— NÉS > ce MÉMOIRES . DE " L'ACADÉMIE NATIONALE _ DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES . DE TOULOUSE. ss?" 4° SÉRIE. ——— Tome LI. — 18 EMdiaihoes L° TOULOUSE. IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE , RUE SAINT-ROME , 41. — 1 185 # MÉMOIRES L'ACADEMIE NATIONALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE NATIONALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE, ———— Quatrième Série. TOME I. TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE, RUE SAINT-ROME, 41. 1851. li VAL pr "à A) #4 DPÉL UE “ RS » je , {de Hs Roi Fait . 5 (à . fr FA | i LM ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADEMIE AU 1° JANVIER 1851. OFFICIERS DE L'ACADEMIE. M. U. VITRY 3%, Professeur à l'Ecole des arts , Président. M. GAUSSAIL, Docteur en médecine, Directeur. M. DUCASSE %, Directeur de l'Ecole de médecine, Secré- taire perpétuel. M. HAMEL, Professeur à la Faculté des lettres, Secrétaire adjoint. M. LARREY (Auguste) #£, Docteur en chirurgie, Trésorier perpétuel. ASSOCIÉS HONORAIRES. Mgr. l’Archevèque de Toulouse. M. le Premier Président de la Cour d'appel de Toulouse. M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. M. Araco , G. O.% , Secrétaire perpétuel de l'Institut de France, pour les Sciences mathématiques. M. ve Sazvaxoy , G. C. %, Membre de l'Institut de France. M. Tuexaro, G. O. %, Membre de l'Institut de France. ASSOCIÉS ÉTRANGERS. M. Liouvicce #% , Membre de l’Institut de France, à Paris. M. Visconti (le Commandeur), Commissaire des Antiquités à Rome. M. Mricnecer % , Membre de l’Institut de France, à Paris. M. Dumas, C. #, Membre de l’Institut de France, Profes- seur aux Facultés des Sciences et de Médecine , Ministre de l'Agriculture et du Commerce , à Paris. vj ÉTAT DES MEMBRES ACADÉMICIEN-NÉ. M. le Maire de Toulouse. ASSOCIÉS LIBRES. M Léon (Joseph), ex-Professeur à la Faculté des sciences. M. Vicuerte (Charles-Guillaume), 0. #, Docteur en chirurgie. M. Durrourc (Guillaume), Docteur en médecine. ASSOCIÉS ORDINAIRES. CLASSE DES SCIENCES, PREMIERE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Sanr-Guicneu ÿ, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et du Canal latéral. M. BrassiE , Professeur à l'Ecole d'artillerie. M. Mouws , Professeur à la Faculté des sciences. M. Gascaeau %, Professeur à la Faculté des sciences. Mathématiques appliquées. M. Macuës | Jean-Polycarpe), O. 3%, Ingénieur en chef des Ponts et chaussées et du Canal du Midi. M. Garnier % , ancien Professeur à l'Ecole d'artillerie. M. Virry (Urbain) #, Professeur à l'Ecole des arts. M. GLerzes (Joseph-Auguste), C. #, %, Colonel du génie en retraite. Physique et Astronomie. M. pe Sacer (Charles) #, propriétaire. M. Penir , Professeur à la Faculté des sciences , Directeur de l'Observatoire, correspondant de l’Institut de France. M. Laroque , Professeur de Physique au Lycée de Toulouse. DE L'ACADÉMIE. vi] DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Couserax , Pharmacien , Econome de l Académie. M. Macxes-Lanens (Charles), Pharmacien. M. Fiznoz (Edouard) , Professeur à l'Ecole de médecine. Histoire naturelle. M. Frizac (François) %, ex-Conseiller de préfecture, Bi- bliothécaire de la ville. M. Moquix-Taxnox %< , Professeur à la Faculté des Sciences et Directeur du Jardin des plantes. M. Leymerte, Professeur à la Faculté des sciences. M. Joy , Professeur à la Faculté des sciences. Médecine et Chirurgie. M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin) # , Directeur de l'Ecole de médecine. M. Larrey (Auguste) #%<, Docteur en chirurgie. M. Nouzer, Professeur à l'Ecole de médecine. M. Gaussaiz , Docteur en médecine. M. Dessarreaux-BErnarn, Docteur en médecine, Brblio- thécaire. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. ou Mëce (Alexandre-Louis-Charles-André) # +»k, ex- Ingénieur militaire, l'un des Directeurs du Musée de Toulouse. M. Packs, Avocat ex-Représentant du peuple. M. GarTtex-ARNouzr, Professeur à la Faculté des lettres, ex-Représentant du peuple. M. pe Morrarteu (Alexandre) , Avocat, ancien Magistrat. viij ÉTAT DES MEMBRES M. Haec, Professeur à la Faculté des lettres. M. Sauvace %$, Doyen de la Faculté des lettres, M. pe VacquiÉ, Avocat, ancien Magistrat. M. Becnomme , Conservateur des archives du Languedoc. M. Ducos %, ex-Conseiller de préfecture. M. Barry, Professeur à la Faculté des lettres. M. Bexecu %<, Professeur à la Faculté de droit. M. Mounier , Professeur à la Faculté de droit. M, Duror (Marcel), Avocat, ancien Magistrat. > 4 —— ASSOCIES CORRESPONDANTS. CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Tissié, ancien Professeur de mathématiques, à Mont- pellier * (1). M. Vasse DE Saint-Ouen %, Inspecteur d’Académie en retraite. * M. Borrez #% , Ingénieur en chef, à Vierzon.* M. Desreyrous, Professeur suppléant à la Faculté des scien- ces, à Paris. Mathématiques appliquées. M. Lerwier # , Commissaire en chef des poudres et salpé- tres, en retraite, à Dijon. M. Larëne (Edouard), C. %, Général d'artillerie, à Va- lence (Drôme). (1) Les Associés correspondants dont les noms sont suivis d’un astéris- ue *, sont ceux qui ont été associés ordinaires. q , q DE L'ACADÉMIE. ix Physique et Astronomie. M. Banvey , Professeur au Lycée de Besançon M. Sorux , Professeur au Lycée de Zournon. M. Cuaumowr 3£ , Officier supérieur du génie maritime, à Cherbourg.” M. o'Houeres-Firmas # , Correspondant de l'Institut de France, à Alais (Gard). M. Decun , Professeur de physique, à Zyon. * M. Romwer , Professeur , à Paris. M. Daurrac (Matthieu), à Zoulouse. M. Sanvqué (Adolphe), de Poitiers, à Paris. M. Peuer, G. O. %, Général de division, Représentant du peuple, à Paris. M. D’Agsanie (Antoine) %, de Navarreins (Basses- Pyrénées), à Paris. DEUXIEME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Bouis, Pharmacien , à Perpignan. M. Fraxcçois %, Ingénieur en chef des mines, à Carcassonne (Aude ). M. Foxrax ( Amédée) #£ , Docteur en médecine , à Bagnères- de- Luchon. M. Dusaron, Doyen de la Faculté des sciences de Æennes." M. Fauré, Pharmacien, à Bordeaux. M. Baniccrar , Pharmacien , à Mâcon. M. BoxEan, Pharmacien, à Chambéry (Savoie). Histoire naturelle. M. Jonan pe Cnarpexrter , Ingénieur des mines de S. M. le Roi de Saxe , Directeur des mines de Bex, en Suisse. M. Lorseceur ne Loxccnawes, Docteur en médecine, à Paris. M. Tourxa fils, Pharmacien , à Narbonne. “ ÉTAT DES MEMBRES M. Bourée (Nérée), à Paris. M. ne CHEsnEL , à Paris. * M. Faries , Pharmacien , à Perpignan. M. Lacrëze-Fossar , Avocat, à Moïssac. M. pe Quarreraces %, Docteur ès sciences et en médecine, à Pants. * M. Rozcaxp pu Roquax (Oscar), à Carcassonne. M. Sismoxna (Eugène), Docteur, à Zwrin. M. Meruer , Professeur au Lycée de Marseille. M. LereBouLetT, Professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg. M. Durour (Léon) #<, Docteur médecin, Correspondant de l'Institut, à Saint-Sever (Landes ). M. Scaimeer , Conservateur des collections de la Faculté des sciences de Strasbourg. M. Moucror, Docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). M. Gassies , Naturaliste, à Ægen. Médecine et Chirurgie. M. ScourerrTex # , Docteur en médecine, à Metz. M. Prerquix DE Gemgcoux, Inspecteur de l’Académie , à Grenoble. M. Mare , Docteur en médecine, à Strasbourg. M. Munarer , Docteur en médecine , à Zyon. M. Hum (Félix), O0. %, Chirurgien en chef de l'Hôtel des Invalides, à Paris. M. Payan (Scipion), Chirurgien en chef, à l'hôpital d'Æix. M. Larrey (Hippolyte) #£, Chirurgien en chef de l'hôpital d'instruction du Val-de-Grâce , agrégé à la Faculté de Paris. M. Le Cœur , Professeur à l'Ecole de médecine de Caën. M. CazenEeuvE , Professeur à l'Hôpital militaire d'instruction de Lille. M. Bracuer *#, Docteur en médecine, Lauréat de l’Acadé- mie, à Lyon. M. Heraro (Hippolyte), Docteur en médecine, à Paris. M. Beauroiz, Docteur en médecine, à /ngrandes (Indre- et-Loire ). DE L'ACADÉMIE. x) CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. Jonaxeau (Eloi), à Paris. M. Dam, Avocat, à Condom (Gers). M. Rexou, C. #, Conseiller au Conseil de l'instruction publique , à Paris. M. Cnampozuiox - Ficeac % , à Fontainebleau. M. Weiss O. %, Bibliothécaire de la ville de Besancon, Correspondant de l'Institut de France. M. Axorteux, Professeur de rhétorique au Lycée de Zi- moges. M. Puicéart, ex-Principal du Lycée de Perpignan. M. Cnauoruc DE CRazanes %*, Correspondant de l'Institut de France, Officier de l'Université. M. Davezac DE Macaya *%, garde des archives de la marine, à Paris. M. ve Lamorae-Lancox (Léon), membre de plusieurs Ordres, à Paris. * M. pe Gocsery O. %%, Correspondant de l'Institut de France, à Besancon. M. Foresr, Sous-préfet d'Oloron. M. Cuarces-Maco % , à Paris. M. CnarPENTIER DE SaiNtT-Prest { Jean-Pierre), Professeur au Lycée Descartes, à Paris. M. Berçcer pe XivRey ( Jules) #%<, Membre de l'Institut de France , à Paris. M. Rarx, Professeur royal Danois , à Copenhague. M. Rrraun , à Marseille. M. ne Lasouïsse-RocnerorTr, à Toulouse. M. ne Caumowr #%, à Caën, Correspondant de l’Institut de France. M. Nayraz, Juge de paix , à Castres. M. Sovquer , Ayoué, à Saint-Girons. M. Ozaxweaux , O. %<, Inspecteur général de l’Université, à Paris." xi) ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE, M. Ducacrier (Edouard) #% , Professeur à l'Ecole des lan- gues orientales vivantes , à Paris. M. pe Sanwr-Fezrx-MauremonT , 3, »% , ancien Préfet , à Mauremont. M. Mas-Lare (Louis), de l'Ecole des chartes, à Paris. M. Cros-Mayrevæicce , Docteur en droit, Inspecteur des monuments historiques , à Carcassonne. M. Bresson (Jacques), Négociant, à Paris. M. Merce , Avocat, à Castelnaudary. M. ve Brière, à Paris. M. Barsavez , Docteur en médecine, à Carpentras. M. Comes (Anacharsis) ; à Castres. M. ve Lacuisive ge , Conseiller à la Cour d'appel de Dijon. M. Durcor ve Morras %, à Paris. M. Ricarn ( Adolphe }, Secrétaire général de la Société archéologique , à Montpellier. M. Pezer (Auguste) #£, Inspecteur des Monuments histo- riques, à Vismes. M. Garricou (Adolphe), Propriétaire, à Tarascon (Ariége). M. Tmiweaucr, Officier de l’Université, principal du Lycée de Valence (Drôme). M. Ccausozces, Homme de lettres, à Paris. * M. Forrouz #%, Doyen de la Faculté des lettres, Représen- tant du peuple, à Aix. > M. ne Laverene, O. %, à Paris. * M. Baron ne Mowrgez #%, ancien Ministre. * M. Jacouemn, Homme de lettres, à Ærles ( Bouches-du- Rhône). M. Fonos-LamoTe , Avocat, à Zimoux (Aude). M. Temrr , Avoué près le Tribunal civil de Marseille. M. Cuos (Léon), Avocat, à Villespy (Aude). M. Boucaer ne Crevecoeur, de Perthes #%, Directeur des douanes, à Æbbevwille { Somme). M. Bascce pe LaGreze , Procureur de la République , à Pau ( Basses-P yrénées ). MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE NATIONALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DS TOULOUSE, LES INSCRIPTIONS DU TEMPLE DE JUPITER A ÆZANI (ASIE MINEURE), ( Lu le 21 juin 18/49); Par M. E. BARRY. La ville grecque d'Æzani (1), de,t les ruines ont été ré- vélées tout récemment à l'Europe savante, était située, comme nous l’apprend Strabon, dans la Phrygie épictète, à l'entrée (1) Quoique une monnaie autonome du musée de Vienne (ae. 111), citée par Eckhel (Doctrin. num. vet. 1. 111, p. 12$), présente la va- riaute géographiqne Aifæé», et que Pioléemée donne celle d’Aigærs , le vrai nom de la ville paraît être Aigærsi, cumme on le trouve écrit chez Hérodien le grammairien. Le nom du peuple est Aifæseîræ:, que l'on trouve constamment dans les inscriptious ou sur les monnaies locales ; celui du territoire, Aifæfrus. C'est donc à tort, et par une assimi- lation fausse avec l’Azanée d'Arcadie { Pausatias, lb. vis, cap. 3), que Strabon {hib. x11, p. 576) et Etienne de Byzance (sub voce) l’écrivent ‘AËæroi. Cette descendance arcadienne que Pausanias donne à la ville phrygienne n’est point , du reste , un fait à dédaigner ; elle sert à indiquer une cité pélasgique d'origine. Nous avons suivi, en tra- duisant en français ces appellations géographiques , l'orthographe latine que l'usage à fait prévaloir généralement sur l'orthographe grecque. 3° S,— TOME VII. l 2 MÉMOIRES des plateaux inclinés qui constituent intérieurement la Pénin- sule de l'Asie mineure (1). La plaine fertile et profonde que couvrent encore ses ruines , est élevée, s'il faut en croire un nivellement barométrique de date récente, de mille quatre-vingt-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer (2). Elle se redresse du côté du Sud jusqu'aux rampes élevées du mont Dindymène (Mourad-Dagh }, d’où descendent toutes les eaux qui arrosent la plaine, le Rhyndacus entre autres, sur les rives duquel était assise la ville antique. Du côté du nord, de l’est et de l’ouest , rien ne limite l'horizon et n'arrête le regard, qui se perd sur des collines affaissées , sans mouvement et sans verdure. Lorsque l'on à franchi le Rhyndacus (3) sur un pont de (1) Le savant Mannert , en 1802, déclarait inconnu l'emplacement de l'ancienne Æzaui, et vingt-deux ans plus tard le colonel Leake Vindiquait comme recherche aux voyageurs à venir : It is in the un- explored part of Phrygia epictetus , lying between the thymbres and the branches of the Rhyndacus on the southern sides of the olympene moun- tains that the future traveller will seek for the phrygian cities of Cadi, Aezani and Synaus (Leake , Tour in Asia minor). Ce fut en 1825 qu’un voyageur anglais, lord S'-Asaph , et un voyageur français , le comte Léon de Laborde , aperçurent ses ruines presque en même temps et à l'insu l’un de l'autre, Le résultat de l'exploration de M. de Laborde est consigné dans deux articles qui ont paru dans les Débats postérieu- rement à la rédaction de ce peut travail (8 et 9 septembre 1849). Ils ne touchent du reste qu'incidemment et en quelques mots aux huit ins- criptions qui font l’objet essentiel du nôtre. (2) Ch. Texier. Description de Asie mineure, Paris, 1839, in-fe, pag. 96. M. de Lahorde la place aussi « dans une vaste plaine... sur le plateau supérieur du grand bassin qui conduit le Rhyndacus à la mer. » (Débats, 8 septembre 1849.) (3) La ville est assise sur la rive gauche du Rhyndacus , qui prenait sa source , dit Strabon , dans le territoire des Æzanites, ras dpgas Ex er tx rûs Afairidos (Stabon, hb. x11, p. 576), et qui n’est encore à cette hauteur qu'un fort ruisseau. Elle était reliée à l'autre rive par trois ponts, dont l’un est situé à un kil. au-dessus des ruines de la ville. (Ch. Texier et L. de Laborde, ibid. ibid.) DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 3 marbre antique, comme les quais ruinés en partie qui enfer- ment son lit, les débris d'architecture et les pierres brisées s'accumulent sur le sol. Le pied heurte presque à chaque pas des fragments de chapiteaux, des tronçons de colonnes, des stèles ou des pierres tumulaires qui se multiplient surtout dans la direction des quais et du fleuve. C'était là sans doute qu’é- tait située au bord de la route, et sous les brises fraiches du Rlhyndacus qui en entretenait la verdure éternelle, une de ces voies funéraires qui servaient souvent de promenade dans les villes antiques; car l'aspect des tombeaux ne réveillait chez les anciens que des idées douces et sereinement pieuses. A quelque distance de la rivière, dans la direction du nord, on rencontre les ruines d'un édifice carré, qui peut avoir servi de basilique, dit un voyageur auquel nous empruntons la plu- part de ces détails (1). Peut-être était-elle, comme la maison carrée de Nimes, le centre d’une Ægora ou place publique entourée extérieurement d’une enceinte de nortiques. Plus loin, c'est un vaste hippodrome auquel s’adossait un théâtre, dont les gradins inférieurs sont encore intacts, à l'exception de leurs revêtements (2). L'emplacement du gymnase, ce monument indispensable de toute ville grecque, est marqué par une colonnade d'ordre dorique, dont les füts jonchent Le sol à quel- que distance. I. Un temple de marbre blanc, anciennement consacré à Jupiter , le grand dieu de la ville (3), et debout encore en grande partie, (1) Ch, Texier, Deser. de Asie mineure, p. 96. (2) On dirait, dit M. de Laborde en parlant du stade, qu'à la dernière représentation les spectateurs ont enlevé avec eux les gradins comme on emporte sa chaise. ( Débats, 9 septembre 1849.) (3) Le culte de Jupiter était fort répandu dans l’ancienne Phrygie. On y retrouve fréquemment son nom sur les monnaies locales, accolé à des épithètes distinctives et caractéristiques , comme celles du Zegs moênes à Dionysopolis ; celles du Z:v: z@rd'ngess à Synuada (v. Eckhel. monnaies de la Phrygie, Doctrina. t. 111 p. 127-176.) Malgré des % MÉMOIRES s'élève au-dessus de tous ces débris, et domine les ruines et la plaine, où il frappe le regard de tous les côtés (1). C'était un des secrets de l'architecture ancienne, et c'est une des causes de l'impression profonde souvent que produit sur nous la vue de ses monuments , que l'art infini avec lequel elle savait les isoler de tout ce qui pouvait leur nuire; les présenter ou les dis- poser dans la position la plus propre à en faire ressortir l’effet. Cette intention est tellement marquée ici, que non content d'élever son monument sur un soubassement de pierre, l’ar- chitecte a exhaussé le sol qui le porte, et taillé en manière de soubassement naturel le sol de la plaine qui s'exhausse sensi- blement en cet endroit (2). Cette terrasse quadrilatère , dont les talus étaient soutenus de tous les côtés par des murs ruinés en partie aujourd hui, for- mait ce que l’on appelait le {emenos ou l'enceinte extérieure du temple (3). Du côté de la rivière où se trouvait l'entrée du temple, ce mur de soutenement plus élevé et plus orné évi- demment que sur les parois latérales, était creusé de vingt- diversités de costume et de culte, le Jupiter d’'Æzani, comme celui de Laodicée, n’était au fond que le grand dieu des Hellènes. Cette particularité , qui n’a point été suflisamment remarquée , s'explique en partie par la présence de nombreuses colonies helléniques établies à diverses époques dans l'intérieur des plateaux, où elles conservent avec soin le souvenir de leur origine (voir les monnaies de Synnada avec la légende Suwad'eor Turay Aopié ar, celles des Iearsro (pelta) et des Aoxipet av (Docimeum ) Mexcdaver; celles des Evgsevéær (Eumenia) 'Axæær). Peut- être aussi l'élément pélasgique que Strabon signale si nettement sur toute cette côte, opposaitil déjà à l'esprit et aux tendances des religions asiatiques des résistances énergiques, et des tendances distinctes qu'il était réservé aux colonies helléniques de préciser ei de formuler. (1) & Il est entièrement d’un marbre blanc, qui avec le temps acquiert à sa surface un ton azuré , doux et harmonieux. » (Ibid. ibid.) (2) On voit qu'il s'élevait comme sur trois degrés gigantesques, d’abord sur son soubassement, puis sur une plate-forme, et enfin sur une vaste terrasse. » (M. de Laborde, Débats, 9 septembre 1849.) (3) M. Texier lui donne 146 m. 46 c!'** de largeur sur 162 m. 96 c. de longueur. (Ibid., p. 08.) DE L'ACADÉMIS DES SCIENCES. 5 deux niches revêtues extérieurement de marbre blanc , décorées à l'intérieur de statues et coupé par le milieu par un vaste esca- lier de trente mètres de largeur qui menait au temenos. Vu, à quelque distance surtout, ce soubassement extérieur , dont le style et l'ornementation s’accordait évidemment avec le style de l'édifice, devait être du plus grand effet (1). Gette première partie de l’enceinte sacrée était accessible à tout le monde, Elle contenait ce que nous appellerions aujourd hui les dépendances du temple, les habitations des prêtres ou des serviteurs du dieu, des sacella où chapelles, des autels votifs ou propitiatoires , des statues que Pausanias décrit d'ordinaire avant d'aborder le naos où le temple proprement dit. Des pelouses de gazon, des bouquets d’arbustes, des massifs de verdure séparaient chacun de ces petits monuments, et ajoutaient encore au calme de ces lieux où tout disposait à la méditation pieuse et à la rêverie. C'était là que les philosophes discouraient souvent avec leurs disciples des choses élevées de ce monde, de Dieu, de l'âme, de la vertu , et un reflet de ce calme pieux et serein a passé quelquefois dans les dialogues qui nous en ont conservé le souvenir. Un portique dont les colonnes cannelées d'ordre dorique gisent éparses et brisées au milieu de l’esplanade du temenos séparait cette enceinte extérieure de l'area, c'est-à- dire , de la cour du temple où se faisaient les processions et les sacrifices, et où pénétraient seuls les initiés et les prêtres. C'était au centre de cette double enceinte que s'élevait le 7aos ou le temple, dont les proportions relativement petites , s’'agran- dissaient pour ainsi dire de ces dépendances architecturales , de cette large et puissante décoration extérieure avec laquelle il se trouvait dans un rapport intime qui nous échappe aujour- d'hui. Le temple est de style ionique et d'une simplicité de forme sévère et élégante tout à la fois, Malgré l'impression que ses ruines produisent encore, ce (1) V. passim, Charles Texier (p. 98, 99, 100), dont la descrip- tion architectonique est d'une exactitude et quelquefois d'une sagacité remarquables. 6 MÉMOIRES monument a beaucoup souffert des ravages du temps et de ceux des hommes. Des quarante-deux colonnes qui entouraient pri- mitivement la cella où l'enceinte du temple lui-même , six seulement sont restées debout sur la face occidentale , douze sur la face septentrionale (1). L’escalier, d’un mètre de hau- teur, qui flanquait la base du temple de quatre côtés, à dis- para tout entier , et le mur du soubassement tombe vertica- lement sur le sol. Une partie du mur méridional de la cella, la facade tout entière, le portique qui la précédait sont dé- truits , et ce qui ajoute aux regrets , c'est que ces dévastations sont toutes récentes. Elles ne remontent point au delà du siècle dernier, suivant la tradition locale elle-même (2). Sans le génie ignorant et malfaisant de homme , la solidité de ce petit mo- nument aurait bravé, pendant bien des siècles encore, l’action du climat et du temps qui ne détruisent point sous cet air tou- jours sec et ce ciel toujours pur. Peut-être des fouilles opérées au pied du monument mettraient-elles au jour, comme les fouilles récentes de Phigalie, quelques fragments des bas-reliefs qui devaient orner le fronton. À en juger par les plus anciennes monnaics des Æzanites que nous avons encore (3) le Zeus ou le Jupiter que l’on adorait dans le temple, était coiffé du modius comme le Sérapis égyptien , comme l’Esculape des Grecs dans les derniers temps ; ce qui semble indiquer entre les cultes helléniques de la presqu'île, et les religions orientales qui les pénétraient de divers côtés, des relations et des points (1) «De quarante-deux colonnes qui formaient les portiques autour de la cella, il n’en reste plus aujourd'hui que dix-huit debout. Mais comme le temps les a respectées toutes d’un même côté ainsi que le mur de la cella , pour peu qu’on se place au nord , on embrasse le monument dans un ensemble très-favorable. » (De Laborde , Débats, 9 sept. 1849.) (2) Ch. Texier, Descr. de l'Asie mineure , p. 100 et 101. « Le feu semble avoir eu grande part dans la destruction du temple d’Æzani, et cet accident lui donne encore un trait de ressemblance avec le Parthénon. Mêmes murs calcinés, bosselés , noircis ; même dislocation violente des assises. » (De Laborde, Débats, 9g septembre 1849.) (3) Les voir chez Eckhel, Doctrina num. vet. tom. 111, p. 128-20. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. | 7 de contact que nous ne faisons malheureusement qu'entrevoir. Dans leur état actuel, les murs intérieurs de la cella ne pré- sentent aucune trace d’ornementation et de sculpture. Il ne reste rien de l'autel { Boys) attaché au posticum et sur lequel était placée la statue du dieu, entourée peut-être des déités infé- rieures qu'il avait dépossédées. Huit inscriptions mutilées en partie ont échappé seules à cette dévastation (1). Elles sont gravées, dit M. Texier, comme dans le temple célèbre d’An- eyre, sur un large bandeau qui couronne le soubassement de la cella et sur la face intérieure de l’ante du côté du pronaos (2). Toutes les huit sont des lettres , ce que nous appellerions au- jourd’hui des lettres officielles , car elles émanent les unes de corporations anciennes et célèbres comme l’aréopage d’Athè- nes , les autres de hauts fonctionnaires dans l'ordre adminis- tratif et financier, quelquefois de la chancellerie impériale elle-même. Aucune d'elles ne remonte chronologiquement au delà du second siècle de notre ère. Leur intérêt même, comme nous allons le voir, est à peu près borné à la ville obscure dont les ruines nous les ont conservées. On éprouve cependant un sentiment de curiosité involontaire et respectueux en re- trouvant ainsi, sur les murs d’un temple en ruines, les témoi- gnages authentiques, les actes officiels d’une histoire inconnue qui se réduit à peu près pour nous à ces deux pages incomplètes (1) Ces inscriptions ont été plusieurs fois reproduites depuis Keppel et Fellow qui les ont publiées les cs (Keppel Itin. t. 11, p. 227 et suiv. — Fellow Itin. As. min. p. 142—144). Sans repousser d’une manière absolue le texte donné par M. Texier , que nous supposons copié sur les inscriptions originales et que nous avons même suivi pour les trois inscriptions latines, nous nous sommes attaché de préférence au texte publié par M. Bæckh dans le Corpus Inser. græc. n° 3831 — 3835, qui nous a paru plus correct , plus suivi et plus intellisible que celui du voyageur français. Le savant éditeur allemand , qui se servait comme base des deux lectures du major Keppel et de M. Fellow, déjà mises en œuvre par le colonel Leake, nous apprend de plus qu'il a tiré parti des copies de M. de Laborde que M. Letronne lui avait en- voyces de Paris. (2) ( I. ib. pag. 102 8 MÉMOIRES et mutilées. Bien des événements de cette histoire , ensevelis aujourd'hui dans un éternel oubli, auraient eu pour nous plus d'intérêt et de sens historique que ceux dont nous allons re- cueillir et rajuster les détails. Mais ils nous laissent au moins entrevoir dans le silence à peu près complet de l'histoire contemporaine , quelles préoccupations avaient succédé, dans ces villes grecques d'Asie, aux préoccupations de la vie poli- tique qui achevait partout de s’éteindre , quelles passions ou quels intérêts les agitaient encore, et sous quelle forme sy faisait sentir cette autorité impériale dont les décisions étaient devenues la règle et la loi du monde civilisé. EE: Quatre de ces lettres, évidemment identiques par le sujet , et à peu de chose près contemporaines par la date, sont rela- tives à une contestation assez obscure qui paraît avoir divisé pendant longtemps les habitants d'Æzani (1). On entrevoit cependant, en rapprochant les indications éparses dans ces quatre documents, auxquels se réduit pour nous toute son his- toire , que le litige portait sur certaines portions de terre dé- diées ou vouées jadis au temple de Jupiter par les anciens rois du pays , ceux de Pergame sans doute, dont la ville d’Æzani dépendait avant la conquête romaine (2). Une partie considé- (1) Tu d'agoper vuriy xervoëyre……. ( Epistola Quieti Æzanensibus inser. n° 4.) — Voici en quels termes cavaliers et inexacts M. de Laborde résume l’histoire de cette contestation tres-sérieuse comme on va le voir. « Un certain Quietus, dont le nom semble choisi exprès pour présider à la conciliation , soumet à l’empereur Hadrien la difi- culté qui s'élève entre le sénat et les Æzaniens au sujet des impôts fixés par un certain coutrôleur du nom de Modestus. L'empereur répond en père de famille ; les Æzaniens obéissent en sujets soumis, et ils n’ont que des éloges à donner à la sagesse d’Hadrien. (Débats, 9 septembre 1849.) (2) Ager Æzanensi Jovi dicatus à regibus (Epist. [adriani ad Quietum , inscr. n° 1)... In ea regione quæ Jovi æzanitico dicata dici- tur. (Epist. script. Quieto ab Hespero , inscr. n° 2.) DR L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 9 rable de ces terres , que les inscriptions désignent sous le nom de territoire sacré (1), avait été aliénée, on ne sait par qui ni à quelle époque , en faveur de divers propriétaires , et il paraît que ces propriétaires refusaient d'en acquitter l'impôt, arguant entre autres raisons du caractère privilégié de cette terre , dé- pendance d’un temple et domaine du dieu le plus respecté du pays. Quelque réelles que fussent les immunités dont avait joui jadis le territoire sacré du temple, il était bien évident que ces terres les avaient perdues en devenant propriétés privées , et qu’elles étaient à ce titre soumises à l'impôt qui frappait tous les possessores de l'empire. Mettius Modestus , un des anciens proconsuls de la province , suivant toute apparence, auquel l'affaire avait été déjà soumise à une époque antérieure, avait résolu la question dans ce sens et astreint à l’impôt toutes les parties usurpées du territoire sacré (2). Mais les détenteurs se retranchaient, pour échapper à la loi, sur tout ce qui leur of- frait quelque prétexte , à défaut de raison. Ils alléguaient, par exemple, que cette terre, anciennement libre d'impôts, n'avait jamais été cadastrée d’une manière uniforme , ni divisée comme elle aurait dû l'être en lots de terre imposables (xAñoo) ; et que ces lots, là où ils existaient, avaient été établis d’une manière inégale et arbitraire (3). De résistance en résistance et de délai en délai , ils étaient ainsi parvenus à exempter leurs domaines de la part d'impôts que payaient pour des terres infé- rieures, peut-être , les autres propriétaires de la cité. De là, de vifs mécontentements dans une partie de la population qui se croyait lésée au profit de quelques privilégiés, des réclamations et des plaintes tous les jours plus vives sur l’inégalité des char- ges publiques, des accusations de partialité et de connivence (1) Mepi xapas iepas… (Epist. Quieti Æzanens. inscr. n° 4.) (2) Cum Mettius Modestus consuluit ut vectigal pro his penderetur. (Epist. Hadriani ad Quietum , inser. n° 1.) (3) Si... constitit qui essent dimensi agri… (ibid. 1bid.) 10 MÉMOIRES qui remontaient jusqu'aux agents impériaux eux-mêmes (1). Force fut au proconsul Avidius Quictus d'intervenir enfin et d’en référer à l'empereur , suivant l'usage observé dans les affaires sérieuses ou délicates. Cet Avidius Quietus, dont le nom bien connu d'ailleurs se trouve mêlé à cette contestation toute locale, avait été longtemps , comme on le sait, l’un des chefs de l'opposition aristocratique dans le Sénat , l'ami de Thraséas et celui de Pline le jeune, qui en parle en plusieurs endroits de sa correspondance (2). Dans son mémoire, qui Jetterait un (1) A'eqisBirnois meol papas ep... rpelbopeéyn med éd... rhr CET ALT vHay axn ai Uroÿiu) pos dAANNaUE. (Epist. Quieti Æza- vensibus , inser. n° 4.) (2) Avidius Quietas qui me unice dilexit, et, quo non minus gaudeo, probavit, ut multa alia Thraseæ (fuit enim familiaris) ita hoc sæpe referebat..… ( Plin. Sec. ep. hb. vi, ep. 29.) — Dans une autre lettre on retrouve Avidius Quietus soutenant au Sénat Pline le jeune dans la poursuite sans résultats qu'il intenta après la mort de Domitien contre les accusateurs et les meurtriers d'Helvidius. « Dicunt contra Avidius Quietus, Cornutus Tertullus. Quietus : Iniquissimum esse querelas dolentium exeludi ; ideoque Axriæ et Fanniæ (la belle mère d'Helvi- dius et la mère de sa belle-mère) jus querendi non auferendum : nec interesse cujus ordinis quis sit sed quam causam habeat. (Lib. 1x. ep. 13.) C'est par une supposition purement gratuite que M. Texier transforme Avidius Quietus en préteur de l’Æzanitide (1b. ib. p. 102). L’Æzanitide ne formait qu'un territoire particulier (civitas) de la Phrygie épictète , où Strabon cite À coté d’elle les villes de Nacoleïa , de Cotyæum , de Midæum, de Dorylæum et de Cadi (hb. x1x, p. 576). La Phrygie ajoutée , ou épictète , n’a jamais eu elle-même de préteurs particuliers , par la raison fort simple qu’elle n’était qu’un canton, et un canton assez obscur de la vaste province d'Asie (Asia proconsularis), qui comprenait une partie de l’ancien royaume de Pergame , et dans laquelle figuraient la Mysie, l'Æolide, l'Tonie , la Lydie et la Phrygie proprement dite , sauf quelques démembrements plus récents. C'était donc , non point da préteur, car l'Asie était une province sénatoriale et proconsulaire ; mais du proconsul d’Asie que dépendait la ville d’Æzani comme toutes celles de la Phrygie épictète ; et tout se réunit pour éta- blir qu'Avidius Quietus était revêtu de ces hautes fonctions à l'époque où se termine l’affaire que nous racontons. Le fait nous paraît ressortir DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 11 grand jour sur toute cette affaire si nous l’avions encore, il expo- sait au long, comme il Le dit lui-même, l’origine du différend, rappelait les phases qu'il avait traversées , les difficultés qui en avaient retardé la solution, et signalait à l'empereur, en lui sou- mettant son avis, les deux points dans lesquels elle gisait tout entière 1). La réponse de l’empereur , qu'on lit encore en beaux caractè- res du second siècle sur le bandeau du mur de la cella, est courte, nette, concluante comme l'étaient toujours les décisions de la chancellerie impériale : c’est à un cadastre qu'il faut pro- céder avant tout pour asseoir le nouvel impôt; mais il faut éviter de pravoquer de nouvelles réclamations par une délimitation ar- avec tous les caractères de la certitnde de sa correspondance avec l'empereur, de sa lettre impérative aux Æzanites, et surtout de l'ordre qu'il adresse au sujet de l'arpentage au procurateur Hesperus , le seul des hauts fonctionnaires de la province avec lequel il fût possible de le confondre. Mettius Modestus , qui ne prend non plus aucun titre dans ces lettres, suivant l’usage constant des Romains (voir les lettres de Pline et de Trajan. Plin. Ep. lib. x), joue exactement dans l'affaire le même rôle que Quietus , et doit avoir été un de ses prédécesseurs dans l’ad- ministration de la province, quoique M. de Laborde le ravale, nous ne savous sur quel fondement, au rang subalterne de collecteur d’im- pôts. Ce seraient alors deux noms à ajouter à la liste, fort incomplète encore, des proconsuls d'Asie. Quant à Avidius Quietus, c’est bien certainement sous Je règne de Trajan ou sous celui d'Hadrien, les deux seuls noms impériaux qui s'adaptent à la finale ani du rescrit impérial , avec les lacunes de lettres indiquées, que se place son administration ; et plus vraisemblablement sous le règne d'Hadrien que sous celui de Trajan. Contemporain de Pline le jeune, qui était né, comme il le dit lui-même ; en l'an 61 de notre ère (lib. vr, ep. 20), plus jeune peut- être de quelques années , il aurait eu, en adoptant les chiffres moyens de chaque-règne , sous Trajan , de 40 à 46 ans ; sous Hadrien, de 60 à 67. (1) Exei ya9 ETETTE IAA aùTa d'nAGY ro Tp&y Lu EE VTA hpa env TE © Ti PAL j roth... ( Epist. Quieti Æzanens. inscript. n° 4.) Cette lettre était aussi vraisemblablement gravée sur les murs du temple où elle n'existe plus. M. Texier suppose qu'elle aura péri dans la destruction des murs du sud (Ib. ib., p. 102). 12 MÉMOIRES bitraire. Il se range sur ce point à l'avis ouvert par le proconsul, qui proposait de faire constater dans les cités voisines , l'étendue ou les dimensions légales des x\ñp0u, et d'appliquer la moyenne aux xAñpo à établir sur le territoire sacré d’Æzani. Quant au passé, il maintient implicitement l'arrêté antérieur de Mettius Modestus qui soumettait en principe à l'impôt toutes les parties du territoire sacré converties en propriétés privées , et décide que l'impôt devra être payé à dater de l'arrêté du proconsul , pour celles au moins de ces terres qui auraient été dès cette époque délimitées en x\ñoo. Les dernières lignes du rescrit impérial, malheureusement très-mutilées , semblent consa- crées à prévenir des objections où des délais , et enjoi- gnaient , sans doute, dans ce cas, d’en référer de nouveau à la cour (1). — (4) N° — Exempl. epistulae ..... ani scriptae ad Quietum. Si in quantas particulas, . uos ... ros appellant, ager aezanen —— si Jovi dicatus à regibus divisu.... non apparet, optimum est, = sicut Lu quoque existimas, ..m qui in vicinis civitatibus —— clerorum nec maximus ... .... mus est observari et si cum —— Mettius Modestus con...... ut vectigal pro .is pen- dere —— tur, constilit qui es.... ....... agri, aequom est ex... —— tempore vectigal pendi, s. ...stitit jam ex hoc tem.. re vectigal pendend.. a. si quae morae qu........ .... — Quel eRT NDS Er rit (Tex. ib. p. 103). L. 1. au heu de ani, Bœckh ( note de l’insc. n° 3835) qui se sert, dit-il, comme base de la lecture de M. de Laborde donne formellement .....atoris. — L. 6, après Modestus , il lit et marque ainsi les lettres absentes .on........ qu'il supplée par constitueret. — L. 7, àl lit quies...te....... hict agri; qu'il supplée ainsi : qui essent cleri Æzanilici agri; — et. 9, moins heureusement encore que M. Texier, pendend. .... . SIONGE MOTUEOU. ses... US Qu'il complète d’après une conjecture de Lachmann , dit-il, pendendum est sine mora co usque . .. La traduction de ce texte est si vague et si fautive chez M. Texier, que la pensée de l’empereur et l’objet même de la lettre y deviennent complétement inintelligibles : « S'il ne paraît pas que le champ dédié DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 13 Sur l'ordre du proconsul, dont la lettre, à ce sujet, nous a été conservée aussi dans le dossier de cette affaire, le procurateur Hesperus chargea des géomètres habiles de parcourir le pays voisin d'Æzani et d'y constater l'étendue et les dimensions ordinaires des xAñpot (1). Puis on établit sur les résultats de par les rois à Jupiter aizanien soit divisé en autant de parcelles, qu'on appelle cleros, il vaut mieux observer, ainsi que tu le peuses toi- même , ce qui se passe dans les villes voisines ; et si Mettius Modestus en ordonnant qu'uu impôt fût levé sur ces parcelles , a déterminé quels étaient les champs divisés en ceros , il est juste qu'à partir de ce temps ils payent l'impôt. 11 a donc été régle depuis ce temps qu'il fallait payer l'impôt ; mais si l'on cherche des retards... » (1b. 1b. p. 103.) Voici , suivant nous , le sens du rescrit impérial : « Copie de la lettre d’/Jadrien écrite à Quietus : » Si l'on ne voit point clairement en combieu de parcelles ou de cleroi, comme ils les appellent, est divisé le territoire dédié par les rois à Jupiter d’Æzani, le mieux est, comme tu le penses toi-même, de faire coustater dans les cités voisines , les dimensions ordinaires des c/eroi entre les plus grands et les plus petits. Si à l'époque où Mettius Mo- destus a décidé que l'impôt serait payé pour toutes ces terres, quelques- unes d’entre elles étaient déjà d’une mamière uotoire divisces en c/cror, il est juste qu'elles acquittent l'impôt à dater de ce moment; s'il est démontré toutefois qu'à dater de cette époque l'impôt reste tout entier à payer (ou bien : ait été réellement à payer). Que si l'ou cherchait de nouveau r délais qui pussent mettre obstacle... » (1) N° — Exempl. epistulae Quieti scriptae ad — Hespe- rum — Cum variam esse clerorum mensuram —— cognoverim et sa- cratissimus imp., con —— stilulionis suae causa , neq. maximi neqg. —— ..- imi mensuram iniri jusserit in ea re —— ..... quae Jovi aezanitico dicata dicitur, — ... i hesper carissime , explores qu.. .... —— ....eri mensura, quae minimi —— in ipsa illa regione sit et id — . otum mihi facias. (Tex. 1b. p. 104). L. 6. Hespere ( Bæckh ib. 1b.). I laisse (ibid.) huit lettres en blanc devant à et supplée quæso mi, ete. explores... — L. 8, après #psa 44 MÉMOIRES cet arpentage une moyenne qui fut appliquée à chacune des pro- priétés privées du territoire sacré. L'impôt dont la lettre de nous avons ajouté //a que donne le texte de Bœæckh avec beaucoup de vraisemblance, C'est d’une manière tout aussi inexacte, que M. Texier fait dire à Quietus dans cette seconde lettre , que l'empereur a «ordonné d’après sa constitution, qu'il n’y eût ni plus grande ni plus petite mesure dans cette région... », ce qui n'offre plus de sens du tout, et qu'il ajoute plus loin : «Va , mon cher Hesperus », séparant sans doute les deux mots suppléés £u mi en um 1. Nous la traduisons ainsi : « Copie de la lettre de Quietus écrite à Hespcrus. » Comme je sais que la dimension des cleroi est variable , et comme le très-auguste empereur a enjoint, aux termes de sa constitution, d'adopter la dimension de ceux qui ne sont mi les plus grands ni les plus petits pour tout le canton que l'on appelle le territoire sacre de Jupiter d’Æzani , c’est à toi (ou je te prie), mon cher Hesperus, de constater quel est, dans ce pays, la dimension des c/eroi les plus grands et des c/eroi les plus petits, et de ie la faire connaître. » N° I. — Exempl. epistulae scriplae Quie —— to ab Hespero. Quaedam negotia , Domine , non ali —— ter ad consummalio- nem perduci —— possunt quam uti re..... usu Sunt —— eorum pretia. Hoc cum mihi injun — xisses ut tibi nuntiarem quae —— mensura esset clerorum circa re -—— gionem aezaniticam , misi in rem —— praesentem .lectos geometras........ (Tex. ib. p. 105). L. 3et 4. La lecture de M. Texier qui lit et supplée quem uti re (cepta) usu sunt — eorum pretia est incomparablement préférable à celle de M. Bœckh qui lit, sans en pouvoir rien tirer, quam. ri. iusu sunt — eorum pitioe. — L. 6. .lectos geometras manque complète ment moins les lettres ei dans la lecture de M. Bæœckh qui supplée epistularn. « Copie de la lettre écrite à Quietus par Hesperus (c’est évidemment par inadvertance que M. Texier écrit ici : Copie d’une lettre de Quietus à Hesperus). » Certaines choses, Seigneur, ne peuvent être amenées à terme qu’en observant la valeur que leur donne l'usage. Suivant l’ordre que tu m’as DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 15 l'empereur déterminait la cote, devait être assis sur chacun de ces x}ñpot égaux, et percevable à dater du jour de la récep- tion des lettres impériales. Dans le système d'impôts adopté par les Romains et resté en vigueur jusqu'aux derniers temps de l'empire, chaque cité était considérée comme un être imposable, et frappée d’un im- pôt foncier proportionné à l'étendue ou aux revenus deses terres que l’on constatait par des cadastres ofüciels. Le poids des charges fiscales dont s'étaient exemptés jusqu'ici les propriétaires de ces terres privilégiées, retombait donc sur la masse des propriétaires de la cité, vivement intéressés à cette affaire ; aussi la décision impériale fut-elle accueillie, par le plus grand nombre au moins, avec un vif sentiment de satisfaction. Ce qui suffirait pour le prouver , c’est que l’on ordonna la reproduction de toutes les pièces de cette affaire, et qu'on les fit graver, pour leur donner plus de publicité et de durée, sur les murs exté- rieurs du temple, où elles contractaient quelque chose du carac- tère sacré du lieu. A la lettre de l’empereur, le document important de l'affaire dont le texte aurait pu suffire pour l’objet que l'on se proposait, on joignit par surcroît de précaution, et Comme pièce à l'appui, l’ordre adressé par le proconsul au procurateur Hesperus, au sujet de l’arpentage, la réponse de ce dernier dont il ne reste qu'un fragment , et enfin la lettre, écrite en grec celle-ci, par laquelle le proconsul annonçait aux archontes la solution définitive du différend. Nous traduisons en entier cette dernière lettre, parce qu'elle en résume assez exactement l'histoire. « Avidius Quietus aux archontes, au Sénat et au peuple des Æzanites, salut. La contestation relative au territoire sacré, anciennement dédié à Jupiter , et qui durait depuis de longues années, vient d’être terminée par la sagesse du très-grand empereur. Nous lui avions au préalable adressé l'exposé de toute cette affaire, en lui deman- transmis de te faire connaître quelle est la dimension des c/eroi dans le pays qui avoisine le territoire d'Æzani , j'ai expédié à cet effet des géomètres choisis, .... » 16 MÉMOIRES dant le parti qu’il fallait prendre sur deux points surtout , vi- vement controversés entre vous , et où gisait le vrai nœud , la difficulté de la solution; et lui, apportant à cette affaire l'esprit d'attention qui préside à ses jugements , et tempérant la justice par l’humanité , a effacé toute cause de jalousie et de querelle en- tre vous, comme vous l’apprendrez de la lettre qu’il m'a écrite, et dont je vous adresseune copie. J'ai alors envoyé l’ordre à Hesperus, procurateur impérial, de choisir des géomètres capables et de faire mesurer par eux le terrain en question. Du résultat de celte opération , et des ordres contenus à ce sujet dans les let- tres sacrées de l'empereur , ressort, comme je vous l'ai prouvé déjà, le chiffre de l'impôt à payer pour chaque x\%00ç dans toute l'étendue du territoire que l’on appelle sacré, à dater du Jour où vous aurez reçu la lettre impériale. Que chacun de vous se mette donc en mesure d’acquitter cet impôt pour la portion de la terre sacrée qu'il possède , afin d'éviter à ce sujet de nouveaux différends , qui priveraient la ville des effets de la sagesse impé- riale, et réveilleraient entre vous les animosités. Ce qui s’est passé jusqu'ici vous défend... (lacune de quelques mots). Je vous envoie en même temps une copie de la lettre que j'ai écrite à Hesperus.… (nouvelle lacune; peut-être faut-il suppléer : avec la réponse qu'il m'a adressée ). Je souhaite que vous soyez en bonne santé (1). » (1) N°IV.— Aovidios Kouinros AUaverrüv GoYOVGt, Bouxñ...... — die Aaipeuwv . Âupiobirnouc REP! {OPA (EPA AVX — releicnç réa r® Aù rpebouévn moNAGv ro, T Tpovoix Tod —— peyioTou aÜToxpATOpOs TÉMOUS Etuye . Être yap ÉTÉGTELÀX aùT®, dn — AGY Td rpäyua Éhov, ÂpOUnY Te à 71 ypù moeiv, düo TX LAOTA TRY — duxpopav ÜpLEÏV XELVODVTA at TO ducepyès XO ducebpeTov TD —— Tpdyuaroc TAPENÔMEVX | melbas TD pavbpome rù dixatov, dxoko — Doc TÜ TEpt TAs xploss émuedeix , TV TOXY Evo OUGv Éynv xaù 0TOUE — ay TpÔS æAkfhou Éhucev, xaÜbc Ex Tic Émiorodc, hv érepVev TPS LE, — pabioeole , is Tù avriypxpov dei Téroupa . Émécrehx DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 17 Il est assez remarquable que ce soit à une contestation da même genre que nous devions un des monuments épigraphiques les plus célébres de lltalie grecque : nous voulons parler des tables de bronze d'Héraclée , trouvées, en 1732, dans le lit d'un torrent, à égale distance des ruines d'Héraclée et de celles de Métaponte. Dans l'inscription lucanienne , l'objet de la dis- cussion est un terriloire sacré anciennement dépéndant d’un temple de Bacchus, envahi aussi, on ne sait sur quel prétexte, par des propriétaires ou des hommes puissants de la cité. Comme à Æzani, le moyen que l’on adopta pour sortir d’embarras fut de soumettre le domaine sacré à un arpentage régulier, à la suite duquel , il est vrai, les terres envahies furent rendues au dieu, et affermées avec de grandes précautions pour éviter de nouvelles surprises. Quoique rien n'indique d'une manière précise à quelle époque appartient l'inscription d'Héraclée, on pourrait conclure de ce dernier trait seulement que plusieurs DE Ëc É ve An ni) SE roi) 6 - € GTE0( TO ET —— FO0T() TOU LEUAGTOU , TU ŸE OULÉT ox EUR anus » Refduevos ÉRELVOLE —- TR0GYEAGNTAL TV YOEY d'ux- (LETpüv, xaL....... .... V DUEÏV VEVAGETUL, —— at x TOY Lepov Toù Kæica90ç ye PALULËT Det ee done à ru 0 Dei re — ei ÜTÉD ÉXAGTOU xp MATE TN nada is PAGE » » » « AG AV À — épuc AdônTe Thv ÉriuoTod iv, ÉLAGT... sssoose WEPescrese — AOpAE TEÉGEL , LVE LA TÉMV, TIVEG Yusnnnpoménuness enosare a ciselé e o « Las Boddernv ATOÂAIÏGAL TV TOMV ThG. see sue oo FR NP SO YÉVOVT2L À one 120 adTois Tù Heure nine: dabiinnet. hu PAPE Fi TpÔS Écmepuy émiaro.… PR ER PE EE PR RE sé SEE Eypubev. ÉbGobar . As espoua. (Bæœckh. corp. inser. græc. n° 3835.) L. 1. M. Texier, ib. p. 103, ajoute, après var ces six points... (ai r&). — L.5, fe M. Texier lit À tort are. — aa», ibid. et à tort encore 67. — L, 12, Texier yeoueérozs. — LL. 13, Bœckh donne ici à tort éxertæ POUr £7 FRS et allonge évidemment trop sa lacune à la suite de ce mot incomplet, car sa ligue ainsi ponctuce excède toutes les autres de plusieurs lettres, 3° $. — TOME VII. 2 18 MÉMOIRES siècles d'intervalle séparent les deux événements et les inscrip- tions qui nous les racontent. Au temps où le proconsul d'Asie se contentait pour toute répression d’astreindre à l'impôt les usurpateurs d’un territoire sacré , il était évident qu'il n’y avait plus rien au-dessus de la terre que cette puissance impériale dont le droit primait celui des dieux comme celui des hommes. A l’époque au contraire où fut rédigée l'inscription lucanienne, les temples étaient encore en honneur, les institutions nationales respectées, les mœurs distinctes comme les idiomes. Aussi, le décret d'Héraclée nous a-t-il transmis incidemment sur la cons- titution politique de la cité dorienne d’origine, sur les formes et les noms de ses magistratures, sur ses usages et ses habitudes, des détails précieux , qui s’effacent ou disparaissent compléte- ment dans les inscriptions d’Æzani sous l’uniformité adminis- trative ct morale que Rome avait essayé d'imposer au monde. ET: Nous ne savons absolument rien, historiquement parlant, du grec Euryciès, auquel sont consacrées les quatre inscriptions qui nous restent à étudier, quoique l'on puisse induire d’a- vance, de leur étendue et de la place qu'elles occupent sur les murs du principal temple de la ville, qu'il s’agit ici d’un per- sonnage important par sa naissance , par sa fortune ou par les emplois dont il était revêtu. Abstraction faite des lumières qu’elle répand à tout moment sur la géographie et les institu- tions de l’antiquité, l'épigraphie vient ainsi, de loin en loin, nous révéler des existences complétement oubliées de l’histoire contemporaine , si dédaigneuse surtout de ce qui concerne les provinces de l'empire. Tout ce que nous apprennent, au sujet d'Euryelès, les do- cuments épigraphiques auxquels nous en sommes strictement réduits ici, c'est qu'il était Æzanite de naissance (1), et, (1) Toy roiouray ToTOY LTTE@S eo 86 (ais ?) doœrTi cdTos M. OvATi06 Evsvxans ( Epist. Panhellen. Æzanens.. inscr, n° 1) — M. Ovartr DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 19 comme nous le supposions, d'une famille ancienne et considé- rable. Les plus nobles maisons provinciales se faisaient alors un honneur d'adopter les noms de quelque famille romaine, dont elles s'assuraient ainsi le patronage; et ce ne serait point un argument à invoquer contre le témoignage très-formel ici de nos inscriptions , que ces surnoms latins de Marcus Ulpius Apuleïus, qu'un des ancêtres de l'Æzanite avait ajoutés à son nom, Peut-être avait-il été, jeune encore, revêtu de hautes foncuons religieuses dans le temple où nous avons retrouvé, seize cents ans après lui, cette page inconnue de son histoire, On voit, par le témoignage d'une inscription récemment dé- couverte à Æzani, que les fonctions du sacerdoce y étaient élec- tives el annuelles, comme elles le sont souvent à cette époque dans les villes grecques {1) ; et nous rencontrerons dans la suite de ce récit plus d’une indication et d'une analogie qui viendrait à l'appui de cette conjecture; mais ce ne sont là que de simples hypothèses qui ne suppléent point malheureusement à l'igno- rance complète dans laquelle nos inscripuons nous laissent sur les premières années de sa vie, sur la nature de ses relations et la direction de ses études jusqu'à l'époque où nous le retrou- vons sur la scène du monde, à un âge que rien ne nous in- dique. Le seul fait qu'elles nous attestent avec quelque détail , c’est un voyage entrepris et exécuté par lui à Athènes, d’où sont da- tées, en effet, trois des quatre lettres que nous essayons d’in- ‘Amovanior Evpuxhte Toy Ai£ævarnr (Epist. Panhellen. Græc. in Asia consist. inscr. n° 2). — ‘O roAirns vuar M. Oùaries EvpuxAñs, etc. (Epist. Aræopagit. Æzanensib. inser, n° 4) —.. dÿia roi roD yévous nai Th Ex mpoyovar ad pæyælias (1. inscr. n° 1) —.. re déiaux ro drap ov avra avale xai éme yévous (1b. n° 2). (1) ‘H Bovn xai 0 d'auss — ÉTEiLnTeEy My qi — or NesrorrhærTou — lépaTeuruyTe Ton — Aus d'exdris vai êy rois — dorroïs TaTpids pas —- svexbérra. C'est M. Texier qui a publié le premier (p. 106), avec un mérite réel d’exactitude, cette inscription intéressante, inconnue aux savants éditeurs du Corpus inscr. græc. 20 MÉMOIRES terpréter (1). Au milieu des assertions générales dans lesquelles elles se renferment , il est assez difficile de déterminer quel était l’objet et Le but véritable de ce voyage, trop bien connu des Æzanites eux-mêmes , pour que l’on eüt besoin de le leur rap- peler. Ecrites évidemment dans un but louangeur, elles ne nous parlent avec quelque détail que de Pestime et de l'affection qu'il avait su se concilier, pendant son séjour dans cette viile étran- gère, par la régularité de sa conduite, par la bienveillance de son caractère, par un goût sincère et fervent pour les plaisirs de l'esprit. On entrevoit cependant à plus d’un trait que ce voyage, qui paraît tenir une grande place dans sa vie, avait, en effet , un caractère et un but officiels, et qu’il tenait de très- près à cette institution du Panbellénium, dont émanent deux des lettres, les deux lettres importantes, à notre sens, de cette correspondance. Il ressort même, d’une manière à peu près certaine, à nos yeux, du mot significatif de synhédrie ( ouvedoeia), appliqué par les deux lettres à ce séjour de l'Æzanite à Athè- nes (2), que c'était comme membre de cette assemblée qu’il y avait habité pendant un temps dont la Gurée deviendrait ainsi possible à déterminer, et que ce fut surtout en raison du zèle et du talent qu’il avait déployés dans l'exercice de ces fonctions, que l'assemblée lui décerna , à deux reprises, ces deux certifi- cats dont ses concitoyens et lui-même semblent s'être trouvés très-honorés (3). (1) O roxirns var M. Ovarias EvpuxAs . .. éred'ipnrer éy nu@v Tÿ rares (Epist. Aræopagit. Æzanens. iuscr. n° 4). Cette circonstance, toute naturelle qu’elle soit daus l'explication historique que nous allons donner des quatre inscriptions, nous paraît la principale raison des erreurs singulières dans lesquelles sont tombés MM. Texier et de La- borde en traduisant ou en commentant ces quatre lettres. (2) Tdyre rov ris cuve peius xp (Epist. Panhell. Æzanens. inscr. » PRE € \ LR n° 1.)... £vois (Sois 2),.... d'iarérénixe mapd mére Toy Ts muy D pE lus æpdvor ( Epist. Panhellen. græcis in Asia consist. inscr. n° 2 ). Li nm \ 22 (3) SuyremouTet eos npeely. «à HETPIAE « . pos TE 70 ouvoy roù IluyeA- ! \ ! \ \ ! € es 4 ! » ! Auylov mai ide pos Toy Éauuariararer ua wpyoyre PAëGioy KyAA0r DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 21 L'historien Dion a raconté, avec quelques détails, dans un passage intéressant de son histoire , de quelle manière s'était formée, en Grèce, dans les dernières années du règne d'Hadrien, et à l'instigation des Athéniens , s’il faut l'en croire, cette asso- ciation du Panhellénium , dont l’histoire se trouve incidemment mêlée à celle du Grec Euryclès. Comblés de Jibéralités et de bienfaits par cet empereur ami des Grecs, et ne trouvant plus dans les formules de l’adulation humaine de titres ou d'honneurs dignes de lui ,ils avaient eu l’idée de décerner, comme les Gaulois l'avaient fait sous Auguste, des honneurs divins à ce maître r6- parateur (1), et d'associer à ce culte, pour lui donner plus d’é- clat, tous les peuples et toutes les villes de langue grecque. Par une flatterie qui ne manquait ni d'esprit ni d’à-propos, adressée à un bienfaiteur et à un bienfaiteur tout-puissant, ils le confon- dirent avec le grand dieu des Hellènes, avec le Jupiter Olyÿmpien , dont il venait d'achever à grands frais le temple magnifique, commencé et inachevé depuis des siècles (2). Soit embarras d'un refus , soit reconnaissance et admiration véritable, car ces li- (Kane?) quorigaie xexpmuërer (Epist. Pauhell. Æzanens. inser. n° 1)... Emiixe re Te xoi aid'ai rar" EX DA EE VE Epl rh roureles ro Dvrrove À NY@Y (Epist. Panhellen. Græcis etc. inser. n° 2). (1) Restitutori : cette épithète affectionnée se retrouve sur les revers de ses monnaies, à coté du nom de presque toutes les provinces de l'empire qu'il avait successivement visitées, soulagées et embellies. Celle qui porte le type et la légende spéciale de Restitutori Achaiæ, est connue de tous les numismatistes. — V. pour l'énumération des faveurs dont il avait comblé sa chère ville d'Athènes (on l'appelait à Rome du nom cavalier de Græculus), le passage de Dion que nous avons cité (L. Lxrx, Ç 16.) Spartien (vit. Hadrian.), Eusèbe et surtout Pausanias , qui nomme et décrit en quelques mots tous les monuments construits ou réparés par Jui à Athènes ( Paus. Attica, c. 18, sub fine). (2) Il paraît que sous Auguste on avait déjà destiné ce monument au même usage. « Ædem jovis Olympici Athenis antiquitus inchoatam per- ficere communi sumptn destinaverunt, genioque ejus dedicare (Sué- ton. August. ). » Mais le temple resta inachevé et ce projet sans suite, quoiqu'un revers d'un denier d'argent y fasse allusion ( Jovi Olymp. ). 22 MÉMOIRES béralités réparatrices s'étaient répandues partout, la plupart des villes grecques avaient répondu à l'appel des Athéniens. Cha- cune d'elles s'était engagée à ériger au nouveau dieu une statue qui devait être terminée, expédiée, dressée même pour les fêtes de la dédicace que l'empereur célébra en personne, et, à ce qu'il parait, avec une pompe extraordinaire (1). À l'é poque où il visilait cette Athènes impériale, qu'il a décrite avec tant d’exactitude et de si précieux détails, Pausanias avait vu debout , et brillante encore de tout l'éclat de la jeunesse, cette immense décoration architecturale dont l'effet paraît l'avoir vivement frappé. Les statues des colonies que l'on désignait familièrement à Athènes sous le nom d’érouxor res, étaient de bronze, dit-il , et adossées , selon le privilége de leur rang, aux colonnes du temple ou à celles des portiques. Toutes les autres étaient de marbre, des marbres les plus précieux sou- vent de l'Egypte et de l'Asie, et remplissaient le vaste péribole du temple de leurs blanches effigies, que dominait la statue colossale des Athéniens, érigée derrière le Naos (2). (1) Nous irons ces détails et ces particularités trop peu connues du texte précieux de Dion (Loc. cit.), de celui de Pausanias (loc. cit.) et des nombreuses inscriptions votives, découvertes depuis quatre siècles dans les ruines de l'Olympiæum. ( V. not. ci-après.) Quant à la date de cette dédicace que Scaliger et Corsini placent dans la 3e année de la 227 Olympiade , c’est-à-dire en l’an 135 de notre ère , elle semblerait moins ancienne , s’il fallait en croire une inscription de l’une des colonies ro- maines qui avaient concouru à la décoration extérieure de l'Olympieum. C’est la seule inscription latine que l’on y ait découverte jusqu'ici, et rien n'indique que Scaliger et Corsini l’aient connue. « Imp. Cæsar. divi Trajani Parthici fil., divi Nervæ nepoti, Trajano Hadriano aug. üib. pot. xv1, cos. 111, p. p., Olympio, (coloni ?) a Julia Augusta. densium, per legatum C. Memmium Lycum. Aorav. » (Spon.itin. t. 117 p.11, n° 41. — Dodwell. itin. t. 1er, p. 413). Ces indications chro- nologiques répondraient , si elles sont exactes, à l’année 132 et 133 de notre ère. (2) Ardpiayr o de TAN ( 1l parle du péribole du temple ) ; T0 vap To- Mo ExdrTns tira Adpieyod BariAlos dIÉXEITA « . à xannai de Érréri pa DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 23 Pour assurer au nouveau culte un sacerdoce digne de lui, les envoyés de toutes ces villes (legati, roecfeurai, èmiueknrat ) demandèrent à l’empereur la permission de se constituer en assemblée régulière et permanente. Ce fut dans ce but et à leurs frais, dit formellement l'historien, qu'ils bâtirent ce petit temple de Jupiter Panhellénien , dont l'épithète s'explique ainsi d'une manière toute naturelle, et que nous croyons destiné à servir de local à ses séances, sous l’invocation du nouveau dieu au culte duquel la communauté était vouée (1). Quoique sobre de ces sortes d'autorisation , comme le disent tous les empereurs dans leurs lettres officielles (2), Hadrien avait fini par tout per- mettre, en se réservant le droit de doter à son tour le collége des Panhellènes de jeux qui devinrent bientôt célèbres , sous le nom de grandes Panhellénies. Il est assez rare de voir ces cultes ido- lâtriques survivre au Dieu mortel qui en était l’objet. Quelque- fois c'était le mépris public qui renversait de lui-même ses sta- tues et ses autels. Le plus souvent on les voit s’étéindre et s’ef- facer sans bruit sous l’action du temps, de l'oubli ou de la ray xicvoy as Aûnvaîot xaæhodriy arrolxuus maAEIS ( Pausanias, Attic. c. 18). Pausanias décrit avec quelque détail la statue de Jupiter que empereur avait voulu placer aussi à ses frais dans le sanctuaire du temple, et qui rappelait, dit-il, sinon par la supériorité du travail (és réxrns eÿ pos T0 miyedos, ib.), au moins par la richesse et la diversité de la matière (£x re éAégarres xai xpureÿ, 1b.), le chef-d'œuvre de Phidias à Olympie. Mais Sparlieu affirme que l'empereur y avait sou autel, et Dion ajoute, sa statue à côté de celle du dieu. ( Dedicavit Jovis Olympii ædem et aram sibi. Spartian., vit. Hadr. loc. cit.) &v à xei auros pur (Div, lib. Lxix, 16.) (a) Toy re Tuxoy Tor ÉAUTOÙ , ro [lue nAñrs0Y wYIUAT LE VY oixod ounrarda rois EAAnœuy Em erpeÿe nai dy@va èm avr xartorirure ( Dio, lib. Lx1x, 6 16). Est-ce à cette fondation que fait allusion l'urne et la palme, symbole ordinaire des jeux ; que l’on voit sur le revers de la monnaie que nous avons citée, à côté de l'Achaïe agenouillée aux pieds de l'empereur ? (2) ... Quanquam ejusmodi honorum parcissimus, tamen patior. . . (Trajan. Plinio suo, Plin. Epist. lb. x , ep. 25.) 2% MÉMOIRES - peur, car le culte d’un empereur mort pouvait paraître un regret et devenir un crime. Mais le sentiment national et le regret du passé militaient ici en faveur d’une institution qui rappelait quelque chose des beaux temps de la Grèce, de ses grandes assemblées fédératives, de ce conseil des amphictyons auquel O. Muller le comparait. Après la mort d'Hadrien, l'Olym- piæum se transforme, comme l'autel d'Auguste à Lyon, en une sorte de Panthéon impérial (1), et l'on peut suivre assez longtemps, à l’aide des inscriptions, les traces de cette illustre assemblée, dont l'histoire compléte et éclaire souvent celle de la Grèce romaine. Nous ignorions jusqu'ici que la petite ville d Æzani eût réellement fait partie de la confédération Panhellénienne, et cette particularité que nous révèlent incidemment nos inscriplions , n’est pas sans intérêt pour l'histoire de la cité phrygienne, pour celle même du Panhelléniam , dont la composition nous est si mal connue encore. Les seuls documents que l’on pût invoquer à cet égard avec quelque confiance, dans le silence à peu près complet de l’histoire proprement dite, étaient un certain nom- bre d'inscriptions découvertes à diverses époques sur le sol dévasté où aux abords de l'Olympiæum. Comme toutes ces inscriptions , à peu près identiques pour la forme , sont invaria- blement adressées à Hadrien Olympien, que plusieurs d’entre elles ponent encore les noms des députés ou surveillants (mpes eur ëruwehnrai ) qui avaient présidé à leur érection , quelques-unes celui du sculpteur dont elles étaient l'ouvrage , nous regardons comme à peu près certain que les cippes qui nous les ont conservées , n'étaient autre chose que les bases de quelques-unes des statues que Pausanias admirait dans le péri- bole du temple, et nous en concluons, par unc induction tout aussi naturelle , que les cités dont elles portent le nom faisaient (2) 5 0 0 BU T0 OAV I0Y 0i40y dÙT@Y (les Sévères) — décret de l’aréo- page à l’occasion de l'association de Garacalla à l'empire (ann. 198. — Bœckh. inscr. attic. n° 353 ). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 25 partie de la confédération Panhellénieune (1). Mais il est tout aussi concluant, plus concluant peut-être, de retrouver , comme nous la retrouvons ici, comme on l’a retrouvée dans d’autres villes, l'indication formelle du représentant ou du délégué de la cité, chargé, conime l'était Euryclès, de représenter cette cité (1) Ces inscriptions complètes ou mutilées sont au nombre de 25 dans le recueil de Bæckh (n° 321 — 345). Les plus complètes et les plus curieuses ont été publiées pour la première fois par Cyriaque d’Ancône. Les épithètes qu'elles dounent à l’empereur, outre le titre d'olympien ('Adpreror Oavurs0,) qui est ici une sorte de caractéristique, sont celles de bienfaiteur particulier (id'ior evepyérm), de fondateur particulier (idior xrirrn), de sauveur et foudateur (caorñps nai xrirrn), d’ar- chegète (ax nyérn ), de sauveur du monde ( +wrñve roÿ xoTmov) ana- logue à celle de restitutor orbis terrarum que lui donne une de ses mon- naies. Treize seulement de ces inscriptious portent des noms de villes, les noms de villes que nous croyons à ce titre avoir fait partie de l'as- sociation. Ge sont en Europe Amphipolis et Sestos ; dans les iles Pallé ( Céphallénie), Thasos, à lagaclle appartensient sans doute ces deux Statues duriov Aidou que Pausanias adunrait à la porte du péribole, Ægine, Cyzique; en Asie, Abydos, Ephèse, Milet, Sébastopolis du Pont , Céramus de Carie, Pompeiopolis et Anémuria de Cilicie. Quel- quefois l'ambassade chargée de représenter le sénat et le peuple de la cite (4 Bou #œi 0 d'auss, passim) ,n ‘est coinposée que d'un seul env oyé. (use. de Thasos ct d'Ephèse, 336 — 335). Mais le plus souvent elle se compose de > ou 3 membres désignés sous le nom de presbeutes , de chargés de l'ouvrage (érigsnnrer, épyemirrarar, u° 337), de préposés à l'érection (éxieshndérrer râs drarrartes, n° 339). Parmi ces ambas- sadeurs on voit figurer à Thasos l'artiste chargé de l'exécution de la statue Xenophante fils de Charites (ne 336); à Milet, il s'appelait Aulus Paniuleius Gaïus, natif d'Ephèse, citoyen de Milet (n° 339). C'est aussi à ces inscriptions que nous devons les noms de deux des premiers prêtres de l'Olympiæum, Ti (berius) CI (audius) Atticus n° 335 336) et St. Kodratus (Quadratus ? — ne 337). Nous iguorerions aussi sans elles que la dédicace du temple était devenue pour les Grecs le commen- cement d'une nouvelle ère des olympiades (£7 +1 æp@rn SAavumiddi n° 342) qui tomba aussi vite dans l'oubli que l'ère inaugurée antérieu- remeut par les Athénieus, lors de la première arrivée d'Hadrien dans leur ville (u° 390). 3° $S. — TOME VII. 3 26 MÉMOIRES à l'assemblée, et y siégeant à ce titre pendant une de ses sessions. Rien ne nous indique, il est vrai, si la ville phrygienne faisait dès l’origine partie de la confédération , et si sa statue figurait, dès le pontificat de CI. Atticus , le premier des grands prêtres de l'Olympiæum , dans le péribole du temple. C'est au règne d'Antonin, comme nous le verrons bientôt, aux dernières an- nées même de ce règne, qu'appartiennent chronologiquement les quatre inscriptions dont nous nous occupons. Maïs cette parti- cularité, assez peu importante d’ailleurs, nous paraît démontrée elle-même par une autre inscription découverte aussi à Æzani, émanée indirectement d’un autre Panhellène, Æzanite de nais- sance comme Euryclès , et qui vivait certainement sous le règne d'Hadrien , auquel l'inscription cst dédiée dans le texte que M. Bæckh en a donné d’après M. de Laborde (1). Hadrien étant mort trois ou quatre ans après la dédicace du temple, il résulte de ce nouveau témoignage, que ce fut du vivant de ce prince, c'est-à-dire, fort peu de temps aprèsla dédicace de l'Olympiæum, que la ville d’Æzani aura fait cet acte solennel d'adhésion qui nous semble la condition et le signe de son admission dans l'assemblée ; à moins que l’on n'admelle, ce qui serait aussi vraisemblable à notre sens, qu’elle avait envoyé sa statue, comme la plupart des autres cités grecques , antérieurement à cette dédicace , escortée d’une de ces ambassades solennelles qui rappelaient quelque chose des anciennes théories, avec la liberté et les dieux nationaux de moins. Quant à la constitution et aux attributions plus mal connues encore de l'association, nous en sommes malheureusement ré- duits à quelques rares indications éparses dans les deux lettres des Panhellènes ou dans la réponse de l'empereur. Nous savions par d’autres témoignages qu’elle était présidée par un archonte électif, suivant toute apparence. Ce que nous apprennent les (1) M. Bœckh lit ainsi cette inscription à peu près inintelligible dans le texte qu'en a donné M. Texier : ædroxparop 'Adpiur® — yevéropt, cicuyyeihey — Tos ÎormAlou ai (Ka?) At9y — vriav ruved'pov Toù — Ilu- véranves (Bœckh. corp. inser. n° 3841). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. ar inscriptions des deux lettres écrites toutes les deux au nom de cet archonte, c'est qu'il joignait à cette haute dignité, celle de prêtre (ieoes) du dieu Hadrien et d’agonothète ou p:ésident des jeux à la fête des grandes Panhellénies (1). C’est sous ce simple titre d'iepers que se trouve désigné aussi, dans les inscrip- tions dédicatoires de l'Olÿmpiæum dont nous avons parlé, le grand prêtre de ce temple célèbre ; mais l'épithète de panhellé- nien appliquée dans la suscription d’une de ces lettres au nom du dieu Hadrien, ne permet point de douter qu'il s’agit ici d’un sacerdoce inférieur , et si nous ne nous (rompons , de celui du petit temple | 61466) dans lequel l'assemblée tenait ses séances. A l'exemple des xouvx provinciaux de l'Asie mineure, avec les- quels l'association du Panbellénium présente des traits frappants de ressemblance, avec cette différence pourtant, qu'elle avait la prétention d’embrasser, comme son nom l'indique, et de réunir dans une sorte d'association nationale , tous les peuples et toutes les villes de langue grecque , l’ensemble de l'association y est désigné sous le nom de x4o1v6y ( comraune }, les membres de l'assemblée sous celui de Panhellènes ou de Sympanbhellènes, comme les appelle la seconde des deux lettres (2). Les sessions de cette assemblée, comme nous le dirions aujourd’hui, y sont désignées sous le nom de synhédrie, et à prendre littéralement les premiers mots de la réponse de l’empereur à la lettre de communication des Panhellènes, et il en résulterait que ces ———— (1) 'O pxar roy IaveAAnvar #0l iepeds deoD Ad oiæro0,.… oi dyavolérns rdv meydhar [larexAmiar. .. ( epist. Panhellen. OEzanens. inser. n° 1). ‘o ap rar Iluye AA tre al iepevs Ot09 "Adpiaroÿ Tee A Anvieu ai, etc. (epist. Pavhell. græc. asian. mscr. n° 2 ). (2) Kai év ro xo1@ . .. d'iéd'ndoy éAuTOy TEFOINLÉ Ale u ue PIS TE T0 xawor Toû [leenamieu (insc. n° 1). oi IlewAames (passim )... æepi 7 Foire ray Evrmærenamrer (inscr. n° 2). L'assemblée elle-même est désignée sous le nom de sud ses dans l'inscription du Panhellène Epamiuondas que le colonel Leake a retrouvée dans l’église de Carditza, sur l'emplacement de l’ancienne Acræphiæ en Bæotie : &> r@ ray Aya vai TlareaAñrer — curd'ais (Bœckh. corp. inscr. n° 1625), 28 MÉMOIRES sessions étaient annuelles comme la dignité de l’archonte qui les présidait (4). Cette conjecture, que semble confirmer l'en- semble de la constitution athénienne et de ses habitudes poli- tiques, aurait du reste son intérêt dans l’histoire du voyage et du séjour de l'Æzanite à Athènes qui se trouverait limité, approximalivement au moins, à la durée d’une synhédrie, c’est- à dire, à une année. Dépouillées, par la politique impériale, de tous les droits de souveraineté qu’elles exerçaient à l’époque de l'indépendance nationale, ces associations ne conservaient plus partout que des attributions purement religieuses , sous des formes qui rap- pelaient quelque chose, ilest vrai, du vieux régime fédératif dans lequel avait vieilli la Grèce, de ces solennités et de ces fêtes nationales qu’elle aimait toujours avec passion. Comme c'était par l'influence personnelle des membres du Panhellénium que le nouveau culte s'était répandu dans toutes les villes de l'association, où l’on en retrouve en effot des traces plus où moins marquées (2), ilest au moins vraisemblable que l'assemblée conservait une sorte de direction et de surveillance générale sur (1) .. Hévre roy rhs ruvcdpeius mpovoy (iuscr. n° 1)... [pa TuyTu roy hs œuvedpeiæs xpaver (inscr. n° 2). (2712) oi mp2 dur IoyéAAnves (epist. divi Antonin. ad Pauhellen. inser. n° 3). (2) Telles sont, par exemple, les monnaies d'Hadrien avec l’épithète d'olympien (52væmus), frappées à Cyzique, à Ephèse, à Tarse et à Laodicée de Phrygie (v. Eckhel. t vi, p. 518), que l’on pourrait peut- être, sur ces indications, regarder comme ayant fait partie de la confe- dération. Nous trouvons d’autres traces de ce culte dans les fêtes ou les jeux ‘A dpdvere et Onverie dont parle Philostrate (in Polemone, p. 530) et que des inscriptions nous attestent dans diverses villes, à Cyzique par exemple (Caylus, t.11, p. 211), que nous savions d’ailleurs (v. la note 1, p. 25)faire partie de la confédération. Le nom de Smyrne, comme ceux de Tarse et de Laodicée , ne figure pas non plus sur les inscrip- tions de l’'Olympiæum; mais il est difcile de ne point admettre qu’elle en ait fait partie en trouvant à Smyrne des jeux Olympiens ou Hadria- niens Olympiens, que mentionne une inscription publiée par Mura- tori..... OAvurix “a "Adpieete Ohvurie (Muratori insc. 622). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 29 tout ce qui s’y rattachait. C'était à elle que l’on s’adressait pour demander des renseignements ou des avis sur les formes du nouveau culte, sur les rites de ses fêtes et de ses jeux. C'était elle qui, dans les premiers temps de l'association , avait eu à se prononcer sur l’admission des cités qui demandaient à établir leurs preuves d'hellénisme (1); qui avait, à chaque synhédrie, à examiner les titres de leurs députés, à répondre à leurs lettres de créance où aux communications oflicielles dont ils étaient chargés. A ces travaux de divers genres qui devaient entraîner, vu le nombre et l'éloignement des villes, une correspondance assez étendue, se mêlait encore ce que nous appellerions aujour- d'hui l'administration intérieure d'une grande assemblée, la gestion de ses finances ou de ses revenus dont la source nous est inconnue, C’est à cet ensemble d’occupations ou de travaux que nous ne faisons malheureusement qu’entrevoir, que nous sem- blent s'appliquer les mots remarquablement vagues de rokrsix, de cuvroreiechar, sous lesquels nos inscriptions désignent d’une (1) Ne pourrait-on point expliquer de cette manitre la curieuse ins- cription des Maguètes du Méandre ( Musée du Louvre , Dubois 206. — Clarac 654, Bæckh n° 2910) qui nous a conserve un fragment de décret grru, le seul décret à nous connu de l’assemblée des Pan- hellènes (Lrgir) px TO yevogeever üro ray Ilarexañyer)? — Ce qu'il y a de certain, c’est que, dans le considérant de ce décret, la seule partie qui nous en ait été conservée, les Panhellènes reconnaissent que les Ma- gnètes du Méandre sont réellement une colonie des Magnètes Thessa- liens, les premiers des Hellènes qui eussent passe en Asie, où ils s'étaient méles depuis aux diverses populations Helléniques, aux Joniens, aux Doriens, et surtout aux OEoliens de même race qu'eux. 1] y est de plus question de faveurs ou de libéralités signalées que les Magnètes auraient reçues du divin Hadrien, père de l’empereur Antonin , au règne duquel l'inscription doit appartenir; et ces indications répon- draient assez bien à l'idée que nous nous en faisons. Quant à la statue à laquelle le marbre qui supporte cette inscription paraît avoir servi de base, il est à peu près impossible d'admettre avec Bœckh que ce fut celle de Leucippe , fondateur fabuleux de Magnésie, dont le nom se retrouve (au nominatif) en tête de ce décret. 30 MÉMOIRES manière générale les attributions de l'assemblée ; et l’on serait tenté de croire, d’après les éloges qu’elles donnent à l’assiduité et au zèle de l'Æzanite, que tous les membres de l'assemblée ne prenaient point à ses travaux ou à ses affaires un intérêt aussi vif et une part aussi active que lui (1). Mais celle de toutes ces attributions qui nous est la mieux connue , parce qu'elle nous est attestée par les témoignages les plus explicites, parce que nous en trouvons ici même un exemple éclatant, est le droit qu'avait l'assemblée de rendre publiquement des témoignages honorifiques (wæpruoixc ) à ses membres, à la seule condition d'en donner préalablement com- munication ou avis au dvin empereur. Rédigés suivant toute apparence sous la forme de décrets (dngisuaræ) et transerits à ce titre dans les actes officiels de l'assemblée , ces témoignages étaient transmis textuellement ou sous la forme de lettres d'avis (yeéuuarx) aux parties où aux villes intéressées pour les- quelles ils devenaient des titres d'honneur (2). Il paraît résulter d’une indication curieuse que nous trouvons répétée presque dans les mêmes termes, dans les deux lettres du Panhellénium que ces lettres officielles de communication étaient écrites comme nous le dirions aujourd’hui , en triple expédition. La première ( c’est la seule qui nous ait été conservée ici), était adressée à la cité ( rÿ œarpidt ) dans laquelle était né celui que l'assemblée jugeait digne de ses éloges. La cité chez les Grecs était la (1) Eureroxreumévos amer marre To rs cuve dpeles ppivor pETpiose « « (inser. n° 1)... émusunele re xai aid'oi mar" ex pneére mepl Th moMMTE y rûy EuyrayenAtvar (inser. n° 2). (2) Le mot dAgirua se retrouve, par sa finale au moins, dans le décret des Panhellènes relatif aux Magnètes du Mæandre que nous avons cité plus haut... (digur) a ro yevaeevoy do ray Iles A nier ( Bœckh n°2910). Celui de ypéegære nous est donné par nos lettres elles-mêmes : 21? éTépay voauuärer (inser. n° 2). Ces lettres d'avis sont désignées sous le nom d'éricronas dans l'inscription du Bœotien Epaminondas, où nous retrou- vons également le mot sacramentel de paprupeobu : mapropougeves nai did ris (772) CUCET ÉTIoTORNS UT” MUTAY pos Thy Foy PAT ( Bœckh n° 1625). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 31 patrie ; la seconde, à l’£vos, c'est-à-dire au peuple ou à l'état, dont cette ville avait fait partie; la troisième enfin à l’empe- reur (1). Le sens de ce mot #0vos que nous étions tenté d'abord de généraliser en l’étendant à l'ensemble du Panhellénium , est très-nettement précisé et restreint dans la seconde lettre des Panhellènes, et peut-être pourrait-on conclure de cette appella- {ion caractéristique , que la confédération elle-même se divisait intérieurement en peuples et en nations (£4vn) comme les ordres religieux du moyen âge (2). (1) émeoranxdres dueiy re auruis (les Grecs de la province d’Asie aux- quels est adressée cette lettre rois émè rs Acid" EA Xe ) rai 7n rarpidu ai Tà pueyirra uÿronparogt (inser. n° 2)4. érecréinauer de xai 7005 ro € dyos da Ep aUTeÙ ai 7006 Toy desruray AUTOLPÉT Op (inscer. n° 1). (2) Nous ne résistons point au plaisir de citer, en le traduisant pres- que textuellement, ce passage de la grande inscription de Carditza qui nous semble confirmer quelques-unes de ces données et les inductions que nous en tirons ; le Bœotien Epaminondas auquel elle est relative, était aussi un homme puissant et riche, qui avait rendu de grands services à sa petite ville (Acræphiæ ) avant de la représenter au Pan hellénium , et qui reçut de cette assemblée des honneurs (rewede, mot sacramentel aussi ) fort analogues à ceux que l’Æzanite en avait obtenus quelques aunces auparavant. Bœæckh rapporte cette inscription à la fin du règne de Marc Aurèle. « Il avait déjà manifesté la générosité de ses sentiments à l'égard du peuple des Bœotièns (en réparant à ses frais uue digue de 12 stades que les eaux avaient emportée), lorsque lon demanda dans l'assemblée des Achæens et des Panhellènes (réunis) à Argos, l'envoi d'une ambassade pour (féliciter) le nouvel Auguste (Gommode suivant Bæckh). Il se trouvait là réunis beaucoup de gens considérables , les premiers de leurs villes : lorsque tous refusaient cet honneur et invoquaient mille prétextes , mettant de côté toute considé- ration d'intérêt personnel , il se chargea aveë empressement de l'am- bassade au nom du peuple des Bæœotiens (vxtp rev Bosaray éévovs) joi- gnant à cette générosité de sentiments et à cette grandeur d'âme, le refus de tout salaire pour son umbassade ? Devenu remarquable par toutes ces choses et jugé digne de distinction , il reçut des honneurs de la part des Panhellènes et devint l'objet d’un témoignage officiel, con- signé dans une lettre qu'ils écrivirent à notre ville (fæv(we)rios 02» 32 MÉMOIRES Il est à peu près évident, par les deux lettres du Panhellé- nium et d'après une indication précieuse que nous avons déjà relevée dans la réponse de l’empereur , que le premier de ces témoignages est émané de la synhédrie dont Euryclès faisait partie (1). Il aura été voté et rédigé, suivant toute apparence, £ Ni RTE Lis = 1 \ »s 40 ét ToUTots Ko TO — d'ox 5 CAE €y Tois Ue EAANT IV TEIUUSG EACGCEY, \ \ … ! " D e. 4 , LD \ \ HD TUpoU pee Vos E42 à — à TAS (reu)otions EFITTOANS UT ŒUTE) 7025 TA Î Féhw quoy). Ayant rempli son ambassade avec les ( délégués des) au- tres nations et ayant rapporté la réponse, il reçut, de la part (des Pan- hellènes sans doute, des éloges ou des honneurs?) avec ses co-ambassa- deurs. » ( Bœckh. corp. insc. n° 1625). (1) N° 1. — O apyov Toy lave Ai vEy za lepebs Osod Adoux- rs \ » La PU LZ LA VOD ME IN N EAN dywvolérns TOY LEyAOY Tavel\nviov Tiroc........ —— xoù où Iluvénvec, AilaverTüv Tÿ Poukÿ xai T& Afuo yaipeiv. — Kai adrois AyoÜLevor Tpocñxoy eivar Ts \ \ , \ L2 ÿ N CA 6 \ 5 o \ TEÙS TOUS dyabobs avdpas deixvu — our reuuac dixpxds, xai € ou / = Pr , ee / NET ÜpLEèv cuvid echo hs Tüv TouoÿTEY [loir Ov LT — cewc dxNoubov dTOAMLBAVOVTES, dc écriy oùtos 6 M. OùAruoc Ebpux Ac, Guy — TemoMTeugévos LE TAVTA Tv TA cuve pale LeÜvov Leroiws x n * € / , eN ed © —— Toûs Te 4aÛ ÉxacTov npnrévar quAix rat EV TS xouv ëTi w » Ce ? LA € Toud el TE ai — Ti AN pet Hal ÉTELXELX dutdnhoy Éaurèv 4 4 € 4 22 9 EU » e CN TETOUNXÉVUL , EDAOYOY AYN — cauelx paprupñcat aùré map Univ , 7 € ee DEAN 2 € , » » xat edpoävar ds évO et dnevou — NY TEÛs AUTÔUV EUVOLXV ÉYOILEV CU 07 To0s Te +0 xouvdv Toù IaveNknviou xat LOUx Tpôs Tôv Üauuacuc- € PU 5 ‘ TATOV ALLOY LpYOVTA Phxbrov KuAdov QUAOTULIX HEYON —— LLÉVOY 24 , , N / \ » 4 > \ \ A X0GUOUGN OÙX AÜTOY pLovoy TOY Edpux}éx, ŒXÂE xt Tv duaonpL0 € + FT Je ES 0 — rérnv dv TOY Àç déua nai Tod VévoUs xat This x TpOYOVEV avO paryabixe \ xaù AÉVOY LA TRÉTTOY TAp4 TAVTL TÔV EOVOY Lé , / \ CN \ \ 1/, € \ , 2 duareréhexev, ÉTectella — LLEV Jè xa Tpùs TO Édvos rép arod , Ve où Tpôs TÔv Oeurarov adroxpdroon Lai Tn — MuaxdTne Lapruoius 1e Û € 2 aie &Erov abrèv bmoabôvres . Ébéwc0e. (Bœckh. corp. inscr. u° 3832. Texier, p. 108 ). L. 1. ‘Adpiæsoo Taexamisv (Texier). L. 2, après Tires, Bœckh supplée avec beaucoup de vraisemblance A Kgaaus. — L, 3. C’est DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 33 à la fin de cette synhédrie, au moment où l'assemblée allait se séparer. Ce qui paraît plus singulier, c'est que ce premier (émoi- M. Texier qui complète par les mots divx y æipes cette ligne inachevée aussi chez M. Bæœckh.— L. 4. (axes) rai aurais, Bœckh : M. Texier, lit ai œuroi nyoyuevoi; au lieu de d'eixrores Bœckh lit a(ronaprupe)rôms. — L. 6. #xsrovtv, chez M. Texier pour éxzacvler; Bœckh lit ou sup- plée a(s)s érrw , M. Texier contre toute raison e59 ? éerir. — L, n. ruredpius, Texier. — L. 10. 2x, Texier ut passim. — L. 12. au lieu de Ky ane Bœckh lit Kéaaer. — L. 16. rmuxavrns, Texier, lecture en majuscules. « L’Archoute des Panhellènes , prêtre du dieu Hadrien .. ......., Agonothète des grandes panhellémies, Titus (Flavius Kyllus ou Kyllas) et les Panhellènes au Sénat et au Peuple des Æzanites, salut. » Convaincus quant à nous qu'il est convenable de témoigner aux hommes vertueux les honneurs qu'ils méritent , et nous inagiuant (par suite } que vous vous estimerez heureux pour votre pari de posséder des citoyens semblables à ce M. Ulpius Euryelès, qui a administré avec nous pendant tout le temps de sa synhédrie avec modération, de ma- nière à mériter l'amitié de chacun de nous et à se faire généralement remarquer, tant par son goût pour l'étude que par ses autres vertus et la convenance de sa conduite : (par ces motifs) nous avons jugé convenable de lui rendre témoignage auprès de vous (sûrs que nous sommes ) de vous être agréables en vous attestant la bienveillance que nous éprouvons pour Jui à cause da zèle dont il a fait preuve pour la communauté du Panhellénium et en particulier pour le très-vénérable Flavius Kyllus , notre archoute ; car ce dévouement n’honore pas seu— lement Euryclès lui-même , mais encore votre respectable cité dont il s'est montré digne , comine de sa naissance ct de la vertu de ses ancé- tres, par ses paroles et ses actions, pendant tout le temps qu'il a passé parmi nous. Nous avons écrit aussi en même temps à sou sujet à sa nation et au très-divin empereur , le jugeant digne d'un semblable te- moiguage. Portez-vous bien. » Faute de s'être suffisamment rendu compte des données historiques sur lesquelles repose cette correspondance , M. Texier s'est fait les idées les plus étranges sur tout cet épisode de Ja vie d'Euryelès, et est arrivé par suite à des aberrations de traduétion que l'on a quelque peine à s'expliquer. Pour lui comme pour M. de Laborde qui semble avoir adopté après coup l'explication générale que M. Texier en a donnée (p. 100), Euryclès n'est plus un Æzanite, quoi qu'en disent 4° S. — TOME 1. k 4 MÉMOIRES gnage se trouve confirmé et répété presque textuellement dans une seconde lettre des Panhellènes adressée cette fois aux Grecs toutes nos inscriptions ; c’est un Athénien établi à Æzani où il était devenu , dit M. de Laborde, archonte de la ville (M. Texier le fait archonte à Athènes, nous ne voyons pas davantage sur quel fondement); et ce fut en récompense des services qu'il avait rendus aux sciences et à leur ville que les Æzaniens V'autorisèrent à choisir un emplacement à Athènes pour y ériger sa statue, pour y exposer son portrait. Nous copions presque textuellement cet incroyable résumé dans le second article de M. de Laborde (Débats, 9 sept. 1849). Dans la traduction qu'il a donnée de cette première lettre, M. Texier fait écrire aux AÆza- nites par larchonte des Panhellènes la phrase suivante , qui nous dis- pensera, nous le croyons, de reproduire sa traduction tout entière. « Nous avons cru convenable de témoigner devant vous et de vous faire plaisir en témoignant les bons sentiments que nous avons pour Jui et pour toute la communauté panhellénienne, et en particulier pour votre très-honorable archonte Flavius Kyllus qui a montré des dispositions libérales non-seulement envers Eurycelès, mais aussi en- vers notre illustre ville. » Pour arriver à ces énormités de traductions ce n’était point assez de fausser à tous moments et d’une manière grossière le sens souvent très-clair de l'original , il a fallu modifier et altérer ce texte lui-même, qui devient tout différent dans la lec- ture toute ponctuée que M. Texier en donne de ce qui est dans sa copie en majuscules prise, ou censée prise sur les originaux. C’est ainsi, pour nous boruer à quelques exemples, que dans la lettre dont nous nous occupons Je ps rods dyaluvs 4 nas de la 4° ligne se trans forme en Tp05 dye lods ard'ous — zu ayTois Gibid.) en a œD Toi — TeÀITAY (1. 5.) inexact lui-même en rourdr — axonoudor (|. 6.) en axonov- 50 — Dans l’une comme dans l’autre de ces deux lectures il donne, il est vrai, 44 dpyovre ©t u@r réaw ce qui signifie pour tout le monde notre archonte el votre ville. Mais cette sûreté du texte, qu'aucune va- riante n’affaiblit ici, ne l'empêche point de traduire, par une méprise iuconcevable que nous retrouverons dans sa traduction de la lettre de l’aréopage, votre archonte et notre ville. Il est bien évident pour lhelléniste et l’épigraphiste le moins expe- rimenté que les Panhellènes , dans cette phrase d’une clarté parfaite, félicitent Euryclès de la déférence qu'il a témoignée à la ‘communauté et à l’archonte du panhellénium, et que cet archonte, désigné dans cette phrase sous le nom de Flavius Kyllus ou Kyllas, est incontestablement DE L'ACADÉMIR DES SCIENCES. 35 d'Asie, les compatriotes de l’Æzanite à prendre textuellement le mot Âcix, el émanée , la réponse de l’empereur nous l'apprend encore, de la synhédrie ou de l'assemblée qui venait de remplacer celle à laquelle Euryclès appartenait (1). N'était-ce chez | Æza- + celai qui a écrit la lettre au nom de l'assemblée. Le prænomen de Titus qu'il porte dans cette suseription n'a jamais été seul le nom d’un Grec du second siècle élevé en dignité, et laissait seul supposer au savant éditeur du Corpus græcarum inscriplionum une omission ou une lacune que la lettre comble tris-heureusement par le nomen et le rognomen de Flavius Kyllus qui s’allient à merveille historiquement même à celui de Titus , évidemment emprunté aux empereurs de la famille Flavicnne. (1) N°IL — O0 apyov rüv Tavehifvov xat ispebe Oeod Adeta- VOD ave AnvioN — xoù dywvobérns Tüv Leyahoy Tavehknviov KA. Îfcwv xat où —— Tlavéanves rois êmt rüc Âsiue ÉdXAn Xaigeuv — M. OSXmuoy ÂouXrioy Edpuxéa rov Atlaveirny oÙûc- LLA , LA LA she me VOLLEV 10n Lai dt étépoy YRLLUATOV LApTuGIAS TAS TAL AUGV ,* =e Se eu M =. AGIWXOTES, ÉTEGTANXO —— Tes dUelv Te adrois ÜTép AÜTOÙ xai Tà zpdropt, dixatoy DE nyncäpele, rarpid ka Tr Leyiorw adTo xat ToD xpariorou KA. Idcovos rapalubiy T0$ TAV LOYAV, LAp- C9 SNS ’ \ N / ’ Tupñcar ar Ta adrTa Émieuxelx Te Lai AO TÉTN —— KEY PALLÉVE \ \ LA Ce 4 \ \ 7, \ TEDL TAY HoTeluv TOV EuvravekNVEY At Td ASLOLA — Td drdpyov aré Ave a drd yévous mt WANIY Tpodyovrt, Év oc \ PM — éyoy za rodrrov duureréhers Tapà mévra tv rie cuved peluç / ne « 22 LA — pôvov. Éb6üoba bugs eïyoum. Bœckh. corp. inser. n° 3833. Texier, p. 100). l » 9 L. 3. M. Texicr réunit zæéaawses à la ligne précédente, — L. 6. oui Texier pour gxeiy ut passim. — L. 10. au lieu de 4% que uous empruntons à M. Texier, le Corpus donne 52 (oi) — L.11. Miuriréanse Texier, zured oies id. ut passim. « L’Archonte des Panhellènes , prêtre du dieu Hadrien panbellémien et Agonothète des grandes Panhellénies , CL. Jason et les Panhellènes, aux Grecs (de la province ) d'Asie , salut : » Nous vous faisons savoir que M. Ulpius Apuleïus Euryclès, l'Æza- nite, a été déjà de notre part l'objet d'un témoignage consigné dans d'autres lettres et dont il s'était rendu digne. Nous avons en effet écrit 36 MÉMOIRES uite qu'un iustinct de vauité, qu’une faiblesse épigraphique dont n'étaient point exemptes les âmes les plus élevées de cette époque , celle du sage Trajan par exemple , dont le nom crois- sait comme la parittaire, disait Constantin , sur toutes les murailles (1)? Craiguait-il que ce premier témoignage ne parût arraché | la chose devait arriver quelquefois } à la bienveillance de ses collègues , à la reconnaissance d’un archonte pour lequel il s'était montré lui-même , nos inscriptions nous l’attestent , plein de déférence et d’égards (2)? Ce qui semblerait donner à ces conjectures un certain degré de vraisemblance, c'est que l'on a porté le scrnpule jusqu’à joindre sur le bandeau du mur de la Cella, aux deux lettres des deux archontes, la réponse de l'empereur à la lettre d'avis de la première assemblée, qui n'avait d'autre mérite que d'ajouter une sanction de plus à ce double témoignage, et de mêler à cette affaire d’un intérêt assez restreint en elle-même, le nom sacré de l’empereur, pré- cédé, selon l'usage, d’une longue énumération de titres (3). Quel- à son sujet à vous-mêmes , à (la ville d'AÆzani) sa patrie , et au très- grand empereur. Mais nous avons trouvé bon et juste , le très-puissant CI Jason Ctant arrivé à l'archontat, de lui rendre de nouveau ce témoignage , en raison de la convenance et de la mesure parfaite qu'il a apportée dans l'administration des affaires du Panhellénium, et de la vertu qui date en lui de loin, puisqu'il la tient de naissance, mais qu'il a developpee de plus en plus, et dans laquelle il a persévéré de paroles et d'action pendant tout le temps de sa synhédrie. Je souhaite que vous vous porliez bien. » IL est bien évident que cette lettre, que M. Texier place à tort la première, a suivi chronologiqueinent celle de l’archonte Titus Flavius Kyllus et de la synhédrie à laquelle Euryclès appartenait. (1)... herbam parietariam (Victor, Epitome. Ammian. Marcell. hb. xxvir). (2)... idiœ 7 p25 roy davuariararor juas apyoyra bhuGioy KuA day (Kvà- ay?) Quhoripiæ zexpnge£ver (inser. n° 1). (3) NOEL — .... xpdrop Kaïîoap Oeoù Adpuavo vide, — ... À Toaiavod maplixod uiwvos, Üeo. —— ... fu Éxyovos, Tiros DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 37 que laconique et quelque insignifiante qu’elle paraisse, du reste, cette lettre de la chancellerie impériale ne laisse pas que de + Aus Adptavds — ÀÂv.oveivos cebacrüs, AOYLEPEUS ILE — ... 2 , L1 ‘ \ 2 / [7 To, dnuapyuts éoucias Tù xu/, ad -.: + ÉTOP TÙ 6! Üraros 76 À /, marhp nu ——..... 6, To IMaveXAnviE pape. — ..... € en 2 » » \Y24 « mpû duGv avÉAnvEg OÙA —— uv Edpurkéx aredéavro Gc Er —— . Ex? Epuabov Ex TOY 0T AÜTON ÊT — , GTA) HLÉVOV. Edtuyeite. 27 en 2 Ipô pu ds Kadhavd Gv Aexeu6pioy , ar Pounç. (Texier, p. 109. — Bæckh. corp. inser. græc. n° 3834.) Bœckh , qui suit, dit-il, comme base la copie de M. de Laborde, rétablit dans son texte les lettres initiales de chaque ligne que M. Texier n'y replace qu'entre parenthèses à titre de restitution. — L. 5. Au lieu du chiffre »2’ (21) Bœckh lit z'(20) date qui concorderait encore avec le 1v° consulat d’Antonin , mais qui avancerait d’un av si l'on admet nos inductions la date de la synhédrie d'Eurvyelès, — L. 8. Avant 792 M. Texier ne suppose que deux letires absentes et supplée +i; Bœckh suppose une Jacune plus considérable et supplée +4 oi, qui répond as- sez bien grammaticalement au verbe égale que nous avons admis d'a- près lui. L. 10. Au lieu de £uaës,, M. Texier lit x&! &yæ%0v qui rend la phrase vague et peu grecque. — L. 12. AexewËpion Texier, « L'empereur Cæsar, fils du divin Hadrianus, petit-fils du divin Trajanus le Parthique , arrière-petit-fils du divin Nerva, Titus Ælius Hadrianus Antonious, Auguste, souverain poniüfe, tribun du peuple pour la 21° fois, empereur pour la 2° fois , consul pour la 4< fois , père de la patrie, au Panhellénium , salut. » Les Panhellènes qui vous ont précédé , ont honoré comme il con- venait Ulpius Euryclès, et nous l'ont fait savoir par des lettres qu'ils nous ont adressées, Soyez en prospérité. La veille des kalendes de dé- cembre à Rome. » Ce n’est plus de l'empereur Hadrien , comme le dit M. Texier, page 106, qu’il est question ici, mais bien de l'empereur Antonin qui joi- gnait à son nom d’Antoninus, comme le savent tous ceux qui se sont occupés un instant de numismatique et de paléographie , le non de son père adopüif Ælius Hadrianus. Il est d’ailleurs désigné dans Ja suscriplion de cette lettre sous les titres de fils du divin Hadrien et de peut-fils du divin Trajan qui rendent toute méprise impossible. 38 MÉMOIRES jeter quelque lumière sur l’histoire du voyage d'Euryelès et sur celle même du Panhellénium , qui s’éclairent ici d’une lumière réciproque. C’est sur une des indications qu’elle nous a fournies , que nous entrevoyions tout à l'heure que les synhé- dries de l'assemblée étaient annuelles comme la dignité de ses archontes. C’est par les indications chronologiques dont elle est marquée, que nous pouvons de même déterminer la date de la synhédrie, dont Euryclès avait fait partie, et replacer dans leur ordre chronologique sur la liste fort incomplète encore des archontes de l'assemblée, les deux archontes dont nos inscrip- tions nous ont conservé les noms. En admettant avec Eckhel, dont la chronologie fait autorité, que le 21° tribunat d’Antonin répondit à lan 158 de notre ère, ce serait à l’année 157 qu'appartiendrait lasynhédrie présidée par l’archonte T. Flavius Kyllus (Kyllas?) et dont l’Æzanite avait fait partie. CI. Jason aurait présidé eclle qui la suit immédiatement (158), et ce serait à lui, suivant toute apparence , qu’aurait été adressée la réponse de l’empereur qui se trouvait à Rome cette année ( le fait était également inconnu des chronographes ) , la veille des kalendes de décembre. Le sénat de l’Aréopage, dont le nom était plus imposant et le témoignage moins suspect , alla plus loin encore que l’as- semblée des Panhellènes. Comme représentant de la cité, et comme organe de lopinion que paraissent avoir vivement frappée les habitudes graves et les goûts élevés de l’Æzanite, en dehors de ses fonctions officielles , il lui décerna l'honneur plus rare et plus envié de deux statues à son image, dont l'une devait être érigée à Æzani sa patrie, l’autre à Athènes, dans l'emplacement qu'il désignerait. Ilest difficile de supposer , d’après ce que nous connaissons du caractère de l'Æzanite, que ces deux statues n’aient point été érigées en effet, et il est au moins vraisemblable que celle d’Æzani l'aura été dans le péri- bole du temple où nous avons retrouvé ces actes officiels, en face de la lettre suivante que le xrgvé de l'assemblée écrivit en même temps aux Æzanites, et qui termine cette correspon- dance. DE L’ACADÉMI& DES SCIENCES. 39 (1) « Le Sénat de l’Aréopage et le héraut du Sénat, Agono- » thète des jeux de l'Augusta, Nummius Ménis !Ménès? } aux » Archontes, au Sénat et au peuple des Æzanites, salut : « Votre conciloyen, le très-bonorable M. Ulpius Euryclès, 24 « ” , * F: e > _ Pr 1) N°IV. — H 8 Àoetou rayou BouXn Lai 0 xnpu£ aùT As Kat 7 Î ,» bé = PM = v P = , ’ ‘ LA Mr = LYOVOUÉ — rnc rüv Ts SebacTis ayovoy Novuos MAvrs — 1 PA # à 6e Z. \ N./ à Le AtGaverr@v pyouct, PouXr at dite 7 apeuv. a / G an ” ; a e 3 OÔ rokirnc buov M. Oùr1oc Edouxfs 6 42100 VOTATOS € » N 6 N 3 Î © CE — / ea LA ee / 7° Eu dune Ev AUOY TA TÜdE TAVTi TOUTE TO YOÔVE AWG TOD TE ' : 6 : » P 7, \ _ G / J G L] — AUTO) AELOLATOS KA! TAG DILETÉONG TÜÂEUWS | WG ÉV TATEIÔL — N La ? ‘ La ras Abévars Tv duaroubrv TOLNAGAULEVOS ,| TALDELX TE OUI —— ÀGY \ So aie ’ » ÿ ’ N à = \ \ AL TAGAUV ÉVÉPETOV FRAXIPEGLY ÉTOÔELAVÜILEVOS — duX TÂs Tept TX \ , NES L] XANNGTA LOU GELLV. TO crovdñc. Aux TADTU ÉTULGAL.. C7 … A JE » THLAS Ts TOGNXOUGALS HAL AVO pLÉVTOC dvadéce, LOL ELLOVOS — v _ ee de La 4 2 2 , DE ] + L4 a LA ASS r'; \ êv Te Th nperépa mode Tais AÜivors, év @ av FouAnTa Tome xat 76e , PU NS ’ ee A — mag duiv: ai œbra Tadra dixœov fyncapela paprupiou To \ Û » \ LOT 2 LU e Cu ai 2 de mag" DV TS TE L.....NTOG ELVEXEY Had TO TRÜTOU ka TA Te — pi rad eiov QUAGTULUXS. (Bœckh. corp. inser. n° 3831. Texier, p. 107.) L. 1. ayovodérns, Texier, lecture en majuscules. — L. 2. Au lieu de Mons que nous empruntons à M. Texier, Bæckh lit Mans qu'il complète par »95, Muvireos — L. 4. dfionsydrarrs (Texier, majuscules). — L. 5. ….. dignes dpër (id. 1b.). — T;. 6. Au lieu de rerpids que M. Texier donne en entier, les copies de Fellow et de M. de Laborde que Bæckh paraît suivre, lisent 7p....12 évidemment à tort. — L.8. érepérer (id. ib.). — L. 13. M. Texier complète les lacunes de ce mot par xedvrnres, Bœckh par xonrrornres qui changerait l'initiale. Dans la traduction que donne M Texier de cette nouvelle lettre , Euryelès continue à être transformé par lui en athénien , et c'est l’aréopage qui envoie aux Æzanites l'inconcevable certificgt que voier : « Notre concitoyen le très-illustre M. Ulpius Euryclès est venu résider dans votre ville, et pendant tout le temps de son séjour y a ruféivé les sciences , s'est montré digne de son rang et de votre ville, comme il l'avait fait dans Athènes, sa patrie, etc... » Ce n'est pas un embarras sérieux pour M. Texier que les premiers mots de la lettre : O æeairxs kO MÉMOIRES » s’est établi dans notre ville, et il y a vécu pendant tout ce > Lemps d'une manière digne de sa vertu et de votre cité, oc- » Cupant ses loisirs à Athènes, comme il le faisait dans sa pa- » trie, recherchant dans toute société l'élévation ou la culture de l'esprit, et montrant en toutes choses des penchants ver- tueux. En raison de ce zèle pour les choses les plus belles ct les plus respectables, et par ce seul motif, nous lui avons décerné les honneurs dus à ses mérites, et nous avons or- donné l'érection d’une statue à son image dans notre ville d'Athènes, daus le lieu qui lui plaira, et dans votre ville. Nous avons, en outre, trouvé juste de rendre témoignage à Go ie Ù) Wow, VW tr vuar, que donnent toutes les éditions , qu'il donne lui-même dans sa lecture en majuscules. Usant du procédé facile que nous avons déjà signalé, 1] transforme dans sa lecture ponctuée o moirns vus En mors ur, et tout est dit. Mais comment peut-il ajouter ce qu'il ajoute lui- même, deux lignes plus loin, dans son texte comme dans sa traduction : Pendant tout le temps de ce séjour, Euryciès s’est montré digne de son rang comme de votre ville (zal ris vusrépas monts)? Que fait-il de cet autre texte de la première lettre des Panhellènes , texte très-con- cluant quand il est bien compris , où l’archonte des Panhellènes ecrit aux Æzanites que cette conduite vertueuse n'honore pas seulement Euryclès lui-même , mais encore leur respectable ville (7% d'iernuoTarny du@y méaw, dans le texte de M. Texier lui-même )? Comment enfin concilie-t-1l cette origine athénienne d'Euryclès, resté citoyen d'Athènes (notre concitoyen le très-honorable ; etc.), avec l’assertion suivante de Ja seconde lettre des Panhellènes, M. Ogamio Edpuxnéæ roy aiCaveirny que M. Texier traduit lui-même par citoyen d’Æzani, fortifiée encore par le mot 7% rerpidu, sa patrie, c’est-à-dire Æzani, à laquelle est adressée en effet une des trois premières lettres des panhellènes , la seule des trois précisément qui nous ait été conservée ? Une des causes principales de toutes ces méprises est un autre contre-sens du traducteur qui fait porter le &s sur la phrase tout entière, tandis qu'il ne s'applique en réalité qu'au premier membre de la phrase : passant ses moments à Athènes comme dans sa patrie. ‘Aydpidyres xal eixayes où le traducteur voit deux choses distinctes, une statue et un portrait, nous semblent signifier simpleunent une statue iconique , uné statne à son image dont Euryclès était autorisé à ériger une copie, un double , à Æzani. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 41 » cet homme auprès de vous, à cause de............, de ses » mœurs et de son zèle poug tout ce qui est honnête. » Peut-être eût-on désiré que le héraut de l’illustre assemblée eût justifié, par quelques détails précis, ces éloges toujours abstraits » el ces phrases vaguement louangeuses. En même temps qu'ils nous eussent donné une idée plus exacte de ce sé jour de l'Æzanite à Athènes, dont nous ne sommes point par- venus sans peine à découvrir le but, à déterminer la date et la durée, ils eussent pu jeter incidemment quelque lumière sur l'état et la vie intérieure de cette ville célèbre, à peu près oubliée aussi de l’histoire contemporaine, malgré l'espèce de prédilec- tion que conservaient pour elle les hommes les plus spirituels et les plus haut placés de la société impériale. Mais ce serait demander trop aux inscriptions de cette époque, que l’on di- rait rédigées tout exprès pour exercer ou pour défier la sagacité. Nous ne pouvons même point entrevoir sur aucune induction digne de foi, si Euryclès quitta immédiatement Athènes à la fin de sa synhédrie, ou s’il y attendit, comme nous sommes plutôt disposés à le croire, que la nouvelle assemblée des Panhellènes eût rédigé en son honneur le second témoignage dont nous avons parlé. Ce ne serait, dans cette hypothèse, qu’en l’année 158 de notre ère qu'il serait revenu à Æzani, où il obtint du Sénat, peu de temps après son retour sans doute, la reproduction, sur les murs du temple, des témoignages honorables dont il venait d'être l'objet. Ce qu’il ÿ a de bien certain, c’est qu’il était à Æzani quel- ques années après ce voyage et celle mission qui semble un moment solennel et critique dans sa vie. Le fait nous est attesté, d'une manière indubitable, par une double inscription que M. de Laborde a retrouvée dans les ruines d’Æzani , et qui était dédiée aux deux empereurs, Marc-Aurèle et Vérus, dont sans doute elle supportait les bustes. Il prend sur cette inscrip- tion , datée du troisième consulat de Lucius Verus (163-169 jE le titre de grand prêtre désigné des temples d'Asie, que Phi- lostrate assimile , et qui semble se confondre en effet avec le tre 42 MÉMOIRES mieux connu ct mieux déterminé d’asiarque (1). Nous savons par les témoignages de plusieurs écrivains contemporains quelle était l'importance de ces hauts dignitaires religieux auxquels appartenait la présidence des xowx de la province. Dion Chry- sostôme nous les montre figurant dans les cérémonies qui mar- quaient ces grandes assemblées, avec tous les attributs de la puissance souveraine, revêtus de la robe de pourpre, la tête ceinte d’une couronne d’or , et précédés d’un chœur d’enfants aux cheveux flottants, qui brülaient devant eux l’encens et la myrrhe (2). Strabon, de son côté, laisse entendre fort claire- ment que ces hauts emplois, qui entraînaient une grande re- présentation et des dépenses considérables, ne se conféraient qu’à des familles puissantes et riches, dans lesquelles ils deve- naient quelquefois héréditaires, comme la fortune (3): ct ces indications ne répondraient pas mal à ce que nos inscriptions nous apprennent en {ermes un peu vagues, il est vrai, de la noblesse et de Pillustration de la famille d'Euryelès, qui semble marquée , comme lui, d’un caractère religieux. Ce n'était, du resle, que par provision qu’il était revêtu de ces hautes fonc- (1) Voici d’après M. Bæckh, qui restitue et complète la copie qu’en avait prise M. de Laborde, le fragment de cette inscription relatif à Euryclès : éreesnndérres — M. Ovariou 'Arrovaniou EvpuxAéous, app — os arod'ed'erypeivou ‘Arias vady. Quant au troisième consulat de Verus, il semble indiqué par les lettres oy que le savant éditeur complète par (rare r) y'.(Bœckh. corp. ins. n° 3836). V. Philostr. vit. Soph. xx. (2) CS TTÉpuas #u FopOUpa , #4 raid'aoie 20m@Te Lol A1Gayoror géporre (Dio Chrysost. orat. xxxv). (3) C'etait en effet un honneur très-coûteux, comme le dit Philostrate : 6 de TTEQayos oÙÜTOs moXUS al dep TohAdY XpAHAT Ov (loc. cit.). Strabon dit, en parlant de la richesse des habitants de Tralles, qu'ils Pavaient à ce titre sans doute possédé bien des fois (lib. x1v, p- 260). Quant au caractére souvent héréditaire de cette haute dignité, il est attesté par des témoignages formels : soxsepeds . . . ris 'Acius ebrds re zu oi mpiyavoi wÿ- roû maïs Ex margss mévres (Philost. loc. cit.) , comme le droit que l’on avait de l'exercer plusieurs fois : ... ray ds 'Acidpenr . . . . icpontouxe xal G''Acidpyny (inscription chez Muratori, p. 555, 3, et p. 184). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h3 tions à l'époque où fut rédige notre inscription , s'il faut pren- dre dans son acception romaine le participe émodederyuévos ( de- signatus\, que nous trouvons ici accolé pour la première fois, un titre purement religieux d'épyuepeds Âciuc. Comme présidents des xowvz de la province, les asiarques étaient aussi investis d’un droit général de surveillance sur les jeux qui marquaient chacune de ces solennités , quelquefois sur ceux des provinces ou des villes voisines , lorsque ces provinces et ces villes leur conféraient cette mission délicate. C'était eux qui avaient alors à rechercher les actes ou lestitres de leur fon- dation , qui revendiquaient, par les voies légales , s’il le fallait, leurs domaines ou leurs revenus détournés de leur destination ; qui apuraient ou réglaient leur comptabilité, embrouillée sou- vent par la mauvaise foi ou par l'ineurie; et il est remarquable que ce soit dans une négocialion de ce genre que nous retrou- vions une dernière fois le nom de notre Æzanite. Quoique linscription qui nous apprend ce fait soit évidemment posté- rieure à celle que nous venons de citer, car elle est datée, d'une manière vague , il est vrai, du règne de Commode ( 177 ou 180 à 192), Euryclès y est toujours désigné sous le titre d'éoyuepebs Âcius drodederyuévos vaüv , auquel il joignait à cette époque le titre de grand prêtre des RUE de Smyrne, dont il était revêtu pour H seconde fois (1). Un habitant d’Aphrodisias, petite ville de Carie, où cette nouvelle inscription a été découverte en effet, avait légué à sa ville natale une somme considérable destinée à l'établisse- de jeux musicaux ( poucuxdv dyüvæ ), fort à la mode à cette époque dans les villes grecques d'Asie. Il paraît cependant que celte somme n'avait point été jugée suffisante, en y joignant même quelques fonds antérieurement destinés au même em- ploi , et que l’on avait pris le parti, pour grossir le capital, de le prêter , sous caution , à divers emprunteurs qui en payaient {4 ) Mare OS 105 Le es es EvpuxX%6 , PPALIDE 'Acias aroded'ery- PALOELTT xul rûr Euv pm r 6 ’(Suscription de sa lettre aux habitants d'Aphrodisias , v. note 1, p. 44. Bœckh. corp. inser. n° 2741) P ; > F [AA MÉMOIRES l'intérêt. Ce fut à Euryclès, dont la réputation d’intégrité et de capacité administrative était solidement établie en Asie ( ce fait seul nous le prouverait), que s’adressèrent les magistrats d'Aphrodisias, en le priant de reviser les comptes de ces di- verses dotations, et les intérêts qu'elles avaient produits. Dans notre inscription , qui n'est autre chose que la réponse , un peu tardive à ce qu’il paraît, de l'Æzanite aux habitants d’Aphro- disias, et qui prend à ce titre un intérêt tout particulier pour nous, car elle est jusqu'aujourd'hui le seul monument émané directement de lui, il les informe, en fort bons termes, que ces comptes ont.été revus et réglés par lui avec toute l’exacti- tude dont il était capable ; que le chiffre jugé nécessaire pour subvenir aux frais d'installation et d'entretien était à peu près atteint, et que rien ne s’opposait plus à l'ouverture prochaine de ces jeux, que les habitants, et surtout le synode , ou le corps d'ouvriers de la ville, semblaient attendre avec impatience (1). (1) Voici comme nous interprétons , à quelques incertitudes près , le texte de cette lettre curieuse : « À Ja bonne Fortune. Marcus Ulpias Appuleïus Euryclès, grand prêtre désigné des temples d'Asie et des temples de Smyrue pour la seconde fois , aux Archontes , au Sénat et au Peuple des Aphrodisiens. » Vous m'avez chargé de faire l’examen de tout ce qui concerne les jeux qui vont être établis chez vous pour témoigner votre piété envers le très-grand empereur Marcus Aurelius Commodus Antoninus Au- guste, pour honorer la mémoire de ceux qui les ont fondés , et pour contribuer à la gloire de votre ville. Comme, d’un autre côté , les membres du synode se sont aussi, à différentes reprises, adressés à moi, j'ai soumis toute cette affaire à un examen attentif, me conformant avec zèle à la marche suivie dans les règlements de compte officiels. L'établissement des jeux avait été différé jusqu’à présent dans le but de laisser graduellement accroître ( par l’aecumulation des intérêts ) la somme destinée à leur établissement ; ainsi que l'avaient entendu les testateurs , en exigeant pour l’ouverture des jeux un capital suffisant et convenable. Or le fonds de ces jeux provenant du legs testamentaire de Flavius Lysimachus , s’élève aujourd'hui à 120,000 deniers de ca- pital , de sorte que l’on peut, au moyen de cette somme , procéder à l'établissement de jeux musicaux quadriennaux, comme l'exige le titre DE L'ACAUMIE DES SUIENCES. 45 Nous ne nous dissimulons point tout ce qu il reste de lacunes à combler, d’indactions à vérifier, de transitions à rétablir dans cette biographie , en partie conjecturale. Sans autre guide ici, et sans autre lumière que celle de l'épigraphic, dont les monuments jalonnent et éclairent de distance en distance cette vie oubliée , nous en sommes réduits à attendre , sans oser l’es- pérer, de nouvelles découvertes qui viennent ajouter quel- ques faits aux faits trop peu nombreux que nous avons pu re- cueillir, grossir de quelques nouveaux titres cette nomencla- ture de titres et d'honueurs que peut-être nous retrouyerions complète sur son tombeau. Quoique nous soyons tentés de croire qu'il n'aura point survécu de beaucoup au règne de Commode, où nous venons de retrouver la dernière trace de son existence, nous ignorons complétement , et peut-être igno- rerons-nous toujours, à quelle époque s'est achevée cette vie dont le commencement et la fin nous échappent. C'est quelque chose pourtant que de pouvoir restituer à l'histoire le nom d’un homme qui a joué de son vivant un rôle important dans son pays, que de pouvoir suivre de loin en loin les phases prin- cipales de sa vie, ressaisir même quelques-uns des traits de son caractère, en recueillant, chemin faisant, des détails inconnus sur l'histoire d'une institution et d'une ville célèbre. L'épigraphie elle-même nous offre assez rarement de ces bonnes fortunes pour que l’on nous pardonne l'attention mi- nul'euse peut-être avec laquelle nous avons étudié les monu- ments inconnus qu'elle vient de nous livrer. de donation. Les sommes prêtées , indépendamment de ces 120,000 deniers et l'intérêt qu'elles ont produit jusqu'au commencement de cette année , font un total de 31,839 deniers. Vous pouvez donc, dans l’année qui va commencer, procéder, à la bonne fortune, à l'éta- blissement de ces jeux, qui cousisteront en concours au prix d’un talent, et en luttes en rapport avec ce prix?? L'époque de la célébration sera fixée à l'avenir , et pour la prochaine tétraétéride , à la suite de celle des jeux Barbilléens à Ephèse. .... del Asie... .. » (Le reste manque. Bæœckh. Corp. inser. n° 2741). LG MÉMOIRES MÉMOIRE SUR LE BOLIDE DU D JANVIER 1837; Par M. PETIT. J'ai publié, au mois d'octobre 1844, dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences de Paris, quelques résultats relatifs au bolide du 5 janvier 1837. Ces résultats se bornent à la détermination de la vitesse, du diamètre et des distances successives du bolide à la terre ou aux différents observateurs pendant la durée de l'apparition; et j'aurais sans doute attendu, avant de les faire connaître, qu'il m'eût été possible de terminer l'étude du bolide auquel ils se rapportaient, si l'illustre Secrétaire perpétuel, mon maître et mon ami, M. Arago, auquel j'avais eu occasion de les commu- niquer de vive voix, lorsque je venais de les obtenir par une première ébauche, ne les eût jugés assez remarquables pour mériter de m'être demandés par lui avec sa bienveillance habi- tuelle , afin d’être présentés à l’Institut pendant que je me trou- vais à Paris. La note très-courte qui les renferme annonçait de nouvelles recherches destinées à compléter la théorie du singu- lier météore qui brilla d’un si vif éclat daus la nuit du 4 au 5 janvier 1837. Il y a déjà longtemps que ces recherches sont terminées. D'autres occupations n'avaient empêché , jusqu’à ce moment, d'en écrire les résultats ; et je saisis aujourd’hui l’oc- casion que m'offrent nos règlements pour acquitter mon tribut annuel par la communication de ces résultats, qui, rapprochés de ceux déjà obtenus sur les bolides du 21 mars et du 23 juil- let 1846, me paraissent dignes d’un véritable intérêt. De tous les bolides que j’ai pu étudier, celui du 5 janvier 1837 est, en effet, le bolide dont les observations présentent le plus . DE L'ACADÉMIB DES SCIENCES. 47 remarquable accord dans tous leurs détails. On peut s’en con- vaincre par les nombres consignés dans ma note du mois d'oc- tobre 1844; nombres sur la discussion desquels je ne crois pas devoir revenir ici. Je me hornerai, par conséquent, à rappeler que ce météore fut aperçu, vers { h. du matin, à Vesoul, par M. Sallot ; à Cusset, près Vichy, par M. Guiraudet; et à Nié- derbronn, par M. Kuhn. Seulement, je ferai remarquer que les trois observations se contrôlent l'une par l’autre pour ce qui con- cerne la direction de la trajectoire, ainsi que les distances du bolide, soit à la terre, soit aux observateurs; mais que, par suite de certaines lacunes dans chacune d'elles, l'estimation de la vitesse ne peut pas être contrôlée. Ce sont précisément ces lacunes qui m'avaient d’abord arrêté dans mes recherches ; car, malgré l'accord des observations dans toutes leurs parties, accord qui semble permettre par con- séquent d'ajouter une grande confiance à chacune de ces ob- servalions en particulier, il me paraissait impossible d'admettre, comme l’exigerait une théorie rigoureusement conforme à l’é- valuation faite, par M. Kubn seulement, de la durée du phéno- mène, et à celle faite, seulement aussi, par M. Sallot, au sujet de l'arc parcouru , il me paraissait, dis-je, impossible d’ad- mettre qu'un corps d'un diamètre de plus de 2000 mètres, eût pu être lancé par un volcan terrestre, de manière à s'élever jusqu'à une hauteur de 272 kilomètres, en conservant à cette énorme hauteur une vitesse de 5000 mètres environ par se- conde. Cependant, bien qu'au premier abord les observations ne paraissent présenter , sous ce rapport, aucun moyen de con- trôle, une considération tout-à-fait indirecte , et en apparence insignifiante, m'a montré que l'évaluation de la vitesse, au moment de l'apparition , était évidemment trop faible. En effet, tous les observateurs s'accordent à dire que le bolide a marché du Nord au Sud; ce qui semblerait indiquer qu’il est passé du Nord au Sud de chacun d'eux, et que, par conséquent, le chemin qu'il a parcouru doit surpasser la distance comprise dans le sens du Nord au Sud, entre Niéderbronn et Cusset. Cela oblige à faire un peu plus grand l'arc évalué à 55° par M. Sallot ; d’où 48 MÉMOIRES résulte déjà une augmentation sensible de la vitesse. Ajoutons qu'il est très-possible que M. Kubn se soit, à son tour, trompé de quelques secondes sur l'estimation (une minute) de la durée, et que ce soit là un nouveau motif d'augmentation pour la ra- pidité du mouvement. Enfin, une erreur de 2 ou 3 degrés sur les hauteurs angulaires observées à Vesoul et à Cusset, ajou- terait encore à cette rapidité. Dès lors, l'orbite, calculée dans l'hypothèse de l'exactitude rigoureuse des observations , ne doit plus être considérée que comme un orbite limité ; mais la conclusion qu'il est permis d'en tirer, c'est que le bolide du 5 janvier 1837 n’était autre chose qu'un de ces satellites de la terre , à l'existence desquels les bolides du 21 mars et du 23 juillet 4846 semblent avoir déjà donné une assez grande pro- babilité. Quoi qu'ilen soit, voici les éléments, déduits des observations, qui ont servi de base à mes caleuls, et qui permettraient, au besoin , d'en vérifier l'exactitude : Apparition, le 5 janvier 183%, à minuit 50 minutes (temps moyen de Paris). Observation de M. Guiraudet, à Cusset. è Position géographique Point de départ | Point d'arrivée de l'observateur. du bolide. | du bolide. à Latit.bor.—+/46°720”|Asc. droile..—203° |Asc. droite... —155° Long. or.=—+ 19700” Dist. au pôle Dist. au pôle | | N.de l’équa.— 38°40°| Nord........ = 90? \ Observation de M. Sallot, à Vesoul. Position géographique Point de départ | Point d'arrivée Marche lente; diamètre de l'observateur. du bolide. du bolide. ee à 1/6 de celui de la M : : . une, au commencement, Latit.bor.—+{7038/0”|Asc. droile..—159° | Asc. droite... —134° [oià i [3 versla fin de l'ap a Long. or.—+ 3°5»’0”|Dist. au pôle iDist. au pôle parition ; traînée trian- à EL PAPAS LL 02» |gulaire de parcelles d'un Nord. .....— 16°40| Nord. .....— 72 30 rouge peu latant. Observation de M. Kuhn, à Niederbronn. Position géographique | Marche du bolide presque exactement du Nord au Sud ; déviation légère vers de l'observateur. l'Ouest. — Longue queue , éclat aussi vif que celui du soleil; durée , une minute; 20”? diamètre égal à celui de la lune. ll Latit.bor.—+4-/{8°50 Long. or.—+ 5°30°07, , ? DE L ACADEMIE DES SCIENCES. 49 Ces données ont fourni les résultats suivants : Éléments de l'orbite elliptique décrite par le bolide autour de la terre. Excentricité...........s.s.sesescssesesessoscecse 0,5498410 Inclinaison sur l’équateur. .......,..... verse 869 13° 36” Ascension droite du nœud ascendant sur l’équateur... 305° 50° 33” DISlANCE PÉFIRÉÉ. res cvoosoe ss ee eo 0 » he Ro ode Dr mètres. Demi geandiagess.s 06 0,001 AT AE PCT soc. 4277387 Sens du mouvement géocentrique en ascension droite. dis ecL. Durée de la révolution............ se ses on ep oeis 510,0) 27: 032925003 Quant aux distances, à la vitesse et au diamètre, une nou- velle approximation les a données un tant soit peu différents de ceux trouvés en 184%, comme on pourra le voir par le tableau suivant : {°° approxim. en 1844. 2* approximation. Distance minima du bolide à la terre. ..... 272027 mil. 270427% Distance minima du bolide à Cusset........ 384706 » Distance minima du bolide à Vesoul. ...... 278620 » Distance minima du bolide à Niederbronn.. 278910 » Vitesse du bolide par rapport à la terre.... 4835 52012 Diamètre du bolide a d'apuès ue Kuhn. 2434 | moyenne. 1999 mèt. (2705| sion — d'après M. Sallot. 1564) 2" l1735) 3 Distance du bolide à la terre au moment de l’apparition......... 2711420 Distance du bolide à la terre au moment de lextinelion........ . 283954 I suit de là, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, que le bo- lide du 5 janvier 1837 serait un satellite de la terre ; et comme la valeur de la distance périgée montre que ce bolide aurait dû être lancé de l'intérieur même de notre globe, ce qui est peu probable, eu égard à l'énorme volume, à la distance et à la vitesse du mobile, on doit nécessairement supposer que l'é- valuation de la vitesse a été trop faible. Mais le résultat donné par l'observation fournit, par cela même, une preuve plus puissante en faveur de l'hypothèse, qui consiste à supposer que la lune n’est pas le seul corps céleste assujetti à notre planète. On peut remarquer, du reste, que, pour assigner au bolide du 5 janvier une orbite possible autour de la terre, sans avoir prie de recourir à l'impulsion primitive d'un volcan, il ne 9 S,— TOME 1. > 50 MÉMOIRES pour avoir supposé qu'elle créait des êtres prêts à toute mé- » tamorphose, faits pour naître et mourir au même moment, et » dignes tout au plus de figurer dans nos cabinets, et d'occuper » l'esprit à titre, comme on l’a dit, de singuliers jeux de la » nature : préventions nées de l'ignorance, et plus encore peut- » être d'une susceptibilité superstitieuse qui a longtemps fait » considérer l'apparition de ces prétendues productions contre » nature, comme des événements de réprobation pour les fa- » milles (1) ». Et cependant, quand on a lu avec toute l'attention qu’il mé- rite, le magnifique ouvrage auquel nous empruntons ces pa- roles ; quand on à étudié, sans prévention , les faits nombreux de monstruosité consignés dans les annales de la science ; quand (1)E. Geoffroy Saint-Hilaire. Philosophie anatomique, t. 2, p. 104. 4° S. — TOME 1. 11 142 MÉMOIRES on a su les dégager du merveilleux qui les entourait encore avant l'apparition de la Philosophie anatomique et de la Téra- tologie animale, on demeure convaincu de cette vérité, que « toute monstruosité est une œuvre, sinon régulière, faite pour- » tant suivant les règles (4). » Le sujet anatomique que nous allons décrire apporte quelques preuves de plus à l'appui de cette assertion. Il offre un de ces cas rares et précieux que l’on peut appeler bonnes fortunes, et qu'il y aurait plus que de la négligence à ne pas enregistrer dans les fastes scientifiques. Cette considération , jointe à l'espoir d’être utiles, nous en- gage à faire connaitre avec détails notre enfant monstrueux , et à consigner ici les réflexions que nous a suggérées cette bizarre organisation. Description du monstre ($ 1); — sa classification (SIL); circonstances qui ont précédé ou suivi sa naissance ( HT); — conséquences à déduire (Q IV) : telle est la division toute naturelle du travail que nous soumettons au jugement de l’Académie. S LL. Ce qui frappe le plus à la première inspection de cet enfant, c’est son horrible laideur ; c’est la singulière production qui surmonte et termine sa face et son crâne, et qui n’est autre chose que le placenta lui-même accompagné de son cordon om- bilical ; c’est enfin l’embonpoint remarquable et la régularité presque entière du tronc et de ses appendices. Occupons-nous d’abord de la face. Une bouche énormément béante ; une langue épaisse , large et rugueuse comme celle d’un ruminant ; une lèvre supérieure, un nez, des yeux, un front à peine indiqués; une large membrane à demi transparente recouvrant presque toutes ces parties, et allant se rendre au placenta, dont elle paraît être et est en effet la continuation ; (1) E. Geoffroy Saint-Hilaire , loc. cët., p. 105. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 143 enfin , des oreilles à peu près régulières : tel est l'ensemble des traits que présente la face du monstre qu'un heureux hasard a fait tomber entre nos mains, et que nous nous sommes efforcés de reproduire avec une serupuleuse exactitude. Bien que le dessin soit une langue abrégée, il nous paraît indispensable de faire remarquer ici certaines particularités qui pourraient passer inaperçues pour des yeux moins habitués que les nôtres à contempler cette hideuse créature. Ainsi , la partie supérieure de la face est fortement. inclinée à gauche; le nez est divisé en trois parties, séparées les unes des autres par des brides placentaires. Sous le tubercule mé- dian, le plus considérable des trois, on aperçoit une seule ou- verture qui représente les deux narines confondues en une seule. L’aile gauche du nez est représentée par un tubercule plus petit que le précédent et situé un peu au-dessous de la fente palpébrale. L’aile droite, au contraire, est réduite à un lam- beau aplati, placé à peu près comme le tubercule de gauche, auquel il correspond, et, comme lui, donnant attache aux brides placentaires dont nons avons déjà parlé, et que nous décrirons bientôt avec plus de détails. Au-dessous du nez, et tout autour du tubercule médian, on voit une espèce de bourrelet demi-cireulaire, à concavité supérieure , plissé transversalement, qui n’est évidemment rien autre chose que la lèvre supérieure relevée au-dessus de l'ar- cade dentaire. Cette arcade elle-même est complétement à nu dans la plus grande partie de son pourtour , et elle offre, vers son extrémité gauche, une saillie considérable, dans l’intérieur de laquelle nous avons trouvé l’avant-dernière dent molaire, déjà très-bien formée, au moins quant à sa partie coronale. La dernière molaire, située plus en arrière et plus en dedans, existait, mais à l'état pulpeux ; La canine commençait à poindre ; Enfin , les quatre incisives occupaient l’autre extrémité de celte portion d’arcade que laissait à nu la lèvre supérieure. Le reste de l’arc dentaire, situé à droite, et sur un plan plus postérieur que la partie gauche, renfermait indubitablement la 144 MÉMOIRES canine droite, et très-probablement aussi les deux molaires du même côté ; mais , afin de ne pas détruire sur ce point les adhé- rences des membranes placentaires avec la muqueuse buccale, nous n'avons pas voulu y porter le scalpel, et confirmer ainsi de visu l'existence de ces deux dents, comme nous l’avions fait pour les autres. Disons, avant de quitter la bouche, que la lèvre , l'arcade dentaire et la mâchoire inférieures, ne nous ont rien présenté que de très-normal , si ce n'est peut-être un développement plus prononcé que d'ordinaire. Quant à la commissure des deux lèvres, il est inutile de dire qu’elle n'existait pas, ou plutôt qu'elle était représentée par l'immense intervalle qui les séparait dans le sens vertical (0,045 ). Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, la langue était épaisse et large , et à sa surface on voyait une foule de papilles plus saillantes et plus rudes que dans l'état normal. Enfin , la voûte du palais était incomplète à sa partie posté- rieure. En raison de toutes ces anomalies, nous devions nous atten- dre à en trouver beaucoup d’autres , soit dans la structure, soit dans la position des yeux. En effet, ici encore le scalpel nous a découvert d'étranges aberrations. A en juger d’après la simple apparence, et d'après les faits de l’ordre normal , on serait tenté de croire que les pau- pières , si écartées chez notre monstre, n’en recouvrent pas moins de chaque côté un globe oculaire logé dans un orbite. Il n’en est rien pourtant : les deux orbites sont vides, ou plutôt remplis par une masse tout à la fois adipeuse et musculaire sans connexion aucune avec le globe de l'œil. Les paupières elles- mêmes sont extrêmement réduites ; elles ont subi une espèce de renversement en dedans { entropion); mais les cils sont en- core dirigés vers l'extérieur. Les fentes palpébrales, surtout celle du côté gauche, sont extrêmement petites ; Enfin, la conjonctive forme un cul de sac ouvert en avant, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 145 auquel viennent se fixer les muscles oculaires agglomérés en une masse unique. Les yeux proprement dits affectaient une situation si insolite, et offraient dans leur structure des particularités si extraordi- naires, que nous avons longtemps hésité avant de nous pro- noncer sur la détermination précise de ces organes. Aujour- d’hui même tous nos doutes ne sont point dissipés; nous les exposerons avec franchise ; mais avant d'entreprendre la des- cription des yeux, nous croyons devoir, pour plus de clarté, la faire précéder de celle du crâne et du cerveau. Ainsi qu'on le voit sur notre dessin, toute la voûte supérieure du crâne ne s'était point développée : les téguments s’arrêtaient brusquement au niveau de la ligne qui indiquait la limite os- seuse. À travers l'ouverture ainsi circonscrite , on voyait saillir la masse cérébrale recouverte d’une enveloppe mince , transpa- rente, à laquelle adhéraient, dans toute son étendue extérieure, les membranes mêmes du placenta. Ces membranes enlevées, on apercevait la masse cérébrale incomplètement divisée en deux espèces d'hémisphères , qui oc- cupaient chacun la moitié de la cavité crânienne, hors de la- quelle ils faisaient une saillie légèrement prononcée. Les hé- misphères formaient des masses très-irrégulières, aplaties ou vésiculeuses, et plus ou moins remplies d’une pulpe rosée, très-molle, ou bien offrant dans leur intérieur des plis, des mamelons et des tubercules assez consistants, de taille et de forme extrêmement variées. Nettement limités et arrondis dans leur partie postérieure ou occipitale, les hémisphères se pro- longeaient en avant sous les membranes qui attachaient le pla- centa à la partie antérieure et supérieure de la face; mais là, ils étaient réduits à une espèce de lacis éminemment vasculaire, au milieu duquel on voyait à peine quelques traces de substance nerveuse, Du reste, ce même lacis vasculaire, auquel donnaient naissance les artères vertébraies et carotides, excessivement subdivisées, se montraient sur plusieurs autres points des hé- misphères, et, partout où il existait , la substance cérébrale était plus rouge , plus ferme, ou avait presque entièrement disparu. 146 MÉMOIRES Le cervelet manquait totalement. Il en était de même de la protubérance annulaire. Aussi, par suite de cette double absence, le crâne était-il fortement aplati dans sa région postérieure, et le trou occi- pital paraissait-il très-reculé au delà des limites normales; ca- ractère d'animalité qui se rencontre déja chez les quadrumanes. La plupart des nerfs crâniens nous ont paru avoir leur ori- gine et leur trajet accoutumés , à l'exception toutefois des nerfs olfactifs, dont nous n'avons pu découvrir la trace , et des nerfs optiques qui occupaient une place tout-à-fait insolite à l'état normal. Mais il est temps de revenir à la description des globes ocu- laires, dont la détermination nous avait d’abord causé tant d’em- barras : le droit était entièrement caché sous la peau et sous les membranes réunies du cerveau et du placenta. Il ressemblait à une petite lentille blanche , entourée d’un cercle noirâtre, fixée par un court pédicule à lun des lobes de l’hémisphère droit, et rempli de substance nerveuse. Une bride fibreuse, attachée d'une part au pariétal rudimentaire , de l’autre au frontal, for- mait une espèce de pont, sous lequel passait un prolongement de la vésicule cérébrale , d'où l'œil tirait son origine. Quant aux membranes de cet œil, nous avons cru les recon- naître dans une sorte de sphère creuse qui semblait s'être échap- pée de l’orbite, et qui s'était logée dans le voisinage immédiat de l’os nasal du même côté. Le globe oculaire gauche , beaucoup plus développé que le droit, apparaissait à l'extérieur sous la forme d’une sphère con- vexe en avant, aplatie en arrière. De la convexité antérieure partait un pédicule creux et terminé en cul de sac. La face postérieure, au contraire , offrait un cercle d’une couleur sombre et d’une consistance plus grande que le reste de la sphère, duquel partaient des poils tout-à-fait semblables aux cheveux implantés sur le cuir chevelu , auquel cette face était très-adhérente. Oavert par le scalpel, ce globe oculaire a laissé échapper un liquide analogue à l'humeur aqueuse; mais nous n’y avons DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 147 trouvé ni corps vitré, ni cristallin. La choroïde existait peut- être, mais elle était dépourvue de pigment, et tellement con- fondue avec le lacis vasculaire cérébral , dont nous avons déjà parlé, qu’il nous a été tout-à-fait impossible de l'en séparer de manière à ne laisser aucune prise au doute. Quant à la rétine, très-probablement elle faisait aussi partie de ce lacis vasculaire. Nous croyons, sauf meilleur avis , devoir regarder comme nerf optique un filament assez grêle qui se détachait de la masse cérébrale pour s'enfoncer dans un trou pratiqué à la face con- vexe du globe oculaire; trou à travers lequel passait aussi le lacis vasculaire et nerveux qui, selon nous, représente la ré- tine et la choroïde. Si cette détermination est exacte, nul doute que la partie extérieure du globe ne soit formée par la sclérotique d'une part, et de l’autre, par la cornée transparente, ici devenue posté- rieure , par suite du renversement de l'organe tout entier. Du reste, nous le répétons , nous ne proposons qu'avec doute ces déterminations anatomiques , sur lesquelles nous nous pro- posons de revenir dans un instant. Si, aux traits caractéristiques que nous venons d'indiquer, nous ajoutons un développement considérable du tronc , surtout dans sa partie abdominale ; si nous faisons mention d’un léger renversement des pieds en dedans {varus), nous aurons fait connaître tout ce que notre monstre offrait d’intéressant dans sa configuration extérieure. Quant à la structure intérieure, nous connaissons déjà les particularités que présentait l’encéphale proprement dit, Nous voudrions pouvoir décrire avec détails les os de la face et la boîte crânienne elle-même; mais, obligés de conserver aussi intact que possible le sujet monstrueux qui fait l'objet de ce mémoire, et qui doit enrichir l’utile collection que l’un de nous (1) a eu l’heureuse idée de commencer à l'Hôtel-Dieu, nous ne (1) Le docteur Guitard, 148 MÉMOIRES pourrons , à notre grand regret, qu'indiquer les traits les plus saillants de la tête osseuse. Signalons tout d’abord la petitesse de cette tête et le peu d’é- tendue des orbites, ordinairement si spacieux chez l'enfant nou- veau-né ; 2° la petitesse encore plus marquée des os du nez et des maxillaires supérieurs ; 3° l'absence du vomer : 4° la fissure des os palatins. Dans le crâne, absence de la partie coronale des frontaux , et état rudimentaire de l’un des temporaux ; — absence com- plète de l’autre (le gauche) ; — imperforation de la lame dite criblée de l'ethmoïde , sur laquelle on n’observe pas d’apophyse crista galli; — pas d’apophyses clinoïdes ; — fosses cérébrales postérieures plus petites que de coutume ; — trou énorme de la fosse pituitaire, s'étendant de la face interne du erâne à la voûte palatine, dont il n’est séparé que par une mince membrane: — aplatissement considérable des sur-occipitaux ; état éburné de ces os : telles sont les déviations qu’a subies la boîte crâ- nienne, déviations tout-à-fait en rapport avec celles qu'ont éprouvées les organes importants qu'elle contient. Dans la cavité thoracique , anomalies non moins graves, et plus rares encore. En effet, les deux poumons ont chacun trois lobes : le lobe médian du poumon droit ressemble à une languette qui n'a pas moins de 0,06 de longueur, et qui dépasse conséquemment de beaucoup les deux autres (de 0",03.) Le cœur, entouré de son péricarde, est situé à droite, et sa pointe répond à l'intervalle des sixième et septième côtes. Cette curieuse anomalie avait été constatée même pendant la courte vie du sujet monstrueux. Les vaisseaux qui partent du cœur et ceux qui viennent y aboutir étaient comme à l’état normal. La cavité abdominale, parfaitement close, comme la cavité thoracique elle-même, renfermait tous les organes digestifs qu’elle contient normalement, et ils étaient placés dans l’ordre accoutumé. A l'exception d’un volume un peu plus considérable qu’à l’or- DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 119 dinaire (1), les capsules surrénales , les reins, les uretères et la vessie n'offraient rien que de régulier; mais nous avons vai- nement cherché les organes génitaux internes, que, d'aprés l'inspection des parties extérieures , nous présumions devoir être femelles. Il n'existait ni ovaires, ni trompes, ni matrice, ni vagin; cependant, on voyait à la place ordinaire un clitoris volumi- mineux, un canal de l’urètre bien développé, des nymphes et des grandes lèvres parfaitement reconnaissables. La membrane hymen se montrait aussi au-devant de la vulve; mais une mince cloison, placée derrière cette membrane, fermait hermétiquement lorifice auquel aurait dù aboutir le vagin. Nous avons déjà dit que l’un des traits les plus caractéristi- ques de notre monstre, c'était l’adhérence des membranes pla- centaires à la face et au crâne. IL est temps de mieux préciser ces adhérences et de dire quel- ques mots du placenta lui-même. En avant, les membranes dont il s’agit s'attachaient en haut et en dedans de la cavité buccale, et se confondaient avec la muqueuse , dont elles semblaient être la continuation (2). En dehors de la bouche, elles se fixaient d'une part au pourtour de la lèvre supérieure; de l’autre, aux deux replis de la peau, que nous avons considérés comme (a) Voici les principales dimensions de notre monstre : Hauteur de la face — 0,075. D'un conduit auditif à l’autre — 0",077. De la naissance du cou à l’ombilic = 0%,110. De l’ombilic au clitoris —0",076. Longueur totale de la naissance du front à la plante des pieds = 0",40. (La taille moyenne est, comme chacun sait, égale à 0",48.) Poids du monstre, pesé avec son placenta, 1K,895. (2) Les anatomistes sont loin de s’entendre sur la place qu’il faut assigner à l’amnios dans la classification des membranes : en général, on lui recon- nait beaucoup d’analogie avec les séreuses. Si l’on considère les adhérences que cette membrane a contractées, chez notre monstre, d’une part avec la peau, de l’autre avec la muqueuse buc- cale, ne pourrait-on pas la regarder comme un simple prolongement du derme, ou mieux encore comme une membrane muqueuse ? 150 MÉMOIRES étant les ailes du nez; enfin, au pourtour du globe oculaire gauche. En arrière, les mêmes membranes se confondaient avec les méninges, et se fixaient avec elles aux bords de l'espèce de coupe formée par l’absence des frontaux et des pariétaux. L'intervalle qui séparait la tête des bords du placenta, inter- valle mesuré par les brides dont nous venons de parler, était d'environ 0",0#. Le gâteau placentaire lui-même, en ovale très-allongé, avait 0",18 de longueur sur 0,095 de large et 0",01 d'épaisseur. Il était du nombre de ceux que l’on appelle, en obstétrique, placentas en raquette ; car le cordon ombilical s’insérait très- près de sa circonférence. Ce cordon, qui se composait d’une seule artère ombilicale, et de la veine du même nom, était assez grêle , offrait quelques varicosités non loin de son insertion à l’ombilic, et n'avait pas plus de 0",18 de longueur. $ IL. Maintenant que nous avons fait connaître l’organisation ex- térieure , et, autant qu’il a dépendu de nous, la structure inté- rieure de notre monstre, cherchons à lui assigner la place qu’il doit occuper dans les cadres tératologiques ; nous dirons ensuite quelques mots des particularités relatives à la mère, et des cir- constances qui ont précédé ou suivi la naissance de son enfant. A. Si l’on a présents à l'esprit les caractères que M. I. Geoffroi Saint-Hilaire assigne aux monstres pseudencéphaliens, on ne tardera pas à se convaincre que c’est à ce groupe si naturel qu’il faut rapporter le sujet que nous étudions en ce moment. Intermédiaires entre les exencéphaliens et les anencéphaliens, les pseudencéphaliens n’ont pas, comme les premiers, un cer- veau mal conformé, plus ou moins incomplet , et placé, au moins en partie, hors de la cavité cränienne, elle-même très- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 151 imparfaite (1) ; comme les seconds, ils ne sont pas caractérisés par l'absence complète de l'encéphale. Chez eux le cerveau eæiste encore ; mais il se présente ordinairement sous la forme d'une tumeur composée d'un lacis de petits vaisseaux gorgés de sang, et renfermant à peine quelques parcelles de subs- tance nerveuse , dispersée plus ou moins irrégulièrement dans la masse vasculaire. Si, à ces caractères fort remarquables, on joint un crâne largement ouvert en dessus , mais seulement dans les régions frontales et pariétales ; un trou occipital distinct ; enfin , l’ab- sence de toute fissure spinale ; on aura un ensemble de traits distinctifs qui convicndront parfaitement à notre monstre et nous permettront de le rapporter sans hésitation au genre Nosen- céphale. ILest vrai que la caractéristique qui précède ne fait mention ni des déformations considérables de la face , ni des adhérences si anormales du placenta. Si donc nous tenions au futile plaisir d'inventer un mot nouveau , peut-être pourrions-nous ajouter un nouveau genre à ceux dont se compose la famille des Pseu- dencéphaliens ; nous croyons devoir nous en abstenir, pour ne pas surcharger inutilement la science et sa nomenclature. D’ail- leurs, toutes les déviations de la face s'expliquent ici naturelle- ment par le fait de la fixation des membranes placentaires à la région antérieure et supérieure de la face, et ce fait, tout exceptionnel qu'il est, fournit des caractères d’une moindre importance que ceux offerts par la structure et la position du cerveau. Nous donnerons donc purement et simplement à notre monstre un nom déjà connu de tous les tératologistes : ce monstre sera pour nous un vrai Nosencéphale. B. Des renseignements que nous avons pu nous procurer auprès de M'° Andrillon, qui avait présidé à l'accouchement de la mère, (1) L Geoffroy Saint-Hilaire. Tératologie , t. 2, p. 293. 152 MÉMOIRES il résulte que cette femme était primipare , d’un tempérament bilioso-sanguin , âgée de vingt-quatre ans, et habituellement mal réglée. Aménorrhée complète pendant tout le temps de la gestation. Au commencement de sa grossesse , Anna X... se querellait presque continuellement avec sa sœur, qui lui dit même un jour : « Je souhaite que l'enfant que tu portes dans ton sein soit » un monstre. » Dès ce moment l’imagination de la jeune femme est constamment aux prises avec celte idée : elle craint que les malédictions de sa sœur ne se réalisent ; mais elle n’en parle pas à son mari , de peur de l’effrayer. Du cinquième au sixième mois, à la suite d’une violente colère , cette femme éprouve une vive douleur qu’elle localise dans l'utérus, où elle croit sentir comme un mouvement de culbute. Tourmentée par cette sensation et poursuivie par son idée fixe , elle court chez un médecin pour se faire saigner. Le mé- decin s’y refuse , ne voyant pas une indication suffisante. Enfin , le vendredi 26 juillet 1850 , dans le neuvième mois de sa grossesse, Anna X.. appelle la sage-femme. La poche des eaux déjà formée se vide bientôt abondamment , et l'enfant se présente en travers , la région dorso-lombaire en avant et la tête à droite. L'accouchement , assez pénible, a lieu par les pieds, et la tête entraîne avec elle le placenta. La durée du travail a été de cinq heures { de dix heures du malin à trois heures ). L'enfant, né vivant à trois heures de l'après-midi , est sou- tenu avec un peu d’eau sucrée ; il vit toute la journée du sa- medi , rend le méconium et meurt le dimanche 28 , à neuf heures du matin. $ IL. Bien des réflexions se présentent à l'esprit quand on examine attentivement la singulière conformation du monstre que nous venons de décrire. Et d’abord on se demande si la science possède beaucoup de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 153 faits analogues à ceux que nous avons étudiés. Nous n'en con- naissons aucun ni dans l’histoire des pseudencéphaliens ni dans celle des anencépbaliens. Mais l'hyperencéphale d'Arras , dé- crit d'abord assez brièvement par M. le docteur Duchâteau (1), et quelque temps après, avec plus de détails, par M. Geoffroy Saint-Hilaire (2) , ressemblait à notre nosencéphale par les adhérences du placenta. Ces adhérences , ilest vrai, se bor- paient à la tumeur herniaire du cerveau et ne s'étendaient nullement à la face , qui , sauf son obliquité considérable et la présence d’un double bec de lièvre , ne s’écartait pas beaucoup du type normal. L'hyperencéphale d'Arras ressemblait encore à notre monstre en ce que les téguments communs ne couvraient pas toute la tumeur et laissaient paraître à nu les méninges ; mais il en différait en ce qu’il était atteint d’une double éventration tho- racique et abdominale, et surtout parce que son cerveau , loin d’être réduit à une tumeur nervoso-vasculaire, avait une struc- ture et une configuration à peu de chose près normales. Nous le répétons, s’il existe d’autres cas analogues , ils ne sont pas venus à notre connaissance. Quoi qu'il en soit, nous n’en sommes pas moins autorisés à regarder comme très-anor- male la disposition que le gâteau placentaire affectait chez le nosencéphale de Toulouse. Nous y reviendrons dans un instant. Au nombre des particularités les plus curieuses que présen- tait encore notre enfant monstrueux , nous devons ranger aussi la position du cœur dans la moitié droite de la cavité thoracique, malgré l'absence de toute inversion splanchnique abdominale. En effet , dans les cas peu nombreux où l'on a observé le dé- placement total du cœur à droite, on observait presque toujours (1) Voyez Journal complémentaire du dictionnaire des sciences médicales, t. 8, p. 377. (2) Le Mémoire de M. E. Geoffroy Saint-Hilaire est intitulé : « Description » d’un Monstre humain né en octobre 1820, et établissement à son sujet » d’un nouveau genre sous le nom d’hyperencéphale. » Voir le 20e volume de la Philosophie anatomique du mème auteur, p. 155. 154% MÉMOIRES en même temps une transposition générale des viscères , une vé- ritabie hétérotaxie (1). Nous signalerons encore, comme une anomalie des plus ra- res , l'absence complète des organes génitaux appartenant aux sphères interneet médiane (ovaires, trompes, matrice, vagin), tandis que ceux de la sphère externe sont parfaitement développés. En ce qui concerne les nombreuses déformations de la face et du crâne , rappelons-nous la structure et la position des prin- cipaux organes faisant partie de l'appareil visuel , l’état incom- plet du nez et de la lèvre supérieure , l'énorme ouverture de la bouche , la non-soudure des maxillaires , la fissure du voile du palais et des os palatins , enfin , l'imperfection de la boîte cérébrale et des organes qu’elle contient. S IV. Dans son remarquable travail sur lhyperencéphale d'Arras , E. Geoffroy Saint-Hilaire admet qu'à la suite d’une violente secousse physique ou morale, le système musculaire général et en même temps l'utérus venant à se contracter avec force , les membranes fætales , tout à coup resserrées , se déchirent ; une partie des eaux de l’anmios s'écoule, et les lèvres de la plaie des membranes s'unissent avec le point correspondant du corps de l'embryon : de là, des brides ou lames d’adhérence, tantôt tem- poraires, tantôt persistantes jusqu’au moment de la parturition. Sans nier d’une manière absolue la possibilité du mode de formation ici indiqué pour les brides placentaires, nous croyons plus simple et plus conforme aux lois de l'embryogénie de les regarder comme les restes anormalement conservés et accrus du double capuchon amniotique ( capuchon céphalique et ca- puchon caudal) qui entoure l'embryon dans les premiers temps de son existence. En effet, on sait aujourd’hui que, dès la première quinzaine du développement embryonnaire , le blastoderme organisé aux (1) Voir : Transposition générale des viscères avec persistance du trou de Botal, par M. J. Delaye. Gazet. med. Toulouse, janvier 1851, pag. 16. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 155 dépens du vitellus qu'il recouvre bientôt complétement , se di- vise en deux feuillets concentriques adossés immédiatement l'un à l’autre. Le feuillet interne ou muqueux est destiné à produire l'intestin et la vésicule ombilicale ; le feuillet externe ou séreux donne naissance aux téguments et à tous les organes de la vie de relation du nouvel être. Or, ce feuillet externe produit aussi l'amnios, et cette mem- brane est d’ahord appliquée d’une manière immédiate à l'em- bryon dont elle sera plus tard séparée par le liquide amnioti- que. Supposons donc que , par suite d'un simple arrêt de dé- veloppement , la membrane dont il s’agit continue à recouvrir immédiatement l’un des points quelconques de l'embryon , sa portion céphalique par exemple , et nous nous expliquerons ainsi facilement les adhérences qui suspendent, comme une espèce de mésentère , la tête de notre fœtus au placenta. Pour nous, les brides dont il s’agit ne sont donc que de simples dépendances du capuchon céphalique anormalement persistant. Ajoutons que ces adhérences partent toutes d'organes dont la formation est des plus précoces , savoir : la cavité buccale , les bourgeons qui concourent à la formation du nez , les mà- choires supérieures , l'œil, les téguments du crâne et le cerveau lui-même. Or, ici chacune de ces parties est frappée d’un arrêt de dé- veloppement bien marqué : ainsi la bouche est largement béante comme aux premiers temps de sa formation ; — les ailes du nez ne sont point encore unies à la portion médiane de cet or- gane ; — les deux moitiés de la mâchoire supérieure sont sé- parées l’une de l’autre , soit en avant , soit en arrière ; — la lèvre supérieure , comme nous l'avons déjà dit, est fendue ; — enfin , les yeux , la peau du crâne et Île cerveau, sont très- incomplètement formés. À Ne sont-ce pas là autant de preuves en faveur de la thèse que nous cherchons à établir ? Mais une nouvelle question se présente : quel sera l'effet de ces brides anormales et primitives sur le développement 156 MÉMOIRES ultérieur de la face et du crâne ? Ici nous laisserons parler M. E. Geoffroy Saint-Hilaire lui-même , dont nous partageons complétement l’ingénieuse manière de voir. Nous croyons avec lui que ces brides agissent surtout mécaniquement et « qu’elles font l'office d'une lame de suspension quant au fœtus (1). » C'est un appareil qui déploie une force d'inertie et subséquem- ment une résistance en opposition à la prédisposition de l'être pour les développements normaux... Cette force d'inertie de- vient active et déploie réellement une résistance prépondérante en raison de la situation du placenta et de l’engrenage de ses cotylédons : greflé aux parois de la matrice, le placenta y adhère, il y reste immobile. Dans cette occurrence , les brides qui le lient au fœtus, sont des tirants qui n’ont de prise que sur le fœtus , puisque lui seul est passible de mouvements. Ces brides l’entraînent où plutôt le tiraillent du côté du placenta , quand son propre poids et ses continuelles agitations tendent à l'en écarter. C'est, comme on le voit, une lutte perpétuelle (2). Et maintenant voyez comme toutes les déviations de la face de notre monstre s'expliquent facilement : soumis à des trac- tions presque continuelles , les divers organes qui en constituent la partie supérieure ont été entraînés dans des voies inaccou- tumées ou n’ont pu achever leur complet développement. Ainsi, l’un des yeux { le gauche ) est sorti de son orbite, a glissé sous la peau de la paupière correspondante et s’est fixé par sa face antérieure aux téguments du crâne qui se confondent avec elle (3) , tandis que sa face postérieure est libre et terminée (1) Dictionnaire classique d'Histoire naturelle , article Monstre. (2) Philosophie anatomique , &. 2, p. 210-11. (3) MM. Ribes, Wallace, Hippolyte Cloquet et bien d’autres, ont nié l’existence de la conjonctive cornéale. Toutefois , les recherches plus ré- centes de MM. Broc, Travers et Blandin en anatomie normale et en ana- tomie pathologique, ont prouvé d’une manière évidente la continuation de la conjonclive sur tout l’hémisphère antérieur de l’æil. Celle vérité se trouve corroborée par l'inspection du monstre que nous faisons connaître aujourd’hui ; elle l’est surtout de la manière la plus frap- pante par une aulre pièce monstrueuse que nous avons vue dans la collection particulière de M. Prince , directeur de l’école nationale vétérinaire de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 157 par cette espèce de prolongement en cul-de-sac qui représente peut-être la gaîne du nerf optique , ici privé de ses connexions ordinaires. — L’œil droit, plus rudimentaire encore , rappelle par Sa simplicité cette époque de la vie embryonnaire où , s’il faut en croire Baër, Arnold, Ammon et Bischoff , la cellule cérébrale antérieure se dilate pour donner naissance à l'organe visuel (1). En effet, si notre détermination est exacte, cet organe tient encore à la cellule en question par un pédicule creux , rempli, comme il l’est lui-même, de substance nerveuse , et il ressemble par sa petitesse , plutôt à un œil de taupe ou de chrysochlore qu'à un œil humain ; le peu d’étendue de l'ouverture palpébrale autorise la même comparaison. Qui ne voit ,’au premier aspect, que ce sont encore les brides placentaires qui ont produit les déformations du nez, et empêché la réunion de ses ailes à sa partie moyenne? Toulouse. 11 s’agit d’un œil de veau dont la cornée transparente est garnie de poils aussi longs que ceux de la peau elle-même. Enfin , à l’appui de l'opinion de ceux qui soutiennent l’existence de la conjonclive devant le globe oculaire , nous pouvons citer le fait d’un malade de l’Hôtel - Dieu, confié aux soins de MM. les docteurs Dieulafoy et Laforgue. Chez ce malade , à la suite d’une brâlure par la chaux vive, la muqueuse de la paupière inférieure de l’œil gauche a contracté, avec la conjouctive scléroticale, des adhérences assez fortes qui se prolongent jusqu’au centre de la cornée transparente. De ces faits, ajoutés à lant d’autres, ne faut-il pas conclure que la conjonclive tapisse tout l’hémisphère antérieur de l'œil ? (*) Des observations récentes de M. H. Gray tendent à confirmer la jus- tesse de celles des anatomistes allemands que nous venons de citer. En effet, d’après M. Gray, la rétine n’est rien autre chose qu’une portion du cerveau poussée au dehors, el en rapport avec lui par une commissure pro- pre, le nerf optique, simple dépendance de la rétine , dont il n’est que la portion rélrécie ou tubuleuse. Ce nerf lui-même est d’abord tubuleux ; plus tard il se solidifie, et alors on ne peut plus observer de communication entre la vésicule optique (rétine) et la cavité dont elle provient (cellule cérébrale antérieure). Voir, dans l’Institut du 4 septembre 1850, l'analyse du Mé- moire de M. H. Gray, ayant pour titre : Sur Le développement de la KRétine et du nerf optique, ainsi que du Labyrinthe membraneux et du nerf acoustique. 4° S. — TOME 1. 12 158 MÉMOIRES / Ce sont ces mêmes brides qui ont relevé la lèvre supérieure au-dessus de l’arcade dentaire, qui l'ont entièrement atrophiée du côié droit; ce sont elles enlin qui ont dévié à gauche plus de la moitié de la face, qui se sont opposées à l'affrontement et à la réunion des os palatins entre eux, à la soudure du maxillaire supérieur droit avec los incisif ou intermaxillaire corres- pondant. Arrètons-nous un instant sur ce fait si essentiel , au point de vue de la philosophie anatomique : l'existence de l'os intermaxil- laire chez l'embryon humain (1). Nié ou méconnu par des anatomistes du plus grand mérite, mis pour la première fois dans tout son jour par le plus grand poëte de l'Allemagne, ce fait apparaît ici avec la dernière évi- dence comme chez les autres mammifères, el quoi qu’en aient dit Camper , Blumenbach, etc., l’homme est donc pourvu de deux os destinés à porter ses dents incisives supérieures. Un (1) Personne n’ignore aujourd’hui que , dès l’année 1785, Gœthe avait démontré de la manière la plus incontestable l’existence de Pinter-maxillaire chez l'espèce humaine. Mais Camper et Blumenbach avaient dit que lexis- tence de cel os formait un caractère distinctif entre l’homme et la brute, et sur la foi de ces deux illustres anatomistes, on alla répélant partout, pendant près de quarante ans, que l’intermaxillaire n’existait pas chez le Roi de la création. Enfin, en 1822, Nicati publia sa thèse inaugurale sur l’origine et la na- ture du bec de lièvre congénial, eL il fit sortir de l’obscurité dont elles étaient restées enveloppées jusqu'alors les vues ingénieuses du poëte de Weimar. C’est à l’occasion de la thèse dont nous venons d’indiquer le litre que Gœthe énonça pour la dernière fois ses convictions relativement à l’exis- tence de l’intermaxillaire ; il le fit dans les termes suivants, qui peignent l’importance qu’il attachait à cette découverte et la joie qu’il éprouva de la voir enfin reconnue : Merkwürdig ist, dasz hier abermals beinahe vierzig labre nœthig waren, üm ein einfaches, zwar unscheinbares, aber folgrei- ches Enunciat rein und freüdig anerkannt zù sehen. Ich habe nun über die- sen Pünkt weiter nichts zù sagen, und drücke mit Vergnügen die Hoffnüng aus die ich hege, von den vielfachen zù diesem Zwecke veranstalteten Zeichnungen einiges dürch die erfreuliche Thätigkeit der angesehenen naturforschenden Gesellschaft, gegenwärtig zù Bonn, wohlwollend benützt zù finden. Goethe’s Sämmiliche Werke. Fünfter Band, S. 637. Edition Tétot. Paris 1836. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 159 simple coup d'œil jeté sur notre monstre, suffirait pour con- vaincre les plus récalcitrants. | Nous ne rappelons que pour mémoire les diverses fissures ( fissures de la lèvre supérieure, du voile du palais et des os palatins } que nous avons déjà indiquées. Elles sont la consé- quence rigoureuse des tractions et des arrêts de développement que ces parties ont subis sous l'influence des brides placen- taires. Peut-être est-ce aussi à la même cause qu'il faut attribuer la formation si incomplète du cerveau et de la boîte qui devait le contenir. Mais, quelqu'imparfait que fût le crâne , n'oublions pas qu'il se composait des mêmes os qu'à l'état normal, seule- ment ceux qui constituent la voûte de l'édifice étaient restés ru- dimentaires. Tant il est vrai que , si le développement des os est réellement et constamment proportionné au volume des masses encéphaliques, la disparition de ces masses n’entraîne pas néces- sairement la disparition totale des os correspondants ; tant il est vrai qu’au milieu des aberrations les plus bizarres, la nature ne crée pas une seule partie complétement étrangère à l'état normal , mais se montre toujours fidèle à l'unité de plan qu'elle s’est tracé. IL était impossible de distinguer dans la tumeur cérébrale les diverses parties dont se compose normalement l’encéphale ; mais, sauf Les nerfs olfactifs qui n’existaient pas, ou plutôt qui n'avaient pu se rendre à leur destination par suite des tiraillements aux- quels la cellule cérébrale antérieure avait été soumise ; sauf les nerfs optiques qui, par la même cause, avaient été déviés de leur route ordinaire, tous les autres nerfs cérébraux se mon- traient à leur place accoutumée : preuve nouvelle de la constance des lois que suit la nature dans la formation des êtres que nous sommes habitués à regarder comme le produit de ses caprices. Nous avons dit que le cervelet n'existait pas, à moins pour- tant que nous ne regardions comme son représentant, la por- tion vésicuiaire et arrondie de la masse cérébrale, logée dans les fosses postérieures du crâne, ce qui toutefois nous paraît peu vraisemblable. 160 MÉMOIRES Sans adopter sur ce point ni sur beaucoup d’autres les idées ingénieuses, mais souvent exagérées , du Dr Gall, nous notons avec soin cette absence du cervelet, qui coïncide avec celle des organes génitaux internes. Du reste, la science a déjà consigné dans ses annales quelques faits qui tendent à prouver qu'ilexiste, entre le développement de l’encéphale et celui des organes géni- taux , des relations qui sont encore mystérieuses , mais que l’on parviendra peut-être à découvrir un jour. A l'appui de cette idée, que l'on nous permette de citer l’ob- servation suivante que nous empruntons à la Cyclopædia of anatomy and Physiology de Robert Todd, article Herma- PHRODITISM. On se rappelle encore les discussions fameuses qui eurent lieu en 1836-37, entre la Faculté de médecine de Paris, et les docteurs de l'Allemagne et de l'Angleterre , au sujet de Marie- Dorothée Derrier , qui prit plus tard le nom de Charles Durge. Hufeland, Mursinna, Brookes, Gall et beaucoup d’autres, dé- clarèrent que Derrier (d’autres écrivent Durié), était une femme ; Stark , Mertens et les membres de la Faculté de méde- cine de Paris, affirmèrent qu’ilétaitun homme, dont les organes génitaux externes étaient mal conformés. Metzger le considéra comme un véritable hermaphrodite. M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire n’osa se prononcer sur le sexe de Marie-Dorothée. Le professeur Mayer, qui disséqua cet individu , prouva qu'il y avait chez lui un véritable mélange des organes ordinairement dévolus aux deux sexes. En effet, on voyait à droite un tes- ticule très-bien conformé, à gauche un ovaire imparfaitement développé. Or, le professeur Mayer trouva les hémisphères cé- rébral et cérébelleux du côté droit, mais principalement ce dernier, moins volumineux que l'hémisphère correspondant du côté gauche, et le côté gauche de l’occiput était plus saillant à l'extérieur que le droit. Dans cet exemple, la correspondance avait lieu, comme on voit, entre les organes sexuels d'un côté, et les hémisphères cérébral et cérébelleux du côté opposé, ce qui s'explique peut- être par l’entrecroisement bien connu des fibres nerveuses qui DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 161 vont s'épanouir dans le crâne pour donner naissance aux masses encépbaliques. Quoi qu'il en soit, sans attacher à cette observation plus d’im- portance qu’elle n’en mérite, nous avons cru néanmoins devoir ja rapprocher du fait plus curieux encore que nous avons nous- même observé ; peut-être un jour ces faits serviront-ils à expli- quer ce qui est demeuré jusqu’à présent inexplicable. Mais revenons à notre monstre. Nous avons dit que chez lui l'absence du cervelet coïncide avec une absence complète des organes génitaux internes. Cependant l'appareil urinaire existe ; il nous a même semblé plus développé que de coutume, ce qu’indiquait d’ailleurs & priori la loi du balancement des organes, dont le nosencéphale de Toulouse offre d’autres exemples. ( Petitesse du crâne et grande étendue de la face ; — volume peu considérable de la tête, etembonpoint remarquable de tout le reste du corps , etc.) Ce fait du développement complet de l'appareil urinaire , en l’absence de tout appareil génital interne, tranche la question si souvent débattue de l'indépendance primitive de ces deux appareils. Il prouve qu’ils ne proviennent pas d’une seule ct même source {les corps de Wolf), mais bien de deux sources parfaitement distinctes entre elles comme elles le sont des corps de Wolf. Enfin l'existence des organes génitaux externes et l'absence des internes démontrent de la manière la plus positive que les premiers ne sont qu’une simple dépendance de la peau. Toutes ces conclusions s'accordent d’ailleurs parfaitement avec ce que nous ont appris les travaux les plus récents sur l'embryogénie. Une question anatomique très-importante que nous aurions tenu à élucider si nous avions eu la bonne fortune d'assister à la naissance du monstre qui fait l’objet de ce mémoire, c’est la question de savoir s'il y a réellement communication directe , anastomose véritable entre les vaisseaux du placenta et ceux de la matrice. Or, nous n'avons pas vu, mais la sage-femme nous assure n’a- 162 MÉMOIRES voir fait la section du cordon qu'après l'accouchement complet , c'est-à-dire, après le décollement du placenta. Me Andrillon affirme également que, soit avant, soit après la section, le gâteau placentaire n’a point fourni d'hémorrhagie, et qu'il a seulement sali le linge sur lequel il reposait. De cette circonstance, ne pourrions-nous pas inférer qu'il n'existe aucune anastomose directe entre les vaisseaux de la mère et ceux du fœtus, bien que des expérimentateurs habiles aient tout récemment encore avancé le contraire? Jusqu'à présent, parmi les causes productrices de la mons- truosité soumise à notre examen , nous n’avons envisagé que les causes purement physiques | brides placentaires ; — arrêts de développement ); voyons maintenant si quelque cause morale n'a pas agi pour troubler le développement normal de l'être de- venu mons{rueux. Sans vouloir faire une part trop large à l'influence des émo- tions maternelles, nous croyons que, dans le cas particulier qui nous occupe , cette inffuence ne saurait être raisonnablement mise en doute. Si l’on se rappelle les terreurs continuelles de la jeune femme lorsque sa sœur lui eut dit qu’elle souhaitait lui voir donner le jour à un enfant monstrueux ; si l’on songe à l'accès de violente colère dont elle fut saisie entre le cinquième et le sixième mois de sa grossesse, on concevra sans peine que ces émotions si vives et longtemps persistantes , aient pu amener des troubles fonctionnels dans la vie de la mère, et, par suite, dans celle de son enfant. De là très-probablement la cause pre- mière des arrêts de développement que nous avons signalés chez ce dernier. Au reste, des exemples nombreux et bien authentiques prou- vent la réalité de ces influences , surtout au commencement de la grossesse. | Nicr les effets des affections morales lorsqu'elles sont violentes et brusques, où même lorsqu'elles sont simplement modérées , mais durables , ce serait vraiment se refuser à l'évidence. « Pour les premières, leur action est si énergique, dit » M. I. Geoffroy Saint-Hilaire, que je l’ai rencontrée égalant DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 163 » quelquefois celle des plus violentes commotions physiques et » même assimilant ses effets aux leurs ; rapport qui ne saurait » surprendre, puisqu'une violente commotion morale à toujours » et nécessairement pour effet immédiat une commotion phy- » sique non moins violente (1). » Aussi M. I. Geoffroy Saint-Hilaire admet-il sans hésiter que beaucoup de monstres pseudencéphaliens ne sont devenus tels que par suite des vives perturbations éprouvées par leurs mères. » Il est même, ajoute-t-il, une famille tératologique , très-voi- » sine de celle-ci, pour laquelle une commotion morale est la » cause la plus ordinaire et peut-être même la cause constante » de la monstruosité : cette famille est celle des anencéphaliens. » Rappelons-nous , en terminant, que la mère de notre nosen- céphale , était primipare , cas assez ordinaire dans ce genre de monstruosité; son enfant a vécu quarante-deux heures; il a crié, mais ses cris étaient faibles et lents. Il a pu avaler de eau sucrée; on a senti à droite les battements de son cœur , et cependant son existence ne s’est pas prolongée au delà d’un jour et demi. C’est qu’en effet, de même que tous ceux qui lui res- semblent, ce monstre n’était pas né viable pour longtemps, et que, en comparant la construction monstrueuse à la construc- tion normale, nous voyons que « bien que parfaites toutes les » deux, si l'on juge d'elles en elles-mêmes et par elles-mêmes , » celle-ci est plus richement douée que celle-là : c'est que l’une » est établie à deux fins, pour vivre deux fois, et dans deux » mondes différents, et l'autre pour une fin unique et pour s’en » tenir à une seule existence. Cette dernière espèce aura vécu » tout ce que son principe de viabilité lui avait attribué d’exis- » tence. Parvenu dans le monde aérien , la force et la prospérité » de ses organes, qui jamais ne furent plus considérables , » l’abandonnent tout à coup, ainsi qu'il arrive au poisson le » plus vigoureux après que le pêcheur l’a retiré des eaux pour » en enrichir ses bourses (2). » (1) Tératologie , t. 3, p. 543. (2) M. E. Geoffroy Saint-Hilaire, sur un fœtus à terme , blessé dans le troisième mois de son âge. — Mémoire de la Soc. Méd. 16% MÉMOIRES Quelque courte qu'elle ait été, cette frêle existence aurait pu fournir matière à bien d’autres observations intéressantes : nous regreltons vivement de n'avoir pas été assez favorisés par les circonstances , pour pouvoir nous livrer à cette curieuse étude. Après la mort du monstre, il ne nous a pas même été permis de porter le scalpel partout où nous aurions désiré le faire pénétrer. Nous avons cru néanmoins ne pas devoir laisser passer inaperçu un cas de monstruosité que nous croyons unique parmi les monstres du genre Nosencéphale. Malgré l’imperfection de notre travail , nous nous estimerons heureux, si l'Académie juge que nous avons suffisamment jus- tifié l'épigraphe que nous avons empruntée à un homme de cœur, qui fat aussi un homme de génie : « Utilitati. » DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 165 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE I. Monstre NosENcÉPHALE, né à Toulouse le 26 juillet 1850. PLANCHE II. Tête et portion du placenta du Nosencéphale de Toulouse. FiG. 1. P placenta adhérent là la face , au crâne et au cerveau par les brides a a, dont les unes se continuent avec la peau. les autres avec la muqueuse buccale. CO cordon ombilical ; b varicosités qu’il présente au voisi- nage de l’ombilic ; c orifice buccal largement ouvert ; d Ian- gue ; e fissure dn voile du palais ; f luette; q lèvre supé- rieure ; h lèvre inférieure ; à arcade dentaire supérieure ; j portion gauche, occupée par les quatre incisives, la canine et les deux molaires de ce côté ; k arcade dentaire, portion droite , logeant les deux molaires seulement, et compléte- ment séparée de la portion du côté gauche. [lobe médian du nez; mm les ailes; nn fentes palpébrales. o globe oculaire gauche sorti complétement de l'orbite; p son pédicule. L'æil droit , ou du moins le globe formé par les membranes qui le représentaient , était situé en x sous la peau , recouverte elle- même par les brides placentaires. q masse cérébrale supposée vue à travers les membranes trans- parentes du placenta. r grandes lèvres; s nymphes ; f clitoris. Fi6. 2. Tète du Nosencéphale vue par sa face postérieure. P amnop comme dans la fig. 1. ce masse cérébrale faisant saillie sous forme d’une tumeur vas- culo -nerveuse, au-dessus de l'espèce de coupe formée par les frontaux et les pariétaux incomplets. Les portions occipitales et temporales de la boîte crânienne sont recouvertes par la peau, sur laquelle sont implantés des cheveux assez longs. 166 MÉMOIRES FiG. 3. Tête du Vosencéphale , vue par derrière et de trois-quarts (côté droit ). P placenta; aa’ brides placentaires adhérentes à la face ; celles qui recouvraient la masse cérébrale ont été en grande partie enlevées. On aperçoit, à droite et sur les deux moitiés de cette masse nervoso-sanguine que l’on peut considérer comme étant les deux hémisphères , une espèce de faux cerveau (fc), ou de membrane fibro-vasculaire séparant les deux hémisphères. æ portion des membranes qui recouvraient la tumeur cérébrale laissée intacte et regagnant , l’une (a) le placenta , l’autre (a’) le globe oculaire gauche (0) ouvert par sa face postérieure. Au-dessus de ce globe on apercevait un lacis vasculaire plus ou moins semblable à celui qui formait une grande partie de la tumeur cérébrale; au centre, on voit l’ouverture intérieure du pédicule et le nerf optique (y) qui se détache de extrémité de la cellule cérébrale antérieure. n fente palpébrale droite garnie de cils ; m aile du nez droite adhérente au placenta par l'intermédiaire de l’amnios. FiG. 4. Organes génitaux externes du Nosencéphale. a méat urinaire; b membrane hymen, percée d’un trou circu- laire ; c clitoris, d nymphes. PLANCHE 1. NOSENCÉPHALE DE TOULOUSE. N. Joly ad Natur etin lapide del MÉMOIRES N.Joly ad Natur rt im lapide del NOSENCÉ PHALE DE TOULOUSE. POP NTENT à à 07e PONS ai. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 167 CONSIDÉRATIONS NOUVELLES SUR LA THÉORIE DE LA CALÉFACTION DES LIQUIDES ; Par M. LAROQUE. (Mémoire lu dans la séance du jeudi 25 juillet 1850). Messieurs , Appelé à payer mon tribut annuel à l’Académie, je viens lui soumettre l'exposé de considérations nouvelles sur la théorie de la caléfaction des liquides. Les phénomènes de la caléfaction des liquides ont été intro- duits dans le domaine de la physique , pour la première fois , vers le milieu du siècle dernier, à peu près en même temps, par Eller et par Lendesfort. Pour ne pas abuser des moments de l'Académie, je supprimerai l'historique de cette partie de la science. Je dirai seulement que plusieurs physiciens en France et à l’étranger en ont fait l'objet de leurs recherches, et que M. Boutigny, entre tous , est celui qui s’en est occupé avec le plus de succès. Ce savant a publié une brochure (1) où sont exposées les expériences nombreuses et très-variées qu'il a faites sur la caléfaction des liquides , et les vues théoriques qu'il a pro- posées pour l'expliquer. Comme cette manière d'interpréter la caléfaction est en con- tradiction directe avec certains principes admis incontestable- (1) Nouvelle branche de physique ou études sur les corps à l’état sphéroïdal ; par P. H. Boutigny. Paris, 1847. 168 MEMOIRES ment en physique ; comme, d'un autre côté, aucun physicien , que Je sache , n'en a proposé encore aucune explication complète et satisfaisante , j'ai pensé que l’Académie écouterait avec intérêt la discussion critique des principales théories qui ont été pro- posées pour expliquer la caléfaction , et qu’elle donnerait son assentiment à celle que je vais exposer et qui seule m'a paru rationnelle, car elle est la déduction immédiate de tous les faits connus. Les résultats de toutes les expériences faites jusqu’à ce jour sur la caléfaction des liquides peuvent être résumés dans les trois propositions suivantes : {7° Proposirion. — Lorsqu'un liquide est projeté sur la sur- face d’un corps solide ou liquide , il s'accomplit des phéno- mènes différents , selon que la température de ces derniers est inférieure ou supérieure à une certaine valeur, variable, du reste , avec la nature des corps en présence. Dans le premier cas, le liquide projeté s'étale sur la surface de projection , y adhère et peut alors le vaporiser par ébullition tumultueuse ; dans le second cas , le liquide projeté n’adhère plus et il prend alors une forme sensiblement sphérique s’il est en masse suffi- samment petite, ou bien des formes variables qui dépendent à la fois de la cohésion , de la pesanteur et des pressions diverses exercées sur sa surface. On dit alors que le liquide est caléfié , ou bien , d’après M. Boutigny, qu'il est à l'état sphéroïdal. 2° Proposirion. — Dans plusieurs circonstances ce sphéroïde parait suspendu d’une manière permanente à distance sensible au-dessus de la surface de projection , comme s’il obéissait à une action répulsive exercée par cette surface. 3° Proposrrion. — Le sphéroïde , s'il est volatil, se maintient à une température moyenne indépendante de celle de la surface de repos et se vaporise en même temps, mais avec une rapidité qui augmente avec la température de cette surface. Lorsque le sphéroïde n’est pas volatil , il s’échauffe jusqu’à ce qu'il ait atteint la température à laquelle il commence à se décomposer. À l’appui des propositions que Je viens d'énoncer, je ne cite- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 169 rai que les expériences les plus saillantes et les plus remar- quables. L’acide sulfureux liquide placé dans un creuset de platine aux températures ordinaires , y adhère et se vaporise par ébulli- ion tumultueuse. Le même liquide placé dans un creuset de platine incandescent dans la mouffle d’un fourneau à coupelle, se transforme en sphéroïde et ne se vaporise que lentement. Pendant que l'acide sulfureux est ainsi calélié , il s’accomplit un phénomène très-remarquable et inattendu. La vapeur d’eau répandue dans l'air atmosphérique qui enveloppe le sphéroïde , se congèle et forme un morceau de glace qui reste dans le sphé- roïde jusqu’au moment où celui-ci a disparu ; alors la glace entre en fusion et l’eau se caléfie à son tour. Dans un cabinet noir on fait rougir une plaque en argent rendue parfaitement horizontale ; sur le milieu de cette plaque on place un cylindre creux , également en argent , ayant à sa base de 0003 de longueur et de 0"001 de largeur, à égale dis- tance l’une de l’autre, de telle sorte qu'un rayon de lumière passant par ces ouvertures passät aussi par l'axe du cylindre. L'appareil étant ainsi disposé, on verse dans le cylindre un gramme d’eau noircie par du noir de fumée : elle se transforme en sphéroïde ; on couvre le cylindre au moyen d’un disque de métal, puis on cherche à voir, par les ouvertures , la flamme d’une bougie placée au niveau de la plaque, et on la voit, sans interruption , entre l’eau caléfiée et la surface du métal. Les expériences que je viens de citer appartiennent à M. Bou- tigny. J’ajouterai que j'ai obteuu l'eau , l'alcool , l'éther, calé- fiés sur des toiles métalliques maintenues à des températures suffisamment élevées. Après ce résumé succinct et le plus exact possible des phéno- mènes de caléfaction, je passe immédiatement à leur étude théorique. On démontre dans la théorie des phénomènes capillaires qu’un liquide mis en contact avec un autre corps est capable d’adhérer à celui-ci , de le mouiller lorsque l'attraction moléculaire réci- proque est plus grande que la moitié de la cohésion du liquide. 170 MÉMOIRES Or, il est constant que les lois qui régissent ces forces sont des fonctions dont la température est une des variables ; et il est permis d'admettre , d’après les expériences de M. Emmest rela- tives à l'influence du calorique dans les phénomènes capillaires , d’après celles de M. Donny sur la cohésion des liquides , que ces deux fonctions varient avec la température, de telle sorte que celle qui se rapporte à l'attraction moléculaire réciproque doive décroître, à mesure que la température s'élève, plus rapi- dement que celle qui se rapporte à la cohésion. Par suite il doit exister une température limite à partir de laquelle le résultat des actions moléculaires doit changer de signe lorsqu'on passe des températures inférieures aux températures supéricures à cette limite ; lors done que l’adhérence existe dans le premier cas , elle ne peut plus avoir lieu dans le second. Donc, à mon avis, l’action réciproque des molécules de deux corps à dis- tance insensible ne dépendrait pas seulement de leur nature , mais encore de leur température ; et par conséquent serait expliqué, sans avoir recours à des théories nouvelles , ce con- tact apparent sans adhérence des liquides caléfiés avec les sur- faces chaudes sur lesquelles on les a projetés. Quand le liquide n'adhère pas à la surface sur laquelle il repose , on a dû rechercher à quelle distance il en est placé. Il est certain que le sphéroïde soumis seulement à l’action des forces moléeulaires ne doit être séparé du corps qui le soutient que par une distance insensible , analogue à celle qui sépare un sphéroïde de mercure de la lame de verre sur laquelle il est placé, à celle qui sépare un sphéroïde d’eau de la plaque de verre noirci qui le soutient. Maïs il est des circonstances , et nous avons eu l’occasion de les faire connaître, où le sphéroïde paraît suspendu à une distance sensible au-dessus de la surface chaude sur laquelle il s’est formé. Or, voici quelles sont les causes diverses qu'on a assignées à celte suspension à distance sensible. M. Boutigny admet que cette suspension est continue , et il l'attribue à une action répulsive du calorique assez énergi- que , pour maintenir le sphéroïde à une distance sensible et DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 171 constante au-dessus de la surface du corps chaud. A l'appui de cette opinion, ce savant produit l'expérience suivante : il prend un cylindre en argent, arrondi par la base, de { centimètre de diamètre et de 4 centimètres de largeur ; il le fait rougir, et quand il est à la plus haute température possible , il le soulève avec un crochet en fil de fer qui passe par un trou ménagé à une de ses extrémités , et il l'enfonce dans un verre plein d’eau tiède. L'eau s'écarte du métal, et le cylindre semble renfermé dans une enveloppe de cristal. J'ai reproduit un phénomène analogue avec un tube de verre noirci dans la flamme d'une chandelle En effet, j'ai plongé ce tube dans l’eau froide qui s'est écartée, et il a paru renfermé dans une enveloppe de cristal. Or, on ne peut pas admettre dans celte seconde expérience l'action répulsive du calorique ; on ne peut donc pas l’admettre dans la première. Sans nul doute , le calorique exalte l’action répul- sive des parties matériclles d’un même corps et de deux corps différents ; mais comme il n'existe aucun fait qui établisse direc- tement que cette action répulsive se manifeste à des distances sensibles , 1l est permis de ranger parmi les hypothèses l'opinion de M. Boutigny sur la suspension des sphéroïdes liquides à dis- tance sensible sur les surfaces chauffées. Je dois citer textuellement l'explication de ce phénomène qui a été proposé par M. Boutan , Professeur de physique au Lycée de Rouen, et qui est exposé dans un Mémoire que ce savant a lu dans une séance de l’Académie des Sciences de cette ville. « Ne serait-il pas possible , dans l’état actuel de la science, de donner une explication plus plausible, et surtout plus ration- nelle , du fait si remarquable de la suspension de la goutte caléfiée ? Voici une théorie à laquelle j'ai été amené après de nombreuses observations : l'expérience nous montre que lors- qu’un solide est échauffé d’une manière continue, sa dilatation ne s'effectue pas , comme on serait porté à le croire , d’une manière uniforme et permanente, mais bien par sauts brus- ques , de telle sorte qu'il existe dans ces corps, à ce moment , un déplacement périodique dans les molécules ; c'est cette espèce de mouvement vibratoire qui engendre précisément un son dans 172 MÉMOIRES l'appareil de Traveliane. Il est nécessaire, pour que le mouve- ment vibratoire soil rapide, que la température soit assez élevée. Dans le creuset incandescent , un phénomène du même genre doit se produire. Si donc on projette à sa surface une goutte d'un liquide qui ne le mouille pas, cette goutte participera à ce mouvement vibratoire et sautillera au-dessus de la surface incandescente. Il n’y aura pas une suspension constante , mais seulement momentanée. On s'explique par à l'erreur de la plupart des physiciens qui admettent la suspension , parce qu'ils ont pu voir un jour entre le liquide et le métal ; c’est qu'en réalité les intervalles pendant lesquels l'isolement de la goutte se produit, se succèdent avec tant de rapidité , que l'œil nous trompe et nous fait croire à leur continuité. » « On peut engendrer un mouvement tout-à-fait identique à à l’aide de l'expérience suivante : On prend une plaque de verre carrée qu'on fixe par ses quatre angles; on répand à sa sur- face quelques gouttes de mercure, qui prennent immédiate- ment la forme sphéroïdale ; puis, à l’aide d’un archet, on fait vibrer la plaque en la frottant perpendiculairement à l’une de ses arètes. Aussitôt on voit la goutte animée du même mouve- ment vibratoire, se détacher de la lame solide, et un rayon visuel, qui rase sa surface, peut faire distinguer une lumière placée de l'autre côté; mais la goutte ne persévère pas long- temps dans cet état ; elle rencontre bientôt un nœud de vibra- tion , et reste là tout-à-fait immobile. » La théorie dont l’Académie vient d’entendre l'exposé, est basée sur l'expérience de Traveliane. Or, quand on a étudié toutes les particularités de cette expérience , on ne tarde pas à reconnaître que cette base manque complétement. En effet, dans cette expérience de Traveliane , les vibrations n'ont pas lieu, 1° lorsque le métal chauffé est l’antimoine ou le bismuth ; 2° lorsque les surfaces en conctact sont très-polies ; 3° lorsqu'on n’a pas eu le soin de pratiquer un sillon sur le métal chauffé ; 4° enfin, lors de l’interposition d’un corps étran- ger entre le métal froïd et le métal chauffé. Or, s'il est vrai qu'une dilatation par sauts brusques soit la cause des vibra- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 173 tions, comment concevoir que les circonstances particulières précitées soient capables de l'empêcher de se produire? D’ail- leurs, quand il s’agit de baser une théorie sur un principe, n'est-il pas plus rationnel de le déduire d’une expérience directe que d’un phénomène employé, dont l'explication est encore incertaine ? Aussi j'ai cru devoir rechercher, par des expériences directes , s’il est vrai que la dilatation des métaux aît lieu par sauts brusques , comme le prétend M. Boutan. Je ferai remarquer immédiatement que le sable fin, projeté dans une capsule incandescente, reste immobile et ne paraît aucunement soumis aux agilations qu'il éprouve lorsqu'il est placé sur une plaque vibrante. D'un autre côté, si on examine ce qui se passe dans le pyromètre à cadran, on voit bien que, pendant les premiers instants de l’échauffement de la barre, l'aiguille a des moments d'arrêt. Mais lorsque la barre est suf- fisamment échauffée, l'aiguille monte d’une manière continue et nullement par saccades, par soubresauts. Enfin, dans le py- romètre qui est à ma disposition , j'ai enlevé le mécanisme qui fait mouvoir l'aiguille, et j'ai placé à l’une de ses extrémités une aiguille de déclinaison assez longue, et de telle sorte, que la ligne des pôles fût dirigée perpendiculairement à la barre, et que l’un des pôles fût maintenu , appuyé par le magnétisme terrestre, contre son extrémité libre. La barre a été chauffée jusqu’au rouge-blanc , et, pendant toute la durée de l’échauf- fement, l'aiguille n'a éprouvé aucune agitation sensible. Elle aurait été vivement agitée au contact d’une barre vibrant lon- gitudinalement. L'expérience de Traveliane et les expériences directes ne prouvent pas, les unes plus que les autres, que la plaque chauflée, au-dessas de laquelle a lieu la suspension d'un sphéroïde, exécute un mouvement vibratoire, Ce n'est donc pas à ce mouvement , comme le veut M. Boutan , qu’il faut attribuer cette suspension. D'autres physiciens pensent que le sphéroïde est soutenu comme par un coussin de sa propre vapeur. Cette explication n’est pas plus admissible que les précédentes ; car la vapeur que laisse dégager le sphéroïde a une densité trop faible pour qu'elle 4° $. — TOME 1. 13 174 MÉMOIRES puisse servir de support au sphéroïde, à la manière d’un cous- sin. Cependant, c'est la vapeur qui est la cause de la suspen- sion du sphéroïde ; mais voici, à mon avis, comment inter- vient son action dans la production du phénomène. Et d’abord il est incontestable que la vaporisation du sphé- roïde est la cause de ses mouvements giratoires ou de trans- port. En elfet, ces mouvements n'ont pas lieu avec les liquides fixes. De plus, quand on a étudié avec soin les phénomènes de caléfaction, on a pu remarquer que le sphéroïde se vaporise avec sifflement toutes les fois qu’il est mis en contact avec une portion du corps chaud, dont la température n'est pas assez élevée pour détruire l’adhérence ; qu'il est projeté avec force à distance, et que, quelquefois même, il éclate et se divise en plusieurs autres sphéroïdes de plus petite masse. Faut-il encore une autre preuve évidente que la vaporisation est la cause de l'agitation du sphéruïde? Il suffira de citer l'expérience sui- vante : Quand un sphéroïle d'eau est très-agité, si on laisse tomber dans sa masse quelques grains de limaille de fer, à l'instant même le sphéroïde reste immobile. Or, tandis qu'il est impossible de concevoir comment ce faible accroissement de poids donné au sphéroïde pourrait détruire les impulsions qui lui seraient imprimées par uue dilatation en soubresauts, on conçoit très-bien qu il soit suffisant pour détruire la résultante des pressions exercées par le milieu ambiant, D'ailleurs, n'ad- mel-on pas avec raison que la vaporisation du camphre est la cause de ses mouvements à la surface de l’eau ; que le gaz hy- drogène produit pendant la décomposition de l’eau est la cause de tous les mouvements qu'exécute un fragment de potassium qu’on a jeté sur la surface de ce liquide? est donc très-rationnel de rattacher à cette même cause tous les mouvements des sphé- roïdes; mais on doit admettre en même temps qu'entre le sphéroïde et la portion de la surface chaude située immédiate- ment au-dessous, la vapeur possède nécessairement une force élastique plus grande que celle de la vapeur qui se forme sur tous les autres points de la surface du sphéroïde : de là, pour les pressions exercées sur tous les points de cette surface par le DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, . #15 milieu gazeux ambiant, une résultante qui soulève le sphé- roïde; mais, à mesure que celui-ci s'élève, cette résultante dé- croît et le sphéroïde retombe , pour s'élever et retomber encore, et ainsi de suite... Le sphéroïde oscille donc entre deux li- mites assez rapprochées , que l'œil ne peut pas distinguer, et dès-lors il doit paraître en suspension immobile au-dessus de la surface chaude, Il se produit ainsi , à l'égard du sphéroïde , un phénomène analogue à celui que l’on observe avec un disque placé près de l'ouverture d’un vase, par laquelle s'écoule un gaz comprimé. On sait que ce disque reste suspendu près de l’o- rifice malgré l’action de la pesanteur , et qu'il exécute un mou- vement vibratoire. J'ai donné, si je ne m'abuse, une explication satisfaisante de deux phénomènes qui accompagnent la caléfaction des li- quides, la non adhérence et la suspension du sphéroïde à dis- tance sensible de la surface chaude. Je dois aborder maintenant la partie la plus importante de la théorie de la caléfaction, car il s’agit de rendre compte de l'inégalité de température entre le sphéroïde et la surface chaude, inégalité qui peut être très- grande, et de la lenteur avec laquelle s'effectue la vaporisation du sphéroïde. Tous les physiciens , M. Boutan excepté, qui ont fait des re- cherches sur la caléfaction, ont employé le thermomètre pour déterminer la température des sphéroïdes. Ce procédé est vicieux: car, même dans les expériences de M. Boutigny, la masse du thermomètre n'est pas négligeable par rapport à celle du sphé- roïde , et dès lors le thermomètre indique une température in- férieure à celle du sphéroïde. Je dois faire remarquer qu'il existe dans tout sphéroïde des courants liquides qui indiquent que toutes les parties n’ont pas la même température. En supposant donc que le thermomètre réalisät un appareil d'exploration suf- fisamment exact dans les circonstances que nous considérons , il ne pourrait toutefois faire connaître que la température moyenne du sphéroïde. M. Boutan a utilisé les courants thermo-électriques pour dé- terminer la température des sphéroïdes. Il à imaginé à cet effet 176 MÉMOIRES un procédé d'expérimentation dont il a emprunté le principe à M. Régnault, et qui lui a permis de sonder le sphéroïde à diffé- rentes profondeurs, et de déterminer isolément la température de chacune de ses parties. Ce procédé n'est pas, à mon avis, à l'abri de toute cause d'erreur : il doit être expérimenté avec une grande circonspection. Cependant, dans l’état actuel dela science, c'est celui qui doit être préféré à tous les autres ; aussi est-ce celui auquel j'aurais eu recours pour déterminer la température des sphéroïdes. Maïs j'ai dû m'abstenir, voulant laisser à M. Boutan, qui avait le mérite de l'invention, la plus juste de toutes les récompenses, celle de faire connaître , le premier, les résultats fournis par ce procédé. Au reste, la connaissance exacte de la température, qui im- porte beaucoup à la science, n’a plus la même importance quand il s’agit seulement d'expliquer et l'inégalité de température du sphéroïde et de la surface chaude, et la lenteur de la vaporisa- tion de ce sphéroïde. Je crois donc, quand on n’a en vue que cette explication, qu’on peut admettre, comme suffisamment exacts, les résultats des expériences de M. Boutigny. Je les re- produis tels qu’il les a donnés dans son ouvrage. Nature du liquide. Température. Sphéroïde d’eau..... HAE OS FOPENPREUURES Id. d’alcool absolu.......... ... +75 ,9 Id. d’oxide d’éthyle...... se... 84 ,20 Id. de chlorure d’éthyle. .......<+ 10 ,5 Id. d'acide sulfureux. ......... . —10 ,5. Il résulte de ces données numériques qu’un sphéroïde d’a- cide sulfureux se maintient à une température qui diffère peu de 10°,5, dans un creuset dont la température peut s’élever jusqu’à 1500°. De ce fait et de ses analogues, M. Boutigny a cru pouvoir conclure que les sphéroïdes sont dans un état particulier, mé- connu avant lui par les physiciens, différent des états solide , liquide et gazeux, qu'il a proposé d'appeler état sphéroïdal. A ce nouvel état il a rattaché plusieurs propriétés caractéristiques , parmi lesquelles il nous importe seulement de signaler celle de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. AT réfléchir, presque en totalité, les rayons de chaleur. Ce serait en vertu de ce pouvoir réflecteur, presque total, que les sphé- roïdes pourraient rester froids dans une enceinte chaude; ce qui constituerait une exception au principe général de l’équi- libre de température. À ce sujet on trouve, us la brochure de M. Boutigny, le passage suivant : « Dans un espace inégalement chaud , dit M. Pouillet, quand l'équilibre est établi, la tension de la vapeur est la même dans tous les points , et partout elle est égale à la tension maximum des parties de cet espace qui sont à la température la plus basse. » « Si l’on remplace, ajoute M. Boutigny, le dernier mot de cette loi par le mot haute, on aura, sinon la loi de la tension de la vapeur des corps à l'état sphéroïdal, au moins la marche des phénomènes ; c’est-à-dire que pour les corps à l'état sphéroïdal , c’est le contre-pied de la loi admise jusqu'ici comme vraie, qui représente les faits. Cela résulte de la plupart des expériences consignées dans la première partie de cette bro- chure. » Or voici quelles sont ces expériences : « Une chaudière sphérique en cuivre rouge , de la capacité de 230 cent. cubes, est placée au moyen d’un support sur la flamme d’une lampe à alcool à double courant ; lorsqu'elle est rouge , on y verse, avec une pipette, de 10 à 15 grammes d’eau distillée qui passe à l'état sphéroïdal. Alors on descend dans la chaudière un thermomètre disposé à l'avance, et de manière qu’il soit le plus près possible de l’eau sans y toucher , puis on observe la colonne thermométrique ; on la voit monter rapidement jusqu’à 150, 200, 300 degrés et au delà, suivant l'intensité de Ja flamme. » On prépare une seconde expérience comme la précédente, t, lorsque le thermomètre indique la température de 200 de- 4 on soustrait la chaudière à l’action de la lampe , et bientôt après, l’eau change d'état, mouille les parois de la chaudière, et bout fortement , et le thermomètre descend tout à coup à 100°, conformément aux lois de l'équilibre de chaleur. » 178 MÉMOIRES Qui ne peut voir, à l'exception du savant à qui nous em- pruntons les deux expériences précitées, que la première, comme la seconde , sont conformes aux lois de l'équilibre de chaleur ? En effet , dans la première, le thermomètre indique la tempé- rature de la chaudière, et non celle de la vapeur qui l’enve- loppe; dans la seconde , il indique la température commune à la chaudière , au liquide et à la vapeur qu'il laisse dégager. Maintenant que j'ai fait bonne justice de ce que M. Boutigny appelle, improprement, l’aniquilibre de la chaleur , je m'em- presse de démontrer qu'on ne peut pas admettre que les sphéroï- des liquides possèdent un pouvoir réfléchissant total. M. Boutigny dit bien quelque part dans sa brochure, que la matière à l’état sphéroïdal réfléchit la chaleur rayonnante; et après s'être demandé si cette chaleur est réfléchie en totalité, il répond qu'il l’ignore, mais que ce n’est pas probable. Cependant il admet la réflexion totale toutes les fois qu’elle est nécessaire à ses vues théoriques. Quant à moi, je répondrai avec assurance qu’elle n’est pas possible. Les considérations théoriques et les faits que je vais exposer, me permettent de donner une réponse aussi positivement affirmative. Tous les physiciens sont d'accord aujourd’hai pour admettre la parenté la plus intime entre le calorique rayonnant et la lumière. Or, on sait qu'il n’y a réflexion totale pour la lumière que quand elle tend à passer d’un milieu plus réfringent dans un milieu moins réfringent, sous un angle d'incidence plus grand que l'angle limite. Par analogie, le phénomène de la réflexion totale ne devrait sereproduire pour le calorique rayon- nant que dans des circonstances semblables. C’est cependant le contraire qui aurait lieu sur les sphéroïdes. Toutefois, si l’on admet cette réflexion totale du calorique rayonnant sur la sur- face des liquides qualifiés , on est conduit, comme je le ferai voir, à des conséquences en contradiction avec les faits observés. Les masses sphéroïdales ne recevant plus de la chaleur, puisque le calorique rayonnant de l'enceinte est réfléchi en totalité sur leurs surfaces, devront se refroidir indéfiniment, car elles perdent une partie de leur chaleur propre , soit par le fait de l’évapora- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 179 tion , soit en vertu de leur pouvoir émissif que l'on ne peut pas supposer nul, car onseraitalors en contradiction avee la réalité. Cependant leur température moyenne reste sensiblement cons- tante. Il y a done absorption et non réflexion totale. L'interprétation logique des faits conduit à la même consé- quence. Une goutte d'une huile grasse projetée dans une capsule de platine incandescente se globulise instantanément. D'après le phénomène de la réflexion totale, elle devrait conserver la température qu'elle possédait au moment de sa chute dans la capsule; elle s'échauffe au contraire jusqu’à ce qu'elle ait atteint la température de sa décomposition , ce qui a lieu en peu d’ins- tants. Un sphéroïde de mercure sur le verre, un sphéroïde d’eau sur le verre noirci à la flamme d’une chandelle s’échauffent sous l'influence des rayons solaires concentrés sur leur surface avec une lentille. Et à côté de ces faits, je pourrais en citer beaucoup d’autres qui conduiraient tous à celle même consé- quence, c'est que les masses sphéroïdes ont un pouvoir absorbant. Donc ce n’est pas en invoquant un pouvoir réfléchissant total , qui n'existe pas , qu’on peut expliquer l'inégalité de température entre lesphéroïde et la surface chaude. Sans doute , pour donner l'explication mathématique de ce phénomène, il faudrait con- naître le pouvoir absorbant du liquide caléfié , la tension de sa vapeur , et le calorique latent de celle-ci, toutes données qui manquent, malheureusement , à la science. Quoi qu'il en soit, on est obligé forcément d'admettre que l’invariabilité de la température du sphéroïde dans une enceinte surchauflée, a pour cause sa vaporisation partielle. D'ailleurs, comment inter- préter avec un pouvoir réfléchissant total , le fait d’une rapidité plus grande dans lévaporation lorsque la température de l’en- ceinte s'élève, fait d'accord au contraire avec la théorie que je propose? Je m'abuserais done étrangement si je n'étais pas parvenu à donner une explication satisfaisante des phénomènes de caléfac- tion , et à La faire adopter par l’Académie. Qu'il me soit permis, en terminant cette première partie de 180 MÉMOIRES mon Mémoire , de faire connaître pourquoi il s’est produit un désaccord si grand entre les théories proposées pour expliquer la caléfaction ; pourquoi certaines de ces théories sont en oppo- silion directe avec quelques principes incontestablement acquis à la science. | Cest parce que certains physiciens n'ont pas voulu se rappeler que la communication de la chaleur entre deux corps adhérents, n'est pas soumise aux mêmes lois que la communication de la chaleur par rayonnement. C'est parce que certains n’ont pas admis, par mégarde , que la constitution physique de la couche liquide adhérente à un solide , doit être différente de celle du même liquide caléfié ; que par suite, dans ce dernier cas, la vaporisation doit se faire dans des conditions différentes de celles nécessaires à la vaporisalion de la couche liquide adhérente. C’est enfin, parce que , dans l'étude de la caléfaction , dans la recherche d’une théorie pour l'expliquer, on a trop souvent pensé au phénomène de l’ébullition, et parce qu'on a voulu déduire par comparaison du second au premier. Mais alors on aurait dû avoir égard à ce que ces deux phénomènes s’accom- plissent avec des constitutions physiques différentes pour le même liquide, à ce que la communication de la chaleur dans un cas a lieu par contiguité, dans l’autre par rayonnement, Alors aussi on n'aurait pas méconnu qu’il devait exister des différences notables dans les manifestations des deux phénomènes. J'ajou- terai que le phénomène de l’ébullition, auquel on a trop souvent comparé le phénomène de la caléfaction , est encore un de ceux dout la théorie est restée incomplète, et que toutes les tentatives pour la compléter sont restées sans succès. On ne doit plus trouver surprenant qu’on ait abouti à des conséquences dont l'explication nécessitait des principes nou- veaux, en contradiction avec ceux dont la science est en pos- session légitime , toutes les fois que, dans la comparaison de la caléfaction à l’ébullition d’un liquide , on a méconnu les consi- dérations qui précèdent. Est-ce à dire que l'étude expérimentale de la caléfaction est DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 181 terminée ? Certes non! car il reste encore à connaître la tempé- ralure précise des sphéroïdes dans les circonstances diverses où ils se forment ; à mesurer la tension de la vapeur qu'ils laissent dégager ; à déterminer comment varie celte tension avec la température , etc. À notre avis, l'étude de la caléfaction est trop négligée. Et cependant c’est elle seule qui doit nous faire connaître le mode d’action du calorique sur les liquides dans leur état normal ; car on ne saurait mieux définir l’état liquide qu’en disant que cet état est celui d’un corps qui, soustrait à toute action extérieure, doit prendre nécessairement la forme sphé- rique. Enfin, c’est par une étude approfondie de la caléfaction que l'on peut parvenir à donner une théorie satisfaisante de l'ébullition, que l’on peut espérer d'ajouter un progrès à nos connaissances très-restreintes sur la constitution intime des corps. Je terminerai en ajoutant quelques mots sur certains faits très-curieux , que les savants dédaignaient , parce qu'ils parais- saient en contradiction avec les théories admises , et que M. Bou- tigny a rattachés, par une heureuse sagacité , aux phénomènes de caléfaction. Je ne citerai que ceux qui sont authentiquement acquis à la science. A la forge de Magny , près Lure, au moment où la fonte en fusion sortait du wilkinson, plusieurs employés, en 1849 , ont passé le doigt dans le jet incandescent , et le doigt n'a pas été brûlé. M. Boutigny a coupé avec une main un jet de fonte de 5 à 6 centimètres de diamètre, et il a plongé l’autre main dans une poche pleine de fonte incandescente. Il n’a éprouvé qu'une faible sensation de chaleur. Il a répété des expériences analogues avec du plomb , du bronze et d’autres métaux en fusion , et tou- jours avec la même impunité. Dans la note par laquelle M. Boutigny faisait connaître ces expériences , ce savant ajoutait : « J'ai répété plusieurs fois l’ex- périence , et je n'hésite pas à déclarer qu’elle est de la plus par- faite innocuité, et que la main de femme la plus blanche et la plus délicate pourrait la répéter sans le moindre danger , je dis plus, sans le plus léger inconvénient. » 182 MÉMOIRES En effet , dans la fonderie de M. Covlet à Laval, la fille de ce fondeur , enfant de huit à dix ans , a plongé la main dans un creuset plein de fonte incandescente et l'a retirée sans brûlure, et a confirmé ainsi, en ce point, la déclaration précédente du savant d'Evreux. M. Légal a plongé la main, d’abord mouillée avec de l'éther , dans un vase rempli d’eau, au moment où, celui-ci retiré du feu , l’eau qu’il contenait a cessé de bouillir. La main a parcouru la circonférence du vase, et il n’a ressenti aucune sensation de chaleur. J'ai plongé le doigt mouillé avec de l'éther dans l'acide sul- furique concentré, supportant un sphéroïde d’éther, et je n'ai éprouvé aueune sensation de chaleur, je n’ai eu à subir, par conséquent, aucun des accidents graves et douloureux qu'en- traînent les brûlures par l'acide sulfurique. Nul doute que dans toutes les expériences précitées , le liquide qui humecte l’épiderme ne soit caléfié. Alors ce liquide se main- tient à une température de beaucoup inférieure à celle du milieu dans lequel il est plongé et se vaporise lentement. La chaleur rayonnante envoyée à la main pendant la faible durée de l'expé- rience, est transformée presqu’en totalité en calorique latent, et comme de plus l’épiderme a une conductibilité thermique très-faible, on conçoit dès lors très-bien que la main puisse subir impunément l'épreuve du feu. Telle n'est pas l'explication proposée par M. Boutigny. Ce savant explique les phénomènes précités , en donnant au liquide caléfié qui mouille l’épiderme, la propriété de réfléchir en totalité la calorique rayonnant. Il croit confirmer cette théorie, en rap- portant que les parties de la main qui ne sont pas immergées dans le métal en fusion, éprouvent une sensation de chaleur douloureuse, suivie de rougeur à la peau, tandis qu'au con- traire les parties plongées dans le bain en sortent saines et sauves. Mais ici, comme ailleurs, M. Boutigny est surpris en flagrant délit de fausse interprétation ; car la partie de la main plongée dans le bain en fusion, n’est soumise qu’au rayonnement du bain , tandis que celle qui est au dehors est soumise à ce rayon- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 183 nement et aux courants ascendants de gaz chauds qui agissent par contact. De là la différence des effets observés. Je tiens à ce qu'on sache que nul plus que moi ne rend hom- mage à l’habileté d’ expérimentation , à la persévérance et à la sagacité que M. Boutigny a prodiguées dans ses recherches sur la caléfaction. Mais j'ai cru de mon devoir de combattre surtout la théorie qu’il a proposée pour l'expliquer , et parce qu'elle m'a paru erronée. el parce qu’elle commence à devenir funeste , car on commence à l'introduire dans l’enseignement élémen- taire de la physique. 184 MÉMOIRES DÉVELOPPEMENT D'UN POLYNÔME ALGÉBRIQUE, PAR UNE MÉTHODE INDÉPENDANTE DU BINÔME DE NEWTON; Par M. E. BRASSINNE, Professeur à l'Ecole d'artillerie de Toulouse. 1° Dans le calcul différentiel, après les règles les plus simples de la différentiation, on établit d’une manière géné- rale le développement de Taylor. Dans l'algèbre élémentaire, on peut, après les quatre opérations élémentaires, former le développement d’un polynôme algébrique /(x) dans lequel on change x en x +h. Pour cet effet, nous démontrerons deux lemmes préliminaires. Leume Ier : Pour sommer la suite : (D) = 1.2.3... p + Op PE 1 +... mini n+-p—1. formée de produits de p facteurs successifs, tel que le dernier facteur surpasse dans chaque produit le premier facteur de p— 1, ü suffit de considérer le dernier produit de la suite, de multiplier ce produit par son dernier facteur augmenté d’une unité, et de diviser le résultat par autant d'unités qu’il y a de facteurs dans le nouveau produit. Ainsi la p+1 Pour démontrer ce lemme , je multiplie les deux membres de la relation par p+i; nous trouverons : somme f — DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 185 (2) fep+i=r1.2 ne P-p+1 p+i +. + nn: n—1. .NhÆp—i.p+. Or en ajoutant les deux premiers termes du second membre de cette mp. . savoir isolé 1.2.3 — p(p+41)0n trouve pour résultat 2.3.4... p.(p+ 1)(p+42), ajoutant cette somme avec le terme HU et isolant 2.3.4... (p+1)(p+2) on trouve pour somme 3. f.5.. (p + Gp E2)0p +3). Suppo- sons qu'en poussant ainsi l'addition jusqu'au 2 — 1° terme, "ER “paur Le édhete on trouve pour somme : (7—1)(n)..(n+p—2)(1+p—1 en réunissant ce résultat au n°" terme et isolant n(n+i)..(n+p—2)(n+p—1), on trouvera pour somme n(n+i)(n+2)..(n+p—1)(n+p) et par suite, d'après la relation {2) f = ROLE RE PEER ONCE. Ce qu'il fallait démontrer. Lewme I : Écrivons les suites : PRDE LU MÉPUUNE - ÉCSUEE PO D 0: JS Taha (5) à Lo A As DO D ssts H#10/20%9, 00, 049! 120 1. de: 1, 4) Les termes successifs d’une suite quelconque, se for- ment, par l'addition de un, deux, trois... termes de la ligne supérieure. On voit que la somme d’une suite devient terme général de la suite qui succède. Ainsi la somme des 72 termes de la premièro suite est #7, les termes de la seconde suite sont les diverses valeurs de »2, mais d’après le lemme m(m +1) ap en Aer la somme de 2 termes de cette suite sera troisième suite, qui présente les diverses valeurs de cette somme pour M1, M—2,.. POurra s’écrire ainsi : (ra+23+34+.+m(m+ 1) = 186 MÉMOIRES d’après le premier lemme : la quatrième série dont cette somme est le terme général s’écrira ainsi : m m 1+-3 53(2.342.3.44+ …+m. (mHiXm+2))= CEE D et en général la série d'ordre p s’écrira ainsi : = 2.(p—1)+. +m(m4).. (m+p— 2))= mm)... (mp1) (p—1) MACRE TE 2° Ces deux lemmes posés, considérons un polynôme algébrique : f(x )= 2" + A, MA a A a LA x A. (4) si on divise ce polynôme par x—a, le quotient est assujetti à une loi connue, qu’on peut démontrer généralement, en faisant voir , que si elle est vraie pour un polynôme du degré m, elle sera vraie pour un polynôme du degré m+ 1, qui aura la forme xf(x)+A,,,,. Le reste de la division est toujours égal au dividende, dans lequel on remplace x par à : éeri- vons ce quotient désigné par @, (x ) : AT! a x" La LT L LT... Lan: +A, + A, a + À, a° +A,a”"—* 5 +A, + A,a +... @) + À; Si nous divisons ce quotient par (x-—a), la même loi de formation aura lieu; ainsi après le premier terme x”—* du nouveau quotient, on mulupliera le coefficient de x”? par a et on ajoutera le second coefficient «+ À, , la somme 2a<+A, sera de nouveau mulüipliée par a et ajoutée à 4,+A, a+A, On voit avec une légère attention , en considérant le résultat par lignes horizontales, que les coefficients numériques for- més par des additions successives suivent dans toutes les lignes la loi de la deuxième des séries (3) et que ce quotient, désigné par ®,( x}, sera : DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 187 a" Loalax"-+L3a |x" +4 dar PES +A, +2A,a +3A,a LA, - +2A,a ohiro | Si en divisant de nouveau par (x —a", les coefhicients successifs de x dans la première ligne horizontale du résultat se formeront ainsi : pour le second coeflicient on aura a-baa=3a, pour le troisième 3a°+3a=Ga*, pour le quatrième Ga? + 4 a = 10 4 ete. en un mot les coeflicients numériques seront les nombres successifs de la troisième des suites (3). Et la même loi de division existant toujours, après avoir divisé p fois de suite par x—4« ou après avoir divisé la proposée par (x—a), on aura pour les coelfi- cients numériques des lignes horizontales du quotient les nombres de la suite du grouppe (3) qui est d'ordre p, suite que , d’après le second lemme, nous pouvons écrire ainsi qu'il suit : 1 (12.8.(p—1)+23.p+345.(p41 +.) nous aurons done après p divisions le quotient suivant , 1.2.3.p—1 . . DA ll qui sera multiplié par PTE 1.2.3.(p—1)2x"—P + 2.3..p.a (xp 4, (mp 41) (m1) ap +i1..(p—1)A, +{n—p).…..(m—2) a"? 22 …....…... HN. FA Les coefficients numériques de toutes les lignes horizon- tales suivent la même loi, seulement, ils sont avancés d’un rang en passant d’une ligne inférieure à la supérieure. Cela posé, si nous faisons x —=a dans le quotient g (x), et si nous groupons tous les termes de chaque ligne horizontale, nous aurons, pour la première ligne et en vertu du lemme 188 MÉMOIRES x jar : m—p F2 L premier : ns X(m-—p—1)(m—p—2)..{(m—1)(m), c'est à dire la dérivée d'ordre p du terme a”, divisée par 1.2...p pour les secondes, troisièmes lignes, nous aurions les derivées de l’ordre p des termes A, a”—", À a"? divi- , ? \ LS; ’ cl / sées 1.2...p. D'où il résulte que le quotient 9, (x) dont la 1) loi est connue se réduit à Sas lorsqu'on pose x =. 9° En partant des principes précédents, on voit que si on divise (x) par (2— a) et qu'on appelle ®, (æ)le quotient , et /(a) le reste; si de même on divise @, (x) par (x—a), et qu'on désigne par @,(x) le quotient et le reste par f' (a), on pourra écrire la suite d’égalités : f(x)= fa }+p,(æ x — a) Ax)=f" (a) +e.(x)x— a) (x) =f Dho(x)(x—a) f P(a) : P(x)=— Sp + Ph(x)(x—a) 2 20... D'où par les substitutions successives il résulte que : se (4) ftæ)=f(a)-+f' (a). (x —a)+f" (a) ED j (a+. Si dans ce développement on pose x=u+, on aura le développement de f(x+7%) et par suite comme cas parti- eulier le bmôme de Newton. — La formule (6) fait voir que si la proposée f(x) à p racines égales à a, cette quantité &, rendra nulle la proposée f(x) et les (p—1) dérivées J'(x), f'(x).… f09(x).. Et comme un développement DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 189 analogue au développement (6) peut être appliqué à la dé- rivée f'(x), on voit que cette fonction contiendra le facteur (x—a},. Enfin l’équation (6) met en évidence le théorème de Newton, sur ses limites, et qui consiste en ce que, si a > 0 rend positive la proposée et toutes les dérivées, les racines positives de la proposée seront toutes moindres que a. 4° S,- TOME 1, 44 190 . MÉMOIRES DE L’IODURE D'AMIDON SOLUBLE ET DE SON SIROP ; Par M. MAGNES - LAHENS. MESSIEURS , La Pharmacie a été le berceau de la Chimie, et c'est du rang des pharmaciens que sont sortis la plupart des chimistes qui ont enrichi de leurs découvertes cette science féconde. Qu’à ce titre il me soit permis de traiter devant vous un sujet pharmaceu- tique. Si ce sujet n'offre pas, au plus grand nombre d’entre vous, l'attrait qui s'attache d'ordinaire à vos lectures , vous me pardonnerez, je l'espère, de l'avoir choisi, parce qu'il convient à ma spécialité, de laquelle la prudence et les convenances, en quelque sorte, me défendent de sortir. Depuis quelques jours à peine, l'iodure d’amidon soluble et son sirop ont été introduits dans la thérapeutique. L'un et l’autre de ces composés nous sont expédiés de Paris, et on a pris grand soin d’en cacher le mode de préparation ; c'est à peine si, pour ôter à ces remèdes l'apparence du secret, on a laissé échapper quelques mots sur leur composition. C'est le mystère dont on a entouré les préparations dont je vous entretiens, qui m'a surtout déterminé à entreprendre ce travail, dont une partie a été lue, il y a peu de jours, à la Société de Médecine. Dé- voiler ce mystère a eu pour moi un double attrait, et surtout un double but. J'ai voulu , malgré ma faiblesse, attaquer l’in- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 191 dustrialisme pharmaceutique ; fléau redoutable qui, en trans- formant des hommes de science en traliquants intéressés , com- promet la Pharmacie, et, par contre-coup, la science chimi- que. J'ai voulu aussi m'opposer, en tant que je le puis, à cette désolante centralisation parisienne, qui, toujours et en toute circonstance , cherche à absorber la province. Mes efforts , quel- que faibles qu'ils soient , seront , j'en suis certain , vus de bon œil par vous, Messieurs , qui luttez avec persévérance et avan- tage contre l'esprit envahisseur que je signale, et prouvez tous les jours que notre cité possède des hommes capables de sentir et de penser en dehors et souvent en dépit de l'influence pa- risienne. Jai donné, dans le travail lu à la Société de Médecine, le mode de préparation de liodure d'amidon soluble et du sirop, en rapportant les expériences nombreuses que j'ai tentées pour arriver à ce résultat. J'ai signalé de plus la curieuse transfor- mation du sucre de canne en glucose, sous l'influence de l'io- dure d’amidon. Je vous rendrai compte aujourd'hui de quelques nouvelles expériences que j'ai faites depuis. Il me paraît pour- tant convenable de rappeler, auparavant , le mode opératoire suivi pour obtenir les deux eomposés dont je vous entre- tiens. Pour préparer l'iodure d’amiäon comparable en tout point à celui qui nous vient de Paris, sous le cachet de M. Quesneville, Je prends : Inde, sac ST OARS MOREL tte LA AUS { partie; Amidon convenablement torréfié. .... 9 parties; Eau, suffisante quantité pour rendre à l'amidon l'eau hy- grométrique que la torréfaction a dissipée. Je chauffe le mélange au bain-marie d'eau bouillante, dans un matras bien bouché, et, au bout de quelque temps, quand il ne reste plus de vapeur d'iode dans le matras , et que le mé- lange a pris une couleur bleue si foncée qu'elle paraît noire, l'opération est terminée ; l'iodure lavé à l'alcool, puis traité par l'eau chaude, s’y dissout en entier. 192 MÉMOIRES Je prépare le sirop de la manière suivante : lodure d’amidon soluble. .... 25 gr. LD LR ne ter ei AS Did Sucre finement concassé. . ... 650 gr. Je dissous dans l’eau , au bain-marie d'eau bouillante, l'io- dure d’amidon , et, quand la solution est complète, j'ajoute le sucre ; dès que celui-ci est dissous, le sirop est renfermé dans un flacon, que je bouche avec soin. Depais ma lecture à la Société de Médecine, j'ai reconnu qu'il n'est pas nécessaire, pour obtenir l’iodure d’amidon soluble, de torréfier préalablement l'amidon, et voici ce que J'ai remar- qué. Si on introduit dans 5 petits tubes un mélange très-exact d’une partie d'iode et de neuf parties d'amidon humide, et que l'en maintienne ces tubes dans l’eau bouillante, en les y laissant, le premier, 1/2 heure; le deuxième, {1 heure; Île troisième, 1 heure et 4/2 ; le quatrième, 2 heures ; le cinquième, 3 heures, et que lon traite ensuite les produits par quelques gouttes d'eau froide, on s'aperçoit que la poudre contenue dans le premier tube n’est soluble qu'en partie, et donne une teinte bleu pur; que la poudre du second tube est plus soluble, et fournit une teinte bleue tirant sur le violet; que la poudre du troisième tube est entièrement soluble, et que la teinte du liquide est plus violette ; et ainsi de suite jusquà la poudre du cinquième tube, qui donne une liqueur d’une teinte semblable à celle qui est produite par liodure obtenu avec l'amidon tor- réfié. Est-ce la chaleur prolongée qui, par sa seule puissance , modifie l’'amidon de la même manière que le fait la torréfac- tion , ou bien l’iode intervient-il pour accélérer ce changement ? Je pencherais pour la dernière hypothèse, d'autant plus, que la température a été loin d'atteindre, dans les essais que je viens de décrire, celle qui est nécessaire pour opérer la torré- faction. D'après ce que Je viens de rapporter, il n’est plus indispen- sable d'employer de l’amidon préalablement torréfié pour ob- tenir l’iodure d’amidon soluble. Une étude attentive, mais très- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 193 facile, des deux modes opératoires proposés, indiquera celui qui mérite la préférence sous le rapport du temps, de la dé- pense et de la facilité d'exécution. Le temps m'a manqué pour me livrer à cette étude. Je vous ai déjà dit, Messieurs, que le sucre de canne se trans- forme en glucose sous l'influence de l’ioture d’amidon. J'ajoute que la réaction s'opère lentement à froid, et très-vile, au con- traire, au bain-marie d’eau bouillante. Curieux de savoir si l'iode et l'iodure de potassium réagi- raient sur le sucre de canne de la même manière que l'iodure d'amidon , j'ai fait quelques essais , en commencant par l’iode. J'ai broyé soigneusement 5 centig. d'iode avec 12 gr. de sirop de sucre. Celui-ci a pris immédiatement une leinte jaune tirant sur le vert. Versé dans un tube, que j'ai bouché et chauffé au bain-marie d’eau bouillante, le sirop est devenu d’un jaune plus franc, puis a passé au rouge, et a perdu, au bout d'un quart d'heure environ , cette dernière couleur , pour prendre la teinte ordinaire du sirop de sucre ; il rougit fortement le papier tour- nesol, et, essayé avec l'eau de chaux, il se comporte avec ce réactif comme le glucose : il ne colore pas la colle d'amidon, mais quelques gouttes d'eau chlorée déterminent à l'instant une co- loration bleue très-intense. 11 paraît, d’après cela, qu'en même temps qu'il se forme du glucose, il se produit de l'acide iodhy- drique , reconnaissable, d’une part, à son action sur le papier tournesol , et d'autre part, à la coloration qu'il communique à lamidon par l'intervention du chlore. Le temps m'a manqué pour constater d'une manière rigoureuse, si l'acide formé était bien de l'acide iodhydrique (1). (1) La manière très-différente dont liode se comporte avec le sirop de sucre et le glucose peut être utilement mise à profil pour reconnaitre si un sirop donné est préparé avec du glucose ou du sucre de canne. Eu eïfel, si on broie cinq centigrammes d’iode avec douze grammes de sirop formé de glucose, celui-ci se colore en rouge vineux, qui, par la chaleur, prend la teinte de la plus belle mélasse. La température du bain-marie d’eau bouillante , continuée pendant deux heures , ne change pas cetle coleration ; 19% MÉMOIRES L'iode broyé avec le sirop de sucre , et laissé en contact avec lui pendant vingt-quatre beures à la température de 10 degrés, ne réagit pas sur le sucre d’une manière sensible; le sirop est simplement coloré en jaune : si on lui enlève, par plusieurs lavages à l’éther, l'iode qu'il a dissous , il reprend sa teinte primitive, ne manifeste pas de réaction acide, et n’est nulle- ment coloré en bouillant avec l'eau de chaux. L'iodure de potassium, soit à froid, soit à chaud , d'exerce pas d'action sur le sirop de sucre. Connaissant la grande affi- nité de l’iode pour le potassium , je n'ai pas été surpris de ce résultat négatif; j’aurais bien voulu constater l'action de plu- sieurs autres iodures sur le sirop de sucre ; mais ici encore le temps m'a fait défaut ; je dois dire pourtant que cette action est facile à pressentir d'après les données très-exactes fournies na- guère par M. Dorvault sur ces halosels dans son lodognosie. La plupart des iodures étant, d'après ce chimiste, plus où moins décomposables par la chaleur , ils doivent, selon leur plus ou moins grande instabilité, transformer plus ou moins facile- meni le sucre de canne en glucose. J'ai fait, à l'occasion de quelques expériences que je n'ai pas consignées ici, et de celles dont je vous ai rendu compte, des remarques que je vous rapporterai ici, comme des corol- laires de ces expériences. 1° Plus l’amidon éprouve d’altération, plus la teinte bleue que l’on obtient avec ce corps tend à passer au violet : cette teinte violette finit même par passer au rouge ; témoin la colo- ration rouge du glucose par l’iode. 2° La dextrine retient en combinaison plus d'iode que l’a- cette expérience se fait dans un pelit tube bouché, qu’on agite de temps en temps. , Le mélange d’iode et de sirop de sucre fait dans les mêmes proportions a d’abord une couleur jaune verdâtre, qui, à la chaleur du bain-marie d’eau bouillante, devient d’un jaune franc , puis rouge, et reprend en quelques instants la teinte primitive du sirop de sucre. Ce sirop est d’ail- leurs franchement acide, landis que celui préparé avec le glucose l’est très- peu. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 195 midon. Si donc on voulait obtenir un sirop plus iodé que celui de M. Quesneville, on devrait remplacer l'amidon par la dextrine dans la préparation de ce sirop. 3° L'iodure de dextrine dissous dans l’eau a la propriété de se décolorer , comme l’iodure d’amidon , à une certaine tempé- rature , et de reprendre comme lui, par le refroidissement, sa couleur primitive. k Le chloroforme récemment proposé comme réactif de l'inde , me paraît devoir être un réactif moins sensible que l’a- midon. Cette proposition , que j'émets sans contester la su- périorité du chloroforme sur l'amidon dans cerlains cas don- nés, repose sur les faits suivants : Si on agite du chloroforme avec un soluté d'iodure d'amidon , celui-ci n’en éprouve aucun effet , et le chloroforme se réunit, par le repos, en gouttelettes incolores. Si , au contraire , on agite la combinaison du chloro- forme et de l’iode avec un soluté d’amidon, celui-ci enlève l'iode au chloroforme , et prend une belle teinte bleue. 196 MÉMOIRES OBSERVATIONS SUR LE SANG DES PLANORBES ; Par A. MOQUIN-TANDON. ( Lues le 20 février 185:.) S I. Les Planorbes sont des Gastéropodes d'eau douce, re- marquables par le mode d'enroulement de leur coquille. La spire est à peu près horizontale , de manière à n’offrir aucune saillie , soit en dessus , soit en dessous , et tous les tours dont elle est composée sont également visibles des deux côtés. La plus grande espèce de l’Europe, estle Planorbe corné (1), Mollusque d’un noir de suie, quelquefois un peu violacé, très- commun dans les étangs, les mares, les fossés , surtout dans le Nord de la France { Draparnaud }. Quand on irrite l'animal ou qu’on le blesse , il se contracte brusquement et lâche une liqueur plus ou moins visqueuse d’un rouge foncé, légèrement vineux (succus coccineus, Lister) (2). La production de cette liqueur avait attiré l'attention des an- ciens Malacologistes ; aussi, les noms sous lesquels ils dési- gnaient le Mollusque dont il s’agit, annoncaient-ils cette cu- rieuse faculté. Lister l’a appelé Pourpre fluviatile (3) et Müller Planorbis purpura {k). (1) Heurx conxea Lénn., Syst. nat. 1767, pag. 243, n° 271, OR Drap. — PuaxorBis coRNEuS Drap., Tabl. Moll. 1801, pag. 43, n° 9 et Hist. Mol. , 1805, pag. 43, pl. 1, fig. 41 à 44. — On l'appelle vulgairement en France, Corner DE sait Huserr. (2) Cette liqueur est assez abondante, quand on écrase le Mollusque. (3) Purpura sive Coch'ea fluviatilis, compressa, major (Exerc. anal. , 1694, pag. 59, 1.3, fig. 1-4). — Purpura fluviatilis compressa (Synops. tab. anal. 7, fig. 1-3). — Purpura lacustris coccum fundens (Synops. 1.137, fig. 41). (4) Verm. terrestr. et fluv., 2, pag. 154, n° 343. — D’après Müller, on lui donne, en danois, les noms de Punrur-Sxivex et de Punrun-SnEGLeN. DE L' ACADÉMIE DES SCIENCES. 197 SIL. Lister fait remarquer que le suc rouge du Planorbe corné diffère beaucoup de la vraie pourpre ; il le regarde comme une sorte de salive (1). Cuvier, auquel on doit une bonne anatomie de ce Mollus- que , termine son Mémoire par ces mots : « Je n'ai pas besoin de dire que le suc rouge du Planorbe n’est pas du sang. Le véritable sang, celui qui cireule dans le cœur et les artères, est d’un blanc bleuâtre , comme celui du Limaçon et du Lim- née (2). » Brard répète l’assertion de Cuvier (3). Plusieurs naturalistes modernes ont supposé que la liqueur, dont il est question , était une humeur particulière , très-diffé- rente du sang et de la salive, sécrétée et exprimée par le collier. J'ai étudié cette liqueur et me suis convaincu que c'est du sang véritable. $ UE. 11 est facile de prouver que l'humeur rouge du Pla- norbe n'est pas une production du collier, c’est-à-dire de la marge du manteau (#). Que l’on perce le Mollusque avec un stylet, à l'endroit qui représente le sommet de la coquille , c’est à-dire au milieu de celle-ci , et l’on verra aussitôt une certaine quantité d'humeur rouge sortir par la fracture. Or, cette fracture se trouve dans un point le plus éloigné possible du collier. Qu'on regarde, à la loupe, un individu très-jeune , et l’on apercevra cette même liqueur pénétrer fort avant dans la coquille et par conséquent bien au-dessus de la marge du manteau. Enfin , qu'on examine attentivement un P/anorbe , au mo- * (1) Dico illam meram Salivam esse (Exerc. anat., Dissert. Purp. fluviat., pag. 64). (2) Mém. sur le Limnée et le Planorbe , pag. 12. (3) «Quand on le tourmente , il répand une liqueur rouge qui n’a rien de commun avec le sang des autres animaux.» AHist. Coq. Paris, 1815, pag. 149. (4) M. Charles des Moulins a fait remarquer, il y a longtemps, que /e manteau des Planorbes est constamment dépourvu de liqueur rouge (Ann. soc. Linn. Bord. , t. 4, 1830, pag. 285 et 334). 198 MÉMOIRES ment où il lâche l'humeur rouge, on observera que cette hu- meur n’est pas exprimée par le manteau , ni par la tête, ni par le pied ; mais qu'elle sort du pourtour de l'animal, passant entre la marge du manteau et la coquille. Je dois dire , toute- fois, que, dans une contraction extrême, le sang peut exsuder par toutes les parties du corps ; comme il est aisé de s’en con- vaincre , enirritant un Planorbe , en détachant ensuite toute la partie de la coquille qu’il vient d'abandonner, en essuyant l'animal , en lirritant encore et en enlevant une nouvelle por- tion de l'enveloppe testacée , et ainsi de suite jusqu’à ce que le Mollusque soit arrivé à son summum de contraction. La liqueur rouge du Planorbe corné est légèrement alca- line ; elle ramène assez nettement au bleu le papier de tour- nesol rougi par un acide (M. Filhol ). Quand on l'étend sur du papier, elle présente , au bout de quelques beures , une teinte d’un brun pâle, très-analogue à celie du sang rouge des vertébrés inférieurs placés dans les mêmes circonstances. Examinée au miscroscope , au moment où elle sort de l’a- nimal , on y remarque un certain nombre de corpuscules irré- gulièrement arrondis, inégaux , tout-à-fait semblables aux globules sanguins des Gastéropodes. Leur diamètre est de 1/100, 1/75 et 1/50 de millimètre. SIV. Les Planorbis carinatus, Müll. et complanatus , Stud. (umbilicatus , Müll., marginatus, Drap. ) présentent aussi du sang coloré en rouge, mais ee fluide est moins foncé et moins abondant que celui du corneus. Comme dans cette dernière espèce , il est répandu par l'animal quand il se retire profon- dément dans sa coquille. Quoique l'enveloppe testacée de ces deux Mollusques soit assez obscure , surtout quand ils habitent des eaux sales , on voit assez distinctement le sang , par transpa- rence, principalement chez les individus jeunes , revêtus d’un têt encore mince , clair et sans encroûtement. Le sang des Planorbis rotundatus, Poir. (1), (leucostoma , (1) Des Moulins, Ann. soc. Linn. Bord., L. 4, 1830, pag. 265, note. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 199 Mill. }, vortex, Müll. et spirorbis, Müll. (1), offre une teinte vive plus ou moins claire. ( Il en est de même de celui des Planorbis nitidus , Müll. et fontanus, Tart. (complanatus Drap. non Stud. ) Le sang des Planorbis albus, Müll. (2), (hispidus, Drap., villosus , Poir. ) et contortus , Müll , pardit peu coloré. Sa teinte rougeâtre n’est pas toujours facile à reconnaitre: J'ai cons- taté que ces Mollusques en laissent échapper une petite quan- tité lorsqu'on les tourmente. Cette singulière faculté semble , du reste , appartenir à tout le genre. Le sang du Planorbis nautileus , Desh. (imbricatus, Müll. et cristatus, Drap. ) paraît d'un rose plus où moins pâle (3). Il semble que la nuance du fluide nourricier s’affaiblisse à mesure que la taille du Mollusque devient plus exiguë. La coloration varie dans la même espèce (4), non-seulement suivant l’âge , mais encore suivant le séjour. En général, les jeunes Mollusques ont le sang peu coloré , mais il se voit plus facilement chez eux à cause de la ténuité de la coquille , de sa transparence et de sa netteté. Dans certaines eaux , et sous di- verses influences , qu'il serait assez difficile de déterminer, la nuance du fluide sanguin augmente ou diminue. $ V. Pendant longtemps les Physiologistes ont pensé que la circulation s’opérait, chez les Gastéropodes , à l’aide d’un sys- tème vasculaire complet. Cuvier avait remarqué , dans un Mollusque marin , que les veines communiquaient avec les grandes cavités du corps. M. Pouchet a vu, dans l’Arion empiricorum , le sang s'épan- (1) Des Moulins, loc. cil., pag. 324. (2) Suivant M. des Moulins, on ne trouve, dans cette espèce , aucune trace bien prononcée de liqueur rouge (loc. cit., pag. 324). (3) Suivant M. des Moulins , cette espèce a le sang éncolore ( loc. cit., pag. 325). (4) « Le fluide rouge est tantôt beaucoup plus, tantôt beaucoup moins répandu dans le corps. Sa couleur varie aussi en intensité, et parfois il arrive qu’elle envahit le tortillon lui-même, » Des Moulins, loc. cil., pag. 333. 200 MÉMOIRES cher dans le sac viscéral. M. Milne Edwards a étendu cette observation à tous les Gastéropodes et démontré que le lait, le chromate de plomb , introduits dans la cavité viscérale, pénè- trent dans la poche pulmonaire, dans le cœur et dans le sys- tème artériel. Ce savant Zoologiste a répété et singulièrement varié, avec M. Valenciennes , cette curieuse expérience. On admet généralement , aujourd'hui , que , dans certains points , le cercle circulatoire des Gastéropodes se trouve inter- rompu. Le fluide nourricier s’accumule dans la grande cavité du corps et dans les lacunes dont est creusée la substance des tissus, baigne une portion plus ou moins considérable du tube digestif, et rentre brusquement dans les veines. $ VI. Le même genre de circulation incomplète se fait re- marquer chez les Planorbes. C'est, sans doute, parce qu'on a vu leur fluide nourricier remplir la grande cavité viscérale, sans étre contenu dans des vaisseaux , présenter une couleur différente de sa couleur ordinaire chez les Mollusques et sortir de l’animal dans certaines circonstances comme par expression , qu’on a été conduit à croire que cette humeur n'était pas du sang. Il est facile d'étudier le mécanisme circulatoire des Pla- norbes , au moins dans plusieurs espèces , à cause de la cou- leur du fluide sanguin , sans avoir recours aux injections , en examinant à la loupe, une petite espèce à coquille transpa- rente. Par exemple, dans le P/anorbis vortex, on voit distine- tement le liquide nourricier remplir la grande cavité du corps, baigner le cœur, l'estomac et les principaux viscères , être pompé par les veines et arriver à l'oreillette , après avoir tra- versé l'organe de la respiration. Mon savant ami , M. Charles des Moulins , a publié une figure très-grossie et coloriée de ce petit Planorbe ; il a décrit sa liqueur rouge , ainsi que celle de plusieurs espèces voisines (1) ; je m'étonne qu’il n’ait pas reconnu que le fluide accumulé au- (1) Ann. soc. Linn. Bord., t. 4, 1830, pag. 265, 22% et 325, pk DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 201 tour des principaux organes , n'était autre chose que du sang extravasé. $ VII. Le Planorbe corné est un Mollusque fort timide (1). Au moindre contact , il se retire brusquement et profondément dans sa coquille, dont les premiers tours sont fort étroits , comparés au dernier (2). En contractant ses organes , il diminue en même temps les lacunes ou intervalles qui les séparent , ainsi que la grande cavité du corps. Une portion du fluide san- guin doit être nécessairement expulsée ; elle traverse la tunique très-mince que le manteau fournit au tortillon, passe entre celui-ci et la coquille , et s'échappe au pourtour du collier, comme si elle était exprimée par le collier lui-même. Ainsi lâché dans l’eau , le fluide sanguin présente sans doute à l'animal un moyen de défense , à cause de son alcalinité , ou bien favorise sa retraite en troublant le liquide autour de lui (3). Lorsqu'on irrite faiblement un Planorbe corné ; il répand d’abord une liqueur assez claire (4). C'est du sang mêlé à une certaine quantité de mucosité , fournie par la glande précor- diale et par les cryptes mucipares de la peau. Les globules y sont assez rares (5). Si l’on continue à tourmenter le Mollus- que, l'humeur devient de plus en plus rouge et de plus en plus épaisse. Le nombre des globules augmente rapidement et finit par être aussi considérable que dans le sang pur. Le frai du Planorbe corné présente quelquefois une teinte (1) « Animal timidissimum minimum motum sentiens lesla se totum condit, nec nisi de periculo securum rursùs exit, dùm congenera et Buccina incessum à timore tuta pergunt.» (Müll., Verm. terrestr. et fluv. 2, pag. 156.) (2) Chez les autres Planorbes, cetle inégalilé n’est pas toujours aussi grande , mais à cause de la forme de la coquille, l’animal , fortement con- tracté et retiré dans les premiers tours , doit se trouver à l’étroil. (3) Quand ce Planorbe se contracte fortement, il tombe au fond de Peau. (4) « /nstar aquæ tenuis et liquida est, et facilè fluit.» Lister, Exerc. anat. Dissert. Purp. fluviat., pag. 64. (5) Le sang des Planorbes ne doit pas sa couleur uniquement aux globules qui s’y trouvent. Le serum en est rougeätlre. 202 MÉMOIRES légèrement rosée. Cette teinte est due à une certaine quantité de sang répandue par l'animal au moment de la ponte. $ VII. De tout ce qui précède , on peut déduire les conelu- sions suivantes : 1° Les Planorbes ont le sang rouge ou rougeître ; 2° Les très-petites espèces ont le sang rose ou couleur de chair ; 3° La liqueur répandue par ces Mollusques, quand on les irrite, n'est pas une humeur particulière sécrétée par le collier, ni par tout autre organe, mais du sang mêlé à de la mucosité ; 4° Le sang , épanché dans la grande cavité du corps des P/a- norbes , comme chez les autres Gastéropodes , se voit distincte- ment, pendant la vie, quand il est très-rouge , chez les espèces à coquille transparente ; 5" Le sang répandu par les Planorbes | quand l’animal se retire brusquement et profondément dans sa coquille , n’est pas exprimé par la marge du manteau, mais il sort de l’étroit espace situé entre cette marge et la coquille ; 6° Dans une contraction extrême , le sang peut exsuder par toutes les parties du corps. RE t-on ou fe DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 203 SUR LA PRÉCESSION DANS LE MOUVEMENT DE ROTATION D UN CORPS SOLIDE AUTOUR D'UN POINT FIXE; Par M. H. MOLINS. Lorsqu'un corps solide se meut autour d’un point fixe o et n’est sollicité par aucune force extérieure, il y a un plan qui reste invariable pendant toute la durée du mouvement, c’est le plan du maximum des aires ; la trace sur ce plan du plan de l'équateur, qui est le plan perpendiculaire à laxe instantané de rotation mené du point fixe, se meut avec une vitesse qui constitue ce qu'on appelle le mouvement de pré- cession. Cette vitesse est visiblement égale à celle de la projection de l'axe instantané sur le plan invariable, car la trace dont il s’agit et cette projection sont constamment perpendiculaires l’une à l’autre. Nous allons chercher lex- pression de la vitesse du mouvement de précession : nous arriverons à une formule fort simple qui montrera que cette vitesse n’est pas en général constante , ou que le mouvement de précession n’est pas uniforme. Rapportons , comme on le fait ordinairement, les points du corps à deux systèmes d’axes rectangulaires , l’un (ox, 0y, oz) fixe dans l’espace en prenant pour plan des x y le plan imvariable, l’autre (ox’', 07’, oz!) fixe dans le corps mais mobile dans l’espace , qui sera formé par les 204 MÉMOIRES axes principaux du corps relatifs au point fixe. Nous ferons usage de quelques relations que nous rappellerons d’abord. On à aæ=ax +by +cz J=a x + b'y" + c' 7 za" x" + by +c" 2! et l’on pose cdb+c'db'+c"'db"=pdt adc+a! dc'+a"dc"=gdt bda+b'da +b'da'=rdt On en déduirait les formules suivantes (voir la Mécanique de Poisson, tome 2, pages 155, 136 ) : da"=(rb"—3g c")dt (1) db"=(pc"—ra")dt de"z=(qa"—pb")dt pda+qdb+rdc=0o @) Spda'+qdb'+rdc'=o pda"+qdb"'+rdc"=o Supposons que x, y, z soient les coordonnées d’un point quelconque de l'axe instantané au bout du temps £, et soit x l'angle de la précession , c’est-à-dire l’angle que fait avec ox la projection de l’axe instantané sur le plan xy, cet angle étant compté de ox vers le prolongement de 07: o P 5 On aura c ax +by +c'z! ne it A es À x ax +by +cz mais les équations de l'axe instantané par rapport aux axes RE : PERF). OUT) s principaux donnent x'=-=z2", y'=;2", par suite pa+gqbære, tang y = pa+gb+re , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 205 dx dt Or on trouve en différentiant tang y et ayant égard aux deux premières formules (2), (8) (1+tang x) dy = pa +9 b'+re)(a dp+4bdq+r de) —(pa+qb+4+rc\a'dp+b'dq+c'dr) (pa+qgbæ+rec} Développant le numérateur du second nombre et réduisant, on lui fait prendre la forme suivante : CRT ICP CEE GAP) +(ac'—ca \(rdp—pdr) +(cb'—bc)(qdr—rdq) ce qui revient à c'(pdg—gqdp)+b"(rdp—pdr)+a"(gdr-—rdq) ou bien (rb"—qc")dp+(pc"—ra")dq+(ga"—pb")dr. Cette dernière expression devient encore, en vertu des for- mules (1), la quantité —? sera la vitesse du mouvement de précession. — r(dpda"+dqdb"+drdc"), par suite la formule (5) deviendra Lire y dpda"+dqdb"+drdc" dt dû" (pa+gb+re)}(i+tang x) id dp da"+dqdbl"+drdc" Leu dpda"+dqdb"+drde" Appelons « la vitesse angulaire de rotation du corps autour de l'axe instantané, à l'angle que fait cet axe avec 0 z : nous aurons h p+g += pa +ql' tre" =vesi=}, 4e S. — TOME 1. 15 206 MÉMOIRES À et À étant les constantes des équations Ap°+Bqg +Cr=A, A p+Bq+Cr=E#. L'expression de . devient dx __1 dpda"+dqdb"+drde di Tdt” h° t Re — [0] ke ou bien, en se servant des relations connues A B Cr die, b'—"7, =, et substituant ensuite pour dp, dq, dr leurs valeurs don- nées par les équations du mouvement de rotation, 1 Àdp°+Bdqg+Cdr Em ec PE D —— Ar PU (B—C}BCgr+(A—C)}ACptr+(A—ByABp'q T'ANRGS hk2 D'un autre côté p, g, r peuvent s'exprimer en fonetion de & par les formules suivantes : … BC —h(B+C)+F PT (A—BNA—C) ._ ACar—h(À + C)+E ÉRETE TN ET. Le AB #—h(A+B) + + 1 (C—ANG-B) En substituant ces expressions dans celle de “2. rédui- sant tout au même dénominateur et supprimant le facteur (A—B)(A—C)(B—C) commun aux deux termes de la fraction , on trouvera dx _hABCe+hR(A+B+C)—h(BC+ACH+AB)—A # kABC(«—T) DE L’ACADÈMIE DES SCIENCES. 207 + h Ajoutant et retranchant = dans le’ second nombre, on ob- üent enfin la formule A dx _h 1 (kR—Ah)(k—Bh)(k—CR) (4) dt: k dAFRBC: Ra Re? k Cette formule montre que la vitesse du mouvement de précession n’est constante qu'autant que la vitesse angulaire de rotation l’est aussi ; il n’y a d'exception que dans le cas où quelqu'un des binômes Æ°'— A, kK—Bh, k—CA serait nul, et l’on sait que ce serait le binôme Æ°—B% qui répond au moment d'inertie principal moyen , en supposant A>B>cC. Fe à h Si l’on remarque que la relation & COSk = donne Æ © — = tang" x, on aura encore la formule suivante : dx _h (kK—ARh)(KF—Bh)(k—Ch) LEUR DIT ÉRABC rex, |? ce qui fait voir que la vitesse du mouvement de précession, diminuée d’une constante , est en raison inverse du carré de la tangente de langle à de la nutation. Si dans la formule (4) on mettait sa valeur en fonetion de w | ABCadw VAE ABC AOF A Ce BEC F—BCe) on voit que la détermination de ; en fonction de © dépen- drait des fonctions elliptiques. Appliquons la formule (4) au eas particulier où A=B, ce qui aurait lieu si le corps était un solide de révolution dont l’axe serait 07’. Dans ce cas le dénominateur des expressions de p° et g* étant nul, les numérateurs doivent l'être aussi, ce qui donne l'équation ACw— }(A+LC)+Rk—=0 À 208 MÉMOIRES d’où lon tirera la valeur de la vitesse w qui est ici constante. dy En la substituant dans FRS de —< Tr ON trouve APE LE = EN CT quantité constante, m: us différente de À = {ant que À° SEAT ne sera pas nul; d’ailleurs #*— A} ne a être nul qu'autant que C serait égal à À , comme il est aisé de s’en assurer. On sait en outre que, lorsque AB, l'axe instan- tané de rotation, l’axe principal oz’ et l’axe 03 du plan invariable sont constamment dans un même plan. Il en ré- Dub MU sulte que l'expression TA donne aussi la vitesse avec laquelle tourne autour de oz le plan qui passe par cette droite et par l'axe principal 0 7’ : on pourrait au reste dé- terminer directement cette vitesse, ce qui confirmerait le résultat précédent. Nous ajouterons à ce qui précède quelques relations qui lient entre elles les vitesses des traces sur le plan invariable des plans perpendiculaires aux axes principaux du corps et les inclinaisons de ces derniers plans sur le premier. Considérons la trace du plan : Meur le plan 27: a x'=ax+a y+a"z, et puisque x'—=o pour tous les points du plan y'z', l'équation de ce plan rapporté aux axes 0X, OV, 03 sera ax a y+a"z=o, et la trace de ce plan sur le plan xy aura pour équation ax +a'y—o. Si donc on appelle à l'angle que fait cette droite avec l'axe a £ ES : ox, on aura tang d—— PL d’où en différentiant FREE ada—ada _ada—ada _ada—xda dy— a? Gang d)— Ha? 1—a" Mettant pour da, d'a! les expressions da=(rb-— qc}dt, da —=(rb—qc)dt, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 209 analogues à celles que donnent les formules (4), on trouve ada& —a da=—(qb"+rce")dt, par suite on aura dy q b'+re! dti 1— 4"? Appelons 6 l'angle z0x’ ou l'inclinaison du plan y 2" sur le plan xy, nous aurons a&"=cos0, et la formule précédente deviendra (5) sin = —(qb"'+rc"). De même si lon nomme on Ÿ" les angles que font avec ox les traces sur le plan x des plans æ’z!, x'7", et 0", 6" les inclinaisons de ces derniers plans sur le premier, on trouverait ! ,dY 1! 4 sin =—(pa re") (0) LE —(pa"+gb") sin die Si l'on ajoute membre à membre les trois formules (5) et à h (6), et qu'on remplace pa"+qb"+#rc" par sa valeur +, on obtient la relation suivante qui he les trois vitesses dd? dY d4" —— nt (AR: LP Te di de AUX inclinaisons correspondantes 0, (7) sin’ ps sin” (Es L sin" Éera ge 2. Multiplions les mêmes re ne par À, B, C et ajoutons-les ensuite membre à membre, nous aurons A sin’ case sin” 0’ Conde — [pa"(B+C)+q0"(A4+C)+re"(A4B)] Le second membre revient à 210 MÉMOIRES (AB C)(pa"+qh'+re")HApa"+Bqb'+Cre" ou bien à h , AprHBiq +Cr h —(AHB+C)RAH EE Lx (ALBE OT, par suite la relation sa deviendra : (S) A sin’ 0 Bin de SP +Csi n°0" ben BU). Les relations (7) et “ permettent d'exprimer deux des aa , Sin ve en fonction de la troisième : ainsi en pole successivement entre elles dy” . she 8” 77 TT et sin’ 60 ——, on trouve quantilés sin° En sin” Les aie Cysin SEE (B= C)sin"0 x TAB 0) CRE my Se DB Con LT A po B « ( ) En outre les angles 6, 4’, 8” sont liés entre eux par la re- lation Ne sin’0+sin* 0 Lsin‘0"—, par conséquent les formules (7), (8) et (10) permettront d'exprimer les trois quantités sin°6, sin°8”, sin°0” en fonc- dY dY d'y" BAT ON Ar! mule suivante : k sin’ 6 dYd}" PU , dY : 2k(B— CT Pal “A Re c|+ el —h(A+ CD) | tion de — ; on trouverait par exemple la for- dY'd4}" dd did) BR RICE A) AS) Supposons que l'on ait AB, les équations (9) deviendront DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 211 dy ,dY_P—h(24—C) sin” e£ + sin () HAT RON EC) dé _ Ch—k? 11 sin? 0—— euro) Mais on sait que l'angle 6” est constant, puisque l’on à d /1 dr=0;,et r= tee, donc la quantité HS aussi COns- tante. Supposons en second lieu que l’on ait *—A(A4-C--B—0. Cette relation revient à Ap+Brg+Cr—(Ap+Bg+Cr)A+C—B)=0 ou bien Ap°(B—C)—Bg'(A+C—2B)+Cr(B—A)—0. Pour qu’elle puisse avoir lieu, il faut que B soit compris entre À et C, sans quoi les trois termes de cette équation seraient à la fois positifs ou à la fois négatifs ; on en tire ,__Ap(B—C)+Bg(2B—A—0C) 1e SCAN PP QE ER et la seconde des formules (9) devient sin? 4 B__C (AD) sin? # —— sk : Si l’on avait en outre rm les formules (11) et (12) et la première des formules (9) deviendraient Pas dy _ 1 a dY owdŸ_ 2h mt? sin*0—; = sin" 0 , 2sin°0— Tr +sn d On remarquera que ir ce cas on la relation —hR(A+C—B)Z=o entraine la suivante : Ba 212 MÉMOIRES RAPPORT LE PÉTRIN MÉCANIQUE DE M. CARDAILHAC. Commissaires : MM. BRASSINNE , FILHOL, JOLY , S'-GUILHEM ; PETIT , Rapporteur. MESSIEURS, Vos Commissaires, auxquels s'étaient joints MM. Vitry et Larrey, membres du Bureau de l’Académie, se sont transportés à la boulangerie de M. Cardaiïlhac, pour voir fonctionner le pétrin mécanique dont l'examen leur avait été confié. L'appa- reil, mis en mouvement par un manége, leur a paru réunir toutes les garanties désirables pour la bonne confection du pain. Rapidité d'exécution , excellente qualité de produits, économie dans la dépense de main d'œuvre, enfin propreté parfaite : tels sont les principaux avantages que présente la machine de M. Cardailhac. D’après les essais de l’un de nous, le pain fa- briqué par cette machine renferme sensiblement la même pro- portion d’eau (0,47) que les meilleurs pains blancs de Paris, qui en contiennent de 0,43 à 0,48. Vingt-cinq grammes de ce pain out donné, par Fébullition, 24 centimètres cubes de gaz, comme le plus léger des pains blancs de Toulouse. La mie enr est blanche, très-poreuse, bien levée, sans présenter de vides trop considérables. Enfin, quoique ceci soit étranger aux propriétés de la machine, nous ajouterons que le rapport de la mie à la croûte a été trouvé, comme dans les pains qui passent pour les meilleurs, égal au rapport de 100 : 36. cé DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 213 Depuis 25 ans environ, de nombreuses tentatives ont été faites pour substituer, dans la boulangerie, le travail des machines au travail de l'homme ; et pourtant les efforts tentés dans cette direction sont restés jusqu'à présent, pour ainsi dire, infruc- tueux. Les pétrins mécaniques n’ont guère été employés que par leurs inventeurs, entre les mains desquels l'usage de ces appa- reils a dû par conséquent se trouver tout-à-fait restreint. Votre Commission a cherché à se rendre compte de cette sorte d’a- bandon dans lequel ont été laissées des machines dont l'utilité cependant serait incontestable , si elles répondaient compléte- ment au but qu’elles sont destinées à poursuivre. Nos études à cet égard n’ont pu être faites qu'à l’aide de dessins et sur de simples renseignements , dont nous n’avons , il est vrai, aucun motif de suspecter la sincérité ou l'exactitude, mais qui ne sau- raient néanmoins avoir, à nos yeux, l’autorité d'expériences positives, et auxquelles surtout il nous aurait été donné de pouvoir assister. Aussi ne nous hasarderons-nous à émettre une opinion sur un point aussi délicat, qu'avec la plus grande ré- serve ; et nous bornerons-nous à dire que le peu de succès , où plutôt de vogue qu'ont eu jusqu'à ce jour les pétrins mécani- ques, s’expliquerait pour nous, d'un côté, par les obstacles dont la jalousie, les rivalités de profession, des habitudes invété- rées, et quelquefois encore, il faut bien le reconnaître, de justes motifs de défiance, ete., etc., ne manquent jamais de parsemer la route des inventeurs, et, d’un autre côté, par quelques imperfections assez graves que ces appareils nous ont paru généralement présenter. Ceux d’entre eux dont nous avons pu étudier le mécanisme, sont doués, en effet, presque tou- jours, d’un mouvement horizontal qui semble peu propre à bien travailler la pâte. Ils sont, en outre, habituellement fer- més, et ne permettent pas à l’ouvrier de voir ce qui se passe dans leur intérieur ; enfin, les pièces mobiles destinées au pé- trissage ne paraissent avoir, dans aucun cas, des formes par- faitement appropriées à leur objet. Le pétrin de M. Cardailhac remédie très-bien à ces divers inconvénients. Sauf quelques améliorations de détail qui restent à apporter dans le moteur 214 MÉMOIRES et dans les communications de mouvement, améliorations que le défaut d'espace et le manque de temps n’ont pas encore permis à M. Cardailhac de réaliser, et qui sont d’ailleurs étrangères au pétrin considéré en lui-même, cet appareil nous a paru réunir toutes les qualités nécessaires à une bonne confection du pain. Il consiste principalement dans un arbre vertical, mo- bile, armé de fuseaux horizontaux, tout à fait comparables au bras de l’homme, qui tournent avec l'arbre, en entraînant la pâte et en l'obligeant à passer entre eux et d’autres fuseaux éga- lement horizontaux, mais fixes, dont la résistance divise la ma- tière, la mélange d’une matière tellement parfaite, que le pain fabriqué en présence de vos Commissaires, émietté minutieuse- ment par l’un d'eux, n’a pas présenté un seul grumeau. Preuve irrécusable qu'à l’inappréciable avantage de la propreté que présente le pain obtenu à l’aide des machines, comparé à celui qu'on obtient du travail direct de l’homme, l'appareil de M. Cardaiïlhac réunit , ainsi que nous l’avons déjà dit, l’avan- tage d’un travail irréprochable dans le pétrissage des farines, et, par suite, dans la fabrication du pain. La disposition de la machine, qui reste ouverte à sa partie supérieure pendant toute la durée de l'opération, permet d’ailleurs à l’ouvrier de suivre les différentes phases de cette opération, d'en constater à chaque instant la marche et les progrès ; enfin, d'arrêter le travail au moment le plus convenable. Da reste, si, comme tout nous autorise à le croire, celles des assertions de M. Cardaïlhac qu'il ne nous a pas été possible de contrôler directement , sont aussi exactes que les assertions dont nous avons vérifié la sincérité par des expériences posi- tives, les boulangers eux-mêmes seraient grandement intéres- sés , au point de vue de l’économie, et indépendamment de la propreté qu’ils ont également tant d'intérêt à apporter dans leur fabrication , à faire usage du pétrin mécanique dont l'Académie est appelée à apprécier le mérite. Nous disons : le pétrin soumis à l'appréciation de l'Académie; car, malgré l’absence complète d'expériences comparatives , les imperfections que nous avons cru apercevoir , ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, dans DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 219 les pétrins précédemment inventés, nous portent à penser que ces derniers ne posséderaient pas la propriété de procurer très- rapidement, comme le pétrin de M. Cardaïilhac , une excellente fabrication. Quoi qu’il en soit d’ailleurs à cet égard , en nous at- tachant plus spécialement à considérer l'appareil soumis à notre jugement, dans ses rapports avec la boulangerie ordinaire, voici les résultats du travail qui nous avait été confié par l'Académie. 31,5 kilog. de levain placés dans le pétrin à 1 h. 19 m.ont été entièrement délayés à 1 h. 30 m., moment où l’on a com- mencé à ajouter, par portions successives, 47 kilog. de farine dont le pétrissage s'est trouvé complétement terminé à 1 h. #8 m. L'opération n’a donc duré que 39 minutes, quoique la farine employée eût été obtenue, nous a-t-on affirmé, à l’aide de meules fraîchement piquées. Faite à bras d'homme, par deux pétris- seurs, avec la même farine, et de manière à donner une pâte parfaitement raffinée comme celle au travail de laquelle nous venions d'assister, l'opération , d’après les ouvriers qui l'avaient exécutée, aurait duré au moins 3 heures. Nous n'avons pas cru qu'il füt nécessaire de vérifier par nous-mêmes cette assertion. Car les boulangers sont les plus intéressés à en apprécier l'importance et l’exactitude. Seulement, nous ajouterons, pour mettre ces derniers en mesure de se faire une idée complète de l'économie due au travail du pétrin, que la pâte obtenue avec les 47 kilog. de farine et les 31,5 kilog. de levain, a été pesée, après la fer- mentation , en notre présence , et a fourni un poids de 113 kilo- grammes. Elle avait donc absorbé 34,5 kilog. d’eau ou de sel. Dé- duction faite de 1/6 pour la perte due à la cuisson, on devait en retirer 93 ou 94 kilog. de pain ; et, en effet, la pâte a été immé- diatement divisée en 28 parties, de la manière suivante, sa- voir: 20 parties pesant chacune 3 kil. 1 , que la cuisson devait réduire au poids {2 kil. 5) des pains désignés à Toulouse sous le nom de marques ; sept parties plus grosses, moins sujettes par conséquent à la perte qu'occasionne la chaleur, du poids cha- cune de 6 kilog., destinées à former des doubles marques; enfin, un résidu de 9 kilog. qui a été conservé pour levain, et qui au- rail pu donner encore trois marques de pain. Vos Commissaires 216 MÉMOIRES n'ont pas cru avoir besoin d'assister à la cuisson , etils se sont retirés bien persuadés, après les opérations effectuées devant eux, que les 113 kil. de pâte dont ils avaient vu le pétrissage, corres- pondaient à 37 marques ou à 37 X 2 kil. 5—92 kil. 5 de pain. IL est facile de conclure des données précédentes , que, pour obtenir 1000 kilog. de pain, le pétrin de M. Cardailhac devrait travailler 415 minutes, ou 6 h. 55 m. En comptant 12 heures de travail par jour pour les ouvriers qui dirigent l'appareil, il resterait donc 5 h. 5 m. à consacrer au pesage, à la forma- tion, à l’enfournement des pains, etc., etc. , enfin, à toutes les manipulations que réclame une confection complète. Le pesage et la division des 113 kilogr. de pâte dura 12 minutes ; d’où l'on tirerait 127 minutes, ou 2 h. 7 m. pour la durée de l'opération, correspondant à 1000 kilog. de pain. La différence 5 h. 5 m, moins 2 h. 7 m., ou 2h. 58 m., serait le temps encore disponible pour les autres manipulations. M. Cardailhac nous à fait remarquer, en outre, que son pétrin n’est, pour ainsi dire, qu'un pétrin d'essai, dont le diamètre 0"73 pour- rait aisément, d’après lui, être porté à un mètre, de manière à fournir un pétrin qu’un cheval, prétend-il, ferait encore mar- cher , sans dépasser la limite de ses forces, et qui travaillerait en une heure 300 kil. de pâte, correspondant à 250 kilog. de pain, ou 1000 kilog. de pain en 4 heures, La Commission ne croit pas pouvoir se prononcer sur cette assertion , en l'absence d'expériences directes. Elle doit dire cependant que le cheval fatigue beaucoup avec le pétrin actuel. Mais il est juste d’ajouter également qu'une grande partie de cette fatigue provient évi- demment de ce que le rayon du manége est trop court par suite du manque d'espace, ce qui oblige le cheval à marcher cons- tamment contourné. Quoi qu'il en soit, que la durée du pétris- sage de 1000 kilog. de pain doive rester égale à 6 h. 55 m., comme cela a lieu avec le pétrin actuel, ou qu’elle doive se ré- duire à # h. dans le pétrin d’un mètre, la Commission ne voit pas qu'il y ait impossibilité à fabriquer en 12 heures, avec un cheval et deux hommes, à l’aide du pétrin mécanique, 1000 k. d'excellent pain ; travail que M. Cardailhac assure ne pouvoir DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 217 être réalisé, dans la boulangerie ordinaire, qu'en 24 heures, et par deux brigades composées chacune de trois ouvriers. Nous laissons encore les boulangers juges de cette dernière assertion ; mais, en la supposant exacte, on voit tout de suite quelle im- mense économie donnerait, dans les frais de fabrication, le pé- trin mécanique sur lequel nous avons expérimenté. La dépense du cheval, l'usure de la machine, ete. , étant évaluées, en moyenne, à 2 fr. par jour, ce qui nous paraît bien suffisant , et même un peu exagéré, l’économie serait juste de la moitié du temps et de la moitié des frais de main d'œuvre, réduits , avec le pétrin , à 2 fr. pour le cheval, 3 fr. pour un gouverneur, et 2 fr. pour un garcon , où à 7 fr., somme précisément égale à la dépense occasionnée par chaque brigade. Économie totale, pour une année, sur une fabrication de 1000 kilog. de pain, 2555", Cet avantage, déjà si considérable , ne serait pas le seul, d’a- près M. Cardailhac, que présenterait sa machine. M. Cardailhac prétend , en effet, que le travail à son pétrin mécanique per- met, sans nuire en aucune manière à la beauté et à la bonté du pain , d'employer des farines obtenues avec les meules frai- chement piquées , tandis que , dans la boulangerie ordinaire, il paraît indispensable , c'est un fait généralement regardé comme parfaitement établi , d'employer, pour une fabrication facile, des farines obtenues avec des meules lasses ou usées. L'Académie comprendra aisément qu'il ne nous ait pas été pos- sible de vérifier si la farine travaillée devant nous avait été obtenue ou non par une meule piquée ; mais M. Cardailhac nous a donné une explication fort rationnelle de son assertion, et nous sommes très-portés, d’après cette explication , à regarder l’assertion comme parfaitement exacte. Suivant lui , les meules avivées devant être , à cause des aspérités qu'elles présentent , beaucoup moins rapprochées , pour la mouture , que les meules lasses , donnent une farine plus grossière, moins facile à tra- vailler par conséquent, plus rebelle , en un mot, aux efforts de l’homme qui ne sont pas suffisants pour délayer convenable- ment les molécules, tandis que la machine aurait toute la puis- sance nécessaire à la parfaite exécution de ce travail. Or, d’a- 218 MÉMOIRES près les assertions de M. Cardailhac, pleinement confirmées ' du reste, par les assertions des divers meuniers que nous avons consultés, par celles , entre autres, du meunier en chef du moulin du Bazacle , les meules piquées et les farines qu'elles donnent procureraient, d’un côté, une augmentation d'environ un kilogramme de farine par hectolitre , et d’un autre côté , un bénélice de # ou 5 pour cent sur la richesse de la farine en gluten , sur la quantité plus grande d’eau et la quantité moins grande de farine qui entreraient , par conséquent , dans le pain obtenu avec des farines provenant de meules piquées , sans nuire pour cela à l'effet nutritif de ce pain. Ici encore, les explications de M. Cardailhac sont d'accord avec ses asser- tions. Ce double bénéfice de 1 kilogramme sur la mouture et de # à 5 pour cent sur la puissance panifiante de la farine obtenue à la meule fraîche , serait dû , en effet, d'après les explications auxquelles nous venons de faire allusion , d'a- bord à ce que les aspérités de la meule fraîche détachant beaucoup mieux la farine du son , donnent un son moins gras, moins riche en farine, et ensuite à ce que la meule lasse mobile, moins active et par suite nécessairement plus rapprochée de la meule dormante que la meule fraîche , pen- dant la mouture , développerait un degré de chaleur assez con- sidérable pour décomposer une partie du gluten ; dès lors , la farine moins bonne et moins nutritive devrait entrer en pro- portion plus considérable dans la composition du pain. Vos Commissaires ont été curieux de mesurer les températures des farines obtenues avec les deux systèmes de meules, et ils se sont transportés, dans ce but, au moulin du Bazacle où ils ont trouvé de la part de MM. les Administrateurs un concours des plus bienveillants Les nombres suivants justifient la réalité des différences très-sensibles qui leur avaient été annoncées. Températures (en degrés centigrades ) de la farine sortant : D'une meule fraiche (vitesse MOYENNE). ...... ee... 320,8 D'une meule lasse, piquée depuis 15 jours (vitesse moyenne)... 414°,5 De la même meule ( vitesse maxima)...................... 459,8 D'une meule lasse piquée depuis 4 mois (vitesse moyenne)... 39°,0 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 219 On doit remarquer que ces températures sont très-proba- blement bien au-dessous de celles qu'on aurait trouvées , si lon eüt pu les déterminer sous la meule même et au moment de l'écrasement du grain ; que les différences surtout qui existe- raient dans les deux cas de meules lasses et de meules piquées , se trouveraient sans le moindre doute considérablement augmen- tées ; que par conséquent il n’y aurait rien d'impossible à ce qu’en effet l'explication de M. Cardaiïlbac , sur l'altération du gluten , füt très-exacte et son assertion tout-à-fait réelle. Quoi qu’il en soit , au reste, de l'explication , l’assertion, quant à la puissance paniliante de la farine, nous a été pleinement confir- mée , ainsi que nous l'avons déjà dit, par les témoignages de plusieurs meuniers (1). Seulement ces derniers ont prétendu que les farines obtenues à la meule piquée, tout en rendant in- contestablement plus de pain, donnaient un produit moins blanc et moins fin. Mais , ici encore, M. Cardailhac répond avec un plein succès , d’après le témoignage qui nous a été fourni par les hommes les plus compétents , M. Cardailhac ré- pond que l’on peut obtenir à la meule piquée des farines tout (1) Ce rapport était déjà complétement rédigé, lorsque la Commission a jugé convenable de vérifier par elle-même un fait aussi important que celui de la perte de gluten dans les farines obtenues à la meule lasse. L’un de ses membres (M. Filhol) a donc essayé des farines provenant d’un même blé que MM. les Administrateurs du moulin du Bazacle ont bien voulu, à la de- mande de la Commission, faire moudre simultanément avec les deux sys- tèmes de meules. Voici les curieux résultats qui ont été obtenus : Quantité de gluten humide, sur 100 parties de farine provenant de la meule lasse... 22 65 Idem idem provenant de la meule piquée... 23 40 Différence ou perte de gluten........... 0 75 Rapport de la perte à la quantité de gluten provenant de la meule piquée Se 0,032. Ce rapport diffère un peu du rapport 0,04 ou 0,05 indiqué par M. Cardailhac et par les meuniers que la Commission a consultés. Mais on doit remarquer que les farines essayées provenaient des premiers moments de la mouture ; et l’on sait que les meules n’acquièrent guères le maximum de chaleur qu'après une heure environ de travail. Les intéressants résultats annoncés par M. Cardailhac se trouvent donc pleinement confirmés. Nous devons ajouter que le gluten provenant de la meule lasse est plus grisâtre , plus mou , moins élastique que celui provenant de la meule piquée. 220 MÉMOIRES aussi blanches que celles obtenues à la meule lasse , en hamec- tant simplement les blés quelques heures avant la mouture à la meule piquée; opération qui contribue à faciliter la séparation du son et de la farine , qui rend le son plus léger, moins gras, mais que ne peut pas comporter la mouture à la meule lasse. Les différences entre les elfets des deux systèmes de mouture, la question du rendement mise de côté, peuvent donc être ré- duites à une seule différence dans la finesse des molécules ; et nous avons déjà fait connaître , à cet égard , l'avantage du pétrin mécanique , qui paraît être capable de travailler parfaitement toute espèce de farine. L’excès du rendement dû à l'emploi des meules piquées , demeurerait donc tout entier à l'avantage de ce pétrin. Ajoutons que les meuniers auraient eux-mêmes un grand intérêt à employer les meules piquées, au lieu des meules lasses qui augmentent considérablement les pertes de travail ; car tous ceux que nous avons consultés ont affirmé qu'une meule rafraîchie chaque semaine , produirait dans l’année, malgré les chômages périodiques qui seraient occasionnés par le piquage de cette meule , une quantité de travail supérieure, de la moitié au moins , à la quantité de tra- vail que produirait la même meule conservée habituellement à l’état de meule lasse. M Cardailhac avait répondu à nos ques- tions à cet égard , qu'une meule ordinaire, mue par une force de quatre chevaux vapeur, pouvait moudre à peu près 60 kilo- grammes de blé par heure , tandis que cette même meule, pi- quée à intervalles séparés par un travail de 100 heures, broyait en moyenne , par heure , 80 kilogrammes de blé. Le tra- vail nécessaire pour aviver la meule serait, d’après lui, de 6 heures environ ; d'où il résulterait qu’en 106 heures une meule avivée donnerait 8000 kilogrammes de blé moulu , à raison de 100 heures de travail effectué par la meule dans cet intervalle de 106 heures , et une meule lasse 106 X 60 kil. —=6360 kilogrammes. Rapport = — 1,26 inférieur de 0,2% au rapport = — 4,50 donné à la Commission , comme un mi- nimum , par divers meuniers. Ces nombres permettront à l’Aca- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 221 démie d'apprécier le degré de confiance qu’elle doit accorder à celles des assertions de M. Cardailhac dont la Commission n’a pas pu vérifier directement l'exactitude. Ils montrent , mieux que nous ne pourrions le dire , toute la réserve , toute la mo- destie apportées par M. Cardailhac dans l'estimation des écono- mies que, sans rien ter à l'excellente qualité des produits, l’'em- ploi de son pétrin paraît destiné à réaliser. L'analyse à laquelle nous venons de nous livrer serait incom- plète, malgré l'étendue des développements qu’elle renferme , si nous négligions de faire ressortir un résultat qui mérite d’être pris en frès-grande considération et qui a vivement frappé l'attention de vos Commissaires. Ce résultat consiste dans une diminution considérable de fatigue pour l'ouvrier , dont le pé- trin mécanique ménage au plus haut poirs les forces et la santé. Vos Commissaires seraient véritablement heureux de voir, enfin, dans les opérations de la boulangerie, l'homme affranchi de celte seconde moitié de travail violent, chaque jour renouvelé, qui reste encore à détruire, et qui semble bien plus pénible que la première moitié, dont l'emploi des moulins a déjà si avanta- geusement fait disparaître les effets dans nos sociétés modernes. Nous ferons remarquer, à cette occasion, en terminant, pour compléter d’ailleurs l’analogie que nous venons de signaler en- tre le travail de la mouture et celui du pétrissage , combien il serait avantageux que les habitants de Toulouse fussent appro- visionnés d'une denrée aussi utile que le pain, à l’aide d’un système de pétrins mécaniques établis en grand sur la rivière et à côté des moulins eux-mêmes qui fournissent les farines dont la ville se nourrit. Il n’est pas nécessaire d’insister longuement pour montrer les nombreux avantages qu'un pareil système offrirait à notre population. Ce serait là, évidemment, un digne pendant , un complément on ne peut plus désirable dans l'in- térêt surtout des classes ouvrières , au système à l’aide duquel plusieurs de nos grandes villes s’'approvisionnent aujourd'hui de viande à bon marché. Additionnez , en effet , les 2555 fr. d'économie annuelle, mentionnée plus haut, pour une fabri- cation de 1000 kilogrammes de pain avec une augmentation mi- 4° S.—TOME 1. 16 222 MÉMOIRES nima de 0,0% sur le rendement (1) en pain , des farines, par suite de l'échauffement dû aux meules lasses et avec une aug- mentation de 1 kilogramme {soit 0,015 ) par hectolitre de blé, également mentionnée dans notre Rapport , et vous arriverez à des résultats véritablement prodigieux. 0,055 produiraient, en effet, 55 kilogrammes d'augmentation dans le rendement , pour 1000 kilogrammes de pain ou, à raison de Of 55 la mar- que de 2k,5, un bénéfice net de 12! 10 par 1000 kilogrammes. Remarquez , en outre, que d'après les statistiques officielles, la consommation journalière de Toulouse, pour une population de 84,000 âmes, est de 609 hectolitre de blé produisant (à raison de 34 marques ou 85 kilogr. de pain par hectol.) 51000 kilo- grammes de pain, sur lesquels une réduction de 12° 10 par 1000 kilogrammes de, nerait une économie de 617", 10 par jour ou de 225243 francs par an. Remarquez, d’un autre côté, que l’économie annuelle de 2555 francs par 1000 kilogrammes de pain, sur les frais de main d'œuvre , s’élèverait, pour la con- sommation journalière de 51000 kilogrammes, à 130305 fr. par an ; et vous trouverez, enfin, pour l'économie annuelle, que l'usage du pétrin mécanique offrirait à la population de Toulouse , la somme énorme de 225243! + 139305! — 355548 fr., somme qui serait bien plus considérable encore, si le prix du pain au licu de 0°,55 (la marque de 24,5), prix actuel et certainement le plus bas possible, se trouvait, comme en 1847, être de 1! 20°. Ajoutez, maintenant à ce chiffre de 355548 fr. , celui qui résulterait de la substitution des agents purement mécaniques, tels que le vent, leschutes d’eau, etc. , à l'emploi du cheval: étendez les caleuls précédents, afin de gé- néraliser vos conclusions, à tous les centres de population suffi- samment nombreux pour remplacer le travail de l’homme par (1} Ainsi que nous l’avons déjà fait observer, l’excès de rendement pro- vient de la quantité plus grande de gluten qui se trouve dans les farines obtenues avec des meules fraîchement piquées. On doit remarquer égale- ment que les qualités de ce gluten sont mieux conservées et qu’il doit, par conséquent, pouvoir absorber plus d’eau, à un double titre, sans que la puissance nutritive du pain se trouve, pour cela, diminuée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 223 celui du pétrin mécanique : et vous n'aurez plus à compter seu- lement par centaines de mille francs ni même par centaines de millions , mais par milliards et par multiples de milliards pour les économies réalisées annuellement, et realisées, notez-le bien, dans la fabrication d’un produit de première nécessité ; pour l'augmentation, par conséquent, de richesse dont l’usage gé- néral de la machine à pétrir doterait le monde civilisé. En émettant cette idée, dont l'expression pourrait paraître un peu emphatique , si l'on ne pénétrait pas dans les détails comme nous y avons pénétré, et qui n’a cependant rien que de très-réel , de parfaitement motivé , votre Commission est loin de se faire illusion , de prétendre surtout à provoquer une réa- lisation immédiate. Elle n’a voulu jeter ici sa pensée que comme l'indication d’un progrès à poursuivre dans l'avenir. Mais la perspective grandiose qu'elle vient de vous faire envisager, ne doit pas lui faire perdre de vue les avantages déjà obtenus par le pétrin de M. Cardailhac. Elle vous propose donc, à l’unani- mité, de donner votre approbation à l'appareil de notre compa- triote, et d'émettre le vœu que l’usage de cet appareil se généra- lise sur une large échelle. 924 MÉMOIRES NOTE SUR UNE VOIE ROMAINE Qui conduisait, soit aux Aguæ Convenarum (Capvern?), soit au Vicus Aquensis des Bigeronnes ( Bagnères-de-Bigorre ) ; Par M. pu MÈGE. Le système de viabilité adopté depuis quelques années, et qui a tant multiplié les moyens de communication, en cons- tituant ce que l’on nomme un progrès , nous a peut-être rendus injustes envers nos devanciers. On a cru, que, aux iemps passés, et même à l'époque romaine, si l'on en excepte les voies dé- crites dans l’{tinéraire d_Antonin, dans celui de Bordeaux à Jérusalem , et dans la Zable Théodosienne , il n'existait, dans la Gaule, que des sentiers impraticables pendant une grande partie de l’année, Mais on a jugé de l’état ancien de la Gaule, en ce temps, comme le ferait un voyageur qui, muni d’un Livre de postes, croirait que la ligne parcourue par lui est la seule voie existante. Les deux Jtinéraires que je viens de citer ne sont, en quelque sorte, que des livres de postes , et la Table Théodosienne n'est autre chose qu'une carte très-fautive. Cependant , avec l’aide de ces ouvrages , et par des recherches, peu appréciées peut-être aujourd'hui, mais qui le seront dans l'avenir, on doit concevoir l'espérance de restituer une notable portion des nombreuses voies qui sillonnaient jadis la Novem- populanie et la Narbonnaise, C’est de l’une de ces routes, à peine indiquées, que je vais entretenir aujourd'hui l’Académie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 225 Ausone (1) donne à Toulouse l’épithète de Quintuple : d'ions st sete mia/otle see erssasamecase EL 110% QuiNTurzicewm socias tibi Martie Narbo Tolosam. et lon croit que, lorsque dans l’éloge de Toulouse (2), le même poële a dit : Quæ mod quadruplices ex se quum effuderit urbes, il fallait entendre que quatre quartiers, quatre villes, s'étaient groupées en quelque sorte près des murs de la métropole, et s’ap- puyaient sur son enceinte. En recherchant, en effet, les traces des anciens édifices (3), on a pu assigner la position de ces qua- tre régions , ou quartiers extérieurs, et justifier ainsi le texte de ce poëte qui, élevé dans Toulouse, devait bien connaître cette ville, qu’il aura appelée Quintuple, comme il avait nommé Syracuse, Quadruplices Syracusas, et Arles, Duplex Arelate, à cause aussi de leurs régions ou quartiers. À Toulouse, la Ga- ronne, celte ancienne limite des Celtes et des Aquitains : Gallos ab Aquitanis flumen dividit, comme le dit César (4), avait été franchie. La rive gauche s’était couverte d'habitations, arrosées par des eaux abondantes et pures. Là furent construits des thermes ; là un aqueduc, dont on retrouve encore de nombreuses traces, portail, dans l’intérieur même de la cité, le produit des sources qui s'écoulaient , comme aujourd'hui, du plateau d’4r- duenna , ou de l Ardenne ; là, enfin, fut bâti un amphithéâtre, dont les ruines existent encore. J'ai cru, d’après les vestiges encore subsistants, pouvoir diviser cette région en deux portions différentes ; l’une qui s’étendait jusqu’à l'embouchure du Touch dans la Garonne , et qui comprenait l'Amphithéâtre, les Ther- mes et l’Aqueduc; l’autre, qui occupait cette portion du fau- bourg de Saint-Cyprien, où étaient situés les couvents des Feuil- lants et des Feuillantines , et qui était traversée par l’aqueduc, (1) Auson. Epist. (2) Car. urb. (3) Pour l’achèvement de mon ouvrage intitulé Archéologie Pyrénéenne. (4) Bell. Gall. 226 MÉMOIRES lieux encore couverts de débris, lorsqu’à la fin du xvi: siècle et au commencement du xvue, on y construisit les monastères que je viens de nommer (1). C'était sur cette rive gauche du fleuve que venait aboutir une voie, non indiquée dans les Itinéraires , mais dont on retrouve, çà et là, des restes , et qui en commençant pour les habitants de la région nommée, je crois, Antipolis, au quartier de P'Amphithéâtre, avait déjà traversé le territoire de Balneacum , aujourd'hui Blagnac, lieu où l’on a découvert beaucoup de monuments Romains, et allait, en s’écartant de plus en plus du fleuve, s’unir à la voie marquée dans l’Jtiné- raire de Bordeaux à Jérusalem, voie qui, passant à Stoma- tas, à Srrione , à la cité des Vasates, ou Bazas, à Tres Arbores , à Oscineio, à Scittio, ou Sos, parvenait à Elusa , aujourd'hui Eause , métropole de la Novempopulanie. Les anciens cadastres de Toulouse indiquent plusieurs routes qui s'étendaient , des lieux voisins de Amphithéätre, vers divers villages assez éloignés ; l’un de ces chemins est nommé , dans le cadastre de 1478 , sous le nom de Cami traversier de Mar- tras Tolosanas (autrefois Calaworris des Convenæe). Un au- tre , qui se dessinait dans la direction de Samatan et de Lombez, partait aussi des lieux voisins de l’Amphithéâtre. Il n’y a guère plus de quarante ans qu'il a été abandonné ; il longeait le lieu nommé le Pigeonnier, la propriété appelée, autrefois, la Borio del Comte (la Villa du Comte), aujourd'hui la Cipière, du nom de Bernard et de Guilhot la Cipière, qui la possédaient en 1478. Ce chemin touchait à /a Regine, point où existaient , encore, en 1837, les Thermes, qui étaient alimentés par les eaux échappées du Plateau voisin. Partie du Château de Saint- Michel , cette voie parvenait au lieu de Saint-Simon, et formait un angle avec celle qui conduisait à Seysses ( 4quæ siccæ ). Toujours jalonnée par des traces d'édifices Romains, elle lais- sait, à gauche, la voie qui, par Vernosolem et Calagorris , parvenaità Luodunum des Convene , et aussi le chemin de tra- verse de Martres (lo Cami traversier de Martras Tolosanas). (1) Du Mège, Histoire des institutions de Toulouse , 11. 1D DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 227 Elle se dessinait dans le territoire de Plaisance , se dirigeant vers Bragairac, et parvenait à Samatan ; on la retrouve au bas du coteau , avant d'atteindre Lombez : elle passe au village d'Es- paon , et, plus loin, au moulin de Boissèdes ; de !à, se dessinant derrière la petite ville de l'Isle-en-Dodon , où on la voit encore, au quartier du Pacherot, e le y traversait la Save : elle existe aussi aux Perdigots , ainsi qu’au village d’Anan , à l'ouest de celui de Saint-Laurent, à Monthbernard , à Escanecrabe et à Boulogne. Elle laisse à gauche Saint-Gaudens, ou le petit Mas, gagne les hauteurs à droite, près Montréjeau, traverse Campis- trous , lieu remarquable autrefois par les ouvrages de défense que les Romains y avaient élevés. De ce point, elle se dirige vers les Æquæ Convenarum , suivant d'Anville , ou peut-être vers Bagnères-de-Bigorre, qui est l'ancien Wicus Aquensis. Si, inclinant à gauche, elle n'était parvenue qu'aux Aqueæ Conve- narum, | Cap Vern?) elle se serait unie, sur ce point , à la voie ab Aquis Tarbellicis Tolosam. Le célèbre d’Anville avait déjà mentionné celte voie, non en la tracant dans toute son étendue, mais en proposant des con- jectures à ce sujet. La Table Théodosienne indique, en effet , une voie qui, suivant lui, aurait été tracée de Climberris (1) ou Auch, à Toulouse : Cliberre XV, Casinomago XNU, Tolosa. «Cette route , dit-il avec beaucoup de raison, peut bien n'avoir rien de commun avec celle qui, dans l'Iinéraire de Jérusalem, conduit en droiture d’Auch à Toulouse. Les nom- bres de la Table, ajoute-til, excèdent ce qu'il y a d'espace entre Auch et Toulouse, et Piünéraire n'y fait compter que 34, au lieu de 44 que l’on compte ici. Je crois voir dans la Table ce qui détermine la direction de la route par Casinomagus ; c'est la communication qui y paraît marquée avec un lieu nommé Æquis, et entre les lieux que ce nom désigne, le plus à portée est Æquæ Convenarum , dont l'Itinéraire d'Antonin fait mention entre Beneharnum et Lugdunum des Convenæ, en décrivant une route ab Aquis Tarbellicis Tolosam. Je remar- (1) 1 faut lire £lémberris, suivant M. Walkenaër. 228 MÉMOIRES que qu'en plaçant Casinomagus selon ce que veulent les dis- lances indiquées à l'égard d’Auch et de Toulouse , cette position doit se rencontrer aux environs de Lombez ou de Samalan, qui en est voisin... Or cette position de Casinomagus , s'écarte assez de la direction d’Auch à Toulouse, sur la droite, pour se trouver à peu près dans celle de Toulouse, aux Eaux des Convenæ, ou Cap-Bern. Quant à la distance qui, de Casino- mogus conduirait à ces eaux, c’est une omission dans la Table ; qui nous prive du secours qu'on pourrait en lirer pour mieux connaître le lieu en question »...…. Des observations faites sur le terrain indiquent l'existence de nombreuses habitations entre Samatan et Lombez. Près de cette ancienne ville épiscopale, la position élevée où se trouvait l’an- cienne chapelle de Saint-Majan , nous a offert des débris de briques romaines et de poteries (1). C’est, dit-on, à une mé- diocre distance qu'ont été découverts, il y a peu d'années, les beaux vases de sacrifices, qui, du cabinet d’un habitant de Tou- louse , ont passé naguères dans celui de M. le duc de Luynes , membre honoraire de l'Académie des Inscriptions. A l'entrée même de Samalan , on voit s'élever un tumulus. Le calcul des distances fixant en quelque sorte sur ce point la position de Casinomagus, et les traces d’antiquités venant confirmer ce calcul, on doit y reconnaître cette position , que nous avions déjà déterminée dans notre Statistique générale des départe- ments Pyrénéens (2). La terminaison du nom de ce lieu, changée aujourd’hui en celui de Samatan, est celtique, et c’est ici l’une des nom- breuses indications, prises dans les dénominations des noms de lieux, à l’aide desquelles on peut combattre les assertions des écrivains modernes qui repoussent, d’une manière abso- lue, l'élément gaulois de l’Aquitaine , et qui n’y voient qu’une dépendance, qu'une colonie de l'Ibérie. Cette terminaison en mag, trouvée à l'extrémité même de l’Aquitaine, à Noviomagus, existait dans vingt-sept noms de villes de la Gaule. (1) On découvre beaucoup de médailles romaines dans les lieux voisins. (2) Tom. 11, p. 21. : DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 229 Faut-il adopter l'opinion de d’Anville qui place aux Zquæ Convenarum a position Æquis de la Table Théodosienne , ou, comme la voie pouvait se prolonger vers le V’icus Aquensis ou Bagnères-de-Bigorre, faut-il reconnaître dans cette dernière l'établissement thermal , indiqué par le vaste édifice carré des- siné sur la Carte Théodosienne ? Xci nous ne devons point nous prononcer, car aucune opinion à ce sujet ne saurait être ni adoptée, ni infirmée , puisque cette même Table géographique ne donne point la distance de Casinomaous à Aquis. Les Aquæ Convenarum ne peuvent être placés qu'à Capvern , si l'on a égard aux distances indiquées par l'Iünéraire, Benchar- num XVI. Oppidum Novum XNIL. Æqueæ Convenarum NW. Lug dunum XVI. Et nous les trouvons dans la ligne tracée par la voie notée dans la Table Théodosienne ; mais, comme elle ne donne point de distances dans cette partie, la célébrité des Thermes des Biserrones, attestée par des monuments, peut faire penser que l’on a voulu désigner ce lieu, qui, par cette route , se serait trouvé en communication directe avec Tou- louse , tandis qu'en suivant la voie qui passe à Lugdunum , il aurait fallu se détourner sensiblement pour atteindre ce point. J'ai dit que la route de Tolosa à Aquis, par Casinomagus, était jalonnée par des monuments; des Zumuli apparaissent sur les hauteurs voisines. On a vu qu’à l’entrée même de la ville de Samatan , une de ces collines, élevées par la main des hom- mes, offre sa masse aux regards. Partout, dans ces contrées, les souvenirs de l'antiquité viennent nous réveler une anti- que splendeur. Le Tumulus de Lautignac est très-remarquable. Ambax, dont le nom est celui de deux communes séparées , rappelle lÆmbats d'au-delà des monts, dans ce pays peuplé en partie de fugitifs venus de l'Espagne , et formés en corps de tribu par Pompée (1). Le quartier de Pacherot, dans Lille-en- Dodon, nous a fourni des ruines considérables, parmi lesquelles on a trouvé, entre autres, une belle statue drapée, dont la tête manque ainsi que la partie inférieure, et qui fait présentement (1) S. Hieronym. Advers. Vigil. IT. 230 MÉMOIRES partie de mes collections (1). Lille-en-Dodon doit avoir même une origine antique. Plusieurs inscriptions y ont été découvertes , et je citerai ici la suivante, placée à l'angle d’une maison , et qui fut consacrée à Hercule par Philetus , esclave de Pompeius : PHILETVS POMPEI . SER HERCVLI.v.s.L.Mm Les monuments consacrés à Hercule ne sont pas rares dans nos contrées. On a découvert, en 1850 , dans la partie basse de l’ancienne Zuodunum Convenarum (2), un fragment (1) Cette statue , très-bien drapée, a, dans son état actuel, 120 de haut ; elle devait avoir autrefois 1M45. (2) On a trouvé, il y a peu de jours, des ruines assez remarquables dans le local que l’on nomme aujourd’hui Plan de Saint-Bertrand (le mot plan signifie plaine). Quelques murs ont été détruits par la charrue ; mais par les soins de M. V. Cazes, habitant de Saint-Bertrand, bien connu par son amour éclairé pour l’anliquité, et qui possède une belle collection dé monuments, il a été mis à découvert une chambre carrée ayant 4" 8o° de côté, ayant pour pavé une mosaique , en cubes blancs, environnés d’un encadrement en cubes noirs, el offrant des ornements intérieurs de même couleur. On a cru y reconnaitre une piscine, et l’on a été confirmé dans cette opinion par la découverte de tuyaux en plomb, ayant 4" 6ot de long et environ o,10 de diamètre. Ces restes précieux , qui existent près des murs du cimetière, se- ront conservés et placés, dit-on, bientôl, sous une toiture , et ils seront offerts aux regards des étrangers qui, chaque année, visitent celte portion de nos montagnes. Qu'il nous soit permis d’indiquer ici d’autres découvertes, faites depuis peu de mois, et qui se rallachent à mes travaux précédents. Tous les objets conservés par M. V. Cazes, font partie des planches de l’Archéologie Pyré- néenne : ce sont tous des autels ou des fragments d’autels votifs en marbre. Le premier était décoré de belles volutes. On ne voit plus sur ce fragment que quelques lettres : 1.0 EN Cet autel était dédié à lupiter : lovi . Optimo..... il provient de Lug- dunum Convenarum , et des champs nommés Æ£ras crambos aroujos (les chambres rouges). Le second , découvert à Malvesie, a été consacré par un particulier nommé Severus, à une divinité topique, dont je me suis déjà occupé : SEVERVS ORO IN Boseneconne SV ANE EEE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 231 d’autel, en marbre rougeâtre, recueilli par M. Caze, et sur lequel on lit encore : HEX CY L' Co nl 2 L Le lieu de Cardeillac conserve une autre inscription , inédite comme celle-ci. C'est un autel consacré au dieu Abellion , dont le culte s’étendait jusque dans les vallées les plus éloignées (1). Un particulier nommé Sembus, fils d'Uriassus , l’éleva, pour accomplir le vœu qu'il avait fait : SEMBVS VRIASSI . F ABELLIO NI. DEO V.S. L. M. Le troisième et le quatrième étaient dédiés à Erge, dieu sur lequel j'ai déjà publié un petit travail dans les Mémoires de l’Académie de Toulouse. Ils proviennent des lieux de Nistos et de Montagut. Sur le premier on lit : TEMPL.. ERGE HAVE = VOS L'autre n'offre plus que les lettres ER..... commencement du nom ERGE. Un autre autel, provenant de Montagut , était aussi consacré à Erge. L'inscription , très-fruste , n’offre plus que ces caractères : RCE DE mais il est évident qu’il faut lire ainsi la première ligne de cette inscription : eRGE DEo Un autre fragment, découvert à Barbazan , lieu où j'ai depuis longtemps fait quelques découvertes , n'offre plus que ces sigles : PR V.S.L.M. ( Votum Solvit Lubens Meritô.) (1) On a découvert à Boucou , vallée de Sauveterre, en 1850, un autel dont la partie inférieure était brisée. Dans ce qui reste, on lit encore : ABELION DEO ..VIN.. V.S.L. (Votum Solvil Lubens.) 232 MÉMOIRES Mais cette contrée possède un monument plus célèbre , c’est celui que l’on nomme Peyro blanco; c'est un fragment qui a environ 0,63 centimètres de haut sur 0,50 de large. Une ins- cription environnée d’un cadre y avait été gravée; mais le marbre étant brisé à peu près par la moitié, on ne voit plus que la fin des derniers mots, et l’on ne peut en tirer aucun sens : .…DELE ...SVE ...ECI HO ES ATANVS: Je ne reconnais là qu’une portion de tombeau. Mais un bas- relief décore les parties les mieux conservées: on y voit une femme assise sur un cheval lancé au galop. Au-dessous on re- marque des dauphins, et un taureau, dont la partie posté- rieure est terminée par une queue de poisson. Images fantas- tiques qui peuvent représenter, et l’une des Océanides et quelques monstres des mers, tels que les ont dessinés les poëtes, depuis Hésiode et Homère jusqu’à Claudien. Une tradition su- perstitieuse, répandue dans tout le pays, nous a empêché de réunir cette pierre aux nombreux monuments que nous avons rassemblés dans le Musée d’antiquités de Toulouse, créé par nos soins. « Si elle était enlevée , disent les habitants , la grêle briserait nos moissons, et, après plusieurs années de désastres, un torrent sortirait du point même où la Pierre blanche est placée aujourd'hui. Aucune force humaine ne pourrait détourner le cours de ce torrent : il inonderait les vallées : il roulerait les débris des forêts et des monts dans la plaine, et Toulouse même, recouverte par les rochers pyrénéens, ne présenterait plus qu’un amas informe sur lequel la Pierre blanche apparaîtrait comme un éternel monument de la colère céleste. » DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 233 ———_—_—_— BULLETIN DU MOIS DE MARS. M. pe Vacouté lit un Mémoire sur les anciennes coutumes de Séance Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne), établies en 1303, par les Man bourgeois et populaires de cette ville. Après en avoir présenté l'analyse, il fait ressortir leur infériorité sur les coutumes don- nées par le Comte de Toulouse et l'Abbé de Belleperche aux habitants de Beaumont de Lomagne, et sur celles de Villebru- mier, déjà insérées dans les Mémoires de l'Académie. M. ou Mëce entretient l’Académie des découvertes archéolo- giques qui ont été faites dans les fouilles exécutées pour le ni- vellement de la place du Capitole. En conséquence , l'Acadé- mie a nommé une Commission chargée d’en conférer avec l'autorité municipale, afin de réclamer, dans l'intérêt de l’ar- chéologie, les monuments qui pourraient l'intéresser. Cette Com- mission est composée de MM. du Mège , Barry, et Molinier. M. Gros-MayREvVIELLE, Correspondant, mais présent à la séance, informe l’Académie que, pendant son dernier voyage en Espagne, il a rencontré deux monuments écrits, qui lui ont semblé d’un grand intérêt pour l’histoire de la langue et de la littérature romanes. L'un est déposé dans les archives de la couronne d’Arragon, à Barcelonne, et a pour titre : Las Flors del Gay saber , es- tier dichas las Leys d’amor. C'est une copie des F leurs du Gai savoir ou des Lois d'amour, rédigées par les docteurs de la Gaie science de Toulouse, au commencement du xiv° siècle. Elle présente cependant quelques variantes qu'il serait curieux L3 mars. 20 Mars. 234 MÉMOIRES de publier. Ce monument appartenait autrefois au monastère de Saint-Couat de Vallose, près de Barcelonne. L'autre est déposé dans la bibliothèque du monastère de Saint- Laurent de l'Eseurial. Il a pour titre : Z'orcimani 0 libre de la Sabiecca ; por Luis de Anerso. C’est un Recueil de règles en prose et d'exemples en vers, concernant la littérature romane, et semble avoir été écrit à la fin du xrv° siècle, ou au com- mencement du siècle suivant. M. Mouxs lit un mémoire sur la Précession dans le mouve- ment de rotation d'un corps solide autour d'un point fixe. Imprimé dans la livraison. M. Bexeca continue la lecture de son Mémoire sur Toulouse, ville latine. Une Commission , composée de MM. Brassinne, Filhol, Petit, Saint-Guilhem et Joly, a été nommée pour examiner un pétrin mécanique , de l'invention de M. Cardailbac, et qui fonctionne depuis quelques jours. L'Académie a fixé à la séance du 20 mars la nomination à la place déclarée vacante dans la classe des Sciences ( section d'Histoire naturelle ). M. Perit fait une communication verbale d’une observa- tion sur une chute de pluie, par un ciel parfaitement serein , qu'il a eu occasion de faire le 19 octobre 1850. Il s'exprime ainsi : « Le 18 octobre 1850 , par un ciel superbe et un beau soleil, à 10 heures du matin, j'ai observé, pendant dix minutes , aux environs de Muret, une chute de pluie. La note que j'écrivis au moment du phénomène , porte entre autres choses les indications suivantes : — Gouttes peu abondantes, mais bien constatées. — Pas de vent. — Légères brises. — Feuille des arbres très-faible- ment agitées, sans qu'il soit possible de déterminer sur le mou- vement de ces feuilles aucune direction de vent. — Je n’ai pas de thermomètre, mais la température doit bien être de 12 ou 15 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 235 degrés à l'ombre, et de 30 ou 35 degrés au soleil (1). — Les gouttes de pluie sont poussées par la brise vers le S.E.— La brise est done N. 0. succédant au vent de S.E. qui avait soufflé assez fortement la veille, et qui régnait peut-être encore vers le baut du ciel, à en juger, du moins, par un très-faible cirrus (2) placé à 20 ou 25 degrés du zénith de la direction du Sud, et tout-à- fait insignifiant ; car il ne soutend pas un angle de plus de 50 à 60 minutes — Ce léger nuage paraît immobile ; d'où le vent de S. E. supérieur, s'il existe encore, doit être très-faible comme le N. O. inférieur. » Il avait plu légèrement pendant la nuit. » M. Levmenie communique vérbalement ses dernières obser- vations sur le terrain de transition de la Haute-Garonne. Il a reconnu et tracé sur la carte, dans les limites assignées à ce terrain, deux zones ou bandes parallèles, dont l'une appartient à l'étage déronien | griotte et campan }, et l’autre à la partie supérieure de l'étage silurien des Anglais. Ces bandes occupent la partie nord de la formation, et précèdent immédiatement le pris rouge pyrénéen. Elles pas- sent au sud de Cierp et de Saint-Béat. Le terrain de transition des Pyrénées se trouve représenté, sur la carte géologique de France, par une seule et même teinte; et jusqu'à présent, on n'y avait indiqué aucune des divisions établies depuis longtemps ailleurs , et particulièrement en Angleterre et en Bretagne. M. Gaussaiz fait un rapport verbal sur une note adressée par M. Beaupoil, correspondant , relativement à une modification _ 3 : æ: qu'il a fait subir au procédé du tamponnement de fosses nasales. (1) Les registres de l'Observatoire donnent en effet 159,9 et 180,1 cenligr. pour les indications du thermomètre à 9 h. du matin et à midi. — L’hygro- mètre marquail aux mêmes heures g1°,0 et 759,5. — Le ciel était également très-beau à Toulouse. (2) Les cirrus sont, comme on sait, les nuages caractéristiques du vent de S.E. dans la plaine de Toulouse. 27 mars. 236 : MÉMOIRES M. Jocy revendique, en faveur du professeur Reichert de Dorpat, la découverte annoncée par M. Coste, par rapport au siége qu'occupe l'œuf de la femme et des femelles des $ animaux mammifères, quelque temps après l’imprégnation. L'Académie procède à la nomination d’une place déclarée vacante dans la classe des Sciences, section d'Histoire naturelle. M. Lavocat, professeur à l'Ecole vétérinaire de Toulouse , ayant réuni, au premier tour de scrutin secret, le nombre de suffrages requis, M. le Président l’a proclamé Associé ordinaire de l'Acas démie. M. ou M&ce lit une note sur une voie romaine qui conduisait, soit aux Æquæ Convenarum ( Cap-Vern), soit au Vicus Aquensis des Bigeronnes | Bagnères-de-Bigorre ). Imprimée dans la livraison. Au nom d'une Commission , M. Perir fait un rapport favo- rable sur le pétrin mécanique inventé par M. Cardaillac. L’Aca- démie entendra, dans sa prochaine séance , une seconde lecture de ce rapport. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 237 DISCOURS D'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE ; Par M. UrBaix VITRY, Président, DE L'INFLUENCE DE LA SCIENCE SUR LA PRODUCTION DES RICHESSES, Messieurs, Il n’est point de richesse qui n'ait sa source dans le travail: aujourd’hui cette vérité ne peut plus être révoquée en doute; mais le travail lui-même paraît encore au plus grand nombre ne provenir que d'une classe de citoyens , celle dont les procédés manuels doivent être pour longtemps encore le partage. Et cependant, parmi les causes les plus fécondes de la pro- duction des richesses , il faut évidemment placer au premier rang les connaissances scientifiques, dont le chancelier Bacon a dit : en elles se trouve toute la puissance. ILest vrai que pendant longtemps la culture des sciences a été tenue séparée des usages ordinaires de la vie. Renfermées dans le cabinet de quelques adeptes , elles n’ont paru aux yeux du vulgaire que des spéculations tout-à-fait étrangères aux nécessités de l'existence , aux besoins de l'humanité. De là l'origine de cette opinion si faussement répandue, que les sciences n'avaient rien de commun avec les travaux de l’in- dustrie , et que les études théoriques ne pouvaient être d'aucune utilité. Ecoutez l'ouvrier ignorant : un savant aurait-il la pré- ke Ss.—TOMEL. 17 238 MÉMOIRES tention de nous apprendre à travailler , lui qui est étranger à cHacune de nos professions ; lui qui ne peut ni tenir ni manœu- vrer un outil, et qui ne saurait probablement pas exécuter le moindre de nos produits ? L'objection paraît naturelle, et néanmoins, en dehors des opérations qui réclament la vigueur ou l'habileté de la main , il est des principes généraux qui ne dépendent pas de tel ou tel métier. Il existe des moyens pour perfectionner le travail par l'application la plus avantageuse de toutes les forces pro- ductives, en abandonnant à des agents secondaires les actions qui ne demandent point le concours de l'intelligence. Ici, Messieurs , il importe de faire observer combien la science est amie de l’ouvrier , puisqu'elle a pour objet de le débarrasser de ces travaux où l’homme n’agit qu'à la manière du cheval, de l’âne ou du bœuf, pour trouver en faveur de l'artisan in- dustrieux des occupations moins abrutissantes , dans lesquelles la force de lesprit et celle du corps se prêtent de mutuels Secours. C’est surtout depuis le commencement de ce siècle que la science a acquis une sorte d'expansion en dehors de la sphère purement théorique, pour prendre une tendance nouvelle et frappante vers l'application et la pratique des arts utiles. C'est là, si je ne me trompe, un des signes caractéristiques de notre époque. I y aurait à dérouler un magnifique tableau de tous les merveilleux résultats obtenus dans cette nouvelle voie; mais dans cette séance prolongée jusqu’au terme qui pourrait épuiser votre indulgence, il me serait impossible de vous présenter un exposé même très-succinct de ces résultats. Je me bornerai donc à quelques exemples, à quelques aperçus, pour établir le pouvoir créateur et régénérateur des sciences, dans l’industrie, dans les arts et dans le commerce. C’est par l'application des lois fondamentales de la géométrie, de la statique , de la dynamique , ainsi que de celles de la phy- sique et de la chimie, que l'art moderne des machines a porté ses développements jusqu'au prodige. Au premier rang doit être placée cette admirable machine à \ DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 239 vapeur, qu’un savant a justement nommée le miracle des inven- tions humaines. Qui pourrait dire, en effet, les innombrables procédés aux- quels cette invention prête son concours ? Ici elle est employée pour filer, pour carder, tondre, tisser, imprimer, fouler , moudre ou scier; là, pour broyer les masses les plus récalci- trantes ; là, au contraire, pour agir mollement sur les subs- tances les plus délicates , pour enlever et mouvoir les plus énormes fardeaux, ou bien pour couvrir de fines broderies les tissus les plus délicats. Dans d’autres conditions, elle dévore l’espace avec la rapidité de l'éclair, entraînant après elle d'immenses convois d'hommes ou de marchandises au milieu de tourbillons de vapeurs et de fumée, d’où s’élancent des gémissements et des siffiements, dont l'effet si émouvant aurait été sans doute poétisé par la bril- lante imagination de la Grèce antique. Le spectacle de cette force aveugle de la matière ainsi domptée, assouplie par l'homme, inspire un sentiment d'admiration mêlé d’une sorte d'épouvante. « Regardez, disait naguère un spirituel écrivain , ces roues » qui tournent, ces pistons énormes qui s’agitent dans le vide, » ces balanciers, ces dents qui mordent en se mouvant dans un » dédale d’engrenages, et bientôt l'implacable et rapide régula- » rité de leurs évolutions vous inspirera je ne sais quel effroi. » Cependant la main d’un seul homme, quelquefois celle d’un » enfant , conduit et gouverne tous ces monstres mugissants ; » d’un geste léger , il met en mouvement leurs muscles d’acier, »et ils obéissent. Mais tout gémit, tout se plaint; on dirait » que mille voix, mille cris, mille frémissements aigus protes- » tent au nom de la matière vaincue. » Les arts, dont les premiers éléments sont fournis par le règne mioéral, s'appropriant les découvertes de la chimie, de la mé- canique et de la physique, ont pris une immense extension qui permet d’arracher du sein de la terre ces masses énormes de combustible fossile, et ces quantités considérables de mé- taux, quelques-uns d’un usage nouveau, que la métallurgie 240 MÉMOIRES met en œuvre. Ainsi les anciens n'avaient pas connu le zinc, et duns les temps modernes, son emploi était extrêmement res- treint, jusqu’au moment où un ingénieur français a fait voir , il y a quelques années, combien le zinc pur était malléable à une température de 100°. I sert maintenant au doublage des vaisseaux, à la toiture des édilices, et à une foule d’usages utiles ou luxueux, depuis le simple bidon, jusqu'à la confec- tion des lampes, des pendules et des statues. C’est surtout dans l’industrie des fers, cette matière première indispensable à tous les arts, que la grandeur des résultats de la métallurgie a été remarquable par suite de l'invention de la fabrication au coke, amenée par les études persévérantes des chimistes. Le prix moyen du kilogramme de fer qui revenait, il y a cinquante ans, à plus de 60 centimes , est descendu aujourd’hui à 15 cent. sur quelques marchés, et par suite la production s’est accrue dans le rapport de 1 à 130. La fonte de fer a suivi la même progression, descendante pour le prix , ascendante pour la quantité. La fabrication des glaces, du cristal et du verre, de ce der- nier produit surtout, si rare et si précieux dans l'antiquité, s’est approprié des procédés nouveaux , qui depuis une dizaine d'années ont opéré une diminution énorme dans les prix. C'est ainsi que la science et l’industrie faisant invasion dans le domaine des arts, ont pu fournir à l'architecture le moyen de résoudre cet étonnant problème , d'élever un édifice plus grand, plus somptueux , plus féerique que les plus grands, que les plus somptueux palais d'autrefois, sans recourir au plus petit em- ploi de la pierre, de la brique, du mortier ou du ciment. L'électricité, le magnétisme, le galvanisme, sont sortis à leur tour du cabinet du physicien, pour devenir les agents de l'industrie ; ils ont enfanté les merveilles de la galvano-plastique qui met l'usage des métaux les plus précieux et les moins alté- rables à la portée des petites fortunes ; les images daguer- riennes qui sont à la lumière ce que la sténographie est à la parole ; le télégraphe électrique, au moyen duquel la trans- \ DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 241 mission instantanée de la pensée ne connaît plus de distances , et tant d’autres résultats auxquels on n'aurait pas voulu croire, il y a quelques années, tant ils semblent miraculeux. L’immense mouvement des travaux publics entrepris et exé- cutés dans les dernières années qui viennent de s’écouler, té- moigneni hautement des efforts incessants de la science qui conçoit, et de la pensée qui dirige le travail corporel. Les routes, les chemins de fer et les canaux traversent les montagnes à leur base ou franchissent les rivières, ici sous leur lit, là à une élévation considérable au-dessus de leurs bords, tantôt sur des piliers gigantesques qui laissent bien loin der- rière eux les célèbres aqueducs romains , tantôt sur des chaînes de fer suspendues dans l’espace, et qui disparaissant aux re- gards par leur ténuité, pourraient faire croire au vol des véhi- cules qui les parcourent. Tandis que ces prodiges s'opèrent , des bassins, des môles, des jetées sont établis avec une immense économie, grâces aux découvertes de M. Vicat, sur les propriétés des chaux hydrau- liques. Un système général de phares vient, au moyen des lois de la réfraction de la lumière, illuminer les côtes maritimes, et reculer ainsi les bornes d'où le navigateur peut fuir le danger et découvrir l'asile qui l'attend dans le port. L'agriculture, que Sully appelait la mamelle de l'État, em- pruntant les données de la science, s'est enrichie d’un certain nombre d'instruments pour améliorer la culture ou la mani- pulation des produits. Les machines hydrauliques, le bélier et le turbine par exemple, inventées par nos compatriotes , celles déjà connues, telles que la presse et les roues hydrauliques perfectionnées, et susceptibles de donner un plus grand effet utile, ont multiplié les forces motrices dont la production agri- cole et industrielle compose sa richesse première. Les faux et les faucilles, fabriquées jadis exclusivement en Allemagne, sont confectionnées économiquement en France et dans d’autres contrées avec des procédés nouveaux que la science réclame. La botanique et la zoologie sont venues à leur tour agrandir 2:92 MÉMOIRES le domaine de l’agriculture, La première, en lui apportant la découverte et la propagation d’une foule de plantes alimentaires pour l’homme ou pour les animaux, a rendu à jamais impos- sible le retour de ces disettes générales qui décimaient autrefois les populations. La culture d’un plus grand nombre de prai- ries naturelles ou artificielles donnant un plus grand développe- ment à l'élève des bestiaux , accroît la valeur des terrains des- tinés à la culture des céréales, objet important, surtout en France, où ces céréales sont maintement au-dessous du juste prix qu'elles devraient avoir pour que l’agriculture ne fût pas dans la détresse. La botanique , en sondant les mystères de la vie des plantes, et en démontrent l'existence de la plupart des organes qui ont leur analogie dans le règne animal , a fait connaître les mé- thodes les plus efficaces et les plus rationnelles pour combattre les diverses maladies dont les plantes sont attaquées. La zoologie a établi des principes sur la conservation ou le croisement des races. Elle a montré la nature constamment soumise à des lois invariables, même dans ses écarts, et jus- que dans la production des monstres. La médecine vétérinaire secouant le joug de l’empirisme, s'est fait une place dans la science et a rendu d'immenses ser- vices, soit en protégeant et en conservant les individus, soit en propageant les nouvelles espèces. Quant aux arts qui satisfont aux besoins de la société, nous devons rappeler les perfectionnements et l’économie remarqua- bles introduits dans le tissage des étoffes par le métier à la Jacquart, de cette ingénieuse machine au moyen de laquelle on exécute les étoffes faconnées, quelle que soit la richesse du dessin , avec le secours d'un seul ouvrier et de quelques fra- giles morceaux de carton. On doit citer encore l'amélioration, ou plutôt la création des divers modes d'éclairage, depuis le bec d’Argand jusqu’à la lu- mière éclatante du gaz, inventée par un Français, appliquée par l'Angleterre, puis rapportée en France, et reçue comme Montaigne assure que nous recevons la raison, quand, dit-il, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 243 au lieu de lui tendre les bras, plaisir nous est de lui tendre griffes. La chimie a découvert ce beau bleu d'outre-mer de M. Guimet, si longtemps cherché, et qui a fait révolution dans l'art de la teinture, en ramenant cetie magnifique couleur à un prix com- parativement avili. Les procédés mécaniques et chimiques de la typographie ont permis de suffire à cet irrésistible besoin de lecture si développé de nos jours; et l'invention de la lithographie est venue mettre à la portée des humbles fortunes les dessins originaux des plus grands artistes ou les dessins propres à diriger les travaux des ouvriers. Tels sont, Messieurs, quelques-uns des principaux progrès accomplis sous les auspices du concours mutuel de la science et du travail , et, par l'influence de l'association , de ce levier dont la puissance, prise daus une sage et équitable mesure, agrandit, comme par enchantement , le vaste champ de l'humanité. Car, sans l'état social, l’homme ne peut satisfaire par lui- même à ses besoins de toute nature et à sa consommation habi- tuelle la plus simple. Le sauvage bâtit sa hutte, creuse sa pirogue, fabrique les filets grossiers qui servent à sa péche, ou l'arc avec lequel il tue les animaux dont la chair le nourrit, dont la peau le vêtit. Il tra- vaille, et cependant ce travail, presque stérile, suffit difficile- ment à soutenir sa malheureuse existence; au contraire, dans la civilisation, qui constitue la véritable association , le travail spécial de chacun des membres de la société entretient l’abon- dance de tout ce qui peut satisfaire aux besoins et aux commo- dités de la vie, en procréant à la fois la richesse et la puissance. Il n'est pas jusqu'aux professions qui paraissent les plus étrangères à la confection des produits qui ne soient un anneau de cette chaîne qui réunit en un seul faisceau toutes les forces de la société. Ainsi, le négociant qui ne participe nullement à la création des produits, doit en connaître néanmoins la nature et les pro- priétés ; son intervention devient indispensable, car la produc- 244 MÉMOIRES tion même la plus simple entraîne une suite de périodes et de retards inévitables, et cependant il faut que tous les besoins soient satisfaits chaque jour , à chaque instant; c’est au négo- ciant que ce soin est dévolu ; par son intermédiaire les con- sommateurs trouvent près d'eux tout ce dont ils ont besoin, sans déplacement , et par conséquent sans perte de temps; perte qui serait bien plus onéreuse au pauvre qu’au riche, parce que le temps est le capital de l’ouvrier. Tout se lie, tout s'enchaîne donc dans l’ordre social , parce que tous concourent au bien-être général, soit par les travaux corporels, soit par ceux de l'intelligence. Les améliorations successives de la société ne sont-elles pas le résultat des études et des efforts de ces hommes que quelques esprits aveugles ou chagrins considèrent comme des oisifs, parce qu'ils n’ont pas voulu les apercevoir brisant leur existence dans les méditations du cabinet, dans les recherches du laboratoire, dans l'étude des phénomènes de la nature ! Nos devanciers étaient-ils donc des membres inutiles de la société, lorsque, il y a plus de cent ans, ils créèrent notre Aca- démie ? lorsqu'ils s’imposèrent la loi de développer le progrès, d'encourager toutes les tentatives de perfectionnement , de donner le patronage d’un sérieux et bienveillant examen à toutes les inventions qui leur seraient soumises, de répandre autour d'eux ce souffle d'action et d'idée qui a besoin d’émaner d’un corps, d’une institution, pour donner la force et le courage à l'individu? car telle est la tâche utile, et qui n’est pas sans gloire, que nos devanciers nous ont léguée. Cette tâche , l’Aca- démie l’a comprise et remplie dans le passé; les faits diront si elle l’a continuée dans l’avenir. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 245 NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE PACHYDERME FOSSILE DU GENRE LOPHIODON (LOPHIODON LAUTRICENSE ) ; Par M. NOULET. EN comprenant mieux l'importance des fossiles, on s’inté- resse de jour en jour davantage à leur découverte et à leur con- servation. Que de débris précieux sont néanmoins encore perdus pour la science, parce que ceux qui les rencontrent ignorent leur véritable valeur! Rien , ce me semble, ne serait plus propre à vulgariser parmi nous le cas que l'on doit faire de ces restes, ayant autrefois joui de la vie, et qui servent à éclairer l'histoire de la terre, que la formation de collections publiques locales, où ils seraient soigneusement conservés. Toulouse, à l'exemple de la plupart des autres villes , devrait avoir la sienne : l’ab- sence d’un Museum d'histoire naturelle y est remarquée par tous les étrangers de distinction qui la visitent. On s'étonne qu'une cité si importante, si éminemment studieuse, et avant tout si heureusement située , ait dédaigné jusqu’à ce moment d'acquérir ce nouveau titre à la reconnaissance des sciences et à sa propre gloire. Disons cependant, pour être juste, que nos Édiles ont déjà fait un premier pas dans cette voie, en ouvrant, il y a à peine quelques mois, dans le Musée des arts, la salle Roquemaurel , où ont été placés, mais non définitivement disposés , les objets si divers, si dignes d'intérêt, que notre zélé et savant compa- triote a rapportés de ses voyages de circumnavigation. Si, poursuivant cette idée féconde, la ville réunissait dans un même local les richesses qu'elle possède déjà, en squelettologie 246 MÉMOIRES comparée , en taxidermie, en plâtres moulés, en ossements fos- siles, en herbiers, etc., éparpillées dans divers établissements publics, non municipaux, elle pourrait immédiatement pro- duire une galerie pleine d'intérêt, qui s’'augmenterait continuel- lement de dons nouveaux. Pour les savants, pour ceux qui fréquentent les cours scientifiques , une telle collection aurait sur toutes les autres des avantages incontestables, en offrant une large publicité, et en constituant un champ neutre d’observa- tions, où chacun aurait le droit de puiser des éléments d'étude, que les collections des corps enseignants , en quelque sorte pri- vées, réservent au personnel chargé de leur classement et de leur conservation. Parmi les objets possédés par la ville, et qui n’ont pas même encore obtenu l'honneur d’une exposition provisoire depuis qu'ils ont été offerts par de généreux particuliers, il en est de précieux par leur rareté ; quelques-uns même ont une valeur scientifique inappréciable, puisqu'ils sont uniques jusqu’en ce jour. C'est sur lun de ces derniers objets que je me propose d’at- ürer l'attention de l'Académie. En 1845, notre confrère, M. Belhbomme , voulut bien me communiquer une portion considérable d’un maxillaire in- férieur fossile d'un grand mammifère, en partie empâté dans sa gangue. M. le Comte de Foucaud l'avait recueilli sur sa terre de Braconac , située dans la commune de Lautrec , dé- partement du Tarn, et il avait chargé M. Belhomme, qui le lui avait demandé pour Toulouse, d’en faire hommage à notre municipalité. La remise en fut faite bientôt après, et ce mor- ceau fut déposé, renfermé dans la caisse qui avait servi à le transporter, dans le réduit où étaient alors entassés les objets que venait de donner M, de Roquemaurel. C'est là qu’à diverses reprises je revis le fossile de Lautrec, ct que je pus apprécier les particularités les plus importantes qu’il présente, et qui font l'objet de cette note. En 1849, je le fis connaître à M. Lartet, qui s’accorda avec moi pour le consi- dérer , comme devant servir à caractériser une nouvelle espèce DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 247 dans le genre Lophiodon. Je m'étais engagé enversM. Belhomme, et plus tard, envers M. Lartet, à publier l’intéressante décou- verte de M. de Foucaud. J'y ai été de nouveau encouragé par l'importance que notre célèbre paléontologue , M. Laurillard , à accordée à ce morceau qu'il a étudié à son dernier passage à Toulouse, et enfin par les soins que prend en ce moment de sa restauration notre confrère M. le Professeur Joly. Malgré l'état dans lequel se trouve cette mandibule, et les fractures multipliées qu'ont éprouvées la plupart des cou- ronnes des dents , ilest aisé de se faire une idée précise de cette pièce, et de la rétablir suffisamment pour apprécier les caractères de la dentition. Ainsi, il est constant que cette mâ- choire inférieure portait de chaque côté trois incisives, une canine , et six molaires. L'animal auquel elle appartenait rentre done dans la tribu des pachydermes à système dentaire complet , c'est-à-dire, de ceux qui possèdent les trois crdres de dents , comme sont les Zapirs dans la nature vivante, et les Palæotheriums et les Lophiodons parmi les types éteints. Les dents incisives, au nombre de six, n’y sont indiquées que par des restes de leurs racines encore implantées dans les alvéoles, ou par des alvéoles vides. Les canines, fortes et à couronne conique étaient pressées contre les incisives, de ma- pière à former avec celles-ci une une série continue; l’une d’elles fracturée en plusieurs fragments , est séparée du maxillaire , la deuxième a eu la couronne brisée. Les molaires viennent après un espace laissé vide entre elles et les canines; elles varient suivant leur position respective. La première avant-molaire, à laquelle je rapporte deux dents détachées, offre la couronne comprimée comme dans nos rhinocéros fossiles ; les vraies mo- laires usées étaient à deux collines obliquement dirigées en croïs- sant ; elles sont toutes fracturées et souvent fort incomplètes, excepté une dernière qui est d'une belle conservation ; celle-ci présente deux collines, et est terminée par un talon prononcé ou troisième colline. Un bourrelet entoure les dents à leur base. D’après les résultats fournis par la formule dentaire, et les 248 MÉMOIRES détails offerts par les dents qui restent, on ne peut hésiter à rapporter notre fossile au genre Lophiodon , tel que l’a établi G. Cuvier, pour des pachydermes à dentition complète , et ainsi nommés à cause des collines dont les vraies molaires inférieures sont relevées (1). Dans les premiers temps que je cherchai à apprécier cette man- dibule, je fus quelque peu arrêté par la disposition en double croissant qu'avait dû affecter la couronne des molaires posté- rieures, considération qui me portait à regarder l'animal auquel il avait appartenu , comme inclinant , par ce trait, vers les rhi- nocéros ; mais la présence de deux canines, et la dernière mo- laire à trois collines, ne permettaient point ce rapprochement. En étudiant d’ailleurs les descriptions et les figures publiées par G. Cuvier, et qui ont servi à caractériser le genre Lophio- don, et à établir les diverses espèces de ce groupe, il me fut fa- cile de me convaincre que le caractère tiré de l’obliquité et de la courbure des collines des dents molaires inférieures , Se re- trouve plus ou moins prononcé dans ces animaux, et à un très- haut degré dans quelques espèces, par exemple, dans l’une de celles de Buchsweiller (Bas-Rhin), qui a été nommée Zophiodon Buxovillianum, chez laquelle , dit Cuvier, « les collines des » molaires inférieures, comme celles de l'espèce plus petite » d'Issel ( Lophiodon Occitanicum \, sont en même temps plus » obliques , plus arquées, et rappellent davantage les rhino- (1) Cuvier, résumant les caractères génériques des Zophiodons , dit qu’ils consistent : «1° En six incisives et deux canines à chaque mâchoire; sept » molaires de chaque côté à la mâchoire supérieure et six à l’inférieure, » avec un espace vide entre la canine et la première molaire ; — 20 en une » troisième colline à la dernière molaire d’en bas; — 3° en ce que les mo- » laires antérieures d’en bas ne sont pas munies de collines transverses, mais » présentent une suite longitudinale de tubercules ou un tubercule conique » et isolé; — 4° en ce que les molaires supérieures ont leurs collines trans- » verses plus obliques , et se rapprochent par là des rhinocéros, dont elles » diffèrent par l’absence de crochets à ces mêmes collines. » Ce que l’on connait du reste de l’ostéologie des Lophiodons, annonce des rapports sen- sibles avec les tapirs, les rhinocéros, et à quelques égards avec les Aëppo- potames. Voir Cuv., Oss. foss., 3° édit., tom. 2, 1'€ part., pag. 221. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 249 » céros et les Palæotherium (1). » D'après cela, je ne devais pas m'arrêter à une difficulté que Cuvier avait déjà levée, en con- sidérant comme secondaire et de peu d'importance ce caractère fort variable. Il me reste maintenant, et en peu de mots, à donner les mo- tifs qui me portent à faire du fossile de Lautrec le type d’une espèce nouvelle parmi les Lophiodons. Ne connaissant encore de cet animal que le maxillaire inférieur mutilé, dont je viens de signaler l'existence, je ne puis tirer les différences spécifiques que de ce seul morceau. Les proportions qu'il présente sont d’un tiers plus grandes que celles du plus grand Lophiodon si- gnalé par Cuvier, le Lophiodon tapiroides de Buchsweiller (2), malheureurement encore si imparfaitement connu. Celui que nous signalons s’écarte aussi du plus grand Zophio- don d’Issel ( Lophiodon Isselense) établi par Cuvier, si l'on prend pour type de cette espèce l'arrière-molaire figurée, tom. mt, pl. 3, fig. 3, dont les dimensions sont de beaucoup moindres (3). Il se pourrait, néanmoins, que quelques-unes des pièces os- seuses, fémur , humérus, omoplate, cubitus et astragale, que M. Cuvier a rapportées , avec une sorte de doute , à cette der- nière espèce, pussent être attribuées à celle que nous proposons. Voici, au reste, quelques détails propres à faire apprécier les dimensions, et aussi plusieurs traits de conformation de la mâchoire qui fait le sujet de cette note. Elle a les branches montantes cassées un peu au-dessus du niveau des molaires ; elle n’a pas non plus conservé toute son intégrité en arrière. Le corps est complet ; il se termine en museau sensiblement (1) G. Cuv., Oss. foss., 3° édil., tom. 2, 17€ part., pag. 198. (2) Cuv., Ann. Mus. Paris, tom. 6, pag. 56. Oss. foss., tom. 2, pag. 200. (3) Je ne crois pas devoir m’arrêter à faire observer ce qu’a de trop ab- solu l'opinion de M. de Blainville, qui a réuni dans son Ostéographie, sous le nom de Zophiodon commune , les L. tapirotherium ( d’Issel ) ; L. Occitanicum ( d’Issel ); L. Isselense (d’Issel) ; L. tapiroëdes (de Buchs- weiler); L. Buxovillianum (de Buchsweiller); L. tapirotherium et medium (d’Argenton ), etc. 250 MÉMOIRES rétréci, offrant à son extrémité, ainsi que je l’ai dit , les traces des six alvéoles qui logeaient les incisives. Cette partie, me- surée transversalement au niveau de la sortie des canines, offre une largeur d'à peu près 0",08 ; elle s’amincit un peu dans la portion qui répond aux barres ; les branches donnent tout à fait en arrière un écartement de 0",28. La longueur totale de ce qui reste de la mandibule est de 0,53; la série des molaires y occupe 0,28 , et la barre ou espace qui sépare la première fausse molaire de la canine , 0,0%. è Le corps de la mâchoire est très-épais pour son peu d'éléva- tion : il a de haut 0",10 et 0",06 de large ; la base est ar- rondie. La couronne de la canine avait 0,06 de long ; son plus grand diamètre, pris à l'origine de la racine, est de 0",044, et le petit diamètre de 0",022. La couronne de la première molaire a 0,034 de long; la dernière molaire, que nous avons dit être à deux collines et à un talon prononcé, a 0,08 de longueur et 0",043 de lar- geur. D’après les caractères que je viens d'exposer, je propose de considérer cette espèce comme nouvelle et de lui donner le nom de Lophiodon Lautricense (Lophiodon de Lautrec}, pour rappeler la localité qui en a fourni les premiers débris. Ceux-ci gisaient à une profondeur d'environ 8 mètres dans un lit de molasse tendre , à gros grains, et au-dessous de bancs argilo et sablo-calcaires, durs et compactes. Tout porte à pen- ser que le Zophiodon de Lautrec rentre dans la même Faune fossile que les Zophiodons d'Issel (Aude), au pied de la Mon- tagne Noire. Mais il reste encore à déterminer d’une manière précise à quel étage du terrain tertiaire appartiennent les couches qui recèlent cette population perdue. LS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 251 EEE — NOTICE SUR UNE MOMIE AMÉRICAINE , DU TEMPS DES INCAS, TROUVÉE DANS LA NOUVELLE-GRENADE ; Par M. N. JOLY, D. M. P. Marcré le fameux précepte yvü@e cexvrûv, Connaïis-toi toi- même, l'histoire naturelle de l’homme est encore si peu avancée, et tous les documents qui se rattachent de près ou de loin à cette histoire, offrent un intérêt si réel et si vif, que j'ai cru être utile à la Science et agréable à l’Académie , en vous pré- sentant aujourd'hui quelques détails sur une momie américaine , qu'un heureux hasard a fait tomber entre mes mains. Cette momie est celle d’un enfant du sexe féminin , àgé d'en- viron trois ans. Elle a été trouvée dans les montagnes de la Nou- velle-Grenade , par M. Cazeaux , originaire de Saint-Gaudens. Elle était enveloppée d’un tissu de coton assez épais, de cou- leur brun-rouge , fortement appliqué contre la peau, où il a laissé son empreinte. Les débris de ce tissu se voient encore aux endroits où les parties comprimées l'une contre l'autre, l'ont en quelque sorte retenu captif entre elles. Quant à la momie elle-même, je ne sache pas qu'on en ait trouvé jusqu'à présent d'aussi bien conservées (1). Je n’en excepte pas celles qu’on voit aujourd'hui au Musée de Stockholm, et qui furent envoyées, en 1836, au roi Char- les XIV, par M. Chaumette des Fossés, alors consul général de France à Lima. En effet, chez l'enfant momifié rapporté par M. Cazeaux, la peau, partout revêtue de son épiderme, est intacie partout, excepté sur l’omoplate gauche , où elle (1) Voyez la description de ces momies par le professeur Andreas Retzius, dans le Mémoire qui a pour titre : Leber die Schaedelform der Peruaner, dans Müller’s Archiv, 1849, pag. 171. 252 MÉMOIRES paraît avoir été détruite par accident ou pendant le transport. Sa couleur est jaunâtre ou brune. Outre les empreintes ci- dessus mentionnées, elle offre encore des plaques d’une subs- tance blanchâtre, pulvérulente, d’une odeur sui generis, dont tout le corps semble avoir été saupoudré dans un but de préser- valion contre les agents du dehors. Des rides et des plis profonds indiquent que les muscles ont, pour ainsi dire, été réduits à rien par la dessiccationsi prolongéequ'ils ont subie. Les onglesexistent aux mains et aux pieds. Enfin, l'extrémité inférieure du rectum et la membrane hymen sont tout-à-fait reconnaissables. La tête surtout mérite de fixer notre attention. Elle est ornée de presque tous ses cheveux, qui sont très-longs , lisses et de couleur brun-roussâtre. Les sourcils offrent la même coloration. Les cils, au contraire, sont noirs et remarquables par leur longueur. Les paupières, le globe oculaire lui-même, les car- tilages du nez , les conques auditives , toutes les parties de la face, en un mot, sont dans un état de conservation parfaite. Mais le caractère le plus important que présente la tête, est sans contredit l’aplatissement du front et de la partie posté- rieure de l’occiput. En effet, ce caractère suffirait à lui seul pour donner à notre momie un cachet d'authenticité incontesta- ble, pour nous autoriser à conclure qu’elle appartient à la même catégorie que celles qui ont été rencontrées dans les anciens tombeaux des îles du lac de Titicaca, de la province de Mune- cas, de Carangas et des vallées de Tacna. Or, tous les crânes de ces dernières momies sont loin d’avoir des formes identiques. Les uns offrent cette configura- tion que le Docteur Retzius a désignée sous le nom de doliocé- phales (têtes allongées) , les autres , au contraire , appartien- nent évidemment à cette forme à laquelle le savant professeur de Stockholm applique la dénomination de brachycéphales ( têtes courtes ). Tantôt ces têtes paraissent fortement aplaties d'avant en arrière , tantôt elles sont oblongues dans le même sens, ou lé- gèrement comprimées sur les parties latérales. Morton, auteur d’un très-intéressant ouvrage sur les crânes DE L'ACADÉMIE LES SCIENCES. 253 américains , avait d'abord pensé que ceux à front déprimé, à diamètre antéro-postérieur raccourci, devaient être attribués à la race conquérante des Tolièques ou Incas, qui, vers l'an 4050 de notre ère, abandonnèrent le Mexique, d'où ils avaient été chassés par la peste, puis s'emparèrent du Pérou, et se ré- pandirent vers le sud jusqu'au Yatacan. D'après le même auteur , les têtes oblongues auraient appar- tenu aux habitants primitifs du Pérou, à ceux qui occupaient ce pays avant la conquête. Aujourd’hui, Morton admet, avec Alcide d'Orbigny , que les Incas, et les Péruviens qui les avaient précédés, descendaient d’une seule et même suuche, et avaient la tête conformée de la même manière {1). Des recherches récentes du professeur Retzius et les dessins mêmes de MM. Morton et d'Orbigny , tendraient à confirmer l'identité des Toltèques et des Incas, et mettraient dans une ca- tégorie à part les habitants primitifs du Pérou. Ceux-ci auraient eu des crânes dolicocéphales, comme les Aymaras, leurs descendants actuels, tandis que les anciens Incas ou Toltèques auraient été brachycéphales. C'est à ces derniers que nous croyons pouvoir attribuer la momie dont nous nous occupons. —————.—_— (1) Rien n’est plus variable que les opinions des auteurs relativement à la forme du crâne des anciens Péruviens. Ainsi, d’après Meyen, ils auraient eu des têtes brachycéphales pro- gnathes. M. A. d'Orbigny, au contraire, leur altribue la forme dolico- céphale, accompagnée du prognathisme. Comme nous l’avons déjà dit, le professeur Andréas Retzius, qui a fait une étude spéciale du crâne chez les différents peuples (*), embrasse l'opinion primitive de Morton et assigne la doticocéphalie aux premiers babitauts du Pérou , et la brachycéphalie aux Toltèques ou Incas conquérants. Enfin, Tschudi admet quatre races péru- viennes, dont une hybride. Deux d’entre elles (les Chinchas et la race hybride des habitants des côtes), étaient, selon lui , brachycéphales ; les deux autres (les Aymaras et les Huanchas) étaient dolicocéphales. D’après le même auteur, la race Aymara avait d’abord soumis les Huanchas, puis les Chinchas. De là seraient résullés des mélanges, et, par suite, des va- rialions de formes intermédiaires qui expliquent assez l'embarras et la diver- silé d'opinions des ethnographes et des naturalistes. (*) Voyez le savant Mémoire de Retzins, intitulé : Ueber die Form des Kno- chengerüstes des Kopfes bei den verschiedenen Vélkern, dans Müller's Archiv, 1848, pag. 265 et suiv. k° S.— TOME 1. 18 25% MÉMOIRES Quant aux cränes aplatis qu’on trouve dans les anciens tom- beaux, tout semble prouver, malgré l'opinion contraire de Pentland et de Bellamy, qu’ils ont été déprimés artificiellement. On ne peut plus guère en douter lorsque, dans ces mêmes tombeaux , on trouve d’autres crânes qui ne présentent aucune déformation. Le doute n'est plus possible, lorsqu'on observe avec soin la momie rapportée par M. Cazeaux. Un simple regard jeté sur le crâne de cette momie encore si jeune, suffit même pour convaincre l'œil le moins exercé. Qui ne sait d’ailleurs que les Incas avaient coutume d’aplatir ainsi Ja tête de leurs enfants , et principalement de leurs chefs. Garcilaso de la Vega le dit en propres termes : il s’exprime ainsi en parlant des Api- chiquis de la côte près de Quitu : « Deformavan las cabezas a » los niños en naciendo, poniendoles una tablilla en la frente » y otra en el colodrillo, y se las apprelavan de dia en dia » hasta que eran de quatre o cinco años, para que la cabeza » quedace ancha del uno lado al otro y angosta de la frente al » colodrillo (1). » « Ils déformaient les têtes de leurs enfants » nouveau-nés, en leur mettant une planchette sur le front, » et une autre sur l’occiput. Ils rapprochaient ces planches de » jour en jour jusqu’à ce que ces enfants eussent atteint l’âge de » quatre où cinq ans. C’est pourquoi la tête de ces derniers est » large d’un côté à l’autre, et étroite du front à l’occiput. » tochefort, Ulloa, Barrère, Gomara, Manuel Rodriguez , La Condamine, et plus récemment Lawson et John Scouler (2) indiquent cette même coutume chez les Incas, ou décrivent comme Garcilaso l'appareil dont certaines peuplades amtricai- nes se servent encore pour déprimer la tête de leurs enfants. II est donc on ne peut plus facile de s'expliquer, d’après cela , non-seulement l'aplatissement du coronal , mais encore le che- vauchement de cet os et de l'occipital sur les pariétaux, ainsi que l'énorme saillie des bosses pariétales. De là, encore le re- (r) Gareilaso de la Vega, Comentario real de los Incas, \iv. 1x, chap. vin, pag. 326. (2) Zuological journal, 1829, pag. 326. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 255 foulement en arrière de la masse cérébrale, et la plus grande largeur des parties postérieures de la tête, comparées aux anté- ricures. De là, enfin , l’oblitération des sutures fronto-pariétales et occipito-pariétales, oblitération déjà signalée par M. Alcide d'Orbigny , même chez les jeunes sujets. Nous ne chercherons pas à apprécier ici l'influence que la coutume dont il s’agit devait exercer sur les facultés intellec- tuelles des peuples qui l'avaient adoptée. Quoi qu’en disent MM. John Scouler et Alcide &’'Orbigny , nous pensons que cette influence était souvent des plus nuisibles. Les assertions for- melles de l’un des aliénistes les plus distingués de Toulouse { le Docteur Delaye }, en ce qui concerne l’usage du bandeau , si généralement répandu dans cette ville, et les consciencieux travaux du Docteur Foville sur le même sujet, pourraient au besoin étayer notre manière de voir (1). Nous ne chercherons pas davantage à fixer l'époque à laquelle les Incas commencèrent à déprimer ainsi la tête de leurs enfants. Nous ne pourrions nous livrer à ce sujet qu'à de simples con- Jectures. Ce qui paraît certain , c’est qu'avant la conquête, cette funeste habitude était totalement inconnue au Pérou. Mais nous ne saurions nous dispenser de dire un mot de l’at- titude de la momie que nous avons sous les yeux. Comme celles que Meyen a rapportées des environs de Pasco, elle a l'épine dorsale recourbée , la tête inclinée sur la poitrine, les genoux rapprochés de la face, les pieds croisés l’un sur l’autre. Mais tandis que sur les momies de Berlin on voit les bras appliqués sur les côtés du tronc et les mains appuyées contre les tempes et l'occiput, la nôtre a le bras gauche naturellement pendant sur la face interne de la cuisse correspondante, tandis que le bras droit, violemment contourné, présente en avant l’olé- crâne , et fait un angle très-prononcé avec l’avant-bras, sur lequel la main s’est repliée. Le membre tout entier est situé en dehors de la cuisse et de la fesse droites, et son extrémité ar- (1) Consultez le Mémoire du docteur Foville, inütulé : Déformation du crêne résultant de la méthode la plus générale de couvrir la tête des en- fants. Paris, 1834. 286 MÉMOIRES rive jusqu’au niveau de la pointe du pied gauche, avec laquelle il est presque en contact. Cette position des bras nous semble exceptionnelle et pu- rement fortuite. Il est probable qu'au moment où la momie fut embaumée et enveloppée de ses langes non serrées encore, les bras, d'abord placés comme ceux des momies de Berlin , ou peut-être simplement croisés sur la poitrine, retombèrent en vertu de leur propre poids, et furent saisis par les liens circu- laires destinés à les maintenir dans une toute autre situation. A la partie médiane et supérieure du bras gauche, de même qu’à la naissance du carpe et vers le milieu de la cuisse et de la jambe droites | face externe), on voit encore très-distinctement l’em- preinte des liens dont il s'agit : on la retrouve également sur la partie inférieure de la jambe gauche et sur la région tro- chantérienne de la cuisse du même côté. Probablement ces liens eux-mêmes n'étaient autre chose que des cordons de paille, semblables à ceux qui enveloppent certaines momies de la pro- vince de Carangas, et, comme ces derniers, ils étaient atta- chés ensemble de manière à former une espèce de panier à trois ouvertures , l’une, plus grande, pour la figure, et deux au- tres, plus petites, pour les extrémités des pieds (1). Quoi qu'il en soit, tout anomale qu'elle est, cette attitude rappelle une coutume à peu près générale encore de-nos jours chez les peuples Américains; coutume qui consiste à donner aux morts, dans leurs tombeaux, une position semblable à celle qu’ils occupaient'au sein de leurs mères avant la naïssance, comme si ces peuples, à qui l’on a refusé la pensée (2), vou- laient, par ce rapprochement philosophique de la tombe au (1) Voyez d’Orbigny, Voyage dans l'Amérique méridionale , partie his- torique, tom. 3, pag. 329, el Antiquités, pl. 14, f. 1. (2) Pour justifier autant que possible la conduite barbare des Espagnols à l'égard des Indiens du Nouveau-Monde, Antonio Ulloa compare ces derniers à des brutes ; il dit qu’ils ne pensent pas. « En la raza de Indios es ne- cesario distinguir los actos y operaciones del entendimiento de los que son de pura manipulacion o industria.….…… En los primeros son total- mente negados, torpisimos y sin descernimiento , ni comprehension.» Antonio Ulloa. Moticias americanas, Madrid, 1772, pag. 308. ET DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 257 berceau , joindre les deux termes extrêmes de la vie de l’homme, en lui rappelant qu'il naît seulement pour mourir, ou plutôt pour jouir d’une nouvelle et plus pure existence. Peut-être aussi cette attitude indique-t-elle que les anciens Incas avaient l'habitude de s'asseoir à la manière orientale (es Jambes croisées \ ; c'est du moins ainsi que le professeur Nilson explique la position des cadavres observés par lui dans les sépultures des Eskimaux et des Groënlandais. | Je me suis naturellement demandé par quels moyens les’'an- ciens Incas parvenaient à momifier ainsi les corps de ceux qui n'étaient plus. Je suis porté à croire qu'ils les faisaient ma- cérer pendant un certain temps dans un liquide tenant en dis- solution quelque substance conservatrice ; par exemple, le principe antiseptique et tannant de certaines écorces réduites en poudre fine. Je ne n'explique pas autrement la présence de la substance pulvérulente qui recouvre encore presque toutes les parties de notre momie, et qui paraîl même avoir pénétré le tissu de coton dont elle était couverte. Peut-être aussi ce tissu avait-il été préalablement trempé dans la solution dont il s’agit avant de servir d’enveloppe à l'enfant. Après la macération venait la dessiccation à l’aide du soleil et du vent, Meyen prétend même que cette dernière opération était la seule à laquelle on eût recours. Voici ce qu'il dit à l'occasion des momies rapportées par lui du haut pays des Andes | en- virons de Pisco }, et de celles qu’il vit à Lima, d’où elles fu- rent depuis expédiées pour la France. de traduis : « Ces momies, du moins celles qui proviennent des différentes régions du haut pays des Andes, sont conservées sans le secours d'aucun pro- cédé artificiel... » Et plus loin : « Tous les corps organisés sont desséchés avec une rapidité étonnante par l'air extraordi- nairement sec, et surtout par le vent fortement siccatif qui souffle dans ces contrées à certaines heures du jour... » « La dessiccation des corps s’y fait d’une manière si parfaite, que la chair disparaît presque entièrement (4), et qu'il ne reste (1) Notre momie d’enfant pesait seulement 1 kil. 200. L'une de celles du Musée de Berlin (femme adulte) pesait 3 kil. 750. 258 MÉMOIRES plus que les os revêtus de la peau, qui prend une couleur fauve et un aspect semblable à celui du cuir (1). » Pour les raisons que nous avons exposées plus haut, nous ne pouvons adopter l'opinion trop exclusive de Meyen, et nous persislons à penser que certaines momies des Andes (et la nôtre est de ce nombre), ont subi une macération , une espèce de lannage avant d'être soumises à la dessiccation. Ainsi préparées et enveloppécs de leurs tissus de paille et de colon, ces momies étaient déposées dans des tombeaux ou chulpas (2), dont la forme, la grandeur, la situation ct la ma- lière variaient sans doute avec le rang de ceux que l’on y ren- fermait. Ainsi, les chulpas des Incas étaient des espèces de maisons bâties en pierres de taille, et d’une architecture vrai- ment cyclopéenne. Dans l’un de ces tombeaux » décrit par M. Alcide d'Orbigny, les pierres, au licu de former des parallé- logrammes et d’être posées par lits horizontaux , ont conservé leur forme anguleuse primitive, et sont taillées de manière à ce que les parties saillantes de l’une correspondent aux parties rentrantes de l’autre... Il est entouré de trois rangs de gradins en pierre sèche; sa forme est celle d’un rectangle de 5 mètres et demi de longueur sur 3 mètres et demi de largeur et 6 mè- tres et demi de hauteur. Ces chulpas cyelopéens se trouvent, en général, sur les montagnes. Leur centrée est toujours du côté de l'Orient. D'autres tombeaux, plus modestes en ce qu’ils sont bâtis avec de la terre mêlée quelquefois à de la paille hachée, sont situés dans la plaine et groupés çà et là, comme les maisons d’une ville peu populeuse ( Tombeaux de Palca au Pérou, des bourgs de Crucero et de Totora, province de Carangas, etc. ). Ils ont probablement appartenu aux chefs indigènes soumis aux Incas, D'autres enfin, bien plus simples encore, ct uniquement ré- servés aux gens du peuple, sont creusés dans le flanc des col- (1) Voyez dans Müller’s Archiv, 1849, pag. 171, le Mémoire de Retzius, inlitulé : Veber die Schaedelform der Peruaner. (2) Meyen désigne ces tombeaux sous le nom d’Auacas. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 259 lines ou des montagnes : c’est de là que Meyen a extrait les deux momies adultes du musée de Berlin : c’est là aussi qu'a été ren- contrée la nôtre. Souvent on a vu tous les membres d’une même famille, père, mère , enfants, occuper à la fois ces modestes chulpas, très- nombreux surtout dans la province de Carangas ( Bolivia ). S'il fallait en croire une tradition généralement répandue dans ce pays, el notamment aux environs de l'antique Pachavi, les Indiens qu’on y retrouve maintenant à l’état de momies, se se- raient ainsi enterrés tout vivants pour ne pas survivre à leur der- nier Inca , et pour se soustraire au joug affreux des Espagnols. Nous ne chercherons pas à réfuter cette opinion , que rien ne justifie. Nous ajouterons seulement que tous ces tombeaux, dont le style architectural est complétement en rapport avec les lrois classes de la société, si tranchées du temps des Incas, sont bien certainement antérieurs à la conquête par les Euro- péens, puisque, depuis l’arrivée des Espagnols et l'établisse- ment du christianisme, l’inbumation des corps s’est toujours faite dans les cimetières. Du reste, les vases, de forme étrus- que, qu’on avait coutume de renfermer avec les momies dans ces mêmes tombeaux, et qui étaient destinés, à ce qu'il paraît, à contenir de la chicha ou bière de maïs, sont une preuve de plus en faveur de la haute antiquité des chulpas. Nous ne terminerons pas ce travail sans dire un mot d'une pièce d'étoffe en coton, que l'on nous a dit avoir servi d'enve- loppe à la momie que nous venons de décrire. En comparant l’étoffe dont il s’agit aux débris du tissu encore adhérent à cette même momie, il est facile de se convaincre que la toile en est plus fine et plus serrée ; les couleurs en sont aussi plus fraîches, surtout celles du dessin jaune, noir et rouge qui forme la bor- dure. Enfin , elle n’offre nulle part cet enduit poudreux qui recouvre encore les lambeaux dont les membres sont en partie enveloppés. Par tous ces motifs, nous sommes porté à penser que la pièce d’étoffe en question est d’une date postérieure aux lam- beaux encore subsistants. Peut-être même est-elle d’une date 260 MÉMOIRES comparativement très-récente. Quoi qu'il en soit, personne n’i- gnore qu'avec leurs métiers, consistant simplement en deux bâtons attachés à des pieux fichés en terre, les anciens Péru- viens fabriquaient des tissus de laine et de coton très-fins et d'une régularité parfaite. Is avaient même porté l’art du tein- turier à un assez haut degré de perfection, et M. d'Orbigny as- sure avoir trouvé des restes de vêtements qui, ensevelis dans leurs tombeaux depuis au moins quatre à cinq siècles, ont ce- pendant conservé de magnifiques couleurs rouges et jaunes (1). Nous ne nous dissimulons point tout ce qu'il y a d’incom- plet, de problématique même dans la Notice que nous avons l'honneur de soumettre au jugement de l’Académie. Pour éclair- cir la moindre question douteuse qui se rattache à l'histoire de l'homme da Nouveau Monde, il faudrait des connaissances en cthnographie, en linguistique , en archéologie, etc., que nous sommes loin de posséder encore. Cependant, j'ai cru devoir ne pas laisser passer inaperçu un document historique important arrivé jusqu'à nous par un heu- reux hasard. Peu familier avec ce genre d'études , J'ai pourtant osé l'entreprendre. Le but que je me propose servira, je l'espère, d'excuse à ma témérité (2). (1) L'Homme américain, pag. 100. (2) Au moment même où nous rédigions cette Votice, il nous est tombé sous la main un numéro des 4rnales de philosophie chrétienne (n° 66, 31 décembre 1835), où l’on voit, reproduit par le dessin, un bas-relief trouvé avec des ossements humains dans un tumulus de la grande vallée d’Oaxaca , au Mexique. Ce bas-relief représente un corps d’enfant tout nu et placé dans une position qui rappelle assez bien celle de notre momie. Une coiffure analogue aux coiffures égypliennes couvre sa tête, dont le front et l’occiput sont également très-aplatis. On voit même au-devant du front une saillie qui nous semble indiquer l’une des planches dont les Mexicains se servaient pour aplatir le crane de leurs enfants; enfin, à la parlie postérieure de l’occiput, on aperçoit la corde (et non une queue iressée, comme le disent les rédacteurs des Annales), qui servait proba- blement à rapprocher les planches destinées à déprimer la tête. “esnoino] J012{ ouUT [ep opidel ut Â[oP'N DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 261 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fic. 4. Momie d'enfant trouvée par M. Cazeaux, dans les montagnes de la Nouvelle-Grenade. En a on voit l'aplatissement du crâne dans le sens de son diamètre antéro-postérieur, et son élargissement dans le sens de son diamètre bipariétal. b vulve et membrane hymen. € anus et rectum. d,e,e empreinte des liens cireulaires en paille , destinés à re- tenir les membres dans la position que nous avons indiquée, ainsi que le tissu qui enveloppait le corps tout entier. On voit en f et en g des restes de ce tissu, qui a laissé son empreinte sur toutes les parties avec lesquelles il se trouvait en contact immédiat. Entre la vulve et l’anus, on aperçoit très-distincte- ment les plaques de la substance pulvérulente que nous avions d'abord prise pour une écorce tannante, réduite en poudre fine. Les essais chimiques que M. le professeur Filhol a bien voulu exécuter à ma demande sur la substance en question, nous ont convaincus l’un et l’autre qu’elle ne contient pas de tannin. Mon explication, fondée presque entièrement sur la présence de ce principe anti-septique, ne peut donc être admise; je m'em- presse de le reconnaitre. Fic. 2. Tête de la momie précédente, dessinée de profil et supposée sans cheveux, afin de mieux faire voir l’aplatissement du crâne dans le sens de son diamètre antéro-postérieur. La ressemblance de cette tête avec celles du type que l’on pour- rait appeler Toulousain, est on ne peut plus frappante. Des planches en Amérique, à Toulouse des bandeaux serrés, ont dû produire les mêmes déformations. Fi6. 3. Bas-relief trouvé avec des ossements humains dans un tumulus de la vallée d'Oaxaca (Mexique). a l'une des planches ? destinées à aplatir la tête. b corde qui servait probablement à rapprocher ces planches. Fic. 4. Crâne brachycéphale d'un Inca ou Toltèque, d'après Blumen- bach. (Vu en dessus.) Fic. 5. Crâne dolicocéphale d'un ancien Péruvien, d’après Retzius. (Vu en dessus.) Ô 262 | MÉMOIRES RENSEIGNEMENTS TOUCHANT LA QUESTION HISTORIQUE PROPOSÉE POUR 1853; Par M. DUBOR. L'AcaDÉMIE , en rappelant, suivant son usage, les sujets mis au concours pour les trois années qui vont suivre, m'a permis de donner quelques renseignements touchant la question histo- rique proposée pour 1853, qui consiste à « Déterminer la législation coutumière du pays Toulousain » sous ses Comtes, et l'influence de cette législation sur l'état » du pays. » Ce mandat m'est venu, sans doute, en considération de l'ordre que j’annonçais devoir adopter lorsque je publiai, l'an dernier, une de nos chartes locales, octroyée, en 1278, par Philippe-le-Hardi. Je devais conduire mes recherches en re- montant de l'ère royale vers l'époque intermédiaire où se pro- duisent les fondations de Simon de Montfort et d'Alphonse de France, et de là jusques aux temps de la domination des Comtes de Toulouse, si prodigues de ces institutions, où se révèle avec éclat l’histoire trop dédaignée de nos contrées. Dans cette dernière période, l'état du pays Toulousain réalise l’objet et le but de mes investigations. J'y arrivais comme à une fin désirée, et cette fin j'espérais, j'espère, dois-je dire, la trouver accomplie par une réponse satisfaisante à la question proposée. Je reste donc en quelque sorte dans mon sujet, en donnant des renseignements qui peuvent faciliter l'étude de cette ques- tion. Ces renseignements, je les offre d’ailleurs discutables pour tous, accessibles à tous, proposés ou soumis, soit au DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 263 profit, soit au contrôle de chacun par la voice d'une équitable publicité. Dans les limites d’une telle convenance , on comprendra l’au- torisation donnée à mes paroles par l'Académie, la responsabi- lité m'en reste réservée tout entière, je ne leur saurais faire un abri que de ma bonne foi et de ma bonne volonté. Pour bien connaître l’état du pays Toulousain sous la domi- nalion des Comtes , les documents historiques n’abondent pas ; mais quels documents ne seraient suppléés par un recueil exact et complet des lois civiles de l’époque? Et ce recueil comment serait-il difficile à former, si nous possédons le texte de l'ancienne coutume de Toulouse ? Je n’entends point qualifier ainsi l'usage appauvri qu'on en faisait dernièrement au Parlement ; mais le corps de Droit na- tional, tel que les Comtes l'avaient formé ou conservé, tel que les rois de France l'ont reconnu et accepté lorsqu'ils suc- cédèrent à la maison de Toulouse. L'Académie a demandé qu'on réintégrât, en les complétant au besoin, ces textes anciens. On appliquera uniquement à ce côté de la question le modeste tribut de mes renseignements. La part importante est dans l'analyse des lois et l'appréciation de leur influence sur l’état du pays. Sur ce point j'attendrai , pour être mieux renseigné moi-même encore , l'échéance de 1853. Comme on pourrait le croire, ou plutôt comme on pourrait le craindre, la solution de la question n’exige pas les pénibles labeurs de l’antiquaire. La législation des Comtes n’est point dispersée en lambeaux poudreux dans les archives du passé. Elle fut recueillie presque entière dans un Code qu'analysèrent tour à tour, en remontant du plus moderne au plus ancien , le jurisconsulte Soulatge, au xviu® siècle, François Francois , lieutenant particulier du Viguicr de Toulouse, en 1615, et Me Jean de Casevieille, licencié en Droit, lequel fit mieux en 154%, que n’ont fait ses successeurs pour ce qui nous importe aujourd’hui. De ces trois ouvrages , il faut lire le plus récent, ne füt-ce 264 MÉMOIRES que par considération du mérite de l’auteur: il signale d’ail- leurs deux faits généraux très-importants. Le premier, déjà observé, c'est que le Parlement avait successivement annihilé par la toute-puissance de. sa jurisprudence, toutes les disposi- tions importantes de l’ancien Droit. D'où nos légistes aujourd'hui ont pu conclure avec vérité, qu'à Toulouse, pays de Droit écrit, avant la révolution il n'existait pas de coutume; le second , que cette coutume avait existé anciennement, et qu'il n’en est point, au dire même de Soulatge, qui présentât plus de déro- gations au Droit romain. En parcourant la compilation confuse de François François, On n'obtiendra que la confirmation de ces observations attestées quelquefois sous forme de contre- vérité par ignorance de l'auteur. C'est ainsi qu’à propos de la coutume concernant les fiefs (p. 175), dit: « Par le contrat passé entre le roi et les états > du pays de Languedoc, quand la comté fut unie et réduite » sous le secptre francois , la ville de Tholose et le pays ( quon- » dam juris italici), furent confirmés en leur privilége, et » accordé qu'ils ne seroient regis par les coutumes du royaulme, » ains par le Droit romain du quel on fait profession en nos » Universités. » Parmi ces détails erronés qui substiuent un contrat à la re- connaissance d’un droit en faisant intervenir deux parties , dont l’ane | les états de Languedoc ) n'existait pas, on saisit le fait vrai des empiétements commis par le Parlement et les Univer- sités, ces empiétements déjà si considérables au commencement du xvn® siècle, que l’auteur applique le serment des rois uni- quement à la conservation du Droit romain, sans mentionner même la coutume. Nous arrivons au commentaire le plus ancien , le plus pré- cieux, ai-je dit , à l'objet de nos recherches. Les ouvrages que je viens de citer, donnent en effet le corps presque entier de l'ancien Droit toulousain , mais il ne faut pas perdre de vue votre question qui embrasse à la fois les preuves de son origine el sa restitution aussi intégrale que possible. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 265 Le liceneié du xvr siècle offre, je crois, tous les éléments nécessaires à ce double objet. Ses commentaires sont de peu de valeur, il est vrai; mais eu égard à l'importance des pièces éditées, sa publication, la plus ancienne de toutes , doit con- server le rang qui lui est assigné par la date. Casavicille que je dois nommer Casaveteri ; pour me confor- mer {avec le petit nombre de lecteurs qui lui restent ) à l'usage de son siècle, était fort soigneux , comme on l'était dans ce temps, de faire collection exacte de toutes les pièces se réfé- rant à son sujet. Il nous a conservé un procès-verbal reproduit plus tard par Soulatge, d'où résulte clairement la parfaite au- thenticité du livre des Coutumes. Je vais analyser cette pièce , avant d'indiquer celles qui recommandent singulièrement la publication de Casaveteri , puisque nous en sommes redeva- bles à lui seul. En l’année 1285, et le mardi après la Purification, dans l'église et pricuré de Saint-Pierre des Cuisines, devant Ber- trand, abbé de Moissac, et Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse , comparurent les consuls de la ville et du faubourg de Toulouse. Ils exhibaient des lettres patentes octroyées à eux ou à leurs prédécesseurs par le roi Philippe-le-Hardi, données à Nîmes le mardi après saint Luc de l'an 1283. Ces lettres portaient en substance : qu’à la supplication des consuls de Toulouse, lesquels sollicitaient la confirmation des anciennes coutumes dont leur ville Jouissait depuis un temps immémorial , le roi consent à valider ces anciennes coutumes , et en ordonne l'enregistrement. Toutefois , de la sanction royale il excepte vingt de ces coutumes consignées comme les autres sur le parchemin qu'il restitue, desquelles le rejet est exprimé par ces mots mis à la marge, non placet , ou deliberabimus. Quant au surplus même, le roi subordonne son approbation au résultat d'une enquête, qui confirme l’allégation des con- suls , et prouve que les coutumes soumises à son examen, sont bien réellement celles qui furent de tout temps observées à Toulouse. Cette enquête doit porter en outre sur la conformité 266 MÉMOIRES du texte, par collation du manuscrit remis au roi et restitué par lui, au registre original conservé dans les archives de la ville. De telle sorte qu’il soit manifeste pour tous qu'il n’y a de diffé- rence que par l'insertion des mots on placet , ou delibera- bimus sur l'exemplaire renvoyé par le roi. Toutes ces prescriptions minutieusement décrites et détaillées reçurent leur exécution suivant le procès-verbal qui en fait foi. Le notaire rédacteur le termine en déclarant que, sur le résultat affirmatif de l'enquête , et pour obtempérer au mandat royal qui lui est donné en conséquence de ce résultat, il va transcrire en forme authentique les disposilions maintenues , approuvées et vérifiées de la coutume sur deux registres, dont l’un restera au pouvoir des consuls ; l’autre sera déposé au Chätcau Nar- bonnais , siége de la judicature du viguier de Toulouse. Ces deux registres bien connus étaient le livre blanc et le livre roure, qui furent religieusement conservés dans leur an- tique dépôt, Jusques aux mauvais jours, où toutes les reliques de l’ancienne France furent détruites, apparemment parce qu'il n'en existait aucune de si froide qu’elle ne condamnät les folles fureurs de l'époque. Grâce cependant à la publication de Casaveteri, rien n'est perdu pour nous de ces registres précieux, pas même, comme nous allons voir, les vingt coutumes rejetées, que le notaire, ou d’autres après lui, avait transcrites surabondamment à la suite du texte officiel des coutumes. Je m'arrête à peine à constater que de ce procès-verbal ré- sulte déjà authentiquement la légitime et pure descendance de la législation toulousaine. L'honneur en revient aux Contes. S'ils n'étaient pas législateurs , comme nous l’entendons aujour- d’hui, ils n'auront pas, je pense, démérité de ce titre glorieux, pour avoir réglé leur intervention de manière à consacrer, en faveur du peuple Toulousain, le droit de faire ses lois et sa juris- prudence, par ses coutumes et ses magistrats. J'arrive aux vingt coutumes proscrites. J'ai cra pouvoir affir- mer qu’elles nous étaient conservées par Casaveteri ; je prends cetauteur lui-même en témoignage de mon affirmation. Parvenu DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 267 à l’article final et reconnu comme tel par tous les commenta- teurs , il ajoute dans son mauvais latin que je vais traduire fidèlement, ainsi que je Pai fait pour le procès-verbal du xi° siècle , les explications suivantes : « Si d’autres dispositions encore se trouvent avec leurs ru- » briques, titres ou autrement, elles ne sont point de celles qui > furent approuvées ; et, dans le livre des coutumes au Château » Narbonnais de Toulouse, il n’en existe d’autres que ceiles ci- » dessus transerites. J'ai vu plusieurs anciens livres de ces » coutumes écrites en vicilles écritures sur parchemin qui n’en » contenaient pas d’autres. La formule finale est d’ailleurs dans » ces expressions per hæc antem, ele. Toutefois, dans le livre » blanc des coutumes de Toulouse { celui qui était réservé aux » consuls} , on trouve par rubriques plusicurs autres coutumes, » mais ce sont celles qui furent réprouvées et rejetées des divers » titres dont elles portent l'énoncé ; nous allons les insérer ici » pour meilleure démonstration. » Là dessus notre annotateur nous restitue les vingt coutumes insérées dans le livre blanc avec immixtion , à la suite encore de quelques décisions judiciaires, dont il est difficile de saisir le dispositif, mais il ne l’est pas de distinguer dans ce mélange les textes vrais de la coutume, et d'expliquer pour la plupart les motifs de l’ostracisme royal. Je signalerai la première, ayant pour rubrique : de l'origine des coutumes de Toulouse. « Sachent tous présents et à venir que la coutume ou l'usage approuvés et observés à Toulouse depuis un temps immémorial veulent : que s’ils’élève des doutes sur une coutume , en quelque cour de ville que ce soit , il faut recourir à celle des consuls , et tenir pour certaine et obligatoire la décision qu'ils auront prise après délibération : cette décision n'étant susceptible d’être atta- quée par aucun recours. » Une telle disposition légale suffirait pour caractériser une épo- que. Je ne dirai pas le caractère qu’on y peut signaler ; car, ici commence la tâche que je dois laisser entière aux concurrents ambitieux de vos suffrages : ici prend fin celle que je me suis 268 MÉMOIRES imposée. J'ai voulu découvrir, indiquer à tous un réduit obscur où se trouvent cachées quelques pièces ignorées d’antiquité na- tionale, pour exciter un plus grand nombre à vouloir en appré- cier la valeur. Le secret des appréciations historiques appartient d'ailleurs à qui le possède , et n’est pas de ceux qui peuvent se transmettre. Toute l'histoire des peuples se résume dans leur législation ; mais pour la dégager de cet élément , il faut cette puissance d'intention, cette connaissance élevée du rapport des choses que l'on remarque si rarement chez ceux qui travaillent cependant aujourd’hui à la clarté des lumières répandues par Bossuet et Montesquieu sur la philosophie de l’histoire. Pardon , Messieurs, si le développement d'une idée m'a con- duit à ces rapprochements, m'a ramené ces illustres noms. Il serait bien contre mon intention d’amoindrir le nombre des concurrents, en exagérant l'objet du concours. Nous ne plaçons pas si haut, qu'on le sache bien, nos palmes académiques. Que trouvant la question en dehors des controverses archéo- logiques , établies dans le domaine de l’histoire , on nous donne une idée exacte de la législation sous les Comtes, faite, permise ou maintenue par eux , il n'importe; que nous obtenions sur le mérite de cette législation quelques réflexions bien fondées , et de là, quelques appréciations sages et bien déduites touchant l'existence civile et politique de cette patrie ignorée, appelée in- différemment , tantôt l’ancienne comté, tantôt l’ancienne répu- blique de Toulouse : et j'aurai beaucoup gagné au peu de peine que m'a coûté celte courte notice par tout le profit que je reti- rerai d'un (el travail, et l’Académie n'aura pas trop de ses ré- compenses les plus flatteuses pour reconnaître un tel mérite. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 269 a ———————————_—… … … …"……— "DL MÉMOIRE SUR LES COUTUMES DE CASTEL - SARRASIN ; Par M. DE VACQUIÉ. La ville de Castel-Sarrasin est située sur une élévation d’où elle domine le cours de la Garonne ; elle portait d’abord le nom de Castrum Seruccium , qui plus tard, et après l'invasion des Sarrasins en France, a été changé en celui de Castel- Sarrasin, Castrum Sarracenorum. Ce n'est pas au reste le seul nom qui, dans cette gracieuse et fertile contrée baignée par notre fleuve, rappelle une domination barbare , qu'heureuse- ment pour nous , l'épée de Charles-Martel et de ses Francs du Nord rendit éphémère. Ces Maures , ces Arabes ont laissé au lieu de Gandalou , un souvenir à peine sltéré du surnom de Vanda- les, sous lequel on les désignait quelquefois, parce qu'ils ve- naient de l'Afrique, déjà subjuguée par les peuples de ce nom. — Dans le village de Castel-Ferrus, semble revivre un des héros que l’Arioste a rendus immortels, et comme les bords du Rhône, où l'invasion s'était aussi étendue, nous eûmes une Valence, image lointaine et affaiblie de la Valence andalouse. Il y a peu d'années encore, Castel-Sarrasin conservait deux vieilles tours fort élevées, et protégeant deux de ses portes ; sans doute, et malgré les inductions qu'avec un peu de bon vouloir on pourrait tirer de leur forme carrée, elles ne pou- vaient prétendre à une antiquité qui les eût rendues contempo- raines du huitième siècle; mais elles n’en avaient pas moins vu passer bien des âges sur leurs noires murailles. Lorsque , dans 4° S. — TOME 1. 19 270 MÉMOIRES le but louable de faciliter les abords de la ville sur deux points très-importants à la circulation , on les a renversées ; j'ai dé- ploré, sans oser le condamner , cet acte d’une rigueur peut-être nécessaire ; mais de ce nouvel état de choses , il n’en résulte pas moins , qu'à part ses vieilles églises, CastelSarrasin est une ville toute moderne. Par cela même, j'ai cru pouvoir, avec plus de convenance, aller demander à ses vieilles archives des sou- venirs de son passé ; et le culte pieux que j'ai voué à une ville qui me fat hospitalière entre toutes, me servira peut-être d’ex- cuse auprès de vous, pour oser entretenir l'Académie d’un sujet qui ne saurait avoir pour elle un bien grand intérêt. Ce seront donc les coutumes de Castel-Sarrasin qui feront le sujet de ce Mémoire. J'ai été d’abord frappé d’une double mention écrite sur leur couverture ; la première appartient sans doute à un propriétaire de terres, qui songeait avant {out au placement le meilleur et le plus facile de leurs produits ; elle est ainsi conçue : « L’assise » qui fut tenue dans la maison commune de Castel-Sarrasy, » touchant le privilége de ne permettre que le vin étranger et » forain entre dans Castel-Sarrasy. » Une main plus philosophique, la gravité du style nous au- toriserait à penser que ce pouvait être celle d’un notaire, a formulé ainsi la seconde : « Pour l'entretien et conservation de » la discipline et bonnes mœurs de tous les habitants de lun et » de l’autre sexe, partie desquelles sont régulièrement obser- » vées, partie à demi, et partie du tout obmises , » c’est-à-dire, tout-à-fait tombées en désuétude. ILest sans doute inutile de vous rappeler, Messieurs, qu’on entend par coutume un usage qui était d’abord non écrit , mais qui l’a été dans la suite ; il est aussi quelquefois synonyme de ces mots fors (les fueros Espagnols}, charte, priviléges, libertés. Presque toujours dans le Nord de la France, ces libertés avaient été plus ou moins violemment acquises à la suite de longues luttes : dans le Midi, au contraire, elles semblaient se rattacher le plus souvent aux anciens municipes Romains ; là où il y avait.un seigneur , la commune ressemblait à une monarchie DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 271 tempérée ; là où il n’y en avait point, elle formait comme une petite république : telle était la constitution politique de Castel- Sarrasin , et nous allons voir bientôt , qu'en écrivant leurs cou- tumes, ses bourgeois et son populaire, c'est l'expression que nous y trouvons consacrée , usaient de leur liberté presque jus- ques à l'abus et à la licence. Une ordonnance de l’année 1302, rendue par Philippe-le-Bel, ce roi légiste et procédurier , prescrivit la rédaction des cou- tumes; c’est sans doute pour s’y conformer , que le sénéchal de Toulouse et d’Albigcois, messire Bloy Lupé, donna les ordres nécessaires , ct l’année suivante 1303, au mois de juillet, le dimanche après les octaves de saint Pierre et de saint Paul, les bourgcois et populaire de Castel-Sarrasin sc réunirent dans l'église de Saint-Sauveur , à la réquisition des consuls, et sous la présidence de maître Foulques de Tornac, juge de Ville- longue. La judicature de Vitlelongue, l'une des subdivisions de la sénéchaussée de Toulouse, telles que les avait établies Simon de Montfort après la conquête, et telles qu'on peut les voir tracées dans une carte spéciale de l’histoire du Languedoc, avait pour chef-lieu Castel-Sarrasin. D'où venait à la judicature le nom de Villelongue? On pourrait peut-être admettre, avec assez de vraisemblance, que c'était de la forme même du territoire, beaucoup plus long que large ; il atteignait, en effet, jus- qu'aux portes de Lavaur, et renfermait le territoire du vieux château d’Ambres, limitrophe de cette ville. Le juge de Castel-Sarrasin, dont la charge, peu d'années encore avant la révolution 1789 , se vendait le même prix que les charges de conscillers au Parlement de Toulouse, c’est-à- dire, environ quarante mille livres, qui -représenteraient au- jourd'hui au moins cent mille franes , eu égard à la dépréciation de l'argent , prenait toujours le titre de juge de Villelongue, et ne manquait pas d'y ajouter cet autre , que nous n’ayons jamais su nous expliquer , de conservateur du grand sceau royal de Beauvais ; nous ne pouvons croire qu'il fût question du chef- lieu du département de l'Oise, trop éloigné de nous, et moins 272 MÉMOIRES encore d'un chéuif village du nom de Beauvais , qui se trouve dans la vallée du Tescou , et dont le peu d'importance ne nous semble point avoir jamais pu justifier l'attribution d’un grand sceau royal. Quoi qu'il en soit, Messieurs , et pour ne nous arréter qu’à des choses positives ,‘ ce juge de Villelongue avait trois lieute- nants qui rendaient la justice pour lui et en son nom, à Verdun sur Garonne, à Villemur sur le Tarn, et à Saint-Sulpice de la Pointe, au confluent de cette dernière rivière avec celle de l’Agoût. Le juge de Villelongue était censé siéger en personne dans chacune de ces judicatures , et c’eût été un praticien vraiment amendable que celui qui n’eût point commencé toutes ses re- quêtes par ces mots, en quelque sorte sacramentels, et consa- crés par un long usage : « À vous Monsieur le juge de Villelongue, » conservateur du grand sceau royal de Beauvais , votre lieu- » tenant et cour. » Faisons observer toutefois , pour avoir de chaque chose une idée exacte , que celle cour se composait d'or- dinaire de deux gradués d’un assez mince savoir, pour ne rien dire de plus. Une note inserite sur le dos du parchemin qui renferme le texte latin des coutumes, écrit en caractères assez difficiles à déchilfrer, relate que : « Pierre Sabateri, notaire, reçut les » dites coutumes et statuts ; Jean de Maussion reçut l'acte de la » susdite assise, de la quelle une sous-collation fut extraite, » par autre Jean de Maussion , notaire. Les dits actes d’assise et » extraits ayant été perdus , on eut recours à l'original des » statuts, et Hugues de Crucé en fit une copie, collationnée »en 1394. Nous n’aurons garde, Messieurs, de vous fatiguer par la lec- ture des trente-cinq articles qui composent ces coutumes , et qui sont rédigés d’une manière fort prolixe , selon le style des notaires d'alors. Îls sont d'ailleurs placés confusément et sans aucune espèce d’enchaînement , et de cette absence totale de méthode, il résulte nécessairement beaucoup de confusion et d'obscurité. Pour obvier autant qu'il dépendait de nous à cet DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 273 inconvénient, nous avons groupé ensemble les articles qui avaient trait à des matières analogues. Notre analyse sera d’ailleurs très-sommaire , et ne s’étendra un peu plus que sur quelques points principaux. Avant d'entrer en charge, les consuls devaient jurer de bien et fidèlement remplir leurs fonctions (art. 1°). Ils devaient aussi faire inventaire de toutes les bonnes choses qui apparte- naient à leur consulat (art. 3). En sortant de charge , ils devaient se choisir des successeurs parmi les plus dignes, et autres que leurs proches parents (art. 2 ) ; ils devaient aussi rendre compte devant les nouveaux consuls et vingt-quatre prud'hommes ( art. # ). Aux consuls seuls eppartenait le droit d'établir des syndics dans la ville, sauf, bien entendu, le droit préexistant et préémi- nent du Sénéchal de Toulouse et de ses supérieurs ; par ces derniers mots, on entendait sans doute le Roi, dont l'autorité depuis un siècle avait fait de si grands progrès dans le Midi, où elle était auparavant presque inconnue , et seulement nominale (art. 35). Ces syndics devaient jurer entre les mains des consuls de veiller aux affaires de la communauté (art. 5 ). Il y avait en outre des gardes et des messiers , ceux-ci chargés spécialement , comme leur nom l'indique assez, de veiller sur les moissons et autres fruits de la terre; leurs offices étaient mis aux enchères, et vendus au plus offrant et dernier enchéris- seur (art. 8), ce qui n’était assurément pas le moyen de faire les meilleurs choix : les consuls se réservaient d'ailleurs la con- naissance des peignes | pignora | ou gages donnés par les dé- linquants. Ces gardes ou mességuiers ne pouvaieut agir que dans l'in- térêt des commune, tailles ou contributions de Castel-Sarrasin (art. 10 ). Si dans le cas où l’on dérobait quelqu'une des choses com- mises à leur garde, ils n’en avertissaient point les consuls, ils étaient condamnés à rembourser le double, et faute de ce mis en prison pendant vingt-quatre heures au fond de la tour, au Th MÉMOIRES pain et à l'eau, puis attachés au pilori (à l'espillori ), pendant une heure, et chassés de leur office ; ils ne pouvaient rien ac- cepter des personnes soumises à leur surveillance, si ce n’est à boire et à manger (art. 11), ce qui était encore beaucoup trop, vu ce qui se passe journellement dans nos campagnes. Personne ne pouvait tenir pourceaux ou truies dans la ville, à moins qu'ils ne fussent renfermés ou suivissent le troupeau commun, à peine de trois deniers toulousains d'amende, un tiers pour le roi, un tiers pour les consuls, et un tiers pour le dénonciateur { art. 12). Disons, pour n'y plus revenir, que toutes les autres amendes , dont nous aurons à parler par la suite, se partageaient de la même manière. Il y avait alors, comme aujourd'hui, dans les alluvions de la Garonne , des plantations très-considérables ; les saules, plantés en jeltain, pour bâter et faciliter la consolidation du terrain , devaient toujours y précéder la plantation des peupliers. Comme, dans Fidiome du pays, le saule s'appelle alba , ces alluvions étaient appelées a/barèdes ; ces plantations n'étaient considérées . comme défensables qu'à l’âge de douze ans; l’introduction qui y était faite, avant qu'elles l’eussent atteint, de gros hétail , de boucs ou de chèvres , était punie de cinq sous toulousains d’a- mende (art. 18}, aussi bien que le dégât occasionné à des arbres quelconques par des animaux grands ou petits (art. 28). Nous sera-t-il permis de remarquer en passant, Messieurs , et sans trop nous écarter de notre sujet, que c’est aussi d'une vraie albarède, d’une montagne plantée de saules, mons alba- nus, que le chef-lieu du département de Tarn-et-Garonne tire son nom de Montauban , ct qu’il a conservé pour ses armoiries un saule étêté, qui, à la vérité, il faut bien en convenir, res- semble beaucoup plus au chandelier biblique à sept branches du temple de Salomon, qu’à aucune des espèces d’arbres connus ; mais on sait que c’est assez l'usage du blason, de ne peindre les objets qu’en les défigurant. Il était défendu de méler dans les troupeaux de brebis une ou plusieurs chèvres , sous peine de confiscation decelle-ci (art. 32). On craignait sans doute que les chèvres, animal inquiet et fort DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 275 destructeur , dont la dent est presque mortelle aux plantes, ne fussent point assez surveillées , si elles étaient confondues en troupeau commun avec des brebis, espèce beaucoup plus inof- fensive. Plus de deux siècles après la date de nos coutumes, Olivier de Serres, dans son admirable ouvrage, intitulé : Théâtre d'Agriculture, ne parlait qu'avec une sorte d’effroi et comme d'an fléau public, des dégats occasionnés dans les montagnes du Vivarais par les chèvres d’un certain berger , à qui ses mé- faits en ce genre avaient mérité un nom trop fameux. Celui qui avait cinq bœufs arants ou labourants | ces deux mots nous semblent complétement synonymes) , devait faire mettre une clochette au cou de chacun d’eux (art. 34). Il était défendu d’abattre des noix ou autres fruits , sous peine de dix sous d'amende , même après que le propriétaire avait gaulé ses arbres (art. 33). Mon manuscrit porte perché ou battu avec perche ; je n’ai fait que remplacer ces mots par une expression plus francaise. La chasse était interdite dans les vignes et jardins, avec chiens et filets, depuis la fête de Notre-Dame jusqu’à la saint Jean-Baptiste, à peine d’une amende de cinq sols toulousains (art. 13). Celui qui allait prendre des lapins dans les clapiers d'autrui, était puni d'une amende de trente sous ; faute de payement, la prison au fond de la tour , le pilori et le bannissement hors de la ville et juridiction jusqu’au payement. Voilà beaucoup de rigueurs pour un lapin ; si le délinquant n’était que l'agent d'un bon homme , nous dirions aujourd'hui d’un homme sol- vabie , c'était à celui-ci à payer (art. 17 ). Il était défendu d'exporter le gibier de toute nature, pris dans l'étendue de la juridiction de Castel-Sarrasin , avant de l'avoir présenté sur le marché de la place publique pour le vendre (art. 23). C'était da pur égoïsme de clocher, égoïsmé dont nous retrouverons bientôt l'empreinte dans d’autres articles ; égoïsme, il faut le reconnaître , fort à la mode dans /e bon vieux temps, où chaque paroisse eût voulu , comme les Bretons dont parle le poëte , s’isoler de tout le reste du monde. 976 MÉMOIRES C'est à ce même esprit étroit de localité , qu’il faut attribuer la défense d'exporter le bois de construction ou à brüler hors du territoire de Castel-Sarrasin , à moins qu'il ne provint des forêts du Roi (art. 16) ; nous avons été à même , Messieurs , d'observer une disposition tout-à-fait analogue dans les anciens tarifs des octrois de la ville de Toulouse, et pour peu que l’on ait feuilleté nos vieilles annales, vieilles par la différence des choses bien plus que par l'éloignement du temps, on a pu se convaincre qu'une des grandes sollicitudes de nos octo viri Capitolini était d'assurer l’arrivée des bois de toute nature sur les marchés de la ville ; ce n’était pas assurément que le bois manquât, dans un rayon même très-limité ; mais il y avait défaut presque absolu de voies de communication. Le marchand de poisson ne pouvait s'asseoir, sous peine de cinq sous d’amende (art. 29 ) ; on espérait sans doute que fati- gué de se tenir debout, il se montrerait plus accommodant pour le prix de sa marchandise. Les bouchers ne pouvaient garder plus de trois nuits plus de quatre bœufs ou vaches vendables, à moins que ces animaux ne fussent leur propriété particulière , et ce sous peine de les voir refuser pour la boucherie et de payer cinquante sous d’a- mende (art. 24). Les bouchers ne pouvaient s’associer au delà de deux per- sonnes pour partager et vendre un animal (art. 27 ). Si les consuls pensaient qu'il y eût lieu à lever une contri- bution, ce qu'on appelait, en langage du temps, faire une queste (l'expression était adoucie) , ils devaient en référer à leur conseil et à vingt-quatre prud'hommes, leur exposer les circonstances qui la rendaient nécessaire , et ne rien faire que de leur avis (art. 6). Toutes tailles et communes contributions devaient être recues et gardées par deux prud'hommes, un pour chaque moitié de ville (art. 7). Les moitiés de ville étaient sans doute, alors comme aujourd'hui , les quartiers groupés autour des deux églises Saint-Jean et Saint-Sauveur. I était défendu aux meuniers de prendre le droit de mou- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 277 ture hors de la présence du paysan et sans avoir la balance en main , sous peine de trente sols d'amende { art. 31 ). L'émolument du poids des blés, c’est-à-dire le profit que la ville retirait du poids public, devait être donné par aumosne à la charité de Pentecôte (art. 9 ). Des expressions de ces deux articles : balance, poids , expres- sions que vous n'avez sans doute pas laissé passer inaperçues , Messieurs , il nous paraît résulter que le pesage des grains était alors usité ; vous savez que l’on cherche à revenir à ce procédé, infiniment plus rationnel que le mesurage , quand il est question de denrées sur la valeur desquelles le poids réel exerce une si grande influence , et cela prouverait peut-être , qu'il ne serait point exact d'admettre , comme une règle générale et sans exception , que les choses de ce monde fussent toujours en progrès. Nous sommes arrivés aux dispositions relatives aux vignes et au vin, objet d’une des annotations dont nous vous avons parlé plus haut. Il n’est permis à personne de faire entrer ou porter vin cueilli hors de la juridiction , sinon qu'il füt de ses propres vignes , pour l'usage de sa maison , et avec permission des con- suls , sous peine de confiscation du vin , pour le prix être par- tagé entre le roi, les consuls et le dénonciateur (art. 14 ). Avant de sortir des chaix ou de la ville , les tonneaux de- vaient être marqués de la marque du château , aussi sous peine de confiscation (art. 15 ). Le vin des nouvelles vignes ne pouvaient être vendus que lorsque la vigne avait atteint la quinzième année , si elle était plantée en terrain non fumé, et la sixième si le terrain était fumé ; dans ce dernier cas , on ne pouvait provigner que lorsque la vigne était complète de vingt ans; la prohibition de vendre ces vins n'était pas absolue, mais il fallait en déclarer à l'acquéreur la provenance suspecte, et apposer sur les ton- neaux la marque de la ville, sous peine de cent sous d'amende (art.25). L'acte seul de fumer sa vigne est puni d'une amende sem- 278 MÉMOIRES blable, et l'exportation du vin qui en provient est interdite pen- dant vingt-deux ans (art. 26). Ces prescriptions qui peut-être nous paraîtraient fort abu- sives aujourd'hui , et il faut le dire , (yranniques et déraison- nables, avaient sans doute un double but ; d'abord, veiller à la bonne qualité du vin, lui assurer sa bonne réputation , qu’on s'exagérait apparemment , et puis restreindre par de nombreuses entraves, une culture qui dans des temps bien plus rapprochés de nous, et où l'économie politique avait fait des progrès , était frappée d’un complet discrédit et d’une réprobation presque universelle ; le vin ne pouvait guère circuler dans des chemins impralicables ou qui même n’existaient point du tout ; on ne connaissait pas, où du moins on n'avait pas adopté aussi géné- ralement qu'aujourd'hui, usage de ces grands tonneaux , vulgairement appelés foudres , que nous devons , je crois, à PAllemagne, et qui rend le logement et la conservation des vins si facile ; il fallait tout boire sur place et tout boire dans l’année. J'arrive à ces mœurs publiques dont a parlé le second anno- lateur. lei l'importance du sujet me force à vous demander la per- mission de copier textuellement. « Item que nulle femme, de quelque condition qu’elle soit, » habitante de Castel-Sarrasin n'ose porter aucunes robes si lon- » gues qu'elles traînent par terre au delà de la longueur d’une » palme ou palmade (un empan) , ni qu’elle mette aux habits » d'ornements dorés ni argentés qui soient larges ; item ni » guirlandes qui vaillent au delà de dix sols tolosains ; item » ni afiolats qui vaillent au delà de dix sols tolosains , et celle » qui contreviendra paiera cent sols tolosains payables et di- » visés comme dessus , sinon que ce füt une prostituée mani- » feste : Nisi esset meretrix manifesta » (art. 19 ). Les femmes de Castel-Sarrasin , comme celles de bien d’au- tres villes durent se consoler des entraves apportées à leur luxe par ces lois somptuaires , au petit pied, en répétant la phrase devenue proverbiale en naissant : bonne renommée vaut mieux à DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 279 que ceinture dorée ; peut-être , s’il fallait en croire une autre tradition, était-ce d’abord aux femmes honnêtes que la ceinture dorée avait été permise , mais bientôt elle fut usurpée par les autres , et alors la bonne renommée seule put faire la dis- tinction. € Item que nulle femme de Castel-Sarrasin se relevant de ses » accouches , de quelque condition qu’elle soit , n’ose aller à » l'église ou en revenir, qu'elle ne soit accompagée de quatre > femmes ; ni celui qui fera baptiser enfant , n’osera conduire » si non accompagné de quatre compagnons , et la commère de » même sans quatre compagnes , et ne pourra le compère » donner sur ce sujet à filleul ou à filleule , compère ou com- » mère, qu’un denier d’argent (valeur 2 fr. de notre monnaie) » et les alboles (les habits blancs ? } jusqu’à la valeur de cinq » livres et non au delà , et celui qui y contreviendra paiera deux » cents sous qui seront divisés comme dessus » (art. 20 ). « Item qu'aucune femme de quelque condition qu'elle soit » n'ose visiter une autre femme qui soit en couche , sinon une » fois la semaine , savoir le vendredi , avant dîner, sinon que » ce füt sa mère , sa fille , sa sœur, ou sa cousine germaine , » ou la sage-femme , ou qu’elle fût malade , ou qu'elle les priât ; » et qui fera le contraire , sera puni de dix sous tournois » (art. 21 ). « liem que nulle femme qui viendra à se marier de nou- » veau (sans doute pour {out nouvellement), le premier jour » qu’elle sortira de la maison de son mari, n’osera aller man- » ger en autre maison , si ce n est en celle de son mari , ou en » celle d’où elle est sortie avec son mari , savoir : de son père » ou de sa mère ; et celle qui fera le contraire, us trente » sous tolosains pour être divisés comme dessus » (art. 22). Sans doute, dans cette réunion un peu confuse E bone et du populaire , quelques hommes, héritiers de la vieille gaîté gauloise , improvisaient ces dispositions étranges , pour ne rien dire de plus, et que tant d’exceptions rendaient d’ailleurs com- plétement inutiles ; d’autres hommes aussi facétieux que les pre- miers , se faisaient un plaisir de les appuyer, peut-être même 280 MÉMOIRES de renchérir, et le tabellion, heureux de bien remplir , en écri- vant le plus possible , les graves fonctions de son ministère , s'empressail de tout consigner sur son parchemin; et de la rai- son , personne ne s’en inquiélait beaucoup. « Lesquelles choses ayant été constituées et exposées , lesdits » consuls supplièrent ledit sieur de Tornac , juge de Villelon- gue , qu'il lui plût confirmer lesdits Statuts , lesquels étaient au profit et utilité de la ville et communauté de Castel-Sar- rasin , protestant avant toutes choses qu’ils n’entendent re- noncer à leur droit ou coutume qui leur pourroient appar- tenir et à leurs prédécesseurs. » Sur quoi ledit sieur juge ayant diligemment vu et consi- » déré lesdits Statuts en qualité de juge ordinaire et du man- » ment de messire Bloy Lupé , sénéchal de Tholose et d’Albi- » geois , les a approuvés du consentement des bourgeois et du » populaire , comme étant faits à l'utilité publique. » C’est ce dont vous douterez sans doute, Messieurs, au moins pour plusieurs dispositions. En résumé, et sans vouloir entrer dans des détails qui dépasseraient les bornes d’un simple mémoire, il nous paraît incontestable que ces coutumes sont très-infé- rieures à beaucoup d’autres, et notamment à celles données par le Comte de Toulouse et l'Abbé de Grand-Selve aux habitants de Beaumont-de-Lomagne , que nous a fait connaître notre confrère M. Dubor, et à celles de Verlhac et de Villebrumier, qui ont été publiées dans vos Mémoires. En nous rappelant que ces coutumes, fort sages , furent données par des seigneurs ; que celles de Castel-Sarrasin, un peu folâtres , furent l’œuvre du populaire, ne pourrait-on pas trouver dans ce simple rapprochement un argument de plus en faveur du système si bien développé par M. Guizot, dans son Histoire de la Civilisation en France, et qui consiste à prétendre qu'à l’époque où il est venu , le gouvernement féodal était né- cessaire , non-seulement pour la défense matérielle de la société , mais encore , s’il nous est permis de nous exprimer ainsi, pour sa protection morale et intellectuelle. Nota. Suit le texte français des coutumes ; nous n'avons pas EL, Vi 2 v DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 281 pu nous procurer le texte latin ; mais nous pouvons assurer, sur la foi d'hommes graves qui les ont cullationnées , que le texte latin ne renferme ni plus d'articles , ni plus de dispositions que la traduction française. CASTEL-SARRASI. Les coutumes, statuts, usages, libertés et franchises de la ville et communauté de Castel-Sarrasi, faites et établies en cet ordre, en présence de M. et MM. Foulc de Tornac, juge de Vil- lelongue, à ce commis par Messire Bloy Lupe , sénéchal de Tou- louse et d’Albigeois, à la réquisition de messieurs les consuls, bourgeois et populaires de Castel-Sarrasi, et de la juridiction assemblés dans l’église de Saint-Sauveur de Castel-Sarrasi , l'an 1303, au mois de juillet, le dimanche après les octaves des apôtres Saint Pierre et Saint Paul. (Elles sont divisées en trente cinq articles. On voit sur le par- chemin, fort exigu , sur lequel a été faite cette traduction, la note suivante : « Pierre Sabateri notaire reçut les dites cou- tumes et statuts. — Jean de Malsion reçut l'acte de la dite assise de laquelle une sous collation fut extraite par autre Jean de Malsion notaire. — Les dits acte d’assise et extraits ayant été perdus , on eut recours à l'original des statuts , et Hugues de Cruce en fit une copie collationnée Ie 24 janvier 1394. ») ART. 1. Premièrement que les consuls qui seront successive- vement à perpétuité à l'avenir, jureront et seront {enus jurer au commencement de leur création entr'autres choses à M. le juge de Villelongue, qu'ils seront fidels et loyals aux grands et aux petits de la communauté de Castel-Sarrasi pendant le temps de leur charge, tant en leurs jugements qu’en toutes autres affaires , et qu'ils conserveront de parole et d'effet en leurs sen- timents et arbitrage autant qu'ils pourront en bonne foi, les bons usages, libertés , coutumes et statuts de la ville de Castel- Sarrasi, le droit du Roi conservé en son entier. Arr. 2. Item jureront qu'à la fin de l’année de leur consulat, ils choisiront en conscience, sans haine et affection, autres con- 282 MÉMOIRES - suls, gens de bien des plus suffisants qui seront estimés tels pour exercer leur charge et qu’ils méritent d’être choisis en la dite charge, et ce en la première assise de monsieur le juge or- dinaire qui sera successivement en la ville de Castel-Sarrasi, après la fête de l’Annonciation Notre-Dame, autres toutefois que leurs pères, fils, frères, ni autres qui de trois.ans en ça au- raient été consuls. Art. 3, Ilem jureront que dans trente jours après leur créa- tion ils fairont un véritable et fidèle inventaire de tous les ins- truments, lettres authentiques et autres bonnes choses apparte- nant à leur consulat qui pourront parvenir en leurs mains et connaissance. Arr. 4. Item jureront que l’année de leur consulat étant finie, dans trente jours à compter du jour de la déposition de leurs charges, rendront et procureront à leurs successeurs en la dite charge de consulat, à ce présents et appelés leurs devanciers, et douze conseillers de l'an présent et autres douze prudhommes appelés par les nouveaux consuls, leurs comptes raisonnables et discrets qu'ils doivent recevoir, et si les dits consuls qui ren- dront le dit compte, par leur coulpe, dol ou négligence, étaient faits des dépenses inutiles, ils les payeront en leur propre, si les dites personnes ou la plus grande partie d’iceux le jugent à propos. Arr. 5. Item les syndics jureront tous les ans aux nouveaux consuls, au commencement de leur consulat, qu’ils poursuivront toutes et chacunes les causes et affairedqui leur ont été com- mises par la communauté fidèlement, à moins de frais qu'il leur sera possible, comme en leurs causes et propres affaires. ArT. 6. Item que les consuls qui sont à présent et seront à l'avenir veulent faire levées de questes ou communes contribu- tions , et en ce cas appelleront et seront tenus appeler leurs con- seillers et autres vingt-quatre prudhommes ou plusieurs tant des bourgeois que du peuple qui seront choisis, les quels à ce appelés et présents iceux consuls qui seront alors , seront tenus d'exposer grossièrement et sommairement sans écritures, les DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 283 dépenses en cas il y en ait, et grosses dépenses s'il s'en doivent faire, et les grosses dettes qui leur seront dues, et la cause de laquelle ils prétendent en faire la levée, ce qu'étant diligem- ment traité et considéré entr'eux qu'icelle quête où somme que tous les dits conseillers et vingt-quatre prudkommes ou la plus grande partie d’iceux ont conseillé et consenti être levée par iceux consuls, par eux ou par quartonniers qui seront ordon- nés, pourra être levée et non autrement sinon en la dite ma- nière observée et qu'au commencement de leur consulat ils constitueront el procureront nouveaux notaires quartonniers et messager. ART. 7. Item que toutes tailles et communes contributions se- ront reçues et gardées par deux prudhommes sur ce choisis tous les ans par les consuls qui seront alors, savoir un de chaque moitié de ville, lequel prêtera serment touchant la réception des choses reçues et leur en rendra fidel compte. Arr. 8. Item le guardiage et merceguerie sera trois fois sub- hasté ou publié à son de trompe dans un mois tous les ans au commencement de leur consulat, et seront vendus an plusoffrant capable d'en répondre à la connoissance des dits consuls ; la connoissance des peignes et gages réservés aux dits consuls. Ant. 9. — Item l’émolument du poids des blés sera vendu tous les ans et donné par aumosne à la charité de Pentecoste, Arr. 10. Item que nul merceguaire ou gardien ne prendra gages d'aucun ni ne le molestera pour l'exécution d'aucun gage ou peigne à raison de taille ou peigne d’icelles possessions qui ne sont et ne seront à l'avenir des communes tailles et contri- butions de Castel-Sarrasi. Arr. 41. ltem les gardiens ou mercegaires ou acheteurs de mercegucrie, fruits ou autres choses qu'ils doivent garder, vien- nent à être prinses ou pillées par quelqu'un et qu’ils viennent à les cacher et qu'ils ne les révèlent aux consuls ou à leurs no- taires, seront tenus payer double peine à laquelle tout homme privé seroit tenu la doubler, et en cas ne puisse satisfaire à la dite peine, sera mis en prison pendant toute une nuit ct tout 284 MÉMOIRES un jour au fond de la tour au pain et à l’eau et ensuite sera mis à l’espillori pendant une heure et chassé de son office, sinon que celui à qui appartiennent les fruits y consentit, et si quel- qu'un venoit à prendre présent de son bordier ou autre étant en sa mergarie et que ce ne fut que boire et manger et qu'il ne le portat ailleurs, en ce cas ne sera tenu de subir la peine. Arr. 12. Item que personne ne tiendra pourceaux ou truies dans la ville, sinon qu’il suivit la troupe des pourceaux ou les tint renfermés, et s'ils étoient trouvés autrement, chacun sera tenu payer trois deniers toulousains, comme les autres gages ; savoir, la tierce partie au Roi, la tierce partie aux consuls, et la uerce partie au dénonçant. Arr. 13. Item que personne ne présume ni n'entreprenne chasser dans les vignes ou jardins avec chiens ou filets, depuis la fête Notre-Dame jusques à la Saint-Jean-Baptiste, et quiconque y contreviendra ou y sera en chassant paiera 5 sols tolosains , lesquels seront divisés comme est dit ci-dessus en l'art. du cha- pitre précédent. Arr. 4%. tem ne sera permis à personne de faire entrer ou apporter vin cueilli hors dé la juridiction et territoire de Castel- Sarrasi, sinon qu’il fut de ses propres vignes , pour l'usage de sa maison et avec permission des consuls ou de la plus grande partie d’iceux, en telle manière que tel vin apporté ne soit vendu ni fait vendre sinon par quelque grande et urgente né- cessité connue aux consuls qui seront alors; et qui faira le con- traire perdra le vin ou le prix d'icelui et sera appliqué au Roi, aux consuls et au dénonçant par égales portions, excepté les cu- riaux et officiers du Roi les quels ne seront obligés à ce dessus. Arr. 15. Item que nul étranger ou voisin ne présume sortir vins des tonneaux de la ville ou de ses chex (chaïx) es années ou tant que lesdits consuls qui seront alors voudront faire mar- que, si non qu'avant sortir chacun des dits tonneaux ne soit marqué de la marque du chateau, et qui faira le contraire perdra le vin qui sera sorti et non marqué ou le prix d'icelui pour être divisé comme est dit ci-dessus. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 285 Ant. 16. Item que personne ne sorte ni fasse sortir pour vendre bois futaie quarré ou pour brûler de certains arbres nés aux appartenances de la ville de Castel-Sarrasi, en ce cas qui y contreviendra en perdra la valeur et estimation, la quelle valeur sera divisée comme est dit ci-dessus, excepté des bois et futaies des forêts du Roi, à quoi n’entendent rien déroger. ART. 17. Item sera permis à qui voudra faire clapier et garenue de connils en son bien, et icelui qui ira chasser en icelui bien où les dits clapiers et garennes seront avec chiens, filets, arbalètes, havresacs ou autres industries et y prendre des connils, paiera par punition trente sols tolosains , qui seront payés et divisés comme est dit ci devant, et en cas ils ne les puissent payer dans deux jours, sera par pénitence mis au fond de la tour, au pain et à l’eau et durant une heure à l'espillori et sera relégué de la ville et juridiction jusqu’à tant qu’il ait payé la dite peine ; que si c'étoit un envoyé de quelque bon homme et qu'il y chassat de son consentement , icelui qui l'enverra sera tenu de payer la dite peine, et que la dite garenne à connils soit toutefois de la contenance de deux setérées et que personne ne pourra pren- dre ou chasser connils en la terre contiguë aux dites garennes. Si la dite terre est de ceux de laquelle les dites garennes sont, sera la dite peine divisée comme est dit ci-dessus. Arr. 18. Ilem ne seront mis aucuns animaux étrangers ni n'entreront dans les albarèdes fermées de fossés ou d’autres fermures jasqu'à ce que les dites albarèdes aient douze ans, qu’elles soient plantées et que l'herbe qui est en icelles se peut faucher en partie, et si les gros animaux boucs et chèvres s’y trouvent, que pour chacun d’iceux sera payé cinq sols tolosains qui seront divisés par égales portions au Roi, aux consuls et au dénoncant, et que ceux qui couperont des perches dans les al- barèdes étrangères payeront cinq sols tolosains qui seront di- visés comme dessus , et le dommage fait par celui qui l’auroit coupé au propriétaire de l’albarède sera condamné à l’amende à la connoissance des consuls, et pour tous les pourceaux qui se trouvoient aux dites albarèdes, sera payé un denier divisé comme dessus. k° S.— TOME 1. 20 286 MÉMOIRES Arr. 19. Item que nulle femme de quelque condition qu'elle soit, babitante de Castel-Sarrasi, n'ose porter aucunes robes si longues qu’elles (raînent par terre au delà de la longueur d’une paulme où palmade {c’est d’un pam } ni qu’elle mette aux ha- bits d'ornements dorés, ni argentés qui soient larges ; Item ni guirlandes qui vaillent au delà de dix sols tolosains; Item ni afiolets qui vaillent au delà de dix sols tolosains, et celle qui contreviendra payera cent sols tolosains, payables et divisés comme dessus, si non que ce fut une P..... manifeste (nisi esset merelrix manifesta Arr. 20. Item que nulle femme de Castel-Sarrasi se levant de ses accouches, de quelle condition qu'elle soit, n'ose aller et revenir de l'église qu'elle ne soit accompagnée de quatre femmes, ni celui qui faira baptiser enfant n’osera conduire, si non ac- compagné de quatre compagnes et la commère de même sans quatre compagnons ; et ne pourra le compère donner sur ce sujet à filleul où à filleule, compère ou commère, qu'un de- nier (1) d'argent et les alboles jusques à la valeur de 5 fr. et non au delà, et celui qui y contreviendra paiera deux cents sols qui seront divisés comme dessus. ART. 21. Item qu'aucune femme de quelle condition que ce soit n'ose visiter une autre femme qui soit en couche, sinon une fois la semaine, savoir le vendredi avant diner , sinon que ce fut sa mère, sa fille, sa sœur où sa cousine germaine, ou la femme sage , ou qu’elle fut malade, ou qu’elle les priat de la venir voir, et qui faira le contraire sera puni de dix sols tour- nois divisés comme dessus. ART. 22. Item que nulle femme qui viendra à se marier de nouveau, le premier jour qu'elle sortira de la maison de son mari, n'ose aller manger en autre maison, si ce n’est en celle de son mari ou en celle d’où elle est sortie avec son mari, sa- voir de son père ou de sa mère, et celle qui faira le contraire paiera trente sols tolosains pour être divisés comme dessus. (1) Le denier d'argent est évalué à 2 fr. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 287 Arr. 23. Item que celui qui prendra oiseaux sauvages de quel- que espèce que ce soit, ou autre venaison sauvage de quelque espèce que ce soit dans les appartenances de Castel-Sarrasi et les voudra vendre, les portera à la place de Castel-Sarrasi, et les vendra s’il trouve, et s'il les porte pour vendre hors la juri- diction de Castel-Sarrasi sans les avoir plus tôt portés à la place, il en perdra le prix , qui sera divisé en trois parties ou portions comme est dit ci-dessus, hormis que ce ne fut du con- sentement des consuls ou de la plupart d'iceux. ART. 24. Item que nul boucher ne puisse avoir dans les fin decx et juridiction de Castel-Sarrasi au delà de quatre bœufs et vaches vendables au delà de trois nuits, sinon qu'ils fassent de leur propre et que les dits quatre animaux soient coupés et vendus à la boucherie de Castel-Sarrasi , et s’ils en tiennent au- delà des dites boucheries, ne seront coupés, et seront punis en cinquante sols tolosains , pour être divisés comme dessus. Arr. 95. Item celui qui plantera vigne en terre non fumée, le vin qui en sera produit, ne sera vendu à aucun étranger ou voisin jusqu’à ce que la vigne ait quinze ans qu'elle en soit plantée, et si elle est plantée en terre fumée, ne pourra sortir le vin qui en proviendra qu'après six ans écoulés , et ne pourra provigner jusques à ce qu'elle soit complette de vingt ans, et celui qui faira le contraire paiera cent sols tolosains qui seront divisés comme dessus, s’il ne reveloit aux acheteurs et que les tonneaux de tel vin soient sans la commune marque de la ville, Arr. 26. Item celui qui viendra à fumer sa vigne sera puni de cent sols tournois comme il est dit ci-dessus , et le vin qui en viendra pour vendre ne sortira de la ville Jusqu'à ce qu'il y ait vingt-deux ans. Arr. 27. tem que nuls bouchers fassent aucune société ou communication entre eux sinon l’un avec l’autre et qu'ils pour- rout être deux et non davantage pour la vente d’un animal qui se vendra à la boucherie de Castel-Sarrasi , et celui qui faira le contraire en s’associant, chacun d’eux sera puni en trente sols 288 MÉMOIRES tournois applicables au Roi, aux vonsuls et premier dénoncia- teur également. Arr. 28. Item s'il se trouve quelque animal grand ou petit écorchant les arbres, que le gardien d'icelui où propriétaire paicra cinq sols tournois, pour être divisés comme est dit ci- dessus. Arr. 29. Ilem que nul vende ou fasse vendre assis le poisson ; celui qui faira le contraire paiera cinq sols tournois, qui seront divisés comme dessus. Arr, 30. Iiem que personne ne poisera ou mesurera quelque chose qu'avec le poids et mesure de la marque de la ville, mar- qués par les consuls de la ville; qui faira le contraire paicra dix sols tournois. Arr. 31. Item que nul meunier ne moutturera bled, et il ne lai sera permis que la balance ne soit en main en présence du paysan ou de celui qui aura la charge du poids; qui faira le contraire paiera trente sols tournois, qui seront divisés comme dessus. Arr. 32. Item que nulles chèvres ne seront mélées avec les brebis, et celui qui faira le contraire perdra la chèvre ou chè- vres et seront divisées comme dessus. Art. 33. Item que nul ne fasse tomber noix d'autrui avec perches, bâtons, pierres ou autres instruments ni d’autres ar- bres ni après que le propriétaire aura perché ou battu avec perche ses arbres ; qui faira le contraire paicra dix sols tour- nois qui seront divisés comme dessus. Art. 34. Item celui qui aura cinq bœufs arants ou labou- rant y faira mettre à chacun d'eux une clochette, et qui ne le faira paicra cinq sols tournois divisés comme dessus. Arr. 35. Item qu'il ne sera fait aucun syndicen ville par autre personne que les consuls de la dite ville qui seront alors, sinon que ce ne fat par la permission , licence et volonté dé monsieur le sénéchal de Tolose ou de ses supérieurs, et qui faira ou fai- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 289 ront le contraire soient punis de cinquante livres tournois, qui seront divisés comme est dit ci-devant. Les quelles choses ayant été constituées et exposées , les dits consuls supplièrent le dit sieur de Tornac, juge de Villelongue, qu'il lui plut confirmer les ditsstatuts, lesquels étoient au profit et utilité de la ville et communauté de Castel-Sarrasi , protes- tant avant toutes choses qu’ils n’entendent renoncer à leur droit ou coutumes qui leur pourroient appartenir et à leurs prédé- cesseurs. Sur quoi le dit sieur juge ayant diligemment vu et considéré les dits statuts en qualité de juge ordinaire et du mandement de messire Bloy Lupé, sénéchal de Tolose et d’Albigeois , les a approuvés du consentement des bourgeois et du populaire comme étant faits à l'utilité publique. Pierre Sabateri, notaire à Castel-Sarrasi , reçut ce dessus. 290 MÉMOIRES ANALOGIES DE L'ALGÈBRE ET DU CALCUL INTÉGRAL, Déduites de la résolution des équations algébriques du premier degré à plusieurs inconnues ; Par M. E. BRASSINNE, Pro'esseur à l'Ecole d'artillerie de Toulouse. 1° Pour obtenir de la manière la plus simple la résolu- tion du système d'équations du premier degré à plusieurs inconnues, et pour trouver la loi de formation des valeurs de ces mconnues en fonction des coellicients, nous suppo- serons, comme nous l'avons fait dans les mémoires de cette Académie (4856, page 189) : 1° que » équations entre inconnues conduisent à des expressions de ces inconnues sous forme fractionnaire, ayant un dénominateur commun , composé de monomes , provenant des permutations de »2 lettres, a, b, ©, f, h, coellicients des inconnues x, y, z,.. 4, uw, dans la première équation, chaque lettre ayant un accent différent dans chaque monome ; 2° nous supposons aussi que le dénominateur change de signe si on remplace une lettre par une autre et réciproquement ; 9° on suppose enfin que les numérateurs des valeurs de x, 7, z... se for- ment du dénominateur commun, en changeant les coefli- cients de l’inconnue qu’on dégage en quantités connues du second membre. — Dans le mémoire cité, on fait voir que DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 291 si cette loi de formation est vraie pour #7 équations entre m inconnues , elle sera encore vraie pour (#24 1) équations entre »2— 1 inconnues. Mais pour ne pas compliquer l'éeri- ture, sans d’ailleurs altérer la généralité évidente de la mé- thode , nous supposerons la loi de formation énoncée vraie pour trois équations à trois inconnues, et nous ferons voir qu’elle est vraie pour quatre équations à quatre inconnues, que nous écrivons ainsi qu'il suit : ax+by+cz+dt=k a x+by+c z+d't=k () ax + by + c"2 + d'i—k" a"! x+b"y+c" z+d"! tj"! Faisant passer d£, d't, d”t aux seconds membres, et dési- gnant À— de par p, kK —d'£ par p', k"—d"t par p”, les trois premières équations du groupe (1) donneront : c ACER PAC) __X(a,p,c) __2(a,b,p) (2) We PSS Te) RE AND Ce 1° Ed DEC 7, 22 x désigne la somme algébrique des permutations du pro- duit a,b,c, permutations auxquelles on donne les signes convenables et que l’on accentue d’après une loi supposée. La substitution de ces trois valeurs dans la dernière du groupe (1) fournit : a"! >(p.b,c)+b!"x{a,p,c)+c"'x(a,b,p)==(a.b,c)k" —d"" 5). Remplaçant p, p', p" par k—dt, k'—d't, R"—d"E et fai- sant la remarque que d’après la composition de x(p,b,c) ona:>{p,b,c)=2(k,b,c)—1=(d,b,c), on trouvera : (5) : a À RAT Pur c,k)—b"S(a;k,c)—a"5(k, b, c) 7 d'S(a,b,c)—c"E{a,b,d)—b"Y(a, d,c)—a"?#(d,b;,c)" Cette valeur donne pour la formation de £ la règle sui- vante : 4° Pour le dénominateur, « on prendra le dernier coef- » ficient d”’ de la dernière inconnue dans la dernière équa- 292 MÉMOIRES » tion, et on le multipliera par le dénominateur qu’on obtien- » drait s’il y avait l’inconnue £ de moins; les termes suivants » se déduisent du premier en changeant successivement d »ena,b,e,et réciproquement ainsi que les signes. Pour » le numérateur, il sufit de changer les d, d',d",d"' en » k, RAM, RUE. » Or, à cause de la symétrie des équations, l'inconnue z se déduira de la formule (3) en changeant les d'en c et réciproquement ; par ce changement, les deux pre- miers termes du dénominateur ne font que changer de signe, puisque E(a,b,c), (a,b,d) ne changent pas de signe quand on appelle d ce qui s'appelait € et réciproquement. Fous les autres termes changent aussi de signe d’après l'hy- pothèse 2° admise pour le dénominateur à trois inconnues. Par conséquent le dénominateur d’une inconnue z sera le même au signe près que celui de £, et de même pour les autres inconnues. On voit aussi que, dans tous les cas, les numéra- teurs se déduisent des dénominateurs en changeant les coefli- cients de l’inconnue en quantités connues du second membre. Il est aisé de vérifier que si dans la formule (5) on change l'une dans l’autre deux lettres quelconques, par exemple, a en b et ben a, le dénominateur changera de signe ; cela est évident par le principe 2° pour les deux ter- mes : d''x{a,b,c), —c"!">(a,b,d); quant aux deux der- miers : —0""s(a,d,c), —a"!=(d,b,c), ils viennent par le changement de «& en D et réciproquement : — a"! x(b,d,c) et —b">{d,a,c); mais les deux termes — a’ E(d,b,c) et — a"! 2(b,d,c) sont égaux et de signes contraires puisqu'ils pourraient se former l’un de l’autre par le changement de d'en b et de ben d. Remarques. Il faut d’abord remarquer que Y(4,b,c), £(a,b,d)... qui entrent au dénominateur de la formule (5), sont des DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 293 dénominateurs relatifs à trois équations, à trois inconnues ; d'où il résulte que d’après la supposition {° le dénomina- teur de la formule (3) contient l’ensemble des permutations des quatre lettres a,b,c,d, accentuées d’après la règle supposée ci-dessus. Nous insisterons sur une observation qui nous sera utile dans la théorie des équations différentielles : on peut véri- fier pour le dénominateur à deux et à trois inconnues, que si on met un accent de plus à chaque lettre de même nom, sans toucher aux lettres qui ont les accents de la dernière équation, on a une somme nulle; pour deux équations à deux inconnues on a pour dénominateur a b'— a! b; en met- tant un accent aux lettres a et b sans toucher à a’ et 0! on trouvera évidemment a! b’ — a’ b'—0o. La même vérification est aisée pour trois équations à trois inconnues ; cela posé, - considérons le dénominateur : d"'S(a,b,c)— c"'>(a,b,d)—b"">{a,d,c)— a” x(d,b,c). et prouvons que nous aurons un résultat nul, si nous met- tons un accent de plus à chaque lettre de même nom, en ne changeant rien aux lettres affectées de laccent ””. D'abord les fonctions affectées du signe 3 sont des dénomi- nateurs à trois inconnues, lesquels deviennent nuls si on augmente de un chaque accent sans toucher aux accents "”. Supposons actuellement qu’on change ces accents ” en ” : dans le dénominateur x (a, b, €) ainsi changé, on aura deux monomes contenant €”’,savoir, a b'c"", et bac! ; mais E(a,b,d) en donnera deux pareils dans lesquels les € se- ront remplacés par des d; mais comme les premiers mono- mes sont multipliés par d”’ et les seconds par — €”, il résulte qu'ils se détruiront. De même les deux monomes qui contiennent 4”” dans Y(a,b,c) auront leurs pareils dans E(d,b,c) en changeant «a en d; et comme les uns seront multipliés par d’’ et les autres par — 4", ils donneront 29% MÉMOIRES une somme nulle, On voit donc que la remarque que nous avons énoncée, et qui est due à Laplace, est évidente d’elle- même. Enfin, il est aisé de prouver qu’on peut donner une nouvelle forme au dénominateur de la formule (5); nous remarquerons pour cet effet que X(a,b,c) est le déno- minateur à trois inconnues, et que dans chaque monome de ce dénominateur il y a une lettre sans accent , une lettre avec un accent, une lettre avec deux accents; mais E(a,b,d), x(a,d,c), 2(d,b,c) représentent ce même dé- nominateur dans lequel c, b,« sont remplacés par d. Cela posé, Imaginons le dénominateur (4, b, c) partagé en trois parties , l’une aura pour facteur c”, l’autre D” et la dernière a". La partie qui multiplie c” se trouve dans 2 (a,b,d) comme facteur de d'; celle qui multiplie b" se trouvera dans X(a,d,c) comme facteur de d”, et celle qui multiplie a" sera dans X(4,b,c) facteur de d”', Si donc on isole dans les termes qui suivent le premier — 4" en remar- quant que cette lettre est suecessivement remplacée par c"",b"!,a"! on trouvera que — d” multiplie le dénominateur E(a,b,c) dans lesquels les accents ” ont été changés en ””. Ce que nous écrivons ainsi : — d'x(a, b,c)., cam Faisant 4) le même raisonnement pour —d' et —d, on trouvera : met bc) ae et — dE(a, bc), en’) Ce qui donne pour la formation du dénominateur la règle de Bezout. Cette formation a encore l'avantage de montrer que les qua- tre équations : ax+a y+a"z+a"t=k bx+by+b';+Lb"ir cx+cy+c'z+c"eRk" dx+d'y+d'z+d"e=R" ont le même dénominateur que les quatre équations (4) car DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 295 en supposant cela vrai pour trois équations à trois inconnues, l'application de la formule du dénominateur sous la dernière forme, montre que puisque cette forme est identique à la formule (3), le principe est encore vrai pour quatre équa- tions à quatre inconnues. Application aux équations différentielles. Désignons comme ci-dessus par €, 7, €, Ps Ca y CnYm es intégrales particulières de l'équation différentielle linéaire, 4, 0, la valeur générale de y sera la somme de ces intégrales particulières, et nous aurons les égalités sui- vantes : TT a ni 29 Pa nee een VA d fe dy d dY» A Eee LATE .+c me - dx dx le dx (A) der = dif: dr Po AY m Ts RE CAUA à 2 dx" TE NAN rc m dam a Les m dernières équations du groupe (A) donneront les va- leurs de €,, €,, c,.… €, et ces valeurs portées dans la pre- mière équation du même groupe reproduiront l'équation différentielle y, 0. Or il n’est pas difficile de voir que le résultat de la substitutisn ne sera autre chose que le déno- minateur commun de m1 équation entre 724: Imcon- nues que nous appellerons : €, €, €... ©, de la forme : RC PRET CE A Ca) m dy di ue F k PP SC dx sngie. salon Gas (B). dm dr dr: (mr) — £ #07 Ji Vm KO = TTC EC dy d" y Car en transposant €, 7, Ce. Coye T les rm dernières équa- dx” 296 MÉMOIRES tions du groupe (B) donneront des valeurs de c,€,.….c, qui auront le même dénominateur que les valeurs de c,,c...c, tirées des 72 dernières du groupe (A)... Mais les numérateurs ange nû d &y différeront en ce que les quantités : 2 2) |'seront d dx? x k RE DAV dy qu Ey: remplacées par : A —c, ee k"—c, Ts CN appelant N,N...N,, les numérateurs de c,c...c,, ürés des m der- nières du groupe (A), nous aurons en appelant D le déno- LIN, ss le Dir | DD = valeurs qui portées dans la première du groupe (A) donnent : YD=N,Yy,ÆN,r,+..+N, 7, Mais les 72 dernières du groupe (B) donneront, en faisant k'=0, £"—=0o... At —0 : — Co N, —CoN, —€oN}h CE ln = —, D g D . D donc en substituant dans la première du groupe (B), on trou- vera : minateur commun : €, = 1 kD=c (JD -N,7,—N,y...—N, ru) 2 2 Le coefficient de €, e’est-à-dire le dénominateur complet des inconnues €,, €, ©, , Sera donc léquation proposée (C). Mais d’après la théorie de la résolution de m+1 équations à #2+ 1 inconnues, ce dénominateur peut aussi s'éerire comme il suit : PI (D) + D.) +2 (D) +. +D,.7. D sera le dénominateur des »2 inconnues €,€,..c,, prises dans les 72 premières équations du groupe (B). On passera du premier terme au suivant en remplaçant les indices m par »#— 1 et réciproquement ainsi que les signes. Le troi- sième terme se déduira du second par un procédé analogue. Il est clair que les indices des dérivées remplacent ici les accents des lettres dans la résolution des équations du pre- mier degré. Km FR * DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 297 Théorème de M. Liouville. È dn y Puisque pour passer me Suivant dx dn— LL, ), les indices de l’ordre » — 1 ont été remplacés dxm—i dans D par des indices de l’ordre (m) et que d’ailleurs, d’après une remarque de Laplace, le dénominateur D devient identiquement nul, si on met un accent de plus à chaque lettre de même nom, sans dépasser l'accent (2— 1) auquel on ne touche pas, il en résulte qu’en dérivant compléte- ment D et en tenant compte de la partie nulle, on voit que D, sera la dérivée complète de D. D’où résulte ce théorème de M. Liouville, que le dénominateur D sera égal à une constante si le second terme D, de l'équation différentielle est nul. Démonstration du lemme fondamental de M. Jacobi. Pour ne pas compliquer inutilement l'écriture, nous ne considérerons dans la démonstration suivante que trois fonc- tions à quatre inconnues ; la nature de notre raisonnement prouvera suffisamment sa généralité : Considérons trois équations à quatre inconnues Jer,st)=0, f(x 7.2t)=0 f,(x,7,3,t)=0 en différentiant ces équations on trouvera : AIRE dE 4:49 di=0 de Axe dy HT. d Ha dt=o (M) i5 da +. dy + Divisant par dé, on trouvera par la résolution de trois équa- + PIE PR t 298 MÉMOIRES üons à trois inconnues, les valeurs des rapports —- EE RL PP dt’. dit? dt° | df df df Dans ce cas a, b, c sont remplacés par Do ae et les accents ” el” de ces lettres sont remplacés par les indices , 2 de la lettre /. Nous trouverons , d’après notre manière dr dy dr * de? ‘dt remarquant que les seconds membres sont Ag 2 af df df df af df df —:(%, dy? ) 1: a 1e dt? a) dz (5%, dy? 7-2 df 5, LE PRIOR T7 df g PT PE 7: df à “\dx’ dy’ dz) (72 dy’ dz = (2e dy” à d'écrire les formules , pour les valeurs de ou en désignant par D le dénominateur commun et par A, B, C les numérateurs de dx, dy,dz, on aura : d'E ay Azsate : cb :0: D: Cela posé, le lemme de M. Jacobi consiste à prouver que la somme : = dB LAS d.D B:: La démonstration née que dans la réduction A d.D me de la somme précédente le terme —— sera détruit, ou dt Le d'A s2 ac qu'il y aura dans EN dre des termes égaux et des : ; 1: JAI D DE fe signes contraires aux termes de FT. D'abord en dérivant p=s(, d df dx° dy’ sivement par RE à é dans chacun des monomes qui CS A af df dx dy ? dz avec les indices 0, 1, 2; on pourra écrire ainsi cette déri- D ( def taf SAN æ f 2)+ é par rapport à £, on dérivera succes- composent D, les facteurs , qui s’y trouvent NÉS rare di dy? dr dx’ dy.dt” dz ( df æf PME AZ) Mais quand en dérivant À par rapport DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 299 df sas € B par rapport à x la dérivation tombe sur Île terme : 1) 2 ; he à > sur le terme A et de même lorsqu'on dérivera df dt? RC CT df æf. %) \dz.dtdr° dz/’ dx” dy.dt° dz)' 1) ” NET de) $ ae: AS je dont la somme détruira ——. Mais dans C par rapport à z sur le terme on trouvera trois résultats : — dx” dy? dz.dt d't de rc ; . 4 sat gr A — Li aurait aussi pu être considéré comme dt? dy” dz) dénominateur commun ; ce qui aurait eu lieu sion avait dégagé dt..d:z dy les valeurs des rapports: ,eton aurait aussi prouvé dx’ dx’ dx 1 A ; » que tous les termes de _ sont annulés par d’autres, etc. De dB dC 1: et 7 À a LC MÊME pOur =; 7 . Donc enfin : — PT LUP PAU IS +0; ce qui est le lemme Arte que l'illustre Jacobi a placé en tête de son mémoire sur le multiplicateur des équations différentielles. 7e D] , d.D Nota. IL est à remarquer que lorsque nous avons prouve que di était annulé par des termes égaux et de signes contraires , les dA dB dœC 2 non contenant pas dt sous le signe d.D d’une dérivée seconde, ne sauraient être égaux à ceux de PT Quand nous considérons À comme dénominateur , il faudra aussi se rappeler que les fonctions > changent de signe et non de valeur si une lettre est changée en une autre et réciproquement. autres termes de 300 MÉMOIRES DES VOYELLES MODALES DANS LA LANGUE GRECQUE; Par M. HAMEL. Depuis le commencement de ce siècle , l'étude de la gram- maire comparée a fait de remarquables progrès : la connais- sance des mots, deleur formation, des modifications diverses dont ils sont susceptibles , est devenue une science véritable, appuyée sur des faits nombreux et certains. On a successi- vement analysé les éléments dont les mots sont composés, déterminé la signification spéciale de chacun d’eux, recherché leur origine, étudié les lois qui président à leur union, et font de leur ensemble un corps régulièrement organisé. Les grammaires particulières se sont elles-mêmes enrichies de ces découvertes : elles ont été plus exactes, plus complètes, mieux coordonnées; les rapports entre la forme des mots et leur signification y ont été indiqués avec plus de précision ; enfin, une fois entrées dans cette voie, elle ont à leur tour, par une étude attentive des procédés propres à chaque idiome, préparé des matériaux nouveaux pour l'histoire et la philo- sophie des langues. Cependant, il faut le dire , les progrès et les avantages n’ont pas marché sans quelques inconvé- nients. Tout n’est pas incontestable dans les découvertes de la science grammaticale , et l’on peut trouver matière à blâmer soit dans les théories, soit dans les applications qui en ont été faites à l’enseignement des langues. Ainsi, pour vouloir tout distinguer et tout expliquer, peut-être s’est-on laissé DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 301 quelquefois séduire trop vite par de trompeuses analogies, établissant, d’après certains faits d’une grammaire parti- culière , des systèmes que l’on s’exposait à voir détruire par la grammaire comparée. D’un autre côté, peut-être a-t-on eu tort de faire descendre jusqu'aux grammaires élémentaires certaines connaissances peu utiles dans la pratique. On peut, il est vrai, voir dans les systèmes de pures hypothèses , qui servent à relier certains faits en attendant une démonstra- tion , excuser aussi l’inutilité pratique d’un fait par son exac- ütude; mais comment défendre ce qui est à la fois contes- table et inutile ? Ces dernières réflexions m'ont été suggérées surtout par les passages qui ont rapport aux voyelles modales dans Ja grande Grammaire grecque de M. Kühner (4), et dans la traduction que l'on a donnée en France de labrégé de cette ‘Grammaire (2). Je ne voudrais pas, du reste, que l’on se mé- prit sur la portée de mes paroles. Je me hâterai done de dire que la grande Grammaire de M. Kühner est, en général, ex- cellente ; qu’elle renferme une foule de faits et d’aperçus neufs encore à l’époque où elle a paru , et qui depuis ont été acceptés par la science. La traduction même de l’abrégé est un véritable service rendu chez nous aux études grecques. J'avais besoin de rendre ce juste hommage au mérite du grammairien allemand, avant d'essayer la critique, même légère, d’un détail de son ouvrage. De tout temps les grammairiens ont reconnu dans les verbes des radicaux et des désinences : les premiers presque invariables ; les seconds , au contraire, fort variés. Poussant ensuite l'analyse plus loin, on a voulu rechercher les élé- (1) Ausfürliche Grammatik der griechischen Sprache , von Raphael Kühner, Hannover, 1834. (2) Grammaire élémentaire de la langue grecque, par M. Theil ; Paris, 1846. &° $. — TOME 1. 21 302 MÉMOIRES ments divers de chaque forme verbale, et l’on a distingué ainsi tour à tour des finales personnelles , des figuratives de temps, de modes et de voix. La partie qui a été considérée comme exprimant dans les verbes l’idée de mode a reçu le nom de voyelle modale , parce qu’elle est toujours représentée par une voyelle cu une diphthongue. Elle précède immédia- tement la finale personnelle : Xÿ-o-wev, A-01-Lev, XG-4-pev, AUG-aL-pLEV. Voici ce que dit M. Kühner au sujet de l’origme de cette voyelle : « La voyelle modale n’était originairement qu'une voyelle » de liaison, au moyen de laquelle les racines termimées par » une consonne pouvaient s’allier aux consonnes finales. Tel » était l'usage de la voyelle e, qui s’est changée en o devant » met v(Xéy-o-uev). Mais en même temps cette voyelle, en » se modifiant de différentes manières, a servi à distmguer » les différents modes ; de là le nom de voyelle modale (1). » Ainsi M. Kühner pense que la voyelle appelée modale était simplement euphonique dans le principe. A-t-elle été ensuite modifiée avec intention pour servir d'expression aux différents modes ; ou bien a-t-elle servi seulement à les distin- guer par les changements accidentels qu'elle a subis ? Il est difficile, d’après ce seul passage, de décider quelle est l’o- pinion de M. Kühner;, mais il dit ailleurs que la voyelle modale exprime un cerlain rapport, et, d'après cela, varie suivant les différents modes (2). D'où l’on est en droit de conclure qu'à ses yeux elle est devenue, quelle que soit son origine, une expression réelle de l’idée de mode. Après avoir remarqué avec raison que la voyelle modale manque à certains temps, quelquefois même à tous les temps CA M NA Na (1) Ausf, Gramm. € 117, 1. (2) Ibid, 111. TE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 303 d’un mode , dans les verbes en we, par exemple, M. Kühner passe en revue, mode par mode, les diverses voyelles mo- dales. Il en distingue neuf différentes, soit voyelles simples, soit diphthongues, qu'il classe dans un tableau où elles sont rangées selon les modes, les temps et les personnes (1). - Ce tableau, assez compliqué , supprimé avec raison par M. Kühner dans sa Grammaire élémentaire, a été rétabli par son traducteur pour l’usage de nos écoles (2). Comme j'ai vu quelques jeunes professeurs, séduits par la nouveauté, se disposer à charger des détails de ce tableau leur mé- moire et celle de leurs élèves, j'ai cru devoir examiner si les faits qu'il résumait étaient parfaitement exacts, et si d’ail- leurs il pouvait être bien utile pour la distinction des diffé- rents modes. Je laisserai de côté l’infinitif et le participe, deux formes verbales qui n’ont aucun rapport avec l'idée de mode, et dont la première participe du substantif et du verbe, comme la seconde du verbe et de l’adjectf. M. Kühner ne compte pas non plus ces formes verbales parmi les modes proprement dits (5); cependant il reconnait dans l'infiniuf et le participe une voyelle modale : nouvelle preuve que le nom de voyelle modale n’a pas chez lui un sens bien précis, malgré l’im- portance qu'il y attache. Il nous reste donc à examiner les modes appelés commu- nément personnels : l'indicatif, l'impératif, le subjonctif et Voptatif. Mais avant de rechercher si chacun de ces modes a sa voyelle modale, et quelle est cette voyelle, je crois né- cessaire de bien définir le sens que j'attache au nom lui- même. Selon moi, on ne doit désigner sous le nom de (1) Ibid. & 122. Ces voyelles ou diphthongues sont &, #, o — y 3 © — &i, Et, 06. (2) Gramm. eléem. Ç 121. (3) Ausf. Gramm. & 635. 304 MÉMOIRES voyelle, ou mieux encore de figurative modale, que cette partie de la forme verbale qui exprime réellement les di- verses idées attachées aux divers modes, et non pas ce qui peut accidentellement servir à distinguer ces modes l’un de l’autre. C’est ainsi que, dans les finales pou, ou, ru, le u, le & et le + expriment réellement la 4", la 2° et la 5° personne ; que l’augment, dans les temps secondaires, exprime réelle- ment l’idée du passé. Un autre sens donné à la dénomina- üon de voyelle modale serait contraire à l’analogie et man- querait de précision. Ceci convenu , nous pouvons aborder la question suivante : Existe-t-il pour chaque mode une voyelle modale spéciale- ment destinée à en exprimer l’idée ? — Je ne le crois pas pour Pindicatif ni pour l'impératif. Quant au subjonctif, jy vois plutôt la modification d'une voyelle qu'une voyelle mo- dale proprement dite. L’optatif seul a une véritable figurative modale , facile à reconnaitre à travers les diverses altérations qu’elle subit. Reprenons ces diverses assertions. L’indicatif et l'impératif n’ont pas de voyelle modale telle que nous l’a- vons définie. Il suflit de jeter les veux sur le tableau donné par M. Kühner pour en être à peu près convaincu. Comment, en effet, une voyelle, qui est alternativement 0, €, &, « pour l'indicatif, «, e pour l'impératif, qui change suivant les temps et les personnes, qui reste la même pour deux modes différents , peut-elle être une expression réelle de l’idée de mode ? Mais à cette première raison, purement logique, vien- nent s’en jomdre d’autres , tirées de l’histoire même de la langue. Chacun sait que la forme la plus ancienne des verbes grecs est la forme en ; c’est celle que l’on retrouve cons- tamment en sanscrit, auquel se rattachent, par des rapports plus ou moins éloignés, le grec et le latin. Or, soit en sans- erit, soit dans la conjugaison grecque en p+, on ne trouve ni à l'indicaüf, ni à l'impératif, aucune voyelle à laquelle on puisse donner le nom de voyelle modale. Le fait est évi- PE" DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 305 dent de lui-même, puisque l'analyse nous montre le ra- dical immédiatement uni aux finales personnelles : dadä-mi (je donne ) Mdo-yw; as-mi (je suis), ei-ui. Est-il probable que les verbes de forme secondaire renferment une expres- sion de mode là où les verbes de forme primitive n’en offrent aucune trace ? La réponse n’est pas douteuse pour quiconque s’est un peu occupé de l'histoire des langues. Dans les langues synthétiques, comme le sanserit et le grec, plus une forme est ancienne , plus les éléments qui la composent sont nom- breux et distincts; plus , au contraire, elle est nouvelle, plus ces éléments tendent à s’effacer et à disparaitre. Nous en voyons un exemple frappant dans les finales personnelles ; la voyelle modale elle-même nous en présentera un autre à loptatif. Qu'est-ce done que ces voyelles, qui, à l'indicatif et à l'impératif des verbes en w, précèdent immédiatement les finales personnelles ? Selon Bopp , elles ont leur origine dans la voyelle a, qui, pour un grand nombre de verbes sans- crits, se place, à certains temps , entre la racine et la termi- naison (4). Cet a est-il simplement une voyelle de liaison , ou bien a-t-il une signification déterminée? La question est obs- eure, peut-être insoluble ; mais en admettautmême la dernière hypothèse , il est impossible de la considérer , même à lori- giae , comme une expression de mode. Quoi qu'il en soit, l'a du sanscrit sera devenu o en grec, suivant la règle qui régit la permutation des voyelles d’une langue à l'autre (2). Cet o allongé en © à la première personne par compensation, après la chute de la finale personne en w+, s’est maintenu devant les finales commençant par w et v (Xi-o-uev, Ai-o-vra); mais le (1) Vergleichende Grammatik , von Fr. Bopp. & 100f; cf. 6 494, 495. (2) Bopp. vergl. Gramm. Ç 3 et passim. 306 MÉMOIRES son s’est amoindri encore jusqu’à le devant les autres lettres (Aü-e-re, X-e-cbe ). Quant à l’a de l’aoriste et du parfait(Xlux-a-, ReAG4-0-LE ; Euc-a-c, AUG-a-uev ), il se rattache aussi au sanscrit, et il a été moins modifié; mais, soit en sanserit, soit en grec, il est complétement inorganique, et ne sert qu’à soutenir la consonne à laquelle il est joint. H serait plus difficile de rendre compte de la diphthongue « du plus-que-parfait ( Aexbx-er-v, SkeXk-e-pey ); du reste, de quelque manière qu’on l'explique, on n’y trouve point encore une expression de mode ge Si ces diverses voyelles ne représentent point les idées attachées aux noms d’indicatifet d'impératif, servent-elles du moins, à distinguer ces modes l’un de l’autre ? — Non , elles ne remplissent même pas ce simple rôle. La distinction à lieu , il est vrai, accidentellement pour quelques personnes du parfait, où l'x de l'indicatif est remplacé à l'impératif par un e (ind. Xx-u-re, imp. kekÿk-e-re; mais le présent et l’aoriste nous Offrent les mêmes voyelles aux deux modes (ind. et imp. Mj-e-7e; a0r. ind. kGo-a-re, imp. Abs-a-re ). Évidemment celles-là ne sont pas, même par accident, des voyelles mo- dales, et ne peuvent en recevoir le nom. Considérées dans leur ensemble, les diverses voyelles qui précèdent les finales personnelles à lindicatif et à l'impératif, pourraient tout aussi justement être appelées voyelles temporelles, où même per- sonnelles , puisqu'elles varient suivant Jes personnes et les temps , et qu’elles servent jusqu’à un certain point à les faire reconnaître. Mais comme les idées de temps et de personne ont ailleurs leur expression réelle, et que nulle autre part, au contraire, l'idée de mode ne se trouve représentée, du moins pour lindieatif et l'impératif, on a voulu qu'elle fût exprimée par ces voyelles. Lors même qu’on n’y a vu origi- (:) Ibid. $ 645. dur ét ct d'asthme ie DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 307 nairement, comme M. Kühner, que des voyelles de liaison, on a cru que l’usage, en les modifiant, y avait attaché une signification modale. Je crois avoir démontré qu’elles ne sont ni directement ni indirectement une expression de mode, que par conséquent l'indicatif et l'impératif n’ont pas de voyelles modales , non-seulement dans le sens où je les ai définies, mais dans quelque sens que ce soit. Comment ces modes se reconnaissent-ils done? [ls se dis- uünguent d’abord lun et l’autre du subjonctf et de l’optauf, qui ont un signe de mode, par l'absence même de ce signe. C’est ainsi que le présent se distingue des autres temps par l’absence de tout signe temporel (1). Il était naturel que les modes comme les temps les plus simples fassent plutôt que les autres marqués de ce caractère tout négatif. Plusieurs circonstances étrangères à l’idée de mode viennent ensuite établir une différence entre l’indicauf et l’impératif. Ainsi pour tous les temps, présent, aoriste et parfait, les finales personnelles de ces deux modes diffèrent, soit dans les verbes en p, soit dans les verbes en ©, à la 2° personne du singu- lier et à la 5° personne des trois nombres ( ind. +%ns, riünos, etc. ; imp. ride, ru0ÉTw, etc. ; — ind. Abus, Abe, etc. ; Imp. Ke, Aéro, etc. ). D'un autre côté, le signe temporel du passé, l’augment, qui ne sort pas de l'indicatif, sert à dis- ünguer ce mode de l'impératif, à la 2 personne du pluriel et du duel de laoriste ( &deze, Oére; Eldoure, Nôoure, ete. ); tandis que la même personne au parfait des deux modes se distingue par la voyelle de liaison, qui est « pour l'indicatif et e pour l'impératif (Ree-a-re, Aekx-e-re ). La similitude complète n'existe qu'au présent pour la 2° personne du plu- riel et celle du duel : +iere, Afere, ete., dans les deux modes. Si l'indicatif et l'impératif ne portent en eux aucun carac- tère spécial qui les distingue, il n’en est pas tout-à-fait de (1) Vergl. Gramm. & 507. 308 MÉMOIRES même du subjonctif. Ce mode a, dans les verbes en pu, la même forme que dans les verbes en ©. En perdant, à la pre- mière personne du singulier, la finale personnelle, il a pris la voyelle qui termine ceux-ci, et il a conservé cette voyelle à tous les temps, la modifiant de la même manière suivant les personnes, c’est-à-dire, gardant le son de o devant les consonnes w et v, le changeant en celui de e devant les au- tres lettres. Ce qui caractérise le subjonctif , c’est l’allonge- ment de ce son, lo étant remplacé partout par lo, et l’e par ln. C'est à une modification propre au mode, et qui sert à le distinguer d’une manière précise et constante. Peut-on lui assigner une origine et une signification pre- mière analogues avec l’idée de subjonetif ? — Je ne le crois pas. Le sanserit n’a pas de subjonctif proprement dit; la signification de ce mode aussi bien que celle de loptatif sont comprises parmi les significations diverses d’un mode parüeulier, auquel on a donné le nom de potentiel (4). Pour- tant on rencontre quelquefois dans le dialecte des Védas, une forme que Lassen identifie avec le subjonetif grec, et nous offre un allongement semblable de la voyelle de l'indi- auf : pat-a-lù (cadit ); pat-â-hi (cadat_) (2). I faut nous borner, du moins jusqu'à présent, à constater cette analogie. Nous nous étendrons davantage sur l'optatif, le seul mode dont l'expression soit bien nette et bien caractérisée. Re- marquons d’abord que lo et l’« réunis par M. Kühner à lt suivant pour représenter les voyelles modales propres à loptatif, n’appartiennent pas plus à ce mode qu'aux précé- dents, et ne sont encore là que de simples voyelles de liai- son. En revanche, si M. Kühner a introduit dans la figura- (1) Vergl. Gramm. Ç 672. (2) Ibid. K 713. anus té" “t DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 309 tion de l’optatif des éléments étrangers, il lui a retiré , avec d’autres grammairiens du reste, une voyelle qui lui appar- tenait, et cela, faute d’avoir cherché d’abord l'expression du mode là où elle devait s'être le mieux conservée, dans les verbes en u.. L’optatif du verbe en w: nous offre, entre la racine et Ja finale v, les deux lettres ên (rube-én-v, dido-in-v ), qui sont les véritables voyelles modales de l’optatif. C’est ce que prouve évidemment la comparaison du grec et du sans- crit. Le potentiel sanserit, auquel se rattache l’optauf grec, comme nous l’avons remarqué tout à l'heure, est caracté- risé, dans la conjugaison à laquelle répond la conjugaison grecque en y, par la syllabe yd , placée avant la finale per- sonnelle (vid-yâ-m, sciam; s-yâ-m, scim ) (A). Cette syl- labe, par une très-légère modification, est devenue en grec {n, le son de 6 remplaçant quelquefois celui de 4, comme dans iorau, venant de tistämi {2). Suivons les diverses modifications de cette syllabe dans les verbes grecs. Nous la voyons tout entière à Foptatif du verbe passif, dont la formation est partout analogue à celle des verbes en ui(£änv, Eünv, e-én-v, Rube-in-v), Remarquons en passant que li forme toujours diphthongue avec la voyelle précédente, qui est abrégée, si elle n’est pas brève de sa nature; le partage des syllabes se fait donc ainsi, Oei-nv, dudot-nv. La figurative é1 se retrouve encore dans la forme attique des verbes contractes, dno#n-v, ruuao-n-v (ruénv ); mais ln est supprimé, même dans les verbes en we, à l’op- tatif moyen : +ue-i-unv, dido-i-unv, sans doute à cause de la longueur de la finale personnelle (5). C'est pour la même raison qu'à l'actif, la forme abrégée du pluriel +10e-ï-uev, Le (1) Ibid. $ 672. (2) Ibid. K 4. (3) Le sanscrit offre au moyen la même suppression s’expliquant par la même cause. Vergl. Gramm. Ç 673. 310 MÉMOIRES rôe-i-re, est plns usitée que la forme complète, ruêe-in-uev, rie-in-re. Du reste, le moyen et l'actif ont gardé l’un et l’autre des traces de cette suppression; elle est marquée par l’ac- cent circonflexe ( ufeïo, rubeïuev ). Toute trace au contraire a disparu dans la forme usuelle de la conjugaison en w; nous n’y retrouvons que l':, sans aucune compensation (ASo- “ut, un -i-pnv , Xÿo-1- o). On pour- rait croire que la suppression de Fa est encore ici motivée par la longueur de la finale personnelle, même pour l'actif (do-u-ur ), mais il est plus probable qu'elle a son origine dans la conjugaison sanscrite qui correspond : à la conjugaison grecque en w, puisque dans cette conjugaison , l’é se trouve supprimé comme ln en grec (4). Cette explication se trouve confirmée par un fait pris dans l’histoire même de la langue grecque. Î existe une forme d’optatif en ow qui, bien que très-rare ( Matthiæ n’en donne que deux exemples, roépouv, apéprow, S 198, 2) 2), est peut-être la forme primitive, ou du moins normale, de l’optatif grec. La finale v est en effet celle qui est propre à la 1" personne de loptatif actif, aussi bien qu'à la 4" personne des temps secondaires (Ehuo-v, EXEkx-v ), temps auxquels correspond l’optatif, comme seconde forme du subjonetif. La finale pe n'a pu remplacer le v que par suite d’une confusion de formes. Or, puisque ln a disparu de la forme ow, il faut chercher l’expli- cation de cette suppression autre part que dans la longueur de la finale, et on la trouve dans la ressemblance des deux conjugaisons grecque et sanscrite. Les altérations des voyelles modales de loptatif ne s’arré- tent pas là. L' lui-même est supprimé dans les verbes en vu : daivuro { pour Jauwviro, éxdüpe ( pour éxduinuev) (3). L’n (1) Ibid. $S 683, 689. (2) Cf. Soph. Ajac. v. 334. Edit. F. Didot. : dou 1douy ve. (3) Nom. IL. 2, 665; »', 99. Cf. Plat. Phæd. p. 118, A. DE L'ACADÈMIE DES SCIEXCES. 311 seul est conservé à l'actif dans l’optatif gén (4). Les exemples de ces optatifs sont du reste assez rares , et l’on se sert plutôt pour ces verbes de la forme en ©, où reparait le (desxvio- ep, dexvuo--nv). Je ne parle pas de la souseripuon de Fe à l'optatif parfait des verbes contractes (peuvéuny ou peuvounv), non plus que de celle qui se rencontre aux verbes en do (ruudus où rénv); ce n’est pas là une véritable suppression. Pour compléter cet aperçu, je dois ajouter quelques mots sur une forme dont Bopp ne parle pas dans sa Grammaire comparative, et qui me semble pourtant se rattacher direc- tement au sanserit. C’est la forme ex, qui a été conservée chez les attiques sous le nom d’optatif éolien , et qui est certainement antique, puisqu'on en trouve des exemples dans Homère (2). Elle est usitée seulement à la 2° et à la 3° personne du singulier (etxe, ee), et à la 3° du pluriel (euxv ); mais Grégoire de Corinthe dit que les Eoliens l’em- ployaient aussi à la 1° personne (ex) (3). Je serais porté à croire que cette forme a subsisté originairement à côté de celle en énv, ayant perdu la finale personnelle, mais ayant conservé le son de l’x, et modifié par suite le son de la voyelle précédente : Aoe-1#, au lieu de Xjca-x. I] faut remar- quer que l’& final a été abrégé comme dans le nominatif éolien de la 47e déclinaison ; vepelnyéoerx, pour vepelnyepérnc. Si ces dernières conjectures sont vraies , les diverses formes de l’optatif gree nous offriraient dans leur ensemble une re- production exacte du potentiel sanserit. Quoi qu'il en soit, il n'ya et il ne peut y avoir aucun doute au sujet de l’origine de la forme nv. Il nous reste maintenant une dernière question : d’où vient (1) Theocr. Id. xv, 94. (2) Hom. Il. ;”, 53. (3) Gregor. Corinth. de Dial. œol. 6 xxvr, p. 604, Ed. Schæfer. 312 MÉMOIRES elle-même la forme du potentiel sanserit, et quelle en est la signification première ? On la retrouve au futur pour exprimer l’idée de temps, avec cette seule différence qu'au futur lé n'est allongé qu’à la 4" personne ( dä-s-yâ-mi, je donnerai ; dâ-s-ya-si, ete.) Bopp (4) pense que, pour le temps comme pour le mode, cette forme dérive de la racine { (désirer ), à laquelle s’est jointe dans la conjugaison la voyelle inorgani- que a , de sorte que le son fondamental est celui de li. Je préfère cette dérivation à celle qu'a proposée Wüllner, et qui rattacherait ya à la racine à ( aller ) (2). L’analogie vient en aide à l'explication de Bopp. Nous voyons en effet dans le grec moderne et en anglais, le futur et le conditionnel formés à l’aide d’un auxiliaire, qui exprime l’idée de la vo- lonté ou du désir : Vélo yeépe, J'écrirai; thou wilt have, tu auras; ñ0e)a yooe, j'écrirais ; thou wouldst have, tu aurais. C'est le même principe diversement appliqué par le génie différent des langues synthétiques et des langues analyu- ques , dont les dernières séparent les éléments des mots que les autres réunissent. Quant à déterminer le point de vue d’où a pu résulter l'emploi du même signe pour le temps et pour le mode, le futur et le potentiel, la raison pour laquelle ce signe a été modifié en passant de l’un à l’autre, le rapport qui peut exister entre cette modification et l'allongement de la voyelle au subjoneuf du sanserit et du grec, ce sont Rà des questions difficiles , sur lesquelles on ne peut encore émettre que de vagues conjectures , et qui d’ailleurs dépassent le but que je me suis proposé. Je termine en résumant rapidement les résultats de ces recherches que je me suis efforcé d’abréger, bien que je (1) Vergl. Gramm. & 670. (2) Ursprung der sprachlichen Formen K 46, 47. CPE ET DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 313 craigne d’en avoir encore trop longtemps occupé l'attention de l’Académie. | Les voyelles qui précèdent immédiatement la finale per- sonnelle à l'indicatif et à l'impératif des verbes en w, ne sont point des voyelles modales; et, qu’elles aient eu pri- mitivement un sens ou qu’elles soient de simples voyelles de liaison, elles n’expriment même pas indirectement l'idée de mode. Ces deux modes se distinguent du subjonctüf et de l'optatif par l'absence même de signe modal, et ils sont la plupart du temps distingués l'un de l'autre par des différen- ces accidentelles , soit dans la finale personnelle, soit dans le caractère temporel, soit enfin dans la voyelle de liaison. Ce qui caractérise le subjonctif dans tous les verbes , c’est l'allongement de la voyelle qui précède la finale personnelle, allongement qui se retrouve en sanscrit dans un dialecte par- ticulier, mais dont l’origine et le sens semblent échapper à toute explication. L'optatif est le seul mode qui ait un signe modal parfai- tement distinet. [l est formé de voyelles n, que l’on rencontre au présent et à l’'aoriste actif des verbes en px, ainsi qu'à l’aoriste passif des verbes en w. L'n est supprimé à la voix moyenne des verbes en pu, et à tous les temps des verbes en & autres que l’aoriste passif; enfin le lui-même disparaît dans les verbes en uw. Le signe modal se retrouve encore probablement, avec une très-légère différence, dans la ter- minaison 14 de l’optatif éolien, qui a perdu sa finale per- sonnelle. Les figuratives grecques £a ou se rattachent au sanserit y4, signe du potentiel, qui, parmi ses divers emplois, comprend ceux du subjonctif et de loptatif grecs. Quant à l'origine de yd, on doit la voir dans la racine verbale & (désirer), de sorte que le nom du mode grec, par une Cir- constance du reste fortuite , serait tout-à-fait en rapport avec le sens primitif du signe modal. 31% MÉMOIRES Fels sont les résultats que donne pour la langue grecque, sur la question des voyelles modales, l'étude de la grammaire comparée. Je n’ai guère fait que rapprocher des faits déjà connus, et indiquer les conclusions qui en sortaient natu- rellement. Pourtant, comme on a pu le voir par les exem- ples que j'ai cités, il devenait peut-être nécessaire de pré- ciser ces notions , et de réduire en même temps à sa juste valeur l'importance qu’on leur à donnée dans la gram- maire grecque. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 315 NOTE SUR LA PRÉCESSION DE L’AXE INSTANTANÉ DANS LE MOUVE- MENT D'UN CORPS SOLIDE AUTOUR D'UN POINT FIXE; Par M. ST-GUILHEM. Lorsqu'un corps solide se meut autour d’un point fixe sans être sollicité par aucune force, on sait que l'axe du moment résultant des quantités de mouvement a une gran- deur et une direction constantes dans l’espace; on l'appelle par ce moûif l'axe invariable; le plan perpendiculaire à l’axe invariable mené par le point fixe est le plan invariable; si Fon mène par le point fixe un plan perpendiculaire à laxe instantané, l'angle que la trace de ce plan sur le plan imva- riable fait avec une droite fixe située sur ce dernier plan est ce que M. Poinsot appelle la précession de l’axe instantané. Cette note a pour objet de montrer qu'on peut, à une époque quelconque, déterminer d’une manière très-facile, sans aucune intégration, la précession de l’axe instantané, lorsque lon connait les composantes de la vitesse angulaire du corps autour des trois axes principaux de ce corps à la même époque. Nous avons démontré dans notre mémoire de l’année dernière, par des considérations géométriques extrêmement simples, ce théorème remarquable qui n'avait pas encore été énoncé : Lorsqu'un corps solide tourne autour d'un point fixe, quelles que soient les forces qui le sollicitent, l'axe du moment résultant des forces centripètes à une époque quel- conque est représenté en grandeur et en direction par la vilesse de l'extrémité de l'axe du moment résultant des quantités de mouvement. 316 MÉMOIRES Ce théorème, appliqué au cas actuel où le corps n’est solli- cité par aucune force , nous montre que l’axe du moment ré- sultant des forces centripètes est perpendiculaire à à l'axe inva- riable et à l'axe instantané ; qu'il est par conséquent situé à l'intersection du plan invariable et d’un plan perpendiculaire à l'axe instantané; donc l'angle que l'axe du moment résul- tant des forces centripètes fait avec la position initiale de cet axe, est la mesure de la précession de l’axe instantané. Ainsi, si l'on appelle À, B, C les trois moments d'inertie relaufs aux trois axes principaux du corps; p, g, r les com- posantes de la vitesse angulaire autour des mêmes axes au bout du temps #; ps, 46, ro les valeurs initiales de p, UT Y la précession de l’axe instantané au bout du même temps #; on aura,eu égard aux valeurs des projections de l’axe du mo- ment résultant des forces centripètes sur les axes principaux, (C—B}qoroqr+(A—C}rporp+(B — AY PERREN à G,G expression dans laquelle on désigne par G le radical E—By gr +(A—C}rp+(B— A)?" et par G, ce que devient G lorsqu'on y remplace p, g, r respectivement par Po» Yo lo- Observons que la quantité G peut s’écrire sous la forme CPP Cp + +0) OP FPE Cr done si l’on appelle Q la vitesse angulaire au bout du temps £; Q, la vitesse angulaire initiale ; K l’axe du moment résultant des quantités de mouvement; H la somme des forces vives (on sait que K et H sont des quantités constantes ) on aura (C—BYgrogr+ (AC) rporp+(B—AYpogopg . V(K:02—H:)(K:02, —He) ; la quantité Y représente évidemment ce que nous avons appelé l’année dernière la distance méridienne de l'axe ins- tantané. COST — COSU—= DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 317 BULLETIN DES MOIS D'AVRIL ET DE MAI. M. Lever lit la première partie d’un Mémoire ayant pour titre : Notice géologique sur Toulouse et ses environs. M. Noucer , au nom d’une Commission, fait un rapport fa- vorable sur un ouvrage de M. Lartet , intitulé : Notice sur la colline de Sansan. Ce rapport, qui conclut à ce que M. Lartet soit nommé Correspondant, comme il en a fait la demande, a - été adopté , et dans sa prochaine séance l'Académie procédera à cette nomination. M. Jorx communique à l'Académie, au nom de M. le Doc- teur Laforgue et du sien , quelques détails relatifs à un enfant pseudencéphale , né récemment à Toulouse ; il annonce qu'il se propose d'étudier avec soin ce genre de monstruosité dont l'histoire offre des lacunes importantes. M. Dusor lit un Mémoire intitulé : Observations sur l'exis- tence du livre ancien des Coutumes de Toulouse. Imprimé dans la livraison. L'Académie procède à la nomination d’un Associé corres- pondant. M. Lartet, Avocat à Seissan (Gers), ayant obtenu , au scrutin seeret , le nombre de suffrages requis , M. le Président l’a proclamé Associé correspondant pour la classe des Sciences {section d'Histoire naturelle). M. Raymond Cahuzac , d’Avignonet ( Haute-Garonne) , soumet à l'Académie un modèle de cadran équinoxial à équa- tion de temps qu’il a construit , en 1802 , sous la direction 4° S, — TOME 1. 22 Séance du 3 avril, 10 avril, 1° mai. 318 MÉMOIRES de M. de Lastouzeilles , qui en a accompagné l'envoi d’un mémoire de sa composition. Une Commission composée de MM. Petit, Saint-Guilhem , Molins , a été nommée pour faire un rapport sur le modèle de cadran et sur le mémoire. M. Perir fait, au nom d’une Commission , un rapport très- favorable sur le Pétrin mécanique inventé par M. Cardailhac. L'Académie , en approuvant ce rapport et ses conclusions , délibère de l'imprimer dans ses Mémoires. Ce Rapport a été imprimé. M. Viry, au nom d’une Commission , fait un rapport sur le plan en relief des Pyrénées de la Haute-Garonne , exécuté par M. Lezat ; il s'exprime en ces termes : « L'Académie, appréciant toute l'importance des travaux en- trepris par M. Lezat , et signalés dans la note de M. Leymerie , a décidé qu’uneCommission, composée de MM. Petit, Brassinne, Molins et Leymerie, serait chargée de les examiner. Cette Com- mission, à laquelle s'étaient réunis M. le Président et M. le Directeur, s’est rendue chez M. Lezat. Elle a examiné le travail de ce géomètre et entendu ses explications. Elle déclare qu'elle n’a rien à ajouter à la note communiquée par M. Leymerie , note dont elle accepte la responsabilité et qui doit être consi- dérée comme un rapport que la Commission soumet à l'appro- bation de l'Académie , en lui proposant de s’associer aux vœux exprimés par M. Leymerie, pour que le Conseil général et l’Ad- ministration supérieure accordent des encouragements à l'œuvre remarquable de M. Lezat. M. Lavocar communique à l’Académie la première partie d'un Mémoire relatif aux fonctions de la rate. M. Gascneau donne lecture d’une Note sur le mouvement d'un corps autour d'un point fire. M. Jocy présente à l’Académie une momie américaine par- faitement conservée, et lira à la prochaine séance le Mémoire qu'il a composé à ce sujet. Imprimé. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 319 L'Académie procède à la nomination d’une place d’Associé correspondant. M. Hippolyte Crozes, ancien magistrat , domi- cilié à Albi (Tarn), ayant obtenu au scrutin le nombre des suffrages requis , a été proclamé Correspondant dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. M. Peyras , Professeur à Revel , envoie un Mémoire à l’Aca- démie, qui est confié à une Commission, composée de MM. Bras- sinne , Molins , Saint-Guilhem. M. Armieux, Aide-major au 12° léger à Rhodez, et M. Faure, Docteur en médecine à Quillan , adressent leurs ouvrages à l’Académie, avec la demande du titre d’Associé correspondant. L'Académie a nommé deux Commissions, composées : 1° Pour l'ouvrage de M. Armieux , de MM. Leymerie , D. Ber- nard , Joly ; 2° Pour le Mémoire de M. Faure, de MM. Gaussail, D. Ber- nard , Noulet. M. Jocy lit une Notice sur une momie humaine , trouvée dans la Nouvelle-Grenade. Imprimé. M. Barry fournit quelques renseignements sur la découverte, de 20,000 deniers romains d'argent de l'époque des Sévère , qui a été faite au pied du Rempart Romain de la ville de Nimes. Au nom d’une Commission , M. Perir fait un rapport favo- rable sur un cadran solaire exécuté, en 1802, par M. Raymond Cahuzac, sous la direction de M. Lastouzeilles : conformément à ses conclusions, l’Académie vote des remerciments à M. Raymond Cahuzac. M. Petit donne communication de la réponse qu'il a adressée à l’Académie des Sciences de Paris , pour réfuter certaines cri- tiques de M. Leverrier sur ses travaux relatifs aux bolides. M. le Maire de Toulouse écrit à l’Académie pour l'informer de l’état de dépérissement des arbres dans les promenades éclai- rées par le gaz , et la prier de vouloir s'occuper de rechercher les causes de ce dépérissement. Cette question a été renvoyée à 8 mai, 15 mai. 22 Mai. 28 mai. 320 MÉMOIRES une Commission composée de MM. Moquin-Tandon, Noulet , Filhol , Joly, Couseran. M. Virry donne quelques explications sur un chat desséché qu’il met sous les yeux de l’Académie , et qui a été découvert près de l'hôtel qu’elle occupe. M. Pgrrr fait la lecture d’une lettre de M. le Curé d'Escal- quens , qui lui annonce la chute d’une pierre dans le jardin de son presbytère. M. Petit a invité M. le Curé d'Escalquens à lui faire parvenir cette pierre. M. Hawec donne lecture d’un Mémoire intitulé, De la signi- fication et de l'origine des voyelles modales dans la langue grecque. Imprimé dans la livraison. M. Larrey donne lecture d’une lettre écrite à M. Petit, par M. Chaussat, Chancelier-gérant du consulat de France à Palma (Majorque) , relative à un tremblement de terre ressenti dans cette ville, le 15 mai 1851. L'Académie invite M. Petit à de- mander à M. Chaussat de plus amples renseignements. M. Basse lit un Mémoireintitalé, Ænalopie de l'algèbre et du calcul intégral, déduite de la résolution des équations algébriques de premier degré à plusieurs inconnues. Imprimé dans la livraison. M. Barry communique, en la commentant, une inscription votive découverte ou calquée récemment dans la Haute-Egypte. Cette inscription, relative à l'empereur Claude , a été dédiée en l’an 48 de notre ère , par les deux légions nr et xxir , can- tonnées alors dans la Haute-Egypte , et porte le nom de C7. Virgilius Capito, alors gouverneur ou præféctus de la pro- vince. Imprimé. M. Moquix-Tanpon fait une communication verbale relative à l’organisation des tentacules chez les gastéropodes fluviatiles. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 321 CONSIDÉRATIONS ET EXPÉRIENCES SUR LES FONCTIONS DE LA RATE, Par M. A. LAVOCAT, Membre résidant, Le sujet de ce Mémoire est un des points les plus contro- versés de la science physiologique , un de ceux sur lesquels se sont produites les opinions les plus nombreuses , les hypothèses les plus dissidentes. Aussi Haller dit-il, à propos de la rate : In meras hic conjecturas demergimur, et obscuriores quam ferè in alio viscere. C'est, du reste, un fait constant, presque naturel, que moins un sujet est connu , plus les théories abondent ; de telle sorte que leur nombre est, pour ainsi dire , la mesure de l’obscurité du problème : tant il est vrai que l'esprit humain , dans son impatience de savoir, lutte sans cesse contre les difficultés qu'il rencontre. Toujours il cherche, jusqu’à ce qu'il ait conquis le mot de l'énigme qui semblait d’abord lui devoir être interdit. Cependant, si nous sommes plus avancés aujourd'hui que du temps de Haller, sur les fonctions de la rate, la vérité n’est pas encore entièrement dévoilée. C'est pour concourir à ce but , que j'ai entrepris des recher- ches, des expériences, ainsi que l'appréciation raisonnée, non pas de toutes , mais des principales opinions émises, En consé- quence, je me propose dans ce travail de passer en revue les diverses théories des auteurs , de combattre celles qui paraissent erronées , et d'exposer le résultat de mes propres observations. &°S.— TOME 1. 23 Existence. Nombre. Forme. Volume. Position. Couleur. Consistance. Élasticité. Structure. 329 MÉMOIRES C'est ainsi que j'essaierai d'apporter quelque lumière sur ce terrain semé d’hypothèses. Avant d'aborder la question purement physiologique, il est, je crois, nécessaire d'exposer sommairement les notions ana- tomiques qui sont la base des différentes théories et du contrôle qu’elles doivent subir. La rate est un organe que l’on rencontre chez tous les ani- maux vertébrés. Elle existe même dans les lamprotes et les myæinoïdes , où elle a été longtemps méconnue. Elle est généralement unique ; la multiplicité est anormale ou exceptionnelle, même chez les dauphins. Elle affecte des formes très-variées , mais cette diversité est sans importance physiologique. Son volume , très-variable , est généralement proportionné à celui du foie. Il est plus considérable chez les mammufères et les poissons que dans les oiseaux et les reptiles ; plus dé- veloppé aussi chez les carnivores que dans les herbivores , selon Dugès ; mais cette règle n'est pas absolue. La rate est généralement annexée au côté gauche de l’esto- mac, dans les mammiféres ; située près de l'estomac glandu- leux, dans les oiseaux ; mais plus rapprochée du commentce- ment de l'intestin , chez les reptiles et les poissons. Sa couleur, généralement rouge , présente diverses teintes , sans aucune importance fonctionnelle. Son tissu, tantôt ferme , tantôt mou, paraît avoir une con- sistance en rapport avec l'énergie des animaux et la rapidité de leurs mouvements. C’est ainsi que la rate est molle chez le bœuf et le mouton; résistante au contraire dans la chèvre, le cheval , le chien , etc. La rate est très-élastique ; l’extensibilité et la rétractilité de son tissu sont faciles à démontrer, soit par les injections , soit par l'insufflation. L'enveloppe spéciale de la rate fournit par sa face profonde DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 323 une foule de filaments et de lamelles qui s'entrecroisent , cloi- sonnent l’intérieur de l'organe, et produisent des mailles analo- gues aux cavités d'une éponge. Cette disposition ne s’observe jamais mieux que si on fait dessécher la rate après l'avoir in- sufilée. Formés de tissu fibreux jaune , éminemment extensi- ble, cette enveloppe et ses prolongements intérieurs constituent l'élément élastique du viscère. C'est à la surface et dans l'épaisseur de l'enveloppe et de ses lamelles profondes , nommées trabécules , que depuis Malpighi plusieurs anatomistes, et tout récemment Kolliker dans la Cyclo- pédie anglaise , ont indiqué l’existence de fbres-cellules mus- culaires. Ces indications s'accordent avec les observations de contractilité de la rate, sous l’influence de certains agents , tels que la strychnine et le sulfate de quinine ; elles sont appuyées aussi par les expériences de la Société de Biologie, relative- ment aux contractions de la rate provoquées par le fluide élec- ‘ tro-magnétique..…. Malgré ces autorités , les fibres musculaires de la rate ne sont pas hors de toute contestation. C’est, du reste , une particu- larité peu importante au but que je me propose. Mais il est un autre point de la structure intime de la rate qui mérite plus d'attention. Ce sont les corpuscules de Mal- pighi. Ces petites granulations très-étudiées depuis un siècle et demi chez les animaux mammifères , et surtout dans les herbivores où elles sont plus visibles (1), ont été longtemps niées chez l’homme où elles sont petites et difficiles à cons- tater (2). Aujourd'hui elles sont admises , surtout d'après les recherches des auteurs allemands ct anglais , non-seulement chez tous les mammifères , mais encore dans les autres classes de vertébrés, excepté les poissons , où on n'a pu encore les apercevoir (3). (1) Malpighi, Ruysch , Delassonne , Haller, Rudolphi, Meckel, Home, Dupuytren , Tiedemann et Gmelin, Duvernoy, Henle, Bourgery, Beau. (2) Bichat, Cruveilhier. (3) Müller, Bardeleben, Hessling, Ecker, Æsterlen, Sanders , Kolliker, Charpenta fibreuse. Fibres musculaires, Corpuscules de Malpighi. Connexions vasculaires. Physiologie. Appréciations générales. 32h MÉMOIRES La nature de ces corpuscules à été diversement appréciée : Malpighi voyait en eux des follicules ; Ruysch, des granu- lations vasculaires ; ÆZaller leur refusait la nature glanduleuse ; et plus tard , ils furent considérés comme de simples nodosités constituées par l'entrecroisement des filaments fibreux qui exis- tent dans le tissu de la rate. Aujourd’hui on les regarde, sur- tout en Allemagne , comme de petits sacs, sorte de vésicules groupées autour des artérioles, — éprouvant ou non la déhis- cence , — agissant sur le fluide sanguin à peu près comme les grains élémentaires des glandes , — sécrétant ou non un fluide particulier, — et laissant, comme résidu , ce qu’on appelle la boue splénique. N'y a-til pas beaucoup d’illusion dans ces dé- tails de fine anatomie et dans les déductions qu’on a cru pou- voir en tirer? C'est à la physiologie qu’il appartient de résoudre cette question. Enfin , il faut encore envisager la rate sous un autre rap- port : je veux parler de ses connexions vasculaires: La rate est constamment traversée par une grande quantité de sang qui lui est apporté par une grosse artère , l’une des branches du tronc cœliaque, lequel se divise, en outre, au foie et à l'estomac ; quant à la veine de la rate, c’est un large canal qui se dégorge dans le foie, par l'intermédiaire de la veine porte. Dans plusieurs animaux, mais non chez tous, celte veine splénique recoit les veines épiploïques gauches de l'estomac. On a bien cherché aussi , pour étayer quelques idées physio- logiques , à faire valoir les connexions vasculaires de la rate avec le pancréas. Mais ces connexions ne sont réelles que dans certains mammifères et dans les reptiles ; elles n'existent pas chez les ruminants , les oiseaux , ni les poissons : elles ne sauraient donc servir de base solide à une théorie générale. IE Je passe maintenant à la partie physiologique de ce Mémoire ; et, à ce sujet , je crois utile de jeter un coup d'œil rapide sur les influences qui ont successivement modifié la marche de la DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 395 science relativement au point que j'ai à étudier. Loin de moi l'intention de faire ici, sous le rapport historique ou chrono- logique , un exposé complet des opinions qui se sont saccédé : ce serait de l’érudition au moins superflue. Ce que je me pro- pose, c’est simplement d'apprécier d’une manière très-géné- rale les causes qui ont dominé la question , et d'indiquer pour ainsi dire la raison d’être des principales théories qui se ratta- chent à des idées préconçues. Comme toutes les sciences naturelles , la physiologie a besoin de s'appuyer sur l'expérieuce et l'observation ; el cependant , plus que toute autre peut-être , elle a subi les funestes tenta- tives de l'imagination. La question dont je m'occupe , en est une preuve. Que de conjectures brillantes, mais contradictoires ont été avancées ! L'erreur, entraînée par la vivacité de l'esprit, séduite par la rapidité des résultats , semble repousser les sages lenteurs - de l'expérience , pour se livrer à de spécieuses hypothèses. Voilà pourquoi il est arrivé trop souvent que la physiologie, au lieu de suivre une marche progressive , est restée stationnaire ou même a rétrogradé. Dans le principe , alors que l'ignorance et la superstition se contentaient des causes occultes , la physiologie se trouvait dans des circonstances qui lui permettaient à peine d'exister. Un peu plus tard, l’école dogmatique s'applique à confondre les sciences naturelles avec la philosophie scolastique. Elle dé- truit ainsi, au moins pour un certain temps, ce que le génie observateur d'Hippocrate et d’Aristote avait pu produire dans le but de dégager la médecine et de la rendre plus utile au genre humain. Mais les objets matériels , dont s'occupent l’a- natomie et la physiologie, avaient trop de réalité pour con- venir à des esprits habitués aux vagues subtilités du spiritua- lisme ; aussi , ne faut-il pas s'étonner de ce que les disciples &e Platon admettent , d’après la parole du maître , que : /a rate sert à modérer les mouvements irréguliers de l'âme. Plus tard encore, la médecine et la physiologie sont rame- nées dans leur voie naturelle par la puissante impulsion de Idées anciennes. 326 MÉMOIRES Galien. Mais sacrifiant bientôt à la théorie des quatre éléments, ce grand esprit donne carrière aux bizarres hypothèses de l’hu- morisme naissant; c’est ainsi que, pour lui ct son école : Le foie extrait, des matières alimentaires, deux substances impures et excrémentitielles : lune légère et jaune, qui est la bile , se rend dans la vésicule hépathique ; Pautre , épaisse et limo- neuse , ou l'atrabile, va dans la rate qui a la faculté d'at- tirer à elle, comme une éponge , tous les sucs mélancoliques. Après le naufrage scientifique du moyen âge, les débris épars des œuvres des anciens furent en grande partie dénaturés par des traductions infidèles ; et, malgré les quelques tentatives des Arabes pour observer la nature, la physiologie ne fit pas de progrès entre leurs mains. Mais, au berceau de la renaissance, nous retrouvons la lumière et la vérité. Dès lors, la physiologie va pouvoir s'ap- puyer sur les nombreuses découvertes de l'anatomie et sur des expérimentations multipliées : ses progrès seront toujours crois- sants ; mais ils doivent être souvent interrompus, à différentes époques et par diverses influences. D'abord ce sont de célèbres systèmes , tels que l’animaisme de Stahl, le matérialisme ou le mécanisme de Boerhave; puis viennent la chimie | lélectro- magnélisme , branches scientifiques qui, prenant à leur tour un essor nouveau, prétendent, dans l'enthousiasme des premiers moments, suffire à tout et pouvoir tout expliquer. Enfin, ce sont de prétendus novateurs qui retournent aux théories anciennes, où qui, méconnaissant les faits acquis par l'observation directe, s’abandonnent trop facilement, soit aux illusions du microscope, soit aux caprices de leur imagination. C’est ainsi que la physiologie, malgré les obstacles, traverse les trois derniers siècles, et arrive jusqu'à nous, tantôt lente- ment, ilest vrai, mais parfois aussi à pas de géant , grâce au génie et aux efforts de Vésale, Harvey , Haller , etc. Bien que très-restreintes , les considérations qui précèdent pourront faire apprécier les diverses influences qui, à diffé- rentes époques et Jusqu'à présent, ont eu une certaine action sur les idées relatives aux fonctions de la rate. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 327 Parmi les opinions émises , il en est qui , par leur singulière bizarrerie , échappent à toute espèce de discussion ; pour les éliminer définitivement , il suffira de les énoncer. Voici les plus curienses : La rate serait le réservoir des humidités superflues, — ou bien de l’atrabile; — le siége de la mélancolie ou du rire et dela gaîté ; — le siége du sommeil et des rêves ; — le régulateur des mouvements de l'âme; — le siége de l'âme sensitive ; — un organe servant à l'équilibre du corps ( ad libramentum cor- poris }, e’est-à-dire , à faire contrepoids du côté gauche au foie qui pèse trop à droite : — ou bien le siége de la faculté généra- trice ; — un organe servant à entretenir la température de l'estomac pour faciliter la coction des aliments. Cette opinion ancienne a été reproduite de nos jours en Angleterre (1). — Ou bien encore , la rate serait un organe sécréteur produisant le suc gastrique, — ou la synovie, — le fluide spermatique, — ou même le cérumen des oreilles ! — Ou une glande sécrétant une humeur destinée, soit à nourrir les nerfs, soit à tempérer l’alcali du chyle ou de la bile (2). Enfin , la rate a encore été considérée comme un ganglion nerveux, sorte de cerveau abdominal ; — ou commeun viscère destiné à développer la chaleur du sang, — ou bien à désoxy- géner ce fluide, ou encore à composer ses éléments, et, suivant d’autres, à les décomposer. Us Les théories dont j'ai maintenant à m'occuper , constituent la partie essentielle de ce travail ; ce sont les plus saïllantes parmi (1) Par Carlisle, président du collége royal de chirurgie de Londres ; ce qui a fourni à ses confrères l’occasion de s’égayer à ses dépens, dans £he Medico-chirurgical review. (2) A ces hypothèses de sécrétion se rattachent les nombreux efforts qui furent faits, au 17° siècle, pour trouver à la rate un canal excréteur, comme venaient d’en découvrir Stenon et Warthon pour les glandes sali- vaires, et Wirsung pour le pancréas. A cet égard , le désir était si grand que l’on crut voir des conduits excréleurs se rendant de la rate à l'estomac, ou dans le duodénum, et même dans le rectum. Opinions inadmissibles Préparation de la bile. 328 MÉMOIRES celles qui se sont produites anciennement ou récemment , sous différents points de vue, mais toutes plus ou moins basées sur l'organisation de la rate, — sur les connexions vasculaires de cet organe avec le foie, l'estomac ou le système veineux abdo- minal, — ou encore avec l'appareil des vaisseaux Iymphatiques et chylifères. Relativement aux rapports fonctionnels de la rate avec le foie , il faut d'abord examiner cette première question : La rate Journit-elle au foie les éléments de la bile ? Beaucoup d’au- teurs , depuis Malpighi , Haller et Sæmmering, ont partagé cette opinion, mais sans démonstration sérieuse; en effet , est-ce , comme on l’a dit, parce que le sang qui sort de la rate, pour se rendre au foie, est plus noir, plus épais et plus huileux que partout ailleurs? D'autres affirment au contraire que ce sang est plus aqueux, moins fibrineux , ete. — Les mêmes contradictions se rencontrent parmi ceux qui invoquent les résultats de l’abla- tion de la rate : les uns ont observé que la bile était diminuée ou même supprimée; d’autres ont remarqué qu’elle était plus abondante. Dapuytren croit que la bile devient alors plus épaisse et sédimenteuse ; Mayer affirme qu'elle est plus aqueuse et plus claire... En outre, à l'opinion mal assise de ces auteurs, on peut opposer d'autres autorités non moins recommandables qui ont admis, à la suite d'observations réitérées, que le sang de la rate n'avait pas d'action particulière sur la sécrétion de la bile. “elle fut du moins la maniere de voir de Harvey, Sténon, Bichat, Richerand, Tiedemann , Müller , etc. , etc. Ne sait-on pas d’ailleurs que la sécrétion de la bile existe chez beaucoup d'animaux invertébrés, qui cependant sont tous dépourvus de rate? Quant à mes propres expériences d’extir- pation de la rate, sur plusieurs chiens, elles m'ont démontré que rien de notable n'était changé, au bout de quinze à vingt jours, soit dans la quantité, soit dans la composition élémen- taire de la bile. Je crois donc pouvoir conclure que le sang de la rate n'est pas indispensable pour la sécrétion biliaire, à la- quelle il concourt cependant , mais sans spécialité ; tandis que DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 329 je ne saurais en dire autant de tout le sang que recoit la veine porte par les racines autres que la veine splénique. Tout récemment une nouvelle hypothèse s’est élevée : d’après quelques chimistes, il y aurait une certaine analogie entre la matière colorante du sang et celle de la bile ; et, dans certaines circonstances , le sang pourrait facilement passer du rouge au vert. D'un autre côté, d'après les expériences de M. J. Béclard , { sur lesquelles nous reviendrons plus loin, } les globules du sang seraient dissous dans la rate et ramenés à l’état d’albu- mine (1). Quant à la matière colorante de ces globules , elle serait convertie, dans le foie, en matière colorante de la bile. C'est une des idées émises par M. Bérard, dans son nouvel ou- vrage de physiologie (2); mais, il faut le dire, elle est pré- sentée sous la forme qui lui couvient le mieux , celle du doute. LV. Voici maintenant une autre théorie relative aux connexions physiologiques de la rate et du foie. Fondée sur la structure corpusculaire et glanduleuse de la rate, ainsi que sur la quan- tité et la nature du sang que la veine splénique verse dans la veine porte , elle fait jouer à la rate un rôle important, ayant pour but de modifier la composition élémentaire du sang qui, du tube digestif, se rend au foie. Cette doctrine est intéressante en ce qu’elle se rattache d’a- bord aux opinions analogues primitivement exprimées par Tie- demann et Gmelin (3) et par M. Blondlot (4), ensuite aux idées nouvelles de M. Béclard sur les fonctions de la rate (5), (1) Archives générales de médecine, Lom. 18, 4° série (1848). 2) Cours de Physiologie, tom. 1, pag. 548 (Paris, 1850). y Ca Pas: °4 ? (3) Recherches sur la route que prennent diverses substances pour passer de l’estomac et de l'intestin dans le sang. (Traduction de Heller, 1821.) (4) Essai sur les fonctions du foïe (1846). (5) Loc. cit. Théorie de M. Beau. 330 MÉMOIRES et de MM. Mialhe et Bernard sur les transformations des subs- tances alimentaires (1). Dans un mémoire récemment publié (2), M. Beau, agrégé à la Faculté de médecine de Paris , expose les principes suivants : Le sang , qui de l'intestin se rend au foie, est toujours plus ou moins altéré par son mélange avec les produits de l'absorption digestive. Il faut qu'avant de pénétrer dans le foie, cette masse sanguine devienne homogène, et, pour cela , que les substances absorbées soient modifiées , et pour ainsi dire , assimilées. Cette puissance d’assimilation, qui est une des facultés inhérentes au sang en général , pour certaines substances , accomplit ses effets dans la veine porte. Mais il est nécessaire que la proportion de sang pur, contenu dans ce vaisseau, soit toujours supérieure aux matières absorbées, même après les grandes ingestions ali- mentaires. Tel serait le but pour lequel la rate préparerait cette grande quantité de sang que la veine splénique dégorge dans la veine porte. L'idée fondamentale de cette théorie, c’est-à-dire, lélabora- tion que doit subir le sang hétérogène de la veine porte avant d'entrer dans le foie, n’est pas aussi neuve qu’on le pourrait croire. Elle remonte à Galien (3), qui l’exprime très-simple- ment en ces termes : Venis , quæ ad ventriculum et universa intestina pertinent , inest facultas quædam , sanguins effec- trix , qué succum , qui ex cibis distribuitur venis, in san- guinem mutare naturale est, priusquäm ad hepar per- veniat. Cette manière de voir persista longtemps; elle ne fut aban- donnée qu'à l’époque de la découverte des lympbatiques. On sait qu'au commencement surtout , l'enthousiasme pour ces vaisseaux fut tel, qu'on leur attribua , à l'exclusion des veines, (1) Mémoire présenté à la Société biologique, le 21 octobre 1848. (Re- produit dans les Archives générales de médecine , tom. 18, 4° série, p.303 et suivantes (1848). (2) Archives générales de médecine (4. 20, 1851). (3) De usu partium…., pag. 138. (Apud Juntas, 1565.) DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 331 tous les phénomènes d'absorption ; alors aussi le foie fut déshé- rité de ses fonctions relatives à l'hématose, et, pour que la mort physiologique de ce viscère fut bien avérée, Bartholin se chargea de composer son épitaphe. Depuis une trentaine d'années, on est revenu à des idées favorables relativement au foie. On lui a restitué peu à peu ses anciennes fonctions , et même on lui en a accordé de plus im- portantes. Ce fut d’abord M. Magendie (1), qui attribua au foie le rôle de mélanger avec le sang les produits hétérogènes de la diges- tion , autres que le chyle, mais sans qu’il y ait cette assimila- tion qui fut ensuite admise par Tiedemann et Gmelin (2) , ainsi que par M. Blondlot (3). Plus récemment , M. Bernard (4) a posé en prineipe que les chylifères absorbent exclusivement les corps gras émulsionnés , tandis que les autres substances , telles que le glucose et l'albu- minose, sont portée dans le foie par les veines mésaraïques. Enfin , d'après M. Beau, les matières azotées qui viennent de l'absorption digestive, sont transformées en albuminose dans la veine porte, par l’action assimilatrice inhérente au sang de cette veine, et plus particulièrement à celui qu’elle recoit de la rate; puis, cette substance albuminoïde arrive dans le foie qui la transforme en fibrine. La veine porte serait donc un intermé- diaire au système digestif et au système vasculaire sanguin ; dans ce vaisseau s’accompliraient le dernier terme de la diges- tion et le premier degré de la sanguification. Pour juger cette théorie, au moins en ce qui concerne le rôle attribué à la rate, il faut examiner les principes qui ont été pris pour bases. Les voici rapidement exposés : La rate est pourvue d’un appareil sécréteur, constitué par les corpuscules de Malpighi ; — le produit sécrété, mêlé au sang qui traverse la rate, fait de ce fluide un sang veineux particu- lier; —en outre, comme l’a indiqué M. Béclard , les globules (1) Précis élémentaire de Physiologie, tom. 11, pag. 258 , 260 ( Paris, 1833). (2) (3) (4) Op. citat. 332 MÉMOIRES | sanguins sont détruits, ou plutôt dissous dans la rate et ra- menés à l’état d'albumine ; aussi le sang qui sort de la rate est-il peu coagulable , et à fibrine molle qui se liquéfie à Pair au lieu de se dessécher. C'est à ce sang ainsi modifié qu'est attribuée la puissance d’assimilation qui s’exercerait dans la veine porte sur les matières absorbées, afin de préparer , en quelque sorte, la matière inerte à devenir matière vivante. Avant d'aller plus loin, j'élèverai ici quelques doutes sur cette faculté d’assimilation si remarquable , attribuée au fluide san- guin qui sort de la rate. D'où lui vient cette propriété nouvelle? Est-ce bien parce qu'il est mélangé au suc splénique ; parce qu'il est altéré dans sa constitution, et non coagulable? Mais, au commencement de son mémoire, M. Beau établit que le pouvoir assimilateur appartient au sang en général, et que, dans la veine porte, le sang qui vient de la rate a pour effet d'aug- menter la proportion de sang pur nécessaire à l'assimilation. De deux choses l’une : le sang qui vient de la rate est altéré, ou bien il est pur ; S'il est altéré, l'assimilation dans la veine porte n’est pas ad- missible , et toute la théorie qui s’y rattache manque son but; Si, au contraire, ce sang est pur, les fonctions sécrétoires et dissolvantes de la rate ne sont pas justifiées, et la théorie pèche essentiellement par la base. Si cependant on voulait admettre le pouvoir assimilateur du sang splénique , il y aurait toujours à expliquer le genre d’ac- tion de ce fluide sur les produits azotés ou albumineux de la digestion ; el, pour y arriver, on ne saurait évidemment se contenter du produit sécrété par la rate, — ni de la fibrine in- coagulable, — ni de lalbumine provenant de la destruction des globules sanguins. D'ailleurs, à quoi attribuer cet état déliquescent de la fibrine? Est-ce à une proportion plus forte d’alcalis, ou à un ferment , comme disaient les anciens ; — à une plus grande quantité d'oxygène, ou à une sorte de diastase, comme disent les mo- dernes ? C’est ce que M. Beau n’explique pas. Il faudrait aussi que les théories de MM. Béclard et Bernard, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 333 que M. Beau croit pouvoir invoquer , fussent démontrées d'une manière incontestable. Mais, si M. Béclard admet que les glo- bules rouges du sang se détruisent dans la rate, on peut lui opposer l'opinion contradictoire de Hewson (1) et de M. Donné (2), qui prétendent, au contraire, que, dans la rate, les globules blancs du sang deviennent rouges. Quant à M. Bernard , les conclusions qu'il tire de ses expé- riences sont encore loin d'être positives. Je ne veux pas m'oc- cuper ici de sujets d'ailleurs étrangers à la question , et qui m'entraineraient trop loin, tels que la fabrication du sucre, attribuée au foie ; — ni de cette marche singulière de certaines substances, qui, absorbées dans l'estomac, et passant par le foie , reviendraient, par la veine cave et les veines rénales, dans les reins, d’où elles seraient éliminées ! Je ne rechercherai même pas si réellement les corps gras sont émulsionnés par le suc pancréatique , et si les chylifères ne peuvent absorber que la graisse ainsi modifiée. Je ferai simplement remarquer que, d’après M. Bernard , les matières azotées sont absorbées à létat d’albuminose , tandis que, selon M. Beau , cette albuminose se- rait produite dans la veire porte, principalement sous l’in- fluence du sang élaboré par la rate. D'un autre côté, je crois devoir opposer à la théorie de M. Beau une opinion plus simple et bien moins contestable, récemment exprimée par M. Bérard (3). D’après ce physiolo- giste, la masse de sang qui sort de la rate ne servirait qu’à di- minuer , dans la veine porte, la proportion relative des maté- riaux hétérogènes venant de l'estomac et de l'intestin. En outre, comment accorder les fonetions si compliquées et si importantes, attribuées à la rate par M. Beau, avec le peu de gravité des conséquences généralement observées à la suite de l'extirpation de ce viscère ? ünfin, M. Beau ne me paraît pas mieux fondé, lorsque, à (1) Experimental inquiries, pag. 107 (London, 1777 ) (2) De l’origine des globules du sang. (Institut, séance du 7 mars 1842.) (3) Cours de Physiologie, Lom. u, pag. 552 (Paris, 1850 ). 334 MÉMOIRES l'appui de sa théorie, il cite certaines dispositions anatomiques. D'abord , le grand volume de la veine splénique , relativement à celui de l'artère, serait, à son point de vue, la preuve du travail particulier qui s’accomplit dans la rate, et d’après le- quel la masse du sang versé dans la veine, serait supérieure à celle qui vient de l'artère correspondante. Cet argument ne sau- rait être admis, puisque le fait dont il est question , loin d’être une particularité, rentre dans la loi générale , d’après laquelle les veines doivent être nécessairement plus volumineuses ou plus nombreuses que les artères correspondantes, en raison surtout de la marche moins rapide du sang qui les parcourt. De plus, le grand volume de la veine splénique est expliqué, dans la plupart des animaux, comme chez l'homme, parce que ce vaisseau reçoit non-seulement le sang de la rate, mais encore celui d'une partie de l'estomac, de l'épiploon, ete. Poursuivant sa démonstration, M. Beau avance que le rôle du sang de la rate est encore prouvé par la manière dont les veines épiploïques gauches, émanant de l'estomac, viennent s'ouvrir dans la veine splénique, non par un seul tronc , mais par plusieurs branches placées de distance en distance; c’est afa que le sang hétérogène qui vient de l’estomac soit versé par portions dans la colonne du sang splénique et pour que les phénomènes d’assimilation soient ainsi favorisés. Cette manière de voir n’est pas plus acceptable que la pré- cédente. La disposition vasculaire dont il s'agit, n’est qu’une précaution circulatoire dont les exemples sont nombreux dans l'économie animale. — En thèse générale, mais non absolue, lorsque la circulation d'un organe est exposée à être embarras- sée par l'afflux physiologique des liquides nourriciers, le moyen d'évacuation, au lieu d’être unique , est multiple, pour faciliter le débouché et pour éviter ainsi la perturbation qui atteindrait les fonctions de l'organe , siége d’un engorgement Sanguin. — Ici, entre l’estomac et la veine splénique, au lieu d’une seule branche, il y a plusieurs rameaux veineux éche- lonnés à diverses hauteurs : c’est pour assurer l'écoulement des fluides qui viennent de l’estomac, c’est-à-dire, de ce sang vei- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 335 neux chargé des produits de l'absorption, quelquefois abon- dants, surtout après que des aliments et des boissons ont été pris en grande quantité. Sous un autre point de vue, il faut observer que cette même disposition à laquelle M. Beau attache sans doute une grande importance fonctionnelle, n'existe pas dans tous les animaux pourvus de rate. Ainsi, et pour ne parler que des mammifères, elle manque, elle est même impossible chez les ruminants, vu la grande distance qui existe entre l'estomac et la veine splé- nique. — En conséquence, la théorie de M. Beau , que les ob- jections précédemment soulevées ont pu ébranler, sinon ren- verser entièrement, rencontre, dans ces dernières considéra- tions, un nouvel obstacle qui, s'opposant à son application générale, l’a fait au moins mettre en doute, si, pour la physio- logie, comme pour les autres sciences , l'unité est le caractère de la vérité. Après la théorie de M. Beau, vient celle de Hewson (1), Théorie de MM. Tiedemann et Gmelin (2), etc. , admettant que la CHENE rate agit comme un ganglion lymphatique, et qu'elle verse dans le canal thoracique un fluide élaboré qui modifie le chyle et la lymphe , dans le but général de l'hématose. Cette opinion a déjà été réfutée par M. Bérard (3), qui a fait observer , avec juste raison , que la rate ne saurait être assimilée à un ganglion lymphatique, puisque, ne se trouvant pas sur le trajet des vaisseaux blancs, elle n'a pas d'afférents , et qu’elle ne peut conséquemment avoir d'effet sur le chyle que par la très-petite proportion de lymphe qu'elle verse, par ses vaisseaux efférents , dans le canal thoracique. Si cependant, pour soutenir la théorie de M. Tiedemann, on voulait considérer la rate comme une glande , il faudrait encore décider comment les lymphatiques font office de canaux excréteurs plutôt que les veines qui, selon d’autres physiologistes, (1) Experimental inquiries, pag. 107. (London, 1777.) (2) Op. cit. (3) Cours de Physiologie , tom. 11, pag. 781. 336 MÉMOIRES peuvent porter vers le foie les produits sécrétés, pour modifier la composition du sang , où pour assimiler les matériaux de l'absorption digestive, ou mème pour influencer la sécrétion de la bile. Enfin , si l’on cherchait à rattacher cette théorie à celle de M. Beau , il en résulterait que la rate aurait deux genres de canaux excréteurs , les lymphatiques et les veines, double moyen d'hématose qui ne paraît pas admissible. V: IL est une autre opinion, bien plus ancienne, qui attribue à la rate les fonctions d’un réservoir temporaire pour le sang, diversorium sanguinis, comme disait Haller, Cette question a été envisagée de différentes manières : Diverticutum 1° D'après Lieutaud, Haller, ete., la rate est un diverti- que. SEE culum de la circulation gastrique, de telle sorte qu’elle se rem- plit de sang et devient volumineuse , lorsque l'estomac est vide , tandis qu’elle se dégorge et devient petite , à mesure que les- tomac se remplit et la comprime. Basée sur les connexions vasculaires des deux organes, c'est- à-dire sur ce que les artères splénique et gastrique naissent toutes deux du trone cœliaque, cette hypothèse a été longtemps admise. Mais , depuis Bichat , il est parfaitement reconnu que les alternatives de resserrement et de dilatation de la rate ne cor- respondent pas aux élats de plénitude et de vacuité de l’es- tomac ; c'est au contraire un fait normal que la rate soit gon- flée alors que l'estomac est plein. Divertieutum 2° D'autres physiologistes, tels que Adelon, Bérard, etc., mal RE appréciant le sujet d’une manière plus large , ont considéré la rate comme un déversoir, non pas seulement de la circulation gastrique , mais de toute la circulation abdominale. D'après cette opinion , la rate est , en raison de son élasticité, un ré- servoir dilatable qui peut admettre sans inconvénient une grande partie du sang destiné aux viscères digestifs, et prévenir ainsi de funestes congestions , lorsque la circulation abdominale est embarrassée. DL. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 397 On sait que Dobson (1) à constaté que la rate, peu volumi- neuse pendant l'abstinence , se gonfle, non pas dès que des aliments et des boissons ont été ingérés , mais deux ou trois heures après. Mais on a cherché à expliquer cette turgescence Splénique par cela même que le sang, alors appelé en abon- dance vers les organes abdominaux gorgés de liquides , se dé- versait dans la rate , ce qui obviait aux dangers d une pléthore excessive, Cette explication est inexacte ou au moins incomplète : en cîlet, la tuméfaction de la rate est surtout occasionnée parce que le sang qui arrive à ce viscère ne peut que difficilement s’é- couler dans la veine porte, alors remplie de liquides provenant de l’absorption digestive en pleine activité. 3° Quelques auteurs , anciens et modernes, ont avancé que le trop-plein du système vasculaire abdominal refluait dans la rate par la veine splénique, ou que le sang, qui de l'estomac se - rend à la veine splénique, pénétrait dans la rate par les bran- ches veineuses qui, à diverses hauteurs, émergent de cet or- gane. Cette dernière opinion est rapportée par M. Bérard (2) qui, hâtons-nous de le dire , ne la partage pas. Elle s'appuie prinei- palement sur ce que la rate augmente de volume quand les animaux (chiens et chevaux) boivent une grande quantité d'eau. Mais de ce fait faut-il conclure que les liquides surabon- dants passent de l'estomac dans la rate par les veines intermé- diaires? Ne sait-on pas que les boissons copieuses ne sont pas long'emps retenues dans l'estomac , surtout chez les chevaux , et qu’elles se répandent dans le tube intestinal , d’où l'absorption les pousse dans les veines mésaraïques et non ans la veine splénique. Et même en admettant que tout le liquide puisse être absorbé dans l'estomac, n'est-il pas plus conforme aux lois de la circu- lation d'expliquer le gonflement de la rate parce que cel organe (1) Med. and Physic. Jourral. — Septembre 1830 (London ). (2) Cours de Physiologie, Lom. 11, pag. 530. Re S, —TOME 1. 24 Diverticulum pour le veineux. sang 7338 MÉMOIRES ne peut verser son contenu dans la veine splénique temporai- rement engorgée par l'excès de fluides arrivant de l'estomac ? J'ai, du reste, entrepris quelques recherches expérimentales qui peuvent éclairer ce sujet. A. Une injection d’eau étant poussée de bas en haut dans la veine splénique, l’eau remplit la veine et s'écoule peu à peu dans le foie, sans refluer dans les veines de la rate. C’est là ce qui se passe normalement et même lorsque l'estomac gorgé de liquides en fait passer une grande quantité dans la veine splé- nique. B. Une ligature étant placée à l'extrémité terminale du tronc veineux , et l'injection étant poussée avec force, on voit alors l'eau , qui a d’abord fortement distendu le vaisseau , s'engager peu à peu non-seulement dans les veines émergentes de la rate, mais aussi dans celles qui viennent de l'estomac, puis la rate se gonfler de plus en plus. D'après cela, est-il permis de décider qu’il en est toujours ainsi ou , au moins, lorsque l’estomac est chargé de liquides ? Ce serait, je crois, une conclusion aussi peu naturelle , aussi forcée que les circonstances dans lesquelles le fait expérimental s'est produit. Le courant rétrograde est possible , il a eu lieu. C’est vrai ; mais dans quelles conditions ? C’est seulement lorsque le liquide ne pouvait se rendre au foie, lorsque l'injection était poussée avec force dans la veine entièrement fermée, et, pour peu que le débouché fût ouvert, que la ligature fût desserrée , l'écou- lement avait lieu et la turgescence de la rate ne se produisait pas. D'ailleurs, le courant sanguin qui sort continuellement de la rate et qui est poussé par la force élastique de cet organe ainsi que par la pression des parois abdominales, s'oppose au reflux du sang. En conséquence , dans l'état normal , le gonflement de la rate, consécutif à la réplétion de l'estomac, ne saurait avoir pour explication rationnelle le courant rétrograde du sang veineux, Dans ce cas, la rate se tuméfie, comme il a été dit DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 339 précédemment , parce qu'elle ne peut se dégorger ct qu'elle reçoit toujours une nouvelle quantité de sang, non par les veines, mais par l'artère splénique. On ne peut donc pas admettre que la rate est un diverticulum pour le sang veineux de l'estomac. Cette conclusion est suffi- samment établie par les expériences et les considérations pré- cédentes , relativement aux animaux monogastriques , Chez lesquels les dispositions vasculaires sont cependant favorables à l'opinion émise. Quant aux polygastriques , les ruminants, par exemple, la réfutation est encore plus rigoureuse, puisque, dans ces animaux la veine splénique ne recoit pas le sang qui vient de l'estomac , et qu’elle sort de la rate, non par plusieurs branches placées de distance en distance, mais par un seul tronc. lei donc le reflux n’est pas admissible, et par consé- quent il faut, ou bien nier la possibilité de l'engorgement splé- nique chez les ruminants , ou bien chercher à expliquer ce phénomène d’une autre manière. Or, il est parfaitement re- connu que le gonflement de la rate est fréquent , chez les didac- tyles , et qu’il peut même aller jusqu’à la déchirure de l'organe : ce qui s'explique, dans ces animaux comme chez les autres, non par le courant veineux rétrograde, mais par la difficulté des débouchés produite du côté du foie par la pléthore circula- toire. Enfin , les expériences citées à l'appui de l'opinion que je discute, doivent être interprétées et ramenées à leur véritable signification. Du prussiate de potasse ayant été introduit avec les boissons dans l'estomac d'animaux monogastriques , ce sel a été démontré, quelque.temps après, dans le sang que con- tenait la rate. Mais il faut tout dire : le prussiate potassique n’a pas toujours été retrouvé dans la rate, ct quand son existence y a élé constatée , elle a pu l'être aussi dans tout autre organe, et même dans l'urine. De ces faits je crois pouvoir tirer cette déduction : dans le premier cas , l'absorption gastrique a été empéchée et n’a pas eu lieu, ce qui arrive souvent ; dans Île se- cond cas, cette fonction , ordinairement si active, a entraîné rapidement le prussiate de potasse dans le torrent circulatoire, 340 MÉMOIRES et, quelques minutes après, ee sel était transporté dans la rate, comme dans les autres organes, au moyen des artères. Ces dernières appréciations peuvent s'appliquer également aux animaux qui ont plusieurs renflements gastriques et à ceux qui n'ont qu'un estomac; elles offrent donc l'avantage de con- duire à l'unité en s’opposant à une théorie contestable et sans application générale. ie Après cette revue des principales théories émises sur les fonc- tions de la rate , après avoir écarté ce qui ne paraissait pas admissible , il me reste, pour terminer ce travail, à exposer l'opinion que j'ai adoptée et les bases qui lui servent d'appui. nor Ce qui frappe tout d'abord dans l'étude anatomique de la sée Elasticité. rate, ce sont les propriétés élastiques de cct organe aréolaire , de son tissu essentiellement dilatable et rétractile. Aussi , lorsque la rate est distendue par le sang , elle réagit sur ce liquide et le pousse énergiquement vers le foie; et, la veine splénique étant liée près de sa terminaison, si l’on vient à piquer ce vaisseau , le sang s'échappe en formant un jet dont la force est proportionnée à l’état de réplétion de la rate, ce qui prouve que ce viscère revient sur lui-même avec d'autant plus de puissance que sa distension a été portée plus loin. Dispositions ILest aussi dans l'organisation de la rate une condition qui sans. s'ajoute aux précédentes pour favoriser l'expulsion du sang : c'est la grande différence de calibre que présentent l'origine des veines et la terminaison des artères; au lieu de commencer par des radicules capillaires, comme dans presque tous les or- ganes , les racines veineuses sont élargies et tapissent les cellules spléniques, tandis que les divisions artérielles s'ouvrent dans ces aréoles, par des orifices très-étroits. Cette disposition est bien connue, mais je crois que son véritable but n'a pas encore été indiqué. Il me paraît en résulter, pour le sang qui gonfle la rate et qui se trouve comprimé de toutes parts , que ce fluide ne peut refluer facilement dans les bouches artérielles trop étroites, mais qu'il doit s’écouler largement par les veines , et DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES, 941 avec d'autant plus de force qu'il ne peut s'échapper que par cette voie. Un autre genre de considérations , fournies par l'anatomie comparée , vient encore indiquer le rêle que l'on peut attribuer à la rate : c’est que le degré de consistance et d’élasticité de cet organe se trouve, chez les différents animaux , en rapport avec l'énergie et la rapidité des mouvements. En cffet, si la rate du cheval et du chien est ferme et trés-rétractile, celle du bœuf et du mouton est molle, à larges mailles et peu élastique ; mais dans les ruminants à allures rapides, tels que le cerf, la gazelle , Vantilope , la girafe, la chèvre, ete. , elle est consis- tante et rétractile comme chez le cheval. Pour qu'il soit suppléé au défaut d'élasticité , la rate des ruminants a lentes allures est placée entre le rumen et l'hypocondre gauche , de manière à ce qu’elle éprouve entre ces deux surfaces mobiles des pres- sions réitérées qui favorisent l'évacuation du sang. Malgré cette disposition , ces animaux, plus que les autres, sont exposés aux congestions spléniques ; souvent même l'engorgement est tel qu'il entraîne la rupture de l'organe, dans ces affections plé- thoriques, dites maladies du sang ou sang de rate. Rien de semblable , sauf les cas accidentels , ne s’observe chez les autres animaux (le cheval, la chèvre, etc.) , dont la rate, grâce à la puissance élastique de son tissu , expulse le sang qu’elle a recu, avec une force qui se trouve en harmonie non-seulement avec l'intensité et le nombre des contractions musculaires, mais aussi avec l'étendue normale de la respiration et l’énergie de la circulation. Daus tous les animaux , comme chez l'homme, les proprié- tés élastiques de la rate sont souvent mises en jeu. Après les repas, et’ surtout s'ils sont abondants, l'afflux des liquides devient considérable dans le système veineux abdominal, qui ne peut se dégorger que lentement dans le tissu élaborateur et résistant du foie. Ii en résulte un état pléthorique temporaire qui s'oppose au facile débouché de la veine splénique. Alors la rate, continuant de recevoir du sang artériel, se gonfle de plus en plus; mais, en vertu de son élasticité, elle revient sur Analonie comparée. Digestion. Course. Rire. 342 MÉMOIRES elle-même et comprime le liquide qui la distend : cette pres- sion , transmise dans la veine splénique , puis dans la veine porte, se répartit dans le foie, où elle pousse le sang et en fa- vorise l'écoulement. C’est ainsi que la circulation abdominale est régularisée , et que sont prévenus les dangers d’une stase sanguine qui aurait été funeste à l’accomplissement des phéno- mènes digestifs. Le rôle mécanique de la rate est encore efficace dans les exercices violents ou les courses prolangées. Dans ces circons- tances, l'action musculaire exige plus de sang artériel, et elle élimine, par conséquent , plus de sang veineux ; le mouve- ment circulatoire devient plus rapide et la respiration plus large et plus précipitée; mais l’afflux du sang est tel, au cœur et au poumon, qu’il y a dans ces organes un embarras circulatoire plus ou moins prononcé. Il en résulte que, le foie ne pouvant se dégorger facilement dans la veine eave postérieure , il y a ralentissement de la cir- culation dans la veine porte, dans ses racines et dans la veine splénique. Alors la rate distendue exerce sur le liquide qu’elle renferme une pression qui, transmise de proche en proche dans les capillaires du foie, accélère la marche du sang veineux abdominal. Sans cette impulsion, la pléthore, produite dans la veine porte , ainsi que dans les veines de l'estomac et de l'intestin, pourrait se prolonger cet devenir funeste, surtout si l'exercice violent ou la course avait eu lieu après un repas copieux. Dans tous les cas, la distension de la rate après une course un peu soutenue est une conséquence normale et utile. Il en résulte quelquefois une sensation douloureuse, surtout lorsque la dilatation est portée trop loin ; de là est venue cette idée que la rate est un obstacle à la course et que les individus qui se- raient privés de cet organe pourraient courir plus vite et plus longtemps. C’est là une erreur, puisqu’au contraire la rate tend à dissiper les inconvénients circulatoires produits par la course. IL en est à peu près de même lorsque les accès de rire sont DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 343 forts et prolongés : le trouble apporté dans la circulation pul- monaire fait obstacle au libre cours du sang abdominal qui , pour se rétablir, a besoin de l'impulsion qu'il recoit de la rate. Mais, en se dilatant, cet organe fait assez souvent éprouver une vive douleur, et l’on a cru devoir en conclure que la rate est le siége du rire. Pour être logique, on aurait dû déclarer qu’elle est un obstacle au rire comme à la course ; mais la dou- leur splénique est souvent aussi le résultat de l'action de pleu- rer à sanglots. D'ailleurs ne sait-on pas que, dans les diverses circonstances où la circulation abdominale devient difficile, la douleur ou le point de côté se manifeste parfois aussi à droite, c'est-à-dire dans le foie, qui partage l’engorgement cireula- toire déterminé par le rire, la course, etc. A ces considérations je dois joindre celles qui sont relatives aux individus atteints de fièvres intermittentes par suite d'in- fection miasmatique paludéenne. Un des caractères de cette affection est l'engorgement de la rate , parce que cet organe, frappé d’atonie, ne réagit pas sur le sang accumulé dans son intérieur , et ne se dégorge que difficilement. Il en résulte que les malades ne peuvent se livrer à une course légère ou faire des repas un peu copieux , sans éprouver une vive douleur dans la région splénique ; ils sont donc forcés de manger peu à la fois et de ne prendre que peu d'exercice ; il faut aussi qu'ils portent une ceinture, dont la pression remplace, jusqu'à un certain point, la rétractilité de la rate. La solution de strychnine à petites doses, l’alcoolé de qui- nine, sont alors employés par le docteur Piorry, pour combat- tre l'engorgement de la rate, en excitant la contraction du viscère. Cette médication est un argument en faveur des fibres musculeuses et du pouvoir contractile attribués à la rate ; mais cette faculté ne contredit en rien la théorie que j'avance : c’est une force de plus qui s'ajoute à la puissance élastique que personne ne conteste. Toujours est-il que les individus sous l'influence de l'infec- tion paludéenne sont dans le même cas que ceux dont la rate est faible, ramollie ou indurée. Chez ces derniers, l'insuffisance Fiévreux. Dératés. Conclusions. 344 MÉMOIRES d'action mécanique de la rate entraîne, comme chez les pre- miers , l'impossibilité de courir, la nécessité de manger peu et de porter une ceinture. Enfin , les observations faites sur les animaux à qui on a extirpé la rate, peuvent encore être invoquées. On sait , et j'ai pu aussi le constater, que ces animaux sont obligés de s'arrêter après une course peu soutenue, et qu'ils ne conservent leur état de santé qu'à la condition de manger peu à la fois. L'existence de la rate, l'intégrité de ses propriétés élastiques sont donc réellement utiles à l'organisme. Et, si ce viscère n'est pas un rouage indispensable à la vie, comme le prouvent les animaux dératés , c’est qu’il y a encore une force impul- sive, bien moindre, il est vrai, entretenue par les parois élas- tiques des veines qui se rendent à la veine porte, ainsi que par les branches hépatiques de ce vaisseau, dont la rétractilité est entière , gräce à la membrane de Glisson. De tout ce qui précède, je crois pouvoir conclure que la rate est, par ses propriétés élastiques , un agent d’impulsion destiné à favoriser et à régulariser le cours du sang veineux abdomi- ral. Le rôle physiologique de cet organe est important dans toutes les circonstances où il y a un obstacle quelconque au libre passage du sang dans l'intérieur du foie, soit que les difficultés circulatoires appartiennent essentiellement à ce vis- cère , soit qu’elles proviennent d’un trouble survenu dans l’action du cœur, du poumon, où même dans la circulation générale. Comme je l'ai Géjà dit, la rate, par sa puissance rétractile, exerce une forte pression sur le liquide accumulé dans son intérieur; cette pression, supportée par le sang qui engorge la veine porte et les capillaires du foie, pousse ce liquide et rétablit son cours dangereusement entravé. Ce genre d'impulsion, que la rate vient ajouter au mou- vement normal du sang, est, en quelque sorte, analogue aux effets du réservoir d’air dans les pompes à jet continu. Et, en définitive, on peut considérer la rate comme fonctionnant , re- lativement au foie, pour la circulation abdominale, à peu près DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 345 comme le cœur droit, relativement au poumon, pour la circu- lation pulmonaire (1). De l’ensemble de ce mémoire résultent les conclusions sui- vantes : 4° La rate n’a pas pour fonctions de fournir les matériaux nécessaires à la sécrétion de la bile ; 2 Ce viscère n’est pas un appareil glandulaire sécrétant un fluide qui aurait la propriété d’assimiler dans la veine porte le sang hétérogène fourni par l'absorption digestive ; 3° La rate n’est pas une glande, ni un ganglion lymphatique, dont les produits élaborés seraient destinés à l'assimilation du chyle dans le canal thoracique ; 4° Elle n’est pas un réservoir ou diverticulum pour le sang artériel de la circulation gastrique, ni de la circulation abdo- minale ; elle est encore moins un déversoir pour le sang veineux qui, venu de l'estomac, refluerait dans les veines ; 5° Enfin, dans tous les animaux pourvus de rate, cet organe élastique est un agent d’impulsion qui favorise le mou- vement du sang dans la veine porte et dans l'intérieur du foie, surtout lorsque la circulation abdominale est engorgée et ra- lentie; à la suite d’un repas abondant, ou après un exercice violent, une course prolongée ; ou par toute autre cause capa- ble d’altérer le rhythme normal de la respiration et de la cir- culation générale. En conséquence , la rate remplit, pour ainsi dire, le rôle d'un cœur abdominal. (1) Je me trouve, sous ce rapport, en conformité d’opinion avec M. Beau (Mémoire récemment publié dans les Archives générales de médecine , 1851). J’ai précédemment contesté les facultés assimilatrices attribuées à la rate par ce même auteur; mais, pour ce qui est des fonctions mécaniques , je n’ai qu’à me féliciter de ce que je me sois rencontré avec M. Beau sur ce point de physiologie. En même temps, je m’empresse de déclarer que la question de priorité, ordinairement si insignifiante, ne saurait êlre intro duite ici. De mon côté, l’opinion que je développe aujourd’hui, je lai déjà formulée il y a quelques années ( Traité complet de l'anatomie des animaux domestiques , 6e livraison, pag. 219, 1847). Quant à M. Beau, je suis con- vaincu qu'il ignore entièrement l'existence de mes travaux. Conclusions générales. 346 MÉMOIRES NOTE SUR LE PLAN EN RELIEF DES PYRÉNÉES DE LA HAUTE-GARONNE , ENTREPRIS PAR M. LEZAT ; Par M. A. LEYMERIE. MESSIEURS , Si l’on cherchait à établir un parallèle entre les Alpes et les Pyrénées, sous le rapport des ressources scientifiques que ces deux chaînes prêsentent au voyageur, l'avantage, il faut l'avouer , ne serait pas du côté de la seconde. En effet, tandis que dans presque toutes les villes et même dans de simples bourgs des Alpes, on trouve, outre des collections formées par de véritables savants , des cartes et des modèles en relief exécutés avec le plus grand soin, de chacune des parties de ce vaste massif, les Pyrénées n’offrent au naturaliste, et particulièrement au géologue et au minéralogiste, que des ressources presque insignifiantes. Ainsi, pour nous borner à l’objet que nous avons principa- lement à considérer dans cette note, une carte orographique, exacte et détaillée de cette chaîne, a manqué jusqu’à ce jour, et les essais de relief qui ont été tentés, ne peuvent passer que pour de grossières caricatures, plus propres à induire en erreur qu’à éclairer les hommes désireux de se préparer à l'étude de ces belles montagnes. Cependant les Pyrénées se recommandent non-seulement par des richesses de tous genres et par des accidents géologi- ques remarquables, mais encore par un caractère de simplicité qui les a rendues depuis longtemps classiques , et qui était bien propre à déterminer quelque observateur zélé à s'en occuper DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 347 sous le rapport orographique. Joignez à ces motifs que les Pyré- nées sont françaises dans toute leur étendue sur l'un des versants, le plus beau sans contredit. C’est même la seule chaîne remarquable que possède la France ; et ce serait par con- séquent une œuvre véritablement nationale et bien digne des encouragements du Gouvernement, qu’une bonne représentation de ces belles montagnes. A Déjà nous voyons , dans un avenir peu éloigné, une excellente carte que nous devrons aux travaux savants et consciencieux des officiers d'état-major, attachés au dépôt de la guerre. On sait que, grâce à la sollicitude d’un des plus illustres enfants de notre cité, M. le Général Pelet, les études relatives à cette carte ont été portées, depuis plusieurs années , dans les départements Pyrénéens. Le but spécial de cette note est d'annoncer qu'un travail plus modeste, mais non moinsutile, se prépare, au moins pour une partie de la chaîne, par les soins’ d’un simple parti- _culier et à l’aide de ses seules ressources. M. Lézat, géomètre à Toulouse, a entrepris la représenta- tion en relief, exacte et sur une grande échelle, des Pyrénées de la Haute-Garonne. Au lieu de parler d'avance de son projet et d'en occuper les Académies et les journaux , M. Lézat s’est mis tout simplement à l’œuvre, il y a deux ans, et ce n’est qu'après avoir accompli une partie notable de son plan, qu'il s’est décidé à en dire quelques mots et à le montrer à quelques personnes, plutôt pour appeler des conseils et même des critiques que pour se faire valoir. Ayanteu l'avantage d’être admis à examiner ce premier essai que M. Lézat ne donnait que comme une ébauche, j'ai vu de suite que cet artiste était dans une excellente voie, et que son œuvre avait un avenir assuré. Dès lors mes sympathies lui étaient naturellement acquises ; j'avais d’ailleurs un intérêt direct à l'exécution de ce travail , comme chargé officiellement des cartes géologiques de trois départements pyrénéens, el ce n'est pas sans un vif contentement que j'ai vu mes prévisions réalisées et même.dépassées par les résultats des campagnes de 1849 et de 1850, résultats qui ont valu à M. Lézat le suffrage des nom- 348 MÉMOIRES breuses personnes qui ont visité son modeste atelier, soit à Luchon, soit à Toulouse. Un intérêt presque universel s'étant porté sur le plan en relief des Pyrénées de la Haute-Garonne, ce travail offrant de plus une importance réelle sous le rapport scientifique, l’exé- cution d’ailleurs en étant assez avancée pour qu'il soit possible d'apprécier dès à présent son mérite, j'ai pensé qu’il était temps d'en parler à l’Académie, et je me suis chargé avec plaisir dela mission de lui faire connaître succinctement les bases sur les- quelles il a été établi ; et les principaux moyens d'exécution. Les Pyrénées dela Haute-Garonne s'étendent réellement, ainsi que je le fais voir dans mes cours, jusqu'à Martres et Cazères ; mais la partie décidément montueuse s'arrête à Saint-Gaudens. C'est donc à cette limite que M. Lézat devait naturellement borner son plan. Une plus grande extension vers la plaine aurait rendu ce plan démesurément long, difficile à placer ct très incommode pour l'étude. La limite que je viens d'indiquer est au contraire très acceptable, et je me félicite d’avoir déterminé M. Lézat à l’adopter. Dans son premier projet, il n’était question que de Cierp et de Saint-Béat. Dans le sens opposé, le plan se terminera à la crête de la chaîne et même un peu au delà, puisque le massif de la Maladetta y sera modelé. Ce plan se composera de 1% pièces ou tables, dont l'ensemble formera un rectangle ayant 5" 75° sur 2" 50° La hauteur maximum sera de 70°. L'échelle, pour les distances horizontales, est de !/10 de mil- limètre par mètre, c’est-à-dire à !/10,000. Celle des hauteurs est double, c’est-à-dire de 1/3 de millimètre par mètre ou à 1/5,000. Beaucoup de personnes regretteront sans doute que l’auteur n’aitpas adopté la même échelle pour les distances horizontales et pour les hauteurs ; et en effet, dans le plan de M. Lézat il n'y aura pas une proportionnalité exacte, le relief y sera réellement altéré. Mais il faut faire ici la part de la difficulté de rendre les détails des pics , des crêtes , des vallons , des gorges, etc, avec une échelle de hauteur aussi petite, etprendie, d'un autre côté, en considération les illusions auxquelles nous nous laissons tous DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 349 entraîner à l'aspect des montagnes dont nous sommes toujours portés à exagérer la hauteur. Certainement, lorsque le plan dont il s’agit sera terminé, les personnes qui le verront dans son en- semble seront plutôt disposées à le trouver trop plat qu’à regar- der le relief comme ayant été exalté. - Les données qui servent de base à ce plan appellent nécessai- rement notre confiance, Ce sont, d’une part, le plan cadastral du département réduit à 1/10,000, et, d'autre part , les attitudes qui viennent d’être obtenues ou contrôlées par MM. les Officiers d'état-major attachés à la carte de France, dont plusieurs étaient encore , dernièrement, en observation dans les montagnes de la Haute-Garonne (1). Pour le modèle des montagnes et pour les détails de tous genres, l’auteur ne néglige rien pour se mettre à l'abri des erreurs et des illusions inhérentes à notre nature. I voit suc- cessivement les objets de loin, de près, sous toutes les faces, ne craignant pas de passer plusieurs jours de suite, et par con- séquent des nuits, dans des lieux réellement inhabitables pour quiconque ne serait pas excité par ue zèle vifet par la conscience de faire une chose belle et utile. Les matières employées pour la confection du plan sont : le bois pour les tables horizontales et pour les carcasses des crêtes principales ou accessoires. Le relief est modeié sur ces carcasses avec de l’étoupe collée. Le liége est employé pour les saillies rocheuses. Pour les neiges, les cascades , les lacs , le gazon, les arbres de diverses essences , les habitations, etc. , M. Lezat a recours à divers petits moyens , {ous plus où moins ingénieux , qu'il serait peut-être puéril de détailler ici. Deux longues campagnes, faites en 1849 et 1850, ont beau- (1) M. le comte de Castelnau, chef d’escadron au dépôt de la guerre, vient d'envoyer à M. Lezat toutes les hauteurs obtenues jusqu’à ce jour par les officiers placés sous ses ordres, en lui promettant de mettre à sa disposi- tion désormais lous les documents qui pourraient lui être utiles. Cette assis- tance de la part d’un corps aussi réservé que le dépôt de la guerre , témoigne d’une manière éclatante de la confiance et de lestime que mérite l’œuvre de M. Lezat. 350 MÉMOIRES coup avancé le travail dont nous essayons aujourd’hui de donner une idée à l’Académie. Presque toute la vallée de Luchon jusqu'à Cierp est déja modelée, ainsi que le pic du Gar et ses environs, et l'on peut espérer que les quatre tables non commencées et celles qui ne sont encore qu'ébauchées, seront achevées à la fin de la saison prochaine. Il ne restera plus alors qu’à s'occuper des détails de la surface, travail qui pourra se faire, en grande partie, l'hiver, à Toulouse, sur des notes et des croquis pris sur les lieux. Ce plan, comme on vient de le voir , sera assez vaste pour comporter tous les détails convenables , et nous espérons que plusieurs copies en seront faites, dont une, au moins, devra rester à Toulouse ; mais cette grande étendue même , et le prix élevé qui en sera la conséquence forcée, s'opposerait à ce que les écoles et les bibliothèques publiques et particulières pussent se le procurer ; ne conviendrait-il pas alors de faire un nouveau modèle réduit au quart, par exemple, qu'on pourrait disposer pour le moulage, de manière à avoir la facilité d'en tirer, à peu de frais, un assez grand nombre d'exemplaires? J'ai cru devoir soumettre cette idée à M. Lezat, qui a bien voulu l’ac- cueillir, et qui commence déjà même à l’exécuter. Nous aurons donc un plan réduit à 1/40,000- Ses dimensions seront les suivantes : Longueñr fatale... ...":... Re CE Lagéeur. ts Len et Er ONE Haut:masimume:. .4,2.00. 108 n0r218. Lorsque l'ouvrage, dont nous avons essayé de donner une légère idée, sera terminé et publié, il contribuera sans doute à faire mieux connaître et à t{lustrer , pour ainsi dire, les thermes déjà si célèbres de Bagnères-de-Luchon. C'est ce qu'ont très-bien senti M. Tron , maire, et le Conseil municipal de cette ville, qui ont voulu, dès à présent, donner un encouragement à M. Lézal, en mettant à sa disposition plusieurs des meilleurs guides du pays. Il y a lieu de croire que cette généreuse ini- liative ne fera que hâter des encouragements plus puissants DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 301 encore, qui devront venir du Conseil général du département. En terminant cette courte uotice, nous ne pouvons résister au désir d'émettre le vœu que le travail de M. Lézat puisse être un jour étendu à toute la chaîne des Pyrénées. Ce serait, j'en conviens , une œuvre gigantesque; mais je ne la crois pas au- dessus du zèle et de la persévérance de ce géomètre. D'ailleurs, si le Gouvernement prenait à cœur cette idée, et chargeait M. Lé- zat de son exécution , il lui fournirait nécessairement des moyens qui lui manquent actuellement, livré qu'il est à ses seules res- sources personnelles , etses opérations en seraient singulièrement activées. Déjà nous pouvons annoncer que M. Lézat a le projet de continuer ses travaux à l'Ouest de la Haute-Garonne, sur toute la partie des Pyrénées qui contient les eaux thermales les plus célèbres et les plus fréquentées [Baréges, Bagnères, Cautereis, Eaux chaudes, Eaux bonnes). Dans cet espace se ht les vallées Ë Aure, de Campan , de Bar ges, * de Cauterets, etc. Le Mont-perdu , le Marboré, la Brèche de Roland, Gavarnie et ses beaux accidents y seraient figurés. Le plan général aurait 10" sur 5"75°. Il serait presque inu- tile d’insister sur les avantages que présentcrait une repré- sentalion générale de ce genre. Que chacun , placé à son point de vue, se figure avoir devant les yeux , au milieu de la grande salle du Musée de Toulouse, par exemple, la chaîne des Pyré- nées exactement réduite à des proportions convenables. Quelles vues ne surgiraient pas subitement dans l'esprit ! quelles ressour- ces pour le géographe, pour le géologue, pour le botaniste , pour l'ingénieur, pour l'administrateur . ete. ! Si maintenant l’on reconnaît l'incontestable utilité d'un pareil travail , pourquoi ne penserait-on pas sérieusement à l’entreprendre ? Dans un pays aussi riche que la France, ce ne sont pas, en général, les moyens pécuniaires qui manquent pour une grande entreprise; ce sont les hommes réellement capables de les exécuter ; et lors- qu'un sujet se présente avec de sûres garanties pour une œuvre éminemment bonne et nationale, ne devrait-on pas se hâter de l'utiliser ? 392 MÉMOIRES NOTE SUR UNE INSCRIPTION LATINE DÉDIÉE A L'EMPEREUR CLAUDE ; Par M. BARRY. L'iNsScRIPTION latine que j'ai l'honneur de soumettre à l'Académie a été calquée, il y a quelques années, dans la Haute-Egypte, à Ekfas, près de Fechn, par un égyptologue dont le nom et les découvertes laisseront trace dans l’histoire des progrès de l'archéologie égyptienne (1). Je n'oserais point cependant affirmer d’une manière absolue que ce monu- ment épigraphique soit inédit, quoique je ne le voie cité dans aucun des recueils anciens que j'ai pu consulter ici (2). I a paru, depuis le commencement de ce siècle surtout, où les travaux scientifiques de l'expédition française et les dé- couvertes toutes françaises aussi de M. Champollion ont ra- mené l'attention sur l'ancienne Égypte, un nombre énorme de voyages, en toutes langues, sérieux ou frivoles, de des- criplions ou de vues de monuments, de recueils de textes hiéroglyphiques ou coptes, d'inscriptions latines et grecques ; et il serait fort possible que notre inscription eût été déjà relevée par quelqu'un de ces touristes ou publiée dans quelqu'un de ces recueils qui manquent tous à notre bibliothèque. Nous pouvons, quoi qu'il er soit, garantir l'exactitude de notre copie, prise et nant (1) M. E. Prisse. (2) Gruter, Reinesius, Muratori. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 393 calquée sur l'original par un savant habitué aux minuticuses reproductions des légendes hiéroglyphiques. 1. CLAYDIVS . CAESAR AVG . GERMANIC . PONT MAXIMYS . TRIB . POTEST . VI COS . V. IMP . XV.P.P.CENSOR LEG . il. ET. LEG . XXII CN . VERGIL : .. CAPITONE . PRAEF . Tiberius Claudius Cœsar, Augustus, Germanicus, Pontifex Maximus, Tribunitia potestate VII, Consul F, Imperator XV, Pater Patrie, Censor : Legio IIL et Legio XXIT, Cneio Vergilio.….. Capitone præfecto. Malgré la formule nominative de l'inscription (Ti. Claudius. - Cæsar, etc.), nous n’hésitons point à la regarder comme une ins- criplion votive impériale, œuvre et hommage des deux légions dont les noms se détachent du reste de l'inscription et en occu- pent la cinquième ligne tout entière. Quoique l’on ait retrouvé, en Mésopotamie, les traces de la II Parthica; en Phénicie, celles de la HI Gallica ; en Arabie, celles de la HI Cyrenaïca (1), il serait assez difficile de décider, en l'absence complète d'épi- thète, quelle était ou quel surnom portait à cette époque cette troisième légion, dont les vestiges et les monuments sont fort rares du reste en Égypte (2). Quant à la vingt-deuxième légion, que je ne vois citée qu’une fois , et qui ne porte qu’une seule épithète dans le catalogue des légions de Gruter, elle n’est et ne peut être autre chose que la XXII Primigenia dont le séjour en Égypte nous est attesté par les témoignages les plus positifs pendant la plus grande (1) Grotefend : Seabode’s kritisch Bibl. oct. 1828, n° 77, z. 613. (2) Je trouve dans le Catalogue des légions, publié par Gruter : IF Scyth. HI Flav. III Cyren. II Aug. 111 Gallic. ILE Italie. LIL Parth. (Gruter Thesaurus DXIIT, 2, 3). 4° S, — TOME 1. 25 35% MÉMOIRES partie du premier siècle de notre ère (1). Les monuments aux« quels nous faisons ici allusion sont les inscriptions gravées sur les jambes du colosse de Memnon , et dont plusieurs appartien- nent aux officiers de la 22° légion elle-même. Celles, par exem- ple, de Claudius Maximus , citées sous les numéros 43 et #4 de la planche 55 du cinquième volume de l'expédition française en Égypte. Une de ces inscriptions , la plus récente en date que je voie citée dans ce recueil, le seul que j'aie ici sous la main, est la suivante, qui répond à l’année 84 de notre ère. SEX . LICINIUS . PUDENS > LEGIONIS . XXII XI. K. JANUARIAS . ANNO . IL DOMITIANI . CAESARIS . AUGUSTE GERMANICI . AUDI . MEMNONEM (Ib. ib. n° 33.) La plus ancienne serait la suivante, qui remonte à la 41° année de Néron, 61 de notre ère. AINSTULEIUS . TENAX . PRIMIPILARIS . LEG . XII FULMINAT . ET . VALERIUS . PRISCUS . À LEG . XXIE ET. L. QUINTIUS . VIATOR . DECURIO . AUDIMUS . MEMNONEM ANNO . XI. NERONIS . IMP . XVLIT . KAL . APRIL. (1b. ib. n° 31.) (2) Les chiffres Il et XII peuvent si facilement se confondre sur une inscription exposée aux injures de l'air, et visiblement altérée dans sa partie inférieure, qu'il serait fort possible que cette 3° légion ne füt autre chose, en réalité, que la XI Ful- minatrix réunie dans notre inscription comme elle l’est dans celle que nous venons de citer à la XXII Primigenia. Quant x à la 22e, il ressort indubitablement du témoignage seul de ————————————— (1) On retrouve au second siècle ses monuments sur le Rhin, particulière- ment à Moguntiacum , Mayence. (2) Je rectifie et je complète ici l’édilion des savants français par une re- production plus exacte, publiée par M. Hamilton dans ses /Egyptiaca, et citée par M. Letrone dans ses Recherches pour servir à l’histoire de l'Egypte (appendice, pag. 472-473). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 355 notre inscriplion, que son séjour en Égypte remonte beau- coup au delà de l'année 61 , à laquelle s'arrêtaient les plus anciennes indications épigraphiques. Le 7° tribunat (Trib. potest. VIT), et le 15° titre impérial de Claude {Imp. XV), répondent exactement, en ellet, à l’année 48 de notre ère, où l’empereur prit le titre de Censor que lui donne avec raison notre inscription , et exerça la censure avec L. Vitellius, le père du futur empereur. La seule difficulté chronologique que présentent ces indications, serait celle du cinquième consulat {Cos.V), qui ne correspond ni à la Trib. Potest. VIE, ni à l’Imp. XV, ni à l'époque précise de la censure. Mais, en présence de ces trois témoignages, concordants et unanimes, il est impossible de voir autre chose dans cette anomalie qu’une altération sur le marbre du chiffre IV; altération analogue à celle du chiffre HI, que nous essayions fout à l'heure de rectifier, ou plutôt encore une erreur du graveur (1); car on préférait, au temps de Claude, la forme archaïque HI à la forme abréviative IV (2). Ce qui est plus important à relever, c'est le nom complet et exact, à une ou deux lettres près, de Cneïus Vergilius Capito. qui termine la partie lisible de l'inscription. Nous ne savons s’il nous à été transmis aussi intact par d'autres monuments épigra- phiques. Il ressort, avec certitude, de cette formule finale sacra- mentelle en Égypte, qu'il était Præfectus, c’est-à-dire, gouver- (1) L'inscription de Claude au château de Polignac offre une erreur du même genre dans le compte des consulats. (Gruter, p. xxx1x..) (2) Une inscription, cilée par Gruter, nous indique formellement la date du 5° consulat de Claude , qui répond non plus à la Trib. Potest. VII, mais à la Tribunilia Potestas XI (Imp. XXI . tr. p. XI, Cos. V (Gruler, p. 188, 6), et ce qui donne à ce Lémoignage un caractère de certitude irréfragable, c’est qu’une autre inscription antérieure d’une année nous le montre revêtu encore du 4e consulat et désigné pour le 5e (Tr. P. X, Cos. IV, des. V Imp. XIIX. Gruter, p. 113, 3). Voici d’ailleurs une inscription très-for- melle et très-lisible où le 4®€ consulat de Claude répond à la 5e puissance tribunitienne , concordance que nous retrouvons également dans une autre inscription de Claude publiée par Donati et Reinesius (tr. p. VII. Cos. IIIL Donati, p.211, 8. Reinesius , tome 1°, page 250). Celle-ci offre cette par- ticularité assez curieuse qu’elle a été dédiée à Rome par un ancien Præfectus 356 MÉMOIRES neur de la province, et que son administration coïncide avec l’an 48 de notre ère, date de l'inscription que nous essayons d'interpréter. ou gouverneur de l'Egypte, l’année même où les deux légions gravaient à Ekfas celle que nous venons de commenter : PRO . SALUTE . TI . CLAUDI . CAESARIS . AUG . GERMANICI PONT . MAX . TRIB . POT . VII . COS . IIIT MP CV PR PI CENSORES LIBERORUM . QUE EX . VOTO . SUSCEPTO . C . JULIUS . S .F . COR . POSTUMUS . PRÆF . AEGYPTI . TI . CLAUDI . CÆSARIS . AUG . GERMANICI EX . AURI!. P.. XVI (Gruter, p. ex.) Nous suppléerions volontiers à la lacune de iettres indiquée Val. Messa- linæ liberorumque ejus ou eorum. Ce ne fut en effet qu’à la fin de cette même année 47-48 de notre ère que Claude répudia et fit mettre à mort son infâme épouse , dont Postumus se hâta de faire disparaitre le nom. Le marbre qui nous a conservé cette longue inscription, servait sans doute de socle à quatre bustes qui devaient orner l’Atrium ou le Laraire du riche Postumus, ceux de l’empereur, de Messaline et de leurs deux enfants Octavie et Britannicus. Le buste de l’empereur , auquel Postumus devait vraisem- blablement sa fortune , était en or et du poids de seize livres romaines. On conçoit que de semblables reliques nous aient été très-rarement conservées, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 357 NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. MOIROUD ; Par M. LAVOCAT. Au remarquable éloge déjà prononcé par l’un des Membres de l’Académie (1), il n’est pas sans intérêt d'ajouter une notice plus détaillée sur la vie d’un homme qui s’est voué sans relàche à d'utiles travaux. Jeune encore, Moiroud fut enlevé à la science. Parti d’une condition modeste, il était parvenu au rang le plus élevé de sa profession , et il avait recueilli l'honneur d'être admis dans les Sociétés savantes de cette ville. Il succomba au milieu d’une carrière dignement entreprise, alors que son esprit, dans sa complète maturité, allait produire ses meilleurs fruits. Né en 1797, dans le département du Rhône , Louis MOIROUD entra, en 1812, à l’école vétérinaire de Lyon , où il fut élève distingué et répétiteur des cours de chimie et de pharmacologie. En 1815, après avoir terminé ses études à Lyon, il voulut se rendre à Alfort afin de compléter son instruction, et pour acquérir le titre de Médecin vétérinaire (2). Dans cette école, il sut mériter l'estime du célèbre professeur (1) M. de Vacquié. — Mémoires de l’Académie , tom. v, 2° partie, pag. 187. (2) A cette époque, les établissements vélérinaires de Lyon et d’Alfort n’élaient pas tous deux sur le même pied : par une faveur toute spéciale, l’école d’Alfort avait le privilége d’un enseignement supérieur ; à la suite d’une 4e et d’une 5€ année d’études, appelées Cours de médecine, les élèves qui avaient suivi ce cours complémentaire recevaient le diplôme de Hédecin- vélérinaire. Cet état de choses ne dura que de 1813 à 1825. 358 MÉMOIRES Dulong , qui lui confia les fonctions de préparateur et de répé- titeur des cours de physique et de chimie. Encouragé par cette distinction, il mit tant d’ardeur dans ses études, qu'il remporta le grand prix de la dernière année. Quelque temps après, en 1819, il recut du Ministre de la guerre la commission de Vétérinaire en chef dans le 1°" régi- ment d'artillerie, en garnison à Strasbourg. Par cette nomina- tion, tout exceptionnelle, qu'il ne devait d’ailleurs qu’à son mérite, Moiroud , sans passer par les degrés inférieurs , se trou- vait au premier rang parmi ses confrères de l’armée. Il s'acquita de ces nouvelles fonctions avec autant de zèle que d'habileté ; mais la vie militaire convenait peu à ses habitudes studieuses, à son esprit toujours désireux d'apprendre. Aussi se chargea-t-il de professer un cours d’hippiatrique aux offi- ciers de son régiment. En outre , il suivait assidûment les cours de la Faculté de Médecine de Strasbourg, où il se lia d'amitié avec le savant professeur Fodéré. En préparant ainsi de fortes bases à son avenir, Moiroud n'attendait que l’occasion de quitter honorablement l’état mili- taire. Elle se présenta en 182%, époque à laquelle fut ouvert un concours pour une chaire de professeur à l’école vétérinaire de Lyon. Après avoir subi, d’une manière remarquable, les nombreuses et äifficiles épreuves du programme, il remporta la palme sur trois autres candidats distingués. Ce fut ainsi qu'à la fin du mois de mars 1824, Moiroud, alors âgé de vingt- sept ans, fut proclamé professeur à l'école de Lyon, où il avait fait ses premières études. Dans cette nouvelle position, il montra bientôt comment il comprenait l'enseignement qui lui était confié. Il dirigea toujours ses travaux et l'attention de ses élèves vers les points utiles et d'une application vraiment pratique. Il considérait, à juste titre, la science qui s'occupe des animaux domestiques, comme intimement liée aux intérêts de l’agriculture et de l’in- dustrie, qui sont les véritables sources de richesses pour toute société. Pendant son séjour à l’école de Lyon , Moiroud adressa plus DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 359 sieurs mémoires intéressants au Recueil de Médecine vétéri- naire, publié à Paris, savoir : 1° Observation relative à une matière blanche laiteuse, trouvée dans le sang d'une ânesse morte peu de temps après le part (1); 2% Mémoire sur l'action des caustiques employés en mé- decine (2) ; 3° Note sur l'emploi du chlorure de soude administré à l'in- rieur (3). Les plus intéressants de ces travaux , sont ceux qui {rai- tent des caustiques et du chlorure de soude. À la suite de nombreuses expériences, l’auteur indique les caustiques inoffen- sifs et ceux qui sont dangereux. Pour ces derniers, tels que les sels de cuivre , les préparations arsénicales et mercurielles , il recommande de les employer avec circonspection sur les grandes surfaces dénudées. Quant au chlorure de soude, après : l'avoir essayé contre les maladies du système lymphatique, Moiroud établit, en conclusion générale, que le chlore et ses composés agissent d’abord comme stimulants, puis comme ex- citants spéciaux du système préposé à l'absorption ; que, par conséquent , ils sont fondants, et, qu'à ce titre, ils méritent de prendre place dans les cadres pharmacologiques à côté de l’iode et des médicaments dont il constitue la base. En 1829, il y avait à peine cinq ans que l’école de Lyon possédait le jeune professeur, lorsqu'il fut désigné par le Mi- nistre pour occuper la chaire de clinique, de pathologie et de thérapeutique, vacante à l’école d’Alfort. Ce choix était une récompense offerte au mérite du professeur consciencieux et distingué. Peu de temps après, Moiroud eut à étudier une maladie épizootique qui attaquait plus particuliérement les chevaux communs de Paris. C'était le diabétès qui commençait aussi à (1) Recueil de médecine vétérinaire, Lom. v, pag. 233 (Paris 1828 ). (2) Idem id. pag. 518. idem. (3) Idem tom. vi, pag. 327 ( Paris 1829). 360 MÉMOIRES se manifester sur plusieurs points de la France. Le nouveau professeur d’Alfort s'empressa de publier dans un mémoire (1) le résultat de ses observations afin de rassurer les propriétaires : ses conseils furent suivis, et la maladie ne tarda pas à dis- paraître. Etre utile, — telle fut toujours la pensée dominante de Moi- roud ; on la retrouve dans tous ses travaux ; dès que l'occasion se présente, cet esprit dévoué se préoccupe aussitôt de l'intérêt public. Pendant que Moiroud se livrait à ses travaux de chaque jour, il méditait le projet de combler une lacune dans les ou- vrages classiqnes de Médecine vétérinaire. Depuis plusieurs an- nées, il rassemblait des matériaux, les mettait en ordre, et cherchail incessamment à les compléter. Par la conscience qu'il apportait à cette œuvre de prédilection , il semblait pressentir que ce serait le principal monument auquel son nom devait être attaché. Ce fut en 1831 que l'ouvrage fut terminé , et qu'il parut sous le titre de Zraité de matière médicale ou de phar- macologie vétérinaire. Jusqu’alors il n’y avait rien de complet, rien de satisfaisant qui füt spécialement consacré à l’histoire des substances pro- pres à combattre les maladies des animaux domestiques. Il y avait beaucoup de réformes à introduire dans la pharmacologie, à peine dégagée des abus primitifs de la polypharmacie; mais ce qui était presque entièrement à faire, c'était l'étude des mé- dicaments au point de vue de leur action sur l'organisme, et sous le rapport de leurs indications thérapeutiques. Ce genre de travail, d’une application essentiellement utile, réclamait de nombreuses recherches empruntées à la pratique (2). (1) Recueil de Médecine vétérinaire , tom. vu, pag. 327 (Paris 1830). (2) En effet, la pharmacologie , presqu’inséparable de la thérapeutique, est une des bases principales de l’art de guérir. Elle doit déterminer, pour tel ou tel médicament, les modifications qu’il produira sur telle maladie, soit qu’il agisse sur les organes souffrants eux-mêmes, soil qu’il porte son action sur des organes plus ou moins éloignés. Mais tous les médicaments n’agissent pas toujours de même sur tous Les sujets : leurs effets varient à l'infini dans DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 361 Telles étaient les difficultés du sujet, et Moiroud les a sur- montées d'une manière remarquable. Il était d’ailleurs parfai- tement sur son terrain. Versé depuis longtemps dans les sciences de physique, de chimie et de pharmacie, il était alors profes- seur de pharmacologie, de thérapeutique et de clinique ; il avait ainsi pu réunir une foule d'observations relatives aux effets des médicaments sur les animaux malades, non-seulement dans les hôpitaux des écoles, mais aussi dans sa pratique extérieure ; en outre, il avait eu recours à un grand nombre d'expériences variées sur des animaux sains : moyen précieux dont ne peut disposer la pharmacologie appliquée à l'homme. C'était donc pour lui une véritable spécialité ; aussi le nouveau livre qu’il venait offrir à ses élèves réunissait-il tous les éléments qui ga- rantissent le succès. Après les considérations préliminaires, qui sont d’une grande valeur scientifique, vient la classification des médi- . caments. C'était là un point difficile, puisque l'Académie de médecine de Paris, quelques années auparavant, avait mis au concours cette question : Peut-on, dans l'état actuel de la science, établir une classification régulière des médica- ments ?..... Question qui fut résolue négativement par l’auteur du mémoire couronné. Cependant Moiroud, qui voulait éviter les inconvénients re- connus de l’ordre alphabétique, entreprit de grouper les médi- caments d’après leurs effets constatés sur l’économie animale. Partant de ce principe, il établit une classification méthodique et raisonnée qui avait le grand avantage de rattacher la phar- macie à la pathologie d’une manière profitable et pour l’ensei- gnement et pour la pratique. Dans le corps de l'ouvrage, chacune des quatorze classes de médicaments est précédée de considérations générales, souvent élevées , toujours importantes ; et la description de chaque subs- les circonstances même qui ne paraissent pas varier entre elles; il faut , pour ainsi dire, en calculer les forces, pour les proporlionner à celles des ma- ladies et des malades. 362 MÉMOIRES , tance médicamenteuse, est remarquable par l'exactitude, les soins minutieux et les patientes recherches qui ont été néces- saires pour traiter le sujet d’une manière complète, et pour l'amener à la hauteur des connaissances acquises. Enfin, le Zraité de matière médicale est terminé par un formulaire où se trouvent rassemblées toutes les recettes phar- maceutiques dont l'expérience et les théories peuvent justifier l'usage, Cette dernière partie est un (ravail complet ; c'est le Codex pour la médecine des animaux domestiques. On peut dire que ce livre accomplit, en matière médicale , un véritable progrès. Adopté dans les écoles vétérinaires pour l'instruction des élèves , il est aussi le meilleur guide des pra- ticiens par l'exactitude et la solidité des recherches qu'il ren- ferme. Une école vétérinaire venait d’être établie à Toulouse (1). Il était de la plus haute importance que, dans cette école nais- sante, les études et la discipline fussent fondées et maintenues avec autant d'ordre que de fermeté. Mais ile Directeur, à qui cette tâche difficile d’une première organisation avait été con- fiée, était plus homme de science qu'administrateur. Le Gou- vernement craignit de voir compromettre le sort d’une institu- tion récente, réclamée depuis si longtemps par le Midi, et pour laquelle la ville et le département venaient de s'imposer de gé- néreux sacrifices. Il prit, en conséquence, la résolution de choisir un nouveau Directeur. Les services que Moiroud avait rendus à l'enseignement , son esprit juste et ferme, fixèrent sur lui la confiance de l'Adminis- tration supérieure; et, en 1832, par ordonnance royale du 1% août, il fut nommé Directeur de l’école de Toulouse. Li Amy "Mr iREt Ne (1) L'établissement d’une école vétérinaire dans le Midi de la France était un besoin reconnu depuis longtemps. Dès l’année 1793, on s’en était préoc- eupé ; on y songea de nouveau en 1808, puis en 1814; mais, à ces différentes époques , les circonstances politiques étaient loin d’être favorables, et toujours le projet fut ajourné, jusqu’en 1825, où la décision fut prise en faveur de Toulouse, de préférence à Cahors. Ce ne fut cependant qu’en 1828 que les cours furent ouverts, dans une maison du faubourg Saint-Michel, servant d'établissement provisoire. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 365 Dès qu'il vit l'établissement, situé provisoirement à Saint- Michel, il reconnnt toutes les réformes, tous les détails aux- quels son administration devait s’appliquer sans relâche. Il avait surtout à lutter contre les inconvénients d’un externat, qui, sans être entièrement libre, portait cependant de graves pré- judices à la marche régulière et à la solidité des études. Aussi attendait-il avec impatience l’achèvement des constructions spé- ciales, commencées en 1832 , à l'extrémité de l'allée Lafayette. Enfin, ses vœux furent réalisés : au mois d'octobre 1834, il eut l'honneur et la satisfaction d'installer l'École dans le local qu’elle occupe aujourd'hui. Tous ceux qui ont connu Moiroud savent quel zèle il apporta dans l'administration de ce nouvel établissement, dont il est considéré , à juste titre , comme le véritable fondateur. Peu de temps après son arrivée à Toulouse, Moiroud se fit remarquer par son esprit généreux, incessamment tourné vers le bien public. En 1833, un jour de distribution des prix, so- lennité présidée, dans la salle des Illustres, par les premiers magistrats de la ville, il prononça un discours dans lequel il exposa la nécessité d’un enseignement public d’'agronomie à Toulouse et les bienfaits qui pourraient en résulter. «Les jeunes gens, dit-il, qui se pressent en foule dans cette intéressante » cité, soil pour acquérir les lumières nécessaires à l’exercice » d’une profession libérale, soit pour achever leur éducation, » trouveraient, dans l’enseignement public de l’économie ru- » rale et des sciences accessoires, un complément d’instruc- » tion d'autant plus précieux, qu’il engagerait beaucoup d’entre » eux à reporter à l’industrie agricole les bienfaits qu'ils en » auraient reçus, et leur ferait trouver dans la culture de leur » patrimoine, la richesse et la considération , l'indépendance » etles mœurs d’un citoyen utile à l'État, utile à lui-même. » Exprimés devant les autorités du département, ces vœux furent transmis au Ministre; et c'est ainsi que Moiroud contribua sans doute à faire établir à Toulouse cette chaire d'agriculture, au- jourd’hui occupée avec tant de distinction par l’un des Membres de l’Académie. 364 MÉMOIRES C'est par suite de cette même aspiration vers les choses utiles que Moiroud publia une importante brochure, dans laquelle il soumettait au Gouvernement le projet d’annexer à l'École vé- térinaire une ferme-modèle ; Ià, les élèves, déjà initiés à l’or- ganisation et aux maladies des animaux, auraient puisé d’u- tiles notions sur la pratique agricole, sur l'éducation et l’admi- nistration du bétail ; ils auraient eu sous les yeux les types des principales races domestiques , et ils auraient pu ensuite porter dans les campagnes du Midi, non pas seulement leur science de guérir, mais surtout des principes rationnels et salutaires pour l'entretien et l'amélioration des bestiaux, ainsi que pour le perfectionnement de la grande et de la petite culture. Nommé membre de la Société d'Agriculture de Toulouse , Moiroud eut, peu de temps après , le 18 mai 1837, l'honneur d’être admis à l’Académie des Sciences de cette même ville; mais ce titre, qui était sa plus belle récompense, devait être aussi sa dernière satisfaction. De ses travaux, l’Académie ne possède qu'un mémoire sur les moyens de dessécher les matières végétales sans atteindre le degré de chaleur nécessaire pour opérer leur décomposi- tion. Ces moyens, qui consistent dans l'emploi de courants d’air chaud et sec, peuvent être très-utiles pour les préparations chimiques et pharmaceutiques ; ils sont, en outre, susceptibles de nombreuses applications dans les usages domestiques. Se livrant avec trop d'ardeur aux soins de son administration et aux travaux qu’il destinait aux Sociétés savantes, dont il était un des membres les plus assidus, Moiroud vit sa santé s’al- térer de jour en jour. À la suite d'une courte et douloureuse maladie, il expira, le 12 novembre 1837 , à l’âge de qua- ranie ans. Il quittait la vie, laissant ses meilleurs travaux inachevés, et lorsque, par sa belle position, ainsi que par les joies de la famille, il commençait à être heureux. Les regrets unanimes de ceux qui avaient connu Moiroud en- tourèrent la tombe de cet homme irréprochable, plein de mérite et de modestie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 365 Il fut le premier qui, dans sa profession, eut l’honneur d’être appelé au sein de l’Académie des Sciences de Toulouse. Savant professeur , écrivain lucide et distingué, il contribua au pro- grès des sciences utiles. Il fut aussi l'organisateur qui releva une école destinée à rendre de grands services aux populations rurales du Midi de la France. Enfin, sa vie, malheureusement trop courte, se distingua toujours par son dévouement aux in- térêts publics. 366 MEMOIRÉES ÉLOGE DE DUJAC (Xavier) ; Par M. COUSERAN. L'AcapËmIE , par un article de ses règlements, s'est imposé de ne remplacer ses membres décédés, qu'après que leur éloge aurait été prononcé dans une de ses séances. C'est ce devoir, dont m'a chargé M. le Président dans une des premières séances de l’année , que je vais tâcher de remplir à l'égard d’un de vos membres, mort prématurément en 1837. DUJAC (Xavier) , était né à Tarbes , en 1791, de parents très-honorables ; son père, Officier de santé, qui jouissait, à juste titre, de la considération générale, le destinait à la carrière de la médecine, et ne négligea rien pour lui donner une éducation qui pât le rendre digne de la confiance qu'il avait acquise lui- même par son savoir , son zèle et sa probité. Mais, malgré les vives sollicitations de son père, qui n’aspi- rait qu'après le bonheur de voir son fils lui succéder , et l'attrait que pouvait avoir, pour le jeune Dujac, une belle position assurée , celui-ci , entrainé par son goût vers l’étude des sciences accessoires à la médecine , et surtout vers l'étnde des mathéma- tiques, de la physique et de la chimie, s’adonna à la carrière de la pharmacie. Doué d’un caractère vif et d’une précoce intelligence , Dujac fit dans la profession qu'il avait embrassée, des progrès très- rapides; bientôt la vie de l'officine, dans sa ville natale, ne put plus suflire à son ardente activité, et avant d'être atteint par la loi de la conscription, il quitta sa famille pour entrer dans la pharmacie militaire. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 307 Ïl servit d’abord , en cette qualité , dans l’armée des Pyrénées, où ses connaissances et son intelligence furent promptement appréciées, et on ne {arda pas à lui confier le service en chef des hôpitaux militaires temporaires de Saint-Jean-de-Luz et de Lahonce. Il passa de là aux ambulances de l’armée des Alpes , fut suc- eessivement employé dans les hôpitaux de Strasbourg, de Frey- berg et aux ambulances de l’armée du Nord; partout il se fit remarquer par son aptitude et son zèle à remplir ses devoirs. A la chute de l'Empire, Dujac abandonna cette vie nomade qui allait alors à son caractère et à son âge. Il rentra auprès de sa famille, qu'il quitta bientôt pour aller à Montpellier , où il fut préparateur du cours de chimie à la Faculté des sciences. Quelque temps après , il revint à Tarbes, y prit le titre de pharmacien, et se mit à la tête d’une officine. Les développements que prirent à cetle époque, sous notre nouveau régime politique, les études des sciences chimiques et pharmaceutiques, répandues dans toutes les parties de la France par le Journal de Pharmacie chimique, rédigé par nos plus grands maîtres de la capitale, accueillis avec reconnaissance par tous les hommes qui considéraient leur profession, au point de vue de la science et de la philanthropie, ne tardèrent pas à ébranler la détermination qu'avait prise Dujac d'exercer la pharmacie dans sa ville natale. Il se rendit à Paris pour assister aux savantes lecons des professeurs de nos écoles, si justement renommées , où il se livra pendant quelque temps à l'étude des questions chimico- pharmaceutiques, et ilen soumit les résultats à l'Académie de cette capitale. Dujac revint à Tarbes, qu'il quitta de nouveau, et cette fois pour toujours ; car il acquit à Toulouse une des plus anciennes officines de pharmacie de cette ville, dont notre confrère, par son aptitude, son zèle et son activité, était bien à même de soutenir et d'étendre la renommée. Sur ce nouveau théâtre, notre confrère ne négligea rien pour se mettre en rapport avec les hommes distingués par leurs connaissances dans les sciences , 368 MÉMOIRES etil ne tarda pas, en effet, à prendre bientôt rang au milieu d'eux. En 1827, Dujac adressa à la Société de Médecine, un mé- moire sur la composition chimique de l'extrait de pavot indi- gène, comparée à celle de l’opium du Levant : les résultats de ce travail, qui n’était point sans mérite, puisqu'il valut à son auteur une médaille d'encouragement, n'ont point été entière- ment confirmés , depuis que les procédés d'analyse se sont per- fectionnés, car la morphine que l’auteur n’avait pas trouvée dans les pavots indigènes, y a été démontrée par Pelletier et plusieurs autres chimistes. En 1828, Dajac alla de nouveau à Montpellier, recevoir de l'Ecole spéciale de Pharmacie de cette ville, le grade de Pharmacien de première classe , qui lui était indispensable pour entrer dans le sein de la Société de Médecine, où désiraient l'avoir ses confrères qui en faisaient partie. Sa thèse, dédiée à cette Société, portant pour titre : Considérations générales sur l'analyse de l'extrait d’aloës exotique, comparée à l'extrait de l'agave americana , est un bon mémoire sur ce médica- ment exotique. En 1831, les Pharmaciens de Toulouse adressèrent aux di- vers pouvoirs politiques de cette époque, leurs justes plaintes sur l’état déplorable de leur profession , et sollicitèrent la réforme des abus qui leur portent encore un préjudice notable, au point de vue de la dignité de leur profession et de leurs intérêts. Dujac fat chargé par ses confrères de la rédaction de ce travail, et il répondit dignement à leur confiance, en démontrant au Pouvoir, d’une manière très-convenable, mais avec indépen- dance, la justice de leurs réclamations. En 1832, Dujac adressa un mémoire sur la fermentation , à la Société de Médecine, qui l’admit au nombre de ses membres résidants, sur les conclusions du rapport d’une Commission dont j'eus l'honneur d’être l'organe. Enfin , en 1833, Dujac prit place au milieu de vous, Messieurs , et vous savez combien, pendant le peu d'années que cet honorable confrère a partagé vos travaux, il fut exact DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 369 à assister à vos séances , et à remplir tous ses devoirs d’Aca- démicien. Le Recueil de vos productions renferme plusicurs mémoires et rapports de notre zélé confrère, dont je vais vous rappeler en peu de mots les plus remarquables : 1° Un mémoire sur la théorie des volcans, où l’auteur dis- cute longuement les diverses opinions émises sur les phéno- mènes volcaniques et la chaleur centrale, jusqu’à l'époque où il écrit. Il n'admettait point que cette chaleur et l’eau fussent les seuls agents que la nature employait pour la production des phénomènes volcaniques , et il croyait que le calorique n'agis- sait pas seulement comme cause d'expansibilité, mais encore comme corps expansible ; 2° Un mémoire sur les phénomènes calorifiques qui résultent de l'extinction de la chaux vive, où l’auteur, qui n’adopte pas que la chaleur dégagée pendant cette opération, soit due à la solidification d’une partie de l’eau employée à l'extinction, expose ses opinions sur le calorique, opinions qui n’ont point été partagées par les hommes compétents en cette matière ; 3° Un mémoire sur le tanin, et les moyens d'obtenir ce pro- duit pur pour réactif : procédé très-compliqué, où l'auteur prouve combien les manipulations propres à la séparation des principes immédiats des végétaux lui étaient familières ; &° Un rapport important au nom d’une Commission de l’Aca- démie, sur la première fabrique de produits chimiques pour les arts , établie à Toulouse en 1835 ; 5° Enfin l'éloge de M. Dispan, où Dujac, avec sa vive et mâle éloquence, dépeint la carrière scientifique du modeste profes- seur qui laissa dans vos rangs un si grand vide, rempli au- jourd'hui par le jeune savant que les profondes connaissances, les ressources variées de son intelligence et les heureuses quali- tés du cœur qu'il possède si bien, vous font vivement apprécier ; par cet excellent collègue que nos vœux voudraient voir défini- tivement au poste qui fut si dignement occupé par son premier R° S. — TOME I. 26 370 MÉMOIRES maître, et depuis par ce professeur si éminemment distingué que l’Académie a vu avec regret s'éloigner de ses rangs. J'aurais encore à vous entretenir, Messieurs, d’un mémoire sur l’éthérification que Dujac avait publié, et de ses nombreuses recherches sur l’action du chlore et des chlorures dans les cas d'épidémies, ainsi que d’une histoire complète et raisonnée de la pharmacie, qu'il se proposait de publier, et dont il commu- niqua les premières pages à la Société de Médecine, peu de jours avant sa mort. Mais, pour ne pas abuser plus longtemps de votre bienveillante attention, je me borne à ces seules citations. Comme vous venez de le voir, Messieurs, notre confrère, malgré les exigences d'une profession qui ne laisse pas le moin- dre loisir à celui qui veut en remplir tous les devoirs , entraîné par son goût vers les sciences physiques, en suivait les progrès peut-être aux dépens de sa santé. Cependant Dujac, quoique ayant l'apparence d’une faible constitution, n'était point maladif, et rien ne faisait présager une fin prochaine, lorsque au commencement de l’année 1837, à la suite d’une épidémie de grippe dont il fut atteint, sa santé se dérangea ; il devint triste et mélancolique, sa physio- nomie prit l'empreinte de la douleur, et il mourut le 24 février 1837, à l’âge de quarante-six ans. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 374 Ra ————————— BULLETIN DU MOIS DE JUIN. M. Laroove lit une note sur l'ébullition de l’eau à l'état sphéroïdal dans le vide. (Imprimée dans le volume.) M. Noucer donne communication d’une note sur une nouvelle espèce de Pachyderme fossile, du genre Lophiodon , qu'il pro- pose de nommer Lophiodon Lautricense. (Imprimée dans le volume. } M. Sanr-Guismen lit une note sur la précession de l’axe ins- tantané dans le mouvement d’un corps solide autour d'un point fixe. Dans un Mémoire publié, l’année dernière , parmi ceux de l’Académie, M. Saint-Guilhem a démontré ce théorème re- marquable : lorsqu'un corps solide tourne autour d'un point fixe, l'axe du moment résultant des forces centripètes est toujours représenté en grandeur et en direction par la vitesse de l'extrémité de l'axe du moment résultant des quantités de mouvement. Cet Académicien , faisant aujourd’hui l'application de ce théorème, au cas où le corps n’est sollicité par aucune force, établit que La trace de l'équateur sur le plan inva- riable, coïncide toujours avec l'axe du moment résultant des forces centripètes. H en conclut immédiatement , sous forme finie, l'expression des cosinus de l’angle de la précession de l'axe instantané, au moyen des composantes de la vitesse an- gulaire autour des trois axes du corps. Au nom d’une Commission composée de MM. Brassinne, Molins, Gascheau, Saint-Guilhem , M. Brassinne fait un rap- port favorable sur la solution analytique d'un problème que M. Peyras, licencié ès sciences mathématiques et professeur à Séance du 5 juin, 12 juin. Séance ublique. 15 juin. 372 MÉMOIRES Revel, a adressé à l’Académie. Ce problème est le suivant : Deux mobiles se meuvent uniformément dans le même plan. Le premier suivant une droite donnée, et le second de manière que la direction et le sens de son mouvement soient la droite qui à chaque instant joindrait les deux mobiles. Trouver la trajectoire décrite par le second mobile. En donnant des éloges à ce travail, la Commission engage ce jeune professeur à suivre avec zèle la voie des recherches dans laquelle il est entré, et à étendre, en le généralisant , le problème dynamique qu'il a traité avec clarté et intelligence. L'Académie entend la lecture préparatoire des ouvrages qui doivent être présentés dans la séance publique du 15 juin, selon l’ordre suivant : 1° Discours d'ouverture, par M. Vitry, Président ; 2° Note de M. Noulet, sur une nouvelle espèce de fossile ; 3° Une Note de M. Joly, sur une momie américaine ; 4° Discours de M. Dubor, sur la question du concours pour l’année 1853. L'Académie a adopté pour sujet de prix à décerner en 1854, la question suivante : Etablir , par la théorie, des règles pratiques sur la cons- truction des voûtes cylindriques en maçonnerie , droites ou biaises, et déterminer l'épaisseur qu'il convient de donner à la clef, celle des pieds-droits et la forme de l'extrados , lorsque l’intrados est connu. M. Lavocar prononce l’éloge de M. Moiroud. ( Imprimé dans le volume. ) M. Viry , Président, a ouvert la séance par un discours sur l'influence de la Science dans la production des richesses des nations. M. Nouzer a donné lecture d’une note sur une nouvelle espèce de fossile du genre Zophiodon, qu'il se propose de nommer DE L' ACADÉMIE DES SCIENCES. 373 Lophiodon Lautricense, pour rappeler que les seuls débris de cet animal connus jusqu’à ce jour , ont été découverts dans le territoire de Lautrec ( Tarn }. M. Jocy lit une note sur une momie américaine très-bien conservée. M. Duror donne lecture d’un travail intitulé : Renseigne- ments sur la question mise au concours pour l’année 1853. La séance a été terminée par la lecture des sujets de prix proposés par l’Académie pour les années 1852, 1853 et 1854. L'Académie procède aux élections annuelles pour 1852. Le dépouillement des divers scrutins a donné les résultats suivants : M. Vitry, Président; M. Gaussail, Directeur , M. Hamel, Secrétaire adjoint, ont été réélus. Au Comité de librairie et d'impression : M. Petit, M. Filhol, M. Ducos, ont été réélus. Au Comité économique : M. Molins , M. Noulet , M. Molinier, ont été réélus. M. Couseran a été continué dans ses fonctions d’économe pour 1852. M. Jocy lit un Mémoire qui lui est commun avec M. le Docteur Laforgue, intitulé : Etudes tératologiques et obstétri- cales sur un monstre anencéphale, du sexe féminin , né à Toulouse le 30 mars 1851. M. Ducos lit une Notice sur l'histoire du Pape Innocent IF, et de ses contemporains, par M. Frédéric Hurter , Président de consistoire à Schaffhouse , traduite de l’allemand par MM. de Saint-Chéron et Haiber. ( Imprimée dans le volume. } M. Perir communique de nouveaux détails sur le tremble- ment de terre ressenti à Palma, dans la nuit du 1# au 15 mai dernier ; détails fournis par M. Chaussat, chancelier gérant du consulat français à Majorque. 19 juin. 26 juin. 374 MÉMOIRES Le même Académicieu donne quelques détails sur une dévia- tion considérable vers le Sud , constatée par lui , dans le mou- vement des projectiles qui sont lancés verticalement de bas en haut avec de grandes vitesses. « Il y a déjà plusieurs années, dit M. Petit, que nous avions projeté, mon ami M. d’Abbadie et moi , le travail commencé ces jours derniers à l'Observatoire de Toulouse. Diverses circonstances en avaient jusqu’à ce Jour retardé l'exécution. Mais privé, à mon grand regret, du con- cours de M. d’Abbadie pour les apprécier , j’aurai le soin , dans la rédaction du mémoire, de faire ressortir la part qui doit lui revenir dans ce travail. M. Fimo lit, en son nom et au nom de M. Joly, un Mémoire ayant pour titre : Faits pour servir à l'étude chimique du lait. M. Barry entretient l'Académie de la découverte de quet- ques médailles antiques, qu'il met sous ses yeux. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 375 NOTICE SUR L'HISTOIRE DU PAPE INNOCENT III ET DE SES CONTEMPORAINS , Par M. Frédéric Hurrer , Président du Consistoire à Schalfhouse , traduite de l'allemand par MM. de Saint-Chéron et Haiber. Par M. DUCOS. Cerre histoire est un ouvrage, comme les Allemands qui écrivent savent les faire ; c’est un travail tout à la fois plein de savoir et d'intérêt. Connaissance des faits, recherches minu- tieuses et multipliées , érudition consciencieuse , étude pro- fonde des hommes et des choses ; rien n’y manque. La marche de l’auteur est quelquefois un peu lourde ; les détails qu'il ne veut pas négliger, semblent la retarder et l'embarrasser, mais il ne tarde pas à se dégager, à reprendre une allure ferme ct soutenue. La lecture de ce livre nous donne une idée complète de cette époque remarquable , dans laquelle la papauté a joué un si grand rôle. Les événements qui semblent s’y presser et les hommes qui les ont produits, y sont parfaitement mis à leur place, et en général appréciés à leur juste valeur. Ce n’est pas une petite singularité que cette appréciation d’an Pape qui avait si fort élevé son autorité au-dessus de celle des rois , faite par un ministre protestant. Ce qu'il y a de plus remarquable , c’est l’impartialité constante de l’auteur , qui s’érige en panégyriste de la papauté , et défend son héros même des imputations que des écrivains catholiques lui ont faites. IL est vrai qu'après avoir écrit l’histoire d'Innocent HI, M. Hurter a embrassé le catholicisme ; en lisant cette histoire, l’on est plus d’une fois tenté de croire que M. Hurter était déjà catholique , du moins par la pensée , quand il lécrivait. 376 MÉMOIRES De grands événements signalèrent ja fin du xn° et le com- mencement du xmr siècle. La papauté, qui intervenait partout où il y avait un trône à raffermir ou à ébranler, des cou- ronnes à distribuer, des alliances à former ou à détruire , des que- relles domestiques à apaiser dans les maisons princières , enfin un lort un peu grave à redresser ou une injustice à réparer, eut à remplir un beau rôle. Nous la voyons étendant son influence sur {ous les Etats de l'Europe et sur une partie de l’Asie ; elle règle les affaires de Danemarck , de Pologne et de Hongrie ; elle force les rois d'Espagne ct de Portugal à rompre des mariages que proscrivait l'honnêteté publique, et à s'unir pour préparer la destruction des Maures ; elle précipite une croisade contre les hérétiques du Midi de la France ; elle contraint Philippe- Auguste , à l'apogée de sa puissance , à reprendre sa femme qu'il avait répudiée sous le prétexte facile d’un prétendu en- sorcellement ; elle renverse ou rétablit sur son trône ce roi lâche et barbare d'Angleterre , à qui les barons arrachèrent la grande Charte ; elle transporte la couronne de l'empire d’Al- lemagne ou d'Occident, de Philippe de Souabe à Othon, et d'Othon à Frédéric ; elle maintient un sage équilibre entre les villes d'Italie dont elle apaise les discordes; enfin, dans l'O- rient , Où sa voix n'est pas toujours écoutée , elle affermit la puissance des Latins devenus maîtres de Constantinople. Ecoutons M. Hurter, par l'organe de son traducteur, dans l'appréciation de cette haute mission de la papauté : « L’exis- tence d’un pouvoir basé sur des fondements moraux et sur la reconnaissance d'une influence divine et immédiate s’exer- çant sur les affaires humaines , pouvoir assez étendu et assez grand pour empêcher les luttes des rois et des états libres , ou pour les concilier, ne pouvait-elle pas être appelée bien- faisante? Innocent, du moins , essaya de réaliser cette mis- » sion ; et ce n'était pas chez lui une vaine parade de mots, » quand il se qualifiait le représentant du Conciliateur suprême » des hommes. Si le rêve d’une paix universelle pouvait s'exé- » » WA. QU ON CAT cuter , cela ne serait possible qu’à la condition qu'une auto- rité spirituelle , haut placée et généralement reconnue , exa- DE L ACADÉMIE DES SCIENCES. Sy minerait et accommoderait les différends entre les rois et les peuples , s’interposerait entre eux comme médiatrice et con- ciliatrice , et ferait marcher toutes les forces de la chrétienté contre celui qui, confiant dans sa propre puissance, ne vou- drait pas respecter ses sentences, contre l'ennemi commun de la tranquillité. — C’est ainsi que l'autorité d’Innocent par- vient à fonder la paix entre les rois de Castille et de Portugal menacés par les Maures , etc. » Et plus bas ; je cite divers passages : « Si nous examinons la légèreté de tant de grands seigneurs de cette époque dans leurs mariages , nous devons reconnaître aussi comme bienfaisante une autorité qui , si elle ne put pas empêcher l’ardeur effrénée des sens de briser un lien sacré, sut toutefois, quand des plaintes arrivaient , accorder protec- tion à des reines qui étaient indignement traitées. » — « Les orphelins des princes trouvaient également en lui (Innocent) protection et appui. » — « Livrées souvent à la cupidité, à l’aversion et à la violence de leurs parents, les veuves des rois rencontrèrent aussi défense et appui auprès de celui dont l’au- torité ne faisait aucune acception des personnes... Non-seule- ment les princes, mais les peuples aussi et de simples individus trouvèrent à Rome protection pour leurs droits, ou défense con- tre des oppressions..….. » M. Hurter développe ces énonciations et cite divers exemples. Il termine ainsi ces considérations : » Cette noble mission de la papauté fut , il est vrai , souvent » rabaissée dans les siècles suivants par des motifs vils, ramenée » à des buts temporels et cupides ; ce qui est une triste preuve » que l'institution la plus sublime et la plus bienfaisante ne » peut être appliquée par les hommes d’une manière toujours » exempte de blâme et toujours conforme à sa véritable na- » ture ! Un écrit, composé quelque temps après la mort de notre » grand Pape, déclare : qu'Innocent avait été si puissant par » sa parole et par ses actes , que s’il avait vécu seulement dix » années de plus, il eût réduit toute la terre sous son pouvoir, » et répandu sur tous les peuples une seule croyance. » Ce jugement de M. Hurter ne m'étonne pas. Innocent était un Vi 0.) Ce RO LEE SM -MAs S Vu VC D NN 378 MÉMOIRES homme de génie et: d'action. Son activité dévorante embras- sait tout , ne laissait rien à l'écart. Ce pontificat, qui dura un peu moins de dix-buit ans , domina le monde et le remua pro- fondément. C'est dans la correspondance immense d’Innocent que l’on peut puiser les preuves multipliées de cette sollicitude aussi universelle qu'incessante. Voilà le milieu dans lequel M. Hurter s’est placé ; inspiré par une pensée , si j'ose le dire, tout-à-fait allemande , il a dévoré les in-folios de Baluze et des autres compilateurs , et c'est avec la volumineuse corres- pondance d'Innocent, qu'il a fait l'histoire de ce Pape. Tout n'est pas également intéressant à lire dans les trois volumes dont se compose la traduction de M. de Saint-Chéron ; ainsi, par exemple, les querelles des chapitres avec les princes, au sujet de la nomination de certains évêques , les droits des abbayes quelquefois en litige et d’autres difficultés de ce genre , amènent bien souvent des détails que le consciencieux auteur allemand ne veut pas négliger, et qui sont d’un faible intérêt pour le lecteur. Mais il faut reconnaître qu’à côté de ces pages décolorées, il en est d’autres qui brillent d’un vif éclat. Il y a de la poésie dans la peinture de cette lutte des croisés Latins contre les Grecs, dans la prise de Constantinople , dans la des- cription des richesses immenses dont cette capitale était remplie depuis tant de siècles, et qui devinrent la proie des vainqueurs. Je cède au désir de citer quelques passages. « En débarquant , l'admiration des croisés dut se porter d’a- » bord sur Sainte-Sophie , le temple le plus grand et le plus » saint du rite grec, dominant toutes les églises , les châteaux » impériaux et l'immense agglomération des maisons ; puis, sur » le palais situé à la pointe la plus élevée de Constantinople , » à la place de l’Acropole, dans une étendue de plus d’une » lieue , avec ses édifices magnifiques , ses salles séparées ( ére- » clinia \ et ses portiques, ses tours , ses dômes et ses toitures » dorées. Quelle variété dans les constructions , quelle splen- » deur dans les appartements, quel luxe dans les bains, quelle » richesse de statues dans cette résidence souveraine , baignée » mollement par les vagues de la mer, reposant au sein de cette 4 YO Ÿ vY YO VV VE V by d'WUS' S N- DS NV LUN NU UV VENUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 379 luxuriante fécondité de la nature des deux continents ! Mais quelle solitude , quel abandon dans toute cette magnificence, depuis que les empereurs s'étaient retirés avec leur cour sur le côté opposé ! Le couvent de Saint-Georges , situé au nord- est de la ville, et pour lequel l’empereur Constantin Mono- machus n'eut pas assez de tous les trésors de l'empire , était en grande partie en ruines. L'empereur Isaac avait fait cons- truire avec les débris de ce couvent, un fort, près de son palais , etc. » Le dôme que Constantin avait dédié à la Sagesse faite homme dans la personne de Jésus-Christ, et que Justinien avait orné avec la somptuosité la plus variée , et tout ce que les richesses d’un empire immense pouvaient fournir de précieux et de rare , devait encore attirer davantage les pèlerins pleins de vénération pour les sanctuaires. En admirant cet édifice , glorifié par tous les siècles , qui est l'orgueil des Musulmans aussi-bien que des Chrétiens , l'étonnement des croisés dou- tait si l’art et la puissance de l'homme seulement l'avaient produit. Le fidèle qui se rendait à la maison du Seigneur , après avoir trouvé des portiques voütés et passé par deux porches , arrivait devant les neuf portes qui fermaient l’en- trée du temple et dans lesquelles plus d’un regard s’attachait moins au luxe d'ivoire , d'ambre jaune , de bois de cèdre et de métaux précieux , qu'aux planches de l'arche de Noé, dont ces portes étaient lambrissées. Que de trésors de tout genre en marbre , en porphyre, en granit, dans l'intérieur qui avait 240 pieds de longueur sur 213 de largeur ! Quelle splendeur dans les colonnes , les plus belles de tous les tem- ples célèbres du paganisme ! Quel art dans les mosaïques qui ornaient les murs et même les voütes! La coupole, éclairée par vingt-quatre fenêtres , s'élève sur quatre piliers semblables à des tours , à une hauteur de 180 pieds ; les lignes on- » doyantes du pavé de marbre représentaient les quatre fleuves du paradis, qui, comme des ruisseaux apportant la bénédic- tion et la fertilité à toutes les contrées du monde, paraissaient rouler leurs eaux vers les quatre portes ouvertes. De ce pavé 380 MÉMOIRES » SCO VONUONU V_V V-L M OUTUY CE surgissaient des arbres d'argent , des fleurs d’où Jjaillissaient des flots de lumière ; des lampes d’argent en forme de na- celles , toujours éclairées, voguaient sous les voûtes; des lus- tres étaient suspendus entre les colonnes ; des candélabres disposés en forme de croix , indiquaient l'éclat que le signe du salut répand sur les ténèbres de la vie ; et, au sommet des murs , des colonnes et des piliers , brillaïient des cierges in- nombrables , de sorte que , pendant les fêtes solennelles , un océan de lumière inondait les espaces sacrés. Au-dessus du pupitre planait un dais surmonté d’une croix en or, pesant cent livres, et parsemée de pierres précieuses et de perles. De la grille qui séparait le chœur de la nef , s’élevaient douze colonnes revêlues d'argent, et entre elles se trouvaient les images du Sauveur et de sa Mère , des Anges, des Prophètes et des Evangélistes. Mais si les regards des croisés avaient pu pénétrer à travers les portes garnies de tapis , dans le sanc- » tuaire où se dressait sur un piédestal d'or l'autel supporté par quatre colonnes d’or, autel qui ne formait qu’une seule masse composée d'or, de perles et de pierreries broyées ensemble , et dont le renfoncement , appelé /a mer, était encore guilloché en pierres précieuses ; s'ils avaient vu le trône d'argent avec son chapiteau encore entouré de fleurs de lis et sarmonté de la grande croix en or étincelante de brillants , et le siége du patriarche et les siéges des sept prêtres revêtus d’argent ; s'ils avaient vu dans le trésor l’immense provision de calices et de vases, les quarante-deux mille voiles brochés de perles » et de pierreries, et les vingt-quatre livres des évangiles , dont » chacun, avec sa couverture d’or, pesait deux quintaux, et » les six mille chandeliers d'or massif, et les sept croix en » or pesant chacune cent livres : comment d'aussi immenses » richesses n’auraient-elles pas excité la surprise chez les uns, 2 la cupidité chez les autres !..... » N'êtes-vous pas , comme moi, Messieurs , éblouis par une des- cription qui surpasse les merveilles féeriques des Fables orien- tales ? Je passe au palais de Blachernée, qui , « s’il n’était pas aussi DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 581 » étendu en circonférence que l’immense château impérial du » premier quartier, était alors plus remarquable comme la de- meure des souverains , et plus magnifique et plus vaste que la résidence de n'importe quel prince chrétien de l'Occident. Ce palais avait son port particulier : les navires y entraient par trois grandes portes voütées. Si l'œil était déjà ébloui par la magnificence de l'extérieur, il l'était bien plus encore par celle de l'intérieur, où l'or, le marbre et toute espèce de pierres précieuses rivalisaient par le fini du travail et la ri- chesse de la matière. Les exploits militaires de son fondateur , l’empereur Emmanuel Comnène , avaient été représentés en mosaïque sur un fond d’or. Dans la grande salle se trouvait le trône impérial , étincelant d'or et de brillants ; au-dessus du trône, une chaîne d’or tenait suspendue la couronne, par- semée des perles les plus rares. Des appartements entiers sufli- saient à peine à contenir les étoffes de soie , de pourpre et de drap d’or, etc. » Les trésors spirituels furent partagés entre les chefs des croisés. M. Hurter admet, sans critique, sans observation, une foule d'objets vénérables par le nom qu’on leur a donné, mais dont quelques-uns laissent naître dans nos esprits quelque doute sur l'authenticité qu’on serait heureux de leur accorder. Tout à l'heure nous avons vu qu'il était question des planches de l’arche de Noé. — Nous lisons plus bas : « Byzance possé- » dait aussi en reliques des richesses supérieures à celles de » l'Occident , depuis la pierre sur laquelle Jacob avait dormi » et la verge que Moïse avait changée en serpent, jusqu'à ces héros qui avaient sacrifié leur vie, sous les empereurs chré- tiens , pour la vénération des images , signe de reconnais- sanceet d’édification. On y conservait non-seulement quelques vêtements de la sainte Vierge , sa quenouille , mais même un peu de son lait ; on y exposait à la vénération des fidèles » la croix sur laquelle le Sauveur a souffert pour les hommes , » des gouttes de son sang par lequel il les a réconciliés avec » son père. On montrait encore les langes dans lesquels il avait » reposé, une dent de son enfance , quelques-uns des cheveux VV. VAN ON OV. IV ON MN M Y = Me CU 5. 1 382 MÉMOIRES » de son adolescence , un morceau du pain qu'il a rompu avec » ses disciples pendant la cène , un fragment du manteau de » pourpre sous lequel il fut présenté à Pilate , et la couronne » d'épines. » — L'on peut être, je pense, fort bon catholique, et ne pas croire à l’authenticité des gouttes de lait de la Vierge Marie , des langes et des dents de l’enfant Jésus. En général, M. Hurter n’est pas assez difficile pour les faits extraordinaires ; il les admet sans examen : il manque de critique. Dans son pre- mier volume , il parle de la découverte d'un trésor qui serait la chose du monde la plus extraordinaire ; il ne s'agit de rien moins que d’un empereur assis à sa table avec sa femme , ses fils et ses filles , le tout en or massif. C'est Rigord qui rapporte le fait ; du moins, cette fois, M. Hurter en parle en termes dubitatifs : « Il arriva que le vassal de Richard ( Cœur » de Lion }, le vicomte Adhémar de Limoges , découvrit un » trésor dont la valeur était extraordinairement exagérée par » les bruits, ou par l'imagination de la multitude. » Adhémar ne voulut en envoyer qu'une partie à Richard ; celui-ci, en sa qualité de suzerain , exigea le tout. Cette circonstance déter- mina Richard à faire une expédition contre le château de Cha- lusses , où il croyait que ces richesses étaient gardées ; on sait que c’est à la prise de ce château qu'il périt de la blessure que lui fit une flèche. Les circonstances de sa mort sont assez cu- ricuses pour être rapportées. — Richard avait annoncé qu'il ferait pendre toute la garnison , quand il aurait emporté le château : « La veille de l’Annonciation , il s’approcha du château sans » défense et sans prévoyance , accompagné du capitaine des » Brabancons , afin d'examiner par quel côté il était abor- » dable. Là , il fat atteint d’une flèche qui pénétra dans son » épaule ; elle se cassa lorsqu'on la retira, et sa pointe resta en- » foncée dans la blessure. On commanda immédiatement l’as- » saut, et la menace de Richard contre la garnison fut exé- » eutée, à l'exception seulement de celui qui avait tiré la flèche » et qui fut réservé à une vengeance plus cruelle. Le peu de » soin que le roi prit dans le commencement de sa blessure , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 283 » qui empira bientôt, à cause de la graisse de son corps et de » la non observation des prescriptions médicales , peut-être » aussi l’inexpérience du médecin , amenèrent en peu de temps » la gangrène et les symptômes d'une mort inévitable. Alors » Richard fit appeler Gourdon , dont la flèche lui avait été si » fatale, et lui dit : « Coquin , que t’ai-je fait pour que tu aies » osé attenter à ma vie ?» — « Tu as tué mon père, tu as tué » mes deux frères, et tu voulais me faire pendre ! Je suis en ton » pouvoir ; venge-toi : je me réjouis cependant du bonheur que » que j'ai eu d’avoir délivré le monde d’un monstre. » — « La » vengeance s'arrête , muette et désarmée aux portes de l’é- » ternité. Richard ordonna de mettre en liberté cet homme » courageux, et lui fit donner un présent de 100 schellings. » Ensuite, après s'être confessé avec une grande présence d’es- » prit à son confident et aumônier Milo , abbé de Citeaux , et » avoir recu les derniers sacrements de l'église , il mourut le » 6 avril, à l’âge de quarante-trois ans, la dixième année de » son règne ; admiré dans sa patrie pour sa bravoure devenue » proverbiale en Orient, chanté par les poëtes en Occident pour » son héroïsme, célébré dans les siècles suivants comme une » des brillantes fleurs de la chevalerie, si toutefois la témérité » qui méprise la mort en est le premier ornement. » C'est ainsi que M. Hurter, par d’agréables digressions dans l'histoire de l'époque , nous fait successivement connaître les contemporains les plus célèbres de son héros. La partie de cette histoire qui a fixé plus particulièrement mon attention , est celle où l’auteur raconte les faits qui in- téressent la guerre des Albigeoiïs. Ici, M. Hurter ne m'a rien appris , il n’a rien écrit que je n’eusse déjà lu dans le grand ouvrage des Bénédictins , l’Histoire générale de Languedoc ; notre auteur les suit pas à pas. C'était bien ce qu’il avait de mieux à faire. Cette grande histoire de Languedoc est si com- plète et si consciencieusement écrite, qu'il était impossible de choisir un meilleur guide. Ce sont les mêmes faits, les mêmes circonstances , racontés dans le même ordre ct revêtus des mé- mes couleurs. Une seule fois M. Hurter a voulu s’écarter de la 384 MÉMOIRES version des Bénédictins , et il a été mal inspiré ; ila commis une erreur : il raconte que lorsque les croisés se furent rassemblés à Lyon , ils élurent Montfort général de l’armée qui venait de se former : « Le légat, dit-il, passe en revue l’armée ; » elle voulait élire l’abbé de Cîteaux pour général en chef, » afin de prouver qu'elle se considérait comme étant tout-à-fait » au service du Pape, mais l’abbé refusa cette offre. Alors les » princes ayant invoqué le Saint-Esprit , réunirent leurs voix » sur le comte Simon de Montfort. » C’est là une erreur ma- nifeste. Voici le récit de Dom Vayssette, plus conforme à la vérité et même à la vraisemblance. « Les croisés, à leur » arrivée à Lyon, choisirent leurs chefs pour les comman- » der, et mirent à leur tête, en qualité de généralissime , » Arnaud , abbé de Citeaux et légat du Saint-Siége. » ( Æist. gén. de Lang. , liv. 21, ch. 53.) M. Hurter ne cite aucune autorité. Dom Vayssette se fonde toujours, ou sur Pierre de Vaux-Sernay, ou sur le fameux manuscrit de l’anonyme Languedocien, rédigé en vieux ro- man, et qui paraît avoir été écrit à l’époque même des événe- ments. L'erreur de M. Hurter est facile à démontrer. L’élévation de Montfort ne date que de la prise de Carcassonne. Ce fut alors seulement que l'abbé de Citeaux , après avoir vainement offert le gouvernement des provinces conquises , d'abord au duc de Bourgogne , puis au comte de Nevers , puis encore au comte de Saint-Pol, fit procéder à une sorte d'élection , qu'il désigna et fit nommer le comte Simon de Montfort ; celui-ci, qui venait chercher fortune, joua la comédie avec Arnaud, et fit semblant de se laisser forcer la main. Telle fut l'origine de la grandeur de Montfort , qui, jusque-là , était demeuré confondu dans la foule des barons croisés. Ici se présente une double preuve de l'erreur commise par M. Hurter. La première, qui à elle seule serait décisive, c'est le silence complet de Pierre de Vaux-Sernay, sur la promotion de Montfort au commandement de l’armée à Lyon ; Pierre de Vaux-Sernay , historiographe fanatique de Montfort, qui re- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 355 cherche avec tant de soin toutes les circonstances favorables à son héros et toutes les occasions de le grandir, n’eùt pas man- qué de raconter ayec emphase un fait aussi honorable pour lui. Ce silence est pour moi un argument péremptoire. Mais voici une seconde preuve qui n'est pas moins décisive. Après la prise de Carcassonne , M. Harter le reconnaît, le gou- vernement des provinces conquises fut offert par l'abbé Arnaud au duc de Bourgogne, au comte de Nevers, au comte de Saint- Pol ; en quatrième rang à Simon de Montfort. L'on conçoit très-bien qu'Arnaud , qui voulait se faire nommer et qui se fit nommer archevêque de Narbonne, tint fort peu à s’'embarrasser de l'administration de ces provinces, dont la population oppri- mée et remuante ne pouvait être contenue que par un homme d'épée, habile aux expéditions militaires ; mais ce que l’on au- rait de la peine à concevoir, c’est que, tandis que Montfort aurait été déjà investi du commandement de toutes les forces, l’on eùt songé à un autre pour le gouvernement de la conquête , et que l’on ne fût venu à lui qu'après trois refus consécutifs de seigneurs qui, dans le fait, auraient été sous ses ordres. Une si haute inconvenance n’est pas probable , et ici l’absurdité est telle, qu'elle équivaut à l'impossibilité. Par là , se trouve de plus en plus démontrée l'erreur de notre historien. Innocent III a été assez remarquable par lui-même , pour que M. Hurter n'eût pas besoin dele grandir aux dépens de la vérité ; mais 1l a voulu se constituer son panégyriste et le justifier même des reproches que presque tous les historiens se sont accordés à lui adresser. Ainsi , il rejette entièrement sur les légats tous les excès si déplorables qui signalèrent la croisade contre les Albi- geois ; M. Hurter dit qu'Innocent les ignorait , et que ses ordres ne furent pas exécutés. Je veux le croire ; je ne prétends pas, à Dieu ne plaise, justifier les légats ; mais il faut reconnaître que ce Pape leur faisait trop facilement le sacrifice de son autorité, dont cependant partout ailleurs il se montrait si jaloux. Trois fois il ordonne aux légats d'entendre la justification du comte de Toulouse ; trois fois les légats refusent d'exécuter les ordres du Pape , sans encourir aucune censure ; loin de là , Innocent R° S. — TOME 1. 27 386 MÉMOIRES désobéi, confirme l'excommunication qu'ils ont prononcée con- tre ce prince. Rigide observateur de la discipline ecclésiastique , Innocent la fait fléchir en faveur de ces mêmes légats , dans une circons- tance solennelle. Foulque venait d’être nommé évêque de Tou- louse. L'évêque de Toulouse , suffragant de l'archevêque de Narbonne, ne pouvait être sacré que parson métropolitain. Mais Arnaud , qui travaillait à renverser le titulaire actuel de Nar- bonne , qu'il remplaça bientôt après, ne pouvait pas s'adresser à lui. Arnaud fait venir l'archevêque d’Arles ; celui-ci sacre Foulque et le place sur le siége de Toulouse. Une telle infrac- tion aux règles de la hiérarchie canonique , eût appelé partout ailleurs les mesures les plus sévères de la part du Pape. L’arche- vêque de Narbonne , contre les droits duquel se faisait cette consécration , en porta ses plaintes à Innocent III ; mais ce Pape, ajoute Dom Vayssette, « ne lui répondit pas directement, et » se contenta d'écrire un bref au chapitre de Narbonne, pour » marquer que ce sacre s'était fait, sans préjudice de la sou- » mission que l'église de Toulouse devait à celle de Narbonne. » I faut convenir qu'Innocent en usait autrement et déployait un peu plus de rigueur pour les infractions qui pouvaient être commises en Allemagne, ou en Angleterre ; il faut reconnaître que cette conduite envers les légats de la croisade porte un vé- ritable caractère de faiblesse. Un historien anglais, Matthieu Paris , accuse Innocent d’a- voir eu une soif insatiable d'argent. M. Hurter, pour le justifier de ce reproche , fait une longue énumération de tous les actes de bienfaisance et de toutes les fondations de charité qui signa- lèrent le pontificat d'Innocent HT. Il paraît certain que ces œuvres ont été nombreuses ; mais notre historien feint d'oublier ce qu'il a consigné lui-même dans le livre vingtième, à l’occasion du Concile de Latran ; je copie : « Le Concile se sépara le jour » de la saint André. Tous n'étaient pas contents , surtout s’il est » arrivé à plusieurs ce qui arriva à l’abbé de Saint-Albain. » Celui-ci, en prenant congé du Pape , donna à la chambre » cinquante marcs ; mais on lui fit entendre d’une manière pas- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 387 » sablement rude qu'il devait en donner cent , et il fat obligé » d'emprunter sous de dures conditions chez les changeurs de » la cour ; il quitta Rome tout indigné, » Romam murmurando salutavit , dit Matthieu Paris. — M. Hurter rapporte le passage suivant du même auteur : Soluto Concilio, extorsit Papa de unoquoque prælato infinitam pecuniam , quam cum viaticis cogebantur de usurarts suis mutuo dare duris conditionibus sumere. M. Hurter, en écrivant l'histoire d’un grand Pape et tout en élevant fort haut un beau caractère et des actes vraiment dignes d'éloge , n’était pas obligé de louer tout indistinctement ; il aurait dû se rappeler cette maxime qui doit toujours servir de guide à l'historien : Æmicus Plato , amicus Aristoteles, sed magis amica veritas. 388 MÉMOIRES e———————————————_—_—_——_—_—_—_— "|! NOTE SUR UN ANTHRACOTHERIUM MAGNUM DÉCOUVERT À MOISSAC (Tarn-et-Garonne), ET SUR L'AGE GÉOLOGIQUE DE CETTE PARTIE DU BASSIN SOUS - PYRÉNÉEN ; Par M. A. LEYMERIE. Dans un petit voyage que je fis à Moissac pendant les vacances de Pâques de cette année 1851, je vis chez notre honorable correspondant, M. Lagrèze-Fossat , une pièce qui fixa mon attention d’une manière particulière. C'était une mâchoire in- férieure presque complétement engagée, sauf les dents, dans une mollasse friable, pièce que je reconnus de suite pour ap- partenir au genre Ænthracotherium. Ayant écrit depuis à M. Lagrèze pour le prier de vouloir bien mettre pendant quel- que temps ce fossile à ma disposition , afin de l’étudier , il eut la bonté de se rendre à mes vœux avec un empressement dont je suis heureux de pouvoir le remercier ici devant vous. IL voulut même joindre à cette pièce principale , dans son envoi, plusieurs autres morceaux et dents dont je parlerai plus tard. Le but de la présente note est d’abord la détermination de cet intéressant fossile, et ensuite l'indication du parti qu'il est possible d’en tirer pour la fixation de l’âge géologique du ter- rain qui le recélait. Je commencerai par dire un mot des cir- constances dans lesquelles il a été découvert , et de la restaura- tion qu'il a fallu lui faire subir, afin de l'amener à un état convenable pour l'étude. On sait qu'il y a huit ou neuf ans, la route de Toulouse à Bordeaux, qui passe maintenant au pied des collines tertiaires, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 389 montait à Moissac, par une côte rapide, sur ces mêmes collines qui bordaient alors presque immédiatement le Tarn et la Ga- ronne. Depuis, on est parvenu à faire reculer les eaux par d'énormes remblais , afin de préparer une place pour la route et pour le canal latéral à la Garonne. C’est en entamant le coteau pour ce remblai, à 145 mètres environ au-dessus du Tarn, dans le quartier Saint-Martin , que l'on décou- vrit, en 1842, une portion considérable d'une tête que les ouvriers s’empressèrent de briser, poussés par je ne sais quel génie destructeur dont les naturalistes n'ont que trop sou- vent l’occasion de maudire l'influence. Le morceau principal qui avait résisté à une mutilation plus complète , grâce à l’em- ballage naturel qui le protégeait, est celui que je remarquai chez M. Lagrèze. Il consiste, comme nous l'avons déjà dit, en une mâchoire inférieure. Comme cette mâchoire était engagée dans la roche qui ne laissait voir que les dents, et encore d’une manière incomplète , il fallait d'abord la dégager. C'est ce que j'ai entrepris avec l'assistance de notre zélé préparateur M. Tra- verse. Nous y sommes parvenus assez heureusement, et d’une manière presque complète, malgré la friabilité des os et les fractures qu’ils portaient en plusieurs endroits. Nous avons même réussi à y adapter des dents séparées , envoyées en même temps par M. Lagrèze, et, de plus, l'extrémité du museau que nous ayons eu le bonheur de faire sortir intact de l'enveloppe sableuse qui le cachait, dans l’un des morceaux isolés qui faisaient partie du même envoi. La mâchoire ainsi dégagée, consolidée et restaurée autant que possible, offre toute la partie antérieure à peu près com- plète. Le côté gauche porte les six dernières molaires, la première, séparée des autres par un intervalle, n'étant indiquée que par son alvéole. Du côté droit, il manque la portion pos- térieure du maxillaire , et l’on ne trouve que la {°° et les 3°, 4°, 5°, molaires, la plupart plus ou moins mutilées. La mâchoire entière parait avoir subi une compression latérale qui a fait dévier légèrement les deux côtés de leur position naturelle. Les molaires antérieures ont aussi été un peu déplacées. La plupart 390 MÉMOIRES des dents du côté gauche sont bien conservées. La dernière molaire notamment, est dans un état admirable. Le museau, grâce à notre restauration, est presque complet, et laisse voir les alvéoles des canines et des incisives. Pour la détermination de cette pièce, nous avions, outre les figures et les descriptions de Cuvier (Recherches sur les osse- mens fossiles), un morceau de mâchoire inférieure de Cadibona avec les deux dernières molaires très-bien conservées, et plu- sieurs modèles en plâtre du cabinet de la Faculté des sciences, parmi lesquels une magnifique mâchoire inférieure de l'4n- thracotherium magnum d'Auvergne, que Cuvier ne connais- sait pas, au moins lorsqu'il écrivait son grand ouvrage. Ayant comparé avec la plus scrupuleuse attention la mâchoire de Moissac à ces diverses pièces avec notre savant confrère M. Nou- let, dont j'avais réclamé l'assistance, tenant compte d’ailleurs du texte et des figures de Cuvicr, nous avons acquis la convic- tion , d’une part, qu’elle appartenait incontestablement au genre Anthracotherium , ainsi que j'avais eu la bonne fortune de le reconnaître à la première vue, et d’autre part, que son iden- tité spécifique avec la mâchoire d'Auvergne, n'était pas dou- teuse. Dès lors elle devait être rapportée à l’Ænthracotherium magnum, Cuvier (1). (1) L’Anthracotherium ( animal du charbon), ainsi nommé par Cuvier, parce qu’il a été trouvé pour la première fois dans un charbon ligniteux de Cadibona (Piémont), constitue un genre éteint qui dépend de cette famille si remarquable des Pachydermes qui ont vécu dans nos contrées pendant la période tertiaire et qui en ont disparu aujourd’hui, et dont la plupart même ne se retrouvent plus dans aucune partie du globe. On n’a pas assez de parties du squelette de cet animal pour pouvoir Fi reconstituer comme on l’a fait par exemple pour le Paleotherium et V’ Anoplotherium. Les Paléontologistes ne connaissent réellement d’une manière précise que son système dentaire. Les molaires sont au nombre de sept en haut et en bas, Les inférieures sont hérissées de points coniques. Les supérieures ont une couronne marquée, composée de quatre pyramides saillantes mais obtuses et d’un nombre va- riable de plus petites. Les canines sont fortes el offrent quelque ressem- blance avec celles des tapirs. Les incisives inférieures sont projetées en avant comme celles du cochon, avec lequel notre animal parait offrir assez d’ana- logie. On distingue plusieurs espèces d’Anthracotherium dont quelques-unes DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. D91 Outre le beau morceau qui fait l'objet principal de cette note, nous avons eu encore entre les mains plusieurs dents du même animal, savoir : la dernière molaire du côté droit, de beaux fragments de canines et une molaire de la mâchoire supérieure. Cette dernière dent n’a pas été trouvée précisément dans le même gîte que les autres. Elle fut découverte , en 1838 , à Malari , section de Montescot , commune de Moissac. Moissac est jusqu’à présent la seule localité du bassin sous- pyrénéen qui ait offert l’Ænthracotherium magrum (1). La présence de ce fossile dans nos contrées est un fait im- portant, non-seulement sous le rapport paléontologique, mais encore au point de vue géologique. En effet, le genre Ænthra- cotherium et particulièrement lAnthracotherium magnum , est un des animaux les plus caractéristique de l'époque miocène, et semble fixer l’âge des collines de Moissac. Deux dents de Rhinocéros qui ont été trouvées en même temps et dans le même gite que la mâchoire dont il s’agit, et celles du même genre découvertes à Saint-Laurent , non loin de la même ville, dans les mêmes contrées (2); enfin la présence de l'Ænisodon (sorte d’Ænoplotherium qu'on trouve à Sansan) signalée pouvaient bien ne pas différer beaucoup du cochon ; mais la plus grande, celle à laquelle appartient la mâchoire de Moissac, devait atteindre la taille d’un grand rhinoceros, ou au moins s’en rapprocher beaucoup. Sa tête se terminait par un museau allongé. (1) En rédigeant ce petit travail, je croyais que la mâchoire qui en fait l’objet était le seul indice de l’Anthracotherium magnum reconnu à Moissac ; mais j'ai appris depuis par M. Raulin , professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux , qu’en 1842 ou 1843 , deux molaires supérieures furent trouvées par M. Ducos, en entamant la colline pour les travaux dont j'ai déjà parlé. Ces dents furent remises à M. Gervais qui les reconnut pour appartenir à Panimal dont il s’agit. Il est très-probable que ces dents gisaient dans le lieu même qui a offert notre mâchoire et qu’elles provenaient du même individu. (2) C’est en 1820 que ces dents furent trouvées en creusant un puits, et re- mises à Cuvier par M. Detours. Parmi ces dents, les unes appartenaient à un grand rhinoceros et les autres à une petile espèce que Cuvier désigna par le nom de #énutus. Elles figurent dans les galeries du Museum d'histoire na- turelle de Paris. 392 MÉMOIRES par MM. Lartet et Noulet entre Moissac et la Magistère , viendraient corroborer cette détermination , car ces pachy- dermes n'ont commencé à paraître ou au moins à se déve- lopper qu'après le dépôt de l'étage éocène. Cette manière de voir était d'ailleurs indiquée par l'identité minéralogique des collines de Toulouse et de Moissac, et par la continuité du terrain dans tout l'intervalle qui sépare ces deux villes. Le lecteur pourra juger de cette identité par l’énonciation succincte des caractères géognostiques les plus généraux des coteaux qui dominent la seconde ville. Ils sont constitués par des argeré- nes (4) blanchâtres et grisâtres maculées de jaunes, passant rarement à l'argile, mais souvent à la mollasse argileuse. En certains points, comme par exemple au faubourg Saint-Martin, sur la nouvelle route de Bordeaux { gîte de notre Ænthracothe- rium ) , le sable est assez développé vers la base de la colline ; il domine même dans les coteaux situés du côté opposé, c’est- à-dire à l'Est de Moissac, et particulièrement à Sainte-Livrade. Ce terrain , considéré dans son ensemble , offre peu de consis- tance , et se laisse facilement entamer par les influences atmos- phériques. Toutefois on y trouve des parties dures sous forme de cordons, en général horizontaux , qui font saillie dans les escarpements ou les ravins. Ce sont principalement des grès plus ou moins calcaires. A Moissac même, le calcaire propre- ment dit ne se montre presque pas ; mais à Boudou, à une lieue de cette ville, du côté de Bordeaux, on voit naître au sommet des coteaux , sous une assise sableuse , un banc de calcaire en partie concrétionné, où l’on trouve, pour le dire en passant, des moules d'hélices que M. Noulet a reconnus pour appartenir à une espèce très-fréquente dans les calcaires marneux miocènes du Gers. Cette roche se développe de plus en plus à mesure qu'on approche d'Agen où les escarpements qui dominent la ville en sont en grande partie composés. Ces caractères , sauf celui tiré du calcaire , qui ne commence (1) Je donne ce nom à un mélange intime d’argile et de sable fin souvent micacé el calcarifère, qui constilue la roche dominante du pays loulousain. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 393 d'ailleurs à se montrer qu'à une lieue plus loin que Moissac, et qui ne doit être considéré que comme un grand accident , rappellent singulièrement ceux du Pech-David de Toulouse, et nous ne voyons réellement pas de motifs suffisants, pour nous déterminer à attribuer aux terrains de Moissac , ainsi que vou- drait le faire mon collègue de Bordeaux M. Raulin, un âge notablement plus ancien. Les couches de Moissac et de Mon- tauban , et celles de Toulouse , dépendent pour nous, comme pour M. Dufrénoy, d’un seul et même dépôt qui s’est effectué dans le bassin sous-pyrénéen pendant la période miocène, Nous ajouterons à cette note quelques mots sur certaines dents qui étaient mêlées, dans l'envoi de M. Lagrèze, à des dents isolées d'Anthracotherium. Deux de ces dents appartiennent à un grand rhinocéros de l’époque miocène , qui paraît différent de ceux du Gers, si bien étudiés par M. Lartet ; nous en avons fait mention ci-dessus. Les autres que j'avais distinguées et même séparées d'abord à cause de leurs formes différentes, et de la couleur spéciale ( jaunâtre ) de leur gangue, ont été recon- nues par M. Noulet , l’une pour une incisive de l’Ursus speleus. Blum. , et les autres pour des molaires d’un rhinocéros qu’il croit être le À. tichorhinus. Cuvier. Or ces animaux sont, après l’Elephas primigenius. Blum., les plus caractéristiques qu'il soit possible de citer pour la période diluvienne; leur gisement devait donc être distinct de celui de lAnthracothe- rium; et, en effet, je me suis rappelé qu’en visitant la localité, J'avais vu , vers le bas du coteau, appuyé contre le terrain ter- tiaire, un dépôt de limon jaunâtre , qui dépend évidemment de l'alluvion diluvienne de la vallée. Il est infiniment probable que ce dépôt et le terrain miocène étaient juxtaposés jusqu’à la hauteur du gîte de l’Ænthracotherium , lorsqu'on travaillait dans le coteau de Saint-Martin pour le remblai de la route, et que les fossiles de l’un et de l’autre terrain ont été recueillis 39% MÉMOIRES presque au même point , et confondus par les ouvriers qui étaient loin certainement de se douter alors que la paléontologie sau- rait les démêler huit ans plus tard , et faire , au milieu de cette confusion , la part des deux époques. Ces dents ne sont pas d’ailleurs les seuls fossiles diluviens que possède M. Lagrèze ; il a encore trouvé dans la vallée, avec des os indéterminables de divers ruminants, un noyau de corne de bœuf, et des portions de bois qui ont appartenu à un cerf de grande taille. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 395 NOTE SUR L'ÉBULLITION ET LA CONGÉLATION DE L'EAU À L'ÉTAT SPHÉROÏDAL DANS LE VIDE ; Par M. LAROQUE. Messreurs, Je dois tout d’abord solliciter votre indulgence. J'avais mis en projet, pour payer mon tribut annuel, des recherches sur la capillarité, qui exigeaient l'emploi d'un appareil nouveau. La construction en a été retardée par des circonstances indépen- dantes de ma volonté. Il ne m’a donc pas été permis de mettre ce travail sur le chantier. Toutefois, ne voulant pas manquer au devoir que m'imposaient nos règlements, j'ai dû, à la hâte, donner à mes recherches une autre direction. Elles sont rela- latives à l’ébullition et à la congélation de l’eau à l’état sphé- roïdal dans le vide. Si elles n’ont pas la même valeur scienti- fique que celle que je me proposais de faire sur la capillarité, elles n’en ont pas moins leur importance, car les résultats en sont nouveaux. C’est à ce titre seul que je les ai crues dignes de fixer votre attention. L'eau à l’état sphéroïdal , dans un vase surchauffé , ne se va- porise que lentement, et n'entre pas en ébullition comme elle le ferait si elle mouillait le vase moins chaud. En se lais- sant guider par l'induction seule, on seratt conduit à ad- mettre que l'eau à l’état sphéroïdal n’est pas susceptible de bouillir à la manière ordinaire. Mais il n’est pas rationnel, dans l'étude des phénomènes physiques, d'admettre au rang des vé- rités bien acquises toute déduction logique d’un ensemble de 396 MÉMOIRES phénomènes. Cette déduction ne peut y être admise qu'après qu'elle a reçu la sanction rigoureuse de l'expérience. Je me suis donc proposé d’expérimenter pour vérifier si l’eau à l’état sphé- roïdal ne pouvait entrer en ébullition dans aucune circonstance. Je ferai remarquer, avant d'aller plus loin, que, dans cette note , l’eau dite à l’état sphéroïdal , est celle qui ne mouille pas le vase qui la contient, mais sans que j’attache à ces mots, état sphéroïdal, la signification que d’autres leur ont donnée. Voici maintenant dans quel sens j'ai dirigé mes nouvelles recherches. On sait que la température de l’ébullition de l’eau dépend, toutes les autres circonstances étant d’ailleurs les mêmes, de la pression exercée par l'atmosphère gazeuse am- biante , et qu’elle augmente et diminue avec cette pression. Or, l'expérience ayant fait connaître que l’eau à l’état sphéroïdal, dans un vase surchauffé, ne bout pas, du moins d’une manière apparente , sous la pression atmosphérique ordinaire , il y avait par conséquent à rechercher si l'ébullition tumultueuse ne se manifesterait pas quand l’eau, à l’état sphéroïdal, serait sou- mise à des pressions très-faibles. Je n'étais pas encouragé à diriger mes recherches dans ce sens; les expériences, déjà faites par M. Boutigny, induisaient à admettre qu’elles seraient inutiles. En effet, dans un des ou- vrages de ce savant, on trouve décrites les expériences sui- vantes (1) : « 18° Expérience. L'expérience qui précède est à peine croyable; celle-ci l'est moins encore. On pose sur la platine d'une machine pneumatique un morceau de brique disposé de telle sorte qu’il ne puisse boucher l'ouverture du conduit des- tiné au passage de l'air ; tout autour de cette brique on étend une couche de bioxyde de plomb très-sec, destiné à absorber l'acide sulfureux. Les choses étant ainsi disposées, on fait rougir à blanc un autre morceau de brique, dans lequel on a creusé d'avance une cavité égale à la convexité d’une capsule quelcon- que; cette capsule est placée dans la cavité qui lui est destinée ; (1) Nouvelles branches de physique, etc., par P. H. Bouligny, p. 21, 86, 87. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 397 on y verse quelques grammes d’acide sulfureux anhydre, et le tout est placé sur la brique froide et recouvert du récipient dans lequel on a fait le vide le plus rapidement possible. » L’acide sulfureux, qui devrait, pour ainsi dire, faire ex- plosion , ne bout pas, et s'évapore lentement, comme dans une capsule chauffée à blanc, comme dans la moufile du fourneau à coupelle; et, chose remarquable, si l'on opère par un temps humide, le peu d’eau contenu dans l'air du récipient, va se congeler dans le sphéroïde d’acide sulfureux, dont il trouble la transparence. , » L’éther , l'alcool et l’eau se comportent absolument comme l'acide sulfureux dans le vide. » »66° Expérience. On dispose convenablement sur la pla- tine de la machine pneumatique une capsule en porcelaine, contenant de 300 à 400 grammes d'acide sulfurique récem- ment calciné ; on place sur celle-ci une capsule en argent, presque plane, dans laquelle on laisse tomber 10 centigrammes d’eau distillée, et le tout est recouvert par le récipient de la machine ; puis on fait le vide avec toute la célérité possible. Aussitôt que le mercure baisse dans la branche fermée, des si- gnes d’ébullition se manifestent, des bulles se forment au con- tact de la capsule, grossissent et se dégagent, et bientôt toute l'eau a disparu. » Le temps de l'évaporation depuis le premier coup de piston, a été de 7 15”. e 67° Expérience. On recommence l'expérience précédente de la manière suivante : on noircit la capsule en la promenant sur la flamme d’une chandelle ; on la laisse refroidir, et on y fait tomber la même quantité d’eau qui passe à l’état sphéroïdal, ainsi que l’a observé Rumford. On place la capsule sur l’acide sulfurique, et on fait le vide comme précédemment : cette fois, aucun signe d'ébullition ne se manifeste, et le temps de l’éva- poration est de 1" 310”. » Quelle différence dans les temps d'évaporation de ces deux expériences ! ». J'ai cru devoir citer textuellement, parce que mes expériences 398 MÉMOIRES sont en contradiction directe avec celles dont je viens de donner l'exposé. J'ai placé dans la capsule métallique de l’appareil de Leslie, pour la congélation de l’eau dans le vide, un verre de montre noirci dans la flamme d’une chandelle, et contenant de l’eau distillée à l’état sphéroïdal. Le tout a été recouvert par le réci- pient de la machine pneumatique et on a pompé l'air. Lorsque la raréfaction a été suffisamment avancée, l’eau à l’état sphé- roïdal est entréc en ébullition, s’est boursoufflée , et enfin elle s’est congelée. Pour donner l'idée la plus exacte de la manière dont se fait l'ébullition de l'eau à l’état sphéroïdal , et surtout lorsqu'on fait le vide rapidement, il me suffira de rappeler ce qui se passe lorsqu'on déshydrote l’alun par l’action de la chaleur. Je dois faire connaître quelques-unes des précautions que j'ai prises pour réaliser convenablement l’ébullition etla cougélation de l’eau à l’état sphéroïdal. Ainsi , afin que l’eau, dans cet état, puisse conserver sa limpidité ordinaire, il est indispensable que le noir de fumée adhère au verre autant que possible. On ob- tient ce résultat en enduisant d'une mince couche de suif la surface concave du verre de montre, avant de la noircir, en la passant dans la flamme d'une chandelle. On lave ensuite, à plusieurs reprises , la couche de noir de fumée qui s’est déposée, et on enlève ainsi les parties trop faiblement adhérentes. C'est après ces lavages successifs que l’eau distillée était déposée dans le verre noirci, où elle prenait l’état sphéroïdal, en conservant sa limpidité naturelle. Dans mes expériences nombreuses, j'ai soumis au vide de la machine pneumatique , des masses d’eau distillée dont le poids a varié de 5 centigrammes à # grammes. L’acide sulfurique, destiné à absorber la vapeur d’eau, marquait 654 au pèse- acide‘ enfin, la température de l'air ambiant est restée com- prise entre 14% et 18%. L’ébullition a été très-sensible toutes les fois que le poids de l’eau est resté supérieur à 5 décigram- mes. Au-dessous de cette limite, l’ébullition n’a pas été appa- rente ; mais, dans tous les cas , l’eau s’est congelée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 399 La contradiction entre ces résultats etceux des expériences de M. Boutigny, ne peut pas être plus grande; aussi m'a-t-il paru indispensable, pour en rechercher la cause, d’expérimenter dans les mêmes circonstances que ce savant. J'ai d'abord placé sous le récipient de la machine pneumati- que , au-dessus de l'acide sulfurique concentré, une capsule en argent, noircie dans la flamme d’une chandelle, et contenant 10 centigrammes d'eau distillée à l’état sphéroïdal. On a fait le vide rapidement ; il n’a pas été observé d’ébullition sensible ; mais le sphéroïde d’eau s’est congelé. Deux capsules en argent, l’une à surface noircie, l’autre à surface nue , et contenant chacune 10 centigrammes d’eau dis- tillée, ont été placées, avec l'acide sulfurique concentré, sous le récipient de la machine pneumatique, et on a fait rapidement le vide. L'eau de la capsule nue a bouilli ; mais tandis que cette eau était encore liquide, celle à l’état sphéroïdal, dans la cap- sule noircie, est passée à l’état solide. On a remplacé les deux capsules en argent par deux verres de montre, l’un à surface nue, l’autre à surface noircie, et con- tenant encore chacun 10 centigrammes d’eau. Malgré ce vide le plus avancé, l'ébullition n’a été sensible ni dans l’une ni dans l’autre des deux masses d’eau ; mais l’eau à l’état sphéroïdal s’est congelée la première. Enfin , on a fait une nouvelle expérience avec les deux verres de montre, ne contenant alors chacun que 5 décigrammes d’eau distillée. Lorsque le vide a été très-avancé, l'ébullition a com- mencé d'abord dans le verre nu, puis dans le verre noirci ; mais la congélation de l’eau à l’état sphéroïdal à précédé celle de l’eau mouillant le verre. On le voit, la contradiction se maintient encore entre mes expériences et celles de M. Boutigny. Or, la question est d’un intérêt scientifique assez élevé pour qu’on puisse espérer que d’autres s’en occuperont et parviendront à signaler la cause de cette contradiction , qu'il ne m'a pas été permis de découvrir. J'avais présumé d’abord que l’adhérence de l’eau avec quelques points du yase, était la cause seule de cette contradiction. Il im- 100 MÉMOIRES portait donc de s'assurer que l’eau conservait l’état sphéroïdal , et qu’elle n’adhérait en aucun point du vase ; c'est ce que J'ai pu vérifier de la manière la plus certaine avec les verres de montre. En effet, immédiatement après que l’ébullition avait commencé, j'enlevais le récipient , je jetais l'eau contenue dans le verre de montre, et, en interposant le verre de montre entre l'œil et le soleil, je m'assurais que l’eau n'avait pas adhéré au verre, puisque ce dernier était rendu complétement opaque par la couche de noir de fumée. D'un autre côté, on pourrait se croire fondé à dire que la va- peur formée sous le sphéroïde , et lorsque son poids dépasse 5 décigrammes , produit une ébullition apparente en s’élevant à travers la masse d’eau. L'observation attentive du phénomène suffit pour convaincre qu'il n’en est pas ainsi, et que les bulles de vapeur qui bour- soufflent l’eau, se sont développées dans l’intérieur même de la masse liquide. Mais j'abandonne volontiers cette raison, car l'expérience que je vais décrire suffit seule pour combattre vic- torieusement toutes les objections. J'ai fait reposer sur la capsule de l'appareil de Leslie, par l'intermédiaire d’un trépied en fil de cuivre, une petite corbeille en toile métallique noircie dans la flamme d’une chandelle, et contenant 5 décigrammes d’eau à l’état sphéroïdal. Le tout a été enfermé dans le récipient de la machine pneumatique , et l'on à fait le vide. Lorsque la pression de l'air a été suffisamment ré- duite, l’eau est entrée en ébullition, puis enfin elle s’est con- gelée en formant un culot de glace, boursoufflée, vide à l'inté- rieur , et portant sur la face inférieure solidifiée l'empreinte de la toile métallique. lei la congélation est rapide, et se fait en même temps sur toute la surface du sphéroïde, contrairement à ce qui a lieu pour l’eau à l’état sphéroïdal dans un verre noirci, par exemple, où la congélation ne commence à se produire qu’à la face supérieure. Les causes de cette différence sont trop faciles à assigner pour qu'il soit nécessaire de s’y arrêter. Or, dans cette nouvelle expérience, on ne peut attribuer l'é- bullition observée ni à l’adhérence de l’eau avec le métal du DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. HO tissu , ni à la vapeur formée sous les sphéroïdes : car, si l’adhé- rence avait lieu, l’eau s’écoulerait à travers les mailles larges de la toile , puisque la vapeur formée au-dessous du sphéroïde peut s'échapper très-facilement à travers ces mailles. Il faut donc ou nier la possibilité de l'expérience que je viens de décrire, ou bien admettre que l’eau à l’état sphéroïdal sur un vase noirci dans la flamme d’une chandelle , peut bouillir et se congeler lorsqu'elle est placée dans le vide de la machine pneumatique. Le phénomène de la congélation de l’eau dans le vide, excite au plus haut degré la curiosité de ceux qui lobservent pour la première fois. Cette curiosité ne sera-t-elle pas surexcitée lors- qu'on verra l’eau à l’état sphéroïdal, sur une toile métallique, se congeler promptement dans le vide après une ébullition tu- multueuse? Et cette dernière expérience se rattache dans un double intérêt, et parce qu'elle dévoile un fait nouveau, et parce qu'elle peut être utilisée avec avantage dans l’enseignement. Je ferai remarquer, en terminant, que l’éballition de l’eau à l’état sphéroïdal ne commence à être bien sensible qu'au mo- ment où la pression exercée par l'air raréfié est à peine supé- rieure à 4" de mercure, tandis que l’ébullition de l’eau com- mence à se produire, sous des pressions plus grandes, quand elle mouille les vases en verre ou en métal qui la contiennent. Je dois faire remarquer encore qu'à partir du moment où le sphéroïde est recouvert d’une couche de glace, il se développe dans la masse une ébullition très-tumultueuse qui le soulève, le déplace ; de plus, quand la congélation est très-rapide, qu'elle a lieu en même temps sur toute la surface du sphéroïde, alors la vapeur intérieure ne trouvant plus aucune issue par où elle puisse s'échapper, brise l'enveloppe de glace qui l'emprisonne, et en projette les fragments à distance. k° S.— TOME 1. 28 402 MÉMOIRES CHARTE INÉDITE DU XII SIÈCLE CONCERNANT LES CRIÉES POUR LA VENTE DU VIN DANS LA VILLE DE TOULOUSE ; Par M. BELHOMME. L'administration de la ville était l'objet essentiel de l'office des Capitouls ou Consuls de Toulouse. On les voit dans les diverses circonstances remplir avec ardeur les obligations qu'elle impose à leur zèle pour le maintien du régime intérieur et de l'ordre. Mais dans les xu° et xm° siècles leur action prenait l'essor et s’étendait au loin, selon que les intérêts de la ville ou de ses ha- bitants semblaient l’exiger. Alors les magistrats municipaux échangeant les insignes pa- cifiques de leur autorité, la robe et le manteau de pourpre partis de noir, contre un équipement militaire, franchissaient les limites de la ville et de la sauveté toulousaine ; ils allaient à la tête des citoyens armés en guerre, ou bien, selon l'expression des Chartes, marchaient , avec l’armée de Toulouse , cum com- muni exercitu Tolose , contre les places fortifiées où se tenaient les seigneurs et les vassaux qui avaient, à quelques égards, ex- cité les susceptibilités de la population toulousaine. C'est ainsi que, le 44 juin de l'année 120%, les Consuls et l'armée de Toulouse tenaient assiégé le château d’Auvillars, pour obtenir réparation d’injustes entreprises et de divers mé- faits dont le vicomte de Lomagne Vézian, avec son fils Odon, Ja garnison et les habitants dudit lieu, s'étaient rendus coupables contre ceux de Toulouse. Consules Tolose Urbis et suburbii erant in obsidione Castri Aluivillaris cum communi exercitu Tolose propter injurias el malefacta distringenda que Ve- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 03 sianus Leomanie vicecomes et Ollo ejus filius et milites et ko- mines Allivillaris ct Lcomanie quondam eis fecerant. Ainsi, deux années auparavant, pour des motifs analogues , les Consuls de Toulouse marchaïient dans un attirail militaire vers le lieu de Rabastens, et, arrivés à Saint-Ibars, sur les bords de l’Agout, que l’armée se disposait à traverser , ils rece- vaient, de deux envoyés de Rabastens, Philispont et Salvagnac, l'engagement qu'ils contractaient, au nom des seigneurs, des hommes d'armes et des autrés habitants, de se soumettre au jugement du Comte de Toulouse et de sa cour, pour réparer tous les griefs qui avaient donné lieu à celte prise d'armes. Et preparaverunt pro se ipsis ct omnibus dominis et militibus et hominibus dicti castri de Rabastensis Consulibus urbis To- loses et suburbii quid jus facerent de omnibus querelis cunctis hominibus et femiuis urbis Folose et Suburbii cognitione do- mini Ramundi comitis Tolosani et curie ejus. Ce sont, il est vrai, des circonstances exceptionnelles que ces actes suprêmes de la juridiction des Capitouls hors de Tou- louse. Rentrés dans la ville, ils reprenaient l'exercice de leurs fonctions dans l'ordre élevé de fa justice civile et criminelle qui leur était dévolue, et dont la marche tracée, en général, par l’ancienne législation romaine, avait son cours de spécialité dans les articles des coutumes de Toulouse, sorte de code que les circonstances imprévues, les besoins et les réclamations de la population venaient successivement modifier, perfectionner et compléter (1). (1) La charte inédite que nous avons rapportée dans notre dernier tour de lecture à l’Académie, étant une preuve évidente de cette manière de pro- céder, c’est notamment sur elle que nous nous sommes basés pour signaler, sous le point de vue historique de la législation toulousaine au moyen âge, le fait du concours de la population que l’on voit amenée par les événements à reconnaitre ce qui manque aux lois qui la régissent, pour assurer le bon régime , la paix et la prospérité de la communaulé loulousaine , et donner aux habitants de la cilé toute garantie contre les atteintes des malfaiteurs. Cette charte du xine sièéle, qui rattache un article additionnel à Ja légis- lation criminelle de Toulouse, concernant les meurtriers et les assassins , semble lémoigner, comme nous l’avons observé dans le précédent mémoire, que le crédit et les moyens de séduction que fournissent les richesses avaient h0% MÉMOIRES Bornons ici les considérations dans la sphère supérieure de l'administration des Capitouls. Ce que nous en avons dit en pas- sant pourrait même paraître un hors d'œuvre, en le rapprochant du titre de ce mémoire , si la Charte , qui en est l'objet essentiel, ne nous mettait dans le cas de revenir, par des rapprochements et des retours, à l'exposé préliminaire dont nous avons cru de- voir la précéder. Le régime ordinaire de la ville de Toulouse, dan les xu° et x siècles, la branche administrative concernant sa police, offri- rait un vaste recueil de faits et de circonstances épisodiquement anecdotiques, s'il y avait eu alors, comme de nos jours, des registres spéciaux pour les constater. Cette collection serait le monument écrit le plus instructif, le plus curieux, et le plus vrai de la vie physique et morale de la population toulousaine au moyen âge ; l'en y verrait les motifs qui ont donné naissance aux divers règlements pour la communauté, qui ont porté à les modifier , à les abroger et remplacer par d’autres plus en har- monie avec les mœurs et les besoins. Cette multiplicité de dé- tails, qu'on n'aurait qu'à recueillr et grouper dans leurs catégo- ries pour les résumer dans un exposé méthodique, ce serait là l'histoire dans sa réalité, le récit fondé sur les actes. Mais combien cette précision historique contraste avec l’obs- curité qui règne sur les époques du moyen âge ! Aussi voit-on saisir avec empressement tout ce qui peut la rendre moins pro- fonde, et, quelque faible que paraisse la clarté fournie par le document qui se rapporte à ces époques, il a toujours une véri- table valeur lorsqu'il est inédit ; c’est à ce titre que se présente la Charte réglementaire que nous citons. Le 26 du mois d'août 1221, les Consuls de Toulouse et du dû servir dans maintes circonstances à soustraire à l’action de la justice le malfaiteur opulent qu’elle avait condamné ou qu’elle eût dû condamner. Aussi quand le tragique événement du meurtre de trois citoyens aimés dans Toulouse est venu vivement émouvoir la cité, elle a demandé la recherche et la poursuite rigoureuse des auteurs inconnus du meurtre, et pour assurer leur châtiment quelle que fût leur position, elle a fait remplir la lacune qui existait dans la législation criminelle à l’égard des richesses et des domaines des malfaiteurs. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 405 faubourg firent un règlement constitutif, stabilimentum, pour les criées concernant le débit du vin dans la ville de Toulouse. Que nui hommeou femme de cette ville de Toulouse ou de son faubourg, y est-il dit, ne soit désormais si osé de faire faire la publication de vente de son vin par un crieur public en ces termes : Allez au cellier de Raymond, où de Guillaume, ou de tout autre homme ou femme, au bon vin de Caraman, de Lanta, de Verfeil, Balma ou tout autre village et localité. Quod ali- quis homo vel femina hujus urbis Tolose et suburbii de cetero, non sit ausus ullo tempore quod alicui preconi facial suum vinum uchare per villam scilicet per urbem et suburbium quod dicat iste : Tte ad cellarium Ramundi, vel Wuillelmi, vel cujuslibet hominis vel mulieris, ad bonum vinum de Ca- ramano, vel de Lantare, vel de Viridifolio , vel de Bal- mare, aut de aliis villis seu locis. — Qu'il ne se hasarde pas de publier aucun de ces noms, zullum audeat nominure. Mais que ce crieur public dise simplement : Allez au bon vin, au cellier de Raymond , de Guillaume ou autres, ainsi qu'on est dans l’usage de le faire, sans nommer Îe lieu, le village ou chà- teau où il a été récolté. Sed preco ille qui vinum hucavit dicat : Lte ad bonum vinum ad cellarium Ramundi vel Willelmi aut aliorum sicut est consuetum, non nominando locum , villam seu castrum unde vinum illud fuerat. Qu'il annonce seule- ment le nom de l'homme ou de la femme à qui le vin appar- tient, qu’il en annonce la bonté et la pureté tant qu'il voudra, mais qu'il s’abstienne toujours de publier les noms des lieux où il a été produit, ainsi qu'il est arrêté ci-dessus. Æ£ nominet nomen illius hominis vel mulieris cujus vinum fuerit et laudet illud vinum pro bonum et purum sicuti eidem preconi pla- cuerit non nominando loca uti superius sunt determinata. Enfin, d’un commun accord avec le Conseil général de la ville, lesdits consuls proposèrent et il fut arrêté que si quelque homme ou femme de Toulouse venait à enfreindre ce règlement cons- titutif, le vin , objet de la criée, et le vase le contenant devien- draient propriété commune de la ville et du faubourg. Preterea dicti Consules eum communi concilio urbis et suburbii posue- 406 MÉMOIRES runt el slatuerunt quod si aliquis homo vel femina hujus ville hoc stabilimentum infringerit, quod vinum et vas in quo Jueril illud vimum quod ita hucatum fuerit sit de communi urbis et suburbii. Cette Charte, comme il est facile de le voir, offre deux aspects dignes d'intérêt : l’un concernant l'opinion appréciative de la bonté du vin, par rapport à la locaiité qui l’a produit, l'autre restreint au droit que chacun a de faire l'éloge de l'objet qu'il veut aliéner, et d’énumérer les qualités qui le distinguent et le caractérisent. A cet égard, la Charte régle- mentaire que nous avons citée n'apporte aucune restriction dans les criées pour la vente du vin; libre au crieur public d'en proclamer les qualités au gré du vendeur, qui ne fait, ou est censé ne faire qu'annoncer une opinion que l'inspection et le goût d’un chacun sont appelés à ratifier ou rectifier. Mais en jugeant la bonté du vin relativement au sol qui le produit, on invoque un motif d'appréciation qui peut être un appât séduc- teur pour la crédulité et la bonne foi publiques. C'est là sans doute un des motifs qui durent porter les Capitouls à défendre expressément que le nom de la localité d'où le vin était venu, fût proclamé par le crieur qui en publiait la vente. D'autres motifs peuvent avoir amené cette clause réglemen- taire. Plus d’une fois, sans doute, l'appréciation du vin d'une localité plutôt que d'une autre, recevant une sorte d’aveu s0- lennel dans les criées, avait dû exciter les jalousies, occasion- ner des rixes et des querelles entre ceux qui débitaient dans Toulouse ie produit des vignobles des communautés rivales, peut-être même entre les crieurs; il fallait mettre fin à ces désordres en empêchant ce qui les faisait où pouvait les faire naître. Cette disposition, résultant des circonstances que nous men- tionnons , où bien d’autres qui restent inconnues, serait une preuve de l'influence qu'elles ont exercée, non-seulement sur l'ancienne législation toulousaine, mais encore sur ladminis- tration des Capitouls, en 6e qui concerne le simple régime de la ville. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k O7 Cette Charte pourrait prouver aussi que, dans le x siècle, la réputation viticole de certains quartiers du pays toulousain commencait à être connue ou cherchait à s'établir ; car, si elle eût été définitivement admise, il n'est pas probable que les Ca- pitouls eussent expressément fait défense de mentionner dans les criées ce qui n'était contesté par personne. Quant à la pénalité que, dans la publication du vin, faisait encourir celle du nom de la localité où il avait été récolté, il est essentiel d'observer qu’elle n’est pas infligée par les Capitouls, agissant en seul, comme ils le font pour établir la défense. Ainsi que le témoigne la Charte que nous venons de rapporter, etoù on les retrouve, expressément nommés , au nombre de vingt-deux ; ils se renforcent du Conseil général de la ville; et ce n’est que devant lui et avec lui qu'ils proposent et déterminent la pénalité. Preterea dicti Consules cum communi Concilio urbis et suburbii posuerunt et statuerunt. Ainsi, l'office de ce Con- seil de ville pourrait ici, à quelques égards, être assimilé à celui du jury ; il était une sorte de garantie pour la population dans les jugements des magistrats municipaux qu'elle avait élus, et pour les proportions à établir entre la peine et le délit dans les affaires même de simple police et concernant le régime administratif de la ville de Toulouse. LOS MÉMOIRES TABLES ANALYTIQUES DES ANNALES MANUSCRITES DE LA VILLE DE TOULOUSE, 47e Motice, Par M. pu MÈGE. Dës les temps anciens, on a séparé ce que l’on nomme l'Æistoire, des récits présentés suivant l’ordre des années , et auxquels on a donné le nom d’Ænnales. Des étymologistes ont dit que le mot Histoire, icrogew, signifie la connaissance des choses présentes, parce que ce mot signifie votr, et qu'au contraire les Annales rapportent ce que les autres ont fait, et ce que l'écrivain ne vit jamais (1). On appuie cctte définition sur ce que «Tacite paraît avoir été de ce sentiment , puisqu'il intitule Ænnales, toute la première partie de son histoire des siècles passés; au lieu que descendant au temps même où il vivait, il change ce titre, et donne à son livre le nom d’His- toire (2). » L'Histoire n’est sans doute autre chose que la série des faits, relatifs, soit à un grand état, soit à une seule ville en par- üculier. Celui qui l'écrit, tout en demeurant fidèle à l’ordre des événements , peut néanmoins les grouper suivant ses opi- nions, en rechercher les causes , en apprécier les résultats ; mais il peut se dispenser de tout dire, de tout rapporter. L'homme de goût repousse une foule de détails, qui cependant ne sont point dépourvus d'intérêt, et qui servent puissamment à faire connaître les habitudes , les coutumes de chaque peuple , de chaque ville même, les événemens de chaque jour, et à (1) Encyclopédie de Diderot, d’Alembert, ele. verb. Axxazes. (2) Ibid. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 09 former un tout ensemble. Voilà la tâche de l’annaliste. Aulu- Gelle rapporte à ce sujet l'opinion très-sensée de Sempronius Asello , suivant lequel les Ænnales sont une simple relation de ce qui se passe chaque année, au lieu que l’AÆistoire nous apprend , non-seulement les faits, mais encore leurs causes , leurs motifs et leurs conséquences. « L'annaliste n'aurait, d’a- près cette pensée, qu'à s'occuper de l'exposition claire et rapide des événements , tels qu'ils ont eu lieu. Cicéron a dit à ce sujet : Unam dicendi laudem putant esse brevitatem , non exornato- res rerum , sed tantüm narratores. Le même {1) nous enseigne que l’objet que les annalistes avaient en vue, était de conserver la mémoire des événements : Res omnes singulorum annorum litteris manñdare , efferre in album, el proponere tabulam domi, potestas ut esset populo cognoscendi. Telles étaient, à Rome, les Annales Maxim, écrites par le souverain Pontife , et que l’on nommait aussi , Commentarii Pontificum. Vers la fin du treizième siècle , Toulouse commença à avoir des Annales. Ces Commentaires municipaux n’offrirent d’a- bord que les images et les noms des Consuls,ou Capitouls, et la date de leur élection. Ces Magistrats voulaient d’ailleurs perpé- tuer, ou renouveler par là, en leur faveur, le Jus IMUGUNS , accordé autrefois aux magistrats du peuple, dans les Colonies , les Villes Latines et les Municipes. Dans la suite, on ajouta aux noms des consuls , le récit de quelques faits. Enfin la ville eut un historiographe en titre, soldé par elle, et compté au nombre des officiers de son hôtel , ou Capitole. Ces Annales, conti- nuées jusques en 1789, devaient offrir à l’incessante curiosité des écrivains, une longue série de documents sur l'histoire des quatorzième , quinzième , seizième , dix-seplième et dix- huitième siècles. Divisées en douze volumes , conservés avec soin dans lÆrmoire de fer du Petit Consistoire, elles for- maient le Livre d'or de la cité; c'était le dépôt que toutes les familles distinguées venaient consulter sur leurs origines ; c'était, disait-on aatrefois , le Palladium des libertés com: (1) De Orat., lib. 1, 12. 4140 MÉMOIRES munales, cet, par les souvenirs qui y étaient consignés, un puis- sant obstacle opposé aux envahissements du pouvoir; c'était le plus précieux monument de la République Tolosaine. En 1793, l’un de ces hommes , qui ne furent revêtus d’un pouvoir dictatorial que pour en abuser , que pour faire verser des larmes , que pour effacer toutes les vieilles gloires de la France , le Représentant Baudot porta ses mains sur nos #n- nales populaires. Elles étaient, comme je viens de le dire, divisées en douze volumes; chaque année on y avait peint, sur une feuille de vélin , les magistrats municipaux , ce qui formait une suile de cinq cent quatre-vingt-quatorze tableaux , dus au talent des peintres du Capitole, artistes toujours comptés au nombre des officiers de la ville. On y voyait, en outre, plus de deux cents autres tableaux , qui représentaient les événements les plus importants survenus, soit à Toulouse , soit même dans des pays très-éloignés. Le premier volume, commencé en 1295, et qui s’étendait jusqu’en 1532, n'existe plus, et l’on ne sau- rait trop regretter cette perte (1). Lafaille (2), le plus paresseux des historiens, et que rien ne peut excuser alors qu’il néglige de rappeler les faits indiqués dans les pièces historiques con- servées dans nos archives, car il avait été deux fois capitoul, et, pendant quarante années, syndic de la ville, Lafaille dit, sous la date de lan 1295, en parlant du premier registre : « Cette anvée l’on prit une délibération , portant entre autres choses , qu'il serait fait un registre où scraient insérées les élections des Capitouls. C'est donc ici que commencent les registres, ou livres, qu'on appelle communément les Ænnales de l'hôtel de ille. Durant plus d'un siècle, ces Annales ne contiennent que les noms des Capitouls et ceux de leurs officiers ; avec les portraits des mêmes Capitouls qui sont peints en petit dans les premières lettres, d’une miniature de ce temps-là, je veux dire peu dé- licate. Les années d’après, on commença d’y mettre quelques faits, en suite des élections, comme les entrées des rois dans (1) Voir la note I à la fin de ce Mémoire, (2) Annales de Toulouse. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 111 cette ville, leurs honneurs fanèbres et autres semblables , et de donner aussi plus d’étendue aux portraits des Capitouls, en prenant pour cela une demi page »..... Nous ne rapporterons pas les appréciations littéraires de Lafaille sur ces Ænnales , appréciations qui ont été imitées, sinon copiées en entier, par le dernier historien de Toulouse. On ne comprenait pas, naguère, toute l'importance de pareils travaux; on ne voyait pas qu’ils retraçaient, non-seulement les faits de | Histoire , mais encore qu'ils faisaient connaître les mœurs, les pensées, le langage même de ceux auxquels nous avons succédé. Le premier registre de nos Annales commençait, comme on l’a vu, en 1295: il ne se terminait qu'en 1532; le second registre, dépouillé des images des magistrats populaires, est remarquable cependant par les restes de peintures qui couvrent ses deux premières pages. Sur l’une, on voit encore l’écusson de la ville, soutenu par deux génies, dont les formes rappellent le style de Nicolas Bachelier ; sur l’autre page, paraît , au centre d’un médaillon, le buste d’une femme , dont les cheveux blonds se déroulent en longs anneaux sur ses épaules. En forme de légende, on lit à sa droitele nom de Tnocossa, prétendue fondatrice de Toulouse, béroïne qu’il faut placer près de Carcas , qui, selon les roman- ciers , aurait élevé les murs de Carcassonne. Une inscription , empruntée à Virgile ({), et qui occupe la partie inférieure des vignettes que je viens de décrire, est ainsi conçue : LIBERA THOLOSA. TAATE (sic) MOLIS ERAT ROMANAM CONDERE GENTEM. À gauche , et sous la vignette qui représente les armes de ta ville, étaient les portraits des huit Capitouls de l'année 1533; ils ont été enlevés. À droite , sous la vignette, on lit un passage latin qui semble emprunté à la chronique de Ganno. L'histoire des années 1533, 14534, 1535, 1536 , 1537 ct 1538, est écrite en latin. En 1539 , l’annaliste n’emploie plus (1) Æneid. I. 412 MÉMOIRES que la langue française. Il commence son ouvrage par l'éloge des Capitouls : « Cicero , patron d’eloquence romaine , et après luy , dit-il, Pline le Viculx (lequel meritoirement nous pou- vons appeler secretaire de nature }, au xxj° du septiesme livre de son Histoire naturelle, rescite pour une chose miracu- leuse, et pour un chicf d'euvre d’engin humain, jadis la Iliade d'ilomere, avoir esté escripte en si petit volume, qu’on la pou- voit enclore au creulx d’une noix ; mays j'estime qu'il seroit aultant ou plus miraculeux qui entreprendrait d’escripre au long, je ne dis pas en ung cayer, mays en ung bien gros volume les faits memorables et actes vertueulx des Seigneurs du Capitole de la presente année Mil v° xxxix, finissant l’année mil v° xl. » L'exemple donné par les magistrats élus en 1539, fut suivi par leurs successeurs. L’Historiographe de la ville, car il y en avait un en ce temps, dit (1) : « D'aultant que souvent en l’admi- nistration de notre Capitolle , sont esleus plusieurs notables personaiges de bonnes meurs et grande experience , non ayant lusaige des lettres latines , que par ce moyen pourroient estre privez de la connoissance des gestes et faicts de leurs ancestres , et que une hystoire escripte en bons termes fran- coys n’est a depriser, mesme au temps present , auquel le lan- gaige françcoys est trop plus propre et correct qu’il feust jamais, les administrateurs de l’année precedente (1539-1540) feirent mestre leurs dictes gestes en langaïige francoys, ce que les Sei- gneurs de la presente année ont voulu continuer (2). » Cet Æistoriographe de la ville de Toulouse, dont nous ve- nons de citer quelques lignes , était Guillaume de Laperrière , licencié en droit et prieur de Saint-Mathelin. Les Capitouls de l'an 1549 l’engagèrent à écrire un Formulaire d'admi- nistration politique, et ce fut pour leur être agréable qu'il composa le livre intitulé , la Morosoplue ; mais il ne ter- mina cet ouvrage qu'en 1553, après avoir donné les Annales de 1539-40, 1549-50, 1550-51, 1551-52, 1552-53. (1) Second livre de l’Æéstoire Tholosaine, pag. 46, 47. 2) Zbrd. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 413 « Avant qu’arrester ma plume, deja lassée, te plaise savoir, Lecteur, dit l'auteur, qu’en cette presente année (1553 ) et administration desdits sieurs du Cappitol est advenu que je, Guillaume de Laperriere , licencié ez droicts et citoyen de Tholose, après plusieurs vexations de mon debile esprit, ay mys fin et conclusion à mon Wyroir politique lequel j'avoys com- mencé à la requisition des honorés sieurs les Capitolz ayant l'administration politique de l’an mil cinq cents quarante neuf jusques à l'an mil cinq cents cinquante et ung (1) ; car ils furent Capitolz deux années suyvantes , et soubs le nom et protection des Seigneurs de cette année , l’ay envoyé à Lyon pour estre imprimé et mys en lumiere pour, incontinent iceluy receu, en faire present ausdits Seigneurs qui n’ont oublié d’'exer- cer envers moy leur liberalité comme hommes honorables et qui méritent avoir presents d'esprit tel que ledit Ayroir est , qui par le jugement des hommes doctes promet immortalité de nom tant ausdits sieurs que à son auteur. Dieu doinct grace à (1) Jean Balard , qui fut aussi Historiographe en titre, écrivit l’histoire de l’année 1547-48; il termine ainsi cette partie de nos Annales : ÉPILOGUE DE L'AUTEUR. «Conformant la fin de la present histoyre auec son exorde et commence- ment, tu peulx faire solide jugement (debonnaire lecteur), parce que en icelle L’a esté amplement et à la verité narré et recilé, si les faicts et gestes des dicts huict seigneurs Capilols (comme commencées par divine inspiralion , continues par une infusion de la sapience celeste et mys a fin par une per- severance de verlu) ne meritent, comme en mon dict exorde et prologue je l’ay prédict, estre insculpés, graués el escripls, non en bois, pierre, papier, parchemin ou autre chose en brief d’ans corruptible , et facile à effacer, mais en tables d’airain , ou aultre plus perdurable chose, s’il esloyt aysé en recouvrer, pour que la louange engendrée, conceue et tirée de leur vertu gestes et faicts heroicques qu’ils en ont acquis, soyt enuoyée et faicte tenir quasi de main en main à la posterité. Toul le contenu en la presente his- toire ayant esté leu en presence de tous les susdicts huict nobles seigneurs Capitols, a esté cogneu et treuué estre si conforme à la verilé et ny avoir rien de mensonge que, pour plus grande foy et auctentiquité d’icelle, ne se sont desdaignez au pied d’icelle se soubsigner. A. Bosquer, Capitol; Accurse nu Bosquer, escuyer, Seigneur des Issarts ; noble Rocer pe Prar , bourgeois, et Seigneur de Gratens; Jax ne Bazar, garde des Archiv., autheur de la présente histoire. 1548. kA4 MÉMOIRES tous de le voir en lumiere, Exortant et admonestant d’an bon vouloir et affection la posterité lire les faicts vertueux des sus- dits Seigneurs, en cette histoire contenue , rendant la precieuse odeur de bonne renommée, qui est plus aromatique que l'odeur des roses (1). » On voit par ce passage que si Laperrière était le flatteur des magistrats, il ne manquait pas de présomption et qu'il rêvait l’immortalité. Mais les savants seuls savent au- jourd’hui que cetécrivain a existé. Cependant il jouissait d’une assez grande réputation, et ses ouvrages, qui ne se retrouvent plus que difficilement aujourd'hui, ne sont point dépourvus d'intérêt. C'était le temps où l’on s’occupait beaucoup d’Emble- mes, chacun d'eux offrant un exemple ou une utile leçon. La- perrière cultiva ce genre avec succès ; nous avons de lui : EL Ze théâtre des bons engins, contenant cent emblèmes. Cet ou- vrage , dédié à la Reine de Navarre, renferme cent emblèmes, expliqués par autant de quatrains : la seconde édition a été donnée en 1554, par Etienne Groulleau. I. Ze Petit Courti- sant avec la maison parlante , et le moyen de parvenir de pauvreté à richesse , et comment le riche devient pauvre , imprimé à Lyon en 1551. I. La Morosophie de Guillaume de Laperrière, Tolosain, contenant cent emblèmes moraux , illustrés de cent tetrastiques latins, réduits en ‘autant de quatrains francoys , à Lyon par Macé Bonhomme, et à Tolose par Jean Perrin, 4553. IV. Les Considérations des quatre mondes , à savoir : Divin , Angélique , Céleste et Sensible , comprinses en quatre cenluries de quatrains , contenant la crème de divine et humaine Philosophie ; Lyon, 1552. V. In- vective satirique , lissue et composée par maître Guillaume de Laperrière , licencié ès droits , citoyen de T'holose, contre les suspects monopoles de plusieurs crimineux satellites et gens de vies reprouvées : Prodeunt et ab ipso authore in eandem invectivam gallico metro contextam annotaliones non ex turbulento ethnicorum gentiliumque rivo , sed ex purissimo SaCrarum litierarum fonte manentes ; Tholose, par Jacques {1) Livre second de lArstoire Tholosaine, pages 236, 27. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 415 Colomiers, 1530. Laperrière avait souvent concouru dans les Jeux Floraux et faisait avec beaucoup de facilité des vers assez médiocres ; on a aussi de lui plusieurs ouvrages en prose, et entre autres : VI. Dialogue moral de la letire qui occit et de l'esprit qui vivifie. NI. Les annales de Foix, jointes à icelles les cas et faits dignes de perpetuer les recordations adve- nues tant aux pays de Bearn | Comminges, Bigorre, Ar- masnac, Navarre, que lieux circonvoisins , in-k°, Tholose, 1539. VHL Zes Gestes des Tolosains et d'autres nations de lenviron , composées premicrement en latin par feu M. Maistre Nicolas Bertrand, très-excellent personnage et très-facond Advocat au Parlement de Tolose; et depuys Jaictes françoises, revues et augmentées de plusieurs his- loires qui ne furent onc imprimées ; petit in-fol. Tolose, 4555. En choisissant pour leur historiographe Guillaume de Laperrière , les Magistrats municipaux de ‘Toulouse durent céder à la voix publique. C'était charger l’un des plus féconds écrivains de cette époque , du soin de conserver la mémoire des faits arrivés sous leur administration. Ceux qui ont écrit après lui les Annales de la ville l’ont oublié. Il vivait encore en 1560, mais il n'était plus Æistoriographe du Capi- tole. Jean Balard qui avait déjà écrit l’histoire de l’année 1547-48 , et qui était Garde des archives , rédigea les an- nales du capitoulat en 1558-59 et en 1559-60. Ce fut du- rant celle première année qu'il commença le Répertoire wé- néral, raisonné et alphabétique de tous les titres , actes et documents conservés dans la maison de ville. H acheva ce tra- vail en 1560 ; on y joignit la copie de quelques chartes pré- cieuses dont les originaux sont perdus, et l’on en forma deux volumes. Les portraits des Capitouls de 1560 furent placés en tête de ce Recueil. N'oublions pas ici que la charge d’Æis- toriographe de la ville n'était pas perpétuelle comme celle du Garde des archives. Ce dernier officier avait même un rang particulier dans les cérémonies publiques (1). (1) Ibid.’ pag. 224, 243, 247, 258, 287. Nous trouvons dans les autres livres de l’Histoire Tholosaine ; les noms de k16 MÉMOIRES Le Second livre de l'Histoire T'holosaine commence en 1533 et ne finit qu'en 1568 ; nous avons nommé deux de ses au- teurs. Si nous examinons la table des faits qu'il renferme , on conviendra qu'il offre beaucoup d’attraits à la curiosité, et aussi des indications, des récits que l’on chercherait vainement ailleurs. Cette Table Raisonnée a été faite par l’auteur de ce Mé- moire. Il avait fait aussi celle de chacun des dix autres volumes des Annales du Capitole (1) ; mais seulement deux d’entre elles ont été conservées. Plaignons ceux qui n’ont vu dans ce travail, long et consciencieux, que le moyen de trouver presque quelques-uns des Hisloriographes qui ont succédé à Laperrière et à Jean Balard. Ainsi nous apprenons que Pierre de Saint-Anian , qui avait remporté plusieurs prix de poésie au Col{ége de Rhétorique et de Poésie française, occupa durant quelques années cette charge. Il n’élait pas seulement homme de lettres, mais magistrat, ayant le titre de Lieutenant du Juge de Verdun. Dans ce siècle, en Languedoc, on écrivait quelquefois l’histoire en vers, et les archives de la ville d’Alby en conservent de remarquables traces. Saint-Anian inséra quelques sonnets dans nos Annales. Jacques Coubladour, docteur et avocat , nommé, bien après Saint-Anian, Historiographe de la ville, publiait des vers latins et français : il a inséré dans son Histoire ceux qu'il fit en l’honneur de la famille de Nogaret, en 1576 et 1577. L'auteur termine ainsi l’histoire de cette année par ces vers louangeurs : Sur l’épilogation de la présente annale. SONNET. Plustost de mes deux mains la mer j’escouleroy, Plustost je nombreroy son innombrable arene, De Tantale et Sisyphe endureroy la peine Et plustost du soleil les rayons nombreroy; Les atomes plustost nombrer je cuyderoy, Plustost du grand flambeau la lueur seroit vaine, Plustost Garonne auroit sa ressource incertaine, Que des sieurs Capitouls tous les faicts n’escriroy. Bien que leurs actions descrites en l’histoire Surpassent le labeur, les ans et la memoire, Et fassent leur vertu triompher de l’envie, L'histoire toutesfoys faict revivre tousjours L’effect de leur vertu : elle a son fil, son cours, Elle est source, lumiere et miroir de la vie. (1) D’après la demande de M. de Bellegarde, maire de Toulouse. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. RAT sans recherches , les faits dont ils croyaient avoir besoin , et qui ont ensuile enlevé à la ville ces abrégés des énormes volumes que les savants n'ont pas toujours le temps de consulter. Avouons cependant que, dans notre travail, n'ayant rien oublié , tout n'est pas sans doute de la même importance. C’est pour laisser un abrégé de ce que contiennent de curieux, pour l'histoire générale, et pour la ville de Toulouse en par- ticulier, les onze registres de ces Annales manuscrites , que j'ai entrepris ce travail. Divisé par le nombre de ces volumes , il fournirait une série de faits remarquables, et l'indication de tout ce qu'il faut savoir, alors que l’on veut écrire notre histoire. On à cru devoir former ici plusieurs séries de faits. Les pre- miers sont relatifs aux chefs de l'Etat, les autres aux protes- lants, aux magistrats du Parlement, à l'administration, aux mesures prises pour mettre la ville en défense , d’abord contre les ennemis extérieurs, plus tard contre les huguenots , enfin les actes du Parlement ; les autres suivent de même un orére logique. Trois feuilles d'impression sufliraient pour chacun des Mémoires que nous intitulerions, comme celui-ci : Tables ana- lytiques des Annales de la ville de Toulouse. Les n°* des pages seraient inscrits dans le texte. Si ces tables étaient publiées, je les ferais suivre de l Analyse des délibérations du Conseil général de la ville, depuis l'année 1524 jusqu'en l'année 4789. Cette analyse complétant l'état général des documents historiques que nous possédons en- core, et dont on semble ignorer l'existence, serait alors à la disposition de tous ceux qui voudraient se livrer à des recher- ches historiques ou à des appréciations philosophiques. Commençons l'analyse des Tables des Annales de 1533 à 1568. « Francois I, roi de France ; son entrée à Toulouse, en 1533 (4). Il demande l'état des deniers communs, et des romptes et recettes de la province de Languedoc ; il écoute les doléances et remontrances que le Conseil général lui fait présenter, et il accorde plusieurs choses avantageuses à la ville. Il donne la charge de Conseiller au Parlement à Nicolas Bertrandi , Capi- k° S.— TOME 1. 29 L18 MÉMOIRES toul du quartier de Saint-Barthélemy (#3). Il charge le premier et le second Président , et le seigneur de la Terrasse, d'im- poser, par forme d'emprunt, sur les villes de Touiouse, Cas- tres, Albi, Carcassonne, Rodez, Villefranche, Mende, Mon- tauban et autres, une somme de cent quarante mille écus sol (55). I! diminue cette imposition, et permet aux Capitouls d'assister à la cotisation qui doit être faite par les commis- saires (ibid. ). Ayant été informé que, sans respect pour les pri- viléges de la ville, le seigneur de Montpezat y avait mis en gar- nison cinquante hommes d'armes de la compagnie de Montpen- sier , il ordonne à ces soldats de se retirer à l'instant ; et il déclare que dorénavant la ville sera exempte de toute garnison , si ce n'est en cas d'extrême nécessité et pour la défense com- mune (1bid.). Ce prince, allant de Narbonne à Angoulême, passe à Toulouse, n'y reste qu’une nuit, et s’embarque sur la Garonne (ibid. ). 11 porte son armée à cinquante mille hommes , en établit quatre mille cinq cents pour la garde de la séné- chaussée de Toulouse , et veut que ces troupes soient soudoyées, pendant quatre mois, par les villes closes, situées dans cette sénéchaussée. Pour cela, il ordonne une levée de cent huit mille livres; et, par de secondes lettres patentes obtenues par les magistrats de Toulousé, il déclare que dans la cotisation de cette somme seront compris les vicomtés de Nébousan et de Carmain , le comté de Foix et les Jugeries de Rivière et Verdun ; il veut de plus que personne ne soit exempté de contributions , « feussent gens d'église, Présidents , Conseillers et quelconques autres ayant biens patrimoniaulx , roturiers, ruraulx, par succession ou autrement (p. 59, 60 ). » Il repousse les en- nemis, et écrit aux Capitouls, pour les engager à se réjouir publiquement d’un événement si heureux (64). Il envoie des ordres pour imposer sur les habitants de la sénéchaussée une nouvelle somme, destinée à l'entretien de quatre mille cinq cents hommes de pied (ibid.). Il écrit aux Capitouls pour remer- cier la ville du service qu’elle a rendu à l'Etat en secourant Carcassonne , et en obligeant les Espagnols à se retirer dans leurs forteresses (67). Il meurt à Rambouillet (82). On célèbre DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k19 ses obsèques le 21 avril 1547. On voit à cette pompe funèbre , « six vingts pouvres, habillés de drap de dueil , chascun portant une torche de deux livres allumée, à chascune desquelles les armoiries dudict seigneur cstoient attachées , et au-dessoubz l'escusson de la dicte ville... (83). » « Henri Il succède à François [°'. On députe vers lui quatre personnages notables ; il reçoit leurs hommages, et confirme les priviléges de la ville (83, 84). 11 permet de choisir, chaque année, deux Capitouls de robe longue (ibid. ). I impose la ville à une somme de trente mille livres, pour la solde des gens de pied, et envoie ensuite aux Capitouls des Lettres patentes, par lesquelles il déclare que les membres du Parlement seront compris dans la cotisation pour leurs biens roturicrs (ibid.) ; d’après ses ordres, le Conseil privé déclare la ville exempte de l'entretien de la gendarmerie (p.127). Son édit sur le rachat des rentes constituées sur les maisons et places vides de Toulouse. Sur la demande de Platea, alors délégué à la Cour, il déclare que les magistrats municipaux de Toulouse doivent jouir, ainsi que leurs femmeset leurs enfants, de toutes les prérogatives des nobles d'extraction ( 127, 128). Il donne la charge de Garde des sceaux à Bertrandi, Toulousain, Archevèque de Sens et Cardinal (:bid.). L'auteur des Annales le compare à Agamemnon {130 ). Il donne des lettres patentes relatives à la translation des Juges d’appeaux (+bid.). Il ordonne Ja suppression des colléges dits de Saint-Girons, Monlezun, Verdalle, Saint-Exupère, les Innocents , le Temple et autres, et la création de deux autres grands colléges (132, 153). Il de- mande aux Capitouls quelle somme ils veulent lui préter, et ceux-ci répondent, que l’on achètera dix mille livres de rentes sur le domaine royal (ibid). Il permet le changement du siége du Sénéchal dans la maison de Viviers, près la Daurade, où en tel endroit qu'il plaira aux Capitouls de choisir (143). Plus tard il consent que cette Cour aille se placer dans la maison de Montmaur , rue de Mirabel, et que celle des juges d’appeaux et ordinaire, s'établisse dans la maison de Viviers (+bid.). I confirme l’exemption des tailles accordées à la ville de Toulouse 420 MÉMOIRES par Louis XE, Charles son fils, Louis XIX et François [°', moyen- nant la somme de deux mille cinq cents livres par an, somme qu’il donne à la ville pour servir à la construction du Pont (154). Toulouse est exemptée par lui de toute contribution pour les charrois de l'artillerie et le transport des munitions (ihid.). I confirme le privilége qu'ont les Capitouls de connaître en fait d'hérésie (156). Le Capitoul Supersanctis , député de la ville à Paris, annonce la mort de Henri IL. Ohsèques de ce prince (241). Arc triompbal consacré à sa mémoire lors de l'entrée solennelle de Charles IX à Toulouse (356, 357, 358). » Francois II. — Il succède à son père; il reçoit les députés de Toulouse, et confirme les priviléges de cette ville (251). H lui accorde l’abonnement des tailles, pour cinquante ans, d'abord, puis pour cent ans {p. 277, 278, 279 ). » Charles IX.—11 défend de garder les portes de la ville : dé- sobéissance des Capitouls (319). 11 ordonne aux citoyens de Toulouse de déposer leurs armes dans l’arsenal du Capitole (327- 328). Il réunit la cour du Viguier et du Juge ordinaire au Séné- chal ; détail sur ce que ce prince accorde relativement au pont de la Garonne et aux dettes que la ville a contractées { 331, 332). Il abolit la procession du 17 mai. Les cotisations faites par les Capitouls sont approuvées par lui. Il arrive à Toulouse (36#). Il va le lendemain au couvent des Minimes ; il y recoit les hommages de toutes les corporations ; il entre ensuite par la porte Arnaud-Bernard , est harangué par le Capitoul Duranti, répond à ce magistrat, promet de conserver les priviléges de la cité ; passe par la rue de Pousonville, la place de Saint-Saturnin, les rues du Taur, de la Porterie et des Changes, reçoit, à la place de la Pierre, les Fleurs de la ville, autrement appelées, dit le registre, les Fleurs de Dame Clémence. H passe ensuite devant le couvent des Carmes; traverse les places du Salin, de la Perchepinte et de Saint-Etienne , assiste dans l'église métropo- litaine, aux offices religieux, et entre dans l’archevêché. détails longs et curieux sur cette entrée et sur les décorations placées en divers endroits de la ville ( 337 à 370 ). Les Capi- touls sont élus par Charles IX. Ce prince vient dîner à la DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 421 Maison de ville; il recoit le serment des nouveaux magistrats municipaux , et ordonne aux anciens de continuer leurs fonc- tions jusqu’au 1% mars (374). Il part de cette ville (372). fl déclare que chaque chapitre d'église collégiale sera tenu , à la- venir, de fournir le revenu d’une prébende pour l'entretien du collége de l'Esquille (377). Il permet de lever une contribution detrente-six mille livres, pour payer les dettes de la ville (387). Il ordonne au Conseil général d'admettre dans son sein plusieurs membres du Parlement , ainsi que le Sénéchal et le Juge-mage (388). IL exempte la cité de toute cotisation, solde où taillon pour la gendarmerie ou les garnisons placées dans le pays (389, 394). 1 déclare que tous les haguenots absents qui n’ont point pris les armes, doivent être réintégrés dans leurs dignités et dans leurs biens ; les Capitouls présentent à ce sujet une requête au Parlement, et forment opposition à la publication des volontés du monarque (411). 11 rend un édit pour le rétablissement de la paix et le libre exercice du culte réformé; le Parlement de Toulouse ne veut point procéder à la publication de cet acte royal, et envoie quatre de ses membres à la cour pour faire des remontrances sur cet objet. La ville adjoint à cette dépu- tation trois de ses citoyens. Ces délégués sont particulièrement chargés de se jeter aux pieds de Charles IX, et, en cas qu'il ne voulüt point changer l’édit de pacification , de lui demander, au nom de tous les habitants, la permission de vendre leurs biens , et de se retirer dans les licux qu'il jugera convenable, aimant mieux, disent-ils, perdre leurs biens et même la vie, que le trésor de la foi. » « Protestants. — Ils tiennent d’abord leurs assemblées dans un champ, vis-à-vis le Château d'Olmières, à peu de distance de la porte Montolieu (295 ). Is font construire un temple sur la partie la plus élevée d’un autre champ, nommé l'Enfer, hors de la porte de Villeneuve , qui prend le nom de Forte du Ministre (294, 295, 296}. Ils prennent les armes dans la nuit du 11 au 12 mai 1562 (298, 299, 300), et s'emparent de l'hôtel de ville. Leurs combats, leurs succès; détails curieux {ibid.). Après avoir été resserrés dans les postes dont ils s'étaient h22 MÉMOIRES d’abord emparés, ils font des propositions de paix : détermina- tion du Parlement à ce sujet. Ils prennent la fuite; beaucoup d’entre eux sont poursuivis par les catholiques ct mis à mort comme rebelles ; le reste trouve des asiles à Montauban , à La- vaur, à Rabastens ; on condamne ceux qui sont demeurés dans l'hôtel de ville, et entre autres le capitoul Mandinelli (1), (304, 302, 303 ). Toutes les procédures faites à cette occasion, sont, plus tard , déclarées nulles et abolies par ordre du Roi (ibid. ). Ils se rassemblent en grand nombre à Montauban, Mauvesin, le Carla, etc. , et ils menacent Toulouse (390). Ils surprennent la ville de Pamiers, la mettent au pillage, passent les catholi- ques au fil de l'épée (2bid. ). Ils dévastent le Lauraguais (397, 413). On ordonne à Toulouse la saisie et la vente de leurs biens ; on oblige leurs femmes à ne plus sortir des maisons qu’elles habitent (#10 ). Le Parlement fait emprisonner (août 1568 }, tous les huguenots de Toulouse (422). Ils ne peuvent, malgré l’édit de pacification , faire aucun exercice public de leur culte dans cette ville, ni sa vigucrie, ni dans la sénéchaussée de Lauraguais ; ils ne peuvent être admis aux Conseils généraux, ni occuper aucun office royal (419 ). » « Prophètes ( faux }. — Nous copierons ici deux passages du livre second de nos Annales. « Saint Paul, en ses epistres, a prédict que, approchant la fin du monde, le temps serait pe- rilleax, tant par l'abondance de toute iniquité que pour plu- sieurs séducteurs qui se attribueraient noms de Prophètes, et, soubs couleur de saincte et austere vye prescheront doctrines faulses contraires à la determination de l’Esglise. Ce que nous voyons estre advenu de nostre temps, et mesmement la pre- sente année, en laquelle est venu en Tholose ung seducteur, portant l’habit d’hermite, et vivant en grande austerité, le- quel, soit par transport de bon sens, ou par témérité, a presché et maintenu plusieurs exécrables opinions contraires à celles de sainete mere esglise (2). (1) Voir la note II à la fin du Mémoire. (>) Cet homme prenait le nom de S. Jean l’évangéliste. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k23 « Ung autre affronteur, ceste même année, vint en Tho- lose, en habit d'apostre, portant bourdon , cheveux fort longs et barbe longue, auquel les Capitols commandarent coupper la barbe et cheveux, ce qu'ils firent par grand raison, car il abu- soit d’iceulx, et le menu peuple, simple et ydiot, courait après luy le suyvant comme sy feust esté sainet Pierre l’apostre, pour laquelle erreur extirper luy fut faict commandement de vuider la ville et de se retirer à La Charité, dont se disait estre natif (149, 150 ).» Des phénomènes physiques, très-mal racontés, sars doute, mais indiqués, ce qui n’est pas indifférent pour la science, occupent, de loin à loin , quelques pages dans nos manuscrits. Je trouve celui-ci dans le Livre second de l'Histoire Tolosaine, page 65. « En ceste année (1544), une pauvre femme, demourant aulx faubonrgs du Chasteau Narbonnois, et près l’hospital Saincte-Katcrine , s’accoucha d’ung monstre, aiant forme d'homme, deux testes, quatre bras, quatre jambes, deux na- tures, l’une de masle, et l’autre de femesle, et n'avait que ung corps et ung cœur , comme fust trouvé après avoir esté ouvert. Ledit monstre ne véquit guercs. » Je ne rapporterai pas ici tout ce que notre annaliste di (pages 161, 162), relativement à l'aventure du célèbre Marc-Antoine Muret, qui professait alors avec éclat, dans Toulouse, car le lecteur Français veut étre respecté ; mais je rapporterai les termes de la sentence prononcée contre cet homme célèbre et contre l’un de ses élèves : « Ils furent tous deux appelés à son de bans et criée publique par les rues et carrefours de Tolouse, et comme contumax et défallans, les inquisitions resumées , le procès parachevé, par sentence desdicts seigneurs, furent con- damnés estre bruslez, et leurs efligies trainées sur une claye furent bruslees en la place publique Sainct-George. » On voit par là que Muret fut heureux de comprendre toute la portée de la citation , faite par l’un de ses amis, qui, en l'abordant, s'écria : Heu ! fuge crudeles terras , fuge litus avarum ! h24 MÉMOIRES » Parlement. — Rigueur de celui-ci. Son jugement contre un faux monoyeur. « Laurent Deschamps, musicien de la ville de Valence en Daulnhiné, pour avoir, dit le registre, csté trouvé saisi en son logis d’ung bon nombre de testons faulx, arrondis et blanchis, prestz à y mettre et imprimer le coing, et d’aultres testons faulx non blanchis, etc. , est condamné à avoir la teste séparée de son corps en la place Sainct-George, et après mis en quatre quartiers , le corn de la ville en faisant le cours accous- tumé, pourté et sonnant au devant en signe de dénunciation. —Mais la Cour souveraine de Parlement faisant droict sur l'appel, par luy de parole interjecté, auroit entierement par son arrest du xv° jour reformé la sentence ; car usant avecluy de grace, huma- nité et misericorde, esmue et causéc sur la contenance et sur les divers dons naturels desquels icelluy Deschamps, par la infinie grace de notre souverain Dieu, estoit doué, tant en bien parler, escripre, chanter, soner de touts instruments de musique et composer, qu'avoir quasi pleine cognoissance de tous les autres arts libéraults , n’auroit usé de la rigueur du droict en son en- droict, ains de grande grâce et miscricorde, comme en ayant le pouvoir , tellement que, simplement, l’auroit condamné à servir Je Roy nostre sire au faict deses galeres pour dix ans (262,263). » Je m'arrête, Messieurs, de peur de fatiguer l'attention de l'Académie. L'analyse de la table générale du second livre de l'Histoire Tholosaine , ne serait pas plus longue que l’un des mémoires ordinaires publiés dans nos Recueils. Celui-ci pour- rait être suivi de l'analyse des autres livres, dont l'intérêt di- mioue de plus en plus, alors que l’on se rapproche du xvur siècle. Douze ou quinze feuilles répandues dans deux ou trois de vos volumes, suffiraient pour faire connaître ce grand monument historique , que nos prédécesseurs désignent sous le nom &'Annales Capitulaires. Aucune ville de France n'en possède d'aussi remarquables et de plus dignes d’être étudiées par tous ceux qui s'occupent avec quelque fruit de notre histoire natio- nale. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 425 NOTE I. Les Représentants du Peuple, en mission près l’armée des Pyrénées, CI. Alexandre Isabeau, Augustin-Jacques Leyris, et Marc-Antoine Baudot , délégué dans le département du Lot et dans les contrées voisi- nes, élant à Toulouse, rendirent, le 8 août 1793, un arrêté dont les articles 2 et 7 étaient ainsi conçus : « Seront remis au Président de la Société populaire de Toulouse, les portraits des Capitouls et les registres du capiloulat qui sont conservés dans l'hôtel commun. — Tous les titres du capiloulat et les portraits des Capitouls, remis avant le 10 août, à midi, au Président de la Société populaire , seront brülés sur l'autel de la patrie, à six heures du soir , aux cris de Vive l'Egalité! » On lit dans le Registre de la Société populaire : « Baudot est monté à la tribune; il à fait part de plusieurs mesures de salut public qu’il doit prendre de concert avec ses collègues. Il a été souvent interrompu par les plus vifs applaudissements. Il a proposé de faire brûler les titres des Capitouls le jour du 10 août ; d'effacer le mot CarrToLium qui est sur la Maison commune, et de faire brûler les ta- bleaux qui y sont encore ; d’arracher les armoiries qui sont à la voûte, et toutes les effigies des grands et des petits despotes. — Toutes ces pro- positions ont été adoptées au milieu des acclamations. «Le Conseil général, extraordinairement assemblé... , a délibéré d'exécuter avec empressement ledit arrêté, » Si les onze registres encore existants, mais lacérés, n’ont pas été jetés dans le bûcher @ressé sur l'autel de la patrie, c'est que quelques hommes bien intentionnés, et qui ne partageaient qu'en apparence les folies de celle époque, dirent que ces Registres étaient des monuments qu’il fal- lait préserver des flammes pour faire connaître à l'avenir tous les forfaits des lyrans. C'est ainsi qu'ont péri, en partie, nos Annales consulaires, ces vé- nérables monuments de la République Tolosaine ; el c’est ainsi que les noms des Représentants Isabeau , Leyris, et Baudot surtout, ont été gravés en traits ineffaçables dans notre histoire. NOTE II. Prise d'armes des Protestants à Toulouse. Le récit des combats livrés dans Toulouse , depuis le 12 jusqu’au 17 mai 4562, est presque inconnu. Comparé à ce qu'ont écrit à ce sujet des auteurs protestants et un grand nombre d’autres, il refute une foule &e récils mensongers, et jette beaucoup de clarté sur cette partie de l'histoire de notre ville. Qu'il nous soil permis d’en donner ici un extrail, tiré des pages 294-304. L'annaliste, après avoir parlé des assemblées secrètes des 426 MÉMOIRES calvinistes, ajoute : « Mais quelles excuses qu'ils eussent aleguées (les Capitouls) (4) se disans ignorans de telles assemblées, continuant leur mau- vaise et dampnée entreprinse , comme leur yssue de l'administration se approchoit , feirent tous leurs efforts de nommer et choisir huict aultres pour prendre l'administration capitulaire , tous de leur farine et secte, adroicts a continuer et parachever ce qu’iceuls ne peurent mectre à effect. Si trouuerent doncq moyen de faire Capitols pour ladite année mil cinq cens soixancte ung finissant soixante deux , les sasnommés (Mandinelly , Hunault, Assezat, du Cedre , Dareau , Ganelon, Olivier, Pastorel et Vignes, lesquels entrés au Capitole et administration de Ja ville, (au lieu de tenir le conseil et traicter des affaires publicques dans la maison et consistoire de la ville, appellé le conseil ordinaire de bons et fidelles citoyens, comme de coustume tres saincte et louable), ils faisoient leurs assemblées dans la maison d’un Jean Baile, marchant grossier (2), joi- gnant la dicte maison de la ville, qui les recepvoit, comme le plus prin- cipal faulteur de ceste mauldicte secte ; tractant illec les moyens perni- cieuls et dampnables par lesquels pourroient venir au dessus de leurs entreprinses , ils envoyerent devers le Roy deux d’entr'euls, c’est as- savoir ledict Dufaur et de Nos qui rapportarent en Tholose l’edict de janvier pour icelluy faire publier, installer et mectre ministres dans la ville. Mais le Roy tres chrestien ne voullust accorder permission de pres- cher dans les murs de la ville, ains seulement en quelque lieu cham- pestre hors d’icelle...., et ne leur fust permis que dresser une grange , couverte au dessus, ouverte de tous costés, en forme d’une halle... comme la feirent dresser sur le thertre d’ung champt , nommé l'Enfer, situé hors les murs, à l’endroict de la Porte de Vileneufue (3) où faisoient leurs prieres et predications par ministres apostats et religieux qu’avoyent renié et dezerté l’habit de religion... Les ministres de la dicte secte craignant en leur conscience la confusion et abolition de leur pré- dicalion estre prochaine... essayarent de s'ayder de glaives, armes et main forte, et tellement qu’ils s’adressarent au seigneur de Crussol , lors lieutenant pour le Roy au pays et gouvernement de Languedoc, avec lequel se vantarent avoir entrée et credict, pour avoir permission de port d'armes pour conserver leurs vyes et personnes , ensorte qu’ils obtinrent permission de dresser garde de gens armez jusques au nombre de cent hommes, soubs la conduite toutes fois et auctorité des Capitols ; mais abusant de cette permission , soubs main, ils introduisirent dans la mai- son de la ville par la porte du logis et habitation du capitaine du guet, de (4) Ramond Dufaur, escuyer, seigneur de Marnac ; Laurens Valette, docteur et avocat; Blaise Drulhe, bourgeois; Gervaise de Nohault, bourgeois; Bernard de Puymisson , docteur et avocat ; Laurens de Pechbusque , seigneur de la Landelle ; Jehan de Teronde , docteur et avocat; Jehan de Nos, seigneur de Maleficat. (2) Marchand en gros, négociant. (3) Au même lieu qui a porté, depuis, les noms de Place Bonaparte, puis de Place d'Angoulême, et, en 1830, celui de Place Lafayette. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 497 ceux de leur secte et prétendue religion, le nombre de quatre a cinq cents hommes , armez de corcelets, picques, harquebuses et aultres harnoys, pour servir publicquement de garde aux ministres durant leur prédica- tion , qui fust cause d’ung grant bruict, murmure et indignation que le peuple de Tholoze avoit conceu , se voyant le cotteau menacant sur leurs chefs et de leurs femmes et enfans, eulx nuds et desarmez, parce que toute sorte d'harnoys des habitans avoit esté pourté et mis à l'arsenal et ar- mamentaire de la ville, par l’industrie des huict traistres et desloyaux cy dessus nommés, tenant en leur main le gouvernement de la ville... » Après avoir raconté l'accident arrivé par le fait de l’un des arquebu- siers des Capitouls , les troubles arrivés à Castelnaudary , les efforts des Catholiques, les précautions prises par le Parlement , les injonctions faites par cette cour aux Capitouls pour le maintien de Ja tranquillité publique, la découverte du complot qui tendait à livrer la ville de Tou- louse au pouvoir de l'ennemi, l’annaliste continue ainsi : « Se voyans descouverts (les Capitouls) ne cessarent faire de nuict et de jour, amas de gens de la dicte secte, tellement que le unziesme jour du moys de may, heure de minuict, le cappitaine Saulx et le dict du Cedre se rencontrarent en la place de la Pierre, avec douze ou quinze cents hommes, arquebusiers, armés de corps de cuyrasses, et par eulx deux conduicts dans la maison de la ville, se feirent maistres du Capitolle, de l'artillerie, harnoys et munitions pourtées en icelluy par les habitans que lesdicts Capitols traistres et desloyaux despouillarent par leurs criées et proclamations , et saysis de toutes les clefs des portes de la ville, deliberarent se rendre tout droict dans le Palais Royal en armes, mar- chant de cinq a cinq pour se saisir dudict Sf. Premier President de Man- sençal et Conseillers catholicques et les rendre à la Maison de la ville, deliberez de les faire honteusement mourir, voyre, comme il feust des- couvert, les pendre aux fenestres de leurs maisons. Mais Dieu, qui ne veult tels meurtres tomber sur ses serviteurs ét bons chrestiens, admena par sa saincte grace en la ville de Tholoze, pour secours , ayde ct delivrance d’icelle, le cappitaine Bazourdan , nepueu du feu seigneur le mareschal de Termes, le cappitaine Montmaur, le cappitaine Saincte Colombe, le cappitaine Ricault, dict d'Olmieres, gens vaillans au faict de la guerre, lesquels dressarent escadrons de caualerie et d'infanterie droict la venue des rues, puys le Pont vieulx jusques à Sainet Estienne et d'aultre part de la Perchepinte , place de Roayx et au devant le convent de Ja Trinité, où l’aduangarde des ennemys desia croysés el envellopez, conduicts par ung nommé Robert, feust rencontrée par ledict cappitaine Saincte Co- lombe , lequel Robert d'un coupt d’arquebousade qui luy perca le cor- selet et corps d'une part et d’aultre tomba mort par terre ; à la cheute duquel les traistres qui le suyvoient recularent, si bien et vaillanment poursuivis par les cappitaines des Catholiques qu'ils feurent contraints s'enfermer dans la Maison de la ville à leur grande confusion et perte de plusieurs, sans que aulcun des catholicques y feust offensé. — Lende- 128 MÉMOIRES main douziesme du diet moys de may lediet Sr. Premier Président usant de grant providence et dexterité (car aussi estoit-il lieutenant général pour le Roy en tout le ressort du parlement de Tholose) faist faire cries et proclamation par six huissiers de la court, en divers endraiets de la ville, les plus publicques, portant injonction et commandement à {ous les subjets du Roy de promptement prendre les armes el se rendre en bon equipaige au palais , et tous ceulx qu'ils trouveroient où rencontreroient de la dicte nouvelle prétendue religion les eussent à mectre et tailler en pieces, sans avoir pytié ny regard à aulcun d'eux comme seditieulx et rebelles, ayant forgée si cruelle prodition et entreprinse. — Cependant et à l'instant , feist despecher postes de tous costez aux seigneurs de Joyeuse, seneschaulx, chevaliers de l’ordre, cappitaines, gentilshommes et aultres tenans fiefs nobles ayans chevaulx de service, qu'à loute dili- gence eussent à se rendre à Tholoze pour le service de Sa Majesté avec leurs armes et equipaiges requis pour chasser et mectre hors l'ennemy de la dicte ville. — Si vindrent au secours d’icelle, les seigneurs de Bellegarde, lieutenant du feu seigneur de Termes, mareschal de France, avec sa compagnie ; les compagnies des seigneurs de Montlue, Terride, Gondrin et aultres , lesquels seroient allés vers les villes de Montauban, Mazeres, Puylaurens et da comté de Foix, pour rompre les ennemys qui venoient à grand flotte de tous endroicts, lesquels rompirent l’entreprise des ennemys trouvés en chemin et mis en pièces. » Les cappitaines Clermont, d’Auriville, de Savignec, Tilladet, Gar- douch, et aultres, venus au mesme instant auec grand nombre de soïdats pour donner secours à la ville, entre lesquels ne faillist estre Monsieur Daussun (sic), evesque de Coserans avec douze cents hommes d'eslite, gens de guerre à sa suytte , tant de pied que à cheval pour le secours de la dicle ville, et moyennant la grace de Dieu , bon conseil et conduicte dudict sieur President de Mansencal, et advis de la court, feust si diligem- ment et dextrement procedé que Lous les bourgeois el habitans de la ville se mirent en leur debvoir de resister à l'entreprise des ennemys qui desia s'estoient saysis ct emparez des églises de Sainct Rome, Sainci Quentin, le Taur, des convens des Cordeliers, Beguins, Jacopins , Sainct Orens , prins et empourté les relicgnaires or et argent qu'avoient trouvé dans iceulx, faicts prisonniers les Religieulx, et emmenés à la maison de la ville, s'estant ja saysis des coleiges de Perigort , Sainct Rimond, Nar- bonne, Maguelonne, Saincte Catherine, Foix, Sainet Martial. et maison de Bernuy ; non contens de ce, dressé et mis en vue le canon pour abatre et ruyner le demeurant de la ville si Dieu, par sa volonté, ny eust remedié, vigilance, eure et solicitude des Capitols esleus et creez par la court, dessus nommez, Saint Felix, Aliez, Borderia, Lalayne, Ma- dron, Puybusque , Dupin , et Estienne de Rabastens, seigneur de Colo- miez , lesquels mandez venir prindrent le chapperon capitulaire et livrée du Rôy, de l'auctorité et ordonnance de la dicte court... les ennemis feurent de telle roydeur poursuivis et repoulsés estant du nombre de six DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 429 mille hommes, où plus, que le treiziesme jour dudit moys de may, com- mencarent de perdre couraige, voyant la diminution de leurs gens tués et meurtris par les nostres. Surquoy arrive le sieur de Forquevaulx , envoyé de la part du Seigneur de Joyeuse, lieutenant de Sa Majesté audict pays de Languedoc, et adverty que l'ennemy demandoit de par- lementer avec la court, icelluy seigneur de Forquevaulx, mandé par icelle, court à la rue du Puys Clos, entendu leur parlement el rapporté à ladicte court plainiere de Messieurs les Presidens et Conseillers par les seigneurs Capitols nouvellement esleus, accompagnés de soixante bourgeois, les plus apparens de ladicte ville , feust remonstré à la court que l'intention de l’ennemy estoit de laisser la Maison de la ville en l'hobeyssance du Roy, les laissant aller vyes et bages sauves, et qu'il pleust à la court or- donner que, avant tout œuvre, et avant que les escouter ny recepvoir leurs offres, missent et restablissent en son entier Lout ce qu’ils avoient ruyné, puhé et desrobé des eglises ; rendant aussy la Maison de la ville, lais- sassent les armes et se missent à la mercy et misericorde du Roy et de la justice ; aultrement que la dicte ville estoit deliberée n'espargner vye ni biens pour en recepvoir satisfaction, par guerre ou par justice, de leur mesfaict , suppliant tres humblement ledict S', de Mansencal et toute la court enjoindre audict sieur de Forquevaulx marcher le premier, comme delegué et depputé par le seigneur vicomte de Joyeuse, lieutenant du Roy, pour recouvrer la dicte Maison de la ville et mectre à la subgestion de la court les ennemys de Dieu et du Roy, offrant que toute la ville le suyvroit sans rien espargner pour les exterminer et mestre au colteau. » À quoy feust respondu par le dict seigneur Président qu’il estoit question de l'honneur de Dieu et de son Eglise, et falloit, auant passer oultre , que tous se rendissent prisonniers ; et, cependant , au son de la trompelte tous soldats et gens de guerre eussent incontinent soy mectre en ordre avec les armes pour se rendre soubs l’enseigne de leur cappi- taine , à la peyne de leur vye sans remission. L’execution de cest edict feust comise à M°. Jean Amadon, magistrat présidial , prevost créé par la dicte court, a ce que par armes l’ennemy fust assailly , et l'avoir, quoiqu'il coustat , a feu et a sang ; et feust cest affaire si vertueusement et beliqueusement conduict que le dixseptiesme jour dudict moys de may, jour de la Penthecoste, la Maison et Capitolle de la ville feust re- prins et remys en l’hobeyssance du Roy, de la court, capitols et citoyens de la ville, et l'ennemy repoulsé , lués et meurtris , la pluspart de ceux-ci sur les rues et pavé, ou aux environs , deux lieues à la ronde de Tholose..…. » Séance Lu 3 juillet. 10 juillet, k30 MÉMOIRES BULLETIN DES MOIS DE JUILLET ET AOÛT 1851. M. Viray, Président de l’Académie, lit une note sur d’an- ciens silos découverts à Montgiscard (Haute-Garonne ). M. LEYMERIE présente à l'Académie , une mâchoire d’_{nthra- cotherium magnum ( Cuvier }, et lit à ce sujet une note dé- taillée. ( Imprimée dans le volume.) d Au nom d’une Commission, M. Joly fait un rapport sur la partie zoologique d’un mémoire envoyé à l’Académie par M. Armieux , Chirurgien aide-major au 12° léger , en résidence à Rodez ( Aveyron), et ayant pour titre : Expédition dans le Sahara , en 1849. Avant de prendre une délibération définitive sur la proposition de la Commission , l'Académie renvoie à son examen trois autres ouvrages imprimés, dont M. Armieux avait accompagné sa demande du titre de Correspondant. M. Mouer lit une Motice sur quelques-unes des notions de cosmographie qu'on rencontre dans la divine Comédie du Dante. Après avoir constaté que l'œuvre du poëte Florentin offre une admirable expression de l’état des mœurs , des idées, du monde politique et des connaissances scientifiques du moyen âge, l’auteur de cette notice expose comment le poëte a construit son monde idéal à l’aide des lois physiques du monde réel. Il rappelle les vers dans lequel le Dante décrit au centre de la terre, avec une remarquable exactitude, les lois de l'attraction et de la pesanteur ; comment ce poëte, en se transportant à un point du globe opposé à celui que nous habitons, y décrit la constellation de la croix du pôle austral. M. Molinier réfute l'opinion des commentateurs de la Divine Comédie et de Voltaire, qui ont pensé que le ciel austral n’était pas connu à l'époque à DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 431 laquelle écrivait le Dante , et que l'exactitude de la description qu'en donne ce poëte, ne doit être attribuée qu'au hasard. Il démontre que les étoiles du pôle antarctique avaient ét vues , et étaient connues au xim° siècle; que les Italiens qui faisaient, à cette époque, un riche commerce avec l'Orient par la Méditerranée et à travers les terres, avaient franchi l’'Equateur en naviguant dans la mer des Indes , avaient fré- quenté les Indes orientales sur la ligne vers le Sud, et les mers qui baignent la Péninsule. Les géographes Arabes qui connaissaient parfaitement le ciel austral, avaient d’ailleurs apporté en Jtalie leurs planisphères et leurs globes, sur lesquels les étoiles voisines du pôle antarctique étaient figurées. Ce fut à l’aide de ces données que les Portugais entreprirent , plus tard, leur grand voyage de circumnavigation pour le Sud de PAfri- que, et ouvrirent, sous la conduite de Vasco de Gama , une route maritime pour aller aux Indes par le cap de Bonne-Espérance. L'auteur de la notice induit de ces faits, qu'il n’est pas étonnant que le Dante, profondément versé dans toutes les sciences de son époque, ait donné, dans son Poëme, et sous la forme d’une brillante allégorie, une description exacte des quatre étoiles qui forment la constellation de la croix australe. M. Ducasse donne lecture d’une observation d’hygroma hé- malique antérotulien, produit par la pression prolongée du genou dans les exercices religieux. L'emploi des injections iodées fut inutile. Au bout de plusieurs jours, la tumeur reprit son volume primitif, sans avoir éprouvé les effets de cette in- flammation profonde et adhésive qui en sont la suite ordinaire, M. Ducasse eut alors recours à l’incision du kyste. Une très- grande quantité de sang fluide, quelques caillots s'en échappè- rent, et au bout de quinze jours de traitement méthodique, la guérison était complète, et l'articulation avait conservé sa liberté dans tous ses mouvements. Quoiqu'elles n'aient pas primitive- ment procuré l’oblitération de la poche, il est évident cepen- dant que les injections iodées ont contribué pour beaucoup à la rapidité de cette cicatrisation , car dans aucune des opérations 17 juillet. h 32 MÉMOIRES analogues qu'il a pratiquées, M, Ducasse ne l'avait Jamais si promptement obtenue. | M. Bexecu communique à l'Académie des observations sur un arrêt rendu par le Parlement qui siégeait à Toulouse, le Jour de la fête de sainte Lucie vierge, au mois de mars 1289, arrêt rapporté par Simon d'Olive, en ses questions notables du Droit, Liv. 1%, chap. 18, et que ce magistrat qualifiait vérérable à cause des rides dont il était couvert. Les observations présentées par M. Benech portent sur les points suivants : 1° Sur le caractère du Parlement qui a rendu l'arrêt. Ce Parlement est celui qu'établit dans le Toulousain le roi Philippe-le-Hardi, par une ordonnance datée de Vincennes, le jeudi, jour de la chaire de Saint-Pierre (18 janvier}, de l’année 1279 , huit ans après la réunion du comté de Toulouse à la couronne, avec mission de juger, selon le droit et l'équité, les demandes et les requêtes de ses sujets, des sénéchaussées de Toulouse , Carcassonne, Périgord , Rouergue, Quercy et Beau- caire, Le tribunal supérieur, ainsi établi dans le Midi, tint périodiquement des plaids, jusqu'à la fin de l’année 1291, époque à laquelle Philippe-le-Bel, en son Parlement de la Tous- saint, créa en son Conseil, une Commission de quatre ou cinq personnes, pour expédier les requêtes et les causes des pays de droit écrit, Commission qui se maintint jusqu’au moment où, par son ordonnance du 23 mars 1302, sur la réformation de la justice , il institua un Parlement sédentaire à Toulouse. 2° Sur le personnel des juges qui concoururent à l'arrêt. Ces juges , ou plutôt ces commissaires du roi, étaient au nombre de cinq, à savoir : l'abbé de Moyssac, Laurens de Voisin, Pierre de la Chapelle, Ægide Camelin et Pierre de Blanasque. L'abbé de Moyssac était le célèbre Bertrand de Montaigu, docteur en décrets, trente-quatrième abbé de ce monastère, un des plus grands jurisconsultes de son temps , ct qui eut l'honneur de siéger au Parlement du roi, où Philippe- le-Bel était présent, à la Pentecôte de l'année 1290 , CR com- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 433 pagnie d'un grand nombre d'illustres prélats, de puissants barons, de vaillants chevaliers, dans une cause intéressant le comte de Flandres. Laurens de Voisin était chanoine de Paris, Pierre de la Chapelle, chevécier (capicerius) de l'église de Chartres, Ægide Camelin , chanoine de Meaux , tous clercs du roi. Enfin le quatrième assesseur de l'abbé de Moyssac, Pierre de Blanasque, était chevalier du roi. L'auteur donne quelques indications biographiques sur chacun de ces assesseurs , puisces dans divers monuinents de celte pé- riode du moyen âge. 3° Sur la date, la forme et le fond de l'arrêt. (A) La date, — Il est rendu le jour de la fête de sainte Lucie vierge, c'est-à-dire, le # mars, d'où il faut induire qu il a été rendu entre deux Parlements, puisqu'il se trouve en dehors de la tenue des Parlements qui avaient lieu à l'occasion des grandes fêtes, des fêtes de Noël, de la Chandeleur, de Pâques, de la Pentecôte, de la Toussaint; (B) La forme. — Rédigé en langue latine, comme tous les actes judiciaires de l'époque. Il est conçu en forme de mande- ment adressé au nom du roi , par les juges au sénéchal de Car- cassonne. Ce sénéchal était Simon Brisetête, personnage d’une activité peu commune , aussi bon diplomate qu'homme d'armes habile à manier l'épée ; célèbre par les services qu'il rendit à la cause du roi Philippe-le-Bel ; (C) Le fond. — L'arrêt accueillant la requête des consuls et de la communauté de Béziers, enjoint au sénéchal qui vient d'être mentionné , &e faire exécuter le mandement du roi, qui astreignait les clercs possédant des terres, des possessions ou des bénéfices dans le territoire d’une ville, à la reconstruction faite à des murs , fossés et remparts de cette ville. L'auteur fournit à cet égard quelques notions historiques sur l'état où se trouvait , à celte époque, la cité de Béziers, qui, sac- cagée au commencement de ce siècle par les croisés de Simon de Montfort, n'avait pas encore relevé ses murailles. Cette circonstance imprime à l'arrêt un intérêt tout particulier. — &°S. —TOME 1. 30 21 juillet. 31 juillet. 43% MÉMOIRES Enfin l'auteur, après avoir ainsi reconstitué le milieu dans lequel l'arrêt a été rendu, a mis en rapport, au sujet des diverses observations qui précèdent, le Parlement de la Langue d'Oc ( Parlamentum patrie occitanæ), avec le Parlement ou la cour du roi { curia regis), en profitant des documents précieux que la publication récente des Olini a fournis sur ce dernier Parlement. M. Lavocar donne lecture de la deuxième partie de son mé- moire sur les fonctions de la rate. (Imprimé dans le volume. ) M. Beznomme lit un mémoire intitulé : Charte inédite du xrr° siècle, concernant les criées pour la vente du vin dans la ville de Toulouse. (Imprimé dans le volume. ) M. Perir donne quelques indications sur Péclipse de soleil qui doit avoir lieu le 28 juillet 1851. M. Moqrix-Tanpox communique à l’Académie quelques détails relatifs à un essai qu’il a fait sur les graines du chardon mons- trueux découvert à Fenouillet. On ‘se rappelle ce chardon, prétendu miraculeux, sur lequel M. Noulet a fourni une curieuse notice insérée dans les Mémoires de la Compagnie. Cet Acadé- micien a fait voir que ce chardon n’était autre chose qu’un cirse lancéolé (cércium lanceolatum) monstrueux, à l'état de fascia- tion. Quelques graines de ce chardon ont été semées , cette année, au Jardin des Plantes, par M. Moquin-Tandon. Elles ont produit sept à huit pieds, parmi lesquels il s’en trouve un qui présente le phénomène de la fasciation. Sa tige offre déjà trois travers de doigt de largeur. M. Couserax a lu une notice biographique sur M. Dujac, membre de l’Académie , décédé le 24 février 1837. (Imprimée dans le volume. ) M. Leymenie communique verbalement quelques considéra- tions générales sur l'existence de deux grandes régions, très- différentes sous le rapport géographique, dont l'une serait coordonnée à l'Océan , et l’autre à la Méditerranée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 435 M. Vrrry, Président de l’Académie, donne, dans une lettre, quelques détails sur l’éclipse de soleil qu'il a observée à Versailles. A ce sujet, M. Petit fait remarquer que la netteté des om- bres observées sur les diverses lignes du palais de Versailles , est une conséquence mathématique de l’occultation partielle du disque solaire pendant l'éclipse ; occultation qui diminue l’é- tendue de la pénombre et rend l'ombre micux tranchée. M. Petit ajoute que l’éclipse a produit, à Toulouse, un abaissement très-sensible de température. Deux thermomitres centigrades bien concordants, l’un à monture de verre, l’autre à monture métallique, exposés au soleil, marquaient 33 degrés vers deux heures quinze minutes ; 30 degrés à trois beures dix minutes, ct 29 degr. 2 à trois heures vingt-huit minutes, heure du maximum de l'éclipse. Après la fin de l’éclipse, quatre heures quarante-cinq minutes, les deux thermomètres étaient remontés à 30 degrés. Comme complément des indications présentées par M. Petit, à l'occasion de la lettre de M. Vitry, voici les heures des deux phases principales {en temps moyen de Toulouse) : 1° Commencement de l'éclipse à 2 h. 27 m. 15 s.53c., douteux. L'absence de clôture autour de l'Observatoire , a permis aux curieux de venir se placer jusqu'aux pieds des murailles de cet établissement. Des conversations bruyantes empêchaient d’en- tendre la pendule. 2° Fin de l’éclipse à 4 h. 36 m. 46 s. 54 c., bonne obser- valion. Les curieux se sont dispersés avant la fin de l’éclipse. Lunette Cauchoix, — 95 millimètres : grossissement, 41. M. ou Mëce, lit un mémoire intitulé : Table analytique des Annales manuscrites de la ville de Toulouse. (Imprimé dans le volume. ) 7 août. 14 août, 436 MÉMOIRES M. Moquix-TaxpoN annonce que M. Fraïsse, d'Arles ( Rhône), lui a adressé deux Parmacclles vivants dont il a étudié les mœurs et l'organisation. Il a conservé ces mollusques pendant deux mois, et reconnu qu'ils appartiennent à l'espèce décrite par MM. Webb et Van-Bérioden, sous le nom de Parmacrlla Valencianii (gastro-pode), observée en Portugal. Il résulte de ce fait, que nous possédons en France, deux espèces de Par- macelles ; le Gervaisti et le Valenciennü. M. Moquix-Taxnox rapporte que M. Paul Gervais, professeur de la Faculté des Sciences de Montpellier , vient de trouver dans les fondations du Palais de justice de cette ville, une coquille fossile de Parmacelle. M. Ganrier lit une notice sur les avantages qui résultent de l'étude de la géométrie descriptive, comme servant de base à toutes les professions industrielles. Il attribue les progrès que nous avons faits dans l'industrie à la connaissance de cette géométrie, Il rappelle l'importance que le profond géomètre Monge attachait à cette étude. Et c'est depuis que cette géométrie a été mise à la portée des ouvriers, que ceux-ci, étant devenus plus sensibies à l'exactitude, l’ont introduite dans leurs travaux. Il indique les heureux résultats auxquels nous sommes parvenus dans les arts industriels par l'établissement de ces étonnantes machines locomotives, dont la grande perfection est due en partie à cette géométrie. Aussi ces merveilleux objets font-ils l'admiration de tous les peuples, et contribuent à main- tenir la France dans le rang élevé où l'ont portée les belles dé- couvertes qu'elle doit à la réunion des sciences et des arts. M. Porir fait remarquer à l'Académie que la haute tempé- rature Gbservée depuis quelques jours à Toulouse, est un ré- sultat produit par les astéroïdes qui se montrent en si grande abondance du 10 au 15 août. D'après les recherches de cet Aca- démicien , l'orbite elliptique décrite autour du soleil par les as- téroïdes, passe au dehors de l'orbite terrestre au mois d'août, et en dedans au mois de février. D'où il suit, qu'à l'époque ac- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h 37 tuclle , une grande partie de la chaleur solaire est réfléchie vers la terre, tandis qu'au mois de février cette même chaleur est interceptée. Les courbes des températures moyennes, construites par M. Petit, sur les observations météorologiques de Toulouse et sur celles de Paris, mettent les résultats précédents dans une complète évidence. M. Moquix-Taxpox entretient l’Académie de l'appareil sexuel des valvées. Cet appareil est androgyne, mais il présente des caractères particuliers différents de ecux des hélices et autres gastéropodes bisexuvls. A cette occasion, M. Moquin-Tandon explique les nouvelles idées des physiologistes modernes, sur la fécondation des gas- téropodes , et particulièrement la théorie ingénieuse du docteur Gratioler , à l’appui de laquelle il rapporte quelques faits inédits. | M. ou Méce fait une communication verbale relative à quel- ques inscriptions gallo-romaines, découvertes dans les Pyrénées, et qui, dit-il, nous ont rendu quelques pages de notre vieille histoire. Dans le nombre , il signale celle qui a été découverte, il y a peu de temps, à Estoulan, dans la vallée de la Neste. Elle fut consacrée à Jupiter très-bon et très-grand (Jovi optimo , mazximo ), par un particulier nommé Silex. M. du Mège fait remarquer que ce nom se retrouve sur plusieurs autres mar- bres, qu'il publie dans l'Ærchéologie pyrénéenne ; ouvrage qui vient d’être terminé d’après l'invitation de M. le Ministre de l'instruction publique. M. Moquix-Taxpox , dans une communication verbale, pré- sente quelques détails nouveaux sur la structure anatomique du genre Bithinie, de Gray. Ces mollusques diffèrent des vraies Paludines par plusieurs caractères importants. Au nombre de ces caractères, se trouvent surtout, 1° l'absence des mâchoires ; 2 l’organisation des branchies ; 3° la position et la forme bilide de l'organe mâle ; 4° la présence dans l'estomac d'un corps cy- lindrique cartilagineux , analogue au stylet cristallin, observé chez quelques mollusques acéphales, 21 août. 438 MÉMOIRES Si on ajoute à ces différences les caractères déjà signalés par les auteurs, on devra conclure que le genre Bithinie doit être conservé. M. Perir ajoute quelques développements nouveaux à ceux qu'il avait dejà donnés sur la déviation , vers le Sud , des corps lancés verticalement avec de grandes vitesses. Le même Académicien fournit, d'après sa correspondance, des renseignements et des appréciations théoriques sur les phé- nomènes observés pendant l'éclipse totale de soleil, du 28 juil- let 1851. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 139 SUJETS DE PRIX POUR LES ANNÉES 1832, 1853 Er 1854. L'AcanËmiE rappelle que le sujet du prix à accorder en 1852, est la question suivante : Généraliser, par de nouvelles recherches faites princi- palement dans les climats où cela n’a pas encore été entre- pris , l'étude des influences lunaires sur les phénomènes météorologiques. à Observations. Sans en faire une condition expresse , l’Aca- démie verrait avec plaisir que les concurrents éclairassent en même temps, par des expériences concluantes, ce qu'il peut y avoir de réel dans les actions vulgairement attribuées à notre satellite sur la nature organique et principalement sur les phé- nomènes de la végétation. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 1853, la question suivante : Rechercher et caractériser, parmi les dispositions de l'an- cienne coutume de Toulouse, celles qui appartiennent à la législation des Comtes ; Apprécier l'influence de cette législation sur l'état du pays Toulousain. La question proposée par l’Académie donne la législation pour base aux études à faire sur la constitution politique et sociale du peuple Toulousain, durant le gouvernement de ses souverains particuliers. h4Q MÉMOIRES Cette législation se résume dans l'établissement des coutumes introduites ou permises sous ce régime. Le livre qui les con- tient ne nous étant point parvenu sans altération, l’Académie croit devoir recommander des recherches pour restituer les dis- positions omises ou retranchées, et l'attention la plus intelli- gente pour rejeter celles qui porteraient empreinte d’une ori- gine suspecte. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 509 fr. L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 185%, la question suivante : Etablir, par la théorie, des règles pratiques pour la cons- truction des voûtes cylindriques en maçonnerie droites ou biaises ; on déterminera l'épaisseur qu'il convient de donner à la clef, celle des pieds-droits et la forme de l'extrados lorsque l'intrados est connu. L'Académie n’a point décerné le prix de 1851, dont le sujet était la question suivante : Résumer les travaux les plus remarquables qui ont été publiés jusqu'à ce jour, sur le rapport qui existe entre la composition chimique et l'activité des engrais ; discuter la valeur de ces travaux; rechercher si certaines plantes, et surtout les plantes alimentaires, empruntent leur azote , soit en totalité, soit en partie, à l'atmosphère , tandis que d'autres ne lemprunteraient qu'au sol. En conséquence, et conformément à l’art. 32 de ses règle- ments , l'Académie a décidé qu’elle accordera un prix extraor- dinaire à l’auteur d’un mémoire qui lui serait adressé sur le même sujet avant le premier janvier 1853. Ce prix extraordinaire sera une médaille d'or de 500 fr. Les savants de tous les pays sont invités à travailler sur les sujets proposés. Les membres résidants de l’Académie sont seuls exclus du concours. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h41 Les auteurs sont priés d'écrire en français ou en latin, et de faire remettre une copie bien lisible de leurs ouvrages. Ils écriront au bas une sentence ou devise, et joindront un billet séparé et cacheté portant la même sentence, et renfermant leur nom, leurs qualités et leur demeure. Ils adresseront les lettres et paquets, francs de port , à M. le Docteur Ducasse, Secrétaire perpétuel de l’Académie , ou les lui feront remettre par quelque personne domiciliée à Toulouse. Le Mémoires ne seront reçus que jusqu’au premier janvier de chacune des années pour lesquelles le concours est ouvert. Ce terme est de rigueur. Les Mémoires des auteurs qui se seront fait connaître avant le jugement de l'Académie, seront exclus du concours. L'Académie proclamera , dans sa séance publique, le premier dimanche après la Pentecôte, la pièce qu’elle aura couronnée. Si l’auteur ne se présente pas lui-même, M. le Trésorier perpétuel de l’Académie ne délivrera le Prix qu’au porteur d’une procuration de sa part. L'Académie, qui ne prescrit aucun système, déclare aussi qu'elle n’entend pas adopter tous les principes des ouvrages qu’elle couronnera. L42 MÉMOIRES OUVRAGES IMPRIMÉS ADRESSÉS À L'ACADÉMIE PENDANT L'ANNÉE 4850-1851. Comptes rendus hebdomadaires des Séances de l’Académie des Sciences, t. xxxr et xxxur. In-4°. Institut national de France. — Rapport fait à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, au nom de la Commission des Antiquités de la France, par M. Lenormant, 1850. Journal des Savants, septembre 1850 — août 1851. Congrès scientifique de France, 17° session , tenue à Nancy. 1851. 2 v. in-8°. Congrès des délégués des Sociétés savantes des départements, 2° session, 1851. In-12. Brevets d'invention expirés, t. LxI, Lx. In-4°. Brevets d'invention sous le régime de la loi de 184%, 2° série, t. et ur. In-°. Philosophical Transactions of the royal Society of London. 1850 , part. 1. Proceedings of the royal Society. 1849, n°°73,74, 75. In-8°. Observations made at the magnetical and meteorological Observatory , at Hobarton, in van Diemen Island. London , 1850. gr. in-4°. Mémoires de la Société royale académique de Savoie. 1825- 1850. 13 vol. in-8”. Aualyse chimique de l’eau minérale de Marlioz (Savoie). In-8°. Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, t. xn, 2° part. In-4°. Mémoires de la Société des Antiquaires de France; t. vi et vin. In-8°. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h43 Rapport sur les travaux de l'Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie de Toulouse pendant l'année 1849-50 ; par M. Ducasse. Notice biographique sur M. Lafont-Gouzi; par M. Ducasse. 1851. In-8°. L'Epopée Toulousaine ou la Guerre des Albigeois, poëme en 2% chants ; par M. Florentin Ducos. 2 vol. in-8°. Statistique géologique et minéralogique du département de l'Aube; par M. A. Leymerie. In-8°, atlas. Paris, 1846. Note sur le terrain de transition supérieur de la Haute- Garonne ; par M. A. Leymerie. Considérations sur l'alimentation artificielle de Mammifères nouveau-nés. Thèse inaugurale; par M. Joly. Paris, 1851. In -4°. Des déviations de l'utérus et de leur cure radicale par le redresseur intra-uterin modifié ; Conférences de M. le docteur Valleix , recueillies et rédigées par le D' Gaussail. 14851. In-8°. Discours prononcé à la distribution des prix du Pénitencier de Toulouse , le 5 août 1851 ; par M. Desbarreaux-Bernard , Médecin de l'établissement. In-8°. Etudes à faire sur la substitution proposée d'un chemin de fer au Canal latéral à la Garonne; par M. Dubor. 1851. Mémoire sur la nécessité d'extraire immédiatement les corps étrangers et les esquilles dont la présence complique les plaies par armes à feu ; par M. Hutin | correspondant). Paris, 1851. In-8°. Cabellio et Abellio ; par M. Chaudruc de Crazanes {corres- pondant ). Document inédit du xu° siècle, émané d'un Evêque d’An- goulême , légat du Saint-Siége ct relatif au diocèse d’Alby, publié et expliqué par Eugène Dauriac (correspondant |. Angoulême, 1850. In-8°. Réponses des Falasha dits Juifs d'Abyssinie aux questions faites par M. Luzzato , orientaliste de Padoue ; par M. Théodore d'Abbadie { correspondant). 1850. In-8°. ll MÉMOIRES Observations sur des communications faites par le Secrétaire général de la Commission centrale de géographie , relative au cours du Nil et aux lacs de l'Afrique centrale ; par le même. 1851. In-8°. Les Monuments de Carcassonne ; par M. Cros-Mayrevieille (correspondant). Paris, 1851. Lettre sur l'Exposition de Londres, adressée à lord John Russell ; par M. Cros-Mayrevieille (correspondant ). 1851. In-8°. Les Massipia; par M. G. Bascle de Lagrèze { correspondant ). Bordeaux , 1851. In-8°. Monographie de l’Escale-Dieu , par M. G. Bascle de Lagrèze (correspondant). In-8°. Notice sur le Cauloptéris Lesangeana, fougère fossile ; par le D: Lesaing ; avec des observations sur le même végétal, par le D: Ant. Mougeot | correspondant). Etudes physiologiques sur la théorie de l'inflammation ; par M. Brachet | correspondant). 1851. In-8°. Notice sur la colline de Sansan , suivie d’une récapitulation des diverses espèces d'animaux vertébrés fossiles , trouvés , soit à Sansan , soit dans d’autres gisements du terrain tertiaire miocène dans le bassin sous-pyrénéen ; par M. Lartet (corres- pondant), avec une liste des coquilles terrestres Lacustres et fluviatiles fossiles du même terrain ; par MM. Saint-Ange de Buissy, le D' J. B. Noulet et l'abbé D. Dupuy. Auch, 1851. In-8°, Philosophie spiritualiste de la nature. Introduction à l'His- toire des Sciences physiques dans l'antiquité; par M. Henri Martin. Paris, 1849. In-8°. Le Mysticisme catholique. Réponses aux objections de MM. Pauthier , P. Leroux , Guizot, Jouffroy, Michelet, Cousin et B. Saint-Hilaire; par l'abbé Fréd.-Ed. Chassay. Paris-Lyon, 1350. In-8°. Coup-d’æil sur la part prise par la Norwége dans la mesure d'un arc du méridien commencée par la Russie, etc. ; par - DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. (27) M. Vibe, capit. de génie, traduit du norwégien par M. de la Roquette. 1850. In-8°. Recueil des procès-verbaux des Expositions des produits des Beaux-Arts et de l'industrie , à Toulouse. 1827 , 1829, 1835, 1840, 1845, 1850. 6 vol. in-8°. Revue historique, descriptive et critique des produits de l'In- dustrie de l'Exposition Toulousaine en 1850 ; par Casimir Roumeguère et Hippolyte Gabolde. In-8°. Fig. Société centrale des architectes. — Rapport sur la proposition de M. Harou-Romain , relative à l'assainissement des habitations insalubres. Paris. 1850. Compte rendu des travaux de la Commission de souscription pour le monument de Larrey, érigé au Val-de-Grâce , le 8 août 1850. Chemin de fer de Bordeaux à Toulouse. — Rapport fait au Conseil municipal, par M. Caze, rapporteur de la Commission. 1851. In-k°. Revue du Concours régional d'animaux reproducteurs mâles des espèces chevaline, bovine, ovine et porcine, et d’instru- ments aratoires , machines et produits agricoles ; par Casimir Roumeguère et Hippolyte Gabelde. Toulouse, 1851. In-8°. Quelques mots sur le Concours régional d'Agriculture de Toulouse ; par M. E. Conduché. 1851. Les Greniers d'abondance appropriés à notre époque; par M. de Marolles. Paris. 1850. Rapport de la Société de Médecine de Toulouse sur la Bou- langerie mécanique de P. Cardaillac. J. Naudin, rapporteur. In-8°. Libertés et coutumes de la ville de Limoux, recueillies par ordre du Conseil municipal de cette ville; par M. Buzairies. Limoux , 1851. gr. In 8°. Monographie de la Cathédrale d'Albi ; par M. Hipp. Crozes. 2 édit. avec appendice et documents, — Toulouse-Alby. 1850. In-12. La Comtesse d'isembourg, princesse de Hohenzollern , publiée kkG MÉMOIRES avec la Biographie de l’auteur ; par M. Hippolyte Crozes. Paris, 1851. In-12. Hypothèses étymologiques sur les noms de lieux de Picardie ; par l'abbé Jules Corblet. 1851. In-8°. Précis historique sur l'Hôpital de la marine à Cherbourg ; par M. de Pontaumont. 1851. In-8°. Détermination de la figure connue sous le nom d’ascia , que l'on voit scalptée sur des tombeaux anciens ; examen de la cause pour laquelle on l'y trouve représentée quelquelois ; par M. H. Ripault. Dijon, 1851. In-8°. Recueil des Jeux Floraux. 1850. In-8°. Aspirations Poésies ; par Dutrel de Langis (Jules de Tren- quelaye). 2 vol. in-8°. Publications en allemand : 4° Les Chansons de Guillaume IX, Comte de Peitieu , Duc d'Aquitaine, publiées par Wilhelm Holland et Albert Keller. In-8°. 2° Isis. — Gazette Encyclopédique , principalement pour l'Histoire naturelle, la Physiologie, etc. In-8°. 30 Noms des membres de la Société d'Histoire naturelle de Munich. In-8°. &° Statuts de la Société d'Histoire naturelle de Munich. 1849 ; par G. Tilesius, secrétaire perpétuel. In-8”°. Folz (Jean)? — L'Empereur et l'Abbé ; Mystère (en allemand) publié par Adelbert Keller. Tubinge, 1850. (Ce Mystère , attribué à Hans Folz, était jusqu'à présent inédit. El a été publié d'après un manuscrit de 1848, appartenant à la bibliothèque de Wolfenbüttel ). Examen du salon de 1849 ; par Auguste Galimaux. Paris. In-12. Rapport sur la méthode pasigraphique de M. Jonain. Bor- deaux, 1849. In-8°. Recueil des travaux de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Agen. 1804-1850. 5 vol. in-8°. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. Lk4T Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. x. In-8°. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1850. In-8°. Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers. 1838-51; & vol. In-8°. Statistique horticole de Maine-et-Loire. Angers, 1842. In-8°. Pomologie de Maine-et-Loire. — 1"° livr. Fig. Angers. In-8°. Comice agricole de Maine-et-Loire. — L’Apiculture simpli- fiée, ou nouvelles instructions sur l'éducation des Abeilles ; par M. A. N. Desvaux. Angers , 1849. In-12. Annales de la Société d'Agriculture , Arts et Commerce du département de la Charente. 1850. In-8°. Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Cha- rente. Année 1850 , 2° semestre. Angoulême. Mémoires de la Société d'Agriculture , Sciences , Arts et Belles-Lettres de Bayeux , t. 1v. 1850. In-8°. Société Archéologique de Béziers. — Séance publique du 29 mai 1851. Actes de la Société Linnécnne de Bordeaux, 2° série, t. vu. In-8°. Bulletin agricole de la Société d'Agriculture, du Commerce, des Sciences et des Arts de Boulogne-sur-Mer, de 1844 à 1850. In-8°. Journal d'Agriculture , Sciences, Lettres et Arts de la Société d'Emulation de l'Ain. Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen. 1851. In-8°. Concours départemental d'Agriculture tenue à Caen, le Dimanche 15 septembre 1850. — Séances de la Société d'Agri- culture et de Commerce de Caen. 1850. In-8°. Mémoires de la Société d'Agriculture , du Commerce , des Sciences et des Arts de Calais. Années 1844 à 1851. In-8°. 4.48 MEMOIRES Mémoires de la Société d'Emulation de Cambrai. Années 1848-49. In-8°. Séance publique annuelle de la Société d'Agriculture , Com- merce, Sciences et Arts de la Marne , le 4 septembre 1850. In-4°. Annales Scientifiques , Littéraires et Industrielles de l’Au- vergne , {. xxin. In-8°. Mémoires de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon. Année 1850. In-8°. Recueil des travaux de la Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. 2° série, t. vur, année 1848-49. In-8°. Rapport sur l'état et les travaux de la Société royale des Beaux-Arts et de Littérature de Gand ; par M. Edmond de Busscher. 1851. In-8°. Mémoires de l’Académie du Gard. 1849-50. In-8°. Compte rendu des travaux de l'Académie du Gard. Août 1850. In-8°. Mémoires de la Société nationale des Sciences , de l'Agricul- ture et des Arts de Lille. 1849. In-8°. L'Agriculieur du Centre. — Bulletin de la Société d’Agricul- ture , Sciences et Arts de la Haute-Vienne, t. n. In-8°. Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon,t.n, Classe des Sciences. t.n, Classe des Lettres. Comptes rendus des travaux de l'Académie royale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Lyon. 1814-1815-1816- 1822-1823-1825-1841. In-8°. Annales de la Société Linnéenne de Lyon. Années 1839, 1840, 1841, 1842-44, 1845-46, 1847-49. Comptes rendus des travaux de la Société royale d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de Lyon. Anuces 1813-14-15- 17-18-19-21-22-23-24. Mémoires de la même Compagnie. Années 1828-31, 1832, 1833-34, 1835-36. 1850. In-8°. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. hh9 Annales de la même compagnie. 11 vol. gr. In-8°. Fig. de 1838 à 1848. Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe. 1850-51. In-8°. Mémoires et analyse des travaux de la Société d'Agriculture , Commerce , Sciences et Arts de Mende. 1847-48-49. In-8°. Mémoires de l’Académie nationale de Metz. 31° année. 1849- 1850. In-8°. < Bulletin de la Société d'Histoire naturelle du département de la Moselle. 6° cahier. Metz, 1851. In-8°. Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. — Mémoires de la section des Sciences. Année 1850. In-4°. Société Archéologique de Montpellier , n° 18, t. 11, 1850. In-4°. Bulletin de la Société d'Emulation du département de l’Allier. Août 1846 à septembre 1850. In-8°. Mémoires de la Société des Sciences , Lettres et Arts de Nancy. 1849. In-8°. Rapport sur le Congrès scientifique de Nancy , par M. d’Hom- bres-Firmas (correspondant). Annales de la Société libre des Beaux-Arts deParis.17 vol.In-8°. Bulletins de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 1850- 1851. In-8°. Société d'Agriculture du Puy. — A Messieurs les Membres de la Commission de l’Assemblée législative chargée de préparer le projet de loi sur l’organisation d’une représentation agricole. 1851. In-4°. Séances et travaux de l’Académie de Reims. 1849-50. In-8°. Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de F’A- veyron , t. vir. 18%8-1849-1850. In-8°. Précis analytique des travaux de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts deRouen pendant l'année 1849-1850. In-8°. Bulletin des travaux de la Société libre des Pharmaciens de Rouen , année 1850. In-8°. 4° S. — TOME 1, 31 ho0 MÉMOIRES Bulletin de la Société des Sciences naturelles et Arts de Saint-Etienne (Loire). 1850. In-8. Annales Agricoles, Scientifiques et Industrielles du départe- ment de l'Aisne, 2° sér. , t. viret var. - Mémoires de la Société du Muséum d'Histoire naturelle de Strasbourg , t. 1v, 17° Liv. , pl. In 4°. Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France , &. vi. 1850-51. In-4°. Compte rendu des travaux de la Société de Médecine, Chi- rurgie et Pharmacie de Toulouse. 1850-51. In-8°, Annales de la Société d'Agriculture, Sciences , Arts et Belles- Lettres du département d’Indre-et-Loire, t, xxxix. 1849. In-8°. Recueil des travaux de la Société Médicale du département - d'Indre-et-Loire , 1°° sér. 1850. Mémoires de la Société d'Agriculture, des Sciences , Arts et Belles-Lettres du département de l'Aube, In-8°. Annales de Physique et de Chimie. 3° sér., t. xxx, XXL 1859-1851. In-8°. Revue Archéologique. Revue des Beaux-Arts. 20° année. Journal du Lycée des Arts, Sciences, Belles-Lettres et Indus- trie de Paris. 1850. In-8°. Mémoire à consulter pour le Lycée des Arts. Broch. in-8°. Journal des travaux de l’Académie nationale Agricole, Manu- facturière et Commerciale. 1850. In-8°. Journal d'Agriculture pratique et d'Economie rurale pour le Midi de la France. 1850-1851. In-8°. Journal de Médecine Chirurgie et Pharmacie de Toulouse. 1850-1851. In-8°. Journal des Vétérinaires du Midi. 2° sér. 1850-1851. In-8°. Le Journal de Toulouse. Journaux de Toulouse. | L'Indépendant. FIN DU PREMIER VOLUME DE LA #° SÉRIE. TABLE DES MATIÈRES. ; Pages. Erar des Membres de l’Académie au 1e janvier 4851..,,.....,.. v Les inscriptions du temple de Jupiter à Æzani (Asie-Mineure) ; par Le Ba A EE UE ce nn Mémoire sur le bolide du 5 janvier 1837 ; par M. Perir. ........ A6 Mémoire sur l'organe de l’odorat chez les Gastéropodes terrestres et fluviatiles ; par M. A. Moquin-TaANDON.. .. ..oo.sossocoocese DJ Mémoire sur Abélard ; par M. GATIEN-ARNOULT.. .. ..,...... 67 Bulletin des mois de janvier et février 1851...:,....,.,.:...... 155 Tableau général des observations météorologiques faites à l’Obser- vatoire de Toulouse en 1850; par M. Perir. Mémoire sur un enfant nosencéphale adhérent à son placenta , et né vivant à Toulouse le 26 juillet 1850; par MM. Joy et Guitar», Considérations nouvelles sur la théorie de la caléfaction des liqui- des par M: LAROOUE. 5 26e sos soces casses pseuce es HOT Développement d’un polynôme algébrique, par une méthode indé- pendante du binôme de Newton ; par M. E. Brassinxe.....,... 184 De l’iodure d’amidon soluble et de son sirop; par M. Macnes- DARENS TER Teese rseenalalene nee cie sioiiooleeeee sel AU) Observations sur le sang des Planorbes ; par M. A. Mooux-Taxnon. 196 Sur la précession dans le mouvement de rotation d’un corps solide autour d’un point fixe ; par M. H. Mozns............,....,.. 205 Rapport sur le pétrin mécanique de M. Cardailhac ; par M. Perir. 212 Note sur une voie romaine qui conduisait, soit aux Aquæ Convena- rum (Capvern?), soit au Vicus Aquensis des Bigeronnes ( Ba- gnères-de-Bigorre) ; par M. nu MÈGE....................,.., 2 Bulletin du mois de Mars..." ee... persons ss. ce Discours d'ouverture de la séance publique; par M. Urbain Vrrry, Président. — De l'influence de la science sur la production des FICHESSeS. . + . » «eco co mocssococemnseres assoc ee sons ss 201 Note sur une nouvelle espèce de Pachyderme fossile du genre Lo- phiodon (Lophiodon Lautricense) ; par M. Nourer............ 245 Notice sur une momie américaine, du temps des Incas , trouvée dans la Nouvelle-Grenade ; par M. N. Jozx......,....,,..,... 251 #52 TABLE DES MATIÈRES, Pages. Renseignements touchant la question historique proposée pour 1855; par MDuioR seed ne een ose Ne Mémoire sur les coutumes de Castel-Sarrasin ; par M. ne Vacouié. Analogies de l'algèbre et du caleul intégral, déduites de la résolu- tion des équations algébriques du premier degré à plusieurs in- connues:apar ME RRASSINNE: . à eue con de tas mes tes dust Des voyelles modales dans la langue grecque ; par M. Hamez..... Note sur la précession de l’axe instantané dans le mouvement d’un corps solide autour d’un point fixe; par M. Sr-Guizuem. ...... 5 PBullennides mois d'avriliel de Mal. 2e: emo ce seetenecs des ce Considérations et expériences sur les fonctions de la rate; par PAUVRE es. ne Rele mea emten Lurtso tonte diese ose ae Note sur le plan en relief des Pyrénées de la Haute-Garonne, en- trepris par M. Lezat; par M. A. Leymenie...............,.... Note sur une inscription latine dédiée à l’empereur Claude; par MB ARR RO EE SU RACE eRT, BRL LUE TS Aetie Notice sur les travaux de M. Moiroud; par M. Lavocar.......... Éloge de M. Dujac (Xavier); par M. CousERAN. soso PRIE R AN MOIS: Je TON: sus etaisie oise e einer à atele s Ce eee CE Notice sur l’histoire du Pape Innocent III et de ses contemporains, traduite de l'allemand de M. Frédéric Hurter par MM. de Saint- oueron etaiber: par M. Ducos encens eee Note sur un Anfhrocotherium magnum découvert à Moissac (Tarn- et-Garonne), et sur l’âge géologique de cette plante du bassin SUUSeDyYIENEeN : par M. LEVMERIE. Jen... eéneeesemoce nee Ua Note sur l’ébullition et la congélation de l’eau à l’état sphéroïdal dans lente par MALAROQUE. -enehe-sensemeesemeceeeseses Charte inédite du xm° siècle concernant les criées pour la vente du vin dans la ville de Toulouse; par M. Becnomme. ............. Tables analytiques des Annales manuscrites de la ville de Toulouse MEBio ice) SpA MP IDOMEBE Se ete ceecese tente crere Bulletinidesmpis de juilletiét Aout: eee ere elemeete echec Sujets de prix pour les années 1852, 1853 et 1854.............. Ouvrages imprimés adressés à l’Académie pendant l’année 1850- TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE. 262 269 MT MORTE 7 rie