans les mers polaires à peu près fermées, la température se rapproche au fond du point de congélation de l’eau de mer, qui est la plus basse température observée à la surface et qui correspond, pour l’eau de mer, comme nous l'avons dit, à la densité la plus grande. Dans l'océan Arctique, Nansen a trouvé des températures comprises entre — 00,5 et — 10 à 3 000 mètres de profondeur. Dans des bassins polaires isolés, la température baisse jusqu’à — 10,5. Dans le détroit de Bransfield (Antarctique), Nordenskjold a trouvé — 10,65 par 1 450 mètres de fond. Dans les océans des régions tempérées, on observe au fond des températures d'autant plus basses que la communication est plus libre avec les mers polaires. C’est ainsi que la tem pérature au voisinage du fond dans l'Atlantique sud (09 environ) est plus basse que dans l'Atlantique nord (+ 20 environ), parce que l'Atlantique sud communique 102 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE librement avec l'océan Antarctique, tandis que l'Atlantique nord est séparé de l’océan Arctique par le seuil, relativement peu profond, qui relie le Groenland et l'Islande à l’Europe. Il faut signaler que les eaux des fonds du Pacifique sud ont une température supérieure de 19 à 20 à celle de l’Atlantique. La communication avec l'océan Antarctique est pourtant 20 4° 6° 8° 10° 12° 14° 16° 18° 20° 22°2# 26° P PR DT ET 1 . : 0 H , , [l B Vsriation de /a CPE avec /a profondeur dans TAEa antique Nord. -3000m!-- 4000®!|- 5000" | aussi hbre, et on ne voit pas bien la raison de cette élévation relative de température. Peut-être que les courants de convection provenant des eaux froides de l'Antarctique n’ont pas encore réussi à abaisser Jusqu'à 09 la température de la masse considérable des eaux profondes du Pacifique. Si l’on trace la courbe de la température en fonction de la profondeur dans un sondage pris au milieu de l’Atlantique ou du Pacifique, on obtient une courbe analogue à celle de LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 103 la figure 43. La diminution de température est très rapide entre la surface et la profondeur de 200 mètres (1). Par exemple, en partant à la surface d’une température de 259, la température à 200 mètres n’est plus que 159. La diminu- tion continue avec la profondeur, mais elfe se ralentit peu à peu : à 1 000 mètres, on n’observe plus que 100 et, par une diminution de plus en plus ralentie, on finit par avoir à partir de 4 000 mètres des températures à peu près constantes Jus- qu’au fond et voisines de 10 à 20, qui sont les températures les plus fréquemment observées au fond des océans. A mesure qu’on se rapproche des hautes latitudes, la cour- bure de la courbe diminue, car on part de températures de surface moins différentes des températures du fond (fig. 44, 4, 46, 47) (2). Dans les régions tempérées de l'Atlantique, (Voir fig. 44), la température de l’eau de mer à profondeur égale est plus chaude que dans les régions équatoriales, ce qui contribue aussi à diminuer la courbure de la courbe. Le sens de l’inflexion change, si l’on part de températures infé- rieures à 00, La figure 48 en donne un exemple, pris parmi nos observations de l'Antarctique (latitude 680$, longitude 709 W'). Dans les régions polaires du Nord, la courbe thermique pré- sente une allure particulière (fig. 49). En partant d’une température de surface de — 10,8, la température s'élève rapidement de 3° environ entre 100 et 300 mètres, où l’on observe une température supérieure à + 1°; puis la tempé- rature diminue, elle retombe au-dessous de 09 à partir de 1 000 mètres, et baisse progressivement jusqu’à — 09,5 ou — 10. Une couche d’eau chaude est donc comprise entre deux couches d’eau froide : une superficielle et une profonde. La courbe dessine ce qu’on appelle un coin thermique. Les températures supérieures à 09 de la couche intermédiaire ne (1) La diminution de la température est, en certains endroits, beau- coup plus grande encore. C’est ainsi qu'au large du Rio de La Plata la température de la surface est de 20°, tandis qu'à 25 mètres on a des températures de 8°. La température moyenne de la masse totale des eaux des océans est donc très basse : elle est de 3° à 49 environ. (2) Sur les figures 44 et 46, lire 5° au lieu de 0° sur l'échelle des tem- pératures, OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE 10% o® 10° 15° 20° 25° . . 1 Ll . F L . ; ! > (| RP N PL ER) UNARN NeE N M CSOT EE RRTONT Ge LRU SE REY ses 2 500 Latitude 1000" ; Er 1 Atlantique Nord 0° 5° DÉARPIIE £ 10 15° EN ES E EE e 20225P ; JR ONE PE Ne J 30% 35° 1500m- F 2000- 25007 Fix. 44 5° 19° 152 20° 25 Û ! 2 I 4e Î s x. PROÈNE om 500" FE Latitude a, 1000m— ; 1 Atlantique Sud PEUITR ê 2 -——--_ = 10°_15° sn 3 +----. ” 20° 25° u Re Fi 30° 35° ‘15007- qu Ëk Sur k FAR SF 2000m- | Dr + + .+ k “+ 2500®_} Fier. 45. LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 105 o® s00®%- “ RE #4 Latitude 1000 "- 1 Ooësa Pocifique MN O°_ 5° DELAI F 10°_ 15° Srrrrer » 20°-25° 0) CET = 207352 2000®- : ui E mn E ih Fie. 46 5° 10° 15° 20° 25° Real : RER Le Sr LIÉE RO EL LE sÙ 2 ER o"— 5007— u TE Latitude > / ee 1000®— / 1 —— Orésn Pacifique Austrs/ O°_ 5° DR es 5 10°_ 15° der —— , 20°_25° RAS ÈS ” 30°_35° 1500" 2000 Fig. 47. 106 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE peuvent être dues qu’à un apport d’eaux chaudes provenant RTE RTE du sud, eaux chaudes plus salées et plus lourdes que les eaux superfi- cielles. Dans l’océan Antarctique, le coin thermique présente un caractère un peu différent (fig. 50, latitude 69 30’ $S, longitude 1030 W). La couche superficielle jusqu’à 100 mé- tres est froide. La température aug- menteensuite, atteint 09 et même 1° à 200 mètres, et elle reste à peu près stationnaire, ou elle baisse légèrement jusqu’au fond, mais sans ba à 0° FOLESTA tomber au-dessous de 0. Là aussi, nousavonsaffaire en profondeur à un apport important d’eaux chaudes g® 100" 0 ’ + 1 ' ' r- 1 1 : h O O 3 = 1000" ’ : 0 1 ï 1 Fr : 1 1 1 0 : 1 1 1_ l ' 1 Ll 1 [l 0 1 1 ' 1500" [l Ü 1 1 1 20007 “29007 30007 (IR Fig. 50. et relativement salées provenant des régions tempérées. Ces LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 107 eaux chaudes doivent agir d’une facon très eflicace pour faire fondre les parties profondes des icebergs. Au nord du cercle antarctique, la courbe présente un coin thermique, mais inverse de celui de l'océan Arctique : o® -1° pe +19 +29 +3° 500" Lo m…—_……—. EEE = EN ee 10007 [l L 1 1 1 | 1 1 3 | i , : 1 ' T 1 ï ! [ ' ! 1 J Ï 1 Î [ l 1 ! 1500"!------ mm q mm mm 0 l 1 ' 1 l 4 1 | l ' l 1 ( OO 25007 Û i l 1 } i 1 SE 3000!------- ! nn mm ll Û 1 l ’ 1 ! l 1 Ï : ! 1 | 1 Ù [l Ql 1 i 1 1 0 Û ï 1 3500" Fig. 51. une couche d’eau froide vers 100 mètres est'intercalée entre deux couches d’eau plus chaude (fig. 1 : latitude 610$, longitude 63° W). L’anomalie est due simplement à léchauf- fement des eaux superficielles. À partir de 100 mètres, la courbe ressemble à celles qui sont observées plus au sud et dont un exemple a été donné dans la figure 50, Enfin, il fautsignaler que, par grands fonds, on observe une 108 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE légère élévation de la température (quelques dixièmes de degré) au voisinage du fond. On a attribué cette élévation de température à l'influence du noyau central igné de la terre, qui, dans les parties les plus profondes des océans, ferait ainsi sentir son action (1). Température en profondeur dans les mers fermées. — Une exception apparente aux lois générales que nous venons d'indiquer se manifeste dans les mers ou les bassins presque fermés. L'exemple D0e PRES" IREM de la Méditerranée est le plus typique. En Méditer- ranée, la température dimi- nue régulièrement de la sur- face jusqu’à la profondeur de 350 mèêtres environ, où l’on trouve une température voisine de 139. Après quoi, jusqu'aux profondeurs de 4 000 mètres, la température ne varie plus sensiblement et reste voisine de 130. A la profondeur de 350 mètres, qui est la profondeur du détroit de Gibraltar, les eaux de la Méditerranée sont en équilibre de température avec les eaux de l’Atlantique, avec lesquelles elles communiquent. Les eaux plus profondes et plus froides de l'Atlantique ne peuvent pénétrer en Méditerranée, et, comme la tempéra- ture de la Méditerranée elle-même à la surface est rarement inférieure à 130, il n’y a pas de raison pour que les eaux pro- fondes aient une température inférieure. La figure 52, où la courbe de droite représente la variation de la température avec la profondeur dans ia Méditerranée et la courbe de gauche la variation correspondante dans l’océan Atlan- tique, met bien en relief ces différences. La loi est générale: dans une mer presque fermée et séparée d’un océan voisin par un seuil, si la température (1) Peut-être faut-il y voir la raison des températures des fonds rela- tivement plus hautes dans le Pacifique que dans l’Atlantique. LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 109 de l’océan à la hauteur du seuil est égale ou inférieure à la température minima observée à la surface du bassin, la tem- pérature dans le bassin restera constante à partir de la pro- fondeur du seuil jusqu’au fond (1). Mais, si la température de l’océan au niveau du seuil est supérieure à la température minima observée à la surface du bassin, la température dans le bassin baissera norma- lement jusqu’au fond, où elle se rapprochera de la tempéra- ture minima observée à la surface. C’est ainsi que la tempé- rature abyssale de la mer Rouge est de 219, tandis que celle de la mer du Japon est voisine de 00. Pour citer un exemple simple, j’indiquerai les observations que j'ai faites dans le bassin intérieur de l’île Déception dans PAntarc- tique. Le bassin intérieur de l’île Déception est séparé de l'océan Antarctique par un seuil d’une vingtaine de mètres. La tempé- rature de l’eau à cette profondeur est de 09 environ en été. Au mois de décembre, plusieurs sondages faits au milieu du bassin nous ont donné les températures suivantes : STE BE Due DE A OT EAN +00,4 DORE LOS PE a te PA es CR RS ER SEe —09,3 AUDE ST OR MR ENT ie Re CRC —10,0 ET PEAR PR NES Ne EU SN Te —10,3 La température baisse donc normalement jusqu’à une tempé- rature voisine du point de congélation de l’eau de mer, qui doit être la température minima observée à la surface en hiver. La présence du seuil n’a aucune influence. Influence de la salinité. — La salinité peut troubler la variation de la température avec la profondeur. La mer (1) Il faut d’ailleurs remarquer que,-dans le cas de la Méditerranée, les courants inférieurs, dans le détroit de Gibraltar, comme nous le verrons, vont de la Méditerranée vers l’océan Atlantique. Ce n'est donc pas l’océan Atlantique qui détermine, à la profondeur du seuil, la température de la Méditerranée, mais plutôt la Méditerranée qui détermine la température de l'Atlantique. On a beaucoup exagéré, à mon avis, l'influence du seuil, Si la profondeur du détroit de Gibraltar était de 50 mètres au lieu de 350 mètres, je crois que la température de la Méditerranée serait analogue à ce qu’elle est actuellement. On peut en dire autant de la mer Rouge, 110 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Noire en fournit un exemple, Le minimum de température de surface de l’eau de mer étant assez bas en mer Noire, on doit s'attendre à des températures profondes plus basses qu’en Méditerranée : en effet,à 45 mètres, on observe en mer Noire une température de + 60, Mais, au delà de 45 mètres, la température augmente jusqu’au fond, où elle est de 99. Cette augmentation de température est due à l’afflux en profondeur des eaux méditerranéennes à travers le Bosphore, eaux beaucoup plus salées et qui, malgré leur température plus élevée, sont plus lourdes et vont au fond, où elles font monter la température. Les eaux super- ficielles n’ont en effet qu'une salinité de 18, tandis que les eaux profondes ont une salinité de 22. Aïnsi les courants de convection ne peuvent s'établir que dans une couche super- ficiélle assez mince, et la partie profonde de la mer est dans un état de stagnation qui permet d'expliquer l'abondance de lacide sulfhydrique, cause du dépeuplement de la mer Noire (1). \ VARIATION DIURNE ET ANNUELLE DE LA TEMPÉRATURE EN PROFONDEUR. Les variations diurne et annuelle de la température en profondeur sont très faibles. La variation diurne ne dépasse pas une vingtaine de mètres. Les expériences du Dr Regnard avec un thermomètre enregistreur ont montré qu’au Havre une variation diurne de 359 ne produisait aucun effet à 40 mètres de profondeur. La variation annuelle se manifeste jusqu’à 300 à 400 mètres en Méditerranée. Dans l'Atlantique, on n’a observé aucune variation à partir de 200 mètres. Dans les régions tempérées, où la variation annuelle de la température à la surface atteint une dizaine de degrés, il en résulte, en été, une diminution (1) Un phénomène analogue <’observe dans la mer d’Okhotsk, où les eaux superficielles sont relativement douces, tandis que les eaux qui pénètrent en profondeur par les détroits des Kouriles ou le détroit de La Pérouse sont plus chaudes et plus salées, PC PR PT LA TEMPÉRATURE DE L'EAU DE MER 111 très rapide de la température dans les 200 premiers mètres de profondeur. Dans l'Antarctique, nous avons observé une variation annuelle très nette, au moins jusqu’à 150 mètres de profon- deur. En hiver, à 150 mètres, la température était de — 00,7, tandis qu’en été, à la même profondeur, elle était de 00,4. L’amplitude annuelle est donc de 10,1. À la surface, au même endroit, l'amplitude de la variation annuelle absolue atter- gnait 3°. Il est curieux de constater qu'une aussi faible variation superficielle a un effet au moins jusqu'à 150 mètres de profondeur. CHAPITRE VA LA COULEUR ET LA TRANSPARENCE DE LA MER LA COULEUR DE LA MER. La couleur de la mer a frappé de tout temps les hommes, mais ce n’est que tout récemment que l’on a songé à trans- former cette impression artistique en notion scientifique. La couleur de la mer est variable d’un moment à l’autre, suivant la couleur du ciel qu’elle reflète, — et c’est ce qui fait son charme, — mais les eaux d’une région ont certaine- ment une couleur propre, qui ne varie pas et qui constitue un caractère de la région. Bien que difficile à évaluer d’une facon précise, surtout s’il s’agit d'apprécier des nuances très voisines (Voir la première partie, chap. III), la couleur de la mer présente parfois des caractères si nettement tranchés qu’ils permettent de déceler l’approche des bancs ou des dangers pour la nawvi- gation. Le plus souvent, les gradations sont insensibles : on passe du bleu au vert, du vert au jaune, peu à peu ; toute- fois les changements se produisent généralement toujours à la même place. La couleur naturelle de l’eau de mer, comme celle de l’eau douce, est le bleu. L'eau de mer absorbe les rayons lumineux en proportions inégales, mais, pour une même épaisseur d’eau, les rayons bleus sont dix fois plus absorbés que les rayons rouges. C’est pourquoi l’eau transparente paraît bleue, un objet blanc, vu à travers l’eau, devient’ bleuâtre, et c’est aussi la raison de la belle couleur bleue de cer- : à ic hat BA COULEUR ET LA TRANSPARENCE DE LA MER 118$ taines grottes des rivages : les rayons qui les éclairent ont traversé l’eau de mer à l’entrée de la grotte, et ces rayons sont des rayons bleus, les autres ayant été plus ou moins absorbés. La couleur naturelle bleue est troublée par les particules en suspension. Ces particules sont soit des animaux marins infiniment petits et en nombre infiniment grand, qui cons- tituent ce que l’on appelle le planclon. Ce sont aussi des par- ticules solides arrachées aux continents et qui tombent lentement sur le fond. Les particules animales ou inorga- niques ont presque toutes une couleur tirant sur le ‘jaune ou le vert, et c’est à elle que la mer doit sa couleur verdâtre. Au voisinage des côtes, auprès de lembouchure des fleuves, ou sur les bancs de faible profondeur perpétuellement brassés par les vagues ou les courants (1), les particules inorganiques sont tellement abondantes que l’eau de mer prend des couleurs jaunâtres ou rougeûtres, suivant la nature des sédiments qu’elle charrie, couleurs si caractéris- tiques que des mers entières leur doivent leur nom (mer Jaune) (?). Il arrive aussi que les particules végétales ou animales, transportées par la mer, s'accumulent en trainées qui ont un aspect blanchâtre, rougeâtre ou jaunàâtre, et qui cou- vrent des étendues parfois considérables. Par exemple, la mer prend l'aspect d’une vaste plaine de neige éclairée d’un reflet crépusculaire (mer de lail), et les larges trainées rou- geâtres, constituées par des milliards de petits copépodes, sont bien connues des pêcheurs, qui les appellent la nourri- lure de baleine. Les eaux bleues ne contenant pas autant de particules en suspension (et par suite de plancton) que les eaux vertes, (1) C’est le cas, par exemple, de nos côtes de la mer du Nord. (2) Il ne faut pas attribuer trop d'importance à ces dénominations et chercher à leur donner, après coup, une base scientifique. La couleur des populations riveraines, la première impression toute fortuite des premiers navigateurs ont été souvent, autant et plus que la couleur de la mer, la raison de ces appellations. La mer Rouge n'est pas plus rouge que la mer Noire n'est noire, ou que la Terre de l'eu n’est embrasée, Océanograph'e. 3 11% OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE on a pu dire qu’elles constituaient à la surface des océans des sortes de déserts, car les animaux marins sont abon- 4O°N. L4O°N OC o° 40°. 4008 80°W. 40° 9° TU Eaux vertes (g de échelle Forel) £aux bleues (0-2) Fig. 53. dants dans les régions où le plancton, qui constitue leur principale nourriture, est lui-même abondant (1). (1) Que d’observations discordantes encore ! Pour n’en citer qu’une, très célèbre, sinon en océanographie, mais en littérature, je rappellerai la page admirable de Pierre Loti, intitulée : Après une lecture de Michelet. : : « Cette eau chaude, aux pesanteurs d’huile, qui vous berçait comme- : | LA COULEUR EP LA TRANSPARENCE DE LA MER 115 D'une façon générale, les eaux de la mer sont d’un beau bleu dans les régions équatoriales et tropicales (la mer la plus bleue est la mer des Sargasses) ; elles sont vert-bou- teille dans les hautes latitudes, vert-olive dans l’océan An- tarctique à cause de l’abondance des diatomées, et d’un vert jaunâtre au voisinage des côtes. La figure 53 donne la carte dressée pour l’océan Atlantique, d’après l’échelle de Forel, que nous avons indiquée dans la première partie (p. 37). PHOSPHORESCENCE DE LA MER. A la couleur de la mer peuvent se rattacher les phéno- mèênes bien connus de la phosphorescence et de l’écume. Pendant les nuits d’été dans nos régions, surtout quand le temps est orageux, on aperçoit très souvent des reflets lumi- neux à la surface de la mer, et, dès qu’un objet quelconque remue l’eau, 1l fait naître des myriades de particules lumi- neuses. La mer est alors phosphorescente. Le phénomène est général et s’observe dans toutes les mers du globe. La phosphorescence de la mer est causée par des animal- cules marins, qui jouissent de la propriété d’être lumineux. Certains d’entre eux doivent même leur nom à cette pro- priété : ce sont les nocliluques, qu’on a justement comparés à un grain de tapioca cuit (Joubin). La phosphorescence est donc un signe de plancton abondant. L'ÉCUME. L’eau douce pure agitée ne donne pas d’écume. Pour que l’écume se manifeste, il faut que l’eau contienne des matières organiques. Peut-être la présence de sels dissous est-elle favorable à la production d’écume. L’écume est non seule- ment produite par le brassage énergique de la mer sous une plume légère, était d’un bleu si intense qu'on l’eût dite colorée par elle-même, teinte à l’indigo pur. Si l’on se penchait pour en prendre un peu dans le creux de la main, on voyait qu'elle était pleine de myriades de petites plantes ou de petites bêtes ; qu’elle était encombrée et comme épaissie de choses vivantes. » 116 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE forme de vagues,-mais aussi par la rencontre d’eaux de nature différente, par exemple à l’embouchure des fleuves, au contact de l’eau douce et de l’eau salée. Depuis longtemps, les navigateurs ont signalé les lignes d’écume qui séparent parfois des zones de courant différent. La température et la densité varient en effet, souvent de facon importante de part et d’autre des lignes d’écume. A la rencontre des eaux froides des fiords de Norvège avec les eaux relative- ment chaudes et plus salées transportées par la dérive de l'Atlantique Nord, on observe aussi une lisière d’écume. LA TRANSPARENCE DE LA MER. La transparence mesure en quelque sorte la quantité de particules et d’animalcules contenus dans la mer. Ce que nous avons dit jusqu'ici nous permet de déduire que les eaux bleues sont plus transparentes que les eaux vertes. La transparence mesurée en mètres (Voir la première partie, p. 36) est reliée à la couleur de l’eau de mer par la relation sui- vante : : Eaux verles (échelle9-10 deForel) : transparence moyenne 16 mètres. Eaux bleu verdâtre (5-9) ; transparence 17 mètres. Eaux bleu clair (2-5) : transparence 25 mètres. Eaux bleues (0-2) : transparence 28 mètres. Quant aux eaux limoneuses des régions côtières, 1l est évident que la transparence y est à peu près nulle. Le disque blanc, qui sert à mesurer la transparence et dont nous avons parlé dans la première partie, se voit parfois à des profondeurs très grandes : ainsi, dans la mer, des Sar- gasses, au milieu de l'Atlantique Nord, Krümmel l’a vu disparaître à 66,50. En Méditerranée, la transparence la plus grande observée a été de 33 mètres. La transparence “est souvent très variable : dans les mers australes, en des points pas très éloignés les uns des autres, nous avons observé des transparences variant de 9 mètres à 40 mètres. Si un disque blanc se voit jusqu’à 20 mètres, un disque LA COULEUR ET LA TRANSPARENCE DE LA MER 117 jaune ne se voit qu'à 17 mètres, un disque rouge à 15 mé- tres et un disque gris à 13 mètres. Les scaphandriers ont signalé que l’intensité de la lumière décroît rapidement dès qu’on quitte la surface de la mer. Des expériences précises, faites à l’aide de plaques photo- graphiques, ont montré que la lumière du jour ne pénètre pas à plus de 400 mètres de profondeur. Plus bas, la mer est dans une obscurité complète et ne peut être éclairée que par les appareils lumineux portés par Îles animaux qui y vivent (1). (1) Des expériences récentes d'Helland-Hansen ont montré qu’une plaque photographique très sensible était encore impressionnée à 1000 mètres de profondeur après une exposition de quatre-vingts mi- nutes. À 1 700 mètres, une exposition de deux heures n’a donné aucun résultat. L'étude de la transparence de la mer a eu tout récemment une application directe, et très intéressante, dans la recherche des hauts fonds par la photographie aérienne (Voir l'étude de M. VOLMAT, Annales hydrographiques de 1919-1920). CHAPETR ENVOI LA HOULE ET LES VAGUES DIFFÉRENCES ENTRE LA HOULE ET LES VAGUES. L'expérience nous apprend bien vite à distinguer les vagues, sortes de rouleaux d’eau qui s'élèvent sous l’action des vents persistants, atteignent souvent une hauteur assez grande et ont leur surface tout hérissée de petites rides, et la houle, ondulation régulière à la surface de la mer, qui, sans elle, ne serait pas autrement troublée. Quoique lafhoule ne soit que le résultat des vagues, la distinction entre les deux phénomènes est nécessaire, car les lois qui les régissent ne sont pas tout à fait les mêmes. LOIS DE LA HOULE. Hypothèse tlrochoiïdale (1). — Les longues ondes cylin- driques, à génératrices horizontales sensiblement rectilignes, qui constituent la houle, semblent se mouvoir perpendi- culairement à leurs génératrices. Mais, si l’on regarde d’un peu plus près le phénomène, on constate que la translation du liquide n’est qu'apparente. En réalité, l’eau ne se transporte pas, ainsi qu'on peut facilement s’en rendre compte en exa- minant les objets qui flottent à sa surface. Un examen plus détaillé montre que chacune des molé- cules de la surface décrit d’un mouvement uniforme un (1) Nous avons défini dans la première partie les éléments qui caracté- risent la houle, longueur, hauteur, période et vitesse de propagation (Voir p.38). LA HOULE ET LES VAGUES 119 cercle vertical, orienté dans le sens de la propagation de la houle. Toutes les molécules de la surface décrivent des cercles égaux, à la même vitesse et dans le même sens, ce sens étant tel que la molécule a, au sommet de sa trajectoire circulaire, une vitesse parallèle à la propagation de la houle, Considérons une file à molécues A,, À,, À.,.., situées dans Sens de propagation de ls houle 5 A un même plan vertical parallèle à la vitesse de propagation de la houle (fig. 54). A un instant donné, chaque molécule occupe sur son cercle une position différente À,, A., A... et,comme ellereste à la surface de l’eau, elle sera donc à l'intersection de chacun des cercles avec la courbe de la surface. L'expérience montre que cette courbe a sensiblement la forme de la courbe connue en analyse sous le nom de {ro- choide, courbe décrite par un point situé à l’intérieur d’un cercle qui roule sur une droite. Pour engendrer une trochoïde semblable à la trochoïde de la houle A,A,A,A,A., il faudrait faire rouler le cercle O sur une droite située au-dessus de lui. Le point À du cercle O, situé à une distance du centre OA égale au rayon O,A, des 120 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE cercles décrits par les molécules de la mer, engendrerait la trochoïde. Or, dans le cas de la houle, les molécules À; et A,, qui, sur leur trajectoire orbitaire, occupent la même position, sont à une distance horizontale égale à L, longueur de la houle. Pour que le cercle générateur O engendre une trochoïde semblable, il faut que, lorsqu'il a parcouru sur la droite une longueur égale à L,:il ait fait un tour complet. Son rayon R doit être, par suite, égal à ee. Si T est la période de la houle précédemment définie, le cercle générateur met le temps T pour parcourir la lon- gueur L, et les molécules de la mer décrivent leur petit Si cercle à une vitesse angulaire w, égale à T- et à une vitesse 2:0,A H . . r x CCE . r x orbitaire égale à pes O;A, est d’ailleurs égal à —, H étant la hauteur de la houle. Le mouvement orbitaire des molécules sur les petits cercles qu'elles décrivent détermine des courants superficiels de même sens que la propagation de la houle sur les crêtes et de sens contraire dans les creux. VARIATION DE LA HOULE AVEC LA PROFONDEUR. On peut considérer aussi comme un fait expérimental que les molécules situées au-dessous de la surface de l’eau décrivent, au passage de la houle, des mouvements orbitaires, avec la même vitesse angulaire que les molécules de la sur- face ; mais les cercles décrits par les moléculesinférieures ont des rayons plus petits. En d’autres termes, les molécules, qui seraient à la même profondeur si la mer était tranquille, seront situées, au passage de la houle, sur des trochoïdes de hauteur plus faible que la trochoïde de surface, mais de même longueur. Ces trochoïdes sont semblables à celles qui seraient décrites par des points qui, à mesure qu’on s’en- fonce plus profondément, se rapprocheraient de plus en plus LA HOULE ET LES VAGUES 121 des cercles générateurs, ces cercles générateurs ayant d’ail- leurs à toute profondeur le même rayon. Pour les grandes profondeurs, le point À se confond avec le centre du cercle, et la trochoïde devient une droite : le mouvement de la houle n’existe plus à ces profondeurs-là. La hauteur des trochoïdes profondes. décroît en progression géométrique, quand la profondeur croît en progression arithmétique. La règle approchée suivante paraît rendre raison des faits observés. Si l’on exprime la profondeur en fonction de la longueur de la houle, on trouve qu'aux profondeurs : correspondent les hauteurs : H — ) l H il (ll (ll PRE RE 512 Ainsi, pour une houle de 450 mètres de longueur et de 6 mètres de hauteur, la trochoïde sur laquelle se trouvera une . . — 1h \ particule située à une profondeur de 5 mètres ni ] aura une hauteur de 3 mètres ; à une profondeur de 10 mètres, elle aura une hauteur de 1M,50, et, à 450 mètres de profondeur, elle aura une hauteur de 1 centimètre environ. Théoriquement, le mouvement ne devient nul qu’à une profondeur infinie ; mais on voit qu'il est très faible dès que la profondeur dépasse quelques dizaines de mètres. Il faut, toutefois, signaler que le mouvement des vagues de l’Atlan- tique se fait sentir jusqu’à 1 150 mètres de profondeur, où les câbles télégraphiques finissent par être usés par la mer. RELATIONS ENTRE LES DIFFÉRENTS ÉLÉMENTS DE LA HOULE. L'expérience et la théorie ont montré que les différents éléments de la houle sont reliés entre eux par les formules 122 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE fondamentales suivantes, quand la houle se propage dans une mer très profonde. Entre la vitesse de propagation V, la longueur L et la période, on a la relation : On a aussi les relations suivantes : T — V 2x L — 0,80 Va g g étant l’accélération de la pesanteur. O1 peut facilement établir les lois précédentes de la façon sui- vante : D'une manière générale, la poussée dans un liquide est la résul- tante des pressions que le liquide exerce sur la surface d’un corps immergé ou sur une portion quelconque du liquide lui-même. La poussée est normale à la surface du liquide. Dans le cas du mouvement orbitaire de la houle, la poussée doit faire équilibre à la résultante MA du poids mg de la molécule M et de la force d’inertie mu?r, w étant la vitesse angulaire de rotation de la molécule sur le cercle de rayon r qu’elle décrit (fig. 55). La poussée est donc dirigée suivant MC, et la droite MC doit être nor- male à la trochoïde de la houle. Or cette normale rencontre la verticale OC passant par le centre du cercle O, en un point tel que OC est égal au rayon R du cercle générateur d’une trochoïde semblable. En effet, le point de contact de la circonférence de ce cercle avec la droite sur laquelle il roule est centre instantané de rotation, et la (1) Dans certains ouvrages sur la houle, on emploie les symboles 2L, 2T pour désigner la longueur et la période, ce qui modifie les coefficients numériques des formules. LA AOULE ET LES VAGUES 123 droite CM est donc bien normale à la courbe décrite par le point M, c’est-à-dire à la trochoïde de la houle, Fig. 55. Les deux_triangles COM et MBA, qui sont semblables, donnent la relation : R r x 0 a ——. d'où : R=—= Le mg Mur w? Mais on a, d’après la propriété de la trochoïde : 2r R = 1, oT—=27, L 2 rx À q V=— — —— — Row = —; l 2 ) uw 7 ZTN 124% OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE re < re . 4 Comme d’autre part T — :, | a ; y ) É | 12 = —$ Le g ) et | 19 > —— TA —1):80VL- 1 7] | Î Cette formule donne V en fonction de L : 4 | E E y — V — — —= — — 1,25 V L . | 5,80 V L Le tableau suivant donne les différentes valeurs de T, FL, . et V correspondantes : Vitesse Période : T Longueur : L de propagalion : V (secondes). (mètres). (mètres par seconde). 2 6 D, 1 3 14 4,7 # 25 6 2 5 39 Te 6 56 9,4 7 7 10,9 $ 100 12,5 9 126 14,1 10 156 15,6 11 189 LTÉE 12 295 18,7 14 306 21,9 16 396 25,0 18 506 28,1 20 62% 31,2 2 762 4,3 2% S19 31,9 il n'existe aucune relation fixe entre la hauteur et les autres éléments constitutifs de la houle de mer profonde. Toutefois, nous indiquerons plus loin que le rapport L reste compris entre certaines limites, pour diverses valeurs de Le. "LA ‘HOULE ET LES. VAGUES 125 M. de Sagazan a indiqué récemment une relation entre la période de ia houle et la profondeur de la mer au point où elle se forme (1). Considérons les composantes verticales du mouvement des molé- cules liquides superposées de la surface jusqu’au fond. Le mouve- ment alternatif ainsi isolé est un mouvement simultané de tous les points, mouvement qui présente tous les caractères G’un mouve- ment vibratoire longitudinal, où le vibrateur aurait un point fixe (le fond) et une extrémité libre (la surface). La période d’un tel mouvement vibratoire longitudinal (la même que celle de la houle) est égale, d’après les lois des mouvements vibratoires étudiées en mécanique, au quadruple du temps que la propagation du mouve- ment met à parcourir le vibrateur. Mais la vitesse de cette propagation verticale est la vitesse de propagation des ondes dans le milieu en question : elle est égale à la vitesse de propagation du son dans la mer, soit environ 500 mètres à la seconde. Entre la période T et la profondeur P en mètres, on aura donc la 4 P 1 500 Si l’on remplace T par cette valeur dans les formules établies plus haut, on aura : P \2 Le (ee uv) 240 relation T — Pour une profondeur de 1 000 mètres, T = 2 s. 7, L — 11 m., V= 3% m.16, Pour une profondeur de 4 000 mètres, T — 10 s. 7, L — 178 m, M="16 m. 7. Pour une profondeur de 6 000 mètres, T = 16 s., L — 400 m., V = 25 m. Ces formules sont intéressantes, mais elles n’ont pas été encore. à ma connaissance, vérifiées par l’expérience. ONDULATIONS EN EAU PEU PROFONDE. Lorsque la houle arrive par des profondeurs assez faibles, généralement sa période ne change pas, mais sa hau- (1) La Naïure, 20 novembre 1920. 126 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE teur, sa vitesse de propagation et sa longueur varient. La hauteur augmente, car Ja transmission de la même quantité d'énergie à un volume de liquide moindre produit un accroissement de hauteur de la houle et surélève la crête. A la limite, celle-ci prend un état d'équilibre instable et se brise en retombant sous son propre poids. La vitesse de propagation diminue à mesure que la pro- fondeur P diminue. Elle varie proportionnellement à (1) , P. La longueur diminue et varie proportionnellement à P. La propagation des ondulations en eau peu profonde peut avoir une certaine influence sur la vitesse des navires. Lorsque le navire a justement une vitesse égale à la vitesse de propagation des ondes à la surface de l’eau, les vagues de sillage; dues à la vitesse, suivent le navireet augmentent, dans une certaine mesure, la résistance qu’il a à vaincre. Il peut en résulter, ainsi que cela a été constaté lors des essais de petits bâtiments très rapides, des réductions de vitesse assez importantes. VAGUES. La houle, dont nous venons de résumer sommairement les lois, est l’ondulation régulière qui parcourt un océan tran- quille et qui résulte généralement des vagues causées par le vent. Ce sont ces vagues qui sont observées le plus fréquem- ment en mer par les navigateurs. Comme la houle, elles ont une période, une longueur, une vitesse de propagation et une hauteur, mais le phénomène n’a pas la même régularité que la houle, et on ne peut pas lui appliquer des formules aussi simples. Les vagues cheminent par groupes, et un groupe de vagues, ou, comme on dit quelquefois, une suile ou un rain de vagues, présente des caractères assez nets pour le diffé- (1) La vitesse de propagation est donnée approximativement par la formule V — 5,9 \ P, V étant exprimé en nœuds et P en mètres. Pour une profondeur de 25 mètres, la vitesse de propagation est égale à 30 nœuds. LA HOULE ET LES VAGUES 127 rencier d’un groupe suivant. Chaque groupe se compose de vagues de hauteur différente, les plus hautes étant au milieu du groupe. Entre deux groupes, on traverse une région où la mer est relativement moins agitée. Ce sont là des faits d'expérience bien connus des marins : les vagues, qui se succèdent pendant un mauvais temps, n’ont pas toutes la même hauteur, et les plus fortes paraissent revenir avec une certaine périodicité. Si l’on examine d’un peu plus près les vagues qui com- posent le groupe, on constate qu’elles se propagent chacune plus vite que le groupe lui-même. Elles paraissent prendre naissance vers l'arrière du groupe, augmenter de hauteur à mesure qu’elles approchent du milieu du groupe, diminuer ensuite jusqu’à disparaître sur l’avant du groupe. De nou- velles vagues naissent sur l’arrière du groupe, aussi rapide- ment qu'il en disparaît à l’avant, et tout le groupe se pro- page en conservant sensiblement le même aspect. On peut admettre que la vitesse de propagation du groupe est la moitié de la vitesse de propagation de chacune des vagues qui le constituent. C’est là un résultat très impor- tant. Car, si l’on mesure à bord d’un navire la vitesse de pro- pagation des vagues, pour obtenir la vitesse de propagation du groupe, et savoir à quel moment la perturbation se fera sentir à une distance donnée, il faut prendre la moitié de la vitesse observée. DONNÉES EXPÉRIMENTALES SUR LA HOULE DE MER PROFONDE. Les résultats les plus complets que l’on possède sur les dimensions et la vitesse de la houle sont ceux qui ont été recueillis par le lieutenant de vaisseau Armand Päris, à bord du Dupleix et de la Minerve, en 1867-1870, dans des cam- pagnes autour du monde. D’après Pâris, la vitesse de propagation atteint générale- ment 11 mètres à 12,5 par seconde, c’est-à-dire 21 à 24 milles à l'heure. La vitesse maximum est de 19 mètres par seconde. La longueur de la houle est, en moyenne, d’une centaine de mètres. Les houles de 200 mètres de longueur sont rares. 128 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE La période est de six à huit secondes en moyenne et atteint exceptionnellement quinze secondes. Ces résultats ont été confirmés par plusieurs observateurs, en ce qui concerne les valeurs moyennes, mais les limites assignées par Pâris ont été dépassées. Par exemple, Ross a observé, au voisinage du cap de Bonne-Espérance, une houle de sud-ouest, ayant une vitesse de propagation de 40 mètres par seconde avec une longueur de 580 mètres. La période était donc de 14 5. 5. L'amiral Mottez a mesuré dans l'Atlantique, un peu au nord de l'équateur, par 30° de longitude ouest, une houle de vingt-trois secondes de période et de 824 mètres de lon- gueur. C’est le record qui a été signalé jusqu’à ce jour. La hauleur de la houle. — La rapport À de la hau- teur I à la longueur L, rapport qu’on appelle quelquefois escarpement de la houle, diminue à mesure que la longueur augmente. Pour les plus longues vagues, ce rapport varie de pour les vagues de 100 mètres de longueur, il à Il 1 ; varie de SES TL ce qui donne une hauteur d’environ Demo 30 : es , Il » mêtres ; pour les vagues de 30 à 60 mètres, il varie de 10 | ; à 5p (soit une hauteur de 3 mètres environ). Pour les petites vagues, telles que celles qui arrivent le long des côtes, ce ‘ 1 1 rapport peut atteindre — ou G: : D La hauteur des vagues a été l’objet de discussions parfois assez vives. On garde le souvenir du débat soulevé en 1837 entre Arago, qui adoptait comme limite la hauteur de 6 à 8 mètres, et Dumont d’Urville, qui prétendait avoir vu des vagues de 30 mètres dans le sud du cap de Bonne-Espérance. Comme mesures présentant des garanties sérieuses, on cite celles de Missiessy, qui, en 1841, sur les bricks le Sylphe et le Cerf naviguant de conserve, a rencontré une mer énorme où les vagues atteignaient 13 à 14 mètres. Avec deux bâti- LA HOULE ET LES VAGUES 129 ments se fournissant des points de repère l’un à l’autre, Wilkes, près de Madère, en 1839, et Cialdi, en 1858, dans les parages d’Ouessant, ont mesuré des hauteurs de 9,75 et de 10n,25. En opérant sur un seul navire et en s’élevant dans les haubans pour viser l'horizon, Scoresby a mesuré des hauteurs de 13 mètres, et le lieutenant de vaisseau Pâris de 11M,50 dans l’océan Indien. Pendant toute la durée de son voyage autour du monde, le Challenger a trouvé 7 mètres comme hauteur maximum des vagues, entre l'ile Crozet et Kergue- len. Dans les mers australes, nous avons mesuré, à bord du Pourquoi-Pas?, une hauteur de 11 mètres. On peut donc conclure que les vagues d’une hauteur supérieure à 10 mètres sont très rares, et la hauteur de 15 mètres peut être consi- dérée comme une hauteur atteinte au large tout à fait excep- tionnellement, à supposer même qu'elle le soit. Dans les petites mers, les vagues sont bien moins hautes Dans la Méditerranée, Marsigli a observé une hauteur maxi- mum de 4,50 dans le golfe de Lion. Smyth a signalé. cependant une hauteur de 9 mètres dans le golfe de Gênes. De très rares observations ont donné une hauteur de 4 mètres dans la mer du Nord et de 3 mètres dans la Baltique. La hauteur de la houle dépend de la force du vent qui l’a causée, mais la loi de variation de la hauteur en fonction de la vitesse du vent est mal connue. L’amiral Coupvent des Bois a dressé le tableau suivant des hauteurs de vagues H, correspondant à différentes vitesses du vent W, d’après ses observations : Vitesse du vent W Hauteur H (mètres par seconde). (mètres). 3 1,4 b] 2,0 8 A | 13 3,8 21 ),2 33 7,0 50 9,3 T9 12,0 La vitesse du vent étant rarement supérieure à 20 mètres Océanographie. 9 130 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE par seconde, les vagues de hauteur supérieure à 5 mètres sont donc rares. Récemment M. Zimmermann a proposé la formule sui- vante : H — 0,44 W, qui donne des nombres très supérieurs à ceux de l’amiral Coupvent des Bois, dès que les vitesses du vent sont un peu fortes. VAGUES EN EAU PEU PROFONDE. En eau peu profonde, la vague, qui brise contre le rivage, peut avoir une hauteur considérable : des phénomènes d’interférence se produisent, la vague qui arrive rencontre la vague réfléchie contre l'obstacle, et il se produit des Jjaillissements d’eau, pouvant atteindre une trentaine de mètres de hauteur. L’effet du vent s'ajoute d’ailleurs à celui de la vague elle-même, pour projeter avec force les masses d’eau contre les obstacles. Ce brisement de la vague en gerbes d’écume sur les falaises du rivage est un phénomène très fréquent et bien connu. Ressac. — Lorsque la vague brise sur un rivage incliné, il se produit un phénomène particulier, appelé ressac. Les ondes ne conservent plus leur profil trochoïdal, ainsi Fig. 56. que nous l’avons indiqué. Le ralentissement de la partie inférieure tend à rendre plus abrupte le versant antérieur À, qui finit par s’écrouler. (fig. 56). Cet effet est d’ailleurs encore LANHOULE ET LES VAGUES 131 augmenté par un courant de retour, qui se produit en B, en sens inverse du mouvement, et qui est dû à l’écoulement naturel suivant la pente de l’eau transportée par la vague précédente. Nous verrons que, dans une certaine mesure, le ressac est assimilable à un phénomène beaucoup plus gran- diose, le mascaret (Voir p. 156). De quelque côté que vienne le vent, les vagues arrivent toujours dans une direction à peu près perpendiculaire à la plage sur laquelle elles déferlent. Les parties de la vague qui arrivent les premières à la plage sont en effet plus retardées, puisque la vitesse de propagation est proportionnelle à la racine carrée de la profondeur, et peu à peu les génératrices de la houle s’incurvent pour finir par être à peu près parallèles au rivage. Mais le déferlement n’est pas tout à fait simultané en tous les points du rivage, etil commence toujours du côté d’où vient la houle. Barre. — En plus du brisement au rivage, il se produit parfois un brisement au large, souvent par fonds assez grands. Ce brisement constitue ce qu’on appelle la barre sur les côtes plates et sans abri de beaucoup de nos colonies (1). Tantôt il n’y a qu'un rouleau d’écume, tantôt ily en a deux ou trois, et ce dernier cas est le cas général. La barre présente une variation saisonnière et est plus forte au moment où la houle du large est plus forte, c’est-à-dire au moment où les coups de vent du large sont le plus fréquents. C’est certainement le voisinage du fond qui est la cause de la barre. Les molécules d’eau inférieures sont plus retar- dées que les molécules de surface ; il se produit alors un déséquilibre dans la structure de la houle, et la houle brise. Les profondeurs par lesquelles se produit la barre sont très variables : d'ordinaire, elles sont comprises entre 10 à 20 mètres, mais on a signalé des brisants par des profon- deurs pouvant atleindre 50 et même 80 mètres. On observe la barre sur la côte du Maroc, sur la Côte d'Or, (1) Le mot barre s'applique aussi à un accident de la topographie: littorale, qui n’a aucun rapport avec le phénomène que nous étudions : hauts-fonds qui barrent l'entrée d’une rivière. C'est dans ce dernier sens que nous employons le mot barre, page 156. 132 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE au Dahomey (où on l'appelle kaléma), sur ia côte orientale des États-Unis, sur la côte de l'Inde, à Sumatra, aux Pomo- tou, sur la côte du Pérou. On l’observe parfois en France sur la côte des Landes. Qu'il s’agisse du ressac ou de la barre, ces phénomènes prennent, sur certaines côtes exposées au large, des proportions très grandes, au point d'empêcher toute communication avec la terre. C’est ce qui se produit au Maroc, où les fortes houles sont un des princi- paux obstacles au commerce maritime le long des côtes. Survenant inopinément, sans que rien dans les conditions météorologiques locales puisse prévenir de leur arrivée, les houles du Maroc aboutissent parfois à de véritables catastrophes en pro- voquant la perte de voiliers, de remorqueurs ou de nombreuses barcasses. Elles causent des dégâts considérables aux travaux des ports. M. Gain a consacré, dans les Annales hydrographiques de 1918, une étude à ces phénomènes. La houle produite sur la côte du Maroc est la conséquence, dans la plupart des cas, de dépressions barométriques passant sur l’océan entre les Açores et le sud-ouest de l'Islande, dépressions qui, dans l’état actuel des observations météorologiques, nous sont connues soit en approchant de l’Islande, soit en arrivant vers la France et le Portugal, soit même, dès leur formation au large, par les observations des navires transmises par télégraphie sans fil. La vitesse de propagation de la houle étant d’une vingtaine de nœuds en moyenne, les observations météorologiques peuvent permettre de prédire deux ou trois jours d'avance l’arrivée de fortes houles sur les côtes du Maroc. C’est ce que l'expérience a vérifié. Dans le même ordre d'idées, sur nos côtes des Landes, la barre de l’Adour est plus ou moins importante suivant l’état du temps au large, et on a pu aussi prédire quela barre serait ou non prati- cable d’après des considérations météorologiques (1). VAGUES DE FOND. On appelle vagues de fond des vagues qui se propagent au sein des eaux, sans se manifester à la surface, si ce n’est - 1) Notice météoro!'ogique sur les côtes de France et d'Algérie, p. 22. 51q 5 ; L'A"NHOULE. ET. LES VAGUES 133 lorsqu'elles rencontrent un haut fond. Elles donnent lieu alors à de violentes poussées verticaleset, au rivage, à un fort ressac. On attribue leur origine à des secousses de tremble- ment de terre au fond des eaux. Le phénomène peut prendre exceptionnellement une grande amplitude et causer d’impor- tants dégâts sur les côtes. On le désigne alors sous le nom de raz de marée, expression impropre, car la marée n’est pour rien dans le phénomène, ou plutôt elle n'intervient que pour le rendre plus dangereux, lorsqu'il se produit au voisi- nage de la pleine mer (1). On donne aussi le nom de lames de fond à des lames isolées qui se rencontrent en pleine mer et qui peuvent, elles aussi, avoir une origine sismique, ou bien être dues à des inter- férences d’autres vagues. Nous avons observé, au milieu de l'Atlantique, en 1994, sur le Viclor-Hugo, une de ces vagues de fond, qui a balayé la passerelle, située à une quinzaine de mètres de hauteur,et a causé à bord des avaries assez impor- tantes. (1) Le phénomène, fréquent au Japon, y est appelé {sunami, et plu- sieurs sismologues ont adopté ce terme. Certains tsunamis ont causé Ja mort de plus de 30 000 personnes, et on a pu suivre leur propagation à travers des océans entiers. CHAPITRE VHII NOTIONS SUR LES MARÉES PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE LA MARÉE. . Les mouvements du niveau de la mer se manifestent de la facon suivante : La mer monte pendant un certain temps, — on dit alors qu'il y a flux, ou flol, ou montant (1), — et atteint ainsi un niveau maximum, qui est celui de la pleine ou haule mer ; puis elle baisse, — on dit alors qu'il y a reflux, ou jusant ou perdant, — jusqu’à atteindre un niveau minimum, qui est celui de la basse mer : après quoi elle remonte de nouveau pour atteindre une nouvelle pleine mer, et le phénomène se reproduit ainsi périodiquement, le niveau de la mer oscillant autour d’une position moyenne, à peu près constante pour un même lieu, et que l’on appelle le niveau moyen. Pour déterminer ce niveau moyen dans un port donné, il suffit de prendre la moyenne des hauteurs d’un même nombre de pleines mers et de basses mers, observées pendant un long intervalle. On appelle amplitude d’une marée la différence entre la hauteur d’une pleine mer et la hauteur de la basse mer qui la suit immédiatement. (1) Les termes flot et jusant devraient être réservés pour désigner uniquement les courants de marée, qui peuvent ne pas coïncider abso- lument avec les mouvements de la marée elle-même. Il peut y avoir, par exemple, courant de flot, alors que la marée a déjà commencé à baisser N ci plus loin, p. 157.) NOTIONS SUR LES MARÉES 135 RELATIONS ENTRE LA MARÉE ET LES POSITIONS DE LA LUNE ET DU SOLEIL. Sans qu’il soit nécessaire de faire la théorie du phénomène (théorie dont nous indiquerons le principe élémentaire au chapitre suivant), on ne peut manquer d’être frappé par les coïncidences remarquables qui existent entre la marée et la position de la lune et du soleil. 1° La première de ces corncidences est relative à l’ampli- tude. Les amplitudes des marées vont en augmentant progressi- vement, depuis un jour ou deux après les quadratures (pre- mier et dernier quartier de la lune) jusqu’à un jour ou deux après les syzygies (pleine lune et nouvelle lune). Les marées, qui ont lieu aux quadratures, et qui sont les plus faibles, sont dites de morle-eau, et celles qui ont lieu aux syzygies, et qui sont les plus fortes, sont dites de vive-eau. De la vive-eau à la morte-eau, l’on est en déchel, el de la morte-eau à la vive-eau, en revif. L’intervalle, qui sépare des syzyzies les marées les plus fortes, est variakle d’un endroit à l’autre. Sur les côtes d’'Eurowe, il est d’un jour et demi à deux jours (trerte-six heures à Brest) ; sur les côtes atlantiques des États-Unis, il est d’un jour; sur les côtes américaines du Pa‘:ifique, 1l est presque nul. En certains points du globe, il peut dépasser quatre jours (1). On appelle ce retard âge de la marée, car on peut supposer que la marée observée existe depuis un certain temps, dont l’âge de la marée représente la valeur. Si la marée la plus forte se produisait juste à l'instant de la syzygie, l’âge de la marée serait nul. Tous les vingt-neuf jours, durée approchée du mois lunaire, les amplitudes des marées reprennent une succession à peu près identique. (1) Il est égal à quatre jourset huit heures à Port-Girconcision, dans l'Antarctique (latitude 65°10’S ; longitude 66° W) d’après les obser- vations de M. Godfroy. 136 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Nous pouvons préciser cette notion d’âge de la marée, qui est importante. La marée étant due à la présence de la lune et du soleil, on peut admettre que chacun de ces astres, s’il était seul, donnerait nais- sance à une marée particulière ; la superposition de ces deux marées donne la marée totale. Chaque marée particulière suit le mouve- ment des astres avec un certain retard, qui dépend des conditions locales et qui n’est pas le même pour les deux marées. Représentons, par rapport à la terre supposée immobile. la lune Sens du mouvement S Sens du mouvement É $ diurne apparent CU diurne apparent » S marée solaire L œorée lunaire 36 heures après la conjonction à Brest Conjonction de la lune € et du soleil © CTO = 36x0°51 = 18°environ Fig. 57. Fig. 58. et le soleil en conjonction (1) (fig, 57). La marée lunaire L est en retard de l’angle z sur la lune, L’angle ETL = à De même la marée lunaire, figurée en S, est en retard sur le soleil de l’angle OTS = «. Comme les retards + et +’ sont différents, les deux marées ne concordent pas et sont séparées par l’angle STL — & — à. Mais la lune a un mouvement par rapport au soleil : elle recule sur le soleil d’environ 09,51 par heure. Au bout d’un certain temps, elle se sera donc déplacée, relativement au soleil, ce l’angle STL. A ce moment (fig. 58), les deux marées coïncideront, et la marée totale sera maximum. L’âge de la marée est le temps que met la lune pour se déplacer relativement au soleil de l’angle STL, c’est-à-dire est égal en heures CG 71 0,51 ‘ (1) J’emprunte cette figure, ainsi que celle de la page 159,au Cours de marées de l’École navale de M. MARGUET. NOTIONS SUR LES MARÉES 137 L’angle STL {ou 4° —2) est égal à la différence des ascensions droites de la lune et du soleil, à l’instant de la marée de vive-eau qui suit une conjonction. Il est facile de trouver cette différence d’ascension droite dans une Connaissance des temps. 20 Les heures de la pleine mer du matin ou du soir de deux jours consécutifs ne sont pas tout à fait les mêmes d’un jour à l’autre, la pleine mer retarde, et ce retard est d'environ 50 minutes. La durée d’un jour lunaire étant de 24 h.50 m., il y a là encore une coïncidence remarquable. Comme il y a généralement deux pleines mers et deux basses mers par jour, si la basse mer se produisait exacte- ment entre les deux pleines mers consécutives, il faudrait ajouter environ 6 h. 12 m. (le quart de 24 h. 50 m.) à l'heure de la pleine mer pour avoir l’heure de la basse mer. Mais, généralement, la mer ne met pas le même temps à monter qu’à descendre. Pour ne citer que les anomalies qui se produisent sur les côtes de France, sur les côtes de l’océan Atlantique, le perdant est plus court que le montant : à Cordouan, le perdant dure D h. 50 m., le montant 6 h. 30 m. Sur les côtes de la Manche, c’est le montant qui est plus court que le perdant : à Cher- bourg, perdant 6 h. 50 m., montant 5 h. 40 m. ; au Havre, perdant 7 h. 20 m., montant 5 heures; à Boulogne, perdant dm. "montant 5 h. 15 m. Il existe d’ailleurs, entre la morte-eau et la vive-eau, des différences parfois assez grandes à ce point de vue. C’est ainsi qu’à Saint-Nazaire, en morte-eau, le perdant dure 9 h. 53 m. et le montant 6 h. 33 m., tandis qu’en vive-eau le perdant dure 6 h. 33 m. et le montant 5 h. 45 m. D'’ordinaire, dans les mers resserrées entre deux côtes, dans les chenaux étroits, la durée du montant est plus courte que la durée du perdant (1). 30 Les grandes marées de vive-eau se produisent, en un même lieu, toujours à la même heure. Par exemple, à Brest, les grandes marées se produisent toujours vers 4 heures. (1) Le montant est aussi plus court que le perdant dans les fleuves (Voir plus loin, p. 153). 138 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE En étudiant de plus près le phénomène, on voit que, tous les jours, 1l existe une relation entre le mouvement de la lune et les heures de la pleine mer et de la basse mer : les pleines mers ont lieu chaque jour à un nombre d’heures sensiblement le même après le passage de la lune au méridien du lieu. Or, à la pleine et à la nouvelle lune, le passage de la lune au méridien a lieu à minuit et à midi des horloges réglées sur le temps vrai, puisqu'à ce moment-là la lune et le soleil passent ensemble au méridien. Le jour de la pleine lune et de la nouvelle lune, l'heure vraie que marque l'horloge au moment de la pleine mer indiquera l'intervalle qui s’est écoulé entre le passage de la lune au méridien et la pleine mer. C'est cet intervalle qui porte le nom d’éfablissement du port, parce que c’est le temps qui s'écoule entre le passage de la lune au méridien et l’établissement de la pleine mer dans le port. On a été conduit d’ailleurs à le définir d’une façon plus précise que nous venons de le faire. Comme la marée varie avec la déclinaison de la lune et du soleil et avec la distance de ces deux astres à la terre, l'établissement du port sera l'heure vraie locale de la pleine mer, un Jour de syzygie, lorsque le soleil et la lune auront une déclinaison nulle et qu'ils seront tous deux à leur dis- tance moyenne de la terre. On dit que les deux astres sont alors en syzyqie moyenne, Pour avoir l'heure de la pleine mer, il suffit d'ajouter l'établissement du port à l’heure du passage de la lune au méridien. Mais ce n’est là qu’une règle grossière, à laquelle, si l’on veut avoir plus de précision, il faut apporter une correction qui, dans nos régions, peut atteindre 1 h. 20 m. et qui peut être plus importante en d’autres points du globe. Les établissements du port peuvent varier d’une façon considérable en des points rapprochés. C’est ainsi que, sur les côtes de la Manche, l’établissement augmente progressi- vement, à mesure qu’on avance vers l’est, de 3 h. 46 m. à Brest à 12 h. 24 m. à Dunkerque. Sur les côtes du golfe de Gascogne, l'établissement ne varie que de 3 h. 25 m. à Port- Louis (entrée de Lorient) à 4 heures à Cordouan (entrée de la Gironde). NOTIONS SUR LES MARÉES 159 49 Nous avons indiqué que la marée varie avec la distance de la lune et du soleil à la terre. Elle est d’autant plus forte que ces astres sont plus rapprochés de la terre. Les marées seront donc relativement plus fortes au moment du périgée de la lune, qui se produit chaque mois à une date variable. Comme la révolution synodique de la lune, ou le mois lunaire (qui ramène la lune au même écart en longitude avec le soleil et qui règle les phases) a une durée de 29 jours 55, tandis que la révolution anomalistique (qui ramène la lune au périgée) a une durée de 27 Jours 5», il en résulte que, dans le cours de l’année, le passage de la lune au périgée pourra coïncider tantôt avec la nouvelle et la pleine lune, tantôt avec les quartiers. Dans le premier cas, les marées de vive-eau seront très fortes ; dans le deuxième cas, les marées de morte-eau ne seront pas aussi faibles que d’ordi- naire. Pour la même raison, les marées seront plus fortes au moment du passage de la terre au périhélie (qui se produit actuellement vers le 2 ou 3 janvier) et plus faibles au mo- ment du passage de la terre à l’aphélie (qui se produit vers le 2 ou 3 juillet). L'amplitude de la marée dépend des positions astrono- miques du soleil et de la lune. On peut calculer, par les for- mules que nous développerons dans le chapitre suivant, le rapporl des actions moyennes de la lune el du soleil. Ce rapport devrait être le même en tous lieux. Mais, lorsqu'on analyse le phénomène d’une façon complète, on trouve que ce rap- port varie d’un lieu à l’autre d’une façon assez importante. Il est à Brest de 2,8 environ. Le rapport des actions moyennes de la lune et du soleil est, au même titre que l’âge de la marée, une caractéristique fondamentale de la marée en un lieu donné. UNITÉ DE HAUTEUR. La plus grande pleine mer de vive-eau qui suit la syzygie moyenne, définie au paragraphe précédent, a une certaine hauteur au-dessus du niveau moyen. En un lieu donné, on 140 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE est convenu de prendre cette hauteur comme unilé de hau- leur. L'unité de hauteur varie d’un point à l’autre,et on peut comparer les différents ports, au point de vue de l’amplitude des marées, en connaissant leurs différentes unités dehauteur. A Brest, l’unité de hauteur est de 3m,21, Soit hm la hauteur de la pleine mer au-dessus du niveau moyen un Jour quelconque. On peut poser : him = CU, c étant un coefficient numérique, qu'on appelle le coefficient de la morée ; U, j’unité de hauteur. Lecoefficientc jouit àe la propriété d’être le même pour tous les ports où l’âge de la marée est le même, ainsi que le rapport des actions moyennes de la lune et du soleil. Il peut varier de 1,20 à 0,30. Il est égal, sur les côtes de France, à 1, par définition, pour la pleine mer qui suit de trente-six heures une syzygie moyenne (trente-six heures étant l’âge de Ja marée sur nos côtes), et la demi-amplitude correspondante est l’unité de hauteur (1). La basse mer, qui se produit quand le coefficient est égal à 1,20, est la plus basse mer possible, C’est au-dessus de ce niveau particulier que sont rapportées les hauteurs des marées inscrites sur l'Annuaire des marées des côles de France, ainsi que toutes les sondes portées sur les cartes françaises. Ce niveau s'appelle pour cela le zéro des carles françaises. Il faut remarquer que l’unité de hauteur n’est pas la demi- amplitude moyenne de la marée en un lieu. Elle se rapproche de la demi-amplitude moyenne des marées de vive-eau. Par définition, la demi-amplitude moyenne des marées de vive-eau est égale à 0,94 U. La demi-amplitude moyenne des marées de morte-eau est égale à 0,45 U. (1) On trouve la valeur du coefficient de la marée pour chaque jour dans l’Annuaire des marées des côtes de France, document publié chaque année par le Service hydrographique de la marine. NOTIONS SUR LES MARÉES 141 La demi-amplitude moyenne des marées en un lieu donné, qui peut avoir un certain intérêt au point de vue géographique, est sensiblement égale à 0,70 U dans les régions où les marées ont un régime semblable à celui de nos côtes. DIFFÉRENTS TYPES DE MARÉES. Le phénomène de la marée se présente avec une allure plus ou moins régulière suivant les points du globe où on l’observe. À quelques rares exceptions près, 1l y a deux pleines mers et deux basses mers par Jour. Parfois, comme surles côtes d’Europe,les hauteurs des deux pleines mers d'un même Jour, ainsi que celles des deux basses mers, diffèrent peu l’une de l’autre. Dans les mers de Chine, au contraire, et sur la plupart des côtes de l'océan Pacifique, deux pleines mers ou deux basses mers consécutives diffèrent sensible- ment de hauteur, à ce point quelquefois qu'une pleine mer diffère assez peu de la basse mer suivante pour que l’oscilla- tion soit à peine sensible, et, à la limite, il n'existe plus, comme au Tonkin, qu’une seule pleine mer et une seule basse mer par Jour (fig. 9). Ces anomalies dans les hauteurs se produisent aussi dans les heures. Tandis que, sur les côtes d'Europe, les heures de la pleine mer suivent, d’après les lois simples que nous avons indiquées aux paragraphes précédents, les passages de la lune au méridien du lieu, sur la plupart des autres côtes cette loi devient très compliquée. MARÉE DIURNE ET MARÉE DEMI-DIURNE. La courbe qui donne, en fonction du temps, la hauteur de la marée en un lieu donné n’est donc qu'exceptionnellement une sinusoïde régulière. L'expérience montre, — et nous verrons plus loin que la théorie légitime cette décomposition, — qu’on peut reproduire très sensiblement la courbe d’une marée en ajoutant les ordonnées de deux sinusoïdes, l’une ayant une période voisine de douze heures, et appelée marée Age de /3 marée, 36 heures. de /3 marée semi diurne. 72 20 Janvier 1905 - Brest. /s marée diurne est /e OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 18 Janvier Saïgon Warée diurne = sensiblement marée semi diurne Marée diurne = 20 fois marée semi - diurne Do-Son (Tonkin) NOTIONS SUR LES MARÉES 143 diurne, l’autre ayant une période voisine de vingt-quatre heures, et appelée marée semi-diurne. La combinaison de ces deux ondes a pour effet de produire une inégalité, à la fois dans la hauteur de deux pleines mers et de deux basses mers consécutives, et aussi dans les inter- valles de temps qui les séparent. La hauteur de la marée diurne est maximum tous les quinze jours, peu après que la lune a atteint sa déclinai- son maximum, et lorsqu'elle est par suite près des tro- piques. C’est la! raison pour laquelle, dans les vieux traités de navigation, on appelle /ropiques les marées qui se produi- sent à ce moment-là. Les anomalies, que nous avons signalées, peuvent être attribuées à la présence de la marée diurne. Si cette marée diurne est faible par rapport à la marée semi-diurne, la marée présente régulièrement deux pleines mers et deux basses mers par jour, à peu près régulièrement espacées, et d’amplitude sensiblement égale. Si la marée diurne est importante, les anomalies se produisent, et si la marée diurne est très forte par rapport à la marée semi-diurne, il pourra n’y avoir qu’une marée par jour, comme au Tonkin (1). Il suffit d'observer la marée au moment où la déclinaison de la lune est forte pour savoir à quel type de marée l’on a affaire. Si le jour où la déclinaison de la lune est maximum il y a deux pleines mers d'amplitude à peu près pareille, on a affaire à une marée semi-diurne très prépondérante,et les formules simples de prédiction, que nous avons indiquées, donnent une bonne approximation. Si les amplitudes des deux pleines mers diffèrent (on dit qu'il y a alors une inéga- lité diurne), la marée diurne est à considérer, et elle l’est d'autant plus que l’on observe une inégalité diurne plus grande. Dans ce cas-là, les formules élémentaires de prédic- tion ne peuvent donner qu’une approximation très gros- sière. ; La figure 60 permet d'illustrer les remarques précédentes. (1) L’amplitude de la marée diurne n’est jamais très forte : elle ne dépasse pas 1°,50. L’amplitude de la marée semi-diurne peut dépasser une dizaine de mètres. 144 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Nous avons représenté sur cette figure deux marées semi- diurne et diurne de même amplitude. La combinaison de ces O2 26 B0NI0 AD NE TI 118020 2252 —......... Marée diurne SEE marée semi diurne —— Mmarée tota/e Fig. 60. deux ondes donne l’onde de marée totale, où l’on remarque les anomalies signalées plus haut. INFLUENCES MÉTÉOROLOGIQUES. L'observation a montré que les hauteurs des pleines mers et des basses mers sont influencées par la pression baromé- trique, le niveau de la mer étant plus élevé lorsque la pres- sion est plus basse et réciproquement. Une variation d’un millimètre de mercure dans la hauteur du baromètre produit une variation de 13Mm,3 dans la hauteur du niveau de la mer. Ce coeflicient de 13,3 n’est pas très rigoureux, car la pression barométrique affecte les marées dans un rayon si étendu que les indications locales du baromètre, en un point donné, ne sauraient être toujours un indice sûr de l'effet produit en ce point (1). (1) I faut signaler que M. Godfroy a montré, par ses observations de marée faites dans l’Antarctique (1909), que les variations de la pression atmosphérique se font immédiatement sentir sur le niveau de la mer. M. Godfroy à trouvé qu’à un mouvement d’un millimètre de la co- NOTIONS SUR LES MARÉES 145 La direction et la force du vent ont également une influence sur les hauteurs des pleines mers et des basses mers ; elles sont plus élevées lorsque le vent est fort et bat en côte; elles sont plus faibles lorsqu'il souffle de terre. Les variations de cette sorte peuvent être très importantes. À Londres, par fort vent d’est, le niveau de la Tamise est augmenté de 1,50 environ. On cite aussi une tempête d'automne en 1897 sur la côte orientale d'Angleterre, où la coïncidence du vent d'est avec une marée de vive-eau a causé des dommages consi- dérables, en brisant des digues et en inondant tout l’arrière- pays. Dans les mers fermées, les effets du vent, quoique d’am- plhitude moins grande, sont peut-être encore plussensibles, car on est habitué à voir le niveau de la mer rester à peu près invariable. Presque tous les ans, les quais de certaines villes de Provence sont à moitié inondés par la mer, lorsque le vent souffle du sud. L'action du vent dépend naturellement de la forme de la côte, du temps pendant lequel souffle le vent, et il n’est pas possible d'établir un coefficient de proportionnalité entre la hauteur de la mer et la force du vent (1). QUELQUES RENSEIGNEMENTS GÉOGRAPHIQUES SUR LES MARÉES. Les amplitudes de la marée sont très variables d’un lieu à l’autre. Alors qu'il y a des points où la marée est à peu près insensible, elle peut atteindre, en certains endroits, des lonne de mercure correspondait immédiatement, à Port-Circoncision, un mouvement du niveau de la mer en sens inverse de 14"m5. Un résultat analogue avait été obtenu dans l'océan Arctique, par Ross, en 1828. (1) On rattache à la variation de la pression barométrique le phéno- mène des seiches, oscillations périodiques du niveau des lacs, dont la période va de quelques minutes à plusieurs heures. Dans le lac de Genève, la plus forte seiche observée a atteint une amplitude de Le,83 ; . les seiches dépassant 40 centimètres sont très rares. Des variations accidentelles du niveau, dues uniquement à la pression barométrique, s’observent aussi dans les mers fermées, comme la Méditerranée. C’est à ces variations qu'il faut attribuer les courants du détroit de l’Euripe (entre l’île Eubée et la Grèce), qui changent de sens d'une façon en appa- rence capricieuse, Océanographie, 10 OCÉANOGRAPHIE PH YSIQUE 146 *19 SU w7 2 9/N9/90NS 259 Sooueuy Sp auvaou, 8pnydue) no 290/6 np AUIQ) NOTIONS SUR LES MARÉES 147 amplitudes moyennes de plus de 10 mètres. Sur la carte de la figure 61, nous avons marqué les côtes où l’amplitude moyenne des marées est supérieure à 4 mètres (1). Sans parler des mers fermées ou presque fermées sur lesquelles nous reviendrons, d’une façon générale, la marée est très faible sur les îles situées en plein océan. A l’île Ascension, l'amplitude moyenne est de 0",40 ; les marées de vive-eau ont une amplitude moyenne de 0,60. A Sainte-Hélène, l'amplitude moyenne est de 0M,60, en vive- eau de Om,85,. A l’île Midway, au milieu du Pacifique (latitude 28013" N, longitude 177021” W),la marée n’atteint pas en moyenne 0m,25, en vive-eau 0,30. À Tahiti, l'amplitude de la marée a à peu près les mêmes valeurs qu’à l’île Midway. Dans l’océan Indien, à l’île Maurice, l’amplitude moyenne est de 0M,30, en vive-eau de 0M,50. A La Réunion, l’ampli- tude moyenne est de 0M,60, en vive-eau 1,10. Très peu d'îles isolées ont des marées supérieures à 1 mètre; aucune n’a des marées atteignant une amplitude moyenne de 2? mètres. Sur les côtes des continents, les marées les plus faibles (d'amplitude moyenne inférieure à 1 mètre) s’observent : dans l’océan Atlantique, sur les côtes du golfe du Mexique et de la mer des Antilles, sur les côtes de l'Uruguay et l'estuaire du Rio de la Plata, sur les côtes sud de Norvège ; dans l’océan Pacifique, sur les côtes du Mexique, au sud de Mazat- lan, sur les côtes du Pérou, sur les côtes méridionales de l'Australie en presque totalité, sur les côtes orientales du Japon ; dans l’océan Indien, sur une partie des côtes sud de l'Inde, la côte sud de Madagascar ; en beaucoup de points de l’océan Arctique. Les côtes où les marées dépassent en moyenne 4 mètres d'amplitude sont les suivantes : Une partie de la côte orientale de l'Écosse et de l’An- gleterre : Dungeness (latitude 500 54’ N, longitude 0° 58° E), (1) Nous avons publié une carte plus détaillée des amplitudes des marées dans les Annales de Géographie (mai 1922). 148 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE amplitude moyenne : 4M,9; amplitude de vive-eau moyenne : Gn5 ; Certains points dela mer d'Irlande et du canalde Bristol : Cardiff: amplitude moyenne : 8M,2; amplitude de vive-eau moyenne : 10m,9 ; La côte française de la Manche: Granville : amplitude moyenne : 7M,9 ; amplitude de vive-eau moyenne : 11 mètres; Brest, amplitude moyenne : 4M3; amplitude de vive-eau moyenne : 6M,0 ; La baie de Fundy : Pointe Burncoat, au fond de la baie: amplitude moyenne : 13,1, amplitude de vive eau moyenne : 150 1 ; La côte de Patagonie : entrée de la rivière Gallegos (lati- - tude 51° 23° $S, longitude 690 01” W): amplitude moyenne: 10m,3 ; amplitude de vive-eau moyenne : 13,9 ; Les chenaux latéraux du Chill: Port Montt (latitude 419 29’ S, longitude 72° 56° W) : amplitude moyenne : 5m4 ; amplitude de vive-eau moyenne : 6,3 ; Une partie de la côte du Canada sur l’océan Pacifique : Prince Rupert Harbour (latitude 549177 N, longitude 130° 21° W): amplitude moyenne: 6,1; amplitude de vive- eau moyenne : 7M,2 ; La côte chinoise du canal de Formose : Minn River (lati- tude 25° 29’ N, longitude 1199 27° E) : amplitude moyenne : 4n,7; amplitude de vive-eau moyenne : 5,7: La côte ouest de Corée : Chemulpo (latitude 370 28° N, longitude 126° 36° E): amplitude moyenne : 6,1 ; amplitude de vive-eau moyenne : 8,7 ; La côte nord-ouest d'Australie : Pearce Point (latitude 140 26 N, longitude 12921” E): amplitude moyenne : om5; amplitude de vive-eau moyenne : 6,8; Une partie de la côte de Birmanie : Maulmein River (lati- tude de 16° 04’ N, longitude 970 33° E) : amplitude moyenne : 4 mètres; amplitude de vive-eau moyenne : 5,8, Conformément aux indications de la théorie, la marée au large est faible et n’atteint pas 1 mètre d'amplitude. Cette marée, en arrivant auprès des côtes, s’amplifie souvent d'une façon considérable, surtout dans les chenaux resserrés, au NOTIONS SUR LES MARÉES 149 4 fond des baies et auprès des côtes exposées au large, mais débordées par des petits fonds. Toutefois, la topographie littorale ne suffit pas pour expliquer toutes les anomalies. Dans les mers fermées, les marées sont très faibles, mais elles sont souvent sensibles. Ainsi, en Méditerranée, on a signalé en plusieurs points des marées d'amplitude mnyenne de Om,10, et on peut même dire qu’il estrare que cette ampli- tude ne soit pas atteinte. En plusieurs endroits, elle est nota- blement dépassée. Par exemple, sur les côtes de la mer Adriatique, les marées atteignent à Malamocco, près de Venise, une amplitude moyenne de 0,60, aux vives-eaux de 1 mètre ; à Pola, l’am- plitude moyenne est de 0M,60, aux vives-eaux de 1 mètre ; à Lissa, l’amplitude moyenne est de O0M,45, aux vives-eaux de 0,70 ; à Smyrne, 0,50 et 0,75 ; à Tripoli, 0n,50 et 0,55 ; à Sfax, Om,80 et 1m,25 ; à Tunis, 0,55 et 0m,90 ; à Alger, 0m,60 et Om,80. LIGNES COTIDALES. Si l’on indique sur une carte les heures (en temps de Greenwich par exemple) où se produisent les pleines mers un jour de syzygie moyenne, on voit que, sur la plupart des côtes, tout se passe comme si la marée se propageait d'un point à l’autre, ainsi que le ferait une onde qui parcourrait tout l’océan. En joignant par une ligne les points où la marée se produit au même instant, on obtient ce qu’on appelle une ligne colit- dale, qui ne peut avoir de signification que si elle joint les points de deux côtes voisines, et qui pourrait, au contraire, donner lieu à de fausses interprétations si, sous le prétexte que la marée se produit à la même heure en un point d'Afrique ou d'Amérique, on admettait que la marée soulève en même temps tout l'océan. Whewel a pourtant dressé, il y a plus de cinquante ans, une carte de lignes cotidales pour l’océan Atlantique et l'océan Indien, et cette carte a permis d'émettre l'hypothèse que la marée, ressentie sur nos côtes, se forme en réalité dans 150 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE : l'océan Antarctique et met trente-six heures (l’âge de la marée Justement) à parcourir l'Atlantique. Bien des faits contredisent cette hypothèse, qui avait un caractère sédui- sant. On a essayé aussi de trouver une relation entre les lignes cotidales et l’amplitude de la marée. Les lignes cotidales seraient très resserrées partout où les marées sont fortes. L'onde de marée, retardée au voisinage des côtes par les faibles profondeurs, gagnerait en hauteur ce qu’elle perd en vitesse de propagation. On peut citer de nombreux exemples pour ou contre cette hypothèse, qui ne peut pas être consi- dérée comme une loi générale. Plus récemment, l'Américain Rollin A. Harris a dessiné une carte de lignes cotidales pour le monde entier, basée Fig. 62. sur des hypothèses ingénieuses sur les vibrations des océans. Ces hypothèses, dont nous dirons un mot plus loin, l’ont con- duit à admettre qu'il y avait, au milieu des océans, des points où il ne se produisait pas de marée du tout et qui ont été appelés points amphidromiques. Les lignes cotidales tournent autour de ces points, où le niveau ne change pas. D’après M. Harris, il existerait un point amphidromique dans l’océan Atlantique, par 40° de longitude ouest et 40° de latitude Nord,et un autre point amphidromique dans la mer NOTIONS SUR LES MARÉES 151 du nord, à peu près situé entre Amsterdam et Yarmouth. La figure 62 reproduit la carte des lignes cotidales de la Manche et de la mer du Nord, d’après M. Rollin A. Harris. Seulel’expérience, — et actuellement le marégraphe Favé est le seul instrument permettant d'observer la marée au large des côtes, — peut venir confirmer ou infirmer ces hypo- thèses. Dans les cas particuliers où les lignes cotidales permettent de suivre vraiment la propagation de l’onde de marée, elles fournissent une explication de certaines anomalies. Lorsqu'un chenal communique par ses deux extrémités avec deux mers, qui subissent chacune des marées diffé- rentes, chacune des ondes de marée se propage dans le chenal, etla marée observée est due à la combinaison des deux ondes. En certains points, les deux ondes peuvent se neutra- liser, et, si elles ont des amplitudes voisines, il ne se produira pas de marée de ces points-là. En d’autres points, souvent voisins, elles pourront s'ajouter, et il s'y produira des marées très fortes. Un exempletypique est fourni par la mer d'Irlande, où une onde entre par le sud et une autre par le nord : on observe des marées très faibles, atteignant à peine une amplitude de 1 mètre, sur la côte sud-est d'Irlande, à courte distance du canal de Bristol, où les marées sont très fortes. Dans la Manche, il se produit un phénomène analogue : une onde de marée, provenant de l'Atlantique, entre par l’ouest, tandis qu’une autre onde, après avoir fait le tour des Iles Britanniques, descend le long des côtes de la mer du Nord et pénètre dans la Manche par l’est. La combinaison de ces deux ondes permet d'expliquer le minimum relatif des marées qu'on observe à Cherbourg, tandis qu'à quelque distance les marées atteignent une amplitude beaucoup plus grande. Amplitude moyenne des marées à Cherbourg : 3,80; Amplitude moyenne des marées au cap Carteret : 6,70; Amplitude moyenne des marées à La Hève: 5,10. A la même cause doit être dû le maximum relatif observé vers Cayeux et Le Tréport (amplitude moyenne : 6,10). 152 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Ces considérations ont, comme nous le verrons, une impor- tance assez grande au point de vue des courants. MARÉES DANS LES FLEUVES. Les marées dans les fleuves sont dues aux marées de la mer voisine. La limite de la partie marilime du fleuve est, par définition, la limite à laquelle se font sentir les marées. La propagation d’une onde de marée dans un fleuve suit les lois de la propagation d’une onde dans un chenal, quand la A a Fig. 63. profondeur de ce chenal est faible par rapport à la longueur de l'onde. La vitesse de la propagation de l’onde ne dépend que de la profondeur, et le profil de l’onde se modifie : dans une onde régulière, le front de l’onde AB a le même profil que l’arrière de l’onde AC (fig. 63). Dans un chenal, l’onde présente un front AB’ beaucoup plus abrupt que la partie arrière A’B. La propagation de l’onde de marée dans un fleuve dépen- dra aussi du courant et de la hauteur des eaux du fleuve. Si l’on observe, en un point du fleuve, la variation du BM PM. BM. PM. B.M. Fig. 64. niveau en fonction du temps, on obtient une courbe telle que CHC'H” (fig. 64). NOTIONS SUR LES MARÉES 153 Après la basse mer (niveau en C), la courbe se relève rapi- dement et est convexe jusqu’à l'instant de la pleine mer (niveau en H). Elle affecte ensuite la forme sinusoïdale, jus- qu’à la basse mer suivante (niveau en C”). A mesure que l’on s'éloigne de l'embouchure, la durée de la montée diminue et la durée de la baisse s’allonge. Ce résultat est bien conforme aux lois que nous venons de rappeler de la propagation d’une onde dans un chenal peu profond. En voici quelques exemples : À Rouen, durée du montant: 4 h. 15 m.; du perdant : 8h10: mm. : A Rochefort, durée du montant: 5 h.;du perdant : Ah15 on: : À Blaye (Gironde), durée du montant: 5 h.; du perdant : 70h: 15 mn. : A Libourne (Dordogne), durée du montant: 2 h. 50 m.; du perdant : 9 h. 20 m. Si l’on considère l’onde de marée sur l’ensemble du fleuve, on constate que le sommet de l’onde se maintient à une altitude qui diffère peu de celle qu’elle a à l'embouchure. Ce niveau se relève, parfois d’une façon importante, à la limite de la partie maritime (1). Au contraire, la courbe qui est le lieu géométrique des basses mers se relève sans cesse vers l’amont. Le niveau de l’eau dans le fleuve ne peut pas en effet descendre plus bas que le niveau dû au débit propre du fleuve, niveau de plus en plus élevé à mesure que le fleuve se rétrécit. S'il n'y avait pas de débit du tout, le niveau de la basse mer serait au maximum le fond du fleuve, qui va en s’élevant à mesure qu’on se rapproche de l’amont. Il en résulte que la hauteur de la pleine mer au-dessus de la basse mer, c’est-à-dire l'amplitude, va sans cesse en diminuant. Elle finit par deve- nir nulle à la limite de la partie maritime. La limite de la partie maritime, à égalité d'amplitude de la marée à l’embouchure, est plus ou moins rapprochée de (1) Nous avons observé un phénomène de ce genre dans un fleuve de la Guinée française, le rio Nunez. Grâce à lui, nous avons pu faire remonter jusqu’à Boké des navires d’un assez fort tirant d’eau. 154 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE l'embouchure, suivant la largeur du fleuve et son débit. Dans les fleuves de France, le sommet d’une onde de marée a toujours atteint cette limite, avant que son pied n’atteigne l'embouchure ; autrement dit, il n’y a jamais même une demi-onde complète dans le cours du fleuve. Il existe, au contraire, en Amérique des fleuves, et notamment l’Ama- zone, dont la partie maritime est assez longue pour qu'il y existe à la fois une pleine mer et une basse mer, et quelque- fois plusieurs. Mascaret. — Si la forme abrupte du front de l’onde de maréequis’avance est exagérée, l'onde présentera, à sa partie frontale, une sorte de mur d’eau. La simple avance d’une onde dans un chenal peu profond n’arriverait pas à produire un aussi grand changement de forme, mais, dans un fleuve, le courant du fleuve joue dans ce sens un rôle important. Tendant à rejeter vers l'embouchure le front de l’onde, il contribue à en exagérer la pente. C'est bien ce qu’on observe à l'embouchure des fleuves encombrés de bancs de vase: la courbe du montant se relève brusquement au moment de la pleine mer, de façon à présenter une partie verticale, un ressaut. Il se produit alors un mascarel. | Le phénomène se manifeste de la façon suivante : Lorsque le flot arrive à l’embouchure du fleuve, la mer commence à monter dans les passes les plus profondes. Sur les bords de celles où la profondeur est moindre, on aperçoit une vague, dont une extrémité parcourt la rive en déferlant, et qui se prolonge, généralement sans briser, vers le milieu de la passe. Dans les endroits peu profonds ou sur les bancs, c’est une longue lame qui déferle et qui s’avance comme une ligne blanche, c’est un rouleau d’eau, qui précède le flot et qui en est, pour ainsi dire, la tête.Ce rouleau est suivi de plusieurs vagues dont les premières sont seules écumantes et qui dimi- nuent successivement de hauteur. Ces vagues sont connues sur la Seine sous le nom d’éleules. Le mascaret est toujours suivi d’un exhaussementsubitet persistant du niveau de l’eau. La hauteur du mascaret peut varier de quelques déci- mètres à © à 6 mètres (Amazone). NOTIONS SUR LES MARÉES 15: Qt On a signalé des mascarets sur l'Amazone, sur le Tsien- Tsan-Kiang en Chine, sur la Severn et sur la Wye en Angle- terre, sur le Petitcodiac au Canada, surl’Hugli dans l’Inde. En France, sur la Seine, on a observé autrefois des mascarets atteignant 3 mètres à Tancarville. Il n’y a pas de mascaret proprement dit dans la Gironde, mais, en vive-eau, à Bor- deaux, l’arrivée du flot se signale parfois par de petites 3" 3° 2250 2750 2m 2 1750 1759 17 qe 0750 0750 12P25m 30m 35m 407 45m 50m lames, qui déferlent le long des rives, et le renversement du courant qui les suit est instantané. La figure 65 donne la courbe des hauteurs de l’eau en fonction du temps pendant un mascaret observé dans le Petitcodiac. Les causes du mascaret sont mal connues. M. Maurice Lévy, d’après les travaux de Brémontier, de Dupuit et de Bazin, propose dans ses Leçons sur la théorie des marées explication suivante : Le phénomène du mascaret est un phénomène d’onde solitaire réalisé d’une façon grandiose. On définit de la façon suivante une onde solitaire : lorsque, sur un canal horizontal, dont la surface est parfaitement calme, on vient à produire subitement une intu- mescence, elle se régularise très rapidement et se propage alors avec une vitesse sensiblement constante, en conservant sa forme à peu près invariable pendant un temps fort long. La vitesse de pro- pagation d’une onde solitaire est d’autant plus grande que le canal est plus profond, et elle croît aussi avec la surélévation de leau au-dessus du niveau naturel des eaux du canal (1). Il s'ensuit que (1) La vitesse de propagation d'une onde solitaire est égale à V?g (p +h), p étant la profondeur normale du canal et À la hau- 156 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE les vagues qui se succèdent à l'embouchure d’une rivière pendant la marée montante, — si elles se comportent comme des ondes solitaires, — se propagent de plus en plus vite (1). Elles tendent donc à se rejoindre. Mais, si les dernières venues doivent, en raison de leurs plus grandes vitesses, rejoindre celles qui les ont précédées, elles ne sauraient les dépasser ; car, une fois deux ondes réunies, elles n’en forment qu’une se propageant avec une vitesse unique. C’est la réunion d’un grand nombre de vagues se succédant ainsi à marée montante qui forme le mascaret. Cette explication fait concevoir la possibilité du phénomène. Elle n’explique pas, dit M. Lévy, pourquoi il se produit sur certaines rivières et pas sur d’autres. Les rivières, dontles embouchures sont barrées par des bancs de sable ou de vase, sont plus sujettes au phénomène du mascaret. Il semble que les vagues qui, à marée montante, se succèdent très rapidement, viennent se heurter en quelque sorte contre la barre, où leur vitesse se trouve alors subite- ment et momentanément ralentie, ce qui les rapproche et les porte à se jeter les unes sur les autres «comme feraient les rangs successifs d’une charge de cavalerie qui rencontrerait subitement un obstacle inopiné ». En somme, on peut considérer simplement le mascaret comme le résultat du déversement sur les hauts fonds de l’onde de marée, arrêtée par ces hauts fonds, jusqu’à ce que la montée de l’eau soit assez forte pour passer outre l’obstacle. Un phénomène analogue, quoique d'amplitude très faible et de durée fort courte, se renouvelle sans cesse sur les bords de ia mer, quand, par l'effet de variation de hauteur des vagues, l’eau se retire momentanément du rivage, pour reprendre aussitôt son niveau. Elle déferle alors, en formant des vagues d’une forme diffé- rente de celles qu’on observe au large et qui sont de véritables mascarets. Toutes les différences subites dans le niveau des eaux peuvent donner naissance à un mascaret. L’onde de marée, qui remonte un fleuve, peut déferler chaque fois qu’elle rencontre un obstacle, Pour atténuer les effets du mascaret, il faut approfondir le chenal d’accès des eaux de la mer dans le fleuve. teur du point culminant de l’onde au-dessus de la surface normale du canal, p + hest donc la distance du sommet de l’onde au fond du canal. (1) p+h est en effet de plus en plus grand pendant la marée montante. , 1 NOTIONS SUR LES MARÉES 15 C’est ce qui a été fait en Seine : le mascaret ne s’y observe aujourd’hui que lorsque le coeflicient de la marée est supé- rieur à 1, et son effet se manifeste surtout par de violents courants. COURANTS DE MARÉE. Une onde de marée libre, qui se propage dans une mer profonde, est analogue à la houle et donne leu aux courants suivants (Voir p. 120) : 1° Un courant dirigé dans le sens de la propagation de l'onde, maximum au passage de la crête, c’est-à-dire aux pleines mers en ce qui concerne l’onde de marée ; 20 Un courant dirigé en sens inverse de la propagation et maximum au passage des creux, c’est-à-dire aux basses mers ; 3° Des courants nuls à mi-marée. Auprès des côtes, les courants de marée suivent des lois différentes, car ces courants ont alors pour cause le déversement des eaux côtières. Quand la mer pénètre dans un bassin à une seule ouverture, les eaux doivent évidem- ment couler dans le même sens, de la mer dans le bassin, tant que le niveau de la mer est plus élevé que celui du bassin, ce qui se produit pendant toute la marée montante ; elle doit couler en sens inverse, du bassin vers la mer, pendant toute la marée descendante, le niveau du bassin étant alors plus élevé que le niveau de la mer. Dans ce cas,les changements de courants ont lieu à pleine mer et à basse mer, et les maxima à mi-marée, au moment où la variation du niveau de la mer est le plus rapide. On devra donc avoir, auprès des côtes, des courants de marée qui changeront aux heures de pleine mer et de basse mer. À mesure qu’on s’éloignera de la côte, on se rappro- chera des conditions de propagationd’une onde libre, et les heures de changement de courants s’écarteront des heures de pleine mer et de basse mer, pour se rapprocher des - heures de mi-marée. 158 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Ces considérations se vérifient facilement aux environs de/Brest, ainsi que l'indique la figure 66, sur laquelle sont marqués les retards des heures de changement de courant par rapport aux heures de pleine mer et de basse mer. Dans le goulet de la rade de Brest, le courant change sensiblement à pleine mer et à basse mer. Dans le chenal du Four, les retards de l’étale de courants sur l’étale de la marée sont manifestes. Entre Fig. 66. les Vieux-Moines et la Vinotière, le courant change aux heures du plein et du bas au Conquet. Aux Plâtresses, il y a trois quarts d’heure de retard. A terre des roches de Porsal, le renversement du courant alieuen même temps que le renversement de la marée ; à la Grande- Basse de Porsal, une heure un quart plus tard ; au large de la Grande- Basse, deux heures plus tard. Au voisinage d’Ouessant, le courant change, à un quart d’heure près, au moment du renversement de la marée : à 10 milles au large, le retard du changement du courant sur le renversement de la marée est de deux heures et demie. Il en est de même au large de Pile de Sein. A Port-en-Bessin (Calvados), des mesures précises de courant ont montré que le courant change, à 1 000 mètres au large, environ une heure plus tard que dans le port. On conçoit facilement que les conditions topographiques puissent avoir une influence prépondérante sur les courants de marée qui se manifestent au voisinage des côtes acci- dentées. La différence des heures et des amplitudes des marées en des points rapprochés peut créer des courants NOTIONS SUR LES MARÉES 159 violents dans les chenaux qui séparent ces deux points, par suite des différences des niveaux de l’eau. Dans les détroits, faisant communiquer deux mers à marées, les courants dus aux deux ondes de marée, qui, à pleine mer, sont paral- lèles au sensde propagation des ondes, peuvent être opposés et par suite s’annuler, sans que les ondes se neutralisent. On peut alors observer, en certains endroits, pas de courant du tout, quoique la marée y soit forte, et au contraire des cou- rants très forts en d’autres endroits, quoique la marée y soit faible. La Manche et surtout la mer d'Irlande offrent des exemples de ces particularités. Dans les fleuves, les renversements de courant sont en retard sur les étales de niveau. Quand la mer a atteint son niveau le plus élevé, le courant de flot se fait encore sentir pendant un certain temps. De même le courant de jusant dure quelque temps après la basse mer. Il suffit, pour comprendre la possibilité de ce phénomène qui, à première vue, paraît paradoxal, de remarquer que, dans une tranche du fleuve, le niveau monte, s’il entre plus d’eau par une des sections qui la limitent qu’il n’en sort par l’autre. Soit la pleine mer en AA”. L’onde de marée remonte le o fleuve dans le sens AM. La RES mer monte en MN et baisse en TS (fig. 67). Pour que la mer monte en MN, il faut que le cou- rant soit plus fort en 2 qu’en 1. Pour que la mer baisse en TS, il n’est pas nécessaire que le courant soit dans le sens AT. Le cou- rant peut très bien avoir le sens T'A (sens du flot), à condition qu’il soit plus fort en 2 qu’en 1. C’est bien ce qui se passe en réalité. L'étude des courants de marées est indispensable pour la navigation, au voisinage des côtes, car ils sont très vio- lents. Leur vitesse atteint 7 nœuds aux vives-eaux au voi- sinage des îles anglo-normandes. La carte de la figure 68 indique les régions du globe où les courants de marée sont importants. OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE 160 ‘89 ‘SN SPUe7/OOuII 22JEU 2P SJUEJNO0 S8P © SESIU/NQS 5070/) NOTIONS SUR LES MARÉES 161 Il faut aussi considérer les courants de marée chaque fois que l’on veut améliorer ou construire un port. Ces cou- rants sont en effet les grands agents de la transformation des rivages. Ce sont eux qui transportent les alluvions, qui comblent les passes, qui affouillent dangereusement les Jetées ou les quais. Occanographie. 11 CHAPITRE IX LES CAUSES DE LA MARÉE L'étude théorique du phénomène de la marée est une des plus complexes de la mécanique céleste. Le problème mathé- matique de la prédiction, attaqué par les plus grands mathé- maticiens, Newton, Bernouilli, Laplace, W. Thomson (Lord Kelvin) et tout récemment par Henri Poincaré, n’a pu être encore complètement résolu. Il n’est pas possible de prédire les marées en un point du globe sans commencer par faire des observations en ce point. La théorie n’est pas pour cela inutile. Non seulement elle a permis de connaître les causes exactes de la marée, mais c’est en s'appuyant sur elle qu'une méthode de prévision, en partie empirique, peut être employée avec succès. Je me contenterai d'indiquer sommairement les principes généraux sur lesquels s'appuie la théorie des marées et de donner une idée de la nature des forces qui donnent nais- sance à ce phénomène (1). Potentiel d’un astre. — l'observation nous montre que la grandeur et la périodicité du mouvement du niveau de la mer sont intimement liées aux positions relatives de la lune, du soleil et de la terre. Si la terre, tournant autour de son axe, était isolée dans l’espace, chacune de ses particules prendrait une position d’équi- (1) On trouvera tous les détails sur les méthodes de prédiction, en particulier sur la pratique de l’analyse harmonique des marées et sur l'établissement d’un annuaire de marées, dans l’ouvrage de M. ROLLET DE L'ISLF, directeur du Service hydrographique, intitulé : Observation, Étude et Prédiction des marées. J'ai fait d’ailleurs à cet ouvrage plusieurs emprunts. LES CAUSES DE LA MARÉE 163 libre, et cet équilibre subsisterait indéfiniment.Le phénomène de la marée est évidemment la conséquence d’une perturbation de cet équilibre. La première question, que nous devons donc nous poser, est la suivante : Un astre voisin, comme la luneou le soleil, peut-il produire cette perturbation, par le seul fait de sa présence et de ses mouvements ? L'action combinée de ces deux astres est-elle assez considérable pour produire, dans la masse liquide, des mouvements compa- rables en grandeur à ceux que nous observons? L’attraction d’un astre, au point de vue dé son évaluation, est représentée par ses composantes sur trois axes de coordonnées. Au lieu de considérer ces trois forces, il est avantageux d'opérer sur une quantité qui les renferme toutes et qui est le potentiel. Les astronomes définissent par ce terme la somme des quotients de tous les éléments de masse d’un corps attirant par la distance à un point matériel attiré, dont la masse serait l’unité. dm étant un élément du corps attirant, w sa distance au point attiré, le potentiel V a pour expression V — IE l'intégrale s’é- tendant à la masse entière du corps attirant. La propriété essentielle du potentiel, qui est démontrée dans les cours de mécanique, est que sa dérivée partielle par rapport à lune des variables x, y, z, qui représentent les coordonnées du point matériel attiré, donne la projection de l’attraction sur laxe des coordonnées correspondant, quand on la multiplie par la constante de ia gravitationf, attraction réciproque de l’unité de masse à l’unité de distance. Potentiel d’un astre par rapport à la terre. — Cherchons à évaluer la grandeur des forces qui représentent l’action d’un astre sur une particule P, de masse unité, placée à la surface de la terre (1). Prenons le centre de la terre O comme origine des coordonnées. (1) Ce problème est analogue au problème des perturbations plané- taires et se traite de la même façon : il suffit d'appliquer à la planète troublée (en l’espèce la particule P dans le problème actuel) en plus de l’accélération que lui imprime la planète troublante (la lune ou le soleil) une accélération égale et de signe contraire à celle que la planète trou- blante imprime à la planète principale (la terre). Pour établir les équations de mouvement de la. molécule P, il serait nécessaire de faire intervenir,en outre, la force centrifuge composée (force complémentaire de Coriolis). C’est ce qu'ont fait Laplace, Lord Kelvin et Henri Poincaré, lorsqu'ils ont essayé de traiter le problème complètement par le caleul. 164 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Soient oxyz trois axes rectangulaires, oz dirigé suivant la ligne des pôles, ox et oy dans le plan de l’équateur (fig. 69). Appelons r la distance du centre de gravité de l’astre S au centre de la terre; : la distance de la particule P au centre de la terre; u la distance de la particule P au centre de gravité de l’astre S ;Z la dis- tance zénithale de l’astre S, Z — Pos ;: T la masse de la terre; M la £ P(Z,y,2) Fig. 69. masse de l’astre ; xyz les coordonnées de la particule P ; abc les coordonnées de l’astre S. Parmi les forces qui agissent sur le point P, celles qui sont dues à la présence de l’astre, et qui peuvent seules troubler l'équilibre de la particule P, sont : l’attraction exercée par cet astre sur la parti- cule P, et la force d'inertie d’entrainement, les axes auxquels est rapporté le point P étant animés du mouvement de translation correspondant à l’attraction de l’astre S sur le centre de la terre. Le potentiel de l’attraction de l’astre S sur le point P est M , en prenant comme unité de force la constante de la gravita- Uu tion (1) ; la masse de l’astre peut être en effet considérée comme concentrée au centre de gravité de l’astre. Quant à la force d’inertie d'entraînement due à la translation des axes, c’est une force égale et contraire à l’accélération que l’astre imprime au centre de gravité de la terre, puisque les axes considérés (1) La constante de la gravitation est l’action de l'unité de masse sur l'unité de masse à l’unité de distance. Elle est égale à 6 698 x 10—! dynes dans le système C. G.S. LES CAUSES DE LA MARÉE 165 ont ce centre de gravité comme origine et puisque la particule P a la masse unité. Or, en vertu du principe du mouvement du centre de gravité, le centre de gravité de la terre se meut comme si toute la masse T de la terre y était concentrée et comme si toutes les forces d’attrac- tion, que l’astre exerce sur les différents points de la terre, y étaient transportées. Mais ces dernières forces sont égales et opposées à celles que les points de la terre exercent sur l’astre $S. Donc la force, qui sollicite le centre de gravité de la terre est égale et opposée à celle que la terre tout entière exerce sur l’astre, que nous supposons réduit à son centre. Nous pouvons regarder cette dernière force comme dirigée sui- vant la droite OS, qui va du centre de la terre au centre de l’astre, et comme égale Je r L’accélération qu’elle imprime au centre de gravité de la terre, ? : RONDE doué de la masse T,est égale à — u > : à 4? : ; RS La force d'inertie d'entraînement est donc égale à — — : 2 Les composantes de cette force suivant les trois axes sont : M — \ = M LS COS EX S: — — cos _YS, = EE ri r? 7? A $ LE A Et puisque a = rcos XS, b—rcos YS, c—rcos2S, les composantes peuvent s’écrire : Ed LA à 2 LA T FA (o) Ces trois expressions ne sont autre chose que les dérivées par- tielles par rapport à +, puis à #7, puis à = de lexpression M s _ : UE (ax + by + cz). D’après la propriété du potentiel que nous avons rappelée plus haut, nous devons conclure que le potentiel de la force d'inertie d'entraînement des axes de coordonnées est M ol tr by Fc). E En ajoutant ce potentiel à celui de lattraction de l’astre, nous obtenons le potentiel relatif cherché : 166 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE (1) MC M \ TTAaUr —- br . Cz)- FORCE GÉNÉRATRICE DE LA MARÉE. Exprimons l’expression (1) en fonction des variables habituelles en astronomie, c’est-à-dire en fonction de la distance de l’astre au centre de la terre r, de la distance de la particule P au centre de la terre s, et de la distance zénithale de l’astre S : Z — POS (fig. 69). Les cosinus des angles que font r et £ avec les axes des coordon- nées sont : D | tà Par suite, en vertu d’un théorème connu (formule d’Euler), le cosnus de l’angle que font entre elles les droites SO et PO est : ax + by + cz ro cos POS = cos Z = Donc : M Mo = —— — COS Z. u T2 D'autre part, dans le triangle POS, on a : U2— GET 270 CO Z l l ‘op? 20 = #4 = =- IL — —0cosZz 2 U 1 12e 7 En développant par la formule du binôme lexpression x 2 1 [1 -( cos Z — 2)] —3eten négligeant les termes de l’ordre de ‘3 LE l'inverse de la quatrième puissance de la distance de l’astre à la 1 he Pie Le terre, soit de l’ordre mi qui jouent un rôle inappréciable dans le Gé 1 - phénomène des marées (£ = gi dans le cas delatune on obtient : 7 I 0? de -—= -+ — cos Z— — — cos? Z u La r? ui € 2uT° LES CAUSES DE LA MARÉE 167 p? EE a M —{ cos Z—- ): 3 D Le premier terme de cette formule est une constante, indépen- dante de la position de la particule considérée. Cette constante dis- paraîtra dans la différenciation. Le second terme donnera, par différenciation, l’expression des com- posantes de la force perturbatrice de l'équilibre, que l’on peut appeler aussi force génératrice de la marée. Évaluation de la force génératrice de la marée. — La force génératrice de la marée, qui dérive du potentiel dont nous venons de trouver l’expression, est contenue dans le plan qui passe par l'astre, le point P considéré et le centre de la terre, puisque ses deux composantes sont dans ce plan (attraction de l’astre sur le point P, force d'inertie d’entraînement, directement opposée à la force d'attraction qu’exerce l’astre sur le centre de la terre). On peut donc décomposer cette force en deux autres, l’une dirigée suivant la verticale du point P et l’autre dans le plan horizontal passant par P. La première aura pour expression : | 1O| © dY Ms Je = = (8c0stZ — 1). r -O La seconde aura pour expression : Ë ; 2M: s Le maximum de la force verticale est = =, celui de la force tan- | : 3 M: gentielle Su Les deux expressions contiennent le facteur 3 Cherchons sa valeur en fonction de l'intensité de la pesanteur g. Si nous appelons T la masse de la terre, comme nous avons pris pour unité de force la constante de la gravitation, c’est-à-dire l'attraction exercée par une masse égale à l’unité sur une autre masse égale à l’unité placée à el à T Punité de distance, g — —- 168 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE Donc : Si l’astre considéré est la lune, on a environ T . # La 4 1 L'expression précédente a pour valeur Le maximum de la force verticale est donc environ les neuf mil- lionièmes de la pesanteur et le maximum de la force horizontale les onze millionièmes de la pesanteur. Q2: ao ] M =: ! F = : S'il s’agit du soleil T= 33 342, T 23429: M pere 1 T rs 38630000 leur trouvée pour la lune. Importance de la composante horizontale. — [La compo- sante verticale de la force génératrice de la marée, qui n’est qu’une infime partie de la pesanteur, ne peut avoir aucune action pour troubler l’équilibre d’une particule qui repose sur la terre. Elle est incapable de soulever un grain de poussière. Au contraire, la composante horizontale peut avoir une action très sensible sur une grande masse liquide, la mobilité des molécules leur permettant d’obéir à toute impulsion, quelque petite qu’elle soit (1). Remarque sur la périodicité de la marée. — La hauteur du niveau de la mer au-dessus de la surface d’équilibre n’est fonction que des positions relatives du soleil, de la terre et de la lune. Les autres astres sont à une distance trop grande de la terre pour avoir une action. Elle doit, par suite, redevenir la même au bout de la période qui ramène la même position des trois astres. Cette période, qui est aussi la période des éclipses, et qu’on appelle le saros, est d’environ dix-huit ans onze jours. On constate en effet que, si l’on prend des annuaires de marée à dix-huit ans d’intervalle,on retrouve à peu près les mêmes nombres pour des dates différant de onze jours. , c’est-à-dire sensiblement la moitié de la va- (1) Cette action perturbatrice cause une déviation de la verticale qui ne dépasse pas 07,02. LES CAUSES: DE. LA MARÉE 169 Explication élémentaire de la force génératrice de la marée. — L'expression analytique de la force géné- ratrice de la marée, telle que nous l’avons établie dans les paragraphes précédents, risquant de ne pas parler suflisam- ment à l'esprit, j'emprunte à Sir George Darwin les consi- dérations suivantes, qui contribueront à rendre plus fami- lière la notion de la force génératrice de la marée. On sait qu’un corps en mouvement se meut en ligne droite, à moins qu'il ne soit dévié de la ligne droite par une force extérieure : la résistance qu'il oppose alors à cette déviation est due à l’inertie. On peut ne pas tenir compte du mouve- ment du corps et supposer qu'il est au repos, à condition d'introduire une force virtuelle, due à l’inertie, et qui équi- libre les forces extérieures. Si l’on noue une corde à une pierre et qu'on la fasse tour- ner, la corde reste tendue. La tendance naturelle de la pierre à tout instant est de se mouvoir en ligne droite, mais elle est continuellement déviée de la ligne droite par la tension de la corde. Dans ce cas, la force virtuelle due à l’inertie, par laquelle la pierre résiste à la déviation, est appelée force centrifuge. En tenant la corde à la main, on se rend très bien compte de la tendance centrifuge de la pierre, par l'effort que la corde exerce sur la main. Mais la pierre elle-même est continuellement appelée vers l’intérieur du cercle qu’elle décrit par la corde, et cette force s’appelle force centripèle. Quand la corde est tendue, la force centripète fait équilibre à la force centrifuge. Cette simple expérience permet de comprendre le méca- nisme par lequel la lune tourne autour de la terre. Il n’y a évidemment pas de lien visible entre les deux corps, mais l'attraction tient lieu de lien invisible. La lune tourne autour de la terre à une distance et à une vitesse telles que la force centripète, due à l’attraction, est exactement compensée par la force centrifuge, due à la vitesse. La comparaison précédente n’est pas tout à fait exacte. En réalité, la lune ne tourne pas autour du cencre de la terre, mais la terre et la lune tournent autour du centre de gravité 170 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE commun de la terre et de la lune. Comme la terre est beau- coup plus grosse que la lune, le centre de gravité commun aux deux astres est très près du centre de la terre. Nous nous approcherions davantage des conditions de la réalité en reliant, par un bâton, une grosse pierre T à une [l ! ! Fig. 70. petite pierre L, et en faisant tourner l’ensemble sur un pivot passant par le centre de gravité commun G (fig. 70). Dans ce cas, si l’on considère la lune, il y a équilibre entre la force centripète, due à l'attraction de la terre sur la lune, et la force centrifuge, due à la rotation de la lune autour du point G. Si l’on considère la terre, il y a équilibre entre la force centripète, due à l’attraction de la lune sur la terre, et la force centrifuge, due au mouvement de la terre autour du point G. L'expérience précédente ne représente encore qu’impar- faitement la réalité. D'abord l'attraction de la lune sur la terre n’est pas assimilable au bâton, qui relie la grosse pierre à la petite. La grosse pierre présente toujours la même face à la petite pierre, et il s’agit bien alors d’un mouvement de rotation autour de l’axe passant par G. Tandis que, dans le cas de la lune et de la terre, la force d'attraction n’est pas un lien matériel, et, en ce qui concerne la terre, le mouvement de révolution autour du point G n’est pas un mouvement de rotation, mais un mouvement de trans- lation. Comme il se produit fréquemment une confusion à sujet, il est bon d’y insister. LES CAUSES DE LA MARÉE 174 La terre tourne autour du point G (en faisant abstraction de sa rotation propre sur elle-même, qui n’a rien à faire pour le moment dans la question) comme le vecteur MN tourne autour du point O, en se transportant parallèlement’ à Tui- même (fig. 71). Chaque point du vecteur MN décrit, à la même vitesse, un cercle de même rayon, mais ces cercles : fl 0 \ H ‘ À 5 : ù \ Î / \, N& 7 M % 4 < ; ; * 7 Ne r À ee F. F- Eh < SE PR de rt) < Fig. 71 n’ont pas le même centre, le point M décrit le cercle de centre O, le point N le cercle de centre O”. Il en est de même pour la terre : chaque particule de la terre décrit, pendant le mouvement de révolution autour du point G, un cercle de même rayon, et à la même vitesse. Les forces centrifuges sont donc à tout instant égales et parallèles pour tous les points de la terre. Quant à l’attraction qu'exerce la lune sur la terre, elle ne se produit pas, comme se produisait la liaison du bâton avec la grosse pierre T, en un seul point de la terre, elle s'exerce sur toutes les particules terrestres. Comme cette attraction est inversement proportionnelle à la distance, les points de la terre plus rapprochés de la lune seront plus attirés que les particules plus éloignées. Puisque les forces d’attraction varient d’un point à l’autre elles ne sont pas égales, en tous les points, aux forces centri- fuges, qui restent invariables. Si l’on figure la terre en T et la direction de la lune en L (fig. 72), le point V, situé sur la droite TL entre T et L, sera 172 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE à une distance de la lune égale à 59 rayons terrestres, tandis que le point I, situé de l’autre côté de T, sera à une distance égale à 61 rayons terrestres. L’attraction du point V sera done plus forte qu’au point I. Comme les forces centrifuges sont égales au point V et au point T, au point V la force d’attraction sera plus grande que la force centrifuge, au point I elle sera plus petite. En d’autres termes, la force résultante, qui est la force génératrice de la marée, sera dirigée vers l’astre au point V et sera dirigée en sens contraire au point I]. Au centre de gravité de la terre, l’attraction est égale à la force centrifuge, sans quoi la lune s’éloignerait ou se rap- procherait de la terre. La force génératrice de la marée en un point donné est donc égale à la différence qui existe entre l'attraction de la lune au centre de gravité de la terre et l’attraction de la lune au point considéré. Figurons sur la figure 72 les composantes horizontales de la force génératrice suivant deux petits cercles perpendicu- laires à LT et situés de part et d’autre du cercle DD’, dont tous les points ont la lune à l’horizon. Le point V et le point TI, qui ont la lune au zénith et au nadir, verront, sous l'influence des composantes horizontales, l’eau affluer vers LES CAUSES DE LA MARÉE 173 eux, tandis que les points qui ont la lune à l'horizon verront l’eau s'éloigner d’eux. En supposant donc la terre entièrement couverte d’eau, la forme que prendrait la surface liquide sous l’action de la lune serait celle d’un ellipsoïde de révolution, dont le grand axe serait dirigé vers notre satellite. THÉORIE DE NEWTON, OU THÉORIE STATIQUE DES MARÉES. C’est Newton qui, le premier, a basé la théorie des marées sur les considérations théoriques développées aux para- graphes précédents. Mais, pour que la surface liquide recou- vrant la terre prenne la forme de l’elipsoïde de révolution dont nous venons de parler, il faudrait qu’à chaque instant l'équilibre ail le lemps de se produire, et c’est la raison pour laquelle la théorie de Newton est aussi appelée fhéorie sla- lique des marées. A l’action de la lune se superpose celle du soleil, qui est moins intense, et le changement des positions relatives de ces deux astres a pour effet une variation de l'amplitude des mouvements alternatifs de l’eau. Cette théorie rend compte des principales manifestations Fig. 73. du phénomène. Elle montre, en faisant intervenir mainte- nant la rotation de la terre sur elle-même, qu'il doit se pro- duire deux marées par jour, d’amplitudes différentes, sauf 174 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE à l'équateur et aux pôles, lorsque l’astre perturbateur n’est pas dans le plan de l’équateur. En effet, lorsque l’axe de l’ellipsoïde est incliné sur l’équateur (fig. 73), les points situés sur le parallèle a et a” éprouvent deux pleines mers ab et a’b” nettement différentes, tandis que les lieux situés sur l’équateur éprouvent deux pleines mers égales mn, m'n’. On constate, en effet, presque en tous lieux, ainsi que nous l'avons indiqué, une inégalité diurne entre deux marées de période semi-diurne. Les marées doivent avoir une amplitude maximum aux époques de pleine et de nouvelle lune, car alors les actions lunaires et solaires s’ajoutent. La vive-eau, qui correspond aux syzygies, et la morte-eau, qui correspond aux quadra- tures, s’expliquent ainsi. Les marées doivent être faibles dans les régions polaires, puisque le soleil et la lune restent toujours au voisinage de l'équateur. Toutefois la théorie de Newton n’explique pas des parti- cularités très importantes du phénomène. L’amplitude du mouvement résultant de l’action des deux astres ne devrait pas atteindre 1 mètre, et l’on observe des marées dépassant 15 mètres. La pleine mer qui, à l’époque des syzygies, devrait avoir lieu au moment du passage simultané de la lune et du soleil au méridien, se produit avec un retard, différent suivant le point de la terre considéré. Ce retard est l’établissement du port, que nous avons défini précédemment. Le maximum de la vive-eau est en retard sur l’époque des syzygies, et ce retard, qui peut s’élever à quatre jours, est désigné, comme nous le savons, par le terme d’âge de la marée. L'inégalité diurne, qui devrait être très forte par les latitudes moyennes, est à peine sensible sur les côtes d’'Eu- rope, tandis qu'elle est très accentuée en certaines régions équatoriales, où elle devrait être nulle. Le défaut primordial de la théorie statique est d'admettre que, sous l'influence de forces variables, la surface des mers est, à chaque instant, celle qui correspondrait à un état d'équilibre. LES CAUSES DE LA MARÉE 175 C’est au géomètre français Laplace que revint l'honneur d’aborder le problème au point de vue dynamique. THÉORIE DE LAPLACE. — PRINCIPES DE L'ANALYSE HARMONIQUE DES MARÉES. La formule complète de la marée est maccessible à l’ana- lyse directe. Laplace tenta de la trouver empiriquement, en établissant a priori une relation entreles forces astronomiques et le mouvement de la mer, tel qu’il est observé. | Cette relation résulte des principes suivants, dont la démonstration rigoureuse n’a pas encore pu être faite, mais dont l’application conduit à des formuies qui donnent la solution du problème, ainsi que la pratique l’a vérifié : 19 Sous l'influence d’une force perturbatrice de l’équi- libre, rigoureusement périodique, le mouvement du niveau de la mer est périodique et a la même période que la force. 2° Lorsque plusieurs forces agissent simultanément, leurs actions s’ajoutent et peuvent, par suite, être évaluées sépa- rément. Ce deuxième principe n’est applicable que si le phénomène, en se manifestant, ne change pas sensiblement les conditions de sa mani- festation. Sa légitimité résulte d’un principe de mécanique, appelé principe de la superposition des petits mouvements, qui peut s’énoncer ainsi : Toutes les fois que les déplacements d’un point matériel sont assez petits pour que l’expression de la force reste indépendante de la position momentanée du point et dépende seulement de sa position moyenne, on peut évaluer séparément l'effet de chaque force et obtenir l’effet total en additionnant les effets partiels calculés iso- lément. 30 L'’amplitude du mouvement d’oscillation ést propor- tionnelle à celle de la force. 49 L’oscillation du niveau des mers a une avance ou un retard constant sur la variation périodique de la force. Dès lors, lorsqu'on connaît l'expression de la force pertur- batrice de l’équilibre, il faut la décomposer en termes exacte- 176 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE ment périodiques. Chacun de ces termes pourra être consi- déré comme l’expression d’une force périodique, et à cha- cune d'elles, d’après le premier principe, correspondra un mouvement périodique du niveau de la mer, qui aura la même période que cette force. Ce mouvement périodique du niveau de la mer est ce qu’on appelle une onde. D'après le deuxième principe, la marée sera la somme de tous ces mouvements périodiques, de toutes ces ondes. D’après le troisième principe, les amplitudes des diverses ondes sont proportionnelles aux intensités des forces aux- quelles elles corrèéspondent. Le coefficient de proportionna- lité de l'intensité de la force à l'amplitude de l'effet produit est une fonction des circonstances locales. Des circonstances locales dépend aussi le retard ou l'avance des oscillations de la mer sur les forces qui les produisent. Les amplitudes, ainsi que le retard ou l’avarice des ondes, ne peuvent pas être calculées : on les déduira empiriquement des observa- tions faites au point considéré. Le problème, tel que nous venons de le poser, revient à décom- poser le potentiel de la force perturbatrice de l’équilibre en termes périodiques, de la.forme C cos gt (1). A tout terme de cette forme correspond un mouvement du niveau de la mer, de forme H cos (gt — K). Une courbe telle que H cos (gt — K) s’appelle une onde. H est la demi-amplitude de l'onde. D’après les principes de Laplace, H est proportionnel à C, coefficient astronomique : gt est l'argument de l'onde, t est le temps moyen, g est la vitesse angulaire de l’onde. K est la situation de l’onde ou la phase. Il est évident que l’ordonnée de l’onde reprend les mêmes valeurs 360 au bout d’un temps T — = . Ce temps T est la période de onde. (1) On vérifie facilement en effet que, lorsqu'une force est périodique, l'expression de son potentiel a une forme périodique de même période que cette force. LES CAUSES DE LA MARÉE 177> Si donc nous arrivons à décomposer le potentiel V en une série de termes périodiques, dont l’argument varie proportionnellement au tempsmoyen, et dont les amplitudes soient constantes, c’est-à-dire tels que l’on ait : V = CG cos qit + C cos gt + C3 cos qut + ....., l’ordonnée du niveau de la mer au même instant t sera : y = Pi Cos (g1t — Ki) + P,C2 COS (92 € — Ki + P,C, cos ((qst —K,) + Le développement du potentiel fournissant les valeurs de Ca Cd Cid... nous n’aurons plus, pour connaître tous les éléments du mouvement de la mer, qu’à déduire de l'observation DR PK... et, une fois en leur possession, nous pourrons calculer, à un instant quelconque, la valeur de y. C’est le but que l’on se proposait d’atteindre. Laplace a eu l’idée du développement du potentiel en termes périodiques, mais il ne l’a pas effectué. C’est sir W. Thomson (lord Kelvin) qui l’a donné le premier et l’a rendu utilisable, en indiquant le moyen de rechercher, par l'observation, amplitude et la situation de chacune des ondes, dont la période est déterminée par le déve- loppement analytique. ù L'analyse des marées, faite d’après les principes précé- dents, a reçu le nom d'analyse harmonique des marées. Elle donne lieu à des calculs fort longs, heureusement simplifiés, dans la pratique, par une machine à calculer les ondes. REMARQUES SUR LA THÉORIE PRÉCÉDENTE. D'après ce qui précède, l'explication des marées ne doit pas être cherchée dans la variation périodique de l'intensité de la pesanteur, mais dans la variation de la direction de la pesanteur, sous l’action de la composante horizontale de la force perturbatrice de l'équilibre. L'’explication de Newton, d’après laquelle la mer prend la forme d'équilibre qui convient aux valeurs et aux directions actuelles de la pesanteur, ne tient pas compte de l’inertie de la masse liquide. Cette inertie est pourtant apparente Océanographie. 12 178 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE dans des phénomènes très familiers. Par exemple, le vent est la cause première des ondulations de la surface de la mer, vagues et lames, que nous avons étudiées chapitre VII. Une fois le vent tombé, le mouvement ondulatoire, qui prend le nom de houle, persiste pendant des heures et des jours. Si un mouvement comme la houle peut persister longtemps après qu’a cessé la cause qui lui a donné naissance, la théorie statique des marées, qui suppose à chaque instant l'équilibre atteint dans l'onde formidable de la marée, ne peut pas fournir une explication satisfaisante du phéno- mêne. | Les marées peuvent être considérées comme le résultat d’une résonance, sous l'influence d’une force horizontale périodique. La théorie des marées se relie d’une façon rigou- reuse à celle des oscillations d’une masse liquide. Une masse liquide, contenue dans un vase ou un bassin et présentant une surface libre, prend, lorsqu'elle a été momentanément dérangée de sa position d'équilibre, des mouvements que l’on peut décomposer en séries d’oscillations de périodes déter- minées. Ces périodes dépendent de la forme et de la dimension du vase contenant le liquide, ainsi que de la densité de celui-ci. Comme pour les harmoniques d’une corde vibrante, leur nombre est illimité, mais leurs valeurs ne sont pas quel- conques. Ces oscillations sont dites propres, par opposition avec les oscillations contraintes, que provoquent des forces périodiques, quand le liquide est soumis à leur action. Quelque faibles que soient ces forces, les oscillations con- traintes prennent une grande amplitude, si leur période est voisine d’une de celles des oscillations propres. C’est là le phénomène de la résonance, dont l’acoustique offre des exemples bien connus. Si une mer presque fermée est susceptible d’une oscillation propre, dont la période correspond à celle d’une des forces astronomiques qui agissent sur elle, il doit s’y produire une marée où cette oscillation domine. On peut s’expliquer ainsi que les oscillations semi-diurnes puissent prédominer en certains points ét qu'en d’autres LES CAUSES DE LA MARÉE 179 les oscillations diurnes aient une grande amplitude (1). Les grandes marées qui s’observent dans la baie de Fundy seraient dues, d’aprèsles travaux américains, à un synchronisme presque parfait de la vibration propre de la masse d’eau de la baie et de la marée océanique. Décomposition du potentiel de la force perturbatrice de l’équi- libre en termes périodiques. — Il n’entre pas dans le cadre de cet ouvrage d'étudier comment on peut si décomposer le potentiel en termes Fig. 74. périodiques. Nous nous contenterons de montrer qu’il est logique d’arriver, par ce développement, à des forces périodiques, et par suite à des ondes, de trois sortes. Nous avons vu que l’expression du potentiel de la force périodique est, à un terme constant près : 3 0° { Ve = M (cos: Z — :) 3 F2 A: Or nous pouvons exprimer Z, distance zénithale de l’astre S en fonction de l’angle horaire AH, de la distance polaire à et de la colatitude 6. Dans le triangle sphérique PSN (fig, 74), on a : (1) Les vibrations propres des bassins océaniques et les harmoniques de ces vibrations se manifestent souvent par des irrégularités appa- rentes dans la courbe de la marée inscrite sur un enregistreur. La marée ne monte ni ne baisse régulièrement, mais par à-coups, dont la période est généralement de quelques secondes, et parfois de plusieurs minutes. On a pu mettre en évidence, en certains points, des périodes d’un quart d’heure et davantage, avec une amplitude atteignant 30 à 50 centimètres. Les seiches des lacs, dont nous avons dit un mot dans la note de la page 145,ne sont que des mouvements vibratoires decette sorte. Il serait très intéressant, dans cet ordre d'idées, de poursuivre des recherches, en étudiant les anomalies qui peuvent se produire en des points rapprochés. La comparaison des courbes de marégraphes enregistreurs installés en plusieurs points d’une baie, comme la rade de Brest, conduirait certainement à des découvertes importantes. Il est dommage que ce genre d’études soit à peu près abandonné en France, sous le prétexte que les annuaires donnent aujourd'hui la marée avec une exactitude suflisante pour les besoins de la navi- gation. 180 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE cos Z — cos à cos 6 + sin à sin 6 cos AH. 1 En se rappelant que cos? AH — 5 + cos 2AH, on peut trans- (OR former l’expression du potentiel en : 3 Mo? | (1 — 3 cos?6) (1 —3 cos°à) Le - a ————————————— "+ -sin 26 sin 2 cos AH 2007 6 2 1 2 5sin? à sin? 6 Cos 2 a | Ê L'expression entre crochets contient trois termes. Le premier terme est indépendant de l’angle horaire. Il est lentement variable avec la distance polaire 5. C’est une période de longue durée. Les deux autres termes contiennent l’angle horaire et le double de l’angle horaire. On peut, pour ces termes, dans une première approximation, supposer à constant, pendant la période qui ramène AH et 2AH aux mêmes valeurs. La période de ces termes est ainsi un jour et un demi-jour de l’astre. Quand nous aurons remplacé les variables à, AH et r de la formule précédente, qui ne varient pas proportionnellement au temps, en fonction d'éléments astronomiques variant proportionnellement au temps, c’est-à-dire quand nous aurons développé le potentiel en termes exactement périodiques, nous nous trouverons en pré- sence de trois familles d’ondes : 19 Les ondes semi-diurnes, dans lesquelles la période a une valeur voisine de douze heures ; 20 Les ondes diurnes, dans lesquelles la période a une valeur voi- sine de vingt-quatre heures ; 3° Les ondes à longue période. On fait généralement état d’une vingtaine d’ondes. Remarquons que, dans le terme diurne du potentiel, entre le facteur sin 2, à étant la distance polaire de l’astre, ce facteur est nul, lorsque l’astre est à l’équateur (à — 909, 2 — 1800). II est maximum lorsque la distance polaire est minimum, c’est-à-dire lorsque la déclinaison de l’astre est maximum. Comme nous l’avons indiqué page 143,les marées diurnes sont, au cours d’un mois, les plus fortes lorsque la déclinaison de la lune est maximum. Letermesemi-diurne est maximum lorsque à est égalà 909,c’est-à- dire lorsque l’astre est à l'équateur. Toutes choses égales d’ailleurs, les marées semi-diurnes sont plus fortes quand la déclinaison du soleil est voisine de 0 (marées d’équinoxe). LES CAUSES DE LA MARÉE 181 Astres fictifs. — On peut dire aussi que l'analyse harmonique des marées revient à substituer au soleil et à la lune, dont les mou- vements sont irréguliers, des astres fictifs, aux mouvements par- faitement périodiques et réguliers. Chacun de ces astres fictifs donne naissance à une marée beaucoup plus simple que la marée réelle, qui est la somme de toutes ces marées particulières. Par exemple, la principale onde semi-diurne, appelée onde lunaire principale semi-diurne, est due à une lune fictive, qui tour- nerait autour de la terre, .en restant toujours dans l’équateur et à la même distance de la terre. Une autre onde semi-diurne est l’onde solaire principale semi- diurne, qui prendrait naissance, si la terre tournait autour du soleil, en restant dans le plan de l'équateur et toujours à la même distance du soleil. Ondes d'ordre supérieur et ondes composées. — Lorsqu'on a fait la somme des ondes astronomiques déduites du calcul et de l’observation en un lieu donné, on ne reproduit pas toujours exac- tement la courbe de la marée en ce lieu. L'expérience a montré que, pour reproduire d’une façon suffi- samment exacte la courbe de la marée, telle qu’elle s’observe sur le rivage, il faut ajouter aux ondes principales deux sortes d’ondes : 19 Les ondes d'ordre supérieur, dont les vitesses angulaires sont le double, le triple, le quadruple. de la vitesse de l’onde principale et dont les coefficients sont le carré, le cube, la quatrième puissance. du coefficient astronomique de l’onde principale ; leur période la moitié, le tiers, le quart... des ondes dont elles dérivent. 29 Les ondes composées dont les arguments sont la somme et la différence de ceux des ondes principales et dont les coefficients sont les produits de ceux des ondes principales. Dans la pratique, il suffit de considérer un très petit nombre d’ondes d’ordre supérieur ou d’ondes composées pour reproduire la marée réelle. L'introduction de ces ondes supérieures ou composées ne satisfait pas complètement l’esprit, et, quelles que soient les considérations théoriques qu’on puisse invoquer pour rendre légitime leur intro- duction dans les calculs, il semble bien qu’on ne les prenne en consi- dération que pour « faire coller » la réalité avec la théorie. CITAPETRE X LES COURANTS DE LA MER COURANTS ET DÉRIVES. Il semble que les océanographes et les marins n’attribuent pas le même sens au mot courant. Pour ceux-ci, il n’y a cou- rant que si la vitesse est appréciable en navigation : pour fixer les idées, si le courant a une vitesse d’au moins un nœud ou un demi-nœud (24 milles ou 12 milles par jour). Pour les océanographes, il y a courant quand la mer a un mouvement déterminé dans un sens, ce mouvement serait-1l extrêmement lent, d’une vitesse d’un mille par jour, et même beaucoup moins. On comprend que les cartes de courants, dressées par les océanographes, ne correspondent parfois pour les marins à aucune réalité tangible. Peut-être y aurait-il lieu de réserver le mot de dérive aux courants très lents. Mais il faut bien remarquer qu'une dérive extrêmement lente, quoique n'ayant aucune importance pour la navigation, peut avoir pour l’économie générale du globe de grandes conséquences (modifications thermiques, transport de plancton, migra- tion des peuples, etc.). Sur la carte schématique de la figure 75, nous avons essayé de séparer des dérives les courants importants pour la navigation. COURANTS DE L'OCÉAN ATLANTIQUE NORD. Courant équatorial. — Sous l’effet des alizés du nord- est et du sud-est, il se forme, dans les régions équatoriales 183 LES COURANTS DE LA MER uoss SAIT <— ED dE À < IIII *GL ‘Au _ NOUS ef 29he S9/QEIJEA SJUEINO) UP uorjebraeu ej unod Sjulquodur SJUEIN0) > . ci | q | Ds" < Es ) 184 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE atlantiques, deux grands courants dirigés vers l’ouest, qui traversent l’océan, de l’Afrique vers l'Amérique. Ils couvrent une étendue de plus de 159 de latitude. On les appelle le courant équalorial du nord ou le courant equalorial du sud, suivant qu'ils doivent leur naissance aux alizés de l’hémi- sphère nord ou de l’hémisphère sud. De ces deux courants, le plus fort est le courant du sud. Il prend naissance au large de la côte d’Afrique, au sud de la côte de Guinée et commence son cours à la vitesse d'environ 15 milles par jour. Peu à peu sa direction s'incline vers le nord, et sa vitesse augmente progressivement, au point d'atteindre couram- ment, au voisinage de la côte de l'Amérique du Sud, une vitesse de 60 milles par jour. Au cap San-Roque, le cou- rant se bifurque en deux branches : la principale suit la côte de Guyane, l’autre s’infléchit vers le sud. Le courant équatorial du nord prend naissance à la hau- teur des îles du Cap-Vert. Sa vitesse est moins forte que celle du courant équatorial du sud- Entre les deux courants équatoriaux, on trouve un conlre- courant, qui se dirige vers l’est. L’étendue et la force de ce contre-courant suivent les variations saisonnières de la mous- son du sud-ouest, qui souffle depuis le cap des Palmes et la côte de Libéria jusqu’au fond du golfe de Guinée : le maxi- mum du courant s’observe en juillet et en août ; on commence à le ressentir alors à l’ouest du 15€ méridien de longitude ouest, tandis qu’en novembre et en décembre il ne s’écarte pas des côtes d'Afrique. Ses eaux sont généralement moins salées que celles des courants équatoriaux, car les pluies sont très fréquentes dans la région où il se manifeste. À l’ouest de la région occupée par le contre-courant, les deux courants équatoriaux du nord et du sud se réunissent. Une grande partie du courant résultant s’écoule dans la mer des Antilles à travers les détroits qui séparent les îles et côtoie, à une vitesse qui dépasse parfois 60 milles par jour, l'extrémité de la presqu'ile de Yucatan. À part un léger courant qui fait tout le tour du golfe du Mexique (1), elle (1) L'existence de ce courant est d’ailleurs discutée. LES COURANTS DE LA MER 185 gagne alors directement la côte nord de Cuba et forme, dans le détroit de la Floride, le plus remarquable de tous les courants océaniques, le Gulf-Stream. La partie du courant équatorial, qui n'entre pas dans la mer des Antilles, longe, à une vitesse modérée (8 à 20 milles par jour), les côtes nord de Porto-Rico, d'Haïti, de Cuba, passe au sud des Bahamas, rejcint le Gulf-Stream au large de la côte de Floride et lui ajoute ses eaux. Le Gulf-Stream. — Le Gulf-Stream, au sortir du détroit de la Floride, coule vers le nordijusqu’au parallèle de 310 (1). Entre les latitudes de 319 et de 329, il s’incurve franchement vers l’est-nord-est, puis reprend une direction intermédiaire entre le nord-nord-est et le nord-est jusqu’au cap Hatteras. Jusque-là, la position moyenne du maximum de courant est située à une distance d’une quinzaine de milles au large de l’isobathe de 200 mètres ; sa largeur totale est d’une qua- rantaine de milles. À partir du cap Hatteras, le courant s’élargit rapidement et s’incurve plus à l’est, pour chercher les eaux profondes. Le Gulf-Stream proprement dit prend fin dans une région située à peu près à 60 à 80 milles au large de l’île Nantucket et à 120 à 150 milles au sud de la Nouvelle- Écosse. Il a alors une largeur d’environ 250 milles. Plus loin, ce n’est plus un courant appréciable pour la navigation, mais une simple dérive. L'eau du Gulf-Stream est de couleur indigo foncé, et on peut parfaitement reconnaître à vue ses limites, surtout du côté de la côte d'Amérique. Ses bords sont souvent marqués par des franges d’écume. Dans les saisons froides, l'évapo- ration, causée par la différence entre sa température et celle de l'air, fait «fumer » l’eau, phénomène appelé barber en météorologie. Le courant charrie une quantité d'algues, communément désignées sous le nom d’herbes du golfe (qulf weed), bien connues de tous ceux qui ont navigué dans ses eaux. Dans son parcours des tropiques vers les latitudes plus hautes, sa vitesse est si rapide que ses eaux n’ont pas le (1) On observe parfois un contre-courant vers le sug-ouest et l’ouest, le long des côtes de la Floride. 186 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE temps de se refroidir, et elles restent beaucoup plus chaudes que les eaux voisines. A la sortie du détroit de la Floride, la température du courant est de 280 à 300 : cette température diminue à peine d’un degré pour un changement de latitude de 100. L’eau chaude présente cependant par place des bandes d’eau nettement plus froide, orientées parallèlement à l’axe du courant. Lorsqu'on traverse le courant perpendiculairement à son axe, on observe un changement de température beaucoup plus rapide du côté du rivage que du côté du large. Cette chute brusque de tem- Distance de la côte FENT ao e oe C 200 OPERA 0 100 200 300 400 500 milles pérature, qui borde le Gulf-Stream à l’ouest, a été appelée cold wall. Sur la figure 76, les courbes 1, 2 et 3 indiquent la tempé- rature de la surface de l’eau de mer, à mesure qu’on se rap- proche de la côte. La courbe 1 se rapporte à la région du cap Canaveral par 28030’ N : il n'y a aucune chute de tempé- rature au voisinage de la côte ; la courbe 2 se rapporte au cap Hatteras (latitude 35° N) : à une centaine de milles au . large de la côte, la température diminue nettement et tombe de 289 à 18°. La courbe 3, qui correspond à la région de Sandy Hook (latitude 40° N), montre que la chute de température se produit à 250 milles environ de la terre : à cette latitude, le co/d wall a donc une largeur de 250 milles. LES COURANTS DE LA MER 187 Les recherches des hydrographes américains ont montré que le thermomètre ne peut donner que des indications approchées sur la direction et la vitesse du courant. Il indique bien à peu près les limites du courant, mais la plus grande vitesse ne coïncide pas avec la température la plus élevée, et ce n’est pas parce qu’on traverse une région d’eau froide qu'on a quitté le courant dirigé vers le nord-est. La vitesse du Gulf-Stream varie, avec les saisons, suivant les variations d'intensité des alizés, auxquels 1l doit large- ment son origine, comme nous l'avons dit. La vitesse du courant, dans les conditions moyennes, est la suivante : Vitesse moyenne dans toute Vitesse Position. la largeur. dans l'axe. Entre Key-West et La Havane 1 nœud 1. 2 nœuds 1/4 Au large du cap Canavéral... 2 nœuds 1/4 3 nœuds 5 Au large du cap Hatteras..... 1 nœud 1/2 2 nœuds Le maximum de vitesse observé a été de 5 nœuds un quart. A titre de comparaison, il est intéressant de noter que les fleuves les plus rapides ont une vitesse inférieure. Par exemple, la Seine à Paris n’a qu’une vitesse d’un nœud; Ja vitesse du Rhône à Lyon varie de 0 nœud 8 à 3 nœuds; le Nil, le Mississipi ont une vitesse de 3 nœuds. La vitesse du Rhin varie de 3 à 5 nœuds. Le Gulf-Stream est donc, sur une longueur de plus de 1 000 kilomètres, plus rapide que la plupart des fleuves terrestres. Dans le voisinage de la terre, il existe une variation très nette de vitesse aux différentes heures de la journée, varia- tion qui peut atteindre 2 nœuds et qui est due à la marée, le maximum de courant ayant lieu deux heures environ après la pleine mer. Un autre effet noté est que le courant est plus étroit et plus rapide quand la déclinaison de la lune est nulle, tandis qu’il est plus large et moins rapide quand la décli- naison de la lune est maximum. _ Les variations du Gulf-Stream avec la profondeur sont parfois très irrégulières. Presque toujours, c'est à la surface 188 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE que le courant est plus rapide, mais il arrive que le maximum de vitesse s’observe à 30 mètres et même à 100 mètres de profondeur. Un contre-courant, portant au sud, a été observé au voisinage du fond. Les observations de température montrent que le courant, à mesure qu'il se développe en largeur, perd de la profon- deur. C’est ainsi que, par le travers du cap Hatteras, la tem- pérature est, à la surface, de 270 et de 149 à 900 mètres de profondeur. La température de la surface, 120 milles plus loin, est de 269, mais les températures de 14° ne descendent pas plus bas que 700 mètres. * Dérive de l'Atlantique nord. — A l’est du méridien de Terre-Neuve, le Gulf-Stream à proprement parler n’existe plus. Mais les vents d'ouest, pee ETS dominant à ces latitudes, ne créent à la surface de l'océan = _ une lente dérive, quipousse les Ar * \ en x; É L félkené L tn de x* +. \ CÉNRrS erby G1 Kerguelen = %, -/Wacdonald 1 ®, Heard 5 20°W. j PACE ; 1 LA ! 1 Cu CL ‘ de ÉQN'® Zélande Ce _——— 180° Lopee — Limite du pack -_--- Limite des icebes- ++4+++ Limite de la banquise compacte Fig. 89. Sur la courbe de la figure 88, nous avons marqué cette LES GLACES 213 variation annuelle, en portant comme ordonnées le nombre total des icebergs signalés par les navires de 1885 à 1912 dans les parties habituellement fréquentées des mers aus- trales. Il est probable que, comme pour l’océan Arctique, le nombre des icebergs, qui dérivent dans les latitudes tem- pérées de l’hémisphère sud, est fonction des conditions météorologiques du continent antarctique, pendant l’année, ou les années précédentes. Il faut d’ailleurs remarquer que la température de la surface de la mer est beaucoup plus froide dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord à latitude égale, et que, par suite, les icebergs peuvent durer beaucoup plus longtemps. Quant à la limite de la banquise dans l’Antarctique, elle est extrêmement variable d’une année à l’autre, et les indi- cations que nous donnons sur la carte de la figure 89, d’après les observations faites en été, ne peuvent être considérées que comme une approximation grossière. APPENDICE I PRINCIPAUX INSTRUMENTS DE PÊCHE SCIENTIFIQUE. Généralement ,une mission océanographique ne se contente pas de mesurer les éléments relatifs à l’océanographie phy- sique, elle s'occupe aussi de recueillir des spécimens de la faune de surface et des profondeurs, en vue d’études bio- logiques. Comme c’est en général au même personnel qu’incombe la manœuvre des instruments d’océanographie physique et celle des engins de pêche, je crois utile de dire quelques mots de ces derniers. 1° Pour recueillir les animalcules qui constituent le planc- ton, on se sert d’un petit filel en soie à bluler, qu’on traîne à la remorque derrière le navire en marche. Ce petit filet est sim- Fig. 90. plement fermé par une ligature e (fig. 90), qu’il suffira de dénouer pour recueillir les animalcules retenus par la soie. On emploie ce filet par vitesse modérée (6 à 8 nœuds), car les grandes vitesses peuvent le déchirer. Ce procédé ne permet de recueillir que le plancton de sur- face. Pour le plancton de profondeur, on se sert de filets construits sur le même principe, mais généralement un peu plus grands. On les descend verticalement avec le sondeur Thomson ou avec la machine à sonder, quand le navire est APPENDICE 1 215 stoppé. Pour bien délimiter l’habitat des espèces, on fait fermer le. filet au moyen d’un messager, à la profondeur voulue (filet Nansen). Si l’on veut, par exemple, recueillir les animaux qui vivent entre 1500 et 1000 mètres, on descend le filet à 1 500 mètres, on le ramène ouvert jusqu’à 1000 mètres, et on le ferme par un messager lorsqu'il atteint la profondeur de 1 000 mètres ; 20 Pour pêcher les animaux qui vivent au voisinage du fond, on se sert de chaluls, tout à fait analogues à ceux des pêcheurs. Le chalut le plus employé en océanographie est le chalut à étrier (fig. 91). Le filet F est supporté par deux Fig. 91. étriers de fer E, maintenus écartés par des barres transver- sales. Il est bon d’attacher à l’armature E de simples fau- berts, qui reviennent généralement chargés d'animaux pris par leurs tentacules, et qui n’ont pas pu se dégager. Il existe des chaluts de différentes grandeurs, mais, dès qu'ils dépassent 3 mètres d'ouverture, ils exigent, pour les manier par grandes profondeurs, des moyens très puissants. Les petits chaluts qu’on peut traîner en embarcation sont appelés draques. É Pour traîner le chalut sur le fond, on emploie un dispo- sitif spécial, qui varie avec chaque navire (1). A titre d'exemple, je signalerai l'installation du Pourquoi-Pas? (fig. 92). Un câble d’acier de 10 millimètres estenroulésur untouret , commandé par une petite machine à vapeur m. Le fil d’acier, au sortir du touret, s’enroule sur une poupée P du (1) Les treuils des chalütiers de pêche sont d'excellents instruments dont l’emploi est à recommander en océanographie. 216 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE treuil des ancres T. Cette poupée porte un compteur de tours, de façon à connaître à tout instant la longueur de câble filée. Le càble passe ensuite sur deux poulies de retour : R, au pied du mât de misaine M, R’, supportée à l'extérieur par une Fig. 92. bôme de charge B. La poulie R” est suspendue à la bôme B par l'intermédiaire d’un dynamomètre à ressort D, qui permet d'apprécier à tout instant la traction subie par le câble. Par petits fonds, il faut filer trois ou quatre fois la profon- deur pour que le chalut travaille bien. Par grands fonds, on se contente de filer deux fois la profondeur. La vitesse du navire ne doit pas dépasser 3 à 4 nœuds si l’on ne veut pas déchirer le filet. Il faut être toujours prêt à manœuvrer la machine, afin d’éviter la rupture du câble, lorsqu'on voit la tension du dynamomètre s’approcher des limites de sécurité. La manœuvre de remontée est quelque- fois délicate, surtout par houle un peu forte, car le chalut plein arrive à peser plusieurs tonnes. APPENDICE 1 217 Le dispositif du Pourquoi-Pas? permet de draguer à 2 000 et 2 500 mètres de profondeur. La manœuvre se fail avec trois hommes seulement. Pour draguer à des profondeurs plus grandes, il faut employer des câbles plus gros et, par suite, des moteurs plus puissants. On est arrivé à chaluter jusqu'à 4 000 et » 000 mètres de profondeur (1). 90 Le chalutage ne permet de pêcher que les animaux qui séjournent au voisinage du fond. Pour pêcher ceux qui vivent entre deux eaux, on em- ploie le filel vertical, qui consiste en une sorte de sac de toile d'emballage, fermé à sa partie inférieure par un seau S, et maintenu ouvert par quatre barres de fer (fig. 93). On le descend à la profondeur voulue au moyen de l'appareil de dragage, et on le remonte à la plus grande vitesse possible. M. Bourée a imaginé un filet qui porte son nom et qui est une amélioration du filet vertical. Conservation des échantillons biologiques. — Pour le cas où il n’existerait pas de naturaliste à bord d’un navire chargé de mission océanographique, nous croyons utile d'indiquer quelques précautions à prendre pour la conser- vation des échantillons biologiques. La plus grande partie de ce paragraphe est empruntée à une note rédigée par M.Joubin dans ce but. 1° Échantillons de roches. — Casser quelques fragments des roches et indiquer exactement la localité sur une éti- quette solide. 20 Sables coquilliers. — Quand le sable d'une plage est constitué en majeure partie de tout petits coquillages, ramasser 1 ou 2 kilogrammes de ce sable. Jeter les cailloux (1) Le record, si je ne me trompe, est de 5 617 mètres, à bord du Michael Sars. 218 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE et les débris encombrants et inutiles, mais ne pas trier le sable proprement dit. Ce triage sera fait dans le laboratoire chargé d’étudier l'échantillon. Envelopper dans une ser- pillière ou un gros papier. 3° Bêécher le sable, la vase, démolir les coraux : on y trouve une foule de bêtes délicates, coquillages, vers, oursins pieuvres, etc., à conserver dans l’alcool ou dans l’eau for- molée, ainsi qu’il sera indiqué plus loin. 49 Coquillages. — Choisir ceux qui sont bien intacts ; laisser ceux qui sont brisés, roulés, usés. D0 Animaux mous NON CALCAIRES (Mollusques, seiches, calmars, encornets, poissons, vers, etc.). — Les mettre d'abord dans une terrine d’eau de mer, dans laquelle on ajoute environ 5 p. 100 de formol. Bien étaler les animaux, ne pas les froisser ni les plier. Les laisser une heure environ dans ce premier bain. Les mettre ensuite dans des bocaux, bouteilles, boîtes en fer-blanc qu'il faudra souder, en les faisant baigner largement dans une nouvelle eau de mer for- molée à 5 p. 100. Ne pas mettre trop d'échantillons dans le même récipient : il faut qu'ils flottent largement dans l’eau formolée, sans se serrer. 6° Animaux mous à coquille ou carapace calcaire. — Se servir d'alcool, non de formol, qui dissout les coquilles (alcool à brûler, eau-de-vie, tafia, etc.). Il faut changer l'alcool au bout de quelques jours. 70 Oursins, éloiles de mer, coraux. — Faire sécher quelques jours à l’ombre. Puis emballer dans des boîtes avec du sable tassé ou de la sciure de bois. 80 Algues. — Les faire sécher à l’ombre, sur une ficelle, comme du linge. Mettre ensuite chaque échantillon dans un sachet de papier. Recommandalion générale. — Avoir toujours soin de bien étiqueter et de noter sur l'étiquette la date, la localité et un numéro d'ordre qui permettra de se reporter au registre d'observations, sur lequel figureront les principales parti- cularités observées au moment de la récolte. Ne pas oublier de noter les couleurs naturelles des animaux, qui généra- lement ne sont pas conservées intactes. APPENDICE II LISTE DES PRINCIPAUX INSTRUMENTS D'OCÉANOGRAPHIE PHY- SIQUE A EMPORTER AU COURS D’UNE MISSION D'’ASSEZ LONGUE DURÉE (1). 1 sondeur Thomson ou Warluzel et accessoires (1 touret de fil de rechange). 1 machine à sonder par grande profondeur, avec son mo- teur de relevage. 1 machine à sonder petit modèle pour embarcation. 3 bobines de 10 000 mètres dé fil de sonde de rechange. 2 tonnes de poids en fonte, par rondelles de 10 à 20 kilos. 6 ramasseurs de fond Léger. 6 tubes-bouteilles Buchanan. Sacs en toile pour échantillons de fond. Morceaux de calicot pour la conservation des boudins re- cueillis par le tube Buchanan. 10 bouteilles Richard. ( La Bouteille Richard permet d'adapter à volonté l’une ou l’autre monture. 10 hélices Magnaghi. 10 montures à messager. | (1) 11 ne s'agit, dans cet appendice, que des instruments dont doit se munir une mission de vaste envergure. Il est évident qu’on peut faire de l’océanographie d’une façon très utile avec beaucoup moins d’ins- truments. Les observations de surface donneront, à elles seules, dans beaucoup de régions, des résultats très intéressants, et il suflit d'un thermomètre ordinaire, d’un aréomètre et d’une drague à courant pour les faire à peu près toutes. Avec un sondeur Thomson ou Warluzel, un ramasseur de fond Léger, une bouteille Richard et un thermomètre à renversement, on peut tra- vailler jusqu’à 300 ou 400 mètres de profondeur et récolter à peu près partout des document nouveaux pour la science. 220 OCÉANOGRAPHIE PHYSIQUE 10 messagers. 10 thermomètres à renversement. 2 burettes Knudsen. 2 pipettes Knudsen. 12 tubes d’eau normale. Doses de nitrate d'argent (il faut environ 200 grammes de nitrate d'argent pour faire une centaine de mesures de chlo- ruration). »0 grammes de chromate de potasse. Verres et accessoires pour analyses. 5 caisses de bouteilles à échantillons d’eau (150 bouteilles de 200 centimètres cubes environ). Bouteilles d’un litre (pour échantillon d’eau de mer à rap- porter en vue d’une analyse complète). 2 aréomètres de Buchanan (à poids variable). 2 grandes éprouvettes munies d’une suspension au plafond pour la mesure des densités à l’aréomètre. Échelles de marée. Marégraphe Favé (s’il y a lieu). 1 disque pour la mesure de la transparence de l’eau de mer. Peuvent être confectionnés 1 lunette d’eau. | par les moyens du bord. 1 drague à courant. | 1 trace-vagues Froude. Etiquettes en parchemin. DOCUMENTS GÉNÉRAUX. Océanographie slalique : THOULET. Océanographie dynamique : THOULET. L’Océanographie : RICHARD. Hydrographical Tables : KNUDSEN. Manuel pratique de l'analyse de l’eau de mer : OXNER. (Musée océanographique de Monaco.) ne : APPENDICE III TABLES DE CONVERSION DES DIFFÉRENTES UNITÉS. TABLE DE CONVERSION DES FATHOMS EN MÈTRES. 1 Fathoin — 1,698. | Fatboms.| Mètres. | Fathoms.| Mèires. |Fath ms.| Mètres. Fathoms. Mètres. 1 1,8 9 16,5 s0 146,2 700 14279,6 2 Su 10 18,3 90 164,5 800 142,4 3 D,0 20 36 6 100 182,8 900 1645,2 4 Ti) 30 54,8 200 365.6 1000 1828,0 5 9,1 40 73,1 300 548,4 2000 3656,0 | 6 11,0 50 91,4 400 131% 3000 544,0 | A 12,8 6Ù 109,7 500 914,0 4000 7312,0 | 8 14,6 70 128,0 600 1096,8 5000 9140,0 | TABLE DE CONVERSION DES VITESSES. KILOMÈTRES MÈTRES MILLES PAR JOUR par seconde. par heure. | fl 46,5 3,6 | D 93,0 7,2 3 139,5 10,8 | 4 186,0 44,4 5 232,5 A8.,0 6 279,0 24,6 fl 325,5 25,2 8 312,0 28,8 9 418,5 37,4 10 465,0 36,0 222 APPENDICE III TABLE DE CONVERSION DES TEMPÉRATURES. F — Fahrenheit. C = Cenligrade. R — Réaumur. PSC UR TR RE Mo D FE | labnER Ce | F C | F ee Ée TA Er 36 9 2 56 13,3 24.4 ete PRE 37 2,8 DT 13,9 25,0 SE A 3 3 58 14,4 25,6 =}, 2 39 AY) 59 | 5,0 26, 1 DD | 677 4) kb 60 15,6 26,7 24 |-6,1 4 5,0 Gi 16.1 37,2 NN 42 5,6 62 16,7 27.8 TER ET 43 6. 63 17.2 28,3 RE Sen 44 6,7 64 17,8 23,9 || RC CT 45 7,2 63 18,3 29 4 | 26 ==3:3 46 7.8 66 18.9 z0,0 || DEN EOTS 87 $,3 67 19,4 30,6 28 no 48 S,9 68 21,0 31,1 ET EE 29 9,4 6) 20 6 31,7 TS 50 10,0 70 21,1 32,2 LA ED6 5 #0 6 71 21,7 32.8 32 0,0 52 11,1 T2 29,9 39,9 . RUE 0,6 53 41,7 73 29.8 33,1 34 1,4 54 12,2 74 23.3 34.4 35 1,7 55 12.8 15 23.9 35,0 Î INDEX ACCUTQUIALEUTS 21... 15 APerdeldamarée.:s 1. .e. 139 Aiguilles (Courant des)..... 193 Amphidromique (Point)....-: 190 Amplitude de la marée..... 134 Analyse harmonique des ma- ES or É TO R LTS 177 INPOT SOON DE 128 RÉODIE RER ele stehe roche cle 31 PRIE DOUCE nee - char ce 84 OIRESANEUIS = sm in 131 Australie (Courant d’)...... 191 PEUT LINE MORE EY7 ÉTÉ NTEEPRRERAE 135 LÉGIRRE GRR SSP END EIRE 131 Barnièreide place... 210 Bathymétrique (Carte)..... 64 Benguela (Courant du)...... 189 RÉRNOUIIIR ES :S 200... 162 Bouquet de la Grye......... 199 Bouteille Richard... ....... 28 Brésil (Courant du)....:.... 139 5 POUR RRNANRANEEREES 20 0221 Éuchanan ts. : 21:28; 32 Burette de Knudsen 1... 34 Californie (Courant de)..... 191 Canaries (Courant des)...... 188 Cap Horn (Courant du)..... 192 Gartes/de salNnité;..... 4". : 89 Causes des courants........ 196 TUE S ITANÉES. nt 162 Géléntédelahoule::....,.. 39 (Cie te ESS 25 CN PES ONE NIET 219 ALPHABÉTIQUE Circulation marine profonde. GPO ER EME Te Classification générale DITS EN ete CNE Le Coinithermique er Gold wall Er EE PR COM ME TEE RER RERP AE Coloration de la mer... 36, Composantes horizontale et verticale de la force géné- ratrice de lamarée 2". Composition de l’eau de mer. Compressibilité de l’eau de CN EE ET ETS À DD a, Conservation des échantillons deanueimert ere cree des échantillons GeION dE... EEE Gotidaler(Eione) re ne Coupvent des Bois......... Courants (Observation des). des divers océans. de compensation... Déchet Déclencheur Brooke..,...... Dénomination à donner aux TONUS 52202 M era Re Densité de l’eau de mer. 50, (Garteside) Arc (Variation avec la profondeur) Dépôt éolien pélagique 2 12 rs INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Pages. Dépotiterrisene tree 80 | Houle (Lois de la) 2." 118 Détroits (Courants des)..... 198 —- (Observation de la) .. 33 Direction (de la houle)...... 38 — (Variation en profon- Dosage du calcaire "7023 deurdela) etre 120 HAuChlOre re 33 | Humboldt (Courant de)..... 192 DAT REC EE EC rer 2ISHNAUMMOCK- 7 EC CURE 97 D ACOUTAN PE LE een 93 Drift Se tien ee DANPICODEPE EEE LE PONEERS 56 Dumont d'\Urvile rer er 12S | Icebergs (Dimensions des}... 210 IceDUnK PET CR EEE 97 Échelle de marée........... AG. | Téeblocsz ELITE ES 56 ÉCanie see es pete 115 | Indice de réfraction. ....... 36 Équatorial (Courant) "Eee 182 | Influences météorologiques Équinoxe (Marée dd)..." 180 SUPIAINATÉE.-- CPC 144 EScarpement (delahoule) =°M281MnAnAsSISE EC Cr er CREER 205 Établissement du port...... 138 | Instruments océanographi - RITES LS PAU EE CR 154 ques (Piste dés) 20228 21e ISobathe se 27 0e COR 64 Falklands (Courants des)... 196 HAN ER eee 49, DU TOUDIN AE CREER 115,717 Frletramplancton "7 ""20 2IANTUSANT- NE EEE CEE 134 —1Bouréés 7-2: Me 217 2 NANGEN- 0 Ar Se 215 | Kamtschatka (Courant de)... 199 Vertical 272 eme e-m 2e (Por) ere 162277 ENOLA EN CN ete ce lee Te KaudsenE tee ee 31, 33, 34 US EEE CAS RE AM ER SAN rUummMelN PE ETES 65, CAL G OU RO LS HE ES bre 14 KUTO-ShIVOR ECC PE 190 HIUSSOMETE RE MR EE 54 — Makharof 94 | Labrador (Courant du)..... 195 Rondsdetaimer verre 19: Lames m2 72 tre etes 38 OUEN En nor 96) HIHI ADIACE PC EE PRE CEE 175 ÉTOUC RE ere eee 42 | Léger (Ramasseur defond).9, 20 Bévy (Maurice) Fe PREEreer 155 GARE EN ere 1321NBignescotidales ee Pre 149 Gammesde Rorél re". 36, Littoraux (DÉDOLS) EEE 79 Gaz dissous dans l’eau de Longueur dela houle. 38, 41, 127 MEL SR PP UT Lee 95 | Lucas (Machine à sonder)... 16 Glace tdepmer® cet "56; 205 AC OR OR PR 55 | Machine à sonder........ _ 14 Glaces (Eimites des) 700 205 — (Emplacement dela). 13 — (Observation des).... DAME CEE CEE CEE 26 GIODISÉrINES MP ro eeee S3 | Makharof 2: e PR CREER 24 GOÉTONE REP REE 47, 144 | Marée (Causes dela)... 162 Guli-Streami re. 2 185 —. (Force génératrice de fa) AT Re EE 166, 169 Harris ÉROÏITM AS) EEE 150 — (Observation de la).. 46 Hauteur de la houle. 38,42, 128 =" dansiles Heuves "2e? HéleeMarnaghr 0002 26 = SOUIMeL ce LrECECE 141 Helland-Nansen:-- "12. 117 — semi-diurne.......... 141 Hémisphère continental 61 | Marégraphe enregistreur... 49 — maritimes. 0. 61 —— Fayvé.. re 49 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. METTRE RCE 136 UE ROUTE RETZ 129 MR ce rues 14 MERE RS RE 154 MERE. 1e ee irree 113 BRAS 26 SR SE M ina ei à 128 Monaco (Prince de). 16, 14 D4 NIORT 5e 2 se o at se eve 134 ATEN ES MORE ARE 135 MOTTE CE PR 128 NUCIREN TS SERRE S4 ANÉRIS ET ue 2e 54, 56; : 101 MTS SE ENMEERRRE 27 Naturedu fond: :....:..... 79 INPPMEUDER > » 2 07e de 241 25 MOD RES En 0 site ce mounre 173 Niveamdela mer... 76 = TD OEM Rae 134 INDPHMEMLES 1: 2 se rc 115 NOrdensIOId.. 2... ..... 101 Normalen (au)... 7.:..... 39 Océans (Généralités sur les). 61 AGO dre 176 OA SDHCAITEL. Le... 155 Ondulations en eau peu pro- OMS TP Te 125 CET LES P RE 220 OMS VO EP. Le ne serum 191 RARES à site à dole oateee 57 ÉAHCAKB=IC EP ere rte clore 07 A mn star ete mere no 2Ure 127 LHERENEL DATA OR PETOE 97 Pêche (Instruments de)..... 214 Pélagiques (Dépôts)........ 82 BBReIdesTOns: 0"... 74 LEGER 134 Période de la houle .... 42, 128 Périodicité de la marée..... 168 Pérou (Courant du)........ 192 BOTBISS ONE Re. 205 Phosphorescence de la mer... 115 Pipette de Knudsen........ 3 LR GIVE SSSR EE 113 Plateau continental........ 68 PIPMDIUE SENTE... 0... 20 — perdu (Sondage à)... 16 POITISISDÉCLÉIQUE . 2 4.5 2. 30 Octanographie, 225 Pages. Pomcaré (Henri) cer 162 Point amphidromique...... 150 Potentiel d'un astre>. . 162 Pratique de la sonde........ 9 Profondeur de la mer....... 64 Principe de Laplace..." 175 Ptéropodes (Vase à)........ 83 Radiolaires (Vase à)........ 3 Ramasseur de fond......... 20 — Léger... 20 RAS demMArÉe eme 133 BAUER Te 134 Réfraction (Indice de)...... 36 Répartition des terres et des NDS Se do cire 61 ESS AC ER EE ER 130 OR ARE ne 0e dde 135 EAChaTd Ce r.e DURS CR TT EICHER EC one 25 Holeb de iSle PRE 162 Rotation de la terre (Effet sur les Courants)... 201 FOSSES PC Eee 128 SACAZANNUDe) ee ec 125 SAMI eee ave 33, 87 S'ALDASSES em CC ere 189 — (Merdes) ar ert" 189 SALOE- Peer peer 168 DODOBEE CEE re Pre 204 SEUIESON Re TT 129 SOIVODER SE EE Te 129 SONATE ea etats 5, 13 — par faibles profon- OS re Reno EN 5) — par grandes pro- IODOEUTS RE ET E 13 Sondeur Thomson :......:. 6 —-Warluzels cr, 10 S'ÉACUSCODE A en EC RE CRE 43 SA oi e RAA N 138 DeMpPÉrTALTUTE EEE. LE 24, 4,,97 — (Variation avec Jatprotondeut)-- 2710. 101 lerrigènes (Dépôts). ....... 80 lhéorie dynamique des ma- TE EE CEE nee 175 — statique des marées. 173 lhermomètre à renverse- MONTE CU Tee set a etre eine à 24 15 226 Thermomètre plongeur..... Thomson. 19910 1642: Thoulet..:2,-31,:36, 84, Drace-vagues LTÉE EL AMÉrOChOIde- re EEE Re Tube-bouteille Buchanan... VATUESE TT EN Et ns rene en eau peu profonde. defondRertAere INDEX ALPHABÉTIQUE NASBL ESS LU EEE 80 Vaurabobrg ee er eee 36 Vibration des océans....... 178 Vitesse de la houle......... 38 NIVEAU EE TORRES ER 1B5 VOIMAL 2 507. LR 117 NWarluzels 20 5,10; 12 NVATETS HENRI NE CENTER 58 NVHEWEL er M das Le 1493 NV OS 7 ARC RCE 128 LaMDrA CEE CPE 24, 25 ZLiIMMErMANNE eee 130 TABLE DES MATIÈRES Pages. INERODUCTION:.. 5 Mes ose NE OA E PR ne de Il PREMIÈRE PARTIE LES PROCÉDÉS CHAPITRE PREMIER. — Sondages par faibles profondeurs...... ù Sondeur Thomson, 6. — Sondeur Warluzel, 10. CHapitTRE II, — Sondages par grandes profondeurs.......... 43 La machine à sonder, 14. — Machine à sonder Lucas, 16. — Em- placement de la machine à sonder, 18.— Plombs de sonde, 20. — Ramasseurs de fond, 20. — Conservation des échantillons de fond, 22. — Dénomination à donner au fond, 23. — Dosage rapide du calcaire, 23. CHAPITRE III. — Mesures relatives à l’eau de mer........... 24 Thermomètres pour mesurer la température de l’eau de mer, ?#. — Récolte des échantillons d'eau de mer, 28, — Mesure de la densité de l’eau de mer, 30. — Mesure de la salinité, 33. — Mesure de la transparence et de la coloration de l'eau de mer, 36. CHaPiTRE IV. — Observation de la houle...................... 38 Définition de la houle, 38. — Mesure de la direction, 39. — Mesure de la vitesse de propagation, 39. — Mesure de la longueur, #1. £ — Mesure de la période, 42. — Mesure de la hauteur, 42. CHaPiTRe V. — Observation de la marée...................... 46 Échélles de marée, 46. — Marégraphes enregistreurs, 49. CHAP1iTRE VI. — Observation des courants.................... 52 Cuapirre VII. — Observation des glaces ...... LS RER RE 55 Glace de terre, 55. — Glace de mer, 56. — Signes de la proxi- mité des glaces dans les régions tempérées, 58. 228 TABLE DES MATIÈRES DEUXIÈME PARTIE LES RÉSULTATS Pages CHAPITR4 PREMIER. — Généralités sur les océans....... ..... 61 Répartition des terres et des mers, 61. — Classification générale des mers, 63. CuariTre Il. — La profondeur de la mer ..................... 64 Profondeur moyenne des océans, 64. — Profondeur maxima, 65. — Répartition des profondeurs, 66. — Plateau continental, 68. — Pente des fonds, 7#. — Le niveau de la mer, 76. CuapiTRe III. — Nature du fond de la mer........ te: 79 Dépôts littoraux, 79. — Dépôts lerrigènes, 80. — Dépôts péla- giques, 82. Cuapirre IV. — L’eau de mer. Sa composition chimique.... 87 La salinité de l'eau de mer, 87. — Cartes de la salinité, 90. — Variation de la salinité avec la profondeur, 91. — Relations entre la salinité et la densité, 92. — Carte des densités, 94. — Maximum de densité de l’eau de mer, 94. — Variation de la densité avec la profondeur, 94. — Les gaz dissous dans l’eau de mer, 95. CuaPiTRE V. — La température de l’eau de mer........ Reel) Température de l’eau de merde surface, 97. — Variation de la tempé- rature avec la profondeur, 101. — Température en profondeur dans les mers fermées, 108. — Variation diurne et annuelle de la température en profondeur, 110. CHapitTRE VI. — La couleur et la transparence de la mer.... 112 La couleur de la mer, 112. — Phosphorescence de la mer, 115. — L’écume, 115. — La transparence de la mer, 116. CuapiTRe VII. — La houle et les vagues ...................... 118 Différence entre la houle et les vagues, 118. — Lois de la houle, 118. — Variation de la houle avec la profondeur, 120. — Relations entre les différents éléments de la houle, 121. — Ondulations en eau peu profonde, 125. — Vagues, 126. — Données expérimentales sur la houle de mer profonde, 127. — Vagues en eau peu pro- fonde, 130. — Vagues de fond, 132. CHAPITRE VIII. — Notions sur les marées .................... 134 Phénomènes généraux de la marée, 124. — Relatious entre la marée et les positions de la lune et du soleil, 135. — Unité de hauteur, 139. — Différents types de marées, 141. — Marée diurne et marée semi-diurne, 141. — Influerces météorologiques, 144. TABLE DES MATIÈRES 229 Pages. — Renseignements géographiques sur les marées, 145, — Lignes cotidales, 149. — Marées dans les fleuves, 152. — Mascaret, 154. — Courants de marée, 157. CHAPITRE IX, — Les causes de la marée................... STAGE Potentiel d'un astre, 163. — Force génératrice de la marée, 166. — Évaluation de la force génératrice de la marée, 167. — Impor- tance de la composante horizontale, 168. — Remarque sur la périodicité de la marée, 168. — Explication élémentaire de la force génératrice de la marée, 169. — Théorie de Newton, ou théorie statique des marées, 173. — Théorie de Laplace. Principes de l'analyse harmonique des marées, 175. — Décomposilion du potentiel de la force perturbatrice de l'équilibre en termes pério- diques, 179. — Astres fictifs, 1481. — Ondes d’ordre supérieur et ondes composées, 181. CHAPITRE X. — Les courants de la mer....,........... ASS Courants et dérives, 182. — Courants de l'océan Atlantique nord, 182. — Courants de l'Atlantique sud, 189. — Courants de l’océan Pacifique nord, 189. — Courants de l'océan Pacifique austral, 191. — Courants de l’océan Indien, 192. — Courants de l'océan Arc- tique, 193. — Courants de l'océan Antarctique, 195. — Causes des courants, 196. — Effet de la rotation de la terre, 204. — La cir- culation marine profonde, 292. GHMDIMRE XI. -Les places .. 1... 000 1... Nip ere 205 Composition de la glace de mer. 205. — Origine et limite des glaces dans l’hémisphère nord, 205. — Les glaces dans l'hémisphère sud, 210. APPENDICE 1. — Principaux instruments de pêche scientifique ,... 214 APPENDICE II. — Liste des principaux instruments d'océanographic ( sraf physique à emporter au cours d’une mission d'assez longue durée, 219 APPENDICE II. — Table de conversion des fathoms en mètres. — Table de conversion des degrés Farenheit en degrés centi- grades, — Correspondance des diverses unités de vitesse.... 221 6923.-22 — CORBEIL. — IMPRIMERIE CRÉIÉ. ide Lou da b4 . y È : à [TE 1 em RE | ” r der ne h Lu DUR UE DURS aline © JE N 1" % ot GC Rouch, Jules Alfred Pierre IT Manuel d'océanographie R67 physique PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY ÿ 2zO Ok 20 80 LL GE 9 W311 SOd JIHS AVS 3ONVH Q