L: Le ÿ re | LE 1 “ : f. | + A) 1 (LES ù (Er MÉMOIRES DE ie à L'ACADEMIE NATIONALE | DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. Troisième Série. ! | TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE , RUE SAINT-ROME , 41. 1830. MÉMOIRES L'ACADEMIE NATIONALE DES SCIENCES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. + F rraers À ‘à 4 [EE ANA IS Lana Q At, lé | : a". MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE NATIONALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE, ———— Æroisième Série. TOME VI. TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE, RUE SAINT-ROME, 41, 1850, i #4 et) 4; pe ù re UNIT AN 8 n ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADEMIE AU 1e JANVIER 1850. — 00 ———— OFFICIERS DE L’'ACADÉMIE. M. NOULET , Professeur à l'Ecole de médecine, Président. M. U, VITRY %, Professeur à l'Ecole des arts , Directeur. M. DUCASSE %£, Directeur de l'Ecole de médecine, Secré- taire perpétuel. M. HAMEL , Professeur à la Faculté des lettres, Secrétaire adjoint. M. LARREY (Auguste), Docteur en chirurgie, Zrésorier perpétuel. ASSOCIÉS HONORAIRES. Mgr. l’Archevèque de Toulouse. M. le Premier Président de la Cour d'appel de Toulouse. M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. M. AraGo , G. O. % , Secrétaire perpétuel de l'Institut de France, pour les Sciences mathématiques. M. pe Sazvaxny , G. C. %, Membre de l'Institut de France. M. Tuexaro, G. O. %, Membre de l'Institut de France. ASSOCIÉS ÉTRANGERS. M. Liouvizce % , Membre de l'Institut de France, à Paris. M. Visconti (le Commandeur), Commissaire des Antiquités à Rome. M. Micuezer #< , Membre de l'Institut de France, à Paris. M. Dumas, C. %, Membre de l'Institut de France, Profes- seur aux Facultés des Sciences et de Médecine , Ministre de l'Agriculture et du Commerce , à Paris. L vj ÉTAT DES MEMBRES ACADÉMICIEN-NÉ. M. le Maire de Toulouse. ASSOCIÉS LIBRES. M. Léo (Joseph), ex-Professeur à la Faculté des sciences. M. Vicugrte (Charles-Guillaume), 0. #£, Docteur en chirurgie. M. Duorrourc (Guillaume), Docteur en médecine. ASSOCIES ORDINAIRES. CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Sawr-Guiznem %, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et du Canal latéral. M. Brass, Professeur à l'Ecole d'artillerie. M. Mouws , Professeur à la Faculté des sciences. Mathématiques appliquées. M. Macuës (Jean-Polycarpe), O. %, Ingénieur en chef des Ponts et chaussées et du Canal du Midi. M. Gavrier % , ancien Professeur à l’Ecole d'artillerie. M. Virry (Urbain) %, Professeur à l'Ecole des arts. M. Gzerzes (Joseph-Auguste), C. #%, »%, Colonel du génie en retraite. Physique et Astronomie. M. pe Sacer (Charles) *#, propriétaire. M. Perntr , Professeur à la Faculté des sciences , Directeur de l'Observatoire, correspondant de l’Institut de France. DE L'ACADÉMIE. vi) DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Couserax , Pharmacien , £conome de l Académie. M. Macxes-Lanexs (Charles), Pharmacien. M. Ficnoz (Edouard), Professeur à l'Ecole de médecine. Histoire naturelle. M. Frizac (François) %e, ex-Conseiller de préfecture, Bi- bliothécaire de la ville. M. Moquix-Tavoox € , Professeur à la Faculté des Sciences et Directeur du Jardin des plantes. M. Levuente, Professeur à la Faculté des sciences. M. Joy , Professeur à la Faculté des sciences. Médecine et Chirurgie. M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin ) %, Directeur de l'Ecole de médecine. M. Larrey (Auguste), Docteur en chirurgie. M. Nouzer, Professeur à l'Ecole de médecine. M. Gavssaz , Docteur en médecine. M. Dessarneaux-Berxarr, Docteur en médecine, Biblio- thécaire. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. ou Mÿce (Alexandre-Louis-Charles-André) +, ex- Ingénieur militaire, l'un des Directeurs du Musée de Toulouse. M. Pacës, Avocat ex-Représentant du peuple. M. Gartæx-Anvouzr, Professeur à la Faculté des lettres, ex-Représentant du peuple. M: ne Morrarru (Alexandre), Avocat, ancien Magistrat. M. Hamez, Professeur à la Faculté des lettres. vii] ÉTAT DES MEMBRES M. Sauvace %, Doyen de la Faculté des lettres. M. pe VacquiÉ, Avocat, ancien Magistrat. M. Becuomme , Conservateur des archives du Languedoc. M. Ducos #%, ex-Conseiller de préfecture. M. Barry, Professeur à la Faculté des lettres. M. Bexecu % , Professeur à la Faculté de droit. M. Mounier , Professeur à la Faculté de droit. M. Duror (Marcel), Avocat, ancien Magistrat. se — ASSOCIES CORRESPONDANTS. CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Tissié, ancien Professeur de mathématiques, à Mont- pellier * (x). M. Vasse DE Samr-Ouen %$, Inspecteur d’Académie en retraite. * M. Borrez #$ , Ingénieur en chef, à Vierzon. * M. Desveyrous, Professeur suppléant à la Faculté des scien- ces, à Paris. Mathématiques appliquées. M. LermiEer %<, Commissaire en chef des poudres et salpé- tres, en retraite, à Dijon. M. Lapëxe (Edouard), O. #, Général d'artillerie, à Va- lence (Drôme). (1) Les Associés correspondants dont les noms sont suivis d’un astéris- que *, sont ceux qui ont été associés ordinaires. DE L'ACADÉMIE. ix Physique et Astronomie. M. Barey , Professeur au Lycée de Besancon. M. Sorux, Professeur au Lycée de Zournon. M. Cnaumowr % , Officier supérieur du génie maritime, à Cherbourg.” M. »'Homeres-Firmas #%, Correspondant de l'Institut de France, à Alais (Gard). M. Decun , Professeur de physique, à Lyon. * M. Romixer , Professeur, à Paris. M. Dauriac (Matthieu), à Toulouse. M. Sanuqué (Adolphe), de Poitiers, à Paris. M. Pecer, G. O. ÿ, Général de division, à Paris. M. D'Agsanie | Antoine), de Navarreins (Basses-Pyrénées). DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. LaBaRRAQUE %$ , Pharmacien, à Paris. M. Bouis, Pharmacien, à Perpignan. M. Francois %, Ingénieur en chef des mines, à Carcassonne (Aude). M. Foxrax (Amédée) #, Docteur en médecine, à Bagnères- de- Luchon. M. Dusarnix, Doyen de la Faculté des sciences de Rennes. * M. Fauré, Pharmacien, à Bordeaux. M. Barizurar , Pharmacien , à Mâcon. M. BoxsEan , Pharmacien, à Chambéry (Savoie). Histoire naturelle. M. Jonax pe Crarrenrier , Ingénieur des mines de S. M. le Roi de Saxe , Directeur des mines de Bex, en Suisse. M. Lorseceur ne Lovécuawes, Docteur en médecine, à Paris. M. TourxaL fils, Pharmacien , à Narbonne. M. Bourée (Néréc), à Paris. x ÉTAT DES MEMBRES M. ne CHESNEL , à Paris. * M. Farnes , Pharmacien , à Perpignan. M. Lacreze-Fossar , Avocat, à Morssac. M. De Quarreraces %<, Docteur ès sciences et en médecine, à Paris." M. Rorrcann pu RoqQuax (Oscar), à Carcassonne. M. Sismoxpa (Eugène), Docteur, à Turin. M. Meruer , Professeur au Lycée de Marseille. M. Leresouer, Professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg. M. Durour (Léon) #%, Docteur médecin, Correspondant de l'Institut, à Saint-Sever (Landes ). M. Scnimrer, Conservateur des collections de la Faculté des sciences de Sérasbouro. M. Moucror, Docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). M. Gassres , Naturaliste, à 4pen. Médecine et Chirurgie. M. Hervannks %, premier Médecin de la marine en retraite, à Toulon. M. ScourerTen * , Docteur en médecine, à Metz. M. Prerqui pe GEmBLoux, Inspecteur de l’Académie , à Grenoble. M. Mare , Docteur en médecine, à Strasbourg. M. Muxarer , Docteur en médecine , à Zyon. M. Horn (Félix), O. #$, Chirurgien en chef de l'Hôtel des Invalides, à Paris. M. Pavax (Scipion), Chirurgien en chef, à l’hôpital d’4ix. M. Larrey (Hippolyte) #%, Chirurgien en chef de l'hôpital du Gros-Caillou , agrégé à la Faculté de Paris. M. Le Cour , Professeur à l'Ecole de médecine de Caën. M. Cazexeuve , Professeur à l'Hôpital militaire d'instruction de Lille. M. Bracuer, Docteur en médecine, Lauréat de l'Académie, à Lyon. M. Herarp (Hippolyte), Docteur en médecine, à Paris. DE L'ACADÉMIE. x} CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. Jonaxweau (Eloi), à Paris. M. Dam, Avocat, à Condom (Gers). M. Rexou, C. #, Conseiller au Conseil de l'instruction publique , à Paris. M. CnampozLiox - FiGeac % , Officier de l'Université , à Paris. M. Weiss %, Bibliothécaire de la ville de Besancon, Cor- respondant de l'Institut de France. M. Axorœux, Professeur de rhétorique au Lycée de Zi- moges. M. Puicéart, ex-Principal du Lycée de Perpignan. M. Cnaupruc DE CRazannes %, Correspondant de l'Institut de France, Officier de l'Université. M, Davezac DE Macaya %%, garde des archives de la marine, à Paris. M. De Lamorne-LaxGox (Léon), membre de plusieurs Ordres, à Paris. * M. pe Gocsery O. %, Correspondant de l'Institut de France, à Besancon. M. Forest, Sous-préfet d'Oloron. M. Cnarces-Maco %e, à Paris. M. CuarpenTiER DE Saint-Presr (Jean-Pierre), Professeur au Lycée Descartes, à Paris. M. Berçer DE X1VREY | Jules) %<, Membre de l'Institut de France , à Paris. M. Rarx, Professeur royal Danois, à Copenhague. M. Rrraun , à Marseille. M. pe Lasouïsse-RocnerorT, à Zouwlouse. M. pe Caumont %, à Caën, Correspondant de l'Institut de France. M. Navraz , Juge de paix , à Castres. M. Souquer , Avoué, à Saint-Girons. xi) ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE. M. Ozavraux , O. %e, Inspecteur général de l'Université , à Partsx M. Doraver (Edouard) #%, Professeur à l'Ecole des lan- gues orientales vivantes , à Paris. M. ne Sauwr-Feuix-MauremonrT, #, >X , ancien Préfet , à Mauremont. M. Mas-Larre (Louis ), de l'Ecole des chartes , à Paris. M. Cros-Mayreviæizze , Docteur en droit, Inspecteur des monuments historiques , à Carcassonne. M. Bresson (Jacques), Négociant, à Paris. M. Merce , Avocat, à Castelnaudary. : M. ne Brière, à Paris. M. Bamsavez , Docteur en médecine, à Carpentras. M. Cowses (Anacharsis), à Castres. M. pe Lacuisixe Ye , Conseiller à la Cour d'appel de Dijon. M. Durcor ne Morras %, à Paris. M. Ricano ( Adolphe }, Secrétaire général de la Société archéologique , à Montpellier. M. Pecxr (Auguste) #%, Inspecteur des Monuments histo- riques, à Nismes. M. Garriçou (Adolphe), Propriétaire, à Tarascon (Ariége). M. Tmeaucr, Officier de l'Université, principal du Collége de J'alence Wrôme). M. Ccausozces, Homme de lettres, à Paris. * M. Forrouz %, Doyen de la Faculté des lettres, Représen- tant du peuple, à Aix. * M. ne LaverexE, ©. %, à Paris. “ M. Barow ne Monrsez %, ancien Ministre. id M. Jacouemx, Homme de lettres, à {res ( Bouches-du- Rhône). M. Fonos-Lamorme , Avocat, à Limoux (Aude). M. Temrigr, Avoué près le Tribunal civil de Marseille. M. CLos (Léon), Avocat, à Villespy (Aude). MÉMORRES DE L'ACADÉMIE NATIONALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. NOTICE SUR M. Auc. PINAUD ; Par M. HAMEL. Parmi les pertes que l’Académie a faites dans ces dernières années , il n’en est point qu’elle ait plus douloureusement res- sentie que celle dont j'ai la triste mission de vous entretenir. M. Pinaud n'était pas seulement un confrère pe +: nous tous, était aussi pour la plupart un ami , et déja, à ce double titre , il méritait tous nos regrets. Mais ce qui en a augmenté l'amertume , c'est la jeunesse de celui qui était enlevé à notre amitié et à nos travaux, cette jeunesse qui , pour avoir beau- coup donné, promettait bien plus encore, et dont les fruits pré- coces n'étaient que le gage d’un plus riche avenir (1). M. AvGusre PINAUD est né le 3 mars 1812 , à Ruffec, dé- partement de la Charente. Son père était alors principal du collége de cette ville, qu'il devait bientôt quitter pour passer à Nîmes , en qualité d’Inspecteur de l'Université ; et c'est dans (1) L'Académie , en témoignage de ses regrets, et pour que le souvenir s’en perpéluät dans le registre de ses délibérations, décida, à l'unanimité, que ses séances seraient suspendues le jour des funérailles de M. Pinaud, 3° $S.— TOME VI, 1 2 MÉMOIRES les divers colléges de cette Académie, à Nimes , à Avignon , à Tournon , que M. Pinaud a commencé et terminé ses études , sous la direction spéciale de son père. Doué d’un esprit facile et vif, il fit des progrès rapides : à quinze ans, il avait parcouru le cercle entier des études universitaires , et , en attendant que son âge lui permit de se présenter aux examens du baccalau- réat ès lettres , il se préparait aux concours plus sérieux de l'Ecole normale pour les Sciences et pour les Lettres à la fois. Il fut recu dès le premier concours dans la section des Sciences, à l’âge de seize ans ct demi. Sorti au bout de trois ans, en 1831, avec le double titre de licencié ès Sciences mathématiques et de licencié ès Sciences physiques , recu à la même époque premier agrégé pour les classes des Sciences , il fut nommé professeur des Sciences physiques au Collége royal de Grenoble. Un mois après , sur la proposition de M. Poisson, il était appelé comme professeur suppléant à la chaire de mathématiques transcen- dantes dans la Faculté des Sciences de la même ville. Il n'avait pas encore vingt ans , lorsqu’il menait de front ces deux ensei- gnements , et préparait en même temps ses thèses pour le doc- torat : son activité suffit à tout. C’est deux ans après que la chaire de physique à la Faculté des Sciences de Toulouse , va- cante par le passage de M. Boisgiraud à la chaire de chimie , et où il n'avait pu encore être remplacé , fut confiée à M. Pi- naud , que l'appréciation éclairée de M. Thénard avait désigné au choix du Ministre de l'instruction publique. Vous savez , Messieurs , avec quel succès le jeune professeur débuta sur ce nouveau théâtre , que devaient lui faire redouter les souvenirs laissés par son prédécesseur, et plus encore la présence de celui-ci dans une chaire voisine non moins brillamment rem- plie que la première. Depuis lors, pendant les quatorze ans qu’il a occupé la chaire de physique , soit comme chargé du cours, soit comme professeur, M. Pinaud a toujours été accom- pagné de la faveur de son auditoire , dont il savait soutenir et aviver l'attention par un enseignement sans cesse renouvelé, par une parole facile et animée, par l'adresse heureuse avec laquelle il menait à bien les expériences les plus délicates. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 3 C’est dans cet intervalle que M. Pinaud fut nommé membre de cette Académie. Pour recevoir le titre de professeur, il de- vait obtenir plus tard une dispense d'âge : plus sévère dans ses statuts que l’Université, l’Académie n’avait pu lui accorder une dispense semblable ; mais à peine eut-il atteint l’âge requis par les règlements, qu'elle s'empressa de l’appeler dans son sein , où il fut reçu au mois de mai 1837. Cette fois encore , il eut le bonheur d'être distingué par un homme dont l'Académie honore la mémoire, M. d’Aubuisson , alors secrétaire perpétuel , qui , en annonçant à M. Pinaud sa nomination , s’empressait de lui apprendre qu’elle avait été faite sur sa proposition spéciale. Ainsi chaque pas de la carrière de notre jeune confrère devait être marqué par l'intervention bienveillante de ceux qui cha- que fois étaient les plus propres à l’apprécier. Depuis le jour de son entrée à l'Académie , M. Pinaud s’est montré un des membres les plus zélés de la Société, et il n’a cessé de lui apporter chaque année le tribut de son travail. Les qualités qui distinguaient en lui le professeur se retrouvent chez l'écrivain , et quelques-unes à un degré encore supé- rieur : la sagacité de l’observation s’y traduit en aperçus ingé- nieux ; la facilité de l'exposition y devient une clarté élégante et soutenue. M. Pinaud croyait que la simplicité et la précision sont le principal mérite du style d’un mémoire scientifique ; aussi les siens n’offrent-ils aucun ornement ambitieux , aucune recherche de pensée ou de langage. Un goût sûr et délicat en choisit les termes , en arrête les contours , et en mesure tous les développements. M. Pinaud se sentait porté par la nature de son esprit vers l'étude des problèmes les plus nouveaux de la science. Les Mé- moires de l’Académie renferment plusieurs travaux de lui, se rapportant presque tous à l’électro-dynamique et à la galvano- plastique (1). On lui doit en particulier des recherches neuves (1) Dans cette analyse des travaux scientifiques de M. Pinaud, je n’ai fait que reproduire quelques notes qui m'ont été communiquées par M. Molins, membre de l’Académie et Professeur à la Faculté des sciences. k MÉMOIRES “et originales sur la coloration par l'électricité des papiers im- pressionnables à la lumière , et sur une nouvelle classe d’em- preintes électriques. Chacun sait que l'admirable décoaverte de M. Daguerre a pour base l'action de la lumière sur certaines substances chimiques , action dont l'effet est de conserver fidè- lement reproduite l'image des corps. M. Pinaud eut l'heureuse idée de rechercher si l'électricité ordinaire ne pourrait pas produire des résultats analogues ; ses expériences furent cou- ronnées d’un plein succès. Il constata , 1° qu'une série d’é- tincelles électriques agit effectivement sur des plaques de cuivre argenté convenablement préparées , en noircissant la partie affectée ; 2° qu’une série d’étincelles très-faibles , tombant sur des plaques non préparées , y forme à la longue des taches irisées , et même que les premières étincelles laissent une trace rendue visible par le souffle humide de l’haleine ; 3° que des papiers enduits de diverses substances chimiques étaient im- pressionnés plus facilement par le fluide électrique que par la lumière ; 4° que deux électricités , positive et négative, pro- duisent des effets différents , la première ramenant au blanc- jaunâtre les papiers noircis par la seconde ; 5° que la sensi- bilité électrique de ces papiers offre un moyen nouveau de pro- duire des dessins photographiques. Nous n'insisterons pas sur les conséquences de cet important travail , soit au point de vue de la science , soit au point de vue de l'art ; l’Académie doit se féliciter de le voir figurer dans ses Mémoires. Parmi plusieurs rapports présentés à l’Académie par M. Pi- naud , nous citerons d’abord celui qu’il fit en 184%, sur le con- cours pour le prix de physique. Le sujet était la détermination de la quantité de chaleur dégagée dans la combustion des prin- cipales substances dont on se sert pour l'éclairage et pour le chauffage. Ce rapport peut être considéré comme un traité spé- cial sur la matière, par le soin que met le rapporteur à indi- quer toutes les conditions d’un bon mode d’expérimentation , et par l’analyse approfondie de la méthode qu’avaient employée les auteurs du mémoire couronné. On doit une mention toute particulière au beau rapport fait, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 5 en 1845, au Conseil de salubrité, sur les moyens d'assai- nissement que réclamait l'état des hôpitaux et des autres éta- blissements communaux de la ville de Toulouse. Ce travail j où Ja question se trouvait traitée avec une véritable supério- rité, était en même temps une bonne œuvre. Il devait servir à améliorer l’état physique de la partie la plus malheureuse de la population. Les mesures qu'il proposait pour divers établis- sements , comme les salles d'asile , les maisons de charité, les ouvroirs , les hôpitaux , sont dictées par les données les plus certaines de la science, et parfaitement appropriées à l’état des lieux où elles devaient être appliquées. I aurait été fort à désirer que ces sages conseils eussent pu être promptement suivis ; l'état d’imperfection et même de délabrement de quel- ques-uns de ces établissements le réclamait impérieusement , et cet état n'a pu qu'empirer. La tâche de la ville de Toulouse sera singulièrement facilitée par les indications si précises et si complètes que donnait notre confrère dans ce mémoire , dont la lecture fut écoutée avec tant d'intérêt. Citons encore une notice remarquable sur l’éclipse totale de soleil du 8 juillet 1842. Ce phénomène, qui n'apparaît qu'à d'assez longs intervalles en un même lieu de la terre, était attendu avec impatience par le monde savant, qui y cherchait la solution de plusieurs problèmes sur la constitution du soleil et de la lune. Parmi les nombreux travaux que publièrent à celle occasion les astronomes et les physiciens , on distingua les observations que firent à Narbonne MM. Pinaud et Boisgi- raud ; la notice où elles sont consignées contient l'analyse com- plète du phénomène envisagé sous toutes ses faces , et fournit des éléments précieux pour éclairer quelques points importants de la physique céleste. Bien que livré spécialement à l'étude des sciences physiques, M. Pinaud n'oublia jamais qu’il avait débuté dans l’enseigne- ment supérieur par les sciences mathématiques , et il aimait à y faire de temps en temps quelques excursions. Il a publié dans nos Mémoires des notes où se trouve un théorème curieux ct nouveau sur la théorie des nombres. 6 MÉMOIRES Enfin, Messieurs, en dehors de ces travaux académiques , je rappellerai que M. Pinaud est l’auteur d'un Traité élémen- taire de physique, adopté dans un grand nombre d'établisse- ments d'instruction secondaire, et dont le succès est toujours allé croissant, à mesure que chaque édition nouvelle y a apporté de nouveaux perfectionnements. C’est là que ressortent dans tout leur jour les qualités de son talent, là qu'il en a fait peut-être la plus heureuse application. Cette clarté, cette méthode, ce tour aisé ct naturel qui lui étaient propres, se trouvaient mieux que partout ailleurs à leur place dans un traité destiné à pré- senter à de jeunes intelligences l'ensemble et les diverses parties de la science ; et il n’en est puint de si ardue, qu’il n'ait su la rendre aisément accessible et même attrayante. Jusqu'ici, Messieurs, je vous ai présenté dans M. Pinaud l'associé assidu de vos travaux, le brillant professeur , le savant dont les vues lumineuses éclairaient toutes les questions. Il me reste à vous parler de l’homme, de ces qualités sociales et pri- vées qui le faisaient rechercher de tous, aimer de ceux qui l’ap- prochaient de plus près. Vous vous rappelez, Messieurs, les succès qu’obtenait M. Pinaud ailleurs encore que dans les graves enceintes où l’appelait sa vie officielle. Il le devait à la grâce, à la vivacité d’un esprit toujours aimable, à son goût pour les Arts, où il eût pu réussir comme dans les Sciences , comme dans les Lettres, tant il avait le génie facile et propre à toutes choses. C’est ce goût des Arts, c'est ce désir de tout connaître et de tout embrasser , qui l’entraînait tour à tour en Italie, en Espagne , dans ces moments de loisir que lui laissaient les de- voirs du professorat, et dont il savait encore tourner l'agréable emploi au profit de la science. Il avait rapporté de ses voyages des notes nombreuses qu'il n’a pas eu le temps de mettre en ordre, mais qui témoignent de la variété de ses connaissances et de son universelle aptitude. Que vous dirai-je maintenant de ces qualités plus intimes du cœur, qui, se voilant à des yeux indifférents sous une appa- rence de légèreté, ne se laissaient voir que dans le cercle de la famille et de l'amitié? M. Pinaud avait eu le malheur de perdre DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 7 son père pendant qu'il était encore à l'Ecole normale ; il n'avait pas dix-neuf ans, et il comprit qu'il allait devenir chef de famille. Bientôt, en effet, ce fut lui qui soutint dans la carrière universitaire deux frères, ses aînés, et il a toujours continué ce patronage, qu'ils acceptaient avec autant de simplicité que lui-même l'exerçait. Sa vieille mère avait trouvé en lui le fils le plus dévoué : de quels soins attentifs et délicats ne l'entou- rail-il pas? Elle était fière de voir le dernier de ses enfants pro- téger les autres et la protéger elle-même, C'est au fort de sa jeunesse, à l’époque où l’âge mürissait son esprit pour de plus solides travaux , c'est dans la plénitude des affections développées de jour en jour davantage autour de lui, que la mort est venue frapper M. Pinaud, Déjà auparavant sa santé avait recu plus d’une secousse ; cependant la vie parais- sait en lui si active, qu'on pouvait croire que ces atteintes se- raient toutes passagères, lorsqu’à la fin de l’année 1846 , il fut pris d’une manière plus continue, et dut interrompre son cours à la Faculté. Des symptômes alarmants se manifestèrent , sans indiquer toutefois une maladie déterminée. A deux ou trois reprises, on cut l'espoir de le voir revenir à la santé; il assista même , dans l'intervalle d’une rechute , à quelques-unes de vos séances. Maïs au mois d'avril 1847 , au retour d’un petit voyage qu’il avait fait chez un de ses frères , à Revel , où il était allé demander la vie à un air plus pur, le mal fit tout à coup de rapides progrès , les accidents graves se succédèrent de plus en plus rapprochés, et, dans la nuit du 5 mai 1847, il s'éveilla subitement étouffé par le sang, et n'eut que le temps d'appeler son frère pour expirer entre ses bras. À Quelques jours avant sa mort, M. Pinaud avait recu les secours de la religion. Elevé par un père et par une mère d'une grande piété , il garda toujours dans son cœur les sentiments dont sa première jeunesse avait été nourrie. Il avait pu en né- gliger l'expression régulière, au milieu des occupations et des dissipations de la vie; mais depuis quelques années, il revenait sensiblement aux pratiques extérieures. D'ailleurs, sous cette légèreté, sous cette gaité vive que vous lui connaissiez , se 8 MÉMOIRES cachait je ne sais quelle tristesse qui le portait vers des idées sérieuses , dès qu'ilétait rendu à lui-même et à la solitude. Dans sa conversation intime , on pouvait même parfois saisir des projets de retraite, qu’il eût peut-être, s'il eüt vécu, réalisés dans un avenir peu éloigné. On n'a pas su s’il avait prévu sa fin prochaine ; mais les idées de plus en plus graves qui le préoc- cupaient , l'empressement avec lequel il accueillit les secours re- ligieux qui lui étaient offerts, feraient croire que, pour ne pas affliger le cœur de ceux qui l’entouraient , il renfermait en lui-même le secret de ses pensées. C'était une dernière preuve d'affection qu’il donnait à sa famille et à ses amis. Qu'il me soit permis , en finissant, de rappeler quelques paroles prononcées sur sa tombe, et sorties d’un cœur encore tout ému de sa perte. Elles manqueraient à cet éloge, à vos souvenirs, aux picux regrets qu'elles ont alors un moment adoucis. Voici les adieux que M. Barry adressait à notre ami commun : « C’est à moi, Messieurs, qu'était réservée la partie la plus » triste peut-être de cette tâche si triste. Le savant dont on vient » d'énumérer devant vous les titres, qui auraient suffi à une » plus longue carrière , le professeur attachant, l'écrivain sensé » et facile, ne seront remplacés qu'avec peine; mais qui nous » rendra jamais, à nous qui l’avons si longtemps aimé, les » grâces, les charmes, les ressources infinies de son amitié ? » Notre vie de travail et d’études avait commencé presque en » même temps, sous le même toit, sur les mêmes bancs. Une » sorte de hasard que nous avons béni bien des fois semblait » s'être complu à associer nos destinées et notre vie. Séparés un » instant, nous nous étions retrouvés ici avec un autre de nos » collègues , dont les larmes se mêlent aux miennes, livrés aux » mêmes travaux, aux mêmes tristesses , aux mêmes plaisirs , » unis d’une amitié si intime que l’on en venait souvent à nous » confondre, et que nous nous étions habitués à répondre au » même nom, sûrs que l’on ne se trompait pas tout-à-fait. » Quel charme il savait jeter sur ces réunions qui ont été pen- » dant dix ans toute notre famille ; ceux de vous qui y étaient DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 9 admis le savent et le diront avec moi. Savant sans pédan- terie, judicieux sans froideur , homme de goût et d'esprit avant tout peut-être, il savait maintenir dans un heureux accord sa raison, ses sentiments, ses convictions même qui étaient sincères, mais qui n’allaient jamais jusqu’à l'aveugle- ment ou à l'intolérance. C'était une de ces natures char- mantes qui savent donner de la grâce, et je ne sais quel agrément familier et riant aux choses les plus sévères de la science, du devoir et de la vertu. » Quelle perfection n’auraient point ajoutée l'âge et la matu- rité à un cœur aussi bon, à une intelligence aussi heureuse? Qui pouvait prévoir le terme d’une carrière si brillante déjà dès le début , si riche de promesses pour l'avenir? Et c'est au moment d'en recucillir les premiers fruits, dans la fleur de la jeunesse, pour ainsi dire, que la mort vient nous le ravir d'une manière plus sûre, parce qu'elle était plus lente ; c’est au bord d’une fosse et au milieu des larmes que je vous fais ces tristes confidences d’une amitié que la mort vient de briser ; c'est lui , le plus jeune de nous trois , le plus aimable, le mieux doué peut-être , qui nous quitte le premier, O vanité de nos espérances , de nos mérites , de nos succès eux-mêmes ! » Conservons au moins un souvenir doux et serein , comme » l'était son âme, de cette vie restée pure, laborieuse, sans » reproches , qui savait attendre avec patience, car elle était » » UV VV YU TV V EU YY VV y v v ÿY Ÿ certaine de l'affection et de l’estime universelle, les récom- penses que le mérite appelle rarement tout seul ; et que ce » souvenir nous suive comme une consolation et un encoura- » gement éternel. » 10 MÉMOIRES SUR LES SÉRIES QUI EXPRIMENT UNE RACINE RÉELLE D'UNE ÉQUATION - ALGÉBRIQUE ; Par M. FE. BRASSINNE. Représentons par f(æ)=0o, une équation algébrique de la forme &”"+ax”"-?+ba"t+...Lpæ+q=0o. Suppo- sons qu’on ait trouvé en série convergente le développement d’une racine réelle de cette équation, et que cette série s’annule par lhypothèse g=0o, je dis qu'elle ne pourra représenter que la plus petite (numériquement ) des racines réelles de la proposée. 1° Si l'équation est du second degré, et de la forme + paæ—+q=—=0o, il est clair que la série convergente, qui exprimerait la racine qui s’annule en même temps que g, ne pourrait représenter, abstraction faite du signe, que la plus petite racine, comme le prouve l'expression DE Y LR 2 4 20 Si l'équation algébrique est du degré m, et si ses ra- cines réelles , classées par ordre de grandeur sont &, $, y.…., uw, p.… de telle sorte que «& soit la plus petite, on pourra former avec ces racines les facteurs du second degré : (æ—a)(æ—8),(æ—a)(æ—y)….(æ—a)(æ—p). La racine réelle exprimée en série, appartiendra nécessairement à un des facteurs du second degré, par exemple au facteur. (æ—ax)(æx—7y). Or je dis que cette racine ne pourra être que «, si en effet le dernier terme «7 du facteur du second DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 11 degré devient nul, q sera aussi nul, puisque d’après la com- position des équations q =. 7. 8....o..a'.y.f"... done la racine du facteur du second degré, représentée par la série, est celle qui devient nulle avec le dernier terme du facteur du second degré, c’est donc la plus petite racine réelle «, de l’équation proposée. Il est clair que dans cette démonstration, aussitôt que nous avons admis que la racine réelle développée en série satisfait au facteur du second degré(æ—«)(æ—y)=2"+kKx+K, nous pouvons supposer le premier membre de léquation proposée, ainsi composé : (æ +Kæ+K')(æ—8)(x—dà)…. (@æ—p)(æ—x )(æx—f$")….. La série développe une des racines du premier facteur + Kæ+K', et c’est celle qui s’annule avec K’, puisque K'—o entraine 49 =0; (æ—«! ), (æ—{' ), sont les facteurs provenant des racines imaginaires. 9° Si, dans la proposée, les facteurs (æ—«), (æ— 6). étaient mulüples , les raisonnements précédents existeraient encore, €ar æ, désignant la plus petite des racines, on pour- rait toujours supposer que la série développe une racine réelle du facteur (æ—x)(æ—y). La proposée se compose- rait alors de cette manière : (@+Ko+K') (œ—aÿ(æ—py"(æ—y}"…, dans ce cas, comme dans le précédent, K'=o, annulant q, la racine développée serait égale à «. 4° Appliquons ces considérations préliminaires à la série que Lagrange a donnée dans son grand ouvrage sur la réso- lution des équations numériques (note 11%), Si on consi- dère l'équation (4) u—æx+f(æ)=0o, u étant un paramé- tre quelconque , la série de Lagrange est : F(æ)=F(u)+F'(u)x/(u)+35(F (u)xfw) +5 (F(u)xP (u)) +ete De 12 MÉMOIRES Les accents indiquent, suivant la notation de l'illustre géo- mètre, les dérivées successives des fonctions qu'ils affectent. Dans le cas particulier où on voudrait développer une ra- cine æ de l'équation (4), la série deviendrait : a =u+/f( u)+3 (ru) +5 (0)) +ete… (2) Mais —x—+f(xæ)—0o pouvant représenter une équation algébrique quelconque, le développement précédent, dans lequel on ferait u —0 après avoir effectué les opérations in- diquées , exprimerait une de ses racines, s’il était conver- gent. D’après les notations ci-dessus, —o+f(o)=a"+anx" + ber +... (p—1)x+ a. Désignons f(u) par ug(u)+q, g(u) étant égal à "Lau" +...+p— 1; cela établi, on a m(m—l) fu gr gg (ED gr eu) ex qu" ® (uÿee + uw” o we)" développement qu’on peut porter dans la série (2). De cette substitution , il résulte, que si on fait u—0 après les opé- rations indiquées, tous les termes de la série contiendront q, puisque f(u)", étant dérivée, m—1 fois, le dernier terme w”"@" (u), seul indépendant de q sera nul pour l'hypothèse u= 0. La valeur de æ, exprimée par la série en termes réels, étant annulée pour la supposition g=0, exprimera dans ce cas la plus petite racine de :: a"+aax"'+(p—1)x+q=0. Remarquons que si la série est convergente , elle ex- prime nécessairement une racine réelle de la proposée : dans le cas de la convergence , la proposée doit donc avoir au moins une racine réelle. Si la série est divergente , elle ne peut être d'aucune utilité; le développement diver- gent peut d’ailleurs correspondre à une racing imagi- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 13 naire , bien que tous les termes soient réels. On voit un exemple très-simple de cela dans le développement par le binome d’une racine imaginaire de l'équation du second de- gré &°+pæ+q=0. En eflet, une des racines imaginaires 5 x P P\/ == j = 19 peut prendre la forme ie 1— h. En faisant bc h étant plus grand que 1, le développement du binome appli- 1 qué à (1—h)z conduit à une suite divergente. ° Si on considère l'équation u—æ+f(x)=0 (5) et que dans la série (2) on ne fasse pas le paramètre u— 0, on pourrait demander quelle serait la racine développée. Pour cela posons æ—»=—y, l'équation précédente deviendra y=f(u + y) (# au lieu de celle-là considérons y=e+f(u+y), étant un paramètre arbitraire , la série de Lagrange appliquée à cette dernière donne : y=s+f(u+e) Hu) (te) ) + Si on pose après les opérations indiquées 0, on déve- loppera la plus petite racine de l'équation # et son expres- sion sera évidemment y=lu)+ (ru) ) +) ) + C'est à dire la valeur de &æ —u , qu'aurait fourni la série (2); si done on ne fait pas le paramètre w égal à zéro, et qu’on fasse usage de la série de Lagrange, on développera la plus petite valeur numérique de (æ—u) et par suite la valeur de æ qui se rapproche le plus du paramètre w. (Cette der- nière remarque a été faite, pour la première fois, dans un mémoire présenté à l’Institut par M. Chio en 1847 ; ce mé- moire n’a pas été publié. ) 1% MÉMOIRES ———————_————_—_ ANALOGIE ENTRE UNE QUESTION D'ALGÈBRE ET UNE QUESTION DE CALCUL INTÉGRAL ; Par M. E. BRASSINNE. Le Si on veut trouver les conditions , pour que deux équa- tions algébriques (4) f(æ)=0, F(æ)=0 aient une , deux, trois, ete. solutions communes , il suffit d'exprimer qu’elles ont un diviseur commun, du premier, du second , du troi- sième , etc., degré. Lagrange, dans un mémoire d’algèbre , donne un procédé élégant pour trouver les conditions qui expriment que les deux proposées ont p solutions commu- nes. Il considère pour cet effet le système /(æ)+v—0 et F(æ)=o, puis 1l élimine æ entre ces deux équations ; cela fait, l'équation finale en devra avoir n racines nulles si les proposées ont n solutions communes , Son dernier terme , et les (n— 1 ) dérivées dans lesquelles on fera v—0o devront être identiquement nulles ; de plus, comme v s'ajoute au der- nier terme q de f(æ), et que d’ailleurs v doit être égalé à géro , il suffira en général de chercher le diviseur commun entre f(æ)=0 et F(æ)=0, le reste final indépendant de æ sera nul de lui-même s’il y a une solution commune, ses derivées successives par rapport à q seront nulles sil y a plusieurs solutions communes. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 15 2° Le raisonnement de Lagrange s'applique sans difficulté au système de deux équations différentielles linéaires : di +p y d.mtp—:1 dm *p—: y mise as À. danmtp—à +... +9. = 0 À’ dr— ni —" + À EE +9. y—0 En Le pour trouver les solutions communes à ces deux équations , on pose la suite d’identités ( voir un mémoire de lAcad. de Toulouse, "s Pie X _dy (2) 7 dæP par a. mur Li; RE ee APE € NE 7 MR À D PANRR EI 7 dari-:2 Res K, L, ete. étant des coeflicients déterminés de telle sorte que le terme du plus fort indice, se détruisant, au premier et au second membre, les restes successifs que donneront de simples additions ou soustractions, soient d’un ordre moindre d’une unité que les foncüions du premier membre. Ce procédé appliqué aux équations proposées, dans lesquel- les on suppose À , B, C, ©, A’, B’, C', +’, fonctions de +, conduira en dernier résultat à une fonction de æ seul, qui devra être nulle s’il y a une solution commune. Deux, trois, quatre, ete., solutions communes auraient entrainé l’annula- tion de fonctions du premier, second , troisième, etc., ordre. Pour appliquer au système proposé le procédé de La- grange, remplaçons le dernier terme @y du système (2) par (o+NV)y et procédons à la recherche des solutions com- munes du système (2) ainsi modifié (on pourrait se conten- ter d'ajouter la fonction arbitraire V au premier membre d’une des équations du système (2). On poursuivra l'opé- ration, jusqu'à ce qu'on trouve une fonction de V et des 16 MÉMOIRES coefficients pour dernier reste. Cela posé, cette équation en V devra avoir autant de racines nulles qu'il y a de solutions communes. Dans les opérations successives , relatives à la re- cherche des solutions communes entre les deux fonctions X,,,+yV=oet X,—0 on pourra se dispenser de prendre les dérivées par rapport à V, bien que cette quantité , par la substitution des valeurs de X,—0 dans Xu+, + Vy=o soit une fonction de æ; si en effet on faisait varier V, le résultat final serait de la forme : dAV di —1V pe) tee) +. HE (eV). Pour une solution commune dans le système (2) il doit y avoir une valeur de V nulle; mais V égalant alors une fonc- : 5 : dNos dv tion de + identiquement nulle née mêmes. La condition relative à une racine nulle consiste donc à établir que F(x, V }=o est satisfaite par V—0o. Une se- conde solution commune donnerait à F(x, V )—0 deux ra- ces nulles , ete... Ce procédé élégant est long dans l’ap- plication; il est intéressant en ce qu'il fait voir une analogie de plus entre les équations algébriques et les équations dif- férentielles. sont nulles d’elles- (Quesrion ). Si on désigne par r le rayon de la sphère inscrite dans une pyramide triangulaire ; et par R, R’, R", R”’ les quatre rayons des sphères ex-inscrites, on a la relation : 7. 8 One ON S PE . LR Hé =stetete: (Pour le triangle Rte +R) E. BRASSINNE. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 17 EEE ——_—_—_—_—_—_———E OBSERVATION DE GANGRÈNE SPONTANÉE ; Par M. DUCASSE. Cerre observation m'a paru digne de fixer votre attention ; elle est remarquable non-seulement par le caractère des acci- dents qu’elle a produits, par sa marche rapide et funeste , mais surtout par l’altération organique signalée dans l’autopsie du cadavre. La voici dans ses principaux détails. M. R...., âgé de trente-quatre ans, d’un tempérament bilioso-sanguin , né de parents sains, n’a jamais eu de maladie sérieuse. Entièrement , et par goût , adonné aux travaux agri- coles, sa vie morale et physique a été constamment sobre et régulière. Cependant, malgré toutes les apparences d'une forte constitution, le jeu embarrassé des poumons donna souvent quelque inquiétude. Une marche accélérée, l'ascension d’un esca- lier , s'accompagnaient toujours d’une vive anhélation. Il était obligé de modérer ses mouvements , et offrait alors tous les symptômes d’un asthme commençant. Telle était sa situation , qui du reste n’altérait en rien, ni son sommeil ni ses facultés digestives , lorsque, le 12 novembre 1848 , sans cause connue , il ressentit une douleur violente, correspondante à la crête iliaque droite et s'irradiant avec in- tensité dans l’intérieur de la cavité abdominale. Un médecin consulté, ne voyant dans son développement spontané qu'une affection rhumatismale, se contenta d’appliquer des sangsues loco dolenti, et de mettre le malade dans un bain. Le calme succéda bientôt à cette médication; mais le mal n'était que déplacé. Les mêmes douleurs se développèrent sur la cuisse du 3° s.— TOME vi. 2 18 MÉMOIRES même côté, et telle était leur violence que des mouvements con- vulsifs du membre en dénotaient la présence. Même médication anüphlogistique et calmante ; mêmes effets produits par elle. L'irritation se déplace encore et se fixe désormais sur toute l’é- tendue du pied droit. ici cependant, malgré l'usage réitéré trois fois des sangsues, malgré l'emploi des cataplasmes et des fomentations émollien- tes, cet état douloureux persista, et cinq jours après, on vit se dessiner sur la face dorsale et sur Le dos des orteils, un change- ment de couleur, un refroidissement de température, qui effrayèrent le médecin ordinaire. Je fus alors appelé, et voici l'état dans lequel je trouvai le malade, à ma visite à la cam- pagne. ll est allongé dans son lit où ses mouvements sont difficiles ; une sueur glaciale couvre son corps ; sa voix est éteinte; son pouls petit, serré, fréquent etsurtout d'unefrappante irrégularité. La soif est forte; la respiration libre ; il se plaint de langueurs et de défaillances d’estomac. Le pied droit est froid dans toute son étendue , surtout au bout des orteils ; la peau qui les recou- vre a changé de couleur ; elle est un peu violacée et insensible à la pression. Quand on remue ce membre, ce n'est qu’au talon que le malade rapporte une sensation douloureuse. A ces signes évidents, il était impossible de méconnaître l'existence de la gangrène. Déjà elle s'était emparée du pied. Déjà l’économie entière semblait être sous l'influence de ce principe destructeur, et tout annonçait qu'elle n’arrêterait pas là ses ravages, car il existait une véritable intoxication dont il était bien dififéäle de désigner la cause prochaine. En attendant que le malade püt être transporté à Toulouse, pour y recevoir des soins plus assidus, je me contentai d’arroser le membre affecté avec l’alcool campbré et de donner quelques cuillerées de bon vin, seule ressource de la contrée à une heure trop avancée de la nuit. R.... arriva le lendemain dans sa nouvelle résidence. Nous constatämes chez lui un peu plus d’abattement, produit, soit par la fatigue d’un voyage de trois lieues sur un chariot mal DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 19 suspendu , soit par la marche de la maladie elle-même. Je crus prudent alors de m'entourer de conseils, et conjointement avec MM. Viguerie oncle et Estevenet nous continuâmes à donner au malade tous les soins que réclamait son état. Au gonflement de la cuisse et.de la jambe qui s’était développé, à une sensation de douleur et de dureté, percue le long des vaisseaux cruraux, nous conçumes l'idée que la gangrène du pied qui s'était déjà prolongée jusqu'aux malléoles, était sous la dépendance d'une lésion vasculaire, et qu'une artérite aiguë, en arrêtant la circulation sanguine par l’exsudation abondante d'une lymphe plastique, était présumée l'avoir déterminée. Cette supposition, malgré l'état misérable de la circulation générale, fut admise comme la seule fiche de consolation qui restait, et dans cette vue, le membre supérieur fort recouvert de cata- plasmes émollients et les forces soutenues par l'usage d’une potion kinacée , dans la vue de combattre en même temps l’é- lément septique. Cette médication rationnelle n’obtint cependant aucun résul- tat satisfaisant : la mortification des parties marcha avec une opi- niâtreté désespérante. Chaque jour ses progrès étaient plus mar- qués. Elle se dessinait surtout avec plus d'énergie à la face in- terne de la jambe, atteignait presque jusqu’au condylke interne, et plus bornée à la face externe, n’arrivait qu’à la moitié de son étendue. Une tumeur placée sur la face antérieure du mem- bre, formée d’abord par des gaz, puis par une suppuration vé- ritable, s’ouvrit naturellement à travers la séparation d’une escarre de la partie interne , et donna issue à une énorme quan- tité de pus, d'abord rougeâtre , odorant, puis revétant les qua- lités du pus véritablement cellulaire. Le membre alors était noir. froid , entièrement sphacélé et dans un état de complète momi- fication. Mais tandis que ces phénomènes destructeurs se montraient dans le pied et la jambe droits, l’état général du malade ne lais- sait presque plus d'espérances. Le pouls , malgré la médication antiseptique, le bon vin , les bouillons consommés , était tou- Jours dans sa situation primitive de misère et d’apauvrissement. 20 MÉMOIRES La plus légère pression le faisait tout à fait disparaître, et telle était son irrégularité habituelle , qu'avec l'attention la plus sou- tenue, on ne pouvait en suivre et en compler les mouvements désordonnés. L'abdomen se remplissait de gaz ; la vessie, para- lysée presque depuis l’origine d» la maladie, reprenait cepen- dant partiellement ses fonctions. Mais le pied gauche devenait à son tour le théâtre de désordres gangréneux. Le gros orteil , le côté externe du pied et de la jambe sur laquelle le malade ap- puyait plus particulièrement, changeaient de couleur, perdaient leur température : des escarres gangréneuses énormes envahis- saient la peau du sacrum et des fesses. L’assoupissement était extrême, la faiblesse portée au dernier degré : enfin, la déglu- tition était devenue difficile, et le malade amaigri, consumé par le mal, réduit à rien, s’éteignit le 21 décembre 1848. Autopsie, 24 heures après la mort. 1° L’artère fémorale droite, examinée avecattention dans tout son trajet, soit à l’extérieur, soit à l'intérieur, était dans un état sain : on remarquait seulement que la portion du vaisseau qui traverse le troisième adducteur, pour devenir poplitée était un peu ramollie, quoique son calibre füt parfaitement libre par- tout. 2° Un épanchement de sérosité limpide, qu’on pouvait évaluer à deux litres , remplissait le côté droit du thorax. Lecôté gauche était sain, et les plèvres n’avaient contracté aucune adhé- rence. 3° Le cœur était plus volumineux qu'à l'ordinaire. Cette augmentation n’était due qu’à l'accumulation d’une très-grande quantité de sang noir, principalement dans le ventricule droit, où l’on retrouva en même temps des concrétions couenneuses adhérentes aux fibres charnus et que l’on désignait autrefois sous le nom de polypes du cœur. Les caillots sanguins du ven- tricule gauche en étaient dépourvus. Les orifices auriculo-ventri- culaires étaient parfaitement libres. Seulement une des colonnes de la valvule mitrale présentait, vers sa base, une concrétion cartilagineuse parfaitement dessinée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 21 L'oreillette droite n’offrait aucune particularité remarquable. Il n’en était pas de même de l'oreillette gauche. A l'extérieur , sa conformation était normale , mais en pénétrant dans sa ca- vité, nous remarquâmes sur jA surface interne de sa paroi antérieure, une tumeur de la grosseur et de la forme d'une olive, recouverte par ses fibres, et en quelque sorte enkystée au milieu d'elles. Son ouverture laissa clairement distinguer une substance blanche, molle, moëlleuse au toucher , etres- semblant tellement à la substance cérébrale , que l'œil de l’ana- tomiste le plus exercé n'aurait pas pu en saisir la différence. C'était un vrai kyste encéphaloïde développé dans l'épaisseur de l'oreillette, dont je ne connais d'autre exemple dans la science ; mais qui justifie , par son apparition , l'assertion de Laënnec , qui dit qu’il n’y a pas de tissu dans l'économie ani- male qui ne puisse en devenir le siége. Réflexions. — En présence de phénomènes si graves el si rapidement établis, nous cherchâmes d’abord à connaître la nature de la cause qui avait présidé à leur manifestation. La force du sujet, la régularité habituelle de sa vie, sa santé presque permanente, ne nous permeltaient pas de supposer l'existence d’un de ces principes intérieurs qui n’attendent pour agir qu une occasion déterminante , et produisent alors des effets aussi violents que destructeurs. Toute idée de gangrène traumatique ne pouvait pas non plus s'offrir à notre pensée , car le malade n’avail reçu aucun coup, n'avait fait aucune chute, n'avait subi aucune opération. I Nous crûmes alors que les accidents gangréneux , si spontanément développés à cet âge, pouvaient reconnaitre pour cause pre- mière, une inflammation vasculaire de la partie correspondante, une véritable artérite, et que le vaisseau principal du membre, épaissi dans le tissu de ses parois, ou rétréci dans la cavité de son calibre par l'épanchement d’une lymphe plastique , qui en accompagne si souvent la phlogose , n'avait pas pu continuer à donner passage au sang artériel ; que les anastomoses, quelque nombreuses qu'elles fussent , auraient été impuissantes pour le suppléer , car l'arrêt de la circulation principale avait été trop 29 MÉMOIRES rapide , trop instantané ; et que la mortification dont le pied aurait été le siége, aurait été la conséquence de cette privation du sang, semblable alors à la gangrène sénile , dont M. Roche a si bien expliqué le mécanisme. Ce qui contribuait encore à nous maintenir dans cette opinion, c'était l’état dans lequel se trouvait le membre au-dessus de l'endroit gangrené. En dedans, au-dessus de la malléole in- terne , jusqu'à la région inguinale, on sentait distinctement un cordon, dur, bosselé, de la largeur de deux centimètres , légèrement coloré de rouge, donnant des signes d’une vive douleur au plus léger attouchement, offrant enfin tous les carac- tères d’une véritable inflammation compliquée d'une tuméfac- tion sensible dans le tissu cellulaire du reste du membre. Tout en attachant néanmoins une grande importance à la présence de ces signes positifs , nous ne pouvions pas nous dis- simuler ce que l'état général du malade avait de négatif pour en diminuer la puissance. Le pouls était petit, misérable ; l'ac- cablement, la prostration des forces étaient extrèmes ; la peau plutôt froide que chaude; la vessie paralysée et réclamant l'usage de la sonde; la sueur abondante et poisseuse ; en un mot aucun phénomène ne paraissait de celte réaction fébrile que provoque ordinairement une inflammation intense, rapide , et surtout celle d’un vaisseau aussi essentiel que l'artère fé- morale. Des accidents consécutifs, mais à peu de jours de distance, vinrent encore attiédir la force de no're diagnostic. Des escarres gangréneuses , énormes, épaisses, S'établirent sur toute la ré- gion fessière et sacrée, et quelques jours après, le pied et la jambe gauches , jusque-là parfaitement intacts , furent le siège de la même mortification, sans chaleur , sans douleurs préala- bles, sans aucun siége d’inflammation antérieure. On eût dit un principe septique charrié par les vaisseaux el successive- ment déposé sur les organes, pour en déterminer la mort. N'est- ce pas ainsi, en effet, que dans certaines fièvres ataxiques ou iyphoïdes, le praticien voit si souvent des escarres gangréneu- ses se produire sur toutes les parties du corps qui éprouvent DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 23 la plus légère compression ; n'est-ce pas ainsi que j'ai vu ce principe , dans un cas semblable, mortilier le bout du nez d’un enfant qui, pendant une nuit, avait dormi cinq heures appuyé sur cette partie? Nous ne pümes donc plus hésiter sur la nature de la cause présumée de tant de désordres. Quelque difficile qu'en füt l’ex- plication chez un individu en apparence si bien constitué, nous ne vimes plus dans cette succession si fatale de scènes et d’ac- cidents douloureux , que les effets d'une altération générale , une véritable intoxication gangréneuse qui devait échapper à l'action de tous nos moyens curatifs. Ici, Messieurs, nous pourrions poser la question suivante : jusqu'à quel point la présence du kyste encéphaloïde dans le tissu de l'oreillette gauche du cœur , et qui existait sans doute depuis longtemps, a-t-elle concouru à la production des phé- nomènes gangréneux? Je n'oscrais l’aborder ; mais je suis du moins convaincu que cette lésion organique a puissamment con- tribué à la production des phénomènes que présentait ordinai- rement la respiration du malade, quand il se livrait à un exercice violent. 2% MÉMOIRES NOTE SUR QUELQUES MONUMENTS ANTIQUES DÉCOUVERTS RÉCEMMENT A TOULOUSE ; Par M. ou MÈGE. Ausoxe, qui fut le précepteur de l’empereur Gratien (1), et qui avait été élevé à Toulouse, nous apprend (2) que les murs de cette ville étaient construits en briques : Coctilibus muris quam circuit ambilus ingens. Cette assertion est justifiée par le peu de traces encore exis- tantes de ces murs, le long du fleuve qui en baignait la base. On voit , en face du moulin du Château Narbonnais , une portion de ces murs , dont l'extérieur est en briques, ayant de distance en distance des portions de revêtements faits en petites pierres carrées, qui n’ont guère que 10 à 12 centimètres de côté. La masse des murs était d’ailleurs formée de cailloux roulés, noyés dans un ciment auquel le temps à donné une grande du- reté. Mais, en parcourant ce qui reste des traces de l’enceinte romaine, du Château Narbonnais jusqu’à la place Saint-Pierre, on n’a pu reconnaître que rarement des revêtements en briques dans les courtines. Elles sont composées : 4° D'un socle dont l'épaisseur varie de 3 mètres à 3 mètres 20 cent., formé d’un amas de cailloux roulés, ayant pour revé- tement des pierres cubiques calcaires, de 10 à 12 centimètres (1) Gratianus, fils de Valentinien [ et de Valeria Severa , né à Sirmium en Pannonie, l’an de Rome 1112 ( 359 de notre ère), déclaré Auguste lan 1120 , empereur en 1128, tué à Lyon lan 1136 (385 ). (2) Claræ urbes. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 25 de côté. Au-dessus s'élève le mur, formé d’abord de trois assises de briques ; puis, d'une portion de maçonnerie en cailloux rou- lés, ayant souvent 80 centimètres de hauteur : au-dessus se trouve uné autre chaîne de trois assises de briques. Cela se continue jusqu’au sommet. On peut l'observer encore près de la place Saint-Pierre, mais, encore mieux, non loin de l’an- cienne porte de Taillefer , dans le faubourg Saint-Cyprien. Les tours étaient, en général, bâties , ou plutôt revêtues , en briques , et avaient pour socle une portion de maçonnerie très- élégante , composée de petites pierres calcaires , en forme de cubes. On peut observer encore cette disposition à l'une des tours qui subsistent près de la rue dite des Blanchers. La célèbre Tour de l’Aigle, dans l'enceinte du Palais de Jus- tice, et qui avait fait partie du Château Narbonnais , était construite selon ce système. Il en était de même de la tour placée à la gauche de la porte Saint-Etienne, de celle dite de la Fondai- son , et des trois autres tours, qui, en y comprenant celle de l'Amplithéâtre , Manquaient le mur de celle-ci, jasqu'à la Porte dite du Ministre, point où l'enceinte du Bourg touchait à l'enceinte de la Cité. Toutes ces tours avaient leur base, ou leur socle, revêtu de ces petites pierres cubiques dont nous avons parlé. Ces tours ont disparu en 1820 et 1821 , années fatales pour la gloire monumentale de Toulouse, et où la volonté de M. d'Hargenvilliers, alors maire, a, malgré nos efforts, fait tom- ber ces tours qu'il fallait conserver au milieu des constructions nouvelles, comme de véritables moniteurs du passé, et qui au- raient rappelé les assauts qui leur avaient été donnés par les Arabes , les Anglais et les Croisés du treizième siècle. Des travaux exécutés en ce moment ont mis à découvert, sur deux points, la base de cette enceinte romaine , si étrangement abattue sous nos regards. En creusant le sol à peu près dans l’axe de l’ancienne rue du Château, ou PréMontardi , pour asscoir un égouten béton, on a retrouvé , coupant cet axe, l’ancien mur romain , ayant sa base revêlue de ces petites pierres carrées dont j'ai déjà parlé. Là celte base a 3 mètres 25° de large; au-dessus, le mur n'a pas 26 MÉMOIRES moins de 2 mètres 75 cent. il est formé d’un massif de cailloux, puis de trois assises horizontales de briques , alternant avec d’autres masses de cailloux. En arrière de ce mur d'enceinte , on en a rencontré trois autres : le premier n'est qu’à 7 mètres du rempart. Son épais- seur est de près de 2 mètres. Les autres n’ont guère que 1 mè- tre 50 cent. On pourrait croire d’abord que ces murs ont appartenu aux habitations voisines du rempart ; mais un passagede Vitruve (1) pourrait faire croire que, le premier du moins, pouvait avoir fait partie des fortifications : « Il n’y a rien qui rende les rem- parts plus solides , dit-il, que lorsque les murs des courtines et des tours sont soutenus par des massifs de terre; car alors ni les béliers , ni les travaux faits pour les miner, ni les autres moyens employés ne peuvent les ébranler... Pour bien faire ces terrasses, il faut faire d’abord des fossés très-profonds et très- larges dans lesquels on creuse le fondement, et l’on élève le mur, en lui donnant une épaisseur suffisante pour soutenir la pous- sée des terres. Il faut établir encore un autre mur en dedans, avec assez de distance pour former une terrasse capable de rece- voir ceux qui doivent y être placés pour la défense et rangés en bataille...» En s'appuyant de l'autorité de Vitruve, on pourrait dire que le premier mur, trouvé dans l’intérieur, en arrière du mur d’en- ceinte, était celui qui terminait la terrasse. Mais comme on en a trouvé deux autres, tous parallèles au premier , ils devaient partager la terrasse en trois portions , pour donner sur ce point une grande largeur à celle-ci et soutenir les terres. Ces murs ont 1 mèt. 50 d'épaisseur. Une découverte , pareille à celle qui vient d’être indiquée , a eu lieu près de l’ancienne porte Saint-Etienne. Là le mur, construit comme nous l’avons indiqué, et ayant à sa base un peu plus de 3 mètres, vient d’être coupé ou détruit pour l'éta- blissement d’un égout. Sur ce point , comme sur celui qui touche (1) Vitruv. lib, s. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 27 à l’ancienne rue Montardy , on n’a trouvé le sol romain qu’à plus de quatre mètres de profondeur. La couche supé- rieure est formée de remblais et de ruines modernes. On à dé- couvert ici des traces d'habitations, des tuiles à rebords, les unes en terre rouge, les autres en terre jaunâtre, ayant servi à couvrir des maisons; des fragments de corniche en marbre blanc , des plaques de revêtement en marbre gris, des frag- ments de poteries et d’amphores. En apportant à l'avenir beau- coup de soins lors des fouilles profondes exécutées dans l'inté- rieur de la ville, on pourra faire des découvertes importantes. C’est ainsi que, dans la rue Izalguier, maintenant de Clémence- Isaure, on a retrouvé, il y a environ trois ans, un mur romain percé de lucarnes, qui indiquait que l'ancien sol était à plus de k mètres en contre-bas du sol actuel. Là, dans l'intérieur, on a rencontré des fragments d’une mosaïque formée de cubes noirs avec une bordure en cubes blancs : c'est encore à plus de cinq mètres que l’on a découvert, il y a cinq ans, dans la rue des Arts, une tête de femme, en beau marbre, et qui, par l'agence- ment des cheveux, a paru appartenir au règne de Titus, c'est- à-dire au premier siècle de l'ère chrétienne. C’est de même au haut empire que doit appartenir une statue de femme, découverte dans une brèche de l'enceinte romaine, sur les bords du canal de fuite du moulin du Château Narbonnais. Ce monument , qui a près d’un mètre 75 cent. de hauteur, est privé de la tête qui y avait été entée, comme cela avait souvent lieu. Les mains ont été mutilées, ce qui peut empêcher de déter- miner si l’on doit reconnaître dans cette image, uue divinité ou une impératrice. Le travail est d’un style élevé, et cet objet bientôt placé, sans doute, dans le Musée, servira peut-être à justifier notre opinion particulière sur la richesse monumentale de Toulonse, durant la période romaine. Le lieu où l’on a trouvé cette statue nous rappelle que, dans plusieurs villes, en Italie, en Espagne et surtout dans les Gau- les, à l’époque où l'empire fut déchiré par ceux qui usurpè- rent la puissance, et, plus tard encore, lorsque les invasions des barbares y répandirent partout le deuil et l'effroi, on em- 28 MÉMOIRES ploya les statues , les tombeaux , les colonnes, pour réparer à la hâte les fortifications depuis longtemps abandonnées. C'est ce qui eut lieu principalement à Bordeaux , et c’est ce qui dut arri- ver aussi à Toulouse. Le danger fit oublier , à cette époque, d’ailleurs peu artistique, le respect que l’on devait aux monu- ments, et les marbres sculptés servirent à combler les brèches, à réparer les courtines et les tours des cités, dont les popu- lations croyaient échapper, par là, aux armes de ces peuples, qui, semblables à une vaste mer dont l'effort à brisé les digues élevées pour retenir ses flots, se déroule cet engloutit tout ce qu’elle rencontre sur son passage. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 29 BULLETIN DU MOIS DE JANVIER 1850. L’AcanËMIE , après avoir dépouillé la nombreuse correspon- dance depuis son entrée en vacances , a pris en considération la proposition qui lui a été faite par un de ses Membres , de déclarer quatre places vacantes parmi les Associés résidants , à savoir : Une dans la section des Mathématiques pures , en remplace- ment de M. Borrel, devenu, par changement de résidence, asso- cié correspondant ; Une dans la section de Physique et d’Astronomie , en rem- placement de M. Pinaud, décédé ; Une dans la section des Sciences physiques et naturelles, en remplacement de M. Pailhès, décédé ; Une dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres , en rem- placement de M. Lavergne , devenu , par changement de rési- dence , associé correspondant. M. Fiznoc donne lecture d’un mémoire intitulé , Des Pro- priétés physiques et organoleptiques des eaux de Bagnères- de-Luchon ; 1 établit dans ce travail , 1° Que les températures des sources éprouvent des variations presque continuelles , qui sont très-légères pour certaines sour- ces, et assez considérables pour d’autres ; 2° Que le principe sulfureux de ces eaux est un mono- sulfure de sodium , et non pas , comme l’a cru M. Fontan, un hydro-sulfate de sulfure ; 3° Que la proportion du principe sulfureux varie à chaque 3 janvier 10 janvier 30 MÉMOIRES instant dans ces eaux, et que les variations qu'on observe , semblent se lier, en général, à la marche du baromètre ; &° Que l’analyse de ces eaux à l’aide du sulphydromitre, n’est exacte que lorsqu'on examine de l'eau prise au griffon même et qu’on l'analyse sur-le-champ ; 5° Que les eaux minérales de Luchon renferment des traces d'iode, ainsi que du carbonate de soude et des traces de phos- phate ; 6° Que le sulfure de sodium décompose l’eau en produisant de l'acide sulphydrique et un sulfite ; 7° Que les eaux de Bagnères-de-Luchon , contrairement à tout ce qui a été écrit jusqu’à ce jour, ne sont pas plus altérées par le transport que celles de Baréges, Cauterets, etc. M. Filhol établit par des expériences nouvelles la théorie du blanchiment des caux de Luchon. Il démontre par une méthode également nouvelle , que l’eau qui a été altérée par l'air, contient un polysulfure et un sulfite. Ce mémoire renferme en outre des considérations étendues sur les causes d’altération auxquelles ces eaux sont soumises. Mais, comme le dit l’auteur, cette partie de son travail ne peut pas être résumée et doit être lue en entier, pour être bien comprise. M. Barry communique à l’Académie quelques empreintes de Camées et Zntailles antiques , en pâte de verre , découvertes, il y a plusieurs années , dans l’ancienne Aansio romaine de Mons Seleucus (Labâtie, Mons Saléon) , département des Hau- tes-Alpes. Les plus remarquables de ces portraits , dont le plus grand nombre appartient au second siècle de l'Empire , sont ceux de Germanicus, d'Ælius César, et surtout celui de l’Antinoüs qui est d’une grande pureté de dessin et d’une finesse de modèle très-remarquable. Une tête cuirassée qui termine cette série , et dont le style énergique et fouillé, rappelle la sculpture du temps des Sévère , représente vraisemblablement quelqu'un des empereurs militaires de la seconde moitié du im° siècle. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 31 M. BRassinNE présente à l'Académie deux notes concernant, 1° Une démonstration élémentaire sur le développement en série d'une racine d’une équation algébrique , par la série de Lagrange ; 2° Une méthode analogue à un procédé employé par le même géomètre , pour établir les conditions , pour que deux équations linéaires différentielles , aient une , deux, etc. , so- lutions communes. Celtecommunication est imprimée dans cette livraison. M. Bexecn donne lecture d’un mémoire ayant pour titre : Examen de l'opinion de Cicéron sur le Droit et la Juris- prudence romaine. Après avoir constaté que Cicéron était Jurisconsulte , et que par suite, ses appréciations sur le Droit et les Jurisconsultes romains doivent être prépondérantes , l’au- teur met en présence deux fragments principaux de cet écri- vain ; l’un emprunté au plaidoyer pro Murena , prononcé en 690 , où l’orateur déprime la législation romaine et vaille le ministère du Jurisconsulte ; l’autre , emprunté au dialogue de Oratore , composé en 698, où Cicéron fait le plus grand éloge du Droit Romain et de ses Jurisconsultes. Puis M. Benech recherche de quel côté était la vérité. Il établit par divers raisonnements qu’elle était tout entière du côté des dialogues de Oratore. Enfin , il justifie la même proposition par plu- sieurs passages extraits des œuvres de Cicéron lui-même : d’où il conclut que les convictions de cet auteur n’ont pas été expri- mées dans l’Oratio pro Murena, où il n'avait rabaissé le Droit de son pays que pour le besoin de la cause , et que sa véritable pensée se trouve dans les dialogues de Oratore. M. Ducos a présenté quelques observations sur une note de l’annaliste Lafaille, au sujet de l'explication du nom de Vieille- Toulouse , porté par une commune rurale du voisinage. La- faille a prétendu que ce nom n'indiquait pas une ville anté- rieure à l'établissement romain ; mais simplement une maison de campagne appartenant à une famille du nom de Zoulouse, 17 janvier, 24 janvier 31 janvier 32 MÉMOIRES et que c’étaient les mots w//a Tolosæ dont on avait fait par corruption Vieille Toulouse. M. Ducos réfute cette erreur du savant annaliste. A cet effet , il indique les travaux et les découvertes de l'abbé Audibert et de M. du Mège. Il invoque comme preuve de l’existence d’un centre considérable de popu- lation , les urnes cinéraires, les débris de poterie antique, les nombreuses médailles celtiques et ibériennes, découvertes dans cette localité. Il croit trouver une nouvelle preuve dans l’éta- blissement du Château-Narbonnais , presqu’aux pieds des co- teaux ; construction romaine , espèce de camp retranché , qui semblait destiné à contenir la population indigène et à pré- voir les irruptions qu’elle pouvait tenter au commencement de l'occupation étrangère. M. Ducos pense que ce fut la raison déterminante qui fit donner pour l'établissement romain la pré- férence à la rive droite du fleuve, tandis que l'occupation de la rive gauche, où presque tous les cours des eaux étaient alors portés , était bien plus nécessaire pour en dominer la naviga- tion. Venant à la preuve directe de l'erreur de Lafaille, M. Du- cos cite la charte de Philippe-le-Hardi, donnée en 1279 ; charte rapportée par Lafaille lui-même aux pièces justificatives , dont un double passage prouve l'existence et la vraie signification dunom de Vieille Toulouse, puisqu'on y lit : À villa de Bla- gnaco et de Mata usque ad veterem Tolosam que est supra Tolosam , etc. I ne peut plus y avoir de doute. Les mots Vieille Toulouse ont un sens vrai, naturel, et ils n’ont point été formés par la corruption du langage. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 33 MÉMOIRE (” SUR L'EXISTENCE SUPPOSÉE D'UNE CIRCULATION PÉRITRACHÉENNE CHEZ LES INSECTES ; Par M. N. JOLY, Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Toulouse Cuvier disait , il y a juste un demi-siècle : « Chez les insectes, le fluide nourricier ne pouvant aller chercher l'air, c'est l'air qui le vient chercher pour se combiner avec lui (2). » Aujourd'hui M. Blanchard nous affirme que chez les insectes , « le sang va chercher l'air, exactement comme cela a lieu cbez les animaux à respiration pulmonaire ou branchiale; car c’est par suite de son mouvement régulier qu'il vient s’infiltrer entre les membranes trachéennes (3). » Malgré mon désir de ne pas intervenir dans le débat que cette dernière assertion a fait naître récemment au sein même de l'institut, j'ai dû céder aux sollicitations pressantes et si honorables pour moi de mon illustre maître et ami, M. Léon (1) Le présent Mémoire a été lu à l’Académie des Sciences de Paris, le 3 décembre 18/9. Les principaux résultats exposés dans ce travail avaient déjà été communi- qués par moi , le 19 juillet dernier , à M. le docteur Léon Dufour , de l’Ins- titut, Ce savant consciencieux les a mentionnés dans son Mémoire sur la circulation chez les insectes ( p. 39-40. Bordeaux 1849, in-8°), imprimé par fragments dans les Comptes rendus, p.28, 101 et 163 dn 1er semestre, eten totalité dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux. (2) Voy. Mém. de la Soc. d’'Hist. natur. de Paris, an vn (1799). (3) Blanchard, Annal, des Scienc. natur., tom. 1x, 3° série, p. 379. 3° $. — TOME Vi. 3 34 MÉMOIRES Dufour, et je me suis occupé, avec conscience et sans idées pré- conçues , du sujet en litige. J'ai vu quelques faits nouveaux qui paraissent avoir échappé à mes devanciers ; J'ai fait quelques expériences auxquelles ils n'avaient pas songé. Ce sont ces faits et cvs expériences que je viens ajouter à l'appui de leurs objections contre la prétendue circulation péritrachéenne des insectes (1). » (1) Au nombre des naturalistes qui ont combattu déjà les idées de M. Blan- chard se placent d’illustres adversaires. Qu'il me suffise de citer les noms de MA. Léon Dufour et Dujardin. Voici les principales objections de l’habile entomotomiste de Saint-Sever: 19 Comment le fluide sanguin pourra-t-il circuler dans les espaces inter- membranulaires de M. Blanchard , puisque ses prétendues ouvertures péris- tigmatiques sont sans connexion avec l’organe d’impulsion ou vaisseau dorsal ? 20 Les vaisseaux afférents qui, d’après l’auteur de la nouvelle doctrine, ont la même origine que les vaisseaux inlra-trachéens, charrieraient donc du sang veineux, tandis que ces derniers donneraient passage à du sang artérialisé ? incompatibililé organique impossible à admettre. 39 D'ailleurs, quelles sont les connexions de ces prétendus canaux affé- rentsavec les orifices auriculo-ventricuiaires du cœur ? En supposant ces con- nexions bien établies, ce qui n’est pas, le vaisseau dorsal aurait done de vraies ramifications, et alors M. Blanchard serait en contradiction avec lui- même , puisqu'il dit formellement que «ce vaisseau ne présente point de branches dans son lrajeL. » 4° Par quelle voie , dans les insectes privés de stigmates ( 4eshnes, Libel- lules, Agrions), le sang pénétrera-t-il dans les vaisseaux inter-membranu- laires ? 5° Comment le fluide sanguin circulera-t-il dans les trachées utriculaires, où , de l’aveu de l’auteur lui-même, le fil spiral et, par suite, l’espace inter- membranulaire disparaissent ? 6° IL arrive assez souvent qu’en injeclant du bleu de Prusse térébenthiné dans l’abdomen d’un insecte , ce liquide ne pénètre nullement dans les tra- chées. IL devrait toujours y pénétrer, si les bouches béantes et les vaisseaux cireulatoires de M. Blanchard existaient. 7° Que devient, ou comment s’opère la circulation dans les insectes chez lesquels l’extrémité antérieure du vaisseau dorsal se fixe à l’origine du canal alimentaire ? ( “eshna grandis ; Libellula depressa, Melolontha vulgaris , Cetonia aurata, Platystoma umbrarum , Odontomya furcata , 0. tigrina, Sphinx convolvuli et Pentatoma grisea, ex Léon Dufour; Cossus ligniperda, ex Lyonet; Sphinx ligustri, ex Verloren.) 8° L'existence d’un poumon universalisé (M. Léon Dufour appelle ainsi, el avec beaucoup de raison, le système trachéen des insectes ) paraît ërcom- patible où du moins ixconséquent avec celle d’un système circulatoire éga- lement universalisé. A ces graves objections, M. Léon Dufour ajoute des expériences ingénieuses DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 35 Je déclare tout d'abord que j'ai exactement suivi les procédés d'injection indiqués par M. Blanchard ; que j'ai opéré avec le liquide dont il s’est servi; enfin, que j'ai examiné avec soin les préparations qu'il à faites lui-même en ma présence (1), et cependant presque toujours mes yeux ont vu , différemment des siens , des organes et des phénomènes tout à fait identiques. Parlons d'abord des organes et des fonctions que leur attribue M. Blanchard. Nous admettons avec lui et avec plusieurs anatomistes dis- tingués, que le vaisseau dorsal des insectes est un organe d’im- pulsion pour le liquide sanguin contenu dans son intérieur (2). qui l’amènent à conclure, comme nous l’avons fait nous-même, que les arborisations bleues observées dans les trachées qu’on injecte au moyen du procédé Blanchard, sont dues le plus souvent à un phénomène de capilla- rité, consécutif à la lésion des trachées par la seringue à injection. Quant aux objections de M. Dujardin, elles se fondent uniquement sur la structure des trachées. Suivant cet habile micrographe, les tubes trachéens sont formés de deux tuniques étroitement contiguës. Loin d’être intermé- diaire à ces deux tuniques, le fil spiral ne consiste qu’en des plis épaissis de la membrane interne. Donc l’espace inter-membranulaire et, par conséquent, la circulation péritrachéenne n’existent pas. ( Voy. les Compt.-rend. de l’Institut, 1° semestre 1849, p. 674). Nous admettons comme très-fondée la conclusion du savant professeur de la Faculté des Sciences de Rennes , mais nous croyons, avec Meyer, que le fil spiral est un organe distinct, intimement uni à la membrane interne et logé dans son intérieur. (1) J'étais alors à Paris, où j'avais été appelé en qualité de juge du con- cours pour la chaire de Zoologie appliquée à l'Agriculture de l’Instilutnational agronomique. M. Doyère, nommé depuis professeur à celle chaire impor- tante, assistait lui-même aux expérimentations, el il est demeuré pleinement convaincu des nombreuses erreurs commises par l’auteur de la nouvelle théorie sur la circulation chez les insectes. J'aurais vivement désiré que celui-ci reconnût aussi qu'il s’élait trompé ; j'ai le regret de dire que je n’ai pu obtenir cet aveu. Bien plus , dans un travail dont un extrait a été inséré tout récemment dans les Comptes rendus de l’Institut (n° du 28 janvier 1850), M. Blanchard non-seulement affirme de nouveau l’existence d’une véritable circulation péritrachéenne chez les insectes, mais encore il voudrait la faire admettre chez certaines Arachnides (les Arachnides trachéennes de Cuvier), ce qui , du reste , est conséquent à ses principes, mais probablement très- peu conforme à la nature. (2) Outre le vaisseau dorsal, certains insectes, notamment les Lépi- doptères à l’état parfait, paraissent avoir un vaisseau supra-spinal, placé, 36 MÉMOIRES Nous admettons que ce liquide, une fois répandu dans les la- cunes interviscérales, est entraîné par des courants très-visibles, surtout chez certaines larves aquatiques, et qu’il rentre dans le cœur par des orifices jusqu'à un certain point comparables aux oreillettes cardiaques des crustacés inférieurs ( Ærtemia , Branchipus |. Mais ce que nous ne saurions admettre, c'est la structure des trachées , telle que nous la donne M. Blanchard ; c’est le rôle important qu’il leur attribue, en disant ces vaisseaux aérifères par leur centre, sanguins où sanguifères par leur périphérie. Nous n’admettons pas davantage ces bouches ou lacunes péris- tigmatiques, ni ces canaux efférents que nous n'avons jamais vus, et que l’auteur de la nouvelle théorie sur la circulation, n’a pu lui-même nous faire voir d'une manière bien distincte et propre à dissiper nos doutes. Enfin nous croyons avoir démontré à M. Blanchard , et cela sur les pièces anatomiques préparées par lui-même, que, loin d'avoir injecté, comme il le dit, des espaces qu’il nomme énter- membranulaires , et que l’on pourrait plutôt nommer 2magi- naires , ce naturaliste a tout simplement rempli de sa matière colorante l’intérieur même des trachées et leurs plus fines ra- mifications. Reprenons ces assertions une à une, et arrélons-nous un instant sur chacune d'elles. 1° Les trachées n’ont ni la structure, ni le rôle que leur at- tribue M. Blanchard. En effet, si l’on examine attentivement les gros troncs tra- chéens des larves d’Æeshna , de Libellula, et surtout ceux de comme son nom l'indique, au-dessus de la chaine ganglionaire ventrale. C’est Treviranus , el non Newport, comme le prétend à tort M. Blanchard , qui a découvert le premier ce vaisseau. Il lui a même imposé le nom de vaisseau ventral (Bauchgefaesz ). à Voy. dans la Zeitschrift für Physiologie de Tiedmann et Treviranus (Vierter Band , p. 181) le Mémoire de ce dernier, intitulé : Ueber das Herz der Insecten, dessen Verbindung mit den Eierstæcken, und ein Bauchge- fuesz der Lepidopteren. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 37 l'Æydrophilus piceus | dont le calibre est si considérable, on les voit composées de deux membranes, l'une extérieure , assez peu adhérente à l’interne pour qu'on puisse l'en séparer faci- lement après une macération dans l'eau de douze à vingt-quatre heures ; l’autre interne, tout à fait contiguë à la première, ou à peine séparée d'elle par de légères saillies du fil spiral. On voit de plus que ce fil spiral est assez souvent interrompu, qu'il adhère intimement à la membrane interne, et qu'il fait dans son intérieur des saillies prononcées , laissant entre elles de très- fines rainures signalées déjà par M. Dujardin. Du reste, voici ce que nous apprend à cet égard un Mémoire inséré tout récemment par M. le Professeur Meyer, de Zurich, dans la Zeitschrift für wissentschafiliche Zoolowie de MM. von Siebold et Kælliker ( 1849, p. 174 ): « In der ausgebildeten Trachee , dit cet anatomiste , liegt » der Spiralfaden im Innern einer scheinbarstructurlosen » Membran ; nur die græsseren Stacmme haben æusser dieser » Membran noch eine zweite æussere Einhüllung (1). » —————————— (1) Nous croyons devoir donner ici la traduction de ce passage du Mémoire encore lrès-peu connu du prof. Meyer. « Dans la trachée parvenue à son développement complet, le fil spiral est situé à l’intérieur d’une membrane évidemment dépourvue de structure. Les plus gros troncs seuls ont , outre cette membrane , une seconde enve- loppe placée en dehors de la première. » L'auteur ajoute : «Cette dernière membrane (la membrane externe) est une formation acces- soire, dont l’origine est due, comme celle de la tunique extérieure du sac ovarien , à descellules d’abord unies très-légèrement entre elles , et finissant par se confondre pour donner naissance à une membrane. La première enve- loppe est la membrane proprement dite des trachées. Les observations sui- vantes prouvent qu’elle est aussi une membrane cellulaire. Dans les jeunes chenilles et dans les autres larves d'insectes, on trouve entre cette membrane et le fil spiral des nucleus très-distinets, granulés et alternes, qui sont or- dinairement logés dans une malière un peu plus consistante. Chez les che- nilles parvenues à tout leur développement, on rencontre encore très- fréquemment dans la membrane des trachées de ces nucleus sous la forme de raies obscures isolées. Le plus souvent on ne les aperçoit plus chez l’in- secle parfait. La présence de ces aucleus prouve done que la trachée a le même mode de formation que le vaisseau spiral des végétaux. En effet, pour l’une comme pour l’autre , des rangées longitudinales de cellules s'unissent 38 MÉMOIRES M. le Professeur Meyer paraît avoir fait une étude très- consciencieuse des trachées ct de leur développement. Or, cet habile observateur affirme, comme un fait positif, que les gros troncs seuls sont formés de deux membranes, et que le fil spiral est tout-à-fait interne. Que devient donc l’espace inter-membra- nulaire, surtout dans les ramifications les plus fines des trachées? Dès qu’il est démontré que cet espace n'existe pas , il est dé- montré par cela même quela cireulation péritrachéenne n'existe pas davantage. Cependant, sans avoir égard aux impossibilités que lui opposent MM. Léon Dufour et Nicollet , sans nous dire comment il fera cireuler des corpaseules sanguins d’un certain diamètre dans des espaces de plus en plus resserrés, et enfin beaucoup plus étroits que ce diamètre lui-même, M. Blanchard prétend néanmoins que ces globules circulent, qu'il les a vus toujours, et que M. Newport les a vus comme lui. Absolument parlant, je ne nie pas la présence de ces globu- les; mais je ne crois pas qu'ils soient contenus dans l'espace intermembranulaire. M. Blanchard r’aurait-il pas, par hasard, pris pour des corpuscules sanguins les rucleus des cellules, auxquels M. Meyer attribue la formation des membranes tra- chéennes? En supposant même que les choses se passent comme le veut l’auteur que nous combattons, nous le prierons de nous faire voir , et l’ouverture ou lacune péristigmatique par où il fait pénétrer le sang, et l’orifice de sortie indispensable pour qu'il y ait vraiment circulation vasculaire. Or, cest ce que M. Blanchard n’a pas fait, du moins jusqu'à présent. pour donner naissance à un utricule, dans l’intérieur duquel se forme le fil spiral..….. » : Quant au fil spiral lui-même , l’auteur est porté à croire qu’il forme une membrane homogène, qui, plus tard, et après l’entrée de l’air dans son in- térieur , se fendille de manière à produire un fil contourné en hélice. Voy. dans le Journal cité, le Mémoire intitulé : Ueber die Entwickelung dés F'ettkoerpers , der Tracheen und der keimbereitenden Geschlechtstheile bei den Lepidopteren , von Professor Hermann Meyer, in Zürich. Je dois la connaissance de ce Mémoire à M. Lemercier, sous-bibliothécaire au Muséum d'histoire naturelle de Paris, qui a bien voulu seconder toutes mes recherches bibliographiques avec une obligeance pour laquelle je m’em- presse de lui témoigner ici toute ma reconnaissance. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 39 2° Selon nous , les canaux afférents (et non cflérents) de ce naturaliste n'existent pas plus que ses prétendues ouvertures péristigmatiques; du reste, il convient lui-même que ce sont des ouvertures souvent sans parois propres, el qu'elles ne peu- vent , par conséquent , servir à une circulation réellement vas- culaire. 3° Enfin, je dis que les injections de M. Blanchard ont pénétré dans l’intérieur des trachées, soit qu'elles y aient été portées d'une manière directe par l'instrument dont il se sert, soit qu’elles s’y soient introduites par endosmose, et surtout par capillarité. En effet, sur mes préparations comme sur celles que l’auteur de la nouvelle théorie a exécutées en ma présence , il est facile de se convaincre , quand les injections réussissent (1), que ce n’est pas l’espace intermembranulaire, mais bien le tube cen- tral qui est plus ou moins gorgé de liquide. Que l'on ne se borne pas à examiner à la loupe et dans l’eau , comme le fait le plus souvent M. Blanchard, mais que l’on ait soin d'étudier au microscope et dans l'essence de térébenthine un paquet de trachées délicatement disséquées dans cette essence, ct l'on ne tardera pas à se convaincre qu’en effet le liquide à injection a rempli l'intérieur. des trachées. Pour l'en voir sortir , il suffit d'exercer une légère pression sur le vaisseau qui la contient. Ce vaisseau , qui était d’abord d'un très-beau bleu , se montre à peine bleuàtre après l'expérience. Cette dernière teinte est due évidemment à la petite quantité de principe coloré qui est restée adhérente à la paroi interne et dans les rainures du fil spiral de la trachée. Si, au lieu de disséquer dans l'essence de térébenthine, comme nous l'avons fait et dt faire, nous disséquons dans l'eau , la majeure partie des trachées se décolore pour peu qu'elles aient (1) Je dois à la vérité de déclarer ici que je n’ai pas toujours réussi dans les injections que M. Blanchard dit être si faciles. J’ai pu me convaincre que lui-mème ne réussit pas toujours. Quant à la cause de l’insuccès , elle réside, selon moi , dans l'absence de lésion des trachées par la seringue à injection. Ce qui va suivre rendra cette dernière assertion plus facile à comprendre. LO MÉMOIRES été blessées par le scalpel. On conçoit en effet, qu'en vertu de l'inégale densité des deux liquides, l’eau prenne la place de la térébenthine, et que les trachées, presque entièrement décolo- rées, paraissent simplement injectées à leur périphérie. C'est sans aucun doute dans ce dernier état que M. Blanchard a vu et dû voir celles qu’il a examinées. S'il restait la moindre incertitude à cet égard , que l’on trans- porte d’abord sur le porte-objet du microscope une trachée bien injectée ; que l’on s'assure préalablement qu’elle est remplie de matière bleue, et qu’on place ensuite cette trachée dans l’eau, de manière à pouvoir bien observer ce qui se passe à l'orifice du tronc coupé. Bientôt on verra l'essence de térébenthine cet les fins granules bleus qu'elle tient en suspension, entrer en mou- vement , et s'échapper en tourbillonnant et souvent par masses assez grosses, de l’intérieur ou centre du vaisseau. En s’échap- pant, la liqueur colorante se divise en une foule de petites gout- telettes qui se répandent non loin de lorifice, et qui finissent par former dans son voisinage des gouttes plus grosses, et par con- séquent , plus nettement colorées. Au far et à mesure que la térébenthine s'écoule, on voit les paroïs du vaisseau s'éclaircir, et son intérieur se remplir d'eau , jusqu’à ce qu'enfin la trachée soit entièrement ou presque entièrement décolorée. Ces phéno- mènes s’observent également très-bien sur les points des trachées où l’on a coupé une des ramificalions du tronc principal (1), (1) I est un autre fait qui prouve de la manière la plus évidente que le liquide à injection remplit réellement, même dans les lrachées injectées par M. Blanchard, l’intérieur du tube central. En effet, lorsqu'on examine ces trachées au microscope el avec un grossissement suffisant, on voit assez sou- vent qu’elles contiennent des bulles d’air qui les remplissent sur une lon- gueur plus ou moins considérable. Or, l’espace ainsi occupé par l'air est terminé neltement par des calotles sphériques ayant pour rayon le rayon méme de la trachée , tandis que les extrémités de cel organe paraissent gor- gées de liquide bleu. I est facile de se convaincre qu’une telle apparence serait impossible avec un lube qui serait plein d’air ou d’eau, et qu’entoure- rait seulement un espace cylindrique occupé par du liquide coloré. En effet; ainsi que me le faisail très-bien observer M. Doyère , une bulle d’air intro- duite dans l’espace cylindrique formerait un anneau , el la section de cet an- neau par un plan horizontal comme celui du champ de vision du microscope, présenterail à chaque extrémité un double ménisque latéral. Voy. f. 11 et 12. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h1 ainsi que nous l'avons fait voir au respectable M. Duvernoy , professeur au Collége de France (1). (Foy. fig. 4.) Des résultats tout-à-fail analogues s’obtiennent avec des tra- chées injectées directement , et même avec des tubes capillaires en verre , préalablement remplis de prussiate, et ensuite obser- vés dans l’eau. Les tubes surtout s’y décolorent entièrement. Dans plusieurs injections et sur un même individu, j'ai aperçu des trachées évidemment pleines à l'intérieur , et d’au- tres qui semblaient {eintes uniquement à leur périphérie. Ces dernières contenaient encore de l'air, mais elles n'en étaient pas complétement remplies. Or, dans celles-ci, voici, je crois, ce qui se passe. Le liquide pénètre à l’intérieur jusqu’à l’en- droit où il rencontre une bulle d'air ; là, il s’infiltre entre les rainures du fil spiral qui fait saillie à l'intérieur , et ces rainu- res agissent comme des tubes capillaires. Aussi voit-on la por- tion de trachée comprise entre deux bulles d'air légèrement co- lorées en bleu , tandis que les portions situées en deçà ou au delà de ces bulles sont gorgées de liquide. { Foy. fig. 8.) A la page 375 du Recueil où se trouve inséré le travail de M. Blanchard , ce naturaliste parle « de l'impossibilité de faire pénétrer le moindre atome (de matière colorante) dans les trachées d'un insecte vivant, » et dans sa réponse aux objec- tions si pressantes de M. Léon Dufour, l’auteur de la nou- velle théorie répète encore que « y eüt-il rupture des tra- chées non-seulement sur un point, mais sur dix points diffè- rents, que jamais l'injection ne pénétrerait dans les trachées d'un insecte vivant (2). » Or, voici une expérience que M. Blanchard a faite sous mes yeux et à mon invitation. Il a injecté sous l’eau un grand hydrophile , et il a pu se convaincre, comme moi , que pendant l'injection , une grande quantité d’air sortait par les stigmates. Admettez (et certes la chose est possible) qu’une seule rupture (1) Nous avons également rendu témoin des phénomènes ci-dessus décrits, MM. Duméril, Serres et Is. Geoffroy Saint-Hilaire , de l’Institut, ainsi que MM. Doyère et Pucheran. (2) Voy. Comptes rendus de l’Institut, tom. xxvin, p. 758, an 1849. L2 MÉMOIRES ait lieu sur l’une de ces trachées ainsi vides d'air et entourées de tous côtés par la liqueur à injection : cette liqueur n’y péné- trera-t-elle pas en veriu des simples lois de la physique? Immédiatement après, M. Blanchard ajoute : « Cherchez à introduire une injection, soit par une ouverture pratiquée dans un tronc trachéen, soit par l’un des orifices respiratoires , 7a- mais vous N'y rÉussrez. Ce que nous venons de dire suffit, ce nous semble, pour faire voir le peu de fondement de la première partie de cette asser- tion , prise dans le sens absolu que lui donne l’auteur. Quant à la deuxième partie de l'objection , les expériences qui suivent prouvent qu'elle est tout aussi peu fondée. J'ai pris une Nèpe cendrée; j'ai placé l'extrémité libre de son tube respiratoire dans le bleu de Prusse, et j'ai vu l’insecte remplir de lui-même une grande partie de son système trachéen. En plaçant dans les mêmes circonstances une Aanatra linea- ris , j'ai obtenu à peu près les mêmes résultats. Or, en exami- nant au microscope les trachées de ces deux insectes après l’opé- ration, j'ai trouvé que les unes étaient entièrement incolores et pleines d’air; d’autres étaient toutes gorgées de liquide; d’autres enfin étaient en partie pleines de bleu, et en partie pleines d’air. Cette seconde portion de l'étendue de ces dernières n’en était pas moins légèrement colorée à sa périphérie, et ici la coloration résultait évidemment de l'infiltration intéricure da prussiate au moyen des rainures du fil spiral, lesquelles avaient agi comme des tubes capillaires. Enfin, je trouve dans mes Notes : «En déposant simplement du bleu de Prusse térébenthiné sur les stigmates abdominaux d’une jeune sauterelle vivante , j'ai vu, au bout de quelques heures, son système trachéen en partie injecté. En quoi, je le demande , ce fait est-il impossible, c’est-à-dire contraire aux lois de la physique ? Je ne puis non plus admettre cette autre assertion de M. Blanchard, ziant la possibilité d’injecter des insectes morts. Celui que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'A- cadémie, prouve manifestement le contraire. C'est un Dytiscus Rœselii, dans la cavité abdominale duquel j'ai simplement DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 43 versé de la liqueur bleue, qui, au bout de quatre heures , avait très-bien coloré , comme on le voit, même les trachées du thorax. Non-seulement il est possible d'injecter des insectes morts : on injecte aussi très-bien des portions séparées du corps de ces insectes, et cela , à l’aide des simples lois de la capillarité. I suffit, en effet , de plonger la base de la patte postérieure d’une sauterelle dans le bleu de Prusse térébenthiné, pour voir la grande trachée qui la parcourt se remplir entièrement de ma- tière colorante. L'injection par capillarité réussit également très-bien avec des trachées végétales encore entourées de leur parenchyme. Enfin , je ne saurais encore être de l'avis de M. Blanchard, lorsqu'il affirme que sa liqueur « #’adhère pas aux lissus , » ne laisse aucune salissure , aucune trace de son passage , » el que tous les organes qui ont subi son contact demeurent » parfaitement nets (1). » L'auteur de ce passage ayant reconnu devant nous que les ailes se colorent par leur seul contact avec le bleu de Prusse . au point qu'il est très-diflicile de les débarrasser de la matière colorante , même par des lavages répétés , il reconnaît par cela même que son assertion n’est pas rigoureusement exacte. Nous ajouterons qu'elle ne l’est pas non plus en ce qui con- cerne les trachées elles-mêmes. En effet, il suffit de plonger un paquet de trachées dans la liqueur bleue , pour les voir se remplir en peu de temps de cette liqueur. Si dans cet état on les place dans une goutte d’eau , on voit la matière colorante en sortir comme elle sort d’un tube capillaire en verre, placé dans les mêmes circonstances ; mais le plus souvent une certaine partie de cette matière reste encore adhérente aux parois du vaisseau trachéen. Quant aux autres viscères de l'animal, s'ils ne se teignent point au contact de l'injection employée par M. Blanchard , cela s'explique très- facilement , puisque la térébenthine ne peut mouiller des tissus imbibés d'un fluide aqueux comme le sang qui les baigne. Mais (1) Ouvr, cit. p. 375. hh MÉMOIRES si, au lieu de térébenthine colorée par le bleu de Prusse, on se sert d'encre de Chine ou d’encre ordinaire, ces viscères eux- mêmes prennent une teinte noire assez foncée. Que se passe-t-il dans les injections exécutées au moyen du procédé Blanchard? Le phénomène est complexe. Il peut y avoir un fait de tein- ture purement extérieur ; mais surtout intérieur, le liquide bleu adhérant très-facilement à la membrane interne des tra- chées. 11 y a dans certains cas erdosmose, dans d’autres , pénétration directe du liquide apporté par l'instrument dans l'intérieur des troncs trachéens , et plus souvent encore simples effets de capillarité , par suite de la déchirure d'un seul ou de plusieurs de ces troncs respiratoires. En résumé , à l’aide des expériences et des observations qui précèdent, nous croyons avoir démontré que, 1° Les deux membranes qui constituent les gros troncs tra- chéens sont contiguës l’une à l’autre ; 2 Les plus fines ramifications des trachées sont formées d’une membrane unique ; 3 Le fil spiral des trachées est situé à l'intérieur de ces organes ; L° Les espaces intermembranulaires n'existent pas ; 80 Les trachées des insectes ne sont pas des canaux aérifères par leur centre, des vaisseaux sanguins par leur périphérie ; 6 La circulation péritrachéenne ou inter-membranulaire est physiquement, anatomiquement et physiologiquement im- possible. Enfin , nous ajouterons comme un fait d'expérience on ne peut plus facile à vérifier que, 7° Quand on injecte les lacunes abdominales d’un insecte au moyen d’une solution térébenthinée de bleu de Prusse , l'injection pénètre le plus souvent dans l'intérieur des tra- chées (1). int e si rel ion (1) Sur mon invitation , un des élèves les plus distingués de la Faculté des Sciences de Toulouse, M. Lespès, a répété les expériences de M. Blanchard, et il est arrivé aux mêmes conclusions que M. Léon Dufour et moi. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 45 EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Une portion de trachée de l'Hydrophilus piceus déroulée. On voit en a la membrane externe soulevée par une épin- gle, et en b la membrane interne, à l'intérieur de la- quelle adhère le fil spiral. Fig. 2. Trachée d’une larve d'Ichneumonide avec les nucleus (a) de la membrane primitive (b), au dedans de laquelle on voit le fil spiral. Fig. 3. Ramification d’une trachée de la même larve, avec le nu- cleus de la membrane primitive. N. B. Les figures 2 et 3 sont emprutées au mémoire du profes- seur Meyer, de Zürich. Fig. 4. Portion de trachée injectée par le procédé Blanchard sur un insecte vivant (Hydrophilus piceus), et examinée au mi- croscope et dans l'eau. On voit sortir en a la matière colorante et la térében- thine , qui s'échappe sous la forme de bulles d'autant plus colorées qu'elles deviennent plus grosses en s’unis- sant plusieurs ensemble. En 6 b masses de bleu de Prusse qui cheminent en tour- billonnant dans l'intérieur de la trachée, pour sortir par l'orifice a. Fig. 5. Portion d'une trachée de Locusta viridissima , injectée vivante. Cette rondelle est représentée telle qu’elle a été observée au microscope et dans la térébenthine. Fig. 6. La même rondelle examinée sous l’eau et décolorée. En a , b, gouttes de matière à injection qui sont sorties de cette rondelle , et qui ont été remplacées par l'eau. Fig. 7. Une trachée de sauterelle verte injectée après La mort de l'insecte. Cette trachée, qui renferme une bulle d'air (a), a été examinée au microscope quelques secondes après avoir été placée dans l’eau. Sa portion antérieure (b) est déjà presque entièrement décolorée. k6G MÉMOIRES Fig. 8. Une trachée de sauterelle verte injectée par la simple im- mersion dans la solution térébenthinée de bleu de Prusse. De a en b partie teinte par la simple infiltration du liquide bleu entre les rainures du fil spiral ; c et d portions qui se sont rem- plies entièrement de liquide en vertu de la capillarité. Ces deux portions sont beaucoup plus foncées que la pre- mière. Fig. 9. Autre trachée d’une sauterelle injectée vivante, et colorée malgré la présence de l'air. Une des bulles d’air (a) est sur le point de s'échapper du tube trachéen , dont elle bouche l’ori- fice antérieur. Les ramifications 4 b c, qui ne contiennent pas d’air, sont gorgées de liquide bleu. Fig. 10. Portion postérieure du tube respiratoire de la Ranatra linearis , avec la trachée qu’il renferme. a stigmate. Fig. 11. Apparence que présentent les trachées remplies d’air et de liquide bleu. & membrane externe, b membrane interne, c fil spiral , d bulle d’air. Fig. 12. Apparence que devraient présenter les mêmes trachées, si la théorie de M. Blanchard était vraie. a, b, ce comme dans la figure précédente. d, d'les deux ménisques latéraux formés par la bulle d’air. Dessiné sur pierre par l'auteur. Litho. Delor CIRCULATION DES INSECTES. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 47 NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE lARMACELLE (Parmacella Gervaisti), PRÉCÉDÉE DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR CE GENRE DE MOLLUSQUES : Par A. MOQUIN-TANDON. S I. Le genre Parmacelle (| Parmacella) a été créé, en 1804, par l'illustre Cuvier (1), pour un petit mollusque gastéropode terrestre, découvert dans la Mésopotamie par le célèbre voyageur Olivier, et voisin de la Zestacelle, de la Dolabelle et des Li- maces. Les naturalistes ont généralement adopté ce genre, qui était fondé sur l’organisation et suffisamment caractérisé. Le nom de Parmacella vient de parma , bouclier, à cause de la forme du manteau et de la petite coquille qu'il renferme (Cuvier} (2). Olivier ne rapporta de son voyage au Levant qu'un seul in- dividu de cette espèce, dans l'alcool. Cuvier disséqua cet indi- vidu, en donna une excellente anatomie (3) , et le désigna sous le nom de Parmacella Olivierii (4); mais il négligea de dé- crire sa coquille, Férussac chercha inutilement cette dernière dans la collection d'Olivier et dans celle du Muséum; il est probable que c’est la coquille qu'il trouva chez Lamarck, et dont il a fait son Zestacella ambigua | Morelet ) (5). (1) Mém. sur la Dolabelle, sur la Testacelle et sur un nouveau genre de mollusque à coquille cachée nommée Parmacelle. Ann. Mus. hist. nat., Paris, t. v, p. 435, pl. 29. (2) Férussac a changé mal à propos la désinence de ce nom. (3) Mém. cité , fig. 15. (4) Mém. cité., p. 442. (5) Hist. nat. moll., p. 95, pl. 8, fig. 4 et 96 À, Prodr, p. 27. 18 MÉMOIRES Pendant longtemps on n’a connu que cette seule Parmacelle. En 1823, M. Sowerby figura la coquille d’une seconde es- pèce, sous le nom de Parmacella calyculata (1). Plusieurs na- turalistes ont pensé que cette coquille ne différait pas du 7es- tacella ambigua de Férussac , que j'ai cru devoir rapporter, avec M. Arthur Morelet , à l'espèce précédente. Quoi qu'il en soit, le Parmacella calyeulata n’était connu que par son têt; on ignorait la forme de l'animal, ses mœurs, et jusqu’à sa pa- trie, lorsque mes savants amis MM. Webb et Berthelot décou- vrirent ce mollusque aux îles Canaries. Ces naturalistes dis- tingués en donnèrent une description satisfaisante, et publiè- rent des détails intéressants sur ses organes, ses fonctions et son embryogénie (2). MM. Webb et Berthelot crurent devoir éta- blir pour ce curieux mollusque un genre séparé, auquel ils im- posèrent le nom de Cryptella, à cause de la position de sa co- quille, cachée sous le manteau : ce genre ne diffère en rien du genre Parmacelle. Férussac, dans son Tableau sy raie et dans son Supplé- ment à la famille des ZLimaces, considéra comme un autre Parmacelle un gastéropode limaciforme, à coquille intérieure, trouvé dans les bois, aux environs de Rio-de-Janeiro. Ce mollusque lui avait été communiqué par M. Taunay fils ; il en donna plusieurs figures très-exactes d’après les dessins de M. Taunay, et une bonne anatomie due au scalpel de M. de Blainville (3). Cette troisième espèce, appelée Parmacella palliolum , dif- fère assez notablement des deux Parmacelles précédentes. MM. Webb et Van Bénéden ont proposé d'établir pour elle un genre distinct , sous le nom de Peltella (4). (1) Gen. of shels 13, pl. fig. 1 à 3. (2) Synops. moll. ins. Canar., Ann. Scienc. nat. t. xxvur, 1833, p. 307. — Magaz. zool., t. vit, 1835. — Hist. nat. Canar. 1.2, p. 5o. (3) Tabl. syst., p. 25, pl. vu a, fig. 1 à 7, et Suppl. à la fam. des Li- maces, Pp. 96. (4) Magaz. xool., 1836, p. 1. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 49 Depuis cette époque, trois autres Parmacelles ont été si- gnalées : 1° Le Parmacella Alexandrina, observé par les voyageurs Rüppell, Hemprieh et Ehrenberg , en Egypte, dans les jardins d'Alexandrie, et publié, en 1828, dans les Symbole pluysicæ de ce dernier naturaliste (1) ; 2° Le Parmacella Valenciennii, découvert aux environs de Lisbonne, par M. Webb, et décrit, en 1836, de concert avec M. Van Bénéden, dans le Magasin zoologique (2). M. Arthur Morelet a publié quelques détails complémentaires sur ce mollusque, et en a donné trois bonnes figures dans sa Description des mollusques terrestres et [luviatiles du Por- tugal (3) ; 3° Le Parmacella Deshayesii, qui habite l’Afrique septen- triouale. J'avais depuis longtemps dans ma collection la coquille de cette espèce remarquable. J'ignorais son origine ; elle venait peut-être du cabinet de Desfontaines ou de celui de Poiret. M. Arthur Morelet l’a mentionnée sans nom, dans son impor- tant ouvrage sur les mollusques du Portugal (4).1l a bien voulu m'en communiquer plusieurs échantillons , qui ne diffèrent en rien de celui que je possédais. J'en ai reçu d’autres de M. Du- rieu de Maisonneuve, membre de la Commission scientifique d'Algérie, et de M. Paul Gervais, Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Montpellier. Tous ces échantillons avaient été recueillis dans la province d'Oran, où l'espèce paraît assez commune. J'ai décrit et figuré la mâchoire de cette Parmacelle dans les Actes de la Société linnéenne de Bordeaux (5). (1) Symb. physic. déc. 1, Berlin, 1828. (2) Notice sur les moll. du genre Parmacel?a de ÇGuvier, et descript d’une nouv. espèce de ce genre. Wagaz. z0o/., 1836, P- 1 à 12, pl. 75 et 76. (3) Paris, 1845, p. 4o et 46, pl. 4. (4) P. 44 (Parmacella spec. nov.) (5) T:xv, 1848, 5e livraison, p. 261, pl. 1, fig. 5. — J'ignorais que M. Mo- 3° $.— TOME VI, 4 50 MÉMOIRES Obligé de désigner le mollusque sous un nom particulier, je crus devoir lui donner celui du savant malacologiste qui a le mieux étudié les mollusques de nos possessions algériennes. SIL En 1847, M. Faïsse , d'Arles, amateur zélé de conchy- liologie, découvrit, aux environs de cette ville, dans la plaine de la Crau, plusieurs individus d’une autre Limace à coquille; il en communiqua un exemplaire à M. Robelin , appariteur de la Faculté des Siences de Montpellier, et un autre à M.le docteur Jeanjean, conservateur des collections de cette même Faculté. Le premier de ces exemplaires a été donné, par M. le Professeur Paul Gervais, au Muséum d'histoire naturelle de Paris: le se- cond fait partie des collections malacologiques de la Faculté des Sciences de Montpellier, qui le doit à la générosité de son con- servateur. Au mois de septembre 1847, M. Gervais me montra ce der- nier échantillon. Mon savant confrère avait déjà reconnu que ce mollusque appartenait au genre Parmacelle, et que la dé- couverte de M. Faïsse enrichissait la malacologie française d’an genre très-curieux, considéré jusqu'alors comme exclusivement exotique. Peu de temps après, M. Gervais communiqua ce fait impor- tant à l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier (1) ; il annonça en même temps que M. le docteur Companyo avait re- cueilli la même Parmacelle dans les Pyrénées-Orientales , aux environs de Perpignan (2). Tout récemment, M. Gervais a bien voulu m’envoyer l’in- dividu unique de la Faculté de Montpellier. L'animal était sec et en partie rongé par les insectes. Je l’ai fait ramollir, et suis relet avait déjà décrit cette même mâchoire (1845) dans son ouvrage sur les Mollusques du Portugal ( pag. 47). (1) Journ. Instit. 18/47, n° 730. — Extrait des procès-verb. des séances de l’Acad., Montp., 1847, p. 20. (2) Cette dernière indication avait été fournie , à M. Gervais, par un jeune naturaliste de Montpellier ; elle est inexacte. M. Companyo vient de m'écrire (4 mars), qu’il n’a jamais trouvé de Parmacelle dans le Roussillon, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 51 parvenu, non sans beaucoup de peine, à voir et à étudier une partie de ses viscères. J'ai pu comparer son organisation avec celles des Parmacella Olivieri , palliolum et V'alenciennii ; je me suis convaincu que la Parmacelle de la Crau consti- tuait une espèce distincte, que je désignerai sous le nom de Parmacella Gervaisii. S IE. Me proposant de publier ailleurs l'anatomie du nou- * veau mollusque dont j'ai l'honneur d'entretenir l'Académie (1), je me bornerai, dans cette courte notice, a décrire sa coquille. Je dirai d'abord quelques mots sur le têt rudimentaire du genre Parmacelle. On sait, depuis les observations de MM. Webb et Berthelot ; sur le Parmacella calyculata, que, peu de temps avant son éclosion, le ; Jeune mollusque est revêtu d’une coquille qui len- toure de toute part. Cette coquille est fort petite ; elle présente un tour de spire ; elle ressemble à celle des Pîtrines, et, ce qui est digne de remarque, elle offre un opercule corné, assez mince, encroûté à sa surface interne, orbiculaire , légèrement concave en dedans, bombé en dehors et de couleur brunâtre (2). L'animal naît avec cette coquille et avec cet opercule. Ses or- ganes augmentent rapidement de volume ; l'enveloppe testacée éprouve au contraire un arrêt de développement. Bientôt l’o- percule se détache et tombe. Quelques jours après, le mollusque peut à peine être contenu dans sa coquille. Plus tard, la queue, qui s'est allongée, ne peut plus y rentrer ; puis la tête reste dehors ; puis le corps. Un moment arrive où l'enveloppe tes- tacée, devenue de plus en plus insuffisante comme tunique pro- tectrice, ne paraît plus qu'un rudiment relégué vers la partie postérieure du dos. Mais ce rudiment est encore utile à l’a- (1) Le Parmacella Gervaisii vivant parait d’un brun olivâtre, sans taches ( Faïsse ). La couleur de l’animal est d’un vert olivâtre lacheté de brun, dans le P. calyculata ; d’un jaune rougeàtre , avec quelques marbrures plus ou moins foncées, dans le P. Valenciennit; rougeâtre unicolore dans le P. Alexandrina, et brunâtre dans le ?. Deshayesit. (2) L’opercule n’a été encore étudié que dans le Parmacella calyculata. 52 MÉMOIRES nimal, car il protége les organes les plus importants de la vie, le cœur et le poumon. | Le manteau, en grandissant, s’avance vers le têt, le recouvre d'abord un peu, passe sur lui et finit bientôt par le cacher en eutier. Le mollusque porte ainsi, pendant le reste de sa vie, sous son manteau, l'enveloppe calcaire qui lui a servi de ber- ceau ou de corps protecteur pendant sa première existence. Dès que la coquille est recouverte ou intérieure, une nou- velle sécrétion de matière calcaire vient s'ajouter à son bord : libre et former peu à peu une lame testacée, unguiforme, plus ou moins grande. Cette lame n’a plus la figure, ni le lustre, ni la dureté, ni la couleur de la véritable coquille ; elle représente assez exactement le limacelle ou fausse coquille des Limaces. Le tt des Parmacelles adultes est donc coquille par der- rière et limacelle par devant. Que l'on compare maintenant les différentes relations de coquille à molluque, que la Parmacelle a présentées dans son évolution, et lon reconnaîtra qu'elle a successivement passé par une série de phases organiques qui caractérisent l'état per- manent ou normal des Cyclostomes, des Hélices, des Am- brettes , des Fitrines, de la Testacelle et des Limaces (1). Je reviendrai, dans un autre travail, sur Îles considérations philosophiques auxquelles cette étude peut conduire, considé- rations qui jettent un grand jour sur les rapports organiques des divers genres, et par conséquent sur leur classification. Comme dans le Parmacella calyculata , le têt de la nou- velle Parmacelle de la Crau présente deux parties distinctes ; la partie postérieure ou de première formation , petite spirale , (1) Dans d’autres mollusques, l’inégalité de développement a lieu en sens inverse, Ainsi, par exemple, l’embryon de l’Arcyle fluviatile présente d’a- bord, sur le dos, une petite coquille Lordue en spirale (Bouchard-Chante- reaux } ; le manteau forme, en avant de celte coquille , une sorte de demti- cuirasse, comme dans les Vitrines. Plus tard, la coquille ayant grandi, la demi-cuirasse n’est plus qu’un collier , comme dans les Hélices. Plus tard, l'animal se trouve presque entièrement recouvert par son têt, dont le der- nier tour est devenu énorme, et dont l’ensemble représente une sorte de bonnet phrygien. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 53 un peu épaisse et colorée ; la partie antérieure ou de formation secondaire, beaucoup plus grande, unguiforme , très-mince et plus ou moins blanchâtre. Dans l'animal adulte, la première partie peut avoir de 3 à & millimètres de grand diamètre; elle offre un tour et quart de spire; son sommet paraît oblique et très-obtus ; les sutures sont peu distinctes et la spire se dilate brusquement ; la sur- face extérieure est lisse, luisante et d’un jaune un peu verdâtre. La partie antérieure est à peu près ovalaire - obovée, longue de 9 millimètres (1), et large de 6 à 8, légèrement convexe, mate et singulièrement fragile. On remarque , à sa surface su- périeure, des stries arquées, convexes d'arrière en avant, iné- gales , qui indiquent nettement ses accroissements successifs. On n'observe pas de stries à la surface intérieure. $ IV. Nous venons de voir que la partie spirale de la coquille présentait un tour et quart. On ne remarque qu'un demi-tour dans le Parmacella Valenciennii ; il y en a un et même un peu plus dans le calyculata, et un et demi dans le Deshayesir. La partie antérieure paraît à peu près obovée dans notre es- pèce; elle est oblongue dans le Parmacella calyculata, ova- laire dans le Deshayestii et oblongue spathulée dans le Fa/en- ciennii. Cette partie semble d’ailleurs plus mince que dans la plupart des autres espèces ; on n'y observe pas en dedans cet empâtement plus ou moins épais qui se trouve dans les Par- macella calyculata et Deshayesii (2). W n'y a pas non plus de petit crochet élevé correspondant à une protubérance de la peau, comme dans le Valenciennii (3). Le rapport des parties spirale et unguiforme m'a offert aussi (1) Par conséquent la coquille entière est longue de 12 à 13 millimètres, (2) Dans cette dernière espèce l’empätement présente souvent de jolies faceltes cristallines. (3) Je suis tenté de considérer, avec M. Morelet , le crochet dentiforme dont il s’agit, comme un accident de l’âge, qui ne saurait constiluer un ca- ractère spécifique. Sur dix-neuf individus, trois seulement m'ont présenté ce crochel bien manifeste, 54 MÉMOIRES quelques différences, examiné dans les diverses espèces. Dans le Parmacella Gervaisii, la dernière de ces parties est environ trois fois plus grande que la première. Elle est deux fois plus grande dans le calyculata , cinq fois dansle Deshayesii et six fois dans le V’alenciennii. V. On doit considérer les Parmacelles comme des lima- ciens des pays chauds, qui font le passage des gastéropodes nus à limacelle (ou coquille intérieure) aux gastéropodes testacés. On peut dire que les Parmacelles sont des mollusques tes- tacés pendant leur jeunesse et #us dans l’âge adulte. La nature semble avoir voulu préserver efficacement ces animaux, pendant le premier temps de leur existence , contre l’action des agents extérieurs ( Webb et Berth. } (1). & VI. Je terminerai cette notice par l'indication exacte des synonymes et des habitat des sept espèces de Parmacelles con- nues aujourd’hui (2). Je diviserai le genre en deux sections : les vraies Parma- celles et les fausses Parmacelles où Pelielles de MM. de Webb et Van Bénéden. + Cuirasse grande, dépassant de beaucoup la coquille en avant. — PARMACELLÆ VERÆ. 4° PARMACELLA OLIVIERIT. PARMACELLA Ouiviernr Cuv., Ann. mus. Paris, t. v, 180%, p. 439, pl. 29, fig. 12 à 15 et Mém. moll. 1817, mém. 12, pl. 22°. — Ibid., Regn. anim. , 1.2, 1817, p. 403. — Lam. , Encycl. méth., pl. 463, fig. 3, a, b,et Anim. sans vert., t. NT, De (1) Dans les îles Canaries, par exemple, où le Parmacella calyculata pa- raît assez commun, la sécheresse est telle, que plusieurs années se passent sans qu’il y tombe une seule goutte d’eau (Webb et Berth.) (2) Dans la troisième édition de son Règne animal (t. 1v, p.40), Cuvier, après avoir mentionné les P. Olivieri et palliolum, indique vaguement qu’il en existe quelques autres des Indes. MM. Webb et Van Bénéden as- surent avoir examiné dans la collection de Furussac des Parmacelles amé- ricaines. Ces naturalistes ont-ils voulu parler de plusieurs espèces distinctes ou de plusieurs individus du Parmacella palliolum ? DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 59 part. 1822, p. 41, n° 1. — Blainv., Diet, Scienc. nat., t. xxxvW, 1825, p. 551. PaRMACELLA MEsoPOTAMLÆE Ocken, Lehrb. naturg. 1816, p. 307, pl. 9. ParMacELLUS OLrviert Fér., Hist. moll., p. 79, pl. 7, fig. 2 à 5 Prodr., p. 25, et Suppl. à la fam. des Limaces , 96 :. TESTACELLUS AMBIGUUS Fér., Hist. moll., p. 95, pl. vu, fig. 4 ? . Prodr., p. 27? et Suppl. à la fam. des Limaces. p, 96 à ? Has. La Mésopotamie, dans les plaines de l'Euphrate (Olivier). 2° PARMACELLA CALYCULATA. PARMACELLA CALYCULATA Sowerb., Gen. of Shells 1823, fase. 13, pl. fig. 103. CRYPTELLA CANARIENSIS Webb. et Berth., Synops moll. Canar., Ann. Scienc. nat., t. xxvut, 1833, p. 310, n° 1. — Ibid., Magaz., zool., 1835, 1. vux, pl. 63. C. AmmiGua À. d'Orbign. in Webb et Berth., Hist. nat. Canar., t..2, p. 50, n° 36, pl. 1, fig. 1 à 12. Has. Les îles Canaries, à Lancerotte, Fortaventure (les deux îles de l’Archipel canarien, les plus chaudes et les plus rap- prochées de l'Afrique occidentale (Webb, Berth. 3. Gonzalès, Bourgeau ). ? 3° PARMACELLA ALEXANDRINA.. PARMACELLA ALEXANDRINA Ehrenb., Symb. physic., Berlin. 1828, dec. 1. Ha. L'Égypte (Rüppel}, dans les jardins d'Alexandrie (Hemprich, Ebrenb. ). k° PARMACELLA VALENCIENNI. PARMACELLA VALENCIENNH Webb et Van Bénéd., Notice sur les moll. du genre Parmaceilu, et descr. d'une nouv. esp., Magaz. zool. , 1836, pl. 75 et 76. — Morelet, Molt. Poriugal , 1839 , p. 40 et 44, pl. 4. His. Sur les collines du calcaire hippuritique d'Alcantara, derrière Lisbonne, sur la rive droite du Tage, depuis le grand aqueduc jusqu’au palais d'Ajuda ( Webb ) ; dans les plaines de Séja (Morelet ). 56 MÉMOIRES 5° PARMACELLA DESHAYESII. PARMACELLA SPEC. NOV. Morelet, Moll. Portugal, 1845, p. 44. P. Desnayesnt Moq., Quelques mots sur l’anat. des moll. terr. et fluviat, Actes Soc. Linn. Bord. , 1. 15, 1848, 5° livr. p. 261. pl. 1, fig. 5. Has. La province d'Oran ( Poiret? Deshayes, Morelet , Durieu ). 6° PARMACELLA GERVAISIL PARMACELLA..... Gervais, Journ. Instit., 28 déc. 1847, n° 730. — Extr. des Procès-verb. des séances de l’Acad. Montp. 1847 , p- 20 (Séance du 22 nov. 1847). — Dupuy, Moll. France, 3° fasc. 1849, à la fin. Har. Près d'Arles, dans la plaine aride de la Crau, et sur les bords de cette plaine, dits les Coustures | Faïsse ) (1). ++ Cuirasse petite, dépassant à peine la coquille en avant (2). PecrEeLLa | Webb et Van Bénéd.) 7° PARMACELLA PALLIOLUM. PARMACELLUS PALLIOLUM Fér., Tabl. syst., p.25, pl. vu 4 fig. 1 à7, et Hist. moll., suppl. à la fam. des Limaces, p. 96 :. PARMACELLA TAUNAISI Blainv., Dict. Scienc.nat., t. Xxxvn, 1825, p- 53. — Desh., Dict. class. Hist. nat., t. xur, 1828, p. 71. Has. Les environs de Rio-de-Janeiro, dans les bois et dans les lieux découverts (Taunay fils ). (1) M. Faïsse a découvert ce mollusque au mois d’avril, parmi des tas de cailloux ; les individus étaient presque loujours deux ensemble. Il en a ob- servé quelques-uns, à 25 ou 30 centimètres de hauteur , dans des touffes de guercus coccifera. L'animal paraît nocturne ; son mucus est très-luisant (Faïsse ). (2) D’après la figure de Férussac, le tèt du Parmacella palliolum ne pa- raît pas composé de deux parties distinctes. Celte coquille serait-elle le produit d’une seule formation ? S’il en était ainsi , celte espèce, dont l’orga- nisation intérieure s’éloigne un peu de celle des autres Parmacelles, devrait réellement former un genre séparé, ainsi que l’ont pensé MM. Webb et Van Bénéden. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 57 TABLEAU MINÉRALOGIQUE DU CALCAIRE ; Par M. LEYMERIE. AVANT-PROPOS. Si l’on considère l'espèce comme un type fixe indiqué par la nature pour servir de base à nos classifications , les genres, les ordres , elc., étant plus où moins artificiels ou arbitraires, l'espèce minéralogique peut représenter l'espéce organique ; car la première est bien limitée par la double condition de ne comprendre que des êtres ayant ou pouvant prendre une même forme primitive et composés chimiquement de la même ma- nière, comme la seconde est nettement circonscrite par la con- sidération de la presque identité des individus qui la compo- sent , et par la condition de la transmission , au moyen de la génération , des mêmes caractères sans altération essentielle. Toutefois, en comparant entre eux ces deux types fondamen- taux, on est forcé de reconnaitre qu'ils se trouvent séparés par d'importantes différences qui correspondent à l'existence de la vie chez les êtres organisés et à son absence dans les corps bruts. L'identité de forme et de la plupart des autres ca- ractères extérieurs, chez les animaux et les végétaux dépen- dant d’une même espèce, est bien loin d'exister dans les êtres qui constituent l'espèce minérale telle qne nous l'avons con- sidérée ci-dessus. En effet, des deux caractères fondamentaux que nous avons adoptés, l’un, le caractère chimique , est tout à fait intérieur, l’autre ne s'offre immédiatement que dans des cas plus ou moins rares, et peut même ne pas se montrer du tout. Les individus minéralogiques se manifestent 58 MÉMOIRES ordinairement par des caractères secondaires , et souvent même accessoires , qui les font différer quelquefois d’une manière considérable à l'extérieur, tandis que la considération de la forme géométrique et celle de la composition chimique les ral- lient à une même espèce. Cela tient à ce que les circonstances accidentelles influent puissamment, en minéralogie, sur les pro- priétés (configurations , structures, cohésion, couleur, éclat, etc.) qui agisseut immédiatement sur les sens, tandis que dansles individus organisés d’une même espèce , la condition de vivre de la même manière , de jouer un rôle actif spécial dans le grand ensemble de la création, et de transmettre ce rôle à des descendants , entraîne nécessairement celle d'organes identiques et, par suite, d’un même faciès extérieur. Il n'ya donc pas réellement paraliélisme entre l'espèce or- ganique et l'espèce minérale telle qu'on l’a considérée jusqu’à présent. La minéralogie fait, pour ainsi dire, bande à part dans l’histoire naturelle. Et l’on peut dire qu’il en sera toujours ainsi, puisque la nature a évidemment suivi dans la création des minéraux un plan particulier (1). Les formes diverses et les divers aspects que peuvent offrir les minéraux dépendant d’une même espèce, malgré les grandes (1) Toutefois, il y aurait un moyen de diminuer la discordance que la minéralogie, telle que nous la concevons aujourd’hui , produit dans le ta- bleau général des êtres naturels. Ce moyen a été proposé par M. Necker de Saussure, dans un ouvrage très-philosophique el Lrop peu remarqué, intitulé : Le règne minéral ramené aux méthodes de l'histoire naturelle. Ce savant minéralogiste n’admet dans sa méthode que les minéraux dans leur élat de perfection , c’est-à-dire, revèlus de formes cristailines ; il élève au rang de genre nos espèces actuelles, et chacune de nos variétés de ferme cristalline constitue pour lui /'espèce. LL est évident que cette manière de considérer les choses est un véritable progrès au point de vue philosophique; car, dans ce système , chaque espèce minérale serait constituée, comme en z00- logie et en botanique, par de véritables érdividus ayant la même forme et la même structure. Mais, sous le rapport pratique, elle offrirait le grave inconvénient de négliger dans la méthode ou de reléguer dans des appendi- ces, à la suite des genres, les variétés non cristallisées qui s’y rapportent par leur composition chimique , leur dureté , densité, etc, variétés bien plus nombreuses que les formes cristallines complètes que la nature r’offre, en général , que par exception. Cette idée, malgré cela, doit étre considérée comme très-lumineuse , el nous croyons qu’elle a de l'avenir. PORT ou © | 4 ; DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 59 différences physiques que l’on remarque entre eux, ne doivent constituer que des variétés, si l'on considère comme espèce le type minéralogique que nous avons défini. Ces variétés sont souvent assez nombreuses et ont, du reste, une assez grande importance pour qu'il soit utile de les classer méthodiquement. Cependant, jusqu'à présent, les auteurs n’ont suivi aucun ordre systématique dans l'arrangement des variétés de chaque espèce ; ils se sont contentés de les placer à la suite les unes des autres en les rangeant suivant certaines convenances en géné- ral assez arbitraires. : Je n’oserais affirmer qu’il soit possible de remédier compléte- ment à cet état de choses au moyen d'une méthode générale ap- plicable à toute la minéralogie. Dans tous les cas, je n'aurais pas la prétention de le faire moi-même, quant à présent du moins ; l’essai que je soumets aujourd'hui aux minéralogistes ne porte que sur une espèce , Le Calcaire {Chaux carbonatée. Hay); mais cette espèce est la plus classique de la minéralogie et la plus riche en variétés. On peut évaluer à 1,000 et plus le nombre de ses formes cristallines. Les autres variétés sont aussi très-nombreuses. Je donnerai une idée de son importance en disant qu’un savant minéralogiste, M. le comte de Bournon, a consacré à cette seule espèce un ouvrage en deux volumes in-4°, et qu’elle a servi de base aux plus beaux travaux cristal- lographiques d'Haüy. J'ai donné cette classification du calcaire sous forme d’un tableau dont les cadres sont établis sur des considérations assez générales pour qu’il y eût peu de modifications à y introduire si on voulait l’employer pour tout autre minéral. J'y ai suivi la disposition linéaire, comme étant la seule pra- tique, et susceptible d'être appliquée, par exemple, à l’arran- gement d’une collection. Mais cette manière de faire exige l'emploi à peu près exclusif de certains caractères. Celui qui m'a servi de base est le caractère cristallin qui est en même temps l'indice de pureté et de perfection sous tous les rap- ports. Les caractères dont je n'ai pas fait usage pour la forma- tion de mes cadres , comme la couleur, l'éclat , odeur , n'ont 60 MÉMOIRES qu'un intérêt bien secondaire ; ils sont du reste mentionnés dans une note à la suite du tableau. La classification commence naturellement par les cristaux proprement dits, à la suite desquels on a disposé les autres variétés, dans un ordre décroissant sous le rapport de la cris- tallisation, en procédant d’ailleurs, autant que possible , du simple au composé. Les principales divisions du tableau sont au nombre de cinq, savoir : A. Cristaux. B. Pseudomorphoses. €. Structure cristalline. D. Concrétions. E. Incrustations. Ces catégories principales sont diviséesetsubdivisées, et offrent çà et là des appendices destinés à combler, le plus naturellement possible, quelques lacunes que l'application rigoureuse du prin- cipe aurait pu produire. Ces divisions et subdivisions comprennent réellement toutes les variétés qui offrent assez de caractères minéralogiques pour que la minéralogie ait à s’en occuper. Ces minéraux casés, 1l reste encore ces agrégats calcaires plus ou moins souillés par des mélanges qui constituent des masses considérables, prin- cipalement des couches, et que la géognosie considère et étudie sous le nom de roches. Ceux-là auraient pu, à la ri- gueur , être négligés dans une méthode purement minéralogi- que; j'ai cru cependant devoir les placer à la fin du tableau , dans un appendice général. J'ai pensé aussi faire une chose agréable au lecteur en rappe- lant, en tête du tableau, les caractères minéralogiques de l'espèce supposée dans son état de perfection. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 61 TABLEAU MINÉRALOGIQUE DU CALCAIRE. CALCAIRE. ( Beudant, Brongniart. ) Chaux carbonatée, Æaüy, Dufrénoy; Carbonate de chaux rhomboédrique, Chimistes. CARACTÈRES DE L’ESPÈCE. Forme primitive. — Le Rhomboëdre de 4059 5. Clivage. — Triple, facile, net et égal parallélement aux faces du rhom- boëèdre primitif. Formule chimique. — Ca C. Dureté. — 3. Facilement rayé par la pointe d’un couteau. Pesanteur spécifique, — 2,723. Lumière. — Incolore et diaphane dans l’état de perfection. — Réfraction double très - marquéc à travers deux faces parallèles du rhomboëdre primitif. Electricité. — Ordinairement positive par le frottement ou par la pression. — Cette électricité s’acquiert facilement et est très-persistante. Chaleur. — Se convertit en chaux sans gonflement ni dispersion de par- celles à une chaleur supérieure au rouge cerise. Action des acides. — Entièrement soluble dans l’acide nitrique normal avec une vive effervescence. VARIÉTÉS. A. CRISTAUX. I. CRISTAUX DÉTERMINABLES. a. Forme primitive. Rhomboèdre de 105°5'. b. Formes secondaires. «. - Simples ou légèrement modifiées. 1° Rhomboèdres. Exemples : Equiaxe. x. 154 30. Cuboïde, n. 880, Inverse. n. 78° 30’. Contrastant. H. 73°, 62 MÉMOIRES 20 Prismes KHexaèdres. 40 Clivable sur les arêtes de la base. 2% Id. surles angles id. 3° Scalénoèdres. Exemples : Métastatique. Axigraphe. H Nota. Dans chacune de ces trois divisions se placeront les solides simples dans l’ordre inverse d’acuité. Les modifications suivront les formes simples qui les portent, dans l’ordre suivant : 4° Troncatures Arêtes. Angles. 20 Bisellements { Arêtes. Angles. 5° Pointements. 6. - Cristaux composés. y. - Groupements réguliers. 1° Groupements directs. 90 Mâcles. II. CRISTAUX OBLITÉRÉS. Exemples : Convexe. Lenticulare. Cylindroïde. Dolüforme , etc. B. PSEUDOMORPHOSES. a. Cristallines. b. Organiques. C. STRUCTURE D'AGRÉGATION CRISTALLINE. a. Linéaire ou longitudinale. Colonmire. Parallèle mures ou radiée : | Aciculaire. Fibreuse. > lite de “butitil DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. b. Superficielle. - æ Ortho-clase, ( Laminaire, 6 ? Lamelleuse. Lamellaire. c. Solide. Polyédrique. Grenue. d. Compacte. Nota. Les structures mixtes (Ex. Struct. Saccharoïde) se placeront après les structures simples dont elles réunissent les caractères. APPENDICE. — Structures accidentelles. Xyloïde. Madréporique. Réticulaire, etc. D. CONCRÉTIONS. a. Stalactites. Fistulaire. Conique. Cylindroïde. Fongiforme. Panniforme. Mamelonnée. Tuberculeuse. Exfoliée. Agaric minéral. Stalagmites, App. stalact. terreuse. b. C. Stratoïdes ou zonaires. Albâtre calcaire. c. C. proprement dites. Réniforme. Cylindroïde. Pisolite. Oolite. E. INCRUSTATIONS. — naturelles. — ailées par l'art. 64 MÉMOIRES APPENDICE. Calecaire commun. 1. Pau ou faiblement mélangé. a. Concrétionné. Calc. Glanduleux. Pisolitique. Oolitique. Travertin. b. Ordinaire. Compacte. Sub-compacte. Fissile. Bréchoïde. Liais. Grossier. c. Avec des accidents organiques contri- buant à la structure. Lumachelle. Calc, à entroques. Calc. à cérites. Calc. à nummulites. Calc. à milhiolites. Fablun, d. Calcaire terreux. Craie. Calc. sableux. Calc. pulvérulent. 11. Mélangé notablement. Magnésien. Siliceux. Bitumineux. Ferrugineux. Marneux. Arénifère. Nota. Le calcaire est susceptible d'offrir des variétés de mélange intime, de couleur, d'éclat, d’odeur, des derdrites et d’autres accidents d’un inté- rêt secondaire. On devra leur faire occuper la place qui leur convient, eu égard aux propriétés plus importantes qui nous.ont servi à former les cadres du tableau. 9 — PE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 65 EXPLICATIONS. Les divisions et les subdivisions de ce tableau sont assez commodément disposées, et d’ailleurs , les exemples qu'il ren- ferme sont assez nombreux pour qu'il reste peu de chance à l'incertitude, lorsqu'il s'agira d'y trouver la place d’un cal- caire quelconque ; toutefois , la sévère concision que nous avons été obligé d'y mettre, nécessite quelques explications qui vont être données. VARIÉTÉS. A. CRISTAUX. Parmi les cristaux que la nature nous offre, il en est qui, par l'influence de circonstances encore mal connues, et toute- fois assez constantes , ont leurs arêtes et leurs angles émoussés ou arrondis, ou leurs faces contournées; d'autre part, des causes extérieures, plus faciles à apprécier, déforment quel- quefois des cristaux originairement réguliers, en émoussant , après coup, leurs parties vives et saillantes. De ces deux sortes de causes résultent des oblitérations qu’il n’est pas toujours possible de ramener à des types cristallins normaux. Le cal- caire offre des exemples de ces cristaux oblitérés , que nous avons dù séparer des cristaux déterminables Y , en en fai- sant une section à part , sous le signe II. I. CRISTAUX DÉTERMINABLES. a. — En tête des espèces de formes, nous avons placé, hors ligne, la forme primitive, comme représentant le caractère fondamental de espèce. C'est le rhomboèdre de 105° 5° que la nature offre très-rarement. b. — Les formes secondaires du calcaire sont extrêmement nombreuses, comme nous l'avons déjà dit; mais la plupart 3° S.—TOME VI, 5 66 MÉMOIRES laissent presque toujours dominer une forme principale, qui appartient à l’un des trois solides suivants (1) : KRhomboèdre, Prisme hexagonal régulier, Scalénoèdre. Ces genres de formes comprennent un certain nombre d’es- pèces qui varient par l'angle et par certaines considérations de structure. Ces espèces se placeront dans chaque section, par ordre inverse d’acuité, c’est-à-dire, en commençant par les plus obtuses pour finir par les plus aiguës. C'est d'après ce principe que, dans les rhomboèdres cités pour exemples , nous avons placé en tête l’équiaxe, puis le cuboïde... en terminant par le contrastant , qui est plus aigu que les précédents. De même la nature offre plusieurs espèces de scalénoèdres que l'on classera d’après le même principe. Le calcaire offre deux sortes de prismes hexaèdres identiques extéricurement, mais différents par leur structure. Le premier est susceptible de clivage sur trois des arêtes alternes des bases ; l’autre sur les angles. Toutes les fois qu’on pourra les distin- guer , on devra le faire en les placant dans l’ordre indiqué. Les cristaux secondaires peuvent offrir une forme simple, rapportée aux types précédents, ou une forme simple domi- nante avec des modifications sur les arêtes ou sur les angles. Pour ne rien laisser à l'arbitraire, autant que possible, nous assujettissons ces modifications elles-mêmes à suivre un ordre, On pourra , par exemple, les disposer de la manière suivante : sur les arêtes. sur les angles. sur les arêtes. sur les angles. 41° Troncatures 20 Bisellements 3° Pointements. (1) M. Dufrénoy (Traité de Minéralogie) admet, comme nous, ces trois genres de formes dominantes pour le calcaire. M. Beudant avait adopté en outre le déhexaèdre symétrique que l’on peut considérer comme une dou- ble pyramide à triangles isoscèles égaux, ayant une base commune hexago- nale; mais la nature n’offre que rarement des indices de cette forme dans certaines facettes de modifications, et jamais d’ailleurs ce dihexaèdre ne joue le rèle de forme dominante. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 67 Les modifications multiples se placeront à la suite des modi- fications simples, d’après l'ordre précédent combiné avec la loi de procession du simple au composé. J'ai longtemps hésité sur la place à donner à ces formes mo- difiées. Convenait-il de les intercaler entre les formes simples, en plaçant chacune à la suite de l'espèce de forme qui a subi la modification ? Valait-il mieux , au contraire, laisser les formes simples ensemble, et former à la suite une subdivision uni- quement réservée aux modifications? Chacune de ces méthodes avait ses avantages et ses inconvénients; j'ai fini par donner la préférence à la première. Ces cristaux , simples ou légèrement modifiés, forment une section que je désigne par la lettre, «. Dans les cristaux appartenant à cette subdivision on sup- posait que les modifications ne pouvaient être ni assez com- plètes, ni assez profondes pour faire disparaître la prédomi- nance du type simple modifié; mais il arrive assez souvent que les facettes de modifications acquièrent assez de développement pour donner naissance à une nouvelle forme complète qu: se trouve comme hantée sur le type primitif; on a alors des cris- taux composés qui devront occuper une place à part, 6, avec les cristaux qui rappellent à la fois deux de nos types, et même tous les trois, et que l’on pourrait rapporter indifféremment à l'un ou à l’autre. L'ordre à suivre dans le placement de ces cristaux est suffisamment indiqué par les considérations pré- cédentes. Je ne prétends pas, au reste, le fixer absolument jusque dans ses détails. Les catégories de Haüy pourront être utilement consultées pour cette partie de la classification. On fera très-bien aussi d'y employer les notations adoptées par M. Dufrénoy, dans son Traité de minéralogie. La dernière section, y, est consacrée aux groupements régu- liers. Nous la subdivisons elle-même en deux parties, dont la première ( n° { } comprendra les groupements que M. Beudant appelle directs, parce qu’ils résultent de la réunion de petits cristaux de même forme, accolés dans une position normale, et simulant, dans leur ensemble, un cristal ordinaire. { Ex. 68 MÉMOIRES scalénoèdre métastatique , composé de petits rhomboèdres équiaxes, ou de petits dodécaèdres, H, visibles à l'œil nu. } Les groupements réguliers de la deuxième sorte (n° 2) (gr. inverses de M. Beudant), que nous appelons ici mâcles , pour abréger, peuvent être considérés comme formés chacun de deux cristaux accolés dans une position inverse, el cepen- dant par des faces de mêmes dimensions , et qui se seraient mu- tuellement pénétrés. Ces cristaux doubles, dont le calcaire offre des exemples remarquables, se reconnaissent facilement aux angles rentrants et aux inversions qu'ils présentent. On n'aura pas de peine à les classer les uns par rapport aux au- tres, en suivant l'esprit qui a présidé à l'arrangement des cris- taux ordinaires. II. CRISTAUX OBLITÉRÉS. Nous n’avons rien de nouveau à dire ici de cette division , si ce n’est qu'il conviendra d'y donner la première place aux cris- taux les moins altérés, procédant d’ailleurs, comme toujours , du simple au composé. Ces cristaux sont susceptibles, comme les cristaux parfaits, de groupements réguliers, que l’on pla- cera à la fin de la section. B. PSEUDOMORPHOSES. Nous plaçons sous ce titre des calcaires qui se présentent avec des formes empruntées à certains cristaux appartenant à d’au- tres espèces minérales ou à des êtres organisés, comme des coquilles, des polypiers, des oursins ou des encrines, etc. Ces deux sortes de pseadomorphoses donnent lieu à deux subdivi- sions , SAVOIT : a. cristallines. b. organiques. Les premières paraissent être très-rares dans la nature. , , DE L ACADEMIE DES SCIENCES, 69 C. STRUCTURE CRISTALLINE. Cette division, que nous considérons comme une des plus importantes, et qui, sans contredit , est la plus neuve de toutes celles du tableau , est spécialement consacrée au spath calcaire proprement dit, c'est-à-dire, au calcaire cristallin en masse, qui n'offre plus de caractères cristallographiques qu'à linté- rieur. Nous y considérons trois manières d’être différentes, que nous désignons de la manière suivante : a. Structure linéaire ou longitudinale; b. — superficielle ; Ca — solide. a. Structure linéaire. — Nous rangerons dans cette caté- gorie les morceaux qui offrent comme un faisceau d'éléments allongés cylindroïdes, prismatoïdes, où comparables à des ba- guettes , à des aiguilles, et enfin à des fibres. On doit les con- sidérer comme le résultat d’une tendance de la cristallisation à produire des cristaux dans un étroit espace, où ils se seraient allongés, collés et déformés par leur pression mutuelle, La direction de ces éléments allongés est parallèle à l'axe cristallin du minéral, ainsi qu'on peut s’en assurer en les cas- sant vers une extrémité; car on obtient alors trois faces de cli- vage , dont l’ensemble constituerait la moitié d’un rhomboèdre primitif. Leur agrégation peut se faire de deux manières, soit parallèlement, soit en divergeant ou rayonnant , à partir d’un centre. On rangera les individus appartenant à ce groupe suivant leur grosseur, en donnant d'ailleurs la priorité à la disposition parallèle. La section, a, doit le premier rang qu'elle occupe relativement aux deux autres, à cette circonstance que les individus qu'elle renferme s’approchent plus de l’état de cristaux , et qu'on pour- rait même, à la rigueur, les considérer comme des cristaux oblitérés , rassemblés en faisceaux. b. Structure superficielle. —- On placera ici les morceaux 70 MÉMOIRES dont la cassure n’offre aucune disposition linéaire , mais bien un ensemble de lames ou de lamelles miroïitantes qui peuvent être dirigées en plusieurs sens, soit réguliers , soit arbitraires. Les noms de /aminaire, lamelleuse, lamellaire, correspondent à l'étendue des lames ou lamelles. Nous devons donner une explication spéciale pour la variété orthoclase qui précède les structares superficielles proprement dites. Celle-là est d’une nature toute particulière; elle résulte de la superposition ou de l’empilement de lames minces ou de grandes écailles, souvent courbes ou ondulées qu’il faut consi- dérer comme des tranches de cristaux perpendiculaires à l'axe, tandis que les lames ou lamelles des exemples suivants sont parallèles aux faces, obliques à l’axe, de la forme primitive. Les échantillons qui offrent cette curieuse particularité, assez bien indiquée par la dénomination d'orthoclase que nous substituons ici à celles de srhisto-spathique et de squammoïde employées par M. Beudant , ont presque toujours une couleur d’un blanc mat accompagné d’un éclat un peu nacré ou perlé. L'exemple le plus remarquable est offert par le calcaire nacré propre- ment dit (schiefer-spath &es allemands). On pourra la faire suivre immédiatement , en appendice , de la variété écailleuse et en même temps un peu terreuse , que les allemands ap- pellent schaum-erde. c. Structure solide. — Lorsque les masses de spath calcaire offriront comme un assemblage de pièces séparées qui se mon- treront à la cassure sous forme de saillies polyédriques ou de grains, on aura les structures polyédrique , grenue , ete. La structure saccharoïde est une structure mixte qui dérive à la fois des structures b et c et que l’on placera à la suite des structures grenues, comme on mettra après la section b, la structure fibro-lamellaire qu’offrent beaucoup d'échantillons fibreux. Nota. Les marbres cristallins purs trouveront facilement leur place dans ces différentes sections. Ainsi le marbre de Paros est un bon exem- ple de structure lamellaire ; et celui de Carrare est le véritable type de DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 71 la structure saccharoïde. On pourra joindre à ees marbres purs les marbres accidentés par la présence de minéraux étrangers, comme le cipolin , V'ophicalce , le calciphyre , l'hémithrène , etc. d. Structure compacte. — Lorsque les éléments cristallins dont une masse de calcaire est composée sont tellement fins et serrés , que la cassure ne peut y faire distinguer particulière- ment aucune des structures a, b, ©, on dit alors que le calcaire est compacte ; la place de ce calcaire est donc naturel- lement fixée ici à la suite des trois structures caractérisées. L'appendice est consacré à des accidents de structure qui méritent d'être mentionnés particulièrement , comme le calcaire æyloïde , le calcaire madréporique qui offrent , l'un la struc- ture du bois et l’autre celle d’un madrépore , le calcaire réti- culaire du Mexique cité par M. Beudant , qui résulte de l'assemblage de petites bandelettes étroites , laissant entre elles des espaces en forme de triangles équilatéraux , etc. D. CONCRETIONS. La concrétion peut être considérée comme résultant d'une tendance à la cristallisation , tendance qui n'aurait pu avoir son entier effet à cause de diverses circonstances , comme la rapidité , le trouble et les obstacles , des milieux dans le sein desquels le dissolvant a pu venir déposer la matière. Une circonstance fondamentale de cette manière d'être des minéraux est la disposition des molécules qui se concrétionnent , autour d’une droite ou d’un point. Le caractère essentiel des formes concrétionnées est la courbure des surfaces à l'extérieur. La structure intérieure est souvent cristalline et même fibreuse ; d’autres fois elle est compacte ; fréquemment elle manifeste une disposition concentrique. La structure cristalline lie cette division à la précédente , et peut-être verra-t-on là une im perfection de notre classification ; car il y aura des échan- tillons de calcaire qui pourront être placés indifféremment , soit dans la division c , soit dans celle qui nous occupe. On se 72 MÉMOIRES décidera pour le premier parti ou pour le second , suivant que ce sera la structure ou la forme concrétionnée qui caracté- risera le mieux l'échantillon. Le calcaire est l'espèce minérale qui fournit le plus d'exem- ples de concrétions variées. Nous les subdiviserons en trois sortes, que nous placerons dans leur ordre de cristallinité : Stalactites. b. Concrétions stratoïdes. ec. Concrétions proprement dites. Stalactites. — Ces concrétions résultent de la stilla- tion d’un liquide calcarifère à travers un filtre naturel qui est ordinairement une masse de couches calcaires. lei la concrétion se fait autour d’une droite qui est presque toujours verticale. Aussi ces formes sont-elles presque toujours allongées dans ce sens ; elles portent la trace d’un point d'attache par lequel elles tenaient à une voûte , où une cassure qui indique qu'elles ont été détachées d’une masse plus considérable. Leur texture est ordinairement plus ou moins cristalline. Les stalactites peuvent être {ubuleuses , cylindroïdes , co- noïdes , etc. Les stalagmites sont dues au concrétionnement qui s'opère par les molécules calcaires que déposent les gouttes aqueuses qui tombent sur le sol des grottes. Elles ont des formes plus déprimées que les précédentes | mamelons, champig onons, elC. ). On peut y rattacher les concrétions qui tapissent les murs des grottes ( panniformes | qui forment une espèce de transition entre les stalactites et les stalagmites. Nous ne pouvons pas séparer des variétés précédentes qui sont en général cristallines , des stalactites ou stalagmites plus ou moins terreuses ; nous les indiquons à la suite. b. Concrétions stratoïdes. — Cette subdivision est réservée aux stalagmites stratoïdes où zonaires en masse ( albâtre calcaire ). Cette variété manifeste toujours une tendance à la texture fibreuse. Concrétions proprement dites. — Tandis que les sta- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 73 lactites sont disposées par rapport à un axe central, les con- crétions proprement dites offrent , en général , de simples cen- tres d'attraction , quelquefois des axes très-courts , autour des- quels la matière calcaire est venue se rassembler. Elles ont été formées au sein d’un liquide où elles ont pu rester périodi- quement suspendues pendant que le suc lapidifique augmen- tait leur volume par le dépôt de couches concentriques successi- ves, ou au milieu d’un dépôt terreux et compressible où les mo- lécules calcaires auraient été d’abord disséminées et se seraient réunies ensuite en des centres divers par le jeu des affinités. Elles présentent la forme de globes ou de rognons , quelque- fois de cylindres courts, arrondis à leurs extrémités ; ces for- mes sont isolées en tous sens , caractère qui suflirait pour les distinguer des autres concrétions. — Exemples : rognons , pisolites , oolites. La rapidité de leur formation , les pressions qui ont présidé à cet acte et l'influence des matières étrangères mélangées , sont des obstacles au développement de la structure cristalline. Ce- pendant on trouve des rognons calcaires à structure fibreuse radiée , qui devront être placés en tête de la section. Les prso- lites ou oolites offrent souvent une structure à couches con- centriques. E. INCRUSTATIONS. Les incrustations sont très-bien placées à la suite des con- erétions , car elles n’en diffèrent guère qu'en ce qu'elles sont formées par voie de dépôt plus ou moins cristallin sur des corps ( végétaux et autres ), corps qu’elles recouvrent ou qu’elles enveloppent. On pourra placer avec les incrustations entière- ment naturelles , celles que l’on dirige en Auvergne et à Saint- Philippe en Toscane, de manière à leur faire produire de petits bas-reliefs , souvent très-délicats. On placera en tête des incrus- tations , celles qui sont le plus cristallines ; les plus grossières occuperont au contraire le dernier rang. 7h MÉMOIRES APPENDICE. Calecaire commun ou géologique, Nous reléguons ici, comme nous l'avons déjà dit , les cal- caires massifs qui résultent , la plupart , de dépôts géologiques et qui constituent une partie essentielle des diverses formations. Ces calcaires sont le plus souvent imparfaitement compactes et offrent , en général , une structure d'agrégation indépendante de la cristallisation et plus ou moins grossière. Ils ne sont inté- ressants que comme éléments géognostiques ou roches, leurs caractères minéralogiques étant plus ou moins effacés. Ces calcaires offrent des couleurs assez variées , ordinaire- ment ternes, et il est rare qu'ils soient exempts de mélange. On peut y faire, sous ce rapport, deux divisions. I. Calcaires presque purs ou faiblement mélangés. II. Calcaires dans lesquels le mélange est assez notable pour ne pouvoir être négligé. Dans la première catégorie même , nous ferons trois subdi- visions. La première, a, offrira les morceaux qui s’éloignent le moins des calcaires minéralogiques par leur dureté et par leur pesan- teur spécifique. — Exemples : calcaire compacte, calcaire subcompacte , grossier. Dans la deuxième subdivision , b, nous placerons les mêmes calcaires avec des accidents paléontologiques remarquables. Exemples : kumachelle, calcaire à entroques , fahluns. La troisième, c, enfin, se composera des calcaires terreux, comme la craie , le calcaire sableux. On pourra adopter le même ordre pour la division des cal- caires mélangés. Cependant on fera mieux de les ranger sui- vant Pintimité des mélanges, en commençant , par exemple , par les calcaires magnésiens, siliceur , ferrugineux , bitu- mineux, et terminant par les calcaires marneux ou les marnes, et les calcaires arénifères. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 75 OBSERVATIONS SUR LES VARIÈTÉS NON SIGNALÉES EXPLICITEMENT DANS LE TABLEAU. Les principaux caractères non utilisés dans notre classifica- tion du calcaire , sont : 1° Celui qui résulte du mélange plus ou moins intime de matières étrangères ; 2° La couleur et les autres propriétés relatives à la lumière ; 3° L'odeur , susceptible d’être développée chez certains cal- caires par le choc ou par l’action de la chaleur. 1° Les mélanges. — Le spath d'Islande nous offre un exemple de calcaire avec une pureté presque absolue (1); mais en général le minéral que nous étudions s'éloigne plus ou moins, dans la nature , de cet état de perfection chimique par suite de sa tendance à se mêler intimement , on pourrait presque dire à se combiner , avec d’autres carbonates qui ont pour forme pri- mitive des rhomboèdres fort rapprochés du sien, savoir : les carbonates de magnésie, de fer et de manganèse; et il faut que cette tendance soit bien marquée pour qu’elle se manifeste, à un bien faible degré il est vrai, dans le spath d'Islande lui- même. De là certaines modifications dans les caractères des cris- taux. Ainsi il arrive souvent que le calcaire magnésien prend un éclat un peu nacré , que ses formes offrent des faces un peu courbes et contournées. Le carbonate de fer jaunit un peu le calcaire, le carbonate de manganèse lui communique une légère teinte rosée. Haüy avait attribué à ces mélanges une grande importance. Elle se trouve bien réduite depuis que l’on sait que les variétés qu'il considérait comme les types de ces calcaires mélangés, constituent réellement de nouvelles espèces minérales qui sont la dolomie, la giobertite , la sidérose et la diallogite. La (1) Des morceaux rapportés directement d'Islande par M. E. Robert , ont donné à M. Dumas 99.97 de ca/caire pur, plus 0,01 de silice et des traces de fer, de manganèse et de magnésie. 76 MÉMOIRES plupart des spath perlés, des spath brunissants, par exemple, n'appartiennent plus au calcaire , mais bien à des dolomies plus ou moins mélangées de calcaires et de carbonates de fer et de manganèse ou à des sidéroses également modifiées par des mé- langes intimes. Ainsi, dans l’état actuel de la science, les indi- vidus mélangés qui doivent rester dans l'espèce calcaire n’of- frent pas de caractères extérieurs assez tranchés pour qu’on doive leur donner une place à part dans la méthode ; on les associera tout simplement aux variétés de forme ou de struc- ture des calcaires purs, en leur donnant la dernière place par rapport à ceux-ci. Il y a encore des mélanges d’une autre sorte ; ceux-là sont dus à l’interposition mécanique de matières étrangères , comme de la silice, de l'argile, de la chlorite, de oxyde de fer, du sable fin ( grès de Fontainebleau }. I est même des calcaires spathiques qui sont comme traversés par des aiguilles d'épidote , d’amphibole , etc., ou par des mèches d'amiante. On mettra tous ces accidents à la suite des mélanges intimes lorsqu'on aura à placer dans la même case les uns ct les autres. 2° Le calcaire pur et parfaitement cristallisé devrait être incolore et limpide, mais il s’en faut beaucoup qu'il en soit ainsi pour les calcaires de la nature. On ne connaît même que le spath d'Islande qui offre ces caractères de perfection. Les variétés cristallisées , elles-mêmes, sont fréquemment teintées de blanchätre et de jaunätre, et le spath calcaire est suscep- tible de présenter des couleurs souvent très-prononcées qui sont : le blanc de lait, le gris, le jaune , Yorange , le violätre , le rose , l'incarnat , le vert... avec des degrés de transparence ou de translucidité et un éclat assez variés, caractères qui dé- pendent, soit de l’arrangement moléculaire, soit de mélanges chimiques ou mécaniques d’une très-petite quantité de matières étrangères. Toutes ces couleurs ou ces‘accidents prendront place à la suite des variétés incolores ou faiblement colorées , qui offrent les mêmes caractères principaux. ILest cependant deux variétés appartenant à cette catégorie DE L'ACADÉMIS DES SCIENCES. 77 que je dois mentionner spécialement. Je veux parler du cal- caire nacré (schiefer-spath de Werner), et du calcaire fibro- soyeux d'Angleterre, variétés dont la couleur d’un blanc perlé et l'éclat nacré constant sont si remarquables, que je leur avais d’abord donné une case spéciale dans mon tableau. J'y ai renoncé depuis dans l'intérêt de l'économie générale de la classification. 3° Certaines pierres calcaires laissent exhaler, par la friction ou la percussion, une odeur de bitume , d'Aydrogène sulfuré , de truffe. serait peu important d’en faire des variétés par- ticulières, d'autant plus que le principe qui leur communique cette odeur est quelquefois si fugace, qu'il disparaît de lui- même au bout d’un certain temps, ou par l’action d’une chaleur modérée. IL est plus rationnel de mettre ces individus à la place qu'ils occuperaient dans le tableau , indépendamment de leur odeur. La même remarque s'applique à certains aspects ou particu- larités d'éclat, de poli, ete. que présentent des calcaires pro- venant de quelques localités, et à certains accidents plus ou moins curieux comme les dendrites, la disposition ruini- forme, etc. On devra en faire mention dans la description des individus; mais la méthode ne peut descendre jusqu’à ces détails. 78 MÉMOIRES RECHERCHES SUR LA CONSTITUTION TOULOUSAINE DANS LE MOYEN AGE, A L'ÉGARD DES MEURTRIERS ET DES ASSASSINS ; Par M. BELHOMME. Les chartes octroyées par les Comtes de Toulouse à la popu- lation de cette ancienne métropole du Midi, sont un éclatant témoignage de leur constante sollicitude pour sa gloire ct sa noble indépendance ; ils lui avaient reconnu les droits les plus étendus pour l'élection et la révocation des magistrats munici- paux. Elle était entièrement libre dans les prérogatives de cette faculté, dont le Comte ne devait jamais gêner l'exercice par son intervention directe ou indirecte : Sua propria auctoritate et libera voluntate eligat, nominet, instituat, creet, mutet , re- ducat, faciat et teneat consulatum et consules ipso domino Comite, vel alio pro eo, vel nomine ipsius non requisito etiam vel vocato (1). Ainsi, dans le moyen âge, la population toulousaine jouissait d'une si grande latitude de droit d'élection ou de suffrage uni- versel , que cette existence, dans ces époques reculées, paraîtrait incroyable de nos jours , où elle est considérée comme le résultat des révolutions et du progrès, si les actes les plus authentiques que l'histoire puisse invoquer, n'étaient là pour en fournir la preuve. Is l’avaient affranchie de diverses charges de féodalité et d’exigence militaire qui pesaient gravement, presque partout ailleurs , sur les populations. Le droit de chevauchée ne pou- {1) Charte de l’année 1222. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 79 vait être exercé à Toulouse , que lorsque le pays était séricuse- ment menacé de guerre : Aecognosco , disait le Comte Ilde- phonse (1), dans une charte de l’année 1147 , ratifiée par Ray- mond de Saint-Gilles son fils, quod nullo modo habeo questam neque tollam in civitate Tolosa , neque habeo in predicta ci- vitale nec in suburbio cavalcatam communem, nisi bellum in Tolosano michi pararetur. Pour favoriser le commerce et la cité de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, comme le témoigne une charte de 1164 , avait supprimé les péages que les marchandises et les transports de diverse nature devaient acquitter dans les ports de la Garonne, notamment dans celui de Verdun. Les droits que le péager au- rait à percevoir par cargaison de barque, quelque considérable qu'elle füt d’ailleurs , il les réduisit à deux deniers : Det pro toto onere navis duos denarios et nichil amplius. Cette série de libertés et franchises dont le peuple de Tou- louse était si justement jaloux et fier, les Comtes aimaient à les énumérer dans les circonstances solennelles où ils se mon- traient au milieu de lui ; ils en consacraient avec serment le maintien ; et recevant la promesse de fidélité que les consuls faisaient au nom de la communauté, ils promettaient à leur tour de rester toujours sous l'influence des sentiments de pro- tection et de dévouement qu'ils devaient à la ville et à ses habi- tants. Aussi qu'il est beau de voir les anciens seigneurs de Toulouse confirmer successivement la population toulousaine , présente et future, dans ses bonnes coutumes , dans ses beaux et loyaux privilèges : bonos mores et franquimenta. Mais est-il question de réglementer la population , de dresser pour elle un régime obligatoire , en un mot d'établir ou de coor- donner des dispositions législatives ; alors les Comtes de Toulouse semblent descendre du rang où ils se sont montrés quand il s'est agi des libertés et franchises qu’ils ont octroyées de leur (1) Nous trouvons dans les anciennes chartes ce Comte , que l’on a désigné vulgairement sous le nom d’Alphonse, porter celui d’Idefonse, Z/defonsus ; il est vrai aussi qu’on trouve quelquefois le nom 4/phonsus. 80 MÉMOIRES propre mouvement et volonté , propria et spontanea volun- tate ; ils ne se montrent pas ici dans les mêmes conditions de suprématie, de pouvoir; c’est leur conseil qui doit s'entendre et marcher de concert avec celui de la ville : commune concilium civitatis cum concilio domini Comitis ; quelquefois ce sont les magistrats municipaux qui viennent formuler, au nom de la population, les dispositions nouvelles qu’elle veut introduire dans sa législation, et qui sont toujours acceptées par le Comte. Dans quelques circonstances, c’est le commun conseil de la ville et des faubourgs , commune concilium civitatis et suburbai, qui, lui seul, arrête et établit les articles de la constitution. C’est dans les chartes de cette nature qu'a données le moyen âge au peuple toulousain, que nous avons à rechercher les divers articles concernant les meurtriers et les assassins. Une d'elles, qui se présente en première ligne , datée de 1152, en renferme plusieurs. D'abord il y est dit expressément : que celui qui de propos délibéré aura tué un homme, ne trouve asile ni dans l’église, ni dans le cloître, ni dans la sauveté : Qui scienter occidet hominem injuria non defendat eum ecclesia , neque claustrum , neque salvitas. Ainsi dans Toulouse, les lieux de refuge perdaient leur pri- vilége pour le meurtrier et l'assassin. L'invasion nocturne dans une habitation avec circonstance de vol ou de tout autre crime, plaçait dans une semblable condition celui qui s’en était rendu coupable : Similiter qui clam nocte in- trabit domum alicujus et ibi furtum vel aliud malum faciet et inde fugiet in ecclesiam, vel in claustrum, vel in salvitatem, non defendat eum ecclesia, neque claustrum, neque salvitas. La même charte affranchit de toute action et poursuite judi- ciaire celui qui aurait frappé d’un coup mortel l'individu cherchant à s’introduire furtivement, pendant la nuit, dans une maison par escalade ou effraction : Si quis forte aliquem clam nocte domum alicujus frangentem vel invadere , vel intrare tentantem occiderit, nullum propter hoc patiatur damnum. Ainsi étaient sauvegardés contre les surprises nocturnes, la vie et la fortune des citoyens; elles étaient placées sous la sur- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 81 veillance de tous , et le premier témoin des tentatives dont à la faveur des ombres de la nuit elles étaient l'objet, se trouvait suffisamment armé par la Constitution toulousaine , pour arrêter et détruire de criminels projets en voie d'exécution. Mais cette faculté était à plus forte raison attribuée à un chacun contre les hommes signalés par leurs méfaits, et qui, vi- vant sous le poids de leur mauvaise réputation , étaient trouvés de nuit courant la ville avec des armes. Si quelqu'un, dit la charte , vient à tuer un de ces malfaiteurs dits coutilliers , cou- rant de nuit armés de coutilles (1) pour exercer leur brigandage, qu'il ne lui advienne rien de fàcheax à cause de cette mort : Si quis aliquem hominem malum quem cutellarium dicimus eum cutellis euntem nocte tausa furandi occideret , nullum patiatur damnum propter hoc. Une charte constitutionnelle de l’année 1181 , porte : Si quelque individu homme ou femme fugitif de Toulouse excitait les passions haineuses à la guerre contre le Comte, faidibat (2) ut guerram faceret Comiti, où contre tout autre habitant ou babitante de la ville ou des faubourgs , ou pour leur porter at- teinte dans leurs biens meubles ou immeubles ; qu'il ne puisse, après s’être rendu coupable de ce crime, rentrer jamais dans Toulouse. Quod post malefactum postea non redeat in civilate (:) Sorte d’épée ou de dague. (2) Farprre faidam seu inimicitiam excilare, exciter la haine, Pini- mitié , telle est la signification que du Cange donne dans son glossaire à ce verbe, en cilant à l’appui le même passage que nous rapportons. Cette circonstance nous oblige à faire une observation. Dans la charte dont s’agit, l'interdiction de rentrer dans la ville est portée contre le cou- pable du crime de trahison qu’elle annonce. Il est évident que si le savant du Cange l'avait lue , il n’eût pas manqué d’étendre la signification du verbe faidire dans le sens qu’elle indique, car on ne peut être privé ou recevoir défense de rentrer dans un lieu si on n’en est pas sorti. Maintes fois le verbe faidire sert à annoncer la fuite. Il est dit dans des confessions concernant les hérétiques albigeois, que certains élaient ren- contrés au moment où ils étaient fugitifs, à cause des poursuites de l’inqui- sition ; faiditi propter inquisitionem. lei c’est une fuite de proscrits dans la charte mentionnée ; c’est une fuite d’agilateurs qui vont semant la haine pour exciter la guerre. 3° S. — TOME VI. 6 82 MÉMOIRES Tolose vel suburbio ullo modo , et s'il arrivait que quelqu'un parvint à se saisir de cet individu, à le blesser, le mutiier, lui causer tout autre dommage , même à lui donner la mort, qu'il soit exempt de toute recherche à cet égard, de la part du Comte, du Viguier et de tout autre. Preterea si aliquis homo vel femina illum hominem vel illam feminam post malefactum caperet, vel vulneraret, vel interficeret, vel aliquod membrum vel res suas sibi auferret, vel aliquod damnum aliquo modo sibi inferret , non teneatur domino Comiti vel suis successo- ribus, vel suo vicario , vel alicui prorsus homini vel feminæ vivent. Telles étaient à Toulouse , dans le moyen âge, les dispositions constitutives à l'égard des meurtrigrs et des assassins, du moins nous n’en trouvons pas d’autres , si ce n'est dans une charte de 1192, dressée par les consuls de Toulouse et le conseil général de la ville. Mais elle ne présente aucune particularité, son objet étant analogue à celui de la charte de 1152 déjà citée, et par laquelle les lieux d’asile sont privés de leur immunité quand il s’agit de meurtriers et d’assassins. Celle-ci porte qu'il ne peut y avoir dans Toulouse, en aucun temps , et sous le patro- nage de qui que ce soit , sauvegarde et sécurité pour celui qui aurait tué quelque homme ou quelque femme de la ville, sauf toutefois dans les cas de guerre. Nous eussions pu entrer dans quelques détails au sujet de l'exception présentée dans ce dernier artiele , et nous reportant aux époques de la date de ces chartes , aux circonstances du temps où elles ont eu lieu , nous livrer aux observations qui s’y rattachent ; mais c’eût été sortir de notre sujet. Il est évident que les morts arrivées à l’occasion des guerres, sont dans une catégorie toute différente de celle dont il s’agit dans ce mémoire. Aussi ne nous sommes-nous pas attaché à signaler les chartes où il en est question, nous étant borné aux recherches qu'il annonce au sujet des meurtriers et des assassins. Mais, dans les commencements du x siècle, une circonstance imprévue servit à déterminer d’une manière précise, pour cette partie de la constitution législative toulousaine , ce qui lui man- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 83 quait, notamment au sujet des domaines et des propriétés ap- partenant aux meurtriers, Îl paraît qu'elle était restée muette sur ce point, ce qui pouvait fournir aux coupables des moyens puissants pour se soustraire aux poursuites dont ils étaient l'objet , quelquefois même pour échapper sans retour à une juste sévérité. C'était, il est vrai, aux consuls, en leur qualité de juges ès causes civiles et criminelles, qu’appartenait de décerner la peine contre les meurtriers et les assassins ; mais au Comte re- venait le droit de l'exécution , et sous un si puissant patronage, il eût été facile d'opposer un obstacle à la justice, dont cette crainte pouvait aussi rendre quelquefois la marche incertaine. Il ne fallait donc laisser aucun doute à cet égard ; il était essentiel que le criminel, quel qu'il fût, trouvât égalité de condition lorsqu'il était sous la main de la justice ; que tout espoir de retraite , tout moyen de séduction lui fussent également ravis. Ce dispositif concernant la personne et les biens des meur- triers, fut introduit dans la constitution toulousaine au sujet du tragique événement dont nous allons donner l'exposé” C'était le deuxième jour da mois d'août de l’année 1224 : un grand mouvement avait lieu dans Toulouse ; la population, con- voquée par les Consuls en colloque général, in communi et gene- rali colloquio, sortait de ses quartiers pour se rendre dans la vaste prairie communale dite de Carbonnel , où se tenaient les assemblées de cette nature. Là , rangée à la suite de ses vingt- quatre magistrats municipaux , elle se trouve en présence du Comte de Toulouse, Raymond duc de Narbonne et marquis de Provence, in conspectu atque præsentia domini Raimundi. C’esten leur nom et au nom de l’universalité des Toulousains que les Consuls ont pris la parole. Un drame sanglant disent- ils, a eu lieu hors des murs de Toulouse, extra Tolosam; deux citoyens de cette ville , Guilhem-Pierre de Flurant et Gerald de Vaquiers, Petrus de Flurento et Geraldus de Praqueriis, sont tombés sous un fer homicide ; les Consuls ont entendu à ce sujet les vives plaintes, les instantes réclamations des amis et des parents des défunts. Mais leur douleur éclatant en gémissements et larmes, a mis 84 MÉMOIRES en émoi la multitude ; elle s’y est associée, et s'attachant à leurs pas à la suite des cadavres horriblement blessés et mutilés, turpiter vulnerata et dilacerata, qu'ils faisaient porter devant eux , elle les a accompagnés à la maison commune, où ils ont été déposés aux yeux des Consuls , au milieu des cris d'appel à la justice contre les auteurs d'un si cruel attentat ! Mais ce qui relève l'horreur de cette scène de désolation, c'est que ces ca- davres sont toujours à la même place, qu'ils y restent exposés et sont devenus l’objet d’une surveillance de jour et de nuit, die noctuque illa corpora custodiebant ; que le concours et l'agi- tation que leur présence occasionne empêchent les Consuls et toute autre personne de rester dans la maison commune ; qu'ils ne peuvent pas même y entrer. Et malgré tout les parents et les amis des défunts s’attachent constamment à leur poursuite, ne cessant de leur répéter avec instances de prières et de réclama- tions qu'ils aient à faire leur devoir dans cette circonstance pour ne point laisser tomber dans la nuit du silence et dans l'impu- nité un crime aussi affreux, aussi horriblement accompli ! Super illud factum faciant quod debent , ne tantum facinus relinquerent impunitum sub silentio preterire , qu'il est pour eux dur et pénible au delà de‘toute expression, plus quam ibi dicere non valebant , d'avoir à s'occuper d’un aussi exécrable forfait ; mais puisqu'il a cu lieu sous leur consulat et qu'il s’est trouvé un individu si audacieusement présomptueux dans sa per- versité, pro sua malitia in tantum audax el presumptuosus, que de porter atteinte à la vie d’un habitant de Toulouse , et même de la lui arracher avec autant de barbarie et de scélératesse, pour empêcher à l'avenir de tels actes de cruauté et frapper d’un juste effroi ceux qui en auraient la pensée, ut deinceps tanta crudelitas nullatenus auderet fieriveletiam excogilarë, ils priaient le seigneur Raymond que, pour leur utilité et dans l'intérêt de la ville de Toulouse et de ses faubourg , ilétablit en constitution à jamais durable, stabiliret per omnia tempora in perpeluum, que si , à dater des Pâques dernières, époque où a commencé l'exercice de leur consulat, jusqu’à ce jour, quelque homme ou quelque femme avait tué ou venait à tuer à l'avenir DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 85 dans où hors l'enceinte de la ville de Toulouse, infra Tolosam vel extra, quelque habitant où habitante de cette ville ou des faubourgs, qu'après le jugement et la condamnation prononcés par les Consuls contre lé coupable, et que sa personne, ses biens et droits quelconques auront été mis sous la main du Comte pour en faire à ses volontés, qu'après un tel jugement, ni lui seigneur Raymond Comte de Toulouse, ni son successeur , ni personne pour lui, en vue de lui, ou d’après ses conseils, ne puisse dégager en aucune manière de l'effet dudit jugement, le dit meurtrier ni ses appartenances. Qu'il ne puisse lui faire la moindre concession de demeure ou de séjour dans la ville ou dans les environs de Toulouse, ni dans toute autre ville, bourg, château, village ou forteresse où dans un lieu quelconque appartenant à lui sei- gneur Comte de Toulouse ou soumis de quelque manière à son pouvoir et juridiction; qu'il ne puisse le conduire ni le retenir avec lui dans sa cour, nec ducat nec teneat eum secum in sua curia, et que le seigneur Raymond et ses héritiers deviennent pour toujours possesseurs des biens, domaines, héritages , som- mes et droits de toute nature, ayant appartenu au meurtrier ; qu'ils les tiennent en leur pouvoir, les gardent et conservent sous leur main , de telle façon que lui seigneur Raymond, ni ses héritiers ni personne pour eux, ne puissent en aliéner en aucun temps, el de quelque manière que ce soit, aucune partie, excepté l'argent ; mais qu'ils Les conservent intégralement à leur usage comme ce qui leur appartient en propre. — Que cette consli- tution lui soit pour agréable, qu'il la ratilie pour eux et l'universalité des citoyens de Toulouse, et qu'afin de la rendre à jamais stable , il en assure l'accomplissement par un serment solennel. Le Comte de Toulouse a entendu la demande qui lui est faite; il y accède de suite, en résumant les articles qu'elle contient, qu'il approuve et ratifie en présence des Consuls et de l'immense po- pulation qui se trouve réunie. 11 fait pour lui et ses descendants promesse avec serment sur les saints Évangiles , qu'il touche de sa main, de garder généralement tous les articles qui y sont mentionnés el chacun d'eux en particulier, 86 MÉMOIRES Tels sont les documents que fournit la charte dont nous ve- nons de présenter l'exposé. Elle nous a paru bien digne de re- marque à tous égards; d’abord , sous le point de vue de l’ancienne organisation municipale de notre ville, de la force que donne aux articles de législation criminelle cités dans la charte mentionnée, et que devait donner pour les actes analogues le concours et la participation de la grande communauté toulousaine. N’est-il pas vrai de dire ici que communiquant l'expression de son vœu et de sa pensée par l’organe de ses magistrats municipaux , elle les sanctionne par sa présence? Véritable assemblée populaire, faite avec tout l’ordre et le recueillement qu’exigent les grands inté- rêts. L'homme puissant qui a le cœur de la multitude, n’apparaît ici que comme le chef d’une immense famille qui remplit au loin l’espace sous ses yeux, et à laquelle il donne la satisfaction qu’elle désire dans le but du bien public. La scène de lamentable mémoire que retrace cette charte est aussi elle-même un tableau animé des mœurs de l’époque ; tout ce qu'elle dit, pourrait bien , en conservant la vérité du texte, servir de sujet à de nombreux récits épisodiques. Oui, tout ici, jusqu’au lieu consacré aux réunions générales de la population, a son point de vue d'intérêt, et soulèvele voile du passé en faveur de l’histoire ancienne de nos contrées. Mais au milieu de ces divers motifs , il en est un dont le caractère est plus spécial , et auquel nous nous sommes rattaché principalement en citant cette charte, dont nous joïgnons la copie prise sur le texte comme pièce justificative. C’est qu’elle appartient absolument à la classe des documents inédits. Noverint (1) universi tam presentes quam futuri quod Consules urbis Tolose et suburbii et universitas ejusdem urbis et suburbii in communi et generali colloquio ab ipsis Consulibus et eorum man- dato convocato et congregato in communi prato quod dicitur Car- (1) Nous avons scrupuleusement conservé dans la transcription de cette charte inédite l’orthographe du texte. Li DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 87 bonelli in conspectu atque presentia domini Raimundi Dei gracia Ducis Narbonne comitis Tolose Marchionis provincie filit domine Regine Johanne constituti atque universaliter cohadunati. Pro se ipsis et pro universilate ejusdem urbis et suburbii ostenderunt ibi eidem domino Raimundo Tolosano comili atque dixerunt quod clamorem et querelham gravem et maximam receperant et audie- rant a propinquis et amicis Wuillelmi Petri de Flurento et Geraldi de Vaqueriis qui extra hanc villam Tolose fuerant pessime inter- fecti corpora quorum turpiter vulnerata et dilacerala in domo communi coram ipsis Consulibus clamando et flendo deferri fece- rant cum magna multitudine populi ibi venientes et justiliam sibi fieri de interfectoribus unanimiter instantissime requirentes et re- clamantes. Et etiam quod deterius erat illa corpora in domo com- muni tenebant. Et die noctuque illa corpora ibi custodiebant. Ita quod ipsi Consules vel aliqui alii ibi intrare non polerant nec. permanere : et quod preterea propinqui et amici illorum mortuo- rum venerant et redierant multocies coram ipsis consulibus eos vehementer deprecantes et commonentes ut super illud factum facerent quod deberent et ne Lantum facinus relinquerent impu- nilum sub silentio prelerire. Et quia tam pessimum factum et tam crudele venerat coram eis erat eisdem Consulibus multum male et grave plus quam ibi dicere non valebant. Et ideo maxime quia talis mortalitas et Lam pessima in eorum posse videlicet in lempore eorum Consulatus erat facta et quia aliquis homo pro sua malicia erat in tantum audax et presumptuosus quod aliquem homiaem hujus ville ita pessimeet injuste occidere temere attemptabat. Verum ad evitandam illam maliciam vel consimilem et ul deinceps tanta crudelitas nullatenus auderet fieri vel etiam excogilari ipsum do- minum Raimundum comilem Tolosanum ipsi Uonsules depreca- bantur quatenus pro magna sua ulilitate el etiam totius universi- tatis urbis Tolose et suburbii ipse dominus Raimundus comes sta- biliret et daret et concederet eisdem Consulibus presentibus et fuluris et universilati urbis Totsse et suburbii et quod illud du- rare et teneretur firmiter et observaretur per omnia lempora in perpeluum quod si aliquis homo vel femina de ipso festo Pasche Domini transacto in quo festo ipsi Consules tempus eorum Consu- latus tenere incohayerant usque ad hanc diem presentem aliquem hominem in civitate Tolose vel in suburbio habitantem occidat. Vel deinceps in aliquo tempore occideret. Ubicumque illam vel illam oecidat infra Tolosam vel extra et ille interfector sive sit homo vel femina pro illa morte ab eo facta fuerit a Consulibus urbis Tolose 88 MÉMOIRES et suburbii condemnatus et judicatus atqne incursus scilicet ejus . persona et omnia sua bona et jura eidem domino Raimundo Tolosano comiti pro sua voluntate inde facienda sicut Consules urbis Tolose et suburbii interfectorum culpabilem et incursum et omnia sua domino comiti debent plenare judicare quod post illud judicium ullo modo ipse dominus Raimundus comes Tolose nec ejus heres nec aliquis nec aliqua pro eo vel suo ingenio vel suo con- silio aliquo modo illum interfectorem sibi judicatum nec etiam sua non solvat nec permittat eum deinde permanere infra hanc villam Tolose nec etiam extra in aliqua alia sua civitate vel burgo aut castello seu villa vel forcia ipsius domini Raimundi comitis Tolosani nec in aliquo alio loco ubi ipse dominus comes Tolose habeat suam dominationem vel potestaltem nec ducat nec teneat eum secum in sua curia el ut ipse dominus Raimundus comes Tolose et ejus heredes per omnia tempora omnem terram el hono- rem et hereditatem et pecuniam et omnia alia jura que fuerant illius interfectoris habeat et teneat semper ipse et ejus heredes per eum in perpetunm ita scilicet quod ipse dominus Raimundus Tolose nec ejus heredes nec aliquis vel aliqua pro eo non vendat nee impignorel inde aliquid nec donet nec solvat nec faciat ali- quid inde ullo modo per quod illa terra vel honor vel hereditas que illius interfectoris fuerant vel eliam aliquid inde possit alienari vel removi a se vel a suis heredibus ullo modo in aliquo tempore immo omnis illa terra et honor et hereditas integriter sit el rema- neat semper domino comili et heredibus ejus ad lenendum et ex- plectandum per omnia tempora ei scilicel et ejus generi post eum sicut sua propria hereditas el quod totum hoc si eidem domino comiti placebat daret eis et universitati Tolose el concederet et statuerel et etiam jurarel ideo ut majorem firmitatem haberet. Et hoc totum sicut prediclum est pecierunt ila predicli Consules et magna pars universitatis a domino Raimundo comite Tolosano sibi dariet concedi et jurare. His ita auditis et intellectis pre- dictus dominus Raimundus comes Tolose voluntati et precibus eorum volens acquiescere atque eorum petilionem diligenter adim- piere et communi ulilitati omnium sollicite providere ad evitandam tantam maliciam et ut deinceps in aliquo tempore talis mortalitas vel alia nullatenus auderet fieri vel excogitari ipse predictus domi- nus Raimundus comes Tolose sua propria voluntate pro se ipso el pro heredibus omnibus et successoribus suis stabilivit et dedit et concessit eisdem Consulibus urbis Tolose et suburbii presentibus at- que futuris et omni populo et universitati ejusdem urbis et suburbii DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 89 presenti scilicet atque futuro hec omnia que superius dicla sunt que ab eodem domino Raimundo comite Tolosano postulaverant sibi dari sicut melius superius continetur et quod illud totum firmiter in perpeluum observarelur et tenerelur. Tale stabilimentum et tale donum dedit eis et universilati et staluil atque concessit dicens et promittens se illud totum in perpetuum observalurum scilicet quod si aliquis homo vel femina de islo transaclo festo Pasche Domini quod fuerat xu° die exitus preteriti mensis aprilis in quo festo ipsi Consules vices eorum Consulatus inchoaverant exercere usque ad hanc presentem diem aliquem hominem vel feminam manentem in civitate Tolose vel in suburbio occidat vel deinceps scilicet ab hac hora in antea aliquem hominem vel feminam in urbe Tolose vel in suburbio manentem forte interficiet. Ullo modo ubicumque illum vel illam interficial infra Tolosam vel extra in aliquo loco et ille interfector sive sit homo vel femina pro illa mor- lalitate ab ipso facta fuerit a Consulibus urbis Tolose et suburbii condemnatus el judicatus et incursus persona ejus et omnia bona et jura sua eidem domino Raïimundo Tolosano comili pro sua vo- luntate inde facienda sicut Consules urbis Tolose et suburbii inter- fectorem culpabilem et incursum et omnia sua domino comiti debent plenarie judicare quod post illud judicium ullo modo ipse dominus Raimundus comes Tolose nec ejus heredes nec aliqus nec aliqua pro eo vel suo ingenio vel suo consilio aliquo modo illum interfectorem sibi judicatum vel etiam sua non solvat nec permitlat eum deinde permanere infra hanc villam Tolose nec eliam extra in aliqua alia sua civilate vel burgo aut castello seu villa vel forcia ipsius domini Raimundi comitis Tolosani nec in aliquo alio loco ubi ipse dominus comes Tolose habeal suam domi- nalionem vel potestatem nec etiam ducat nec teneat eum secum in sua Curia ullo modo et ut ipse dominus Raimundus comes Tolose el ejus heredes post eum per omnia lempora omnem lerram et honorem et hereditatem et omnia alia jura que illius interfectoris fuerant habeant et Leneant semper per incursa ipse et ejus heredes post eum in perpetuum excepta pecunia mobili de qua faciet do- minus comes omnem suam preler quod reddat nec solvat nec donet nec vendat nec impignoret illam pecuniam illi malefactori nec alicui pro eo ullo modo et de illa heredilate sibi adjudicale et incursa ipse dominus Raimundus comes Tolose nec ejus heredes nec aliquis nec aliqua pro eo non vendat nec impignoret inde ali- quid de illa terra et de honore et de juribus illius hereditatis nec donet nec solvat aliquo modo nec etiam faciat aliquid inde ullo 90 MÉMOIRES modo per quod illa terra vel honor vel hereditas vel jura illius hereditalis que fuerant illius interfectoris vel aliquid inde possint alienari vel amoveri ab ipso domino comite vel ab heredibus ejus ullo modo in aliquo tempore immo omnis illa terra et honor et hereditas integriter sit et remaneat semper eidem domino comiti et heredibus ejus ad tenendum et ad explectandum per omnia tem- pora pro omni sua voiunlate ipsius domini comitis et heredum ejus in perpetuum sicut sua propria hereditas. Ita enim predictus dominus Raimundus comes Tolose sua propria voluntate et pro pelitione inde sibi instanter facla a consulibus el universitate urbis Tolose et suburbii pro se et pro heredibus et successoribus suis hec omnia que predicla sunt uti melius superius continentur et determinantur stabilivit et dedit atque concessit predictis Con- sulibus urbis ‘Tolose et suburbii presentibus et fuluris et omni populo et universitati ejusdem urbis et suburbii presenti atque future sine aliquo reteniu quod ibi ullo modo non fecit et ad ma- Jorem firmitalem horum omnium predictorum ipse dominus Raimundus comes Tolose totum hoc coram Consulibus et coram universitale urbis Tolose et suburbii ibidem in eodem colloquio tactis corporaliler sacro sanctis Dei evangeliis Juravit mandans et promittens alque firmiler statuens se hec omnia supra dicta et singula in perpetuum servaturum et ut contra hoc non veniat ullo modo et mandavit quod a suis heredibus sic Leneatur et observetur per omnia tempora et quod aliquis vel aliqua heredum ejus vel aliquis alius vivens in toto hoc nullatenus possit vel audeat ali- quid removere vel contradicere vel contravenire aliquo modo in aliquo tempore sed quod semper valeat et duret et teneatur et custodiatur inviolatum. Erant autlem tune Consules Raimundus Garinus et Petrus Aonda et Raimundus Catalanus et Durandus de Lucis et Arnaldus de Pairanis et Willelmus Girbertus juvenis et Petrus Aimericus et Petrus de Vindemies et Raimundus Petrus Moysetus et Arnaldus de Nemore Mediano et Tolosanus et Scolto juvenis et Hugo de sancto Amanicio et Poncius Gairaldus et Rai- mundus Borrellus et Raimundus Raimundus et Johannes Selius et Vital Faurius et Stephanus de Camarada et Arnaldus Andreas et Raimundus Guido et Petrus Vital Blazinus et Wuillelmus Ugo et Raimundus Daurevez et Wuillelmus B. Quirius qui hoc donum sicut superius dicitur et melius datur el concedilur a domino Rai- mundo Tolosano comite receperunt pro se et pro universitate urbis Tolose et suburbii. Hoc fuit ita ab eodem domino Raimundo comite Tolose statutum datum et concessum atque juratum 1° die DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 91 introitus meusis Augusti Feria regnante Ludoico Rege Francorum et eodem domino Raimundo Tolosano comite et Fulcone episcopo anno M. CC. XX. VI. ab incarnatione Domini et sunt inde testes Bertrandus de Montibus et Arnaldus Barravus et Bertrandus de Roaxio et Petrus de Roaxio qui vocatur Grivus et Bernardus de Turre et Bernardus Petrus de Ponte et Arnaldus Wuillelmus de sanelo Barcio et Gauterius de Acromonte et Arnaldus Guido juvenis et Stephanus Signarius et Arnaldus Raimundus d’Escalquencis et Arnaldus d'Escalquencis et Poncius de Capite Denario et Brunus de Garrigiis et Maurandus probus homo et Johannes Curta Solea et Petrus de Coceanis et Raimundus Bengarius et Raimundus Centullus et Raimundus Gamicius et Hugo Johannes tune vicarius et Petrus Medicus et Raimundus de Padiobuscano et Johannes de Montelaudio et Petrus de Taberna et Pictavius Gauterius et Rai- mundus de Miramonte et Raimundus Donatus qui mandato ipsius domini Raimundi comitis cartam istam scripsiL. 92 MEMOIRES BULLETIN DU MOIS DE FÉVRIER 1890. ie M. Gaussaiz communique à l'Académie la suite de ses études sur l’aliénation mentale. Dans un précédent travail , l’auteur s'était occupé de la définition de la folie et des tentatives faites pour classer méthodiquement les genres , les espèces et les variétés de cette maladie. Les difficultés qui se sont présentées dans cette première étude, en entraînaient une autre qui vient se résumer dans cette question : Quelle est la limite où s'arrête la raison et où commence la folie ? « Question ardue , dit-il , dont j'ai dû pourtant aborder Pexamen dans ces généralités, non pas avec la pensée d'arriver à sa solution , mais dans l’u- nique espoir de rencontrer, chemin faisant, quelques données capables d'éclairer la pathogénie de la déplorable infirmité dont je m'occupe. Ces données , je vais essayer de les recher- cher dans les développements qui me seront fournis par Fappré- ciation de certains phénomènes appartenant, 1° à l'état de santé parfaite ; 2° à quelques maladies autres que l’aliénation mentale ; 3° à l’aliénation mentale elle-même. » Lorsque nous employons dans la conversation le mot folie, ses dérivés et ses synonymes , nous avons pour but de qua- lifier des paroles ou des actions qui nous paraissent ne pas se renfermer dans les strictes limites de la raison et du sens com- mun. Mais quand noës formulons ainsi nos jugements, nous ne songeons pas que certains de nos discours , de nos projets, de nos actes, sont pareillement appréciés par les mêmes per- sonnes que nous avons plus d’une fois jugées dignes d'habiter les petites maisons. C’est que notre raison est la mesure de la folie des autres, et si la raison est une , comme la vérité, iln’ya, selon les expressions de Labruyère, qu'un seul chemin pour y arriver, tandis qu’il en existe mille autres pour s'en écarter. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 93 » En effet, l’incohérence, la fausseté et la fixité des idées : les égarements de l'imagination et les erreurs des sensations ; les raisonnements justes , basés sur un principe faux, et la pour- suite d’un but à l’aide de moyens non appropriés ou extrava- gants ; les aberrations de la volonté et l’exagération des pas- sions : voilà, en définitive, à quoi viennent se réduire les phé- nomènes observés chez les aliénés et qu’on remarque aussi chez les individus sains d'esprit. » Développant cette proposition à l’aide de considérations et de faits rattachés à chacun des éléments précités , M. Gaussail signale les transitions successives à travers lesquelles les facultés intellectuelles , morales et affectives , passent du mode physio- logique au mode morbide. Ces développements, qui ne sauraient se prêter à une repro- duction analytique, font le sujet du 1° paragraphe. Dans une prochaine communication , l’auteur exposera le 2° chapitre de ses études. M. LEYMERE annonce la découverte probable du zinc natif dans un schiste qui se trouve dans une localité du Languedoc, eten montre un échantillon à l'Académie. Jusqu'à présent ce métal ne s'était présenté dans la nature qu'à l’état de combi- naison. M. Ducos fait un rapport verbal sur les OŒEuvres poétiques adressées à l'Académie par M. Bordes, conservateur des hypo- thèques à Pont-Lévèque. M. Jocy lit un Mémoire intitulé, Sur l'existence supposée d'une circulation péritrachéenne chez les insectes. L'auteur de ce travail a eu spécialement pour but de réfuter les idées récemment émises à ce sujet par M. Blanchard , aide natu- raliste au Muséum d'histoire naturelle de Paris, Ce Mémoire est imprimé dans cette livraison. M. pe VacquE lit un Mémoire sur les anciens octrois de la ville de Toulouse. M s'attache à faire ressortir leur caractère douanier, cherchant par un esprit étroit de localité à favoriser outre mesure , ceux qui avaient acquis le droit d'Aabitanage , 14 févrie: 11 février. 9% MÉMOIRES et par voie de suite, se montraient haineux et injustes même pour l'étranger. Les anciens tarifs s'attachaient surtout à renfermer dans leurs longues nomenclatures tous les objets auxquels on pou- vait penser ; les tableaux , par exemple , l'eau de la reine de Hongrie et les cornes de licornes. Les boissons étaient taxées très-modérément: mais il y avait loin des droits même légers qu’elles payaient, à la franchise absolue que les Comtes de Toulouse avaient accordée par leurs chartes au vin bourgeois, nom donné au vin recueilli dans le gardiage et destiné aux habitants.” M. Brass soumet à l’Académie , de la part de M. Pellis, professeur de mathématiques à Toulouse, un mémoire relatif à une question géométrique. MM. Brassinne et Molins sont chargés de faire un rapport sur ce travail. M. Levuene confirme la découverte du zinc natif, annoncée avec réserve dans la séance précédente. Les essais minéralo- giques et les essais chimiques de M. Boisgiraud ne peuvent laisser aucun donte sur la nature du minéral ; c’est bien du zinc métallique, et même du zinc pur. Il a été apporté à Toulouse par un ecclésiastique du dépar- tement du Tarn. Il se présente sous la forme de petites pla- quettes ayant deux millimètres environ d'épaisseur, amincies sur les bords. La cassure dévoile une structure lamelleuse très- prononcée et un vif éclat. La surface de la plaquette est en- duite d’une pellicule noire, interrompue par des veines blan- ches du métal pur qui s’entrecroisent en plusieurs sens. L'auteur de cette découverte assure que les plaquettes gisent entre les feuillets d'une roche schisteuse et qu’elles se montrent avec une certaine abondance. Il se refuse d’ailleurs à faire connaître le lieu précis où se trouve le gîte. M. Bezuoume lit un mémdire intitulé , Recherches sur la constitution toulousaine dans le moyen âge, à l'égard des meurtriers et des assassins. L'auteur suit les diverses chartes antérieures au x siècle, dans les articles concernant l'objet DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 95 de ses recherches. I les cite, en faisant observer que ce point de législation criminelle ne fut définitivement fixé dans la constitution toulousaine , qu'en l’année 1222, pour ce qui se rapporte aux domaines et propriétés des meurtriers dont le jugement avait eu lieu. M Belhomme cite à cet égard une charte qu'il rattache à son mémoire comme pièce justificative, et tout particulièrement aussi à titre de document inédit. Ce Mémoire est inséré dans cette livraison. M. Brassixxe fait un rapport sur l'ouvrage de M. Pellis, professeur de mathématiques à Toulouse , relatif à la division du cercle en trois parties équivalentes, au moyen de l’épi- cycloïde. L'auteur suppose le diamètre d’un cercle divisé en trois parties égales. Sur un cercle tracé sur la division du milicu prise pour diamètre, on fait rouler un cercle égal, dont un point engendre deux épicycloïdes symétriques, par rapport au diamètre du cercle. La quadrature de Faire épi- cycloïdale , comprise aa-dessus ou au-dessous du diamètre , démontre que par le moyen de cette courbe transcendante , le cercle est divisé en trois parties équivalentes. Le cercle peut servir de base à un cylindre ou à un cône ; dans ce cas, un cylindre ou un cône à base épicycloïdale , ser- virail à diviser les volumes des premiers solides en trois parties équivalentes. L'Académie, sur les conclusions favorables du rapport, re- mercie M. Pellis de son intéressante communication , et l'engage à continuer ses recherches. M. LarroQue , Professeur de physique au Lycée de Tou- louse , adresse à l’Académie deux notes ; l’une relative à la démonstration de la densité des corps solides ; l'autre à la me- sure de la capillarité. Il demande d’être inscrit sur la liste des candidats pour une place déclarée vacante dans la section de Physique et d'Astronomie. Ces notes ont été renvoyées à une Commission , composée de MM. Brassinne, Molins et Petit. Une demande semblable pour la place déclarée vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres , a été faite à l'Aca- février. 96 MÉMOIRES démie , par M. Astre, avocat , qui lui adresse en même temps la traduction qu'il a faite du second livre du poëme italien d'ÆAlamanni. Cet ouvrage a été renvoyé à la classe des Ins- criptions et Belles-Lettres. M. Moquix-Taxpox lit un Mémoire intitulé , Note sur une nouvelle espèce de Parmucelle , précédée de quelques consi- dérations sur ce genre de mollusques. Cet ouvrage est imprimé dans cette livraison. Au nom d’une Commission , M. BRAssiWE fait un rapport verbal favorable sur les travaux adressés à l'Académie par M. Larroque, candidat à la place déclarée vacante dans la section de Physique et d Astronomie. M. Decaviexe (Ferdinand) , Professeur à la Faculté des Lettres de Toulouse , demande d’être admis comme candidat à la place déclarée vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. Il appuie sa demande par l'envoi d’un ouvrage imprimé, ayant pour titre : Tragédie chrétienne au xvzrr° siè- cle, et un ouvrage manuscrit intitulé : Casimir Delavigne ; Etude biographique et littéraire. La classe des Inscriptions et Belles-Lettres est chargée de cet examen. M. Perir fait un rapport verbal sur un ouvrage imprimé , adressé à l'Académie par M. Leboucher, relatif à un météore qui a ravagé les communes de Douvres ‘et de Luc. L’Acadé- mie, sur les conclusions du Rapporteur, vote des remerciments à M. Leboucher. M. Jouy est chargé de faire l'éloge du Colonel Dupuy. Sur la double proposition qui lui est faite , l’Académie fixe au 21 mars prochain l’époque de la nomination à deux places vacantes ; l’une dans la section de Physique et d’Astronomie , l’autre dans la section des Mathématiques pures. M. Duror ayant recueilli à sa campagne quelques fossiles , M. Noulet a été invité à les examiner et à en rendre compte à l’Académie. > de Toulouse en 1849. ANNÉE 1849. 743,503 Hauteursmoyennes 742,988 baromètre métriqt 742,357 7 42,650 743,267 13,27 21,45 21,6% {Températures moye nes en degrés ce tigrades. ...... [Indications moyenr de l’hygromètre. Jours de pluie.... 13 jours. — ———— Jours de brouillarc » » Jours de gelée. .. —— — Jours de neige... » » Jours de grêle ou « Jours d'éclairs... 10 jours. Jours de tonnerre. 5 jours. Jours d’aurores bo » Quantité de pluie | 7gwm,35 —— "4 4 10 . Joursoù levent / À, re aeulesdirec- . à ; O 2 jours. lions moyen- N 5: ds N, 5 jours. RAA NE jhûrs. N » E » S! 8 jours. Va 5 jours. Ca 16 jours, JT. où le vent a { été général. Jours où leciel a ét généralement. . 5 Jours, 1{) Jours. 6 jours. . . » © 1 ON = Dis bnss QI OO Qi SISINSISIS) ER Es RE D 12 jours. 8 jours. ——_—_—_—_— 2 jours. 1 jour, » 50mm,90 3 jours. 4 jours. 5 jours. 3 jours. 3 jours. » 2 jours. 8 jours. 3 jours. 14 jours. 5 jours. 10 jours, 16 jours. SISISINT SI ++ EEE Or Qi hs QI 13 jours. 10 jours. 5 jours. ——e 2 jours. 1 jour. — ———— | ———— 56mm,75 5 jours. 3 jours. 9 jours. 5 jours. » » » G jours. 2 jours. 14 jours. G jours. ë Jours. 16 jours. | | œ D Lab u- ILERD SIN SIN) ES noue TE D NI 11 jours. 8 jours. 12 jours. 5 jours. » » 30mm,20 2 jours. 2 jours. 15 jours. 4 jours. » 1 jour. » 3 jours. 4 yours. 16 jours, 2 jours. 10 jours. 14 Jours. EPTEMBRE. | OCTOBRE. | NOVEMBRE. | DÉCEMBRE. Résumé générel L'ANNÉE, 13g jours. 57 jours. 45 jours. 11 Jours. 11 jours. 45 jours. 29jours. » 536um 26 24 jours. 24 jours. 85 jours. 82 jours. 26 jours. 3 jours. 6 jours. Gx jours. 54 jours. 179 jours. 96 jours. 120 jours, 143 jours. TABLE AU général des Observations météorolog iques faites à l'Observatoire de Toulouse en 1849. 7 nt ANNÉE 1849. |HEURES.| JANVIER. | FÉVRIER. MARS. AVRIL. MAL. JUIN. JUILLET. AOÛT. SEPTEMBRE. | OCTOBRE. | NOVEMBRE. | DÉCEMBRE. | Résumé générel f—— —— — L'ANNÉ | 5 | — — | —— a — N E, 1 gb matin.| 749,465 754,885 -/6,522 | -3o,t // 528 É 711152 e 2e —— | ——— | —— — — ose | { Ce DURS Fe 749;7 729,411 44,536 41992 6,256 = 46,48: -/35 15 2/8 Eoe > 1 Hauteursmoyennesdu midi . -..| 745,969 754,642 746,512 739.600 DES DHAETE 715 07 D is GAprT 745,505 746,128 746,122 l| baromètre métrique. { 3h soir...| 748,465 755,803 745,984 730,015 543,341 743,750 745.195 TS 37 Tage 744907 744,785 745,547 745,6362 1 Fe soir... | 745,912 754,185 745,829 799,195 743,475 743,589 TR Die En 7EpETS 744511 2 745,0636 | gb soir...! 749,412 754,481 546,363 740,085 4,344 544,305 HOARET Cr el CARS 1+p947 pay, 749,724 745,a7a1 il » 7944 m7 10, 7495 744944 744 cs 746,254 745,660 744,267 745,03t 745,629 745,970 7459006 ghmatin.| 5,75 4575 6,:8 10,13 17,52 23,3 23,93 ë sue 536 | Des — £| Températures moyen-| midi. ..… 8,38 5,15 9,51 11,88 2011 25,64 26 78 He UE de 7,08 3,61 13,230 nes en degrés cen-J3hsoir...| 873 | 983 | aïan | 146 | 2086 | 2695 | 2357 | 268 | 516 | 1778 | 09 | 259 Last {, n ER ] 1 ñ pr | tigrades. ........4{6h soir... 7,95 7,50 9,05 10,04 18,41 24,07 25.64 UE der: Le joe ; 10,656 : / 59 HE 10 É 04 24,76 18,75 14,90 8,43 ñ gh SOIT 6,45 5,93 6,85 7:09 15,93 20,27 21,80 20,92 16,69 ii 7 Es 378 de Dario) Gr 10,96 11,81 15,50 21,01 27,80 28,28 27,33 22,72 18,54 1116 6,18 1 378 HET En ya : EE 7 , , TE #37 minim. 3,37 1,79 1579 4,40 10,46 15,42 16,26 15,38 12,48 11,01 3,46 1,19 £o: De RS ER : 7 b mati Fo , : 65.5 el = =—— À gb matin.| 95,76 94,96 86,44 81,93 7461 67,53 65,94 67,65 80,68 38,22 2,83 | fodications moyennes) DURE IS OGIRT 86,45 7u,0b 60,77 62,71 56,83 56,27 53,63 67.70 ro 85" En il de lhygromètre. . . { 3h soir... 89,69 79:07 61,34 68,63 58,55 53,77 49,90 46,71 65,27 75,08 827 85 02 Br ob7 fe Soir. . GEue 86,07 67,08 LAC 62,94 60,93 52,42 50,63 73,03 85,55 89,57 89,76 78,772 gb soir...| 94,24 8/,99 76,40 84,50 FA 379 69,55 60,47 60,18 79:98 89,00 95,12 91,24 795533 N| Jours de pluie.........,,,.....| 15 jours. 6 jours. 6 jours. | 22 jours. 13jours. | 13jours. 7 jours. 8jours. | 13 jours. | 12 jours. 13 jours. 1ijours. |13gjours. Jours de brouillard. .. 7 jours. | 10 jours. 3 jours, » 1 jour. » » » » 8jours. | 10 jours. 8jours. | 57 jours. Jours de gelée. ..... es... Gjours. | 10 jours. 10 jours. 2 jours. » » » » » » 5 jours. 12 jours. | 45 jours. Jours de neige. ..............| jour. » 2 jours. 1 jour. » » » » » » 2 jours, 5 jours. 11 jours, a == | — ——— —|}— — | ———— | —"" |__| —_ | —_—_—_—— — — | Jours de grêle ou de grésil......| 1 jour. » 1 jour. 7 jours. L jour. » » » » » 1 jour. » 11 jours, (ours d'éclatrs- terre » » » 4 jours. 4 jours. 12 jours. 6 jours. 7 Jours. 10 jours. 2 jours. » » 45 jours. {Jours de Lonnerre.......,...., » » » 6 jours. 2 jours. 7 Jours. 5 jours. 3 jours. 5 jours. 1 jour, » » 2qjours. Jours d'aurores boréales........ » » » » » » » » D D D 2 D A Quantité de pluie en millimètres.| 58mm,36 7mm,90 | 18mm,20 | 97mu,60 26mm,20 | 5omm,25 | 35mm,35 | 23mm,10 | 5qum,35 | 5omm,go | 56mm,;5 | Somm,20 | 556mm,26 sole ete et SSO. 3jours. 1 jour. 2 jours. 1 jour. 1 jour. » 2 jours, » 4jours. 3 jours. 5 jours. ; 2 jours. 24 jours, aeulesdre | $0 et OSO, 3 jours. 5 2 jours. 6 jours. 1 jour. 1 jour, 2 jours. » » 4 jours. 3 jours. 2 jours. ?| 24 jours. ons mosens O et ONO. 13 Jours. 5 jours. 2 jours. 11 Jours. 8 jours. 4 jours. 7 jours. 4 jours. 2 jours. 5 jours. 9 jours. 15jours. | 85jours. Fe Ù NO et NNO. 1 jour, g jours, 16 jours. 3 jours. 5 Jours, 7 Jours. 117jours. 13 Jours. SRLOUTSS 3 JOUTSE 5 jours. #jours. | 82 jours. ste ‘"\Net NNE » 6 jours. 2 jours. » 2 Jours. 2 Jours. 1 jour. 4Jours. 6 jours. 3 jours. d & 26 jours. NE et ENE,. » » » 1 jour. 1 jour. » » » » D » 1 Jour. 3 jours. E et ESE, 2jours. 1 jour. 1 jour. » » » D > na UIQUTE LA FE Cours, SE et SSE. 4 jours. 1 jour. 2 jours. 3 jours. 12 jours. 8 jours. 2 jours. 4 jours. 8 jours. 8 jours. G jours. 3 jours. | Grjours. NÉS Eee CSN nl ea 3 : . tn : De rs . 7 J. où le vent a { Variable. ...,..| 5 jours. 5 jours. 4 jours, 5 jours. 1 jour. 8 jours. 6 jours. 6 jours: LS 3 jours. è jours. is DIE été général! UCalme,nuloufaib.| 11 jours. | 24jours. | 15 jours. 15 Jours. 8 jours. | 35 jours. 15 jours. 18 jours. 16 jours. 14 jours. 14 jours. 16jours. |179 jours. <= | À: —— - REETS eme 5: mr IE 6 jours Joursoùlecielaété( Beau......| / jours. 9 jours. 11 jours. 2 jours. 11 Jours. 12]Juurs. 11 Jours. 18 jours. SOUS 5 Jours. 6 jours. cIpUTSE OONQUES | énér 4) ue = 3: 3 jours ] 8] 5 jours. 7 Jours. 14 Jours. 10 jours, 8 jours. 10 Jours. 126 jours. généralement... { Nuageux...| 6 jours. bjours. | 13jours. | 19Jours. | Li Jours. OPRÉGE E A a dE : : : < Fan 7 jours 15jours. | gjours. 10 jours. 5 jours. 6 jours. 6 jours. 16 jours. 16 jours, 1qjours. |143jours. ll 2 Es lb = = = RE — r z Couvert....| 21 jours. 13 jours, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 97 NOTE SUR LA COURBURE DES SURFACES ; Par M. MOLINS. Soient R, R’ les rayons de courbure principaux en un point d’une surface, p, p,, p,, 03... les rayons de courbure de diverses sections normales faisant avec le plan d’une des sections principales des angles &,a+K,a4+2K,a+5K.… . 1 1 Li ] Si V n — Es on pose RTE MEET b, on aura les formules suivantes : s=a+b cos 2 x = a+ bcos(2a+2K)=u + (cos 2x cos 2K — sin 2 « sin 2 K) r = a+b cos (2 a+4K)= a +b(cos 24 cos4K— sinZæsin 4K). Ajoutant la première et la troisième , et retranchant la se- conde multipliée par un nombre indéterminé m , on trouve : St; —T=a(2—m)+bcos 24 (1—m cos 2K + cos4K) — b sin 24 (sin 4 K— m sin 2K) Mais l’on a 1—m cos 2 K+ cos 4 K—cos2 K (2cos2K— m), sin4K—m sin 2K— sin 2K (2 cos2K— m); par suite , la relation précédente pourra se mettre sous la forme ter =a(2-m)}H (2cos2K—m)cos2xcos2K—sin 2asin2K =@a(2—m)+b(2cos2K— m)cos(2x+2K). 3° $.— TOME vi. 7 98 MÉMOIRES Le nombre m étant indéterminé , on peut poser 2 cos 2 K — m— 0; le terme dépendant de Pangle « dispa- rait et l’on a (4) DR 2 a (2—m)=2 a (1— co2 K) ou DUREE _ = 2 a sin °K. Cette formule offre une relation générale entre les cour- bures de trois sections normales dont deux forment un angle égal à 2 K et dont la troisième divise cet angle en deux par- ties égales ; il en résulte ce théorème : si en un point d’une surface on considère deux sections normales faisant un angle donné , et la section bisectrice de cet angle, la demi-somme des courbures des deux premières moins la courbure de la troisième multipliée par le cosinus du même angle, forme une quantité constante quelle que soit la position autour de la normale du système de ces trois plans regardé comme de forme invariable. La même Rae étant appliquée aux sections dont les courbures sont — eu: = devient : Pa Pa ? pa 1 1 2 cos 2 K + — —=2a(1— cos 2K); Pr Mes fa en la retranchant de la première on trouve (2) ne —=(1+2cos2K) (=). ce qui donne une relation générale entre les courbures de quatre sections normales dont deux font un angle égal à 5 K,et dont les deux autres divisent cet angle en trois parties égales. On a done ce théorème : si l’on considère deux sections normales faisant un angle donné et deux autres sections qui divisent cet angle en trois parties éga- les, le rapport de la différence des courbures des deux DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 99 premières à la différence des courbures des deux dernières , est constant. Soient r, r, les rayons de courbure de deux nouvelles sections normales faisant un angle égal à 2 K’ et qui aient même section bissectrice de leur angle que les sections dont (l 1 . . les courbures sont -, — : la relation (1) sera applicable et Pr fa deviendra : ll CE 1 nr, Mulüpliant la première par cos 2 K’, la seconde par cos 2K, et les retranchant ensuite, on trouve : 1 1 cos 2 K’ (+) — cos 2K (+2 )=20 (cos 2K' —cos 2K) 2 cos 2 K’ L ———2 a (1— cos 2 K'). ou bien RE (41) a (1 2À) Par "cos 2 Kris cos 2 K’/°? relation générale entre les courbures de quatre sections normales dont deux font un angle égal à 2K, dont les deux autres font un angle égal à 2 K’ et ont même section bis- sectrice de leur angle que les deux premières. Examinons quelques cas particuliers. Si l’on fait 2 K— 60° d'où 5 K—90, cos 2K—-, les formules (4) et (2) devien- nent : résultats qui peuvent s’énoncer ainsi : 4° si l’on considère deux sections normales faisant un angle égal à celui de l'hexagone régulier, et la section bissectrice de cet angle, la somme des courbures des deux premières , moins celle de la troisième, forme une quantité constante ; 2° si deux sections normales sont à angle droit, et si deux autres sections normales divisent cet angle en trois parties égales, 160 MÉMOIRES la différence des courbures des deux premièrés est double de la différence des courbures des deux dernières. Si l’on fait 2 K=— 50° d’où 3 K = 45°, cos 2Kk—% , les formules se el ou deviennent : } 1 De a (25) EE (DE) ; P fa et si l’on fait 2K— 45° d'où cos 2K——"°, les mêmes for- 2 mules deviennent : it Ba @ =) GS) Ces divers re peuvent être énoncés sous forme de théorèmes. Considérons les relations suivantes : ets =a(@- 1) 1 1 —+———=a(2—m ne fa ( ) 1 l ee a mn ar fa ( ) s Re CE Pr—a Pn Pn-1 En les ajoutant membre à membre on trouve : du = (Im) (+ =) +@-m) (+4) D NES relation générale entre les courbures de deux sections nor- males faisant un angle donné, et celles des sections nor- males qui divisent cet angle en n parties égales; elle peut être mise sous la forme : 1 a ee CE D PO Pn Pr Pn=T DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 101 Donc on obtient une quantité constante en faisant la somme des courbures de toutes les sections intermédiaires, et y ajoutant la différence entre la somme des courbures des sections extrêmes et la somme des courbures de la pre- mière et de la dernière des sections intermédiaires , cette différence étant multipliée par un nombre constant. Cherchons maintenant quelle est la condition pour que le produit des rayons de courbure de deux sections norma- les soit constant et égal à RR’. L'on a les formules = = cos” a+ psin? œ 5 =; cos? æ +sin? a si on les multiplie membre à membre et qu'on exprime que p9 —RR", on aura 1 an à ER — = (geo: a+ sin? 2) (Rcos œ +: ;Sin? & Sd ou.bien RR'—(R cos®a+R sin?) (R' cos?æ +R sin? æ' ) ou bien encore RR' ({—tang* &) (14 tang? & ) =(R/ HR tang’ «) (R +R tang? x Réduisant on trouve RR'({—H tang* à tang? & ) = R'?+R*tang * « tang” «/ R' TE Telle est la relation fort simple à laquelle doivent satis- faire les angles «, «pour que les sections normales cor- -respondantes possèdent la propriété énoncée. On voit donc que pour que la question soit possible il faut que R et R’ soient de même signe ou que la surface soit converse tout autour du point donné, ce dont, au reste , il est facile de se rendre compte directement. Quelle doit être la condition pour que la somme des d'où tang & tang « = + 102 MÉMOIRES courbures de deux sections normales soit constante et égale à RHR/? On doit avoir dans ce cas : HS ne en à : 1 vs) L_ cos ? e+psinte posés" R R __ RR'(1+tang ?+) y RR'(1+tang? +) 7 R'+Rtang?æ R'+R taug?# ou bien en chassant les dénominations et faisant les ré- ductions R'5LRS tang? « tang° «’ =RR +R R' tang° « tang *a, : R d'où tang a lang a = +. Si l’on avait R—--R', cette formule deviendrait 1 — À - tang « tangæ —=+ 1; done les sections normales à angle droit possèdent la pro- priété énoncée , et comme dans ce cas R + R'=0, on aura aussi o+p/—0,ce qui montre que les sections à angle droit ont leurs rayons de courbure égaux et de si- gnes contraires, comme on le voit d aiMduré directement par la formule ste F— ET Quelle est la condition pour que le rapport des rayons de courbure des deux sections normales soit constant et ” _ égal à 5? On posera : PA R' R me Ten 1 1 R ? TE œ pin 2% ! N : COS æ R d’où l’on tirera HAS = sus æ R ce qui montre que le problème n’est possible qu'autant que R, R’ sont de signes contrairés ou que la surface n’est pas convexe autour du point donné. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 103 Quelle est la condition pour que la différence des rayons de courbure de deux sections normales soit constante et égale à R-— R'? En procédant semblablement on serait conduit à la relation , ; a cot? x Ltang? a =-2À qui ne peut avoir lieu que si R, R’ sont de signes con- traires. La plus petite valeur numérique de tang & sera égale : (ARE ; ' PRIT 2 R° à V—=#., et la plus grande de tang « seraŸ/—-——; dans le premier cas les valeurs de 6 et p’ seront p=2R—R, ep —R; dans le second cas ces valeurs seront 9 = R’, pe =2R —R. Quelle est la condition pour que la somme des carrés des courbures des deux sections normales soit constante et égale à ste! L'on à ==a+beos 22,22 a +0 cos 24 et il faut exprimer que l'on a (a+b cos 23)? +(a+beos2a) = += 2 a+ 0 d'où l’on tire cos ?2a + cos? 2 a + (cos 2 x+cos 2x ÿy=2 sin?2%+siu?2æ 9 R+HR' TER 2 Ep of nt | ou bien r = = k COS 2 & —- COS 2 & ER 10% MÉMOIRES DISSERTATION SUR LE MOT ROMAN MONDI ; Par M. NOULET. Je me propose de fixer l’étymologie d’une expression qui, passée de la langue romane dans le patois de Toulouse, s'y main- tient encore, et sur l'origine de laquelle je n’ai rien trouvé de complétement satisfaisant; celle du mot Mondi où Moundi, qui, dans notre idiome local, est synonyme de Toulousain. Nous trouvons cette expression employée dans une composi- tion en langue romane, que l’on doit rapporter aux dernières années du xv° siècle, et qui nous a été conservée dans un lan- gage profondément altéré , par un copiste qui, au xvi° siècle, se sera {rop souvent substitué au Troubadour qui l'avait écrite dans un style correct. C’est la chanson de Geste, publiée d’a- bord, d’une manière très-fautive, par Lafaille (1), puis par M. de Ponsan, sous le titre de Cansou a dona Clemenca, ditta la Bertat, sur la guerra d'Espainia, fatta pel gene- roso Guesclin, acistat des nobles Mondis (2). (1) Lafaille fit imprimer cette chanson à la fin de l'édition de Goudelin, qu'il donna en 1694, d’après un manuscrit appartenant à M. Josse, ainsi qu’il le raconte lui-même dans une courte notice. Il a aussi parlé de ce cu- rieux document dans ses Annales de Toulouse, addit. p. 10. Voir encore l’Hist, de Languedoc, tom. 1v, p. 566. (2) M. de Ponsan publia une leçon exacte de cette chanson, en employant le manuscrit de M. Josse , le même qui avait servi à Lafaille, et qui avait été si mal rendu par celui-ci. Voir Héstoire de l’Académie des Jeux Flo- raux, 2° partie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 105 Cette pièce de vers est trop connue pour en dire autre chose, sinon qu’elle fut composée pour célébrer le mémorable fait . d'armes de du Guesclin, allant, au nom du roi de France, Charles V, tirer vengeance de la mort de la reine Blanche de Bourbon, que Pierre-le-Cruel, roi de Castille, son mari, avait fait empoisouner. Or , avant de passer les Pyrénées, du Gues- clin recruta quatre cents guerriers, la fine fleur des Toulou- sains, qui sont désignés au titre, et plusieurs fois dans le corps de la Geste, sous le nom de Moundis. En 1578, Thriors, dauphinois, étudiant en la fameuse et signalée Université tolosaine, ou envoyé pour ce faire, en lui empruntant une spirituelle épigramme à l'adresse de ses nobles compaignons, enfants de Minerve, publia un livret écrit avec une affectation toute thbalEiaionhuent Les Joyeuses Re- cherches de la langue Tolosaine (A) comprennent un recueil de mots empruntés au langage de Toulouse, accompagnés de gloses burlesques ; badinages trop souvent graveleux ou ordu- riers , toujours d'une désespérante prolixité, et qui n'inspire- raient qu'un profond dégoût s'ils ne touchaient , comme à l'insu de l’auteur, à des questions qui ont quelque importance, au point de vue des études lexicographiques. Tbriors a fait deux fois, dans ce livre, allusion au mot Mondin, comme il l'écrivait en français. Il dit , à propos de Maleva (emprunter ) : «.…. Et vaut autant cette phrase de parler, comme si »je disois à quelqu'un qui m'auroit presté une espée qui » feut un peu trop longue pour moy, comme de faict, dit un » certain monpin, de bon lieu et de bonne part, il n'y a » guere de temps à un qui luy avoit presté une espée, la- » quelle estoit un peu trop longue pour luy : Monsieur, je » vous remercie bien humblement pour le présent de vostre » espée, car elle est un peu trop prolixe pour moy, au lieu » de dire elle est trop longue. » (1) Petit in-8° sans pagination. 106 MÉMOIRES A l'article Coutelas, il emploie la même expression en ro- man à la fin de cette phrase, qui indique le goût prononcé des Toulousains de son temps pour les petits pâtés; ce qui leur avait valu un sobriquet, qu'ils trouvaient injurieux : €... Non » plus que les Tolosains ont, my doivent avoir despit de » ce qu'on les appelle mowprs mangio paslissous. » Au xvn siècle, cette expression reçut une véritable illus- tration, lorsque Pierre Goudelin l’inscrivit en tête de chacune des diverses parties de ses œuvres poétiques, qu'il réunit sous le titre gracieux de Ramelet moundi | rameau toulousain Ds vrai rameau d’or, qu'il n’a été donné encore à aucun poëte de la Langue-d'Oc de lui disputer. Goudelin employa souvent cette expression pour désigner les personnes et les choses de Toulouse. Dans un compliment qu’il adresse aux jolies filles ses compatriotes, il leur dit : « Douncos, à bélos Moundinetos, » Or, soulels, perlos é flourétos, » Agradats qu’un boun coumpagnou » Parlé (outjoun à bostr’ aunou, » É que bragardomen sustenguo , » A bel tail d'esprit é de lengo, » Qu'en bous demoron neit et jour » La beutat, la gracio, l'amour (1). » Puis, reprenant ce passage dans le spirituel commentaire qu'il nous a laissé de son premier essai poétique, Per tu libret é countro lu, et, renchérissant sur les gracieuses flatteries qu'il avait adressées aux Toulousaines, il dit d'elles : « Las fillos de » Toulouso s'apelon per escay moundinos, noun pas de qualque » Moundinus, ni perço que sion plus moundenos que d’autros, » mes perço que, per excellenso, soun mondulæ, jantios, pro- » prios, coutinaudos, graciousos se d’autros s’en trobon al mounde. » (1) Mascarado d’un orb et de sa guido, per uno descripciu de beutat ; édit. in-4e, prem. part., pag. 71. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 107 Doujat, qui , né à Toulouse, mourut membre de l'Aca- démie française, nous a laissé un précieux Vocabulaire, pu- blié, pour la première fois, en 1638, à la suite des Œuvres de Goudelin (1). Il avait destiné cet ouvrage à faciliter l'intel- ligence des compositions de son illustre ami, déjà devenues difficiles à cette classe de lecteurs, que l’on désignait alors sous le nom de lrancimans. Aussi Doujat, ne se préoccupant point des origines, se contenta-t-il de définir les mots dans un sens souvent limité; c'est ce qu'il lit pour celui qui nous occupe, et dont il a dit : mouwpr, tolosain. Le P. Grimaud, Bénédictin, dans la préface dont il a fait précéder son poëme de la Vie de Saint Benoît , ou le dret Cami del Cel dins le pays Moundi (2), crut devoir s’excuser d’avoir osé traiter un sujet si relevé, en ayant recours à la Muse vul- gaire; et, à ce propos, il dit aux âmes dévotes : « Beléu ( armos debotos ) bostres esprits s’afiscon à cerca le » pel à l’ioou; iou boli dire que bousautros demandariots un » lengatge may presat, o may counescut, o may en boguo ; » Diu me garde de parla mal de las autros lengos ! may iou » bous diré, sense babardiso, aprep le sentimen de persounos » de meriti, que saben couneisse las bounos causos , que » Le Grec parlo coumo un gendarmo, » Le Lati coumo un partisan, » Le Frances coum'un courtisan , » May le Moundi nous rabis l'armo , » É moblo de rabissomen » L'oustal de nostr’ entendomen. » E d’aqui cal tira la counsequenco que le lengatge moundi es » coumo l'ordi moundat, que, cousinat coumo cal, engraisso (1) Le Dictiounari moundi, de la oun soun enginats principaloment les motsles plus escarriés, an l’esplicaciu franceso. A Toulouso, de l’imprimario de Jan Boudo, 1638, grand in-12, sans paginatiou. On trouve quelquefois ce dictionnaire distinct de l'édition des œuvres de Goudelin, qu'il doit accompagner. (2) Le dret Cami del Cel dins le pays Moundi, 0 la bido del gran patriarcho sant Benoist, elc. ; per Grimaud. Toulouso, per Frances Boudo, 1659; in-18. 108 MÉMOIRES » tout le mounde, e diré, sense flatengo, que per exprima » quicom de bel, o per douna à naisse calque ritcho pensado, » le lengatge moundi es l'oli sur l’aigo. » En 1671 parut le Recuil de pouesios de la Muso moun- dino , auquel Gautier n’osa pas mettre son nom (1). Enfin, le Miral moundi (2), poème, imprimé en 1781, té- moigne de l'emploi que l’on faisait du mot qui nous occupe, au commencement du xvin® siècle. Depuis, jusqu’à nos jours, on s’en est fréquemment servi dans les ouvrages en vers et en prose, quoiqu'il soit entière- ment passé d’usage dans la langue parlée de Toulouse. Maintenant que j'ai démontré que le mot Mondi, fort ancien, n’est pas encore complétement tombé en désuétude, il me reste à rechercher son origine. Parmi ceux qui ont employé cette expression, et dont nous avons emprunté des passages, Goudelin et Grimaud ont seuls formulé une opinion à ce sujet. Dans le Ramelet moundi on la voit éclore d’une inspiration poétique, qui, reprise dans le dret Cami del Cel, n'est plus qu’une vanterie gasconne. Ainsi, nous n'avons plus qu’à discuter la valeur de l'explication ima- ginée par Goudelin. Elle consiste à penser que les filles de Toulouse ne seraient point appelées Mondines, du nom de quelque Mundinus, mais bien parce qu’elles sont mundule , gracieuses, élégantes , bien attifées , etc. A mon sens , c’est la thèse contraire qu’il fallait soutenir ; et, n’en déplaise à la courtoisie du poëte, je ne mets pas en doute que mondi, mondina , d'abord ; puis moundi, moundino ; en vieux français mondin, mondjne , ne soient labréviation de Ramondinus, Ramondi, Ramondin. Or, cette opinion prend un caractère d’évidence, quand on arrête son esprit sur cette réflexion, que, dans les États des der- niers comtes de Toulouse , une foule de choses empruntèrent le (1) In-12, sans nom d’auteur ni d’imprimeur. (a) In-12, Toulouse , Desclassan. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 109 nom de ces bons seigneurs : c'étaient les terres, les forêts, les monnaies ramondines; les mesures, les poids ramondins, ete. Dès lors on comprend que Toulouse et le pays dont cette ville était la capitale, qui avaient donné des preuves d'un si grand attachement à cette noble maison, fussent désignés sous le nom de Ramondins, par abréviation Mondins. En y réfléchissant, on s'aperçoit d’ailleurs que l'opinion de Goudelin, qu'il n'eut probablement pas l'intention de rendre sé- rieuse , est toute d'occasion , et qu'elle ne peut devenir la clef d’un système étymologique raisonné. Sans doute, il serait pos- sible d'accorder que l'épithète de mondines, donnée aux dames de Toulouse, dérive du latin murndus ; à tout prendre, il pour- rail en être de même de cet adjectif accolé à la langue toulou- saine, que l'on supposerait plus pure que toutes les autres , avec Grimaud, Mais comment étendre aux nobles moundis, au famelet moundi, au pays moundi, à la Muso moun- dino, etc. , cette communauté d'origine ? Ainsi, M. le docteur Honorat, dans son Dictionnaire provençal, récemment publié, ne s’est point aperçu qu'en adoptant le sentiment de Goudelin, il se payait d'une invention poétique qui ne pouvait avoir au- cune autorité lexicographique (1). Goudelin , en repoussant , dans son spirituel badinage , l’idée que moundi pouvait bien venir d'un certain Mundinus, laisse entrevoir comme les traces de la véritable filiation éty- mologique de ce mot. Mundinus, mundina, dans la basse la- tinité, mondi, mondina, en roman, étaient fréquemment em- ployés pour ÆRamundus , Ramunda. Yen trouve la preuve dans un document conservé aux archives départementales, et dont je dois la communication à M. Belhomme, mon savant confrère. C’est une procédure instruite vers la fin du xrv° siècle. Ce titre, quoique incomplet, est curieux à plus d’un titre , surtout en ce qu'il semble établir que l’idiome employé, à cette époque éloignée, dans le Bazadais ou pays de Bazas, enclavé (1) M. Honorat dit du mot Moundi: Mound, radical du latin mundus, a, um, nel, propre. 110 MÉMOIRES aujourd hui dans le département de la Gironde, ne différait pas essentiellement de celui de Toulouse. Tandis que je me préoccupais de ce point de vue, qui offre quelque intérêt pour l’histoire de nos idiomes locaux, le prénom de Mondina, donné comme synonyme de #amonda, frappa mon esprit aussitôt que mes yeux, et me donna une preuve que je souhaitais, et que je ne cherchais pas en ce moment. Je ne dirai que peu de chose de la procédure elle-même. Un chevalier de Malte, résidant à la Commanderie d’Argentin , instruit à Cours une affaire scandaleuse : il reçoit les témoi- gnages de plusieurs habitants du lieu, que le greffier ou no- taire rédige en latin. Néanmoins, lorsque la déposition acquiert plus d'importance, dans le but de la rendre plus fidèle, il la relate textuellement en roman. Comme dans les procédures ac- tuelles, on trouve parfois dans celle-ci une crudité d'expressions que le but de l'information fait suffisamment comprendre. Je serai donc sobre de citations empruntées à l'instruction d’une affaire criminelle, qui, de nos jours, serait jugée à huis clos. Les preuves que je dois y puiser étant d’ailleurs souvent répé- tées , et toujours les mêmes, je ne gagnerais rien à vous entre- tenir trop longuement des méfaits attribués à Raymond de Fabre , accusé d’avoir abusé de la jeunesse et de l’inexpérience de sa filleule Raymonde Brun. Voici le début de cette information : « Informatio facta per curiam de Curtibus, contra Ramundum » Fabri, dicti loci de Curtibus, legitime conjugatum et uxo- » ratum in dicto loco sive castro de Curtibus ; ex eo quod eidem » imponitur violasse et deflorasse , et aliter rem carnalem ha- » buisse et carnaliter cognovisse Ramundam aliter Mondinam, » filiam Bernardi Bruni, mansi de Motériis, juridictionis dicte » domus et mandamenti dicti castri de Curtibus, virginem et » non nuptam , nec maritatam, qui quidem Ramundus Fabri, » dictam Mondinam defloravit in nemore, sive bosqueto do- » mini preceptoris de Curtibus, et in dicto nemore pluries et » frequenter cognovit cam carnaliter et in aliis partibus et di- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 111 » versis locis que dicta Aondina morabatur, tune temporis in » domo dicti Ramundi Fabri , et ad cjus servicium erat depu- » lata, et dicta Mondina se jactavit pluries et frequenter in » presencia plurium quod dictus Ramundus Fabri ipsam deflo- » raverat et rem carnalem cum ipsa habuerat, tum in nemore » sive bosqueto dicti domini preceptoris etiam alibi, et hoc » contra voluntatem et libitum dicte Mundine, cum violen- siGasl Jiui incepta fuit die xxvr novembris, anno Domini » M. CCC. LXXXV (1385 } (1). » Cet acte nous fournit donc le sens direct du mot mondi, mon- dina, signifiant Ramondin , Ramondine; mais il avait aussi un sens délourné, comme je l’ai indiqué, et qui en faisait comme le surnom des Toulousains. Cette dernière interprétation n’était pas entièrement oubliée à la fin du xvu: siècle. Le poëte Pala- prat, dans la préface de sa comédie des £mpiriques (2), repré- sentée à Paris en 1689, se livrant à une de ces digressions qui lui étaient familières , raconte la part qu'il eut, par deux fois, au gouvernement de la ville de Toulouse, et les soins qu'il prit pendant son administration des plaisirs du peuple. A ce sujet, il regrettait que l'Académie des Jeux Floraux eüt perdu l'u- sage, au 3 de mai, de réciter des vers en langue toulousaine ; « qui , par une distinction accordée à la seule ville de Tou- » louse, dit-il, est appelée mouvpine …. » Et continuant à louer les vers mondins, ou toulousains, il ajoute en note : « Ce mot est venu des courtisans du comte Raymond, qu'on » appelait Ramondins. » C'est partisans au lieu de courti- sans que Palaprat aurait dù écrire, pour désigner ceux qui distinguant de bonne heure ce qu’il y avait de légitime et d’in- juste dans la croisade albigeoise, soutinrent avec une rare fidé- lité les droits de leurs derniers princes, si injustement persé- cutés par l'Église et le roi de France. Ils voyaient avec raison en eux les défenseurs de leurs immunités municipales , les pro- (1) Titres de l’ancienne commanderie d’Argentin , dépendante de l’ordre de Malte. (2) Les œuvres de M. de Palaprat. Paris. Pierre Ribou , 1719: 112 MÉMOIRES tecteurs des Lettres romanes, les soutiens de leurs libertés , les représentants de cette féodalité méridionale qu'ils chéris- saient. Attachés de cœur aux chefs que le fanatisme et l'avi- dité voulaient leur ravir, ils se déclarèrent pour eux, et dé- fendirent leur cause avec cette opiniâtreté que donne le bon droit. Toulouse mérita donc, mieux qu'aucune des autres villes qui faisaient partie des vastes états de ses comtes, ce surnom de Ramondine , qui l'honore, et que la postérité doit lui con- server. DE L'ACAPÉMIE DES SCIENCES. 113 INSTITUTIONS FÉODALES. CHARTES INÉDITES DU 1 5"€ SIÈCLE. — FONDATION DE BEAUMONT SUR GIMONE ; Par M. DUBOR. Us intérêt particulier s'attache à l'époque où le Languedoc cessa d'avoir son gouvernement particulier par extinction de la race des Comtes de Toulouse. Les rois Francs , en leur succé- dant, semblaient vouloir dissimuler toute marque de change- ment, même dans le titre du souverain , qui, devenant Roi, ne cessa point d'abord d'être Comte. A la longue, il'est vrai, par aggravation incessante du pouvoir, le titre et la chose se per- dirent également ; il ne resta plus ni de Comies ni de comtés, plus d'institutions non altérées, ni lois, ni mœurs , ni langue; toutes choses disparurent enfin de cet ordre ancien, qui nous laissa au lieu d’annales, des lambeaux de titres épars moins coneluants peut-être en faveur du régime déchu , que ceux où se témoignent les efforts du pouvoir nouveau pour en effacer le souvenir. On peut voir comment ces efforts furent habilement dirigés par toutes les fondations et les concessions faites aux peuples de la Province, à la fin du treizième et dans le cours du quatorzième siècle. Je ne doute pas des bons résultats histo- riques qu'on trouverait à comparer , dans le cours de cette période, et en remontant du terme le plus éloigné jusqu'aux temps antérieurs, les chartes féodales données où reconnues aux communes. Parmi celles qui pourraient offrir un point important de comparaison , j'ai cru pouvoir remarquer la charte octroyée, en 3° S.— TOME VI. 8 11% MÉMOIRES 1278, par le Roi Philippe le-Hardi, aux habitants de la nou- velle bastide de Beaumont sur Gimonc; j'ai trouvé un certain attrait de curiosité dans cette date si rapprochée de celle qui marque la fin du gouvernement des Comtes, et en outre , dans celle circonstance que l’inféodation avait pour objet une colo- nisation véritable opérée par l’abbaye de Granselve. La charte de Philippe le Hardi est traduite tout entière en langue romane ; el, sous cet aspect encore, le monument serait de quelque valeur pour ceux qui cherchent à compléter l'étude d'une langue ne subsistant presque plus aujourd’hui , si ce nest dans les fastes poétiques des Troubadours, après avoir été usitée dans toute l'étendue des acceptions que les arts, les scien- ces, celle du droit notamment, peuvent comprendre. Cette langue n’a-t-elle pas été communément et sans altérations par- lée dans toutes les classes du peuple de la Province ? On a déjà répondu affirmalivement à celte question ; el toutes preuves sont précicuses venant à l'appui, car elles concourent à demontrer chez nous une égalité de couditions incennue dans les sociétés façonnées par la conquête ; de telle sorte qu’il faudrait imputer la perte de ce bien-être social , non pas à la féodalité qui nous l'avait conservé, mais à l'influence toujours croissante des mœurs de la France du Nord api la réunion du Languedoc à la couronne. Dans un précieux volume manuscrit soigneusement conservé aux archives de Beaumont-de-Lomagne, duquel j'ai extrait la charte dont j'ai parlé plus haut et que je vais traduire tout entière, on trouve plusieurs pièces se référant à cette charte ; il sera nécessaire d'en donner des extraits. IE en est une que je n'aurai pas occasion de citer et qui mérite pourtant d’être dis- tinguée, ne füt-ce que pour fixer l’époque de la traduction ro- mane de la charte féodale. La pièce dont je parle est écrite aussi en langue romane ct porte date certaine de l’an 1305. La parfaite identité de l’idiome employé dans les deux actes, et de plus les caractères calligraphiques indicatifs de l’époque, démon- trent qu'on peut rapporter l’un et l’autre au commencement du quatorzième siècle. Mais en outre, la pièce datée donne DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 115 témoignage que la langue vulgaire était, en 1303, la même que la langue écrite. C’est le procès-verbal d'une criée adressée au peuple, quis’est toujours faite et se fait encore aujourd'hui dans l'idiome vulgaire. Je mettrai à la marge le texte latin que je traduis , et j'y mettrai à son tour la (traduction du roman (1). « Soit connu de tous que Bernard Stivi, baillif de Beaumont pour notre Seigneur le Roi de France , ayant reçu certaine lettre du vénérable et discret Seigneur Jean de Malocochino Sénéchal du Toulousain et de l'Albigenis, de laquelle lettre plus bas la teneur suivra, a ordonné à Vital de Gurgite (de Gourgues apparemment } crieur public de ladite ville de Beaumont de faire criée dans ladite ville ainsi qu'il est d'usage en pareil cas, dans les termes suivants: «De part de nostre Senhor lo rey de Fransa e de Mossenhor lo Senescale de Tholosa. Manda hom ce fa assaber que negus hom per ardiment que aia no sia arditz de cassar ni de pendre conilhs en autrui clapier ni lenhier ni en loc deffendut o claus, de dias, en pena de seyssanta soutz tholsas ni de noychtz en pena del cors é de l’aver, si no o fazian am voluntat d'aquel de cui sera le clapier o l'Ihenier o l'loe. » De laquelle criée ledit Bernard Stisi, baillif « (1) Nov. universi quod Bernardus Stivi, baïulus Bellimontis pro domino » nostro rege Franciæ recepla quadam littera venerabilis et discreli viri domini » Joanhis de Malocochino seneschali Tholosani et Albiensis, cujus litteræ » ténor inferius est insertus. Precépit Vitali de Gurgile preconi communi » villæ Bellimontis prædicti ut preconizaret publicè per dictam villam, ut » moris est sic fieri in talibus, in hunc modum,. » De par notre seigneur le roi de France et monsieur le sénéchal de Tou- louse, on mande et fait savoir que nul, pour hardiesse qu’il aye, ne soit si hardi que d’aller chasser ni prendre des lapins chès autrui, en clapiers, büchers et lieux deffendus où clos, pendant le jour, à peine de soixante sols toulousains, ni pendant la nuit, à peine de hiens el de corps; à moins que ce ne füL du consentement de celni à qui appartiendraïent lesdits clapiers , büchers ou lieux défendus. « De qua preconisatione dictus Bernardus Slivi Baiulus presens requisivit » mé notarium infra sériptum ul consulibus dictæ villæ facerem publicum » instrumentumwr, ét tradidit mir dictam litleram , etc. » Aetum fuit hoc apud Bellimontem, quarla die introius meusis februarii, » regnante domino Philippo Francorum rege, sede Tholosana vacante, anno » Domini Me CCC quinto , eté. » 116 ÉMOIRES susdit, a requis moi notaire bas nommé faire acte aux Consuls, et m'a remis la susdite lettre, ete. Fait à Beaumont, le quatrième jour du mois de février, régnant Philippe roi des Francs, le siége de Toulouse vacant , l'an du Seigneur mil trois cent cinq, ete. » Si les criées n’ont pas cessé d'être faites en langue vulgaire, on peut s'assurer combien elles diffèrent aujourd’hui dans l’expres- sion. Nous retrouverons le mème idiome employé à la rédaction des coutumes; faisons connaître les circonstances particulières de l'inféodation. On sait trop la triste fin , et pas assez les commencements glo- rieux de l'antique abbaye de Granselve. Les derniers hôtes de ce monastère qui bornaient leurs soins, dans la période de leur cadu- cité , au luxe de leur résidence de manière à en faire le but du voyage et non plus l'hôtellerie du voyageur , ces moines avaient succédé à d'intrépides et saints travailleurs de qui le rude labeur défricha , féconda des terrains aujourd’hui jouis par de riches populations. C'est surtout à la fin du treizième siècle que se manifeste l'active générosité de Granselve. Dom Vaissette fait honneur à cette abbaye, d’avoir, en 1281, établi dans l'Univer- sité de Toulouse un Collége qui prospéra jusques aux temps modernes, où étaient admis tous les religieux de l'ordre de Citeaux, sous la direction d’un proviseur du même ordre, lequel était en même temps professeur titulaire de l’université de Toulouse. Il signale à la même époque la fondation faite par la même abbaye, en pariage avec le roi, de la ville de Grenade, une des plus considérables, dit-il, du diocèse de Toulouse. Peut- être, s’il avait eu particulièrement en vue l'éloge de l'ordre de Citeaux, le savant Bénédictin n’aurait-il pas omis une fondation tout aussi importante faite par Granselve dans le même diocèse de Toulouse , et contemporaine aux deux autres ; celle de Beau- mont sur Gimone en 1278 ; cette fondation eut lieu également en pariage avec le Roi. L'acte de pariage, rapporté enentier dans le manuscrit, a pour objet d'établir la coseigneurie du Roi sur la nouvelle bastide. Le souverain se réserve la moitié de tous les impôts, droits, amendes, et dans certains cas la totalité des frais de justice DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 117 comme haut justicier. Il est pourvu à la condition des biens donnés par Granselve aux habitants de la nouvelle bastide, suivant les règles féodales. « Si possessiones immobiles aliquaæ , de illis quæ in dicta donatione continentur venerint in com- missum , incurrimentum bujusmodi inter nos et monasterium , per medium divideretur; præler incursus hereseos qui debent ad nos in solidum pertinere. » En retour de ces avantages et d’autres que je n'énumère pas, le Roi s'oblige à ne retirer ja- mais à la nouvelle bastide, par vente ou aliénation , ni la fa- veur de la nationalité, ni la protection royale que Granselve payait pour les habitants. « Quod nos vel successores nostri aliquo modo non possimus dictam bastidam vel aliquid de pre- dictis donare , legare, vendere, autin quameumque transferre personam , nisi in ipsos abbatem et conventum, et corum mo- nasterium. Sed ea semper habeamus et possideamus nos et sue- cessor noster rex Franciæ vel qui nobis succedet in Tolosa. » Toutes ces promesses se sont évanouies ; la seigneurie de Beau- mont passa pendant longtemps à la maison de Conti, la paroisse fut soustraite au diocèse de Toulouse, bien avant que les divi- sions modernes du territoire n'eussent séparé cette commune de son ancienne métropole. Il n’en a pas été de même quant à la riche donation faite par Granselve aux habitants; ils n'ont rien perdu de ces avantages, dont l'importance est attestée par deux actes d’assignation insérés dans le recueil. Le premier ne nous arrêtera point. Il y est question unique- ment de limiter le territoire de la ville. Voici le contenu essen- tiel du second. « Noveant universi presentes pariter et futuri quod vencra- bilis in Christ. Dom. Pater Bernardus abbas monasterii Gran- dissilvæ Cisterencis ordinis, et Tholosæ diœcesis , pro se ipso, et nomine totius conventüs ejusdem monasterii, assignavit, nobili viro domino Eustachio de Bellomarchesio (1), militi, (1) Le Sénéchal de Beaumarchais joue un rôle doublement grand daus son siècle, comme magistrat et comme guerrier. La ville de Fleurance dans Ja vicomté de Gaure , lui doit sa fondation. 118 seneschalo Tholosano et Albiensi pro excellentissimo principe domino Philippo D. G. rege Francorum, accipienti nomine ejusdem domini regis et pro ipso, mille localia ad opus domo- rum, et mille casalia ad opus orthorum , et mille arpenta ad opus vinearum jam factarum et faciendarum in territorio et perti- nenciis bastidæ Bellimontis super Gimonam... , Quæ mille loca- lia, mille casalia, et mille arpenta tradita sunt et tradenda habitatoribus dictæ bastidæ..... Qui quidem...…. cum introili- bus et exitibus et viis sic limitantur et (erminnatur, » Vient en- suite la délimitation du riche et vaste territoire concédé aux habitants présents ou à venir de la nouvelle bastide qui comp- tait déjà quelques années d'existence puisque l'acte d'inféodation ou limitation ci-dessus est daté de 1281. Voilà donc comment on entendait la colonisation à l'intérieur , à celte époque du moyen âge. En une localité choisie et préparée, les populations étaient appelées à venir construire des maisons auprès des champs qui devaient les nourrir. Et d'avance, la culture de ces champs nouvellement défrichés , était dirigée avec une intelligente prévoyance. La vigne devait succéder aux pro- duits forestiers. C’est une leçon de bonne agriculture qui n’a pas été perdue pour les héritiers des anciens colons ; ils jouissent en effet des avantages de cet habile aménagementleur préparant, par transition du produit vinicole , la fecondité actuelle de leurs récoltes en céréales. Il reste à faire connaître les lois qui furent données à la colo- nie naissante. Je vais donner le texte et la traduction de ce code féodal ; il sera facile, après ce qui précède, d’en bien apprécier les dispositions. Ainsi que nous avons fait, nous conserverons à tous les textes cités leur orthographe. MÉMOIRES Fexte. Traduetion. Aisso so las costumas, ehl Voici les coutumes, les pri- privilegi et las franquezas que nostre senber lo rei de Fransa e mosse labbatz de Granselva donero als habitadors de la viléges et les franchises que notre seigneur le roi de France et monsieur l’abbé de Gran- selve donnèrent aux habitants DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. bastida de Belmont sobre Gi- mona. AÏ nom de la Santa Trinitat non devisibla, Amen. lelip per la gracia de Dieu rei deli Franc.Conoguda fan causa assaber tant als presens cant als endevenidors. quenos autreiam las franquezas e las costumas dejos escriutas als habitadors de la bastida apelada de Bel- mont sobre Gimona. So es as- saber que per nos ni per nos- tres successos ni per lo mostier de Granselva no sera faita (1) talha ni albergua ni questa en la dicha vila. Ni nos ni l'mos- tier dessus digh aqui no rece- brem prest. sidoncesli habitador avant digh a nos o al dich mos- tier de prestar de lor grat no volian. o si doncs aquo meteys generalment no fazian en las autras vilas nostras, el qualz cas nos volem non corrumpu- dament esser observadas las causas contengudas c’| pariatge 119 de la bastide de Beaumont sur Gimonce Au nom de la Sainte Tri- nité indivisible. Amen. Philippe, par la grâce de Dieu , roi des Francs, savoir faisons à tous présents et à ve- nir, que nous octroyons les franchises et coutumes ci-des- sous écrites aux habitants de la bastide appelée Beaumont sur Gimone. A savoir : que par nous ni par nos successeurs , ui par le monastère de Gran- selve, il ne sera fait taille, al- bergue ni quête en ladite ville ; ni nous ni le monastère susdit n'y recevrons prêt, à moins que les habitants susdits, en faveur de nousou dudit monas- tère, de leur gré, ne le veuil- lent concéder ; ou à moins qu'il ne füt ainsi généralement éta- bli en toutes nos autres villes; auquel cas, nous ne voulons souffrir aucune atteinte à l'ob- servalion des clauses conte- (1) L'engagement pris par le roi, de n’élablir aucun impôt de sa seule autorité, recoit explication, premièrement des dispositions suivantes de la coutume , où l’on trouvera le cens déterminé que doivent payer les maisons et les terres. De plus, l’acte de pariage prévoit, dans l’intérét des coparta- geants, le cas où l'impôt reviendrait tout entier au roi, « S? nos communiler » tailharemus regnum nostrum vel comitatum Tholosanum , vel lerram » nostram et gentes nostras diocesis Tholosanæ. Tunc nos ipsam talliam » ex integro haberemus. » Cette explication est reproduite ici. « Si doncs » a quo meteys generalment no fasian , ete. » Hors de ce cas, où l'impôt est voté du consentement des États généraux, le libre octroi en est réservé aux habitants de la nouvelle bastide. Cette disposition est commune à la plupart des coutumes du pays ; celles de Toulouse, Montpellier, Carcassonne, Béziers, etc., exemptent expressément les habitants de qgueste, prest forcé , el taille forcée. 120 fagh entre nos el digh mostier sobre la dicha bastida. De Vendas. Co podo vendre li home. (4) Item. Autreiam que li babitador de la dicha vila e aquels que d’aissi evant hy ha- bitaran puscan vendre. donar. alienar. tots lors bes mobles e no mobles à eui se vulhan. Ec- ceplat que las causas no mova- blas no pusean alienar a gleiza ni a persopas religiosas. pi a ca- valiers. si no 6 fazian sai le dreg dels senbors. dels quas (sic) las dichas causas seran tengudas en fieus. Evo qual mancira pot hom sas filhas meridar e s0s filhs far clergues. (4) Item. Que li habitador de la dicha vila poscan lors MÉMOIRES gues en l'acte de pariage, fait entre nous et ledit monastère, touchant ladite bastide. Des ventes. Ce (que peuvent vendre les hommes ) qui peut être vendu. tem. Octroyons que les ha- bitants de ladite ville et ceux qui dorénavant y viendront habiter , puissent vendre , don- ner, aliéner tous leurs biens, meubles où immeubles, sauf leschoses non mouvables, qu'ils ne pourront aliéner en faveur de l’église, des religieux ni des chevaliers, sans réserver les droits des seigneurs, desquels lesdites choses seront tenues en Bef. Si (de quelle manière) un homme peut marier ses filles et faireclercs ses fils. Item. Que les habitants de ladite ville puissent , en toute (1) ilest de l'essence même du contrat emphytéotique que les bien sbaillés ‘à l’emphytéole ne puissent être vendus sans le consentement du bailleur. C’est du moins ainsi que le droit féodal avait établi les conditions inhérentes à ces sortes de contrats. Les concessions de Lerre faites aux habitants de la nouvelle bastide, par expresse dérogation , sont soustrailes à cetle condition d’être biens non mouvables (pour nous servir de lexpression propre em- ployée dans la rédaction de cet article). Ces biens, cependant, ne pourront étre vendus ni donnés à certaines personnes qui, par exception individuelle, n'étaient pas soumises à exécuter toutes les obligations de l’emphytéote. C’est ainsi que les religieux, par exemple, n'auraient pu satisfaire au droit de chevauchée, qui donnait au seigneur celui de se faire suivre à la guerre. Du reste, à part cette dérogation, la loi emphytéotique subsiste dans loules ses conséquences. Sans vouloir entreprendre de les déduire toutes, nous si- gnalerons seulement le eas où ces biens tombaient en commise : c’étail la peine de trahison où de félonie du concessionnaire qui faisait rentrer Île cédant dans la-propriété des biens par ui baillés. La commise ainsi en- courue (commissum incurritum ) (les bes encorsses ), nous nous explique- rons peut-être le vrai sens de certaines dispositions pénales qui ne seraient pas comprises sans celle explication. (1) La prohibition de marier les filles sans le consentement du seigneur , DE L'ACADÈMIE filhas maridar francament. et lay on si vuolhan. et lors filhs far permoyre ad ordes de elercia. En qual maneira lo baile pot pendre home e en qual no. (1) Item. Que nos ni nostre baile del digh mostier no pen- drem alcu habitant de la dicha vila ni forsa no’lh farem ni sos bes no’lu sayzirem dum men- tre qu'el vulha estar à dregh e fermar. Si non o faziam per murtre. Oo per mort d'ome. o per plagua mortal, 6 per autre crim per que sos cors e sos bes deguessan esser encorreguts a 121 franchise, marier et établir leurs filles où ils voudront , et promouvoir leurs fils à l'état ecclésiastique, DES SCIENCES, Quand (en quelle manière) le bailli peut arrêter un homme, et quand (en quelle manière) il ne le peut. Item. Ni nous ni notre bailli dudit monastère nous ne ferons arrêter aucun habitant de la- dite ville, nous n’userons en- vers lui de contrainte, ni ses biens ne lui saisirons, pourvu qu'il veuille ester en Justice et fournir caution ; à moins qu'il ne s’agit de mort d'homme ou d’un cas de blessures mortelles, ou de tout autre crime, à rai- nos € al dich mostier. o si no o faziam per forfaitz contra nos e contra nosiras gens comeses. son desquels les corps et biens seraient engagés à nous et au- dit monastère, ou à moins en- core qu'il ne s'agit de forfaits commis envers nous Où envers résullait du servage de corps, lequel ne se présumait pas, et devait résulter d’un acte formel de servitude dans le Languedoc. Les seigneurs de cette province affranchissaient souvent, dans les actes même de servitude, leurs serfs de celte prohibition. Il ya donc surabondance de garanties données ici aux habilants de la nouvelle bastide. Don Vaissette (Hist. du Lang. , v.3,p. 531), signale les mêmes dispositions que celles ci-dessus dans la coutume donnée en l’an 1270 , par Alphonse, dernier Comte de Toulouse, aux habitants de Castelsacrat, en Querci, «auxquels habitants il permet de n vendre , donner ou aliéner leurs biens meubles el immeubles, sauf les » droits du prince, si l’aliénation se fait en faveur des églises et des cheva- » liers; auxquels il permet encore de marier librement leurs filles, et de » promouvoir leurs fils à l’état ecclésiastique. » 4 (1) Cette disposition est d’une toute autre importance. La liberté indivi- duelle y trouve des garanties que le pouvoir n’oserail pas donner aux peu- ples modernes. L'Angleterre, seule entre toutes les nations issues du régime féodal , a conservé traditionnellement le droit d’habeas corpus , dont elle est, avec raison, si jalouse et si fière. Ce droit ne peut être exprimé en termes plus explicites que ceux dont on se sert ici. Les exceplions au prin- cipe ne le détruisent pas, et lui servent de condition indispensable. 122 MÉMOIRES En qual maneira le balle (sie) pot home citar fora la vila o no a dan d'autre. Item. Que nostre senescals ni sos baillius (sic). ni bailles del digh mostier per clam ni per querelha d'autre no man- dara ni cithara alcu habitant de la dicha vila fora la honor de la dicha vila. sobre aquelas que causas seren {{) faitas en la dicha vila, o en la honor, o en las pertenensas de la dicha vila. ni (2) sobre las (3) possessios de la dicha vila, ni de la honor d’aquela meteissa. Si non o fa- ziau per fagh nostre propri o per querelha. De Justizias (4) d'ortz o de vinhas o de prats d’omes e de beslias. Item. Si alcus hom o alcuna femna de dias entrava en ortz o en vinhas. o en prats d'autre senes mandament o senes vo- (1) En matière personnelle. (2) En matière réelle. les agents par nous commis- sionnés. Si le bailli peut ou ne peut pas citer un homme hors de la ville, (a dan d'autre), pour procès fail par un étranger. Item. Notre sénéchal ni ses baillis, ni ceux dudit monas- ère, pour plaintes ni procès d'autrui, ne manderont ni ne citeront aucun babitant de la- dite ville hors la juridiction de de ladite ville, touchant choses faites dans ladite ville ou dans l'enceinte territoriale, ou dans les dépendances dicelle, ni touchant les propriétés situées en ladite ville ou dans ses li- mites territoriales ; à moins qu'ils n’agissent pour notre propre fait en litige nous con- cernant. Des dommages aux jardins, vignes et prés, du fait d'hommes ou d’a- niIMaux. liem. Tout homme ou toute femme qui, de jour, entrera dans les jardins, vignes ou prés d'autrui sans l'ordre ou le con- (3) Je traduis ces mots pos’essios de la vila, par ceux-ci: propriétés si- tuées en ladite ville. Sans cette interprélalion, il serait impossible d’expli- quer le sens de cet article. Que serait-ce, en effet, que les propriétés de l'honneur de la ville ? En tout cas, il resterait toujours hors de doute qu’a- près avoir doté les habitants de la bastide nouvelle de la liberté individuelle, on leur assure le jugement de leur juge naturel dans le pays. (4) I est impossible de donner par un seul mot la valeur de ce mot jus- tizias, qui tantôt signifie dommages, tantôt dommages-intérêts , quelquefois amende , et quelquefois, dans un sens générique , Loules ces choses équiva- lant alors à frais de justice. DE L'ACADÉMIE luntat daquel de cui seran, puis que de nostre mandament o dels nostres, e del digh mos- tier cascun an sera defendut. pague va. d.tol' als cossols de la dicha vila (1) si a de que paguar. en autra maneira sia punitz à esgart de nostre juge et del balle de lavandig mos- tier, E cascuna bestia gorssa que aqui sera {robada .vip. d. tornes als cossols sobredigz. per pore et per troja si intra .1. d. tornes. Per ouelha ce per cabra et per boc et per tota autra bestia menuda pague le senher de la bestia una .m. tor- neza. Se auca 0 autres auzels semblans intrava .1 m. tor- nesa. Estiers aisso le senher de eui sia la bestia sia tengutz des- mendarledampnatge.E empero les diners qu'’els cossols auran d'aquestas justizias (2) les me- tant à profegh de la dicha vila. en vias et en ponts adobar. E empero, las gens estranhas que no sabran lo digh defen- dement. no sian tenguts d’a- questas justizias (3). mas que DES SCIENCES, sentement du propriétaire , après que de notre mandement ou des nôtres, et de par ledit monastère , en aura été fait chaque année la défense, paiera sept deniers toulousains aux consuls de ladite ville, s’il a de quoi payer ; sinon le délinquant sera passible encore des peines prononcées par notre juge et par celui du susdit monastère. Pour chaque bête grosse aux- dits lieux trouvée, on payera sept deniers lournois aux con- suls susdits ; pour un porc ou une truie qui y entreraient , un denier tournois; pour bre- bis, chèvre, bouc et tout autre menu bétail, le maître de la bête payera une mésale{je crois) tournoise. Si des oies ou au- tres semblables volailles y en- traient, même amende : en ou- tre de ceci, le maître des ani- maux susdits sera tenu à in- demnité pour les dommages. Toutefois, des deniers prove- nant des amendes | justizias | susdites, les consuls feront pro- fit pour ladite ville, et les em- 123 (1) Pagué si a de que pagar. Plus bas c’est encore le mot pagar qu'on em- ploie pour exprimer la pénalité infligée aux délinquants trouvés en faute pen- dant le jour. Mais lorsqu'il s’agit d’un délit plus grave , qui se produit avec le caractère de vol et la circonstance aggravante de la nuit, l'expression change, etle coupable sera encorregut en justizia de 11 sols. elc. On sentira limportance de la distinction que je crois devoir faire entre les mots par mon observation précédente , au sujet des biens x0R mouvables, et du droit réservé au seigneur de les reprendre, en tout ou en partie, au cas de félonie. C'est le cas de l’éacurritum des biens encourus. Nous retrouverons pareil emploi de ce mot dans la suite des dispositions pénales. (2e13) Le mot justizias employé, n° 2, pour exprimer les amendes, puis- 124 sian punith en autra manieira a esgart de nostre jugge e del balle del digh mostier. E quals que de noïch intrara en orts e en vinhas o en prats d'autrui senes mandament e senes vo- luntal d'aquel de cui seran. et ab paner o ab sac o ab capairo 0 ab autre espleg frugz d'aqui trairia. sia encorregutz a nos e al digh mostier en .vv. sols tol. puis quesera defendut ysament cascun .an. per nostre manda- ment e de l’avan digh mostier. E si tant solament en sas mas ne trazia senes autre espleg. a nos et al dig mostier sia en cors (1) en justizia (2) de .n. sols de Tol. estiers aisso esmen- dara lo dampnatge. ns MÉMOIRES ploieront à réparer les chemins et les ponts. Toutefois encore, les étrangers qui ne connai- traient pas les défenses ci-des- sus, ne seront passibles d’au- cune {aquestas justizias ) deces peines pécuniaires, mais ils le seront d’autres peines protion- cées contre eux par notre juge ou par le bailli dudit monas- tère. — Ceux qui, de nuit, en- treront dans les jardins, vignes ou prés d'autrui sans l’ordre ou la permission du proprié- taire, el quiavec paniers, sacs, chaperons ou autres instru- ments (de soustraction), irait y déroher des fruits (soient encourus envers nous et le dit monastère en 10 sols toulou- sains), encourront en leurs biens une amende de dix sols epvers nous et ledit monastère, après que suffisantes défenses auront été faites chaque année par mandement de nous ou du susdit monastère. Et celui qui, deses mains seulement, sans au- tre instrument {desoustraction) w’il n’est question que de l’emploi qu’en doivent faire les consuls, signifie l I I > SIS a] évidemment, n°3, les étrangers , en certains eas. les amendes el dommages-intérèts que ne paieront pas (1) Voilà encore le mot encors employé au lieu punilz, el loujours avec différence d'intention que l’on peut calculer à raison de la gravité du délit. J’explique par un mot intercalé entre parenthèses, dans ma traduction, la signification que je donne à celte expression ; el je répète, pour n’y plus re- venir , qu’elle doit caractériser le cas où les biens emphytéotiques du délin- quant sont excourus pour le payement des amendes. (2) J’observe également, pour n’y plus revenir, cet emploi du mot jus- tizias, dans le cas où il s’agit de caractériser une condamnation qui com- prend l’amende et les dommages. DE L'ACADÈMIE Dels fals pes e de falsa mesura. Item Quals que tendra fals pes. 0 falsa mesura. falsa cana. o alna falsa. sera punits en .1v. sol. tol. à nos e al digh mostier. Deis Mazeliers. . liem.Les mazeliers que ven- dran carnzs en la dicha vila. que vendan bonas carnzs e sanas., E si bonas o sanas non ero les carnzs. sian donadas als paubres e’l prets sia esmendats ad aquels que las auran com- pradas. Els mazelier gazanho en cascu sol.r. d. de la moneda que costera. El mazelier que aques! nositre mandament non observara sia encors a nos et al digh mostier en .n. sol. e .1 d. Tol. Dels Pancossiers lo cas. Item. Cascus pancossiers que pan cosera et pancossieras et qui que sia autre que pa fara a vendre en la dicha vila ga- zanhe en cascu sestier de fro- ment .uu. d. Tol.e lbren tan’ solament. et aisso segon mays e mens. € si may y gazanhava DES SCIENCES. 125 déroherait les choses susdites, envers nous et ledit monastère, encourrait (en ses biens) une amende de deux sols de Tou- louse ; le dommage dans ce cas y compris et ainsi amendé. Des faux poids et fausses mesures. Item. Quiconque tiendra de faux poids ou fausses mesures, fausse canne, aune fausse, sera puni d'une amende de quatre sols toulousains envers nous et ledit monastère. Des Bouchers. tem. Que les bouchers qui vendront des viandes en ladite ville, les vendent bonnes et sai- nes. Si ces viandes ne sont bonnes et saines, qu'on les donne aux pauvres, el que le prix en soit reslilué aux per- sonnes qui les auraient ache- tées. Les bouchers gagneront un denier par sou sur le prix d'a- chat. Celui qui contreviendrait à cette ordonnance encourra (en ses biens), envers nous et ledit monastère, deux sols et un denier toulousain ! d'a- mende |. Des Boulangers. Item. Tout boulanger fai- sant cuire le pain , ou boulan- gère, ou toute personne faisant du pain à vendre dans ladite ville, gagnera , pour chaque setier de froment , quatre de- niers de Toulouse et le son seulement. S'il gagnait davan- 126 MÉMOIRES totz lo pas sio pres e donats al paubres. De Revendedors et de cert pretz de Salvazinas. Item. Neguna causa men- jhadoira que sia aportada à la dicha vila per vendre no sia venduda a revendedors entro que premcirament sia portada a la plassa. despey empero que aisso sera de nostras partz e d’el dig mostier defendat et cridat. Als autres empero puesca esser venduda ses pena (1). Et aquest defendement dure de la festa de senh Jhoan Baptista entro à la festa desenh Miquel. Etaquilh qui contra aisso faran. sian condempnats en «m1. d. tolzas. Et impero la perbitz et la lebre el conilh siant vendutz al pretz que sera cridat el merchat de part de nos e del dig mosticr. De leuda (2) de causas mangjadoi- ras. Item. Aquels que aportaran lage, que tout le pain lui soit confisqué ct donné aux pau- vres. Des revendeurs et de la taxe l salva- zinas, salvagine, venaison) du gibier. Item. Qu’aucunes provisions de bouche portées à ladite ville pour y être vendues, nelesoient à des revendeurs avant qu'il n'en ait été fait premièrement présentation à la place, après que cette défense, de par nous et ledit monastère, aura été publiquement criée. Faites à tout autre (que les revendeurs), ces ventes n'entraînent point de peines. Cette prohibition durera dupuis la fête de saint Jean-Baptiste jusqu’à la fête de saint Michel. Ceux qui y con- treviendraient seront condam- nés en l'amende de quatre de- nierstoulousains.—De plus, les lièvres, perdris et lapins seront vendus au prix fixé par çriée faite au marché, de notre part et de la part dudit monastère. Des Leuds pour objets de consom- mation. Item. Ceux qui apporteront {a) H est difficile d'expliquer le sens de cette prohibition temporaire. Faut-il la rapporter à Ha disposition qui précède ; et conclure que la défense de vendre hors de la place aux revendeurs, n'avait lieu que dans une époqne de l’année, circonscrite de la Saint-Jean à la fète de Saint Michel ? On ne saurait déterminer aucun molif à celte fixation. Faut-il la rapporter à ce qui va suivre, Louchant la vente du gibier ? Cette conjecture est probable, mais ne peut pas être élablie par le texte du manuscrit. On peut seulement soupçonner erreur ow omission de la part du traducteur roman. (2) Les leudes étaient un droit perçu sur toutes marchandises à l’entrée ou DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. à la dicha vila causas menjha- doiras (sic) volatilias bestia salvalga pomas peras e sem- blans causas non dono leuda, Ni alcus habitant en la dicha vila non done leuda de causas que venda o compre. en la dicha vila a so usatge el dia de mercat oenautre mercal 0 fora mercat. La Forma del sagrament del Cosso!s e de cominal (1). Item. Li cossol de la dicha vila juraran de fidelment de- fendre et gardar nostre cors e nostres membres e nostras dre- charas e de Favandigh mostier. e que luffici de lor cossulat aitaot cant séran en l’afici fizel- mente reguiran. E do ni servizi per razo de lor ufici d'alcu no pendran per lor ni per autre. 127 à ladite ville des provisions de bouche , telles que volaille, gibier, {bêtes sauvages), pom- mes, poires et semblables , ne payeront pas les leuds, ni non plus, aucun habitant de ladite ville, pour toutes choses ven- dues où achetées par lui en la- dite ville, pour son usage, soit jour de marché ou autre, soit au marché ou hors le marché. Forme du serment des Consuls et de la communauté. Item. Les consuls de ladite ville jureront de fidèlement dé- fendre et garder notre corps et nos membres, et nos droits et ceux du susdit monastère ; de s'acquitter de leur office de consul tant qu'ils seront en charge, avec fidélité; de ne re- cevoir de personne ni dons ni services à raison de leur office, à la sortie. Les choses non point retirées par le propriétaire, pour sa con- sowumalion , mais apportées à la ville pour être vendues, devaient donc être expressément soustrailes à cel impôt. Le législateur va plus loin, dans l’in- térét du consommateur, en l’exonérant du paiement de tout droit de lendes pour Lout ce qu’il vend ou achète à son usage. (1) Je n'ai pu me résoudre à traduire le mot cominal par ceux de conseil commun. Vlus bas, en effet, le mot communaltats est employé comme sy- nonyme ; et celte dernière fois, c’est bien par le mot communauté qu'il faut tradnire. Je réserve les éclaireissements que j'ai à donner sur ce qu’on en- tendait par ces mots divers coméinal (communauté }, cosse/, cortz (curie), à l’article qui dispose de l’élection des consuls. Je me borne à remarquer ici, 1° que la loi ne mentionne que deux corps, le consulat et la commu- naulé, el que la communauté est sujette au devoir de prestation de serment, par réciprocité du droit de conseil qui lui est reconnu, quand il y a lieu ; 29 que les habitants de la ville sont loujours désignés , dans plusieurs actes, par la qualification de jurats (jurés); ce qui ne laisse point de doute sur ce qu’il faut entendre de la teneur du présent article touchant 4 forme du serment. 128 Mas tant solament aquo que de dreg es autreihata tot homeque te utici. E la communaltatz de la dicha vila jurara en presen- cia dels cossols bon cosselh e fizel a lor poder can requiritz seran a nos o del dig mostier o al mandament nostre et del dig mostier. sal empero en totas causas nostre dreg et del mos- tier. De Cartas. tem. Las cartas fachas per notaris publics creatz per nos o per nostres ancessors O per nosires senescals o crezedors aian aquela fermetat qu’an car- tas publicas. De Testamens. Item. Les testamentz faitz per les habitadors de la dicha vila en prezensia d’omes dignes de fe valhan ja sia de aisso que no sian faitz segon solempnitat de leys. sol quels efantsnosian enguanatz delorleyal (légitime) partida. D'aquel que morses testament e ses efants (4). Item. Si alcus dezanava ses MÉMOIRES ni pour eux ni pour autrui, si ce n'est la rétribution permise à tout homme qui esten charge. Et la communauté de ladite ville jurera, en présence des consuls , de donner bons et fidèles conseils à nous et audit monastère sur réquisition el mandement de nous et dudit monastère ;: sauf , en toutes choses, nos droits et ceux dudit monastère. Des Actes (Chartes). tem. Ees chartes (actes) dressées par les notaires publics créés par nous où nos pré- décesseurs , ou par nos séné- chaux ou officiers , auront {(oute l’authenticité qu'ont les chartes publiques (actes publics ). Des Testaments. Item. Lestestaments faits par ceux qui habitent ladite ville, en présence d'hommes dignes de foi, vaudront comme s'ils étaient faits avec solennité lé- gale; pourvu que les enfants ne soient pas frustrés de leur légitime réserve. | De ceux qui meurent ab inlestat sans héritiers. Item. Si une personne dé- (1) L'intitulé de chaque article appartient au traducteur roman. Il faut done lui laisser la responsabilité de la méprise qu’il commet en confondant Phomme qui meurt sans hériliers, avec celui qui meurt sans enfants. Dans la plupart des coutumes les seigneurs se réservaient le droit de succéder à ceux qui mouraient «ab éintestat el sans parents : c’est Loul-à-fait dans ces termes que s'explique ici le législateur qui ne veut succéder, ainsi que fait l'État aujourd’hui, que dans les cas où il n’existe pas d’hérilier légitime ( hérétier léyal ). DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. herelier leyal (légitime) e tes- tament no fazia, li cossol de la dicha vila servaran los bes del mort .1. an. €. 1. dia. de man- dament nostre. e de l'avandigh moslier. e 1 baille nostre e de l'avandigh mostier escriura les bes del digh mort e si entre- tant no venia heretiers que de- gues heretar. los digs bes sian redutz a nos. el al digs mostier. per far nostra voluntat. de nos e del digh mostier. En qual maneira deu hom paguar justizias de clam de deude co- nogutz. . Item. (1) De tot deude cono- gut de que sera clams faitz si no es pagat dins. vu. dias. le deveire pague a nos et al dig moslier. oa mandament nostre e del dig mostier .n. sols de tornes, per le clam. e s’il deudes es neguals, aquel que sera ven- cutz. sia puni(z el deyme del 129 cède sans béritiers légitimes et sans tester , les consuls de la- dite ville conserveront les biens du défunt pendant un an et un Jour. Notre bailli, ou celui du- dit monastère, écrira inven- taire des biens dudit défant : et si, dans ce délai, nul héri- Lier ayant droit ne se présente, lesdits biens seront remis à nous ct audit monastère, pour en être fait à la volonté de nous et d'icelui monastère. Des frais dus en justice pour réclame d’une dette reconnue, Item. Sur demande formée à raison d’une dette reconnue, ‘si le payement n'en est effectué dans neuf jours, le débiteur payera à nous et audit monas- tère, deux sols tournois pour la plainte; et si la dette cst niée, celui qui succombera sera puni de la même amende de (1) En accordant un délai de neuf jours seulement au débiteur, la cou- tume déroge ici aux habitudes générales de ia province, où ce délai était de quinze jours. Cet usage nous est révélé par une disposition de l’ordonnance de Philippe-le-Bel, sur l’administration de la justice, donnée à Béziers le vendredi avant les Cendres de l’année 1303, laquelle est rapportée, en en- tier, dans le manuscrit de la commune de Beaumont. Quando clamores fient de debitis et debita erunt confessata ( debitoribus ) eis detur quinzenx ut moris est in majori parte Senechaliæ ( Tholosanæ ). Plusieurs autres ar- ticles de cette ordonnance remarquable expliquent ou reproduisent diverses dispositions des coutumes locales. Don Vaissète en fait mention dans son histoire de Languedoc (tom. 4, p. 122 ), et l'indique au Recueil des or- donnances, p. 397 et suiv. On peut induire de sa date et de son contenu la certitude que Philippe-le-Bel ne donna point de suites à son projet , articulé à demi dans sa fameuse ordonnance rendue en 1302, d'établir un Parlement à Toulouse, Rien ne se rapporte dans l’ordonnance de 1303, ni quant à la juridiction, ni quant au personnel , à l'établissement réalisé ni méme projeté d’un parlement de Toulouse. 3° S.— TOME YI. 9 130 plagh en 1. sols de tornes per justizia. De injurias (1). Item. Si alcus ad aleu dizia paraulas commeliosas € gros- sas, se querelha non es facha a nos ni al dig mostier no sia tengutz desmenda. Empero si querelha n’era faita es tengutz a nos e al digh mostier en .vur. d. tol. per clam e per la esti- matio de la injuria en .n. sol. tol. per liura, De Dotz e de Donalios per nossas. ltem. (2)Si alcus pren alcuna femna per molher e pren ab lies per dot .m. sols. el meteys done a la molier de creys .n. sols. e aisso segon mays e menbs. si donx autra convenenza no era faita entre lor. E si ‘| maritz sobrevivia e no avia enfant de la molher lo maritz tendra tot la dot a sa vida. et apresla mort del maritz. lo payre etla mayre de la molker o ls heretiers d’ela recobraran aquel dot. Si donx MÉMOIRES deux sols tournois pour frais. Des injures. Item. Pour des paroles inju- rieuses et grossières, si l’offensé n'en portait pas plainte devant nous et ledit monastère, il n'y aurait pas lieu aux dommages. Mais si le procès nous est déféré, le délinquant sera tenu envers nous ct ledit monastère d'une amende de sept sols toulousains pour la plainte, et en outre de deux sols toulousains par livre, suivant la somme arbitrée pour réparation de l’injure. Des Dots et des Donations à cause de noces. Item. Celui qui se marie et prend de la femme qu'il épouse une dot de mille livres, lui donne cinq cents livres d’aug- ment , et ainsi suivant le plus ou le moins; à moins de dif- férente convention entre les époux. Le mari, s'il survit, sans enfants, à sa femme, gar- dera la dot tant qu’il vivra. Après la mort d’icelui mari, les héritiers de la femme recou- vreront la dot, à moins qu'il (1) Cel article doit s'entendre dans le sens que les injures par paroles, qui ne méritent pas la compétence du juge royal, devaient rester sans répara- tion pécuniaire. (2) On ne peut s'expliquer l’étrange amalgame des matières dans la rédac- tion des coutumes que par celte considération touchant l’origine de ces Codes. Les disposilions en furent successivement prises et enregistrées sui— vant la série des époques, sans analogie avec la série des matières; el c’est, il n’en faut pas douter, les registres mêmes de ce droit coutumier qui fu- rent transcrits dans les Chartes octroyées aux nouvelles bastides. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. perdurablament no era estat donat al marit. Mas se la mol- her a effant del marit et so- brevivia al marit, ela recobrara son dot e’lcreys que hom apela donatio per nossas. E quant la femna sera morta. li efant les quals ela aura aguts d” el marit o aquel a cui le maritz esson testament o azordenara auran aquel creys. Justizia de coutel trayre. ltem. Si alcus trazia coutel contra autre ja sia aisso que no l'en feyra, sia condempnat a nos e al dig mostier en .vv. sols de tolzas. E si l’en fer en aissi que sanx mesqua sia punitz en xxx. sols de tolzas a nos et al digh mostier, et fassa esmenda al nafrat. E si l’h trenca mem- bre. sia condemnatz en.Lx. sols de tolzas e en plus si a nos e al dig mostier plazia. e es- tiers aisso satisfassa al nafrat. Si empero le nafratz mor per lo colp. sia punitz aquel que °l colp aura fag a nostra voluntat. o denostre mandament. els be, sieus seran pres a nostra ma e del digh mostier (1). 131 n'en eût été fait en faveur du- dit mari donation irrévocable. Dans le cas où c’est la femme, ayantdesenfantsde son mari qui lui survivrait, elle recouvrera sa dot et l’augment, que l'on appelle donation pour noces; et, après la mort de la femme, les enfants qu'elle avait de son mari, ou celui d’entre eux en faveur de qui le mari en aurait disposé par testament, devront hériter de cette dot. Peines contre qui tire le couteau. liem. Si un homme tire le couteau contre un autre, c'est assez qu'il l'en frappe pour qu'il soit condamné envers nous et ledit monastère en l'amende de dix sols toulousains. Si le coup produisait effusion de sang, la peine serait de quinze sols tou- lousains envers nous et ledit monastère, et il serait fait in- demnité au blessé. Si le coup produisait fracture d'un mem- bre, le coupable serait con- damné à payer soixante sols toulousains, et plus encore s’il plaisait à nous et audit mo- nastère, en outre des satis- factions qui seraient dues au blessé. Enfin, si celui-ci mou- rait du coup reçu, celui qui aura porté le coup, sera puni à notre discrétion et de notre (1) Cet article ne s'applique qu'aux coups et blessures failes sans prémédi- tation : malgré la gravité des amendes, les biens engagés ne paraissent soumis à les acquitter , qu'autant que la mort aurait suivi. ” Que deu hom far de bes en corsses. Item. Sils bes d’alcu habita- dor dela dicha vila veno en cors. sia satisfagh d’aquels bes als cresedors de l’encors(aux créan- ciers de l’encouru } si a bastant. el remanent sia applicat à nos et al digh mostier (1). De Pena de layros et de murtries. Item li layros et li murtries sian punitz à nostra volun- tat (2). Que deu hom far d'ome que es pres en adulteri. Item. Si alcus era pres en adulteri, corra per la vila ayshi coma en las autras vilas nostras es acostumat (3). 0 pague a nos MÉMOIRES mandement; ses biens passe- ront au pouvoir de nous et dudit monastère. Quedoit-on fairedes biensencourus. Item. Si les biens d'aucun habitant de ladite viile tom- baïent en commise, il sera sa- tisfait dabord , sur ces biens, aux créanciers (de l'encors) de celui qui encourt la commise ; et s'il y a suffisance, le surplus reviendra à nous et audit mo- nastère. Des Peines contre les voleurs et les meurtriers. Iten. Les voleurset les meur- triers seront punis à notre vo- lonté. Que doit-on faire à celui qui sera surpris en adulière. Item. Celui qui sera surpris en adultère courra par la ville, ainsi qu’il est d'usage dans les autres villes qui nous appar- (1) Il est facile de s’expliquer cette disposition d’après ce que nous avons dit da caractère de la commise, en se rappelant en même temps la permis- sion donnée plus haut, de vendre, aliéner, etc., les biens emphytéotiques. Cette permission serait illusoire si le seigneur primait les créances garan- Lies sur ces biens. El doit donc renoncer expressément à son privilége. (2) On a remarqué dans toutes les Chartes de cette époque que la peine de mort n’est jamais prononcée. Les circonstances atténuantes ne sont pas, comme on voit, d'invention moderne. (3) (Mist. du Lang, L. 4, p. 5og}). «Il s’éleva un grand procès entre les » consuls de Montolieu et le procureur de la cour commune du roi et de » l'abbé, au sujet de la punition du crime d’adultère. Une femme coupable » de ce crime avait été condamnée par la même cour à courir toute nue dans » les rues. Le procureur fiscal... appela de la sentence au juge d’appeaux, » qui décida en faveur de l'appelant. Mais les consuls de Montolieu en appe- » lèrent au sénéchal de Carcassonne et aux réformateurs royaux... qui leur » donnèrent gain de cause... et déclarèrent que les coupables d’adultère de- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. ce al digh mostier o a nostre mandament .L. sols de tol. e ‘aquel que y sera pres aia l’et- chas de qual se vulha. En aissi emperosies pres nudz ab nuda, o vestitz bragas baissadas ab vestida :eque sia pres per alcu de nostra cortz en presensia de 1, cossols o d’autres .11. pros homes de la dicha vila. o d’au- tres .11. 0 de mays don que sian digne de fe. De Fizansas co devo paguar. Item. Si alcus fa fermanza per autre. sil principal deveyre nots pot paguar aquel que a fermat satisfassa si a bes de que pagué. De Franqueza d'aquels que vendran en la vila per estar, e de ces d’osdals. tem. Qui que venga en la vila desus dicha per estar sia franc aissi coma li autre habi- tador si far si pot senes preju- dici d'autrui. Estiers aisso nos el digh mostier devem aver. cascu. an. en la festa de totz 133 tiennent, ou bien qu'il paye à nous et audit monastère, ou à notre mandement, cinquante sols toulousains. Le choix entre les deux peines sera laissé au délinquant. Pour les encou- rir, il faut qu'il soit trouvé nu avec une femme oue, ou s'il est vêtu, ainsi que la femme, qu'il aye les brayes baissées, et qu'il soit ainsi surpris par un offi- cier de notre cour, en présence de deux consuls ou d’autres deux prud'hommes de ladite ville, ou d’autres deux person- nes, ou de plusicurs qui mé- ritent confiance. Des Cautions ; comment on doit les payer. Dans les cas ou l’on a cau- tionné pour autrui, si le dé- bileur principal ne peut point payer, celui qui a cautionné doit satisfaire les créanciers, s'il a des biens pour payer. De la franchise pour ceux qui vien- dfont s'établir dans la ville et du cens des maisons. Item. Quiconque viendra en la ville susdite pour s’y établir, jouira de toute franchise comme les autres habitants, si la chose est possible, sans préjudice pour autrui, Nous et ledit monas- tère devons avoir chacun an, à » vaient être dispensés de la rigueur de la loi romaine, et condamnés seule- » ment à soixante sols d'amende : et en cas qu’ils ne voulussent ou ne pussent » payer celle somme, à courir tout nus dans les rues, sans autre peine , con- » formément à l'usage commun observé dans la sénéchaussée de Carcas- » sonne. Le roi Philippe-de-Valois confirma cette décision en 1351. » 13% sanh de cascu ayral (1) de la Au vila o de mayso longa de . brassas et ampla de v. d. 7 ol el aisso segon mays e menhs. Dels Forns. Item. Li forns de la dicha vila seran nostre e del digh mostier. E quals que i fara coser pa. sia tengutz donar per fornatge a nos e al digh mos- üer le vinchen pa. En qual dia deu esser le mercal ? Jem mercatz sera faitz en la dicha vila cascuna scimana en dia de dissabte. De Leudas. ltem. Deven aver nos e 1 digh mostier de cascu bœu que sera vendutz el mercat per home estranher .1. d. torn. e per porc .1. d. t. et d’aze 1. d. t. e de pel de volp. d’una liura de cera. d’una saumada d’olas. (1) Ayral veut dire auvent; MÉMOIRES la fête de Toussaint, pour cha- que feu, en ladite ville, d’une maison ayant quinze brasses de longueur sur cinq de profon- deur, cinq deniers toulousains censifs, et ainsi suivant plus ou moins. Des Fours. Item. Les fours de ladite ville appartiendront à nous et aux- dits monastères. Ceux qui y feront cuire le pain , devront pour droit de fournage, donner à nous et audit monastère le viuglième pain. En quel jour doit être tenu le marché. ltem. Les marchés seront tenus en ladite ville, chaque semaine, le jour de samedi. Des Leudes. Item. Nous et ledit monas- tère devons avoir de chaque bœuf vendu au marché, par un étranger , un denier tournois ; pour un porc, éd.; pour un âne, td. ; et pour une peau de renard , une livre de cire, une c’est la toiture en saillie, formée autrefois sur toute la face des maisons des petites villes. Les Latins auraient traduit ce mot par wmbraculum, eux qui cherchaient dans leur demeure un abri contre le soleil brülant de l’ftalie. Dans nos elimats tempérés l’auvent, ayral, désigne la partie du manoir la plus fréquentée de la famille, celle où l’on prend Pair ( pour me servir de l'expression vulgaire ). Dans le Nord, pour la même dé- signation, on indique le foyer. C’est ainsi que le langage métaphorique des HER inspire diversement de leurs habitudes natmelles. À Rome, pour dénombrer cent familles, on disait centum lecta; dans le Nord, cent feux : lorsque nous avions une langue dans notre pays, nous disions , cent ayrals. Je suis obligé de traduire aujourd’hui par le mot qui nous est venu des Francs. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. et d'una fioza (1) 1. d. tornes de cascuna d’aquestas causas avantdichas. e de miegh porc frese o salat que sera vendut al mercat plus propdatenant la festa de Nadal una veguada en l'an .1. d. tornes per leuda. E que tugh de la dicha vila sian franc d'aquestas leudas. d'aquelas causas que compra- ran en la vila o el mercat a lors propris usatges. — Item. Totz hom estranhers que tendra tenda en dia de mercat -de qualsque merez que siau, do- nora à nos € al digh mostier J.d. tornes per leuda. — Item. una saumada de sal done una palmada de sal e .r. d. torn. per leuda.—Item. Totzhom estran- hers que voldra traire de la vila avant dicha blat. vi. o sal. per saumada de blat donara a nos € al digh mostier .1. d. tor. per leuda. E per saumada de vi. d. torn. E per saumada de sal .1. d. torn. e aisso segon mays o segon mens.E per carga d'un home cargat de sal. una mezala torneza —Item. D'una carga de enaps de veyre d’ome estranhg .1.d.torn. —Item. De cada sem d'ortz aytant qnant sera just per razo. — liem si alcus que deura leuda eys de la vila o del mercat. e no aura pa- gada la leuda. pague a nos et al 135 charge d'ânesse de pots de terre, un denier toulousain chaque article ci-dessus; pour la moitié d'un porc frais ou salé, vendu au marché le plus prochain de la fête de Noël venant , une fois l’année seulement, un sol tour- nois sera dû pour leudes. Mais tout habitant de la ville en res- tera affranchi, comme pour toutes choses achetées à la ville ou au marché pour son usage.— Item. Tout hommeétranger qui déploiera tente un jour de mar- ché, donnera , à nous et audit monastère, un denier tournois pour leude. Item.—Une charge d’àänesse de sel payera une pol- gnée desel et un denier tournois de leudes. — Item. Tout étran- ger qui voudra emporter de la ville du blé, du vin ou du sel, pour une charge d’änesse de blé, donnera, à nous et audit monastère, un denier toulou- sain pour leude; pour même charge de vin, id. ; pour même charge de sel, id. ; et ainsi, suivant le moins ou le plus. Et par charge d'homme de sel, une mésale tournoise. Item. pour une charge de coupes de verre, un étranger payera un denier tournois. Item. Pour graines potagères, le droit sera perçu à raisonnable estimation. ltem. Celui qui devra la leude (1) Je ne connais pas la signification de ce mot; je n'ai d’ailleurs aucune observation à faire sur ce tarif, si étrange aujourd’hui. 136 digh mostier 11. sol, tol. er. d. per esmenda. D'ome férit al mercat. Item. Qui ferra autre el mer- cal sia punitz a cognoguda del Jugge segon la qualitat de for- fagh. De Estimatio e de Justizia de plagh de possessio. Item. Qui plaidejara de pos- sessio (1) done a nos et al digh moslier per liura .u. sols detol. el clam. E aquels que plaideja- ran no sian tengutz de paguar aquela samma entro a la fi d’el plagh. De penhora facha coys deu vendre. Item. Si lbailles penhora (2) alcu. apres .xv. dias assignats al deveyre a paguar. aquel de cui es le deudes garde las pen- horas per autres .xv. dias. e passatz los .xv. dias venda sil vol las penhoras. E si 1 MÉMOIRES à ceux de la ville ou du mar- ché, s'il n'acquitte pas ce droit, payera, à nous et audit monas- tère, deux sols et un denier toulousain d'amende. Des coups reçus au marché. lem. Quiconque frapperait un homme au marché, sera puui à discrétion du juge, sui- vant la gravité du délit. Appréciation des droits dûs dans les procès qui concernent la pro- priété. Item. Celui qui plaidera une question de propriété, devra payer, à nous et audit monas- tère, deux sols toulousains pour droit de plainte; toutefois, les plaideurs ne seront tenus d’ac- quitter ce droit, qu'à la fin du procès. Du Gage. Comment la vente en doit être faite. Item. Si le bailli fait donner gage à quelqu'un, après quinze jours assignés au débiteur pour se libérer, le créancier devra garder le gage pendant quinze jours encore. Passé ces derniers quinze jours , qu'il vende, s'il (1) Ce mot possessio ne doit pas être entendu du possessotre, pris en op- position au pelitoire, suivant les termes du droit : on l’a déjà trouvé employé pour exprimer le mot propriété. C’est encore sa signification ici. Les frais de justice (qui sont exprimés par le mot justizias }, comprennent les droits qui doivent étre perçus en matière civile, soit personnelle, ou mixte, ou réelle. Le législateur a pour objet les procès de celte dernière espèce. (2) Penhora, ce mot employé ici comme substantif, l’est souvent comme verbe. Un homme penhorat était celui qu’on avait emprisonné parce qu’il n'avait pas de caution à fournir. C’est toujours l’idée de gage ou engage- ment qui détermine l’expression. DE L'ACADÉMIE pretz de la penhora venduda sobrèemonta | deude seu. lo crezeire sia tengutz de reddre al deveire le remanent que ha agutz de l'avandicha penhora. En qual maneira deu jurar le balle. tem. Le balle de la dicha vila jurara en presentia d’els cossols que fara son offici (sic) fizelment e do ni servici per son offici ni per razo de son oflici non pendra. e que reda a cascu son dreg a son poder. e quels bos uzaiges e las cos- tumas de la dicha vila escriutas elaproadas gardaraet defendra. sal nostre dregb e del dig mos- tier. En qual maneira devo esser creatz li Cossol (1). Item. Li cossol seran creatz en la dicha vila cascun. an. l'endema de Paschas. E si a- DES SCIENCES. 137 veut, le gage. Mais si le prix du gage vendu excède sa créance, qu'il soit tenu de rendre au dé- biteur ce qui reste du prix dudit gage. Comment le bailli doit prêter serment. lem. Le bailli de ladite ville jurera, en présence des consuls, de remplir fidèlement son of- fice, de ne recevoir ni dons, ni services pour son office, ni à raison de son office ; de rendre à chacun son droit, autant qu'il pourra ; de garder et défendre les bons usages et les coutumes écrites et approuvées de ladite ville, nos droits saufs et ceux dudit monastère. Comment doivent être nommés les Consuls. Item. Les consuls seront nommés en ladite ville, chaque année, le lendemain de Pâques. (1) J'ai renvoyé à cet article mes observations sur les renseignements four- nis par la présente Charte, touchant la constitution du municipe. Il m'im- porte, avant lout, de circonscrire la question et d’avertir que je prends sujet uniquement de la commune féodale de Beaumont. Peut-être, en bor- nant ainsi son examen relativement à chaque localité, préviendrait-on la témérilé de ces formules générales avec lesquelles on caractérise faussement les institutions anciennes. Que doit-on entendre par ce mot cort (en latin curia ) dont se sert ici le législateur pour indiquer le corps à qui appar- tient l'élection des consuls? Veut-il parler d’un conseil qui aurait pour analogue les conseils municipaux modernes ? Mais rien n’amène à celte sup- position ; elle se trouvé même exclue par les termes que nous avons signalés à Particle du serment. IL est question là de conseils à requérir de la part du seigneur, de conseillers qui jurent de les lui donner avec loyauté; et ces conseillers sont les membres mêmes de la communauté ; ils ne sont ins- lilués par aucun pouvoir; ils ne sont ni choisis, ni élus, et pourtant ils sont reconnus comme membres d’un corps assermenté, s’obligeant spécia- lement aux devoirs de conseillers fidèles, Hors le conseil formé par eux, 138 MÉMOIRES doncs no son establitz e ereatz. S'il y en a de nommés et éta- dure le poders dels cossols que blis, que les pouvoirs de ceux nous n’en lrouvons aucun autre ; el l’on conçoit bien, en effet, qu'il n’en pouvait exister de rival en autorité ni en compétence. La communauté et les consuls,voilà donc les seuls corps expressément cons- tituésdont existence nous soit révélée. Les attributions des consuls vont être définies dans l’article qui suit. Les attributions da corps communal (de la communauté ), sont explicitement déterminées par diverses dispositions de la coutume. D’abord le droit de voter librement sur létablissement de tout nouvel impôt lui est garanti à la première page. Le devoir de conseiller lui est tracé à l’article du serment. Mais remarquons bien en quels termes cette obligation est caractérisée : Les membres de la communauté nous de- vront bons conseils lorsqu'iis seront par nous ou de notre mandement requis. C'est-à-dire que la réquisition, el par conséquent la désignation du souverain, réglait le devoir ou le droit (car on peut caractériser ainsi di- yersement l'office du citoyen). De telle sorte, que la convocation donnait qualité à l’assemblée, qui formait alors la cour, ou curie; el c’est cette cour à laquelle appartenait, à part d’autres attributions, lélection annuelle des consuls. Ceux-ci proposaient des candidats en nombre double, et la eurie choisissait les plus dignes. Teile est, du reste , l’interprétation constamment suivie que reçut plus tard la Coutume. Jusqn’à la fin du xvur siècle, le juge de Verdun, pourrle roi, convoquait et présidait, chaque année, la curie qui faisait l’élection des consuls. Le conseil, il est vrai, était devenu perma- nent, mais les membres qui le composaient ne furent jamais électifs. Il reste à constater que, même avant toute transformation, la eurie necompril point toute l’universalité des citoyens, mais qu’il y eut toujours une préférence légalement établie en faveur des contribuables les plus considérables, même lorsqu'il s'agissait du vote de impôt. C’est ce qui résulte d’un procès-verbal inséré dans le manuscrit à la suite de la présente Charte, et que je regarde comme une des pièces les plus intéressantes de la collection. Il fut question de régler les droits fiscaux du clergé, entre l’évêque de Toulouse et la nou- velle bastide. Par procuration donnée à deux syndies spéciaux , les habitants voulurent fixer la dime et traiter avec l’autorité ecclésiastique. Voici com- ment est indiquée l’assemblée générale qui fut tenue à celte occasion, « Nove- rin£ universi presentis pagine (s2c) inspecturi seu etiam audiluri. Quod » nos Petrus Andree , Joanhes Grondini, Geraldus OElhier (qui a des brebis) : » Guilhelmus de Casanova , consules novæ bastite Bellimonlis de eonsilio et » consensu expresso uriversilalis ejusdem loci vel ( pour plus d’exactitude), » majoris partis vel sanioris ejusdem villæ seu bastitæ presentis; et eadem » universilas, vel (c’est-à-dire) »#ajor el sanior pars , ibi presens ad hoc »spectaliter congregata ut moris est eam ibidem congregari. Videlicet : » Arnaidus de Breyvilla , domicellus, senior, Petrus Molenier, etc. » Suivent les noms ou plutôt la désignation par celle du lieu de leur naissance (tels que Guillaume de Carcassonne , Raymond de Toulouse, Pierre de Serin- hac, etc.), ou bien par celle de leur profession :( Henri le charpentier, Ber- nard barbitonsor, le barbier, Henri Sarrallerti, le serrurier}, de cent trente DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, so meg, an. i auran estat entro que autres per nos e per lavan- digh mostier, o per manda- ment nostre aqui meteys seran establitz. Et en aissi li cossol sian elegutz quel nom dels cossols establidorsen doblesian redug a la cort escriuth per les cossols vielhs tant que la cortz puosca elegir le plus convi- nentz. entro «l conte acostu- mat el cossolat. Qual poder en li Cossol. Item. Li cossol que per temps seran aian poder de reparar vias publicas e mals passes, E si aleus gitava en la dicha vila causas pudentas o nozens sia punitz per nostre balle e del dig mostier et per les cossol. 139 qui y sont durent pendant la demi-année qu'ils seront en charge, avant que d’autres, par vous et le susdit monastère, ou de notre mandement en icelle ville, ne soient établis. Et voici comme les consuls doivent être élus : Que les noms de ceux à établir en nombre double soient portés sur une liste re- mise à la cour, inscrits par les consuls anciens; de sorte que la cour puisse élire ceux qui mieux conviendront. Les con- suls entrerout en charge au nombre accoutumé. Quels pouvoirs ont les Consuls. Item. Les consuls, pendant qu'ils seront en charge, auront pouvoir de réparer la voie pu- blique et les mauvais passages. Et celui qui jetterait dans les rues de ladite ville des choses infectes ou nuisibles, serait puni par notre bailli et par celui citoyens, lesquels, pour eux et pour tout présent ou à venir, pro omnibus presentibus atque futuris, de ladite université, donnent mandat à deux procureurs ad hoc, d'arrêter et fixer les rétributions pécuniaires que devra s'imposer la communauté envers le clergé de la paroisse. Cette liste, où figure un seul ciloyen Litré de seigneur et damoiseau ( Arnaud de Breville), et qui comprend indistinctement, dans toutes les professions, cent trente jurés ou habitants seulement, témoigne , 1° l'exactitude du préambule à constater que toute personne n’était pas admise à exercice du droit électoral ; 2° que, sans distinction de professions ou de classes, l'aptitude électorale était ré- servée aux chefs de famille les plus dignes. J’ajouterai qu’en étudiant ainsi attentivement la constitution de la commune dans la province, el en re- montant même jusqu’à l'établissement du régime féodal ,'on observera le droit électoral se rétrécissant en sens inverse de l’importance de la popula- tion, jusque-là que l’usage que l’on suivait à Toulouse, dans le xiv® siècle , suivant Don Vaissète , el qui consistait à faire élire les capilouls par le vi- guier, ne serail que la concentration extrême mais toujours maintenue de l'élection, telle qu'on la pratiquait dans les grandes villes. De las Feyras e de las Leudas que hom deu paguar. licm. Las fieras sian en la dicha vila els terminis assi- gna(s. So es assaber en la festa de sanbh Jorge e en la festa dels apostols Simon et Judas. E tot mércadiers cstranhs que aia trocel ot rops trossels en las di- chas feyras done a nos et al digh mostier .mr. d. tol. per intrar e per issir e per taulatge. et per leuda. e de la carga d’ome que que aporte «1. d. tol. E de las causas compradas ad us de la mayso d’alcu habitador de la dicha vila le compraire no done re per leuda. De la Host, Item. Retenem expressament ost e cavalgada aissi coma en lasautras vilas nostras d’aquela tira. Del tems en que hom paga le ces de las maysos et dels cazals. Item. Les ces de las maysos e dels cazals. ct dels arpenzs del digh pariatge sian pagatgh en dos terminis. Soes assaber le ces delasmaysose d’els cazals en la festa de totz sanh. et’l ces dels arpents en la festa de Paschas. Las costumas e las libertatz e totas las causas sobredichas MÉMOIRES dudit monastère ou par les consuls. Des Foires, et des leudes qu'on y doit payer. Item. Les foires auront lieu dans ladite ville aux époques ci-dessous fixées, savoir : pour la fête de Saint-George, et pour celle des apôtres Simon et Jude. Et tout marchand étranger, qu’il ait un ou plusieurs éta- lages auxdites foires, donnera, à nous et audit monastère, qua- tre deniers toulousains pour tout droit, d'entrée, de sortie, d’étalage ou de leudes. Pour une charge d'homme, quelle quesoit la marchandise, le droit sera d'un denier toulousain ; mais les choses achetées par un habitant de la ville, pour l'u- sage de sa maison, ne payeront pas le droit de leude. De l’'Hôtellerie. Item. Nousréservons expres- sément le droit d'hôtellerie et chevauchée, comme il se pra- tique en nos autres villes. Des époques où l’on doit payer le cens pour les maisons et jardins. Item. Le cens des maisons, jardins et arpents de terre men- tionnés en l'acte de pariage, seront payés en deux termes, à savoir : le cens des maisons et jardins pour la fête de Fous- saint , et le cens des arpents pour la fête de Pâques. Ces coutumes et libertés, et toutes choses susdites, nous oc- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 11 autreian als habitadors sobre- dich. Sal en totas causas nostre dreg e del mostier avandigh. e sal tot dregh d'autrui, e sal le dreg de totas causas contengu- das el pariatge sobre dig. E persoque aquesta. cansas obtengan forsa de perdurable establitat. Nos farem garnir la avaudicha carta ab [a autoritat del nostre sagel e del nom reyal dejos notat caractament (1). Aisso fo fag a Paris en l'an de Nostre Senhor. M.cc.Lxx. vin. el mes d'aost (2). el none an de nostre regerine. estans cl nostre palaitz. Robert duc de troyons aux susdits habitants, sauf en toutes choses nos droits et ceux du monastère susdit, et sauf tout droit d'autrui, et saufs en toutes choses les droits résultant de l'acte de pariage susmentionné. Et pour que ceci obtienne force et stabilité durable, nous donnerons ca garantie à la pré- sente charte l'autorité de notre sceau et du nom royal dessous, en caractère tracé. Fait à Paris, l’an de N.-S. mil deux cent soixante-dix- huit, au mois d'août, la neuviè- me année de notre règne. Pré- sen{s en notre palaisRobert (3), (1) IHne s’agit pas de signature : on ne se servait dans ce siècle que de si- gnes ou de sceaux pour souscriptions authentiques. Peut-être saisira-t-on mieux le sens de ce mot caractement par le texte latin de l’acte de pariage , qui doit être identique avec celui-ci. « Presentem paginam sigilli nostri » auclorilate ac regii nominis caractere inferius annotato fecimus com- » muniri. » Quant à la sincérité de l’engagement pris par le roi, on peut s'assurer de la fidélité avec laquelle ses officiers voulaient exécuter celte Charte par cette décision du sénéchal de Toulouse : Interrogé par les consuls sur les hono- raires dûs au baillif, il répond : « Sia es gardada la Carta de las libertats de la bastida. E si per las causas contengudas en la Carta de las libertats le bailles dera aver alcuna causa per contimatia. Que n’aia, en autra maniera re no demande. » (2) Saint Louis était mort le 25 août 1270. La neuvième année du règne de Philippe commença donc, ce même jour 25 août de l'an 1278, el la pro- mulgation de cette Charte est postérieure de quelques jours seulement à cet anniversaire. (3) Robert , duc de Bourgogne, avait succédé depuis peu au trop fameux Pierre-de-la-Brosse dans la charge de grand-chambellan. Imbert de Beau- lieu est le même connétable de France qui commandait les armées du roi dans ses guerres en Espagne. J'aurais pu étendre mes remarques presque à chaque mot, et je reconnais pourtant que je les ai peut-être trop multipliées. Il y manquerait beaucoup, en effet, pour compléter une étude faite ; et l’on n’est pas pardonnable d’in- 142 MÉMOIRES Bergonba camarier. Joan Bo- duc de Bourgogne, chambellan; telhier et Imbert conestable. Jean , Boutciller ( échanson } ; Imbert, connétable. diquer longuement une étude à faire ; mon excuse est dans le curieux in- térèt que j'ai trouvé à l'analyse de ce petit Code féodal, et des vieilles Chartes qui en sont le commentaire. Je désire obtenir, au lieu de juges, des complices empressés à poursuivre des recherches de ce genre, et qui sa- chent, mieux que moi, des sources, même les plus ignorées et les plus obs- cures, faire jaillir des éléments utiles à l’histoire de notre pays. - DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 143 BULLETIN DU MOIS DE MARS 1850. M. Maxavir écrit à l'Académie pour lui renouveler la de- sésnee mande qu’il lui a faite, en 1846, d'une place d’associé ordinaire du 7 mars. dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres, et fournit, à l'appui de sa demande, la note de divers ouvrages qu'il a publiés. M. LeymertE fait un rapport verbal très-favorable sur un Mémoire de M. Raulin, Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux, ayant pour titre : Nivellement barométrique de l’Aquitaine. Sur les conclusions du Rapporteur, l’Académie vote des remerciments à M. Raulin, M. Noucer lit un Note sur un gisement d'ossements fossiles , signalé par M. Dubor, sur son domaine de Breville , à Beau- mont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne). « Les restes osseux que M. Dubor a mis à ma disposition , dit M. Noulet, ont été retirés d’un grès dur ; ils sont très- fragmentés, par conséquent d'une détermination difficile. Néan- moins quelques-uns, mieux conservés, m'ont permis de les rapporter avec cerlitude à des genres connus. » Ainsi, dans la classe des mammifères et dans l'ordre des ruminants, un Canon où os métacarpien, m'a fait recon- naître un petit Cerf, de la taille du Dicrocère élégant, de M. Lartet. » Un humerus et un calcaneum , Caractérisent un autre ruminant , probablement aussi du genre cerf. Mais celui-ci de- vait être remarquable par sa taille plus forte que celle de nos plus grands chevaux. Si des découvertes postérieures , comme celle des dents de cet animal, viennent confirmer cette pré- somption , le dépôt de Beaumont-de-Lomagne aura ajouté une La” MÉMOIRES espèce de plus aux espèces si nombreuses du genre Cerf, déjà signalées dans nos terrains tertiaires. » Dans l’ordre des Pachydermes , une espèce de rhinocé- ros, de moyenne taille , se trouve représentée par une colline de dent molaire inférieure. » Enfin, dans la classe des Reptiles , l'ordre des Chéloniens a fourni aussi son contingent. Nous avons reconnu des débris de tortues terrestres, de tortues paludines et de tortues fluvia- tiles , appartenant aux genres Zestudo, Emys et Tryonix. » Tous ces ossements caractérisent donc des animaux appar- tenant à la faune des Mastodontes et des ARhinocéros de la grande formation d'eau douce sous-pyrénéenne , que l'on trouve tantôt dans les argiles et les marnes , tantôt dans les sables et les grès. » Quant à l'importance de la découverte de M. Dubor, elle ne peut être douteuse , puisqu'elle fait connaître un gisement nouveau dans une partie du bassin qui n'a pas encore été explorée à ce point de vue , et qu'à peine commencées, les fouilles entreprises à Beaumont nous révèlent un animal cer- tainement inconnu des paléontologistes dans l'ordre des mammi- fères ruminants. » M. Jocy, dans une communication verbale , fait part à l'A- cadémie des principaux résultats de ses recherches sur Îe lait des femelles en général , et partieulièrement sur celui des. nourrices. L'analogie que l’on retrouveentre les organes sexuels, considérés dans toute la série zoologique ; l'identité du mode de reproduction chez tous les animaux ; enfin , la structure anatomique de l'œuf également identique chez tous : telles sont les données qui ont amené M. Joly à penser qu'il n'y avait aussi pour tous qu’un seul et même mode d'alimentation dans la première partie de leur existence. Des expériences directes lui ont prouvé , en effet , que , sous le rapport de la constitu- tion physique et de la composition chimique , il existe de très- nombreuses analogies et en quelque sorte une identité parfaite entre le lait des mammifères et le contenu de l'œuf des ovi- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 145 pares. De là , rès-probablement , Va possibilité de substituer avec avantage ce qu'on nomme vulgairement et avec jus- tesse, le lait de poule, au lait proprement dit, dans l’ali- mentation artificielle des nouveau-nés. De là , l'espoir assez naturel de les mettre ainsi à l'abri des chances nombreuses de mortalité qu'entraine toujours, dans les grands centres de popu- lation , une nourriture faite avec du lait de vache ou de chèvre, plus ou moins altéré par la fraude. M. Joly a commencé , à cet égard , des expériences qu'il se propose de continuer, et dont il rendra ultérieurement compte à l'Académie. M. Beauroiz , Docteur en médecine à Ingrandes , départe- ment d'Indre-et-Loire , après s'être déclaré, dans une lettre , l'auteur du Mémoire , coté sous le n° 5, qui a concouru au Prix ordinaire de l'Académie pour l’année 1849 , fait la de- mande du titre de Correspondant. Il appuie cette demande par l'envoi d'un Mémoire manuscrit pour servir à la localisation des fièvres ; d'une observation de kyste ovarique compliqué de péritonites successives, suivi de guérison, et d'une thèse pour le doctorat en médecine. Ces ouvrages ont été renvoyés à une Commission , composée de MM. Gaussail , D.-Bernard et Larrey. M. pu MEGe présente à l’Académie un très-beau manuscrit de l'ouvrage vulgairement connu sous le nom de Philomène. Il en existe, d’après M. du Mège , un ou plusieurs exemplaires en latin. L'un d'eux à été imprimé en Jtalie. La Bibliothèque nationale en possède un en langue Romane, et la bibliothèque de la ville de Carcassonne un autre. Le premier a été publié par notre confrère dans ses additions à l'Histoire générale du Languedoc. Le manuscrit présenté par celui-ci est le micux conservé, le plus complet que l’on connaisse. Il paraît d’ailleurs qu'il ne sera pas enlevé au Midi de la France, dont il retrace en partie les vieilles légendes à l’époque du cycle carlovingien. M. Nouzer revient sur la découverte faite par M. Dubor de quelques fossiles ; sur la demande de M. Dubor, l'Académie nomme une Commission chargée de se rendre sur les lieux , et 3° 8, — TOME VI. 10 14 mars. mars. 146 MÉMOIRES d'examiner l'utilité de la continuation des fouilles qui ont été déjà commencées. MM. Leymerie , Joly et Filhol font partie de celte Commission. M. Mouns fait un rapport verbal sur un ouvrage d’arithmé- tique élémentaire, par M. Nap. Cazelle. Sur les conclusions du Rapporteur, l’Académie vote des remerciments à M. Cazelle. M. Baray lit une Note sur les souvenirs historiques que réveille le fort Læwestein, à l'embouchure de la Meuse (en Hollande ). M. Virry communique quelques observations qu'il a faites sur l’état des pièces de bois formant le grillage sur lequel re- posent les fondations de l'église Saint-Joseph de la Grave. Ces bois ont présenté, dans le voisinage des chevilles en fer, une dureté et un état de conservation remarquables , lorsque les autres parties étaient tombées en décomposition. Si cet état de conservation pouvait être attribué à la présence du fer, il pourrait en résulter dans la pratique un moyen précieux. M. Vitry annonce qu'il espère recueillir quelques échantillons , pour les soumettre à l'examen de l’Académie. M. Dunor lit un Mémoire intitulé, Znstitutions féodales, traduction des coutumes de la Bastide de Beaumont sur Gi- mone ; Chartes inédites du xnr siècle. Ce Mémoire est im- primé dans cette livraison. M. Gascueau , Professeur à la Faculté des Sciences de Tou- louse, a été nommé Associé ordinaire de l’Académie , pour la section des Mathématiques pures. M. Laroque , Professeur au Lycée national de Toulouse , a été nommé Associé ordinaire, pour la section de Physique et d’Astronomie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 147 NOTE SUR LA CONSTITUTION PHYSIQUE DES LIQUIDES PENDANT LA CALÉFACTION ; Par F. LAROQUE. Les phénomènes de caléfaction occupent depuis longtemps l'attention des physiciens. Plusieurs théories diverses ont été proposées pour les expliquer , et aucune d'elles n’a paru satis- faisante. Je m'occupe dans ce moment d’un travail qui aura pour résultat, je l'espère , d’assigner aux phénomènes de calé- faction leur véritable cause. Les labeurs incessants d’un pro- fessorat multiple ne m'ayant pas permis jusqu'à présent de le terminer, et de le rendre digne d'être présenté à l'Académie, je viens, en attendant, solliciter aujourd’hui un peu de son attention pour l'exposé de quelques phénomènes de caléfaction qui jusqu'à présent sont restés inconnus, et qui conduisent à des conséquences en contradiction directe avec l'opinion de M. Boutigay sur la constitution physique des corps à l'état sphé- roïdal. Cette opinion est formulée de la manière suivante dans le cahier de février 1850 des Annales de chimie et de physique: « Les corps à l'état sphéroïdal sont limités par une couche » de matière dont les molécules sont liées de telle sorte, qu’on » peut la comparer à une enveloppe solide, transparente, d’une » épaisseur infiniment petite et douée d’une très-grande élas- » ficilé. » M. Boutigny prétend que plusieurs expériences confirment cette proposition ; mais il donne, comme la confirmant d'une manière irrésistible, une expérience dont je dois reproduire l'exposé textuel. « On prend cinq centigrammes de charbon roux en poudre, 148 MÉMOIRES » chaque grain n'ayant pas plus de 1/4 de millimètre dans sa » plus grande dimension; on delaye cette poudre dans dix » grammes d'eau distillée, puis, à l’aide d'une pipette, on » projette quelques gouttes de ce mélange dans une capsule en » platine très-polie et rouge de feu , et l'on observe ce qui se » passe ; le voici : Les courants que j'ai signalés plus haut se » manifestent d’une manière très-apparente sans que la couche » qui limite le sphéroïde y participe en quoi que ce soit. Quel- » quefois de petits grains de charbon traversent la couche exté- » ricureet s’y fixent; ce sont autant de points de repère. Quand » on aeu la patience d'attendre ce résultat, il ne peut rester » le plus léger doute dans l'esprit, les courants continuant à » marcher en tout sens dans l’intérieur du sphéroïde , tandis » que la couche extérieure reste tout à fait étrangère à ces cou- » rants (1). » J'ai répété plusieurs fois l’expérience précitée ; toutes les fois j'ai eu la patience d'attendre, et Je dois avouer que j'ai toujours vu ces grains de charbon s’agiter sur la surface et dans l’inté- rieur du sphéroïde. Craignant toutefois avoir mal vu dans ces premières expé- riences et voulant les soumettre à un contrôle sérieux, j'ai modifié la manière d'opérer, convaincu que, si ces sphéroïdes sont terminés par une croûte solide , les grains de charbon qu'on laissera tomber sur un sphéroïde, ou bien seront rejetés par la couche élastique qui le termine, ou bien seront saisis par elle, et ne pourront pas pénétrer plus profondément dans la masse du sphéroïde. L'appareil dont j'ai fait usage est fort simple; il se compose d’une capsule en fonte remplie de sable et contenant une capsule en platine. La capsule en fonte est engagée dans l'anneau qui termine un des bras d’un support très-connu des chimistes ; elle est chauffée par la flamme d’une lampe à esprit de vin. Je ne dois pas insister sur les avantages de cette disposition. J'ai projeté dans la capsule en platine plusieurs gouttes (1) Ann. de chim. et de phys., 3° série, t. xxvnr, pag. 161. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 119 d'éther, de manière à former un sphéroïde d'un demi-centi- mètre de diamètre environ ; j'ai laissé tomber sur sa surface des parcelles de charbon , et pour ne pas être trompé par quelque illusion d'optique, j'ai fixé invariablement le sphéroïde en plongeant dans sa masse et suivant son axe vertical, le bec eflilé et fermé d’un tube en verre. J'ai vu certaines parcelles de char- bon pénétrer dans le sphéroïde, et celles restées à la surface s'agiter comme celles de l'intérieur. Sur un sphéroïde contenant des parcelles de charbon , j'ai laissé tomber encore un peu de chaux éteinte, réduite en poudre, A l'instant même il s'est manifesté une vive effervescence dans le sphéroïde fixé par le tube en verre; et j'ai été témoin, en même temps, d'un phénomène remarquable ; j'ai observé, en effet , que la surface du sphéroïde était sillonnée par des courants circulaires en nombre infini, situés dans des plans verticaux passant par l'axe du sphéroïde, et dirigés tous de bas en haut. Le doute n’est donc plus permis, et l'on peut affirmer que les corps à l’état sphéroïdal ne sont pas terminés par une croûte solide. Mais voici une autre expérience que je crois nouvelle, car elle n’est consignée dans aucun recueil scientifique à ma con- naissance, et qui ne manque pas de quelque intérêt, en dehors même de l'application immédiate que je veux en faire. Dans l'appareil précédemment décrit, on remplace la capsule en platine par une capsule en verre, en partie pleine de mer- cure ; on chauffe ce liquide jusqu'au moment où il laisse dégager des vapeurs sensibles, puis-on laisse tomber sur sa surface une goutte d'alcool. Ce liquide se transforme immédiatement en sphéroïde et se charge en même temps de vapeur de mercure condensée. Le sphéroïde ainsi formé, d'une couleur gris de plomb très-foncée, perdant peu à peu son opacité, prend d'a- bord une teinte laiteuse , et finit à la longue par reparaître avec toute la limpidité naturelle à l’alcool. Qu'est devenu alors le mercure liquéfié sur la surface du sphéroïde ? Il est venu former dans l’intérieur de ce dernier une petite pelote que l'on aperçoit très-bien lorsque la limpidité a reparu et que le sphéroïde dépose 150 MÉMOIRES sur le mercure au moment où il disparaît en totalité. Pour observer les phénomènes que je viens de citer, il faut prendre patience , car il arrive fréquemment que le sphéroïde, en sillon- nant la surface du mercure, atteint la partie convexe de cette surface , se précipite contre les parois de la capsule, et tandis qu'il conserve l'état sphéroïdal du cèté du mercure , il entre en ébullition au contact du verre, et se dissipe assez promp- tement. Or n'est-il pas évident que s’il existait à la surface du sphéroïde une croûte solide, la vapeur de mercure condensée dans cette croûte, y serait retenue constamment; et que le sphéroïde ne pourrait pas reprendre sa limpidité normale. Cette nouvelle expérience confirme donc ce que j'ai déjà établi, et que je me proposais de prouver dans cette note ; c’est que les liquides caléfiés n'ont pas la constitution physique que leur a prètée M. Boutigny. J'ajouterai à la note qui précède sur la constitution physique des corps à l'état sphéroïdal , quelques faits nouveaux relatifs à cet état, et qui méritent de fixer l'attention des physiciens : car c’est seulement alors que la cause d’un certain ensemble de faits est bien connue, qu'on peut bien apprécier l'importance relative de chacun d'eux : mais lorsque cette cause est encore en litige, il est essentiel de les recucillir tous avec le même soin, de les multiplier : on peut espérer alors, en les soumettant à une discussion méthodique, de voir jaillir du fait auquel on n'avait attaché d’abord qu’un faible intérêt , un éclair qui per- mettra d’apercevoir la véritable cause , la route la plus directe à suivre pour les expliquer tous de la manière la plus rationnelle. Lorsqu'un sphéroïde d’éther est établi dans une capsule mé- tallique , l’évaporation en diminue la masse peu à peu jusqu’à ce qu'elle soit réduite, pour ainsi dire, au dernier atome. II n’en est pas de même lorsque le sphéroïde repose sur la surface d'une dissolution concentrée de.sulfate de soude; car il dispa- raît, lorsqu'il possède encore des dimensions assez grandes. Voici quelle est, à mon avis, la cause de la différence dans la durée du sphéroïde dans ces deux cas. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 151 Le sphéroïde dans le second cas condense et absorbe la vapeur d'eau que laisse dégager la dissolution. Or, on sait que pen- dant la distillation d’un mélange de deux liquides volatils , c'est toujours le plus volatil qui distille en plus grande abon- dance. Donc, dans le sphéroïde formé par un mélange de vapeur d’eau et d'éther, ce dernier liquide doit distiller plus rapidement que l’eau. Quand, par ce fait même , la température de la dis- tillation n'est plus assez élevée pour le mélange restant , le sphé- roïde doit s’affaisser et disparaître. A l'appui de cette manière de voir, je puis dire que les sphéroïdes d'éther sur l'eaa pure sont très-peu persistants , que ceux qu’on obtient sur l’acide sulfu- rique concentré et chaud , sont au contraire bien moins fragiles. Les sphéroïdes formés en présence d’un corps solide chaud , ne mouillent pes ce dernier; c’est un fait incontestable. Il m'a semblé digne d'intérêt de prouver qu’il en est de même pour les sphéroïdes reposant sur la surface d'un liquide, qu’un sphé- roïde d’éther, par exemple, n’adhère pas à l'eau sur laquelle il s'agite, En effet, si après avoir établi sur la surface d’un liquide suffisamment échauffé un sphéroïde d’éther de petite masse, on lui présente à une distance, on pourrait dire sen- sible , une petite boule formée à l'extrémité du bec effilé d'un tube en verre, on voit ce sphéroïde s'élancer sur la boule en cédant à l'attraction moléculaire, et ne laisser en même temps sur la surface du liquide chaud qu’il abandonne , ni rides , ni bosselures. Eig.1. A U 6 152 MÉMOIRES NOTE SUR LA DÉTERMINATION DE LA DENSITÉ DES SOLIDES ; Par F. LAROQUE. La densité tabulaire de plusieurs corps solides est encore inconnue ; celle de tous les autres n’a pas été déterminée avec toute la précision que comporte l’état actuel de la science; et cependant la densité d’un corps est une de ses propriétés les plus propres à le caractériser, dont la connaissance importe beau- coup à la physique, à la chimie et à la minéralogie. Voulant combler cette lacune qui existe dans la science, j'ai dù re- chercher un procédé d’après lequel on pourrait obtenir , avec la dernière précision, les données expérimentales avec les- quelles on pourrait déterminer sans correction préalable la densité tabulaire d’un corps solide. Jai atteint ce but en adoptant l’usage d’un nouveau flacon bouché à l’émeri et à affleurement. Je donne aujourd'hui la description de cet appa- reil, me réservant de faire connaître plus tard les résultats des expériences que j'ai entreprises sur la densité des corps solides. Ce nouveau flacon se compose d’un flacon de densité , , ordinaire, @, fig. 1, dont le col, de forme conique peut > 2 être fermé par un bouchon de verre b, fig. 2, usé à l'émeri | et percé d’un canal qui fait suite à un tube capillaire e d, 4 sur lequel est- marqué un trait d’affleurement f. Ce tube ) 7 est surmonté d’un bout de tube plus large, de, faisant C fonction d’entonnoir et fermé avec un bouchon de verre b usé à l’émeri. On comprendra sans peine que ce nouvel appareil per- \ mettra d'obtenir la densité tabulaire des solides avec une u| approximation plus grande que le flacon ordinaire. En 644 effet, dans l'emploi de ce dernier, il reste toujours une in- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 153 certitude sur la température de l'eau et sur celle du corps so- lide; de plus, il est des cas où la loi de dilatation de ce dernier est inconnue ; par suite la correction relative à la température est ou incertaine ou impossible , et dans ce dernier cas on ne peut pas même connaître la densité tabulaire des corps. Enfin, jusqu’à présent on a négligé l'influence que peut exer- cer sur les pesées du flacon l’eau condensée sur sa surface. Or, le nouvel appareil permettant d'employer , pour faire les pesées du flacon, une méthode analogue à celle déjà mise en usage par M. Regnault pour la détermination de la densité des gaz, on n’a plus à tenir compte et du poids de l'air déplacé par le flacon, et surtout du poids de l’eau qui mouille sa surface ; on doit donc atteindre dans la détermination de la densité tabulaire d'un corps solide la dernière limite de précision possible. 154 MÉMOIRES MÉMOIRE SUR LES ANCIENS OCTROIS DE TOULOUSE ; Par M. DE VACQUIE, Messieurs , Une des premières choses qui frappent les regards en entrant dans la cité palladienne, c’est le bureau de l'octroi ; rien à cet égard ne distingue Toulouse des autres villes moins lettrées, et le voyageur quel qu'il soit, s’il veut pénétrer dans ses murs, doit s’incliner d'abord devant les préposés des barrières. Je ne me dissimule point, Messieurs, combien quelques aperçus sur une institution purement fiscale vous paraîtront peu acadé- miques ; toutefois j'ai espéré qu'envisagés sous le point de vue de l’économie politique et de l'histoire, au moins locale , ils pourraient n'être pas entièrement dénués d'intérêt. Dans la primitive signification du mot, octroi voulait dire concession du prince; on a dit longtemps une charte octroyée ; les deniers d'octroi étaient ceux que le prince permettait aux villes de lever pour subvenir à leurs dépenses. La nécessité pour les communautés comme pour les individus de se créer des ressources, a dû faire établir des taxes de ce genre dès la plus haute antiquité. Sans vouloir me livrer à cet égard à d’inutiles recherches, il me suffira de dire qu’à Rome, ce droit , appelé portorium, parce qu'il avait commencé à être prélevé dans les ports de mer , fut successivement aboli ou réta- bli, selon que le pouvoir passait entre les mains du peuple, ou restait , aux différents âges de la république, dans celles des rois, du sénat ou des empereurs. On ne peut se dissimuler , en DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 155 effet, que ces droits, tout nécessaires qu'ils puissent être, ne blessent les intérêts privés, n’excitent, à lort sans doute, plus d’une haine, plus d’un ressentiment, et que par une consé- quence immédiate , l'un des meilleurs moyens de se rendre le peuple favorable , n'ait dû être partout et toujours d'en promettre l'abolition ; c'était à Rome une espèce d'annexe, d'appendice, à cet autre grand leurre de l'abolition des dettes, que la plebe romainé réclamait sans cesse, ou dans le forum ou dans ses retraites sur le mont sacré. En France, dans le moyen àge, ces droits présentent un ca- ractère tout spécial , c'est d’être devenus souvent une propriété privée, soit par un abus trop fréquent de la force et de la vio- lence, soit par une sorte de quasi-contrat, dans un grand nom- bre de circonstances plus avantageux aux voyageurs el aux marchands , qu’au possesseur du droit de péage lui-même ; il était assujetti, en effet, à de nombreux devoirs, et, par exemple, à une garantie étendue et sérieuse, envers le voyageur ou le marchand qui durant le jour avait été volé dans l'étendue de sa justice. C’est exactement le principe de la responsabilité des commanes établi par notre loi du mois de vendémiaire an IV, loi qui est encore assez fréquemment appliquée par les tribunaux. Dans l’état de morcellement où était alors le territoire de la France, composé d'une infinité de petits états, de souverai- netés, de seigneuries plus ou moins indépendantes et toujours en latte l’une contre l’autre, laborieux enfantement de la gran- deur de notre patrie, les simples péages durent tenir beaucoup de ce que nous entendons aujourd’hui par /e mot de douanes ; et même lorsque le royaume fut parvenu à sa belle et majes- tueuse unité, les diverses provinces réunies à la couronne, gardant quelques traces de leur ancienne séparation, conservè- rent à leurs limites des espèces de douanes intérieures ; au com- mencement de la révolution de 1789, il ne fallut rien moins que le remaniement général du territoire et sa division en dé- partements, pour faire disparaître cet état bizarre, dont l’Alle- magne nous offrait naguère , et avant l'établissement de l'union douanière , un exemple remarquable. 156 MÉMOIRES En 1757, il n'y a pas encore tout-à-fait un siécle révolu, on imprima, à Toulouse, chez Me Jean-Bernard Pijon , avocat , seul imprimeur du Roi et de la ville, ur tarif général des droits d'octroi et revenus patrimoniaux de la ville de Tou- louse , accompagné des délibérations , ordonnances et règlements qui y sont relatifs ; ces droits étaient en grand nombre; droit d'entrée, de sortie, d'écu, d'équivalent ; de commutation , de subvention, de réserve , de farine , de quart et autres en- core, formant un véritable dédale dans lequel nous n’aurons garde de nous engager ; ainsi donc, sans nous astreindre , Messieurs, à les définir dans un ordre régulier, impossible peut-être à observer en ces sortes de matières, nous pourrons en dire quelques mots lorsque l’occasion s’en présentera. Le droit d'écu était fort peu considérable ; il ne frappait-que quelques objets, et ne s'élevait qu’à quelques deniers ; il avait été sans doute établi pour quelque circonstance particulière. Les droits à la sortie étaient établis peut-être un peu plus en haine des étrangers qu’en faveur des habitants; c’était un ves- tige des vicilles mœurs ; cette disposition est surtout remarqua- ble en ce qui touche les bois à brüler et de construction, dont on craignail toujours de manquer, et avec raison , en ce sens que les soins, plus empressés peut-être que bien entendus , des capitouls, n’avaient pu éviter à la cité qu'ils administraient plus d’une disette de bois. On peut remarquer aussi le même esprit étroit de localité , en ce qui touche les oranges et les raisins secs ; ils ne payaient rien à l'entrée, mais ils payaient à la sortie, comme si on eût voulu les réserver exclusivement aux habitants de Toulouse. Le safran, ce produit précieux, si employé dans la cuisine de nos pères, mais passé de mode aujourd'hui pour cet usage, devait peut-être à son excellence le privilége de payer nun-seu- lement un droit d'entrée de 3 livres 5 sols par quintal, le quintal toujours à 104 livres, mais même un droit de transit d’une livre quand il ne faisait que passer. La faïence neuve ne devait pas de droit de sortie, la vieille devait en payer un; disposition bizarre et difficile à expliquer. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 157 La faveur qui s'attache à l'agriculture, avait fait admettre la sortie en franchise des bois destinés à confectionner les ins- truments qu'elle emploie. Le soin minutieux avec lequel on indique les lieux de prove- nance des divers objets soumis au tarif, semble aussi rappeler un peu le moyen âge, et surtout un procédé de couleur locale fort usité par les romanciers espagnols et leurs imitateurs ; si ce ne sont pas de bonnes épées de Tolède, ce sont au moins des couvertures de Montpellier et de Saint-Pons, des capes et des mandils de Béarn, du fer fondu de Hollande , et ainsi de suite. Ces noms ont au reste l'avantage de nous fixer, au moins un peu, sur l'état de l'industrie à cette époque ; l'énumération des draps de Sorèze ,Saint-Pons, Valentine, Revel et Grenade, nous prouve que dans ces localités, qui en sont pour la plupart déshéritées aujourd’hui , l'industrie de la fabrication des draps était alors assez florissante; cette draperie, comme étant d’une qualité supérieure, payait un droit plus élevé que les draps des- tinés aux simples cultivateurs , appelés Pagès , mot de l’idiome local que le français est presque forcé d'admettre pour désigner celui qui travaille son propre champ, et pour parler comme le poële : celui qui travaille avec ses bœufs, ses champs héré- ditaires. A Toulouse on fabriquait , soit dans la ville, soit dans les faubourgs, des mignonettes , des grisettes et autres étoffes dont le nom seul est venu jusqu'à nous. La sarge (nous dirions la serge), de Florence et de Beau- vais, et les sargettes du Gévaudan , toutes étoffes en soie , étaient sans doute fameuses et très-employées. Pour la perception des droits, les toiles étaient divisées en deux grandes classes; les toiles fines de Paris, Rouen, Cou- tances , Bretagne, Laval, Maynaud | sans doute le Haine), devaient payer dix sols par quintal; tandis que les toiles du pays, comme Saintonge , Agenais, Négrepelisse , ne payaient, aussi par quintal, que 5 sols d'entrée. — Aujourd'hui ces divers tissus sont exempts de droits à l'entrée des villes, et 158 MÉMOIRES ceux qu'ils acquittent aux douanes, s'établissent d'après l'au- nage et la finesse des tissus, et non pas d'après le poids. Dans l'énonciation d'un assez grand nombre d'articles, je ne dirai pas que la langue française est outragée, maisje dirai qu’on la délaisse pour la langue d'Oc; aujourd'hui plus Francimans , comme nous appelle Jasmin, nous avons bien quelque droit de nôus scandaliser du fer oubrat ; des reilles en fer du Caussé ou de Sainte-Afrique , des padènes , de la pègue , de la rousine et des sardes, pour fer ouvré, pentures, poêles à frire, poix, résine ct sardines. Mais pour être justes envers nos pères , il ne faut point oublier qu’à cette époque le patois était admis dans les conversations familières des plus hautes classes de la société toulousaine ; et telle repartie, plus ou moins spi- rituelle, de quelque grande dame de ce temps, se redit encore aujourd’hui , transmise de génération en génération , dans lidiome vulgaire dont l'emploi lui donne seul peut-être quel- que valeur. Entre autres énonciations du tarif, nous vous ferons, Mes- sieurs , remarquer en passant les cabinets d'Allemagne ; ou allemandes, dont le patois qui abrége tout à fait limandes, et que nous désignons en français par le nom très-impropre d'armoire , puisqu'il est très-rare, au moins aujourd'hui , que ce meuble devienne pour nous un petit arsenal. On a reproché avec raison à nos tarifs les plus modernes des douanes, d’avoir quelquefois établi des droits sur les objets les plus bizarres , les moins propres par leur nature à donner lieu à une perception de quelque importance , et quelquefois même sans qu'on püt invoquer pour excuse la nécessité de protéger une branche de notre industrie ou de notre commerce. On a souvent cité pour exemple , et celui-là peut suffire , la taxe imposée sur l'importation des momies d'Egypte. Eh bien! dans notre vieux tarif de l'octroi de Toulouse, il y avait des articles aussi étranges , pour ne pas dire aussi ridicu- les, tel que les cornes de licornes , que nous avions vu citées dans une fable de Lafontaine , et qui seront toujours très-rares , alors même que les nouveaux récits des voyageurs sur l’exis- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 159 tence de cet animal, longtemps réputé i Ruisginaire, viendraient à se confirmer ; Tels que l'eau de la reine de Hongrie ( escortée de toutes les autres liqueurs), et qui eut une si grande vogue dans le xvu° siècle , s’il faut en croire les mémoires du temps- Mais entre tous les articles du tarif, aucun ne m'a paru plus extraordinaire, plus inqualifiable , et je me sers même à son égard d'expressions mesurées, que celui qui concerne Les ta- bleaux ; et ce mot employé seul ne me semble susceptible que d'une seule signilication. Je dois en faire l'aveu , j'ai eu quel- que peine à en croire mes propres yeux, lorsque j'ai vu ces nobles productions de l'art, soumises à un droit d'entrée comme des marchandises vulgaires ; mon étonnement el mes regrets se sont encore accrus en voyant que dans la patrie des Despax et des Rivals, les tableaux étaient appréciés au poids, et taxés 10 sols le quintal. Dans la ferveur de mon culte pour les beaux arts, malgré mon profond réspect pour l'antique magistrature des capitouls, je n'aurais pu m'empêcher de les faire descendre du haut pié- destal sur lequel mon imagination les a toujours placés, si, à propos pour concilier entre eux ces deux sentiments, je ne m'étais rappelé, que le Capitole de Rome, dont la gloire n’en a point été obscurcie , avait eu son consul Mummius, le vain- queur de Corinthe, menaçant sérieusement ceux qu'il chargeait de transporter en Italie les chefs-d’œuvre de la Grèce, d’en exiger le remplacement ou le prix, s'ils venaient à se perdre ou à se dégrader par leur négligence. S'il faut reconnaître qu'à cet égard notre goût s’est épuré , et qu'il y a eu un incontestable progrès, nous en remarquerons un autre, à la vérité d'un genre différent et plus matériel, en ce qui touche les boissons. Le malvoisie et le vin muscat, aussi bien que l’eau-de-vie , n'étaient pas envisagés comme des vins proprement dits ; ils étaient classés parmi les marchandises diverses ; ils ne payaient qu'un droit d'entrée de 12 sols la piècede quatre-vingt-dix pégas ; aujourd'hui, une pièce d'esprit de vin de cette contenance, paie 160 MÉMOIRES près de 50 francs seulement pour l'octroi , indépendamment des droits d'entrée et de consommation , qui élèvent cette somme à des proportions exorbitantes, à environ 200 fe. (1), et rendent la fraude sur cet article si audacieuse et si lucrative. Les vins ordinaires n'étaient pas précisément soumis à un droit d'entrée ; ils avaient dans le tarif l’honneur d’un chapitre à part et d’un droit spécial, désigné sous le nom de droit de subvention, qu'ils devaient sans doute à une origine particulière. — Nous ferons la même observation pour.le droit de commu- tation, nom que porte encore aujourd'hui un des principaux locaux affectés au service de l'octroi. Le vin, pour la perception des droits de subvention , était rangé en deux classes ; le vin bourgeois et le vin étranger. Le vin bourgeois ou du cru était celui qui avait été récolté et cuvé dans le gardiage de la ville, car la seule cuvaison au dehors lui aurait fait perdre cette qualité, et qui était destiné pour l'usage des habitants qui avaient acquis le droit d’habita- nage ; ilne payait par pièce qu'unelivre de subvention et quatre sols de commutation ; tandis que le vin étranger ou non bour- geois, payait par pièce # livres pour le droit de subvention , et seulement 4 sols, comme le vin bourgeois , pour la commu- tation. D'après une vieille charte de l’année 1141, donnée par Alphonse , ‘comte de Toulouse, sur laquelle nous aurons peut- être quelque jour l’occasion de revenir, ce vin bourgeois n’au- rait dû rien payer; il était déclaré à jamais exempt de tous droits, etce, sous les plus grands anathèmes : Si aliquis homo vel femina aliquid hujus dont uti scriptum est infringere voluerit , non habeat potestatem et damnetur in infernum (1) Droits actuels sur l’alcool par hectolitre : Consommation. ........ [RER JTE TE 73 DéGiMER-Lersese 2e ces 20 ODA CAO ss RIRE Seine ee drone sis ee sc A ae ... 461 00 | : Dééne LTIO UD, 292LEMOMENE ER GOT 7260 Octroi.sses.t1e Met stete HUE ON AD - fo R;0 M0 F0 BE L'ACADÉMIR DES SCIENCES, 161 cum Dathan et Abiron; — il est vrai que ce bon Comte n'avait pu promettre que pro se el pro sua progenie. Le vin vendu en détail était, comme il l’est encore aujour- d'hui, assujetti à une taxe particulière, qui de sa quotité prenait le nom de quart, et qui entrait, comme toutes les autres dont nous parlons, dans un seul et même fermage ; mais dans la ville, en étaient exemples seize enseignes dites privilégiées, fondées sans doute, ou sur un titre plus ou moins ancien , ou sur une longue possession ; ce droit de quartétaitexempt d’une augmenta- tion appelée droit d'équivalent , qui portait sur d'autres articles. Les habitants qui faisaient vendre leur vin du cru, étaient exempls du droit du quart, qu'ils le vendissent chez eux ou ailleurs , par eux-mêmes ou par d’autres personnes ; mais ils de- vaient laisser les portes ouvertes, et ne fournir que les « chaises, » bancs, tables, pots, verre et eau ; s'ils avaient fourni autre » chose, par exemple la nappe, la viande , le sel, les couteaux » où du pain , n'importe de quelle espèce, même des croûtes » et des gâteaux, » ils auraient été censés faire ce qu'on appe- lait assiette de buveur, et ils auraient dû acquitter le droit. Le buvetier et garde du palais en était exempt pour tout le vin qu'il vendait dans sa garde; les concierges des diverses prisons ne pouvaient tenir un cabaret, mais le vinqu'ils allaient chercher dans les tavernes pour leurs prisonniers était exempt du droit du quart. Les farines qui circulent aujourd'hui en franchise et qui ont toute sorte de droits à cette faveur , devaient payer à l'entrée de la ville, et sans distinction des grains dont elles étaient faites , un droit de 12 sols, — à moins qu'elles n'eussent été fabri- quées aux moulins de la ville ou du gardiage; d'où résultait celte anomalie , que le sac de blé qui n'avait coûté pour droit de mouture que 11 sols 3 deniers , et le sac de méteil ou de seigle qui n'auraient coûté pour le même droit de mouture que 6 sols, payaient, réduits en farine, 12 sols d'entrée, comme pour les punir d’avoir été moulus dans des usines étrangères; ct cela dans l’anique but de favoriser outre mesure les moulins de la ville et du gardiage. 3° S. — TOME VI. 11 162 MÉMOIRES Les religieux appelés Récollets, et les Cordeliers et autres portés dans leurs exemptions, étaient exempts du droit de farine ; d'après le tarif de 1782 faisant visa d’une ordonnance deM. !Intendant, dont la date n’est point précisée , les Capucins jouissaient de la même faveur. li en était de même, mais avec plus d’étendue et pour toutes les denrées, pour les Hôtels-Dieu Saint-Jacques et de la Grave, l'Archevêque de Toulouse et le premier Président du Parlement; ils acquittaient à la vérité les droits à la porte, maisils leur étaient remboursés tous les trois mois sur un état présenté par eux. A part les raisons de convenance ou d'humanité, il ÿ avait apparemment, pour établir ces exemptions , de vieux titres , semblables à la charte qu'en l’année 1222, le Comte Raymond de Toulouse accorda à l’hôpital de Saint-Gilles , et dont vous nous permettrez de reproduire ici les propres termes : « Con- cedimus et donamus irrevocabiliter præfato hospitali sancti Ægidii ut liceat fratribus ibidem morantibus per omnes partes nostro dominio et jurisdictioni subditas , sive per terram , sive per aquam, remola omni inquietatione , et sine aliquo contradictu et sine aliqua petitione vel exactione.…. res suas libere ubique deferre. » Le plâtre, la chaux et la brique, aujourd'hui assujettis aux droits, en étaient alors exemptés. Nous n'avons pu comprendre ce que c'était que les éguillettes de Lude, les verdolins , le tartas , la tonnine. la tapoite , la maisnaguelle , et nous n'avons point pensé qu’il pt être bien utile de rechercher quelle est la signification de ces termes. Les mules et les mulets acquittaient un droit fort minime de 1 sol 6 deniers par tête; et si les bêtes à cornes ou à laine sur pied n’en payaient point un semblable , c’est qu’elles étaient assujetties , soit quand elles entraient mortes, ou si elles en- traient vivantes à l’abattoir, à un droit appelé dans la langue financière de ce temps, dont le principal mérite n’était point à coup sûr la simplicité : Droit de réserve et l'augmentation ; ce droit était d’un sol dix deniers par grosse livre pesant quarante-huit onces. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 163 Les bouchers étaient tenus de porter les suifs pour y être fondus à une tour appelée tour de la fondaison , où l'adjudi- cataire des droits de la ville , les faisait fondre pour le compte des bouchers, au prix de 2 livres 10 sols le quintal. Il y avait aussi, compris dans le bail, des péages sur divers ponts , notamment sur le pont de Montaudran et le pont de Velours, dont j'ignore la synonymie avec les ponts actuels. Sur la rive droite de la Garonne , un peu au-dessus du Port- Garaud , élait une maison appelée /a Bourdette , où les bateaux abordaient; ils y déchargeaient leurs marchandises et payaient un droit d'entrepôt ; l'adjudicataire avait le privilége de fournir les voitures pour transporter les denrées à la ville ; mais comme en réalité ce privilége lui était préjudiciable, il lui fut enlevé dans le tarif de 1782. La volaille et le gibier, qui donnent aujourd'hui à l'octroi des recettes considérables , entraient en franchise. La charretée de foin de quinze à dix-huit quintaux, et même au-dessous, payait une livre ; il en était de même pour les foins récoltés dans le gardiage , à l'exception de cinq charretées pour chaque paire de bœufs , et de quatre pour chaque paire de chevaux employés à la culture des terres ; si l’exploitation n'a- vait point de prairie, le propriétaire pouvait acheter en fran- chise cette quantité de fourrages ; comme il n’y avait point alors de pont à bascule, de sages règlements avaient pourvu à ce que, lors du pesage , la voie publique ne füt pas encombrée. — Le regain était exempt de tous droits. Dans le bail de l'année 1767, il fut stipulé expressément que la ville n’entendait concéder à l’adjudicataire , que les droits couchés sur le sommier , sauf à la ville, s’il y avait lieu, à en réclamer pour elle-même l'exercice et les avantages. — Une clause absolument contrairese trouvait dans les baux antérieurs, et exposait les habitants à toutes les vexations de l'intérêt privé et d’une cupidité sans contrôle. Un abus graveexistait , et veuillez bien remarquer , Messieurs, pour mettre ma responsabilité à couvert , que je copie les termes mêmes de la supplique adressée à l'Intendant de la province par 164 MÉMOIRES le sieur Bonnal , syndic de la vilie de Toulouse : « La plupart des colporteurs, paysans, métayers, valets, domestiques et autres gens de cette espèce , ignoraient qu’il fàt dû des droits d'octroi et des subventions, qui se payaient aux portes de Tou- louse ; ils passaient sans faire de déclaration , et sans avoir in- tention de frauder, au dire du syndic; les préposés à la per- ception les laissaient passer et courant ensuite après eux, ils leur faisaient un procès-verbal ; ou bien ils les forçaient à pré- ciser ke nombre de quintaux des objets qu'ils voulaient intro- duire, etils voulaient envisager toute erreur comme frauduleuse ; sur quoi ordonnance de sa grandeur M. l'Intendant de la pro- vince; car ces magistrats , dont la création ne remontait guère alors qu’à un siècle, avaient pris ou usurpé cette qualification qui ne semblait pas faite pour eux ; peut-être aussi ne la devaient- ils qu’à la flatterie et à la bassesse de quelques subalternes. L'adjudication de l’année 1757 s’éleva à la somme de 518,000 livres, et celle de 1782, à 392,100 livres, plus un douzième des bénéfices ; cette augmentation peut s'expliquer , au moins en partie, par de nouveaux droits compris dans le bail , tels qu'une rente de 150 livres sur la forêt de Bouconne ; les droits perçus pour la réception par les capitouls des aspi- rants à la maîtrise , la vente de la glace et de la neige, les lavoirs publics. Il est à considérer encore que le commerce et la population étaient augmentés. Nous avons eu déjà, Messieurs, à vous signaler la confusion de tous ces droits; que dirons-nous de ces pages entières et des plus longues énumérant loi sur loi, requête sur requête , or- donnance sur ordonnance, délibération sur délibération ; il y a là une ressemblance parfaite avec les préambules de ces statuts du parlement d'Angleterre , dont l'attention la plus recueillie et la plus concentrée a tant de peine à suivre la marche embar- rassée de titres et de dates ; mais le temps semble avoir consacré ce protocole obscur aux yeux des hommes même les plus sages de la nation. Le caractère douanier , si différent du caractère municipal que doit avoir l'octroi d’une ville, est aussi suffisamment res- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 165 sorti, si je ne me trompe, de ma simple exposition: il en est de même du défaut absolu d'ordre , desynthèse, de codification , si celte expression n’est pas trop relevée pour les matières qui nous occupent; sous ces diveis rapports, le tarif actuel de l'octroi de Toulouse est infiniment supérieur aux anciens : tous les objets soumis aux droits y sont énumérés en deux pages, et ces deux pages se résument en cinq mots seulement ; les bois- sons , les comestibles, les fourrages, les combustibles et les matériaux ; c'est qu'en toutes choses, la simplicité est toujours le dernier terme, et dans les commencements des grandes comme des petites choses, on trouve toujours le chaos. Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à m’excuser auprès de vous d’avoir appelé si longtemps votre attention sur des ma- tières si peu faites pour la captiver. Le seul désir de payer mon tribut académique a été mon mobile ; puissiez-vous m’accorder votre indulgence accoutumée. Nora. J'ai dû à l’obligeance de M. le Docteur Noulet, mon confrère à l'Académie , la communication d’un volume in 4°, imprimé à Toulouse, en 1761 et inlitulé : Extrait du verbal de la traduction du tarif des droits de leude, péage et guidonnage qui se Perçoivent en la villé de Toulouse , fait en exécution des arréts de la Cour des aïdes de Montpellier des 16 novembre 1847 et 21 avrël 1757 (pages 229 et 34). Ce tarif, appelé Catalan, était en réalité en langue Romane ; il était plus favorable aux habitants de Toulouse que celui de 1757, sur lequel a été fait mon mémoire et dont l'autorité n’étail que provisoire. , Les experts nommés, non-seulement pour traduire le vieux texte en français moderne, mais encore pour évaluer en monnaie nouvelle les anciens droits établis soit en monnaie ancienne, soit en nature , étaient maitres Bosc et Serra, notaires royaux de Perpignan; le Juge commissaire, Jean- Antoine Cambacérès, Conseiller en la Cour des comples, porlait un nom obscur alors, historique aujourd’hui, Il est infiniment probable , et ce point était fort important à établir pour l'évaluation des monnaies anciennes, que ce tarif prélendu Catalan avait été fait sous l’autorité des anciens Comtes de Toulouse , vers le 12me siècle, — Il y avait moins d'erreur à l'appeler Catalan qu'on ne le croirait d’abord, si l’on veut bien remarquer que l'usage de la langue romane s’étendait presque sur loutle midi de l’Europe ; c'était un latin sans grammaire ni orthographe, et pour employer les expressions mêmes de du Cange : Austicum , qui nullis vel grammaticæ vel orthographiæ legibus astringitur. Le volume pour la communication duquel je renouvelle tous mes remer- ciments à M. le Docteur Noulet , renferme des documents pleins d’intérét ; mais la brièveté d’une simple note m'interdit tout développement à cet égard. 166 MÉMOIRES DÉTERMINATION DE LA LONGUEUR DU PENDULE A SECONDES ET DE L'INTENSITÉ DE LA PESANTEUR À L'OBSERVATOIRE DE TOULOUSE ; Par M. PETIT. M. Darquier, en 1778, avait trouvé 440,40 lignes pour la longueur du pendule à secondes dans son observatoire placé à 1465 mètres au-dessus du niveau de la mer, et situé à 2400 mètres environ de celui où les nouvelles expériences ont été faites ; mais il avait négligé dans cette détermination la résistance de l'air, la correction d'amplitude, la réduction au niveau de la mer et la réduction au centre d’oscillation. Son pendule consistait d’abord en une sphère de cuivre et, plus tard, en un double cône du même métal, tronqué à ses deux extrémités, qu'il suspendait à un fil de pite et qu'il faisait osciller dans son cabinet chauffé à la température de 10 degrés, sans renfermer cet appareil dans une enceinte particulière. Il admettait que pendant cmq quarts d'heure , ou pendant une heure et demie , les oscillations étaient 1s0- chrones , que la température restait constante, que la pression barométrique ne variait pas, ou plutôt qu’elle n'avait aucune influence , que le centre d’oscillation coïncidait avec le cen- tre de gravité de la boule, et que l’on pouvait négliger les perturbations produites sur la marche du pendule par les DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 167 petits mouvements imprimés à la masse d'air renfermée dans le cabinet; enfin , il prenait toujours dans ses proportions , pour le nombre de vibrations qui devaient correspondre à la longueur du pendule à secondes , non pas le nombre 86400, mais le nombre de secondes que marquait son horloge réglée sur le temps moyen, nombre qui varia , dans les différentes séries d'expériences, depuis 86397,5 jusqu'à 86591 ,0; quant à la longueur de son pendule , il la mesurait avec un com- pas à verge qu'il comparait ensuite à une loise étalonnée placée dans son cabinet, L'horloge de M. Darquier ayant toujours retardé pendant les expériences de cet astronome, il en est résulté une espèce de compensation entre le nombre des vibrations observées , nombre toujours plus petit que celui qu'on aurait trouvé si le pendule eût oscillé dans le vide, au niveau de la mer et dans des ares infiniment petits, et le nombre d'oscillations que faisait l'horloge en 24 heures , nombre dont M. Darquier prenait toujours le carré pour second terme de ses propor- üons au lieu du carré de 86400 qu'il aurait dû prendre. Aussi ses résultats réclament-ils à peine une correction de quelques centièmes de millimètre, ainsi que je m'en suis as- suré en faisant diverses hypothèses sur la pression baromé- trique et sur le décroissement d'amplitude pendant les expé- riences ; car, dans son travail, M. Darquier n’a donné aucun détail sur ces éléments de variation. J'avais entrepris sur le même objet, à l'ancien Observatoire, en 1859 et en 1840, des recherches dont quelques résul- tats furent publiés dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences de Paris. Mais l'établissement où ces recherches avaient été faites se trouvant aujourd’hui tout à fait abandonné, et les graves défauts que présentait sa construction me paraissant d’ailleurs de nature à laisser planer un peu d'incertitude sur les conséquences déduites 168 MÉMOIRES des observations, j'ai cru devoir recommencer entièrement mes recherches dans le nouvel Observatoire. C'est ce que j'ai fait à l’aide d’un pendule invariable, en cuivre jaune, dont les oscillations ont été observées successivement, à Toulouse et à Paris, avec toutes les précautions nécessaires pour assu- rer le succès de cette importante détermination. Afin de corriger autant que possible l'effet des petites variations de masse qui peuvent être occasionnées par loxidation du métal pendant le voyage ou pendant de longues séries d’ob- servations , J'ai eu le soin d’intercaler les expériences de Paris entre deux groupes d'expériences faites à Toulouse, peu de temps avant mon départ et presque immédiatement après mon retour ; Car J'avais déja été à même de constater, depuis quelques années , un changement très-notable (trois ou quatre vibrations par 24 heures) dans la marche de mon appareil, par suite du frottement que je lui faisais subir de temps en temps à l’aide d’un linge , très-peu rugueux d’ail- leurs, afin de l’entretenir dans un état de propreté convena- ble. Ce qui, pour le dire en passant, m'a même engagé à renencer entièrement à l'emploi des nombreuses observations et des calculs non moins nombreux que j'avais effectués , à des intervalles trop éloignés , avant le mois d’août 1846 , dans le but de mesurer l'intensité de la pesanteur à Tou- louse. Je ne m'arrêterai pas longuement ici sur les détails des observations. Je me contenterai de dire que j'ai déterminé, en général, le nombre des vibrations du pendule à l’aide des coïincidences de cet appareil avec une bonne horloge astro- nomique dont la marche était soigneusement étudiée chaque jour. J’ajouterai qu'à Paris les expériences ont été faites, dans la Salle de la méridienne, à T2 mètres au-dessus de la mer, avec les supports et la cage de verre qui avaient été déja employés dans plusieurs autres circonstances par divers DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 169 astronomes ; et qu'à Toulouse elles ont été eflectuées dans les cabinets du nouvel Observatoire, où le plan d’agathe sur lequel reposait le couteau du pendule était solidement lié, par des crampons en fer, à la pièce de décharge qui couronne la porte de la tourelle Nord. Les deux côtés de cette porte étaient en outre fermés par des vitrages, entre lesquels oscillait le pendule, parfaitement à l'abri des mouvements de l'air extérieur et de ceux de l'horloge qui se trouvait placée hors de la cage ainsi formée, dont les dimensions étaient d’ailleurs plus que suflisantes pour rendre insensible leffet des réflexions éprouvées par l'air contre les parois latérales. Cette cage avait 2,20 de hauteur; 0",88 de largeur; et 0®,47 de profondeur. Les thermomètres qui avaient été employés pour le premier groupe des observations de Toulouse, ont également servi dans les observations de Paris ; mais malheureusement ces instruments qui marchaient parfaitement d'accord et que j'a- vais soin de placer habituellement, pendant les expériences , près des deux extrémités du pendule, ont été cassés au retour sans avoir pu être comparés à ceux qui durent les remplacer. C’est peut-être à cette cause qu'il faudrait atrribuer, du moins en partie, la différence, heureusement fort légère , qui existe entre les deux groupes d'observations faites à Toulouse avant et après le voyage de Paris; car une erreur d’un degré dans la température, occasionnerait une erreur de 76 centièmes de vibration dans le caleul du mouvement de mon pendule , et lon sait d’ailleurs combien il est rare de trouver deux thermomètres, même des mieux construits, qui s’ac- cordent dans toute l'étendue de leur échelle. Quant à la pression atmosphérique, elle était déterminée par un bon baromètre de Fortin comparé avec celui de Observatoire de Paris. Dans les deux stations, une lunette au foyer de laquelle se 170 MÉMOIRES trouvaient deux fils en croix, permettait de bien distinguer la pointe du pendule invariable , ainsi que le point marqué au centre d’un cercle de papier blanc entouré lui-même d’une bande noire et collé sur la lentille de l'horloge d'expérience. A l’aide de cette lunette, 3 coïncidences successives étaient observées de temps en temps, afin de donner plus exactement, par une moyenne , l'instant précis de l’une d’entre elles qui devait servir principalement pour la correction d’amplicitude et sur laquelle du reste une erreur, même assez considérable, serait sans importance, à moins que ce ne füt la première ou la dernière de chaque série. À Toulouse comme à Paris, le pendule invariable allait plus vite que lhorloge , et la lon- gueur a toujours été ramenée à la température de 15° cen- tigrades ; ce pendule était, je crois, un des deux appa- reils construits par Fortin, et employés par MM. Arago et Biot en 1817 et 1818 comme pendules de comparaison entre Paris et Londres. N'ayant pu faire mes expériences dans Pair raréfié afin de déterminer le coefficient de la résistance de l'air sur mon pendule, j'ai employé pour les réductions les formules sui- vantes : : ! . __ nsin(a+b)sin(a—#) Correction d'amplitude. . .... C = TON TT : : ; pEaS n A Po Réductian au vide: : . «es (Ur A Se D . . nh Réduction au niveau de la mer. C/ = Re 1 n(t—15)d Réduction à 15° de température. C”— ES Formules .dans lesquelles n représente le nombre d’oscillations du pendule, obser- vées d’une coïncidence à l’autre ; M le module des logarithmes ordinaires 2,30258509 ; DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 171 a Vamplitude d’oscillation à la première coïncidence ; b l'amplitude à la dernière coïncidence ; A la densité de l'air à la température de la glace fondante et sous la pression 0,760; D la densité de la matière du pendule à la même tempé- rature et sous la même pression, densité égale dans le cas actuel à 6381 À; P, la pression barométrique moyenne entre deux coinei- dences , ramenée à la température zéro ; t la température moyenne entre ces deux mêmes coinci- dences ; a le coefficient de dilatation de Fair ; h la hauteur de la station au-dessus de la mer, hauteur égale à 198 mètres pour Toulouse et à 72 mètres pour Paris ; R, le rayon moyen de la terre 6566200 mètres ; d le coefhcient 0,0000178 de dilatation du cuivre jaune qui formait la matière du pendule. Les trois premières corrections sont toujours positives ; la dernière ne le sera que si (4— 15) est positif. On a eu soin d'éviter de trop grandes variations de tem- pérature auprès de l'instrument pendant chaque série d’expé- riences, en empêchant introduction des rayons solaires dans les salles qui avoisinaient la cage où oscillait le pendule. Cette circonstance a permis, à Toulouse comme à Paris, de ne fractionner les corrections que pour l'amplitude. Enfin, les ares étaient comptés, dans la seconde station aussi-bien que dans la première, sur un petit secteur placé à 1®m,0 de la pointe du pendule, et dont chaque partie valait en moyenne 0°,7/.30/,75. Voici le tableau des résultats obtenus : 172 MÉMOIRES NOMBRES D’OSCILLATIONS INFINIMENT PETITES DU PENDULE, EN 24 HEURES DE TEMPS MOYEN, au niveau de la mer, à la température de 15° centigrades et dans le vide. TT CE. TouLouse. Paris. En Mois d'août 1846, avant Novembre et décembre Octobre et novembre les observations de Paris. 1846, après les obser- 1846. É vations de Paris. Are série. 87892,02.... 87894,50....... dre série... 87912,80 |! LES E 0 70912220 A010900 1602 LDH 060 87914,06 | 545000 87891,94.... 87893,84.. .... TEST EE 87944,14 |: 0.55. 01092000 2010080406 0006 40... 6... 87914,18 |} HO oDE 10072085 10100842: certe (DC. hier 87914,06 | Géo se: 87893,12.... 87894,10....... Grue 87913,62 |! HE este 87892,:540..187893,86. 0. HOME Re 87913,80 || GP . 0109258. 1. 01094, 06-61-15. HO Bed dote 879142,94 |h HER E A0 61093282. 10101800... SESSION 87913,26 1 AO D1602202 ee 01009 4er STE SEE 87915,58 À AE MA M MOTO 070 MST 97 AT ER EN CSS ee 87915,76 | AOL MO 700020 0107100520 Ce MAPS EE 87912,68 À 13°...... 87894,04.... 87892,84 : Moyennes. 87892,7310.. 87895,6954 = D. Moyenne générale. 87893,2132....................... 87913,74 | za Ces séries reposent sur mille observations , environ , de coïncidences. En partant des moyennes qu’elles fournissent et en adoptant pour la longueur du pendule sexagésimal à Paris une moyenne entre la valeur trouvée par Borda et celle obtenue par MM. Bouvard, Mathieu et Biot, on tire immé- ; RELNE diatement des formules TN ES A A 2 7 MP LE valeurs suivantes : ! 1 + | l'=993"",856491 li=008%)3992 Paris} 99 > 9 Toulousef LR g=9",80897 g —=9",804389. Le résultat trouvé par M. Darquier donne, réduit en millimètres , /’—=993%,4674. La différence avec celui que DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 173 j'ai obtenu moi-même n’est que de Omm 0752 ; mais elle deviendrait un peu plus forte si lon tenait compte des causes d'erreur que M. Darquier à négligées. IL. Si l’on substitue les valeurs précédentes de / 7" dans l'équation {= A+B sin° L, qui donne la longueur du pendule sous une latitude quelconque L ; et si l'on résout les deux équations ainsi obtenues , pour en déduire les valeurs des deux quantités À et B, qui représentent, l’une la longueur du pendule à l'équateur, et l’autre l'excès du pendule polaire sur le pendule capéiiel on trouve pour l’aplatissement a du lobe, a; cet aplatissement étant calculé par la for- 8 55 69 P P 5 mule A — 3: La résolution des équations par la méthode des moindres carrés donne : , 1 aplatissement Ne Enfin, en désignant par æ la différence qui devrait exister entre les nombres N’ N’ d’oscillations d’un même pendule dans les deux stations dont les latitudes sont L', L”, et en caleulant cette valeur de æ par la formule =" sin (L'+L") sin (L'—L") (1—asin L'), on trouve dans les différentes hypothèses d’aplatissement : 174 MÉMOIRES | DIFFERENCES EXCÈS LL APLATISSEMENT. | EnTre LES NOMBRES D'OSCILLATIONS |DE L'OBSERVATION | faites à Paris et à Toulouse. sur la théorie. a Calculées. Observées. Oscill. 90,5396. «ce... 20,5300 | —0,0096 | 20,3271............. 20,5300 | +-0,2029 21,4940. ............ 20,5300 | +-0,9640 Cette différence de 0,9640 oscillations entre la théorie et l'expérience , peut dépendre en partie des erreurs d’obser- vation ; mais elle dépend sans doute aussi beaucoup des influences locales. Cela m'a donné l’idée de chercher direc- tement la valeur de ces dernières. La lentille du pendule invariable était élevée à Toulouse, dans le nouvel Observatoire, de 8 mètres au-dessus du sol, et celui-ci se trouve à 490 mètres au-dessus du niveau de la mer. D’après les mivellements que jai pu me procurer, d’après la direction des rivières qui descendent des Pyrénées où de la Montagne-Noire pour se jeter dans la Garonne au- dessous de Toulouse, telles que le Gers, le Tarn, l'Aveyron, etc. la ville m’a paru pouvoir être regardée comme placée x 146 mètres environ de hauteur et au sommet d’un para- boloïde de révolution dont une partie seulement manquerait dans la direction de la Garonne. En faisant abstraction de cette dernière circonstance , qui compliquerait les calculs sans utilité dans une recherche de cette nature, et dont au reste on pourrait tenir compte d'une manière suflisamment approchée en retranchant du résultat final le 10° ou le 12° de ce résultat ; et en regardant le mamelon sur lequel est bâti l'observatoire , comme une portion de calotte sphérique DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 175 superposée au paraboloïde , ce qui est très-suflisamment exact, J'ai trouvé les intégrales suivantes pour représenter l'attraction verticale exercée sur le pendule par les masses rocheuses qui sont comprises depuis Observatoire de Tou- louse jusqu’à la distance horizontale y, entre la surface du paraboloïde et celle de la calotte sphérique d’un côté, entre le même paraboloïde et la sphère terrestre limitée au niveau des mers, de l'autre. nus verticale exercée par le mamelon — —2re Her y dy LV Re 2p y dy =2Tp) VERRE) ) + GpP+4ph+Ap (4p°+4ph)+4pl Attraction verticale exercée par la couche comprise entre la surface du paraboloïde et celle de la sphère = =2rof JET aArAr Fa vus =; | + Gr +p + ape VV R y?) Dans ces formules, qui peuvent être obtenues sous forme finie , 2p représente le paramètre de la parabole génératrice ; y l'ordonnée horizontale de cette parabole ; R le rayon de la calotte sphérique qui forme le mamelon; R' ce même rayon augmenté de la hauteur (8 mètres ) à laquelle oscillait le pendule au-dessus de la surface du mamelon ; R, le rayon terrestre qui dans les caleuls numériques a été supposé égal au rayon moyen 6366200 mètres ; R', ce même rayon augmenté de la hauteur (198 mètres) du pendule au-dessus de la mer ; e la densité de la masse attirante supposée homogène ; f la force attractive de la matière ; 176 MÉMOIRES z le rapport de la circonférence au diamètre ; h la hauteur, 198 — 146—52 mètres, du pendule au- dessus du sommet du paraboloïde. Les voici complétement intégrées et sous la forme qui m'a servi à calculer leurs LS numériques , m étant le module des logarithmes népériens, et les signes logarithmi- ques exprimant les logarithmes ordinaires : Attraction du mamelon = 9° TP EonefE Ve REA CR — VR—47) — tr) R} m LETT 4e +(R'—VR— y) ie TC Attraction du paraboloïde = 4 p° m log ph [aa (4p + 4ph)+4p? h3| Es US s FD) 2 \? R —=2rpf RE sn y +R, —VR y ) + RTR,) 3 \ (R',—R,) pre ls EE Er ” CRE VR Ep ÿ) | ENNE Pour déterminer le paramètre 2p, j'ai supposé qu'à la distance angulaire 1°45° de Toulouse, la hauteur moyenne du sol au-dessus de Toulouse est égale à 130 mètres : cette valeur a été trouvée en admettant de Toulouse à Figeac et à Clermont une élévation progressive du sol, et en adoptant pour les hauteurs de Figeac et de Clermont les nombres 293m et 411" donnés is la base du système métrique. L’on en üre : 2p __(94422,7) (RH 146% a 30m) sin2(10. 45") Pa 2840 (RH 146) —R, + 1463130") cos(1°.45") " DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 177 Avec ces données , si l’on étend les intégrales, pour le mamelon à la distance y = 250 mètres, et pour la couche parabolique à la distance 1944,227, la valeur numérique de l'attraction sur le pendule à Toulouse est représentée par les expressions suivantes : Pour le mamelon.........270f( 55,760 Pour le segment parabolique. 270 f(155,9250) Attraction totale. somme 2r0f(#71,6855) Si l’on étendait les intégrales aux distances 500 mètres et 1944229,7, leurs valeurs seraient exprimées respective- ment par les quantités 279 (45,006%4), 27 0f(148,5540); c’est-à-dire par des nombres peu différents des premiers , malgré l'augmentation considérable des masses agissantes , parce que l'attraction décroit en effet très-rapidement après une certaine distance. L'action, dans ce second cas , aurait pour valeur 276 /f(191,5404). L’attraction d’une couche sphérique entière de 146 mèt. d'épaisseur sur le pendule placé à 198 mètres au-dessus du niveau de la mer est représentée par 27+6f(290,0). Les nombres précédents doivent être diminués de l'in- fluence locale exercée sur le pendule à Paris. Pour cela j'ai supposé, à défaut de données plus convenables, une couche sphérique de 56 mètres d'épaisseur agissant sur le pendule placé à 72 mètres au-dessus de la mer, et j'ai étendu l’action de cette couche aux mêmes distances horizontales y pour lesquelles j'avais calculé l’action parabolique. 2’ représentant ce que p devient dans ce cas, et R'R", étant égaux à (R+72n),(R+56m), l'attraction est exprimée par la for- mule : 3° 8, — TOME Yi. 12 Attraction =2x p'f MÉMOIRES VRP) RTE RE +9 + RAT) CRU RAS LE ( R"— R”,)° R (2 — TVA —— = | +R Rey) | R LA 1! \ + CR —R)+ ps (R'—R); pour y = 19%4m,997 : attraction s Pour y — 194499, m7 et cette formule donne phérique=2r ?'f(50,49822). on aurait attract. =? +9'f(56,89891). Enfin, pour l'attraction d’une couche sphérique tout entière, on trouverait dans ce cas 2x p' f (11 2,0). En supposant p—p?", ce qui ne peut être bien loin de la vérité à cause de la nature des roches qui forment le bassin de Toulouse et de celles qui composent le bassin de Paris, On trouve enfin pour la différence des influences locales dans les deux stations : Actions étendues à 250"eta1944",227 de distance horizontale.|2 7pf(171,6835).. Actions étendues à 500etàa49%422% 7de distance horizontale, Action de lacouche sphérique entière , dont l'épaisseur s’é- tend depuis le niveau de la mer jusqu’au sol CRC Toulouse. 2 pf(191,5404).. 2rp/(290,0)... Paris. 27 p/(50,4982).. 27 p/(56,8989).. 2 pf(112,0).... Différence. dr #/(1311853). a xpf(a84,6415). 12 rpf(178,0). Il faudrait, à la rigueur, pour compléter l'étude des in- fluences locales, ajouter aux résultats précédents un terme DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 179 destiné à représenter l’action verticale exercée par les Py- rénées. J'ai donné, dans mon Mémoire sur la latitude de Observatoire , expression de cette force qui tend à diminuer la pesanteur et qui a pour valeur la quantité (2"878746) à f, quantité fort petite, mais sur la petitesse de laquelle je ne pense pas néanmoins qu'il soit possible d'élever des doutes ; car j'avais trouvé, pour l’ancien Observatoire , à peu près la même valeur, avec le même signe, un peu supérieure d’ailleurs comme cela devait être, et par une méthode cepen- dant entièrement différente, consistant à renfermer la masse des Pyrénées entre des plans au lieu de l’enfermer entre des surfaces de révolution. On peut donc, sans erreur appré- ciable , négliger cette nouvelle force ; et l’on y est d’ailleurs autorisé par une autre considération qui, ayant pour objet une particularité relative à la grande chaine de nos montagnes, me paraît par cela même de nature à intéresser l'Académie. Cette particularité consiste en ceci, à savoir : que l'intérieur des Pyrénées est à peu près entièrement vide, et que, par conséquent , la densité moyenne 9 qui entre en facteur dans l'expression précédente peut être regardée comme sensible- ment égale à zéro ; ce qui suflirait, indépendamment de la petitesse du coeflicient numérique, à rendre inappréciable l'action exercée. Dans mon Mémoire sur la latitude de lOb- servatoire de Toulouse, j'avais, en effet, donné la valeur analytique de la déviation occasionnée par le voisinage des Pyrénées sur la direction du fil à plomb ; et j'avais indiqué, comme application de mes formules, la possibilité de déduire la masse des montagnes de la comparaison entre les résultats des observations astronomiques et ceux des observations géodésiques effectuées pour les opérations de la carte de France. Car la distance zénithale du pôle déterminée directe- ment à l'Observatoire , doit se trouver diminuée de la dévra- tion éprouvée par le fil à plomb , tandis qu’au contraire cette 180 MÉMOIRES même distance zénithale conclue géodésiquement de la hauteur du pôle à Paris doit être indépendante de toute influence. La différence des deux résultats s’élèverait à 7 ou à 14 secondes sexagésimales , suivant qu’on attribuerait aux Pyrénées une densité égale à celle des roches calcaires ou à celle de la terre; nombres très-considérables eu égard à la précision avec laquelle on peut déterminer aujourd’huiles hauteurs du pôle. Or la latitude astronomique s'accorde presque rigou- reusement avee la latitude géodésique ; et par conséquent , ainsi que je l'avais déjà fait voir du reste avec les détails convenables dans les Comptes-rendus des séances de l’'Aca- démie des sciences de Paris, l'intérieur des Pyrénées doit être regardé comme étant à peu près entièrement vide, à moins qu’on ne suppose, ce qui me parait fort peu probable, qu'il y a vers le Nord de Toulouse et dans l’intérieur de la terre , des masses d’une densité assez considérable pour compenser l’action horizontale produite par les montagnes. Dans ce cas, l’action verticale pourrait se trouver augmentée, mais n’en resterait pas moins, pour cela, toujours très- petite, à cause de la faiblesse du coefficient. On doit donc conclure de ces diverses considérations que l'influence des Pyrénées sur le pendule, à Toulouse, est entièrement négligeable ; non-seulement dans les elfets que cette influence produirait comme force verticale, mais encore dans ceux qui résulteraient indirectement d’un changement de latitude occasionné par la composante horizontale qui d’ailleurs ne pourrait jamais introduire, même avec les hypothèses de densité les plus favorables, qu’une variation de un à deux millièmes d’oscillation en 24 heures, dans le mouvement du pendule. En adoptant, pour représenter l'influence locale , le nom- bre 2x of (121,2) qui me parait devoir être peu éloigné de la vérité, et en représentant par æ le nombre d’oscillations DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 181 qui sont dues à cette influence, el par N' le nombre d'oscilla- tions observées à Toulouse; en négligeant d'ailleurs, ce qui est très-permis dans le cas actuel, la variation de pesanteur aux différents points de la surface terrestre ainsi que las force centrifuge , on peut En la proportion suivante : 1” 219 2. N/2 É FD Re | [+ DE (R Ts +2re/(12 L, 2)| CN T0} Y:N° Et en faisant e— 2,8 D=—ÿ, on trouve æ = 0,67 oscill. Si l’on ne e—ù, D, et si l’on prenait 155,0 au lieu de 121,2 pour le facteur qui entre dans l'expression de l'influence Rélle , on aurait æ = 1,59 oscill. La vérité doit se trouver entre ces hypothèses extrêmes ; et l’on peut conclure que l'influence locale est la cause principale de la différence 0°*:,96% qui existe entre la théorie et l'expérience. Quoi qu’il en soit, 0,964 de moins porte la longueur du pendule à Toulouse de 995mm,5922 à 995mm,5700, et l'intensité de la pesanteur de 9",804589 à 9,804169. Ces nouveaux nombres expriment les valeurs dégagées des influences locales, ou, plutôt, de l'excès des influences locales à Toulouse sur les mêmes influences à Paris. Ils sont donc encore affectés d’une légère erreur; mais on les corri- gera complétement , en observant que le pendule qui battrait la seconde sexagésimale au niveau de la mer sous l'influence de la couche de 56 mètres d'épaisseur, ne ferait par jour qu'un nombre (86400 — x) d'oscillations, si l'influence de cette couche était supprimée. Or, comme la valeur de se produite est comprise entre 2re/f (50,4982) et 2r0f (56 age on pourra adopier, pour la représenter, : quantité 2rpf (39) et ürer æ’ de la Un. TDFR, x DR +2 + 6 /(55) :: (86400 — a’ }': (86400) \ ji pour e=2,8 donne +’ =0%*1:,54. Après quoi, les lon- 182 MÉMOIRES gueurs corrigées l’, l”, du pendule, à Paris et à Toulouse, et les intensités g’, g”, résulteront des équations suivantes : A Paris, A Toulouse, l,= 990) p93um 8565 [s7, —5399-00) 993mm 5700 17 (86400) 1” (86400 — 993mm 8489 — 993nm,362% gr l,= 9%: 808894. g'=r"l", =9,804094. Telles sont les valeurs fournies par la théorie; elles dif- fèrent heureusement fort peu de celles que donne l’expé- rience; mais il était utile cependant de déterminer les unes et les autres pour pouvoir, suivant les cas, employer dans les applications celles qui conviennent le mieux. XL. Les résultats obtenus par mes observations étant, Je crois, d’une exactitude très-satisfaisante , 1l m'a paru intéressant de les combiner avec ceux qui sont consignés dans la base du système métrique; c’est ce que j'ai fait de différentes maniè- res, ainsi que je vais l’exposer. Les observations de la méridienne indiquent à Formentéra et à Unst une petite influence locale agissant dans le même sens qu'à Toulouse. Cependant mon observation, combinée avec celles qui ont été faites dans ces deux stations, donne pour la valeur de aplatissement des nombres sensiblement différents de celui qui est adopté par Laplace; en effet, si l’on part des longueurs observées du pendule à Toulouse et à Formentéra, comme je l'ai fait plus haut avec les longueurs du pendule à Toulouse et à Paris, et si lon conclut l’apla- üssement, on trouve, en résolvant directement les deux ñ . . 1 équations : aplatissement = ——. 268,17 La résolution des équations par la méthode des moindres . à o ] carrés donnerait : aplaüssement = ——. 266,04 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 183 De la proportion N’?: (N° —x")*::l :1, dans laquelle /, l_ sont les longueurs du pendule à Toulouse, à Formentéra, l’on peut tirer le nombre (N’ — x") d’oscillations que le pen- dule invariable observé à Toulouse aurait faites à Formentéra. La valeur de æ” ainsi obtenue peut être regardée comme déduite de l'observation directe ; et si l’on calcule ensuite æ"” par la formule déjà employée , qui résulte de la variation du peidule proportionnellement au carré du sinus de la latitude, on peut former le tableau suivant : TOULOUSE ET FORMENTÉRA. DIFFÉRENCES | entre les nombres EXCES APLATISSEMENT. | D'OSCILLATIONS DU MÊME PENDULE, |0e L'OBSERVATION en 24 heures de temps moyen, à Formentéra et à Toulouse. sur la théorie. EE — 1 Calculées. Observées. Oscill. tee Ji AA96GA 529 368,17" * 18,44205. 50. .nn te 18,45320 | +0,01055 [l — . | 18,33077........... 2 224 266,04 ‘ 18,33077 18,45320 | +0,12243 1 —_—— 3 19 5 +23 ñ 3067: | 20,19229........... 18,45320 | —1,74109 En opérant sur les observations de Toulouse et d'Unst comme sur celles de Formentéra et de Toulouse , on trouve que la résolution directe des deux équations donne l’apla- üssement — et la résolution des équations par la mé- 1 36,65 ° thode des carrés donnerait aplatissement — es : 316,70 Et si l’on forme un tableau analogue au précédent, on obtient : 184 MÉMOIRES TOULOUSE ET UNST. Em DIFFÉRENCES entre les nombres EXCES | APLATISSEMENT. D'OSCILLATIONS DU MÈME PENDULE , DE L'OBSERVATION: en 24 heures de temps moyen, à Toulouse et à Unst. sur la théorie. PE D D —— PU 1 Caleulées. Observées. Oscill. axe |:68,24780:%: 4%. 230075907800; D 316.65 47 9078 0,83950 Î 2110874790: -Lere ere _ 1 ——— ..| 67,46810........... 67,90780 | +0,43970 On peut conclure de ces deux tableaux que l'influen- ce locale à Toulouse est un peu moindre qu'a Unst et qu'à Formentéra, puisqu'avece un même aplatissement = on trouve que Toulouse comparé à Formentéra donne 300,79 4,74 oscillations de moins que ne l'exigerait la figure elli ti- 8 S que de la terre, tandis que Unst par rapport à Toulouse en donne 0,44 de plus. On y reconnait aisément encore l’exès de l'influence locale à Formentéra sur l'influence locale à Unst. Ces conséquences, du reste, peuvent se vérifier par une autre méthode, qui consiste à calculer successivement avec l'une des longueurs / observées à Formentéra , à Toulouse et 5] , à Unst, les valeurs de À, B qui entrent dans les équations I=A+BsinL De us latissement Bio SU À et à en déduire ensuite les longueurs du pendule à secon- des dans les deux stations que l’on n’a pas fait servir à ce calcul. Les résultats obtenus ainsi sont consignés dans le tableau suivant, où j'ai fait entrer non-seulement les trois stations dont je viens de parler, mais encore les autres stations rapportées dans la base du système métrique. DE L ACADEMIE DES SCIENCES. | 00000 016 #66 | 2946 #66 | G820'0— | 294666 | LLI6‘#66 | a+ | 2946566 | 4Lg6 #66 |" "+ | 26100 + | 4164466 | 1149466 |oaroo— | sics66 | ssvs“oc | 0120‘0 + | vres‘toc | 180266 |-*uor op 04 | 6220‘0+ | Loso‘s66 | ogor466 | co00o— | 108066 | v080‘466 | €6€0"0+ | LOS0#66 | 002166 |***""onbaounq €060‘0+ | S9S8"€66 | S906‘666 || 610‘ + | 6988666 | 1818 €66 | 91900 + | 998866 | 181666 |" """ *"""sueq | 0400 + | SGSS'E66 | S2Z9"€66 | 08100 + | Sa82'e66 | GY6S'€66 | 9100 + | GGSSEG6 | 1H£9'e66 |*""""""ruomuoN) | oësoo+ | zcescos | acese66 | Leco‘o+ | zrcrecc | | 6908666 || €E60'0 + | 2egr'e66 | 94e" e66 |" """’xNvopiog seco‘o + | escr‘e66 | opig'ecé | gLao‘o + | zserecc | Lesy‘ecc | 12900 | ascr'ec6 | egegtece |**"""""" “ovo8ra 9820"0 + | 2eGE‘€66 | 8024 666 |, 00000 GG 66 | CAGE E66 | GEO — | ZaGE 66 | 1EY'EGG |" """2SNOMOL enoo— | Lezs'ecs | rr96‘266 | 96600 — | LGL6'266 | 19E6'& | 0000‘0 LGL6" 66 | LeL6 66 |***""""nueunox | | “1A9TVI nQ ÉLERLEEL “St aq ‘S44 AUASAO | SHATAIIVI “TAITVI aa | SAHAUASAO |'SAAINITVI ME =Y — : HE re =Ypenomor | toy furuounog 7 | + 99AJ9S{0Q Sapuo9es e opnpuod np anon$uoy e] 39 SE ———— RSR | di] jueydope ua soguiui99p g ‘ y soyuesu0o7) ‘su 186 MÉMOIRES Les conséquences énoncées plus haut sur les influences locales dans les trois stations de Toulouse, d'Unst et de Formentéra, me paraissent mises hors de doute par ce tableau, puisque Îles constantes déterminées par l'observation de Tou- louse donnent des différences de même signe pour Formentéra et pour Unst, tandis que la détermination des constantes par l'observation de Formentéra ou par celle d'Unst donnent des différences de signe contraire pour les deux stations restan- tes, et puisqu’en outre l'observation d'Unstétablitentrele calcul et l’expérience pour toutes les autres stations moins de diffé- rence que l'observation de Formentéra et plus de différence que l'observation de Toulouse , les résultats conservant d’ail- leurs entre eux, dans tous les cas, la même loi de décroisse- ment. Les expériences de la Base du système métrique indique- raient des influences locales négatives aux autres stations mentionnées dans cet ouvrage. Cela tient en partie, sans doute, aux erreurs d'observation, et peut-être aussi à ce que la pesanteur ne varie pas proportionnellement au carré du sinus de la latitude. Quoi qu'il en soit, je n’ai pas cru, d’après un pareil résultat, devoir pousser plus loin les comparaisons. Mais afin d’épuiser le sujet, j'ai combiné mon observation avec les six stations suivantes, qui peuvent être considérées comme ayant été faites sur le même méridien, Formentéra , Figeac, Paris, Dunkerque , Fort de Leih, Unst. Les longueurs du pendule obtenues dans ces différents lieux, substituées à la place de ! dans l'équation /=A<+Bsin*L, ont fourni, entre À et B, sept équations de condition qui, résolues par la méthode des moindres carrés, donnent A — 990mm, 8487 B—5nn,56455 etl’aplatissement — _—_— nombre extrême- 08, 9b LI 306,79 | aplatissement et les valeurs de À B obtenues , j'ai formé le ment voisin de celui adopté par Laplace. Avec cet DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 187 tableau suivant, qui indique encore un excès local de la pesanteur à Formentéra, et qui donne, entre la théorie et l'observation, des différences un peu moindres en général que celles de la base du système métrique : LONGUEURS DU PENDULE ‘ lEXCÈS TROUVÉS NOMS LATITUDES au niveau de la Mer. EXCES | dans la Base DES IEURAlIBORRALES. | Sn CPE patssrreneghr | CALCULÉES. |OBSERVÉES. PRE — wa" | | Formentéra..| 380.39 .56 | 992,9426 | 992,9757 | —0,0331 — 0,0110 Toulouse..….| 43.35.40 | 993,4010 | 993,3922 | + 0,0088 Figeac. ..... k4.36.45 | 993,4946 | 993,4582 | + 0,0364 + 0,0560 Bordeaux....| 44.50.26 | 993,5459 | 993,4532 | -L 0,0627 + 0,0820 Clermont....| 45.46.48 | 993,6039 | 993,5825 | + 0,0244 + 0,0405 Paris... 48.50.14 | 993,8890 | 993,8565 | 4 0,0325 + 0,0504 Dunkerque... | 51. 2.10 | 994,0918 | 994,0807 | + 0,044 + 0,0278 Fort de Leith.| 55.58.37 | 994,5322 | 994,5314 | + 0,0008 + 0,0472 Unst... us 60.45.25 | 994,9329 | 994,962 Fo mes | 0,0000 La dernière colonne de ce tableau présente, pour la station de Paris, une différence caractéristique avec les résultats obtenus dans la Base du système métrique, parce que lon a pris ici, pour la longueur du pendule à Paris, une moyenne entre la valeur de Borda et celles de MM. Bouvard, Mathieu et Biot. Un si faible changement a sui pour détruire la régularité qui s'était manifestée dans les expériences de la méridienne sur le décroissement progressif de la gravité en allant du Nord au Sud, et indique- rait des sinuosités dans la courbe qui représente ce décrois- sement entre Unst et Formentéra ; mais les conséquences déduites de différences aussi faibles, ne pourraient être adoptées , tout au plus, que lorsque les expériences sont dues aux mêmes observateurs, comme cela a eu lieu dans les observations de la méridienne, parce qu'il est plus naturel d'admettre que les longueurs du pendule ont eu alors toutes 188 MÉMOIRES leurs erreurs dans le même sens, et que les différences doi- vent être par conséquent aussi exactes que possible. IV. J'ai répété des calculs analogues aux précédents , sur les observations faites à peu près dans les mêmes longitudes , afin de voir si ces observations donneraient partout à la terre le même aplatissement. Les longueurs du pendule que j'ai employées dans ce but ont été déduites des nombres d’oscil- lations mentionnés dans le rapport de M. Bailly, au sujet des expériences du capitaine Henri Forster; mais les observations que J'ai pu combiner ainsi sont malheureusement peu nom- breuses. En voici les résultats : DEEE DES Aplatissement . conclu Longitudes. Latitudes. Longueurs obs. < sthadevdes Porto-Bello. [810.56/.59”.0.| 90.32.30". N.| 991,0620 pa la méthode CS (Forster ). moindres Carrés; .| Jamaïque... .[79.14.27. 0.117.56. 7. N. 991 ,4672 Porto -Bello et New-| (Sabine). res York, par la méthode | New-York..[76.23.51. 0.140.42.43. N.| 993,1550 directe, donnent apla- (Sabine). tissement = 55° l FN . | Galapagos. 94.57. 9. 0. 0.32.19. N. 991 0052 Aplatissement conclu | (Hall). par la méthode di- Port-Bowen.|91.15. 9. 0.173.143.39. N.| 995,7422 ecte tas » 291,05 (Forster ). Fa! Dans l'hémisphère Sud on trouve Longitudes. Latitudes. Longueurs obs. j Montevideo. |580.33/.25". 0.,340.54.26. S.| 992,6100 Aplatissement conclu | (Forster). par la méthode di-| Les recte = Malouines. .|60.40.51. 0.'51.31.44. S.| 994,1260 Her (Duperrey ). | | | | | —————s, | Maranham..|46.40. 0. O.2. 31.35. S.| 990,8717 Aplatissement (métho- (Forster). Ta C4 de directe) = sr" IRio-Janeiro..|45.37.59. 0. 22.55.13. S.| 991 ,6767 (Freycinet). | Fe Fr o48ft, rÉPnTe DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 189 Les valeurs précédentes de l'aplatissement semblent indi- quer une égalité presque parfaite entre les différents méri- diens du sphécoids terrestre ; mais si l’on pouvait compter sur l'exactitude rigoureuse des observations et les dépouiller entièrement des Tofinences locales, il serait curieux de rechercher par leur moyen les variations de forme des diffé- rents méridiens, en admettant, toutefois, que ces méridiens sont elliptiques sans être égaux ni semblables. Par exem- ple, quand on trouverait sur deux méridiens des aplatisse- ments différents et qu'on voudrait savoir si cette inégalité provient d’un abaissement ou d’un renflement vers le pôle ou vers l'équateur, il suflirait de combiner une des observations faites sur le premier méridien avec une autre observation faite sur le second méridien , et de calenler l’aplatissement avec ces deux observations , pour connaitre immédiatement ce que l’on cherche. Ainsi les observations d’Unst et de Formentéra donnant un aplatissement = ——., tandis que ceiles 300”? de Formentéra et de New-Yorck donnent ne On pourrait con- clure qu'à la longitude de New-Yorek = 76°, il y a une dé- pression en allant de léquateur vers le pôle, puisqu’avee une même observation faite à Formentéra sous une latitude moins élevée que les deux autres, on trouve, dans le second cas, un aplatissement plus grand que dans le premier. Mais une différence de 1%*!:86 dans la nue du pendule employé à Toulouse , faisant varier de Hart à Mer l'aplatissement donné par les observations de Toulouse et de Formentéra , c'est sans en tirer aucune conséquence et sans y attacher, pour le moment, d'autre importance que celle de l'application de la méthode (bien qu'il soit très- possible cependant, je crois , de ne laisser subsister dans les observations que des erreurs dix fois moins considéra- 190 MÉMOIRES bles que celles auxquelles on s’arrête la plupart du temps ); c’est, dis-je, uniquement comme application de la méthode, que je rapporterai, en terminant, le tableau suivant: ( Hôrmentéraz: "es RARE TRAIN : € { PAU ROMA AN à Je AU Fe ARTE Gi € 305,75 Formentéra. ...... NS fete doisicre Î Nen: Von tue dencre LCR PA 1e 286 ( Porto=Bello::5,. 22 en eee RS | 1 / A 415 SORA An L'ART A RS LR: Ge «3 ABC ES 302 Porto-Belo!:114 200 RÉCENTES 1 NewVorkiso 004.07 6 RON NE "ni" 299 ( Porto-Bello......... sh ent ouisse 1 ‘À Port-Bowen. ........ NRC RES SELS RAT) Galapagos ee -- er --ue brecte 1 ONE OP eee en 2 te | RANAONT Galapatos. Le peee ete ace 1 Part Row ES. pPne:san en ls 1 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES 191 BULLETIN DU MOIS D'AVRIL 1850. M. Levmene lit un Mémoire ayant pour titre, Tableau minéralogique du calcaire. Ce Mémoire a été imprimé, M. »’Agpante (Antoine), Correspondant, communique ver- balement les premiers résultats d'une suite d'expériences qui re- montent à l'année 1836, et qui pourront éventuellement exer- cer une grande influence sur plusieurs observations astrono- miques et géodésiques. Il fait hommage à l’Académie d’un ouvrage intitulé, Études grammaticales sur la langue enskarienne , composé par lui et M. Chaho. M. d’Abbadie met également sous les yeux de l'Acadé- mie un manuscrit éthiopien, orné de plusieurs dessins religieux. M. GLerzes fait un rapport verbal d'une notice sur M. Lechan- teur, Commissaire principal de marine, suivi d'actes inédits relatifs au siége de Flessingue et d'Anvers en 1809 et en 181#, par M. Edouard Thierry. La Société des antiquaires de l'Ouest, et celle d'histoire et d'archéologie de Chälons-sur-Saône , demandent un échange de publications. L'Académie statuera sur cette demande dans une autre séance. M. Hamez donne lecture d'un Mémoire intitulé, Le Plutus d'Aristophane. Après avoir signalé le caractère particulier de cette pièce , dans laquelle à la satire politique se trouve subs- tituée la satire morale, il l'a présentée comme une attaque générale contre tous les vices , toutes les passions , tous les ridi- cules que la richesse peut faire naitre ou entretenir. Il a montré ensuite le poëte, complétant cette satire, et lui donnant en même temps un cadre dans l'idée qu'il prête à son principal personnage , d’une meilleure répartition des richesses ; répar- tition destinée à bannir la pauvreté de la terre, et à y faire régner la vertu. Cette utopie de tous les temps est tournée en ridicule par le poëte athénien , avec une verve dont aucun des Séance du 12 avril, 18 avril. 25 avril, 192 MÉMOIRES traits n'a vieilli, el au bon sens, aux arguments duquel il serait difficile, mème aujourd'hui, de rien ajouter. M. Hamel s’est aussi attaché, par l'analyse de certaines scènes, à faire ressortir chez Aristophane , un art encore nouveau dans la comédie. Au nom de la classe des Inscriptions et Belles-Lettres, char- gée d'examiner les ouvrages des candidats qui s'étaient présentés pour la place déclarée vacante dans son sein , M. Bexeca fait un rapport sur les ouvrages de M. Ferdinand Delavigne , candidat ; M. pu Mëce fait un rapport sur les ouvrages adressés par M. Manavit, candidat ; M. Hamez fait un rapport sur l'ouvrage de M. Astre, candidat. Après avoir entendu ces trois rapports, l’Académie décide qu'il sera procédé, dans la séance prochaine, 25 avril, à la no- mination à la place vacante d’associé résidant. M. Noczer communique à l’Académie une dissertation sur le mot Æoman Mondi qu’il considère comme le diminutif de Ramond, en français Ramondin, qu'on aurait appliqué comme surnom aux Toulousains pour signifier leur attachement aux deux Raymond VI et VIT, leurs derniers Comtes. M. ou Mir donne communication à l’Académie de quelques travaux de M. Manavit, candidat à la place déclarée vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. L'Académie procède à la nomination à cette place vacante. Le dépouillement de trois scrutins successifs n'ayant donné à aucun candidat le nombre des suffrages requis, elle renvoie la nouvelle nomination à la séance ordinaire du 6 juin 1850. Un Membre propose de déclarer deux places vacantes dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. Cette proposition est prise en considération. M. Gaussaiz, au nom d’une Commission , fait un rapport sur les ouvrages de M. Beaupoil , Médecin à Ingrande (Indre- et-Loire), et demande en sa faveur le titre de Correspon- dant. L'Académie statuera sur cette proposition , dans la séance prochaine. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 193 NOTICE SUR L'USAGE DE LA BOUSSOLE AU XIH° SIÈCLE , Et sur une loi du Code las siete Partidas d'Alfonse X, Roi de Léon et de Castille, dans laquelle il est question de l'aiguille de mer: Par M. Vicror MOLINIER , PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE TOULOUSE. {Lue à la séance de l'Académie du 16 mai 1850.) De toutes les applications que le génie de l'homme a su faire des phénomènes naturels à l'industrie et à l'extension des rap- ports qui unissent entre elles les sociétés, il n’en est aucune qui ait produit des résultats plus grands que l'invention de la boussole. C’est à cette propriété merveilleuse que possède une certaine pierre de prendre d'elle-même , lorsqu'elle peut se mou- voir librement, une position dans laquelle un de ses pôles est dirigé vers le nord , et l’autre vers le sud , que se rattachent les relations qui se sont établies à travers les mers, entre les grou- pes humains et les nations qui habitent les parties les plus éloi- gnées du globe terrestre. Combien nous paraît merveilleuse la marche providentielle des événements , lorsqu'on remonte à leurs causes premières, et lorsqu'on rattache ces faits aux moyens à l'aide desquels ils ont pu se réaliser! Quels rapports peut-il y avoir entre une pierre brune, dont l'aspect n'offre rien de très-remarquable, et les changements politiques qui se sont produits depuis la fin du moyen âge, au sein des nations qui habitent notre globe? Ces rapports, les voici. Cette pierre pré- sente un phénomène à l'aide duquel l'homme, pouvant se guider vers un point fixe, transformera en une voie rapide de commu- nication l'immense océan qui isolait auparavant les sociétés. 3° 8, — TOME VI. 13 19% MÉMOIRES Lorsque Vasco de Gama, à l’aide des propriétés que possède cette pierre, aura osé s’avancer en pleine mer pour franchir le Cap des Tempêtes , une route nouvelle , plus facile, amènera sur tous les marchés de l'Europe les produits des Indes, et ces riches et brillantes Républiques italiennes du moyen âge, jusqu'alors en possession du commerce de l'Orient, verront se tarir les sources de leur opulence et arriver pour elles cette ère de décadence et d’asservissement qui les effacera de la carte po- litique du globe (1). Lorsqu'un de leurs enfants, Christophe Colomb , inspiré par une foi vive dans les combinaisons de ses connaissances cosmographiques , se sera heurté contre un nou- veau monde en cherchant vers l'Occident la route des Indes, une immense révolution économique et politique s'opérera au sein de la vieille Europe et des nations entièrement nouvelles avec lesquelles elle se trouvera en communication. Jamais tour- menteplus profonde ne se sera produite et nese produira peut-être au sein de l'humanité. Des races entières, des nations puissantes disparaîtront dans peu d'années de l'Amérique , pour faire place aux races européennes et à des peuples nouveaux. L'or du Pérou et du Mexique, trompant tous les calculs des hommes d'état, ruinera l'Espagne au lieu de l’enrichir, et après avoir alimenté la politique ambitieuse de Charles Quint et de Philippe IT, ne produira, pour ce malheureux pays, qu’une ère de décadence et de dépopulation dont il ne commencera à se relever que de nos jours (2). Dans les autres états de l'Europe, l’abondance des métaux précieux, loujours croissante par les importations inces- santes de l'Espagne , jettera dans toutes les transactions une perturbation qui déplacera les fortunes. La valeur des métaux qui servaient à la fabrication des monnaies et aux échanges ve- nant à baisser par l'effet de leur plus grande abondance, les prix de toutes les denrées s’élèveront dans des proportions que les populations étonnées et peu iniliées aux lois économiques, (1) Voir, pour des détails historiques sur ce point, l’Zntroduction de notre traité de Droit commercial, p. xuiv et Liv. (2) Voir l’Zntroduclion de notre traité de Droit commercial, p. Lxxxu el suiv. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 195 ne sauront s'expliquer (1). Le fermier à long terme acquittera ses fermages avec une valeur qui sera nominalement la même ; mais qui, dans la réalité , se trouvera de beaucoup inférieure à celle qui avait été stipulée. Les grands propriétaires et les capi- talistes, en conservant toutes les apparences de la richesse , éprouveront un état de gène et subiront un changement obscur et incompris, dans leur position de fortune. Les colons rachè- téront avec avantage les redevances pécuniaires qui les grèvent, et se trouveront en possession d'une aisance qui laissera déjà entrevoir, à travers les éventualités de l'avenir , l'émancipation des classes laborieuses surgissant du sein des ruines de l'aristo- cratie (2). Enfin , des nations nouvelles et de riches cités s'im- provisant sur un sol que des forêts primitives avaient jusqu'alors couvertes, viendront montrer au vieux monde un riche mou- vement industriel mis en action par des institutions démocra- tiques. Voilà certes de bien grands événements qui viennent se rattacher à une étonnante cause; à la propriété dont est douée une pierre de se mouvoir lorsqu'elle est libre, de communiquer sa puissance à une aiguille de fer, et de diriger l’un de ses pôles vers le nord. Lorsqu'on voit ces grands résultats émaner ainsi de la cons- tatation d’un phénomène physique , et de l'application de ce phénomène à la navigation , on est naturellement porté à re- chercher l’origine et l’auteur d'un procédé qui a exercé une influence si grande sur la marche des événements humains. Où la boussole a-t-elle été inventée? à quelle époque a-t-on com- mencé de s'en servir? quel est celui qui, le premier, a fait usage de cet utile instrument? Voilà des questions qui sont posées depuis bien longtemps, qu'on a, à diverses époques , tenté de résoudre , et qu'on ne résoudra jamais, parce que l'applica- tion à la navigation d'un phénomène très-simple a pu se pro- (1) De 1570 à 1630, dans l'intervalle de soixante ans, les prix des denrées de première nécessilé, et notamment celui du blé, avaient triplé, el la va- leur de l’or avait baissé des deux tiers. (2) Voir sur ce point des aperçus intéressants dans le Cours d'économie politique de M. Rossi, x° lecon, lome 1, p. 173 et suiv. 196 MÉMOIRES duire à la fois dans des pays divers, et a dù se propager avec rapidité dès que l'idée a été exécutée. Qu'on conserve le sou- venir de l'invention d’une machine très-compliquée , on le conçoit ; lorsqu'il s'agit de ces choses qui exigent un effort du génie et dans lesquelles l'homme se montre créateur, l'œuvre se rattache à la personne de celui qui lui a donné l'existence, et s'individualise avec elle. I! n’a pas pu en être ainsi de la pro- priété directive de l'aimant ; aussitôt que le phénomène de la polarité a été observé et connu, chacun à pu avoir l'idée très- simple de s'en servir pour se guider dans les mines, dans les forêts, dans les déserts, sur mer par le gros temps, et à travers les tempêtes. Il n’est pas de marin qui n'ait pu se procurer un aimant qu'il aura disposé d’une manière plus ou moins ingé- nieuse pour s'en faire un guide, au moyen duquel il se sera basardé avec plus de hardiesse en pleine mer. Cependant, comme la curiosité humaine veut toujours être satisfaite, comme elle se complaît à ne laisser rien d'indécis, et à porter sur tout un jugement, on à attribué , pendant très- longtemps, l'invention de la boussole à un navigateur nommé Flavio Gioia , né à Pisitano, village situé près d'Amalf , au xme siècle. On a même fixé à l’année 1302 ou à l'année 1303, l’époque à laquelle on aurait commencé de se servir de cet ins- trument. Cette date est donnée comme certaine, et se trouve rattachée au nom de Gioia dans un grand nombre de livres (1). Cependant comme les nations s’envient la gloire que peut leur procurer une découverte , l'opinion qui attribuait à un Amal- fitain l'invention de la boussole , devait avoir des contra- dicteurs. Les Français ont revendiqué cette invention , en se fondant sur la fleur de lis tracée dans cet instrument pour y désigner le nord (2). Les Anglais, les Allemands, trouvant (1) Robertson considère Flavio Gioia comme l'inventeur de la boussole, dans son histoire de l'Amérique , et regrelle l'absence de tous détails sur la vie de l’auteur d’une aussi utile découverte. (Liv. 1.) (2) Voir l’Histoire littéraire de la France des Bénédiclins, au tom. 1x, p. 199 du discours préliminaire. D. Rivet considère, dans ce discours, la boussole comme une invention qui est due à la France, ainsi que l’attestent, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 197 dans leur langue l’origine étymologique du mot boussole ( bor , boxel, boîte }, soutiennent que ceux qui ont donné un nom à la chose, ne peuvent qu'en être les inventeurs. Des savants, désireux de produire leur érudition, ont tenté de démontrer que les anciens avaient connu le phénomène de la polarité, et avaient employé l'aimant pour se guider en mer (1). L'honneur de la découverte a été aussi attribué aux Arabes (2) et aux Chi- nois (3). Presque toutes ces opinions sont appuyées sur des do- cuments qui ont de la valeur, et qui attestent que la propriété directive de l’aimant était connue dans des pays différents, bien avant l’époque à laquelle aurait vécu l’'amalfitain Flavio Gioia. Ce qui parait cependant certain, c'est que ni les Romains, ni les Grecs , ne connurent le phénomène de la polarité de l’aimant, et ne purent par conséquent l'appliquer à la navigation. Le silence de leurs écrivains sur une chose si merveilleuse et si importante , offre une preuve négative qui est de nature à lever tous les doutes. C’est donc au sein du moyen âge , dans ces temps où se produisirent ces efforts si puissants de l'esprit humain qui enfantèrent les découvertes auxquelles nous devons les progrès des temps modernes, qu’apparaît l'usage de l’aiguille de mer ou de la boussole au sein des peuples navigateurs de l’Europe. Des documents nombreux , remontant au xu° et au xim° siècle, ré- vèlent l'emploi de l'aiguille aimantée, et parmi ces documents, l’un des plus importants, et dont on a le moins parlé, est la loi de las siete Partidas qui fait l’objet principal de cette notice. Ce que cette loi offre de particulier , c'est qu'on la rencontre dans un Code rédigé vers le milieu du xm° siècle, par les soins dit-il, « toutes les nations de l’univers , par les fleurs de lis qu’elles mettent sur la rose au point du Nord. » (1) Abundantius Collina , de acus nauticæ inventore. (2) Tiraboschi , Storia della litteratura italiana ; Bergeron , Abrégé de l’histoire des Sarrasins ; Riccioli, Geographia et hydrographia reformata. (3) Hager, Memoria sulla bussola orientale (Pavie 1809. ) — Voir dans le tome xuvi des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, un travail du savant M, de Guignes intitulé : Zdée générale du commerce et des liaisons que les Chinois ont eues avec les nations occidentales , à la p.549. 198 MÉMOIRES d’un monarque Espagnol, dont le nom jouit d’une juste célé- brité daus l'histoire des sciences physiques et astronomiques. Faisons d’abord connaitre cette loi, qui est la 28° du titre 1x de la 2 partie de las siete Partidas d'Alfonse X , surnommé le Savant | el Sabio), Roi de Léon et de Castille : nous parlerons ensuite du livre qui la contient, et du monarque qui la fit ré- diger. La cour du Roï est comparée, dans cette loi, à la mer pour sa grandeur et sa magnificence. En s’attachant à cette idée, on y établit le rapprochement suivant : « E bien asi, como los marineros se guian en la noche oscura por el aguja, que les es medianera entre la piedra 6 la estrella é les muestra por do vayan , tambien en los malos tiempos como en los buenos ; otrosi los que han de consejar al rey se deben siempre guiar por la justicia, que es mediancra entre Dios 6 el mondo, para dar galardon à los buenos 6 pena a los malos, 4 cada segun su merecimiento. » Voici la traduction exacte de ce texte : « De même que les marins se dirigent, pendant la nuit obscure, à l’aide de l'aiguille qui remplace pour eux les rochers et l'étoile polaire, en leur montrant où ils vont, par le beau comme par le mauvais temps ; de même ceux qui ont à donner des conseils au Roi, doivent toujours se guider par la justice, qui se place entre Dieu et lé monde pour distribuer aux bons des récom- penses, et pour infliger des peines aux méchants, en faisant à chacun la part qu'il mérite. » Cette loi, dans laquelle un sage précepte se produit sous une forme figurée et élégante, ne laisse aucun doute sur l'emploi de l'aiguille aimantée à l’époque à laquelle remonte sa rédac- tion. L'usage devait en être ancien et bien connu de tous , puis- qu'il fournissait aux rédacteurs d’un Code un sujet de compa- raison. Pour apprécier la portée et la valeur de ce document historique , il est nécessaire de bien fixer l'époque à laquelle il remonte , et de faire connaître les eirconstances dans lesquelles fut rédigé le recueil qui le contient. Alfonse X, surnommé le Savant ou le Sage (el Sabio), fils de Ferdinand IE, Roi de Léon et de Castille, et de Béatrix de Souabe, naquit à Burgos, le 23 novembre 1221 , succéda à DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 199 sôn père et fut proclamé roi le 1° juin 1252 ; il fut ensuite éla empereur à Trèves en 1257, et il mourut, sans avoir pu prendre possession de l'empire , à Séville, le # avril 128%. Ce prince , peu fait pour gouverner , a laissé, comme homme poli- tique, une réputation équivoque. Les chroniques des Maures , avec lesquels il fit des alliances , lui donnent en général des éloges; les historiens espagnols ne le traitent pas toujours avec autant défaveur (1). Ce qu'il y a de certain, et c'est un point sur lequel tous les écrivains sont d'accord , c'est que ce Roi était pour le savoir le premier homme de son sièele , et n'usurpa’ en aucune manière le surnom de Savant, qu'il ne dut qu’à ses hautes connaissances et à son grand amour pour toutes les sciences (2). I ne se borna pas à protéger les hommes qui les cultivaient , il s’adonna lui-même avec ardeur à l'étude des let- tres , de l’alchimie et de l'astrologie, etil rédigea ou fit rédiger un très-grand nombre d'ouvrages, que l'Académie royale de l'histoire de Madrid a en partie publiés, et qui attestent l'éten- due et la variété des connaissances de ce prince (3). I suffit, au reste, pour justifier ce que nous disons sur ce point, de citer les tables astronomiques qui parurent sous son règne, et qui sont connues sous la dénomination de tables Alfonsines (4). (1) Ch. Rowex, Histoire d’Espagne , lome vr, p. 490. (2) Le savant historien Çurita s'exprime ainsi sur le compte d’Alfonse X : « Este es aquel rey cuya memoria quedo lan celebrada con il renombre de Säbio : y si le pudo alcançar por haberse dado a las sciencias de astronomia, y Lener lanta noticia de los movimientos de los cielos , y de las revoluciones y posturas de los signos y planetas, y por haber mandado ordenar aquellos libros de las leyes, por las cuales se desecharon las antiguas Golicas, que hasta su tiempo duraron , y haber favorecido sumamente las artes liberales , le perdio por el mal govierno que en sus reinos Luvo , y por la inconslancia con que governava sus cosas de estado , y de la mayor importancia. » Annales de Aragon, lib.1v, cap. 47. (3) On trouve un catalogue de ces divers ouvrages dans l’£Ensayo historico- critico sobre la legislacion , ete. de Marina, à la p. xv de l'introduction. (4) Alfonse culliva aussi la poésie avec succès, et on peut le considérer comme l’un des écrivains qui contribuèrent le plus à vulgariser la langue romane-espagnole, Voici un fragment de l'introduction en vers d’un ouvrage très-curieux de ce prince, qui a pour litre Æ7 Tesoro , et dans lequel il est traité de la pierre philosophale. Ce livre est écrit, en partie , en chiffres et 200 MÉMOIRES Alfonse le Savant ne fut pas seulement alchimiste, astrologue , historien et poëte, il fut encore , et c’est là un des titres qui ont le mieux recommandé son nom à la postérité, un grand législateur. Au xmi° siècle , le Droit espagnol avait pour prin- cipale souree un recueil publié sous les rois Gotbs , et rédigé par les Evêques, qui était connu sous la dénomination qu'il porte encore de forum judicum | fuero juzgo ). Des coutumes particulières et des priviléges ( fueros }, complétaient où mo- difiaient les dispositions que contenait ce recueil , et régis- saient chaque localité, ou pour mieux dire, chaque groupe de population. I résultait d'un semblable état de choses , une pro- digieuse diversité de règles qui engendrait de la confusion et de l'incertitude, et qui mettait obstacle à une bonne adminis- tration de la justice en facilitant l'arbitraire dans les jugements. Le père d’Alfonse X, Ferdinand I, que l'église a mis au nombre des Saints, songeait à réformer cet état de choses à une époque presque contemporaine de celle à laquelle saint Louis publiait en France, pour ses domaines, ces établissements qui excreè- en caractères tuconnus. L’introduelion en a été publiée par l’historio- graphe Gil Gonzales d’Avila, dans son histoire de l’Église de Séville. Le poèle roi raconte dans le prologue dont nous allons rapporter un fragment, comment il avait invité un alchimisie fameux d'Alexandrie en Egypte à lui communiquer Part de faire de l’or; comment ils praliquèrent ensemble cet art, et comment il est parvenu à acquérir une connaissance parfaite de la pierre philosophale. La piedra que Ilaman philosophal Sabia facer , e me la enseño. Fizimosla juntos : despues solo ÿo. Conque muchas veces crecio mi candal, E viendo que puede facerse esta tal De muchas maneras, mas sicmpre una Cosa, Yo vos propongo la menos penosa, Por mas excelente e mas principal. Qu'’était-ce que cette pierre philosophale dont parle Alfonse, que cet art de faire de l’or qui lui aurait été enseigné par un Egyplien et qu’il aurait utilement mis en pratique? qu'élait-ce que ces caractères hyéroglyphiques qui n'étaient pas connus du vulgaire? Tout , dans le moyen âge, est entouré de mystères : la pensée et la science humaine n’osent pas se produire au grand jour; on les voit souvent revêtir des formes allégoriques à travers les- quelles on n'arrive à la vérité qu'avec effort. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 201 rent une influence si grande sur les progrès de notre législation française (1). Le monarque espagnol mourut sans avoir pu réaliser ses projets, et ilen confia l'exécution à son fils (2). Alfonse X fit rédiger plusieurs recueils de lois. Le dernier et le plus célèbre de tous, qui forme encore l’une des sources importantes du Droit espagnol, c'est celui qui renferme le texte que nous avons rapporté et qui est connu sous la déno- mination de /as siete Partidas. Ses rédacteurs l'ont divisé en sept parties, à limitation du digeste de Justinien (3) et à raison des vertus attribuées au nombre septenaire. Ce livre qui offre un traité méthodique de Droit public, de Droit privé et de morale , est certainement le monument le plus remarquable de toute la législation du moyen âge. Un de nos plus élégants cri- tiques, M. Villemain , le considère , dans ses Leçons de littéra- ture, comme un recueil peut-être unique dans les origines des (1) Ferdinand IIT était né en 1200 et mourut en 1252. Il donna le fuero juzgo pour loi municipale à plusieurs cités, el on croit que c’est lui qui le fit pour la première fois traduire du latin en langue castillane. — Saint Louis naquit à Poissy en 1215 , monta sur le trône en 1226 et mourut en 1270. (2) A cette époque, l'Espagne commençait à se reconstiluer par ses con- quêtes sur les Maures, el entrait dans une ère qui devait la conduire à l’éta- blissement d’une seule monarchie sur son sol. Les royaumes de Léon et de Castille qui venaient de se réunir pour ne plus se séparer, et celui d’Ara- gon , formaient deux grandes monarchies. Alfonse avait conçu la pensée d’é- tablir dans les pays sur lesquels il régnait, l’unité de législation qui raffer- mit l’unité du pouvoir et qui facilite sa centralisation dans les mains du monarque. « À partir de son règne , dit l’historien de la civilisation en Es- pagne, M. Gonzalo Moron, commence une nouvelle période : les rois portent à la société féodale de rudes atteintes ; ils s'efforcent de vaincre les résistances locales et ils essaient de substiluer aux fueros une législation générale et uniforme. Ces tentatives sont l’objet d’une résistance vigoureuse ; la noblesse engage avec les monarques une lutte qui se maintient jusqu’à l’avénement de la maison de Transtamare et d'Henri II. A partir de celle dernière époque, la noblesse triomphe, etla monarchie humiliée déchoit jus- qu'à ce qu’elle se relève sous le grand règne de Ferdinand et d’Isabelle. » Historia de la civilisacion de España , par D. Fernin Gonzalo Moron, tom. V, partie 4, p.241. (3) «Etin seplem partes eos digessimus non perperam , neque sine ralione : sed in numerorum naturam et artem respicientes, el consenlaneam eis divisionem partium conficientes. » Inst. 1, 2, $ 1, C. de velert jure enu- cleando. 202 MÉMOIRES nations modernes. « La gravité naturelle du langage espa- gnol, dit ce savant écrivain , dégagée là de toute pompe, se montre seulement par une noble précision de termes , image de la justesse qui règne dans la pensée. « La loi, y est-il dit, est » donnée aux hommes comme aux femmes, aux grands comme » aux petits, aux savants comme aux ignorants, aux nobles » comme aux vilains : elle brille comme le soleil en protégeant » tout le monde (4). » Il y aurait bien des choses intéressantes à extraire de ce livre curieux, sur lequel on a beaucoup écrit de nos jours en Espagne. Ce qui importe le plus pour le sujet dont nous nous occupons, c'est de déterminer l'époque précise à laquelle il fut rédigé. D’après le savant académicien Martinez Marina ; on peut fixer avec certitude la date à laquelle fut com- mencée la rédaction de ce corps de préceptes et de lois, au 25 juin 1256, en se fondant sur les termes du prologue. Il est plus difficile de déterminer avec précision l'époque à laquelle il fat terminé , parce que les manuscrits ne s'expriment pas avec la même uniformité sur ce point; mais il ne paraît y avoir d’hésita- tion qu'entre l’année 1263 et l’année 1265 (2). Quelle que soit celle de ces dates que l’on adopte, il demeurera toujours cons- tant que l'usage de l'aiguille aimantée est de beaucoup antérieur aux années 1302 ou 1303, auxquelles nous reportent ceux qui veulent l’attribuer à Flavio Gioia. Je ne dois pas cependant taire une objection qui a été faite de nos jours, par l’auteur éclairé d’une histoire du Droit espa- gnol , M. Juan Sempere. Cet écrivain, tout en reconnaissant que las siete Partidas ont été rédigées sous le règne d’AI- fonse X, prétend qu’elles n’ont obtenu force de loi que sous le règne d’Alfonse XI , en vertu de la grande ordonnance d’Al- cala (7 ordenamiento de Alcalä) de l'année 1348. Il sou- tient qu’elles furent révisées à cette dernière époque et que leur (1) Littérature du moyen âge, xx leçon , tom. 2, p. 69 de l’édit, in-12. (2) Martinez Marina, Ensayo historico-critico sobre la legislacion y principales cuerpos legales di los reynos de Leon y Castille, espectal- mente sobre el codigo de las siele Partidas de D. Alonso el Sabio, p. 281. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 203 rédaction subit des changements qui les modifièrent dans certai- nes parties. Ce qu'il y a de particulièrement intéressant pour nous , c'est que M. Sempere cite, à l'appui de cette opinion, le passage dans lequel il est question de l'aiguille aimantée et que nous avons rapporté. « On peut au moins assurer , dit-il, que la loi 28 du titre 1x de la partie deuxième n’exislait pas dans l'œuvre originale. .. C’est un fait généralement admis que l’usage de la boussole (brujula) (1) ou de l'aiguille de mer, n'é- tait pas connu jusqu’en l'année 1302, pendant laquelle l'italien Gioia commença de s’en servir. Il est bien vrai qu'on à voulu attribuer cette utile invention à l’espagnol Raymond Eulle , en invoquant un ouvrage commencé en 1272, dans lequel il est fait mention de l'aiguille nautique Jusqu'à présent on n’a rencontré aucun document plus ancien dans lequel il soit ques- tion de cette découverte (2). Les Partidas furent terminées en 1263 ou 1265 : la loi citée ne pouvait donc pas exister dans leur rédaction primitive (3). » Le raisonnement ne souffrirait certainement aucune réponse si le fait sur lequel il repose était vrai. Mais ce fait, c'est juste- ment la question si vivement débattue de la date de l'invention de la boussole , sur laquelle le texte cité de las Partidas peut être invoqué. M. Sempere se trompe lorsqu'il prétend qu'il n'est question, dans aucun ouvrage antérieur à 1272, de la vertu di- rective de l’aimant. Les documents abondent pour établir le con- (1) Le nom espagnol de la boussole est remarquable , BruuLa, Brujear, hacer brujerias, maleficia incantationes exercere ; Bausenra, el arte 6 ejer- cicio que se suppone à las brujas, #2aleficium incantatio, Bausa, la muger que segun la opinion vulgar tiene pacto con el diavolo, y hace cosas extraordinarias por su medio, saga, strix, venefica; Bnusuua boussole , ( une sorte de sorcière). Voir le Dictionnaire de l’Académie espagnole. (2) Capmany, Memorias histéricas sobre la marina , comercio y artes de la anligua ciudad de Barcelona , tom. in, p. 71. ( Note de M. Sempere.) Voici les passages de l’ouvrage de Raymond Lulle que cite le savant anti- quaire espagnol Antonio de Capmany : « Sicut acus pro naturam vertitur ad seplentrionem, düm sit Lacta à magnete.... Sicut acus naulica dirigit mari- narios in sua navigatione.» On les trouve dans le traité de Contempla- tione. (3) Historia del derecho español, cap. v, p. 289. 20% MÉMOIRES traire et pour renverser son raisonnement. Nous nous contente- rons de citer les plus importants. Rien n'est aujourd'hui plus connu que ces vers de la Bible- Guyot, qui datent de la fin du xu° siècle ou du commencement du xm°, et dans lesquels la boussole est décrite avec beaucoup de détails; les voici : Après avoir parlé de l'étoile polaire, le poële continue en ces termes : Mes cele etoile ne se muet. Un art font qui mentir ne puct Par la vertu de la manière (1) Une pierre laide et brunière Ou li fers volontiers se joint. Ont, si esgardent le droit point, Puis c’une aignille i ont touchié Et en un felu l’ont couchié En l'eve (l’eau) la mettent sans plus E li festu la tient dessus, Pus se orne sa pointe toute Contre l’estoile, si sanz doute Que james hom n’en doutera Ne ja por rien ne faussera , Quant la mer est obscure et brune, C’'on ne voit estoile ne lune, Dont font à l'aiguille allumer Puis n’ont-il garde d'esgarer. Voilà certes les phénomènes de la polarité , de l’aimantation du fer et l'usage de l'aiguille aimantée décrits avec des détails qui certifient que c'était chose très-connue (2). (1) Macwès, aëmant. La boussole est désignée, dans ce poëme, sous les noms de »#anière, marinière, manette où marinetle, suivant les variantes des divers manuscrits. Fabliaux , édit. de Méon, 11, 328. (2) La Bible-Guyotoffre un poëme satirique qui n’a pas moins de deux mille six cent quatre-vingt onze vers. On y passe en revue avec une grande liberté de pensée, toutes les diverses classes de la société, el surtout les gens d'église. Cette composition remarquable est assez généralement attribuée à Guyot de Provins qui était né à Provins vers le milieu du xue siècle. 1l est cependant quelques personnes qui l’attribuent à Hugues de Bercy auteur dela Bible au Seigneur de Beze. Voir le Discours de M. Daunou sur l’état des Lettres en France aux siècle, dans l'Histoire littéraire de la France, au tom. xvi, p. 215. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 205 Albert le Grand , qui enseigna à Paris et à Cologne la philo- sophie dans la première moitié du xu siècle, et qui mourut dans cette dernière ville en 1280, cite, dans son traité de Mineralibus, un ouvrage faussement attribué à Aristote dont il exprime un passage de la manière suivante : « Angulus ma- gnetis cujusdam est, cujus virtus convertendi ferrum ad zoron (hoc est ad septentrionalem ), et hoc utuntur nautæ : Angulus verd alius magnetis , illi oppositus , trahit ad aphron , id est po- lum meridionalem (1). » Brunetlo Latini, qui avait été en rapport avec Alfonse X (2), composa à Paris, en 1250, un livre intitulé le 7résor de toutes choses, danslequelilestexpressément question dela puissance de l'aiguille aimantée. « Pour ce, dit-il, nagent les mariniers à l'enseigne de ces deux étoiles que l’on appelle tramontaines.….., et chacune des deux faces (de l'aimant) alse la pointe de l’ai- guille à celle tramontaine a que cette face gist (3). » Enfin Jacques de Vitry, évêque de Ptolémaïs et originaire d'Argentreuil près de Paris, mort à Rome en 1244, a laissé une histoire de l'Orient ( Historia orientalis) qu'il a dù com- poser pendant son séjour dans le Levant, entre les années 1215 et 1220. On y trouve le passage suivant qui est conçu dans des termes propres à lever tous les doutes : « Acus ferrea , postquam adamantem contigerit, ad stellam septentrionalem, quæ velut axis firmamenti, aliis vergentibus, non movetur, semper convertitur, undè valdè necessarius est navigantibus in mari (4). » Ces citations doivent suffire pour prouver, contre l’assertion de M. Sempere , que l'usage de l'aiguille aimantée était généra- (1) De Mineralibus, b. n, tract. 3, cap. 6. (2) Les Guelfes de Florence le députèrent auprès d’Alfonse X pour l’exhor- ter à venir à leur aide en Italie. Il joignit ce prince à Burgos. Histoire Lit- téraire de la France , Lom. xx , p. 279 et 280. (3) Liv. 1, chap. 113. (4) Cap. gr. — Ce passage est rapporté dans le travail que M. Daunou a pu- blié sur Jacques de Vitry dans le tome xvii de l'Histoire liltéraire de la France, p. 230. 206 MÉMOIRES lement répandu à l’époque à laquelle Alfonse X fit rédiger las siete Partidas et que la mention qui en est faite dans la loi 28 dont nous nous occupons , ne saurait établir que des interpolations aient été introduites dans le Code qui la contient. Cette loi semble au contraire porter en elle-même la preuve de son originalité. Il était naturel que les rédacteurs des Partidas , quis’inspiraient des pensées d’un monarque adonné à l'étude des sciences physiques, prissent pour point de comparaison un phénomène aussi merveilleux que celui de la polarité de l'ai- mant, lorsqu'ils avaient à tracer les préceptes qui devaient guider et diriger les conseillers du Prince au sein dela Cour. La forme présente cette élégance de langage et cette richesse d’imagina- tion que M. Viilemain avait remarquées dans le livre d'AI- fonse X. Au reste, l’autre assertion de M. Sempere paraît aussi beau- coup trop absolue : elle a trouvé des contradicteurs. Selon lui, las siete Partidas offriraient moins un recueil de lois, qu’un traité de droit purement scientifique et qui n’eut, jusqu’au règne d'Alfonse XI, que l'autorité qui s’attachait à la sagesse des doctrines qui y étaient émises. Ce livre n’aurait exercé sur la législation, jusqu’à cette dernière époque, qu'une influence purement scientifique. Il nous paraît que cette opinion, qui ne contrarierait, au reste , en rien les inductions que nous pré- tendons tirer du texte qui fait l'objet de cette notice par rap- port à l'usage de la boussole , est difficile à justifier (1). Nous la trouvons positivement contredite par un passage de la chro- nique d’Alfonse X , écrite sous le règne d'Alfonse XI, et qui est rapporté par M. Gonzalo Moron dans son histoire de la civi- lisation en Espagne (2). Il y est dit en termes très-exprès (1) Voir sur ce point Marina, Ensayo historico-crilico sobre la Legisla- cion, Ub.x, elGonzalo Moron, Historia de la civilisacion de España, tom. v, leccion 46, p. 224. (2) Voici ce passage, tel qu’il est cité. Il est pris à la page 5 de l’édition de Valladolid de 1554 de la chronique d’Alfonse X. «Este rey don Alfonso por saber todas las escripluras hizolas volver de lalin en romance : y desto mandé hacer el fuero de las leyes, en que asumé muy brevemente muchas DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 207 qu'Alfonse X ordonna à tous les hommes de son royaume d'observer las Partidas comme loi, et aux alcades de les prendre pour règle dans leurs jugements (1). Il est donc peu probable que le texte de ce Code ait été nota- blemeut altéré. Il est encore moins probable que la loi dont nous nous occupons, et dans laquelle il est question de la bous- sole , ait été introduite dans cette œuvre philosophique et juri- dique , postérieurement à sa rédaction. Ce texte ne contient au- cune disposition de droit positif et ne renferme qu'un précepte qui reste le même pour tous les temps et pour tous les lieux. Il n'y avait aucune raison pour l'introduire dans las Partidas s'il ne s'y trouvait pas ; et il n'y avait pas plus de motifs pour l'altérer en y faisant mention de l’aiguille de mer, si cette men- Lion n'y était pas primilivement écrite. En résumant cette dissertation , nous arrivons à des conclu- sions qu'il convient de préciser. leyes de los derechos; y diélo por ley y por dercho y por fuero 4 la ciudad de Burgos, y 4 otras ciudades y villas del reino de Castilla, c4 el reino dc Leon avia el fuero Juzgo , que los Godos ovieron hecho en Toledo. Otrosi las villas de la Estremadura habian otros fueros apartados, y porque por estos fueros no podian librar todos los pleitos, y el rey don Fernando su padre habia comenzado à hacer los libros de las Partidas, y este don Alfonso su hijo hizolos acabar, y mandé que todos los omes de su reino las oviesen por ley y por fuero, y que los Alcades qne judgasen por ellas los pleitos. Otrosi mandé despues tornar en romace las escripluras à la Biblia , y todo el ecle- siästico, y delante las naturas de la astrologia. — V. Gonzalo Moron, histo- ria de la civilisacion de España , tom. v1, p. 226. (1) Ce qu'il y a seulement de certain, et ce qui est reconnu par tous les écrivains , c’est qu’il arriva à /as Partidas ce qui advient à toutes les lois qui devancent l’époque à laquelle elles sont publiées; la mise en pratique des règles qu’elles contenaient , éprouva une vive opposition, parce qu'elles n'étaient pas en harmonie avec les mœurs, les habitudes et les besoins de l’époque. Lorsque le législateur va trop en avant, il arrive que le peuple ne le suit pas. S'il veut pousser les masses par des moyens coërcitifs , elles lui opposent une résistance qu’il lui est difficile de vaincre. Dans nul pays les usages et les priviléges locaux (/0s fueros ) n’ont offert des racines plus difficiles à extirper qu’en Espagne. On y constate une lutte incessante entre l'esprit de localité et la centralisation des pouvoirs que s'efforcent d'établir les monarques. Le roi veut s'investir de la puissance législative, et fait rédi- ser el publier des codes qui doivent établir l'unité des règles dans ses royaumes ; le peuple ne veut passe départir du droit, dont il est en possession, de se donner à lui-même une législation coutumière qui s'établit peu à peu 208 MÉMOIRES 1. Il est constant que l'aiguille aimantée était généralement employée dans les voyages de mer au 13° siècle. Mais l’instru- par les usages, el qui constitue ce qu’il appelle ses fueros (1). En tenant compte de cetielulte, et du dualisme qu’elle établissait dans le droit, on s’ex- plique facilement le sensdes expressions de la grande ordonnance publiée sous Alfonse XI avec le concours des cortès d’Alcala, qu'invoque M. Sempere lors- qu’il prétend que la version que nous possédonsdes siele Partidas n’offre pas, dans son intégrité, le texte primitif. Il y esthiendit que les siete Partidas, qui seront publiées pour faire parie , avec d’autres recueils, du corps du droit, ont été recueillies, mises en ordre el amendées, pero mandamoslas requerir, éconcertar é emandar en algunas cosas que cumplian; mais c’est là une sorte de formule de style dont il ne faut pas s’exagérer la portée. Les changements s’introduisaient alors dans le Droil espagnol, non par voie de révision des lois antérieures, mais par des codes nouveaux qui laissaient les anciens en vi- gueur pour Loutes les parties qui ne se trouvaient pas implicitement abrogées ou qui n'étaient pas tombées en désuétude. Il en résultait souvent un grand embarras pour savoir quelle était la règle applicable , et si une disposition était ou n’était pas modifiée. Les Cortès demandèrent maintes fois qu’il fût apporté remède à un état de choses qui jetait une si grande incertitude dans les décisions judiciaires; et pour remédier à ce mal, on rédigea dans la suite des compilations qui réunirent dans un ordre plus ou moins méthodique, les textes en vigueur. Le dernier de ces recueils est celui qui a pour titre Vovés- sima recopilacion de las Leyes et qui a été promulgué le 15 juillet 1805, sous le règne de Charles IV (2). (1) Le Dictionnaire de l’Académie espagnole définit le mot Juero, loi, statut, coutume, ordonnance particulière d’un état, d'une province, d'uue ville, lex municipalis; — for, juridiction, droit, justice, équité, autorité, pouvoir, puissance. « On donne le nom de fueros municipales, disent MM. de la Serna et Montalvan , à certains cahiers de lois (cuadernos de Leyes) concédés par les monarques à des municipalités dans le but principal de favoriser leurs habitants. » Elementos del derecho civil y penal, tom.1,p 47. « Les lois ne peuvent défendre un acte qu'autant qu’elles tiennent la force et le pouvoir dont nous avons parlé, de l’une de ces trois choses : l'usage. la coutu- me, le fuero. L'usage nait du temps, la coutume de l'usage, le fuero de la cou- tume, » Zmbargar no pueden ninguna cosa las Leyes que non hayan la fuersa e el poder que habemos dicho , sino tres cosas : la prima Uso, la segunda CostTunE , la tercera Fuero. Nasce del tiempo Uso, é del uso Cosrume, é de la costume Fusno (Alonzo el Sabio, part. 1, tit, 2, princip.) « Dans le sens général , dit M. Ch. Romey, les fueros sont en Espagne, les lois particulières, stipulant les priviléges . les immunités, les prérogatives et les libertés locales d’un royaume, d’un duché, d’un comté, d’une ville ou d’un couvent; di- plômes, chartes octroyées par les grands pouvoirs naissants en Léon, en Navarre, en Aragon, en Castille, en Catalogne, par les Rois et les Comtes de ces différents pays, soit htouteune vaste circonscription territoriale, soit à un simple municipe, au fur et à mesure que la puissance chrétienne allait retirant quelque lambeau de l'Espagne des mains des conquérants musulmans; contrats synallagmatiques , engageant et liant étroitement et diversement ces grands pouvoirs aux diverses parties de la nation espagnole à mesure qu’elle se formait. De là la diversité et le caractère politique qui la distinguent entre les nations Européennes.» ( Histoire d'Espagne, lom. V, p.129.) (2) On peut consulter sur ce point la notice historique sur la législation espa- gnole que MM. de La Serna et Montalvan , professeurs à l'Université de Madrid , ont placée en tête de leurs Æléments de Droit civil et pénal. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 209 ment si utile qu'elle fournit aux marins, a dû recevoir des per- fectionnements à des époques diverses. 2. Il est impossible de déterminer la nation chez laquelle le phénomène de la polarité de l’aimant fut découvert et appliqué pour la première fois aux voyages en mer. Il est encore plus impossible de remonter à l’auteur de la découverte. 3. L'opinion vulgaire qui attribue à Flavio Gioia l'invention de la boussole est évidemment erronée. Peut-être introduisit-il dans cet instrument quelques perfectionnements qui en facili- tèrent l'usage, qui lui en firent attribuer l'invention. k. La loi 28 du titre 1x de la 2° partie de las Partidas atteste que l'usage de la boussole était généralement connu en Espagne au milieu du xm° siècle. 5. On ne peut pas induire de la mention qu'on y trouve de l'aiguille de mer, que le Code de las Partidas ait subi des interpolations et des changements sous les successeurs d’Al- fonse X. ne 3° S.— TOME Vi. is 210 ; MÉMOIRES DISCOURS PRONONCE A L'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE DU 26 MAI 1850 ; Par M. NOULET , Président de l'Académie. MESSIEURS, En proposant des sujets pour les prix qu'elles décernent, les Académies ont pour but d’exciter l'émulation des esprits éclairés et de les diriger vers des études d’une importance réelle, sur lesquelles on est loin de s'entendre. Or, quelles questions litté- raires peuvent se montrer plus dignes de provoquer de sévères recherches que celles dont l’objet est de dévoiler les origines de notre Littérature nationale? Aussi avez-vous été péniblement surpris de voir laissée sans réponse la question que vous aviez posée, dès 1847 , pour sujet du Concours de cette année. Les concurrents avaient à traiter de l'influence de la Lit- térature francaise sur la Littérature romane. Ms étaient consé- quemment appelés à résoudre des difficultés de plus d'un genre, qui divisent encore les érudits , touchant les rapports qui au- raient existé entre les deux Littératures du Midi et da Nord de la France au moyen âge, et à fixer enfin des opinions qui n'ont cessé de varier. Si l’on semble, en effet, s’accorder au- jourd'hui sur quelques points, d’autres sont restés, sinon dans une complète obscurité, {out au moins dans un de ces demi- jours qui autorisent les doutes, entretiennent les incertitudes, et réclament une plus vive lumière. Il yeut, vous le savez, jusqu'à la fin du moyen âge, comme DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES, 241 deux France : l'une fut romaine par son voisinage de l'Italie et aussi par sa civilisation plus raflinée; l'autre emprunta de la Germanie une rudesse qui caractérisa , avant tout, la France guerrière et conquérante. Toutes les deux parlaient un langage dont le fond était le même ; c'était le latin dégénéré, qui , en s'éloignant de plus en plus de la majestueuse langue que l'Italie victorieuse avait importée dans la Gaule , avait fini par s'y cor- rompre el s'y transformer en la romaine rustique. Cultivés avec suite, lentement perfectionnés , les deux idio- mes qui sortirent de celte langue abâtardie , eurent chacun, dès le onzième siècle , une Littérature déjà fixée bien avant le réveil des autres nations de l'Europe civilisée; et l'on vit, à cette époque , dans ces deux parties de la France ,-des Poëtes régler leurs compositions sur une poétique nouvelle ct entièrement étrangère au génie de lantiquité. Les uns et les autres adoptèrent des genres sensiblement identiques pour expri- mer des sentiments et des passions puisés à la même source, C'est-à-dire dans cet esprit chevaleresque qui donna à ces temps une si vive et si particulière animation. Tra- duire des impressions personnelles ct les élans passionnés du cœur , poursuivre les vices et les travers du siècle dans des peintures incisives, {el fut le but qu'il fut donné au genre lyrique d'atteindre. Au genre narratif, plus populaire, plus facile, et à cause de cela moins estimé, fut réservée, ce semble, la mission d'intéresser plus directement toutes les classes de la société, en y répandant le-goût de la chevalerie, par les récits, ou mieux par les chants héroïques , sortes d'épopées merveilleu- ses , où sont racontées , le plus souvent sans nul respect pour les traditions de l'histoire, les grandes luttes de la chrétienté contre les infidèles , ou les guerres intestines de la féodalité. Ce futenfin dans ce genre que se révéla le goût français, hardi, badin et frondeur, sous la forme de ces fabliaux , dont le piquant des récits est relevé par une ingénieuse simplicité. Mais dans lequel des deux idiomes romans cette Littérature prit-elle naissance ? Les deux genres principaux qu’elle produi- sit eurent-ils une commune origine? ou bien l’un d'eux releva- 212 MÉMOIRES t-il plus particulièrement du Nord et l'autre du Midi ? Questions intéressantes et diversement résolues jusqu’à ce jour et qui ap- pellent de nouveaux efforts. Sans doute, si on ne considère que les dates attribuées aux plus anciennes compositions lyriques des deux Littératures romanes, On constate que celles du Midi remontent bien plus haut que celles du Nord : il y a un siècle d'intervalle entre l'apparition des vers provençaux de Guillaume , Comte de Poi- tiers, le premier des Troubadours connus, et la date des vers du premier Trouvère, Chrétien de Troyes. Maïs faut-il en con- clure que le Comte de Poitiers ouvre ta série des poëtes de la lan- que d Ue? Ses compositions, qui possèdent déjà toutes les qualités de l’école des Troubadours, n’autorisent guère une telle opinion. Au lieu d'y rencontrer les indécisions d’un esprit qui ouvre une carrière nouvelle, on y découvre plutôt la preuve qu’au xn° siècle, la poésie lyrique avait atteint dans le Midi un haut degré de per- fection. Il en est de même de Chrétien de Troyes : sans doute de meilleurs poëtes se produiront après lui, au delà de la Loire ; mais il faut savoir reconnaître que l’on trouve dans ses com- positions tout le système de la poésie romane française. Les mêmes difficultés se présentent, dans un ordre inverse , quand on vient à rechercher les dates des plus anciens monu- ments laissés par les deux Littératures dans le genre narratif : il est évident pour tout le monde que les poëmes épiques, que les longs romans du Nord, qui nous restent, sont de beaucoup antérieurs aux ouvrages du même genre produits par les Litté- rateurs du Midi. Un fait semblable se révèle pour les fabliaux , ces récits variés à l'infini, si nombreux chez les Trouvères , si rares chez les Troubadours. Il semble donc que l’on ne puisse déduire rigoureusement l’antériorité de l’une des deux Littératures sur l’autre, de ce que le hasard aura servi celle-ci au détriment de celle-là. Qui ne sait que de tant de richesses artistiques et littéraires que le moyen âge avait produites, nous n'avons que des restes épars, le plus souvent changés en ruines ? DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 213 Est-ce à dire, pour cela, que nous devions désespérer de voir jeter quelque jour sur ces intéressants problèmes? N'avons- nous pas à en rechercher la solution dans l'état moral de ces deux peuples, qui constituaient déjà la grande nationalité française , en nous aidant de leur vie publique et privée ; en recourant à tous ces documents qui rendent si difficile et si attrayante à la fois l'histoire du moyen âge, et surtout en mé- ditant mot à mot, jusques à la dernière des productions littérai- res de cette époque ? C'est ainsi, Messieurs , que l’on devrait rechercher ce qu'il y a d'exact dans ces tableaux où les seigneurs du Midi sont repré- sentés comme de beaux esprits indolents, tenant dans leurs chà- teaux des cours de poésie, entourés de nobles dames, de Trou- badours et de Jongleurs ; n'admettant dans ces tournois litté- raires , qu'ils provoquaient , que les compositions lyriques les plus relevées, abandonnant à un public moins difficile, les narrations héroïques et les romans d'amour ; tandis que le Nord est représenté affectant dans la culture des Lettres une allure plus bourgeoise, plus dégagée, négligée même, appropriée, en un mot, à une population plus mobile, et surtout plus initiée aux affaires publiques. Quoi qu'il en soit de ces opinions , il est certain que landis que le Nord et le Midi étaient séparés par d’antiques limites de territoire, par le caractère , par les mœurs et aussi par la di- versité de plus en plus marquée du langage, les Lettres les rapprochaient et les confondaient : Troubadours et Trouvères se visitent, se traduisent , s’imitent ; des copies de leurs ouvrages cireulent davs les deux pays et semblent faire prévoir l'oubli des vieilles divisions qui les ont si longtemps séparés. Espoir malheureusement trompé ! Un fait politique d’une importance inattendue se produit : la France septentrionale, pre- nant prétexte de l’hérésie albigeoise, se précipite sur la France du Midi et y renverse, après les luttes les plus opiniätres, la puissante féodalité, aux pieds de laquelle s'était assoupie la Pro- vence, et qui avait protégé avec tant d'éclat le goût des Lettres et des Arts. 21% MÉMOIRES Les Troubadours (un seul excepté et son nom a été voué à l’exécration des hommes), les Troubadours résistèrent aux efforts de l’usurpation ; leurs chants attestent leur courageuse fidélité ! Appartenant en quelque sorte à la chevalerie , ils suivirent le cours de cette grande institution ; ils combattirent de leur plume, comme les chevaliers combattaient de leur épée; souvent ils se servirent de l'une et de l’autre, et ne tombèrent que par la force des circonstances, peut-être seulement alors que le dernier des Raÿmond, descendu dans la tombe, livra enfin au roi de France cette belle Provence sur laquelle il avait si doulouréusement régné , et que le Nord enviait comme le plus beau fleuron dont il püt enrichir sa couronne suze- raine. Ainsi se (rouvèrent de nouveau rompus, entre les deux France, les liens de confraternité à aide desquels les lettres avaient relié les deux peuples : à ces éléments de paix et de concorde succédèrent les querelles animées , les jalousies, les vengeances. Îl y eut scission en toutes choses entre les deux pays; leurs Liltératures même devinrent des instruments de guerre. Incriminée d'hérésie, condamnée par Innocent IV, en 1245, la langue romane provençale fut proscrite, et l'usage en fut défendu aux étudiants de l'université de Toulouse : institation naissante, qui devait avoir son éclat, et que l’on venait de créer pour l’opposer à Fesprit du Midi que lon voulait compri- mer. Néanmoins, peu à peu, ces antipathies , quelque vives qu’elles eussent été d’abord , s’affaiblirent , si elles ne s’effacèrent pas complétement. Toulouse , et avec elle tout le Midi dont elle était le cœur, rapporta sur le Roi de France, désormais son seigneur , sa loyale fidélité à ses Comtes. Ville aux croyances catholiques, elle se soumit volontairement à l'influence reli- gieuse , devenue moins oppressive. Mais, pendant cette période d'un siècle, quel fut le sort des Littératures dont nous avons vu se rompre la bonne har- monie ? Elles eurent des destinées bien différentes : celle du Nord , demeura ce qu’elle avait été, railleuse et populaire ; DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 215 fortement enracinée , elle ne pouvait que grandir et se perfec- tionner, tandis que la Littérature provençale, persécutée , avait perdu ses soutiens naturels, avec ces puissances féodales qui l'avaient si longtemps protégée. Le corps des Froubadours dat ainsi s'amoindrir et disparaitre : qu'étaient devenues les cours de poésie? qui aurait osé donner asile à ceux qui dans la langue d'Oc rappelaient les souvenirs d'un passé que l’on avait intérêt à faire oublier? Le genre même que les poëtes du Midi avaient cultivé avec le plus de faveur, le lyrisme, ne poussait-il pas aussi la Littérature provençale à sa pérté ? Il est permis de supposer qu'une poésie plus populaire aurait résisté plus longtemps que celle-ci, qui, n'intéressant que les esprits cultivés, laissait les masses sans sympathie , du moins Sans enthousiasme. Cépendant on voit la Littérature provençale survivre à l'école des Froubadours, puisque le gout pour le lyrisme dura bien au delà da xrv° siècle. Ce fat pour maintenir cette poésie (on s'est peu préoccupé du sort qui fut réservé au genre narratif}, que l’on vit, en 1323, sept honorables citoyens de Toulouse , tenter de lever l'interdit qui pesait sur leur langue maternelle et sar la Littérature du Midi. Ils créèrent le collége de la Gaïe- Science, et en en faisant uné institution littéraire, éminem- mént empreinte du caractère religieux , ils parvinrent à en- tetenir le goùt des Lettres romanes provençales jusqu'aux dernières années du xv* siècle. La Littérature française , de son côté, arrivait au terme d'une eomplèté rénovation : Fitalie venait de se retremper aux sources de l'antiquité. Ce réveil, où, comme on le dit, cette fénaissance des Lettres grecques et latines, qui devait fimir par influencér l'Europe tôut entière , serait venue tout d'abord impressionner les Lettres en Francé, en les faisant entrer dans cette voie qu'elles devaient si glorieusement parcourir. Ceci se passait alors que la langue et la Littérature occitani- ques touchaient à leur déclin : le fin langage des Troubadours avait disparu ; leur poétique était abandonnée. Des idiomes nombreux se produisaient dans le Midi ; c'étaient comme au- 216 | MÉMOIRES tant de rejets parasites épuisant le tronc vieux et mourant sur lequel ils naissaient. Pendant bien des ‘siècles pourtant la langue provençale se maintiendra tout en s’altérant de plus en plus. On verra ses gracieux patois servir les inspirations de poëtes dignes de ce nom , dont les chants sonores charmeront l'oreille et l’âme des populations du Midi, parce qu'ils seront écrits dans la langue du pays, qui est pour eux le doux parler du cœur. +, Pour remplir vos intentions , Messieurs , j'ai essayé de montrer la grandeur d’un sujet. que , jugeant digne de votre plus honorable récompense, vous conservez à l'étude pendant deux années encore. Afin de laisser toute liberté aux concur- rents, qui répondront, vous en avez l'espoir, à votre appel, je devais éviter d'aborder la discussion , en me plaçant , pour ainsi dire, dans la situation de celui qui, ayant entrevu dans l'éloignement une contrée qui lui aurait paru digne d'être attentivement explorée , engagerait les voyageurs, en piquant leur curiosité , à y pénétrer, à la parcourir sur tous ses points pour parvenir à la mieux faire connaître. L'étude des rapports qui existèrent jadis entre les deux Littératures romanes de la France au moyen âge, reste un vaste champ d’investigations même après les travaux remarquables qui ont été publiés, et auxquels on doit adresser, peut-être, le reproche d’avoir été entrepris sous l'empire de théories préconçues , nées du senti- ment exagéré du pays natal. En les méditant, on croirait que les vieiiles rivalités ne sont pas entièrement éteintes entre la France du Nord et la France du Midi; et pourtant, Messieurs, il ne faut être ni du Midi, ni du Nord pour traiter un sujet tout français , puisqu'il a pour objet d'éclairer le berceau , entouré d’ombres , de notre grande Littérature nationale, cette gloire impérissable de notre patrie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 217 OBSERVATIONS Sur le peu de probabiité de l'enstence dans les contrées Pyrénéennes, soit de la Houille , soit d'aucun dépôt considérable de tout autre combustible fossile ; Par M. A. LEYMERIE. {Lu à la séance publique du 26 mai 1850.) Messieurs , Il'existe , tout le long et vers la base des Pyrénées, des gites ou au moins des indices de combustible fossile qui , dans chaque contrée , ont donné lieu à des espérances, à des recherches et même à des exploitations. Plusieurs travaux entrepris sur ces gîtes au moyen d’un petit nombre d'ouvriers, avec des avances peu considérables, ont pu et peuvent encore amener quelques bénéfices. A ceux qui ont reconnu les premiers ces dépôts , aux entrepreneurs de ces modestes extractions , nous n'avons que des encouragements et des félicitations à donner. Car c'est satisfaire une ambition légitime et raisonnable ; c'est même agir dans l'intérêt géné- ral , de découvrir ou de faire fructifier des biens, fussent-ils très-minimes , restés jusqu'alors ignorés ou improductifs. Malheureusement d’autres habitants des Pyrénées, dans des circonstances semblables , n'ont pas eu la sagesse des exploitants qui viennent d'être signalés. Dédaignant le faible avantage qu'aurait pu leur procurer une extraction proportionnée à la richesse effective des dépôts que les circonstances avaient mis , 218 MÉMOIRES pour ainsi dire , à leur disposition , ils ont voulu les considérer comme des indices précurseurs d'amas considérables de houille qu'ils supposaient devoir exister dans la profondeur. De là de folles espérances et des recherches dispendieuses Le but de cette communication est de faire voir que ces recherches, que ces espérances ambilieuses ne reposent sur aucun fondement solide , et que le résultat le plus certain qu’elles doivent amener, est l'apauvrissement ou la ruine de ceux qui s’y abandonnent. Ce serait aller trop loin sans doute , que d'accorder aux prin- cipes généraux de la science le pouvoir de conduire à la décou- verte des matières utiles que la terre recèle dans son sein. Nous admettons que, dans la plupart des cas, des études locales faites d’une manière suivie ct détaillée, sont indispensables ; mais il n’en est pas moins vrai que la géognosie, c’est-à-dire la géologie positive, a des règles générales établies sur une masse imposante d'observations, que l'on ne doit jamais négliger quand on veut se livrer à des recherches de ce genre Le cas qui nous occupe est un de ceux auxquels ces règles peuvent s’appli- quer le plus efficacement, pourvu qu’on les combine avec une connaissance générale des Pyrénées. Or, l'ensemble de ces rè- gles et de ces données pyrénéennes, conduit directement à ee résultat, que les montagnes dont il s’agit (la partie française s'entend }, ne recèlent probablement aucun gîte de véritable houille, ni même d’aucan autre combustible analogue développé sur ane assez grande échelle pour déterminer d'importantes exploitations. Quant à moi; une étude suivie de la question m'x depuis longtemps convaincu de la réalité de ee fait, et Fose cspé- rer qué les courtes explications qui vont suivre ,; malgré l'absence des développéments trop scientifiques dont les cir- constances me font une obligation de m’abstenir, suffiront pour faire partager ma conviction aù public éclairé qui me fait l'hon- niéur de m’écouter. Chacun, après avoir entendu’ ces explications ét les ävoir modifiées, s’il y alicw, suivant ses propres con- victions ; se fera sans doute üwn devoir de les répandre , et peut- êtré nos communs efforts les feront-ils parvenir jusqu’à ceux de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 219 nos concitoyens qu'elles pourraient préserver des effets désas- treux de folles illusions. Pour atteindre plus complétement ce but si désirable, je dois ne rappeler que la géognosie constitue dans l'ensemble des con- naissances humaines , une spécialité cultivée, dans nos contrées surtout , par un petit nombre de personnes , circonstance assez embarrassante pour moi, et qui m'oblige à faire précéder ma démonstration , de quelques notions préliminaires sur la consti- tution géognostique des Pyrénées. On doit considérer le granite et les roches qui lui sont im- médiatement associées , comme formant l’ossature ou la char- pente de cette chaine de montagnes, l’une des plus simples et des plus classiques que l'on puisse citer. Au-dessus de ces roches, se trouve un premier revêtement stratifié (1), formé par les schistes, le grès et le calcaire de couleur foncée, dont l’ensemble constitue le terrain de transition ou primaire. Ce revètement occupe une grande surface et une grande épaisseur dans les Pyrénées; toutefois, il se laisse percer çà et là , soit sur le flanc des montagnes, soit à la crête. par le granite qui le supporte. De son côté, il est recouvert, surtout vers la base de la chaîne, par d’autres terrains d'une époque postérieure que les géologues appellent secondaires Le premier, c'est-à-dire le plus inférieur de ees terrains se- condaires ; doit être signalé particulièrement, maigré qu'il ait moins d'étendue et de puissance que tous les autres, parce qu'il joue un rôle important dans la question qui noas occupe. C’est un grès micacé, presque loujours d'une couleur rowge foncé, que nous appellerons le grès rouge pyrénéen. Vi est comme soudé , sans intermédiaire , au calschiste amygdalin à gonia- tites (marbre de Campan , Griotte, ete.) , qui constitue la partie (1) Ce terrain, et tous ceux dont il va être question qui lui sont {ous pos- térieurs, se composent de couches ou de feuillets dont le parallélisme indi- que une origine aqueuse par voie de dépôt, C’est celte structure en grand qu'on désigne par le mot stratifié. Le granite proprement dit n'offre aucun indice de cette disposition ; mais on l’a retrouvé dans le greiss el dans quél- ques autres roches du même genre qui lui sont fréquemment associées, 220 MÉMOIRES supérieure du terrain de transition {£errain devonien). Ce grès occupe d'ailleurs une très-faible place sur le versant français des Pyrénées où il se trouve le plus souvent caché par une masse de calcaires gris, bleuâtres ou noirâtres, qui appartiennent en partie au terrain jurassique et en partie au (errain crélacé inférieur. Ces calcaires eux-mêmes plongent sous le {errain crétacé supérieur ; dont les éléments sont encore des calcaires, mais plus clairs que les précédents, puis des marnes et des grès. Enfin au-dessus de ces couches de terrain crétacé supé- rieur , se développent de nouvelles couches composées de roches analogues , dont certaines sont remarquables par l'énorme quan- tité de nummulites (1) qu’elles renferment. C'est le terrain à nummuliles qui joue un rôle si caraftéristique dans la géo- gnosie des contrées méditerranéennes. Il est d'origine marine comme les précédents, cependant on y trouve intercalées quel- ques couches pétries de coquilles d’eau douce. Voilà , en gros, les éléments principaux qui constituent les Pyrénées. Un mot maintenant sur leur disposition générale. Le granite et le terrain de transition se montrent princi- palement dans les parties élevées et centrales de la chaîne, où ils. composent les principales sommités. Le grès rouge afleure çà et là vers la partie moyenne dans la plupart des cas. Plus au nord, c'est-à-dire, plus près de la base des montagnes, les ter- rains secondaires proprement dits, forment des protubérances d’une assez grande hauteur auxquelles succède enfin un ruban de montagnes peu élevées, mais bien caractérisées encore dans leurs formes , que le terrain à nummulites constitue principa- lement. Au delà de ces dernières montagnes, s'étend au nord la grande plaine de Gascogne, dont le sol consiste en un dépôt de comblement formé des débris empruntés aux terrains pyré- néens. Ceux-ci, à partir du terrain de transition, doivent être (1) Ce sont de pelits corps marins mulliloculaires , ayant la forme d’une lentille, dont la structure intérieure est très-curieuse. ( Voyez le travail spécial que nous avons fait, M. Joly et moi, sur ce singulier fossile. Mém. de l’Acad., 3° série, t. 4, p. 149.) LES LL - dl DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 221 considérés, vus en grand, comme affectant une inclinaison gé- nérale très-prononcée vers le nord. I faut se les représenter comme d'épaisses tranches couchées les unes sur les autres, et se servant mutuellement d'appui, ainsi que le feraient des li- vres qui auraient été couchés lous en un sens Sar un rayon de “bibliothèque, avec cette différence, cependant , que nos tran- ches géognostiques doiveut être supposées prolongées d'une quantité indéterminée dans la profondeur. Dans cet ensemble couché, le terrain crélacé supérieur passe sous le terrain à nummulites , le terrain crétacé inférieur et le terrain jurassi- que se prolongent sous le terrain crétacé supérieur; le grès rou;re passe SOUS le terrain jurassique , le terrain de transi- tion sous le grès rouge. Enfin le granite étend de puissantes racines sous toutes ces masses stratifiées, dont il est l'appui général. Quant au terrain de la plaine de Gascogne, il est stra- tifié horizontalement, et contraste par ses allures aussi bien que par la nature des éléments qui le constituent et par ses fossiles , avec les terrains pyrénéens. On voit qu'il appartient à un ordre de choses spécial , et postérieur évidemment au soulèvement de la chaine. Il résulte de ces considérations que si en un point de la plaine assez voisin des Pyrénées , on pouvait opérer un sondage sufli- samment profond, il percerait d’abord le terrain tertiaire hori- zontal de la plaine, puis successivement tous les terrains in- clinés qui constituent les montagnes dans l'ordre de leur superposition , Savoir : 1° Le terrain à nummulites ; 2° Le terrain crétacé supérieur ; 3° Le terrain crétacé inférieur et le terrain jurassique ; &° Le grès rouge; 5° Le terrain de transition ; 6° Les roches granitoïdes. Ces notions préliminaires étant posées et comprises , je le crois du moins , nous pouvons enfin aborder la question des combus- tibles pyrénéens. 222 MÉMOIRES Des masses de végétaux énfouis, plus ou moins altérés ou modifiés avec le temps et suivant les circonstances, constituent les gites de combustibles fossiles en général. On en trouve dans les couches géologiques de toutes les époques. Mais parmi ces gites variés, il faut distinguer les riches dépôts qui sont exploi- tés dans un si grand nombre de contrées , où ils alimentent de grandes et actives industries, ceux, en un mot, qui donnent la houille dont tout le monde connaît les caractères et l'emploi si important. Ceux-là appartiennent presque tous à une seule époque fort ancienne géologiquement où des circonstances ex- ceptionnelles ont favorisé extraordinairement la production, le développement et l'accumulation, en des places déterminées, des végétaux arborescents. Cette époque est très-bien connue. Des observations extrêmement nombreuses, faites dans presque toutes les parties du globe, la fixent immédiatement après celle qui correspond au lerrain de transition. Si le véritable terrain houiller existait dans les Pyrénées françaises, ce serait donc entre le terrain de transition supé- rieur (terrain devonien }, et le grès rouge qu’il faudrait le chercher. Or, les affleurements si fréquemment observés de ces terrains, ont toujours montré le grès-rouge en contact avec le terrain devoñien sans interruption de houille ni d'aucune roche qui püt rappeler le grès houiller ou l'argile schisteuse qui ac- compagnent constamment ce combustible dans tous les gites houillers connus. Jamais d’ailleurs on n’a cité, en aucun point de ce versant de la chaîne , ces empreintes de fougères , d'équi- sélacées, elc., qui caractérisent celte époque d’une manière si nette et si remarquable (1). Ainsi rien ne peut nous faire soupçonner l'existence du ter- rain houiller sur le versant même des Pyrénées, c’est-à-dire là (1) On trouve, ilest vrai, des empreintes végélales dans certains schistes ou grès de transition des Pyrénées et meme dans le grès rouge ; mais’ ces empreintes, ordinairement indécises , n’on£ jamais offert les caractères d'aucun des nombreux végétaux de l’époque houillère. Des couches plus récentes appartenant principalement au Lerrain crélacé inférieur » portent aussi des impressions végétales qui consistent presque exclusivement en di- verses espèces de fucus particulières à l’époque crétacée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 223 où nous aurions le plus de chances de le rencontrer au milieu des affleurements des divers terrains qui constituent ces mon- tagnes, Peut-on supposer qu il commence à se développer plus au nord vers la naissance de la plaine, par exemple, sous les terrains plus modernes qui le cacheraient entièrement? Sans doute ce cas n'est pas impossible ; mais il faut avouer qu'il n'a en sa faveur aucune probabilité. D'ailleurs en admettant qu'il existät réellement sous le sol de Cazères , par exemple, un véritable dépôt houiller , il faudrait, pour l'atteindre , percer successivement, d'abord le terrain de la plaine, puis tous les terrains pyrénéens jusqu au grès rouge inclusivement. Or, quel- que modéré que soit le chiffre que l'on voudra admettre pour la puissance de chacun de ces terrains , il résultera toujours pour le puits qui devrait conduire à ce dépôt , une profondeur à peu près impossible (41). Coneluons, 1° que nulle part le versant français des Pyrénées ne montre la moindre indication du terrain houiller propre- ment dit. 2° Que ce terrain , existàt-1l sous les terrains supérieurs qui le cacheraient aux yeux des habitants des basses montagnes ou de la plaine, la profondeur à laquelle il se trouverait sous le sol de la surface, serait un obstacle suffisant pour faire renoncer à l'extraction. Ces conclusions ne s'appliquent qu'au versant francais, Pour le versant espagnol , elles ne devraient pas être aussi rigoureuses ; car on connaît de ce côté, vers la base de la chaîne, un gîte de véritable terrain houiller. 11 se trouve entre Campredon et Ripoll en Catalogne. Je ne dois pas dissimuler , non plus, que la petite chaîne des Corbières , qui est comme soudée à la partie orientale des Pyré- nées , possède aussi deux petits dépôts de houille , l'un à Ségure n l’autre à Durban | Aude ). Après avoir établi le fait de l'absence de la bouille dans nos (1) Il serait sans doute difficile d'évaluer cette profondeur, même ap- proximalivement ; je crois pouvoir me permettre , cependant, d'indiquer comme limite inférieure, le chiffre de 1000 mètres, 224 MÉMOIRES contrées pyrénéennes, j'irai plus loin : j'essayerai de faire voir que ces contrées ne renferment pas non plus dans les divers terrains qui les constituent , aucun dépôt notable de ces charbons plus ou moins houillers, que l'on exploite excep- tionnellement dans quelques localités de la Françe, au milieu de terrains analogues à ceux des Pyrénées , soit au-dessous, soit au-dessus du niveau que les géologues assignent à la véritable houille. Ainsi des exploitations considérables d’un combustible pres- que houiller se font sur les bords de la Loire, entre Angers et Nantes, dans un terrain considéré comme dévonien ( terrain de transition supérieur), par les auteurs de la carte géolo- gique de France. Un charbon assez analogue à la houille forme encore de petits dépôts exploitables, d’une part, dans les Vosges, à la partie supérieure du Trias, niveau de notre grès rouge pyrénéen , et, d'autre part, dans le plateau du Larzac ( Aveyron ), au milieu de calcaires qui dépendent du terrain jurassique. Rien de semblable n’a été reconnu jusqu’à présent dans les Pyrénées, et l'on pourrait presque dire qu’il y a très-peu de chances en faveur de découvertes de ce genre. En effet , les pro- fondes vallées qui nous permettent d'étudier le terrain de tran- sition et le grès rouge dans toute leur épaisseur , ne nous mon- trent que des enduits ou des indices de graphite ou quelques légers dépôts d’antracite tout à fait insignifiants, et quant à la possibilité de l'existence de cette houille exceptionnelle au pied des montagnes sous les terrains supérieurs, elle disparaît devant les objections que nous avons faites pour le terrain houiller , objections qui s'appliquent ici avec toute leur force. La présence d’une houille dans le calcaire jurassique n’est pas plus probable; car elle se manifesterait nécessairement , dans les nombreux affleurements qu’offrent les vallées et les flancs des montagnes. Or, on n’y a jamais remarqué que des nids très-limités d’un lignite analogue à celui que nous signalerons tout à l'heure dans les terrains immédiatement supérieurs. Il résulte de toutes les considérations précédentes que les seuls DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 225 combustibles fossiles que les Pyrénées soient susceptibles d'offrir , se réduisent à ceux que je signalais, en commencant , tout le long et vers la base de la chaine. Il me reste, pour compléter la démonstration qui fait l'objet principal de cette communication, à mettre en évidence la pauvreté habituelle de ces dépôts , et le peu d'espoir qu'il est permis de fonder sur leur exploitation. Les nombreuses don- nées que nous possédons sur ce sujet me rendront cette tâche facile. On connaît un grand nombre de ces gîtes de lignite pyré- néens , et tous se trouvent dans une bande parallèle aux Pyré- nées , au sein des basses montagnes de terrains à nummulites , ou plus rarement de terrain crétacé, dont l'ensemble compose le premier gradin de la chaîne. Ils dépendent donc des couches pyrénéennes les plus récentes , et c’est tout à fait gratuitement, ainsi qu'on a pu le voir d’ailleurs par ce qui précède, qu’on supposerait à ces pelits amas des racines profondes dans les ter- rains inférieurs. La dissémination de ces gîtes, leur faible dé- veloppement , le peu de succès des exploitations auxquelles elles ont donné lieu jusqu’à présent, tout semble indiquer que la pauvreté est pour eux un caractère général et habituel. Ce ca- ractère, au reste, s'étend à presque tous les combustibles d’une époque aussi moderne géologiquement. Le charbon fossile pyrénéen appartient à la classe de ces com- bustibles minéraux imparfaitement houillifiers , pour ainsi dire, qu'on appelle Zgnites à cause de leur plus grande analogie avec le bois, origine commune de tous les combustibles fossiles, la tourbe exceptée. Je dois dire cependant qu'il se rapporte à des variétés plus voisines que les autres de la véritable houille. Il est ordinairement compacte , bitumineux et même pyriteux , rarement il porte avec lui des traces prononcées d'organisation végétale. Il diffère toutefois de la houille par sa manière de se comporter au feu, et par le résidu qu'il laisse après la com- bustion, par son odeur, par les produits de la distillation , et conséquemment par les usages auxquels on peut l'employer. Les parties les plus pures ét les plus compactes de ce charbon, 3° S.— TOME VI. 15 226 MÉMOIRES sont un véritable Jayet qu'on exploitait autrefois pour la fabri- cation des bijoux de deuil (1). Il serait fastidieux , et, je crois, peu utile, de donner ici la liste complète des gites de lignite qui ont été signalés tont le long des Pyrénées ; nous uous bornerons à indiquer les plus importants. Le premier que l’on rencontre en suivant la chaîne dans la direction de l’ouest à l’est, est celui de Sant-Lon dans les Landes. Dans le département des Basses-Pyrénées , nous citerons les, environs de Sainte-Susanne , non loin d'Orthès. Les ÆLautes-Pyrénées n’offrent aucun gite réellement pyré- néen qui mérite d'être mentionné. Dans la Aaute- Garonne , on doit signaler le dépôt de Sarnt- Michel, dont l'exploitation a été essayée et presque aussitôt abandonnée. Non loin de là il existe encore des traces de lignite compacte près de Hontbrun. L'Ariége est la partie des Pyrénées la plus riche en ce genre. On pourrait y indiquer une foule d’endroits qui ont offert des indices de combustibles. Les principaux sont Sainte-Croix , le Mas-E Azil, Saint-Jean au nord de Foix , les environs de La- velanet ( Péreilles , par exemple). L'_Aude est remarquable par ses gites de jayet (2). Les plus (1) Le jayel de Sainte-Colombe est peut-être le lignite le plus pur que l’on puisse citer. Une analyse que j’emprunle à la Minéralogie de M. Dufrénoy, tn, p. 728, offre Charbon..." 101,10 Cendres......accoooesve * 1,70 Matières volatiles. ....... 37,90 Motal eee et IODU0 = (2) Nous faisons abstraction ici des lignites que l’on exploite dans l’Aude en un assez grand nombre de points du terrain tertiaire qui borde la Mon- tagne-Noire à sa base, parce qu’ils ne dépendent plus des Pyrénées. Ces exploilalions se font d’une manière raisonnable. Une expérience déjà an- cienne a appris aux habitants de cette région à se préserver des illusions auxquelles se laissent trop souvent entrainer les habitants des contrées pyré- néennes. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 27 connus sont ceux de Sarinte- Colombe, d'Alet et de Sougrai- ges. ho Dans les Pyrénées-orientales on trouve aussi quelques petits amas insigniliants. Le pius important de {ous les dépôts qui viennent d'êtré cités , parait être celui de Saint-Lon. Une compagnie anglaise y en- tretient une exploitation en grand avec puits et galeries, L .orsque je visitai cet établissement, en 1847 , les dépenses l'emportaient beaucoup sur les recettes ; mais l’on comptait, comme à l'ordi- paire, Sur uu enrichissement dans la profondeur. En attendant , les recherches actuelles indiquaient un apauvrissement. Le Directeur , homme instruit d’ailleurs , paraissait croire , d’après quelques analogies éloignées , qu'il se trouvait dans le véritable terrain houiller ; mais les fossiles qu'il me montra le condam- naient; car ils appartenaient {ous au terrain à nummalites. Le dépôt de Sainte-Croix a aussi été exploité. Au Mas-d'Azil, on ne s'occupe pas du charbon , qui n’a réellement aucune importance, On n’y extrait que des marnes pyriteuses pour la fabrication de l’alun. Tout le monde connaît les beaux produits qui sont sortis de l'établissement élevé sur le lieu même de l'extraction. Les deux gites précédents se trouvent dans un grès qui dépend du terrain à nummulites. C'est encore dans ce grès, qu’on nomme souvent grès à lignite, tant ce combustible y est habi- tuel dans la moitié orientale des Pyrénées, que se trouve ordi- nairement , sous forme de veines ou de plaques, le lignite com- pacte (jayet) de l'Aude. De toutes les exploitations connues , aucune n'est réellement stable ni sérieuse. En général, elles ont été tentées puis aban- données à diverses reprises, et aucune n’a offert, en aucun temps , de résultats propres à encourager des recherches sur une grande échelle. Celle de Saint-Lon se fait en grand , il est vrai, mais je crois que c'est à tort, et elle cessera bientôt, si ce n'est déjà fait. Le seul parti raisonnable à prendre à l'égard de ces dépôts, est de les considérer comme ne devant pas tenir plus qu'ils ne promettent , d’après l'expérience déjà acquise, et d'agir 228 MÉMOIRES en conséquence si l'on veut les exploiter. L'idée qu'ils pour- raient être des indices d’un charbon plus parfait et beaucoup plus abondant que l’on supposerait exister dans la profondeur , ne repose que sur les désirs immodérés et sur l'ignorance de ceux qui la conçoivent. Si une prévision semblable se vérifiait en quelque lieu , on peut aflirmer que ce serait par exception, et, dans tous les cas , le charbon que l’on aurait ainsi trouvé par hasard, n'aurait pas les qualités de la véritable houille. C'est donc avec une assurance fondée, j'ose le dire, que je me permeltrai de répéter encore ici, en terminant , le conseil de ne pas aventurer des capitaux importants dans des entreprises qui auraient pour but de rechercher ou d'exploiter en grand aucun gite de combustible pyrénéen , sur de simples indices ni même sur l'existence d’amas caractérisés. Une exploitation mo- deste de quelques-uns de ces dépôts, pourrait peut-être se faire avec des chances de succès, surtout si lon y joignait quelque industrie qui n’exigerait pas l'emploi d’un combustible choisi, comme la fabrication de la chaux ; par exemple (1). Peut-être un nouveau caprice de la mode remettra-t-il un jour en faveur les bijoux de jayet. Dans ce cas, les gîtes de l'Aude pourraient acquérir encore quelque valeur. Les variétés les plus bitumineuses des lignites ordinaires se- raient susceptibles d’être utilisées pour l'extraction d’une huile ou d’un gaz propre à l'éclairage. Enfin, les terres pyrito-alumineuses qu'offrent un grand nombre de gîtes, seraient peut-être assez riches et assez abon- dantes en quelques localités pour être employées, comme au Mas-d’Azil , à la fabrication de lalun. Là se bornent les ressources qu'il est raisonnable d'attendre des gites de lignite pyrénéens. Au delà, il n’y aurait, je le répète encore , que des chances de déception ou de ruine. (x) Je suis d’autant plus porté à recommander la combinaison de ces deux industries, que la pierre à chaux grasse , maigre ou hydraulique , abonde ordinairement dans les mêmes lieux où gisent les lignites. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 229 ÉLOGE DE M. TAJAN ; Par M. pu MÈGE. Messieurs , L'histoire des Sociétés savantes ne se compose pas seulement du récit de ce qu’elles ont fait pour dissiper les erreurs et pour agrandir le domaine des connaissances ; elle s'enrichit aussi du souvenir des hommes d'élite qui les ont honorées par leurs vertus et leurs travaux. Considérée ainsi, cette histoire doit inscrire dans ses pages le nom de l’Académicien dont je vais esquisser la biographie. M. BERNARD-ANTOINE TAJAN, Avocat, Chevalier de la légion d'honneur , Conseiller de préfecture , membre de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres, et de celle des Jeux Floraux , naquit en 1775. Ses parents, comme ceux de beau- coup d'écrivains, qui n’ont dû qu’à l'étude leur fortune et leur renommée , ne possédaient d’autres biens que l'estime générale, fruit d’une probité sans tache. Ils obtinrent, pour leur fils, une bourse dans l’une de ces maisons d'études qu'une munifi- cence bien entendue avait fondées dans cette ville (1). Notre Li (1) Les Colléges de Boursiers. Is étaient au nombre de neuf. On y en- trelenait cent vingt-six étudiants. Leur discipline appartenait au Doyen du Parlement de Toulouse , et à l’Ancien des Conseillers clercs. C’étaient les colléges, de Saint-Raymond , fondé durant le douzième siècle; de Nar- bonne, fondé en 1341; de Saint-Martial, qui devait son existence au Pape Innocent VI; de Maguelonne , qui fut bâti par le cardinal de Saint- Albine , exécuteur testamentaire du cardinal Audoin ; de Périgord , dont le 230 MÉMOIRES confrère suivit ensuite, dansle collége illustré par Vanière (1), les leçons d’un poëte, qui fut l’un des plus heureux imitateurs de Delille (2). L'élève devint l'ami du maître, et plus tard son collaborateur. Les événements qui devaient changer la face politique de l'Eu- rope, vinrent arracher M. Tajan à ses occupations paisibles , à ses élucubrations chéries. Une armée espagnole avait envahi le Roussillon , et déjà les avant-postes de l'ennemi se rapprochaient des limites du Languedoc. Une levée en masse de tous les ha- bitants des départements Pyrénéens fut ordonnée, et M. Tajan entra dans les rangs de l’un des bataillons qui s’acheminèrent aussitôt vers nos frontières menacées. L'extrême faiblesse de sa vue ne l’empêcha point de se distin- guer, et, moins de six mois après son arrivée au Camp de l'Union , il était parvenu au grade de capitaine. Néanmoins il ne fut pas compris dans la nouvelle organisation de l’armée. Revenu à Toulouse , notre confrère y retrouva l’abbé Carré, son maître, poëte souvent inspiré , et qui, bien que Les Colléges fussent supprimés, donnait encore des leçons, toujours remar- quables, achetant le droit de les continuer , en chantant, non pas seulement les succès militaires de la France, mais aussi les dangereuses erreurs de cette époque trop fatale. M. Tajan, ne l’imita point; il ne flatta point les hommes puissants ; il n'in- sulta pas au malheur. Évitant avec soin les tristes débats de la cardinal de Talleyrand-Périgord jeta les fondements, et qui fut terminé par le Pape Grégoire XI ; de Sainte-Catherine , établi en 1382 par le cardinal de Pampelone ; de Mirepoix, qui reconnaissail, pour son fondateur, Guil- laume Dupuy, évêque de Mirepoix , en 1416; de Foix, qui dut son existence au cardinal Pierre de Foix, en 1457; de Secondat, qui avait pris son nom de celui de Jacques de Secondat, qui le fonda en 1514. (1) Le P. Jacques Vanière, né à Causse, dans le diocèse de Beziers, le 9 wars 1664, mort à Toulouse le 22 août 1739. (2) M. l'abbé Carré, fut donné, par Delille lui-même , à M. de Loménie de Brienne , archevêque de Toulouse, pour remplir la chaire que la mort de l’ahbé Racine avait laissée vacante dans le Colége royal de cette ville. Ce collége avait été l’un des plus célèbres de ceux confiés aux soins des Jésuites. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 231 place publique , il reprit silencieusement ses travaux, et, tour à tour, professeur , chef de division dans l'Administration départementale, avocat, journaliste, jurisconsulte et magistrat, on retrouva toujours en lui l’homme de lettres et le citoyen dévoué à la gloire de son pays. Qu'il me soit permis de retracer ici quelques faits, peu con- nus, et de conserver des souvenirs qui s’effacent. Ces faits, ces souvenirs se rattachent à la vie littéraire de M. Tajan. Une loi avait supprimé les Académies, et, lorsque l'Institut fut établi par une autre loi, on ne s’occupa nullement des provinces. On jeta ainsi les fondements de ce que l'on a nommé, depuis, la Centralisation intellectuelle. Plusieurs villes firent entendre, mais vainement , quelques réclamations. A Toulouse, on fit mieux, peut-être. Les amis des Lettres se réunirent , et, sous le nom de Zycée , il se forma une association scientifique, artistique et littéraire, qui publia quelques volumes, qui pro- posa des prix de poésie et d'éloquence , et qui tint des séances publiques. Là se retrouvèrent , et le vénérable Castillon , Secré- taire perpétuel de deux de nos Académies , et les astronomes Vidal et Darquier , et l’archéologue Magi , et le sculpteur Lucas, et le musicien de Chalvet, et quelques poëtes, parmi lesquels on distinguait surtout et Baour de Lormian et Carré. M. Tajan fut l’un des fondateurs du Lycée; par ses soins , on vit s’opérer le rapprochement de quelques hommes , d’un talent incontesta- ble , mais que leurs opinions politiques semblaient avoir séparés pour toujours ; par son activité , par son dévouement , il assura une sorte d'existence légale à ce corps , composé d'éléments divers, mais qui était une preuve de l'attachement que les habi- tants de Toulouse portaient encore aux Lettres et aux Arts. N'oublions point de consigner ici une anecdote remarquable. C'est qu’en ce temps , marqué dans nos annales par de longues déclamations contre les habitudes et les traditions du passé , on entendit, peu de temps avant la funeste journée du 18 fructidor, une femme (1) prononcer , dans la première séance publique du —. (1) Mme Julie Crabère, de Rieux ; elle prononça l'Eloge de Clémence Isaure , Le 10 floréal an vi. 232 MÉMOIRES Lycée , l'Éloge de Clémence Isaure, tandis que, dans le Temple décadaire , on vouait à la haine et au mépris tout ce qui pou- vait retracer les vicilles gloires de la France. M. Tajan ne crut pas avoir assez fait, en contribuant puis- samment à la fondation du Lycée. Par son éloquence, il ajouta beaucoup à l'estime qui , d’abord , encouragea celte société, et on lit encore, avec plaisir, les discours qu'il prononça dans les séances où elle proposa des prix, où elle rappela le souvenir de nos anciennes pompes littéraires. La guerre civile, qui, peu de temps après, désola les lieux voisins de Toulouse, ralentit bientôt le zèle des membres de la nouvelle Académie. Plusieurs d’entre eux furent même compris dans cette classe de Suspects, auxquels on donna le nom d’Otages..…. Lorsque des jours moins mauvais se furent levés sur la France, M. Tajan rassembla ses confrères, et le Lycée prit alors le nom d'ÆAthénée..…. Mais, déjà, l’on manifestait hautement le désir de voir renaître les temps prospères qui avaient précédé nos dissensions politiques. Les excès, causes réelles de l'événement libérateur du 9 thermidor, avaient reporté tout à coup la France vers un système, que l’on a nommé rétrograde, et qui était la conséquence inévitable d’une action terrible et désordonnée. Comment une Société savante et littéraire, privée de tout point d'appui dans le passé , aurait-elle pu résister à l'entraînement qui ramenait tous les esprits vers les temps anciens, comme vers un port assuré contre les tempêtes ? L’Æthénée avait, d’ailleurs, admis dans son sein, quelques hommes, estimables sans doute, mais chez lesquels l'amour des lettres ne pouvait remplacer des talents qu'ils ne possédaient pas. M. Tajan le sentit ; et, sous le titre d’' Académie des Sciences, des Lettres et des Arts, il voulut former un Institut, dans lequel se serait réuni tout ce qui nous restait de nos divers corps littéraires et artistiques. Il éprouva une forte résistance; on ne voulut point renoncer aux ancien- nes dénominations ; l’Académie des Jeux Floraux, qui ne s'était point réunie depuis 1790, se reconstitua d'elle-même, et sans avoir recours à l'autorité. M. Tajan crut alors qu'il était néces- saire de rétablir officiellement celle des Sciences, Inscriptions et DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 233 Belles-Lettres. M. Dessolle prit la direction des démarches qui durent être faites , et, après quinze années d'exil, ceux de nos confrères qui avaient échappé aux proscriptions, furent rassem- blés et recommencèrent leurs travaux. Pour témoigner leur reconnaissance à M. Tajan, ils le nom- mèrent à la seule place laissée vacante par le pouvoir. Aucun autre membre ne fut plus utile à l'Académie, si l’on excepte toutefois M. Dessolle. Notre association, riche autrefois par les dons de ses fonda- teurs , ne possédait plus son hôtel , son jardin, où le Cours de botanique était professé par l'un des académiciens ; nous n'a- vions plus notre médailler , notre bibliothèque , ni les revenus fixés pour l'impression des Mémoires, ni les dotations de la Province et de la Ville, et, cependant, le chef de la municipalité nous refusait même l'usage d’une salle dans les édifices publics, et jusqu'aux moyens de fournir aux frais de nos réunions. Bientôt, son opposition s’accrut de toute la haine qu'il portait à notre savant Secrétaire perpétuel (1). Mais les efforts de M. Des- solle , les soins assidus de M. Tajan, nous firent triompher de tous les obstacles , et les noms de ces deux honorables confrères sont pour toujours inscrits dans les fastes de l'Académie. 1 fallait montrer que celle-ci était digne de tout l'intérêt du gouvernement, et de l'estime publique qui l'avait environnée , dès les premiers temps de son existence. M. Tajan se chargea de ce soin. A cette époque, les feuilles périodiques n’exerçaient leur influence que sur les sciences , les lettres et les arts; la presse quotidienne n'était pas une puissance , mais le public était dis- posé à sanctionner ses décisions, parce qu'elle ne les imposait point. Le journaliste enregistrait seulement les faits de l’histoire contemporaine, il ne se croyait pas appelé à dominer le présent, à prescrire des lois à l'avenir. La calomnie et l'injure ne nais- saient jamais sous sa plume ; et l’on pouvait parcourir ses feuil- les légères sans être péniblement arrêté par des compositions (1) M. Picot de Lapeyrouse. 234 MÉMOIRES romanesques , dont l'effet est trop souvent dangereux, trop sou- vent en opposition avec les lois de la morale la moins austère. Journaliste, pendant plus de quinze années, M. Tajan montra toujours un goût épuré , dans ses articles de critique littéraire, dans ses appréciations artistiques, dans les notices qu’il con- sacra souvent aux célébrités méridionales , et ses rapports sur les travaux de l’Académie furent dictés par l'attachement qu’il avait pour elle, et par le désir de lui voir reprendre le rang qu'elle occupait, avant la révolution, parmi les Sociétés savantes. L'Académie, à son tour, put s'enorgueillir, alors qu’elle entendit le nom de M. Tajan répété par toutes les bouches, inserit dans tous les recueils judiciaires et dans les colonnes de tous les journaux européens. Nous ne pouvons passer sous silence cette honorable portion dela vie de notre confrère. La France semblait se reposer de ses longues adversités ; on croyait à la stabilité du pouvoir, à la durée de l’ordre établi ; on ne s’entretenail que de projets utiles, d'améliorations reconnues nécessaires. Les haines s'étaient calmées, et, sans trop s’entretenir de ce que l'on avait souffert, on cherchait, dans une activité industrielle , jusqu'alors inconnue , le dédommagement des per- tes que l’on avait éprouvées. Fout à coup un drame sanglant vint, par ses circonstances mystérieuses, par les ténèbres qui l'environnaient, par les épisodes nombreux qui se révélaient chaque jour, éveiller la curiosité et fixer l’attention de tous. En vain, par des moyens choisis et préparés, par des dévelop- pements amenés avec art, des écrivains habiles ont cherché à exciter la pitié, à faire naître l'horreur et l’effroi. Toutes les ressources du talent n'avaient pu encore obtenir l’effet que la simple vérité produisit dans les cœurs. La justice s'était armée ; les coupables avaient appelé, pour se soustraire au châtiment, des hommes dont la dialectique, et la profonde connaissance des affaires, avaient jeté un grand éclat (1}. On offrit à M. Tajan de faire partie des avocats qui devaient figurer dans cette cause. (1) MM. Romiguières el Dubernard, DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 235 En défendant l’un des plus obscurs complices, il aurait pu con- tribuer à la justification des principaux auteurs de cet épouvan- table assassinat , et l'or aurait été prodigué pour obtenir sa coopé- ration. Il refusa avec dignité... Mais, le fils de la victime im- molée était là ; les meurtriers ne lui avaient pas seulement ravi un père, mais aussi toute sa fortune. Il fallait cependant qu'une voix amie se fit entendre pour lui. Il n'avait à offrir que l’ex- pression d’un cœur reconnaissant; M. Tajan ne voulut point d'autre salaire. I fit pâlir le crime ; il le traîna, vivant, aux gémonies, et la gloire fut sa récompense. Les bulletins de la Cour d'assises d'Albi, recherchés partout, furent traduits dans toutes les langues, et l’on admira la logique profonde et les mou- vements oratoires de celui dont nous honorons aujourd'hui le souvenir. Il y avait là quelque chose de grand , de majestueux, de digne de l’éloquence antique. On se rappellera, longtemps, les paroles terribles adressées au principal accusé, qui, le lendemain de l'attentat, avait osé se présenter chez la victime et insisté pour parler à l'infortuné qu'il avait précipité , lui-même , dans les gouffres de l'Aveyron : « Vous demandez Fualdès ? ah ! s'écriait M. Tajan , dites plutôt ce que vous en avez fait, et obéissez enfin à vos remords, Ne voyez-vous pas que son ombre vous poursuit ; que c'est elle qui vous presse, qui vous en- traîne dans une maison remplie de son nom et des souvenirs de sa tendresse, comme pour vous forcer d'en reconnaître la puissance, et de révéler votre hideuse ingratitude en présence de tout ce qu'elle aima ?... Vous demandez Fualdès ? allez revoir son cadavre : vous le trouverez sur le rivage. Allez vous assurer de nouveau que c’est bien là votre victime. Mais elle n’est plus gémissante et plaintive comme dans les moments affreux où elle palpitait sous vos coups... vous la trouverez terrible et menaçante contre ses assassins |... » En parcourant les nombreux discours de M. Tajan, on re- trouverait un grand nombre de passages qui ne sont pas infé- rieurs à celui-ci; mais s'ils n’ont pas obtenu la même célébrité , c'est que les événements auxquels ils se rattachaient n'avaient pas excité à un degré aussi éminent l'attention publique. Que 236 MÉMOIRES l'on ne croie pas cependant que notre confrère ne fut qu'un orateur véhément, formé, sans doute, à l'école des grands mo- dèles, mais peu capable de descendre, de ces hauteurs, dans Parène des intérêts ordinaires. Avant d’avoir illustré son nom aux assises d'Albi, il avait marqué d’une manière honorable sa pré- sence dans le barreau de Toulouse. Il y avait trouvé, parmi les anciens avocats , les anciennes traditions parlementaires , tra- ditions toutes dignes d’être conservées, je veux dire l’aménité du langage, les formes élégantes , l'absence des déclamations , et enfin l'habitude d'écrire, habitude qui, en contribuant à la clarté des discussions , servait aussi à la conservation du goût, au respect de la langue, à la manifestation de la vérité. Il se renferma dans son cabinet , lorsqu’à tant de qualités précieuses que possédaient ses devanciers et ses émules, il vit succéder les emportements d’une colère feinte, et surtout l'improvisation, substituée à la simple lecture d’un plaidoyer écrit. L’estime publique le suivit dans sa retraite, et s'il ne partagea pas, en entier, l'admiration qu'excitaient MM. Espinasse, Laviguerie et un ou deux autres, lorsqu'ils prenaient le soin de faire connaître, à chaque plaideur , et ses droits et ceux de ses ad- versaires ; lorsqu'ils préparaient les moyens , soit de l'attaque , soit de la défense , et, encore plus, quand ils contribuaient au bonheur des familles en les arrachant aux chimères qu'elles” avaient embrassées , aux folles espérances qu'elles avaient con- çues, il ne reconnut point de maître, il n'eut point d’égal dans tout ce qui se rattachait au droit public et au contentieux administratif. En 1818, les impressions produites par le procès d'Albi semblaient devoir ouvrir les portes du parquet de l’une de nos Cours royales à M. Tajan. 11 crut pouvoir même ne pas repous- ser tout espoir à ce sujet. Mais on l’oublia, on fut injuste. Dans la suite, ct lorsqu'une nouvelle catastrophe politique amena de regrettables perturbations dans la magistrature française , il ne put obtenir les hautes fonctions qu'il ambitionnait. On le fit seulement entrer dans le Tribunal secondaire qui porte le titre de Conseil de Préfecture, et sa vie fut désormais partagée entre DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 237 les devoirs imposés par cette place, les publications annotées des arrêts de la Cour de Toulouse, et les travaux des deux Académies. On a reproché , et sans doute avec raison, à notre législa- lion ancienne, ses variétés infinies ; on a dit, souvent, que le particulier qui gagnait un procès dans une province , l'aurait perdu dans une autre, tant nos lois avaient peu d’uniformité, tant la Jurisprudence était différente , même entre deux territoires limitrophes. On à écrit plusieurs volumes pour prou- ver les bienfaits des codes qui nous régissent , et qui ont rendu inutiles les anciens commentateurs et les jurisconsultes des temps passés. Cependant, le nombre des commentateurs n’est pas plus restreint qu'il ne l'était autrefois, et si les Parle- ments de Paris, de Toulouse, de Bretagne , de Bordeaux, elc., ont eu des Journaux du Palais, et des arrêtistes , Chacune de nos Cours d'appel a eu aussi sa jurisprudence particulière , ses Journaux et les commentateurs de ses arrêts. Il ne serait pas indifférent de présenter un tableau comparatif des uns et des autres. Un poële satirique en tirerait, peut-être, la conséquerce, que, parmi les auteurs, et, quoi qu’on en dise, les législateurs eux-mêmes ne sont pas autre chose, il n’y a guères qu'Euclide et les plus illustres géomètres , qui aient exprimé des vérités qui ne peuvent être combattues, et, qu’en dehors des sciences exactes, il y a toujours , quelle que soit la clarté des textes , de quoi fournir à des commentaires souvent opposés. Les arrêts du Parlement de Toulouse avaient occupé les d'Olive, les Catellan, el les annotateurs de ceux-ci ; la Cour d'appel de Toulouse a eu aussi ses arrêlistes , et comme on l’a vu, notre honorable con- frère s'était placé parmi ces derniers. Pour nous, qui devons le considérer particulièrement comme académicien, nous trouverons toujours en lui l’ami des lettres et l'écrivain élégant et correct. Si, dans l’un de ses discours, il repousse avec force le préjugé qui donne à une seule de nos villes ‘la première place dans la hiérarchie scientifique et littéraire, il recherche bientôt les causes de cette primauté ; il montre que ce sont les provinces qui lui ont fourni la plupart des hommes 238 MÉMOIRES dont elle s'enorgueillit; que ce sont les provinces qui , par des tributs onéreux , ont entretenu, ou entretiennent , ces écoles spéciales , qui pourraient être placées, avec avantage, dans d’autres localités, échappant ainsi à la contagion des exemples dangereux, et des mauvaises doctrines. Considérant ensuite les hommes, réellement célèbres , produits par nos provinces méridionales, sans que la grande cité ait influé sur leur génie, il citait, et Montaigne, ct Fermat, et Bayle, dans la philoso- phie et les mathématiques ; dans la classe des érudits, Dacier et Montfaucon, Peyresc et Seguier , et une foule d'autres, parmi lesquels il n’oubliait point Champollion , sitôt ravi à la science des anciens jours et à notre amitié. Il cherchait, d’ailleurs, à justifier ses assertions à ce sujet, assertions qu'un journal trou- vait , il est vrai, entachées de Provincialisme. Suivant lui, au delà du Rhin, Vienne, Munich, Gotha, léna, Berlin, et beaucoup d'autres cités , voyaient des Universités fleurir, des Académies répandre les bienfaits de la science, de grands poëtes et des philosophes illustres jouir de la plus haute réputa- tion, bien qu'aucune ville n’ait, en Allemagne , le privilége exclusif ou le monopole du génie. Au delà des Alpes, il nous montrait, comme nous l'avons fait nous-même, Naples et Venise, Rome et Bologne, Padoue, Florence et Pise, et Milan, et Turin, dans une même patrie italienne, ayant la même langue et le même culte, rivalisant entre elles d'instruction et de gloire artistique ct liltéraire. Ce Provincialisme, puisqu'il faut se servir de cette expression, avait attaché M. Tajan aux doctrines de notre ancienne école littéraire. Il avait vu le romantisme paître à Paris, et, de là, envelopper toute la France dans un immense réseau, en annonçant d’ailleurs qu’il fallait entièrement renoncer aux traditions littéraires de l'antiquité. Ce fut pour le combattre avec des éléments de succès, qu'il composa son beau Discours sur l'utilité des langues anciennes, et qu'il y prouva combien ces langues ont servi au perfectionnement de la nôtre et aux créations de la Littérature du siècle de Louis XIV. Ce discours suffirait pour faire connaître avantageusement no- ire confrère, car il y a prodigué ces formes élégantes qui indi- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 239 quent l'homme de goût, et ces connaissances profondes qui four- nissent toujours à l'écrivain des expressions heureuses et des aperçus nouveaux. Il y reconnait, il y proclame les bienfaits de l'étude des langues classiques , sans rabaisser , sans amoindrir la gloire des Lettres françaises. «La Littérature grecque à, dit-il, fourni, comme la Litérature latine , à nosécrivains , des modèles, des formes , des images et des sujets d'inspiration dans tous les genres. Mais, quelle qu'ait été l'influence de ces deux Littératures sur la nôtre , la Littérature française n’en a pas moins un cachet particulier, et l'éclat dont elle brille n'est pas un éclat d'emprunt. Assez riche de son propre fonds, parée de tous les avantages dont l'imagination des auteurs français et leur goût exquis l'ont revêtue, elle n’a fait qu'augmenter ses trésors par l’ex- ploration des auteurs anciens ; et, tout ce qu'elle leur a em- prunté, elle a su se l'approprier avec habileté en l'accommodant à nos mœurs, à nos caractères, à notre genre d'esprit, et surtout en ajoutant aux grâces, déjà si pures, du grec et du laün, les délicatesses infinies de la langue française... Reconnaissons donc ajoutait-il, qu’il y a eu pour nous profit et gloire à étudier et à cultiver les anciens : et puisque cette étude, au lieu de nuire à la Littérature nationale, a ouvert, devant elle, une magnifique carrière , qu'elle a honorablement parcourue , pourquoi crain- drions-nous de recommander aux jeunes disciples de nos doctrines , le culte des Littératures que ces langues ont formées ?..... » Souvent appelé à l'honneur de présider l'Académie, notre confrère prononça dans chacune des séances publiques où il assista , des discours toujours remarquables par l'à-propos, par les pensées et par le style. On y retrouvait l’académicien vrai- ment digne de ce titre, l’homme profondément instruit qui faisait refléter sur ses écrits les connaissances qu'il avait ac- quises par de longues études. Les divers éloges qu'il a pro- noncés , soit dans notre Académie , soit dans celle des Jeux Floraux , sont remarquables par la sensibilité profonde qu'il a su y empreindre, M. Tajan n'était pas un froid rhéteur , c'était un écrivain plein d'animation et de verve. Ce que l’on pouvait 2490 2 MÉMOIRES LA surtout remarquer en lui, c’est qu’il passait, sans effort, sans fatigue, de recherches, qui souvent exigeaient une connaissance parfaite du droit ancien, aux discussions littéraires les plus sérieuses, à l'appréciation de ce que la poésie offre de plus dé- licat, de ce que la pensée présente de plus subtil, de ce que l'éloquence offre de plus sublime. A ces éminentes qualités littéraires, M. Tajan unissait toutes celles de l'homme privé qui savait aimer, qui savait surtout reconnaître les bienfaits reçus. L'abbé Carré, dont les lecons avaient formé son goût et développé ses talents, fat toujours, pour lui , l'objet d’une affection ardente. Quand il le perdit, il ne crut pas avoir acquitté, en entier, par un éloquent éloge , la dette sacrée de l'amitié ; il recueillit, ül publia les poésies de cet habile écrivain, qui comptait aussi, parmi ses élèves, le poète de la Divine Épopée. N'oubliors point que M. Tajan fit aussi des vers. On connaît sa réponse à des Satires , vives, souvent incorrectes , souvent injustes, plus souvent éloquenies, dans lesquelles un auteur inconnu attaquait, avec une ardeur toute juvénile, Île Lycée et lAthénée, sociétés qui, malgré leur zèle, n'avaient pu con- soler Toulouse de la perte de ses Académies. On trouve dans cette réponse toute la chaleur des autres productions de notre confrère , mais avec plus d'élégance dans la forme et d'har- monie dans le style. IL y a environ cinq années, un accident , qui developpa les germes d’une lésion profonde, amena la fin de notre honorable confrère. Ni les soins affectueux d’une famille en larmes , ni les efforts de la science et de l'amitié, ne purent vaincre les progrès de la maladie, et l'on apprit, un jour, que M. Tajan avait cessé de vivre, dans la retraite champêtre où il aimait à recevoir ses anciens élèves, à les entretenir de leurs espé- rances , à les appuyer de son crédit auprès de l'administration supérieure , qui appréciait ses conseils et qui aimait à lui donner des marques de sa confiance et de son estime... Uni, depuis longtemps, avec une personne que ses qualités personnelles , Son goût pour les arts, avaient fait remarquer dans Toulouse, femme dévouée qui n’a pu lui survivre, heu- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 241 reux père, il trouvait, dans ses foyers, près de deux filles chéries, et d’un gendre qui s'était placé au rang de nos magis- trats les plus recommandables » celle paix, ce bonheur intime qu'il méritait si bien. L'obscurité, qui avait environné son berceau, couvrit aussi son modeste cercueil. Mais la nouvelle de sa mort retentit, néanmoins, dans la ville qui l'avait vu naître , et d'unanimes regrets honorèrent sa mémoire. Et, maintenant , qu’il me soit permis de dire, ici, combien a été douloureux le sentiment que j'ai éprouvé en tracant ces lignes. M. Tajan fut l’un de mes maîtres, et je lui ai dû le bon- heur d’être compté au nombre des amis d'Alexandre Soumet.… Aurais-je pu croire que j'étais destiné à lui consacrer ce sou- venir, après avoir rendu » de même, et dans cette enceinte , un pieux et dernier hommage à la mémoire de MM. de Lapey- rouse , Romieu et Virebent , qui, eux aussi » me prodiguèrent leurs leçons ? Mais, plus l’homme avance dans la vie, et plus ses regrets doivent s’accroître. Semblable au voyageur qui s’avance vers la ville éternelle, la route qu'il parcourt n’est jalonnée que par des ruines et des tombeaux . 3° $,— TOME VI, 1 [= 242 MÉMOIRES NOTE SUR LES EAUX MINÉRALES DE BAGNÈRES-DE- LUCHON ; Par M. FILHOL. Ox sait que l'Administration municipale de Bagnères-de- Luchon, après avoir provoqué pendant plusieurs années des études sérieuses de la part des ingénieurs et des architectes, dans le but de rechercher de nouvelles sources et de perfectionner l'amé- nagement des anciennes, a confié, en 1836, à M. François, ingé- nieur en chef des mines, la direction d’une série de travaux qui sont à peine terminés aujourd'hui et qui ont amené la dé- couverte de plusieurs sources ; on sait aussi que le même Con- seil municipal a confié à M. Chambert , architecte du départe- ment, la construction d’un établissement thermal qui sera, sans aucun doute, le plus remarquable et le plus complet de tous ceux qui existent dans les Pyrénées. Désirant que la composition chimique des eaux minérales de cette localité fàt bien connue et que les questions relatives à la conservation des propriétés de ces eaux fussent l'objet d'un examen approfondi, la commune de Luchon m'a fait, dans le courant de l’année dernière , l'honneur de me charger de faire l'analyse des sources qu’elle possède. J'ai consacré déjà près d’un an à l'examen de ces sources, et je suis encore bien loin de pouvoir disposer d'un travail com- plet et d’avoir traité toutes les questions dont la solution me paraît nécessaire ; cependant j'ai été assez heureux pour dé- couvrir quelques faits nouveaux dont Je vais entretenir pendant quelques instants l'Académie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 243 Les sources minérales que possède la commune de Bagnères- de-Luchon sont fort nombreuses : on peut les diviser comme il suit : 1° Eaux sulfureuses ; 20 Eaux salines (sulfureuses dégénérées ) ; 3° Ferrugineuses. Les sources sulfureuses sont actuellement au nombre de 36, dont 22 ont été découvertes par M. François, depuis 1848. Ces 36 sources constituent la série d'eaux sulfureuses la plus belle et la plus complète qui soit connue; la richesse de certaines sources est telle qu'aucune autre localité des Pyrénées ne peut être comparée , sous ce rapport, à Bagnères-de-Luchon. Le débit des nouvelles sources s'élève à environ 168 mille litres en 24 heu- res ; presque toutes ces sources ont sur les anciennes l'avantage d’être très-sulfureuses , quoique beaucoup moins chaudes. L’éta- blissement de Bagaères-de-Luchon pourra disposer, cette année, d'environ 400,000 litresd’eau minérale par jour; pour donnerune idée de limportance des travaux qui ont été exécutés par M. François , je dirai seulement que la longueur des galeries souterraines actuellement achevées dépasse 520 mètres courants. Mes recherches ont porté principalement sur les eaux sulfu- reuses ; j'ai beaucoup moins étudié les eaux ferrugineuses , dont je dirai pourtant un mot à la fin de cette note. Aidé du concours de M. François, j'ai pu faire sur les eaux sulfureuses des observations plus suivies que toutes celles qui avaient éte faites jusqu'à ce jour; c'est ainsi que j'ai pu m'as-. surer, par une série d'observations dont le nombre s'élève à près de 400, que la température des sources, même les mieux aménagées et les plus indépendantes de l’action des eaux froides, éprouve des variations légères dont j'espère pouvoir faire con- naître, un peu plus tard, la cause : ce fait n'est certainement pas particulier aux eaux de Bagnères-de-Luchon ; tout porte à penser qu’il est général. J'ai pu constater aussi par des essais sulfhydrométriques , dont le nombre s'élève à plus de 800, que la proportion de sul- 244 MÉMOIRES fure de sodium contenue dans ces eaux varie d’un jour à l'autre; les sources sont plus sulfureusesen hiver qu'au printemps oa en été, et le maximum de richesse correspond aux temps les plus froids de l'année. L'analyse qualitative de ces caux m'a permis d'y découvrir quelques principes actifs dont les analyses antérieures n'y imdi- quaient pas l'existence ; je citerai comme exemple l'iode et quel- ques traces de phosphates. Jai constaté en outre que toutes les sources sulfureuses de Luchon tiennent en dissolution une quantité sensible d'oxygène qui contribue à produire le phénomène du blanchiment. La pro- portion d'oxygène tenue en dissolution dans chaque source va- riant d’un jour à l’autre, on s'explique aisément pourquoi l'eau blanchit si facilement certains jours tandis qu’il arrive d’au- tres fois qu'elle conserve sa limpidité, au grand déplaisir des baigneurs qui se persuadent qu’on a refusé de leur donner de l'eau blanche. Des recherches faites en commun avec M. François m'ont permis d'établir que l’eau sulfureuse éprouve une altération no- table toutes les fois qu'elle circule dans des tuyaux qu'elle ne remplit pas en entier, tandis qu’elle se conserve parfaitement dans des tuyaux bien pleins. Des dispositions particulières ont été adoptées par M. Francois, pour mettre toutes les sources à l'abri de l’altération rapide qu'elles éprouvent toutes les fois qu’elles ont le contact de l'air. Je me suis assuré que lorsque l’eau chaude et l’eau froide qui servent à préparer un bain sont versées par des robinets placés à la partie supérieure de la baignoire, le mélange ana- lysé immédiatement a perdu une portion notable de son litre, ce qui est dù tant à l’action de l’air que l'eau froide tient en dissolution qu’à celle de l'air que l'eau entraîne avec elle en tombant. Il faut que l’eau arrive dans les baignoires sans chute si l'on veut diminuer cette altération ; il serait aussi trèstutile que l'eau sulfureuse qui s'écoule parfois du trop plein des réservoirs ne fut pas perdue : en la déversant dans le réservoir de l’eau froide, on DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 245 absorberait l'oxygène de cette dernière et on neutraliscrait son action sur l'eau du bain. On croit généralement que l’eau de Luchon est plus profondé- ment altérée par le transport que celle des autres sources des Pyrénées ; j'ai constaté qu’il n’en est rien , et qu'elle se conserve aussi bien que celle de Baréges, Cauterets, etc. Je dois faire observer à ce propos qu'il n'est pas indifférent de mettre l’eau en bouteille un jour quelconque ; il faut que l’eau qui doit êtreexportée soit, autant que possible, recueillie lorsque la marche du baromètre est ascendante; alors elle est générale- ment moins chargée d'air, moins altérable et plus sulfu- reuse. Le tableau joint à cette note peut donner une idée de la richesse et de la variété des eaux de Luchon. Les sources ferrugineuses de Bagnères-de-Luchon sont fort remarquables ; il existe dansles galeries mêmes ou jaillissent les eaux sulfureuses, une source ferrugineuse qui est fournie par des infiltrations qui, agissant sur une roche schisteuse très-riche en fer, la désagrégent et dissolvent une proportion notable de ce métal. Cettesourceestsurtout remarquable par l'énorme propor- tion de silice qu’elle tient en dissolution; j'ai de fortes raisons pour penser que le fer s’y trouve en partie à l'état de silicate, le dépôt qu'elle abandonne est sensiblement arsenieux. La source ferrugineuse de Barcuguas est une source sulfo-crénatée , comme les précédentes; elle contient un peu d’arsenic ; la source de Cas- telviel est sulfatée, elle est aussi arsenicale : au reste, la présence de l’arsenic dans les eaux ferrugineuses de cette localité me paraît un fait assez général ; j'ai pu constater l'existence de ce corps dans toutes les sources ferrugineuses des environs de Bagnères-de-Luchon que j'ai examinées. La présence de l’arsenic dans ces eaux ne doit effrayer per- sonne ; ce corps peut contribuer à les rendre plus actives; mais il ne s’en trouye jamais en proportion suflisante pour provoquer des accidents. 246 MÉMOIRES | TEMPÉRA- | NOMBRE | QUANTITÉ | NOMBRE QUANTITÉ NOMS ; des DE SULFURE des DE SULFURE TURE | observations | d sodium ESSAIS | contenue | OBSERVATIONS. DES SOURCES. des de ex sulfhydromé- | qans un bain sources. | température.| eau. | triques. | de 250 lit. nm | nben eme | OCR | nn pennenene memes. | ttes en cannes gr. LE À Bayen.-.suerorereset 68,00 30 | 0,0773 110 |(6,569 |, 0) ee ReIMP recente me | MONAUS 55 0,0539 163 6,200 ss es Grotte supérieure....| 58,44 39 0,0361 158 3,468 | La température|l | Ferras n° 14..........| 39,96 27 0,0237 14% 4,338 |de l'eau froide est Idem n° 2.......... 34,34 32 | 00079 |. 442 | 4,98 JE ue | Etigny n° dec... 18,34 15 | 00356 | 436 | 8,640 lle bain contient Ten maeee 30,07 8 0,0098 10 2,450 Fu Se d’eau || Hbc ti S MN TIRE | 47241 46 | 0,0349 aa | 5,44 [et auela tempé- Richard supérieure...| 50,04 2% | 00318 10 | 6896 |Rhsse parPaudie AZEMAR. essor 53,17 25 0,0523 12 6,330 |tion d'une quanti- Lachapelle........... 20,00 10 | 0,0554 kil 40,64Q QUE Suftennte d'eau |} Ferras inférieure.....| 37,80 8 | 0,0499 D MATOS ouand atome Bosquet n° 1......... 44,00 3 0,0740 4 12,067 |pérature de l'eau Tdemane 2 te ie 34,50 5 0,0234 5 5,885 |minérale est in- Richard tempérée n° 1.| 38,00 4 | 0,0330 3 FOOD je net eshoA Idem n°2| 32,00 3 | 00155 3 11] 88860 ER est | donné Richard inférieure....| 46,40 3 0,0599 3 9,045 [avec l’eau miné- Grotte inférieure. .... 56,50 3 |! 0,0644 3 8,436 |r2le pure. Source des Romains..| 49,20 6 0,0588 6 8,073 Source du pré n° 4....| 33,20 8 0,0780 8 (1) (1) Gette source Idem n°2... 2430 6 | 00178 6 DE etes Source Senger n°4... 39,75 3 | 0,0586 3 | 40,786 |qu'une buvette. Idem n°2...| 34,50 3 0,0178 3 4,454 Idem n°3...| 30,50 3 | 0,0444 3 | 2813 | () La tempéra- Idem n° #...| 29,50 3 0,0212 3 5,299 ture des UE Source Bordeu n° 1...| 33,80 3 | 0,0098 Sr Ne SP En puises dem u0,2.e | 3100 3 | 0,0393 3 | 8,768 |Pemployerseule. Idem n° 3...| 44,50 3 0,0625 3 10,189 Idem n°4...| 49,30 3 | 0,0692 311 MON |A IG souree Idem n05...| 33,50 3. | 0,0365 3 DAS Son por Source de l’enceinte..| 39,32 45 0,0508 10 (3) être employée en Source de l’étuve.....| 36,42 4 | 0,0350 k (4) |hains. Source innommée, au (à) Idem. S. de las. Richard inf.| 39,25 3 | 0,0479 3 (5) Source innommée , au () Idem. Sud de la précédente. 37,20 3 0,0433 3 (6) |(@) Idem. Source innommée, au S.de lasource l’Etuve| 36,70 3 | 0,0577 3 (at, Her Les sources dont j'ai indiqué la richesse ne sont pas toules employées isolément ; plusieurs d’entre elles sont mélangées avant d'arriver à l’élablis- sement. Ce tableau a pour but de montrer ce qu’on pourrait faire en les employant isolément. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 947 BULLETIN DU MOIS DE MAI 41850, M. Mounxs a lu une note Sur la courbure des surfaces, dans laquelle il démontre plusieurs théorèmes en s'appuyant sur la proposition suivante : Si en un point d’une surface on considère deux sections normales quelconques formant un angle donné et la section bissectrice de leur angle, la demi-somme des cour- bures des deux premières, moins la courbure de la troisième multipliée par le cosinus de cet angle, forme une quantité constante, quelle que soit la position autour de la normale du système de ces trois plans, regardé comme de forme inva- riable. M. Beaupoiz , Docteur en Médecine à Ingrandes , département d'Indre-et-Loire , a été nommé Associé Correspondant de l’Aca- démie dans la classe des Sciences, section de Médecine et de Chirurgie. M. Perir communique à l'Académie un Mémoire sur la déter- mination de la longueur du pendule à secondes, et de l'intensité de la pesanteur à l'Observatoire de Toulouse. Cet Académicien a fondé ses résultats sur un grand nombre d'observations aux- quelles il a fait subir les corrections rendues nécessaires par l'in- fluence des couches rocheuses comprises entre le niveau de la mer et la surface supérieure du sol. 1l annonce à cette occasion que les opérations de la carte de France rapprochées de son tra- vail sur la latitude de Toulouse, l’ont amené à une conclusion assez singulière sur la constitution intérieure des Pyrénées, qui, d'après son travail, devraient être à peu près, entière- ment vides. Séance du à mai. 8 mai, 16 mai. 248 MÉMOIRES M. LeymERiE fait part à l'Académie d’une nouvelle manière d'envisager le système cristallin de la tourmaline. L'espèce minérale qu'on nomme tourmaline, si connue par ses propriétés pyro-électriques, a été signalée depuis longtemps , et particulièrement par Haüy, comme offrant, sous le rapport cristallographique , une double anomalie , savoir : 1° Celle qi résulte des faces du prisme qui semblent être régies par le nombre trois, tandis que tout marche par six dans le système rhomboïdrique, auquel jusqu’à présent, on a rapporté ce miné- ral ; 20 Celle qui consiste en une différence qui se manifeste dans tous les cristaux aux deux extrêmités du prisme. Le but de la communication de M. Leymerie est de montrer que la tourmaline rentrerait dans les lois ordinaires de la cris- tallographie , si l’on admettait pour sa forme fondamentale, au lieu d’un rhomboïdre , une pyramide droite , ayant pour base un triangle équilatéral. En partant de cette pyramide, on peut en effet, arriver à toutes les formes connues du minéral dont il s’agit, par des modifications rigoureusement symétriques , ainsi que M. Leymerie l’a exposé cette année dans son cours. Il pense, d’après cela, que la tourmaline ne doit plus rester dans le système rhomboïdrique, et qu'il est indispensable de constituer pour elle un système à part, qu’il propose de désigner par le nom de système trigonal. M. Barry donne quelques explications sur une communication faite par M. Pelet de plusieurs médailles antiques, découvertes dans l’intérieur de la porte Auguste , à Nîmes. Le même Académicien fait un rapport sur l'ouvrage de M. Fond-Lamothe, relatif à l'antiquité de la ville de Limoux. Conformément aux conclusions , l’Académie vote des remerci- ments à M. Fond-Lamothe. M. Moumer lit une notice sur une loi de Las sieté Partidas, dans laquelle on trouve mentionnée l'aiguille de mer (boussole), et sur Alphonse X, surnommé le Savant, roi de Léon et de Castille. Cet Académicien établit, à l’aide de cette loi, que l'aiguille de mer était généralement employée pour la naviga- DR L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 239 on au treizième siècle. D'autres documents qu'il rappelle, con- firment ces inductions et repoussent Popinion d'un historien espagnol, qui a soutenu que la mention de la boussole qu'on remarque dans le texte de cette loi, démontrerait que le code d'Alphonse X, qui le renferme , aurait subi des changements sous les successeurs de ce Prince. M. Laroque lit une note contenant l'exposé de plusieurs expériences relalives aux phénomènes de caléfaction. Ces expé- riences avaient pour but principal de vérifier la proposition suivante énoncée pour la première fois par M. Boutigny. Les corps à l'état sphéroïdal sont limités par une couche de matière dont les molécules sont liées de telle sorte qu'on peut la comparer à une enveloppe solide, transparente, d'une épaisseur infiniment petite et douée d’une très-graude élasticité. M. LarOQUE conclut de ses expériences que les corps à l'état sphéroïdal ne sont pas terminés par une couche à l'état solide. M. Flavien »’Arpéeuier se met sur les rangs pour une place d’Associé ordinaire dans la classe des Inscriptions e, Belles-Lettres, et appuie sa demande par l'envoi de plusieurs ouvrages qu'il a publiés et qui sont renvoyés à l'examen de cette classe. L'Académie entend la lecture préparatoire des ouvrages qui doivent être présentés dans la séance publique, selon l'ordre suivant : 1° Discours de M. Noulet, Président ; 2° Mémoire de M. Leymerie ; 3° Éloge de M. Tajan , par M. du Mège ; &° Note sur les eaux de Luchon, par M. Filhol. Elle a adopté pour sujet de prix à décerner en 1853, la ques- tion suivante : Rechércher et caractériser , parmi les dispositions de l'ancienne coutume de Toulouse, celles qui appartiennent à la législation des Comtes ; A pprécier l'influence de cette législation sur l'état du pays Toulousain. | 3° S,— TOME VI. 17 23 mai, Séance publique du 26 mai. 30 mai. 250 MÉMOIRES La question proposée par l’Académie donne la législation pour base aux études à faire sur la constitution politique et sociale du peuple Toulousain , durant le gouvernement de ses souverains particuliers. Cette législation se résume dans l'établissement des coutumes introduites ou permises sous ce régime. Le livre qui les con- tient ne nous étant point parvenu sans altération , l'Académie croit devoir recommander des recherches pour restituer les dispositions omises ou retranchées , et l'attention la plus intel- ligente pour rejeter celles qui porteraient l'empreinte d'une origine suspecte. Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 500 francs. L'Académie a déclaré une place vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. IL en sera donné avis dans les Journaux. M. Nouzer , Président, a ouvert la séance par un discours sur le sujet de prix qui avait été proposé pour l’année 1850. M. Levmene a donné lecture d’un Mémoire sur le peu de probabilités de l'existence dans nos contrées pyrénéennes , de la houille ou d’un dépôt considérable d’une matière combus- tible fossile. M. où Màce a prononcé l'éloge de M. Tajan. M. Fnuoz a lu une note sur les eaux de Bagnères-de- Luchon. Ces travaux sont imprimés dans les livraisons. La séance a été terminée par la lecture des sujets de prix proposés par l'Académie, pour les années 1851-52-53. L'Académie a procédé aux élections annuelles pour 1851. Le dépouillement des divers scrutins a donné le résultat suivant : M. Vitry a été nommé Président ; M. Gaussail a été nommé Directeur ; M. Hamel , Secrétaire-adjoint , a été réélu. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 251 Au Comité de librairie et d'impression : MM, Brassinne, Desbarreaux-Bernard et Barry, membres sor- lants , ont été réélus. Au Comité économique : MM. Brassinne, Couscran et Belhomme , ont été réélus. M. Noulet a été nommé en remplacement de M. Gaussail. M. Couseran a été désigné pour remplir les fonctions d'Eco- nome pendant l'année 1851. M. Gaussaiz communique verbalement quelques détails sur un cas intéressant de catalepie qu'il observe en ce moment avec ses confrères MM. Dieulafoy et Laforgue. 252 MÉMOIRES SUR LA » TRANSFORMATION MODULAIRE DE LAGRANGE ; Par M. E. BRASSINNE. 4° Nous pouvons présenter simplement la transformation modulaire de Lagrange, en faisant usage du lemme fonda- mental du théorème de M. Jacobi. Considérons l'équation différentielle : d dl : ; (4) EE PP RO à laquelle il a el ee 0 AC CEE RICO" faut satisfaire pour une infinité de valeurs de pet de c. x ù D TA 0e) A | Pour cet effet, posons y anse En appelant A’ , D' les dérivées par rapport à x de A et D nous aurons : A'D— AD')dx : : : 2ydy a Mais le premier membre de lé- quation différentielle (4) peut être mis sous la forme : 2y dy ME RIT) les valeurs de y? et de2y. dy on trouvera : . Si on substitue dans cette expression (A'D— AD’) dx AD DD) RER eu ets Mais le VQi— x?) (1— 422?) numérateur et le dénominateur de l’expression (2) sont di- visibles par x, et après cette réduction le numérateur sera du quatrième degré ; il résulte que si on dispose des coef- ficients indéterminés, «, @, a, de telle sorte que D— A, D— c? À soient des earrés ; comme d’après le lemme de M. Ja- (2) qui doit devenir identique à DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 253 cobi, les facteurs simples de D— A, D—c?A, divisent le numérateur, on en pourra conclure qu'avec ces condi- 1 1 tions la partie de l'expression (2) te sers xy(D—A)(D—c7?A) une constante E et cette expression se réduira à la formule : E dx VO—ax)(e+8x) Or, nous avons D— A =a+x?(8—1)+axt, D—c'A=atx?(f—c?)+c'axt. Pour que ces deux expressions soient des carrés, il faut e: (B—1) =4u.a et (B—c?}=4ac?; d’où on dé- duit par la division 8=+c. L'hypothèse B=+c donne- rait une transformation imaginaire, qui peut avoir son utilité analytique, mais que nous ne développerons pas (+)? actuellement. L'hypothèse B——c, donne « = , et par suite a. Avec ces valeurs, le premier membre de l’'ex- pression (2) devient : dx LS 2 dx Vüi=z) (Sc) + ie ») On voit done que, pour satisfaire à Péquation (1) par la transformation rationnelle imaginée par Lagrange, il faut que . > 1 € le régulateur y. soit égal à —— et le module K à —— ve ES G+c) Cette manière de présenter la transformation modulaire de Lagrange, a non-seulement l'avantage de rapprocher en quelque sorte la méthode de ce grand géomètre, de celle de M. Jacobi. Elle donne de plus ce corollaire très-simple : dy ax(a+bx+exi +4... + hxm) —4à (3} a+Bx +... arms. D Si pour transformer l'expression nous avions posé SL — FT RE MÉMOIRES en mettant lexpression différentielle sous la forme : 2y dy et de y? déduites de la relation (5) on aura toujours pour (A'D—AD') dx les deux termes de cette fraction ; par suite de cette sim- plification, le numérateur sera du degré 4m -- 2, mais JD—A)(D—cA) forme un degré égal à 2im+2,et sion dispose des coeflicients indéterminés «, b,c... a, 6... de telle sorte que D— À et D—c? A soient des carrés. L'expression _ =. dans laquelle M est et substituant les valeurs de 27 dy transformée , on peut diviser par æ précédente se réduira à la forme 2 une fonction rationnelle du degré 2 7 — 4. et cette expres- sion qui contient un radical carré dans lequel est un poly- nome du degré # m peut. être identifiée à une expression dy (1— 7°) Q—e2y) de la forme DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 255 DE LA PHOTOMÉTRIE APPLIQUÉE A L'ÉCLAIRAGE PUBLIC ; Par M. U. VITRY. I. ANTÉRIEUREMENT à 1783, la ville de Toulouse était éclairée, pendant six mois de l’année seulement , au moyen de lanternes contenant des chandelles. On voit encore sur la façade du Capitole les consoles auxquelles ces lanternes étaient ap- pendues. Les feux entretenus devant les madones (1) par la piété des fidèles et les falots des veilleurs de nuit, éclairaient seuls les carrefours et les rues pendant le reste de l'année. En 1783, la ville fit l'acquisition de #96 réverbères, au prix de 43,098 livres; l'éclairage avait lieu alors pendant sept mois, du 1e octobre au 1° maï; il coùtait 30,000 livres et se com- posait de..... . CNT ANR Ce Le 1195 becs. En 1785 , il était de... AO RPAD LEE Us 1207 En 47907 de" PTT hdi AS SR En l'an V ns ER en QT E à Met LAN TES 1226 En 1820 , de... SE ar MED PE LEP É LE 1307 En 1834, HT 9 Lune. il était de.... 1602 A cette dernière époque , l'éclairage , bédicits trop insufli- sant pour l'accroissement qu'avait pris la ville, revenait à 37 francs par bec, et la dépense totale annuelle ne s'élevait qu'à environ 60,000 francs. (1) Une de ces madones , avec sa niche pittoresque et sa lanterne, que les habitants voisins allument loutes les nuits, existe encore contre la vieille porte gothique de l’ancienne enceinte du Palais, dans la rue de l'Inquisition. 256 MÉMOIRES Les appareils se composaient exclusivement de becs à mèches plates sans cheminée, placés au-dessous des réservoirs, courbés en avant et dans la plus grande largeur du bec, c’est-à-dire disposés de la manière la plus défavorable. La marche de la combustion changeant avec les variations atmosphériques produites par le vent, faisait enfumer les réflec- teurs et détruisait la plus grande partie de leur effet; aussi l'éclairage avait les inconvénients inhérents à ce système , c’'est- à-dire de dépenser beaucoup d'huile, et de donner peu de lu- mière. En 1835, on avait fait l'expérience de quelques appareils à double courant d'air (bec d'Argand) dans lesquels une com- bustion plus complète produit une lumière plas belle et plus intense avec la même quantité d'huile; en outre, le tirage de la cheminée maintenant la flamme contre l’action du vent, empêche qu'elle noircisse les réflecteurs , qui conservent ainsi toute leur action. Les seules garanties qu'on avait cherché contre la fraude consistaient dans de nombreux articles du cahier des charges concernant la qualité et la quantité de l'huile, le choix des mè- ches, leurs dimensions , leur saillie; l'entretien des réflecteurs et des lanternes, etc. ; on sent combien, avec des conditions aussi illusoires , il était facile de tromper la vigilance des agents chargés de veiller à l'exécution de ce service : en outre, lallu- mage une fois fait, l'entrepreneur n’était plus intéressé à un bon éclairage , car , quelque faible que füt la lumière de ses réverbères, pourvu qu'ils ne fussent pas éteints , il n'avait plus de pénalité à redouter. L'ancien traité devait être renouvelé en 1837, et, en ma qua- lité d’ingénieur-architecte en chef de la ville, je devais m'oceu- per du nouveau cahier des charges. Convaincu par une expérience de plusieurs années de la nécessité de poser, comme base du traité, la mesure de l'éclaire- ment à fournir, je dus m’entourer de tous les documents pro- pres à me guider dans cette voie. Des renseignements furent ofliciellemont demandés aux ad- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 35 a ministrations des grandes villes de France, et de nombreux cahiers des charges nous furent transmis. Dans tous ces traités, les conditions pour l'éclairage à l'huile se bornaient , comme à Toulouse, à la dimension et à la saillie des mèches , à la hauteur des flammes, à la quantité et à la qua- lité des huiles. Pour les villes où l'éclairage au gaz existait déjà, on déterminait uniquement la forme des becs , la dimension des orilices, la hauteur de la flamme , la pression manométrique et la densité du gaz; nulle part on n’établissait l’intensité de la lumière comme base principale du marché, ou du moins nulle part on n'indiquait un mode convenu d'avance pour établir cette in- tensité (1) ; en un mot, les villes achetaient à un entrepreneur de l'huile, des mèches ou un certain volume de gaz, au lieu de lui payer ce dont elles ont essentiellement besoin , à savoir une quantité fixe de lumière. En cet état de choses et dans une affaire aussi grave, je crus devoir provoquer la nomination d’une commission chargée d’é- tudier la question et de prononcer sur le concours ouvert pour l'éclairage de la ville. Cette Commission, instituée dans les pre- miers jours de 1837 (2), entra immédiatement en fonctions, et après un mois d'études et d'expériences comparatives, elle décida à l’unanimité que le seul moyen d'obtenir un bon système d’é- clairage à l'huile consistait à employer exclusivement les becs d'Argand et à s'assurer journellement que chaque bec donnerait une quantité de lamière déterminée et convenue d'avance; à cet effet, elle fit confectioner les appareils de photométrie qui depuis (1) Cahier des charges , clauses et conditions de l'éclairage au gaz de la ville de Bordeaux ( pages 15 et 19, imprimé chez Lanefranque , 1836); Cahier des charges , clauses et conditions auxquelles sera donnée l’auto- risation de placer des conduites pour l’éclairage au gaz de la ville de Lyon (page 5, imprimé chez veuve Ayné , 1836), etc. , etc. (2) Elle se composait, pour la partie scientifique , de MM. Boisgiraud , professeur de chimie à la faculté des Sciences , rapporteur ; Pinaud , pro- fesseur de physique à la même faculté ; Urbain Vitry, ingénieur-architecte en chef de la ville ; Castel, ingénieur des fontaines publiques ; Boulouch, lampiste ; Forobert , idem ; et pour la partie administrative, de MM. Albert, Ducasse, Murel et Arzac, Conseillers municipaux. 258 MÉMOIRES cette époque servent à la vérification de l'éclairage public de Ia ville de Toulouse. IL. Ces appareils sont fondés sur les procédés photométriques de Rumfort ; ils consistent dans une lampe Carcel à laquelle on fait produire son maximum de lumière, et on compare cette lumière avec celle des reverbères au moyen des ombres produites par un style. Le plan horizontal (1) sur lequel les ombres viennent se projeter, se compose d’une planche peinte en blanc mat, percée dans son milieu d’un trou circulaire dans lequel passe une tige en bois servant de style ; cette tige repose sur un trépied muni de vis de rappel qui permettent d'obtenir une parfaite horizon- talité, accusée par un niveau à bulle d’air fixé à Ja planchette ; les dispositions et les dimensions de cette partie des appareils sont indiquées dans les figures 1 , 2 et 3, planche 1"°. La lampe Carcel à laquelle on fait produire toute la lumière qu'elle peut donner (2) avec des mèches de 0,031 de demi-circonférence et de 0,244 à la grosse est enfermée dans une lanterne de verre portée sur une tige en fer fixée à un trépied également en fer , ainsi qu’on le voit dans la figure 4, planche 1%. Enfin un écran en tôle (fig. 5, planche 1"°), cloué sur un manche en bois est destiné à intercepter sur le plan horizontal d'expériences , la lumière directe provenant du réverbère qui suit immédiatement celui sur lequel s'opère la vérification. Ces trois engins constituent seuls tout l'appareil. (1) Le peu de largeur que présentent généralement les rues ne permet int de se servir, comme Rumfort, d’un plan vertical. ? ) (2) L’intensité de la lumière d’une lampe Carcel croit dans le rapport de 100 à 417 pendant les quatre premières heures et devient ensuite perma- nente (Péclet, Traité de l'Eclairage, page 223). Il faut donc que la lampe d’épreuve ou étalon soit toujours allumée quatre heures avant la vérifica- tion. Cette observation est très-importante. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 259 HE. Chaque bec d'éclairage est l’objet de deux expériences ; les distances du style au réverbère sont fixées d’après le traité passé avec l'entrepreneur , à 15 mètres pour la première expérience et à 30 mètres pour la seconde, quel que soit d’ailleurs dans chaque reverbère le nombre de projections de la lumière, ou la forme des réflecteurs. Les distances du style à la lampe varient au contraire sui- vant que les lampes à bec d’Argand , ont deux, trois ou quatre directions à éclairer (1), le tableau suivant indique les distances imposées comme condition de l’adjudication. RÉVERBÈRES A L'HUILE PORTANT MÈCHE RONDE ET RÉFLECTEUR. A 2 PROJECTIONS,. A 5 PROJECTIONS. A 4 PROJECTIONS. CIRCULAIRE, CR SE 1 —, DISTANCES. F : P ; 1° Expé- | 2®° Expé- 1 1"° Expé- | 2"° Expé- | 1'< Expé- | 2% Expé- | 1'° Expé- | 2"° Expé- rience. rience. rience. rience. rience. rience. rience. rience. a ee meme | ns mèt. mèt. mèt. mèL. mèt. mèt. mèt. mèt. Du reverbère au style... 15.00 30.00 15.00 30.00 15.00 30.00 15.00 30.00 | De la lampe | au style... 6.50 10.00 9.00 | 11.50 10.00 14.00 12.00 17.00 Les cotes variables de la seconde ligne représentent les dis- tances de la lampe Carcel au style ; il faut que cette lampe, étant placée aux distances déterminées dans le tableau, l'ombre projetée par le réverbère du côté de la lampe sur le plan horizontal (1) Afin de faciliter le service et d’opérer les mutations, tous les becs d’Argand des réverbères sont généralement identiques. Il en résulte que la lumière renvoyée par les réflecteurs est plus faible dans chaque direction à mesure que le nombre de projections d’un bec augmente. On ne pourrait remédier à cet inconvénient, qu’en augmentant le calibre et la force des mèches avec le nombre des projections, ce qui compliquerait et entraverait le service. Mais dans l’ancien système à mèches plates , et dans l'éclairage au gaz à flamme libre, il est évident que les distances de la lampe Carcel au style doivent être constantes et invariables. 260 MÉMOIRES soit au moins aussi obscure que celle produite par la lampe et tournée du coté du réverbère : cet examen est très-facile et ne demande qu'un peu d'attention (1). IL faut avoir soin pendant l'expérience de faire maintenir l'écran à la hauteur convenable pour intercepter la lumière di- recte provenant du réverbère placé derrière la lampe. Ces dispo- sitions sont indiquées dans la figure 6, planche 2. Il serait certainement impossible de vérifier chaque nuit la lumière de tous les réverbères d’une grande ville; aussi cette vérification ne s'opère à Toulouse que sur dix réverbères dési- gnés chaque jour par l'administration. A cet effet, l'entrepreneur ou son représentant se présente tous les soirs à onze heures et demie à la Mairie, où se trouve un billet cacheté renfermant le numéro des dix réverbères qui doivent être vérifiés; deux agents , ordinairement deux gardes de nuit, prennent les appa- reils et se transportent avec l’Inspecteur de l'éclairage et l’entre- preneur sur les lieux désignés dans le billet cacheté. On place alternativement la planchette et la lampe aux deux distances in- diquées dans le tableau ; si , dans les deux vérifications faites sur le même réverbère, les deux ombres sont égales, on passe outre; dans le cas contraire , on note que l'éclairage de ce ré- verbère est insuffisant. Puis, les résultats obtenus sur les dix réverbères sont appliqués dans la même proportion à la tota- lité des becs formant l’ensemble de l’éclairage , c’est-à-dire que si, sur les dix réverbères soumis à la vérification, quatre, cinq, six, etc., sont reconnus ne pas donner la lumière con- venue, on en conclut que les 4/10, 5/10, 6/10 , etc., de l'entier éclairage ne remplissent pas les conditions de l'ad- judication, et dès lors l’entrepreneur est passible , pour cha- que dixième, d’une retenue de trois pour cent de la somme (1) Les vérifications doivent être faites généralement aux distances indi- quées ; cependant si les réflecteurs étaient disposés de manière à bien éclairer seulement à ces distances, on ferait des essais en rapprochant la planchette du réverbère, et dans ce cas la lumière devrait étre au moins aussi vive qu'aux distances plus considérables. ; DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 261 formant le montant de l'éclairage de la nuit dans laquelle on à opéré (1). D: Ces moyens de vérification sont, on le voit, extrémement simples et à la portée de tout agent intelligent ; ils n'offrent pas, il est vrai, une rigueur mathématique, puisque les rayons lumi- neux du réverbère et de la lampe ne font pas toujours avec le plan horizontal des angles parfaitement égaux : la réflexion de la lumière sur les bâtiments d'une teinte plus où moins blanche qui bordent la voie publique, exerce aussi une influence variable sur l'expérience; il en est de même de la densité et de l'état hy- grométrique de l'air atmosphérique ; néanmoins les expériences de la Commission et une épreuve de près de 14 années, ont démontré que, par un temps calme , un affaiblissement de 1/12 pouvait être facilement constaté. Il n’en est pas de même par un temps de pluie ou de grand vent; mais ces mauvais {(emps , tou- jours nuisibles à un bon éclairage public, doivent denner lieu à une tolérance plus étendue que les appareils accusent forcément. Ces appareils présentent donc autant d'exactitude qu'on peut le désirer dans la pratique, et d’ailleurs, nefussent-ils propres qu'à évaluer une diminution d'un quart et même d'un tiers de la lumière convenue, ils seraient encore préférables aux prescriptions illusoires généralement en vigueur, qui obligent à accepter toute lumière , quelque faible qu'elle soit. Tel est le motif qui m'a engagé à les décrire et à les faire connaître ; car j'ai l'intime conviction que la propagation de la photométrie amènerait d'immenses résultats dans l'économie et la régularité d’un service aussi important que celui de l'éclai- rage public. Pour apprécier cette importance, j'ai cru devoir comparer la dépense qu'entraine ce service dans les principales villes de France , et j'ai groupé dans le tableau suivant les quel- ques documents qu'il m'a été possible de recueillir à ce sujet. (1) La dépense quotidienne de l'éclairage, à tant par bec el par heure, est essentiellement variable ; car l'instant de l’allumage et celui de l’extinc- tion sont subordonnés au lever et au coucher du soleil. 262 MÉMOIRES POPULATION CRÉDIT : AGGLOMÉRÉE orté DEPENSE DATE NOM DES VILLES. d'après AU BUDGET par du le recensement Ou officiel de 1845. Yélhiragé HABITANT. | BUDGET. EAN NES RO CN RENTE hab. fr. fr. c. Abbeville... ss... 47,035 44,000 0,82 1847 Agen. «..... OPREEEEEEE 13,003 46,000 4,23 1848 AMIENS « sssseeoonosse 41,332 47,000 113 1846 ANGEISesssnsssseerense 36,392 42,000 4,15 1848 Angouléme..s.......... 47,237 46,500 0,95 184% ATÉIS eee soon see ss 24,324 24,529 1,00 1847 AMC Se 81e sis sels olsioleletele 7,572 5,800 0,76 1844 AVIZNON.-.sseresersess 26,185 40,000 41,52 1843 Bayonne......... DEEE 13,280 19,000 41,43 1845 Bordeaux... Auoooseoc see 120,203 190,000 1,58 1848 BOUrgeS. ....s.sssssoss 48,255 26,000 1,42 184$ Brest. ........e.....e. 35,163 24,000 0,68 1845 Cab -dre-rcrabbe . 38,267 31,000 0,81 1843 Cambhran.r---....re bc 18,308 18,000 0,98 1847 Carcassonne. .......... 15,380 45,000 0,97 1840 Clermont-Ferrand...... 26,738 29,000 1,08 1848 Colmar sc caserties 18,200 14,500 0,79 1845 Grenoble. .... he ent 23,227 29,000 1,24 1847 La Rochelle......... É 14,136 49,500 1,37 1846 Lille (Nord)........... 67,765 79,300 4,05 1847 LyOn.:...seseonoseese 159,783 150,000 0,93 1847 HE CORRE TR 21,025 36,000 1,71 1849 Marseille...... DOS 7 cie 133,216 235,000 1,76 1847 Metz au ee crenieretse 42,976 43,000 41,02 1848 Montauban. ........... 16,236 18,000 1,10 1840 Montpellier............ 37,174 51,000 1,35 1844 Nancy..-..cosse So sspiis 38,569 25,600 0,66 1842 Nantes......... Badioou 82,993 65,000 0,78 1847 Nimes... ses 2040300 0 47,245 56,000 4,18 1846 Unlbansen--chreeEel et 41,507 36,000 0,86 1847 Paris. .... MROTMRNE || 945,721 1,275,549 1,33 1848 Perpignan. ...-...seses 18,264 22,000 1,20 1843 Reims....s......e ane 42,481 46,000 1,08 1848 | Rennes... PASAR EN ARE 28,987 15,000 0,51 1841 Rochefort. .........s.e 45,941 9,000 0,56 1842 ROUEN e eee reeae 94,046 148,000 1,62 1846 Saint-Etienne.......... 47,302 50,000 1,05 1848 Saint-Omer. ........... 18,424 24,000 1,30 1848 Tarbes... .........00" 11,836 11,600 0,98 1845 PME ea ce ed 39,243 28,845 0,73 1847 TOULOUSE: ee -s-c 71,895 136,000 1,89 1849 LE RE LH TM DE QUE 24,702 20,000 0,80 1848 Valenciennes........... 18,558 25,000 1,35 1847 Versailles... see 27,656 42,500 1,50 1849 hab. ft ToTrAUXx. ....| 2,615,349 3,269,223 Dépense moyenne par habitant..... 1195 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 263 Celle somme de 3,269,223 francs est loin de représenter la dépense totale consacrée à l'éclairage publie en France, car le ta- bleau ne renferme que les 44 villes dont il m'a été permis de consulter les budgets : il manque non-seulement plus de la moi- tié des chefs-lieux de département, mais encore une infinité de villes secondaires chefs-lieux d'arrondissement et même de canton dans lesquelles un éclairage public existe, soit pendant toute l’année , soit pendant des périodes plus où moins longues. On pourrait peut-être, sans erreur, tripler la somme , et évaluer à 10,000,000 de francs environ les sacrifices que s'imposent les caisses municipales pour cette partie importante de la voirie urbaine, Dix millions sont un impôt assez considérable pour appeler toute l'attention des Administrations locales et de l'autorité supé- ricure. Toutefois , il est à remarquer que dans les villes secondaires, et surtout dans celles où l'éclairage ne dure pas toute l'année, la dépense par habitant est de plus en plus minime, en sorte que la moyenne totale en France se trouverait de beaucoup au- dessous de 1 fr. 25. Il résulte donc de ce tableau , que, sauf quelques rares excep- tions , la dépense de l'éclairage par habitant s'élève considérable- ment dans les villes les plus populeuses. C’est dans ces villes en effet que se font sentir plus impérieusement les besoins du con- fortable et du luxe; ce résnltat donné par le calcul aurait pu être déduit à priori. Une autre observation toute locale découle de ce tableau : c'est que Toulouse est, de toutes les villes de France, celle où le prix de l'éclairage par habitant est le plus élevé: il dépasse la moyenne de 0,51 c'est-à-dire de plus de moitié. C’est un fait grave que j'ai cru devoir signaler, parce qu'en effet aujourd'hui la lumière est répartie, sur quelques points de la ville, avec une prodigalité ruineuse. Cependant il ne faudrait pas donner à cette observation une importance trop absolue, car il est un autre élément, plus essentiel encore que la population, à prendre en considération dans la 264 ' MÉMOIRES solution du problème, c'est la longueur et l'étendue de la voie publique qui doit être éclairée, et l'on sait que Toulouse offre une très-grande surface proportionnellement à sa population. Il faudrait donc chercher le rapport du prix de l'éclairage avec l'étendue des voies publiques dans les diverses villes de France ; malheureusement, pour établir de semblables caleuls, J'ai manqué de toute espèce d'éléments; du reste, il serait à peu près impossible, en province, de se procurer ces documents, et l'on ne pourrait les obtenir peut-être même à Paris, qu'avec le concours de l’autorité centrale du Gouvernement. Le but que je me suis proposé dans cette communication succincte etrapide a été de faire connaître les avantages et la faci- lité de l'introduction de la photométrie dans l'éclairage public. Si ce genre de garantie n’a pas été imposé jusqu'à ce jour aux entrepreneurs de la plupart des villes de France, c’est qu’on s'exagérait évidemment les difficultés que présentait l’exécu- tion. L'expérience faite à Toulouse, depuis 14 ans, sur le systè- me à l'huile (1), doit lever tous les doutes à cet égard. La seule condition à imposer désormais aux entrepreneurs d'éclairage devrait consister dans une quantité de lumière dont le mode d'appréciation serait déterminé et convenu d'avance , sans prescrire les matières et les moyens à employer pour la produire ou pour la répartir sur la voie publique ; les villes obtiendraient alors la seule chose qui les intéresse, une intensité de lumière convenue. En laissant ainsi toute latitude à la science et à l'industrie, en favorisant et en stimulantles entrepreneurs, il surgira peut- être de leurs efforts des améliorations incalculables , tant sous le rapport des effets de lumière que sous celui de l'économie ; les immenses progrès qui, depuis 50 ans, se sont succédé avec une si étonnante rapidité dans l’art si important de l'éclairage, ne permettent point, en quelque sorte, de lui assigner des limites dans l'avenir. (1) Par suite d’une mesure inexplicable, la vérification photométrique ne fut point imposée lors de l'introduction de l'éclairage au gaz de la ville de Toulouse en 1841; mais, dans le nouveau traité qui va être passé avec la compagnie , cette condition essentielle, vétale, doite :, ‘t-on, rétablie. A Ter xoudiu. de 0" 016 de diametre B idem de 0" 01 C Mivean mobile & bulle d'œr. E Jaquel mobile pour Jixer le niveau. D Style L Zampe/Carcel . Echelle de 0° 05 par mètre. En em O0 Ode UE à Decimetres 10 D pee 4 Propection Verticale de $ la planchelle Ag. 2 Projection horisontale du trépied F de’la Planchette”. Vitry del. Litho. Delor. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 26 ———_— — —— —— NOTICE SUR UN LIVRE ROMAN AMPRIMÉ A TOULOUSE AU MILIEU DU XVI‘ SIÈCLE ; Par M. DESBARREAUX-BERNARD. MESSIEURS , La majorité de l'assemblée devant laquelle je parle a su se défendre, jusqu’à présent, de cet entrainement un peu naïf qui a porté quelques esprits vers l'étude des monuments de notre langue patoise. Les travaux sérieux qui absorbent tous vos moments, vous ont préservés de ces explorations rétros- pectives et vous ont laissés fidèles aux traditions de nos graves devanciers. Ces traditions , dont je suis bien loin de contester la salutaire influence , ne m'ont malheureusement pas garanti d'excursions trop fréquentes dans le domaine de notre vieil idiome languedocien. Cette innocente manie, dont je m'accuse, et qui, par cela même, me sera pardonnée, je l'espère, m'a rendu coupable des quelques feuilles que je vais avoir l'honneur de vous lire. Un hasard, que dans mes jours de ferveur j'aurais peut- être appelé providentiel , et qu'aujourd'hui je me contente de qualifier d'heureux , a fait tomber entre mes mains un de ces rares volumes qui présentent un spécimen de la langue vulgaire en usage à Toulouse dans les premières années du xvi siècle. Ce livre n’est que la traduction paraphrasée d’un ouvrage de piété fort répandu au xv° siècle , et dont voici le titre : La vie de Jesu Crist — la mort et passion de Jesuscrist laquelle fut composee par les bons et expers maitres, Nicodemus et Joseph d'Arimathie. …. — La destruction de Hierusalem 3° $. — TOME VI. 15 266 MÉMOIRES et vengeance de nostre Saulueur et Redempteur Jesus-Christ , faicte par Vespasien et Titus son fils. C'est à la demande de très-haut et puissant prince Jehan duc de Berry, fils de notre roi Jean, l'héroïque vaincu de Poitiers , que ce livre fut translaté à Paris de latin en français vers le milieu du xiv° siècle , pourceque les faicts de la saincte escrip- ture sont si grans que & payne lumaine creature les peut comprendre et mesmement simples gens qui nont eu et nont l’opportunite destudier. Aulcunes devotes personnes ont voulu faire etentreprendre aidant le Sainct Esperit de faire compiler se petit extraict tant du vieulx comme du nouveau Testa- ment. De même que ce volume avait été traduit en français pour les simples gens qui nont eu et nont l’opportunite d'estudier , il fut aussi traduit en patois pour l'usage de nos provinces, comme l'atteste surabondamment l'épilogue qui termine l’ou- vrage : Lo present libre es estat compilat, et per satisfar a la petition fayta per lo noble et fertil pays de Languedoc, a causa que tots no entenden pas la lengua francesa, al plus pres de la lengua tholosana que es estat possible | comma vila capital et principala deldict pays de Languedoc. Ce rarissime volume probablement unique, — comme le bon Nodier aimait tant à le dire de ses livres, — est un petit in-4° de 88 #, sans chiffres ni réclames, portant les signatures A L, en caractères gothiques à longues lignes de 40 à la page, où se trouve, en tête de presque tous les chapitres, une petite gravure sur bois, dont le caractère, à demi byzantin, rappelle les bas-reliefs du pourtour extérieur du chœur de Notre-Dame de Paris. Il est divisé en trois parties. La première , dont le titre encadréest en lettres rougeset noires, porte pour suscription : Vita Christi — la Fida de nostre Saluador et Redemptor Jhesuchrist al len- gaget de Tholosa, am lo trespassament de nostra Dama , et la benjansa et destruction de Hierusalem, fayta per Vaspa- sien Emperador de Roma, ystoriada. Nouuelament impri- mada aldict Tholosa. — 1544, — El son a vendre a Tho- losa a la Portaria. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 267 Elle occupe les 37 premiers feuillets. La seconde est intitulée: Ensiec se la mort et passion de nostre Saluador et Redemp- tor Jesuchrist, laguala es estada et ordenada per los bons mestres Guamaliel, Nichodemus, et Joseph Dabarimathia (sic), disciples secrets de nostre Saluador et Redemptor Dieu Jesuchrist. Cette partie est contenue dans 35 fr. La troisième commence au verso du 71° f. par ce litre : La benjansa de nostre Saluudor et Redemptor Jesuchrist , et da destruction de 14 icrusalem fayta per Vaspasien Empera- dor de Roma. On lit à la fin : Æyssi finis la vida : la mort et passion , resurreclion, el assention de nostre Saluador et Redemptor Jesuchrist, am lo {respassament de nostra Dama , et la vengeansa cl destruction de HLicrusalem , Jayta per Vaspasien Emperador de Roma. Nouuelamment imprimada & T'holosa per. J. Colomies imprimeur. Lan w.n.xlv. et le rævÿ. de jenier. (sic) demorant en la carriera Dagulheras. Ce volume est une des curieuses compilations que l'en fabri- quait au moyen âge, à l’aide des livres saints, pour l'édifica- tion des nombreux fidèles qui n'avaient ni la facilité ni le temps de compulser les textes. Aussi, comptant sur l'ignorance de leurs lecteurs , et sur l'amour du vulgaire pour le-merveilleux , les auteurs de ces sortes d’écrits travestissaient-ils la Bible à l'aide de contes puérils , inventés à plaisir, ou recueillis à peu près au hasard , dans les livres rabbiniques et dans les a ngiles apocryphes qui se multiplièrent à l'envi jusqu'au Concile de Nicée. Ces prétendus évangiles composaient unc classe de romans pieux que l'Eglise de cette époque, tolérante pour ce genre de littérature, comme elle le fut pour les drames sacrés que l'on appelait mystères, ne jugeait pas assez coupables pour être traités sévèrement, mais qu'elle s'abstenait toutefois de sanctionner. C'était toute une famille parasite couvrant le texte vénérable des écritures de ses végélalions capricieuses , comme les lichens et les lierres qui étendent leur luxuriante verdure sur les monuments des vieux âges. Le légendaire accom- plissait, ce me semble, un travail analogue à celui des archi- tectes de l'ère gothique, qui se plaisaient, eux aussi, à 268 MÉMOIRES surcharger leurs mystérieuses cathédrales de tant de sculptures bizarres et symboliques. Cet amalgame hybride de vérités incontestées et de légendes fabuleuses, racontées dans un style plein de naïveté, offrait à la classe la plus nombreuse des simples , l'attrait d’une lecture facile qui, tout en la reposant des peines de chaque jour , con- tribuait à entretenir cette sève exubérante de foi, et cette soif ardente de renoncement dont est empreinte toute cette époque de mysticisme. Du reste , aucune notion chronologique; tous les temps sont confondus. Les idées et les pratiques dérivant du christianisme sont appliquées à des faits qui ont précédé son établissement ; nulle couleur locale : de même que, dans les statues et dans les vitraux du temps, nous voyons les saints et les prophètes affu- hlés du costume à la mode lorsque vivait l'artiste, de même ici toutes les dénominations appartiennent aux usages du xv° siècle et forment avec les graves personnages de la Bible et de l'Évan- gile, le contraste le plus singulier. Nous trouvons au début l’histoire de la révolte de Satan : avec cette circonstance assez remarquable, qu’aussitôt aprèsavoir précipité les anges rebelles dans l’abime, Dieu remarque que les siéges qu'ils occupaient précédemment dans le ciel restaient vides, ce qui le détermine à créer des images pour les remplir. C’est ainsi, dit naïvement l’auteur, que Paradis resta au complet. Notez, Messieurs, que Dicu ne crée pas de nouveaux anges pour remplacer les anges foudroyés, ce sont des images que, comme un architecte, il place dans les niches vides du Paradis. De la chute des anges à celle de notre premier père il n’y a qu’un pas, vous en connaissez loutes les circonstances ; mais ce que vous ignorez peut-être, c’est la réflexion tardive d'Adam au moment où il avalait le fruit défendu. Voici dans toute sa pureté le texte patois : Et la vegada Adam prenguec la poma que Eva y avia baillada et mordec dedins et ne prenguec ung boussy : et aytal coma el ne volguec passar lo boussy el coneguec que avia mal fait et se prenguec a la goria affin que lo boussy DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 269 no intres en son ventre , et en senhal de aquel boussy los homes an ung os puntut en la goria. Je ne ferai pas, à une Académie toulousaine , l'injure de lui traduire ce vieux et pur patois toulousain. Les enfants d'Adam sont nés et nous assistons au crime de Caïn qui, en nécessitant la première inbumation , despiusselec — comme dit ingénument l’auteur — nostra mayre la terra. Adam , approchant du terme de sa longue carrière, envoie son fils Seth auprès de l'ange commis à la garde du Paradis terrestre , pour demander l'huile de miséricorde promise par le Seigneur. Seth accomplit la volonté paternelle, et l'ange, en lui montrant les splendeurs de ce lieu de délices, lui fait voir entre les rameaux de l'arbre de vie un enfant emmailloté qui sera un jour Jésus-Christ e{ viendra prendre chair humaine en une Vierge laquelle aura nom Marie : c'est là ce que Dieu entendait par l'huile de miséricorde. L'ange remet ensuite à Seth trois graines d'une pomme du fruit de vie, et, lui annonçant la mort prochaine d'Adam, il lui recommande de placer ces trois graines dans la bouche de notre premier père. Le choix de l'organe n’est pas indifférent ; il fallait, dit l’auteur, qu'Adam fut sauvé par où il avait péché. De ces trois graines naquirent trois beaux arbres qui poussè- rent par la volonté de Dieu et la grâce du Saint-Esprit. Ms provenaient du même fruit, et cependant ils étaient de trois espèces différentes, palmier, cyprès et cèdre. David les fit transporter à Jérusalem en cérémonie et au son des instruments. Pendant le trajet ils exhalaient une odeur merveilleuse. Tous les malades qui venaient honorer ces trois arbres étaient immédia- tement guéris, et le peuple s'écriait, par un instinct prophéti- que : Ces arbres nous prouvent que le Rédempteur doit bien- tôt venir pour nous racheter. Ces trois arbres devaient plus tard être employés pour la croix du Golgotha. Lecèdre en fut la pièce perpendiculaire, le cyprès fournit les bras, et le palmier servit pour l'inscription placée au- dessus de la tête du Sauveur. Vous devez dire, Messieurs : Quand passerons-nous au déluge? Je ferai mieux, je passerai le déluge et j'arriverai au moment où 370 MÉMOTRÉS les fils de Noé jettent les fondements de la société nouvelle. Notre légendaire symbolise l'église dans la personne de Sem, le pou- voir temporel dans celle de Japhet, et le travail, ou plutôt le tiers-état, dans celle de Cham. Vous le voyez, le prolétariat date de loin, et la démocratie ne se doute guère qu’elle tire son ori- gine du malheureux Cham , condamné au travail pour s'être moqué de l'ivresse , trop peu voilée, du vieux Noé. Il est facile de voir que l'intention de l'auteur, en analysant le vieux Testament , était de faire ressortir toutes les circons- tances qui pouvaient, de près ou de loin, se rattacher à la venue du Messie. La plupart des faits que nous venons de signaler et ceux qui vont suivre en sont la preuve. C'est ainsi qu'en racontant l'édification du temple de Salo- mon , il fait l'histoire de la prumiera martyera per lo nom de Jesuschrist. Pour achever de bâtir le temple de Dieu, on avait besoin d'une poutre de trente coudées de longueur ; et comme on n’en trouvait pas de cette dimension dans les alentours, Salomon fit couper le cèdre que son père avait transplanté en Jérusa- lem. Par un miracle, dont le but est évidemment de réserver le cèdre pour la sainte croix, elle poutre — ce saumie , comme l'appelle le texte patois — bien que coupée à la longueur vou- lue, se trouva trop courte. Quand Salomon apprit cela , il la fit recouvrir de lames d'argent et transporter dans le temple, où il ordonna qu'elle fût ex honneur et révérence. Les juifs se por- taient en foule au temple pour adorer la poutre merveilleuse, lorsqu'un jour une femme, en vituperan le sanct saumie , s'é- tant assise dessus, voit ses habits s'enflammer tout à coup, et saisie d’épouvante elle prononce ces paroles : Propheta Deus ; et Deus meus Jesus Christus. Les juifs répètent à l’envi qu’elle blasphème , la jettent hors du temple et la lapident. Pour corroborer ce miracle étrange , l’auteur en raconte un plus étrange encore. Le voici : Constantinoble es lo temple de lemperador , lo plus bel et lo milhor ordonat que jamais home vis : et aqui dedins la gleysa de sancta Sophia lo emperador volia enterrar ung de sos parens : et quan home fasia la Joss per lo enterra, els trobeguen dedins la terra ung home, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 271 loqual tenia entre sas mas una platela de fin aur, en la quala eran escrits las causas que se ensieguen en un cartel en grec. Jesus nascestur (sic) ex virgine Maria per quem hu- marron S'Cnus redimetur. Jesuchrist deu naisse de una Verges, la quala se appelara Maria, per la quala luman linatge sera resemut. Et avia estat entre aquest mort bien dos milla ans davan que Dieu prengues carn humana al ventre de la verges Maria. : On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans ce passage, ou de l'ignorance de l’auteur, ou de la crédulité qu'il suppose à ses lecteurs. Sainte Sophie, église chrétienne, bâtie deux mille ans avant la venue du Christ, est un deces grossiers anachronismes, concevable peut-être au xiv° siècle, époque de la première édi- tion de ce livre , mais tout-à-fait inexcusable au milieu du xvi° siècle, date de la traduction patoise. Vous devinez, Messieurs, que j'ai dû chercher à remonter à la source de ces légendes. Elles existent, pour la plupart, dans ces livres apocryphes des n° et m° siècles dont je vous ai parlé. Malheureusement les textes sont d'autant plus rares, que, repoussés par l’église dès leur apparition, ils n'ont pu être conservés qu'en dehors de l’enseignement dogmatique. Je me suis cependant assuré que les emprunts les plus considérables ont été faits à l'évangile de Nicodème, à celui de l'enfance du Christ, à celui de la naissance de Marie, et enfin au protévan- gile de Jacques frère de Jésus , tous reproduits dans la bibliothè- que de Fabricius. Notre auteur donne une raison assez ingénieuse de la néces- sité du mariage de la Vierge. Il soutient que, d'après la loi juive, elle aurait été lapidée si elle était devenue mère sans avoir été mariée, et que , d’ailleurs , la chose était importante afin de tromper Satan : Ut partus diabolo celeretur. La traduction francaise du P’ita Christi renferme des détails empreints d’un certain parfum de poésie que le traducteur tou- lousain a maladroitement dédaignés. Notre Dame est dans l’éta- ble obscure de Bethléem ; elle désire du feu et de la lumière. Joseph va en chercher ; mais il trouve toutes les portes fermées. Il s'adresse à un maréchal qui le repousse avec menaces; la 373 MÉMOIRES femme du maréchal, plus compatissante, décide son mari à sa- tisfaire Joseph, à condition que l'époux de la Vierge emportera le feu dans son manteau. Joseph, plein de foi, ouvre son manteau et y recoit un charbon incandescent. Mais quelle est sa surprise quand, en rentrant dans l'étable, il la trouve éclairée par deux cierges que deux anges y avaient apportés pendant son absence. Ason arrivée, 2ostra Dama lui dict : Joseph mon doutæ amys ou avez vous le feu? Hélas Marie veez-le icy en mon manteau et quand il ovrit le giron il fust tout plain de roses. Et Joseph lui dict Hélas Marie je cuydoie apporter de feu el ce ne sont que roses. L'histoire de sainte Anastasie, qui remplit l'office de sage- femme auprès de la Vierge, est aussi touchante Notre Dame, sentant qu’elle allait devenir mère, supplie Joseph d'aller quérir une femme pour l'aider dans ce moment pénible. Joseph va frapper à la porte d’Anastasie qui lui répond : qu’étant privée de mains, elle ne peut être d'aucun secours à sa femme Joseph insiste; Anastasie le suit; et en arrivant près de Marie elle lui dit : Comment vous aiderai-je ? je n'ai point de mains. £t adonc respond la glorieuse Vierge Marie ne vous chaille Anastasis approchez vous tant seulement de moy et recevez l'enfant qui vient. Anastasie se trouva tout à coup des mains pour recevoir le Sauveur et en rendit immédiatement grâce au Dieu qu’elle venait d'introduire dans le monde. On lit dans le martyrologe qu'Anastasie, sainte du m° siècle, eut les pieds et les mains coupés pendant son martyre. C'est, sans doute , sur cette donnée que l'auteur du Vita Christi a brodé sa gracieuse histoire. Vous avez déjà vu, Messieurs , que c'était à la demande des habitants de Toulouse que cette traduction avait été faite. Aussi l’auteur a-t-il commis à leur intention un très-flatteur anachronisme. Cet anachronisme consiste à placer au nombre des disciples dont est entouré Notre-Seigneur au moment où il va recevoir le baptême des mains de saint Jean-Baptiste, notre martyr saint Sernin qui appartient au m° siècle. Nous nous arrêterons un instant aux noces de Cana pour signaler une de ces innocentes supercheries que notre auteur Df L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 373 demande à son imagination lorsqu'il veut suppléer au silence de la tradition. Les évangélistes n'ont pas cru nécessaire de nommer l'habitant de Cana dont on célébrait le mariage. On comprendrait que, voulant le désigner, l'auteur eùt choisi un nom obscur, mais il ne se contentait pas de si peu ; il lui fallait un personnage célèbre, et il a pris, qui ? saint Jean l'Evangé- liste, le disciple bien-aimé de Jésus, celui auquel du haut de la croix Notre-Scigneur recommanda sa mère, et qui du reste est mort vierge. Notre auteur introduit aux noces de Cana un personnage qu'il nomme Ærchitrichlin, le plus honorable , dit-il, qui fut léans après Jésus-Christ et la vierge Marie. On appelait ainsi, dit D. Calmet, le maître ou l'intendant du festin. Quelques an- ciens ont eru qu’Æ#rchitriclinus était le nom de l'époux des noces de Cana. On lit dans le roman de Garin le Lorrain : Par cil Dame Deu qui de liau fit vin Au jor des noces de S. Architriclin. La première partie de ce livre singulier se termine par la vie de Judas Iscariote. Nous devons tenir compte au traducteur pa- tois de l'effort de laconisme qu'il a fait en renfermant dans trente-deux vers la vie tout entière du traître, vie qui, dans la traduction française, n’occupe pas moins de huit pages in-4°. Je vous ferai grâce de cette affreuse poésie, que l'on pourra consul- ter à la note comme modèle des vers barbares de cette épo- que (1). (1) Lo fals Judas foc dauant sa nayssensa Preuisl souuent per falsa vision Don sos parens per euilar greuansa Lo meten en Mar fugen deceplion EL peys arriuec sens dubitation En Scarioth ung Isla tal nommada Don la regina ne fec reception Et lo noyric en loc dauer linada. Apres auenguec la regina enfantec Ung bel enfant de soun propi marit Loqual Judas vilanament tuec Donc cascun dels foc grandament marrit Et quant venguec que el laguec ferit Lo maluat Judas fugit de la mayso 274 MEMOIRES La seconde partie, qui comprend l’histoire de la passion et de la résurrection de Jésus, ainsi que la mort de la Vierge, s’é- loigne beaucoup moins de l’ensemble des faits qui forment la tradition de l’église. On y remarque cependant toujours l'usage des noms modernes pour désigner les fonctions de la hiérarchie militaire et sacerdotale. Quand Pilate envoie chercher Jésus , c'est par un sergent ; sil s'adresse aux membres du Sanhedrin, il les appelle seigneurs et barons. La troisième partie de cette espèce de trilogie est celle où l'au- teur s’est livré à toute la furie de son imagination. Elle est, comme je l'ai déjà dit, intitulée : la venjansa de nostre Saluu- dor et Redempior Jesuchrist et la destruction de Hierusalem fayta per Vaspasien Empcrador de Roma. Vous venez de voir, Messieurs, comment l’auteur du Fita Christi a travesti les livres saints en les surchargeant d'incidents bizarres qui ne pouvaient qu’en altérer la grandeur et la sublime simplicité; vous allez apprécier maintenant la manière dont il a amplifié, ou plutôt dénaturé, le récit du siège de Jérusalem par Titus, récit que nous devons à l'historien Josèphe que saint Jérôme mettait au niveau de Z'te-Live, et qui prit une part personnelle à ce drame terrible. La première inexactitude est d'enlever à Titus l'honneur de ce siége mémorable, pour le reporter à Vespasien. Mais l’au- Ben sabia quel rey lo aguera aucit, Car aquo era be dreyt el mais raso. Lo fals Judas tuec son propi payre, Per sa folia et maluada arrogansa, Et peys apres el espousec sa mayre, Que foc ung cas de granda violensa De que Pylat ne fec la concordansa. Per satisfa al murtre quauia fayt Mas el ho fec tot per inaduertensa De que peys apres conoguec son mal fayt. Judas conoguec son cas et son offensa De que el foc marrit et desplasent Jamays naguec en el bon esperansa Lo Diable era en son gouuernament Mas lo dos Jesus volguec estre content De lo perdonar son borsier lanec far Mas a la fin lo trasit durament Et en se penian sanec desesperar. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 275 teur préférait Vespasien à Titus. Il fallait dans ses idées que Vespasien se fit chrétien. Comment l'y amener ? Par un mira- cle; et vous avez pu voir que les miracles ne coûtent guère à notre conteur. On ne lit nulle part que Vespasien ail jamais été atteint de la lèpre. Notre auteur raconte que Jésus-Christ , tenant à arracher Vespasien à ses erreurs, lui avait envoyé cette affreuse maladie qui, résistant à toutes les ressources de l'art humain, faisait dire aux médecins que la guérison n'était possible que par une grâce spéciale de Dieu. En ce temps là vint à Rome un certain Clément qui se disait disciple de Jésus. Guay , sénéchal de l'Empereur , eut occasion de l'entendre et se convertit à la foi nouvelle. Vespasien l’en- tretenait un jour de l'espérance qu'il avait d'obtenir sa guérison des dieux de l'Empire. Ne comptez pas sur eux , répondit Guay, ils n'y pourront rien. Mais j'ai entendu dire qu'il y eut à Jéru- salem un prophète du nom de Jésus, crucifié par ordre de votre prévost Pilate. On n'a assuré que si l'on avait quelque chose qui eût touché son corps, et qu'on crût fermement en lui, on pourrait guérir de quelque maladie que ce fût. Vespasien , sai- sissant avidement celte voie de salut, chargea Guay lui- même de celte commission , ajoutant, ques’ilétait guéri, comme Guay lui en donnait l'espoir, il vengerait le Nazaréen, et que, pour punir les juifs d'avoir acheté un si grand prophète trente deniers , il vendrait tous ceux qui tomberaient en son pouvoir , à raison de trente pour un denier. Guay part en toute diligence et arrive bientôt à Jérusalem. Il descend chez un bon juif, nommé Jacob, qui lui raconte qu'une pauvre femme de Galilée , atteinte de la lèpre, avait été guérie radicalement par l'intervention de Jésus-Christ. Jésus était sur la croix , dans les sueurs de l'agonie ; la Vierge Marie prit un morceau de toile que Véronique portait sur la tête et fut en essuyer le visage de son fils. L'image du Christ resta em- preinte sur la toile, et dès que Véronique l’eut touchée, elle se trouva guérie. Véronique vivait encore, et Guay la décida sans peine à l'ac- compagner à Rome pour essayer sur l'Empereur l'effet miracu- leux de la précieuse relique qu'elle avait du Sauveur. 276 MÉMOIRES A leur arrivée dans la capitale de l'Empire, ils trouvent Ves- pasien fort malade. Celui-ci, enchanté d'apprendre le succès de la mission de Guay , convoque toute sa Cour , dans laquelle se trouvaient, dit l'auteur, des rois, des ducs, des comtes, des barons et toute la chevalerie. Il était tellement affaibli qu'il ne pouvait se soutenir et qu'il devait le lendemain couronner son fils Titus Empereur. Guay le prévient qu’il n’obtiendra sa gué- rison que s'il met toute sa confiance dans le fils de Marie. L'Empereur promet de le faire et ajoute : que si le prophète lui fait l'insigne faveur de lui rendre la santé, il veut venger sa mort. L'épreuve est renvoyée au lendemain et doit se faire de- vant toute la Baronnie. Vespasien , pour suivre le conseil de Guay, n'adora pas ce jour-là ses idoles. Véronique, prévenue par Guay qu’elle doit être présentée le lendemain à l'Empereur , se met aussitôt en prières pour deman- der à Dieu la grâce d'opérer la guérison de Vespasien. Un hasard providentiel la rapproche du disciple Clément , qui avait converti Guay à la foi chrétienne et qui consent à venir exposer devant l'Empereur les mystères de la divine mission du Christ. Véronique, persuadée qu'entre les mains de ce fervent apôtre de la foi nouvelle la relique aura plus d'efficacité, la lui confie, et le lendemain elle est introduite avec Clément devant l'Empereur. Clément expose avec chaleur toutes les circonstances de la naïis- sance , de la vic et de la passion de Jésus-Christ propres à tou- cher le cœur de l'Empereur, etquand il croit avoir suffisamment agi sur l’esprit de son auguste auditoire, il déploie subitement la toile de Véronique, et Vespasien s'écrie qu'il vient d'être guéri. Notre auteur, jaloux de témoigner de la reconnaissance de Vespasien pour l'opérateur de sa merveilleuse guérison, le fait immédiatement créer pape par l'Empereur. Il n’y a qu'un mal- heur, c'est que d’abord les Césars du premier siècle firent plus de martyrs que de Papes, et que , d’un autre côté, Vespasien, qui est mort en 79 , n’a pas pu instituer Saint Clément 1° qui n’a été élu qu’en 91, sous Domitien, Vespasien tenait à accomplir son vœu ; aussi le voyons-nous s'embarquer pour la Palestine avec tous ces rois, ducs , comtes, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 277 barons et chevaliers au nombre de 300,000. Cette croisade anti- cipée était partie sur 900 galères et 30,000 vaisseaux de charge. Favorisée par un temps à soubait , elle débarquait cinq jours après à Acre qui se rendit à discrétion. Entre Acre el Jérusalem, l'Empereur assiége la citadelle d'Areaphat dont il passe la garnison au fil de l'épée , en épar- gnant seulement l'historien Josèphe que notre traducteur appelle Jaffet, et qui accompagne le vainqueur au siége de Jérusalem. Parmi les détails les plus curieux de ce siége, je vous signalerai la manière assez nouvelle dont Vespasien approvisionne d’eau son armée par le conseil de Josèphe ; il n’est question de rien moins que de 60,000 peaux de bœufs et de vaches que l’on avait étendues sur des poutres en manière d’aqueduc pour amener dans la vallée de Josaphat les eaux du fleuve du diable qui n’est autre que le lac asphaltite. Les assiégés, qui avaient compté sur les effets de la sécheresse pour être débarrassés de leurs ennemis, virent avec désespoir le secours inespéré qui arrivait à Vespasien. Mais ils n'en persis- tèrent pas moins à se défendre courageusement. La famine sur- vint, et avec elle se produisirent, dans cette malheureuse cité , tous les crimes enfantés par la faim. L'histoire dit bien qu’on vit une mère faire rôtir et dévorer son enfant ; mais notre auteur , qui veut toujours enjoliver les choses, prétend que c’est sur l'ordre d’un ange et pour accomplir une des prophéties de Jésus que ce forfait odieux fut commis. Pilate sentit , en passant dans la rue, l'odeur de cet étrange mets, et envoya chez la malheu- reuse mère réclamer une part du festin. Mais ses émissaires reculèrent d'horreur à l'aspect de ce nouveau repas d’Atrée, et rapportèrent à Pilate ce qu'ils avaient vu. Disons à sa louange que ce récit fit sur lui une telle impression qu'il resta trois jours malade dans son palais. Pilate ne pouvant plus nourrir ses sujets, leur conseilla de moudre leur or, leur argent et leurs pierres précieuses et de les prendre comme aliment, ce qui les fit vivre pendant vingt-deux jours. Enfin, pressés par les Romains, ils fu- reut obligés de se rendre à merci. Vespasien, qui voulait faire expier aux juifs la mort de Jésus, livra trente juifs pour un denier à chacun de ses soldats qui, 278 MÉMOIRES sachant que les juifs avaient avalé leurs trésors, égorgèrent impitoyablement les prisonniers, croyant retrouver dans leurs entrailles les richesses dont ils s'étaient nourris par le conseil de Pilate. Vespasien en réserva seulement six séries de trente, ce que l’auteur patois appelle naïvement : sieis dincrradas — six denierées. — M les fit lier et mener à Acre, les plaça sur trois navires qui furent conduits en pleine mer et abandonnés à la grâce de Dieu. Elle ne leur fit pas défaut, et sans doute, comme dit l’auteur, Dieu voulut qu'il restät sur terre quelques dé- bris de la nation juive en souvenir de sa passion. H fit aborder l'un des navires à Narbonne , le second à Bordeaux, et le troi- sième en Angleterre. La conquête de la Judée accomplissait le vœu de Vespasien. H put en toute süreté de conscience retourner à Rome pour recevoir le baptême du Pape Clément. Mais il restait encore un grand coupable à punir, c'était Pilate. Un matin, au sortir de la messe de saint Clément, Vespasien et Titus assemblérent les sénateurs , et leur ordonnérent de juger Pilate. Ce ne fat pas long ; ils le déclarèrent coupable , et le condamnèrent à mori, remettant , selon un prétendu décret d’Auguste, l'exécution de leur arrêt à la justice de Vienne. Ici l’auteur raconte avec une volupté de cannibale les vingt-deux jours de supplice réservés à Pilate; je vous fais grâce de cette boucherie, car un dernier miracle qui termine le livre en empêcha l'exécution. Pilate, arrivé à Vienne , fut enfermé dans une tour qui se trouvait sur le pont du Rhône; et le jour fixé pour son supplice, le peuple se rassembla en foule sur la place. Les justiciers entrèrent dans la tour pour conduire Pilate à l’échafaud ; mais à peine étaient- ils entrés qu'ils la sentirent trembler sous leurs pas, et qu’on vit apparaître aux fenêtres et aux crénaux une multitude in- nombrable de diables répétant à grands cris : Il est à nous, il nous appartient! et soudain la tour s’affaissa dans le Rhône, et disparut dans un tourbillon d'eau. Les Viennois voulurent sonder l'abime , mais quatre cents brasses de cordes ne purent pas en mesurer la profondeur. L'auteur explique naïvement pourquoi les diables emportè- rent ainsi Pilate avant son supplice. C'est, dit-il, qu'il aurait DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 279 pu se repentir äu moment suprême, et qu'ils voulaient être sûrs de l'avoir toujours avec eux en corps et en âme. I serait aisé, à l'occasion de cette fable , de faire parade d'une facile érudition ; je m’en garderai bien : que nous importe d’ailleurs que Pilate soit où non mort à Vienne ? ce qu'il y a d'à peu près certain sur son compte, c'est qu'il se tua , lan 40 après Jésus-Christ, pour se soustraire à la cruauté de Caligula. Vous me pardonnerez , je l'espère, cette longue analyse en faveur de l'origine toulousaine d’un livre qui avait été fait pour le peuple, et qui représente beaucoup mieux la langue vul- gaire de notre province , dans la première moitié du xvr siècle : que les écrits en vers , où la forme poétique et limitation domi- nent toujours. Dans cet ouvrage les désinences caractéristiques de la langue romane se retrouvent encore presque toutes; mais on sent par l'envahissement de certains mots, et par l'adoption de certaines tournures , que la langue du Nord a déjà déposé de nombreuses alluvions , et que bientôt va commencer le déclin de l’idiome qui pendant huit siècles avait régné sans partage dans nos con- trées. C'était la conséquence inévitable de la prépondérance acquise par la France d’outre-Loire. La langue d'Oe, dédaignée dès longtemps par les hommes graves qui avaient trouvé dans le latin une langue universelle ; repoussée par {out ce qui tenait au pouvoir civil, ne fut jamais employée par la science. Enfin, dans la poésie, où personne ne conteste ses succès, elle resta toujours inférieure, pour la perfection, aux dialectes harmo- nieux de l'antiquité, et dut nécessairement s'éclipser pour ne plus jeter que quelques lueurs intermittentes. C'est ainsi que la langue des troubadours, amoindrie ct dédaignée, fut renfermée chaque jour davantage dans le cercle des besoins vulgaires; et tandis que ses sœurs puinées, l'italienne et l’espagnole , se fixaient et se développaient par la culture in- tellectuelle et la suprématie politique, elle descendit graduel- lement jusqu'à ne plus être qu'un patois. Souveraine détrônée , elle trouva encore des courtisans pour la consoler de son abaissement. Mais malgré le mérite reconnu 280 MÉMOIRES de quelques-uns de ses poëtes, elle ne put jamais se relever du coup mortel qui lui avait été porté, car elle était frappée d’im- puissance. Et pour exprimer des sentiments ou des besoins nouveaux , elle était obligée d'emprunter ses expressions à l'or- gueilleuse rivale qui l'avait dépossédée. Vous ne prendrez certainement pas la peine de rechercher l'utilité de ce mince travail; cependant ne füt-il que le résultat d’une fantaisie, j'oserai me féliciter du sentiment pieux qui m'a porté à recueillir cet orphelin de la typographie toulou- saine. Je ne ferai pas sa gloire, à coup sûr. Mais si cet unique exemplaire disparaît jamais, l'on trouvera peut-être dans vos registres la preuve de son existence. C’est ainsi que j'ai décou- vert dans vos archives le titre complet d’un livre dont la pu- blication était presque problématique , et qui peut dès aujour- d'hui prendre rang dans la grande famille bibliographique. C'est un enfant perdu dont j'ai retrouvé l'acte de naissance. Si l’on admet comme légitime le bonheur de l’horticulteur qui possède une variété unique de tulipe, ne devra-t-on pas avoir quelque indulgence pour le bibliophile qui compte ses richesses ? La possession exclusive est une des Jouissances les plus intimes de la propriété, et sous ce rapport, on peut l'af- firmer, la science bibliographique sera longtemps à l'abri des doctrines communistes , car, pour emprunter le mot d’un homme d'esprit : si l’amour de la propriété disparaissait jamais de la surface de la terre, on le retrouverait à coup str dans de cœur d’un bibliophile. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 281 BULLETIN DU MOIS DE JUIN 14850. M. Brassixe lit une note sur la variation des constantes arbi- traires dans les problèmes de la Mécanique céleste. 11 démontre par la méthode employée dans la cinquième section de la Méca- nique analytique, les formules de M. Poisson. L'Académie procède, pour la seconde fois, à la nomination d'un associé résidant dans la classe des Inscriptions et Belles- Lettres. Mais aucun des candidats n'ayant obtenu , après trois tours de scrutin, le nombre des suffrages requis, la nomination n’a pas eu lieu. En conséquence , et conformément à l’article #8 de ses règlements, toutes les dispositions préparatoires pour cette nomination sont considérées comme non avenues, et la proposition de déclarer de nouveau cette place vacante, pourra être reproduite. L'Académie procède à la nomination d’un associé cerrespon- dant. M. Boucher de Perthes , Président de l'Académie d’Abbe- ville, ayant obtenu au scrutin le nombre des suffrages requis , M. le Président l’a proclamé Associé correspondant pour la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. L'Académie décide qu’elle procédera en séance, le 11 juillet 1850, à la nomination d'un associé résidant, pour la place déclarée vacante dans la classe des Inscriptions et Belles- Lettres. M. Desparreaux-BERvaRD lit un petit travail bibliographique sur un livre roman imprimé à Toulouse au milieu du XVI: siècle. Ce livre, probablement unique et inconnu en bibliogra- phie, est intitulé Prta Christi. La Vida de nostre Salvador et Redemptor Jhesuchrist , al lengaget de Tholosa , am lo tres- passament de nostra Dama, et la benjansa et destruction de 3° $.— TOME VI. 19 Séance du 6 juin 11 juillet 15 juin. 282 MÉMOIRES Hierusalem, fayta per Vaspasien Emperador de Roma , ystoriada ; nouuelament imprimada aldict Tholosa. 1544. Ce travail est imprimé dans la livraison. M. Vrrry communique à l’Académie un mémoire sur l’appli- cation de la photométrie à l'éclairage public. Cet ouvrage est imprimé dans la livraison. - M. Benecu donne lecture d’une notice sur Géraud de May- nard, Conseiller au Parlement de Toulouse. Cette notice se divise en quatre parties. Dans la première , l’Auteur expose la biographie de Géraud de Maynard , qui, né à Saint-Céré, pe- tite ville du haut Quercy , le 18 septembre 1537 , fut successi- vement juge ordinaire de Saint-Céré , Sénéchal du vicomté de Turenne, Conseiller aa Parlement de Toulouse le 5 décembre 1573 jusqu’au 31 août 1596, époque à laquelle il se démit de sa charge en faveur de son fils Jean de Maynard, et se retira dans sa ville natale, où il mourut en 1607 après avoir publié son Recueil des notables et singulières questions de Droit écrit décidées et jugées par arrêts mémorables de la Cour souveraine du Parlement de Toulouse. La seconde partie est consacrée à l'examen critique du Re- cueil dont il vient d’être parlé. Maynard y est étudié tour à tour comme Arrestographe et comme Jurisconsulte. IL est mis en rapport avec les arrêtistes du Parlement de Toulouse qui l'ont précédé , avec ceux qui sont ses contemporains , et avec ceux qui l'ont suivi. Dans la troisième partie, M, Benech met en relief les qua- lités de Géraud de Maynard, envisagé tour à tour comme magistrat , comme homme politique, et comme citoyen. Enfin, la quatrième et dernière partie de la notice est consacrée à l'exposition de plusieurs faits ou épisodes cons- tatés dans le Recueil de Maynard, et ayant trait à la biogra- phie de deux professeurs de l’ancienne Faculté de droit de Tou- louse, Fernand et Jean de Coras, et d’un des plus célèbres magistrats du Parlement de cette ville à la même époque, Jean- Étienne Duranti. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 283 Il cite notamment plusieurs fragments de Géraud de May- nard , qui contiennent tous de grands éloges de Duranti , et il en induit que les accusations dirigées contre Duranti, et qui ont pour objet de le faire considérer comme ayant ordonné ou favorisé les massacres de la Saint-Barthélemi , à Toulouse, le & octobre 1572 , sont dénués de tout fondement. M. Benech fortifie ces inductions par un témoignage déci- sif, selon lui, qu'il emprunte aux éloges nombreux , prodigués à Duranti par Jacques Ferrière, un des avocats les plus dis- tingués du Parlement de Toulouse. Jacques Ferrière dit en effet, dans ses Annotations sur Guy-Pape (annotations sur les questions VII, 22% et 612), que Duranti était un magistrat des plus intègres, des plus recommandables, et qu'il avait bien mérité de son pays , #tegerrimus, merilissimus, de hoc regno benè meritus ; or, Jacques Ferrière était le fils de François Ferrière, Conseiller au Parlement, l’une des victimes de la Saint-Barthélemi. D'un autre côté, Jacques Ferrière a commenté et édité lur- même les œuvres de Duranti. D'où il suit que si Étienne Duranti était coupable ou complice des massacres de la Saint- Barthélemi , il serait arrivé que Jacques Ferrière, qui était d’un âge à pouvoir apprécier tout ce qui s'était passé à Toulouse à cetle époque, aurait fait l'éloge le plus pompeux, commenté et édité les œuvres de l'assassin de son propre père. M. Benech termine son travail par des considérations sur les services rendus à la chose publique par la magistrature du seizième siècle, magistrature dont Géraud de Maynard fut un des membres les plus distingués. M. Barry lit une notice descriptive sur le musée étrusque de Cortone. Il insiste particulièrement sur une magnifique lampe de bronze , à seize becs , dont les proportions colossales, l’orne- mentation symbolique et fantastique, ont quelque chose de frappant. Elle provient , à ce qu'il paraît, de quelqu'une des riches hypogées du voisinage, et semble appartenir, par le carac- tère fortement archaïque de son style, à la seconde époque de l'art étrusque. 20 juin. 27 juin. 284 MÉMOIRES M. Fimo donne quelques explications sur la présence de l’iode dans quelques plantes qui naissent sur les bords des eaux douces de nos contrées , et sur des incrustations qui existent sur des roches situées aux eaux thermales de Bagnères-de-Luchon. M. Penir communique verbalement quelques-uns des résul- tats auxquels l'ont conduit des recherches sur les étoiles filan- tes du mois d'août 1849 , et sur les rapports qui existent entre les apparitions de ces météores et les anomalies observées dans les températures de la surface de la terre. M. Mouis donne la démonstration d’un théorème sur la divi- sibilité des nombres , théorème dont l'énoncé lui a été com- muniqué. M. Ducasse présente quelques réflexious sur la tête du fœtus, considérée sous le rapport de la parturition. Il l’envisage ana- tomiquement dans les deux parties qui la constituent , la voûte et la base , et fait ressortir les avantages pratiques qui résultent, pour la mère et pour l'enfant , de la différence dans la confor- mation qu’elles ont reçue. La première, arrondie, mobile , com- posée de plusieurs os séparés à la fois et réunis par des espaces membraneux qui leur permettent un rapprochement quelque- fois très-étendu dans les accouchements difficiles ; l’autre , plus rétrécie, plus solide, complétement ossifiée à la naissance et qui, par l'effet de cette solidité, n’est pas susceptible de com- pression , car celle-ci serait mortelle pour l'enfant, à raison des lésions qu'elle ne manquerait pas de produire et de l'im- possibilité où serait l’accoucheur d'y remédier. L'Académie déclare une deuxième place vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres Elle procédera à la nomination dans la séance du 11 juillet 1850. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 285 EYYIFYFZZDEEE——————…—…—…—…"—"…." _….— ———————————— CONSIDÉRATIONS NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES FORCES ; Par M. P. ST-GUILHEM. S L. COMPOSITION DES FORCES APPLIQUÉES A UN CORPS SOLIDE. 1. Nous admettrons comme démontrées les lois relatives à la composition des forces convergentes, notamment les lois du parallélogramme et du parallélépipède des forces. Nous nommerons résultante géométrique de plusieurs for- ces données la résultante de ces forces transportées paral- lèlement à elles-mêmes en un même point de l'espace. Nous dirons qu'une force est le complément d'une autre force par rapport à une troisième, lorsque la résultante géo- métrique des deux premières coïncide en grandeur et en direction avec la troisième. Une force quelconque P peut toujours être remplacée par deux autres forces situées dans le plan qui passe par la force P et par un point arbitraire 0; l’une agissant immédiatement au point 0, l'autre suivant une droite arbitraire distante du point 0 d’une quantité égale à l'unité. Cette dernière compo- sante est ce que nous nommerons le moment de la force P par rapport au point 0; le point arbitraire o, autour duquel on peut imaginer que le moment de la force tend à faire tour- ner son point d'application , sera Je centre des moments; le plan, passant par la force et par le centre des moments, sera le plan du moment de la force. 3° s. — TOME VI. 20 286 MÉMOIRES On démontrera aisément, à l’aide du parallélogramme des forces, 4° que le moment d’une force P a pour mesure le produit de cette force par sa distance au centre des mo- ments, et qu'elle tend à tourner autour de ce point dans le même sens que la force; 2° que la force appliquée au cen- tre des moments n’est autre chose que le complément du moment de la force P par rapport à cette force. 2. Cela posé, soit P,,P,, P.,... des forces quelconques appliquées à divers points d’un corps où système solide ; G,, G,, G; .… leurs moments respectifs par rapport à un point quelconque lié invariablement au système; H,, H,, H,... les compléments respectifs de ces moments par rapport aux forces P,, P,, P... Les moments G,, G,, pouvant avoir des directions arbi- traires dans leurs plans, appliquons-les au même point sui- vant des droites perpendiculaires à l'intersection commune de leurs plans; ils se composeront en une seule force G' laquelle étant située à l'unité de distance du centre des mo- ments se confondra avec son propre moment; les complé- ments H,, H, se réduiront à une force H qui sera évidem- ment le complément de G' par rapport à la résultante géomé- trique des forces P, et P.. Appliquons de même les moments Get G; au même point perpendiculatrement à l'intersection de leurs plans, ils se composeront en un seul G; les compléments H', H, se com- poseront également en un seul H” qui sera le complément de G” par rapport à la résultante géométrique des forces R'PeiP En continuant les mêmes raisonnements, on arrivera à un dernier moment qui sera le moment résultant du système , et à un dernier complément qui sera le complément du mo- ment résultant par rapport à la résultante géométrique de toutes les forcés du système , ou tout simplement le complé- ment du moment résultant. 1 L -s DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. Autre expression de lu loi précédente. 3. Nous appellerons axe du moment d’une force l'axe du plan du moment de la force correspondant au centre des moments. Le centre des moments sera l’origine de l'axe. Sa direction positive sera telle qu'un spectateur placé le long de Paxe, la tête du côté positif, les pieds du côté néga- uf, verra la force tendant à tourner de sa gauche à sa droite. La grandeur de l'axe du moment est la grandeur du moment de la force. Nous supposerons toujours qu'elle est comptée sur la direction positive de l'axe du moment à partir de son origine. De ces définitions résultent immédiatement ces deux co- rollaires : 1° L’angle des axes de deux moments est toujours égal à l'angle des moments eux-mêmes appliqués au même point perpendiculairement à l'intersection de leurs plans. En effet, si l’on fait tourner l’un des plans des moments autour de son intersection avec l’autre jusqu'à ce que les deux plans coïncident, il est évident que les axes des mo- ments coincideront en même temps; or, l'axe et le moment mobiles ont tourné dans des plans parallèles; done les angles décrits sont égaux ; donc, etc. 2 L’axe du moment résultant de deux moments est la diagonale du parallélogramme construit sur les axes de ces moments. En effet, soit o le centre des moments; G,, G,, deux moments appliqués au même point suivant des droites per- pendiculaires à l'intersection de leurs plans; A,, À, leurs axes ; G' la résaltante de G, et G,; A’ l'axe du moment G'. Puisque A,, À,, A’ sont respectivement égaux à G,, G,, G'; que d’ailleurs A’ est dans le plan des axes A,, À, et fait avec ceux-ci les mêmes angles que G’ fait avec G,, G,;il est évident que A' est la diagonale du parallélo- 288. MÉMOIRES gramme construit sur À,, À, comme G' est la diagonale du parallélogramme construit sur G,, G, ; donc, etc. 4. Cela posé, l'expression de la loi de composition des moments au moyen de leurs axes est fort simple : Quelles que soient les forces appliquées à un système solide, l'axe du moment résultant sera représenté en grandeur et en direction .par la résullante des axes des moments compo- sants, ceux-ci élant combinés entre eux à la manière des forces convergentes. En effet, on obtiendra le moment résultant du sytème en composant d’abord deux des moments du système, puis le moment résultant de ces deux moments avec un troisième , et ainsi de suite ; or, la proposition est vraie pour deux mo- ments ; donc elle est générale. Autre loi de composition des moments plus commode pour le calcul. 5. Posons les deux principes suivants : | 4er principe. Si Von projette sur un plan plusieurs forces données, appliquées au même pot et leur résultante , la projection de la résultante sera la résultante des projections des forces données , toutes ces projections étant considérées comme des forces. En effet, un parallélogramme se projette toujours sur un plan suivant ua parallélogramme ; done le principe est vrai pour deux forces et leur résultante ; donc il est général. 9me principe. Une force donnée peut toujours être rem placée par ses projections sur trois plans rectangulaires quel- conques et par une quatrième force appliquée à l'intersection, des trois plans , égale parallèle et contraire à la force donnée. En effet, soit P la force donnée; 0 un point arbitraire de l'espace; 0æ@,0y, 0%, lois axes rectangulaires queleon- ques. Supposons d’abord la force P parallèle au plan des y z DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 289 et dirigée vers un point de l’axe des æ; d’une part, là force P pourra évidemment être remplacée par ses projections sur les plans des æ y et des æ 3; d'autre part, cette force se pro- jettera sur le plan des y z dans sa véritable grandeur suivant une droite dirigée vers le point o; done la force P, dans l'hypothèse admise, pourra être remplacée par ses projec- tions sur les trois plans coordonnés et par une quatrième force appliquée à l’origine égale parallèle et contraire à la force P. En second lieu , si la force P a une direction quelconque , elle pourra toujours être décomposée en trois autres paral- lèles aux trois plans coordonnés et dirigés vers les trois axes des æ, y, z. Le principe sera vrai pour chacune des compo- santes ; done il sera vrai pour toutes trois à la fois, puisque la projection de la résultante sur chaque plan coordonné est la résultante des projections des composantes sur le même plan. Remarque. Le principe qui vient d'être démontré est vrai également, lorsque les axes 0 x, 0y, 0 z font entre eux des angles quelconques, pourvu que les lignes projetantes relatives à chaque plan soient parallèles à l'intersection des deux autres plans. 6. Ces lemmes posés, pour obtenir le moment résultant d’un système de forces, on remplacera chaque force par ses projections sur trois plans rectangulaires dont le centre des moments est l’origine, et par une quatrième force conve- nable, appliquée à ce dernier point; on déterminera le moment résultant des projections sur chaque plan, et le moment résultant de ces trois moments, sera le moment résultant du système. 7. On appelle moment d'une force autour d’un axe le mo- ment de la projection de la force sur un plan perpendicu- laire à l'axe par rapport au point où l’axe rencontre le plan. A l’aide de cette définition on énonce la loi précédente 290 MÉMOIRES d’une manière plus simple comme il suit : fe moment résut- tant d’un système de forces par rapport à un point est le moment résultant des moments résultants du système autour de trois axes rectangulaires menés par ce point. Calcul du moment de la projection d'une force sur un plan. 8. Soit o le centre des moments; 0, 0Y, 03 trois axes rectangulaires menés par ce point; P une force quelconque appliquée au point æ, y, z; X, Y, Z les composantes de la force P suivant les axes des æ, y, z. Si l'on veut calculer le moment de la projection de 4 force P sur le plan des yz, on observera que ce moment est égal à la somme des moments des projections des forces X, Y,Z sur le même plan, en regardant comme positifs les moments qui tendent à tourner dans un certain sens, comme négatifs ceux qui tendent à tourner en sens contraire. Or, en regardant comme positifs les moments qui tendent à tourner des y positives vers les x positives, il est facile de voir qu’en désignant par L le moment dont il s’agit , on aura dans toutes les circonstances possibles : L= Z y — Y z. Observation. L’axe du moment de la projection de la force P sur le plan des yz, sera évidemment représenté par la même expression , si l’on suppose, comme nous le ferons toujours, que les moments positifs ou négatifs situés sur le plan des y ont leurs axes positifs ou négatifs, et confondus avec la direction positive où négative de l’axe des æ ; mais il importe d'observer que la supposition précédente étant ad- mise, une supposition analogue ne pourrait être adoptée pour les moments situés dans les plans des zx et des æ y qu'autant qu’on admettrait que les moments positifs tendent à tourner sur le plan des zx, des z positives vers les x po- sitives, sur le plan des &y, des æ positives vers les y po- sitives. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 291 Conditions d'équilibre d’un système solide libre sollicité par des forces quelconques. 9. Tout système de forces appliqué à un système solide peut être remplacé par son moment résultant ( le centre des mo- ments étant arbitraire }, et par le complément du moment résultant; or on doit admettre, comme un axiome, que deux forces ne peuvent s’entre-détruire sur un système solide libre , à moins qu’elles ne soient égales et directement con- traires ; donc , puisque les deux forces par lesquelles on peut remplacer le système, ne peuvent pas être directement op- posées , 1l faut qu’elles soient nulles l'une et l'autre ; ou , en observant que le complément du moment résultant coïn- cide avec la résultante géométrique du système lorsque le moment résultant est nul, il faut que Ja résultante géomé- trique et que le moment résultant soient séparément nuls. Ces conditions s'expriment par l'analyse comme il suit : Soit oæ,0y,0z trois axes rectangulaires menés par le centre des moments; L, M, N les moments résultants des projections des forces données sur les plans des yz, zæ, æy; X, Y,2Z les projections de la résultante géométrique sur les axes des æ, y, z. Pour que la résultante géométrique soit nulle , il faudra évidemment que l’on ait X=0; Y=0o; Z—o. Pour que le moment résultant soit nul, il faut que l'on ait L=o; M=o, N=o. Si ces six conditions sont satisfaites , il est facile de voir que le système sera en équilibre. CoroLLaIRE Ie". Pour que deux groupes de forces appli- qués à un corps solide soient équivalents, il faut que la résul- tante géométrique et l'axe du moment résultant de lun des groupes coincident respectivement en grandeur et en direc- tion avec la résultante géométrique et l'axe du moment 292 | MÉMOIRES résultant de l’autre groupe. En effet, pour que les deux groupes soient équivalents , il faut qu'ils soient équilibrés séparément par un troisième groupe; il faut done que la résultante géométrique de chacun des deux premiers groupes soit égale et contraire à la résultante géométrique du troi- sième groupe ; que l’axe du moment résultant de chacun des premiers groupes, soit égal et contraire à l'axe du mo- ment résultant du troisième groupe ; done, ete. CoRoOLLAIRE IE. Pour qu'un système de forces ait une ré- sultante unique, il faut évidemment : 4° que la résultante géométrique ne soit pas nulle; 2° que l'axe du moment résul- tant soit perpendiculaire à la résultante géométrique. Si ces conditions sont remplies , il est visible que le système pourra toujours se réduire à une force unique. Comment varient la grandeur et la direction de l'axe du mo- ment résultant lorsqu'on déplace le centre des moments. 40, Soit o et o' l’ancien et le nouveau centre des moments ; m le point où est appliquée la force P ; 0, un point tel que la figure o 0’ m 0, soit un parallélogramme. Imaginons qu’on ait appliqué aux points 0, 0, les forces P', P, égales et pa- rallèles à la force P. Si l’on projette la figure o 0’ m 0, , sur un plan perpendi- culaire à la direction commune des forces P, P', P,, il est visible que les moments de ces forces relatifs au point 0, se- ront proportionnels aux projections des droites o m, 0 0!,00, ; que si le plan de projections est situé à l'unité de distance du point o, ces moments seront représentés eux-mêmes en grandeur et en direction par lesdites projections. Donc, puisque la projection d’un parallélogramme sur un plan est toujours un parallélogramme , le moment de la force P est la résultante des moments des forces P’ et P ; par conséquent laxe du moment de la force P est la résul- tante des axes des moments des forces P’ et P.. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 293 Or remarquons que l'axe du moment de la force P’ relatif au point o, n'est autre chose que l'axe du moment de la force P relatif au même point, en supposant que la force P est transportée parallèlement à elle-même au point 0’; que l’axe du moment de la force P, relatif au point 0, n’est autre chose que l'axe du moment de la force P relatif au point 0”, en supposant que ce dernier axe est transporté parallèlement à lui-même au point o. Donc, si l’on désigne par R' la résultante des forces don- nées transportées parallèlement à elles-mêmes au point 0’, ou, ce qui revient au même, la résultante géométrique du sys- tème appliquée au point 0’ ; par A l'axe du moment résultant du système par rapport au point 0; par À’ l'axe du moment de la force R° par rapport au même point; par A, l'axe du moment résultant du système par rapport au point 0! , on aura la relation : l'axe À est la diagonale du parallélogramme construit sur les axes A’ et À,, ce dernier étant transporté parallèlement à lui-méme au point o. Cette relation détermine complétement la loi de variation de l’axe du moment résultant, lorsqu'on déplace le centre des moments. On déduit de cette relation plusieurs conséquences im- portantes : 1° Si l’origne des axes se meut sur une parallèle à la résultante géométrique , l'axe du moment résultant conserve la même grandeur et la même direction; car A’ étant tou- jours nul, À, coïncide toujours avec À en grandeur et en direction ; 2° Quel que soit le déplacement de l'origine , Faxe du moment résultant, estimé suivant la résultante géométrique , conserve la même grandeur et la même direction; car A, étant transporté parallèlement à lui-même au point 0, la droite qui joint les extrémités de A et de À, est parallèle à A", et par conséquent perpendiculaire à la résultante géométrique ; 29% MÉMOIRES 5° Parmi tous les axes des moments résultants relatifs aux divers points de l'espace , les plus petits sont ceux qui sont parallèles à la résultante géométrique ; leur valeur com- mune est égale à la projection de l'axe d’un moment résul- tant quelconque sur cette force. Le lieu des origines s'obtient facilement en observant que À et À, étant connus en grandeur et en direction, A” l’est également; que À étant connu, si lon construit une force R’ égale et parallèle à la résultante géométrique, et dont le moment ait pour axe A’, tous les points de la droite suivant laquelle agit la force R’ sont sur le lieu cherché. On appelle cette droite l'axe central des moments. 4° Si l’on suppose que l’axe À coïncide avec l’axe central des moments, en appelant R l'intensité de la résultante géométrique, p la distance de la nouvelle origine à l'axe A, on aura À, —A°+R'p", équation qui fait connaitre com- ment varie la grandeur de l'axe du moment résultant à me- sure qu’on s'éloigne de l’axe central. $ IL. MOUVEMENT D'UN CORPS SOLIDE. A1. Nous appelons milieu un système de points géomé- tiques , dont chacun est situé à des distances invariables de tous les autres, et à des distances infiniment petites des points immédiatement voisins. Si le milieu est fixe, il est absolu ; s’il est en mouvement, il est relahf. Lorsqu'un point matériel parcourt des espaces égaux en temps égaux ( c’est ce qui a toujours sensiblement lieu dans un temps très-petit }, le rapport de l'espace parcouru au temps employé à le parcourir, se nomme la vitesse du point matériel ou de son mouvement; elle est absolue dans un milieu absolu ; relative dans un milieu relatif. La direction du mouvement dans le milieu absolu ou relatif est la direction de la vitesse absolue ou relative. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 295 Un milieu est doué d’une vitesse donnée lorsque tous les points de ce milieu sont doués au même instant d’une vitesse égale et parallèle à la vitesse donnée. Un point matériel est doué à la fois des vitesses &, b, c -..k, lorsque ce point étant considéré comme situé à la fois dans autant de milieux qu'il possède de vitesses , on suppose qu'il est doué de la vitesse 4 dans le premier milieu ; que ce premier milieuest doué de la vitesse à dans le second milieu : ...... que l’avant-dernier milieu est doué de la vitesse X dans le dernier milieu, lequel est un milieu absolu. Il suit de là que si un point matériel est doué à la fois des vitesses a et b, il est doué réellement d’une vitesse représentée en grandeur et en direction par la diagonale du parallélogramme construit sur les vitesses a et b; Que généralement si un point matériel est doué à la fois des vitesses a, b,c... k, il est doué réellement d’une vitesse représentée en grandeur et en direction par la résul- tante des vitesses a, b,c...1k composées entre elles comme des forces. Nous dirons qu'un corps solide est doué à la fois des mouvements À, B, C... K, lorsque ce corps élant situé à la fois dans autant de milieux qu’il possède de mouvements , on suppose qu'il est doué du mouvement A dans le premier milieu ; que ce premier milieu est doué du mouvement B dans le second milieu;.......... que l’avant-dernier milieu est doué du mouvement K dans le dernier milieu , lequel est un milieu absolu. Lorsqu'un corps solide tourne autour d’un axe d’un mouvement de rotation , la vitesse d’un point quelconque du corps situé à l'unité de distance de l'axe , se nomme la vitesse angulaire du mouvement de rotation. Nous supposerons que l'axe de rotation a une direction positive et une direction négative ; nous choisirons toujours la direction positive de manière qu'un spectateur qui serait 296 MÉMOIRES placé le long de l'axe, la tête du côté positif, les pieds du côté négatif, verrait le mouvement du corps s'effectuer de sa gauche à sa droite. Si sur l'axe de rotation d’un corps solide, et à partir d’une origine arbitraire 0, on prend du côté positif une longueur 0 À égale à la vitesse angulaire du mouvement, nous di- rons que 0 À est la caractérishique du mouvement de rotation. Le moment d’une force qui serait représentée en grandeur et en direction par la caractéristique d’un mouvement de rotation sera pour nous le moment de la caractérisiique. Propriétés géométriques du mouvement d'un corps solide. 12. fre Propriéré. Si un corps solide est assujetti à tour- ner autour d’un point fixe, son mouvement peut être consi- déré comme un mouvement de rotation autour d’un axe dont la position varie à chaque instant. Pour le prouver, faisons voir d’abord que si un plan est perpendiculaire à la vitesse de l’un de ses points, il est per- pendiculaire aux vitesses de tous les autres ; à cet elfet, soit 0 le point fixe, V un plan contenant les deux points m et m' et perpendiculaire à la vitesse du point m, il s’agit de montrer que le plan V sera aussi perpendiculaire à la vitesse du point m'; or, puisque le plan V est perpendiculaire à la vitesse du point m , il passe évidemment par le point fixe 0; puisque la distance du point m/ au point o est constante, Ja vitesse du point m' est perpendiculaire à la droite om’, il suffit done de prouver que la vitesse du point m’ est perpen- diculaire à une seconde droite mm’ située dans Île plan V; or, si au bout d’un instant, la droite mm’ est transportée en n# de telle sorte que le point m tombe enn,m’ en, on peut supposer que la droite mm’ s’est mue d’abord pa- rallèlement à elle-même , et a occupé la position nn, , qu’en- DE L'ACADÉMIE DES SCIEVCES. 297 suite elle à tourné autour du point x pour se placer sur nn’ ; or, dans ce double mouvement, le point m' n’est pas sorti du plan perpendiculaire à mm! mené par le point m', donc la vitesse du point m’ est perpendiculaire à m m'; donc, etc. Si l'on détermine maintenant un second plan, dont tous les points aient des vitesses perpendiculaires à ce plan , lin- tersection de ces deux plans sera nécessairement en repos ; car sans cela les divers points de l'intersection se mouvraient à la fois dans l’espace absolu suivant des droites perpendi- culaires aux deux plans, ce qui est absurde. La droite , sui- vant laquelle se coupent les deux plans, se nomme l'axe instantané relatif au point fixe. CoroLiaiRE Er. Un corps solide doué d’un mouvement quelconque dans l'espace, peut être considéré comme doué à la fois d’un mouvement de translation égal et parallèle à celui d’un point quelconque du corps, et d’un mouvement de rotation autour d’un axe passant par ce point. Car si l’on imagine le corps plongé dans un milieu doué d’un mouve- ment de translation égal et parallèle à celui du point dont il s’agit, il est bien clair que le corps tournera dans ce milieu comme si le point dont il s’agit était fixe; donc, ete. CoroLLaiRE IE Un corps solide peut être considéré à chaque instant comme doué d’un mouvement héliçoïdal au- tour d’un certain axe. En effet , soit V la vitesse du point m; D l'axe instantané relatif à ce point ; décomposons la vitesse V en deux autres V,, V,, l'une suivant la droite D, l’autre perpendiculaire à cette droite, menons par la droite D un plan perpendicu- laire à V, ; traçons dans ce plan une droite D’ parallèle à la droite D, et telle que sa vitesse de rotation autour de la droite D soit égale et contraire à V,; il est évident que tous les points de la droite D’ auront une seule et même vitesse V,, tandis que les autres auront la vitesse de translation V,, et une certaine vitesse de rotation autour de Faxe D'; done, etc. 298 MÉMOIRES 2e Propriété. Si un corps solide est doué à la fois de plusieurs mouvements de rotation dont les caractéristiques soient P,, P,, P,.... on pourra le considérer comme doué d’un mouvement de translation dont la vitesse serait repré- sentée en grandeur et en direction par l’axe du moment résul- tant des caractéristiques données , le centre des moments étant un point quelconque m, et d’un mouvement de rotation dont la caractéristique serait représentée par la résultante géométrique des caractéristiques données, appli- quée au point m. Pour démontrer cette propriété, supposons d’abord que les caractéristiques soient convergentes et qu’elles soient réduites à deux seulement P,, P.. Si o est le point de con- cours, € un point situé à l’unité de distance des deux carac- téristiques sur une perpendiculaire menée par le point o au plan des deux caractéristiques, le point c se trouvera doué à la fois des vitesses angulaires P,, P, autour des carac- téristiques P,, P,; il est visible alors que si l’on considère les vitesses angulaires comme des moments , ce qui est permis , la vitesse angulaire résultante , ou la caractéristique résultante, sera la résultante des caractéristiques des mouve- ments composants. D'ailleurs, ce qui est vrai pour deux caractéristiques, est vrai pour un nombre quelconque; donc lorsque les caracté- ristiques concourent toutes en un même point, elles se composent entre elles d’après les mêmes lois que les forces convergentes. Supposons maintenant que les caractéristiques aient des situations quelconques dans l’espace , elles pourront, étant combinées entre elles comme des forces, être réduites à deux, l’une G représentant le moment résultant des caracté- ristiques par rapport au point m, l’autre H le complément du moment résultant appliqué au point m. Cette dernière caractéristique pourra être décomposée en DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 299 deux , lune — G égale, parallèle ef contraire au moment résultant, l’autre égale et parallèle à la résultante géométrique R des caractéristiques. On aura alors deux caractéristiques G,— G égales et opposées, et une troisième caractéristique R appliquée au point m; or il est facile de démontrer que les deux rotations correspondantes aux caractéristiques G, — G produisent un simple mouvement de translation dont la vitesse est représentée par l'axe du moment G ; en effet, soit m' un point de la caractéristique — G autre que le point m; m, un point quelconque de la caractéristique G; il est visible qu’en vertu des rotations G, — G les trois points m, m',m, au- ront des vitesses égales et parallèles à l'axe du moment G ; done tous les points du corps auront des vitesses égales et parallèles à cet axe; done, etc. Observation. Si l'on prend l’origine m de manière que l'axe du moment résultant soit parallèle à la résultante géométrique des caractéristiques , le corps aura un mouve- ment héliçoïdal autour d’un axe parallèle à la résultante géométrique des caractéristiques. La vitesse de translation sera alors un minimum. Mesure des forces dont 1l sera fait usage. 15. La mesure des forces par leurs effets est fondée sur deux principes empruntés à l'expérience : 4er Principe. Lorsqu'un point matériel dépouillé de toute influence étrangère se meut librement dans un milieu absolu, il parcourt perpétuellement dans la même direction des es- paces égaux en temps égaux. 9me Principe. Lorsqu'un point matériel est sollicité en même temps par plusieurs forces , il est doué à la fois de la vitesse acquise et des vitesses produites séparément par toutes les forces. I suit de là immédiatement, 1° que si une force sollicite 300 MÉMOIRES un point matériel dans la direction de la vitesse, elle aura our mesure le rapport du en désignant par dv la vitesse acquise dans un temps infiniment petit dt et en convenant de regarder la force comme positive ou négative suivant que la vitesse croit ou décroit; 2 que si une force sollicite un point matériel libre dans une direction quelconque , on pourra toujours considérer la vitesse dont le point est animé comme la résultante de trois vitesses parallèles aux trois axes 0x, oy, 0x; la force donnée comme la résultante de trois forces parallèles aux mêmes axes; en sorte que si l’on désigne par æ, y, = les coordonnées d’un point mobile au bout du temps t, les trois composantes de la vitesse suivant les axes seront j dx dy dz ; respectivement , ” 2. les trois composantes de la force dx dy dx GT AANT SONT Lorsqu'un point matériel est soumis à des forces et à des liaisons quelconques , la résultante de toutes les forces qui agissent sur lui, soit directement, soit par l’intermé- diaire des liaisons, se nomme la force totale ; les projections C'ORATT RE" suivant les mêmes axes seront de cette force sur les axes sont comme si le point était parfaitement libre. Il est plus commode quelquefois de décomposer la force totale en deux seulement, l’une dirigée suivant la tangente à la courbe décrite, l'autre suivant la normale; la première ; dv se nomme la force tangentielle, elle a pour mesure + : la se- conde, dirigée toujours du côté de la coneavité de la courbe, se ‘ FAT vu? nomme la force infléchissante , elle a pour MESUrE — ARE (L) Si Von prend pour plan des æ y le plan de Farc décrit dans le temps dt lequel comprend évidemment la force dont il s'agit, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 301 étant dans les deux cas la vitesse au bout du temps 4, ele rayon de courbure de l’are décrit dans le temps d t. Une force égale et contraire à la force totale se nomme la force d'inertie. La force totale prend le nom de force motrice lorsqu'on fait abstraction de toutes les forces provenant des liaisons. Une force fictive qui, agissant sur un point matériel sui- vant la droite qu'il tend à décrire, produirait instantanément la vitesse dont il est animé, se nomme la furce instantanée , ou la quantité de mouvement de ce point ; elle a pour mesure la vitesse de ce point. Chacune des expressions précédentes, mulüipliée par un coeflicient constant, donne la mesure de la force correspon- dante, en tenant compte de la quantité de matière ou de Ia masse du point matériel. La masse est elle-même égale au volume du point matériel multipliée par un coellicient qu'on nomme la densité. Lorsqu'un corps solide tourne d’un mouvement de rota- tion autour d’un axe, le moment résultant des quantités de mouvement divisé par la vitesse angulaire est une quantité indépendante de l'état de mouvement du corps ; on l'appelle le moment d'inertie du corps par rapport à l'axe. et si l'on appelle « l'angle que la vitesse fait avec l'axe des x posi- ifs on aura : dx y ' ne bla RP TA VERS d'où d'æ dv dx d'y dv. da F Come comtes: 5 0 cena reste ! si l’on suppose que l'axe des æ posilifs coïncide avec la direction de la vitesse et si l’on appelle ds l'arc décrit dans le temps d t on aura : Œx_dv d'y _v* CR, —=—, CET TA eme J° s.—TOME vi. 21 ; ds sinæa—0,cosa—1,da—=—; don 2 302 MÉMOIRES Détermination de l'axe du mument résultant des forces in- fléchissantes dans le mouvement d’un corps solide autour d'un point fixe. 44. Soit o la vitesse angulaire du corps autour de l’axe ins- tantané ; m» la masse d’un point quelconque; p, sa distance au point fixe; h, cette distance estimée suivant l’axe instan- tané ; P la force infléchissante qui sollicite la masse m; Q la quantité de mouvement de ce point. Soit en outre, relative- ment au point fixe, F laxe du moment de la force P; G l'axe du moment de la force Q; F, l'axe du moment résultant des forces infléchissantes; G, l'axe du moment résultant des quantités de mouvement des divers points du corps, on aura évidemment : P=mep, Q=mop; F=mo'o.h,, G=moe.e,. De plus , si l’on imagine un plan mené par le point fixe perpendiculairement à l'axe instantané, on observera que l'axe F est situé dans ce plan et que la projection de l'axe G sur ce plan, située toujours à 90 ° à gauche (*) de l'axe Fest ; à h, I arte égale à moe. Po moph,=kF. a done la projection de G, sur le même plan est toujours située à 90° à gauche de , y I FE l'axe F, et égale à F.. =; Ou, en désignant par g, cette pro- jection, l'axe F, est toujours à go° à droite de g, et égal à g, w; done F,, est parallèle à la vitesse de l'extrémité de l'axe G, et égal à cette vitesse; done, l'axe du moment résultant des forces infléchissantes est représenté en grandeur et en di- rection par la vitesse de l'extrémité de l'axe du moment résul- tant des quantités de mouvement. Lé ES (*) Nous supposons toujours , suivant les conventions admises , que le corps tourne de gauche à droite autour de l'axe G. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 303 Délermination, à un instant donné, de l'axe du moment ré- sullant des quantités de mouvement relativement à un corps solide qui lourne autour d'un point fie. 15. Soit Q la caractéristique du mouvement de rotation : m la masse d’un point quelconque du corps ; p sa distance à la caractéristique ; æ, y, z ses trois coordonnées par rapport à trois axes rectangulaires menés par le point fixe ; P,q,7r les trois composantes de la caractéristique suivant les axes des æ, y, z. Si l’on imagine que l'on ait appliqué au point m une force égale parallèle et contraire à la caractéristique, il est visible que l’axe du moment de cette force sera égal et pa- rallèle à la vitesse du point m; done les projections de la vitesse du point m sur les axes seront respectivement TE—TY,TD—pz, py —qæx; donc l'axe du moment de la force instantanée du point » aura Pour projections sur les mêmes axes les quantités mi(py—qz)y—(ræ—pz)s] O) mf(gs—ry)3—(py—qa)| mÊ(ræ—ps)æ—(y3—ry)y} Si nous posons pour abréger Em(y+r)=A,zm(s+a)=B,szmat+y)=C zmyz=D, 2mzœ&=E, zEmæœy=rF. La sommation 5 s'étendant à tous les points du corps, et si nous désignons par L, M, N, les projections de l'axe du moment résultant des quantités de mouvement sur les axes des æ,y,x, on aura : (2) L=Ap—Er—Fq,M=Bq—Fp—Dr, N=Cr—Dg—Ep. 30% MEMOIRES Ces trois quantités suffiront pour déterminer la grandeur et la direction du moment résultant. Remarque Ye. Si k est le moment d'inertie du corps rela- tif à l'axe instantané; K la grandeur de l'axe du moment résultant des quantités de mouvement; 0 l'angle que cet axe fait avee la caractéristique, on aura les relations sui- vantes : jo=r tr (3) { K=L+ELM+EN. : | kQ'=o.K cos6=Lp+Mag+Nr. Ces relations résolvent un grand nombre de questions relatives au mouvement d’un corps solide autour d’un point fixe : nous ne nous y arrêterons pas. Remarque H. On appelle axe principal d'un corps rela- tivement à un point fixe, un axe mené par le point fixe et tel que, si lon fait tourner le corps autour de cet axe, les forces infléchissantes développées se font équilibre autour du point fixe. Il résulte immédiatement de cette die que les axes principaux d’un corps ne sont autre chose que les positions de l'axe instantané pour lesquelles cet axe coïneide avec Vaxe du moment résultant des quantités de mouvement; car ce n’est qu'alors que la vitesse de extrémité de ce dernier axe est nulle. Pour que l'axe instantané soit un axe princi- pal, il faut done que l’on ait (4) - — F =. 4x À étant la valeur commune de ces rapports. Si lon met pour L, M, N, leurs valeurs, l'équation (4) fera connaitre diverses valeurs de x auxquelles correspon- dront des valeurs proportionnelles de p, q,r. Chacun de ces systèmes de valeurs donnera une direction d’un axe prinei- pal du corps. La discussion de l'équation (4) prouve qu'il DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 305 existe toujours trois valeurs réelles de à correspondantes à trois directions rectangulaires de l'axe instantané; done il existe toujours trois axes principaux du corps rectangulaires. On peut démontrer cette proposition d’une manière très- simple en la ramenant à une proposition connue , mais qui se démontre elle-même par les mêmes moyens. A cet effet, remarquons que L, M, N, sont les dérivées par rapport à P,q,r, à un facteur constant près, du premier membre de l'équation. (5) Ap°+Bq'+Cr—2Dqr—2Erp—2Fpq—G=o Donc, si l’on considère p, q, r comme les coordonnées d’un point situé sur la surface de l’ellipsoïde représenté par l'équa- uüon (à), le plan tangent au point où cette surface rencontre l'axe instantané sera perpendiculaire à l’axe du moment résultant des quantités de mouvement ; or, pour que l'axe instantané soit un axe principal du corps, il faut, avons-nous dit, qu'il coïncide avec l'axe du moment résultant des quan- utés de mouvement ; donc il faut que le plan tangent soit perpendiculaire au rayon de la surface. Cette condition n’est remplie qu'à l'extrémité des axes principaux de l'ellipsoide ; donc les axes principaux de l’ellipsoide sont des axes prinei- paux du corps ; done, etc. Remarque HA. Si l'on prend pour axes coordonnés les trois axes principaux (rectangulaires) du corps, il sera très-facile d'obtenir l'axe du moment résultant des quantités de mouvement ,:en supposant que le corps tourne autour de l’un quelconque des axes principaux; en effet, lorsque le corps tourne, par exemple , autour de l'axe des æ , l'axe du moment résultant des quantités de mouvement coïncide avec l'axe des æ; done cet axe n’est autre chose que l'axe du mo- ment résultant des projections des quantités de mouvement sur le plan des y 3; donc il est égal à Ap; de même lors- que le corps tourne autour de laxe des y, l'axe du moment 306 MÉMOIRES résultant des quantités de mouvement est dirigé suivant cet axe et est égal à Bag; lorsque le corps tourne autour de l'axe des z, l'axe du moment résultant des quantités de mou- vement est dirigé suivant cet axe et est égal à Cr. La considération de lellipsoide (5) conduit aux mé- mes résultats; car, puisque les axes principaux du corps sont des axes principaux de l’ellipsoide, on a à la fois D—o,E—o,—F—o; par conséquent les valeurs de L, M, N se réduisent aux valeurs trouvées. Mouvement d'un corps solide autour d’un point fixe. 16. Dans tout système de forces, il y a équilibre à chaque instant entre les forces motrices et les forces d'inertie déve- loppées, ou, ce qui revient au même, il y a équivalence entre les forces motrices d’une part, les forces tangentielles et infléchissantes d'autre part; donc, dans le cas dont il s’agit, on à, par rapport à un axe quelconque, la relation suivante : le moment résultant des forces motrices est égal au moment résultant des forces tangentielles, plus le mo- ment résultant des forces mfléchissantes. Evaluons ces divers moments par rapport aux axes principaux du corps que nous prendrons pour axes des BU, Moments résultants des forces motrices. Nous avons in- diqué dans le 1% comment on évaluait ces sortes de moments; nous pourrons done les supposer connus; nous les représenterons, par rapport aux axes des æ, y, z, par POUR Moments résultants des forces langentielles. Si l'on con- serve les notations de l’art. 15, les moments des quantités de mouvement autour des axes des æ, y, z, seront au bout du temps {, savoir : À p,B q, Cr; au bout du temps t+dit, savoir : À {p+dp),B(q+dq),C(r+dr); donc les DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 307 moments des forces tangentielles autour des axes des æ, y, # seront respectivement : rs y . CT _ Moments résullants des — pret L'axe du moment résultant des forces infléchissantes est représenté en grandeur et en direction par la vitesse de l'extrémité de l'axe du moment résultant des quantités de mouvement ; or, si nous appliquons à l'extrémité a de cet axe une force égale parallèle et contraire à la caractéristique du mouve- ment de rotation, l'axe du moment de cette force sera égal et parallèle à la vitesse du point a; d’ailleurs les coordonnées | du point a sont évidemment À p, Bq, c r; la force appliquée en ce point a pour projections sur les axes —p,—q,—r; donc les moments résultants des forces infléchissantes autour des axes des æ, y, z sont respectivement Cr.q — Bq.r, A per—Cr.p,Bq.p — À p.q, ou bien(C-—Bjgr, (A—C)rp,(B—A)pq. Cela posé, on aura évidemment les trois équations sui- vantles : P—ASE+(C—B)r (6) {Q=BT+(A—C)rp N— Cr (BE A)pq qui sont les trois équations d'Euler ; elles déterminent au bout du temps t les vitesses angulaires du corps autour des trois axes principaux. I faut maintenant trouver la position des trois axes prin- cipaux à la même époque. A cet effet, appelons o le point fixe ; æ, , y,, z,, les coor- données d’un autre point m,, fixe dans l’espace, par rapport aux axes des æ,y,z; il est évident que le corps occupera au bout du temps { + dt la même position par rapport à la 308 MÉMOIRES droite o m, que si le corps était fixe et que la droite o m, eût tourné autour de l’axe instantané avec une vitesse angu- laire égale et contraire à celle qu'avait le corps à la même époque. Dans cette hypothèse, si l'on appliquait au point m, une force égale et parallèle à la caractéristique, la vitesse du point m, serai égale et parallèle à l'axe du moment de cette foree ; donc on aurait das. s duo Le à tue Acné Pa oi Biel PIE Si Fon suppose le point m, distant du point o d’une quantité égale à lunité, il est sie que æ,, Y,, 3, repré- senteront les cosinus des angles qu’une droite fixe fait avec les axes principaux du corps; ou, ce qui revient au même, les cosinus des angles que les axes principaux font avec une droite fixe; on déterminera par ces mêmes équations les cosinus des angles que les axes principaux font avec deux autres droites fixes, et l’on connaitra alors complétement la posiuon des axes principaux du corps au bout du temps f, par rapport à trois axes fixes. Examen du cas où l’on a à la fois P —0, Q=0,R—=0o. 17. Première solution. Les équations (6) de l’article pré- cédent deviennent, dans le cas dont il s’agit, [AT=(B—C)gr (8) , (BC A)rp dr CA B)pa Si pour {= {, on suppose que l'on aitp=p,,q=qrT=r., D, = Los Yi = Yo 2 = 2,1 est évident qu'en donnant à £ des valeurs successives très-rapprochées les unes des autres, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 309 à parür de t=t,, on obtiendra , au moyen des équations (8) et (7), les valeurs successives correspondantes de p,q,r, æ,,%,, %,, en sorte qu'on aura le mouvement du corps par rapport à une droite fixe à tous les instants du mouvement ; et si l’on fait le calcul à la fois pour trois droites, on aura la position du corps à tous les instants. Observation. Les valeurs simultanées de dæ,, dy,, dz,, devront toujours satisfaire à l'équation de condition pdx,+qdy,+cdz,—=o qui exprime que la vitesse du point m, est perpendiculaire à l’axe instantané. Deuxième solution. Les équations (8), combinées entre elles, donnent immédiatement 9 Ap+Bqg+Cr =H. (®) Ap+B qq +Cr=kK.. H et K désignant deux constantes arbitraires. Si l’on pose, pour abréger, K°— BH=—B", K:—CH—C', on déduira des équations (9) ,_C+(C—A)Ap ,__B+(B—A)Ap Con TE D 0 NUE En substituant les valeurs de get r dans la première des équations (8), elle devient (1) dt= 4 ain RSC. A Br ÿ—(C'4+(C—A)Ap)(B+4+(B—A)Ap) Le double signe du numérateur se réduisant au signe + ou au signe — suivant que p croit ou décroit. Les équations (10) et (11) donneront p, q, r en fonction de t, à l’aide des fonctions elliptiques. La somme des carrés de ces trois quantités fera connaitre Q° et par conséquent Q. Il reste à trouver la position des axes principaux à la même époque. Remarquons d'abord que dans le cas que nous considé- 310 MÉMOIRES . rons l’axe du moment résultant des quantités de mouvement est constant en grandeur et en direction. En effet, puisque l’on a à la fois P=0, Q—=0o, R—o, il est évident que les forces motrices se font équilibre; donc les forces totales, égales et contraires aux forces d'inertie, se font aussi équi- libre à chaque instant; done l’axe du moment résultant de celles-ci est nul; done l’axe du moment résultant des quan- ütés de mouvement est constant en grandeur et en direction ; on l'appelle l'axe invariable. La seconde des équations (9) montre que sa grandeur est constamment égale à K. Cela posé, menons par le point fixe trois axes fixes, que nous nommerons les axes des x’, y’, z', et supposons que l'axe des x’ coïncide avec l’axe invariable ; appelons d’ail- leurs x’ , y’, x! les coordonnées , par rapport à ces axes, d’un point m' situé sur l'axe des æ à une distance égale à l'unité de l’origme. Puisque l’axe des +’ est l’axe invariable , on a évidemment Ap ; K:—A:p° mr= par conséquent y"? + 2° = ; pour trouver une autre relation entre y etz', appliquons au point m' une force F’ égale et parallèle à la vitesse de ce point. Cette force sera évidemment égale à Jar» et sera distante de l'origine d’une quantité égale à l'unité, puisqu'elle est per- pendiculaire au plan qui passe par l'axe des æ et par l’axe instantané ; l’axe du moment de la force F’ aura pour projec- er FRE de l'angle qu'il fait avec l'axe des x' sera par conséquent ydz—z dy dt Ya —p" : 4 de : tion sur l'axe des æ’ fa quantité y — le cosinus dt Mais ce cosinus peut être évalué autrement. En effet, si lon observe que les coordonnées du point # par rapport aux axes des æ, y, x sont respectivement 1,0, 0, nous trouve- rons, en raisonnant comme à l’art. 15, que axe du moment DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 311 de la force F' a pour projection sur les axes des æ, y, z les quantités 0, q, r ; que par conséquent les cosinus des angles . fait avec les axes des æ, y, z sont respectivement Stef lire r ras Var que l'axe “4 æ rt avec les mêmes axes sont respective- Ap Bgq Cr. c'es RE M (*). D'ailleurs les cosinus des angles ment lonc on aura la relation ydz — 3! dy = TE qi ou bien ydz—z dy H— as d y?+z? K2— A°p -K si l’on appelle 4 l'arc décrit autour de l’origine par la projee- tion de l'axe des æ sur le plan des y z(**), à partir de l'axe des y’, are dont la tangente est, on aura évidemment (12) dy=p=ps Kat Si l’on met pour dt sa valeur tirée de la formule (4 1) cette équation fera connaitre , au moyen des fonctions elliptiques, la valeur de Ÿ correspondante à une valeur donnée de p, et (*) On peut parvenir à ce résultat plus simplement comme il suit : l'axe du moment de la force F’ et évidemment dans un plan perpendiculaire à l'axe des x ; il est égal à ÿa?—p?; donc il est représenté en grandeur et en direction par la projection de la caractéristique © sur le plan des y z; donc ses projections sur les axes des y et des z sont respectivement q et r et les cosinus des an- Las LE r Va —p:" Va —p: os (*) Cet are est, conformément aux hypothèses ER , positif des y' positives vers les z° positives , négatif en sens contraire ; il peut contenir plusieurs circonférences. gles qu'il fait avec les axes des æ,y,#, sont 0, 312 MÉMOIRES par conséquent à une valeur donnée de {; nous la désigne- rons par a ; en sorte que nous aurons (15) ÿ— a. Lorsque l’on connaîtra, par la valeur de x’, angle que l'axe des æ fait avec l’axe invariable ; par la valeur de 4, sa projec- tion sur le plan des y’, z', on construira aisément l'axe des +. Nous appellerons, pour abréger, méridien d’une droite le plan qui passe par l'axe invariable et par cette droite ; distance méridienne d’une droite l’angle que le méridien de cette droite fait avec le méridien de l’axe des y; distance polaire d’une droite, angle que cette droite fait avec l'axe invariable. Cela posé, désignons par 0", 8”, 4’, @ les distances po- laires des axes des æ, y, z et de la caractéristique, par g',4",4"", w les distances méridiennes des mêmes droites; il est évident que lorsque ces quantités seront déterminées, on connaîtra parfaitement la position du corps. Or, on aura Be C (14) cos 0’ = 22 cos g'=-1, cos ble . . . . F Multipliant ces cosinus respectivement par P ai Zz et ON ajoutant les produits on aura immédiatement la relation ; H (15) COS 0 — = Les raisonnements qui ont conduit à l'équation (42 2) con- duiront aux suivantes : K2_— A? lat = pk: dt. A l’aide de ces formules et des tables des fonctions ellip- (av= == Kai, MR RRLE dt (16) DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 313 tiques on trouvera sans peine ÿ’, d/”, Ÿ’'. Mais on remar- quera que lorsque l'on connait 4”, la trigonométrie sphérique donne immédiatement ÿ'— 4", g—4 (*). Pour avoir 4 on considérera la pyramide qui a pour arêtes les axes des æ’, des æ et la caractéristique ; alors la formule fondamentale de la trigonométrie sphérique don- nera sans Calcul L cost cose f' ! COS (Y — = —— Æ ÿ ) sinmêsnme ou, en posant pour abréger K°—A H=—A, = ; : sg (17) cos (w—Y')= col" cote ; on trouverait de même / B' (18) cos (W— ÿ")= prof" cote ; divisant ces deux équations l’une par l’autre et posant A'B cot# AB coté” — ___ cosŸ— dcosŸ” (19) tang == sinÿ — sing" —=0, on aura Mouvement d'un point matériel dans un milieu relatif. 18. Le mouvement absolu d’un point matériel plongé dans un milieu relatif, peut être considéré comme composé à chaque instant de deux mouvements : du mouvement d'en- traînement , c'est-à-dire, du mouvement qu'aurait le point matériel s'il restait en coïncidence avec le point du milieu relatif qu'il occupe actuellement, et du mouvement relatif , (*) Ces quantités sont déterminées , il est vrai, par leurs cosinus qui ne font pas connaitre leurs signes , mais si l’on différentie les formules par lesquelles ces cosinus sont donnés , les formules difré- rentielles que l'on obtiendra donneront sans ambiguité de signes les sinus de ces mêmes quantités. 314 MÉMOIRES c'est-à-dire, du mouvement qu’il a dans ce milieu. La vitesse et la force totale correspondantes au mouvement d’entraine- ment seront la vitesse et la force d'entrainement ; la vitesse et la force totale correspondantes au mouvement relatif, seront la vitesse et la force totale relatives. Si la quantité w dépend de la position d’un mobile 7 au bout du temps t, nous désignerons la dérivée de « par rap- ; du : - ’ : port à é par () Ç lorsque le mobile n'aura qu'un simple : du ; mouvement d'entrainement; par (Ti), lorsque le mobile n'aura qu'un simple mouvement relatif; la première sera la dérivée suivant l'indice e; la seconde, la dérivée suivant du l'indice r. Nous désignerons également la dérivée de CG Je È See du à du À suivant l’indice e par 7) ; la dérivée de {—-) sui- dt }e dt)r =: d'u becs l à vant l'indice r par de) ; la dérivée de (=) suivant de/T dt}e LUE PAIN du di l'indice r, ou la dérivée de (%), suivant l'indice e par(Te ne D’après ces notations on aura , quel que soit u, du du d'u (20) ae) ’ du à FAT aide) d _@1) El 0 an re ie Eos Cela posé, soit æ, 7, z les coordonnées d’un point maté- riel m par rapport à trois axes rectangulaires fixes dans l’espace , les équations (20) et (21) seront évidemment appli- cables aux cas où l’on remplacera w par æ ou y ouz, on conelura alors de équation (20) que la vitesse absolue du point m est la résultante de la vitesse d'entrainement et de la vitesse relative, ce que l’on savait à priori; on déduira - de l'équation (21) que si lon désigne par F la force totale DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 315 absolue ; par F, la force d'entrainement ; par F, la force relative; par F' la force qui a pour projections sur les axes des æ, des y, des z les quantités LUXE : d°y d2z CGro er hr CA la force F est la résultante des trois forces F,, F, et 2 F’. Déterminons la force F°: soit 0’ un point arbitraire du milieu relatif; 0’ x, 0! y', 0’ z' trois axes rectangulaires fixes dans le milieu relatif, menés par le point 0’; æ&',y', z' les coordonnées du point matériel m au bout du temps { ; a, b,c les cosinus des angles que les axes 0’ æ’, 0! y! , oz! font avec l'axe desæ; «la perpendiculaire abaissée du point 0’ sur le plan des y z. On aura évidemment la relation æ—=a+aa + = si LOTS = = = 3% < = 3% ed = | ZT |E7 | BE Æ GE = à es = A = < = = Z £ gs |£ - En Le ä == &, “juagnos dnoonteq e ‘aj1od oun snos s99udu00 juoto7107-SQu) sayyed soy n9 y } -sanof s1047 99 Juepuod 97J10J-SQ47 29UAIE1p JUN N9 JUQ », 79 » | 340 “107 ny 79 QF 720 un nD SUP SIU 0D JUAWOSS101990 7 juvnbipur AVATAYE 1 0 AURONT y ‘ . FPE — nn _ 3 | : | ac‘ sn onsne ns seseesecee cc0‘0 2092 6cG'Z Lee eJ à *QIQUI EI AE SHMON (JA: enr censenes eee ce ÿL0‘0 TH HA L9g‘e Le DEA x | £ | 00‘F **QUOLA 9p JIEL np 2948 tour Jed SHLMON| 0700 OIL'‘Y te0‘ &I£ #ÉR: "INA | A ; oO 5 | 69°0 sn o sons menus: 9t0‘0 ze‘ 4 G09‘F LTy M TA | £ “JIeL SueS our 184 SHINON a 010 cresson esess sens ee sevcvsescee 6t0‘0 A TA OLC‘Y gce °°N EE A = LO‘ sossses jour J0d 39 91qut ef dd HnON| YYOx0 GTG1E CLIS acye "He - Ë | …< 3 | |