GE pe ec ae S gere TS es Ra ee AT PORTE ae LS SE Pass Er RSS Re "0 in 5 Die ÉD Lu A | DE LA SOCIÉTÉ d'Agriculture, Sciences et Axts D'ANGERS, RRRRRRENNNNE) RM Ÿ VYVT Xe st EY His 2 A Ben ir NGERSS de 0 “e DE L'IMPRIMERIE DE L. PAVIE. | PEN ÿ jte A se uit MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D’AGRICULEURE , SCIENCES ET ARTS D'ANGERS, DE LA SOCIÉTÉ d'Agriculture, Sciences et Arts D'ANGERS. ANGERS , DE L'IMPRIMERIE DE EL. PAVIE. 1854. CANALISATION DE LA LOIRE, A L'AIDE DE PLANTATIONS. Par MX. de Beauregard (1). Revpre la Loire constamment navigable est un problème qui, depuis long-temps , occupe et di- vise un grand nombre d’esprits. Dans un mémoire rempli d'excellentes vues, et dont vous avez or- donné l'insertion dans vos publications (2), M. l’in- gémeur en chef Derrien vous a exposé les différens projets qui ont été proposés ; et, aprés les avoir dis- cutés, il a terminé par les conclusions suivantes : « Pour améliorer dans le lit même du fleuve la » navigation de la Loire, il faudrait défendre par » des plantations et des enrochemens les bords et » les rives de ses îles. C’est en les dévorant, c’est » en transportant cà et là les terres qui les com- » posent, que la Loire fait varier sans cesse son » propre lit, que la moindre crue de ses eaux en » modifie la forme et la direction, et que le chenal (4) Lu en mai 1834. (2) Voyez 1. volume, page 249. 1 MIE (6) » de la veille n’est plus le même que celui du » lendemain. Encouragez les plantations sur les rives » du fleuve suivant des alignemens déterminés, » venez au secours des propriétaires qui voudraient » rétrécir, par des plantations, des enrochemens, etc., » son lit trop étendu, et vous obtiendrez, dans un » délai assez court, un bon résultat à peu de frais». Défendre les rivages, rétrécir le lit du fleuve par des plantations, serait, sans contredit, le moyen le plus avantageux à l'état, puisqu'il conduirait presque sans dépenses au résultat désiré. [1 serait aussi le plus profitable aux particuliers, qui acquer- raient, sans de grands sacrifices , des terrains d’un produit considérable. Souvent des propriétaires riverains commencent des plantations , mais souvent aussi, dénués d’expé- rience , ils dirigent mal leurs travaux , leurs essais restent sans succès, ils tombent dans le découra- gement et renoacent pour toujours à leurs opéra- tions. Propriétaire de quelques prairies sur les bords de la Loire, j'ai entrepris aussi des plantations, j'ai débuté par faire des fautes, je ne me suis pas laissé décourager ; les faits, les observations m'ont éclairé, et J'ai fini par réussir. Dans l’espoir que mon expérience pourra servir à d’autres riverains, je me suis décidé. à exposer dans une notice: 1° les droits et les obligations des propriétaires riverains ; 2.° quelques considé- rations générales sur l’action érosive des eaux tant sur le fond que sur les bords des rivières; 8.° les (4) moyens de défendre les rivages et d'obtenir des attérissemens. Droits et obligations des Biiveraïins. Les fleuves et rivières navigables ou flottables sont considérés comme faisant partie du domaine public, par l’art. 538 du Code civil; il est bien vrai que l’art. 556 du même Code porte que les atté- rissemens et accroissemens qui se forment succes- sivement et imperceptiblement aux rivages d’un fleuve , et qu’on nomme alluvions , profitent aux propriétaires riverains. Mais à côté de ce droit est l'obligation de ne rien faire de contraire aux ré- glemens qui assurent la liberté et la sûreté de la navigation (1). Ces réglemens défendent de faire, sans autorisation préalable, aucune plantation d’ar- bres, aucun amas de terre; de construire aucunes fas- cines ou autres empèchemens dans les lits des fleuves ou rivières, sous peine d'amende (2). Ces mêmes réglemens ordonnent, en outre, de laisser un che- min de hallage dont la largeur est fixée à 8 mé- tres (3). Le propriétaire qui projette de faire des planta- tions ou d’autres travaux dansle lit de la rivière, doit adresser sa demande au préfet, qui peut, après avoir (1) Art. 544 du Code civil. (2) Art. 42 du titre 27 de l'ordonnance de 4669, confirmé par l'arrêté du 19 ventôse an 41. (3) Décret impérial du 22 janvier 4808. (8) pris l'avis de l'ingénieur des ponts et chaussées, accorder une autorisation et assigner un alignement. Ce n’est que lorsque cette autorisation est obtenue que le propriétaire est en droit de commencer ses travaux. Considérations générales sur l'action , érosive des eaux. Si une rivière coulait sur un lit d’une pente uniforme , entre deux rivages parallèles et sembla- blement inclinés, les eaux s’écouleraient partout avec une égale vitesse. Mais si les rivages s’écartent, le courant se ralentit; s'ils se rapprochent, il de- vient plus rapide. Si, au contraire, la distance des rivages restant la même , le fond de la rivière s’é- lève , la rapidité du courant sera accrue. Ces varia- lions sont la conséquence du principe que le calcul et l’exptrience ont constaté, que, dans le même temps , 1l doit passer la même quantité d’eau dans toutes les coupes transversales de la rivière. Sup- posons, par exemple , qu’une corde traverse la ri- vière dans l'endroit où elle a le plus de largeur , et que les rivages allant en se resserrant, on tende une autre corde au point où ils sont le plus rap- prochés, la même quantité d’eau passera dans le même temps sous chacune des cordes ; mais sous la seconde elle coulera plus rapidement. C'est par cette raison que si l’on resserre les rivages par des digues , le courant acquiert proportionnellement plus de vitesse dans l’espace qui lui est laissé. Si l’on (x) établit un barrage submersible, la couche des eaux qui se trouve au-dessous du niveau du barrage est presque immobile ; mais celle qui s'écoule par-dessus comme sur un déversoir passe avec une rapidité qui doit compenser l’inaction de la couche infé- rieure. Le frottement exerce aussi une influence sur la vitesse des eaux; aussi l’on voit que dans les rivières dont les rives sont très aplaties, la vitesse sur les bords est presque nulle, tandis qu’elle est très con- sidérable au milieu du courant. L’actiont érosive des eaux sur les rivages et le fond des rivières, dépend à la fois de la profondeur et de la vitesse du courant. À profondeur égale, l’action érosive sera plus forte dans la partie où la vitesse sera plus considérable. Si la rivière coulait dans un lit dont l’encaisse- ment serait infiniment résistant, l’action érosive, quelle que soit son intensité, serait toujours pa- ralysée ; mais cette résistance infinie n'existe pas dans la nature : de là les variations que présentent les lits des rivières. Si le ford n'offre pas une résis- tance sufhisante, il se creuse peu à peu. Au contraire, quand la ténacité du sol parvient à être en équi- libre avec la masse et la vitesse du courant, le lit reste permanent. Si cette ténacité varie d’un point à un autre , le lit présente des profondeurs inégales. Gette action's’exerce aussi sur les rivages. Elle est moins énergique lorsqu'ils sont droits et parallèles ; mais lorsqu'ils sont entourés, les parties concaves et saillantes recoivent des chocs continuels et des- tructifs. (10) Lorsque l’action érosive du courant est supérieure à la résistance du rivage, le lit s’élargit successi- vement. Si le sol n’a pas sur tous les points la même consistance, la rivière envahira partout où la résis- tance sera trop faible pour faire équilibre à l’action du courant. Aussi remarque-t-on que les rivières sont plus larges dans les terrains sablonneux et légers que dans les sols compactes et boisés. Dans les endroits où, par des plantations ou d’au- tres travaux , on parvient à resserrer les rivages, l’eau coule avec plus de rapidité et creuse le mi- lieu de son lit Dans les lieux, au contraire, où la rivière s’élargit en rongeant ses bords, le fond s'élève successivement parce que le courant, se ralen- tissant , n’a plus la force d’entraîner les sables qu’il charriait précédemment. Des îles se forment, elles se couvrent naturellement de végétaux qui les conso- lident et contribuent à leur accroissement ; les cou- rans détournés par ces îles se portent sur les rives et y font de nouveaux ravages. Ces considérations font sentir la nécessité de dé- fendre le sol par des plantations. Wode de plantes soit pour défendre le ri- vage, Soit pour acquérir des attérisse- mens. Lorsque la rivière coule dans un lit profond et avec rapidité au bord de votre domaine, vous ne pouvez espérer d'acquérir des attérissemens ; il faut, pour le moment, vous borner à défendre le rivage (44) de l’action érosive des eaux. Le moyen le plus efficace est de le revêtir de pierres. Mais si ce rivage est à pic, les pierres que vous précipitez dans l’eau ne pourront s'élever au perré qu'après avoir acquis une large base pour leur éboulement : il en fau- drait une grande quantité qui exigerait des frais con- sidérables. Pour obvier à cet inconvénient, il con- vient, pendant les basses eaux, d’abattire en talus la partie supérieure du rivage; la terre qui en provient tombe au pied. Par ce moyen, une pente s'établit depuis la base jusqu’à la sommité. Vous placez des pierres sur ce plan incliné; elles forment un re- vêtement jusqu’au niveau ordinaire de la rivière; au- dessus de cette ligne vous disposez non plus des pierres, mais des plantations d’osier. Leurs branches en se multipliant préservent le rivage de l’action des eaux, et les racines qui pénètrent au travers des pierres et les enlacent contribuent à les consolider. Ces plantations, par leur produit, paient le terrain que l’on a sacrifié en iaillant en pente le rivage que nous avons supposé à pic. Si le cours des eaux améne des sables prés de votre rivage et forme une alluvion, il faut vous em- presser de les fixer par des plantations ; mais pour éviter que les premières crues n’entrainent et les plantations non encore enracinées et la grève mobile sur laquelle elles reposent, il est prudent de dé- fendre la tête de cette grève par un ou plusieurs rangs de fascines placées debout et enterrées jus- qu’à la moitié de leur hauteur, ou par des clayon- nages formés par des branches piquées en terre (12) et reploytes les unes dans les autres. Ces rangs de fascines ou de clayonnages se rattachent au rivage avec lesquels ils doivent faire un angle d'environ 45 degrés. S'ils étaient disposés en ligne perpendiculaire à la direction du courant , ils seraient exposés à être entraînés, tandis que le recevant obliquement, ils supportent un effort moins considérable : plus la ligne est oblique , moins le choc est violent. Nous avons supposé que les eaux ont amené près du rivage des grèves assez élevées pour recevoir des plantations; mais si elles restaient constamment submergtes, ou si elles n'étaient à sec que pendant les plus basses eaux, les plantations submergées pendant la plus grande partie de l’année ne pour- raient végéter, elles périraient. Il faut, dans ce cas , travailler à acquérir de nouveaux attérissemens. Ces attérissemens ne peuvent être obtenus qu’en fixant les sables que le cours des eaux entraine con- ünuellement. Les sables mis en mouvement sont sol- licités par deux forces : celle de projection qu'ils recoivent de limpulsion du courant, celle de gra- vitation qu'ils tiennent de leur pesanteur spécifique. Tant que la force de projection domine, le sable conserve son mouvement dans une direction hori- zontale. Si la force de projection devient inférieure à celle de gravitation , le sable se précipite et forme un altérissement. Le problême est donc d’atténuer cette force de projection , ou en d’autres termes d’affaiblir la rapi- dité du courant dans un espace donné. Pour y par- venir, il faut faire usage des rangs de fascines, tels (15) que nous les avons décrits plus haut; mais si le sol est constamment couvert d’un mètre et plus d’eau, un simple rang de fascines ne suffirait pas. Il faut établir des digues ou épis submersibles, en se renfermant scrupuleusement dans l'alignement qui a été donné par l’autorité. Ces épis doivent être peu élevés, mais nombreux. Il suffit qu’ils aient un mètre environ de hauteur et qu’ils soient placés pa- rallélement à 25 ou 30 pas l’un de l’autre. On les construira en fascinage composé de bois qui abondent ordinairement aux bords des rivières, tels que saules et osiers. Vous faites des fagots de 2 à 3 mètres de longueur, que vous placez côte à côte, et vous les réunissez par des perches transversales altachées aux fagots avec des liens d’osier. Vous formez une espèce de radeau auquel on peut donner une longueur quel- conque, en réunissant des fagots l’un au bout de l’autre. Ce radeau a environ deux mètres de large, en le charge de sable jusqu’à ce qu'il s’affaisse et porte sur le sol. Sur ce premier radeau on en place un second que l’on consolide par des piquets qui entrent dans la grève. Ces deux couches sont dé- fendues par une troisième composée de branchages de 2 ou 3 mètres de largeur, enfouis par une de leurs extrémités dans le sable et s'appuyant obli- quement sur les premières fascines ; cette dernière couche de branchages présente un plan incliné au courant et en adoucit le choc, et lorsque, par l’effet des crues , les eaux couvrent ces digues sub- mersibles , elles y déposent des sables et produisent des attérissemens. ( 14) Il est prudent de préférer les fascines aux pierres pour la construction des digues submersibles. Les fascines n’ont rien d’offensif , tandis que les pierres, lorsqu'elles sont couvertes par les eaux , forment des écueils très dangereux pour les bateaux, et vous rendraient civilement responsable de tous les dom- mages qui pourraient en résulter, outre les pour- suites qui seraient dirigées d’oflice par l’administra- tion pour l'application de l’amende. Lorsque, par les travaux que nous venons de dé- crire , on a obtenu des attérissemens , 1l faut les fixer par des plantations. On les effectue au mois de novembre, quand le terrain est élevé; mais lors- qu'il est bas, il serait probablement submergé si l’on attendait cette époque. On peut, dans ce cas, planter dès le mois de septembre et même plus tôt ; mais pour que le plant ne soit pas desséché par la chaleur du soleil, il faut l’enfoncer dans la grève jusqu’à ce qu’il rencontre l’eau qui provient de la rivière par infiltration. Si le sol a assez de fraicheur , il vaut mieux planter dès le mois de septembre et d’octobre que d’aitendre le mois de novembre, parce que Posier que l’on plante en bouture forme des racines, et que quand les crues arrivent et le submergent , il peut vivre sous l’eau; tandis que, s’il n’était pas ericore entré en végétation lorsqu'il subit une sub- mersion qui peut durer cinq ou six mois , il péri- rait infailliblement. Pour opérer la plantation, on peut pratiquer avec une barre de fer un trou dans lequel on introduit (15) un brin d’osier. Ce moyen est le plus expéditif, mais il n’est pas le plus sùr, le plant étant quel- quefois entrainé par les eaux. Un second moyen dont le succès est plus assuré, consiste à faire avec une pelle un trou d’un mètre carré, et que l’on creuse jusqu’à ce qu’on ait ren- contré l’eau. On place à chacun des angles une tige d’osier garnie de ses rameaux, puis on comble le trou. Une grande partie des rameaux étant enfouie consolide le plant et lui donne la force de résister à l’entrainement des eaux quand les crues survien- nent. Après trois ans, la plantation donnera des coupes précieuses; elle fournira soit du cercle pour les barriques , soit des échalas, pour les vignes. Aucun terrain, à surface égale, ne fournit un produit aussi considérable. Les oseraies , nommées dans notre département /uisettes, recoivent chaque année de la rivière des dépôts qui élèvent le sol; l’exhaus- sement qu'il acquiert successivement prive les osiers de la fraicheur qui leur est indispensable; ils périssent alors et sont remplacés par des prairies ou des terres labourables. Ces belles iles de la Loire, dont nous admirons la fertilité, n’ont été d’abord que des grèves stériles qui se sont couvertes d’osiers qui, à leur tour, ont fait place aux récoltes les plus riches et les plus variées. Que les propriétaires, dont la Loire baigne les . domaines , ne négligent pas de planter les allu- vions ; ils feront des conquëtes précieuses et trou- veront, dans leurs travaux, le double avantage de . (46) servir à la fois leurs intérêts personnels et l'intérêt public (1) À RAPPORT SUR L'EMPLOI DU SUCRE POUR AMÉLIORER LE VIN, Par IN. de Beauregard (2). L’ANALYsE a appris que le jus de raisin, nomme le moût, se compose de sucre, d’eau et de quel- ques autres substances telles que /e tartre et le gluten, qui concourent à déterminer la fermentation, et qui constituent ce qu’on appelle le ferment. C’est de la proportion entre ces trois parties, le sucre, l'eau et le ferment, que résulte la bonne qualité du vin; mais cette proportion est modifiée par di- verses circonstances. Dans les pays méridionaux, la matière sucrée abonde , le vin est à la fois doux (4) L’impressien de ce Mémoire a été votée d'après le rapport de M. Derrien, ingénieur en chef des ponts et chaussées. (2) Ce Rapport est le résuitat du travail d’une commission char- gée de l'examen de recherches sur l'amélioration des vins de Maine et Loire, communiqué par M. Quetin, de Beaufort. (17) et spiritueux ; dans les contrées septentrionales, aù contraire, où, lorsque la saison a été froide et humide, le moût contient peu de sucre et le fer- ment est en excès, une parlie seulement est employée à décomposer la faible quantité de. sucre, l’autre reste en dissolution, donne au vin de l’âcreté, et l’amène souvent à une décomposition acide ou pu- tride. Ces considérations ont naturellement conduit à la conséquence que, dans les cas où la matière sucrée est en trop faible quantité dans le moût, il faut y suppléer par des moyens artificiels. Divers essais ont été tentés. On a fait usage du miel, mais ül donne au vin une saveur désagréable. La mélasse a été employée, mais on a bientôt reconnu qu’elle fournit peu d’alkool par la fermentation et altère le goût du vin. Le sucre ou la cassonade blanche peut seul être combiné au moût sans inconvénient. Depuis quelque temps divers chimistes ont prati- qué ces mixlions , et ont amélioré d’une manière no- table le vin sur lequel ils ont opéré. Parmentier rapporte qu'ayant pressuré du raisin qui était à peine sorti de l’état de verjus, il y ajouta une quantité suffisante de sucre et obtint un vin agréable; Chaptal a renouvelé les mêmes expériences et obtenu des résultats semblables ; mais cés savans n’ont pas in- diqué d’une maniére précise la quantité de sucre qu'ils employaient. Cette quantité doit varier en raison de la qualité des raisins : il était donc bien important de déterminer approximativement la quan- tité de sucre qu’il faut employer pour les vins de (18 ) noire département, afin de constater si la dépense qu’eutraine l'emploi du sucre est compensée par l'amélioration qu’acquiert le vin. Un des membres de la Société, M. le général De- laage , s’est livré, l’année dernière (1833), à des expériences sur les vins qu'il récolte dans la com- mune de Saint-Barthélemy , près d'Angers. Il a opéré de la manière suivante : au sortir du pressoir , il a placé le moût dans des tonneaux, il Py a laissé pendant quelques jours pour que la grosse lie soit expulsée par l’effet de la fermentation tumultueuse, puis il a retiré quelques litres de moût de chaque tonneau , il la mélangé avec du sucre , en a formé un sirop qu'il a ensuite répandu dans les tonneaux, en l’agitant fortément par la rotation d’un bâton fendu. La fermentation a continué, elle a opéré la combinaison du sucre au moûl et leur conversion en liqueur vineuse. Vous avez nommé une commission pour constater les résultats de ces expériences; elle s’est rendue à la campagne de M. le général Delaage, et a exa- miné plusieurs tonneaux dans lesquels des mixtions avaient été opérées. Dans un tonneau contenant environ 300 litres , 10 kilogrammes de sucre ont été mélangés : l’effet en a été presque insensible. Un second tonneau a recu 12 kilogrammes de sucre qui avaient été dissous dans du moût bouillant; cette mixtion amena une fermentation très active : le vin qui en est résulté a un peu plus de douceur que le vin ordinaire. Deux autres tonneaux qui n'avaient recu que 6 kilo- (19) grammes de sucre, n’en ont obtenu aucune amé- lioration sensible. ‘Plusieurs essais faits sur divers points du dépar- tement sont d'accord avec ceux-ci, et tendent à prouver que, pour améliorer d’une manière notable une barrique de 249 litres de vin ordinaire , il faut employer 15 kilogrammes de sucre, et que cette quantité doit s'élever jusqu’à 18 kilogrammes pour les vins défectueux. En ne portant le sucre de moindre qualité qu’à 2 francs le kilogramme, il s’ensuit qu'il faudrait faire une dépense de 80 à 36 francs pour obtenir une amélioration qui certes n’augmenterait pas la valeur vénale du vin dans la même proportion : d'autant plus que les mixtions ne peuvent donner au vin ce bouquet, cet arome qui est particulier à chaque vignoble et que rien ne peut suppléer. Ces résultats conduisent la commission à con- clure que si la combinaison du sucre au vin peut en améliorer la qualité, ce procédé exige trop de frais pour qu'il y ait avantage à l’employer dans notre département. (20 ) RAPPORT LES AVANTAGES DU PRESSOIR A ENGRENAGE DE ". HÉRI, Dar AN. de Beauregard. L’usAce des pressoirs est presque aussi ancien que celui du vin. Faits grossièrement dans les premiers temps, ils ont été successivement améliorés. On peut regretter cependant qu'ils n’aient pas encore acquis toute la perfection que les progrès de la mécanique auraient dû leur procurer. Presque généralement encore leurs vis et leurs écrous sont en bois; l’on conçoit tout ce que cette matière a de défectueux : 1.° la vis et l’écrou, ne pouvant être exécutés avec la même précision que s'ils étaient en métal, ont un jeu moins libre et présentent plus de frottement ; 2.0 les gercures qui se forment dans le bois, des éclats qui s’en détachent, multiplient les résistances ; 3.0 la vis elle-même est exposée à se tordre lors- qu'on y applique une force trop considérable ; 4.° enfin les pièces de bois d’un gros volume devenant (21) chaque jour plus rares , il est souvent difficile de les remplacer lorsqu'elles se brisent. Ces diverses considérations ont déterminé quel- ques propriétaires à faire construire des vis en fer. Ces vis plantées perpendiculairement au milieu du pressoir , sont immobiles, l’écrou seul a un mou- vement de rotation, et, en s’abaissant, il opère une pression sur la masse de vendange. L’écrou est mis en action par quatre leviers horizontaux qui forment comme les raies dont l’écrou serait le moyeu. Lors- que ces leviers ont 7 à 8 pieds de long, ils four- nissent une force assez considérable, mais ils pré- sentent l'inconvénient d’exiger un emplacement qu’il est quelquefois difficile de se procurer : supposons, en effet, les leviers de 7 pieds; les hommes pla- cés à leurs extrémités tracent un cercle de 14 pieds de diamètre, et parcourent un espace de manège qu'il n’est pas toujours facile d'établir dans un pressoir. On a cherché à remplacer les leviers par une roue enveloppée d’un cable qui se déroule sur un cabestan. Ce sysième présente plusieurs défauts : 1.° l'effort que fait le cabestan sur la roue attire la vis et peut la fausser ; 2.° la quantité de corde qu’il faut faire passer de la roue sur le cabestan l’a bientôt couvert et cause un véritable embarras; 3.° la corde qui part de la roue pour venir enve- lopper le cabestan, perd la direction horizontale lorsque le cabestan a fait quelques tours, sort du plan de la roue et peut amener une rupture. Ces inconvéniens sont écartés par le pressoir à engrenage. que nous allons décrire : (22) A. Vis de pressoir de 4 pouces de diamètre. Elle est implantée dans la maie du pressoir. Elle se termine dans sa partie inférieure par deux bras en forme de y renversé. Sur ces deux bras passent deux grès ou deux pièces de bois qui consolident la vis et l’empêchent de s’arracher du sol. La vis, à partir de la surface de la maie, a environ deux mètres de hauteur. BB. Ecrou en cuivre d’environ 10 pouces de hauteur. C. Rondelle en forme de crapaudine, dans laquelle tourné l’écrou. DD. Bo- bines traversées par des boulons qui eux-mêmes tra- versent le mouton Æ, et font que cette pièce s’é- lève et s’abaisse avec l’écrou. FF. Manivelles. G. Grande roue d'entrée de 44 pouces de diamètre. HH. Pelites roues dentées de 12 pouces de dia- mèêtre. Z[I1. Pignons. L. Pièce de fer fixée à la vis et immobile comme elle. MM. Pièces de fer formant coulisses ; elles sont fixées au mouton dans leur partie inférieure et consolidées dans leur partie supérieure par les verroux NIV. Lorsque l’écrou et tout le système s’abaisse, les coulisses le maintien- nent dans une ligne verticale et imvariable. Quand on retire les verroux, tout le système peut tourner autour de la vis sans mettre les engrenages en jeu : c’est un moyen plus expéditif de relever le pres- soir. O0. Solives de 10 pouces d'équarrissage sur les- quelles s’abaisse le mouton £. PPPP. Madriers de 4 pouces d'épaisseur. Q. Masse de vendange. Lorsqu'on veut former la masse de vendange ap- -pelée vulgairement la motte ou le cep , on fait re- e (23) monter, jusqu'à l'extrémité supérieure de la vis, l’écrou qui entraîne avec lui les engrenages et le mouton, lesquels ne forment qu’un tout inséparable.… On construit ensuite la masse de vendange dans la forme d’un prisme quadrangulaire régulier d’envi- ron 2 pieds de hauteur, puis on les couvre des ma- driers PP. Sur les madriers on pose les solives 00; sur ces solives on abaisse le mouton Æ en faisant tourner tout le systéme. Lorsque le mouton touche les solives 00, l’on fait couler les verroux NN, afin d’assujétir plus fortement la machine. C’est alors que les hommes placés sur les madriers PP font mouvoir les manivelles. Il est à remarquer qu’à mesure que la machine descend par l'effet de la pression, le plancher PP, sur lequel se posent les hommes, s’abaisse en même temps ; de sorte que la même distance se maintient toujours des manivelles au plancher. On re met qu’un homme à chaque manivelle, et l’on a une force suffisante pour pressurer environ huit barriques de vin. Lors de la dernière serre, on peut placer deux hommes à chaque manivelle, et on obtient un marc très sec. On pourrait accroître considérablement la force en substituant aux mani- velles des roues verticales garnies de chevilles, que les hommes pourraient faire tourner à l’aide de leurs pieds.et de leurs mains ; mais on acquerrait une puissance excessive qui pourrait amener des rup- tures. Il est reconnu que quatre hommes employés aux manivelles réduisent le marc à une siccité qui dépasse ce qu’on peut obtenir des meilleurs pres- soirs connus. ( 24 ) Ce pressoir, dont le système se rapproche du cric compost, offre l'avantage d’exiger peu d’em- placement, d’être facile à manœuvrer ; deux ou quatre hommes au plus suffisent. Enfin , comme les pièces qui le composent agissent toujours d’aplomb, il n’est pas exposé à ces ruptures qui désolent si souvent les propriétaires au milieu de leurs ven- danges. Pour que la vis conserve sa perpendicularité , il est important que le sol de la maie s’écarte peu de la ligne horizontale : 6 lignes de pente par toise suffisent pour l’écoulement du liquide. Un serrurier de Brissac, nommé Héri, est l’in- venteur de cet excellent pressoir, qui n’est en usage dans notre département que depuis peu d’années. Ses avantages ayant été promptement appréciés, un grand nombre de propriétaires, notamment dans l’arrondissement de Saumur, se sont empressés d’en commander. Le sieur Héri ne peut suffire à en cons- truire (1). J’en ai fait monter un chez moi, il y a deux ans, j'ai été à portée d’en suivre la marche et d’en observer les effets ; je puis affirmer qu’il réu- nit de grands avantages. La vigne est pour la France un produit si impor- tant, que l’on doit considérer la pression comme une machine d’un haut intérêt. On ne s’est peut- être pas assez occupé encore de la perfectionner. A (1) Chaque pressoir ordinaire coûte 4,000 francs, mais le prix varie selon la dimension qu'on leur donne. (25) Un simple laboureur, nommé Grangé, a apporté d’heureux changemens à la charrue; le pressoir à percussion est dû à un horloger de Dijon; un serrurier de Brissac nous a donné le pressoir à en- grenage : chaque jour l’observation amène des dé- couvertes et des améliorations. C’est en les recueil- lant et les proclamant, c’est en appelant sur elles l'attention publique qu'on provoque des perfec- tionnemens qui deviennent des bienfaits pour l’agri- culture. RAPPORT De La Commission chargée de l'examen du Mémoire de SN. de Beauregard , SUR LE PRESSOIR À ENGRENAGE ; PAR M. ADVILEE. Suivaxr toutes les probabilités, l’origine du pres- soir remonte au-delà des temps historiques. Les tra- ditions nous ont conservé le modéle des charrues de l’Egypte , de la Grèce, de l'Italie antique ; Hésiode et Virgile ont décrit en vers harmonieux les instru- mens du labourage : mais la tradition , l’histoire, la poésie ne nous apprennent rien de précis sur ( 26 ) l'origine , la forme primitive et le nom du pre- mier inventeur du pressoir. Seulement nous savons , par un passage de la Bible, qu'il était en usage du temps de Job (1), ce qui peut faire supposer que son invention remonte à une époque peu éloignée du grand cataclysme des historiens sacrés, c’est-à- dire environ 2,350 ans avant l'ère chrétienne. Il serait impossible d'indiquer chronelogiquement les diverses modifications que cet instrument a dù su- bir, à mesure que la dynamique a fait des pro- grès, puisqu'on ignore quelle était sa forme dans ces temps reculés, et même à des époques beaucoup plus rapprochées de nous. D’après un passage de Diodore, c’est à Bacchus antique que l'invention en est due. Orphée, ou l’auteur inconnu des hymnes qu’on a publiées sous son nom, adresse une de ses inspirations poétiques à Bacchus Lenaeus ou du pressoir. Mais ce Bacchus était-il un de ces hommes pré- destinés qui apparaissent aux époques où l’humanité, mürie pour le progrès, n'attend que linitiateur pour entrer dans la voie nouvelle? ou ne serait-il que le symbole de l’art de cultiver la vigne et de pres- surer la vendange? Ce doute semble justifié par un autre passage de Diodore : cet historien rapporte que de son temps plusieurs mythologues ne voyaient qu’une allégorie dans l’histoire de Bacchus, une abstraction mysté- {4) Chap. 24, wW. 11. (27 ) rieuse qui représentait l'influence du soleil relati- vement aux productions artificielles de la terre. Sans doute, Messieurs, que les premiers inventeurs des arts relatifs à la culture de la terre, ont pu recevoir des peuples qu'ils enrichirent de leurs bienfaits, les hommages qu’on accorde à la divi- nité : l'imagination, fécondée par un beau ciel, par une nature luxuriante et poétique , multipliait les êtres, en déifiant les hommes, en personnifiant, sous des noms différens, la puissance occulte qui préside à la germination, et celle qui répand la chaleur et la vie sur cette première ébauche de la nature. Les Dyonisiaques de Nonnus, qui ne sont que l’histoire allésorique des révolutions du monde et de l'invention du vin, sous le nom de cette mul- tiple divinité, ne sont-elles pas encore un témoiï- gnage à l’appui du sentiment de ceux qui pensaient que Bacchus n’a jamais paru sous la figure d’un homme? Son nom, s’il faut en croire Freret, vient de léolien bakoa, qui signifie une grappe de raisin. Ainsi Bacchus ne serait que la vigne ou le vin personnifié , représenté par les poètes , tantôt comme un dieu, tantôt comme un illustre personnage au- quel on attribua l'invention du pressoir, de la char- rue et de plusieurs autres instrumens aratoires ; c'est encore à lui qu’on attribua la conquête de l’Inde, sous les noms d'Egyptus, de Sésostris, de Séthosis et de Sésas. Tous ces mythes antiques, ces traditions confuses, (28) ont répandu sur le berceau de l’histoire , un nuage que le génie et la science réunis n’ont pu dissiper. Du temps de Pline, on savait peu de chose sur Ja manière de faire le vin aux époques antérieures ; car ce grand historien de la nature observe qu’il r’existe point en latin de préceptes plus anciens que ceux de Caton, tant nous sommes voisins, dit-il, de l’origine des arts. Si, de nos jours, les pressoirs n’ont pas encore acquis toute la perfection que les progrès de la mécanique auraient dû leur procurer, il faut en at- tribuer la cause à la profonde ignorance, aux pré- jugés auxquels est encore livrée une grande partie des populations rurales: pour profiter des décou- vertes de la science, pour en faire à l’industrie une application juste et rationnelle, il faut avoir assez de lumière pour les comprendre, et assez de for- tune pour tenter des essais dont les résultats ne répondent pas toujours aux promesses des théories. Une autre cause du peu de progrès de l’art de pressurer la vendange , esi, sans doute, le défaut d’encouragemens. À différentes époques, les agro- nomes , les mécaniciens et les Sociétés savantes s’exercèrent ou proposérent des prix pour arriver à perfectionner la charrue; mais nous ne voyons pas que le pressoir ait été , pour les Sociétés savantes, un objet de sollicitude. Une industrie qui met en culture une superficie de 2 millions d’hectares, qui produit annuellement 50 millions d’hectolitres de vin, dont la valeur vénale est de 800,000,009 de francs, c’est-à-dire les deux quinzièmes du pro- (29) duit annuel de l’industrie agricole, méritait, ce nous semble, les encouragemens de tous les hommes, de toutes les Sociétés qui s'intéressent à la prospé- rité du pays; elle méritait peut-être un patronage encore plus élevé. Rendre la production plus facile, en diminuant les frais, c’est augmenter la valeur des produits, ou du moins, c’est répandre et multiplier les jouis- sances, en les mettant à la portée d’un plus grand nombre de consommateurs. Cette vérité est sentie par tous les hommes, mais tous ne sentent pas également combien il faut de constance, d’efforts et de sacrifices, pour vivifer l'industrie , pour soutenir , encourager Partiste ou Pindustriel qui n’a de fortune que son intelligence. Un simple ouvrier, M. Héri, serrurier de Bris- sac, a inventé un nouveau pressoir; plus heureux que beaucoup d’autres, il a trouvé des apprécia- teurs qui l’onf mis dans le cas de recueillir le fruit de sa découverte, en la mettant eux-mêmes à profit. Ce pressoir, dont M. de Beauregard vous a en- iretenus dans votre dernière séance, est en usage dans notre département depuis quelques années, notamment dans l’arrondissement de Saumur. Au premier coup-d’œil, on est frappé de l’ana- logie qu’il présente avec celui de M. Jauney, dont Vacadémie de Meiz a publié, en 1830, les des- sins avec un rapport fort étendu. Je crois, Messieurs , qu’il est de mon devoir d’en- trer dans quelques détails, pour vous en faire appré- cier la ressemblance et la différence. (30) Celui de M. Jauney consiste principalement en deux jumelles verticales, engagées par leur extré- mité inférieure dans un massif de maconnerie qui sert de fondement , et assemblées vers leur extré- mité supérieure par une très forte moise qui sert d’appui à la grande vis quand on pressure le marc. La grande vis repose par son extrémité inférieure sur une crapaudine logée dans une traverse fixée aux jumelles et nommée moise inférieure. L’écrou est mobile le long de la vis, qui est fixe ; il est encasiré dans une forte pièce de bois hori- zontale qui glisse entre les deux jumelles. .Gette moise écrou est liée au bélier par des montans ver- ticaux , assemblés à mi-bois et boulonnés. La tête de la grande vis porte une roue hori- zontale entourée d’une crémaillère en fer; les dents de cette crémaillère engrènent avec les fuseaux de la lanterne horizontale que portent les axes des roues à main, auxquels agissent les. pressureurs , et qui sont placées contre la face. des jumelles. Pour desserrer on fait remonter l’écrou en tournant les roues à main en sens contraire ; dès que la vis a, commencé à marcher, un seul homme , agissant à la manivelle, fait remonter facilement le plateau en lui imprimaut une vitesse de Q mètre 20 centimé- tres par minute. Dans le pressoir de M. Héri, la grande vis est immobile et fixée dans la maie ; l’écrou est mobile, comme dans celui de M. Jauney ; mais la grande roue dentée , qui est fixée à la tête de la vis dans le dernier, est fixée à l’écrou dans celui de M. Héri, (31) L’écrou agit directement sur le mouton. Les deux manivelles du système de M. Héri sont remplacées dans celui de M. Jauney par deux roues verticales garnies de chevilles. La force que ces roues com- muniquent est plus considérable que celle qui ré- sulte de l’emploi des manivelles, parce que le rap- port de leur rayon à celui du pignon qu’elles com- mandent est plus grand que le rapport de là ma- nivelle au rayon de son pignon. Mais il y a dans le pressoir de M. Héri une puissance de plus, ce sont deux roues verlicales dentées de 12 pouces de diamètre, et qui engrènent avec les fuseaux des lanternes que font tourner les manivelles. Ces deux roues commandent chacune un pignon qui engrène avec les dents de la roue qui fait tourner l’écrou. Pour apprécier avec exactitude la supériorité de l’un des deux systèmes, il faudrait avoir vu fonc- tionner les deux machines. Il paraïîtrait, d’après les expériences et les calculs de M. Munier, que l’effet moyen d’un pressoir sur le marc libre, est moitié moindre que si le marc était renfermé dans un coffre, comme dans le pressoir de M. Jauney. Il a trouvé que l'effet maximum de pression dans le pres- soir à coffre, n’exige aux mains de la roue qu’une force de 34 kilogrammes, d’où il résulte qu’un seul homme peut pressurer facilement à ce pressoir ver- tical. Nous avons trouvé par le calcul, qu'avec une force de 34 kilogrammes appliquée à la manivelle du pressoir de M. Héri, on obtiendrait une pression plus grande que celle qui est produite par la même puissance avec celle de M. Jauney. (32) La manivelle du pressoir que M. de Beaurepard a fait construire par M, Héri, a 15 pouces de long, et le pignon qu’elle commande, 18 lignes de rayon ; le pignon de la roue verticale a 24 lignes de rayon, et la roue, 6 pouces ou 72 lignes. L'homme qui fait tourner la manivelle peut facilement exercer une force de 80 kilogrammes. Ces données nous font connaître la force impri- mée à la grande roue dentée qui fait tourner lé- crou. Puisque la puissance est à la résistance comme le produit des rayons des pignons est à celui des roues , ou à 30: X :: 24 x 18 : 180 x 72 2 qu x — 30 * 180 x 72 Din le 900 kilogrammes. Cette puissance , appliquée à chaque extrémité d’un diamètre de la grande roue dentée, agit comme une puissance double, c’est-à-dire comme 1800 kilo- grammes appliqués à l’extrémité d’un levier égal au rayon de cette roue. Le diamètre de la grande roue dentée étant de 44 pouces ou 528 lignes, sa circonférence est de 1657, 92 lignes ; la hauteur du pas de vis est de 10 lignes ( plein et vide ). Dans la presse à vis, la puissance est à l’effort de pression comme la hauteur du pas est à la cir- conférence que tend à décrire la puissance. (33) On a donc 1800 : X : : 10 : 1657,92, __ 1800 x 1657,92 K u'X = 0 = 298,425, 60. pour l'effet théorique du pressoir de M. de Beau- regard , dans la supposition que la force se transmet librement à travers toutes les pièces dont la ma- chine est composée ; mais pour obtenir les condi- tions réelles de la pression , il faut avoir égard aux résistances occasionnées par les frottemens. La mé- canique abstraite ne fournit pas les moyens de les évaluer avec. précision, parce qu’elles tiennent à la constitution physique du corps, et à d’autres con- sidérations dépendantes de l’expérience. Le calcul nous a donné pour l'effort de pression, avec le pres- soir de M. Jauney , 297,580 kilogrammes, c’est-h- dire 100,845 kilogrammes de moins que la puissance exercée avec celui de M. Héri. Il est vrai que la surface pressée dans le premier n’est que de 16 pieds carrés, tandis qu’elle est de 30 dans le se- cond ; et, comme l'effet de pression est inverse de la surface pressée, il se trouve qu’elle est plus forte en définitive sur le mare du pressoir de M. Jauney. Mais en considérant que lé maximum de pression est trop fort dans les deux pressoirs, et que d’un autre côté, on peut augmenter où diminuer ce maximum en changeant les rapports, il nous semble que ce n’est pas d’après la différence que nous ve- nous de signaler, qu'on peut établir la sûpériorité de Pun ou de l’autre. 3 (34) Les avantages que présente celui de M. Héri, ne peuvent être contestés. Beaucoup de proprié- taires de notre dépariement en font usage depuis plusieurs années. M. de Beauregard , lui-même , en a fait l’expérience; et sa conviction le porte à former le vœu que, dans l'intérêt de la science et de l’in- dustrie agricole, notre Société appèle l'attention publique sur cette ingénieuse machine , afin de provoquer de nouveaux perfectionnemens. SUR LA TRANSPLANTATION DES ARBRES VERTS » Par IN. de Sarre. Souvexr ce sont les moyens les plus simples qui sont les moins connus , à raison du peu d’impor- tance qu'y attachent ceux qui les ont employés. On sait qu’en général il y a beaucoup d'inconvéniens pour la replantation des arbres verts, ct cependant il y a trois années que nous plantâmes, dans la com- mune de Gennes , 700 Pins maritimes de quatre années de pépinière , avec un succès tel, en saisissant (35) bien le moment, que six individus périrent au plus dans toute notre plantation. Nous fimes l’opération au temps des gelées et à l’instant où la terre com- mençait à être dégelée à la surface seulement. Alors en donnant deux coups de bèche aux côlés sans sou- lèvement de la terre et sans attaquer le moins possible les chevelus, on préparait le soulèvement de la motte de chaque pied, qui avait lieu en opérant, deux hommes étant en sens opposé des deux autres côtés de la motte et la soulevant en même-temps : d’où il résultait une sorte de cube de terre dans lequel étaient tous les chevelus des Pins. Par cette mé- thode , lorsqu'elle est praticable , on a plus d’a- yantage que d'élever les arbres verts en pots, leurs racines ne se trouvant pas contournées comme elles le sont dans les pots. SUR UNE NOUVELLE VARIÉTÉ DE CAPUCINE, Dor AL Sillet… Depuis l’époque , assez reculée d’ailleurs (1684), où la Grande Capucine ( Tropæolum majus. L.), fut importée de PAmérique-Méridionale, des variétés à fleur pourpre ou bien à fleur pleine étaient les (36 ) seules qu’on pût citer. C’est donc présenter une rareté que d'ajouter à cette courte liste une troi- sième variété obtenue de graine en 1833, par M. Bidault, jardinier à Angers, à laquelle nous avons donné le nom de Capucine Pentatraume , et dont voici la description :. La Capucine PENTATRAUME : Tropæolum majus, Var. Quinque-vulnerum . Fleur d’un beau jaune-d’or, à pétales marqués chacun d’une tache tricuspidée d’un pourpre à reflet chatoyant-bleuâtre ; cette couleur pourpre plus fon- cée et même d’un noir pourpré-velouté, également à reflet chatoyant-bleuâtre sur les pétales supérieurs. Les autres parties de cette superbe plante sont en tout semblables à celles du Zropæolum mayjus, Var. purpurum , dont elle est parvenue. SINGULARITÉ VÉGÉTALE, Par M. TJonbert, de Beaulieu. La germination d’une graine au sein même du fruit qui l’enserrait, lorsque ce fruit adhérent encore (37 ) à la tige pleine de vie qui l’a porté ne vient que d'atteindre la maturité, est un fait assez éton- nant et digne peut-être de fixer l’attention. Il me semble devoir au moins jeter quelque jour sur la connaissance encore peu avancée de la nature des gaz renfermés dans les cavités ou cellules que présentent certains fruits ; et c’est principalement sous ce rap- port que j'ai cru, Messieurs, devoir vous en en- tretenir. Le 29 août dernier, en ouvrant un melon de la variété brodée, je trouvai avec surprise dans lin- térieur une graine non-seulement germée, mais of- frant déjà la plantule toute développée. La radicule garnie de chevelu et longue d'environ 15 lignes était implantée dans la pulpe du placenta, la plu- mule atteignait 7 lignes de hauteur et les cotylé- dons , d’un vert tendre, étaient encore appliqués l’un contre l’autre. Mon étonnement fut d'autant plus grand que ce melon, un peu creux à la vé- rité ( la cavité pouvait avoir 2 pouces de diamètre vers le centre du fruit }, avait la chair très ferme et très saine, épaisse d'environ 15 lignes, sans au- cune altération ni ouverture à l’écorce. Il était en- core fortement adhérent au pédoncule, et la tige de laquelle il avait été détaché le matin même, pleine de sève et de vigueur. Gette découverte ayant éveillé mon attention . j'eus le plaisir, quelques jours après, de trouver dans un autre melon mûr et également sain, une graine dont la germination ne faisait que commencer. Il est donc à croire que ce phénomène n’est pas très rare. Mais (38) comment a pu s'effectuer cette germination dans le sein même du fruit où s’est formée la graine, bien avant même la maturité de ce fruit: car dans le premier exemple la plantule avait nécessairement dû commencer à se développer avant cette époque, puisqu’à l'instant de l'observation , la maturité n’é- tait pas encore complète ? Telle est la question qui se présente naturellement à l'esprit, et il peut d’a- bord en être étonné. Cependant si l’on fait bien attention aux circonstances du phénomène , la sur- prise cessera en voyant l'explication des faits dé- couler naturellement des connaissances déjà acquises sur la germination. En effet, il faut d’abord et né- cessairement admettre que notre graine s’est préa- lablement détachée du podosperme, car tant qu’elle demeurait liée à la plante qui l’a nourrie, elle ne faisait qu'un avec elle, et celle-ci continuant à croître et à se développer, la graine, participant à la même vie, suivait la série de ses accroissemens et perfec- tionnemens successifs. Ce ne peut donc étre que lorsque la graine est isolée et formé un être indé- pendant, doué d’une force vitale propre , qu’elle peut commencer la série de ses développemens. De plus , dans le premier des deux exemples cités, la séparation de la graine du placenta à dû s’effectuer avant la maturité complète de cette graine, puisque nous avons vu que la plantule était bien développée à. l’époque. où le fruit lui-même atteignait à peine celte maturité. Ces deux points admis, l'explication du phénomène précité ne doit plus souffrir de dif- licultés ; car la germination faisant passer les graines (39) par une série d'états inverse de celle que présente la maturation , la graine qui n’a pas atteint la par- faite maturité se développera bien plus prompte- ment que celle qui ayant solidifié toute l’eau qu’elle contenait, est obligée d’absorber de nouveau de humidité et de dégager l’excés de carbone qu’elle avait combiné à l’époque de la maturation. Mais il est une autre circonstance qui a dü con- courir au prompt développement de la plantule , et c’est ici le point capital de l'observation , car à dé- faut d'analyse et d’expériences directes , les induc- tions doivent avoir quélque valeur. ( Je ne sache pas en effet que l’on se soit occupé de la nature des gaz renfermés dans les cavités que présentent certains fruits. ) Pour que la gramination puisse s’ef- fectuer, une des principales conditions est que la graine soit plongée dans un milieu qui contienne de l'oxigène , et les expériences de Saussure démon- irent qu’une forte proportion de ce gaz dans le mi- lieu où se rencontre la graine en rend la germination très prompte. Or, dans notre second exemple, la graine ne faisait que commencer à germer dans le melon dont la maturité était plus avancée ; cette graine elle-même était donc plus mûre , et pour en solliciter la germination il aura fallu une autre cause que celle déjà assignée. Cette cause efficace ne pour- rait-elle pas être l’oxigène répandu en grande quan- tité dans l’intérieur du péricarpe ? Berard et Saussure ont prouvé par leurs expériences, que les fruits ab- sorbaient de l’oxigène : une partie de cet oxigène se retrouverait en partie expirée à l’intérieur ; et ( 40) cette expiration s’effectuant à l’abri‘du contact de la lumitre , on serait porté à conclure avec Berard que les fruits se comportent bien différemment des feuilles qui ne dégagent l’oxigène qu’au contact des rayons solaires. D'ailleurs le fait seul de la germi- nation à l’intérieur du fruit, y dénote une quantité d’oxigéne d’autant plus grande , qu’elle a neutralisé les effets négatifs du gaz acide carbonique développé par l’acte de la germination. Avant de terminer, je rappellerai que les cotylé- dons, bien que développés à l’obscurité , étaient de couleur verte. Ce fait au reste n’est pas nouveau ; Humbold , en Amérique, et un autre voyageur, dont le nom me fuit, dans la grotte du Chien près Naples, en avait observé d’analogues. Je sens, Messieurs, tout ce que ces développe- mens ont d’'hypothétique ; il m’eût fallu recourir à l'expérience , elle seule pent nous guider sûrement dans les recherches de ce genre, elle seule donne des résultats certains : mais le temps et les moyens m'ayant manqué, je n’ai pu que me livrer à des conjectures dont je n’eusse peut-être pas dù vous en- tretenir, me bornant seulement à la simple exposition des faits. Je vous les livre, Messieurs, et peut-être en ürerez-vous d’autres conséquences. (#8) APERÇU Sur la Marne et sur l’emploi qu’on en fait dans un canton du département de la Vienne, PAR M. MAUDUYT , Correspondant de la Société et Directeur du Muséum &'His- toire naturelle à Poitiers. La marne proprement dite , marne calcifére , est une substance souvent argilo-sablonneuse , dont on se sert comme amendement pour fertiliser les terres. La découverte en remonte à une époque trés recu- lée ; les Grecs, les Romains, les Bretons et même les Gaulois nos ancètres, s’en sont servi avec avantage ; Aristote , Pline et Columelle, en ont parlé ; mais il paraît qu'après eux, ce précieux don de la nature resta entièrement ignoré, et que ce ne fut qu’au 14° ou 15.° siècle que l’on re- commenca à en faire usage en France et en Angle- terre. En 1636, le célèbre Bernard Palissy, que son génie mettait au-dessus de sa profession, puisqu'il n’était que simple potier de terre, publia un ou- vrage sur la marne, qui fut imprimé à Paris, où il (42) démontrait les avantages de cette substance comme engrais, indiquant ses caractères et les terrains où l’on peut la trouver ; et enfin, pour lever tous ob- stacles, comme elle se rencontre quelquefois à des profondeurs considérables , et qu’il eût fallu faire pour la tirer des excavations très profondes et sur- tout inutiles, Palissy inventa la tarrière : ce qui fait qu’à plus d’un titre son nom doit être cher aux cultivateurs. Mais comme à cette époque, qui ce- pendant n’est pas très éloignée de nous, l’agricul- ture était encore dans son enfance , et que le fléau , des guerres civiles - religieuses qui avaient aflligé notre belle patrie, n’était pas encore entièrement éteint, peu de personnes surent apprécier l'ouvrage de Palissy, et le précieux engrais resta encore une fois enseveli dans le sein de la terre, d’où on ne pensa à l’en retirer qu’à la fin du siècle dernier, tpoque à laquelle on recommenca à marner avec avantage. Les résultats satisfaisans que l'on retira de cetie pratique , ont tellement encouragé les agriculteurs, qu'aujourd'hui on marne presque partout ; mais il est peu d’endroits où la marne soit plus en vogue que dans le canton Gencay, aù quelques personnes lemploient avec excès et sans méthode. Ce n’est pas que je veuille discréditer cet amendement , je suis loin de vouloir le déprécier, les avantages en sont connus de tous les cultivaieurs; mais souvent on en fait abus, en employant indifféremment une seule espèce de marne pour toutes sortes de terrains, ce qui fait qu’on n’en obtient pàs tous les avantages 6) qu'on devrait en retirer. Il est pourtant certain qu'une marne grasse ne peut convenir dans un terrain argileux , qu’il est nécessaire de rendre plus poreux, afin de faciliter l'introduction de l'air entre les molécules, pour qu’il devienne plus propice à la végétation. Au contraire, celte sorte de marne conviendra toujours dans un terrain sablonneux et dans toutes terres légères, dont les molécules ont besoin d'acquérir plus de lien, afin que l’oxigène ou air vital s’en dégage avec moins de facilité. D’après ce faible apercu, il est aisé de voir com- bien l’ignorance est préjudiciable au cultivateur qui ne se donne pas la peine d’examiner son terrain et sa marne, avant d'employer cette dernière. Le cul- tivateur même , dans son intérêt , ne devrait pas agir si légèrement, et avant que de marner, il devrait faire une analyse exacte de la terre à marner et de la marne à employer ; sans cela il doit être certain qu’au lieu d’avoir d’heureux résultats de son tra- vail, il n’obtiendra que des demi-succès , et même il peut tellement apauvrir son terrain, qu'il en devienne impropre à la végélation ; alors une perte réelle en résultera pour lui, et de plus, dans l’es- prit des ignorans , un grand discrédit pour la marne. L'abus de marner sans examiner , vient de la fausse interprétation donnée vulgairement à ce pro- verbe : expérience passe science. Bien qu’il soit géné- ralement reconnu en agriculture , qu’une bonne pratique supplée souvent à la théorie, il ne faut pourtant pas croire que cetle dernière ne soit pas une suite nécessaire de la première. Il est prouvé, (44) d’ailleurs , que celui qui n’a pour lui qu’une simple routine, non-seulement en agriculture, mais même dans toutes autres sciences, ne fait rien qu’au ha- sard. Il est donc toujours utile de joindre la théo- rie à la pratique toutes les fois que l’on voudra avoir des bases sûres et invariables pour ses opé- rations. Il serait utile que tout propriétaire ou co- lon acquit une connaissance parfaite du domaine qu'il veut exploiter , et qu'il s’appliquât à bien con- naître la terre sur laquelle il doit exercer son in- dustrie , afin de ne lui confier que les végétaux qui peuvent lui convenir, et surtout afin de n’em- ployer que les engrais propices à cette espèce de terre. Tel engrais ou amendement convient à l’une et ne convient point à l’autre. Pour faire disparaître ces abus, il serait utile que le gouvernement établit dans chaque chef-lieu de département une école gratuite d'agriculture (1) qui, étant dirigée par d’habiles professeurs, mettrait le propriétaire- cultivateur et le colon à même d’acquérir les con- naissances nécessaires aux lravaux agricoles, et de joindre par-là une bonne théorie à une saine pra- tique : tels sont les souhaits que je fais dans l’in- térêt de l’agriculture et de ma patrie. J'ai vu souvent employer comme marne dans le canton de Gencay, des matières qui sont loin de pouvoir la remplacer ; j'y ai vu faire usage d’argile, (4) On pourrait aujourd’hui faire ces cours aux Ecoles normales , en faisant des instituteurs primaires. (45) puis de sable argileux, par des personnes réelle- ment instruites , mais dont les connaissances agri- coles trés bornées se réduisent à une simple routine. Il est vrai de dire que presque toujours on retire quelque avantage du transport d’une terre sur une autre; mais cet avantage est de peu de durée, en- core faudrait-il s'assurer si la terre transportée con- vient à celle avec laquelle on veut la mettre; mais le hasard fait tout, heureux si on réussit! Généralement, dans le canton de Gencay, on n’emploie pas la marne sortant de la marnière; j'at- iribuais cet usage soit au peu de temps que laissent de disponible au cultivateur ses travaux journaliers, soit aux mauvais chemins du pays, qui souvent sont impraticables à l’époque où se font les trans- ports de marne : mais depuis je me suis assuré , par le témoignage de plusieurs cultivateurs, que ce retard tient à l’idée où l’on est que la marne em- ployée fraiche, c’est-à-dire, sortant de la carrière, gate le terrain, et qu'il faut avant de la trans- porter sur le champ auquel on la destine , la lais- ser exposée à l'air pendant quelque temps, afin qu’elle se fende et jette son feu. Je suis fiché de le dire au cultivateur , mais son ignorance dans ce cas lui est aussi préjudiciable qu’en beaucoup d’au- tres circonstances. La marne, il est vrai, long- temps exposée aux influences atmosphériques, jette, comme il le dit, son feu; mais il ne fait pas at- tention que ce feu n’est autre chose que des gaz qui s’en dégagent et qui en font la partie de la marne la plus propre à favoriser la végétation ; ( 46 ) que cet air seul donne à la terre la vertu repro- ductive qu’il cherche à lui rendre ; le peu qu'elle en conserve aprés cette longue exposition à l'air libre, est encore utile : il n’obtient il est vrai de son entreprise qu’un demi-succès, et il est con- tant. Il résulte de cette fausse idée, deux autres in- convéniens non moins graves en économie rurale ;-la première , qu'il faut beaucoup plus d’engrais mar: neux d’après cette pratique , pour atteindre le but qu’on se propose ; et le second est que la marne long-temps exposte à l’air se charge d’une plus grande humidité, soit par les pluies qui tombent et la pénètrent dans toute sa, masse, soit par la tendance qu’a l’argile qui entre dans sa composition à attirer l’humidité de l’atmosphère , ce qui, dans l’un ou l’autre cas, la rend beaucoup plus lourde ,* ce qui fait considérablement multiplier les charrois, qui doublent souvent la dépense. Il serait donc utile, pour obvier à ces inconvéniens, de transporter de suite la marne sur le champ que l’on veut marner, de l’y répandre et de la recouvrir par un prompt labour; pour plus de facilité, on pourrait dans notre pays, où les marnières s’exploitent or- dinairement à ciel ouvert, y pratiquer deux che- mins ; l’un servirait à y introduire les charrettes pour être chargées, et l’autre à leur sortie ; par ce moyen on éviterait beaucoup de peines et de fa- tigues aux marniers, qui souvent sont obligés de jeter à force de bras la marne à une hauteur considé- rable, et en même-temps le prix de l'extraction (47 ) diminuerait (1), ce qui serait alors un avan- tage. On dit vulgairement que la marne enrichit le père et apauvrit les enfans ; il est bien reconnu qu’une terre marnée est fertilisée pour long-temps,, surtout lorsqu'elle l’a été convenablement (2), ce qui prouve évidemment iout l’avantage qu’on re- tre de cet engrais ; mais on abuse souvent de cette grande fertilité, en confiant à la terre marnée , et en lui faisant rapporter pendant une longue suite d’an- nées les mêmes plantes, ou du moins des plantes de la même famille ; telles que des graminées , qui tendent toujours à épuiser le terrain dans lequel on les met, soit par le grand nombre de sucoirs ou racines chevelues dont elles sont pourvues, soit par la grande : quantité d'air vital qu’elles absorbent par leurs feuilles ; ce qui sans doute a donné naissance au proverbe cité. Il serait donc bien, pour obvier à cet inconvénient, d’alterner souvent (3) ;, alors la (4) On donne pour l'extraction, terme moyen, 3 fr: à 3 fr. 50 c. à 6 pieds de profoudeur, 4 fr. 50.c. à 8 pieds,' et 6 à 7 fr. à 9 pieds. (2) Terme moyen, il faut par boisselée de 300 toises carrées, une toise et demie on 2 toises!, suivant le terrain : ce qui fait par hectare environ 14 toises. La toise de. marne contient de 9 .à 40 charretées, ou bien 420 à 430. charges de mulet ; la charge pèse 400 à 130 livres environ. : (3) Voici quel est l'assolement direct, que l’on suüit générale- ment dans le canton ; cependant quelques personnes commencent à innover : A.re année , froment; 2.e, mouture ; 3e, baillarge ou avoine ; 4, jachère ; 5.e, jachère rompue , pour semer froment en octobre , que l’on fume; de sorte qu’on ne fume qu’une fois en cinq ans. (48 marne qui convient également aux terres arables, comme aux prairies artificielles et aux plantes sar- clées, loin d’appauvrir les enfans pour enrichir le père , enrichirait le père et les enfans ; on marnerait plus souvent il est vrai, mais avec plus d’avan- tage, puisque par-là on entretiendrait la terre dans un état de fertilité qui se prolongerait durant plu- sieurs généralions. La marne peut s’employer non-seulement dans les terres arables, mais elle produit aussi un excellent effet dans les vignes, les jardins et même les prai- ries artificielles, où elle remplace le plâtre avec avantage, et même généralement tous les engrais, dont il faut toujours une moins grande quantité dans une terre marnée. Le trèfle vient bien dans une terre ainsi amendée et y dure plus long-temps que dans celle qui ne l’a pas été, d’après l’expé- rience qu'en ont faite plusieurs agriculteurs. Mais je pense qu'il serait plus avantageux de marner la terre avant de lui confier les graines de trèfle, de luzerne , etc., afin de la rendre plus meuble et par conséquent plus propice à recevoir les semences. Cependant plusieurs agronomes préfèrent marner après que le terrain a êté ensemencé , en employant la marne de la même manière que l’engrais que l’on répand sur les prairies. N'ayant jamais fait d'essai à ce sujot, je ne puis prononcer en faveur de l’une ou de l’autre méthode. La marne qui n’est autre chose qu’un dépôt tertiaire , formé par les eaux courantes, de débris des terrains calcaires et argileux, avec des restes ( 49 ) d'animaux et de végétaux; est déposée en amas plus ou moins considérables, qui s'étendent peu en largeur mais toujours beaucoup en longueur, puisque dans cette direction ils ont suivi celle des courans qui les ont formés. Ils affectent aussi plus ou moins de profondeur, qui sont celles des vallées , dans lesquelles ces dépôts ont été formés. Dans le canton de Gencay, la marne y est quel- quefois simplement recouverte d’une couche d’hu- mus ou terre végétale de trois à quatre pouces d'épaisseur , et sa plus grande profondeur y est or- dinaïrement de cinq à six pieds. Dans ce der- nier cas, la marne proprement dite est surmontée d’une couche d’argile smectique ou terre à foulon d'assez mauvaise qualité, qui elle-même est recou- verte par la terre végétale ; quelquefois une couche de silex, de fer et de sable, des quelques pou- ces d'épaisseur, est interposée entre l’argile et cette dernière ; mais ce sous-sol est plus souvent un silex meulier assez compacte, passant au résinite. On trouve dans le canton de Gencay, irois espèces distinctes de marne , offrant plusieurs variétés de couleurs, qui ne sont dues qu'aux différens degrés d'action du fer. La première est la maine grasse ou argileuse, qui s'emploie avec avantage dans les terres sablonneuses légères ; ‘la deuxième, qui est moins répandue, est la ter- reuse ‘Où marne calcaire , ainsi nommée parce qu’elle contient plus de parties calcaires; elle con- vient en général dans toutes sortes de terrains ; c’est la craié marne de quelques minéralogistes. Je Pa 4 ( 50 ) rencontrée seule, formant un dépôt assez considé- rable dans la commune de Saint-Maurice , à une marnière appartenant à M. des Courtils; dans les autres, elle y forme quelquefois des couches plus ou moins.épaisses ; enfin, la troisième est la marne sablonneuse ou sèche, elle s'emploie avec plus d’a- vantage dans toutes les terres argileuses. La marne que l’on nomme marne en pierre, n’est qu’une variété fort remarquable des marnes crayeuses ou sablonneuses. Cette substance offre plusieurs caractères qui lui sont communs avec quelques autres substances: ceux qui lui sont propres, sont ou physiques ou chi- miques. Ses caractères sont: 1.0 aspect terreux ou lithoïde, jaunissant à l'air lorsqu'elle est par- faitement blanche et s’y exfolliant, quand elle y reste exposée pendant quelque temps, en se divi- sant en fragmens rhomboïdaux ou portion de rhombe, comme tous les mélanges argileux ; elle affecte aussi quelques autres formes plus ou moins ré- gulières , tenant de celles des substances qui entrent dans sa composition ; 2.° ne prend point de poli lorsqn’on la frotte avec le doigt humecté, comme les substances argileuses ; 8.° âpre au toucher ; 4. ayant, lorsqu'on la met dans la bouche, une saveur particuliére ; qui. tient beaucoup de celle des substances alcalines. Ses caractères communs sont: 1° de happer lépé- rement à la langue; 2.° dans l’eau, ou humectée avec la salive lorsqu'on la met dans la bouche, elle forme une bouillie ou une pâte comme les (97) argiles; 8.° dans l’eau, elle produit un sifflement analogue à celui de la chaux vive; 4.° fait effer- vescence avec les acides, même le vinaigre; 5.° au feu, elle se durcit et finit par se convertir en chaux ; 6. au chalumeau, ellese convertit en une espèce de verre qui surnage bien ; 7.° elle attire fortement l'humidité de l'air. Les caractères extérieurs auxquels on croit con- naître la présence de la marne, sont très équivo- ques et presque toujours nuls; la présence du gé- nevrier, de l’avoine laineuse ou foin de mouton ( holcus lanatus ), des différens lichens, et la sté- rilité du terrain, peuvent quelquefois l'indiquer ; mais les indices souvent fautifs ne peuvent être remplacés par la tarrière, qui est le meilleur moyen pour s’assurer de sa présence, de même que les fouilles de distance en distance. Observations des Rédacteurs. On voit que trois sortes de corps sont employés dans le département de la Vienne, sous le nom de marne: la #arne calcaire et des mélanges, que M. Desvaux a renfermés sous le nom de marnoite, et où domine tantôt l'argile , tantôt le sable siliceux. Dans le département de Maine et Loire où le cal- caire délité est employésous le nom de marne, et une sorte de falun ou débris de coquilles plus ou moins mélés de calcaire et de parties argileuses, il n’y a point de véritable marne en usage pour l’agricul- e (52) ture et la marne calcaire ne s'y rencontre que très rarement et en très petite quantité, disséminée dans des argiles ou des calcaires délités ; mais il n’en est pas moins réel que les matières utilisées faussement sous le nom de marne , ont tous les avantages presque de cette substance, étant ap- propriées convenablement selon leur nature et celle des terres auxquelles on les ajoute: seulement la marne , à raison de sa propriété efflorescente , aura celui d’offrir une durée plus prolongée et d’être bien supérieure à tous faluns comme à toute autre substance calcaire. NOTE GÉOLOGIQUE SUR LE DÉPARTEMENT DE LA VENDÉE, Par I. À. Rivière, Professeur des Sciences physiques à l'Ecole royale et à l'Athénée de Bourbon; de la Société géologique de France ; des Sciences physiques de Paris, etc.; Correspondant de la Société dgris culture, Sciences et Arts d'Angers. Le departement de la Vendée, situé dans .la partie occidentale de la France, entre le 462, 17 et 470, 8 de latitude ; le 2°, 56° et le 4°, L_] (58) 48 de longitude, se divise en quatre parties bien distinctes , qui sont nommées : le Bocage, la Plaine, le Marais et les Isles. Le Bocage est la partie du département formée de mornticules, de vallons couverts de forêts, de propriétés incultes ou cultivées , divisées en pe- ttes parties par des haies; de sorte que, de loin ei sur une hauteur, le Bocage n'offre à la vue qu’une forêt trés claire dans beaucoup d'en. droits. Les mauvais chemins contournés qui sil- lonnent le Bocage dans tous les sens, les ruis- seaux, les fossés, les étangs, ainsi que le mode de culture, rendent l'exploration de ce pays ex- traordinairement pénible et difficile. Le Bocage occupe la partie septentrionale du département ;'il s'étend de l'Est à l’Ouest, depuis la rive gauche de la Sévre Nantaise jusqu'au ma- rais occidental ; il s'étend au midi, depuis le dé- partement des Deux-Sèvres jusqu'au bord de la mer. Dans la partie orientale du Bocage, on aper- coit de nombreuses collines, que l’on peut ce- pendant réunir en deux chaînes : l’une que je considère comme formant le ‘terrain primitif du département, se dirige du Sud - Est au Nord- Ouest, depuis les environs de Montournois jus- qu’äu-delà du département de la Loire-Inférieure, en passant au Nord de Pouzauges et à l'Est des Herbiers. Les montagnes les plus élevées sont celles des: Allouettes, de Saint- Michel, de Pouzauges ; elles ont à-peu-près 300 mètres au - dessus ‘dir niveau dé la mer. [L'autre chaîne est moins régu- (54) liére ,. moins, élevée que la première. Elle a sa direction du Sud au Nord, depuis, la Vendée jus- qu’à Saint-Pierre-du-Chemin, et s'incline un peu vers le Nord-Ouest. Je considère le terrain de cette - chaine comme, étant d’une formation plus récente. Les roches entrant en plus. grande abondance dans sa composition , sont le. #neis et micaschiste. À mesure que l’on avance versil'Ouest, les col- lines que l’on voit sont moins étendues :etmoins élevées ; leur constitution est due :au -gneis ; au schiste, à l'argile; et l’on rencontre çà: et là de grandes masses de. granit ;.quartz plus ou moins pur, ainsi que le,grès, le trapp qui deviennent plus fréquens que. dans les, lieux dont je viens de parler. Au Nord de Pouzauges on: trouve un granit ancien passant au grès ;.1l se: compose de: feld- spath d’un blanc: sale ou rose, de quartz gris: et de mica noir en. petites paillettes brillantes. : Ces deux roches se-changent. par des gradations ‘in- sensibles en schistes talqueux ou siliceux; qui cons- tituent la majeure partie, du sol de la contrée. À la: Ramée près Pouzauges:, dans-le gneis passant au schiste talqueux, il existe un filon de sulfure d’antimoine., . dont. la direction est : de l'Est à l'Ouest. et dont. l’inclinaison au: Nord est de 50" à- peu-près. Ce filon coupe la: stratification: des: ro- ches qui l’avoisinent. J’estime-sa puissance à: Or, 36. La gangue est un quartz blanclaiteux, mé- langé avec du schiste, chloïiteux.; Tout meïporte à croire qu'il existe d’autres filons de «cette nature: dans le pays. (55) À la Vazonnière, près Scillé, on rencontre une roche composée de feld-spath blanc ou rose, et de quariz gris alternant avec des gneis et des schis_ tes. On trouve des cristaux de feld-spath de la grosseur de 9 pouces cubes ou bien ces deux corps en très pelits cristaux; et le feld-spath qui y‘ domine donne naïssance, en se décomposant, à un bon kaolin. Cette roche et celles auxquelles elle est liée se dirige de l'Est-Sud-Est à l’Ouest- Nord - Ouest, et s'incline au Nord-Nord- Est sous 75°, par approximation. On a fait des fouilles à la Vazonnière , et on a reconnu que le kaokin se- rait exploitable à une trés grande profondeur. La direction générale des couches du schiste de transition est du Nord-Ouest au Sud - Est, et inclinaison de 75° au Sud-Ouest. Le gisement de l’hydroxide de fer de la Termelière près Bourbon, se rencontre dans cette roche. Il se compose de bancs puissans de ce minerai, attenant avec un schiste talqueux jaunâtre ou un schiste argileux noirâtre. Ce minerai est très riche et forme deux variétés : l’une hématite compacte, l’autre schis- teuse. Les bancs de ce minerai ont même direc- tion et même inclinaison que la roche schisteuse qu’ils accompagnent. Une grande quantité de sco- ries que l’on rencontre près du village, annonce que jadis on a fait dans ce lieu une exploitation considérable de ce minerai, qui est en telle abon- dance que des maisons en sont entièrement bà- ties. Au reste, j'ai trouvé des minerais de fer dans beaucoup d’endroits du Bocage, et je me (56) propose de m'’étendre à ce sujet dans le mémoire que je vais publier. J'ai visité un terrain houiller, dans lequel j'ai remarqué une quantité considérable de sulfure de fer. Des échantillons pris dans ce terrain , exposés à la seule humidité de l'air, sont passés à l’état de sulfate de fer parfaitement vert; de sorte qu’on pourrait retirer le minéral, et par un arrosement on obtiendrait du sulfate de fer, comme en Pi- cardie par exemple ;, peut-être même pourrait-on le livrer au commerce à meilleur compte. Une chose digne de remarque, c’est que des eaux, qui autrefois contenaient une grande quan- üté de matières ferrugineuses, d’après des analyses faites par des hommes recommandables, ne m'ont offert aucun atome de fer. À la vérité, de. prime abord une pellicule ïirisée fait soupconner la pré- sence du fer; mais ce résultat n’est dû qu'à des malières organiques. (57) DU THÉATRE EN FRANCE, AU MOYEN AGE, Li] Par M. Plordier-Langlois. Cxez tous les peuples , je crois, l’art du théâtre a eu pour point de départ l’hymne et la satire. L’hymne fut consacrée aux dieux et aux héros; la satire peignit les vices , les ridicules des particu- liers , des héros et des dieux mêmes. On se lassa, on s’ennuya de parler, de chanter seul ; on s’associa d’abord un personnage avec lequel on partagea la tâche, mais sans y mettre d’autre art que ce par- tage , et sans entendre finesse à celte transmission de la parole. Puis on sentit l’imperfection de ne dialoguer que par des coupures; on imagina des caractères contrastans , des passions opposées ; le poëte s’inspira de divers esprits qu'il communiqua à ses divers acteurs ; il se déroba le mieux qu’il put derrière eux, il les fit agir et parler selon les af- fections qu’il leur prêta, selon aussi que le lui per- mit son génie; et la tragédie et la comédie naqui- rent. Il put dès-lors y avoir de l'intérêt, mais le plus vif intérêt possible ne pouvait être que le fruit d’une civilisation parvenue au degré nécessaire, (58 ) d’un goût formé par la comparaisor et l’expérience. Il fallut attendre , et ce succès, qui tarda plus ou moins , selon la nature et la position des peuples, ne manqua pas de se montrer dans son temps. En effet, un drame dont toutes les parties soient bien déduites d’un motif principal auquel elles don- nent un développement progressif et parfait; un drame où le-spectateur attentif n’apercoive aucune digression inutile, et où , maintenu dans une con- tinuité de sensations douloureuses ou gaies par l’heu- reux choix des détails, il sente à peine son im- patience du dénouement, et y arrive comme un voyageur au terme d’une route qu’il à faite à travers un pays plein de charmes ; un ‘drame semblable est un des travaux les plus difficiles de l'imagination humaine. Il n’y a point de grands modèles; point d’habiles précepteurs pour les nations à leur berceau. Quand elles sauraient qu’il y en a quelque part, qu’en feraient-elles ? Les consulter ? Elles ne les compren- draient pas, leur heure n’est pas venue. Quel sera donc le parti qu’elles prendront? Le seul qui leur convienne ; elles peindront leurs pensées | leurs croyances , leurs passions actuelles. Avant que d’être tel ou tel par l'imagination , il faut être soi, des- cendre dans son cœur, y prendre ce qui y est. Ainsi firent tous les peuples qui firent bien ; par- tout les commencemens durent être simples et très circonscrits , partout on ne sortit point impunément de la sphère de son intelligence et de ses idées. Les Grecs, dont la période de ‘gloire fut courte (59) mais qui sont en, tout sans rivaux dans l’histoire (1), les Grecs devaient créer la tragédie, et d’une manière -désespérante pour les nations à venir. Ils suffisaient à tout. Pour rester ici dans notre sujet, voyons quelle supériorité leur ménageait dans les compositions théâtrales le concours des moyens au sein desquels ils étaient placés. Un polythéisme de leur invention, ou du moins modifié par eux de manière à être une œuvre presque nouvelle, des dieux par conséquent qu’ils pouvaient faire agir à leur gré; une antiquité héroïque où la morale pou- vait abondamment puiser les plus pathétiques :le- çons ; des allégories empruntées à un sol, à un climat uniques, créées dans des âges reculés, et frappantes de vérité, de. force et de grace ; un amour. de la patrie tel qu'aucune nation n’en offrit de semblable; une passion de gloire qui débordait en toute circonstance , qui entretenait d’irrésistibles émulations, qui troublait le sommeil des rivaux sans aliérer leur dévouement, et qui peut-être em- portait Alexandre à la conquête du monde. Que pouvait-il sorti dans les arts, qui-ne fût très re- marquable d’un peuple si plein de vie, et qui voyait briller , aux nébuleuses limites de son histoire, les astres d'Homère et d'Hésiode? Aussi s'étonne-t-on que Thespis, appelé commu- nément le père de la tragédie ; la-:commençcât sous des formes si grossières , lui qui pouvait -s’inspirer aux poëmes, d'Homère qu'Horace regarde comme une, source. inépuisable ; de conceptions tragiques ; mais bientôt il fut suivi d’Eschyle, génie barbare ( 60 ) et indompté, peintre enthousiaste, inexorable mo- raliste , puissant à répandre à flots les émotions les plus terribles, les plus profondes, et se jouant de l’âme de ses spectateurs dont il fait le tourment et les délices ; d’Eschyle enfin, qui, guerrier avant que d’être écrivain, préludait par les lauriers de Salamine et de Platée, aux palmes qui l’attendaient dans les fêtes olympiques (2). Quelle différence des Grecs aux Romains ! Ceux-ci sont des spéculateurs intéressés, ménagers, prévoyans, qui songent à s'assurer une longue et prospère exis- tence ; les Grecs, dissipaleurs aimables, semblent avoir adopté cette devise des individus qui n’épargnent pas leur vie : « Courte et bonne ». La gloire des lettres et des beaux-arts est la seule que Virgile, ce flatteur divin, n’osa pas octroyer à ses com- patriotes. Les Romains , dit-il, laisseront aux Grecs cette gloire; la leur sera de conquérir le monde : triste avantage, si l’on considère l'humanité ; avan- tage immense par le caractère qu'il fait supposer, et la durée politique qu'il garantit. Les Grecs en effet avaient passé que les Romains étaient à l'apogée de leur puissance, et qu’à leur-tour ils brillaient dans l’harmonieuse et mensongère poésie du siecle d’Auguste. Quant à leur théâtre national, je dirais presque qu’il fut nul. Tous les dramatistes romains imitèrent faiblement ou gauchement ceux de la Grèce. Depuis Andronicus auquel on fixe l’époque des compositions scéniques à Rome jusqu’au Sénèque qui composa des tragédies trois siècles après, tous imitérent servilement les’ dramatistes Grecs , tous (61 ) peignirent des mœurs grecques, dans l'impuissance ou le danger de s’attaquer aux mœurs de leur pa- trie (3). Passons aux siècles modernes. Ils étaient loin d’a- voir à leur disposition aucuns des élémens qu’avaient si heureusement employés les Grecs. Leur religion avait une autre origine que le cerveau des poètes; elle leur était venue accompagnée d’une autre es- corte que celle des sens, et dans un temps où même la politique n’avait plus que faire de cette myriade de divinités; dans un temps enfin où quel- ques intérêts privés luttaient à peine contre une ré- volution imminente. Nos pères croyaient à leur reli- gion ; tout y était sacramentel pour eux ; ils se seraient reproché ce qu’ils appelérent une hérésie , s’ils se fus- sent écarté le moins du monde du texte de leurs livres saints, s'ils y eussent mêlé les plus simples ornemens de l’imagination (4) : les Grecs au contraire n’avaient aucune foi dans leurs dieux ostensibles ; ce n’était chez eux qu’une langue poétique , qu’un essaim d’agens merveilleux pour leurs poèmes, qu’une grande allésorie philosophique et morale. Autre considération. Les peuples des provinces, qui. jouissaient d’un sort tranquille, assez peu civi- lisés pour n'être pas agités de vives passions, et gouvernés de loin par des maitres qui l’étaient trop pour leur rendre sans nécessité le joug pesant, au- raient pu composer des idylles et des pastorales, mais n'auraient pas songé même à chanter une in- dépendance dont au reste ils ne se souvenaient plus. Ils tombèrent avec Rome; il n’y eut plus ni paix ni (62) liberté pour eux. C’est vainement qu’on eût attendu des Eschyles et des Aristopharés au sein des deux premieres races de notre monarchie, et moins encore aux premiers siècles de la troisième. Je dis moins encore, car dans la lutte de plusieurs puissances, il peut surgir quelque génie heureux qui se fasse l'expression de la défaite ou du triomphe, tel fut Le Dante en Italie ; mais chez nous, sous la pre- miére moilié de la troisième race, tout fut fini. Un vaste et solide réseau s’étendit'sur la population tout entière ; peüts et grands y furent blottis, ceux-ci pour dévorer , ceux-là pour être dévorés. Cependant tout s’use, et ce réseau devait avoir le sort commun. L’heureuse folie des croisades s’o- péra , avec tout le fracas que vous savez. Depuis les dernières années du XI. siècle jusqu’à la fin du XIII. toutes les pensées furent aux croisades. Les croisades auraient dû développer une puissance d'invention proportionnée à leur mouvement et à la longue inertie dans laquelle avaient stagné les peu- ples : il n’en fut rien. Que résulta-tl donc de ces déplacemens si poétiques, si inspirateurs® d’utiles, mais de pauvres chroniques, les sirventes, les tensons des troubadours, les fabliaux des trouvères : c’était vraiment le ridiculus mus d'Horace. Mais gloire aux tensons et aux sirventes , si nous leur devons notre comédie ! Gloire , s’il est vrai qu'ils inspirèrent! Le Dante et Pétrarque (5)! Gloire enfin , si, mieux que les Romains , et au risque d’être plus lents dans le dévelopement de leurs facultés intellectuelles et créatrices , nos pères aimérent mieux se faire une (65) manière et être eux que d’imiter d’autres siècles dont ils n’auraïient point apprécié les beautés. Sous ce rapport, jen conviens, leurs productions mé- ritent l’attention des gens de lettres ; mais, s’ils n'ont imité personne , ce n’est point une raison pour que nous les imitions. Ils ont suivi les inspirations de leur siècle, suivons celles du nôtre ; ils n’ont pas rétrogradé , faut-il que nous rétrogradions ? Les tensons, comme vous le savez, étaient des plaidoyers galans où se débattaient des questions d'amour devant un tribunal de femmes ; dans l’o- rigine du théâtre grec, dans Eschyle, par exemple, ce sont aussi le plus souvent des altercations entre deux personnages devant l'éternel chœur des tra- gédies grecques. Eschyle et les troubadours com- mencent comme il nous a paru naturel que com- mencçassent les productions dramatiques : Eh bien! je m'amuse à comparer la scène du plaidoyer d’A- pollon et d'Oreste devant les Euménides armées de torches et de.serpens, et la face couverte d’un masque épouvantable ; avec les métaphysiques et doucercuses discussions des chevaliers sur l’amour et ses preuves, devant une cour de dames plaisam- ment affublées de robes de palais ; et je crois avoir toute la différence qui se trouvait entre les Français des temps féodaux et les Grecs de la guerre médique. Le sirvente était la satire au moyen âge; quelque- fois il est dialogué, et c’est la comédie dans sa plus simple expression. Un troubadour , Anselme Faydit, composa, vers l’an 1220, pour Boniface, marquis (64) de Montferrat, une satire de ce genre, qui fut jouée publiquement à sa cour, quoiqu'on y prit vivement le parti des Albigeois contre le pape et les conciles (6). Un autre troubadour nommé Pa- radols, pour complaire au pape Clément VII, mit en cinq actes la vie tout entière de Jeanne I", reine de Naples (7). Je bénis le ciel de cette dé- couverte: soyons donc plus respectueux, Messieurs, pour nos modernes, en faveur de l’origine respec- table de leur drame à longues périodes. Je ne les avais fait, à ma honte, remonter qu'à Shakespear et à Lope de Véga. Cet amour de la patrie qui, dans la Grèce, inspira de si grandes choses, n’exista point chez nous au moyen âge, surtout dans la classe inférieure qui seule eût pu se livrer aux travaux de l'esprit. Chez elle la vertu dominante était et ne pouvait être que la vertu simple et timide du cloitre; la philosophie du peuple était la docilité et la résigna- tion ; et ces dispositions, trop peu favorables à lart du théâtre, ne devaient enfanter que les #moralités et les mystères. Les mystères furent des représentations tantôt muettes et sans mouvement, tantôt automates, et s'exprimant par des inscriptions, tantôt enfin de longs drames pieux divisés en plusieurs journées. L'autorisation de ces divers spectacles, date de Charles VI, en 1402. On trouva si beaux les mys- tères , et leur mise en scène entraïnait tant de dé- penses, qu’ils furent réservés aux rois, aux reines de France et aux souverains ‘de premier ordre en Eu- | | | (65) rope. Lorsque Jacques V, roi d’Ecosse, qui épousa à Paris, Madelaine, fille de François 1, fit son entrée dans cette ville, les mystères furent expres- sément exceptés des fêtes de la réception. C’est ici, messieurs, que je suis principalement dansmon sujet; mais au milieu des exemples nom- breux de mystères que m'offrent les chroniques, je serai sobre de citations. Il ÿ eut un mystère dans le genre automate et symbolique à Angers, lorsque François 1. y vint en 1516, visiter sa mère Louise de Savoie , duchesse d'Anjou. On le connaît, jen ai parlé ailleurs, et Bodin ne l’a pas oublié dans ses Recherches. Lorsque Louis XI fit son entrée à Paris en 1461, on y représenta les plus bizarres mystères. Ce fu- rent , entr'autres spectacles, trois sirènes représen- tées par les trois plus jolies filles que l’on püt trouver , et qui, dans le costume obligé des si- rênes, chantaient petits motets et bergerettes, dit ce bon Jean de Troyes qui les décrit avec complai- sance ; et peu loin de là une passion complète, Jésustet les deux larrons , représentés par trois confrères assez robustes pour résister à la douleur et au danger de leur rôle (8). N'est-ce pas, mes- sieurs, le cas de se rappeler le riswn tencatis d'Horace? :: A-peu-près dans le méme temps que les sirènes et la passion édifiaient à Paris Louis X[, on divértis- sait , à Lille, en 1468 ; Charles-le-Téméraire, par un mystére bien plus extravagant encore, car le premier avait au moins son côté gracieux. On joua le ju- 5 ( 66 ) gement de Pâris, mais ne craignez pas que ce fût celui d'Ovide; c'en fut un bien moins classique. Vénus y parut d’un embonpoint et d'une taille énor- mes, raræ proceritatis et porlentosæ crassitudims ; c’est le texte de l'historien Pontus Heuterus ; une Junon d’une maigreur effrayante (squelette vivant ), et une Minerve naine, hideuse et bossue de tous côtés. C’était sans doute une scène emblématique , mais quelle sorte d'imagination il fallait avoir pour figurer sa pensée d’une manière aussi dégoütante ! Oh! que j'aime bien mieux notre René d'Anjou dans ses allégories froides, il est vrai, mais dé- centes, du Cœur d'amour épris et de l’Abusé en Cour! Rien n’y choque la plus scrupuleuse délica- tesse, tout y porte le cachet d’un prince instruit et poli: Dans un temps , messieurs, où l’on descend avec tant de délices en ses souvenirs, me permettrez-vous de rappeler ici un des enchantemens de mon enfance? Je.veux parler de certains mystères immobiles ei muets qui faisaient de notre Sacre d'Angers une des merveilles du monde chrétien. Ce sera un hommage au moyen-àge.dont peut-être on me tiendra compte, dans un temps où nos gens de-lettres,se montrent si jaloux des Froissart et des Monstrelet. Ces mystères; comme vous le savez , se composaient de douze torches (9), dont l’originene m'est pas exactement connue, Mais Où je crois. voir quelque chose du goût et. de. l'imagination du roi René. Je ne les quittais point, tout-le temps qu’on les préparait dans la place. du Pori; je les accompagnais à S.-Maurice, ((6) fier pour elles de: leur parure de papier peint et doré. Là je les voyais, avec une sorte d’orgueil , exposées à l'admiration d’un peuple immense : c'était la veille du Sacre. Le jour, avec quel enthousiasme je les voyais , mes chères torches, s’avancer majes- tueusement, avant que la procession passât, l’une après l’autre et à distance, portées par seize paysans de S.t-Eaud'! Quand avait disparu la dernièré, mes yeux devenaient humides, ét déjà je me livrais à de mélancoliques pensées sur la briéveté, sur la fugacité des enchantemens de la vie. La gravité des mystères finit par lasser un public naturellement folâtre, qui: n’en considéra plus que le côté ridicule. Pour soutenir un spectacle à l’agonie, on lui en adjoignit un ‘tellement bouffon que l’on duts’étonner: de l’alliance!; maïs vous: savez, mes- sieurs, un vers célèbre de Molière: c’est ici le lieu d’en faire l’application. Ees confrères dela passion sé firent les: confrères d’une bande: joyeuse qui .prit le: nom d'Enfans sans souci, et qui mit :tant de conscience à ne pas démentir cetitre, que lemagis- trat s’en alarma, et leur-fit défense d’être ‘si gaïs: C'était dommage, ils allaient bien: Mais leur: appa- riion:signala le caractère d’esprit qui: devait bientôt distinguer, jusqu’à nos jours exclusivement , le Fran- cais entre tous les peuples: C'en fut fait de ces inistes et dévotes paraplhirases des livres saints, :con- ception nécessaire du moyen-âge, fruits: autochto- nes:de: cette période de nôtre histoire, et: qui, ‘au besoin en serait la figure. Une parcelle: d’atticisme entra) dans les compositions scéniques: du nouveau: (68) génie francais ; ce fut l’aurore dé ce théâtre si vrai, si enjoué, si mordant qu’on nomma théâtre de la Foire, ei qu’alimentèrent les hommes le plus véri- tablement !spirituels de leur époque; ainsi fut le vaudeville traité par les Piron, les Collet, les Lesage, sous l'inspiration des. Enfans sans souci; nous voyons ce qu'il est devenu sous la plume de M: tel et tel et l'inspiration de Crébillon le fils ‘et de Mari- vaux. Encore s’il n'avait fait que passer au madri- gal, et s’il ne s'était pas rendu l'organe des plus honteuses faiblesses , des plus déplorables afflictions humaines ! En résumé, messieurs, el quelque jugement que l’on soit tenté de porter sur les spectacles que je viens d'indiquer, je ne pense pas que, jusqu’à nos jours exelusivement , la nation francaise ait eu à rou- gir du développement successif de son génie drama- tique. Il a eu chez nous la marche qu'il devait avoir. S'il fut lent, j'en ai dit la raison; s'il fut sévère, J'ai dit pourquoi, s’il fut grossier, on en. devine aisément la cause. Il suivit la loi d'une puis- sance qui toujours agit ét que l’homme essaie en vain de dominer : aussi, chacune de ses périodes porta son fruitpour la périodesuivante. Les farcesdes En/funs sans souci, qui devaient créer la comédie moderne, fourniraient à leur tour d’abondans sujets à nosauteurs, s'ils n’aimaient pas mieux les puiser aux greffes criminels, aux registres des hôpitaux et aux cloa- ques de l’histoire. Les mystères furent suivis de comé- dies où l’on put imiter enfin quelque peu la contex- ture des drames anciens: Jodelle et Grévin furent les | | | | | | (69) premiers auteurs d’une révolution que le temps et la raison avaient préparée. Pour en finir avec les mystères, etau grand chagrin de ceux qui les exploi- taient: à leur profit depuis plus d’un siècle, ils livrèrent à la risée publique dans des prologues Pabus du genre pâle et froid de l’allésorie, et l’in- décente absurdité de nos dogmes mis en scène en plein carrefour. Ce ne fut plus la folle gaîté des farces, ce furent de nouvelles compositions qui saüsfirent un peu plus les esprits devenus un peu plus: délicats, sans pourtant être trop rigoristes encore , témoins certaines pièces de Grévin, surtout celle ‘intitulée /a Trésorière, témoins les libertés’, tradition : de cette âge, que se permettait encore Molière dans ses pelites pièces , au siécle superbe de Louis XIV. Après ces deux heureux réformateurs parurent Garnier et Théophile; puis Mairet et Rotrou, puis Corneille et Molière; et jusque-là le génie dra- «matique en France n’avait pas fait un pas retro- I P grade. C’est une douce ‘satisfaction, messieurs, que d’a- jouter quelques nouveaux fleurons à la couronne de son pays, soit par sa gloire, soit par ses services , soit par quelque découverte dans ses annales : tout comme un autre je l’ambitionnerais, mais je ne pense pas qu’il soit bon d’ÿ prétendre par de pures assertions. L'auteur des Recherches réclame pour Angers le mérite d'avoir possédé un théâtre même avant Paris et Lyon. S'il parle d’an théâtre perma- nent , il n’en: donne aucune preuve, /et je Te crois dans l’erreur- Il devait se bôrner à dire que les (20 ). Angevins, de bonne heure, montrèrent beaucoup d'amour pour les représentations dramaliques ; que ce fut probablement en considération de cet amour bien prononcé, que Gilles de Retz, également vassal des ducs de Bretagne et d'Anjou, choisissait notre ville pour y donner le dispendieux spectacle des mystères : il en réservait un autre bien différent à la ville de Nantes (10): Que ce fut peut-être par une influence naturelle de notre pays, que René posséda cet amour des spectacles qui fut la passion de toute sa vie; que ce fut pour satisfaire à ce goût dominant de ses concitoyens qu'il fit jouer à Angers le mys- tère de la. résurrection composé par l’Angevin Jean Michel. L'auteur des Recherches pouvait encore in- sister sur les soins inouis que l’on se donna dans nos murs , en 1486, pour une représentation du mys- tère de la passion précédé et suivi de ceux de la conception et de la résurrection (11); enfin sur l’en- thousiasme toujours le même avec lequel on:y vit jouer, en 1536 l’ennuyeux et Îong mystère de /” Acte des apôtres. Je m'arrêle ici, messieurs, parce que les docu- mens me manquent. Notre soût s’améliora comme l’art: dramatique en France; nous applaudimes à la renaissance des beaux-arts; nous noûus montrâmes dignes . appréciateurs du théâtre régénéré, -et-j'en atteste le zèle qui nous emportait à notre pauvre vieille salle, aux représentations de notre bon reper- toire, quand de bonnes troupes venaient nous visi- ter; et j'en atteste le dégoût et l’étonnement que nous inspirent la plupart de nos compositions mo- dernes si immorales et si monstrueuses. (74) NOTES. Pour abréger le temps de la lecture précédente, J'ai cru devoir placer ici des notes, qui, j'en con- viens, auraient pu facilement être fondues dans le texte. (1) Page 59. Cette période de’ gloire, tant dans Vart militaire que dans les arts du génie, commença de se manifester au temps de la guerre médique, en 490, avant J. C., et finit à la mort d'Alexandre en. 333, Le patriotisme cessa d’être aussi exclusif, aussi -entrai- nant, et la littérature jusque-là si franche et si vivante, dégé- néra en prétention et en sophismes, comme dégénère toute lit- térature que le bon goût et le génie national. abandonnent. (2) Page 60. Quelle composition que ce 3.e acte des. Buménides! Après les plus horribles imprécations contre Oreste, après avoir juré qu’il n’é- chappera pas de leurs mains vengeresses, quel spectacle:,que celui de ces femmes hideuses dansant autour de. lui, daise de l'avoir retrouvé, et chantant une ode magique et. infernale qui devait. frapper d’épouvante. des spectateurs aussi impressibles que les Athéniens, des spectateurs qui connaissaient si bien toute l’énergie de l'expression d’Eschyle, et aux yeux. desquels cette scène était accompagnée d'accessoires qu'il serait impossible de reproduire dans notre. siècle, quelques hardiesses d’ailleurs qu’on s’y permette! Que seraient les diableries de Mozart, et de Meyer-Beer, si (chose imposible),,on les pouvait comparer à celles d’Eschyle ? EL NAN (3) Page 61. » Livius Andronicus, grec d’origine, et habitué à Rome s’a- visa le prenïiér, pour faire honneur à sa nation, de Waduire les (72) dramatistes grecs. IL fit jouer sa première pièce l'an 329 avant Vére vul. Après qu'il eut commencé à imiter les pièces des Grecs, un grand nombre de poètes, en puisant dans les mêmes sources , tächèrent de se surpasser les uns les autres, etc.» (Mlle Lefèvre, préface de sa trad. de Plaute.) Ovide, dit-on, s’exerça dans ie genre tragique. Je doute en vé- rité qu'Ovide en eût bien la vocation: IL avait fait de belles hé- roïdes, et, dit-on, lhéroïde est l’étude de la tragédie. Dorat et Colardeau ont fait aussi d'assez belles héroïdes ; voyons leurs tragédies. Sénèque, on le sait trop, ne fit que travestir les Grecs en déclamations froides et pompeuses , ‘et en .une foule de sentences fortes et concises ordinairement, et très-propres à servir d’épigra- phes aux écrivains moralistes, mais qui nuisent presque toujours à l'effet de ses scènes. Un reproche qu’on pourrait adresser à Voltaire, c’est d’avoir quelquefois imité Sénèque en cela. (4) Page 61. Ce rigorisme existe encore ; on sait combien on en voulut au jésuite Berruyer d’avoir essayé de donner à la Bible l'intérêt d’une histoire continue et un peu fleurie ; on sait encore combien les ecclésiastiques en général accueillirent froidement , et voient en- core avec indifférence aujourd’hui Le Génie ‘du Christianisme. La piété, au moyen -— âge, n’était point incompatible avec la bouffonnerie du plus mauvais goût. Nous savons qu'à de certai- nes époques nos temples étaient témoins de fêtes d’une incon- cevable folie ; nous n’ignorons pas plus que a chaire fut souvent mêlée’ aux plus impures plaisanteries : mais la religion était toujours respectée, même dans ces déportemens qui n'étaient qu’un résultat de la profonde barbarie où la France était plongée. La cour de Rome et des prélats instruits et raisonnables ne manquérent pas de réclamer sonvent contre ces scandales ; et si, lors des réformes du XVL.e siècle, on argua de ces désordres, ce ne furent pas les argumens les plus difficiles à réfuter de la part des orthodoxes. (5) Page 62. Je lis dans les Recherches de Pasquier que «le Dante et Boccace sont les vraies fontaines de la poésie italienne, mais que ces fontaines ont leurs sources dans les poésies provenca- (75) îes. » Sur la fin du 25.e chant du Purgatoire, le Dante fait mention des troubadours auxquels il donne la préférence sur tous les poètes du même temps. Pétrarque, dont ne parle pas l’au- teur que je viens de citer, est le poëte italien qui en parle de la manière la plus explicite : voyez , au 4.e chant du Yrromphe de l'amour, la longue tirade qui commence par ces mots : Fra tutti il primo Arnaldo Daniello.….. (6) Page 64. Cette satire est intitulée l’Æérésie des Pères ; 11 en est fait mention dans le premier volume de l’histoire du théâtre français, par les frères Parfait. Il est curieux de savoir qu’une diatribe dramatique ait été jouée publiquement en Piémont, à la cour d’un prince orthodoxe, contre la cour de Rome, les conciles et le roi de France , à l’occasion d’une déplorable croisade qui devait pendant si long-temps plonger dans le sang et dans le deuil tout le Midi de la France. (7) Page 64. Voici les titres et les sommaires de ces actes que Paradols , plus sage que ses imitateurs du XIX.e siècle , donne au moins pour autant de tragédies. La Are sernomme Andreasse, du nom d'André de Hongrie, premier mari:de Jeanne , et qu'elle fit étrangler ; La 2e Tarenta, du prince de Tarente, que Jeanne épousa, et dont elle causa , dit-on, la mort par l'excès de ses caresses; La 3.e a pour titre Malhorquina, et se rapporte à Jacques d’Arragon , infant de Majorque, à qui Jeanne fit trancher la tête pour cause d’infidélité ; La 4e est l’Allamanda ; elle a rapport à Othon de Brunswich, prince Allemand qui fut le 4. mari de Jeanne, fut vaincu avec elle par Charles de Duras et fut décapité. La 5.e tragédie intitulée Joanella ,.est la récapitulation de toute la vie de Jeanne, qui fut pendue en 4332, à l’âge de 40 ans ; princesse que les historiens n’ont ni louée, ni accusée modéré- ment ; que plusieurs présentent comme n'ayant été coupable que par de coupables conseillers ; princesse dont une affreuse fatalité semblait prendre plaisir à déshonorer la vie, et qui n’est pas sans quelque conformité avec la trop faible, mais charmante Marie d’Ecosse. (74) (8) Page 65. L’imagination répugne tellement à de certaines idées qu'il faut la fixer par des textes. On lit dans une chronique de Metz, qu’au mystère de la Passion joué dans cette ville en 4437, un curé manqua de mourir sur la croix. Il en fut retiré, et ce fut un autre prêtre qui le remplaça ce jour-là; le lendemain il re- prit sa place. Nous y lisons encore qu’un prêtre, qui faisait le rôle de Judas, se pendit presque en en faisant semblant. « Le suer li faillit, et fut hastivement dépendu et pourté en voye. » (9) Page 66. Ces pavillons, où l'on représentait en cire des scènes du vieux et du nouveau Testament , étaient appelés torches à cause du gros cierge dont ils étaient surmontés. La torche étoit un accompa- gnement obligé des amendes honorables, et les processions de la Fête-Dieu, étaient en France et surtout à Angers, une amende honorable au Saint- Sacrement de l’hérésie de notre concitoyen l’archidiacre Berenger. (10) Page 70. Le spectacle auquel je fais ici allusion , ‘est celui de son propre supplice. Pour des crimes abominables dont il fit Paveu, il fut exécuté publiquement à Nantes, dans la prée de la Madeleine, le 25 octobre 1440. Les châteaux de Machecou et de Chantocé furent le théâtre de ses crimes. (Voir les historiens de Bretagne, D. Lobineau ‘entr'autres, tome À, page 614.) (14) Page 70. Voici quelques mots sur ces soins dont on trouvera de longs détails ‘dans les Aecherches de Bodin et dans lhistoiré de théâtre français par les frères Parfait où Bodin a puisé. L'Université fit les frais du théâtre qui fut dressé dans notre place des Halles; toutes les collégiales d'Angers, fournirent à l'envi des étolfes précieuses pour l’orner , et leurs chanoïnes les plus distingués pour y jouer les principaux rôles d'hommes et de femmes ; trois cent soixante-dix-neut acteurs et comparses y figurèrent : ce spectacle prodigieux dura quatre jours; les of- fices de l’église fürent avancés le matin et retardés l'après-midi , pour que rien n’empêchât le peuple tout entier de s’y porter. (75) Si lon trouvait nos modérnes un peu hardis relativement à la durée de leurs périodes dramatiques, que l’on pense donc à la pièce de Paradols, puis à celle des Actes des Apôtres qu'on lira si l’on en a le courage, cette dernière est à la bi- bliothèque d'Angers ; surtout à un autre mystère , qui compre- nait tout l’ancien Testament, en 23 journées, depuis la création du monde jusqu’à la naissance de Jésus-Christ. À la bonne heure! c'était là se donner un vaste champ; le génie n'avait pas les entraves que des critiques routiniers ‘et chagrins voudraient lui imposer aujourd'hui. On ne connaissait point «alors, dieu merci, cet impertinent Despréaux qui veut, sur la foi de je ne sais quel Grec, Qu’en un lieu, qu’en un jour un seul fait accompli, Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. CONCLUSION DES NOTES. L’aureur de cet opuscule et des notes qui le sui- vent ne prétend point qu'il faïlle des entraves à V’esprit humain ; il convient que cet esprit n’est point stationnaire ; qu’il est des impulsions auxquelles il ne doit pas résister ; il sérait en contradiction avec ce qu’il écrit dans son ouvrage, sil pensait qu’on dût imposerau génie des lois déraisonnables. Il avoue en outre qu’un siécle où l’on est désenchanté de ‘out n’est pas disposé à un grand respect pour les auto- rités des autres siècles ; il admet cette disposition morale , et. veut bien la considérer comme impé- rieuse : mais si d’autres se sont moqués et se mo- quent encore beaucoup plus que l’auteur ne l’a fait ( 76 ) lui-même de la licence des théâtres du moyen-äge, faut-il donc qu’on s’y replonge à plaisir? Si l’on s’est félicité de la perfection où notre langue était par- venue, est-ce pour tourner en dérision celte pureté admirable? S'il est permis de peindre des sensations qui aient échappé à nos deyanciers, est-ce à dire qu'il faille épuiser toutes les sensations dans un seul spectacle, quand on peut les ménager en plusieurs et les approfondir avec art? Faut-il exagérer le laisser- aller des hautes situations sociales dans le langage et dans la conduite, pour jeter la pertubation dans les idées qu’il est nécessaire que le peuple conserve des sommités? Quelle utilité de la familiariser avec des vices et des forfaits ? Il est imitateur, passionné, jaloux. Les pièces où l’on prétend l’instruire passe-" ront, j'en suis assuré, mais la doctrine passera-t-elle aussi? Quelle responsabilité assument donc sur eux les auteurs de ces productions téméraires ! Quelle utilité? je le répète; je les défie de m’en alléguer une seule. Il me reste donc prouvé que c’est au ca- price, à la vanité, à l'impuissance , à l’argent qu'ils immolent de sang-froid le bon goût et le bon sens de leuxs contemporains. Ils reprochent le défaut de chaleur et de mouvement aux ouvrages de Corneille, de Racine et de Voltaire : mais le mouvement moral au contraire y est immense, et n'est-ce pas celui-là seul que préfère le génie et qui l’atteste, et non ce mouvement de situations, ces éclats d’une tête en déliré, ces surprises ; ces jeux de théâtre, cette pom- peuse mise en scène qui ne prouvent que finca- pacité des auteurs, et le besoin qu’ils, ont de ma- (77) “chinistes et de décorateurs? Ce n’était point par un semblable artifice que Rhodogune et Cinna, que Britannicus et Phèdre, que Zaïre et Mérope assu- raient l’immortalité à leurs auteurs. Dira-t-on que les écrivains des deux siècles passés n’ont rien laissé à faire à leurs successeurs? Mais d’abord ne les mépri- sez donc pas tant. Ensuite : malheureux les génies de nos jours, s'ils désespèrent des ressources du génie. Elles sont incalculables. Que seulement ils ne dépravent pas le goût du public; qu’ils ne craignent pas d’être sublimes avec décence , avec dignité, avec conviction; qu’ils respectent ce que nous possédons déja, et que pour le surplus ils comptent davan- tage . sur la puissance morale et intellectuelle de l’homme. C’est ainsi qu'ils ajouteront à des richesses des richesses nouvelles, et que l’esprit humain sera réellement en progrès. (78) “9 70:)11Ceyy Ce) DU 2.° LIVRE DE L'ORPHÉE DE BALLANCHE , Par M. HAWK. Avanr les désastres de 1814, la publication d’un morceau de littérature anglaise dans les actes d’une société de province eût paru un ÂNonsense, ou du moins une: étrange singularité. Les préjugés natio- naux, entretenus par la guerre, et par la politique ombrageuse des gouvernemens, rendaient toute communication impossible entre deux peuples ri- vaux qui, pour s’estimer réciproquement, n’avaient besoin que de se connaître. — En France, la langue anglaise n’était cultivée que par quelques notabi- lités littéraires et diplomatiques ; le reste de la nation vivait dans l'ignorance et dans l'insouciance, non seulement de la littérature anglaise, mais de toute littérature étrangère. La paix, le temps, le progrès des lumières ont heureusement fait justice des préjugés nationaux et du machiavélisme des gouvernemens : aujourd’hui, la France et l’Angleterre marchent sympathiquement à la tête de la civilisation; et l’union des deux peu- ples, fondée sur la double base des intérêts politi- (79) ques et des besoins moraux, n’admet plus de riva- lités, que celles qui: ont pour objet la prospérité ou la gloire de l’industrie, des arts et des scien- ces. Nos relations sociales avec les Anglais, la lecture habituelle des ouvrages de leurs écrivains les plus en vogue, ont popularisé, presque vulgarisé parmi nous la langue de Shakespeare, de Walter-Scott, de Thomas Moore, de Byron, comme l'étude des œuvres de Schiller, de Schlesel, de Henri Heine, de Creuzer finira par nous familiariser avec l’i- diome germanique. Quand les peuples en sont venus au point de confondre leurs littératures, les sociétés savantes doivent nécessairement sortir du cercle étroit dans lequel l’époisme national les avait circonscrites,, et s'enrichir de toutes les productions : d’origine étran- gère que la science a naturalisées, En imprimant la traduction de M: Hawk, la so- siété rend un hommage public à, Ballanche, au poète, au publiciste ; au philosophe modeste, qui, loin du tumulte, loin des coteries et des proneurs, se livre, dans la solitude, aux recherches, aux mé- ditations les plus profondes sur les destinées de l’homme. Ballanche, comme je viens de le dire, n’est d’au- cune coterie; je crois aussi qu'il n’est d’aucune école : ses. pensées, son style portent un cachet qui n’a pointde modèle. — C’est dans son âme pure et virginale, et dans l’étude approfondie de l’antiquité qu’il a puisé les belles inspirations dont il a enrichi ( 80 ) notre littérature. — Sa pensée si féconde embrasse tous les temps ; elle en synchronise les parties suc- cessives, les réunit dans un foyer palingénésique pour les offrir à l'esprit pleines de vie et d’actualité. Pour Ballanche, la poésie épique primitive est une espèce de mirage merveilleux, qui rapproche de nous les faits entassés sur les dernières limites de notre horizon social : aussi prend-il toujours son point de départ dans la tradition C’est là qu’il voit l'intelligence, l’essence humaine sortir du domaine de l’éternité pour entrer dans le domaine du temps. Mais lapparition de l’homme sur la terre n’est qu’une phase de son existence; le reste nous est inconnu. Faisant abstraction de l’individualité, Ballanche ne voit dans la race humaine qu’un tout continu dont les progrès résultent de l’état social : quant à l’homme primitif, à l’homme hors de la société, ce n’est, pour ainsi dire, qu’une puissance d’être... La providence vient à son secours; c’est elle qui sollicite son intelligence par le besoin , et sa veriu par la douleur ; encore faut-il que la chrysalide humaine se donne à elle même les ailes brillantes sur lesquel- les elle doit s'élever de région en région jusqu’au séjour de l’immutabilité et de la gloire éternelle. L’ére de Nabonassar, ila fondation de Rome, lins- ütution des Olympiades, forment un concours de choses contemporaines, un synchronisme général qui manifeste une sorte de spontanéité dans tout le genre humain. C’est l'aurore des temps historiques : la lumière va se dégager des nuages, et se répandre ( 81 ) à flots sur le monde occidental... Mais un doute pénible vient traverser l’ame du poète. N’est-il pas à craindre que, dans les sociétés vieillies, la science ne remplace un jour les grandes et profondes sympathies qui formèrent le lien si puissant et si doux des so- ciétés naissantes® Cette éclatante lumiére qui doit faire sortir l'intelligence de sa torpeur , subira cepen- dant une grande et longue éclipse. Le nord, les régions hyperborées produiront la nuit du moyen- âge, nuit profonde qui va projeter ses ombres et sur les siècles passés et sur les siècles à venir... En suivant Ballanche dans le développement suc- cessif de ses idées, on ne sent pas cette puissance de génie qui fait violence aux habitudes de l'esprit, qui subjugue l'intelligence, et la force , pour ainsi dire, à répudier ses propres convictions. On est persuadé sans être convaincu ; on cède au charme d’une douce fascination qui laisse au fond de lame un délicieux reflet de l’image de ses pensées. Il y a bien quelque chose de vague et d’indécis dans ses tableaux; mais la poésie, comme la peinture, n’a-t-elle pas sa per- spective aérienne qui satisfait à un besoin de l’ame, comme la rigueur mathématique satisfait aux exi- gences de la raison? Si le style de Ballanche manque quelquefois de vigueur, il est toujours pur et limpide; chez lui le sentiment est toujours revêtu de l’expression la plus noble et la plus vraie. Les formes de son langage chatoyant, pittoresque, sont variées à l'infini, et rien ne peut effacer la richesse, le luxe des compa- raisons dont il abonde. — La lyre d’Orphée a-t-elle 6 ( 82) perdu sa puissance fatidique? Le temps pése de toute sa durée sur chacune des pensées du poète, qui ne trouve plus que des accens mélancoliques. « Les espérances de l’homme , dit-il à Eurydice , n’ont pas plus de réalité que ton image, qui sourit dans le cristal des fontaines ; et ses pensées incertaines sont comme les nuages légers que in vois glisser sur ce ciel d'azur ! De Je crains de détacher du fond d'un tableau des images purement harmoniques : seules, elles ne porteraient à l'ame que des sons privés d’échos. Orphée, tel que Ballanche la concu, n’est ni un personnage mythologique, ni un personnage hisio- rique, c’est la raison de ce qui a précédé, c'est la naissance du monde civil. L’époque où l’auteur place son apparition est un peu antérieure à la guerre de Troie, événement qui forme la limite des temps fabu- leux et des temps historiques. — Chacun des neuf livres d’Orphée est dédié à une muse.— Ce n’estpas, comme on pourrait le croire , dit Ballanche , une imi- tation d’Hérodote. L’enthousiasme renouvela cet usage antérieur à lui; et il le mérita par l'harmonie de son style, et non par le sujet qu'il avait traité. Le deuxième livre d’Orphée forme à lui seul un petit poème où toutes les beautés poétiques semblent réunies : tableaux animés des sentimens les plus doux, les plus délicats ; mélancolie profonde, nature sau- vage, mer orageuse, sites gracieux, pittoresques, sous un ciel parfumé ; les contrastes Les plus heureux, l'harmonie la plus parfaite entre les personnages et les scènes de la nature. — Je vais essayer de tracer (85) l'argument de ce livré qué M. Hawke à traduit d'inspiration: Taïlaon', après avoir erré dans des contrées désertés, avait fixé sa demeure sur les bords dé lEuxin: Ce sage mythoôcrate était le dérnier réjéton des anciens Pitans. Uné femme appartenant À la méme sphère de pensté et de puissance, né°sé' réncontrant nulle part, sd race dévait finit dans la sollitude. — Talaon aban- donnéles hautes prérogativés du patriciat pour épou- sér la fille d’un personnage mystérieux dont le nom a péri. — Vola est lé nom d’uné forme sociale, et sa fille Eurydice, un reflet des hautes facultés de Talaon qu'aucun homme né possédera jamais ‘entiè- remeñt, une grande puissance d'aimer repose das l'ämé strieusé d’Eurydice. Mont Eurydice se livre à de vagues pensées ; elle égare vers lé ciel dé longs régards qui semblent chercher l'infini, elle rêve quélqué chose d’inconnü et de mys- térieux.... Une faculté prophétique s’éveille obscu- rément'en elle , et vient troubler tous les enchante- méns du premier âge... Le triste presséntiment d’üne mission dure À accomplir l’agite profondé- ment. Un jour , après avoir erré sur le rivage de l’Euxin, Talaon et’ Eurydice s’arrétent sur la pointe d’un rocher battu par les vagues. Tout-à-coup une nuit anticipée" s’étend sur les eaux, un fréle esquif est ballété! sur Pabyme’... Talon met lé feu à un chène qui dômine sur le rivage, arbre antique, arbre sacré, fatidique commé ceux de Dodone, et que le Titan afféctionnail entre tous les autres. Le vieil- ( 84) lard obéit à une soudaine inspiration : l’arbre con- damné par le destin ne rendra plus les oracles de l’ancien monde ; l’homme nouveau échappera au naufrage. L’infortuné qui était suspendu sur tant de gouffres prêts à l’engloutir, peat diriger ses efforts du côté de la clarté secourable. L’esquif approche ; il roule , se précipite de vague en vague. On distin- gue la noble figure d’un jeune héros qui agite ses rames demi-brissées. Son âme calme, au milieu de ce redoutable chaos, semble dominer les élémens et commander aux flots. Une lyre est à ses pieds. Il ‘touche au rivage , salue le vieillard , et offre à Eury- dice sa lyre dont il fait sortir des flots d'harmonie. Il adresse sa prière aux Dieux, ensuite il raconte ses malheurs. Poursuivi par les hommes, il est obligé de se réfugier sur les mers orageuses. Son nom est Orphée. Il ne sait de qui il tient le jour. Il ne pos- sède rien sur la terre: ses songes lui ont appris qu'il a été trouvé dans les bocages de Rhéa. Les abeilles de la Piérie venaient déposer leur miel sur ses levres. D’autres songes lui ont révélé qu'il était né dans les déserts de la Scythie. Sa lyre fut son seul héritage. Il a cru à son instinct et à la puissance de l'harmonie, mais il a été trompé par son génie et par sa lyre , dont les hommes ont repoussé les inspirations civilisatrices. Talaon conduit Orphée dans sa demeure. Le poête aime à errer au loin dans la solitude ; rare- ment il se trouve avec Talaon. Il n’est pas soumis à la loi du silence comme le soupconne le descendant des Titans, mais il n’a que des pensées. confuses, ik ( 85 ) auxquelles il peut difficilement donner la réalité de la parole. D'ailleurs il ignore si le vieillard et lui sont nés dans la même sphère d'idées et de sentimens, et sa bouche se refuse à tout langage qui n’est pas l'expression de la pensée... Cependant il s’accoutume peu à peu à goûter la société de Talaon..…… Ses regards distrails commen- cent à s'arrêter avec quelque émotion sur Eurydice, mais il craint de s’abandonner à une illusion dange- reuse...…. Eurydice a deviné son secret ; il s’en aper- coit, et veut quitter la maison de Talaon, qui le relient, et lui offre Eurydice pour épouse. Ils sont unis à la condition qu’ils n’useront des droits de l’hyménée que lorsqu'ils auront rempli leur mission civilisatrice. Les deux exilés sortent de la maison paternelle qu’ils ne doivent plus revoir. Aucune route ne leur est tracée; ils marchent sur la terre comme l’homme égaré dans le sein d’une vaste forêt. Le couple initia- teur n’a que la lyre d’Orphée pour vaincre tous les obstacles, pour surmonter lous les dangers, et con- jurer toutes les terreurs..…. Dans ce rapide apercu, il ne m’a pas été possible de reproduire les beautés de sentimens et de style dont ce livre est rempli; et cette omission, je le concçois, doit affaiblir l'intérêt que j'aurais voulu appeler sur cette brillante composition. Outre les difficultés que présente le sujet, M. Hawke avait à lutter contre les difficultés de sa langue. L’anglais , si propre à la peinture des grandes con- vulsions de l’univers physique , des orages du cœur, ( 86 ) des passions qui tourmentent le monde sociall,ne se prête pas aussi facilement à celle des douces affec- tions de l'ame, aux peintures suaves et: nuancées d’une nature dont les harmonies trouvent: plus de consonnances dans le cœur; que dans l'esprit. M. Hawke l’a assouplie cette langue:si: fière et si énergi- que; il en a fait un instrument docile: Son goût épuré, son enthousiasme pour tout ce ‘qüit est beau, l'ont fait triompher de toutes les: difficultés: <—° Sa traduction ressemble à une composition originale. Ses phrases ne sentent ni le travail, ni la contrainte : on dirait qu'il tire de son propre fonds les. belles pensées de Ballanche, qu’il traduit avec autant d’élé- gance que de fidélité. ADVILLE. (87) Ovpheus, On the shores of the Euxine pontus, then named the sea of iempests, lived in an enchanted asylum, one belonging both to ihe ancient and to the new world, and of whom fame had variously reported. À heavenly origin is sometimes given by nations to the heroes whose glory dazzles them; at other times they bring down to their level those shining beings towards whom they cannot raise themselves. They feel equally the want of explaining both effects and causes, or of plunging them quite into theï depths of the divinity. No one felt more this doubtfulness of fame than the mysterious being who is to be the object of my discourse, sage Evander. Let us pass over the profane and vulgar reports, to come at once to those consecrated by higher testimony. In the sacred dipticks, three successive ages of Titans are enumerated : those of the third age were the bene- factors of men, and their first initiators. At present we know that the initiators must retire when the initiated are in possession of his science. The pow- erfuk race of the Titans was then to end. The new iniliation, by which humanity commences, (38) had just been confided to the castes : we are wit- nesses of the formation of the social hierarchies. The present initialors are the severe patriciates be- come the Titans of the civil world, which is the world of humanity; and these patriciates must in their turn disappear, for in the universe all is linked and progressive. À Titan of the third age had survived. He long wandered from desert country to desert country. À woman belonging to the same sphere of thoughts and power being nowhere to be found on the earth, marriage was forbidden to the Titan, and his race was inexorably doomed to end in solitude. He could find no fixed dwelling, till a transfor- mation should be operated in him, till he should consent to recognize Jupiter for king of the age that had just commenced , till in fine, he should be vwilling to identify himself with the newly born human institutions, for them to become in- dependant heiïrs of the primitive traditions and precepts. As a Titan he knew the intimate nature of all beings, and he did not disdain human nature. His cosmogonic name, for ever lost in the darkness of ages gone by, was changed into an opical name, to express the new sphere in which he was henceforward to remain; thus he became Ta- laon. Then only could he fx his! dwelling, and choose a mate io crown with flowers his oreen old age. Notwithstanding this, his children are not to enjoy a complete destiny, one only daughter will be given him, and even she will be but à brilliant apparition on the earth. (89) Not far from the charming retreat which Ta- laon had chosen , lived equally in retirement a mortal who had every grand thought, every noble sentiment , and who died unknown like the lily of the valley, or the elegant heath which scat- ters to the winds of the mountains the sweet fra- grance of its modest flowers. His adventures are unknown, but it is thought he formerly lived in an easy familiarity with the sages of Indus. The tender interest he evinced for suffering animals, and which seemed like a sympathetick feeling , the sort of confraternity which appeared to unite his existence with that of fine trees ; his ardent taste for a cloudless sky, for verdure, water and flo- wers , all betrayed in him the custom, the man- ners of another climate. His name which doubt- less, was illustrated by his younger days, and which doubtless his ancestors had likewise en- nobled , even his name has perished. «It is related that in his youth , he had felt the shafts of love , but that he-had always repul- sed them. Such rigor cannot easily be explained. However this be , he was endowed with a mind strong and calm, and in it he found his coun- sel. Old age had thus surprized him alone. It was then he felt all the irksomeness of solitude, and the desire of making choice of a spouse, with whom he might spend in calm the re- mainder of his life. This chosen spouse was a priestess of the stern religions of the antique world ; and her name, celebrated by no poet is likewise sunk into oblivion. 7 ( 90 ) » The admirable daughter of this unknown couple was Vola. This name, Evander, has a meamng which you already know ; it is the name of a social order of the primitive city. Vola was initiated into the terrible religions of her mother, but she refused to assume the sacer- dotal character. This beautiful and modest maid, whose tastes were austere, learning that Talaon sought for a spouse, made known that her highest happiness would be to share the obscure retreat of the my- thocralic sage : without doubt a god had brea- thed into her mind this desire. The venerable father of the inspired girl who, it is thought, was a lycian hero, resorted to Ta- laon’s dwelling. « The lustre of your virtues, said he to the sage, has seduced the heart of my daughter Vola, and Ï dare believe she will be for you the reward of a reproachless life, if you will accept her for the companion of your soli- lude. » Astonished at these words, Talaon desi- red to see Vola. He saw and found her as beau- üiful as the loveliest daughtier ofa Titan. To try her, he pointed to his hair, hoary with age: « Matchless nymph , said he, why do you wish to sacrifice to an old man the fortunate hours of your dazzling youth? » Vola, smiling with an inexpressible orace, re- plied: I know you not, but I know you are great; thy renown, obscure for all, bright for me ; thy re- Down is as a magnificent mantle with which I aspire (9) to cover myself. I envy thy unknown glory, noble old man, and thy conversations will be all my joys. If then thou doest not find me unworthy, [ will be ihy well beloved spouse. I feel that it is I whom the destinies have designed to fix on for a work totally new. Were I only charged to pay the debt of the gods whom thou hast honoured ; of men to whom thou hast consecrated the la- bours of: thy vigorous intelligence ; were I only destined to make the end of thy sublime career ressemble the evening of a fine day; such a heavenly favour would suffice me. Oh ! fear not my youth : my father has taught me serious thoughits, he has accusiomed me to relish grave discourses ; my hand is not unqualified for the works of my sex , and poetry has revealed to me some of her secrets. Yes, when thy mind fatigued with high meditations shall require repose, with thy permission, [ will seat myself at thy feet and ravish thy soul by charming concerts. »: These were the words of Vola, and from that day she became the happy spouse of Talaon. « The gods smiled on this union; a year was scarcely elapsed , before a marvellous nymph des- tined to an immortal memory, was born in the mansion of the sage. She yrasnamed Euridice, thatis, in the maternal tongue, the daughter of the vi- sion, because Vola recognized the child which had been offered to her in a divine dream. » € Here Thamyris, seized with a poetical enthou- Siasm , suspends his relation, and taking his lyre (92) began to sing: « À king dethroned and fugitive, who, exiled from his antique domains, has been enabled to create another sort of royalty , has been enabled to replace by otherchents his clients ex- terminated. Chaos isappeased ;the elements emerging from confusion , become docile by harmony ; the li- mit of propriety and inheritance, marked only in the heavens, will be drawn on the earth; the human faculties enter into the heirship of universal, empire. The old Titan, who has no more io wage a terrible war against the now van- quished forces of nature, may again equal the he- roes af an age which begins. Neither do the La- pithæ surpass him, nor the Centaurs, nor the Tel- chines, nor the Cyclops, nor the bold navigators who embarked with him in the ship Argo. Glory to the father of Euridice, of her who was the true smile of heavenly goodness ! Magnanimous viræ of Latium, in vain you would be alarmed; Eu- rydice is the pledge of a new virtue, which will develop itself successively ; this new virtue is equity opposed to force. Isonomy, an other name for equity, will gradually penetrate into the bo- som of every city, whether ïts founder be Vola, Oppidum or Asti. As soon as the war of elements subsided, ïihe facnlties war of human faculties was 10 commence. » After this coup d'œil of inspiration thrown on futurity , Thamyris resumed his history in these words: «It would have been difficult to find a more accomplished beauty than Eurydice, when (95 ) she had attained her fifteenth spring. She was ihe joy of her old father and of her virtuous mo- ther ; they both placed on her their hopes , less for her exterior form, than for her generous sen- timents. However they well knew that beauty is all moralizing, and that in this quality lies its strongest allurement, the reason of its true em- pire on all hearts. It has not always been thus. The gods, venerable Evander , who would per- petuate our race, destined to perfect itself, gave to man in the beginning a gross sense , sufficient io accomplish this design of the divine providence. Yes, we must boldly own, that before the birth of the civil world, before the reign of laws, our ancestors dispersed by chance on the surface of the yet uncultivated globe, were necessarily re- duced 1o nearly the vile condition of the brute. À miserable condition in which they could not long remain. The moment is then arrived to ini- tiate the human race into the sentiment of beauty, of pudicity, admirable initiation to which Eury- dice will soon contribute. Eurydice will indeed be for barbarous Pelagia the pure prophetess of a chaste and religious love. It cannot be imagi- ned what future prodigies were already painted on the ingenuous brow of the young girl: ‘her dreams revealed to her other lands and other skies. Brought up, as it were, on the knees of her mother, all the enchantment of poetry were latent in her bosom. Her cradle had been placed among flowers , and her ear as yet had heard none 8 (94) but harmonious sounds. But Talaon would make his daughter feel that we are not always to re- cline on a soft and embalmed couch, that our ear is not made for the charms of music alone ; he would teach her that life is not a dream without terror. When he saw a violent storm threaten na- ture, he took Eurydice in his arms, and led her to the arid summits of Gargaris; or else he as- cended with her a rock which jutted over the roaring sea. There he shewed her the rebellious waves tossed about like mountains. Eurydice bent her head with fright, and hid her charming face in the folds of her father’s mantle. Talaon smiled to see the artless terror of his darling girl. He contemplated her with a sort .of transport thus wrapped up. in the folds of his mantle; and he kissed the pure forehead of the innocent virgin. « Eurydice , said he , these storms and these tem- pests, which throw the elements into confusion, are an image and even a weakened image of those which sometimes agitate the heart of man. » Such words astonished and terrified the incomparable nymph ; on some future day she will understand them, but even then not fully. € What! will the sage Titan, have nothing more to teach his daughter® » Venerable Evander, I feel that you are unable io know what Talaon is, what Eurydice will be ; and even what Or- pheus himself will be one day. You cannot know what humanity will owe them. Would you then wish the Titan to narrate io a young nymph the (95) history of the ancient world, the war of the ele- ments , inhabitable countries emerging little by little from chaos as islands rise from the tempest ? Ah! if destiny had permitted a son to succeed him, without doubt he would have prepared in quite a different way the mind of a mighty one. Bu I have already told you, the race of Titans is finished ; no son will inherit the eminent facul- ties of Talaon ; and his daughter , the tender beam of his high faculties, will have nothing to ac- complish by herself. « Meanwhile Talaon and Vola plunged respec- üng this, in the same ignorance as you in ihis moment, were not without anxiety for the future fale of their beloved child. In the bosom of this deep solitude they could not entertain the hope of seeing her form ties which should for ever assure her happiness. Their dwelling was rarely visi- ted, and, for the most it was by obscure men, strayed travellers who came to implore hospita- lity, or by indigent fishermen, who were in want of subsistance. » Alas ! — Said frequently the tow spouses , will our daughter never know a feli- citv like that we have enjoyed together? Will she never find a spouse according to her own heart? À great power of love reposes in her already se- rious soul. Nay she already finds less pleasures in weaving into garlands the flowers of the mea- dow. She already takes her harp less frequently, or else she quits it to indulge in vague thoughts. She listens longer to the murmuring of the brook, (96 ) and to the sighing of the wind which agitates the leaves of the trees. We ever surprise her wande- ring over the skies with long gazings, as if in search of immensity. She dreams of something un- known and mysterious. But, we must not deceive ourselves , Eurydice is of too elevated à nature for us easily to find a spouse worthy to protect her, worthy to dive into her soul, worthy to be all for her. Many princes, said they again, would perhaps consider themselves honoured by our al- hance ; but among the numerous children who grow up under the shade of the majestic oak of As$aracus, there is not one to whom we would confide so dear an exisience. Nay that great re- nown is not sufhiciently pure, and misfortunes, too well meriied will doubiless assail asd beat down that tree which appears to us so powerfully rooted in the earth. The daughter of a king whose reign is finished would find a very frail support in the son of a king whose reign is about to end. Ah! the days which bring new destinies inlo the world are very cruel! Suffering is the progressive law of the universe. » « Thus spoke the iwo spouses , and they turned away to weep, when they beheld Eurydice. My daughier, said ihey sometimes, open io us thy heart, own the secret thoughts and desires ihat hou formest. » « I form no desire, answered the innocent virgin, and Ï have no secret thoughis. » The young girl imagined that she said the truth, and yet she wept as her virtuous parents. She (97) wept, quite astonished to feel in her a some- thing which seemed like the sadness of solitude. She dared not own to herself that her parents no more sufliced her. But above all a prophetic faculty, which began to dawn obscurely in her, troubled the enchantments of her youth, the most smiling feasts of her young imagination : then the sorrowful forewarnings of a mission hard to ac- complish , profoundly agitated her. « One day Talaon and Eurydice wandered as chance led them not far from their dwelling. They had stopped on the point of a rock beaten by threat- emng waves. The sky became suddenly overclouded. An untimely night spread itself over the waters ; and from the bosom of this night , flashed terrible lightnings ; by the ominous glimmering of these frightful meteors , they saw a frail skiff tossed on the bellowing deep. Immortal Gods! Will you save the dauntless mortal, who struggles alone against the storm, in the bark so miserably lost amidst the angry billows ? Talaon with a loud voice called his servants and ordered them to bring torches of resinous fir. He immediately set fire to a tufted oak which commanded ihe shore, an antique tree, the wonted retreat of myriads of birds, a sacred tree, fatidical like those of Do- dona , and which the Titan loved above all others. Thus the old man, unwittingly , yielded to a sudden inspiration : the tree condemned by destiny will no more declare the oracles of ïhe ancient world ; the new man will escape ship- 9 (98 ) wreck. The oak soon kindled, crackling Hoarsely like tumultuous voices , spread afar its immense light; and the unforiunate voyager, suspended over so many gulphs ready io swallow him up, was able to direct his efforts towards the succouring light. In effect, the skiff neared: it rolled, precipi- tated from surge to surge, and creaking in its disjointed planks. Then was seen the noble figure of a young hero who agitated with force and calm his half broken oars. His soul, which seemed to overrule the elements, and command the bil- lows, remained undisturbed in the midst of this dreadful chaos. À lyre was at his feet. At last the tempest subsided , and in a few instants the cou- rageous stranger set foot on the shore. With a waving of his hand he saluted the venerable old man who had directed his course on the stormy sea, and taking his lyre, he smilingly offered it io Eurydice who was filled with the deepest emo- tions. Before leaving the bark shattered by the violence of the waves, he will merit the gift of hospitality. « Eurydice, who had felt all the torments of anxiety , and who was hardly recovered, let fall a soft look on the bold navigator, brilliant with youth and beauty. He, without any other emotion but ihe poetical inspiration which swells his generous bosom, inflames all his senses and is both his soul and his life, runs his rapid fingers over the divine lyre and produces ravishing sounds., , floods of ‘harmony. He séems , as üt (9) were , to encrease the stillness of the water which just then had become calm. « Infinite power, thou who governestthe world, sings the conqueror of the tempest ; love who fertilizest the chaos of elements, love who fer- tiizest the chaos of humanity, before all receive my prayer ! The seven primitive chords of the lyre are for hymns of gratitude to the immor- tal Gods : two chords are added for the laws of human society , laws which must be conso- nant with the accords of the celestial sphere. Strike! strike all at once into harmony. Hail hospitable shore! Hail, august old man who hast saved me from inevitable shipwreck! For my strength was exhausted , and I shonld have pe- rished, had not the blazing oak discovered an asylum. Hail marvellous virgin , who appearedst to me like a divinity in a cloud of fire, like a beneficent divinity who watchedst over me ! But, o august old man, and you, incomparable maïd, do you know whom you have torn from death! ] am an unhappy being without home or country. I can gather ‘he fruits of no tree, and say: these fruits are mine. Î cannot enclose the small- est portion of ground and say : this field be- longs io me, there will be my tomb. [ am like unto wild beasts; I have no other but the uninhabited forests ; solitude is my domain, the sky is my pavilion. And even men, my fellow creatures , have tried to deprive me of life. Was there not place enough for them and me under “ Ÿ — ( 100 ) the sun? My only refuge was then the stormy sea. My path traced in the firmament was sud- denly obscured and the storm succoured me. Ï am named Orpheus ; I have never known, either the father who begot me, or the mother who gave me birth. If I can give credit to the dreams which relate to the days of my isfancy, I was found in the sacred bowers of Rhea. The bees of Pierius fed me with honey, that they dropped on my lips. Later, other dreams revealed to me that Î was born in the deserts of Scythia. » No, I know nothing concerning my birth; I know not whether the blood of a Scythian barbarian or’of a glorious divinity flows in my veins. However it may be, this lyre was my only imheritance , and it is the lyre which ci- vilizes mankind. I had faith in the instinct which was in me, ! had faith in the fatidical power of my lyre, and I have been equally deceived by my genius and my lyre. As yet I have only found men pushed on, by an inimical power, to refuse the blessings of civilization. Men who contemning harmony, prefer the gross food of the oak to corn, the new food which I had the mission to offer them. They will not receive the religion of the tombs nor the holiness of marriage. August old man, | would say more were not that innocent virgin at your side. Those untameable men issued from their forests to break in pieces my lyre, to immolate me on the al- tar of nameless divinities ; and Î must walk unar- (101) » med among men since my father is unknown » to me. Infinite power who governest the world, » love who fertilizest the chaos of elements, love » who fertilizedst the chaos of humanily, receive » before all my prayer! The seven primitive chords » are for hymns of gratitude towards the immortal » gods; two are added for the laws of human » societies, laws which must be consonant with » the accords of the celestial spheres, may all be » struck into harmony at once ! » » Thus sung Orpheus ; and the old man who was a Titan, still leanins on Eurydice, encouraged the melodious bard by a sign. He holding his lyre in his hand, nimbly leaped on shore. Talaon and his daughter led him to their dwelling, where he was received with a tender cordiality by Vola, beauti- ful and irreproachable spouse. » Venerable Evander, be not astonished if the of dinary customs of hospitality were not exactly ob- served on this occasion. Could so marvellous an adventure be submitted to the laws which rule the ordinary communications of men between them- selves ? These are apparilions and not voyages and meetings. The muses alone can relate suitably such histories. They alone can well listen to them: it is then necessary to be inspired by them, both to listen and to relate: » Orpheus remained unknown to his hosts. He loved to wander. afar in solitudes , and seldom re- mained with the..old man. Talaon, softenimg his aus- tere.voice, said to him : «Noble stranger, art thou 10 (102) then submitted io the law of silence ? No, replied Orpheus ; [ am not submitted to the law of silence; I have none but confused thoughts to which I can with difficulty give à reality, and above all , a reality by words.—And Ido notknow, august father, whe- iher we are born in the same sphere ofideas and sen- tüiments : and my mouth refuses to express any speech which is notthe clothing ofthethought. Old man, were Lio imform you of what is passing in me, you would perhaps consider me as a madman. Nevertheless 1 have conceived a design which [ must execute before all things. The genius of ancestry inhabits the pro- montory of Leucate. He who is ignorant of the father to whom he owes his existence, and who 1s animated with an ardent desire to know him, that he may be able to transmit faculties which are in themselves çapable of being transmitted, he who Sishes at the same time, to have an ancesiry, a tomb, a posterity, must after having observed the prescribed ceremonies, throw himself from the sum- mit of the: promortorÿ into the sea. Either his ephemeral soul is: extinguished in the waves, or the. immortal fathér, who lives in him, saves an im- pefishable rrâce , by revealing the name of the pri- mitive author. A simple mortal should not fear to encounter: such a trial ; when as it ‘is reported, gods themselves have not disdained to encounter it. Thus several have conquered their place in the hea- vens, and I wish only to conquer one on the earth. » Thy soul: said: Talaon, cannot : be extin- guished by water ; for it is not one of those vuülgar (103 ) souls which, like salt, are destined only to keep from dissolution the body of which they are the incomplete life ; thy soul is an ethereal flame descen- ded from Sphairos, which cannot die. I have also heard thee complaim of thy not having any spot of land identified with thyself. Learn, Orpheus , that the lyre is the incommunicable sign of property with celestial confines , the type and pledge of property with terrestrial confines. Then thou art endowed with an eminent propriety without which the other could not exist. [t is then the soul of an ops that lives in thee. From a Titan, | am become a hero; ihou from a hero wouldst not become a plebeian!» « Are there then two sorts of lives, said Or- pheus , are there then iwo sorts of lives for the race of men exteriorly alike, the one passing and perishable as all natures productions, the other immortal as the fire of Vesta?» « Yes, replied Talaon ; and there: are even two sorts of lives among quadrupeds and birds; on this difference is founded all the science of sacrifices and augury.» « Such extraordinary words deeply excited the attention of Orpheus, who without doubt found them little in harmony with his own feelings. From that, instant , he sought less euriously to discover who his father was. He was! willing to remain a hero, but an initiating hero, invested with a mer- cilul and progressive priesthood. » However the tempest béaten wanderer could not avoid finding very tedious the peaceable days ( 104 ) that he spent in this solitary asylum. Time weighed with all its wearisome duration on his every thought, which he dared not unveil to his host, a person so mysterious himself; time weighed with all its wearisome duration on every one, for they had no other limit but eternity ; and his lyre the symbol and pledge of propriety with celeslial confines, his fatidical lyre become incapable of prophesying , hung useless on his broad bosom , or remained mute in his idle hands. He nevertheless accustom- ed himself, little by little, to take pleasure in the society of the old man; and his incomparable spouse; and his roving looks began to fall with emotion on Eurydice: more frequentiy she appeared to him as a beautiful dream, impossible to seize. But he felt all the anxiety of an existence that seem- ed to float on an abyss. The gods had placed in his generous heart, the magnanimous ambition of doing good to his fellow creatures; of scattering among barbarous nations the boons of civilization, but the word barbarous did not offer to his mind the idea of any thing mean or despicable, and he was loath to recognize two distinct human natures. Moreover he well knew that such an expression denotes sacred and unfathomable origins. Endu- ring with a noble concern the ennui of being with- out a family, without a known country, he wished lo create an adoptive family, and extract from out of his own intelligence a natal country. He deemed himself born with all the authority of a legislator, with that force of will which sooner or later mas- ( 105 ) ters the most stubborn wills, with that influence which acts inevitably on all, and that happy fascination which appropriates to itself, and uni- les so many unconnected forces. In short, he thought himself called upon to create the irresis- tible harmonies which group men together and make a moral whole, of many dispersed members. Somelimes his soul was divided between high theories and the confused sentiment of happiness that is ever mixed, more or less, in ihe minds of mortals however sublime. He asked himself if he might not without error seek to be: happy ; in giving happiness to an amiable consort ôf his obs- cure destiny, and again if that expansive. faculty, which urged him thus to live in others, might not be concentrated in one sole object. He soon came to persuade himself that, his insatiable desire of well meriting of men, was in him a mere roving instinct of. love. » You must not wonder, sage Evander, sat the uncertainty of the thoughts which agitated the soul of Orpheus. He isa new man, and cannot iell the name of his father; he is a plebeian hero; he will soon. wish lo raise himself higher, to discover in the. heavens, what God is destined to. succeed Jupiter. Jupiter , the. opic God has succeeded Sa- turn , the God of the Titans ; Bacchus, brilliant Phanes of. the active principle rendered, accessible io all, the unknown God.of.the plebeian eman- cipation, will come. in his turn and dethrone the dreadful patriciates, lo whom, according to the 1l ( 106 ) immutable laws of progress , the pacified empire of the Titans has been confided. Not to be over- whelmed by such vast meditations, the pious poet, relired into the depths of forests or on the solitary sea shore, and there he essayed on his creating and plaintive lyre, more powerful strains. His con- ternplative soul lost itself in the immensity of the spectacle of nature. In such solitude, he sought the tie that exists between beings, the laws of pro- vidence , the types of beauty , the secret of man. Thus the uncertain thought which unkaown to him had reposed on Eurydice , already became for him the harmonious bond of all his thoughts. When he felt this, it was as a positive revelation of all that üll then he had felt confusedly. He neverthe- less feared to give himself up to a dangerous illu- sion, and the rule he had prescribed to himself, side his conscience utter an austere cry « Alas! said he, but not without sorrow, what have I to offer the daughter of Talaon? a vulgäar life and exile! Ah !let me alone remain miserable. » « However he perceived that Eurydice had gues- sed the secret, he had vainly endeavoured to hide in his breast:; so impossible was it to avoid the al- Iurements of a sympathy, in some manner ideal, ihe indescribable charm of the fancy, and of the heart, become the enchanting form under which ihe nèw destinies of humanity envelop themselves. When Orpheus with his lyre accompanied the soft voice of the innocent maid , the song of Eurydice assumed a heavenly expression, and both their ( 107 ) souls now forming but one, wandered deliciously as in a fantastical repion peopled with sweet con- templations. He then said to the prophetess who was ignorant of herself, « see those clouds floating on the azure sky; such are the uncertain thoughts of man; see thy lovely image smiling in the crystal of the brook; the hopes of man are as charming and not more real. » Eurydice answered smiling : « Art thou then no longer sensible to the light of a fair day , to the beams of the moon softly repo- sing on the leaves of the trees. Thy ear is then no more able to distinguish the successive hours of the day by the different impressions which sounds produce escaping from solitude? Do the perfumes of the air, give thee no more pleasure, and bave the meats of our frugal table lost all their flavour ? Why dost thou talk of vain and deceitful hopes, of their being like images reflected in the water of the fountain, of thoughts as fugitive as the clouds careering over our heads. Thou deceivest thyself Orpheus ; every thing passes in the secret of our hearts; and it is our heart alone which gives existence and reality to every thing.«And the future! said he with an anxiety full of love and sorrow, is the future likewise in us»? Yes, replied the in- spired virgin hesitatingly, dazzled with a thousand confused splendours, yes, for at every instant of our life we are directed by an immortal soul.» Then they both remained plunged in silence. Iluminated by these conversations , Orpheus felt that he must quit the dwelling of Talaon. Not being ( 108 ) able to offer Eurydice all that a man wishes to offer to the woman of his choice, he would depart in spite of .the danger, which would surround him. It is not to try the experiment of Leucade; he has intimately associated himself with the immense class of those for whom as yet 1he capacity of good and evil does not exist; mortals who must be rais- ed to the rank of men; but his generous heart refuses to miake Eurydice share in such a perilous destiny. He speaks thus to the sage Titan, who has so favourably received him, and whose dearest interests he would not betray : « Noble old man, have the gods vainly placed in my soul an immense desire to tear sayage hordes from the barbarity in which I see them plunged, as in a mire? Armed Pallas, half serpent, is the admirable emblem of dawning humanity. She is attended by the Dios- cures, children of Jupiter, and she plays on the flute. When the progress of humanity will be more advanced, this half serpent, which at present crawls on the fertile earth, will walk erect in its dignity and independance. In vain the jealous Titans would tear the heart from the strong breast of Bacchus ; and the heart is the seat of the civil soul. [ have reaped , it is true, no harvest from my first attempts, but of what avail would courage be, had we mere- ly to act inthe easy path of success. I will go to the wise Egypt and there learn all the sublime marvels of poetry and of morals. There I shall learn the different natures of souls , if really a dif- ferent nature exists, and TI will cause myself to be ( 109 ) initiated into the mysteries of Isis, those holy mys ieries, in which the human thought strives to unite itself with the thought divine. Itis in that fortunate land that ‘the religious genius of civilization re- sides. » » Thou art as yet very young for such bold de- signs , said the old man. [ cannot however blame thee ; I know that the Gods, place in us, the an- ticipated knowledge of the deeds we are to accom- plish, but the season is hardly favourable; the me- lancholy Hyades reign in the heavens, wait till the moon has twice filed her horns. » No, replied the poet, I will depart tomorrow. » I understand, re- joined Talaon. That portion of the universal soul, which is called love, makes Eurydice shine in thy eyes with a soft light, and thou wilt fly to avoid throwing trouble into the heart of the innocent vir- gin. But if [ am not deceived, she already loves as tenderly as she can love. Remain with us till the season of storms be over. Why wouldst thou banish love from thy bosom ? Alas! said Orpheus, I have nothing to offer Eurydice, but the miseries of exile, and perhaps the vain forebodings of I know not what glory , by which I fear she herself will be seduced, and after the season of storms, as at present , [ shall have nothing to offer Eurydice.» Be not troubled , answered the old man, ah! it is not Talaon who would ever counsel thce to lead an inactive and useless life, when the Gods have placed generous designs in thee. Eurydice, if thou wilt, shall be ihy spouse , and will follow thee 12 (110) wherever thou wanderest. She will inhabit solitude with thee, she will march with thee under the scorch- ing sun, the sky will be your pavilion. But wait till the season of storms be over. Gods ! cried Or- pbeus who can hardly believe what he hears, and where will your Eurydice lay her head? In thy bo- som said the magnanimous old man.» « Grpheus hid his front in his hands, and abun- . dant tears trickled down his cheeks; he at the same moment felt an inexpressible joy and a ter- rible anxiety. For the first time he knew weakness, and caressing with respect the chin and the beard of Talaon, he asked favour in his sight for his well beloved daughter, he conjured him to take pity on his only child, and not to abandon so tender and so lovely a flower to the wintry blasts. The old man with affection pressed the son of the lyre on his bosom and said: thou doest not then know the power of love over a pure and innocent heart? When wrapped up in her chaste ignorance the virgin has conceiv- ed the sublime sentiment of love, she can sepa- rate herself no more from this thought become the only one which absorbs her. Henceforth the life of Eurydice is thy own life, thy projects will be her projects, thy virlues her virtues , thy dangers , noble hero, will be her dangers. And her mother? Said Orpheus in a low voice, slüifled with sobs. » Her mother! replied Talaon, enlightened by a natural feeling and by the experience of the concerns of the heart, she without doubt understood you both, before you understood each other; she will prefer (111) the happiness of her daughter to her own, which can be no where but with thee.» «After a moment’s silence the old man, priest and prophet of an unknown religion , added these words: Orpheus we have been too weak, let us resume our fortitude. I should now point out to you the gran- deur and the vigour of human destinies. [ should converse with you on the endless warfare we are obliged to wage , sometimes against our fellow crea- tures , at other times against ourselves. Orpheus, it is no easy task, to bring together dispersed mor- ials, transform them into men by society, and impose on them the salutary yoke of order and of law. I should initiate thee into the cosmogonical traditions on which marriage and property repose. Ï should have to mark out to thee at the same time , the paternal power, origin and symbol of all power. And above all , I should explainto thee what Eurydice is for Orpheus. We have now but a few days to re- main together, let not these days be lost! » » Orpheus, bending with respect merely said : Au- gust old man, I confide in your wisdom and in your prudence ; 1 know that you possess oracles which are unknown to me.» » Without doubt, son of the Thyade become a magnanimous vira, you begin to understand how deeply the providence of the Gods occupies itself about those whom it destines for an important mission. Venerable Evander, are you not a certain proof of this? Above all, it is the faculty of sympa- thy which is developed in these chosen beings ; (112) for it is by love that they must goyern all minds. You know, Evander, that no orne can, contrary to his wishes, be raised in initiation ; and the law of asylum, rigourous and exacting as it is, does not impose any restraint on him who implores the be- nefit of it. In short, no one can raise himself in the social hierarchies if he have not first sued for, and at last merited it. This is the law of races, tri- bes, and classes. As soon as Vola was informed of the conversation of Talaon and Orpheus, she shed bitter tears. She wondered how her spouse, who was an austere Titan, had so quickly forgotien what is owed to the genius of races ; how he had given up his daughter to a mortal, who could not name his father , either among the gods or men. She for the last time interrogated the oracles of the terrible religions, but these oracles were silent. From that instant she resolved to put no obstacle to the will of her spouse. She could look no more upon her daughter but with grief, and Eurydice herself could no more enjoy the embraces of her mother but with emotion, these embraces become so aflicting because they seemed to be the last. The high courage of the old man did not screen him from all anxiety. His serene front disguised his deep anguish. Without doubt a reason, which is remained mysterious , directed his conduct. When alone with Orpheus he sought to penetrate into the depths of that soul formed for such noble designs, he sought to dive into it, by the analogies of his own thoughts, by ihe identity of his own sentiments. «Orpheus, (15) said he, one day, ! know not what secret is in thy name ; itis as a secret of death. Thou hast learnt to know me, inspired poet, and thou must know that Ï am not one of those pusillanimous mortals, who recoil from misfortune ; but 1 am a father, and I feel the want of enlightening my mind, respecting my daughter’s future existence. Say all that thou knowest about thy origin; perhaps we may unra- vel the mystery of thy destinies. I fancied [ saw on thy forehead, the sacred character with which the pods stamp those who are born to command men, to give them laws, to found among them durable institutions. — The lyre is the property with celestial confines , the chords of the lyre are civil and celestial laws ; the sacred oath by the chords of the lyre, ties men to each other and to the divinity. Thy features wear the stamp of a divine race. O my father, said Orpheus, for [ have no other father but you, I have already told you that | am totally unacquainted with what you ask me, I do not know even the place of my birth; and it is not without à deep sorrow , that I make this confession. Man delights in glorifying himself in his ancestors. [| have voluntarily abandoned the thought of consulting the voice of Leucade; I would not separate myself from the great family which still remains without ancestors and to whom I am come io promise a posterity. Prometheus suffer- ed immense torture because he endowed mortals with the capacity of good and evil. Though I am not à Titan, Ï dare brave that danger. Is the 13 ( 144) blood which flows in my veins the cause, the hidden cause of this courage, or is it not rather the genius of poetry alone which troubles all my senses. In fine , like you illustrious old man, I have remarked the mystery and forlornness that lies in my name, a name that I heard vibrating around me, as soon as Î could hear, and which has neither been given me by a tender father nor an adored mother. This negative sigmification is perhaps only due to the loneliness of my infancy; but perhaps also it is a woeful proghecy of the littie 1 am destined to fulfil. I own I often fear, that the whole of my destiny may not be accom- plished, and in that, lies the mystery which we ineffectually seek to unveil. » But, if [| must tell you my thoughts, O my fa- ther, the name of Eurydice ought to remove our fears. Eurydice without doubt will ‘be for Orpheus the marvellous vision which henceforth is to illu- minate my whole life. Without her, all that is to distinguish me from other men could never be rea: lized. The old man smiled at such a foreboding, which would] have been far from satisfying his prudence, had he not elsewhere had other inspi- rations, then he spoke in these terms to the divine poet : » The gods owe us no account of the forebodings they send us. Let then Eurydice be for the forlorn one, the maïid of the vision , the Living dream of Jupiter. Without her, Ï own, thou wouldst be but an extinguished lamp:; well! with her mayst thou (115) become a dazzhing light to the world! By thyself thou hast propriety with heavenly confines ; by her thou wilt have a father, for she has one. Hence- forward thy name will signify light and saviour ; and hers, means justice, but justice in its widest sense, in the sense opposed to that of right , which is understood only of force; for Jupiter, who op- pressed Prometheus , means nothing more than force. » Thus you will first make isopolitia enter into the world and isonomia will follow. Orpheus , per- mit me to make vou one question more. In listen- ing to the secret voice which hurries you on 1o do good to men, hast thou matured the hidden se- crets of that god who dwells in ihee. »No, said Orpheus, I have not matured by reflection the secret counsels of that god who is within me ; for his counsels have all the appearance of ordéts, and nothing remains, but to act. Listen in thy turn, O my father, listen to the recital of my first inspi- ration. The lyre has always awakened in my mind a thousand confused ideas, that in my marvellous childhood 1 had not strength enough to grasp and 10 embrace. [s there not a voice in material objects ? Those brilliant coloured clouds wandering over our heads, do they not represent to our imagination the glorious orbs which they hide from our mor- tal vision. Are our languages a ray of the human thought. Is the human thought a beam of the di- vine thought? Or rather, is not the word, which is man himself, the eternal subsisting inspiration of (116) God? Are the objects of nature, trees, flowers, clouds, perfumes , light, winds, the emblems of which man seeks the explanation, after having lost it® And must he not discover that explanation in speech , that endless revelation, that eternal chain, the countless links of which attached to each other form indestructible traditions Have the confused voices of the valley, of the forest, of the waters, the buzzing of the insect , the cries and warblings of the birds, a unanimous sentiment of prayer and sighs® Is there a universal harmony of which man can feel all the accords, guess all the laws? The instincts of my lyre, like unto the snowy wings of the dove, raised me far above the earth, and held me floating in the upper regions where the body cannot go. But my soul, ravished for an instant, soon returned to its sublunary prison. One day during my voyage, in the high regions of the mind, methought [ saw an immense light encom- passing all nature, and splendidly enlightening all things. My sight was not rapid enough, neither were my thoughts, to be every where in one in- divisible moment. [ nevertheless had a real feeling of the essence and unity of all that exists. I then heard a sound, but an intellectual sound , and that sound seemed as the speech of light and I ques- tioned myself, and speech answered within me. I cannot say the end nor the form of such a mys- terious conference ; but all is remained in the bot- tom of my soul , as the fire remains in the veins of the flint till the moment a shock makes it sparkle (117) out. Every lime I shall stand in need of consulting the oracle, [ am convinced I shall find it, ii will not refuse to answer, nor will it deceive me. »i am not born of the oak, said Talaon, I am not born of the rock, my body was not molten brass, three times in a day could I make the tour of Crete. TFhus was I formerly. Then, 1 should not have had the intelligence of thy discourses. But to escape the fate which threatened me, for my life depended on a fatal naïl which might be taken from me, I re- cognized the empire of Jupiter, and I have changed my nature. Ît is now given me to understand thee. Thou confidest in the inspiration of speech itself. This sublime and impenetrable doctrine, which thou receivedst as the breath of life, or as the sight by which thy eyes see, thy origin being deavenly this sublime and impenetrable doctrine was already taught me by the sages of Indus. Let it be, for some instants the subject, not of our solitary me- ditations, but of our communicated ones. As thou, I feed on the fruits of the earth ; and the thoughts of man are given, to fertilize each other mutually. However I vill before all tell you one single thing. Thou confidest in speech, refuse speech io those who ought not to possess it. Envelop the law in mystery to render it, , unfathomable to the pro- fane. » Thus Talaon and Orpheus conversed together and beguiled by such discourses the approach of a separation which was to be so painful to all. He to whom it should be given to know the conyer- 14 (18) sations they had together, would be far advanced in the secrets of which time has thickened the veils. He to whom it should be given to penetrate what the sages of the primitive world beleived concern- ing the mysterious unity of God, the creation, matter, the origin of evil, the different orders of intelligences , emanations of the supreme intelli- gence, would dive into the causes of the universe as far as mortals may dive, would, as it were, assist at discourses on the past and the future. « Sometimes the old man said to Orpheus; my son thou shouldst so with Eurydice on inaccessible mountains and into the depths of forests, for she must accustom herself to support the labours which will be imposed on thee, as her mother, must accustom herself to seek her cherished daughter, without being able to find her. We have been conscious of the necessity of given her up to her own inspirations, we well knew that she did not belong to us. The inspired poet readily obeyed Talaon’s counsels. » When Orpheus and Eurydice were alone, they conversed on virtue and poesy. Orpheus talk- ed of beauty, which in itself is a complete poesy. Eurydice said the happiness for a weak being, to reclirg on one endowed with strength and soodness. She asked the son of the lyre for the recital of his adventures, which were true symbols, and when he had ended she would fain make him recom- mence. Hers were neither long nor varied. They extended no farther than around a rose bush, or on ( 119) the bnnk of a fountain. AIl the evenis of her life, were the budding of a flower, the warbling of a bird, or the graceful bounds of her favourite ga- zelle. He loved to hear her talk of her reveries, and of the day when he for the first time appeared before her on the bosom of the iempest. He ever smiled anew in learning how the heart of the charm- ing nymph had been troubled at such an appari- üon , how she desired to be at his side, for she could not think that so calm and beautiful a being was destined to perish; notwithstanding, anxiety troubled her whole frame. He listened with rap- ture ; and when she had finished he said : «O my » beloved, thou hast a father and a mother; these » young plants, though so lovely, still far less » lovely than thou, have budded under thy eye ; » this ground alone has received the print of thy » light steps, thou hast known no other skies, but » that which covers our heads; and I who was her- » etofore unknown to thee, am the cause of thy » leaving thy venerable father, the mother who fed » thee with her milk, the Little flowers thou hast « seen spring up, the sand which has alone received >» the print of thy steps, the skies which have » seen thy infantine amusement. O my beloved! » Ï shall soon be alone ‘for thee. 1 know not, if » from time io time, I shall be able to offer thee » cool shades, :or repose near the gush of a foun- » rtain. 1 mustbe'thy all. Too often perhaps , even » the tempest which conducted me tothese shores, » “will be the only -asylum I shall be able to offer ( 120) ‘» my dearly beloved spouse , to her who will have » only me on the wide earth. » Eurydice then shed tears , but these tears were for her august parents and not for herself, the soft serenity of her looks expressed her confidence. » Meanwhile the stormy season passed away; the monarch of the tempest, no more reigned in the sky. Talaon prepares the tender Vola for the depar- ture of her daughter. And when the day arrived, the august old man ordered Eurydice , and Orpheus to seat themselves at his feet, then imposing on their heads, his venerable hands, he pronounced the words of initiation, without however pronoune- ing the epoptic formule, for the days consecrat- ed to chastity were to have no end for them. They will remain neophytes. Awful mysteries of life and of death, you mightinot be completely revealed to them; the genius of ancestry had remained veil- ed in the sky. » Go together into the same exile, said Ta- laon, the world is open before you, your destiny is in your hands. Remember ihat the immortal Gods envelop the voyager with their regards, as the sky overflows nature byÿ its beneficent light. Here are some precious seeds, which will so greatly improve the wretched race of mortals. Men have üll now refused them, but without doubt, the times were not yet come. Thus the earth will be their inheritance ; thus they will learn labour ard foresight. These seeds, emblems of so much good, pledge of such infinite hopes, you will reserve, (121) as an offering to men, who as yet are ignorant of ‘their value, for wheat must become equally the food of all human families, all called to the same - progress by the same labours. You, voluntary ex- iles, you , freely devoted to all the wants of huma- nity , you will eat the fruits of the forest, and wild roots. Orpheus, thou canst teach both the religion of funerals and the rites of marrïage, which are one and the same thing. Society cannot form itself Without creating the domestic die ; property, a sort of identification of man with the earth by culture, becomes sacred by sepuléhres, and thus it is, thé whole of human kind, will onelday become an im- mense family. But the yoke of saws, to be salutary, must be freely accepted. Go my children, erelong forelorn orphans ; go, but live together like brother and sister , üll you find a place, where to fix your dwelling. Imitate the birds, who migrate and who abstain from love till they arrive in à éoun- try where thé Gods instruct them how 16 build a nest for their future progeny. Orpheus, I confide to you the chastity of Eurydice ; let the certainty of having her for a spouse be sufficient for theé. The men thou formest, will have ancestors by the faith of sépulchres; they will have déscendants by the holiness of marriage; as for thee, thou canst not have ancestors, and who knows if thou wilt ever have children? Let Jupiter and Metis hold the place of ancestors for theé; and the improved race of man, bé thy noble postérity. Orpheus, Eurydice, divme couple, consent to be 15 (12) miserable , to lessen the misery of mankind; make others understand the holiness of the conjugal tie, before you form it for yourselves. Satisfy the Nemesis of solemn nuptüial rites! Listen! it is a word of the ancient oracles, a word fallen from an high; man is an incomplete being, destined to complete himself successively by his own intelli- gence, by his own will; he can do nothing to advance and perfect his nature, as long as he is in want of the religious social sentiment, of that sentiment which gives him a knowledge of God, and a sympathy for his fellow creatures. Those by whom providence intends to create such sentiments must be of a marvellous purity. Orpheus, every time [ invoke the supreme power, [ employ a vague expression which affirms nothing on their sex ; the mysteries of Samothrace or of Egypt will teach thee the sexes of the gods. » Vola shed abundant tears ; why weepest thou, said the old man, lovely light of the evening of my days, why weepest thou?® What will be want- ing to our children? Will they not as we, enjoy ihe protection of the gods? They already possess that, which abundance and repose cannot give, they have that reciprocal affection which has caused our felicity and which makes every thing easy. They will love each other better in solitude, distress, privations, and even in misfortunes. May heaven, however, remove them from their heads! He then again blessed Orpheus and Eurydice , who raised themselves, to sit at the feet of Vola. Vola, (125) in her turn, blessed them sobbing. She then drew from her bosom , a veil which she intrusted to Orpheus, to be one day , the ehaste nuptial veil of Eurydice. On this tissue, weaved by the spouse of a Titan, were drawn the heavenly confines of which the poet’s lyre was the harmonious symbol. At the same time, she gave to the nymph in tears, a pome- granate gathered in the garden of Hesperides. The apple of Kory, jealous guardian of the legality of marriages, which might not be opened nor its fruit tasted , till the veil be unfolded. Talaon groaned within him ; he knows 100 well, that these last pres- ents of maternal love , were io be useless, since he cannot join to them the glebe , emblem of the soil ; earnest of property with terrestrial confines. Not- withstanding , the augurs had been favourable. » The two exiles left the paternal mansion which they were to see no more. The gazelle, sweet play- mate of the nymph, in vain strived to follow her, she was kept back by Vola , who reserved for her the caresses of absence. No road was iraced for the two exiles, and they set out on the wide expanse as a strayed traveller in the depths of a vast forest. Eurydice leaned on the arm of Orpheus and sighed in silence. From time to time, she turned to cast a bngering glance towards the spot where she had so serenely spent the fugitive days of her fortunate childhood.Then she ceased to turn her head and wept. » When the magnanimous orphans were gone, Ta- laon stüifled his tears no longer, and the two spouses, forelorn in their turn, wept together to console each ( 124 ) other in their mutual affliction. They wept caressing the little gazelle which also shed tears. While they thus wept, a celestial messenger came to announce to them, as it is reported, that henceforth Orpheus and Eurydice may pretend to the rank of demi-gods. Poets have in a thousand ways related this voyage, which was a succession of wonders. The initiating pair, had only the lyre, to overcome every obstacle, to surmount every danger, to avert everÿ terror. Sublime initiation, thou vwert indeed worthy of being sung by the poets! » Such was the first recitat of Thamyris. He added : King of the square hill, the history of Talaon and Vola is entirely unknown to me, both before and after the events I have just related. Their origin is not known, nor the details of their life, nor the circumstances of their death. However nothing is more famous in Crete, than the man with the brazen enflamed body, who in one day made three times the tour of the island. Nothing is moré famous than the combats waged by him against strangers, no- thing is more famous than the fatal nail which torn from his heel, was to let his life escape along with his blood; nothing is more famous 6r less compre- hensible. As to Vola, priestess of cruel religions which she was forbidden to divulge to her daughter, as to Vola, evenher name must perish. » I will now inform you, venerable Evander, of what I know concerning Orpheus and Eurydice. EN D. À. ” Le LEOSOUL © CA er: \ STŸ SAONE ss - _ . $ ? ES, ut : mg. HE ET NEA ENNRE \ NES RRNRESSSRERSS RENE EN EPREEREEEEREEEE PERTE EEE N: RRRSRRKKKKKK AN XALRRERRERKKRRERGREOKKKKREKKEEREKTKERERRRQRECRC CG \ YA RQ où AN NY KK a A\N & \ Ÿ) \ A ANS \ SA NN N KO di] \ Lite Prnese LeSetiret, Ang #73. LNNNNUUUUT EUX TUTO |} = DUU ji Lo ai D Nu (ru oh, ii Ne] “li 0 ie l (M Win We Nu as Kat DR jo ve AA ne ji je 0 cn TT ii Li is (}1! in 1) nu A pl (UN 1 Ce . «a (ll ) A oo, ll \ KE AE =— N A . à N ANS jt TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE SECOND VOLUME. AGRICULEURE « Canalisation de la Loire, à l’aide de plantations, Pages. par M. de Beauregard . 5 Rapport sur l'emploi du sucre pour Plone le vin, par le même. M SR enr 110 Rapport sur les avantages du pressoir à engrenage, de M. Heri, par le même. 20 Rapport de la commission chargée de ù examen au mémoire de M. de Beauregard sur le pressoir à en- grenage, par M. Adville 20 Sur la transplantation des arbres verts, par M. de Sarcé. ; 34 Su une nouvelle ce .. capucine, par M. “Millet. 39 Singularilé végétale , par M. Joubert, de Beaulieu. 36 Aperçu sur la marne et son emploi dans un canion du département de la Vienne, par M. Mauduyt. 4i Sur un nouvel Jonidium, plante médicale décrite par M. Bancroft, extrait du docteur Hamilton, de Plymouth . : 313 Extrait d’une lettre du re Hamilton. 322 Observations sur le Guaco. 328 Analyse du lait du Palo de Vaca, par M. Mon 339 SCIENCES Pages. Note géologique sur le département de la Vendée, par M. A. Rivière. 52 TABLE. Examen comparatif des eaux de la Maine et de la Loire ainsi que de celles de plusieurs puits et fontaines d'Angers, par M. Morren. Note sur la Naphtéine, par M. Desvaue Extraits de lettres du docteur Hamilton. Note sur un procédé pour percer facilement le verre , par M. Morren. À Mémoire sur le confluent du Thouet à ue ment de Murs confondu avec Saumur, par M. de Beauregard. . . . . se Re Sur une nouvelle She it ele tne par M. Desvaux. es Minéralogie du Ho de Moine et tone. par le même ARR Sean Note sur un morceau de fer tone par M. MOTORS ET te rar ALAN 0 Done see LITTÉRATURE Du théâtre en France au moyen âge, par M. Blor- dier-Langlois . Sur la traduction du 9. e vie de l Orphée dé Bal- lanche, par M. Hawke, par M. Adrville. Orphée traduit en Anglais, par M. Hawke. De la démonomanie de Jean-Bodin, par M. Blor- dier-Langlois. ! Notice sur M. Gontard, par M. Dead Note relative à des eue d’antiquité , par M. Cour tiller. MR te 5 Notice sur un monument dé alerale » par M. de Beauregard. Pages. 125 139 142 141 147 189 196 344 DL: 73 87 163 185 948 349 TABLE DES MATIÈRES. Agriculture. Gawazisarion de la Loire, à laide de plantations, par M. De BEaurecarpe......... ere -embare Rapport sur l'emploi du sucre pour améliorer le vin, par M. DE BEAUREGARD......... HAUT ODObP OU = Rapport sur les avantages du Pressoir à engrenage de M. ÆHéri, par M. Dr BEAUREGARD.............., Rapport de la commission chargée de l’examen du Mémoire de M. De Beauregard , sur le Pressoir à engrenage ; par M. ADVILLE.....:............... , SARCÉ........ SORA bre Opodo doe T0 0 Sur une nouvelle espèce de Capucine, par M. MIgLer. y Sinpularité végétale, par M: Jousert, de Beaulieu... _—. Aperçu sur la Marne ét son emploi dans un canton du département de la Vienne , par M. Maupuvxr,..... Sciences. 1. Note géologique sur le département de la Vendée,-par MMA PEUT LÈRE ed ele AN elle tele cheic lei loletelele ele eee ae Litterature. | Du Théâtre en France, au moyen äge, par M. BLor- DER ANGTOS (2 0 el ehln euelelelalele sole steel mic loiale bobos Sur la traduction du 2.e livre de l’Orphée de Ballanche, par M. Æawke, par M. ADVILLE..#.......,..... Orphée , traduit en las, par M. HaAWKEesciese.e 16! 20 52 78 87 EI Ru è s ns 1 É > RE] 15! 4 see ee Rs Part RP A le : BUS, A A PRE S re SR TRS RSS TES