TRE] us SOCIÉTÉ ROYALE | | | | DES SCIENCES, F Î : i î DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, de lille, PRE Anée 1846. IMPRIMERIE DE L. DANEL, GRANDE-PLACE. — ” 1 $ $ Ÿ î É DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES, DE D'ACRICULRURS ET DES ARRS) DE LILLE. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES, DE L'AGRICULEURE BE DES ARTS, DE LILLE. ANNÉE 1846. MES Din NRA His LILLE, IMPRIMERIE DE L. DANEL. 1847. (5) COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCE, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE , Pendant les années 1844 et 1845, Par M. V.or Derenue, Secrétaire-Général, Séance du 16 janvier 1846. MESSIEURS , Parmi les obligations imposées à votre secrétaire -général, la plus importante est, sans contredit, celle de vous rendre compte chaque année des travaux de la société. Je dois commencer par vous rappeler cette obligation, afin que vous ne puissiez pas croire qu'un sentiment d'orgueil me guide, là où il ne se trouve de ma part que l’accomplissement d’un de- voir rigoureux et difficile. J'ai dit rigoureux et difficile: en effet, pour remplir dignement cette obligation, il faudrait que votre secrétaire-général fût doué de cet esprit d'analyse qui a toujours été si rare, de ce talent de résumer beaucoup de choses en peu de mots, et, surtout, de cet art de ne rien enlever à la chose analysée qui puisse empêcher de bien reconnaître et son essence et sa nature ; il faudrait qu'il püût, comme un savant alchimiste, dire à chacun de vous : les tré- sors que vous m'avez confiés n'ont plus leur forme primitive , mais rassurez-vous, ils sont là au fond de mes creusets, ils y sont réduits, mais non perdus. (6) Je devais vous dire ce peu de mots avant d'aborder mon tra- vail; je devais, par un sentiment bien naturel, vous rappeler les difficultés que j'avais à vaincre, afin que votre indulgence me fût acquise. Maintenant que vous connaissez l'étendue de mes obligations, et que vous êtes dans le secret de ma pensée, je me sens plus à l'aise, et vais m’acquitter de la tâche qui m'est imposée. Puissé-je la mener à bonne fin. Votre société, messieurs, s’est fait du vaste domaine dé l'in- telligence humaine un champ cultivé dans toutes ses parties : mathématiciens, physiciens, chimistes, naturalistes, médecins, architectes, agriculteurs et littérateurs, viennent en enrichir le fonds de produits aussi utiles que variés. Je vais retracer le tableau sommaire de vos travaux les plus importants deces deux dernières années, en suivant la marche tracée par ces trois mots qui les résument tous, el qui se lisent au front de votre charte constitutive: SCIENCES , AGRICULTURE , BEAUX-ARTS. Sciences. M. Vincent, l’un de vos membres correspondants, vous a adressé un exemplaire de la 5. édition de son traité de géométrie ; soumis à l'appréciation de M. Delezenne, ce traité lui a paru l'un des meilleurs qui aient été publiés jusqu'ici, et l'accueil qu'il a reçu depuis de nos corps savants, l’usage qu’on en fait dans nos écoles, sont venus justifier l'opinion qu'en avait conçue votre rap- porteur. Parmi les nombreuses difficultés que l’art et les sciences ont eu à vaincre dans la nouvelle et brillante voie qu’ils ont dû se frayer au moyen des chemins de fer, il n’y en avait peut-être pas de plus grandes que les cubatures des déblais et remblais. C'est sur ce point important que M. Davaine, membre résidant, à ere porté ses méditations et il vous à présenté un tableau fort exact, fort simple surtout, au moyen duquel on peut obtenir sans dessin et sans difficulté de calculs, les cubatures des déblais et remblais, et par suite les évaluer lorsqu'on dresse les devis des travaux à exécuter pour les chemins de fer. M. Davaine a aussi porté ses investigations studieuses sur un autre point des sciences physiques et mathématiques, ei dans son Mémoire sur un nouveau mode de construction de la vis d’Ar- chimède, mode pour lequel il a été bréveté, M. Davaine a indiqué des perfectionnements notables dans cet appareil hydraulique, dont l'usage et les effets utiles sont si journaliers, si générale- ment sentis. Vous devez enfin à M. Dayaine un travail fort étendu et ac- compagné de cartes, sur le chemin de Paris à la frontière belge. M. Delezenne a ezrichi vos Mémoires d'un ouvrage intitulé : Notions élémentaires sur les phénomènes d'induction. Ce titre con- vient à la forme d'exposition adoptée par l'auteur, mais quant au fond, l'ouvrage contient des faits nouveaux et nombreux. Nous n’en citerons qu'un. Au moyen d’un instrument dont l'au- teur donne la description et la théorie, et qu'il a nommé cerceau électrique, il obtient de fortes commotions par la seule action ma- gpétique du globe, sans faire intervenir ni fer ni aimant, comme dans la machine de Clarke, et sans avoir recours à des canons de fusil garnis de fil, comme on l’a fail en Italie. A l’occasion du Mémoire que vous a envoyé M. Hallette, d'Arras, sur les tubes propulseurs , système d'exécution. et d'exploitation des chemins de fer par la pression atmosphérique , M. Barrois, membre résidant, vous a montré les difficultés nombreuses que présentait encore à ses yeux cette nouvelle puissance que le génie de l'homme a su conquérir; depuis ces obstacles ont été surmontés en partie, il est vrai, mais M. Barrois n’en a pas moins le mérite de les avoir signalés. il est des sciences qui portent avec elles la cause visible de (8) l'attrait et du charme que procurent et leur culte et leur étude; telles sont l’astronomie, la botanique , la physique et la chimie; il en est d’autres, au contraire, qui n’ont point de brillants pres- tiges, l'étude de l’entomologie est de ce nombre ; e le a cepen- dant parmi vous, messieurs, un infatigable partisan , et M. Macquart, membre résidant , dans son dernier Mémoire sur de nouvelles espèces de diptères exotiques, vous aurait donné la preuve, si déjà il ne l'avait abondamment fournie , que les in- sectes les plus petits, les plus oubliés, les plas méconnus, trou- vent néanmoins des hommes studieux qui les recherchent, les découvrent, les décrivent et les rattachent, par un anneau quel- conque, à la chaine immense de la création des êtres. M. Léon Dufour, membre correspondant, marche dans la même voie, et le mémoire qu’il vous a adressé sur l’Histoire des méta- morphoses des tipulaires du genre Lasioptera, comme ses Etudes sur la mouche des cerises, Urophora cerasorum, prouvent un rare amour de science et d'observations entomologiques. Dévoué à son œuvre parce qu’il la saït utile à la science dont il cherche chaque jour à étendre les limites, M. Desmazières, membre résidant, a décrit avec cette vérité qui lui est natu- relle, de nouvelles notices sur des plantes cryptogames récemment découvertes en France; il est curieux , attrayant même, de voir avec quels soins, avec quels patients labeurs notre collègue découvre et décrit une fructification restée si longtemps mys- térieuse, inconnue. Les mémoires de M. Mutel, membre correspondant, sur plu- sieurs orchidées et sur plusieurs plantes de France, ainsi que ses observations critiques sur plusieurs plantes de la flore française, prennent naturellement leur place après ces nolices , tant par la nature même du sujet que par le talent d’observa- tion et d'analyse. Je dois encore mentionner ici un Mémoire d'une haute im- portance que la Société doit à M. Kuhlmann sur une série d'ex- (9) périences qu'il a faites pour examiner et fixer les conditions de l'application du vide à diverses opérations manufacturières, no- tamment à la distillerie des alcools et des essences, et à la concentra- tion de l'acide sulfurique. Vous avez lu avec intérêt un Mémoire sur l'opération césa- rienne, que M. Lebleu, son auteur, membre correspondant , contrairement à l’opinion assez généralement admise , met beau coup au-dessus des autres moyens employés par la pratique dans les cas d’accouchements qui commandent l'emploi d'opérations extraordinaires. Ce n’est pas sans un intérêt moins vif que vous avez entendu MM. Testelinet Dourlen, tous deux membres résidants, vous lire , l’un sa Notice sur un cas de rétroversion de l'utérus, l'autre des observations sur une opération de trachéotomie qu'il a pratiquée sur un enfant de cinq ans, atteint de dipthérite la- ryngienne (croup). M. Bidart, membre correspondant, vous a envoyé d'intéres- santes observations sur la position de l’avant-bras dans le traite- ment des fractures du radius et du cubitus. Ces différents documents , s'ils étaient rendus publics, ne pourraient qu'être fort utiles à la connaissance pratique de points aussi délicats, aussi périlleux, de la science chirurgicale; en effet, si la publicité, ce grand moyen de diffusion de lumiè- res, est toujours profitable aux sciences , l’on sent qu’elle l’est surtout pour celles qui se rattachent si étroitement aux maux dont souffre l'humanité. Dans la section des sciences viennent prendre une place dis- tinguée, les notices que M. Marcel de Serres, membre corres- pondant, vous a envoyées, sur les terrains tertiaires qui re- couvrent une partie du sol de la Provence et sur le bassin im- mergé de Caunelles , ainsi que sur l’âge des dépôts coquilliers qui y ont été observés. (10) Économie politique. L'amélioration des mœurs, et par suite du sort des jeunes détenus, est, depuis quelque {temps surtout, l'objet de la vive sollicitude du gouvernement : dans une foule de localités, et lorsque les ressources le permettent, s'élèvent des colonies agri- coles où le travail, les bons exemples et une liberté limitée, ces trois grands ennemis des vices, viennent entourer le jeune détenu de leur tutelle salutaire. LiLLE ne pouvait rester en arfière dans une voie aussi louable : une colonie agricole de jeunes détenus fut fondée à Loos, dans la maison centrale, et votre Société s’'empressa d’en accepter, avec bonheur et reconnaissance, le haut patronage. Une commission fut nommée , composée de MM. Lefebvre, Macquart , Delezenne , Decourcelles, Kuhlmann et Verly, elle forma un projet d'organisation où un travail, rendu plus at- trayant par sa variété, vint, aidé d’une instruction morale et religieuse, appropriée aux besoins présents et futurs des détenus, apporter dans leur cœur le courage, l'amour du bien et l'espoir de faire oublier une jeunesse qui, chez la plupart d’entre eux, ne devint vicieuse que parce qu’elle fut sans guide et dépourvue de bons exemples. | C’est dans le rapport de M. Lefebvre sur cet intéressant éta- blissement, que vous avez pu bien vous convaincre , Messieurs, des précieux effets de la pensée moralisatrice unie à l’idée d'un travail tout plein d'air et de clarté, d'un travail à qui par là le Ciel semble sourire. L’épizootie qui, après avoir frappé si cruellement la race bovine dans l'Est de l'Allemagne, menaçait de faire irruption en France, a été dépeinte par M. Loiset dans un mémoire plein de patientes recherches et d’aperçus nouveaux ; il la prend à son point de départ, décrit sa marche, ses repos el ses réappari- tions subites, imprévues, mais toujours dévastatrices. (11) Là ne s’est pas bornée la tâche que s’élait imposée M. Loiset; ilest venu, par de sages conseils, calmer les inquiétudes, et indi- quer les moyens propres à prévenir, ou au moins à arrêter la marche du fléau; il a démontré qu’on le combattrait toujours vic- torieusement par un bon régime hygiénique et par une meilleure construction de nos étables, qui laissent encore tant à désirer sous le rapport de l’aération. Espérons que sa voix sera enfin entendue. Je n’oublierai pas un autre travail du même auteur ayant pour titre : De l'amélioration de la race chevaline et des récompenses qui devraient être accordées à la production hippique. Il y a dans cet ouvrage de M. Loiïset plus qu'une pensée de science agricole et d'économie politique; il y a une grande pensée nationale : celle de nous affranchir du tribut que l'étranger pré- lèvera sur nous jusqu’au moment où nos productions hippiques atteindront enfin le niveau de notre consommation. En présence du fléau qui est venu s’abattre sur nos campagnes et les frapper dans l'un de leurs produits les plus nécessaires à notre alimentation, et surtout à celle de la classe ouvrière, votre société, messieurs, ne pouvait rester oisive, et avant que l’auto- rité du gouvernement vint faire appel à son zèle et à ses lumières, MM. Lefebvre, Desmazières, Lestiboudois et nos honorables asso- ciés agriculteurs s'étaient fortement préoccupés de l’altération» disons plus, de la maladie trop certaine qui, depuis deux années déjà, était venue tarir les sources de la production des pommes de terre, jusques dans le sillon que le cultivateur lui prépare avec tant de soins et de vigilance. Dans ces travaux, où la pratique et la science sont venues se prêter un concours fraternel et s'enrichir de leurs découvertes diverses, MM. Lefebvre, Desmazières, Lestiboudois, Kuhlmann et Delezenne ont suivi patiemment le développement de la ma- ladie qu'ils avaient à reconnaître, à étudier, à combattre et à vaincre ; leurs recherches, leurs labeurs n’ont pas été perdus, et (12) si la cause du mal est encore restée pleine d'incertitudes, de mys- tères; si les travaux de ces messieurs n’ont pu réparer le mal déjà fait, du moins l’ont-iis empéché de s'étendre davantage et atteint ce but si recherché: d'indiquer les moyens les plus propres à éloigner un fléau aussi grand , aussi déplorable. Dans le rapport de la commission qu’on doit à la plume exer- cée de M. Lestiboudois, on ne sait ce qui doit le plus être re- marqué, ou des soins et de la persévérance qu'il a fallu pour ar- river au but qu’on se proposait d'atteindre, ou de la manière simple, claire et méthodique employée pour ÿ parvenir. La terre, déjà si prodigue envers l’homme de richesses et de produits, en retient-elle encore dans son sein, comme pour en- gager l'homme à se livrer sans relâche aux recherches et aux labeurs qui pourront les lui procurer ! Dans deux Mémoires sur la théorie de la fertilisation des terres par l'action des différents engrais artificiels, M. Kuhlmann est venu apporter les lumières de la réalité là où n'apparaissait que la pâle et faible lueur du doute et de l'incertitude. Après l’élude des moyens propres à diriger les travaux de la terre, notre bonne mère nourricière à tous, s'il est une étude qui éveille en nous un puissant intérêt, une vive sympathie, c'est, sans contredit, l'étude des questions qui tendent au but si loua- ble, si désiré d'améliorer le sort de la classe ouvrière. L'étude de ces questions, votre secrélaire-général l'a (entée dans un Mémoire ayant pour épigraphe cette pensée : « Répandez l'instruction, tout est la; foi religieuse, bonnes mœurs, conduite régulière, économie, paix et amour du foyer domestique. » L'instruction est, en effet, aujourd’hui l'immense abri sous Île- quel la société veut mettre à couvert ses intérêts menacés. ( 13 } Littérature. Malgré les nombreuses lumières, que des études historiques récentes sont venues répandre sur tous les points de notre histoire, une époque n’était pas suffisamment éclairée : c'était celle des relations de la maison d'Autriche avec la France, pendant les trente premières années du XVI siècle. Dans l'intérêt de l’histoire, et voulant combler cette lacune, M. le ministre de l'instruction publique, sur l’ordre du roi, fit appel aux écrivains pour obtenir le fruit de leurs recherches sur l'époque indiquée à leurs travaux. Cet appel devait être entendu de M. Le Glay, membre résidant. En effet , il ÿ répondit des premiers dans son Essai sur les négo- ciations diplomatiques entre la France et l'Autriche pendant les trente premières années du 16.e siècle ; lequel essai sert d'intro- duction à l'ouvrage demandé. A propos de négociations diplomatiques, notre collègue n'a pas embouché la trompette guerrière, il n’a point décrit à courses de plume les grands mouvements de la marche et du choc des armées ; il a voulu éclairer, et non remuer son lecteur : narrateur fidèle de son sujet , son style y puise sa couleur et sa nature même. L'histoire de notre ville abondaït en matériaux, maïs ils étaient épars çà et là dans de vieilles chroniques, dans des chartes pou- dreuses et Cans ces feuilles légères que les temps révolution- naires ne laissent pas le loisir de rassembler ; tous ces éléments d'histoire attendaient qu'une main savante et habile vint les coordonner , les unir et les former en un seul corps sous une pensée unique. Cette tâche laborieuse, M. Derode, mon prédécesseur, l’a en- treprise et l’a menée à bonne fin dans son Histoire de Lille; vous en avez eu plusieurs fois la preuve par les fragments qu'il vous a lus de son travail, dans lequel il a dû faire passer tour-à-tour (14) sous nos yeux le château du Buc et le temple de la Raison , nos premiers grands forestiers et nos derniers orateurs de clubs ré- volutionnaires. Cette histoire de la localité, aux détails si intéressants, à quel- que source qu’on les puise, a séduit aussi votre secrétaire-géné- ral qui, moins hardi que M. Derode, a abordé des faits plus rap - prochés, à la vérité, mais qui, pour cela, n’en sont pas plus connus. Le Tableau du mouvement révolutionnaire de 1789 à Lille et son développement, voilà le sujet de son travail, qui, comme vous l'avez pu voir par les lectures qu'il vous en a faites, rencontre tout d’abord un grand et redoulable écueil : des temps encore trop rapprochés de nous. M. De Contencin vous a fourni une savante Notice sur l’archi- lecture greco-romaine, et spécialement sur l’époque de la cons- truction des arcs de triomphe d'Orange, de Carpentras et de Ca- vaillon. D’après l'examen approfondi que l’auteur a fait de ces monu- ments, il ne pense pas que leur élévation remonte à une époque antérieure à celle d’Auguste, ni même qu'ils aient été érigés en l'honneur de Domitien ; il serait plus porté à croire qu’ils datent du 3. siècle, au temps d’Adrien, sans que notre collègue puisse pour cela affirmer en l'honneur de quel empereur, de quel grand homme ils témoignent de la reconnaissance des peuples. Ici, dans la partie des Beaux-Arts, viennent tout naturellement prendre place et le Rapport de M. Benvignat, membre résidant, sur le tableau de M. Lalou, et celui qu'il a présenté à l’occa- sion de la Notice sur la vie et les ouvrages de Roland, statuaire. Ces rapports dépassent les limites ordinaires de ce genre d’é- crits; des appréciations larges et savantes, des vues élevées sur l’art de la peinture et de la statuaire, ont pu y trouver place, sans nuire en rien à l'élégance du style. Releyer consciencieusement des fautes, des erreurs, dans les- (15) quelles le génie même peut tomber, ce n’est point là exercer une critique injuste, envieuse ; c’est plutôt donner de salutaires avis, c’est éclairer la véritable route à suivre, c'est empêcher qu’on puisse encore s'égarer en la parcourant. C’est ce qu'a fait M. Chon, membre résidant. L'autorité dont jouit dans le monde savant M. Amédée Thierry, n’impose pas à notre collègue, qui vous a montré dans un travail sur l'histoire des Gaulois, de cet auteur, comment la censure peut s'exercer en conservant ce tact et cette urbanité que les hommes de lettres se doivent entreeux et qu’ils oublient si souvent de nos jours. - M. Legrand, membre résidant, qui semble s'être chargé de nous montrer le Bourgeois de Lille dans sa vie privée et publique, avait perdu son héros de vue depuis quelque temps, quand tout- à-coup, comme il le dit lui-même, il l’a retrouvé en corps et en âme, siégeant au conseil de la commune. C’est dans cette nouvelle dignité, c’est sur sa chaise d’Edile, que notre bourgeois de Lille est croqué de nouveau par son iné- vitable Grandville. M. Legrand n’a pas borné à cette spirituelle esquisse la part de travail qu'il est venu apporter à la compagnie, il a su nous prouver dans sa Notice sur la bataille de Bouvines que la même main, qui tout-à-l’heure jouait avec le crayon de la charge, sa- vait aussi tracer des tableaux d’un ordre plus élevé. Ce dernier :norceau de littérature, lu par l’auteur en présence des membres du congrès archéologique qui vinrent un soir nous visiter si fraternellement, lui a valu des éloges qui, donnés par d'aussi bons juges, n’ont besoin que d’être constatés pour être appréciés à leur prix. Dans la partie des travaux littéraires de notre société viennent naturellement se ranger les discours prononcés par MM. De Contencin et Le Glay dans vos deux dernières séances publiques, etces nombreux rapports faits par MM. Delezenne, De Contencin, (16 ) Le Glay, Legrand, Derode, Macquart, Kuhlmanp, Davaine, Heeg- mann, Loiset et Delerue, sur les travaux des sociétés unies à la nôtre par la douce et noble confraternité des lettres, et sur les titres scientifiques ou littéraires des hommes honorables qui, de- puis deux ans, sont venus vous demander des suffrages ou des titres que vous êtes toujours si heureux de pouvoir accorder. Poésie. Dans la poésie surtout, laissons à l'imagination, à cette noble faculté de l’âme, ses rêves, ses images, ses créations fantastiques; laissons-la chevaucher par monts et par vaux, et ne l’arrétons que lorsqu'elle viendra effrontément se substituer à la vérité et enlever à Auguste sa clémence, à Néron ses vices et ses crimes. Notre siècle est peu poétique; on le sait. Pourtant c'est moins encore les poètes qui manquent que les lecteurs de poésie ; mais aussi pourquoi les poètes choisissent-ils si mal leur temps ? Qu'a donc à faire la poésie dans cet âge de fer; elle, dont le chiffre et la vapeur n’ont rien à attendre ? Quelle mission a-t-elle donc à remplir, cette douce, cette aimable fille du ciel, à une époque où la main souillée de la spéculation, l’enchaîne, la retient dans les phrases menteuses d'un prospectus de société par action et s’ensert comme d’un appât propre à cacher un piége ? Qu’a-t-elle à exprimer, hélas! dans ces jours où nos colonnes de chiffres s’é- lèvent plus nombreuses que les colonnes de nos temples, où nos plus hardis monuments sont moins élevés que nos cheminées à vapeur? Et cependant, sans la poésie , sans ce grand art de colorer la parole, de la rougir au feu des passions, de la tremper à la vraie source des larmes, les fureurs d'Achille ne seraient que de sim- ples colères, Ajax jurerait et ne blasphémerait pas; et les cris dé- chirants de Priam, enprésence du corps mutilé de son cher (17) Hector, comme ceux d’Orphée après la perte d'Euridice, ne se- raient que des douleurs ordinaires. Votre Société, Messieurs, n’a recu qu’une seule pièce de vers depuis deux ans, encore a-t-il fallu, pour lui donner naissance, le grand événement de l'immobilisation de notre gloire lilloise : le bombardement de 17921 Cette pièce a pour auteur votre secrétaire-général. Vous.ie voyez, la littérature proprement dite n'a pas fourni une carrière aussi brillante que les sciences et l'industrie, mais la raison de cette différence est facile à saisir, et son développe- ment terminera le rapport que j'ai l'honneur de vous pré- senter. En général, les hommes qui se vouent aux sciences, à l'indus- trie, et qui les dirigent dans cette voie de progrès et de perfec- tionnement qui étonne et saisit l'imagination, sont animés, j'aime à le reconnaitre, d’un grand amour pour elles; mais il ne peut en être autrement, car ces hommes ne sont-ils pas, pour ainsi dire, forcés, par devoir et par intérêt, à faire progresser les sciences qu’ils professent et l'industrie qu'ils exploitent. Combien est différente la culture des leitres, et surtout de la poésie ! Lei, pour la plupart des hommes qui s’en occupent, ni devoir , ni intérêt d'état, de position, ne les y obligent ; au contraire, celte culture souvent n’est entretenue qu'aux dépens d'autres travaux ; et si, parfois , ces hommes parviennent à lui faire produire quelques fruits, ils les paient de leurs loisirs, de leur sommeil et des blessures que leur fait la critique ; car elle est bien plus à l'aise pour mordre à belles dents aux œuvres où tout est imagination, qu'aux productions de la science ! Ici, pour combattre, elle a besoin de connaissances supérieures ; il lui faut des déductions raisonnées appuyées de faits, de preuves; là, au contraire, des lumières fort ordinaires suffisent ; la criti- que pour les sciences n'a qu'une plume; elle a pour frapper la littérature, les beaux-arts et la poésie, les cent bras du géant LE 2 (18) Briarée ! S'agit-il d’un poète? il faut qu'à son début il se montre le rival de Racine ! &’un prosateur ? on exige que ses premières pages décèlent tout le talent de Bossuet ! le peintre doit, dès son entrée dans la carrière , trouver sur sa palette la couleur de Rubens , et le musicien, créer de ces mélodies séraphiques dont les accords sont dans les cieux et ne descendent, héla:, que bien rarement sur la terre ! En résumé, ces deux années valent leurs devancières ; vos travaux, pendant leurs cours ont été nombreux et variés; vos commissions aussi ont suivi cette heureuse impulsion ; celles de physique et d'histoire naturelle ont augmenté , agrandi, avec choix et discernement, leurs collections déjà si riches, si distin- guées, et la commission du Musée Wicar a continué à catalo- guer le précieux dépôt confié à ses soins. Il me reste à vous entretenir de votre commission d’agricul- ture et de vos associés agriculteurs. Si je ne vous ai parlé dans le cours de ce rapport, ni des tra- vaux particuliers de ces honorables associés, ni du concours toujours si utile , si actif, que notre Société en obtient chaque fois qu’elle fait appel à leur zèle , à leurs lumières, ce n’est nullement, Messieurs, soyez en bien convaincus, parce que ces travaux ne me semblent pas dignes d’être décrits, ou parce que ce concours n’ait pas à mes yeux une grande importance; là n’en est point la raison, et mon silence a une toute autre cause; ces hommes des champs, ces propagateurs des saines doctrines du progrès agri- cole, n’ont-ils pas, dans le digne secrétaire de votre commission d'agriculture. un interprête qui signale chaque année à la recon- naissance publique leurs efforts et leur amour du bien, de ma- nière à ne rien laisser à dire à qui voudrait en parler après lui ? A qui pourrait douter de l'importance de leurs travaux . de l'efficacité de leur concours, vos publications agricoles sont là pour en témoigner. (19) Quoique ce rapport, Messieurs, ait tous les défauts d’un pre- mier essai , il pourra peut-être vous faire apprécier l'utilité de remettre en vigueur l’article de notre réglement qui le prescrit ; en effet, quel que soit son peu de mérite, il aura du moins celui de procurer les honneurs de la publicité à ceux d'entre-nous qui ne peuvent y atteindre; il fera plus, en constatant l’ensemble de nos travaux, il viendra rappeler les titres de chacun de nous à l’estime , à la considération de ses collègues, et empêcher par là que ces deux sentiments si précieux , si essentiels à toute exis- tence sociale , viennent jamais à s'attiédir, à s’éteindre parmi nous. hoHIZTTYTYSFF rap- prochées ©. De la Tosmanie. M. Bigot. ( 409 ) G. TÉPHRITE, TePHRITIS. TepmriTis MAJOR, Nob. Ferruginea. Alis fuscis, maculis trigonis basique punctis lim- pidis ; nervis transversis flavido limbatis. (Tab. 6, fig. 6.) Long. 4 1/2 1. . Face et front à duvet blanchâtre. Abdomen brun: bord postérieur des segments ferrugineux. Ailes : une grande tache blanche un peu au-delà du milieu du bord extérieur; quatre au bord intérieur ; une à la base de la cellule discoïdale. Du Brésil. M. Bigot. TEPHRITIS LUGUBRIS, Nob. Nigra. Capite, pedibusque ferrugineis terebra testacea. Alis maculis limpidis ad margines. (Tab. 6, fig. 7.) Long. 2 1/21. ©. Palpes jaunes. Face à duvet blanchâtre. Antennes jaunes ; troisième article assez court ; un peu de blanchâtre aux inci- sions de l’abdomen ; tarière de longueur médiocre , nue, assez dépri- mée, assez étroite à l’extrémité, testacée en tout ou en partie. Ailes à huit taches hyalines, plus ou moins allongées ; l'une à l'extrémité ; base d'un blanc jaunâtre. De la Nouvelle-Hollande. M. Bigot. TePgRiTis ÆNEA, Nob. Ænea nitida. Capite pedibusque ferrugineis. Alis limpidis, fasciis fuscis (Tab. 6, fig. 8). Long. 2 1. @. Palpes fauves. Face à chaperon. Front d’un fauve rougeâtre vif, bordé de blanchâtre. Thorax et abdomen dan vert cui- vreux, noirâtre ; tarière courte. Ailes : une grande tache brune à la base ; une triangulaire passant sur la première nervure transversale : ( 110 ) une bande passant sur la deuxième ; une bande au bord extérieur, près et jusqu'à l'extrémité. De la Nouvelle-Hollande. M. Bigot. TEPHRITIS RUFITARSIS, Nob. Æneo nigra. Capite testaceo. Tarsis rufis. Alis limpidis fasciis apiceque fuscis. (Tab. 6, fig. 9.) Long. 21. ©. Palpes testacés. Face à chaperon. Thorax et abdomen d’un noi: luisant, à reflets verts. Aïles : une tache triangulaire brune passant sur la première nervure transversale: une bande passant sur la deuxième ; une tache ronde à l'extrémité. De la Nouvelle-Hollande. M. Bigot. SEPSIDÉES , SEPSDEz. G. NEMOPODE , NemoPops. NEMOPODA COERULEIFRONS, ob. Thorace atro. Abdomine œneo. Fronte os Long. 41/21. 4 Face fauve. Front d’un bleu noirâtre ; un peu de-fauve à la base. Thorax d’un noïirâtre mat ; côtés d’un noir luisant, à reflets verts. Pieds fauves ; jambes postérieures un peu‘brunâtres. De Philadelphie. M. Bigot. LEPTOPODITES, Leproroniræ. G.CALOBATE , CaLoBATA. CALOBATA FusCIPES, Nob. Nigra..Pedibus fuscis ;, femoribus annulo flavo ; tarsis anticis metatarsoque postico alhis. Alis fascia apiceque fuscanis. + Long::5 1, ©. Antennes noires. Patrie inconnue. Communiquée par M. de Villiers. ( ft }; LAUXANIDES , Lauxaninæ. G. LAUXANIE, LaAuxaNra. LauxaANIA ÆNEIVENTRIS, ob. Thorace nigro. Abdomine œneo. Capite pedibusque rufis. (Tab. 6, fig. 10.) Long. 2 1/41. ©. Palpes et les deux premiers articles des antennes fauves; le troisième manque. Thorax mat, à reflets verts. Abdomen d'un vert lisant. Jambes antérieures brunâtres: tarses bruns. Ailes jaunâtres. De la Nouvelle-Hollande, M. Bigot. HYDROMYZIDES, HypromyzmDx. G. EPHYDRE, EPxyprA. EPHYDRA LONGITARSIS, Nob. Nigra. Tarsis elongatis. Alis fuscis. (Tab. 6. fig. 11.) Long. 4 5 41. 7 ©. Face à duvet gris. Front et antennes noirs. Thorax et abdomen assez luisants. Pieds noirs ; tarses longs et menus, surtout dans le mâle; dernier article des antérieurs un peu dilaté. Ba- lanciers noirs. Ailes d'un brun roussâtre; l’extrémité de la nervure médiastine et la première transversale aussi rapprochées de la base que dans les Téichomyzes. De l'Ile-de-France. M. Bigot. CORIACÉES , CoRIACEZ. G. OLFERSIE , OLFERSIA. OLFERSIA BISULCATA, Nob. Fusca. Facie fossulata. Thorace bisulcata. Pedibus rufis. Alis fuscis. (Tab. 6, fig. 12.) (142) Long. 3 1. Palpes dépassant peu les antennes. Face brune, à petite eavité près de la suture. Front à léger reflet vert. Thorax à reflet violet. Les deux sillons longitudinaux peu distants Guisses d’un fauve pâle un peu verdâtre. Du Chili. M. Bigot. G. MÉLOPHAGE, MeLoPHAGUS. MELOPHAGUS OVINUS.. Un individu qui nous paraît appartenir à cette espèce a été trouvé sur une chèvre au mois de septembre. Fig 2° a DA FFE PAPE FPE EXPLICATION DES FIGURES. Planche première. 1 Dasybasis appendiculata (a caput, b antenna). 2 Acanthomera flavipes (caput). 3 ———— crassipalpis (caput). 4 Metoponia rubriceps (a caput, b, antenna, c scutellum). 5 Cephalocera gracilis (a caput). 6 Dasypogon nigripennis (ala). 7 Brachyrhopala ruficornis (a caput, b antenna). 8 Erax minor (ala). 9 Asilus giganteus (ala). 10 Ommatius pumilus (ala). Planche 2. 4 Pomacera Bigotii (a caput , b antenna, c antenna, d palpus). 2 Exoprosopa bicellata (caput, « ala). 3 Anthrax incisa (caput, @ ala). 4 simplex (ala). 5 gradata (ala). 6 Comptosia tricellata (ala). 7 ————— geometrica (ala). 8 Psilopus rigropilosus (ala). 9 Medeterus tristanensis (ala). 10 Tropidia albistyluu (a caput, b antenna). 11 Somula decora (a caput, à antenna). 42 Psilota viridis (caput, « antenna, 6 ala . Fig. RERRRRRONN Fig. || (114) Planche 3. 4 Lasiopalpus flavitarsis (a caput, b antenna, c stylum). 2 Exorista flaviceps (a antenna, b ala). 3 ———— diversicolor {a antenna, b ala). 4 Myobia ruficeps (a antenna, b ala). 5 Tritaxys australis {a caput, b frons © , c frons , d antenna). + 6 Gonia rectistylum (caput, « antenna, b stylum, c ala). 7 Trichophora nigra {a capui, b abdomen). 8 Exechopalpus rufipalpus ( & caput, b antenna, c palpus). 9 Myobia tenuiseta (caput, « antenna, b ala). Planche A. 4 Degeeria australis (caput, a antenna, b ala). 2 Masicera simplex (caput, a antenna, b ala). rufipes (caput, a antenna, b ala). viridiventris (caput, a antenna, b ala). rubrifrons (caput, «a antenna, b ala). rufifacies (caput, « antenna, b ala). bis oblonga (caput, « antenna, b ala). Phorocera biserialis (caput, « antenna, b ala). graciliseta (caput, «a antenna, b ala). cilipes (caput, « antenna, b ala). 10 Chrysosoma rufpes (ala). 11 Heterometopia rufpalpis (caput, « antenna, b ala). © œ "To © O1 & Co Planche 5. 4 Rutilia oblonga («4 caput, b antenna). 2 Prosena dorsalis (caput, a ala). 3 Senostoma variegata (4 caput, b antenna). (115 ) 4 dia subapicalis {sla). 5 Calliphora rufiventris {caput, & antenna, b ala). 6 elliptica (ala). 7 Lucilia ruficornis (ala). 8 Pollenia ruficornis (ala). 9 0 D — viridiventris (ala). Cyrtonevra australis (ala). 11 Aricia subpubescens {ala). - nigritarsis (ala). 13 Ophyra rufipes (a). 14 Coilometopia ferruginea (a caput, b caput, e antenna). Planche 6. æ Tapeigaster annulipes (a caput, b antenna, c anus ©, d'anus ©, e anus @, fala d') Eumetopia rufipes (a caput). Cardiacera dispar (a caput, b antenna, c ala Z'). Euprosopia tenuicornis (a caput, b). Lamprogaster maculipennis (ala). Tephritis major {ala). lugubris (ala). ænea (ala). 9 ————— refitarsis (ala). 10 Lauxania æneiventris (ala). 11 Ephydra longitarsis (caput, a ala). 12 Olfersia bisulcata. QG "1 @ Qt FH 2 NO (116) TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. ACANTHOMERA, s.oooooevoese 42 Asus femoralis.......... crassipalpis. . ... 45 -— giganteus....,,.... flavipes....... DR SMUEMUS. eee. 0 ACANTHOMERIDE, « so. oc o » - « 42 ——— novæscotiæ...,....: AmPHIBOLIA, . 0.0. GE 95 ——— nudipes. .......,.. fulvipes. ....... 93 VILUIDEN see mine ie ete ANTHOMIZIDÆ « se soon OF Aromost A0 2 ne en Se ANTHRAXU ele à soc eo 7 eee 68 — rufipes....... : mradatar. se. «00. 0000 VDELNUSIA ee sie om mi sise se ne ——— INCISA so... 68 — Dicinctae st erie madagascariensis. . . GS OPEL rec ee eo e so leirtaen ——— simplex........... 68 incisuralis. ARICIA te ee e siae ot seit TOUT DIE encres ep nigritarsis, ......... 101 nudioculatus., . ... Se subpubescens........ 102 Brrionmz....... an POI ASILICEse à 2e de Does see se 48 Boupysarr,....,... tee ASIE 580 0 à 15 UP SRE 55 Bomyrrius..........,e ce ASUS à 2 ee Gp er ce 58 albicinctus. .... * acutangulatus. ...... 60 apertus.......... australis,........., 60 consobrinus. ...e - crabroniformis...... 62 BRACHYCERA.......0e Po (117) BUAGHYRHOPALA« és. , dl 28 ruficornis. : -} :07 52 CALÉIDHORA. . . à #4 à 2 5 ee NIQUE 98 elliptica.......: 99 rufipes......... 99 rufiventris....... 98 CALoBATA. ,..... à a BPFIONT 410 fuseipes, ses::2. 410 Canpracera. ..... + HRaUIQe 108 dispafge aient — 108 CEPHALOCERA. , ......,..... 48 gracilis- 224201 48 Cénaroneus, +4, :6211004.. 48 rufipennis....... 48 Cmnoxompe, ..,.::,. 25 Ginonomus,. . 4 ........ 25 australien 25 Onnvsorvsa. assises so MU 66 atrafaean ET 66 Corromerorta.,.:.......... 407 ferruginea. .... 107 Gbarrosmts issus ss MIT 69 geometrica....... 69 — tricellata: :...... 69 Conncrediersess iii 111 CRE se sde ee 1 "2 mreniihoraxt et 50e 25 Cine OP 95 Cypnomyia..... Patastessr 45 = — claripennis. ...... 45 Crnronsvra.. ...... Pr 101 Sn australis.«...... 101 MPISvESIS, 2 2 SMMMOQIOQNL ee Dasysasis appendiculata. ..,. 41 Dibrrocon si PT 49 EU albonotatus. ..... 49 brachypterus..... 50 dimidiatus. . ..... b1 nigripennis, ...,. . DO Dassroconirz.. . ...,.. - 48 Decreria. ...... D VE ., 84 à australis. .,.:.. k 84 Déianre sata 00e 92 Dicueracena. :...:..:. 18e. 29 —— fuscipennis.. ,... 30 marginata, ..... 30 DHfa ns 540.28 PA 29 scapularis. . ..,.. 31 Dicranopnona, ; «. :... 47 RMGEEPL DUT A7 Doricuopona., ,,.:..,,. ee 11 ENTONOcERA...: 55555: :22: 26 Evnypra. :,::,. croient meule 1 LE —- longitarsis. ..,.., . 111 Enax, + : : : à ratio it M NE 56 fuscipennis. . ........ d6 —— minor..,.... PR de 57 ——— nigrimystaceus, . .,.,.. D7 varimystaceus. ....,.. 56 SPAS: «5 PANNE. 75 — mexicanus, ....... 75 — punctulatus....... 75 Evmeroria.. . ... AR 103 — rufipes........... 104 EURROSON A EN ERENE AN ... 105 — tenuicornis. ..... 106 ( 148 ) Exocnorarpus. ,.....,.:.... 91 rufipalpus. . ... 92 Exopnosora. ..,...,...., .. 66 arcuala......... 66 bicellafa et 67 Exonisri..... eee ea 0S — diversicolor........ 83 _— flaviceps TES 85 GonIA 0: OMR 81 rectistylum.......... 81 Gxuosoma . . . . . . . ... ,stios 97 rotundata...# 97 GYNNOSONEE. . ............ 97 HSLOPHILUS:. 0 MR 76 novæ scotiæ...... 76 Herenomeropra..,.,...,..... 90 rufipalpus..... 90 Hypronyzinx, <........ ... A11 NN 98 —- subapicalis. ...,....... 98 LampRne ee MARIE — mexiCana......... D3 LAMPROGASTER. ... ........ 4105 bicolor ere 105 ——-- maculipennis.. 405 DDR HR TAN 6e NA CRE SRE Da . ———— albitibialis. . ..... .. D4 == luctuosa LEE 53 LapHRirÆ, . .... AE ee Die 55 Lasiorazrus, ....,..4. +... 79 flavitarsis, ..... « 80 HAnrAnIAL EME TE Lt _ æneiventris,. ... . 4111 Lauxanie, . ... M ec s., 411 Béninrs. —creoenseset’r… 66 LerroroniTæ.,.,.......,. +. 110 Éuena 2680 CRE 71 - ruficornis..,......., 100 — senegalensis. ......,, 100 < violacea 4. OUR 99 Masicuna. 1 4 ci et 84 — oblonga.......... 86 — rubrifrons....,..... 85 ——— rufifacies. ........ 87 — TUSIPES -4ifinéen re 86 ——— simplex...,.... °. 87 _ viridiventris.. ...., 84 Menerenus. . ..,.. MTS due 72 tristanensis, ..... 72 Merormaga ovina.......... 112 Meropontas... . 2. ee 44 rubriceps. 1201 44 Micropazpus, ............, 81 assimilis. ..... +81 Microsnyrsum... 200.0 0e 49 appendiculatum. 49 Musée ie tn de 98 Manisltee es ARLES 48 Mopti su ne ner 89 —— ruficeps. ....... Sa. 180 tenuisetosa. . . ....... 90 Nemopopa. ........ SHEES: 110 — cœruleifrons....... 110 NoracanTmA.….......... 0 42 Ononronria.. sfoume e «ne 45 —— limbipennis, .... A6 “ CEE) Oponronxia nigripes...».: AS OP SICOMA VIRE 0 ee - stylata,.... ... 46 Rurura......... FRE Le (D'TLS CRRRNRERERE td =———— (eCOTG. eue. = \bisulcata.........4 AAA ——— desvoidyi. ........ OMMAMIUS es essence ce BS -——— formosa.......... ——— pumilus..,....... Ho EC TOONRECE Ores LONRNSRSRE SRE 102 -———— oblonga..... TR — rufipes. ...... ru AO rubriceps. ......0. PARA ee eue ec ce : 105 ——— setosa....,....,.. RE ONE mie el tr a 0 210 0 26 —-——— testacea.....,.... — angusta.......... DT) SARGOPHAGRS SE. UE usa ste — ae 2 eue de 26 madagascariensis. . ———— caffra,. .... de, DAS RE CORHA GIE ES pe ee — incisuralis.....,.. DONS ARGTS re en 5 else ——— longirostris.. ...,.. 28 - nigrifemorata, ...... — IMANOT- 0e Meta die 90 SCIONYZIDE. - ei: os eee os Pnonocera, . ... SR EU Te SQ 2 ISENOSTOMA SR ee de quai eus die an biseniahs... ....: 99 variegata....., = ——— GILIPES. ......... QI EPS DER Meuble Pots ae Mo guaciliseta,. ..... (GS ORRCOMIA............. RCI TAN 400 ————— limbipennis, , ... — ruficornis....,...0 AO S onu bane E U R . — viridiventris. ...... 100 decor. 0 2e Se cie MR D an à 63 SPHÆEROPHORIA........... de —— bigotn..... css. 65 -————— contigua...... BOMAGEENER. 2 ne de se ee à CD LISTRATIONENE, - 5-0. en un nu D DOS TRPTIDR Se eee ——— dorsalis,..,.....,.. OS nenus Te EN ae — rufiventris .,....:.. 96 pusillus....... te TETE ONE TA —— viridiceps.. ... doc — nigropilosus. ..,... 12 Sysrrorus. ..... DE OUR — sidneyensis. . ,.,... 74 brasiliensis ...,... LETTRES ee ADN SAN OU PRES 18 92 45 713 Tasanus. . — apicalis,.....,.. bicolor........... —— clausus........... — coffeatus. ...... ——--— dorsomaculatus.. ... dorsonotatus....... œu—— fallax....,...,.... ——— importunus., ...... ——— incisuralis........ INIES LUS. ———— Jimbatinevris. .,..., ———— microdonta. ......, —— nigrovittatus....,.. novæ scotiæ....... -——— pubescens..,..,.. — punctipennis..,..., ——— rubidus,.. ..,... sulphureus. ....... ——— testaceiventris.... = UNICOÏOT.. eee — variventris. , ..... T'ACHINARIE T'argicasren. ..,,.......... 102 annulipes. ...... 103 Tepuririne . .....,., 1: ADS Depanins.... .:. 000. 400 ————— lugubris........ . 109 ——— major. ....... . 109 ne, 4 Ne le 109 rufitarsis. ....... 110 LETRACHETE » 5 «à eee 48 LRPREVA ue. «RE RO ——— dimidiata......... 66 _ quinquecellata..... CG — Varipes.......... «16 Tricnornona.. .......... TS HP ASS eee 79 PhrAxyse 2 LEE ste on OL anstralis......... 82 TROPIDIA Eee use Eee TO — albistylum........ ‘76 T'ADPANEAS Su Di SE en © 00) — tasmanensis. .,..., 55 NTLOPHAGE. 2 + re eee 44 XVÉOROMEe Le 2e à ee 65 —— "2 SS— — ” \ NT “2” Le. | — « +. e # NT D = K \ be! # PT: \ u] e 1 * #, - @? L . L) « LL . : à . rh au D le, ‘ LES TL Pufôrer. cel . DE ‘ Lrth° de D Monnier à ille” (491 HISTOIRE DE LA GALLE DE L’ERYNGIUM, ET DES DIVERS INSECTES QUI L'HABITENT ; Par M. Léon Durour, Membre correspondant. Séance du 13 décembre 1846. J'ai déjà fourni à ce recueil l’histoire de la galle de la ronce décrite et figurée dans les mémoires de Réaumur , mais doni cet illustre observateur n'avait pas connu l’insecte fondateur qui est la Lasioptera picta , Meig. C'est encore une galle et une Lasioptère inobservées jusqu’à ce jour dont j'ose offrir l'histoire à la société, qui a daigné m'’associer à ses travaux. J’ai (oujours oui dire qu’il ne fallait pas négliger les petits profits, et je serais heureux qu’on voulût compler parmi ceux-ci mon humble offrande. j Dans le mois d'août 1844, j'observai dans des terrains grave- leux des bords de l’Adour, près St.-Sever , de nombreux pieds d'Eryngium campestre avec des galles qui, jusqu'alors, n'avaient jamais frappé mes regards. Les galles occupaient ou la base des rameaux florifères ou l’embranchement des dichotomies. Il y en avait d'ovales , d'oblongues , d'irrégulitrement arrondies, de fusiformes et de plus ou moins étranglées au milieu. Elles étaient dures, avec la couleur et latexture extérieure de la tige. À l’état frais, leur istérieur est blanc et semble formé par le développement, l'hyper trophie, l'irritation nutritive de la moëlle, qui, malgré son aspect fongueux, ne laisse pas d’avoir une cer- (12) taine compacité. Plus tard cette moëlle esl traversée par trois ou quatre galeries disposées sans ordre , creusées par les larves et plus ou moins salies par une couleur noire comme de l'encre. Je transportai dans mon laboratoire et je plaçai dans des bo- caux bien scellés un bon nombre de ces tiges galliferes pour en étudier à loisir les habitants et épier leurs métamorphoses. Je décrirai d'abord la larve, la nymphe et l’insecte parfait de la Lasioptère, auteur légitime de la galle, puis je ferai connaître succinctement deux hyménoptèéres, dont les larves vivent direc- tement ou indirectement aux dépens de la Lasioptère. 1.0 Larve. P{, 4, fig. 3-5. Larva apoda , acephala , ovata, glabra, aurantiaca, ope micros- copü punctato-granulosa; promuscide utrinque seta basilari subantenniformi ; stigmatibus novem paribus. Long. 3 mm. Hab. in gallis Eryngii campestris. St.-Sever. Sa couleur , d'un jaune orangé assez vif, la fait tout aussitôt remarquer malgré sa pelilesse. Ovale , oblongue ou parfois rétrécie en arrière, suivant son degré de contraction, composée , comme à l'ordinaire, de douze segments. L’antérieur de ceux-ci arrondi et plus pelit peut facilement en imposer pour une tête ou un pseudocéphale , mais un trait anatomique d’une grande valeur lui révendique sa condition segmentaire, c'est l'existence d’une paire de stigmates. Ce segment antérieur est donc le pro- thorax ; les deux suivants manquent d’ostioles respiratoires, tandis que les huit premiers de l’abdomen en sont pourvus, en sorte qu'il en existe neuf paires, nombre normal dans les larves congénères. Tous ces segments sont glabres , même au microscope , mais à un fort grossissement la texlure tégumen- taire présente une surface légèrement chagrinée par des points granuleux ronds qui, sur les côtés, forment comme des aspérilés. (1493) L'immersion prolongée de ia larve finit par mettre en évi- dence au-dessous de la partie antérieure du corps comme un promuscide rétractile muni de chaque côté de sa base d’une es- pèce d'antenne piliforme d’un seul article. Je n'ose point assi- gner à ces pièces que j'ai rencontrées dans d'autres larves de ce même genre une dénomination technique, parce que j'en ignore les attributions. Au lieu de ces mandibules intérieures rétractiles qui, dans la plupart des larves acéphalées des muscides , ont un double croc arqué destiné à sortir par un côlé de.la partie antérieure du corps, on trouve dans la larve de notre Lasioptère une modification, un rudiment de cet organe, et ce rudiment est in- téressant à constater. Ainsi , en étudiant par sa face inférieure ou ventrale le bout antérieur de noire larve immergée , on ap- perçoit un trait longitudinal médian , brunâtre , indicz d’une pièce intérieure cornée analogue aux mandibules précitées. Eci la tige de ces mandibules, au lieu de présenter en arrière deux filets cornés divergents où se fixent les muscles , es! simple et entière, et les deux crocs contigus sont remplacés pat une extré- mité brièvement bifide , à pointes droites, comme renflées en arrière. Cette double pointe , destinée à comminuer l'aiiment et à creuser les galeries, fait une saillie au-dehors, non sur le côté comme daus la larve des muscides, mais dans la direction de la ligne médiane ventrale , entre le premier et le second ses- ment. C’est la première fois que j'ai eu occasion de constater celte mandibule rudimentaire qui vraisemblablement doit exis- ter dans les larves du groupe des tipulaires où se trouve la Lasioptère. 2.0 Nympne. PI. 1, fig. 6-8. Nympha nuda, obvoluta, cylindroidea, glabra, nitida, nigrescens, antice oblique truncata , brevissime bifidu; pedibus posticis abdominis apicem vix attingentibus. Long. 3 mm. Hab. in gallis Eryngii campestris. (124) La larve, par un admirable instinct, par une mission toute providentielle , conduit sa galerie jusqu’à l’épiderme cortical de la galle de manière que ce mince diaphragme la met à l'abri des agents extérieurs. Avertie de sa métamorphose en nymphe, elle vient se placer justement tout près de cette vitre membra- neuse. La nymphe en travail d’insecte ailé perce, avec la donble pointe de sa tête, le diaphragme. Au moyen de mouvements suc- cussifs insensibles et à la faveur de sa forme cylindrique , ‘elle s'engage jusqu’au quart postérieur de sa longueur dans l’ouver- ture qu'elle vient de pratiquer, afin de se prêter par l'éraillement de sa région dorsale à l'éclosion de la Lasioptère. Sa dépouille, sorte de domino frêle et pellucide, demeure fichée dans l’ou- verture, et les fourreaux des antennes se détachent du corps sous la forme de deux cornes arquées. Les figures diront le reste. 3.0 INSECTE AILÉ. Lasioptera Eryngi., Nob. Pi .1, fig. 9-11. Lasioptère de l’Eryngium. Nigra, antennis {7 articulatis; abdominis fasciis tenuibus , tibiarum basi, punctoque costali alarum niveis. Long. 3 mm. Hab. in sterilibus. (St.-Sever, Landes.) Tête petite subglobuleuse détachée du thorax par un col fort court, d'un blanc soyeux en arrière. Antennes gréles et noires composées , comme dans la L. albipennis, Meig., de dix-sept articles globuieux à partir du second , velus et rapprochées. Le premier conoïde , le second urcéolé. Corselet noir, convexe, avec un duvet blanc écaïleux {ei caduque) ea avant et sur les côtés. Abdomen à bord postérieur d’un beau blanc de neige soyeux. Ces bandes fines, continues , non dilatées sur les côtés comme dans la L. Picta, Meig. Le dernier segment sans bande. Ventre à larges plaques argentées formées d’écailles ovales, oblongues on allongées. Oviscapte rétractile assez long, formé, ( 125 ) comme celui des grandes tipules , par deux lames creusées en gouttière et destinées à introduire les œufs dans un milieu ré- sistant. Pattes noires avec un point blanc nacré à l'origine des tibias. Premier article des tarses fort court, avec du blanc à sa base. Cuisses noires, et non pâles, comme dans la L. Picta. Ailes à côte marginale noire, avec une intersection blanche vers son milieu et un point blanc à son origine. Franges noires, assez longues , rarement conservées dans l’insecte qui a volé ou que l’on a saisi sans de grandes précautions. Balanciers mi -parti noirs et pâles. Des insectes usurpateurs de la galle de l’Eryngium. La Lasiop'ère dont je viens d’esquisser l’histoire est un dip- tère fondateur de la galle de l'Eryngium et parasite de cette plante. Mais à son tour, ce diptère est en butte à deux usurpateurs de la même galle , à deux parasites de l’ordre des hyménoptères qui semblent avoir été créés pour devenir les modérateurs , le correctif de sa trop grande multiplication. L’un est l'assassin direct de sa larve, c’est le Misocampus sapphirinus. L'autre , en consommant sa subsistance pour la faire mourir de faim , peut être appelé son ennemi indirect, c’est l'Eulophus eryngiüi. J'ai tout récemment présenté à l'Acidémie des sciences et publié dans les annales des sc. nat. de Paris, un exemple curieux de ce doubie ou triple parasitisme , dans un mémoire sur les galles du verbascum et le la scrophulaire. 4.0 MISOCAMPUS SAPPHIRINUS. MisOCAMPE SAPHIR. Cynips sapphirina. Boyfons , col. annal. des sc. nat. Tom. 26 , p. 285. Cœruleus viridisve, nitidus, antennarum flagello nigro ; scapo cœ- (126) ruleo;tarsis luteis unguibus fuscis; tibiis basi cpiceque l'uteis; oviscapto abdominis longitudine. Long. 3 mm. E gallis Eryngii campestris. St.-Sever. Femelle le plus souvent bleuâtre, mâle vert. Tête et corselet finement poinlillés. Antennes coudées de onze articles ; premier et deuxième bleus ou verts; troisième fort petit, inaperçu à la plupart des entomologisies ; les suivants irès-serrés , peu dis. lincts, noirs pubescents , le terminal ovale-pointu, comme com- primé. Abdomen lisse luisant. Pattes vertes; cuisses postérieures à très-petite dent obtuse avant leur extrémité. Ailes à côte et callosité pâles ; ceile-ci ronde sessile. MM. Vallot et Boyer de Fonscolombe l'ont obtenu, ainsi que moi, des galles de l’Eryngium. J'ai souvent trouvé la larve de ce misocampe cramponnée sur le dos de celle de la Lasioptère qu’elle suce et qu’elle finit par tuer. Elle a la couieur orangée des sucs de sa victime, mais plus pâle. À peine de deux miilimètres de longueur , elle est oblongue attenuée en arrière velue avec un poil plus long aux côtés de chaque segment. Nymphe orangée glabre emmaillottée. 92.0 EULOPHUS ERYNGII, Noë. EuLoPHE DE L'ERYNGIUM. Cynips nigra. Oliv. Encycel. N.0 7? Niger, punctato-colliculosus, opacus; abdomine nitidissimo glabro; antennis 8 articulatis; flagelli articulis subglobosis; tarsis albidis ; tibiis anticis et intermediis basi apiceque pallidis ; alis hyalinis. Long. 2-3 mm. E gallis Eryngii campestris. St.-Sever. Antennes coudées pubescentes; article terminal plus long. Ailes velues à la loupe, sans nervures, callosité en virgule roussâtre. Abdomen ovale pointu comprimé. Oviscapte point saillant. ( 127 } Obs. Olivier (L.C.) dit : « Latête et le corselet sont fortement pointillés. L’abdomen est lisse. Les paltes sont noires, avec l'extrémité des jambes et les tarses blanchâtres. » Ce signale- ment est en tout point applicable à notre Eulophe. Cet auteur regarde son espèce comme ayant été mentionnée sans nom propre par Geoffroy à la suite de son Cynips de la qalle fongueuse du chêne (hist. ins. Tom. 2, p. 297), qui est le C. fungosa, Oliv. Mais remarquez que la variété innominée de Geoffroy n'a, comme son type, qu'une demi - ligne de longueur, ce qui la rend deux fois plus petite que l'espèce d'Olivier, dont la taille est celle de la nôtre. Ce dernier entomologisie ditque la forme du corps du C. nigra est différente de celle da C. fungosa , ce qui porte à penser que cette dernière a la forme allongée des Miso- campes. Gev.{roy dit que les articles des antennes de sa variélé sont « longs et alternativement étranglés » , caractère fort sin- gulier. Suivant Olivier, les antennes du C. xigra ont des articles distincts, mais i! se tait sur leur forme et sur leur nombre. Les véritables Misocampes ont les articles serrés el indistincts. M. Danthoine avait envoyé de la Provence le C. nigra à Olivier. Cétté circonstance n’aura-t-elle pas fait croire à celui-ci que les antennes avaient pu être mutilées et ne l’aura-t-elle pas porté à s’abstenir de parler du nombre de leurs articles ? Ce parallèle, que je ne pousserai pas plus loin , a quelque va- leur synonymique à mes yeux, et je suis porté à croire à l’identilé de l'espèce d'Olivier avec notre Eulophus eryngü. (128) EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Tige de l’Eryngium campestre. aaaa. Galles de diverses formes avec les orifices extérieurs des galeries. bbb. Dépouilles grossies des nymphes de Lasioptera. à. Larve très-grossie de Lasioptera eryngü. 3. Mesure de sa longueur naturelle. 4. Portion antérieure fort grossie de cette larve vue par sa face inférieure. aa... Espèces d’antennes piliformes. b. Pièce mandibulaire, >. Portion considérablement grossie pour mettre en évi- dence les stigmates et la texture chagrinée. 6. Nymphe fort grossie vue en profil. 71 Mesure de sa longueur naturelle, 8. Pointe bifide de sa tête. 9. Lasioplera eringü fort grossie, 10. Mesure de sa longueur naturelle. 11. Antenne détachée et fort grossie pour faire voir ses 17 articles. Macgnart del Lüle de Aobaub à Douai Dasybasis 1.— Acanthomera 2.3- Metoponia he Cephalocera RE — Dasypogon 6-Brachyrhopala 7 —Erax 8 .—Asilus 9 — Ommalius. 10. Mucquart del Lith. de F* Robaul- à Douai Pomacera 1 —Exoprosopa 2 ._ Anthrax 3-5. —_ Comptosia . 6 7 Psilopus 8-Medeterus g—Tropidia 10 — Somula 11 — Psilola 1. Lirh . de FXAotat à Douar unir 1.—Exorista 2 5—Myobia & — Trilaxys 5-Gonia 6 - Tric ophora 7 —Exechopalpus ô -Myobia 9- Tab. 4. AUS De x FALSE ST a. > 11 LIN ÈS no Macquart del. Zaho. de *olaut à Deus Degecria 1. — Masicera 2.6 —Phorocera 7. 9.— Chrysosoma 10 .— Heterometopia 1. Macquart «el Lith de F#Robaur à Douai Rutilia dorsalis 1-Prosena 2 .— Senostoma 3-Idia. &.— Calliphora. 5 6 - Lucilia. 7 - Pollerua . 8-9-Cyrtonevra.10-Aricia 11.—12 . —Ophyra. 1: Coilometopia 14. Macquart del Lille de F*Rotaut à Douai Tap eigaster 1-Eumetopia 2 -Cardiacera 3 .Euprosopi a 4 Lamprogaster 5. Tephritis.6-9.-Lauxania 10.— Ephydra n.—0lfersia 12. (129) BOTANIQUE. OBSERVATIONS SUR LES SPHÆRIA ARUNDINACEA , sw. & GODINI, nos., Par J.-B.-H.-J. Desmazières, Membre résidant. Séance du 16 janvier 1846. La confusion qui règne dans les berbiers et dans les ouvrages de plusieurs auteurs modernes. relativement aux Sphæria Arun. dinacea et Godini, nous a engagé à publier cette notice. Nous pouvions espérer qu'après ce que nous avons déjà écrit sur ces plantes, publiées en nature dans nos Cryptogames de France, et ce que le docteur Montagne en a dit dans les Annales des sciences naturelles, (sér. 2, tom. 1, p. 302 et 303), l'erreur deviendrait désormais impossible ; mais il n’en a point été ainsi, et le peu de temps que l’on accorde assez généralement aux études microsco- piques, de même que l'habitat des deux espèces, les faisant encore confondre par des cryptogamistes les plus recomman- dables, nous avons pensé qu’il était utile de revenir sur ces Pyrénomycètes , en ajoutant à tout ce que nous en avons déjà publié, des caractères tirés des organes qu'offre l’analyse de leur nucleus proligère. Dès l’année 1803, Sowerby, dans l'English fungi (vol. 3, tab. 336), fit connaître, le premier, le Sphæria Arundinacea. Quoique la figure qu’il en donna alors, soit dépourvue, comme presque toutes celles que l’on pubiiait à cette époque, des détails microscopiques, si. nécessaires aujourd'hui pour distinguer les 9 (130 ) espèces du genre immense auquel appartient sa plante, cette figure est assez satisfaisante, et la description que l’on trouve dans le texte de l'ouvrage, quoique courte et laissant beaucoup à désirer, est encore suffisante pour reconnaître l'espèce qu'il a signalée. Voici, du reste, cette description : « Sphæria Arundinacea. Most common on the old stalks of » Arundo phragmites, bursting its way through the outer coat » Of the stalk, mostly in oblong series. ‘The sphærulæ, wbich » lielengthwisein singlerows, can scarcely be discerned without » a magnifying glass. » Après l’auteur anglais, M. Fries, dans son Systema mycologicum (vol. 2, p. 429), signala de nouveau le Sphæria Arundinacea , en le caractérisant par la phrase suivante : Sphæria Arundinacea , erumpens, linearis, nigra, stromate vix ullo, peritheciis 1 — 2 serialibus connatis subastomis, intus nigris. Perithecia minuta, globosa, sæpius in serie simplici disposita, > S strias formant simplicissimas breves, sed passim confluentes + — 1 unciales , semper vero angustissimas. In culmis, etc. Le professeur d'Upsal crut pouvoir rapporter en synonymie à sa plante, le Sphæria striæformis, a, Arundinis, de MM. Albertini et Schweiniz, mais la description incomplète de l'espèce des au- teurs de la mycétologie de la Lusace, pouvant convenir également à notre Sphæria Godini, nous ne pouvons nous prononcer sur les motifs qui ont pu motiver cette réunion. Le Sphæria Arundinacea se développe, au printemps, sur les chaumes secs et dénudés de l’Arundo phragmites, encore sur place au bord des eaux. Ilse montre, à l'extérieur, sous la forme de stries extrêmement étroites , formées par les fentes que les péri- théciums ont produites. Ces stries, assez nombreuses et toujours parallèles, n’ont quelquefois que trois à quatre millimètres de longueur ; mais, le plus ordinairement, elles atteignent deux et même trois centimètres, soit par un développement considérable, soit par la réunion de plusieurs d’entre elles. Si l’on écarte les ( 1431 ) lèvres formées par les bords de la fente, on découvre les périthé- ciums posés dans un stroma pulvérulent peu distinct. Ces périthé- ciums, que nous avons constamment trouvés, comme Sowerby, disposés sur une seule ligne, se pressent, l’un à côté de l’autre, au nombre de cinq à trente, et même quarante ou plus, selon la longueur de la série. Ils sont noirs, exactement globuleux étant humides, concaves par la dessiccation, de ‘/; de millimètre de diamètre , et pourvus d'un ostiole ponctiforme assez difficile à apercevoir. Leur nucleus est noir, et son analyse, qui n'a été faite par aucun auteur, démontre qu’il est tout-à-fait dépourvu de thèques, mais formé d’une quantité prodigieuse de sporidies alongées, presque fusiformes , d'un brun clair ou olivâtre, droites, quelquefois un peu arquées ou flexueuses, et renfermant 4, 5 et même 6 sporules semi-opaques. Ces sporidies sont iné- gales en longueur , maïs, terme moyen, celte longueur peut être évaluée à ‘/,, de millimètre, et leur épaisseur à ‘/3,, environ. Le Sphæria Godini, que nous avons découvert, en 1829, dans une de nos herborisations aux environs de Lille, avec notre ami, M. Godin, habite tout-à-fait la base du chaume de l’Arundo phragmites. Il y forme des pustules nombreuses, légèrement proéminentes, d'un noir mat et grisâtre, longues d’un à deux millimètres, quelquefois confluentes. L’épiderme du chaume se fend longitudinalement, mais les bords de la fente ne s’écartent point ; les périthéciums restent cachés, comme dans le Sphæria Arundinacea , et l'on ne peut les apercevoir à la loupe, qu'après avoir fait une coupe horizontale. Chacune des pustules renferme dix à vingt périthéciums, quelquefois un plus grand nombre, toujours disposés en série double ou triple, et placés dans un stroma percé de petits trous qui sont les orifices de ces pétithé- ciums. Leur grosseur est variable dans le même groupe, mais ne dépasse guère ‘/,, de millimètre ; ils sont d’ailleurs si serrés les uns contre les autres, que leur forme n’est pas constamment globuleuse, La substance dont ils sont remplis est parfaitement (132) blanche, et composée de thèques claviformes, longues d'en- viron ‘/,, de millimètre, formées chacune de deux membranes très-distinctes. Les sporidies, d'une couleur vert-d’eau, et longues de /35 à /4, de millimètre, sur ‘/,,, d'épaisseur, sont pourvues chacune de trois cloisons. Si l’on compare maintenant les caractères des deux espèces qui nous occupent, on verra qu'elles sont parfaitement distinctes, quoique devant se placer toutes deux dans la tribu des seriatæ de M. Fries. En effet, le Sphæria Godim diffère du Sphæria Arundinacea par ses pustules pius courtes, assez larges, et dans lesquelles les périthéciums sont rangés en plusieurs séries, tandis que l’on ne trouve qu'une seule série dans le Sphæria Arundi- nacea, dont les périthéciums sont moins petits et exactement sphériques. Le nucleus de cette dernière espèce est noir, formé d’un grand nombre de sporidies tout-à-fait dépourvues de thèques, tandis que celui du Sphæria Godini est d’un beau blanc et contient des thèques très-distincies. Comme nous l’avons dit en commençant cette notice, les Sphæria Arundinacea et Godini ont été publiés en nature, par nous, dés l’année 1829, dans les Plantes Cryptogames de France. On en trouvera aux N.95 438 et 439 de cette collection des échantillons qn'il sera facile d'étudier comparativement. Nous allons encore produire ces deux espèces aux N.°5 973 et 974 de notre seconde édition, de sorte que le plus grand nombre des botanistes pourront connaître d’autopsie ces pyrénomycètes in- téressantes. Le Sphæria Arundinacea n’a été publié en nature que dans nos Plantes Cryptogames de France, mais le Sphæria Godini, publié abusivement sous le nom de Sphæria Arundinacea, se trouve au N.0 82 des champignons de M. Berkeley (British fungi, fase. 2, London, 1836), et au N.0 1165 des Stirpes de MM. Mougeot et Schimper (fasc. 12, 1843). Le mycétologue de King's cliff, dans le vol. V, p. 256 de l'English flora, fait re- marquer que les échantillons qu'il possède contiennent intérieu- (433) rement une substance blanche , mais ce caractère, en opposition avec la figure de Sowerby, où l’on voit une coupe verticale de plusieurs périthéciums noirs à l’intérieur, n'a malheureusement pas arrêté notre savant correspondant , et l'erreur fut commise. La confusion dans les deux espèces existe en outre dans beau- coup d'herbiers, et nous avons reçu de plusieurs botanistes le Sphæria Godini , tantôt sous le nom de Sphæria Arundinacea , tantôt sous celui, plus fâcheux encore, de Sphæria Arundiuis, Fr. Quoique les deux espèces dont il est ici question ne se trouvent point dans le Botanicon gallicum , les échantillons de Sphæria Godini que nous avons reçus de plusieurs points de la France, nous font penser qu'il peut se trouver dans tous ses départe- ments, et il est bien constaté que le Sphæria Arundinacea existe aux environs de Lille et dans les Ardennes (Mont.-Ann). Quand au Sphæria Arundinis , avec lequel le Sphæria Godini a été con- fondu par des yeux peu exercés sans doute, on sait qu'il appar- tient à la division des simplices, et qu'il se distingue essentielle ment par un ostiole épais, comprimé et lobé. Son nucleus, qui n’a pas plus été décrit par les auteurs, que celui de mille autres espèces du genre, présente des thèques en massues , de ‘/,, de millimètre de longueur, à double membrane très-apparente, con- tenant des sporidies fusiformes, droites ou légèrement arquées, inégales en longueur (‘/;, de millimètre environ), munies de 3, 4 et même 5 cloisons très-prononcées qui les rendent {oruleuses. Lorsque ces sporidies sont encore dans les {hèques, leur couleur est vert-d’eau pâle, mais elles deviennent brunes lorsqu'elles sont libres. Le Sphæria Godini a plus d’aflnité avec le Sphæria rimosa, qui se développe aussi sur l’Arundo Phragmites. Les périthéciums sont de même grandeur, disposés en séries, et blancs à l'intérieur dans l’une comme dans l’autre espèce; cependant elles restent bien distinctes, 1.° par la grandeur des pustules du Sphæria rimosa, qui ont depuis 10 jusqu’à 50 millimètres de longueur, ( 134) sur une largeur de 5 à 12 millimètres; 2.0 par le nombre plus considérable de rangées de périthéciums, pu'sque l’on en compte 5 à 10, et même davantage; 3.0 par un stroma noirâtre très- apparent; 4.0 par les sporidies de ‘/,;; de millimètre environ, moins allongées que dans le Sphæria Godini, puisqu'elles ne sont que quatre fois plus longues qn’épaisses; ces sporidies sont en outre partagées, chacune dars le milieu , par une seule clsison transversale bien distincte; 5.° enfin, par l'habitat, le Sphœria rimosa ne se trouvant que sur les gaines des feuilles, et le Sphæria Godini, comme nous l'avons déjà dit, au bas des chaumes dénudés. Nous terminons cette notice en donnant nos deux phrases caractéristiques pour les Sphæria Arundinacea et Godini, et en les faisant précéder de la synonymie qu’il faut y rapporter. SPHÆRIA ARUNDINACEA, Sow. Engl. fung. vol. 3, tab. 336. — Fr. Syst. myc. 2, p. 429. — Desmaz. PI. crypt., édit. 1, N.0 438; édit. 2, N.0 973. — Wallr. Comp. fl. germ. 4, p. 815. — Berk. Engl. fl. 5, p. 256. — Mont. Ann., sér. 2, tom. {, p. 302 (non Berk. Brit.-fung. exs., N.0 82. — Mong. et Schimper, Stirpes, N.0 1465. S. Subtecta, linearis, stromate vix distincto. Peritheciis minutis , globosis, uniserialibus, subastomis, nigrofarctis Ascis nullis ; sporidiis elongatis, subfusiformibus , sporulis 4, 6, semio- pacis. Hab. in culmis siccis Arundinis Phragmitis denudatis. Vere. SPHÆRrIA Gopinr, Nob. PI. crypt., édit. 1, N.° 439 (1829) et édit. 2, N.0 974. — Mont. Ann. sér. 2, tom. 1, p. 303 (1834). Spheria Arundinacea, Berx. Brit.-fung. exs. N.0 82 ! (1836). — Moug. et Schimper, Stirpes, N.0 1165! (1843), excl. synon. (135) S, Subtecta, oblonga, minuta, griseo-nigra, stromatevix distincto. Peritheciis minutissimis, stipatis, compressiusculis, 2, 3 seria- libus, subastomis albofarctis. Ascis clavatis, sporidiis oblongis 3-septatis. Hab. in culmis siccis Arundinis Phragmitis denu- datis. Vere. ( 136 ) NOUVELLE NOTICE SUR QUELQUES PLANTES CRYPTOGAMES RÉCEMMENT DÉCOUVERTES EN FRANCE, Et qui voni paraître en nature, dans la Collection publiée par l’auteur, J,-B.-H.-J, Desmaziènes, Membre résidant. Séance du 6 novembre 1846. 1. Eprcoccum LINEOLATUM, Nob. E. Minutissimum , gregarium ; macula argentea ; stromate glo- boso, nigro ; sporulis adnatis, fuscis ; pedicellis ignotis. Hab. inramis denudatis Fraxini, etc. Hieme. L'état dans lequel nous observons cette production ne nous permet pas de la caractériser plus complétement. Elle se trouve, en hiver, sur les gaules dépouillées de leur écorce , et principa- lement sur celles du Fréne. Ses taches sont d’un blanc argenté, longues de deux à quatre centimètres, sur une largeur moitié moindre. On remarque sur ces taches de petites lignes ou stries, dirigées comme elles dans le sens longitudinal du support, et formées par une poussière noire, dont chaque grain globuleux et d'environ 1/30 de millimètre de diamètre, est un individu de l'Epicoccum que nous signalons. Cette poussière sort du bois qu’elle soulève d'abord et déchire ensuite. Quelquefois les stries se réunissent par leurs côtés, ainsi que par leurs extrémités, et prennent alors des formes variables. (137) 2, HeNDERSONIA suBSERIATA , Nob. H. Erumpens. Perithecis nigris, subseriatis, minutissimis, qglo- bosis vel oblongis. Nucleo albido, dein griseo. Sporidis fusi- formibus, 3-6 septatis ; sporulis 4-T, globosis, hyalinis. Hab. in culmis exæsiceatis Graminum. Vere. Les périthéciums naissent sous l’épiderme, quelquefois soli- taires, mais le plus souvent disposés sur une seule ligne, au nombre de trois à cinq. Lorsqu'on en trouve davantage, c'est que deux ou trois séries se sont réunies par les extrémités. Les sporidies ont environ 1/30 de millimètre de longueur ; chacune d'elles contient quatre à sept sporules globuleuses , hyalines ou d’un vert d’eau pâle ; quelquefois ces sporules ne sedistinguent point, et la sporidie est alors pourvue de trois à six cloisons transversales et très-apparentes. Le genre Hendersonia a été créé, par le Rév. Berkeley, (Ann- and mag nat.hist. vol. 6, p. 430), pour les Sporocadus de M.Corda, à sporidies pourvues de plusieurs cloisons ; les autres espèces du Mycétologue de Prague, n'offrant qu’un seul diaphragme, et par conséquent deux loges, doivent rentrer, commenous l'avons déjà dit ailleurs, dans le genre Diplodia, Fr. 3, Diecopra PERPUSILLA, Nob. D. Perithecis sparsis, numerosis, minulissimis, nigris, epider- mide primo tectis, dein subsuperficialibus. Sporidiis ovoideis, fere hyalinis. Hab. in caulibus exsiccatis Fœniculi. Hieme. Sphæria Fæniculi. Cast. Cat. des PI. de Mars. p. 176. Cette espèce est beaucoup plus petite que notre Sphæria Cor- chori qu'il faut rapporter maintenant au genre Diplodia. Ses périthéciums n’ont pas plus de 4/10 de millimètre de grosseur, et ses sporidies, teintes d’une trés-légère couleur brune , ont environ 1/90 de millimètre dans feur grand diamètre. (138) 4. DiPLoDIA CONIGENA , Nob. D. Perithecüs immersis, dein erumpentibus, subrotundatis, gre- garüs, subconfluentibus, atris, astomis. Nucleo nigro ; spo- ridiis oblongis, utrinque obtusis, fuscis, uni vel bilocularibus. Hab. in squamis strobilorum. Hieme. Nous avons étudié ce Diplodia sur les cônes du Pinus sylves- très tombés à terre, mais encore peu altérés. La partie prisma- tique des écailles en est quelquefois entièrement couverte. Les vieux cônes du Pinus Abies nous ont également présenté cette espèce, dont les périthéciums se développent sous l’épiderme et le rompent, en paraissant au dehors sous la forme de petits tuber- cules convexes. Dans leur vieillesse, la partie supérieure de ces périthéciums paraît se détruire, et l’épiderme qui les entourait s'étant détaché, on n’aperçoit plus que de petites fossettes sou- vent fort rapprochées. Le nucléus est constamment noir. La longueur de la sporidie est de 1/35 à 1/30 de millimètre, sur une épaisseur d'environ 1/60 ; et, bien qu'elle ne présente que fort rarement une cloison qui la sépare en deux loges, nous n'avons pu écarter cette production du genre Diplodia, dont les espèces offrent quelquefois des sporidies semblables, mélées aux sporidies bilocalaires. Celles dont il est ici question se brisent assez souvent sur le porte-objet, et l'on distingue, très-facile- ment alors, l’épispore, ou la double membrane, vide et figurant une sorte d'étui. 5. CHeicariA ARBUTI, Nob. Ch. Epiphylla, erumpens. Maculis minutis, fuligineis. Perithecis minutissimis, confertis, atris, nitidis, rotundato oblongis, rima dehiscentibus. Nucleo albido, dein subnigro. Ascis nullis: sporidiis ovoideis , minutissimis; sporulis vel maculis 2, opacis. Hab. in fohiis Arbuti Unedinis. Hieme. Dothidea Arbuti, Spreng. ex. cl. Soleirol. — Duby, Bot. gall. 225 : Pau (iii (139) C’est en hiver, à la face supérieure des feuilles mortes ou mourantes de l’Arbutus Unedo que nous avons observé cette es- pèce. Elle ne peut appartenir au genre Dothidea, puisque ses pé - rithéciums s'ouvrent par une fente et qu’ils sont dépourvus de véritables thèques. Au premier coup d’æil, elle ne se fait aper- cevoir que par de nombreuses petites taches noires qui, vues à la loupe , sont produites par une teinte fuligineuse qu'a pris l'épiderme , et par des périthécinms prodigieusement petits, souvent serrés les uns contre les autres et sortis de dessous cet organe. Ces périthéciums sout un peu irréguliers, et leur nucléus d'abord blanc, prend une couleur grisätre qui devient bientôt très-foncée et presque noire. Les sporidies que l’on y trouve sont ovoides ou oblongues, et n’ont pas plus de 1/200 de milli- mètre de longueur. Il ne faut pas confondre cette pyrénomycète avec les Sphœria Arbuti et Arbuticola. G. SEPTORIA PHACIDIO(DES, Nob. S. Erumpens. Hypo-rarius epiphylla, sparsa, numerosa , epider- mide lacerata cincta. Peritheciis globosis, fusco nigris. Os- tiolis punctiformibus Nucleo gelatinoso. Cirrhis tenellis, albis ; sporidiis magnis, oblongis, utrinque obtusis. Hab. in foliis Buxi. Hieme. Phacidium Buxi , Frang. Ann. de la Soc. de Maest. — West. Bullet de l’Acad. roy. de Brux., tome XII, N.0 9. Cette pyrénomycète a souvent été prise pour le Sphæria Buxi, Nob. (Ann. des Sc. nat., sér. 2, t. 19, p. 354), et MM. Franquinet et Westendorp, trompés par la régularité avec laquelle se fend et l’épiderme qui recouvre d’abord ses périthéciums, ont pris les lanières de cet épiderme pour les valves d’un Phacidium ; mais cette production, dépourvue de thèques, appartient au genre Septoria, et sa substance proligère s'échappe de l'ostiole en cirrhe, comme celle des espèces de ce genre. (140 ) Comme nous l'avons dit, l’épiderme se fend en trois et même cinq valves régulières, et c'est alors que l’on apercit, lorsque la plante est hnmectée légèrement, le périthécium globuleux, pourvu d’un ostiole ou mamelon ponctiforme. Le nucléus est blanc ou gris de perle: les sporidies dont il est composé sont ob- tuses aux extrémités, et leur longueur varie beaucoup; mais, terme moyen, elle peut être évaluée à 1/30 de millimètre, sur 1/100 d'épaisseur environ. Ces sporidies ne sont pas tout-à-fait hyalines; une légère granulation se fait remarquer dans leur intérieur, où l’on distingue quelquefois un, deux ou trois glo- bules irrégulièrement placés. 7. Leproravrium Rigis, Lib. PI. crypt. ard. N.0 258! L. Epiphyllum. Maculis fuscis, minutis , orbiculatis, demum con- fluentibus. Peritheciis rufo-gilvis, convexis dein planiusculis, basi circumscissis. Nucleo gelatinoso albo. Sporidiis hyalinis, utrinque sublunulatis, obtusis ; sporulis 2, 3, globosis. Hub. in foliis Ribis rubri. Æstate et autumno. Nob. Cette espèce, très-commune, mais bien peu connue, produit à la face supérieure des feuilles languissantes du Ribes rubrum, des taches d’un brun olivätre, d’un millimètre ou plus de diamètre d'abord distinctes, puis confluentes, et finissant par envahir toute la surface du support qui prend alors une teinte d’un gris sale, cendréou terreux. Les périthéciums, solitaires sur chaque petite tache, sont assez gros, d’un roux terreux, convexes en s’affaissant au centre. Les sporidies sont arquées en croissant, un peu obtus aux extrémités. Elles ont à peu près 1/60 de millimètre de lon- gueur, sur une épaisseur trois fois environ moins considérable. 8. Leprorayrium roruur, Lib. PI. crypt. ard. N.0 257 ! L. Epiphyllum. Maculis fuscis,minutis, orbiculatis , demum con- fluentibus. Peritheciis pallidis , subconvexis , dein planius- culis, basi circumseissis. Nucleo gelatinoso albo. Sporidiis (11 ) hyalinis , clavatis, rectis vel subsurvulis ; sporulis 3, #, glo- bosis. Hab. in foliis Populi. Autumno, Nob. Ce Leptothyrium n'est pas moins répandu que le précédent, dont il sedistingue principalement Larses périthéciums d’un fauve très-pâle, et par ses sporidies en massue courte et quelquefois lègèrement arquées. Ces sporidies ont 4/50 de millimètre de lon- gueur, sur 4/120 environ dans leur partie la plus épaisse. 9. Envsi8e Uimawiæ, Nob. (Non Pers. in Herb. Lugd. Batav.) E. Epi-rariès kypophylla. Peritheciis sparsis minutissimis, globo- sis, nitidis. Ascis 8 ; sporulis ovoideis vel suboblongis octonis. Hyphopodio albo adpresso radiato ; radiis elongatis , ramosis, lortuosis subfuscis. Hab. in foliis Spireæ Ulmariæ, Nob. Nous devons à M. Bouteille, les nombreux échantillons sur les- quels nous avons fait la description de cette espèce nouvelle. Elle habite, presque toujours , la face supérieure ües feuilles de l'UI- maire. Ses périthéciums y sont très-épars, ou disposés le long des nervures. La couleur brune des rayons se remarque plus facile- ment sous la lentille microscopique. Les périthéciums que l'on observe quelquefois à la face inférieure de la feuille y sont en très-pelit nombre. Coururea, Cast. Cat. des pl. de Mars. p. 192. Char. gen. emend. Peridiwm superficiale, globosum, membrana- ceuin, arcolatum, astomum, irregulariter ruptum, intus spori- diis liberis seplatis repletum. Floccis stromatis repentibus, ramosis gonidioideis , peridio subtus stellatim innatis. Nob. Obs. Quoique les sporidies du genre Couturea soient cloison- nées, il doit se rapporter à la famille que M. Corda a instituée sous le nom d’Aphitomorpheæ, pour ies genres Antennaria, La- siobotrys, Pleuropyxis, Pisomyxa et Erysibe, qui sont aussi pour vus d’un stroma filamenteux. (142) 10. CourTurea casraGNEt, Nob. C. Sparsa, minutissima, nigra. Sporidiis numerosis, ovato-oblongis, utrinque obtusis, olivaceo-brunneis, 1-3 septatis. Occurrit in foliis vivis vel languescentibus Oleæ et Rosmarini. A, Couturea Elæanema, Cast. L. e. B, Couturea Rosmarini, Cast. L c. Entre les poils de la face inférieure des feuilles de l'Olivier et du Romarin, on remarque les péridiums de cette espèce que lon prendrait, au premier coup-d'œil, pour un Erysibe. Ces péridiums ont euviron 1/15 de millimètre de grosseur, et leur déhiscence s'opère par une ou plusieurs fentes irrégulières qui laissent échapper une multitude de sporidies olivâtres, ovoïdes ou ellip- soïdes, munies d’une, deux, et le plus souvent trois cloisons transversales noirâtres. Ces sporidies varient beaucoup en yo- lame : quelquefois leur grand diamètre ne dépasse pas 1/100 de millimètre, quelquefois il alteint jusqu’à 1/70. La réunion que nous faisons des deux espèces ci-dessus citées, est basée, 1.0 sur ce que nous n’avons jamais vu l’incliaaison signalée dans les cloi- sons du Couturea Elæanema ; 2.9 sur ce que nous avons trouvé une et deux cloisons dans un grand nombre de sporidies de cette espèce, et une et trois cloisons dans celles du C. Rosmarini Au- cune autre différence n’ayant été signalée dans les descriptions, etn’ayant trouvé, nous-mêmes, aucun caractère distinctif, nous avons réuni les deux espèces en une seule, sous le nom de leur inven{eur. 11. Borryris STELLATA, Nob. B. Cœspitibus tenuissimis, effusis, albis. Floccis fertilibus parce dichotomis, apice 3-5 fidis stellatis. Sporulis majusculis, sub- ovoideis, albis, Occurrit in foliis vivis Sonchi. Æstate. Cette espèce forme, en été, à la face inférieuredes feuilles vi- (143) vantes des Sonchus, un petit duvet blanc et épars, dont la pré- sence a été précédée ordinairement d'une légère décoloration de la chromule. Ses filaments sont dicho'omes, et leurs exirémités sont divisées en trois, quatre ou cinq denticules figurant une étoile. Les sporules que nous n'avons pu voir attachées à ces denticules qui en sont les supports, sont blanches, hyalines et presque ovoïdes ; leur grand diamètre peut être évalué à 1/60 de millimètre. L’épispore est marqué par un cercle translucide très- distinct. 12. PasTALOZZzIA CASTAGNET, Nob. P. Atra, sparsa, epidermide primo tecta. Sporidiis fusiformibus, brevi pedicellatis, utrinque hyalinis, 4 septatis ; articulo su- premo appendicibus filiformibus coronato ; filis 3, tenuissimis, simplicibus , hyalinis , brevibus , rectis , divergentibus. Hab. in glandibus Quercus. Hieme. Robillarda glandicola , Cast. Cat. des pl. de Mars. p. 205, pl. 4 (Mala.) Le gland du Quercus Ilex, sec et tombé, produit cette espèce, qui est intermédiaire entre nos Pestalozzia Guepini et Funerea. Elle naît sous l’épiderme qu’elle perce, et se montre au dehors comme de petits points noirs ou cendrés. Ces pustules sont ordi- nairement plus développées à la base du gland, où la matière noire s'échappe en un gros filet, plat ou arrondi, qui s’étend par l'humidité en une couche effuse autour de la fente de l’épiderme qui lui a donné passage. Vue au microscope, cette matière est formée de sporidies qui ont de 1/40 à 1/45 de millimètre de lon- gueur, sans compter le pédicelle dont elles sont pourvues. Ces sporidies sont partagées par quatre cloisons formant cinq loges, dont deux diaphanes sont situées aux extrémités, et trois autres, semi-opaques, occupent le milieu. Trois filets hyalins, très- ténus, un peu plus courts et quelquefois moitié plus courts que la sporidie, surmontent son sommet en forme d’aigrette. Ces filets ( 144 ) sont divergents, souvent ouverts à angle droit , rarement rabat- tus sur la sporidie. Le pédicelle est ordinairement moitié plus court où un quart plus court qu’elle. Le Pestalozzia Castagnei diffère du P. Guepini, par ses spori- dies plus longues et plus grosses, et par leurs filets beaucoup plus courts. Il se rapproche fort du Pest. funerea, maïs ce dernier a ses sporidies plus grosses, moins fusiformes, offrant presque toujours quatre loges semi-opaques, tandis que dans le Pest. Castagnei il n’y en a constamment que trois quisoient brunâtres, les deux autres, aux extrémités, étant hyalines. Nous avons souvent remarqué autour des pustules situées à la base du fruit, un duvet blanc qui était sans doute étranger à cette production. 43. Puccinta coroNATA, Corda, Icon. fung. t. 1, p. 6, tab. 2, fig. 96. P. Acervulis amphigenis, linearibus, minutis, brunneo-nigris, epi- dermide palescente tectis, dein cinctis. Sporidis sessilibus, clavatotruncatis , apice dentibus stellato radiatis. Hab. in {obus languescentibus Graminum, Nob. Solenodonta Graminis, Cast. Cat. des pl. de Mars , p. 203, pl. 2. Cette espèce curieuse et nouvelle pour la Flore cryptoga- mique de la France, a été trouvée, par nous, près de Lille , sur l'Avena sativa, et par M. Castagne, dans les environs de Mon- taud-les-Miramas, sur cette graminée, sur l’Avena fatua et le Festuca arundinacea. Elle se développe aussi sur le Luzula albida, suivant M. Corda, quila cite en Bohême, aux environs de Rei- chemberg. Des pustules d'un brun noiïrâtre, petites, nombreu- ses, linéaires, quelquefois confluentes, et toujours dirigées dans le sens longitudinal du support, sont d’abord recouvertes par l'é- piderme mince et blanchâtre, puis entourées de ses débris. Ces pustules sont composées de sporidies sessiles , ayant. la forme { 445) d’une massue tronquée aux deux extrémités, ou, si l'on veut, d’un cône renversé, allongé, tronqué à sa partie inférieure ; leur longueur est de 3/50 de millimètre, quelquefois un peu moins, et leur épaisseur, qui dépasse un peu 1/50 au somme, est de 1/100 environ à la base. La cloison sépare la sporidie en deux loges inégales, et la supérieure, plus épaisse, mais moins haute, est couronnée par cinq à huit petites dents émoussées , de la na- ture et de la couleur de l’épispore. On remarque quelquefois des dents plus courtes et à peine formées, à côté de celles qui ont ac- quis tout leur développement et dont la longueur égale alors 1/100 de millimètre environ. M. Corda représente ces dents ai- guës, mais nous les avons constamment vues obluses, ou termi- nées en pointes émoussées. Des quatre figures que l’on en trouve dans les Icones fungorum, celle à droite nous paraît la plus exacle. 14. UREDO CONCENTRICA , Nob. U. Maculis ellipticis, flavo-viridulis ; acervis amphigenis, nume- rosis, minutis, subrotundis, oblongis ovalibusve, concentricis; sporulis subglobosis vel pyriformibus, rufis, semi-opacis ; pe- dicellis longiusculis. Hab. in foliis Scillarum. Cet urédo occasione sur la feuille des Scilles, et surtout du Scilla nutans, sur lequel nous l’observons aujourd'hui, une ou deux taches, quelquefois même trois ou quatre, elliptiques, de 10 à 15 millimèires de longueur et d’un vert pâle et jaunâtre. Un grand nombre de très-petites pustules les recouvrent sur les deux faces, el y sont disposées en plusieurs cercles allongés et concentriques. Les sporules qu’elles renferment sont brunes, presque globuleuses ou pyriformes, semi-opaques, de 1 50 de millimètre de diamètre, et toutes pourvues d’un pédicelle hyalin, au moins aussi long. 10 ( 146) MÉDECINE. OBSERVATIONS CLINIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA GUÉRISON ET LE TRAITEMENT DE LA PHTHISIE PULMONAIRE, Par M. V. (CAZENEUVE, Professeur à l'Hôpital Militaire d'instruction de Lille, Membre résidant. Es CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES. La guérison de la phthisie pulmonaire, que l’on croyait assez fréquente à l’époque où l’on confondait sous ce nom toutes les maladies chroniques de l'appareil respiratoire accompagnées de fièvre, d'émaciatien, a été presque niée par Bayle au commen- cement de ce siècle. Laennec, continuateur des travaux de Bayle, avait adopté cette manière de voir ; mais, dans la suite de ses recherches, ayant trouvé assez fréquemment des cicatrices pulmo- paires, des concrétions tuberculeuses, il consacra, dans son beau travail sur les maladies de poitrine, un excellent article à la des cription de ces lésions, des symptômes qui les accompagnent, et démontra que la phthisie n’est pas toujours mortelle. D'après lui, les tubercules devaient se ramollir et une cicatrice venait ensuite oblitérer la cavité ulcéreuse laissée par ce ramollissement.Laennec appela fortement l'attention du monde médical sur ce sujet ; il ne négligea rien pour faire partager sa conviction, ( 147 * Depuis cette époque , la science a enregistré de nouveaux faits à l'appui de ceux publiés par l’illustre inventeur de l’auscul- tation. M. Andral a consigné dans sa Clinique médicale et dans son Traité d'Anatomie pathologique, plusieurs exemples de cicatrices du poumon et de transformation crélacée des tubercules. La forme, les variétés , l'étendue de ces lésions ont été décrites avec soin; mais l’auteur ne dit rien des symptômes ni des circonstances qui ont amené celte terminaison. Selon M. Andral, la phthisie peut se terminer favorablement 1.° par la résorption de la matière tuberculeuse , 2.0 par la transformation de cette matière en une substance calcaire, 3.0 par la cicatrisation des cavernes. MM. Cayol, Cruveilhier , Prus, Bricheteau, ont rapporté dans leurs ouvrages des cas de guérison de phthisie pulmonaire. Dans ces derniers temps , Rogée et M. Boudet ont étudié avec soin cette question. D’après leurs recherches, la phthisie guérit souvent, aussi souvent que d'autres affections réputées beaucoup moins graves. Sur 100 cadavres de vieilles femmes ouverts à la Salpétrière , Rogée a trouvé cinquante-une fois soit des indura- tions calcaires, soit des cicatrices pulmonaires. M. Boudet, attaché aux hôpitaux de Paris, a ouvert un grand nombre de sujets morts à la suite de maladies variées ou même d'accidents et de blessures qui les avaient fait périr au milieu d’une santé florissante. De 2 à 15 ans, il a trouvé des tubercules dans les 3/4 des cas (33 sur 45). De 15 à 76 ans, dans les 6/7.e des cas (116 fois sur 135). Il a constaté les différents modes de guérison depuis l’âge de 3 ans jusqu’à 76. « Chez les enfants , dit-il (1), l'arrêt dans l’évolution des tu- bercules est rare ; jusqu’à l’âge de 3 ans, je n’en ai pas observé un seul cas; de 3 à 15 ans, j'en ai vu 12, dont 2 avec excavation tuberculeuse. Plus tard , de 15 à 76 ans, la guérison est bien —————_—_—_—_——_—_—_—_]-—_—_—_—_—_ —_—_————— © | (x) Recherches sur la guérison naturelle ou spontanée de la phtisie pulmonaire, par E. Boudet; Revue médicale, septembre 1843. ( 448 ) plus commune. Ainsi, pendant cette période de 61 ans, j'ai trouvé des traces de guérison de tubercules dans les 9/14. des cas (97 fois sur 116), et 2 fois sur 3 environ (61 sur 97), cet état satisfaisant ne s’accompagnait d'aucune lésion récente ; les pro- grès de la maladie étaient arrêtés d’une manière complète et.très probablement définitive. » Malgré la multiplicité de ces faits, malgré la haute position des auteurs qui les ont produits, bien des médecins doutent encore de la guérison de la phthisie pulmonaire; quelques-uns même nient cette terminaison, et la mort par suite de cette affection est si commune , qu'on est excusable de ne pas y croire ou de ne l'accepter que comme exceptionnelle (4). On est d’au- tant plus excusable, qu'un des observateurs les plus distingués et les plus consciencieux, M. Louis, n’a trouvé, dans ses longues et laborieuses recherches, que très-rarement ces cicatrices. Enfin, il est des médecins qui admettent cette guérison ; mais ignorant les circonstances qui la favorisent, ils ne font rien pour l'obtenir et suivent les routes déjà trop battues dans les conseils qu'ils donnent aux pauvres malades. Il est temps de sortir de cette _ornière et de voir ce qu'il y a de fondé dans l'opinion des auteurs dont j'ai cilé les travaux. Il faut aussi rechercher des moyens efficaces contre une maladie qui, par sa gravité et sa fréquence , a fait plus de victimes que les fléaux épidémiques tant redoutés, Pour arriver à ce résultat , il est à désirer que tous les méde- cins déclarent avec bonne foi ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont observé. L'analyse minutieuse de ces observations permettra , (x) Par le mot guérison de la phthisie pulmonaire, il ne faut pas toujours entenûre la disparition complète de la lésion anatomique avec retour à l’état normal du parenchy:ve pulmonaire; mais.bien lat-anéformation: des tubercules'enisubstance crayeuse, inerte, ou bien la cicatrice des cavernes, états divers qui n’ont plus d'influence fâcheuse sur la santé. Au reste, le mot phthisie n’a pas eu toujours la même acception, et il faut attribuer en partie à cela Ja divergence d’opinion qui a existé sur la curabilité de cette affection. (149) nous l'espérons au moins, d'établir les circonstances qui amènent cette guérison, et, par suite, on pourra favoriser ces circonstances. Cette tâche: est plus facile aujourd'hui que le diagnostic de la phthisie pulmonaire est poussé à un haut degré de précision. On a déjà tant fait, et l’histoire de cette maladie a été si bien élu- cidée de nos jours , que nous pouvons attendre d’'heureux résul- tats. des efforts que j'appelle ici de tous mes vœux. J'obéis à cette pensée en publiant ces observations et les réflexions qui les accompagnent. Les faits consignés aujourd’hui dans la science consistent le plus souvent dans de simples données d'anatomie pathologique: ils sont pour la plupart le résullat de recherches faites dans les amphi- théâtres ; et dans les hôpitaux, quelque soin qu’on mette à inter- roger les malades, il est souvent difficile d'obtenir des renseigne- ments exacts et complets sur les affections qu'ils peuvent avoir éprouvées. Par tous ces motifs, j'ai cru devoir rapporter longue- ment les observations qui me sont propres. D'ailleurs, dans la ques- tion qui nous occupe, on ne saurait entrer dans trop de détails ; ainsi seulement peuvent être vérifiées , contrôlées les assertions des auteurs. Je classerai ces observations en deux catégories. Dans la pre- mière seront consignées celles où ia phthisie était arrivée à la période de suppuration. Dans la seconde se trouveront celles où les tubercules ont subi une transformation crétacée, où bien ont disparu par absorption. PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE PREMIER. OBSERVATEOGNS. Première observation. — Au mois de juillet 1838, je fus appelé auprès de Melle Lourdel-Hénaud , âgée de 63 ans, affectée d’un cancer des reins avec engorgement d’un grand (450 ) nombre de ganglions lymphatiques. Elle mourut dix jours après ma visite. A l’autopsie, outre un cancer siégeant dans les deux reins, le poumon et les diverses glandes du corps, le médecin ordinaire de la malade et moi nous trouvâmes, au sommet du poumon gauche, une dépression, un plissement marqués. L'incision de celte partie permit de constater une cavité irrégulière à parois dures, fibro-cartilagineuses, pouvant loger une noisette; elle ne communiquait pas avec les bronches. Trois tubercules crétacés existaient aussi au sommet du poumon , et ces tubercules, cette petite caverne , étaient enveloppés dans une substance élastique, noire comme du jais. Cette coloration existait encore, disséminée dans plusieurs points du poumon. M.elle Lourdel-Hénaut , à l’âge de 22 ans, avait eu plusieurs hémoptysies accompagnées de sueurs nocturnes, de fièvre hec- tique, de marasme. Traitée en Prusse, où elle fut déclarée atteinte d’une maladie mortelle, elle vint, d'après le conseil de plusieurs médecins, en France, pour y trouver un meilleur climat. Elle continua à tousser pendant plusieurs années ; un régime doux, des précautions hygiéniques nombreuses furent mises en usage , et la malade reprit peu à peu le dessus. De 30 à 60 ans elle s’est bien portée ; elle était retirée à Saint-Mandé, près Paris, où elle est morte. J’ai appris ces détails de sa sœur , qui ne l'avait jamais quittée. L Toutes les phases de la maladie sont ici bien dessinées : l'hémoptysie , la toux, l'amaigrissement, dénotent assez la pré- sence de tubercules dans le poumon. Ces tubercules se ramollis- sent, et cet état donne lieu à la fièvre, aux sueurs nocturnes. La malade vient dans un climat plus chaud. Peu à peu la sécrétion pulmonaire diminue , la cavité ulcéreuse se rétrécit , et la santé s'améliore de plus en plus. De 30 à 60 ans, M.elle Lourdel- Hénaut s’est assez bien portée ; elle a succombé par suite d’une (4541) affection cancéreuse. Ces faits sont confirmés par l'examen des parties malades. Nous avons trouvé les traces d’une ancienne caverne, des tubercules crétacés, une substance mélanique , lésions sur lesquelles nous reviendrons plus tard. IL. Cette affection, bornée au sommet d’un poumon, a guéri, sous l'influence d'un climat tempéré, d’un régime doux, de nombreuses précautions hygiéniques. Deuxième observation. — M.me C**, âgée de 37 ans, a perdu sa mère, deux sœurs et un frère de la phthisie pulmonaire. Sa taille est au-dessus de la moyenne; ses cheveux châtains ; la poitrine est très-étroite, déprimée; elle a craché plusieurs fois dusang, à la suite de quatre grossesses successives et rapprochées. La toux, rare d’abord, devint , en 1835, de plus en plus fati- gante ; la malade maigrit, la fièvre devint continue. Après avoir recu les soins de son médecin pendant plus d’un an, elle se rendit à Paris dans un état de marasme déjà avancé : elle avait une fièvre hectique, des sueurs abondantes et une cophose pour laquelle M. Deleau fut consulté. M. Louis, si bon juge en pareille matière, déclara qu’il existait une excavation au som- met du poumon droit, et que la malade succomberait probable- ment dans un temps peu éloigné. J’ai eu entre les mains la consultation de cet habile observateur. Des vésicatoires volants furent posés sur le thorax. La malade fut soumise à un régime doux , à une température uniforme et à un repos le plus complet possible. Après dix mois de séjour à Paris , la malade rentra à Lille dans un état fâcheux. M. Vaillant, médecin en chef de l'Hôpital Militaire d’instruc- tion de Strasbourg , reconnut la justesse du diagnostic et du pronostic portés par M. Louis. Par suite de beaucoup de pré- _ cautions et de soins, M.me C.* vit la fièvre disparaitre, la toux diminuer , la nutrition s'améliorer ; elle passait presque tout l'hiver dans ses appartements. (152) En 1842, élle s’enrhuma en sortant d'un concert ; elle eut de la fièvre, uné aphonie presque comp'ète. La toux revenait par accès; elle était fatigante. L'examen de la poitrine me fit constater l'existence d’un bruit dé souffle mêlé à quelques bulles de râle muqueux ; et une légère broncophonie à droïte | au sommet du thorax. Celui-ci était fortement déprimé dans cette région. Les précautions hygièniques . les mucilagineux, le sirop d’acétate de morphine furent prescrits, et bientôt la fièvre , la toux disparurent. La malade fut affaiblie par cette bronchite aecidenteile. En 1847, cinq ans aprés, l’auscultation fait constater au sôm- met des deux poumons le bruit vésiculaire normal ; il est plus faible toutefois à droite , où éxiste, pendant les deux temps de ia respiration, un léger souffle et de la broncophonie. M.ne C** a pris de l'embonpoint ; elle ne tonsse plus ; elle est aujourd’hui assez bien porlante. I. Par suite d’une prédisposition héréditaireet d'un affaiblisse- ment dans la constitution , le sommet du poumon droit x été le: siége d'une sécrétion tuberculeuse ; plusieurs hémoptysies ont eu lieu. Les tubercules ont subi un travail deramollissement, et dans la cavité laissée à leur place a existé pendant un certain temps upe sécrétion purulente. Cette sécrétion a diminué peu à peu, et la cavité de plus en plus rétrécie a aujourd'hui à peu près disparu. L'évolution des symptômes , l’auseultation, ne laissent aucun doute à cet égard ; voilà douze ans que celte affection a débuté, et cinq que tout indique une bonne nutrition. IL. On ne peut pas invoquer dans ce cas une phlegmasie chro- nique avec dilatation de la bronche droite. Les circonstances d'hérédité, Fhémoptysie, la fièvre hectique, la dépression: du thorax , témoignent assez de l'existence des tubercules ; iken est de même des modifications survenues dans les symptômes ( 153 } fournis par l’auscultation. La dilatation des bronches, loi de diminuer, augmente avec l'âge ; le souffle bronchiqne, la bron- cophônie suivent les mêmes progrès. Dans notre observation, au coñtraire, ces symptômes ont diminué d'intensité, de timbre. On doit en inférer que la cavité existant au sommet du poumon, s’est peu à peu rétrécie. IE. La maladie était arrivée à sa dernière période ; là gué- rison à été obtenue à l’aide d’une cicatrice. Les vésicatoires , le: régime doux , lé repos , les nombreuses précautions, ont favo- risé celte terminaison heureuse. Cette observation est éclairée par celle qui précède. Troisième observation. M. D.***, âgé de 26 ans, a grandi très- vite; sa taille est au-dessus de la moyenne ; ses cheveux sont bruns, abondants ; la peau est fine; ses extrémités sont habi- tuellement froides; sa poitrine est étroite, les clavicules, les omoplates sont saillantes ; les muscles sont peu développés. La mère de M. D*** est très-forte ; son père, d’une bonne santé habituelle | a une poitrine difforme:; son frère est mort phthisique à l’âge de 22 ans. Il habite une chambre mal éclairée au rez-de-chaussée ; sa nourriture, peu variée, est à peine suffi- sante. Attaché à une maison de commerce , il travaille dans une chambre fortement chauffée , le corps incliné sur un bureau. Il est sujet à s’enrhumer. Au mois de juillet 1840 , à l'age de 20 ans, il fut pris, sans cause connue ; sans efforts de toux, d’une hémoptysie abon- dante ; il vomit du sang pendant huit jours. Deux saignées furent pratiquées. Le malade resta longtems faible ; il se rétablit peu à peu et reprit ses habitudes. Au mois de décembre même année , nouvelle hémoptysie qui dura encore plusieurs jours. Deux saignées furent pratiquées ; le malade en fut très-affaibli ; il continua à tousser. Je fus prié de le voir au mois de février 4841 ; voici ce que je constatai : (154) poitrine difforme, étroite, très-amaigrie : demi-marasme.: toux fréquente , spécialement la nuit et le matin ; sueurs nocturnes; légère douleur dans l'épaule droite ; dyspnée assez prononcée; son clair dans tout le thorax , excepté au sommet droit, où il est mat dans l'étendue environ de 4 à 5 centimètres. L'auscul- tation fait entendre dans cet endroit un bruit de craquement, du râle sous-crépitant et un peu de souffle bronchique ; à gau- che, sous la clavicule , le bruit vésiculaire est faible. Dans le reste du thorax , des deux côtés, la respiration est normale; pulsations du cœur très-marquées ; le. pouls est vif, fréquent ; tous les jours légers frissons, vers deux heures du soir ; ano- rexie. (Cautère sous la clavicule droite ; sirop de digitale, 30 grammes; potage au bouillon, œufs, poisson.) Les forces revin- rent peu à peu, et avec elles la confiance. Trois mois après l'usage de ce régime, le malade était mieux ; le râie sous-crépitant existait encore; l'oppression était moins forte. Huit mois après, en septembre, il avait repris peu à peu ses habitudes; mais il était essouflé, il montait avec peine un escalier , il toussait. Le 10 novembre 1844, voici ce qu'un nouvel examen na appris. Depuis 1841 il n’a pas eu d’hémoptysie, pas de maladie grave. Il a eu pendant l'hiver de légers rhumes qui ne l’ont pas retenu chez lui; il monte aisément un escalier sans être oppressé: à la percussion , le thorax fournit un son clair dans toute son étendue; au sommet du côté gauche le bruit vésiculaire est normal; à droite, il est très-faible, et l'on entend de la broncophonie dans un point très-circonscrit. La nutrition est bonne ; les muscles sont assez développés ; la coloration de la peau est celle d’un homme en bonne santé ; le sommeil est calme ; les digestions sont très-bonnes. Depuis trois ans il ne s’est pas arrêté un seul jour dans son travail de bureau. À la fin de décembre 1845, j'ai constaté l’état suivant : la toux revient quelquefois accidentellement le matin ; elle-est le plus souvent sèche. Le sommet du thorax du côté droit est (155 | déprimé, et dans ce point ainsi que dans toute la poitrine, le son est clair. Au sommet et à droite, dans l’étendue de 3 centimètres environ , le bruit vésiculaire est faible, sans mélange de râle ; il n'y a pas de broncophonie ; pouls assez développé à 70; muscles charnus ; appétit et sommeil trés-bons. Le malade fatigue beau- coup; de huit heures du matin à six heures du soir ilest employé dans une maison de commerce. Le 1.er décembre 1846, M. D‘** est très-bien; sa nutrition est bonne ; il continue ses occupations fatigantes. I. Dans ce cas, la maladie était moins avancée que dans les deux précédents , mais on ne saurait douter de la nature de l'affection dont M. D'‘** uous a offert les symptômes. Deux hémoptysies abondantes , la toux, la fièvre, les signes de résorp- tion purulente, un demi-marasme , la matité sous la clavicule droite et dans le point correspondant la broncophonie , le râle sous-crépitant, qui durent pendant six mois , témoignent assez d'une tuberculisation des poumons. IT. Le malade a grandi trés-vite ; sa poitrine est étroite, dif- forme ; il loge dans une chambre froide et humide: sa nourri- ture, peu variée, est à peine suffisante. Il travaille une partie de la journée le corps incliné sur un bureau. Son père a une poitrine étroite ; son frère , soumis aux mêmes influences que lui, est mort d'une phthisie scrophuleuse. Teiles sont les causes de cette tuberculisation ; toutes altéraient l’hématose et par suite la nutrition. IIL. Aujourd’hui cette affection a disparu : il reste encore sans doute queïques tubercules crétacés, tout-à-fait ineries ; c’est ce qui explique la matité et le retrait du thorax sous la clavicule droite. Ce ne sont pas des tubercules crus ; ils ne seraient pas restés dans cet état pendant plus de six äns, surtout quand te malade ne prend aucune préczution et qu'il s’est plusieurs fois enrhumé. (156) IV: Le sirop. de digitale, un cautère sur le poiit correspon- dant. au poumon malade, une nourriture douce d’abord, puis plus substantielle ont été utiles. Sous cette influence, la nutri- sion s’est améliorée , la sécrétion tuberculeuse s’est arrêtée. Nous n'avons pas eu recours au lail'et à ses diverses prèparations; il n’y avait pas trop de fièvre, trop d’excitation , ét: le: malade supportait bien les aliments toniques. Nous reviendrons plus tard sur ces indications. Quatrième observation. — M. V., âgé de 31 ans, chevéux roux, est d’une constitution faible; sa poitrine est très-étroite : le: système musculaire est peu développé; il couche dans une chambre mal aérée. Il à perdu son père, sa mère d’une phthisie pulmonaire, et a vu succomber cinq de ses frères où sœurs par suite de cette affection. Celle-ci a suivi une marche aïîguë chez plusieurs d'entre-eux. M. V. n’est pas sujet à s’enrhumer. Le 2 juin 1843 , après quelque temps de malaise , d’affaïblis- sement et d’amaigrissement , il fut pris de toux , d’oppression, de fièvre, accompagnée d’une douleur vague au sommet du thorax à gauche. Deux saignées furent pratiquées , 20 sangsues furent posées loco-dolenti , et plus tard on eut recours à un vési- catoire. La fièvre continua ainsi que l’oppression ; le malade maigrit très-rapidement. Appelé en consultation le 3 juillet, un mois après le début des accidents aigus , je constatai les symptômes suivants: Son mat en arrière et en avant, au sommet de la poitrine, à gauche, dans l'étendue de 6 à 7 centimètres ; au point correspondant bruit vésiculaïre très-faible ; dans l'étendue environ de #4 cen- timètres, râle sous-crépitant disséminé; pas de souffle bron- chique , pas de broncophonie. Dans tout le reste du thorax rien d’anormal ; toux peu fréquente; crachats quelquefois striés de sang ; dyspnée (30 inspirations par minute); la toux a lieu prin- (157 ) eipalement la nuit , et le matin il existe un peu de moiteur à la peau ; pouls peu développé, à 404; rien d’anormal du côté du tube digestif. (Sirop de digitale , 30 grammes; silence , repos absolu, légers potages au bouillon.) Cet état se maintient pendant un mois environ. L'on accorde peu à peu des viandes blanches . des œufs, des huîtres. Le 1.€r août, la toux est moins fréquente; la dyspnée est moin- dre (25 inspirations par minute); la fièvre existe, surtout la nuit, etle matin une sueur abondante couvre le torse et le cou. L'’aus- cultation et la percussion fournissent les mêmes renseignements. (Huile de foie de morue, d’abord 30 , puis 60 grammes ; nour- riture de plus en plus substantielle.) Vers la fin ju mois , le malade se fait conduire dans son jardin pendant quelques heures de la journée ;letemps esttrès-beau. Le 28 septembre, la toux est rare; du râle sous-crépitant existe au sommet du poumon gauche. Dans le point correspon- dant duthorax, le son est obscur ; à droite, on constate quelques bulles de râle disséminées ; les nuits sont bonnes : il n’y a plus de sueurs. Le pouls est peu développé , 90 pulsations ; appétit : la nutrition est beaucoup améliorée. Le malade est très-con- tent; il se croit guéri. (Huile de foie de morue, 45 grammes : nourriture abondante.) Pendant tout l'hiver , M. V. est resté chez lui; il a pris de grandes précautions et ne s’est pas enrhumé; il a continué l'usage de l'huile de {vie de morue. Le 21 avril £844, onze mois après le début de l’affection, la voix.esl assez forte; la toux, très-rare, a lieu seulement le matin pour l’expectorationde quelques erachats muqueux; le son est clair dans:tout le thorax , un peu obscur au sommet du côté gauche. Dans le point correspondant existe un souffle assez marqué et de la broncophonie : au sommet , à droite, la respiration est un peu dure;.le pouls bat 86. Le malade marche longtems sans fatigue, sans être essoufflé ; il a engraïssé notablement. Pendant l'hiver de 1845, M. V. est sorti souvent ; il s’est en- ( 158) rhumé, et cet état, qui a donné lieu à une expectoration peu abondante, a duré seulement quelques jours. Le 25 juillet £845, j'ai constaté l’état suivant : Sonorité de tout le thorax, un peu moins grande sous la clavicuie gauche ; bruit vésiculaire normal dans le poumon droit; au sommetet à gauche un peu de souffle bronchique ; broncophonie diffuse entendue surtout au niveau de l'épine de l’omoplate, où existe un léger bruit comparable au clapotement d’une soupape ; voix sonore , 25 inspiralions par minute; pouls, 76 à 80; nutrition très-bonne. Le malade fait des courses de 4 à 5 lieues sans fatigue ; il monte rapidement un escalier sans oppression. Aujourd'hui, 16 février , quatre ans après le début de son affection , le malade est bien; il va: souvent à la chasse et pro- longe beaucoup cet exercice. I. M. V.avait apporté en naissant, comme tous ses frères et sœurs, une grande prédisposition à la phthisie pulmonaire. Des tubercules se sont développés au sommet du poumon gauche, et, sous l'influence d’une cause mal définie , du froid peut-être , une congestion intense a.eu lieu dans cette partie du poumon; c’est à celle-ci qu'il faut atiribuer l’endolorissement du thorax, le râle sous-crépitant, les crachats striés qui ont persisté près d’un mois. Les émissions sanguines ont remédié en partie à cette congestion; mais quelques tubercules ont reçu de cette dernière une funeste influence ; ils se sont ramollis. Peu à peu la malière tuberculeuse a été rejetée , la sécrétion pulmonaire a diminué, la congestion a disparu ; il est resté une petite cavité qui , en 1845 , traduisait son existence par une espèce de clapotement dû au déplacement d'un peu de liquide. I. La nutrition a été puissamment modifiée , et l'usage long- tems continué de l'huile de foie de morue, le régime se ne sont pas étrangersià cette modification. (159 ) HE. M. V. est guéri de l'affection qu'il a éprouvé en 1843 ; il est à craindre que des tubercules ne se développent encore sous l'influence de la prédisposition qu’il a apportée en naissant. Avec des soins bien entendus il évitera , nous l’espérons du moins , de nouveaux accidents. Cinquième observation. — M. J***, âgé de 24 ans, d’une taille assez élevée, cheveux blonds, peau fine, souvent froide aux extrémités, a une poitrine étroite, déprimée. Il a perdu son père d’une maladie chronique du poumon à l’âge de 40 ans : son frère elsa sœur ont toussé longtemps , et chez eux le thorax est mal conformé. hi. J** est sujet à s’enrhumer depuis cinq ans; il à toussé plus ou moins depuis cette époque, et n’avait donné aucune imporlance à cette affection ; mais plus tard, ayant beau- coup maigri , il réclama les conseils d’un médecin, qui pratiqua une saignée et prescrivit des boissons mucilagineuses. Ennuyé de ne pas voir son état s'améliorer, il consulta un médecin hydro-thérapeute ; d'après ses conseils, il lava tous les matins le cou et le thorax avec de l’eau froide. Bientôt la toux aug- menta: il survint une douleur vive dans le dos. Appelé près du malade le 8 décembre 1842, je constatai les symptômes suivants : pâleur générale; amaigrissement très-no- table; toux faligante, existant surtout la nuit et le matin; sueurs nocturnes ; douleur peu fixe dans l'épaule droite : respi- ration normale dans tout le poumon gauche; il en est de même de la sonorité du thorax de ce côté ; à droite, au sommet, respi- ration vésiculaire très-faible ; bruit de craquement avec un peu de sous-crépitation ; matité dans l'étendue de 4 centimètres en- viron ; frissons irréguliers, revenant le plus souvent vers une heure de l'après-midi, suivis d’une réaction et d'une légère moiteur; pouls à 88, 90 ; anorexie. Diagnostic. — Tubercules au sommet du poumon droit ; (460 ) période de ramollissement commençante. (Cautère sous la clavi- cule droite; extrait aqueux d'opium , 3 centigrammes le soir; repos dans le lit pendant quelques jours; quatre polages au gras.) Un mois après la toux a diminué ; les nuits sont meilleures ; la douleur de l'épaule a disparu. (Sirop de proto-iodure de fer, 30 grammes; chocolat ferrugineux , viande , œufs, potages au gras.) Quatre mois après, en avril, le malade est beaucoup mieux. La toux est rare , spécialement dans la journée ; iln”y a plus de sueurs nocturnes; la matilé du thorax est moins marquée; la respiration vésiculaire est plus ample el mélée de râle sous-crépi- tant. (Continuation des mêmes moyens.) Le malade reste près de trois mois dans cetétat. Dans les premiers jours d'octobre 1843, la diarrhée survient; trois, quatre selles ont lieu sans coliques. Le régime.et l'usage de l’opium font bi:ntôt disparaître ce symptôme. En décembre , quelques frissons suivis de chaleur existent , . spécialement le soir ; les pommettes sont colorées, et Ja nuit le corps est couvert de sueur. Les traits sont tirés, le malade maigrit et peut à peinese rendre dans sa chambre, tant il est essoufflé; à droite, sous la clavicule, dans les fosses sus et sous épineuses, on entend du râle sous-crépitant et une résonnance de la voix ; il existe de la matité dans les points correspondants. (Régime doux, huile de foie de morue, 30 grammes; acétate de morphine, 8 milligrammes; suppuration du cautère, repos dans la chambre.) Le 12 mai 1844, l’état de M. J. s’est amélioré. L’ausecultation et la percussion révèlent encore l'existence d’une caverne, mais la fièvre hectique a disparu; la toux est beaucoup moins fati- gante; les nuits sont bonnes; l'oppression a beaucoup diminué. La nutrition est meilleure. (Mêmes-prescriptions, sauf le régime; nourriture animale assez abondante). Le malade sort dans.le milieu de la journée. ([161') Durant les six derniers mois de l’année, rien de particulier à noter. Du 30 décembre à la fin de mars, le malade est assez bien: il est sorti pendant l'hiver sans en être indisposé. L'huile de foie de morue, le fer, l’opium, ont été prescrits avec quelques modi- ficatious; la nutrition est bonne. Vers la fin d'avril , le malade est plus faible, il a maigri, la toux est plus fatigante, la fièvre est revenue, surtout pendant la nuit. L’auscultation fournit les mêmes renseignements. (Les préparations ferrugineuses sont supprimées; du reste, mêmes prescriptivns.) Le 5 juiliet, le malade est mieux; les nuits sont bonnes, la toux est rare. M. J. est parti pour aller dans sa famille, où il a passé six semaines, pendant lesquelles il a pris du sous-car- bonate de fer. Bien que le temps fût mauvais, il est rentré beaucoup mieux portant. Le 30 août, j'ai constaté , dans un espace très-circonscrit , sous la clavicule droite et dans la fosse sus-épineuse, un léger bruit de soupape, un souffle bronchique, avec une légère pecto- riloquie; le bruit vésiculaire est normal dans le reste du poumon; le son, clair dans tout le thorax , est un peu obscur à droite, au sommet; la (oux-est rare et sèche ; il n’y a pas d’oppression ; le pouls hat 64, 68; appétit très-bon. La nutrition est bonne ; le malade a beaucoup engraissé. (Suppuration du cautère; nour- riture animale abondante ; exercice en plein air.) Dans les six premiers mois de 1846 , le malade a eu par moments de la fièvre, les selles ont été liquides ; le malade à maigri. Aujourd’hui, 10 février 1847, le malade va bien; il sort tous les jours. La toux est rare, les nuits sont très-bonnes ; sous la clavi- eule il existe encore un léger souffle bronchique, avec diminu- tion du bruit vésiculaire. La nutrition est {rès-bonne. 11 (162) FE. Encore, dans ce cas, des tubercules se sont développés dans le poumon, et plus tard ils se sont ramollis. Ce travail n’a pas eu lieu simultanément pour tous les tubercules, mais par inter valles et successivement. Aïnsi, en décembre 1842 , il existait des symptômes de fièvre hectique ; il en a été de même vers la fin de 1843 , dans le mois de mai 1845 , les mois de février et mars 1846. À chacune de ces époques correspond un travail de ramollissement. Cette particularité explique en partie le peu d'intensité des symptômes et la terminaison favorable de la maladie. £i ce ramollissement avait eu lieu simultanément sur tous les tubercules , la fièvre hectique, laltération dans lanatri- lion, auraient été plus marquées, et la mort serait probable- ment arrivée par suite de la sécrétion d’un grand nombre de tubercules dans le poumon, ou dans d’autres organes. I. C’est lt un exemple de phthisie à marche irrégulière , phthisie qu’on a dû souvent confondre avec une bronchite chro- nique, avant les immortels travaux de Laennec. Je ferai remar- quer parmi les symptômes l'absence ou la rareté de l'expecto- ration. Celle-ci, dans la phthisie pulmonaire , est surtout pro- duite par la muqueuse des bronches enflammée ; la caverne, quant elle est petite, fournit à peine un peu de sécrétion par sa surface interne. Or, dans notre observation, la cavité ulcé- reuse avait peu d’étendue , et les bronches n’offraient aucun indice de phlegmasie. IlT. Les émissions sanguines, les mucilagineux, le repos, ont aggravé l’état du malade, ou du moins n’ont pas empêché: les accidents de grandir. L'opium, les révulsifs cutanés, un régime substantiel ont été utiles, et cette amélioration a été: si rapide, qu'il est impossible de ne pas l’attribuer à l'emploi de ces moyens. IV. Pendant le cours de cette longue maladie , la diététique, (163) la thérapeutique ont beaucoup varié ; les émollients, les sédatifs, le repos, les aliments légers ; d'autrefois les oxydes métalliques, une nourriture animale forte , l'exercice. Qu'on se reporte aux symptômes, et l'on verra de suite les motifs de cette différence. Pendant la fièvre hectique, pendant l'oppression , les toniques , les excitan(s auraient été nuisibles; il fallait avant tout ne pas favoriser l'explosion de ces phlegmasies , de ces symptômes réactionnels , si fréquents et si graves , qui survien- nent pendant le cours de la phthisie pulmonaire. Pour le dire en passant, c’est ainsi que l’on obtiendra quelques résultats favo- râbles, dans tous les cas où la phthisie présentera cette marche intermiltente. L'huile de foie de morue ; le proto-iodure de fer, ont contribué à la modification survenue dans la nutrition ; il en est de même des précautions hygiéniques. L'opium, l’acétate de morphine ont été utiles, en éloi- gnant les quintes de toux et en favorisant de bonnes nuits: V. M. J. n’est pas à l’abri de nouveaux accidents; peut-être il se développera encore des tubercules. Mais n’est-on pas en droit de penser qu'avec des soins on parviendra à guérir radicale- ment cette affection? J’ai conseillé , depuis deux ans, le séjour dans le midi et à la campagne; le malade n’a pas voulu y accéder. CHAPITRE DEUXIÈME. RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS PRÉCÉDENTES. Nous. allons résumer les principales circonstances de nos observations et jeter un coup-d'œil rapide sur ce qu’elles offrent entre-elles de commun, spécialement sous le rapport de l'étiologie , de la lésion anatomique , et des moyens curatifs employés. (164) $ E — Étiologie. Age. — Nos malades étaient âgés de 19 à 29 ans (19, 20, 22, 25, 29) quand l'affection a débuté ou qu’elle s'est montrée avec des symptômes tranchés; ils étaient tous à cette époque de la vie où la phthisie pulmonaire se montre le plus fréquemment. Hérédité.— Chez trois d’entre-eux (obs. 2, 4, 5), le père ou la mère, et chez M. V. (obs. 4.e) le père et la mère , étaient morts de phthisie pulmonaire; plusieurs membres de leur famille avaient été décimés par cette cruelle affection (obs. 2, 4): Dans la troisième observation le père avait une poitrine difforme et le frère était mort phthisique. Je manque de renseignements à ce sujet, pour notre première observation. Ainsi, chez tous on trouve la funeste influence de l’hérédité sur le développement des tubercules, influence mise dans son véritable jour par les tra- vaux récents sur les scrophules. Constitution. —= Tous nos malades ont offert une constitution nervoso-sanguine ; {ous avaient ces formes gréles que depuis longtems on a coutume de considérer comme une prédisposition puissante à. la phthisie pulmonaire. La poitrine était difforme, étroite ; les omoplates et les clavicules étaient saillantes ; le: cou était long, la peau fine, étiolée, froide aux extrémités. Le sujet de notre troisième observation habitait , au rez-de- chaussée, une chambre étroite, humide, mal éclairée , exposée à des émanations fétides. Il avait grandi {rès-vile : sa nourriture , peu variée, élait à peine suffisante. Il passait une partie de la journée debout dans un bureau , à une température élevée. fl était soumis à toutes les causes de débilitation; aussi sa poitrine étaitgréle, déformée ; les muscles étaient peu développés ; le sang appauvri , circulait péniblement dans les extrémités. Sur de telles organisations et dans de telles circonstances, les tuber- cules doivent se développer facilement. (465 ) M. V. (obs. 4.2), couchait dans une chambre étroite , mal éclairée, située dans la partie la plus reculée de la maison ; l'air y était difficilement renouvelé. M. J. (obs. 5.2), habite une chambre étroite dans un quar- tier populeux de la ville. Attaché à une maison de commerce, il reste toute la journée dans un magasin dont la température est élevée. M.me C. (obs. 2.€) a vu tous les signes de la phthisie pulmo- naire survenir après plusieurs grossesses rapprochées, grossesses souvent pénibles et qui l'avaient épuisée. Tous habitaient une grande ville dont la température est froide et humide; dans laquelle les affections tuberculeuses sont tellement fréquentes qu’elles entrent pour un cinquième dans la mortalité générale. Si je m'en rapportais même à des recherches faites à l'hôpital général et à l’hôpital militaire , je croirais la phthisie plus fréquente encore. J’ai trouvé des tubercules dans la proportion de 55 pour 100 à l’autopsie des vieillards morts dans le premier de ces établissements. Dans tous les cas, nous voyous la funeste influence des mau- vaises conditions hygiéniques sur le développement de la phthisie pulmonaire. Une habitation étroite, mal aérée, humide, est une cause puissante de tuberculisation. J'ai donné des soins à M. B‘**, tailleur, âgé de 32 ans, qui, après avoir beaucoup maigri, était pâle, toussait , avait des sueurs nocturnes et semblait atteint d’une phthisie pulmonaire. Après bien des questions , j'appris qu'il couchaït au rez-de- chaussée , dans une chambre ayant une petite ouverture dans une autre chambre mal aérée. Je conseillai : 4.° un régime tonique ; 2.0 des promenades en plein air ; 3.0 l'habitation dans une chambre vaste, bien exposée. Sous l'influence de ces moyens, la santé s’est améliorée rapidement , et aujourd’hui, après trois ans, M. B.*** va très-bien. C’est à la réclusion , à l'habitation dans des lieux peu aérés , (166 ) qu'il faut en partie attribuer la fréquence des tubercules dans les couvents de religicuses. M. Baudelocque a parfaitement démontré l'influence des habitations sur la santé, dans son beau travail sur les scrophules, affection qui offre tant d’analogie, sinon une identité complète, avec la phthisie pulmonaire. Je ne m'arrêterai pas à un examen détaillé des causes que je viens de citer. Cette vue rétrospective nous offre dans tous les cas les causes classiques de la phthisie pulmonaire. Toutes agis- saient sur l’hématose, sur la crase du sang, et partant sur la nutrition* Je ferai remarquer, en finissant , que les causes da cette alté- ration dans la vie végétative n’ont pas toujours été les mêmes. Nous reviendrons plus loin sur cette remarque. S° IE. — Anatomie pathologique. Dans tous les cas, la lésion anatomique était peu étendue , et un seul poumon a été gravement atteint. Si l’autre a été affecté, c'est légèrement, et cela n’a pas aggravé sensiblement la maladie. Dans trois cas les tubercules existaient spécialement à droite, deux fois à gauche. Après un séjour plus ou moins long, üls ont subi un travail de ramollissement et ont laissé à leur place une caverne peu étendue. a. — Dans la première observation, la caverne était cicatrisée; trois tubercules ont été transformés en substance crayeuse. Dans le poumon, et spécialement au sommet, à gauche, existait abon- damment de la mélanose en masse: elle formait autour de la caverne et des tubercules un bourrelet noir comme du jais, offrant la dureté du cuir. Gette substance n’était pas Îe résultat de l'âge ; sa dureté, son étendue disent assez qu’elle existait déjà depuis quelques années, et la malade avait à peine 60 ans. Cette mélanose n’a pas été étrangère aux modifications heureu- ses subies par les tubercules, ä la cicatrisationde la caverne. Les tra- ( 167 ) vauxrécens de Van-der-Kolk, de Natalis Guillot ont démontré que des vaisseaux capillaires de nouvelle formation , communiquant avecles divisions des artères bronchiques,s’anastomosant quelque fois avecles intercostales, les artères mammaires, se développent en très-grand nombre dans le parenchyme environnant les tuber- cules. C'est à l’aide de cette circulation que ceux-ci grandissent , se ramollissent; que l’intérieur des cavernes participe à la circula- tion générale ; c'est eile qui fournit les matériaux de la sécrétion qui s'opère dans les cavités ulcéreuses. Dans la partie du poumon où existe de la mélanose en masse , une substance inerte a pris la place de la trame organique ; la circulation capillaire languit, s'embarrasse, puis s’arrêle. On conçoit de suite comment la mélanose amassée autour des tubercules peut modifier leur organisation, comment elle peut provoquer la cicatrisation des cavernes. Par suite d’un arrêt dans la circulation capillaire, la sécrétion qui a lieu dans les cavernes diminue ; la caverne se rétrécit. La pseudo- membrane qui recouvre sa face interne s'épaissit, et, dans cer- tains cas, la puissance de cicatrisation est assez énergique pour oblitérer cette cavité. Dans une période moins avancée, les tubercules privés de leur circulation propre diminuent de volume, changent d'aspect, de consistance; ils sont plus ou moins durs, crayeux; des sels minéraux ont pris la place de la matière animale. L’on aura une idée assez nette de cel aspect , de cette consistance, en se représentant du plâtre mélé à des quantités variables d’eau. Ainsi transformés , les tubercules persistent dans nos tissus et font l'office d’un corps inerte. Ce ne sont pas les seules modifications qne peuvent éprouver les tubercules. Sous l'influence de la mélanose en masse ou d’une compression continue, ces tubercules diminuent de volume, per- dent de leur forme ; leur substance est plus lisse, plus mollasse, et ressemble au lard. Quelquefois entourés d’une substance ( 168 ) fibreuse, ils ne sont plus susceptibles de ramollissement , de suppuration. C’est alors un corps étranger qui persiste dans cet état toute la vie. J’ai eu deux fois l’occasion de constater ces modifications , cet aspect, dans les autopsies de vieillards dont jai déjà parlé. N'est-ce pas à des circonstances de cette nature qu'il convient d'attribuer la guérison dans les deux cas suivants ? J'ai donné des soins à deux malades dont la poitrine est dif- forme et qui ont eu plusieurs hémoptysies. Chez tous les deux, des médecins d'un mérite distingué avaient diagnostiqué des tubercules pulmonaires. Aujourd'hui leur santé est bonne, et ils vaquent à des occupations fatigantes. L'un n’a plus craché du sang depuis 1834, l’autre depuis 1839. L’auscultation m'a fait constater récemment au sommet du poumon un bruit vésiculaire faible ; dans le point correspondant du thorax la sonorité est diminuée , et ces malades expectorent souvent, le matin, quel- ques petits crachats arrondis , transparents, gommeux , conte- nant des stries noires, semblables à de l'encre. Ces symptômes et les antécédents font penser qu'il existe au sommet du poumon quelques tubercules entourés de mélanose. Pour celle-ci, il ne faudrait pas invoquer l’âge des malades : l’un à 46 ans, l’autre 44, et depuis dix ans l’expectoration présente les caractères signalés. C’est là une terminaison des tubercules pulmonaires (trans- formation crayeuse , de substance grasse, mélanique) plus commune qu'on ne le pense généralement aujourd'hui. Pour appuyer cette assertion, je n’ai qu'à rappeler les recherches récentes de MM. Rogée et Boudet ; celles de M. Beau, sur les maladies des vieillards , et avant elles, les travaux de Bayle. On sait que cet observateur distingué admettait une phthisie calculeuse , une phthisie avec mélanose, et le plus souvent, dans les faits rapportés par cet auteur, cette substance noire existait avec des granulations ou des tubercules pulmonaires. Très-commune dans la vieillesse , on a pensé que la mélanose était le résultat de l’âge ; mais on ne l’observe pas chez tous les (169 ) vieillards, et par contre on la voit quelquefois dans la jeunesse. Dans l’état actuel de la science , on ne connaît pas la cause qui produit cette substance charbonneuse ; l'on peut dire, toutefois, qu'on l’observe souvent dans les endroits de l’économie où la circulation est plus ou moins génée, et où s'opére un travail morbide. Ainsi, dans les péritonites, les pleurites tuberculeuses, dans les ulcérations chroniques de l'uterus , de l'estomac , dans les anciens trajets fistuleux , il n'est pas rare de constater cette coloration. Les tubercules peuvent bien être une cause éloignée du développement de la mélanose dans le poumon, en gênant la circulation capillaire , en diminuant la surface d'hématose , el aussi par le travail organique dont le poumon est le siége dans ces cas. t b. — Dans notre deuxième observation, la cavité ulcéreuse a peu à peu diminué; elle s’est rétrécie, la sécrétion morbide a disparu, et aujourd'hui i! reste à peine sans doute une cavité. Cette affection a parcouru ses périodes en douze années. ce. — Dans les troisième et quatrième observations, la guérison arété plus rapide; voilà cinq ans qu'elle ne s’est pas démentie. Dans {ous ces cas , nous avons trouvé une dépression marquée du sommet du thorax. Cette difformité s'explique aisément. La partie du poumon où siégent les tubercules, reçoit difficile- ment l’air dans ses derniers ramuscules ; elle est peu perméable et peu mobile. L’atmosphère n'étant plus balancé par l'air in- troduit dans les bronches, pèse de toutson poids snr le thorax; celui-ci s’aplatit, se rétrécit , et cette dépression en rapprochant les surfaces des cavernes, peut diminuer leur cavité. Cette dépres- sion est assez marquée pour modifier la configuration du thorax et servir au diagnostic de la phthisie pulmonaire. C'est aussi dans des cas de ce genre que l'emphysême pulmonaire , en com- primant de dedans au dehors, a pu être utile. d. — Le malade qui fait le sujet de la cinquième observation n'est pas guéri. Il existe de petites excavations au sommet du ( 470 | poumon droit et des tubercules peuvent encore se développer. Toutefois, l’état de la nutrition permet de penser qu’iln’en sera rien et qu'un rétablissement complet aura lieu. 6e. — Dans tous les cas la lésion anatomique était peu étendue; un seul poumon à été spécialement atteint ; lesang n'avait pas subi uns altération profonde : nous étions placés dans les con- ditions les plus favorables pour la guérison des malades. Ces circonstances, du reste, ne sont pas rares. Le plus souvent les tubercules procèdent par éruptions successives et commen- cent au sommet d’un seul poumon. C’est plus tard, après quei- ques mois, après un, deux ans et plus encore, que de nouveaux tubercules se développent dans l'autre poumon, dans d’autres organes. Ï1 faut arrêter cette extension, et le diagnostic est aujourd'hui assez précis, les causes de la tuberculisation assez connues, pour faire espérer un tel résultat. f. — Toutes les modifications, tous les changemens que nous venons de signaler ont lieu en vertu de ce travail d'organisation merveilleux, loujours présent, toujours actif el dont on ne tient pas assez compte. En définitive, c'est lui et non pas nous qui guérissons; c’est ce travail puissant que nous devons seconder , diriger ainsi que l’ont professé les princes de la science. $ 1H, — Marche de la maladie. La marche de li phthisie a étélente spécialement dans les deux premiers cas. Dans les troisième et quatrième observations elle débutait avec une certaine acuité, ou mieux des symptômes de congestion pulmonaire sont survenus, Ceux-ci ont disparu sous l'influence des moyens employés et la maladie a repris une marche plus lente. Dans la cinquième observation, on a constaté des symptômes d’accroissement et de diminution qui indiquaient le développement, ou le ramollissement successif des tubercules. (471) Laennec a signalé, avec sa précision accoutumée, cette marche de la maladie dans le paragraphe consacré aux phthisies chroni- ques. « On peut appeler chroniques, dit-il, les phthisies qui, sans cesser d’être plus ou moins manifestes, durent quelquefois cinq ou six ans et même beaucoup plus, avecdes recrudescences dans lesquelles la fièvre hectique reparaît et l’amaigrissement fait des progrès rapides, des rémissions plus ou moins longues et quelquefois tellement parfaites que la fièvre , la toux et l'expectoration cessent tout-à-fait et l'embonpoint même renait. I résulte de tous les faits qne nous avons exposés ci-dessus que celte marche de la maladie est due à des éruptions successives et ordinairement peu abondantes de tubercules. C’est surtout chez ces sujets que l'on trouve fréquemment des cicatrices et des fistules pulmonaires. » Ces cas ont été souvent confondus avec des bronchites chroniques. Cette erreur était surtout com- mise quand l’auscultation était pratiquée avec moins de soin qu'elle ne l’est aujourd’hui. $S IW — Diagnostic. Dans tous les cas le diagnostic a été facile. Les signes fournis par l’auscultation et la percussion , les symptômes dynamiques, les antécédents ne permettaient pas le plus léger doute sur la nature de l'affection. $ V. — Traitement. Les moyens thérapeutiques, la diététique n’ont pas été les mêmes dans tous les cas que nous venons de rapporter. a, — Dans nos deux premières observations ia maladie était arrivée à sa dernière période ; il y avait une fiévre hectique. C'était le moment où disséminés dans divers organes, se déve- (472 ) loppent ces tubercules , ces phlegmasies qui contribuent tant à une fin prématurée des phthisiques. Il fallait diminuer le mouvement fébrile, s'opposer autant que possible au développe- ment de ces phlegmasies déjà signalées. Un régime doux, le séjour dans un climat chaud tempéré, les révulsifs cutanés ont été prescrits dans ce but; ils ont été utiles. À cette époque de la maladie , il faut donner des substances alimentaires qui soutien- nent les forces, sans exciter Ja circulation , sans augmenter le mouvement fébrile. Le chocolat , les œufs, les huîtres, le poisson frais, les fécules au bouillon, au lait , les viandes blanches , conviennent spécialement. La réaction fébrile , l’état du tube digestif, la susceptibilité générale indiquent ceux qui doivent être préférés. Le lait comme médicament , comme boisson, commealiment, peut être très-utile et les auteurs rapportent des guérisons qui peuvent lui être attribuées. C’est surtout quand la fièvre hectique est continue, que le pouls est vif, fréquent, que le tube digestif est d’une grande irritabilité que cette substance convient. Le lait de femme, ou d’ânesse semble devoir être préféré ; mais il est difficile de se le procurer, et l’on emploie généralement celui de vache, soit pur, soit rendu médicamenteux. Il est surtout important de choisir du lait provenant d'animaux bien nourris, vivant en plein air, jouissant d’une bonne santé, Celui qui est fourni dans les vacheries situées dans les grandes villes, à Paris, est loin de présenter toutes ces conditions. La plupart des vaches sont atteintes d’une affection tubereculeuse ; leur lait contient une grande quantité de phosphate calcaire ; il est neutre ou même acide. On pourra, selon les indications, couper le lait avec des substances médicamenteuses (quinquina , iodure de potassium . lichen, eau de chaux, eaux minérales gazeuses , sulfureuses , sel marin , sel de seignette , nitrate de potasse , ete.). Les ana- lyses chimiques modernes, en démontrant l’action de certains (478 ) sels sur la vitalité des globules sanguins , expliquent les résultats favorables obtenus par l'usage prolongé de ces moyens. Dans certains cas , les aliments sucrés , ou préparés au lait , diminuent l’appétit; ils entretiennent ou même provoquent l’anorexie qu’on observe quelquefois pendant le cours de l’affec- tion qui nous occupe; il ne faut pas alors insistersur leur emploi. Du reste, on devra toujours s'assurer de la manière dont est supportée toute espèce d’aliment. La quantité à donner, le moment opportun des repas, tout devra êlre soigneusement étudié. Malheureusement il n’en est pas toujours ainsi, el ce défaut d'examen , ou ce laisser-faire à des malades que l’on croit perdus , entraîne la mort prématurée de bien des phthisiques. Il s'oppose à la Suérison de quelques-uns d’entre eux. Dans la pensée de combattre la nature scrophuleuse de l'affection, de donner des forces au malade , des médecins con- seillent , à une période avancée, des aliments toniques, des mé- dicaments excilants ; sous celte influence j'ai vu souvent la fièvre augmenter , la diarrhée survenir ou bien augmenter , si déjà elle existait ; les malades s’affaiblissent loin de gagner des forces , ainsi qu'ils l’espéraient de l'emploi de ce régime. Dans nos hôpitaux , de malheureux phthisiques , trouvant la portion prescrile trop faible , se procurent des aliments auprès des infirmiers , et chez eux la maladie suit une marche beaucoup plus rapide , il survient des accidents qui souvent tranchent leur vie. b.-— L'acétate de morphine a été prescrit dans plusieurs de nos observations avec un véritable avantage. Sous son influence , nous avons vu disparaître les quintes de toux. Ce médicament est précieux dans le traitement de la phthisie pulmonaire : il en est de même de l'extrait thébaïque. Par le calme que procu- rent les opiacés , ils donnent des forces aux malades: en diminuant les quintes de toux ils éloignent le moment de la fonte tuberculeuse et peuvent favoriser la ‘cicatrisation. des ( 174 ) eavernes. Detoutes les causes qui s'opposent à cette cicatrisation, les secousses imprimées au thorax par la toux , ne sont pas les moins puissantes. L’utilité des opiacés dans la thérapeutique de la phihisie pulmonaire à ses disers degrés, a été reconnue par les mé- decins les plus célèbres de l'antiquité, et c'est avec plaisir que j'ai vu l'habile professeur de la clinique médicale de Strasbourg, conseiller l’acétate de morphine et chercher à en vulgariser l'emploi en démontrant rationnellement son uuülité. Depuis cinq ans , il y a peu-de jours où je n’aie eu l’occasion de prescrire ce médicament , et je n’ai jamais constaté les accidens signalés par quelques auteurs. Loin de supprimer les crachats, j'ai vu l’expectoration plus facile après une nuit calme qu’à la suite d’une nuit passée dans des efforts de toux. L’acétale de morphine convieni particulièrement dans les cas où la toux est fatigante , quinteuse, où la sécrétion bronchique est peu abon- dante;, dans les pththisies à marche lente, et ces cas sont certaine- ment, les plus communs dans la localité que j'habite, Voici la formule dont je me sers : Acétate de morphine......... 5centigrammes. Sirop de capillaire......,.... 30 grammes. Une cuillerée à café le soir, trois heures après le repas. On peut diminuer la dose , ou ne la donner que tous les deux jours, si le malade était fatigué par de la somnolence. La belladone., le datura stramonium , l'eau de faurier- cerise, peuveut être prescrits avec avantage contre l'oppression, conire la toux. Je ne m'arrête pas sur leur emploi ; je ne: fais pas un travail complet sur Ja matière. J’expose seulement ce que nous avons constalé dans les observations qui précèdent. c — Dansnotre troisième observation , une hémoptysie a eu lieu. La digitale, un cautère sous la. clavicule. ont..été:prescrits. (475 ) La saignée a été plusieurs fois pratiquée , trop peut-être. Dans bien des cas, l'hémoptysie tient moins à une congestion active du poumon , qu’à un obstacle à la circulation , à la déchirure de quelques vaisseaux capillaires, occasionnée , favorisée par la présence des tubercules dans le parenchyme, peut-être aussi par la dimunition dans. la proportion des globules. Dans tous ces cas, les émissions sanguines sont rarement utiles. Il ne faut pas oublier que dans cette affection , souvent d’une longue durée , lhématose est profondément troublée , le sang est ap - pauvri, la nutrition altérée. Les déplétions sanguines peuvent aggraver ces divers élats , il faut en être sobre, et si l’on est obligé d'y recourir, il faut, le faire avec parcimonie. J'ai vu plusieurs fois la phthisie suivre une marche plus rapide après les saignées. Le repos, le silence absolu , le lait et ses prépara- tions, l’acétate de morphine, afin de combattre les quintes de toux, m'ontsouventsuffi pour triompher d’une hémoptysie; ces moyens ontété toujours utiles. Les.émissions sanguines peuvent être em- ployées avec avantage chez les phthisiques atteints fréquemment de congestion. pulmonaire et menacés d'hémoptysies répétées ; chez lesquels-le cœur a une assez grande énergie. C’est dans une bonne clinique qu'on peul seulement préciser , spécifier ces cas. d. — Hans notre quatrième observation , des symptômes de congeslion pulmonaire ont eu lieu ; ils ont été combattus avec succès par la saignée , les sangsues et la digitale. Plus tard , une alimentation abondante , tonique , l'huile de foie de morue, en modifiani la nutrition , ontété utiles. Il en est de même de l'exercice musculaire. Employée en: Hollande , en Belgique contre les. scrophules, huile de foie. de morue a été plus tard prescrite dans le. traite- ment de la phthisie pulmonaire par suite dela parenté qu'on a vueentreces deux affections. Considérée comme. très-utile par nos: voisins, elle a- donné de faibles résultats, où même des résultatsinégatifs entre les mains: de, plusieurs. praticiens. de la (1%) capitale. J'ai employé ce médicament avec avantage dans des cas de tumeurs blanches , chez des enfants scrofuleux , rachi- tiques. Dans trois cas de phthisie , l'huile m'a semblé arrêter la sécrélion tuberculeuse en modifiant la nutrition. N'est-ce pas ce que nous avons constaté chez M. V. ? (Observation quatrième.) Cette substance, par l’iode et le phosphore qu’elle renferme , par ses propriétés nutritives répond directement à une indica- tion thérapeutique : en modifiant la nutrition elle peut changer la diathèse tuberculeuse. C’est surtout comme moyen prophylac- tique, et dans le traitement de la première période de la phthisie pulmonaire qu’elle me semble utile. J'ai prescrit l’huile de foie de morue à la dose de 15 à 30 grammes matin et soir. Les malades s’habituent assez vite à ce mauvais goût ; après un certain temps de son emploi l’économie est imprégnée de son odeur. Il convient d’expérimenter de nouveau ce médicament qui jouit d’une grande faveur parmi les médecins nos voisins, et peut-être verrons-nous disparaître les dissentiments qui existent encore dans la science sur son efficacité. Il y a peu de maladies , du reste, où les essais des médicaments soient aussi difficiles que dans la phthisie pulmonaire , car les circonstances sont rarement les mêmes. Il y a des différences selon la cause, l'énergie de la tuberculisation : selon qu’on a affaire à une première , une deuxième, une troisième éruption des tubercules; selon que ceux- ci sont crus ou ramollis ; selon l'intégrité du tube digestif et des autres organes ; selon la réaction fébrile ; selon la marche de la maladie ; selon l'âge ; selon le climat. En considérant ces diffi- cultés et ces différences, on ne sera plus étonné si un grand nom- bre de moyens ont été employés dans le traitement de la phthisie pulmonaire avec des résultats divers, souvent même sans succès. e.— Dans la cinquième observation , le régime , les moyens curatifs ont beaucoup varié. Tantôt on a employé les émollients, les sédatifs , le repos : tantôt les toniques , l'huile de foie de morue , l'exercice ;, une alimentation forte. Les émollients, les (177) aliments doux , devaient être seuls prescrits pendant les symp- tômés d’excitation, pendant la fièvre hectique. Le calme revenu, il fallait insister sur l’emploi des toniques , de l'huile de foie de morue. Ainsi, dans le cours de la maladie qui nous occupe, il faut savoir saisir des indications variées nécessitant des moyens dont l’action est souvent opposée. Ces difficultés sont surtout très grandes à une période avancée de la maladie. Frédéric Hoffmann a bien signalé ces difficultés, cet embarras dans le passage sui- vant qu'on ne lira pas sans intérêt, tout en tenant compte des idées du temps. « On ne peut , dit-il, faciliter l’expectoration qu’au moyen des sirops pectoraux doux et onctueux, des substances incras- santes et des préparations de miel ; cependant, l’usage immodéré de ces sortes deremèdes détruit non seulement le {on des pou- mons , mais encore celui de l'estomac et produit par là une plus grande quantité de crudités, et une plus grande congestion d'humeurs dans la poitrine. La chaleur lente, consomptive et hectique , demande des délayants , des liqueurs humectantes et du lait : néanmoins ces remèdes attirent les humeurs dans la poitrine. Dans les toux humides, les ulcères sales et putrides exigent qu'on emploie des remèdes balsamiques et résineux , tels que la myrrhe , la térébenthine de Venise et autres baumes consolidants et vulnéraires ; mais ignore-t-on qu'ils produisent pour l'ordinaire de très-mauvais effets, en augmentant la cha- leur et le mouvement intestin des fluides ? On trouve la même difficulté dans ces mouvements incommodes et presque convulsifs de la poitrine , que l’acrimonie des humeurs excite dans les toux opiniâtres et continues ; car on ne saurait les apaiser qu'avec des anodins , des préparations de pavot , des substances oléagineuses et somnifères, et cependant il est certain que l’usage fréquent de ces sortes de remèdes détruit les forces à un point extraordinaire. La substance vasculeuse des poumons corrodée, dissoute et ulcérée demande des remèdes consolidants 12 (18) et médiocrement astrigents ; mais comme ces remèdes retiennent dans l'habitude du corps , les humeurs hétérogènes qui auraient dû être évacuées, et suppriment l’expectoration, ils ne font que rendre la corruption beaucoup plus grande. Rien n’est plus efficace que les poudres nitreuses pour éteindre la chaleur hec- tique ; maïs il s'en faut de beaucoup qu’elles produisent toujours l'effet qu'on souhaite , puisqu'elles deviennent aisément purga- tives et diminuent la force systaltique de l’estomacet desintestins. Le lait est encore d’une efficacité singulière dans ces maladies : cependant ; j’ai souvent observé qu'il est nuisible aux jeunes gens d’une babitade pléthorique en qui la phthisie à com- mencé , qui ont une fièvre lente et beaucoup de crudités acides. v Aiïnsi, dans le traitement de la phthisie pulmonaire, spéciale- ment à une période avancée, des indications variées se présentent, et cela ne doit pas étonner : à cette époque de la maladie, il ya le plus souvent diathèse tuberculeuse , inflammation pulmo- paire , résorplion purulente , trouble plus ou moins marqué de l’hématose, altération plus ou moins profonde des divers organes. Pour saisir et pour remplir ces indications, il faut les rechercher avec soin , il faut une aftention soutenue , et trop souvent, après avoir constaté l'existence d’une phthisie pulmonaire, les médecins ne font rien : quelques-uns se font un cas de conscience de ne pas accorder aux pauvres malades tout ce qu’ils désirent. Suivons une autre voit ; d'oublions pas qué la nature a des moyens de triomphier de nräladies que nous avôns jugées mortelles ; que l'affection qui nous oetupe se développe sous l'influence de modi- fications moléculaires du sang , de troubles dans la nutrition , modifications qu'on ne peut encore préciser et qui peuvent être changées par cette chimie vivante si merveilleuse ét encore tant ignorée. D'ailleurs, notre devoir ést dé tenter soit une guérison, soit le prolongement de la vie, et toujours l’adoucissement dans les douleurs. ( 479 ) Le conseil d'Hufeland devrait être sans cesse présent à notre esprit : « Lorsqu'on entreprend le traitement d'une phthisie pulmonaire , dit ce grand praticien , il ne faut pas , comme font la plupart des médecins , se laisser dominer par l’idée que la guérison présente peu de chances . car un pareil doute brise le courage , paralyse les ressources de l'esprit et éteint jusqu'au désir de rien entreprendre. On doit , au contraire, se pénétrer de celle que toute phthisie, même la purulente , est curable: des faits authentiques l’ont démontré sans réplique. A l'ouverture du corps, ce dont moi-même j'ai été témoin, on a trouvé des portions considérables de l’organe pulmonaire détruites par la suppuration et remplacées par une cicatrice parfaite, chez des personnes qui s'étaient très-bien servies depuis de leurs poumons. Ainsi ne perdons jamais ni l'espérance ni le courage, et faisons tout ce qui dépend de nous pour atteindre ce but. » (180 ) DEUXIÈME PARTIE. Dans la première partie de ce travail , toutes les observations ont offert des cas de phthisie pulmonaire au deuxième degré ; les tubercules avaient subi un travail de ramollissement et la guérison a été obtenue à l’aide d’une cicatrice. Pour cette guérison il n’est pas nécessaire, ainsi que le pensait Laennec, que les tubercules soient ramollis et expulsés au-dehors; ils peuvent être transformés en matière crélacée, inerte. non susceptible de nouvelles modifications. Si l'on en croit même quelques obser- vations récentes, ils peuvent disparaître par un travail d'absorp- sion. L’anatomie pathologique, l'étude des symptômes ne laissent aucun doute à cet égard. Il y a quinze ans, malgré les beaux travaux de Laennec, ces cas auraient passé inaperçus; leur diagnostic était fort obscur, souvent impossible. Aujourd’hui, grâce aux progrès faits dans la science du diagnostic, on peut reconnaître la phthisie pulmo- naire dès sa première période. Je vais en rapporter quelques exemples. Je procèderai des faits les plus évidents à ceux qui le sont moins. PREMIÈRE OBSERVATION. Constitution délicate, — conformation vicieuse du thorax, — irritation chronique de l'estomac, — grossesses très-rapprochées, — altération profonde de la nutrition , — tubercules pulmo- naîres, — guérison. M.ne D**, âgée de 34 ans, d’une taille moyenne , ayant les cheveux châtains, la poitrine très-étroite, mal conformée, d’une (181) constitution faible, a eu, vers l’âge de 10 ans, un écoulement chronique de l'oreille droite. Cette maladie a diminué sous l'in: fluence des moyens conseillés par Itard ; elle persiste encore. M.me D‘**, quoique délicate, s’est bien portée jusqu’à 25 ans; à cette époque, elle maigrit beaucoup, ses digestions étaient lentes, pénibles; elle toussait et chaque soir existait un peu de fièvre. M. Cruveilhier prescrivit pendant un mois des aliments doux , un léger exercice. . M.me D***se maria dans la même année; elle devint bientôt enceinte el cette grossesse fut accompagnée de malaise, d’inquié- tudes dans les jambes , d’agitation fébrile, de dégoût, de toux fréquente. La délivrance fut assez difficile. La malade voulut nourrir son enfant ; elle dut y renoncer après un mois d'essai. Bientôt elle devint grosse de nouveau , et les phénomènes indi- qués plus haut reparurent; elle fit une fausse couche. Quelques mois après survint une froisième grossesse pendant laquelle ont eu lieu des hémorrhagies utérines par suite de l'insertion vicieuse du placenta. Après cette dernière , M.me D*** était très- affaiblie. La toux, habituelie depuis quelques années, était de- venue plus fatiguante ; des sueurs nocturnes existaient, et avec elles des douleurs vagues entre les épaules. Une douleur plus aiguë survint au sommet du thorax , à gauche; elle avait été précédée d’une hémoptysie abondante : un vésicatoire fut posé sur le thorax. Je vis la malade pour la première fois en mai 1842, deux mois après l’apparition de la douleur thoracique; voici dans quel état : Demi-marasme , langue fendillée , peu humide , säle, surtout le matin; dyspepsie : la région épigastrique est un peu douloureuse, par une pression assez forte ; des aliments toniques lui ont été conseillés ; ils ramènent du malaise, de la chaleur à l’estomac ; celle-ei a lieu surtout après avoir bu du vin de #into; constipa- tion. Dyspnée provoquée même par un léger mouvement; voix faible et voilée , toux peu fréquente, suivie de crachats jaunà- ( 182 ) tres, épais; matité au sommet du thorax du côlé gauche,; dans tous les autres points, sonorité parfaite ; sous la clavicule gauche le bruit vésiculaire est faible , l'expiration est râpeuse , et l’on entend quelques bulles de râle sous-crépitant ; fièvre hectique tous les soirs ; sueurs nocturnes, spécialement au cou et sur le thorax ; pertes blanches assez abondantes ; suppression des mens- trues depuis deux mois. Diagnostic. Irritation chronique de l'estomac; tubereules au sommet du poumon gauche. Des fécules au lait, du chocolat, du bouillon, des œufs, du poisson, des viandes blanches sont successivement accordés, el l'estomac les supporte de mieux en mieux. Je conseillai en outre le sirop de quinquina aqueux, des injections vaginales avec l’eau saturnée. Peu à peu les fonctions digestives s’améliorent, la fièvre dis- parait. Le chocoiat ferrugineux, l’eau de Bussang , puis l'eau de Spa sont conseillés. La malade passe quatre mois dans une cam- pagne située sur un lieu élevé. Au mois de décembre de la même année, il ÿy a une améliora- Lion notable. Les règlessont revenues. Pendant l'été la malade s’est rendue à Spa et s’est bien trouvée de l’usage continu de ces eaux. La toux a disparu ainsi que la fièvre. Étant à Paris pendant l’hiver de 1844, elle s’est fatiguée et sa santé n'en a pas été troublée. L'état de Mme. D. s'est amélioré de plus en plus, et en 1845, l'auscultation m'a fait constater une respiration vésiculaire pure au sommet des deux poumons , toutefois un peu plus faible à gauche. La sonorité et l’élasticité du thorax sont à l’état normal. La malade dit elle-même que sa poitrine est entièrement dégagée, car depuis longtems elle sentait une gêne, une faible douleur au sommet du poumon gauche. (183) I. La douleur entre les épaules, et plus tard spécialement fixée à l'épaule gauche ; la toux suivie d’expectoration, l'hémopiysie, la dyspnée, leson mat, le râlesous-crépitant qui a duré plus de trois mois, la fièvre hectique, l'amaigrissement rapide, ne per- mettent pas de douter de l'existence des tubercules pulmonaires. Quelle autre lésion pourrait expliquer cette série de symp- tômes ? IL. La matité, la respiration rude, le râle sous-crépitant, la toux, la fièvre hectique ont peu à peu disparu, La matière {u- berculeuse a peut-être disparu par un travail d'absorption ou bien, transformée en substance crétacée, entourée d'un kyste fi- breux , elle persiste dans le parenchyme, sans porter aucun obs- tacle à l'hématose. IL. Sous l'influence d'une phlegmäsie sub-aiguë de l'estomac, la nutrition a été profondément altérée et le sommet du poumon gauche a été le siége de tubercules. Ce trouble dans la nutrition a été d'autant plus rapide et d'autant plus profond, que la ma- lade était originairement faible ; qu’elle a été épuisée par trois grossesses pénibles ei des couches laborieuses. C’est là un exem- ple de phthisie appelée par Clarck dyspepsique, pour indiquer la cause qui lui a donné naissance. IV. Le trouble des fonctions digestives rendait la chylification vicieuse, et à son tour le chyle mal élaboré modifiait la compo- sition du sang. Dans les cas de ce genre, l’économie lutte bien pendant un certain temps contre cette altération, mais le sang modifié molécule à molécule, ne sert plus que vicieusement la nutrition : les tissus prennent un aspect particulier : ils sont plas mous, renferment plus de liquides. Trop souvent méconnue, cette cause détermine à la longue la scrophule, surtout chez les en- ( 184 ) fans. Il n’est pas de médecin qui n’ait vu à cet âge, sous l'in- fluence d’une phlegmasie du tube digestif, d’une alimentation peu en harmonie avec les forces digestives de l'enfant, le ventre se gonfler, les jambes maigrir, les articulations devenir plus saillantes, et si cet état persiste, la phthisie pulmonaire est au bout. Pour n’en être pas aussi fréquente que dans la première enfance, celte cause n’en existe pas moins chez l’adulte. V. Le régime lacté, puis le chocolat, le poisson, les viande successivement prescrits, ont ramené les fonctions digestives à un meilleur état. Les aliments mieux élaborés , mieux assi- milés ont fait un meilleur chyle ; plus tard, les préparations fer- rugineuses, le séjour à la campagne ont contribué à changer le mode vicieux de la nutrition. Sous cette influence. nous avons vu la tuberculisation s’arrêter,et les tubercules disparaître par un travail d'absorption, ou transformés en substance crétacée. VI. Pour les citadins, l'habitation à la campagne est un puis- sant moyen thérapeutique dans toute altération de nutrition. Cette influence se fait sentir d'autant plus que le malade vivai das un lieu étroit et malsain. j’ai vu des enfants grèles, rachi- tiques, atteints de carie scrophuleuse, épuisés par une fièvre hec- tique, se rétablir complètement quand ils ont été transportés à la campagne. L'action de l'air pur signalée sur l’homme sain n'a pas été suffisamment étudiée sur l’homme malade, mille fois plus impressionnable ; et quand on voudra y regarder de près, on verra quelle est sa puissance. C'est à un air vicié , au non renouvellement de cet air qu'est due la rareté des guéri- sons de la phthisie pulmonaire dans les hôpitaux. Je suis même disposé à penser, d’après un bon nombre d’observalions, que le séjour dans ces établissements est une cause de tuberculisation Cette influence de l'air pur ne s'exerce pas seulement sur l’homme, mais encore sur tout ce qui vit. Un de mes amis, pour orner sa maison de ville, fort aérée, fort spacieuse, apporte desa campagne des plantes, des fleurs qu'il soigne avec une ten- (185) dresse toute paternelle ; elles sont sur une terrasse bien exposée, attenante à une grande cour. Peu de temps après avoir séjourné en ville, elles perdent de leur vigueur, s’étiolent, elles sont ma- lades. Reportées à la campagne, elles reprennent vite toute leur énergie, toute leur santé. VIT. Des aliments {oniques, du vin de Tinto avaient été pres- crits pour remédier à la faiblesse de la malade. L'on avait mé- connu l'affection de l'estomac et les aliments mal supportés, ag- gravant la phlegmasie gastrique , augmerntaient la faiblesse loin de rendre des forces. Pendant le règne de la docirine physiolo- gique on croyait à des phlegmasies du tube digestif dans bien des cas où existait seulement un trouble fonctionnel de ces organes, et la thérapeutique prescrite sous cette donnée, a été souvent funeste, surtout dans nos villes du Nord. Aujourd’hui, p:r suite d'un revirement trop commun dans lesprit humain, on mécon- naît des phlegmasies sourdes du tube digestif et l’on aggrave ces phlegmasies par un traitement inopporiun. Gardons-nous de ces exagérations. Si la doctrine physyologique a eu tant de retentis- sement dans la science, c'est qu’elle renfermait des vérités utiles. C’est pour avoir réduit tous les faits à des principes trop res- treints qu'elle a dû d’être renversée. DEUXIÈME OBSERVATION. onstitution faible, — Trritation chronique du tube digestif, — Altération profonde de la nutrition, — Tubercules pulmonaires. M. D“**, âgé de 29 ans, d'une taille assez élevée, ayant la poitrine étroite, mal conformée, a joui longtemps d’une bonne santé. Son père et sa mère sont bien portants ; celle-ci toutefois est d’une constitution molle, lympbilique. FE y a six ans, en 1840, il cut une affection gastro-intestinale grave pour laquelle il ( 186 ) fut traité en Belgique. Sa convalescence fut longue ; l'estomac est resté très-irritable et le malade affaibli. Depuis cette époque, il est sujet à s’enrhumer. il y a trois ans environ des affaires de famille l’ont occupé ; il est devenu sédentaire : il l’est devenu ensuite avec la manie d’une personne livrée à des recherches historiques. La santé de M. D. en a reçu une profonde atteinte. Ses digestions ont été plus pénibles, plus lentes ; i a beaucoup maigri. En novembre 1844, il s’est enrhumé et n’a rien fait tout d’abord contre cetie affection. Mais voyant sa santé décliner de jour en jour, il a consulté son médecin, qui a prescrit pendant près de quatre mois des boissons mucilagineuses, un régime doux. Le malade s’est affaibli de plus en plus; la toux a persisté, elle est devenue fatigante surtout pendant la nuit ; des sueurs existaient le matin sur le troncet le col ; le malade était oppressé à la suite d'un léger mouvement. Les ganglions cervicaux étaient tumé- fiés et formaient sur les côtés du col une espèce de chapelet. Au mois de juin 1845, appelé près de lui, j'ai constaté les symptômes suivants: la toux est rare, elle a lieu surtout le malin et la nuit ; au-dessous de la clavicule droite, dans l’éten- due de trois centimètres environ, existe un son mat: dans ce point la respiration vésiculaire est très-faible et mélée à des bulles de râle sous-crépitant ; dans le point correspondant en ar- rière, on entend un peu de broncophonie. Dans le reste du pou- mon droit et dans le poumon gauche, l’auscultalion n'indique rien de particulier. Le thorax est très-rétréci : les omoplates sont saillantes, aussi bien que les clavicules ; le pouls bat 76 fois, il est assez développé ; l'appétit est assez régulier. Dignostic Tubercules au sommet du poumon droit ; pronostic grave. Il me fut aisé de faire adopter ce pronostic, le médecin traitant l’avait annoncé : les parents l’avaient cru sans peine. Une nourriture animale assez abondante, le sirop de proto- iodure de fer à la dose de 15 grammes matin etsoir, le séjour à la campagne sont prescrits ; si bientôt il n’y a pas de changement notable, un cautère sera posé sous la clavicule. ( 187 ) Le malade fait tout d’abord de l'exercice à baudet ; il fait en- suite des promenades à pied, et après trois mois, celles-ci sont assez longues. Sous cette influence, son état s'est beaucoup amélioré. Au mois d'octobre, le malade marche longtemps sans op- pression , sans fatigue : il a engraissé de quatre livres ; l'appétit est bon, les aliments sont bien supportés. Le 25 février $846, quinze mois après l'apparition du rhume, le sommet des deux côtés du thorax fournit un son clair. Le bruit vésiculaire est faible, sans broncophonie, sans mélange de râle à droite. Le malade ne tousse plus ; l'appétit est régulier, la nutrition est bonne. Le malade fait de longues courses sans op- pression ; il est sorti souvent pendant l'hiver. (Pilules ferrugi- neuses, eau de Bussang, nourriture animale, exercice régulier en plein air. ) 10 décembre, M. D. ne tousse plus ; il à engraissé nota- blement. I. Le diagnostic dans ce cas, ne saurait être douteux. La matité au sommet du thorax, l'expiration dure; râpeuse, le léger râle sous-crépitant, la maigreur avec fièvre hectique dénotent assez la présence des tubercules dans le poumon droit. Toutes les per- sonnes qui entouraient le malade , son médecin, le considéraient comme phthisique. IT, C’est par suite d’une affection chronique du tube digestif que M. D. a vu la nutrition s'altérer, qu'il a maigri, que les ganglions cervicaux se sont engorgés. La conformation vicieuse du thorax, le défaut d'exercice, le séjour prolongé dans une chambre bien close, dans des salons où la température est éle- vée, où l'air est disputé par un grand nombre d'individus, ajou- taient à cette altération el à l'insuffisance de l'hématose. Moins vivifié, le sang excitait moins les organes: lanutrition languissait, (188 ) la peau remplissait mal ses fonctions. Troublée dans ses racines, la nutrition a été profondément altérée , et c’est sous cette in- fluence que des tubercules se sont développés à la suite d’une bronchite. [TE. Des boissons émollientes, un régime doux, peu abondant; le repos dans une chambre chaude ont été prescrits sans succès. Cela devait être. : ces moyens pouvaient tout au plus diminuer Virritation des bronches . mais ne pouvaient en rien changer cette sécrétion tuberculeuse : il fallait d’abord modifier l’état du sang et par suite la nutrition. Les aliments ioniques, les ferru- gineux, le séjour à la campagne, l'exercice musculaire ont rempli cette indication. IV. Dans la première période de la phthisie pulmonaire, sur- tout dans la forme chronique, quand le pouls n’a pas de fré- quence, l'exercice constitue un excellent moyen thérapeutique. En activantla circulation vers les extrémités, il diminue Ja ten- dance aux congestions viscérales. En passant à travers la subs- tance musculaire, le sang subit une élaboration favorable, utile. Les digestions sont plus faciles, les excrétions plus régulières ; le sommeil est plus réparateur, l’assimilation est plus complète , plus active. La marche en plein air répond aux indications de la science. Dans la première période de la phthisie, l’analyse mo- léculaire, d'accord en cela avec l’expérience clinigze, a démon- tré que le chiffre des globules sanguins est roiablement dimi- pué (de 127 à 80 dans un cas. Andral, essai d’hématologie.) L'exercice à pied en plein air, gradué selon les forces du ma- lade, me semble beaucoup plus utile que l’équitation tant re- commandée par Sydenham. Ce médecin avait une si grande confiance dans l'efficacité de ce moyen qu’il le conseillait, « non seulement dans les consomptions légères, accompagnées de toux fréquente et d’amaigrissement, mais encore dans les consomp- lions confirmées, accompagnées de sueurs nocturnes et même de ce dévoiement funeste qui est ordinairement le dernier terme ( 189 de la maladie et l’avant-coureur de la mort. » D'après lui, « le mereure n’est pas plus efficace pour la guérison de ja vérole, ni le quinquina pour la guérison des fièvres intermittentes, que l'exercice du cheval pour celle de la consomption, pourvu que le malade fasse suffisamment du chemin et qu'il ait soin que les draps de son lit soient bien secs. Les malades qui choisissent ce moyen de guérison n’ont plus besoin d'être asservis à aucun régime particulier, ils peuvent boire et manger de tout ce qui leur plait parce que cet exercice tient lieu de tout, » Voici quelle est, d’après le médecin quej'aicité, l'action de l'équitation : « Cet exercice, par les secousses redoublées qu'il donne aux poumons, et surtout aux viscères du bas-ventre, dé- barrasselesang des humeurs excrémentitielles qui y séjournaient, donne du ressort aux fibres, rétablit les fonctions des organes, ranime la chaleur naturelle, évacue par la transpiration ou au- trement les sucs dégénérés, ou bien les rétablit dans leur premier état, dissipe les obstructions, ouvre tous les couloirs , et enfin, par le mouvement continuel qu’il cause au sang, le renouvelle, pour ainsi dire, et lui donne une vigueur tout extraordinaire. » La confiance de Sydenham dans l'emploi de ce moyen et les explications qu'il donne de son efficacité, sont le résultat de ses croyances sur la nature de la phthisie qu'il attribuait « à de la pituite crue, de la sérosité qui se fixait sur le poumon, l'irritait, brisait son élasticité , et par suite il se formait dans son tissu des obstructions, des engorgements, des tubercules. » (1) L'expérience n’a pas malheureusement confirmé l’opinion de Sydenham. On voit par cette cette citation combien les idées pathogé- niques influent sur la thérapeutique d’une maladie. (x) Sydenham , Médecine pratique ; trad. par Jault. (190 ) a Les réflexions qui accompagnent chacune de ces obser- vations me dispensent de résumer les principales circonstances qu’elles ont présentées. Je me contenterai de faire remarquer que dans ces deux cas, comme dans ceux rapportés dans notre pre : miére partie, les causes de la tuberculisation étaient différentes. Chez Mme D. c'était une faiblesse native, une phleg + masie chronique de l'estomac, des pertes blanches, des pertes sanguines , des grossesses rapprochées à de courts intervalles. Chez M. D. nous trouvons une difformité du thorax, un trouble des fonctions digestives, un état sédentaire proiongé. Nous ver- rons plus loin la chlorose et une syphilis constitutionnelle favo- riser le développement des tubercules. Pour triompher de cette maladie, des moyens variés ont été prescrits, et sous leur influence nous avons vu la nutrition s’améliorer, la tuberculi- sation s’arréter. b— Quand on aborde le traitement d’une phthisie pulmonaire, il faut en rechercher avec soin la cause , s’efforcer de l’éloigner et remédier aux modifications apportées dans la nutrition. Cela n’est pas facile sans doute. Dans bien des cas la maladie recon- naît des causes multiples , et souvent il n'est pas possible d’em- ployer des moyens appropriés à ces diverses causes; de plus , à une période avancée, cette maladie s’entrelient elle-même ; maïs dans la première période , surtout avant le développement des tubercules dans les poumons, chez les personnes qui ont de la fortune , on pourra remplir les indications que je viens de signa- ler, et obtenir sous l'influence de ces moyens, des résultats heu- reux. Tant que la cause sera présente, des tubercules se dévelop- peront, et, nous l’avons déjà dit, ce sont les éruptions successives qui, le plus souvent, amènent la mort. On aurait fait un grand pas, on aurait rendu un grand service à l'humanité , si l’on parvenail à empécher le ramollis- sement des tubercules, et surtout si l’on pouvait arrêter les { 191 ) éruptions secondaires. C’est à quoi il faut s’atlacher ; ce n’est pas en recherchant des spécifiques contre la lésion dite tubercale qu’on y parviendra , mais bien en s’efforçant de détruire cette altération de nutrition, cette diathèse qui préside à la tubercu- lisation. Cette altération précède souvent de longtemps la for- mation des tubercules. La plupart de nos observations nous en ont offert des exemples. e —— Il s’en faut bien qu'on ait (oujours suivi cette méthode dans le traitement de la phthisie pulmonaire; souvent , encore aujourd’hui, les indications thérapeuliques sont déduites des idées qu'on s’est faites de la nature de cette maladie. Sans remouLer loin de nous, à l'époque où la doctrine physio- logique comptait des partisans exclusifs, où les idées du maitre étaient même dépassées , la phthisie, considérée comme une pneumonie chronique, était traitée par les émissions sanguines, les émollients , les révulsifs à la peau. Plus tard, l'anatomie pathologique montrant toujours des tubercules, on s’est efforcé d’expulser cette substance , de la dissoudre et d’en rendre l’ab- sorption plus facile. Dans ce but, on a prescrit l’'émétique, le calomélas, le carbonate de soude, le chlorure de sodium, sans tenir comple des secousses imprimées aux pauvres malades, des phlegmasies du tube digestif qu’on détermine ou dont on fa- vorise l'explosion précoce. Récemment un médecin, attribuant la phthisie à un trouble dans la sécrétion cutanée, a conseillé de placer les malades dans une atmosphère imprégnée de gaz ammo- niac dans une température élevée. Dans un autre ordre d’idées, considérant la phthisie comme une des formes de la scrophule, des médecins prescrivent contre cette affection la série des moyens dits snti-scrophuleux. D'autres , enfin, voyant toujours dans ces cas de la débilité, conseillent les excitants. Nous avons vu dans notre prenrière (192) observation ces moyens augmenter la phlegmasie de l'estomac et la faiblesse consécutive a cette phlegmasie. d — Le traitement de la phthisie pulmonaire ne saurait pas être toujours le même et varier seulement suivant l’idée qu'on s’est faite de sa nature. Les indications (hérapeutiques doivent être différentes, non seulement selon la nature des causes, mais encore selo le degré de la tuberculisation, selon les divers états organiques de l'individu, selon son âge, selon le climat, selon mille circonstances, et c’est quand on tiendra compte de ces cir- constances, qu’on pourra traiter d’une manière utile une affec- lion qui fera toujours un trop grand nombre de victimes. Je trouve dans un ouvrage publié au commencement de ce siècle (1) le passage suivant qui sera lu avec intérêt, tout en tenant compte des progrès de l’anatomie pathologique moderne. « Pour un praticien attentif et exercé, la phthisie pulmonaire ne peut point étre réduite à une seule espèce, et c'est un abus bien contraire à sa véritable étiologie que de n’admettre qu’une cause matérielle, qu’un principe morbifique. Cela fût-il même vrai, la différence de l'âge, du climat, des circonstances de la vie et du tempérament n'en introduirait pas moins, dans le carac- tère de la maladie, une différence capable d’influer sur sa na- ture, sur sa marche et sur ses indications curatives. D'ailleurs les périodes de la pulmonie doivent encore produire le même effet. Ainsi, malgré les efforts de ceux qui tendent à tout confondre relativement à la phthisie pulmonaire, il reste néanmoins pour constant que cette maladie mérite d’être considérée sous des as- pects différents et d’être distinguée non seulement par des (x) Traité de la phthisie pulmonaire, par Baumes, 2.° édit, 1805, 2.° vol., page 400. (193) nuances, mais encore par cette diversité de nature qui rend les méthodes curatives tout-à-fait opposées. » e— Les moyens thérapeutiques, surtout dans la première pé- riode de la phthisie pulmonaire, doivent avoir spécialement pour but d’éloigner les causes, de modifier l’état du sanget le mode de autrition, de combattre les complications. Les analyses quanti- tatives des éléments du sang, les efforts tentés par la chimie or- ganique, les dernières recherches sur les fonctions du tube di- gestif, sur la composition du chyle, les observations cliniques rendent la chose plus facile et permettent d'espérer un bon résultat. Les observations suivantes nous présentent l'application de quelques-uns de ces préceptes. TROISIÈME OBSERVATION. Teinpérament lymphatique, — Séjour dans une grande ville, — Chlorose, — Tubercules pulmonaires. M.lle J***, demoiselle de confiance , âgée de 26 ans, petite, blonde, ést atteinte de blépharite chronique double ; son père est mort à 30 ans d’une phthisie serophuleuse ; elle couche dans une petite mansarde mal éclairée et habite Lille depuis cinq ans en- viron. Peu de temps après son arrivée, les pertes blanches qu’elie avait ont été plus abondantes, la malade en a été fort affaiblie et bientôt les règles sont supprimées. Les digestions sont plus pé- nibles, la malade tousse, elle maigrit à vue d’œil, des douleurs vagues existent dans le dos En 1841, je constatai les symptômes suivants: état chlore tique ; toux frèquente, spécialement la nuit ; légère matité sous la clavicule droite; dans le point correspondant, bruit vésicu- 13 ( 194) laire faible., respiration dure, râpeuse, léger râle sous-crépitant ; rien d’anormal dans tout le reste du thorax ; palpitations; dys- pnéeau plus léger mouvement; symptômes d’irrilation sourde de l'estomac. Diagnostic. — Chlorose , irrilation gastrique, tubercules au sommet du poumon droit. Des fécules au bouillon , des œufs, du poisson bien frais, puis de la viande, furent successivement accordés ; séjour dans une chambre vaste donnant sur un jardin : plus tard, l'eau de Spa, le sous-carbonate de fer furent prescrits. Après trois mois de ce traitement, les fonctions de l'estomac étaient améliorées; la nutrition avait subi une profonde modifi- cation ; la toux avait diminué, et six mois après le début des soins que je lui avais donnés, les règles ont reparu très-faibles d'abord, puis plus abondantes. Depuis cinq ans, elle prend par intervalle du sous-carbonate de fer, une nourriture forte et abondante ; sa santé s’est main- tenue : elle n’a plus toussé, et aujourd’hui l’auscultation fait constater au sommet et à droite une respiration faible et dure I. Mie D., d'une constitution faible, scrophuleuse , avait des flueurs blanches. Arrivée à Lille, ces pertes augmentent ; couchée dans une chambre peu éclairée, la nutrition s’alière, et celte altération fait d'autant plus de progrès que les fonctions digestives sont elles-mêmes troublées. Une chlorose survient et bientôt des tubercules se développent au sommet du poumon droit; c’est ce que dénotent la matité, la respiration dure, râ- peuse, le râle sous-crépitant. IL. Ramener les fonctions digestives à un meilleur état, remé— dier à la chlorose, supprimer les pertes blanches, telles étaient les (1952) indications à remplir. Dans ce but un régime de plus en plus tonique , les préparations ferrugineuses , le séjour dans une chambre vaste, bien aérée , les injections avec l’eau saturnée furent prescrits avec avantage. IL. La chlorose nécessilait spécialement l'emploi des prépa- ralions ferrugineuses. Tout autre médicament tonique n’aurait pas eu le même résultat. Dans l'observation suivante, on verra les mêmes causes déterminer la sécrétion des tubercules, et le défaut de soins bien dirigés, laisser persister cette affection et amener la mort. QUATRIÈME OBSERVATION. Constitution bonne, — Traitement orthopédique, — Chlorose, — Tubercules pulmonaires, — Mort. M.le L***, âgée de 17 ans, brune, d’une taille moyenne, ayant la poitrine étroite, déprimée, réglée depuistroisans, d’une très- bonne santé habituelle, appartient à une famille qui ne compte pas de phthisiques. Son père est mort à 63 ans d’un ramollis- sement du cerveau ; sa mère, son frère, sa sœur jouissent d'une très-forte santé. Elle vint à Paris en 1842, pour consulter un médecin sur une déviation de l’épine tellement légère que sa mère seule dans sa famille croyait à cette déviation. Elle fut soumise pendant six mois à l’application de moyens mécaniques dans un établissement orthopédique. A la fin du traitement qui, d’après le médecin, avait complètement réussi, la malade était pâle, chlorotique, amaigrie. Revenue dans sa famille, elle prit les bains de mer pendant deux mois. Ces bains furent utiles. La malade semblait mieux. Pendant l'hiver de 1843, M.lle L. s’enrhuma, et cette affection dura plus de six semaines. Peu à peu cette bronchite diminua, et la malade vint à Paris dans les premiers jours de mai. (196 ) Elle était pâle, chlorotique ; elle toussait encore : les menstrues étaient régulières. A Paris elle fit de longues courses à pied : elle en fut très-fatiguée ; bientôt elle devint plus triste, plus faible. Arrivée dans une campagne près de Cambrai, le 6 juin, un médecin conseilla l'usage du lait, des boissons gommeuses, une témpérature chaude. L'état de la malade ne s’'améliora pas: l'appétit devint plus capricieux, le teint plus pâle, l'esprit plus triste, plus inquiet ; un léger frisson avait lieu au milieu de la journée ; il élait suivi d’une réaction assez forte. Pour la pre- mière fois les menstrues ne vinrent pas à la fin du mois. Je vis la malade, à Lille, le 13 juillet: voici ce que je constalai : diminution de la sonorité normale au sommet du thorax des deux côtés, spécialement à droite ; le bruit d'expiration est dur, très-marqué des deux côtés, surtout à droite, où existe un râle sous-crépitant en avant et en arrière ; toux rare, peu de cra- chats ; pouls à 92; pâleur générale , amaigrissement, faiblesse très-grande, appétit. Exacerbation des symptômes pendant la nuit et le matin il existe un peu de sueur. (Nourriture douce, sirop de quinquina aqueux , promenade quand la température le permet. La famille ne voulut pas ajouter foi au pronostic fâcheux que je portai sur cette maladie : elle en fut effrayée, car elle était jusque-là dans uné sécurité parfaite. Peu à peu les symptômes augmentent d'intensité ; l’amai- grissement fait de rapides progrès, l’exacerbation nocturne aug- mente, le râle cavernuleux du sommet droit devient un gargoui.- lement ; à gauche on entend uñ râle cavernuleux ; quelques stries de sang existent dans les crachats; le pouls devient de plus en plus fréquent. Enfin, le 6 octobre, une congestion très- forte du poumon survient, une hémoptysie abondante en est la suite, et la mort a lieu pendant cette hémoptysie. (497 ) LI. M.lle L. avait la poitrine déprimée, étroite. Soumise pen- dant un mois à un traitement orthopédique, l’immobilité, la compression du torse, la réclusion, ont altéré sa constitution : elle est sortie de l'établissement pâle, amaigrie, très-affaiblie. Les bains de mer ont été utiles, mais l’état chlorotique persis- tait. Rentrée dans une ville où la température est froide et hu- mide, où les variations atmosphériques sont fréquentes, elle s’enrhuma. Elle ne fit aucune attention à cette maladie qu'elle croyait legère ; elle vint à Paris où elle se fatigua beaucoup. Les boissons gommeuses, le lait, les fécules, le séjour dans une chambre chaude furent prescrits. La malade s’affaiblit de plus en plus, des tubercules, développés sous l'influence de la mauvaise nutrition, se ramollissent et la malade meurt avec tous les symptômes d’une phthisie pulmo- naire à marche précipitée. Telles sont les diverses phases de cette affection. IT. Si la malade n'avait pas été soumise à un traitement ortho- pédique, si la chlorose avait été traitée dès le début par les pré- parations de fer, l'exercice en plein air, une alimentation forte, auréit-on vu la phthisie pulmonaire survenir? il est permis de poser cette question. La malade n'était pas prédisposée origi- nairement à cette affection: aucun membre de sa famille n’est mort phthisique; elle avait été toujours bien portante jusqu’à son arrivée à Paris. C’est à la suite d’un affaiblissement, d’une altération spéciale dans la nutrition que des tubercules se sont développés. (198) CINQUIÈME OBSERVATION. Chancres, — syphilis constitutionnelle, — toux, — fièvre hectique, — traitement anti-syphilitique, — quérison. L***, d’une forte constitution, sous-officier dans un régiment de ligne, contracta une uréthrite et des chancres en 1836; il pansa la verge avec du cérat, il prit des bains et observa une diète lactée ; sous l'influence de ces moyens, les chancres dispa- rurent, aussi bien que l’uréthrite. Deux mois après il survint des ulcères à la partie postérieure de la bouche, la voix devint rauque, la toux était fatigante. — Entré à l'hôpital militaire de Bitche, des sangsues furent posées plusieurs fois à l’angle des machoires, à la fossette sus- sternale, gargarismes, bains. Des pustules d’un rouge cuivré se montrèrent au front, sur les bras. Le sternum et quelques côtes dans leur milieu, devinrent le siége de douleurs vives, surtout pendant la nuit. Le malade ne dormait plus depuis deux mois, il voyait la nuit arriver avec une espèce d’effroi. Harassé de fatigue et de souf- frances, il ne s'endormait que le matin; la peau se couvrait de sueur. La constitution était profondément altérée, le malade avait beaucoup maïigri; la toux était fréquente, l’expectoration abondante. Les médecins le croyant atteint de phthisie pulmo- naire l’avaient désigné pour un congé de réforme. Je vis ce sous-officier dans cet état au mois de juin 1837. L’aus- cultation me fit bientôt reconnaître que le poumon élait sain. D'après les antécédents précités, il fut évident pour moi que la vérole constitutionnelle jouait le plus grand rôle, peut-être même le seul, dans l’affection de ce sous-officier ; je prescrivis : 1.° Frictions, matin el soir, avec deux grammes d’onguent napolitain ; ({ 19) 2.0 Tous les matins, un verre de décoction concentrée de salsepareille; 3.9 Un bain sulfureux tous les trois jours ; 4.9 Gargarisme contenant de la liqueur de Van-Swieten; 5.0 Alimentation peu copieuse, spécialement lactée. A peine huit jours étaient écoulés, que les douleurs avaient notablement diminué : le sommeil était revenu. La continuation des moyens indiqués amena la cessation de tous les symptômes. L’enrouement, la toux, disparurent, aussi bien que les papules, à l'exception d'une, qui persista au bras. Cet heureux change- ment eut lieu après un mois et demi de traitement. La nutrition s’améliora beaucoup et le malade engraissa tellement, qu’à peine on le reconnaissait. L'hiver suivant , en 1838, il fut pris de nouveau d’une bron chite avec enrouement. Quelques papules apparurent au front et sur les bras. Entré de nouveau à l’hôpital, on prescrivit trois applications successives de sangsues à la fossetie sus-sternale La toux persista ainsi que les pustules, des douleurs nocturnes se montrèrent dans l'articulation radio-carpienne droite. Anrès un séjour de deux mois à l'hôpital, il partit pour un congé de convalescence, et se rendit à Baréges. Il était pâle, émacié, je l’engageai à prendre pendant sa route des pilules de Sedillo et une décoction concentrée de salsepareille. Arrivé à Baréges, il continua les pilules mercurielles, il prit ensuite des bains et des purgatifs; sous cette infiuence il s’est complètement rétabli. La voix est revenu, et le malade peut commander longtemps l'exercice, les manœuvres, sans en être fatigué. LE. C’est là un exemple de ce qu’on appelait avant les travaux de Broussais, de Bayle, de Laennec, une phthisie syphilitique. Dans ce cas il n’y avait pas de tubercules, pas de lésion du ( 200 ) parenchyme pulmonaire, il n’y avait donc pas de phthisie dans l'acception de ce mot aujourd’hui. Mais des tubercules ne se seraient-ils pas développés, si l’on n’avait pas guéri la syphilis constitutionnelle qui a si profondément modifié la nutrition du malade? sans aucun doute , et peut-être les eussions-nous déjà observés, si le malade y avait été prédisposé. IL. C’est par l’altération profonde de la nutrition causée par la vérole constitutionnelle, que des tubercules se développent dans ces cas, et non par la propagation de l’ulcère de la bouche, ou par le virus syphilitique attaquant la muqueuse des bronches ou du poumon, ainsi que le pensaient Morton, Morgagni et Franck. HT. Les préparations mercurielles ont été fort utiles, et tout autre médicament n’auraif pas pu les remplacer. Elles répon- daient directement à une indication, celle de remédier à la cause essentielle de cette altération de constitution. IV. J'ai rapporté cette observation afin de montrer combien des causes variées peuvent déterminer la phthisie pulmonaire et combien il est important de toujours remonter à ces causes si l’on veut être utile. Les considérations renfermées dans ce travail se rattachent à la phthisie régulière, classique, et non à cette forme précipitée, irrégulière de la maladie, forme spécialement étudiée depuis les beaux travaux de Laennec. En terminant, je veux citer une note du commentateur de Laennec, dont tout le monde connait l'excellent esprit d’obser- vation. Elle montre bien les difficultés que présente le traitement de la phthisie, surtout à une période avancée. « La thérapeutique de la phthisie pulmonaire (4) offre surtout (1) Traité de l’Auscultation, 4. édit., t, », p. 28r, note de M. Andral. (204 ) cette rare difficulté, que sans cesse on y trouve en quelque sorte en présence deux éléments morbides, dont l’un réclame un trai- tement qui ne saurait convenir à l’autre. D'une part, en effet, à mesure que la phthisie pulmonaire parcourt ses diverses pé- riodes, beaucoup d'organes présentent une disposition de plus en plus marquée à s'irriter, à se congestionner activement, à s’en- flammer, et, dès le début même de la maladie, la cause quel- conque qui produit des tubercules dans le poumon, crée en même temps autour d'eux un travail phlegmasique qui augmente d’autant plus que ces corps grandissent et se multiplient. D'une autre part, la cause prochaine du développement des tubercules, celle sans laquelle toutes les autres resteraient sans influence, n’agit certainement pas à la manière des agents stimulaires, et c’est plus ordinairement dans des conditions générales d'hypos- thénie que dans toute autre, que les tubercules prennent nais- sance soit au sein du poumon, soit ailleurs. E} faut done, dans le traitement, en même temps que l’on s'occupe de combattre l’élé- ment phlegmasique toujours présent, ne pas accroître ou ne pas créer dans l'organisme un état d’asthénie singulièrement propre à favoriser le développement des tubercules. Tout cela posé, on conçoit que le traitement, soit préservatif, soit palliatif, soit même curatif dans quelques cas, de la phthisie pulménaire, ne devra pas être toujours le même, Ainsi il est des individus chez lesquels il y a surtout à combattre une disposition à l'inflam- malion..... Il est d’autres individus chez lesquels des indica- tions toutes différentes se présentent à remplir..... Ne nous étonnons done pas si l’on a vu des phthisies pulmonaires à leur début s'améliorer et se suspendre sous l'influence de médica- tions toutes contraires; car certainement le même mode de trai- tement ne saurait être suivi dans tous les cas. » ( 202 ) TABLE DES MATIÈRES. Pages. Considérations préliminaires. ..................... in Hi 146 PREMIÈRE PARTIE. Observation premières fase: ant ai 641210), QUO DE. ... 149 = détxièmertins st métier. nf donnes d orrerrr ese d 151 = troisième, ........... Essen ions rca 453 = quatrième. sise totiodieoe ncraddinéée 4156 — cinquiémentt sc tépié der -osepefe MEN ne sc a EE 159 Résumé des observations précédentes. ...........,......... 163 RE en oi ot M 164 ('TE - Anatomie pathologique... :...."...:..... "22 166 $ IE. Marche de la maladie... ... à le où ne te ete race LA CEE 170 CV M ee ee ce nue se D 471 (RE Hrantomentine EC ne se 171 DEUXIÈME P4RTIE. Observation premiere, Lust. 01350 NAN à Ces CUNTE 180 — TeUXIÈME ARR LA à à ele ne asia Le 185 Considérations générales. ,........ site AS Eire Et RRE 190 ObSErvation ÉrOSIEME. À Sales te ten et «el afelalans eat e e Sven CU 4193 ee MUAPTIEME EE CS Ni le eee Le LE 195 2T éiquiemel 21 AAOMENIS PIN I JR OT RUE ITU ROTMIER 198 ( 203 ) PÈCHE DES SANGSUES. RÉPONSE AUX QUESTIONS ADRESSÉES PAR M. LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE. Séance du 24 juillet 1846. MESSIEURS , Les sangsues , employées en médecine de temps immémorial, ne l'avaient cependant jamais été davantage, ni même autant, que depuis trente-cinq ans environ, que la doctrine physiolo- gique en a fait multiplier l’usage d'une manière telle que ce précieux annélide a en quelque sorte disparu de notre pays. La France qui, il y a un demi-siècle , fournissait de sangsues la pharmacie, bien au-delà des besoins de la consommation , ne peut plus aujourd’hui, même que l’usage en a beaucoup diminué, fournir la dixième partie de ce qui est employé. Aussi le prix des sangsues s'est-il tellement accru , que c’est presque un re- mède de luxe, et que les médecins, dans les cas les plus urgents, chez les pauvres ou les artisans. n’osent plus les employer, et qu'ils essaient de suppiéer à leur action, souvent d’une manière incomplète, par les saignées générales ou les ventouses scarifiées. Vous pourrez juger de cette différence de prix si vous comparez les tarifs anciens avec les nouveaux ; vous verrez qu'en 1810 les sangsues se vendaient de 40 à 50 fr. le miile!, et qu'aujour- d’hui on ne peut les obtenir à moins de 300 à 330 francs, c’est- à-dire à un prix plus de six fois plus considérable. Cela se com- prend ; la France n’en fouraissant plus la dixième partie néces- saire a la consommation, on est obligé de les tirer des contrées ("204 ) les plus éloignées de l'Europe, et même de l’Asieet de l'Afrique; les marchands étrangers les tiennent à un prix déjà élevé, et pendant le trajet äl en périt une telle quantité que ce prix double encore. M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, désirant re- médier à ces inconvénients, voulant prévenir les abus qui ont lieu dans le commerce des sangsues, et prendre des mesures ef- ficaces pour favoriser la multiplication de ces annélides, s'est adresssé, par l'entremise de MM. les Préfets, à toutes les so- ciétés savantes pour avoir leur avis sur cette question impor- tante, et par sa lettre en date du 16 de ce mois, M. le Préfet du département du Nord réclame votre concours et vous prie de lui adresser, dans le plus bref délai possible, le résultat de vos in- vestigations. Pour satisfaire à ce désir, vous avez, dans votre séance du 17 dudit mois, nommé une commission composée de MM. Cazeneuve, Testelin et Bailly , chargée de répondre aux questions adressées par M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce. Nous allons essayer de remplir notre mandat. 1.reQuesrion. — Erriste-il dans l'arrondissement de Lille des marais, des étangs ou des cours d'eau où l'on trouve des sangsues? Ces sangsues sont-elles l'objet d'une péche régulière ? Combien, approæimativement , en livre-t-on chaque année à la consom- mation ? Réponse. — Les sangsues qui existent dans les marais, étangs et fossés d'irrigation de l’arrondisssement de Lille sont tellement peu nombreuses que la pêche n’y est pas faite d'une manière régulière ; les fossés d'irrigation de la Lys sont au- jourd'hui presque les seuls où on trouve quelques sangsues of- ficinailes; mais les débordements annuels de la rivière, en entrai- nant probablement une grande quantité de celles qui s’y sont développées pendant l'été, font que la pêche ne saurait y être fructueuse. 2.e Quesrion.— L’arrondissement de Lille possède-t-il des ma- ( 205 } rais qui aient nourri autrefois des sangsues el qui n'en contien- nent plus aujourd'hui? Dans les marais qui en fournissent encore, La péche est-elle plus ou moins abondante qu'autrefois et en quelle proportion ? Réponse. — Les marais de Lomme, Haubourdin, Hallennes, Emerin et quelques autres fournissaient, il y a trente ans, une trés-grande quantité de bonnes sangsues ; maintenant on n’en lrouve plus assez pour que la péche soit fructueuse, car c’est à peine s’ily en à un centième de ce qui existait à l’époque précitée. 3.e Quesrion. — Les marais, élangs ou cours d'eau où se fait “principalement la pêche des sangsues appartiennent-ils à des par- ticulieurs, à des communes ou au domaine public ? Comment se fait en généra! cette péche et à quelle époque ? Est-elle soumise à quelques usages ou réglements locaux ? Réponse. — Les marais appartiennent, pour la plupart, aux communes, quelques-uns aux particuliers ; nous ne pensons pas qu'aucun fasse partie du domaine public. IL n’y a jamais eu de pêche réglée dans l'arrondissement de Lille, et encore aujour- d'hui il suffit d’être propriétaire d’un marais ou habitant d’une commune qui possède un marais pour avoir le droit de pêcher selon sa manière. En général on prend les sangsues à la main ou au moyen d'un filet à mailles très-serrées, où bien encore en laissant surnager une planche dont la face immergée a été frottée avec de la chair fraiche de cheval ; ces planches, retenues par des cordes, sont retirées de temps en temps pour en déta- cher les sangsues qui y adhérent. Quelques pharmaciens de Lille ont tenté de multiplier les sangsues, soit dans des marais, soit dans des réservoirs ou étangs artificiels; mais aucun d’eux n’est parvenu à obtenir une repro- duction suffisante pour couvrir les frais d'établissement et d'entretien ; quelques-uns y ont même perdu des sommes con- sidérables. ( 206 ) Il y a sept ans, on a jeté de très-grandes quantités de sang- sues dans les fossés de la Citadelle et quelques autres fossés de la place de Lille qui paraïssaient propres à faciliter la repro- duction, mais il ne paraît pas qu’elles y aient propagé. À l’hôpital militaire de Lille, il existe, depuis douze ans en- viron, un réservoir assez spacieux dont l’eau est renouvelée par le canal qui passe sous cet établissement ; maïs ce récervoir pa- raît n'avoir eu d'autre objet que de conserver les sangsues qui déjà ont servi et de Les rendre propres à un nouvel usage après un séjour plus ou moins long dans chacun des quatre comparti- ments dont il est formé. On y a bien trouvé des filets qui sem- blaient faire croire que la propagation pourrait s’y faire d’une manière fructueuse, cependant rien jusqu'ici n’est de nature à justifier ces prévisions ; ce que l’on peut certifier, c'est que les sangsues qui ont séjourné ua temps assez long dans ces viviers s’y sont bien conservées et ont pu servir de nouveau. Ïl serait à désirer que dans tous les établissements hospitaliers de pa- reilles mesures fussent prises. 4.2 Quesrion. Comment se fait le commerce des sangsues indi- gènes ? Quel est leur prix moyen lorsqu'elles sont vendues sur place ? en exporte-t-on hors du département ? RÉPONSE. — Les sangsues indigènes ne sont pas l’cbjet d’un commerce; ceux qui en prennent, et ce sont particulièrement les enfants, les vendent directement aux pharmaciens qui les leur paient en raison de leur volume, de leur vigueur et du prix au- quel il les achettent aux marchands de Paris, car c’est là qu'ils se fournissent, el on sait que Paris les tire de Strasbourg où elles arrivent de la Pologne, de la Hongrie, de la Transylvanie et de quelques autres contrées de l'Allemagne, de la Russie et de la Turquie d'Europe et d'Asie. 5.8 Quesrion. — Les médecins, particulièrement les médecins des hôpitaux verraient-ils des inconvénients à la prohibition de la vente des sangsues dites vaches et des sangsues dont le poids serait inférieur à 2 grammes ? ( 207 ) Réponse. — Loin de voir des inconvénients à la prohibition de la vente des sangsues les plus aptes à la reproduction et de celles qui ne sont pas adultes, votre commission pense que les médecins des hôpitaux et autres y verraient des avantages, d'abord parce que les premières sont, en général, mollasses, peu avides et meurent souvent sur le lieu où on les applique, et parce que les autres tirent peu de sang et que leur piqüre est si petite que celui qui s'écoule après qu'elles sont gorgées remplit difficilement le but qu'on se propose ; il en faudrait un trop grand nombre pour obtenir le résultat qu'on a droit d'attendre de leur application. Votre commission pense même, Messieurs, qu'il serait peut-être utile d'interdire totalement ou du moins de restreindre à quelques localités que M. le Ministre sera proba- blement mis à même de désigner par les rapports qui lui seront adressés de toutes les parties de la France, le droit de pêche des sangsues pendant huit ou dix ans, afin de permettre une repro- duction suffisante, les pays étrangers pouvant satisfaire pendant ce laps de temps au moins à tous les besoins du nôtre. Le prix des sangsues ne saurait augmenter beaucoup par suite de cette mesure, parce que l'usage abusif de ces annélides tend à dimi- nuer chaque jour et que le nombre de celles qu'on prend en France n’est pas assez considérable pour faire espérer une dimi- nution sensible de ce prix, tandis qu'après quelques années de la prohibition de cette pêche la reproduction serait complète, les marais de la Erance pourvoiraient les pharmacies au-delà des besoins de là consommation et à un prix à la portée de toutes les classes de la société. Tels sont, Messieurs, les résultats des recherches faites par voire commission pour l'arrondissement de Lille, afin d'éclairer la question dont s'est vivement préoccupée l’école de pharmacie et par suite M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce. ( 208 ) MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. NOTICE SUR LA PLEUROPNEUMONIE ÉPIZOOTIQUE DE L'ESPÈCE BOVINE, Régnante dans le département du Nord. ParM. Lorser, Vétérinaire du département, Membre résidant. Une grave et meurtrière maladie exerce depuis longtemps ses désastres sur la population bovine d’une grande partie de l'Europe , c’est la pleuropneumonie épizootique , qui impose annuellement des pertes variables et toujours onéreuses à l'agri- culture et au commerce. Les deux cent quatre-vingt mille têtes de bétail, de cette espèce, entretenues dans le “épartement du Nord, ont particulièrement payé un large tribut à cette cause morbide de mortalité, et rien n'indique encore, quel sera le terme des sacrifices qu’elle continuera de faire peser sur cet immense matériel vivant , source essentielle de la haute pros- périté rurale de nos riches et populeuses campagnes. Invasion. — La première apparition de l’épizootie dans le département remonte, d'après des documents scientifiques incon- testables , à 1822, époque où elle a été constatée et décrite par M. Delflache, vétérinaire distingué à Avesnes, dans un excellent mémoire inédit, inséré dans la correspondance vétérinaire dépar- { re Ut © L) Je F F igure. pince Jitk° de D Monnier & Lille ( 209 ) tementale ; elle se montra alors sur huit à neuf cents bœufs importés de la Franche-Comté et destinés à l'engraissement dans les nombreux pâturages qui entourent cette ville. Il ne paraît pas , d’après M. Delflache , qu’elle se fût étendue sur les bêtes bovines inaigènes ; tandis que, suivant M. Lecoq, dans un écrit publié en 1833, elle se serait parfois, mais rarement, trans- mise à des vaches du pays. Des renseignements multipliés et concordants semblent établir que les lieux d'acquisition desdits bœufs jouissaient d’un état sanitaire parfait ; aussi l’étiologie du mal restera-t-elle très-obscure, bien que les deux vétérinaires ci- dessus cités eussent été d’accord pour admettre que les animaux en proie à la maladie l’avaient apportée de leur patrie et qu'elle s'était transmise par voie d’hérédité. Le nombre des victimes de l’épizootie fut fort considérable, mais ne püt être relevé avec exactitude, attendu qu’une grande proportion fut livrée à la consommation. En 4823, 24 et 25 , la maladie apparut de nouveau dans les mêmes lieux et avec les mêmes circonstances ; elle n’atieignit qu’une quantité bien moins considérable de bestiaux. C’est en 1827 que l’épizootie débuta dans les étables des nour- risseurs de l’arrondissement de Lille. Peu de semaines aupara- vant, la clameur publique avait annoncé son apparition en Belgique, sur les rives de la Lys et dans le petit pays longeant le littoral de la mer du Nord , connu sous le nom de Furnembac ; alors elle était attribuée à l’action des inondations qui avaient, disait-on, transmis des propriétés malfaisantes aux pâturages où paissent les bêtes à cornes ; elle se montra bientôt après chez les cultivateurs, dans les arrondissements de Dunkerque et d'Haze- brouck, gagna ensuite les étables de ceux de Douai, Cambrai, Valenciennes, et reparut enfin dans l'arrondissement d’Avesnes. Depuis , la maladie a continué d’exercer son action meurtrière avecune intensité très-variable sur l’ensemble du territoire dépar- temental. 14 ( 210 ) Marche générale de l'épizootie. — Dans son envahissement capricieux , la maladie éclatait cà et là au milieu du pays, atta- quant un ou plusieurs troupeaux et respectant les autres; sou- vent elle franchissait l’espace de plusieurs lieues sans laisser de trace de son passage dans les points intermédiaires ; quelquefois elle concentrait son action sur cerlanes localités, pour y exercer avec ténacité toutes ses fureurs; d’autres fois elle n’occupait qu’un pâturage ou qu'une étable dans un territoire d'un rayon très- étendu. Durant le cours des trois ou quatre 2nnées qui ont suivi 1840, on ne la voyait plus que chez quelques nourrisseurs et chez plusieurs cultivateurs généralement placés à de grandes distances les uns des autres, et qui, la plupart, avaient jusqu'alors échappé à Paction du fléau ; mais dans le cours de l'hiver de 1844 à 1845, elle a repris tout-à-coup, dans les environs de Lille, une activité nouvelle, qui la rend presque aussi meurtrière que lors de ses premiers débuts. Introduite dans un troupeau, la marche de l'affection était et est encore distincte de celle des principales maladies épizootiques. Dans le commencement de son invasion , elle sévissait d’abord sur deux, trois et même quatre bêtes à la fois; à dix et à quinze jours de distance, plusieurs autres bêtes étaient de nouveau atteintes, et ainsi de suite jusqu’à ce que la presque totalité du troupeau en eût supporté les attaques ; plus tard, elle mettait six mois, un. an, à atteindre successivement:et presque inviduelle- ment le quart, le tiers ou la moitié de la population des étables. Enfin, pendant plusieurs années, les établissements en proie à la la maladie ne voyaient généralement qu’à des intervalles de quatre, six ou huit mois, de rares victimes se succéder, sauf depuis deux ans, qu’une recrudescence du mal lui a restitué une partie de son activité première. La persistance de son action n’était pas moins variable. Il arrivait assez communément qu'après avoir dévasté une exploi- tation rurale, l’épizootie allait promener ailleurs ses ravages et (A1) abandonnait définitivement le champ primitif de ses meurtriers exploits. Cependant le terrible impôt qu'elle levait sur l’agricul- ture n’était pas toujours aussi léger, et il n’a pas été rare de la voir dévorer successivement deux , trois et quatre populations qui se remplaçaient les unes après les autres dans les mêmes étables. Enfin, nous l'avons vue encore, dans quelques cas excep- tionnels, prendre pour ainsi dire possession de certains établis- sements agricoles , y poursuivre sans interruption, avec une implacable ténacité, pendant huit , dix et douze ans , sa désas- treuse action, et préparer ou compléter ainsi la ruine des mal- heureux cultivateurs. Les premières victimes choisies par la pleuropneumonie sont généralement les bêtes les moins vigoureuses , celles affaiblies par. la parturition ou par une longue convalescense , puis vien- nent, immédiatement après les plus fortes, les plus jeunes et les plus grasses; il n’en est toutefois aucune, quels que soient son âge, son tempérament ou son état, qui jouisse du privilége de pouvoir lui échapper. A toutes les époques de l’année, la maladie a toujours continué de sévir ; cependant c’est en hiver qu'elle débutait généralement, et dans le cours des mois de juin, juillet, août, que son intensité a été la plus grande. Dès que la fraîcheur de l'automne se faisait sentir, elle ralentissait constamment son action, mais on remar- quait une nouvelle recrudescence dans le fort de l'hiver , en janvier et février, de sorte que les excès opposés de température de l’année paraissent également ou presque également favoriser sa rage meurtrière. À considérer l’ensemble de la marche de l’épizootie, depuis son apparition en 1827, dans la plus grande partie de l’étendue du département , on trouve que sa propagation a été successive- ment en progrès jusqu'en 1831 et 1832. De cette dernière année à 1836, les calamités qu’elle occasionnait sont demeurées station- naires; après quoi son action meurtrière s’est toujours affaiblie (212) jusqu'au printemps de l’année 1844, époque où elle a repris une nouvelle vigueur, qui semble s’accroître encore chaque jour et devoir menacer l'avenir des pertes qui ont déjà tant compromis les intérêts agricoles. Certaines circonstances hygièniques paraissent avoir favorisé son développement; ces circonstances se rencontrent particuliè- rement dans les gentévreries où on se livre à l'engrais des bêtes bovines, dans les sucreries indigènes, dans les exploitations agricoles dont la principale industrie consiste dans la production et la vente du lait, et enfin dans tous les établissements où la stabulation est permanente, le régime abondant et succulent, et où les habitations, basses , étroites, mal aérées et mal tenues, contiennent un trop grand nombre d'animaux entassés les uns sur les autres. j Les races exotiques importées dans nos localités y sont bien plus disposées à contracter la maladie que les races indigènes. En général, cette prédisposition paraît d'autant plus grande, qu’elles tirent leur origine d’un point plus éloigné du lieu d'importation, de sorte qu'eu égard aux chances d'apparition du mal, les bes- tiaux le plus généralement transplantés dans le département du Nord peuvent être rangés dans l’ordre suivant : Races Franc- Comtoise, Hoillandaise, des Deux- Flandres, Picarde, Arté- sienne, etc. Toutefois, il convient d'ajouter qu'après s’êlre naturalisée parmi nous , la maladie est devenue proportionnelle- ment plus accessible pour les bestiaux indigènes. Il est un autre fait que les données ci-dessous révèlent : c'est que, toutes circonstances égales d'ailleurs , le cours des rivières et canaux , ainsi que les bords des marais , ont vu sévir l'épi- zootie avec plus de rigueur que partout ailleurs ; aussi les parties de nos campagnes qui ont eu et ont encore à en souffrir sont- elles les rives de l'Escaut, de la Lys, de la Scarpe , de la Deüle, de la Marcq, etc. Statistique de la mortalité. — D'après les documents statis- (243) tiques recueillis de 1830 à 1836, dans le tiers des communes du département (1). par les soins des vétérinaires , qui ont dressé des tableaux détaillés des pertes survenues dans leurs clientèles respectives, il résulterait que la mortalité, par suite de l’épizootie, a été en moyenne sur chacune des années précitées et calculée pour toute la population bovine du département , d'environ 4 centièmes ; mais cette perte se répartit très-inégalement, suivant les conditions hygiéniques qui viennent d’être signalées ; ainsi elle est de 12 centièmes pour les étables des genièvreries et des nourrisseurs , et seulement de 2 centièmes pour le bétail des exploitations rurales où la stabulation n’est pas permanente et où, pendant le cours de la belle saison , les bêtes vont généra- lement aux pâturages. Dans les années les plus désastreuses , les nourrisseurs des grandes villes ont vu la mortalité s'élever jusqu’au chiffre énorme de 25 à 26 centièmes, et, pendant plus de quinze ans, elle n'a jamais été chez eux au-dessous de 10 ponr 100 ; ce n’est que depuis 1840 qu’elle était devenue très-notablement infé- rieure à cette proportion; mais postérieurement à 1845 , elle a repris une marche ascendante. Si, pour calculer les pertes {otales supportées par le dépar- tement du Nord et résultant de l’action de cette terrible maladie, on accepte les moyennes fournies par les 217 communes où elles ont été relevées, étable par étable et avec beaucoup d’exactitude, pendant sept années consécutives, on trouve que notre popula - tion bovine de 280,000 têtes, doit fournir un chiffre annuel de 11,200 : ce qui ferait monter la somme des mortalités subies depuis dix-neuf ans à 212,800 bêtes, c'est-à-dire, à une valeur d'environ 52 millions. (x) Ces renseignements, malgré les pressantes instances de M. le baron Méchiu, alors Préfet du Nord, et l’active intervention du personnel attaché au service sanitaire du département , n’ont pu être obtenus suffisamment complets , que dans 217 communes sur les 659 qui composent le département. ( 214 ) Le rapport des guérisons aux pertes a beaucoup varié, suivant l'époque relative de l’épizootie et le traitement qu'on lui a opposé. En général, il a toujours été fort faible; dans les plus grandes fureurs du mal, à peine un dixième des animaux qui en étaient atteints échappait-il à son action destructive, tandis que, dans la plus grande bénignité , la proportion des guérisons restait encore inférieure au quart. L’épizoolie n’a particulièrement épargné que les animaux maigres, d'âge fait et de race indigène ou depuis longtemps acclimatées ; encore convient-il d'observer que les bêtes qui avaient résisté à l’affection ont toujours offert, lorsqu'elles ont été plus tard sacrifiées à la boucherie, des lésions nécroscopiques qui prouvaient plutôt un arrêt du mal qu'une cure complète. De ce court exposé de l’origine et de la marche de la pleuro- pneumonie dans nos contrées, on peut conclure, que ce n’est pas une épizootie passagère qui frappe des coups inattendus de loin en loin, mais bien une affection qui a pris, en quelque sorte, son droit de cité parmi nous, puisque depuis vingt-quatre ans elle sévit dans l’arrondissement d’Avesnes, et que son règne dans les autres parties du département remonte à dix-neuf ans. Peut-être même la maladie est-elle beaucoup plus ancienne ; c'est du moins ce qu'il est permis de supposer quand on interroge les plus vieux vétérinaires sortis de nos écoles, et quand aussi on met à profit les traditions fournies par les empiriques âgés et intelligents, ou celles recueillies dans le commerce des bestiaux, dans celui de la boucherie, ou enfin chez les vieillards les plus sagaces qui ont été à la tête de grandes exploitations rurales; les renseignements pris à ces diverses sources s'accordent à faire admettre qu'une maladie ayant pour caractère d'enlever une grande partie du troupeau qu'elle atteint et qui, après la mort, se traduit par un gonflement considérable de l'organe pulmo- naire , l’hydropisie de la poitrine, accompagnée de productions pseudo-membraneuses, a existé de temps immémor:ial sur l’es- (245) pèce bovine de nos localités, particulièrement dans les étables des distilleries de grain, chez les nourrisseurs et même parfois chez les cultivateurs ordinaires ; cette maladie pourrait bien être la pleuropneumonie épizootique, et si, attendu le manque de détails plus précis, il est impossible de constater son identité avec elle, du moins un doute légitime est-il permis à cet égard. Ce qui semblerait surtout confirmer cette supposition, c’est que dans la collection des ordonnances et réglements du magis- trat de la ville de Lille, il existe, à la suite d’un arrêté en date du 2 décembre 1770, une instruction sur une maladie épizootique qu'on signale , sans la nommer , comme régnante sur les lieux mêmes et dans les pays circonvoisins, et dont la description, tout incomplète qu’elle est, ne pourrait s'appliquer qu'à la pleuropneumonie bovine (1). (1) Voici un extrait textuel de ce curieux document, On pourra, en le compa- rant à la partie séméiologique de cette notice, se convaincre si notre asserlion est hasardée, Les principaux caractères de la maladie de 1770 sont : « Diminution subite du lait : les bêtes ont la tête pesante, les yeux tristes et un » peu enflammés autour du miroir, elles ont la fièvre lente et une palpitation du » cœur, les vaisseaux et les veines jugulaires leur gonflent ; elles ont la respiration » génée ét embarrassée , perdent l'appétit de boire et de manger: elles ont les » flancs agités, le ventre tendu; pour la plupart elles ne sont pas libres de fiente, » urinent fort clair ; elles ont la gueule sèche et ne ramient pas , c’est-à-dire, ne » ruminent pas. » Dans les vingt-quatre heures la maladie était formée : la violence de la fièvre » augmente, les battement des flancs redoublent, les mamelles amollissent , » deviennent pendantes et cessent d’avoir du lait; les palpitations du cœur sont » plus violentes, la respiration plus gênée et entrecoupée, et pour parler plus » vulgairement , elles tèquent . se plaignent, ont une espèce de rélement dans » la gorge; elles ont un gonflement dans le conduit des nazeaux qui dénote » qu'elles ont les sinus obstrués; il leur coule du nez une humeur glaireuse, aux » uns plus épaisse, aux autres moins ; elles perdent totalement l'appétit de boire » et de manger. » L'on connaît qu’elles sont en danger de mourir en peu de temps, lorsque cette » bave devient mousseuse ; qu’elles ont la tête inquiète, les extrémités froides, etc.» (216) Quoi qu'il en soit, ce qui est incontestable, c’est que cette maladie s’est fait connaître par ses ravages depuis très-longtemps dans diverses contrées de l’Europe. Les premières descriptions qui la concernent remontent à la fin du 17.° siècle, époque où elle se montra dans la Hesse. C’est en 1743 qu’elle fut signalée pour la première fois en Suisse , et depuis elle n’a pas cessé d'y sévir tantôt dans un canton et tantôt dans un autre. En 1778 et années suivantes , elle fit son apparition dans la Haute-Silésie; de là, elle promena successivement son action meurtrière dans toutes les parties de l'Allemagne jusqu'à nos jours. En France , Paulet, Sajous, Chabert , Gervy, Font fait con- naître comme ayant régné pendant le cours du 18.e siècle dans plusieurs de nos provinces. C’est avec raison qu’on a reproché aux anciens auteurs qui ont décrit cette maladie sous le nom de péripneumonie gangré- neuse ou péripneumonie maligne , d'avoir entouré leurs descrip- tions de tant de vague, que la nature du mal, son siége et son diagnostic en deviennent aussi difficiles qu'incertains. Les progrès récents de la médecine vétérinaire ont surtout été profitables à l'étude de cette grande épizootie de pleuropneu- monie qui, depuis un quart de siècle, a été observée dans le nord , le centre et l’ouest de l'Europe , et a donné naissance aux travaux de Grognier, Michalon, Bragard, Lessona, Sick, Diété- richs, Wagenfeld, Vix, Nieumann, Gerlach , Herwig , Wirht, Fey, Ithen , Niéman , Didry, Lecoq, Potelle , Drouard , Gaullet, Mathieu , Delafond , Taiche, Verheyen , Delwart, etc. etc. ; les- quels fournissent de nombreux et précieux matériaux , qu'une main habile saura plus tard mettre en œuvre pour tracer l'his- toire complète de la maladie. Le but que je me suis proposé étant limité à la description de l'affection considérée exclusivement dans le département du Nord, je ne pourrais, sens dépasser les bornes que cette intention suppose, donner l’ana yse de ces nombreux écrits; je me conten- (247) terai de faire remarquer en passant que de leur lecture attentive il résulte la démonstration d’un fait important : c'est que l’épi- zootie a eu une coïncidence d'invasion dans des lieux différents, situés à de grandes distances les uns des autres et n'ayant souvent entre eux aucune relation directe concernant l'importation ou l'exportation des bêtes bovines. C’est ainsi que, d’après Wirth, Michalon, Bragard, Delflache, elle se serait montrée simultanément, en 1822, dans la Suisse, le Dauphiné et les environs d’Avesnes. L'invasion de 1827, d’après Hertwig, Lessonna, Verheyen et les vétérinaires attachés au ser- vice des épizooties dans le département du Nord , se serait faite aussi en même temps en Prusse, en Piémont , dans la Belgique occidentale et dans le département précité. On peut conclure de là que, sous le point de vue étiologique, le mal dont il est ques- tion diffère essentiellement de la plupart des grandes épidémies ou des grandes épizooties relatées dans les annales de la médecine humaine ou de la médecine vétérinaire, puisque , dans celles-ci, la marche de leur propagation s'étend généralement en rayon- nant d’un centre ou foyer dans toutes les directions, où il est aisé de les suivre, par les désastres qu’elles sèment dans les sens les plus divers , tandis que la pleuropneumonie épizootique s’est partout obscurément développée sur plusieurs points à la fois, sans qu’on puisse reconnaitre les traces de ses envahissements successifs. Séméiologie. Il est peu de maladies qui parcourent toutes leurs phases avec plus de régularité et de constance dans leurs symptômes, que la pleuropneumonie de l'espèce bovine. Les seules variations un peu remarquables qu’elle présente se rapportent à sa marche, tantôt plus, tantôt moins précipitée. En général , il est rare qu'un état maladif ne soit, sinon le (218) précurseur obligé, du moins une prédisposition au développement du mal. Le plus ordinairement une toux séche, petite, mais qui n’a rien de pathognomonique , se fait entendre plus ou moins longtemps avant son invasion; elle est souvent accompagnée d’engorgement et d’induration des ganglions lymphatiques de l’auge et d'un changement plus ou moins prononcé dans le mur- mure respiratoire, qui perd de son intensité. Ces symptômes peuvent cependant se continuer indéfiniment sans être suivis de la p'europneumonie, aussi M. Delafond nous paraît-il être dans l'erreur lorsqu'il considère cet état morbide comme constituant la première période de la maladie. Nous aurons d’ailleurs occasion de revenir plus tard sur ce point et d'appuyer de témoignages péremptoires, ce que nous avançons. Début. — Les premiers signes maladifs qui fixent l'attention des personnes chargées d’administrer des soins hygiéniques aux bêtes bovines, résident dans la diminution d’abord légère de la sécrétion laiteuse, dans une certaine inertie difficile à caracté- riser, mais qui se fait particuliérement remarquer lorsque la bête, après un decubitus plus ou moins prolongé, se relève; alors il y a absence de cette extension générale du tronc et des mermn- bres postérieurs, qu’on observe dans l’état de santé. A ces symp- tômes se joignent, pour le vétérinaire, une légère accélération des mouvements des flancs; souvent un peu de sensibilité dans les espaces intercostaux ; une douleur plus ou moins fixe , qui se décèle par la pression faite en arrière du garrot; le poil est presque toujours un peu piqué , le pouls accéléré sans dureté , l'appétit se trouve ordinairement diminué, mais chez certains sujets il n’éprouve pas de changement appréciable; la rumi- nation s'exerce comme à l'ordinaire. L'auscultation de la poitrine fait reconnaitre, de l'un ou l’autre côté du thorax, une diminution peu marquée du murmure respiratoire, qui se trouve remplacé par un souffle bronchique d’abord assez léger ; la percussion ne donne à cette époque aucun signe, cependant la résonnance est parfois (249 ) un peu moindre du côté où se fait entendre le bruit bronchique ; une toux sèche, petite et fréquente se fait remarquer, mais elle ne diffère pas essentiellement de celle que nous avons signalée comme étant une prédisposition à la maladie. L'ensemble de ces caractères morbides n’est pas tellement facile à saisir, qu'il ne faille pas un œil exercé pour en tirer un diagnostic certain. Nous avons vu des vétérinaires de mérite, mais encore peu expérimentés, faire livrer à la consommation, comme atteintes de pleuropneumonie au premier degré, des bêtes parfaitement saines et chez lesquelles une indisposition légère a été confondue avec l'épizootie. Mais c’est surtout l’auscultation trachéale qui peut fournir, sinon des signes pathognomoniques biens tranchés, du moins des caractères excessivement importants, pour établir le diag- nostic sur des bases solides, dans cette période un peu équivoque du mal. Par suite de la forme et de la nature des parois du con- duit de la trachée, ce tube, à base cartilagineuse, donne de l'écho et rend avec beaucoup d'intensité le bruit bronchique dont il vient d’être parlé, de sorte que quand celui-ci est à peine per- ceptible en écoutant sur les parties latérales du thorax, il devient des plus évidents en appliquant l'oreille le long du bord inférieur de l’encolure; c’est qu’en effet il existe, dans ce cas, un phéno- mène morbide d’acoustique qui a de l’analogie avec celui décrit par Laënnec sous le nom de bronchophonie. En consultant ce moyen d'investigation pathologique, com- plètement négligé par les vétérinaires et qui nous paraît pour- tant suscepüble de rendre de grands services à la science dans les diverses affections des voies respiratoires et des viscères pec- oraux, on peut constater que le son qui est propre à chacun des mouvements inspiraleurs et expirateurs est essentiellement différent : dans le premier de ces mouvements il ne consisie que dans une sorte de simple frôlement assez léger , tandis que dans le second c’est un véritable bruit de souffle très-intense, ayant (220 ) un caractère brusque et saccadé. Une grande inégalité existe en outre dans leur durée : le son inspirateur est étendu et prolongé, tandis que celui de l'expiration est court et précipité ; il semble que la pression douloureuse exercée par les parois thoraciques sur les poumons, détermine l'animal à en abréger le plus possible la durée. Période d'accroissement. — Les symptômes précédents acquié- rent graduellement de l'intensité, l’anorexie devient très-marquée; il y a cessation plus ou moins complète de la lactation; la rumi- nation est suspendue ; le pouls s'accélère en demeurant toujours petit; l’auscultation pectorale cesse non seulement de faire entendre le bruit de la pénétration de l'air dans les cellules du poumon malade, mais encore le souffle bronchique s’y éteint progressivement ; la respiration supplémentaire, qui parfois se fait remarquer dans ce premier temps de la maladie du côté du thorax correspondant au poumon resté sain jusques-là, disparait alors, soit par l'effet du gonflement considérable acquis par l’or- gane similaire opposé, soit par suite du commencement d'hydro- pisie de poitrine. Le bruit trachéal subit d’autres changements ; un ronchus bref et sonore y caractérise chaque expiration et semble résulter de la contraction subite et convulsive des agents qui opèrent le retrait de la cavité thoracique ; la matité du son rendu par la percussion dans les parties correspondantes des parois de la poitrine, devient un caractère tellement saillant du mal, qu’il est consulté avec fruit par les personnes les plus étran- gères à l’art, afin d’éläblir leur diagnostic. Du reste, cette per- cussion provoque une impression douloureuse à laquelle la bête malade cherche à se soustraire, en laissant parfois échapper une sorte de gémissement plaintif. Les mouvements des flancs deviennent à la fois plus étendus et plus accélérés ; la toux se montre plus pénible, plus obscure et plus rare; l’air expiré est chaud; il s'écoule de la bouche et des naseaux un liquide visqueux transparen!, de plus en plus abon- (221) dant ; dans certains cas, il y a même expulsion de produits dyph- téritiques bronchiques; l'œil devient larmoyant, il est fixe dans la cavité orbitaire ; un amaigrissement rapide se fait sentir , les téguments s’accolent et adhèrent fortement aux côles.Les cornes, les oreilles et les extrémités se montrent alternativement froides et chaudes; les urines sont rares et les déjeclions alvines consis- tantes , foncées en couleur et peu abondantes. Dernière période. — La gène de la respiration devient extrême; chaque expiration est accompagnée d’une sorte de gémissement qui n’est autre chose que le ronchus trachéal ci-dessus cité, considérablement accru et que les cultivateurs désignent sous le nom de téque. La bête ne cesse pourtant pas de se coucher , mais sa faiblesse est excessive ; elle ne se relève que difficilement et parfois seulement avec l’aide des personnes chargées de la soi- gner ; le pouls , très-vite, est si pelit, qu’il devient difficile de le saisir ; l'humeur qui s'écoule des narines acquiert de la fétidité, elle se trouve souvent mélée de stries sanguines, la toux cesse presque complètement, et quand elle se fait entendre, elle est avortée, courte, el provoque des mouvements de suffocation ; la maigreur et la faiblesse deviennent excessives ; de vastes œdèmes se montrent dans la partie la plus déclive du tronc, et par- ticulièrement dans la région sternale; il y a cessation à peu près complète d’évacuations urinaires; la diarrhée survient et persiste jusqu’à la mort, qui arrive lorsque les symp- tômes précités ont acquis assez d'intensité pour déterminer l'asphyxie. En général, la maladie parcourt cette série de symptômes plus ou moins rapidement, mais sans que sa rapidité ou sa len- teur apporte aucune différence essentielle à son issue, ni dans les altérations nécroscopiques qui la caractérisent; nous pen- sons donc, d’après l'expérience acquise dans le nord de la France et dans toute la Belgique, que la division en trois variétés, l’une à forme aiguë, la seconde à type sous-aigu et la troisième à (22 ) forme chronique, qu'on a proposé d'établir, n’est fondée ni sur la nécessité pratique, ni conforme à l'observation rigoureuse des faits. Dans le commencement de l’épizootie, la maladie mettait de huit à 15 jours pour arriver à son terme. Cependant, sur quel- ques sujets, elle arrivait au vingt ou vingt-cinquième jour ; rarement allait-elle jusqu'au trentième : à mesure qu’elle s’est acclimatée dans le pays, elle a paru diminuer graduellement, mais dans une faible proportion, la vitesse de son cours, de sorte qu’actuellement elle est encore renfermée dans les limites précitées, avec cette différence que c’est le petit nombre de cas maladifs qui sont limités par le court espace de huit à quinze jours et le plus grand nombre qui atteignent de quinze à vingt- cinq jours. Rerminaisons. Sur plusieurs milliers de bêtes bovines atteintes de pleuro- pneumonie et observées par nos collègues du service sanitaire du département et nous, deux seules terminaisons ont été re- connues, l’une très-rare, estla résolution, l’autre presque cons- tante est la mort par suite d'hydropisie parenchymateuse des poumons et de l’hydrothorax. La résolution s'opère avec une remarquable lenteur, elle est quelquefois interrompue par une rechute de la maladie plus dan- gereuse que la première atteinte. Dans tous les cas, elle n’est jamais complète ; car elle laisse subsister une toux plus ou moins incommode et une gène légère dans la respiration ; ce n’est donc pas une résolution dans la valeur rigoureuse de cette ex- pression, mais bien plutôt une espèce d’avortement de l'affection qui reste bornée à une faible étendue du tissu pulmonaire ren- due pour toujours imperméable à Fair, ce que d’ailleurs dé- montre l'inspection cadavérique, lorsqu’après avoir subi l’en- (223 ) grais qui est alors plus difficile, la bête guérie est sacrifiée à la boucherie. Nous avons déjà fait connaître que cette terminaison était d'autant plus rare que les animaux étaient plus gras, plus jeu- nes, plus vigoureux et d'une origine exotique, plus étrangers à notre climat. Du reste, elle s'annonce par une diminution très- lente de l'ensemble des symptômes du mal ; ce n’est ordinaire ment que du querantième au cinquantième jour qu'elle devient évidente ; elle est toujours suivie d’une convalescence qui pro- longe le cours total de l'affection, de manière à lui faire attein- dre le terme de deux, trois ou quatre mois. Dans son cours naturel, l'affection est d’abord accompagnée d’épanchement sérieux dans le tissu interlobulaire des poumons qu’il dilate outre mesure ; ce n’est que consécutivement que l’hydropisie pleurale vient s’y joindre. Cette double lésion déter- mine une dyspnée toujours croissante qui finit par l’asphyxie. Il est bien avéré que la gangrène n’est jamais la suite de la pleuropneumonie épizootique , ou du moins dans l’immense quantité de cas maladifs observés dans le département du Nord, pas un seul exemple n’en a été constaté ; c’est donc avec raison que les épizootistes contemporains ont écarté la dénomination de péripneumonie gangréneuse que les anciens auteurs donnaient à cette maladie en la confondant peut-être avec d’autres affec- tions de l’organe pulmonaire. Néeroscopie. En compulsant les travaux de cette pléiade de médecins dis- tingués qui, à travers tant de difficultés, pour suivent avec per- sévérance les progrès de l'anatomie pathologique, on reste frappé du petit nombre de représentants des études nécrosco- piques fournies par les vétérinaires, alors surtout que l’on consi- dère que la difficulté de multiplier les autopsies et celle plus im- (224) portante encore de les exécuter à toutes les époques des évolu- tions du mal, déposent entre leurs mains des moyens précieux, non seulement de perfectionner les connaissances zooiatriques, mais en outre d'accumuler les matériaux qui doivent asseoir sur une base solide l'édifice de la médecine comparée, à laquelle l'avenir réserve une si grande influence sur l’art de guérir. C’est surtout dans les circonstances du développement d'épi- zooties meurtrières qu’il y a matière à des investigations ana- tomo-pathologiques aussi nombreuses que diverses ; toutefois, bien que la pleuropneumonie bovine fût dans ce cas et que les vétérinaires nationaux et étrangers de la plus haute capacité, se fussent attachés à nous la faire connaître dans toutes les parties de son histoire, il faut bien l’avouer, leurs descriptions nécros- copiques, supérieures sans doute à celles léguées par leurs pré- décesseurs du siècle dernier, n’ont pourtant jeté aucune lumière nouvelle sur la pathogénie de cette cruelle affection. Cela tient évidemment à la méthode vicieuse de rassembler sans ordre rationnel les diverses altérations révélées par la né- croscopie ; à l'usage de les exposer en bloc, sans avoir égard à leur succession régulière, et enfin à l’absence de toutes vues phi- losophiques qui tendraient à faire pénétrer dans les secrets du travail morbide auquel ces altérations sont dues : aussi compare- rai-je volontiers la direction actuelle des études anatomo-patho- logiques, parmi nous, à celles des savants qui s'attacheraient à rendre minutieusement et exactement la forme des hiérogly- phes, sans chercher à dévoiler le sens de ces caractères mys- térieux. C’est dans d’autres prévisions que j'ai rassemblé des notes sur plus de deux cents autopsies faites durant le cours de l'épizootie et à toutes les époques relatives du développement de la ma- ladie. J'ai cru que le dépouillement de tant de matériaux pour- rait fournir des déductions neuves et contribuer à jeter des lu- mières inattendues sur la nature d’une affection encore si peu (225 ) connue, malgré les travaux d’'observateurs habiles et nombreux : on jugera par les détails et les conclusions qui vont suivre, si je me suis trompé. À la mort ou à la suite de l'abattage des sujets atteints de la pleuropneumonie épizootique, on rencontre des désordres mor- bides aussi multipliés que remarquables. Nous allons d’abord les reproduire ici dans l’ordre où ils apparaissent lors de l’ou- verture des cadavres. Examen de l'extérieur du cadavre. — L’inspection de la péri- phérie du corps n'offre d’insolite, indépendamment des traces d’exuloires et épispatiques divers, employés durant le traitement, que des engorgements œdémateux ayant leur siége dans la partie la plus déclive de la poitrine et de l'abdomen. Ces œdèmes, n apparaissant que sur la fin de la maladie, ne se font point ob- server quand, dans la vue de faire consommer les animaux pour l'usage alimentaire de l'homme, on les sacrifie avant que l’af- feclion ait produit en eux de trop profondes détériorations et amené la maigreur. On voit encore aussi et parfois des muco- silés, avec des stries sanguinolentes, à l’orifice des rarines. Parties sous-cutanées. — L'enlèvement de la peau fait rencon- trer une infiltration séreuse cilrine et presque gélatiniforme dans le tissu cellulaire correspondant aux tumeurs œdémateuses: on aperçoit aussi souvent, el en plus ou moins grand nombre, des traces de contusions diverses, mais évidemment toujours ac- cidentelles. Les ganglions lymphatiques de l’auge ei des ars sont gorgées et dans un état d’altération variable, qui sera plus longue- ment décrit quand il sera question des ganglions bronchiques. Nous remarquons seulement, en passant, que les entrecroisements des - vaisseaux lymphatiques, nous sont constamment apparus dans un état morbide évident et accompagnés d'infiltration sé- reuse du tissu cellulaire ambiant. Les muscles sous-cutanés, ou ceux composant les couches les plus superficielles, éprouvent une décoloration sensible : mais 15 ( 256 ) seulement lorsque les animaux ont parcouru les derniérés pé- riodes du mal; leur tissu paraît aussi en même temps plus flasque, ramolli, il se déchire avec la plus grande facilité. Thorax. Plévres. — En pénétrant dans les cavités pleurales, on trouve, soit dans l’une d'elles isolément, soit dans toutes deux, un épan- chement séreux, plus où moinsabondant, de couleur variée, tirant parfois du jaune paille au jaune citron, rarement sanguinolent: Au milieu de ce liquide nagent des flocons albumineux multi- pliés ; quelquefois ces flocons sont tellement divisés, que lhu- meur de.l’hydropisie en paraît trouble. Une vaste surface des plèvres est revêtue d’une couche diversement épaisse de matière albumineuse concrétée, et dont les mailles recèlent unliquide analogue à celui exhalé dans le thorax. Ces productions pseudo- membraneuses ont contracté des adhérences par des points plus ou moins vastes et nombreux avec les feuillets séreux qui sont en regard, de manière à unir ainsi les côtes et le diaphragme aux poumons; mais ces adhérences, encore peusolides; sont très - faciles à déchirer, bien que, dans la plupart des cas; plusieurs d’entre elles aient subi un commencement d'organisation, et que des ramifications vasculaires, parcourues par le sang, les tra- versent. Tous ces désordres pleurétiques ne sont constants que dans les dernières et moyennes périodes du mal, on ne lesrencontre gé- néralement pas, ou du moins qu'à des degrés beaucoup moins avancés de leurs évolutions, quand on opère l'abattage pour la boucherie des bêtes frappées de l’épizootie, alors qu’elles’ sont encore dans ou près de la phase de début. Toujours consécutives à d’autres lésions de l’orgañe-pulmo- naire que nous ferons bientôt connaître, les altérations des plè- vres.se présentent, dès le principe, sous forme de taches blanches ( 227 ) opaques, plus ou moins arrondies, d'une étendue variable, et dont la teinte allant en s’affaiblissant du centre à la circonférence , se fond insensiblement sur la surface, reflétant une couleur rosée ou rouge pâle de la plèvre non encore altérée, ce qui donne à ces taches une grande ressemblance ave les nuages peints dans le ciel de certains tableaux. En incisant ces maculatures nuagiformes, dans toute leur éten- due, on trouve qu'elles constituent une couche de deux à cinq millimètres au centre, et allant s’amincissant au pourtour. Un examen attentif démontre que cet état morbide procède évidem- ment de l'infiltration du tissu sous-séreux qui, d'abord, demi- transparent, devient opaque par suite de l'épaississement des lames qui le composent. Les phases diverses de l’altération subie par le tissu sous-séreux, se trouvent même très-communément réunies sur une seule de ces sortes d'images nuageuses précitées; toute la partie moyenne ayant, en effet, l’apparence d'une subs- tance dense dans laquelle la texture cellulaire est à peine encore reconnaissable, tandis qu’en s’approchant de la circonférence, les lames du tissu sous-séreux, simplement écartées par l'inter- position d’un liquide opalin, sont dans un état normal ou à peu près normal, c’est-à-dire excessivement minces et complètement diaphanes. La lame pleurale, qui revêt ces maculatures, se désunit aisé- ment à la circonférence et permet de reconnaître qu'elle est dans toute son intégrité physiologique ; mais à mesure qu’on se rap- proche du centre, elle devient de plus en plus adhérente au tissu sous-séreux induré avec lequel elle finit par se confondre et faire corps ; d’où il suit, que dans ce travail morbide très-re- marquable, la marche des phénomènes pleurétiques est tout-à- fait inverse de celle qu'on observe généralement , c’est-à-dire, qu’elle chemine de la surface adhérente à la surface libre, ou, en d’autres termes, qu’elle devient ici consécutive à des lésions du tissu cellulaire, dont il sera longuement traité par la suite. (228 ) Ces surfaces nébuleuses de la plèvre pulmonaire, sont toujours en rapport et recouvrent les parties des poumons frappées des lé- sions propres à la maladie; elles s'étendent avec elle, se rappro- chent par suite de leurs progrès en étendue et finissent par se confondre el par envahir toute la partie de la séreuse qui enve- loppe les organes essentiels de la respiration. Les productions pseudo-membraneuses ne se développent à la surface des plèvres pulmonaires, qu'alors queles évolutions du travail morbide précédent sont déjà avancées. Elles débutent par des points nombreux et circonscrits, s’accroissent du centre à la circonférence, provoquent des adhérences avec la plèvre costale ou la plèvre diaphragmatique et arriventenfin à l’état que nous venons de signaler ci-dessus, et dans lequel il a envahi toute la surface libre du sac pleural. L'épanchement thoracique suit des progrès simultanés avec le développement des productions couenneuses ; ce sont des effets qui dérivent d’une même cause , l’altération consécutive des p'è- vres. Îl est toutefois une remarque à faire, c’est qu’alors qu’une vâste surface des plèvres est lésée et que l’hydropisie est considé- rable, les précipitations couenneuses s’opèrent sur les parties saines des plèvres et y produisent des altérations ultérieures. Poumons.— Ces organes, d’un volume énorme, occupent toute la cavité du thorax, leur poids est considérabie, ils ont cessé d’être crépitants ; en les plongeant en totalité dans l’eau, ils s'enfoncent comme les poumons d’un fœtus qui n’a pas respiré. Les parties encore perméables à l'air sont très-restreintes ; leur parenchyme est gorgé de fluides qui lui donnent une consistance remarquable, confondue, par plusieurs épizootistes, avec l'hépatisalion, quoi- que les altérations qu’il a éprouvées différent essentielle- ment, ainsi que nous allons le voir, de ce genre de production morbide. Si on pratique de longues et profondes incisionus dans toute la profondeur de l’organe pulmonaire, les surfaces de section lais- (229 ) sent à l'instant ruisseler une sérosité grisâtre très-abondante ; ces surfaces (Voyez fig. 1.rt) apparaissent ensuite comme mar- brées de rouge, de brun, de gris, avec des veines d'un blanc jau- nâtre disposées comme les nervures d’une feuille. On y voit de plus, d’autres pelites taches d’un jaune pâle, disséminées çà et là en plus ou moins grand nombre. Ces taches sont rondes quand la section des poumons est transversale, elles sont plus ou moins el- lyptiques suivant l’obliquité de cette section (AA. Fig. 1.re). Les veinures ramifiées dont il vient d’être parlé, résultent de l'infiliration du tissu interlobulaire ; un liquide séreux , réflé- chissant les teintes de la topaze. en distend outre mesure les cel- lules et en rend toutes les dispositions anatomiques, bien au- trement sensibles, que les dissections les plus minutieuses ; aussi est-il permis alors, de suivre distinctement les divisions, subdi- visions de l'organe pulmonaire et d’apercevoir les plus petits lobules ; l’hydropisie du tissu lamineux interlobulaire, le dilate tellement, que la couche interposée entre les principales masses de cellules pulmonaires acquiert, une épaisseur de quatre, cinq et six lignes, et comme l’accumulation séreuse y suit la même propor- tion dans les couches lamineuses de plus en plus tenues de la texture lobulaire de l'organe, c’est évidemment à cette accumu- lation qu'on doit attribuer, presque exclusivement, l'énorme ac- croissement de volume des poumons , excès de volume qui à frappé tous les observateurs qui ont décrit la maladie. Le liquide exhalé par les cellules du tissu lamineux et qui les dilacère, laisse précipiter un produit albumineux concret, en tout semblable aux pseudo-membranes des plèvres ; ce produit con- tracte comme celles-ci des adhérences avec les parois séreuses au contact desquelles il se trouve placé ; il éprouve aussi un mouvement d'organisation en vertu duquel des vaisseaux péné- trés de sang se développent au point de contact susdit et s’en- foncent dans sa propre substance ; de sorte que, dans chacune des cellules du tissu interlobulaire, il se manifeste en petit, les ( 230 ) mêmes phénomènes morbides qui apparaissent en grand dans les cavités pleurales. ; Ce travail qui nous paraît caractéristique de la pleuropneu- monie épizootique, et qui, dans l’ordre de son développement, précède toutes les autres altérations résultant de cette affection, est Le seul avec un autre que nous signalerons plus loin, qui ait laissé des traces rencontrées constamment par nous , quelle que soit l'époque relative dela maladie où la nécroscopie ait été faite. C’est donc là un point important à consigner ici et dont il sera ultérieurement tiré parti pour la détermination de la nature de l’épizootie. Il est au reste très-remarquable, qu'alors que l’on fait l’autop- sie à une époque avancée du ma}, les diverses phases des lésions pleurétiques se rencontrent à la fois dans des séries diverses, des innombrables cellules du tissu interlobulaire d’un même poumon ; c’est qu’en effet l’action morbide a débuté dans un point plus ou moins circonscrit de l'organe et que de là eile s’es! propagée , de proche en proche , avec une certaine lenteur, de sorte que l’hydropisie cellulaire, ou si l’on veut l’œdématie , n’a point pariout la même date, et que suivant les parties exami- nées, elle est arrivée à des degrés très-différents de ses évolutions habituelles ; c'est ainsi qu’à la circonférence elle ne consiste en- core qu'en un simple épanchement séreux; dans les couches moyennes , les productions pseudo-membraneuses sont déjà forxées et sont, les unes libres au milieu de la sérosité, et Îles autres adhérentes ; enfin, vers le centre, ces productions donnent des signes d’une organisation plus ou moins évidente. Les taches obrondes ou elliptiques (LI. Fig. 1.e) que nous avons dit exister dans la coupe de l’organe pulmonaire, indé- pendamment des veinures arborisées dont il vient d’être ques- tion, ont une autre origine que nous ferons connaitre incessam-— ment : quant aux marbrures diversement nuancées de rouge, de brun et autres teintes que l'on remarque aussi sur les surfaces (231 ) de section des poumons ; elles ont une importance pathogénique infiniment moindre. Si, en effet, on comprime entre les doigts des tranches de la substance pulmonaire, elle laisse d’abord écouler une humeur séreuse grisâtre très-abondante: dégorgée par cette opération, elle perd considérablement de son volume, devient flasque, mol- lasse, reprend de son apparence spongieuse et ne conserve plus aucun des caractères attribués à l'hépatisation; soumise à la ma- cération dans l’eau froide ou dans l'alcool, la trame de cette même substance se décolore et finit par rester d’un gris à peine nuancé d’un rose sale ; ce qui tendrait à faire admettre , que les marbrures plus ou moins foncées citées ci-dessus, ne résultent que de la stase du sang dans les ramuscules vasculaires d’un ca- libre très-appréciable, et non dans les capillaires les plus déliés, comme cela se remarque dans les maladies à type inflammatoire ordinaire. D’autres lésions accidenielles ont été aussi, mais rarement, trouvées dans les animaux atteints de l'épizootie. C’est ainsi que nous ayons vu, enyiron une fois sur vingt, des tubercules dans l'épaisseur de ces organes, mais ils étaient presque toujours à l'état de crudité ; il résulte de ces circonstances qu’on doit con- sidérer ces concrélions comme étrangères à la production du mal: la même remarque esf applicable aux cas beaucoup plus rares d'hépatisation grise, d'anciennes adhérences dont l'existence doit évidemment se rattacher à des affections antérieures de la poitrine, de kystes, d'abcès, de cavernes, etc., etc. Bronches. — Par l'effet des longues et nombreuses incisions indispensables pour l'exploration de l'arbre bronchique, ces ca- naux sont inondés de la sérosité abondante qui s'écoule de toutes. parts des solutions de continuité ; cependantavec un peu d'attention, on peut constater qu’une petite quantité d'humeur spumeuse existe dans ses fines et moyennes divisions, lesquelles comprimées par l’épanchement qui distend le tissu lamineux (232) ‘se trouvent considérablement rétrécies dans leur calibre, de ma- nière à plisser longitudinalement la membrane qui les tapisse et à lui donner l’apparence sous laquelle elle paraît dans le fœtus. En général, l'ensemble de la muqueuse des bronches se montre blanche, unie et luisante ; à travers sa demi-{ransparence , on aperçoit assez distinctement les cerceaux cartilagineux qu’elle tapisse ; certains points limités de sa surface présentent parfois de la rougeur résultant de fines injections dans les vaisseaux san- guins : dans les chaleurs, et alors que la maladie a été violente, certaines portions reflètent aussi quelquefois une teinte verdâtre, signe d’un commencement de décomposition qu’on peut attri- buer peut-être autant à la maladie qu'aux circonstances atmos- phériques. Chez un petit nombre de sujets (à peu près un sur douze), les canaux aérifères dont il est question, avaient subi des altérations prononcées : la muqueuse, sans éprouver de coloration, avait acquis une plus grande épaisseur; sa surface inégale, comme tomenteuse, était recouverte de matières mucoso-purulentes, le tissu sous-muquenux , induré et accru en volume , contribuait à rétrécir les conduits respiratoires ; les cerceaux cartilagineux se trouvaient confondus au milieu d’un tissu fibro-cartilagineux qui se fondait insensiblement avec celui sous-muqueux. Dans quelques points des bronches, des dilatations anormales se fai- saient remarquer et contrastaient avec les rétrécissements ci- dessus cités. Dans des cas plus rares encore, nous avons eu oc- casion d'y voir de véritables fausses membranes, des produits dyphtéritiques, qui les obstruaient. Il n’est pas sans utilité de faire observer que les animaux chez lesquels certaines des lésions bronchiques précédentes ont été constatées, élaient tous depuis fort long-temps en proie à une toux fréquente et peu sonore. Il est dès lors très-rationnel de ne voir là que des traces d’une bronchite chronique, préexistante à la maladie épizootique et ayant eu une existence complètement indépendante de celle-ci. « (233) Pour terminer de suite le résultat de l’examen des conduits aériens, nous ajouterons ici, que la trachée, le larynx et les cavités nasales, sauf quelques mucosités qui en baignent partiel- lement les surfaces et quelquefois de faibles traces de rou- geur limitées à un petit nombre de points, d’ailleurs d’une éten- due restreinte, on ne trouve aucun changement morbide dans l'état de ces organes. Artère pulmonaire. — Nous avons parfois rencontré dans les grosses divisions de ce tronc artériel, des surfaces rouges, ré- sultant de l'injection des capillaires qui se ramifient dans le tissu cellulaire sous-séreux , et lient sa tunique interne à la tunique moyenne; mais ces {races de phlogose n’existaient jamais isolé- ment et semblaient se rattacher à des lésions du même ordre trouvées dans le cœur, lesquelles lésions seront mentionnées plus loin. Dans des cas exceptionnels, et alors que la totalité de l’organe pulmonaire était envahie par la maladie, nous avons aussi trouvé quelques points de l’arbre artériel pulmonaire oblitérés par des caillots sanguins analogues à ceux que nous allons décrire. Veïne pulmonaire. — Si on incise dans toute leur étendue les troncs de la veine pulmonaire de manière à gagner les ramus- cules qui prennent racine dans les portions les plus lésées des poumons, on trouve constamment dans ces voies circulatoires, des concrétions fibrino-albumineuses qui en obstruent une éten- due variable (Fig. 2 et fig. 3). Toujours moulées sur le calibre intérieur des vaisseaux où elles prennent naissance, ces concrétions sont cylindroïdes, sou- vent oblongues, simples ou rameuses, et affectent toutes les dis- positions d’une injection incomplète et mal réussie ; variant du rouge, au blanc jaunâtre ou grisâtre, avec toutes les nuances in- termédiaires, confondues ou isolées. elles ont une consistance analogue au blanc d'œuf durci par la chaleur ; comme lui, elles sont élastiques, se laissent facilement couper, offrent peu d’obs - (234) tacle au déchirement et présentent des surfaces lisses de section quelquefois marquées de stries lamelleuses. Ces productions morbides, très-remarquables, sont évidem- ment le résultat de la précipitation d’une ou plusieurs parties des éléments du sang veineux se solidifiant spontanément dans les vaisseaux qui les contiennent : on en trouvera la démonstra- tion dans les faits qui vont suivre. Parfois, ce ne sont que de véritables caillots sanguins encore pourvus de la matière colorante propre au liquide d’où ils pro- viennent , et subissant un premier travail, en vertu duquel l'hé- matosine et le sérum disparaissent progressivement; aussi les voit-on dans un état plus ou moins avancé de décoloration ; les uns entièrement rougis (comme en N de la fig. 2); les autres of- frant des surfaces blanches diversement entremélées avec les nuances de la couleur primitive, et d’autres encore n'ayant plus que quelques maculatures ou marbrures d’un rouge très-affaibli (Voyez N’, fig. 2, et enfin le plus grand nombre arrivés à une complète décoloration. Ce phénomène s'accomplit toujours de la circonférence au centre, puisque les premières portions qui blanchissent sont à la surface et que les dernières forment comme le noyau des concrélions. Rarement rencontre-t-on ces coagulations dans une période peu avancée de leurs évolutions ; on les observe plus communément dans la phase qui se trouve indiquée en dernier lieu, c’est-à-dire sous forme d’injections solides et partielles, libres de toute adhé- rence dans le vaisseau qu'ils dilatent, alors ces coagulations sont composées de matière homogène, à nuance uniforme d’un blanc tirant sur le jaunâtre. Ces concrétions offrent cependant quelque- fois des faisceaux purement fibrineux qui les fixent aux parois vasculaires ; mais alors ces moyens d'union sont très-faibles et ont uneconfiguration variée; tantôt ce sont de simples brides comme rubanées ; d’autres fois une sorte de réseau filamenteux qui en- toure les productions anormales et les fait attacher çà et là à la face interne du vaisseau. (235 ) De soigneuses explorations font enfin trouver un grand nom- bre de concrétions albumineuses dont il s’agit, adhérentes d’une autre manière aux parois vasculaires qui les recèlent ; chez les uns, les moyens d’adhérence consistent dans une couche cellu- leuse très-reconnaissable (voyez ZZ, fig. 3), tandis que chez d’autres, l'union est si intime qu'il devient presque impossible de séparer les précipitations singuines des parois vasculaires qui les entourent (voyez X, fig. 3). À mesure que l’adhérence fait des progrès et devient plus forte, la matière précipitée diminue de volume, s’amincit et finit par faire corps avec la tunique interne, tandis que d’autres parties sont encore complètement libres. Le phénomène si curieux et si important du dépôt de fibrine et d’albumine solidifiées dans les divisions de la veine pulmonaire, pe paraît pas s’accomplir en une seule fois : en pratiquant de nombreuses autopsies, on s'assure qu'il débute dans des veinules de faible calibre, souvent de la grosseur d'un crin ; peu à peu ce phénomène envahit les divisions veineuses d’un ordre plus élevé, mais ce n'est que dans les moyennes et dernières périodes du mal , que des vaisseaux volumineux sont le siége de ces concré- tions. Celte remarque n’a jamais été contredite par l'observation directe. L'obstruction des voies cireulatoires veineuses produite par le dépôt des productions morbides dont il s’agit , quoique très va- riable suivant l’époque relative du mal où se pratique l’au- topsie,est toujours considérable. Dés le début, et alors qu'une seule partie d'un poumon est atteinte, le moins que nous ayous trouvé d'oblitérations de ce chef , équivaut au quart des divisions de la veine pulmonaire qui s’y distribuent ; dans d’au- tres circonstances, c’est le tiers, la moitié, les trois quurts, les cinq sixièmes, les neuf dixièmes et enfin la presque totalité de la veine pulmonaire, qui a été trouvée obstruée, suivant que les progrès du mal avaient suivi une partie plus ou moins considé- rable de leur cours habituel. . I est constant que lors de la précipitation des coagulums, les (236 ) parois veineuses qui les reçoivent sont parfaitement lisses, sans colorations anormales, n'ont éprouvé aucune altération, et que l'examen le plus scrupuleux ne peut y saisir le moindre carac- tère qui les fasse différer de l’état physiologique ; ce n’est que plus tard, etseulement quand les adhérences ci-dessus signalées se forment, que les tubes circulatoires veineux subissent des chan- gements appréciables dans leur organisation. Durant ce dernier travail la lame interne du vaisseau devient moins diaphane, perd de son poli, se couvre de nombreuses rugosités, de myria- des de petites inégalités, acquiert de l'épaisseur et paraît moins résistante ; la couche celluleuse qui l’unit à la tunique moyenne s’infiltre, prend de la consistance et du volume: cette dernière membrane participe aux mêmes altérations qui sont aussi par- tagées par l'enveloppe lamineuse qui l'entoure, d’où il résulte que les couches superposées, qui forment les parois veineuses, se confondent entre elles, se perdent par degrés insensibles dans les tissus ambiants, de manière à rendre insensibles les différen- ces de texture qui les séparent dans l’état physiologique ; mais ce changement s'opère, sans laisser apparaître dans aucun point de leurs parties constitutives, la plu: légère trace de rougeur. Ainsi modifiées par le travail morbide, les veines pulmonaires sont épaisses, fermes, élastiques, opaques, et ressemblent beau- coup aux artères, avec lesquelles il serait possible de les confon- dre de prime abord. Comme elles, leurs sections en travers res- tent béantes par suite de la densité acquise par leurs parois, tandis que dans leur flaccidité normale, elles s’affaissent, comme on sait, sur elles-mêmes. Ce sont les veinules ainsi obstruées et altérées dans leur organi- sation qui forment ces taches jaunâtres, obrondes ou ellitiques que nous avons signalées exister dans la coupe transversale ou oblique des poumons frappés par le mal épizootique que nous étudions. (Voyez AA, figure 1.re). On ne pourrait, sans grave erreur, rattacher les lésions de la ( 237 ) veine pulmonaire dans la pleuropneumonie bovine, avec celles qui caractérisent la phlébite, telle que nous la font connaitre les travaux récents de savants anatomo-pathologistes qui ont eu les maladies de l’homme pour but de leurs études. Dans le premier cas, le phénomène primitif consiste dans la solidification d’une partie des éléments organiques du sang, et ce n’est que consécuti- vement que le vaisseau où s'opère cette précipitation éprouve des changements morbides ; dans le second cas, au contraire, tout procède de l’inflimmation de la tunique interne de la veine, qui produit et se recouvre d’une couche pseudo-membraneuse , la- quelle, par son accroissement, finit aussi par obstruer la capacité intérieure du vaisseau. Ganglions et vaisseaux lymphatiques bronchiques. — Les gan- glions bronchiques , toujours très-notablement altérés, se pré- sentent avec des lésions variables ; tantôt ils forment , avec le tissu cellulaire qui les entoure , une masse tuméfiée , grosse comme le poing ou plus volumineuse encore , d’une consistance ferme et de couleur grisâtre , parfois mêlée de points colorés de rouge plus ou moins pâle ; d'autre fois cette masse tuméfiée à éprouvé l’induration; elle résiste à l'instrument quand on l’incise, et laisse voir après, sur une face de section blanche, d’où, par la pression, on extrait une faible quantité de matière grisâtre ou jaunâtre épaisse. Dans d’autres circonstances, ces ganglions sont pénétrés par de la substance tuberculeuse , soit infiltrée, soit disposée en granulations ou accumulée dans de petites tumeurs enkistées dures et ramollies; nous les avons cinq ou six fois rencontrés ayant acquis une grosseur prodigieuse et qui les fai- sait atteindre jusqu'au poids de 15 à 20 hectogrammes; alors ils étaient distinctement composés ds vaisseaux pelottonnés et entrelacés, injectés dans toute leur étendue de matière tuberculeuse. Nous avons précédemment constaté que les ganglions Iympha- tiques de l’auge étaient à-peu-près constamment lésés morbide- (238) ment avant le développement des symptômes propres à la maladie épizootique; or, comme il y a toujours similitude entre léurs altérations et celles des ganglions bronchiques , il est rationnel de penser que, parmi les désordres signalés ci-dessus, il en est qui préexistent à la pleuro-pneumonie, et qui lui sont conséquemment à peu près étrangers ; aussi ne considérons-nous comme dépendante de l'affection qui nous occupe que la forme morbide décrite la première. L’exploration des vaisseaux lymphatiques qui prennent racine dans l’organe pulmonaire, n’a été faite que rarement et très- imparfaitement par nous. La difficulté de distinguer la source à laquelle devraient se rattacher les altérations de ces petits vais- seaux, jointe aux obstacles inhérens à de pareilles investigations, nous ont déterminé à limiter nos dissections sous ce rapport à une dizaine de cas qui ne nous ont présenté rien autre chose de remarquable que l’oblitération de quelques branches, sans que nous ayons pu saisir le mécanisme pathologique qui lui avait donné naissance. Cœur et annexes. — Le péricarde est généralement dans l’état normal; nous l'avons pourtant vu parfois hydropisé, avec ou sans productions pseudo-membraneuses. Le tissu musculaire est pâle, décoloré: il est, de plus , très-mou et se déchire avec facilité; souvent on rencontre, et alors surtout que la maladie à été rapidé , des taches d’un rouge plus où moins foncé dans les cavités de cet organe, particulièrement dans le ventricule droit; un examen assez superficiel démontre que cette coloration est due à l'injection du réseau sous-sereux qui est aperçu à tra- vers la transparence naturelle de la membrane qui tapisse les cavités du cœur. De semblables maculatures s’observent aussi dans l’intérieur des gros troncs artériels, et se prolongent géné- ralement peu dans leurs trajets; elles sont dues également à des injections sous-sereuses. ( 339 ) Ahdomen. Des lésions {rès-variées se rencontrent fréquemment dans les viscères abdominaux : ce sont , tantôt des abcès dans le foie ou la rate, des productions tuberculeuses siégeant dans un ou plu- sieurs organes, des tumeurs , des indurations, des tuméfactions diverses, des traces de phlogose sur la muqueuse gastro-intesti- nale; parfois aussi des ulcérations semblables à des aphtes dans les dernières portions de cette membrane, etc., elc. Mais comme ces altérations morbides sont essentiellement inconstantes , que dans un grand nombre de cas elles sont toutes absentes , et que , quand elles se montrent, c’est tantôt l’une et tantôt l’autre dont on constate la présence; on peut les consi- dérer comme accidentellement liées à la pleuropneumonie épizoo- tique et ayant conséquemment une existence tout-à-fait indé- pendante de celle-ci. Crâne. Les centres nerveux, non plus que les nerfs, n’ont rien présenté qui füt digne d’être noté dans les diverses inspections autopsiques qui en ont été faites, aussi, dans le plus grand nombre des cas , a-t-on négligé de les explorer. Déduction à tirer des lésions nécroscopiques précédentes. Dans cette série de phénomènes pathologiques , aussi nom- breux que complexes , qu'on vient de parcourir, deux faits dominent : c’est, d'une part , l’oblitération d’une partie con- sidérable des divisions de la veine pulmonaire par des dépôts albumineux concrets qui suivent certaines évolutions constantes; et, d'autre part, l’infiltration œdémateuse ou plutôt l’hydropisie, accompagnée de productions membraneuses du tissu cellulaire interlobulaire des poumons. ( 240 ) L'observation directe démontre, que dans l’ordre de leur appa- rition et de leur succession régulière , la totalité des altérations morbides propres à la pleuropneumonie épizootique est subor- donnée et se laisse toujours précéder par le développement du double travail pathogénique qui vient d’être cité ; il en résulte qu’on peut puiser, dans celte circonstance importante, des carac- tères anatomiques différentiels et tranchés qui séparent neite- ment cette maladie de toutes celles qui ont également leur siége dans les viscères pecloraux. En effet, sous quelques dénomina- tions qu’on signale ces dernières, le point initial de l’action morbide est tantôt les bronches, d'autre fois le parenchyme pul- monaire ; dans d'autres les plèvres, ou enfin parfois dans l'enve- loppe de tissus accidentels qui, tels que les tubercules, sont inter- posés dans la texture des poumons. Or, cette action, quelque diversité de siége qu’elle affecte à son début, se traduit toujours par les phénoménes propres à l’inflammation, soit de la muqueuse bronchique, soit de la trame organique des poumons, soit des séreuses pleurales , soit enfin des membranes anormales qui entourent les corps étrangers ou morbides, tels que la matière tuberculeuse; mais jamais on ne la voit, comme dans la pleuro- pneumonie épizoolique , se porter primitivement dans le tissu cellulaire et les divisions veineuses, pour y produire cette infiltra- tion séreuse si abondante, et ces concrétions fibrino-albumineuses si étonnantes, qui ont été décrites précédemment. Pour éclairer plus complétement le mécanisme pathogènique de la maladie qui nous occupe , il aurait fallu que nos explora- tions nous eussent mis à même de déterminer laquelle de ces deux lésions principales prend naissance la première et tient l’autre sous sa dépendance ; c’est ce que nos recherches nécroscopiques nous ont permis de constater pour l'observation directe. Il ne s'agissait, pour résoudre le problème , que d'examiner la marche comparative des deux altérations dans leur envahisse- ment progressif et simultané. Or, les coagulations veineuses nous, ( 241 ) ayant toujours paru devancer l'infiltration séreuse, nous en avons conclu que l'obstruction vasculaire était bien réellement la source primordiale d’où découlaient tous les autres phéno- mènes morbides. Cette conclusion concorde d’ailleurs parfaitement avec le peu de connaissances de physiologie pathologique que nous possé- dons. 5 Supposez en effet des obstacles mécaniques à la circulation pul- monaire, l'æœdématie de l'organe ne doit-elle pas nécessairement se produire et lui donner le volume démesuré, l’un des traits carac- téristiques de la maladie ? Consécutivement et accessoirement , la stase du sang ne se traduira-t-elle pas par les accidents de colo- ration signalés ci-dessus? Comme autre suite, l’épanchement pleural, avec son cortége obligé de désordres, ne doit-il pas venir compliquer la scène morbide? Et enfin , la vie, compro- mise par l'empêchement toujours croissant de la respiration, résultant de la double hydropisie , ne s’éteindra-t-elle par forcé- ment par asphyxie ? Or, ces suppositions sont de tous points réalisées dans la pleuro- pneumonie épizootique, et quelque défiance que doivent inspirer les hypothèses tendantes à l'explication des phénomènes patho- logiques , il devient évident, qu'ici c’est moins une spéculation hasardeuse que nous avons émise, qu'un corollaire obligé de faits démontrés par l'observation, et dont l'existence ne saurait être sérieusement contestée, D'après ces données, la pleuropneumonie épizootique réside rait donc dans des phénomènes morbides accomplis dans la veine pulmonaire , mais ces phénomènes seraient dissemblables avec ceux que les anatomo-pathologistes modernes ont attribués à la phlébite , et n'auraient aucune analogie avec les lois patho- géniques connues, soit en médecine humaine, soit en médecine vétérinaire. Si on consulte en effet les annales de la pathologie de l’homme, 16 (24) on ne rencontre rien qui puisse se rattacher au travail morbide qui nous occupe ; toutefois, d’après un mémoire publié en 1838 dans les Archives générales de Médecine, par M. Baron, il paraîtrait que, sans inflammation préalable de l'artère pulmo- naire, le sang peut se coaguler dans ce vaisseau, l'oblitérer, et la mort en être la conséquence; mais, outre que la réalité du fait est encore révoquée en doute, en admettant même qu'elle fût démontrée , l’analogie serait encore ici imparfaite , en ce sens que dans les cas cités il ne s’agit que de l'artère pulmonaire, tandis que dans la pleuropneumonie bovine, c'est la veine du même nom qui est le siége des précipitalions sanguines. Nous lisons encore dans l’article phlébite du Compendium de médecine pratique , publié en 1845 , que le principe de l’école anatomo-pathologiste moderne, qui attribue tout caillot trouvé dans les veines à l’inflammation veineuse , est une généralisation trop absolue que l’auteur combat en essayant de faire la part de la coagulation spontanée, c’est-à-dire de celle qui est produite par une altération du liquide en l'absence de toute flegmasie du vaisseau. La compulsion des ouvrages de pathologie vétérinaire ne fournit pas d'indications plus précises ; tous gardent le plus pro- fond silence sur les lésions dont pourrait être le siége la veine pulmonaire ; aussi, dans les recherches mullipliées que nous avons faites à ce sujet, n’avons-nous rencontré qu’une phrase qui ait trait aux altérations que nous avons décrites. Cettephrase se trouve contenue dans le travail de l’un des observateurs les plus habiles qui se soient occupés de la pleuropneumonie épizoo- tique, dans l'instruction de cette maladie, publiée par M. Dela- fond. La voici textuellement rendue. « Le sang renfermé dans » les vaisseaux pulmonaires est en caillots ; souvent dans l’inté- » rieur des petits vaisseaux pulmonaires se voit un coagulum » blanchâtre adhérent à leurs parois. » Îl est à croire que ce fait pathogénique a paru de peu d'importance au savant profes - FES (243 ) seur d’Alfort, puisque non seulement il ne le fait suivre d'aucun commentaire, mais qu'il néglige même de désigner l’ordre des vaisseaux dans lequel il a rencontré ces précipitations san- guines (1). Il convient d’ailleurs d'ajouter que M. Delafond ne semble avoir aperçu ces concrétions que dans la forme aiguë de la maladie, puisque les nécroscopies qu'il décrit comme appartenant aux formes sous-aigués et chroniques ne les men- tionnent plus. Il faut arriver jusqu’à la publication ayant pour titre : Recher- cherches anatomico-pathologiques sur la Morve (2, pour rencon trer des phénomènes morbides similaires avec ceux qui caracté- risent la pleuropneumonie épizootique. Dans l'une et l’autre maladies , le fait morbide dominant réside dans des concrétions fibrino-albumineuses vasculaires préalablement déposées , avant toute altération , dans les parois des tubes membraneux qui les recélent. Il existe pourtant ces différences essentielles entre les deux affections : dans la première, les précipitations dont il est question s'observent dans les vaisseaux lymphatiques comme dans les vaisseaux veineux, et parfois même dans les artères, tandis que dans la seconde, on ne les constate que dans les divi- sions de la veine pulmonaire. Ajoutons que dans la morve les évolutions morbides résultant de ces dépôts se terminent par la perforation ou la destruction partielle des vaisseaux qui les con- tiennent, et que dans la pleuropneumonie bovine, ces produc= tions oblitèrent et contractent des adhérences avec la veine dans laquelle ils ont pris naissance , mais ne déterminent jamais en elle la solution de continuité. (1) Dans une nouvelle éditicn, considérablement augmentée, l’auteur de ce tra- vail, sans donner plus de détails sur le phénomène si important de la coagulation spontanée du sang, fait pourtant connaître qu’elle a son siége dans le système veineux. (2) Voyez Recueil de Medecine vétérinaire , tome 4 (1842, page 699) , et Journal des Vétérinaires du Midi, tome 7, page 114, (244) Pour éclairer complètement la notion de la nature de l’épi- zootie, il ne resterait plus qu’à déterminer la source d'où décou- lent ces solidifications intra-veineuses ; serait-ce à des change- ments survenus dans les principes constitutifs du sang qu'elles devraient être attribuées? mais alors, comment se fait-il que le siége de ces altérations soit exclusif aux vaisseaux veineux des poumons ? Ces dépôts ne dépendraient-ils pas plutôt des réac- tions opérées par l'absorption de certains produits dans l'acte même de la respiration? Cette dernière hypothèse serait plus vraisemblable, sans exclure toutefois d'une manière absolue la coopération de la cause précédente. Il faut reconnaître pourtant que si ce problème pathologique n’est pas insoluble dans l’état actuel de la science , il ne peut être complètement tranché que par des voies expérimentales d’un autre ordre que celles employées jusqu'ici. Espérons qu'en poursuivant le progrès dans une direction différente que celle suivie jusqu'ici, on fera faire un grand pas aux connaissances médicales relatives à l’épizootie qui nous occupe. Eéisiogie. En abordant celte importante et difficile partie de l’histoire de la pleuro-pneumonie bovine , qui a si vivement préoccupé les épizootistes modernes, on reste frappé de la faiblesse des résul- tats obtenus de leurs longs et laborieux travaux. Cela ne tien- drait-il pas à la méthode vicieuse de pratiquer les études étiolo- giques , au vague, à l'arbitraire qui président au choix et au groupement des faits, et surtout au manque d’une direction définie et d'un but déterminé dans les investigations étio - logiques? Si on prenait la peine, dit Liebig, de préciser les observations à l’aide des nombres, en les exprimant par des évaluations, toutes ces questions si ardues s’éclairciraient d’elles- mêmes. (245) C'est qu’en effet la méthode qui a porté si haut les progrès des sciences physiques et chimiques , et qui consiste à mesurer l’ac- tion des causes par l'intensité de leurs résultats, peut seule résoudre des problèmes aussi complexes que ceux qui se ratta- chent à l'étude des principes sous la puissance desquels se déve- loppent les maladies épizootiques. Convaincu de cette vérité, nous nous sommes efforcé d'attirer les investigations de nos collègues et confrères dans cette voie ; grâce à leur actif concours, nous avons recueilli de nombreux éléments de statistique médicale qui, bien que formant un tout très-imparfait encore, n’en offrent pas moins des se- cours inattendus, pour résoudre de graves difficultés soule- vées relativement aux causes de la maladie qui nous occupe. Nous avons encore été secondé dans cette tentative par la Société royale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, qui, dans une enquête ouverte parmi ses membres associés agricul- teurs, nous a fourni de précieux matériaux numériques qui sont venus confirmer les résultats de l'information faite par les hom- mes de l'art. Mais avant de mettre en usage ces documents , il convient de prenüre, comme point de départ, les faits qui, par leur évidence, ont frappé l’universalité des observateurs, et de cons- later que certaines conditions étiologiques ont une puissance d'action, sinon suffisante pour produire à elles seules le mal, du moins assez d'efficacité pour concourir activement à son déve- loppement. Dans cette catégorie vient se ranger l’insalubrité des étables , résultant de leur vicieuse construction et de leur insuffisante aération ; la stabulation permanente et les conséquences funestes qu’elle entraîne ; le régime trop substantiel et pas assez varié : l’acclimatation des races importées , l’affaiblissement consécutif à certaines affections, ou celui dû aux faligues de longs voyages; l'hérédité , etc. On se fait difficilement une idée des nombreuses et intenses ( 246 ) conditions d’insalubrité réunies comme à dessein dans les étables des nourrisseurs, des distillsteurs et même des simples culti- vateurs. Le bétail est entassé dans des locaux bas, étroits, peu ou pas éclairés, excessivement mal aérés , d'une malpropreté souvent telle. qu'il est impossible d’y pénétrer sans être souillé d'excréments. Nous avons mesuré, mes collègues et moi, une centaine d’éta- bles choisies parmi celles que la maladie avait, avec plus de per- sistance, atteintes depuis dix-neuf ans, et nous avons constaté que chaque bête n’y possédait que 8 à 10 mètres cubes d'espace, c’est-à-dire quatre fois moins qu’il n’en faudrait pour contenir la masse d’air indispensable à l’entrelien pendant vingt-quatre beures de l’importante fonction de la respiration. Ce fluide s'y renouvelle si difficilement que, lorsqu'on y pénètre le matin avec de la lumière, elle ne jette plus, faute d’aliment , que quelques rayons mourants, incapables de percer l’épais nuage de vapeurs dans lequel sont plongés les animaux. Les personnes chargées du service de ces étables n’y respirent que péniblement , jusqu à ce l'air ait eu le temps de se renouveler par la porte laissée ouverte. Enfin, une température de vingt à vingt-cinq degrés rend l’abord de ces locaux aussi incommode que celle des étuves. Ce n’est pourtant pas sans une apparente raison qu'un état aussi contraire aux règles hygiéniques est maintenu dans ces étables ; l'expérience a appris en effet que la sécrétion du lait et l’engrais des bestiaux étaient singulièrement favorisés par une température élevée. C'est pour atteindre cette lempérature que les causes d'insalubrité qui viennent d'être énoncées sont accumulées dans ces habitations de l’espèce bovine, où, en outre, un vice de construction contribue puissamment à rendre les affections de poitrine plus fréquentes, c'est celui de pratiquer vis à-vis la tête des animaux d’étroites ouvertures dites meur- trières, destinées à donner issue à l’air extérieur. On conçoit que, ( 247 } dans l'état de grande transpiration où se trouve la peau dans un pareil milieu , elle doive éprouver des effets fâcheux par suite de courants d'air froid qui viennent frapper partiellement quel- ques régions du corps. L’habileté de nos cultivateurs dans l'art de créer et d’atiliser les engrais porte encore une autre atteinte fâcheuse à la salu- brité des étables; toutes sont en effet pourvues de citernes destinées à recueillir les urines des bestiaux. pour ensuite servir de fumures liquides sur les terres; mais comme les produits gazeux de la fermentation putride de ce liquide excrémentitiel se répandent librement dans les lieux habités par les bestiaux , la pureté de l'air respiré par eux, doit en être considérablement altérée : c’est ce que démontreraient du reste, au besoin, de nombreux exemples d’expiosions par suite de l'introduction dans ces étables de personnes armées de lumière, si les vapeurs ammoniacales qui proviennent aussi de cette source n'en donnaient pas un témoignage tout aussi évident. Quand la stabulation est permanente et que les bêtes bovines sont sous l'empire d'influences hygiéniques aussi fâcheu:es, il serait difficile de comprendre qu'elles pussent résister indéfini- ment à l’action de causes qui, infailliblement, devraient produire les plus funestes conséquences. Ce résultat fâcheux arriverait probablement {oujours, si l’état d'embonpoint ne faisait pas une 1oi de sacrifier le bétail à la boucherie après dix mois , un an ou deux au plus de séjour dans de pareilles habitations. Cependant ies bestiaux ne peuvent pas, dans toutes les circonstances , sup- porter pendant aussi longtemps l’action de ces causes d’insalu- brité, el l'on voit communément se développer la pleuropneu- monie après quatre, six ou huit mois , quand l'influence épizoo- tique règne durant ce laps de temps. Nous avons en effet déjà constaté , d’après des travaux statis- tiques exécutés d’une manière très-rigoureuse par des véléri- naires capables, que chez les nourrisseurs, les distillateurs de ( 248 ) genièvre et une grande partie de fabricants de sucre indigène , Ja perte moyenne des bêtes bovines a été, depuis dix-neuf ans, de 10 à 12 pour cent chaque année , tandis que chez les simples cultivateurs, où la stabulation n'est pas permanente et chez les- quels les bêtes bovines vont au pâturage pendant la belle saison, la perte moyenne n’est que de 2 centièmes. La comparaison de ces deux chiffres démontre mieux que toute espèce de raison- nement, l’action malfaisante de l’entassement continu des bes- tiaux dans des habitations malsaines. Mon ami et collégue au Conseil de salubrité, M. Demesmay , l’un des cultivateurs les plus habiles et les plus instruits du pays, est tellement convaincu de la puissance des étables insalubres sur le développement de la pleuropneumonie, qu'il estime pouvoir la faire naître à volonté par l'effet de cette seule cause , dans la vaste sucrerie indigène qu'il exploite à Tem- pleuve. L'uniformité du régime el surtout la grande abondance d’une nourriture forte et très-substantielle, paraissent contribuer à mettre le bétail des nourrisseurs et des fabricants de sucre ou de genièvres dans des conditions favorables à la production de ia maladie ; c’est du moins ce qui résulte des nombreuses expéri- mentations dans lesquelles ce régime ayant été rendu plus tem- pérant, l’affection a cessé de se montrer, pour reprendre aussitôt que l'alimentation première était de nouveau appliquée par suite de la diminution des produits en lait ou de l'arrêt davs l’engrais, qui en élait résulté. Ce n'est pas immédiatement, comme nous le verrons plus loin , que ie régime essentiellement nutritif el échauffant pro- duit son effet; le plus ordinairement les bêtes ne sont ‘prises de l’épizootie, qu'alors que l’engraissement est déjà avancé, c'est-à-dire quatre , six et huit mois aprés le début de ce régime. Dans les cas assez rares où la pleuropneumonie frappe les (249 ) bêtes récemment introduites dans les étables, on remarque assez ordinairement qu'elles y ont apporté un état maladif qui les dis- pose à contracter la maladie; ainsi, chez les unes une parturition laborieuse a considérablement affaibli leur constitution; chez d’autres, on a reconnu des signes de métrite et même de périto- nite, et c’est durant la convalescence que la maladie épizootique les a saisies. Chez d’autres, des phlegmasies gastro-intestinales, des inflammations aiguës ou chroniques des bronches, des engor- gements des ganglions lymphatiques , s'étaient précédemment montrés ; enfin, dans un assez grand nombre , les fatigues de voyages lointains, les privations , le changement de climat, de régime, d'habitation, la lactation trop prolongée, etc., ont paru placer l’économie animale dans une situation favorable an déve- loppement du mal. Nous avons été plusieurs fois en position de constater que l'in- fluence héréditaire exerçait aussi une action évidente sur la transmission de l’épizootie aux jeunes sujets : des veaux prove- nant de mères emportées par la pleuropneumonie ont été vus par nous en proie au même mal, trois mois, six mois, un an et un an et demi après la naissance, quoique l’état sanitaire du troupeau dont ils faisaient partie füt parfait. Cesjeunes animaux avaient présenté cette particularité qu'ils étaient atteints d'une: toux ancienne, presque contemporaine de la naissance. Touten reconnaissant la grande influence des causes précé- dentes, on serail tenté, en présence des faits assez nombreux qui constatent que la maladie s’est quelquefois développée au milieu des conditions de salubrité irréprochable, d'admettre qu'un principe inconnu dans sa nature, et insaisissable à nos sens est l'agent de sa propagation ; c’est là pourtant un point sur lequel a éclaté une grande dissidence dans le personnel vé- térinaire du département : or, comme partout ailleurs l’exis- tence de ce principe de propagation est encore vivement contro- versée, il ne sera pas sans utilité de consigner ici les opinions ( 250 ) diverses émises par mes collègues, sur ce grave et important sujet. Opinions des vétérinaires attachés au service de police sanitaire du département du Nord relativement à la contagion ou à la non contagion de la pleuropneumonie. Dans la diversité des conclusions auxquelles sont arrivés les praticiens désignés dans le titre ci-dessus, les uns ont cru devoir appuyer leur avis sur des faits dont l'interprétation se montrait favorable à leurs vues ; d’autres au contraire n’ont formulé que des opinions, sans mentionner les preuves qui avaient entraîné leur conviction. Nous pensons toutefois qu’il n'y a aucun motif sérieux qui doive nous empêcher de les reproduire ici. Ces opinions ne sont effectivement que le résultat de la comparaison d’une multitude de faits qui, s’ils étaient tous relatés, encom- breraient tellement la discussion qu’elle deviendrait un vrai dédale. Loin donc de rejeter cet avis avec dédain, on doit au contraire les consulter comme lelangage abrégé de l'observation; mais en les employant, il convient d’en apprécier le prix, qui est essentiellement variable et qui dépend du mérite, de l’expé- rience et de la capacité des hommes qui les ont consciencieuse- ment produits. Cette remarque ayant pour but de restituer aux vues qui vont suivre, la juste valeur qu’on doit leur accorder, je vais, pour plus d’exactitude, les transcrire textuellement. La première opinion émise sur la non contagion de la maladie appartient, par ordre de date, à M. Delflache, l’un des vétérinai- res les plus distingués sortis de nos écoles, et praticien dont les talents sont justement appréciés par une des plus vastes clien- tèles qu'un seul homme puisse desservir. Ce collègue a vu des milliers de cas pleuropneumoniques. Dès 1822 à 1823, il a com- battu annuellement la maladie sur huit à neuf cents sujets. Aussi (251) son expérience est-elle si considérable , qu'il n’est peut-être pas en France un seul de ses confrères qui puisse l’égaler sous ce rapport. Voici comment il s'exprime : « Cette question de la contagion, déjà controversée à plusieurs » reprises, est loin d'être résolue; une multitude d'observations » que j'ai faites depuis vingt ans me feraient émettre une opi- » nion en faveur de la négative. Cependant plusieurs vétéri- » naires du pays qui, comme moi, ont étudié et observé avec » soin et persévérance celte maladie, la regardent comme con- » tagieuse. Leur opinion est-elle basée sur des faits vus et exa- » minés sans prévention ? La mortalité survenue presque en » même temps sur tout un troupeau ou sur plusieurs troupeaux » voisins ne leur a-t-elle pas suggéré cette pensée ? Se sont-ils » assurés, avant de prononcer, si les animaux malades ne s'é- » taient pas trouvés tous sous l'influence des causes détermi- » nantes de la maladie. » J'ai par devers moi des myriades d'observations qui me ». paraissent devoir lever toute espèce de doute à ce sujet. J'en » vais citer un petit nombre des plus saillantes, et toutes tendent » à conclure contre la contagion. Arrive ici la relation de divers faits que je ne pourrais repro- duire textuellement, sans donner à cette notice une étendue dé- mesurée , jeme contenterai donc d'en donner une courte ana- lyse qui suffira pour faire connaître ce qu’il y a de plus saillant dans les observations de M. Delflache. Premier fait. — En 1822, 93 et 24, la pleuropneumonie a frappé annuellement près demille bœufs importés de la Franche- Comté, pour être engraissés dans l’arrondissement d'Avesnes, et quoiqu'ils fussent répartis sur une vaste surface, au milieu de la population bovine indigène , celle-ci n’a pas contracté la maladie et s’est maintenue saine jusqu'à une époque beaucoup plus reculée où l’épizootie a commencé à sévir sur d’autres points du département. ( 252: ) Deuxième fait. — En 1845, huit bœufs franc-comtois succom- bérent de l’épizootie dans une pâture où se trouvaient deux va- ches indigènes, une vache hollandaise et une boulonnaïse. La santé de ces deux derniers animaux est demeurée intacte. Troisième fait. — Deux troupeaux de vaches hollandaises, l'un de quatre, l’autre de quinze bêtes, se trouvaient réunis en 1842 dans le même pâturage. Le premier troupeau succomba ou fut sacrifié pour cause de la pleuropneumonie, l’autre resta sain jusqu'à parfait engrais. Le premier troupeau était arrivé au pâturage en avril, le deuxième six semaines après et peu de temps avant l'apparition de la maladie. M. Jougla, praticien trés-estimé, à Douai , fait connaître sa pensée de la manière suivante : « Une maladie ‘vient d’être signalée à Ja science vétérinaire » comme contigieuse, par un homme dont l’éminent savoir » donne à son opinion un poids énorme; cette maladie est la péri- » pneumonie qui atteint et fait périr un si grand nombre de » vaches, principalement lailières. M. Delafond reconnait un » principe contagieux à cette maladie, il le considère comme » peu subtil et peu propre à étendre ses ravages au loin, mais il » lui accorde cependant cette persistance, cette vitalité, qui peut » la faire durer quelquefois plus d’une année, dans un lieu conta- » gioné, sans perdre de son intensité, si une opération dans l’at- »-mosphère de ce lieu, ne vient le réduire au néant. Il est diffi- » cile de comprendre comment une émanation délétère suscep- » tible de produire une maladie analogue à celle dont elle est le » produit, puisse conserver pendant si longtemps une propriété » qu'il est permis de révoquer en doute. M. Delafond dit encore, » que lorsqu'un troupeau de vaches ou une établese trouvent » frappés de cette maladie d’une manière contagieuse, il n'y a » qu'un seul animal attaqué d’abord, et que deux mois aprèsil > y en a un autre; c'es aiusi que cette affection commence par » sévir sur le troupeau ou l’étable, qui plus tard seront en partieen- ( 253 ) vahis par elle et jamais complètement. M. Delafond à raison de dire que cette maladie a une marche toute particulière ; elle diffère en effet de toutes ces maladies contagieuses et épizooti- ques qui tout d’abord se manifestent avec une vigueur et une intensité telles qu’elles jettent la terreur dans les localités où elles se développent : mais l'interprétation qu'il en tire ne me paraît rien moins que fondée. » Je n’ai ni l'intention ni les moyens de réfuter le travail de M. Delafond, je dirai seulement que j'ai un grand nombre de faits à opposer aux siens, el qui pour moi sont des plus con- cluants en faveur de la non-contagion de la péripneumonie du gros bétail. » Feu Leroy, vétérinaire justement regretté à Cambrai, écrivait quelques mois avant sa mort : 1 » La propension des esprits faibles et ignorants pour le mer- veilleux et incompréhensible, porte invariablement les popu- tions campagnardes à croire à l'existence d’un principe chargé de la transmission des maladies faisant subir des pertes inac- coutumées à l’agriculture : c’est en vertu de cette sorte d’ins- tinct populaire, que l’idée de la contagion s'est répandue rela- tivement à la pleuropneumonie de l'espèce bovine. Mais l'examen attentif des faits et leur appréciation rigoureuse détruisent bientôt cette illusion que les hommes de l’art ne peuvent partager qu'en voyant mal et de loin. » Dans des considérations longuement développées, ce vétéri- naire cherche à établir ensuite qu’en se faisant probablement à leur insu l'écho des erreurs populaires, des hommes très-recom- mandables d’ailleurs et surtout très-éclairés, ont dû nuire aux saines études étiologiques de l’épizootie; il se demande si la voie dans laquelle on s’est engagé en arborant l’étendard de conta- gioniste et en faisant appel à tous les praticiens pour trancher cette question ardue, était susceptible de produire quelque résul- tat. Il pense qu’en prenant cette position, on rendait l’espèce ( 254) d'enquête scientifique, qu’on prétendait établir, tout-à-fait im- possible, par la raison que n'étant plus dans de rigoureuses con- ditions d’impartialité, cet appel ne pouvait être entendu que de ceux dont les opinions seraient accueillies avec faveurs; d’où il conclutqu’on a bien pu, par ce moyen, établir un plaidoyer pour la contagion de la pleuropneumonie, mais non une discussion sérieuse de tous les éléments de la question, de manière à lui donner une solution définitive. Passant de là à l'appréciation de la valeur des matériaux dont on a fait usage pour dresser ce plaidoyer, il trouve que des faits accueillis par des hommes de capacités très-diverses et sous l’in- fluence d’une idée préconçue, ne fournissent que des garanties insuffisantes pour entrainer la conviction des esprits dissidents. D'iilleurs une critique judiciense lui paraît devoir réduire consi- dérablement la portée d’un grand nombre de ces observations et même les rendre susceptibles, pour quelques-unes du moins, d'interprétations tout-à-fait contraires à celles qu’on en a d’a- bord tirées. À l’appui de son opinion anti-contagioniste , et parmi une multitude d’autres qu’il aurait pu, suivant lui, signaler, Leroy cite les faits suivants que j'analyse le plus brièvement possible. Premier fait. — Delval, du Catillon, achète, le 25 mai 4837, une vache qu'il place dans son étable, au milieu de sept autres qu'il possédait: la vache achetée devient malade et meurt de l'épizoolie, les autres restent saines. Deuxième, troisième et quatrième faits. — La même innocuité est résullée : 1.° du rapport de trois bœufs péripneumoniques avec huit vaches admises dans le même pâturage ; 2.° des con- tacts muilipliés de deux troupeaux étant placés dans des vergers contigus, l’un de ces troupeaux étant atteint de l’épizoolie ; 3.9 de la cohabitation dans la même étable de bêtes, qui restèrent saines, quoique entremélées avec trois vaches malades et qui succombèrent de la pleuropneumonie. ( 255 ) M. Salomé, vétérinaire instruit, à Bailleul , s'exprime ainsi : « Je me crois fondé à avancer que la péripneumoenie des bêtes » à cornes n’est pas si contagieuse qu'on l'a dit récemment, et » qu'elle ne jouit au contraire de cette propriété que quand elle » revêt une forme très-aiguëê. » Cinq observations très-détaillées sont fournies par ce jeune praticien pour constater, que dans la plupart des cas, le contact des animaux malades avec des animaux sains, ne transmet pas la péripneumonie. Premier fait. — En janvier 1840, douze vaches appartenant au sieur Lamers, de Méteren , laissent voir les symptômes de la pleuropneumonie : sur trois d'entre elles, une seule suc- comba. Lo:s de l'apparition de la maladie, ces bètes se trou- vaient en pâture et communiquaient par uneclôture en mauvais état avec un troupeau voisin, qui n’en éprouva pourtant par la suite aucun effet fâcheux. Deuxième fait. — Le 3 novembre 1839, chez le sieur Jaulen, à Enke, trois vaches pleuropneumoniques, dont une succomba quelques jours après, furent en cohabitation dans une étable avec trois autres vaches qui restèrent saines par la suite. Troisième fait. — La même cohabitation eut lieu en avril 1838, chez le sieur Bauils, à Bailleul, entre deux vaches malades de l’épizootie, et six autres bêtes qui n’en éprouvèrent aucun mauvais résultat. Quatrièe fait, — Les sieurs Goëthals et Cosseliers, cultiva- tivateurs à Saint-Jean-Cappel; Aimable Fruchot et Henri Sau- vage, de Flétren, eurent une-partie de leurs troupeaux affectée de l'épizootie, et malgré le contact des bêtes saines et des bêtes ma- lades, tant à l'étable qu’au dehors, jamais M. Salomé n’a vu la maladie se propager par contagion. Cinquième fait. — Ce même résultat s’est renouvelé chez les sieurs Steven, de Bailleul, et Notaux, de Doulieu. Enregard des preuves précédentes de l’innocuité du contact des (256 ) bêtes atteintes de pleuropneumonie avec celles en état de santé, 1. Salomé relate une sixième observation favorable à la con- tagion. Sixième fait. — L’étable du sieur Lomveser, de Bailleul, peuplée de 21 bêtes, fut visitée le 19 janvier 1839 par ce prati- cien qui reconnut que l’une d’entreelles était affectée de pleuro- pneumonie aiguë ; dans l'impossibilité de la loger ailleurs, elle fut traitée sur place et fut guérie après neuf jours de traitement. Pendant ce temps, sept autres vaches tombèrent malades, mais presque toutes étaient les plus éloignées des premières. Sur ce nombre, trois périrent, et les autres furent vendues pour la bou- cherie. Jusqu'au premier mars, il ne tomba plus qu'une bête malade qui mourut le neuvième jour de l'invasion du mal, mais alors les vides opérés par la mortalité avaient été remplis et les vaches nouvellement arrivées contractèrent la maladie et mou- rurent ou furent sacrifiées pour cette cause. M. Cauderlier, vétérinaire à Maroilles, a signalé des faits pour et contre la contagion. Il conclut de la manière suivante : » D’après les exemples que je vais citeret qui ont été recueillis » en partie à domicile et d’autres qui me sont particuliers, il » paraît évident que l'épizootie qui règne sur le gros bétail revêt » le caractère de la contagion ; et si elle ne fait plus autant de » victimes, c’est sans doute parce qu’elle perd de son intensité » comme font toutes les maladies après avoir sévi pendant un » certain laps de temps ; néanmoins, je suis bien éloigné de pré- » tendre résoudre cette grande question. » Suivent d’abord trois faits de non contagion. Premier fait. — » MM. Sculfort et Bachy, marchands de bes- » tiaux, placèrent soixante-dix vaches dans les pâturages de » M. Evrard, à Boulogne, canton d’Avesnes (Sud), provenant de » la Normandie, de la Picardie et de la Flandre ; dix de ces va- » ches, sans distinction de pays, furent attaquées de Ja pleuro- » pneumonie et vendues pour la consommation; les soixante » ) ( 257 ) autres sont parvenues à un état d’engraissement complet, mais beaucoup étaient affectées de toux. » Deuxième fait. — M. Meurmet, propriétaire à Amurie, canton de Berlaimont, eut dans son pâturage, bas et humide, cinquante vaches à l’engrais; cinq furent attaquées de pleuro- pneumonie, et le reste du troupeau est parvenu à un degré d’embonpoint désirable, mais la toux se faisait remarquer comme dans le cas précédent. » Troisième fait. — Enfin, M. Lendrecier acheta à M. Scul- fort, marchand, vingt-six vaches, dont vingt normandes et six picardes ; sept normandes et une picarde succombèrent à la maladie ; les dix-huit autres restantes sont aussi parvenues à un état d’engraissement complet, toujours accompagné de toux. » Après les observations contraires à la contagion, M. Cauder- lier en signale cinq qui lui sont favorables. » » Quatrième fait. — « Le 10 juin 1838, la pleuropneumonie s'étant déclarée chez M. Moreau, propriétaire, de la commune de Maroilles, dans un troupeau composé de dix vaches lai- tières, quatre moururent de la maladie, Six semaines après, ilracheta deux vaches bien vigoureuses, bien portantes, pro- venant de la commune de Priches , où la maladie n'avait jamais existé; ces deux vaches furent conduites dans le trou- peau, dix-huit jours après elles furent contagionnées et pé- rirent. » Cinquième fait. — Le même fait s’est produit, et dans les mêmes circonstances, chez M. Varlet, Antoine. même com- mune. ]l perdit deux vaches de la pleuropneumonie ; il en xacheta une bien portante qui fut mise dans le troupeau : 17 > Ÿ EE | 988 ) quinze jours après , elle devint malade et mourut de l’épi- zoolie. » Sixième fait. — M. Deltour, maire de Fresnoy, acheta une vache le 12 juin 1840, à la foire de cette ville. Elle fut con- duite dans un troupeau composé de dix bêtes ; un mois après, à la suite du vélage, cetle bête mourut de la pleuropneu- monie et contagiona six autres qui moururent de la même maladie. » Le sieur Benoît, gardien de ce troupeau, à qui M. Deltour avait permis d'y joindre ses deux vaches, en perdit une con- tagionnée. » » Septième fait. —- M. Duquenoy , Robert, demeurant au Quesnoy, acheta une vache à la foire de cette ville, Je 29 juillet 1841, de M. Louvigniel , fermier à Auchy-Fontaines. Conduite dans son étable, où se trouvaient deux vaches laitières , la vache achetée mourut de l’épizuotie et les deux autres furent contagionnées. » Huitième fait. — M. Béguin, Manuel, de Landrecies, acheta aussi, à la foire de Catillon, uae vache qu’il conduisit dans son troupeau composé de trois vaches et deux génisses; douze jours après, cette bête mourut de l’épizootie et communiqua la maladie dans tout le troupeau. » Neuvième fait. — M. Manesse, Thomas, propriétaire au Favril, place annuellement daus son pâturage cent vingt à cent trente vaches destinées à l’engrais ({ y compris les mu- tations), dont vingt provenant de la Picardie, quatre-vingt-dix de la Normandie et vingt du pays. » Cinq de ces vaches, bien saines, bien venantes, furent au bout d’un mois réunies à trois autres bêtes maigres dans le même pâturage ; dix jours après ces dernières se mirent à (259 ) » tousser et la maladie ne fut pas longtemps à se déclarer, elles » contagionnerent les cinq premières. » Vingt-deux vaches grasses et les herbages avaient été ven- » dues à M. Sculfort, marchand de bestiaux à Landrecies ; ilen » enleva dix aussitôt, les fit remplacer par vingt autres d’un » moyen état d'embonpoint ; huit jours après, l’on s'apercut » que plusieurs de ces vaches étaient atteintes de la pleuro- » pneumonie. Pas une des douze vaches n’a échappé à la ma- ladie, mais elles furent vendues aussitôt. » Y M. Mariage, de Bouchain, déclare qu’en présence de trois ob- servations fournies par lui, et de tant d’autres que M. Delafond a recueillies , la preuve de la contagion de la pleuropneumonie est acquise et qu’il s’agit d'employer des mtsures de police sani- taire vigoureuses. Ce vétérinaire reproduit les trois observations qui ont été pu- pliées sous son nom, dans le mémoire de M. le professeur De- lafond. Dans la première, il s’agit de vaches saines introduites dans une étable où l'épizootie exerçait ses ravages, et du développe- ment de la maladie sur lesdites vaches. Dans la deuxième, des navets provenant d’un champ près duquel des bêtes pleuropneumoniques avaient été équarries, sont accusés d’avoir transmis la maladie à des vaches qui en ont fait usage. Enfin, la troisième observation concerne l'introduction de la maladie dans un troupeau dont les bêtes auraient flairé les dé- bris cadavériques d’un bœuf atteint de l’épizootie. Pour terminer cette enquête, il ne nous reste plus qu’à citer M. Deschodt, qui affirme que la pleuropneumonie est conta- ( 260 |) gieuse, sans donner aucun raisonnement ni aucun fait qui vien- nent faire connaître les motifs de sa conviction. En récapitulant ce qui a été révélé par l'information faite parmi les membres du service vétérinaire du département rela- tivement à la contagion de la pleuropneumonie, on trouve que trois de ces membres se sont prononcés contre d'une manière absolue ; cesont MM. Delflache, Jouggla et Leroy ; deux au- tres, sans nier la contagion, semblent admettre que cette voie de propagation n’est pas la plus commune; ce sont MM. Salomé et Cauderlier. MM. Mariage et Deschodt se montrent contagio- nistes. Enfin, cinq vétérinaires ont jugé devoir rester étrangers à ces débats : ce sont MM. Delaëtre, Gaersen, Legrand, Seillier et Meilhan. Ce qu'il y a de plus étrange dans cette diversité d’ayis, c'est que des vétérinaires également consciencieux et éclairés, placés dans les mêmes localités, témoins des mêmes faits, en situation de les observer pendant une longue suite d'années, puissent ar- river à des conclusions diamétralement opposées. Cela tient vrai- semblablementà ce que, d’une pari, les faits sont eux-mêmesobs- curs et contradictoires, etque d'un autre côté, aucun des deux partis soulevés par le problème étiologique à résoudre, n’est en- core en situation de démontrer d’une manière irréfragable dans quel sens est la vérité. Quant aux observations relatées plus haut, elles portent la couleur des opinions qui les ont reproduites : seize sont contre la contagion et douze lui sont favorables ; mais comme il s’agit moins de les compter, que de les peser, et que sous ce rapport elles ne peuvent, ni les unes niles autres, faire pencher le pla- teau de la balance, nous allons aborder un autre ordre de consi- dérations, qui devra jeter quelques lumières nouvelles sur ce sujet encore entouré de tant d'obscurité ; maïs avant, nous { 264) constaterons, que parmi les seize faits tendant à exclure la con- tagion, douze se rattachent à des immunités observées sur des troupeaux placés dans des pâturages et qu'un seul exemple de contagion, sur les neuf rapportés plus haut, est relatif à des bes- tiaux placés dans des conditions semblables. Nous reviendrons tout-à-l'heure sur ce résultat significatif, qui pourra nous aider à concilier des opinions jusqu'ici incompatibles et qui semblent s’exclure mutuellement. Des circonstances générales de l'invasion et de la propagation de l'épizootie dans le département du Nord, considérées au point de vue de la détermination de ses propriétés contagieuses. L'origine et la marche des épidémies et des épizooties, consti- tuent des parties aussi curieuses que caractéristiques de leur histoire, surtout quand elles sont établies sur des faits exacts et exempts de vues hypothétiques, dont on se plaît parfois à les entourer. C’est là ce qui nous détermine à revenir sur les parti- cularités qui ont accompagné les premières apparitions de la pleuropneumonie parmi nous , et à rechercher les lois générales qu'elle a suivies dans sa propagation. Nous avons déjà vu , dans le commencement de cette notice, que l'invasion de l’épizootie avait eu lieu sous deux formes très- distincies. Irruption de 1822. — La première apparition, qui remonte au printemps de 1822, et qui fut exclusive à l'arrondissement d’Avesnes, présenta cette particularité remarquable, qu’elle resta limitée à la population bovine, émigrée de la Franche-Comté, pour étre livrée à l'engraissement dans les vastes herbages de la localité, de sorte qu’en ne frappant qu'une race exotique, elle resta étrangère au pays. Toute espèce de doute doit cesser à cet ( 262 ) égard , quand on considère que l’expérimentation portait sur plusieurs milliers de bêtes importées, et qu’elle fut renouvelée les années suivantes, toujours avec le même résultat. Maintenant que ce fait principal est établi, il importe peu que le mal ait, comme M. Delflache le croit, respecté d’une manière absolue les races indigènes, ou que, suivant M. Lecocq, quel- ques rares exceptions aient échappé à cette règle ? Ce qu'il est utile de bien constater, c’est que pendant plusieurs années con- sécutives, d'immenses troupeaux infectés de pleuropneumonie ont été transplantés sur une grande étendue de pays, sans que la maladie s’y soit naturalisée et ait attaqué la race régnicole. Est-ce à dire par là quel’affection soit évidemment dépourvue de la propriété de se transmettre ? Cette conclusion serait prématurée et risquerait fort d’être démentie par d’autres faits d’un autre ordre ; aussi, pour rester dans le vrai, convient-il de restreindre cette conclusion, en énon- cant tout simplement , que dans des circonstances données, une multitude de bestiaux infectés de l’épizootie a pu avoir, sans conséquences morbides, des contacts très-divers et en nombre illimité avec d'autres multitudes d'animaux sains. Or, les circonstances dans lesquelles se trouvaient les bestiaux importés dans l'arrondissement d’Avesnes, sont celles-ci : dès leur arrivée, ils étaient placés dans les vastes et nombreux her- bages du pays, puis après trois, quatre, cinq ou six mois, livrés à la boucherie. Ici nous entrons donc dans les inductions tirées des faits pré- cédemment indiqués, à savoir que sur les seize observations pro- duites par mes collègues, pour démontrer la non contagion de la maladie, douze sont relatives à des contacts dans les pâturages, tandis qu’une seule des neuf observations tendant à admettre la contagion, se rattache à la transmission du mal dans les her- bages. Mes propres observations confirment pleinement le résultat de ( 263 ) ce rapprochement; c’est qu’en effet, à Lille et dans les envi- rons, où depuis dix-neuf ans le nombre des victimes de la pleuro- pneumonie est incalculable, cette maladie ne s’est produite que deux fois dans les herbages d'engrais de la localité, toujours sur des bœufs franc-comtois. La première, en 1833, atteignit neuf bêtes ; la seconde, en 1836, frappa sur quatorze: mais dans l’une et l’autre circonstance, elle respecta les troupeaux voisins avec lesquels de nombreux rapports étaient établis, attendu l’in- suffisance des fossés servant de barrières aux excursions des bes- tiaux : on voit donc qu'ici s’est renouvelé en petit ce qui s'était passé en grand dans les campagnes de l'arrondissement d’Avesnes en 1822 et années suivantes. Mais, dira-t-on, que peuvent prouver les inductions dont il vient d'être parlé, en présence des faits publiés jusqu’à ce jour et qui démontrent la contagion dans les herbages. La contradiction est plus apparente que réelle, car écartant la contagion qui n'est pas en cause, que reste-t-il ? huit à neuf faits recueillis taut en France qu’à l'étranger et qui, acceptés sans discussion aucune, prouvent que la maladie s’est parfois propagée sur les bestiaux placés dans les pâturages. 11 faudrait pour que ces ob- servations, si peu nombreuses, pussent contrebalancer les conclu- sions auxquelles nous sommes arrivés, qu’en regard des faits de transmission on eût relaté les faits d'immunité, et que le rapport qui existerait entre eux, fût essentiellement différent de celui que nous avons trouvé. Or, on a complétement négligé cette donnée de statistique médicale, pourtant si importante, et nous avons la conviction que pour le cas où on en aurait recueilli les éléments, on serait parvenu comme nous, à la conséquence émise plus haut à savoir: que dans la grande majorité des cas, la pleuropneumonie n'est pas transmissible alors que les animaux sont en plein air dans les herbages. Irruption de 1827. — L'examen de la manière dont l’épi- ( 264 ) zootie s’est introduite et développée dans le département en 4827, donnera naissance à d’autres remarques non moins im- portantes. Dés le mois de février de ladite année, les marchands de bes- tiaux qui approvisionnent les grands centres de population industrielle de l'arrondissement de Lille, étaient informés qu’une maladie épizootique venait de se montrer dans les principates localités de la Belgique, où ils faisaient leurs achats, et qu’un certain nombre d’étables des environs de Furnes, Nieuport, Ypres, etc., étaient en proie à l'affection : quelques semaines après, une contestation s'étant élevée pour savoir si une vache de cette provenance pouvait être livrée à la consommation , je fus invité à donner mon avis à ce sujet. En conséquence, m'étant transporté à l’abattoir, j'eus l'occasion de constater les désordres morbides, que depuis j'ai vus en si grand nombre de fois se re- produire par la pleuropneumonie. Vers la fin de mars, ou au commencement d'avril, un petit nombre d'exploitations rurales, placées sur les rives françaises de la Lys, entre Armentières et Menin, furent frappées de la ma- ladie, et celle-ci ne tarda pas à pénétrer chez quelques nourris- seurs de Lille et de ia banlieue, puis à étendre au loin ses ravages. Dans cet envahissement, l’épizootie affectait une allure toute particulière ; ce n’était pas comme dans d’autres affections du même ordre, un embrassement général de tout ce qu'elle ren- contrait sur son passage ; elle ne gagnait pas non plus de proche en proche ; elle apparaissait bien plutôt sousla forme de foyers partiels plus ou moins nombreux et disséminés sur de vastes surfaces ; aussi le cultivateur atteint du fléau ne voyait-il pas d’abord ses plus prés voisins partager son infortune, et devait- il chercher à une, deux ou trois lieues de distance , pour trouver des malheurs semblables au sien ? La première étincelle qui alluma les foyers fat-elle spontanée? RAR ae + à ( 265) ou ne constitua-t-elle qu’une trainée lointaine? C'est ce que nous allons examiner. Disons d'abord que le pays du Furnembac, ôù les premières atteintes de la maladie se sont montrées, est excessivement abondant en bestiaux ; sa principale industrie consiste dans l'é- levage de l'espèce bovine qui y est l’objet d’un commerce d’ex- portation pour des valeurs considérables ; les importations y sont nulles, ou s’il s’en fait, elles sont tout-à-fait exception- nelles ; il n'y a donc pas là des éléments favorables pour ad- mettre une origine exotique du mal: d’ailleurs, ainsi que nous l'avons signalé plus haut, les seuls points de l'Europe, que des documents positifs accusent d’avoir été dans le même temps en proie à l’épizootie, sont le Piémont et la Prusse. Et comment croire que de ces deux pays, des bestiaux l’aient transportée sur le littoral de la mer du Nord, sans qu'ils aient laissé de traces de leur passage à travers les provinces intermédiaires et sans qu’on se fût aperçu des désastres que leur expatriation eût dü pro- duire. Il est enfin une dernière considération qui s'élève encore contre cette supposition, c'est que dans l’intronisation par im- portation dont nous venons de parler il n'y a qu'un instant, elle s’est comportée d’une manière complètement différente de celle qui s’est offerte en 1822 à l’observation des praticiens de l’ar- rondissement d'Avesnes. Nous croyons donc, par le rapproche- ment des circonstances précédentes, qu'il y a les plus puissantes présomptions d'admettre que l’irruption épizootique dont il est question à pris naissance dans le pays même, sans le secours d’au- cun germe contagieux apporté du dehors. l Première irruption dans chaque étable. — Après avoir, dans la revue rétrospective précédente, assisté à la double introduction en #822et 1827, de l'épizootie dans notre pays el avoir signalé les circonstances les plus saillantes que cet événement à pu pré- senter touchant la doctrine de la contagion, il nous reste à exa- ( 266 ) miner quelques détails relatifs à la première irruption du mal dans chaque étable ; ici nous sommes plus à l’aise, et les-rensei- gnements statistiques que nous nous sommes procurés, ajoutés à ceux qui ont été signalés plus haut, sont assez nombreux pour amener des conclusions plus rigoureuses que ne sauraient jamais être celles qui ne reposent que sur des données non chiffrées. Dans 352 établissements agricoles ou industriels dans lesquels la maladie s’est développée, 82 n’y renouvelaient le bétail que par les élèves, sans le secours d'acquisition de bêtes étrangères; le troupeau nesortait jamais de ia ferme ou du verger y attenant: conséquemment la première victime étant née sur les lieux ne pouvait avoir reçu le mal du dehors. Dans 105 établissements, les premières bétes atteintes de l'épizootie avaient six mois et plus de séjour à l’étable. Dans 93, de quatre à six mois. Dans 43, de deux à quatre mois. Enfin dans 29, les bêtes avaient moins de deux mois de séjour. Il convient d'ajouter que dans les quatre dernières catégories la stabulation élait permanente et qu'ilne pouvait y avoir de contact immédiat avec les bêtes étrangères. Certes, quelque latitude qu’on donne à l’incubation du mal, et à la fixité d’un virus qui serait chargé de sa transmission, il est impossible d'admettre, que dans toutes les étables ci-dessus citées, l’irruption de la maladie ait pu être la suite de l'intro- duction dans les étables de bestiaux suspects ; mais d’un autre côté un assez grand nombre de ces faits n’excluent pas cette sup- position. Une observation remarquable et qui nous a été révélée par des faits chiffrés recueillis par nos collègues et nous, c’est que 70 fois sur 100 l’épizootie a fait irruption dans les étables des nourrisseurs, en débutant sur des vaches hollandaises ; or, la Hollañde étant restée vierge de la pleuropneumonie jusqu'en ( 267 |} 1833, il devient possible de tirer des inductions nouvelles de toutes les expéditions de bestiaux qui ont précédé cette époque. Environ deux à trois mille bêtes hollandaises viennent annuel- lement remplir les vides laissés dans les étables des ncurrisseurs de l'arrondissement de Lille , par les vaches grasses livrées à la boucherie. Ces animaux nous arrivent hebdomadairement par convoi de vingt à trente bêtes. Avant 1830 ces convois transi- taient à travers la Belgique ; mais de 1830 à 1833, ils ont été transportés par bateaux à vapeur jusqu'à Dunkerque, et de là dirigés à destination pour être répartis ensuite entre les divers acheteurs. Durant cette période , pas plus qu'après, il n’est jamais arrivé qu'un convoi de vaches hollandaises devint d’une manière géné- rale la proie de la maladie; on a pu constater seulement qu’une, deux, trois bêtes, devenaient pleuropneumoniques, en-dedans d'un délai de deux à six mois , et cela qu’elles aient été admises dans des étables saines ou dans celles qui avaient précédemment reçu les atteintes de l'épizootie. Objectera-t-on, que. bien que leur origine fut pure de toute suspicion, ces bêtes ayant traversé ;"soit en Belgique , soit en France, des contrées infectées de la maladie, ont pu en recevoir le germe dans leur périgrination? Ce serait certes là un argument difficile à écarter, si on niait d’une manière absolue la contagion; mais comme nous recherchons simplement ici les voies les plus communes de propagation du mal, cette hypothèse prouverait seulement que sur une certaine quantité d'animaux placés dans des conditions parfaitement égales et soumises à l'influence d’une cause contagieuse, un très-petit nombre a pu contracter l’affec- tion ; le plus grand nombre ayant échappé à son action; ce qui ne fait que confirmer les corollaires que nous avons tirés des divers problèmes étiologiques agités jusqu'ici. Propagation de la maladie dans les étables. — Nous avons vu ( 268 | jusqu'ici qu’en scrutant les faits qui ont accompagné la nais- sance de l’épizootie en nos contrées, comme aussi en analysant ceux qui résultent de son irraption dans nos étables, les opinions pour et contre la contagion pouvaient toutes deux trouver des armes pour la défense de leur système; mais qu'en définitive , les anti-contagionistes avaient trouvé quelque avantagesurleurs adversaires. Si maintenant nous examinons ce qui est relatif à la propagation du mal dans les étables, quand il y a pénétré, ceux-ci reprendront une supériorité qui leur avait échappé jusque-là. Et d'abord, en comparant les faits locaux relatés plus haut, on se rappelle que sept observations ont été émises à l'appui de la transmission par voie contagieuse de la maladie dans les troupeaux en stabulation, et que quatre seulement ont été opposés comme devant entrainer une conclusion différente. Mais que deviendraient ces quatre faits en présence de la masse d'observations contraires citées par la plupart des épizootistes qui se sont occupés de cette maladie, et particulièrement de celles rapportées par MM. Delafond , Verrbeyen et Delwart? En les accueillant même sans discussion, ils prouveraient des cas excep- tionnels d’immunité admis même par les contagionistes les plus absolus; toutefois , ils resteraient toujours impuissants pour démontrer que les étables contaminées par l'épizootie ne sont pas l’une des ressources les plus puissantes qui alimentent le mal. Dégageons-nous cependant encore quelques instants de pré- occupations hypothétiques, afin d'étudier avec plus de liberté d'esprit, la manière dont la maladie se propage dans les ha- bitations de l’espèce bovine; nous arriverons peut-être à saisir de nouveaux caractères dans les évolutions générales de l’épi- zootie. En faisant encore une fois usage des matériaux statistiques fort nombreux que je dois au concours d’une partie de mes col- ( 269 | lègues , je trouve que sur 577 vaches saines ou supposées saines introduites dans des étables en proie à la pleuropneumonie : 109 en ont été atteintes dans le cours du 1. mois ; 115 pendant le 2.€ mois; 117 pendant le 3€ » 75 pendant le 4e » 28 dans le 5e » 19 dans le 6,2 » 16 dans le 7e » 13 dans le 8e » 2% dans des périodes dépassant huit mois, et 61 qui ont échappé à l’action de la maladie. 971 Quelque favorables que soient ces résultats pour la doctrine des contagionistes , elle leur laisse une difficulté épineuse à résoudre : c’est qu'en s'appuyant des lois de l’analogie, il n'existe aucune maladie virulente qui, par l'effet du contact ou de la cohabitation, mette quatre, six, huit mois, à se développer. Dans les troupeaux en stabulation frappés par l’épizootie , il arrive généralement de deux choses l’une : Ou le troupeau est maintenu au complet par l’adjonction de nouvelles bêtes au fur et à mesure des extinctions résultant de la maladie ; Ou bien les vides faits par l’épizootie ne sont pas remplis et le troupeau demeure plus ou moins incomplet. (270 ) Dans le premier cas , c’est un incendie qu’on perpétue en lui abandonnant sans cesse de nouveaux aliments; aussi avons-nous vu précédemment que le mal pouvait persister pendant dix et douze ans dans la même exploitation agricole. Les choses se passent d’une manière toute différente dans le second cas : l’affection enlève le quart , le tiers, la moitié du troupeau , quelquefois plus, mais jamais la totalité; toujours d’ailleurs on observe qu’une fraction plus ou moins considérable reste exempte de tout signe morbide quelconque. D'où il suit, que la faculté de transmission paraît évidemment influencée par l’état de plénitude et de viduité des étables. De telle sorte qu’en reliant cette déduction avec celles que nous avons déà tirées précédemment, on arrive à formuler cette proposition générale ; savoir : Que la propagation de la pleuro- pneumonie est d'autant plus facile et plus assurée, que les animaux sont accumulés en plus grand nombre dans des espaces plus étroits et mal aérés, tandis que son pouvoir de transmissibilité diminue ou s'éteint dans les circonstances toutes contraires , même lorsque des contacts multipliés et fréquents.existent entre les animaux sains et ceux malades. Dans le simple exposé de cette proposition , on entrevoit déjà la cause de la diversité d'opinions trop exclusives qui, préma- turément , ont soumis des faits dissemblables à une hypo: thèse scientifique trop étroite pour les embrasser tous. Afin de compléter l'examen que nous avons commencé de la valeur de chacune des opinions dissidentes, sur les moyens de propagation du mal , nous allons passer en revue, dans le paragraphe sui- vant, ce qui touche au point capital de la question. Inoculation de la pleuropneumonie. — En thèse générale, un seul genre de preuve peut d’une manière directe et décisive déter- miner si une maladie est contagieuse : c’est l'inoculation. Les expérimentations qui s'y rattachent sont d’une grande puissance (271 } logique pour décider le problème en litige. Aussi devons-nous prendre en grande considération le résultat qu’elles ont fourni. Les inoculations faites par Veilk, Sick , Diétérichs et Gaullet, avec le mucus nasal, la bave, le sang ou la sérosité exprimée des poumons provenant d'animaux atteints de l’épizootie pleuro- preumonique , n'ont produit aucun effet, soit qu’elles aient été exécutées sur la pituitaire des bêtes saines , soit dans le tissu sous-cutané, à l’aide de mèches imbibées de ces liquides. A ces faits importants on oppose la prétendue tentative d'ino- culation faite par Vix, qui introduisit un morceau encore chaud d’un poumon malade sous la peau du fanon d’un taureau, puis sur une vache, une autre portion de poumon macérée pendant dix minutes dans de l’eau froide, ensuite exprimée et placée dans la même région. La mort de ces deux bêtes , qui eut lieu 15 et 18 jours après, est attribuée à la pleuropneumonie épizoo- tique ; mais il est évident, d’après les désordres relatés à l’au- topsie , qu’elle est due à un véritable empoisonnement septique, et que l'expérience faite de la même manière avec des parties provenant des bêtes saines, eût déterminé les mêmes effets. Ce qui le prouve, ce sont les résultats constants que les matières putréfiées ou qu'on laisse putréfier après leur insertion dans les tissus vivants produisent toujours. D'ailleurs, les lésions nécros- copiques rapportées par Vix, comme ayant suivi ses expériences, différent essentiellement de celles qui caractérisent la maladie qu’il voulait inoculer. La même objection est applicable à l’inoculation pratiquée par Hertwig, à l’aide du sang extrait de la jugulaire d’une vache pleuropneumonique, cette inoculalion ayant été suivie d’une vaste tuméfaction gangréneuse et de diverses lésions des viscères pectoraux, qui peuvent aussi bien se rattacher à un empoison- nement septique qu'à la pleuropneumonie. Ces trois derniers faits ne peuvent prévaloir contre les expé- riences précédentes , et jusqu’à ce que des essais multipliés et (272 | exécutés par d’habiles observateurs soient venus contre-balancer par des résultats contraires les conséquences qui en découlent, il demeure provisoirement acquis en principe, que la pleuro- pneumonie n’est pas inoculable , ou en d’autres termes qu’elle est dépourvue de l’attribut essentiel et capital de toute maladie contagieuse. Conclusion relativement à la contagion. — Malgré l’inextri- cable confusion, que des dissidences d'avis et le manque de bonne critique dans l'exposition des faits, étaient parvenus à jeter sur Ja question étiologique principale de l’épizootie, nous sommes parvenus à fixer les principaux traits de l’histoire étio- logique du mal, et il ne nous restera plus qu’un pas à faire, pour terminer le trop long et stérile débat qui divise le monde vété- rinaire. A quelque point de vue qu'on se pose, il demeure constant que la pleuropneumonie ne se propage pas à la manière de la rage ou de la syphilis, c'est-à-dire exclusivement par inocu- lation ou par le dépôt de matières morbides fixées sur des sur- faces absorbantes. Elle ne possède non plus aucune analogie avec la variole et la clavelée, qui, indépendamment des moyens précédents de transmissions, paraissent jouir de la faculté de se communiquer par des émanations gazeuzes. Enfin , c'est seulement aux affections transmissibles par infec- tion. qu'elle paraît susceptible d’être rattachée, ou en d’autres termes, elle résulterait d’un véritable empoisonnement miasma- tique provenant, non pas d’un virus, mais de la viciation de l'atmosphère, qui serait altérée par des principes pathogéniques versés par les animaux malades, dans un rayon très-restreint autour d’eux. Cette altération de l’air ne produirait même pas la maladie chez tous les animaux qui y seraient plongés : il fau- drait, pour que ceux-ci devinssent aptes à la contracter, qu'il se (273 ) rencontrât en eux certaines prédispositions ou une sorte d’affinité qui put rendre féconde l'influence miasmatique. Contre-enquéte faite par la Société royale des Sciences, de l’Agri- culture et des Arts de Lille, sur l’étiologie de la pleuropneu- monte. Quelque rigoureuses que soient les déductions précédentes, il nous à paru utile de les soumettre au contrôle d'une contre- enquêle. En conséquence, nous avons provoqué une information étiologique de la part de la Société royale de Lille, qui a proposé à ses associés agriculteurs une série de questions de nature à être résolues, sans le concours de connaïssances médicales , et dont les réponses pouvaient aisément se traduire dans le langage des chiffres. Voici le questionnaire que nous avons rédigé à cet effet, de concert avec M. le docteur Cazeneuve , professeur à l'Hôpital militaire d'instruction de Lille : 1.0 A quelle époque la maladie s’est-elle montrée pour la pre- mière fois dans les étables ? 2.0 La première bête atteinte était-elle depuis longtemps à l’étable ou bien achetée récemment ? Dans ce dernier cas, où avait-elle été achetée ? 3.° Quelle est la nourriture habituelle du gros bétail ? 4. Hauteur, largeur, longueur des étables? — Nombre des portes , fenêtres , etc.? — A quelle hauteur sont placées les lucarnes? — Exposition des étables ? 5.0 Nombre de bêtes renfermées habituellement dans les étables ? 6.0 Qu’a-t-on fait des bêtes malades ? 7.9 Quelle a été la proportion des bêtes malades aux bêtes restées bien portantes ? 18 (274 ) Les documents qui proviennent de cette source et qui sont résumés dans les cinq tableaux suivants, méritent d'autant plus de confiance qu’ils émanent de l'élite de nos cultivateurs, d'hommes habitués de longue date à bien observer, lesquels n'ont été appelés qu’à déposer sur les faits accomplis sous leurs yeux, et dont les déclarations possèdent conséquemment les caractères d’une grande exactitude. é 1 DCR LE 0 Ë ë Fos PE gsliçgr|ÿer DAT ‘‘'AAVEOT, 96 07 1'° 939q enbeyo v njo49p soedso p auualoy He. 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ALL SILIT AG AVEWON onbody 4409 e "AVAIAVE 2° T “aounoudoanol op autaog 9400219 à HAT ALT 0P SA SAP 19 MARINE Y | 0P *SYAHAYTA-SYNHEVAILAINN) — » 14 ESabIog Sop opeloi p1900$ ej 1e oytoano ojgubuo j step stjionsox sonhiSojoua Sep op SHRÉEELONRS KAVAIMNE | DÉSIGNATION des communes. Aubers. ! Ronchin. Hem. Hem. f Wambrechies. N Hem. Wazemmes. | Annapes. Toufle:s. 1 Chérene. à Thumesnil. ! Aubers. 1 Aubers. | Lesquin. A Canteleu. ÿ Roachin. | Erquinghem. | Bersée. Bersée, 4 Wasquehal. H Mons-en-Pévyèle. A Roubaix. | Annapes. Haubourdin. Roncq. cultivateurs. Dassonville. Ve. Dupouchelle. Leclercq, H. Leclercq, Louis. Desrousseaux. Delecroix. Petit-Frère. Deleporte. Delattre. Stien. Meurisse. Six. Hastreman. Chuffart Th. Fournier. Chuffart-Delaye. Messeau. Demessine, Olivier, Francois. Deldal. Bernard. Delecourt. Desruelle. Lezy. Delattre. admissibles dans les étables. | Nombre de bêtes Ë bi (Sal Moyenne.. 10" 59° 9.e TABLEAU. — | CUBE CR. OS général | d'espace de dévolu à chaque chaque bête. étable. 35 10 105 194 40 192 Du 130 ) 168 - » 14 Années EPOQUE de l'invasion de la maladie dans chaque étable. a Mois. Octobre. Novembre, » Octobre. Novembre. Décembre. Décembre. Novembre. Novembre. Février. 25 mai. Septembre, Novembre. Novembre. Novembre. Novembre. Novembre. Décembre. ! Décenibre. Janvier. Février. Mars. Avril. ( 2717) CULTIVATEURS NON ÉLEVEURS. PU PQ me NOMBRE DE BÊÈTES mm " mmm—— | Depuis quel temps PROVENANCE muisaconti Lo u la première bête Ji r É= a = a atteinte de la Deniéer 28 LE & était dans le se : paentla 5e = É ë troupeau. premiere bête alteinte. maladie. Css: © PR 15 7 6 3 8 mois, Achetée dans le pays. 22 14 13 1 h . ! Id, id. 21 10 10 » 10 ME Id. à la foire de Carvin. 9 3 3 » 5 id. Jd. en Hollande. 10 9 6 3 4 id. Id. dans le pays. II 11 IT » 24 id. Id. id. 6 4 4 » 27 id. Id. en Hollande. 14 19 7 7 ans. Id. dans le pays. 19: 5 4 I 8 mois Id. à la foire de Cassel. 19 8 7 x 23 id. Id. dans le pays. 30 21 16 5 30 id. Jd. id. 2 2 2 » 36 id, Id. dans l’Artois. 2 I I » a id. Id, à Saint-Omer, 8 6 4 30 id. ]d, à Carvin. 16 5 5 » 39 id, Id. en Hollande. 9 7 3 4 20 id. Id. dans le pays. 20 12 12 » 1 1/2 id. 1d. chez un voisin; elle n'avait jamais subi la maladie, 20 20 1 19 12 id. Id. dans le pays. 5 I 4 15 id. Id. id. 15 5 5 » 39 id. Id. en Hollande, 17 7 I 6 7 ans. 1. dans le pays. 20 16 13 3 5 id. Id. id. _ 94 13 13 » 6 mois. Id. en Hollande. 16: 6 6 » 8 id. 1d. dans Je pays. 12 5 5 » 7 id. Id, id. || Moyenne: 25 mois 1/3. Les débuts de ja maladie ont 355: ar4 [159 | 55 eu lieu dans les neuf mois d'hiver, savorr : SRE SEUS PEL TT ENS Désignation Nombre des mois, de cas. Septembre . début. Octobre... Novembre . Décembre... Janvier. . Février... Mars... ... Avril. ..., Mare M mn M NO M HO à nm 3.2 TABLEAU. — Hell É CUBE FE a. > | l'invasion || d'espace de la dévolu maladie || à chaque |danschaquel bête. étable, || DÉSIGNATION des admissibles dans les étables. communes. cultivateurs. Nombre de bêtes 1829 a Fives. | D'#4 195 7 82 1840 1830 La Madeleine. Franchomme. 153 14 à 1843 à 1841 1833 à 1845 1836 Lille. l'Éue ar4 50 1832 Les Moulins. SES 158 40 c à Lille. St 137 70 a 1845 Moyenne... Toraux. A.e TABLEAU. — 1835 1836 À 1837 | Templeuve. 1838 | 1839 4] 1844 | 1845 | Toraux.... (279 ) CuLTIVATEURS-NOURRISSEURS. CARS EEE SE PER EECUPEDE RENTEN RENE CECI TTE SEE A VE TERME DEEE TORE EN 79 STI STEP PE TENNIS TAN TT NOMBRE DE BÊTES - Depuis quel temps PROVENANCE qui se sont | ©. Es la première bête RS EN NEC atteinte de la dans vd o|2£5| 2 PR 1 Métablissem. | À S | # <| Æ ctait dans le L . ‘ pendant la l'E AlS | = troupeau. première bête atteinte. durée de la | 2 © s| © malad'e. LS O ee 2 mois. Achetée en Hollande. 7 id. Id. 4 id. Id. 8 id. Id. 5 id, Id Moyenne : 5 mois 1/5. | ULTIVATEURS-DISTILLATEURS. 42 9 9 » 6 mois. Achetée dans le pays. 54 8 8 | » Id. Id. 54 2 2 » Id. Id. 54 35 35 » Jd. Id. 55 45 | 45| » Id. Id. gr 19 | 13 | » Id, Id. _ 58 Id. Id, ( 280 ) 5.2 TABLEAU. —| L Nombre : À CUBE ÉPOQUE HSE SE DÉSIGNATION NOMS de bêtes d qui se sont admises TT € succédé dans | . . KA des des dans chaque] général | d’espace| l'invasion ve per ; étable. de dévolu de la de la maladie, communes, cultivateurs, | —— | chaque | àchaque Jadi RE EN a 2 En étable. bête. mnAraqree PBœufs |Vaches|l Est er ns) m. c. PTS c. ! 10 » { 1832 10 » | Léo » II 66} 1836 7 4 Hellemmes. et 13 » | 199 10 95 | 1838 » 28 | 1836 » | 95 1837 27 » } D] » 12 21 1844 et 1845 Templeuve. Demesmay. | Lezennes. Lefebvre. » 18 270 » 15 » | Mars r837 » |: 18 1839 » | 26 1840 » | 26 » 24 9,96 18471 » 24 Thumesnil, Heddebault. ci 239 30 à 1842 » | +4 » 26 9,20 1843 » | 24 | 1844 » | 244 1833 » |. 218 Bondue, Lamblin. » | or | o50o » rgo! 1843 Rite L*#* M*#* et Dxe* | 14 » |152 »| 10,85 1838 14 | 4h De rom 1838 14 di L Illies. Béghin. ga vo ll > Nov. 1844] 32] à rom Janv.1845 ” 10, Moyenne d'espace dévolu à chaque bête... 11m 35e Toraux... Le) 33r ( 281 ) SUCRERIES INDIGÈNES. NOMBRE DE BÊTES D ES Depuis PROVENANCE atteintes Mortes ACUDES de 1 d “e Guéties la première e la \ ; £ bête :. à OBSERVATIONS l'épizootie. | abattues. atteinte | Premiere bête i LS Sd était dans atteinte, le troupeau. Pœufs [Vaches Fœufs | Vaches Bœufs [Vaches ns 1 mois 1/2| Franche-Comté | En 1882 et en 1836, id. 14. le mal a respecté À <- : l’étable des vaches. 15 id, Du pays. 2 id. Id. 2 id, Franche-Comté 3 id. Du pays. Achetée chez un voi- a mois 1/2 Id. sin ; elle n'avait ja- } mais subila maladie. À 7 id. D’A vesues. 2 mois. Du pays. 4 id. Y. | EME Franche-Comté SEA 1d. r id. Id. 4 id. Du pays. Î ER Moyenne :| 3 débuts suffisamment indiqués : 3 mois 3/3 Janvier...... 1 début. Mars......., 1 id. Novembre... 1 id. Oÿ : *‘IVUANHI AVLO, GG où | siouor | gé ex | çe sx | Le yy |-:--:::- "savais saNtax ON D 7 PRE Je 7 PRREEN ÿax c6g | goor | Z£gce |: ‘xnvxo], pt OO ct Jon] PT 9 ‘‘***+** “rrauvp ren | rm GE PL D *‘*** -oxquéo(] PT QI ‘****‘orquiaaoN gg 11 | cc gr 6 18 eo 87 | gr 961 Yic op |... os dB Uno dar an que [onrtelu 94 «.|4..hi6ce Le . pr [ste Pt : saqueams suonuodoud say suepon | °£ 6 g/rG 9109 0g G 66 1ÿ À g1 668 | ore | oc£ |r:::-.e -adaxso,s xnvodnon saj suvp jeu | 6 6 : & tee np UoISeAUr] * 2950914 quatumuesty Sos |e/rsr S'y oder 6E 09 34 fe LE F4 -Jns 159 91ep ef }uop sinq9p 0} im 86 ox « « GG L1 ç6 vi vo 6ÿ gs 1ç1I ÿGr LÉ QUO O *SATQIN | “SION EE ER =. 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C’est donc dans la proportion de 56 pour 100 que sont les immunités, tandis que les cas de développement de pleuropneumonie sont de 44 pour 100. La comparaison du chiffre des animaux atteints de la maladie avec celui des animaux qui ont succombé ou qui ont été abattus par suile de son action, témoigne que l'épizootie est des plus meurtrières, puisque la mortalité s’élève à 89 pour 100, ce qui réduit les guérisons à 11 centièmes. À la vérité, cette proportion est quelque peu inexacte , par l'effet d’une cause que nous avons déjà signalée et qui réside dans l'habitude généralement prise par les cultivateurs , de livrer immédiatement à la boucherie les bêtes pleuropneumoniques, dès que la nature de l'affection est devenue évidente, ce qui écarte nécessairement quelques chances de curation. L'espace dévolu à chaque bête dans les étables reprises aux tableaux ci-dessus est, en moyenne, de 10 mètres cubes 77 centimètres ; douze étables où n’avait jamais pénétré l’épizootie ont été mesurées et ont donné un cube de 20 à 25 mètres pour chaque vache, d’où il résulte que ces derniers animaux jouis- saient de deux fois et demi plus d'espace que les premiers. De là, une première présomption confirmative de l'influence exercée par l'étendue relative des étables sur le développement de la pleuropneumonie bovine. Cette influence se fait encore remarquer si on prend, par exemple , parmi celles signalées plus haut, les sept étables les plus restreintes , eu égard à leur population, pour les comparer aux sept plus grandes : dans les premières, l’épizootie a sévi sur les 65 centièmes du bétail qui les habitait , tandis que, dans les dernières , 42 centièmes seulement en ont été affectées. ( 284 ) Si l’exiguité des locaux destinés à loger l'espèce bovine a une action réelle sur la production du mal, il est une circons- {ance qui est bien propre à le démontrer; c'est celle-ci : Dans les sucreries où on se livre à l’engraissement simultané des bœufs et des vaches, il n’est généralement accordé qu’un même espace pour ces deux sortes de bestiaux. Or, les bœufs ayant un développement moyen supérieur d'environ un quart, comparé à celui des vaches, et consommant un poids d'aliments et un volume d’air dans la même proportion , il doit arriver que dans les troupeaux mélés, la maladie sévira de préférence et avec plus de vigueur sur les bœufs que sur les vaches; c'est en effet ce que révèle le 5.€ tableau, dans lequel on voit que sur une population totale de 109 bœufs, 92 ont été atteints ; encore doit- on signaler que des immunités n’ont été observées que chez un seul fabricant de sucre, le sieur Béghin , à Illies , où, sur deux invasions de la maladie, celle de 1838 a dévoré la totalité des bœufs, n'ayant alors que 10 mètres cubes par tête, tandis qu’en 1844, où un cinquième en sus leur avait été accordé; la moitié seulement a été frappée de l’épizootie. Enfin, l’époque relative de l’année où la maladie a fait ivasion dans les troupeaux, vient encore confirmer les inductions précé- dentes, puisque l’épizootie ne s’est manifestée que dans la période où les étables sont le moins aérées et tenues plus ou moins her- métiquement fermées, c'est-à-dire dans le cours des mois de sep- tembre, octobre, novembre , décembre, janvier, février, mars, avril et mai, Mais ce qui est plus significatif encore, c’est que les 92 centië- mes des débuts correspondent aux six mois d'hiver et que le seul mois de novembre comprend un tiers des premières appa- ritions du mal dans les troupeaux ; ce qui semblerait révéler, que dans l'hygiène ordinaire du gros bétail, la circonstance qui réagit avec le plus de puissance sur le développement de la ma- ladie, consiste dans Ja transition de la vie plus ou moins en plein air de l'été, à la vie clôturée des étables pendant l'hiver. ( 285 } Du reste, il importe de ne pas confondre ce qui concerne l'invasion avec ce que nous avons fait connaître plus haut, rela- tivement à la plus grande activité du mal à certaines époques de l’année , ce sont là des éléments de la question étiologique que nous étudions , complètement distincts. L'enquête agricole concorde avec l'enquête médicale pour démontrer que l’épizootie n’a pu être introduite dans les étables par voie contagieuse. Nous voyons en effet, que dans les dix-huit établissements repris dans le 1.7 tableau , toutes les bêtes ont été élevées sur place et n’ont eu aucun contact avec des bestiaux suspects ou non suspects, avant d’être frappées de la maladie. Dans les quatre tableaux suivants figurent 46 invasions , dont : 16 ont eu lieu sur des bêtes ayant plus d’un an de séjour dans l’étable, lorsque l'affection s’est déclarée. 10 — de six mois à un an. 6 — de quatre à six mois. 11 — de deux à quatre mois. 3 — ayant moins de deux mois. Total égal , 46. En résumé, toutes les données statistiques précédentes recueil- lies par des vétérinaires expérimentés et par des cultivateurs habiles, doivent aboutir, quel que soit le point de vue sous lequel on a envisagé l’étiologie de la maladie, a confirmer les proposi- tions suivantes, déjà précédemment indiquées dans le cours de la longue discussion à laquelle nous nous sommes livrés. 1.0 Que l’épizootie de pleuropneumonie bovine , lorsqu'elle est introduite du dehors, dans une localité, par des bestiaux exo- (286) tiques n’envahit pas la race indigène et reste généralement limitée aux animaux importés. 2.9 Que l'invasion de l’épizootie régnante dans le départe- ment du Nord, et dont la date remonte à 1827, a pris nais- sance dans le pays même, et sans germe infectant venu de l'extérieur. 3.0 Que les tentatives d'inoculation exécutées jusqu'ici sont exclusives, rationnellement interprêtées, de l'hypothèse de pro- priétés transmissives attribuées par un certain nombre d’épizoo- tistes à la maladie. 4.9 Que la pleuropneumonie bovine se crée , pour ainsi dire, de toutes pièces, dans chaque étable réunissant de grandes et puissantes conditions d’insalubrité. 5.0 Que l'affection n’est évidemment pas transmissible dans la grande majorité des ‘cas , alors que les animaux sains mélés aux animaux malades sont en plein air, dans les her- bages. 6.0 Que sa propagation, sur une proportion plus ou moins considérable d’un troupeau en stabulation, soit que la maladie y ait pris spontanément naissance, soit qu’elle y ait été introduite à l’aide d'une bête affectée, est puissamment influencée par l'accumulation des bestiaux en trop grand nombre dans des locaux étroits et peu aérés. Propositions qui, dans leur ensemble, écartent forcément l'idée de la contagion proprement dite, mais qui pourraient rattacher la propagation du mal dans certaines circonstances données, à la théorie de l'infection miasmatique. THÉRAPEUTIQUE. En se reportant aux études nécroscopiques que nous avons produites dans l’un des paragraphes précédents; on sent que la chaîne de l’analogie qui doit rattacher la pleuropneumonie (287 ) épizootique aux autres affections comprises dans nos cadres nosographiques , est complètement rompue, et qu'il doit en résulter pour le traitement à opposer à la maladie une incerti- tude qui nous livre sans guide à la fâcheuse nécessité de la combattre, soit d'après les principes irrationnels de la médecine symptomatique, soit suivant l’aveugle méthode dite empirique : ils’agit donc ici, comme on le voit, d’un fait morbide inconnu et complètement isolé dans la science, soulevant un problème thérapeutique insoluble dans l’état actuel de nos connaissances pathologiques. Dès lors, l'insuccès des nombreux essais curatifs entrepris par les vétérinaires les plus habiles et les plus expérimentés de nos contrées, n’a plus rien qui étonne, et nous nous trouvons au!orisés àrépéter après eux que, quant à présent, l’artest impuissant pour triompher d’une affection dont la nature est encore couverte d'un voile épais, que d'ultérieures et savantes investigations pourront seules soulever. Nous n’en croyons pas moins devoir exposer ici très-succinc- tement les résultats obtenus de l'emploi des divers agents théra- peutiques mis en usage par nos confrères du département, pour lutter contre la pleuropneumonie bovine ; ce n’est effectivement qu'en multipliant les expérimentations de ce genre qu’on arri- vera peut-être à quelques données utiles touchant son traitement, si, contre toute attente, nos connaissances en ce qui la concerne restaient limitées au point où elles se trouvent. Avant que {expérience eût renseigné les praticiens du pays, leur confiance dans les moyens antiphlogistiques et particulière- ment dans les émissionssanguines, paraissait des mieux fondée ; mais elle trompa bientôt leur espoir, et àls ne-tardèrent pas à reconnaître que ces moyens n'avaient qu'un temps très-limité Pour recevoir une généreuse application, l'instant oùse déclarent les symptômes précurseurs de l’épizootie, ou autrement dit ses prodromes; plus tard, et alors que la maladie est parvenue à sa (288 ) deuxième période, les saignées plus ou moins larges et répétées ne font que précipiter les animaux malades dans la faiblesse et l'épuisement, en augmentant rapidement l’œdématie pulmonaire et l’épanchement pleural, de telle sorte que leur effet final est de hâter la mort. Cependant, on ne saurait nier que cette méthode , habilement appliquée dès le début du mal, n’eût obtenu plus de succès si des obstacles inattendus n’en paralysaient pas l’action. Ainsi , indépendamment de ce que les soins des hommes de l'art sont appelés presque toujours tardivement ; indépendam- ment en outre du peu de sévérité du régime, alors que les ani- maux malades restent forcément confondus au milieu des ani- maux sains du troupeau, les conditions dans lesquelles se trou- vent les cultivateurs, comme producteurs de lait et de viande, ne leur permettent pas la prolongation de la médication et du régime débilitants, sans compromettre les combinaisons indus- trielles sur lesquelles repose la prospérité de leurs exploita- tions; il en résulte qu’obéissant à la loi commerciale de presser et de forcer le rendement des produits , ils écartent hâtivement les règles hygiéniques qui doivent diminuer les dangers de récidive et qu’ils contribuent ainsi à perpétuer le mal dont ils sont les victimes. Dès les premières années de l'invasion de l’épizootie, on joignait ordinairement aux déplétions sanguines, à la diète et aux boissons mucilagineuses ou amylacées, l'usage desexutoires et particulière- ment des trochiques, placés sur les parties latérales et inférieures du fanon, et pratiqués, soit avec de la racine d’ellébore, de l'é- corce ou du bois de garou, soit avec des sachets remplis de su- blimé corrosif, soit enfin avec d’autres corps irritants ou escar- rhotiques. Ces agents produisaient une dérivation parfois utile, surtout ceux dont l’action était très-énergique ; mais souvent aussi l’inflammation qu’ils déterminaient ne se soutenait pas, la tumeur provoquée par eux, s’infiltrait dans son pourtour, per- ( 289 } dait sx chaleur et n’enrayait plus les progrès des désordres subsé- quents ; toutefois il est évident que ces puissants moyens théra- peutiques exerçaient une influence favorable sur l'issue de la maladie et qu'on leur a dû positivement de rares, mais réels succès ; malheureusement, comme on a reconnu qu’en témoi- gnant de l'existence du mal, ils constituaient un obstacle à la vente pour la boucherie du bétail malade, les cultivateurs ont compris, que dans la prévision de recourir presque inévitable- ment à ce moyen extrême de sauvetage, ilétait de leur intérêt de s’opposer à l'emploi des dérivatifs ; c'est ce qui, en général, a privé ultérieurement le traitement de l’épizootie de sa princi- pale ressource. Les vésicatoires, les sinapismes et les autres épispastiques n'ont point paru jouir d'une action bien appréciable sur le cours de la maladie; nous avons aussi essayé, mais sans plus de succés, les frictions mercurielles sur les parois thorariques, soit avec la pommade de Cirillo, soit avec la pommade mercurielle double. Mais comme l'application de tous ces moyens est difficile et incommode ; peu de vétérinaires ont persisté à en faire usage. A l’intérieur, des tentatives ont été faites à l’aide des médi- cations les plus diverses : toutes ont également échoué. Ainsi les béchiques donnés seuls, ou unis, soit au kermès, à l’'opium, aux amers ou aux stimulants diffusibles, restèrent complètement sans effet. il en a été de même de la médication émétique pratiquée, soit à l’aide du tartre stibié, recommandé par MM. Dedry et Delafond et administré en lavage à la dose de 10 à 40 grammes par jour, soit au moyen des sulfates de cuivre ou de zinc et d'autres sels métalliques vomilifs, donnés à doses fractionnées, le premier de 3 à 12grammes, et le second de 10 à 30. Les médicaments toniques, préconisés par Gaullet , n’ont pas fourni de plus brillants résultats, qu’ils aient été donnés isolé- 19 ( 290 ) ment ou mixturés avec des préparations astringentes,, stimu- lantes et autres. Les formules bizarres proposées par M. Mathieu, d'Épinal,pour sa tartine excitante et son vinaigre sternutatoire, ont perdu dans je Nord la puissance qu’il leur a trouvée dans les Vosges; aussi ont-elles été promptement abandonnées après quelques expérimentations infructueuses. Enfin les purgatifs, les diurétiques , les prétendus cordiaux, les diaphoréliques, ne se sont pas élevés au-dessus de la nullité d'action que nous venons de reprocher aux agenls repris dans la longue énumération que nous venons d’étaier. Il n’est pas jusqu'aux remèdes secrets, éclos du charlatanisme et des calamités épizootiques, qui n'aient été essayés par quel- ques-uns de nos collègues et par un grand nombre de cultiva- teurs ; mais aucune de ces panacées n'a su résister aux épreuves qu’on leur à fait subir, et après une certaine durée d'engoue- ment, de la part du publie agricole , elles sont retombées dans l'oubli, d’où elles n'auraient jamais dû sortir. Le peu d'efficacité de toutes ies, méthodes curatives appli- quées à la pleuropneumonie bovine est du reste démontré avec: la dernière évidence dans les relevés statistiques exposés plus haut : nous y voyons en effel que la mortalité figure pour 89 sur 100: des animaux malades et que les guérisons se trouvent ré- duites à la faible ‘proportion de 11 pour 4100, différant peu, d'après les observations qui nous sont propres, de celles résultant de guérisons spontanées. Nous avons cherché par la comparaison des chiffres des cu- rations fournies par les divers modes de traitement, quels étaient, parmi ces derniers, ceux qui exerçaient l'action la plus favorable sur le cours de la maladie ; mais nous avons bientôt reconnu l'impossibilité d'obtenir par cette voie-des données utiles: L’ins- pection des tableaux statistiques précédents démontre en effet que les guérisons ont varié sur une échelle très-étendue et qui (291 ) est comprise entre 0 et 95 pour 100, et cela sans que cette grande variation puisse se relier en aucune manière au traite- ment, puisque celui-ci étant le même, il est arrivé, suivant des circonstances étiologiques diverses, que le minimum ou le maxi- mum des pertes ait été le partage des troupeaux qui en avaient reçu l'application ; il existe d’ailleurs, sous ce rapport, des obs- tacles insurmontables à ce que l'analyse numérique des faits thé- rapeutiques puisse jeter quelque lumière ; le principal de tous réside évidemment dans la difficulté, sinon l'impossibilité, de faire poser les calculs sur des bases diagnostiques rigoureuse- ment exactes. La longue expérience acquise par les cultivateurs, leur a d'ail- leurs, depuis long-temps appris, combien était ruineuse la lutte curative qu'ils s'obstineraient à soutenir contre la pleuropneu- monie bovine : non seulement la mortalité qu'elle occasionne est d'environ les 9/10, mais elle produit encoresur le bétail atteint des déperdilions si considérables-etsisubites, qu’elleen anéantitla valeur, comme marchandise de boucherie, dans le court espace de quelques jours ; en sorteque, placés dans l'alternative ou de supporter, en outre de la mortalité, des frais considérables de traitement et de convalescence, pour arracher à la mort seulement quelques rares victimes, ou de livrer leurs bestiaux à la consom- mation, dès les premières atteintes du mal , les agriculteurs choisissent avec raison ce dernier parti, qui limite la valeur en argent de leurs pertes à un taux bien inférieur au premier. Toutes les industries agricoles n’ont pas un égal avantage à adopter ce mode ; ainsi les exploitations qui se livrent à l’en- graissement, plus exposéesd'’ailleurs aux atteintes de l’épizootie, sont aussi celles qui, attendu l’état d'embonpoint plus ou moins avancé de leurs bestiaux, sont en situation de réaliser plus aisé- ment les capitaux engagés dans l’acquisition de ces derniers. On peut estimer, de 60 à 75 pour cent, le sauvetage moyen ob- tenu dans ces établissements du bétail pleuropneumonique, trans- ( 292 ) formé en temps ulile en denrée alimentaire. Chez les nourris- seurs les conditions sont plus onéreuses et le produit se balance entre 50 et 60 pour 100, tandis que chez les éleveurs et les cul- tivateurs qui dirigent leurs étables dans la vue de faire des veaux gras, du beurre ou du fromage, il est un peu inférieur à 90 pour 100. lé Quoiqu'il en soit de ces variations sur lesquelles nous au- rons occasion de revenir, il importe de constater ici, que les essais curatifs dirigés contre la pleuropneumomie, sont actuelle- ment moins multipliés que dans les premières années de lépi- zootie ; ils ne sont même plus tentés, qu’alors que les bêtes sont très maigres et hors d'état d’être vendues pour la boucherie, cette circonstance de la maigreur étant, ainsi que nous l'avons déjà fait connaître, favorable au traitement, comme offrant des chances plus nombreuses pour la guérison, même spontanée. PROPHYLAXIE. Si l’axiome, mieux vaut prévenir que quérir, est vrai, c'est par- ticulièrement dans les affections meurtrières et rebelles à toutes les méthodes curatives, que cette règle doit recevoir une large application. Sousce rapport, la détermination des moyens préser- vatifs capables d'empêcher la pleuropneumonie bovine de naître ou de se propager, est d'autant plus importante, qu’en eux seuls réside la possibilité de mettre un terme au ruineux tribut prélevé sur l’agriculture par le fait de cette épizootie. Nous exposerons done succinctement ici les résultats qui ont été obtenus, ou qu'on serait en droit d’obtenir à l’aide de divers ordres de moyens essayés ou préconisés par nos collègues et nous dans le département, et no:1s insisterons particulièrement sur ceux qui paraissent devoir être d’une efficacité, plus réelle et plus évidente. Ces moyens embrassent l'hygièneentière et se rattachent plus ( 293 ) spécialement : 1.0 à l'alimentation ; 2.09 à l'assainissement, à l’aération et à la ventilation des étables ; 3.0 à la reproduction ; et 4.0 à la police médicale. $S X. Alimentation. Il est à-peu-près unanimement reconnu, qu'un régime abon- dant et surtout trop succulent, concourt au développement de la pleuropneumonie ; mais , il faut bien le constater, ce n’est que très secondairement ; aussi l'excès de qualités nuiritives de ce régime demeurerait-ilimpuissant pour créer le mal, si son action restait isolée d’autres causes plus efficientes. De prime abord, rien ne paraît plussimple, que d'appliquer les modifications alimentaires réclamées par l’indication étiologique précédente ; toutefois, de graves intérêts s’opposent aux pres- criptions hygiéniques de ce genre, et les rendent sinon impossi- bles, du moins excessivement difficiles; elles portent en effet une atteinte trop onéreuse aux produits divers en vue desquels les troupeaux sont entretenus, particulièrement en ce qui con- cerne le laitage et l’engraissement, pour que les cultivateurs con- sentent à s’y soumettre d'une manière permanente. Les sels alcalins, et particulièrement le muriate de soude ou sel marin, sans être de véritables préservatifs de l'épizootie, peuvent pourliant, en activant les fonctions digestives, contrebalancer l'influence d’une alimentation trop riche, comme aussi celle de mauvaise qualité. Jusqu'ici les droits qui pèsent sur le principal de ces produits chimiques, en on! tellement surélevé le prix, que l'emploi condimentaire pourles hestiaux, en est resté toujours fort restreint. Nous avons pu, il est vrai, et notre collègue de la société royale, M. Demesmay, l’a fait comme nous, utiliser avantageuse- ment pour cette destination certains résidus industriels, telles que ceux des ballons des blanchisseurs au chlore, les mélanges réfri- gérants ayant servi à la préparation des glaces, elc., etc.; mais ( 294 ) ce sont là des ressources locales, essentiellement éventuelles et qui sont notoirement insuffisantes pour les immenses besoins de l’agriculture. Le principe adopté dans la dernière législature d’une large di- minution sur l'impôt du sel amènera, s’il reçoit enfin son appli- cation pratique, d’heureux résultats dans la prophylaxie géné- rale du bétail; sans doute que la pleuropneumonie ne disparaîtra pas par le seul fait de l'emploi de 60 à 100 grammes de sel par jour et par chaque tête bovine ; mais cet emploi atténuera certainement ses désastres , en plaçant les animaux dans des conditions de santé qui offriront moins de prise à là ma- ladie. Les fréquentes mutations opérées dans le bétail des distilleries, sucreries, vacheries et autres établissements, exigent une tran- sition habilement ménagée relativement au régime, lors de l'ad- mission des animaux dans les usines ou les exploitations ; il est essentiel de les rationner faiblement dès leur arrivée et de n'ac- croître leur nourrilure que graduellement , de manière à n'at- teindre qu'avec lenteur la ration complète qui devra plus tard leur être dévolue. La conduite des troupeaux en voyage n'exige pas moins d’at- tention, non seulement par rapport à leur alimentation qui doit être saine, maïs encore aussi au point de vue des faligues qu'ils ont à supporter. Les bestiaux importés dans le département proviennent, aïnsi que nous l'avons déjà dit, de la Hollande, de la Belgique et de la Franche-Comté. Conduits à marche forcée, encombrés dans des étables insalubres, ils n'arrivent à destination qu'après avoir subi dans leur santé une réaction qui les rend aptes à contracter la maladie ; aussi serait-il fort à souhaiter que les importateurs en prissent un soin mieux entendu; c’est toutefois ce qu'il ne serait guère permis d'espérer, si l'usage des voies rapides de communication, actuellement en cours d'exécution, n’assuraït ( 295 ) dans un avenir prochain, une complète satisfaction sur ce,point aux intérêts agricoles. Les denrées mal récoltées, avariées ou altérées de diverses ma- nières, sans avoir une action plus spéciale sur le développement de l’épizootie, que sur celui d’an grand nombre d’autres affec- tions, prédisposent pourtant l’économie, à en subir la perni- cieuse influence; aussi les règles hygiéniques qui exigent en tout temps qu'on les écarte de la consommation alimentaire des bestiaux , doivent-elles être, dans les circonstances présentes , plus soigneusement et plus rigoureusement exécutées. Subi à l’étable, le régime vert n’exerce qu’une influence pré- ventive peu marquée sur la maladie ; il n’en est pas de même alors que le vert est pris en liberté dans les pâturages et les ver- gers ; il constitue dans ce cas le moyen prophylactique le plus simple et le plus efficace ; aussi nous paraît-il devoir être recom- mandé avec la plus vive insistance, soit qu'on puisse l'appliquer d'une manière permanente jour et nuit, soit seulement pendant certaines heures de la journée. Ïl est d’ailleurs important de faire remarquer, que si la pleuro- pneumonie n'est pas susceplible de naître pendant la durée du pa- cage, les bestiaux chez lesquels elle se trouve en incubation en éprouvent une accélération et une aggravation dans leur état mor- bide, par suite sans doute des variations atmosphériques aux- quels ils sont alors soumis. On comprend du reste, que la salubrité des pâturages réside moins dans la nourriture que les bestiaux y prennent, que dans l'abondance et la pureté de l’air qu’ils y respirent, ce qui devrait rattacher leur action préservative aux considérations que nous allons aborder dans le paragraphe suivant. ( 296) $ EX. Assainissement , aération et ventilation des étables. La cause essentielle et prépondérante de l’épizootie résulte, ainsi que nous l'avons précédemment établi, du mode vicieux de construction des étables, en vertu duquel non seulement l'air atmosphérique n’y est admis que dans une proportion insuffi- sante pour l’acte de la respiration, mais se trouve en outre al- téré ou vicié , soit par des émanations provenant des animaux sains ou malades, soit par les produits gazeux de la décomposi- tion spontanée des malières animales et végétales, favorisée par une température élevée et un séjour trop prolongé. C'est là, comme on le voit, une grande et vaste question d'hygiène vétérinaire et de prophylaxie générale, que, si elle avait été étudiée avec soin, n’exigerait plus, par rapport à la pleuropneumonie bovine, que l'application des règles ration- pellement déduites; mais celles-ci sont encore obscures, vagues, incertaines, ou plutôt n’existent pas encore, de sorte que nous nous trouvons forcément entraîné à entrer dans des détails qui auraient dû rester étrangers au sujet qui nous occupe. Considéré d’une manière générale, le renouvellement de l'air des lieux clos, dans lesquels vivent les animaux est indispen- sable , 1.0 afin de fournir l'oxygène , élément vital seul capable d'entretenir la respiration ; 2.0 pour éliminer l'acide carbonique, produit nuisible qui résulte de l’exercice de la même fonction , ainsi que la faible proportion d'azote exhalée chez les herbi- vores; 3.0 pour enlever en outre les fluides provenant de la double transpiration pulmonaire et cutanée; 4.° et enfin pour entraîner les émanations putrides et les vapeurs mêlées acciden- tellement à l’air des locaux habités par les animaux ; indications qui ne peuvent être remplies, qu'à la condition de maintenir la température de l’air des étables , à un degré suffisamment élevé pour assurer l'exercice libre de toutes les fonctions de l'écono- ( 297 ) mie animale, et opérer en même temps l’aération d'une manière constante et uniforme, sans frapper le corps des animaux par des courants brusques , froids et rapides. Nous allons examiner successivement dans quelle mesure il est utile de pourvoir à ces diverses prescriptions. (A) Oxygène. —D'après M. Boussingault, une vache adulte, d’un moyen développement, consomme par jour 5 kil. 833 grammes d'oxygène ayant un volume de 4 mètres cubes, 52 litres ; or, l'air atmosphérique, composé de 21 parties oxygène et 79 azote, cesse d’être respirable quand la proportion du premier de ces gaz est réduite à 12 centièmes, et une simple diminution dépas- sant trois centièmes, entraîne des troubles fonctionnels dans l’éco- nomie animale; il en résulte, que pour alimenter la respiration, il faut en moyenne, par chaque bête bovine et pour vingt-quatre heures, une masse d’air égale à 135,966 litres, équivalente en nombre rond à 136 mètres cubes. (B) Acide carbonique. — La quantité précédente, quelque con- sidérable qu’elle paraisse, devient relativement très-faible quand on considère que dans l'acte de la respiration des herbivores, il y a un dégagement d'acide carbonique égal à celui de l'oxygène absorbé, et que suivant MM. F. Leblanc et Poumet, la limite extrême du mélange de ces gaz avec l'air. ne peut, saus nuire à la santé, dépasser 5 pour 1,000 : d’où il suit que les 4 mètres cubes, 52 litres d’acide carbonique émis en vingt-quatre heures par chaque bête bovine , exigent, pour être ramenés à la limite citée, une proportion de fluide atmosphérique égale, en tenant compte du millième que ce dernier contient déjà naturellement, à 1,013,000 litres, soit 1,013 mètres cubes, c’est-à-dire quinze fois autant que le volume d’air ci-dessus cité. L’azote exhalé dans l’acte de la respiration étant seulement de 27 grammes en vingt- quatre heures , ne doit figurer ici que pour mémoire. (C) Transpiration. — Suivant les expériences dues au chimiste agronome déjà cité, M. Boussingault, la double transpiration de ( 298) la peau et des poumons scrait pour la vache égale :à 32,975 grammes d’eau par jour. Ce nombre est évidemment erronétet dépasse considérablement celui de 5,625 grammes indiqué par le même auteur comme produit de la double transpiration du che- val; aussi avons-nous dû chercher à le rectifier par des essaïs tentés à l’abattoir public de Lille, qui possède d'excellents instru- ments de pesage, et nous ayons constaté, par une série d'expé- riences soigneusement faites, que la perte moyenne résultant de la perspiration était, dans l'espèce bovine, d'environ 42,000 grammes. Calculant la quantité d’air nécessaire pour tenir en dissolution ce poids de liquide aqueux, on trouve, d'après la base, qu’à 16 de- grés, température normale des étables, un mètre cube d'air sec dissout 14 grammes d'eau, il ne faudrait pas moins de 857 mètres cubes, 143 litres, pour opérer cette suspension; mais Paix intro- duit dans l'habitation du bétail n’est pas sec et contient en moyenne 4 grammes d’eau par mètre eube,: ce qui éléverait le chiffre précédent à 1,200 mètres cubes : on comprendra toute- fois, que l’état hygrométrique de l'atmosphère étant essentielle ment variable, ce terme ne peut avoir rien de fixe; et que si l'air extérieur était par exemple déjà à demi saturé, le premier nombre trouvé devrait être double; une élévation ou un abaïsse- ment dans la température de l’étable devrait encore modifier ce chiffre. (D) Décomposition spontanée, évaporation. — Indépendamment des sources d’altération de l'air inhérentes à l'organisme que nous venons d'examiner et auxquelles nous aurions dû joindre, au moins pour mémoire, les produits gazeux de la digestion, il en est d’autres qui se rattachent à l’action des lois purement phy- siques et chimiques qui régissent la nature, et qui résultent de la réaction des éléments qui entrent dans la composition des corps organiques privés de la vie; c’est ainsi, que les liquides excrémentiels qui imbibent le sol ; les matières stercorales et le ( 299) fumier, qui séjournent dans les étables , soumis à la chaleur et à l'humidité, développent des principes aériformes dont la quan- tité échappe au calcul ; mais dont les propriétés insalubres sont tellement démontrées, qu'elles ont acquis la force d'axiome ; aussi trouve-t-on dans la présence de ces produits malfaisants, une nouvelle nécessité d'opérer un perpétuel renouvellèment de l'air des locaux occupés par les troupeaux. Pour tenir compte de toutes les causes qui altèrent ou vicient l'air des-étables de nos exploitations rurales, nous devons ajouter ici, que leur libre communication avec les réservoirs à urine, y projette, partiellement au moins, les émanations gazeuses prove- nant de la fermentation des liquides qui sont reçus dans ces sortes de citernes, et qu'en outre, une faible proportion de va- peur d’eau y est aussi versée par l’évaporation des boissons contenues dans les bacs, seaux, cuvelles, ainsi que par les nappes d’urines qui s’épandent sur le sol. En récapitulant les indications à remplir pour entretenir la salubrité de l'air des habitations destinées à l'espèce bovine, on trouvedonc qu'il faut pourvoir, en faveur de chaque bête; 1.° pour l'oxygène absorbé par les fonctions pulmonaires ; à 136 mètres cubes d'air ; 2.0 pour délayer l'acide carbonique produit dans l’acte de la respiration, 1,013 mètres cubes ; 3.° pour dissoudre la transpiration cutanée et pulmonaire, 1,200 mètres cubes, et 4.° enfin , une quantité indéterminée pour l'évacuation des pro- duits de la décomposition spontanée des excrétions et pour l’éva- poration des liquides qui séjournent dans l'étable. IL est évident qu’une même ventilation peut cumuler les diverses fonctions qui viennent d’être énumérées, et qu'en adop- tant le chiffre le plus élevé, celui qui concerne la transpiration, on dépassera ce qu’exigentles dépenses en oxygène, comme aussi celles qui sont relatives à l'expulsion de l'acide carbonique et des principes gazeux de la fermentation. Si maintenant on se rappelle ce que nous ayons constaté ex - ( 300 ) périmentalement, qu'en moyenne la contenance des étables frappées par l’épizootie donne environ dix mètres cubes par tête bovine : déduisant deux mètres cubes pour l'espace occupé par chaque bête, ainsi que pour sa part d'ameublement, on trouve que la quantité d’air contenu n’est plus que de huit mètres cubes, ne fournissant en oxygène que la consommation d’une heure 25 minutes et ne pouvant diluer dans une propor- tion convenable, l'acide carbonique émis par la respiration, que pour une durée de 11 minutes 27 secondes, ou dissoudre complè- tement l'humeur de la transpiration dans les conditions hygro- métriques moyennes de Fair, que pendant 9 minutes 36 secondes. En d’autres termes, le renouvellement de l'air de ces habita- tions bovines devrait se faire, pour les besoins en oxygène, {7 fois par jour; pour l'enlèvement de l’acide carbonique , 126 fois 2 liers, et pour opérer la suspension du liquide de la transpira- tion, 150 fois. Ce dernier chiffre dépasse la limite de ventilation obtenue par les moyens artificiels, puisque dans les édifices publics les mieux dotés sous ce rapport, le renouvellement du cube total de l'air ne s’y opère que toutes les demi-heures, et que dans les magna- neries à la d’Arcet, le maximum de vitesse ne le reproduit que par période de dix minutes : encore doit-on faire remarquer que celte grande aération n’est obtenue que par un système de chauf- fage particulier, qui est sans application possible aux locaux habités par les espèces domestiques ; de sorte que les étables exiguës dont nous nous occupons ne peuvent échapper à cette alternstive, ou de faire ouvrir des courants trop vifs, qui par le refroidissement nuisent à la santé des bestiaux, ou de n’accorder qu’un aérage {out-à-fait insuffisant, qui devient aussi une autre source très-grave d’insalubrité. (E) Température des étables. — La question se complique donc d’un élément nouveau, celui du maintien d’une température ( 301 ) douce et peu variable dans les étables ; question que nous allons sommairement examiner. L’oxygène absorbé pendant l'acte de la respiration, se combine avec le carbone introduit au sein de l'organisme par la diges- tion, pour former de l’acide carbonique , et dans cette combinai- son, qui est une véritable combustion, il se dégage une quantité de calorique rigoureusement la même, que dans la combustion plus active d’un poids égal de ce corps dans un foyer ordinaire. Or, d’après les recherches de M. Boussingault, une vache consume en vingt-quatre heures 2,211 grammes de carbone, et suivant Desprelz, chaque gramme de carbone développe par sa combustion 7,875 degrés (1) de chaleur; il en résulte que la totalité du ch2rbon brülé par la respiration, produit 47,411,625 degrés calorifiques. De cette quantité il convient de défalquer la chaleur absorbée pour la vaporisation des 12,000 grammes d’eau que nous avons signalés comme provenant de la perspiration cutanée et pulmo- naire : or, le liquide transpiré ayant la température du corps, c'est-à-dire à 36 degrés, il faut pour chaque gramme 64 unités calorifiques pour lui faire atteindre le point de l’ébullition, et 550 autres unités pour le transformer à l’état de vapeur ; en tout 614 unités pour chaque gramme, ce qui, pour la somme de 12,000, fait une dépense totale de calorique égale à 7,368,000, laquelle, déduite des 17.411,625 degrés émis par la respiration, laisse un excédant de 10,043,625, que le corps perd par le rayonnement, par l’échauffement de l'air exhalé et ambiant, par les fèces et par l'urine. Ce n’est pas tout : d’après le premier des auteurs précités , 264 grammes d'hydrogène entrent en combinaison, pendant la même durée de acte respiratoire, avec 1,252 grammes d'oxygène pour (1): Le degré calorifique est égal à la quantité de chaleur nécessaire pour élever un gramme d’eau d'un degré thermométrique centigrade, { 302 ) former de l’eau, et comme 1 kil. d'hydrogène développe dans cette combinaison 35,000 unités de chaleur; ce sera une nou- velle source de chaleur égale à 9,240 degrés. (1) Ajoutant ces deux nombres ensemble, on a un total de 17,420,865 unités, dont l'excédant sur la perte ci-dessus indi- quée , serait en définitive de 10,052,865 dégrés calorifiques. Pendant les ardeurs de l'été, cette surabondance de chaleur est entraînée par les courants qu'on a soin de faire excéder les besoins de la respiration, en laissant les portes , les fenêtres et généra- lement toutes les issues ouvertes; mais durant la rigueur de l'hiver, il devient indispensable d'utiliser ce calorique afin de maintenir l'étable à une température convenable et d'y suppléer aux fonctions que le chauffage remplit pour nos habitations. (F) Perte de chaleur par les parois des étables. — L'une: des causes principales du refroidissement des locaux occupés pen- dant la période hivernale par les bestiaux, consiste dans la déperdition du calorique par suite du rayonnement - et: du contact des murs, portes, fenêtres et volets, avec l’espace et l’air ambiant du dehors : suivant Péclet un mur de 0” 40 d'épaisseur perdrait pour une différence de 159, 27 unités par heure et par mètre carré, et la déperdition pour le même temps et la même surface de vitre irait à 80 unités: calculant donc sur ces données, on trouve qu’une élable de dix bêtes , dans les proportions et dispositions qui seront spécifiées plus loin, subira un refroidisse- ment égal à 481,320 : soit pour chaque bête une dépense de cha- leur de 18,132 degrés, lesquels retranchés des 10,052,865 unités citées plus haut, réduiraient cette somme à 10,034,733 degrés. Pour avoir un nombre rond el tenir compte en même {emps de certaines causes plus minimes d'absorption de chaleur, telles (1) L’hydrogène ne se trouve pas ici dans un rapport exact pour donner nais- sance'en totalité à de l’eau: il.y à un léger excédant du premier des deux gaz, de 20 à s3 grammes, probablement employé à d’autres combinaisons. ( 303 ) que l’échauffement de l'air qui pénètre duns les poumons, des aliments ingérés dans les voies digestives , de l'évaporation des liquides exposés dans l'étable, etc., etc.; nous admettons qu'il ne reste finalement de disponible que 10,000,000 unités. (G) Chaleur absorbée par l'air froid introduit dans les élables. — La température normale des lieux habités par les bestiaux , devant être de 16° , introduit dans l’étable , il est évident que plus l'air extérieur sera froid , plus il absorbera de calorique pour atteindre le degré de l'air intérieur; si par exemple le ther- momètre plongé dans l'atmosphère marquait 0, ii faudrait à l'air provenant du dehors une surélévation de 160; tandis que si le. même instrument était abaissé à 10° au-dessous de 0, la surélévation devrait étre portée à 26°. Prenant cette dernière température comme la limite des ri- gueurs de nos hivers, nous rechercherons ce qu'il faut de calo- rique pour chauffer de 26° les 1200 mètres cubes d’air nécessaires pour satisfaire à la diversité des besoins d’une bête bovine pendant l’espace de vingt-quatre heures : celte masse pèse 1,560,000 grammes , et comme la chaleur spécifique de l'air est sensiblement égale au quart de celle de l’eau, on trouve que pour obtenir l'effet désigné, il faudrait une dépense de 10,140,000 unités .calorifiques, chiffre un peu supérieur à celui indiqué plus haut pour la chaleur disponible ; de sorte que la dissolution com- plète du produit de la transpiration pulmonaire et cutanée , ne saurait être obtenue.qu’au prix d'un abaissement dans la tempé- rature de l'étable, entraînant les plus graves inconvénients. Aussi :est-il alors préférable de diminuer l’aération. pour la ramener aux proportions de l'évacuation de l'acide carbonique exhalé, estimé, comme nous l'avons mentionné, à 1,013 mètres cubes, dont le poids étant de 1,316,900 grammes, enleverait 8,230,625 degrés de chaleur, somme inférieure à la réserve des 10,000,000 unités ; l'excédant servirait à augmenter la tempéra- ture du Jocal au-dessus de 160, et.à parer aux déperditions de ( 304 | calorique résultant de l’ouverture momentanée des portes pour exécuter les services indispensables au troupeau. Par les calculs précédents, on induirait donc l'impossibilité d’éviler complètement, que durant les froids intenses, des vapeurs ne se condensent dans lés étables, de manière à former de légers nuages qui troublent la transparence de Fair et à rendre imparfaites les conditions de salabrité : nous verrons pourtant plus loin que certaines dispositions peuvent, sinon annuler entièrement cette cause morbide, du moins l’atténuer tellement, que ses effets cessent de pouvoir exercer aucune action nuisible. (H) Des canaux d'aérage. — Nous avons vu que le minimum du renouvellement de l'air en vingt-quatre heures devait dépasser 1,000 mètres cubes, par chaque tête de bétail qu’une étable conlient ; or, comme la vitesse des courants qui l’opèrent ne peut dépasser deux mètres par seconde sans l'emploi d'appareil de chauffage et sans nuire d’ailleurs à la santé des animaux , en adoptant cette limite, on trouve que deux conduits carrés, de 24 centimètres de côté, l’un pour l'entrée et l’autre pour la sortie de Fair, suffiraient pour chaque bête à lui fournir la quantité de fluide atmosphérique réclamé par ses besoins. Cette donnée, d’une grande simplicité en théorie, présente de nombreuses difficultés d'application qu’il est important d'étudier avec soin, afin de les vaincre. Dans les constructions habituelles de nos cultivateurs, la ven- tilalion est opérée , indépendamment de celle qui résulte des joints des portes et fenêtres , par des ouvertures rectangulaires assez semblables à des meurtrières et qui sont percées dans le mur de fond des étables , à la hauteur et en face de la tête de chaque vache; leurs dimensions ordinaires sont de 35 sur 16 centimètres, et portent conséquemment une surface en décimè- tres carrés de 5, 6; ce système vicieux d’aération introduit des colonnes horizontales d’air qui frappent mmédiatement sur le ( 305 ) corps des animaux et troublent la transpiration cutanée , alors qu'elles arrivent froides ; aussi est-on obligé de les oblitérer pendant l'hiver, et de créer par là une insuffisance dans la quan- tité de fluide respiratoire offert aux animaux. Quelques-uns, dans le but d'empêcher que le vent ne puisse atteindre les bes- tiaux avant d’avoir été brisé dans sa course à travers les créneaux d’aérage, donnent à ceux-ci une direction oblique ou même une direction anguleuse , dans l'épaisseur de la muraille; d’autres enfin, pour mieux remplir la même indication, placent les ouvertures aérifères dans le haut de la muraille, à une faible distance de la voûte ou du plafond de l’étable. Toutes ces modifications ne sont que d'insuffisants palliatifs contre l'inconvénient capital résultant du principe même de la ventilation horizontale. Des doubles courants s’établissent par les meurtrières, une colonne d’air froid qui entre, se croise avec une autre colonne d’air chaud qui sort, et amène ainsi un renou- vellement d’une activité décroissante à mesure que les couches d'air se trouvent dans le local de plus en plus éloignées des créneaux ; la même cause agit en sens inverse sur la tempéra- ture , de sorte que près des ouvertures d’aérage, il fait plus froid que dans des points plus éloignés ; de ces circonstances décou- lent donc des conditions hygiéniques éminemment défavorables. Un autre mode de ventilation , préconisé avec raison par les agronomes et les vétérinaires , commence à se répandre ; il con siste dans des conduits verticaux d’aérage, dont le nombre et les dimensions sont variables ; généralement , ce sont des sortes de cheminées d’appel, construites soit en maçonnerie, en poterie, en tôle, en zinc, etc., etc.; elles prennent naissance aux parois supérieures de l’étable , contre le mur de fond, traversent toute la hauteur du bâtiment et vont déboucher au-dessus de la toi- ture ; elles ont pour fonction d’entraîner au-dehors, Pair chaud, vicié et chargé de vapeurs. L'expérience a démontré, qu’afin d’aérer également toute 20 (306 ) l'étendue des étables, il fallait multiplier ces appareils, de manière à en fournir dans la proportion d’un pour deux têtes de bétail ; toutefois, il est rare jusqu'ici, qu’on en ait construit autant , et c’est généralement dans le rapport de un pour trois ou quatre bêtes, qu’on les a exécutés ; il est d’ailleurs facile de comprendre, que leurs dimensions doivent être calculées sur la masse d’air à renouveler; c’est ainsi que , d'après les bases exposées plus haut, un conduit d'appel parallélipipédique rec- tangulaire destiné pour desservir deux vaches, devrait posséder un diamètre moyen de 34 centimètres ; pour trois vaches il fau- drait le porter à 41,6, et pour quatre, à 48,1; si le conduit était cylindrique, le diamètre devrait être, pour deux bêtes, de 38,3; pour trois, de 47; pour quatre, de 54,2. Ces proportions ne différent pas essentiellement de celles trouvées par le tâtonnement de quelques cultivateurs habiles, comme pouvant remplir convenablement toutes les conditions de la destination de ces conduits d’appel ; aussi peuvent-elles être adoptées, sanctionnées qu’elles sont par la théorie et par la pra- tique. Les tubes aérifères précédents constitueraient un système in- complet de ventilation, si on continuait de confier exclusive ment aux fissures, aux interstices de tous genres, existant dans les constructions, le soin de pourvoir à l'introduction de l'air nouveau indispensable à la salubrité des étables ; outre que cette voie , purement accidentelle , offre un écoulement très-variable, qui, dans tous les cas, est tout-à-fait insuffisant ; cette même voie possède encore l'inconvénient des courants directs et hori- zontaux, dont nous venons de démontrer l'influence fâcheuse sur la santé des animaux. IT convient donc de créer un autre ordre de canaux, qui ver- sent incessamment dans le local occupé par les bestiaux, un vo- lume d’air pur égal à celui usé qui s’échappe continuellement par les cheminées d'appel; on y parviendra à l’aide de diverses com- ( 307) binaisons , parmi lesquelles on doit particulièrement recom- mander les suivantes : S'il s’agit de constructions nouvelles, on ménage dans les murs des étables une série de conduits verticaux, de forme carrée, ayant 11 centimètres de côtés, prenant origine à l’exté- rieur, à la hauteur de 2 mètres, et se terminant à l’intérieur à 50 ou 60 centimètres plus haut, et affectant dans leur ensemble les dispositions d’un Z. Dansles constructions anciennesce mode est inapplicable, mais on y suppléera en pratiquant à la même hauteur, des trous dans la muraille communiquant dans des sortes de gaines en bois ou en toute autre matière, destinées à verser l’air dans l’étable à la même distance du sol que dans le cas précédent. Ces sortes de siphons à air doivent pouvoir s’amorcer préfé- rablement dans des lieux clos, Lels que les caves, les granges, fournils, couloirs, etc., etc., plutôt qu’à l'air libre; attendu qu'en été le fluide atmosphérique introduit dans l'habitation bovine est alors relativement plus frais, tandis qu’en hiver la température est aussi, comparativement, plus élevée et permet de disposer d’une plus forte somme de chaleur animale dans des vues hygiéniques. Le nombre de ces tuyaux supplémentaires d’aérage ne saurait être fixé, même d’une manière approximative, parce que les issues variables, accidentellement ouvertes à l'air, viennent con- courir au même effet et diminuer dans une proportion inconnue l'étendue de leurs fonctions. En général, il est pourtant préféra- ble de dépasser, sous cerapport, lalimite des besoins que de rester en-decçà, attendu qu’il devient toujours facile de supprimer tem- porairement ou définitivement les conduits inutiles, en les bouchant. De l’ensemble des dispositions qui viennent d’être décrites , résulte un double mouvement en vertu duquel s'opère une ex- ce lente aération des étables ; l’un descendant, ÿ introduit l'air ( 308 ) froid du dehors vers les parties les plus élevées du local ; cet air, en vertu de sa pesanteur spécifique, descend successivement et lentement dans les régions intermédiaires, puis dans les régions inférieures, en se mélangeant de plus en plus uniformément avec l'atmosphère plus chaude que l’étable recèle ; l’autre mouvement ascendanten enlève l'air chaud par l’effet de sa légèreté relative, qui en amène les colonnes vers les conduits d’appel. Ces cou- rants ont donc, comme on le voit, une direction verticale, tandis qu’elle est horizontale dans la ventilation précédente ; ils agissent d’ailleurs ici plus uniformément et plus également dans toutes les couches du cabe d'air contenu dans les habitations bovines, et partant y entretiennent beaucoup mieux la salubrité; il y a du reste une analogie frappante entre les phénomènes dévelop- pés par cette méthode d’aérage et ceux produits par l’alimen- tation d’un foyer ; dans les deux cas se rencontre une double issue pour l'entrée et la sortie de l’air nécessaire à la respiration ét à la combustion. Cette analogie amène naturellement, au moyen de règler, le tirage d’air des locaux habités par le bétail : il suffit en effet, pour l'activer ou le ralentir, d'augmenter ou de diminuer, comme pour l'alimentation des fourneaux, les ouvertures qui introduisent le fluide atmosphérique. (E) De la ventilation proprement dite des étables. — Le rénouvellément lent, continu et graduel de l'air des étables, tel que nous venons de l'indiquer, serait insuffisant pour y entretenir ia salubrité, si des courants plus considérables ne pouvaient, à volonté, y balayer l'air usé et plus ou moins saturé de produits mal définis , mais dont l'influence délétère sur la santé ne saurait étre contestable. Pendant les ardeurs de l'été, l'atmosphère de ces habitations réclame d'ailleurs impérieuse- ment d’être rafraichie par l'introduction de vastes colonnes d’air frais et pur ; on pourvoit à cette double indication en perçant dans les murs, des fenêtres mobiles, qui, indépendamment de la ( 309 ) ventilation, sont destinées à procurer du jour et de la lumière aux étables. Le nombre, la forme et la disposition de ces ouvertures ne sont pas indifférentes : en général, leur multiplicité entraînerait une déperdition de chaleur difficilement réparable pendant l'hiver et donnerait accès en outre à une lumière trop vive, qui tendrait à troubler le calme si favorable à l’abondante sécrétion laiteuse, comme aussi au prompt engraissement du bétail; ordinairement deux fenêtres suffisent pour une population de 8 à 10 bêtes. On doit les disposer en face les unes des autres, à une grande hauteur, près de la voûte ou du plafond, de manière à assirer des courants faciles, qui ne puissent, dans aucun cas, frap; or directement sur le corps des animaux. Rectangulaires ou semi-circulaires , les fenêtres des étables doivent avoir de 1." 30 à 1." 40 de largeur sur une hauteur de 0.m 60 à 0. 70. Elles seront fixées sur deux axes transversaux qui leur permettront de s'ouvrir et de se fermer par un mouve- ment de bascule commandé à l’aide d’une simple corde ou la- nière : les châssis en fonte seraient plus durables et éprouveraient moins de déviations que les châssis en bois ; aussi paraissent-ils mériter qu’on leur accorde la préférence dans les constructions qui nous occupent. (3) Du sol des étables. — L’imperméabilité, jointe à une bonne disposition des pentes du sol des étables, constituent des condi- tions importantes de salubrité pour les habitations bovines. Dans nos localités, les matériaux choisis pour revêtir l’aire des étables sont les payés en grès et les briques. Le pavage en grès ne donne jamais une surface unie; il est d’ailieurs poreux, absorbe aisément l'humidité ; son contact sur la peau des animaux occasionne une impression de froïd, et par sa conductibilité, il provoque une déperdition de chaleur inutile et nuisible en hiver. Le pavage en briques de champ paraît donc préférable, non- ( 310 ) seulement au point de vue de l’économie, mais encore relative- ment à la perfection du travail ; il a pourtant aussi l’inconvé- nient de se laisser humecter par les liquides. L’asphalte a encore été essayé dans nos localités, mais malgré sa parfaite imperméabilité, son prix élevé et son peu de solidité y ont fait renoncer. Enfin le bois, qui, pour cet usage, aurait des avantages pré- cieux, est trop rare dans nos contrées pour que nos cultivateurs puissent songer à l’'employer. Quel que soit le choix auquel on s’arrête, il est indispensable que ces matériaux soient posés et rejointoyés à la chaux hydrau- lique de manière à prévenir l'imbibition du sol par les excrétions liquides, lesquelles deviennent, par leur fermentation, la source d’émanations incommodes et insalubres. L'inclinaison du sol doit être ménagée de maniére à donner 8 centimètres de pente sur une étendue de 3." 80 à 4.n, dans toute la portion sur laquelle reposent les animaux ; c’est à cette limite que serait tracé le ruisseau ou fil d’eau conduisant les liquides au réservoir à urine. Dans les étables modèles, l’absorption pourrait, pour ces li- quides, être immédiatement opérée sur le-point où les excrétions sont déjetées, et ce à l’aide d’une plaque en tôle percée de trous, recouvrant des sortes de petits aqueducs , lesquels se rendraient à la citerne précitée. Le restant du pavage, affecté pour la circulation et les exi- gences des divers services, devrait être presque plan et de trois à quatre centimètres plus bas que la portion précédente. Ces indications, très-sommaires, applicables aux étables sim- ples, comme aux étables doubles, sont suffisantes pour diriger le cultivateur dans cette partie des constructions rurales. Une précaution sanitaire, peu dispendieuse, mérite encore d’être recommandée dans toutes les exploitations, c’est celle d’intercepter la libre communication, entre l'air du réservoir (31) citerné, et celui des étables; on y parvient aisément, soit par un artifice analogue à celui employé dans les constructions des bouches d’égouts hermétiques, adoptées dans toutes les villes ; soit en faisant plonger vers le fond de la citerne, bien au-des- sous de la surface liquide qu'il contient , le conduit aux urines. Dans l’un et l’autre cas, on assure ainsi l'écoulement des liquides dans la cave à engrais, et on évite que les produits gazeux et pu- trides de leur fermentation, ne viennent souiller l'atmosphère des locaux habités par les animaux. (K) Du cube des étables. — Les détails dans lesquels nous sommes entrés sur l’altération de l’air par suite de l'exercice même des fonctions respiratoires, démontrent, avec la dernière évidence , la nécessité de rendre les étables spacieuses , afin de les conserver salubres. Mais dans quelle proportion et à quelle limite doit-on s'arrêter pour la capacité à donner à ces sortes d'habitations ? C’est là une question intéressante d'hygiène agri- cole dont la solution n’est pas sans difficulté. Si on consulte les prescriptions adoptées pour les locaux ha- bités par l’espèce humaine, on trouve par exemple, qu'il est dévolu, réglementairement dans les hôpitaux militaires, un espace de {8 mètres cubes pour chaque blessé, et de 20 mètres cubes pour chaque fiévreux. Le terme moyen d'occupation des pièces habitées apporte nécessairement des modifications dans les dimensions qu’on exige d'elles ; c’est ainsi qu’on estime le minimum de leur contenance à 9 ou 10 mètres cubes par individu qui y est reçu, lorsque , comme dans les écoles, les ateliers, les dortoirs, leur séjour n’y a qu'une durée de dix à douze heures. Pour déterminer les équivalents des données précédentes ap- plicables à l’espèce bovine, il suffit de rappeler que cette espèce consume en oxigène et vicie une quantité d’air environ six fois plus grande que l'espèce humaine ; en sorte que pour donner aux étables une contenance proportionnelle aux habitations de (312) l'homme ci-dessus spécifiées, il faudrait accorder à chaque tête de gros bétail un espace de 100 à 120 mètres cubes, quand la stabulation est permanente, et seulement de 50 à 60 mètres cubes quand, par suite de travaux journaliers, l'occupation reste appro- ximativement limitée à la moitié du cas précédent. Cette condition n'est pas réalisable ; elle exigerait des cons- tructions colossales et excessivement dispendieuses, lesquelles, durant la période hivernale , seraient rendues complètement inhabitables par suite de l'abaissement de température qui s’y ferait sentir. En consultant les dimensions prescrites par les nouveaux réglements pour les écuries destinées à loger les chevaux de l'armée française , en prenant conseil de l'expérience acquise dans les exploitations rurales le plus habilement dirigées, on arrive à fixer au quart environ du volume de la consommation quotidienne d'air faite par chaque animal, l’espace qui doit lui étre réservé dans le local affecté à son habitation ; ou en d’au- tres termes, et pour plus de facilité, on peut calculer à raison de 5 mètres cubes par 100 kil. de poids vif, l’espace minimum à ac- corder dans les diverses spécialités d'habitations de chacun des animaux consacrés à l’agriculture. Adoptant ceite dernière base comme la plus commode, le ta- bleau suivant, dressé sur les poids moyens obtenus à l’abattoir public de Lille, pourra servir de guide pour déterminer des pro- portions à donner aux constructions servant à abriter les di- verses sortes de bétail. DÉSIGNATION POIDS MOYEN Espace à accorder dans les éta- À bles et bergeries, en le calcu- À des lant à 5 mètres cubes par 100 | VIVANT. Fe d ds vif | ANIMAUX. kilogr. de poids vif. £ Mêtres cubes. DBœuf su te Solace $ 50 » A l’aide de ce lableau, rien n’est plus simple que de régler la capacité des étables, en tenant compte des exigences diverses des exploitations de toute grandeur et de toute catégorie. Prenons pour exemple un établissement de nourrisseur où on devrait loger 10 vaches. Donnant à l’étable une longueur de {2 mètres (1. 20 chaque bête) sur une largeur de 5." et une hau- teur de 3." 80, on obtiendra un cube de 220 mètres ,et par chaque bête 22 mètres cubes, Pour une bouvyerie du même nombre d'animaux, accordant en longueur 15." {1," 50 chacune) sur une largeur de 5." 20 et une hauteur de 4.", ilen résultera une capacité totale de 312 mètres cubes : soit pour chaque bœuf, 31. 20. Eufin , et pour dernière supposition , admettons qu'il faille construire une étable destinée à l’industrie de la production des veaux gras et devant contenir : un taureau, 12 vaches et une moyenne de 6 veaux à l’engrais. Les dimensions suivantes : longueur 16.%; largeur 5. 20 ; hauteur 3." 85 ; donneront une somme de 320 mètres cubes, dont 22 pour chaque vache , 29 pour le taureau, et 4,50 pour chacun des veaux. (34) Cette donnée, essentiellement pratique, se prête donc à toutes les combinaisons et peut être utilisée par les cultivateurs ou les artisans les moins versés dans les sciences du calcul. En résumant tous les détails dans lesquels nous sommes en- trés, relativement à l’assainissement des étables, nous dirons, qu'aucun moyen prophylactique ne s’est montré plus efficace pour arrêter les ravages de l’affection épizootique, quela recons- truction , d’après des principes d'hygiène mieux entendus , des locaux habités par l’espèce bovine. Partout où on n’a pas reculé devant cette dépense, et où les travaux ont été exécutés avec assez d'intelligence pour satisfaire aux conditions essentielles de salubrité, la maladie, par une sorte d'immunité , a cessé d'y choisir de nouvelles victimes. Nous ne pouvons relater ici, attendu leur multiplicité, tous les faits qui démontrent notre assertion ; ils ne feraient d'ailleurs que confirmer une vérité d'observation qui a été recueillie sur tous les théâtres des actes meurtriers de l’épizootie. Il faut pourtant le reconnaîlre, ce n’est que dans des cas tout-à-fait exceptionnels, qu'on a pu se livrer à cette importante amélioration préventive ; le plus communément, l’antagonisme des intérêts du propriétaire, avec ceux du locataire de l’exploi- tation, a mis un obstacle à peu près insurmontable à ce qu’on coupât le mal dans sa source, par l’adoption de la mesure pré- citée; cependant, même dans cette circonstance, on peut tou- jours, et à peu de frais, obtenir une grande atténuation dans la principale cause de l'insalubrité des étables, en perçant des ou- vertures et des conduits qui y amènent une circulation perma- nente et suffisante d’air, et en augmentant le cube de leur con- tenance par la destruction complète ou partielle de cloisons, de planchers, de voûtes ou autres moyens de séparation, de manière à y réunir soit des pièces voisines et contiguës, soit les greniers ou autres locaux superposés. Ces palliatifs ont toujours produit des effets avantageux ; ils ont amené la cessation complète des (315) pertes, toutes les fois qu'il a été possible de les employer sur une échelle suffisamment étendue, et même alors que des difficultés locales les ont fortement restreints ; ils n’en ont pas moins puis- camment diminué la mortalité. $ IXE. Aceouplement. L'influence héréditaire de la pleuropneumonie est un point de l’histoire de cette funeste maladie, qui paraît des mieux dé- montré ; il importe donc d’éloigner dans la perpétuation de la race, les animaux dont les ascendants en ont supporté les atteintes. L'action prépondérante du mâle dans la reproduction, exige particulièrement qu’on scrute, avec plus de soin, son ori- gine, et qu’au moindre soupçon d’impureté sanitaire, il soit ri- goureusement écarté de cette destination. Quelques vétérinaires ont émis l'hypothèse que la dégéné- ration de nos races bovines était la principale cause de la péri- pneumonie épizoolique , et que de là découlait la nécessité de leur infuser, par des croisements, du sang de races plus pures et plus perfectionnées. Les faits n’ont pas justifié leur prévision; en général les races acclimatées depuis longtemps dans nos con- trées résistent beaucoup mieux aux puissances étiologiques de l'épizootie, que les métisses provenant de leur alliance avec des races étrangères, quelle que soit d’ailleurs la supériorité de celles-ci ; en sorte que pour les cultivateurs qui redoutent le dé- veloppement de la pleuropneumonie dans leurs troupeaux, loin de leur conseiller ces croisements, qui augmenteraient leurs chances de pertes , on devrait les encourager à n FAC que la race indigène sans aucun mélange. (316) $ XV. De la police médicale appliquée à la pleuropneumonie bovine. Si on s'en référait à ce que nous avons fait connaître sur l’in- vasion, la marche et toutesles circonstances étiologiques de l'épi- zootie bovine régnante,ou plutôt naturalisée dans nos campagnes, on en conclurait que les grandes mesures de police sanitaire doi- vent lui rester complètement étrangères ; néanmoins, comme des épizootistes qui font autorité dans la science, cédant à des préoccupations contagionistes des plus exagérées , font un ap- pel timide à la vérité et qui ne répond pas à la force de leur conviction, pour mettre en mouvement les armes rouillées de la législation spéciale aux épizooties, nous croyons utile de passer ici rapidement en revue les résultats qui ont été obtenus par- tout où on en a essayé l'usage. L'assommement général de tous les bestiaux d’une contrée, qui, dans le siècle dernier, a été employé contre le typhus de l'espèce bovine chez diverses nationalités de l'Europe, et qui a soulevé contre lui de si justes et de si amèëres critiques, n'a été essayé, relativement à la péripneumonie, qu’en Suisse, où, quoi qu'on en ait vanté l'efficacité, l’épizootie a continué et continue encore avec une invincible tenacité. L’abattage, exclusivement appliqué aux animaux malades, est une prescription en usage chez les Belges, les Hollandais et une partie de l'Allemagne ; il se lie et devient en quelque sorte le co- rollaire d'un système d’indemnité en vertu duquel le rembour- sement d’une fraction déterminée de la valeur des sinistres est invariablement soldé par le Trésor public ; sous ce rapport, il mérite des éloges et témoigne de la part des gouvernements pré- cités, une sollicitude bien autrement intelligente pour l’agricul- ture, que celle dont a fait preuve jusqu'ici le gouvernement français ; toutefois, considérée au point de vue de la police mé- (317 } dicale, cette mesure n’a rien produit sur le cours général de l’épizootie et ne mérite certainement pas d’être adoptée chez nous. L’enfouissement , conséquence nécessaire de l'abattage, alors qu’il est prescrit au nom de la loi, est aussi requis après la mort des bestiaux victimes de l’épizootie; dans le premier cas, à n’en jugér impartialement que par les faits, son action préventive est à- peu-près complètement nulle ; l'immense majorité des bêtes péri- preumoniques est en effet livrée clandestinement à la boucherie sans aucune précaution sanitaire, et dans les cas exceptionnels où l’enfouissement est exécuté, il s’en faut de beaucoup que les au- torités locales, qui doivent la surveiller, prennent quelque souci pour prévenir l'expansion possible du mal. Nous verrons d’ailleurs plus loin de quels résultats ficheux serait suivie l'ap- plication de celte disposition réglementaire. Quant aux animaux morts naturellement, leur enfouissement nous paraît plutôt devoir rentrer dans les cas prévus par la loi du 6 octobre 1791, que dans ceux spécifiés par l’arrét du 16 juillet 1784. Jusqu'ici on n’a pas encore réclamé l'emploi des cordons sani- taires, mais on en a mis en pratique l'équivalent dans le départe- ment du Jura, en ordonnant la séquestration de la population bovine, dans les communes infectées de l’épizootie ; l'interdiction des foires et marchés, et enfin la suspension de tout mouvement commercial concernant le gros bétail ; c’est, comme on le voit, une prescriplion exorbitante et anti-libérale, qui frappe de ruine de nombreux intérêts, sans garantir d’une manière satis- faisante la salubrité publique; c’est, en d’autres termes, opposer à l'affection une prophylaxie pire que le mal. Eofin, la marque des animaux malades ou suspectés de l'épi- zootie, quoique recommandée par d'habiles ét nombreux épizoo- tistes, parait être tombée en désuétude partout où on a voulu la mettre eh pratique, par suite sans doute des difficultés de son exécution et des dommages inutiles qu’elle occasionne à l’agri- (318) culture, en laissant des stigmates qui frappent de non-valeur une partie plus ou moins considérable de son matériel vivant. On le voit donc, les grandes mesures de police médicale étant inexécutées et inexécutables, relativement à la péripneumonie, il ne reste plus à lui opposer que les simples précautions sanitaires, qu’on doit bien plutôt considérer comme des avis paternels de l'autorité, ayant pour but d'éclairer les cultivateurs sur leurs vrais intérêts, que comme des injonctions légales, armées de sanc- tion pénale ; c'est du moins dans ce sens qu’a été dirigée dans le département du Nord l’action préventive résultant des lois et réglements sur la matière. Nous allons en peu de mots rappeler les précautions dont on a fait usage et les résultats qu’on en a obtenus. Déclaration. La première et la plus importante de toutes, réside dans la déclaration imposée par l’article 459 du code pénal et l’article 1.er de l'arrêt du 16 juillet 1784, à tout propriétaire de bestiaux atteints d’affections contagieuses ou épizcotiques , de faire connaître à l’autorité locale, l'existence du mal qui frappe ses troupeaux. Cette sage disposition est restée presque complètement sans exécution,moins par crainte des mesures plus ou moins rigoureu- ses de police médicale, que pour ne pas compromettre lesecret dans lequel les cultivateurs s’efforcent d’envelopper la cause ruineuse de leurs pertes ; nous ne pensons pas que des poursuites dirigées contre les délinquants aux articles précités, eussent eu le moindre succès pour faire accorder plus de confiance dans l’administra- tion, et nous croyons encore moins à l'efficacité des dénonciations encouragées par l'arrêt du 16 juillet 1784; on atteindrait vrai- semblablement beaucoup mieux le but, si, par la puissance des faits , les maires restaient convaincus que leur intervention en faveur de leurs administrés devrait leur assurer, en même temps que les ressources de la science, les larges secours du gouverne- ment dont il sera question incessamment. Séparation des animaux sains des malades. Dans un grand (319) nombre de circonstances, le manque de locaux disponibles n’a pas permis d'employer cette précaution si désirable ; cependant, nous nous sommes efforcés, mes collègues et moi, toutes les fois que la bonne volonté des cultivateurs l’a permis, de créer des étables provisoires pour y déposer les besliaux malades, et nous avons obtenu ainsi, en outre de l’erlévement de la principale source d'infection miasmatique, le moyen d'accorder plus d’air et d'espace aux bestiaux restés sains dans la principale étable de l'exploitation. Etables-Lazarets. Dans les établissemens agricoles les plus ex- posés, en raison de l’insalubrité des habitations bovines, aux at- teintes de la pleuropneumonie, on a recueilli des avantages incon- testables à consacrer les étables provisoires précitées, à l'usage de locaux quarantaires pour soumettre à l'observation pendant six semaines ou deux mois, les bestiaux de remplacement destinés à combler les vides des étables ordinaires. Désinfection des étables. Les fumigations guytonniennes et autres, qui ont été tant préconisées contre l'infection de l’air des habitations infectées , ont complètement échoué pour tarir la source des désastres qui s’attaquent à nos troupeaux; c’est qu’en effet il ne s’agit pas ici de la destruction d’un virus imagi- naire, jouissant d'un mode spécial de reproduction, mais bien de conditions insalubres, agissant d’une manière à-peu-près perma- nente et qui ne peuvent être écartées que par les moyens lon- guement étuuiés dans les paragraphes qui précèdent. De l’usage alimentaire des viandes provenant d'animaux pleuropneumoniques. Une grave question qui touche à la police médico-vétérinaire, comme à l'hygiène publique, consiste à déterminer si les viandes provenant de bestiaux atteints de pleuropneumonie peuvent en- trer dans la consommation populaire. | La plupart des écrits publiés sur l’épizootie s’accordent à cons- ( 320 ) tater que l'usage de la chair des bêtes bovines abattues pour cause du fléau, n’a jamais été suivi d'aucun effet malfaisant ; toutefois, et par une choquante contradiction, presque tous con- cluent à l'interdiction des denrées animales provenant de eette source. Pour apprécier la portée d’une pareille restriction, il suffit de rappeler, qu'en dix-neuf ans le nombre des victimes de l’épi- zooties’est élevé dans le départementdu Nord au chiffre effrayant de 212,800, ou, en moyenne et par an, à 11,200. Or, d’après les essais faits à l’abattoir public de Lille, chaque bête donnant 250 kilogrammes en viande nette, c’est, comme on le voit, en tota- lité une somme annuelle de 2,800,000 kilogrammes, qui serait d’un seul trait de plume , soustraite à la consommation par l'effet de cette mesure. D'après les données statistiques publiées par le ministre de l'agriculture et du commerce, cette consommation étant en moyenne dans notre département de 12 kilogrammes par chaque habitant, il y aurait donc là l'équivalent de la nourriture ani- male de 230,000 individus, c’est-à-dire la nourriture d’en- viron le cinquième de la population totale, que la mesure pré- conisée détruirait sans nécessité. D'ailleurs, a-t-on bien compris les grandes pertubations qui devraient suivre cette énorme déperdition de subsistance ? L’in- fluence du surenchérissement qu’elle devrait occasionner dans le prix d’une denrée de première nécessité? et comme conséquence forcée, quelle détérioration elle ferait subir au régime des classes pauvres ou peu aisées ? . Le simple énoncé de ces questions suffit pour faire entrevoir quelle source de maux imminents et redoutables on ouvrirait si, obéissant à des craintes exagérées et reconnues chimériques par ceux-là même qui s’en sont armés, on prescrivait l’enfouis- sement de toutes les victimes de la pleuropneumonie. Une autre conséquence déplorable de cette mesure , Consiste- ( 321 rait dans l'atteinte considérable qu’elle porterait au capital agri- cole ; pour mesurer l'influence qu’elle pourrait avoir sous ce rapport, nous rappellerons ce que nous avons établi précédem- ment, à savoir : que, la valeur des animaux morts ou abattus dans le département par suite de l’épizootie, peut être estimée, pour la période de dix-neuf ans que nous avons embrassée, à 92,000,000 francs ; soit par an, à 2,700,000 francs. L'expérience ayant démontré qu’en livrant lesdits animaux à la boucherie, on en obtient, en moyenne, un peu plus de la moitié de leur valeur vénale ; réduisant le sauvetage à 50 pour 100, il en résulterai donc pour l’agriculture départementale du Nord une. économie de 26 millions sur les 52 précités, ou, par an, 1,350,000 francs sur les 2,700,000 francs de perte annnelle, tandis que l’en- fouissement aurait dévoré la totalité de ces capitaux et doublé conséquemment les effets désastreux du fléau. La mise en pratique de la prohibition alimentaire des bes- tiaux pleuropneumoniques présente , encore de sérieuses diff- cultés dont ne paraissent pas se douter les partisans de cette prescription sanitaire. Ainsi, pour Re parler que de ce qui s’est passé sous nos yeux, nous dirons, que bien qu’en £827, au dé- but de l’épizootie, aucun arrêté spécial n’ait été rendu par les autorités départementales ou communales pour ordonner cette mesure d'hygiène publique, il n’en existait pas moins de fait à Lille et dans la plupart des villes du Nord un système de sur- veillance de la viande de boucherie, qui la frappait d'exclusion comme nourriture de la population, alors qu’elle provenait des animaux atteints de l’épizootie. Voici, avec quelques détails, comme les choses se passaient à Lille. : Le service de l'inspection des denrées de boucherie y était alors confié à des bouchers désignés sous le nom d’égards , les- quels ne connaissaient que deux cas morbides, motivant la saisie et le transport à la voirie des viandes malfaisantes ; 21 (32) le premier , appelé poque ou ladre , caractérisé , suivant eux , par des boutons sur les poumons et à la face interne des côtes ; le deuxième, dit manque de nature ou dénaturé, ayant pour signe , toujours d’après leur doctrine, l’état liquide de la moëlle. Les désordres pleurétiques , apanage de la péripneumonie, furent tout d'abord assimilés par les égards à la première de ces deux altérations ; mais il ne faut pas croire pour cela que cette interprétation ait eu pour effet l’enfouissement de la totalité du bétail pleuropneumonique. Dans quelques cas et à la suite de dénonciations, cette mesure élait employée ; d’autres fois elle était réclamée par le boucher propriétaire de l’animal abattu ; le plus communément toutefois, et faute d’un contrôle suffisam- ment étendu, les animaux frappés de l’épizootie passaient sans difficulté dans la consommation. Une surveillance aussi imparfaite ouvrait la porte à de nom- breux abus, parmi lesquels il s’en trouvait un particulièrement trés-onéreux à l’agriculture : Des bouchers de mauvaise foi, spéculant indignement sur l'ignorance et la bonne foi des cul- tivateurs, menaçaient,sous prétexte de lésions pectorales, de faire descendre les égards sur les bestiaux, à l'effet d’en faire ordonner l’enfouissement, à moins que les vendeurs ne consentissentà une réduction de 50, 60, 80 et même 100 francs sur le prix de la vente de chaque tête de bétail livrée. C’est à quoi ces derniers consentaient presque toujours, afin d'éviter les hasards d'une décision dépouillée des garanties que peuvent seules donner la capacité et l'indépendance. De semblables extorsions ne pouvaient se perpétuer: il devenait urgent de porter la réforme sur la vieille institution qui les avait engendrées et qui ne reposait d’ailleurs que sur des erreurs et des préjugés. Appelé, au commencement de 1828, à contrôler une décision des égards de Lille, qui portait condamnation à l’enfouissement ( 323 ) d'une vache pleuropneumonique tuée à l’abattoir, je dus émettre un avis contraire, en l’appuyant de puissantes considérations. Pareil fait s'étant renouvelé plusieurs fois dans un court espace de temps, la question fut enfin déférée, en 1829, au conseil cen- tral de salubrité du Nord, qui, dans un lumineux rapport, inséré dans ja publication de ses travaux, lui donna une solution con- forme à celle que j'avais moi-même indiquée. C'est à partir de cette époque que l'institution vermoulue des égards, frappée à mort par sa propre ignorance et ses abus, cessa sinon complètement de fonctionner, du moins de figurer comme rétribuée par le budget communal. En 1832, alors que l’épizootie exerçait toutes ses fureurs dans nos campagnes et où apparaissait le choléra dans nos murs, un arrêté du maire de Lille intervint, portant interdiction delivrer à la consommation les viandes provenant de bestiaux pleuropneu- moniques. L’exécution de cet acte administratif eut pour effet momentané de refouler exträ-muros l'abattage des animaux dont on voulait prohiber l’emploi des chairs et d’en faire opérér lin- troduction sous le nom et la forme de viande dépecée ou viande à la main. Vainement prescrivit-on une surveillance sévère de la part des employés de l'octroi qui veillaient aux portes de la cité; toutes lestentatives desaisies desdites viandes échouèrent par suite de l’impossibilité de constater si elles provenaient, oui ou non, de bêtes pleuropneumoniques ; en sorte qu'un mois ne s'était pas écoulé, que l'arrêté de l'autorité communale était tombé en désuétude et que les choses avaient repris leur cours ordi- naire. Cependantla désorganisation du service des égards, et par suite l’abandon presque complet de toute surveillance sanitaire des denrées de boucherie, entraînaient de graves inconvénients qui attirèrent l'attention du conseil central de salubrité, lequel adop- tant un rapport que j'eus l'honneur de lui présenter, et qui se trouve inséré au recueil de ses travaux pour les années 1841 et (324 ) 1842 (1), provoqua près du Préfet et près des Maires de Lille et des principales villes du département, l'adoption d’un meilleur système d'inspection des viandes de boucherie : dans ce travail on insis- tait particulièrement sur la nécessité et la convenance de ne confier l'exécution de cette mission qu’à des hommes offrant des garanties positives, des connaissances spéciales indispensables à son accomplissement , c’est-à-dire à des vétérinaires. Ces vues accueillies avec faveur par lautorité préfectorale, comme par les administrations communales urbaines, ne passè- rent pourtant pas immédiatement dans la pratique. A Lille, elles ne prévalurent définitivement qu’alors qu’une commission puisée dans le sein du conseil municipal, fut chargée de la réorganisa- tion et de la réglementation des divers services de l’abattoir public. Cette commission, dont j'avais l'honneur d’être le rapporteur, adopta en principe qu’un médecin-vétérinaire, inspecteur de salubrité, serait rétribué par la caisse communale, à l'effet d’opé- rer la vérification sanitaire du bétail de boucherie, avant comme après l’abattage, et qu’en outre il serait exercé par lui une sur- veillance hygiénique sur la viande introduite dépecée en ville. Mais dans la consécration sous forme d’arrêtés administratifs, des attributions précitées, un puissant obstacle vint renverser une partie des espérances qu'avait fait concevoir la réorganisation rationnelle du service de vérification hygiénique des viandes : la création d’un inspecteur de salubrité fut accueillie à la vérité par l'autorité supérieure avec un vif empressement (2); il n’en (x) Un extrait de ce rapport a aussi été publié dans le Jourpal des Wétéri- naires du Midi, tome 6, p- 08. (2) Voici comment a été formulé l'arrêté portant nomination du médecin-vétéri- naire , inspecteur de salubrité près de l’abattoir public de Lille. Nous, Maire de la ville de Lille, Vu notre arrêté dn 31 janvier 1846, concernant la police de l’abattoir public (325) fut pas de même des instructions qui devaient en assurer ja mis- sion, relativement aux viandes introduites dépecées en ville et pour lesquelles il importe tant d'assurer une surveillance eff- cace, puisqu'elles sont généralement de basse ou de mauvaise qualité et que la proportion en devient sans cesse croissante : elle s’est en effet élevée dans le cours de l’année 1846 à 358,718 kilogrammes ; c’est-à-dire à environ 42 pour 400 de la consom- mation totale de notre cité. On voulut d’abord assujettir toutes les viandes foraines à une vérification préalable à l’abattoir public ; maisle Préfet d’abord, de cette ville, et celui du 27 février suivant, spécial à la police des marchés aux bestiaux ; Vu Particle 12 de la loi du 18 juillet 1837, sur les attributions municipales; Vu la demande qui nous a été adressée par le sieur N...., médecin-vétérinaire, lequel a été provisoirement chargé de remplir les fonctions d’inspecteur de salu- brité à l’abattoir public et au marché aux bestiaux : Arrêtons : Art. 1.er Le sieur N.... est nommé inspecteur de salubrité, tant pour tout ce qui concerne le service de l’abattoir proprement dit , que pour celui des marchés aux bestiaux et la vente de la viande foraine. Art. 2. 11 devra se trouver les lundi, mercredi et samedi de chaque semaine, à l'ouverture des marchés aux bestiaux qui se tiennent dans les dépendances de l'abattoir, afin de visiter les animaux exposés en vente et de faire exécuter, le cas échéant, les mesures de police médicale prescrites par la législation spéciale aux épizooties. Art. 3. Il visitera également tous les jours les animaux déposés dans les étables de l’abattoir pour être tués, afin d’en constater l’état sanitaire, sous le rapport de l’alimentation. Art. 4. 1l examinera avec le même soin, chaque jour, toutes les viandes après l'abattage des bestiaux, et consignera, sur un registre ouvert à cet effet, chez le di- recteur de établissement, les résultats de soninspection, en provoquant les mesures qu'il conviendrait de prendre dans l'intérêt de la salubrité publique. Soit qu’il s’agisse de constater la mort des bestiaux qui périssent naturellement dans l’abatoir ; Soit qu'il y aitlieu d’ordonner l'abattage et l’enfouissement d'animaux atteints de maladies dangereures ; Soit qu'il juge utile d'empêcher de livrer à la consommation des viandes prove- ( 326 ) puis le Ministre de l’intérieur rejetèrent cetle mesure comme attentatoire à la liberté du commerce; on essaya ensuite de limi- ter, comme à Metz et à Nantes, l'introduction en ville de la viande dépecée, à certains jours et heures fixes, assignés pour en opérer l'inspection ; le même motif fit écarter l’expédient , en sorte que l'administration locale ayant épuisé tous les moyens pratiques d'arriver au but, se vit forcée de renoncer à vaincre une diffi- culté insoluble. : Vainement le Ministre invita-t-il, depuis la mairie de Lille à pro- poser d’autres mesures touchant ce point si important d'hygiène publique ; la question , comme il l’avait restreinte, n'allait à rien moins qu’à créer un inspecteur de salubrité pour chacune des sept portes de ja ville, afin d’y contrôler toutes les viandes entrantes; ou bien d’opérer à grand renfort d'employés, des visites quotidiennes, beaucoup moins efficaces, dans tous les étaux de la ville; mesures beaucoup trop dispendieuses pour pouvoir être accueillies par les dispensateurs des deniers com- munaux. Quoi qu'il en soit, et malgré la lacune qui subsiste dans le ser- gant d'animaux malades, malsains ou morts naturellement et dont l'usage pourrait être nuisible ; Soit enfin qu’une partie quelconque du service lui paraisse susceptible «’amé- lioration au point de vue de sa spécialité. Art. 5. Il visitera , le mercredi et le samedi de chaque semaine , le marché à la viande établi sur l’une des places publiques de la ville, afinde vérifier la qualité des marchandises exposées en vente et de provoquer, en cas de besoin, des mesures analogues à cel'es prévues par le quatrième paragraphe de l’article précédent. Art. 6. Le sieur N... jouira, à partir du premier janvier dernier, du traitement annuel de 800 francs affecté à son emploi par le budget de l'exercice 1846. Art. 5. Des expéditions du présent arrêté seront remises an directeur de l’abat- toir, ainsi qu’au commissaire central de police. Fait à l’hôtel de Ja Mairie, à Lille, le 17 mars 1846. Le Maire de Lille, Signé : BIGO. (327) vice créé à Lille concernant la police sanitaire des viandes de boucherie, les chairs d'animaux atteints de l’épizootie n’y sont pas admises d’une manière générale et absolue à la consom- mation ; en principe on ne reconnait à la maladie aucune action malfaisante relativement à l'alimentation humaine, et si on re- jette de cet usage de loin en loin quelques bestiaux qui portent les stigmates du mal, c’est parce que leurs tissus émaciés par le marasme, infiltrés par l’œdématie, ne peuvent plus être considé- rés comme doués de propriétés nutritives, mais non point parce que ces altérations sont les résultats de la péripnèeumonie. Par les développements dans lesquels je viens incidemment d'entrer, on peut juger, que si d’insurmontables difficultés se sont élevées dans une grande ville pour l'exécution de prescriptions sanitäires concernant la chair d'animaux atteints d’affections di- verses et entre autres de l'épizootie bovinerégnante, ces difficultés deviendraient iofailliblement encore plus puissantes dans les villes ouvertes et de moindreimportance, dont les services publics sont moins régulièrement organisés, et qu’enfin, dans les communes rurales, il serait de toute impossiblilité d'interdire la vente clan- destine des viandes prohibées pour causes morbides. C’est autant à la force de cet obstacle, qu'à la conviction parmi les vétérinaires, de l’innocuité de la chair des animaux pleuropneumoniques, considérés comme nourriture de l’homme, qu'est dû l’usage consacré dans tout le département de livrer à la consommation les innombrables victimes de la maladie. Parmi les myriades de faits qui se sont accumulés dans le nord de la France durant une longue période de près de vingt ans, il n’en est pas qui puisse faire taxer d’imprudence, dans cette circonstance, la conduite des conseillers de lautorité centrale ;: aussi peut-on considérer comme démontrée avec la dernière évidence l'inanité des viandes contaminées par l'épizootie. Dans la seule ville de Lille, il a été consommé pendant la pé- (328 ) riode précitée 124,000 bœufs, vaches et taureaux, dont 15 pour cent, c’est-à-dire plus de 18,000 étaient atteints de péripneu- monie. L'état sanitaire de la population n’en a pourtant pas éprouvé la plus légère atteinte. Des renseignements numériques aussi précis, manquent pour les autres communes du département: toutefois le nombre des enfouissements ordonnés par l'autorité, ou accomplis volontaire- ment par les cultivateurs, étant estimé inférieur à un cinqcen- tième des animaux qui ont succombé ou qui ont été abattus par suite du mal épizootique, il en résulte qu’à peine quatre ou cinq cents n’ont pas recu une destivation alimentaire. La masse énorme de subsistance fournie par les 212,000 bêtes bovines enlevées par le fléau et qui est entrée en totalité dans la nourriture de la population humaine du département, constitue donc l’expérience la plus colossale et la plus décisive qui puisse être tentée, pour constater que les chairs d'animaux pleuropneu- moniques n’ont aucune propriété nuisible ou malfaisante. Dans lespays rapprochés de nous, et particulièrement en Belgi- queet en Hollande, où, comme nousl’avons précédemment vu,une caisse spéciale est organisée par le gouvernement, pour indemni- ser les cultivateurs du tiers de leurs pertes provenant du chef des épizooties, l’enfouissement des bestiaux est une condition de ri- gueur pour donner droit à participer aux avantages de cette fonda- tion : aussi la mesure dont ils’agit y est-elle bien plus usuelle que dans la zône nord de la France; cependant elle s’y trouve beaucoup moins générale qu'on pourrait le supposer , les fer- miers ayantintérêt et profit à livrer leurs bestiaux péripneumoni- ques à la boucherie et à soustraire la connaissance du mal, qui sévit dans leurs étables, au gouvernement qui leur imposerait une surveillance incommode, retarderait, comme toujours, le solde de leurs sinistres, et leur accorderait finalement moins que les prix de vente qu’ils obtiennent de leurs animaux malades. I suit de là que chez nos voisins, comme probablement aussi (329 ) dans tous les autres états de l’Europe, le fait de la destination alimentaire des viandes provenant des victimes de l’épizootie est dominant, et qu'aucun inconvénient ne s’est révélé relativement à cette destination. Nous terminerons cette trop longue discussion par une der- nière considération: c’est que la tolérance dont on a fait preuve relativement à l'emploi des chairs d'animaux péripneumoniques ouvre une large et facile issue à l'écoulement des bestiaux mar- qués du sceau de la mortalité et qu’au cas où, par mesure de police, on viendrait à fermer cette issue, la cupidité ferait bientôt refluer les troupeaux contaminés par l'affection épizootique, dans les étables des nourrisseurs et des engraisseurs, où ils ne sau- raïient être admis, sans les plus graves dangers d’y allumer de nouveaux foyers du mal. En résumé, la prohibition des viandes provenant des bestiaux frappés de. péripneumonie, complètement inutile quant au soin de la conservation de ja santé publique, aurait pour effet de porter atteinte aux sources de l’approvisionnement des subsis- tances animales; de concourir à en surélever le prix, et par con- séquent d’en rendre l’accès plus difficile aux travailleurs, aux- quels elle imposerait ainsi consécutivement des privations de na- ture à réagir sur leur état sanitaire; elle occasionnerait encore, en outre, un grand préjudice à l’agriculture, puisqu'elle s’opposerait à ce qu’on tirât parti des dépouilles des victimes de l’épizootie ; elle doublerait enfin les effets désastreux de celle-ci sur la fortune des cultivateurs. Les obstacles que soulèverait son exécution seraient d’ailleurs si difficiles à surmonter, qu’ils ne tarderaient pas à fati- guer l'administration, laquelle, après avoir constaté son impuis- sance pour mettre en vigueur cette prescription, la laisserait tomber promptement en désuétude. Enfin cette mesure devien- drait des plus fâcheuses au point de vue de la police médico- vétérinaire, puisqu'elle tendrait , au lieu d’éteindre les germes du mal, à les disséminer de manière à en assurer la propagation. ( 330 ) De l'emploi pour la nourriture de L'homme, du lait provenant des vaches atteintes de l’épizootie. Il me reste peu de choses à dire sur le lait des vaches pleuro- pneumoniques considéré comme aliment, et le peu que j'en dirai ne fera que confirmer ce qu'ont déjà émis à ce sujet la plupart des épizootistes, pour démontrer que cette liqueur, alors qu’elle est puisée à cet{e source, ne possède aucune propriété nuisible. Une grande diminution, puis la suppression de la sécrétion laiteuse étant l’un des résultats des premières atteintes du mal, la consommation du laitage adultéré par l’épizootie, ne peut Jamais, comme pour la viande, s'étendre sur une vaste échelle ; il convient d’ailleurs de faire remarquer que la faible quantité de lait extrait des vaches pleuropneumoniques, n’est pas livré sans mélange à la consommation par les cultivateurs et nourris- seurs, et qu’il est au contraire constamment dilué avec la tota- lité du lait des vaches saines, entretenues dans le méme éta- blissement, en sorte que ce produit de bêtes malades , eût-il réellement quelque action malfaisante, se trouverait considé- rablement atténué dans ses propriétés par suite de ce mélange. L'expérience s’est d’ailleurs prononcée sur la supposition toute gratuite de l’action malfaisante du lait des vaches pleuropneu- moniques ; nous avons été témoin à l’abattoir public de Lille, que les employés des bouveries consommaient, depuis un grand nombre d’années et sans le moindre inconvénient , le lai- tage des bêtes affectées de l’épizootie, qui, en attendant leur abattage, étaient déposées dans les étables confiées à leurs soins. Interrogés par nous sur les particularités que présentait l'usage de cette denrée liquide, ces agents se sont accordés à dé- clarer que constamment elle avait contracté une saveur particu- lière, peu prononcée et assez désagréable; mais que du reste, par l'ébullition, les préparations culinaires, sa mixtion avec le thé ou le café, elle se comportait exactement comme le lait ordinaire. (331) Nous regrettons que les travaux d’une commission spéciale, compcsée de MM. Kulhmann, Kolb-Bernard et moi, choisie dans son sein par le conseil central de salubrité du Nord, à l’effet d'étudier toutes les questions qui se rattachent au commerce du lait,ne soient pas encore assez avancés pour faire connaître les ré- sultats en ce qui touche le laitage des bêtes péripneumoniques. C’estlà une lacune que la haute capacité de mes collègues comblera d’une manière satisfaisante dans un avenir prochain. En atten- dant, ce qu'il importe de constater, c’est que bien positivement la consommation du lait contaminé par l’épizootie est sans effets fâcheux, considéré comme aliment de l’espèce humaine. Réparation des dommages provenant de la pleu- ropneumomie ei des institutions de prévoyance concernant la mortalité des hestiaux. Pour terminer la longue série de questions qui se sont succes- sivement présentées dans l’histoire de l'épizootie péripneu- monique, il nous reste à traiter de la réparation des dommages occasionnés par cette affection. La loi du 19 vendémiaire an VI, en consacrant le grand et gé- néreux principe de l'indemnité par l'État, en faveur des victimes de fléaux et de calamités publics, a textuellement inscrit le droit à des réparations pécuniaires, pour toutes les pertes résultant des épizooties. La législation antérieure s'était inspirée du même principe ; il animait évidemment Turgot lorsqu'il présentait à la signature royale les arrêts du conseil d’État du roi du 18 dé- cembre 1774 et 1. novembre 1775, portant indemnité , par le trésor public, du tiers de la valeur des bestiaux morts ou abattus par suite de maladies contagieuses. Cette sage disposilion, tombée presque complètement en dé- suétude, quoique figurant toujours dans nos lois, s’est au contraire naturalisée, étendue et perfectionnée à l'étranger. En Hollande, (332) en Belgique, dans plusieurs États de l'Allemagne et dans un certain nombre de cantons helvétiques, le gouvernement a orga- nisé des moyens de secours destinés à opérer le remboursement du tiers, de la moitié et même des trois quarts des dommages qui résultent des désastres épizootiques. En l'absence de créations gouvernementales , réparatrices des sinistres atteignant la principale richesse rurale, on a dans les derniers temps en France, fait des tentatives pour leur appliquer les combinaisons qui ont eu tant de succès pour la réparation d’un autre ordre de sinistres : c'est ainsi que nous avons vu suc- cessivement naître plusieurs compagnies d'assurances à primes fixes, contre la mortalité des bestiaux, et que d’autres compagnies ayant le même but, mais adoptant la base de la mutualité, sont venues après. Les vices qu'on peut reprocher à ces créations sont de deux genres : les uns sont inhérents aux difficultés du sujet lui-même : les autres dépendent de la conception qui a présidé à leur for- mation : nous allons examiner très-succinctement les uns et les autres. Il est palpable que les désastres dépendant de causes connues et bien définies, telles que l'incendie, la grêle, les naufrages, etc., dont l’action se répartit à peu près uniformément, suivant le temps, l'espace , le nombre et certaines conditions connues, peuvent facilement se prêter à la détermination des pertes moyennes qu'ils font supporter, et par contre à la déduction des sacrifices nécessaires pour parer aux éventualités qui en dé- coulent ; mais la mortalité qui frappe nos bestiaux est-elle dans le même cas ? Evidemment non. Autant qu’on voit de flots se briser sur les mers, Autant dans un bercail règnent de maux divers. À dit l'interprète de Virgile. Or, comment soumettre au calcul, la somme des effets de cette ( 333 ) myriade de causes morbides, qui toutes obéissent à des lois spé- ciales essentiellement différentes? on en comprendra encore mieux l'impossibilité par la citation de quelques faits. D'après Vicq-d’Azir, les indemnités payées en 1775 par le trésor public , à la suite du typhus épizootique , qui régnait alors sur l’espèce bovine du midi de la France , se sont élevées à plus de 4 millions : et suivant un relevé dû au docteur Faust, les pertes éprouvées par la France et la Belgique réunies , seraient montées pour les quatre invasions de la même maladie, de 1711 à 1796, au chiffre énorme de dix millions de têtes de gros bétail, c’est-à-dire à une somme exorbitante qui dépasse deux milliards. Les efforts des compagnies d'assurances, quelque fortement constituées qu'elles soient, se montreraieut certainement impuis- sants pour réparer les désastres de semblables fiéaux : aussi quand on étudie ce grave et important sujet, est-on bientôt entraîné par celte conviction, que contre de pareils maux , il n’y a de re- mèdes efficaces et possibles, que dans des institutions de pré- voyance organisées par le gouvernement lui-même. L'expérience l’a d’ailleurs prouvé, puisque les compagnies d'assurances à primes fixes organisées jusqu’à ce jour contre la mortalité du bétail n'ont pu supporter des chocs infiniment moindres que ceux qui viennent d’être désignés ci-dessus, et que toutes, ap:ès une courte durée, ont subi un triste dénouement devant la police correctionnelle : quant aux compagnies mu- tuelles, leur mécanisme compliqué et presque impraticable, a fait surgir tant d’abus qu’elles sont promptement tombées en dis- crédit au sein de nos riches contrées du nord de la France. D'après les considérations précédentes, nous nous sommes de- mandé , si les assurances contre la mortalité des bestiaux devaient, comme par le passé, être abandonnées à la spéculation privée, ou s’il n’était point préférable d’en opérer la centralisa- tion, avec les autres ordres d’assurances agricoles , entre les mains du gouvernement ? 7 » 2 (334) « L'État est le protecteur naturel de tous les citoyens contre les dangers extérieurs , dit éloquemment M. Duchateau , l’un de nos honorables collègues de la société d'agriculture, sciences et arts de Valenciennes. il les défend par ses armées ; contre l'anarchie par sa police, contre le conflit des intérêts opposés, par son administration vigilante. Dans ses mains puissantes, il concentre le génie et la force de la nation entière; il est grand » de la grandeur de tous. Par lui peuvent se réaliser les plus 7 2 2 > vastes conceptions et les projets les plus gigantesques; sans lui, les forces individuelles s’agitent stérilement dans le vide ou se neutralisent en se combattant. » N'est-ce point dès-lors à l’État qu’il appartient de veiller à la sécurité des fortunes, comme depuis long-temps il veille à la sécurité des personnes? Et lorsque, malgré sa vigilance, un désastre supérieur à la puissance humaine vient frapper un ci- toyen, n'est-ce pas à lui de réparer le mal que ses efforts v’ont pu empêcher ? Ces idées, naguère encore, ne s'étendaient pas au-delà d’un petit cercle de publicistes; aujourd’hui elles sont généralement admises. Il y a peu de mois , l’inondation ravageait nos départements du centre, et immédiatement , de toutes les parties du territoire, vous avez vu le gouvernement sollicité de venir au secours des populations atteintes par le fléau. Travaux de toute espèce, subventions aux autorités lo- cales, secours directs aux familles les plus malheureuses , tous les moyens ont été employés pour atteindre ce but, et pas une voix cependant ne s’est élevée pour taxer d’exagération la mu- nificence publique. Dans ce mouvement unanime, il y avait sans doute un de ces élans de générosité dont une nation peut s’honorer à juste titre: mais on ne saurait le méconnaître, il \ avait surtout au fond des cœurs le sentiment de cette solidarité qui relie entre eux tous les membres du corps social. » Cette haute pensée de prévoyance, qui tend à rendre le gou- vernement dispensateur équitable des réparations réclamées par ( 335 ) tous les désastres qui frappent sur l’agriculture et particulière ment pour ceux qui résultent des épizooties , recevra sans doute dans un avenir prochain une heureuse application. Déjà , M. le ministre des finances de la Belgique s’est formellement engagé, dans la séance de la Chambre des représentants du 2 décembre 1846, à élaborer un projet de loi sur cette matière. Puisse un succès complet couronner sa noble entreprise ! Dans l’état actuel des choses, l’agriculture française n’est pour- tant pas complètement déshéritée de tout secours contre les sinistres qui prennent leur source dans les épizooties ; il est ou- vert chaque année au budget de l'État un crédit mis à la disposi- tion du Ministre de l’Agriculture et du Commerce, dont une partie est affectée à de très-minimes indemnités aux cultivateurs qui ont supporté des pertes dans leurs troupeaux. Quelque insuf- fisantes que soient ces réparations, il deviendrait d’une grande importance qu'elles ne fussent accordées aux agriculteurs, qu’à la condition par eux, d'accomplir les principales mesures préser- vatives qui doivent empêcher le retour du mal dont ils sont vic- times et particulièrement en ce qui concerne la pleuropneu- monie, que moyennant l'exécution si peu dispendieuse d’une bonne et complète aération des étables , d’après les principes exposés plus haut. De !a pleuropneumonie épizootique considérée au point de vue de l’action rédhibitoire. Avant que la loi du 20 mai 1838 n’ait restreint l’application de l’article 1641 du code civil, la jurisprudence des tribunaux du département du Nord avait généralement admis la pleuropneu- monie épizootique comme pouvant donner naissance à la rédhi- bition : cette interprètation était juste, puisqu'il il s’agissait d’une maladie dont l’incubation est longue , qu’elle attaque profon- ( 336 ) dément les sources de la vie, et qu’elle fait subir à l'acquéreur le grave danger de la propager aux animaux de son troupeau : c'était d'ailleurs un frein salutaire à la mauvaise foi de certains vendeurs qui, après avoir eu le malheur de voir éclore le mal dans leurs étables, ne craignent pas d’en disséminer les germes et de compromettre ainsi la salubrité publique. Sous l'empire de la nouvelle législation, la péripneunomie bovine a été enlevée de la nomenclature des vices rédhibitoires, et ne donne conséquemment plus le droit d’intenter l’action en garantie, à raison de son existence plus ou moins latente : c’est là un mal très-réel et qui peut être justement reproché à l'étroi- tesse de vues qui a présidé à la rédaction de l’acte législatif du 20 mai 1838. Nous avons particulièrement eu occasion de cons- tater une multitude de fois, les fâcheux résultats qu’entraîne le principe trop restrictif adopté lors de la nouvelle réglementation des cas rédhibitoires, et nous regrettons bien vivement que les imperfections qui se sont dévoilées depuis sa promulgation, doivent attendre encore long-temps des réformes réclamées avec persistance au nom de l'équité. Nous reconnaissons toutefois, que l'acquéreur de bestiaux pleu- ropneumoniques, ne reste pas complétement désarmé contre le vendeur déloyal qui l'aura trompé : mais à cet égard la question à résoudre se présente sous deux faces très-distinctes et qui en- traînent une solution différente. Si la destination du bétail acheté était l'abattage pour la bou- cherie, il est clair qu’en raison de cette circonstance, la loi du 20 mai 1838 ne rencontrerait pas son application, et que conformé- ment à la doctrine consacrée par l’arrêt du 6 février 1839, de la cour royale de Paris, la rescision de la vente devrait être pro- noncée en vertu des dispositions de l’article 1641 du code civil, non modifié en ce qui touche le commerce des animaux considérés comme marchandise sur pied , devant servir à la consommation. C'est dans ce sens que se pratiquent à l'amiable les choses dans 237 ) nos localités, sans que jusqu'ici aucune décision légale y ait con- traint les parties. Si au contraire les bestiaux péripneumoniques vendus de- vaient servir à repeupler les étables d'exploitations rurales d'ordres divers, alors l’action en dommages-intérêts serait seule ouverte à l'acquéreur ; mais comme jusqu'ici la jurisprudence n'en a pas encore réglé l’usage, au point de vue des maladies épi- zootiques ou contagieuses, il deviendrait très-difficile de pré- voir toutes les difficultés qu’entrainerait son application, indé- pendamment de celle toute particulière d’administrer la preuve que le mal est antérieur à la vente : nous croyons donc que c'est avec beaucoup de circonspection que les cultivateurs de- vraient recourir à cette espèce de garantie. Les lois de police médico-vétérinaire, qui se résument toutes dans l'arrêt du 16 juillet 1784, en portant, article 7 (1), prohi- bition de vente pour les animaux atteints ou suspects de mala- dies contagieuses, paraissent pourtant dominer celte seconte question de droit commercial ; mais ici cette question n'apparaît plus que comme seconduire et accessoire d’un délit correctionnel, elle ne devrait vraisemblablement apparsitre sous la forme de demande en réparation civile. Quoi qu'il en soit, si la loi, pour sauve-garder l'intérêt public, a défendu la vente d'animaux suspectés de mal contagieux , il nous paraîtrait difficile de comprendre qu’un jugement rendit valable une vente qui rentrerait dans le cas spécifié. (1) Voici en quels termes cet article est concu : « Art. 7. Fait Sa Majesté défenses, sous les mêmes peines, à tous marchands de » chevaux et autres, de détourner, sous quelque prétexte que ce soit, de vendre » où exposer en vente, dans les foires et marchés, ou partout ailleurs, des » chevaux on bestiaux atfeints ou suspectés de morve où de maladies conta- » gieuses, elc. » 22 (338 ) EXPLIGATION DE LA PLANCHE. Figure 1.re Elle représente, sous une réduction de 3/4 , la coupe transversale du poumon droit , atteint de l’épizootie pleuropneumonique et ayant acquis par suite un volume considérable ; elle est gorgée d'une masse de fluides et est devenue imperméable à l'air : la surface en est marbrée de rouge, de brun, de gris, avec des veinures d’un blanc jaunûtre. On y remarque : AAA. Le tissu interlobulaire distendu outre mesure par l'infiltra- tion d’une sérosité citrine très-abondante , tenant en suspension de fines et nombreuses productions pseudo-membraneuses. III. Sections des veines et veinules pulmonaires injectées par des concrétions fibrino-albumineuses, donnant à la section du poumon une ressemblance éloignée avec le granit. Figure 2. Elle représente, de grandeur naturelle, une veine pulmonaire dilatée par l'injection plastique précitée : cette veine est ouverte en N et N pour faire voir la concrétion qui s’est moulée sur son calibre intérieur, Figure 3. Elle laisse apercevoir, après l'ouverture longitudinale de la veine ci-dessus , le noyau fbrino-albumineux qui en a opéré l'obstruction : une tranche en a été déplacée au centre, pour faire constater des traces d’adhérence avec la tunique interne de la veine. (539 ) BEAUX-ARTS. PEINTURE , — PuysiogNomonte, Par M. Pierre CALOINE, Membre résidant. Séance du 19 février 1846. De nos jours, dit M. Jouffroy ({), on affectionne plus la force intellectuelle que la force physique. Entre l’homme très-bien » fait qui n'indique pas sur son visage beaucoup d'intelligence, » et l’homme très-mal construit qui porte sur son front le signe » d’une intelligence élevée, nous n’hésitons pas, et le plus beau » pour nous c’est celui qui manifeste le plus d'intelligence. » Nous ne contesterons pas la justesse de cette assertion; il est évident qu’au point de vue général de l’esthétique moderne, nous sommes plutôt disposés à trouver le beau dans le développement énergique et libre qui s'opère par l'intelligence que dans le développement énergique et libre qui s’opère par le corps ; mais nous ferons remarquer que l'artiste ne peut , au point de vue pratique , partager cette manière de voir, si différente de celle des anciens Grecs. Le goût est pour l'artiste ce que la morale est pour le philosophe , et il ne peut se résigner à admettre qu'il y ait un beau intellectuel séparé d’un beau physique. Il est con- vaincu que si l’art chrétien, expression si complète du beau ÿ % (1) Cours d'esthétique; Paris, 1843. (340) moral, n’a, suivant l'opinion des grands maîtres, pris son déve- loppement, en ce qui concerne la pureté du goût, que du moment où il s’est, pour ainsi dire, matérialisé en se rapprochant du beau idéal des Grecs (et cette conviction ne peut être contradictoire avec l'opinion des Pères de l'Église, qui ont admis la beauté physique du Christ), à plus forte raison , un art ayant pour but principal le beau intellectuel dans l’acception nécessairement abstraite de cette signification , et ne renfermant pas dans son essence les éléments si poétiques du beau moral, ne pourra atteindre son but s’il ne contient l'expression de l’ordre qui constitue la beauté matérielle. d Cependant , le peintre moderne qui apprécie toute l'influence moralisatrice qu’il est appelé à exercer sur la société, comprend que son œuvre, pour porter fruit, doit être d'accord , dans de certaines limites toutefois, avec l'idée du beau le plus générale- ment admise aujourd’hui, c'est-à-dire que cette œuvre doit exprimer les caractères de la beauté intellectuelle. En effet, d’après la nature des moyens de la peinture, qui n’a pas positivement le besoin pour principe, moyens subordonnés d’ailleurs à la conformation de l'œil, il est évident qu’à l'époque actuelle un tableau n'aura point le pouvoir d’intéresser fructueu- sement le sens moral s’il ne peut en même temps supporter l'analyse de l'intelligence telle que cette intelligence a été géné- ralement développée par l'éducation moderne. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, si, à l’aspect d'une pein- ture retraçant l’image d’un savant aux prises avec la misère , le spectateur n’est pas frappé par l’intelligente et fidèle indication de nobles rides creusées par l'étude, s’il n’y voit que l'expression d'une douleur banale, celte peinture , quelles que soient ses qualités, aura manqué son effet moral; elle ne portera point le cachet de l'utilité. D'après ces considérations , quelques-uns de nos peintres, appréciant que le beau intellectuel ne peut étre séparé ni du (314) beau physique en ce qui touche le goût, ni du beau moral en ce qui concerne l’utile, cherchent le beau dans ce que nous sommes tentés d'appeler cette trinité esthétique consistant dans le déve- loppement raisonnable et réglé des forces morales intellectuelles et physiques. Ils se sont fait ainsi un programme renfermant une condition essentielle de plus que ne contenait le programme obligatoire- ment suivi par le plus grand nombre des peintres du moyen-âge et de la renaissance. Nous ne voulons pas dire que les Giotto, les Cimabuë, les Michel-Ange, les Raphaël, les Léonard de Vinci, les Titien aïent négligé le beau intellectuel; seulement nous pensons que, sui- vant le milieu dans lequel ils étaient placés, ils se sont atta- chés principalement au beau moral et au beau physique, soit qu'ils aient eu pour mission de nous émouvoir par des sujets religieux, soit qu’ils aient cherché à nous plaire par l'harmonie des lignes, des formes et des couleurs. Cela posé, nous allons examiner succinctement si la marche le plus généralement suivie par nos peintres modernes est d'accord avec les idées qui précèdent. Cet examen nous conduira parti- culièrement à signaler une lacune de la plus haute importance pour l'avenir de la peinture. Nous commencerons d’abord par constater que depuis long- temps déjà les véritables artistes se sont rapprochés des sciences naturelles, et surtout des sciences mathématiques; contrairement à quelques idées reçues dans le monde littéraire, ils ont compris qu'un art destiné à reproduire sur une surface plane par une sublime et savante calligraphie, l'expression d’une pensée doit nécessairement impliquer, dans l'exécution du moins, la science réfléchie et positive. On sait qu'ils ont fait justice de ces étranges théories que les De Piles et les Watelet ont trop longtemps accréditées , et qui n'étaient qu'une pâle traduction des règles exclusives écrites ( 342) pour un autre temps des Aristote, des Longin et des Quintilien. Ils ont repoussé tout ce qu'avaient de mesquin ces moyens mécaniques préconisés par l’école archaïque et à l’aide desquels on déterminait numériquement les plus petites parties du corps humain ; ils ont surtout ridiculisé ces théoriciens allemands qui, dans leur faux amour des sciences exactes, allaient jusqu'à rechercher les propriétés d'une courbe algébrique dont les con- tours retraceraient les traits d’un visage connu. Mais si par un heureux retour vers les vérités théoriques, les règles générales de l’art sont dégagées de ces lois despotiques de détail que la vanité des écoles a si singulièrement multipliées et qui ont faussé pendant si longtemps les vrais principes de l'imi- tation; si. nous pouvons croire que l’inexplicable division du genre classique et du genre romantique n’occupera plus long- temps les savants et les artistes, et ne sera tout au plus propre qu'à exercer [a verve de nos spirituels caricaturistes; nous sommes forcés de convenir aussi qu’il reste encore bien des préjugés à détruire dans la pratique de la peinture, et que les artistes qui poursuivent le triple résultat dont nous avons parlé plus haut ne sont pas nombreux. En effet, ne voyons nous pas de nos jours de jeunes dessina- teurs qui, pour n’avoir pas compris à quel point de vue exclusif s est volontairement placé M. Ingres, prétendent, au nom de ce puissant interprète du génie de Raphaël, que l'anatomie et.la perspective ne sont pas indispensables au peintre. Ils mani- festent cette crainte qu’une étude approfondie de l’anatomie n’éloigne de la naïveté, ne conduise à la raideur du style, et ne pousse à l'indication exagérée des organes moteurs comme si cette indication exagérée, qui exclut à la vérité la pureté du goût, n’accusait au contraire l'ignorance de l'anatomie. A l'égard de la naïveté et de la raideur, les œuvres des Phidias et des Polyclète, contemporains d'Hyppocrate, lesquels ( 343) ont certainement étudié l’anatomie, devraient lever tous les scrupules des prétendus puristes. Quant à la perspective, nos jeunes peintres l'ont négligée, prétendant qu’elle n’est applicable qu'aux formes géométriques. Comme si cette perspective de sentiment, guide si sûr de l'artiste dans les difficultés du raccourci, pouvait être comprise par l’homme étranger à la science des projections, comme si d’ailleurs le peintre avant d’entrer dans les détails si nombreux des fuyants ne devait pas grouper ses personnages, et les mettre dans des lignes vraies et positives. La même raison qui leur a fait rejeter la perspective, les a éloignés de la science des ombres ; ils n’ont pas voulu admettre la possibilité de déterminer perspectivement des ombres portées par des corps irréguliers sur d’autres corps aussi irréguliers. [ls n’ont pourtant pu oublier que celui-là qui n’est pas initié aux procédés graphiques concernant des formes simples, quelle que soit la justesse de son coup-d’œil, s’égarera dans les complicalions des formes composées. Qui ne voit que ces inintelligents disciples de M. Ingres sont en contradiction avec eux-mêmes ? Leurs stériles arguments ne peuvent changer les lettres de la peinture qui n’expriment rien si elles ne sont pas empreintes de la vérité matérielle. Qu'ils en soient bien convaincus, si doués d’un esprit observa- teur, ils ont pu, à force de veilles, atteindre à un certain degré de talent, c’est qu’on peut leur appliquer ce que le jeune rhéto- ricien dit malicieusement de M. Jourdain. Nous trouvons chez les coloristes des abus analogues; croi- rait-on que des peintres en réputation ne veulent pas admettre quela couleur doit être subordonnée au dessin ? La couleur, il est vrai, exerce une action plus puissante sur nos sensations que les lignes, mais que signifient les effets har- monieux du coloris, sans la pureté des formes? ( 344 ) Nous regrettons de le dire, il y a aujourd’hui des peintres qui se sont donné le titre de coloristes, parce qu'ils ont converti leur atelier en laboratoire de droguiste; ils s’imaginent avoir fait faire un pas immense à l’art des Titien et des Rubens, quand ils ont conquis sur leur palette une couleur nouvelle. Si contre notre attente ils ne s'arrêtent pas, nous les verrons bientôt, après avoir épuisé leurs mesquines recettes, soumettre à l'analyse chimique chacune des parties du corps humain, ct composer leurs tons suivantiles diverses substances qu’ils auront recueillies dans leur creuset. Nous pourrions nous étendre davantage sur des préjugés qui, nous l’espérons, se détruirent d'eux-mêmes; mais en nous arrêlant plus longtemps sur un sujet qui, à lui seul, ferait l’objet d'un livre, nous nous écarterions de notre but, qui est de signaler une lacune dans les programmes d’études des écoles des beaux- arts. Nous voulons parler de la physiognomonie appliquée au dessin et à la peinture, laquelle science n’est point encore enseignée, que nous sachions du moins, dans aucune de ces écoles. A ce mot de physiognomonie, nous comprenons que nous venons nous placer sur un terrain difficile. Cette science, nous dira-{-on, a de nombreux détracteurs, ses éléments n’ont rien de positif; mais que nous importent à nous artistes ces savantes controverses, prenant le plus souvent leur source dans une obscure méthaphysique. 11 nous suffit de penser que Part de Lavater, qui a dû naître avec le dessin, ne pouvait être inconnu des habiles Rhodiens qui ont créé le TLaocoon antique, et que les apologistes de la physiognomonie prennent pour autorités les œuvres d’art les plus remarquables de toutes les époques et de tous les styles. 11 nous suffit surtout d'être profondément convaincus , d’après nos observations parti- culières, que la figure, la démarche du savant modeste, n’a pas le cachet ridicule dn visage et de l'attitude du pédant orgueil- (345 leux, que les nobles rides tracées par un long labeur ne res- semblent point aux sillons grossiers que l’action corrosive du vice a fatalement creusés; que le visage calme de l’homme vertueux, quelles que soient les ressources perfides de la dissimu- lation, offre toujours à l'œil exercé un contraste frappant avec la face composée de l’hypocrite que dévorent d'ignobles passions. De ce que la physiognomonie appliquée n'est pas enseignée dans les cours de peinture, il résulte pourtant que nos artistes vont plus souvent chercher dans l’art que dans la nature l’ex- pression des passions humaines. Cela ne s'explique jusqu’à un certain point que pour les sujets historiques ou religieux, qui exigent la fidélité de la tradition; mais cela ne se comprend pas pour des épisodes de l'histoire contemporaine. Ne voyons-nous pas au musée de Versailles, dans certains tableaux destinés à perpétuer le souvenir des glorieuses victoires des armées françaises, figurer sous le schakos de nos grenadiers, l'expression des passions tempérées que Winckelman a si bien décriles pour les divinités héroïques du Paganisme. Nous ne pensons pas cependant que les vainqueurs d’Austerlitz, noircis par la poudre, animés par l'esprit de conquête , dussent étre sous l’impression de cet état calme de l’âme que Platon envisa- geait comme l’état mitoyen entre le plaisir et la peine, et dont sont empreints les chefs-d’œuvre de la statuaire antique. Et que l’on ne se méprenne pas sur la nature de l'importance que nous attachons à cette fidélité historique dans les traits généraux de la physionomie. Elle n’est point basée sur de serviles considérations archéologiques. Si nous nous arrétons sur ce point, c'est que nous avons l’intime conviction que de même que chaque peuple a son caractère particulier de physionomie, chaque époque doit avoir son cachet particulier d'expression. Comparons en effet par la pensée la figure ardente du chevalier sous les murs de Solime, avec la face énervée du courtisan, dans les boudoirs de la régence. ( 346 ) Nous parlions tout-à-l’heure de l'anatomie , de la perspective et des ombres; mais ces trois puissants moyens scientifiques de l’art ne sont-ils pas étroitement liés à la physiognomonie. L’anatomie, qui nous apprend la position, la forme et la structure de nos organes, n'est-elle même pas la base d’une science ayant pour objet les rapports des parties visibles de ces organes avec des fonctions intérieures obéissant à la loi spirituelle de la vie, et selon que tel personnage est éclairé ou posé, tel muscle, telle partie osseuse ne présentent-ils pas à l’œil du spectateur plus ou moins de grâce, plus ou moins d'énergie. Le choix des agence- ments et des poses, ces combinaisons d’ombres et de lumières, qui, comme les lignes, sont soumises aux lois du goût, ne peuvent-elles pas d’ailleurs mieux s’apprécier par l’observation physiognomonique combinée avec l'analyse des chefs-d’œuvre de l'art, que par l'étude de ces livres abstraits, dont la plupart ne sont pas écrits par des artistes pour des artistes, maïs par des savants pour des savants. Et ce que nous disons à l'égard des formes peut également s'appliquer à la couleur. Il est positif que le développement des muscles, en même temps qu’il modifie ou ou altère les formes, change les teintes de la carnation, laquelle dépend, comme chacun sait, des divers tempéraments. Nous pourrions citer un très-grand nombre de faits tendant à prouver la nécessité d’appliquer largement la physiognomonie à la peinture; pour nous en dispenser, renvoyons le lecteur à l'ouvrage de Lavater, que dans notre ignorance des sciences médi- cales nous comparerions volontiers à ces livres d'anatomie dont Hippocrate disait : « {ls appartiennent moins à la médecine qu’à l'art de la peinture. Nous ne résisterons pas cependant au désir de rappeler les lignes suivantes , écrites par l’un des éditeurs de cet ouvrage et qui sont particulièrement relatives aux beaux-arts. » Il serait superflu de donner beaucoup de développement à la considération des liaisons de la physiognomonie avec les beaux- ( 347) arts. Si la sculpture, la peinture, sont, comme on l’a dit, l’art d’animer le marbre et la toile, comment rempliraient-elles leur objet sans la connaissance de l’expression, sans une étude tout à la fois expérimentale et raisonnée de la physionomie? Pour l'artiste poëte, toute l’étude de la nature se réduit presque à cette observation des effets extérieurs qui dépendent des mouvements internes du corps humain. C’est également à cette partie de la science de la nature que doit principalement s'attacher le grand poëte; Homère ne l’avait pas négligée; il est peintre fidèle, habile physionomiste, et quand il va faire parler ou agir ses héros, on devine leurs discours et leurs actions dans leur atti- tude , par le mouvement et le jeu de leur physionomie. » On peindrait, d’après le récit d'Homère, les héros que ses chants ont rendus immortels. » Qui ne reconnaîtrait sur la toile cet Ulysse se levant pour parler: à son tour , les yeux attachés sur la terre, les bras pen- dants avec l’air de l'embarras et de la crainte ? Ne reconnaitrait on pas également Ajax, Agamemnon, Achille, Nestor ? Et si les poèmes d'Homère sont peut-être les seuls que le pinceau puisse aisément traduire , n’est-ce point parce que l'auteur fut un obser- vateur attentif de la nature animée, un habile physionomiste(1}? » D'après tout ce qui précède, nous nous bornerons à dire que quand la physiognomonie ne servirait à l’artiste que pour lui faciliter l’intelligence des puissantes harmonies que le Créateur a répandues sur ces innombrables physionomies, qui, toutes formées d'éléments semblables, n’ont cependant entre elles que de faibles ressemblances , quand elle n’aurait pour résultat que d’initier plus sûrement le peintre à ces merveilleux effets d'ordre, de consonnance, de contraste, que le célèbre Bernardin de Saint- Pierre a si bien définis ; quand elle ne lui servirait surtout qu’à (1) Lavater; Paris, 1820. ( 348 ) lui faire apprécier ces caractères fugitifs de la beauté intellec- tuelle, qui ne dominent pas généralement dans les chefs-d'œuvre de l’art, et que nous avons dit être une nécessité de notre époque, à ce titre elle mériterait de devenir la base essentielle de l’édu- cation des peintres, et devrait être enseignée dans les écoles des Beaux-Arts. (349) LITTÉRATURE. UNE PROMENADE A BOUVINES. Par M. Pierre LEGRAND, Membre résidant. Il y a des pays qui, plus que le nôtre, attirent les regards des peintres et ‘des amateurs de la belle nature ; il n’en est point qui parlent plus haut à l'âme du voyageur instruit. De quelque côté qu’il jette les yeux dans ces vastes plaines que couvrent de riches moissons, il rencontre des champs de bataille; en quelque endroit qu'il porte ses pas, il s'arrête, crai- gnant de fouler d’un pied profane la cendre des héros. Triste, mais glorieux privilége des pays froatières d’être ainsi le théâtre où de puissants voisins viennent, après une course égale, vider leurs différends. Près de la borne où chaque état commence, Aucun épi n’est pur de sang humain. Bouvines ouvre cetle série de batailles mémorables que ter- mine Waterloo. J'avais visité Waterloo. J'avais gravi ce terire colossal que surmonte le lion grimaçant de la sainte alliance; monstrueux ex-voto promis à la victoire par la crainte de la défaite. | J'étais curieux de visiter Bouvines, où se livra aussi un combat qui offre, par les circonstances qui l’amenèrent, plus d’un point de rapport avec Waterloo. En 1214 comme en 1815, une grande gloire avait attiré ( 350 ) l’envie ; une belle proie avait excité la convoitise ; une immense coalition enveloppait la France d’un réseau de fer. A ces deux époques, le but avoué c'était de refréner l'ambi- tion d’un homme; le but secret c’était de partager ses états ; dans l’armée de Philippe , comme dans celle de Napoléon , il y avait la trahison sous l’armure de quelques chefs et la haine de l'étranger au cœur des soldats. Mais Dieu protégea l’oriflamme de Mgr. Saint-Denis, et devant lui s'envola épouvanté l’aigle des Germains, qui plus tard déchira de son bec crochu notre drapeau tricolore! Bouvines est un petit village, à dix kilomètres de Lille. On suit, pour y arriver, la route de Tournai jusqu’à la Maisoncelle, auberge ainsi appelée probablement à cause d’une petite maison sculptée dans la muraille et qui lui sert d’enseigre. En face de cette auberge se trouve le chemin de Sainghin-en-Mélantois. On traverse le village en laissant l’église à gauche , et l’on arrive à la Marque et au pont de Bouvines. C’est en remontant le pla- teau sur lequel est bâti le village que l’on aperçoit au nord- est les champs où se donna la fameuse bataille qui les immor- talisa. J’avoue que j’espérais rencontrer sur les lieux , sinon des monuments ou des traditions à interroger, du moins quelque cicerone , comme il en pleut à Rome, à Londres, à Bruxelles, partout enfin où la curiosité peut appeler le voyageur. Nous vivons dans un temps où l’on tire parti de tout, où l’on exploite notamment avec avantage le touriste. 11 n’est pas d’arbre ayant prêté son ombrage à quelque héros, de masure , abri précaire d’un prétendant déconfit, de clou ayant servi à accrocher le chapeau d’un grand homme, que l’on ne montre pour de l’ar- gent, sauf à renouveler de temps en temps la marchandise. Les cannes de Voltaire se comptent par centaines , et le clou de Napoléon en est à son quinzième remplaçant. Bouvines, par sa position rapprochée de Lille , par les souve- (351 ) nirs classiques de sa bataille célèbre, par la popularité que l'opéra de Sargines ou l'Élève de l'Amour, lui a donnée auprès des esprits superficiels, me paraissait un but merveilleux de pélerinage sentimental. Je voyais déjà , en perspective , près du Mont des Tombes , l'invalide de rigueur, avec son costume moyen-âge; je m'extasiais déjà devant son érudition de contrebande. Je fus déçu dans mon espoir, et bien me prit d’avoir apporté avec moi le récit de Guillaume-le-Breton et l'excellent mémoire de feu M. Lebon. Tout le monde connaît les causes de cette guerre. Les vastes conquêtes de Philippe-Auguste et l’extension de son autorité avaient, depuis longtemps , inquiété les princes voisins et les hauts barons du royaume. On lui attribuait la pensée de repren- dre l'œuvre de Charlemagne. Tous les intérêts menacés se réu- nirent dans une immense coalition , dans laquelle s'empressa d'entrer Jean d’Angleterre , impatient de reconquérir ce qu'il appelait son héritage de France ; les Flamands, de leur côté, indépendamment de leurs anciens griefs contre Philippe , qui vepait de brüler Lille, étaient encore excités par une prophétie qu’un nécromant avait faite. « On combattra, avait dit le magicien, le roi sera renversé en » la bataille et foulé aux pieds des chevaux, et pourtant il » n'aura pas de sépulture, et Ferrand sera reçu à Paris en » grande procession, après la bataille. » Après avoir rassemblé ses hosts en Haiïnault , au châtel de Valenciennes, l’empereur Othon, à la tête de 150,000 hommes, s'était mis en marche vers Mortagne. Philippe, de son côté, parti de Péronne , où chevaliers et bourgeois s’étaient rangés avec empressement sous son royal gonfalon , s'était dirigé vers Tournai , qu’il avait occupé en ardant et dégätant tout à dextre et à senestre. Tout semblait annoncer que la lutte se serait engagée entre ces deux villes. Mais la nécessité de trouver un terrain plus favorable à l’action de la cavalerie , qui faisait la ( 352 ) principale force de son armée , détermina le roi à repasser la Marque pour regagner Lille , et de la entrer en pleine voie dans les plaines du Hainaut. Ce mouvement fut considéré comme une retraite par Othon, qui suivait le roi d'assez prés et à l’insu de de ce dernier , et il voulut profiter, pour l’attaquer, du moment de désordre inséparable du passage d'une rivière sur un seul point ; car telle était la confiance de Philippe-Auguste qu'il n° avait pas fait jeter de pout sur la Marque pour faciliter le passage à plusieurs colonnes à la fois. « Donc ie dimanche 27 juillet 1214, on chevaucha, dit Guil- laume-le-Breton , chapelain du roi et témoin oculaire, jusqu’à un pont nommé le Pont-de-Bouvines , qui se trouve entre le lieu appelé Sainghin et la ville de Cysoing. Déjà la plus grande partie des troupes avait passé le pont, et le roi s'était désarmé ; mais il n'avait pas encore passé , comme le croyait l'ennemi, dont l'intention était d'attaquer aussitôt et de détruire tout ce qui resterait de l’autre côté du pont. Le roi, fatigué de la marche et du poids de ses armes, se reposait un peu à l'ombre d'un frêne, près d'une église bâtie en l'honneur de Saint- Pierre , lorsque des gens , venus des derrières de l’armée, arrivérent à grande course , et, criant de toutes leurs forces , annoncèrent que l'ennemi venait , que les arbalétriers et les sergents à pied et à cheval qui étaient aux derniers rangs ne pourraient soutenir l'attaque et se trouvaient en grand péril. Aussitôt le roi se leva, entra dans l’église, et, après une courte prière , il sortit , se fit armer et monta à cheval d’un air tout joyeux , comme s’il eût été convié à une noce ou à quelque fête. On criait de toutes parts dans la plaine : Aux armes, barons! aux armes ! Les trompettes sonnaïent et les corps de bataille qui avaient déjà passé le pont retournaient en arrière ; on rappela l’oriflamme de Saint-Denis, qui devait marcher en avant de toutes les autres bannières; mais comme elle ne revenait point assez vite, on ne l’attendit point. Le roi (353) » retourna des premiers à grande course de cheval , et se plaça » au front de bataille , de sorte qu’il n’y avait personne entre » lui et les ennemis. » Ceux-ci voyant le roi venu, ce à quoi ils ne s’attendaient » pas, parurent surpris et effrayés. Quast stupentes , et quodam horrore percussi. » Ils firent un mouvement, et se portant à droite du chemin où » ils marchaient dans la direction de l'Occident, ils s’étendirent » sur la partie la plus élevée de la plaine , au Nord de l’armée » du roi, ayant ainsi devant les yeux le soleil {so/em habentes » antè oculos), qui, ce jour-là, était chaud et ardent. Le roi forma » ses lignes de bataille directement au midi de celles de l’en- » nemi, front à front, de manière que les Français avaient le » soleil à dos, èn humeris. » Suit l’ordonnance de la bataille; suivent les détails devenus classiques de cette sanglante mêlée de sept heures, où se fit un si merveilleux abattis d'hommes et de chevaux , et qui se ter- mina par la victoire du roi, sans que cette victoire démentit en rien la prophétie du nécromant; car Philippe fut bien renversé de son cheval par le croc de la hallebarde d’un soldat et foulé aux pieds; mais s’il toucha la terre, il n’y trouva pas la sépulture, grâce au dévouement de Tristan, qui lui prêta son propre cheval; car Ferrand aussi fut reçu à Paris en grande procession après la bataille, mais vaincu, mais captif, ainsi qu'il conste du vieux jeu de mots qui donne au calembourg une origine bien ancienne. Quatre ferrands, bien ferrés, menaient Ferrand bien enferré. Je laisserai au curieux le soin de rechercher dans les annales du temps le récit des prouesses’de Philippe-Auguste, du cheva- lier Garin et de ce naïf évêque de Beauvais , qui, Join de tirer 23 ( 354 ) vanité de ses exploits et du nombre des Anglais abattus par sa massue, recommandait aux chevaliers qui l’entouraient de dire que c’étaient eux qui avaient fait ce grand abattis, de peur qu'on ne l'accusât d’avoir commis une œuvre illicite pour un prêtre. Mais ce que je lui conseillerai , c’est de se rendre lui-même, comme je l'ai fait, sur les lieux, et d'évoquer les acteurs du grand drame qui s’y est joué en 1214. La scène n’a guère varié. Voici le pont; Voici la Marque, encaissée aujourd’hui entre deux rives ferti- lisées qui ont remplacé les marécages ou s’abimèrent les batail- lons de Salisbury ; Voici le plateau de Cysoing, d’où déboucha l’armée d’Othon ; Voici l'église encore sous l'invocation de saint Pierre. Peut-être est-ce là que Philippe, déposant sa couronne sur l'autel, l'offrit au plus digne de commander. Je sais fort bien que des écrivains distingués , que M. Thierry entre autres , rejettent comme une invention extravagante cette scène si dramatique dont la popularité leur paraît un scan- da le historique ; mais je déplore leur insistance à effacer de nos annales un fait si beau, si royal , et qui , encore aujourd’hui, remplit les cœurs d’admiration. Il n’y a de populaire que ce qui est noble et grand, et tout ce qui a ce caractère doit, à mon avis, être conservé religieusement , quand même l'authenticité n’en serait pas parfaitement établie. C’est le cas de répéter avec les Italiens : Se non é vero, ben trovato. N’a-t-on pas dit de l’auteur de toutes choses : Si Dieu n'existait pas, il faudrait l’inventer! L'histoire n’est pas une science exacte; il ne faut pas la dépouiller de sa poésie, surtout quand elle est consacrée par six ( 355 ) siècles de croyance : une certaine exagération de proportions est nécessaire dans les tableaux qui doivent être vus de loin. Aujourd'hui c’est une triste mode de nier tout ce qui sort des règles de la vie ordinaire, et pour donner moins de besogne aux historiens à venir, on commence par discuter les contemporains. Une revue naguère voulut ravir aux braves marins du Vengeur l'honneur du sacrifice qu'ils firent à la gloire de la République. On modifie singulièrement le mot qui rend Cambronne immortel. On s'en prend même à une gloire toute récente , à Mazagran. Déjà l'on chicane sur le nombre des assaillants, sur la qualité des défenseurs, sur l'étendue du danger... Que gagne-t-on à disséquer ainsi l’histoire, à dégarnir les faits de l’auréole qu’y attache l'admiration contemporaine ou pos- thume? Je n’en sais rien; à coup sûr, on perd de beaux et nobles modèles , propres à inspirer les générations à venir. Ne nous inquiétons pas si ce mouvement de Philippe n’est pas dans le Breton ; qu'il soit cité, inventé même par le moine Richerius ; qu’il ait été amplifié par Anquetil et l’abbé Velly ; qu’il ait même fourni une scène à un opéra-comique , peu nous importe : il est chevaleresque, il est en même temps politique ; tenons-le pour vrai, et glorifions-en le roï, comme nous allons tout- à-l’heure glorifier le peuple ; car, pour être justes, nous n’oublie- rons pas de rappeler que. pour la première fois dans notre histoire, les communes, c’est-à-dire le peuple, combattirent avec ardeur aux rangs avancés, et avec la conscience du devoir national qu'elles remplissaient en repoussant une invasion étrangère (1). (x) Le savant M. Bouthors me fit remarquer à cette occasion que les communes ne combattirent pas pour la première fois à Bouvines ; que Louis-le-Gros les con- voqua contre les barons. (D. Bouquet, XII.) Le fait matériel est vrai; mais l’observation morale subsiste : à savoir qu’à Bouvines, pour la première fois , les communes remplirent un devoir national en repoussant par les armes une invasion étrangère. (356) Nous avons vu que les communes avaient dépassé le pont avec l'oriflamme quand le roi fut attaqué : le Breton nous apprend que bientôt rappelées , elles revinrent se placer en face de l’en- nemi, en outrepassant même les premières batailles des cheva- liers ; et le même historien nous raconte avec orgueil qu’à l’aile droite, ce furent cinquante sergents de la vallée de Soissons, tous roturiers , qui engagèrent le combat contre les chevaliers de Ferrand. Hélas ! me suis-je écrié en traversant la Marque pour rega- gner, par la traverse, le village de Sainghin et la route de Lille ; pour d’autres que pour l’homme qui peut trouver dans ses sou- venirs d’études les moyens de repeupler les lieux des person- aages qui les animaient il y a six siècles, que reste-t-il aujour- d’hui du champ de bataille de Bouvines? D’excellentes terres , de première classe au dire du cadastre ; le laboureur heurte d’un soc indifférent l'antique dépouille des bataillons, et le Mont des Tombes, cet unique vestige des lemps historiques, est. de sa base au sommet, magnifiquement planté de colza !!! De monument : qui rappelle cette grande époque, si nationale, aucun ! Et pourtant quel magnifique et utile enseignement ne puise- rait pas la postérité dans un monument qui remémorerait un fait si glorieux et pour la royauté et pour la bourgeoisie ? « Les histoires sont peu lues , dit quelque part Léon Gozlan, » les grands noms se perdent dans les sables de la mémoire, mais » les pierres demeurent. Sait-on un nom des auteurs dont les » manuscrits ont chauffé les bains d'Alexandrie ? Les Pyramides » sont restées, et elles resteront jusqu’à ce qu’une bande noire » africaine les démolisse. Les Pyramides sont une histoire: l’ima- » gination s’y attache, et d’assise en assise, elle va loin.Les monu- » ment forcent l’esprit à penser. Quelle est la brute à venir qui » ne demandera pas une réponse à sa curiosité devant la Colonne, » ce point d’admiration d’airain et de bronze ? » Et ce n’est point seulement ici, ajouterons-nous, une question ( 357 ) d'histoire ou de poésie ; c’est un intéret de bonne et saine poli- tique qui devrait engager le gouvernement à perpétuer par des signes extérieurs la mémoire des grandes actions militaires, sur- tout quand elles ont eu pour théâtre un pays exposé aux inva- sions. Au jour du danger, les monuments d’une victoire sont, par les souvenirs qu’ils rappellent et le saint enthousiasme qu’ils inspirent, le plus sûr rempart des frontières menacées (1). (1) Mon désir est près d’être réalisé : à défaut de fonds refusés par les conseils de la localité, la Société des monuments historiques a consacré une somme à l'érection d’un monument simple et modeste destiné à perpétuer le souvenir de la mémorable bataille de Bouvines. (358) POÉSIE. —— SUR LE COMBAT BE TRAFALGAR . TRADUCTION DE L'ESPAGNOL DE QUINTANA (1805), Par M. 'MouLas, Membre résidant. , Séance du 6 février 1846. Aux peuples, aux héros la fortune indocile N’accorde pas toujours une palme facile : La triomphante Rome , avec un seul décret A tant de nations dénonçant leur arrêt, Et dont l’aigle planait sur tout un hémisphère Elle-même accusant un destin trop sévère, Souvent humiliée, au comble du malheur, Pendant longtemps. fut loin de prévoir sa grandeur , À l'effort d’Annibal elle résiste à peine : Le Tésin , la Trebbia , l’avide Trasimène En rougissant leurs flots des torrents de son sang Du peuple italien épuisèrent le flanc. Après Cannes enfin , au désespoir livrées Les mères des Romains , tremblantes , éplorées Adjurent le vainqueur. De tant de maux signal, Aux cieux avait-on vu luire un astre fatal? Et qui le députa? Qui donc du Capitole A détourné la foudre? Au loin elle s'envole ( 359 } Et menace les murs érigés par Didon. Aux Romains dans Zama quel pouvoir a fait don Du sceptre déposé dans les mains de Carthage, Du trident de Neptune à qui tout rend hommage? La Constance. A l'abri de son rempart sacré, Toujours le malheur trouve un refuge assuré. Elle sait convertir les douleurs en délices, Chemine d’un pas ferme au bord des précipices , Et parmi les revers , dédaignant de changer, Décide la fortune et commande au danger. Qui pourrait triompher d’un peuple magnanime ? Espagne , Ô mon pays, Ô trop chère victime, Sache te préserver d’un lâche abattement, Ne vois-tu par Gadès, rempart de diamant, Dont les murs protégés par l'onde menaçante S’étendent en circuits sur la plage grondante, Et qui bien que battus, entamés tant de fois, Des Espagnols encor redisent les exploits? Le farouche Breton, du haut de son navire, Dévoré de l’orgueil que le pouvoir inspire, Déjà s’est écrié : « Compagnons, les voilà , » Pour leur malheur ici le sort les appela. v Courage , mes amis, à la gloire fidèles, » Hâtez-vous de saisir des dépouilles nouvelles; » Dans ces frêles vaisseaux qu'ils ont armés en vain » Imposons l'esclavage à tout le genre humain. » Ne sommes-nous donc pas les enfants de Neptune ? » Ils oseraient encor tenter notre fortune !..…. » Ayez devant les yeux les palmes d’Aboukir. (360 ) » Que pour vous, approcher, combattre, conquérir » Soit un instant , et moi, qu'amenant cette prise, » Le front ceint de lauriers, j’entre dans la Tamise. » Il dit, et tend la voile, et chacun le suivant Avec la même ardeur livre la voile au vent : La mer s'ouvre devant leurs carênes pompeuses Des ondes et des vents toujours victorieuses. L’Espagnol cependant d'un regard de mépris De leur orgueil s'apprête à leur payer le prix, Et brülant d’un courroux qu'il a peine à contraindre , Il les voit au combat s’avancer sans les craindre. Colère légitime, ardents et saints transports! Ne sont-ce donc pas eux qui toujours sans remords À l’ombre de la paix, poussés par l’avarice, Avec impunité commettent l'injustice , Qui trompant l'amitié, versèrent notre sang? Ne sont-ce donc pas eux dont l’orgueil incessant Ferme aux autres la mer? — Chez qui la perfidie De tout temps égala l'insolence hardie ? Ne sont-ce donc pas eux? la nuit de son manteau Enveloppe le monde, et spectacle nouveau Les ombres volligeant à travers les cordages Annoncent que la mort visite ces rivages , Et s'apprête à purter ses redoutables coups. Le jour reparaît, Mars frémissant de courroux, De ses cris belliqueux fait retentir la sphère Et lève des combats la terrible bannière. L’airain tumultueux à ce signal répond ; Frappé de tant de bruits, qu’à son tour il confond, (361) L’agile écho les porte en sa course lointaine Jusqu’aux déserts brülés de la plage africaine. Les vaisseaux aussitôt en même temps lancés Volent se rencontrer. Moins prompts et moins pressés Géants du pôle austral , des blocs , des monts de glace Du fier navigateur épouvantant l’audace, Par d’affreux craquements annoncent leur fureur Et déroulent vers lui leur amas destructeur. Avec moins de courroux les fougueuses tempêtes, Qu’'Eurus et que Borée assemblent sur nos têtes, S'élançant au combat , se heurtent dans les airs Et dans ses fondements ébranlent l’univers. Par trois fois dans nos rangs l’insulaire s’avance , De rompre notre escadre embrassant l'espérance , Et trois fois repoussé par notre effort vainqueur IL doute du succès dont se flattait son cœur. Qui peut dépeindre alors ses transports et sa rage ? Quoi ! ce fier pavillon qui prodiguait l’outrage Voit se briser sans fruit son orgueil étonné ! Courage , adresse, honneur, tout est abandonné. L’Anglais s’est entouré d’une force multiple , Son nombre de vaisseaux, il le double , il le triple, Notre valeur augmente; en cet instant affreux Partout nous faisons face et redoublons nos feux. Étroitement cerné sur ce champ de carnage Où l’effroyable Mars lance de près sa rage, Tout navire espagnol , de mille coups frappé, À renvoyer la mort est sans cesse occupé. Ah! quand j'aurais cent voix , je perdrais l'espérance De consigner ici tant de traits de vaillance. La fumée en torrents obscurcissant le ciel (362 ) Dérobait aux regards leur éclat immortel : Mais par la Renommée ils vivront dans l’histoire, Et les arts prendront soin d’éterniser leur gloire. Moment que le destin voulait se réserver, O terrible moment, je te vois arriver : Du doigt il a marqué les plus nobles victimes : Enoque, Castanos , en guerriers magnanimes Succombent , et vous deux que le monde envia Honneur de la Bétique et du Guipuzcoa. (1) Eh quoi! toujours le sort est-il impitoyable ? Ah! ne devait-il pas se montrer exorable En voyant sur vos fronts s'unir dans les hasards L’olive de Minerve et les lauriers de Mars ? Quel fut votre savoir ! le ciel et les étoiles À vos regards perçants offraient-ils quelques voiles ? Portant vos pas hardis au bout de l'univers Vous avez en savants interrogé les mers : L'Amérique à vos yeux étala ses peuplades , Et votre souvenir vit parmi les Cyclades. Veuve de ces héros qui faisaient son orgueil, La patrie éplorée a revêtu le deuil, Et sur son avenir exprimant ses alarmes, À ses yeux épuisés redemande des larmes. Hélas! fallait-il donc vous perdre tous les deux , Du sort que n’ai-je pu trompant le coup affreux, Au lieu de ces accents que votre mort demande Vouer à mon pays une plus douce offrande! Que n’ai-je pu pour vous donnant mes tristes jours , Conserver à ce prix votre puissant secours ! (1) D. Dionisio alcala galiano , y don Cosme Churruca. ( 363) Vous vivriez encor, la patrie orgueilleuse Élevant jusqu'aux cieux sa tête radieuse , Capable désormais de braver le destin , Fixerait sous ses lois l’avenir incertain. Du moins en expirant, Ô troupe généreuse , Des coups ont illustré votre fin glorieuse ; Par vos vaillantes mains s’écoulant en ruisseaux Partout le sang anglais inonde ses vaisseaux ; De montagnes de morts leur escadre comblée Contemple cet amas dont elle est accablée. 0 poids humiliant pour son orgueil!.... Et loi, Nelson aussi!..….. Grande ombre ! ah! n’attends pas de moi Que jusqu’à t'insulter je porte le délire : Anglais, je te déteste, et guerrier, je l’admire. O sort ! 6 coup affreux ! en ce même moment L’orgueilleuse Tamise attend avidement Nos navires captifs. Elle jouit d'avance. Combien le vainqueur tarde à son impatience! Que de cris, de vivats, volant en longs éclats Vont partout de Nelson accompagner les pas! O désastre! le port saluant sa venue , Déjà fier d'étaler ses couleurs à sa vue , Le reverra, mais pâle, inanimé , glacé, Victime des fureurs d’un orgueil insensé , Chèrement expiant sa jactance frivole , Digne holocauste offert à la gloire espagnole! C'est donc ainsi que Mars , des humains le bourreau , Des Parques vient encore aiguiser le ciseau. Albion, lasse enfin , dans sa rage impuissante , ( 364:) Lance sur nos vaisseaux la flamme dévorante. Le feu rapide court de l’un à l’autre flanc, Image en ses fureurs du désastreux volcan : Les planches, prolongeant un craquement terrible , Éclatent dans les airs avec un bruit horrible, La mer les engloutit. Dernier malheur! mais non! Le ciel, qui préparait notre destruction, Le ciel, sourd à nos cris et s’armant d’inclémence, Ordonne aux aquilons , ministres de vengeance , Dans une sombre nuit d'envelopper le jour. Ces ministres soumis, despotes à leur tour, Battent avec fracas nos navires fragiles , Pour soutenir leur choc devenus trop débiles. Ils tremblent, le mât cède, incliné sur son plan; La charpente s’entr’ouvre et l’avide Océan S’est frayé dans leur sein un immense passage. On entend l'Espagnol s’écrier avec rage : « Que n’ai-je pu du moins mourir en combattant! » Toutefois attentifs en ce suprême instant Leurs compagnons , comme eux trahis par la victoire , Contemplaient ces hauts faits du séjour de la gloire. À leur glaive était joint le trident redouté Qui , par les nations encore respecté, De l'univers jadis nous valut la conquête. Le fier Lauria, Tovar, figuraient à leur têtes. Puis brillaient Avilez, Bazan. À nos héros, Par un dernier effort couronnant leurs travaux , Ils disaient : « Parmi nous venez, troupe fidèle. » Votre dévoûment prit le nôtre pour modèle. » O vous que l’infortune éprouva tant de fois, » Accourez recevoir le prix de vos exploits. » y» )] » » » » » % ) ( 365 ) Constante comme vous, au destin faisant face, L'Espagne de nouveau réveille son audace. Voyez-vous dans ces murs, murs qu'Alcide éleva Escanos, Gravina , Cisneros, Alava ? ! Combien d’autres encor, redoutable colonne, Rempart dont ia patrie aux grands jours s’environne , Venez! Volez au ciel , et présages flatteurs, Soyez pour le pays des astres protecteurs. » NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE ROLAND , STATUAIRE, Par M. Davin (d'Angers), Membre correspondant. » Il est si doux, si beau de s’être fait soi-même, » De devoir tout à soi, tout aux beaux-aris qu’on aime! » Vraie abeïlle en ses dons, en ses soins, en ses mœurs, » D’avoir su se bâtir, des dépouilles des fleurs, » Sa cellule de cire, industrieux asile, » Où l’on coule une vie innocente et facile. » André CHÉNIER. Roland (Philippe-Laurent), statuaire, naquit le 13 août 1786 à Pont-à-Marcq, près de Lille. Son père, pauvre tailleur d’habits et cabaretier, n’était guère capable de développer ni de soup- conner même les heureuses dispositions de son fils; mais le jeune Roland eut cela de commun avec plusieurs hommes nés obscurs comme lui, et comme lui devenus célèbres, qu'il dût à l'inspiration de sa mère et à ses salutaires excitations le goût d’une carrière qu’il a parcourue depuis avec tant d'éclat. M.me Roland (Marie-Magdelaine Caille) était continuellement préoccupée de l’idée d’en faire un sculpteur. Elle pensait que la faiblesse de sa complexion ne lui permettrait pas de résister aux dures fatigues de l’ouvrier ; peut-être encore par un sentiment d’ambition si naturel et si excusable chez une mère, révait-elle pour son fils bien-aimé un glorieux avenir. Aussi ne négligea-t- elle rien pour faire entrer son mari dans ses vues, et l'enfant fut confié à un sculpteur qui n'avait d’autre occupation que de faconner des ouvrages en bois. On ne tarda pas à s’apercevoir ( 367 } que cette jeune imagination demandait à prendre un plus large essor : il fallait à Roland les fructueuses leçons d'une école de dessin. Il obtint d’être admis à celle de Lille, qui avait alors pour directeur M. de Séchelles, intendant de la province de Flandre. Là il eut pour professeurs MM. Tillier et Guéret. D’étonnants et rapides succès lui inspirérent le désir de s’aventurer sur un plus vaste théâtre. À Paris, l'atelier du statuaire Pajou lui était ou- vert ; il partit, sans autre appui que les vœux de sa mère et la conscience de ce qu’il devait être un jour. Il avait alors dix- huit ans. Encore un enfant du peuple, de ce peuple dont les misères, commencées au berceau, n’ont trop souvent pour terme que le corbillard du pauvre, qui va par son génie conquérir une place honorable parmi les hommes dont la postérité gardera précieu- sement la mémoire. Mais cette place, de combien de tortures physiques et morales il lui a fallu l'acheter ! Souvent se laissant aller à cette mélancolie si naturelle aux grandes âmes, le jeune homme, assis sur son grabat, soutenant de ses deux mains sa tête affaissée, sentait son cœur se perdre aux froides étreintes du désespoir. Cet avenir qu'il avait rêvé si beau, si brillant, fuyait devant lui ; il doutait de lui-même... Mais qu’à travers les ais mal joints de la porte un rayon de soleil vint se jouer à ses pieds, soudain s’évanouissaient les sombres pensées. Grâce à la mobilité d'esprit particulière à cet âge, le jeune artiste redeve- nait confiant, assuré. Ce rayon de soleil égaré dans son humble cellule était pour lui le bienveillant et prophétique sourire d’un ami qui venait ranimer son courage abattu. Et qu’on nous pardonne de nous appesantir sur ces combats intérieurs, sur ces doutes déchirants, sur ces horribles angoisses qui ne manquent jamais d’assaillir l'artiste à son début. Il est bon que le monde sache à quelles épreuves est condamné le génie naissant, ce qu'il lui faut dépenser d'efforts et de puissance pour mettre la foule à ses pieds, ce qu'il en coûte enfin pour ( 368 ) grandir et pour enfanter ces chefs-d’œuvre qui sont la plus pure, la plus vraie gloire d’une nation. Oh ! comme on serait saisi d’une douloureuse pitié si l’on pouvait pénétrer dans ces mansardes mal abritées, refuges de la misère, où le jeune sculpteur pétrit de ses mains fièvreuses et humecte des sueurs de son front l'argile qui doit devenir une chair vivante et s’empreindre à jamais de fortes et chaleureuses inspirations ! C’est là qu'aux douteuses clartés d’une lampe fé- tide, l'œil ardent, portant haut le front et comme aspirant la gloire, il oublie les heures qui devraient être consacrées au sommeil. Cependant ses artères battent trop violemment, il lui faut de l'air. I ouvre sa petite fenêtre donnant sur le toit et que, dans sa naïve poésie, le peuple appelle jour de souffrance; mais cet air qui le rafraichit n’esi pas pur, il a passé sur tant d'in- fortunes, sur tant de larmes, il lui apporte tant d’imprécations et tant de soupirs ! Cette rangée de fenêtres obscures et fermées qu’effleure son regard, l’effraient de leur aspect sinistre ; ou si quelqu’une est encore éclairée, c’est qu'il y a là derrière les vitres un moribond qui râle, une jeune fille qui pleure, victime de l’égoïste brutalité d’un homme, une pauvre mère qui travaille près de la litière de paille où ses enfants étiolés dorment avec la faim, ou bien encore quelque âme semblable à la sienne, pau- vre sculpteur ! quelque brûlant cerveau comme le sien, tour- menté d’insomnie, et où germe une idée qui un jour peut-être remuera le monde. Disons-le pourtant, dans cette lutte d'une volonté forte contre l’accablant sommeil, le jeune artiste éprouve un certain orgueil. Ilest maître de lui puisqu'il dompte la nature. Il veille , il vit par l'intelligence , tandis qu’autour de lui tout est plongé dans un engourdissement profond. Ses yeux étincelants d’en- thousiasme interrogent les cieux. Peut-être y cherche-t-il une étoile, son étoile de prédilection, qui semble s’animer, à son re- gard, et lui tracer une route de feu vers un meilleur avenir, ( 369 ) comme celle qui jadis guida les mages à Béthléem, vers la crêche dépositaire du berceau d'un Dieu et d’une religion nouvelle ; comme celle encore que voyait ou croyait voir Napoléon affron- tant les hasards de la guerre et promenant sa fortune au travers des empires brisés. Puis, si versles dernières heures de la nuit, épuisé de fatigue et d'émotions, il se permet enfin quelques ins- tants de repos, les membres étendus sur des planches grossières ( car sa pauvreté lui interdit le luxe d’un matelas, (ant de mol- lesse d’ailleurs énerverait son courage ), il reprend de nouvelles forces pour la lutte du lendemain, et, bienfait inappréciable de la nature, de riantes images charment son court sommeil. Ainsi sur son radeau le naufragé qui s'endort pressé desoif et de faim, rêve qu'il est assis à une table opulente, ou qu'il s’abreuve à longs traits d’une eau limpide. Enfin le jour revient, et le jeune artiste se rend en hâte chez le maître, impatient d'entendre sa parole féconde et de s'initier aux rudes pratiques de la science. Plus tard, lorsque les faveurs de la fortune eurent dignement récompensé son mérite, Roland aimait à se reporter par la pensée vers les années de sa laborieuse jeunesse. C'était surtout vers la fin dela journée, alors que les derniers rayons du soleil couchant glissaient sur les toits de la Sorbonne, où il avait son atelier, et semblaient quilter à regret les imposantes statues du maître. Assis au milieu de ses élèves, qui, debout et immobiles, la tête penchée, recueilliient avidement chaque accent de cette noble voix exprimant simplement des choses profondément senties, il disait ses tourments, ses anxiétés passées, tout ce dont il avait eu besoin de force et de résolution pour étouffer en lui la révolte des sens, et ne point, comme la plupart des jeunes gens, se lais- ser entraîner par le tourbillon des plaisirs. Il racontait les émo- tions du jeune provincial abordant ce Palais-Royal si brillant alors, et dont les mille lumières resplendissantes semblaient à ses yeux éblouis se confondre avec les feux de la voüte céleste ; puis ces belles femmes couronnées de fleurs, et à cet âge on ne 24 ( 370 ) sait pas que ces fleurs et ces femmes ne sont que mensonges; ces maisons de jeux où résonnait l'or avec tant d’ironie ; ces agents de change, corsaires de la fortune publique ; cette tourbe de sots et d'oisifs qui fluait et refluait heurtant de ses vagues l'homme de génie inconnu ; ces trépignements , cette ivresse d’une joie folle, toutes ces splendeurs enfin, toutes les séductions du luxe, du vice, de la débauche et du crime contrastant d'une si étrange façon avec les haïllons de l’homme du peuple, de l’ou- vrier, qui, libre de son travail quotidien et regagnant son gîte, passait silencieusement à travers le bruit et les vapeurs de la grande orgie. Ce spectacle si nouveau pour lui et si dangereux, le jeune élève le contemplait avec son âme d’artiste, un feu inconnu lui brülait le sang ; sa raison s’égarait, il chancelait comme pris devertige, et plus d’une fois il faillit succomber; mais soudain il s'arrétait en songeant à sa mère. Une voix intérieure lui disait que là était la mort de son avenir de gloire ; il reprenait alors, le cœur gros de soupirs, le chemin de sa mansarde, où l'attendait, sur le seuil, l’'Espérance qui le ramenait à ses études chéries. La conversation de Roland était encourageante et fructueuse pour ses élèves : « Ce qu'un homme d’une santé chétive a fait, disait-il, les autres hommes peuvent le faire. J'avais une âme ardente pour le plaisir, mais j'aimais avant tout la gloire, et » je marchais dans le devoir, soutenu par le souvenir de mes » vieux et respectables parents. » Après ses passions, l'ennemi le plus redoutable qu'il eût à combattre c'était le sommeil. [l racontait comment, pour se soustraire à l'influence d’un besoin si impérieux dans le jeune âge, il s'était ingéré d’un moyen infaillible. À cette époque on por- tait les cheveux rassemblés en queue derrière la tête, il les nouaït avec une corde fixée au plafond. Lorsque sa tête appesantiere- tombait sur sa poitrine, la douleur causée par le tiraillement de ja nuque le réveillait violemment et il se remettait au travail avec une nouvelle ardeur. > LA (374) Jamais, quand il redisait cette particularité de son existence, il n’est venu à l’idée deses élèves d’en rire, tant ils respectaient en lui l’homme courageux qui ne devait son illustration qu’à lui- même ; tous ces détails, pour d’autres puérils peut-être, grandis- saient à leurs yeux et semblaient revêtir un touchant prestige, sortis de la bouche du maître entouré de ses œuvres , son im- portant cortége et la digne auréole de son génie. Roland était venu à Paris presque sans ressources. Son père était trop pauvre pour l'aider convenablement, mais son ange protecteur, sa bonne mère avait pourvu à ses premiers besoins : à force d'économie et de privations de chaque jour, la généreuse femme était venue à bout d'amasser un petit pécule. Quelle ne fut pas la surprise de son fils, combien il versa de larmes d'at- tendrissement, lorsqu’en déballant la modeste caisse qui renfer- mait tout son bagage, il y trouva le trésor que sa digne mère y avait caché. Quand Pajou eut compris tout ce qu'il y avait d'avenir dans le jeune artiste, il l’associa à ses travaux de décoration du châ- teau de Versailles et du Palais-Royal. Il l’engagea à se rendre facile, par une pratique assidue, le travail du marbre, et lui fit exécuter plusieurs de ses statues. Après quelques années d’un labeur opiniâtre, Roland put consacrer le fruit de ses pénibles épargnes à voyager en lÎtalie. Il y passa cinq ans. Alors com- cèrent pour lui ces études si sérieuses d’après l'antique et les grands exemples que nous a légués l’art italien, Entre autres ouvrages où il s’essaya, ses premières inspirations se traduisirent par un gracieux buste de jeune fille, par une sta- tue mi-corps de jeune dormeur, et par un vieillard également jusqu'à mi-corps. Ces deux derniers sont en terre cuite. Le vieillard se voit actuellement dans le musée d'Angers. On re- marque une vérité incroyable de nature dans ces productions. C’est de la chair, qui, pour palpiter , semble n’attendre qu’une étincelle du feu sacré, que la volonté du créateur ; mais ce n’est (372) pas encore la vie grandiose el le goût épuré qu'on admire dans ses autres ouvrages. Roland avait commencé par une imitation naïve et religieuse de la uature, négligeant trop le véritable but de l’art qui est de communiquer aux objets par l'expression accentuée des formes, une vie plastique, celle qui doit traverser les siècles. Ce but n’est point la sèche réalité du calque ou du daguerréotype par qui l'art n’est plus qu’un mécanisme grossier, c'est une expression morale que peut seul sentir et rendre le cœur de l’artiste. La vie matérielle est comme ce jour terne et froid qui ne pénètre jus- qu’à nous qu’à travers un épais brouillard ; mais l'expression de l’âme qui se réflète sur le visage de l’homme, c’est le soleil res- plendissant d’une vive lumièresLe calque ne donne qu'une om- bre, une image inanimée. Mais quand l’âme de l'homme a passé dans le marbre avec ses traits, quand elle a pris figure , si j'ose parler ainsi, l’être nous ajparaît alors environné de splendeur, c’est le type de la création dans toute sa beauté. Si l'artiste, avec l’œil ardent de la contemplation, pouvait jamais saisir la nature idéalisée jusqu à la dernière puissance, il éprouverait ce qu'on éprouve dans les élans de l'amour divin poussé jusqu’au paroxisme de la passion, cette sublime et indi- cible extase qui rend la matière muette, parce que cet amour s'élève bien au-dessus des affections terrestres. Canova, ainsi que plusieurs grands artistes, a commencé par la recherche du calque naïf de la nature, mais le statuaire ita- lien n’est pas entré dans l'intimité de l'individu aussi profon- dément que Roland et quelques célèbres sculpteurs français. Les Italiens s'occupent plutôt des primo aspetto, de l'effet exté- rieur, ou, qu'on me passe ce terme, du charlatanisme de la forme ; ils sont tellement impressionnables et ils parlent à un peuple qui comprend si vivement, même une simple indication, pourvu qu'il en soit frappé tout-à-coup, se réservant pour plus tard, s’il en a le temps, la sévère analyse, qu’ils ne sentent pas (373) le besoin de pousser aussi avant l'étude de l'anatomie et de la physiologie, étude si nécessaire à qui veut rendre la nature agrandie dans sa réalité saisissante. Et c'est en cela, je le répète, que les statuaires français différent, à savoir que l'impression de l’âme, quoiqu'ayant sur eux une immense influence, n'exclut pas l'analyse, condition indispensable à toute œuvre appelée à résister à l'engouement d’une époque. Près de quitter Rome après avoir presque entièrement épuisé ses ressources, Roland avait fait une statue de petite dimension d’après la Junon antique. Elle avait plu à un amateur qui voulait l'acheter, mais lorsqu'il fallut, pour la mouler , la transporter dans la pièce voisine, notre immortel peintre David, qui s'était chargé de ce soin, se heurta si rudement contre une porte, que la secousse fit tomber la statuette et l’aplatit sur le carreau, à la grande douleur des deux amis qui demeurèrent un instant comme pétrifiés. David m’a souvent raconté cette anecdote. Juste appréciateur des études que Roland avait faites à Rome, Pajou mesura de suite toute la portée de son talent. IL le pressa d'exécuter un ouvrage qui lui donnât le droit de se présenter à l’Académie. Roland suivit son conseil et fut admis au nombre des agrégés. Le sujet se prétait à une grande énergie d'expression. C'était la mort de Caton d'Utique. Il y a dans cette figure une animation vraimentsaisissan(e: l'artiste a heureusement rendu la sombre résolution de l’homme méditant froidement sur ce dernier acte du drame de la vie et prêt à briser une existence qu’avaient flétrie la honte de Pharsale et l’anéantissement de la liberté. Parfois il semblerait qu'abreuvé de déceptions l’homme de cœur se reproche de se laisser vivre et vieillir, qu'il ressente le besoin de rompre ses liens, de sortir violemment de ce monde, surtout quand il a le bonheur de croire que l’immortalité l’attend dans un monde meilleur. A notre avis pourtant, le suicide de Caton fut l'erreur d’un grand homme. C'est à de tels citoyens surtout qu’il appartient de \ (374) vivre, et de vivre longtemps, de combattre jusqu'au bout les brigands qu’enfantent les tourmentes sociales, et enfin, à défaut d'autres armes, de protester par leur vertu contre le triomphe du crime. Roland avait eu la précaution de modeler à part, d'une gran- deur plus que naturelle, les bras et les jambes de la statue de Caton, et bien lui en prit. On prétendait que ces fragments étaient moulés sur nature. Il fallut le témoignage du compas pour prouver que de pareils membres n’eussent pu appartenir qu’à un géant. D'ailleurs, tout en conservant la plus stricte vérité, Roland avait empreint son œuvre d’un cachet original ; les plus incrédules furent forcés de reconnaître que le moulage seul eût été impuissant à rendre des formes si vivement accen- tuées. Il fit hommage à la ville de Lille du modèle réduit de cette statue; touchante reconnaissance d’un artiste qui aimait à reporter vers son pays natal son premier succès, prélude de tant d’autres. Pajou s'intéressait plus vivement chaque jour à son élève chéri. Il lui fit épouser, en 1782, la fille de Nicolas Potain, ar- chitecte du roi (1), et obtenir un logement au Louvre. A cette époque, la royauté donnait un asile aux artistes qui s'étaient dis- tingués. C'était une coutume remise en usage par Louis XIV et qui remontait à la féodalité. Les grands seigneurs alors prenaient sous leur patronage les artistes et les poètes qui vivaient confon- dus avec la haute domesticité de leurs castels. De là la dépen- dance de ces enfants du génie, contraints qu'ils étaient toujours de ne reproduire que les faits et gestes de leurs protecteurs. Aïnsi les grandes idées qui pouvaient déplaire au maître, tout ce qui devait intéresser le peuple et le glorifier était passé sous (1) L’unique fille que Roland ait eue de ce mariage est devenue l'épouse de l'honorable M. Lucas de Montigny , conseiller de préfecture du département de la Seine. (37) silence: c’est pourtant ce peuple qui accomplit plus tard tant de grandes choses. Homère a dit : « dès l'instant qu'un homme de- » vient esclave, il perd la moitié de sa vertu. » Ce n’est pas pour un homme que les artistes doivent travailler, c’est pour la nation, l'humanité tout entière. Il doivent envisa- ger l’art comme un sacerdoce dont ils sont les ministres, et con- tribuer par leurs œuvres à propager la morale, qui seule peut amener les hommes au plus haut degré de perfection possible et conséquemment au bonheur. En 1781, Roland fut reçu membre de l’Académie. Son ou- vrage de réception était une statue de Samson. Il y a dans cette figure une science profonde d'anatomie, une puissance de mou- vement parfaitement sentie ; le dessin est grand et sévère ; un sentiment remarquable d'animation s'y joint à la dignité de la forme. Le héros est représenté à l'instant où, quoiqu’enchainé, il va renverser une des colonnes qui soutiennent le temple. Ses pieds pincent le sol avec une nerveuse contraction qui trahit l'invincible résolution de son âme. L'année même de son mariage, Roland fut reçu membre de l'Académie de la ville de Lille ; l'ouvrage qui lui valut cet hon- neur est une figure de terre cuite représentant la Mort de Méléa- gre. Profondément sentie sous le rapport de l'expression morale, de la noblesse des formes, souples comme la nature, d’un dessin pur sans être la copie de l'antique, cette statue renferme toutes les qualités d’un ouvrage de premier ordre. A cette époque il exécuta deux bas-reliefs considérables. L'un représente un sacrifice des anciens, l'autre l'Astronomie et la Géométrie. Dans ces bas-reliefs on voit qu’il avait su se débarras- ser des funestes influences de l’école du dernier siècle et ce n’est pas son moindre litre à l'estime. Les bas-reliefs, par leur destination, attachés à la muraille des monuments, sont une sorte d'écriture, d'inscriptions historiques. Ils ne peuvent ni ne doivent avoir la prétention de jouer le (376) trompe-l’œil, de chercher à représenter l'apparence de la réalité comme fait la peinture, à qui la couleur en donne les moyens. Chaque art a ses limites, qu’il est absurde de vouloir franchir ; trop longtemps les statuaires ont manqué à la véritable mission quela raison leur assigne. Ils creusaient la muraille, espérant donner à croire que les personnages se mouvaient réellement : ils s’imaginaient pouvoir se servir avec avantage des ressources de la perspective linéaire et aérienne, accessible à la peinture seule, comme si la sculpture avait aussi la ressource des effets, qui éloignent les personnages suivant l'exigence du sujet. Qu’ar- rivait-il alors ? Les figures du premier plan projetaient leur ombre sur celles qui étaient censées se trouver à une plus grande distance ; celles-ci étaient bien conçues comme perspective linéaire, mais l'effet aérien venait apporter un cruel démenti aux prétentions du sculpteur. Témoin un bas-relief que j'ai eu occa- siou de voir. C'était Joseph vendu par ses frères. 11 représentait dans le lointain des hommes passant sur un pont. Les figures, quoique d’un saillant très-doux, recevaient de grandes ombres de celles placées sur le premier plan ; celles-ci en outre parais- saient porter le pont sur leurs épaules. N'est-ce pas là un contre- sens insupportable ? D'ailleurs, toutes ces figures de demi-bosse produisent à la vue un cliquetis d’ombres et de lumières qui em- brouillent la composition, mêlant les membres des personnages sans que l'œil puisse se rendre compte auxquels d’entre eux ils appartiennent. Le spectateur a besoin que chacune des figures réunies dans un même cadre, soit distincte et nettement pré- seutée. Sans cela il en résulte pour lui une fatigue pénible qui le détourne de la vue d’une composition ainsi conçue. Dans ces bas-reliefs il sembie que tout le monde parle à la fois. On est assourdi. Le seul genre de bas-relief avoué par le goût est celui des Grecs. Des figures méplates sur le milieu, offrant à la lumière une large surface, les membres qui passent au-devant du corps ( 377 ) ne présentent qu'une saillie peu sensible et par suite n’y pro- jettent point d’ombres. L'ombre de lafigure elle-même se trouve portée sur le fond, la dessine énergiquement et la rend visible sans aucune indécision ; chaque personnage est isolé ; c'est un type pour ainsi dire symbolique. Dans leurs bas-reliefs une ar- mée est représentée par quelques soldats, comme l'était par un vieillard le chœur du peuple sur leurs théâtres. Grâce à ce prin- cipe, le sujet traité par leur ciseau était simple et d’une interpré- tation facile. Il y a tout lieu de croire que ce même principe n’élait pas étranger aux peintres grecs et qu'ils mettaient fort peu de plans dans leurs tableaux. C'était bien plutôt à la repré- sentation de l’homme moral, dans ses plus nobles actions, dans sa beauté, qu’ils consacraient leurs efforts, qu’à ces tours de force de l’art qui étonnent l'esprit, mais ne disent rien à l'âme. Les temps n'étant plus les mêmes, l’art à nécessairement dû se prêter à des exigences nouvelles. La renaissance a essayé, et il faut en convenir, avec succès, de modifier les bas-reliefs antiques. De nos jours, on exige l’apparence de la réalité, des scènes où soient rendus le mouvement et les passions de la foule, une exactitude rigoureuse dans la reproduction des costumes: aussi, quand les artistes modernes ont à représenter une bataille, c’est le choc des escadrons , la mélée furieuse, les chevaux des vainqueurs écrasant sous leurs pieds les morts et les mourants, etc. De là, le. besoin de faire plusieurs plans, comme on en a des exemples dans les ouvrages des célèbres statuaires français de cette époque, et surtout dans les bas-reliefs du tombeau de François 1.er, sculptés par Germain Pilon. Là, on peut voir quel parti avantageux l'artiste a su tirer des monuments grecs. Tout en. conservant une saillie très-peu prononcée et méplate , il est parvenu à produire une illusion frappante, autant du moins qu’il est donné à la sculpture de le faire. Dans l’art grec, chaque figure était une apothéose du héros; quoique leurs guerriers, en marchant au combat, fussent couverts (378) d’une armure complète, l'artiste les représentait entièrement nus. C'était une personnificalion du guerrier idéalisé. Les sta- tuaires avaient pensé avec raison que leur art devait étre plus synthétique que la peinture. Les modernes ne font plus de demi- dieux de leurs grands hommes. S'ils les élèvent encore sur des piédestaux , c’est avec le costume obligé de leur époque, acces- soire ingrat qui semble imposer encore à ces morts glorieux les habitudes de la vie commune et bourgeoise. Roland , qui lors de ses débuts dans la sculpture, s'était livré à l'étude des bas-reliefs conçus dans un vicieux systéme, legs déplorables des temps de Louis XIV et de son successeur, ne dut pas, sans de grandes difficultés, arriver à secouer le joug de ses premièresimpressions. C’est là ce qui rehausse encore son mérite comme l'un des restaurateurs de l’art. Il était éminemment statuaire monumental, et c’est pourquoi je me suis plus longue- ment arrêté sur le genre de bas-reliefs que comportent les con- venances de l’architecture. Je n’ignore pas du reste que le bas- relief a une latitude immense, que l'artiste, de nos jours, peut s’abandonner à tous les caprices de son imagination, selon la destination de son ouvrage ou le fantastique du sujet. Nous en avons d'irrécusables preuves dans les travaux d’orfévrerie de Benvenuto Cellini et de tant d’autres artistes recommandables. Je me réserve d’en parler un jour dans des éiudes sur les ouvrages des immortels statuaires Jean Goujon et Pierre Puget. Cette même année encore, Roland exécuta un ouvrage qui le plaçca en première ligne : la statue du grand Condé jetant son bâton de maréchal dans les lignes de Fribourg. Sa, longue habitude de travailler, ou plutôt, suivant une énergique expres- sion, de faire trembler le marbre devant lui, qualité qui lui fut commune avec les princes de la statuaire, les Michel-Ange et les Puget, le mit à même d’achever son œuvre sans le secours de mains étrangères. Le peu d’étendue de son atelier lui donna occasion de montrer combien il savait triompher heureusement ( 379 ) des plus graves obstacles. La tête de son héros était cachée dans l'ombre, et la main qui tient le bâton ne put être exécutée qu’à l’aide d'une feuille de papier qui lui reflétait la lumière. Cepen- dänt les mains sont belles et sévèrement dessinées; la majesté guerrière dont les traits de la face sont empreints annonce une ferme assurance de vaincre; le mouvement de la statue est noble et fier, digne du héros en qui l'impétuosité du courage est tem- pérée par la dignité du commandement. Il y a dans l’harmonieux ensemble du costume un goût et une vérité qui décèlent la main du maître. Si la manière des sculpteurs du temps de Louis XIV et de Louis XV n'est pas à l’abri de reproche, au moins faut-il reconnaitre qu’ils s’entendaient merveilleusement à arranger les vêtements et à leur donner en quelque sorte la couleur. Leurs cheveux étonnent par le soyeux, le fini et la légèreté. L'art paralysé, quant au rapport moral, envieux pourtant de plaire à une société sensuelle et étiolée, fut obligé de se rejeter sur les détails. Il se signala par la recherche et la coquetterie. Le sta- tuaire dégénéré descendit au rôle de modiste et de tailleur. Roland, en homme habile, ne prit de ses devanciers que ce qu'ils avaient de bon et leur laissa leurs défauts. En 1783 , il exposa les médaillons de proportion colossale de Lenoir, Louis XV, Louis XVI, ainsi que celui de Philibert de Lorme, notre grand architecte français. En (784, il fit pour le parc de Fontainebleau une gracieuse figure d'enfant jouant avec un cygne, puis pour la ville de Lille, le portrait de Feutry, qu’elle conserve dans son Musée. Il sculpta , en l’année 1786, les superbes et gigantesques ca- riatides qui décoraient la façade du théâtre Feydeau. Dans cet ouvrage on peut remarquer combien, sans les copier, Roland s'était inspiré des beaux exemples de ses prédécesseurs. Les figures, d’un style grand et sévère, portaient bien le cachet du sentiment individuel de l'artiste. C'était une imitation libre, hardie et rivale à la fois, des cariatides dont Jean Goujon a embelli l’une des salles du Louvre. ( 380 ) De cette époque date aussi un bas-relief représentant lesneuf Muses qui décorait à Fontainebleau les appartements de la reine. La noblesse et l'ampleur qui s’y joignent à la grâce des contours et à la suavité des formes, ne laissent rien à désirer. En 1791, il fut chargé de l'exécution d’un groupe colossal : l’image du Peuple terrassant le Fédéralisme. Dans cette vaste composition, il put déployer à l’aise toute la puissance de son mâle génie. L'œuvre fut digne du sujet. Le peuple était là debout dans sa simple, énergique et robuste personnification. On recon- naissait sans aucune hésitation que ce juge inflexible, quelquefois terrible comme le destin, accomplissait un grand acte de souve- raineté. En 17992, il exécuta le monument dont, à la séance de la Con- vention nationale du 18 mars, Jean de Bry, au nom du Comité d'instruction publique, avait fait décréter l'érection à la mémoire de Simoneau, maire d'Étampes, tombé victime de son dévoue- ment aux lois, sous les balles d’une bande d’assassins contre- révolutionnaires. Cette même année il modela dans des proportions gigantesques la statue allégorique de la Loi qui fut placée sous le péristyle du Panthéon. Dans cette admirable production il avait traduit et rendu visible par la forme une des plus hautes et des plus sé- rieuses abstractions que l'esprit humain puisse concevoir. C'était en quelque sorte l'incarnation de la Loi; non pas de ce monstre qui en usurpe le nom, création capricieuse et servile instrument du despotisme, Janus politique a double face, portant deux poidset deux mesures, impitoyable aux faibles etsouriant aux forts ; mais de cette loi , fille aînée de la liberté, et son rempart contre les op- presseurs, pour tous égale soit qu’elle protége ou qu’elle punisse, parce qu'elle est l'expression solennelle de la volonté de tous; de celte loi enfin qui n'ayant en vue que l'intérêt de la société, n'ordonne que ce qui est juste et utile, ne défend que ce qui est nuisible et injuste. Roland l'avait représentée dans l’acte du ( 381) commandement. À la vue de cette noble et austère figure, il était impossible de se défendre d’un sentiment religieux : tout en elle respirait le calme et la majesté. A la perfection , au fini des chairs s’ajoutaient la richesse et la beauté des draperies. Quoique travaillée avec un soin particulier dans tous ses détails , cette statue, même de loin, n’en aurait pas moins frappé les spectateurs par son aspect monumental, par la grandeur, la simplicité des lignes et la largeur des plans. C’est encore là un des incontes- tables mérites de Roland. Il sculpta aussi, sous ce même péristyle du Panthéon, un bas- relief en pierre, ingénieux symbole de la nouvelle jurisprudence. La Patrie, assise à l'entrée du temple des lois, montre à l'Inno- cence la statue de la Justice el la salutaire institution du jury. L’Innocence embrasse avec empressement cette divinité protec- trice. Deux figures, les Jurisprudences civile et criminelle , sont debout et semblent s’applaudir, l'une, de la lumière apportée enfin dans le chaos des lois; l’autre, de n’avoir plus à punir que des coupables. Le bas-relief de Roland s’harmoniait parfaitement sous le rapport moral avec celui du statuaire Lesueur qui lui servait de pendant et représentait l’Instruction publique. C’était au milieu des plus épouvantables commotions poli- tiques que l’immortelle Convention nationale décrétait de pareils monuments, grands comme leur époque et investis d’une sorte de magistrature morale. Les artistes, brûlant d’un saint enthou- siasme, s’élevarient au-dessus d'eux-mêmes et répondaient par des chefs-d'œuvre à l’appel de la Nation. Développer l'esprit public, inspirer l’amour des lois, consacrer la mémoire des faits et des hommes héroïques, telle fut leur mission et ils n'y ont pas manqué. Témoins la pierre et l’airain, indestructibles gardiens de ces grandes pages humanitaires qu’ils ont tracées pour l'éternité. C'était peu d’enflammer l’émulation par la consécration des héros éteints et de leurs nobles exemples, il fallait encore mettre les générations présentes en état de les imiter, de les surpasser (38 ) même. Et l’infatigable assemblée qui portait sa puissante main sur toutes choses couvrait la France d'écoles primaires et cen- trales où la jeunesse venait puiser gratuitement une instruction et des lumières qui devaient féconder un jour le sol de la liberté. Alors Paris voyait passer dans son sein ces formidables légions de braves, soldats improvisés qui, au cri de la patrie en danger s’élançaient à la frontière et allaient faire repentir les rois d’avoir osé violer le territoire sacré! Ils savaient bien en partant que beaucoup d’entre eux ne reviendraient pas, et que leur laurier n’ombragerait que leur tombe ; mais qu’importait à ceux dans le cœur de qui retentissait cette fière parole : « Si nous n'avons pas fait un pacte avec la victoire, nous en avons fait un avec la mort! » Puis un peu plus tard, quand il commença à recueillir le fruit de tant de dévouement et de sacrifices, le peuple guerrier enivré de gloire, saluait de ses acclamations une longue file de chariots chargés de statues et de tableaux antiques, contribution de guerre levée par la victoire, et dont la pensée est encore due à la mémo- rable assemblée qui porta si haut les destins de la république. Ces productions du génie disputées par les nations, ces conquêtes achetées au prix du sang, donnaient à l’art une immense impor- tance. Les artistes s’exaltaient en pensant qu'à leurs œuvres aussi peut-être les siècles à venir réservaient de semblables hommages. En ces jours où la nation concevait et exécutait de si grandes choses, non-seulement pour repousser l'invasion étrangère (et ici je ne puis me rappeler sans une vive et patriotique émotion l’héroïque résistance de la ville de Lille, patrie de notre sta- tuaire), mais encore pour préparer l'émancipation intellectuelle des peuples et leur avènement à la liberté, il était impossible que l’ébranlement général ne réagit pas sur l'âme déjà si impression nable des artistes et n’éveillât pas en eux de chaudes et soudaines inspirations. De même que la Marseillaise fut l'œuvre, de la (383) nation tout entière dont la puissante voix dictait à Rouget de l'Isle cet hymme sublime, prière de tout peuple qui voudra rompre avec la tyrannie, de même les grands événements vi- braient dans le cœur des artistes qui sont toujours l'expression de leur époque. En l’an IV, lors de la création de l’Institut, Roland fut élu à l'unanimité membre de la classe des Beaux-Arts et professeur à l'École des Beaux-Arts. Les années IV et V de la république furent consacrées par lui à l'exécution de plusieurs ouvrages, qui, pour être d'un genre moins sérieux n’en accusent pas moins le faire du maître. On peut citerentreautres une figure de Bacchante portée sur une chèvre qu’elle agace avec son thyrse. La vivacité et la grâce de la pose, la pureté des formes, font ranger cette œuvre parmi les plus belles qui aient exercé son ciseau. Ce fut alors que cédant à l'impulsion de son cœur recon- naissant, il entreprit le buste de Pajou, admirable ouvrage sous tous les rapports. Il était impossible de rendre avec plus de vie et une plus heureuse expression l’âme de son maître. On sent dans ce travail la vive émotion que l’élève a dû éprouver. Ce buste obtint, à l'exposition, un prix de première classe. Il modela aussi la tête sévère et énergique de l'amiral Ruyter ; celle si mélancolique du grand peintre Eustache Lesueur ; puis le buste colossal de l’archi-chancelier Cambacérès ; ceux du séna - teur Laboissière, du savant chimiste Chaptal, ministre de l’inté- rieur , et quelques autres encore de personnages dont les noms n'appartiennent pas à l’histoire. Dans tous ces bustes, empreints d’un singulier caractère d’authenticité, on remarque une puis- sance d'expression toujours contenue dans les graves limites de la statuaire, qui ne doit qu’indiquer les sentiments sans les rendre dans leur dernière extension. On ne saurait pousser plus loin la rigidité du trait , l’élégante pureté des contours. C’est toujours, si je puis m'exprimer ainsi, la stéréotypie de la nature à un haut degré. ( 384) Quelques critiques pourtant auraient demandé au ciseau plus de variété ; ils pensaient que le fini des étoffes et des autres acces soires, aussi parfait que celui dés chairs, apportait un peu de mo- notonie dans l’ensemble de l'œuvre; ils auraient voulu que le grenu de ces étoffes, le luisant poli de la soie, etc., fissent oppo- sition avec le visage. Maïs Roland connaissait parfaitement les ouvrageside ses prédécesseurs, statuaires qu'on pourrait désigner sous le nom de coloristes, et si un artiste de sa trempe, aussi habile qu’il l'était à dominer le marbre, à l’assouplir à son gré, a dédaigné de tels artifices, c’est qu’il croyait sans doute que la gravité de la statuaire aurait pu en souffrir. 11 faut alors s’in- cliner devant une volonté qui fut toujours dirigée par un juge- ment droit et un tact d’une extrême finesse. Le buste de sa fille, pour lequel il obtint à l’exposition un prix de première classe, est sans contredit un chef-d'œuvre. C’est une admirable individualité reproduite avec un art extraordinaire, c’est la beauté , la suave candeur présentée avec toute la magie du sentiment le plus exquis et la correction la plus achevée. La lumière se repose àvec largeur, on pourrait dire avec bonheur, sur ce portrait si plein d’ingénuité. L’œil du spectateur ne se détache qu’à regret de ce beau visage , de ces yeux qui ont des regards si doux, de cette bouche naïve de vierge qui semble ne devoir s'ouvrir que pour laisser tomber des paroles aussi pures que l'âme qui l’effleure. On est enchanté du goût qui a présidé à l’arrangement de la chevelure , c’est bien la mode de l’époque, mais elle a obéi à la fantaisie de l'artiste. Les cheveux sont d'une légéreté, d’un soyeux qui annonce qu'ils ne peuvent appartenir qu’à une jeune fille. Quand on voit cette œuvre, on regrette que les statuaires, au lieu de nous reproduire à satiété les têtes grecques, qui semblent toutes moulées sur le même type, ne s’impressionnent pas plus souvent de la besuté vivante dont l’inépuisable nature se plaît à leur varier les modèles à l'infini. (385 ) Un buste est une œuvre d’une rare importance. C’est sur le visage réflecteur de l’âme que se traduisent les passions et en quelque sorte le poème du drame intérieur de la vie humaine. L'étude de la phrénologie doit donc, chez le slatuaire, marcher de front avec celle de l'anatomie et de la physiologie. C’est elle qui dévoile à l'artiste les facultés instinctives de l'individu, sculp- tées dans son crâne par les puissantes mains de la nature. Les mouvements du cœur, les opérations de l'esprit qui dérivent de ces facultés viennent se peindre sur la physionomie par des signes pathétiques et variés. Il faut donc que l'art rende saillante la structure monumentale de l’être, pour impressionner fortement la vue du spectateur; ensuite il lui reste à rendre les impressions fugitives, les nuances presque imperceplibles, indéfinissables qui sont le prisme des passions et qui communiquent à une physio- nomie quelque chose de mystérieux que les organisations extré- mement délicates peuvent seules sentir et apprécier. C’est là une carrière immense que l’art moderne est appelé à parcourir. Roland comprenait merveilleusement la sculpture monumen- tale, qui est faite pour l’espace et l'éternité ; il était convaincu que la statuaire ne doit pas être un moulage de la nature, une mesquine reproduction de tous ces petits plis qui en sont les in- firmités et affectent la vue aussi désagréablement que les têtes desséchées de sauvages exposées dans nos galeries d'histoire naturelle. Au contraire, il accusait vigoureusement les grands plans qui servent à donner le caractère moral aux traits, passant sur les détails avec une extrême délicatesse. En un mot, il par- lait très-haut pour les divisions principales et bas pour les nuan- - €es; alors la lumière vibre, la tête vit, la bouche respire, les yeux semblent voir. En 1802 il exposa son modèle de la statue d’Homére, qui re- çut des applaudissements unanimes des artistes et des hommes de goût. Le sublime mendiant est assis tenant une lyre de la- quelle il semble tirer des sons ; une draperie posée sur le bras 25 (386) gauche sert à arranger les lignes de la figure sans cacher le nu; son bâton repose près de lui et des couronnes à ses pieds; la tête est celle qui nous est venue des Grecs ; l'expression de cette tête, si rayonnante de poétiques inspirations, s'harmonie par- . faitement avec le mouvement et l’ensemble idéal de la compo- sition. Les couronnes sont celles que les Grecs, ravis des chants divins où revivaient les demi-dieux leurs ancêtres, déposaient aux pieds du poète avec l’obole destinée à le garantir de la faim. Aujourd'hui cette grande et toujours jeune renommée plane au- dessus du monde, le front ceint des palmes de l’immortalité. Toutesles générations qui se succèdent et qu'emporte la mort, comme le vent d'automne les feuilles des forêts, saluent en pas- sant le barde des temps antiques, le majestueux Homère qui de- meure éternellement debout au milieu de leurs ruines. Voilà la récompense du génie quand, dans ses œuvres, il a su fondre et répandre avec profusion tout ce qui frappe et intéresse le plus vivement les hommes, les simples et touchantes beautés de la nature, les larges et vigoureuses pensées qui agrandissent l'âme, ces éclairs de sentiment qui la pénètrent, la subjuguent, et enfin ces grands actes de courage et de dévouement à la patrie qui sont autant de leçons léguées à tous les âges de l'humanité. Ces hommages de tous les peuples et de tous les siècles sont une justice lardive sans doute, mais qu'importe ? Ne faut-il pas que le génie paie de ses malheurs la gloire que ses contem- porains jaloux ne lui mesurent souvent qu’à regret? Il est impossible de pousser plus loin la science de la nature que Roland ne l’a fait dans cette composition. Les lignes en sont grandes et simples ; les plans des muscles modelés par méplat, témoignent d'une profonde expérience de l’anatomie ; les fibres charnues vibrent, et chacune des couches qu’elles forment est nettement dessinée ; les os sont accusés sans dureté et tout ce savant travail est recouvert d’une peau délicate ainsi que d’un voile transparent ; les grandes divisions constitutives de l’homme (387 ) sont énergiquement marquées, de telle sorte que les nuances les plus fines de la vie s’y font sentir sans nuire au grandiose. Les statues qu’on dresse aux grands hommes étant destinées à leur apothéose et devant contempler la foule du haut de leur piédestal, il s’ensuit que les principales divisions du corps humain sont celles qu’il faut accentuer plus fortement que nature, parce que ce sont celles qui ont été le plus fortement modifiées par les passions dominantes de l'âme. On glisse plus légèrement sur les détails qui ne sont que l'expression de la vie intime. Ainsi le littérateur quise propose d'écrire l'histoire d'un homme célèbre, ou les annales d’un peuple, rassemble et trace à grands traits les principaux événements ; et autour de ces groupes de faits, qui sont comme les fondements de son œuvre, il jette et sème les circonstances de moindre importance, les particularités qui nous initient dans l'intimité de l'homme ou des nations, n’admettant de ces détails pourtant que ce qui peut être avoué par le goût et la raison. Cette statue est d’un style très-élevé dans sa donnée de con- venance et d'art. Le style n’est pas seulement limitation plus ou moins exacte d’une épée ou d’autres accessoires, c'est le ca ractère, l'originalité de la forme en harmonie avec le moral du sujet ; c'est l’épuration de la nature qu’on apprend à interpréter par l'examen réfléchi, par la comparaison éclairée des modèles que la Grèce nous a transmis. La statue d' Homère, remarquable entre les plus belles de la statuaire française, est placée au milieu des chefs-d'œuvre de notre école dans l’une des pièces du rez-de-chaussée du Louvre, qui forme l'aile droite du pavillon de l'horloge. Elle sera tou- jours un objet d’études fécondes pour les artistes qui viendront s'inspirer devant cette nature mâle, exempte d’infirmités : ils ad- mireront comment Roland, nourri des sublimes productions des Grecs, a su se placer auprès de ses maîtres en copiant la nature, et reflète librement l’antique. A sa vue, ils comprendront que ( 388 ) ceux qui ne s’attachent qu’à reproduire servilement les œuvres du temps passé s’enferment dans un cercle qui va se rétrécissant chaque jour à mesure que les fragments deviennent plus rares, se perdent ou s’altèrent. Ces fragments, si je puis ainsi parler, ne représentent plus que l’étui : l'instrument est absent. Maïs la nature, elle est variée, infinie , incommensurable comme la vie. Un grand moraliste , dit: « La nature a sou centre nulle part et sa circonférence par- tout. » Pourquoi donc, dans les arts, s’obstiner à lui assigner un centre imaginaire ? N'est-ce pas les enchaîner au même point à tout jamais et briser leur essor ? Roland fut choisi à l’unanimité et au scrutin secret par ses col- lègues de l’Institut, pour faire la statue de Napoléon, qui orne encore la salle des séances publiques de ce corps savant. Le hé- ros, revêtu de son costume impérial, tient le sceptre d’une main et distribue, de l’autre, des croix et des couronnes ée laurier. L'aspect de cette statue est grand et noble ; l'exécution large.et franche. Cette œuvre et quelques autres de nos statuaires fran- çais, représentant l'Empereur, font regretter cette malheureuse et impolitique inspiration qui lui fit appeler à Paris et charger de son buste un artiste étranger. Certes , dans son œuvre toute maniérée, Canova s’est montré bien inférieur aux nôtres, comme à lui-même. Vers l’année 1805 , notre maître à s’occuper d’un important travail dans la cour du Louvre. C’était un bas-relief dont le champ, étroitement resserré par les exigences de l'architecture, opposait au sculpteur de graves difficultés. Il fallait y faire en- trer deux grandes figures de victoires, soutenant un écusson sur lequel était inscrite l’initiale du nom de Napoléon ; à droite.et à gauche un Hercule et une Minerve, et deux fleuves au milieu. Roland triompha de cette gêne, et ses figures nese ressentent en rien de l’exiguité du cadre. Les victoires sont d’un style gran diose, d’une forme puissante et décidée. Elles sont bienles vic- ( 389 | toires de cette gigantesque époque. La figure d’ Hercule est vi- goureusement dessinée, celle de Minerve dignement sentie. L’entente du bas-relief est celle qui procède par méplats ; aussi la lumière n'est-elle nullement interrompue par la saillie des membres superposés à la masse du corps; les ombres, en se pro- jetant sur le fond autour des contours, circonscrivent nettement les personnages qui se trouvent cependant placés à une grande distance du spectateur. Si l’on avait quelque chose à reprendre, ce serait peut-être que la main énergique du maître s’est un peu trop appesantie sur les draperies , et a trop durement indiqué les plis qui passent sur les membres. Quoi qu'il en soit, ce bas- relief n’en sera pas moins considéré comme une des productions les plus distinguées d’un temps où florissaient nombre d’habiles statuaires. Vers cette époque , Roland fit la statue de Cambacérès , dans son costume de grand-chancelier. La tête en est remarquable , c’est celle d’un penseur profond, de l’homme que la Convention nationale avait chargé , avec Merlin , de Douai, de rédiger un Code civil; qui , sous le Consulat et l’Empire , poursuivit ce beau travail que l’empereur décora de son nom. L’obésité du modèle était un rude obstacle au statuaire, il réussit à le surmonter, et, tout en restant dans les strictes limites de la vérité , sut revêtir son œuvre d'une gravité et d’une grandeur digne de l’apothéose. Il fit encore une statue de So/on, destinée à la salle des séan- ces du sénat. Le législateur montre la table où sont inscrites ses lois. Une correcte sévérité domine dans la forme du nu et des draperies. La tête porte au plus haut degré ce caractère de mé-— ditation, propre à l’homme qui, toute sa vie, a rêvé aux moyens de servir l'intérêt de l'humanité et la gloire de sa patrie. La statue de Tronchet vint ajouter encore à la réputation de l’infatigable Roland. Celui qu’en 1801, le premier consul , en le portant au sénat par son suffrage , avait proclamé le premier jurisconsulte de France, celui qui coopéra si activement aux tra- ( 390 } vaux du Code-Napoléon , méritait certes bien que:ses traits fus- sent consacrés par la statuaire et surtout par un tel maitre. Il est représenté dans l’attitude d’un homme enfoncé dans la pensée. La noblesse et l’austérité du maintien, en parfaite harmonie avec le mouvement des bras et des mains, annoncent une forte con- tention de l’esprit , la concentration des facultés morales sur un important objet. La main droite est portée vers la tête qui pen- che en avant; l'index étendu, comme d’un homme poursuivant : une idée qui l’absorbe ; la gauche pose, appuyée sur des feuilles du code. Le visage respire une imposante gravité. L’on sent que le regard est en dedans, qui scrute l’histoire du genre humain et interroge la sagesse des temps passés. Les vêtements, traités avec goût et vérité , recouvrent avec aisance cette pure et belle nature de vieillard, et complètent merveilleusement l’ensemble de cet irréprochable ouvrage. Peu après , il exécuta un bas-relief d'un style élevé et d’une grande dimension. Marc-Aurèle est le sujet de cette composition, qui, ainsi que les précédentes, rappelle les hautes conceptions et le large faire du maître. L'un de ses derniers ouvrages fut la statue de Lamoignon de Malesherbes, que l'on voit aujourd’hui dans la Salle des Pas- Perdus, au Palais-de-Justice. Le vieillard, en costume d'avocat, est dans l’attitude de l’orateur. En 1815 , Louis XVIII ayant rendu une ordonnance pour l’é- rection de douze statues en marbre , sur le pont Louis XVI, Roland fut chargé de la statue du Grand Condé; maïs il n’eut que le temps d’en faire l’esquisse. Il avait représenté le héros auprès d’un cippe surmonté de la couronne royale ; au pied croissait une tige de lys. Condé la couvrait de son épée menaçante comme pour défendre cet emblême. L'on doit aussi à son ciseau la copie de la Minerve antique placée devant le péristyle de la chambre des députés. Un jour, douloureusement miné par une affection de poitrine, (3%) Roland voulut quitter le lit où il se sentait mourir, et revoir une fois encore son atelier , confident de son génie , théâtre de tant de beaux et légitimes triomphes. Là, appuyé sur la plinthe du modèle de sa statue d’Homère, il promenait ses yeux pres- que éteints sur son ouvrage de prédilection. On eût dit un tendre père qui, avant de se livrer au sommeil , va déposer le baiser du soir sur le front de ses enfants au berceau; c'était le dernier éclat d’un soleil prêt à s’abimer dans l’éternelle nuit ; c'était le dernier effort d’une volonté puissante qui se révolte et maitrise quelques moments encore la fiévreuse matière qui va se désor- ganiser pour jamais. Oh ! qui dira tout ce qui se passa en lui, toutes ses émotions, toutes ses voluptés, tous ses désespoirs dans cet adieu suprême ! Que ce serait chose merveilleuse à voir, s’il nous était donné de pénétrer le mystère de cet instant sublime où l’âme, sur le point de quitter sa périssable enveloppe , se re- cueille et va se réfléter une dernière fois sur ses productions immortelles ! La famille de Roland , toujours si attentive , et dont les soins touchants entouraient journellement son illustre chef, vint l’ar- racher à sa solennelle et mélancolique contemplation. Quelques heures après , il n’était plus. Il succomba le 11 juillet 1816. Longtemps avant, il avait reçu des mains de l’empereur la croix de la Légion-d’'Honneur. Sa familie avait eu l’heureuse idée de faire sculpter sur son tombeau une représentation de la statue d'Homère. J'ai long- temps cherché cette pierre qui portait au front les images de l'artiste et de son œuvre chérie. Je l’ai vainement cherchée au milieu de cette avalanche de morts que vomit la Babylone mo- derne , au milieu de cette foule innombrable qui vient chaque jour, au lugubre appel, se caser dans la silencieuse nécropole où vices et vertus , héroïsme et crime , sottise et génie , sont reçus à loyer et gisent confondus dans un effroyable péle-méle. Ces orgueilleux tombeaux qui s’enfoncent sous l'herbe, ces fastueu- ( 392 ) ses inscriptions que les ans effäcent, montrent qu’il n'y a de vrai- ment grand et de durable au monde que le souvenir des bellés äctiôns et des œuvres du génie. C’est là l'homme immatériel , c'est par là qu’il échappe à la destruction commune. Les hon- neurs rendus au corps ne sont que d’étiquette [1). Les montagnes sapées par le temps s’écroulent et S’engloutis- sent, les rocs disparaissent emportés par le flot , ou brisés par la foudre, Îes fleuves changent leurs cours ou se desséchent, les na- tions périssent , et l’on ignore un jour jusqu’au lieu où dorment les cadavres de leurs cités. Mais le nom qu'illustra le génie survit aux catastrophes et surnage immortel au-dessus des ruines du monde. Les siècles qui finissent le transmettent aux siècles qui commencent ; répété avec enthousiasme , il traverse d’échos en échos la longue succession des âges, car c’est dans le cerveau de l’homme que le génie écrit ses glorieuses archives. Roland n’a eu que quatre élèves. Son caractère loyal et imtè- gre écartait la foule de jeunes étudiants qui recherchent avant tout le maïtre qui fait avoir des prix. « À quoi bon, disaitil, » chercher à influencer vos juges? Si vous êtes plus capables » que les autres concurrents, vous devez immanquablement » finir par l'emporter. Si quelqu'un d’eux , au contraire , me » paraît le plus digne, je lui donnerai ma voix; car ce serait une » lâcheté que de lui ravir ce qui lui appartient. JL faut devoir » son avancement à soi seul , à son propre mérite. » Avec de tels sentiments, il était impossible que son école fût nombreuse. Son premier élève a été M. Caillouette, qui, par ses ouvrages, s’est acquis un rang distingué dans les arts, Le second , M. Van- gel, de Malines , généreusement doué par la nature, promettait de se placer un jour entre les premiers statuaires ; il avait ob- (x) J'ai appris depuis peu que l'honorable M. Lucas de Montigny allait faire rétablir le monument de Roland, qui renfermera aussi les restes mortels de la femme de l'illustre statuairs. (393) tenu le second prix par un ouvrage qui réunissait toutes les qua- lités distinctives de son jeune talent ; la science des formes , la délicatesse du sentiment et une singulière aptitude à vivifier son œuvre. Il est à déplorer qu'une sombre mélancolie soit venue bri- ser un si bel avenir. Le troisième fut le bon Massa, celui qui semblait devoir le mieux rappeler le style du maitre. David (d'Angers), enfin fut le dernier. Je ne puis résister ici au désir de consacrer quelques lignes à la mémoire de Massa, qui , après de brillants succès obtenus dans les concours , fut sitôt enlevé à ses amis et aux arts par une cruelle maladie de poitrine. Il s'était lié d’une affection toute particulière avec l’un des élèves de l'atelier, venu à Paris pour étudier , sans argent , sans autre stimulant qu'un ardent amour du travail et le souvenir toujours présent de ses bons et chers parents , trop pauvres, hélas ! pour lui envoyer autre chose que leurs vœux ardents pour sa réussite. Massa apportait tous les jours un long pain , unique nourriture des deux amis, mets fru- gal qu’assaisonnaient l’eau claire de la fontaine et l’insoucianie gaieté de leur âge. Quant à corriger par quelques douceurs la sèche monotonie de leur repas, nul d'eux n'y Songeait, car, nul n’avait les modiques pièces de monnaie qu'eût exigées une pa- reille dépense. Massa, du moins, trouvait le soir chez ses pa- rents, un souper plus substantiel. Son ami , lui, n'avait pas de dédommagement , et la faim l’attendait dans sa mansarde. Et pourtant, ce morceau de pain qu’il tenait de l’amitié , ce faible secours a suffi à soutenir ses forces , lui a permis de se livrer à l'étude , sans autre préoccupation. Heureux temps de l’exis- tence! où l’âme, encore vierge du contact des hommes, est ac- cessible aux plus douces émotions, au dévoûment le plus sincère! Pourquoi faut-il que le froissement de la société la déflore et la souille si vite ? N'est-il donc pas possible que chacun se crée une position honorable, sans chercher à écraser les autres. Ne peut- on louer, admirer franchement l’œuvre d’un confrère, si elle ( 394 ) doit honorer l’art et la patrie ? Ne vaut-il pas mieux ouvrir son cœur à une généreuse émulation , source d’inspirations fécon- des , qu’à une basse jalousie qui le crispe et le déssèche ? Roland était d’une taille moyenne et d’une complexion déli- cate. Son teint très-coloré annonçait un tempérament sanguin, mais en lui l’élément nerveux prédominait. Sa démarche, quoi- que posée, participait de son énergie morale ; il avait les mou- vements souvent brusques, la parole brève, la tête développée , lefront très-large par le haut. Son crâne offrait une protubérance extrêmement prononcée, celle de la Persévérance. Les traits de son visage portaient l'empreinte de la disposition habituelle de son esprit. Ses yeux étaient vifs et pénétrants, comme ceux de l’artiste ; sa bouche grande, mais bien dessinée. Ainsi que les hommes occupés de choses sérieuses, il parlait peu. Dans ses rap- ports sociaux , il montrait une réserve digne et une loyale fran- chise , que rehaussait encore une grande austérité de principes. Nul artiste plus que lui n’a imprimé son caractère dans ses ouvra- ges. C’est de Roland qu’on peut dire avec vérité: « Le style, c’est l’homme. » Ce qui distingue avant tout les productions du statuaire de Lille , c’est un sentiment de vie et de correction uni au gran- diose de l’art. À Rome, il comprit que c’est par l’étude raison- née de l'antique et des anciens maitres , que doit se former le goût de quiconque aspire à interpréter la nature dans ses mani- festations les plus sublimes. La sculpture de Roland offre un air de parenté incontestable avec la sculpture romaine de la belle époque d’Auguste. Son âme, fortement trempée, s’identifiait naturellement avec le mâle génie de cette époque ; car, dans les arts surtout , les nations , comme les individus , portent un sceau d'originalité qui caractérise leurs œuvres. Roland a doté ses figures de femmes d’un sentiment de formes chaste et sérieux et d’un voile de grâcieuse modestie, bien différent en cela de Clo- dion et d’autres artistes qui, dans leurs modèles de femmes, ont ( 395 prostitué l’art au plus effréné sensualisme et se sont faits les apôtres du vice et de la plus excitante débauche. IL faut savoir gré à Roland de la gravité de style dont il ne s’est jamais départi, et reconnaître qu'il est toujours resté fidèle à l’imposante mission du statuaire. Ce n’est point à caresser, à diviniser le luxe, la vanité, l’ostentation et la mollesse, que l’ar- tiste qui respecte son art doit consacrer ses veilles. IL faut qu'il ait toujours en vue l'utilité générale, et, convaincu de l’in- fluence puissante des monuments qu'il élève sur le jugement que porteront de son siècle et de son pays les âges à venir, concou- rir de tous ses efforts à maintenir l’esprit public, à épurer les mœurs , à inspirer à ses concitoyens l'amour de la vertu , de la patrie et de la liberté. Ce n’est pas à dire cependant qu'il lui soit interdit d'aborder les sujets grâcieux. On est heureux de pouvoir reposer sa vue fatiguée sur quelques naïves et touchan- tes figures de femmes et d’enfants. C’est un spectacle qui calme, qui rafraichit l’âme, comme les oasis enchantées qui, du fond d’arides déserts, viennent tout-à-coup sourire aux voyageurs haletants , et leur promettre , au bord d’une source vive, un peu de repos et d'ombre. Il n’a manqué à Roland , comme aux statuaires français , que de vivre au milieu de circonstances aussi favorables que Canova et Thorwaldsen , pour mettre au jour un plus grand nombre de chefs-d’œuvre qui, certainement, eussent témoigné une science plus profonde, un goût plus pur que les productions des deux célèbres statuaires de Rome. J'aurais voulu rendre plus dignement ce que m'inspirent et la reconnaissance et ma profonde estime pour ce grand maître. J'aurais voulu donner une juste idée de tout ce qu'il y a de dou- leurs et de larmes amères au cœur de ces pauvres enfants du peuple , quand ils se sentent brûler de ce feu sacré qui enfante tant de grandes choses, et que la faim, la faim impitoyable, avec ses besoins renaissants , plus impérieux chaque jour , vient les ( 396 ) arracher à leurs rêves de gloire et les replonger durement dans la triste et énervante réalité. Si je n’aï pas réussi, je le regret terai , el pour l'artiste et pour la noble cité qui a eu l’heureuse idée de rappeler à la mémoire des hommes le nom d’un de ses plus illustres enfants. Car il est bon de montrer aux jeunes gens qui se laissent aller au découragement dès l'entrée de la carrière, comment et jusqu'où est monté un homme d’une constitution frêle , sans protection , sans fortune , armé seulement d’une vo- lonté robuste et d’une inébranlable conviction. J’avais quelques droits peut-être à retracer toutes ces luttes et toutes ces souf- frances, car moi aussi, je puis dire : Non ignara mali, miseris succurrere disco. (VIRG.) ( 397 ) RAPPORT Sur le eoncours ouvert pour le prix à donner à la meilleure Notice sur la vie et les ouvrages du statuaire ROLAND . Par M. Pierre LEGRAND , Membre résidant. Messieurs, En décidert que cette année on liraït , en séance publique, le rapport de la Commission sur le concours ouvert pour l'éloge du sculpteur Roland, vous n'avez point dérogé aux usages aca- démiques ; vous êtes, au contraire , rentrés dans la règle qui veut qu'en même temps que l'auditoire apprend le nom du vainqueur, il puisse apprécier ses titres à l'honneur qu'il reçoit. C'est une condition indispensable de la distribution d’une bonne justice ; et ici, messieurs, vous êtes des juges. Votre projet de mettre successivement au concours l'éloge des hommes célèbres qui ont illustré le nom Lilloïs , a reçu son exé- cution en 1844. Vous avez couronné l’auteur d’une notice sur le peintre Wicar. Certes, le généreux donateur de notre précieux musée méri- tait l'honneur de figurer le premier dans cette noble et patrio- tique galerie où nos fils trouveront tant de glorieux modèles. Pour n’être pas précisément né dans l’enceinte de nos murail- les , le statuaire Roland ne devait pas être écarté. Si la maxime de Phèdre est vraie ; si l’on peut dire avec l’affranchi d’Auguste : Magis pater est qui educat quâm qui nutrit, ( 398 ) Lille, qui reçut le statuaire encore enfant , qui lui ouvrit gra- tuitement les écoles où il puisa les principes de l’art dans lequel il devait s’illustrer ; Lille , plus que le village de Pont-à-Marcq, peut revendiquer l'honneur d’avoir donné le jour à Roland. Vous avez décidé qu’une médaille d’or de la valeur de 300 fr. serait décernée à l’auteur de la meilleure notice sur la vie et les ouvrages du statuaire Roland, mort membre de l’Institut. En 1845, un seul concurrent se présenta, c'était M. Dufay. Vous avez pensé que son mémoire, rempli d’ailleurs de détails biographiques intéressants, était incomplet sous le rapport de la forme ; que l’appréciation des œuvres de l’artiste était visible- ment empruntée à des écrivains connus. Vous lui avez cepen- dant accordé une médaille d'argent , à l’effet de reconnaitre les efforts souvent heureux qu'il avait faits pour rassembler des matériaux utiles. Et vous avez remis au concours le même sujet de prix. Cette année, un seul candidat s’est produit. Nous n’avons pu admettre , comme concurrent , le lauréat de l’an dernier qui rentrait dans la lice avec la même notice , enri- chie de notes additionnelles et de pièces justificatives. Le nouveau mémoire porte pour épigraphe ces vers d'André Chénier , symbolique devise sous laquelle se laisse deviner un auteur à l’ame fière, et qui lui-même , comme l'artiste qu'il célébre , serait le fils de ses œuvres : « Il est si doux, si beau de s'être fait soi-même, » De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu on aime, » Vraie abeille, en ses dons, en ses soins, en ses mœurs; » D’avoir su se bâtir, des dépouilles des fleurs » Sa cellule de cire, industrieux asile » Où l’on coule une vie innocente et facile. » L'auteur donne peu de détails sur les premières années de Roland. ( 399 ) Déjà, M. Dufay nous avait appris que Roland (Philippe-Lau- rent), statuaire , membre de l’Institut, chevalier de la Légion- d'Honneur, était né le 13 août 1746, à Marcq-en-Pévèle, petite commune près de Lille. C’est le même chef-lieu de canton qui a retenu le nom sous lequel il est connu aujourd’hui , du pont jeté sur les bords de la petite rivière qui, tirant ses premières eaux des prairies de Hons- en-Pévèle, va baigner les campagnes de Bouvines, reflétant ainsi dans son modeste cours la gloire que deux champs de bataille voisins ont, à moins d’un siècle d'intervalle , fait rayonner au front de Philippe-Auguste et de Philippe-le-Bel.….. (1) Son pèr?, Jean-Vincent , était tailleur d'habits et cabaretier ; sa mère se nommait Marie-Magdeleine Caille. Roland avait plusieurs frères et sœurs. On remarque parmi eux Jacques-Joseph , peintre d'histoire , qui mourut à Paris, le 17 février 1804. M. Dufay ajoute que des titres de famille que Roland ne voulut jamais faire vérifier rattacheraïent, par une alliance assez bi- zarre, ses ancêtres aux derniers Stuarts d'Ecosse. L'auteur du nouveau mémoire a-£-il ignoré ce fait singulier ? ou bien a-t-il pensé qu'il était peu propre à rehausser son héros, plus glorieux , selon lui, de la couronne immortelle des beaux- arts conquise par le fils du tailleur, que de la couronne périssable qui se flétrit au front des malheureux descendants des races dé- chues ? Toujours est-il qu’il n’en dit pas un mot , non plus que des frères de Roland qui , de l’éfabli paternel , sont parvenus à des positions élevées ; il ne parle que de Marie-Magdeleine Caille, qu’il montre continuellement préoccupée de l’idée de faire de son fils un sculpteur ; était-ce une appréciation instinctive du véritable talent que déployait l'enfant dans la forme des jouets (1) Bouvines — 1914; Mons-en-Pévèle — 1304. ( 400 ) qu'il faconnait avec son couteau? Etait-ce une de ces mysté- rieuses révélations que la Providence apporte au cœur des mères ? Etait-ce tout simplement le désir de soustraire un enfant grêle et chétif au labeur trop assujettissant de l'atelier ou aux travaux rudes des champs ? — On ne sait. — Mais elle sollicita tant et si vivement son mari, que ce dernier consentit à laisser partir son fils pour Lille, où, sous les auspices de M. de Séchelles, intendant de la province de Flandre , venaient de s’ouyrir des écoles de dessin et de sculpture , successivement dirigées par les professeurs Tillier et Guéret. Roland se mit gaillardement en route, avec quelques écus que lui donna sa mère. Il avait alors 12 ans. Sans doute ses progrès durent être rapides, et ses succès éclatants, puisqu'à 18 ans il éprouva le besoin de s’aventurer sur un plus vaste théâtre. Il courut à Paris, et là il eut le bonheur de trouver une place dans l'atelier de Pajou. illustre sculpteur que les statues de Descartes, de Bossuet, de Pascal, de Turenne, de Buffon, ont rangé parmi les maîtres de l’art. Ici nous regretions que l’auteur de la notice n'ait pas mieux connu les premières années du jeune artiste, n’ait pas suivi la marche progressive de son talent , n’ait pas indiqué ses habitu- des à Lille, ses relations avec sa famille, la part qu'il prit à l’é- ducation de ses frères. renseignements utiles en ce qu'ils font apprécier l’homme tout entier. M. Dufay, nous devons le dire, avait été beaucoup plus exphi- cile à cet égard. Aux détails qu’il donne sur les premiers maîtres de Roland , qui furent aussi ses bienfaiteurs , il ajoute qu’en même temps que Philippe-Laurent sortait des écoles de dessin de Lille , son frère Jacques-Joseph y entrait, et que ce dernier remporta le prix du modèle vivant en 1777. Il est évident que l'exemple de notre Roland détermina la vo- cation de son frère , qui vécut honorablement à Paris, comme peintre d'histoire... ( 404 ) Cette lacune, sur un point essentiel, ne nous a point paru ra- chetée d’abord , par une longue digression de l’auteur sur les misères et les dangers qui attendaient à Paris l’enfant du peuple, jeté dans la grande ville , sans autre appui que les vœux de sa mère et la conscience de ce qu'il devait être un jour... I nous a fallu la certitude que l’auteur ne traçait point un {a- bleau devenu banal, aujourd’hui que tant de grands hommes incompris vont s’éteindre misérablement dans la capitale, pour nous intéresser au jeune artiste que son biographe nous montre en proie à des intermittences de désespoir , sentant , comme la sensitive , son ame se replier à l’étreinte du froid, se ranimer à l’action du soleil ; pétrissant d’une main fiévreuse son argile hu mectée de sueurs et de larmes, puis, dans ses fréquentes insom nies, aspirant à travers un étroit jour de souffrance , l'air parci- monieusement mesuré à sa mansarde, domptant enfin la nature, et, maître de sa volonté , s’encourageant , s’affermissant au tra- vail en voyant, dans sa superstition d'artiste, briller cette étoile qui guidait les mages à Bethléem , et que Napoléon aperçut à chaque nuit qui précéda ses victoires... Roland subit toutes ces angoisses, comme il fut exposé à toutes les séductions que présentait alors aux jeunes gens à l'âme ar- dente, à l’imagination vive, le Palais-Royal, ce mauvais lieu , le plus brillant du monde... Ses yeux s’enflammaient à la vue de ces femmes couronnées de fleurs , vêtues d’or et de soie ; ses oreilles tintaient au son du métal tentateur remué dans les maisons de jeu par le râteau du croupier. Nous devons en croire l’auteur, puisqu'il nous dit que ces tortures, que ces séductions , Roland, dans son atelier de la Sor- bonne, les racontait plus tard à ses élèves pour apprendre à ceux qui venaient après lui dans la grande ville comment l’amour de la gloire faisait supporter les unes , comment le souvenir d’une mère chérie pouvait faire triompher des autres. 26 (402) Car l’auteur est un élève de Roland... Partagea-t-il à son tour la gloire du maître ?..….. Nous le saurons tout-à-l’heure. Toujours est-il qu'il commença par éprouver ses misères. Du moins , nous pouvons le pressentir en nous reportant au vers fameux de Virgile qui termine la notice , et que nous de- mandons la permission de (raduire par ce passage du récitatif de l'opéra d’OEdipe à Colonne : J’ai connu le malheur, et j'y sais compatir, ne fût-ce que pour donner un démenti, au moins partiel, au pro- verbe anti-lyrique qui proclame que ce qui est trop mauvais pour étre dit, on le chante (1). Roland , ainsi qu’il le répétait souvent à ses élèves, n’avait pas seulement , au début de la carrière , ses passions à combat- tre... Réservant pour l'étude le calme des nuits , il se vit aux prises avec un ennemi plus puissant et plus opiniâtre , c’était le sommeil. (1) « Non ignara mali, miseris succurrere disco. » L'abbé Delille, qui fait dire à Didon : » Malheureuse , j'appris à plaindre le malheur ! » Cite les auteurs qui ont essayé de traduire ce vers fameux. » C'est Voltaire dans Zuïre, acte I], sc. 2. » Qui ne sait compatir aux maux qu’il a soufferts ! » C'est Du Belloy, dans le Siége de Calais, acte V, se. 7. s Vous fütes malheureux et vous étes cruel ! » Cest M. Lemierre (Veuve du Malabar, acte XI, sc. 5). » Tu n’as donc , malheureux , jamais versé de larmes ! » ÏL est assez singulier que l’abbé Pelille, dans sa longue énumération, ait oublié le vers que Guillart, auteur du Zibretto d'OEdipe à Colonne, musique de Sac- chini , a mis dans la bouche de Thésée, s'adressant à Polynice pour lui offrir Vhospitalité : » J'ai connu le malheur et j'y sais compatir ! » Ce vers traduit certainement mieux que tous les autres la belle pensée du poète latin. » (M. Legrand-Mallet, — Études inédites sur Virgile.) ( 408 ) L’expédient qu'il inventa pour vaincre cet ennemi est assez original et mérite d’être rapporté. IL imagina d’accrocher à une ficelle fixée fortement au pla- fond de sa chambre l’appendice chevelu qui couvrait alors toutes les nuques , et quand sa tête allourdie retombait sur son dessin commencé , le tiraillement douloureux de la queue venait ré- veiller le dormeur malencontreux. C’est une ressource que n’avait point le philosophe de l’an- tiquité, qui, au dire d'un historien, se faisait, en pareille circons- tance, réveiller par la chute dans une urne d’airain d’un disque dont sa main était toujours armée et qu’elle lâchait machinale- ment quand la nature était la plus forte. Roland , arrivé à Paris, à 18 ans, riche d’espérances et de quelques écus que sa bonne mère , qui rangea les effets de l’ar- tiste, trouva encore le moyen de fourrer dans un coin de la petite caisse à l’insu de son mari ; — pauvre femme ! de combien d’é- conomies et de privations ne se composait pas ce premier trésor auquel Roland n’osait toucher! Roland, à force d'activité et de talent , gagna l'estime et l’a- mitié de son maître Pajou , qui ne tarda pas à l’associer à ses bénéfices en lui donnantune part dans les travaux fructueux du Louvre et du Palais-Royal. Roland passa ainsi dix ans à Paris, et y économisa environ 15,000 fr... Il était riche désormais , il pouvait réaliser ce rêve qui dore le sommeil de tous les artisies: un voyage en italie... Ttaliam! Italian ! les matelots d’Enée n’appelaient pas avec plus d’ardeur cette terre favorisée des dieux. C’est là seulement que le soleil fait éclore les arts, ces fruits des doux climats (1), condamnés trop souvent à périr en germe dans nos froides régions. (5) Béranger, ( 404 ) Roland partit de Paris en 1774. Si jusqu'ici, Messieurs, l’auteur de la Notice nous a paru peu au courant de la vie de Roland à Lille et à Paris ; si, à part quel- ques renseignements précieux qu’en pieux élève il a recueillis de la bouche du maitre , il ne fournit pas les détails biographi- ques que nous attendions des concurrents , il faut reconnaître que la partie du travail qui concerne l’histoire de l’art, en gé- néral, et l'appréciation du talent de Roland , en particulier, est traitée avec une supériorité incontestable. L'auteur , on le voit , est devenu maître à son tour ; et si, à l'heure qu’il est, pour consacrer ses jugements, il manque l’au- torité d’un nom, l’autorité du talent ne manque pas ; vous allez en être convaincus (1). Roland eut bientôt épuisé à Rome toutes ses ressources. Mais quel artiste est jamais pauvre quand il est soutenu par son courage et par l'amour de son art ? Il avait composé une petite statue de Junon, d’après l'antique. C'était un chef-d'œuvre ; vendue au poids de l'or, elle devait procurer à Roland les moyens de prolonger son séjour à Rome... Déjà elle avait charmé un riche amateur ; il ne s'agissait plus que de la mouler. Tous les camarades de l’école prêtent leur concours à l'opération. Le peintre David , plus vigoureux , se charge de transporter la statue dans la salle où doit se faire le moulage , il la saisit avec une précaution que tout le monde com- prendra... Mais à peine a-t-il fait quelques pas, que son coude heurte la muraille, et la statue, comme le pot au lait rempli des trésors de Perrette , tombe... la Junon aux gracieux contours n’est plus qu'une plate et informe silhouette... L'auteur tient ce dernier détail du grand David lui-même, qui ne se pardonna jamais sa maladresse. (r) Voir le Mémoire de M. David, page 397 et suivantes. { 405 ) David, tout plein de son sujet des Horaces , était allé à Rome pour trouver des Romains. Hélas ! comme Casimir Delavigne , Il vit Rome et pas un Romain Sur les débris du Capitole. Roland, aussi désillusionné , ne rapporta de cette terre dégé- nérée que le plan d’une image de Caton, s’arrachant les entrailles et mourant en doutant de la vertu. Pajou , qu'il retrouva à Paris , l’encouragea dans l'exécution de cette vaste et énergique composition qui fit agréger son au- teur à l’académie de sculpture, en 1779. La pose du personnage est si tristement vraie , la proportion des membres crispés par la douleur si exacte, que des jaloux prétendirent que Roland, usant d’un procédé indigne d’un ar- tiste , avait obtenu cette précision anatomique en moulant les membres d'un modèle vivant. Roland, heureusement , avait pris la précaution de modeler à part , plus grands que nature , les bras et les jambes de la statue de Caton , et ces membres , aussi vrais dans leur proportion que ceux de la statue, prouvèrent à l'évidence que Roland n’avait eu recours à aucun arlifice. Il fit hommage à la ville de Lille du modèle réduit de cette belle composition, qu’on conserve encore au musée des tableaux. M. Dufay rappelle à ce sujet une circonstance qui à échappé à l’auteur de la notice : c’est que l’assemblée de la loi , réunie à la salle du conclave , le 22 juillet 1782, pour témoigner à Roland toute sa satisfaction et la reconnaissance du magistrat, lui fit don d’une cafetière d'argent aux armes de la ville. Cette façon toute bourgeoise et toute paternelle d'encourager les arts et les sciences était dans les mœurs du temps et surtout dans les habitudes de la ville. Quand l'illustre aïeul de notre honorable président eut ter- ( 406 ) miné son code pharmaceutique , qui fut adopté par le sénat de Lille, le magistrat décerna avec la même solennité à Jean-Bap- tiste Lestiboudois un magnifique huilier d'argent... De nos jours on s’est attaché à remplacer ces naïves récom- penses par des objets sans utilité pratique : des médailles, mon- naies sans cours; des coupes, d’un usage impossible; des couronnes, parures burlesques quand elles n’ornent pas le front des rois et des héros. Qu'a-t-on craint ? que les lauréats poursuivis par quelque besoin ne se défissent trop facilement des récompenses obtenues ? Crainte chimérique! quelque vulgaire que soit l’emploi de l'ob- jet donné , quelque pauvre que soit ie donataire , on conservera toujours précieusement ce qui rappelle un honneur public. Nos paysans suspendent aù foyer rustique les instruments de travail que vous accordez à leur probité et à leurs longs ser- vices. Ils s’en parent dans les occasions solennelles..…. Un de nos collègues (1) nous racontait naguère que , se promenant dans la campagne , il fut accosté par un vieux berger qui s’arrêta en lui présentant d’une façon toute militaire une houlette enjolivée de rubans... C’était un honneur que s’empressait de rendre un de vos anciens lauréats au promeneur, en qui il avait reconnu le président qui, en séance publique , avait remis dans ses mains ce gage glorieux de l'estime de la Société. En 1782, Pajou, qui s’intéressait plus vivement de jour en jour à son élève chéri, lui fit épouser la fille de Nicolas Potain, archi- tecte du roi. Il n’eut de ce mariage qu'une fille , aujourd’hui la femme d'un honorable conseiller de Préfecture de la Seine (2). Roland obtint un logement au Louvre. L'auteur de la notice fait ressortir ici, non sans quelque injus- (1 M. Dourlen. (2) M. Lucas de Montigny. { 407 ) tice, disons-le, la dépendance dans laquelle, suivant lui , le pa- tronage des rois et des grands mettait les artistes. La citation qu’il fait d’un passage d’'Homère n’est point exacte. On ne de- vient point esclave pour accepter d’un Mécène une protection dont le caractère de l’obligé peut toujours garantir la convenance et la dignité. Le patronage exercé par les rois et par les grands au profit des artistes et des hommes de lettres du 48. siècle a-t-il fait abandonner à ces derniers la défense des droits de l'humanité ? a-t-il paralysé l’action que leurs œuvres et leurs écrits devaient exercer sur la Révolution française ? David eut un logement au Louvre après le succès de son Béli- saire. Roland fut aussi l'hôte de ce palais des beaux-arts. La reconnaissance que ces deux hommes illustres devaient à leurs protecteurs leur a-t-elle fait oublier que l’art était un sa- cerdoce dont ils étaient les ministres ? Pour ne parler que de Roland , l’auteur lui-même que nous combattons en ce moment, nous montrera tout-à-l'heure, par une heureuse contradiction, de quelle manière notre compatriote sut comprendre et exécuter les œuvres que le peuple confia à son mâle ciseau. L'année de son mariage, Roland est reçu membre de l’Acadé- mie de Lille. Son titre à cet honneur fut une figure en terre cuite, représentant la mort de Méléagre. Profondément sentie sous le rapport de l'expression morale , de la noblesse des formes, souples comme la nature , d’un dessin pur sans être la copie de l'antique, cette statue renferme toutes les qualités d’un ouvrage du premier ordre. Il exécuta dans le même temps deux bas-reliefs considérables qui représentent : l’un, un Sacrifice des anciens; l’autre, l’Astro- nome et la Géométrie. . . . ° . . . . 0 . . . . ° . . . . e Cette même année encore , Roland exécuta un ouvrage qui le (408 ) plaça en première ligne : là statue du grand Condé jetant son bâton de commandement dans les retranchements de Fribourg. Les médaillons de Lenoir , de Louis XV, de Louis XVI, de Philibert Delorme, l’Enfant au cygne du parc de Fontainebleau, le portrait de Feutry que conserve notre musée, les cariatides de l’ancien théâtre Feydeau, un bas-relief représentant les neuf Muses, étaient venus s'ajouter à l’œuvre de Roland dans la pério- de qui précéda la révolution de 1789. Quelle part Roland prit-il comme homme politique à cette ré- volution ? Son historien ne s’en explique pas. Il'est probable qu’absorbé par ses travaux , il ne suivit pas le mouvement qui entraina David et notre Wicar; ce qui nous le fait penser , c'est qu’au dire de M. Dufay, il eut le crédit, après le neuf thermidor , de dérober Wicar aux foudres de la réaction dont les lauriers de David purent seuls préserver le peintre des Horaces. Mais la révolution , qui avait besoin de grands artistes pour représenter les grandes choses qu’elle accomplissait, n’en trouva pas moins dans Roland un statuaire au ciseau merveilleusement trempé pour la circonstance. En 1791, il fut chargé de l’exécution d’un groupe colossal — l’image du peuple, terrassant le fédéralisme. « Dans cette vaste composition, dit l’auteur de la notice, Ro- land.put déployer à l'aise toute la puissance de son mâlé génie. L'œuvre fut digne du sujet — le peuple était là debout dans sa simple, énergique et robuste personnification.… Onreconnais- sait, sans aucune hésitation, que ce juge inflexible , quelquefois terrible comme le destin, accomplissait un grand acte de souve- rainèté, » Et quant, à la séance du 18 mars 1792, la Convention, sur la proposition de Jean de Bry, décréta un monument à la mémoire de Simonneau, maire d’Etampes, tombé victime de son dévoue- ment aux lois , Roland fut désigné pour l’exécuter. ( 409 ) Son admirable talent de synthèse et d’abstraction lui fit entre- prendre; dans des proportions gigantesques ; la statue allégori- que de la Loi, qui fut placée sous le pérystile du Panthéon, et à laquelle il ajouta bientôt un bas-relief en pierre, ingénieux sym- bole de la nouvelle législation : La Patrie assise à l'entrée du temple des Lois, montre à l’Innocence la statue de la Justice et la salutaire institution du jury. Bra, notre collègue, s’était évidemment inspiré de cette pro- duction du grand maitre, quand, avec ce talent de résumé qu’il possède à un si haut degré, il vous a montré, au fronton du Palais-de-Justice de cette ville, l’Innocence délivrée de ses liens, mais témoignant par sa faiblesse et son air de souffrance de la lâcune regrettable de notre législation en ce qui concerne les accusés reconnus innocents. En l’an IV, lors de la création de l’Institut , Roland fut élu à l’unanimité membre de la classe des beaux-arts et professeur... On a de lui, comme travaux de cette époque, quelques ouvrages gracieux, nouvelles preuves dela flexibilité de son talent. Nous citerons entre autres une bacchante , portée par une chèvre, qu’elle tourmente de son thyrse. Les bustes de Pajou , Ruyter , Lesueur, Cambacérès, Labois- sière , Chaptal , sortirent successivement de son ciseau ; maïs il se surpassa dans l’exécution du buste de sa fille , chef-d'œuvre pôur lequel ilobtint à l'exposition un prix de première classe. Ce fut en 1802 qu'il termina son œuvre de prédilection , sa statue d’Homère . : Cette admirable statue est déposée au Louvre, dans l’une des pièces du rez-de-chaussée qui forme l'aile droite du pavillon de l’Horloge. Quand l’Institut , à l'instar des grands corps de l’état , voulut donner à l’empereur Napoléon un témoignage durable de son (10 ) admiration, et vota au héros l'érection d’une statue, Roland fut, au scrutin secret, choisi à l’unanimité pour cette œuvre que le talent de l'artiste devait rendre digne de son illustre modèle. L’exécution si large et si franche de cette statue, qui orne au- jourd’hui l’une des salles de l’Institut , fait regretter à l’auteur, que Napoléon, par une prédilection impolitique pour l’art ita- lien , ait appelé à Paris, pour son buste, le statuaire Canova. Et cette préférence du grand homme ne vient-elle pas justifier jusqu’à un certain point le choix que l’on a fait de nos jours de l'italien Marochetti pour le tombeau de Napoléon aux Invalides ? L’infatigable artiste fit encore les statues de Solon, de Camba- cérès, de Tronchet, de Marc-Aurèle et une copie de la Minerve antique placée devant le pérystile de la chambre des députés. Un de ses derniers ouvrages est la statue de Lamoignen de Malesherbes, que l’on peut voir encore dans la salle des Pas- Perdus du Palais-de-Justice de Paris, grâce au dévoüment et à la présence d’esprit d’un jeune avocai (1), qui, en 1830 , couvrit de sa toge l’image de Malesherbes et la préserva de la destruc- lion, en rappelant aux combattants de Juillet que l’illustre défen- seur de Louis XVI, comme notre Béranger : N’avait jamais flatté que l'infortune et que le grand seigneur philosophe n’était devenu courtisan que dans le donjon du Temple. En 1815, Roland fut chargé de la statue du grand Condé pour le pont Louis XVI. Il ne put terminer que l’esquisse. L’affec- tion de poitrine qui le minait devait bientôt l'enlever à sa fa- mille, à ses amis, aux beaux-arts. Roland mourut le 11 juillet 1816 , dans son atelier , où, pres- sentant sa fin prochaine , il était venu passer une dernière revue de ses œuvres. La mort glaça son regard encore fixé sur sa statue chérie d' Homère. (1) M. Hortensius de Saint-Albin, aujourd’hui juge au tribunal de la Seine, et député de la Sarthe. (AM) Sa famille eut l'heureuse idée de ne point séparer entièrement l'artiste de son œuvre de prédilection. L'image du poète aveu- gle surmonte le tombeau du statuaire. Roland n'eut que quatre élèves : MM. Caillouette , Vangel , Massa et David, d'Angers. Telle est, messieurs, l’analyse un peu étendue, mais conscien- cieuse de l’ouvrage soumis à votre jugement. Il a pour nous, d’abord , le mérite de rappeler dignement à des contemporains ingrats les titres d’un illustre compatriote.… Et c’est un grand service que l’auteur nous a rendu en nous permettant de réparer l’injure d’une trop longue indifférence. L'élève de Pajou est bien certainement l'artiste le plus émi- nent qu’ait produit notre localité. Espérons que dans les rues de notre cité, ou dans les galeries de nos musées , nous lirons bientôt le nom de Roland à côté du nom de Wicar, cette autre gloire du pays. Quant au mémoire en lui-même , à part la lacune signalée au début de ce rapport , il remplit les conditions du programme. Si la partie biographique est incomplète , la partie artistique est parfaitement traitée. Le style large, énergique , est empreint parfois d’une sorte d’exagération, mais on pardonne la forme outrée de l’expression aux sentiments généreux qui animent l’auteur. Et puis, la main habituée au ciseau doit tracer avec la plume des traits plus vifs, plus accentués. Car l’auteur est un artiste , il a connu Roland , il a vécu dans son intimité, il a même été l’un de ses élèves. Devons-nous chercher son nom parmi ceux des quatre princi- paux artistes qu’il cite ? C'est un soin qui ne nous appartient pas. Peut-être que déjà, à l’aide d’inductions puisées dans le mémoire, en rapprochant de certains faits les doctrines artistiques de l’auteur , ses tendances politiques ; en vous rappelant sa connaissance parfaite de la ma- ( 442 ) tière qu’il traite, la portée morale qu'en homme supérieur il attribue à l’art plastique, vous avez, sous la muette enveloppe, deviné un nom plein d'éclat! Quant à nous, nous le répétons, il ne nous est pas donné d'al- ler jusque là. C’est à l’auteur du mémoire portant pour épigra- phe les vers d'André Chénier , cités plus haut , que nous vous proposons d'accorder la médaille d’or, offerte à l’auteur de la meilleure notice sur la vie et les ouvrages du statuaire Roland. (413 ) DISTRIBUTION SOLENNELLE DES PRIX, Le 2% juillet 1846. M. Thém. Lesrisoupots, président de la Société, a prononcé le discours suivant : Messieurs , C'est un spectacle qui produit toujours quelque étonnement que celui qui se renouvelle devant vous : tous les ans, à pareille épo- que, les habitants des champs abandonnent leurs paisibles re- traites, ils se rendent au sein d’une ville industrieuse , commer- cante, scientifique; ils viennent dans cette cilé bruyante, agitée, pressée dans son étroite enceinte où rien ne rappelle la vie agri- cole, où manquent l'air, l'espace, les ombrages, où le bruit des machines et des hommes remplace le silence des solitudes villa- geoises, où le sifflement de la vapeur et les nuages de fumée ne laissent plus même l'idée de la pure et sereine tranquillité des campagnes. Que viennent-ils done faire ici? Pourquoi se mélent- ils à notre grande population? Quels liens cachés les attachent à nous? Y at-il quelque connexion entre leurs labeurs et nos études? Y a-t-il entre leurs efforts et nos méditations, un rapport qui les associe aux recherches auxquelles les sciences nous con- vient? Oui, certes, ce rapport existe : ilest intime et profond. Assurément il faut un motif sérieux, il faut une foi vive pour faire entreprendre cet universel pélerinage qui n’est que la géné- ralisation des visites que nous font hebdomadairement les agri- culteurs venant mettre en commun leurs observations pratiques et nos studieuses investigations. Les esprits qui manquent de savoir ne devinent pas les nécessités qui nous unissent; ceux qui (414) scrutent les secrets de la nature les voient puissantes, continues, tous les jours plus saisissantes et plus magnifiques. Pour les apercevoir , il suffit de rechercher ce qu'est l’art agricole. L'agriculture, par les soins qu’elle donne aux champs, fa- vorise le développement des végétaux utiles à l’homme ; et de plus, elle élève, fait croître et perfectionne les races d'animaux dont le travail, les Loisons, la chair, tous les produits nous sont nécessaires : l'expérience séculaire à appris à réunir les soins des troupeaux à la culture de la terre. Voilà donc l’agriculture s'occupant à la fois des êtres qui composent le règne végétal et de ceux qui constituent le règne animal; la voilà fondant ses travaux sur les conditions de la vie des plantes et sur les exigences de la vie des animaux; la voilà dans son travail complexe, attachée à l'observation des phéno- mènes fonctionnels des deux immenses tribus du règne organi- que ; la voilà forcée de rechercher quels liens mystérieux sont établis par la sagesse suprême entre les plantes qui couvrent le globe comme une riche parure et les êtres animés qui l'ha- bitent. Elle doit donc implorer l’aide des sciences naturelles qui étu- dient, décrivent, font connaître tous les corps renfermés dans les classifications zoologiques. » Favorisant l'accroissement des êtres vivants , en fabriquant pour ainsi dire la matière , elle doit demander aux sciences chi- miques quels sont les éléments matériels de leurs corps, quelles sont leurs combinaisons et leurs réactions ; aux sciences physi- ques quelles sont les lois générales qui gouvernent cette matière ; aux sciences physiologiques quelles forces spéciales président à tout l’organisme et font mouvoir les appareils vivants : l’agri- culture, appuyée sur toutes les branches de connaissances humai- nes, va surtout réclamer à la philosophie des sciences, le secret de cette éternelle connexion de la production des végétaux et ( 415 ) des animaux; elle lui demande jusqu’à quel point cette double création doit rester indivise dans nos fermes , ces immenses et innombrables laboratoires qui couvrent la surface du sol. » À ses pressantes interrogations, la science expérimentale a ré- pondu ; seule elle a pu répondre ; elle lui dit: la vie des animaux dépend de celle des végétaux ; la vie des végétaux est liée à celle des animaux; par une sublime harmonie, les deux grandes classes des êtres organisés sont dans une mutuelle dépendance. La matière organique, par d’incessantes transformations, passe de l’une à l’autre ; elle sort du règne inorganique pour entrer dans les plantes qui en font des composés susceptibles d’acqué- rir la vie et la donnent en pâture aux animaux qui en consti- tuent leur organisme, puis dans d’autres formes, la restituent aux plantes ; celles-ci la préparent, ceux-là la consomment ; les premières l’accumulent, les secondes l’emploient, la dissipent, pour la rendre avec des propriétés nécessaires à la végétation : il semblerait, à ces transformations perpétuelles, que le génie du philosophe de Samos a entrevu la vérité obscurément, poétique- ment, mais d'une manière reconnaissable encore. Pourquoi l'école pythagoricienne l’a-t-elle défigurée ? Pourquoi s’est-elle laissée aller aux rêves d’une pensée vagabonde et sans frein, en annonçant les migrations de ce principe insaisissable, incompré- hensible , qui constitue par essence les individualités; elle eût peint la vérité rigoureuse, si elle avait décrit seulement les trans- formations successives de la matière organique : celle-là change véritablement de corps ; elle passe d’un être à l’autre; elle subit des métamorphoses sans fin; c’est un domaine que se disputent, que s’empruntent, que se rendent, dans la durée des siècles, les végétaux at les animaux. Mais ne dira-l-on pas que nous-mêmes nous nous laissons emporter par l'esprit de systéme? Ne trouvez- vous pas que ces grandes pensées restent vagues dans leur géné- ralité, qu’elles n’apportent pas leurs preuves avec elles, qu'elles se présentent encore comme une doctrine qui est le produit de (16) l'imagination, non de l'expérimentation? aujourd’hui on n’accorde cours aux idées que si on les voit sortir immédiatement des faits, comme la parole sort des lèvres, comme le parfum sort de la fleur, comme Ja lumière sort du flambeau du monde. Pour vous, comme pour les hommes qui travaillent dans les ateliers où Fon exploite, si l’on peut ainsi dire, les phénomènes de la vie, il faut non des hypothèses, mais des théories susceptibles de démons- tration. Heureusement les vérités scientifiques sont si vulgari- sées qu'on peut les apporter comme preuves en tous lieux ; on peut les traduire en termes propres devant toute réunion ; les expressions techniques n'effraient plus ; devant toute l’assem- blée l’on peut dire : Les plantes puisent dans le sein de la terre, en faible dose, quelques substances comme la chaux , la soude, qui par leurs combinaisons avec les acides , forment des sels ; mais elles vivent surtout aux dépens de l'atmosphère, composée, vous le savez tous, d'oxygène et d'azote et de quelques corps peu nombreux unis à l'oxygène ; ce sont: l'acide carbonique, formé d'oxygène et de carbone; l’eau, formée d'oxygène et d'hydro- gène ; l'acide nitrique, formé d'oxygène et d'azote et se combi- nant avec l'ammoniaque , formé lui-même d'azote et d'hydro- gène. Ces composés, partout les plantes les saisissent et les absorbent, dans l’air par leurs feuilles , dans les couches superfi- cielles du globe, où les pluies les entraînent, par leurs racines. Alors elles les décomposent : elles conservent leur base et une partie d'oxygène, et l'excès d'oxygène , elles le reversent dans l'atmosphère par torrents intermittents. Ces vastes décompositions qui cnveloppent la terre, s’opèrent en effet, sous l'influence de la lumière du soleil, appareil chi- mique, immense, qui préside aux combinaisons au moyen des- quelles s’entrelient la vie; agent supérieur à tous les réactifs que possède la science ; car l'acide earbonique, si rebelle à nos moyens d'analyse, est réduit, par une simplefeuille, éclairée des rayons solaires. Quand leur action est suspendue, l'action végé- ( AT ) tale s'arrête. Quand un hémisphère est placé dans l'ombre et que pour lui se fait la nuit, la nutrition des plantes y est suspendue ; elles ne conservent plus aucun des principes qui font la base de leur organisation. Mais quand le foyer qui vivife tout, vient les éclairer de nou- veau, leur énergie se réveille, leur force assimilatrice reparaît : elles se remettent à fixer les gaz qui flottent autour d'elles , les décomposent et répandent dans l'atmosphère l'oxygène devenu libre. Avec ces seuls éléments , elles forment les innombrables substances qui entrent dans leur composition et qui sont douées de caractères et de propriétés si diverses, si singulières, si puis- santes; elles faconnent ces matières organiques qui constituent les appareils fonctionnels , que la chimie, par des procédés ingé- nieux, est parvenue quelquefois à transformer les unes en les autres, et non encore à fabriquer directement ce que le travail des champs a mission de nous fournir, pour la satisfaction des besoins de l’homme et des animaux. Quand l’agriculture a constaté ces faits merveilleux et qu’elle a appris à les utiliser, elle n’est parvenue qu’à moitié de sa tâ- che , elle n’a conquis qu’une partie de son instruction; il faut qu’elle sache maintenant comment les produits de la terre se peuvent transformer. Les animaux se nourrissent des végétaux ; ils y trouvent les matériaux avec lesquels ils constituent leurs tissus; ils y rencon- trent les principes immédiats de leur chair , de leurs os, de leurs verfs. Tout est pris par eux dans le règne végétal ou dans d’au- tres animaux préalablement nourris de végétaux. Ils ne sauraient créer de toute pièce les principes assimilables; ils les trou- vent tout faits dans les plantes, ils leur font bien subir quelques transformations, mais peu nombreuses et peu profondes. Voilà les organes des animaux formés, mais pour accomplir leurs fonctions, pour exécuter leurs mouvements, pourentretenir les foyers de leur sensibilité, pour créer les conditions matérielles 27 (418 ) de leur pensée même, ils consument leurs matériaux organiques; ils les combinent avec l'oxygène, agent de toute combustion, qu'ils puisent incessamment dans l'atmosphère, et brûlés ils les y rejettent afin qu’à leur aïde les plantes puissent croître et multiplier. Ainsi, par un mouvement incessant, immense, éternel, les végétaux puisent dans l'océan gazeux qui baigne le globe, le dépasse, le pénètre, les éléments de leurs tissus ; ils y saisissent les composés oxygénés, en assimilent les bases etrendent l’oxy- gène à l'atmosphère. Les animaux prennent ces bases aux végétaux , et pour accomplir les actes de leur vie, ils les com- binent avec l’oxygène atmosphérique, reformant ainsi les prin- cipes propres à l'alimentation des végétaux, les versent dans le réservoir commun par tous les actes de leur vie et par la décom- position qui suit leur mort. Tels sont les vastes phénomènes devant lesquels l’agriculture se trouve face à face. Tels sont les rapports sublimes qu’elle doit apercevoir et favoriser par ses soins. Elle est assise en quelque sorte entre les deux règnes des êtres organisés, étudiant les deux modes de vie, utilisant l’un au profit de l’autre. Grande manufacturière de la matière organique, elle Ia suit dans toutes ses transformations , passant de la plante à l’animal, de l'animal à la plante, en traversant le milieu atmosphérique.Ces éléments inertes, il faut qu'elle sache les voir s'organiser, agir, respirer, vivre dans les plantes, puis participer bientôt à une nouvelle vie, en devenant partie intégrante d’un être qui sent, juge, veut et se meut pour suivre la détermination de sa volonté, jusqu'à ce que désunis , ils retournent à l’atmo- sphère, et de l’atmosphère à la plante. C’est un changement perpétuel de forme ; un perpétuel retour à la forme primitive ; la vie oscille ainsi incessamment : c’est le flot que la gravitation entraîne vers les hautes mers, pour le ramener, par un reflux régulier, sur nos plages : c’est l’eau qui monte en vapeurs dans les airs pour redescendre ensuite et former les sources, les fleuves qui alimentent l'océan d’où s’élèveront des vapeurs nouvelles; ( 419 ) c’est la flamme dévorant le tissu des arbres et formant par la combustion des composés qui alimenteront les arbres. C’est l'harmonie des mondes balancés par des forces opposées, où tout change, mais où tout est immuable par le retour calculé des mêmes changements, où tout mouvement amène un mouvement inverse qui rend de nouveau possible le mouvement premier, et fonde l'éternel équilibre. Cet échange non interrompu des élé- ments organiques dont nous n'avons que l’usufruit, que nous recevons en dépôt, mais que nous devons rendre, car nous ne possédons que viagèrement les principes conslitutifs de notre propre corps; cette élaboration active ctincessante des matériaux dans lesquels vient résider la vie, qui ne sont à nous que parce que d’autres êtres nous les ont laissés par la mort, et dont doivent hériter à leur tour ceux qui vivront après nous, sont précisément les faits fondamentaux d’après lesquels l’agriculture règle ses travaux. Son succès est lié à l’étude de ces phénomènes admi- rables, mystérieux, longtemps incompréhensibles. Comment donc n’interrogerait-elle pas les sciences qui les sui- vent, les constatent, les analysent, les expliquent, en proclament les lois, et, par conséquent, indiquent les moyens d'en favoriser l'accomplissement et d'en agrandir la manifestation ? Comment ne leur demanderait-elle pas quels sont les principes qui font vivre les végétaux , comment on en pénètre le sol, comment on se les procure , comment on détermine les réactions qui en faci- litent les décompositions , comment on dispose les cultures pour placer les plantes dans les meilleures conditions possibles , leur permettre d’aller chercher dans les couches de la terre des élé- ments spéciaux, et de déposer dans le sol les principes dont il est appauvri? Comment ensuite l’agriculture ne serait-elle pas con- duite à étudier la physiologie des animaux ; à rechercher les meilleures conditions de leur développement et de leur multipli- cation , à demander les secrets de la vie, de la maladie et de la mort? Elle ne s’occupera pas seulement de l’animal lui-même ( 420 ) qui, par son travail et ses principes immédiats , fait sa richesse , elle ira jusqu’à s'inquiéter de toutes les substances que perd jour- nellement son corps par l'exercice de ses fonctions ; elle s’ingé- niera à les recueillir, à les conserver , à les combiner; car ce qui ne sert plus à l’animal, c’est la nourriture par excellence des vé- gétaux ; ce qui est repoussé comme inutile, embarrassant, mor- tel pour l’un, c’est la substance la plus nécessaire à la vie de l'autre; c’est le principe qui donne à ses fruits leurs vertus et leur splendeur. Vous étonnerez-vous maintenant de l’étroite association qui s’est établie entre nous, voués au culte des sciences, et les labou- reurs, voués à la culture du sol. Eux et nous travaillons pour la même fin, on peut dire pour les mêmes champs et pour la même récolte. Que dis-je, Messieurs? eux et nous permutons sans cesse nos emplois, nous passons de l'atelier de l’intelligence à la fabrication matérielle , choisissant notre labeur en raison de nos forces et de nos aptitudes; nous sommes de la même famille, du même sang, du même peuple, de ce peuple qui par le travail et la pensée a conquis la propriété de personne d’abord, la liberté, la richesse, la puissance, la souveraineté enfin. Nous sommes de cette démocratie qui a commencé à la chute du monde antique, qui s’est constituée en opposition à la conquête, qui, à travers la barbarie, le moyen-âge, la renaissance, a grandi par la réu- nion de tous les ouvriers attachés à l’œuvre sociale, qui a trouvé la force dans ces deux grands principes, la fraternité morale qui nous fut apportée par la pensée chrétienne, la fraternité in dustrielle qui apparaît dans les communes et les métiers, et qui organisa le premier élément de la puissance populaire. C’est cette association de tous les efforts, cette communion de toutes les pensées indépendantes et productives qui font le véritable caractère de notre ère : l’âge antique, c’est le travail esclave ; l'âge moyen, le travail s’affranchissant ; l’âge moderne, c’est le travail libre, celui où tous les travailleurs sont frères, où tous ( 421 ) peuvent choisir la direction qu'ils veulent donner à leurs fa- cultés créatrices, où le fils du savant peut aller féconder le sol par son labeur, où le fils du laboureur peut devenir un artisan de l'esprit, un producteur d'idées, et se charger d'agrandir le domaine de la pensée humaine. A l'instant même vous allez avoir une preuve éclatante de ces faits : dans un moment nous honorerons le digne élève d’un grand statuaire, distingué lui- même, qui a répondu au vœu de la Société en écrivant la vie de Roland, dont il a noblement apprécié l’œuvre ; eh bien, messieurs, le maître illustre qui s’éleva par le génie, qui alluma son enthousiasme en face de la liberté, qui sut retracer, par son immortel ciseau , les nobles inspirations de son âme, ce statuaire qui honore la France et notre temps, c’est l'enfant d'un de nos villages, qui était appelé aux plus humbles travaux, et qui, par son propre effort et sa volonté ferme , s’ouvrit la carrière de la gloire et se plaça parmi ceux qui instruisent les hommes en leur montrant le beau et le vrai, et le digne élève du grand artiste, celui que nous allons récompenser pour une composition littéraire, s'est comme associé lui-même à l’agri- culture, en voulant, par une œuvre gratuite, rendre impéris- sable les traits du célèbre Mathieu de Dombasle. Vous le voyez, il n’y a nulle séparation entre nous. Il y a communauté de but et communauté de travaux : tout se tient, tout fraternise : les plus humbles métiers, les plus hautes préoc- cupations : il n’est pas possible que l’agriculture et les études scientifiques ne combinent pas leurs effo'ts et ne réunissent pas désormais tous leurs travaux ; cela est surtout impossible à cette antique agriculture flamande qui a donné des leçons à l’Europe. Dans d’autres contrées, l’art agricole peut faire un immense progrès en acceptant une bonne routine : dans la nôtre, l’art est si avancé qu’il ne peut plus se perfectionner qu’en s’éclairant au flambeau des sciences. Cette vérité nous a tellement frappés, que tous ceux qui, parmi nous, s’adonnent ( 422 ) spécialement à l’étude d’une science, ont résolu, d’un commun accord, d'établir entre eux et les agriculteurs des conférences régulières et dogmatiquement combinées. Ils ont pensé qu’une société d'agriculture ne suffit à sa tâche que si elle agglomère dans son sein les représentants de toutes les connaissances humaines et si elle les répand. Reconnaissons toujours cette vérité pour le profit de tous ; ne nous séparons pas pour être spéciaux, unissons-nous pour être complets. Telle est la pensée qui nous domine , et cette solennité n’est rien autre chose que la manifestation des sentiments qui nous ont guidés : les agriculteurs nous ont fait connaître leurs besoins, nous avons cherché les moyens de les satisfaire. Nous avons in - diqué le but, les agriculteurs l'ont atteint ; ils ont mérité des ré- compenses, nous venons les décerner. Commencons donc la dis- tribution des couronnes , accordons-les au génie le plus élevé et en même temps aux humbles serviteurs qui s’honorent par le probe travail de la ferme : tous les enfants de la même famille doivent s'asseoir au même banquet. HE EE — (423) LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE. I. MEMBRES RÉSIDANTS, Honoraires. MM. le Préfet du département du Nord. Le Maire de Lille PEUVION, négociant, adunis le 17 nivôse an XI. Titulaires. COMPOSITION DU BUREAU EN 1846. Président. M. Thémistocle LESTIBOUDOIS , docteur en médecine, admis le 17 août 1821. Vice-President. M. MACQUART , propriétaire, admis le 27 messidor an XI. Secrétaire-général. M. DELERUE, juge-de-pais, admis le 17 nov. 1845. Secrétaire de correspondance. M. CHON , professeur d'histoire , admis le 21 janvier 1842. Trésorier. M. DANEL, imprimeur, admis le 5 décembre 1828. Bibliothécaire. M. BACHY, propriétaire, admis le 19 avril 1844. MM. DELEZENNE, professeur de physique, admis le 12 sept. 1806. DEGLAND, docteur en médecine, admis le 10 décembre 1814. DESMAZIERES, naturaliste, admis le 22 août 1847. LIENARD. professeur de dessin, admis le 3 septembre 1817. LOISET, médecin-vétérinaire, admis en 1817. VERLY, architecte, admis le 48 avril 1823. KUHLMANN, professeur de chimie, admis le 20 mars 1824. BAILLY, docteur en médecine, admis le 2 octobre 1825. HEEGMANN, négociant, admis le 2 décembre 1825. BARROIS (Th.}. négociant, admis le 16 décembre 1825. LESTIBOUDOIS (J.-B.), doct. en méd., admis le 20 janv. 1826. DECOURCELLES, propriétaire, admis le 21 novembre 1828. DOURLEN, docteur en médecine, admis le 3 décembre 1830. (424 ) MM. MOULAS, propriétaire, admis le 27 avril 1531. LEGRAND, avocat, admis le 3 février 1832. MULLIE, maître de pension, admis le 20 avril 1832. DAVAINE, ing. en chef des ponts-et-ch., admis le 7 sept. 1832. LE GLAY, correspondant de l’Institut, archiviste du département du Nord, admis le 19 juin 1835. BENVIGNAT , architecte, admis le 4.er juillet 4836. LEFEBVRE, propriétaire, admis le 3{ janvier 1840. TESTELIN, docteur en médecine, admis le 30 novembre 1840. CAZENEU VE, professeur à l’hôp. milit., admis le 5 mars 1841. BOLLAERT, ingénieur des ponts-et-ch., admis le 21 juin 4844. MEUGY, ingénieur des mines, admis le 3 janvier 1845. CALOINE, architecte, admis le 49 novembre 1845. IL MEMBRES ASSOCIÉS AGRICULTEURS. MM. BAJEUX , cultivateur , à Thumes- nil, hameau de Faches. BEGHIN, cultivateur à Wattignies. BEHAGUE-CHARLET , cultiv. à Fournes. BRAQUAVAL,maire et cult,à Hem. BRULOIS, cultivateur, à Croix. BUTIN, cultivateur, à Prémesques. CHARLET, cultivat., à Houplines. COGET, cultivateur et fabricant de sucre, à Marquillies. COLETTE (L.), cult., à Baisieux. COLLETTE, maire et cultivat., à Seclin. DEMESMAY, cultivateur et fabri— cant de sucre, à Templeuve. DESMOUTIERS, cult. à Mons-en-P. DESQUIENS, cultiv., à Fives. DESURMONT (Fr.), cultivateur et … brasseur, à Tourcoing, DUHAYON, propriét., à Ronchin. HEDDEBAULT, calt. à Thumeries. HESPEL (le comte d’), propriét., à Haubourdin. MM. HOCHART, cultivat,, à Allennes- lez-Haubourdin. HOCHART , conduct. des travaux agric. des jeunes déten., à Loos. HOCHEDEZ, cult., à Wattignies. HOCHSTETTER, agron., à Loos. LAMBELIN , cultiv., et fabricant de sucre, à Bondues. LAMBELIN (L.), cult., à Wattign. LECAT, cultivateur, à Bondues. LECLERCO , cultivateur, à Hem. LEFEBVRE (A.), cultivateur, à Lezennes. LEPERS, cultivateur, à Flers. LEROY père, cultiv., à Aubers. LEROY-DUBOIS, maire et cult., à Illies. LIENARD, cultiv., à Annappes. MASQUELIER, cult. à Wattignies. PLATEL, cultivateur, à Loos. TAFFIN-PEUVION , cult., et fa- bricant de sucre, à Lesquin. VALLOIS, cultiv., et fabricant de sucre, à Mons-en-Pévèle. (425) OUVRAGES IMPRIMÉS OFFERTS À LA SOCIÉTÉ, 1.0 PAR SES MEMBRES RÉSIDANTS. M. BAILLY (le docteur). Rapport présenté au Comité central de vaccine du département du Nord, sur l’état de la propagation de la vaccine dans ce département, pendant les années 1842 , 1843, 1844 et 1845. — Brochure iu-8.0 2.0 pAR SES MEMBRES CORRESPONDANTS. MM. BOUILLET (J.) Tablettes historiques de l'Auvergne. DE ROISIN (le baron). Le Congrès archéologique de France , à Trèves , 8 et 9 juin 1846. GIRARDIN (J.) Rapport sur la maladie des pommes de terre, en 41845, et sur les moyens d’en tirer parti. — Nouvelles expériences sur le chaulage des blés. Rapport fait à la Société centrale d'agriculture du département de la Seine-[nférieure, dans la séance du 13 novembre 4845, et lu dans la séance publique du 27 novembre même année. — Analyse de plusieurs produits d’art d’une haute antiquité. LECOQ (H.) De l’hybridation et de son importance. Lettre adressée à MM. les membres de la Société royale d’horticulture de Paris , aux observations critiques de M. Loiseleur-Deslongchamps. MAIZIÈRE. Colloque sur Le vin mousseux, entre M. et Mme. A. — Lettre sur le Paracasse. — Souscription pour un préservatif contre la casse la plus furieuse du vin qui forme sa mousse. — Origine et déve- loppement du commerce du vin de champagne — Mémoire sur le morcellement. — Voyage aérien. MALHERBE. Catalogue raisonné d'oiseaux d'Algérie, comprenant la description de plusieurs espèces nouvelles , précédé d’une notice sur le genre Dinomis. MATHIEU DE MOULON. De la peste orientale et de la nécessité d’une . réforme dans les quarantaines,. MERAT. Notice sur le genre Thrincia et spécialement sur la nomencla- ture des Thrincia hirta et hispida et du Leontodon. MULSANT. Histoire naturelle des coléoptères de France. Palpicornes, RUELLE (Ch.). Grammaire latine, cours de latinité. TANCHON. Enquête sur l'authenticité des phénonrènes électriques d'An- gélique Cottin. TIMMERMANS. Note sur la convergence des séries. — Mémoire sur les solutions singulières des équations différentielles. -— Note sur une ( 426 ) extension d’un théorème de M. Cauchy. — Sur le parallélogramme des forces de Simon Steven. VALLEROUX (Hubert). Essai théorique et pratique sur les maladies de l'oreille. VINCENT. Des notations scientifiques de l’école d'Alexandrie. — Sur une méthode présentée par Ampère , pour extraire les racines des frac tions. Décomposition des fractions en facteurs. Application à la théorie de la gamme, principalement chez les Grecs. VINGTRINIER. Statistique criminelle. Examen des comptes de l’admi- uistration de la justice criminelle, publiés depuis 1825 jusqu’en 1843. — Cas rare de tétanos. Traitement empirique. Responsabilité médicale. VIOLLET. Journal des Usines. WARTMANN (Elie). Mémoire sur deux balances à réflexion, — Mémoire sur le Daltonisme ou la Dyschromatopsie. — De la méthode dans l'électricité et le magnétisme, à propos du Trattato del Magnetismo e della Electricita, dell’ abbate Francesco Zantedeschi. 3.0 PAR DES ÉTRANGERS. MM. BOULARD (J.N.) Mémoire sur la nécessité d’un enseignement agricole. DAURIER (le baron). Expériences sar le sel ordinaire employé pour l’amendement des terres. FALLUE (Léon). Dissertation sur le cœur de Saint-Louis. GHELDOLF (A. E.). Traduction de l'Histoire de la Flandre et des insti- tutions civiles et politiques. jusqu’à l'année 1305, par L. À Warn- kœnig, tome 3. JOUBERT (P. G.) Agenda de comptabilité agricole. Instruction. RAINNE VILLE (de). Manuel de la petite culture, N.05 8 et 9. Mai 1846. TERWANGNE {Ad.) Révolution commerciale en France. Réflexions sur la situation présente ; moyens de l'améliorer. ANONYMES. Quelques notes sur M. de Dombasles, par un élève de Roville. — Notice sur Gombert, architecte de Lille. — Nouvelle Revue encyclopédique, publiée par MM. Firmin Bidot frères. Mai, juin, juillet et août 1846. — Journai du Génie civil et des Arts, publié par M. AL. Corréard. — Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne. No- vembre et décembre 1845 ; janvier, février , mai, juin , juillet et août 1846. — Annuaire de l’Institut des provinces et des congrès scientifiques, Vol. in-12, Paris, 1846. ( 427 ) 4 © PAR LES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. AMIENS. Société des Antiquaires de Picardie. — Bulletins, 1845, N.0 4; 1846, N.0 4, 2 et 3. ANGERS. Société industrielle du département de Maine-et-Loire. — Bulletin N.0 7, 16.e annce. 1845. AVESNES. Société d'agriculture de l’arrondissement. — Compte-rendu de la séance solennelle du 8 septembre 1845 , et Bulletin des tra- vaux de la Société pendant le deuxième trimestre de cette année. BAYEUX. Société vétérinaire des départements du Calvados et de la Manche. — N.0 41 des Mémoires, année 18453 à 1844. BORDEAUX. Société d'agriculture, des sciences, belles-lettres et arts , de la Gironde. — Annales, 2.e, 3.e et 4.€ livraisons , année 1846. BOULOGNE-SUR-MER. Société d'agriculture, du commerce, des scien- ces et des arts. — Séance publique du 17 janvier 1846. BOURGES, Société d'agriculture du département du Cher. — Bulletins N.0s 56 et 57 du tome 6. CAEN. Société royale d’agriculture et de commeree, — Séances du 20 février et du 30 avril 1846. CAHORS. Société agricole et industrielle du département du Lot. — Bulletins des années 1836 à 1845 inclusivement. CHARTRES. Société d'agriculture d'Eure-et-Loire. — Bulletin agricole, N.0s 2 et 35, année 1845. CHALONS-SUR-MARNE. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts, de la Marne. — Séance publique, année 1845. CHATEAUROUX. Société d'agriculture du département de l'Indre, — Ephémérides, 2.e partie, année 1845 et 4.1€ partie, année 1846. COMPIEGNE. Société d'agriculture de l'arrondissement. — L'Agro- nome praticien , N.0S de janvier, mars, mai, septembre et novem-— bre 1846. DIJON. Académie des sciences, arts et belles-lettres. — Mémoires , années 4843-1844. DOUAI. Société royale d’agriculture , sciences et arts. — Extraits des procès-verbaux , partie agricole. — Pétition adressée aux chambres législatives, concernant la navigation intérieure et l'établissement d'une tarification uniforme, 8 mai 4846. — Procès-verbal de la séance du 4.€' novembre 1846. EVREUX. Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l'Eure. — Mémoires , 2.e série, tome 6, 1845 à 1846. FALAISE. Société académique, agricole, industrielle et d'instruction. — Rapport et pétition concernant le chemin de fer de Paris à Cher- bourg, fait à la section agricole et industrielle, année 1845. (428) FOIX. Société d'agriculture et des arts, de l'Ariége. — Annales agrico les, littéraires et industrielles. Mai et juillet 1846. GAND. Société royale des beaux-arts, belles-lettres, agriculture et botanique. — Annales, 1.re et 2.0 livraisons, 1846. — 84.e expo- sition, mars 1846. GENEVE. Société de physique et d'histoire naturelle. —- Mémoires , tome XI, 1.re partie. GRENOBLE. Société d'agriculture de l'arrondissement. — Bulletin : N.0 8, 1846. LILLE. Cercle médical. —- Bulletins, N.05 4, 9, 3 et 4. LONDRES. Société entomologique. — The transactions ; vol. 3, Part the fourth ; vol. 4, Part the second, the third. LYON. Société royale d'agriculture, histoire naturelle et arts utiles. — Annales, tome 8, année 1845. — Société d’horticulture pratique du Rhône. — Bulletins, mars et avril 1846. MANS (LE). Société royale d'agriculture, sciences et arts.— Bulletins du 4e trimestre 1844. MEAUX. Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires publiés de mai 1843 à mai 1844. METZ. Académie royale des sciences, — Mémoires , années 1844-45, et 1845-46. — Société des sciences médicales. — Exposé de ses travaux. — Année 1845. MILAN. Institut impérial et royal des sciences, des lettres et des arts. — - Mémoires, 2.€ volume, — Elogio di Bonaventura Cavalieri, recitato da Gabrio Piola. MULHOUSE. Société industrielle, — Bulletins, N.os 92 , 93 et 94. — Programme des prix proposés par la Société pour être décernés en 1847. MUNICH. Académie royale des sciences, de Bavière. — Mémoires , an- nées 1845, 1844 et 1845.— Akademischer almanach auf das jar, 1843 et 1845. NANTES. Société académique du département de la Loire-Inférieure, — Journal de la section de médecine, 21,6 volume, 101.2, 102.e, 103.2, 104.e et 105.e livraisons. PARIS. Société royale et centrale d'agriculture. — Bulletin des séances des 5 et 19 novembre 1845. — Société royale d’horticulture. — Annales, décembre 1845, janvier, février, mai, juin, juillet, août, septemb., octob. et novemb. 1846. — Société séricicole. — Extrait du compte-rendu de la séance générale du 26 décembre 1845, par M. Frédéric de Boullenois. — Annales, 9.€"volume, année 1845. ( 429 | PARIS. Athénée des arts. — Procès-verbaux des 120.e, 124.e, 199.e et 193.€ séances publiques. — Compte-rendu des travaux de la session 1845-1846. RENNES. Société d'agriculture du département d'Ille-et-Vilaine, — Annales , années 1843 à 1844. ROUEN. Société libre d’émulation. — Bulletins, années 1845 et 1844. SAINT-PÉTERSBOURG. Académie impériale des sciences. — Mémoires, tome 6 , 5.e série , sciences mathématiques et physiques ; tome 7, 2. partie, 6.2 série, sciences mathématiques , physiques et naturel- les ; tome 6, 5.e série, sciences naturelles. — Mémoires présentés à l'Académie par divers savants et lus dans ses assemblées, tome 5, Are, 2e, 3.e, 4.e, 5.e et 6.e livraisons , année 1844, et tome 6, .re livraison. SAINT-QUENTIN. Société des sciences, arts, belles-lettres et agriculture. — Mémoires, 2.e série, tome 1.®r, année 1843, et tome 2.€, année 1844. TOULOUSE. Académie des Jeux floraux. — Recueil, année 1846. — Société archéologique du midi de la France. — Mémoires, tome 5, 6.e et 7. livraisons. TROYES. Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du dé- partement de l'Aube. — Mémoires, 1.er trimestre de 1846. VALENCIENNES. Société d'agriculture , des sciences et des arts. — Mémoires , tomes 4, 5 et 6. — Topographie historique et médicale de Valenciennes. VERSAILLES. Société royale d'agriculture et des arts, de Seine-et- Oise. — Mémoires, tome 46. . 5.9 PAR DES SOCIÉTÉS NON CORRESPONDANTES, AURILLAC. Société d’horticulture du Cantal. — Bulletins de mars et avril 1846. BEAUVAIS. Athénée du Beauvaisis. — Bulletins du 1.9 et 2.e semes- tre 1846. BLOIS. Société d'agriculture du département de Loir-et-Cher. — Bul- letin trimestriel, N.0 9, 4845, et N.° 10, 1846. BRUXELLES. Société royale de Flore. Exposition de mars et de juillet 1846. LIMOGES. Société royale d’agricultare, des sciences et des arts. — Bul- letin, tome 23, N.0s 2 et 5, et tome 24, N.0 2. MELUN. Société d'agriculture. — Mémoires , rapports , analyses et noti- ces , année 1845. ( 430 ) PERPIGNAN. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées Orientales, — Mémoires, 6. volume, 2.e partie, 1845. REIMS. Académie des sciences. — Séances et travaux, 3.2 et 4.e vol. ROCHELLE (LA). Société d'agriculture, — Annales, année 1846. MANUSCRITS ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ, 1,0 PAR SES MEMBRES. MM. CAZENEUVE. Notice sur un cas d’anémie, par suite de règles trop abon- dantes, — usage du seigle ergoté. DELERUE. Mémoire sur la misère des classes ouvrières et sur le mode de recueillir et de répartir les secours de la charité publique. 2. partie. DE MAIZIERES. Mémoires sur le calcul d’un aérostat dirigeable et sur les vents généraux irréguliers. KUHLMANN. Mémoire sur les relations entre les phénomènes de la nitri- fication et ceux de la fertilisation des terres. — Mémoire sur un nouveau mode de préparation de l'acide sulfureux liquide et des sulfites. — Détails sur un nouveau procédé de dosage de l'acide nitrique et des nitrates. LEGRAND. De la physiologie du conseil de révision. 2.e partie. — Fragment de son voyage sur le Rhin, MACQUART. Notice nécrolog. sur M. Meigen, savant entomolog. allem. MEUGY. Notice géologique sur le bassin houiller de Rive-de-Gier. MOULAS, Episode traduit en vers français du poète espagnol de Quin- tana, et portant ce titre : Au brave Guzman. 2,9 pAR DES ÉTRANGERS. MM. CASTEL. Tableau d'observations météorologiques , faites et recueillies par ses soins pendant les années 1844 et 1845. ESTABEL-CREPY. Mémoire sur la production chevaline, considérée dans le Nord de la France. É DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ. MM. DELEBECO (Alexandre). Etudes et dessins d'architecture, composant le portefeuille de M. Delebecq, son frère, decédé architecte à Lille. KUHLMANN. Deux sacs de graines des meilleures espèces de pommes de terre d'Alsace, pour être distribuées gratuitement aux cultivateurs de l’arrond, de Lille et aux sociétés d’agriculture qui avoisinent cet arr, ( 431) LEFEBURE. Chapon empaillé, présentant sur le haut de la tête des espèces de cernes, par suite d'implantation. LOISET. OEuf de poule, privé presque complètement de son teste cal- caire et offrant à l’une des extrémités de son grand cone un prolon- gement cylindroïde d’un diamètre d'environ six millimètres et près de quatorze centimètres de longueur. MARMIN. Coquillages divers. OUVRAGES ENVOYÉS PAR LE GOUVERNEMENT. Journal des Haras. Annales des Haras. Le Cultivateur, journal des progrès agricoles. Journal d'’sriculture pratique et de jardinage. Les numéros de mars, avril, mai et juin 1846. Description des machines et procédés consignés dans les brevets d'in- vention, tomes 57.€ à 61.€ inclusivement. Catalogue des brevets d'invention délivrés du 9 octobre 1844 au 31 décembre 1845. ABONNEMENTS. Annuaire statistique du Nord. Archives historiques et littéraires du Nord de la France. L'Institut, 1.re et 2.e sections. Moniteur de la propriété et de l’agriculture. Plantes cryptogames de France, par M. Desmazières. Annuaire «es Sociétés savantes de la France et de l’étranger , publié sous les auspices du ministère de Instruction publique. ct) AD Ban a ANRT ARE dE pu | Ai fee ST lé a sets des Punes CRD de * Wu y ca) 1h cRETLS (433) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. Compte-rendu de la Société royale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts, de Lille, pendant les années 1844 et 1845, par M. Victor Derenue , R. (*..................,....... HISTOIRE NATURELLE. Diptères exotiques nouveaux ou peu connus, par M. J. Mac- Qar hs ssl. M sa. CUBE: 1 Histoire de la galle de l'Eryngium, et des divers insectes qui l’ha- bitent, par M. Léon Duroun, G....................... BOTANIQUE. Observations sur la Sphæria arundinacea , sow. et godini, nob., par J.-B,-H.-J. Desnazières, HE de cer pe et Leurs es dan Nouvelle Notice sur quelques plantes cryptogames récemment découvertes en France, par M. J.-B.-H.-J. Desmazènes, Re MÉDECINE. Observations cliniques et considérations générales sur la guérison et le traitement de la phthisie pulmonaire , par M. V. Caze- NEUVE , R...... RAT One EST DSC ED D LAONOE Pêche des sangsues ; réponse aux questions adressées par M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, par M. Bar, R. (x) R. signifie Membre résidant ; C. , Membre correspondant. 28 Pages, 121 129 136 146 203 ( 484 ) MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. Pages. Notice sur la pleuropneumonie épizootique de l'espèce bovine, régnante dans le département da Nord, par M. Loiser, R... 208 BEAUX-ARTS. . PEINTURE. Physiognomonie, par M. Pierre Cazoise , R.,....... sole 00) LITTÉRATURE, Une Promenade à Bouvines, par M. Pierre Lecnann , R....... 349 POÉSIE. Sur le Combat de Trafalgar, traduction de l’ ER de Quin- tana (1805), par M. Mouras, R....... ë NE. de, | 398 Notice sur la vie et les ouvrages de Roland, statuaire, par M. Davin, d'Angers, C2 ARE eUR RRRN MN A SC É Rapport sur le concours ouvert pour le prix à douner à la meil- leure Notice sur la vie et les ouvrages du statuaire Roland, par MPierre Leman sole sonate 0 RON <.. 397 Distribution des prix. — Discours prononcé par M. Thém. Lesnisounors 10 OR PS. GS Me nn Le Ra Eee 1 Le Table des matières contenues dans le sixième volume des Publi- cations agricoles, de 1845 à 1846 .......,...... Lies TOMER VAE ( 435 ) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE 6.2 VOLUME DES PUBLICATIONS AGRICOLES , de 1845 à 1846. N.o f. Animaux domestiques. — Notice sur l'hygiène spéciale de la vache nn 4e 7. An de M ent ANR ras à Rte Idem. — Sur les qualités lactifères de la vache... .... ODA Lettre de M. Lecat....... sie. Ron if 4h at ste he Léttre de M. E. Demesmay...................4.4.4 Note sur la distance à observer pour espacer les plantes sarclées , ar D Demesmay. ...:....:..0 A nee Net GAS tee Lettre de M. de Renneville ........................, — Du repiquage du blé............... SMS BE D ERAIR ER N.0 2. Rapport fait au nom de la Commission d'Agriculture, sur les causes probables des maladies de la pomme de terre et sur les moyens de les éviter, par M. J. Leresvue, Secrétaire de la Commission ....,......., PRES. ESS ER PRE Instruction sur la manière de cultiver les semis de la pomme d HENTO Re - seci- MIE ne na se sels ice Duisemis en pépinière. 4... das ses mec M ane se Du semis sur place et à demeure. ...................... Ë Moyen de retarder la germination des pommes de terre destinées à PR ntatOne ae Catdreriie PRET. RES Usage des pommes de terre pour l’homme. . ... SAME Fe REG Usage des pommes de terre pour les animaux. ....., che cd N.0 5. Expérience sur la fertilisation des terres par les sels ammoniacaux, les nitrates et autres produits azotés. ..,.,....,. A Os 24 28 61 ( 436 Pages. Economie agricole — Notice de M. Demesmay, membre associé ; APTICUTEUE Ne eme 0 : = » 0 PORT 1 nt MS MP Cp de 67 Enireten duenps bétail, ......,.... 0... Ve 71 Concours de bestiaux à Poissy ..,.,... Se eu Éd ne 0e ce 80 Texte de la pétition adressée à M. le ministre du commerce et de l’agriculture, par la Société des sciences, de l’agriculture et des arts , de Lille , relative à la réduction de l'impôt qui pèse sur Reset LL AE A AU EN AN + RE à AE 87 No 4. "Colonie agricole des jeunes détenus de la maison centrale de Loos. — Rapport d’une commission spéciale, composée de MM. Macquart , Davaine, Loiset, Delezenne et Lefebvre , ce der- nier rapporteurs %éravt Jette. 3H. 04e 93 Rapport de M Valois , associé sers adressé à % Société Royale eat ne cubiex Ahabet bol able éal nt 401 Extrait d'une lettre de M. Malingié, adressée à M. le Secrétaire de la Commission d'Agriculture . ...............1..... 404 Rapport de M. de Renneville au Comice d'Amiens, .......... 407 N.0 5. Société royale des sciences, de l’agriculture et des arts, de Lille. — Compte-rendu de la distribution solennelle des prix. .... 109 N.0 6. Rapport sur la maladie des pommes de terre, par M. Thém. LESTIBODDOIS Mat cute a a MN STATE FREE PES MA man KAÉSS DÉSCrPHO RCE RE 5: dE A nel Par AU PA Sie ARE So 15921 Effet de la maladie sur l’approvisionnement. .............. . 436 Causes de la maladie. ....... de odE cé pue TE A Remèdes . .... DE te de D RSR DE NRUEO ES tte 1557) Moyens de conser ton et emploi des tubercüles cariés. ....... 160 N.0 7. Modifications à apporter aux assolements usités, par M. Dr- MIRSMAY ee VA, VAE NNNREMEER ST EME EN AR dE He 167 Citerne à engrais. — den rapport de M. Din ME 174 No 8. Rapport sur le Concours de Bestiaux, ouvert par la Société Royale des sciences, de l’agriculture et des arts, de Lille, fait ( 487 ) au nom du jury chargé de décerner les prix, pa M. À.B. Loiser........... RÉla se eeletehe eue ARTS ER N.0,9: Lettre de M. Lecar, sur trois différentes te de blé...... : Question du sel........... ; Mc DOC TRTEE Compte-rendu des travaux du EE général d’ un , par M. J. Leresvre . . ... DIE LT RES to Gi LU MLIENIEES Rapport de M. Dewesmay, membre associé agriculteur, à Tem- pleuve, relatif à la composition d'engrais fertilisant. ...... : Rapport de M. Loiser, sur un mémoire relatif à la race che- VENTE REC RE RE ee re SELS SE SH Or Soins à donner au fumier... ............. 1... N.o 10. Distribution solennelle des prix. — que des in ix proposés pour être décernés en 1847 et 1848 . PET D TO No 11. Note sur les assolements et particulièrement sur l’assolement pro- posé par M. Dezermenis, dans un ouvrage intitulé : Conseils aux Agriculteurs, par M. Tu. Lesrisounois. . ................ Observations de M. Deuesmay sur l'ouvrage de M. Dezemenis, et sur les notes de M. Lesrisounois, relatives au système d’assole- . ment proposé par cet auteur. ............ RAS se AE Equivalent de la valeur nutritive des fourrages. ......... Du sulfatage comme moyen préservatif de la carie da ra par M. C. J. À. Marmieo DE Dompasie ...., SAR UNE No 192. Rapport sur le concours départemental de bestiaux , ouvert par la Société royale des sciences , de l'agriculture et des arts, de Lille, fait au nom du jury chargé de décerner les prix , par MMA PB oisET.. 20 CEA Pages. 194 261 271 279 281 LCL LU 4 1x Fi or 0 er Mu sise Dre date à 0 Jp S SM Vars + Fasatan Mate HET sado tr nat da : Fos Asian LEUR LA gt HAL RAS Bei ù Le É£ Lie Ÿ Æ à ss FOOT ad Tr fre. PÈRE ï Fe 4 » (ei F 5