p MÉMOIRES SOGIÈLÉ ROMABE _ D'ÉMULATION D'ABBEVILLE. | AS41, 1842 et 1842. _ ABB IMPRIMERIE DE C. PAILLART. | AA: Dee SA la Pate Proyale d Émuulahion. Abeille, Le Fil Lee 7 184 DA LE PRÉSIDENT : NN. D'ÉMULATION. MEMOIRES DE LA SOGEELE RORARE D'ÉMULATION D'ABBEVILLE. ASAT, 1842 et 1848. ABBEVILLE , IMPRIMERIE DE C. PAILLART. a F ce An 4 de< Le ée £ Pr ou AUS 2x x SAN SOGIÈTE R( D'ÉMULATION. gese DE L'ÉDUCATION DU PAUVRE. QUELQUES MOTS SUR CELLE DU RICHE. Liscours prononcé par le Président de la Société Royale d'Émulation, dans la Séance du 29 octobre 1841. Ce n’est pas un traité d'éducation que nous allons vous présenter ; les bornes d’une simple allocution ne le per- mettent pas. D'ailleurs, quelle en serait Putilité? On a déjà tant écrit et si longuement parlé sur ce sujet, que la vie d’un homme, füt-elle d’un siècle, suffirait à peine, je ne dis pas pour mettre en pratique tant de conseils, mais seulement pour les lire; et si nous voulions lentreprendre, nos élèves seraient devenus des hommes que nous serions encore à chercher par quelle lettre ils doivent commencer à appreudre l’alphabet. Un autre inconvénient des études trop exclusivement théoriques, c’est qu’elles nous aveuglent sur la pratique. Alors ce n’est pas notre science que nous appliquons au (2) perfectionnement des hommes , ce sont les hommes que nous voulons appliquer à notre science. Nous prétendons les refaire à la mesure de nos livres, ou les niveler aux rayons de notre bibliothèque ; et c’est ainsi que pour ne pas avoir étudié en vain, nous repoussons toute expé- rience, toute vérité, dès qu’elle contredit ce que nous avons si péniblement appris ; et quand nous croyons savoir toutes choses, nous ne permettons plus que ces choses avancent, de peur que notre érudition ne demeure en arrière. | Ce que je dis des faits, il faut l'appliquer aux indi- vidus : à Rome, comme à Athènes, ce que le philosophe tolère le moins, c’est que son disciple ait plus d'esprit que lui. Le système d'éducation pratiqué aujourd’hui tend donc moins à faire surgir de chacun ce qui est en lui, qu'à y mettre ce qui est en nous et à faire rentrer dans l’in- dividu ce qui dépasse la ligne commune, ou celle que la coutume ou le préjugé a tirée devant la raison. Nous faisons de nos enfans ce que l’on a fait de nous, des mains. Imitant à la fois les Chinois et les Caraïbes, nous leur serrons les pieds dans des entraves et la tête dans une boîte. Encore le mal serait-il supportable, si nous cal- culions la forme du contenant d’après celle du contenu; mais ceci n’est pas non plus la coutume ; et quand il y a excédant , c’est avec la plane et le rabot que nous égalisons la matière. Ou bien si nous songeons à assortir les dimensions, si nous en prenons la mesure, ce n’est jamais sur la taille du néophite, mais sur celle de son habit, ou mieux encore de l’habit de son père. Le prix du drap ou le plus ou moins de finesse de la toile de sa chemise, réglera la qualité de la leçon et détermi- nera , non le genre d'éducation qu’il doit recevoir, puis- qu’elle est pour tous la même, mais le plus ou moins de soin et de persévérance à apporter à cetle éducation. C’est ainsi qu’un vêtement court et grossier entraine une (3) instruction analogne Il s'en suit que tel enfant est beaucoup trop éduqué, et que tel autre ne l’est pas àssez; et chose merveilleuse, c’est qu’à la fin du compte, le résultat se trouve à peu près égal, et que tous les deux, par des chemins opposés, sont parvenus at même point, c’est-à-dire à une ignorance complète de la vie utile à l’ensemble et profitable à chacun. Peut-être y aurait-il, à ceci, remède et guérison. C’est cette guérison, ou les voies qui y conduisent, que nous a!lons chercher. Ce que nous devons examiner d’abord comme le plus urgent et peut-être le plus essentiel, c’est l’éducation du pauvre, celle qui surtout doit être basée sur la réalité presente bien plus que sur des théories spéculatives, éducation qui peut apprendre au malheureux à gagner son pain et à le gagner honnêtement, puis à le conser- ver quand il en a obtenu plus qu’il ne lui en faut pour la faim du moment et pour la consommation du jour. Parler des pauvres dans nos états européens , c’est parler des seize vingtièmes de la population, et par cela même y faire la critique des hommes et des choses; c’est surtout accuser l’action qui gouverne, car les pauvres on les fait partout où ils ne se font pas eux-mêmes; et ce qui les fait d’abord, même avant l’égoïsme du riche, c’est la mauvaise politique, c’est la mauvaise administration, c’est l’oubli des conditions imposées par la majorité quand elle délégua ses pouvoirs à la minorité. Selon moi, si le devoir de tout gouverné est de tra- vailler , la première obligation de tout gouvernant est de faire qu’il travaille et qu’il vive en travaillant. S'il na pas d'ouvrage ou s’il ne vit pas de celui qu’il fait, c’est que l’administration n’est pas ce qu’elle devrait être; c’est que le pacte social n’est pas respecté. Le malaise et la pauvreté ne sont pas ici la seule con- séquence de cet état de choses, car de la misère naît la corruption , et avec lune et l'autre, l’ignorance qui les (4) éternise. D’après ceci, il n’est point d'éducation réelle, ni même d'association effective et par conséquent de gou- vernement durable, là où la grande pauvreté est devenue la part du grand nombre, là où cette majorité ne sachant pas ce qu'elle mangera le lendemain, peut, des ce lende- main, mourir d'inanition. Si le besoin est un incitant nécessaire pour forcer l’homme à agir et à travailler, il n’en est pas moins vrai que lorsque ce besoin n’est jamais satisfait et que l’in- dividu n’a d'autre occupation que celle de lutter contre la faim, ni d'autre pensée que de n’en pas mourir, il est difficile qu’il puisse songer à acquérir la science. Alors non-seulement il ne peut ni avancer physiquement, ni devenir meilleur, mais il doit avec peine se maintenir au point où il se trouve et ne pas s’abrutir encore. Restât-il ce qu’il est, c’est-à-dire un être souffreteux et misérable, comment former un corps de nation, une véritable famille ou un état régulier avec de tels élé- mens , avec cet assemblage d'individus qui, pris isolé- ment, sont affamés, ignorans ou corrompus et souvent même fout ceci à la fois? Ne nous arrêtant qu'à une seule de ces plaies, l'ignorance , nous demande- rons : qu'est-ce que l’éducation en France? Si nous la résumons, comme on le fait assez ordinairement, dans l'in- telligence des signes de l'alphabet et dans leur reproduction sur le papier , nous reconnaîtrons que ce double talent, tout vulgaire qu’il paraisse, n’y est pas général, qu'il y est même assez peu répandu et moins peut-être que chez quelques peuples réputés barbares. D'où il résulte que sur trente-trois millions de Français, on en compte à peine six millions qui sachent lire couramment, et quatre mil- lions qui puissent écrire et compter jusqu’à cent (4). Mais \ (1) Ceci n’est qu’un apercu approximatif: en 4840 on comptait (5) c’est moins cette ignorance des signes qui cause nos maux, que le défaut d’ordre ou l’absence de conduite, que l'oubli de la morale et de la vérité. C’est la confusion des idées qui met la plèbe européenne, malgré son titre de civilisée, bien au-dessous des nations que nous consi- dérons comme étant encore dans l’enfance. En réalité, notre civilisation n’atteint qu’une classe, on peut même dire que quelques individus de cette classe. Elle est donc plus spécieuse que réelle : c’est une vanterie, un titre dont nous nous parons , et qui nous sera dénié par nos descen- dans, moins grossiers que leurs pères. Dès lors , si nous mesurons lavenir à notre actualité, et si nous estimons d’après la profondeur de la plaie, le temps qu’exigera la guérison, l’époque de notre amélioration est encore bien éloignée, et des siècles s’écouleront avant que nous en- trious dans une voie de progrès véritables. Aujourd’hui, ce ne sont pas de simples palliatifs qu’il nous faut, et Védifice n'est pas seulement à recrépir , il est à recons- truire : c’est une régénération sociale que notre position demande; c’est un nouveau corps qu’il nous faut faire, un nouvel esprit que nous devons acquérir. Pour préliminaire, pour condition première du succès, nous aurons d’abord à passer l'éponge sur ce que nous avons appris. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire Er rmmmermrmeemenemttemesermeeeersenaeeent nee cerner, dans les écoles communales et privées, dirigées par des hommes. + : . + . .. . ,!. . «+ … 4,607,043 garçons. 444,356 filles. dans celles dirigées par des femmes. . . . 34,394 garçons. 795,946 filles. 2,881,679 ESPRRCSHAMEAELRERES Mais il est à remarquer que chez les classes pauvres on rencontre un assez grand nombre d'individus qui ont su lire et écrire étant enfans, et qui, arrivés à l’âge mûr, ont oublié l’un et l’autre. (6) place à ce que nous ne savons pas et à ce qu’il nous est réellement utile de savoir: Ce sont nos mauvaises lois, nos mauvaises coutumes, notre mauvaise éducation qu’il faut effacer, c’est l'entrainement de l’habitude et de l'exemple qu’il faut détruire. Oui, c’est l'exemple surtout, ce mauvais exemple, vivante tradition du mal passé, cet exemple qui nous transmet. ce mal et en quelque sorte nous linocule, cet exemple qui, s’il n’est pas le principe de nos vices, les entretient et les perpétue; c’est par lui que nous en héritons de nos pères , comme eux-mêmes en ont hérité des leurs, comme nos fils en hériteront de nous. Heureux, si nous ne leur apportions que l’ignorance : c’est la science du mal que nous leur laissons , ce sont nos préjugés et nos mensonges. Là est le plus clair de nos dons: si nous ne leur léguons pas toujours la pauvreté, nous leur donnons ce qui la fait: la corruption. Oui, exemple et son entrainement, telle est la première cause de nos maux, tel en est le grand mobile et ce qui les rend durables et comme indestructibles. Étendant son influence sur toutes nos actions, cet exemple funeste ne nous laisse pas un seul jour à nous- mêmes, à notre volonté libre et pure. Suivez-en la marche: placé sous le toit paternel, il nous apparaît dès le berceau, il nous parle par la voix de notre nourrice, par sa main il nous saisit et nous enveloppe dans notre premier lange. Si notre première pensée est à nous, la seconde est à lui; il étouffe à la fois la conscience et la raison. Malgré tant d'obstacles ou de déviations, si un jour cette raison surgit, si elle nous fait apercevoir le mal, déjà il est trop tard; nous le voyons et ne pouvons ni le repousser, ni nous en arracher. Une nature factice et mauvaise a succédé à cette bonne nature que Dieu a donnée à tous les êtres. Nous étions nés doux, sobres, industrieux, et nous sommes devenus méchans, paresseux, débauchés , parce que des exemples de paresse et de dé- bauche nous entourent. (4,) De qui viennent-ils? Hélas! je le dis à regret, ils viennent des personnes qui devraient ne nous en donner que de bons, ils viennent de nos parens. Saus doute un père ne va pas dire à son enfant : sois méchant, sois bu- veur, sois fainéant, sois libertin; il fait pis, il est tout cela lui-même; et l'enfant fait comme lui. Comment ferait- il autrement? Il n’a pas de meilleur modèle, il n’en a pas qui le frappe et l’intéresse davantage. Quel est ici le remède ? C’est de séparer le bien du mal, l'ivraie du bon grain; c’est d'abandonner à sa pourriture la plaie incurable, de laisser à la gangrène les membres dont la gangrène ne peut être guérie; c'est de ne s’occuper que des parties saines ; c’est de mettre une barrière entre la génération faite et la génération à faire ; c’est d'isoler de la sottise, de la perversité, l'enfance pure encore, avant que la sottise et la perversité ne la gagnent. Dans cet isole- ment, dans cette barrière morale mise entre les fils et leurs parens, est le seul topique efficace, la seule voie de salut; bref, c'est ainsi seulement que nous parviendrons à une guérison complète , à une régénération effective. Enlever un enfant à son père, s’écriera-t-on, c’est une barbarie, c’est un crime !! Sans doute, quand les enfans ont un père; mais l’enfant du pauvre en a-t-il? S’ilen a un, où est-il? À quoi peut-il le reconnaitre? Quels sont les soins qu’il en reçoit? Comment en est-il nourri? Qu'est-ce qu’il lui enseigne, qu'est-ce qu’il lui donne qui tende à sa moralisation ou à son bien-être? Et quand ce père ne l’exploite pas à son propre profit, que fait-il de Jui ? Que fait-il pour lui? Pour répondre à ceci . il suffit de jeter un regard sur l'intérieur d’un ménage pauvre, ou seulement sur le pre- mier groupe d’enfans qu’offrira la voie. publique leur séjour ordinaire. Je n’hésiterais pas à le dire, l'enfant du peuple en France est, sous le rapport du bien-être physique et de la position morale, moins sainement chez ses parens, qu'il ne le serait dans la tanière du Samoïède ou dans le (8) viclan de l’Indien; car chez celui-ci, il ne perd rien de ce que Ja nature lui a donné ; il conserve et sa force et son intel- ligence. En est-il de même chez nous? Non, l'enfant du peuple y est, à dix ans, au-dessous de ce qu'il était à six; et mesuré avec le jeune sauvage, il aura en raisonnement, comme en vigueur musculaire, une infériorité marquée. Cette décroissance morale, ne faisant qu’empirer avec l’âge, l'adolescent de quinze ans, déjà pourvu de tous les vices, de tous les préjugés de l’homme fait, vaudra moins que lenfant de dix; bref, à vingt ans, il sera comme son père : une brute. N'hésitez donc point ; et si dans vos villes vous voulez rendre à la moralité et au bien-être la génération qui vient, ne la laissez pas en contact avec la génération qui s’en va, et qui, en s’en allant, ne lui laisse que ses vices. Bref, séparez l’enfant de sa famille quand elle ne peut, ne sait ou ne veut pas lui donner la nourriture du corps et la moralité de lame. , . Que l'habitude et l’opinion s’élèvent ici contre nous, qu’on nous accuse d’inhumanité, qu'importe, s’il n’en est rien, si notre intention est pure, si elle est utile! Avant de vous effrayer de cette apparence de violence , avant d’y voir un acte tyrannique, réfléchissez aux conséquences, examinez les choses sans passion, sans préjugé; pesez en là réalité. Est-ce à la maison paternelle que vous arra- chez cet enfant? Non, vous l’arrachez à sa misère; vous Varrachez à l’insalubrité, à un travail hors de rapport avec ses forces; ou bien vous le sauvez d’une oisiveté, d’un va- gabondage plus dangereux encore, vous le retirez de la boue dans laquelle il se vautre. Pourquoi cet enfant préfère-t-il cette boue, cet abandon avec toutes ses douleurs, le froid , la faim, la nudité , à la société de ses parens? Pourquoi s’échappe- t-il de cette maison paternelle le plus tôt qu’il peut, pour y rentrer le plus tard possible ? C’est qu’en réalité, quelles que soient ses souffrances au dehors, elles lui semblent (9) moins âpres , moins cruelles, moins insupportables que celles qu'il endure en famille; c’est qu’il se sent, dans sa maison, plus mal que partout ailleurs ; c’est que dans cette maison il n’a ni air, xi Jour , ni espace; c’est qu’il n’y rencontre que déboire et putridité, et que mal- propreté pour malpropreté, il aime mieux celle de la rue, qui lui offre plus de variété; c’est que tout enfant qu’il est, les scènes de violence ou de désordre qui chaque jour se renouvellent entre ses parens, les cris, les injures, les malédictions lui répugnent ou leffraient; c’est enfin que sa nature, qui n’est pas encore faussée, lui fait fuir ce qui est hideux. Mais ce mauvais exemple auquel ii semble échapper en s’éloignant du logis, il le retrouve dans la rue, il Py ren- contre non moins frappant et plus varié, et dans ses ébats enfantins, là aussi dans cette rue, devant un auditoire qui lexcite, il cherche à imiter ce qu’il voit: et qu'y voitil? Il est dans presque toutes nos cités une spécialité d’in- dividus , ivrognes éhontés ou bouffons abjects, espèce de fakirs demi-mendians, demi-voleurs, qui, par spéculation ou par goût, font métier de montrer à tous leur turpitude; et qui au milieu des rues ou des carrefours, hurlant des chansons obseènes ou vomissant des blasphêmes, insultent aux passans et bravent à la fois la pudeur et la police. Ces spectres avinés font d’ahord peur aux enfans, ou les dégoüûtent, mais peu à peu l’habitude fausse l’instinct, et il arrive un moment où, pour ces mêmes enfans , ils de- viennent un spectacle agréable et quelquefois un modèle à suivre. Ici encore, à qui la faute? Par quelle mansuétude supportons-nous cette insolence du vice et courbons-nous la tête sous l’ignoble tyrannie de ces rois de la rue? C’est ce que je me suis souvent demandé ; mais il n’en est pas moins vrai que la chose existe, et que le public nourrit, tolère et souvent encourage ces étranges représentans de notre liberté. Qu’en résulte-t-il? C’est que ce malheureux enfant, (10 ) soit qu'il reste au logis ou qu'il s’en éloigne, soit qu’il repose au foyer paternel ou qu’il vague dehors, rencontre partout des exemples funestes. Éloignez donc de l’innocent la coupe empoisonnée; repoussez-le de la cité perverse. Ne perdez pas un instant, car chaque jour lui donne un nouveau vice ou lui fait une nouvelle blessure. Arrachez-le à la contagion, à la misère, à la mort. Quant au droit que vous en avez, vous, gouvernant, ce droit est celui de la réflexion sur l’imprudence, c’est celui de cet homme fort et humain sur le malheureux qui se noie, quand sa main le saisit aux cheveux et le sauve, c'est celui que nous confèrent le bon sens et l’amour de nos semblables, c’est le droit de la raison même. Ce di- lemme le prouve : ou ce père de famille est trop pauvre pour nourrir cet enfant , ou il est trop dérangé, trop occupé de lui-même pour y songer. Dans le premier cas, il vous remerciera, puisque vous vous chargez de pourvoir celui qu’il ne nourrit pas. Dans le second, il vous laissera faire. | Je suppose qu’il s’y refuse; faut-il, pour cela, que Penfant soit sans pain, sans aide, sans secours? Et parce que cet homme oublie son devoir, est-ce un motif de décliner le vôtre? Non-seulement ce que je vous conseille est licite, mais est obligatoire; c’est le droit du véritable père de famille, de l'administrateur prévoyant. Ne voyez- vous pas qu’en flétrissant ame de ces pauvres innocens, on brise aussi leur corps. Vous condamnez chaque année quelque misérable fille qui, à la maternité et à la conscience préférant un vernis d'honneur, a abandonné son nouveau né; où qui dans l’accès d’un délire sauvage, dans le paroxisme d’atroces douleurs ou dans l’égarement d’une crainte plus poignante encore, a porté sur lui une main sanglante. Et quand justes ici, quand sévères peut- être, vous êtes ailleurs si induigens , ignorez-vous com- bien la brutalité, le défaut de soin des maîtres, des parens ou même leur cruauté réfléchie; tuent chaque jour (H ) d’enfans tout formés, boutons qui ne demandaient qu'à s'épanouir et qu’on écrase sous le pied. Je vous parlais des ivrognes, mais il en est qui de- viennent féroces, qui frappent sur leur enfant comme sur leur cheval, comme sur leur âne, et plus fort encore, car pour eux, leur âne a un prix ; ils l'ont acheté , il leur rapporte de l’argent ; sa mort serait une calamité. Mais un enfant; on en a toujours assez quand le pain est cher ! J’ai vu une de ces brutes à face d'homme, portant dans ses bras son fils de trois ans et Lombant à chaque dix pas avec ce petit malheureux, qu’il ressaisissait tout sanglant et demi-mort, pour aller à dix pas retomber encore ; tandis que le peuple stupide le laissait faire en disant : c’est son enfant. Et quand nous le lui arrachâmes, la foule criait à l’abus de la force, à l'infraction ou au mépris de la loi sainte de la paternité! Mais, peuple imbécile, où peux-tu voir un père, un homme même dans cette bête dégoûtante, dans cette brute au-dessous de la plus stupide ? Qu'il se brise le front, lui l’ivrogne, c’est la conséquence de l’état où il s’est mis, c’est la juste punition de son inconduite; mais son fils, ce fils à peine né, ce pauvre innocent sans défense, faut-il, parce qu’il est faible, qu’il soit victime ! Et ce fait est-il unique? Est-il rare? Non; le nombre d’enfans qu'on traite ainsi, ceux que, sous notre régime d'égalité, dans notre France libre et constitutionnelle, on assassine d’un coup ou qu’on fait mourir dans les angoisses d’une mort plus lente, on peut les compter par centaines, par milliers : consultez les registres de bicètre à Rouen. A ces victimes, ajoutez celles qu’on rend in- firmes ou idiotes. Les Spartiates ne tuaient que les enfans mal sains ; d’autres peuples n’exposaient que les plus faibles. Nous faisons mieux, nous tuons indifféremment les faibles et les forts. Si la loi, si l'opinion ne nous y encouragent pas, elles sont, sur ce point, d’une indulgence, d’un laisser-aller tout-à-fait commodes. Véritables ado- (12) rateurs de Saturne, vous semblons considérer cette con- sommation d’enfans comme un droit de famille, comme un privilège de la paternité , ou bien encore comme une nécessité locale tenant au temps, aux mœurs, aux pro- grès de l’industrie, et devant laquelle le législateur doit dans l’intérêt commun, fermer les yeux et faire taire la vindicte publique. Témoin, cet industriel parisien qui, dernièrement encore, pour avoir séquestré, privé de nour- riture, marqué avec un fer rouge et torturé de mille manières , je ne sais combien d’enfans mis chez lui en apprentissage, a été condamné à cinquante francs d’a- mende ; il lui en aurait coûté davantage , s’il eût tué un lapin sans port d'armes ou un perdreau avant l'ouverture de la chasse. Encore une fois, au nom de la pitié, au nom de la raison, arrachez l'enfant du pauvre au vautour de notre civilisation, à la corruption qu’elle engendre. C’est ainsi seulement que vous aurez une génération forte, humaine et vraiment civilisée. Ce n’est pas au véritable père que vous prendrez son enfant, c’est à celui qui ne saura ou qui ne voudra jamais l'être, c’est à l’homme oublieux ou débauché , c’est à la mère insouciante, c’est à la marâtre impitoyable. Que ces êtres égarés ou coupables com- prennent enfin leur devoir, qu’ils ouvrent leur cœur à la pitié, qu’ils deviennent de vrais chefs de famille et ils recouvreront leurs droits. Il faut que chacun sache qu’il ne suffit pas d’avoir des fils pour être père : il faut les élever et en faire d’honnêtes gens, des hommes forts physiquement et mo- ralement. Celui qui se dispense de ce devoir ou qui dé- moralise son propre sang, n’est pas père, n’est pas citoyen; il est le fléau et des siens et de tous; c’est un ennemi public ; car en £éfinitive , s’il ne fait pas une victime, c’est un serpent qu'il jette dans la civilisation, c’est un loup qu'il dresse. Insensé le gouvernement qui ie laisse faire ! Comment utiliser ces légions d'élèves, dira-t-on? Com- ment les nourrir, comment les loger? (13 ) Vous logez, vous nourrissez six cent mille soldats, vous dépensez un milliard pour avoir des murailles et bien des cent mille francs pour subventionner des théâtres, et vous navez rien pour substanter vos héritiers! Et pourtant n'est-ce pas la première dépense à faire, n'est-ce pas la plus utile, la plus sainte? Quelle est votre mission , si elle ne consiste pas d’abord à faire vivre vos sujets; et que penseriez-vous d’un maître qui n’aurait des serviteurs que pour les tuer ou les laisser mourir de faim? Tout contrat est une transaction , c'est un échange; il faut donc que les clauses se balancent. Si l’un des contractans a tout et l’autre rien, le marché ne peut tenir; il est nul. Quand lon prend un tuteur ou un gérant, un maître même, ce n’est pas pour qu'il nous dévore el nous ruine, mais pour qu’il nous protège et nous aide. Dans un pacte de famille, et un gouvernement n’est pas autre chose, la vie devrait être assurée à chacun, même au faible. Or, l'homme qu’aujourd’hui l’on nomme libre, n'est-il pas, sous ce rapport, moins heureux que le serf d’autrefois ? Celui-ci était nourri et défendu par son seigneur; il servait, sans doute, mais en servant il man- geait; maintenant, le citoyen libre sert et ne mange pas. D'ailleurs, en vous chargeant des enfans, vous engagez- vous à les défrayer gratis pendant toute leur vie? Bien que vous le fassiez sans réclamation pour tant de désœu- vrés, ce n’est pas ici ce que je vous conseille, non, vous ne nourrirez vos élèves que jusqu’à ce qu’ils puissent se nourrir eux-mêmes; ce que vous aurez grand soin de leur apprendre en les rendant prévoyans et laborieux. Dès lors, en vous chargeant d’eux , vous ne ferez réellement qu’une avance et un prêt à intérêt; vous sèmerez pour récolter, car ils vous rendront au double ce que vous aurez avancé. Je ne vous dis donc pas d’en constituer des rentiers et encore moins des fainéans; vous les entretiendrez et logerez jusqu’à ce qu’ils puissent marcher seuls, jusqu’à l'adolescence, époque à laquelle, sans interrompre leur (14) éducation, vous pourrez en tirer assez de travail pour recueillir un premier dédommagement. Puis, les parens qui, bien ou mal, auraïent nourri et habillé ces enfans, ou qui auraient employé un temps quelconque à les surveiller, à les corriger, étant déchargés de ce soin et de cette dépense , devront être appelés à concourir aux frais que vous faites en leur lieu et place, et, selon leurs ressources, être taxés en argent ou en tra- vail au profit de l’établissement. Ce que je vous propose, ou cette organisation de l’en- fance, n’est pas chose tout-à-fait insolite; Napoléon fit des pupilles de la garde. C’était une idée heureuse, mais mal rendue, car si vous vons emparez des enfans, ce n'est pas pour les mutiler ou pour en faire des machiues. Enré- gimentez-les, mais dans la légion des travailleurs, c’est-à- dire d’une manière utile non pas seulement pour vous, mais pour eux avec vous. Faites-en des cohortes indus- trielles, agglomérez-les par colonies, par villages, que vous placerez, selon la population et la nécessité, par départe- mens ou par arrondissemens, en les éloignaut autant que possible des émanations délétères des villes ou du contact des hommes et des enfans émancipés. Le bon choix de la localité et sa salubrité, est donc le soin qui d’abord doit vous occuper, car ce n’est point chose indifférente. L'expérience nous prouve que telle exposition, telle combinaison atmosphérique, est salutaire aux nourrissons et favorable à leur croissance, tandis que telle autre semble Parrêter. lei, tous sont sains et vigou- reux ; là tous sont maïgres et pâles. C'est cet étiolement de la vie qu’il faut éviter. Pour amener à point l’édacation morale, il est nécessaire d'assurer le développement phy- sique, et dès lors de ne rien négliger pour procurer à Pélève une constitution saine et robuste. La première condition est un air salubre. Évitez le voisinage d’un marais, d’une eau stagnante et le trop grand resserrement d’une vallée; fuyez une exposition (15) avare de soleil : la chaleur, comme la lumière, est bonne au nourrisson qui, semblable à la plante, languit à l’ombre. Cherchez aussi, pour lui, le voisinage d’une eau courante et pure, et faites en sorte qu’intérieurement et extérieu- rement il en use fréquemment. Sans doute cette obliga- tion de propreté ne sera pas celle à laquelle il vous sera toujours facile de le soumettre , l’enfant se plaît dans l’ordure , différant en ceci de beaucoup de quadrupèdes qui ne souffrent aucune souillure sur leur fourrure et de presque tous les oiseaux qui s’attristent et languissent, dès que leurs plumes sont salies. C’est donc par contrainte que vous l’amènerez à la propreté; mais cette contrainte, il ne faut pas hésiter à la lui imposer , sa santé en dé- pend, car c’est de la négligence, non moins que des excès, que naissent presque toutes nos maladies. Si vous parvenez à astreindre l'élève à ce soin, il en résultera un grand bien, non-seulement quant au phy- sique, mais pour le moral : la garde de son corps et de ses habits l’obligera à l’ordre et à un ordre de tous les instans. Or, l’ordre est la base des qualités sociales, et s’il ne fait pas la vertu , il nous préserve de beaucoup de défauts. L’arrangement que nous apportons aux petits faits de la vie, amène celui de pensées plus graves, puis des volontés et des actes qui en résultent. Sans doute l’ordre peut exister dans le vice; mais même dans le vice, il est une vertu, c’est-à-dire un amoindrissement de ce vice, un rapprochement vers le bien. Que le plus petit enfant soit donc soumis à une règle, qu’il apprenne à compter avec lui-même, qu’au premier coup-d'œil il dis- tingue l’ordre du désordre. S’il les confond , s’il laisse ce qui lui appartient au premier occupant, il confondra bientôt le tien et le mien, le juste avec linjuste. L’abandon de ce qui est à nous, conduit à ne plus savoir ce qui est à autrui. La méthode la plus courte pour instruire à l’ordre et à - l’arrangement, les petits comme les grands, c’est de leur en (16) donner l’exemple en se soumettant soi-même à la loi qu’on leur impose. Une répartition réfléchie des heures de repos et de travail, répartition dont on ne doit, sans nécessité absolue, jamais s’écarter, contribuera aussi à leur inspirer le goût et bientôt le besoin de la règle. Quand cette utilité aura frappé votre disciple, il est à croire qu’il ne s’en écartera que rarement, parce qu’avec la pratique, il en sentira journellement le bénéfice. Le bon choïx de la locaïité, joint aux habitudes d'ordre et de propreté, ne sont qu’un premier pas pour assurer l'hygiène des enfans : vient ensuite le régime diététique. La nourriture doit être à la fois simple et substantielle, Point de ragoûts, point de mets épicés : du pain, du riz, des farineux, des légumes, du poisson, de la viande bouillie ou rôtie. Sauf le cas de maladie, ne leur donnez ni vin, ni bière, ni cidre, ni thé, ni café. De l’eau ou du lait, voilà leur boisson. Quant aux alcools, qu’ils ne paraissent jamais sur leur table ni sur la vôtre , car ils sont le véritable poison des hommes, poison qui fait plus de ravage que le choléra, que la peste , et qui conduit à plus de crimes que toutes les passions réunies. Que l’eau-de-vie, que les liqueurs qui en proviennent, soient donc interdites aux élèves et aux maîtres même, comme tout gouvernement sensé devrait les interdire à son peuple, ou en limiter le débit. Les enfans doivent manger souvent et à heure fixe, peu à la fois et pas trop vite. Habituez-les à une mastica- - tion lente et réelle, et pour ceci, soignez de bonne heure leur denture, et plusieurs fois par an faites visiter leur bouche par un dentiste prudent : leur figure, comme leur estomac, s'en trouvera bien. En tout temps, laissez-les aller tête nue ; ils en conser- veront plus long-temps leurs cheveux. Un écolier n'a pas besoin de coiffure, elle n’est qu’une gêne pour lui et elle lexpose à bien plus de maux qu’elle ne peut l’en garantir. (17) Les petits garçons qui ont une chevelure soyeuse et peu épaisse, doivent être rasés de temps en temps, sinon ils seront chauves avant la vieillesse. Les écoliers ne doivent avoir ni bretelles, ni cravate, ni jarretières, ni bas. Une chemise , une blouse de laine l'hiver, de coton l'été, une ceinture de cuir, des souliers et des chaussons, tel doit être leur costume. En évitant de gêner leurs membres, en ne les garottant plus dans des ligatures inutiles , vous cesserez d'arrêter leur crois- sance et d'en faire des poupées ou des caricatures. = Un des moyens d’assurer le développement des jeunes gens et en même temps la convenance du geste, adresse, la puissance et la prestesse des mouvemens, c’est une suite d'exercices corporels. C’est encore là une partie de leur éducation qu’il ne faut pas négliger. D'ailleurs, puisque beaucoup d’entr'eux doivent être soldats, puis- que nos lois, nos mœurs, nos préjugés ou la nécessité les y condamnent , vous devez, dès ce moment, les ins- truire à la marche et au maniement du fusil, et en trois mois vous ferez exécuter à un enfant de dix ans ce qu’un conscrit de vingt fera à peine en six. Vous en avez eu la preuve dans nos lycées. Et en ceci, vous vous épargnerez une grande perte de temps et d'argent, car le jour où ils seront désignés par le sort, vous aurez des soldats tout dressés, soit pour le service de terre, soit pour celui de mer, lorsque vos écoles seront dans le voisinage des côtes. L’escrime n'entre plus guère dans l’éducation ni du pauvre, ni du riche, et c’est avec raison : elle faisait des ferrailleurs, des duellistes et fort peu de héros. Un exercice partout salutaire et qui peut préserver de bien des terreurs et même de périls, c'est la natation. Vous devez, si les localités le permettent, y accoutumer vos élèves, Je dirai la même chose de la gymnastique. L'écolier, ‘comme le singe et le chat, est d’un naturel grimpeur ; il (18 ) manque rarement l'occasion d’une escalade; il faut diriger ce penchant et le soumettre à des règles propres à dimi- nuer la fréquence et la gravité des accidens. Le motif le plus ordinaire de Pescalade des écoliers, c’est l'envie d’avoir des nids ou des fruits. Prohibez len- lèvement des nids : ravir les jeunes oiseaux à leur mère est une barbarie. D'ailleurs les oiseaux, notamment ceux des espèces que dénichent les enfans, sont utiles aux moissons, en ce qu’ils diminuent le nombre des insectes rongeurs. Quant aux fruits, ce goût a moins d’inconvéniens. Il est également propre à tous les enfans: ils aiment les fruits pour leur saveur , leur forme, leur odeur, leur co- loris; ils les aiment pour l’arbre qui les porte et même pour la difficulté de les atteindre. Les fruits sont leur première ambition , leur premier amour : sachez lu- tiliser. Pris modérément, ils leur sont salutaires; ils les contentent; il ne faut pas les en priver. Je vous engage à avoir dans toutes vos colonies d’en- fans un jardin légumier et un verger. C'est là que vous leur donnerez les premiers principes de culture. Mais l'utilité de ces vergers git moins dans cette instruction, que dans le respect de la propriété et surtout de la pro- priété commune, qu’ils vous aïderont à leur faire com- prendre. Ici, vous aurez à punir les dégats volontaires et plus sévèrement les soustractions , quelque minimes qu’elles soient. Maïs si vous ne laissez ces enfans libres dans ces jardins qu’après vous être assuré qu’ils ont com- pris la loi du tien et du mien et qu’ils en ont senti la gravité, ces infractions seront rares et finalement cesseront tout-à-fait. De la moralité de l'enfance, dépendra peut-être celle de toute la vie : l’enfant qui craindra de dérober une pomme dans un jardin, ne volera pas quand il sera dans le monde. Et cet enfant doit vous inspirer confiance; car ne croyez pas que la soustraction d’une noix ou d’une rose, soit (19) à cet âge un fait indifférent: non, ainsi a commencé Lacénaire. C'est en tolérant, en encourageant ce que vous nommiez une espiégierie d'écolier, que vous aurez préparé le banqueroulier et ie faussaire. Ravir les billes d’un camarade , c’est lui ravir sa fortune. C’est un acte qui n’a pas moins fait battre le cœur du voleur, et qui a exigé autant de préméditalion et de calcul que len- lèvement d'un million. Méfiez-vous de Penfant qui, ici, n’a pas hésité; déjà it n’en est plus à son coup d’essai. Le jardinage, en contribuant à un exercice salutaire et par cela même à la santé de vos élèves , leur offrira une récréation utile et sans oisiveté, qui aidera à leur morali- sation ; et s'ils ont quelque penchant pour l’agricuiture, source première de toute richesse et de toute stabilité, ii servira de bonne heure à le développer. H en sortira aussi une leçon de tempérance : quand vous aurez en abondance des fruits sains et mûrs, laissez- les à leur discrétion; qu’ils en mangent à leur volonté, sauf à les arrêter , si celte volonté allait jusqu’à Pexcès. Leur désir gastronomique , ainsi satisfait, aura ensuite moins d’âpreté ; ils résisteront mieux à la ten- tation. Si lun d'eux avait abusé de cette surabondance d’un jour, les souffrances qu'il éprouverait feraient apercevoir à ses compagnons, et mieux encore à lui-même, les dangers de la gourmandise. La douleur physique est ce que l'enfant comprend le plus vite et ce qu’il ou- blie le moins, surtout lorsqu’elle lui vient de son fait. Une colique de quelques minutes, juste punition de son intempérance, deviendra pour lui une leçon de prudence et de sobriété. Lorsque dans vos colonies enfantines vous aurez pris tous les moyens hygiéniques propres à assurer la santé, et cel esprit d'ordre et de conduite qui en est la garantie; quand en même temps, vous aurez commencé l'éducation religieuse à laquelle vous devez apporter tous vos soins, (2) comme étant la base et le but de toutes les autres, vous aurez à étudier les aptitudes du néophyte, aptitudes qui, sous peine d'être faussées, doivent être com- prises dès leur principe. Ne vous y trompez pas ; une des grandes causes de nos désordres, c’est que le cœur reste vide; la tête seule est remplie, mais elle lest de fumée : l'homme rêve pendant toute sa vie ce qu’il n’est pas, parce qu'à son début l’on n’a pas conçu ce qu'il était ou ce qu’il pouvait être. C’est ainsi qu’on a fait un maçon du sujet qui devait devenir médecin, et un chan- teur , de celui qui avait le génie du géomètre. Pour aider les enfans dans leur vocation et les y diri- ger , il faut approfondir leur caractère ; c’est par cette voie qu'on arrivera à eu saisir la spécialité. L'enfant a, sur une plus petite échelle, tous les vices et toutes les vertus des hommes, mais de même que chez les hommes, ces vices et ces vertus sont inégalement répartis. Ce- pendant il en est qui sont communs à tous : le petit en- fant est égoïste et gourmand. Il demande tout ce qu'il voit, car tout ce qu’il voit est pour lui nourriture; et quand il en a obtenu plus qu’il n'en peut consommer, quand il s’en est gorgé , il gaspille le reste; afin qu'il ne puisse servir à d’autres. Ceci est dans sa nature, nature étroite encore et qui ne comporte que le sentiment d’elle- même. Bientôt cet égoïsme se civilise; il se rectifie par la réflexion, par une application mieux définie de son propre intérêt; jusqu'alors il n'offre donc rien qui puisse vous inquiéter sur lavenir. La colère est une passion qui se manifeste également dès le principe de la vie, car elle est aussi dans la nature; et parmi les animaux, comme chez les hommes, il n’en est aucun qui ne s'irrite d’un tort, d'un préjudice et ne se venge avec délice d’une injure vraie ou supposée. L’en- fant use, pour sa défense ou sa rancune , des mêmes moyens que la bête , c’est-à-dire de ses dents et de ses ongles. Qui le lui a appris? Ce n’est certainement ni sa (21) mère, ni sa nourrice; jamais on n'a eu besoin de lui en- seigner la violence et la dévastation, car détruire est par- tout plus facile, plus prompt qu’édifier. Tout enfant est destructeur; il aime à briser. li est vrai qu’en ceci, il est souvent müû par un instinct de curiosité; il veut savoir ce que contient l’objet qu’il brise. Si la surface est belle, l’intérieur doit , selon lui, l'être davantage. C’est ici l’a- mour du changement ou celui des découvertes; c’est le désir d’une sensation nouvelle; il croit, en brisant ce joujou qu’il aime, trouver quelque chose qu’il aimera da- vantage ; il espère une impression plus forte , ua plaisir plus grand, plus varié, que celui de posséder ce trésor dont l’aspect est toujours le même. C’est cet instinct qui passe souvent pour de la cruauté, quand il s'exerce sur des êtres vivans. Mais l’enfant agit moins avec la volonté de leur faire du mal, que par l’envie de voir l'effet de ce qu’il leur fait et pour juger de leurs contorsions qu’il prend pour des gestes, et qui sont pour lui une espèce de spectacle et de pantomime grotesque. Ilenest ainsi du sauvage: l’homme dela nature conserve, toute sa vie, le caractère enfant ; et la férocité de cet Indien, qui torture son semblable et le déchire en dansant, n'est pas plus réfléchie, ni plus rationnellement barbare que le jeu de ce marmot, qui plume vivant son oiseau ou porte son chien par la queue. Pour l'enfant , comme pour le sauvage, cette action devient indifférente, car ni l’un ni l’autre ne se rendant compte de la souffrance ou ne s’en rendant compte qu’imparfaitement, ils ne connaissent pas la pitié. C’est le chat qui frappe la souris pour la faire courir, et qui la tue en croyant jouer avec elle. En général, plus l'homme est instruit ou vraiment ci- vilisé, plus il est sensible. Il en est de même de l’enfant ; ce sont toujours les plus avancés ou les plus intelligens qui, sauf des exceptions rares, sont les moins durs envers les animaux. Quand le contraire arrive, quand l’enfant qui (2) réfléchit est cruel avec calcul et volonté, hâtez-vous d’é- touffer cette inclination, ne négligez rien pour y parvenir; car cet enfant a une main dans le sang. Le penchant à la démolition, penchant, venons-nous de dire, qui est presque général, est moins dangereux dans ses conséquences; il s’affaiblit à mesure que la raison vient et que l'élève a compris , avec l'utilité des choses, les devoirs de la réciprocité. Néanmoins cet amour de destruction se maintient sou- vent chez l’enfant jusqu’à l'adolescence et même jusqu’à la jeunesse, et cela par un sentiment d’amour-propre et de gloriole : il veut étonner ses camarades. Vantard et fanfaron, il l’est d'autant plus qu’il est plus faible. 11 me- nace l’ennemi qu’il craint, lorsque lui-même songe à fuir. Quels que soient son pays, son origine , sa position, maître ou esclave, l’écolier apprend difficilement un compli- ment et ne l'apprendrait même pas du tout, s’il ne voyait au bout un bénéfice, un don, une friandise, enfin un profit ou une louange pour lui-même. Mais avare de paroles douces, il retient avec facilité les mots injurieux, ceux qui peuvent blesser l’amour-propre. Il en saisit de suile la portée, et il lui suffit de les entendre une fois pour les retenir toujours. Quelle peine ne se donne-t-il pas pour parvenir à nuire ou à fàcher ! Quand il ravage un jardin, la grimace du propriétaire et la colère où doit le mettre l’aspect du dommage, sourient plus an jeune brigand que le plaisir de manger le fruit volé. Le danger de l’expédition, le droit de se vanter du succès, voilà ce qui le flatte. C’est un général qui entreprend une conquête pour inscrire son nom dans l’histoire. L’orgueil qui apparait chez l’enfant, nait avec lui. II ne marche pasencore, qu’il quête un compliment, une parole louangeuse; il vous importunera pour l'obtenir. Si le préjugé du rang ou de la noblesse n’est pas inné en lui, il y germe facilement et s’y naturalise non moins (23) vite. Quand sa famille a un nom, quand elle occupe une position élevée, il ne tarde pas à s’en apercevoir etille fait sentir à tout propos au camarade avec lequel il joue. C’est ainsi qu’il est toujours disposé à comprendre ce qui le flatte ou ce qui lui attire des égards, tandis que ce n’est qu’a- vec peine qu’on lui persuade qu’il doit ces mêmes égards à quelqu'un, et il est des cas où l’on n’y parvient jamais. En un mot, il conçoit les distinctions de rang lorsqu'elles lui sont favorables , et il ne les conçoit plus lorsqu’elles lui nuisent ou l’humilient. La parure plaît à tous les enfans; aucun ne se trouve laid , ou plutôt la laideur est à ses yeux une beauté ; il manque peu de faire d’horribles grimaces devant un mi- roir et se complait beaucoup à la hideur qu’il se donne. Cependant il est toujours plus fier de ses habits que de sa figure, ce qui ne l’empêche pas un instant après de salir, de déchirer et de jeter ces mêmes habits qui le charmaient. C’est que amour de la saleté, ou ce laïsser-aller qui y conduit, l'emporte encore chez lui sur le goût de la toi- lette. Peut-être aussi croit-il voir dans sa crasse un en- jolivement de sa personne. Mais ordinairement il y a, dans son fait, moins d’intention que d’oubli, d'insouciance et de paresse. De même que l'animal , l'enfant est paresseux. Il hait le travail. Les devoirs qu’on lui impose sont pour lui une tyrannie d'autant plus insupportable qu’elle lui paraît folle. Ses jeux sont ses affaires, dont votre caprice le dé- tourne. Il ne se doute pas que plus tard, ce travail si détesté deviendra sa ressource ou son délassement. Cependant, si l’on approfondit l'horreur souvent invin- cible qu’il manifeste pour toute occupation sérieuse , et elle est foujours sérieuse dès qu’elle lui est imposée, cette horreur naît moins de l'amour de Poisiveté que de celui de la liberté; car, en réalité, il n’est jamais oisif : ce n’est pas à rien faire qu'il veut rester , mais à faire ce qu’il veut. Si, par instant, il est inoccupé, il invente (24) mille projets ; et la moindre chose devenant pour lui un sujet d'action, il ne cesse d’agir que lorsqu'il s'endort, si toutefois son sommeil même est immobile. C’est encore au professeur à tirer parti de cette activité; et c’est dans le choix de ses jeux et des travaux souvent pénibles que cet enfant s'impose, qu’on peut découvrir ceux auxquels la nature l’a destiné et quelle est sa spé- cialité. La récréation doit, dans lécole, être utilisée non moins que les heures d'étude. C’est pendant cette ré- création que vous pourrez. initier vos élèves à la science de la société, à celle des droits et des devoirs qu’elle com- porte; c’est là, qu’en définissant leur caractère, vous dé- couvrirez leur vocation. Mais que leur mérite,soit inné ou acquis, en d’autres termes, qu’il soit la suite de leur nature ou de leurs efforts, faites en sorte qu’ils ne le croient pas exclusif et qu'ils ne résument pas en lui toutes les qualités et en eux tous les droits. Qu'ils n’hésitent jamais à reconnaître une supériorité , quelle qu'elle soit , et qu’en s’estimant - à leur valeur, ils ne déprécient pas celle des autres. Toutes précieuses que puissent être les dispositions natives, n'oubliez pas qu'elles ne sont qu’un élément et qu’elles ne sauraient produire que par le travail. La plus puissante intelligence, la plus grande facilité vers un art, trésor inutile, avortera, si le maitre se fie exclusivement à cette disposition. S'il croit qu’elle suffit, l'élève pré- disposé, mais négligent, fera certainement moins que celui qui, sans grands moyens naturels, aura une volonté per- sévérante. C’est cette appréciation des choses et des personnes dans des spécialités diverses, qu'il serait utile que chacun comprit. Aucun homme n’est universel; ce n’est donc que par lunion des aptitudes et des talens que nous pouvons parvenir à un ensemble vraiment fécond. . Cette différence de mesure ou cette inégalité des fa- (2%) cultés, devrait toujours être aperçue des êtres faibles; ceux-ci surtout ont intérêt à s’unir, car ce n’est qu’en se soutenant et par un appui mutuel, qu’ils parviennent à se maintenir et à faire un pas vers la force. Forts ou faibles , il est indispensable que les élè- ves, sitôt qu’ils sont en âge de raisonner , acquièrent une idée juste de cette égalité, dont l'appréciation mal définie , ou dont l’application défectueuse a causé tant de maux. Si les hommes naissent avec des facultés dissem- blables ou plus ou moins de puissance intellectuelle, ils ne peuvent rationnellement être classés dans une même catégorie, ou reconnus de même taille. En inculquant aux -enfans le principe de l'égalité devant la loi, vous leur ferez donc comprendre la différence des hommes devant les hommes, ou l'inégalité de leur valeur respective. Tous les êtres sont bons à quelque chose, mais ils ne sont pas bons à la même chose. Dès son entrée dans la vie, pesez chacun d'eux : ne négligez rien pour connaître comment il doit être utilisé, car il n’en est pas un qui ne puise l'être, quelqu'inepte qu’il semble. C’est dans celte appréciation surtout qu'est la science du maître. On peut ajouter qu’est sa force, et ceci dans toutes les positions. Napoléon a peut-être dû sa fortune et sa re- nommée moins à son génie ou à sa prévision des choses, moins à son habileté à saisir l’occasion, qu’à sa profonde connaissance des hommes et à la science de neles employer qu’à leur place. Quand vous saurez à quoi l’élève est apte, tâchez de l’en convaincre lui-même. Il est à croire que si vous avez bien compris cette prédisposition, que si lui- même en a la conscience, il deviendra un type ou un sujet distingué dans sa spécialité , et que menuisier ou laboureur , architecte, médecin ou peintre, il se rendra utile et méritera, avec la bienveillance de tous, l'estime de lui-même. Mais ne vous dissimulez pas l'importance du conseil que je vous donne ici, et la nécessité, dans ces (26) débuts de l’œuvre, de prévenir la confusion des rôles et l’usurpation des rangs déterminés par la nature. Ces rangs sont transitoires sans doute: degrés de progression, l’un conduit à l’autre; mais ils n'en sont pas moins réels, et l'on ne peut les intervertir sans gêner les moyens de tous et paralyser les siens propres. Chez l'apprenti, l’ouvrier ou le maître, partout où le génie se trouve, tôt ou tard il surnage, parce qu'il n’est pas plus destructible que l’ame, et que son élément est l’u- nivers. S'il est une position où ce génie ne puisse pas se manifester, il en attendra une autre; mais cette position, vous pouvez l’aider à la prendre, vous pouvez l’y porter. Si vous ne le faites pas, vous devez, du moins, vous ab- stenir de le rejeter en arrière ou d’entraver ses mouve- mens, comme vous le faites aujourd’hui, en mettant au même rang la capacité et l’impéritie, sans apercevoir que partout, celle-ci se trouvant en majorité, doit obstruer la voieet arrêter le génie dans son essor. C'est ce qui a lieu dans les écoles, comme dans le monde, et par cela même ce qui devient nuisible à tous : au plus fort, parce qu’on retarde son développement; au plus faible, parce qu’on n'utilise pas sa faiblesse et qu’on annihile ce qui est en lui, sans y mettre ce qui n’y est pas. Ne vous dé- partez donc jamais de cette vérité sur laquelle doit être basée toute éducation ou la direction à imprimer à lPen- fance: chacun naît ce qu'il est. L'étude et l'instruction donnent de l'étendue à la pensée ou la rectifient, mais le principe de cette étendue ou de cette rectification existe en -nous, sinon elle serait impossible. L'être ne peut rien ôter ni rien ajouter à l’ame d'autrui. Ceci dépend de l’ame elle- même qui, sous ce rapport, n'a d’autre borne que l'infini. Nous le répétons, l’éducation arrêtera ou étendra ce qui est en nous, mais jamais ne nous donnera ce qui n’y est pas; elle fera un homme de science , mais non pas un homme d'esprit ou de génie. Ne poussez donc pas l’élève dans une voie avant de vous être assuré que c’est celle où il peut faire route: (27) Quand vous aurez étudié sa vocation et préparé le terrain de manière à le rendre fécond, il vous restera un soin important, celui de le guider dans le choix d’un état, choix qui, selon moi, doit avoir lieu dès la plus tendre jeunesse et long-temps avant que l'éducation ne soit terminée. Si l'enfant a une aptitude bien tranchée, la voie ainsi tracée, est facile à apercevoir, et c’est par là qu'il faut le diriger. S’il n’est spécialement propre à aucune chose , ou s’il ne lest qu’à peu de chose, c’est à vous encore à tirer le meil- leur parti de ce qui existe. Est-il fils d’artisan, vous de- vez, à facilité égale, le diriger de préférence vers le métier de son père. Il aura moins de frais à faire pour obtenir la confiance, moins d'avance matérielle pour arriver au profit net; et dès son début, il trouvera des ressources et des encouragemens qu'il ne rencontrera pas ailleurs. Quand il aura adopté un état ou que vous aurez re- connu, après divers essais, qu’il n’est propre qu'à celui- là, il faut autant que possible l'y maintenir, parce qu’en passant continuellement de l’un à l’autre, il finirait par les confondre tous dans un même dégoût et par n’en bien faire aucun; ou, ce qui est pis, par se jeter dans l’une de ces professions douteuses qui semblent, avec moins de peine, promettre plus de profit que les métiers ordi- naires, mais qui, en réalité, ne conduisent qu'à la misère ou à la honte. Pour qu'il ne se laisse pas séduire par cet appât trom- peur, ayez soin de relever à ses yeux l'importance de l’ou- vrier, quand sa condition est ce qu’elle doit être, c'est- à-dire basée sur le talent ou la volonté de bien faire, sur la conduite et la probité. Qu'il sache que dans notre siècle la considération aussi y est attachée, et que des personnages qui figurent aujourd'hui parmi les sommités sociales ont commencé par tenir la truelle ou le rabot. Ce qui, non moins que les études journalières et les (28 ) jeux de la récréation, pourrait vous aider à bien connaître la vocation de vos élèves, serait de petits concours auxquels vous les soumettriez, sans les obliger à y apporter le même genre d'ouvrage. Par approximation, vous classeriez chaque produit et y attacheriez une prime, selon sa per- fection relative. Cômme c’est surtout à préparer de bons ouvriers qu’il faut vous appliquer , vous feriez bien d'adopter le système des anciennes corporations et d’obliger tout candidat à présenter ce qu’on nommait un chef-d'œuvre. Ceci aurait lieu chaque fois qu’il voudrait concourir pour un grade dans la colonie, échelonnée à cet effet,en servans, apprentis , contre-maîtres, maitres; ou bien en soldats, sous-officiers , officiers. Ces degrés hiérarchiques seraient à la fois un moyen de classification et d'encouragement. Pour que la théorie et la pratique marchent de front, vous ferez de temps en temps subir aux écoliers de tout grade, un examen de principes, sorte d'interrogatoire qui consistera à leur poser des questions, en leur laissant un délai pour y répondre. Que toujours ces questions soient mesurées À la ca- pacité probable de l'enfant, car elles deviendraient plus nuisibles qu’utiles, si pour lui elles étaient douteuses, peu intelligibles ou à double sens. Alors il les entendrait à sa manière , et l'interprétation qu’il leur donnerait serait moins en rapport avec la vérité qu'avec ses propres passions. Vous admettrez des élèves dans le jury d’examen. Quel- quefois vous l’en composerez entièrement : l’enfant aime qu’on lui donne de l'importance. Dès qu’on lui confie une mission qui le relève à ses yeux, il s’en acquitte bien. Ceci m’a surtout frappé dans les ateliers d'imprimerie : jy ai vu des apprentis sachant à peine lire, avoir l’ambi- tion de composer , c’est-à-dire de former , par la réunion des lettres, la page d'impression. Dès que ce désir naïissait en eux , leurs progrès étaient rapides; en peu d'années, (2) ils devenaient des ouvriers instruits et sachant leur langue beaucoup mieux que certains lauréats de collége. Aussi vous proposerai-je d’avoir dans chaque colonie ou vil- lage, ou dans ces mêmes colléges , entr’autres moyens de travail ou de récréation, une petite presse munie de caractères de divers idiômes. Soyez assuré que vous en obtiendrez les meilleurs résultats. On me dira que ceci peut devenir une voie de publi- cation et un moyen d’accroitre encore les désordres de la presse. Une voie de publication , sans doute; mais de désordre, je ne le crois pas : quand chacun est également armé, la chance est égale pour tous, et il y aura peut- être moins de gens disposés à attaquer , lorsque partout on pourra se défendre. - Si vous destinez vos élèves aux arts mécaniques, s'ils doivent être artisans , il faudra avoir dans vos écoles des ateliers où ils fassent leur apprentissage. Plusieurs heures de la journée devront y être consacrées. Il serait même à désirer qu'une partie des objets, meubles ou vêtemens , employés par les enfans , fût fabriquée par eux ou du moins sous leurs yeux, et que chaque colonie présentàt, en miniature, l’aspect d’un établissement in- dustriel. Néanmoins, comme il deviendrait impossible de réunir dans une seule localité tous les genres de métiers, on ne s’attacherait qu'aux plus difficiles ou à ceux dont les autres sont une dérivation. D’ailleurs, on pourrait alterner ; et en essayant ainsi le goût et la volonté des enfans, on aurait plus d’aisance pour reconnaître leur aptitude. Chaque colonie pourrait même , si on le jugeait utile, avoir sa spécialité manufacturière ou artistique. Alors les élèves seraient dirigés d’un établissement sur l’autre. Ce n’est même qu’ainsi que se complèterait leur instruction et qu’on aurait la mesure exacte de leur intelligence; car s’il est vrai que la direction donnée à l’éducation hâte ou retarde le développement des moyens , ceux qui (30) ne se développent pas sous un maitre peuvent porter des fruits sous un autre. Il n’est pas jusqu’à la différence des lieux qui n'y doive contribuer , et je vous conseille de dépayser les élèves dont vous ne pourrez rien faire. Je ne vous dis pas que ce procédé est infaillible, mais c’est use dernière chance : il faut la tenter. Si ce systême de déplacement était adepté, un sujet ne serait définitivement attaché à une colonie qu'autant qu’on reconnaîtrait qu’il y a, pour lui, avantage, ou pour l'établissement, nécessité ; et l’on pourrait avoir, sur quelques points, un centre d’études plus fortes, un col- lége supérieur où l'on réunirait les enfans les plus labo- rieux , les plus capables. Une amélioration de bien-être leur en ferait désirer Le séjour, comme un honneur et une récompense. Cette série d'épreuves , devant entraîner d’assez fortes avances, il faut, dès le principe, procéder avec économie. Je ne vous demande donc pas des maisons de luxe; non, il serait peu logique d’élever dans des palais, ceux qui sont destinés à habiter des chaumières. Vos villages d’en- fans, avec plus de propreté, auront l’aspect des hameaux ordinaires ou celui d’une ferme bien tenue. Ils seront composés d’un bâtiment principal, autour duquel on grouperait de petites bâtisses jointes ou séparées, mais toujours bien exposées, bien aérées, exactement closes et point humides. Ces maisons étant placées dans la campagne et loin des cités, une enceinte continue ne serait pas toujours indis- pensable. Cependant on pourrait la faire à peu de frais, au moyen d’un fossé ou d’une haie; ou si cette dépense même était trop lourde, on se bornerait à une délimi- tation théorique, barrière de convention au delà de la- quelle, défense serait faite de passer. Les enfans infirmes ou malsains seraient séparés des autres : les premiers, pour qu’ils ne fussent pas maltraités par les plus robustes ; les autres, parce que leur mau- (31) vaise santé pourrait nuire à celle de leurs voisins. Mais les infirmités du corps offriront au professeur des ob- stacles moindres que les défauts de l'esprit ; et ceux qui viendront de la volonté vu du caractère, pourront souvent sembler insurmontables. IL est des enfans contre qui tous vos efforts échoue- ront. Ce ne sera pas ceux qui manquent d'intelligence, mais plutôt ceux qui, à une inteliigence précoce, réuni- ront des penchans vicieux. Quand vous aurez épuisé tous les moyens de ramener ces enfans au bien, ils devront être séparés du troupeau qu’ils pourraient pervertir , et vous aurez , à cet effet, des maisons d’un régime plus sévère, maisons qui, je crois, ne seront bien dirigées que par des religieux. Eux seuls auront la patience et la ré- signation indispensables pour dompter de tels sujets, et empêcher que par suite ils ne deviennent le fléau de la société. Quel sera le régime de ces maisons ? Je n’entreprendrai pas de Île tracer. Seulement nous recommanderons ex- pressément , dans celle-ci comme dans toutes les autres, d'éviter les châtimens corporels. Ils peuvent, par la crainte, amener les élèves à obéir; mais l’obéissance n’est pas la conviction. Jamais les coups n’ont converti per- sonne, et en apprenant les enfans à dissimuler, ils ne les font pas meilleurs. Souvent même ïls produisent l'effet contraire, ils les rendent insensibles aux maux des autres, ils les accoutument à la brutalité et même à la cruauté. Après avoir été battus par les maîtres, ils battent leurs camarades; et devenus pères de familles , ils maltraitent leurs domestiques, leurs femmes, leurs enfans. On a remarqué aussi que les châtimens corporels affai- blissent le moral, et ceci chez les animaux comme chez les hommes. Ils éteignent les facultés en étouffant la vo- lonté ou enia concentrant dans la haine, dans l'attente de la vengeance. Une chose qu’on perd presque toujours de vue quand (32) on agit sur les enfans, c’est qu'ils doivent un jour cesser de l'être. On semble croire qu’ils auront éternellement dix ans, comme nous paraissons douter que jamais nous les ayons eus. N'oublions ni l'un ni l’autre. Que l'enfant soit élevé pour devenir homme, c’est-à-dire pour élever d'autres enfans. Quand nous avons dit de séparer le fils du père, ce n’est pas pour détruire l'esprit de parenté, c’est au contraire pour le ranimer, c’est pour lui rendre sa dignité, c'est pour en faire sentir l’importance, c’est enfin pour préparer une génération et une époque où tous les pères, se rendant dignes de cette qualité, soient ca- pables de guider leurs enfans. Alors aussi ces enfans seront d’une direction plus facile , parce que le respect filial, si nécessaire à toute société, à tout gouvernement, ne sera pas comme aujourd'hui chose dédaignée et pres- qu’oubliée. Sous ce rapport, notre abandon, notre mépris des convenances, nous met au-dessous de l’homme de la barbarie : il n'est pas de peuplade si rustique chez qui un fils ne témoigne des égards à son père, un frère à son frère. Moins arriérés ou moins pervertis que nous sur ce point, les peuples qui nous environnent, l'Italien, l’Alle- mand , l’Anglais, conservent encore quelque notion de cette hiérarchie salutaire, de cette subordination basée sur la nature. Chez nous, qu’en reste-t-il? Où laisse- t-elle des traces ? Où peut-on la reconnaitre? Est-ce chez le riche ou chez le pauvre? A quoi vous apercevez-vous qu'un fils est devant son père ? Sera-ce à la déférence qu’il lui montre ? Est-ce à son respect? Mais il ne se découvre pas devant lui; il lui répond à peine ou il le fait dédaigneuse- ment, grossièrement même. Au fait, qu’a-t-il besoin de se gèner ? C’est mon père dira-t-il, c’est ma mère, je ne leur dois rien, pas même un salut. D’ailleurs, sij'y manque, que peut-il m'en arriver ? Que me feront-ils, ne suis-je pas leur fils? Et ne le serais-je pas, le registre de Pétat civil fait foi; j'y figure; la loi ne veut pas davantage. C’est cetteloi (33 ) et non leur volonté qui me fait leur héritier ; et s'ils pré- tendaient me frustrer de mes droits , j'ai pour moi la charte et le procureur du roi. Si l’on ne respecte pas son père, que sera-ce d’un tu- teur, d'un oncle, d’un frère? D'un frère surtout? Qu’on ait adopté le partage égal des biens , ceci émane d’un sentiment de justice, et ce n’est pas l'instant d'examiner si le morcellement indéfini est un profit ou un dommage pour l'état et la famille. Mais ce qui certainement est un mal, c’est le manque de chef dans cette famille. Ou si le nom de chef répugne à notre vanité, c'est le défaut d’un centre d'union, d'un pivot autour duquel les frères se groupant, puissent dire : là furent la racine et le tronc, là seront l'arbre et son ombrage. De cette annihilation d’un principe, il résulte que quand le père n’est plus, il n’y a plus de souche, plus d'arbre, plus de famille; peut-être même n’y en avait-il pas de son vivant; mais ceci n’est pas général, tandis que l’autre cas semble l'être. En l’absence du père, qu’un frère aîné veuille, dans l'intérêt commun, en exercer les fonctions et invo- quer son droit de primogeniture pour se poser en arbitre, en défenseur de l’ordre; qu’il s’avise de faire une remon- trance à son puiné, il verra comment il sera reçu. Non-seu- lement il ne sera pas écouté, mais il n’y aura pas assez de dédain, d'injures, d’inimitié peut-être, pour punir une telle prétention. Quoi! lorsque le droit d’aînesse a été aboli, oser réprimander un cadet, se permettre de lui don- ner un avis! Mais c’est une atteinte à la liberté, c'est un crime de lèse égalité, c’est réveiller une odieuse coutume, c'est commettre un délit qui mérite un châtiment public!! Qui, nous en sommes là; car telle est la marche en France. Toujours dans les extrêmes et traversant le sens commun, nous ne sortons d’une ornière que pour nous jeter dans une autre. Nous étions à geïoux devant la prérogative ; elle envahissait tout ; nous ne trouvions bon que ce qui en émanail; et aujourd” hui, quand il n’y a plus de pri- 3 (34) vilèges, nous ne voulons même pas de parité; et parce que nos aînés étaient nos supérieurs, nous tolérons à peine qu'il soient nos égaux. Cet oubli des égards düs à l’âge et à l’expérience est un grand mal ; et la politique, comme la morale, comme la religion , vous dit d’en chercher le remède. Ce re- mède deviendra celui de nos maux politiques, de nos troubles internes, mais tant que vous ne l’aurez point trouvé, ne comptez point sur l'avenir; n’espérez pas la paix. À quel code, à quel gouvernement se soumettra-{-on, quand on repousse celui de la famille? Quel respect por- tera-t-on à la loi ou au magistrat qui la représente, lors- qu’on ne respecte pas le chef de sa maison, quand pére, mère, frère, âge, moralité, rien à vos yeux n’est sérivux, quand rien n’est supérieur à votre caprice, à votre orgueil, à votre nullité? Ah! ne le voyez-vous pas, lémeute passe du logis, sur la place : après avoir méconnu votre père, honni votre frère, vous allez égorger votre concitoyen. Et c’est ce régime que vous nominez libéral! Prenez- y garde, un tel libéralisme, signe de subversion , n’est qu'un avant-coureur de la dissolution sociale : dès que les liens de famille sont brisés, ceux de nation sont bien près de se rompre. Quand vous aurez compris importance de l’union des frères et du respect envers les parens, vous ne négligerez rien pour l’inspirer aux élèves. Si vous réussissez, si sur c® point vous donnez une meilleure direction à la géné- ration qui nait, vous aurez préparé une grande amélio- ration dans l'avenir du pays ; car lindividu qui fut bon &ls, sera bon père; et s’il est bon père, il sera bon citoyen. La distance d’où ces enfans apercevront leurs parens, vous aidera peut-être à faire renaître ce sentimeut de piété filiale. N’étant plus journellement témoins de leurs faiblesses et de leurs fautes, ils concevront de leur caractère une opinion moins fàcheuse. Cette bonne opiaion, vous vous efforcerez de lPentretenir. Souvent { 35 ) vous leur parlerez de ces parens et vous le ferez {oujours en termes convenables. Chaque jour vous les obligerez à prier pour eux. Si quelqu'enfant laborieux a fait un travail dont il obtienne salaire, vous l’engagerez à leur en envoyer une part. I comprendra ainsi qu’assister les siens est le premier de tous les devoirs. Après ce don , le petit profit qui lui restera deviendra encore un motii de labeur et de persévérance. Pourquoi l'apprenti se rebute-t-il dans ses études? C’est qu’il n'en voit pas la nécessité, c'est que cette nécessité n’est réelle- ment pas pour lui. Faites qu’elle y soit, qu’il la concoive, qu’il travaille pour vivre ou croie travailler, et aw’en tra- vaïilant pour lui , il le fasse aussi pour les autres ; qu’il re- conpaise qu'ils lui sont nécessaires comme lui-même leur est utile. Oui, voilà ce que vous devez lui apprendre. La portion que vous lui laïsserez, contribuera à le lui enseigner et à empêcher qu’il ne loublie. À ces considérations, on peut ajouter que ce gain qu'il ne devra qu’à lui-même et qui pourtant aura servi à ses proches , lui inspirera des idées de partage ou d’échange, et disposera son esprit à la prévoyance, à l’économie, en même temps qu’à la générosité. Lorsque les parens en témoigneront le désir, on pourra, de loin à loin, leur permettre lentrée de lécole. L’ordre qui y règne sera pour eux un utile enseignement; et en voyant la conduite de leurs enfans, ils recevront d'eux ce bon exemple qu’ils ne savaient point leur donner. Si vous n’y voyez pas trop de péril pour lavenir de l'élève, on pourra, quand ces parens auront obienu une attestation favorable du magistrat ou du curé, leur con- fier l’enfant, maïs pour un temps et sous des conditions qu’ils devront remplir. Remarquez l’action salutaire que ceci exercera sur la famille : ce père ivrogne, celte mère débauchée, ne pouvant prétendre à la visite de leur fils qu'autant qu’ils auront oblenu un certificat de bonnes vie et mœurs , comprendront peut-être ce que c’est que des (36 ) mœurs. Sans doute ce certificat leur sera quelquefois légèrement accordé, mais la nécessité de le demander suffira , s’ils ne sont pas tout-à-fait abrutis, pour leur faire faire de sérieuses réflexions. Ce moyen de moralisation s'étendra même sur les maîtres ou chefs d’ateliers, à qui, sur la demande expresse qu’ils en feront, les enfans pourront , à un certain âge, être donnés en apprentissage. Mais la régularité de ces maîtres devra aussi être constatée d’une manière authen- tique. Les professeurs conserveront le droit d'inspection sur les sujets placés en dehors de l’établissement, et ils pourront les rappeler à la première plainte : la crainte de cet affront contribuera à prévenir ou à arrêter lincon- duite des chefs d'ateliers. Le sentiment de famille, soigneusement culte chez les élèves, les conduira à celui d'association. Nous avons vu que le petit enfant n’avait d’abord d'affection que pour lui-même, et que celle qu’il semblait porter à sa mère n’é- tait réellement que l'appétit de son lait. Nous avons ajouté qu’à l’âge du nourrisson , tout était à lui et pour lui, mais que bientôt il entrevoyait la nécessité d’un échange ou d’une réciprocité d'appui. Dans nos écoles, cette nécessité résulterait de sa position même. Élevé aux frais communs , il devrait travail'er pour la nour- riture commune. Mais ce n’est pas assez qu'il y voie une obligation, il faut qu’il en comprenne le bénéfice et qu’ilsente qu'ici l'intérêt personnel est uni au devoir public. Pour mettre en lui cette conviction, occupez-le à des travaux qui , nécessitant le concours de plusieurs, de- viennent , par cette alliance, plus rapides, plus fructueux. Il n’est ni sécurité, ni bien-être dans Pisolement, il n’y a même pas de progrès : C’est un état d immobilité on de rétroaction. Que l'enfant le sache. Si vous parvenez à en convaincre, vous aurez détruit un des plus funestes pré- jugés de Pépoque, celui qui nous fait croire à la possibilité de l’ordre dans une désunion de principes , et qui (37) nous montre une société et une nation dans un entasse- ment de palais et de chaumières, dont les murs se touchent, il est vrai, mais dont chaque habitant, isolé d’intérêt, ne sait si son voisin vit ou meurt, ni comment il vit et meurt. Je ne crois pas à la durée d’un ensemble composé de parties hétérogènes, ni à celle d’une civilisation sans nationalité; et la nationalité, pour moi, c’est l'harmonie, c’est l’accord et non la division. Voyez où nous en sommes avec ce système de détail et d’à-parte. Ne fût-ce que pour la nourriture et ses préparatifs, ou ce que nous nommons vulgairement le pot au feu, nos bras et notre esprit sont autant et plus absorbés que s’il s'agissait du salut de notre ame. Allumer et souffler le feu, remplir et vider la marmite, telle est l’occupation de toute la vie des trois quarts de nos femmes et d’un bon nombre d'hommes. Tout autre soin passe après. Quelle perte d’argent et de temps! Que d’inutiles combinaisons! Et pourquoi? Pour arriver à une confection (oujours imparfaite et souvent malsaine, quand on pourrait se nourrir si facilement, si sainement et à si peu de frais, en vivant en commun, ou du moins d’une nourriture préparée en commun. Quoique ceci semble palpable et qu’il soit évident qu’au cœur de l'été surtout, il est plus qu’inutile d’enfumer cent maisons et de brûler vingt stères de bois, lorsqu’avec une seule on arriverait à un meilleur résultat ; C’est pourtant ce que, chez nous, la femme de ménage, non plus que son époux, ne saurait calculer et ne calculera jamais, tant que, plus fort que la raison, le préjugé étouffera la réflexion et jusqu’à l'expérience. C’est cet ascendant du préjugé, qu’à l’aide de l’isolement de vos colonies champêtres, vous pourrez prévenir en éclairant yos élèves sur l’utilité de harmonie ou du bon accord. Que par vos soins ils comprennent le profit à la fois matériel et moral qu'ils trouveront à agir de concert et à marcher de front. Pour leur rendre sensible ce bénéfice de l’union, faites (38 ) les d'abord s'associer par groupes , puis par chambrée; et, peu à peu, étendez l’association à la colonie entière. Redivisez ensuite pour recommencer une combinaison nouvelle; mais dans l’intervalle ou pendant la transition, qu’ils sentent la différence d’être seul ou en nombre, qu’ils voient que dix bras sont plus forts quand ils sont unis que vingt qui ne le sont pas, et que mille qui se contrarient ou se paralysent en tirant en sens contraire. L'enfant comprendra tout ceci quand la conséquence suivra la théorie, et lorsqu’à côté de la pratique il en aper- cevra le fruit. Il apprendra aussi qu’il n’est pas d’asso- ciation vraie ou durable, là où il n’y a pas une juste répartition des droits et des devoirs , et une application rationnelle du bien-être qui doit en résulter. Ce n’est pas que je vous dise d’égaliser les parts ou les fortunes : en aucun lieu, ceci n’est possible; car il faudrait, en même temps, égaliser les âges, les passions, les besoins, les intelligences , et surtout les volontés et le travail. À chacun ce qu'il a. Gardez-vous d’ôter aux uns pour donner aux autres. Faites seulement que ceux qui ont laissent la facilité d'avoir à ceux qui n’ont pas. Mais que ceux-ci, de leur côté, ne prétendent pas posséder sans acquérir ou sans avoir acquis. Que nul ne vive que de ce qu’il gagne ou de ce qu'il a gagné. Or, j'appelle gain toute possession légale et légitime. Je vous l'ai dit ailleurs : posséder, c'est travailler ou avoir travaillé, et le propriétaire est, sur ce point, dans la même situation que le travailleur. Mais ce propriétaire, qui n’est tel que parce que lui ou son père a travaillé, doit aider celui qui veut travailler à son tour. Il doit lui fournir de l’ou- vrage et faire en sorte qu’il en puisse vivre. Ce n’est qu'à cette condition que lui ou ses enfans vivront ou demeure- ront propriétaires , que la famille sera famille , que la nation restera nation. Ayez soin aussi de définir nettement ce que c’est que le travail. Le véritable, est celui qui est à la fois utile (39) à qui le fait et au pays où il se fait. Il consiste à ajouter à la masse et non point à prendre sur cette masse, à s'en- richir avec l’ensemble et non aux dépens de l’ensemble, à exploiter le sol qui nous appartient et non pas le fonds du voisin ou le voisin lui-même. Si quelqu'un perd ce que vous gagnez, il n’y a que déplacement sans profit; et quand dix souffrent où seul vous profitez, il y a dommage réel et dès lors péril pour la majorité ; car à la longue, cette majorité ou ce que nous nommons la nation, doit mourir de votre bonne santé. C’est donc le vrai labeur qu'il faut encourager et non ce qui n’en a que l'apparence. Ce n’est qu’à cette condition que vous aurez un avenir ; car, encore une fois, l’activité et la fainéantise, le profit acquis et le profit mendié ou dérobé, la faim incessante et la réplétion ou la surabondance, ne peuvent pas long- temps exister côte à côte. La société composée de ces élémens hétérogènes, de ces principes nécessairement ennemis, n’est pas une société, mais son mensonge; n’est pas un édifice, mais sa ruine. Ceci, vous le ferez concevoir à vos élèves, non par des mots, mais par des preuves, et en leur montrant qu’ils dineront mieux quatre ensemble avec la part de quatre, que quatre isolément avec la part de six. En relevant à leurs ‘yeux les avantages de la vie com- mune, rappelez leurque les secours mutuels en sont la base; que s’entr’aider est partout un devoir et une garan- tie. Qu’ils sachent que’ l'union$ est impossible sans la charité ou avec l’égoïsme, principe de l’insociabilité, vice le plus contraire à l’ordre et au progrès des peuples. De prescription en prescription, nous en sommes arrivé à proposer, pour nos élèves, un cours d'économie politique ; mais ici Pon nous demandera où et comment l’on réunira tant de maïitres-ès-arts , tant de docteurs en droit , tant de parfaits économistes, en un mot , tant de savans de premier ordre ? Je répondrai que je n’exige pas le concours des princes de l’école, ni d'érudits qui aient (40) exclusivement la science des lettres ; je préfère qu’ils possèdent celle des hommes : je demande qu’ils sachent lire dans les cœurs aussi bien qu’ils lisent dans les livres. Je veux qu'ils instruisent les élèves, plus en- core par leur exemple que par leurs leçons. L'exemple, avons-nous dit, est le levier qui agit le plus énergi- quement sur l'intelligence et même sur la raison ; ©est Jui qui la fausse ou la paralyse , et il est des individus qu'il entraine presqu’invinciblement. Examinons notre vie et pesons-en les actes : d’une partie des choses que nous faisons, nous ignorons le motif et quelquefois le but. Nous les faisons, parce que nos pèresles faisaient et que nos frères les font encore. Sans doute ce penchant à limitation est un principe de sociabilité ; mais selon les modèles qui nous entourent , il peut devenir aussi une cause de sub- version. Hélas! chez l'enfant surtout, limitation est plus facile, plus entraînante vers le mal que vers le bien. Qu’un écolier donne un coup à un autre, aussitôt vingt l'imiteront. Qu'il fasse l’aumône à un pauvre , il sera seul. C’est ainsi que bien souvent nos vices et nos défauts résultent moins de nos propres penchans que des passions d'autrui. La mode qui, dans notre Europe, s’étend jusqu’à l'amour du laid et de l’horrible, a un entrainement d’au- tant plus dangereux, qu’il est ignoré de celui qui le subit. Cette fascination de l'exemple a quelquefois des résul- tats funestes, et lorsqu'une action atroce, un crime inouï est révélé, il trouve presque toujours des imitateurs. En ceci, les lectures ordinaires de nos écoles, les louanges données par nos vieux historiens et nos livres dits clas- siques, à des faits cruels ou insensés , ont généralement des conséquences déplorables , en ce qu’elles fascinent la conscience de l’enfant , qu'eiles lui montrent l’apparence pour la chose; le clinquant pour le vrai et ombre pour le corps , et lui font, pendant toute sa vie, trouver excu- sable ou glorieux ce qui devrait exciter sa haine ou son mépris. Ne voyez-vous pas qu’en citant à vos écoliers, (#1) comme dignes de mémoire et même de respect, les Gracques agitant sur le peuple leur torche incendiaire, ou Brutus poignardant traitreusement César, vous leur mettez cette torche ou ce poignard à la main ; et que vos pygmés ré- publicains, que vos Marius de carrefours, qui depuis dix ans troublent la France et arrêtent l'essor du vrai libéra- lisme, ne sont autres que des singes que vous avez dressés à cela faire, Si nous voulons remonter plus haut et in- terroger l’histoire , parmi ces assassins de princes et de rois, dans tous ces tribuns de mauvais renom, il n’en est peut-être pas un que cite la chronique des trois derniers siècles, qu’on n’ait encouragé ou qui nese soit encouragé lui-même par le souvenir de quelque déclamation de collége. x Au lieu de donner à vos élèves cet enseignement stu- pide et de leur souffler de belliqueuses sottises, montrez- leur le mauvais riche, malheureux dans sa richesse par emploi coupable qu'il en fait. Rappelez-leur l'enfant prodigue, souffrant @e la faim après avoir dévoré son pa- trimoine : présentez-leur Joseph prévenant la disette par des greniers d’abondance et pardonnant à ses frères. Encore une fois, méditez sur les lectures des enfans, et si je vous dis de les éloigner des villes et des causeries de la rue, ce n’est pas pour qu’ils entendent pis chez vous. Il ne suflit pas de les sauver de mauvaises études ou de dangereux récits, il faut aussi vous garder devant eux de fâcheux propos. Les injures, les mots ignobles ne sont encore que trop fréquens chez certains précepteurs qui ne savent pas se maîtriser. Les enfans, qui les entendent, né manquent pas de les retenir et un jour de les jeter à la face de celui qui tes leur a appris : c’est une verge que vous leur aurez donnée pour vous frapper. Pesez donc vos paroles, car, semblables à des caractères sous le rouleau du typographe, elles s’imprimeront sur l’auditeur, qui, à son tour , les réimprimera sur son compagnon ; et c’est (4) ainsi que le premier blasphémateur fut le père de tous ceux qui l'ont suivi. Quand vous ne souffrez pas les mots grossiers et im- périeux dans la bouche des jeunes gens, quand vous les obligez à parler toujours d’une manière convenable, sur- tout aux personnes âgées , vous ne leur permettrez pas de vous tutoyer , afin qu'ils ne tutoient pas leurs père et mère. Le tutoiement des enfans envers leurs parens amène une familiarité qui n’est pas compatible avec le respect; je sais bien que parler à une seule personne, comme à plusieurs , est un contre sers, disons plus une sottise, mais elle est naturalisée. Adopté comme formule d'égard et de subordination , l'usage existe , il faut le suivre, car les trois quarts des langues ne sont riches que de l’inconséquence des mots. C’est en général par beaucoup de calme et de sang- froid que vous parviendrez à obtenir , puis à conserver de lascendant sur vos disciples. Si devant eux vous ou- bliez cette impassibilité, si vous leur montrez que vous êtes, comme eux, irascibles et passionnés , vous aurez bientôt, en ltérant leur confiance, perdu sur eux tout pouvoir. Vous vous appliquerez d’abord à maintenir cette con- fiance : c’est par la conviction que vous y arriverez. Or, pour convaincre quelqu'un, la première .condi- tion ou la meilleure éloquence, c’est d’être convaincu soi-même. La confiance des enfans naïtra ainsi de leur foi en vous, en votre supériorité, et aussi en votre amitié, et dela certitude de l'intérêt que vous leur portez. S'ils en doutent, votre tâche deviendra plus difficile ; vous n’ob- tiendrez d'eux que peu de choses, et moins peut-être, des sujets intelligens que des plus médiocres. La cons- cience de ce qu'ils valent ou de ce qu’ils croient valoir , les rend plus.exigeans sur ce qui leur est dû. L’indiffé- rence et le dédain étouffent la vertu plus vite que la (45 ) persécution. Tenez-vous donc en garde contre les pré- ventions. C'est presque toujours la superficie ou la figure qui détermine nos affections ou nos antipathies, Si cette répulsion de la première vue peut quelquefois être fondée, qu'elle ne devienne pas une règle de conduite : jugez selon votre expérience et surtout d'après votre conscience, mais jamais d après un système purement {héorique, car il y a moins encore de mesure fixe pour l'appréciation des enfans que "our celle des hommes. Nous vers:=s de dire que les élèves devaient être instruits à a -ois dans la théorie et dans la pratique; vous aurez donc des professeurs de l'une et de l’autre, c’est-à- dire des maîtres proprement dits et des chefs de métier ou d'atelier. Néanmoins il serait à désirer que chaque professeur de théorie eût aussi une instruction pratique et vice versé. Une partie de nos erreurs, dans les sciences comme dans les arts, vient de ce que ces deux connais- sances sont souvent divisées et l’on pourrait même dire ennemies ; le théoricien méprise le praticien , ce que celui-ci lui rend assez ordinairement. Maitre d’atelier- ou d’études, soyez au-dessus de toute jalousie, de toute vaine rivalité; car si ces vices sont en vous, vous les donnerez à vos élèves , et ici encore tout sera perdu. En demandant que le nombre des professeurs soit restreint dans l’intérêt de l’ordre comme de leur bien-être , j’exigerai qu’on soit sévère dans leur choix, car c’est de ce choix ou de l’espèce d'homme qu’on em- ploiera , que dépendra l’avenir de toute une génération. Les spécialités, quand elles sont exclusives, ont plus d’un inconvénient; aussi, je ne vous lesconseille que lorsque vous ne saurez mieux faire. Quand vous pourrez réunir plu- sieurs branches dans une même main , n'hésitez pas: ce cumul, qui offre peut-être moins de difficultés qu’on ne le pense, sera certainement profitable à tous. On nous opposera de nouveau la difficulté de trouver des hommes d’un mérite si transcendant, des hommes pour ainsi (44) dire universels, et qui, faits pour briller partout, s’astrei- gnent à s’enfouir dans les champs et à n’avoir d’autre com- pagnie que les enfans. En ceci, leur position différera peu de celle des professeurs ordinaires qui, par goût ou par économie, vivent entr’eux ou dans leur famille et consé- quemment dans un cercle très-restreint. L’isolement des frères de la doctrine est encore plus complet; leur vie-est toute de privation , et pourtant nulle part on n’en . manque. D’ailleurs, si j’exige beaucoup des professeurs, j'exigerai beaucoup pour eux : je demanderai qu’ils soient mis au-dessus du besoin, et que vous ne les traitiez pas, comme vos instituteurs primaires, au budget annuel de deux cents francs. Donnez au moins du pain à ceux qui donnent la science. À utilité des établissemens que j indique et à l’effica- cité de l'isolement pour la moralisation de la jeunesse, qu'on oppose les hospices d’enfans trouvés, lesquels, bien que sans parens, ne valent pas mieux que ceux qui en ont: je répondrai que la cause de ceci est que ces or- phelins sont élevés, comme les autres enfans , au milieu des villes et en contact avec la rue et tout ce qui y fermente. Cette objection ne pee donc rien. Mais en voici une plus grave. A quoi sert d'isoler les jeunes gens et de leur procurer une éducation sociale et raisonnée, lorsqu'à vingt ans la conscription les prend pour les rejeter à l'ignorance et à la corruption? Qu’un conscrit arrive au régiment avec toutes les vertus civiques et morales, il n’en est pas une seule qui ne le conduise à la salle de police, parce qu'il en est pas une qui entre dans l’école du peloton, ou le catéchisme du corps-de-garde. Nous avons déploré bien souvent cet aveuglement des peuples européens qui, croyant reconnaître je ne sais quelle gloire dans la position d’une borne qu’ils appellent la frontière, en ont conclu que la patrie était en deçà et non au delà ; et, par cela seul, que l’homme de droiteétait un (45 ) compatriote et un ami, tandis que celui de gauche était un étranger et un ennemi. Passe encore si cette inimitié de frontière .s'arrêtait à ceux qui l’habitent ; mais cet amour de la borne a gagné toute la nation, et chaque citoyen donne ou bien on lui fait donner à ce qu'on appelle l'intégralité du territoire, le meilleur de sa vie ou le plus clair de sa fortune. C° est au nom de la loi et de cette patrie, qu’il est condamné à quitter le métier qui le faisait vivre, pour devenir, pendant sept ans, un instru- ment de mort, un épouvantail ou une machine , et dès lors un être au moins inutile. En admettant même la nécessité de cette délimitation de la patrie, est-il in- dispensable, pour la défendre, que cet homme soit intel- lectuellement mutilé? Faut-il qu’il devienne un zéro, ou, ce qui est pis, une dépense? Et puisque l’État le prend jusqu’à vingt-huit ans, puisqu’ille veut nourrir, ne pourrait- il pas trouver un moyen qui lui permit de se nour- rir ensuite lui-même ? Au lieu de scinder sa vie sociale, de briser son éducation, au lieu de la réduire au maniement d’une pièce de fer improductive, ne serait-il pas meilleur de continuer cette éducation, et de chaque régiment , de faire une grande école ou un vaste atelier? Il s’en suivrait qu’en place d’escadrons de lanciers et de hussards , de bataillons de voltigeurs et de grenadiers, vous auriez des compagnies de tisserands, de jardiniers, de serruriers, de laboureurs, etc., et que ces soldats, aujourd’hui si coûteux, seraient employés utilement et pour eux et pour tous. Nous trouverions alors, dans chaque corps de troupe, une réunion de métiers, une sorte de manufacture ambulante, où lon irait chercher des aides pour les grands travaux ou les besoins du moment et les réparations locales. Il n’y à pas nécessité d’être constamment à la même place pour bien travailler; el parce qu’on est enrégimenté à la solde du pays, ce n’est pas une raison pour-ne rien faire qui lui soit profitable, et pour n’être, toute sa vie, qu’un vagabond et un fainéant. Sans doute nous sommes (46) dans une bonne voie, en France, pour arriver à la mora- lisation de l’armée et à son éducation sociale ; maïs si depuis dix ans nous avons fait des progrès notables, ii en reste ercore beaucoup à faire. Voulons-nous de vrais solda{s? Faisons-les citoyens. Qu'ils soient propres à autre chose qu'à tuer ou à être tués; qu’ils vivent et nous fassent vivre. Dans nos colonies d’enfans, étudions ceux qui, sans vouloir renoncer. à leur métier, auront le goût de }'uniforme. Alors , cel uniforme ne Île distribuons pas indistinctement , ne le jetons pas au premier venu comme un mauvais sort, comme un impôt de sang où comme un déguisement burlesque , donnons-le à celui qui le veut, qui l'aime; et pour qu'il l’aime, attachons-y des avantages qui le lui fassent aimer. Est-ce impossible, est-ce même difficile? Non. Rappelez- vous les lycées impériaux où nous avions autant de vo- lontaires que d’écoliers, où, sous les inspirations du ser- gent instructeur, lous les élèves auraient été se faire tuer pour l’empereur. Eh! bien, il en serait de même aujour- d’hui, vous n’auriez que lembarras du choix; et parmi vos troupeaux d’orphelins élevés aux frais de l’État, vous pourriez, sans conseription, sans école militaire, recruter pour votre armée, officiers, sous-officiers et soldats. Et vous ne les prendriez plus au hasard, vous sauriez à quelle arme ou à quelle fonction ils sont propres, parce que dès leur enfance vous auriez su les y préparer. Remarquez bien qu'après les avoir ainsi nourris et éduqués, vous auriez, jusqu’à certain point, le droit de disposer d’eux : enfans, vous les avez fait vivre; hommes, ils doivent , par un service quelconque , vous rembourser de vos avances. C’est un échange tout logique , tout équitable. Par W, vous évitez la très-grande injustice de prendre pour vous et pour vous seul, la créature pour qui vous n’avez rien fait et ne voulez rien faire, bien que vous iui demandiez à la fois et son pain et son sang. Dars Pétat actuel des choses, cet homme, qui ne (47) possède point, qu'a-t-il à défendre? Rien; et vous le trompez quand vous lui dites le contraire; et vous en abusez quand vous l’employez à garder ce qui n’est pas à lui, quand vous lobligez à vous garantir , vous gou- vernant, vous territoire. Quel profit a-t-il à le faire ? Que lui importe ce territoire? Il n’en a pas un pouce. Ce gou- vernement, il n'y concourt que par ses sueurs et son sang, en paiement desquels il ne reçoit rien. Il n’a donc pas plus d'avantage à être Français qu’Autrichien ou Turc, et il en a moins, si en Autriche, si en Turquie le pain ou la viande coûte un liard de moins à la livre, ou si Pon n’y prend qu'un conscrit sur dix au lieu de le prendre sur neuf. Mourir par la faim, le fer ou le bâton, c’est toujours mourir. Que lui importe encore que vous appeliez le pays mo- narchie ou république, et que mille ou dix ou cent portent le sceptre? Que lui fait même qu’il y ait des représentans ? Que représentent-ils? La propriété ? Mais nous venons de le dire, il n’a point de propriété. La liberté? Mais il n’a point de liberté; il est l’esclave de la faim, faim continue, incessante. Quel bien lui font alors ses délégués ; où git, depuis qu’ils parlent, la prospérité qu’is lui promettent ? S'il n’est pas matériellement plus heureux, est-il inte!. lectuellement meilleur, est-il plus avancé en raisonnement, en esprit d'ordre? Voyez , prenez les registres des greffes el des bagnes. Comptez : y a-t-il moins de crimes, moins d’accusés, moins de condamnés? Votre société renferme- t-elle moins de germes de mort et de dissolution? Aper- cevez-vous moins de brutalité et moins d'ignorance? Bref, y a-t-il sur cette terre dite libre, dite civilisée, moins de pauvres et plus de vertus? Recensez vos villes, numérotez vos lazzaroni de fabriques ou vos sauvages des rues, vos portefaix, commissionnaires, hommes de peine, en y ajoutant les voleurs et les prostituées, ils forment la moitié de la population européenne. S'ils ne sont pas moins nombreux qu'autrefois, je vous le demande, à quoi nous (48 ) ont servi quarante ans de discorde et de révolution? Où est le profit qu’en a tiré la masse ? Assez long-temps nous avons pris les mots pour les choses : voici l’heure de juger les faits. A mes yeux , la meilleure administration, quels que soient son nom et les rouages qui la font mouvoir , est celle sous laquelle le peuple est le plus moral et le moins pauvre. {t je ne croirai jamais à la bonté d’un régime, ni à la félicité d’une nation dont la grande majorité se compose de sol- dats, de mendians ou d’affamés, fussent-ils tous électeurs et éligibles. Évidemment, dans une telle organisation, si c'en est une, les intérêts du grand nombre sont sacri- fiés au plus petit, qui, s’il n’abuse pas de sa supériorité intellectuelle pour exploiter la masse à son profit, du moins, en se servant d’elle, ne paie pas suffisamment ses services ou ne fait rien pour l’empêcher de se corrompre ou de mourir. S'il n’y a pas là abus et tyrannie, il y a insouciance et égoïsme; et la seule différence que je voie entre le prolétaire d'aujourd'hui et le serf d'autrefois, c’est que le serf nous servait à condition de vivre et que l'autre nous sert sans condition aucune. Mais la question qui d’ailleurs n’a rien de spécial à notre pays, que je considère encore comme le moins mal admi- nistré de l’Europe, la question, dis-je, change de face , si jusqu’à l’âge d'homme vous avez soutenu ce fils du pauvre. Par cela même qu’il est le nourrisson de l’État, il en fait partie et il doit le défendre. Or, l'État c’est le sol, c’est le propriétaire qui le cultive, qui le fertilise par ses sueurs ou ses capitaux; l'État, c’est vous travailleurs, vous capi- talistes, vous gouvernans. Celui qui n’est ni lun ni l'autre, s’il vit, s’il mange, vit et mange à vos dépens. il vit donc par vous ou de vous. Mais il travaille avec vous et comme vous, quand il le fait par vos soins et que vous lui payez son travail. Dans ce cas, il doit vous aider à conserver ce que vous avez, parce. qu’il en a sa part el qu’il a espoir que ses enfans l’auront aussi. (49) Sil ne vous aide pas, s’il prétend recevoir et ne point donner, s'il se sépare de vous et de l’ensemble, s’il ne veut rien faire ou s’il ne sait pas vivre de ce qu'il fait, en un mot, s’il refuse le travail qui lui est offert, à qui doit-il attribuer sa misère, sinon à lui-même? Mais cette misère, rien ne vous oblige alors à la tolérer ni à en subir les conséquences ; votre devoir est même de la repousser , si elle est à charge au pays qui, sans autre gage que l'avenir, s’est acquitté envers cet homme en four- naissant à éducation et aux besoins de son enfance, et en lui donnant, par anticipation, le pain du tiers de sa vie, de la moitié peut-être. Après ces soins et ces avances, membre inutile, s’il reste oïsif, s'il consomme sans produire, s’il n’est qu’une plante parasite sur un sol fertilisé par d’autres , ce sol, ce pays peut le rejeter, ou du moins le contraindre à travailler comme travaille la majorité ; parce qu’en bonne règle, nul ne doit vivre du labeur d’autrui, quand il peut vivre du sien. Ce que je demande à la richesse n’est donc qu’un prêt, déboursé qui assure au possesseur présent la posses- sion future, parce qu'il en rend le pauvre en quelque sorte solidaire. Alors ce pauvre a, comme vous, intérêt À ce que vous la conserviez ; et l'on peut dire qu’il s’y est engagé en contractant envers vous la dette de l’obligé ou de la reconnaïssance. Vous l’avez adopté, vous l'avez traité en fils, il doit vous servir comme on sert un père et comme ilsera servi à son tour, s’il s'enrichit : ce qui ne peut man- quer d'arriver, s’il suit la voie que vous lui avez ouverte. Vous le voyez, l'éducation du pauvre, sa moralisation, Vaisance qu’elle lui assure, sont la véritable garantie du propriétaire et son port de salut ; elles font la stabilité de PÉtat. Là, est loute la épée tion sociale régénéra- tion aujourd’hui indispensable si l’on veut prévenir la dissolution européenne, et après elle la barbarie. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet, mais 4 (50) nous devons nous renfermer dans les limites du cadre tracé et rappeler que ce n’est pas d’un traité d’éducation dont il s’agit ici, ni même d’un livre, mais d’une simple allocution. Si nous y pouvons tout eflleurer , nous n’y saurions rien approfondir. D'ailleurs, après avoir parlé de l'éducation des hommes et, en ce qui les concerne, de cette régénération que nous signalons comme si urgente, nous n’aurions fait que la moitié de l'œuvre , car la mo- ralisation des femmes n’a pas une moindre importance : nous nous serions donc arrêté là , si nous n’avions pas un mot à dire de l’avenir du riche. Cet avenir, ne nous y trompons pas, touche de bien près à l’état du pauvre; car quelle que soit la fortune présente de ce riche, quelque assurée qu’elle pa- raisse, il est à croire que ses enfans ou ses petits-enfans, s'ils ne sont laborieux et économes, s'ils ne font pas eux-mêmes leur fortune, seront aussi des pauvres. Tel est le résultat, sinon certain, du moins probable, que prépare notre système de morcellement indéfini. Hélas! cest avec effroi que nous en avons fait la remarque; ce morcellement si utile, ce morcellement qui naguère a fait la richesse du peuple, un jour peut-être fera sa ruine, car d’un bien il devient un mal quand il est étendu à l'excès. C’est alors une démolition bien plus qu'un partage ; et lorsque chacun a emporté de son côté la tuile qui lui revenait du toit paternel , il ne reste plus d’abri pour personne. Oui, l’expérieuce nousle dé- montre : celte division sans terme, cette pulvérisation de la terre n’y laisse plus de prise pour la charrue. Calcul sans avenir, semis sans récolte , c’est un étiole- ment de l’avoir, c’est l’anéantissement de la famille; car nulle part, cette famille ne peut subsister sans uu centre matériel ou une base de PLRRRIÈRÉ, La première objection qu’on fera à ce système de colonisation est celle-ci : pourquoi établir une distinction ? Et si l’on fonde des colonies agricoles pour les enfans (51) du pauvre, pourquoi n'y pas admettre ceux du riche? Je répondrai par une autre interrogation : dans l’édu- cation actuelle, cette égalité apparente d’aisance et de fortune, égalité avec laquelle on berce des jeunes gens dont avenir doit être si inégal, est-elle, pour eux et pour nous, une chose utile? Non, car elle est un mensonge. Dès lors , si cette uniformité de position, uniformité illu- soire, peut servir à la moralisation du riche à qui elle apprend la modestie et donne une idée des privations et des douleurs de la misère, doit-elle être profitable au pauvre, à qui elle ne laisse que des regrets? Remarquez- le bien, dans vos collèges et plus encore dans vos pension- nats, tous les enfans sont posés comme s'ils devai nt avoir dix mille livres de rente : tout écolier est, en esprit, rentier ou propriétaire, s’il n’est évêque ou général. De là tant de mécomptes , tant d’ambitions déçues. Le fils d’un laboureur, qui aura eu pour compagnon l'héritier d'un comte, d’un marquis ou d’un riche banquier, et qui se sera cru légal de lun ou de l’autre et peut-être leur supérieur, parce qu'il l'était de corps et d'ame, ne se ré- signe pas sans’ souffrance à devenir l’inférieur de celui qu’il protégeait, qu’il rudoyait, qu’il méprisait peut-être. Jamais il ne s’accoutumera à manger dans l’antichambre, après avoir partagé sa chambre, sa table, son banc. Admettons que les choses ne se passent pas ainsi, qu’il soit bien accueilli de son frère d’école et qu’il prenne ‘directement part au potage : la soupe, une fois mangée, que lui en reviendra-t-il? La politesse est faite, c'est une transaction entre le passé et le présent, entre la vanité et le respect humain ; mais la réunion ne se renouvellera que de loin à loin et pas du tout s’il est possible. Dans la rue, à la promenade ou au salon, le riche de race et le parvenu lui-même, se détournent avec terreur à l’approche d’an ami d'enfance; et quelque mérite réel que celui- ci puisse avoir, s’il n’a pas au front une auréole présente, si une gloire acquise ou une fortune prochaine n’a pas fait (52) oublier sa pauvreté native, non-seulement son camarade le tiendra à distance, mais si lui-méme est au pouvoir, il l’excluera dela faveur, il l’éloignera des places, par la seule appréhension d’une ancienne familiarité ; tranchons le mot, par la peur d’en être tutoyé. O bizarrerie de l'esprit humain ; le génie lui-même ne fut pas exempt de cette faiblesse ! Napoléon, que ne faisait pas reculer cinq cent mille baïonnettes, fuyait pâle et égaré devant le tutoiement d’un condisciple. Ce mélange de fortune ou ce rapprochement des posi- tions, qui aurait son utilité si, dès l’enfance, il n’était d’autre rang que celui du mérite, devient un mal dans un siècle où l'argent est tout, et où chacun cherche à acquérir avant la vertu, ayant la science, avant l'esprit, parce qu’en effet tout disparait près de l'éclat de l'or, et que sous son prestige, il n’en est plus d'autre. Que le fils du riche soit donc admis dans la compagnie du pauvre. Quant à ce pauvre, quelle que soit sa supé- riorité, à moins d’un avenir bien assuré, qu'il ne soit pas des plaisirs du riche, parce qu'en entrant dans le monde, s’il ne conserve pas la position de la nature ou son rang intellectuel, si sa pauvreté lui interdit la place à laquelle ses moyens l'élevaient , la conscience de l'injustice qu'il éprouve en aigrissant son cœur, étouffera ses facultés. Ou si elles grandissent sous les obstacles, si elles sur- gissent quand même, et s’il veut les appliquer à tout prix, il deviendra un citoyen dangereux et peut-être coupable. En vous signalant ceci, je suis loin de vous dire d’é- tablir une démarcalion de fait entre la richesse et la pau- vreté, d’étouffer l'ambition loyale ou la volonté des’ avancer par des moyens honnêtes. Non, cette ambition est le mobile de tous les progrès. Je vous engage seulement à ne pas ac- coutumer ‘au luxe ou à la fréquentation de ceux qui l'étalent, les enfans qui n'auront pour vivre que le strict nécessaire, parce que vous rendrez amère leur position, et que dédaigneux de leurs égaux, ils rougiront bientôt de leurs parens. (58) Quant à léur ambition , À leur volonté de parvenir , il faut, en la dirigeant, vous assurer si elle est fondée et sur quoi elle l’est; et faire en sorte que la médiocrité prétentieuse ne tue pas le génie modeste. Il faut harmo- nier les moyens et assortir les émules ; et vous le pourrez lorsque vous aurez pesé leurs facultés réelles, quand vous saurez les balancer l’une par l’autre, sans qu’elles puissent s’étouffer l’une l’autre. Les enfans du riche, dans nos pays européens, sont-ils beaucoup plus instruits que ceux du pauvre? On le croira si, choisissant dans la masse, l'on s’arrête à quelques-uns; mais si l’on embrasse l'ensemble , on y reconnaîtra, dé- duction faite de quelque dehors et d’un certain vernis de savoir, qu'il y a peu de différence. Qu’apprend-t-on au fils du pauvre dans nos écoles primaires? À lire, à écrire, à compter. Eh! bien, quand ce pauvre a profité de ce qu’on y enseigne , s'il n’est pas, comme son émule des hautes régions , en état de parler des beautés d’Homère et de Virgile, peut-être avec moins de fleurs produira- til plus‘de fruits et fera-t-il plus de besogne, parce qu’il fera de ce qu’il sait une application plus directe, plus sub- stantielle et dès lors plus profitable. | Au surplus, si le fils du pauvre est dans un collège royal où communal, il n’y aura nulle différence de la science qu’on lui inculque avec celle qu’on enseigne au riche : lui aussi, prolétaire, sera élevé avec les Grecs et les Romains ; et füt-il destiné à manger du pain noir et à boire de l’eau toute sa vie, il n'en apprendra pas moins pendant sept ans à chanter Horace couronné de pampre et de roses, s'énivrant de Cecube et de Falerne entre Laïs et Aspasie. Excellente méthode pour lui faire paraître l’eau meilleure et son pain plus blanc! Nous l'avons dit: qu'il s'agisse du riche ou du pauvre, l'éducation de nos collèges est un moule dans lequel on fait entrer de force chaque en- fant, quels que soient sa taille, son esprit et sa position, et après lui avoir fait subir une série de préparations que (54 ) nous appelons sixième, cinquième, quatrième, troisième, seconde, rhétorique, philosophie, dont on le tire pour le renvoyer à ses parens muni d’un diplôme et ployant sous le faix des palmes et des couronnes. Voyons à quoi elles vont lui servir et ce que lui ou les siens en retireront. Sesdix-huit ans sont accomplis. L'éducation est faite. Il est de retour au logis. Les jours de grâce et de repos sont expirés. On veut utiliser son loisir. L'occasion se présente : le père a une réponse à faire , elle est pressée; il appelle notre savant, il l’introduit dans son cabinet, il le fait asseoir dans son fauteuil, à son propre bureau; il lui dicte la lettre : c'est à un de ses fermiers; elle a six lignes. En trois minutes elle est faite. Quelle admirable facilité! Le père est ravi. Après avoir contemplé l'écriture, il prétend plus, il veut la lire. Qu'est-ce donc? Est-ce un faux jour ? Est-ce la plume? Est-ce l'encre? Il se frotte les yeux, il essuie ses lunettes. Inutile! Il n’en peut déchiffrer un mot. IL juge que son fermier ne sera pas plus habile, Il prie l'enfant de recommencer. Mauvaise humeur de lenfant. Îl est méconnu , humilié. Écrire lisiblement ! Lui ; un savant! ! Fi donc! C’est bon pour un commis de douane ou d’octroi. Néanmoins il faut obéir. Il y met tous ses soins. Cette fois chacun peut lire et très-bien :c’est écrit en gros, tout est visible, même six fautes de français. Pourquoi aussi ne lui a-t-on pas dicté la lettre en latin? Le surlendemain, le père a un mémoire de dépense à régler ; une addition reste à faire. De nouveau le jeune. homme est mandé. Il la fait : elle est juste. Encouragé par ce succès, on passe à la soustrac- tion. Même résultat : c’est miraculeux! Il y a bien une faute. Qui n’en fait pas? On arrive à la multiplication : trois fautes! Comment mieux faire. C’était une maltiplication ; chose difficile, chose abstraite. D’ailleurs, l'enfant connait la règle. (5) Il reste une épreuve : la division; elle est posée. Le père attend avec anxiété. Il regarde. Rien. Il attend encore, c’est en vain. Hélas! Il faut bien lavouer , le savant est en défaut : il ne sait pas la division. Pourquoi? C’est qu’on ne la lui a jamais apprise, pas plus que les autres règles qu’il n’a connues que par oui-dire, ou peut-être par une réminiscence de sa sixième. Tout compte fait, il ne peut ni calculer, ni écrire lisiblement , ni ortho- graphier en français. Que sait-il donc? Le grec. Encore ne le sait-il que dans le livre où on le lui a enseigné. Hors de là, ne lui en demandez pas. Il ne peut ni le parler, ni le traduire qu'avec son maître : semblable à la timide chanteuse qui ne lit la musique que dans le nocturne que lui dédie son professeur. Du reste, notre bachelier met fort bien sa cravate et il dispose merveilleusement le coup de vent de sa chevelure. Si le jeune homme est assez riche pour ne rien faire, il en sait tout autant qu'il faut. Je ne vois même pas pourquoi on a dépensé tant de temps et d'argent pour lui en enseigner davantage. A quoi bon la science pour qui n’en fait pas usage ? Car füt-il aussi sa- vant helléniste, aussi parfait latiniste que le recteur lui- même, s’il ne doit pas professer, il ne rencontrera peut- être pas deux fois dans sa vie l’occasion de faire usage de son savoir homérique ou virgilien. Quant à nous, il faut bien le dire, nous ne l’avons rencontré qu'une seule. Et pourquoi le tairions nous : c'était en Hongrie, dans la cuisine d’une auberge, pour demander à diner. Encore notre latin n’y füt-il compris que parce qu'il tenait moins de Rome que du lieu et de la circonstance. Pour revenir à notre collégien , s’il doit choisir un état, s’il est destiné à l'administration, s’il veut être sur- _ numéraire, il aura à subir un examen qui probablement se bornera à quelques questions sur l'a, b, c administratif, à quelques lieux communs d'économie publique ou d’in- dustrie sociale , bref, aux élémens indispensables à un homme, je ne dis pas pour administrer , mais pour être (:56 ) .8dministré et savoir par qui et pourquoi il l’est. À cha- cune de ces questions, si notre érudit répond , c’est in- variablement une sottise. Comment en serait-il autre- ment ? Que lui at-on appris qui touche même indirectement aux intérêts du pays, à ses coutumes, à ses lois, à ses habitudes? Ah! s’il connaissait la France, comme il con- paît Sparte, et notre code eivil comme celui de Minos et de Lycurgue; mais, hélas, en fait de droit français, il est fort inférieur au garçon de bureau qui à fait lui-même son éducation en classant les dossiers et en y mettant les étiquettes. N'importe. Trois députés le protègent ; il est cousin d’un pair de France , et ce qui vaut mieux, d’un sous-chef du personnel. Bientôt le voilà commis, puis contrôleur, puis directeur , puis député et presque ministre. Dans celte course rapide, a-t-il le temps d'apprendre l'orthographe? Non; mais on lui en ferait grâces’ilétudiait l'arithmétique etun peu l'administration. Également pour ceci le temps lui manque : ne faut-il pas défendre sa position et cultiver les électeurs? A cette opé- ration, le grec et le latin ne semblent pas encore devoir lui servir beaucoup, car jamais je n’ai entendu dire qu’un _électeur ait donné sa voix à un candidat, parce qu’il savait l'un ou l’autre, ou même tous les deux. S'il ne se destine pas à l’administration publique, s’il préfère la banque, le commerce ou l’industrie, que fera- t-il encore de sa science ? Qu'il s’avise, chez son patron, de parler de Tibulle ou d’Ovide, de Sophocle ou d’Euripide, le lendemain et pour cause, il recevra son ezeat. S'il est le maître du logis , s’il est patron lui-méme, qu’il se garde non moins soigneusement de son savoir scholastique, car le grec, passant de sa tête dans ses comptes, puis dans ses registres et de là dans sa caisse, capital et intérêt, tout ira encore comme à Lacédémone : banquier, il suspendra ses paiemens ; manufacturier, il fera banqueroute. Oui, le grec, le latin sont utiles, sont bons, sont.excel- (57) lens pour quelques spécialités, pour certains états, pour le barreau, la magistrature , la médecine ; maïs ces professions sont peu nombreuses ou du moins devraient l’être. Il n’est donc pas rationnel d’instruire tous les écoliers comme si tous devaient être docteurs ou mé- decins ou avocats ; car chacun étant dressé pour ce qu’il ne doit pas faire, ne l’est point pour ce qu'il fait; d’où il arrive que la réussite dans le monde est en sens -contraire de celle de l’école, et que le premier de la classe se trouve le dernier de sa rué. Quand le jeune homme est élevé dans la maison pater- nelle, le mal peut devenir plus grand encore. On lui choisit un précepteur; mais ce précepteur n’est celui de l'enfant qu'après le père, la mère, l’aïeule, la sœur , le frère et surtout l'enfant lui-même, qui, dans ce conflit de pouvoirs dont chacun veut le diriger à sa guise, trouve toujours moyen de se diriger à la sienne, et qui n’apprend à lire qu'en trois fois plus de temps qu’il n'en faut à un gamin jeté demi-nu à l’enseignement mutuel ou à l’école des frères. Cependant ce précepteur est souvent un jeune homme de science dont les intentions sont pures et lucides. Mais dans sa position, que peut-il? Füût-il vraiment le maître de son disciple, que pourrait-il encore ? Quelle est éducation isolée qui jamais a été bonne ou jamais a été faite? Voyez dans quel état moral on remet l'élève à son mentor. L'enfant a dix ans; qu’en a-t-on fait jusqu’à cet âge? Ce qu’on pouvait en faire de pis : un enfant gâté. Qu'est-ce qu’un enfant gâté? C'est un germe humain né peut-être avec une haute intelligence et mille bonnes qualités, mais chez qui on a pris soin de les étouffer toutes; et ceci par un procédé infaillible: en tolérant toutes ses sottises, en excusant toutes ses folies, en flattant tous ses vices. Îl'est un devoir à la fois doux et sacré : c’est celui de la paternité, le premier de la nature ; car un père, une mère sont ou doivent être les meilleurs amis de leurs en- ( 58 ) fans. Mais il n’en est pas ainsi quand cet amour est poussé jusqu’à l’aveuglement; il devient alors plus funeste que la haine. Oui, de tels parens nuisent plus à leurs fils que l’homme insouciant qui les délaisse ou que le brutal qui les maltraite. Céder à toutes les fantaisies d’un enfant, à toutes ses exigences, devenir son esclave, contraindre ce qui l'approche à l’être avec vous, c’est lui causer un préjudice dix fois plus grand que de l’abandonner ; car l’enfant dé- laissé apprend à souffrir, ce qui est sur la terre le sort de Ja très-grande majorité, tandis que l'enfant gâté apprend à faire souffrir les autres et à ne rien supporter lui-même. Dès-lors par les conséquences même de ce qu'il fait, de ce qu'il veut et de ce qu’il éprouve, il doit être plus malheureux que qui que ce soit. Il y a deux manières d'aimer les enfans : c'est de les aimer pour eux ou pour soi. Si on les aime pour soi, on s’en crée une amusette; on les considère à peu près comme l’on fait d'un perroquet, d'un serin, dont on admire la gentillesse et le gazouillage, dont les bouderies, les colères, les méchancetés ne sont que des actes sans conséquence et desquels on doit rire, car plus ce petit être se montrera hargneux et mauvais, plus il sera adorable. Mais à ceci je dirai: si vous voulez un jouet, ne le prenez pas parmi des êtres quideviendront des hommes. Élevez des écureuils ou des linottes et laissez à d’autres l'éducation de créatures à l’image de Dieu; car Dieu ne veut pas qu’on défigure son image et moins encore qu'on l’abétisse. Si la paternité est un état respectable , c'est la méconnaître que de la rendre niaise et ridicule, ou, ce qui est pis, d’en faire une cause de mal. Cet enfant, qui fut votre hochet, sera bientôt votre tyran, votre bourreau. Ces impatiences qui vous amusaielt, ces caprices qui vous faisaient rire, de- venus des passions délirantes , des colères furieuses , un jour vous feront trembler. Accoutumé à voir tout céder devant lui dans la maison paternelle , l'enfant croira qu'il (59) en est ainsi dans le monde ; et dans ce monde, tout lui deviendra obstacle ou déboire; et ce monde, qui supporte peu les caprices , qui les châtie brutalement , pourra lui faire payer cher votre faiblesse. Sans préjuger un avenir si funeste , sans même consi- dérer autre chose que la position que vous vous faites à vous-même, soyez assuré que, preuve vivante de votre inconséquence , votre enfant gâté agira d’une manière fâcheuse sur ce qui vous approche : il vous rendra ridicule aux yeux de vos propres valets, qui ne vous obéiront plus quand ils vous verront soumis aux fantaisies d’un innocent. Le mal ne s'arrêtera pas à votre intérieur : vos meilleurs amis deviendront pour vous froids et indifférens. Nous pourrions citer vingt ménages qui ont éloigné d’eux parens et connaissances, parce que dès qu’on avait franchi le seuil , le visiteur ou l'invité devenait la proie des en-. fans qui disposaient de lui, ni plus, ni moins, que de leur toupie ou de leur poupée. Dans ces maisons, nulle con- versation suivie, nulle affaire sérieuse n'est possible. Vous parlez , vous croyez qu’on vous écoute? Point ; le père a un œil sur vous peut-être, mais l’autre, mais les deux oreilles, mais ses pensées, mais son ame entière, sont tournés vers son petit dernier qui vient de dire papa. Et quand vous espérez qu’il va vous répondre, vous le voyez se lever pour aller chercher un morceau de sucre qu’il met dans la bouche du bambin. Le digne père n’a pas saisi un mot de votre conversation. Il ne sait même plus que vous êtes là, et vous êtes obligé de tousser ou de renverser un meuble pour qu'il se le rappelle. Cependant la communication que vous avez à faire est indispensable , c’est le seul motif de votre visite; vous attendez d’heure en heure que le salon soit libre et que le petit aille coucher. Vaine attente; de tels marmots ne dorment pas, tant ils craignent que les autres ne dorment. Faites-leur en la proposition, vous entendrez de beaux cris. Ils ne s'en iront que quand vous serez parti, car ils (0) comptent sur une dernière récréation à laquelle ils tiennent spécialement et qui consiste à vous accompagner à grands coups de pieds dans les jambes, si toutefois votre canne, qu'ils ont empruntée à cet effet et qu’ils se garderont de vous rendre, ne leur paraît pas plus commode. , Sous aucun prétexte, n’acceptez une invitation dans cette maison. S’il vous en coûte une canne pour une vi- site, il vous en coûtera un habit pour un diner; car votre bourreau, qui a exigé qu'on le mit à vos côtés, ne tirera sa main de la sauce que pour vous l'appliquer sur la manche ou sur le dos. J'ai vu cetté faiblesse des parens amener des scènes d’un ridicule presque fabuleux et que je n'ose citer, crainte d’être taxé d’exagération. Ce que je puis assurer, c’est que les rôles étaient complètement inter- vertis, et que ceux qu'on aurait dû envoyer en nourrice étaïent les parens. Quand l’aveuglement est arrivé à ce point, les conseils deviennent inutiles , et si vous vous en permettez, vous êtes assuré de vous brouiller avec père, mère, frère , sœur, qui ne vous pardonneront jamais de leur avoir donné un bon avis. Cette funeste manie de gâter les enfans est quelquefois collective, c’est-à-dire que pour ne pas faire de jaloux on leur fait également du mal à tous; et lorsqu'une sottise a été commise par l’un d’eux, il faut absolument que tous les autres la fassent. Cependant ce cas est le moins fré- quent, et la monomanie paternelle ne dure ordinairement que jusqu’à l’arrivée d’un second enfant. Le père, obligé de partager sa tendresse, est moins aveugle dans son ap- plication. Mais que de douleurs pour le pauvre ainié ! Jen ai vu qui étaient tellement frappés de ce partage d’une amitié jusqu ‘alors exclusive , que leur complexion s’en altérait, et que leur vie, aétotée de jalousie , était en datigér: Voyez quelles sont les conséquentes" d’une affection qui ne calcule point. Une autre suite de la mollesse des parens où de cet ' (61) aveuglement qui leur fait céder à tous les caprices d’un enfant, est la ruine de sa santé. Le premier abus que le nourrisson fait de sa liberté, c’est de vouloir tout prendre et tout manger; il est vrai qu’à cet âge il ne mange effecti- vement rien , il suce. Mais dès que ses dents sont poussées, il aime à en faire un constant usage; et il est peu de sub- stances animales ou végétales, depuis la plus molle jusqu’à la plus dure , depuis la plus sucrée jusqu’à la plus acide, dans laquelle il ne soit prompt à les implanter. Or, la plus indigeste, la moins nourrissante ou celle qui convient le moins à son estomac , devenant presque toujours l’objet de sa prédilection, c’est aussi celle que ses parens ne savent pas lui refuser. Qu'importe, qu’elle lui fasse du mal, si elie lui fait plaisir! Qu’en résulte-t-il? C’est que si l’abstinence tue parfois l'enfant du pauvre, l'in- digestion tue dix fois plus d’enfans riches. Aussi vous, heureux du siècle, dont le cuisinier jouit d’une si grande estime, n’admettez jamais votre fils à votre table avant l’âge de dix à douze ans et méme plus tard. Et pour qu’il en soit ainsi, mettez-le de bonne heure dans un collège, qu’il y couche et qu’il y mange: ne l’appelez chez vous que pour les solennités de famille ou en cas de nécessité absolue. - Si vous en avez la facilité, faites-lui passer ses vacances à la campagne : l'air y est plus pur, l’espace plus large, les relations moins funestes. Mais même là, dans ce temps de jubilé, ne lui permettez pas une oisiveté complète, car l’ennui le gagnera ; ses jeux, moins vifs, lui sembleront moins doux; l’apathie viendra, puis l’engourdissement; et plus tard ses études en souffriront. - Vous pourriez profiter des vacances pour lui donner quel: que notion d'un métier; il y trouvera un amusement et par suite une ressource. Ce métier ne restAt-il qu’une sim- ple distraction ou l’occupation des heures perdues, l’empé- chera d’être l’amateur insipide de je ne sais quel art, beau pour lui peut-être, mais mortel pour les autres; et s’il n’est , (62) ai peintre, ni musicien , les oreilles des voisins et les yeux du public y gagneront sous plüs d’un rapport. À ce sujet, jé vous ferai observer que les arts d'agrément, que je suis loin de proscrire, ne doivent pas remplir la vie d’un homme, quand il n’est pas artiste; et que nul ne doit sacrifier à un talent, quel qu'il soit, des devoirs plus graves. Pour l’administrateur comme pour le négociant ou l'industriel, pour celui qui veut ou qui doit vivre de son temps, un art de société doit être une récréation après le travailet non une occupation journalière. Tâchez de faire, de votre fils, un homme utile, avant d’en faire un homme brillant; car de cet homme utile il restera quelque chose, tandis que de cet homme brillant il ne restera rien, pas même un souvenir, L'œuvre de l’amateur ne vit pas; si elle vit, c'est qu’ilétait artiste. Dans les arts comme dans toute chose, on ne fait rien de bon pour les autres, rien qui leur serve et leur plaise, quand on ne le fait que pour soi, c’est-à-dire à son heure et à son aise, et seulement pour s’amuser; quand on le fait enfin, sans une volonté persévérante, sans travail et sans peine. C’est ce que personne ne devrait ignorer, pas même l'enfant; car le plus inutile des êtres, s'il n’est pas le plus nil c’est l’homme frivole. Et c’est peut-être en France que l'on en trouve le plus grand nombre ; non qu'il y ait beaucoup de gens qui ne fassent rien , mais partout et dans toutes les classes on en rencontre en foule. qui font des riens. Et malheureusement, aujourd'hui ce sont ces riens , en édu- cation comme en littérature, en administration comme en politique, qui ont la vogue et passent pour des choses: De là tant de jours perdues, tant dentraves , tant de nullités, et un état de stagnation qui nous conduit à un mouvement rétrograde. La frivolité ëst | pernicieuse en ce que des petites don elle passe aux grandes et qu’elle nous fait considérer, avec un œil également insouciant, et le bien et le mal. Cet homme ne voudra pas vous prendré un sou, mais la légèreté avec ( 63 ) laquelle il traite une affaire, vous fera perdre les trois quarts de votre fortune. Dans les relations sérieuses , l’homme frivole devient ainsi plus dangereux et souvent plus nuisible que le fripon , que le méchant même, et il n’est ni un de ses gestes, ni une de ses paroles, qui ne puisse vous faire une blessure. La frivolité peut donc, par le résultat, ressembler à l’improbité. La première qualité de l’honnête homme , c’est le sou- venir toujours présent de ce qu’il doit à autrui. De bonne beure, faites-le comprendre à votre enfant; faites-lui un cœur large, avec une conscience étroite. Dans les petites choses, comme dans les grandes, qu’il soit équitable; c’est une manière facile, et la seule peut-être, de fixer la confiance autour de soi. Or, la confiance, c’est la paix, c’est la force, c’est l'avenir. L’amour de la justice, sa pratique invariable, est partout le signe évident d'une grande puissance d’ame ou d’une haute intelligence ; car la conduite contraire est nécessai- rement un calcul faux, dont tôt ou tard on est dupe. Si l’on savait constamment être juste et vrai, toujours on ferait fortune. Ne nous abusons pas sur la valeur du mot pro- bité, et ne pesons pas la nôtre à la balance des cours d'assises. Cet homme n’y figurera probablement jamais. Ilne prendra pas dans les poches, il ne crochètera pas une serrure , il n'ira pas vous dépouiller sur la route : moins hardi , mais plus habile, il saura, sans danger , parvenir au même résultat. Il souscrira un engagement en se réservant un faux fuyant pour ne pas le remplir; il empruntera pour ne pas rendre; il appliquera à son profit ce qu’il devrait appliquer au vôtre. S'il est votre associé ou votre délégué, il fera estimer cent francs ce qui en vaudra mille, ou mille ce qui en vaudra cent ; ou bien il se plaindra de pertes qu’il n’a pas éprouvées, pour se faire rembourser de ce qu’il n’a pas perdu. C'est ainsi que par l’habitude de mal faire, il se créera (6&) une conscience à lui : ce que lé quité nommera indéli- catesse, il l’appellera prévoyance ; c’est pour son fils qu'il travaille; c’est pour assurer une dot à sa fille. Cette science de voler sans être réputé voleur, si elle n’est pas une des découvertes de l’époque, y est arrivée à un point de perfection inconnu à nos pères. Pourvu qu’on garde le decorum ou qu’on soit strict sur les préliminaires et les formes, prendre n’est plus prendre, c’est faire for-. tune, c’est gagner à la bourse, c’est hériter. Préservez votre fils d’une telle morale. Ce conseil , je vous le donne non-seulement comme guide de conscience, mais comme moyen de conservation. L'in- délicatesse mène à la ruine, parce. qu elle fait perdre de vue le bon chemin, celui-là seul qui conduit au but : le chemin droit. Je ne puis trop le répéter : dès sa plus tendre enfance, attachez-vous à donner. à votre fils, la vraie notion du tien et du mien. Instruisez-le à l'ordre sévère : qu’ il sache et n’oublie pas ce qui est dû à autrui. C’est ainsi seulement qu'il obtiendra ce qu’on lui doit à lui-même. L'un des abus qui peut- -être contribue le plus à fausser la conscience de l'enfant du riche, c’est son in- troduction dans les salons avant l’âge d'hote } avant. même l’adolescence. Là, il entend ce qu’il ne comprend qu’à moitié et dont il tire des conséquences fausses, ou bien encore ce qu’il ne comprend que trop. C’est aïnsi qu’il saïisira, commentera et retiendra ces maximes lâches: ou corrompues, que l'usage, que l'habitude font aujourd’hui regarder comme lieux communs et simple thème de conver- sation, mais qui, neuves pour lui, le frappent d’autant plus qu’elles flattent ses passions. Croyez-vous qu’un enfant ferme l'oreille, quand devant lui vous approuvez le duel et louez le duelliste ; quand vous traitez comme un jeu le rapt et l’adultère ; lorsque vos sarcasmes , vos: épigrammes étant pour la victime , vos éloges sont pour. le séducteur ? Qu'’en doit conclure Li jeune auditeur ? Que ( 65 ) croira-t-il de vos propos ou du code civil? Ici l’un ou Pautre se trompe; car la contradiction est flagrante: si le ravisseur est dans son droit, c’est le mari qui a tort; c’est donc ce mari que le code aurait dù condamner et faire mettre en prison. Nous l’avons dit : le mal s’apprend plus vite que le bien; et c'est ainsi qu’ardent à suivre vos leçons, votre fils im- . berbe se fera, en idée, duelliste et ravisseur; il pensera que c’est par là qu'il peut devenir un homme et même un grand homme. Ces maximes qu’il tiendra de vous ou de vos amis, il les répètera à ses camarades; et dès-lors, cor- rupteur lui-même sans avoir compris la corruption, il sera perdu de fait avant de l’être de cœur. Mais après Pœuvre il ne reculera plus devant la théorie. Et la voie ouverte, il marchera, de vice en vice, jusqu’au crime peut-être. Que les salons, que les bals, que les spectacles, que tous les lieux où se presse la foule lui soient in- terdits jusqu'à dix-huit ans. Il le faut et pour vous et pour lui. Si vous ne tenez pas à la santé de l'ame, songez à celle du corps. Pour ses organes faibles et impression- nables, pour sa fibre encore molle , pour sa poitrine irri- table, la vapeur viciée des théâtres ou des salons, cet air respiré est mortel. D’ailleurs, pour conduire votre enfant dans ces bals, vous vous croyez obligé de lhabiller en homme. Or, je le demande, est-il rien de plus ridicule que vos dandys en herbe ? A quelle race de quadrumanes appartiennent-ils ? Montrez-les à un homme véritable, ou à l’habitant des contrées éloignées, il vous demandera s’ils sont de son espèce ? j S'il ne s'agissait que de la mascarade d’un jour, et si le pli de lame s’effaçait avec celui de la frisure, le mal serait moindre; mais l’impression reste : l’enfant a pris le moule du costume ; dès-lors le costume et lui ne feront qu'un, et l’on pourra mesurer l’un par l’autre. L’esprit et le corps resteront étriqués comme lhabit. Ils pré- 5 ( 66 ) senteront une de ces productions qu’on voit naître dans les grandes villes et même dans beaucoup de petites, assemblage vivant en apparence et qui se compose de ce que l’on nomme cravate, gilet, pantalon, etc., lesquels cachent un homme peut-être, mais un homme qui n’est que l’accessoire de cet assortiment de vêtemens, et qui ne sert qu’à les faire tenir debout et à les lier en- semble. L’ambition de cet homme ne s'élève pas plus haut; il s’attache bien plus à la finesse du drap de son paletot ou à la blancheur de sa chemise, qu’à celle de sa peau; et si l’habit est bien taillé, il se console d’être mal bâti lui-même. C’est ainsi qu’on rencontre tant de beaux qui sont laids à faire peur, et tant de lions que ferait fuir une fouine. Pourtant c’est à cette qualité, à cette position que la mère et le père lui-même bornent leurs désirs, leurs espérances à l'égard d’un fils trop riche pour devoir être utile. La mode , tel est l’état qu'ils lui destinent , et c’est pour l’y préparer qu’ils le mettent en présence des héros du genre et qu'ils les lui donnent pour modèles. Et voilà comme on moralise l’enfant, comme on le dispose à devenir honime. Aussi, quels hommes, quels pré- cepteurs pour ceux qui les suivront ! Le fils étiolé du riche, plante parasite de salon, fané avant la fleur, débile de tige, plus débile de cœur, ne sert plus de guidon au peuple, parce qu’il n’est plus son refuge, et qu’au jour du péril ou du besoin, ce peuple, sous ce tronc stérile , ne trouve ni ombrage ni appui. Là encore nous sommes au-dessous de nos pères. Si nos gentilshommes d'autrefois étaient igno- rans, du moins ils étaient forts ; jamais ils ne reculaient devant la peine et moins encore devant le danger. S'ils portaient des manchettes et un habit de soie, ils avaient une poitrine qui soutenait la cuirasse , et leur front par- fumé ne ployait pas sous le casque. Maïs aujourd’hui où est l’ancienne race des Francs? L’enfant mort-né du vieux baron et même celui du glorieux soldat de empire, (67) vont chausser leurs éperons au jockey-club et les gagner dans la boue d’une course au clocher. Sans doute, il est des exceptions, et l’on pourrait, parmi nos riches anciens et modernes, citer des noms dont s’honorent l’industrie, la tribune et l’armée. Est-ce à leur éducation qu’ils le doivent? Non; ils ne sont devenus ce qu'ils sont qu’en dépit de leur éducation; ils ont surmonté leur entourage et leur siècle; ils ont vaincu le préjugé, les mœurs et la mode. Vous donc gens d’or et d’argent, si vous n’envoyez pas vos fils à nos écoles villageoises, du moins ne les jetez pas dans le gouffre de la cité. Ayez pitié d’eux et de nous! Quand vous n’en formez pas des hommes, n’en faites pas des crétins, car la dégénération de l’enfant du riche produit un être inférieur encore au rejeton du peuple. Celui-ci n’est qu'une pierre brute, maïs cette pierre offre son angle, elle a son poids dans la balance; elle peut servir comme étaie, comme fondation ; il y a là quelque chose. Dans l’autre, la matière même a fait défaut. Sans être précisément bonne, l'éducation des jeunes filles riches est, sous quelques rapports, moins mauvaise que celle de leurs frères ; aussi, pour les dehors et les manières, les femmes, chez nous, valent réellement mieux que les hommes. Quant au fond, c’est-à-dire à leur savoir, en quoi consiste-t-il ? A lire, écrire et compter; ce qu elles font assez correctement et ordinairement mieux que les écoliers de leur âge. N’ayant pas la tête remplie de mots oiseux et de langues mortes, il y a moins de confusion; en parlant et écrivant, elles ne font pas autant de fautes : Babel encore m'est pas là. Mais à ceci se borne leur science ou leur volonté d'en avoir; et il est , dans nos provinces et même à Paris, bien peu de Re qui se plaisent à une conversation raisonnée. Est-ce leur faute ou la nôtre ? Je crois que c’est la nôtre. Les hommes n’é- coutant plus la parole des femmes, les femmes ne veulent plus parler ou ne parlent que entr’elles. H faut bien en convenir , nous sommes en arrière (68 } pour l’éducation des jeunes filles ; et si les nôtres sont un peu plus savantes que leurs sœurs d'Espagne ou d'Italie, elles le sont certainement moins que celles d'Angleterre et d'Allemagne. En France, une femme qui parle anglais ou allemand, est un phénomène si rare, si étrange, que personne ne veut y croire. En Angleterre, en Allemagne, en Russie, il n’est pas une héritière noble ou riche qui ne sache au moins deux langues. A ceci encore , je ne vois pas une bien grande utilité et j'en tiendrais peu de compte, si, en même temps, ces jeunes Anglaises, ces filles du nord ne devenaient des femmes bonnes, prévenantes, et plus occupées de leur mari et de leurs enfans que des joies du monde. Ces joies, pourtant, ne leur sont pas refusées tant qu’elles restent filles : fêtes, bals, promenades, spectacles, on leur accorde tout; mais mariées, elles ne doivent plus y songer et elles n’y songent plus. C’est le contraire chez nous : la jeune fille attend un époux, et souvent ne l’accepte que pour avoir sa liberté. De là son désappointement , quand cette liberté ne vient pas avec le mariage; de là aussi tant de femmes malbeureuses ou qui croient l’être, tant de caractères acariâtres et har- gneux, tant de maris qu’on abhorre et qui s’en vengent. Cependant, la brutalité proprement dite ou les sévices réels, si communs dans les ménages d'artisans, sont rares dans les classes aisées : nous n'en sommes plus aux façons du moyen-âge, on ne poignarde plus sa femme; on ne la met plus dans un souterrain, on ne la bat même pas; mais les tortures morales que lui infligent nos. écarts ou notre indifférence , ou bien encore nos mille petites tracasseries, ne sont peut-être pas moins cruelles que ces sévices. Sur ce point, il y a d’ailleurs réciprocité ; et en fait de coups d’épingles , la femme, dont c’est l’arme ordinaire et conséquemment celle qu'elle manie avec le plus de dextérité, n’est jamais en reste. Dans cette sorte de combat, il en est de véritablement expertes, ou, ( 69 ) si l'on veut , de franchement insupportables. Amazones du genre, héroïnes de cette guerre à domicile, ce sont elles que le vulgaire nomme chipies. Fléau de ce qui les entoure, leur intolérance universelle trouve un sujet de reproche dans chaque petit incident , dans Paction la plus simple et même la moins volontaire : on en a vu se fâcher contre leur mari , parce qu’il toussait. En ceci, il y a peut-être moins d’insensibilité et de vice de cœur, que manque d'éducation, que petitesse et sottise. Mais ce quk annonce réellement défaut d’ame, c’est la dureté de ces femmes envers leurs gens , c’est la légèreté avec laquelle, sous le moindre prétexte, elles les injurient ou les chassent. J’ai connu de jeunes maîtresses de maison dont la conduite, sur ce point, était hideuse. Mal- traitant des vieillards blanchis au service de leurs pères, elles les jetaient dans un hospice, quand ils n’étaient plus bons, même à servir de victimes. Ces femmes si douces, si grâcieuses au bal, si dures chez elles, si impitoyables, ne s’apercevaient pas que l’inhumanité enlaïdit ; elles ne sa- vaient point que même dans son repos, pour l’œil observa- teur, une figure n’est jamais belle quand elle cache une ame qui ne l’est pas. En vérité, ne fût-ce que par coquetterie, toute femme devrait être tonne! Que celle qui, par sa position sociale ou sa richesse, est destinée à avoir de nombreux serviteurs et à exercer soit par elle-même, soit par son mari, une influence sur le pauvre et le faible, ne perde pas ceci de vue. Que dans ses relations avec ceux qui sont sous sa dépendance, elle sache saisir le juste milieu entre le dédain et la familiarité; lun ne vaut pas mieux que l’autre, parce que ni l’un ni Vautre ne tendent à nous faire aimer ni à nous faire respecter. Et ce terme conciliateur est ce qu’on n’enseigne aux jeunes filles ni chez leur mère, ni dans les pensionnats; on y a vraiment autre chose à penser. Au logis, comme à l’école, quelle est l'intention qui dirige l’institutrice? Que (70) veut-elle faire de son élève? Une demoiselle à marier. C’est une figure qu’elle pare , une enseigne qu’elle, dore pour attirer les chalands, pour amener l’époux le plus convenable, le mieux fait, c’est-à-dire le plus riche. Le personnage trouvé, le but est atteint ; l'éducation était bonne : le résultat le prouve. Si le mari ne le juge pas tel, peu importe, c’est son affaire et non celle de lin- stitutrice. Ce qu’elle devait faire, elle la fait. La mar- chandise est livrée, et la loi ici n’admet pas de vice rédhibitoire. : En Angleterre, en Allemagne, en Hollande, aux États- Unis, on procède autrement : on ne travaille pas par entreprise. Il ne s’agit pas seulement d’une marchandise de défaite, de traite si vous voulez; on songe à la qua- lité, à la durée. On élève les jeunes filles pour en faire de bonnes femmes , de bonnes ménagères, et l’on y réussit assez généralement. Ajoutez qu’on les rend en même temps plus aimables, parce que moins exigeantes, moins pénétrées de leurs droits à plaire, elles plaisent sinon davantage, du moins plus long-temps. Les Alle- mandes se contentent d’être aimées , les Françaises veulent qu’on les adore. Or , de ceci les maris n’ont pas toujours le loisir , surtout s’ils ont un autre état. Voir dans un époux un ennemi probable, un usurpateur toujours prêt à annuler les droits de épouse , à la faire ployer sous son sceptre de fer , joug inique, contraire à la nature, à la raison, et devant lequel l'honneur du sexe veut qu’on se révolte, voilà ce qu'en général , dans nos pen- sionnats, on inculque aux jeunes personnes, moins par des paroles et des préceptes , que par l'esprit qu'on y affiche et par le mode d'administration. La maîtresse du lieu, qu’elle ait un mari ou qu’elle n’en ait pas , habituée à juger sans appel, pense qu’il doit en être de même partout; car sa foi à elle, sa première croyance, sa religion, celle pour laquelle elle souffrirait le martyre, c’est la su- prématie des femmes, c’est la conviction intime que toute (71) épouse doit être reine dans son ménage. C’est aussi le premier précepte que, sans le vouloir, sans s’en douter même, elle donnera à ses écolières. Ce n’est pas cette doctrine qu’on professe chez nos voi- sins: peut-être y tombe-t-on dans l’excès contraire. En Hollande, en Angleterre, aux États-Unis surtout, la fille est instruite à croire qu’en se donnant à un époux, elle ne conserve plus rien à elle, et que son bien, sa personne, sa vie, tout enfin appartient à ses enfans ou à leur père. C’est ainsi que par le seul effet de sa couronne de mariée, la sémillante beauté est devenue une matrone sévère; elle a oublié tous ses droits, tous ses charmes , pour ne songer qu’à ses devoirs. Je ne prétends pas qu’il n'existe, en France, de femmes aussi parfaites conjuga- lement parlant , je dis seulement qu’il y en a moins que chez les peuples que je viens de citer, surtout dans les hautes classes. Cependant, le fonds n’est pas plus mauvais chez nous, l’éducation seule y est inférieure. Un autre vice de nos pensionnats et peut-être aussi de la famille, est le défaut de franchise. C’est cette dissimu- lation qu’on enseigne aux jeunes filles comme une sorte de devoir. Le premier soin d’une institutrice, est de donner à son élève une double face: celle du monde et celle de la maison. Une double figure comporte naturel- lement un double caractère ; et cet homme, qui croit prendre telle femme , se trouve en avoir pris une autre, car rien ne ressemble moins à la jeune fille du bal, que la femme du logis. Avec deux visages et deux esprits , je ne sais si nos femmes ont deux cœurs ; mais j'en ai entendu*qui avaient deux voix : l’une douce et flüûtée pour l'étranger, l’autre rauque et brusque pour le mari; double diapason qui résume assez bien l’éducation de notre temps et son mé- canisme. Cette physionomie complexe, ce double organe, ce caractère à deux fins, sont moins fréquemment re- marqués chez les étrangères , parce qu’elles reçoivent une (72) instruction plus rationnelle , mieux en rapport avec leur position, leur destinée et la réalité des choses ; elles ont plus de franchise, qualité rare, je le dis à regret, chez nos filles comme chez nos femmes ; non que leur cœur soit moins pur et leur esprit moins complet ; mais c’est qu'on fausse dès l'enfance et leur cœur et leur esprit, et qu’on leur peint la franchise comme une chose impolie et même dangereuse. ax Quelle est la meilleure éducation à donner aux fem- mes? Il est difficile de le dire. Je pense que pour les . femmes comme pour les hommes, l'éducation doit varier on du moins être modifiée, sclon les caractères et les dispositions. Ce qui est bon pour l’une ne l'est pas pour Vautre, et c’est précisément parce que nous appliquons à tous la même culture, les mêmes alimens, que tant de rameaux ne portent pas de fruits, et qu'il résulte de notre mode d'enseignement tant de non valeurs. Avant d'enseigner , il faut comprendre non-seulement ce qu’on doit enseigner, mais comprendre celui ou celle à qui on l'enseigne; et comme en tout état de cause, les parens sont plus à même que qui que ce soit de juger du caractère de leur fille, je crois que celle qui est élevée par sa mère aura une éducation plus propre au ménage, plus d'accord avec la vie réelle, plus convenable à l'époux que celle qui sort du pensionnat. Si l’on nous demande à quel âge l'éducation doit finir, nous répondrons que pour les filles, comme pour les garçons, elle peut se prolonger toute la vie; car après l'éducation de l’enfant, vient celle de l'adolescent, puis celle de l’homme. di IL est tel élève qui est plus raisonnable à dix ans , que tel autre à quinze. Parmi les femmes surtout, il y à, sur ce point, des différences notables. On voit des filles dont la précocité de bon sens et de prudence est presqu’in- croyable. Il en est d’autres qui, à l’âge d’être mariées, qui mariées même, joueront encore avec une poupée: (73) Dans ce cas, c’est au mari à bien diriger le caractère de sa femme et à réparer l’insuffisance de son éducation. Si c’est un homme de mœurs et de sens, si de son côté la jeune femme est d'une nature traitable, si elle prend confiance en l'époux, il trouvera plus de ressources et d’avenir que si le pli était pris et mal pris. Mais le fût-il, guidée par les conseils de cet époux chéri, elle aura bientôt perdu ses idées de royauté absolue; en peu de leçons elle com- prendra que le gouvernement du ménage est constitu- tionnel, et que si une charte existe, elle a été octroyée par intérêt commun et la réciprocité. Voilà ce que son mari lui fera entendre. Malheureusement il fait ordinai- rement le contraire, et il achève ce que la maîtresse de pension ou la mère imprudente a commencé. La jeune fille, belle et charmante, gâtée par ses parens, va l’être plus encore par son époux, qui, dans les inégalités, les caprices, les méchancetés même de sa belle moitié, ne voit que pâture d'amour et sujet d’adoration. Celle-ci s’habitue facilement à ce régime, ou plutôt elle y est tout habituée ; c’est la continuation de son état de reine du logis et d’idole de sa mère ; rien n’est changé , elle n'a dans son mari qu’un valet de plus. Hélas! ceci dure peu. L'amour passe, l’époux reste; et l’obéissant serviteur de- vient un maître impérieux et parfois brutal. "Si, dès le principe, sans se montrer despote, il s'était conduit moins en amant qu’en ami, si au lieu de tout donner pour tout reprendre, il avait d’abord fait la part de chacun, la jeune femme aurait mesuré sa position, celle de l'époux, et pesé l’équilibre des pouvoirs. Aujour- ‘dhui, elle ne les conçoit plus et ne voit que tyrannie dans ce qui ne lui eût semblé que justice. C’est ainsi que dans quelques semaines , pendant la lune de miel, pour nous servir de l’expression consacrée, le mari gâte sa vie entière et celle de sa femme qu’il égare par sa faiblesse, puis irrite par son dédain ou par une réac- tion trop brusque et dépourvue de mesure. Mais ceci sort de notre sujet : nous y revenons. (%) Pour complément à l'instruction de l’enfant riche et même de l’enfant pauvre, nous vous engageons à lui faire faire un cours de droit à la fois législatif et administratif; mais qu’il le fasse chez vous ou dans un collége ordinaire. En enseignant ainsi Je code aux jeunes gens, vous pourrez vous dispenser de les envoyer dans les écoles dites de droit, écoles qui n’en ont.que le nom, puisqu'elles ne sont, pour la plupart de leurs soi-disant écoliers, qu’un pré- texte de paresse ou un manteau pour couvrir leurs désor- dres. Si je vousrévélaisle chiffre des jeunes hommes que ces écoles, à Paris ou ailleurs, ont, depuis vingt ans, conduits au déshonneur ou à une mort précoce, par le duel, le suicide ou le venin de la débauche, vous en seriez effrayés. Détruisez ces mauvaises institutions, et ne sacrifiez plus lavenir de la jeunesse et peut-être celui de la science et du pays, à d'anciens préjugés, à des convenances parti- culières ou à une insouciance qui nous fait trouver com- mode de n’avoir à siéger que devant les banquettes, à ne parler qu’à elles seules, et d’être ainsi dispensé. de sur- veiller les élèves et de les moraliser. Si vous voulez absolument avoir des écoles de droit, si, plus indéchiffrable que le grec et l’hébreu, le code fran- çais ne peut pas s’apprendre dans les colléges ordinaires, dans le cabinet d’un juge, dans le. greffe d'un tribunal ou l'étude d’un avoué, si enfin la médecine, la législation, ne peuvent, de même que la tactique, être inculquées que par bataillons, faites ici comme pour les troupes ordinaires, casernez vos Salons, vos Justiniens, vos Hypocrates; qu’ils aient leur salle de police et les arrêts forcés quand ils manqueront à l’appel. Ou bien si le régime militaire leur semble trop dur, qu’ils coupent leurs moustaches, qu’ils Ôtentleurs éperons, qu'ils prennent une robe et un rabat. Si vous en avez moins, Ceux que vous aurez seront meilleurs : ils travailleront, parce qu’ils seront contraints de le faire. Mais le nombre en fût-il plus petit encore , ne vous en inquiétez point; ne craignez pas que faute de sujets le (75 ) cours de la justice ou de la santé publique soit interrompu; non, dûüssiez-vous être dix ans sans faculté ni doctorat, il n’y aura en France disette ni d'avocats, ni de médecins, ni de docteurs d'aucune espèce, car dès aujourd’hui vous en êtes approvisionnés pour un demi siècle. Que vous éleviez vos praticiens en public ou dans de vastes salles , ou bien que, dans la retraite, chacun suive ses études chez un directeur théologien ou magis- trat, on devra d’abord leur enseigner à distinguer les bonnes raisons des oiseuses paroles, et à séparer les vrais remèdes, de l’opiat du charlatan. La richesse du langage ou ce que l’on considère comme tel dans nos écoles, n’est souvent qu’un gazouillage servant à masquer la nullité des pensées ou à en farder la fausseté. Le bon sens et la vérité n’ont pas besoin de rime ou de césure. L’éloquence réelle, la véritable poésie, c’est la lucidité. Le meilleur style est celui qui expose le mieux la meilleure raison, ou qui, en moins de paroles, fait comprendre ce qui est vrai. Une des choses les plus logiques qui aient été pro- noncées à la chambre, est cette observation d’un député dont une proposition , fort bonne d’ailleurs , avait été accueillie par des rires : « Messieurs, si la tribune était une chaire d’éloquence, » je ny paraîtrais pas. Mais je la considère comme un » trône où chaque représentant du pays a le droit de » monter et d'exprimer son opinion selon sa manière » et son langage. » Ceci est un avis utile aux professeurs comme aux élèves : un homme est toujours éloquent quand il a quelque chose à dire et qu’il sait comment le dire. Néan- moins , c’est l’axiôme contraire qui fait le fond de notre rhétorique. Nous semblons croire qu’un discours est d’au- tant plus beau, qu’il contient plus de mots avec moins de choses. Cette manière de parler à vide est encore la conséquence de notre éducation toute futile et de nos. amplifications de collége. Si l'on en pèse les suites, elle (6) est certainement une des principales causes des embarras de l’époque ou de cette agitation sans progrès, attachée à une représentation sans morale, corruption mal déguisée, despotisme delargent, régime enfin qui n’est que la parodie d’un gouvernement libre. L'on règle son opinion sur l'espoir plus ou moins probable d’un effet de tribune, on veut être éloquent à tout prix et on adopte la couleur qui donne plus de reflet à la parole, qui la rend plus sonore, plus éclatante, plus à la mesure du journal ou des passions du jour, plus populaire enfin. Si cette velléité du mouvement oratoire n’avait pour arène que la chaire ou la tribuue dont la rampe étroite ne laisse ouverture qu’à quelques-uns, la grande armée des discoureurs n’aurait pas envahi la patrie; elle n’aurait pas tué le bon sens et la liberte. Mais il est un théâtre où le plus chétif, le plus infime , le plus stupide même, peut se dresser, se gonfler, et faire devant le public, sans autrement le fâcher , toute pirouette ou toute grimace, quelque laide et ignoble qu’elle soit. Cette arêne est la colonne d’un journal, arêne où chacun se croit un grand homme, quand il a écrit six lignes. Aussi sommes nous véritablement encombrés de génies, et l’on ne peut faire un pas sans marcher sur quelques-uns. . Nos pères avaient une grande horreur de la plume et de quiconque la portait ailleurs qu’à son chapeau. Scribe ou tabellion, s’il n’était clerc et tonsuré , il se trouvait relégué parmi la valetaille. Et si les troubadours étaient estimés, c’est qu’ils savaient chanter et non parce qu'ils savaient lire. Quant à l'écriture, art plébéien ou hébraïque, il tenait plus, à leurs yeux, de la sorcellerie que de la science du gentilhomme et du poète. Aussi n’en est-il pas question dans leurs études, et signaïent-ils, comme les autres, avec le coin de leur gantelet ou le pommeau de leur épée. Cette antipathie pour les écrits et leurs auteurs, avait bien quelqu'inconvénient. Les gazettes, même celles à la (71) main, étaient fort rares; les missives particulières n’étaient pas plus communes. Les nouvelles ne se transmettant que de bouche en bouche, n’arrivaient ni tous les jours, ni même toutes les semaines; car la poste aux lettres d’alors, comme tout ce qui se fait aujourd'hui par commission et obligeance, était fort mal servie. À cela près, et en ce qui concerne la morale, la paix publique et peut-être la vraie poésie et la saine littérature, cette disette était moins désastreuse que notre surabondance présente ; car sous ce déluge de mauvaises choses , les bounes sont comme noyées et les trois quarts disparaissent emportées par le torrent des sottises. Dans ce siècle de l’encre, il ÿ a tant de gens qui écrivent, qu'il n’en reste plus pour les lire. Partout , des donneurs de conseils, nulle part ceux qui les mettent en pratique. L’on dit tout, mais l’on ne fait rien; ou l’on fait pis que rien, l’on fait mal. Un faux vernis de grandeur, gloire factice, gloire d’un jour, voilà à quoi l’on vise ; et pour y parvenir , intrigue, mensonge, tout est bon. Faute de mieux, on veut même arriver par le ridicule; et quand on ne peut pas escalader la chaire ou la tribune, on s’élance sur les tréteaux et l’on fait la parade. Grand Dieu! l'obscurité n'est-elle pas préférable à une ignoble renommée? Et faut-il, pour se mettre en vue, ployer le dos sous la batte d’arlequin? Vous voulez vivre dans la mémoire , avoir un nom, être un grand homme !! Paillasse aussi est un grand homme; son nom est européen. Il vivait avant le vôtre, il vivra encore après. Oui, paillasse est historique! Si ce n’est pas le plus beau caractère de l’époque, c’est du moins le mieux connu et le plus imité; car aujourd'hui, sans craindre le ruisseau, chacun saute pour la gloire. Préservez vos enfans de cette malheureuse manie de se mettre en scène ou de faire parler d’eux en dépit de - leur position et de la nature. Qu’ils ne cherchent rien hors de leurs moyens , qu’ils ne se lancent pas au-delà de leur portée, car la chute serait lourde. Quand onse pare (78) des qualités qu’on n’a pas , c’est presque toujours aux dépens de celles qu’on a: on ne trouve pas ce que l’on cherche et l’on finit par perdre ce que lon possède. Lorsque vous aurez appris à votre fils à distinguer une vérité utile d’une parole sonore, et une bonne action d’un geste vaniteux, vous aurez ouvert son cœur à la semence féconde, vous aurez préparé un homme , un citoyen, qui ne se laissera pas fasciner par des sophismes, qui ne vous les présentera plus comme vérités ; et sil écrit, ce ne sera pas sous inspiration du pampblétaire, mais sous celle de la conscience, pour l'intérêt de tous et l'avenir de la patrie. En réprimant chez notre jeunesse des écoles, cette verve dangereuse ou cette manie de dire et d'imprimer ce qui n’est utile pour personne, ou, chose plus fâcheuse, ce qui est nuisible à tout le monde, vous l’instruirez à penser avant que d'écrire, et il est probable qu'avec la réflexion beaucoup n’écriront plus, à moins qu’ils ne sentent en eux le feu sacré ou cette inspiration qu’il ne faut pas con- fondre avec la velléité stérile que l’inexpérience prend pour le germe du talent, et qui jette l’homme qui s’y livre dans. une fournaise où sa vie entière s'exhale dans une lutte douloureuse entre sa volonté et son impuissance. Il est vrai que se résignant à l'apparence et convaincus de leur incapacité , il en est qui ne se fatiguent plus à fouiller dans leur cervelle. Sûrs qu'ils sont de n’y rien trouver, ils préfèrent l'esprit d'autrui. D’où il résulte que si de notre temps on compte beaucoup d’auteurs ou de ceux qui, bien ou mal, écrivent de leur fonds et avec leurs propres idées , le nombre en est petit compa- rativement à la foule épaisse de leurs imitateurs ou des copistes simples. Ce sont les moineaux qui s’abattent par nuées sur la trace des moissonneurs. Homme de lettres à la suite, le copiste grapille, glane, rogne, et puis rajuste, comme il peut, les rognures. Il en fait des mé- moires posthumes et des romans historiques ; il s’en’ dit l’auteur et quelquefois il croit l’être. (7 ) D’autres, ambitieux à leur manière , ne visent qu’à la copie administrative , à la gloire bureaucratique : ils veulent être commis. Plumitifs innocens , ils ne sont qu’à plaindre, car je ne sais rien de plus misérable que la plèbe des bureaux. Peu de pain et beaucoup de mal, tel est le régime de ceux que l’on représente comme des sangsues nageant dans l’or et les délices, et n’en sortant que pour mordre le peuple. Pauvres sangsues, si elles mordent quelque chose, ce sont leurs doigts! La considération ici est sur la même ligne que le profit, et pourtant, quelle que soit l'évidence, nos habi- tudes et nos préjugés n’en consacrent pas moins la supré- matie du plus méchant barbouilleur sur le meilleur ouvrier. Le dernier des scribes à l’estomac creux, au dos voûté, à l’habit sec et rapé, se croira un tout autre personnage qu'un bon laboureur et qu’un riche artisan. Sur quoi, grand Dieu, fonde-t-il cette opinion? En quoi consiste son mérite? Il faut dix fois plus de talent, de savoir et d'esprit pour bien labourer un champ, tailler et greffer utilement un arbre, forger un gond, forer une clé et composer une serrure, que pour copier une lettre et même rédiger un procès - verbal. Faites comprendre ceci à vos jeunes gens ; dites leur qu'ils ne seront hommes de plume que lorsqu'ils ne seront pas bons à autre chose, et que la débilité de leur physique ou l'insuffisance de leur moral ne leur permettra pas de faire mieux. Ne croyez point par là étouffer leur génie. S’ils en ont, il Pareatra toujours quelque part et par quelque chose; car rien n’em- pêche qu’il ne surgisse, la truelle ou la règle à la main. Qu'ils tiennent le compas, la plume ou l'épée, savez- vous avec quoi vous ferez paraître ce génie, com- ment et par où vous en déterminerez l'application , l'essor et la portée? C'est par l'émulation, c'est par ce levier partout utile et presqu’infaillible quand il est assis sur une bâse réelle et non sur un terrain meuble et infécond. (80 ) . Qu'on nous permette une digression; vous me la pardonnerez, Messieurs, et m'écouterez avec indulgence. Depuis dix ans, honoré annuellement de vos suffrages pour la présidence de cette Société, ne vous étonnez pas, lorsqu'elle m'a témoigné tant de confiance , lorsque j'en reçois de si constantes faveurs , si j'en suis fier, et si je ne perds aucune occasion de le dire. L’émulation qui , il y a bientôt un demi-siècle, donna son nom à cette compagnie, fut toujours, depuis, son mobile et son guide. Ce guide ne la pas égarée ; c’est donc celui que nous vous conseillons d’adopter dans vos écoles, soit du pauvre, soit du riche. L'émulation est la mère de tous les progrès , C’est un sentiment qui nous en- courage à bien faire en voyant ce qui est bien. Différente de l'envie qui s'accroche à tout ce qui marche et s'y pend pour l'arrêter , l'émulation suit le mouvement quand il est progressif ; et sans l’entraver, s’efforce de l’atteindre et de le dépasser. L’enfant qu’elle inspire ne voit pas un ennemi dans un concurrent, il voit un collaborateur qui l’aide à frayer la route. Aiguillon de l’ame, moyen à la fois sûr et moral de diriger les penchans de l’homme et ses passions mêmes, l'émulation ne vit que par la liberté. Elle a fait tous les grands hommes, tous les hommes utiles, presque toutes les bonnes institutions. C’est donc elle que tout gouver- nement doit d’abord faire agir ; c’est sur elle que le législateur, comme le professeur , doit prendre son point de départ; elle doit être la base du code, comme elle est le ressort du raisonnement; car c’est toujours l’émulation d'une pensée qui, préparant une autre pensée, conduit aux calculs les plus abstraits, aux inspirations les plus sublimes. C’est sur l’émulation du bien ou le rapproche- ment de ce qu'on a fait avec ce que l’on peut faire, que repose la force croissante de la nature, c’est-à-dire la puissance de l’homme comme celle de ie et la création toute entière. (81) L'émulation n’est pas même étrangère à ces êtres aux- quels, malgré l'évidence, nous refusons un libre arbitre, un raisonnement , une pensée et presque la vie, aux animaux. I faut bien que celte émulation vive en eux, puisqu'ils sont susceptibles d'instruction, de progrès et presque de vertus. Le chien , le cheval, dans une course, dans une chasse, dans une attaque, dans une défense , rivaliseront de volonté et d'efforts. I suffit de considérer leurs yeux, leur tressaillement, leur-impatience, pour s'assurer que ce n’est pas là un instinct machinal, une simple vibration des muscles. Non; la pensée , l'ame, oui, l'ame est en mouvement. Chez les espèces qui vivent en société, cette émulation est plus frappante encore. Regardez travailler les fourmis, les abeilles : à chacun de leurs pas, vous reconnaissez le sen{iment qui les guide, qui les encourage ; l'une ne veut pas faire moins que l’autre. Qu'on dise que chacune ne fait que ce qu’a fait la première, que celle-là seule a eu une volonté; que les autres ne font que limiter et la suivre; sans demander ici d’où viendrait la volonté de celle première, je répondrai : non, l’émulation n’est pas limitation servile, west pas cet entrainement irréfléchi, qui tient d’une impulsion passée plus que de l'intention présente. L’imitation saisit également le bien et le mal, et peut-être le mal, de préférence. Chez elle, la paresse entre pour beaucoup; car il est plus aisé d’imiter que d’inventer. L’on copie son émule pour s’éviter la peine de lutter avec Jui, en travaillant comme lui; c’est ainsi que l'imitateur devient plagiaire, puis voleur, car c’est le devenir que de s’attribuer la pensée d’autrui. Telle n’est pas l’émulation. La concurrence diffère de limitation , mais pourtant elle’'ne doit pas encore être confondue avec Pémulation. Si la concurrence a son utilité, elle a aussi ses inconvéniens : elle est essentiellement intéressée et mercantile; elle a moins pour but la perfection du travail, que le profit qu’on peut en obtenir. Alors, peu lui importe que ce 6 (8) travail soit réellement bon, pourvu qu'il le pâraisse. La coicurrence devient stérile, quand elle est renfermée dans un espace étroit, parce que le lerrain se trouvant ainsi encombre, il faut qu’elle démolisse pour construire, et qu’en définilive, non-seulement elle ne crée rien, mais qu’elle ne laisse rien créer. Poussée à l’excès, quand surtout la bonne foi et le bien public ne la dirigent plus, elle peut être un mal. Dans ce cas, elie est aussi nuisible que Poisiveté ou que celte imitation paresseuse qui en approche, car elle fausse cette imitation même. Celle-ci copie l’œuvre et la donne comme sienne; la concurrence ne prend que la sur- face de cetle œuvre, que son vernis, el les offre pour l'œuvre même qu’elle déconsidère. Arrivée à ce point, la concurrence, n’est plus qu’un prestige, qu’une tromperie ; c’est le délit du faux mon- noyeur; c’est celui du fabricant de tissus, qui débite du coton pour de la laine, da chanvre pour du Jin, du lin pour de la soie; c’est celui du droguiste, qui sophistique ses remèdes ; du marchand de vin, qui y ajoute de la litharge. Cette industrie du faussaire, qui décourage le travail hounête, qui attente à la propriété, à la vie, est un crime. Elle n’a donc aucun rapport avec l'émula- tion : celle-ci est toujours bonne , tandis que l’autre peut cesser de l'être. Si l’émuiation n’est ni limitation, ni la concurrence, elle est moins encore la rivalité, qui tend, non à créer, mais à détruire. On ne veut pas imiter son rival, on ne cherche pas à faire mieux q'te lui, on veut l'empêcher de faire, on veut le tuer. Fille de envie et sœur de la “haine, la rivalité poursuit à la fois l'œuvre et ouvrier; elle écrase inventeur et l'invention. C'est la rivalité ou la concurrence armée, soit qu’elle ait eu pour but le monopole, soit qu’elle n’ait'en vue que quelques prérogalives, qui, soulevant les peuples européeris les uns contre les autres, a, depuis quarante ans; fait couler des flots de sang et arrêté l’élan du siècle et de la civilisation. ( 88 ) Que PEurope serait grande et puissante, que la France le serait avec elle, si {ous ces hommes, tous ces trésors dépensés pour se nuire, avaient élé employés à s’en- t'aider ! Si, & la crainte aveugle, à la prohibition insensée, au monopole stupide, enfin à ces délimitations anti-in- dustrielles ef commerciales, on avait préfére cette ému- lation large et généreuse, qui a en vue la moralité et le bien-être de homme, mais de l’homme de l'univers et non celui de la localité, de l’homme dans son acception divine et immortelle, et non resserré dans son existence d’un jour et son entourage de boue, de l'homme enfin dégagé du préjugé de lieu, de temps et de figure. Oui, cette émulation ainsi formulée, on en aurait senti avenir; on aurait compris que faite pour l’ensemble, elle ne peut pas plus vivre entre des frontières que sous des chaînes et des verroux; el qu'ainsi garoltée, elle ressemble à l'aigle de vos ménageries , que vous enfermez dans une cage pour mesurer ses ailes et étudier la puissance de son vol. Les maitres de la terre, ceux que le hasard des ré- volutions où celui de leur origine à fait les chefs des peuples, n'ont rien à redouter de ce concours universel, de cette émulation sans limites. En s’unissant à cette mul- tilude, ils profteront de tous ses progrès; car dans cet accord vers le bien, l'émulation devient une impulsion dont la force s’accroit de la volonté et des efforts de tous; et si elle fait de grandes nations, si elle tend à ren faire qu’une seule, elle fait aussi les grands hommes et les grands rois parmi ces hommes. Oui, ces préjugés des Lemps barbares, ces rivalités de euple à peuple, celte haine aveugle si soigneusement ntretenue par une politique étroite, égoïste, cette psociabilité décorée du titre menteur esprit national ; “amour de la pairie, ces frontières, ces cordons, ces lignes, ces bastilles el tout ce cortège d'institutions su- années el de croyances mauvaises, sont les barrières qui Jousarrêlent, les chainesquientravent vos efforts. Qu’elles (84) tombent: alors, dégagées de leurs langes , les générations avanceront à pas de géant vers la vertu et la force réelle. Que lémulation, puisqu'elle est le premier mobile de l’ordre et du progrès, puisqu'elle est le levain de toutes les vertus, de tous les chefs-d’œuvre , soit aussi celui de toute éducation ; qu’elle apparaisse en première ligne dans chaque méthode d'enseignement. Issue de la nature et appuyée sur la morale et la religion même, elle est applicable à tous. | Les associations littéraires qui ont choisi lémulation pour devise et l’ont adoptée comme règle, ont donc fait un heureux choix et ont préparé de larges résultats. Sans prétendre que nous les ayons tous atteints, il est juste de reconnaître, Messieurs, que nous avons marché; et nous l'avons fait, on peut le dire, sans nous jeter dans les che- mins de traverse. Fidèle à l'exemple de ses fondateurs, Ja Société, dans ses actes, dans ses écrits, n’a jamais dévié de cette règle d'indépendance et de modération. Étrangère aux factions, elle neles a ni craintes, ni flattées. Elle n’a encensé aucun pouvoir, elle n’en a attaqué aucun; aussi, a-t-elle été respectée de tous. Si nul ne lui a prêtés un grand secours , du moins aucun ne l’a gênée dans sa marche; car sa marche ne croisait celle de personne. La# vraie position de l’homme de lettres est hors des intrigues des partis. La région des sciences, n’est pas celle de 1aÿ politique; peut- être même est-elle au-dessus. Ce sont ces principes qui ont attiré dans ses rangs tant d'hommes distingués de la France et de l'étranger; et c’es ainsi que notre ville, quele chifire de sa population ne rang pas parmi les premières, a pu compter, au nombre d ses enfans adoptifs, des savans honorés dans de grand capitales (1). (4) Parmi ses membres aujourd’hui morts, la Société a compté MM. Xavier Bichat, Corvisart, Moreau, Millin, Gambry, Lhéritie (85) Ce sont ces mêmes préceptes que ces professeurs, nos collègues, dont les écrits tiennent une place si importante dans les publications de la Société , ont portés soit dans leurs cours, soit dans les colléges qu'ils dirigent. Ce sont ces vices de l’éducation populaire , ces vices que nous avons signalés, qu’ils ont constamment combattus; enfin, c’est par une impulsion rationnelle et en rapport avec le siècle et la véritable expression du cœur humain, qu’ils sont parvenus à faire germer des qualités, des vertus et à développer de jeunes talens, aujourd’hui l'espérance de la patrie. Heureux, si plus d’encouragemens étaient donnés à ces dignes maitres; si l’administralion, moins timorée de- vant des innovations utiles, moins parcimoniense ou moins restreinte dans la répartition des fonds destinés à l’ensei- gnement , leur offrait plus de moyens de bien faire! Nous l’avons déjà déclaré : la première dépense de tout gouvernement, car c'est sa première dette, sa dette d'honneur, devrait être le soin de l’enfance ou ce qui peut concourir à son bien-être physique et moral; car quelle autre voie le pays a-t-il pour avoir des hommes ? On prépare le bien en prévenant le mal. Nous faisons des lois, nous inventons des remèdes pour les vieillards; c’est pour les enfans qu’il faut trouver des préservatifs. La plaie envenimée , ne se cicatrise plus , ou ilen coûte un membre au malade. Il est plus facile d’élever un édifice Baillon, Noël de la Morinière, Devérité, Deroussel, Pinkerton, Dumont de Courset, Levasseur, Levrier, S1int-Ange, Desmoustier, Anson, Framery , Millevoye, Vigée, Legouvé , Nicolson , Poirée, de Senermont, Deu, Waton, Darras, Choquet, Traullé, de Tournon, Defrance-d'Hésecque, Lapostolle, Boinvilliers, Cuvier, de Bray, de Vielcastel, Laya, Andrieux, Deleuse , Alibert, Fauvel, Lhermi- nier, Lesueur, l’abbé Servois, de Morogues, Gaillon, Hurtrel d’Arbo- val, LeVer de Gonseville, l'abbé Macquet,de Sellon, Silvestre de Sacy, Sidney Smith, Denoyelles, de Candolle, Casimir Picard, Perrier, Riquier, Hibon de Mervoy, etc. (86) neuf, que de restaurer le vi:ux. Quand nous ne pouvons arracher ni à ses préjugés, ni à ses vices , la génération présente, celte généralion qui passe, songeons au moins à l’avenir, sauvons la généralion qui vient. Pour arriver à ce résultat, nous avons indiqué les remèdes. Nous les formulons : Si les vices des hommes ne sont que le développement des défauts de l'enfant, si les défauts de l’enfant naissent du mauvais exemple et de la mauvaise éducation, il faut arracher cet enfant à l'exemple et lui donner une meilleure éducation. F Or, cet exemple funeste , de qui le reçoit-il? De ses parens. Cette éducation, fausse ou incomplète, d’où vient- elle? De l’abandon ou des mauvaises instilutions. C’est donc de ses parens qu’il faul séparer cet enfant; c’est dans une position meilleure, dans un lieu où il soit convenablement éduqué, qu’il faut le mettre. Quelle est cette position? Quel sera ce lieu? Nous l'avons dit : des colonies agricoles , des collèges placés dans les champs, loin des villes et de leur contagion. Les instituteurs seront des hommes de mœurs pures, des hommes pieux, exempts de la routine et de ces préventions, émanation des siècles barbares; des hommes qui étudient le cœur des enfans en même (emps que les livres qu'ils leur donnent , et qui accordent l'éducation à leurs facultés et non ces facultés à leur éducation. Les règles de conduite seront la propreté, la ponc- tualité, la discrétion, la convenance des paroles et des manières, surtout devant les parens, les supérieurs et les vieillards. Les principes : la religion, règle première de toutes les règles el sans laquelle les autres sont nulles ou sans force, parce que des intérêts purement materiels, des lois simplement humaines ou locales, ne peuvent, dans aucun cas, suflire pour retenir les hommes. Les principes : l'amour de la paix; la bienveillance pour (87) tous, sans distinction de langage et de pays; la haine du sang et de la violence; le goût du travail, mais du travail utile et du profit légitime, de celui qui surgit de la volonté honnête et de sa persévérance, du profit enfin que produit notre main, notre esprit, notre propre labeur, et non celui qui est arraché à autrui et à des sueurs qui ne sont pas les nôtres. Les principes seront : lémulation sans rivalité, la con- currence sans fraude, la préférence accordée à ce qui est bon sur ce qui n'est que brillant, ou à l’homme utile sur l’homme de la renommée. Les principes seront encore: la pitié, la charité, la bonne foi, la haine du mensonge et de la fraude. Ils seront l'amour de l’ordre, car cet ordre est la base de toute conduite et de toute aisance. Le plus riche n’est pas celui qui a le plus, mais celui quiuse le mieux de ce qu’il a. L'instruclion sera, après la religion ou la morale qui est sa conséquence, tout ce qui sert à l’appliquer et à l’étendre, c’est-à-dire ce qui constitue les premiers élé- mens de la langue terrestre: la lecture , Pécriture, le dessin, le calcul, mais surtout la pratique d’un métier et de lout ce qui s'y rattache comme théori:. - Les arts récréalifs, dont l’agrément a aussi son utilité, seront : la gymnastique, nécessaire aux développemens du corps et à sa santé; la musique, notamment celle de chœur et d'ensemble , indispensable aux solennités reli- gieuses et même à la piété intérieure; et dans toutes les écoles, la journée commencerait et finirait par une prière chantée en chœur (1). x Telle est lindication des principaux devoirs enver Dieu, envers soi-même et envers le prochain, devoirs auxquels on préparerail soigneusement les élèves, afin qu'ils les remplissent étant hommes. Envers l’ensemble, ces devoirs seront l’obéissance à la (4j Voyez la nouvelle Sténographie musicale de M. de Ramburés, membre de la Société. (88 ) Joi, le respect à ceux qui la représentent ou qui sont chargés de son exécution. Ils seront : une probité non moins scru- puleuse envers l'État et la chose publique, qu’à l'égard du particulier. Ils seront : l'assistance à cette chose publique, à ce gouvernement qui, eût-il ses imperfections, ses vices même, n’en est pas moins l'expression d’un accord ou d’un contrat; et qui dès-lors, ne doit être modifié que par un con- sentement mutuel. Au premier rang de cette probité envers l'État, sera V’accomplissement strict des fonctions dont on s’est chargé. Fussent-elles gratuites, elles n’en sont pas moins un devoir quand on les a acceptées, et plus encore quand on Îles a briguées. Ici s'ouvrirait une longue série d’autres prescriptions. Un travail utile à tous serait, Messieurs, celui qui trai- terait de l'éducation politique, de celle qui préparerait la carrière de l’homme qui doit administrer la fortune pu- blique et commander aux autres; mais ceci sort de notre plan : nous n’avons voulu vous parler que de la première éducation, que de celle de l’enfance, et faire comprendre son influence sur tout le reste de la vie. Que l’enfant soit bon, et l’homme sera meilleur. Mais l'enfant ne restera bon que s’il est entouré de ceux qui le sont. Les vices ne sont point dans la nature; on les fait, on les acquiert, on les gagne, car ils sont contagieux; et plus l’âge est tendre, plus le mal se communique facilement; et plus facilement , peut-être, il devient indélébile. C’est donc de cette première atteinte qu’il faut sauver la jeune ame, c’est de l’exemple empoisonné qu'il faut la garer. Pour y parvenir, nous l’avons dit, il ne reste qu'une voie ouverte : c’est de séparer la partie saine de la partie gan- grénée, ou d'isoler la génération qui naît de la génération qui meurt. A Abbeville, 29 Octobre 1841. J. BOUCHER DE PERTHES. » JS Été do de ca 7 » NE EE es $ 3 D FU ou | F E : Ë Re sa a #4 “ , AU : je ù | k bé LS A rfËs #5 MOSS dméeute 0 Te 200 PLATE SUP Ce, RATS VAT A: MANS ÿe ASS LORIE VA ET à wep (A PPT TN Lin LS si XP 6 8x ï : Fa ét get} RE Aro AAIvRIES IA see # Ë : S RAS Élu HQE. no > NAT & age He gs fait à Ë Fra Mc: Ya 1 1? BAS one ui astene EE ENT nl se CES “ae : ÉCRIN CO CIR EC ON CES ARTE Vi fe gt 57" 2 as Mel 17 ne": DE AE 16 PL1° 2 À t Vouvelle Clef musicale aBteéviaxlive prend a Dadlartion RU lé louer des ana) ed cé noter par tgnes. — LL inrsar: Lure &0 dégagé ds modern et des baisons emplns:ptln sagmphas mutrente ELU “ntonalion dr \: 1. CARS Varia) sd es ocre 1 Hunt @f / \— OU) J FIN-NU ZT, noce METRE or À ï Rappoi A1yeC In fx Votatiow pax) CT 0. Le lotalion DIE 22 D OUES HOLHAIITEE nn CO Decliffe, we ue sc 0! Grégoire. î aa DEA cc dd ee ff 56 CT — Er mie = : 2 _— 1-2 — = malle 7 = TR RUN SE OUEN j É ‘ Ces dique éténcyta sfiques Aou 26 etes de ré mifa sol Ja ag do re mi fa sol la si do ré mi fa sol la si do ré mi fa çol la si suffoetb pour LeLoduze Seul alert Dercdavel 1 2 3 # CNP ON TT CN NON a 0 ST T0 inv fée D ete) PIS: La ligne tro: REPPE positie) = —= drole au. a LA La Orele cmva ses # saclions (TDNU } e JL Ne 740 clefs fs primotdiaux. Tia ® ut 4° Ligne PR 49 De Z cs STET 6% 04 At tone Pr La Srt LE tar ironspeits SE Ron pour le ET di Te Lanyesss ? S.tccitens éledonation ouFgner alrcratili. vw 20 [0] doubles . ï ——— == E—— De 4 1 Écearre 1 E € à RE Se a LEE td FU our La 2° dans al pi Les Bmses 4° TE Er #31 N°1 Vous das loms Kaas actions de tems: Chiffres (l LA 1 1) 4 1/0! Da valeu CN EE ote FR nr] ÿ _ égle de la æ ici Derrce 92e boueleeu? | d'éclavesd des boucles du rythme. = = D NN PU Lo & Ze bouctas ds rrthme 77 vent Loujourv à la fin du trait se LA Je Articulakon Detackeuec 5 Viques D'acceutuatiow music! Ë —— | Pnachesnannre = _— Pi É Auruneseute rule n ae plaséennr — suruna note Gucle EE | = rage C S 5 Era qu ie |nacen: sour L Vaer Le Où dans le crochet gui las termine Silences N4.2 prise de dures des notas et des silences s'inctique où JV I Notes 2 SE RE —— une Barre transverale qui remplace [a note pointes ouparun | ROSE Us coulé qui unit las fers et leurs fractions EX rsng SES À EST Lin chaut vlatiqe. — SE : terne ON S Sa RE ee Sr AE oi cr [Si ï Ja plaise TT us Lngus carre brie Sms brère Lai de joints s indiquent 224 a. 1 : s- S Dr) lo > nd 7 El ce ÉSAss JEE =—-— Lee dxttaut du treuel’thematique deu shlomeativies Des tterçalles justes ab ltères Delon le Laure modulitions En chantant d'abord le mitrquer l'utilité et Letaditute des , Êraluxit Des ais eu canous elenreulaites el Prey a+ Ed f=otut ès val- ss tree ie note} 1 le srieetaote À sa seins tio Voix Fe jacques file jacques Rulervens il as lus j'euladh facts fdte dela aepollte Du poituun 23 Juag Done Méjou byex vou à aus Se 363 dons Lou jouts aD wuis &25, « alës A Ja EE | 1 ’ = _ Von) 5 Sal Deere ” ! L # NES ; ile LH HORS Sinle tluuvie-/luuuluu: HE SNS OS Con D er re Sarl | + 26 Où commedl'insen sé qui Le pres poux “td De ebl né con pau si? Perte ee Pautue pouit De je tale ser De vousuutuu me Dé Pepe té lu otehehoictete pris A RUE est œ Fret ne A En En ER fe ture} de j à lus v peut ous und lourdan AE LE CN te el ue eut fou Le Gondom Péavtit En Ouleu lu Le auul Cul à $ sage < lt us | c| 1) je ETAT x RE APTE P RAA ES Fa y F6 2%} ES St : è rs Lt pie Bom fou que Dique Jin du Dique Digue Vus plats plon tata pate] os van 2 ( C VE s Su, B 99e Jr | °r Jr Du ST nee fe Rae Tan mes else see lea Pate © jen ou ous paf antadut va fa he quafiit Com po ge Go 68 Le plut mula plule à À È De ed malt qu fut Set tique que lar lie = a = L 4 : À un M (Er eo - l Le VU 11 UU - D — L A AE 1 JO Ur LR ON 1 ne DT TUE ui quéful Lique lique tique laque Late uit D jun. ai è Vous uote © dét souget ous de ‘| pret ge De jécsbquemous mur salle defaquains En B UN __— ; Gp routes las de Do VE [ a ; & * UU vou plu save punir jo Dé van meules Dan ouveut vous De de plus gardé prune garde: Calqué mm muni | “ ot sut ann pus. que pres ‘ [SIVIE7®) 11 187 11 11 , YU ! | À Sr 1 Sole) LOL 2er, TPE |, Hs fe re AN UV: NN ACROSS || vote qu'à nt dau gels vote oué veRa saude | ptauer garaÿe vaut EuV mo Ÿ er \ nette F ous pie GX pou quuts Ve malar Lorphéon ce; + = (LU SE) ER Tate tLe hot la Re cn cette és pré 2 s FTe/ VAE =" = ES) rl 7 o —|È quelques an re Te L'élenclue 6 da membre cts voie Las El Dont un ju um Re PS ue enbe douldoi er MN PTT pe Cl Lien ont et éras q cu aes fabbatini « prés parles vos portee ee dun du Specinen des sole concertants de Wilavm . Mange, eut Lu fes pu cha 724130 Aitegre 1 PET Der F af DUREE 110|: 8 4 aus VWPisorsa je: gts ss fe! d rer ts le cl KO 6-1) D =D 7 SA 506 TS] cn clef pour ecure fa Ms UyALE AUS ciment de L'espace : C3 . à . F ” . d Dir odificati OL pour Lx J'Oeoure. Y coubuuison I! clef pour eve fau musique sauts {a lue hotiroutale, axpplieuutiam spéciale insluumens polyplect:es el uv 2éétiicment De À space à Section 1. Jutouatiow. Dechow D. Patfume. dectioruS Mgte générale Da tiseé Dei vateura ] Chilres\ ù D Mlle : desvaleurs | 4 Les notes d'un 24 Lemps cb plus formant un où au ve plusieurs groupes ne prennent pas le crochet pourvu qu cles sent sonlignées des rails horizmdaus Juivants, > poles tas pour les ! 4; D pour les PE, E— putes 167 0 Wmpai où : k TS \ ES PFehutes = ? 1 9 e L ES en # a IN E \ b 1 [2 Le2 Les notes d'un temps & plus peuvent étre ou ne G pas élre liérs ( iSérre Léstraits horizontaux peuvent également se lier entre eux dans la suecessiondes valeurs inégales Le crochet final de La derniere des noles liées Sulfitp! mdiquer que toutes Les notes qui prrécedent sonl de l« Foportions. SUIS EEE EE TN) D62 SCLCD J 7 & & Proportioné et DT|dc) NEO CN grut nou 2 Silences y retard © % s CNET 9 Lortee on nn ouvent leur: araplement/ priout fe veste Dans fe M 1 féau mais de loule mouenir slfraiue omuramullelie Diuucte et se cmpfèle aussr par Le 1% laBfeau out elfe west qu'une Obsergations. La néyles Du acé De celle V'iusdifreatie tappouées coturcé de la 1 odifetion Cle - ei appliquée apéalement à li érsqraplhie museule est toute ccceplion come cette An Pen F l ok. La 1° ligne horizontale du 1 È DE —— SR SE EE ep re Section 4. «Jpécinrent dela d: combinaison appliquée aux imsluunens pe pecires . Ro le st | 9 ANS 0 ES NE Arno ee RE SE SN COQUE wi < pe mnerneire ROMANS EE TNT 5% - à de plus Dislimcke at plu wele poux Dont alu mi. 0 Jp PS OP a Lee PRIT | ann ur | | EEE Ai voye las exemples HS,° d 4 es 3 É d IL. «41 'ouivarrs 1 À F LE 2 Sé PRO $ SX / = (w © / UM ANS S ET CT D 2 V7) dupe SC 1= UR| v. gate 7 5 2 ton Ro MIS SL 7 Û En cal 7 £ £ ur Je PROMESSE Li » ê a Ÿ £ à r Lot 7e PE y ©. © 0 WE TV Aer WE RE | UPPER a | 9 n s'Eù ? } Lwl : [ EE et B “HS no ÎÀ d : 70 PORC ENT." ENT 5 2 Y Sa Er D | 0 an. D en Lan aa UE PA | n GE FLT sssnsoutaf és I = = | Section l" Didactique indicate ; rpliquiée & la nouvelle clef. AE UAer racal encnc2e deals eat guet D loules Ebf 4 sufrctiou des dre Les louehes du Clair utéliumeutst es peutéss de L'fanuute Deobx lounfité wedetite et Dole el pi appé Du las D wersiures Offer 2e > clefs auw Le Clics nurtcoy ro cer 29 CET AR ECS + en 29 DEGSA DE se Dev op DÉGRA DEC 4 CE déspport des clefs ax voix. 2 À | Ê F à RD Ü 1 ÿ i 4 pol 5 A e | E U js —e | = ë à L ms te in I WE nya masque el Fe æ nie Des uote + | : ë à Re Ts Gamme primordiale Ordre des rl par Di Ia b) purles eu ei 2 i à! Deer ModëPe Deto 1D tua f + ) Æ = à Du D == 1 \& 2 € Sas € EU 4. S = F Li Est ë& |.| dE SH 3 \el+ | ÿ — 3 | à £ S pélele| AR Ole | SIP ON Ju Es En LAN FA | | a N | PROS Gshris re hlsl) es) 5) 0 € 2: 1 FO IÈ | | |: IR 5 € € EE | N 2kÀ - | nhalvin is DS es à &, | è | | $ Ÿ SDIE £ 5 —_ { î | È & € Eau fs ques de Le ironyelfe clef Rp rap Applicut lion de me 219. lactique aux Divers moi cqueuent cb 'aux excicices 06 fo musique chorale Jente: Speamer des combinaisons € iyslémes de 50 fes auteurs cbcheli d'école - N°17 9 airs or canov chats & recueil fenalique. # Lu, NA 0 a (292 La MINE vu © ie rules os ptélé 1le 118 at: | Out Elie Dove e Que qualite Vis pluie Le Dautgere û et ë en A ES AT A UC EMI A sta 4e. (TP sut il rs leu UE, Anna la AE A Ou ae quit/ Étant plusjuste BU e pb iobleeautte mme joues de fa safan en Un DR {es v=nniles < Slssthvuuls 9 M fu sulu veul?"- À LeDoufaaen) efuufercu anne tiuye éfavée d'un ne afrusie vil mul lylwyes flans Masedle jfatueame gequeu aol Smçeut pété même) fous ausecquifa ve 3 MAT (dm tr Dates sr 97 CC on AC Où 7 2 © 1m É9 ee JV. Has ox Slnrar ee 1 1 Ciged Men panne flan pute aux fui D plaie Au fées, una due dortalent Se due Leu 4 presente Lim porteun La paahigée post quid Galiait de la méthode concile De Cfieroiu pi DO onipords D Eféves D'ryeulé fore p ral ou Full = — 1 vies nee 7 =: SANTE ÉrrA en % Ga NE 2e) SE | Éfutte Des muse pri es Il ee tfatif: ie OL cotées | D 4 | Dastitious 3 paris LS ur eu es RERO nl COTONETT SE nr te EU = CEE Le PAPAS La) orales PA VV 8 [07 377 D Talleaur De Lx HDaetue val aapredu dat nu quon) DEC Dhnnadion le Uprma De aus cufleu 2e Jelluisution el d'enieution chnale 00 eus populaite De musiques rep ur ? canons du PSabbatini. 1 Canon die De L'oyphiou NC6 & 4 pauis À, B, C, D. (Voix égales) « AUigro maso. .\° 60 De Leditow de Nicou Coton Ce mou de Dabtatun a9456> | six égal. Fa BOL EN ME PEN . OX. TOI Car amclres. A Taneen bois de Sureasponrle trace de pme Du laducionr De cutter de masque inililiite, Deus Le caractères nénoquaphiques néduits AUleuu propoctious Les tb exiquus ——— Marche. F He #a Aire de hate pt frame Lo À d'Lréral Vi [Ulau Ole UI a M Er PO Er v=te=é, Vi Ur Ur VU Aorphe ( ” catumagt Sfabue Pa, 14 ,ul la annee non larlng lt nel etai MON LAINE EE nv LAN PROMIS RE OC ANR url Îota. Ontrouve à La IUT n LAPTOP fabrique da Proust ÿ srl Lacie] Q SALE AM TOR CELA vs! (het AUS, TEE || ones ere Le z! w ea £ Vas La dmanan (11 al 308 aan Due ur PR AP 4 o}fin. pabstur Loan 7 PTE ES ACT TIC ETF alreltenmarlan a) CP OT ON NE ALU RSR ANS EN D Q) A3 IP diidrinnnu J Ztatien mnem orgue | À Allegro mmoderale- K Areutrer letter el ET AN < Das Vi ÉRRES h eh pale Xl Le, fer “Lu ls A SV AR FA ÉD M “Hart 89 qualuer Han 4 Pleyel Ke A : TS pi ven RE La AUX A|17 NARREINEANER Se FX 050 oo FR FNINSS | Li Cine 19 DDR PE Le ER Lé : (1) _ 13 see sets no) io ee. DANCE RUE AS ER Le 1 AE A ue id Phogel TETE | en ANT HAE ue. RL SE Uyrsitone é Later tres acalrnele pplica lion de La mouvelle QU} à La notalion uolemulale el ce adalions. Von 7 eau ron HRee PEN ere tie de que 7 Fe de Cangragrell PU ) 7 RE = = 1 Eee A s)_ 0) De AT AN a [es a | En Sa ere |rete te 33 7 er. “DIS 7-0 21831 > ragmèns vu sachodi 18! camerrte cle Voili li, Le ue #® Es Sora PASS N lobes oe eo PAP SR OL nor 2 À mel allagre Ouvetye de 2 DeMérast = =? Ras ee — NYMATRE NYPRHE a" ; =. ge De Mu dd ve) ci HUE Ces 7 9 Partitiou 20 Mhpmphowne. CE + AA ie si \ Ke Pie prune Gr VON 0 o Une b # æ } DIM ENPAU É is j: La le Zixfes _ re) | ul nan EE o, Gaë. D à o es es esyle9o sovfou Elu x LATE PE J m2 ba sphere ago | fautes a, UP ÎLES out p un res ES :4|,° Nr DR UT en EE SU y Se J 0 S | : Ces - { Marre] C rer re (Ed) Pyel) Certes el, "3% s0SE œ pe Eee RE A rate Ka F9 ? NS \ au ietre (CE; Éplhs 7 Dal # Cor eune SEE © 9 o l'o Een 0) 1 U REC Race LL) SV, | Cons au Pa Dir o © Here 6 : ce Groupe —_. ° Q 0 o Ver en Fo TRACE se U: jDpecimen De pestitions er D) = ES ® ie ° o- |) Brit du nas) de Daareu me > S 3 , Î = LE ST ie NI Pre n} gaude Jynautte. HPTTEN de F0 n Las |, É UUU ue ROIS | SPF P2 GE Ÿ iA Giua psts em tome CA) & z SR Le 7 eve din oi re Po Le, ass G o Ç Le) o NI . Le 1 RD ape À : Es JD se a NE 7 V4 / pe o , E DETENTE 5 , + PCÉasmat à or D" AV lonse,o Jens Ar à ln : ë 9hom|r- : ü o x 7 Er @ J Fo 0 De TE, BR RÉ TC Bctes A © 2 | on feu,u,7 Dm ° : oo LT JP ets (RO 0 a à ASS AIT & o feu, u 7 o o | y 9 © Cure) x w2 see) [7 F2 Cost où fem 2 À JP No yrna nn DENON OR . Viabalte @ & ©] a 5 o rc û Ÿ o CE ) a de) S, RS Fe LAC U ù 24 C4 F ; eue ao a nn 0 Fan 17 “o Dig fe N° D Partition D 1AUALqUS EU CAC. SONT = : &- = = ER ESA ee Aero cou mots ne D # © NEA Q 0 faste 14 9. ° £ =, Ar rio Foie Rte _ Eee | Le é \e719) WT UT PANOI EE at) J-;0 ot, -o eo, CPL IL. 5 9 = RE Line es rem " Fe D ë = | Cet ef 7 a VO 7 3 Fed JSSAR IT NOR s © MSG N° ; D PT Qi UC \ = Cr) Av FU}. 0 ° O7/0710 ee" E ci "|\Ra Ho Cr GET 7 7 61 us 7 Y Ÿ 10 n°7 (ere ET 3 2 A ED 2 @) —-0- = © —\;: FRE à F le) LE Fr GET Co here L@| : fee = = Ë ss Ophautéadtes basses u7 - A 0 - Drougaunte À Pa o nl eo = © «; À { Crete 6. : 0 Drame o ne G © Q 1 = FES S J L l © à 5 32 C . LOUE =} a ox te à ÿ ° Lie v ; -e Vs 0! le autatta GS LE D ae AT | j Cusenontante 4 Cause 0 U ‘ eu og füe uuwicale Prcrreuent le ) pe treic Hanograpfique Due Jisyutes de ta ct 4 cousidetes sous Le poiut de que Des liwsous, Des mu dficalious et des abrevialionce vu ua fai el Héceisuite) pou Lx à Lens >Ducthinr aotautauce Où chaul. N°1: onaton : abandon ren pre Pion Serepeplhae ’ = —— — 2 Rylhuce c cutprs comprises ne ur seul ique à l'aide Des decutesdvciles cl cles Donplei de œuli les Ÿ + 2 Rue RES 2 E- 5 CRE 2 RE. Re Fe Œxs Lranon de mémes yes 3 3 ü EE 1 ; ù QT: 1 \ _ re vu 4p2N | mar RCE + D +7 PUNTO NE | R Y# | 3 k EVA DES , 3, \ Res A. | de benclei | digues Des sileuces 1 rats ? G\ e O) ü 9 Pa 4 is d $ ” CY o 2 | 6 9 9 n $ ' | É 7 % æ 0 uv u2 18) Traduction. | Learsom gartérale | AA D où AT AS Froporien inégal SARA Rte d ans D) (à ee à — == =. N°4, ps du Atane. N° D. Re de FRS piece rue Ca vurte ou silouce 3» Pont de rpostiuns agrément € mice rule d'agrément re dou Lx uote ou fus € Zenps d'arrét pour quitter séchemant la nabs ) Toit d'orgue, pont final où cadanxa —— 3. Te dificatious des boucles uutiales el Jurates des notwel luuila adjotuts p? Les aBravulionns Des Les el Des quuupres De teurs Exemple pren Dore MPa mu PS |PRs n L EN dhe M au | à 6 D Ÿ P| vs © VAR [Asa tr IL LADA TRE NU TS | — - G.. Vice Dd'ubiarations pour la repeliticu Dmmeutes gr Pre De mous de plates el periode nuicales pour arpege Dilipee de gammes Dialoutques, de games chiomaliques #> — 5 —< —0 8— + o— UE # F & = 1 — © © = = ete 1" Parntene mlbln bu ORENE aux barres perpende : ! Cornet ÉNAECEIPRERT UE ET a = Ê N°7 Crmnap les de Sitirgraprte wavreufe 4 Paratfite RUES mA san D ape an tee Ds pu Des mme De Z 0 lobe la Mio de Æ > = œ —+ mr uen de chant de /Matuzir LE 4 À de Ka mi) — 2 —— ñ = ee me À [A :) Yu4 uv 5 Fe . ol A Perte Eu vale lle vu ; F- human #2 TS fete ee, are nee Vus LAN LE ut Cu jui Débouie tte mate Ni Fe de la voix. FE D (Croisnnne Quix RE 115» nor IR a |! bare æe ae 4 4 | 1 1172 ART ah PE li alert APE ESENE le branle Fchdle Erhorinentque Nate : N° Q. Brmoue Den a a || AU eee Ac vga os LA An, fran, PA cha por] H'evke, pal" CAN eo) AE fnabs are Morel Seat le -//&ll 2 Le: ect oJ NOM Jaune Le + Û uhque à nique Rauade Gran a ren HR re on = 1e ares ee Come fran) D SET er PTE) TL LE (22 IV, 4 AY PS 2 A SI propre ?|' Un Ta, ee «7 th Hate TL, Ain RTL #1 2} laval AA TTen ï Ha re dent de autre & je Htertetbien viril trongte Matane st DUAL vpe Violon jan AVIS cer pra] AA Ra Se Se POV y VA AE 490 po PR RCI ) 42 } Pat hé Lapin 0 A Firel Ie Je | DSP ATIEN PE Een, DT TOUS plante eélrai aol voulu | a SPAIN JA 2! y | da e PEAR ne Do 3) 10/14 mt | NTENOGRAPHIE MUSICALE, OU MÉTHODE SIMPLIMIÈE POUR L'ENSEIGNEMENT , LA LECTURE ET L'ÉCRITURE de la Musique et du Plain-Chant. En fait d'arts et de sciences, ce n’est pas la simplicité des combinaisons qui est précieuse, mais la simplicité dans la manière de les reproduire. —— (00000 ——— — Depuis long-temps la musique est fixée comme art; elle est une langue intelligible pour tous. Pour- quoi reste-t-elle toujours stationnaire dans sa vul- garisation au milieu du brillant essor que prennent les autres branches des connaissances humaines, ses rivales et ses compagnes? À la musique seule, le progrès serait-il interdit? La notation usuelle, respectable par son antiquité, les chefs-d'œuvres des grands maîtres qu’elle a eu mission d'enregistrer dans la succession des siècles et qu’elle reproduit encore tous les jours, suffit pour rendre exactement et calquer toutes les inspirations du génie; mais elle est loin de présenter cette simplicité qui puisse rendre la musique accessible à tous, et la faire entrer ( 90 ) dans cette voie de’ progrès qu’un changement de nomenclature, de classification, de signes, a déjà ouvert aux sciences. Ce serait donc rendre un véri- table service à l’art, que de présenter une nouvelle clef formant à la fois une sténographie musicale et une notation populaire. Cette nouvelle clef auxi- liaire et non rivale des autres , serait destinée à les suppléer seulément dans les cas où se révèle leur Impuissance. Les plus simples notions dela linguistique suffisent, dans le parallèle d’une notation par lignes et d’une notation à la fois sténographique et alphabétique , Pour démontrer les avantages de cette dernière. Mais cette notation n'étant, à l'égard des autres clefs de la musique, que ce que celles-ci sont les unes aux autres, ne deviendra jamais caduque, dans les applications que l’on en pourrait faire à l'étude et à l’enseignement de la musique. Sa spécialité sténo- graphique l’utilisera toujours indépendamment de l'usage des sept autres clefs. Au progrès des signes graphiques, a été attaché celui des lumières. Le progrès des idées et des Connaissances musicales sera donc en rapport avec celui des signes qui les traduisent. Si ces prin- cipes étaient admis pour la musique, les conséquences à en déduire sont faciles à prévoir. Mais il serait inutile d’avoir rendu la musique beau- coup, plus facile à lire et à écrire, si un système d'enseignement analogue n'y était adapté pour donner un sens à la His morte et en faire sortir la vie d’une bonne exécution. (9) - Le problême à résoudre pour faire progresser l’enseignement collectif de la musique, était de fondre dans un seul mode ce que les trois modes divers d'enseignement individuel, simultané et mutueloffrent de bon et de particulier à chacun d’eux, et de les faire concourir plus rapidement au même but, en évitant les inconvéniens attachés à leur emploi exclu- sif et isolé. Les avantages attachés à la réunion des trois modes ont été obtenus sur cette pasigraphie musicale, par l'identité et la simultanéité des opé- rations et des exercices avec lesquels elle a été combinée. Le meilleur mode d'enseignement musical popu- laire, une fois trouvé, il fallait l’approprier à toutes les facultés intellectuelles ; pour cela il y avait à choisir entre deux systèmes d'enseignement ou plutôt entre deux méthodes, présentées à l’intelligence comme moyen d'acquérir les connaissances. Ces deux mé- thodes procédant par des voies différentes, il était impossible de les concilier, comme on l'avait fait à l'égard des trois modes, il fallait opter pour l’une ou pour lautre. La première pose des principes for- mulés à lavance et réduits en axiômes pour conduire de là à la connaissance des faits; la deuxième, au contraire, présente des faits pour les étudier et les généraliser ensuite. C’est à cette dernière qu’il nous à été impérieusement com- mandé, par les circonstances, de nous arrêter; bien que , dédaignée généralement, elle ne paraisse pas, comme l’autre, jouir de la faveur publique. Pour la première, il faut, d’une part, des professeurs qui (92) sachent s'expliquer clairement , et de l’autre, des élèves capables de comprendre leurs explications. Pour la seconde, au contraire, il suffisait de réduire les procédés de l’enseignement musical à un tel degré de simplicité que le premier maître venu, façonné à la manœuvre de ces procédés, pût les inculquer à à ses élèves. Le choix entre les deux méthodes ne pouvait rester long-temps douteux: la deuxième seule devait faire atteindre le but. L’exacte corrélation qui existe en musique entre la méthode, le modeet l'écriture, appropriés aux besoins du plus grand nombre, forme un système complet d'enseignement musical populaire, dont l'expérience a constaté l'efficacité. Le peu de proportion entre les dépenses de temps et d'argent et l’exiguité des résultats, a empêché jusqu'ici la musique de se populariser. Ce système établit un rapport exact des moyens avec le but. Il serait à désirer que l’artiele 1. de la loi sur l’in- struction primaire remplit, à l'égard de toutes les communes de France et non de quelques lieux privilé- giés, les conditions de sapromulgation. Les nouveaux moyens que nous proposons rendent la chose extré- mement facile. La France ne doit pas , sous ce seul rapport , rester au-dessous de l'Allemagne. L’Alle- mand connaît la musique, non parce qu’il naît musi- cien, comme beaucoup se l’imaginent, mais parce qu'il apprend à solfier en même temps qu’il apprend à lire. Cette circonstance suffit pour expliquer la différence qu'il y a‘entre un Allemand et un Français sous le rapport musical. (9%) La musique religieuse pourrait être un des plus puissans véhicules de la musique populaire et réci- proquement. Le but d’une musique populaire considérée sous le point de vue artistique, est de réunir le plus d’é- lémens d'exécution possibles, afin d'obtenir, par le prestige attaché à la multiplicité des vibrations harmoniques réglées par les lois du goût et du rhythme, un des plus magnifiques etdes plusimposans effets de la musique chorale. Ce caractère, ce cachet tout particulier de l'exécution des chœurs, est une des choses à laquelle l’on songe le moins en France, surtout dans les églises ; de là indifférence totale pour la musique religieuse et les moyens destinés à la propager. L'étude de l’instrumentation , toujours précédée avec avantage par l'étude de la musique vocale, pourrait être, par ce système, aidée dans ses rapports avec les lois de l’exécution indépendante du mécanis- me. Ce dernier cas demande le choix d’une bonne tablature et d’un traité exposant avec détail et avec ordre tout ce qui est relatif à l'instrument et à son jeu (1). L'économie qui résulte de l'emploi de la nouvelle clef est précieuse non-seulement pour former une école, mais encore pour donner aux élèves de cette école les moyens et la facilité de (4) Le traité de Baillot, intitulé l’Art du Violon, peut être cité comme modèle sous ce rapport; c’est un ouvrage parfait en son genre et digne du talent et de la réputation de ce grand virtuôse. (9%) tirer partirde leurs études musicales ; et leur faire trouver l’occasion d’un fréquent et continuel exer- cice dans l'étendue et la variété d’un répertoire suffisant , appliqué aux divers offices du culte, etc. Tel est le sommaire Fues idées que nous allons développer. Le progrès et la propagation des sciences et de l'industrie ont toujours été attachés à une simplifi- cation dans les procédés, à un changement dans lés nomenclatures et dans les signes, témoin l'essor des sciences mathématiques par la découverte des chiffres arabes et des formules algébriques, des sciences physiques et par conséquent des arts industriels qui en découlent, par l'emploi de classifications plus rationnelles. Pret n’en serait-il pas de même des beaux arts, et aujourd’hui surtout que le dessin, sous le nom de paire enfante des rer éiBES. pourquoi la musique, en se pliant à des besoins nouveaux, ne serait-elle pas appelée aussi à jouer son rôle et à se lancer dans la voie des perfectionnemens. Des tentatives incessantes pour la réforme de I notation usuelle, en signalant virtuellement les vices qu'elle renferme, prouvent que si l'étude de la musique offre des difficultés‘ dans ses préliminaires, c’est plutôt la faute des caractères que celle de l’art. Mais toutes ces tentatives ont échoué, et le profond oubli (%) où elles sont maintenant tombées, bien qu'il atteste la faiblesse de leur vitalité, ne fait que mieux consolider et mieux éprouver encore , l’incontestable puissance de la notation usuelle. Malgré ses défauts, qui font le désespoir de ceux qui se mettent un peu tard à l'étude de la mu- sique, elle suffit et suffira toujours à la destina- tion qui lui est assignée aujourd’hui. Ses droits, scellés pour jamais par la reproduction continue des œuvres des grands maîtres et par toutes les publi- cations qui se multiplient quotidiennement par mil- liers, au gré dela presse, lui sont légitimement acquis. Une prescription de plusieurs siècles lui à, pour jamais, départi la mission d'enregistrer, à l'exclusion de toute autre écriture, les compositions musicales, comme à notre alphabet pour les compositions littéraires. Prétendre donc lui ravir une prérogative octroyée, sinon par la raison, du moins par le fait érigé endroit, ce seraït s'attacher à une chimère dont la poursuite est condamnée , à l'avance, auridicule, devant l’expérience de tant de systèmes qui n’ont véeu que pour disparaître. Ces considérations , si propres à refroidir le zèle de quiconque se croirait appelé à une réforme de la notation usuelle, ne peuvent convenir à la publication d'une Sténographie Musicale, aussi rapide que le chant. La musique était encore privée d’une notation qui, en remplissant les condi- tions d’une sténographie, pût, par la facilité de ses nombreuses applications, être destinée à des usages qui lui fissent trouver place à côté de la notation ( 96 ) usuelle, non comme une voisine incommode et aspirant à la déposséder , mais bien plutôt comme une auxiliaire toujours prête à la seconder dans toutes les occasions qui, en révélant son impuissance, paralyseraient son action. Par ce seul fait, la sténogra- phie acquiert droit de cité dans le domaine musical, et ne peut manquer d’être accueillie, avec indulgence, par tous les vrais musiciens. Écrire la musique sans papier préparé, aussi vite que le chant ou que les inspirations qui s’échappent d’une imagination vive et féconde; se former, avec une rapidité qui épargnerait les neuf dixièmes du temps, un réper- toire aussi vaste que possible, lorsque l’on est obligé de recourir à la transcription, sont pour les mu- siciens des avantages spéciaux et indépendans de la connaissance et de la pratique de la notation usuelle sur laquelle ils exécutent. Aussi, il n’est pas douteux que la sténographie musicale, une fois connue et appréciée, ne contribue puissamment aux progrès de l’art, en ouvrant des voies plus fa- ciles pour le cultiver. En effet, si les brillantes qualités du style ne s’acquièrent que par un long et fréquent exercice de plume, et s’il est vrai qu'en poésie, il faut vingt fois sur le métier remettre son ouvrage, pense-t-on qu'il en puisse être autrement pour les productions d’un art qui rivalise avec la poésie elle-même et qui a été appelé, comme elle, le langage des dieux. Et alors, quel temps immense devra épargner une écriture plus rapide à ceux qui se livrent à l’étude de la composition et qui, par des transcriptions continuelles de leurs propres œuvres, (97) veulent épurer de plus en plus les produits de leur imagimation et les vouer à l’immortalité, en les approchant de l'idéal de la perfection. Ce serait même un moyen de faire disparaître, chez bon nombre d’artistes,cette étrange anomalie d’un homme qui sait, en fait de musique, parfaitement comprendre et exé- cuter ce qu'il lit, et à quiilest impossible d'écrire une seule ligne de ses impressions, et qui se trouve moins avancé, sous ce rapport, que ne le sont ordinairement les enfans des écoles élémentaires, dans leur langue maternelle. La facilité d’une écriture plus simple et plus ra- pide engagera à écrire ; car, dit M. Mainzer, l’im- pression faite d'abord sur l'oreille se transforme ensuite en conviction intellectuelle, et le chant , jusque là purement mécanique, devient senti et ré- fléchi, et se prépare ainsi à atteindre, comme art, le plus haut degré. Avec la sténographie musicale, les compositeurs, soit qu'ils écrivent eux-mêmes leurs pensées , soit qu’ils les fassent écrire par des secrétaires, ne ver- raient plus leur imagination enchaïinée dans les entraves des procédés ordinaires, ou languir, ou courir à chaque instant le risque de perdre, sans espoir de retour , ces idées heureuses que le génie même ne saurait évoquer à volonté; et les froids calculs d’une lenteur désespérante n’arrêteraient plus l'essor des plus belles inspirations. Mais ce n’est encore là qu’une des faces de la ques- tion. Il est donné à la sténographie musicale, par la conséquence même de ses élémens, d'étendre encore (% ) plus loin la sphère de ses attributions, non plus cette fois pour les progrès de l’art,mais pour sa divulgation. L’exécution d’une musique chorale et populaire analogue à celle qui existe depuis long-temps en Allemagne et susceptible d’être appliquée aux po- pulations agricoles et industrielles, aux écoles pri- maires et secondaires , aux br , et enfin à toute réunion d'hommes, manquait encore en France. Indépendamment des procédés d’enseignement que nous avons adaptés à cet usage, nous avons trouvé, dans la facilité d’une reproduction fort écono- mique et la simplification de lecture inhérente à cette nouvelle écriture, un moyen si facile de rendre la musique accessible à toutes les classes du peuple, que devant l'extrême économie de son application peuvent disparaître les procédés. fort coûteux et fort restreints d'exécution de la notation usuelle. D’après ceci, quels que soient les différens objets ultérieurs de sa destination, il y a dans cette notation basée sur l'élément sténographique, une op- portunité et une chance d'avenir qui a manqué à toutes les autres. Une similitude d’application au même objet n'implique pas l'identité des moyens et ne saurait faire présager une même destinée. De la réunion de divers élémens négligés jusqu'ici par les réformateurs de notation, on a pu formuler un système complet présentant toutes les conditions d’une sténographie et pouvant, comme pasigraphie musicale, satisfaire les prétentions les plus rigou- reuses d’une ctitique éclairée. En effet, ce système offre cela de remarquable que malgré le peu d’élé- (2%) mens qui le constituent, c’est-à-dire la ligne droite, la circonférence du cerele et ses sections (voyez pl. 1re., n°. 3, 1". section), il suffit à tous les besoins et se plie à toutes les exigences de l'art, depuis les premiers rudimens de la musique naissante (le plain- chant, pl. {"e., n°. 2) jusqu'aux combinaisons les plus riches et les plus variées de l’instrumentation moderne (pl. 4, n°. 1, et pl. 1, sect. 3). Calquée sur les octaves proportionnelles de la notation alphabétique du pape St.-Grégoire (1), sur (1) Grégoire-le-Grand, qui gouverna l’église depuis 594 jusqu’à 604, crut, avec beaucoup de raison, qu’il était de la plus haute importance d’apporter une attention très-approfondie dans les améliorations dont le chant de l’Église était susceptible, Il chercha donc à le réformer, en établissant un système nouveau; il institua de nouvelles gammes; pour cela, conservant les quatre tons formés par saint Ambroise, il en ajouta quatre autres qui ressortaient des premiers ; il donna le nom d’authentiques aux anciens et ceux qu’il ajoutait se nommérent plagaux ; leur ordre fut ensuite dé- rangé, et la tonalité des quatre anciens et des quatre nouveaux fut distinguée, en ce que les premiers portèrent le nom des quatre premiers nombres impairs et que les quatre nouveaux prirent ceux des quatre premiers nombres pairs. Ils forment encore au- jourd’huï, par leur réunion, le chant lithurgique de l'Église ro- maine, connu sous le nom de plain chant ou canto fermo. (Voyez Cowpre-RenDu des séances du congrès historique européen, page 258, discours de M. Bottée de Toulmon, bibliothécaire du conser- vatoire de musique). Il y a long-teinps que l’on a cherché à réhabiliter la notation du Pape saint Grégoire, abandonnée pour le système du moine d'Arezze. En effet, l’on trouve indiqué dans bibliographie de l'En- cyclopédie Musicale, due à l’érudition de M. de la Fage, l’ouvrage de Lobrowiz (Jean-Caramuel), né à Madrid en 4606, sous ce titre : Arte nuevo de musica inventada, anno 600, por St. Gregorto, des- convertada, auno 1026, nor Guidon, aeritino restituida a su primera (100 ) les intervalles numériques du père Souhaitty et les signes sténographiques de l’inventeur de l’art abré- viatif en France (1), cette notation présente trois avantages distincts , dont la fusion peut balancer , pour les applications dont on vient de parler, le double mérite de l’antériorité et de l’universalité du système de Gui d'Arezze (2). Le premier , c’est d’être composée de caractères à la fois alphabétiques et numériques (voyez n°. 1e. de la section 1'°.), dont -la propriété est de peindre à l'œil, par une forme spéciale et toujours constante, non-seulement le nom des sept sons de la gamme et les rapports numériques de leurs inter- valles, mais encore l'identité et la similitude des notes à chaque octave et à toutes les clefs, cha- perfeccion,anno 4620, por Fray Pedro de Vrena, reducido a este breve compendio, anno 1644; Rome, 4669, in-4°. Sans doute, la notation du Pape saint Grégoire devait subir d'importantes mo- difications, pour se conformer aux progrès de l’art et le suivre dans ses transformations; mais il ne fallait pas, pour cela, rejeter, comme l’a fait malheureusement Gui d’Arezze,, le système des in- tervalles alphabétiques, pour y substituer les intervalles linéaires et se priver de l’idée si heureuse de la double proportion des signes ou de leurréduction synonimique pour la reproduction des octaves d’une portée. En prenant cette base essentielleet unique du système de saint Grégoire, l’arrangement et le choix des signes étaient d’au- tant plus faciles pour Gui d’Arezze, qu’il n’était pas obligé des’as- treindre alors aux conditions sténographiques , seule chance de succès aujourd'hui pour réhabiliter l’ancienne notation. (4) Son ouvrage se trouve à Paris, chez Vrayet de Surcy, imprimeur-libraire, rue de Vaugirard , n°. 98. (2) L'inventeur de la notation usuelle. (101) cune de quatre octaves. De là, il arrive que ces caractères, conservant toujours, sans l’addition d’au- euns traits parasites, par une certaine conformité avec les progressions décimales de la numération, l’analogie de la représentation pour l’analogie de la signification, sur toutes les clefs et à toutes les oc- taves; l'œil n’a jamais que sept formes à percevoir dans l’instantanéité de l'exécution, et la mémoire que sept signes à retenir, pour distinguer, aussi vite que la pensée, lenom des intervalles, même les plus éloignés dans leur succession ascendante et descendante. Le deuxième, c’est de ne rien changer au mode ordinaire pour le groupement et l'agencement des signes usuels, qui sont tous traduits avec une rigou- reuse exactitude. Ce serait peu, pour cette notation, d’être sténographique , si elle n’était exacte. Cette propriété, qui ne doit la faire regarder que comme une nouvelle elef en rapport immédiat avec les clefs de la notation usuelle, sinon par l'identité des for- mes, du moins par l'identité d'application, pourrait très-bien et devrait même , indépendamment de l’u- sage que l’on en a fait pour une musique spéciale- ment populaire , la faire employer dans l’enseigne- ment ordinaire individuel ou simultané , comme un acheminement fort utile pour la connaissance de toutes les autres clefs. Elle serait, en ce cas , sub- stituée avec beaucoup d'avantage aux chiffres qu'em- ploient certains professeurs (1), puisque les nou- (4) On a bien définitivement renoncé à publier de nouvelles ( 102 ) veaux signes, étant des chiffres sténographiques, représentent aussi la nature et les fonctions de chaque intervalle. En effet, Rousseau, entre autres, qui, après le père Souhaitty, a voulu créer: une nouvelle notation avec des chiffres, sous le prétexte osten- sible et spécieux de simplification , mais bien plutôt faute de ressources suffisantes dans les élémens qu’il avait choisis, a été obligé d’altérer ou de dénaturer plus ou moins le système des combinaisons rhythmi- ques employées dans la notation usuelle pour peindre tous les effets des mesures. D’autres, tel que Galin, en conservant néanmoins l’usage de la notation par lignes, ont jugé à propos, d’après l’idée de Rousseau, de changer aussi les formes du rhythme. Mais tous, au lieu d’une simplification dans l’enseignement à laquelle ils prétendaient, sont arrivés à ce point dene plus spécialiser les valeurs des temps dela mesure par des figures indépendantes les unes des autres, mais par une signification qui n’a de précis que ce que donne chez Galin, par exemple, l'emploi des lignes horizontales superposées ; et chez Rousseau , la notations; mais les besoins de l’enseignement semblaient toujours réclamer une simplification dans la reproduction écrite des inter- valles. Dans ce but, et pour venir en aïde aux professeurs de musique, M. J.-E. Miquel vient de publier un traité qu’il appelle Arithmographie Musicale et qui consiste à représenter les inter- valles des notes par des chiffres, comme l'ont fait Souhaitty, Rousseau, etc. On sent la nécessité d'employer les chiffres pour l'écriture alphabétique des intervalles, mais lesquels employer? Telle est la question dont nous ayons cherché à donner la solution. (103) marque des virgules, pour séparer les temps des mesures. Les uns et les autres, en voulant améliorer dans la notation ce qui ne devait pas l'être et ce qui était parfait de sa nature; se sont éloignés du but qu'ils cherchaient, bien loin d’en approcher. Car dans la notation usuelle , comme dans la sténo- graphie musicale, il suffit de séparer les groupes de plusieurs notes formant un temps , pour peindre aux yeux les divisions de la mesure , et on atteint, par là, le but des notations précédentes sans en subir les inconvéniens. La manie de l'innovation a été encore poussée plus loin, puisque non contente de rendre le système des combinaisons rhythmiques moins clair que dans la notation usuelle, elle a voulu, dans d’autres systèmes, en place des signes des in- tervalles diatoniques, former autant de signes qu’il y à d’intervalles chromatiques, et nous rejeter, par ce seul fait, dans les complications de la notation des Grecs (1). À la vue de tant d'essais infruc- tueux, le public doit être nécessairement porté à juger sévèrement toute tentative d'amélioration (2). Une (4) Burette porte à 4620 le nombre des notes des Grecs (voyez les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres). Mais Perne a fait remarquer -que le nombre était restreint à celles des trois modes les plus usités et le plus ordinairemeut à celles du seul mode lydien diatonique (voyez Revue Musicale). (2) Plusieurs savans, et J.-J. Rousseau lui-même, dit M. Castil Blaze, n'ont critiqué notre manière de noter que pour tenter de mettre en crédit de nouveaux systèmes plus absurdes les uns que les autres. (108 ) des choses que n'ont jamais voulu comprendre jusqu'ici les inventeurs de nouvelles notations, c’est que le système des combinaisons musicales, tel que nous l'ont légué la succession des siècles et lestravaux des grands maîtres, est arrivé à un assez haut point de perfection pour qu’il y ait témérité à vouloir le changer. Et quand même il serait possible d’opé- rer ce changement, en conservant à l'art toute sa richesse d'exécution, et dans le seul but de simplifier l’enseignement, ce changement serait frappé de stérilité, par cela même qu'il tendrait à créer, dans la langue musicale, un autre idiôme qui ne serait pas la traduction exacte de l’idiôme usuel et qui ne pourrait lui servir d’interprète, comme le font les clefs les unes à l'égard des autres. Il serait d’autant plus inutile alors, que ne pouvant conduire même dans l’enseignement à la connaissance exacte de la notation usuelle qu'il ne pourrait jamais traduire, il n’aurait rien dans sa constitution qui püt le faire adopter à un autre titre et lui donner de nouvelles chances d’application. Aussi, la notation usuelle est un fait, dont, bon gré malgré, il faut recon- naître l’imprescriptibilité , et c’est devant ses consé- quences que doit venir se briser toute amélioration qui n’aurait pas pour objet direct de faciliter , dans un but de rapidité ou de propagation , l'emploi des combinaisons actuelles de la musique. Le troisième avantage, c’est d'offrir un tracé aussi rapide que l'exécution du chant. Trois incli- naisons de la ligne droite et quatre sections du cercle, suffisent à cette rapidité. En effet, aux deux ( 105 } oetaves distinctes par la proportion double, il suffit de l’adjonction d’une boucle initiale, pour donner deux octaves de plus, et pour former, par conséquent, une portée de quatre octaves applicables à toutes les clefs possibles : voilà pour tous les intervalles de l'intonation. Trois positions relatives à une ligne d'écriture réelle ou fictive et l’adjonction d’une boucle finale, donnent toutes les valeurs des temps de la mesure: voilà pour le rhythme (voyez pl. 1, n°°. 1 et 3). Par là il est évident que les signes, ainsi dé- gagés de toute superfluité étrangère à leur objet direct, doivent, plus que tous autres que l’on aurait pu choisir, se prêter aux mouvemens les plus rapides de la main, pour calquer les notes d’un seul trait en même temps qu'elles sont émises (voyez pl. 3, Sténographie Musicale, 1". section). Dans le cas où la vivacité des mouvemens du rhythme rendrait impossible le tracé immédiat des sons d’une valeur d’un demi, d’un quart de temps et plus, il faut observer que l’on regagneraïit (sans . parler de l’emploi des abréviations) le temps perdu sur les notes d’une valeur d’un temps et plus, ou des silences analogues , comme on le fait sur les repos des phrases par la sténographie littéraire. Cette habileté, qui consiste à tracer les sons d'un chant, non aussitôt qu'ils se font entendre, mais à mesure qu'ils se succèdent dans la mémoire, au service de la main, et dont l’acquis est connu par les praticiens sous le nom d’aplomb, constitue l’art du sténographe musical et ne peut être obtenue qu'au bout d’une longue pratique. La vitesse sténo- (106 ) graphique de cette notation est évaluée, terme moyen, vingt fois plus grande que celle de la notationusuelle, sans autres modifications que la liaison des signes par eux-mêmes et l'emploi régulier des abréviations. C’estun fait dont il est facile d'obtenir la vérification, par une comparaison et par le calcul des mouvemens de la main exigés pour un même morceau dans les deux notations (voyez pl. 3, n°. 7, re. section). Du reste, la faculté de lier ou de détacher les signes, selon que l’on veut s’en servir comme d’une sténographie, ou simplement comme d’une pasigra- phie, ou écriture plus simple pour la lecture et plus rapide que la notation ordinaire, permet à tous les musiciens d’en faire tel usage que bon leur semblera.. Mais de toute manière, la simplicité des formes des nouveaux signes leur donne d’autres applications indépendantes de leurs propriétés sténographiques. Ainsi, en les écrivant détachés, d’une part, ils peu- vent être réduits à un état d’exiguité telle, que les œuvres les plus étendues seraient renfermées dans les formats les plus commodes , circonstance qui en rendrait l'emploi éminemment avantageux pour la musique militaire ; et de l’autre, par une extension qui leur donne une application immédiate dans l’en- seignement et la pratique de la musique chorale, ils sont susceptibles de prendre, à l’aide de plumes en bois de sureau, taillées à cet effet, une telle dimen- sion de forme, que la musique écrite en partition sur des cahiers ad hoc, est lue avec la plus grande facilité dans un rayon de vingt mètres , de manière à ce que quelques centaines d’exécutans puissent ( 107 ) participer à l’usage du même cahier (voyez pl. 5). Les lignes de la notation usuelle, se confondant à une distance de deux mètres, ne pourraient convenir au même usage. D'ailleurs, la lenteur du tracé d’une notation compliquéerestreint les moyens d'exécution, et ferait, par conséquent, disparaître les avantages attachés à l'emploi d’un seul cahier pour l'exécution générale. Aussi, cette circonstance d’un cahier uni- ‘que, si avantageuse pour l’enseignement et l’exécu- tion, appartient plus qu'à toute autre à la notation sténographique, et l’on ne saurait trop en apprécier Vimmense utilité dans le développement du chant populaire d'harmonie, tant que la musique ne pourra être livrée à la lecture de tous, avec la même facilité, la même économie que les livres ordinaires. 1l est évident que le seul moyen de propager effi- ‘cacement la connaissance de la musique, dépend de l'adoption d’un système de notation alphabétique, suscepüble, comme la notation sténographique , de pouvoir être reproduite par la typographie au même prix que les livres ordinaires; et alors, les livres de lecture musicale, aussi intelhigibles, aussi peu coûteux que les impressions communes, que les livres à l’usage des écoles primaires, donneraient un sens à l’article qui, dans la loi sur l'instruction primaire, pose en prin- cipe l'introduction de l'étude de la musique dans les écoles, article dont on attend encore l’exécution géné- rale. Pour mettre ainsi au jour, imprimés avec une nouvelle notation, des livres de musique ou de plain- chant, qui, par le fait même de leur publication, au- raient un accueil dû aux avantages qu'ils renferme- ( 108 ) raient exclusivement, il faudrait une condition: c’est que la typographie füt rassurée sur l'impossibilité d’un perfectionnement, dont l'éventualité compromettrait la chance de ses opérations ; car, s’il était reconnu que la possibilité d’une musique populaire est seule attachée à l’emploi d’une notation alphabétique, il resterait encore l'embarras du choix. Pour fixer ce choix, examinons si par le fait de sa constitution graphique, la présente notation, à la. fois sténo- graphique et alphabétique, se trouve tellement à l'abri de tout changement ou de toute substitution dans ses élémens , qu'aucun prétendu perfectionne- ment ne puisse venir frapper de nullité le mode de publication qui la rendrait l'interprète d’une mu- sique vraiment populaire. Cette question n’est pas si difficile à résoudre qu’on pourrait le croire à la pre- mière vue. Et d’abord, que l’on ne vienne pas invo- quer ici le mouvement indéfini du progrès pour combattre la possibilité d’une écriture reconnue . fixe et immuable, à laquelle la raison publique pour- rait s'arrêter conventionnellement. Dans les arts, comme dans les sciences, le progrès indéfini est l'œuvre de l'imagination qui crée les rapports. C’est elle qui pousse en avant le savant ou l'artiste, tou- Jours mécontent de son œuvre. Aussi, semblable au Tantale de la fable , qui voit toujours fuir devant lui l’objet propre à Aer la soif qui le dévore, sans pouvoir jamais le saisir , l’homme de génie, qui marque son existence par « progrès, succombe toujours devant le type de la perfection qu'il en- trevoit; il ne lui est pas donné de l’atteindre. L'esprit (109 ) qui produit, qui combine, dit l’abbé Blanchard, est toujours mécontent de lui-même; et l’on sait ce vers de Boileau, admiré de Molière : Il plait à tout le monde et ne saurait se plaire (1). Mais ici, rien de semblable ; le résultat des re- cherches propres à trouver une sténographie , n’est pas le produit de l'imagination qui rêve le beau idéal; ce n’est qu'une affaire de calcul, de combinaison plus ou moins compliquée de lignes droites et de courbes, mises en rapport avec la langue musicale; c’estun problème, qu'avec un peu de patience et avec les élémens convenables, il est donné à tout le monde de résoudre. Aussi, une notation sténographique peut venir en aide au progrès de l’art, mais n’est pas elle-même un progrès, et sa destination n’a rien de commun avec les sublimes conceptions du génie sur lesquelles jamais une main d'homme ne pourra mettre un temps d'arrêt. Si, pour rendre tous les accidens de la musique, l’on a fait l'inventaire et le calcul exact de toutes les (4) La marche de l'esprit vers la perfection , est celle d’une courbe vers l’asymptote; il en approche toujours et ne latteint jamais. (Duc de Lévis). + Quand j'y songe attentivement, dit Beethoven, je sens qu’il y a quelque chose d’éternel, d’infini, quelque chose que je ne pourrai jamais entièrement étreindre, comme tout ce qui est d’une nature spirituelle. J’ai beau travailler, j’ai beau avoir le pressentiment du succés, je suis toujours à poursuivre le fantôme d’une idéale perfection que je n’atteins jamais. J’ai, pour ainsi dire, une faim d'idée que je ne puis assouvir, etc. (Cité dans le Ménestrel, par Ferdinand Braun). (110) combinaisons que peuvent prendre les élémens les plus simples de la géométrie , déjà appliqués à la sténographie littéraire, et si ensuite, des-divers pro- duits, on a extrait celui qui renfermait à lui seul les trois avantages cités plus haut, de manière à répondre à tous les besoins de l’art et à faire trouver la variété. de l’usage dans l’unité d'un seul système, il a dû être possible de rencontrer un type auquel il n’est plus permis de toucher, à moins de retomber dans une des combinaisons imparfaites, élaborées avant d'atteindre le but poursuivi, et qui n'étaient que les ébauches de tatonnemens infructueux ; ou de créer un autre ordre d’accidens ou d’usages qui ne ré- pondit plus au probléme proposé. Ces considérations seules peuvent autoriser la publication d’un tel genre de travail, pour peu qu’il soit consciencieux; mais il: reste, au jugement des hommes compétens , le soin: de le peser et d'en garantir le bon aloi. La question, posée de cette manière, question. dit une Académieoule Conservatoire auraient dû, depuis long-temps, prendre l'initiative et établir les condi- tions, ne tarderait pas, pour peu-qu’un corps savant voulüt, encore s’en occuper, à recevoir une solution complète et définitive, tant elle est simple et: facile, une fois le point de départ arrêté. Cependant, ce serait bien en vain que l’on cher- cherait à établir ici les propriétés de l'élément sté- nographique appliqué à l'écriture musicale, si cette nouvelle notation ; utilisée peu à peu par les tran- scriptions faites à la main, dans les spécialités qui lui sont propres, ne pouvait attendre, par .cela (111) même , que l'opinion éclairée sur l'étendue et l’uti- tilité de ses attributions, füt prête à la faire entrer dans les conditions qui généraliseraient son appli- cation d'une manière fructueuse pour l'institution d’une musique populaire. Ce serait, dès ce moment, fini d'elle, si, pour être utile, bornée aux ressources de l'imprimerie , elle ne pouvait sortir de ce cercle vicieux dans lequel se sont trouvés engagés tous les nouveaux systèmes de notation : la typographie ne saurait reproduire des œuvres de musique dans une notation dont le public n’aurait pas sanctionné l'usage; et le public , de son côté, n’adopterait pas une notation dont la typographie ne saurait lui fournir la transcription. C’est là, il faut l’avouer, la condam- nation de tout système qui n'aurait que le mérite d’être meilleur que la notation usuelle, en admettant même qu'il reproduisit toutes les combinaisons musicales, parce que le public ne se prend pas à partie comme un seul homme ; c’est aussi, pour le dire en passant, faute d’avoir fait cette distinction importante entre lmdividu et la société composée d'individus, c’est- à-dire de volontés diverses, que tant d'hommes préoccupés d'innovations utiles se sont vus frappés de la plus eruelle déception , par cela même qu'ils voyaient dédaigner l’objet de leur dévouement. Sans cette temporisation en quelque sorte providentielle les hallucinations du charlatanisme bouleverseraient la société, en venant continuellement remettre en question les choses dont elle a l'usage et l’habitude, pour ne rien mettre de mieux à la place. C’est au temps seul à mürir toute innovation qui porte en (112) elle-même des germes de fécondation, et à faire connaître également les caractères d'utilité qui la distinguent. L'usage de cette notation peut très-bien convenir à tous, soit qu'on veuille l’employer comme moyen d’étude, pour passer, avec plus de facilité, à la con- naissance des clefs de la notation usuelle et s’en servir plus tard comme d’une sténographie; soit que lon préfère en continuer exclusivement la pratique par des transcriptions successives , continues et propres à former un répertoire général que l’exé- cution ne puisse épuiser. La nouvelle clef sténogra- phique donnant la possibilité et la facilité de tran- sposer tous les tons dans les seuls intervalles diatoniques de la gamme modèle , offre, pour le chant, des avantages particuliers. Cette pratique du chant avec transposition est même indispensable pour toute personne qui, ne faisant de la musique qu’un objet de délassement , ne voudrait pas passer plus de temps à l’apprendre que n’en demandent d'ordinaire les jeux de société. La transposition est inusitée dans la notation usuelle , parce qu’exigeant l'usage de toutes les clefs , elle n’épargnerait une difficulté que pour en donner une plus grande. Ici, au contraire , elle fait disparaître tous les embarras, en affranchissant l'exécution vocale des accidens que présentent les notes altérées des tons musicaux et dont l'utilité ne regarde que le mécanisme instru- mental. En effet, personne n'ignore que par une transposition dde des diverses échelles du genre chromatique sur les intervalles diatoniques des deux (113) modes , la vocale jouit de l’heureux privilège de se plier à toutes les modifications chromatiques et enharmoniques exigées par l’emploi des tons, sans qu'elles soient indiquées autrement que par le point de départ. Dès-lors disparaissent, pour la voix qui en exécute avec beaucoup plus d'assurance pour la justesse , toutes les difficultés d’intonation d'autant plus compliquées, qu’il y a plus d’accidens; en sorte qu'il suffit de savoir solfier dans la gamme d’ut pour solfier dans tous les tons et pour épargner, par cela même , tout le temps que l’on mettrait à apprendre la solmisation des autres gammes , c’est-à-dire les onze douzièmes. t Les bornes de cette esquisse ne permettent pas de s'étendre ici sur les règles de la transposition à l'usage du chant, sur la manière d'exécuter avec justesse les modulations , de passer immédiatement d'un ton à un autre sans diapazon, sur les précau- tions ou les exceptions que demande l'emploi dé la transposition dans le cas de l'accompagnement d’in- strumens soumis aux règles du tempérament; toutes ces questions qui regardent, comme toutes les autres du même genre, la théorie de la didactique , seront traitées dans notre manuel. L'immense quantité de morceaux de musique que la presse met tous les jours en circulation ne laisse aucun autre moyen que la transcription pour les amateurs qui, après avoir appris la musique, redou- teraient d'aborder les difficultés des clefs usuelles, et surtout pour le chant, la lecture par tons acei- dentés. Mais il est un point sur lequel il suffirait 8 ( 114 ) qu’une certaine classe d'amateurs fût fixée dès ce moment, pour qu'ils püssent éviter les transcriptions manuelles et jouir, par la typographie ; des avan- tages attachés aux nouveaux signes : ce serait la reproduction imprimée avec ces signes du chant ecclésiastique en général, c’est-à-dire plain-chant, et un choix de musique religieuse. En effet, ces sortes de chants dont la répétition annuelle consacrée par la liturgie est soumise à peu de variations , ne sauraient exiger ce répertoire indéfini de la musique profane, dont les caprices de la mode tendent tous les jours à agrandir les limites, sans jamais pouvoir les combler (1). Alors, tout amateur qui n’a pas encore acquis l’habitude de la lecture par lignes et qui voudrait épargner un temps précieux , n’hésiterait pas à préférer des livres qui lui-offriraient une no- tation débarrassée des clefs , des lignes et des tons accidentés; surtout quand cette notation, la même pour le plain-chant et la musique, le rendrait égale- ment lecteur dans les deux idiômes. La reproduction du plain-chant sous cette forme elle-même, n’appor- (4) L'église, dit M. Raoul Rochette, garde plus fidèlement les talens qui se vouent à son culte, qne le monde ne fait de ceux qui travaillent pour ses plaisirs. Il y a toujours dans les travaux que la religion inspire, quelque chose de sa durée; et c’est ce qui a ligu surtout pour la musique. Get:art, qui n’est nulle part plus divin que là où il s’exerce sur les louanges de la divinité, n’a trouvé que dans le sançtuaire la fixité qui'lui échappe dans le monde; et, avec la fixité, ce calme auguste et solennel où respire la foi de l'artiste, autant que celle du chrétien. (Voyez notice historique de Lesueur. , / ( 115 ) tant aucun changement dans les habitudes acquises ni à l'exécution indiquée par les livres ordinaires dont l'emploi aurait toujours lieu pour ceux qui les lisent, présenterait des avantages que l’on n’atteindra Jamais autrement pour faire arriver l'exécution du chant ecclésiastique en général à un point dont il est encore fort éloigné de la part des fidèles qui y participent (1). Pour n’avoir pas voulu entrer dans les idées que la rédaction de ce mémoire a pour objet de retracer, beaucoup de musiciens (2), partant des idées pré- (4) Voyez à ce sujet les savantes dissertations sur le chant ecclé- siastique d’Adrien de la Fage, dans l’Ecyclopédie musicale de Choron, et les mémoires sur Palestrina, par l'abbé Baini, maître : de la chapelle pontificale. (2) A force de réduire Part à la notion la plus étroite et la plus matérielle, les musiciens se sont fait une telle habitude de routine pratique, que toute investigation, toute tentative de raisonnement qui aurait pour but d'éclairer ou d’expliquer certains faits con- sacrés, leur inspirerait un véritable effroi. C’est là surtout qu’il faut que l'esprit de chacun renonce à l’exercice de son activité, c’est là qu’il faut abdiquer les droits de son intelligence. L'école a dit cela!. .…. Comme ces cultivateurs qui remuent laborieusement la terre sans songer à se rendre compte des mystérieuses opéra- tions des agens extérieurs et repoussent dédaigneusement toute méthode basée sur une connaissance plus approfondie des lois de la nature, par cela seul qu’elle apporterait quelque changement à leurs habitudes routinières; les musiciens, tranquilles sur les effets qu’une longue expérience leur montre comme chose nécessaire et en quelque sorte fatale, indifférens sur les causes, ne s'occupent seulement que des moyens immédiats, de cette main-d'œuvre vul- gaire dont la pratique leur est transmise invariablement avec la nécessité du travail. Hors de ce cercle étroit, ils ne voient plus que ( 116 ) conçues dans leur pratique, ont fait un certain nom- bre d’objections non fondées. On n’a pas la prétention de relever ici toutes celles qu'une préoccupation hos- tile a pu dicter (1). On n’en cite qu’une pour exemple, les autres étant toutes du même acabit. S'il faut en croire ceux qui, dans toutes les questions de cette nature, s’obstinent à ne jamais faire entrer en ligne de compte les influences d’une habitude contractéedès l'enfance , la sténographie musicale n’est pas ce qu'elle doit être. Et en conséquence elle eût dû moins s'éloigner des formes de la notation usuelle. Mais à peine les eût-on satisfaits timidement sur cet article, ainsi que l'ont fait déjà plus ou moins divers inventeurs de notation, qu’ils se fussent tout aussitôt récriés Sur l'insuffisance du changement. En effet, comme il a été prouvé plus haut, l'état actuel de l’art ne réclame rien autre chose qu’ une notation à la fois sténographique et populaire. Nous aurions eu donc grand tort, pour correspondre au vœu de quelques amateurs et sous prétexte d’une plus grande facilité pour leur lecture , de rapprocher davantage la sténographie noue des formes de la notation usuelle, aux dépens de la rapidité (2). On a dit, par de vaines abstractions. Vossius les a peints d’un seul mot : éndoc- tiores more Suo, fabulosum vocant quidquid efficere nequeunt. (Voyez cours sur la musique sacrée et profane de M. Joseph d’Ortigues, dans l’Université Catholique, (4) I est impossible de faire entendre raison à ceux qui ont adopté une facon de penser conforme à leur intérêt. (Clément 44). (2) En tout genre, le bon sens instinctif des masses, d’accord avec le jugement des hommes éclairés, préfère souvent la recon- € 7 ) exemple, qu’elle serait beaucoup plus facile à lire si les positions des trois notes relatives à la ligne d'écriture, au lieu d’être déterminées par les valeurs du rhytme, étaient, comme dans la notation usuelle, en rapport avec l'élévation et l’abaissement des intervalles. C’est une grave erreur. L’analogie du représentant avec le représenté, struction totale sur un plan rationnel, à la restauration insuffisante d’un édifice mal conçu. (Voyez Nouveau Système de notation mu- sicale, par un ancien professeur de mathématiques, 4837. Paris, chez Houdaille, rue du Coq-St.-Honoré, n°. 44). Après l'énoncé de son principe, on s’attend à voir l’auteur faire table rase; pas du tout, comme ses devanciers, ce n’est qu'aux formes irréprochables du rhythme qu’il s'attaque. « J’ai toujours regardé, dit-il plus loin, comme excellente dans son principe, l'idée de la réglure enldignes horizontales du papier destiné à l’écriture de la musique, pour rendre sensible à l’œil la valeur d’intonation des notes, par leur position plus ou moins élevée sur ces lignes ou portées. » Aussi n’ai-je eu qu’à perfectionner, à cet égard, la notation musicale ancienne en susbtituant à sa réglure, par systèmes dis- continus de cinq lignes également espacées, une réglure continue formée d’horizontales en nombre indéfini, dont les espacemens doubles ou simples correspondent aux tons et demi-tons qui, par leur succession, constituent l’ordre diatonique, mode majeur. » Les lignes, ainsi disposées, font disparaître, il est vrai, les clefs et leurs armatures pour le chant; mais elles présentent de grands inconvéniens pour les partitions. Cette notation, eût-elle des avan- tages marqués et certains sur la notation usuelle, est exposée néanmoins à subir, comme toutes les autres, la fatale loi du destin; de trop grandes difficultés matérielles s’opposeraient à sa mise à exécution. Bien que l’on trouve les espacemens de l'échelle diato- nique qui constitue cette notation, indiqués pour la solmisation à la baguette dans la méthode de l’abbé Le Beuf, 4741, elle n'offre même aucun avantage pour l’enseignement, puisque la représen- tation diatonique des intervalles est bien mieux figurée par les chiffres. (118) par son caractère d’indétermination, bien loin d’être un secours , est précisément ce qui forme toutes les difficultés de la notation par lignes. Le plus simple raisonnement suflirait pour démontrer ce fait, quand même de nombreuses expériences contradictoires dans l’étude comparée des deux notations ,dela part d'élèves placés sous les mêmes conditions, ne le ren- draient point palpable. En effet, dans la notation ordi- naire, pour connaître le nom d’une note, il ne s’agit pas seulement de distinguer la position plus ou moins élevée ou abaissée d’un point noir sur les cinq lignes, les interlignes et leurs supplémentaires; il faut percevoir toujours la clef en tête, et toutes les lignes à la fois, pour être bien assuré que c’est précisément tel point de la ligne et non pas le voisin que l'exécution réclame. Pour l’intonation et la mesure un son est juste ou faux, il est attaqué à temps ou il ne l’est pas; ilne peut pas y avoir, sur cette règle in- flexible de l'exécution musicale , de juste milieu ni d'à peu près; peu importe donc la position descen- dante ou ascendante des notes sur les lignes. La valeur d’une note doit être exacte , précise comme la lettre d’un alphabet , et encore avec plus de ri- gueur, puisque un ré bémol , si rapproché de l’'ut, a bien moins de rapport avec ce dernier que n’en ont, par exemple, les consonnes fortes f, p, f, avec leurs similaires les consonnes faibles d, b, v, etc. Les erreurs sur les intervalles les plus rapprochés au- raient d'aussi graves conséquences pour l’exéeutant, que le déplacement des chiffres dans le caleul; et certes, où en seraient nos progrès en arithmétique, (119) par exemple, si, sous le prétexte de mieux peindre l’analogie de leur progression , on ne représentait les nombres que par des points différenciés , par la grosseur ou par la position, au lieu de cette inven- tion si simple mais admirable, attribuée aux Arabes, et qui rend, sous ce rapport, les enfans des dernières écoles plus habiles en calcul que ne le seraient les hommes les plus savans réduits aux chiffres romains. Il faut donc convenir que des points noirs, n’ayant de signification que par leur co-existence avec un en- semble qui sert à leur détermination, sont bien moins perceptibles pour la notation musicale que tous autres signes qui porteraient en eux leur nom avec leur forme , comme les lettres de notre alphabet; aussi apprend-on à lire les caractères de sa langue ou de tout autre avec bien plus de facilité que les caractères ordinaires de la musique. D'où vient cet. avantage, sinon du mode alphabétique seul? Les difficultés du rhythme et de l’intonation , une fois vaincues, il semblerait que l’on dût ne plus être em- barrassé du mécanisme.Pas du tout, lorsqu'on sait lire couramment plusieurs pages d’un cahier de musique, l'on ne saurait par le même fait, contrairement à ce qui se pratique dans la lecture ordinaire, se flatter de pouvoir lire à première vue , les difficultés étant égales, les autres pages qui suivent. Il faut avoir long-temps déchiffré avant de parvenir, même avec une seule clef, à lire, à livre ouvert , toute musique à sa portée d'exécution. Heureux encore si l'amateur de musique , qui s’est mis un peu tard à apprendre à la lire, n’y renonce pas rebuté par les difficultés ( 120 ) ou ne subit pas le sort de ces lettrés chinois que la mort surprend souvent au moment où ils n'ont pas encore fini d’épeler les caractères de leur langue, et qui vient, comme un juge inexorable, leur dicter cet arrêt qu'il est temps d’en finir avec leur diction- naire et leurs hiéroglyphes. Les signes de la nou- velle clef étant alphabétiques, doivent présenter, pour la lecture musicale, tous les avantages des lettres de la lecture ordinaire, et même plus d’avan- tages, puisque leur forme étant plus simple, est aussi moins compliquée pour l'œil: et comme ce n’est pas un paradoxe de dire que la facilité de la lec- ture doit être en rapport avec la rapidité du tracé, les nouveaux signes détachés sont autant de fois plus lisibles que d’autres , qu’ils ont plus de rapidité. En résumé, les signes hiéroglyphiques, étant tou- Joursles premières ébauches d’uneécritureen enfance, sont moins favorables pour la lecture que les signes alphabétiques (1). Témoin l'écriture des Égyptiens et aujourd'hui celle du peuple chinois, type d’une civilisation décrépite et ennemi né du progrès. Il faut l’avouer , notre écriture musicale ordinaire , (1) Au dix-septième siècle, cependant, un auteur a voulu nous ramener au système hiéroglyphique, comme une simplification . 11 n’est pas d'erreurs qui paient eu et n’aient encore leurs partisans. Ainsi, le médecin Louis Couvay, frère du graveur de ce nom, ima- gina de ressusciter, pour les langues, l'emploi des hiéroglyphes, en faisant graver, par celui-ci, un ouvrage intitulé: Methodus nova in qué prœæcepta, veterum. ægyptiorum more, oculis oblata animis facile hæreunt.Il le destinait à l'éducation du Dauphin. (121) s’attachant plus à peindre la forme que le nom réel du représenté, a un caractère plutôt hiéroglyphique qu’alphabétique ; aussi , ne parvient-on à la lire que lorsque le travail , aidé d’une longue étude, a fini par effacer les taches de son origine pour la constituer dans la mémoire sous les apparences alphabétiques ; c’est un cercle qu’il est absolument nécessaire de-parcourir. Il faut, en place de l’indé- termination que l’analogie des lignes et des clefs vient continuellement jeter sous la vue, avoir acquis l'habitude d’attacher toujours à la note l’idée spéciale d’un caractère unique. On ne parvient done à bien savoir ce que veut dire le signe musical, qu'à la condition d’être rassuré, par une longue pratique, contre toutes les chances qui vous le présentent pour ce qu'il n’est pas. Tous ces points noirs, éche- lonnés sur des lignes , sont autant d’énigmes dont les efforts d’une gymnastique de coup-d’œil peuvent seuls donner la solution. Ce sont comme autant de boules toutes semblables entre elles, dont il faudrait apprendre la valeur, non par leur forme, puisqu'elles sont toutes semblables, mais par un certain arran- gement dans des compartimens susceptibles d'autant de variations qu’il y aurait de clefs. Véritable jeu dont les allures puériles, en ne conduisant au but que par la route la plus longue , sont indignes de l’art sublime qui les a pris pour interprètes et mettent la difficulté là où elle ne devrait pas exister. Il est pénible de voir les conséquences d’un tel jeu condamner l'exécution des élèves à une étroite épella- tion, pour les tenir plus ou moins long-temps captifs (122) sous la tutelle de ses exigences mesquines. Aussi, faut-il le dire, si les charmes dela musiquene faisaient franchir aveuglémenttousles obstacles quis’opposent à sa culture, reculerait-on effrayé, en réfléchissant de sang-froid , à toutes les difficultés qu'ont à vaincre successivement l'œil et la mémoire, pour démêler les véritables rapports de chaque intervalle, de chaque clef, au milieu de la confusion dans laquelle entraine leur analogie. Mais à force de temps et de patience, on finit par devenir bon lecteur , en dépit de tout ce qui doit empêcher de l’être (1); et comme le voyageur arrivé au port, qui oublie bien vite les lon- gueurs et les fatigues d’une pénible traversée, le musicien parvenu à savoir lire se complait d’autant mieux dans ce qu'il regarde comme le but de ses travaux, qu'ils lui ont plus coûté et qu'il les fait en- trer dans la gloire de ses succès. Aussi, lui est-il plus difficile qu’à tout autre de juger la question avec impartialité. Cependant, si les raisons exposées plus haut ne pouvaient le convaincre, il pourrait essayer d'y suppléer par une expérience personnelle et une épreuve décisive : ce serait de comparer le temps qu'il emploierait à lire la musique, d’une part sur la clef sténographique et de l’autre sur une des clefs de la notation usuelle qu’il ne connaîtrait pas. Devant les fausses combinaisons qui ont créé les (4) Aussi, est-ce‘avec grande raison que M. Castil Blaze s'exprime ainsi : « L'intelligence du musicien est une merveille, un prodige, son œil ardent brûle la page : renversez-là, son œil lira toujours; (123) signes phonétiques (1) de la musique, il est difficile de comprendre comment , ainsi qu’on l’a démontré plus haut, Galin a pu s’imaginer d'enchérir encore sur les difficultés de ces combinaisons irrationnelles, en donnant sous le prétexte de simplification, aux valeurs rhythmiques, un caractère d’indétermination qu’elles n’ontmême pas dans la notation usuelle. Cette tentative était d'autant moins fondée, que les signes rhythmiques de cette dernière sont à l'abri de toute critique. Aussi, après avoir doté gratuitement la notation par lignes d’une difficulté de plus, par la suraddition de ses lignes rhythmiques, il parait avoir si peu de confiance dans son système de lecture couchez-là sur le flanc droit ou le flanc gauche, il ne s'arrêtera pas. Il corrigera des centaines de planches, en les lisant sur étain, ce qui présente des difficultés bien plus grandes encore, tout alors marchant à reculons, à rebours. Le bon lecteur a le don de pro- phétie; son oreille entend à demi-mot, elle entendra de même si ce demi-mot est absent, etc., etc.» (Voyez Revue de Paris). D’après cela, un bon lecteur, en fait de musique, devine plus tôt qu'il ne lit; c’est donc un grand mérite d’être bon lecteur avec les caractères hiéroglyphiques, témoins les littérateurs chinois; mais heureusement les caractères alphabétiques ne donnent pas ainsi, à ceux qui les déchiffrent, le mérite d’avoir vaincu une difficulté inutile. En littérature, un homme ne sera pas vanté pour être ca- pable de lire avec volubilité et rapidité; ailleurs devra reposer son talent. Il serait même confus qu’on lui fasse un mérite de ce que fait un enfant dans les écoles sur des matières qu'il ne com- prend souvent pas. La musique, une fois rendue aussi facile à lire que les langues alphabétiques, l'exécution y gagnera, puisque l’at- tention, dégagée d’une pénible étreinte, pourra se reporter ailleurs, et le nombre des croque-notes tendra à diminucr. (4) Phonétique, caractère de l’hiéroglyphe. (Champollion). (128 ) musicale, qu’une des principales règles de son en- seignement est de faire apprendre la musique en quelque sorte mnémoniquement. Il fait solfier ou chanter sans la lecture, sur un tableau qu’il appelle méloplaste, sous le prétexte plus spécieux que solide, que la musique, étant une langue, il faut apprendre à la parler avant d'apprendre à la lire. Mais si la musique est une langue, elle est aussi un art , et l’on ne peut être initié aux secrets d’un art que par les procédés qui le mettent en œuvre (1). La musi- que n’existerait pas comme art sans la notation qui la constitue, et l’on doit, avant tout, connaître par- faitement le mécanisme de cette notation, sauf à s'exercer plus tard mnémoniquement sur le résultat de ses lectures et à en rendre l'expression , comme on le fait pour ses pensées, à l’aide de la parole. Avant d'arriver ainsi à la répétition mnémonique et à l'improvisation, qui est la suite des rapports basés sur cette répétition , il n’en a pas moins fallu , pour l'exécution, un type sur lequel il fût possible de formuler toutes les opérations mécaniques qu’elle (4) C’est par la notation, dit M. Mainzer, que l'élève acquiert l'assurance indispensable pour le véritable chanteur; c’est par elle aussi que s'élève et s'accroît en lui un sentiment plus intime de la musique. Généralement on ne vise qu’à développer les organes, à rendre la voix ou la main le plus souples possible, et l’on ne s’in- quiète malheureusement pas assez d'approfondir l’art et la nature de ses moyens. C’est seulement cette partie intellectuelle qui di- rige toute véritable exécution artistique et qui lui donne le cachet particulier, l'accent de vérité, la vie intime de l'ame, qui sont le charme le plus puissant de l'art musical. (Voyez École chorale). ( 125 ) demande. Hors de là , apparait un vague qui ne va qu'aux allures détestables d’une routine aveugle. Mais pour cela , il n’est besoin ni de méthodes, ni de maîtres; tous les airs des rues que l’on fredonne ou que l’on entend fredonner autour de soi, forme- raient un répertoire suffisant. La lecture, combinée avec l'exécution de la musique, est done le seul et unique moyen de fixer et de déterminer, dans la mémoire et l'intelligence, les règles de cet art, et elle constitue elle-même un excellent procédé d’en- seignement selon-qu'elle est plus facile et plus ra- tionnelle. De tout ce qui précède , on n’a pas voulu établir qu’il fallait secouer le joug de la notation usuelle. On a vu plus haut. quelle en était la raison; mais on a voulu, en indiquant le mal dans sa source et en proposant le remède, protester contre les ten- dances qui avilissent l'art et le réduisent aux plus fâcheuses interprétations. À la vue de tant de per- sonnes qui dédaignent (1) la musique pour des dif- ficultés qui ne tiennent pas à l'art, tandis qu'elle (4) Il n’en a pas toujours été de même. « La science musicale, dit Villoteau, qui chez les anciens était regardée comme la science de l’ordre et dé lharmonie, la régulatrice des arts et la modération des mœurs, n’a plus ressemblé qu’à la marotte de la folie; et au lieu des titres respectables de sages et de prophètes que l’on donnait aux anciens musiciens, On s’est habitué à donner aux modernes des dénominations tellement opposées, qu’elles ont passé en proverbes pour désigner les personnes les moins suscep= tibles de réflexion et de raisonnement... Mais comment détruire les préventions que tant de savans de nos jours ont accréditées ?... (1%) devrait être assez facile pour offrir à tous une ré- création générale; de tant de soi-disant musiciens, si préoccupés de la lecture qu’ils en oublient et les règles du rhythme et les premières notions du goût; de tant d'amateurs, fléaux des oreilles, devenus d’ennuyeux improvisateurs ou routiniers, par le dé- sespoir où ils sont de ne jamais rien déchiffrer, il est juste de ne pas se borner à des plaintes stériles. Par ce moyen , l'on aura mis en demeure, de mau- vaise volonté et non d’impossibilité , cûx qui se targuent du temps et des difficult®s , pour négliger ou estropier la musique aux dépens de la noble destination qui devrait lui être dons és ge < so- ciêté (1). La nouvelle clef serait bien restreinte dans ses avantages, si elle ne pouvait être adoptée dans l’en- seignement ordinaire comme le modèle de simplifica- tion le plus propre à faire saisir à la fois toutes les combinaisons de la musique, avant d'aborder les Cependant ce serait être trop injuste de croire que dans un siècle. aussi éclairé que le nôtre, il ne se trouve pas un grand nombre d'hommes capables d'apprécier... etc., etc. » (De l'analogue de la musique avec le langage, | t 4, Paris, 4807). (4) Pour ne paalcésinenites la musique, dit M. de Coussemaker, elle est regardée encore généralement comme un art frivole, et il faut en quelque sorte du courage pour proclamer, devant les hommes positifs du siècle, que son but est noble et utile, que l’his- toire de ses développemens et de ses révolutions est digne d’vecuper les esprits sérieux. Si pourtant on l’examine de près et avec soin, on reconnaît bientôt qu’elle a exercé une grande influence sur la civilisation; etc., etc: (Mémoëres de la Société royale du Nord). (127 ) difficultés inhérentes à la lecture des signes usuels, et comme un acheminement fort utile, pour que- l'exécution vocale, dégagée du mécanisme, n'ait plus à s’occuper que de la spécialité des clefs lors- qu’elle sera obligée d’y recourir. Au moins, de cette manière, l'élève resterait toujours musicien , quels que fussent ses progrès sur la lecture des clefs usuelle, et ne tomberait pas dans la triste condition d’un croque-notes. Il n’est pas douteux également que ce mode d'aborder la musique ne soit beaucoup plus séduisant qué l’entourage dont elle est ordinai- rement accompagnée et n’enrôle irrévocablement sous ses bannières, comme il y en a déjà eu de nom- breux exemples, des amateurs qui ne se fussent jamais décidés à l’apprendre autrement et que l’ap- pareil seul des clefs et des lignes , des dièses et des bémols, faisait frissonner. Les propriétés sténogra- phiques de cette nouvelle notation la rendraient encore profitable plus tard aux amateurs, düssent- ils exécuter exclusivement sur la notation usuelle, puisque pour leur transcription particulière ils au- raient un mode d'écriture qui leur épargnerait un temps précieux, dans le cas où ils se livreraient à la composition , à la formation de recueils ou à la sténographie musicale. Le mode de transposition dont on a parlé plus haut , en offrant des avantages spéciaux pour le chant, suffirait encore pour donner à cette notation une destination permanente et particulière , de la part des chanteurs qui re- douteraient les difficultés ordinaires. De toute ma- nière, la nouvelle clef, servant à apprendre plus (128 ) facilement la musique et par conséquent les clefs de la notation usuelle, ne sera pas un de ces instrumens que l’ouvrier brise, plus tard, comme un outil devenu inutile après la réussite de ses efforts, et elle pourra toujours être utilisée, quel que soit l’usage que l’on fasse de la notation ordinaire. Les signes ont plus d'influence sur les idées qu’on ne le pense peut-être ; ce qui le prouve, c’est la su- périorité des peuples civilisés de l’Europe sur les peuples de l'Amérique, qui avaient un gouvernement constitué, mais point d'écriture; ce qui le prouve surtout, c’est un degré supérieur de civilisation obtenu par les peuples qui ont un alphabet sur ceux qui n’ont que des hiéroglyphes ; et par analogie, le progrès des idées musicales sera en raison du pro- grès des signes qui les calquent (1). Rien donc ne 7 | (1) si * langue de la musique ayait joui Ts privilège des autres langues par l'emploi d’une écriture alphabétique, chacun pourrait la lire aujourd’hui et la comprendre comme sa langue maternelle, et alors le dicton des anciens qui gratifiaient l'ignorant en musique de la même épithète que nous donnons maintenant. à celui qui ne sait pas lire, ne nous semblerait plus aussi étrange : Erat tam turpe musicum nescire quam litteras, interponebatur autem non modo sacris sed.et .omnibus solemnibus à omnibus lœtis vel tristibus rebus. St. Isidor, Hbc originum, cap. 15. Nous ne voulons pas dire ( que tout le monde serait artiste ou virtuôse; mais la langue musicale se partagerait en deux parties, comme la langue littéraire. On y distinguerait le langage ordinairede la société, parlé et compris par tous, et ensuite le langage plus relevé qui serait du domaine dela ré- thorique musicale. Les musiciens se diviseraient en deux classes : dans la première, qui formerait la masse, seraient rangés les exé- cutans ordinaires, les lecteurs avec la voix ou l'instrument; et dans l’autre se ditidrdéraient: les virtuôses et les compositeurs. (12% ) saurait faire attacher trop de prix aux procédés qui ont pour but de simplifier l'usage des signes et qui, appliqués en particulier à la musique, aug- menteraient d'autant les jouissances qu’elle procure. Dès lors, cet art pourrait être à la fois le compagnon des longs loisirs de ceux qu’une honnête aisance à l'abri du besoin met au-dessus des impérieuses né- cessités du travail qui fait vivre, et un digne et utile délassement dans les courts instans de repos que ménagent à l’ouvrier les périodes de son indus- trieuse existence , pour qu'il retourne ensuite à de nouveaux labeurs , plus content et plus résigné (f). Ces derniers auraient un avantage qui leur manque aujourd’hui, celui d’être compris et appréciés par une foule dilettante. Dans cet état de choses, la lecture de la musique, entrant dans la même spécialité que la lecture de la langue maternelle à laquelle elle prêteraitun secours puissant, serait apprise en même temps qu’elle, dans l'instruction primaire, sans aucun autre changement que la régularité des PR rhythmiques. Resterait alors en partage aux professeurs spéciaux de l’art, la direction du débit et de la composition musicale, objet plus digne de leurs talens qu’une épellation des premiers élémens. Leur carrière, s'ennoblissant par cela même ct par le plus grand nombre d'amateurs qui réclame- raient leurs soins, les ferait monter d’an pas dans la sphère des ieaux arts; et, alors leurs travaux, se distinguant à l’égal des autres professions libérales, agrandiraïent leurs ressources, leur savoir et leur habileté. (4) La musique accompagne l’homme dans toutes les situations de la vie, et l’on peut dire que partout elle est lagent le plus actif, le plus fécond, le plus puissant, le plus général du plaisir. Lä musique détourne l'ame des sensations qui l’affectent, dit un auteur anglais, comme un baïn de pied détourne une douleur de tête; elle chasse les nrauvaises idées et détourne des mauvais pen- chans, en rendant à nos esprits le calme dont ils ont besoin, etc. 9 ( 130 ) Ce serait alors que la musique , unissant par le lien d’un même plaisir tous les membres de la grande famille humaine, pourrait véritablement être appelée langue universelle, et constituer la meilleure des ré- publiques (1), puisque par les rapprochemens exigés Polybe attribuait la différence extrême qui se trouvait entre deux peuples de l’Arcadie, à ce que le premier cultivait la musique avec soin, tandis qu’elle était absolument négligée par l’autre. (Voyez France Musicale du 13 mars 1842, vicomte de Pontécoulant). Sans aller si loin , pourquoi les prolétaires en Allemagne sont-ils plus traitables, moins grossiers, plus instruits que partout ailleurs, n'est-ce pas parce qu’ils sont musiciens ? Ce qui me rassure sur l'avenir de la musique, dit M. Stephen de la Madeleine, c’est sa tension bien déterminée à devenir de plus en plus populaire; elle va chercher des hommages dans chaque maison de la bourgeoisie et jusque dans la demeure du pauvre; elle envahit tous les salons; elle se glisse dans toutes les habitudes ; elle fait la base ou le complément de toutes les récréations; elle occupe enfin une place importante dans l'éducation de la jeunesse. C’est qu’en effet c’est dans l'harmonie que l'ame, fatiguée des travaux de la journée, a besoin de se retremper pour faire face aux travaux du lendemain; c’est dans le charme saisissant d’une belle exécution musicale, que l'esprit oublie ses calculs et qu’il endort son activité, pour laisser au corps, reposé par ce bain de mélodie, le suave engourdissement qui répare ses forces et double son activité. (Physiologie du Chant). (4) Une réunion de chanteurs est une réunion de frères, dit Herder. : Diversorum enim sonorum rationabilis moderatusque concentus concordi varietate compactam bene ordinatæ civitatis insinuat uni- tatem (S. August, lib. 17, de civitate Dei, cap. 14). Itaque, quod omnium bonorum est præstantissimum, charitatem præstat homi- nibus psalmodia, ut pote, quæ conventum vocum, velut commune quoddam vinculum conjunctionis animorum EN de et ad concordem unius chori harmoniam coaptaverit (S. Basiléus,'homilia 4, in psalmos). (131) par l'exécution elle ferait tomber les barrières qui séparent les classes et distinguent les rangs , en ne faisant plus entendre qu'un même langage dicté par une communauté d'idées et de sentimens (1), sous le seul empire des lois d’une majestueuse harmonie. DIDACTIQUE MUSICALE. Ce n’est pas dans la vue de leur procurer un vain amusement qu'il faut chercher à répandre le gout de la musique parmi les hommes, c'est pour les re-dre meilleurs. Porre. Pour employer avec fruit la nouvelle clef à len- seignement de la musique, nous nous sommes servi d'un ensemble de procédés susceptibles de mettre l’art à la portée de tous , et nous sommes parvenu, par cela même, à établir un système complet et expéditif d'instruction musicale, à l'usage des per- sonnes qui n'ont que peu de temps à consacrer à l'étude de la musique. La fusion de ces deux élémens constitue ainsi une méthode véritablement populaire propre à former une réunion de choristes aussi nom- breuse qu'on puisse le supposer, sans autres frais qu'un seul cahier et qu'un seul maître, sans instru- ment accompagnateur , et résumant à la fois, dans (4) Les hommes en réunion, dit Boëce, contractent, en chantant ensemble, une amitié pleine de charme queles sons répandent, et il n’est aucun âge où l’on ne puisse goûter ce plaisir. (132) les procédés qu'il met en œuvre, les trois formes d'enseignement particulier, simultané et mutuel. Ici ces trois formes d'enseignement sont tellement com- binées et fondues ensemble, que l’on recueille seule- ment les avantages attachés à chacune d'elles sans subir aucun de leurs inconvéniens. Par ce système, le travail des élèves est toujours réduit à des obser- vations uniformes qui, déduites des faits et s’en- chaînant les unes aux autres , se gravent forcément dans la mémoire. Des tableaux destinés à compléter et à résumer la série de ces observations, donnent - aux élèves, sans entraîner aucune confusion , une parfaite entente de la théorie de l'exécution chorale de la musique. Et enfin des moyens purement mé- caniques, en rendant palpables pour les ntelligences les plus rébelles les formes abstraites de cette théorie, finissent toujours par les identifier en quelque sorte avec les accidens qui la déterminent et par triom- pher des obstacles suscités par les dispositions même les moins favorables. Par là disparaissent les complications dont certaines méthodes sont sure chargées et qui sont d'autant moins nécessaires pour une pratique intelligente , que les nombreuses expli- cations préliminaires qu'elles nécessitent ne sont propres souvent qu'à mettre en relief le savoir du maître. Il arrive alors que la raison de l'élève n’a plus qu’à vérifier les diverses applications du fait dont il a déjà la connaissance pratique, et il acquiert l'in- tuition de la règle avant d’avoir appris la langue qui sert à la formuler. Les études de musique, ainsi (133) facilitées et abrégéeS d’une manière remarquable, captivent toute l'attention des élèves en les condui- sant par une route moins fastidieuse. L’attrait du plaisir, qui commence à poindre pour eux dès le commencement des exercices , leur fait oublier promptement les longueurs et les ennuis inséparables de toute étude nouvelle, et en leur inspirant l’idée du retour dès les premières leçons , il finit par les attacher irrévocablement au cours et à leur en faire désirer la continuation. Dès lors le plus grand pas est fait et le but de leurs efforts, qu’ils se croient toujours près de saisir, en entretenant constamment l’aiguillon de leur bonne volonté, détermine de leur part une assez longue persévérance , pour qu’il soit permis de les conduire, sans fatigue ; au résultat promis et demandé. Ainsi s'expliquent les résultats aussi rapides qu’in- solites obtenus, non par des maîtres habiles dans les villes où tout contribue à inspirer et à faire naître le goût de la musique, non encore dans une école où elle est imposée d'office, par le fait même de la fréquentation des classes, mais par des maîtres sortis des mêmes rangs que ceux qu’ils enseignent, au sein de plusieurs campagnes sur des gens d’or- dinaire fort inhabiles à l'étude , dont le goût et les voix étaient le plus souvent détériorés par l'usage des chants criards, et qui, en s’assujettissant à l’é- tude de la musique, mettaient pour condition à leur assiduité la suppression des explications théoriques sur des exercices compassés à lunisson , et la re- cherche d’un plaisir toujours nouveau ire emploi (134 ) immédiat d’une pratique de chants en harmonie (1), seul motif de leur présence. Comme en définitive ce sont les résultats qui doivent servir de base à l'appréciation de tout système d'enseignement musical, il est fâcheux que l’on n’ait pas songé à établir, à conditions égales, des concours de chant d'harmonie, pour donner l'exacte valeur des méthodes proposées par les di- vers chefs d'écoles qui se sont mis en possession de l’enseignement populaire du chant. Ces concours ont lieu pour les produits agricoles et industriels, pourquoi les arts qui ont pour but de créer des produits intellectuels et moraux n’auraient-ils pas les leurs? Ouvrir des concours pour le chant popu- laire, dès lors que l’on reconnait sa nécessité et son influence , ce serait lancer l’art dans une voie de progrès qui lui préparerait des destinées plus utiles (2). Les chances de la rivalité, ainsi suscitées, (4) « On entend rarement aujourd’hui, dit M. Burnett, plusieurs voix chanter ensemble , sans qu’elles ne cherchent à former des accords : l'harmonie , inconnue aux peuples anciens , est devenue un besoin indispensable de la musique moderne, et ce besoin se fait sentir plus impérieux chez l’homme à mesure que se développent ses facultés musicales. » Aussi, l’homme du peuple qui sedécide à apprendre la musique ne la continuera qu'avec un système d’en- seignement dont les procédés seraient er avec la pratique immédiate de l'harmonie, (2) Dans toute spécialité, dit M. Aimé Paris, où des idées opposées se mettent en présence, la première chose à faire, avant de se pro- noncer sur le mérite de chaque découverte, devrait être de demander que les concurrens, placés dans les mêmes conditions, fissent, sous (135 ) en provoquant une heureuse émulation , porteraient aux perfectionnemens et aux découvertes, et empé- cheraient les langueurs de succès non contestés, souvent parce qu'il n’y a pas eu combat. Du moins, le contrôle d’une surveillance exacte, des expériences destinées à mesurer la puissance relative des différens systèmes. Cette loi, écrite de toute éternité dans le code du bon sens, devrait être for- mulée dans le recueil des règles de l’administration. Le gouverne- ment, tuteur-né de la société, devrait ouvrir, dans chaque branche d'étude, de ces sortes de concours facultatifs; alors, sans qu'aucune violence fût faite à personne, on pourrait regarder comme n’a- gissant pas de bonne foi ceux qui, proclamant leurs vues supérieures à celles d’autrui, ne seraient pas prêts à accepter la lutte établie au nom de l'intérêt général. Alors on saurait plus tôt à quoi s’en tenir sur l’appréciation des avantages offerts par les nouveaux venus: Un fait sur lequel il est impossible de fermer les yeux, est la nécessité de fixer enfin les moyens qui pourront donner à la France l'éducation musicale dont elle manque. Le gouvernement a posé le principe, il a dit : la musique fera partie de l'instruction élémentaire; mais le gouvernement n’a pu créer la lumière en la désirant. Le travail des commissions et celui des bureaux ne sont pas toujours assez heureux pour désigner, sans erreur, la route la plus certaine; il n’est pas sans exemple que 12 faveur ou la préci- pitation ait sanctionné des procédés incomplets, ou même radi- calement vicieux. On peut supposer encore qu’après la consécration donnée de bonne foi à ce qui valait mieux que les doctriues anté- rieures, il a pu se révéler des théories plus puissantes dans leur mode d'action : dés lors le devoir des gouvernans est de constater et d'adopter les améliorations à mesure qu’elles se produissent et de quelque part qu’elles viennent. Maïs comment atteindra: t-on ce but, si la question du perfectionnement reste toujours emprisonnée dans le cercle de l'argumentation ? Parmi les routes que les auteurs de methodes ont suivies, il y en a nécessairement une qui vaut mieux que les autres; le seul moyen de la connaître est de comparer, non sous le point de vue purement spéculatif qui engendrerait trop d’er- reurs, maïs dans les résultats pratiques, à l’égard desquels il n’est pas possible qu’on se trompe. (136 ) à défaut de ces examens officiels qui éclaireraient le patronage de l'autorité et qui seraient un guide au- thentique pour fixer l'opinion; ce que l’on peut dé- sirér actuellement, en fait d'arts et de sciences, c’est de voir s’ouvrir les voies les plus larges et les plus commodes pour les parcourir. Plus les méthodes (1) auront de liberté dans leur parcours, plus il sera facile de distinguer et de choisir la meilleure. Ce n’est pas la multiplicité des méthodes qui serait un mal, mais la prétention de l’une d’elles à exercer le Le ak de la route, en empêchant le libre développement des autres. C est véritablement dans la république des lettres que la légalité tue le progrès. Pour la musique qui heureusement peut se ranger parmi les arts libéraux, de nom et d'effet, il impor- terait, dans le cas de son application populaire, de porter une attention sérieuse sur les méthodes pro- posées jusqu’ ici, si d’ailleurs l’état actuel de l’art chez les masses ne donnait une juste appréciation de leur produit. En effet, les frais, les ciiqulies de (4) Le mot méthode n’est pas employé ici dans son acception purement philosophique, carla méthode proprement dite est une comme l'intelligence, en ce sens qu'elle est la règle des opérations qui régissent uniformément ses manifestations ; mais dans le lan- «gage ordinaire, les méthodes ne sont que des théories composées -d’un ensemble de formules et de procédés servant à la démonstra- tion plus ou moins claire d’une science ou d’un.art. La méthode alors, par l’appréciation exacte qu’elle donne des rapports de but et demoyens, est auz: méthodes ce: No la raison est aux raisons dont elle est l'arbitre. (131) _ transcription et surtout de lecture , attachés à l’em- ploi de la notation usuelle, ne pourront jamais faire sortir la musique populaire du cercle étroit où elle est renfermée; ou bien il faudrait d'immenses sacri- fices, à l'effet de se procurer des maîtres habiles et un matériel convenable. On peut donc affirmer que sans les dépenses préalables dont l’expérience démontre bien aujourd’hui l'impossibilité, la musique ne sera nationale en France qu'aux mêmes conditions qui ont répandu et rendu accessible à tous, dans ce der- nier siècle, une partie des arts industriels et des sciences. Le matériel d’une musique populaire n'existe pas dans la notation usuelle ; il est encore à créer. Eh ! bien, la nouvelle clef, outre les autres avantages qui lui sont spéciaux, offre un moyen bien simple de donner au peuple non-seulement l'instruction musi- cale qui lui manque , mais le genre de musique peu coûteuse qui doit lui appartenir. Vaines et inutiles sont les méthodes, si ingénieusement combinées qu'elles puissent être d'ailleurs, si, bornées à la no- tation usuelle, elles ne peuvent que donner les pre- mières notions de la musique, sans offrir aucun moyen dela continuer, comme cela arrive à tous les institu- teurs primaires qui sortent des écoles normales, où la musique fait partie des examens , mais qui ne trouvent plus à l’enseigner dans les écoles de. vil- lages. Ces méthodes n’ont de populaire que le nom. La musique des salons et des théâtres n’est pas faite pour le peuple; elle serait, d’ailleurs, bien au-dessus de ses faibles ressources. Il est donc urgent, du moment où l’on voudrait travailler sérieusement à (138) la fondation d’une musique populaire , d’en assurer le succès en prenant les élémens démontrés les plus convenables pour lui donner une vitalité et surtout une étendue que sa destination demande (1). x } ” (4) C'est ici le cas de réduire, à sa juste valeur, un des grands chefs d'accusation qu’on oppose d’avance à toute notation, par cela même qu’elle est nouvelle, sans même qu’on daigne l'examiner. Nous avons déjà répondu à ce cri de haro en démontrant qu’il ne s'agit pas ici d’une nouvelle langue dont les tours et les expressions ne pourraient se calquer sur ceux d’une autre langue, maïs bien d’une huitième clef pour la sténographie de la musique, qui se trouve, à l'égard des clefs de la notation usuelle, identiquement dans les mêmes rapports que celles-ci ont entre elles. En eff t, elle a une spécialité, une utilité qui la distingue, comme chacune des autres clefs, sans apporter plus de dérangement, plus de perturbation qu’il y en a aujourd’hui dans la pratique. Ne voit-on pas, tous les jours, des musiciens s’accorder et se comprendre sans pouvoir se lire réciproquent ? Tous les jours, de vieilles partitions hérissées de:clefs diverses, ne sont-elles pas remises à la portée des amateurs non érudits, par une transformation générale à la clef de sol? Ce n’est pas la connaissance de telle clef plutôt que de telle autre, qui constitue le musicien. Le projet d'une notation propre à remplir certaines conditions, ne doit pas être assimilé aux tentatives chimériques de la réforme des lettres ou de l'orthographe qui, par le fait même de son ‘adop- tion, condamnerait au feu les bibliothèques. En fait de musique populaire en France, tout est à créer. « En France, dit M. Mainzer, » la musique vocale est restée inculte; la puissance de la voix hu- » maine n’a pas été comprise, et pourtant il y a un secret, une vertu toute mystérieuse dans la voix de l’homme : elle se com- munique comme une étinceile électrique, saisit l’homme et l’é- branle jusqu’au fond du cœur. La disette où l’on est en France d'exercices convenables pour le chant, est, sans contredit, un des plus grands obstacles qui s’opposent à l’enseignement mu- sical dans les écoles élémentaires et principalement dans les ‘petites villes, ainsi que dans les campagnes. » Le moment est donc venu de doter le peuple de sa musique, comme on l’a doté de ses livres élémentaires par le bienfait de ÿ SO dhess un S > (139 ) Dans le but de réaliser cette idée, nous avons payé notre dette, et il nous suffit d’en avoir posé les premières bases. il n’est pas rare de rencontrer des personnes dont la généreuse activité va toujours au devant de tout ce qui peut tendre au bien-être moral et physique de leurs semblables, et leur fait répandre, sur eux, les trésors d’une charité toute chrétienne d'autant l'instruction primaire. Rien ne semble plus propre à cet effet, que la notation proposée. Ce n’est pas tout d’avoir posé en principe la création d’une musique populaire. Il y aurait danger, avec les élémens d'exécution usités jusqu’à ce jour, de voir le peuple ou abandonner plus tard les premières notions de musique qu’il aurait reçues dans les écoles, faute de recueils à sa portée, de lecture et de sa bourse, ou d’en fausser l’application morale, pour se dédommager de ce qu’elle lui coûterait en la cultivant dans un autre but qu’un honnëte délassement. Cette fausse application grossirait, outre mesure, la foule des prolétaires artistes inoccupés et incompris. À ce titre et à ces conditions, la musique enseignée au peuple, bien loin d’être un bienfait, serait un don funeste, une véritable plaïe sociale. Ce serait donner une prime à l'oisiveté du pauvre, spéculant sur l’oisiveté du riche. La musique. trop chèrement achetée par le temps et les difficultés, ne serait plus regardée, par l’homme du peuple, que comme un métier qui pourrait lui faire oublier celui qu'il doit occuper plus utilement pour la société, dans l’intérêt de sa famille. Cette direction à donner à une musique popu- laire se concilierait, du reste, parfaitement avec les vœux de nom- bre de pères de famille qui interdisent l’étude de la musique à leurs enfans, pour les éloigner des productions immorales par lesquelles l'art divin de la musique n’a été que trop souvent pro- fanée. L'adoption d'une clef particulière adaptée aux seules pro- ductions d’une musique populaire, morale et religieuse, et repro- duisant néanmoins toutes les richesses de l’art, dissiperait, à ce sujet, tous les prétextes, toutes les inquiétudes de la prévention, contre l’usage d’une langue universelle par son caractère et son influence. # ( 140 ) plus ingénieuse, que par la fondation ou leur parti- cipation à des sociétés de patronage ou de prévoyance, elle aime mieux avoir à prévenir les plaies de la misère, souvent ouvertes par les séductions du vice, que d’avoir à les cicatriser (1). Eh ! bien, malgré le but éminemment moral et religieux de l'institution d'une musique populaire considérée, par tous les (4) « Si vous n’avez besoin, dit l’abbé Blondin (de Vaudricourt}, » frère du célèbre botaniste de ce nom, en s'adressant aux riches » dans un de ses ouvrages, ni d'instruction, ni d’exhortation sur le » précepte de l’aumône corporelle, peut-être n’êtes-vous pas éga- » lement instruit de l'obligation où vous êtes d'employer une » partie de vos biens temporels à remédier aux besoins spirituels » des pauvres, etc.» Les anciens, pour mieux graver le texte des lois dans la mémoire des citoyens, les faisaient chanter. Au- jourd’hui, le peuple ne connaît, des lois humaines, que la crainte du gendarme. Pour les lois divines, il ne les connaît pas, ou plutôt il les dédaigne. Les temples sont déserts! Inspirez-lui, dans des écoles et des réunions, le goût et le sentiment de l'harmonie appli- quée à des poésies religieuses et morales qui burineront, dans les mémoires les plus rebelles, la connaissance des devoirs, l'amour de l'ordre et le sentiment du beau, dont la musique pourraît être à fa fois l'interprète et le modèle; réunissez ensuite les chanteurs dans le.temple qu’ils ne fréquentaient plus: oh! alors vous aurez accompli une œuvre sociale, une œuvre de charité et de religion, dans toute la force du mot. « La musique, dit M. Mainzer, accom- pagnée de poésies d’une signification grave et élevée, est destinée, selon nous, à devenir un des plus puissans moyens de moralisation : enseigner à chanter, c’est former le cœur; enseigner à chanter, c’est prêcher la morale. » On voit, dans le Génie du Christianisme de Chateaubriand, que la musique a été employée avec succès, par les célèbres missionnaires du Paraguay, pour attirer et retenir les sauvages à la prédication de l’évangile. « Aussitôt que les élèves sont parvenus à exécuter quelques mor- ceaux religieux, dit le savant rédacteur de l’Anruaîre de la Charité; combien n'est-il pas facile, à celui qui veut leur faire comprendre (141) philosophes et les législateurs (1), comme infiniment précieuse pour enchaïner les hommes à la connais- sance et à l’amour du devoir insinués par les charmes quelle expression il convient de donner à une phrase musicale, de leur inspirer les idées les plus élevées sur Dieu, sa grandeur et sa bonté, sur le caractère de la prière et mille autres sujets. Ce mode d'enseignement, qui n’a pas la couleur d’un sermon, prépare merveilleusement les esprits à recevoir celui des pasteurs; aussi l'expérience confirme-t-elle, tous les jours et partout, l’heureuse influence de la musique vocale sur la réforme des mœurs du peuple.» (4; Les anciens musiciens étaient des poètes, des philosophes, des orateurs du premier ordre, (S!. Augustin, /1b. A8, de civit. Dei, cap. 44). En effet, pour s'élever aux grandes conceptions de la mu- sique oratoire et imitative, il semble qu’on devrait faire une étude particulière et approfondie des passions humaines et du lingage de la nature. Boëce ne veut pas qu’on honore du nom de musicien celui qui pratique seulement la musique par le ministère servile des doigts ou de la voix, mais celui qui possède cette science par le raisonnement et la spéculation (Boëtius, lib.4, cap. 34). Cependant, ajoute Rousseau, les musiciens de nos jours, bornés pour la plupart à la pratique des notes et de quelques tours de chant, ne seront guères offensés quand on ne les tiendra pas pour de grands phi- losophes. Ce n’est que chez les anciens Grecs que l’on voit la mu- sique et les musiciens jouir du degré de considération auquel ils ont droit de prétendre. Et comment en eüt-il été autrement? La musique, chez ces anciens peuples, se lie immédiatement à la fon. dation des villes et des royaumes. Cadmus arrive en Grèce accom- pagné de sa femme Harmonie. Les premiers héros de la Grèce, Mercure, Apollon, Amphion , Linus, Orphée, sont poètes et musi- ciens, et ne cessent de l'être que pour être admis parmi les dieux. Is méritaient cet honneur, car ils avaient pris, pour premier sujet de leur chant, la divinité; et on conçoit, dès-lors, que la pro- fession de musicien était entourée de tous les genres de considé- rations; la musique faisait partie de toute bonne éducation, et, quel que füt son état dans la société, tout homme qui ne possédait pas cet art à un certain degré, passait pour un personnage grossier et sans culture. (Voyez Encyctopédie Musicale, 3°, partie, tome der, pages 91 et suivantes). ( 142 ) et l'entraînement de paroles harmonieuses (1), per- sonne n’a encore pu , jusqu'ici, faire de la musique l'objet d’une institution de haute moralité applicable à toutes les classes inférieures de la société. Si la cause d’une telle lacune dans les œuvres de charité et de bienfaisance ne tient pas à l'oubli ou à l’indif- férence des classes élevées, mais seulement à l’in- suffisance des moyens, les faits sont assez bien établis maintenant pour démontrer que le nouveau système est destiné à faire disparaître toute impos- sibilité dans cette matière. Il a déjà été saisi avec empressement par le zèle éclairé de personnes qui ont voulu en faire une application dont elles s’ap- plaudissent tous les jours. Le mêmé avantage est désormais réservé à tous ceux qui désireraient, dans les contrées soumises à l'influence de leurs bienfaits, voir se renouveler des résultats qu’ils eussent vai- nement attendu avec les moyens ordinaires soumis aux mêmes conditions. Parmi les élèves de notre système, se trouvent des jeunes gens en possession des traditions orales de notre enseignement et qui sont capables d’instituer, partout où on les appelle rait, des cours de musique analogues à ceux qui existent déjà et à des conditions d'économie telles, vu le nombre d'élèves qui pourraient recevoir simul- _tanément l'instruction musicale, que les plus faibles \ Le ‘ (4) Ea vero, quæ cum gratià et dilectione suscipimus, nescio quo pacto magis residere in mentibys ac memorià videntur in- hærere. (S. Basilium, homilia 4, in psalmos). 143 ) ressources individuelles pourraient y suffire. Dans les communes où l'exercice du culte (1) et les pra- (4) « Quoique les enfans, dit l'abbé Le Beuf dans son traité histo- rique sur le chant ecclésiastique , aiment assez naturellement à fréquenter les églises; ils cessent d’avoir cette inclination lorsqu'ils avancent en âge, à moins qu'ils n’aicnt appris à chanter. La con- naissance du chant les rendra donc de bons paroïssiens, qui assis- teront à l’oflice divin et qui contribueront à le faire célébrer avec décence. Outre cela, cette connaissance les mettra en état de s’exercer chez eux et par conséquent de s’entretenir de choses utiles, et de s’abstenir des chansons profanes qui portent la corrup- tion dans le cœur, etc. Au reste l’occupation d’enseigner le chant n’est point au-dessous du caractère des prêtres, puisque saint Grégoire, pape, le montrait lui-même aux enfans, etc. (Joan. diac, lib.2, ne. 6). Pontificis monilis clerum plebs psallit et infans, ainsi que l’a écrit F'ortunat à l’égard de saint Germain, évêque . FS et plus bas : tympana rauca senum puerilis fistula mulcet. a Le devoir de notre charge, dit dans un de ses traités le moine Huebalde, musicien et écrivain remarquable au neuvième siècle, pour nous qui nous somnies dévoués à la célébration des louanges de Dieu, doit être rempli non-seulement dans son entier, mais aussi d’une manière qui puisse lerendre agréable, sans blésser les conve: nances; aussi, devons-nous chercher à nous rendre as ez habiles dans l'exercice de notre ministère, afin de pouvoir proclamer le saint nom de Dieu et le glorifier dans nos chants, afin qu’en outre nos chants parviennent, à Dieu, plus agréables et plus dignes de lui, et que les fidèles qui les écoutent redoublent, pour lui, de ferveur et de,respect. Car quoique Dieu doive préférer lawantabe l'expres- sion du cœur à celle de la voix, il en résultera un double effet s'ils sont réunis l’un et l’autre, c’est-à-dire si, au doux accent du cœur, se joint cette suave mélodie de la voix qui agite, d’un pieux senti- ment, l’ame des fidèles. Bien que Dieu soit également satisfait de la dévotion de tous ceux qui ne peuvent prendre part au chant, cependant la dévotion de celui qui n’offre pas au seigneur le mieux et le plus respectueusement possible tout ce qu’il peut lui offrir, n’est pas entiére. » « Les joueurs de flûte, de cythare et d’autres instrumens, voire même les chanteurs et les chanteuses profanes, font tous leurs ( 144) tiques de la religion sont encore en vigueur parmi les masses, Messieurs les ecclésiastiques auraient l'avantage de voir, en peu de temps, se former des musiciens chanteurs dont l’exécution, aux solennités religieuses, serait empreinte d’un caractère irrré- prochable tant sous le rapport des plus minutieuses exigences de l’art que sous le rapport bien plus im- portant de la moralité des individus et des conve- nances du culte, auquel elle ne ferait que prêter un nouveau relief (1). efforts dans leurs chants et par leur exécution, pour charmer, par les ressources de l’art, les oreilles de ceux qui les écoutent. Mais nous, à qui a été accordé honneur d’être les interprètes de la parole divine, pouvons-nous chanter sans art et négligemment les saints cantiques, et ne nous convient-il pas davantage d'employer, pour le chant sacré, toutes ces richesses dont ceux-là abusent pour des frivolités ? Recevez donc ces courtes notions destinées, par moi; à vos exercices, afin que la science des petites choses vous rende capable de plus grandes, etc.» (Extrait des études historiques sur la musique, de M.E. de Cousscmnaker, insérées dans les Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture, sciences et arts, du département du Nord, séant à Douai, 4841), L’exhortation du moine Huebalde, bien que datant du neuvième siècle, peut encore avoir de l'actualité au dix-neuvième. (4) Qui peut avoir assisté dans un de nos temples à l’exécution, bien rare, hélas ! d’un chef-d'œuvre des grands maîtres, sans avoir éprouvé un frémissement de tout le corps ? Qui peut avoir entendu résonner, sous ces voûtes, les accens de l’homme s'adressant à Dieu dans un langage sublime, sans s’être cru transporté un instant à ce séjour des bienheureux où des milliers d’anges, par de saints cantiques, redisent sans cesse les louanges de l’Éternel ? Et lorsque l'illusion a cessé, lorsqu'on est sorti dn temple, ne reste-t-il pas encore dans l’ame un sentiment ineffable de douceur, de jaïe saïnte et de résignation ? Est-il une autre science, un autre art, est-il un désir, ‘une passion satisfaite qui puisse produire un effet semblable (145 ) Six à huit mois suffisent au plus pour rendre, d'une part, les élèves capables d'exécuter à l’église à celui-là? (Études élémentaires de la musique par Damour, Burnett et Elwart, page 455). Comme l'on est, au contraire, péniblement affecté des cris, des vociférations qui trop souvent en France tiennent, dans les tem- ples, la place du goût et de la décence dans l'expression du beau harmonique ! A queiles aberrations peuvent ne-pas quelquefois en- traîner les élans d'un zèle mal entendu! La forme, cependant, emporte assez souvent le fond. Si le chant , dans les Re , a été primitivement uni aux prières, dans l'unique but d'attirer et de soulager l'attention, comme l’attestent les antiques traditions, re faut-il pas reconnaître que c’est là un accessoire qui doit dispa- raître toutes les fois qu'il ne lu est plus possible de remplir les conditions de son institution originelle, Il n’entre pas dans l’esprit de l’église actuelle, de les on. son chant ne doit donc pas être rendu l’objet de n:ortifications et de pénitences pour les hommes de goût qui fréquentent les églises. Dans les arts d’irnagination comme la musique, s’il y a un milieu à prendre entre le laid et le beau, c’est leur non existence ou leur suppression. N’est-il pas possible de réformer, de cette manière, les abus révoltans là où ils existent ? Aussi, dirons-nous aux chantres inhabiles : contentez-vous de ré- citer et l’on suivra d’une voix uniforme et monotone, mais impo- sante et majestueuse, les prières, les psaumes et les hymnes de louanges, si sublimes de poésie et d’éloquence; mais, de grâce, ne les chantez pas, comme vous le faites, si vous ne craignez de voir s’agrandir le désert où l’on finirait par vous laisser seuls enla pré- sence du Dieu qui vous demandera un jour compte de votre ob- stination à faire de sa demeure comme d’une caverne, Pourquoi vous roidir contre les progrès incontestables de l’art? C’est à vous que s'adressent ces vers : Ami, chasse bien loin, Ce zèle mal appliqué, Le Seigneur n’a pas besoin D’un chant, sur le laid calque. Si ta voix ne peut marcher Sans cris et avec décence, Dis-moi, qui peut t'empécher De te servir du silence. 10 ( 146 } une partie des belles compositions de musique reli- gieuse, et de l’autre, pour donner au maître la facilité non-seulement de transcrire dans l'intervalle des leçons, sur de grands cahiers ad hoc, les mor- ceaux destinés aux premières leçons , mais encore, et ceci est le point important , de former un réper- toire complet de messes et de motets pour saluts mis en partitions sur des cahiers analogues et pré- sentant une variété suffisante pour donner , à l’exé- cution publique, une messe et un salut slbuitetite à chaque solennité dans la période d'une année (1). Le maître, au bout de six à huit mois, n’a pas fait, bien entendu, préparer et exécuter tout le répertoire qu'il a transerit ; il suffit d’une partie. Mais. il a mis les élèves en état de préparer eux-mêmes , et sans aucun secours, toute espèce de PANIER» HR TR chorale qu'ils voudraient exécuter dans la suite. La mission du maître n’a donc pas été d'initier seule- ment les élèves à la connaissance de la musique, au risque de la leur voir abandonner dans la suite, faute de connaissances assez étendues ou par l'ennui de la répétition prolongée et monotone d'un répertoire trop restreint, mais de fonder une institution durable et permanente qui répondit aux besoins, aux vœux de tous les élèves et à toutes les exigeances de l’art. Ces conditions, une fois remplies, il peut aller ailleurs faire fructifier les semences d’un nouvel en- * (4) MM. de la Fage, les abbés Lambillotte et Le Guillen ont composé des recueils de musique dans cette intention. (147) seignement. L'école de musique qu'il quitte, dès-lors placée sous la surveillance et la direction d’un bon éiève où d'un instituteur communal, n'aura plus qu’à achever avec une heure de leçon par jour, pour le reste de l’année, ou plus s’il y a intermittence, la préparation de la fin du répertoire laissé à sa dis- position. Les élèves , une fois en possession de Ia connaissance du répertoire exigé pour l'exécution périodique et variée des offices destinés à être chantés en musique , se reüreraient avec toutes les connais- sances nécessaires pour participer, durant leur vie, à toute réunion musicale consacrée à la pompe de leur culte, sans avoir besoin désormais d’autres études ri d’autres exercices que ceux auxquels ils se seraient livrés pendant deux années au plus. Enfin, pour la perpétuité de linstitution- dont ils auraient eu le mérite d'avoir été, dans leur pays, les premiers fondemens et les premiers modèles, ils laisseraient aux générations qui successivement s’é- lèveraient auprès d'eux, la faculté de poursuivre les mêmes études et de parcourir le même cerele pour venir ensuite prendre place à leur côté. De cette manière, les nouveaux musiciens apporteraient tour à tour dans la communauté de l'exécution gé- nérale le tribut de leurs études partielles , sous l’é- gide du savoir faire de leurs devanciers et de leurs guides. Le chant musical et religieux des paroisses où aurait lieu une institution de cette nature, bien loir de périr par la disparition ou la défection des élémens avec lesquels il aurait été primitivement fondé , verrait au contraire , tous les ans, le cercle _ de ses adeptes s’agrandir. (148 ) C’est là un moyen de propagation musicale déjà suffisant , à moins que les mesures de l'autorité quiest pourtant seule compétente (1) pour la généra- lisation des études musicales, mesures jusqu'ici inefficaces dans les provinces, ne rendent encore cette propagation plus active par l'emploi des moyens qui puissent introduire l'étude de la musique dans toutes les écoles du royaume, soumises à sa di- rection. C’est sans doute avec raison que le gouvernement, bien convaincu de tous les avantages que peut faire naître le goût et la connaissance de la musique chez les diverses classes du peuple, a déjà mis en appli- cation le principe qu’il a posé dans un article de la loi sur l'instruction primaire, en introduisant l'étude de la musique dans les colléges royaux et les écoles normales. Mais bien que dans ces circonstances l'opinion lui ait dicté le choix des moyens, peut-il se flatter d’avoir été secondé par une méthode vé- ritablement populaire ? Sa généreuse pensée a-t-elle porté les fruits qu’on en devait attendre , en intro- duisant la culture de la musique non dans quelques endroits privilégiés, comme si elle ne répondait pas aux vœux et aux besoins de tous, mais dans toutes (4) De tout temps, la musique religieuse a été l'objet d’une sollicitude ÿouvernementale, et dans chaque pays où le pouvoir sait apprécier la valeur des influences morales sur le peuple, il fait les frais de ces importantes institutions (Voyez Physiologie du Chant, par M. Stephen de la D << (149 ) les écoles primaires du royaume, à l'instar de l’Alle- magne, où chaque maître d'école enseigne à la foisà lire et à solfier ? Il est permis d’en douter devant les faits. L'initiative de l'autorité a bien fait surgir à Paris etail- leurs, comme par enchantement, nombre de méthodes dites populaires ({); mais, il faut l’avouer, le but pro- posé n’a pas été atteint. Ces méthodes, pour étendre leur influence , exigeant des sommes énormes et un matériel considérable, n’ont pu franchir le cercle dans lequel elles ont opéré. En effet, traduire les difficultés de l’art sous l'appareil d'exercices peut-être fort ingénieux , mais du moins fort compliqués (2), ce (4) Notre critique nesaurait atteindre, bien entendu, les méthodes de MM. Wilhem et Mainzer. Long-temps avant qu'il füt question de prescrire l’étude de la musique dans les écoles par ordonnance minis- térielle, ils s'étaient occupés, chacun de son côté, à tirer le meilleur parti possible des élémens ordinaires et usuels pour rendre la mu- sique populaire. L'autorité qui a délégué M. Wilkem comme ins- pecteur général du chant universitaire en France , ne fait que remplir un acte de justice en récompensant les généreux efforts qui, pour donner le branle à une œuvre sociale, n’avaient pas attendu l'appui de son concours. La validité de ce choix auquel les amis de Part ont applaudi, se trouve aujourd’hui complètement justifiée par les brillantes et remarquables réunions de chant de toutes les écoles de Paris, qui ont lieu à certaines époques et qui sont connues sous le nom d’orphéon. (2) Les premiers essais d’un art ou d’une science présentent toujours une complication de procédés dont le temps et l'expérience effacent peu à peu les allures pénibles et embarrassées. Ce fait d'observation, incontestable à l'égard des arts mécaniques, n’est pas moins remarquable pour la musique. Sans parler de toutes les tentatives qui amenèrent la tonalité et l’harmonie au point où nous.les voyons aujourd’hui, que de papier gâté pour constituer la notation usuelle et l’amener à son état actuel. Depuis, la base vi- ( 250 ) n’est pas trancher les dificultés; ces systèmes peuvent bien servir à apprendre la musique, mais jamais ils ne pourront réunir la promptitude et l’économie, deux conditions sine quâ non de l’enseignement populaire de la musique dans les campagnes. : On ne s’est pas aperçu qu'avant tout une méthode populaire de musique , pour lever les seules dif- ficultés inhérentes à l’art lui-même , devait né- cessairement rendre la musique plus courte et plus facile à apprendre que le plain-chant , qui est connu de tous les maîtres d'école de vil- lages; et que ce moyen de transformer de sim- ples maîtres d'école , en autant de maîtres de musique improvisés, était le seul efficace pour rendre utile le concours de l'autorité pour la propagation de la musique chez les diverses classes du peuple. Un recueil de morceaux progressifs imprimés se- lon la nouvelle clef et aussi peu coûteux que les cieuse de cette notation n’a pas êté seule mise en cause. La didac- tique de la musique, aussi embrouillée que la notation, a été l’objet de justes critiques. Dès le seizième siècle, Louis Bourgeois, né à Paris, dans un ouvrage publié à Lyon, intitulé : Le Droit Chemin de musique, proposa et fit adopter, entre autres améliorations, l'usage de la solmisation de préférence à à la méthodeinsignifiante de la main, usitée avant lui; mais dans le siècle suivant on n’enrevint pas moins à la main harmonique et autres attirails. Enfin, de nos Jours encore, le droit chemin de musique, comme de bien d’autres choses, a été Mis de côté pour faire place à des inventions plus sub- tiles , plus ingénieuses les unes que les autres, mais qui allongent d’autant la route et reculent la pratique par un long circuit. ( 151 ) livres ordinaires, vu la spécialité alphabétique des nouveaux signes ; trois instrumens : le diapason , le monocorde., le métronome de Maëlzel ; de plus, un livre d’ ibstraction ou exposé du Sent indiquant l'usage et la corrélation de ces quatre choses, base des procédés à suivre sur les tableaux, le tout n Pexcé- dant pas la somme de vingt-cinq à trente francs : voilà qui suffirait à tout instituteur ayant l’intelli- genee et le goût de son état, pour qu'il pût, sans autres connaissances préalables que celles qu'il aurait puisées dans le manuel de la nouvelle mé- thode, préparer lui-même les premières leçons (1), (2) De là, deux distinctions importantes dans la didactique mu- sicale, selon que l’étude de la musique est individuelle où simul- tanée. Chacune de ces deux catégories formera , dans le manuel, lobjet de deux articles particuliers. Dans le premier cas, l'étudiant, qu’il travaille seul ou sous la direction d’un maître, doit suivre des procédés qui le laissent toujours sous l’inspiration et la spontanéité de ses connaissances ou préliminaires ou successives, afin qu’elles servent de base aux connaissances ultérieures que la méthode antodidactique lui fera acquérir par l’analogie et la déduction des rapports. Dans le deuxième cas, au contraire, il s’agit, pour ne pas perdre de temps, de faire converger les tendances et les acquisitions diverses de chaque individu, sur une simultanéité et uneidentité d'opérations dont le maître seul est et doit être tou- jours l’ordonnateur. Alors la spontanéité individuelle s’efface pour ne plus faire place qu’à la marche générale tracée à l’avance. Les élèves, quelles que soient les dispositions antérieures de quelques- uns d’entre eux, procèdent , dans leurs premiers exercices, par voie d'imitation du fait pratique posé devant eux par le maître. Ge fait devient alors une notion préliminaire, base de toutes les opérations ultérieures; et de là se forment les types sur lesquels viennent successivement s'implanter, dans la suite, les acquisitions nouvelles. Énfin, la série des observations particulières et instruc- (182) les enseigner à mesure de ses études ééstlires: et enfin arriver ; lui d’abord et ensuite ses élèves, en se éilirotutt toujours exactement à la teneur du traité de chant en chœur, à des connaissances musicales toutes aussi étendues que peut l’exiger la musique chorale, seul objet d’une musique po- pulaire. Des expériences diverses nous permettent d’affir- mer la possibilité de ces choses dont la réalisation ne tarderait pas, en quelques années, à doter la France d’une institution digne de sa civilisation et la rendrait, sous ce rapport, émule de l’Alle- magne et même supérieure. La première ne ferait, ainsi, que reconquérir son ancienne prérogative. Il est de fait, que la musique fut importée de France dans les cours d'Allemagne par les mé- nestrels (1). Nous démontrerons , plus tard, comment notre système d'enseignement musical s ’adaptei à l’instruc- tion primaire et lui prête un appui qui active sin- tives de la simple pratique, en donnant naïssance plus tard aux notions générales et raisonnées, prépare, sans aucun effort, l’en- tente et l'intelligence des formules de convention destinées à les peindre et à les résumer. (4) « En effet, dit M. Bottée de Toulmon, avant 'intitution des chanteurs, nous voyons en Souabe les chanteurs de minne (minne sanger), contemporains et imitateurs de nos troubadours, puisque Eschibach, l’un d’eux, dit : les bonnes traditions nous sont venues dela Provence en Allemagne. » Won profanz in tutscheland Die rechten mere uns sind gesannt. (Voyez Revue Française, juin 4838). (153) gulièrement le progrès des élèves.Dans l’exhibition de nos résultats à l’hôtel-de-ville d’Abbeville, nous avons relaté une circonstance qui justifie nos pré- tentions : c’est que plusieurs exécutans avaient appris à lire, uniquement en suivant notre cours de musique, en huit mois; ainsi, avec quelques leçons par se- maine, ils avaient eu l’avantage non-seulement d'ap- prendrela musique,mais encore de savoir lireen moins de temps, peut-être, et très-certainement avec moins d'efforts qu'ils n’eussent mis et avec un plaisir qu'ils n’eussent pas rencontré dans une école spéciale de lec- ture.Ïls avaient appris à lire syllabiquement en suivant les syllabes notées qu’ils entendaient articuler à leurs - voisins, dans l'application du chant aux paroles. Cela, du reste, ne paraîtra pas étonnant à quiconque connaît les avantages , pour la lecture , du mode syllabique sur le mode épellatif. D'autres s'étaient formés à l'écriture, en passant du tracé plus simple des notes sténographiques aux traits fins et déliés de notre écriture. Enfin, tous arrivaient à mieux articuler et à prononcer avec netteté. La musique n’est peut-être pas moins favorable à l'instruction secondaire (1). Duplici discipliné uti convenit , ad (4) Voyez, à ce sujet, le chapitre sur la musique de l’ouvrage sur l'instruction publique de M. Taillefer, inspecteur de l’université, chez Renouard, libraire, rue de Tournon, Paris; et le rapport fait par une commission spéciale au conseil municipal de Paris, sur l'introduction de la musique dans les écoles primaires de cette ville: séance du 6 mars 4835, M. Boulay (de la Meurthe), rap- porteur. ( 154 } corpus quidem gymnastica, ad. nan vero musica (Plato 7, de legibus). «Elle donne du mouvement à l'angle ie dit M. de Vte. de Pontécoulant, elle favorise le- développe- ment des idées , féconde l'imagination. Le mathé- maticien Lagrange attribue la facilité qu’il eut de résoudre un jour un problème des. plus ardus, à l’in- fluence qu'exerça sur lui une musique mélodieuse. Le docteur Hallé fait remarquer que ceux qui-s’a- donnent à la musique et surtout les : compositeurs, s’ils ne sont pas toujours aptes à toutes les sciences et ne sont pas des hommes de beaucoup d'esprit, sont rarement des hommes absolument médiocres. Les nations savantes, dit Quintilien , cultivant la musique (bien entendu une musique convenable), bhabituent leur. esprit à la réflexion et à l'étude. Veut-on savoir si un royaume est bien gouverné, dit le célèbre Koueï, et si les mœurs de ceux qui l'habitent sont bonnes ou mauvaises, qu’on examine la musique qui y a cours. » (Voyez France Musicale, année 1842. Nulla enim magis ad animum disci- plinis via, quam auribus patet; cum ergo-per eas rhythmi ,; modique ad animum usque descenderint, dubitari non potest, quin æquo modo mentem atque ipsa efficiant, atque confirment. (Boetius, lib. 1, musicæ caput 1 ). indépendamment de l’activité et des secours divers que la musique peut donner à l'intelligence dans l’ac- quisition des connaissances, elle n’est pas moins favo- rable à l’organisation physique. Le chant, sagement dirigé, exerce, chez les enfans surtout, sur. les ( 155) organes de la respiration et de l’ouie, le même effet que les exercices gymnastiques opèrent sur toutes les autres parties du corps; il donne à ces organes, puissans moteurs de la vie, une force que la seule impulsion de la nature n’eut jamais produite. Les vibrations harmoniques et les mouvemens cadencés du rhythme donnent, au système nerveux, un exer- cice qui réagit favorablement sur toute l’économie animale et règle son activité. On connaît l'effet de la musique militaire sur tout un corps d'armée en marche ; et la fable qui nous représente les pierres de la ville de Thèbes se mouvant et se plaçant en ordre au son de la lyre d’Amphion, devient, lorsqu'on la dégage du tour poétique, une vérité propre à peindre , avec plus de force , le pouvoir magique qu’exerçait la musique d’Amphion sur les ouvriers thébains. Aussi, la musique a-t-elle été appliquée autrefois, avec le plus grand succès , à la thérapeutique. Ses modes divers et les effets qu’ils produisent, ne de- vraient pas être négligés par les médecins actuels; ils pourraient aider puissamment l’action des re- mèdes. Nous avons entendu citer , à ce sujet, des faits remarquables. Des essais, en ce genre, sont tentés actuellement à l’hospice de la Salpétrière, à Paris, sous la direction de M. Dreyfus ; on a déjà remarqué les plus heureux résultats. La musique doit donc avoir , en France, les en- couragemens qu’elle mérite et qu'elle a obtenus ailleurs. , « L'Allemagne, dit M. Adrien de la Fage, est le ( 156 ) seul pays où la musique ait pris un dévelopement suffisant pour que l’on n'ait plus à désirer autre chose que les progrès individuels; c’est-à-dire qu’en ce pays les choses sont arrivées au point que l’in- struction musicale est suffisamment répandue, et que l'on peut dire qu’en plusieurs provinces, presque tout homme qui connaît les caractères graphiques , au moyen desquels la parole se peint à l'intelligence, con- naît aussi les caractères de la musique et est capable d’en exprimer le sens au moyen de la voix ou des in- strumens. Les progrès que l’on peut prévoir sont donc les mêmes que ceux que l’on attend pour la lecture et l'écriture et marcheront avec eux. Aussi, dans ce pays, les maîtrises sont à peu près inutiles, parce que dans les écoles ordinaires et dans lesécoles ecclésiasti- ques , l’enseignement de la musique est poussé à un degré suffisant pour rendre facile l'exécution de toute espèce de musique. Cette habileté d'exécution naît plus de l'exercice que de toute autre chose; en effet, tout se chante dans-ce pays et tout se chante en harmonie : chaque famille fait sa prière en partie , et les gais refrains ne se répètent jamais qu'avec une harmonie convenable à trois ou quatre. Il résulte, de là, que les enfans sucent en quelque sorte la musique avec le lait et l’apprennent, pour ainsi dire, sans s’en apercevoir. D'ailleurs, tout maître d'école , même dans les villages , connaît la musique et enseigne avec plus ou moins de capacité la plupart des in- strumens; non qu’il sache en jouer, mais par déduc- tion, la bonne volonté des élèves et la patience allemande font le reste. Leur exécution est suffisante (157) et atteint parfaitement son but, puisque les exécutans n’ont souvent d’autres auditeurs qu'eux-mêmes ou leurs camarades , et font par conséquent de la mu- sique non pour un public, mais pour leur propre et particulière satisfaction; non par désir d'acquérir de l'argent et de la réputation, mais par envie d'occuper leur temps par le noble et innocent exercice d’une de leurs plus précieuses facultés. » En Italie, il serait bien facile d'organiser des établissemens analogues aux maïîtrises et qui en tiendraient lieu. Il suffirait de fixer cette destination à une partie des innombrables fondations connues sous le nom d'écoles pies, scuole pie, dans lesquelles un grand nombre d’enfans sont entretenus aux frais de l’État. » En Angleterre, on fait chanter des chœurs aux enfans des écoles de charité, réunis en très-grand nombre, à St.-Paul de Londres; mais comme ils apprennent ces fragmens de mémoire et que les directeurs ne donnent d’ailleurs aucune suite à ces premières notions , il est inutile de nous y arrêter. » En France, ce n’est que depuis quelques années que l'étude de la musique, considérée non dans la spécialité de la classe des artistes, mais dans son ap- plication aux masses, a pris quelque développement. Maintenant que le branle a été donné et que le gou- vernement a voulu que le chant fit partie de l’in- struction élémentaire, il n’est pas douteux que dans quelques années le nombre des musiciens amateurs ne devienne de plus en plus considérable. Il serait fort à désirer qu'ils trouvassent alors de fréquentes ( 198 ) occasions. de: s'exercer. ensemble ,.et ces exercices devraient être journaliers, indépendamment de ceux qui pourraient s'établir par la libre volonté de ceux qui S’associeraient pour y concourir; il faudrait qu'il yen eût qui se trouvassent périodiquement amenés par les habitudes ordinaires de la vie. A cet égard, rien ne conviendrait autant que le culte de la religion catholique, dont les rites et les cérémonies présentent une extrême variété et offrent à la musique tous les genres de développemens que ne. rejette pas la majesté du sanctuaire. Si le clergé (1) voulait, ainsi que celui de l’Allemagne , aider au développement et à la propagation de l’art, on aurait, dans les principales, villes , une musique religieuse, qui pour- rait devenir de His en plus intéressante. Et cette institution, dont les progrès marcheraient de front (4) Les personnes qui s’occupent spécialement des sciences ecclé- siastiques, reviennent aujourd’hui, avec raison , à une étude sé- rieuse de l’archéologie et des véritables règles du goût dans les décorations de la matière appliquée au culte extérieur. Mais d'où vient qu’une des spécialités de ce culte, le beau musical, est laissé encore à l'arbitraire et à l’incurie d’une déplorable routine. « Peut- on douter cependant, dit le père André, je ne dis plus de l’existence - d’an beau musical indépendant de nos opinions et de nos goûts (c'est incontestable; , je dis de la prééminence que la nature luia donnée sur tous les autres genres du beau sensible ? » ILest d’ ailleurs une autre raison encore qui , dans l’ordre des études du beau sen- sible appliqué au culte, doit donner le premier rang à l'étude du beau musical; c’est que pour tout ce qui s'adresse aux yeux, on est libre de ne pas voir en ne pas regardant. Tandis que même sans écouter, on n’est pas libre de ne pas entendre, à moins de s'éloigner :.et c’est ce qui arrive. DER. ( 159 ) avec ceux de l’enseignement du chant dans les écoles, serait d'un avantage immense pour l'art en même temps qu'elle ajouterait aux pompes de la religion. » Beaucoup d’églises pourront maintenant suppléer aux orgues dont la pauvreté de leurs revenus les prive, avec des frais bien moins considérables et avec toute la supériorité qui est réservée à l'harmonie vibrante des voix humaines (1), se rendant èn quelque sorte, par l’expression mélodique , l'interprète des paroles religieuses, avec une actualité et un à propos dont l’instrumentation n’approchera jamais. Aussi, est-il vrai de dire que ces orgues des cathédrales, si magnifiques qu'ils soient, pâliraient bien vite devant une exécution vocale en rapport avec l’é- tendue du local et ne pourraient jamais la contre- balancer , si habilement touchés qu’ils fussent, pour la majesté du culte et l'édification des fidèles. Du reste, les cathédrales sont en possession, plus que toute autre église, des élémens propres à rendre continuellement ce magnifique et imposant effet. (4) La voix humaine, dit M. Castil Blaze, e$t le plus beau moyen d'exécution que la musique possède ; les instrumens n'ont été in- yventés que pour limiter ou l'accompagner. Comme tous les instrumens, dit Guerout, sont Hibless à Cole de celui-là; comme tout ce mécanisme, tout ce bois, tout ce cuivre, toutes ces cordes sont froides auprès deces émotions qui passent, sans intermédiaire , d’un cœur dans un autre ! L’art lui-même a disparu; j'entends la voix de l’homme, sa douleur, sa joie, et à ce cri, tonte ma douleur, toute ma juie s'éveillent et sympathisent. CE dans la Méthode de Chant de M. Mainzer). ( 160 ) Le chant appliqué aux paroles religieuses, ayant été assurément établi pour les rendre plus pathétiques et plus expressives et comme un ornement , et non une nécessité des prières liturgiques ; ui doit jamais s’écarter des conditions de sa nature. Les voix, dans les églises, doivent toujours jouer le rôle principal ; toute exécution musicale leur est, par cela même , subordonné. L’instrumentation dont elles peuvent se passer, ne doit point les dominer ni les suppléer , mais seulement les soutenir et les faire mieux ressortir, comme les ombres à l’égard d’un tableau, par un accompagnement sage et me- suré. Une des meilleures applications de l'orgue, celle qui serait la plus essentielle pour le progrès de l’art religieux , rendu accessible à tous , et en conséquence la mieux appropriée aux besoins actuels de l’église, qui n’a pas institué, dans son sein , le chant et les lois de l'harmonie, pour qu'ils soient incompris et sans effet, serait de le destiner à l’ac- compagnement. « Déjà un grand nombre d’églises, » dit M. de la Fage (1), qui le premier a eu l’idée » de cette heureuse innovation en France (2), » ont adopté ce système et substitué un orgue de (4) Page 403 de la troisième partie de l'Encyclopédie Musicale, et 70 de la deuxième. (2) En Italie, l'orgue ne sert qu'à l’accompagnement des voix; hors de là, il se borne presque toujours à des traits fort simples et de peu d’étendue, exécutés le plus souvent sur le plain jeu et sans aucune prétention. (Voyez la deuxième HE de t’Encyclo- pédie Musicale). (161 ) » petite dimension à ces ridicules et insupportables » serpents, dont la véritable destination est la mu- » sique militaire, où ils font alors un bon effet et » dont ils ne doivent jamais sortir ; ce progrès en » fait espérer d’autres. » Les instrumens, dit-il plus Join, destinés à l'ac- » compagnement du chœur, se bornent à l’orgue, » au violoncelle, à la contre-basse ou le quatuor des » instrumens à Cordes. Toute église où ne domine » pas le mauvais goût, devra impitoyablement » bannir le serpent ou ophicléide, qui n’a pu être » adopté pour l'accompagnement des voix, que » dans un temps de barbarie et à une époque où »_ l'on n'avait aucune idée du véritable art du chant. » C’est une question qui pourrait être dé- » battue de savoir si le plain-chant, proprement » dit, ne devrait pas être chanté sans accompagne- » ment (1). En beaucoup de cas , l'effet y gagne- (1) Pour la réalisation de cette idée, l'organiste de St.-Eu-tache, à Paris, vient de publier chez Canaux, éditeur, la collection de tous les offices de plain-chant mis en harmenie dans la notation usuelle, pour quatre voix. Le chant est au tenor, entre la basseet les deux dessus. L'accompagnement identique de l’orgue rend l'exécu- tion vocale de ces quatre parties très-facile. Si ce système d’exé- cution du plain-chant était adopté daus tous les diocèses (et cela serait très-facile par le moyen du milacor et l’emploi de la nouvelle notation), la vulgarisation dela musique par le plain-chant, comme e voulait Choron, ne serait plus une hypothèse chimérique, mais ( 162 ) » rait (1). On devrait surtout se déshabituer de » le chanter lentement , ainsi que cela se pratique ». presque partout en France; le plain-chant doit » être chanté rondement , son caractère méme » l'exige, et ceux qui prétendent le contraire ne le » .COMPrEHHENT MÊME PAS. - : . VC. » L'accompagnement de l'orgue n’est convenable » au plain-chant que lorsqu'il est chanté par des » voix de tenor et qu’une basse est établie au- » dessous. C’est aussi la meilleure manière de » traiter le plain-chant par l'orgue et d’en tirer une » bonne et correcte harmonie; l’autre manière, qui » consiste à placer le plain-chant à la basse, n’a » rien d'avantageux pour l'harmonie, non plus que » pour l'effet, bien qu’elle soit fort usitée dans » les départemens du nord et à Paris. . . . » bien une réalité qui donnerait à l’art une impulsion incalculable chez les masses et réhabiliterait cette partie des cérémonies du culte, cousacrée à l’expression du beau harmonique. Dès-lors, ainsi que l’avoue avec regret l’organiste précité dans le préam- bule.de son recueil, le chant ecclésiastique ne serait plus un objet d’indifférence chez les fidèles et de dédain chez les hotimes du monde, quelques voix isolées ne feraient plus seules raisonner les voûtes de nos églises, et le peuple ne semblerait plus avoir désappris ces chants sacrés qui excitaient l'enthousiasme pieux de nos pères. (4) « Le christianisme, dit M. Joseph d’Ortigues, en instituant le » chant grégorien, l'a en même temps identifié à l’orgué; et c’est » ainsi qu'il a constitué celui-ci l'expression de son chant ‘d’adop- » tion, son organe dané la sphère de l'art. » ( 168 ) FORMATION DES COURS DE MUSIQUE POPULAIRE. C’est une erreur de faire consister l'excellence d’un art, à employer des procédés anciens parce qu'ils sont anciens. E’art est dâns la pensée qui imprime la forme, et non dans la matiére quille recoit. (Micexz Cnevazira). Pour donner ici une idée des divers objets d’ap- plication d’une musique chorale et populaire et du mode d'exécution qu’elle comporte , nous citons un extrait du réglement que nous avons tracé pour la formation et la marche des cours de musique ou- verts selon le présent système. Les cours s'appliquent séparément aux réunions d'hommes ou d’enfans et de femmes; les deux genres de voix y sont divisés et elles concertent chacune selon leurs trois espèces. Dans l’espace de trois ou quatre mois , avec une heure de leçon par jour, les élèves acquireut assez d'habilité pour être capables, avec la transcription sténographique , de chanter en harmonie à trois parties, sur paroles, un certain nombre de morceaux dans toutes les me- sures, tous les tons et toutes les clefs. Le résultat des cours de ce système et le but de leur institution, est de préparer les élèves à exécuter toute espèce de musique chorale sur la clef sténo- graphique; mais dans certaines localités, comme les villes, rien n empécherait, selon les citeonstaneés de Fa chanter à la fin du cours les morceaux ( 164 ) d'application, simultanément sur les deux notations, au gré de chaque exécutant (1). " (4) La notation sténographique, à part les avantages qui la dis- tinguent et la spécialisent, ainsi que nous l'avons démontré plus haut, ve-doit être considérée ici que comme un des procélés dont l’ensemble nous a servi à formuler un système d’ensrignement propre à rendre l'étude de la musique plus accessible et plus expé- ditive. Les autres systèmes, dont les procédés ont leur point de départ sur une des clefs de la notation usuelle, ne peuvent, en dé- finitive, faire arriver les élèves à la connaissance de la musique que sur une clef d’abord, puis successivementsur les autres, dont chaque élève peut avoir besoin dans la suite. Or, notre système remplit également le même but, en donnant seulement à apprendre une huitième clef de plus sursept. Toute la question, pour fixer le choix centre les divers systèmes et le nôtre, se réduit donc à savoir si les avantages de l’enseignement, basés et formulés sur la sténographie musicale, compensent suflisanment, eu égard à la sûreté et à la rapidité des progrès, l'intérêt du temps que l'élève passerait à apprendre une huitième clef. L’aflirmative n’est pas douteuse devant les faits. Nows avons vu bon nombre d'élèves ‘qui n'avaient pu ou n'avaient pas voulu apprendre la musique tant qu'elle leur était offerte sous l’appareil peu séduisant des clefs ordinaires, se trouver finalement, après avoir appris la musique sur la clef sténographique, engagés dans la connaissance de ces clefs et les pra- tiquer sans aucun effort. Cette question, du reste, offre peu d’in- térêt dans le cas d’ane musique populaire. Mais nous nous y arrë- tons subsidiairen.ent pour démontrer toutes les conséquences d’une application utile. En effet bien que nous rayons d’autre but que l'instruction musicale d’une classe pour laquelle rien encore n’a été opéré avec fruit, le présent système pourrait néanmoins avoir son utilité dans le domaine actuel de l’enseignement musical, pour les professeurs particulicrs comme pour les écoles déjà existantes. Ainsi, comine méthode élémentaire, pour passer ensuite à la pra- tique exclusive de la notation usuelle. il pourrait servir aux mai- trises, aux conservatoires ét n'empêcherait nullement d'utiliser, dans la suite, pour les chants d'ensemble, le. répertoire et kk: maté- riel ordinaire de ces écoles Il en serait de même des cours où l’on voudrait instituer des études secondaires de musique et où il ne s’agit plus ni d'économie ni de difficultés à applanir. ( 165 ) Cependant dans les cours organisés par voie d'économie, il ne serait laissé à chacun la faculté de se livrer exclusivement à la pratique des clefs de la notation par lignes, en suivant les autres, qu'autant qu'il se procurerait l'original en notation usuelle de la transcription sténographique ; seulement, comme les progrès inégaux de lecture finiraient par mettre une trop grande disproportion entre les exécutans qui participent au même cours sur deux notations différentes en facilité et les empêcheraient de suivre également les mêmes exercices , à moins d'une grande avance des uns sur les autres, on les partage d’après la méthode concertante de Choron ou ceux des solfèges analogues de la méthode de M. Wilhem, qui sont disposés de manière à faire concerter en- semble trois ou quatre parties de forces inégales. L'identité des combinaisons des deux notations établit donc un système de conciliation qui peut donner , aux cours, toute l'étendue dont ils sont susceptibles et les rendre accessibles à tous les goûts et à toutes les classes. Ce système d’enseigne- . ment musical, renfermant le plus d’élémens d'exé- eution possible, serait éminemment propre à faire paraître, un jour, un des plus beaux et des plus magnifiques effets de la musique chorale : la puis- sance des vibrations harmoniques, par la multiplicité et la variété des timbres vocaux (1). On cite un —————————— —————— ————————— —…—…"—"—." —_————.——"—— —"———"———…————— (4) « La multiplicité des sons, dit M. Hector Berlioz, est un des plus puissans principes d'émotions musicales; les intrumens et les ( 166 ) exemple remarquable de cét effet reproduit en‘ partie dans une réunion générale des enfans des écoles de Londres, au nombre de six mille, faite à certaine époque, dans la basilique de Saint-Paul. Baillot rapporte, dans sa méthode, que Haydn disait n’avoïr Jamais été plus ému que par ces voix d’enfans réunis en si grand nombre, et qu'il a entendu dire la même chose à Chérubini et à Fétis. Bien entendu que pour produire cet effet on n'avait pas laissé pren- dre, aux voix des enfans, ce caractère criard, guttural et perçant, généralement toléré dans les églises et les écoles en France, au lieu de ce timbre si doux, si flûté, qui est leur seule voix naturelle. Qu’eussent dit alors ces illustres maëstro , si ces enfans, guidés seulement par leur mémoire dans la répétition de quelques morceaux plus ou moins restreints, avaient chanté avec toute la puissance, la richesse d'exécution, les ressources de modula- tion et l’aplomb que donnent seules la lecture et l'étude de la musique. Eh bien! rien ne sera plus voix étant en grand nombre et occupant une large surface, lamasse d'air mise en vibration devient énorme, et ses impulsions prennent alors un caractère dont elles sont ordinairement dépourvues, teile- ment que dans une église occupée par une foule dechanteurs, si an seul d’entre eux se fait entendre, quels que soient la force, la beauté de son organe et Part qu'il mettra dans l'exécution d’un thême simple et lent, mais peu intéressant par lui-même, il ne produira qu’un effet médiocre; tandis que le même thême, repris avec dou- ceur, même à l'unisson, par toutes les voix, acquerra aüssitôt ûne incroyable majesté. » ( 167 ) facile, quand on le voudra, que de rendre permanens, en France, ces effets de musique populaire. Lorsque des personnages tels que ceux que l’on vient de citer, parlent avec admiration d’une musique chorale exécutée par quelques milliers de voix , la vulgari- sation de la musique n’est plus seulement une œuvre de haute moralité, elle est aussi une question d'art du plus grand intérêt et bien digne d’'échauffer l'imagination de nos compositeurs (1), lorsqu' on leur aura donné les élémens d’exécution (2), à tout aussi bon droit que l’usage de toutes ces composi- tions quintessenciées , dont les talens avortés sont quelquefois, dans les réunions de salon, les insipides interprètes. Îl est une condition d'exécution que l’on oublie assez généralement, c’est que, si bien composés (4) En Allemagne, le peuple, c’est-à-dire la population tout éntière , juge l'œuvre d’un maître et la comprend, lors même que son exécution serait loin d’être satisfaisante entre le compositeur et son public, l'intermédiaire de l'audition est toujours sûr; car les Allemands savent bien faire la part de chacun. Chez nous au contraire on applaudit Je chanteur avant d’écouter ce qu’il chante, et quelquefois c'est une roulade bien perlée qui décide du sort d’une partition; en vérité je parle d'éducation populaire, mais eelle de nos soi-disant dilettanti aurait grand besoin de se retrem- per à l'étude de la nature et du vrai dont elle est si éloignée. (Physiologie du chant). (2 Si lon prenait de nouveau le goût de la musique d’ensemble, les compositeurs trouveraient la source nouvelle d'inspiration dans des formes-savantes et sévères de l’oratorio et de la symphonie qui sont aujourd'hui trop complètement délaissés. (Voyez France mu- . Sicale, 3 avril 4842, art. de M. C. Merruau, sur les festivals). (168 ) qu’on les suppose , les chœurs ne produisent jamais qu’un effet relatif à l’espace dans lequel on les fait entendre. C’est pourquoi, dans la création d’une musique d'église; on ne doit jamais négliger ceux des-moyens qui doivent prêter le plus de ressources pour réunir le plus grand nombre d’exécutans pos- sible. Mieux vaut sacrifier un peu du côté de la beauté des timbres et de la difficulté des morceaux, pour obtenir le premier avantage. « Un défaut général en France, dit M. de la Fage, c’est lorsque l’on fait de la musique dans les églises, de n’employer que des chœurs beaucoup trop faibles en nombre. On est, à cet égard, dans une insouciance et une incurie impardonnable. On voudrait que dans une église dont la forme et la disposition semblent faites précisément en oppo- sition avec toutes les règles que fournit la science, en ce qui concerne la propagation du son, il suffit de quelques voix ; il y a mieux, on exige que ces voix soient entendues dans toutes les parties de l'édifice, on voudrait même qu’elles le fussent au dehors. Que résulte-t-il de cette absurde prétention ? Au lieu de chanteurs, on a des hur- leurs, des aboyeurs, dont l'organe devient, en peu de temps, rauque, inégal, rocailleux et n’a bientôt plus rien de naturel, forcé qu'il est d’ac- quérir un timbre quelconque. Les voix employées dans les Églises en France, finissent par perdre, peu à peu, toutes leurs Le à primitives ; on chante du nez, de la gorge, de la tête, jamais de la poitrine, et cette détestable habitude s’étend ( 169 ) des hommes aux enfans et sera long-temps encore » un obstacle difficile à vaincre. » On voit quelquefois des maîtres de chœur s'ima- giner, de bonne foi, remplir les conditions de l'art, en présentant une masse d’exéecutans dont la Pr au moins est incapable ou faute d'étude ou faute de pouvoir lire commodément. D’autres sem- blent ne pas se douter, ni avoir la moindre idée dela juste et exacte répartition des voix dans l'harmonie ; ils ne savent pas, sans doute, que la puissance de l'harmonie dépend d’un parfait équilibre dans la sonorité de chaque partie. Enfin, il en est qui, pour échapper aux embarras , aux difficultés que peuvent leur donner la mise à l étude et la préparation de morceaux dont la tonalitéest compliquée des accidens ordinaires à la notation usuelle, trouvent plus com- mode de ne faire exécuter que de la musique écrite dans le ton d’ut, lorsqu'ils ne-peuvent recourir à un accompagnement instrumental, remorqueur des voix. Mais l'oreille des auditeurs, bien vite fatiguée d’une musique si pauvre en transitions tonales , ne tarde- rait pas à réclamer le silence, pour peu que la mo- notonie de chœurs ainsi organisés tendit à se pro- longer. Les cours de musique faits sur la clef sténogra- phique , en offrant une facilité d'exécution remar- quable pour faire aborder tous les effets de la mu- sique chorale à une très-grande masse d'élèves, sans augmentation de frais, peut encore, en faisant éviter les inconvéniens que nous signalons, rem- plir. toutes les vues de l’art et amener, dans la (1% ) suite, un genre d'exécution encore inconnu où du moins.bien rare en France. En effet, si la pratique de la musique déjà introduite dans plusieurs com- munes, S’étendait de même dans les cantons d’un arrondissement et que chaque village de ces cantons vint à fournir seulement un contingent de quarante chanteurs , il serait facile, en réunissant de temps en temps aux chefs-lieux d’arrondissement tous les chœurs partiels , de donner , à l'instar des festivals allemands, des concerts populaires (1) dont le mé- rite et la portée produiraient des effets moraux et artistiques, qui vaudraient bien ceux que l’on attend des subventions théâtrales. Certes, si un gouver- nement doit encourager les arts, c’est surtout ceux qui tendent à l'amélioration des mœurs du peuple. Choron avait eu le dessein de former une réunion de trente mille chanteurs; lui seul peut-être, en France, était en état de réaliser cette idée gigantesque, mais la mortest venue, trop tôt pour l'art à la propagation duquel il avait voué son existence, le surprendre au (4) « Voudriez-vous me dire quel est le but de ces nombreux fes- tiyals qui réunissent , en Allemagne, huit ou neuf cents musiciens d'élite dans une ville de peu d'importance ? Pensez- yous que ce soit pour l’amusement de la haute société de telle ou telle localité qui ne rembplirait pas la petite salle de notre Conservatoire, lors même que la bourgeoisie ferait chambrée commune avecla noblesse? non pas, s'il vous plaît ; ces grandes fêtes musicales sont instituées en l'honneur du peuple qui, dans ce pays-h, goûte la musique et l'analyse mille fois mieux que le plus fort de nos dandis masiciens y à FR STEPHEN DE LA MADELEINE. CE) milieu de ses projets et de ses travaux inachevés. Cet homme remarquable, en explorant toutes les parties de l’art avec la sagacité , les lumières d’un savant et le sentiment exquis d’un artiste, a bien mérité à la fois de la religion et de la patrie. Il fut le premier, en France , qui fit connaître et goûter les chefs-d’œuvre de la musique religieuse ; et tous ses soins, tous ses travaux tendirent à en propager l'exécution. La supériorité des résultats qu’il a obtenus sur des sujets dont un grand nombre n'étaient pas doués d’une organisation remarquable, dans son institution de musique religieuse à Paris, prouve quelle fut son habileté dans l’enseignement; et la foule, qui se pressait pour entendre les chefs-d’'œuvre dont il avait su créer une interprétation Si parfaite, montre bien qu'il ne s'était pas fait illusion sur les tendances de l’époque, et que la musique religieuse, bien rendue , sera toujours écoutée avec l’empres- sement et l’intérêt qu’elle mérite (1). Mais son in- (4) « Et de même, dit M. Stephen de la Madeleine, qu'il n’est pas exact de dire que les masses intelligentes ont abandonné toute croyance religieuse ; il serait tout aussi faux d'avancer qu’elles sont devenues insensibles à l'effet de la musique d'église ; nous soutenons, au contraire, que la foule recherche avec avidité les sensations extraordinaires qu’excite en elle l'imposante exécution d’une messe musicale. Celles qui ont été chantées aux services de Choron et de Boiëldieu, (nous citons ces services particuliers parce qu’ils étaient exemipts de la pompe qui contribuaït à attirer la foule lors des grandes cérémonies funèbres qui ont eu lieu depuis dans l’é. glise des Invalides }, avaient appelé de la Capitale un concours immense. Eh bien, la gravité toute pleine de décence religieuse (438) stitution, soutenue à grands frais par la munificence de la restauration, ne tarda pas à crouler en même temps que le gouvernement dont le patronage lui était si nécessaire. Dès lors tout fut perdu-pour sa méthode , plus artistique que populaire. Cette mé- thode était un grand progrès : Choron a fait faire, à la musique religieuse, un pas immense. Mais restait encore à résoudre le problème de faciliter l’étude de la musique au peuple dénué de ressources. M. Wil- bem , dont la méthode ingénieuse est en possession de jrs au peuple, à Paris, l'instruction musicale, a obtenu, depuis Choron, des résultats remarquables et pourrait être considéré, en quelque sorte, comme son continuateur (1). ir comme son deyancier, il n’a pas fait avancer d'un pas la question d’une musique rendue populaire dans les campagnes. qui régna dans cette cohue, malgré les élémens hétérogènes qui la composaient , et sa gêne dans cette grande église devenue trop pe- tite pour elle; cette gravité, disons-nous, témoignait assez de son respect pour les choses saintes , et de son admiration pour les chefs-d'œuvre de nos premiers maîtres. » Nous dirons donc hardiment que la musique religieuse n’a rien perdu de son influence primitive ; son résultat, relativement à la religion , serait toujours le même , et celui qu’elle obtiendrait sous le rapport des mœurs ne serait pas douteux » (4) Son continuateur pour l’enseignement officiel de la musique classique ; car pour tout le reste c’est M. de la Fage, maître de Chapelle à Parig, élève de Choron et le dépositaire € de ses manus- crits. La musique, populaire à à Paris doit aussi beaucoup à M .Main- Zen. On. trouve dans ses ouvrages des considérations pleines de justesse et. d'élévation | sur l'utilité et les nombreux avantages dela musique appliquée à l'éducation re ( 173 ) Choron n’a eu de succès qu’à Paris , avec les fonds de la restauration ; M. Wilhem n’a pu lui succéder et même le surpasser dans ces succès , qu'avec les fonds de la municipalité. Leurs méthodes reviennent alors au même et coûtent fort cher, comme toutes celles qui s'appuient sur la notation par lignes et la science d’un maître. Aussi , quels que soient les effets de musique populaire et religieuse qui aient été reproduits par elles à Paris, ces effets sont encore inconnus dans la majeure partie de la France. Tout porte actuellement à réveiller , chez un publie blasé des fades jouissances d’une musique efféminée, le goût et l'idée d’une musique noble et relevée. « À ce point de vue, dit M. Merruau dans un article sur les festivals religieux et historiques (voyez la France musicale du 3 avril 1842), on doit en- courager toutes les tentatives qui ont pour objet l'exécution des grands ouvrages de musique sérieuse, encore inconnus au public. Plus ces essais se multi- plieront, plus la variété s'introduira dans les con- certs, et moins vite on usera les chefs-d'œuvre. Depuis long-temps on a , en France, la passion , la rage des solos. L'orchestre est parfait au Conser- vatoire; c’est par les chœurs surtout qu'il faut tenter Jinnovation..….… Si l’on a le courage d'étudier et d'exécuter la musique d'ensemble, les anciens com- positeurs fourniront des richesses infinies. » Les belles institutions de musique religieuse que les révolutions vinrent briser dans un aveugle ni- vellement, n’existent plus! Puissent les généreuses pensées qui les créèrent retrouver de dignes échos ( 174) à dans le calme des passions politiques , sous une au- torité réparatrice (1). ORDRE DES COURS. ‘Les cours sont divisés en deux périodes. Dans la première, les leçons sont composées des airs et exercices en Canon, tels qu’on les trouve dans les solfèges du R.P. Sabbatini (2). Ces exercices, dis- posés en Canon pour deux ou trois voix ‘égales, ont pour objet de façonner , dès les premiers pas , avec les élémens les plus simplés, la voix et l'oreille à la la pratique de l'harmonie. Pour diversifier l’aridité des premières leçons, on exerce, dans le même temps, les élèves à la solmisation de toutes les par- ties des morceaux d'ensemble, selon l’ordre pro- gressif de leurs difficultés. Cette solmisation de chaque partie de l’harmonie est rendue par toutes les voix, exécutant à l'unisson ou à des distances ‘d’octaves, selon leur nature et le degré du ton pris (4) La trombe révolutionnaire, dit M. Stephen de la Madeleine, écrasa l'édifice, «et la pauvre musique religieuse broyée sous l’é- treinte du géant qui venait de renverser un trône, se réfugia lan guissante et percluse au Conservatoire de musique, où elle fait entendre à de longs intervall.s dans une salle de concert des’sou- pirs incompris , des lamentations profanés. (2) Mineur Conventuel, maître de Chapelle de l’église cathédrale deSaint-Antoine de Padoue ; le solfège de Sabbatini, qui contribua à former tant de bons musiciens, est resté presque ignoré en France. La nouvelle édition dûe aux soins de M. Nieou-Choron, se trouve chez Canaux , éditeur, rue Sainte-Appoline, n°. 45, (175) à l'avance. Lorsqu’au bout d’un certain espace de temps que le maître seul appréciera , les voix mises suffisamment en dehors par l'habitude d’une pratique constante sur les cordes qui se rencontreront con- venir le mieux à la nature de leur timbre, pourront être classées convenablement; on assignera, à chacune de ces voix, les parties de l’harmonie propres à leurs espèces, et on les détachera suc- cessivement selon l’ordre qui doit définitivement leur appartenir , sans rien déranger à l'exécution des autres à l'unisson. Enfin, après le triage gé- néral, on fera concerter toutes les voix sur l’ensemble des divisions harmoniques. Ces opérations, indis- pensables pour faire arriver les élèves à l'exécution des chants en harmonie sans tatonnement et sans perte de temps, ont une durée qui dépend de l’exer- cice préalable des voix, des habitudes de l'oreille et du plus ou moins grand nombre d'élèves déjà façonnés à des intonations telles que celle du plain- chant : on peut faire de ces élèves, s’il en est besoin, autant de chefs d'attaque, guides des autres. Le maître alors est le juge de ces circonstances qui étendent ou restreignent les procédés relatifs à la classification des voix. La rudesse des exercices en harmonie, disparaît peu à peu à mesure que les timbres se polissent. Mais les vibrations agréables, qui sont les indices d’une justesse parfaite, ne se font senür que lorsque l'oreille, affermie sur l’appré- cation exacte du rapport des sons entr’eux, donnée par l’audition constante de leur simultanéité harmo- nique, ne se contente plus des à-peu-près du tem- (176 ) pérament et peut aller même jusqu'à faire distinguer les modifications enharmoniques du comma, dans la variété des tons et des modulations. Lorsque les élèves en sont à ce point, le diapazon doit, à la fin des moreeaux de longue haleine et non accompagnés, retrouver toujours la tonique au degré où elle était au moment du départ. Avant et après la mise à l'étude des exercices toujours suivis par les élèves, sans explications théoriques, le maître, à l’aide du diapazon ou mono- corde pour les règles de l’intonation, du métronome et de l'indicateur rhythmique pour la mesure (voyez planche 2), pose et exécute chaque modèle d’obser- vations pratiques sur les airs et morceaux d'ensemble qui doivent servir de thême pour les leçons pro- gressives. Quand les élèves peuvent se plier avec une certaine exactitude et avec facilité, aux lois de la lecture musicale, il est temps alors, Fa les momens de repos ménagés entre les exercices , de fixer leur attention sur les rapports à faire de leurs exercices, aux tableaux de l’intonation , du rhythme et de la didactique. Il n'a besoin, pour cela, d'aucune dé- monstration théorique ; : il lui suffit d'indiquét le fait et le rapport qui le classifie sur les tableaux en une formule d'autant plus accessible à l'intelligence , qu’elle parle en quelque sorte aux yeux. Afin de mieux préparer les élèves à se rendre compte ainsi, sans explication , du mécanisme de la langue musicale mise en action , le professeur a dû, pour premier préliminaire, faire apprendre par cœur, seulement sur les paroles , quelques airs en ( 197 ) canon; et lorsque de là il a donné immédiatemeni l'interprétation du langage musical de ces airs, par la notation qui constitue ce langage même , tous les exercices suivans de lecture musicale se poursuivent sans interruption sur la solmisation jusqu’à la deu- xième période du cours. Les observations et les rapports du mécanisme de la solmisation , une fois bien déterminés ; le maitre, tout en rectifiant toujours avec le plus grand soin la moindre faute contre cette solmisation., tâche d'appeler l'attention des élèves sur les meilleurs principes de la pose, de la pureté, des divers degrés d'intensité du son et du port de la voix. A l’aide de l'indicateur expressif qu'il prend en main, il leur en fait faire l'application immédiate, tant sur les gammes que sur les morceaux qui servent aux leçons. Mais il n’insiste sur ces divers objets qu'au- tant que cela est nécessaire pour prévenir les ten- dances de funestes habitudes (1). Car il sait bien (4) Il faut, dit M. de la Fage, A°. se servir d'ouvrages où les leçons soient convenablement graduées; 2°. s'attacher à ceux dont les chants sont d’un bon goût et d’un style élevé; c’est un moyen de se familiariser avec les bonnes phrases et les bonnes marches de mélodie. Une troisième recommandation à faire aux jeunes élèves, c’est lorsqu'ils solfient de toujours chanter avec goût et ame, même les lecons les plus insignifiantes en apparence; de ne point créer et saccader les sons musicaux, mais d'émettre la voix dans une proportion convenable, ét de prendre, dès le commentement des études musicales, l'habitude de l’expression et de la grâce, sans lesquelles toute exécution vocale ou instrumentale, quelque exacte qu’on la suppose d’ailleurs, n’est qu’un bruit inutile, insi- (178 ) que la rigoureuse observation de ces principes qui constituent les règles du goût et conduisent, par l’'homogénéité de leur fusion, à l’esthétique de l’ex- pression et à toutes les ressources de l’accentuation, n’est que l’œuvre du temps et le fruit d'une labo-: rieuse persévérance. Aussi, se contente-t-il, d’une part, de corriger le fait, et de l’autre, d'indiquer la manière de l’exécuter. En rappelant de la sorte et à propos l'élève à l'intelligence des règles du goût et d’une bonne exéeution, il le prépare graduellement et par une pente douce et insensible, au sentiment, à la connaissance et à la pratique du beau. Dans la deuxième période, un cours d'application au chant choral s’organisera sur des morceaux destinés à l'exécution publique et qui serent en rapport avec la force des élèves. Hors les airs progressifs en canon avec paroles et les premières leçons du solfège de Sabbatini, les exercices d'un cours populaire, rangés dans un ordre de difficultés graduées, doivent être des mor- ceaux d'application avec paroles , et cela pour les motifs que l’on a indiqués plus haut. Mais dans le cas de l'institution d’un cours de musique où les élèves gnifiant et même fatigant. ( Voyez troisième partie, tome premier de l'Encyclopédie musicale, page 56). On néglise trop souvent cette précaution dans les pre:miers degrés de l'enseignement; les élèves contractent des défauts dont ils ne se corrigent plus. De là vient que tant de nos musiciens ne sont, toute leur vie, que des croque-notes assez médiocres d’ailleurs. (129 ) seraient astreints.etne pourraient se soustraire à la fréquentation des classes, comme ceux dont l’assi- duité bénévole demande un attrait de circonstance, il vaudrait mieux partager les exercices des élèves en deux parties, et indépendamment des morceaux d'application, leur faire parcourir les meilleurs sol- fèges mis en harmonie, tels que les cours élémen- taires de solfèges en usage dans les écoles d’Allema- gne, à une, deux, trois ou quatre voix, les solfèges des divers auteurs célèbres des écoles française et italienne, mis à trois parties à l'usage des classes de musique par Adrien de la Fage, ete. Cet excellent recueil, dont la deuxième partie est encore inédite, par la variété et le choix des styles, peut être re- gardé comme un cours de musique élémentaire analogue à ceux de littérature qui ont été faits pour les langues. On se servira aussi, avec fruit, du traité de chant en chœur de M. Fétis (1). S'il y avait trop de disproportion pour la force entre les élèves d’un même cours, ou si l’on voulait réunir plusieurs cours dans un seul et les soumettre à l’enseignement d’un seul et même maitre, on ferait usage, ainsi que nous l'avons déjà dit, des exercices à trois parties du manuel de M. Wilhem ou de la méthode concertante de Choron (2). (4) Maître de Chapelle du Roi des Belges. (2) Se trouve chez Canaux , éditeur de musique classique et re- ligieuse, Paris, race Sainte-Appoline, ne. 45. ( 180 ) « Si l’on ne s’appliquait, dit Choron, qu’à acquérir la connaissance des figures et que l’on ne cherchât autre chose qu’à s’habituer à les exprimer sans faire de fautes , le choix des solfèges devient tout à fait indifférent , pourvu cependant que les exercices soient convenablement gradués entre eux et que les grandes et véritables difficultés ne se montrent que lorsque l’on aura suffisamment étudié les formules ordinaires. Mais si l’on veut que les élèves se for- ment en même temps sous le rapport du style, on ne saurait apporter trop d'attention à ne leur faire chanter que des leçons des meilleurs maîtres... Nous ne croyons pas, dit-il encore, qu’il soit néces- saire de s’appesantir sur un petit nombre de leçons, tout en ne laissant passer aucune faute; le maître fera bien d’aller en avant (en variant les styles) et pourra reprendre, plus tard, la série des leçons dès le commencement. En suivant une marche différente, il arriverait parfois que l'élève, surtout s’il était fort jeune , retiendrait des leçons par cœur, sans pouvoir, pour cela, appliquer à propos un passage dont il n'aurait acquis la connaissance que machi- nalement. » Les transcriptions sur de grands cahiers, rendues si faciles à l’aide de la sténographie musicale, en joignant la variété à la multiplicité des morceaux, donneront au maître l’extrême avantage d'éviter les inconvéniens de la répétition fastidieuse et monotone d'un cerèle forcément trop restreint. Le cours d'application de la deuxième période, que l’on fera aborder de suite exclusivement ou que (181) l’on partagera avec les solfèges, selon les circon- stances indiquées ci-dessus , sera formé sur un ré- pertoire progressif et varié, composé de morceaux de trois genres : le premier genre concernera tout ce qui est relatif au service religieux à l’église; le deuxième regardera le service civil adapté aux chants de récréation vocale et aux circonstances où la musique chorale est appliquée, comme dans cer- taines cérémonies; et le troisième, le service mili- taire, dans le cas où l’on ferait exécuter, comme dans les états du nord, des hymnes guerriers à tout un corps d'armée. Ce genre de musique, qui n’a pas encore été essayé en France, aurait un tout autre résultat que la musique instrumentale et serait d’une application extrêmement simple et facile par le nouveau système. On ne saurait se faire une idée des effets saisissans et propres à enflammer le courage, opérés par des milliers de voix unies par les liens d’une vigoureuse harmonie. L’éclat d’une telle musique rehausserait d'autant les paroles de dévouement à la patrie, de courage et de gloire qui y seraient adaptées , et ferait tressaillir d’enthou- siasme même les plus timides. Personne n’ignore la puissance que les chants militaires exercèrent , de tout temps, sur les soldats, pour exalter leur cou- rage et les pousser en quelque sorte à la victoire. Voyez ces jeunes gens que la loi du recrutement appelle annuellement sous les drapeaux ; à entendre leurs gémissemens, leurs plaintes, ne dirait-on pas des victimes qu’un sort inexorable vient arracher à leurs foyers pour les immoler sur un autel liber- (182 ) tieide au repos du pays? C’est à qui inventera des subterfuges , des prétextes, pour fuir ce qui était autrefois un honneur. Si vous voulez faire renaître chez les masses d'aujourd'hui le dévouement patrio- tique des anciens, prenez les mêmes moyens qu'eux, donnez à la jeunesse des chants nationaux et en- thousiastiques pour lui faire apprendre et jamais oublier que là où sont les drapeaux là aussi est la France, là est le pays (1); et vous la verrez alors, animée de la même ardeur qui enrôlait naguères volontairement nos pères, se faire une gloire de ce qu’elle regarde comme un joug. Si les accens du ranz des vaches avaient assez de puissance sur les Suisses , à la solde de l'étranger, pour leur faire rompre leurs engagemens, l’histoire nous atteste que des chants guerriers et nationaux peuvent opé- rer, sur les militaires, un effet tout opposé. Ce n’est pas tout : l'étude et la culture de la musique, appor- tant une puissante diversion aux loisirs des soldats, dans les intervalles de leur service et dans le repos des garnisons, auraient une influence morale qu’il est facile d'apprécier. Ces soldats, en rentrant dans leurs familles, au lieu d'y rapporter souvent des vices, fruits de l’oisiveté , seraient les échos et les moniteurs des chants nationaux qu'ils auraient appris au régiment, et l’armée, utilisant ainsi dans les loisirs de la paix une mission civilisatrice, con- \ (4) Paroles de Napoléon. (183 ) tribuerait, pour une large part, à élever en France le monument d’une musique populaire et nationale qui nous manque. Dans les communes rurales, les compagnies de gardes nationales auraient ainsi leur musique militaire organisée à peu de frais. Le service à l’église se fait, selon les circonstances, sur les deux idiômes reçus dans le chant ecclé- siastique (1) : 1°. le style rigoureux qui, outre le plain-chant à l'unisson (2), comprend le contre-point simple ou faux bourdon, le contre-point fleuri an- tique ou moderne , le genre mixte, musique établie sur les modes antiques; 2°. le style idéal ou mo- derne, type du genre concerté. Ce deuxième genre, maintenant généralement adopté par tous les com- (4) Duplex canius in ecclesià catholicâ usurpatus huc usque fuit ecclesiasticus, sive cantus firmus vel planus; deindè cantus figuratus(Kircherus tomo 1 , Musurgiæ universalis). Alter simplex ac uniformis et de hoc tractat musica plana, quam Gregorianam vocant ; alter varius ac multiformis de quo est musica, quam alii figuralem alii mensuralem nunc vocant. (Glarean lib. 1 , Dodeca- chordi cap. 1). (2) Parmi les pièces de plain-chant, il faut distinguer celles qui ont une mélodie déterminée et celles qui n’en ont pas. Les pre- mières seules ont toutes la valeur qu’elles méritent aux yeux de l’ar- tiste, sous le point-de-vue du chant populaire. Quant aux deuxièmes qui font l'effet d’un jeu de notes fort insignifiant, elles ne nous pa- raissent pas avoir d’autremérite que d’être encadrées dans l’un des huit tons, lorsque par ignorance de la tonalité antique on n’a pas été, ainsi qu'il est arrivé quelquefois, jusqu’à faire enjamber ces tons les uns sur les autres. L'expression insaisissable de tels chants semble plutôt distrairela pensée, des paroles, qu’y ramener. Aussi, ne nous paraissent-elles pas avoir été fort heureusement appliquées au but qu’ont eu sans doute leurs auteurs en les composant. ( 184 j positeurs, parce qu’il est le plus propre à nourrir et à féconder leur imagination, remplit, par sa variété, toutes les conditions du beau et répond à tous les besoins de l’art appliqué au culte. Aussi est-il le perfectionnement complet de la musique dont le premier genre n'offre que des ébauches plus ou moins parfaites (1). CHOIX DES MORCEAUX DE MUSIQUE RELIGIEUSE POUR LE CHANT POPULAIRE. Quelques églises et cathédrales ne connaissent actuellement, en France, d'autre musique qu’un contre-point fleuri qui fournit une harmonie mo- derne et fuguée sur le plain-chant, sans avoir égard à la tonalité antique. Ce mélange de deux idiomes qui par leurs allures bien tranchées semblent se tirailler en sens contraire, sans être absolument choquant, ne produit aucun des effets de l'expression musicale. Quelquefois on se sert du plain-chant mu- sical que l’on appelle en italien canto fratto. « Les (2) Quant à la supériorité de notre musique, sur la musique antique, je crois qu’elle est probable, dit M. Hector Berlioz; notre musique contient celle des anciens, mais la leur ne contenait pas la nôtre, c’est-à-dire nous pouvons reproduire les effets de la mu- sique antique ‘et de plus un nombre infini d’autres effets qu’elle n’a jamais connus , et qu'il lui était impossible de rendre. Dictionnaire de conversation. Voyez à ce sujet dans le n°. 57 de la France musicale un article sur la musique sacrée ; par M. Jules Maurel. (184) morceaux qui existent en ce genre, dit M. de la Fage, sont en général d’un goût détestable ; il semble que l'on prenne à tâche d'emprunter, à la musique, les formules les plus mal imaginées, les ornemens les plus bizarres et les plus inconvenans. En vérité, les ecclésiastiques qui ne connaissent de la musique autre chose que de pareils échantillons, ont bien raison d'en concevoir une triste opinion : que les musiciens cherchent donc à leur persuader que ces stupides inventions n’ont rien de commun avec la musique religieuse , telle que la comprennent tous les bons esprits, telle que nous la comprenons. » Pourquoi ne pas se contenter, à défaut de musique, de ces morceaux de plain-chant dont la majestueusé simplicité n’exclut pas les charmes d’une mélodie bien caractérisée, et qu’on aurait le grand tort de défigurer par de prétendus enjolivemens ; qu’on y ajoute, si l’on veut, les vibrations harmoniques du faux bourdon. Hors de là, en voulant y substituer .un plain-chant soi-disant musical, on ne se jette que sur des phrases dépourvues d'agrément et de symétrie. Quant aux nombreuses pièces de plain- chant ordinaire, malheureusement dépourvues de ce caractère mélodique qui seul , par l’unité (1) de ses développemens , fait goûter et retenir le chant dont les paroles sont le but; il vaudrait bien mieux, comme nous l'avons déjà dit, les supprimer tout-à- ——_—_—Z—E—Z—aE—Ea—EaEa——aEaEaEaEaEaEaEaEaEaEaEaLaEaELaEaa————— (2) Omnis porrd pulchritudinis forma unitas est. St. Augustin, ep. 18,.edit, p.p.B.B. ( 186 ) fait là où il est possible de le faire, et en attendant mieux, réciter à voix ordinaire et générale les prières qui ne gagneraient qu’à être débarrassées d’un ac- coutrement plus propre à distraire qu’à édifier (1). «Les contre-points fleuris modernes, dit M. de la Fage, ne doivent pas être confondus avee les an- ciennes pièces de musique sacrée du même genre, dans lesquelles est conservée toute la sévérité du style que comporte la tonalité du plain-chant ; ces morceaux sont pleins de gravité et les imitations nombreuses qui s’y rencontrent entre les parties, leur donnent un intérêt suffisant pour qu’on ne se plaigne pas de la sévérité qui a présidé à leur com- position et qu’on ne les accuse pas de sécheresse. Les premières, au contraire, peuvent être attaquées sous plusieurs rapports : le premier est le défaut d’assortiment des parties, car il est impossible de dissimuler qu’il n’est pas naturel de réunir ensemble deux compositions essentiellement différentes quant à leur ordonnance tonale. Aussi, la plupart des morceaux de ce dernier genre n’ont-ils été écrits + (4) Nous publierons un traité du chant ecclésiastique, considéré sous le double point de vue de sonhistcire, et des règles que l’art _ lui impose, et nous démontrerons, appuyé sur les autorités les plus authentiques et les plus respectables, que les exigences du deuxième point de vue ne sont que la conséquence du premier. Nous donnerons énsuite par une sage conciliation des lois du goût avec la prescription des habitudes, les moyens de faire fléchir un peu la rigueur des principes devant la force des choses et les dé- viations du zèle, sans qu’ils puissent entraver cependant les pro- grès du chant moral et religieux rendu populaire. ( 187 ) que pour satisfaire à des exigences de personnes, de localités ou de circonstances , et par des compo- siteurs qui connaissaient, avant tout, le côté vul- nérable d’un pareil travail , mais qui étaient obligés de le donner tel qu'on le leur demandait (1). » Ces morceaux, présentant deux parties musicales faisant harmonie avec le plain-chant mis à la basse et dans une mesure à quatre temps, offrent le seul et unique avantage de réunir, dans une même exé- cution , les amateurs de musique et ceux dont les connaissances ne vont pas au delà du plain-chant. Mais les maîtres de chapelle ne doivent l’admettre que dans le cas où ils ne pourraient faire mieux. Il est un sytème d’accommodement plus en rapport avec le bon goût et qui se prête aussi à cet esprit de conciliation qui pourrait amener , plus tard, une transition qu'appellent de tous leurs vœux les amis de l’art et de la religion : c’est de fournir à chacun ce qu’il désire par une alternation des deux idiômes ménagée dans le même morceau , sans opérer une fusion insignifiante. On peut voir un exemple de ce genre dans les messes brèves d’Aulagnier, de Sa- muel Webbe, de l'abbé Pierre, où de courtes mélo- dies , dont les développemens, ne dépassant pas les limites d’un verset, laissent encore au plain-chant la réponse de l’autre; de cette sorte, musiciens et (4) Geux qui voudraient consulter cette espèce de contre-point fleuri, peuvent se procurer les recueils publiés, à ce sujet, par M. À. de la Fage, chez Canaux. (188 ) non musiciens, trouvent leur part. Cependant cette musique , ainsi disloquée, se ressent toujours des liens qui la resserrent, et il est plus convenable, dans les églises où le chant n’est pas soumis à des exi- geances plus ou moins étroites , de lui préférer les belles compositions enrichies de tous les dévelop- pemens mélodiques que comporte l'étendue d’un morceau complet. Mais le choix de ces compositions doit toujours être subordonné au degré d’habileté des exécutans et ne jamais dépasser leurs forces, Mieux vaut mille fois un simple plain-chant en faux bourdon bien exécuté que la musique la plus belle défigurée par incapacité. La musique dite brève pour l’exécution ordinaire des offices suivis par les gens du peuple, doit être en général préférée à la musique dite solennelle, parce qu’elle retient moins long-temps à l’église et qu’elle est plus à la portée de l'intelligence musicale de la majorité des audi- teurs. En outre, dans le genre concerté appliqué à une musique populaire , les morceaux à trois voix égales sont les plus convenables pour mieux associer ensemble et classer, dans l’exécution générale , les trois timbres des deux genres déjà divisés et pro- portionnés entre eux dans les réunions et les études particulières, pour une harmonie complète à trois voix. ORDRE DES LEÇONS. Première‘ Période. — Cours élémentaire. Pour éviter la monotonie, les leçons d’une heure sont divisées en quatre parties. La première com- (189 ) prendra les exercices sur les airs en canon (1); la deuxième, les études de solfège en canon de Sabba- tini (2), ou les exercices analogues de M. Wilhem; (4) Les premiers jours de leçons sont même exclusivement con- sacrés à la connaissance des signes sur les airs en canon les plus faciles, bornés à peu près à l'étendue de la gamme. Le maître chante les paroles de la courte mélodie dont l'air en canon est composé et les élèves la répètent en regardant sur le cahier, ainsi de suite, pour quelques autres successivement. L’intonation du premier air, une fois connue, les élèves passent immédiatement sans autres préliminaires, à la lecture des notes de cet air. Le maître alors, battant la mesure d’après le métronome, solfie les valeurs tonales et rhythmiques des notes de l’air, et les élèves ré- pêtent le plus exactement possible par imitation. Lersqu’après les ‘premières lecons ils sont un peu familiarisés avec les opérations de la lecture des notes, iis poursuivent l'étude de la musique par la solmisation seule des autres airs ct morceaux, d’après le modèle et l'indication du maître renouvelée à chaque reprise et aussi sou- vent qu'il est nécessaire. (Voyez ci-après le paragraphe relatif aux avantages des dispositions matérielles d’une école de notre système pour l’enseignement de la musique). Les airs en canon avec paroles, ainsique les autres morceaux progressifs destinés 4°. à la répétition mnémonique préliminaire des deux ou trois premières lecons, 2°. à la solmisation pour les cours de la première période, 3°. enfin à l’étude de la vocalisation et de l'application aux paroles pour les cours de la deuxième période, sont au commencement du recueil thématique de chant en chœur , appliqués aux genres de musique populaire dont nous avons parlé. Ce recueil, formé par notre répétiteur en chef le jeune Lombard, sera publié par lui dans quelques mois; onle trouvera aux mêmes adressesque les tableaux. (2) La première partie de ces solfèges est- présentée dans nos tableaux comme exercices de lecture. Les accompagnemens en basse chiffrée que nous avons passés, mises sous chaque lecon des solfèges de Sabbatini, par leur facture noble’et pure, les rendent, dans leur ensemble, des modèles admirables de simplicité et de grà- ce. Le besoin de l’harmonie à trois parties a fait donner aux lecons l'étendue de deux octaves. Cette étendue est évidemment trop grande pour des voix non encore formées. Maïs comme il s’agit ici ( 190 ) et enfin la troisième et la quatrième , la lecture des diverses parties des morceaux d'ensemble. La va- riété du parcours d’un grand nombre de morceaux éminemment faciles et progressifs, est le moyen de tenir toujours l'attention en éveil et d'empêcher la mémoire de s’épuiser dans des répétitions machi- de cours de musique simultanés, on trouve toujours, parmi les voix, les unes assez basses et les autres assez hautes pour parcourir cette échelle. Les voix se taisent sur les notes hors de leur portée et reprennent sur celles qu’elles peuvent émettre. Du reste, ces solfèges offrent l’avantage de mettre en dehors les voix de chaque timbre et de mieux les préparer à leur classification et à leur ré- partition L’on peut descendre, au besoin, les lecons de ces solfèges un ou deux tons au-dessous du diapazun ordinaire, pour peu que l'on craigne de forcer les voix. Ceux des exercices de la méthode de M. Wilhem, qui sont à trois parties égales et d’un diapazon fort peu étendu, peuvent être employés très-avantageusement aucommence- ment des exercices pour faire concerter ensemble, par un parcours successif d’une portée restreinte, des voix non formées et non clas- sées; la facture mélodique de ces exercices leur ôte même l’aridité des exercices analogues Les opérations doivent se faire avecune cer- taine célérité sans avoir beaucoup d'égards pour les traînards. La marche des exercices doit être réglée par le plus grand nombre. Le maître n'examine les capacités individuelles que dans trois cas : le premier, pour les placer de mauière à ce que les plus faibles se fassent instruire et guider par les plus avancées, comme par des moniteurs, et puissent se fondre facilement dans la masse; le deuxièine, pour classifier el proportionner toujours également les timbres dans les chants d'application ; et le troisième, pour faire corriger à ses moniteurs les écarts individuels qui troublent les exercices dans le cours de ses leçons. Le maître se garde bien, nous l’avons déjà dit, de fourvoyer les élèves et de leur faire passer le temps par des explications inutiles au savoir faire. « L'habitude des opérations est\plus nécessaire à l'intelligence des principes, dit Choron, que la connaïssance des principes ne l’est à l’acquisi- tion des habitudes, ce que prouvent à la fois le raisonnement et l'expérience de tous les jours. Quant aux principes, tout homme (191) nales , conséquence souvent d’un répertoire trop restreint, joint à la lecture d’une notation trop difficile. Néanmoins , dans la succession des leçons on reviendra sur le thême des explorations précé- dentes et successives, de manière à ne jamais laisser perdre les rapports des morceaux connus avec les nouveaux qui les suivent. Deuxième Période. — Cours d'application. La division des leçons est ici établie de manière à faire étudier les morceaux d'application sous quatre points de vue différens : 1°. par solmisation; 2. par vocalisation; 3°. par accentuation , nuances et expression; à cet effet, le maître substitue à l’in- dicateur graphique l'indicateur expressif; 4°. par l'union des paroles à la musique. TERME DU COURS. « Le but que l’on se propose le plus communé- ment dans l’étude de la musique, dit M. de la Fage, est d'acquérir la connaissance des opérations que prescrit cet art et de se les rendre familières pour doué d’une intelligence ordinaire peut, en un très-court espace de temps, sauf l'influence qu’exerce le degré d’habitude préalablement contracté, en acquérir une connaissance suffisante. Mais quant à l’assuefaction ou formation des habitudes, les choses se passent tout autrement.» Donc l’assuéfaction, en fait de musique, est le _ point capital après lequel vient l'intelligence des principes qui lui sont subordonnés et accessoires. (192) èn faire à volonté telle application que l’on juge convenable; quand ce but est atteint, on est prati- cien. » Ainsi donc, à la fin du cours, l’élève connaît déjà toutes les règles de la pratique par intuition et d’une manière bien suffisante, puisque son exécution est irréprochable. C'est alors seulement que lon peut, s’il le désire, sans courir le risque d’être inintelligible , lui développer ou lui faire lire dans les traités spéciaux , non la raison des opéra- tions auxquelles il a été assujetti, il a prouvé qu'il la possédait, mais simplement les mots et les phrases explicatifs de cette raison. C’est pour le même motif que l’on ne fait étudier la grammaire, c’est-à-dire l'explication des raisons du langage, qu’à l'enfant qui sait parler , lire et comprendre ce qu'il lit. Pourquoi n’en serait-il pas de même de la musique? N’est-elle pas elle-même une langue qui, par son universalité, seconde les autres (1)? (4) « Les enfans, dit Dumarsais, un des meilleurs graminairiens du dernier siècle, non plus que les personnes avancées en âge, ne sont point capables des réflexions qui ne trouvent en eux aucune idée déjà acquise Les idées abstraites supposent, dans l’imagina- tion, des connaissances avec lesquelles elles puissent se lier; elles ne sont appelées abstraites que parce qu’elles sont tirées des idées particulières; elles les supposent donc, il faut imprimer celles-ci avant que de faire aucune mention des autres. Sans cette mé- thode, l'esprit le plus sublime ne comprend rien, et avec elle, un esprit médiocre éonduit ses connaissances au delà de sa portée. Telle est la nature de l'esprit humain , les connaissances ne se devinent point. » (193) OBSERVATIONS SUR LES TABLEAUX. La rédaction de ces tableaux est conforme aux divisions de notre système. La nouvelle notation est présentée, dans le premier , le troisième, le cin- quième et le sixième tableau, comme une pasigraphie musicale reproduisant toutes les combinaisons et les usages de la notation usuelle; dans le quatrième, comme une sténographie, condition et base de toute innovation en fait de notation; le deuxième regarde spécialement la didactique et trouvera, comme tel, ses développemens dans le manuel. Nous n'’insiste- rons pas davantage sur les détails qui concernent ces tableaux. Le choix et la distribution des matières, résultat de l'expérience, s’expliquent par eux-mêmes et parlent suffisamment aux yeux. Les signes des deux notations pouvant s’éclairer réciproquement comme ceux des elefs usuelles, ont été mis dans les tableaux toujours en regard les uns des autres , de manière à ce qu'ils puissent réciproquement se ser- vir de traduction. Nous croyons superflu de donner ici l'explication et l’usage des signes musicaux. Ceux qui sont déjà musiciens trouveront facilement les fonctions des signes qu'ils ne connaissent pas dans leur rapport exact avec ceux qu ils connaissent, et ceux qui ne le sont pas pourront , à défaut d'un maître, s’aider des indications en tête su solfèges, et. mieux, de la séméiologie musicale de M. de la Fage (D. (4) Chez Canaux, éditeur. 13 (194 ) Quant aux règles spéciales du tracé de,cette no- tation appliquée à la musique vocale, à la sténo- graphie musicale, aux partitions et aux instrumens d'orchestre dont le violon est le type, elles sont tellement simples et tellement évidentes, qu’il suffit, pour les comprendre , de rapporter l'emploi et la fonction des signes dans les specimen, aux numéros de la section qui les classifie et réciproquement. Il n’a été donné aucune application aux numéros 5 et 6 de la première section du quatrième tableau consacré aux sténographismes , c’eût été inopportun. Nous avons cru seulement , pour l’acquit de notre con- science, devoir présenter un specimen de quelques combinaisons sténographiques applicables à toute espèce d’abréviation, pour que chacun, en étendant plus ou moins leur propriété , les fasse servir à tel usage qu'il lui plaira dans la carrière illimitée de la mnémonique des signes. Nous établirons la classifica- tion logique de cette partie de la sténographie musicale lorsque le besoin s’en fera sentir. Nous avons transcrit, à la section deuxième du même tableau, les exercices de vocalisation du manuel de Choron, page vingt-cinq. Les deux barres obliques sont un sténdgraphisme déjà usité dans la notation usuelle; elles indiquent que la succession des notes des traits dont elles tiennent lieu est analogue à celle du trait qui les précède. L'élève pourra ainsi rétablir, pour son usage particulier , les exercices de la pose, du son, du port et des fioritures de la voix sur les le. et les gammes diatoniques , chro- matiques et enharmoniques. ( 195 ) Le tracé de la notation pasigraphique des instru- mens polyplectres peut offrir quelques difficultés lors de la coïncidence des notes de valeurs et d’octaves inégales , qu'il faut faire concorder dans la même mesure sous la même ligne rhythmique. Mais la difficulté n’est qu'apparente ; des lignes supplémen- taires , ajoutées au-dessous de la ligne principale, empêchent toute confusion en précisant les valeurs qui resteraient indéterminées (voyez section 3 de la planche 1"., numéro 2, notation de l'orgue). Cette section a pour objet de présenter, immédiatement après la classification des signes, un sgecimen des instrumens polyplectres depuis les élémens les plus simples jusqu'aux difficultés plus ou moins compli- quées qui caractérisent les spécialités de ces in- strumens. Les amateurs qui trouveraient quelques incon- véniens à employer la ligne rhythmique et ses sup- plémentaires pour la détermination des valeurs, peuvent adopter la modification de la notation abré- viative dont nous donnons le specimen au sixième tableau. Cette deuxième modification, qui ne fait en quelque sorte de l'élément abréviatif qu'une troi- sième combinaison ou clef, n’a pas le même but que la première modification appelée à satisfaire, par l’économie des mouvemens et des tracés, les exi- geances les plus rigoureuses de la sténographie musicale proprement dite. Ceux qui voudraient l’'employer, doivent mettre de côté la considération sténographique. En effet, cette troisième clef, dé- pouillée du principal élément de rapidité, la ligne ( 196 ) horizontale tracée à l'avance pour toutes les valeurs rhythmiques, n’est applicable qu’aux circonstances où la question de rapidité doit s’effacer devant les avantages d’une plus grande clarté ou facilité dans la classification des signes. Cette combinaison, offrant l'avantage de resserrer dans un seul l’espace occupé par les trois positions des notes sur la ligne, pourrait convenir à la typographie sous les conditions dont nous avons parlé plus haut, et à la notation des instrumens polyplectres. Par la comparaison des deux specimen du premier et du sixième tableau, le lecteur est à même de juger la question. Pour faciliter le parallèle, les exemples G2, H1, tirés du manuel de Choron, sont les mêmes dans les deux specimen. Le specimen de la deuxième modification au sixième tableau la présente sous deux attributions : la première reproduit les valeurs rhythmiques des deux premiers exercices sans la ligne horizontale et forme le caractère distinctif et particulier de la troisième combinaison. Mais l’autre , indépendam- ment des signes et des règles de cette troisième combinaison, fait entrer la spécialité de la deuxième modification dans la première combinaison, et en unissant leurs propriétés identiques, les fait con- courir au même but en donnant une plus grande facilité pour la lecture du rhythme. Cependant pour que la double propriété n’entraîne point de confusion, la ligne horizontale n'est jamais considérée que secondairement et ne compt® que dans le double emploi ; autrement , les signes rhythmiques de la (197 ) deuxième modification ont toujours la prééminence sur cette ligne et l’annulent. De cette manière, la première combinaison adaptée à la deuxième mo- dification pour la notation concordante , réunit tous les avantages de la première combinaison seule, sans jamais subir l'inconvénient de la confusion. Voyez, pour exemple, les exercices qui suivent les deux premiers cités plus haut; mais surtout l’exercice I 1, dont le rhythme passablement compliqué donne à fortiori la démonstration de ce qui vient d’être exposé (1). Si on veut faire usage de la troisième combinaison , le la, dans l’intonation, doit avoir toujours le crochet en haut pour ne pas être con- fondu avec un do d’un demi-temps ; et même l’on peut s’en tenir exclusivement à cette forme, lorsqu'on à l’intention de se servir alternativement de deux combinaisons. Cette deuxième modification pré- sentant, à l'égard de la première consacrée à la sténographie musicale, les mêmes apparences de formes pour des rapports différens, est à l'égard de celle-ci ce qu’une des clefs de la notation usuelle est à l'égard des autres, mais avec cette différence cependant que celui qui veut adopter une des deux modifications n’est pas tenu d’adopter l’autre. Leurs + (4) Nous renvoyons, pour la traduction en notation usuelle des exercices des deux specimen, aux planches 8 et suivantes du manuel de Choron, livre 4er. La comparaison fera encore mieux trouver les règles du tracé de la notation abréviative appliquée aux instrumens polyplectres. ( 188 ) spécialités doivent être étudiées d’une manière distincte. Nous avons adopté, pour la transcription de nos exercices exclusivement, la première combi- naison, parce qu’elle seule, par la rapidité et la clarté de son tracé, est la plus conforme à l’objet d’une musique scholaire, tant que la notation abré- viative restera emprisonnée dans les bornes des opérations manuelles et ne pourra, en confiant au burin le type des signes de sa seconde modification, la faire entrer dans le domaine typographique et la rendre aussi claire que la première combinaison dont elle émane. Du reste, nous nous en rapportons entièrement, pour cela comme pour le reste, au choix et au goût des amateurs, et nous adopte- rons avec empressement , pour nos publications ultérieures, les observations qui nous paraîtront fondées. Nous saurons alors si dans l'intérêt de l’art nous devons ou continuer ou modifier nos travaux. Les signes sténographiques étant encore pour la lithographie un objet non exploité, se présentent dans les tableaux sous des apparences peu favorables peut-être à cause de l’hésitation des tracés. On re- marquera surtout que les signes n’ont pas été assez espacés de la ligne rhythmique. Nous prions le lecteur de faire, à ce sujet, la part des circonstances et de subir la nécessité de l’inexpérience d’une pre- mière pratique de la part du lithographe, surtout rour les premières planches. k (199 ) CONCLUSION. Un curieux, assistant un jour aux répétitions d’un cours de musique d’après le nouveau système, disait : l'exécution est bonne et satisfaisante; elle révèle, de la part des élèves, une entente parfaite de leurs exercices ; mais les signes sont d’une forme trop grossière et choquent le coup-d’œil (voyez pl. 3). C’était sans doute une chose bien difficile à comprendre que les conditions qui allongent, grossissent les signes dans certaines circonstances, peuvent , dans d’autres, les raccourcir et les réduire à leur dernière exiguité. Les signes d’une écriture ne doivent-ils pas être jugés par la régularité du but qui les a fait naître, plutôt que par l’habitude des conventions? Mais les observations peu réfléchies apprennent jusqu’à quel degré de simplicité il faut descendre pour être compris de tous. Là est notre excuse pour des détails qui auront semblé peut-être trop minutieux à quelques-uns. Elles sont rares, les personnes accoutumées à tout entendre presqu’à demi-mot et à de- vancer la pensée dans ses développemens ; aussi , avons- nous cru devoir remplir le rôle de cicerone officieux auprès du plus grand nombre qui n’a pas reçu le don de la divination. L'état actuel de l’éducation dont la musique est loin de former encore une des attributions ordinaires, laisse souvent les hommes les plus instruits, d’ailleurs, complètement étrangers à toutesles questionsrelatives à cet art. On ne saurait donc parler d’un système d'enseignement musical primaire sans explorer en même temps, avec détail, son but et ses moyens d’action; heureux encore quand on n’a pas à lutter contre cette insensibilité musicale vraie ou affectée, qui, peu soucieuse de Part et de ses intérêts, va même jusqu'à mettre des entraves à ses progrès el tolère les abus qu’elle pourrait empêcher. Les autres branches des beaux-arts ont assez vulgarisé aujourd’hui la grâce des formes et [à pureté des lignes dans les déco- ( 200 ) rations de la matière, pour que le moindre écart en cegenre trouve sa condamnation dans le ridicule. Par quelle triste fatalité le laid et l’ennuyeux seraient-ils seuls permis aujour- d’hui sur l’art d'émettre les sons et viendraient-ils à tous momens surprendreune oreille sans défense pour la tortur. r à loisir ? Cette funeste tendance à dénaturer, à avilir une aussi belle langue que la musique, nous nous attachons à la combattre en cemoment. Plaise à Dieu que le mal ne soit pas irremédiable et soit encore accessible à une influence régénératrice. Si les quelques améliorations que nous pro- posons sont jugées dignes de quelque intérêt, si les faits surtout continuent à détruire les préventions qu’une mauvaise exposition de notre théorie pourrait faire naître, gous comptons sur le concours des amis éclairés de l’art; ils ne feront pas peser, sur le système en lui-même, les torts de l'écrivain. Les artistes croiront peut- -être devoir peu se préoccuper d'innovations dont leur talent , pour grandir , a pu fort bien se passer. Ce talent que n’ont pas arrêté dans son essor les difficultés des commencemens , n’en resplendit que d’un plus viféclat, puisqu'il a eu plus d'obstacles à vaincre. Mais le goût qu’ils savent si bien inspirer pour un art dont ils sont les interprêtes éloquens, est la seule cause du contrôle sévère par lequel de tous temps on a fait passer la langue dont ils se servent. On a toujours voulu pouvoir se rendre compte des sensations délicieuses de la musique et par conséquent être en état de parcourir seul et de comprendre, du moins, les discours des grands orateurs en musique. On a voulu, dans le recueillement d’une lec- ture attentive, pouvoir le lendemain réveiller les émotions de la veille. Mais, vœux superflus , il a été impossible jusqu'ici de faire, dans la langue musicale, ce que tout le monde fait dans la langue littéraire. De là, tous les efforts qui ont été tentés pour simplifier l'écriture de la musique. Si ces efforts ont été infructueux, la cause n’en reste pas moins toujours en litige ; et c’est courage, c’est devoir (201 ) pour tout ami dévoué de l'art , de la plaider tant qu’elle ne sera pas gagnée. Les débats que nous venons encore soulever après tant d’autres, ne doivent pas trouver in- différens les artistes, tant s’en faut; nous défendons leurs intérêts, bien loin d’y être contraire. Tout système propre à rendre la musique populaire est destiné, par le fait même, à donner au talent les appréciateurs qui trop sou- vent lui manquent. En effet, la musique, art de société par excellence , n’a de prix que par la sympathie qui unit les exécutans aux auditeurs. Quelle action pourrait exercer la langue mu- sicale sur des gens qui ne savent ou ne veulent pas la comprendre. Les artistes abandonnés à leurs seules res- sources, faute du concours éclairé et sympathique de leurs semblables, finiraient bien vite par s’étioler comme ces plantes privées d’une rosée salutaire. Qu'ils s’unissent donc aux efforts qui tendent à agrandir le cercle de leurs auditeurs, et ils verront alors la foule se presser autour d'eux pour payer à leurs talens le juste tribut d’éloges qu'ils méritent; éloges d’autant plus précieux, qu’ils seront le cri de la conscience, d’une admiration sentie, et non les fades complimens d’une politesse convenue. - Peut-être nous reprochera:-t-on d’avoir moins insisté dans ce mémoire sur les procédés de notre système que sur les conditions de son existence; nous répondrons par cette con- sidération péremptoire : qu'il faut sonder et déblayer le terrain avant de jeter les fondations pour édifier. Depuis que ce système subit, en différens endroits, les € épreuves d’une pratique journalière, il nous est revenu de différens côtés un certain nombre d’objections, autant presque qu’il y a eu d'idées reçues à SÉRPAGEF (D. Nous n’avons pas eu la préten- (1) Une idée nouvelle, dit Fontenelle, est un coin qui n’entre que par le gros bout. (202) tion de les réfuter toutes; maïs nous avons dû combiner notre travail de manière à ce que chacun y trouvât la solution de la difficulté et du prétexte qui le faisait reculer devant l'étude de la musique. Si l’on nous accuse ‘enfin, sous certains points de vue, d’être entré dans des détails inu- tiles, nous répondrons comme cet avocat qui s’excusait de la longueur de son plaidoyer : nous avons envoyé une adresse à chacun de nos juges. La persistance de nos adversaires à soulever les mêmes difficultés , nous a en- traîné quelquefois dans la répétition des mêmes idées qui les détruisent. Il n’y a pas jusqu'aux notes dont nous avons, à dessein, surchargé ce mémoire, qui ne susciteront peut-être une critique de forme. Elles sont destinées : les unes, à nous appuyer; les autres, à suppléer, à commenter, ou enfin à développer le texte. Les citations d’autorités respectables sont appui tutélaire d’un ouvrage. C’est le seul et unique moyen, d’ailleurs, de dédommager les lecteurs de l’absence des qualités dont manque cet ou- vrage. Notre dessein pour le moment n’a donc pas été de faire un traité complet, mais seulement de donner un simple aperçu et de discuter auprès des esprits impartiaux les motifs de notre système. Tout autre développement eût été inopportun. Avant de s'enquérir des règles d’une chose nouvelle, on lui demande ses titres à l’existence, et nous avons dû les présenter d’abord. Si le public, en les accueil- lant avec bienveillance, nous inspire la confiance que nous ne nous sommes pas fait illusion sur la valeur de nos idées, nous nous empresserons de lui en soumettre plus tard le complément dans leurs rapports avec les principales bran- ches de Part musical (1). ; shape: a (4)Ce complément se composera d’un manuël vocal ou traité de chant choral, applicable aux trois genres d'exécution publique, (203 ) Toute méthode, qu’elle soit nouvelle ou ancienne, pourvu qu’elle conduise avec plus de rapidité et de facilité au même but que les méthodes ordinaires, est un bienfait, surtout quand il s’agit de faire pénétrer dans les masses une connaissance utile. Considérés sous ce point de vue , les résultats que cette méthode parvient à produire, méritent toujours un examen sérieux et doivent imposer silence à une critique plutôt jalouse qu’éclairée. Au milieu de cette confusion de méthodes musicales qui partagent et tiraillent en tant de sens divers l’at- tention publique, Pesprit d'examen serait jeté dans un dédale inextricable , si chaque système ne mettait préa- lablement en évidence; pour les faire valoir , les consé- quences praliques des principes qui le constituent. Cette logique en action est préférablesans doute aux abstractions que l’on étalerait en longues périodes dans un livre. Mais il ne suñlit pas de produire des faits ; les témoignages qui les constatent doivent encore subir lépreuve du raisonnement. Ce dernier travail vient d’être achevé (1), il ne reste plus maintenant qu’à présenter les pièces à appui pour compléter l'examen. L’examen des faits doit toujours être comparatif. Pour cela , il doit selon nous, reposer sur les trois conditions suivantes : 1°. la nature des résultats, eu égard aux personnes et aux choses dans les difficultés vaincues ; 2°. l’espace de temps où ces résultats se sont trouvés accomplis ; 3°. enfin l’économie du produit relativement au matériel employé et au nombre d'individus appelés à recevoir simultanément l'instruction musicale. dont on publierales specimen dans le recueil thématique à la suite des tableaux et ensuite du guide de l'amateur de musique: on y trouvera développés les principes de la notation musicale ordinaire et sténographique et un traité de chant d’instrumentation et de composition d’après les règles de l’autodidaxie. ( 204 ) Malgré la surprise générale causée par l’exécution dont nous avons dû nécessairement être le premier promoteur, ce préjugé qu’elle était plutôt l’œuvre d’un maître habile que lunique résultat d’un système, n’en venait pas moins comprimer toute velléité d'imitation pour l’usage des mêmes moyens, et c'était fini des premières tenta- tives, si des personnes accoutumées à faire éclore toute idée utile dont elles aperçoivent le germe, n’avaient elles- mêmes cherché à donner une application immédiate au nouveau système, après avoir reconnu ce fait. important, qu’il était combiné de manière à rendre l’enseignement musical transmissible de moniteurs en moniteurs et d'école en école, sans l'intermédiaire du maitre. Le rapport fait à la Société Royale d'Émulation par M. Lefranc, mentionne cette circonstance, ici capitale (1). ..… Devant cette expérience décisive, tombe toute objection contre la possibilité d'étendre partout l’enseignement mu- sical populaire. Les élèves assidus au cours reçoivent toujours, en même temps quela connaissance de la musique, la manière de l’enseigner eux-mêmes et peuvent ainsi, initiés par des moniteurs aux traditions orales de l’ensei- gnement du premier maître, se passer de son. influence personelle , pour devenir tour à tour les moniteurs d’au- tres moniteurs, jusqu’à ce que l’enseignement général de la musique populaire s’en suive. … Les encouragemens et les témoignages de satisfaction quenous avons reçus du ministre de l'instruction publique, seraient au besoin une preuve que nous sommes entré dans une voie qu’il était utile de parcourir et que nos efforts n'ont pas été jugés au-dessous de la tâche que nous nous étions imposée. DE RAMBURES. D Cr (2) Ainsi que le Journal des Villeset des Campagnes, juillet 4840; le n°. du 30 janvier 4842 de l'Union Gérheliauge les denenaus d'Amiens, du mois de. février 4842, etc. EXTRAIT DUR RALPLORE LA MÉTHODE DE M. DE RAMBURES, Lu à la Société Royale d'Émulation, dans la séance du 13 Mars 1842. © RC Au mois de novembre 1838 , M. de Rambures, de Vau- dricourt , voulant réaliser une conception qui le préoccu- pait depuis long-temps, prit au hasard une vingtaine de paysans de tout âge dans la commune peu populeuse qu’il habite, et se mit en devoir de leur enseigner la musique par un nouveau système de notation, au moyen duquel on pourrait apprendre simultanément la musique et le plain-chant. Les obstacles qui se jetaient à la traverse de cette louable entreprise étaient nombreux. A force de persévérance, aidé de l'appui du respectable curé de sa paroisse, M. de Rambures triompha de tout, même de la risée publique, qui poursuivit d’abord ce qu’on appelait Ja folie de ses dociles élèves. Les exercices musicaux ne pou- vaient avoir lieu que le soir, après les pénibles travaux de la campagne, seulement deux ou {rois jours de la semaine; et pourtant, soit bonté de la méthode de M. de Rambures, soit dispositions extraordinaires de ses adeptes, peut- être par le concours de ces deux circonstances, telle fut la rapidité du succès que, dès le mois de février, ils exécutaient d’une manière satisfaisante des morceaux de chant à trois parties. ( 206 ) M. de Rambures était déjà payé de ses efforts ; mais certain dès lors de ne pas s'être inutilement attaché à une stérile utopie, il mit à l’étude des morceaux plus com- pliqués, et: fit: un appel au zèle éclairé du comité supérieur d'instruction primaire. Le comité indiqua un jour à M. de Rambures, et le vendredi 5 juillet 1839, une portion des chanteurs campagnards étaient réunis, au nombre de vingt, dans la grande salle de PHôtel- de-Ville , pour soumettre l'épreuve de leur savoir faire au jugement de l'autorité. 11 faut Pavouer : la plupart despersonnes qui assistaient à cette intéressante séance n’élaient pas sans préventions ; mais ces préventions ne tardèrent pas à se dissiper com- plètement. Après avoir préludé par un cantique en chœur, les élèves de M. de Rambures ont exécuté une messe de Elsner, deux motets de Choron, et le Domine Saloum sur l'air national anglais God Save the King. ls l'ont fait avec une justesse d’intonation, un ensemble, un commencement d'entente des nuances , qui ont causé une véritable sur- prise. La fugueelle-même, écueil ordinaire des exécutants, a été enlevée avec netteté ; et cela , sans aucun signe du maître qui était loin de ses élèves et leur tournait le dos. Il n’y avait pas le moindre charlatanisme dans leur appa- reil. Un diapazon et un jeune homme debout qui battait la mesure: voilà toute leur aide. Rien n’était là pour le plaisir des yeux ; on ne faisait qu’écouter , et l’impression était telle, que le désagrément de la prononciation picarde était presque insensible. L'assemblée tout entière, dans laquelle se trouvaient plusieurs membres de la Société, couvrit chaque morceau de vifs applaudissements. Le but était indiqué, avec les moyens d'y parvenir; restait encore à l’atteindre. Pendant quelque temps on ne s’entretint de tous côtés que de la nouvelle méthode mu- sicale ; puis, comme il arrive de toutes les choses de ce monde , on finit par ne plus en parler , du moins dans l’ar rondissement d’Abbeviile. | ( 207 ) Le bruit pourtant s’en était répandu au dehors. On fit de plusieurs localités un appel à la complaisance de M. de Rambures. Îlseprêta à tout; ilse transporta partout où onle demandait: partout le résultat fut le même qu’à Vaudri- court. Maisles obstacles croissaient avec le succès; les par- tisans intéressés de l’ancienne méthode ne se faisaient pas faute d'en créer: comme si le but de M. de Rambures avait été de les déposséder d’un sceptre qu’ils tiennent en souverains depuis long-temps ; comme si M. de Rambures était forcé par la nécessité à faire beaucoup de bruit pour s’attirer beaucoup d'élèves. Qu'on ÿ réfléchisse bien: l'inventeur de la nouvelle méthode ne veut nullement ren- verser l’enseignement déjà existant dans les villes, mais en créer un simple , rapide dans les campagnes: il n’a en cela d'autre intérêt que celui de la société elle-même. C’est ce qu’on avait refusé de croire jusqu’à présent, lorsque dernièrement MM. de Rainneville et de Brancher, propriétaires aux environs d'Amiens, désirant introduire le chant choral dans les villages d'Allonville et de Contay, eurent connaissance de la méthode de M. de Rambures, et lui proposèrent d’en faire une nouvelle expérience sur une plus grande échelle. M. de Rambures y consenti; mais, fort de sa conviction, au lieu de se rendre lui- même à Allonville, il y envoya un de ses élèves; et ce jeune homme, qui n’a d'autre instruction que celle qu’on reçoit dans nos campagnes, vient de mettre, après quelques mois d'étude, plus de soixante chanteurs en état d'exécuter à Amiens une messe dont plusieurs journaux ont rendu compte. S’il était besoin de démontrer que la bonté de la méthode réside en la méthode elle-même et non en son inventeur, quelle meilleure preuve pourrait-on chercher ? Les faits accomplis sont évidents. Le problème est donc maintenant complètement résola i et certes M. de Rambures a le droit d’en être fier. Le propagateur d’une idée morale et civilisatrice peut être appelé philantrope à aussi juste titre au moins que celui ( 208 ) qui prodigue sa fortune pour soulager ses semblables. Un précieux germe est contenu dans ces essais. Qu'on en favorise le développement ; que cette heureuse contagion gagne toutes les communes de France, et les fruits ne tar- deront pas à s’en manifester. Qui sait si l'enveloppe gros- sière deshabitans de nos campagnes ue sent point palpiter un cœur d’artiste! Qui sait si des accords harmonieux, frappant ces oreilles rustiques , ne feront pas jaillir le feu sacré de l’ame d’un nouveau Le Sueur? Et d’ailleurs, quand on n’ambitionnerait point un résultat de cette nature; les améliorations pratiques et immédiates, opérées par cette institution seraient déjà assez importantes. Plus d’ennui pour ces braves gens; plus de vide dans l'intervalle de leurs labeurs. Des réunions musicales, des jouissances pures et élevant l'ame remplaceront pour eux les tristes plaisirs du cabaret. Leurs mœurs se poliront au frottement continuel des belles productions de l’art. Tout le monde y gagnera , excepté peut-être les maîtres de tavernes ; mais où sera le mal? Si l’administration , et cela n’est possible qui elle, s'occupe fermement de propager la nouvelle méthode mu- sicale, notre France n'aura plus rien sous ce rapport à envier à l'Allemagne. L'opinion qui attribue au peuple Allemand un instinct de musique et d'harmonie plus dé- veloppé que chez les autres peuples, n’est heureusement qu'un préjugé. Que la France le veuille, et le préjugé sera détruit. 11 y a beaucoup à faire sans doute ; mais pour être longue, la chose n’est pas impossible. C’est par l’église que l'innovation, dont l’arrondissement d’Abbeville aura eu la glorieuse initiative, doit commencer partout comme à Vaudricourt. Les leçons du temple en effet sont gratuites et pour tous; et ce que jusqu’à présent on y a entendu, dans nos campaynes , est plus propre à détériorer loreille des populations qu’à développer leurs dispositions musi- cales. Les premiers élèves de M. de Rambures forment une ( 209 ) pépinière de maîtres prêts à se dévouer pour la propagation de sa méthode, et on peut être assuré qu’ils réussiront , mieux peut-être que les professeurs des écoles de musique établies dans nos cités. Les gens de la campagne sont plus remplis de ferveur que ceux de la ville, et moins accessibles aux distractions. Leur imagination, souvent bornée quant à l'étendue, compense cette espèce d’infériorité par de la ténacité et de la persévérance. L'homme accoutüumé à supporter la fatigue sans jamais murmurer , peut venir à bout de tout: l'exemple des habitans de Vaudiicourt, en est une preuve. Lorsque dans chaque commune on aura formé un chœur semblable , capable d'exécuter ies chants des offices , la révolution sera déjà bien avancée, et la reconnaissance du pays pour son auteur ne tardera pas à suivre. Nora. Le Comité Supérieur d’Abbeville a accordé une gratification aux musiciens de Vaudricourt. De son côté, la Société royale d'Émulation leur a voté une petite somme à titre d’encouragement et a décerné une médaille d'argent à M. de Rambures. LEFRANC. ae M” Gnservations pour servir à la Météorologie d’'Abhbeviile. PS a INTRODUCTION. Noter exactement les faits et les circonstances qui les accompagnent , recueillir fidèlement et classer avec ordre tous les matériaux propres à enchainer les effets aux causes , tel doit être le premier soin d’un observateur at- tentif; viennent ensuile les conséquences à déduire, et dont ie degré de probabilité dépendra du nombre et de la qualité des observations. Et ici, i faut être en garde contre un jugement précipilé, pour ne pas s'exposer à lirer des observations plus qu’elles ne comportent. Les statistiques et les calculs de moyennes sont d'une utilité incontestable, et sont appelés à rendre d’éminents ser- vices, mais à la condition d’être appliqués avec discrétion et intelligence. Dans certains cas, les causes se montrent facilement et en peu detemps, d’autres fois une longue série d'observations faites sans interruption pendant un grand nombre d'années est indispensable pour arriver à une interprétation salisfaisantede quelques uns des phénomènes variés que présente la nature dans l’ordre physique aussi bien que dans l’ordre intellectuel et moral. Il est des (212) questions qui, pour être résolues où même simplement posées, exigent le concours de nombreux et zélés obser- vateurs , et pour la solution desquelles nons ne pouvons que livrer à nos descendants des é6bservations bien faites et qu’ils devront comparer avec celles qu’ils feront eux- mêmes , et cela à une époque plus ou moins éloignée, dans des siècles pour plusieurs. « En météorologie, dit M. Arago, dans l'Annuaire du bureau des Longitudes pour 1836, on doit savoir se résigner à faire des observations qui, pour le moment, peuvent ne conduire à aucune consé- quence saillante, il faut en effet songer à pourvoir nos successeurs de termes de comparaison dont nous manquons nous-mêmes , il faut leur préparer les moyens de résoudre une foule d'importantes questions qu’il ne nous est pas permis d'aborder, parce que l’antiquité ne possédait ni baromètre ni thermomètre. » l’autres questions n’excè- dent pas les forces d’un seul homme et ne demandent que que‘ques années, et moins encore. La météorologie nous offre des problèmes de l'une et de l’autre espèce. La météorologie traite des phénomènes qui se mani- festent dans l'atmosphère , dans les eaux et au sein de la terre, et qui dépendent des forces physiques. C’est une des sciences les plus attrayantes et les plus utiles, tant par l'importance et la variété des sujets qu’elle embrasse que par ses applications à nos besoins. Elle étudie en effet la distribution de la chaleur, les brouillards et les nuages, la rosée, la pluie, la neige et la grèle, la foudre , les vents et les orages , les accidents de la lumière dans les vapeurs de l'air, le mirage, les aurores boréales ; les mouvements de la boussole, les variations dans la pression de l’air, etc. Qui ne comprend combien il serait important de bien con- naître les circonstances qui accompagrent ou précèdent ces divers phénomènes afin de les prévoir, pour en profiter ou s’en garantir; quel immense avantage, par exemple, ne retireraient pas l’agriculteur , le marin, de la possibi- lité de prédire avec quelque certitude les changements de (213 ) temps, les tempêtes ; quel profit n'en retireraient pas tous les hommes dans l’intérêt de leur santé ou de leur agré- ment. Malheureusement la science est peu avancée sous ce dernier rapport , quoiqu’elle soit en mesure d'expliquer la plupart des phénomènes météorologiques pris isolément. Triomphera-t-elle un jour de la difficulté? Qui oserait affirmer le contraire à la vue des merveilles qu’a enfantées Je génie ou un travail persévérant. Une autre considéra- tion d’une haute importance est la détermination de l'état hygrométrique d’un pays , de sa température moyenne et des extrêmes des variations journalières, de la quantité d’eau qui y tombe en pluie ou en neige, et sa répartition entre les différents mois de l’année, ainsi que la direction dominante des vents. Notre santé, nos récoltes sont puis- samment influencées par la manière d’être de l’atmosphère dans chaque localité: on sait qu’une plante ne prospère que sous des conditions de température et d'humidité parti- culières, à part la nature du sol ,et pour un grand nombre de familles, dans des limites peu étendues. Les données météorologiques dont nous vencns de parler sont des pre- mières à consulter avant de tenter l’accliimatement de plantes ou d'animaux étrangers au pays. Ce serait donc une chose précieuse pour l’agriculture et pour les indus- tries qui s’y raltachent, de même que pour l'hygiène géné- rale, que des tables météorologiques présentant les garan- ties d’exactitude désirables. Les éléments nécessaires pour les dresser sont en notre pouvoir : des instruments, sinon parfaits, au moins assez bons pour obtenir des résultats suffisamment approchés, et une patience éclairée ; il n’y a donc qu'à vouloir. Pour nous, jusqu’à ces dernières années, ce n’était guère que pour satisfaire notre curiosité que nous faisions des observations météorologiques, qui ne comprenaient d'ailleurs que les phénomènes relatifs à lhygrométrie, aux vents et aux températures les plus remarquables, nous leur avons depuis lors donné une autre direction et les avons complétées ; nous n'avons pas omis (214 ) un seul jour d'observer le baromètre etle thermomètre aux mêmes heures qu'à l'Observatoire royal de Paris, sans compter l’hygromètre et l’udomètre, et de noter l’état du ciel le plus souvent possible ; nous y avons apporté assez de soin pour pouvoir offrir nos résultats avec confiance. Le zèle intelligent d’un de mes élèves, M. K. Callary m'a été du plus grand secours, il m’eût été impossible sans son aide de recueillir les milliers d'observations qui sont résumées dans ce mémoire. Les encouragements que nous avons reçus, et en particulier de M. le Ministre de l’agri- culture et du commerce , nous ont prouvé que nous étions dans la bonne voie, et nous y avons puisé un nouveau motif pour nous livrer sans relâche à des observations qui ne sont pas sans utilité, et auxquelles nous consacrons tous les loisirs dont il nous est permis de disposer. Rapportons d’abord en peu de mots la position topogra- phique d’Abbeville , centre de nos observations. Abbeville est située à 50° 7° 5” de latitude et 0° 30° 18” de longitude occidentale , à 20 kilomètres de la mer. Les escarpements qui forment la vallée dans laquelle cette ville est située sont des monticules peu considérables , comme les monts de Caubert, dont le point culminant n’est qu’à 77 mètres au-dessus du niveau de Ja Somme: cette partie la plus élevée et la plus proche de la ville abrite un peu des vents de Sud et de Sud-Ouest. A l'Ouest, la vallée est ouverte par la baie de Laviers qui laisse une libre circulation au vent de mer; les vents d’Est ont un facile accès par le rideau presque plat, très-etendu , qui est coupé par les petites rivières de Lheure et de Caux. Les environs d’Abbeville étaient autrefois beaucoup plus boisés qu’ils ne le sont maintenant ; il y avait aussi des cours d’eau plus nombreux ou plus abondants : je rapproche à dessein ces deux faits. Il paraît en effet incontestable , et l'expérience s’est faite d'elle-même sur une grande étendue dans l’ Amérique , que les déboisements , les desséchements des marais , les tra- (215 ) vaux agricoles exercent une notable influence sur l’état physique d’un pays (1). Comparer le climat actuel d’un pays avec ce qu'il était il y a des siècles est une chose fort curieuse, et chacun a pu lire dans l'Annuaire du bureau des Longitudes pour 1834 l’intéressante notice où M. Arago établit: qu’il est à croire que le climat d'Europe ne s’est pas détérioré ; que certaines parties ne sont pas plus froides, d’autres pas plus chaudes qu’elles n'étaient jadis, maïs que dans certaines régions de la France, les étés semblent être aujourd'hui moins chauds qu'ils ne l'étaient anciennement. Ainsi en 1561, il existait dans le Vivaraïs des vignes productives dans des terrains où maintenant la vigne ne mürit point, et dans la partie du même pays où la vigne est encore cultivée, les vendanges se font deux ou trois semaines plus tard qu'à cette époque. On sait que l’empereur Probus accorda aux habitants de l'Angleterre la faveur de planter de la vigne, et, pour choisir un exemple qui nous touche de plus près, que les vignerons de Beauvais se présentè- rent au concours pour fournir la table de Philippe Auguste des vins de leur erû, et les vins actuels du département de l'Oise sont au moins médiocres ; dans le département de la Somme la vigne n’est plus nulle part cultivée. Il en était autrement il y a des siècles, la vigne était cultivée assez en grand autour d’Abbeville, pour que le faubourg de Menchecourt fût presqu’exclusivement habité par des vignerons ; voici du reste une pièce à l'appui, extraite des archives d’Abbeville : « Le 8 mars 41453, le prieur de (4) « Des étés plus longs , des automnes plus tardifs et les ré- » coltes aussi retardées , des hivers plus courts, des neiges moins » hautes, moins durables, maïs non pas des froids moins violents. » (Volney , du Climat et du Sol des Etats-Unis.) ( 216 ) l'église et couvent de St.-Honoré de l’ordre des Chartreux- lès-Abbeville, donne à cens annuels et perpétuels à Ma- thieu Madourel, vigneron , une pièce de terre, située à Demenchecourt, auprès de la justice, et contenant six quartiers et demi ou environ, tenant à diverses autres pièces en vignes. Le dit Mathieu sera tenu de planter et avignier ces six quartiers et de venir presser tous les aisgues des vins qui y croîtront au pressoir des Chartreux sans pouvoir aller presser ailleurs, si ce n’est de leur consente- ment». Ainsi cette pièce de terre tenait à d’autres plantées en vignes , et le vin ne pouvait être fait que sur les pres- soirs des Chartreux , ce qui indique qu’il y en avait aussi qui appartenaient à des personnes étrangères à la com- munauté , et par conséquent que la vigne était cultivée d’une manière permanente et sur une assez grande échelle. Il y une soixantaine d’années, à onze heures du matin, on sonnait encore aux Chartreux une cloche que l'on ap- pelait la choche des vignerons , sans doute parce que cette cloche annonçait jadis aux vignerons que l’heure du repas était arrivée. A dix kilomètres d’Abbeville, à St.-Riquier, la vigne était également cultivée au neuvième siècle : M. de Châteaubriand , dans ses études historiques , donne un extrait du dénombrement des biens immenses que possédait abbaye de St.-Riquier au temps de Louis-le-Débonnaire ; on y remarque le passage suivant , au sujet des redevances de chaque corporation de la ville au profit de abbaye : «la rue des Vignerons donnait par semaine seize setiers de vin». Ne doit-on pas conclure qu’à St.-Riquier , comme à Abbe- ville , la culture de la vigne n’était pas sans importance? La température aurait-elle baissé depuis lors d’une manière sensible? Avant de répondre par l’affirmative , il faudrait savoir si nos ancètres ne possédaient pas des espèces de plans hâtives, s’ils n'avaient pas quelque pro- cédé pour élever la qualité d’une liqueur peu bonne d’ailleurs par elle-même, et surtout , si le vin qu’ils obte- naient des raisins de leurs crûs seraient potables pour (ass) nous. Car la difficulté n’est pas d’avoir du raisin , de pro- duire une liqueur fermentée de qualité quelconque, mais de récolter un vin qui se puisse boire agréablement ; et à cet égard , les données manquent , aucun document de quelque valeur n’est venu jusqu’à nous, mais il est certain que de tout tempsil s’est fait à Abbeville une grande consom- malion de vins du midi; les vins de Bourgogne y étaient aussi appréciés. D'un autre côté, pour faciliter quelques comparaisons , j'ai recherché en quelles années dans l’intervalle d’un siècle, de 1700 à 1800, la Somme a été prise de glace à Abbeville : En 1709, la nuit du 5 au 6 janvier ; En 1740, la nuit du 9 au 40 janvier ; En 1741 , la nuit du 26 au 27 janvier ; En 1757, la nuit du 7 au 8 janvier ; En 1768 , le 5 janvier ; En 1776, la nuit du 27 au 28 ianvier ; En 1788, le ? janvier ; En 1799 , la nuit du 19 au 20 décembre. Autres hivers rigoureux, en 1716-1726-1742-1762- 1767-1784-1795-1798, pour lesquels il n’est pas fait mention de la congélation de la Somme. On sait du reste que plusieurs circonstances atmosphériques , telles que le vent et la sérénité du ciel, à égalité de température dans Vair , ont une grande influence sur le refroidissement des corps exposés au rayonnement , en particulier sur la con- gélation des rivières. Il faut de plus remarquer qu'il existait alors six moulins sur la Somme, qui établissaient un barrage près du pont de la Portelette. Que conclure de ces rapprochements? Il n’est guère pos- sible que de hasarder quelques conjectures, et c’est avec une extrême réserve que nous dirons qu’il est probable, si Von en juge par les modifications que les déboisements , les défrichements et les desséchements de marais ont ap- portées dans le climat de certaines régions où le travail de ( 218 ) l’homme a changé l’état physique du sol , qu'ici, comme dans plusieurs localités du centre et du nord dela France , les étés sont devenus moins chauds, et peut-être leshivers moins rigoureux , et qu’en définitive , la moyenne tempé- rature s’est plutôt un peu accrue qu’abaissée. Sous le rapport de la fréquence des pluies, même incer- titude que pour la température : comme nouveau moyen de comparaison , je vais rapporter ici les années où l’a- bondance des pluies a provoqué des prières publiques à Abbeville , de 4720 à 1780 : En 1725, procession le 8 juillet pour faire cesser la pluie qui fut presque continuelle pendant tout l'été ; En 1737 ; En 1739, procession le 29 juillet et prières jusqu’au 12 août , elles furent recommencées le 16 août jusqu’au 25 ; En 1740 , pendant les moissons ; En 1751 , processions et prières le 27 mai , le 44 juin ; elles ont été continuées jusqu’au 45 septembre ; En 1763 , procession le 1°". dimanche d’août, et prières pendant les mois de juillet , août et septembre ; En 1766 , procession et prières du 28 juillet au 41 août ; En 1767, pluies fréquentes en mai et juin, procession le 4 juin, neuvaine le 31 juillet, renouvellement des prières le 24 août ; En 1770 , procession et prières le 20 juillet ; En 1776, - id. le 20 août ; En 1777, id. le 4x. août. Pendant le même temps, il n’est fait mention qu’une fois d’une extrême sécheresse , en 1731. Le 22 avril, pro- cession générale pour. demander à Dieu de la pluie: nouvelle procession et prières le 27 mai jusqu’au 45 juin. Nous trouvons aussi des années signalées par une chute de neige ou de grèle extraordinaire. Neige: en 1716- 1741-1757-1767. Grèle : le 17 avril 1718, grèlons pesant jusqu’à 6 onces. (Le 5 juillet 1760, à Arrest-Cattigny, près de St.-Valery-sur-Somme, grèle énorme pendant un quart (29) d'heure ; les grains , dit la chronique, pesaient une livre). De fortes inondations se sont aussi produites dans le courant du dernier siècle. En 1709-1716-1741-1757-1784- 4799. En 1709 , le jour des plus fortes eaux fut le 15 jan- vier, en 1741 le 414 du même mois; les inondations de ces deux années, ainsi que celle de 1784 ont été moins consi- dérables que celles de 1716, 1757 et 1799. La plus remar- quable du siècle est celle de 1716 ; la nuit du 29 au 30 janvier, les eaux se répandirent dans toutes les parties basses de la ville , elles s’éte:dirent les jours suivants dans les chaussées Marcadé , d'Hocquet, dans tout le quartier St.-Jacques et jusque sur la place St.-Georges : l’eau entra dans les fours à cuire le pain des maisons qui sont hors de la Portelette , et à Rouvroy , dans l’église. En 1757, dé- bordement des rivières de St.-Ricquier et de Drucat dans la nuit du 21 au 22 janvier : la Somme sort de son lit le 30 et entre dans les maisons de la Portelette , où elle s’é- lève à un pied dans plusieurs. À Rouvroy, l’église est inondée, et la chaussée est couverte à plus de deux pieds de hauteur, pendant 4 à 5 jours. En 4799, il y eut deux inondations; la première le 26 et le 27 janvier, la deuxième fut dans son plein le 15 février : les faubourgs Rouvroy et des Planches sont submergés , la chaussée Marcadé est couverte d’eau le 27 , les quartiers bas de la ville sont en- tièrement inondés. De violentes tempêtes méritent aussi d’être signalées : en 1726, au mois de novembre, il fit nn ouragan si violent que la croix du grand clocher de St.-Pierre fut ployée; En 1735, le premier septembre, un fort vent de mer fit un grand ravage dans les campagnes ; En 1736, le 13 octobre, vent impétueux; beaucoup de maisons furent découvertes, une quantité d’arbres déracinés ; un désordre affreux sur la mer ; En 1737, le 16 octobre, tempête à Abbeville avec nt dégats ; En 1765, le 4 octobre, de 5 heures da soir à 2 heures (22 ) du matin, coups de vents extraordinaires qui abattent beaucoup d’arbres ; des troupeaux entiers sont précipités à la mer. Nous noterons enfin plusieurs orages et ns de la foudre : En 1712, le 30 juillet , chute de la foudre qui tue une sœur converse ; En 1718, orage avec grèle ; (En 1719, le 29 mars, l’abbaye de St.-Riquier fut brûlé par la foudre ); En 1757, le 14 juillet , la foudre tombe sur un arbre du rempart , au coin de la rue de Larquet ; (En 1760, le 45 juillet, trombe avec grèle, chate ré- pétée de la fre! à Arrest-Cattigny , près St.-Valery ) ; En 1765 , le 2 novembre, la foudre tombe sur l'église St:-Gilles , fractionne la flèche et plusieurs ie de mu- raille. Je dois dire en terminant ces citations qu'un manuscrit contenant les principaux événements arrivés à Abbeville, dans le courant du dix-huitième siècle, et que M. Sifiait a bien voulu mettre à ma disposition, m’a été fort utile ; je n'ai pas manqué non plus d'user de l'obligeance et du savoir de notre collègue M. Louandre. Pour la suite de ce mémoire, j'ai consulté souvent les notices de M. Arago dans les Annuaires du bureau des longitudes ,\a Météoro- logie de M. Pouillet et le mémoire de M. Bouvard sur les observations météorologiques ( Mémoires de Re des Sciences, tome vi). Nous allons actuellement rapporter nos propres obser- vations. Nous commencerons par l’hygrométrie, à laquelle nous adjoindrons l'électricité atmosphérique ; viendront ensuite les températures, les observations barométriques, les vents, enfin quelques météores lumineux. J’indiquerai en leur lieu la position des instrumens, et les précautions prises pour obtenir de l’exactitude dans les observations. ( 221 ) PREMIÈRE PARTIE. HYGROMÉTRIE. L’hygométrie traite des météores aqueux ; elle étudie la rosée, les brouillards, les nuages, la pluie et la neige, la grèle et le grésil, c’est-à-dire l’eau en vapeur, ou liquide, ou congelée dans l’atmosphère. Quelques géné- ralités sur ces météores ne seront peut-être pas déplacées ici. Une évaporation continuelie porte des vapeurs dans l’at- mosphère en quantités variables, suivantla température, l’étatstatique et hygrométrique delair; ces vapeurs peuvent étreinvisibles, dans cetétat elles augmentent même la trans- parence de l’air; quand elles sont visibles, elles sont compo- sées d’une multitude de vésicules creuses, et, suivant jeur hauteur, elles constituent les brouillards ou les nuages. Les vapeurs qui forment les brouillards repassent à l'état de vapeurs invisibles par l'effet d'un accroissement de température ou de l’arrivée d’un air sec, ou bien elles s’élèvent pour sejoindre aux nuages, ou encore tombent en gouttelettes connues sous le nom de brume. Les brouillards sont en général plus fréquents , à mesure que l’on appro- che des pôles , ils le sont aussi davantage près de la mer. De même les nuages se dissipent ou se résolvent en pluie. Les principales causes de la pluie sont l’abaissement de température des couches atmosphériques où flottent les nuages, leur rapprochement , électricité. Et ici il n’est pas inutile de rappeler ce qu’il faut entendre par années humides et par années pluvieuses. Les premières ne sont pas toujours celles où la quantité de pluie estla plus grande, mais celles où l'humidité s’est fait sentir le plus souvent , le plus long-temps ; les secondes sont celles où la quantité d’eau est considérable. Si donc des pluies fines et fréquentes ont eu lieu dans une année, elle paraîtra pluvieuse et (22) pourra n’avoir été qu'humide ; de même une année pa- raîtra sèche, s’il a plu peu de fois, et elle pourra être comptée comme pluvieuse, s’il est tombé beaucoup d’eau, ne füt-ce qu’en quelques jours: tout dépend de la manière dont les pluies ont été réparties dans les différents mois: il est essentiel d’être bien fixé sur ces expressions. Lorsque les nuages sont saisis par un vent froid ou qu’ils se forment dans des regions de l’air où la température est au-dessous de zéro, les vésicules dont ils-sont composés secongèlent et deviennent la neige, la grèle ou le grésil. Le grésil se montre dans les orages faibles et passagers ; « la grèle précède ordinairement les pluies d’orages, elle les ac- compagne quelquefois, presque jamais ne les suit; ilestrare qu’il grèle pendant la nuit ». Les orages sont en grande partie occasionnés par l'électricité. Sous l'influence du fluide électrique, les nuages oragenx se rassemblent et sont entraînés quelquefois avec une rapidité e{frayante, et Pon sait que les forts coups de tonnerre sont ordinairement suivis d’un redoublement de pluie. Je ne dirais rien de la chute de la foudre, si je n’y trouvais l’occasion d’exprimer la surprise et le regret que les paratonnerres soient encore si peu répandus. Dans les tableaux suivants, j’ai réuni les observations relatives à la pluie , à la neige , à la grèle et au grésit, au tonnerre, depuis le 4°" janvier 1833 jusqu'au 30 avril 1842 inclusivement ; dans chaque colonne sont indiqués par quantièmes des mois les jours où les phénomèmes météoro- logiques correspondants se sont produits, ce qui permettra de comparer facilement avec des observations faites sur d’au- tres points aux mêmes époques; viennent ensuite d’autres tableaux, dans lesquels plusieurs des phénomènes météoro- logiques dont nous parlons sont envisagés de diverses ma- nières, eu égard aux mois, aux saisons , aux vents, aux phases de la lune ; enfin , la première partie est terminée par l'indication des principaux orages et de l’inondation qui ont eu lieu à Abbeville dans la période que nous étudions. Pluie ù Janvier. 28.29.30. Février. 29: Mars. Avril. 21.24.29. Juin. 30. Juillet. 19.21.22.23. Août. 22.25.30.31. Septembre, 28. Octobre. 23.21. Novembre, 29. Décembre 31. 1.12.17.26.27. 1.2.7.9.10. 1. 13.14.17.18.20. 24.25.26.27.28. 1.6.7.16.19.21. :| 1.2.3.9.10.17. 2.3.4.5.6.12.13. :144.45.16.18.23. |24.25.26.28.29. 1.2.3.7.11.12. 1.3-4.5.8.41.14. 15.16.17.18.25. 9.42.14.15.16. 17.18.19.20.22. 1.3.5.6.7.8.11. 21.23.25.27.28. .| 2.3.5.6.7.8.10. 11.14.16.17.19. 20.22.23.24.25.121.27. (233) ANNÉE 1833. 1.2.3.4.6.7.114. | | 13.14.15.16.18. : [14.16.17.19.20. DEneps Neige. RES et Grésil. Toners ciuef 1.4.31 A. A. A. 15. 2. |7.8.9.10.| 7.24.22. à: 11.20.21. 124.25. 22.23.24 25. 9.10 1113.14./4.24. 20.26. 18. 27.28 10.12.16. 19. 17 3.4.26. 8.13 A. 23. 8.21. 31. 10.29. DE 21. 45.16 | 3.29. 28. 1.4.9.112 6.11.12.| 5.11.17. 15.18. A7. 19. 30. ( 224 ) ANNÉE 1834. Pluie. 1.3.4.5.7.8.0. .. 1318.25. [1.7.18. |10.14.12.13.18. 29. 116.17.18.19.20. 22.23.25.26.27. Janvier. 28. 5|5.6.7.11.12.15. 5.11.12. |12. va 5 |20.21.27.28. Per à i[16-232728. 29. 25. 25.29. FE. | ——_—_—_—_—_—_—_— | —————_ | _—_—— — EYE 27.28.2934. |10.14.12.| 41.10.14. 28.99. 0. 13. 12.43.29. 1 22 10.18.17. 15. =[18: : | 13-8.1001.12.13. 1. £14.16.17.18.22. * [27 —_—_—_—_— | ————_— | — | .12.4.5.6.7.18 21.| 19. 22.26.28 29.30. Juillet. . [2:7.8-20. 21.22. 1.8. 24.25.26.27.28. 29.30.31. MLITTV IN CS.. SN SNS NEED (ua. 2:/1.2.6.8.9.11.12./23. 7: 5 |17.27.98. Ï 5110.14.15.17.18.11622. | |17.26. [14 | | Août. 5121.23.25.26. |27.28. 4.9.10.41.22.| 2.6.7. 27: 29. 23.29. 1.2.7.8.10.42.| 3.25. 10. Er à 15.17.22.31. |26. Es Décem. |Novern. | Octobre Sept Du] ( 225 ) ANNÉE 1835. | Pluie. Petitepluie Neige. Grèle et Grésil. | Tonnerre,éclairs |5[ 1.8 10.14.14./23.26.117.19.20.[47. 5116.17.25.. K 24.22. :12.7.8.12.45.16.15.14. |10. 21.23.24. £1147.18.20.21.22. 26.28. k|23.26.27.28. 5 1.4.6.7.9 11,12 12. 3. 1.40. 1.3.4.6:7.14.7. 2 |144.15.17.18. 8.9.10. ’ m1 3.4.5.10.15.18. 16.17. 16.17.26.13. 2 19.20.22 25.96. 27. 197.29. 1.2.6.10.12.413. 2 12.15. £ 14.15.18 23.25. 26.27.29. :13.4.6.7.8.23. 24.122. 6.25. 5.6.7.8. 5125.26.27. 313. 13.48.27. 5. Es 2.3.5.27. 3{ 3.14. 20.21.22.16.7. UND DE E |. "4.920.241. 24. 2124.25.26.28. 122.24. É L.5.8.9.10.11.| 14.27. 9.11. 49.40.11. 5112.13.16.17.18. 21. Ë 19.20.21.24.28. PS0 2.3.4:5.8.9.10. 10.27. 40. #141.12.13.14.20. l : 123.24.25.26.27. 28.29.30 31. :1 5.8.12.15.16.|18. 9.11.16. 19.414. 2 117.26.27.29.30. 814.5.9.13.18.29.130. |19.20.24./4.9. A. ë 23. 15 ( 226 ) ANNÉE 1836. Pinie. Petitepluie Neige. — ——_———_— | | ————————— | .[3.44011.1213.,5.6.22| 1.3.10.13.29.30. 15.19.23.23.29. 42. 30.31. L à -11.2.3.4.8.14 17.16.7.9. | 3.17.18.114.17.18.| F #124.25.26.28. |10. |19 25.26. Hate Fé 10.14.12.13.14. 93.95. 2115.16.17.20.27. 28.29.30. Le Septbre 27.28.29. 1.2.3.5.6.8.9. 1.12.22./1.8.22. 5114.12.43.44 15. 24.26. 2 |16.22.23.24.25. | |28.29.30. RE | 4.2.4.6.7.8 9.111.25./2.3.29. | 2.3.4.9.140.47. # |10.14.15-20.22 29.30. 123.24 26.29. :14.2.3.4.5.6.22. 6. * 123. k | 4.2 3.4.5.7.10 3.4.8 A1 5 141.16.17.18.19 17.18.24 120.21.22.24.26 30. 1 442.45 17.19.1418. | A. 2 |20.21.22.23.24. * |25.29.30. | 3 14.5.14.20.23.24. 1.18 | _ |3.4.5.14. 128. | : .|2.3.4.5.6.7.8.9. 15.19. 130 3 4.7.10 1 RE PP 0 or 97 28. k 51 2.3.4.5.6.8.10. 11.16./8.19. 4.5.6.15.|5.6.7.10. 2 113.14.17 18.19. 27 28. 18-19. 5123962930. | 1.3.7.8.9.10.11. 4.5./24.25.26.. To. A1. |8.9. 12.13.14.16.18. 19.21.|28.29.30. 20.23. | 31. | 5 A pe) E Fe) F1 2 =] D =. 6.31. 22.23.24. ä = À Avril. É 129.31. £ 5 = 29.30. |17.20.24.26.27. 28.30.31. Septembre 19. 14.17.20.21.24. 25.26.27.28. : PSE TA. 13.414418. 49.21.22.23.24. 8.9.11.42.13. 14.17.19.20.21. 4-6-11.18-26-50. 3.4 15.16.17. 20.21.22 23.94. 26.27.28.29.30. 3.4.5.9.12.13. -M4.15.17.18.20. 24.22.23.27.98. 1.3.8.9.10.11. 13.16.18.20.21. 14.15.16.18.19. 20.21.22.25.28. 1.4.9.10.15.16. | 41.2.3.4.42.13. 14.15.16.17.18. 13345010 ( 227 ) ANNÉE 1837. Petitepluie Neige. Grèle et Grésil. Tonnerre,éclairs! 9.25. 12.5142.44.114.17.21. 21.28.29. 29. 27. |24.25.26. 42.20.24. 27.28. 5.26. 2.17.| 1.2.3.4.| 7.20.21 | 7.20.21.127. | 22.25.26. | 27. 4.5:6.7.8.| 7.10.42 9.10.11,124. 17. | 8.26. 10.20. 113.28. | 19. 9.10.43.| À _17.29. 31. 21. 22.29 10.11. 17. 20.31. 6.8 3 EE 31 | 4.29.30 131. | 13.19 |17. 2.4.21.2. 22. 27. | 22.24.16.7.8.9. |” ( 228 ) ANNÉE 1838. de Pluie. = Petitepluie| Neige Éfdie. ct grésil. Tonnerre;éclairs. 5.29.31. 7.8.9.10 19.30. 5 - 114.13.14. ! : 15.16.18. ——_——— |__| —_—_—_— | ———— | ——_—_— mm | ——Ù—ÙÙÙ "À —…—…—"—— | ————— EEK UT 19.21.123.24.31.17.8. 17. 27. 15.16.17.20.24. 2.6.7.8.16.17.15. | 41.16.18 |16.17.18./16.25.26. à 119.20.23.24.26. 19.20.29. | 19.20.28. “130. 29. [ 11.2.3.4.5.17.20.l 2-5.-28.29. 5122.23.24.25 28. 7 199. + À 7 14.3.4.5.6.10.11./16. 5 6-12-17. :142.14.145.17.18. 18. 3119.20.21.25.26 (28: © é: 1.2.3.4.6.7.13.| 8.18. 6. 6.13.14 2114.15.21 22.24.28. 7 126.29.30. 2.3.4.5.6.7.8.|13.29. 193.20. 3 91.29 23.24.95. < 126.28. 5 15.6.7.8-9.10-19. 15. 5.6. 5 [20.21.24 25.28. | 5129. | | 41 841.12.13.14.| 5.16. 42.7! A7. Octobre. 115. 17.18.23.24.|20.27 26.28.29.30.31. 1.2.3.5.7.8.9.'4. : 2. 10.11.15.17.18. 19.21.22.27.28. 129.30. 5] 1.2.3.4.5.7 8. Novembre 27. | 4 ns $ 18.25.26.18. | LAUNES (22 ) ANNÉE 1839. Neige. Grèle et Grésil. | Tonnerre,éclairs .[8-9 15.:6- 7.8-15-16. 7. .14.15.19.20. 19 22.23.122.30. .22.25.29. 24.26.27. 28.29.30. 31. 2.5.18.14.16.| 6.10 | 1.2.3.20./16.17.19.| 117.19.20.22.23 111. (2225. (95. TA. FE 16.17.48. | 6.7.8.9. 7.8.9. : |20.21.22.93 24. 2 125.26.27.28.29. 1.2.3.5.17.18.| 3.12.13.5.8. 17. 19.20.23.24. 43. 5.9.42.13.14./20. (15. |12.24.25.| 5.6.7.8. Avril. 3 |15.16.19.22.24. 9.15.30. 25.34. 31. 2.3.4.6.7.8.11.130. "117.26.28.| 8.13.14. :113.44.15.17.18. 45.17.18. 19.21.22.23.24. 22.26.28 Juin. 125.26.27.28.29. | :17.8.9.12.18.20.| 2.10. | | 7.8.9.47. à |22.24.25.26.27.119.31.| 24.28. 4.7.11.18.46.[10.13. 16.18.19. 3 117.18.19.20.21 |27. 20. ]28.30.34. 1 2 3.4 5.6.12./8.25. AIS. 13.141418 13.44.15 16.17. AS 1920.24 27 123.24.26.28.29. Septembre :12.3.4.5.9.11.13.|7. 29.30. 130. | 90.10.11. 2115.17.18.24 27. | 128.31. 2.3.4.5.7.9.40.116.25.| 11.14.15.18.19. 20.21.24.26.29. 5.11.12.13.14. 10.28. : : 4h: 15.18.20.21.22. 23.24.25.26.27. 28. Novembre. Décembre. ( 230 ) ANNÉE 1840. Pluie. 2.3.4.9.16.17. 18.19.20.21.22. 23.24.25.26.27. 28.29.30.31. Petitepluie Neige. Grèle et Grésil, |Tonnerre, éclairs] 7 16.20. 16.24 26. 20.24.23. 26.29. Janvier. ————— | …——__ | —_——— 1 ————— 5-6.7.8.9.12.13. 14.15.16.17.18. 21 2.5.6.9.17.19 15 |24.25.26.27.28. 2.3 4 5.6.7.8.9. : [10.14.13.18.20. 241.22.23.24.25. 26:27.28.30.31. 7.11.12.13.14. |15. 16.17.18.19. ———" 000 | 2e © ——— Juillet. no) QE a = =: > >= re [Si 15.16.17.18.19. 22.23.24 25.26. 97.28 29 30. 1.3.4 5.6.16.18. 19.22.24.25.26. | Septembre. > ” Octobre. Do] L.- æ œ à td © } © ! ER e—— a —— — — — 11142.143.A4.15. 16.17.18.20.21. 22.23. a Novembre. Se LE go = 7 11.29. | 7.16.17. 16.18.19. | 18.49. | | | Décem. ( 231 ) ANNÉE 1841. Pluie. Petitepluie Neige. Grèle et Grésil. Tonnerre,éclairs| 1.2.3.10.44.12.; 3.4.5.6-7.13.24. 13. 8/13.14.15.16 17. 9.140.143. £118.19.23 24.26. 20.21.24. 31. | 8.12.13.14.19. 15.17.11.2.3.4.5.127. 5 125.26.27.28. 6.10.95. = ni 127.28. “| 2:3.5.7.47:20. Te É191.22.23.29.30. *131. ï 1.2.4 5.6.8.9 18. |9.12. 1.9.14.| 9.29.30. 2 110.41.12.14 15. 12.16. 2 116.19.24.22.23. 125.29. : * 11.2.3-4.5.6.7.8. 2.20. |1.24.5.6 :140.12.48.19.20. 7.8.20. 2 |24.22.24.27.98. 24.27. 29.30. 5.6.7 38.15.18. 11.12. 7.29. |18.23.29. :149.20.21.22.23. 2 124.25.27.28.29. 30. | 4.5.6.7.8.9.11. 1.2. 13.14.15. .[12.43.14.15.16. 18. - 18.19.20.21.22. | 23.25.28.29.30. | Juillet Aoùt.. , eptembre. 2.3.6.7.8.9.11. 4. 11. 11.24. 6 cos Octobre = Sn = SE = SSR NN 9 Use NN NN > 1.14.12.43.44.10. |14.15.16.13.14.20.13.16.22. | 18.19.20.21.22. 17.18. 23.24.25.27.98. 29.30. 1.3.4.6.7.8.10. 41.12.13.14.16. 17.22.23.24.25. Novembre. 20.28.117.19.22. 8.17. 6. Décembre. ( 232 ) ANNÉE 1842. Pluie. elite pluie ige. Grèle et Grésil. | Tonnerre, éclairs - 15.16.26.28.31. 2.3.4.5.6.113.16.22. : 7.16.22.|123. = 23.25.26: 1 1.3.7.40.14.12. 125.26. |25. É113.21.22.23.24. ë|925.26.27.28. 1.2.4.5.8.9.10. 122.23. |19.20.24./10. 11.12.13.18.19. | 20.21.22.25.26. | Mars. 28.29.30.31. ÊE 1.2.3.12.13.14. | 3.13. |23.24. = = > < 23.24.27. JOURS PLUVIEUX PAR VENTS. Moyennes |14 3 15114 à 15] 5à6 | 8a9 de + dus 32 à 83/25 à 26 annuelles Il résulte de ce tableau que les vents rangés d'après le plus grand nombre de jours pluvieux correspondants se présentent dans l’ordre suivant : Sud-Ouest, Ouest, Nord- Ouest, Sud, Nord-Est, Nord, Sud-Est, Est. ( 233 ) “sieur ‘jnoe 79 teur ‘ao1iAo} ‘aotauel ‘jiae ‘oiquasop ‘jepqinf “un ‘oiquoaou ‘9140790 ‘oiquojdes : jueains o1pao | suep qjuoquosoad 9s xnoranjd snof op aiquou pue snjd 97 saide p so$uea siou so] onb nuajqe) 29 ap o7nsou I] :sa[pensuacu souua4ony 9E FERETIFTIRET) ST |FEUCIIFIRET (io ÿ) GISI TY8T OST GE8T SE8T LEST- 9887 -qw229ql queA0oN ‘2140190 ‘quado® °1n0y ‘eppme ’um£ “en “uv "SIC ROCECE 0 ROUE ‘‘soauuy "SION UVd HIN'Id 44 SYNOf AU HHANON (234) con d *9'# + aanyesoduwos 66 mu0GL Henhivew o1guoieq a1 “O6 1e19 1ueA o7 ‘spansaur 1e{ onb xnoo ep suoIsuup Say muoreae SuO20ySop s4ednd oj ‘sainuiut 03 2p sojd uepuod ‘39 ‘essiede nequion sAçou e{ ‘100498, 9p ans 1non8u0] ep S119NU99 (ç jueteae mb's@eooy sap o1nsout 1e,f ‘1108 np FLE soanou 6 & SY8L 191149] 98 9"f ‘SU020; sèp An98S048 6] aëd jnoyns ejqenbiumos ‘ojuepuoge oâ{ou ‘uneut np gl} sainou ge É6GSE 1HAUG 071 (‘uN) N. | à “leu ‘9140790 9AQU9AOU [IAE “91{W999p ‘seu JorAQ ‘1OtaUel : JUEAINS 91p40 j Suep quoquasgud 25 o8tou 9p sinol sop oaquou af sgude p spsse[o sioux sa] onb.neojqey 99 ap oppnsu J] ee | azur | [eo er) Ger ges ele ‘(sion y, IT | el at | II. OF8I 688 S88T LES 9€8T ces €8I gs HDomen € G ta LA 2 L Y. « T mo SION MVd A9IAN A SUNOf 3 S a Qi] e BE -2 Se mm amamn | = L S © = | ge : le cs at ni 5 | QmAR OM E à Ho SF AOMN Co) À Æ Lane — Le] LE ———— ro 2 > 2 = S LAN, m'mmie.s < 5 & ‘3 ei © el 3 8 = ES 7 mm Kb) rS pe à 2 ANRmm mA à = D ES, = “< ST 2 3 ŒMWES © Æa — 2 = — mimi nn Sem v E DE a 4 = 4 & (SE © & 2 CNE LES UNE Tr YA E.o0 5 £ E léeu | ARRTE = ro 2e ed (a) £ | am rs a am mo fs a = = El =) 3 à S = & = © “à Am NamAe | = Et © _® m |? m|s=sL2s à E -O œm'°* = ae : 3 3. ® = pes] É ah Dh D SN ES eu ei 10 ON # = Ga £ — Æ ; «| So —'& S g menace ne | 4 SE Ë [s2) ES Go S un = 3 — 5 — ai 2 (==) HE miam à mA 2 6 | = À 5 LUE L —_ : — ce Ë lmmmmancda Flo gs e =) = Sn 0. =) © = . LR 5 © = 7 silo Ts 3 |mewmermaomaz |5S 9 Lo À [mans annesane |5E QE» 2 Ë GO GO 50 GO GD GO GO 00 JD D E m2 = £ = < ee ee ol © & 1 Lt = « [BE © © © — ES = © PLUIE, NEIGE, GRÈLE OU GRÉSIL (réunis), SUIVANT LES LUNAÏSONS. Années. Nouvelles Lunes |PremiersQuartiers| Pleines Lunes. |Derniers Quartiers ———————————————.…—…—…—….…"…"…"…".——————"———_—_————————— À Il résulte de ce tableau que dans une période de 9 ans 4 mois, le nombre des jours de pluie, neige, grêle ou grésil, a été moindre de 72 aux der- niers quartiers qu'aux pleines lunes et de 63 plus petit qu’aux premiers quartiers, plus grand aussi dans la période croissante que dans la période décroissante. Ce résultat est assez en rapport avec des observations du même genre faites dans d’autres lieux, ( 236 ) PLUIE, NEIGE, GRÈLE OU GRÉSIL (réunis), SUIVANT LES SAISONS (1). Printemps de DE RER 2 DD j——— LODÉE. soon RTE = 2 EOD Dh nerse co O0 OV rormrmoossode DV ——— 109... sovrossse ne ET [— 1ODOesrnorpmousune cr DL | — 109Y css sors stens con DO [ee L1OÉEcsscsseuesnsre crosse Em | OUPS. -.snsrrn us Hiver de 1833-34... ————— /S3/L......, ee —— — …....... TT 109 .sessrens rs ——— 10950-57/......:.. er 2 LLLLLELE] °Pecochihse ————— 1058........91| ——— 1858 59......... ——— —— 99 | , 109 9J-AU0......... = — ess | AOL -ÉEbossossnss Sommes... .…....463 Sommes... 459 Moyenne......51 à 52 MAYEHNE.S. 51 Il résulte de ce tableau que le nombre de jours où il est tombé de l’eau à Abbeville est à peu près le même au printemps et en été d'une part, dans l’hiver et éans l'automne de l’autre, et que l’automne est pour la période ot (4) Ici, comme dans tout le cours de ce mémoire, je considère les saisons à leurs époques réelles. ( 237 ) de 9 années dont il s’agit, la saison où il est tombé de l’eau le plus souvent à l’état de pluie, de neige, de grèle ou de grésil. JOURS DE PLUIE, NEIGE, GRÈLE OU GRÉSIL, PAR ANNÉES. AS SDUER 0 MUR EE 184 jours. ASS AEUTESE T ARR n A CA 146 ASSET. | Sn 00 168 ASS NE: * mage cut 218 ASDT IE © New 2e 200 ASIS APS Are lo de 197 HS O EEE MARS ARE Te 227 ASAUE. 7 nu... - 196 RSA 5 éme 0e 239 1842 (4 mois)... . . . . 61 HOTAI IE. . . . A836 en 9 ans 4 mois. Dans ces 1836 jours sont compris 170 jours où il est tombé une très-petite quantité de pluie ou de neige, ce qui réduirait le nombre précédent à 1666. Les 9 années, de 1833 à 1841 inclusivement , ont fourni 1775 jours, ce qui donne en moyenne 197 à 198, et en ne comptant pas 170 jours où la quantité de pluie ou de neige a été fort petite, on a 1605 jours en 9 ans, et en moyenne 178 à 179 par an, ce qui est environ la moitié des jours de l’année. QUANTITÉ D'EAU TOMBÉE EN PLUIE, NEIGE, GRÈLE OÙ GRÉSIL. Depuis 18 mois seulement, nos observations sur les quantités d'eau sont assez exactes pour que nous puis- sions les rapporter ici: l'appareil qui nous sert est un udomètre ordinaire cylindrique, à entonnoir, placé hori- ( 238 } zontalement dans un lieu découvert , à 34 centir au-dessus du sol. En 1841. Centimètres. Janvier... . . . . . 40.175. . . . Février. : … . - 41H60... . Mars se 0 2 6 3.735. . . . Agris ÉUEr 2T A.900. . . . PIERRE + 1 10.300 D: . 00... 4.575 Donlet... 29e +. 16.667 NOUt- . Fest 8.050 Septembre. . . . . 7.200 Octobre... . . . . . 12.500 Novembre.. . . .. 11.100 Décembre., . . . . 8.075 Somme pour 4841. . . 98.917 - res En 4842. Centimètres. On trouve pour les saisons les quantités suivantes : printemps de 1841; 19°.575; été, 30°.690 ; automne, 33°.152; hiver de 1841-42, 14°.275. “3 (239 ) A “9Iqu9AOU ‘91{U909P ‘JOTAU LA9} ‘o1q0190a1quodos ae ‘seu ‘url ‘joqqunf ‘jmpoe ‘retu :jueains 91p10 Suep quoquasaid es sdius} avoq op sinol sop o1quou oj aide p sassepo Siouwu so] nb neajqe) 29 9p 2H0S9x I] ous | se arerilerear 207) CT [FEecrILER9r) er reerlor cl cvs alt ‘ ‘(srou y) LI | 6 GI | 9. | ay8r g ÿ 9 | Gr ar À c 8 & | 6 | 8 | F5 |.c 81 H | 8 £t | OT | 61 | 6 dy | ar | re | | 51 | er | oÿsr O0 | ç 1 | 2 | or ler. | 8 "|"ou Lcr À er or |"2 À 66sr 6 ç L £t | Cr. | er | &r=| 26 OF | 97 | 1 | ST | sesr L 0E | 67 | 97 : #1 | 61 | 61 | © y &t | O1 | L | L68r e or Ve | 6 1 om! r1S)#7e 66 ge | 2 le6 Ro gr | ap | O1 | or 9x k ge | 81 | Sr | &r | gr | 9 | L | cesr at cr | GE | Où Sr | Gr | parc. K9Ë À à] GT | °c, P'85 € OF | 25 | 95 61 | 2x | 4 | 16 | 0j | à | € €T |. 668r “09 ‘AON ‘2140390 “1dos "0y “erpnc ‘ump "ten "ILAF "SAN . \ RCISLER 0 “Joraueg "saauuy ‘SION AVd SNL NVH4 (240 ) JOURS DE BEAU TEMPS PAR ANNÉES. Rs à sue ee RU à 152 jours M EE A à 179 ASS br es eee 163 1836: -… . .u8 1 S': 123 M LR D. 144 ADS: M CU ee he 145 7 RES: 2 x0ReLtA de à re 130 ADI. D Ce 164 ALES de à 100 1842 (4 mois)... . . . . . 48 Totale. "ue. 1348 en 9 ans 4 mois. - Les 1300 jours de beau temps dans l'intervalle de 9 années , de 1834 à 1841 inclusivement , donnent en moyenne 144 à 145 par an, nombre inférieur de plus de 175 à celui des jours où il est tombé de l’eau. -20On peut dire en général que l’année 1834 a été sèche, surtout au printemps et en été; le printemps et l’été de 1835 secs ; l’année 1836 presque constamment humide; l'été et une partie du printemps de 1837 secs ; l'année 1838 humide, sauf l’hiver qui fut très-sec et rigoureux; l’année 1839 humide; l’année 1841 constamment humide et très-pluvieuse. Je vais donner ici les degrés de Fhygro- mére pour chaque ; jour à midi, depuis le 1*. janvier jusqu’au 1%. mai. . L’hygromètre que nous avons employé est un | hygro- mètre à cheveu, maïs j'ai eu soin de le comparer plusieurs fois avec un hygromètre à condensation de Daniel. Il est placé à l'ombre, à 2 mètres au-dessus du sol. \ (241) JANVIER. | Ë MARS. - AVRIL. Jours » NS TR. RE SR CS PR SE du Mois. Hygro-| Thermo- |Hygro- Thermo- !Hygro- |"Thermo- lHygro- | Thermo- 1 mètre. | mètre. | mètre. | mètre. | mètre. | mètre. | mètre. | mêtre. || 1 y2 » | 84 | 47) 891.+141.7- 721-785 2” |© B3 » | 9] LS | 65! +.86| -74 | L 6,5 3- | 74 SH NOT SO) C7 11,77 921, + 34 4 75 | —46 | M|+E1 | 8| L95 70) L65 SIT DIS | 075 0 | TO RE 73 531! 452 6 70 0 79. — 0,11 75-65! 56 | 854 7 58 | —3 83<| + 3,7h 80 | —917| 283 | E 877 8 60 | —4,6 | 83 | + 8,5, 88 | «10,5! 62 | L12 9 71} —6,4%; 83] + 6,5). 64 | + 8,5, ,53 | L5,7 10 82 |: —4,6 | 90 | + 7,5) 61 | 7,2 51 L5 11 LIRE 83 | + 8,8) 74 | + 8,5. 85 | + 8,4 MNT ES L 5 71 | 111 84 | 11] 64 | +5 13 | 71 —2,8 | 87 | + 9,5) 76 | +9 | 75 | + 6 | 44 | 89: 11,8 | 75] + 7,8) 65.) 40,1! 73 | +. 7,4 jp 45 | 91! 11,7) 80 | L8 | 60 | L122) 68 | L 94} 16, | 91 | 10,6 | 90 | + 4,5, 59 | 13,5 64 | LL 6,6 IT |. 86 | 3,6 | 72 | + 5,7) 83 | 410 | 45 | +8 "18 | 94] 41,2) 84| 2,7) 74 | +98) 61 | Lai 19 | 94 16 | 90 | +2 | 63 | +76 65 | 110,3 20" | 84 | 10,4 | 86 | LL 1,3| 75 | 8 | 49 | 1555 21- |! 89 | 10,3 | 83 4,9! 81 | + 5,5: 60 | 417 222." 87 | 10,3 |‘ 67 10,3| 80 | + 5,9 60 | 121,5 RS ST |—12,7) 74 8,3 53 | +45 62 | +195 24 |. 62 |" 11 86 | + 78L 49 | L 4 | 55 | 1915 25. 90 |-—1,5 | 71 | + 7,3) 83 | L 8,3 39 | 1995 26. 89,.12,5 | 85 | +5 | 63 | L 75 40 | 192 27 | 67 5,4 | 61! +6 | 61| +7 |:43 | 416 28 | 91 2,3 | 71 | + 9,4) 90! 410 | 69 | 116 2921 91: 11,5 | 91 | +i1 45 | 21.7 30 | 88, +2 72 | +12 | 39 | 1924 31 841 19,5 | 92 | +93 Moyennes. 810,1 80°,9 | 738 60°,9 | | FEVRIER. ( 242) “191Auel 39 SAP ‘0140999 [HAE ‘2140190 ‘914W9A cou ‘osquaides ‘por ‘jaqpnf ‘teur ‘inf : jueauns a1puo,] sup quojuosoid 95 ‘ a[[{A9qUY E 9118199 19 QUUO] E [I NO sanof sap 91q ou of Soide p Sasse(9 SOI Saf nb neaïqe] 99 9p a1{ns94 IT | | *sappensueur anileremeneaevare serrer rvo € [TR 0! souuotoyy “(sou #) & Li (C « GYSI ALI ER me NRA SR eee A: siballE lg | sus: ka dos) ht him gl Lt pole le + [5 [9 l6 |8 | |«« | y | 6er Tr Poe Ve te Te TPE Te ERP Te ee ds be lo [rs le-he le Peke | 1687 EL tr Et Lea te re gr tie Lio tte dr Pr CELL Lee once PI dela be lesbc léobe dur [ue fe reel Feu le bre Jrlechr Le ce Le Scter “aq | ‘aon | 00 | ‘1des Lanoy hogmgpirunç| “wx |'uavy| "sam ‘ax “auvp | ‘sopuuy QT — — ———"—————_—_— "SION UVd SHIVTIOHQA LA AHYANNOL AU SHNOT i CHUTE DE LA FOUDRE. — —— leg En 1835, le 4 septembre, au Pont-Rouge. n°. 95 et n°. 115. En 1834, le 5 juiilet? deux fois, rue Saint-Gilles, s << re Lai n © Ce SLA = + D E LS, ms !, ©. NES € SAS 3 dr À RO +2 ms. à se 5° £ LES ae L = = © 2 Éaz*é « =] Lot * © ‘3 = = Den 4 Te Æ œ Ce] É.e « 22 = S É aie | | ERES I] = à En 1840, le 9 mai, près l’église Saint-Jacques. (243) En 1840, le 17 id. près l'église du Sépuicre. — —— le 9 octobre, aux environs de la porte du Bois. PRINCIPAUX ORAGES. 4833. = Le 24 avril, à 3 heures du soir, vent de S.-Q. — La nuit du 40 au 44 mai. — Le 19 mai, à 8 heures 172 du soir, vent de S.-S.-O. — Le 26 juin, à 5 heures du matin. — Le 23 jailict, à 4 heures du soir. 1834. Le 29 avril, à 44 heures 172 da matin.—-La nuit du 14 au 45 Juin. — Le 5 juiliet, à 4 heures du soir, vents de 8.-0. et O0. -O., remarquable par la quantité de pluie. — Le 6 juillet, à 11 heures du matin.—Nuit du 26 au 27 juillet.—Le ?8 juillet, à 5 heures du soir, vent d'E.—Le 29 juillet, à 2 heures 172 du soir. — Le 30 juillet, à 11 heures 45 minutes. — La nuit du ” au 18 Tes — Le’14 octobre, à 4 heures du soir. : 4835. Le 3 avril, à 6 heures du soir.—Le 2 mai, à midi 472. — Le 6 juin, à midi, vent d'E.-N. E. — Le 7 juin, à 4 heures 472 du soir, vent d’E.—Le 20 août, à 3 heures du soir, vent de S.— Le 22 août, à 7 heures du soir, vent de _S.-0:=Le 24'août, à 2 heures 472 du soir, vent de S.-0. — Le 4 septembre, à 8 heures 172 du matix, vent de l'O. —Le 9 septembre, à 6 heures 172 du soir, vents de N.-O. et de N.-E. — Le 11 septembre, à 6 heures du matin, veñt d'O. - Sa 1836. À Le 22 mars, à 4 Boërée du soir, vent 4 O.-S.0. -— Le 6 mai, à dhiéufes et à 6 heures dusoir, vent de S.-0.—Le17 juin, à 3'heures, vent de S.-0. —Le 18 juin, à 2 heures.— La nuit du 30 juin aa 4*. juillet. —Le.5 août, à 2 heures du soir, vent de S.-E.-Nuit du 13 au 44 août, vent de S.-0.— La nuit du 3 au A septembre, vent d'O.-8.-0.—Le 8 décembre, à 10 heures 172 du soir, vent d’'O.-S:0.: ( 244 ) 1837. Le 10 août, à 2 heures, vent de S.—La nuit du 19 au 20 août. —Le 2? novembre, à 8 heures du matin, vent d’O. 1838. Le 46 avril, à 3 heures 172 du matin, vent de N.—Le 2 mai, à 40 heures du soir, vent d’O.-S.-0.—Le 28 mai, à midi, vent deS.-S.-0.—Le 6 juin, à midi 45 minutes, vent de N.—Le 12 juin, à 2 heures du soir, vent d'E.— Le 18 juin, à midi 472, vent d'O.-S.-0.—Le 6 juillet, à midi 472, vents d’O. et O.-S.-0.—Le 14 juillet, à 4 heure 45 minutes du matin.—Le 23 août, à 7 heures 174 du soir, vent de N.-0.—Le 5 septembre, à.4 heures 172 du soir, un nuage noir, épais, traversé de larges bandes rôusses, s'élève de l’ouest en faisant entendre le bruisse- ment particulier qui annonce la chute prochaine de la grèle; bientôt, en effet, une grèle abondante et d’un cen- timètre environ de diamètre couvre la terre. Cet orage dura peu de temps, mais plusieurs autres se succédèrent, sans grèle ni forte pluie.—Le 6 septembre, à 2 heures 472, vent d’'O, 1839. Le 9 mai, à 9 heures 172 du soir, vents de S. EÆ. et S.-S.-E.—Le 31 mai, à 6 heures du soir, vent d'E.-S.E. —Le 8 juin, à 3 heures 472 du soir.— Le 43 juin, à 6 heures 45 minutes du soir, vent de S.—Le 14 juin, à 8 heures 45 minutes du suir, vent de S.-S.-0.—Le 18 juin, à 4 heures 45 minutes du soir, vent de S.-0.—Le 22 juin, à 6 heures 45 minutes du soir, vent d’O.-S.-0.—Le 26 juin, à 41 heures 40 minutes du matin, vent de S.—Le 28 juin, à 9 heures du matin, vent deS. 0. —Le. 8 juillet, à 3 heures 172 du-soir, vent de S.-0.—Le 9 juillet, à 3 heures 45 minutes du soir, vent de S.-0.—Le 28 juillet, à 10 heures 40 minutes du matin, vent d'O.-S.:0.—Le 16 août, à 2 heures du soir, vent deS -O.—Le1®. septembre, à 2. hetireh du soir, vent d'O.—Le 11 + oublie à M.heures 174 du seir. (245 ) Nous allons donner une description détaillée de l’orage du 47 juin. La journée fat belle, la chaleur forte, le ther- momètre monta à 31 degrés 172. Dans après midi, un orage se forma du côté du Nord; le vent régnait du S.-E. À 4 heures 172 un vent de N.-N.-O. s'étant élevé, poussa le nuage orageux au-dessus de la ville, eu même temps le ciel se chargeait de plusieurs côtés. On pouvait alors distinguer trois orages , ou si l’on veut , trois nuées ora- geuses, qui tendaient à se réunir : la première s’avançant du N.,la deuxième du S.-O. et une troisième du S. 174S.-E. d'un aspect menaçant. Mais la première fut jetée par le vent dans le N.-E., la deuxième passa daus l’O., la troi- sième fut la seule qui donna des gouttes de pluie. Quelques roulemens de tonnerre se firent entendre jusque vers 8 heures du soir, où il s'éleva un peu de vent et le ciel parut s'éclaircir. Cependant des éclairs vifs ne tardèrent point à briller de tous les points de l’horizon; pendant ce temps un nuage noir, traversé de larges masses blanches, montait depuis lO.-S.-O. jusqu’à l’O.-N.-O. ; coups dé vent impétuéux ; l’orage éclate à 40 heures du Soir. Le tonnerre gronde sans interruption, des éclairs éblouissans font paraître le ciel en feu , et pendant un quart d'heure une grèle épaisse tombe avec fracas et couvre la terre de glace; les grèlons étaient d’une grosseur énorme, on dit en avoir ramassé qui pesaient plus de 100 grammes; dans lés jardins, les grèlons ont fait des trous dont quelques- uns avaient 5 centimètres de diamètre. La partie N.-O. dAbbeville est celle qui a le plus souffert. La nuit fut calme après ce violent orage. 1849. ' Le 9 mai, à 4 heures 472 du soir, vent de S.—Le 16 mai, à 3 heures 45 minutes du soir , vent de S.—Le 17 mai, à 3 heures 40 minutes du soir, vents de S.-O. et d'O.-S.-0.—Le 9 novembre, à 3 heures 474 du soir, vent d’O.-S.-0. (246) 1841. a£ j Le 9 avril, à 5 heures 45 minutes du soir, vent de N.-N:-E. Li 29 avril, à 2 heures 40 minutes du soir, vents de N..et S.—Le 1°. mai, à 5 heures 472 et .à 41 heures du soir, vent de S.—Le 20 mai, à 441: heures 472 du-matin, vent de S.-0.—Le 24 juin, à midi, vents de S.-S.-E. et S.— Le 29 juin, à 8 heures du soir , vent de S.-0.—Le 15 juillet , à 8 heures du matin, vent d'O.— Le 18 juillet, toute la:nuit et la matinée, pluie abondante, orages el tempètes, vents d’E. et S.-E.—Le 3 septembre, à 4 heures 172 et à 6 heures 45 minutes du soir, vent de S. : INONDATION A ABBEVILLE. Dans la nuit du 13 au 14 j jauvier 1841, les rivières de Scardon, Novion et Sotine ayant débardé par suite d’un dégel subit et de la fonte rapide des neiges , le faubourg de ‘la Bouvaque a été submergé , ainsi que ra jardins de la rue Pados; dans les rues d'Avignon, du Colombier et quelques parties de la chaussée Marcadé, la circulation fut interrompue. La nuit du 14 au 15 la crue des eaux a doublé et la rue Ledien a été submergée. Le 417, à 41 heures dn soir, la Somme étant sortie de son lit, déversait ses eaux dans le faubourg des Planches : dans la journée du 18, presque tous les points des faubourgs de la Porte- lette, des Planches et de Rouvroy furent successivement envahis par les eaux. Le 19, depuis Long jusqu’à Abbe- ville, 84 maisons étaient cernées par les eaux et presque toutes abandonnées. DEUXIÈME PARTIE. £ TEMPÉRATURES. Nous ferons précéder nos observations relatives à la chaleur de quelques généralités sur les températures, comme nous l'avons fait pour la première partie. Les (247) corps renferment plus ou moins de chaleur , dont une partie est latente et l’autre sensible ; cette dernière con- stitue la température du corps. La latitude, la différence de durée des jours, la hauteur du sol au-dessus du niveau de la mer, la direction des vents, sont les causes qui in- fluent le plus fortement sur les variations de la tempé- ralure d’un lieu à un autre. Pour connaitre la température d’un lieu, on éherche la température de chaque jour , puis celle des mois par la moyenne des jours, ensuite celle des années par la moyenne des mois, enfin celle du lieu par la moyenne des années, et l’on conçoit que plus il y aura d’années, plus on pourra espérer d'approcher de la réalité. Pour obtenir exacte- ment la température d’un jour, il faudrait observer le thermomètre à chaque instant du jour et prendre la moyenne de {outes ces observations ; mais en prenant ja moyenne du lever, du coucher du soleil et de 2 heures après midi, on arrive à une approximation suflisante. On arrive au même résultat d’une manière plus simple, en prenant la moyenne de la plus haute et de la plus basse température de la journée. Cette dernière méthode est celle qui est suivie à l'Observatoire de Paris ; c’est elle que nous employons. Il est à remarquer que la moyenne température d’un lien est assez bien donnée par la tempéraiure d’une source abondante qui sourd de terre à une certaine profondeur , ou par la température d’une cave ou d’on puits à 29 ou 25 métres au-dessous du sol. Il est prouvé, en effet, qu’à cette profondeur la température est constante toute l’année et invariable pendant des siècles : au-delà se manifeste un accroissement de température qui paraît régulier et que l’on évalue à 1 degré par 20 à 25 mètres suivant les localités. - On appelle lignes isothermes celles qui passent par les points du globe ayant la même température moyeune, isothères celles qui passent par les points ayant la même température moyenne l'été seulement, isochimènes celles ( 248 ) qui passent par les points ayant .la même température moyenne l’hiver seulement. Ces lignes ne coïncident pas généralement avec les parallèles géographiques; diffé- rentes, causes , notammen£ l’exposition , le voisinage des terres, des montagnes et des mers déterminent la Eh ration de tes lignes. S'il est important de savoir h température moyenne d’un lieu* il l’est peut-être encore plus de connaitre la distribution de la chaleur dans les diverses saisons et la variabilité de température diurne, Nous avons eu soin dans nos tableaux de marquer la température moyenne pour chaque jour et la différence entre les maximum et les minimum ; nous avons aussi tenu note de l'heure du maximum. Je rappellerai encore que l’on distingue les climats constans qui n’offrent que peu de différence dans le cours de l’année entre les extrêmes de température, comme 6 degrés, variables ceux qui offrent d’assez grandes différences, par exemple 15 degrés, excessifs ceux qui ex présentent de très-grandes, telles que 30 degrés. Il est évident qu’à égalité de température moyenne , les pro- ductions ne peuvent être les mêmes dans ces trois sortes de climats: (Météor. de M. Pouillet). Les thermomètres qui ont servi pour nos observations ont été vérifiés plusieurs fois; notre thermomètre à maxima el minima est un thermométrographe de Bunten. (Les ther- mométrographes n'étant pas en général fort sensibles, nous en avons éludé lemploi aussi souvent que nous l’avons pu. faire). Les instrumens sont placés-à l'ombre et au nord, à 2 mètres au-dessus du sol, librement suspendus dans Vair et garantis contre le rayonnement de l’espace et du sol. Les degrés au-dessus de zéro sont. indiqués par le signe +- (plus) et les degrés au-dessous de zéro par le signe — (moins), suivant la notation convenue: Nous n'avons fait usage que de la division centésimale ; toutes les températures sont exprimées en degrés du thermomètre centigrade et en dixièmes ou centièmes de degrés. Dans ( 249 ) les tableaux suivans , nous donnons la température de chaque jour avec la moyenne et la plus grande différence en 24 heures; viennent ensuite d’autres tableaux dans lesquels nous envisageons les températures sous divers points de vue, eu égard aux mois, aux saisons, aux extrêmes de variations diurnes, aux jours de gelée sur 1 s É 823 ADAEETAEE GO D 10 0 et © © 0 SE D NN CAD Nm Em DE oi ESS | AG AS NAN 09 a GS a 00 a65 GS ar 8 a a GA 1 O0 00 00 mt où E = Ë ,£ CÉOMECEBOT EEE LELERTEEEEEEERE a DES Re ER SR ess moi tr Ce =. 8 | RER T TT T7 77 JS £ = Ra ONCE OSNROLNECSGmnMmESC NN | 8 es RSRE | Sodomie nSo STE TS Se 0 mie où où «f 65 uw pe ? 2 LOUE LÉO TRE 144 2 NE: SOPDOSNONMMISMAMOONTMMEMMOLME = te DÉS SH ADO CD 29 20 19 219 GA LOGS OÙ 29 MA ES mi ET SI SOS TD £ Fe PRÉ Rome le PRIT RE EI DIT “a “ = =) = = 22 | PIANO OL OO © ON O9 HO OS 00 D © æi EN O9 AH 19 © CO ES ee su ra El NN NNNQN ON NAN = & Fe d 8 o D D NON 90 OS ON © SH Où 10 Où OS 100 19 KA wi © OP 19 00 O0 > AA CD 00 wi a 2 ÉREET | GR NE NO QT OS I EE 1e 08 GT 08 «D 08 05 vi sh a 08 08 où QUE #ù «E «h Lu ñ a SEE JE | RRRASSRIRSSSISUMNERRRSASLERLERSS Ë = S SES | DOTE Re © a QD ar «D 00 GS I pr 215 KG OS 1 7 06 00 ar m4 a à OO a a ER CCE RSC ER nn a TLO 0 10 ON HS © © 00 ni DD 0 D'OOUMONOMOOMNHIE RER d @ pu Bb S'S OS 00 mot m1 Sd flo D 8 SSH MO NSMMLONNTSHE | A lea] EE A É + + : ne me e se es RÉ LIU IR Er 7. So à DELNPONSGMOMMEÉSENONNMOMNOLM EME = D = BÉ'E E DIPDOOMRMORNS MERS Mr MO MmOLSMSÉ MAMA = = Eel RE ALT te ve nl el = o SOUS SRE HAITI TITITI Ii 8 SR ere | rnrsrercocnanseerresnainteenenez 5 EEE ———_—_—_—_—— + MARS 1840. | - | Tempé- | rature Jours , du | mois rence des È ë g © hé É El | maxi- rmum, Tempé rature mini- TL & A de S © 3 sf 29 Ga a sh re et rl St pe SAS NrRT cn # ESS | 1 ON C9 Ha © Le 4 ON © eh 19 © = 00 wi ON O9 ha CO © | chere BRAARNRERERS Dr EE LE RE RER NEVER Où SSœor et SR En Be wsSois STE ESS 15 8R SARA ARERAARERSPE ETS Dis AE nt ut ea 14 1 l+ | a ON 9 SH 10 © L> 00 Où © pi ON mn me HT 410,13 Moyenne du mois. Moyenne du mois... —2,90 ——— | ———— = Lt Ds s ” s mn ei aoenc Sonouaaouue Heh ok fond feed, ant fek ji s » ro © ON Qt dei pe mt Fi © à ON 90 © mi © 0 00 © 7.00 #00 D » s DEN D © © © Et Û ST KO Oo 00 9 I © Qt © Ur = Pb pb pet s s n s el S 2 RER SR CAR s S - s © © O1 Or OAI © © © Où 0 I © Go O1 © © 9 Or M do s ÿ y Ù) SHÉLCHEOONHR ON 00 I © s s s S 3 LS So o O1 A 00 Où GO I O9 O1 I y Où SI Q2 ON D I Où ÿ © QU Et Or Où Co O7 M9 Moyenne du mois... +15,70 JUIN 1840. Tempé- Tempé- rature | rature 2 colo ture L. des 1 moyenne. ! extré- ES | mes. —— | maxi- muni. 8,5 197,1 47.80 18,6! 2,5 -L27,8 20,15 15,3 8,5-145,7|+12,10 7,2 5,2 146,5/411,05 11,7 0,1,113,9|111,80| 3,4 8,51L23,1|15,80 14,6 4,0419,0+16,50 5,0 8,0 Les 16,25 16,5 14,8|-225,0/419,90 10,2 11,5/417,5 14,50, 6,0 6,8|-L20,8 13,80 14,0 1,0|-29,7|+16,85 11,7 3,0/-19,0/+16,00 6,0 7,7 |95,5/ 416,60 |17,8 2,5|+24,0/ #18, 5113,5 1,2[4:23,0|+17,10/11,8 2,7|+18,5|#15,60| 5,8 9,8|—18,51-114,15| 8,7 1,2/21,7/116,45|10,5 1,0[+-20,0|+-15,50| 9,0 7,8|25,3/ 116,55 117,5 12,7|#19,5/ 116.10! 6,8 11,5|19,2|-115,35| 7,7 + 9,9[+16,8|/12,90| 7,8 9,5|-L18.2/-L13,85| 8,71. 10,0 . 14.50| 9,0 13,0 17,25| 8,5 11,0 on ; 15,75| 9,5 9,21-L29,0 15,60 112,8 12,0[+-22,01+-17:00110,0 JUILLET Tempc- | Tempc- Jours fi Témpéra- | rence u EME |'hoine ture des mois; LE ut moyenne. |extré- üm. | mum. | 4 À 7|| 42 1 3 4,5 2] 4 8,0 7 5 5,0 >) 6 7,1 , 2) TE | 8,0 ,2 8 6,5|| 4] 9n 7,2]: ,8 10 7,7| ,9 | 11. 8,1 D 12 8,71. 0 | 13 9,31 : 57 14 .7|| Le ,0 ,) Î ,0 ,7 ,8 29 |[143,1|199/5| 147,80) 9:41 29 |L13:8|. 30 |413:81 217,515 65! 37| 30 |412,21-125.2 31 14137 291,51417,60| 7,8 31 |- Moyenne du mois... 15,12 ms tu mois... 16,70 D NHIO GO © 17) GO) D NICE CD © M pi QD EN A HO CO DIR Eh GOLD ED D GO Le, = ee D.2 D. © © D MM U0DS LMAMNEESMUONMECMNMESS ESS BD EE AD EE © © M OC S HE IS © 00 D rA 00 Lie SP © m4 1 © D © 9 DAUMO I PAROI LOI, 00/00 EE OO EE NI PE, KE 0100; EEE LE 00 FAR PRERRREEREPEBEREE PES moyeune. | extrè- + 8,33 A = PR Rs m. u OCTOBRE 1840. mi DR NNNNRNNNE NME TON ot [=] AN Url t= 00 © © @Ù aDiaH 10 ©) = 20. > > += EE à BRESIL 19 00 7 00 Ke 0 M? 19 > 1 ON GO 1 © > MO = GO 1 D mois. Jours du Moyenne du mois. (253) n à FA 5 # Ÿ d fa a ES © E] DOODOQDLODLOSREOONOULLOSLONCESLE CA © #1 00 © ON vi 69 00 en GI NA ET Sans EP EE + ture +-13,05 & ù = 5] He 5 £ Ÿ =" El G E A 7 Hÿ A Re SaD SH SET SD ss Peu PRE NOE ETeE EUS CE Prière RER et tte Re nn nul Or] Le NE) APM DEPOT SHOT ERNANTENERE SEPTEMBRE 1840. Moyenne du mois... DÉCEMBRE 4840. NOVEMBRE 1840. sessnenuesenes ee nor $ FE io LE AR OR S Se DER E sh en ee = - | Tempé- rature i- | maxi- Tempé rature Tempéra- ture CON E RES sRsaeuss2see ERALRE l So © moyenne. CCR RC =" Là ECC RNA US NS SI | LS SAS NN ar anereS ES ET RC er us Bei € mum. mere ere een mnt eee eee LR en sn E . CRRRRÉOE PEER RER LU Jours du mois. mi où A0 R 0% © | POS EPDELEECE RER ZRRAN MAL + 7,14 r EI ‘Moyenne du mois. — 1,82 Moyenne du mois. (255 ) iffé- des D moyenne. | extré- Tempéra- |rence mes. CCR ES RS SR LS | en ON be on on A aa O9 OS ES ES A ON 00 ht A ee GO Arr er er mie © à HULL CIE CIE = GI Ce} S è 8 9 «x ea ae © © 0 ea wi 08 1e 00 DS 06 ad as SE mit | $ LIDIL RER | + ou SE —————— are DARAANENTNSSNANNMONNSSMANESOR ; DETTES he ur Le». A À = - El = Sri: | GAAEONLASOMAMMNRSANANCSSENNE ‘5 S MSis É Re es es ELLE LS I RIRE REP ë a » e Fe fi, | ronvconpes tn S Ans Rae D Su Ù CEGETEL OELLTELTA aisés | 09 a 1 08 07 SES 6 GTS 265 GG mt QT A 0 0 «55 vi 65 6 «5 GÙ Le] n = É,Ë LARLLRERTANRANESSARETANRELEELSAS & + ÉE D sono QUeA 00 GE ce) GIE SAR ET ENG D) EE) EN ES LE © = dl £ Ë à HE | III LE | + RRERONENoNNoSmeneNCNRoNSeransSeen | : es TE PAT D ef OÙ ee 08 PS QT SR AMSEMNSCMMEDSSMAN à BOURSE RER RER RER À E F5. | ARNRRÉRSSOSNNSNNSSSSONSANRMENRA 5 A Dé: E Nos sono me NS anodin iSS ts dei S a Es EL ë œ Cal =] - À | Le) = 00 Où © vi ON CS me © UT IS EU Où HET Hoi je feet jen mb © CE ND © © pa C9 D © CO pe jet OZ Hi Go O1 Où 10 O9 Où AN ES AN QUES O1 On I Où © s s ei s OUI ES ho Uo Ge ea © ho 4 Uo OU a het 4 Go On © Ge On te Go Ur On O9 © Our AY UUNI s s s s LS S s Moyenne du mois, Tempé- r'alu ‘e maxi mum, | | 1844. Tempéi:- tue 1uoy?nne, CRC M SE GO Q9 QD © I EN KO PI ON YA SI pi O9 ED SI AS et O9 HN O3 CD Pat » w HO ST S SSSR SS S | Difié. rence des extré: mes. (NS CA APE ML A Ca LOL HR Qu er C9 OLA Er CC ) Gr C0 @ © CO 9 O0 @ Qt to No O0 Us =E > € MN MN No €0 OO EN 7 Que Ge Ne C5 Cet EN SU 9 © ES Fr © OÙ O2 I ND C0 QE ET NO ON OÙ HS ON HS M Qt Où DS I ON QE #2 0) s HOTT ( 260 ) DÉCEMBRE 1841. NOVEMBRE 1841. ë 8 & ù ë © @ Ë ) s Jour. des || du mois. moyenne, |extré- maxi murm, Tempé- | Tempé- rature | rature . ture eurs du ois d m mini mum, 19 eE'e] 20 SERSSRSReLAS PR RERÉERMEEE EE | res EE at ON 9 HN © Le 00 Où © vd GI CD SH D CO Fe 00 > D md GI AD SH 19 © be 00 O © = et ee pe ee pe ed NN NON ON GE ON ON ON © © 1,© © 19 2 2€ Wan 10 1 419 D OSSQ 19 © 19 19 1 © © Sasesersseuus HESenencensuures pe pe ve ei ve PRE ERP ERELERTE PÉEERREE PIE MES ÉÉÉRE LÉFRS ON 9 HD © Le 09 D © 4 NN 9 HD © > 90 Où ee et et + 6,5 Moyenne du mois. + 4,76 Moyenne du mois. ( 261) JANVIER 48/2. Diffé- rence lié reuce D Tempé- |, Tempé- Lempéra- ruture des moyenne. |extré- mum, | ÉRRE RE RERRRET ralure Jours mum, da mois. des ture moyenne. |exlre S É + 3,98 DS le À 4 =] HER ETUI | NN M SH a0 De CD Ti © va C1 HD D e OD © Des OV 69 HN CO > D Se 2 et 2 ET ON OÙ NN Qt 9 GO NN Moyenne du mois. | GO NH KH ES 20 9 CO 15 © D HIHI ÿ Tempéra mur, mu, | | | | (Moyenne du mois... — 4,46 ( 262 ) AVRIL 1842. MARS 1842. D LR RUN OS SLR OL D RER ER 0 16 AIT A, un: © ne MTS bn den TR le CES de mes. | LE 00 19 6 © OH © © À © MO 0m ON MIO NMOGNY 10 10 10 Shi Le Diffé rence des ed ve ON ee ee pe et et L'ÉRRL en 2 LEE EC 1 © 19 10 © Q D 2 9 © DIS CO OMNDOOOUNDUMUMMAS CRT RS Cm NA mn mn ST mn EN nn neue NN nm Re ro en RU Sri moyenne |extre- Tempéra- ture RS ES SD RO TRE N ne Que MAL MN ES A n'6 nt Un en Un NE 2 3 ME ä ESS É A MO NN GINN mm = SN ‘eo SR A 2 2 PEL RAS NN SRE MS NE ETS ASTM ESS SN RE D'OTmSS if SO ei © ef m9 6 Soin fon OS 00 € 1 00° à RTS UV RETIRE III ERRREEEEH À ÊSS | TRemnpraeeneneds de RAT ARE ® SONO OS Nan OR RS mn em RnB 6 nn mes, Diffé- renc: des | DOS EE © ASH ON © © 6 9 0 CN C0 © 29 M © Le ON 20 De Ten PR ER D PR nn En UN En n nélns =. PLQ er 7 QT ni sn re moyenne, |extre- # Tempéra- ture M D NN © DO © mi O Le Où mi Où © M H © © CO 00 Le LD AD AD © OÙ GO mi CÙ OÙ ne pe ie ve RE ES A OP EAN D 9 ln a Ga a EL 22 2 to Lo a hr] r>- = ON A SH aQ EE @ © © 1 | TION RUR EORS COR ENTER AS CT CS PRÉ EEE rs …+ 8,11 Moyenne du mois. + 6,94 ( 263 ) TEMPÉRATURE DES MOIS. 1840. JABNIeRS A EME + 3,34 HÉVRICL AMP MATE + 3,22 RTS Ve Su RTE RAr 0 — 2,90 AN LS PT Re 10.13 MAÉ DRE An LRU 13,38 re dada NE dt 15,70 June tee SET ES ven 15,12 AOUES TL 0 ARR rl +16,70 Septembre . . . . . . . 13,05 Octobre PANNE +-78,33 Novembre... , . . : . . 7,14 Décembre. . — 1,82 1841. 1,93 : 187 8,53 L 9,19 15,03 14,12 14,73 415,97 16,00 10,71 + 6,50 0 76 1842. — 1,16 + 3,98 + 6,94 + 8,11 TEMPÉRATURE DES SAISONS. Hiver de 1839—1840.... 3,64 — de 1840—1841.... 2,60 } Moyenne + 2,99 — de 1841—1842.... — 2,73 : CS de AM C2, | Moyenne +1,85 MU eee DAS V'oyene 6 CO de Al LL 8,63 | Moyenne ++ 7,40 TEMPÉRATURE DES ANNÉES. CU Pour BAL. LL 998 | Moyenne + 9,4 Nous avons rapproché dans les tableaux suivants les températures extrêmes et moyenne de chaque mois, avec les différences de ces extrêmes à la moyenne, et la plus grande différence de température dans chaque mois : (4) température maximum, (2) température moyenne, (3) température minimum, (4) différence du maximum et de la moyenne, (5) différence du minimum et de la moyenne , (6) plus grande différence du mois; de même pour les autres mois. ( 264 ) 1840 ; M3, 1 le 24 Janvier. . .|[(2)+ 3,34 EU (625,6 (3)—12,5 le 11 11,6 le 10 Pépin. 1 3:22 8,88. 195 — 79 le 24 11,12 É 10,01e58,9, 308131 zyp Mars: 200 2,9 > 17,2 LEA 10,10 27,0 les 27 et 28 Abel: 2:18 16,87 29 3 —,9,3,Je 5 12,43 | 2,2 Le 3 Mai... MOIS ss Mag 237 À 05 le 23 PE 427,8 le 2 tot on, * Juin... . . 1157 APE 002.6 L 59 le 4 427,0 le 16 Juillet. . | 48,22 a AE. 24,5 EG dede 29,0 le 6 KoùE PNR TE 12,80 99 3 ERA 10,00 28,9 le 2 Septembre . de rer 24,4 1,5 le 18 215,8 le Le ER Le a L 833 False Mne2200 5 lei 44 8,33 | 16,7 le 16 ss Novembre + 7,14 P 24,2 — 45 le 29 11,64 + 8,5 le 4er Dénenkresilit 25 1189 10,82, 29,5 —_12,0 le 25 10,18 Janvier. . ++ Février. . . HI + + + 3,6 le 14 24,7 le 4 Juillet. . .| 14,73 + 7,5 le 17 26,1 le 31 15,97 + 5,2 le 25 28,2 le 11 Septembre .| +16,0 — 8,0 le 7 19,7 le 4* Octobre. . . Novembre.. Décembre. . —+ 6,5 le 27 — 1,46 —10,2 le 9 12,3 le 11 14,5 le 16 7:56 Mars. . . .| — 6,94 ; 16,5 34e M 8,94 25,4 le 30 Avril + 814 al 27,4 — 2,0 le 10 5 Plus haute température de l’année 1840 : le 6 août, de +29,0 Plus basse température : le 41 janvier, de —12,5 Différence de ces extrêmes... 41,5 Plus haute température de l’année 1841 : le 27 mai, de —+30,5 Plus basse température : le 9 janvier, de —13,0 Différence de ces extrêmes... 43,5 Dans les tableaux suivants, j'ai réuni les extrêmes de variation diurne de température, comparés à la variation moyenne pour chaque mois: (1)plus grande variation diurne dans le mois, (2) variation diurne moyenne, (3) plus petite variation diurne, (4) différence de la variation maximum à la variation moyenne, (5) différence de la variation diurne minimum à la variation dirne, (6) plus grande variation diurne de température pendant le mois; de même pour les autres mois. ( 267 ) 1840 (DI1,9 le d4 = Janvier. . .|2) 4.62 OT 610,8 (3) 11 le 21 (D/2B2 13 4 le 25 9.73 Février. . . 5,67 3 57 14,3 21 le 5 eu 16,8 le 6 8.38 Mars 8,45 6,65 45,0 18 le 19 22.2 le 27 AT | 13,22 AS. 190 UE 0 les 10,22 19,2 Je 2 Mai. . . . .| 4049 D 50 33 le 23 7,19 | 18,6 le 4 Min . 8610 59 082450 34 le 5 7,12 19,5 le 16 Juillet.. . S58 nee 46,7 2,8 le 18 à 18.7 le 4 Aoûte;. . |V0 9:06 no ie 4.5 le 47 2,56 13,7 le 4+ > Septembre .| 7,73 ee 3,b le 29 ? 13,8 le 44 ñ Octobre. . | 736 nes TM 2,7 le 17 1 ; 9,7 le 46 4.6 Novembre... 5,1 AA 9,0 07 le 22 9,6 le 26 Décemeren EE 16 0 “ 9,4 0,2 le 21 ? ( 268 ) 1841 14,5 le 10 6.6 Janvier. L,9 39 10,5 1,0 le 49 9,0 le 18 A 13 Février. . .| 4,87 57 8,7 0,3 le 9 ? 16,8 le 16 Mars. . . | 9,0 1 15,8 1.0 le 3 d 16,9 le 29 s1 Avril. . . .| 8,8 63 14,4 2,5 le 23 15,9 les 1 et 16 5.9 Mai. . . . .| 10,0 6.0 11,9 L,0 le 29 ? 15,4 le 17 one TS ns 13,1 . 2,5 le 11 4 14,5 le 17 Juillet". | 206.87 AE 1,4 le 18 ? 16,7 le 20 aottét. 1908 PL. 18) 2.8 le 9 à 14,3 le 2 Septembre . 8,69 … 41 ,4 2,9 le 4 2 10,5 le 23 : Octébié: . logo ce 8,2 2,3 le 19 ? 10,6 le 49 Novembre. .| 4,22 de 92 1,4 le 4 ‘ 7,0 le:10 Décebre na 77 3223 Ga 0,8 le 44 18 le 22 Ne 12,0 le 45 5H Février 6,5 3 8,9 3,1 le 3 ? 12,2 le 15 : Mars 5.67 + 9;7 2,5 le 18 2 17,4 les 24 et 29 Ava 1033 me 16,7 | 0,7 le Arr. ; Plus grande différence diurne dans l’année 1840 : le 27 avril, de 22,2 Plus petite différence diurne : le 21 décembre, de 0,2 Différence de ces extrêmes... 22,0 Plus grande différence diurne dans l’année 1841 : le 29 avril, de 16,9 Plus petite différence diurne: le 9 février, de 0,3 Différence de ces extrêmes... 46,6 HEURES DES MAXIMUM DE TEMPÉRATURE. 1840 1541 1842 nombre nombre nombre de fois. de fois, de fois, Matinée ? » » 2 De midi à 4 b. » » & Delh.à2h. » » 7 De 2 h. à 3 b. » » 8 Janvier. . .| Vers 3 h. » » 6 Vers 4 h. » » A Toute l'après-midi. » » (1 À 8 h. 172 du soir. » » 1 Dans la soirée. » » A (270 } 1840 1841 1842 6 h. 174 du matin. » De 11 h. à midi. née NRanNes == 2 2 3 3 6 3 1 1840 1841 Matinée ? » A 8h.172 De 10 b. à 11h. De 11 h. à midi. (271) 1840 1841 Matinée ? » LA À 9 h. 472. 4 » De 10 h. à 14h. 4 1 Juin.. . . .|De 41 h. à midi. 3  De midi à 1 b. 3 6 De 1 h. à2h. 5 & De 2 h. à 3 h.. 10 10 De 3 h. à4h. 5 A A 4 h. 2 » Matinée ? » 3 De 10 h. à 41 h. 1 3 De 11 h. à midi. 3 3 : De midi à À h. 10 2 PO SDeth 29h 2 9 De 2 b. à3h. AA 8 De 3h.à%h. 2 2 ILE kh.à5h. 2 4 Matinée? » A De 40 h. à 11h. » À De 11 h. à midi. 1 Août. . . .|De midi à1h. : 4 A + De 1 h. A2 h. D SAIT De ? h. à3 h. 13 7 De3h.à4h 6 8 De 4h. à 5h » 2 De 10 h. à A1 h  » De 11 h. à midi » 2 De midi à 4 h. 9 6 Septembre. | pe ph à9h. 12 9 De 2 h. à 3 h. A 41 De 3 h.à 4h. h 2 (272 ) 18140 1841 Matinée? De 10 h. à 41 h. De 11 h. à midi. .|De midi à 1 h. À 7 b. du matin. A 40 h. De 11 h. à midi. De midi à 4 Dans la soirée ? La nuit? Matinée? A 8 h. 492. De 11 h. à midi, De midi à 4h. seb R © O1 0: N A 9 h. du soir. La nuit? CE (273) "TUtu ‘aiquoajdos ‘2140190 ‘{LTAB ‘aiquoaou ‘ SIeUuU J11A9] ‘a1q{999p ‘ Jotauef : JULAINS 91PIO [| SUEp Juajuosaid os 99[98 9p sanof s9P 91qQUOu 9] saide p S9S8U[9: SIOUU SA] onb nuo[qe) 99 9p 97{NS91 |] peer eo eus reol « | « | « |reo) ç lirvor VIE 2 vo Énuerop ‘(sioux ÿ) OT | 9 | #1 | oe | z5sr ne = Cas Le à Su |. 9 (Or ed c « « ra Fr 08 (a: GI | OST W\r.|c.| Me Reel Er OS on Po le | g | 6 es | + Leds ae) 08 or Ge er LRU OR OR RS OS ec A SAR PS Ar 8 L & CNE 0 ‘ ‘ ; & L LT | GT | 9E87 æ 6 | 6 Ale ee Re cable ce) di & |elkeiz LL « & les De let) 5e lo UE) 27 we (ou | eo | CR Rs Rs) rad Del) Ch [3 “quepq| ‘ao |'axqoro) ‘des “moy | eqme | ump | og | quay | “sm |‘æommog| sornuup| ‘souuy ‘SION SAT ENVAINS ANTIHO AU SUNOL SA AUMIKON 18 (174) JOURS DE GELÉE PAR ANNÉES. NI 46 jours. EMOS AE te 614 HAMISSOE L'Edt... … QU 65 ENASION IEEE À 2 (ee 50 EN ASITINMNILIT L r 70 EMAMSIFSIM AIN NE Ne 91 RAS 0 mme re re Moncslrene 60 En 18/40. 28) 4 sue on 3 89 DR 100 Le 0) NIUE RPM 61 En 1842 (4 mois).. . . . . . 60 Dans les 9 années, de 1833 à 1841 inclusivement, il y a eu 592 jours de gelée sur terie, ce qui donne en . moyenne 65 à 66 jours par an. Je terminerai ce chapitre par l'indication des chaleurs et des froids les plus remarquables, pendant la période que nous étudions. | En 1835, gelée du 6 au 29 décembre sans interruption, le thermomètre est descendu à —11,3 le 27. En 1836, le 2 janvier , —12,5, dégel l: lendemain. En 1838 , hiver rigoureux. Commencement de la gelée le 4 janvier , le 14 le thermomètre marquait —16,3, le 19 la Somme était prise en différents endroits, thermo- mètre —17,5. Dégel le 7, le 8 et le 9 février par un vent de S.-0., ie 12, nouveau froid , le thermomètre marquait —13,7 ; dégel définitif le 47. En 1840, gelée continue du 6 au 31 décembre , ther- momètre —12 le 25. Eu 154%, le 9 janvier, le thermomètre marquait —13, le 10 neige et dégel , pluies abondantes et continuelles ; le 44 inondation dont nous avons déjà parlé. En 1842, gelée continuelle en janvier, sauf le 47 et le 27, mais le thermomètre n’est pas descendu plus bas que — 10,2. (275) En 1834 , l’été offre de grandes chaleurs, surtout du 22 juillet au 1*. août , et du 10 août au 18. | En 1835, tout le mois de juillet chaud et sec; le 26 et le 21 août , le thermomètre est monté à 33. En 1837, été très-chaud, les chaleurs se sont fait sentir presque sans interruption du milieu de juin jusqu’au milieu du mois d’août ; le 27 juillet, le thermomètre s’éleva à +33. TROISIÈME PARTIE. ire tie ATMOSPHÉRIQUES. La latitude, la hnidae absolue , la distance d’un lieu à la mer, la direction des vents, la hauteur du soleil, l’âge de Ja lune sont autant de causes qni influent plus ou moins sur la pression atmosphérique. Ces variations sont indiquées par le baromètre, qui marque, terme moyen, 760 millimètres au niveau de la mer, dans nos climats. Plus on s'élève, moins est grande cette pression , toutes choses étant égales d’ailleurs; on sait, par exemple, que la pression de l’air équivaut à 10325 kilogrammes par mètre carre au niveau de la mer, et que la diminution de pres- sion est de 13 “, 59 par mètre carré pour À millimètre d’abaissement dans la colonne barométrique. On distingue les variations horaires du baromètre et les variations acci- dentelles ; les premières sont d’une grandeur co stante et se produisent régulièrement à des heures fixes qui ne sont pas les mêmes aux différentes époques de Pannée , elles peraissent liées avec l’action calorifique du soleil ; les secondes sont variables quant au temps et à l’étendue, elles dépendent principalement de l'état hygrométrique de l'air et des vents. Pour constater les variations diurnes, on observe le baromètre quatre fois par jour , à 9 heures du matin, à midi, à 3 heures et à 9 heures du soir ; si l’on ne voulait que la hauteur moyenne, on arriverait à une approximation suffisante par la seule observation de (276 ) midi. Des jours on s’élève aux moyennes des mois; de celles- ci à la moyenne de l’année , et de la moyenne des années on déduit la hauteur barométrique moyenne du lieu. Les baromètres qui ont servi à faire nos observations sont à cuvette mobile , n° 45 et 41 de Bunten, le dernier a été comparé avec celui de l'Observatoire royal , le bul- letin de comparaison marque +0,13 de millimètre ; j'ai eu soin de faire cette correction ainsi que celle de la tem- pérature et de la capillarité , en sorte que toutes les ob- servations sont ramenées à la température zéro, et rapportées au baromètre de l'Observatoire de Paris; toutes les hauteurs sont exprimées en millimètres et fractions décimales de millimètre. L'exposition de nos baromètres est N.-N.-0., ils se trouvent à 20 mètres 65 centimètres au-dessus du niveau de la mer à St.-Valery-sur-Somme et à 5%,13 au-dessus du sol. Les 16 tableaux qui suivent renferment les observations de chaque jour , depuis le A+. janvier 1841 jusqu’au 30 avril 1842 inclusivement, je considère ensuite les hauteurs barométriques suivant les mois, les phases de la lune, la direction dis vents, puis les variations diurnes pendant cet intervalle de temps, enfin les hauteurs extrêmes pour chaque mois. Jours du à 9 heures du matin. mois. à midi. 760,85 |760,85 762,2: [762,70 746,24 |745,.9 736,17 [738,30 742,67 |743.50 752,95 |753,29 758,27 [758,78 759,22 |757,62 745,32 [744,86 735,51 (737,97 747,02|750,12 753,28 [750,09 744,92|743,95 748,52 [751,54 754,06 [755,45 755,85 [756,32 755,66 755,28 © QD «I Où OÙ An GO NO et 760,021760,73 770,58|771,75 771,78|772,76 762,07 763,49 756,29]755,74 768,84|769,95 764,53|763,26 763,84|764,84 769,25 |769,08 768,23 |767,86 a | ——— Moyennes Baromètre à zéro de température. 748,68 |749,93, 754,011754,79| 766,27|765,83. 769,32 769,38 du mois. |796,53 756,97 756,67 757,13 (277) JANVIER 1841. HE sé VENTS à à F. 3 heures| 9 heures du du soir. soir. midi. 760,6:|760,82/N.-0. 764,00,764,45|N.-N.-0. 1742,48|739,73|0.-N.-0. 1737,99|739.89|5. 742,98|744,491N.-0. 750,59) 751,79|S.-E. 754.27|756,30|E.-S.-E. 758,61/758,78|S.-S.-E. 756,55|753,24/S. 742,88 740,85/S. 738,83737,54|S.-0. 750,89) 754,15|0.-S.-0. 745,05/742,20S.E. 742,18 /738,55|8.-S.-E. 1753,75/756,14[N.-0. 753,82/752,76/S.-S.-E. 755,47|758,15|S.-0. 753,49|755,85|S.-S.-E. 755,58|758,941N. 761,91, 764,95/N. 771,96, 772,71[N.-0. 771,85 769,96|0.-N.:0. 764,68 765,05|N.-0. 756,09) 759,73|N.-N.-0. 770,18|770,12/N.-N.-0. 762,80, 763,550. 765,28 767,47|0.-N-0. 768,86|768,24|N.-N.-0. 766,15|767,60|N. N.-O. 769,44] 768,730. 767,51|768,51|S.-E. ÉTAT DU CIEL à midi. Couvert. Beau. Très-nuageux. Vaporeux. _[Couvert. Couvert. Couvert, Couvert. Quelques nuages. : [Légèrement couvert. Beau. Très-nuageux. Pluie. Pluie. Couvert. Piuie. ‘Pluie. Nébuleux. Éclaircies. Neige abondante. Beau. Nuageux. Beau. Très-nuageux. Beau. Couvert. Couvert. Légèrement nuageux. Nuageux. Beau. Petite neige. ( 278 ) FÉVRIER 1841. Baromètre à zéro de température. ‘|| Jours | du ÉTAT DU CIEL x x a a a mois. |9 heures], midi, [3 beures|9 heures| midi. à midi. du du du matin. Couvert. Neige. Beau. Vaporeux. Éclaircies. Couvert. Couvert, Brumes ‘épaisses. Brumes épaisses. Brumes épaisses. Vaporeux. Brumes épaisses. Couvert. 769,17 |768,05 |766,53|765,93 |x 76218 760,49 |760.18|759,59 |E NE; 761,65 762,20 |761,50|760,58 SE. 754,92 1753,35|751,89|751,12 LE. 752,53 752,74 1752 36|752,89 E. 750,29 |750,68 |749,68|750,20 LE. 747,62 |746,89|745,89|744,03 lE. 744,91 1745,12|745/10|746,18 lE.-s 749/10/752,28|753 39/758,54 |E-N.-E 10 |762,49/762,74|762.18|762,08 |s. 11 |760,68/758,98/757.70|756,04 |s.-E. 19 |75437|755,63|756:28/758,45 0. 13 (756,711755,25|752,44[749,46 |s.-5.E. © Q 1 © Où à O0 NO mi 14 745,66 De 29 ER 15 Dear S.. 5 16 17 18 19 |Nébuleux. 20 Couvert. 21 Brumes épaisses. 22 .|Brumes épaisses. 23 Couvert. 24 .| Couvert. TT Re rt _—— ——, NORD-OUEST. . Nombre des observations . dns le mois, Somme des hauteurs à midi. de HIHI GS RIG OŸ 00 Où =1 Go © NORD-EST. A Nombre des observations däns le mois: MuNsis mu OR GS » — Nombré des observations - dans levmois.. 2 |1535,34 . 1 | 762,49 "3 |2265,52 = | — 5 |3790,36 2. 11504,94 3 |2313,38 2 87,11 à 4 |3050,41 5. 3,55 1 | 756,67 "5: |3792,39 SUD-EST. SUD-OUES1 SUD. OUEST A | me TR I CA 8 . 8 | 8 . Eke : 22% = 2 EE 5. le 2% SEC 22% s 8. Mois. be Ê 2% EE « Ê 2 A te Ê SE É Ëe É 32 Foaleccdsselue esse lé a 2 8 # gere 8 8 S 3 £ TT T Le] TT 1841 Janvier 7 |5281,34| 3 |2244,41| 3 ([22/0,78| 5 | 3816,23 Février vL | 5269,89 1 754,73 3 12256,82 1 755,63 Mars 7 1823921] 9 |1531,87| 7 :|15286,44| 8 | 6088,14 Avril 1 l 4 3 .12269,06! 4 |3046,52 9 6813,07 Mai. 3 ! 4 4 |3009,23 4 |3019,33 6 4552,5X Juin. DER. D 1 764,46 6 |4542,90 9 6857,94 Juillet 1 753, 24 3-(12263,77| 3 |2271,65| 15 |11370,32 Août. 1 758, 783 3 12277,58 7 |5308,34| 16 |12102.05 Septemb 3 2971 76 5 |3765,12| 10 |7541,69 3 2274,94 Octobre 2 |1523,07 7 -15235,12 8 |5998.44 5 3779,91 Novemb 8 6081.46 6 |14566,33 6 |4483,13 4 2094,94 Décemb.. 3 12243,04 5 [3700,44 6 14537,23 10 7575,41 1842. ; Janvier 6 (4555, 37 1 765,45 6 14555,87 1 756,95 Février 6 14543,26| 2 |1495,13 9 , 16845,78 3 2304,30 à 1 5 ,6: 5 |3793,95 ” 757,495 754,516 755,539 758,215 IL résulte de ce tableau que la hauteur moyenne baro- métrique est plus ‘grande par les vents de Nord que par les vents de Sud, la différence étant de 6 millimètres 7# en faveur du vent de N.-E. sur le vent de S.-0. auquel cor- respond la plus petite hauteur moyenne. Nous avons vu précédemment que le vent de S.-O. est celui qui règne dans le plus grand nombre des jours pluvieux ; ce rappro- chement mérited’êtreremarqué. Les vents disposés d’après les hauteurs barométriques correspondantes, en partant des plus grandes hauteurs moyennes, pour les 16 mois que nous envisageons, se présentent dans cet ordre: (29%6 ) HAUTEURS BAROMÉTRIQUES SELON LES VENTS. Nord-Est... 761,458 moyennede 37 observationsä midi. Nord .......…. 760 764... 14. 124 ARE id. Nord-Ouest. 759.493... jui: & (ET PRE id. Esti...s2.:.1 759,307... M: .!- LITE A AA id Ouest 158,279::.2.v: dk... 110 20e id Sud-Est... 757,495... 1. FEES 58%.:::%.14 1 à 1 GR PTP nent à 755,539... 1: ee [os SEEN: id. - Sud-Ouest. 754,516......id....… DA-LÉE NES id. A Le tableau suivant indique les hauteurs barométriques aux phases de la lune ; pour le former, nous avons pris la moyenne de tous les jours de chaque phase, pendant 16 lunaisons de janvier 1841 à avril 1842 inclusivement. NOUVELLES LUNES. A9 b. dumatin. A midi. A3bh.dusoir. A9h.dusoir. 760,532 760,253 759,880 760,590 . PREMIERS QUARTIERS. 756,924 757,025 756,598 757,798 PLEINES LUNES. | 757,669 757,645 1 756,524 757,791 DERNIERS QUARTIERS. ; 759,173 758,997 758,859 . 758,926 Les plus grandes hauteurs ont donc lieu aux nouvelles lunes et aux derniers quartiers, les moindres aux pre- miers quartiers et aux pleines lunes ; ce résultat offre de l'intérêt , surtout si l’on se rappelle que nous avons trouvé plus haut que c’est aux pleines lunes et aux premiers quar- tiers que se trouve le plus grand nombre de jours pluvieux. Les périodes barométriques de 9 heures du matin à 3 heures du soir et de 3 h. à 9 h. du soir pour lés 16 mois que nous considérons, sont exprimées dans le tableau suivant. On pourra y remarquer que la période de 3 ( 297 ) heures à 9 heures du soir est toujours positive, c’est-à-dire que la hauteur moyenne de chaque mois est plus grande à 9 heures du soir qu’à 3 heures, tandis que celle de 9 heures du matin à 3 heures du soir est négative, c'est-à- dire que la hauteur du baromètre à 9 heures du matin a été plus petite qu’à 3 heures du soir. Période de g h. dn matin * Période de 3 h. 3 9 h. à 3 heures du soir. du soir. 1841. Janvier. : . . . — 0,"®44. . . . .. — 0,746 FOVFIOPees ot 0 2 D., —+ 0, 19 Mars:. 4 tt: + 0,667 RTE —+ 0, 44 AVE. RE de OS SES —+ 0, 44 Mai -_— Obs ee —+ 0, 21 Juin: 0e 6 :1ù — 0, 03 . .... —+ 0, 08 AU PAP RUN (ADP LONE arr + 0, 22 Août-: TS Lo, 2 Seplembre . . . + 0, 48. ..... + 0, 07 Octobre. : : …. + 0, Q03e 2287 + 0, 58 Novembre. . . : 0; "76: ue + 0, 72 Décembre. : . . + 0, 60...... —+ 0, 86 Moyennes pour l’année 1841. — 0, DO Re + 0, 374 1842. Janvier." OT 0, 16541. da #50 — 0, 59 PET eee 1-0, 34 Manss. 4€ 1. JL 0, 30: es ax. 0, 26 PNEUS, à 0 2 0, PGA Be - , 91 Moyennes des 4 mois de 1842. + 0, 160 SD RON. + 0, 525 Moÿennes des 16 mois. . . . . —+ O:e2403.55 0, + 0,""412 Dans le tableau suivant, j'ai réuni les extrêmes de variation de la colonne barométrique pendant chaque mois, comparés à la hauteur moyenne du mois: (4) plus grande hautenr , (2) moyenne du mois, déduite des quatre observations de chaque jour, (3) plus petite hauteur ; (4 différence de la hauteur maximum à la hauteur moyenne, ( 298 ) (5) différence de la hauteur moyenne. à la hauteur mini: mum, (6) différence des hauteurs extrêmes. 1841. (772,76 ie 22 pe Janvier. . .|(2)756 83 415,936 37 mm? (3)735.51.le 41 (5)—21,32" 769,17 le Aer. RTL CIN? VINS Février. . | 756,05 FES 738.13 le 16 77 2e, Mars. . . .| 760,70 AM. y 744 36 le 3 mal 7766 22 le 13 NA: Ag. 757,30 PR CET 746,95 le 3 408 TT 770 13 le TA Mai 758,49 AN tue: D | 743,38 le 49 7] 770,34 le 4 | | Juin... | 760 4 10 matter 748,57 le 25 765 88-le 4°. SOA 2: Juillet. - | 9687 F0 Set 01 | 742 SA le #1 « TT 769 05 le 27 | dé adüt. . . :| 759.83 F,222 -emtltor 546,08 1S& 0! 1; | 763,92 le 20 RAI Septembre .| 756,19 MCE 19, 04 7 | 74488 le 28 ’ | 766,48 le 22 sl q Oetébre . | 751,86 TRE bn 734,56 le ous 773,28 le 6 » | | Novembre .| 756,54 NEA pis 38, 20 . |. 735,08 le 14. . ( b 768,45 le 31 Décembre | 7h77 11566 29, 68! 738,77 le 3 # ( 299 j | 1842. | 713.46 le 19 Janvier 761,82 | | 742.56 le 23 " 1 775.62 le 14 Février 762.05 AE NA | 739.60 le 24 772,15 le 15 Mars 75969 LS Pr D l 743.28 le 20 769.65 le 10 j Avril 760 00 76,265 cam i48 743 A7 le de. Plus grande haut. dansl'année 1841. 774,35 le 11 mars. Monue de l’année ENLIÈTE. ses 757,47 . Plus petite hauteur dans l'année. .… 734,56 le 6 octobre. Différence entre les haut. extrêmes. 39,79 Plus grande hauteur dans les 4 pre- miers mois de 1842..........:...... 775,62 le 44 février: Moyente de ces 4 mois..…............. 760,89 Plus petite hauteur dans ces 4 mois. 739,60 Je 2h février, Différence de ces extrêmes... 36,02 Plus grandehauteur dansles 16 mois. 775,62 Moyenne haut. durant cet intervalle. 758,10 Plus petite hauteur.............. use. TO AO Différence entre la plus grande et la é petite hauteur barométrique du Loc 1e" janvier 1841 au 30 avril 1842. 441,06 Nous avons remarqué que le baromètre se tient en gé- néral plus bas dans les temps pluvieux, nous ajouterons en terminant ce chapitre que les grandes chutes, les ‘dé- pressions subites sont le plus souvent un indice de forts vents, de tempêtes , comme nous le verrons bientôt, ( 300 ) QUATRIÈME PARTIE. DES VENTS. Les vents ou courants d’air sont dus principalement à la distribution inégale de la chaleur dans l’atmosphère. La présence des continents et des mers, le voisinage des terres ou des eaux , les alternatives des jours et des nuits, la succession des saisons, sont des causes de vent plus ou moins influentes. Plus on s’éloigne de l'équateur, plus grande paraît être l'irrégularité des vents. Les vents se distinguent en généraux 6 ou constants, tels que les vents alizés, en périodiques comme les moussons et les brises de terre et de mer , et en irréguliers ou variables. Nous n'avons pas à nous occuper des premiers; mais une succes- sion de vents semblables à ceux qui caractérisent les brises se fait remarquer dans ce pays. On observe en effet le matin, quand le temps est calme d'ailleurs, un vent de Sud- Est qui le plus souvent ne se fait sentir que jusque vers huit heures du maün, il est alors très- léger. Le vent tourne peu à peu du Sud-Est au Sud, puis à l'Ouest, enfin le Nord-Ouest s'élève doucement ; ce n’est guère que dans l’après-midi que la direction Nord- Ouest est bien décidée. Ce vent de Nord-Ouest a sa plus grande force de midi à 3 ou 4 heures, il cesse entièrement après le coucher dn soleil ; le lendemain matin , le Sud-Est reparaît. Ilest bien entendu que ces vents d'aue faible intensité cessent d’être perceptibles il en règne d’autres même peu forts, le phénomène n’a lieu aussi avec toutes ses variations que dans les belles journées de printemps et d'été. Les vents, comme on le sait, prennent leur dénomination de la partie de l'horizon d'où ils soufflent: dans nos tableaux, nous les avons rapportés aux huit directions Nord, Nord-Est, Est, Sud-Est, Sud, Sud-Ouest, Ouest, Nord-Ouest. Dans nos observations , nous tenons note de la direction précise des vents, mais nous avons dû dans le résumé que nous ( 301 ) en donnons ici, les ramener aux huit rhumbs principaux. C'est aussi une chose importante que l'observation simul- tanée des couches de nuages et des courants divers qui peuvent exister: à différentes hauteurs; la considération des vents supérieurs est indispensable pour prévoir l’état futur du temps; cependant pour ne pas trop étendre ce mé- moire, je ne parlerai que des vents inférieurs, et seulement des vents dominants de chaque jour. Nous nous sommes particulièrement servi, pour estimer la direction-du vent, les girouettes des tours S1.-Vulfran, celle de la tour de l'Ouest est surtout très-sensible, la hauteur de cette tour au-dessus du sol est de 48 mètres {non compris la tourelle au corneur qui a environ 5 ”.). Nous avons déjà étudié l’influence des vents sur la pluie et sur la hauteur du baromètre ; les 9 tableaux qui suivent renferment le vent dominant de chaque jour, depuis le 1 janvier 1834 jusqu'au 30 avril 1842 inclusivement ; viennent ensuite d’autres tableaux , déduits de ceux-ci , et où les vents sont envisagés relativement aux mois et aux années: le chapitre est terminé par un tableau des forts vents par mois et par l'indication des ouragans et des tem- pêtes qui ont eu lieu dans cette période. ( 302 ) ANNÉE 1834. Bord DE du fuel Oud | 5.0 | dun N 0. Let. Tan MAO MEN AENTAN 29.30. 12.110.13./23.24 Janvier. 6.19.115.17.128. ” 21.31. [20.22. 95 %6. UE 27. 5.251 89:20.46.11. : |3.45.| 2.11.18.24| 67.43.21 Février 17. 14.26.112.23.197. 1920, 22. 7 25. 1104314120 | 5.7 "241568 2% tas © 45461748. 7.28. | 9.10: 130.31 ÊY 19.21. 22.93 27.:9 345.6.7.8.117.181 |28.20.197 [930 11 | .… | 9.10.11.12./26. Avril. .| 13.14.15.16. | 119.20 21.22. à 123.245. L 7 28. , |10.21.22.28.| 45. 119, | 211.113. |3.6.7. Lai. LU 12425.26:27.18.16. 12.18, 8.9. ]Mai . «| 180.31. | 14. 17. | dat … |20.26. 14.28. |6.7.8.29.30, 12.1 out. 1315.35 0. écBagk: 20.91. 12. |16.17. 122.23. TA pen | *|18.19: 124.95. | ride ..|26. 127. 24. | 1.2.3.4.17./27.28.130. |31. | 53.10.19 6.7.8 18.22.93.95. 19.20 11.12 Juillet 29. 21. 13.14 15.16 ) 26. 18. |12.3.1013 (12. |11. 78.21 |4.5.6 14.15.16.17. 22.93. 9.90. Aoùt. . 19. 6. 24.95. 27. 28.29 F ep 30.31 ; |12.13.19.20.| 7.14.14.16. [1.10. | 38.17 29.| 756 Septem. 21.22.93.94. |15.18. 11.17./27. |28. 25.29.30. 2%. | 94.25.110.11.12.26.11.2. | 3.4.| 6.19.| 59.115. 7.8 29, 13. |30. |14.16. 17.18. Octobre ._ [20.31. 21.22. 93.97 og __ 28. 116. (10.11.1213. 9,20. 425.135. [278.116 [17.30 Novem. -[14.15.18.19. 121.24. |28. 26.27. 22.93. 29. 7 19.22. HAS A5. 7. |30.31.11.2.3.| 8.9. ; 15.16.17.1 29. 10.20. Lis D 25.26.27. 21.23. 24. ( 303 ) ANNÉE 1835. ÉRURNE CEE Con 30 Ida | NO ! Mois. Nord. | N.-E. |_Es E -:-[Sud- -Est| Sud. ! S.-0. | Ouest. | N -0O. 1. 2.3.4. 15.6. 7.8.123. | 9.11.112.15. 10. 20.21. 13.14. 16.17. 124.95 Janvier 18.30 19.22.1927 31 26.28 29, 9.12. |10, 7H. 211.17 3.5.| 46 18.19. 121.23. [13.14 Février 20.22 15.16 25.26. 17.24 97. 98. 16 2.15 1 | 9,10.13.17. | 4.5.6 18.19 11.12. 7.8 - [20.21 | 14.31. 13.30 Mars. . . . . 22 23. | 24.95. | 26.27. | 28.29. 16 5.11. 6 1.7. ©. 3.30. 9.15. | 4.8. 17.19. | ie à 192.93. 14 Avril 24.96. | 18.20. 27.98. 21.25 29, 99 5.18. 117 1.2.9.) 6.10.| 3.4.7 19.21. | 15.26.|11.12.| 8.16 CAN EE 28.29. | 1927. |13.14. 120.31 30. 23.24. | | 95. 11.17./1,5,9. CKTIE 8.22. |10.20. | 3.4.6 18.25.112.13. | 23.24. 1 Juin, . ... 27.28. |14.15. | 26. 16.19. 29.30.| x. e 4.29. | 1.921.125.26. 2.27. [9.15 {5 13.15.6.7. 30.31. [22.23. 4. = |10.11. Juillet 118.19. 2. | : 120. > es 5.15. | 113.237. 10.20. 111.24.|76.12. | 7.8:9. Août. . . . .| 14.17. 198.90. 91.22.127. |93. 116.25. | 18.19. 130 31. 26. 7 1.2. |6.21 3.4.110.12.| 5.8 | 9.24. 15. AR 1113.125.27.| | 19.|16:28 Septembre | 20.22. | 33.56. | 29.30 11.12. Ti Eu 18 1.2.3.| 9.20.|5.6 8 5:16 4.22:|93.31.110:13 OSbre 17.19 24.95. 91.28 | 30 26.27 PE UE . 5. 2 23.04. (1400.18. 16.17. | 0.11. : 25.26. |21.22. 19. Noxemhre | 1213. |29:30. |27.28- 0.13. 10.11.11.6.7.2.3. | 4927.15. 29.30. 2, 28. Mois. ( 304 ) ANNÉE 1836. Sud. Sud-Ouest. . 8.11! 7.13.14 Nord-Ouest 4.5 15. -13.17.29. 12. [21.22.93. 16.18.19. Er 26. |24.28.31. 30. 27. é| 11 | 4548 2.3. | 22. |1.8.9.10.[14.15.46.| 6 7.12. Févr. .| 17. |18.19 20 23.24.96 25.28.29. 21. 27. (ent 7. | 28. [1.2.3 5:9.| 6.16.17./4.8.21. 19. 10 11.12. |20.24.95. Mar 13.14.15. |26.31. de 18 22.23, 27.29.30. 2.3. 154617.) |10. 1.6.7.8.113.21.23.| 5 11 12. Awril..|4. |19.25.27. 24. 9.20.22. 14.18.96. NS ES SR MT — l'HEET TT lee En 11.12.13. 7 8.9.10.| 17. 14.15.16. | 27. Mai. .| .|18.19.20.| 31. 121.22.93. |24.25.%6. 28.29.30. ES 29. | 27.114 | 1 | 237.8. Juin. . : 30. | 15. | 11. |10.18.22. 28. 23,24,95.| 2 3.8.17. | 5. | 02 9.11 28. (15.20.21. Juillet. | 23. 24,29, 27. 31. HE 4 156. | 6.7.8.9.| 5. | 25. | 3. | 420.22. Août. .| 29, [10.11.12.| 13. 123.30.31. 24. 11. 13445.) "26. |3.4.6.78. Sept. .| 12: |16.18.21. 9.10.20. LE TAC RE 27.28.29. 19. 28. 120.23.24.| 21. | 4.6. | "1. |2.3.5.7.8. Octob Éric 22. | 16. | 47. | 9.10.11. au | 29 18. |12.13.14. %. 12 ( 305 ) ANNÉE 1837. Mois Nord. Nord-Est. Est. S.-E.| Sud. | Sud-Ouest. Dre NL One) 2.3. 1.11.14.119. 26. | 12. |4.5.6.7.8| 13. F 15.16.17. 30. | 20. | 9.10.24.| 29. GUN 18.27.28. 31 |22.23.24. | L 25. | 15.17.24. 198. 1. 2.3. | 8. [7.9 14.12| 21. 20.%. | Rav. [25 4.5. | 10. |13.14.16.| 22. | 6. 18.19.93. | 27. us 7 158.25. |23.1.6.7| 1.13.17. 28. 10.11.12.) 9. 12627. | 14.15.16 | 18.19.24. 29. 28. | | puis 20.21.22. | 30.31. — lour18 56.78.0/12.1415 | [55% 23 | 4iG Avril. |19. 40.13.25.1 24. 29.97.98. 26. 29.30. 210.11. 3.4.6.9.17.24. | |28.! 81243.| 1. 5. mai. .[17-21.22. 114 15.16. 25.96. | 30. 29 18.19.20 31. 23.27 3 PA 6.13 23.25.26.| 7.16.24 |4,8. | 9. | 5.10.11.| 18. | 1.2.3.14. Juin 28.30 27. 20. |12. 15.17.19. ; 21.22.99 6.12.19.|72.3.5.7.|1.8.9.10. 25. [15.17.28 | 30. | 413.15. Juill. |20.21.24. 11. 26. |29. 16.18.22 , 22.97. 14. 5.97. 6.7.8.9./ 10. | 17. 123.11.) 22. | 41213. Août 15.16.24. 25. | 19. [26.30.31.| 23. 18.25.94. 14 28. | : 29. 4.6 42.95. |24.26.27.| 5.20, 11. | 1.2.3.7.8| 17. [10.14 28. 91. 913.13. Sept. 99. 16.18 19. 93. 30. ; 2 ; 915.17, |12.13.16./14. 11. | 1.2.3.6.8 45.719. | 10.18.93. 20.21.22. Oct. | 22.25.97. 6. 28.99.30. 31. 112.27.28.| 6.15.17.17.8.16. | | |1.2.3.45| 410 litta té. 29. ; 918.19. Nov -| 20.21.22. | 23.24.96. | 30. 21. 13 4.5.6.7.13. |22618.942.14| 1 L 10.11. 28. |15.16.17. Déc. .! 29. 18.19.90. | 30. |22.23.94. 31. |[25.27. EEE ( 306 ) ANNÉE 1838. Nord. | N.-E, Est. S.-E. Sud. | S.-0. | Ouest. | N.-O. 7.9.| 8.10.| 4.13. La 3.11.115. : 16.17.118:24 |19.21.| 6.14.112.99. ANT ER 31. |25.26.199.23. 190. : 30. [27 98. 1.2.3.| 5.10. F7 7.14. FE 18, | 1 Cage 4.11.113.16. 115.26. |20.93. |17.91. di © - [1.99 25. |2497. | 28. 5.8.9.112.15.127.29. 10.11. 1.2 3.| 6.13.| 7.17. MS ET 28.31.30. |96. 4.16.|14.21. 48.92. à 19.20.1923. |95. 24. 2.9.1 1.19.13.14 11.92. 7.8.15.6, | 4.12. Avril . . 2. 13 16.125.926. 23.94. /10.15 21 17.18. |27.98. 30 20. |29, 1324] 6.7.]4.5.9.1 28.1 140, 320.123. (30. Mai... .. (1 |14:15.110.11.117.27.|98. ‘|941.0. LS 18. |12.16. 29. © [925.26 2.6.7.15 11.12. | 3 10.119.22. |" 1.4 8.9. 1748.114.15.126. |13.16 Juin. . . . .[93,95. 94. |20.91. 27.98. 29.30. 7 8.6.| 2 5 1. |13.26.114.15.|7.8.9 11.12.10 29. |16.18. Juillet. . . .147.91.| 19.20. 29.93. 27.28 94.93. 30.31. | 1.14.116.17 4 15.28. |2.4.5.| 3 7.9.| 8.11. .29. 6.19 |10.31. 112.13. AOL! & 20.91. 923.24. 99, 2.96. 97.30. “910./1228 |15.17.110, |3,5:7.| 1.6.8. 2.95. s 11.13. 18.26. 19.923.120. 29, Septembre. .|14.16. 24.27. 21.99. 30. 18. [334 15.16./21.22.|11.14. | 17.19. |12.13. 5.6.7. 22.96.1925, |16.23./20.24. 15.18. Octobre.. . . 9. 27.98. 26.27.129. |- 28.30 | 31. 12.24. |11.13. 1 AS: 7. 1.23. /10.18. 5. 14.19. |19.90. 4.6.8. Novembre. . 90 91. [21.93. 9.17. 93.05. |94. 29.30. s 6.8.| 9.13./10.15.| |12.22.11.2.3.14.7. | 5.27. a MO 11.25. 44 16. 29.30.1926. 28. Mois. ; Nord. Nord-Est. 1.10 2.21. 13. | al 78. |5.6.9.17. 19. ui 12. | 2.3.6.9. 14. |10.11.13. 24.95.96. 27.28 929. 130. 14. 22. 10.11.12. 113. 26.27. . 198. 29. —— | —— —— | — 5.6.95. . 26.28.99. 30. . 12.22.93. 1.2.3.69.|7.8. ( 307 ) ANNÉE 1839. 18.96.30. 31. Est. | Sud-Est. | Sud. | Sud-Ouest. Ouest Nord-Ouest 97. 2%. 4.5.6.10.| 1.3.7.8.| 2.15.18. 11.19. |12.13.14.125. 20.21.99. 30. 20. {3.4.17.8.9.12.| 5.6.15.125.26.28. 11. [14.16 17.124. 18. |22.93.97. 19. 4. : 3.10.11.| 2. |1.7.15.23 16.20.21.| 30. 12.13.14. 24.27. |99.95.98. 31. 1.4. 5. 16. 17.18 19.21.22 7.8. 20.23. 15. | T8. 5. 15.16.18. |7 24.17.20. 30. | 19. 21. 31. 2. 17.20. |7.12/14.22.26.| 3.11.18.15.9 10.21 | 13. [97. 19.93.94. 25.98. ll lrhanses sa 26. [14.18.19 27.28.30. :91. 20.23.94. |31. 29. 92.14.99. | 15. | 7.16.29./10.11.17. 1.3.6.8< 30.31. |19. 21.23.24. 26.27. 11.30. | 14. |2.7.9.13.]1.3.4.5.8 6.10.23. 25. |15.16.47.|12. 27.99. | 18.19.90. | 21.99.94. ! 27.98. 7.20 1.3.8.9.| 19. | 9.4.10.115.19. 13. 91. 11.16.93.) 14. |18. 22. 24. 31. | 1.3.6.8.19.11| 4.7.19.15.16.25. 26. 9.10.14.| 17. [24. | 15.21.97.| 18. 98.29.30 6.7.| 3.9.11.| 10. 13.14.20. 11. 8. ,12.15.17.| 19. 21.22.93. | 24.95.97. | ( 308 ) ANNÉE 1840. Mois. |Nord.! Nord-Est. È S.-E.| Sud. Sud-Ouest. Oue: 18. | 3.16.17. 19. 20.21.22. 14.16.17. . (18.19. ( 309 ) ANNÉE 1841. Sud. Sud-Ouest, 8.10.13.)4.9. 11.17. Ouest. CS 0.11.13.114.17.19. 12. 14. |1.9.10.11,17.18.19. 2.5 7.23.| 3.1.6.8. 15.16.26. )20.21.22. 24.28.30. |12. 25.27.29. 31. . |5. 3.14.16.123.26. 24.95. | ——__…— | ————— | —— | —— ——— 4.7.10.|5.6.8.17. 11.19. |20. 18.22. 16.18.23.117.20.25.|27. 1. 24. 26.28. ie 2 14. 20.21. 6.12.13.| 1 15:22. |8.9 D. 5.8.11.13| 210.14. 22.23.95. [15 17. 2 5.7.10.116.27.29. 4.8. 22.23.94. 25.26.28. 30. 22.31. 1.2.7.10.15.6.8.11.| 9.15 18.14.13. - |12.16.23.114.17.20. 19.21. 24. 25. . | 6.7.8.15 | 9.20.21.| 1.10.11. 13.18. 19.23.26.122.27.29. 112.98. — | 1 — | — 30. 26. | 30. | 20. |2.18.19. | 6.13.15.| 1.3.4.12. 31. 95. 16.23.24. |11. (310 ) ANNÉE 1842. Ï Mois. Nord. Nord Est. Est. _Sud- Est. | Sud. S.-0 [ Ouest N.-0 246.45. 735.78. 9.11| 1.12.13.110.14.26.| 17. 27. 18. Janv. (19.30. |20. 21. |16. 22.25. 28.29.31. 2. 16. 3. 14.5. |7.8.9.10.| 2. 72.11.12.) 25. 114.15.28.| 1. Fév. 6.17/18.23.24. 15: 20.21:| 26. 19. 2 97. 21.22 23.24. 6. |16. er 2.9. 3.4,5.10. | 20. | | 1531 ‘| 29. 12.13.14 Mars : 17.18.19 25.26.27 | 28. EL ATEN 4.5.6.8. 22, 1.2. 24.25. | 9.10.11. 26. | 23. Avril. 12.15.16. 929. 28. | 17.18.19. 30. | 20.21.27. VENTS PAR MOIS. Années. 1834) 4 x 2 ; 8 |"11 5 n 1835| 4 5 2 7 1 9 5 1 = 1837| 9 9 1 2 3 AS 2 » = |1838) » 5 7 8 6 4 n » 511839) 5 ape ti 1 » 6 |41 4 1840 » 3 6 6 6 S 2 » A84ll 3 F 3 6 2 2 5 |140 1842| 6 5 3 6 6 il 1 3 18341 2 51 | 4 5 n 3 5 3 | 1835! 2 nl ; : C 9 5 9 .11836| 2'| 7 : 2 À 8 3 6 ape 4 Cu la ES Dre nl fe À 2 2 11838) » 5 6 A 5 7 » 1 2 11839] 3 2 ;  5 | 40 L 3 1840! 2 |41 1 4 6 4 1 su AsAl| 3 A 7 7 CAE nl 3 1842| 1 À 5 7 8 2 3 n (311) Années. ———————— | —————— | ——— | —— | | 1838 7 < |1839 > 2 SE ne YO © : oO set à d © HS à 10 10 YO 10 DAIDSadoS es = = ET ON CN 1 M OÙ EN © = = ED 10 © AO HN = = ARNO M = 10 THONON RG Ra (312) CN AT = ON © 10 0 em CORRE ER OR RECENT) | _ —— | ———— | | —————— || 3 2 8 A 6 E 2 LA 2 E 1837 4 3 » » 15 5 |4838| » 2 84 11.6 1 10 > 11839] 2 3 : 13 4 4 1840| 3 1 3 6 7 9 1841! » il A 7 7 5 Ro ES ES pe ne SN CN ES DA » 1 2 7 2 8 3 2 2 11836| 2 9 » » » 14 2 Ê 1837| 1 À 6 À 6 15 » A S 1838] 5 3 3 7 h 4 2 3 2 |1839| 4 2 3 10 2 9 A » — 1840! 5 7 8 6 1 1 1 2 1841! 2 1 1 3 & 7 5 8 Moyennes des 8 ännées Il résulte de ce tableau que les vents, eu égard au nombre des jours où ils dominent, se présentent dans l’ordre (314) suivant : Sud-Ouest, Nord-Est, Nord-Ouest, Ouest, Sud, Nord, Sud-Est, Est. Nous donnons, dans le tableau qui suit, le nombre de jours de grands vents, comprenant les vents assez forts, forts et très-forts. GRANDS VENTS SUIVANT LES MOIS. Février, Mars Septembre. Octobre. Novembre. Décembre. Di re de QD KO KO QU HN mt PS OÙ QU a 2 1 9 6 4 3 2 5 6 et Il résulte de ce tableau que les mois, eu égard aux jours de vent, se présentent dans cet ordre pour l’inter- valle de temps du 1°. janvier 1834 au 30 avril A842 : mars, janvier , novembre, octobre, juillet et décembre, mai et septembre, février, juin, avril, août. La moyenne des 8 années 1834-41 est 70 jours de vents assez lents, forts et très-forts. TEMPÊTES. \ IL nous reste, pour terminer le chapitre relatif aux vents, à rapporter les ouragans et les tempêtes observés à Abbeville, depuis janvier 1833 jusqu’à mai 1812. 1833. Le 15 février. — Le 31 août, commencement dans la (35) nuit du 30 au 31, plus grande force dans l'après-midi du 31 et dans la nuit du 41*. septembre, vent d’O., qui passa au N.-0.—Le 7 décembre, dans l’après-midi, vent d’O.—Le 9 décembre, toute la ‘journée, et dans la nuit du 8 au 9, vent d’O. 1834. Le 17 juin, vent d’O. 1836. - Le 1%. mars, vent de S.-0.—Le 15 mars, vent d'O.— Le 28 mars, le matin, vents de S. et de N.-0.—Le 3 oc- tobre, dans la matinée surtout, le vent était S.-O. au commencement, il était à l'O. quand la tempête cessa.— Le 29 novembre, dans l'après-midi, vent de S.-O. 1839. Le 7 janvier, à 8 henres 45 minutes du soir , avec beaucoup de grèle, vent d'O.—Le 8 janvier, dans la ma- tinée, vent de N.0.—Le 27 juillet, la nuit, vent d’O. 1840. Le 21 janvier, l'après-midi, vent d’O.-S.-0., le plus fort à 6 heures du soir.—Le 24 janvier, dans la soirée, surtout à 7 heures 172, vents de S.-S.-0. et S. — Le 26 janvier, toute l’après-midi, vent d’O.—Le 28 janvier, la soirée et la nuit du 28 au 29, vent d'O.-S.-0. — Le 18 août, la matinée, surtout à midi, vent d’O.—Le 16 sep- tembre, vents d’O. et de S.-0.—Le 17 novembre, le soir, et de 10 heures à minuit le plus fort, vent de S.-0.—Le 21 novembre, la matinée, et principalement de 1 à 2 heures, vent de S.-0. 1841. Le 18 juillet, à midi, vent fort de N.-N.-0., de 4 heure à 1 heure 45 minutes violente tempête par vent de N.-0., avec grande pluie, à 2 heures Je vent passe à l’O.-N.-0. et diminue toute l’après-midi; à 3 heures 50 minutes fin de la pluie, soirée beïle et calme. Qnantité d’eau tombée de 10 heures du matin à 4 heures du soir 71 millimètres. Le 17 à midi le baromètre marquait 760%",37, le 18 à 9 ( 316 ) heures du matin 746,66. à midi 746 44, le baromètre se mit à remonter à midi, le lendemain à pareille heure il était à 758,26.—Le 16 octobre, vent fort dans la matinée de S. et S.-6.-0., tempête à 2 heures. A 3. heures le vent élait devenu O.; vers 5 heures redoublement, le calme se rétablit peu à peu après 8 heures en tournant au N.-O. Le baromètre marquait 756,71 le 15 à 9 heures du soir; 754,36 le 16 à 9 heures du matin; 749,58 à midi et 747 36 à 3 heures du soir; il remonta depuis ce moment. — Le 18 octobre, depuis minuit jusqu’à midi, vent d’O.; point de variation notable dans la colonne barométrique.—Le 14 novembre , commencement vers 3 heures par le vent de N.-O, le vent souffle avec force le reste du jour du N.-N-0. Depuis le 6 où le baromètre était très-haut , 773,28 à 9 heures du matin, le mercure descendit conti- nuellement jusqu’au 14. A 9 heures du matin le 44, le baromètre marquait 745.89 et à 3 heures du soir 735,08 le minimum.—Le 10 décembre, fort vent d’O. dans la ma- tinée, la tempête se déclara à midi et ne se calma que la nuit par le vent de N.-0. Le baromètre qui marquait 759,78 la veille à 3 heures du soir était tombé à 746,69 le 10 à midi, moment du minimum. 1842. Le 27 février, vent de S. Le baromètre était plus haut. ce jour que les jours précédens.—Le 2 mars, commence- ment à midi 172, vent de S.-O., puis O.-S.-0. La tempête dura toute la soirée et la nuit; le 3 à 8 heures du malin, violentes secousses, diminution vers midi. Le baromètre, par la baisse qu’il éprouva le 4*., semblait annoncer la tempète du lendemain.—10 mars : à 9 heures du soir le 9, violent et subit coup de vent de S.-O., la tempête se déclare aussitôt; de 3 heures 172 à 4 heures du matin, à 6 heures 172 et de 7 heures 172 à 9 heures, elle sévit avec une fureur extraordinaire, d'aburd par le vent d’O., qui soufflait à 6 heures , puis par le vent d’O.-N.-0. sur terre et N.-0. à la hauteur des nuages; le vent ne s'a- Æ 0 paisa qu’au milieu de l'après-midi, le calme se rétablit entièrement dans la soirée. Le minimum de hauteur du baromètre a sans doute eu lieu la nuit; le 9 à 9 heures du soir l'instrument donnait 748,84, et le 10 à 6 heures du matin il était tombé à 740,23; à 9 heures du matin il était déjà remonté à 748,08. C’est ce terrible ouragan qui répandit la désolation sur nos côtes et qui fit périr 46- marins du seul bourg de Cayeux, après avoir englouti les 5 bâtimens qui les portaient. — Le 23 mars, de 7 heures 172 à 8 heures 172, vent de N.-E. — Le 31 mars, commencement à 4 heures par le vent d’O.-S.-O., la tem- pête continue toute la nuit en soufflant de l'O. et se calme dans la matinée du 1*. avril, après avoir tourué au N. O. Le baromètre mai quait 760,57 le 31 à 9 heures du matin, 752,58 à 9 heures du soir; le 4*. avril il continua à descendre , il était à 744,33 à 9 heures du matin, à 743,32 à midi et à 743,17 le minimum à 3 heures. CINQUIÈME PARTIE. LUMIÈRE MÉTÉORIQUE. Nous n’avons que peu de choses à dire sur les météores lumineux ; nous ne mentionnerons que les halos et les parhélies. On appelle quelquefois halos les simples cercles qui entourent assez souvent le soleil et la lune à quelque distance; nous réserverons le nom de halos à des cercles colorés qui apparaissent antour du soleil, les uns dits de pelite espèce qui consistent en plusieurs anneaux de dia- mètres variables, conligus entr’eux et le soleil, offrant les couleurs de arc-en-ciel, mais plus vagues et moins brillantes, les autres dits de grande espèce sont formés. de deux cercles concentriques au soleit, le second étant plus faiblement coloré que le premicr. Dans le halo de petite espèce qui se nomme plus spécialement couronne, le rouge est en dehors, dans celui de grande espèce qui est le halo proprement dit’, le rouge est en dedans. Le (318 ) demi-angle visuel du plus petit des deux cercles est de 22 à 23 degrés, le demi angle visuel du plus grand est d’environ 46°. Les couronnes sont attribuëes à la dhffrac- tion des rayons lumineux sur les bords des vésicules aqueuses répandues dans l’atmosphère , ceux de grande espèce sont dus à la réfraction de la lumière dans de petites aiguilles de glace cristallisée qui existent alors en äbondance dans l'air. Il arrive que le halo proprement dit est accompagné d’un cercle blanc horizontal passant par le soleil et qu’on appelle cercle parhélique; quand le cercle parhélique est entier, il pénètre dans l’intérieur des halos quil coupe en deux parties égales ; de plus on observe quelquefois un autre cercle blanchâtre coupant le cercle parhélique en croix, le soleil étant au centre de la croix, et quand le phénomène est complet , on distingue , sur les bras de la croix et un peu en dehors du halo de 23, des images vives et colorées du soleil connues sous le nom de parhélies ou faux soleils. Parmi ceux que nous avons observés depuis deux ans, il s’en trouve un assez complet, dont je vais donner la description. Le 16 avril 4842, à 7 heures du matin, le soleil brillait dans un ciel légèrement vaporeux; à 7 heures 45 minutes les vapeurs étant devenues plus denses dans la partie orientale, il apparut à la gauche du soleil une-image assez brillante, non colorée de l’astre, puis de l’autre côté une tache blanche peu visible d’abord , mais évidemment située par rapport au premier sur un arcde cercle passant par le soleil. A 7 heures 30 minutes le parhélie de droite devint plus éclatant, la partie tournée vers le soleil prit une teinte rouge qui ne tarda pas à passer au jaune, puis au blanc brillant : à ce moment un halo bien défini se dessinait autour du soleil. À 7 heures 40 minutes le parbélie du côté de PE. prit un vif éclat, l’autre étant toujours à peu près le même. Quelques petits nuages se montrèrent poussés par uu assez fort vent de N.E. À 7 heures 47 minutes il y eut diminution d'éclat , mais à (319 ) 8 heures les deux faux soleils prirent, avec une forme plus arrondie, une lumière si éblouissante, qu’ils ne pou- vaient être regardés à l’œil nu. À 8 heures 35 minutes les parhélies étaient considérablement affaiblis, mais alors on distinguait un cercle concentrique au halo, d’un diamètre qui me parut être moitié moindre, faible- ment coloré, et jusqu’à 9 heures 15 minutes nous pûmes observer simultanément le halo, le cercle parhélique, les deux faux soleils et le cercle intérieur dont je viens de parler. À 9 heures 15 minutes le parhélie de gauche avait disparu, des nuages chassés par le vent de N.-E. cachaient souvent le météore à notre vue; à 9 heures 30 minutes le halo existait seul, pâle et vague, les nuages étaient aussi devenus plus nombreux ; quelques minutes après, le phénomène avait cessé. Les autres haios ou parhélies que nous avons observés étaient moins complets, ou moins vifs, ou de plus courte durée que ceux qui viennent d'être décrits , je me con- tenterai de les indiquer. 1840. Le 13 avril, parhélie à 7 heures du matin; il disparut après qu Îques minutes. — Le 16 août, un parhélie se montra à 6 heures 18 minutes du soir; à 6 heures 30 minutes de petits nuages empéchèrent d'observer pius long-temps le météore. — Le 12 novembre, parhélie à 8 heures 30 minutes du matin; au même moment, le com- mencement d’un bel arc-en-ciel se dessinait dans de gros nuages au N.; le parhélie disparut vers 8 heures 40 mi- nutes. — Le 30 novembre , à 1 heure 20 minutes, halo vague et parhélie qui paraissait encore à 2 heures 472. 1841. Le 14 mai, à 3 heures, halo bien défini; à 4 heures 172 commencement d’un parhélie, à 5 heures 172 second pa- rhéhe; à 7 heures le halo n’avait pas encore entièrement disparu.—Le 15 mai, à midi 472, halo; à 6 heures 15 mi- nutes un parhélie sans apparence de couronne se montra ( 320 ) et disparut à 7 heures.—Le 16 mai, à 4 heures 172, deux faux soleils sans halo; à 7 heures 172 ils mavaient pas entièrement disparu. — Le 24 août, à 5 heures 15 mi- nutes, parhélie brillant qui fut bientôt caché par des nuages. — Le 1°. octobre, à 2 heures 172, un parhélie qui ne tarda pas à être caché par des nuages poussés par un fort vent de S.-O. 1842. Le 16 avril: nous avons donné la description du halo -et des parhélies de ce jour. RÉSUMÉ GÉNÉRAL DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES OBSERVÉS À ABBEVILLE. Moyennes de g années Moyennes de 8 années (1834-41). | ; n (1833-41). JOURS DE (:) JOURS DE VENTS DE EE © EEE RARE Mois. | 5 |È)S | SA SE |S ls slé ls! # |&| 0 ê E |S & £ ë D |TISlE ô # À F Il Janvier. .| 13| 7| 3 | 1 915] 2 413144171413 Février. .| 13| 5| 2 | » 911121412141416|131)3 Mars... 414111131112 6|[2|12121|16]|6|4 Avril. 14131411|12 4311131112131315 ai] 13) +1 14116 2 10/4 11/2/4l4)5 Juin. | 161 »11 5113 413111221416 |7 Juillet: | 16! >» | 3115, .1513[21112151716 Aoùl..…… 13:11)3116:)21513111216)5|s Septemb.| 18| »| 1 2112 »|2|131312|418|141|4 Octobre. | 171111 12|111:3215|2|3|3|8|21|5 Novemb_.| 1711132! 972141315!419111|3 Décemb..| 13| 3| 2 | 1 : 31514,513171213 Moyennes 1167125122 25 mat annuelles. js 64 130 im 32 |75 |47 [56 (4) Le nombre des jours de vents pour chaque mois n’est pas toujours égal au nombre des jours du mois, à cause des divisions qui ne se font pas exactement dans la recherche des moyennes; cette remarque s’applique à tous les calculs de moyennes. (321) 4834. Hiver, température variable, vent dominant ie S.-0.— Printemps sec et froid, vent dominant le N.-E.— Été sec avec grandes chaleurs, vent dominant le N.-E.— Automne froid et humide, vent dominant le N.-E. * 4835. Hiver humide avec d’assez fortes gelées, vent do- minant le S.-C.— Printemps sec, vent dominant le N.-E. _Été beau, sec et chaud, vent dominant le S.-0.— Au- tomne pluvieux au commencement, froid à la fin, vents dominans le S.-O. et le N.-E. 1836. Hiver humide, vent dominant le S.-O. — Prin- temps variable, vent dominant le N.-E.—Été pluvieux et froid, vents dominans Île S.-O. etle N.-E.— Automne très- pluvieux, orageux, doux, vent dominant le S.-O. 4837. Hiver très-humide, vents dominans le S.-0O. et le N.-E.—Printemps humide et froid, vent dominant le N.-E. =—Ëté chaud et sec, vent dominant le N.-0.=—Automne beau et doux, vents dominans le S.-O. et VE. 1838. Eliver rigoureux, vents dominans l'E, et le S.— Printemps pluvieux et froid, vents dominans le N, et le NE. Été pluvieux et froid, vent dominant le N.—Au- lomae pluvieux et froid, vent dominant le S.-0. 1839. Hiver humide el neigeux, vents dominans le S..C. et le 8.—Printemps sec et froid au comraencement, ora- geux el chaud à Ja fin, vent dominant Île N.-E.— Kite plu- vieux ef orageux, vents dominans le S.-O. et le S. — Au- tomne doux au commencement, {rès-froid au milieu, hu- mide el de température variable à la fin, vent dominant le S.-E. 1840. Hiver froid au commencement, doux et orageux au milieu, sec et froid à la fin, vent dominant le N.E.— Printemps doux et beau, vent dominant le N.-0. — Été pluvieux et peu chaud, vent dominant le N.-0.—Automne pluvieux et doux, vent dominant le S. C. 1844. Hiver froid en commençant, puis pluvieux, sec et froid en février, doux et beau à la fin, vent dominant le S.-E.—Printemps crugeux el froid, vent dominant l'O.— (32 ) Été très-pluvieux avec grand vent jusqu’en septembre où il fit beau avec une température douce, vent dominant l'O. —Automne très-pluvieux et fort vent, vent dominant le S.-S.-0. 1842. Hiver sec et froid au commencement, beau au mi- lieu, pluvieux à la fin avec grands vents, vents dominans le S.etleS.-E.—Printempssec au commencement, sec el beau au milieu, beau et très-sec à la fin.—Commencement de l'été très-sec. Températuremoyenne de deux années(1840-41)+9°,44. Hauteur moyenne du baromètre d’une année (1841) 751% A6. Quantité d'eau tombée en 1841 0",98° 917. Halos et parhélies, 4 en 1840 et 5 en 1841. Nous avons trouvé que le nombre des jours pluvieux est le plus grand par le vent de S.-0., et le plus petit par le vent d’E., dans le rapport de 12 à 1 pour 8 années (4834-41), que ce nombre est aussi plus grand aux Pleines Lunes et aux Premiers Quartiers qu'aux Nouvelles Lunes et aux Derniers Quartiers, pour 9 années (1833-41); enfin qu'aux vents de N. correspondent les plus grandes hau- teurs du baromètre , et les plus petiles aux vents de S. [par vent de N.-E. on a H +3,393 et par le S.-0. H-—3,549; H étant la moyenne de 16 mois à midi —758,065], plus pelites aussi aux Premiers Quartiers et aux Pleines Lunes qu’aux Nouvelles Lunes et aux Derniers Quartiers , pour l’année 1841 et les 4 premiers mois de 1842. Eufin nous mentionnerons en particulier l’orage du 17 juin 1839 avec grèle d’une grosseur extraordinaire, linondation du 15 janvier 1841 et l'ouragan du 10 mars 1842. ù Depuis la rédaction et pendant l'impression de ce Mémoire, 3 mois, mai, juin, juillet, se sont écoulés; on trouvera dans le tableau suivant le résumé des observa- tions faites pendant ce temps. 323 ) ( ‘wu Of ‘4 11 te Ÿs 91 30 ‘qe UCI 9] SOFUE] ‘u gi y 9 LACET LL * SE “alr'q ce eg 2[ O[UH -- sos NpDUU GER UE) 1€ 0[ a1j211tq “4108 np ‘y L j9 ‘Lu GI “y 9% ÿ ay sotjoqueq-- °avo,p “ui g rn0(o0 pquuo 159 pi ‘oz np a8u40 j quupnod WIPO on1 o4p NO} E[ 2p any) *satormonued SUONUAIIEG() C8 1E 2 G INTIME LU RUN CM SSP RS | ‘ai ‘3 af ‘ao 97 ‘OP 98 27 *O-'S 9p 63 97 *O-"S-"S 9p 53 97| ‘H- NN *OP EG 97 : "OP 08 o71|‘"0-N-"oll 8x 4 0 ne EE 5, 2 NUIX ‘H=°N-'N 0p 97 9T ‘O-"S"O.P 8 97] ‘4-"n-'N ‘O-'8-"S °p L 97 P auusAOpy ‘jus spuvis P quon P 21IquON "SIOUI N ou 2j suep “amçd ep smof o neo p ?1HIuen) ‘sduray ntsq 2p p sinol ap a1quoig °s sanol © ÉUCTES laxtauuoy 2 "8 °1 067 LV 91 © OT 910 ‘ÿ QU oFY "CT 21087 ‘079, ‘gel £ 9] of} *G 21 00} SSI OI 09£ STE 91 0G€ | 97 LT *a$sa12y2as apueiS sn Ts “otS A ap 21800 Em 7 | ee, mn "SINdITLANOUDAH SNOILVAUXSAO 0€'0"F'o8 G0'OT ob [15 091 &L 1e2|02 024 A 16/61 g'9+ | 6a+ ‘aof ONE 91] Fa 0t'oc gr Lost cc 'ot'arlee ro |Lr ze 79'89L a es "OL 91 °C ÎTI 8] 087 ‘à 21088] F'ogr+ "CYST IV OPEN HO ET ee) 900 07e Ir 011 | Le Ge] 11 orL|e6'e0z va m ; suusAOy LL ELLE € “ainesoduoy *SANdIALANONUTHE *A{0S np'ug| ‘pr AQILE TE) *J10S ‘pu np 'uG REGOIIRCrOI ‘“JLOS| ‘H10S np'qginp'uG R L 9I|RGLOT L'EU mu = tz _ +) Ce) T EE 2 € 8 & < £E © £ œ a 7 œ 3 8 æ œ = E © = 9 Œ, Es En # ÿ Fe 5 — © ®œ 5 ( 324 ): Addition à la deuxième Partie. La température des sources étant un élément impor- tant pour connaitre la température d’un lieu, nous avons pris à différentes époques la température de deux fontaines et de deux puits, dont un assez profond. A. PUITS. Ce puis, situé chaussée du Bois, n°. 90, a 9 mètres de profondeur, il y a toujours plus d’un mètre d’eau. 5 novembre 1841, à 3 heures du soir. Thermomètre extérieur +-4°; dans l’eau +-10,8. 10 novembre, à 4 heures 55 minutes du soir. Ther- momètre extérieur 46.5; dans l’eau +411. 42 janvier 1842, à 4 heures 20 minutes du soir. Thermomètre extérieur —3°; dans l’eau +-10,5. 29 juillet, à 8 heures 10 minutes du soir. Thermo- mètre extérieur +-13°; dans l’eau +11. 2e. PUITS. Ce puits, situé à 7 kilomètres environ d’Abbeville, au bois de Fréchencourt, a 87 mètres de profondeur, dont 2 mètres d’eau. A1 août 1842, À 6 heures du matin. Thermomètre extérieur 4147; dans l’eau +11. Aïe, FONTAINE. Cette fontaine, appelée Fontaine Lecomte, rue du Moulin-du-Roi , coule constamment; le niveau de l'eau est à 90 centimètres au-dessus du fond et à 1 mètre 15 centimètres au-dessous de la rue. 10 novembre 1841, à 4 heures du soir. Thermo- mètre extérieur 7°; dans l’eau +-11. 42 janvier 1842, à A heures 50 minutes du soir. Thermomètre extérieur —3°,3; dans l’eau +-10,6. (325 ) 29 juillet, à 8 heures 50 minutes du soir. Thermo- mètre extérieur 13°; dans l’eau +11. 10 juillet, à 2 heures. Thermomètre extérieur +32’; dans l’eau 4-11. 2°. FONTAINE. Cette fontaine, située à Mareuil, à 4 kilomètres environ d’Abbeville, coule sans interruption, quoique faiblement dans les temps de sécheresse ; le niveau de l’eau est à 5 décimètres au-dessus du fond et à 1 mètre au-dessous de la rue. 11 août 1842, à 7 heures 35 minutes du matin. Ther- momètre extérieur 18°; dans l’eau +411. Ici doit se terminer notre travail : nous sommes loin d’avoir la prétention de croire qu'il suffise pour faire connaître le climat d’Abbeville, mais nous avons l'espoir que les observations qu’il renferme ne seront pas sans valeur pour la détermination future de la météofologie du pays. L. BRION. Kecherches Archéologiques SUR LE CROTOY. DEUXIÈME PARTIE. SR En terminant la première partie denos Recherches sur le port du Crotoy (1), nous avons pris l'engage- ment, de faire ultérieurement tous nos efforts, pour découvrir le nom de la ville qui a laissé des traces si manifestes et si nombreuses, entre la partie de la grève où fut autrefois la chapelle St-Pierre et les restes mutilés de l'antique abbaye de Mayoc. Nous avons tenu parole, et nos investigations nous ont appris, que là, a existéen effet autrefois, Britannia, capitale de l’un des peuples de la Gaule-Belgique, que les géographes anciens nous font connaître sous le nom de Britanni et à la recherche de laquelle, Nicolas Sanson, a vainement, suivant l'opinion gé- (4) Voir les Mém. de la Soc. d'Ém. d’Abbeville, pour 4838, 4839 et 1840, pag. 327. ( 328 ) nérale, consacré. un volume tout entier. Pensant avoir été plus heureux, voici la série des documents historiques et géographiques, qui nous ont conduit au résultat que nous croyons avoir obtenu : docu- mens qui sont pour la plupart, différens de ceux dont Sanson s’est servi. Lorsque les Romains apprirent qu'Hannibal fran- chissait les Pyrénées , pour venir à travers la Gaule, les attaquer au sein de l'Italie; Publius Cornelius Scipion, alors consul, envoyé pour lui disputer le passage , partit de Rome , longea les côtes dela Tos- cane, de la Ligurie, du pays des Saliens de Marseille, et s'arrêta à l'embouchure du Rhône, pour appren- dre des nouvelles des Carthaginois. Là des députés marseillais vinrent le saluer et lui faire des offres de service (1). Or, Strabon nous apprend (2) en citant Polybe, qui lui-même déclare l'avoir puisé dans Pythéas, géographe marseillais, qui vivait vers 325 avant J. C., que ces députés étant devant le consul Ro- main , interrogés par lui sur ce qu'ils savaient de Britannia, Narbo et Corbillo, pas un d’entr'eux n’en put rien dire, malgré que ces villes fussent des meilleures de toute la Gaule. Ce passage était pour ainsi dire enfoui dans les œuvres que nous venons de citer , lorsque Nicolas Sanson l’éxhuma, et en fit, comme nous l’avons déjà . (4) Polybe, lib. 2. (2) Strab. , géog. . ‘() dit, le texte d’un ouvrage imprimé à Paris en 1636 sous le titre de BriTANnrA où Recherches sur l'anti- quité d'Abbeville, dans lequel il fit des efforts inouis, pour établir que cette ville où il avait reçu le jour, n'était autre que la première des trois, dont Scipion avait, suivant Pythéas , demandé 2000 ans avant, des nouvelles aux députés marseillais. Cette opinion trouva dès sa naissance , de puissants adversaires , notamment Bayle en son fameux die- tionnaire , au mot Abbeville; et le père Labbe, dans ses Tableaux méthodiques de la géographie royale, ainsi que dans son Pharus Galliæ antique, qui parut en 1644. Quant à Adrien de Valois, si bon juge en cette matière, il s’abstint dans sa Notitia Galliarum, pu- bliée 19 ans après , non seulement de faire mention de Britannia; mais encore, s’expliquant sur l’origine d'Abbeville, il y dit : &tà vocabatur hæœc villa, quôd ad abbatem monasterii centulensis pertineret. Enfin on lit dans Danville (1): « Sanson voulant donner de l'illustration à sa pa- . » trie, suppose qu'ila existé une ville sous le nom de » Britannia dans le lieu qu’occupe Abbeville, que » l’on reconnait néanmoins primitivement sous le » nom d'Abbatis Villa, comme un bien appartenant » à l’'abbayedeSt.-Riquier et qui ne devint une place » de quelqu'importance, Castrum, que sous le règne » de Hugues Capet. » (4) Hadr. Valesii, not, de la Gaule, p. 476. ( 330 ) Telle a été l’opinion des modernes sur cette ville de Britannia; quant au sentiment des anciens sur Pythéas, qui est le premier qui ait rapporté cette con- versation, il n’a point été uniforme. Eratosthènes qui écrivit cent ans après lui, un livre sur la Gaule, intitulé Galatikon, et qui était homme d’une grande érudition pour son époque, puisqu'il eut connaissance des guerres et des migra- tions des Gaulois en Grèce et en Italie, et qu'il parle du Rhin et de la forêt d’Hercinie (1); Eratosthènes, disons-nous , accorda une telle confiance au voyageur marseillais, qu’il paraît avoir copié dans sa relation, tout ce qu'il nous à transmis de la Gaule : il n’est même pas le seul ancien, qui lui ait témoigné une opinion si favorable, car nous voyons dans la géo- graphie des Grecs par Gosselin, qu'Hypparque s’est également servi de Pythéas pour son age. géogra- phique. D'un autre côté, Polybe qui comme on sait, a voyagé en Gaule, et qui nous a fait connaître les notions positives, mais bornées, qu’il avait recueillies lui-même sur cette contrée; Polybe, disons-nous, à dédaigné de nous transmettre le détail des décou- vertes de Pythéas. j «Nous ne connaissons, dit-il (2), rien del Europe, » qui est entre le Tanaïs et Narbonne, jusqu'au » Septentrion: peut-être que dans la suite, nous (4) Seidi Eratosthenis mr fragmenta foltene, 4789. (2) Pelybe, lib. 3, cap. 7, t. 4, p.467. (881 } » en apprendrons quelque chose ; mais de tous ceux » qui en parlent ou qui en écrivent, on peut hardi- » ment assurer, qu'ils parlent ou qu'ils écrivent sans » Savoir, et qu'ils ne nous débitent que des fables. » Quant à Strabon, ne se bornant pas à lancer contre Pythéas des allusions du genre de celle qu'on vient de lire; il n’appelle jamais cet auteur, autre- ment que vain et menteur : et lorsqu'il cite, notam- ment , la conversation que nous venons de rappeler entre Scipion Emilien et les députés marseillais, il ajoute, que Polybe même, n’a pu croire que Pythéas, homme privé et pauvre, ait tant couru sur terre et sur mer qu’il l’a dit. Pour savoir qui à tort ou raison d'Hypparque et d’Eratosthènes ou de Polybe et de Strabon , il faut nécessairement, reprendre les choses de haut. Nous ne pouvons donc faire autrement, que de nous livrer ici, à une sorte de digression. Vers l’an 350 avant J. C., tandisqueles Étrusques et les Romains , soutenaient souvent avec désavan- tage, une lutte incessante contre les Gaulois-Cisal- pins; les Phocéens établis à Marseille, et les Tyriens fondateurs de Carthage , faisaient par le commerce , des conquêtes pacifiques et établissaient des colonies sur la côte méridionale de la Gaule-Transalpine, et sur celle de l'Espagne. Ils entreprirent comme tous les peuples navigateurs, des voyages de découvertes: et deux relations de Pythéas , qui existaient encore au quatrième siècle de notre ère, intitulées : l’une, Navigation autour du Monde; l'autre, Description de l'Océan, furent, sans aucun doute, le fruit de voyages de cette espèce. ( 332 ) Pour donner une idée du peu d’étendue des con- naissances géographiques à cette époque , nous dirons qu’'Hérodote qui vivait cent ansavant Pythéas , igno- rait si l’Europe était bornée au nord et à l’ouest par la mer (1); et que la division de la terre admise par Ephore, contemporain du navigateur marseillais, était suivant ce que nous apprend Scymnus de Chio, formulée dans les termes suivants (2) : «Les Celtes habitent entre le Zephiros ou couchant » équinoxial jusqu'au couchant d'été. Les Seytes » habitent au nord : les Indiens entre le levant d’été » et celui d'hiver : les Ethiopiens , au midi, ensuite » commencent les Celtes au couchant équinoxial. » Ainsi l’Iberie était alors considérée comme partie de la Celtique; et en effet, Aristote qui parle de la plaine dela Cra, de Marseille et du Rhône (3), paraît n'avoir rien connu audelà des colonnes d’Hereule, malgré que dès 150 ans avant lui, Scylax eût reculé les connaissances géographiques sur l'occident de l'Europe, jusqu’à Gades ou Cadix ( 4). Enfin Polybe qui fleurissait environ 130 ans après Pythéas , puisqu'il est mort l’an 608 de Rome (5), a dit : «On fait peu d'usage du détroit des Colonnes » d'Hercule , premièrement parce que peu de gens (4) Geograp. anc. de la Gaule, par Walkenaer, tom. 4, p. 205. (2) Seymnus de Chio, apud geog. monor Hudson, tom. 8, p. 41. (3) Arist. meteor. 44, 8.—Strab. 4, 483.—Dyonis bal. ant. 4, 41. () Scylax, p. 6, apud Hudson geogr. minor. (5) Vie de Polybe, t. 4, de la traduct, de D. Thuillier. (333) » sont en commerce avec les peuples qui habitent les » extrémités de l’Europe et de l'Afrique : en second » lieu parce que la mer extérieure est inconnue. » Or, cette mer alors inconnue , n'étant autre que l'Océan qui communique à la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, il faut en conclure, qu’à cette époque , on ne connaissait de la Gaule, que la partie qui, baignée par la Méditerranée, se trouvait entre l'Italie et l'Espagne, et que tout le littoral à partir de Bayonne, jusqu’au Rhin et au delà, était encore considéré comme presqu'inconnu. Nous disons presque, parcequ'il est certain, que même avant cette époque, les Carthaginois , sous la conduite notamment d’'Himilcon (1), avaient exploré ces parages , puisque nous savons par ce qui nous reste du Périple de ce navigateur, qu'ils allaient chercher de l’étain dans les îles Sorlinques, dans cellesnommées alors Cassitérides, aussi bien que dans la presqu’ile de Cornouaille; et qu’ils allaient recueil- lir de l’ambre, sur les côtes de la Baltique : mais ils se livraient à ce commerce, avec tant de secret, cou- lant bas tous les vaisseaux étrangers qui se risquaient dans ces parages, qu'Hérodote, qui avait entendu parler de ce qui précède, n’en fait mention, qu'en déclarant qu'il n’y croit pas. Or, c’est dans cette mer alors inconnue, que Py- (4) Avienus Rufus ora maririma, vers. 94, 95, 96, 444, 417, 454 et 455. — Recherches sur les connaissances géographiques des an- ciens le long des côtes des Iles Britanniques, par Gosselin. (534) théas , peut-être sur un vaisseau carthaginoïs, pé- nétra par le détroit des Colonnes-d’Hercule ; et que le premier , il fit connaître, quoiqu’en dise Strabon, des détails dont Polybe ne put apprécier l'exactitude, parce que, comme l’a demontré M. Walkenaer, dans la première partie de sa Géographie ancienne des Gaules, du temps de l'historien romain, les con- naissances géographiques avaient rétrogradé, depuis le voyageur marseillais. Quant à la plupart des reproches accumulés contre lui par Strabon; ils ont été, nous ne craignons pas de ledire, victorieusement repoussés , par Nicolas Sanson, dans ses Recherches précitées, sur l’anti- quité d’Abbeville : par Malte-Brun, dans la sa- vante histoire de la géographie, qui compose les vingt-deux premiers livres de sa géographie uni- verselle, si justement estimée: enfin par M. Wal- kenaer , dans le beau monument qu'il vient, ainsi que nous l'avons déjà dit, de consacrer à la géographie ancienne de notre patrie. On ne peut attendre de nous, que faisant un tout des diverses démonstrations de ces auteurs, nous entreprenions d'établir ici, la généralité du mérite des découvertes de Pythéas et de l'exactitude de la plupart de ses assertions. Ce travail constituerait à lui seul, un ouvrage volumineux et important. D’un autre côté, nous comprenons que ce n’est cependant point assez pour nous, d’avoir établi, que foi est dûe en général , à ce qu’a dit le navigateur marseil- lais ; nous allons donc démontrer spécialement , pour le besoin de nos déductions ultérieures , qu’il a connu ( 335 ) d’une manière toute particulière, les parties du litto- ral des Gaules , où la Loire et la Somme versent leurs eaux. Pythéas a écrit, entr'autres choses, qu'il exis- tait à l'extrémité occidentale de la Gaule, un pro- montoire qui se projette au loin vers l'occident , il le nomme Calbium promontorium et d’après les indices qu’il donne , on ne peut douter que cene soit l’extré- mité occidentale de la Bretagne, le Cap du Raz. En elfet, Eratosthènes nous apprend, que Pythéas a dit que ce cap Calbium , avançait de 2000 stades plus à l’ouest, que le Cap Sacré de l’Ibérie: or, comme cette mesure de 2000 stades , représente Juste 171/26/ ou 57 lieues marines; cette mesure se trouve être précisément, celle des côtes depuisle cap du Raz, qui représente le cap Calbium , jusqu’à l'embouchure de la Loire, ainsi que l'ont vérifié M. Walkenaer et feu Gosselin dans ses Recherches sur la Géographie systématique des anciens. Une autre preuve que Pythéas, quoiqu’en disent Polybe et Strabon, a connu cette partie du littoral Atlantique; c’est qu’il nomme Timii, les peuples qui habitaient aux environs du cap Calbium. Strabon qui nomme ces peuples Sismii (1) indique bien en effet, leur position à l’ouest des Veneti, qui occupaient les environs de Vanne. Ils sont nommés Ostidamnii par Eratosthènes et Osismii par Cesar, Ptolémée etautres (4) Strab., geogr., lib, 4, p. 495, édit. d'Almeloveen, (336 ) auteurs (1). Ces peuples paraissent être les mêmes que ceux qui sont nommés Ostiones par Étienne de Bysance (2) qui rapporte à ce sujet, un fragment précieux d’Artémidore conçu en ces termes : « À la gauche de ceux-ci sont les Cossimii appelés » Ostiones , ou selon Pythéas Ostiæos. » Ainsi par la réunion des noms qu’Artémidore et Strabon disent avoir été donnés par Pythéas, au peuple qui habitait l'extrémité occidentale de l’'Eu- rope, on à Ostimii ou Ostionestimii ou Ostitaminü. Or, M. Walkenaer à très-bien observé à ce sujet, (3) que l’étimologie de ce nom, se conserve encore dans celui d'Ouessant moderne ; et que le nom de Cossini parait se retrouver dans un lieu nommé Crosson, situé à l'extrémité de la Bretagne, près l’'anse de Dinan. Enfin il est tellement vrai, que Pythéas a parfaite- ment connu l'embouchure de la Loire, qu’il aindiqué comme s’y trouvant , une ville alors florissante nom- mée Corbillo et par conséquent la même que celle de ce nom , sur laquelle Scipion Emilien aurait pris des informations auprès des députés marseillais. C’est Artémidore, cité par Strabon (4), qui nous a transmis le fait de cette mention; et malgré que de- puis ce dernier géographe grec , aucun auteur n’ait \ (4) Cesar, de Bello gallico; Ptolemée, géog., lib. 2. (2) Steph. Bisanti., p. 771, édit. Berk. (3) Walkenaer, Géogr. anc. des Gaules, tom. 4er,, p. 404. (4) Strab., geog. lib. 4. (337 ) signalé l'existence de cette ville, De Valois a cepen- dant cru devoir lui consacrer une notice qui com- mence en ces termes (1 ) : Strabo Massaliam , Narbonem et Corbillonem tres Galliæ opulentissimas wrbes fuisse scribit. Ego Coi- ron vel Coeron esse potius crediderim qui locus est ad flumen Legerim.…. Danville aussi , a cru à l'existence de Corbillo et à la réalité des découvertes de Pythéas dans l'Océan Atlantique , puisqu'on lit dans sa notice de l’ancienne Gaule, pag. 245. « Pythéas qui est célèbre dans l’antiquité par ses » découvertes dans l'Océan Septentrional, mettait » _ Corbillo au nombre des villes les plus opulentes de » la Gaule... Strabon nous apprend que Corbillo » était un port sur la Loire qui devait être déchu de » son état florissant, puisqu'aucun autre auteur » n’en fait mention. Sanson veut que Corbillo soit » Condivicum sans en rapporter la preuve, d’autres » ont jeté les yeux sur Coeron et je crois qne cette » opinion est plus convenable...» Enfin M. Walkenaer a émis sur ce point, une troi- sième opinion, également conrfimative des décou- vertes de Pythéassur les côtes de la Gaule.Considérant aussi lui, Corbillo comme ayant incontestablement existé; il a placé cette ancienne ville à Corsep; d’a- bord parce que ce nom ressemble davantage, dit-il, à l’ancien que Couéron et que ce lieu est plus vérita- 4) Hadr. Valesii, Not. galt., fo, 459 ( 338 ) blement à l'embouchure de la Loire : puis en dernier lieu, parce que auprès de Corsep, il y a une localité nommée Brevin, qui indique un Briva celtique, c’est- à-dire, un port ou un lieu de passage, suivant quelques auteurs ()- Or, si d’après ce qui précède, il est FRE que Péxisténcé de Corbillo à l'embouchure de la Loire, a été admise de tout temps et par les auteurs de tous les pays , malgré que Pythéas soit le seul qui ait ré- vélé son importance: si ce voyageur, outre cette ville, nous a encore signalé sur cette côte, le promon- toire le plus voisin et le plus remarquable de ces pa- rages , en y joignant avec une admirable précision , la mesure de la distance qui séparait l'embouchure de la Loire, du cap Calbium : si à ces renseigne- mens reconnus vrais , il a ajouté avecla même exac- titude, la désignation nominative, des peuples de cette partie du littoral ; désignation , qui se retrouve de nos jours dans les noms d’Ouéssant et de Corson; (4) Nous croyons être en mesure, de pouvoir démontrer un jour, que le nom de Briva ét de ses dérivés, désigne, un lieu con- sacré au culte alors que les habitans de la Gaule, encore couverte de marais, se nommaient Omgn,et que tout le littoral océanique de cette contrée, portait le nom de Britan. Nous n’ignorons point avec quelle défaveur une pareille nouveauté devra être accueillie; cependant hous le répétons, nous croyons posséder les élémens d’une complète démonstration de ce. point et de plusieurs autres non moins contraires aux idées généralement reçues. Pour le moment, nous nous bornerons à dire que Britan signifie pays marécageux; Ombri, hommes ou habitans des marais, et Briva, le marais sacré. (339 ) comment se refuser encore à croire, que Polybe s’est trompé, lorsqu'il a écrit, que de son temps, per- sonne n'avait parcouru l'Océan Septentrional : comment se refuser à croire , que Pythéas , qui parle de tous ces lieux de visu, ait réellement exploré nos côtes dès cette époque; et que notamment, il ait poussé ses découvertes, jusqu’au cap extrême de notre ancienne province de Bretagne ? Cette démonstration faite ; est-il probable, est-il vrai: que Pythéas se soit arrêté au promontoire Calbium ; ou, doit-on croire, qu’il a continué l’ex- ploration du littoral , jusqu’à son extrémité septen- trionale, c'est-à-dire, jusqu’au promontoire couronné par Gesoriac, aujourd’hui notre Boulogne-sur-mer ? Ici, le simple bon sens voudrait que l’on erût notre auteur sur parole , lorsque ses récits attestent l’affirmative : mais nous n’en sommes point réduits à cette nécessité , et les élémens ne nous manquent pas , pour démontrer que Pythéas a bien réellement poussé ses voyages au delà du point que nous venons de désigner. En effet, non seulement il parle de l’île de Thulé qui est reconnue pour être l'Islande ; mais il est encore entré dans de nombreux détails, sur les îles de la Grande-Bretagne, dont il nous a donné un périmètre qui ne paraît fautif , que parce que, comme l'a établi Nicolas Sanson (1 }, les copistes nous l'ont transmis altéré; et que parce qu'avant Malte-Brun, on n'avait pas reconnu la dénomination et la mesure du (4) Britannia, p.68. ( 340 ) stade par lui employé : il nous a fait connaîtreparson nom, le cap Cantium, qui placé à l'extrémité du com- té de Kent , en face des côtes de la France de l’autre côté du détroit, devait nous être désigné plusieurs siècles après , sous la même dénomination, par Cesar en ses commentaires : enfin ce qui prouve qu'il a réellement visité en observateur exact. et. instruit ; cette partie des côtes du continent Gaulois, depuis le golfe de Gascogne jusqu’à son extrémité septentrio- nale , est surtout le fait que voici : Polybe (1) réitérant ses assertions erronées , a dit: « La partie la plus considérable de l'Europe , » est au septentrion , entre le Tanais et Narbonne, » laquelle au couchant n’est pas fort éloignée de » Marseille, ni des embouchures du Rhône, par » (pr ce fleuve se décharge dans la mor de » Sardaigne: c’est autour de Narbonne jusqu'aux » monts Pyrénées, qu'habitent les Gaulois, depuis » notre mer jusqu’à la mer extérieure. Le reste de »_ l'Europe.depuis ces montagnes, jusqu’au couchant » etaux Colonnes d'Hercule, est borné partie par » notre mer et partie par la mer extérieure. Cette ». partie qui est le long de la Méditerranée, est l'I- », bérie. Le côté qui.est sur la mer éxiérienies! ou ».la grande mer , n’a point encore de nom commün, | » parceque « ce n’est que depuis peu, qu’on l’a de- ». couvert : il est Dern par des nations barbares PEU (4) Pulibe, lib. 3, cap.7, tome 1, p. 467, édit. de Schweighœuser. » (341) Le: sont en grand nombre, nous ne connaissons rien de l'Europe qui est entre le Tanais et Nar- bonne j jusqu'au Septentrion. Et cependant Polybe nous a donné une mesure dont la scrupuleuse exactitude , ne peufêtre le ré- sultat de ses propres travaux, puisqu'il avoue tex- tuellement, dans le passage que nous venons de citer tout exprès, ne rien connaître des côtes de l'Océan : c’est Pline qui rapporte cette mesure. » » « Polybe, dit-il (1), a écrit, que la largeur de l'Europe, depuis l'Italie jusqu'à FOcéan, est de 1150 mille pas. Sa dimension, ajoute Pline, était alors peu connue. » « Elle l'était au contraire très bien , s’écrie M. Wal- kenaër à cette occasion (2); et en effet, continue- il, un coup d’œiljeté sur la carte de la partie ocei- dentale de l'empire Romain par Danville, nous montre que cette mesure, a dû être prise depuis l'extrémité de l'Italie, au promontoire jopygium, jusqu’au point le plus voisin de l'Océan (usque ad -Ocearum), qui est l'embouchure de la Canche:; or, on mesure juste entre ces deux points , en ligne directe 15° 20’, ou 920 milles géographiques ou 1150 milles Romains ; puisqu'il est prouvé que Polybe n'a pu déduire cette mesure d’après ses propres observations, on est ie d’en faire hon- neur à Pythéas. » (4) Piine, hist. natur., lib. 4, cap. 23, 6 37. {2) Géog anc. des Gaules, 1.1, p 2415 (342) Nous ajouterons qu’il est tellement vrai que cette mesure n’appartient pas à Polybe, que Pline observe avec une grande justesse, que d’après le travail d’Agrippa, elle doit être conduite jusqu’à Portus Mo- rinorum Britannicus ou Itius, et que cetteremarque se trouve confirmée par le père Hardouin, ce savant éditeur de Pline : or, Polyhe n’a jamais connu ce port: donc la mesure ne lui appartient pas; donc elle est de Pythéas de même que celle de l'embouchure de la Loire au promontoire Calbium ; done il resulte non pas seulement des savantes dissertations des Sanson, des Malte-Brun, des Danville, des Gosselin et des Walkenaer , mais aussi de ce qui nous est parvenu d'Eratosthènes , d'Hypparque, d’Artémidore , d'É- tienne de Bysance , de Polybe et de Strabon , que ce navigateur marseillais , a bien réellement exploré en observateur de génie , la totalité des côtes septentrio- nales de la Gaule ; Strabon n’ayant parlé de Corbillo, que d'après lui et Polybe lui ayant emprunté une mesure qui prouve qu’il avait poussé ses excursions jusqu’au cap des Morins , long-temps considéré com- me étant de ce côté-là l’extrémité du monde. Parvenu à ce point de notre long mais inévitable exposé préliminaire, nous allons maintenant faire connaître les noms des peuples qui habitaient cette partie du littoral belge et c’est encore à Pline que nous en emprunterons la nomenclature. Il dit (1) à cette occasion : (4) Pline, lib, 4, cap, 47. (343 ) A Scalde incolunt Toxandri pluribus nominibus deinde MeNaApi1, MOoRINI OROMANSACI juncli pago qui Gesoriacus vocatur. BRITANNI, AMBIANI, BEL- LOVACI, HASTI ; inirorsüs CASTOLOGI, ATREBATES NERVIL LIBERI, VEROMANDUI, etc. « Pour bien éplucher ce passage, a dit Sanson » (1) et faire reconnaitre là où particulièrement un » chacun de ces peuples a eu sa demeure ; considé- » rons tout Ce quartier aujourd'hui en ses deux sortes » de gouvernement séculier et éclésiastique. Par » l’état séculier, nous trouvons que Toxandri étaient » là où est aujourd’hui la Zélande; Menapu, là où » . est le Brabant ; Morini, la Flandre; Oromansaci , » le comté de Guisnes et la seigneurie d’Ardres ; » Gesoriacus pagus, le Boulonnais ; BRITANNI, le » Ponthieu; Ambiani, l’'Amiennois, etc. » Danville (2) après avoir cité le passage ci-dessus de Pline , ajoute aussi, lui, textuellement : « Selon cet ordre, et procédant du nord au sud, » les Britanni se placent au delà d’une rivière qui » termine le diocèse de Boulogne, dans lequel le » Pagus Gesoriacus est contenu, et ils s’étendent » dans le Pagus Pontivus ; cette rivière estla Can- » che.» ce rs Donc en plaçant les Britanni au delà de la Canche, par rapport à Boulogne , Danville les a placés entre (4) Sanson, Britannia, p. 42. (2) Danville, Not. de l’ancienne Gaule , p. 176. ( 344) cette rivière et la Somme, c’est-à-dire commeSanson, dans le Ponthieu, Pagus Pontivus, et en effet; Hennebert (1) a dit : « Pline reconnait entre la Can- » che et la Somme des peuples qu’il nomme Britanni; » le père Hardouin les place sur lescôtes del’Océan où » sont Montreuil, Hesdin, Etaples, avec la partie du » Ponthieu, qui touche à la rive droite dela Somme, ». Ortellius les dit peuples de la Gaule-Belgique, etc. » Quant à M. Walkenaer dont l'ouvrage se trouve être un résumé méthodique, de tout ce qui a été écrit jusqu'ici, sur la Géographie ancienne des Gaules, il a dit , tome 2 : « Dans la Belgique , Pline selon son usage , nomme » quelques cités particulières enclavées dans le ter- » ritoire de peuples déjà connus : tels sont les Oro- » mansaci qui sont joints au Pagus Gesoriacus et les » Britanni. Comme Pline procède 1ci, à partir de » l’Escaut, on peut placer, ainsi que nous l’avonsdit, s avec Danville, les Oromansaci chez les Morini, » dans le district situé entre Calais et Gravelines, » qui est appelé terre de Merk ou Mark et est » voisine du Boulonnais ou du Gesoriacus Pagus. _ «Les Britanni qui sont nommés à côté des Ambiani, » peuvent être placés à l'embouchure de la Somme, » mais plus près de la côte et en tirant davantage » Vers Gesoriacum que ne l’a fait Danville. » Ce qui veut dire, que suivant M. Walkenaer, les {4) Henncbert, Histoire générale de V'Artois, tome 4, page 27. ( 345 } Britanni s’étendaient moins dans le Ponthieu que Sanson ne l’a cru, et plus vers Boulogne , quene l’a pensé Danville , qui leur a donné la Canche pour li- mite septentrionale. Établissons maintenant , que ce peuple Britanni, dont l'existence prouvée par Pline, n’a été jusqu'ici mise en doute par personne, devait avoir une capi- tale dont le nom devait être Britannia. Dom Martin, de la Congrégation deSt.-Maure, fut un érudit du premier ordre, auquel nous devons, non seulement une savante histoire des Gaulois, mais encore une histoire de la religion de ces peuples, en tête de laquelle se trouve un discours sur les mœurs et coutumes des Gaulois, rapide résumé des plus studieuses recherches. On y lit entre autres choses : « Quoique la nation entière (des Gaulois) fût ». composée au moins de cent peuples différents, qui » formaient chacun un canton; tous les cantons se réunissaient pour se gouverner par des lois géné- » rales et fondamentales qui concouraient au bien » de tout le corps. Sur ce plan, quoique chaque » peuple eût d’ailleurs son Senat , son roi, au Ver- ».gobret , quand lesintérêts de l’état le demandaient, » ils ne manquaient jamais de créer un chef, général » de la nation. Le lieu des assemblées ou diètes ». générales, n’était point fixé... Celui des diètes ». particulières, était presque toujours dans la capitale » du canton... Les Belges septentrionaux et qui » étaient les plus proches du Rhin, n'avaient point » de villes , du moins qui fussent fort connues , tous > les autres cantons sans exception, en avaient par- (346) » tout une, qui portait toujours le nom du canton , » dont elleétait la capitale... » - Vérifions l’exactitude de cette dernière allégation, sur le texte même de Pline, où se trouve mentionné le nom des Britanni, nous y lisons : A Scalde incolunt Toxanprti pluribus nominibus. Il existe près de Maestrict , un lieu nommé Tes- sender-Loo , c’est le même que celui qu'Amien-Mar- cellin nomme Locus Toxandria, voilà l'antique ca- pitale des Toxandri. Pline continuant sa nomenclature, nomme après les Toxandri, les Menapii et les Morini, qui se rapprochant du Rhin n'avaient pas primitivement de villes. PE “0 Après viennent non pas les Oromansaci, comme on lit dans la plupart des éditions de Pline, mais les Oro-marsaci suivant la leçon constatée dans les manuscrits, par le P. Hardouin.-Or, tous les auteurs ? i .° 4 “a s'accordent à reconnaître la position de ce peuple, dans le canton vers Gravelines et Calais, qui a pour chef- lieu le village de Marc et qui setrouve limitrophe de la partie du Boulonnais la plus voisine de la Gesoriacum. Quant au Gesoriacus Pagus, que Pline place après les Oromansaci, chacun sait que l’auteur anonyme de la vie de l’empereur Constantin, dont ‘on doit la publication à Henri de Valois, s'exprime en cester- mes : properans ad patrem Gonstantium venit Bono- miam, quam Galli prius GESORIACUM VOCABANT. On sait également que la ville des Ambiani, se nommait Ambianum, de même que Samarobriva; que Beauvais, nom Celtique, le même que Bavai, est (347) encore aujourd’hui la capitale du pays des Bellovacis que les Hasti ou plutôt les Hassi, comme portent les manuscrits , occupaient un canton du département de l'Oise , dont le nom est Huiz dans quelques cartes, et plus communément Hez , où nos rois et notamment St.-Louis, eurent un palais, nommé encore la Neu- ville-en-Hez ; que la capitale des Castologi fut Chalons; celle des Atr ebates, Attrebas ou Arras, etque par le même moûüf , celle des Veromandui doit être, quoi- qu’on en dise: le village actuel de Vermand. Donc, rien n'est plus généralement vrai, que la règle posée par D. Martin, spécialement pour la partie des Gaules où les Britanni se trouvaient pla- cés : donc la capitale de ces peuples , devait se nom- mer Britannia; done Britannia n’est pas une ville imaginaire, mais a dû exister entre la Somme et la Canche; donc enfin Pythéas qui a donné la mesure exacte de la distance existante entre l'embouchure . de cette rivière et la côte la plus proche del’Italie, a dû la connaître et a pu signaler son existence, comme celle de Corbillo, que personne, nous le répétons , n'a déniée jusqu’à ce jour. Mais, peut-on objecter, si l’on a généralement admis l’existence de Corbillo, c’est, uniquement, parce que nous devons à Artémidore cité par Strabon, de savoir que Pythéas a fait une mention spéciale de cette ville, tandis qu’il ne nomme Britannia qu'à . l’occasion d’une simple conversation contraire à toute vraisemblance : car que fait dire Pythéas, aux dépu- tés marseillais? qu'ils ne connaissaient pas plus Narbonne que Corbillo et Britannia? Or, Narbonne (348 ) se trouvant presqu'en face de Marseille, sur le golfe de Lyon, et à moins de 50 lieues de xp 2 on ne peut admettre que des hommes tels que des ebns- sadeurs d’une ville maritime comme Marseille, aient pu ignorer l’existence d’une cité, dès cette époque tellement importante, que peu re elle devint la capitale des possessions romaines dans les Gaules, dont la première province porta effectivement le nom de Narbonnaisse. | Donc peut-on ajouter, l'unique passage où il est fait mention de Britannia, est manifestement entaché de mensonge : donc il ne mérite aucune confiance, donc il ne peut, par lui seul, constituer une preuve, donc l'existence de Britanmia n’est pas prouvée. Cette argumentation-pouvait avoir quelque valeur pour le P. Labbe, Bayle et même Strabon: mais de- puis que nous avons établi que les Britanni Belges , dont chacun admet l'existence, ont dû avoir pour ville une Britanniaque Pythéas a dû connaitre, ayant donné la mesure de la distance des côtes de l'Italie à la Canche qui limitait le territoire. des Britanni au septentrion; il est de toute évidence , que l'existence de la ville de ce nom, n’est plus révélée seulement par la conversation que l’on taxe d’invraisemblable. Cependant admettons le contraire un instant , et démontrons, que cette conversation même, loin d'être entachée d’invraisemblance, a tous les caractèresdela véracité : c’est-à-dire, prouvons que Scipion a dû faire aux députés marseillais, la question que Pythéas nous a-transmise ; et que la réponse de ces derniers, a dû être telle que nous la connaissons. Mais pour attein- ( 349 } dre ce but, il est nécessaire que nous nous repor- tions à l’histoire du temps, et que remontant aux sources , comme nous l’avons déjà fait pour la géo- graphie de cette époque reculée, nous y trouvions les bases des déductions rationnelles, qui doivent nous conduire au but que nous nous proposons. Six expéditions des Gaulois en Italie, les avaient successivement conduits jusque sous les murs du Ca- pitole. La première, celle des Bituriges, commandée par Bellovèse, avait enlevé aux Étrusques, tout le pays compris entre lOgho à l'est, le Po au midi et les Alpes au nord-ouest. La seconde, celle de Cenomani, et la troisième et là quatrième, celle des Libui et des Salluvii, les avaient expulsés de toutes leurs possessions au nord du Po, et entre les embouchures de ce fleuve. La cinquième , celle des Boù et des Lingones , leur avait ravi tout le territoire compris entre les Apennins jusqu’à Rimini, le Po et la côte; et les Li- gures s'étaient même avancés jusqu'à Magra: enfin . Ja sixième et dernière expédition des Gaulois, celle des Senones, avait fait perdre aux Étrusques, tout ce qu’ils avaient possédé au delà de l’Apennin, entre les montagnes ét la côte qui s’étend de Ravennes à An- cône; de telle façon, que lorsque l’an 390 avant]. C. Rome fut prise par les Gaulois, les Étrusques se trouvaient expulsés par les Gaulois, qui occupaient toute la haute Italie (1). (1) Walkenaer, gécg. anc. des Gaules, 4re, partie, tome 4, , (350 ) Mais à l’époque où l’entrevue de Scipion Emilien eut lieu avec les députés de Marseille, un puissant mouvement de réaction s'était opéré dès l’an 183 avant J. C. (1). Les Senones, ces redoutables enne- mis des Romains, avaient été vaincus et deux colo- nies Romaines, se trouvaient. établies au delà de l’Apennin, l’une à Sena surnommée Gallica pour la distinguer de Sienne et aujourd’hui Sinigaglia : l’autre à Areminum qui est Rimini. Plus tard, Dolabella avait remporté une victoire complète sur les Boyens et les Etrusques réunis, près du lac Vadimont (2): plus tard encore, c’est-à-dire vers 233 avant l'ère vulgaire, Popilius Lenas avait à son tour vaincu les Statielli, peuple de la Ligurie et saccagé Carritum, leur capitale, aujourd’hui Ca- roso (3). Enfin six ans plus tard, tous les peuples Gaulois- Cisalpins, mus par le pressentiment de leur ruine, s'étant ligués pour s’opposer aux Romains, avaient été vaincus dans la fameuse bataille de Talamone, qui rendit leur redoutable ennemi, maitre de tous les pays situés au midi du Po où s'étaient établis les Bo et les Lingones , quise trouvaient alors obligés de passer ce fleuve près Milan et Come. Dans cet état de choses, les Romains allaient achever la con- quête de la Gaule-Cisalpine, lorsque Hannibal vint, \ ‘(@) Polybe, lib. 2, p. 457, (2} Polybe, lib. 2, p. 457. {3} Tite Liv. , lib. 47, cap. 7. (351) en marchant lui-même sur l'Italie, les détourner d’un projet devenu d’une exécution facile. Dès lors, qui ne voit que les Romains, qui son- geaient peut-être même déjà, à la conquête du monde, avaient dû former le projet de franchir les Alpes à leur tour , afin d'aller tarir à leurs sources, ces armées innombrables |, qui débordant presque périodiquement de la Gaule, les avaient si sou- vent mis à deux doigts de leur perte : et n’est- il pas naturel de penser , que Scipion, l’un des chefs de la république, et qui certes en connaissait les desseins cachés, conduisant la première armée romaine qui apparaissait en Gaule, ait pris auprès d’un peuple qui se disait ami, des informations, soit de son propre mouvement, soit en exécution d’ins- tructions secrètes, à l’effet de vérifier certaines posi- tions topographiques, indiquées comme pouvant faciliter l'accès dans l'intérieur des Gaules, peut- être par une de ces galères Romaines qui se mettaient secrètement à la suite des vaisseaux carthaginois qui allaient commercer dans des lieux encore incon- nus à tous autres, et qui préféraient se faire échouer, plutôt. que de livrer le secret des relations commer- ciales. de la mère patrie. Mais il n’y a pas ici, seulement probabilité que les Romains avaient formé dès cette époque , le projet de poursuivre les Gaulois au delà des Alpes, après les avoir totalement expulsés de l'Italie : il est encore probable, que d’aussi profonds politiques avaient déjà reconnu que son exécution exigeait l’occupa- tion à main armée, des embouchures du Rhône, de la Loire et de la Somme. ( 352 ) En effet, avec le cours du Rhône, les Romains se procuraient les moyens de pénétrer dans 1la partie méridionale du pays dont ils méditaient la conquête : maîtres de la Somme, le cours d’eau le plus considé- rable de la Gaule septentrionale, ils pouvaient éga- lement pénétrer de ce côté, dans l’intérieur du pays : et quant à la Loire, comme ce fleuve est le plus grand de la France; qu'il traverse sa partie centrale sur une étendue de deux cents lieues environ, il est évident, que quiconque méditait l’occupation de la contrée, devait songer à s'emparer aussi, d’un mode aussi facile de pénétrer jusqu’au plus profond de son intérieur ; or nous l’avons établi incontestablement , les Britanni occupaient l'embouchure de la Somme de même que Corbillo était à l'embouchure de la Loire, de même Narbonne était à à peu près ë à celle du Rhône. Veut-on maintenant la preuve que ce plan avait été réellement formé? C’est qu'il a été exécuté. La prémière ville dont les Romains se sont emparés dans les Gaules, a été Narbonne, dont ils ont fait la capi- tale du pays, qu’ils désignèrent dès lors sous le nom de Gaule Narbonnaise; et aussitôt que les conquêtes de César eurent étendu la domination romaine jus- qu'à la Manche, Pedius fut envoyé pour fonder une colonie romaine, sinon dans le pays même des Bri- tanni, du br chez le peuple voisin, à Gesoriac, dont le Pagus, comme le dit textuellement Pline, ne faisait qu unavec celui des Oromansaci, qui s’étendait jusqu’à la Canche; et la preuve que la fondation de Boulogne-sur-mer tenait alors à un vaste et judicieux (353) plan d'occupation militaire, c’est que cette colonie fut immédiatement mise en communication avec Lyon, par cette fameuse voie solennelle, qui liait entr’elles, à l’aide d’immenses circuits qui plus tard furent res- treints par le moyen de chaussées dites per compen- dium , toutes les cités ou capitales des peuples, qui se trouvaient entre Boulogne et Lyon; cette dernière ville, paraissait avoir été substituée à Corbillo, dans l'exécution du plan d'occupation auquel, nous le répé- tons, les Romains dûrent songer , dès le temps du passage de Scipion-Emilien en Gaule, puisque dès cette époque, les colonies gauloises de l'Italie, ré- duites à l’impuissance de se maintenir dans la Cisal- pine , ne devaient qu'à l’arrivée d'Hannibal, le répit qu'on leur accordait. < Maintenant, nous le demandons, doit-on s'étonner de trouver dans Pythéas, les questions qu'il rapporte de Scipion, aux envoyés marseillais ? Y ail lieu d’être surpris, qu'il leur aït demandé des renseignemens spéciaux, sur la ville des Brütanni, sur Narbonne et Corbillo? ou plutôt n'est-il pas évident, que ces questions rentraient en quelque sorte, dans l'état où se trouvait l'ordre général des choses à cette époque? Et d’ailleurs, pourquoi, dans quel but, en vue de quel intérêt , Pythéas aurait-il fait le mensonge qu’on lui attribue, à l’occasion de cette conversation? Stra- bon, d’après lequel on à si long-temps douté de sa Et. Strabon lui-même, reconnaît que sur les {rois vies que Seipion ma désignées comme les principales de la Gaule, il ÿ en avait deux qui méri- faient cette qualification , puisqu'il compare Corbillo (354) à Narbonne et cette dernière à Marseille. Pythéas aurait done menti, non pas pour s’attirer le mérite d’une prétendue découverte; non pas pour dissimuler la faiblesse d’un système mal assis ; mais uniquement, pour se procurer la satisfaction assez étrange, d’a- jouter à deux villes existantes, le nom chimérique d’une troisième ? Non, un pareil oubli ne se présume pas chez un homme aussi justement célèbre que le navigateur marseillais; et comme il n’est point d'effet sans cause, qu'ici il est impossible d’apercevoir le motif qui aurait pu dicter une imposture sur une pa- reille matière, imposture qui du vivant même de Py- théas, aurait pu être signalée par ses contemporains; il en faut itérativement conclure, que la question a réellement été faite. Voyons maintenant si comme nous l'avons annoncé, il n'existe pas des circonstances his- toriques de nature à nous indiquer, que la réponse, aussi , a dû être celle que Pythéas nous a transmise. Le peuple de Marseille, grec d’origine, était sans contredit, le plus policé de la Gaule et par conséquent le plus éclairé sur ses véritables intérêts. Rival des Carthaginois pour le commerce, il devait ardemment désirer leur ruine; aussis "empressa-t-ild'envoyer des députés auprès de Scipion, allant combattre Hanni- bal : mais déjà mêlés au conflit des grands mtérêts de cette époque, les Marseillais ne pouvaient ignorer, et les récentes victoires des Romains, sur les débris des colonies gauloises de la Cisalpine et les chances multiples, qui existaient dès lors, pour que les vain- queurs, tirant comme ils n’y manquaient jamais, tout le fruit possible de leurs succès, ne poussassent leurs (355) conquêtes, jusque dans la Gaule proprement dite. Or, s'il était naturel que les Marseillais désirassent d'être délivrés de la concurrence des Carthaginois sur tous les marchés du monde connu, ils devaient désirer davantage encore peut-être, dans l'intérêt même de leur indépendence nationale, de voir les Romains s'abstenir de passer en Gaule et d'y former des éta- blissemens. Pour mieux faire connaître ce que les Marseillais avaient sous ce rapport à craindre dès cette époque , rappelons ce qui en effet s’est passé en ce genre peu de temps après. . Nous possédons, grâce à un fragment de Polybe, le détail des premières expéditions des Romains dans : la Gaule Transalpine. N’attendant pas la destruction de Carthage, et huit années avant, ils se trouvaient avoir déjà vameu les Déciates et les Oxibii qui occu- paient l'entrée des Gaules à l’occident du Var. ls attaquèrent ensuite les Liguriens-Saliens que le consul Sexius défit l'an 123 avant J. C. et dans le pays desquels, il établit une colonie qui prit à cause des eaux minérales quis’y trouvaient, lenom d’Aquæ Sextiæ, aujourd’hui Aix. Deux ans après la fondation de cette ville, Domatius Enobarbus battit la puis- sante nation des Allobroges, qui brave et généreuse, voyant l'indépendance de la Gaule dès lors évidem- ment menacée , se souleva en vain de nouveau, après s'être liguée avec les Averni et les Ruteni, et fut une seconde fois taillée en pièces par Fabius Maximus, qui en reçut le nom d’Allobragique (1). Après cette (4) Pline, lib. 7, cap. 40. ( 356 ) victoire, qui eut lieu l'an 124 avant 3. C., Rome forma dès la même année, une province de os ses conquêtes et lui donna le nom de Gaule Narbonnaise : enfin, en{ 17de la même ère, c’est-à-dire justeunsiècle, année pour année, après la conversation rapportée par Pythéas, les Romains créèrent Narbonne, capi- tale de leurs possessions Transalpines ; capitale qui devint bientôt pour Marseille, une rivale plus redou- table queCarthage ruinée alors, depuis à peu près 20 ans. Mais qu’on le remarque bien, si ce ne fut que cent ans après le passage de Scipion Emilien en Gaule, que les Romains se trouvèrent définitivement pos- séder une capitale en ce pays; ce ne fut que parce que les guerres puniques firent pendant long-temps, la plus puissante diversion; et s’ils mirent 28 années à constituer leur province, ce fut, parce que Marseille fut assez adroite pour se faire ménager : par exemple, pour obtenir l’adjonction à son propre territoire, du pays des Déviates et des Oxibu , qui comme on l’a vu plus haut, avaient été les premiers vaincus. Mais si les corabinaïisonss politiques trainèrent ces événe- mens en longueur, il n’est pas moins vrai, que même du temps de Pythéas , Marseille avait à redou- ter l'introduction des Romains dans les Gaules : dès lors , quoi de plus naturel, de la part des députés de cette ville, que la réponse qui nous à été transmise aux questions du consul romain? Ces questions, en portant sur les villes qui se trouvaient placées à l'embouchure des fleuves qui devaient livrer à la fois, les moyens d'occuper le midi, le nord et le centre de la Gaule; ces questions, disons-nous, (357) indiquaient un plan vaste, complet, et de nature à confirmer toutes les appréhensions de ceux auxquels elles étaient adressées : ces derniers ne voulant pas se rendre les instrumens de leur propre ruine, durent déclarer qu’ils étaient dans l’impuissance de donner les renseignemens qui leur étaient demandés, et nul ne pourrait prétendre, qu'ils eurent tort de faire cette mensongère réponse. Donc nous avons eu raison d'avancer , que la demande et la réponse, toutes les deux en rapport parfait, avec les événemens gé- néraux de l’époque, se trouvent avoir été l’une et l'autre ce qu'elles devaient être, d’après la position respective des interlocuteurs. Donc encore, Nicolas Sanson a fait une dépense inutile d’érudition, en s’efforçant de prouver que les Marseillais pouvaient à cette époque, ne pas connaître même Narbonne : donc enfin, M. Walkenaer à fait au contraire, preuve d’une grande sagacité, lorsque après avoir rappelé aussi lui, la conversation dont il s’agit, il a ajouté (1) en parlant de la réponse des envoyés marseillais : « peut-être cette ignorance n’était-elle qu'apparente, » et le résultat de cette politique ombrageuse et » timide, particulière aux nations riches par le » commerce, mais faibles par leur popoulation et » l’étendue peu considérable de leur territoire. Les » Portugais ont eu pendant plus de deux siècles, et » ont encore sur l’Afrique orientale, des notions (4) Géog. anc. des Gaules, tome 4, p.404. ( 358 ) » entièrement inconnues du reste de l’Europe. » Qui ne voit en effet, que ce n’est pas comme géographe , mais comme historien , que Polybe nous a transmis le document dont il s'agit ! Done il le con- sidérait comme se rattachant d’une manière plus ou moins directe, aux événemens politiques dont il nous a transmis le récit. Arrivé à ce point de la discussion, récapitulons-en les résultats, avant de passer à un nouvel ordre de déductions. Il résulte donc, suivant nous, de ce qui précède : 1°. Que les travaux récens de nos savans du premier ordre, sur l’ensemble des connaissances géographiques des anciens, ont pleinement réhabi- lité Pythéas dans l'opinion de ceux quiavaient jusque là, accordé à Strabon, une confiance trop illimitée. 2°. Que la conversation dont il s’agit, dès lors rapportée par un auteur digne de foi, doit non seu- lement être admise par ce motif, mais encore, parce que son objet , doit être en quelque sorte, considéré comme ayant été à l’ordre du jour entre les interlocu- teurs ; la demande et la réponse rentrant en effet, parfaitement dans les dispositions d’esprit dans les- quelles les parties devaient se trouver , d’après. la nature diverse de leurs intérêts à cette époque. Que si par suite de ce document historique, ainsi reconnu vrai, on admet, sur la simple déclaration de Pythéas, l'existence à l’embouchure de la Loire, d’une ville comparable à Narbonne et à Marseille ; il est impos- sible de prétendre justement sans motifs particuliers, . que cet auteur a voulu mêler ici, une imposture à (359 ) cette vérité, en ajoutant mensongèrement , le nom de Britannia à ceux de Narbo et de Corbillo. 3°. Enfin, qu'une intention mensongère est ici d’autant moins admissible , que nous avons démontré qu’une ville nommée Britannia, devait, d’après Pline, exister entre la Canche et la Somme , pays visité par Pythéas et point du littoral où les Romains devaient trouver le courant d’eau le plus considérable de cette extrémité d’une contrée dès lors l’objet de leur con- voitise et qui devait les introduire dans l’intérieur de la Belgique, comme le Rhône et la Loire, dans les autres parties dela Gaule Transalpine. Ces prémices posées, les déductions deviennent faciles ; et en effet : Sanson après avoir consacré jusqu'à cinquante pages pleines de logique et d’érudition , pour prouver aussi lui, mais par d’autres motifs, que Britannia avait dû être la capitale des Britanni (1), dit pour pré- ciser enfin le lieu spécialement occupé par cette ville : _ « Touchant l'assiette de cette Britannia, elle se » doitestimer, ou dans le milieu, ou dans le lieu le » plusavantageux qu’il y ait dansle peuple Britanni; » que si elle a été entièrement ruinée, 1l en restera » quelques vestiges; ou si elle reste encore, il la faut » chercher aujourd’hui dans une ville qui ait beau- » Coup d'avantages au-dessus des autres villes de ce » peuple. Orla ville d'Abbeville est milieu de tout le » Ponthieu, et sur la rivière de Somme, dans (4) Britanma, p. 58. ( 360 ) » l'endroit le plus avantageux qui s’y puissechoisir. » Cetterivière faisant plusieurs et divers bras dedans » et au dehors de la ville, le flux et le reflux de la » mer y montant et descendant. en son temps, » quelques lieues même par dessus la ville aux hautes » marées.: et puis dans tout le Ponthieu, n'ayant »_ QUCUNE MATQUE QUi NOUS Y puisse faire songer » quelqu’ antiquité de ville ; et cette ville d’Abbeville » étant si ancienne que les autres villes de ce Pon- » _thieu n’ont rien d’ancien en comparaison de celle- » sonné Personne ne saurait plus estimer cette ». Britannia , qu’en la même place et la même chose ». que notre Abbeyille. » On le voit done, si le restaurateur de la géogra- phie en France , n’a jusqu'ici, obtenu que des sourires d’incrédulité en échange des savantes pages qu il a publiées sur la Britannia de Pythéas; ce n’est pas qu'il ait soutenu une thèse absurde, il en était inca- pable ; mais c’est que, prenant le Crotoy pour le Hornensis sive Quartensis locus de la. notice de l'empire, il attribuait probablement, à cette antique résidence du chef des forces maritimes de l'empire romain dans la seconde. Belgique, les ruines impo- santes et vastes, qui ne pouvaient avoir totalement échappé à à ses investigations : ruines auxquelles les travaux de D. Grenier , de quelques membres de la Société. d’ émtilation d’Abbeville et notamment de M. Ravin , ont depuis lors, donné un caractère tout différent. Or, puisque Sanson a écrit, qu’il n’a songé à Abbeville, qu'après s'être assuré qu'il n'existait * dans tout le Ponthieu, aucune marque qui pût faire ( 361 ) songer à quelqu’antiquité de ville ; il nous est permis d’en conclure, que s’il avait écrit sur Britannia , 200 ans plus tard , ilaurait placé comme nous, cette ville au Crotoy. Peut-être nous dira-t-on , que nous arrivons trop vite, trop brusquement à notre conclusion finale ; que si nous avons établi quelque chose, c’est unique- ment, que Britannia existait comme Narbonne et Corbillo, mais que pour que, de son existence on pût immédiatement conclure , qu’elle était la capi- tale des Britanni Belges, et par conséquent située entre la Somme et la Canche, il faudrait que ces Britanni eussentétéle seul peuple portant cenom dans ces parages, sur les bords de cet Océan Atlantique Vi- sité ily a 2000 ans par Pythéas. Or, il n’en est point ainsi, puisque l’on y trouvait encore, et les habitans de notre ancienne province de Bretagne que de Valois (1) nomme Britannia Cismarina, et les îles de la Grande-Bretagne, Britannia insula. Cette observation est juste et fondée : reprenons donc encore une fois, le cours de nos démonstrations. Pour ce qui concerne les Britanni de l’autre côté du détroit, une simple remarque suffira, et la voici : Pythéas a dit, suivant Strabon, que la ville de Bri- tannia sur la prospérité de laquelle Scipion question- na les députés marseillais, était l’une des plus florissantes de toute la Gaule : donc, c’est en Gaule (4) Hadr. Valesii, Not. gall., fo, 98. ( 362 ). et non dans les îles de la Grande-Bretagne , qu il faut la chercher. Quant à la question de savoir si la Britannia dont il s’agit, ne se trouvait point être une des villes de la province gauloise, nommée par quelques-uns Bri- tannia-Cismarina ; elle a été posée et résolue dans les termes suivans par Nicolas Sanson lui-même : « Aujourd’hui, dit-il (1), dans l'étendue de l’an- cienne Belgique de vers la mer et là où elle s’ap- proche le plus de ces îles , nous avons les Pays-Bas et la Picardie ; dans l'étendué de l’ancienne Gaule Celtique ou Tdhniée ; de ce côté là même , nous avons la Normandie et la Bretagne; et ce nom de Bretagne d’abord semblerait avoir un avan- tage bien grand au-dessus du reste pour avoir pareille nom que ces îles; si nous ne remarquions en même temps, que cette Bretagne, partie de la Gaule Celtique , et à présent province de France, n'a aussi eu ce nom que sur le déclin de l'empire romain dans les Gaules, savoir, que lorsque Maximus , duc et chef de la milice romaine en la Grande-Bretagne, se faisant déclarer empereur par son armée , descendit dans cette partie de la Gaule Celtique et la donna aux Bretons insulaires, qui l’avaient suivi, pour y demeurer, du nom desquels les peuples de ce quartier de la Gaule Celtique , qui s’appelaient auparavant particulièe- (4) Sanson, Britannia, p. 45. ( 363 ) » rement Osismii, Curiotites, Veneti et encore » Rhedones et Namnetes; et qui faisaient partie ou » presque la moitié des peuples et cités que César et » les autres’ avaient toujours appelés Armorique et » maritimes , commencèrent à se faire cognoistre en » général sous le nom de Britons et Britanm , et » leur région sous le nom de Britannia; mais la » naissance de ce nom n'ayant peu estre icy au » plustost, qu’en l’an de N. S. 383, qui est plus de » 600 ans après qu'il est parlé de notre Britannia, » il nous est besoin de la chercher de bien plus loin » et bien plus avant, dans l’antiquité. » Maintenant qu'il est établi d’après Sanson, que c'est, non dans l’ancienne Armorique, mais chez les Britanni-Belges, qu'il faut chercher Britannia ; voyons à quelle partie elle a dû appartenir, du comté de Ponthieu, qui originairement, s’étendait de la Canche à la Somme. Et d’abord est-ce dans le Ponthieu tout entier, ou sur le littoral de ce canton, qu'il faut chercher la ville des anciens Britanni? Il est certain, que l’intérieur de la Belgique a été la dernière partie de la Gaule, qui a reçu les bienfaits de la civilisation ; car ce ne fut que la hache à la main, que César put pénélres dans les forêts sans fin, qui la couvraient, quand il entreprit d’en faire la conquête. Les Britanni resserrés entre le Boulonnais, l’Amien- nois et l’Artois, ne pouvaient constituer alors, qu’un peuple de faible importance ; done, si leur ville eût été considérable, elle n’eût pu être telle, dans un pareil pays, que par ses relations extérieures , que ( 364 ) par le commerce dont elle pouvait être l’entrepôt : er, comment supposer ailleurs que sur la côte, l'existence d’une ville importante seulement par le fait de son commerce, dans une contrée sans voies de communication et couverte de forêts antédilu- viennes ? C’est donc, non dans l’intérieur du Ponthieu, mais vers les embouchures dela Somme , de l’Authie et de la Canche, qu’il faut chercher Britannia: et comme il ne s’y trouve aucune ville de ce nom, il faut en conclure , ou qu’elle a changé celui qu’elle portait originairement , ou qu’elle a été détruite. Et d’abord existe-t-elle encore sous un nom diffé- rent? En cas d’affirmative, elle devrait être St.-Valery, Etaples ou Montreuil, dont les noms actuels, ont remplacé des dénominations plus anciennes: mais St.-Valery s'appelait originairement Leuconaus (1), Étaples Quantovicus (2) et Montreuil Braium: il faudrait donc admettre sans motifs, que l’une deces villesa changé plus d’une fois de nom, pour croire qu’elle a pu porter anciennement celui de Britannia; or, ce n’est pas à l’aide de suppositions purement gratuites, que l’on peut faire rationnellement avan- cer une discussion du genre de celle-ci. Restent Rue et le Crotoy qui paraissent n’avoir pas changé de nom ; la première située anciennement comme nous l'avons déjà demontré, à l'embouchure (4) Voyez mon Essai sur l’origine des villes de Picardie, au mot St.-Valery. (2) Hennebert, hist, gén, .del’Artois, tom. , p. ( 365 ) de l’Authie ; la seconde à l'embouchure de la Somme, avant la confection du canal de St.-Valery : À Rue, la campagne est rase: aucun souvenir, autre que celui d’un crucifix miraculeux , n’y fixe l'attention. Au Crotoy au contraire, la plaine ondulée jus- qu'auprès de Mayoc, par des ruines recouvertes de sable, est parsemée de médailles romaines et d’autres monumens d’antiquités que nous avons énumérés dans notre première partie. Une foule de souvenirs historiques , dont l’origine échappe à toute investi- gation, représentent ce lieu, tantôt comme ayant été le port Itius (1) le plus fameux de toute la Belgique à l’époque celtique; tantôt comme l'antique Caraco- tinum de l'itinéraire d’Antonin, ou F'Hornensis sive Quartensis locus , de la notice de l'empire. Des idées de grandeur , de souveraineté même sur la contrée, semblent s’y rattacher indirectement, en faisant sans autre motif, le Crotoy, le lieu de la sépulture de la famille de ce prétendu Flandbert, qui aurait laissé son nom au pays de Flandre, dont la rive droite de la Somme faisait autrefois partie. | Enfin, il n’est pas jusqu'aux habitans illéirés des . Campagnes voisines, qui interrogés par les voyageurs frappés d’étonnement , à l’aspect de ces lieux; ne se trouvent disposés à signaler sur cette plage dé- (4) Voir dans les Mémoires de la Société d'Émulation d’Abbe- ville, pour 4833, p. 346, une dissertation sur le port où César s’est embarqué pour la conquête dela Grande-Bretagne, par M. J.-A.-G Boucher, membre associé de l'Institut de France. ( 366 ) solée, des monumens antiques qu'ils ne connaissent, disent-ils , que par tradition, et dont ils cherchent à expliquer l'absence toute récente suivant eux, en portant contre l’autorité locale , une accusation mal fondée. Ah! si d’après ce que nous avons précédemment exposé, 1l est désormais démontré que Pythéas qui a tracé le nom de Britannia , il y a plus de 2000 ans, a si bien connu les côtes océaniques de la Gaule, qu'ila pu nous donner la mesure exacte de l’embou- chure de la Canche aux côtes de l'Italie; s’il est certain, qu'entre cette embouchure et celle de la Somme, se trouvaient alors, les Britanni, dont la ville devait nécessairement se nommer Britannia ; si l’on est encore obligé de reconnaître, que les Romains, qui sur le point d'entreprendre la conquête des Gaules, durent pour s’enquerir des moyens d'y pénétrer , adresser par la bouche de Scipion, des questions aux députés marseillais sur les villes qui se trouvaient placées à l'embouchure du Rhône , de la Loire et de la Somme : si enfin, il existe en effet, à l'embouchure de ce dernier fleuve , les ruines vastes d’une ville inconnue, environnées de vagues et fantastiques souvenirs: peut-il être besoin de de- mander encore, où fut cette Britannia, fille antique dans une contrée sauvage, de Tyr la riche ou de la puissante Carthage. S'il était vrai que Cesar n’ait pas fait mention de cette ville dans ses Commentaires, il ne faudrait pas s’en étonner; Car Appien-Alexandrin, dans ses querres des Gaules et Plutarque dans la vie de César, (367 ) s'accordent à dire, que ce dernier a dans la Gaule chevelue, dompté 800 villes à l'empire romain. Dion Cassius dans la harangue qu’il place dans la bouche d'Antoine, pour animer la populace romaine contre les meurtriers de César, dit qu’il yen avait un nombre infini, dont les noms n’étaient même pas connus avant ce grand capitaine : enfin l'historien Josephe, fait dire par Agrippa, roi des Juifs sous Neron, à ses sujets qu’il voulait empêcher de se révolter comme les Romains; qu'entre tant de puissantes nations qu'ils avaient soumises à leur empire, se trouvaient les Gaulois , qui avaient près de 1200 villes. Or de ce nombre si considérable , César n’en nomme qu’une trentaine seulement.Sil’onne trouve pasdansles Commentaires le nom de Britanma, c’est done parce que leur auteur n’a eu rien à dire des Britanni Belges, ou parce qu'il a désigné leur ville sous un autre nom; ce qui est vrai, comme nous le démontrerons plus tard. On nous demandera peut-être aussi, comment il a pu se faire, qu’une ville telle que Britannia , soit disparue sans que l’histoire ait conservé mémoire de ce grave événement pour le pays ? Sans doute que s’il fût arrivé à la suite d’une guerre consignée dans nos annales et que Britannia eût succombé par exemple, à la suite d’un assaut ; le fait grave de sa rume eut dû prendre place dans notre histoire : mais la nature des débris qui se voient au Crotoy, assigne un autre genre de destruction à la ville dont il s’agit. Qui ne connait en effet, les irrésistibles fureurs de l'Océan; qui ne sait que la vaste baie de Cancale, ( 368 ) au fond de laquelle se voit aujourd’hui, le mont St.- Michel , isolé plusieurs lieues en mer, était autrefois une vaste plaine couverte de forêts : qui ne sait que celle aujourd’hui sous-marine, découverte en 1812 par M. de la Fluglaye , qui occupait avant le cata- clisme de 707 , l’échancrure considérable qui formé aujourd’hui la rade de Morlaix , senommait Lexobie : qui ne sait enfin, que le long des côtes de Picardie , on voit des traces incontestables, des envahissemens subits et violens d’une mer en furie : tout indique done, qu'il a dû en être ainsi, sur la partie du littoral où débouchent la Somme et l’Authie. Et ce qui le prouve, c’est notamment le changement du cours de cette dernière rivière, qui autrefois passait à Rue; l'existence du banc de sable et de galet qui s'étend entre cette ville et la baie de Somme TER le Crotoy; les débris d’une forêt sous-marine , entre Boulogne et Étaples reconnus par M. Boucher de Perthes : les fragmens d’une voie romaine allant du Crotoy à Boulogne-sur-mer , dont l'existence a été constatée par feu le marquis de Ver, l’un des fondateurs de la société des antiquaires de Picardie; et enfin l’as- pect même des grèves immenses de cette plage, qui ont avec celles du montSt.-Michel, l’'analogie la plus parfaite. {1 y a donc lieu de croire, que si la disparu- tion de Britanmia, n’a laissé aucun souvenir, c’est qu’elle est arrivée à une époque de barbarie, un jour d’épouvantables tempêtes , qui précipitant sur elle, une de ces vagues immenses venues de la Hauté mer, l'aura rafflée du sol, et tenu long-temps ses débris sous l’eau. Après 4 retrait successif de ( 369 ) la mer, Britannia, cachée sous le sable, se sera trouvée complètement oubliée , et les nouveaux habitans de la côte, construisant quelques demeures sur l’un des monticules nommés par eux crocs sur tout le littoral, auront formé à leur insu, près d’une ville autrefois importante, une bourgade , que plus tard Hugues Capet fortifia au 10°. siècle, en même temps qu'Abbeville, Domart et Ancre, dans la vue de protéger cette partie du royaume contre les in- vasions alors incessantes des barbares peuplades du nord. En terminant cette deuxième partie de nos recherches sur le port du Crotoy, nous ajouterons, comme à la fin de la première : fout-n’est point encore dit sur l’histoire ancienne de cette intéres- sante localité. Pline , en effet, parle d’un port britannique des Morins… AD PORTUM MORINORUM BRITANNICUM (1). Nous démontrerons, dans-une troisième partie, que ce port n'a point été ainsi nommé , QUOD EX PORTU COMMODISSIMUS ET BREVISSIMUS GALLISQUE ET ROMANIS TRITISSIMUS ERAT BRITANNIAM TRA- JECTU (2), comme l'ont pensé Celarius (3), Adrien de Valois et nombre d’autres, qui ont placé ce port les uns à Boulogne, les autres à Wiiäsand, les autres à Calais, etc.; mais bien parce que les Britanni, dont nous nous occupons , possédant une capitale (4) Plin., hist. nat., lib. 4, cap. 23. (2) Adrian., valesii notic. Galliar., p. 232. (3) Celarius, notic. orb. antiq., p 239. 25 (370 ) qui devait se nommer Britannia, à l'embouchure du fleuve le plus considérable de la côte des Morini; on à dû naturellement et presque logiquement, la désigner par les mots de Portus Morinorum Bri- tannicus. . Faisant plus, nous démontrerons que cette dé- duction n’est point nouvelle pour la Société savante à laquelle elle est destinée, puisque l’un de ses membres les plus distingués (1), a été conduit ra- tionnellement, il y a huit ans, à la même conclusion, dans un Moon publié parmi ceux que la Société d’Émulation d’Abbeville à fait imprimer pour les années 1834-1835. Ce premier jalon posé, nous établirons ensuite, avec la plupart des auteurs qui ont écrit sur la matière, depuis Campden en 1586, jusqu’à M. Walkenaer en 1837 ; que le Portus Morinorum Britannicus, était le Portus Itius de Jules César. D'où la conséquence , que ce port si fameux et si vainement cherché par les savans de tous les pays, serait la rade vaste, mais aujourd’hui en- sablée, qui s'étend du Crotoy à St.-Valery; et dans laquelle, Guillaume-le-Conquérant attendit pendant plus d’un mois, les vents favorables pour cingler vers l'Anÿléterre, et nouveau César , en faire aussi lui, glorieusement la conquête. Un autrefait non moins significatif , est que sur = (4) M Morel de Campennelle. ( 371 } cette rade, se trouve établi, de même qu’à Boulogne et à Calais, un service régulier de bateaux à vapeur; fait, qui est l'indication la plus formelle, de la faci- lité des communications de ce point de l’ancien littoral gaulois, avec les Iles Britanniques. Aussi, abordant l’une: après l'autre, toutes les objections connues jusqu'à ce jour, noue espérons pouvoir démontrer, après avoir placé le port supé- rieur à l'embouchure de l’Authie et le port infe- rieur, par exemple , à Cayeux; que toutes ces objections se réduisent à une seule, laquelle git elle- même dans le passage des commentaires où on lit : que le port d’où César partit des Gaules, n’était séparé de l'Angleterre, que par trente mille pas. Alors nous établirons , que cette distance qui est indiquée en chiffre sur les manuscrits, ne l’est pas d'une manière uniforme, même sur ceux reconnus les meilleurs : que par nul on est d'autant plus fondé à admettre qu’il y a_ici une erreur de copiste, qu'en fait, il n’est pas vrai, que le point le plus rapproché de l’un et de l’autre littoral, soit de trente mille pas : MILLIUM PASSUUM XXX; enfin, que cette manière de résoudre la difficulté , paraît d'autant plus admissible, que Cambden, Gibson, Ducange, Danville , Gosselin, Walkenaer et vingt autres, sont obligés, pour placer le Portus Itius à Wassand, de prétendre qu’il y a dans les tables de Ptolémée , une erreur commise, non plus par un simple copiste, mais par le plus savant des géo- graphes de l'antiquité lui-même, là où ces tables placent le Promontorium Ttium avant le Gesoriacum ( 372 ) Navale du même auteur : erreur prétendue, que Gosselin a vainement cherché à expliquer par l’em- ploi inintelligent de deux itinéraires (1); mais qui disparaît en effet, lorsque l’on admet non-seulement avec la plupart des savans que le Portus Itius est le Portus Morinorum Britannicus , mais aussi avec nous, que ce port est lui-même celui des Britanni Morinorum , ville d’une grande ancienneté et qui autrefois, dut être d’une haute importance , notam- ment: {°. parce que la nature et l’étendue des ruines qui jonchent le sol au Crotoy , semblent l'indiquer; 2°. Parce que nous avons précédemment dé- montré, que Seipion-Émilien l’a placée sur la même ligne que Narbonne, à une époque où cette ville était après Marseille, la plus importante des Gaules; 3°, Parce que Pline voulant indiquer la distance existante de l'extrémité méridionale de l'Italie à l'océan, nous dit que de cette extrémité aux Alpes, il y a 1120 milles, et 1318 des Alpes AD PORTUM MorinoruM BRITANNICUM : qu’ainsi c’est comme jalon géographique, comme point de repaire, que cet auteur a désigné cette ville; et comme il résulte du texte, qu’il a emprunté cette indication à Polybe; qu'il est généralement reconnu, que ce dernier la devait à Pythéas, et que plusieurs, parmi lesquels Gosselin , prétendent même, que Pythéas la devait à quelque devancier, il en résulte, non-seulement, (4) Recherches sur la géograp. systémat. et positive des anciens A tom. 4, p. 89. (478 ) que la fondation , mais encore , l'importance de la ville à la fois port et capitale des Britanni Mori- norum , se perdent, à proprement parler , dans la nuit des temps; les villes prises pour points géo- graphiques , ayant toujours été choisies parmi les plus connues, c’est-à-dire parmi les plus impor- tantes de chaque contrée. ‘Il est vrai que d’après ce qui précède, il faut admettre que le Crotoy a porté jusqu’à quatre noms différens : mais nous démontrerons que c’est là un des caractéres distinctifs des grandes villes de l’an- tiquité : que Jérusalem, par exemple, en a eu jusqu à dix, dont neuf se trouvent énumérés dans ce distique si CONnu : Aka, Lusa, Bethel, Jerosolyma, Solyma, Jebus, Urbs sacra, Jerusalem dacitur, atque Salem; que Carthage en a eu sept, Thèbes et Rome chacune cinq, et Athénes quatre. Que ce qu'il importe est donc uniquement, de pouvoir démontrer , que ces noms appartiennent bien réellement à telle ou telle localité : or, nous établirons que le mot it, qui est la leçon des meilleurs manuscrits , a signifié un port (1), à lé époque où le langage était encore MmO- nosyllabique; que c’est par exemple, ce qui explique, pourquoi César, parti du port Jus, arriva en An- gleterre au port de Hyth (2) : pourquoi ceux qui (4) Mém. publiés par la Société d’Émulation d’Abbcville, pour 1834 et 1835, p. 33. (2) Danville. — Morel de Campennelle. (374) placent le port Jtius à Wissand (1), peuvent. invo- quer une citation du dixième siècle, dans laquelle ce port est nommé lccaus : pourquoi une ville de la Babylonie , qui était placée à l'embouchure de l rivière d’Is, dans l’Euphrate, se nommait aussi Hyth. Puis, du développement de cette thèse, nous conclurons, que le nom de Portus Ttus désigne: sur la côte des Morins , le port primitif, naturelle- ment formé et plus nur ticnlibnéngut fréquenté , comme se trouvant à l'embouchure du principal fleuve de la contrée. Passant au-nom de Crotoy, nous établirons que cro , qui en est la première partie, appartient à l’é- poque monosyllabique du langage. Nous prouverons notamment avec Bullet, que cro est le même que cra, que cre, que crag , que grav, que graw, dont. nous avons fait craie, grai, grève et gravier. Nous rappellerons que c’est parce qu’il en est ainsi, que l’on nomme crau, une vaste plaine entre Arles et Marseille, qui était autrefois un golfe maritime où se jetait la Durance, et qui n’est couverte que d’un $ : & : * : (1) Il est des auteurs qui pensent que ce n'est pas à AHyth que César a débarqué, mais à Sandwich, l’ancien Rururinus. Il est à remarquer que Sandwich est exactement le même mot que W'issand modifié par une interversion des syllabés. Si done Wissand s’est nommé Jccius à une certaine époque, il est évident qu'il a dû en être de même pour Sandwich : aussi bien que pour Mardick, au- trefois Mardicius : l’ancien port d’Isque et ceux d'Escale et même d’Estaple, tous en effet CEE A3 Eng ct ‘pour avoir été le port Jtius. (3%) pied environ de terre végétale, après laquelle on trouve une masse de cailloux tellement forte et liée, qu’on ne peut la creuser qu'avec le ciseau. Nous citerons Bochard et Ménage, qui disent que ce nom de crau vient du celtique crag et craig, mot qui, dit le premier de ces auteurs, Celtis erat PETRO ut Britannis hodiè. Nous prouverons avec le second, qu'en Provence, les mots crau et grau , désignent l'embouchuredes torrens où setrouventordinairement beaucoup de pierres. Nous invoquerons, à cette occa- sion, le témoignage d'Hérodote, qui nous apprend qu'au territoire de Crotone, se trouvait le torrent Crotis, sur le bord duquel était le temple de Minerve- Chratienne. Enfin, nous citerons le nom de la baie de Crotcheyà l'embouchure del’Indus, tellement obstruée par le sable, que Néarque, commandant la flotte d’A- lexandre , fut obligé, pour y parvenir , de creuser un canal de cinq stades de long ; et cette autre lo- calité, qui, à peu de distance du Crotoy et distinguée par des monticules de sable et de gravier que l’on y voit, se nomme le Bout des Crocs. Quant au mot {oy, dernière partie du nom dont nous cherchons l’étymologie, nous prouverons qu’en tout temps et presqu'en tout pays, il a signifié toft, c'est-à-dire habitation, dans le sens que nous don- nons, par exemple, aux mots toit paternel : d'où la conséquence, que le mot Grotoy, signifie l'habitation de la grève, et que descriptif de la position topo- graphique de cette localité , il se concilie parfaite- ment avec le nom de if, qui 5 désigne comme port. Quant au nom de Brian. il indique spéciale- ( 376 ) ment, suivant nous, que ce port primitif, que cette agglomération. d'habitations formée sur la grève, sont devenus à une époque postérieure , la capitale du peuple Britanni. Enfin, que le nom de portus Morinorum Britannicus, distingue cette capitale des autres ports bretons, situés ailleurs qu’en Morinie. Lorsque nous aurons ainsi corroboré le sentiment de ceux qui, avant nous, ont pensé que le Crotoy a été le port ltius (1), nous établirons que ln et l’r sont fréquemment employés l’un pour l’autre (2) : que non-seulement il est à remarquer qu’en celtique les mots en et er signifient la même chose, mais qu'il est des auteurs, qui ont écrit armonica pour armorica : que nous avons en géographie Pontici et Portiai: que l’ancien port de Pontelabium sur le SINUS SANTONUS ; se nomme aujourd'hui Port l'Abbé, ete. D'où la conséquence que les mots Portus et Pontus, peuvent être considérés comme iden- tiques, et que dès lors, rien n’est plus naturel que de penser avec M. Morel de Campennelle, que le Ponthieu a dû son nom, de même que le Promonto- rium Itium de Ptolémée, au Portus Itius dont nous venons de signaler l'existence importante, pour ainsi dire en tête d'un territoire, qui fut long-temps \ (2) Mém. publiés par, la Société d’Émulat. d’Abbeville, pour 4833, p. 316. | va (2) Bullet, Mém. sur la langue celtique, tom. 4, p. 39.—Ménage, principe de l’art des étymologies. (377 ) celui d’une nation indépendante et qui forma , jus- qu’à une époque avancée du moyen-âge , une sorte d'état indépendant sous des souverains particuliers, parmi lesquels on compte des rois d'Angleterre et des reines d’Espagne. Tel est le plan que nous nous proposons de suivre pour la rédaction d’une troisième partie de nos recherches sur le port du Crotoy. Il nous en restera encore deux autres à faire; mais tellement impor- tantes et qui devront redresser un si grand nombre d’erreurs généralement et profondément accréditées, que la prudence veut, que nous nous abstenions même d'en indiquer la matière, avant d’être en mesure d'administrer la preuve de ce que nous avancerons. A. LABOURT. BE EE. DUSSBRPAS SUR LE VERS TROCHAÏQUE Dont s vob serve L aubeur de Leveigulu ner CR —— — Les anciens avaient une prédilection marquée pour la mesure du vers trochaïque, et ils l’employaient surtout dans les chants qui accompagnaient les pompes solennelles, les marches triomphales et sacrées, où l’on faisait un usage particulier de la danse appelée tripudium (1). Ce mot, qui signifie littéralement trépignement, bonds occasionnés par la joie, est intraduisible, parce qu’il n’a pas d’analogue en français et que les figures de notre danse n’ont aucun rapport avec celles dont les anciens faisaient usage; mais en remontant à son étymologie, on reconnaît que la danse qu’il indique devait avoir 2 (4) Rivinus, notæ ad Perv. Ven., édit. Var., p. 158. ( 380 ) pour principe trois bonds, et qu'en conséquence le pied suivait un mode musical, d’aprés lequel il frappait trois fois la terre dans un espace de temps déterminé. Pour que le chant puisse suivre la mesure de cette danse vive et légère, il fallait employer un vers qui fut avec elle dans l'harmonie la plus complète; et il paraît que celui appelé trochaïque par les Grecs et les Romains, avait obtenu la préférence. Et c’est ce qui a fait dire au Père Sanadon en parlant du Pervigilium (1): « Une fête si agréable ne devait » être chantée qu’en vers les plus enjoués et les plus » harmonieux :. parmi cette nombreuse variété de » vers que lui offrait la poésie latine, l’auteur s’est arrêté à la composition de mesures et de cadences qu’il pouvait le mieux assortir avec l’action qu’il avait à chanter; en effet, le vers trochaique (2) est peut-être le plus propre de tous à recevoir et à exprimer la douce gaieté d’une muse qui veut badiner avec élégance; est carmen, dit Victorin, jocosis motibus emollitum. » C’est sans doute par suite de l'usage exclusif que l'on faisait de ce vers dans les chœurs des fêtes où le chant s’unissait à la danse, que le pied formé d’une longue et d’une brève et qui se nomme ordi- nairement trochée (3), a pris dans la suite le nom de Ÿ % % % S % ÿ (4) Œuvres d’'Horace, Paris 4756, t. vu, p. 495. (2) Ou choraïque, expression dont Sanadon aime à se servir en EE du vers qui nous occupe. (3) Arme , omnis, curë, sont des trochées. ( 381 ) chorée , que le dictionnaire de l’Académie fran- çaise (1) écrit à tort corée, dit Restaud (2), puisque ce mot est dérivé de yopos, chœur de musique ou de danse que les Latins ont très-bien rendu par chorus, dont ils ont ensuite formé choreus, que nous avons rendus par chorée (3) et choraîque. Le père Sanadon, comme nous l’avons dit, a cru devoir se servir du mot choraïque pour désigner l'espèce de vers employé par l’auteur du Pervigi- lium. Mais le président Bouhier (4) blâme cette innovation et sa critique est fort juste , puisque le nom de vers trochaïque était consacré par l'usage et que rien n’obligeait à le changer. Le vers trochaïque pouvant admettre dans sa composition d’autres mesures que le trochée et le spondée (5), reçoit alors quelquefois les surnoms (4) Edition de 4778, in-4°., t. 4, p.279, exemplaire ayant appar- tenu à M. Suard. (2) Traité de l’Orthographe, édition de 1785. (3) Dans la dernière édition in-4°. du Dictionnaire de l’Académie, (Paris, F. Didot, 4835, t. 4, p.316), l'orthographe vicieuse des éditions antérieurcs, a été rectifiée par un renvoi au mot chorée; mais hélas! l’académicien chargé de réviser cet article ne con- naissait probablement pas la valeur des deux syllabes du chorée, puisqu’au lieu d’adopter la définition des anciennes éditions, con- forme à celle que nous venons de donner, le savant grammairien a dit que le pied du chorée se composait de deux syllabes brèves ! (4) Recueil des Traductions en vers français, Paris, 1738, in-A2, p. 263. (5) Le spondée est de deux longues, comme ur bes, mag num, etc. ( 382 ) d’archiloquien (1), de tétramètre et de catalectique; ces deux dernières épithètes lui conviennent prin- cipalement, puisqu'il est toujours divisé en deux parties de quatre mesures chacune, et que l’avant- dernière mesure de la seconde partie de ce vers doit être privée d’une syllabe; en effet, le vers tro- chaîque est constamment de sept pieds et demi, d'après quelques critiques (2), ou de huit, suivant d'autres, en comptant la demi-syllabe pour un pied (3). Le premier vers du Pervigilium, d’après cette mesure, doit donc se scander ainsi : à Cras a | met qui | nun quam à | ma vit | qui que à | ma vi | cras | a met. _Il en est. de même de ce vers d’un hymne de l'église : tas Arte Pan ge | lin qua | glo ri [os |prœe nu | um cer | ta | mi mis. Et de cet autre de Martian Capelle : Scan de | cœ li | tem pla | wir go | dig na | tan to | fœ | de re. « Le mélange alternatif des trochées et des \ (4) Le vers archiloquien est formé de deux dactyles et de deux trochées ou chorées, tel est ce vers d'Horace: . _Wer te re } fa -ne à ] bus tré [ um phos. : (2) Recueil des T'rad., p. 262. .-(3) Ibid + .p. 282. (383 ) ». spondées, dit M. de La Monnoie ({), constitue la » plus régulière tout ensemble, la plus agréable » et la plus naturelle structure du vers trochaïque, » qui commence toujours par un trochée et finit par un iambe (2). De plus, le sixième pied doit toujours être un trochée ou un spondée et ne saurait être un iambe, de même que le demi-pied qui forme le septième du vers, ne peut offrir qu’une longue ; tandis que les autres pieds, c’est-à-dire les deuxième, troisième, quatrième et cinquième, peuvent recevoir un spondée pour un trochée et quelquefois un dac- tyle (3), un anapeste (4), ou même un tribraque (5); et le Pervigilium offre souvent des exemples de ces différens modes. En effet, les vers n’en sont pas toujours serupuleusement construits d’après la règle exacte du vers trochaïque, et quelquefois le spondée y est remplacé par un dactyle ou un anapeste et le trochée par un tribraque, ce que les anciens se PO CR ER ER ER OR: ONE (4) Recueil des Trad., p. 270. (2) L'iambe est composé d’une brève et d’une longue, comme Di es, De um, vi des. (3) Le dactyle est composé d’une longue et de deux brèves,comme car mi na, Tè ty re, teq mii ne, etc. (& L’anapeste est commposé de deux brèves et d’une longue, comme : Pi e tas, tenu ïä, fu erint. (5) Ce mot n’est dans aucune des éditions du Dictionnaire de PAcadémie; il est composé de Tpets trois et Gpayos bref. Le tribraque est donc composé de trois brèves, comme : L°] o L°} © © Le Me li us, le ge re. ( 384 ) crurent souvent permis, parce que deux syllabes brèves sont égales à une longue. A toutes ces varia- tions indiquées par M. l'abbé de Longuerue (1), M. de La Monnoie ajoute (2) : « On joint ensemble » deux trochées dans ce vers et on en peut mettre » jusqu’à sept de suite, ce pied étant privilégié » dans le vers trochaïque. » Enfin, il paraîtrait, d’après le père Sanadon (3), qu'on peut porter la licence dans la construction de ce vers jusqu’à le couper en deux, de manière à offrir deux petits vers, l’un de ae pieds et l’autre de trois pieds et demi, si la syllabe longue du septième pied ne compte pas pour un pied entier. Mais cette coupure du vers trochaïque n’a pas man- qué d'allumer la bile du président Bouhier contre le Père Sanadon, qui, pour justifier sa coupure, avait dit: « Ces grands vers sont l’ouvrage des » Copistes qui, en écrivant, ont réuni deux petites » lignes en une. Je me contenterai de dire que je » n'ai pas été le premier à produire ce partage. » sans parler d’une ancienne hymme (4) qui com- 5 (4) Recueil des T'rad , p. 282 et 283. (2) Zbid p. 270. (3) Les Poésies d’Horace, t. vu, p. 496 et 497. (4) « L'Académie dit qu’en parlant des hymnes qu’on chante » dans l’église, ce mot s'emploie ordinairement au féminin, c’est- » à-dire (ajoute Restaut, Traité de, l'Orthoyraphe française, p. » 443), que les chantres et autres qui n’ont aucune connaissance » des étymologies, disent une hymne , ne sachant pas qu’on doit » dire un hymne.» Sanadon, ce nous semble, aurait dû s'en sou- venir ! ( 385 ) mence par ce vers Pange linqua gloriosi; d’autres savans m'ont prévenu et m'en ont enlevé la gloire. Buchanan avait suivi ce partage... etc. » « Je me suis bien gardé, répond le docte prési- dent (1), d’imiter le Père Sanadon, en ce que, contre l'autorité de tous les exemplaires manus- crits et imprimés du Pervigilium, il a pris la liberté de changer la mesure des vers en les par- tageant en deux, l’un de quatre pieds et l’autre de trois et demi; je n’ai pas même été peu surpris qu'il ait osé dire en sa préface : que ces grands vers étaient l'ouvrage des copistes qui, en écri- vant, avaient réuni deux petites lignes en une, comme ils l'ont fait, dit-il, en plusieurs autres pièces. » Cet habile homme n’y a pas pensé, sans doute ; tous les anciens qui ont écrit sur la versi- fication des Grecs et des Latins, nous apprennent que les véritables vers trochaïques étaient de sept pieds et demi, comme. ceux dont il s’a- git (2). » Il est vrai que Bède a prétendu que cette espèce de vers se coupait en deux versets: Currit aliernis versiculis ita ut prior habeat pedes qua- (4) Recueil des T'rad., p. 262. (2) Voyez Hephastion, de Metris, p. 49 et 89, édition de 1721. Diomede, Inter Gram., p. 508. Priscien, p. 695. Servius, p. 1819, 2389, 2434, 2573 et 2649. 26 ( 386 ) tuor, prosterior tres pedes et syllabam (1), et il l’a justifié par cet exemple tiré d’un Pre 4 de l'Église : » Hymnum dicat turba fratrum. » Hymnum cantus personet. ce que le Père Sanadon a confirmé, par l'hymne du Pange lingua et par quelques-autres qui, étant modernes, ne prouvent rien. » « Je réponds qu'au siècle de Bède et de l’auteur de l'hymne dont je viens de parler , on observait si peu les anciennes règles pour ce genre de vers, qu'on y employait même plusieurs spondées de suite, comme l’avoue le même Bède. » Le Père Sanadon cite encore deux hymnes de Prudence, qu’il prétend avoir été écrits de la même manière; mais ce fait est démenti non- seulement par toutes les meilleures éditions an- ciennes et nouvelles , mais encore par deux manuscrits des plus anciens qu’il y ait et qui sont entre mes mains. » Pour le Père Sanadon, il est aisé de voir que s’il en a usé autrement, ça été pour autoriser les changemens qu’il a jugé à propos de faire dans notre Pervigilium , car sans cela il n'aurait pu lire at que amoris osculis, au lieu de de que amoris osculis , et ainsi du reste. Or, je laisse à penser si ce motif peut être excusé. » . (4) Beda, p. 2379. (387) M. Noel (1) partage l’opinion du président Bou- hier au sujet de la coupure du vers trochaïque, imaginée par le Père Sanadon : « La mesure de ce vers, dit-il, est de sept pieds » et demi; et l'autorité de tous les grammairiens » ne ma pas permis de suivre la coupe imaginée » par le Père Sanadon, qui de chaque vers en fait » deux. » = L'opinion de ces antagonistes du Père Sanadon est également la nôtre, et nous ajouterons: que bien certainement , si le vers trochaïque avait pu se couper en deux, cette licence n’aurait pas échappée aux nombreux et savans commentateurs de notre poème, qui figurent dans l'édition de 1712, et surtout au prolixe Rivinus , qui termine ses longues notes sur le Pervigilium par une dissertation spé- cialement consacrée au vers trochaïque, dans la- quelle il a pris soin de réunir tous les vers de ce genre, existant dans les anciens poètes, ainsi que dans Varron, Ciceron et divers auteurs moins connus. | Il résulte donc de tout ce qui précède , que l’in- novation du Père Sanadon ne peut être admise, et que cette prétendue correction du vers trochaïque n'est pas plus heureuse que toutes celles qu’il a cru devoir faire au texte du poème et que ses imitateurs (4) Traduction complète des Poésies de Catulle, etc., Paris, 4803, in-80., t. 4er., p. 286. (388 ) ont vainement essayé de présenter comme des beautés dignes de l’auteur du Pervigilium, tandis que ces corrections doivent être considérées comme de nouvelles taches ajoutées à toutes celles qui dé- naturent le texte malheureusement, déjà trop cor- rompu de ce poème charmant. | Compiègne, le 5 décembre 1841. DE CAYROL. FRAGMENS D'UN DISCOURS SUR LES ILLUSIONS ET LES TERREURS DE LA VANITÉ. Méditant ses destins, quand l’homme avec ardeur Contemple de la nuit la lugubre splendeur , L’étincelant azur de ces plaines profondes Où des mondes sans fin s’entassent sur des mondes. Abimé dans l’extase , il cherche, audacieux, Quelle main a semé les soleils dans les cieux. Quel monarque caché dans sa toute puissance, S’élève encor plus grand que son empire immense. A l’espace infini qu’il sonde avec effroi, Son esprit confondu veut imposer un roi. Dans l'océan du vide où la matière nage Avec ordre asservie; il eroit voir un ouvrage ; Il le juge’ parfait, en rend grâce à l’auteur, Croit que du grand spectacle utile spectateur, Au céleste banquet l'avenir le convie; Voyageur descendu dans les champs de la vie, Il reverra les lieux dont il fut exilé ; (-208:) D’astres étincelans si le ciel est.sablé, C’est pour ses nobles pas. Les eaux, l'air, les prairies, La pourpre du matin, les collines fleuries, La nuit, le jour, les cieux, tout pour lui s’est formé : Il est l’unique objet que les dieux ont aimé. Tandis qu'il se repaît de leur vaste largesse, Qu'il contemple joyeux , la suprême sagesse, Et tient son fier regard avidement fixé Vers l’olympe où déjà son orgueil l’a placé ; Comme lui, né du sol, un reptile sous l'herbe Se glisse, et de son dard touche l’homme superbe. Le venin meurtrier pénètre dans son cœur, Il tombe, et de son maître un reptile est vainqueur. D'un si frèle ennemi sa ruine est l’ouvrage ? Et du Dieu tout puissant dont il se dit l’image, Les traits gisent flétris sur le sol infecté. Si de son trône ainsi l’homme est précipité, Que reste-t-il du moins de ce roi de la terre? Vous, qui fûtes César, Aristote, Voltaire, Vous conservez, sans doute, un reflet du passé. De l’immortel feuillet tout n’est point effacé ! 0 toi, qui fus si pti de ce monde où tout change, Vers toi sens-tu monter le blâme ou la louange? Ris-tu des envieux ? Reçois-tu notre encens ? Mais la religion en ses bras caressans T'accueille, et de ta vue écartant ses supplices , * Du nectar des élus te verse les délices ; Ou le Dieu que ta voix proposait d'inventer, A côté de Platon t’ordonne de monter, Et de bonheur t’absorbe en sa splendeur sublime ; (391) Ou tu rentres enfin dans ce fécond abime, Source immense de vie, asile de la mort. Là, vainqueur de l'orage, ainsi que dans un port, Des combats de la gloire éternisant la trève, Tu dors du grand sommeil sans réveil et sans rêve. Car l’un de ces trois lots est le partage humain : Mais lequel nous attend? Quel en est le chemin ? À ce doute craintif la faiblesse se livre. Eh ! qu'importe la mort au sage qui sait vivre! Un seul jour de vertu lui vaut un sièele entier. Ah! si dans ce glissant et rapide sentier, Noblement dirigé vers le but invisible, Il n’offensa jamais ce regard infaillible , Qui des cieux infinis perçant les profondeurs, Lit les moindres secrets dans l’abime des cœurs ; Qu'il garde avec l'espoir la fermeté du sage. Mais joignant à ses maux tous les maux qu’il présage, Inquiet du présent, l’homme eraint l'avenir. Entrainé sur la pente, il veut se retenir : Au bien, au mal, le temps par degré l’accoutume, Et la soif de la vie en son cœur se rallume.…… Sous la suprême loi fléchis, esclave altier. Notre vie est un prêt, avide usufruitier, Tu méprisais le bien que tu souffres de rendre? Tout entier dans la tombe as-tu peur de descendre ? Roi des êtres, comme eux tu craindrais de périr !… Dans l’homme c’est l’orgueil qui ne veut pas mourir. Mais monarque ou sujet, il se courbe, il s’efface Sous l'éternel niveau. Chaque être, chaque race D'un monde de douleur se plonge pour jamais Dans un vaste océan ou de joie ou de paix. (392 ) Tandis que la nature imcessamment convie D’autres hôtes d’un jour aux scènes de la vie. Là tout dort ou jouit , le méchant excepté, Son sommeil de remords est encore agité. Par la douleur, sans doute, il s’acquitte et s’épure ; Nul mal n’est infini , nul tourment sans mesure. Est-ce donc un malheur de se voir rappelé Avant qu’un feu divin n’animät notre argile, Hâtions-nous dans nos vœux du temps la course agile? Impatiens du jour et d’ennuis consumés, Captifs, gémissions-nous au néant enfermés ? Insensibles aux maux, précurseurs de notre âge, Quand les hordes du nord, comme un sanglant orage, Dans nos champs consternés débordaient en fureur, Quand la patrie en deuil, immobile d'horreur , Et vide de guerriers , attendait prosternée, Le maître à qui le sort l’avait abandonnée ; . Nous, comme l'arbre encor dans son gland contenu, Embryons destinés pour un monde inconnu, Nous dormions près du gouffre où nous jeta la vie. Ainsi dès que notre ame, à sa prison ravie, Aura fui dans son vol, du sort capricieux Nous braverons les coups ! Que s’ébranlent les cieux ; Confondus dans l’éther où lentement ils roulent, Que de leur trône d’or, tous les astres s’écroulent, Qu'ils tombent en débris ; leur terrible fracas Au sein de l'Éternel ne nous troublerait pas. DE PONGERVILIE, De l’Académie française. LES SAISONS. POÈME GASTRONOMIQUE EN QUATRE CHANTS. Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions , de tous les pays et de tous les jours; il peut s'associer à tous les plaisirs, et reste le dernier pour nous consoltr de leur perte. (Baizzan-Savarin ). PREMIER CHANT. L'HIVER. Thompson et Saint-Lambert ont chanté les saisons, Leur neige, leur verdure et leurs riches moissons. Ils ont peint la prairie et le site champêtre Où l’étalon bondit, où la brebis va paître. Ils ont décrit la ferme et le bonheur rural, L'espoir du laboureur et son repas frugal. Ils nous ont enseigné l’art de combler les granges Et celui d'obtenir d’abondantes vendanges. Moi, je veux, dans mes vers, dire aux amphitrions Les trésors que pour eux amassent les saisons. Mon poëme n’est pas écrit pour l’agronome , Mais il pourra servir de guide au gastronome. J'en fais la dédicace au plus grand cordon bleu ( 394 ) Et, s’il lui semble froid , il peut le mettre au feu. Pourtant, pour m’inspirer j'en écris maint chapitre Sur un pâté de Chartre, en guise de pupitre. Un verre de Champagne auprès de mon papier Me réjouit la vue et me sert d’encrier, Et pour mettre du sel dans l’œuvre tout entière, Au lieu de poudre d’or je verse la salière. Mais c’est assez d’exorde, il est temps d'essayer De donner au lecteur un plat de mon métier. Commençons par l'hiver : malgré sa main de glace Il n’attise pas moins tous nos fourneaux en masse. C’est lui qui nous fournit ce nombreux bataillon D’artistes travaillant à notre réveillon; Car Noël est venu, la cloche nous appelle, Sitôt que minuit sonne à la sainte chapelle. Les gourmands sont dévots , leur estomac le dit, Ils accourent certains de trouver , cette nuit, Dans tous les carrefours, en sortant du saint temple, Ceux de Comus ouverts où l’on prêche d'exemple. Le gril, la casserole, et la broche à son tour, . Sont en activité jusques au point du-jour ; La batterie enfin de toute la cuisine Fait feu pour célébrer la naissance divine. En triomphe on nous sert cet oiseau précieux Qui naît, s’engraisse et meurt au sein de Périgueux Et nous vient embaumé, bourré du tubercule Qui change en un instant le Pygmée en Hercule. A la suite apparaît.cette vierge du Mans De tout temps destinée au culte.des gourmands. C’est aussi la saison où débarque de Troye ( 395 ) Le compagnon d'Antoine, en sa robe de soie. Au temps du carnaval il se montre à nos yeux Sous vingt déguisemens d’un goût délicieux. Du sanglier un jour, pour imiter la hure, Il en prend la défense et la riche encolure ; Ou, sous un juste-au-corps de la main de Dodat Se change en andouillette, en boudin délicat ; Ou, ceint d’un vert laurier qui lui sert de couronne, Il nous vient de Mayence et parfois de Bayonne. Mais, surtout , pour ne pas trop le dépayser, il faut d’un vin du Rhin largement l’arroser ; Du jambon c’est l'ami, le fidèle Pylade, On se trouvera bien de leur douce accolade. C’est dans ce même temps que l’on voit à Paris Le bœuf gras à la cour en grand costume admis. Sa tête au large front de rubans est parée , La pourpre est sur son dos et sa corne est dorée. Quand il a visité la demeure des rois, Conduit par un amour armé de son carquois, Un sacrificateur , pour finir l'épisode , De l’informe bœuf gras fait un bœuf à la mode. Heureux, trois fois heureux le mortel couronné Qui peut en savourer le filet mariné ! Heureux le bon bourgeois qui met dans son ménage, De ce géant normand la culotte en potage. C’est le bonhomme Hiver, auprès de ses tisons, . Qui nous engraisse aussi les célèbres oisons Qu'on offre en holocauste à la gastronomie ; Martyrs que dans Strasbourg par mille on sacrifie Et qui, dans un tombeau de croûte aux murs dorés , ( 396 ) Des estomacs dévots sont partout adorés. Janvier enchaîne-t-il le fleuve à son rivage ? Sur ses bords, en chantant, vient le canard Sauvage ; En cage il sera mis dans un pâté d'Amiens Dont la croûte est au plus bonne à donner aux chiens, Mais dont l’intérieur que partout on renomme Doit immortaliser les rives de la Somme. Le rouge, la sarcelle et vingt autres oiseaux Pour le feu de la broche ont déserté les eaux. Dans sa maison d’écaille, au deuxième service, Arrive à reculons l’écarlate écrevisse. En soufflant dans ses doigts le pêcheur au filet Prend pour nous le saumon, l’alose et le brochet. On nous octroie aussi cette noble terrine Qui produit à Nérac autant d’or qu’une mine. Puis, Pithivier pétrit ce chef-d'œuvre de l’art Où la mauviette dort sur un coussin de lard. La cuisine est, l'hiver , comme un champ de bataille, Les plats y sont jonchés de membres de volaille. Le chef, sans pouvoir prendre un instant de repos, Passe au fil de la broche aloyaux et gigots, Et le cochon de lait qui sous sa main trépasse , Sous la sauge fait voir sa luisante cuirasse ; Le jour, la nuit au feu, le chef ne peut dormir. Tel on vit Charles douze au feu des camps tenir Deux mois sans Uébotter , Sans même ouvrir ses malles, Préférant avant tout la musique des balles. Voilà le chef qu'il faut à toute autorité , On est sûr avec lui de la majorité. Comme plats de saison, l’hiver qui nous protège (397) Sert les marrons glacés et les œufs à la neige. La gelée au citron, le glacis des nougats, Tout semble rappeler la saison des frimas ; Mais là vous jouissez d’une douce atmosphère, Grâce au feu du Champagne et surtout du Tonnerre. L'arôme du Moka met vos esprits en jeu Et, du flacon de kirsch sort le liquide feu Dont la puissance active absorbe et précipite L'osmazôme qui peut engendrer la gastrite. Je pourrais vous citer encor mille autres mets, Que l'hiver peut fournir aux gourmands et gourmets. Je finis en disant à l’ami de la table De profiter surtout du moment favorable Pour emplir sa glacière et pouvoir en été, En frappant son aï boire avec volupté. DELEGORGUE-CORDIER, Du Caveau. ÉPITRE À «Monsieur de Poug exville , DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE. QUELQUES SOUVENIRS D'ENFANCE (1837). Ami, que dans ses murs Abbeville a vu naître, Jadis mon condisciple , et maintenant mon maître ; Toi, qu'Apollon, aux lieux où fument ses autels , À fait monter au rang des quarante immortels ; Revêts la patience, armure dont le sage, Quoiqu’en dise les sots, ne fait qu’un rare usage ; Et poète avoué par Lucrèce et Nason, Lis, situ peux, ces vers d’un poète sans nom. Ce voyageur , debout sur la nef qui l’entraine, Le vois-tu ? Son regard poursuit l'ombre incertaine D'une terre chérie, objet de ses regrets, Que le sort le condamne à ne revoir jamais. Déjà depuis long-temps le fortuné rivage A disparu... N'importe; il en rêve l’image; ( 400 ) Et plus il en est loin , plus, dans son souvenir, De charmes séduisans il aime à l’embellir. Bercé sur l'océan par sa douce folie, Ce voyageur, c’est l’homme ; et cette nef, la vie; Et ce rivage heureux, qu’on regrette toujours, Ce sont nos premiers ans, ce sont nos seuls beaux jours. Nous, derniers nés d’un âge où le nom de Voltaire (1), Des abus terrassés symbole populaire , Jusqu'à la cour des rois allait charmer les grands ; Où Franklin , dans Paris , disait : Haine aux tyrans ; Où l’espoir, dieu trompeur , souriait à la France : Qu’à l’histoire ils sont chers nos souvenirs d’enfance ! Les peuples s’agitaient pour des destins nouveaux ; Et tandis qu’arraché de ses gonds féodaux, Un monde s’écroulait sous les coups de nos pères, Un autre renaissait par leurs efforts prospères. O doux présent du ciel! aimable liberté ! Arbre sur notre sol par leurs mains transplanté ! Tu croissais avec nous, et ta fleur, jeune encore, De ses plus doux parfums embaumait notre aurore. (4) Au temps dont ilest ici question, toutes les gloires s’effaçaient, devant celle de Voltaire. Qu’où ne s’y trompe pas. Cet écrivain , par quelques- uns de ses ouvrages, avait facilement corrompu les rangs les plus distingués de la société ; mais il a fallu, pour que son nom pénétrât dans les dernières classes du peuple, qu'il prit la défense des Calas, des Labarre, etc., et qu’il se déclarât l’ennemi de l’arbitraire. Apôtre de l'humanité , tel était le titre sous lequel ceux qui le lisaient le désignaient à l’admiration de ceux qui ne lisent rien. | | ( 401) Barons! comtes! marquis! ducs! où vous cachiez-vous (1)? Ces grands titres à peine étaient connus de nous. L'égalité régnait ; et de plus d’un Tufére (2) Le bonnet phrygien couvrait la tête altière. Le noble alors, c'était l’obscur plébéien (3), Quand courant, volontaire, au-devant du Prussien , Il châtiait l’orgueil de ces hordes serviles , Qui ravageaient nos champs, qui bombardaient nos villes. Oh ! que nous étions fiers, quand nous voulions, enfans, Imiter dans nos jeux nos guerriers triomphans ! De leur sanglant métier faisant l'apprentissage, Du lourd fusil des camps on nous montrait l’usage; Et nos pieds s’élevant, s’abaissant tour-à-tour, S’avançaient attentifs à la voix du tambour. Notre troupe, parfois et mutine et criarde, Avait son uniforme, avait ses corps-de-garde. Je m'en souviens encor : deux beaux galons d'argent Au monde révélaient mon grade de sergent (4). (4) Depuis la fameuse séance de nuit (4 août 4789), où l'assemblée na- tionale avait vu les députés des ordres privilégiés renoncer à leurs avan- tages et à leurs titres féodaux, aucun de ces titres, proscrits par une Joi, n’était donné publiquement à personne. (2) Il est certain que grand nombre de personnes , distinguées par leur rang, firent alors partie des sociétés populaires. — Tufñère est le nom du principal personnage de la comédie du Glorieur. (3) Le bas-relief de l’arc de triomphe des Champs-Élysées, qui est con- sacré à la levée des volontaires, ne donne qu’une faible idée de l’enthou- siasme qui s’empara de la classe plébéienne à cette époque fameuse de notre histoire. (4) Cette milice d’enfans, qu’en désignait en riant sous le nom de Royal- Bonbon, avait sa place dans les cérémonies publiques. Elle nommait ses . officiers. À Abbeville, elle eut pour capitaine M. Louis Cordier, aujour- d’hui pair de France, 27 ( 402 ) Toi qu'enchaïnaient alors les langes de l'enfance, Ami! dans ces beaux jours que n’as-tu vu la France? Les vieillards nous disaient : «Que votre sort est doux ! » La tombe nous attend; l’avenir est à vous! » O temps d’enthousiasme et d’ardent héroïsme! La noble indépendance , à l’aide de son prisme, Nous peignait le présent des plus saintes couleurs! A ses solennités comme battaient nos cœurs, Alors que s’élevaient ces cris, ces chants magiques... Qu’en reculant le temps a rendus anarchiques. Hélas! cet âge d’or comme un torrent passa. De nos félicités l’astre pur s’éclipsa La liberté, partout en Moloch-érigée, Vit par des flots de sang sa statue outragée. On tuait en son nom, et le même tombeau Dévorait à la fois et victime et bourreau. Cette fille du ciel, les yeux baignés de larmes, : Sous un voile funèbre alors cacha ses charmes. C’en fut fait. Monumens du génie et des arts! La France en deuil a vu, sur vos débris épars, Des Vandales hideux , noirs enfans des tempêtes, Célébrer, en hurlant, leurs homicides fêtes ! O muse du jeune âge , au souris sérieux , Que fis-tu quand leur bras te chassa de ces lieux Où de ton sein.fécond dans notre intelligence S’épandait lentement le lait de la science ? Tes prêtres, la plupart, en ces instans de deuil, De la toge classique oublièrent l’orgueil ; Et d’un lucre mondain recherchant l'avantage, ( 403 ) Osèrent de tes dons faire un profane usage. Mais d’autres t’accueillaient sous leurs humbles lambris, De tes pieux autels relevaient les débris Du feu sacré des arts ranimaient l’étincelle , Et le conservaient pur pour la race nouvelle. Un d’eux (tu l’as connu, fils chéri d’Apollon), Me combla de ses soins : Collenot fut son nom... Ah ! si j'avais accès au temple de mémoire ! Ma lyre sur ce nom répandrait quelque gloire ; Et sauvé de la tombe, il volerait, porté Sur l’aile de mes vers, à la postérité. Dans quatre murs tout nus sa chambre renfermée , Fut bientôt par ses soins en classe transformée. Vingt jeunes auditeurs, à des tables assis, En obstruaient , pressés, les angles rétrécis. Vis-à-vis s’étendait un grenier solitaire, Où gisaient, confondus, et Moïse et Voltaire , Et mille autres auteurs, profanes ou sacrés, Butin fait sur le cloître et sur les émigrés. Sur ces trésors poudreux , confiés à son zèle, Collenot exerçait une garde fidèle. Ami ! combien de fois, dans mes rêves du jour, Combien de fois , la nuit, j’ai revu ce séjour ! Là, des écrits fameux de Rome et de la Grèce, J'admirais tour-à-tour la force et la mollesse ; Là, notre langue, chère à tant de demi-dieux , Me découvrait, sans fruit, ses ressorts merveilleux. Là, ma plume novice et non embarrassée, De mots ambitieux revêtait ma pensée ; Là, l'histoire étalait à mes regards confus ( 404 ) Et ses crimes nombreux et ses rares vertus ! Là, je cherchais les lois de la sagesse antique, Et les obscurs sentiers de la dialectique. Et les jours de congé , l’indulgent Collenot Nous confiait la clef du précieux dépôt. Ce noir grenier pour moi fut l’éden sur la terre, Et l'odeur qu’exhalait sa poudreuse atmosphère L’emportait, à mon gré, sur les plus doux parfums. Que de livres j'y lus, ou rares ou communs, Depuis l’humble roman jusqu’à la noble histoire ! Tous n’ont pas, il est vrai, gravé dans ma mémoire Une trace durable , un souvenir certain ; Mais tous ont fait vibrer, dans le fond de mon sein, D'un luth mystérieux mille cordes secrètes, Dont les sons, prolongés à travers les tempêtes, Retentissent encor , confus, mélodieux , Comme les longs soupirs de l'orgue harmonieux. Ami! long-temps en proie à cette soif de lire, Volupté de l'esprit, délicieux délire ; Le jour , la nuit, aux champs, à la ville, partout, J'ai porté, j'ai nourri cet invincible goût. J'ai lu dans les plaisirs comme au sein des alarmes ; Et quand j'ai dû mon bras à la patrie en larmes, Plus d’un bivouac m'a vu , soldat républicain, interroger Caton dans les vers de Lucain (1). (4) L'auteur veut dire qu’il a servi la France lorsqu'elle était devenue république, ( 405 ) Honneur à l’humble chef de notre obscure école! Collenot sur nos cœurs régnait par la parole ; Et de l’amour des arts, dont il était épris, Toujours infatigable, enflammait nos esprits ! Honneur! plus d’un poète a senti, dès l'enfance, De cet astre inconnu la secrète influence. Ici, quel souvenir vient charmer tous mes sens, Comme en un jour d'hiver un soleil de printemps ? Pourrais-je t’oublier , aimable Millevoye, Toi de mes jeunes ans et l'honneur et la joie ? Toi dont souvent j'ai vu les vers harmonieux, Loin du fracas du monde, éclore sous mes yeux ! Ah ! que toujours la France , à ton culte fidèle, Admire tous ces fruits de ta muse immortelle ; Mais à moi seul, à moi, tes lettres , cher trésor, Dont la vue adoucit les regrets de ta mort (1); À moi ces doux secrets qu'au temps de notre absence, Ta plume confiait à ton ami d'enfance; À moi ces vers sans art qui, pour moi griffonnés, Tendres fleurs, au grand jour seraient bientôt fanés. L'auteur futur d'Alfred comptait huit ans à EE : Qu'il avait lu, relu , médité La Fontaine. Qui le Fe foussé par un vague désir, Cet enfant delicat , pour unique plaisir , Au papier étonné confiait ses pensées ! (4) L’auteur a remis, depuis, ces lettres à Madame Millevoye, qui ne possédait que peu de pages de l'écriture de son mari. Il en a gardé seu- lement une copie. ( 406 ) Et sans aucun effort ses phrases cadencées , Que dans des temps ‘égaux il savait renfermer, Eussent été des vers, s’il eût pu les rimer. Sympathique lien par qui deux destinées Restent , de près, de loin, l’une à l’autre enchaïînées ! Travaux, peines, plaisirs, jeux communs entre nous! De mes longs souvenirs vous êtes les plus doux ! Jeune enfant , Millevoye aimait le joyeux rire ; Mais des autres enfans il fuyait le délire. Leur fougue, leurs clameurs, leur turbulent concours , De sa douce pensée aurait géné le cours. Il voulait des amis, mais marchant sur ses traces, Et dont le nombre, au plus, füt le nombre des grâces. Aux heures du repos, nos pères, vieux amis, Sous l’un ou l’autre toit nous trouvaient réunis. Ils goûtaient, à nous voir, un bonheur sans mélange, Et nos paisibles jeux attiraient leur louange. S'ils avaient su, pourtant, que nos esprits mutins.…... Mais apprends quels étaient nos plaisirs clandestins. Quelquefois , désertant nos tranquilles demeures, Et chargés d’un fusil loué pour quelques heures, Vers un faubourg voisin sans bruit nous nous hâtions. Charles, assez semblable aux dieux des nations (1), Avait des yeux, hélas ! mais il ne voyait guère (2), Et dans ce jeu sanglant, image de la guerre, (4) Charles était le prénom de Milleyoye. (2) « Simulacra gentium..…. Oculos habent, et non videbunt. »Psalm. 443. ( 407 ) Je devais indiquer à ses regards confus Les oiseaux paresseux aux arbres suspendus. À mon signal muet, le vois-tu, plein de joie, Tressaillir, s’arrêter, puis, convoitant sa proie, L’ajuster à loisir pour la mieux immoler ? Le coup part; et le plomb, que l’on entend siffler, (0 rires du jeune âge ! Ô bruyante ironie!) À fait tomber de l'arbre une feuille jaunie, Vieux débris de l'hiver, que mon doigt imposteur Désignait au fusil du myope chasseur. Souvent nous nous lancions un défi poétique. Qu'il faisait beau nous voir, en style pindarique , Sur nos lyres d'enfant chanter l'égalité De son pied dédaigneux foulant l’orgueil dompté ; Dire de cent héros les actions sublimes ; De leurs noms généreux orner nos faibles rimes ; Sous le poids de grands mots, pillés de toutes parts, Des plus fortes cités renverser les remparts ; Ou, détestant l'horreur des guerres intestines, Pleurer le sang français versé sur des ruines. C’étaient là nos plus doux, nos plus nobles plaisirs ! Collenot, qui jugeait ces fruits de nos loisirs, Nous montrait sans pitié les fautes de l’ouvrage ; Mais il nous embrassait et nous disait : « Courage! » Dans les rudes sentiers de ces brillans débats, Bien jeune alors, de loin, tu courais sur nos pas, O Pongerville ! Ô nom que toujours avec joie Mon souvenir unit au nom de Millevoye! Combien de fois, depuis, du Parnasse exilé, Non sans étonnement me suis-je rappelé ( 408 ) De vos divers esprits les diverses ressources! Fleuves aimés des dieux , à l'aspect de vos sources Sans peine de chacun j'ai pu prévoir le cours ! Tandis que Millevoye, avare de discours, Laissait couler sans bruit sa réveuse pensée Comme la nef sur l’eau mollement balancée ; La tienne, s’échappant en mots audacieux, Interrogeait la terre, interrogeait les cieux. — Lui, souriait de loin à l’antique élégie ; — Toi, d’un hardi penseur décelant l'énergie, Déjà tu promettais, par un effort divin, D’unir un jour ton nom au nom de ce romain, Demi-dieu, dont la muse en merveilles féconde Tombera dans l'oubli quand périra le monde (1). O souvenirs charmans d’un âge où le chagrin, Même le plus amer, n’a pas de lendemain ; Où l’obscur avenir n’excite pas d’alarmes : Pourquoi dans ce moment m’arrachez-vous des larmes ? Enfant, j'étais heureux ; homme, j'ai combattu !..… Le larcin effronté, simulant la vertu, L’ingratitude altière et l’hypocrite envie , Ennemis acharnés, ont fatigué ma vie. Vivre c’est querroyer ! Job ! est-ce contre moi (2) Que tu prophétisas cette fatale loi ? ——_—_—_————_—_——————_—_—_——————e (1) « Carmina sublimis tune sunt peritura Lucrett, » Exilio terris cum dabit una dies. » (Ovide, Amor. lib. 4, eleg. 45). (2) « Militia est vita hominis super terram. » (Job.) (-409 ) Que de fois on m’a vu, laborieux athlète, Me présenter, sans crainte, aux coups de la tempête ; Et, quand l’adversité pour lutter m’appela , Loin de fuir lâchement, lui dire : « Me voilà ! » J'étais robuste alors ; mais aujourd’hui que l’âge, Par degré, sans l’éteindre, affaiblit mon courage ; Aujourd’hui que, du port, un nouveau coup de vent Me pousse vers des rocs évités si souvent ; Aujourd’hui qu’en ma nef j’ai moins de confiance , Je n’ai pas toutefois dépouillé l'espérance. Triste jouet des flots, je demande au destin Que d’un pieux ami la secourable main Me jette, de la grève, une planche, un cordage.… Et je saurai bien, seul, échapper au naufrage. Et quand, le corps froissé, j'aurai gagné le bord , Avant de m’endormir sous l’aile de la mort; Ah ! puissé-je revoir ces jours où mon enfance Se plaisait à sourire au bonheur de la France. André DE POILLY. Dry \ R O ES DU à wi Comte (4 1). Charles XII, déclaré majeur à l’âge de quatorze ans, montrait plus de goût pour la chasse que pour les affaires ; il ne faisait encore que se livrer aux instincts d’une constitution de fer et ne laissait nullement pressentir la célèbre et bizarre destinée que lui préparaient un esprit élevé et chevaleresque, une éducation soignée et un caractère inébranlable. Les souverains du nord crurent pouvoir profiter de cette inaptitude apparente du jeune roi, pour ré- primer l’ascendant politique qu'avait pris la Suède, (1) Le comte de Plélo était de l’ancienne maison de Bréhan. Il ne laissa que deux filles, et son descendant mâle le plus direct fut son neveu, le comte de Bréhan, marié à Mademoiselle de Crécy, fille du comte de Crécy, député de la noblesse de la séné- chaussée du Ponthieu aux états généraux, en 1789. On a pensé que, sous ce rapport, ce récit pourrait avoir quelque intérêt pour les Abbevillois. Il n’est qu’un épisode d’une histoire de la répu- blique de Dantzicq, qui doit être publiée incessamment. (412) et qui depuis long-temps excitait leur jalousie. Une ligue se forma, à cet effet, entre Pierre I., czar de Russie, Auguste IT, roi de Pologne, et Frédéric IV, roi de Danemarck. Telle fut l’origine de la seconde guerre du Nord, qui dura plus de vingt ans. L’at- taque commença par une invasion des états du duc de Holstein Gottorp, beau-frère de Charles XII. Celui- ci, indigné particulièrement de la conduite du roi de Danemarck, résolut d’en tirer une vengeance éclatante, et fit avec une activité et une vigueur qui étonnèrent son conseil, les préparatifs d’une attaque contre Copenhague. Cette ville, après un débar- quement auquel les Danois n’osèrent s'opposer , allait être assiégée, lorsque la paix fut signée à Travendahl le 8 août 1700, et rétablit le duc de Holstein dans tous ses états, sans rien stipuler pour son libérateur ; celui-ci fit, au contraire, payer exactement tout ce qui avait été livré à son armée, et montra ainsi, dès le début, cet esprit chevale- resque et désintéressé qui fut le cachet de ses autres expéditions. Sans rentrer dans sa capitale, qui même ne le revit jamais, Charles alla chercher les Russes qui menaçaient la Finlande, et avec vingt mille hommes en tua, prit ou dispersa quatre-vingt mille retran- chés dans un camp sous les murs de Narva. Après cette victoire, Charles courut faire lever le siège de Riga attaqué par les troupes du roi de Pologne, les suivit en Courlande et remporta sur elle une victoire complète. On voit encore dans ces contrées , les traces du (413) passage des deux grands guerriers de la Suède, Gustave-Adolphe et Charles XIT. Celui qui écrit ces lignes a trouvé des restes de retranchement attes- tant que ce n'étaient pas seulement des guerres d’invasion que faisaient ces capitaines ; et l’un d'eux, qui n’est plus aujourd'hui qu'une masse informe , nommé le Cavalier Suédois , avait été si bien choisi, que les Russes, dans ces derniers temps, n’ont pu mieux faire que de construire une vaste place forte au même endroit, pour défendre le passage de la Duna. Charles avait dix-huit ans ; il ne put résister à l’enivrement de ses triomphes et poursuivit en Pologne, en Allemagne et jusque sur les frontières de la Turquie , des succès qui le menèrent enfin à la catastrophe de Pultawa. On ne peut s'empêcher de remarquer ici la frappante analogie qui existe entre la faute de Charles XII et celle qui, un siècle plus tard, dans les mêmes contrées , prépara les revers et la chûte d’un autre grand guerrier, de Napoléon. Tous deux abandonnèrent les bords de la Baltique, qui pouvait leur faciliter l’arrivée de quelques se- cours par mer, et couvrir un deleurs flancs dans leurs opérations militaires, pour se jeter dans l’intérieur d’un vaste pays, sans base d'opération, sans moyens de communications, et privés des ressources qu’ot- frent à la guerre des pays plus civilisés. Tous deux furent sourds aux représentations de leurs con- seillers. On sait que ce fut en vain que quelques objections furent hasardées près de Napoléon; et le comte Oxeustiern, un des ministres de Charles XII, (414) ne fut pas plus heureux, en faisant une démarché plus positive. Il adressa à ce jeune souverain un mémoire où il l’engageait à profiter de ses succès et de la terreur qu’il avait inspirée à Pierre et à Auguste , pour conclure une paix qui le rendrait l'arbitre du nord de l'Europe. Mais déjà le roi de Suède, toujours extrême dans ses résolutions, avait la pensée de détrôner le roi de Pologne. En vain Auguste voulut négocier ; en vain offrit-il à la jeu- nesse de Charles les séductions de la belle comtesse de Kœnigsmarck. Le héros avait, dès son début, adopté une simplicité et une rigidité de mœurs et d’habitudes qui le mettaient à l’abri de toutes.les séductions. Une nouvelle victoire décisive à Clissaw, décida du sort d’Auguste, et le trône de Pologne fut déclaré vacant par le cardinal-primat. Il y avait plusieurs prétendans à cette couronne; et il était évident que Charles XIT devait dicter le choix à faire par la noblesse. Il avait d’abord jeté les yeux sur le prince Alexandre Sobieski, un des fils du roi de ce nom , dont les frères étaient prisonniers des Saxons ; mais à la proposition que lui fit le roi de Suède, ce prince répondit noblement : « À Dieu ne » plaise que je profite de mon aîné pour obtenir » une couronne à laquelle il a plus de droit que moi » de prétendre. » Belles et nobles paroles qui de- vraient être bravées dans le cœur de tous les princes. Le palatin Stanislas Leczinski vint ensuite de la part de l’assemblée de Varsovie, pour traiter avec Charles de l'élection. Les manières nobles de Leczinski, son ardent patriotisme , sa réputation de (415) bravoure et l’entrainement de son éloquence , sé- duisirent le jeune héros. Il le fit élire, et Stanislas, couronné solennellement , reçut la soumission de toute la Pologne. Auguste, forcé de chercher un asile dans ses états de Saxe , y fut poursuivi par le roi de Suède, ne reçut la paix qu’à la condition d'une renonciation formelle au trône de Pologne, et fut même forcé, par son inflexible vainqueur, d'écrire de sa propre main une lettre de félicitation à son heureux compétiteur. Au camp d’Alt-Ranstadt, où il dicta la paix, Charles XII reçut la visite de plusieurs ambassadeurs et princes , et du fameux Malborough qui, voyant sur sa table la route de Moscou tracée sur une carte, pressentit que c'était vers le nord que ce souverain portait ses vues et non dans le midi, où cependant s’agitaient de grandes questions. Effectivement, les troupes suédoises en quittant la Saxe, se dirigèrent, au nombre de quarante-trois mille hommes, sur la route de Moscou. Charles XII laissa six mille hommes à Stanislas pour défendre ses états et se porta sur Smolensk. Arrivé près de cette ville, il se laissa attirer dans l'Ukraine par Mazeppa , hetman des Cosaques, qui étaient alors en guerre avec le czar. Dès ce moment, la fortune de Charles XII com- mença à l’abandonner. Les Cosaques ne fournirent pas les secours promis. Ceux qu’on avait demandés en Suède n'arrivèrent que décimés par les fatigues de la route et plusieurs combats livrés contre les Russes. Pierre I®. arriva sur ces entrefaites avec soixante-dix mille hommes, au secours de Pultawa, (416) que les Suédois avaient investie. Charles, en allant reconnaître cette armée, reçut une blessure grave à la jambe. Cependant il fallut livrer bataille , et 1l ne put y assister que porté sur un brancard. C’est à l'impossibilité de se multiplier et d'animer partout ses troupes, comme il le faisait ordinairement, plus qu’à l’infériorité du nombre , qu'il faut sans doute attribuer la défaite des Suédois qui fut complète dans cette journée (27 juillet 1709). Aïnsi fut arrêtée la carrière , si glorieuse jusqu'alors, du héros suédois. Obligé de fuir à cheval, malgré sa blessure, il arriva avec une faible escorte à Bender, sur le territoire des Turcs. Ses généraux et l'élite de ses troupes tombèrent au pouvoir des Russes; les premiers furent bien traités par le czar; mais on dit que le reste ne revit jamais la Suède : c’est au moins une tradition en Russie. Les Français qui ont eu le malheur d’être prisonniers dans ce ‘pays, aprés la désastreuse campagne de 1812, peuvent se rappeler quel triste présage on a quelquefois tiré pour eux de cette tradition. Dans les négociations qui ont eu lieu pour forcer à capituler les Français enfermés dans les places totalement séparées de leurs armées en 1813 , on les a plus d’une fois _ menacés d’un sort pareil s’ils étaient faits prison- niers avant d’avoir détourné ce malheur par une capitulation volontaire. La bataille de Pultawa changea la face des affaires en Pologne comme en Suède. Auguste, rentré en Pologne, remonta sur le trône avec l’assentiment du sénat , qui reconnut de nouveau ses droits par une déclaration solennelle. (417) Stanislas , touché des malheurs de sa patrie, résolut de mettre un terme aux divisions qui la déchiraient, en traitant avec Auguste. Ne voulant cependant rien faire sans le consentement de son bienfaiteur, il se rendit à Bender pour solliciter son adhésion à ce traité. Charles XIL, inflexible jusque dans les fers, la refusa opiniâtrement en disant que si Stanislas ne voulait pas être roi de Pologne, il en ferait élire un autre à sa place, plutôt que de con- sentir au rétablissement d’Auguste. Stanislas se retira dans la Poméranie suédoise; et, fidèle à son protecteur, il fit des efforts inouis pour empêcher le démembrement de ses états en Suède et en Poméranie. N'ayant pu y réussir, il se décida enfin à accepter un asile en France, ce pays qui, dans les siècles modernes, a offert une retraite à tant de têtes couronnées. Il fixa son séjour à Weissembourg , dans l'Alsace française. Un traité conclu en 1720 entre la Pologne et la Suède, re- connut enfin Frédérice-Auguste pour roi de Pologne, et accorda le titre et les honneurs de la royauté à Stanislas , ainsi qu'un revenu proportionné à ce rang. Tous ses biens héréditaires lui furent rendus ; les mêmes restitutions furent faites à ses partisans. Le 1%. février 1733, Auguste mourut à Varsovie, plus regretté, dit un historien peut-être un peu sévère, des Saxons qu'il avait ruinés pour acquérir le royaume de Pologne, que des Polonais dont il avait acheté les suffrages à force d'argent et payé les autres sérvices par de grands Here À cette nouvelle, Stanislas part de Chambord où 28 (418) il résidait depuis 1725, et arrive à Varsovie le 8 septembre 1733. L'élection de ce prince , dont Louis XV n’avait pas dédaigné d’épouser la fille, était fortement appuyée par les grands de la Pologne et par la cour de France ; mais celle d’Auguste, fils du défunt roi, était soutenue par l’Autriche et la Prusse. La promesse de l’impératrice de Russie d'appuyer les partisans d’Auguste par une armée de trente mille hommes , avait mis la division entre les magnats. Cependant le prince Potocki parvint à faire élire Stanislas. Ce prince fut proclamé par la diète le 12 septembre ; mais une faction, à la tête de laquelle était le prince Wiecnowiecki, s'était assemblée à Praage, et le 5 octobre suivant elle proclama roi Frédéric-Auguste IT. La France, dit Voltaire , vit se renouveler ce qui était arrivé au prince de Conti qui, solennellement élu, mais n'ayant ni argent, ni troupes et plus recommandé que soutenu , perdit le royaume où il avait été appelé. La nation polonaise qui , un siècle auparavant, regardait les Russes avec mépris , était alors intimidée et conduite par eux, et la Russie était devenue formidable depuis Pierre I. Un petit nombre d'esclaves disciplinés dispersa une noblesse belliqueuse, mais divisée, qui se vantait de pouvoir monter à cheval au nombre de cent mille hommes. Les Dantzickois, à la première nouvelle de l’é- lection de Stanislas , s'étaient empressés de lui adresser leurs félicitations ; mais à peine leurs dé- putés étaient partis, qu’on apprit l’arrivée pro- chaine de ce monarque accompagné du primat, du (419) marquis de Monti, ambassadeur de France, et de quelques magnats polonais. Le roi, dès son arrivée dans la ville, y fut assiégé par une armée russe. Le comte de Munich, que ses rivaux Ostermann et Biron avaient fait investir, pour l’éloigner de l'impératrice, du commandement de l’armée des- tinée à agir en Pologne, arriva lui-même devant Dantzick et adressa aux habitans une proclamation menaçÇante pour les forcer à reconnaitre l'élection d'Auguste. La réponse n’arrivant pas au gré du général russe , on fit une attaque de nuit sur les faubourgs dont on s’'empara. Le 31 mars commen- cérent le siège et le bombardement. Le peuple murmurait déjà; le conseil de la ville fut forcé d'envoyer une députation au roi, qui lui répondit avec douceur ; mais le marquis de Monti s’exprima plus énergiquement. Il parla beaucoup de l’arrivée d’une flotte et de la vengeance de la France, si l’on abandonnaït Stanislas. On avait aussi quelque espé- rance d’être secouru par la Prusse et la Suède ; soixante-dix Suédois seulement parurent : cependant on se résigna à attendre. Ces dispositions furent fortifiées par un succès que le 9 mai on remporta sur l’ennemi, qui échoua complètement dans une attaque tentée sur le fort du Hagellberg. L’enthou- siasme fut général dans la ville et s’accrut encore à la vue des voiles françaises qui parurent en rade. Il eut fallu, pour contrebalancer les forces de l'Autriche et de la Russie, que Louis XV envoyät par mer un secours considérable; mais l'Angleterre n'aurait pas vu un tel déploiement de forces sans se (420 ) déclarer. D’autre part, la ezarine fit avec l’empe- reur un traité par lequel celui-ci s’engageait à occuper le roi France, de manière à l'empêcher de secourir son beau-père. La raison de famille fut sacrifiée à la raison d'état, et le cardinal de Fleuri ne voulant subir ni le reproche d'abandonner en- tièrement le roi Stanislas , ni celui de hasarder de grandes forces pour le secourir, ne prit que des demi-mesures et fit partir une escadre avec les régimens de Périgord et de Blaisons , formant ensemble un effectif de 1,500 hommes. Ces troupes arrivèrent le 25 avril 1734 à Co- penhague et le 12 mai devant la rade de Dantzick. A l'embouchure de la Vistule et sur la rive droite, était un fort dit de la Muünde ou Weschselmunde, gardé par une compagnie suédoise et quelques Dantzickois. Ce fort défendait bien l'embouchure du fleuve; mais plus loin , en le remontant et sur la même rive, était un autre petit fort appelé Sommer- Schantz, dont les Russes s’étaient emparés récem- ment, et dont le canon battait la même embouchure par où devaient entrer les bateaux de débarque- ment, pour aller gagner le fort de la Münde. Ce fut à travers les boulets des Russes que les Français arrivèrent à ce fort, dont le commandant leur refusa des vivres. Il fallut envoyer des détachemens sur Ja rive gauche pour garder l’île de Suhrwasler, dont l’ennemi faisait mine de vouloir s’emparer , et qui était la seule communication avec la mer. Les Russes étaient maîtres du cours de la Vistule jusqu’à Dantzick, et quarante mille hommes barraïent les (421 ) approches de cette place par terre. Le brigadier qui commandait l'expédition française jugea cet obstacle insurmontable et ne pensa pas qu’il dût sacrifier sans fruit, en cherchant à le vaincre, les hommes qui lui étaient confiés. Il les fit rembarquer et revint à Copenhague. En même temps , arrivait de Calais un nouveau renfort, le régiment de la Marche. Le comte de Plélo, alors ambassadeur en Da- nemarck, fut indigné en voyant revenir la petite escadre française, et prétendit qu’on s’en était laissé imposer sur les difficultés qui s’opposaient à l’ex- pédition. IL demanda qu’on repartit sur-le-champ pour tenter de nouveau de pénétrer dans Dantzick. Le brigadier, jugeant par l’arrivée du nouveau ré- giment, que le ministère français voulait qu'on suivit vigoureusement l’entreprise, espérant aussi qu'il arriverait d’autres secours plus considérables, se rangea à l'avis de l’ambassadeur. On prit des vivres et on se rembarqua avec rapidité. Le comte de Plélo voulut être de l'expédition. Il ne s’en dissimulait cependant pas les dangers ; car avant de s’embarquer , il écrivit à l'un des secrétaires d'état, une lettre qui finissait par ces mots: « Je » suis sûr que je n’en reviendrai pas; je vous » recommande ma femme et mes enfans. » On arriva à l'embouchure du fleuve le 23 mai. L’en- nemi n'avait pas pris possession de l’île Sohrvaller : on s’en empara et on y établit le camp. Les vais- seaux mouillèrent vis-à-vis l’île. L’ambassadeur Monti envoya l’ordre d'attaquer le 27. Comme ce ne pouvait être par la Vistule, dont l'ennemi était (42) maître, il n’y avait moyen de le faire que par terre, en forçant les retranchemens qu’il s’était construits sur la lisière de la forêt à laquelle faisait face le fort de Weschselmünde; aussi était-ce l’ordre de l'ambassadeur. Pendant qu’une fausse attaque était faite par cent cinquante Français et cent Suédois, les régimens français passèrent la Vistule pour se rendre auchemin couvert du fort de Weschselmünde, où on les forma en trois colonnes. Après les avoir harangués, on leur recommanda de ne pas tirer un seul coup de fusil sans ordre et de marcher la baïonnette en avant sur les retranchemens. Pour y arriver , il fallait traverser un marais qu'on avait assuré praticable ; mais comme on eut bientôt de l'eau jusqu’à la ceinture en beaucoup d’endroits, on soupçonna une trahison, et ce soupçon se fortifia quand on vit le commandant suédois qui s’était chargé de diriger les colonnes , se mettre de côté et se retirer ensuite dans le fort , lorsque les troupes furent engagées. On continua cependant de marcher en avant; bientôt le canon se fit entendre ; c'était celui du fort Sommer-Schantz , qui prenait les colonnes en flanc et leur tua beaucoup de monde, ce qui ne les empêcha pas d'arriver au bois de Weschselmünde , où l’on reçut un feu terrible de mousqueterie. Il était impossible de couper à coup de sabre les äbattis en avant des retranchemens, c'étaient des arbres entiers ; on prit la téméraire résolution de les franchir et de se jeter dans les retranchemens. Beaucoup l’exécutèrent et firent des prodiges de valeur. Le comte de Plélo et tous (423 ) les officiers étaient en tête et donnaient l’exemple. La boucherie était effroyable , trois retranchemens furent pris; à l'assaut du quatrième, Plélo tomba percé de coups. Ce fut le terme des efforts sur- humains qui avaient été faits jusque là. Il fallut céder au nombre; on repassa par où on était entré; bien peu y parvinrent et beaucoup d'officiers y périrent. Cependant les soldats ne se décourageaient pas, on n'abandonnaït pas encore le terrain ; mais les Russes ayant fait filer des troupes par la droite et la gauche des retranchemens, les Français furent cernés et foudroyés par un feu terrible."Ils ne pouvaient se défendre qu'à l’arme blanche , la poudre ayant été mouillée dans le passage du marais. Des abattis, on les ajustait comme des pièces de gibier. Il fallut enfin se résoudre à une . retraite sérieuse; elle eut lieu par le même chemin, et l’on perdit encore bien du monde dans le passage du marais. De retour au camp, on se hâta d'en fortifier les retranchemens, pour n’y être pas forcés. Le maréchal de Munich accorda, avec beaucoup de courtoisie, une armistice pour retirer les morts. Plélo fut reconnu parmi les cadavres ; il avait une jambe cassée d’un coup de feu , un coup de sabre sur la tête et seize coups de baïonnette dans le corps. Cette mort jeta la consternation dans le camp français. À des sentimens héroïques dignes d’une meilleure fortune, dit un des biographes de Plélo, il joignait le goût des lettres et de la philo- sophie. Il faisait , avec méthode, des recherches savantes et des observations astronomiques. Il cul- (424) tivait même avec succès la poésie. On a de lui des pièces légères pleines de délicatesse et de naïveté. Il avait formé une bibliothèque précieuse qui, depuis, passa au duc d’Éguillon, son gendre. Ainsi périt à trente-cinq ans le comte de Plélo, victime peut-être d’un dévouement exagéré qui lui fit prendre la résolution héroïque de laver dans son propre sang la tache qu’il croyait avoir été faite au nom français par une retraite trop prudente: L'entreprise de Plélo, pour n'avoir pas réussi, n’en reste pas moins une page très-glorieuse de l’histoire pour les armes française. Elle mérite d’être comparée aux actes de dévouement les plus sublimes de l'antiquité. Après soixante-treize ans ,. ce revers fut vengé sur le même rivage, comme on le verra dans le cours de cette histoire. Quinze mille Russes , pendant le "cours du siège de Dantzick en 1807 . débarquérent, comme l'avaient fait deux mille Écubal en 1734, pour secourir cette place, et au même endroit ils furent culbutés par le maréchal Oudinot (1). On manquait de tout dans le camp français , même de linge pour panser les blessés. Heureuse- ment M. du Barrais, en croisant dans la Baltique avec sa petite escadre, prit sur les Moscovites \ (4) Le nom de Plélo a tout à fait effacé celui de de la Motte, commandant de l’expédition. Il faut dire cependant que le roïine jugea pas la conduite de celui-ci digne de blâme, puisqu'il fut fait maréchal-de-camp au mois d'octobre de cette même année, pendant qu'il était prisonnier en Russie. ( 425 ) quelques barques chargées de vivres qui arrivèrent fort à propos. Le vaisseau français le Mercure prit aussi une frégate russe. On songeait à se rembar- quer ; le roi de Pologne le défendit. Une galiote suédoise, armée de quatorze canons , achetée par Plélo, était arrivée. On voulut lui faire tenter une attaque sur le fort de Sommer-Schantz ; mais cette attaque fut mollement faite, et l’entreprise échoua. Les Russes alors barrèrent la Vistule par une esta- cade garnie de chaînes et armée de piques. Toute relation avec Dantzick devint impossible. Un vaisseau français (l'Isaac) resté en rade, fut obligé de s’é- chouer devant la flotte russe qui venait d'arriver. On lança des bombes sur le camp des Français, dont la position devenait d’ailleurs plus critique par la privation de vivres et de bois. Les Russes achevèrent de les bloquer par des ouvrages élevés depuis la Vistule jusqu’à leur camp; d'un autre côté, on avançait aussi des ouvrages contre Wech- seilmünde et on bombardait ce fort. Dans cette triste position, les Français parlementèrent avec le maréchal de Munich, pour obtenir d'envoyer prendre les ordres de Stanislas. Une suspension d'armes eut lieu et ce monarque envoya aux Français l’auto- tisation d'entrer en arrangement pour une capi- tulation. Munich, dans les pourparlers , fit sentir quelle imprudence il y avait eu à n’envoyer que deux mille hommes pour forcer une armée aussi con- sidérable que la sienne. Ce ne fut sans doute qu'à l'estime qu’inspirait une pareille conduite , qu’on dut d'obtenir une capitulation honorable; cependant ( 426 ) elle ne fut obtenue, pour ainsi dire , que l’épée à la main. Les Russes accordèrent le transport des troupes françaises dans un port de la Baltique, pour être ensuite embarquées et menées en France, sur des vaisseaux de l’escadre française ou sur des bâtimens marchands : les armes devaient être rendues aux officiers et soldats, en quittant les vaisseaux russes. Il est à remarquer que les commissaires russes ajoutèrent , de leur propre mouvement, à l’article où il est dit que les vivres seraient fournis aux Français, le mot gratis. On verra comment fut observé cet article. Le même jour où fut signé cette capitulation, le fort Weschselmünde fit aussi la sienne. L’officier comman- dant les dantzickois put se retirer où il voudrait avec la troupe qu’il commandait , et il sortit avec armes et bagages et quatre pièces de canon. Le comman- dant suédois fit sa capitulation particulière. Il avait assez de vivres et de munitions pour se défendre encore long-temps, en s’entendant avec le com- mandant dantzickois ; il se rendit non-seulement avant qu'aucune brèche fut ouverte, mais sans avoir tiré, pour ainsi dire, un coup de canon. Un historien de l’époque attribue cet empressement au désir de mettre plus facilement en sûreté les sommes con- sidérables qu'il avait reçues des rois de France et de Pologne, pour des services promis et non rendus. Quoiqu'il en soit, tous les efforts tentés pour la cause du malheureux Stanislas devaient échouer plus ou moins tardivement, devant une armée composée de (427 ) quarante mille Russes campés tant sur les hauteurs d'Oliva que vis-à-vis les fortifications de la place : douze mille vis-à-vis le camp français; deux mille Cosaques retranchés au bord de la mer, derrière le fort de Weschselmünde; huit mille Kalmucks , non compris les troupes retranchés dans le bois de Weschselmünde et dans le fort de Sommer-Schantz ; enfin, un certain nombre de Polonais du parti d’Auguste. L’armée navale commandée par l'amiral Gordon était de vingt-quatre vaisseaux de ligne, quatre frégates, deux galiotes à bombes et plusieurs bâtimens de transport. Le maréchal de Munich et l'amiral rendirent visite aux Français dans leur camp. Le 27, surlen- demain de cette visite, on transporta ceux-ci à bord des vaisseaux russes et leurs armes sur un navire parüculier. Il leur fut annoncé qu’on les conduirait à Revel, où ils arrivèrent effectivement le 10 juillet. Là on leur dit qu’on allait les mener à Cronstadt, où l’on trouverait plus facilement des vaisseaux pour les transporter en France. Malgré toutes les belles promesses qu'on leur faisait, les Français commencèrent à avoir quelques soupçons ; il fallut cependant se résigner. On arriva le 13 juillet à Cronstadt, au moment où des salves d'artillerie annonçaient la reddition de Dantzick, réjouissances navrantes pour le cœur de cette poignée de Français qui venaient d’'échouer dans leur entreprise pour secourir cette place. L'ordre arriva à Cronstadt de faire partir, pour Saint-Pétersbourg, le brigadier, le colonel et les commissaires de la petite troupe Ê (4%) française. Embarqués sur le yacht de l’impératrice, ils arrivèrent le 17 juillet et descendirent au château d’Anicheff, entourés des gardes à pied et d’un bataillon de la marine, drapeaux déployés et tam- bour battant. C’est ce qui, sans doute, a fait dire à Voltaire que tous les officiers furent reçus à Pétersbourg comme des ambassadeurs ; mais bien s’en fallut que le reste de la troupe fut traité de la mème manière : toute la grâce qu’on fit aux officiers fut de leur laisser leurs épées, et on les fit partir, ainsi que les soldats, escortés comme des criminels. Après une marche de quelques jours et même de quelques nuits, nourris à leurs frais et très-chère- ment, ce qui est une rareté dans ce pays , ils arri- vèrent à Caporia, où l’on établit un camp entouré d’un cordon de troupes russes. Un manifeste de la czàrine parut enfin, qui donnait une explication de ces procédés si contraires à la capitulation. La czarine disait que l’escadre française ayant, sans déclaration de guerre préalable, pris un paquebot et une fregate russes, que les vaisseaux russes n'ayant commis aucune hostilité, mais au contraire laissé libre le commerce français, que de tels pro- cédés étant contraires au droit des gens, Sa Majesté se trouvait en droit de retenir les troupes françaises jusqu’à la restitution de la frégate et de son équi- page, qu’eNe autorisait cependant quelques officiers français à se rendre en France pour y porter cette déclaration et rapporter une prompte détermination du cabinet français. Ces honneurs inusités rendus aux prisonniers (425 ) français dans la personne des principaux de leurs chef, cette volonté d’intimidation manifestée par les traitemens bien différens infligés au reste de la troupe , avaient sans doute pour but de donner à la fois à la nation russe encore enfoncée dans la barbarie et au ministère français, une haute idée de la civilisation et de la puissance de cette nation. Mais sous ces dehors trompeurs , il n’était pas difficile de voir percer la ruse et le manque de foi. Quel droit avait la czarine de reprocher à la France une attaque subite sur mer, lorsqu’elle-même, sans aucun droit, avait envoyé une armée pour briser, par la force, l'élection d’un roi librement nommé suivant les lois du pays et accepté avec joie par la grande majorité de la nation? Quelle droit avait- elle de s'opposer à ce que Louis XV vint défendre l'élection de son beau-père? Si l’histoire équitable place ici un reproche, c’est celui de ne l'avoir pas fait assez énergiquement. Lorsqu'une escadre fran- çaise débarqua une troupe trop faible sous les murs de Dantzick et que la Russie s’opposa à son entrée dans la place, la guerre n’était-elle pas déclarée de fait, et la prise d’une frégate russe qui n'avait pas su se défendre contre un vaisseau français, pouvait- elle être regardée comme un premier acte d'hostilité ? Nous avons insisté sur cette réfutation du manifeste russe, parce qu'il s’est trouvé des écrivains français, comme Voltaire, assez passionnés pour la puissance naissante de l'empire russe, ou assez éblouis par les cajoleries de ses souverains, pour justifier de pareils actes. On sait, au reste, comment fut adulée, ( 430 ) par les écrivains philosophes du dix-huitième siècle, cette Sémiramis du nord qui répondait à leur croi- sade de liberté par le partage de la Pologne, et à leurs cris de tolérance par l’usurpation de la dignité de patriarche de l’église greco-russe. Et quel pa- triarche que Catherine Il ! Plus heureux que les prisonniers français des guerres de l'empire, dans le siècle suivant, ceux-ci ne furent pas oubliés par leur gouvernement. Des secours d'argent furent envoyés pour la troupe : outre cela, un certain nombre d'officiers en reçurent de leurs familles, et c’est ce qui causa le malheur de deux d’entre eux. Cet épisode peint assez bien l'esprit des jeunes officiers de cette époque, pour que nous n’omettions pas de le raconter. Deux de ces jeunes étourdis, ennuyés de l’oisiveté de leur captivité, profitèrent d’un peu plus de liberté qu’on avait laissée aux officiers et de quelque argent qui garnissait leur bourse, pour offrir un déjeüner champêtre à deux dames russes , avec lesquelles ils avaient fait une connaissance improvisée et quelque peu romanesque dans une de leurs promenades. On était dans les ébats de la joie et d’une galanterie d'autant plus piquante, qu’on avait beaucoup de peine à s'entendre par discours , lorsque les maris apparaissent comme des spectres à la partie carrée. Les Français, comprenant la délicatesse de leur position, se retirent prudemment ; mais bientôt ils sont assaillis par plusieurs personnes armées. Force alors de tirer les épées, et tout en se défendant, d'en mettre trois sur le carreau. Une garde russe (43i) arrive, les officiers veulent continuer à se défendre, blessent quelques soldats, sont désarmés enfin et mis en prison jusqu’à ce qu'il soit statué sur leur sort. Le 10 septembre, époque à laquelle le froid commençait à se faire sentir, les Français furent menés à Narva, ville beaucoup plus considérable que Caporia. Les deux prisonniers furent conduits à Pétersbourg, enfermés séparément, mais traités avec assez d’égards. Les officiers russes avec lesquels avait eu lieu la querelle, étaient à Pétersbourg et sollicitaient vivement un jugement. Interrogés pour la première fois le 3 octobre , les deux officiers français furent condamnés le 12 à être pendus ; mais le jugement portait que l’exécution ne pourrait avoir lieu que sur l’ordre de l’impératrice. Sur ces entrefaites , la nouvelle étant arrivée que l’ordre avait été donné par le cabinet de Versailles de rendre la frégate russe la Mitiau, le départ des Français fut enfin consenti par la Russie. Le moment était venu de décider du sort des deux condamnés : ils furent menés devant l’impératrice qui, après leur avoir fait quelques questions, leur déclara qu’elle s’en rapporterait à la cour de France pour le châti- ment à leur infliger. Ils furent cependant reconduits à Narva, pour être détenus jusqu’à l’embarquement, et y restèrent depuis le 27 novembre jusqu’à la fin de décembre. Avant le départ du corps français , il fut donné, par le gouvernement russe, un repas somptueux à (432) tous les officiers. Le gouverneur porta la santé des braves soldats français. Les officiers français voulurent prendre leur revanche et boire à la santé des soldats russes ; le gouverneur s’y opposa de la manière la plus courtoise, disant qu'eux seuls méritaient qu'on but à leur santé, pour avoir eu la bravoure, étant en si petit nombre, de tenter une entreprise aussi périlleuse que celle de forcer les retranchemens d’une armée entière, et cela avec une intrépidité dont l’histoire offre peu d'exemples. Les Français se ressentirent jusqu’à la fin de ce mélange de barbarie et de civilisation qui carac- térise ce pays. On les fit bivouaquer une nuit au lieu de l’embarquement , et il y périt plusieurs officiers et soldats. Déjà on avait perdu beaucoup de malades à Narva. On était parti de cette ville le 4 décembre, on mit à la voile le 5. Il fallut casser la glace pour lever l’ancre. Bientôt une tempête dispersa les vaisseaux. Deux se rendirent à Co- penhague, un à Hambourg, un à Stockholm et deux à Gravelines. Un vaisseau vint s’échouer près de l'Écluse. Il y eut plusieurs noyés, et entre autres l’aumônier , qui avait rendu beaucoup de services spirituels, disent des mémoires du temps. Le der- nier vaisseau, portant les convalescens , échoua près de Liba, en Poméranie , dans les états du roi de Prusse. Ces malheureux furent obligés de se jeter dans l’eau, malgré leur faiblesse et la rigueur de la saison. Pour comble d’infortune, on ne voulait pas les garder dans cette ville où le bruit assez fondé, du reste, s’était répandu que les Français (433) avaient apporté sur les autres points où ils avaient débarqué , une maladie contagieuse. Quelque argent que les officiers avaient conservé sur eux et celui qu’envoya l'ambassadeur français à Berlin, appla- nirent les difficultés. Mais les malheureux bourgeois souffrirent de leur facilité. Une trentaine mourut de la contagion. On fut obligé de passer l'hiver dans cette ville et on en partit le 1%. mai sur un vaisseau ‘ envoyé de France, et là, comme dans les autres endroits où les Français avaient séjourné, ils avaient porté leur caractère sociable, avaient formé des relations avec les habitans et avaient fini par se faire regretter. Obligé de relâcher encore à Co- penhague et après avoir essuyé une nouvelle tem- pête, ce dernier transport arriva enfin le 28 mai à Calais, où il entra tambour battant, aux acclama- tions universelles. Le roi accorda des récompenses à tous les officiers de cette malheureuse expédition, excepté aux deux coupables, trop heureux, leur dit-on, qu’on oubliât leur conduite passée. Nous avons vu, dans le courant de cet écrit, le roi de France soumis à l’humiliation de voir son beau-père détrôné par les souverains de la Russie et de l'Autriche. Le ministère français, bien que dirigé par un prêtre pacifique, ne voulut pas laisser cet affront impuni : il eut, dit Voltaire, fait perdre à la France cette réputation si nécessaire au main- tien de la grandeur, si elle n’eut tiré vengeance de l'outrage qu’on lui avait fait en Pologne. On ne connaissait pas alors la morale des faits accomplis. 29 (434) Les états moscovites étaient trop éloignés pour leur faire porter le poids de cette vengeance; ce fut à l'empereur qu’on s’en prit. La France s'allia à l'Espagne et à la Sardaigne, qui avaient chacune leur intérêt à l’affaiblissement de l’Autriche. On maintint habilement l'Angleterre et -la Hollande dans la neutralité. Les résultats de la guerre victo- rieusement soutenue par les maréchaux de Villars et de Coigny et le duc de Montemar, furent la perte de presque toute l'Italie pour l'Autriche , et la con- quête de la Lorraine acquise définitivement à la France, après la mort de Stanislas. Ce prince , qui n'avait pas d'enfant, fut appelé, par le traité de novembre 1738, à la gouverner sa vie durant. On sait quels souvenirs y a laissés son règne aussi éclairé que paternel. Le C“. A. DE RIENCOURT. AUX EU. ET XVI". SIÈCLES. Inutile de rappeler ici les diverses superstitions qui, aux premiers jours de la religion chrétienne, excitèrent l'indignation des missionnaires, alors que parcourant l'univers ils appelaient les générations à la suite du crucifié. La sublime morale du Christ pouvait bien, il est vrai, renverser les temples élevés aux déités si nombreuses des vieilles et antiques croyances; mais un long temps devait s’écouler encore jusqu’au moment où elle ferait complètement disparaître les diverses superstitions , fidèles compagnes des mal- heurs de l'humanité (1). (4) Vers les XVe. et XVIe. siècles, on avait coutume, en cer- tains pays, de dire la messe sur du fer brûlant, sur des eaux froides ou bouillantes, ou sur quelque autre matière, à l'effet de se purger de quelque crime. On récitait aussi l’évangile sur des armes, afin qu’elles eussent plus de force contre les ennemis ; on conjurait les chiens, les serpens ct les autres bêtes nuisibles, etc. ( 436 ) Obligé de subir l'influence irrésistible des âges, le christianisme ne devait-il point lui-même sanc- tionner, de son autorité , les jugemens de Dieu, le sort des saints ? Ainsi, triste conséquence des malheurs des gé- nérations passées, la superstition est arrivée jusqu’à nous, et encore aujourd'hui nous lui demandons compte des quelques jours que nous réserve la Providence. En 1317, le pape Jean XXII se plaint, dans une commission adressée à quelques prélats, de ce qu’on emploie la magie dans les conspirations qu’on a faites contre lui; que Jean de Limoges, Jacques Brabançon, Jean d'Amiens, médecin, et quelques autres, qu'il dit être ses ennemis, s’appliquent à la nééromancie et à d’autres arts magiques ; qu’ils se servent de miroirs, d'images consacrées à leur manière; qu'ils invoquent, dans des cercles , les esprits malins; qu'ils enferment les démons -dans des miroirs, des cercles et des anneaux, pour les interroger, non-seulement sur le passé, mais encore sur l'avenir, et qu'ils prétendent, par de certains breuvages ou par de simples paroles, abréger ou prolonger la vie de qui ils veulent (1). x (1) Grevin, dans son ouvrage sur les enchantemens et les sor- celleries, dit que le pape Benoit IX fut ésorgé par un diable dans une forêt, et que peu de temps après, il fut vu par un ermite sous une figure horrible, hérissé comme un ours et ayant la tête d’un âne. Interrogé sur la cause d’une telle transformation , il répondit qu'il paraissait tel qu’il avait vécu. | (437) Au XV®. siècle, suivant madame de Bawr , les échevins de Noyon délivrent à Daniel de Compiègne, surnommé le Sorcier , une patente de magicien de magie blanche. Daniel savait, disait le peuple, tout ce qui se passait dans les entrailles de la terre, voyait clair par la nuit la plus sombre (1), et en- tendait de l’église de St. Corneille, à Compiègne, ce qui se disait sur les remparts (2). IL paraît que les sorciers baptisaient souvent des chiens, des chats, des cochons, des crapauds et d’autres animaux, morts ou vifs. Pierre-Grégoire de Toulouse (3) rapporte qu'un prêtre du diocèse de Soissons, voulant se venger de ses ennemis, consulta une sorcière qui lui conseilla de baptiser un crapaud avec les cérémonies usitées pour le baptême des chrétiens, et de lui donner le nom de Jean; de consacrer ensuite une hostie et de la lui faire manger. Le prêtre ayant ponctuellement exé- cuté ce que la sorcière lui avait ordonné, celle-ci prit le crapaud, le déchira par morceaux et en composa un poison qu'elle ordonna à ce prêtre de porter dans les maisons de ses ennemis, ce qu'il (4) La clairvoyance nocturne de Tibère, dont les modernes ont plusieurs exemples, est regardée par les physiologistes comme un des caractères les plus frappans de l'énergie vitale. Parmi les hommes qui en furent doués, nous remarquons Cardan , Scaliger q : q ; Théodore de Bèze, le physicien Macrin, le publiciste Camille ? P ; P Desmoulins. (2) Les Flavy. (3) Syntag. sur. univers. , part, 3, Liv, 34, c. 45, n°. 9. (438 ) fit. Ceux-ci, si nous en croyons l’auteur précédem- ment cité, moururent misérablement. Il ajoute que cette indigne méchanceté ayant été découverte, la sorcière fut brülée en 1460. Froissart parle d’un curé de Soissons (sans doute ‘le même que celui que nous venons dé mentionner), qui baptisa un crapaud et lui bailla l’hostie con- sacrée, et qui fut brülé tout vif, dit Bodin (1), sans s'arrêter aux canons qui excommunient seulement les prêtres sorciers (2). Les archives de Péronne nous ont fourni les . documens suivans : | BANNISSEMENT A SON DE CLOCQUE. 1440. Il est venu à la congnoissance de la ville que Jehette Moillette cy présente , est coulpable d’avoir esté en la ville de Cambray querir aucuns sors (3) ou sorcherons (4) à la requeste de la femme (4) Démonom., liv. 1v, chap. v. On appelait chrapoudine une espèce de pierre précieuse qu’on croyait se trouver dans la tête d’un vieux crapaud. (2) Saint Grégoire, liv. 3, chap. 20, parlant d’un prêtre nommé Étienne, de la province de Valeiré, dit: Qui quadam die de itinere domum regressus, mancipio suo negligenter loquens , præcepit , di- cens: vent diabole , discalcea me. Aussitôt les cordons de ses bottines se délièrent, le diable agit dans le moment et-le dé- chaussa. ; (3) En 4385, Jehennette Due, accusée de sortilège et de mada- gogie (mandragore), est bannie de Saint-Quentin. (Archives de cette ville). (4) Sorceron : breuvage fait par sortilège (Roquefort, dict. de la langue romane, £. 2, p. 567).— Mais il avient que li anemis qui (439) Bauduin Cornille, pour icellui baillier à la femme de Colart Heunon. Pourquoy, nous ichelle Jehette bannissons de ceste ville et banlieue à tousiours , selon le point de la chartes. Banissement fut à l'arbre des demoiselles, au. dehors de la porte des frères mineurs. Le procureur de la ville protesta que, quoique le bannissement n'eut point été prononcé sur les limites de la juridiction de la cité (1), ceci ne pour- rait porter préjudice (2). 1450. Jehne Cousine , femme Tassart Cousin, dingneron (3), est accusée entre autres choses d’avoir dict à la femme Foursy Dubrulle aucunes parolles touchant menaches de sorcelleries ; meis- mement que ladite Jehenne estoit renommée de faire pluisseurs carnerures et aultres figures (4) met tout son pouvoir en decevoir home et fame pour traire les ames en pardurables peines, fet aucunes fois, quant Dieu lui sueffre, avenir les choses par lesquelles les sorceries sont fetes. {Cout. de Beauvaisis, chap. 2). (4) La justice et la seigneurie de Péronne s’étendaient jusques à la pierre de Doiny et au bois de Rocongne. (2) Folio 448, recto. (3) Nous avons fait connaître ailleurs que la vigne était alors cultivée à Péronne. (4) Jean de Bourgogne, comte de Nevers, fut dépouillé de tous ses domaines par le comte de Charolois, qui le fit arrêter, le 3 octobre 4465, dans Péronne, puis conduire prisonnier à Béthune, et cela sous le prétexte imaginaire d’avoir voulu l'envouster, c’est- à-dire le faire périr par des opérations magiques. Elles consis- taient à faire en cire la figure d'une personne à qui on en voulait et à la piquer ensuite, d’où il arrivait, suivant le préjugé de ce ( 440 ) contre la foy, dont elle se disoit pure et innocente, confessant que de qu’elle avoit bailliet la piau d'une culeuvre (1) à une josne fille de la paroisse de Sainte Radegonde, pour garir des fiesves, elle s’en estoit confessée, et avoit porté pénitence publique en ladite église Sainte-Radegonde (2). Bannissement à son de elocque, fait le v°. jour de décembre, an Lxxv1 (1476), en la personne de Jehne le Guerdde, pour avoir fourcelé à justice la temps-là, que la personne ressentait toutes les piqûres que l’on faisait à la figure, et périssait par ce maléfice. — Envouster, envoulter : enchanter, ensorceler; de vulluc. (Roquefort, ouv. cit. t. 1, p. 481). Ce prince ne lui rendit la liberté qu’en le faisant renoncer, par un acte du 22 mars 4466 (N. S.), à toutes les sei- gneuries et comtés qu’il avait recus du duc Philippe-le-Bon. Jean, protesta contre cette violence et s’en fit relever par la cour des pairs. Le duc de Nevers fut privé de l’ordre de la toison d’or, au chapitre tenu à Bruges par le duc de Bourgogne, au mois de mai 1468. (4) Un manuscrit précieux que M. le baron Blondel d’Aubers, ancien préfet, a bien voulu mettre à notre disposition, nous fait connaître qu’au XVIe. siècle, le remède que voici passait pour seul capable de guérir la derompure : Il fault prendre ung œufde pouille toute noire, et le toucher trois fois au mal, et de trois fois : au nom du Pêre, du Fils et du St.-Esprit, et de, monseigneur saint Druon ; et après, prendre ledit œuf et l’enfouyr en quelque plache, affin qu'il soit bientôt pourry; puis prendre du papier blanq et le macher, et en faire une emplastre de la grandeur d’un Philippe (d'Aldue) ; et le mettre entre deux linges sur la derompure, trois semaines de long , tous les jours une nouvelle emplastre. Puis faire la nœufvinne de saint Druon, et envoyer trois personnes audit saint, tout en ung mesme jour, et illec faire dire la messe. (2) Folio 22, verso. (44) mort et enssorchellement, fait par Maryette Cau- dronne au fils de Pierre Cauvel , âgé de v ans, le terme de vii ans (1). 1487. Jehnne Poliettes , natifve de Rouvroy:en -Saintter (2), est banis pour trois ans, pour sa maulvaise vie, estat et renommée de desnoier gens mariez, et avoir leur compaignie charnelle (3). Sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII, les représentations des mystères (4), des moralités, des farces et surtout des diableries, durent encore rendre le peuple plus ami du merveilleux et par ‘conséquent des sorciers. Ce sont particulièrement les diableries qui ont mis les sabbats à la mode : dès l'an 1507, il parut un volume in-folio de diableries (5). Les deux (4) Folio 472, recto. (2) Guillaume le Breton est le premier auteur qui ait parlé du Santerre (Philipp. , lib. 2); il l’appelle Santeriense sulum. Dans d’autres, cette contrée est nommée Sanguis tersus ou Sana terra. (3) Fol. 67, recto. — On lit dans es Miracles de saint Ubald, t.7, p. 782 : Benedico te, o panis..…. ut sis destructio et annihilatio omnèum facturarum , leyationum, fascinationum et incantationum. — Le rituel de Beauvais de 4637 excommunie les sorciers, devins, magiciens et tous ceux qui ont recours à eux, tous noueurs d’ai- guillettes et autres qui, par ligatures, charmes et sortilèges, em- pêchent l'usage du mariage. (4) Au temps passé, sur les chariotz de joueurs estoient pro- noncez aucunes opprobes contre les scortateurs , les infames, les glorieux, les amateurs des richesses. (Manuscrit de M. le baron Blondel d’Aubers ). (5) Nous avons d’Éloy Damerval, nommé à tort d’'Amerval, p- 220, t.2 des Arhives de Picardie, le livre de la diablerie , en rimes et par personnaiges. Paris, Michel le Noir, 4508, in-fe. (422) Grebans, poètes du temps, connus par leurs pièces de théâtre , apportèrent de Paris dans le Valois, leur patrie (1), ces représentations singulières : les diableries se jouaient chez les particuliers et dans les hôtels. Les sabbats n’ont été d’abord qu’une imitation des diableries. Ceux du peuple n'étaient, dans l’origine, que de petites diableries à un seul personnage, qui donnèrent bientôt naissance aux plus grandes turpitudes. Les grands sabbats, sur lesquels on à trouvé quelques détails, ont été tenus presque tous du côté de la Ferté-Milon et de Verberie. On nommait, à la Ferté-Milon, chevaucheurs de ramons, ceux qui avaient la réputation de les fréquenter. A Verberie, on les appelait chevaucheurs d'escouvettes (2). On pensait que, pour être reçu au sabbat, chaque sorcier devait être muni d’un balai, dont il tenait la tête à deux mains et le manche entre les jambes. Les sabbats de Verberie se tenaient au Pont-la- Reine, sur le grand chemin de Compiègne, au fond de Noë-Saint-Martin, près du grand chemin de Fes et au bois d’Ajeux. Les séances commencaient vers la nuit et finis- —— — \ : (4) Suivant d’autres, ils étaient du Mans, (2) Ramon est un vieux mot de la langue romane, encore én usage en Picardie, qui signifie balai ; escouvettes, grands manches à balais avec lesquels on supposait , dans les temps d’ignorance, que les sorciers ou prétendus tels, allaient aux sabbats en se mettant à cheval dessus. (Roquefort, t. 4, p. 508). (443) saient au champ du coq. On se rendait, pendant l'été, dans les bois; l'hiver, dans les fermes écartées. Les chambres destinées au sabbat d’hiver étaient éclairées par une seule lampe, dont la lumière faible et vacillante dissipait à peine les ténèbres. On plaçait d'ordinaire cette lampe dans un coin de la cheminée. Les chefs et les assistans observaient l’ordre que voici : Le diable, président, paraissait au milieu de la cheminée , élevé sur un tréteau de deux ou trois pieds. A sa gauche, la lampe ; à sa droite, dans un enfoncement parallèle à cette dernière , apparaissait l’homme ou la femme, dépositaire des poudres et des graisses. Le diable tantôt avait la forme d’un grand bouc velu sur toutes les parties du corps, tantôt celle d’un cavalier habillé de noir et couvert d'un manteau de cette couleur. Quelquefois il siégeait sous la figure d’un gros barbet. Ce président d’un nouveau genre ouvrait ordi- nairement la séance par un discours suivi de la distribution des poudres ou des graisses. En certains lieux , on baptisait des crapauds qu'on donnait comme des préservatifs , sous le nom de mirmilots. On adorait aussi ce diable simulé , et, en signe de soumission, on lui baisait le nombril. Un repas où l’on mangeait du pain noir, précédait les danses lascives et les débauches monstrueuses qui termi- naient la cérémonie. _ Ordinairement ces sabbats se tenaient pendant les nuits qui précédaient les fêtes, afin que les (444) assistans, ouvriers pour la plupart, eussent le temps de goûter quelque repos le lendemain. Souvent le président imprimait un signe à ceux qui venaient s'initier, en appliquant sur la peau du récipiendaire une graisse qui faisait naitre à la partie du corps qu'elle touchait, une espèce de rogne insensible qui pénétrait fort avant (1). Si nous en croyons, au reste, Burchard, savant canoniste des XIE. et XIE. siècles, les femmes de son temps pensaient que des démons métamorphosés en femmes , s’associaient toutes les femmes qui consentaient à s’enrôler dans leur bande , et traversaient les airs montés sur diverses bêtes , ayant à leur tête Diane qu'ils sur- nommaient Herodias et Bensozias. Quoique eou- chées auprès de leurs maris, elles sortaient les portes fermées , s’élevaient dans les airs, tuaient (1) Sur la fin du règne de Francois ler., Jeanne d’Harvilliers, sorcière de Verberie, fameuse par ses maléfices, par ses recettes et par la réputation qu’elle s’acquit en Picardie, fut condamnée au feu par arrêt du parlement de Paris du 41 janvier 1548 (N.S.) Jean Bodin déclare, dans la préface de sa Démonomanie, qu’il a composé ce traité à l’occasion de Jeanne d’Harvilliers. — Me souviens, dit Bodin, qu’étant à Chelles en Valois, un petit laquais empêchait la chambrière du logis de faire son heurre : elle le menaça de le faire fouetter pour lui faire ôter le charme, ce quil fit. Ayant dit à rebours le même verset du psaume xxxi, aussitôt le beurre se fit, combien qu'on y avait employé presque un jour entier. (L.2, c. 4).— D’aulcuns soutenoient qu'il est suffisant de pendre à la hart, jusqu’à ce que mort s’en suive, sorciers et ses teurs malefits. À mon avis, c’est erreur grave et contraire aux saints conciles. 11 faut les cuire en belle et bonne chaudronnée de poix bouillante, ou les larder en un buscher qui n’en laisse pas même les os. (Le R. P. Mathurin, des Supplices qui sont dus aux Sorciers). (445) des hommes baptisés , faisaient cuire leurs chairs et les mangeaient, ouvraient leurs corps, en arra- chaient le cœur (y substituant de la paille, du bois ou autre chose), le mangeaient et faisaient revivre le corps comme auparavant (1). Ces courses étaient quelquefois entreprises pour aller livrer des combats à d’autres femmes également initiées , les blesser et en recevoir des blessures. Elles ne pouvaient , au reste, se dispenser de se trouver à ces réunions. Cette notice serait incomplète, si nous ne disions ici quelques mots de l'astrologie judiciaire , telle- ment en faveur aux XVE. et XVI. siècles, que presque tous les psautiers, qu’on nomme Heures de Charles VIIT, ont en tête une figure humaine, dont chaque membre principal est marqué par un rapport avec les influences des planètes (2). À la cour de France , sous Catherine de Médicis, les dames n’osaient rien entreprendre sans avoir au préalable consulté les astrologues qu’elles appe- laient leurs barons (3). (1) Lib. 4, 40 et 19.— Regino, 1. 2, cap. 364.—Ivo, p. 414, c. 30. — Herard, c. 3. — Capitul. franc., Baluz., t.2, p. 365. — Concil. Ancyran., Labb., 1. 4, col. 4476, et t. 2, col. 1014. — Les statuts manuscrits de l’église de Conserans , xume. et xive. siècles, font encore mention des femmes qui faisaient métier d’aller à cheval avec Diane durant la nuit. — Consulter aussi Martin d’Arles;, tib. de superstitionibus. | (2) On a, du célèbre Gerson, un traité intitulé : ÆAstroloyia T'heoloyisuta. (3) Le P. Martin Delrio, disquisit. magic., part. 2, quest. 4, sect. 6. — En 1572, il y avait, à Paris seul, trente mille sorciers reconnus pour tels, et dénoncés à la justice par leur chef mis à la torture. (446) - Le mal devint tel, qu’il fallut non-seulement em- ployer les menaces de l’église, mais encore l'autorité du bras séculier pour empêcher le débit des alma- nachs, où les astrologues se donnaient la liberté de prédire tout ce qu'ils jugeaient à propos. En 1583, le concile provincial de Bordeaux défend de lire et de garder ces almanachs et d'y ajouter foi. En 1590, celui de Toulouse, outre les mêmes défenses, ordonne d'observer la bulle de Sixte V, de l'an 1586 (1). Les états d'Orléans (1560), de Blois (1579), or- donnent également de procéder extraordinairement et par punition corporelle, contre les auteurs de ces ouvrages. Comme chez les anciens, certains jours étaient réputés malheureux (dies ægytaci), et on jugeait prudent de ne se faire ni tirer du sang, ni d'entamer aucune entreprise durant ces jours néfastes. Il y en avait deux pour chaque mois. On les connaîtra par les deux vers suivans, composés de douze mots, dont chacun est propre à un mois : Augurior decios, audrto lumaine clangor, Liquet oleus abies, coluit colus, excute gallum. Le premier mot appartient au mois de janvier, le second à février, et ainsi des suivans; de manière que la première lettre de la première syllabe de \ (1) Elle enfreint aux ordinaires des lieux et aux inquisiteurs de punir, selon les constitutions ecclésiastiques, tous ceux qui se mêlent de prédire les choses à venir, (Thiers, Traité des Super- stitions, ch. 22). (447) chaque mot désigne , suivant l’ordre qu’elle a dans l'alphabet, le premier jour égyptien, à compter du commencement du mois auquel il correspond ; et la première lettre de la seconde syllabe, le second jour égyptien de ce même mois, à compter de la fin en remontant. Ainsi, le mot augurior, qui com- mence par au, montre que le premier jour de janvier (1) est un jour égyptien; et g étant la septième de l’alphabet, désigne le 25 janvier, qui est le septième jour de ce mois, en remontant depuis la fin; et de même des autres mois. Pasquier et Denys Godefroy nous ont donné la liste de ces jours, tirée des éphémérides de Paris, du temps des rois Charles VI et Charles VIT. On les voit aussi marqués dans les anciens calendriers de diverses églises, quoique saint Augustin (2) et d’autres écrivains (4) Voyez Archives de Picardie, t. 4, p. 254. On trouve, dans les archives de Péronne, la pièce que voici : « 28 octobre 1442. Les Ésipciens qui, audit jour , estoient her- bergiez en ladite ville, pour lamour de Dieu, ont requis à la ville d’avoir lettres, comment en icelle ville ilz se sont gouvernez bien et honourablenient, pareiïllement qu’ilz avoient eu de la ville de St.-Quentin. Laquelle chose leur a esté ottroïé et accordez, et, avec ce, leur a esté donné pour Dieu et en àumosnes, à leur partement, xxxvVit 8., print sur la cartellerie » (fol. 434, vo.) Serait-ce des sorciers ? (2) In cpist ad Galat., c. 4. — On trouve, dans la vie de saint Hugues, t. 2, avril, p. 267 : Præstigiorum quoque fascinationes ct verborum llusoriorum APOTELESMATA, quæ tam in kalendis januu- riis, quûm in nativitate S. Joannis Baptistæ insipientium multi- tudo} committebant, ita abhorrebat, ut, sub anathemate , hoc a nullo mortali fieri prohiberet. ( 448 ) ecclésiastiques se soient élevés contre cette super- stition , qui remonte jusqu’au temps de l’idolâtrie égyptienne. AL. DE LA Fons, baron DE MEicoco, Membre correspondant. EXTRAIT de la NOTICE BIOGRAPHIQUE de M. Casimir Picarn, Médecin, Archiviste de la Société royale d'Émulation d’'Abbeville, etc., lue à la même Société, dans sa séance du 8 Juillet 1842, par M. T. Morcanr. — = 000000 = On ne sauraïi, Messieurs, lorsqu'on lit avec attention l’histoire des connaissances humaines, se defendre d’un sentiment pénible capable de décourager les plus intré- pides; et, si l’on ne se rappelait que pour l’homme, l'exercice de son intelligence est lun de ses devoirs im- prescriptibles, on serait tenté de croire que l'interdiction du fruit de la science est toujours permanente, et que toute tentative pour le cueillir est au moins une témérité. En effet, dans cette laborieuse carrière, chaque pas exige une nouvelle lutte, chaque progrès est une conquête, et ces rares conquêtes ne sont le partage que d’un petit nombre d'élus; les autres ont, malgré leur ardeur, suc- combé à une invincible fatalité. La nature ne semble accorder qu’à regret ses faveurs, et, comme une envieuse, relirer d’une main ce qu’elle a donné de l’autre. Le plus souvent, à ceux à qui elle a départi d’heureuses disposi- tions, à qui elle a imprimé une impulsion irrésistible, elle suscite d’incessans obstacles; elle arrête leurs premiers élans par des oppositions étrangères , elle entrave leur marche par des circonstances difficiles de fortune et de position; et, lorsqu'ils ont produit les premiers fruits, 30 ( 450 ) gage d’une riche moisson , elle les enlève à la fleur de leur âge. Tels sont les caractères principaux de la vie de notre ancien collègue, M. Casimir Picard, né à Amiens le 16 décembre 1806; telle fut sa fin prématurée. Vous savez combien eut à souffrir, dès ses premières années, le jeune Casimir, soumis par un père difficile à un genre d'éducation systématique et sévère ; avec quel zèle et quel succès, quoique seul et constamment con- trarié dans son goût précoce pour les sciences naturelles, il s’occupait déjà de cet objet de la prédilection de toute sa vie, puisque à l’âge de huit ans il avait deviné le sommeil des plantes et quelques-uns des principes qu’il développa depuis. Entrainé par son caractère et par son ame compalis- sante vers le besoin de soulager les souffrances de ses semblables , il se décida de bonne heure pour la profes- sion de médecin : vous savez si jamais vocation fut plus sincère et mieux justifiée, cependant il eut à lutter contre une vive opposition de la part de son père, et le consen- tement si ardemment désiré ne fut, pour ainsi dire, arraché qu'après de longs délais. Les portes du collége s’ouvrirent enfin pour celui qui devait en être un des meilleurs élèves. Sa passion pour la botanique et l’histoire naturelle l'y avait suivi. Les jours de récréation étaient consacrés à des promenades scientifiques ; l’herbier se remplissait, le nombre des coquilles croissait , et les dé- couvertes en tout genre se mullipliaient. Là, le jeune naturaliste Gubliait ses peines, mais elles n'étaient pas finies. Sa famille quitta Amiens. Abandonné à ses propres ressources , il se vit exposé à bien des privations...\ Tout en suivant les classes, l'actif collégien était, dès l’âge de treize ans, un des auditeurs les plus assidus du cours de botanique de M. Barbier... A seize ans, en 1822, il quittait le collége pour de- venir élève habitué à l’école de médecine d'Amiens. Il fut reçu la même année externe à l’hôtel-Dieu, puis in- (451) terne en 1824; là, comme partout, le firent distinguer son aplitude, sa constance et ses succès ; et cependant, pour subvenir à son entretien et à lachat des livres nécessaires, il s'était fait le répétiteur de quelques con- disciples, et il avait pris sur son sommeil pour tenir les écritures d’un marchand. Il se rendit ensuite à Paris pour achever ses études en mécecine et en histoire naturelle; il les y poursuivit avec la même ardeur et le même amour du travail... La promesse du secours d’une influence puissante et d’une clientelle presque assurée, le décida à venir se fixer à Abbeville, où les probabilités de succès étaient grandes; il vint plein d’espoir habiter parmi nous en 1828. La classe indigente ne fut pas la dernière à le connaître pour son zèle, son humanité et son désintéressement : (oujours, à quelque heure que ce fut, il était à sa disposition. Celte noble habitude n’a jamais cessé et son nom est resté dans la mémoire du pauvre. On se rappelle quelle fidébté il mit à remplir, à l'époque du choléra, la mis- sior qui lui fut confiée d’aller étudier dans la capitale ce fiéau destructeur, et les soins empressés qu’il prodigua aux malheureuses victimes de cette fatale maladie. Malgré l’accomplissement consciencieux des devoirs de son état, M. Picard n’avait pas renoncé à son goût pour les sciences naturelles, à ses recherches utiles dirigées vers un but déterminé. Ce but, le voici tel qu'il l’a con- signé par écrit : « C’est à découvrir, à prouver, à louer » lintelligence sublime, créatrice de l'univers, que doi- » vent tendre toutes les études. C’est agrandir la science » que de lui donner une pareille tendance, c’est ennoblir » l'homme que d’appliquer à cet objet toutes ses facultés » et le fruit de ses veilles. » Cette pensée ne l’a jamais quitté, et c’est ainsi qu’il méditait une refonte des ou- vrages si éminemment moraux et religieux de l'allemand Sturm et de Cousin Despréaux, les Leçons de la Nature, en rectifiant , d’après les progrès que la science a faits (452 ) depuis, les erreurs échappées à ces estimables auteurs. Sa mort prématurée ne lui a pas permis de réaliser ce travail, que nous pouvons regrelter, ainsi que tant d’autres projeis dont l’impossibililé d'exécution, faute de temps, le tourmentait et hâta sans doute ses derniers jours. Ce nob'e but et l’avantage de ses semblables, étaient pour lui inséparables de toute entreprise littéraire et scientifique; tels furent les principes qu'il manifesla tou- jours ici depuis son admission parmi vous, le 20 mars 1829. Vous n'avez pas oublié quelle exactitude il apporta à remplir ses nouvelles obligations ; quelle part il prit à toutes les discussions; quel zèle il déploya pour provoquer et seconder toutes les mesures utiles; combien il contribua à la réussite de l’exposition des produits de l’arrondisse- ment en 1833, et de celle d’horticulture en 1840. Le discours qu'il prononca dans cette dernière circonstance, prouve une étude parfaite de celte matière et un désir immense du bien du pays. Son érudition sur tout ce qui concerne l’histoire na- turelle était grande : elle comprenait la botanique , la conchyliologie, l’entomologie, la géologie. Il n’avait pas non plus négligé la littérature, l'histoire et l'archéologie. Ses travaux sur tous ces objets sont nombreux ; nous nous contenterons de citer ceux qui suivent: Notice sur des Instrumens celtiques en corne de cerf (1); elle est pleine de renseignemens curieux sur les armes en silex dont se ser- vaient nos intrépides aïeux. Rapport sur un Tableau de l'abbé Frère, ayant pour titre: PHiLosormie DE L’flis- ToiRE (2); dans ce rapport lucide et fidète, M. Picard aborde avec avantage les hautes questions de la philo- sophie, de l'histoire et de la pathologie. Seconde Notice (4) Mém. de la Soc. d'Ém., 1834-1835. (2) Id. id. 1536-1837. (453 ) sur quelques Instrumens celtiques (1) ; elle confirme les observalions de la première et contient de nouvelles invesligations dignes de fixer laltention des savans. Du Polygonum tinctorium, et Rapport sur sa culture et l’extrac- tion de l'Indigo (2); ces deux travaux montrent laideur digne des plus grands éloges et la persévérance infatigable de notre collègue pour aider à iniroduire et acclimater dans nos conirées Ja culture de cette plante, dont la réussite affranchiraii la France d’un lourd tribut payé à l'étranger. Rapport sur un Manuscrit de M. V. MAREUSE, sous ce tie: DE L’ACCLIMATEMENT ET DE LA DOMESTICA- TION DES ESPÈCES D’INSÉCTES UTILES A L'HOMME (3); M. Picard y developpe les principes les plus sages sur le but utilitaire des sciences naturelles en général, et en particulier de cette branche, l’entomologie, qui est d’une plus grande importance qu’on ne le croit communément. Origines picardes (4) ; c’est un pairiolique appel pour la collection et la conservation de tous les monumens phi- lologiques d’une langue qui fut jais parlée dans tout le nord de la France. Ce projet, dont les bases sont sagement indiquées, et qui d'ailleurs coïncide avec les travaux commencés ou achevés de plusieurs de vos membres, sera, s’il se réalise, comme nous l’espérons, d’un précieux secours pour la linguistique. Rapport de la Commission archéologique pour l'arrondissement d’ Abbeville, à M. le Préfet de la Somme, en réponse à la circulaire de M. le Ministre de l'Interieur, en date du 12 mars 1838 ; cet exposé, rédigé avec méthode, était bien propre à attirer l’attention du gouvernement sur les richesses (4) Mém. de la Soc. d’Ém., 1836-1837. (2) Id. id. 1835-1839-1840. EACH PTANETR Ban bte Vndoid: id id. (454 ) archéologiques qui abondent dans notre arrondissement. Nous ne mentionnons pas une foule d’autres rapports moins importans, mais qui annoncent tous autant de science réelle que d’ordre et de solidité dans le jugement. La Société d’Émulation s’était occupée, depuis plusieurs années, à recueillir un certain nombre d'objets curieux, soit par leur antiquité, soit sous le rapport de la science. Elle sollicitait, auprès du conseil municipal, établissement d’un musée communal], offrant à cet effet le don gratuit de ses richesses déjà acquises et le concours de ses efforts pour son entretien. Enfin, en 1836, sa proposition fut agréée et la fondation du musée décidément arrêtée. M. Picard, qui avait activement travaillé à la réalisation de ce projet si désirable, fut nommé membre de la Com- mission administrative de ce musée, et remplit ses nou- velles fonctions avec le zèle qu’on avait droit d’attendre de lui; mais, hélas! la mort ne lui a pas permis d'assister à l'ouverture publique de ce précieux établissement qui contient-une partie de ses laborieuses recherches. En 1838, appelée par le besoin d’études communes pour l’histoire naturelle, une nouvelle société savante avait pris naissance dans nos murs. M. Picard en conçut l’un des premiers la pensée ; il en rédigea les plans. Dignement secondé de ses amis, il en prépara et hâta l'exécution. Son appel fut entendu et la Société Linnéenne du nord de la France fut créée. Dans la séance d'ouverture tenue à Abbeville le 10 juin 1838, sous la présidence du savant botaniste, notre collègue, M. Tillette de Clermont-Tonnerre, le fondateur, sous le titre de Secrétaire général, prononça un discours solide de vérité , où il expose le but de cette institution et les résultats heureux qu’elle est destinée à produire. M. Picard ne se contenta pas de ce discours; il apporta, dans la première session et les suivantes, son ample con- tingent; ce sont : 1°. Études sur les Géraniées qui croissent spontanément dans les départemens de la Somme et du Pas-de- (455 ) Calais (A); 2. Observations botaniques sur le genre Soncnus (2); 3°. Notice sur le genre BoBERTIUM, géraniées , genre créé par l’auteur (3); 4°. Un Mémoire sur un nouveau mode de reproduction des plantes (par fragmens de feuilles), observé sur le cresson de fontaine (4) : ce mémoire est d’autant plus important qu’il réclame la priorité de cette découverte curieuse communiquée par l’auteur à votre Société dans sa séance du 19 avril 1839 , et ensuite, par lettre et échantillons, le 30 du même mois, à M. Turpin, qui ne la mentionna dans une séance de l’Institut que le 19 no- vembre suivant ; 5°. Histoire des Mollusques terrestres et fluviatiles qui vivent dans le département de la Somme (5). Présentée sous une forme intéressante, simple et métho- dique, cette histoire sera d’un grand secours pour ceux qui veulent s'initier aux mystères de la conchyliclogie, de cette science si utile non-seuiement pour la con- naissance d’un anneau fort considérable de la chaine des êtres, mais encore pour celle de la formation secondaire de notre globe, preuve irrécusable du grand cataciysme qu’il a éprouvé. 6°. Enfin, la dernière publication dela Société Linnéennecontientencoreun mémoire non moinsétendu ni moins savant sur le genre Unio. Ce mémoire, accompagné de nombreux dessins , détruit une erreur accréditée chez plusieurs conchyliologues sur diverses espèces distinctes de ces animaux, que l’auteur ramène à une seule, en montrant, de la manière la plus sensible, leurs successives transformations pendant la durée de leur existence mul- tiple. Ces deux productions , résultat de consciencieuses études commencées aussi dès l’enfance, occuperont un (4) Première livraison. (2) Id. id. (3) Id. id. (4) Deuxième livraison. (5) Troisième livraison. (456 ) rang distingué dans Ja bibliothèque des conchyliologues et des géologues. Nous savons que M. Picard s’occupait également d’un supplément à la Flore de la Somme et d’un traité de la fécondation des plantes, travail concu sur un plan re- marquable, et pour lequel déjà plus de quinze cents plantes avaient élé examinées et étudiées au microscope. Je crains, Messieurs, d’avoir déjà dépassé les limites ordinaires, et jé ne vous ai encore entrelenus que de la parie littéraire et scientifique de la vie de M. Picard; je ne vous ai même pas tout dit. Je ne vous ai pas nommé les savans avec lesquels il était en relations journalières, toutes les Sociélés qni se sont empressées de lui accorder le titre de correspondant ; je ne vous ai pas rappelé son zèle comme membre du conseil d'instruction primaire ; je ne vous ai pas parlé de ses connaissances et de ses succès comme médecin, de ses efforts pour la propagation de la vaccine. Vous dirai-je qu'il était homme probe, ami sincère et affectueux? Qui de vous ne l’a connu, ne l’a apprécié sous ces divers rapporis? Qui de vous, en considéralion de ces excellentes qualiiés, ne lui pardon- nait une humeur un peu vive et rendue irritable par de longues souffrances nerveuses? Après avoir long-temps langui, M. Picard mourut de phihisie à l’âge de trente-cinq ans, le 13 mars 1841, dans les sentimens religieux qui l’avaient animé toute sa vie, emportant dans la tombe l'estime et les regrets de tous ceux qui l’ont connu, et laissant à la jeunesse studieuse de beaux exemples à suivre. Nota. M. Picard, admivoistraleur du musce d’Abbeville, fon- dateur de la Société Linnéenne du nord de la France, était en outre membre correspondant de la Société des Antiquaires de Picardie, des Académies des Sciences et des Arts d'Amiens, de Lille, d'Arras; des Sociétés Linnéennes de Bordeaux et de Lyon; de la Société d'Agriculture, du Commerce, des Arts et des Sciences de Boulogne-sur-Mer, etc. EXTRAIT de la NOTICE BIOGRAPHIQUE de © M. Jean-Bapiüiste Perrier, Vice-Président de la Société royale d'Émulation d'Abbeville, ete., lue à la même Société, dans sa séance du 22 Juillet 1842, par M. T. Morqano. Messieurs , Le temps n’est pas encore bien loin où, sous le rapport de l’enseignement primaire, la France offrait un triste et affligeant spectacle; on ne s’occupait guère que des hautes études et des sciences : le peuple, proprement dit, avait été oublié. Les écoles d'instruction élémentaire et po- pulaire étaient rares, les élèves peu nombreux, les pro- grès lents, et, chez la nation la plus spirituelle de l'univers, chez celle qui, par sa posilion géographique, par son caractère entreprenant, par sa langue si claire, si précise, par les chefs-d’œuvres de ses grands écrivains, semble avoir été spécialement chargée de la propagation des idées et du développement de Ja civilisation , les personnes qui étaient complètement étrangères aux pre- mières notions de la grammaire française, qui ne savaient ni écrire, ni lire, formaient encore l'immense majorité. ( 458 ) Ce fâcheux état de choses était dû non-seulement à une coupable indifférence trop réelle, mais aussi, il faut l'avouer, à l’imperfection des méthodes, au défaut de livres nécessaires sagement calculés pour l'intelligence des enfans, et aux modes longs et vicieux suivis par la plupart des maîtres. Depuis, un changement notable s’est opéré : les moyens d'instruction ont été simplifiés, mieux coordonnés ; les progrès sont devenus plus faciles, plus rapides; des écoles surgissent partout, jusque dans les moindres hameaux, et le jour est près où celui qui ne saura pas ou lire ou écrire ou compter, ne pourra en accuser que lui-même, sa mauvaise volonté et sa paresse. Gloire donc et recon- naissance aux hommes qui, mus par une sincère philan- thropie,n’ont pas dédaigné des’occuper du premier élément de toute science, et de consacrer leurs travaux et leurs veilles aux intérêts intellectuels du jeune âge, surtout pour les rangs inférieurs de la société ; à ceux qui, exci- taut une émulation généreuse et facilitant les premières leçons, ont amené cet heureux résultat! Ils ont bien mérité du pays, de la génération naissante et des géné- rations à venir. Cette pensée, c’est la vôtre: vous l'avez prouvé en secondant de tous vos efforts ces utiles réformes et en vous empressant de recevoir parmi vous un de ces hommes qui, du sein de la capitale, ont contribué à cet important succès, celui de vos membres à la mémoire duquel je dois, en ce moment, payer le tribut de notre estime et de nos regrets. Toute sa vie, en effet, M. Perrier s’est livré avec ardeur , avec persévérance, même au milieu des diverses fonctions dont il fut investi, à cette tâche pénible de son choix. Jean-Baptiste Perrier , né à Villeneuve-le-Roi, départe- ment de l'Yonne, le 29 décembre 1767, fit ses études au collége de cette ville, où il se distingua par ses heureuses dispositions, son ardeur et ses progrès. A vint à Paris en (459 ) 1787, entra au collége des Grassins comme maitre de quartier, et souvent , à l’âge de aix-ueuf ans, il y rem- plaçait le professeur de quatrième, obligé de s’absenter pour cause de santé. Bientôt il se fit recevoir maitre- ès-arts, titre qui depuis, lors de la formation de l'Uni- versité impériale, lui fit conférer , en 4809, celui de bachelier-ès-lettres et de bachelier-ès-sciences..…. L'étude de la jurisprudence lui paraissait devoir natu- rellement entrer dans le plan d'une éducation complète. Dans celte pensée, malgré sa prédilection pour littéra- ture et la grammaire, il suivit avec exactitude Îles différens cours de droit. Nommé, en 1790, professeur de seconde au collége de Joigny, il remplissait avec distinction cette chaire depuis quatre ans, lorsqu'il se vit, en 1795, enlevé à ses fonc- tions favorites par la tourmente révolutionnaire et forcé de quitter Joigny. Le professeur était appelé à Paris, et entra comme sous-chef au ministère de la guerre, section de ja justice et des tribunaux... Les idées de liberté eurent en lui un chaleureux par- tisan ; mais son horreur pour toute espèce de violence, et son caractère franc l’exposèrent à plus d’un danger. Dans cette place, il eut occasion de faire un fréquent usage de ses stricts principes d'équité et de ses connais- sances solides en législation. On trouve la preuve des uns et des autres dans l'important ouvrage relatif à ses fonctions, qu'il publia en 1808 : le Guide des Juges Mili- taires. Cet ouvrage clair et méthodique, dont il a été fait quatre éditions de deux mille exemplaires chacune, est encore le seul dont on se serve dans les conseils de guerre. Cependant la littérature, l’objet constant de sa prédi- lection, n’était pas négligée: tous les momens que lui laissait libres le service des bureaux étaient consacrés à cet unique délassement de ses travaux. La Société des Arts et des Sciences de Grenoble ayant mis au concours, ( 460 ) pour 1801, cette question: Quels sont les moyens de perfectionner l'éducation physique et morale des enfans? M. Perrier, par un discours remarquable et pour la sagesse des préceptes et pour élégance du style, rem- porta, sur quatorze concurrens , le prix consistant en une médaille d’or. Le lauréat y modifiait avec discer- nement les leçons du philosophe de Genève; et il sut les rendre utiles en les rendant applicables. La Société le nomma, avec reconnaissance, l'an de ses membres. Le 21 août 1812, un décret impérial daté de Smolensck dispensa l’ancien étudiant de la représentation d’un nouveau diplôme, et le nomma licencié en droit. Avec ce nouveau titre, M. Perrier était chargé au ministère de la guerre des travaux de la section relaiive à Ja conscriplion, quand survinrent les changemens politiques de 4815... Mis à la retraite au commencement de 1816, il se livra tout entier à l’enseignement, qui n'avait jamais cessé d’avoir pour lui des charmes. Mais, désirant rester libre et indépendant, il se borna à donner des leçons par- ticulières dans la capitale, et il y oblint des succès qui le consolèrent de l'injustice des temps. Il s'était cons- tamment voué à la propagation de l’instruction publique et populaire. Les diverses Sociétés qui avaient en com- mun l’un ou l’autre but, ne comptaient pas de membre plus zélé. Là, chaque jour, dans les conférences de la Société Académique des Sciences , de l’Athénée de Ja Langue française, de l’Athénée des Arts, de la Société Grammaticale, de la Société des Méthodes, , de la Société pour Pinstraction élémentaire, etc. , l’emplové ou le professeur se trouvait en rapport avec des hommes dis- tingués de toutes les opinions, dont le nom seul fait autorité. Il prenait une part active à leurs travaux, et il y présenta une foule de rapports et de traités sur des sujets de philologie et de grammaire. Secrétaire pendant plusieurs années de l’Athénée, avant d’en être président, (461 ) il était chargé des comptes-rendus lus anouellement dans une séance publique, devant une assemblée nombreuse et choisie. La Société des Amis des Lettres, des Sciences et des Arts de Metz l’avait également admis, en 1820, au nombre de ses correspondans. M. Perrier, l’un des rédacteurs des Annales de Gram- maire, à composé, en commun avec MM. Lamotte, Meissas et Michelot, des Tableaux pour l’enseignement muiuel, encore en usage dans les écoles, ainsi que le Manuel de Lecture sans épellation , qui est à sa quatrième édition. Il a rédigé seul et publié le Manuel d'Ensei- gnement simullané rapproché de l'Enseignement mutuel. X esi auteur de divers mémoires sur la logique, la rhétorique et l'histoire; de plusieurs traductions et de poësies origi- nales, insérées danses publications des Sociétés auxquelles il appartenait ou même dans les vôtres. Une foule de productions du même genre sont encore inédites , entre autres: un Traité complet du Langage ou Grammaire, Logique et Rhétorique françaises réunies ; un Dictionnaire portaüf de Biographie, de Géographie, de Mythologie , d'Histoire, des Sciences , etc... Ces ouvrages , le produit - d’une expérience de près de cinquante ans d'étude et d'exercice, prouvent que M. Perrier était un travailleur infatigable et un philologue distingué. En 1530, nommé membre de la Société générale de Prévoyance, il y prononcça l'éloge funèbre d’un homme de bien, du vicomte Guyot de Chénézot, son prédéces- seur et son ami. La même année, il avait été également nommé membre de la Commission générale des écoles primaires , et, après les ravages du choléra, la munici- palité du dixième arrondissement lui vota des remercimens ‘pour ses longs et généreux services, et spécialement pour ceux qu'il rendit à cette triste époque, comme inspecteur des écoles. Lorsque ses forces physiques, affaiblies par ses nombreux travaux, l’engagèrent à songer à la retraite, des consi- ( 462 ) dérations de famille lui firent préférer Abbeville pour son séjour (1). Ici, l’ancien auteur du Manuel Militaire, quin’avait rien perdu de ia vigueur et de la netteté de son esprit, mit la dernière main à une œuvre élaborée depuis long-temps, à un projet de code de justice militaire, dans lequel il s'attacha à concilier ce qu’impose léquité avec ce qu’exige une exacte discipline, puissante garantie d’une bonne armée. Ceprojet, adressé en 1835 au Ministre de la guerre, a reçudu vieux maréchal une approbation flatteuse. Immédiatement après son arrivée ici, en 1834, notre nouveau concitoyen, fidèle à tout son passé, avait sollicité et obtenu sans peine son admission parmi vous. Je ne vous rappellerai pas son exactitude à assister à vos séances, la part si large qu’il prenait aux discussions, son respect sévère pour les prescriptions des statuts, ses travaux et ses services comme Secrétaire, Vice-Président on Commissaire pour la surveillance de l'impression des Mémoires : ces souvenirs, qui vous sont chers, ne seront pas de si 1ôt effacés. i Malgré son grand âge et surtout son peu de santé, il ne croyait pas encore avoir entièrement payé la dette qu’il avait volontairement contractée envers la jeunesse; et, en 1835, il accepta , avec joie, la décision du recteur de l’Académie d'Amiens, qui le nommait membre de la Commission chargée de l'examen des jeunes aspirantes au diplôme d’insütutrices primaires. En 1336 , il fut appelé eu qualité de secrétaire-adjoint au comité supérieur \ (4) M. Perrier, par son mariage avec Mlle. Mélanie Lecat, était le gendre de M. Jean-Francois Lecat, légiste distingué, l’un des fondateurs de la Société d’Émulation dont il fut long-temps secrétaire, et auteur d’un grand nombre de poésies aussi pleines d'esprit que remarquables par une merveilleuse facilité de ver- sification. \ ( 463 ) d'instruction élémentaire, où il montra la même assiduité. C’est à lui qu'est due la rédaction du réglement des écoles primaires, approuvé par le même comité, imprimé et distribué dans toutes les communes. Enfin, dans toutes les circonstances où il s'agissait des moyens de propager ou d'améliorer l'instruction, M. Perrier mettait avec empressement à la disposition de l'autorité sa bonne volonté et son expérience. Cette instruction, il la voulait, non pas vague, sans ordre , sans but, mais reposant , dans sa base, sur la religion, la morale et l'amour de ja patrie ; il la voulait développant , dans son application, l'intelligence par les moyens les plus prompts, les plus sûrs; il la voulait s’adaptant aux dispositions de l'élève et à sa condition future. Ce fut là son idée cons- tante, sa principale occupation jnsqu'à sa mort, le 19 avril 1842. Citoyen dévoué à son pays, M. Perrier s’intéressa con- tinuellement à sa prospérité et à sa gloire; ami sincère, il estimait l'amitié et se plaisait à obliger. Long-temps ses opinions philosophiques furent celles du dix-huitième siècle, mais elles s'étaient modifiées avec l'âge : il ne s’en cachait pas, car rien n’égalait son culte pour la vérité. Chacun, répétait-il, doit avoir le courage de son opinion; et ce courage qui consiste à parler et à agir selon Îa con- viction acluelle, sans crainte comme sans vanité, il l’a montré dans toutes les circonstances de sa vie et encore dans ses derniers actes, en demandant de lui-même, à l'approche de la fin de sa carrière, les divines consola- tions du chrétien en qui repose lespérance d’une vie future. 2 rar © © Cr LAGES OFFERTS à la Société Movpale d'Emulation, PENDANT LES ANNÉES 1841, 1842, 128432. Mémoires de l’Académie de Dijon. Annales agricoles du département de l'Aisne, Journal de la Société d’agriculture des Deux-Sèvres. Le Propagateur de l’industrie de la soie en France, par M. Amans Carrier. Le Puits Artésien. Mémoires de la Société des sciences, arts et belles- lettres de Saint-Quentin. Bulletin de la Société royale d'agriculture et des arts du Mans. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe. Annales agricoles, littéraires et industrielles de l’Arriège. Bulletin de la Société industrielle d'Angers. Journal de la Société de la Morale Chrétienne. Rapport de M. Garnier sur les travaux de la commis- sion chargée de dresser l'itinéraire romain dans la Picardie. Mémoires de la Société des Antiquaires de la Picardie. Bulletin de PAgriculture du département du Nord. (466 ) Notice historique sur le Château de Ham, par M. de Lioux. Mémoires de la Société d’agricullure, du commerce, des sciences et des arts de Boulogne-sur-Mer. Annales de la Société d'agriculture, de sciences, d’arts et de belle-lettres d’Eure-et-Loire. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l'Aube. Précis analytique des travaux de l'Académie royale de Rouen. Extrait des séances de la Société royale d'agriculture et du commerce de Caen. Bulletin de la Société linnéenne du nord de la France. Bulletin de la Société royale et centrale d’agriculture. Séances générales tenues en 1840 par la Société fran- çaise, pour la conservation des monumens historiques. Guide dans l’usage des poids et mesures et du calcul décimal, par M. Brion. La Société hâvraise d’études diverses. Résumé ana- lytique des travaux, par M. Victor Toussaint. Bulletin de la Société des Antiquaires de la Picardie. Bulletins du Comice agricole de larrondissement d’Abbeville. Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Hérisson. Programme des prix proposés par la Société centrale d'encouragement pour l’industrie nationale. Tableau synoptique des préparations d'anatomie du docteur Auzou. Annales de la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire. Mémoires de l’Académie de Nancy. Publications diverses du docteur Giraudeau de Saint- Gervais. Catalogue général des livres et des cartes géographiques composant la bibliothèque du département de la marine et des colonies. ( 467 ) Journal des Usines. Budgets de la ville d'Abbeville. Manuel de l’éducation des vers à soie, par M. Riquier. Bulletin de la Société pour l'instruction élémentaire. Synopsie du Code civil, par M. Brossard , juge à Chälons-sur-Saône. Études morales et littéraires, par le même. Études mnémotechniques sur l’histoire de France, par le même. Supplément aux Études mnémotechniques , par le même. $ Études littéraires et historiques, par le même. Études morales et littéraires, par le même. Traité de la juridiction civile et judiciaire des juges- de-paix, par le même. | : Supplément au Traité de la juridiction civile et judi- ciaire des juges-de-paix, par le même. Bulletin de la Société d'agriculture du département du Cher. Supplément aux Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie. État de la caisse d'épargne d’Abbeville. Mémoires de la Société royale des sciences et d’agri- culture de Lille. Aimanach d’Abbeville. Statistique des Sociétés littéraires de la France. De la Création, esssai sur l’origine et la progression des Êlres, par M. Boucher de Perthes, cinq volumes, ouvrage publié en 1838. Thèse pour le doctorat de M. Faivre, docteur-médecin de la Faculté de Paris. Coutumes locales du baillage d'Amiens, par M. Bouthors. Discours sur la confédération des corps savans , par M. le comte Godde de Liancourt. Traité pratique des moyens de sauvetage, par le même. Revue des livres nouveaux. ( 468 ) Mémoires de l’Académie de Metz. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de Valenciennes. Annales des sciences physiques et naturelles de Ja Société d'agriculture de Lyon. Manuscrits du P. Daire sur le picard et sur différens dia'ectes de l’ancien français, envoyés par M. de Cavyrol. Mémoire de MM. de Cayrol et Rigo!lot sur les chro- niques de Froissart. Recueil de poésies, par M. H. Martin. Mémoires de la Société d'agriculture , commerce et arts de Calaïs. Revue Agricole de Ja Somme. Des Prisons et des Prisonniers, par M. le docteur Viugtrinier, de Rouen. Discours prononcé devant la Société industrielle d'Angers, par son président M. Guillory. Journal de la Société générale des naufrages, par M. le comte Godde de Liancourt. Compte-Rendu des travaux de la Société d'agriculture de Mäcon. Compte-Rendu de la séance publique de la Société d'agriculture de la Marne. Mémoires de l’Académie de Rouen. Panthéon de la jeune France. Revue de la province et de Paris. De l'importation en France des fils et tissus de lin et du chanvre d’Angleterre, par M. Estancelin, député de l'arrondissement d’Abbevilie. Annales de la Société royale académique de Nantes. Actes de l’Académie royale des sciences et lettres de Bordeaux. Bulletin de la Séciété industrielle de l'arrondissement de Saint-Étiense. Assemblée générale et annuelle de la Société de la morale chrétienne. ( 469 ) Société d'horticulture de Rouen. Mémoires de la Société d'Émulation de Cambrai. Révision de quelques espèces de pleuronomes , par M. Charles Desmoulins. Mémoiree de la Société d'Émulation du Jura. Opinion sur l’origine du mot Picard, par M. le comte de Boubers. Bulletin de l’Académie royale du Gard. La Reprise de la ville de Corbie sur les Espagnols, par M. Jouancoux. Saint-Acheul , par le même. Saint-Riquier , par le même. Mémoires de la Société linnéenne de Normandie. Statuts réglementaires de la Société centrale d’horti- culture de la Seine-Inférieure. Revue historique. Société philarmonique du Calvados. Procès-Verbal de la cérémonie funèbre en l'honneur de Boieldieu, à Rouen. Société archéologique de Touraine. Bulletins de la Société royale de Bruxelles. Réflexions politiques d’un enfant. Revue de l'Oise. Statistique de l'instruction primaire en France en rapport avec la moralité, par M. Dehen, inspecteur des écoles du département de la Somme. Mémoires de la Société vétérinaire du département du Finistère. Le Palais de Saint-Pierre, par le chevalier Joseph Bard. Programme de la 41°. session du Congrès scientifique de France. Description des îles Marquises, par M. Lefils. Ode sur l'homme et sa destination, par M. de Talairat. Bulletin de la Société libre d’Émulation de Rouen. Programme des prix proposés par la Société des Anti- quaires de la Morinie. (470 ) Des Communes dans le Périgord, par M. de Courgues. Mémoire sur les Podurelles, par M. l'abbé Bourlet. Catalogue de la Faune de l'Aube, par M. Jules Ray. Annales médico-psychologiques. Catalogue de la bibliothèque orientale de M. le baron Sylvestre de Sacy. Brochures relatives à la question des sucres. Notice sur l’église de Namps-au-Val, par M. Garnier. Addition au projet de loi sur la chasse et sur la répres- sion du braconnage, par M. de Beaumetz. Annales de l’arrondissement de Falaise. Observations sur l’état actuel des prairies dans l’arron- dissement de Morlaix, par M. Pinchon. Question des sucres, par M. Muret de Bord. Lépidoptères nouveaux, par M. le baron Feisthamel, maréchal-de-camp, commandant le département de la Somme. Revue de l'Orient. L’Unité, Société générale d’encouragement, de crédit et d’assurances, pour l’agriculture, l’industrie et le commerce. h Coutumes locales du baillage d'Amiens. Archives historiques et ecclésiastiques de la Picardie, publiées par M. Roger , secrétaire de la préfecture du département de la Somme. Mémoires de l’Académie d'Amiens. L’Érigone du Deuil, stances sur la mort du duc d'Orléans, par M. Monde'ot, membre correspondant. Pithéas de Marseille, par M. Joachim Lelewel. Antiquités de Pologne, par le même. Études numismatiques et archéologiques avec atelas, par le même. Rapport sur le musée d'Amiens, par M. Dufour. Collectanea antiqua, par M. Charles Roach Smith, secrétaire de la Société numismatique de Londres, membre de la Société d'Émulation, etc. (471) Account of some antiquities found in the neïghbourhood of Sandwich in the county of Kent, par le même. Etchings of ancient remains, par le même. Journal de la Société numismatique de Londres, en- voyés par le même. La Parole, journal. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture, des arts et des sciences de l'Eure. Notice sur le Crédit, par M. de Choisy. Apothéose de Molière, par M. Ch. Mälo. Catalogue des manuscrits de la bibliothèque commu- nale d'Amiens. Éloge de M. Natalis de la Morlière, par M. Berville. Déclaration de principes des médecins et chirurgiens. Observations sur Îles possessions françaises dans la Polynésie et sur le commerce dans l'Océanie, par M. Estancelin. Congrès de vignerons français, par M. Guillory. Notice sur le prétendu temple romain de St.-Georges- lès-Roye, par M. l'abbé Corblet. Recherches historiques sur la fête de l’âne à Beauvais, par le même. : Description de Péglise de St.-Germer, par le même. Mémoire lithurgique sur les ciboires du moyen-âge, par le même. Physiographie ou description générale de la nature, par M. Cortambert. Élémens de géographie, par le même. Curiosités des trois règnes de la nature, par le même. 3E%8a DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉMULATION, PENDANT LES ANNÉES 1841, 1842, 1843. “sn C0 ——— Séance du 8 Janvier 1841: M. Louandre lit un mémoire sur le droit civil et coutumier dans le Ponthieu, à l’époque du moyen-âge. M. Brion lit une notice sur les observations météo- rologiques qu’il a faites à Abbeville, de 1836 à 1841. M. Mellier-Ribeaucourt est désigné par la Société pour faire parlie de la Commission pour lexposition d’hor- ticulture de l’année 1841. Séance du 22 Janvier 1841. M. Brion lit un mémoire sur les fractions décimales périodiques ; il établit dans quels cas on peut connaitre immédiatement la seconde moitié de la période, en retranchant de 9 chacun des chiffres de la première période. M. Cortilliot-Tony, ingénieur civil, est nommé Membre Associé-Correspondant. M. Brossard , juge au tribunal de Chälons-sur-Saône, est nommé Correspondant. (474) Séance du 5 Février 1841. Sur la proposition du Président, la Société accorde une médaille d'argent à M. Boujonnier , capitaine du brick la Picardie, pour avoir, le premier , fait entrer dans le port d'Abbeville un navire chargé de 200 tonneaux. M. Perrier lit un rapport détaillé sur le Manuel du Droit Ecclésiastique de Walter, traduit de l’allemaud par M. A. Hecquet de Roquemont. M.J. Lefebvre, auditeur, lit un rapport sur les Mémoires de l’Académie de Dijon. M. Ém. Hecquet d’Orval est nommé Membre Résidant. Séance du 19 Février 1841. M. Louandre lit un mémoire sur les communes du Ponthieu dans le moyen-âge. M. Brion entretient la Société de l'apyhisties que M. Frédéric Sauvage a faite des hélices à la navigation. M. Boucher de Perthes rappelle que cette détobiveste de M. Sauvage remonte à 1830. Séance du 5 Mars 1841. M. Hibon, maire d’Abbeville, écrit à la Société que le Conseil Municipal a voté une somme de 100 francs pour subvenir aux frais de l’exposition d’horticulture pour l’année 1841. M. Brion lit un résumé de ses observations météoro- logiques pendant les mois de janvier et février ; il entre dans quelques détails sur la manière dont sont faites les observations et sur les instrumens employés. Fe \ Séance du 18 Mars 1841. M. Perrier lit un éloge biographique sur M. Picard, Membre Résidant, qu'une mort prématurée vient d’en- lever à la Société. (475) M. Vion lit la première partie des recherches archéo- logiques de M. Labourt, sur l'existence, dans l’emplace- ment du Crotoy, de la cité gauloise des Britanni. . M. Brion est nommé Archiviste de la Société. Séance du 2 Avril 1841. M. Vion lit la seconde partie des recherches de M. Labourt, sur l'existence , dans l'emplacement du Crotoy, de la cité gauloise des Britanni. M. Louandre appelle l'attention de la Société sur les dégradations qui s’opèrent impunément sur les monu- mens d'art existans dans l’arrondissement d’Abbeville. Le reste dela séance est consacré à des observations historiques et archéologiques sur différentes coutumes du moyen-âge, qui se maintiennent encore au milieu de notre civilisation. Séance du 16 Avril 1841. M. Marchant, professeur de physique à l’école centrale de commerce à Bruxelles, membre correspondant, envoie à la Société trois discours sur divers points importans d'économie politique et de science industrielle. M. Lefranc lit un de ces discours. M. Émile d’Orval lit une partie d’un mémoire sur la situation agricole des environs d’Abbeville. Séance du 30 Avril 1841. M. Bouvaist lit un rapport snr les Mémoires de l'Académie de Rouen; il s’étend spécialement sur un traité théorique de M. Berthier de Roville, relatif aux dangers du trop grand morcellement des terres; ce projet important est disculé par plusieurs Membres de la Société. (46) M. Brion lit un résumé de ses observations météoro- logiques pendant les mois de mars et d'avril. Séance du 14 Mai 1841. M. Traullé, Correspondant, à Paris, envoie à la Société le médaillon de M. Fauvel, mort consul-général à Athènes et ancien Membre de la Société. M. Louandre lit un travail sur l’administration de la justice, la sénéchaussée et le présidial d’Abbeville, pendant le moyen-âge. MM. Cortilliot-Tony , ingénieur civil, et Bouvaist, docteur en médecine, Membres Associés, sont nommés Membres Résidans. Séance du 28 Mai 1841. La Société reçoit de M. le Sous-Préfet de l’arrondisse- sement d'Abbeville une lettre annonçant l’acceptation, par le Comité supérieur d’instruction primaire, d’une médaille en bronze et de dix exemplaires de ses Mémoires, votés dans la séance précédente, pour être distribués en prix au concours général des instituteurs de l’arron- dissement. M. Brion lit un mémoire sur lutilité d’une réforme dans la taxe des lettres ; il examine le système suivi en Angleterre et indique les résultats probables de son application à la France. s Séance du 11 Juin 1841. M. Vion offre à la Société, au nom de M. Émile Bertherand, chirurgien sous-aide-major à l'hôpital mi- litaire d'instruction de Lille, un mémoire ayant pour titre: Quelques Mots sur la Phrénologie, son origine, soû utilité et ses preuves d'existence. M. Bouvaist est chargé d'examiner ce travail. (471) M. Brion lit des observations sur la rage et sur Îles moyens de prévenir les suites de la morsure d’un animal enragé. M. Émile d’Orval lit la suite de son traité sur la situation agricole de l'arrondissement d’Abbeville. Séance du 18 Juin 1841. Après s’en être entendu avec la Commission pour l'exposition d’horticulture, la Société décide qu’il y a lieu d'accorder les prix et mentions ci-après : Une médaille en argent à M. Tagault, jardinier, pour exposiiion de la plus belle fleur ; Une médaille en bronze au jardinier de M. le comte de Valanglart, pour exposition de beaux fruits ; Une médaille en bronze à M. Roussel, cantonnier à Pont-Remy, pour exposition d'objets d'art se rattachant à l'horticulture; Une mention honorable à M. Mellier-Ribeaucourt , pour un magnifique {tableau de roses. M. Brion lit le résumé de ses observations meétéoro- logiques pendant les mois de mai et de juin. Séance du 17 Juillet 1841. M. Dusevel, Membre Correspondant, à Amiens, écrit à M. le Président sur différens objets d'archéologie propres à l'arrondissement d’Abbeville. M. Louandre lit un travail sur l'assiette et la perception de l'impôt dans le Ponthieu, au moyen-âge. M. Brion lit une note sur quelques résultats des moyennes appliquées aux grands nombres, et des consi- dérations sur les jeux de hasard. Séance du 30 Juillet 1841. M. Perrier, président de la Commission pour la distri- ( 478 ) bution des prix aux écoles de la ville, lit un rapport détaillé dont les conclusions sont adoptées. M. le comte de Mailly, officier supérieur, membre de plusieurs Sociétés savantes, etc. , et M. Florentin Lefils, homme de lettres à Paris, sont nommés Membres Cor- respondans. Séance du 13 Août 1841. M. Brion lit une notice sur la sophistication des marchandises et sur les accidens graves qui peuvent en résulter. La Société se déclare én vacance pour deux mois. Séance du 15 Octobre 1841. Lecture d’une note de M. Lefils, Membre Correspondant, sur l’étymologie du cap Cornu et du mot Marquenterre. Nomination d’une Commission pour la bublication du cinquième volume des Mémoires de la Société ; cette Commission se compose de MM. Bouvaist, Brion, Louandre, Morgand et Vion. Séance du 29 Octobre 1841. M. Boucher de Perthes, Président, prononce un discours sur l'éducation du pauvre. Séance du 19 Novembre 1841, La Société reçoit de M. de Cayrol, Membre Corres- poudant: 1°. une collection de manuscrits relatifs à l’idiome picard; 2. un appendice aux commentaires sur le Pervigilium veneris. M. Boucher de Perthes lit une suite de son discours sur éducation du pauvre. ( 479 ) Séance du 2 Décembre 1841. M. Brion rend compte à la Société d’une séance de mathématiques donnée à l’hôtel-de-ville par le jeune Henri Mondeux. M. Boucher de Perthes reprend la lecture de son traité sur l’éducation du pauvre. Séance du 17 Décembre 1841. M. Brion lit deux relevés statistiques : l’un sur le rapport qui existe entrele nombre des conscrits et celui des réformés dans le département de la Somme, et spécialement dans les cantons de lParrondissement d’Ab- beville, depuis 1834 ; l’autre sur la consommation des spiritueux dans les principales villes du département. M. Boucher de Perthes continue la lecture de son traité sur l’éducation du pauvre. M. Frédéric Sauvage, inventeur du canot mécanique à rames, du modérateur des moulins, d’une machine à scier le marbre, du physionotype, du symelronome , de application des hélices aux bateaux à vapeur, elc., etc., est nommé Membre Correspondant de la Société. Séance du 31 Décembre 1841. M. Bouvaist lit un rapport sur la thèse pour le doctorat de M. Faivre, docteur en médecine. M. le Président lit au nom de M. Frédéric Sauvage, un rapport sur un traité pratique des moyens de sau- vetage et sur un proiet d'organisation d’une Société de sauvetage, par M. Godde de Liancourt. M. Boucher de Perthes termine la lecture de son traité sur l’éducation du pauvre. La Société procède au renouvellement partiel de son bureau : MM. Boucher de Perthes et Perrier sont réélus Président et Vice-Président. ( 480 ) Séance du 14 Janvier 1842. Lettre de M. le Préfet de la Somme annonçant que le Conseil Général a voté à la Société une somme de cinq cents francs pour l’année 1842. Réglement des comptes du Trésorier. M. Brion lit un résumé de ses observations météo- rologiques pendant l’année 1841. Séance du 28 Janvier 1842. M. Vion lit une pièce de vers sur le poète Millevoye. Séance du 11 Février 1842. M. Vayson, Membre Correspondant, envoie à la Société le discours qu’il a prononcé à la réunion générale de la Chambre consultative des arts et manufactures à Paris, le 28 janvier dernier. M. Brion est chargé de faire un rapport sur ce travail. M. le Président lit une pièce de vers dans un recueil de poésies offert par M. Martin, homme de lettres à Paris. M. Bouvaist lit quelques considérations en l’honneur du poète Millevoye , et exprime le vœu qu'un buste lui soit érigé sur une des places d'Abbeville ou dans un des établissemens publics. M. Vion lit un morceau de théorie littéraire, intitulé : Dialogue entre un classique et un romantique, ou application de l’éclectisme à la littérature. MM. Faivre, docteur en médecine à Paris ; Alfred Millevoye , substitut du procureur-du-roi à Évreux ; H. Martin, homme de lettres à Paris, et le comte Godde de Liancourt, secrétaire - général de la Société des naufrages, sont nommés Membres Correspondans. ( 481 ) Séance du 25 Février 1842. M. le Président offre à la Société un ouvrage ayant pour titre: Des Prisons et des Prisonniers, par M. le docteur Vingtrinier, de Rouen ; MM. Bouvaist et Vion, rapporteurs. M. Émile d'Orval communique à la Société quelques articles d'économie agricole et sociale de M. de Renneville; il lit en outre des extraits d’un mémoire du même sur les colonies agricoles , considérées comme moyen de venir au secours des indigens, et spécialement sur l'établissement récent d’une colonie de jeunes détenus dans une ferme appartenant à M. de Renneville, à quatre kilomètres d'Amiens. Cette importante question est traitée en séance par plusieurs Membres de la Société. M. de Rambures, Membre Correspondant, lit l’intro- duction d’un travail sur la sténographie musicale. M. de Renneville, vice-président du Comice agricole d'Amiens, fondateur d’une colonie agricole à Allonville, est nommé Membre Correspondant de la Société. Séance du 11 Mars 1842. M. Brion lit un rapport étendu sur le travail qui a été offert à la Société par M. Vayson à sa séance du 11 février. M. le Maire d'Abbeville fait connaître à la Société les modifications qui ont été apportées par le Conseil Municipal dans les réglemens relatifs au musée ; en- tr’autres dispositions se trouve celle-ci: Ii sera dé- sormais pourvu au remplacement des administrateurs du musée sur une présentation de candidats faite par la Société Royale d'Émulation, de concert ou concurremment avec le Conseil d'administration du musée , par une décision du Maire de la ville. 32 ( 482 ) Séance du 1%. Avril 1842. M. le Maire d’Abbeville écrit à la Sociélé que, con- formément à la présentation qu’elle a faite, MM. Ernest Delegorgue et Émile d'Orval sont nommés membres de la Commission administrative du musée. M. Louandre lit un travail sur l’administration muni- cipale d’Abbeville au moyen-âge. Séance du 15 Avril 1842. M. Louandre lit plusieurs morceaux inédits de son histoire du Ponthieu. M. Morgand est chargé de rédiger une notice sur M. Picard, ancien Membre Résidant. Séance du 30 Avril 1842. M. le Président entretient la Société de la double perte qu’elle vient de faire par le décès de M. Perrier, Vice- Président de la Société, et de M. Hibon de Mervoy,maire de la ville. M. Morgand rédigera une notice sur M. Perrier. M. de Rambures lit un extrait de son mémoire sur la sténographie musicale. Séance du 12 Mai 1842. M. Vion lit une pièce de vers envoyée à la Société par M. de Pongerville, de l'Académie française et membre de la Société, et intitulée : Fragmens d’un Discours sur les illusions et les terreurs de la vanité. Séance du 27 Mai 1842. M. le Président donne avis que le propriétaire de Marca , reste d’une villa romaine, près Cambron, met (483 ) à la disposition de la Société, pour y faire des fouilles, le terrain dans lequel on a déjà trouvé plusieurs fûts de colonne. Commissaires : MM. de Clermont, Bouvaist, Brion. M. Louandre est nommé Vice-Président, en rempla- cement de M. Perrier, décédé. Séance du 10 Juin 1842. M. le comte Adrien de Riencourt, membre de ia Société, lentretient d’une histoire de la république de Dantzig , qu’il se propose de publier; il fait l'analyse des matériaux importans qui entrent dans la composition de celte histoire. M. Brion lit des passages du mémoire de météorologie qui doit faire partie du cinquième volume des Mémoires _ de la Société. Séance du 8 Juillet 1842. Le Secrétaire lit une note de M. de Renneviile sur une des maladies qui affectent les classes pauvres. M. Morgand lit une notice biographique sur M. Picard, MM. Brunet et Edmond Pannier, sont nommés Membres Résidans. MM. Delegorgue-Cordier et Bridoux, graveur à Paris, sont nommés Membres Correspondans. M. Pannier est nommé membre de la Commission pour la publication des Mémoires de la Société. Séance du 22 Juillet 1842. M. Brion présente à la Société un appareil de galvano- plastie d’une grande simplicité, ainsi qu'une médaille qu’il a obtenue en peu de temps avec cet appareil. M. Morgand lit une notice sur M. Perrier. M. Pannier est nommé membre de la Commission s ( 484) chargée de distribuer des prix, au nom de ia Société, dans les différentes écoles de la ville. Séance du 8 Août 1842. Le Président de la Chambre consultative du commerce de Boulogne, écrit à la Société pour iui demander son concours à l'effet de réunir tous les documens propres à déterminer le gouvernement à faire passer par Abbeville et Boulogne une ligne de chemin de fer. La Société nomme une Commission composée de MM. Bouvaist, Brunet, Louandre et Pannier, qui s’entendra avec la Chambre de commerce et la municipalité d’Abbeville. M. Pannier lit, au nom de la Commission pour la distribution des prix anx écoles de la ville, un rapport détaillé dont la Société adopte toutes les dispositions. M. Brion lit un résumé- comparatif d'observations météorologiques pendant les mois de mai, juin et juillet. La Société se déclare en vacance pour deux mois. Séance du 20 Octobre 1842. La Société prend possession du nouveau local qui lui est concédé par le département dans l’ancien couvent desCarmélites, en remplacement de celui qu’elle y occupait précédemment. M. Pannier dépose sur le bureau, comme rapporteur, le travail de la Commission sur le commerce et l’industrie de la ville d’Abbeville et des divers cantons de l'arron- dissement. M. Pannier annonce à la Société qu’une découverte assez importante de tombeaux anciens a été faite par des terrassiers, près d’Aveleige, et qu'il a l'intention de se rendre sur les lieux pour voir par lui-même et recueillir des documens plus précis. ( 485 ) Séance du 5 Novembre 1842. M. Vion propose de provoquer et de patroniser un essai d'application en grand, à Abbeville, de la méthode d'enseignement musical populaire de M. de Rambures. Une Commission composée de MM. Bouvaist, Pannier et Poultier, est chargée de s’entendre à ce sujet avec l’ad- ministration municipale: . M. Vion fait un rapport sur trois brochures de M. Jouancoux : La Reprise de Corbie sur les Espagnols ; Saint-Acheul ; Saint-Riquier. M Bouvaist lit un épitre en vers de M. André Depoilly . à M. de Pongerville, et une pièce de vers du même auteur, intitulée : Æypocrisie Politique. M. Vion lit quelques passages de la seconde partie d’une notice archéologique de M. Labourt sur le Crotoy et sur l'existence, en cette localité, de l’antique Britannia, que le géographe Sanson avait cru reconnaître dans l'emplacement d’Abbeville. Séance du 20 Novembre 1842. M. Charles Roach Smith, secrétaire de la Société nu- mismatique de Londres , offre à la Société une médaille de Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte, frappée à Londres. M. Bouvaist lit un poëme gastronomique sur les saisons, par M. Delegorgue-Cordier. Séance du 2 Décembre 1842. Lettre de M. le Recteur de l'Académie d'Amiens, qui autorise le cours de musique vocale populaire de M. de Rambures. Rapport de M. Bouvaist sur une brochure de M. Wallet, intitulée : Réflexions Politiques d’un Enfant. ( 486 ) M. Vion lit plusieurs pièces de vers de M. Ernest Prarond. M. Brion entretient la Société d'images produites sur des plaques polies sans le secours de l'iode ni de composés iodés. Séance du 17 Décembre 1842. M. Nortier, directeur de l’école modèle d'enseignement mutuel à Abbeville, accepte le titre d’adjoint à la Com- mission chargée de seconder MM. de Rambures et Canaple , professeur de musique, dans l’organisation d’un cours public de musique vocale, d’après la méthode de M. de Rambures. Un Membre propose de provoquer l'érection d’un monument en l’honneur de Lesueur, auteur des Rardes et ancien membre de la Société ; une Commission composée de MM. Bouvaist, Henri Canaple, Pannier, de Rambures, est chargée de présenter à cet égard un rapport à la Société. M. Bouvaist lit des fragmens d’un mémoire sur l’al- laitement par les mères. M. Brion lit un rapport sur une statistique de lins- truction en France, comparée avec la moralité, par M. Dehen, inspecteur des écoles primaires du départe- ment de la Somme. MM. Charles Roach Smith , secrétaire de la Société numismatique de Londres; Jouancoux, homme de lettres, et de Lafont , baron de Melicocq, sont nommés Membres de la Société. Séance du 30 Décembre 1842. Nomination du bureau : MM. Boucaer DE PERTHES, Président ; Louanpre, Vice-Président ; Viow , Secrétaire ; ( 487 ) Brion, Archiviste ; Pouzrier, Trésorier. Vérification des comptes du Trésorier, Séance du 13 Janvier 1843. Sur la demande du bibliothécaire de la ville de Neufchâtel (Seine-Inférieure) , la Société décide qu’une collection de ses Mémoires sera adressée au maire de cette ville, pour être placée dans la bibliothèque com- munale. M. Brion lit un résumé de ses observations météoro- logiques pendant l’année 1842; cette lecture est suivie de la discussion de plusieurs questions de météorologie et de physique générale par plusieurs Membres de la Société. M. Pierre Sauvage offre à la Société une statuette de sa composition , représentant le génie d’Abbeville, avec des attributs allégoriques. M. Pierre Sauvage est nommé Associé-Correspondant de la Société. Séance du 28 Janvier 1843. M. le Président invite les Membres de la Société à rèchercher les portraits de tous les hommes célèbres nés à Abbeville, pour que ces portraits soient ensuite placés dans la salle des Séances de la Société. Communications de M. Labourt, Membre Corres- pondant. M. l'abbé Coquereau, aumônier de la Belle Poule, chanoine de Saint-Denis, est nommé Membre Corres- pondant de la Société. On dépose sur le bureau divers documens relatifs à M. Hibon de Mervoy, ancien maire d’Abbeville. 2 ( 488 ) Séance du 10 Février 1843. Lettre de M. le Préfet du département de la Somme annonçant qu'une subvention de cinq cents francs a été votée à la Société, par le Conseil Général, pour l'année 1843. M. Vion lit un mémoire d’un auteur anonyme sur l’opportunité d’une intervention plus active et plus ré- gulière de la charité publique et privée , pour le soula- gement de la misère. M. Brion lit une note sur le mode actuel da recen- sement de la population, et indique des moyens propres à rendre ces recensemens plus exacts et plus utiles sous plusieurs rapports. Séance du 17 Février 1843. Le Conseil Municipal d’Abbeville ayant mis au con- cours celte question: Rechercher les causes de la dé- population d’'Abbeville, la Société décide qu’une médaille en argent sera décernée à l’auteur dont le mémoire aura le plus approché du mémoire couronné. M. Boucher de Perthes, Président, lit un mémoire dont il est auteur, sur le patronage des classes pauvres. M. Vion fait une lecture sur le même sujet. Séance du 10 Mars 1845. M. Brion lit une partie d’un travail de M. Brégeaut, ayant pour titre : Coup-d’OEil sur les Progrès de la Chimie. Séance du 24 Mars 1843. M. le comte de Riencourt envoie à la Société des fragmens de son histoire de Dantzig ; il informe en même ( 489 ) temps la Société que des objets d’antiquité ont été trouvés à Domart, dans la propriété de M. de Brias : M. Delegorgue -Cordier adresse des stances si le tremblement de terre de la Guadeloupe ; ces stances sont lues, ainsi que plusieurs autres pièces du mêm auleur. . Le reste de la Séance est consacré à une discussion scientifique sur les comètes RE en général et de 1843 en particulier. 5 sur la comète Séance du 7 Avril 1842 £ sr y . M/'Roach Smith envoie société des empreintes de diverses médail!-. “* fa Société numismatique de Londre-; a DOCIÈLÉ décide que ces empreintes seront déposées au musée. M. Bidault-Dezalleux, menuisier ‘à Abbeville, fait remettre à la Société la description d’une machine de son invention pour extraire la tourbe. Commissaires : MM. Brion, Brunet, Hecquet d'Orval et Pannier. M. de Riencourt lit un fragment de son histoire de la république de Dantzig. M. Brion présente à la Société un tableau comparatif d'observations météorologiques entre les trois premiers mois des années 1840, 1841, 1842 et 1843. M. Brégeaut, pharmacien à Abbevilie, est nommé Membre Résidant; MM. le comte d’Hinnisdal, de Regnières (Somme), et Charles Henneguier, de Montreuil, sont nommés Membres Correspondans. Séance du 21 Avril 1843. “M. Ferdinand Chemin, de Rue, adresse à la Société la description et le plan d’une nouvelle application du pendule comme moteur. Commissaires: MM. Brion, Brunet, Hecquet d'Orval et Pannier. ( 490 ) M. de Rambures expose que le us gratuit de musique vocale populaire organisé à ES y 5 dirigé par lui et M. Canaple, pendant l’hiver touc s son terme. Vu les difficultés vaincues et le petit nombre de leçons données, les résultats obtenus dans ce cours sont très-salisfaisans. Séance du 5 Mai 1843. su}l. de Lafont, baron de Mélicocq, envoie me pire 5 aie izième siècles est lue par üf aux hp et seiziem | La Sociét r téme* \ dé: de Canne à M. Henri Canaple sa 2c10n Qu zéle et du talent aux gfpit preuve en plusieurs circonstances et notamment de aPPUT qu'il a prêté avec désintéressement à M. de Rambures dans la direction de son cours de musique populaire, vote À cet habile compositeur une médaille en bronze. Séance du 19 Mai 1843. M. Henneguier adresse une notice sur un vase gallo- romain, trouvé avec des débris d’os d'enfans, dans les marais de la Callotrie, près de Montreuil. M. Brégeaut lit la suite de son travail sur les progrès de la chimie. Séance du 2 Juin 1843. M. Brunet lit plusieurs rapports sur des ouvrages d'histoire naturelle, envoyés à la Société par M. J. Ray et M. le baron Feisthamel, maréchal de camp, comman- dant le département de la Somme, naturaliste distingué. M. Vion, lit quelques pièces de vers de M. Ernest Prarond. É ( 491 ) Séance du 30 Juin 1843. M. Roach Smith, secrétaire de la Société numisma- tique de Londres, envoie à la Société quelques pièces frappées à Londres, pour essai d'introduction du système monétaire décimal , €t autres médailles; la Société décide que ces piéces et médailles seront déposées au musée. Des remercimens sont adressés à M. Roach Smith. É La Société vole une somme pour lérection, à Montdidier, d'un monument en l'honneur de Parmnatté ._ M. le baron Feisthamel et M. J. Rs + Membres Correspondans. Croce OU 14 Juillet 1843. M. Brégeaut lit la suite de son histoire des progrès de la chimie. M. Brion lit un résumé comparalif de ses observations météorologiques pendant les mois d'avril, mai et juin des années 1841, 1842 et 1845. Sanee du 28 Juillet 1843. M. le Maire d’Auxi-le-Château écrit qu'un cours de musique vocale populaire, d’après la méthode de M. de Rambures, a été professé avec distinction et succès, dans sa commune , par M. Fiquet, d’Abbeville. M. Pannier dépose, au nom de la Commission pour Ja distribution des prix qu’accorde la Société aux élèves des diverses écoles de la ville, un rapport détaillé, dont toutes les dispositions sont adoptées. M. Pannier lit une notice sur la découverte d'un tombeau antique, à Buigny-l'Ahbé, le 20 juillet. M. Brion lit des considérations sur la loi de la mortalité à Abbeville. ( 492 ) M. Boucher de Perthes -annonce qu'il continue le tra- vail qu’il a entrepris, depuis long-lemps, sur les anti- quités celtiques du département de la Somme. La Société se déclare en vacances. Séance du 13 Octobre 1843. M. Henneguier, de Montreuil, transmet à la Société la copie d’une charte relative à l’histoire de St Valery- sur-Somme, sous le titre de : Lettres de M®°. de Drèves, M. Bxes de St. Valery. Rene ee vi qu'invité par le Roi à esté ,., 70léon , il a accompagné Sa Majesté lors des expériences en. ee Tréport, le 16 août 1843 , Sur l'application des hénces à la navigation des bateaux à vapeur. M. Boucher de Perthes fait connaître les démarches qu’il a cru devoir faire, en cette circonstance, en faveur de M. Frédéric Sauvage, auteur de cette découverte, dont les premiers essais ont eu lieu à Boulogne-sur-Mer en 1831. M. Brion lit la première partie d’un mémoire sur la Population et l'industrie d’Abbeville. Ce travail, de MM. Brion et C. Paillart, a été couronné par le Conseil Municipal. Séance du 27 Octobre 1843. M. Vion lit un mémoire de M. Demarsy, juge-suppléant près le tribunal civil de Doullens , sur les épreuves judiciaires et spécialement sur le serment dans l'antiquité et au moyen-âge. Séance du 10 Novembre 1843. : M. Brion lit un rapport détaillé sur les divers travaux ( 493 ) contenus dans le volume des Mémoires de l’Académie d'Amiens, pour l’année 1842. M. Boucher: de Perthes, Président, dépose sur le bureau toute sa correspondance relative à l’application des hélices à la navigation, par M. Frédéric Sauvage. Il donne lecture des rapports qu'il a adressés aux divers ministres, notamment de ses lettres à MM. Lacave- Laplagne, ministre des finances; Conte, directeur-général des postes et conseiller d’État; de Montesquiou, maréchal- de camp, chevalier d'honneur de la Reine ; Adam, maire de Boulogne, etc. La Société vôte des remercimens à son Président, M. Boucher de Perthes ; elle en vote aussi à M. Lacave-Laplagne , ministre des finances, qui, par une lettre autographe adressée au Président, témoigne l'intérêt que lui inspire l'inventeur des hélices. Séance du 24 Novembre 1843. Lettre de M. le Préfet de la Somme, annonçant que le Conseil Général a voté à la Société une subvention de 500 francs, pour l’année 1844. M. Bouvaist lit un mémoire sur l’allaitement. M. T. Demarsy, juge-suppléant au tribunal civil de Doullens, est nommé Membre Correspondant. Séance de Décembre 18453. Renouvellement partiel du bureau: MM. Bovucaer DE PERTRES, Président ; Louanpre, Vice-Président, et PoucTier, Trésorier, sont réélus dans lenrs fonctions respectives. Dissertation sur plusieurs questions d’histoire naturelle et de philosophie générale. ( 494 ) Le bureau est ainsi composé pour l’année 1844 : MM. Boccner De PERTRES, Président ; LouanDRE, Vice-Président ; Viow , Secrétaire ; Brion, Archiviste ; PouLTier , Trésorier. Certifié conforme aux registres. À Abbeville, le 25 Janvier 1844. Le Président : Signé : J. BOUCHER DE PERTHES. Le Secrétaire, Signé : VION. État de La Sorièté ropale “D'ÉMULATION D'ABBEVILLE, AU COMMENCEMENT DE L'ANNÉE 1844. —— D OO Membres Résidans. Président. . . . M. Boucher de Perthes, directeur des douanes. Vice-Président. M. Louandre, bibliothécaire et archi- viste de la ville. Secrétaire. . . . M. Vion, professeur de philosophie au collége. Archiviste. . . . M. Brion, professeur de mathématiques et de physique au collége. Trésorier. . . . M. Poultier, médecin. MM. De Belleval, propriétaire, membre du conseil municipal. Bouvaist, docteur-médecin. Brégeaut, pharmacien. Brunet, pharmacien, membre de la chambre de commerce. Cherest, officier de l’Université , principal du collége d’Abbeville. Dutens, sous-préfet de l'arrondissement d’Abbeville. Gavelle (Émile), avocat. Hecquet d’Orval, propriétaire. Hecquet d’'Orval (Pierre-Émile), propriétaire. Morgand, professeur de langues. Pannier, adjoint au maire de la ville d’Abbeville. Traullé, ancien président du tribunal de commerce. LISTE DES MEMERES HONORAIRES , ASSOCIES ET CORRESPONDANS‘. TT C2 2200 ———— MM. Allotte (Aristide), officier de cavalerie, chevalier de la Légion d'Honneur. Arnault, de l’Académie française. Audin-Rouvière, médecin à Paris. Baillet de Belloy, inspecteur des mines, ancien professeur à l’école royale des mines, à Abbeville. Baillon (Louis-François-Antoine), correspondant pen- sionné du Muséum d'histoire naturelle de Paris, membre du conseil municipal d’Abbeville. Barbier, docteur en médecine, membre de l’Académie d'Amiens. Bar (le chevalier Joseph), inspecteur des monumens historiques de France, membre de diverses Académies, à Beaune. Blouet (René-Jacques-Marie), ancien officier d’artillerie, professeur d’hydrographie, à Dieppe. * Parmi ceux de ses membres que la mort a frappés, la Société doit surtout regretter MM. Xavier Bichat, Corvisart, Moreau, Millin, Cambry, Lhéritier, Baïllon, Noël de la Morinière, Devérité, Deroussel, Pinkerton, Dumont de Courset, Levasseur, Levrier, Saint-Ange, Desmoustier, Anson, Framery, Millevoye , Vigée, Legouvé, Nicolson , Poirée, de Senermont , Deu, Waton, Darras, Choquet, Traullé, de Tournon, Defrance-d’Hésecque,, Lapostolle, Boinvilliers, Cuvier, de Bray, de Vielcastel, Laya , Andrieux, Deleuse, Alibert, Fauvel, Lherminier, Lesueur, baron de Morogues, Gaillon, Hurtrel d'Arboval, Le Ver de Gonseville, l'abbé Macquet, de Sellon, Silvestre de Sacy , Sidney Smith , de Candolle , Casimir Picard, Hibon de Mervoy, Perrier ,; Gharles Nodier, etc. ( 497 ) Bocquet, peintre à Londres. Bottée de Toulmon, bibliothécaire du Concerne à Paris. Bottin (Sébastien), chevalier de la Légion d'Honneur, membre de la Société centrale et royale d'agriculture de Paris (Paris). Boucher de Crèvecœur (J.-A.-G.), ancien directeur des Douanes, membre correspondant de l’Institut de Fran- ce , de la Société d'Agriculture et Linnéenne de Paris, de la Société Botanique de Londres, etc., à Abbeville. Boucher de Crèvecœur (Étienne), chevalier de la Légion d'Honneur , membre de la Société de Géographie , directeur des Douanes de Corse à Bastia. Bourlet (abbé), naturaliste à Albert (Somme). Bridoux (François-Augustin), premier grand prix de Rome, graveur à Paris. Brossard ( Noël-Mathurin), docteur en droit, juge à Chälons-sur-Saône. Burette (Théodose), professeur d'histoire au collège Stanislas. Buteux (Charles-Joseph), membre du conseil général de la Somme, à Fransart, près Roye. Cadet, professeur à Paris. Carrière (chevalier de), ancien préfet de l'Ardèche, à Paris. Chabaille (Pierre), adjoint au Comité historique, près le Ministère de l’Instruction publique. Chailan (Fortuné), secrétaire de la Société statistique de Marseille, à Marseille. Chaussier (Dominique), ancien professeur de physique et de mathématiques, supérieur du petit séminaire de Metz, membre de la Société d'histoire naturelle de Metz. Cherest (Jules), docteur en médecine à Paris. Coquereau (Felix), aumônier de la Belle-Poule, chanoine de St.-Denis. Corblet (l'abbé), membre de la Société des Antiquaires de Picardie, à Roye. 33 ( 498 ) Cordier, conseiller d'État, pair de France, membre de PAcadémie royale des sciences , directeur annuel du Muséum d'histoire naturelle à Paris. Cortambert (Eugène), géographe, à Paris. Cortilliot Tony (Jules), ingénieur civil, à Abbeville. Dandolo (le comte Tullio), à Varèse (Lombardie). D’Ault du Mesnil, ancien officier d'état-major, Paris. Dawson-Turner , meinbre de l'Académie royale et de la Société Linnéennc de Londres, de celle de Dublin, de l'Académie royale de Stockolm, etc. De Caumont, secrétaire-général de la Société des Anti- quaires de Normandie, membre de PInstitut. De Cayrol, ancien député, membre de l’Académie d’A- miens et de plusieurs autres Sociétés savantes, pro- priétaire à Compiègne. De Foucauld, conservateur des forêts, à Paris. De Givenchy (Louis), secrétaire perpétuel dela Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer. De Givenchy (Louis), propriétaire à Saint-Omer. De Grateloup, docteur en médecine, président de PAca- démie royale des sciences et arts de Bordeaux. De Kermellec, ancien sous-préfet, Paris. De La Fons (Al.), baron de Mélicocq, au châtean de Douvrin (Nord). Delahante (Adrien), chevalier de la Légion d'Honneur, receveur général des finances à Lyon. Delaplane, ancien magistrat , membre de la Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer. De-la-Querrière, membre de la Société des Antiquaires de France, de l’Académie de Rouen, à Rouen. Delegorgue-Cordier, membre du Caveau, propriétaire à Pinchefalise (Somme). De Mailly (le comte), officier supérieur , membre de plusieurs Sociétés savantes. : Demarsy (Eugène), juge-suppléant au tribunal civil de Doullens. ( 499 ) De Poilly (André-Vulfranc-Françoïs), ancien chef d’insti- tution à Abbeville. De Rainneville, vice-président du Comice agricole, pro- priétaire à Allonville. De Rambures (Adalbert), propriétaire à Vaudricourt (Somme). Deroussen de Florival, procureur-du-roi à Abbeville. De Santarem (le vicomte), ancien ministre de Portugal, membre de l’Académie de Lisbonne, etc., à Paris. Desmazières, de la Société des sciences, agriculture et arts de Lille, à Lille. De St.-Gresse (Charles), avocat à Condom. Desmoulins (Charles), président de la Société Linnéenne de Bordeaux, à Lanquais, près Bergerac (Dordogne). Deu, directeur des douanes, à Strasbourg. Devérité (Henri), propriétaire à Abbeville. Devismes (Louis - François), juge au tribunal civil d'Abbeville. D'Hinnisdal (le comte), propriétaire à Regnièrcs-Écluse (Somme). Di-Pietro (François-Émile), sous-chef du personnel des douanes, à Paris. Dufour (Charles), avocat à Amiens. Dumeril, membre de l’Académie des sciences, à Paris. Dusével (Hyacinthe), inspecteur des monumens histo- riques, membre de la Société des Antiquaires de France, etc., à Amiens. Dutens (Joseph-Michel), chevalier dela Légion d'Honneur, inspecteur-général des ponts-et-chaussées, Paris. : Éloy, chevalier de Vicq (Bonaventure-Charles-Henri) , propriétaire à Abbeville. Éloy de Vicq (Léon-Bonaventure), propriétaire aux Alleux (Somme). Estancelin (Louis), membre de la chambre des députés, à Eu. Faivre, docteur en médecine, à Paris. ( 500 ) Feistamel (le baron), maréchal-de-camp , commandant le département de la Somme. Feret, bibliothécaire-archiviste, à Dieppe. Fossati (Jean), docteur en médecine, professeur de cé- phalalogie, etc., à Paris. Frémont, avocat à Abbeville. Frère (l'abbé), chanoine, professeur en Sorbonne, à Paris. Garnier, secrétaire perpétuel de la Société des Antiquaires de Picardie. Gérard, avocat et bibliothécaire à Boulogne-sur-Mer. Gilbert, conservateur de l’église métropolitaine de Paris, membre de la Société royale des Antiquaires de France, de l’Académie de Rouen. Godde de Liancourt (le comte), secrélaire-général de la Société des naufrages. Goze (A.), correspondant du Comité historique des arts et monumens, à Amiens. Guillory, président de la Société industrielle d'Angers. Haumont, membre de plusieurs Sociétés savantes, Paris. Havransart (l'abbé), curé-desservant d’Orville (Pas de- Calais). N Hecquet de Roquemont (Albert-Clément-Charles), docteur en droit, substitut près le tribunal de première instance de Compiègne. Henneguier (Charles), propriétaire à Montreuil. Héricart de Thury (le vicomte), conseiller d’État , membre de l’Académie des sciences, à Paris. Hocdé (Léon) , officier de l'Université , inspecteur des écoles primaires, à Tours. Huart, recteur de l'Académie de ae Janin (Jules), à Paris. Jauffret, maître des requêtes à Paris. Jouancoux (Remi-Jean-Baptiste), professeur, homme de letires, à Amiens. Jourdain (Léonor), membre de l’Académie d'Amiens, à Amiens. ( 501 ) Julien de Paris, ancien directeur de la Revue encyclo- pédique. Labitte (Charles), professeur de littératures étrangères à la Faculté des Lettres de Toulouse. Labourt (Auguste), ancien procureur-du-roi, membre de la Société des Antiquaires de Picardie, à Doullens. Ledru (Léopold), docteur en médecine, à Arras. Lefebvre, curé d’Argoules (Somme). Lefebvre de Villers, propriétaire à Villers (Boni: Lefils (Florentin), homme de lettres, à Paris. Lefranc, professeur au collége royal de Dijon. Lelong (Georges-Emmanuël), sous-chef de division des domaines, à Paris. Lennel (Jules), propriétaire à Abbeville. Le Prevost (Auguste), membre de l’Académie de Rouen, de la Société des Antiquaires de France, de celle d'Écosse, de celle de Londres, à Rouen. Lherminier, professeur d'économie politique au collège de France. . Louandre (Charles), à Paris. Lourmand, directeur de l’école orthomatique, à Paris. Malo (Charles), membre des Académies d'Amiens, Brest, Bordeaux, etc., à Paris. Mälot (Louis), avocat à Amiens. Marchand (Louis-Auguste), professeur de physique à l’école centrale de commerce, à Bruxelles. Mareuse (Victor), avocat à Amiens. Martin, homme de lettres, à Paris. Mauge, substitut du procureur-général , à Orléans. Millevoye (Alfred), substitut du procureur-du-roi, à vreux. Mondelot {Stanislas), officier de l’Université, ancien cen- seur des études, à Paris. Mongez, administrateur des monnaies, à Paris. Montenuis-Broutta, professeur à Marquise, près Boulogne- sur-Mer. (502 ) Morel-Wattebled, ancien officier du génie, à Abbeville. Pauquy, médecin, professeur de chimie, à Amiens. Poiret, ancien professeur d'histoire naturelle, à Paris. Pongerville (Sanson de), de l’Académie française , à Paris. Prevost de Long-Périer , ancien conservateur des hypo- thèques, à Paris. Ravin, docteur en médecine de la Faculté de Paris, correspondant de lAcadémie royale de médecine , médecin à St.-Valery-sur-Somme. Ray (Jules), naturaliste, à Troyes. Renouard (Augustin-Charles), conseiller près la Cour de Cassation. Riencourt (le comte Adrien de), chevalier de Saint-Louis et de la Légion d'Honneur, ancien élève de lécole polytechnique, officier supérieur d’état-major (Bellevue par Ferney). Rifaud (Jean-Jacques), naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, françaises et étrangères, à Paris. Rigel (Henri-Jean), chevalier de la Légion d'Honneur, membre de l'Institut d'Égypte, à Paris. Rigolot fils (Marcel -Jérôme), membre de l’Académie d'Amiens, médecin honoraire de l’hôtel-Dieu, membre corespondant de l’Académie de médecine de Paris, Amiens. Roach Smith (Charles), secrétaire de la Société numis- matique de Londres. Rougier la Bergerie (le baron), ancien préfet, membre correspondant de l’Institut de France, à Châlons-sur- Marne. Sauvage (Frédéric), inventeur des hélices, du physiono- type, du symetronome, elc., à Paris. Sauvage (Pierre), sculpteur, propriétaire à Abbeville. Servois, grand vicaire à Cambray. Silvestre (le baron de), membre de lPAcadémie des sciences, secrétaire perpétuel de la Société royale d'agriculture de Paris. (503) Spencer Smith, docteur en droit de l’Université d'Oxford, membre de la Société royale des Sciences de Londres, de celle des Antiquaires , de celle d'Encouragement de . la même ville, de la Société Asiatique, etc., (Caen). Sueur-Merlin , ancien chef du bureau de la topographie et de la statistique des douanes, membre de la commis- sion centrale de la Société de Géographie, de la Société Académique des Sciences de Paris, etc., à Caen. Tillette conte de Clermont-Tonnerre (Prosper), membre de la Chambre des députés, maire de Cambron (Somme). Tillette de Mautort ( Alfred-Louis), ancien membre du conseil général du département de la Somme, à Fribourg (Suisse). Tronnet (Henri), propriétaire à Abbeville. Vayson (Joseph-Maximilien), maire d’Abbeville, membre du conseil général du département de la Somme, du conseil sénéral des manufactures, etc. Viellard (Jean-Baptiste-Ferdinand), directeur des do- maines, à Privas. Villermé , de l’Académie royale de Médecine , de la Société royale pour lamélioration des prisons, à Paris. LISTE DES AUDITEURS Près la Société royale d'Émulation d’Abbeville. MM. Théodore Croutelle, professeur de septième au collège d’Abbeville. Jules Lefebvre, bachelier ès-lettres. Marcotte, entomologiste, secrétaire du comité d’Abbeville de la Société Linnéenne du nord de la France. ( 504 ) C. Paillart, imprimeur et éditeur à Abbeville. Ernest Prarond , Propriétaire. Certifié conforme aux registres. A Abbeville, le 25 Janvier 1844. Le Président : Signé: J. BOUCHER DE PERTHES. Le Secrétaire , Signé: VION. ( 505 ) SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES FRANÇAISES, Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, Amiens. Id. id. Besançon. Id. id. | Bordeaux. Id. id. Dijon. Id. id. Lyon. Id. id. Marseille. Id. id. Metz. Id. id. Reims. Id. id. Rouen. Id. des Jeux Floraux, Toulouse. Id. des Sciences, Inscriptions et Belles- Lettres. = Id. Id. des Sciences, du Gard, Nismes. Id. royale, Metz. Id. royale de Médecine, Paris. Société d’Instruction, Airaines. Id. des Amis des Sciences, Aix. Id. d’Agriculture, Ajaccio. Id. des Antiquaires de Picardie, Amiens. Id. des Amis des Arts, Id. Id. d'Agriculture et des Arts, Angoulême. Id. Industrielle, : Angers. Id. des Sciences et des Arts, Arras. . Id. d'Agriculture, Avesne. Id. id. Avignon. Id. id. Auxerre. Id. d'Agriculture et des Arts, Bar-le-Duc. Id. id. Besançon. Id. d'Agriculture et d'Économie rurale, Blois. Id. d'Agriculture, du Commerce et des Arts, Boulogne. Id. d'Émulation, Bourg. Id. d'Agriculture du départemt. du Cher, Bourges. Id. Linnéenne de Normandie, Caen. Société des Antiquaires de Normandie, Caen. Id. d'Agriculture et du Commerce, Caen. Id. id. id. Calais. Id. d'Émulation, Cambrai. Id. d’Agriculture , Sciences et Arts du département de la Marne, Châlons. Id. d'Émulation, - Colmar. Id. Archéologique, Dieppe. Id. d'Agriculture, Dijon. Id. des Amis des Arts, Douai. Id. d'Agriculture, Sciences et Arts, Douai. Id. id. id. Évreux. Id. libre du département de l'Eure, Évreux. Id. Académique, Agricole, Industrielle et de l’Instruction de l'arondissem!'. de Falaise. Id. Havraise des études diverses, Hâvre. Id. d'Agriculture, Laon. Id. id. La Rochelle, Id. d'Agriculture, d'Industrie et du Com- merce, Laval. Id. des Sciences, d'Agriculture et Arts, Lille. Id. des Sciences de la Haute-Vienne, Limoges. Id. d'Agriculture et Arts utiles, Lyon. Id. des Sciences, Arts et Belles-Lettres, Mäcon. Id. libre des Arts, Mans. Id. royale d'Agriculture, Mans. Id. d'Agriculture, Sciences et Arts, Meaux. Id. d’Agriculture, Melun. Id, id. Metz. Id. d'Agriculture, des Arts et Commerce, Mezières. Id. d'Agriculture, Montreuil-s.-M. Id. d'Agriculture, des, Sciences, Lettres et Arts, Nancy. Id. Académique des Sciences et Ar!s, Nantes. I. libre d'Agriculture, Niort. Id. des Sciences physiques et d’Agricul- ( 506 ) ture, Orléans. ( 507 ) Société Bibliophile Historique, Paris. Id. de la Morale Chrétienne, Paris. Id. Linnéenne, Paris. Id. d'Encouragement pour industrie na- tionale, Paris. Id. royale d'Agriculture, Paris. Id. pour l’Instruction Élémentaire, Paris. Id. d'Agriculture et des Arts, Périgueux. Id. d’Encouragement pour l’Agriculture et les Arts, Perpignan. Id. d’Agricullure, du Commerce et des Arts, Poitiers. Id. de Littérature , des Sciences et Arts, Rochefort. Id. d'Agriculture, Rhodès. Id. id. Rouen. Id. libre d'Émulation, Rouen. Id. d'Agriculture, St.-Brieux. Id. d'Agriculture et du Commerce, St.-Étienne. Id. d'Agriculture, St.-Omer. Id. des Antiquaires de la Morinie, ”St.-Omer. Id. des Sciences, Arts et Belles-Lettres, St.-Quentin. Id. d’Agriculture, Sciences et Arts, Strasbourg. Id. des Sciences, Belles-Lettres et Arts, Soissons. Id. d'Agriculture et des Arts, Tarbes. Id. d'Agriculture, F Tonnerre. Id. de Médecine, Toulouse. Id. d'Agriculture, Sciences et Arts, Tours. Id. 1: ERA Troyes. Id. d'Agriculture, Trevoux. Id. des Sciences et du Commerce, Valenciennes. Id. d'Agriculture, Vannes. Id. d'Agriculture, des Sciences et du Commerce, Vésoul. Id. d'Émulation du Jura, Id. d’Agriculture de la Marne, Id. Vétérinaire du Finistère, ( 508 ) Société d'Agriculture et Industrielle de l’Ar- riège, L'Institut Historique, Paris. La Propagation de l’industrie de la soie en France. Le Comice Agricole d’Abbeville. Le Comice Agricole d'Amiens. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES ÉTRANGÈRES, Académie royale, Bruxelles. Société d'Agriculture, Amsterdam. Id. id. Bruges. Id. id. Gand. Id. de Minéralogie, léna. Id. des Sciences et Arts, Liège. Id. Asiatique, Londres. Id. de Botanique, Londres. Id. Numismatique, Londres. Id. d'Agriculture, Mons. 000000 —— ERRATUM. Page 470, ligne {r°., au lieu de : M. de Courgues, lisez : M. de Gourgues. Table des Matières CONTENUES DANS CE VOLUME. COCSOVO Pages. De l'Éducation du pauvre : quelques mots sur celle du riche, par M. Boucher de Perthes, po de la Société. . . . 1 Sténographie Musicale, ou Méthode nifée pour l’enseignement, la lecture et l'écriture de: la mu- sique et du plain-chant, par M. de Rambures. . 89 Extrait d’un Rapport sur la Méthode de M. de Rambures, par M. Lefranc. . . . . 205 Observations pour servir à la météor re d’Abbe- | ville, par M. Brion... . . . 211 Recherches Archéologiques sur le Crotoy a partie par M. A. Labourt. . . . 007 Dissertation sur le Vers Nbre nu s est servi Vanteur du Pervigilium veneris , par M. de Cayrol. 379 Fragmens d’un Discours sur les Illusions et les Terreurs de la vanité, par M. de Pongerville, de PAcadémie française. EE + 389 Les Saisons, poëme (1*. chant), par M. Dale its Cordier. . . . 393 Épitre à M. de Pongert le, de l’Académie Horn Quelques Souvenirs d’Enfance , PRE M. André Der Polly... . ‘. ! . 399 Dévouement du comte de Plélo, Le M. le Conte A, de Riencourt.. : 206 . AM Des Sorciers aux xv°. et XvI°. siècles, par M. AL de La Fons, baron de Méhcocqge#.) ; . : . 4135 (510 ) Extrait de la Notice Biographique de M. Casimir Picard, par M. T. Morgand. . . . 449 Extrait de la Notice Biographique de M. Je aptste Perrier, par M. T. Morgand.. . . . 457 Ouvrages offerts à la Société royale d'Émalation pendant les années 1841, 1542, 1843. . . . . 465 Extrait des Procès-Verbaux des Séances de la Société royale d'Émulation , pendant les années 1841, 4842, 1843. . . « . LR AUS État de la Société au SRE de l'année 1844. 495 Liste des Membres honoraires, associés et corres- pondans. . . 5h. 108040 LEE, 16 CHONT H4O0G Liste des Anditeure. CR Er, © Sociétés correspondantes françaises. . ,. °:. . . 504 Sociétés correspondantes étrangères. . . . . . 507 Pages, FIN. 5 AUG a