| MÉMOIRES L |SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D'ABBEVILLE. - 1 . A848, 1845, 1846, 1847, 1848. IMPRIMERIE T. JEUNET, RUE SAINT GILLES, | APT AE LE: la P octele PA Cnalaion d & ble le : Abeille, Le fà LE PRESIDENT : Société d Emulation. 3 : ieint® 6 à # ‘ » ; MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D'ABBEVILLE. EE 1844, 1845, 1846, 1847, 1848. ABBEVILLE. IMPRIMERIE T. JEUNET, RUE SAINT—GILLES, 4108. pese À CUVE ES n #4 fr? ft EE 4 1849 fé HU FETE ER MOITAJUMÈQ à! SOCIÉTÉ ROYALE D'ÉMULATION. DU PATRONAGE OÙ DE L'INFLUENCE PAR LA CHARITÉ. ES Discours prononcé par le Président de la Société Royale ” d'Émulation, dans la Séance du 8 Mai 1846. Le 16 novembre 1838, je vous soumettais quelques idées;sur les moyens de remédier à la misère. Dans, cet exposé, jindiquais l'utilité d’une asso- ciation de patronage ou de tutelle des familles pauvres par les familles riches, et je vous disais : c'est à toute personne aisée qu il appartient de prendre sous son patronage un, deux ou trois: malheureux. qu'elle se chargerait d'aider ou au moins de diriger au bien et d'encourager au travail. Aujourd'hui, c’est cette pensée que nous allons développer. - Nous avons longuement exposé ailleurs les causes auxquelles nous attribuons la pauvreté. Parmi ces RES causes, nous avons signalé ce laisser-aller,tcette in- souciance qu'on ne peut appeler précisément la vo- lonté d’être pauvre ni même l'absence du désir d’être riche, mais celle du courage nécessaire pour le devenir, en un mot, la paresse d'où naissent l'igno- rance, l'incapacité, puis l'ivrognerie qui, après avoir perverti l'âme, paralyse le corps, et, par des infir- mités précoces, tue l'homme avant, l'âge. Ces causes de pauvreté viennent de nous, mais il en est qui, indépendantes de l'homme, naissent des circonstancés, de l'exemple, des conseils funestes et peut-être de l'erreur des gouvernants. Au nombre de ces causes, nous mettrons la mau- vaise répartition des impôts, lesquels portant prin- cipalement sur les objets de première nécessité ou sur la nourriture grossière, frappent ainsi celui qui n’a pas le moyen d'en avoir d'autre. En effet, cet ouvrier qui ne vit qu'au jour le jour, qui ne mange qué du pain noir et de la viande de rebut, et qui n'en mange pas à sa faim, qui ne boit que des liquides frelatés, n'en à pas moîns payé à l'Etat, à la fin de l'année, en droits sur le sel, sûr li viande, sur la bière, le cidre ou le petit vin, une somme souvent plus nc. que le sn riche. On ‘dira que ceni-ci a payé sur autre dhibisd: Sans doute, mais C'était meilleur, plus substantiel ; plus sain; où bien encore, c'était chose d'agrément, chôsé non nécéssaire, et dès lors tout-x-fait facultative : LE bref, le riche à pu choisir; le pauvre ne l'a pas pu. Si le premier paie beaucoup, c'est qu'il le veut bien; tandis que le second paie beaucoup, même quand il ne le peut pas, car, s'il doit au fisc, le fisc le fait saisir. IL résulte de cette étrange répartition que les charges sont d'autant plus fortes que l’aisance est plus faible ou plus nulle, et que celui qui vit mal, ou qui vit de mauvaises choses, a donné à l'impôt, proportionnellement, plus que l'autre. Ainsi notre législation, en proclamant l'égalité comme principe, l'annulle de fait, et si l'on analyse la loi, on y voit qu’en offrant tous les moyens de s'enrichir encore à ceux qui sont déjà riches, elle contribue à maintenir dans leur misère et même à appauvrir de plus en plus ceux qui sont pauvres. Suivant la même progression, l’état physique de l'individu vous présentera à peu près celui dé sa fortune : l'homme qui a une nourriture saine et abondante conservera sa force et sa santé plus long- temps que celui qui n'a que le strict nécessaire. Les enfants du premier seront robustes et bien portants ; ceux du second, faibles et maladits. Ainsi je pourrais montrer dans plus d'une de nos villes, notamment dans celles de fabriques , des rues entières dont la popula- tion , belle et forte il y a trente ans, est aujourd’hui étiolée à tel point que la réforme du service militaire, pour infirmités ou faiblesse de constitution, y atteint annuellement une bonne moitié des enfants mâles. PR La mauvaise répartition de l'impôt a donc encore ici un eflet funeste. ET Nous le répétons avec une conviction entière : non, l'impôt n'est pas également réparti en France; il prend à l’un sur l'indispensable -etr sur, la wie; tandis.qu'il n'atteint l'autre que dans son superflu. Pour que l'impôt fût juste, il faudrait qu'il füt établi non seulement sur la mesure: de ce que chacun possède, mais aussi sur celle de ce qui lui manque. Il faudrait d'ailleurs que l'Etat, en laissant au pauvre le moyen d'obtenir le: nécessaire, lui donnât moins de facilités de sacrifier au superflu.*Or, c'estpré- cisément le contraire que nous faisons. Pour en avoir la preuve, il suffit de parcourir nos villes 'etimos bourgs; partout vous verrez dix ‘cabarets: contre une boulangerie, et, dans tel village, quatre épiceries et pas un seul dépôt de comestibles. Enfm, il nest pas un lieu en France, fût-ce le’ plus petit hameau, où l'on ne trouve à acheter de l'eau-de-vie, du:tabac, du café, des liqueurs, mais de la viande, mais des légumes, mais des œufs, mais du pan c'est: souvent ‘impossibles: 1104: <} 0b eh : On m'objectera que le gouvernement: laisse *éhacun on le métrer qui Jui convient, et que: siun homme préfère. l’état de cabaretier x eeluide*boucher où de boulanger, c'estprobablement parce qu'ilytrouve son compte et que la faute en est au consommateur qui aime mieux boire: que ee FEAR Je réponds: le devoir: d’un‘tuteur: est de’ veiller —09 — sur ses pupilles. Si le maître d'école laissait agir à leur guise les enfants qui lui sont confiés, pas un n’arriverait à savoir lire. Or, le petit peuple, le peuple nécessiteux est mineur; pourquoi l'mduire en tentation? Que l'administration limite par ville ou par commune le nombre des cafés; qu'elle ne tolère que peu de débits d'eau-de-vie , comme elle ne tolère qu'un certain nombre de débits de poudre; qu'elle diminue-les droits sur la petite bière, le petit cidre, la petite viande, le petit poisson; qu’elle les augmente sur l'eau-de-vie, les liqueurs, les vins de luxe, la volaille et le poisson de choix, bref, sur tout ce que le riche consomme et consommera toujours quel qu’en ‘soit le ‘prix; qu’elle encourage, autant qu'il dépend «d'elle, la production de: ce qui constitue la nourriture indispensable, céréales, pommes de terre, légumes et bestiaux; qu'elle débarrasse ces denrées de tout ‘droit, de toute entrave et étudie bien les moyens d'en maintenir en tout temps l'abondance: alors, l'administration sera dans la bonne:voie et aura contribué à rétablir l'équilibre. Qu'elle fasse de même pour les vêtements: qu'elle encourage la fabrication des étoffes chaudes , solides et à bon marché; qu’elle: donne une prime ou qu'elle rembourse le droit payé sur les matières premières. Même sollicitude pour le chauffage : que la tourbe, que le charbon de terre, que le petit bois soient toujours à bas prix ,.et que l'octroi: se dédommage ‘sur le bois de luxe. er" Le logis du nécessiteux doit aussi être dégrevé : pas d'impôt sur les chaumières ;: c'est aux-nables hôtels, c'est aux salons dorés à payer. Pourquoi ne met-on pas un droit sur les bijoux, sur l’argenterie, sur les glaces, sur les cristaux, sur la livrée, sur les voitures et les chevaux de parade # sur les chiens de chasse ; enfin sur tout ce qui est plaisirs et vanité, mode ou caprice? ++ = 1 Je taxerais les titres. Ils ne: sont qu'un. ridicule quand ils n'accompagnent pas un grand nom, : un grand emploi ou une grandefortune. Je doublerais ou triplerais les, contributions de quiconque se décore d’une couronne de duc, de marquis, de comte, de baron, sans autre droit que son bon plaisir. Alors ce bon plaisir surgirait moins fréquemmer surgissait , il «serait profitable au fisc et : J'imposerais aussi les armoiries. E drait en payant, et le petit: patenté» qui blason qu'une — ne paierait plus ou pai moins. | Par compensation , et si le déficit était trop consi- dérable, je le couvrirais en patentant tous les ducs et pairs ; généraux et députés qui inscrivent leurmom sur un prospectus et se font marchands d'actions, ou, pour-me servir du terme reçu, allumeurs,de chalands. Remarquez bien que le colporteur ou porte- balle paie; or, que l'on se serve de son nom pour colporter une promesse de marchandise ou de son dos pour porter la marchandise même, le but. est AN" un; c'est celui de vendre. Si le résultat est différent, si le porteur de prospectus gagne de l'or, tandis que le porte-balle ne gagne que des sous, ce n'est pas une raison pour affranchir l'un et faire payer l'autre. Les deux industries doivent être libres ou également imposées, surtout si l'on considère que le colporteur en nature ne vend que ce qu'il a, tandis que son concurrent, le porteur de pro- messes, vend souvent ce qu'il n'a pas. Comment toutes ces réformes ne se font-elles pas ? Pourquoi cette partialité pour la richesse, cette in- différence pour la misère? C'est qu'en général, ceux qui proposent les lois comme ceux qui les font, sont riches, qu'ils sont titrés, qu'ils aiment le luxe et n'aiment pas à le payer trop cher. Le luxe des riches fait vivre le pauvre, disent-ils. Je le dis _ aussi. Mais comment le fait-il vivre? C'est en faisant circuler l'argent, c est en l’ôtant de la main de l'un pour le mettre dans la main de l'autre. Eh bien! si ce luxe coûte plus cher, le pauvre recevra da- yantage; ou si c’est le fisc qui en profite, le riche aura payé en-plus ce que le pauvre aura donné en moins. Quant à la question des salaires, elle sort des limites de mon sujet; je dirai seulement: si tout ouvrier avait, en outre de sa paie journalière, une petite part dans les bénéfices de l'exploitation, ou si tous les grands. industriels de l'Europe civilisée s’entendaient pour mettre le salaire en rapport avec les y: Ge besoins de l'ouvrier ; en un mot, si la concurrénéc au rabais, la concurrence visant au monopole, la concurrence fallacieuse et homicide, céssait un in- stant pour laisser établir cet équilibre , ces ands industriels sauveraient leur fortune ét célle de Téürs enfants, et assureraient la paix du mônide. L'examen de cette question, qui intéresse Ja Vie de tant d'êtres humains et probablement la durée de plus d’un empire, ne motiverait-il pas la réunion d'un congrès européen, tout aussi bién que ces chicanes de préséances et toute la série dés pué- rilités diplomatiques? Il ne s’agit plus ici de ES déli- mitation d'une frontière ou du partage de quélqües villages; il s’agit de l'existence ‘du pacte social," à la veille de se rompre, parce qu'il a cessé” d'être justé. Lorsqu'Athènes, Sparte, Rome ont eù plus d'esclaves que de soldats, et plus de malheureux que de citoyens, Sparte , Athènes et Rome étaiènt bien près de leur ruine. » | 4w04 Ce qui est anormal où violént, ce qui sacrifié la majorité à la minorité, ou les masses aü petit nombre, ne peut durer longtemps , parce que’ ‘tôt Ou tard ceux qui composent ces masses se compté; ‘et comptent aussi leurs oppresseurs. Ne nous abusons donc pas sur les” conséquenéés de cet état de choses: oui, il y a devant nous ün gouffre béant, un danger qui sans cesse se rapproche. Ce malaise de la classe ouvrière et même de la population agricole, en France comimé'en Angletérre, EN re y'amènera un incendie qui fera le tour de l'Europe ; c'est de la vieille Albion et des ateliers de a nou- velle Tyr que Surgira le volcan qui dévorera la civilisation et nous réplongera dans la barbarie. Cette barbarie sera-t-elle un mal pour la masse? Non. Cette masse peut-elle être plus malheureuse qu'elle ne l’est, je vous le demande? Si lun de nous avait à choisir entre la condition de nos ilotes de fabrique et celle d’un sauvage libre , ‘11 hésitérait probablement. vai à “Quant à ce sauvage, à cet homme des forêts, il préférerait mille fois la mort à emprisonnement de nos ateliers’ Le nègre lui-même, ce nègre esclave, en apercevant nos redoutablés machines ét la roue menaçante, refusera à ce prix la liberté: La chaîne qu'a rivée le planteur lui paraîtra moins lourde que celle de la fabriqué . Pourquoi? C’est que le planteur le nourrit et que la fabrique ne lenourrit pas ; c’est qu'im- firmeou estropié le planteur le garde, et que le fabri- cant le met à la porte. Bref, quand un homme est mal “logé, mal vêtu et affamé ; quand ce mauvais logis, cette nourriture insuffisante, ce vêtement caduc ne lui sont pas même assurés pour le lendemain, quand, dans sa vieillesse, la mendicité ou l'hôpital est son seul refuge, il est difficile qu'il se croïé heureux et bien gouverné, et LS ‘est vraisemblable qu ïl ne Test pas. 4 | En vam on lui dira qu'il est hibre, qu'il est citoyen, qu'il a des droits politiques et que devant la loï il est 2 — 10 — l'égal du prince lui-même; pour réponse, il vous montrera sa misère, sa faiblesse, son impuissance. Alors quels sont ses droits et de quelle liberté peut- il jouir ? Il n'a pas même celle de vivre. Pour vivre, il faut «voir, recevoir ou prendre; or, il ne ppepde rien, et s'il prend, la loi le punit. | Qu'il travaille, me direz-vous; c'est aussi. ce que je dis; mais le peut-il. Ce travail, il faut qu'il le trouve, il faut surtout qu'on le lui paie. Est-ce là ce que nous faisons ? N'avons-nous pas en France des ouvriers sans travail; n’en est-il pas non plus dont le pere n'assure pas la subsistance ? Sans travail et sans pain, sans présent ni avenir, de qui est-il l'égal, si ce n’est du malheureux qui, comme lui, tend la main. ne Encore une fois, il n’y a pour Maine ni liberté, ni égalité, ni droit politique. L'ouvrier, . dans, notre civilisation ou ce que nous nommons ainsi, est esclaye non de droit, mais de fait, non de la loi, mais de la faim, et dès lors. de quiconque lui offre un, morceau de pain ou qui a un écu pour l'acheter; et vous appelez cela un citoyen, un homme libre, un homme civilisé ! Mais regardez-le donc, mais interrogez-le, mais voyez-le agir. En quoi le trouvez-vous supérieur à ce barbare , à ce nègre, à ce sauvage ? Est-il plus heureux, plus intelligent, plus robuste, plus instruit? Est-il mieux vêtu ou plus propre? Ce sauvage est nu; plût à Dieu que cet ouvrier le füt,.çcar son vêtement sert moins à le couvrir qu’ à faire ressorur Eole la saleté de ce qui ne l'est pas, et à l'entourer d'une cause incessante de putridité et de mal! Ce sauvage ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ; mais cet ouvrier le sait-il? le saura-t-il jamais? ou, s'il l'apprend , quel usage en peut-il faire ? Affaibli par la faim ou abruti par ses vices, il est au dernier degré du rachitisme physique et moral , et la civilisation l'a fait descendre plus bas qu'il n'était lorsqu'elle l'arracha à la vie sauvage. Qu'elle l'y rejette donc, et il sera certainement moins à plaindre! La civilisation-n'a atteint de fait qu'une très TA partie de la population: c’est au profit de. que uns qu'elle subsiste; quant à l’autre portion 0 majorité , elle la laisse aussi ignorante, aussi stupide, aussi indigente et aussi dés qu'elle peut l'être. Alors, je vous le demande encore, si la civilisation ne donne rien à cet ouvrier, qu'a-t-elle à exiger de lui? A queltitre lui doit-il ses sueurs pour l’enrichir et son sang pour la défendre? Est-cesa chose, à lui, que cette civili- sation, et que lui importe que vous ayez des loiset des palais ; est-ce qu'il en profite? est-ce qu’il en est meilleur ou plus heureux ? Si vous voulez qu'il se batte pour vous et pour le maintien de vos droits, assurez au moins sa subsistance, car si vos lois l'obligent à se faire tuer, il est juste que ces lois le nourrissent jusqu'à ce qu'on le tue et qu'elles le nourrissent encore si on ne le tue pas. Est-ceïque vous ne nourrissez pas les bêtes que vous destinez à votre table, et même celles que vous conservez pour l'espèce? Le gastro- "HN —— = nome de la Nouvelle-Zélande ne prodigue-t1l pas avec la meilleure nourriture toutes les joies au prisonmier qu'il réserve pour son festin! Si nous sommes moins conséquents, ne SOYONS pas moins humains! N'oublions jamais ce principe: ! st lhommerest né libreet s’il consent à ne plus l'être ou à se soumettre à une tutelle quelconque ,:ce n'est pas seulement pour que cette tutelle l’exploite, c'est aussi pour. qu'elle partage avee lui le bénéfice de cette exploitation:Sl se soumet à vous, s’il vous laisse votre superflu; c'est tr "er ei le: nécessaire où le travail { h VIN premiè A fe dE d’ Haine nus : elles le sont même d’esclaive à maître ; l'in commun le veut ainsi. Si l’une de ces conditions n'est pas remplie, si le pain+ou l'air-owleau manquent, ou s'ils sont insuffisants, le contrat tombe, le marché est rompu , l'esclavage césse, car nuln'est tenu de servir un maître qui ne le nourrit pas: ou ne lui donne pas les moyens dese nourrir lui-même. Pourquoi n'en serait-il. pas: ainsi dans ‘un :gouver- nement libre? 5 21507 150 N'allez pourtant pas croire que je ialinn mé loi ‘agraire ni la stupide égalité quifaitmanger:à la:même -jatte les dogues et les, roquets. Non, par: pain-ou substance: nous entendons, lorqu'il:s’agit de l'homme valide ; la facilité d'en gagner toujours et-partout , et d'en gagner suffisamment pour le jour et le lende- 6 — je — mam. Ce n'est pas seulement l'aisance pour quelques- uns que nous voulons, c'est du travail pour tout le monde. Ce travail une fois assuré et sa rémunération mise en harmonie avec les besoins du travailleur, alors, et seulement alors, cet homme appartient à la loi, à la civilisation , à l'État ou à la société qui le protége, et cette société peut le repousser de son sein ou le punir s'il s'élève contre elle et trouble l'ordre. Malheureusement cet esprit de désordre s'empare souvent de ceux à qui le travailet le travail bien payé ne manque pas, ou même qui, par leur position et une ai- sance acquises, n'ont plus besoin de leurs bras: Mus par l'amour du changement, par le désir dese populariser où Fambition de conduire la foule , ils se donnent pour victimes et, par leurs discours, leurs exemples, leurs vices et leurs excès, ils nuisent essentiellement à la cause de ceux qu'ils semblent défendre. Une révo: lution peut renouveler la face d'un État iet rajeunir une.société décrépite, mais la sédition, mais l'émeuté ne servent qu'à hâter: cette: décrépitude ou: à faire reserrer les fers de l'esclave: c’est de la sédition que partout maît le: despotisme ; si elle n'en est es la cause, elle en devient le prétexte. juros ‘Je neveux donc pas dire que cet état misérable des classés ouvrières soit toujours etexclüusivement la conséquence des fautes ou de. l'indifférence de l’ad: ministration ;: cette! classe, nous l'avons vu, con: tmbue largement à sa misère par ses vices et ‘sa ES, paresse. Ses soi-disant amis, en l'encourageant dans cette voie de désordre ou d’'oisiveté, et en lui faisant croire qu'on a droit à la richesse sans le travail, ou qu'on a une part des intérêts sans avoir rien mis au capital, n’y contribuent pas moins. | Mais ces convulsions du malaise, cette insurrection de la faim sont toujours momentanées ; c'est un orage auquel succède le calme; et ce peuple, un moment agité, retombe bientôt dans son lourd sommeil. Nous avons vu que, rongé par le. fise et exploité par l'ambition ou l'intrigue, le pauvre ouvrier avait encore à lutter contre la tentation des cabarets, partout placés sur ses pas. Nonobstant ces causes» sa misère peut-être ne serait pas eo si ue dol et la fraude ne venaient «pas la complé _disons-le à la honte de l'humanité EN pre" de sa ce sv: SAGE ces à: 4 qui l'épuisent. À cette incurie de l'avenir succède Re AR l'artisan qui est parvenu à une sorte de bien-être, un désir immodéré de ce qu'il appelle faire fortune. Ce désir n'aurait rien de blâämable si, plus scrupuleux, les moyens les plus prompts neduï semblaïent:pas les meilleurs; mais, pourvu qu'ils Fenrichissent, il:s'in- orme rarement s'ils appauvrissent les autres. Or, comme faible encore, ce spéculateur qui débute ne peut guère spéculer que sur les faibles, c’est: sur le pauvre que lui, à peine échappé à la pauvreté; compte d'abord pour arriver à la richesse. Ce’ sont des bras Æ ff = à bon marché qu'il lui faut, ou beaucoup de travail pour peu d'argent; aussi, chez lui, le salaire est-il réduit à sa plus simple expression, souvent même il se dispense d'en donner, il se borne à fournir la nourriture, et cetle nourriture est rigoureusement celle qu'il faut, non pour faire vivre un homme, mais pour l'empêcher de mourir. Il ny aurait rien à dire si ce régime était aussi le sien, et si, à mesure qu'il fait for- tas # cg: on de son aide s'améliorait; mais il ne : en s'enrichissant avec lui, cet aide viendr jt son égal et peut-être son concurrent. Il a doncintére à ce que celui-ci, surtout s'il est laborieux capable, ne s'enrichisse pas, car ce n’est qu’en le ntenant dans la La qu'il peut le tenir sous sa dépendance. Bientôt il étendra le cercle de ses affaires : après avoir spéculé sur les gens qui l'entourent, il se mettra en mesure d' PRE publie, c'est-à-dire d’en abuser. Vous expliquer comme il s ‘y prend, serait assez diffi- cile, car les procédés ici sont nombreux : il ÿ en a de forts compliqués et seulement à l'usage des habiles; il y en a de simples et à la portée de tout le monde. Le plus connu ou le plus usité, c'ést d'étendre la matière première et de faire dela quantité aux dépens la qualité. On arrive par là à doubler la fourniture sans augmenter les frais. C'est ainsi qu'aux tissus de lime, de fil ou de soie, notre spéculateur mélangera du coton, que dans son vin il mettra de l'eau, du cafnpéche où dé la litharge, dans sa cassonnade du le = sl dans sa {arine du plâtre, dans son.sel de. la soude où du sel de glauber. v) C'OTRN LUE ” 1, Après avoir fraudé sur la qualité, i IE pouver a moyel de frauder sur le ax cho ifl lan: en détail et. sur u _Ih résulte de ces .disp u'achète que par pe ji payé à “EEE mp iné 7. mr du me bles pas DA ee art de es le peer que prenque MR pe mour sinon. .susceptibles de tous. les «encouragements er du moins d'une grande tolérance; si ce n’est chose licite, c'est chose indifférente , et le plus consciencieux de nos feuilletonistes ira sans le moindre scrupule faire la parade devant l'officine de l'empoisonneur à la mode et y déployer toute sa faconde pour l'aider à débiter sa marchandise. Si vous doutez de ceci, prenez le bulletin d’an- nonces du premier journal qui vous tombera ‘sous la main; lisez les autorisations de la police; ouvrez les registres des contributions indirectes à l’article des vins étrangers de fabrique française et des alcools, des esprits de toute nature, obtenus Dieu sait comment, mais dont les résultats infaillibles sont pour le peuple ceux du typhus ou du choléra. Qu’im- porte, la légalité y est; ces produits ont payé le droit à l'Etat et, au journal, le prix de son article; si des gens en meurent, c’est leur affaire et non la nôtre. Nous ne nous contentons pas des poisons français, nous en tirons aussi de l'étranger, et les falsifications d'outre-mer sont, comme les boas et serpents à son- nettes, toujours accueillies chez nous avec une faveur marquée. Ce sont à peu près les seules choses qui ne paient pas de droits d'entrée. Nous faisons mieux encore: il en est à qui nous accordons une prime et une prime graduée , c'est-à-dire qui augmente en raison dela ‘mau- vaise qualité de la marchandise ou de son influence nuisible. Cette mesure vous paraît étrange ; ‘il est possible qu'elle le soit, mais elle n’en est pas moins > — 18 — vraie: ouvrez le tarif des douanes, lisez la loi .et les instructions sur la matière. Qu'un produit, qu'une denrée quelconque, par suite d'un naufrage ou de tout autre accident, soit gâtée, croyez-vous qu'on s'empresse d'en ordonner la destruction ou de la ren- voyer à l'étranger? Pas du tout; on en fait afficher la vente, et, pour y inviter les amateurs, on annonce en même temps que le droit sera réduit dans la proportion de la corruption ou de l'avarie de la chose. Citons des faits : En 1843, un navire anglais, la Reliance, vient se briser à peu de distance de Boulogne. Il était chargé de thé que la mer emporte, puis bientôt rejette sur la côte, à l'état de fumier. On s'attend à un avis du conseil de salubrité où même à une dé- fense expresse de l'autorité qui détournera le peuple d'en faire usage; cest une autre marche que l'on suit : on fait ramasser le thé avarié, on le mêle avec celui qui l'est un peu moins, on en annonce la vente dans tous les journaux, et cette vente a lieu par l'entremise de la marine royale, sous la surveillance de la douane. Ce qui devait arriver, arriva: des industriels accourus de toutes les parties de la France ache- tèrent ce thé pourri, le firent sécher, et sous prétexte de le purifier, le droguèrent,. le sophistiquèrent. Ils l'avaient eu à 10 centimes le kilogramme, ils le vendirent 10 francs. Mais voilà que diverses personnes tombent malades ; (M0. voilà que des convalescents, à quile théavait été prescrit comme remède, se trouvent plus mal. Ce n'est pas tout: un des ouvriers employés à cette manipulation est pris d'une vive inflammation : il a le ventre serré, la langue enflée, les gencives engorgées. Un médecin, le docteur Leroux, est appelé et l’'interroge. Il apprend que c'est en met- tant du thé en trois couleurs différentes, opération pour laquelle on lui donnait un franc par caisse, qu'il a gagné son indisposition. Le docteur em- porte un échantillon de ce thé ainsi que des ma- tières qui servaient à le préparer, et il y reconnaît la cause de la maladie : ces matières sont dangereuses. Il dénonce le fait à l'autorité et l'on découvre qu'un sieur N...., négociant, et son garçon, le sieur O...., l'homme malade, sont les auteurs de la sophistication. Ce dernier est un instrument qui obéit à son maître. Celui-ci avait acheté pour 9,000 fr. de thé à Boulogne ; apprenant qu'on le manipule ailleurs, : il désire s'approprier cette précieuse recette : il envoie 0:... faire boire un ouvrier d’un de ses confrères ; il lui arrache ainsi son secret, et c'est celui qu’il emploie! Les faits sont prouvés. N.... pour excuse se rejette sur l'administration qui a vendu le thé; toutefois, le tribunal correctionnel de la Seine le condamne... à quoi? à 6 ans de galères et à dix mille francs d'amende? Non; à huit jours de prison et à 50 fr. d'amende! On peut empoisonner le peuple à bon marché !! Reste à savoir si c’est le sieur N...…. ou L gap l'administration qui aurait dû aller aux galères. A mon avis, cest l'administration, car elle devait comprendre que si le sieur N.... n'achetait pas ce thé pour le prendre lui-même, c'était pour le faire prendre à d'autres. Si les juges sont indulgents pour ces sortes de faits, c'est moins parce que leur volonté les porte à l'être que parce que la loi ne leur donne que peu ou point de moyens de répression. En général, nos codes, sévères contre les fraudes, crimes ou délits qui s’attaquent à un individu isolé, sont d'une in- dulgence extrême quand ces crimes s'en prennent aux masses. L'on risque beaucoup moins en France, en tentant de faire sauter une ville par une mine ou une machine infernale, en tirant sur les passants, ou en les empoisonnant avec de la litharge ou du blanc de plomb, qu'en volant un pain avec effraction ou escalade. Si l'homme à la machine infernale, l'homme qui fusille les passants ou l'homme aux poisons n’est pas relaxé, il en sera quitte pour quelques mois d'une prison: adoucie par les con- doléances de la presse et d’une bonne partie du public; peut-être même, s’il peut donner à l'affaire une couleur politique, on fera une souscription-en :sa faveur ; tandis que le voleur de: pain , l'homme affamé, ira aux galères, honni et méprisé par tout le monde. La raison ‘en est, d'une part, que nous aimons mieux voir notre voisin mort que notre buffet: vide, et, de l'autre, qu'on pardonne à celui qui a tiré un sur la foule parce que chacun se dit: ce n'est pas sur moi qu'il tirait. Quant au troisième fait, l'em- poisonnement, nous avons vu qu'on n’empoisonnait que les pauvres et que cela ne tirait pas à con- séquence. Lorsque par hasard il y a plainte, c'est que la mauvaise denrée se sera trompée d'adresse et que quelque notabilité ou, ce qui est plus hor- rible encore, quelque fonctionnare public aura ac- cidentellement pris un méchant lot. Ceci nous écarte du sujet. Nous en étions aux causes qui, après avoir fait naître la misère, con- tribuent à la perpétuer. Nous disions qu'il ne suffirait pas qu’en bonifiant l'impôt sur les objets de première nécessité, le gouvernement en eût réduit le prix pour le marchand en gros ou le riche consommateur ; qu'il faudrait encore que la réduction profitàt aux malheureux et que la spéculation, le monopole, la falsification et l'usure n’annulassent pas les intentions bienveillantes de l'admimistration. L'usure , puisque Jen suis sur ce chapitre, est un des chancres qui dévorent le pauvre. Les prêts à la pe- tite semaine, les crédits sur nantissement ou les petites | avances à rembourser par un gros travailsont d'usage à peu près général; mais il est un autre genre d'usure que jai déjà signalé et qu’on pourra nommer usure double, procédé ingénieux, exigeant peu .de frais parce qu'on prête sans argent et même, ce qui est plus habile encore, parce qu'on tire intérêt de l'argent qu'on doit. Je vais tâcher de définir cette invention ES qui fait honneur à l'économie du siècle et qui au- jourd'hui, grâce à notre tolérance en ces matières, est passée en habitude, presque en droit, on pourrait même dire en vertu, car il est tel mdividu qui croirait manquer d'ordre et faire tort à son jugement s'il s'en écartait. Un capitaliste, un propriétaire, un industriel, un bourgeois aisé enfin, et marchand pour l'ordinaire, charge un maître ouvrier maçon, plafonneur, peintre, menuisier ou autre, et remarquez bien qu'un maître ouvrier en province n'est pas un entrepreneur , Mais. un ouvrier lui-même, gagnant sa journée comme les autres; il le charge, dis-je, d’un travail, d'une réparation , d'une fourniture quelconque. La besogne terminée, il n’y a plus qu’à régler le mémoire et à le solder. C’est ce qu'on va faire sans doute; nul- lement: on discute ce mémoire, on le rogne, on le règle, mais on ne le solde pas, et il est tel indus- triel, si exercé en ce genre de spéculation, qu'il trouve moyen de faire traîner sa dette deux et trois ans. Voici le calcul de cet économiste au petit pied: M°"” doit 1,000 francs à un ouvrier; il se dit: 1,000 francs à 5 p. 0/0 c'est 50 francs par an pour tout le monde, mais pour moi, qui suis marchand, cest 10 p. 0/0. Si je puis retenir à mon homme son salaire pendant un an, c’est 100 francs que je gagne, si cela dure pendant trois ans, c'est 300 francs ; mais , prenons qu'il ne soit pasaccommodant, Ds qu'il crie trop et que je lui cède un tiers, il n'en est pas moins clair qu'au lieu de 1,000 francs que me coûterait ma réparation, ma construction ou ma fourniture, elle ne me reviendra qu'à 800 francs. Ce n’est pas tout: au lieu de le payer en francs, je le paierai en centimes, en sous, en pièces de 15 sous, bref , en toutes monnaies douteuses ou plus ou moins dépréciées que j'aurai, à cette fin, mises de côté pen- dant ces deux années, et, par ce simple procédé, je puis réaliser encore un bénéfice net d’un pour cent au moins. Tandis quel'habile marchand calcule ainsi, l'honnête maître maçon, couvreur ou menuisier, obligé de payer ses ouvriers par semaine ou par jour, et, par- fois, de leur faire des avances, se trouve dans la nécessité d'emprunter, et lorsque son débiteur gagne 200 francs sur sa dette, lui en perd autant sur les emprunts qu'il est contraint de faire ; les 1,000 francs qu'il a gagnés à la sueur de son front sont donc réduits à 600 francs, et le malaise qu'il éprouve re- tombe encore sur l'ouvrier qu'il ne peut plus solder, ou bien dont il va réduire le salaire par la raison qu'on réduit le sien. Mais la spéculation ne cesse pas là. J'ai dit qu'ici il y avait usure double ; je vais maintenant vous le prouver. Tel qui refuse de payer l’ouvrier en pré- textant qu'il n'a pas d'argent, lui fait prêter sous main à gros intérêts l'argent qu'il lui doit; de façon que c'est le débiteur qui exploite son créancier et Sc qui: se fait un-revenu du capital de sa .dette. On conçoit qu'il ne doive pas être pressé de l’acquitter. À ceci que peut la loi, me dira-t-on; ou si elle peut quelque chose, à quoi sert-elle, si. l'ouvrier n'y à pas recours ? Qui l'empêche d’actionner ce mau- vais payeur ? Ce qui l'en empêche, c'est d’abord qu'il n'est pas assez riche pour subvenir aux frais dejustice; c'est ensuite qu'en actionnant J'usurier, il perdra une pratique, et peut-être se fera un ennemi qui ira décrier son travail ou l’empêchera d’en trouver. Il faudrait donc ici quelqu'un ou quelquechose qui suppléàt à cette insuffisance de la loi, lun in- termédiaire qui éclairât le pauvre sur ses intérêts, qui le guidät. et, au besoin, le protégeñt, car cette absence d'un appui, d’un protecteur naturel, cet isolement dans la foule, n’est pas ce qui contribue le moins, en “France, au dénuement, au défaut d'avenir et à l'état d’abrutissement du: peuple: La loi, en y proclamant l'égalité, semble aussi y pro- clamer l'égoïsme. Chacun dit à son voisin : puisque tu es autant que moi, tu n'as plus besoin de moi. Hélas! cette égalité, si belle en. théorie, est, comme la liberté, un non-sens en pratique. L'oppression change de nom et de forme. Elle s'appelle :con- stitutionnelle ou républicaine , au lieu .de s'appeler monarchique ou féodale, mais en réalité le. nom seul est changé, le fort n’en opprime pas moins le faible, et la misère subsiste. Si l’on ne peut détruire entièrement cette misère , 05 2 tâchons au moins de l’adoucir par des consolations et des avis. Le riche a des amis savants comme lui, ou, à défaut, un conseil, un avocat. Le pauvre n'a ni amis ni conseils, ou s'il en a, pauvres et ignorants comme il l’est lui-même, ils ne sont guère propres à l'in- struire; et pourtant ce n'est que par l'instruction ou le raisonnement qu'il pourra échapper aux piéges qu'on lui tend, ajoutons qu'il se tend souvent à lui-même. La charité n'est pas seulement dans l'argent ou le pain qu'on jette au malheureux; elle est dans le bon emploi qu'ôn lui fait faire de cet argent et de ce pain. Ce n’est donc pas une société de secours purement matériels que nous voudrions voir fonder en faveur des nécessiteux; c'est une société de conseils et de moralisation. Nous l'avons nommée patronage et nousallons indiquer aussi brièvement que pos- sible sur quelle base on pourrait l'établir. Pour conditions premières , il faut volonté d’une part, et consentement de l’autre. Or, dans notre siècle tout positif, on ne veut rien, on ne consent à rien si l'on n'y trouve honneur ou profit, et, s’il se peut, l'un et l’autre. Il faut donc que le patronage pro- duise au riche de la considération et au pauvre du bien-être. Il faut surtout que ce riche ne veuille pas obtenir cette considération sans peine ou par un simulacre de bienfaisance, et que ce pauvre ne prétende pas jouir du bénéfice de la protection sans reconnaître un protecteur. Dans l’état de confusion des rangs, des capacités, os des âges et même des démarcations de famille, où nous ont laissés nos longues convulsions politiques, dans cet aveuglement d'un orgueil qui fait qu'on croit tout valoir sans rien savoir, et qu'on rêve les ri- chesses et les honneurs avant d'avoir du pain et, ce qui est pis, avant d'avoir acquis le talent d'en gagner honnêtement, il sera fort difficile: de faire comprendre à l'homme émancipé, à l'homme qui s'appelle libre, et nous avons montré comment il l'est, de lui faire comprendre, dis-je, qu'il y a de celui qui donne à celui qui reçoit toute la distance d'un bienfait, et qu'un débiteur ne devient l'égal de son créancier que le jour où il s'acquitte. Si nous acceptons un tuteur pour nous guider et nous secourir, nous lui devons sinon de l'obéissance, du moins du respect. Cette espèce d'autorité morale concédée en échange d'un don aurait paru, à une autre époque et dans tout autre pays, une chose naturelle. Aujourd'hui, ce sera un grand obstacle à l'établissement dupatronage ; on traitera cette simple proposition d'énormité , on y verra la féodalité et l’ancien régime tout entiers ; mais, dans cet ancien régime, dans cette féodalité même, tout était-il mauvais? Si l’on répond oui, je demanderai: dans notre régime actuel , tout est-1l bon? Et si l'on est encore pour l'affirmative, Je prierai qu'on me dise pourquoi nous avons des . pauvres. À cette question j'ajouterai: y en a-t-il moins LUE qu'autrefois? et, si vous êtes vrai, vous me répon- drez: il y en a davantage. Pourquoi ? Autrefois, chaque seigneur, chaque paroisse, chaque com- mupauté, chaque corporation étaient obligés, sinon par les lois, du moins par un principe d'honneur, par un préjugé si vous voulez, et un intérêt de corps, à nourrir, défendre ou protéger ses vassaux , ses paroissiens, Ses confrères, ses pauvres ; il y avait, dans la confraternité comme dans la supé- riorité de rang, une sorte de responsabilité morale qu'on ne pouvait repousser sans honte, et si l'on n'était aumônier par goût, on l'était par la crainte du blâme. Ce préjugé, si c'en était un, avait son bon côté. Plût à Dieu qu'il existàt encore! Mais il n'existe plus, tâchons d'y suppléer. Nous venons de dire que dans ce siècle calcula- teur, on n'était généreux qu'à un intérêt honnète, et qu'en faisant l'aumône, on prétendait y trouver son compte. Dès lors, pour faire admettre une pro- position, il faut d’abord démontrer à celui à qui on l'adresse ce qu'elle peut, tous frais faits, rapporter en argent, en plaisir, en sécurité ou en considé- ration. Prouver au pauvre qu’il trouvera profit à être pro- tégé par le riche, lui payât:il sa protection du titre de tuteur ou de tout autre qu’il donne journellement pour rien au premier venu; ne sera pas chose dif- ficile. Il le sera davantage de le faire agir en con- séquence, ou respecter de fait celui qu'il honorera Fu en paroles; néanmoins ceci encore n’est pas impossible: Quant au riche, le convaincre qu'il a un intérêt réel et un intérêt pressant à s'occuper du pauvre, à le conseiller, à le guider, bref, à lui donner à la fois une partie de son temps et de:son argent, sera beaucoup moins aisé. Ce patronage qui, s'il pouvait se résumer en une somme annuélle n'excédant pas beaucoup celle que lui arrache l'importunité des mendiants, lui semblerait une bonne affaire , Va lui en paraître une très mauvaise, une véritable corvée, s'il faut que, portant lui-même ses aumônes et ses conseils au chevet du misérable, il se trouve ‘ainsi initié de visu à tous ses besoins, à toutes ses ‘dou: leurs. Lui dire que ce n'éstqu’ainsi qu'il pourra conserver sa propre fortune, parce que la mesure est comble et prête à déborder, enfin qu ‘une. révolution est. im- minente, il n’en croira rien. Il y verra un orage qui gronde toujours et qui n'éclate jamais, et se rendormira sur le bord de l’abime. Non, la crainte ne suflra pas pour le rendre humain; il lui faut quelque chose de plus. Qu'est-ce qui donne aujourd’hui de la considéra- tion? C'est le crédit. Pourquoi? c'est que le crédit amène la fortune et que la fortune conduit aux hon- neurs. Or, ce crédit et cette considération qui pro- curent. tant de choses, il faut les offrir comme primes à cet homme bienfaisant ou disposé à l'être ; il faut même lui donner une rémunération présente.et} à = 99 défaut de celle d’un bon cœur ou de la conscience d'avoir rempli son devoir, une satisfaction d'amour propre. Que la considération soit donc attachée au patro- nage exercé convenablement, dignement, généreu- sement ; que chaque personne riche mette de l’orgueil à étendre le sien, comme le patricien romain en mettait à augmenter le nombre de ses clients. Je ne vous dirai pas de faire porter au patroné les cou- leurs de son patron, mais si vous pouvez trouver quelque moyen analogue, si vous pouvez faire que le premier tienne à honneur d’être protégé par l'autre, comme celui-ci d’être son protecteur, vous aurez résolu la question. Pourquoi n'arriverait-on pas à ce résultat? Quand l'esclavage était partout, le servage était presque un ütre, et là domesticité une dignité. Le servage détruit, la domesticité tomba dans le mépris. Ainsi vont les choses chez nous ; toujours l'on se jette d’un excès dans un excès: l'honneur excessif qu'on at- tachaït à servir un homme, était un préjugé, et le déshonneur qu’on y voit aujourd’hui en est un autre. La vérité est qu'il n’y a pas plus de honte à servir son supérieur ou même son égal et d'en tirer un salaire | qu'à faire tout autre état qui nous fait vivre; et qu'un domestique qui remplit ses devoirs n'a pas plus dérogé qu'un ouvrier, qu'un marchand, qu'un industriel , qu'un employé, qui, eux aussi, sont les valets de tous ceux qui achètent leur temps, leur OÙ — travail. ou leur marchandise. Je ne demande pas pourtant que les patronés soient les valets de leurs patrons; si ceci arrive, ce ne sera que l'exception; je dis seulement que l'état de patroné-ne deviendra dans aucun cas une cause de dérogation pour le pauvre et que, celui de patron sera toujours un honneur pour le riche qui, en échange du sacrifice de temps. et. d'argent qu'il fera aux malheureux, verra son influence. ou sa position s'élever dans la hiérarchie sociale, selon le nombre de ses clients et le bien-être dont il les entourera. Nous mettons de l'amour-propre à la bonne tenue et à la beauté de nos chevaux et de nos chiens. Eh bien! cet amour-propre, nous le mettrons à l'amélioration physique et morale de nos pauvres, et chacun de nous, en voyant les familles qu'il aura sauvées de la faim, en sera aussi fier qu'un pro- priétaire l'est de sa propriété, de son chenil ou de l'élégance de ses écuries. J'ajouterai que si, fatigué de la chasse, car on se fatigue de tout en ce monde, même des plaisirs, notre propriétaire supprime une partie de ses chiens pour donner leurs places à autant d'êtres humains, il y trouvera une économie notable, car 1l en coûte moins en France pour maintenir un enfant en bon, état que pour dresser, soigner, nourrir et médicamenter médiocrement un. chien de moyenne taille. Quant aux chevaux de luxe, je n'en parle pas: = oui il n'en est pas un seul qui n'entraine à plus frais que la vie d'un ménage. “Revenant donc aux vieux usages, nous propo- sons à chaque notabilité, banquier, propriétaire, bourgeois et marchand, de mettre , comme faisaient jadis nos seigneurs châtelains, sa gloire ou son orgueil à avoir des clients et même des vassaux, si cela lui agrée davantage, le nom n'y fait rien. Alors, honoré de ses propres œuvres et s’élevant par la bienfaisance, il deviendra une sorte de puissance providentielle , étoile d’un petit système, non de pla- nètes , mais de pauvres gens qu'il ne fera pas toujours riches, mais qu'il pourra rendre moins pauvres en les arrachant à leur apathie, à leur ignorance, à leurs vices; car que ne peut l'influence d’un bon conseil et surtout d'un bon exemple! Ici encore ce passé si calomnié, comme le sera un jour notre présent, nous sera opposé: les fa- milles patriciennes de Venise, de Gênes, de Flo- rence, nous dira-t-on, avaient aussi leurs patronés qui n'étaient autres que ces bravi à l'aide desquels elles s’entr'égorgeaient. Cette objection n'est pas bien sérieuse: aujour- d'hui on se fait la guerre armé du cours de la bourse; on se tue à la hausse ou à la baisse, enfin on peut sans danger, et sous l'égide de la légalté, conduire doucement un homme à se brûler la cervelle ou à se jeter à l'eau; on n’a personne à payer pour cela, et les bravi de profession, si l’es- PONT. pr pèce en reparaissait, ne trouveraent pas de l'eau x boire. D'ailleurs il ne faut pas perdre de vue que:les deux tiers des patronés seraient des femmes, des enfants, tous gens assez peu propres à manierle poignard ou à renouveler les scènes des Guelfesret des Gibelins. Notre nouvelle chevalerie ne sera dônc pas bien dangereuse. | Mais si nous n'armons pas les lt pour la due de leurs patrons, nous: pourrions leur ac: corder un droit plus en harmonie avec nos habi- tudes: ce serait, dans certains cas, le droitde suffrage, non pas que j'en veuille faire des, élec- teurs, car ils n'ont pas de temps à perdre en in- trigues, et 1ls ne sont déjà que trop disposés à fréquenter les cabarets ; grands: laboratoires des élections; ce droit sera seulement celui de témoi- gnage. Peut-être même pourrons-nous trouver là, je ne dis pas positivement le remède, mais un 'adoucis- sement à une grande maladie qui, depuis cinquante ans, a causé bien des ravages; cette maladie , c'est la parole. C'est pourtant une belle chose que l'art de bien dire, et plus que personne je suis porté à l'ad- mirer , mais seulement comme j'admire la musique et Ja danse ou tout autre chose de pur agrément. Or, chez nous, nous en avons fait non seulement le premier des arts, l'art qui remplace tous les autres, mais aussi celui qui tient lieu de bon sens Fe ee et même de moralité. D'après ce principe que la parole est tout, ce nest plus sur ce qu'ils font que nous jugeons les hommes, mais bien sur ce qu'ils disent, ou plutôt encore sur ce qu'en disent les autres, qui, selon leurs préventions , leurs caprices ou leurs in- térêts, qualifient de grand orateur, de grand pu- bliciste, de grand homme d'Etat, quelque phraseur obscur jusque là et qui le serait encore si la spé- culation , la politique ou l'engouement ne lui échafaudaient pas une renommée. Cette auréole lui restera jusqu'à ce qu'il vienne à l'esprit à quelque amateur rétrospectif de faire après la session ré- imprimer l'un de ces discours tant admirés. Mal- heureux amateur , qu’as-tu fait? Le discours applaudi à l'unanimité est aujourd'hui, également à l’una- nimité, rangé dans la classe des rapsodies de cir- constance, autrement dit, des bavardages. C’est ainsi qu'ont passé, avec l'engouement qui les avait créés, deux à trois cents orateurs célèbres qui depuis quarante ans ont tour à tour tenu le sceptre de la tribune. Au surplus, ce n'est pas là, ou dans ce plus ou moms de valeur oratoire, qu'est le mal; chacun est libre de dire des sottises, comme chacun l'est de les admirer. Mais, admettons que tous ces dis- cours soient vraiment admirables, que résulte-t-il de cette préférence accordée aux mots sur les faits? Il en résulte, nous venons de le voir , que 3 — re les places, les dignités, les honneurs s'accordent non à celui qui fait le plus de bien, mais à celui qui fait le plus de bruit; dès lors, c’est du bruit que chacun s’étudie à faire; convaincu qu'un discours bien ronflant lui rapportéra plus d'honneur et de profit que toute une vie de vertus, il préférera tout naturellement le premier moyen comme plus prompt ét plus facile. Ceci ‘est-il sage? JE ne le pense pas. Ecoutons les paroïes mais comptons les actions; alors nous donnerons la palme au cœur d'or et non à la langue dorée. Il est temps qu'à ce cli- quetis de mots, qu'à ces phrases pompeusement sté- riles, l'on préfère des faits fructueux, c’est-à-dire des services rendus, non plus à une ambition, mais à la raison, à la patrie, à l'humanité; bref, il faut qu'on ne nomme belles, que les actions utiles. Or, parmi les actionsutiles, en est-il qui le soient plus que d’arracher une famille à la misère et à la corruption? Je ne crains pas de le dire: cela vaut mieux que d'avoir fait un gros livre, un poème ou un éloquent discours; cela vaut mieux même que d'avoir gagné une bataille. Eh bien! si l'on reconnaît dans ceci quelque chose de vrai, si homme qui a fait le plus de bien est celui qui offre le plus de garanties d'avenir ou de moyensd'en faire encore, que celui-là, quel que soit son rang, propriétaire, admi- nistrateur, manufacturier où marchand, soit le plus honoré; que ses titres aux honneurs ou aux suffrages in de ses concitoyens soient constatés, non plus par des votes mendiés ou escroqués, mais par des faits de notoriété publique. Que l'homme, enfin, mis en présence: de ses œuvres, soit pesé à leur poids. Alors plus de mensonges, plus de charlatanisme ; nous ne jugerons que sur preuves. La misère était À, y est-elle encore? Si elle n'y est plus, que ceux qui furent secourus parlent, ou que leur bien- être parle pour eux! C'est danscette justification que les patronés auront un moyen, sinon de s'acquitter envers leurs pa- trons, du moins de montrer qu'ils sont satisfaits de ses soins. Et ces suffrages de la reconnaissance, cette voix du peuple qui dira: c’est bien, vaudra, pour guider la conscience des électeurs, toutes les déclarations de principes, toutes les circulaires, tous les discours électoraux. Les votes surgiront des faits et non des intrigues, et c’est ainsi que le pauvre, sans être électeur, aura par son té- moignage, même muet, ou par le seul fait de son amélioration de position, une influence élec- torale. Vous sentez: quel levier puissant, quel sti- mulant de tous les jours ceci sera pour les membres de la société de patronage: Le jeune citoyen qui, par une ambition très-louable, voudrait arriver à la députation ou seulement aux honneurs munici- paux, aux emplois de maire, d'adjoint, seule féodalité admissible de nos jours, commencera par se faire recevoir dans la société de patronage ; puis, selon ses Ù — 36 — moyens , il s’efforcera d'étendre son miluence bienfai- sante sur un grand nombre de familles, ou si sa position ne le lui permet pas , sur une seule famille, et même sur un seul individu. Cette famille qu'il aura préservée de la faim ou arrachée au vice, ce mendiant dont il aura fait un ouvrier, cet ivrogne devenu un homme sobre , cet enfant abandonné qu'il aura élevé au rang de maître d'atelier et d'artiste, seront les gages, les témoignages. vivants qu'ilpourra présenter ou échanger contre des voix. C'est ainsi que la couronne civique ira à sa véri- table destination, à l’homme utile, à l'homme jugé selon ses œuvres et non plus à un histrion de tribune ou à un mannequin de parti. D'ailleurs, ne serait-ce pas là une bonne école d'administration, et celui qui aurait bien dirigé l'individu ou la famille dont il se serait chargé, n'aurait-il pas fait préjuger qu'il pourrait également bien administrer sa ville ou sa province? Remar- quez que, jusqu'à présent, c'est toujours l’'admi- nistration qui a payé les frais d'éducation de l’ad- ministrateur , titre qu'on demande ou qu'on accepte avant d'avoir la première idée de ce quon doit en faire ou de l'engagement que l’on contracte. Ce n’est certainement ni dans nos écoles, ni: dans nos cours publics, qu'on apprend l'administration ; c'est en voyant administrer ou en administrant soi-même; mais, en ceci, comme en toute chose ,_ ne serait-il pas bon de commencer ainsi que le ap caporal qui s'exerce à commander quatres hommes avant de songer à faire manœuvrer une compa- gnie ? Le patronage offre donc à la jeunesse un moyen d'apprendre qui n'a pas de danger pour autrui, car il s'agit moins d'expériences à faire que de conseils à donner, et, s’il faut en venir à l’appli- cation, comme elle ne consistera qu'en secours et en bienfaits, elle ne pourra faire de mal à per- sonne. Si je parle ici de secours ou de dons, ce n'est pas que je veuille en faire une obligation tellement rigoureuse qu'elle puisse éloigner de la société de patronage celui qui n'aurait pour lui-même que le strict nécessaire, car le moyen de donner n'est pas seulement dans Ja richesse ; : certes, un bon avis ou un bon exemple vaut souvent mieux qu'une grosse somme, et ce chef d'atelier, qui enseigne gratuitement un métier à un pauvre enfant hors d'état de payer son apprentissage , est certainement aussi généreux envers lui que s’il lui avait avancé un sac d'écus. Cette manière de faire l’aumône rentre d'ailleurs entièrement dans l'esprit de l'institution qui est moins de donner du pain au pauvre que de lui procurer les moyens d'en gagner lui-même , lorsque, n'étant ni trop jeune, ni trop vieux, ni trop infirme, il en a la possibilité. Ce n'est donc pas de le faire vivre à vos dépens qu'il s'agit ici, c'est bien plutôt d'empêcher qu'il n’y vive, en le fai- me “jo sant d'exister par son labeur. Le patronage diffère aussi de l'aumône propre- ment dite, en ce que l’aumône donnant sans ga- rantie, ne satisfait qu'à la pauvreté présente: tandis que le patronage en satisfaisant aussi, selon la possibilité, à cette pauvreté, prend'en même temps les moyens d'empêcher qu'elle ne se renouvelle. Cette distinction de moyen'et de but devra soi- gneusement être expliquée au nécessiteux ; 1l faut qu'il comprenne bien que vous ne l’aiderez qu'au- tant qu'il s'aidera lui-même, ou qu'il fera tout ce qui lui sera possible pour se passer de vous: c'est un ouvrier que vous voulez faire, et non un rentier ; et s'il veut devenir rentier, ce:qui est toujours possible à l’homme robuste, laborieux et économe, c'est à lui de travailler en consé- quenee. J'en ai assez dit pour qu'on voie que c'est moins une dépense d'argent que l’on imposera aux mem- bres de la société de patronage qu'une dépense de soins, soins qui eux-mêmes n'exigeront pas beau- coup de temps, car, des heures que nous perdons tous les jours, si nous en employions seulement une ou même la moitié d'une à nous occuper sérieusement d'une famille de pauvres, ‘je suis convaincu que les. bons effets ne se feraient pas attendre: Sans doute l'apathie ou l’entêtement routinier ‘de bien des malheureux vous offrira d’abord des ‘obstacles dont quelques uns pourront vous'paraître imsurmon- MUC Ne tables; vos avis seront méconnus et quelquelois pris en mauvaise part, mais le bon sens finit toujours par surgir, même chez les individus qui, au prenuer abord, ne paraissent pas en avoir l'ombre, et quand l'abrutissement n’est pas complet, c’est-à-dire, quand le vice ou l'ivrognerie n'a pas éteint entièrement le sens moral, il y a toujours remède. C’est la persuasion, c'est l'exemple qui doivent être les premiers mobiles du patronage; de cette manière seulement, vous pourrez inspirer confiance au patroné et le conduire doucement à cet amour de l'ordre et du travail qui est partout la meilleure garantie contre la pauvreté, et la voie la plus sûre pour en sortir. L'une des causes de cette pauvreté, je l'ai dit ailleurs, c'est la croyance à l'impossibilité de la détruire, croyance répandue parmi les riches et les gouvernants eux-mêmes, et, ce qui est plus fu- neste encore , parmi les: pauvres. Certes, le désir de devenir riche, de le devenir vite et par tous les moyens, a causé bien des maux ; mais la conviction qu'on est, né pauyre pour vivre pauvre et avoir des enfants pauvres, en a amené peut-être plus encore. C'est par suite de ce préjugé, de cette foi _ vraie ou feinte à une fatalité invincible, que l'homme du peuple, trouvant une excuse à son imprévoyance, vit. partout au. jour le jour, sans jamais vouloir garder un sou pour le lendemain; s'il le garde, c'est pour faire un excès et non pour réparer une brèche SE pu ou prévenir une misère. À quoi bon garder Guei- que chose, dira-t-il; je n'en serais pas plus riche, le pauvre est toujours pauvre. En ceci le pauvre se trompe. Eloignez de lui cette idée funeste et prouvez lui, par des exemples, qu'il n'est pas un seul riche qui, par lui ou les siens, n'ait commencé sa fortune, et que probable- ment il n'est pauvre lui-même que parce qu'il ne fait rien pour ne plus l'être. Si vous lui démontrez ceci, si vous lui persuädez qu'il n'y a pas d'économie inutile, et de labeur qui tôt ou tard ne rapporte, vous aurez rempli la moitié de votre tâche. Il existe une classe d'individus doublement mal- heureux, puisqu'ils sont coupables et qui, par cela même, exigeraient, de la part des patrons chargés de leur moralisation, un dévouement bien grand et une charité toute chrétienne. Avant d'en parler, nous allons faire une petite excur- sion hors de notre sujet sur lequel d’ailleurs nous reviendrons bientôt. , Pourquoi y a-til tant de voleurs en France, s’écriait l'un de ces hommes qui s'étonnent de tout? Rien de plus simple, lui répondit son voisin beaucoup mieux au fait : nous avons des voleurs parce que nous voulons en avoir , et nous voulons en avoir probablement parce que nous les aimons. Il n'y a qu'une chose que nous leur préférions, ce sont les assassins. LATE Comment l’entendez-vous, reprit son interlocu- teur ; nous mettons les voleurs aux galères et nous dé- capitons les assassins ; est-ce donc par amour ou par amitié? — Sans doute; c'est ainsi qu'on coupe une branche pour qu'il en vienne deux ou au moins une plus belle. — Expliquez-moi ceci. — Volon- tiers. Quand vous tuez un meurtrier où que vous en- fermez un voleur, tuez-vous aussi sa femme et ses enfants; ou bien, les emprisonnant avec dui, vous chargez-vous de les nourrir ?—Non.—Alors, le public ne s’en charge pas plus que vous; tout au contraire , par cela seul que vous avez condamné le père, il ne veut plus entendre parler des enfants, et, s'il les a chez lui comme ouvriers, domestiques, ou. seulement comme locataires, il les met à la porte; ni lui ni personne ne veut leur donner du pain ou du travail, et pourtant, ce pain, il faut bien qu'ils le trouvent sous peine de mourir de faim. Ne pouvant le gagner en travaillant, ils se le procurent sans travailler, et c’est ainsi que pour un voleur ou un meur- trier de moins, vous en avez une demi-douzaine de plus. Dites-moi maintenant que vous n'aimez pas les voleurs. Si cette preuve ne vous suffit pas, Je vais vous en donner une autre. Nul pays, vous le savez, ne réunit plus que le nôtre de moyens d’instruc- tion; il n'est aucun art, aucune science qui n'y ait son cours, son école publique, école polytech- ch nique, école normale , école de droit, de médecine, d'architecture, de sculpture, etc., dont pas une seule qui chaque année ne fournisse ses lauréats. Eh bien! il en est encore une qui produit plus de grands talents dans leur genre que toutes les autres ensemble. Cette école, qui a des succursales dans toutes nos grandes prisons, est celle des bagnes d’où il sort an- nuellement plus de bandits armés et cuirassés contre la société, qu'il ne se forme sur les bancs de l’école de droit d'avocats pour des défendre et de juges pour les juger. Dans ces bagnes, on enseigne l’art du faus- saire, du faux monnayeur , du mécanicien effracteur et fabricant de fausses clés, du tireur et du coupeur de bourses; du chimiste falsificateur , endormeur , empoisonneur; on y. enseigne.même le droit, c'est- à-dire, le moyen de fausser ou. de détourner la loi et de perpétrer le crime en n'encourant que. la peine la moins grave ou même en l'évitant tout. à-fait, et cela au su de tout le monde. — Alors, pourquoi ne l'empêche-t-on pas? — Je vous l'ai dit: c'est parce que nous aimons les voleurs, et c'est de crainté d'en manquer, crainte d'ailleurs mal fondée. Notre.:avenir de, délits ou, notre coupe réglée de criminels est si bien aménagée que.nous pourrions dire. d’avance.le nombre. .et l'espèce de crimes qui:se commettront dans, l’année, et rédi- ger ainsi, dès le premier janvier, les tableaux que nous n’établissons ordinairement que le 31 décembre. Ceci ne serait même pas un grand miracle de RER, prescience; non, c'est un résultat simple de notre organisation pénitentiaire ou, comme on vient de le:voir, d'un bon aménagement; c'est tout uniment le calcul d’un entrepreneur qui additionne d'avance les toises d'ouvrage d'après la quantité de bras qu'il emploiera. Nous savons combien nous avons de libérés, nous savons aussi, d'après le compte des forçats à temps, combien à la fin de l'année nous en aurons en sus; nous nignorons pas davantage que ces libérés, mis en liberté, n'auront aucun moyen de vivre en travaillant, puisque per- sonne ne voudra leur procurer de travail. Con- séquemment, s'ils ne consentent pas à se laisser mourir de faim ou si vous-même ne conseniez pas à les nourrir sans rien faire, il faudra bien qu'eux aussi volent ce qu'on ne leur donne pas ou ce qu'on ne leur permet pas de gagner honnêtement. D'après cela, notre calcul est facile : autant de libérés sans travail autant de gens vivant aux dépens d'autrui ; et si cent individus ont recu leur exéat du bagne, vous pouvez être assuré que ce sont cent crimes contre les personnes ou les propriétés qui seront commis avant peu, soit que chaque libéré en commette un seul, soit qu'une partie s'abstienne et que les autres en commettent chacun plusieurs. Il n'y a donc pas moyen d'en douter: non seu- lement nous aimons les voleurs, mais nous aimons à les voir à l'œuvre. Si nous les mettons au bagne, c'est pour qu'ils se perfectionnent dans l’art de 2 AR A , voler; si nous les en faisons sortir, c'est pour qu'ils mettent cet art en pratique; si nous les ré- intégrons dans ce bagne, c'est pour qu'ils se re- posent de leurs travaux et qu'ils instruisent les autres, s'ils sont vieux, ou qu'ils s’intruisent encore eux-mêmes , s'ils sont jeunes. Cela peut vous paraître étrange, et pourtant les faits sont de la plus exacte vérité. Quant à l'intention, je conviens qu'elle n'est pas précisément de faire ce qui arrive; mais, comme on le fait néanmoins, cela revient absolument au même. Remarquez que je n accuse en rien l’admi- nistration; car ce n'est pas le résultat d'une négli- gence, d'un laisser-aller , de la fausse application du règlement, d'abus enfin; non, c'est la suite de ce règlement même et de sa bonne et loyale exécu- tion. Matériellement et administrativement , tout est bien dans les bagnes, si bien que les trois-quarts des ouvriers de nos villes n'ont pas en logis, vé- tements, nourriture et surtout en tranquillité d'es- prit, la moitié du bien-être qu'a ce forçat qui, ne travaillant qu'à son aise et souvent pas du tout, n'en est pas moins sûr de son pain quotidien, sans craindre que femme et enfants lui en mangent la moitié, et qui a ainsi tout le loisir et toute la santé nécessaires pour perfectionner son éducation de voleur et préparer une nouvelle campagne. J'ai déjà dit que ceci se passait au su et vu de l'administration. Elle connaît les professeurs, elle Es connaît les élèves, elle connaît les leçons; mais qu'y faire? L'administration n’a pàs pour mission de prêcher les forçats ; elle ne s'est pas engagée à les rendre honnêtes gens; elle s’est seulement chargée de les tenir en santé et de nous les représenter frais et dispos, le jour de leur sortie. Elle remplit fidèlement son mandat, c'est tout ce qu’elle est tenue de faire, et elle manquerait à son devoir si elle ne le faisait pas. Ce n'est donc pas elle que je blâme, c’est seulement le législateur qui aurait bien fait d'ajouter à l'hygiène quelques préceptes de morale. Je sais qu'on pourra me répondre : à quoi bon ? les choses marchent si bien ainsi; la progression des crimes est si mathématiquement régulière; les chiffres des condamnations sont si bien groupés; les colonnes des tableaux si uniformément remplies ; enfin, en voyant ce qui est, on sait si nettement ce qui sera, qu'en vérité ce serait dommage de dé- ranger un si bel ordre et de risquer, par un déficit dans les délits, d'avoir une colonne en blanc ou une série incomplète ! Alors, essayons d'un autre moyen. Ouvrez toutes les portes de vos bagnes et faites maison nette. Quoiqu'il en advienne, ce ne pourra être pis que ce qui est; vos vagabonds seront plus nombreux sans doute, mais ils seront moins savants, dès lors moins en état de vous nuire; et, ce qui serait un bienfait imappréciable, votre boîte de = As Pandore, votre grand conservatoire de crimes et de délits aurait cessé d'exister. Avez-vous calculé tout le bénéfice d’une telle sup- pression? Personne de vous ne doute que la mor- talité ne soit proportionnellement plus grande dans une foule entassée sur un même point que dans un même nombre d'individus convenablement espacés. Eh bien! ce qui a lieu physiquement se répète au mo- ral, et la plaie de l'âme s'aggrave d'autant plus que la foule est plus compacte. Alors voyez ce que ce doit être quand cette masse est entièrement composée du rebut d'une population ou de tous les grands criminels d'un pays; jugez à quelle horrible démoralisation peu- vent s'élever des milliers d'êtres corrompus, ainsi parqués. La perversité de chacun s'accroît de la per- versité de tous; ses vices se composent de tous leurs vices; il se fortifie de leur exemple, de leurs conseils, de leur jactance même, car il en est qui, forçant leur nature qui n'était pas mauvaise, sont parvenus à une méchanceté factice, à un délire de dépravation qui, en attendant l’occasion de se réa- liser, se manisfeste en orgies de paroles et en fan- faronnades de crimes imaginaires, mais qui ne le seront pas toujours, car ce que l'un invente sans l'avoir fait ni même sans avoir l'intention de le faire, un autre , qui ne l'aura pas inventé, le fera. C’est ainsi que tant de monstruosités, tant de cruautés sans nom remplissent les journaux qui, de leur côté, y aident de leur mieux ; en les publiant. Jamais MT l'homme isolé, l’homme en liberté n'en aurait eu l'idée. Pour la faire naître, il fallait des bagnes, leur régime et l'imagination de six mille bandits réunis. Quand la peste a paru sur la terre, ce fut aussi au milieu d'une grande armée ou d’une vaste capi- tale ; il ne fallait rien moins que les miasmes d'un million d'hommes pour la produire. On ne peut donc se le dissimuler: c’est dans les pri- sons que la dissolution parvient à son apogée; c’est là que se conçoivent et s'élaborent les plus grands crimes; c'est des prisons enfin que sort la pres- que totalité des scélérats qui annuellement vont à l'échafaud. Lors de leur premier emprisonnement, ces hommes étaient-ils pervertis à ce point ? Assurément non. Ce malheureux pâysan poussé par la faim, et ignorant ce qui constitue les circonstances aggravantes, a esca- ladé un mur et brisé une clôture pour voler un pain. Sans doute il a commis un délit; ce n’est done plus un honnête homme dans l’acception du mot; c'est même probablement le plus malhonnête de son village, puisque c’est le seul qui ait volé, peut-être parce que c'était le seul qui avait faim. Quoiqu'il en soit, 1] a été pris, condamné et jeté au milieu de cette masse de scélérats. Alors, lui, le moins hon- nête homme de son village, est aujourd'hui , tou= jours comparativement, le plus honnête du bagne. D'abord, sa conscience en sera soulagée ; il pourra même être fier de cette honnêteté relative, mais EN)". bientôt, hué, bafoué en raison de l'insignifiance mème de son délit, par des gens qui n'ont travaillé qu'en grand, il voit les choses sous un autre aspect; il ne comprend plus comment il a risqué sa liberté pour un pain, et c'est alors qu'il se repent, non d'avoir volé , mais d'avoir volé si peu, et qu'il se pro- met bien, dès qu'il sera libre, de réparer sa faute. De ce moment, il se met à étudier la théorie du crime ; et cet homme, qui n'était qu'égaré , devient en peu de temps non moins pervers que ceux qui l'entourent. Ainsi loin de le rendre meilleur la punition l’a dépravé. Que doit-on en conclure sinon que les conséquences de la peine sont dix fois pires pour le condamné, que la peine même, «et que le dommage que lui fait la loi est hors a éportion avec celui qu'il a causé à la societé. Quant à la société, qu'a-t-elle gagné à cela? D'un homme qui ne demandait qu'un peu de pain, d’un homme à peu près inoffensif, elle a fait un être dangereux qui, toute sa vie, sera en hostilité contre elle. Maintenant supposez qu'au lieu de ce pandœmo- nium, de cette légion de démons au milieu desquels il a été jeté par la loi à la cour d'assises, ce voleur de pain fût tombé dans un cercle d'anges ou seu- lement d'hommes qui se füssent donné autant de peine pour en faire un cœur honnête que les autres en ont pris pour le rendre malhonnète, on peut croire qu'il fût devenu aussi ami du bien qu'il _— (49 — l'est aujourd'hui du mal. Alors, pourquoi la réaction serait-elle impossible? Pourquoi, vous, hommes de vertu et de science, ne feriez-vous pas ce qu'ont fait dés coquins ignares? La grossièreté malveillante et folle est-elle plus persuasive que la douceur et la raison ? | Il.est.sans doute des criminels incorrigibles ; mais ce: n'est pas le grand nombre: il n’est aucun homme qui n'ait son côté honnête, il ne s'agit que de le trouver et d'en tirer parti. La plupart des dé- fauts , ne l'oublions pas, ne sont que l'exagération d'une qualité ou sa fausse application : l'amour de la propriété qui, poussé à l'excès, a fait de ce villageois un larron, en aurait fait, si cet amour avait été modéré et contenu dans les bornes de la justice, un commerçant estimable , un gardien fidèle ou un ouvrier laborieux. Le crime est donc moins la conséquence d’une intention perverse ou d'un penchant au mal, qu'un calcul d'intérêt ou d'amour-propre, et souvent il annonce un mauvais jugement bien plutôt qu'un mauvais cœur. Qu'on parvienne à rectifier ce juge- ment et à donner une bonne direction à l'intelli- gence et aux passions , les forfaits deviendront rares et la récidive plus rare encore. Remarquez bien que cette récidive peut tenir autant aux cir- constances qu'à la volonté. Notre civilisation ne semble pas admettre le repentir: une première faute met une barrière insurmontable entre le 4 _—_ ED. — coupable et la vie légale; non seulement nous n'en- courageons pas ses efforts vers le bien, mais nous les repoussons de tous les nôtres ; nous lui opposons à la fois le mépris et la faim , et, par des obstacles à peu près invincibles, nousle replaçons, quel que soit son dégoût, dans la voie du crime. Pour sorür de ce cercle vicieux , qu'avons-nous fait? Beaucoup, me dira-t-on. En eflet, depuis quelque temps, on n'a rien négligé pour l'embellissement des maisons pénitentiaires; la preuve en est dans le nombre presqu'incroyable de plans de prisons qui rem- plissent les cartons des ministres. Oui, nous avons étudié à fond la forme à donner aux cellules, à leurs portes, à leurs fenêtres? Nous savons’au mieux com- ment doivent être dessinés un préau, un chaufloir, une salle commune ; nous avons les meilleurs mo- dèles de guichets et de grilles, et nos lits en fer ; leurs sommiers et leurs couvertures ne laissent rien à désirer ; enfin nous avons tout examiné , tout appro- fondi, tout analysé, sauf le prisonnier lui-même. Après nous être si consciencieusement occupé: du logis, ne serait-il. pas bon de songer à celui qui l'occupe? À cet égard, nous sommes fort en arrière; même des peuples chez qui la civilisation passe pour moins avancée que la nôtre , et les essais que nous avons faits sur une échelle d’ailleurs assez petite, sontencore irop, nouveaux pour qu'on puisse bien juger des ré- sultats. À défaut de notre propre expérience , pour- quoi ne pas. profiter de celle des autres. Depuis \ EE longtemps les Américains, pour arriver à cette amé- lioration morale de leurs criminels, ont essayé de deux moyens : l'isolement complet et ie demi-isole- ment. Dans le premier, le prisonnier enfermé dans sa cellule ne sort jamais ; il ne communique avec per- sonne : - son isolement est absolu le jour et la nuit, et son désœuvrement entier. Dans le second, le prisonnier n'est solitaire que la nuit: le jour il est réuni à ses co-détenus. De ces deux manières, la seconde semble préfé- rable; l'isolement absolu est propre à jeter le pri- sonnier dans le désespoir et l’abrutissement, surtout quand on le laisse imoccupé. £ "Si cet isolement absolu est utile, ce ne peut être que dans des cas’ spéciaux, c'est-à-dire quand il s'agit de condamnés redoutables, ou nuisibles par les exemples et les conseils qu'ils donnent aux autres, ou bien encore d'hommes coupables de grands crimes et qu'en expiation Ja loi a livrés à leurs remords et condamnés à la solitude. D'après ceci, on voit que c'est moins l'isolement des prisonniers que nous demandons, que le triage de ces prisonniers et la séquestration des hommes dangereux. La difficulté est de connaître ces hommes dangereux, de distinguer les êtres foncièrement gan- grénés de ceux qni ne le sont qu’en partie. C’est donc le caractère de chaque condamné qu'il faut étudier, car avant de traiter un malade on doit — 52 — connaître sa maladie. | Habitués que nous sommes à mettre tout à l'en- treprise et en adjudication , même la vie et la con- science, cette moralisation par tête, ces conver- sions une à une vont sembler d'une réalisation impossible et une véritable utopie. Autant d'indi- vidus , autant de régimes, dira-t-on. Je répondrai: pourquoi pas; est-ce que dans vos hôpitaux, vous saignez et purgez par chambrée ! Si vous traitez vos malades selon leurs maladies, traitez aussi vos méchants selon leur méchanceté, ét vos vicieux selon leurs vices. Le sulfate de quinine guérit la fièvre et non la goutte; telles paroles , telles lectures, tels exemples feront effet sur cet artisan meurtrier, sur ce rustre incendiaire , sur ce vagabond voleur, et ne pourront rien sur ce faussaire homme du monde, sur ce notaire, sur cet avoué, sur cet agent de change , spoliateurs de leurs clients. À chacun il faut parler sa langue. Sans doute, après une longue cohabitation , les nuances de ces divers types de fri- pons s’affaibliront: par son audace, son mépris de la vie des autres, son amour du sang hautement avoué, l'assassin rendra le faussaire cruel, tandis que celui-ci rendra le meurtrier voleur en lui prou- want, la loi à la main, qu'il ne lui en aurait pas plus coûté pour tuer et voler que pour tuer sans rien prendre. Mais ce résultat, dans lequel vous trou- verez une nouvelle preuve du danger de réunir les cri- minels, n'est.probablement pas celui que vous cher- DC (ous chez. Conséquemment, pour première condition de l'amélioration des prisonniers, je demanderai leur di- vision, non par catégories de taille, mais de moralité et de bon vouloir. La grande armée des bagnes, si fière du nombre et de la force de ses soldats, étant ainsi divisée, par compagnies , escouades et pelotons , répartis sur des points divers, cesserait d'être me- naçante. En vain on m'opposera la difficulté de garder des hommes disséminés, et la dépense. qui en résulterait. Quant au premier point, la difficulté nest pas plus grande que de les garder en masse. En ce qui concerne la dépense , je demanderai combien, vous déboursez annuellement en frais d'assises, de juges, de témoins, de gendarmes, d’es- pions, et de plus en ferrures, en prisons, en échafauds, en bourreaux ? Quand vous m'en aurez donné le chiffre, je vous prouverai qu'il vous en aurait coûté pour prévenir le crime moitié moins qu'il ne vous en coûte pour le punir. Ainsi, soit qu'on augmente le nombre des prisons, soit que l’on fractionne celles qui existent aujourd'hui, les prisonniers qui n’au- raient, pas été condamnés à la réclusion solitaire seraient divisés par classes ou séries, établies, non sur leur culpabilité passée et le plus ou moins de durée de leur peine, mais sur leur caractère et leur conduite présente. Les hommes, véritablement pervers ou affectant cette perversité, les professeurs de crimes , seraient séparés de leurs co-détenus, comme on sépare les sb MD lépreux des gens sains. Ils seraient soumis à la pri- son cellulaire et à l'isolement absolu, sauf à faire cesser.ce régime s’ilss’amélioraient. On leur fournirait des moyens d'occupation appropriés à leur éduca- tion, à leuraptitude, àleur bonne volonté. Je ne verrais même pas d'inconvénient à ce qu'en récompense d'une amélioration de conduite, on permît aux prisonniers d'étudier et d'écrire, et qu'on leur confiät des livres et même des instruments de musique, de dessin, etc., sauf à les leur retirer s'ils en abusaient. Les prisonniers de la catégorie suivante, ou mi dangereux, ne subiraient qu'un demi-isolement : à certaines heures du jour, ils seraint réunis aux prison- niers de la mème série. On pourrait même, s'ils étaient vieux ou infirmes, ou si leur amélioration était sensible, les loger par couples. Ceux de la troisième catégorie seraient assortis par groupes plus ou moins nombreux, selon qu'on trouverait des caractères pouvant, sans se nuire mora- lement, sympathiser entr’eux et se livrer à un travail commun. $ Une 4° catégorie comprendrait les prisonniers qui, par une bonne conduite auraient mérité un adou- cissement de peine. Ceux-ci pourraient être chargés de diverses fonctions intérieures et jouir ainsi d’une demi-liberté. Les prisons des femmes, toujours séparées de celles des hommes, seraient organisées d'une ma- nière analogue, et autant que possible dirigées par ce ER des femmes. En outre des prisons ordinaires, il serait bon d'avoir des maisons de refuge, sortes de couvents dont là direction serait confiée à des religieux ou religieuses des ordres travailleurs. À chacune de ces maisons serait jointe une ou plusieurs fabriques, ou “une exploitation agricole, ou simplement horticole sil s'agissait de femmes. .: Dans ces établissements de culture, il sera sans doute bien difficile de prévenir les évasions, mais une peine sévère, telle que la déportation ou l'em- prisonnement cellulaire, préviendrait bien des ten- tatives. Au nombre des maisons de refuge, il y en aurait dont les règles, plus ou moins rigoureuses, permettraient, en faisant passer le condamné de l'une à l'autre, d'alléger ou d’adoucir sa peine selon sa conduite. Le régime ou la nourriture de ces maisons, et la privation d’eau-de-vie et autre liqueurs alcooliques qui, malgré la défense, pénètrent encore dans les” prisons, pourraient, sans altérer la santé du con- damné, influer sur son tempérament ou ses habi- tudes, et contribuer à affaiblir ses mauvais penchants. Par exemple, ce prisonnier querelleur, la terreur de ses co-détenus et même de ses gardiens, cet homme qu'une surabondance de vie et de force, ou que la fermentation d'un sang embrasé rend féroce et peut à tout instant conduire à l’échafaud, perdrait certainement de cette férocité, si, confiné dans un er couvent de trappistes, il n'avait d'autre red que celle de la maison. | Quels que füssent d'ailleurs l'âge, le sexe et'la classe dans laquelle le condamné serait rangé, son amélioration morale amènerait un adoucissement de position. Sa nourriture , son coucher deviendraient meilleurs; la nature du travail serait de son choix ; puis il passerait d'une classe dans une autre, et de la prison dans les maisons de refuge, si le régime en était plus doux , ou s'il en avait manifesté le désir. Une œuvre remarquable dans un genre quelconque pourrait aussi contribuer à faire adoucir le sort du prisonnier qui en serait l’auteur. C'est après avoir traversé cette filière de morali- sation que, réndu à la liberté, il serait enfin confié à la société de patronage. Les patrons qui voudraient se dévouer à cet acte de charité pourraient même s'oc- cuper de ces malheureux avant leur libération, et porter leurs secours et leurs lumières jusque: dans les prisons et les maisons de refuge. Cette intervention n'aurait lieu que de concert avec les directeurs de ces maisons; car, si des moyens divers doivent être employés selon le caractère de chaque prisonnier, il faut pourtant qu'il y ait umité dans l'emploi de ces moyens. La société de patronage aura donc une double mission : 1° l'assistance et la moralisation des classes pauvres, c'est-à-dire deS artisans, manouvriers , cul- tivateurs , etc., qui seraient associés de l'institution \ En 0 sous le titre de patronés ; 2° l'assistance et la morali- sation des condamnés et des libérés. Les condamnés ne sauraient faire partie de l'associa- tion; les libérés pourraient, sur la demande d'un certain nombre de membres et à des conditions qui seront spécifiées, être admis comme patronés. Après avoir posé les bases de l'institution du pa- tronage et rappeléles causes qui la rendent nécessaire, nous allons indiquer comment on pourrait la rendre durable, car, ce n’est pas dès les premiers jours qu'on peut amener une réforme, c'est avec le temps et la persévérance. | : Un bon règlement est le premier moyen comme la première garantie de durée de toute association. C'est ce règlement qui dès le principe la tuera'ou lui donnera la force de vivre. Je n'ai pas la prétention de le tracer. Un tel travail demande de longues réflexions. Si je présente. quelques for- mules d'articles, c'est seulement comme renseigne- ments ou éléments offerts à la discussion. La société serait composée des propriétaires, In- dustriels, fonctionnaires, enfin des citoyens nota- bles, qui, selon leur fortune , leur influence ou leur capacité, consentiraient à patroner , c'est-à-dire, à di- riger comme tuteurs ou conseils une ou. plusieurs familles, un ou plusieurs individus de la situation desquels ils s'engageraient à rendre compte tous les trimestres à un comité pris dans le sein de la société. - — Ici, il y aurait à déterminer les droits des pa- trons et les devoirs des patronés. Ces droits ne pourraient être, en supposant que la loi civile püût dans ce cas servir de modèle, qu'une sorte de délégation de famille où de pouvoir paternel. Con- séquemment les devoirs seraient ceux d'un fils en- vers son père, d'un pupille envers son tuteur, ou d’un élève envers-son professeur. - Rien de bien difficile à soumettre les patronés à cette obéissance de famille, si tous étaient des enfants; mais il n’en sera pas airsi, il y en aura de tout âge. Alors, comment amener des hommes faits, des vieillards, tous gens habitués à l'indépendance, à vous initier au budget de leur ménage et à vous déclarer à la fin de chaque semaine , non seulement ce qu'ils ont gagné et ce qu'ils ont dépensé, mais comment ils l'ont gagné et comment ils l'ont dé- pensé. Sans doute, s'ils ont un intérêt à vous avoir pour patron, ils vous présenteront un cofmpte, mais ce compte sera-t-il exact? Pour les amener à cetie exactitude, et, d'abord, à supporter ce contrôle, il faudrait que loin d'y voir une humiliation ils y fûssent portés par un sentiment d'honneur; il faudrait enfin qu'ils se considéras- sent moins comme vos subordonnés , que comme vos associés ou vos confrères dans l'institution. Le patroné ferait donc, comme le patron ,- partie de la société, et l’un des articles fondamentaux serait ainsi conçu: - L'association du patronage se compose de patrons DOME et de patronés. Tout patroné peut devenir patron s'il remplit les conditions nécessaires. Par contre, tout patron qui cesse de les remplir devient patroné, s’il veut continuer à faire partie de l'association. Un autre article déterminerait les conditions d'ad- mission, soit comme patron, soit comme patroné, admission qui, dans l’un ou l’autre cas, n’aurait lieu qu'après une sorte de candidature ou de surnumé- rariat, et un scrutin. Il n'est pas inutile de dire qu’en prenant l’enga- gement de se conformer au règlement, chaque associé se soumettrait à en subir les conséquences. Ces conséquences pourraient être la suspension ou la ra- diation, seules punitions qu'après avertissement, re- montrances et annotations, la société aurait le droit d'imposer. Les suspensions et les radiations, de même que les admissions, seraient soumises au scrutin auquel prendraient part les seuls membres des comités. Ces comités, choisis parmi les patrons aux- quels on pourrait adjoindre un certain nombre de patronés, seraient également désignés par le scru- tin et renouvelés annuellement ou plus souvent, s’il était nécessaire. La répartition des patronés entre les patrons aurait lieu selon les localités, les quartiers, les convenances de voisinage, ou bien encore de gré à EC gré, et par un accord entre les parties ; maïs aucun arrangement ne serait valable qu'après avoir été sanctionné par les comités. . Lorsque les comités désigneraient d'office les pa- trons: aux patronés, ils donneraient à ceux-ci les patrons qui, selon leur état ou leur position, pour- raient leur être le plus utiles. Il est bien entendu que toute famille serait mat- tresse de refuser un patron ; mais si ce refus n’était basé que sur des motifs peu valables ou s’il ‘s’éten- dait sur un trop grand nombre de patrons, ces familles :cesseraient de faire partie de l'association. Il en serait de même de celles qui, incorrigibles ou indisciplinables, auraient été successivement:aban- données par tous leurs patrons. | Les engagements de. patroné à patron et: réei- proquement, pouvant se renouveler indéfiniment , ne seraient pris que pour un temps fort limité: à la fin de chaque trimestre, tout patron aurait le droit de. décliner son patronage et de repousser un individu ou une famille dont il serait mécontent, à charge. d'en choisir ou d'en accepter immédiate- ment une autre, si les motifs par lui-produits ne paraissaient, pas au comité de nature à l'en dispenser pour un temps:4 Tout patroné aurait la faculté de se plaindre au comité, d'un patron dont la conduite serait mau- vaise ou qui ne s’occuperait pas de lui, ou: bien encore qui abuserait de sa position pour exiger:.ce GE \ 4 qui ne serait pas dû. Si la plainte était reconnue fondée, le patronage pourrait être retiré d'office par le comité au patron négligent ou dérangé.: Aucun patron ne devant se charger d'un plus grand nombre de patronés que ses moyens ou ses occu- pations ne le lui permettent, toute personne quivde- manderait ou accepterait le patronage d’une famille indiquerait sommairement au comité quelles sont ses intentions envers cette famille, et le temps et l'argent qu'elle compte employer à son œuvre. Nul patron ne pourrait intervenir dans la direc- tion d'une famille confiée à un autre patron, à moins que ce ne fût du consentement de celui - ci. Les comités seuls ou les membres délégués par eux auraient droit d'intervenir d'office. Après avoir pris lattache du comité, un patron pourrait déléguerses pouvoirs à unautre patron etmême à un patroné d'une capacité notoire, mais seulement pour un tempslimité. Il pourrait également les confier à un membre de sa famille, fils, frère ou neveu, et même fille, femme ou sœur. : Le droit de patronage n'est pas spécial aux hommes; toutes Les femmes qui présentent les mêmes:conditions de fortune ou de charité peuvent être admises dans la société, sous le titre de dames où demoiselles patronesses. Leur admission est également soumise au scrutin. r Les: familles de patronés qui seraient, en majeure partie, composées de femmes, seraient, autant que pos- “ EN : sible, confiées aux dames patronesses. Quand les localités le permettront, . plusieurs pa- trons pourront, avec l'autorisation des comités, s’as: socier pour régir en commun un certain nombre de familles qui s’associeraient elles-mêmes pour travailler ensemble, ou bien encore pour leurs dépenses de nourriture, de chauffage et même de logis, toutes choses qui deviennent moins coûteuses quand on les rend collectives. Quand un patroné voudra changer d'état ou mettre en apprentissage l'un de ses enfants, il consultera son patron. Le choix d'un métier est une affaire grave ; de là dépend souvent le bonheur ou le malheur d'une vie entière. La légèreté avec laquelle les pa- rents font ce choix pour un enfant dont ils ne consultent ni les goûts ni les dispositions, est cause que chacun, sauf des cas assez rares, apprend le métier pour lequel il est le moins propre, et dès lors qu'il doit faire toujours mal ou avec répugnance. C’est donc à l’époque de l’apprentissage que l'influence éclairée du patron et les essais qu'il pourra faire ‘sur la vocation du jeune PS auront une) grande importance. - Son premier soin sera qu'on n’attende pas trop tard pour inspirer l'amour du travail aux enfants ; car ils ne l’auront jamais si on leur laisse passer trop d'années dans une oisiveté absolue. D'un autre côté, il empêchera. que ces enfants, et notamment ceux. des villes de fabriques, ne soient — 169 — envoyés trop jeunes dans les ateliers et soumis à des travaux excessifs. Quant à l'éducation ou à l'instruction religieuse, elle restera dans les mains de ceux qui, par état ou par devoir, en sont spécialement chargés. Les patrons veilleront seulement à ce que les enfants soient en- voyés aux écoles et remplissent leurs devoirs de re- ligion. Le patronage ayant aussi pour but de prévenir le vagabondage, tout patron devra avertir le comité quand un de ses patronés aura disparu. Lorsqu'un patroné quittera une ville pour aller s'établir dans une autre, il lui sera délivré un livret, et si, par sa conduite et son habileté dans sa pro- fession, il a mérité une attestation favorable, il pourra être admis sur cette attestation dans la société de patronage de la ville où il prendra son nouveau domicile. | Un certain nombre de patronés d'une charité éprouvée seraient, sur leur demande, chargés de la moralisation des prisonniers et des libérés. Les prisonniers ne pourraient avant leur libération obtenir le titre de patronés. “Les libérés n'acquerraient cette qualité qu'après un temps d'épreuve et lorsqu'ils auraient donné des garanties de conduite et de moralité. Leur admission au rang de patroné complèterait leur réhabilitation et conférerait au réhabilité lesmêmes droits qu'aux autres patronés. ee Nous avons dit que les peines applicables aux pa- trons comme aux patronés, seraient la remontrance, l'annotation, la suspension de fonctions, enfin la radiation. Les récompenses seraient des mentions ho- norables, l'admission dans les comités:et même, pour les patronés, le titre de patrons honoraires. Mais des rémunérations plus substantielles seraient peut-être nécessaires, et si une cotisation annuelle permettait d'avoir une caisse commune ; On délivre- rait de temps à autre des médailles d'honneur, des livrets sur la caisse d'épargne ou des instru- ments de métiers aux patronés les plus méritants: ‘Je n’étendrai pas plus loin cet aperçus il suflira pour faire comprendre comment nous entendons le patronage. Ce n’est pas une partie de sa. liberté que nous demandons au peuple; cette liberté n’est déjà que ‘trop restrete par la misère; c'est sa confiance. Qu'il sache que les droits et:lés devoirs sont ici réciproques. Sans doute on ne peut pas dire qu'il y ait égalité entre le patron: et: le patroné ; il y a entre eux toute la distance de l'avoir au non avoir, ou bien encore du savoir à l'igno- rance; mais, inégaux sous ce rapport; ils ne: font pas moins partie d’une même association , et d'une “association où tous les rangs sont ouverts à chacun! puisque ‘tout patroné peut devenir patron; et: que ce‘patron lui-même, par suite d' un’ revirement de fortune ; peut se trouver dans la classe des patronés. Il ne s’agit donc que d’une confraternité qui n'est 65e dégradante pour personne, confraternité qui pré- sente à l’homme aisé le moyen d'aider celui qui ne l'est pas, et à celui-ci la possibilité de se rappro- cher de l'homme aisé. Rien ici qui puisse blesser l'orgueil du. pauvre; rien non plus qui préjudicie aux intérêts du riche, car je ne pense pas qu’en s'associant au patronage il dépense beaucoup plus que ce qu'il donne annuellement en aumônes. La mesure ne nuirait pas davantage aux anciens chents de ce riche ou à ses pauvres ordinaires, puisqu'il pourra les choisir pour patronés; seulement l'association exigera qu'il s'occupe un peu plus de l'emploi qu'ils font de ses dons; et des moyens qu'ils prennent pour n’en avoir plus besoin. Leur faciliter ces moyens, ne le perdons pas de vue, est un des devoirs du patronage. Bien des procédés ont été mis en œuvre pour fare cesser le malaise des classes ouvrières, mais aucun n'a complètement réussi. Essayons donc de celui-ci. Il n’a rien de bien difficile, ni même de bien neuf, puisqu'il ne consiste qu'à régulariser et étendre ce que tant de personnes font déjà. En secourant le pauvre honnête, n'abandonnons pas celui qui ne l'a pas toujours été. Quand le con- damné a subi sa peine, il est aux yeux de la loi quitte envers la société; ne soyons pas plus sévères que cette loi. S'il a le désir de revenir au bien, secondons ce désir: s'il ne l’a pas, tächons de le lui inspirer. Il n’est pas de scélérat, quelque noir ’ 9 sé de crimes qu'il paraisse, qui nait eu ses Jours d'innocence; faisons en sorte qu'il s'en souvienne et qu'il les regrette; alors il sera bien près de revenir au bien. Sans doute ces cures sont difhiciles et demandent un grand dévouement, mais aussi le résultat est beau. Nous l'avons dit: il ne peut y avoir d'œuvre plus noble, plus méritoire que de faire d’un criminel un honnête homme, et celui qui y parvient, nouveau créateur, se rapproche véritablement de la divinité. Tentons-le donc en n’oubliant pas que l'ordre, l'ensemble et surtout la persévérance sont les conditions premières de tout succès. | Abbeville, le 8 Mai 1846. J. BOUCHER DE PERTHES. HISTOIRE, ARCHÉOLOGIE. 7100 7 FES) RECHERCHES SUR UNE COLONIE MASSILIENNE ÉTABLIE DANS LE VOISINAGE DE L'EMBOUCHURE DE LA SOMME, Pour le trafic de l'étain et des autres productions de la Grande-Bretagne. AVEC UNE CARTE Représentant l'emplacement de cette colonie. Par ANDRÉ DE POILLY , licencié de la faculté des lettres de Paris. Les patois et les noms propres de lieux me paraissent des mines presque intactes et dont il est possible de tirer. de grandes richesses historiques, Le comre ne Maistre, Soirées de Suint-Pétersbourg. T. 1. Page 122, à lanote CHAPITRE !I°. Les Carthaginois. — Détroit de Gadès. — Les Oestrymnides ou Cassitérides. — Principal but du voyage aux Oestrymnides. — Moyens mis en usage pour tenir cette navigation secrète. — Comment le commerce se faisait aux Oestrymnides. — Premier indice que les Carthaginois ont visité les bords de la Somme. D'irrécusables témoignages historiquesattestent que les côtes septentrionales de la Gaule ont été explorées, dans une haute antiquité, par deux peuples rivaux: les Carthaginoiïs et les Massiliens. Avant de nous occuper de ceux-ci, il est nécessaire que nous jetions sur les premiers un coup-d'oœil rapide. pes Carthage était une des nombreuses colonies de Tyr, la plus puissante des villes de la Phénicie. Plusieurs siècles avant l'ère chrétienne, ses marchands, à l'exemple de ceux de la métropole, osaient déjà franchir le détroit de Gadès {Gibraltar). Deux de ses amiraux, Hannon et Himilcon, qui, d’après le té- moignage de Pline (1), étaient contemporains, et dont le premier longeait les côtes de l'Afrique, tandis que l’autre s’avançait au nord vers les îles Oestrym- nides, ont laissé des périples ou relations de voyages maritimes qui lèvent tous les doutes à cet égard. Le début de la première de ces relations nous apprend qu'onla conservait à Carthage dans le temple d'Hercule, où l'auteur lui-même l'avait déposée. Tout porte à croire qu'une mesure semblable avait été prise pour assurer le même degré d'authenticité au périple d'Himilcon, dont le début est perdu. L'estimation du temps où ces périples ont été écrits varie beaucoup. Bréquigny et Bougainville, qui les font remonter, l'un vers 500, l’autre, vers 570 avant l'ère chrétienne, paraissaient avoir approché le plus de la vérité. On trouvera les autres estimations dans la Biographie universelle, article: Hannon, par M: Raoul Rochette. (4) Hanno, Carthaginis-potentià florente , arcumvectus à ,Gadibusad finem Arabiæ , navigationem prodidit scripto, sicut ad extrema Europæ noscenda missus eodem tempore Himilco. Peixit list, natur, Wib. 2. Cap. 67. MEL NES Quant aux iles dont il est ici question, disons, d’après la même autorité, que « M. Gosselin (1) a » démontré jusqu'à l'évidence, l'opinion déjà sou- » tenue par Camden, que les Oestrymnides d'Himilcon, » les Cassitérides des Grecs et des Romains, sont » les Sorlingues ou Scillies des Anglais modernes.» Tout le monde sait que la plus précieuse des mar- chandises que les Carthaginois allaient chercher dans ces îles, était l'étaun, devenu pour eux une source inépuisable de richesses. Himilcon dit, d’après sa propre expérience, qu'il leur fallait quatre mois de navigation pour parvenir de Carthage au pays qui produit ce métal. Mais comme ils avaient une foule de colonies en decà et au delà du détroit de Gadès, il est probable que leur point de départ le plus or- dinaire était un des ports de cette partie méridionale de l'Espagne qui s'appelle aujourd'hui Andalousie. Du reste, il n’est pas de bruits absurdes qu'eux et les Tyriens, leurs prédécesseurs, avec qui les écrivains grecs les ont quelquefois confondus sous le nom générique de Phéniciens (2), ne fussent par- venus à accréditer sur les dangers de cette navigation et les obstacles dont ils la prétendaient semée; et Héeren remarque que le géographe Scylax. parlait d'après une cpinon généralement admise quand il (4) Recherches sur la géographie. — Tom. 5, pages 162-163. (2) C'est ce qu’on pourra remarquer dans le passage de Strabon, cité en note à la page suivante. a 60 disait au commencement de son périple , € qu'au » delà des colonnes d'Hercule, du côté de l'Europe, » quand on avait dépassé les nombreuses colonies » des Carthaginois, on ne trouvait que de la vase, » des terrains inondés et des mers (1). » Le secret de cette navigation fut si bien gardé, que les peuples commerçants de la Grèce, quoique leur génie investigateur dût ici se trouver stimulé par l'intérêt, restèrent{ toujours dans l'ignorance à cet égard. « Les Romains eux-mêmes, dit M. Raoul » Rochette, partagèrent cette ignorance longtemps » après que la destruction de Carthage les eut mis » en possession des titres et des archives de cette » cité rivale... tant avaient été ingénieuses les précau- » tions des Carthaginois pour se réserver le commerce » des Cassitérides. (2) » Il faut ajouter que, pour s'assurer le monopole de ce commerce, tous les moyens paraissaient légi- times à ces avides marchands. Strabon raconte que le commandant d'un de leurs navires se voyant poursuivi par des Romains désireux d'apprendre cette route que Carthage avait tant d'intérêt à cacher, se précipita de son plein gré dans des lagunes où ces imprudents s'engagèrent et trouvèrent la mort. Pour (1) Aro rôv Hoaxhsioy ornÂGv roy ëv Evporn éuropix mod rüv- Kapyndoviov, zat mnl0S var mnpuvpides, xa medéyn. Périple de Seylax. (2) Biographie universelle. Article : HimILcox. =) 7 on lui, 1l en fut quitte pour la perte de ses marchandises, dont le prix lui fut payé par l'Etat (1). Le périple d'Himilcon nous apprend que les Car- thaginois étaient obligés, pour commercer aux Oes- trymnides, d'avoir recours aux naturels de ces îles, qui, au moyen de canots construits avec des peaux au lieu de planches, transportaient sur les côtes d’Albion et d'Hibernie (l'Angleterre et l'Irlande) les marchan- dises des étrangers, et leur rapportaient en échange diverses productions de ces deux contrées. Selon Strabon, ces productions, pour la Grande-Bretagne, outre l’étain, étaient le plomb et des cuirs. Les objets d'échange, suivant la même autorité, consistaient en poterie, en sel, en ustensiles d’airain (2). Remar- quons en passant que Jules César, dans ses Commen- taires, indique aussi l'airain comme un métal qui manquait aux Bretons (3). (4) Ipotepov ui oùy Dolyuxss uivor Tyv éuroplay Éate)loy Tautry ëx Toy l'adeicwv, 2LÜRTOUTES naar Th Thadv. Toy Où Popaiwy Emaxoou- Oobvrw vauxipe tit, OmwS ut aürot “voiey Ta éuropeix, obove 0 € _ Le Là % _ 3 A A vavxnpoS ExGy eis Tévayos ébiGals Thy vadv, étayaryov d'eis roy «roy ohebpoy za Tods érouévous, a)ros coün dux Vauryios, Lai arélaGe dnpocixy \ Ka 3 ” , Ty, ©y amébu le popriwy. STRABON Geog. lib. tertius, Sub finem. (2) Mérala Où Éyovres xarrirépou zut uoX6dou, XÉPAUOY GUTL TOUTUY rév dépuérov dualéTrovra, wat Gas, ul yaltouarx pos Tôus EUTOpOUS. STRABO. Id. (3) Ære utuntur importato. — Jul. Üæs, Comment. lib.. 88. ane Quelles qu'aient été l'origine et la cause de cette condition génante de ne commercer dans les deux grandes îles de l'archipel britannique que par l'in- termédiaire des habitants des Oestrymnides; les négociants de Carthage n'ont-ils jamais songé à s’y soustraire, au moins pour la plus considérable des deux ? Dans un temps où, selon l’expression d'Héeren, la navigation était toujours réduité au cabotage (f), où les plus hardis marins, forcés de ne s’avancer que de cap en cap, ne pouvaient hasarder de tra- verser en pleine mer que lorsque les distances étaient peu considérables: ces intrépides marchands n'ont-ils jamais essayé de pénétrer directement jusqu'au pays de l'étain en partant d'un point du continent qui en füt.plus rapproché que ne le sont des Sorlingues les îles mêmes qui se rencontrent près de la côte gauloise, à l'entrée de la Manche? Enfin, ne füt-ce que pour faire leurs échanges avec plus de profit en offrant à un plus grand nombre de con- sommateurs les objets importés, n'ont-ils jamais visité le canal, et fait voile jusqu'au rivage qui regarde le Cantixm, cette florissante province britannique, où dans le suite aborda deux fois Jules-César ? Nous répondrons à ces questions par le récit de plusieurs découvertes archéologiques faites à diverses époques peu éloignées, dans une contrée septentrio- (4),De la Politique et du Commerce des peuples de l'antiquité. Tom. 1. page 32. LT Le nale de la France qui réclamera bientôt toute notre attention. Voici en quoi consiste une de ces décou- vertes; quant aux autres, l'opportunité d'en parler se présentera naturellement dans notre cinquième chapitre. Abbeville, située sur la Somme à vingt-cinq kilo mètres environ de l'embouchure de cette rivière, est toute moderne; c'est ce que personne ne conteste aujourd'hui ; toute fois, la découverte de divers objets antiques, et particulièrement d’ustensiles à l'usage des Romains, a prouvé que bien des siècles avant qu’elle existàt comme ville, des habitations se sont élevées sur une partie de son enceinte actuelle. Dans une deses rues on abaïitit, en 1795, une fausse- porte qui, au temps des comtes de Ponthieu, marquait de ce côté, sous le nom de Porte-Comtesse, la limite de la capitale de leurs états. À la gauche de cette fausse- porte était une vieille tour, dépendance d'une com- manderie de Malte. Elle fut aussi abattue; et au milieu d'un mur extrêmement épais, on trouva dans un vase de terre des médailles Carthaginoises qu'on y avait réunies à un grand nombre de médailles de Posthume, dans l’intention évidente, croyons-nous, d'indiquer que ce fort, élevé sous le règne de cet empereur, succédait à un autre dans les débris duquel on avait recueilli ces précieux témoignages de la présence des Carthaginois dans ces contrées. Ajoutons que, près de cette tour, on découvrit, en continuant les travaux de démolition, des restes d’autres tours Pr R EE 2 dont les fondements, enterrés à une grande pro- fondeur, à cause de l’exhaussement progressif du sol, paraissaient remonter à une antiquité fort reculée. Nous étions à Abbeville quand cette découverte fut faite, ei l'exactitude de tous ces détails nous a été depuis confirmée par d'autres témoins de notre âge. Quant aux médailles puniques, elles furent, dans le temps, envoyées à Paris, et c’est là que fut cons- tatée leur authenticité. Que sont-elles devenues? Nous l'ignorons ({). À ce fait, qui nous semble réunir tous les caractères de la certitude historique, objectera-t-on que si les Carthaginois sont en effet venus trafiquer dans le Ponthieu, ils ont dû y laisser quelques unes de leurs monnaies ailleurs que dans les fondations d’un mo- nument? Il est facile de répondre que c’est là seule- ment qu'ils ont dû en déposer quelques unes, si, après a voir poussé leurs excursions maritimes jusque dans des contrées qu'on croyait alors toucher aux extré- mités de la terre (2), ils voulaient faire passer à la postérité le souvenir de ces audacieuses expéditions. (1) Nous venions de. mettre la dernière main à la rédaction de ces recherches, lorsque M. Louandre publia ( fin de décembre 1844 ) son Histoire d’ Abbeville et du comié de Ponthieu. Nous y avons vu avec la plus grande satisfaction que ce sayant, si recommandable surtout par son exactitude , parle de la découverte des médailles Carthaginoïses ( tom. 1. pages 14 et 15) d’une manière qui justifie pleinement ce que nous disons nous-même. (2) Cette opinion existait encore dans le cinquième siècle après notre ère: car Saint-Jérôme ( Epist. M ad Ageruchiam ), au nombre des peu- OS ee On ne trouve de leurs monnaies ni aux Sorlingues, qu'ils ont si longtemps fréquentées, ni en Irlande, ni en Angleterre, ni sur nos côtes; et la raison en est toute simple: c'est que les Carthaginois, dans tous ces pays, ne trafiquaieut qu'au moyen des échanges. Demandera-t-on où sont, chez nous, les traces laissées sur le sol par les Carthaginois? Comme une pareille question pourrait se renouveler pour les Massiliens, nous rappellerons ici une fois pour toutes que dans l’histoire des anciennes nations commer- çantes, il faut éloigner de l’idée de colonie toutes ées idées accessoires de grandeur, de richesse, d’indestructibilité que les Romains ont accoutumé les modernes à y attacher; et entendre le plus souvent par ce mot de simples comptoirs ou entrepôts, que le trafic des peuples civilisés avec des peuples grossiers rendait indispensables. La riche ville de Milet avait fondé, dit-on, trois cents de ces sortes d'établissements sur les seuls rivages du Pont-Euxin. Où sont, à l'exception de Bysance et d’un bien petit nombre d'autres, les places qu'elles occupaient? Mais pour nous en tenir au peuple dont nous parlons dans ce chapitre, qui n'avouera pas avec Héeren, que les Carthaginois « auraient contrevenu à leur » coutume constante et à leur politique comme né- plades que les Pannoniens transportaient de son temps dans la Germanie, compte les Morins, qu’il appelle extremi hominum. mt Qi » gociants, S'ils ne s'étaient établis sur quelques » points des côtes Septentrionales (de la Gaule) et » surtout aux îles Sorlingues (1)?» Eh bien? quels vestiges reste-t-il de ces lieux consacrés au commerce, qui, malgré le silence de l'histoire, n'en ont : pas moins existé? Aucun. Mais, pourra-t-on nous dire, en admettant que les Carthaginois, à une époque reculée, soient venus jusque sur les bords de la Somme, pourquoi ne sont- ils pas restés dans un pays propre à faciliter leurs communications directes avec l'Angleterre? Nous avouons que cette objection est fondée: car il paraît certain que les Oestrymnides n’ont pas cessé d’être le centre actif de leur commerce de l'étain. Nous répondrons toutefois que si, comme nous le croyons, les Carthaginoiïs ont été amenés par leur génie com- mercial jusque dans le voisinage de l'embouchure de cette rivière, ils ont dû, dans un temps plus ou moins éloigné, y rencontrer de redoutables con- currents avec lesquels ils auront prudemment évité, ou de se mettre en contact, ou de mesurer leurs forces. C'est de ces concurrents que nous allons parler. (1) Ouvrage cité plus haut. Tom. 1. page 60. CHAPITRE I. Les Phocéens s’établissent à Massilia. — Inimitiés et guerres entre les Massiliens et les Carthaginois. — Influence des Massiliens dans la Gaule. Leur union constante avec les Romains. — Commerce des Massiliens. — IIS font directement le trafic de l’étain. — Ce que c'était que la Celtique selon Diodore de Sicile. Les côtes de l'Océan, au sud et au nord du détroit de Gadès, restèrent toujours libres pour le commerce des Carthaginois. C'est seulement sur la Méditerranée qu'ils trouvèrent, dès les premiers temps de leur puissance maritime, une dangereuse rivalité de Ja part des tribus Helléniques établies, soit dans la Grèce proprement dite, soit dans les îles de ces parages, soit dans la partie méridionale de Italie, soit sur les côtes de l’Asie-Mineure. Cetie dernière contrée, siége, pendant une longue suite de siècles, d’une industrie active, fut attaquée, après la chûte du trône de Lydie, par les Perses devenus conquérants. Les Grecs asiatiques durent se soumettre à cette puissance colossale. Les Phocéens en seuls, décidés à tout souffrir plutôt que de subir une domination étrangère, renoncèrent pour la plupart à leur patrie ; et, sur leurs vaisseaux chargés de leurs richesses , se réfugièrent en Corse, dans leur colonie d’Aleria ou Alalia (541 ans avant J. C.). Carthage, maitresse d'une partie de l'ile, s'opposa à cet éta- blissement, et équipa une flotte de concert avec les Etrusques, ses alliés. Un combat, le premier com- bat naval dont parle l'histoire, s'engagea en 535. L'a-. vantage resta aux Phocéens, mais se reconnaissant trop faibles pour pouvoir se maintenir en Corse, ils passèrent sur la côte méridionale de la Gaule ,.et se fixèrent pour toujours à Masillia (ou Marseille), autre colonie dont ils avaient jeté les fondements soixante- quinze ans auparavant. On conçoit par ce précis, tiré en partie d'Hérodote, que les Massiliens et les Carthaginois furent, dès cette -époque, des ennemis irréconciliables. Une fois établis sur les bords du Rhône, les Massiliens étendirent progressivement leur influence sur une grande partie de la Gaule méridionale ; et quoique mégaux en forces, ils surent se défendre avec tant de succès, sur terre et sur mer, contre les attaques de leurs rivaux achar- nés, qu'ils les forcèrent enfin, après plusieurs ren- contres sanglantes, à renoncer au projet d'établir des colonies dans leur voisinage. Justin, qui entre dans quelques détails à ce sujet (1), raconte aussi (4) Josmix. Lib. 43. Cap. 5. : ST qu'ils eurent à soutenir contre les Gaulois des guerres dont l'issue glorieuse apprit à ces peuples à les res- pecter. Les Massiliens, sortis de cette civilisation gréco- asiatique qui a produit tant d'hommes illustres dans toutes les carrières, restèrent, au milieu des nations grossières avec lesquelles ils avaient des rapports con- tinuels, aussi considérés des Romains pour leur po- litesse: pleine de dignité, nous apprend Tite-Live, que s'ils eussent habité le centre même de la Grèce ; et eurent la gloire de conserver sans altération , ajoute cet historien, non seulement leur belle langue et leur manière de s'habiller, mais, avant tout, leurs mœurs, leurs lois et l'heureux génie qui les caractérisait (1). Tout cela, ce nous semble, indique assez bien la cause de la suprématie morale qu'ils ne tardèrent pas'à acquérir dans leur nouvelle patrie. Certes il n'y a aucune comparaison possible à établir, sous le rapport de la puissance, entre Rome antique et Massilia. Cependant, malgré cette immense inégalité, chacune de ces républiques a offert à l'autre un point de contact qui a dù finir de bonne heure par les unir étroitement. L'une n’attaquait pas encore, (4) Massilienses, quos si natura insita velut ingenio terræ vinci posset, jampridem efferassent tot indomitæ circumfusæ gentes, in eo honore, in -eà meritô dignitate audimns apud vos esse, ac si medium umbilicum Græciæ incolerent. Non enim sonum modo linguæ vultumque et habitum, sed ante omnia mores et leges et ingenium sincerum integrumque à contagione accolarum servarunt. Tir-Lav. Lib. 37. Cap. 84 (in orat. Rhodiorum.) 6 26 IN mais songeait sans doute à attaquer Carthage dans son génie envahisseur ; et l'autre la poursuivait déjà -dans son commerce. Aussi une alliance si utile aux intérêts des deux partis ne tarda-t-elle pas à se con- clure et à devenir inaltérable. Quelle qu'en soit l'an tiquité, un passage de Diodore de Sicile semble prouver qu'elle existait déjà, avec une confiance sans bornes de la part des Romains, vers l'an 394 avant J.-C. Car il résulte de ce passage que ceux-ci, après la prise de Veies, ayant voté à Apollon un cratère d'or équivalant pour le prix à la dîme du butin, des députés portèrent ce cratère dans le temple de Delphes, où ils le déposèrent dans le trésor des Massiliens (1). Rome, en s’avançant vers la domination univer- selle, couvrit toujours Massilia de sa puissante égide, comme de leur côté, les Massiliens ne cessèrent jamais de donner à leur alliée protectrice d'utles secours dans toutes ses guerres. C’est encore Justin qui nous l’apprend (2) ; et Cicéron, après la conquête des Gaules, indigné de l’ingratitude dont ses con- citoyens payaient leur plus ancienne alliée, procla- mait, dans deux endroits différents de ses ouvrages, que jamais, en combattant les peuples transalpins, les D e x“ _ » s “ CR ROSE 7A Où dè roy xparñpa uopitoyres avañévres aütoy ei Tüv roy Masoxintov, Gecaupor, els Pouny dvécrosÿar. Dion. Sic. Lib. 14. Cap. 93. (2) Jusrin. Loco citato. ECC généraux romains n'avaient remporté de victoire sans le secours de Massilia (1). Après avoir réduit leurs voisins à rechercher leur alliance, et contraint les Carthaginois à leur demander la paix (2), les Massiliens, que rendait plus respec- tables encore l'amitié intéressée des Romains, virent s’accroître de jour en jour la prospérité de leur ville ; et il semble que dans ce repos, noblement acquis au prix de leur sang, ils se soient appliqués surtout à chercher de nouvelles sources de richesses, en ouvrant à leur commerce des routes inconnues. Préoccupés des profits immenses que les Cartha- gmois tiraient de leurs voyages aux Cassitérides, es- sayèrent-ils de parvenir jusqu'à ces îles en doublant le détroit de Gadès ? Cela ne nous paraît pas probable ; car eussent-ils méprisé les dangers signalés par le crédule Scylax (3), il en existait pour eux, selon nous, un bien plus réel, que souvent il leur eût été im- possible d'éviter: nous parlons ici de ces colonies dont la prévoyance de leurs rivaux avait couvert le littoral de la péninsule , et sur le territoire desquelles l'imperfection de l'art nautique les aurait contraints (É RRERRUS Sine quà (Massilià) nunquam ex transalpinis gentibus majores nostri triumpharunt. — Cic. Philip. 8. Ù got Sine quà nostri ex transalpinis bellis mpRrTaEn trium- pharunt. — De offic. lib. (2) Justin. Loco citato. (3) Nous aurions dû dire plus haut qu'Héeren croit que ce géographe a été contemporain d'Hannon et d’Himilcon. == UN — de rélàcher plus d'une fois avant de pouvoir s'élever jusqu’à la hauteur des côtes de ia Gaule, Ils durent donc renoncer à une navigation hérissée de tant de difhcultés; mais ils n'en persistèrent pas “moins à tendre vers le but désiré; et, à forcé de persévérance , ils parvinrent enfin à'se frayer, à travers la Gaule, une route jusqu'à des rivages d’où il leur était facile de se procurer le précieux métal. Le moyen dont ils se servirent pour se concilier tant de‘tribus qui ont dû leur donner passage sur leur territoire, c'est là un de ces mystères historiques qui restéront toujours sans explication. Mais le résultat de leurs efforts est certain. Diodore de Sicile va nous en offrir la preuve. Deux passages de cet écrivain, tous deux tirés du cinquième livre de sa bibliothèque historique, nous instruisent du commerce de l’étain par la voie de terre. Voici le premier : ro ‘« Les marchands, dit-il, achètent ce métal” aux » habitants de la Bretagne, et de là le transportent » dans la Gaule; ensuite, prénant la voie'de terre, » et traversant la Gaule en trente jours environ, ils » le conduisent, chargé sur des chevaux, jusqu'à » l'embouchure du Rhône (1). » * (A) Evreuber d'oi éuropor, rapa r@v éyympioy yobvre, xaù draxoui- Éouauv ets tnv l'alatiav" ro O1 releutaioy mel Out TnS Dahatias ropeubéyres e La € à , , “ 22 e 4 La Al LU \ AUÉPaS GS TpLxOVT& xaTyouaty ÊRL TOY ÉrrwY Ta poprix pos Av lex60ÀGv Pi] t4 = 1 toù Podxyoù rorauou. Diod. Sieul.lib. 5: Cap. 22. D Les renseignements que renferment ce peu de lignes sont précieux. Nous y voyons d'abord le lieu d'où l'on tirait l’étain et celui où on le faisait parvenir: car ces mots: l’embouchure du Rhône, ne peuvent offrir ici aucune difficulté; ils signifient sans nul doute l'embouchure principale de ce fleuve ; c'est-à-dire, comme s'exprime Polybe en parlant des points où le consul Scipion fit débarquer son armée quand il vint à la recherche d’Annibal, l'embouchure Massilienne (1). Ainsi, ces marchands dont il est ici question, ce sont les Massiliens. Nous y voyons ensuite que ces marchands, ayant une fois découvert le moyen de devenir les concur- rents des Carthaginois dans le commerce de la Grande- Bretagne et du nord de la Gaule, sans être obligés de franchir le détroit de Gadès, n'ont plus dû se mettre en peine de chercher vers ces contrées une voie par la navigation, puisqu'ils faisaient en trente jours un voyage que leurs rivaux, en partant de Carthage, ne pouvaient achever en moins de quatre mois, comme nous avons vu plus haut, qu'Himilcon le dit dans son périple. . Enfin, on tire nécessairement de ce passage une déduction importante : c'est que les Massiliens avaient sur une des côtes de la Gaule situées en face de la GES an j 3 Lv L Lite (1) Kat xafopmuobeis pos To mp@to oroux roù Poduvoë, ro Muooalo- TLXOV TpogayopeuduEvov, Gmeblôte TAS Juvauels. Polyb. lib::5. Cap. 41. ZNS0 "= Grande-Bretagne , un établissement permanent où se trouvaient des navires propres au commerce. Car sans un établissement de ce genre, comment eux, habitant sur les bords de la Méditerranée, auraient-ils pu, au terme d’un long voyage à travers les terres , se procurer sur l'Océan les vaisseaux dont ils avaient besoin pour porter leurs marchandises en Angleterre, et en rapporter les productions qu'ils recevaient en échange”? En effet, ce n’est plus ici comme aux Oes- trymnides, dont les habitants servaient d’intermé- diaires entre les Carthaginois et les naturels d’Albion ou d'Hibernie. Ce sont les marchands étrangers eux- mêmes qui traitent directement avec les Bretons. Il leur fallait donc, comme nous le disions , des navires pour traverser le canal ; il leur fallait de plus, vis-à- vis des côtes d'Angleterre, des comptoirs où l'échange des marchandises massiliennes contre celles du nord se fit incessamment, afin que celles-ci pussent être transportées sans retard à Massilia, quand il ‘en était besoin. Ainsi, tout concourt à prouver que les Massiliens ont eu, sur les côtes dont nous parlons, une colonie dont les habitants devaientavoir formé, avec la peu- plade gauloise dont ils occupaient en partie le ter- ritoire et avec les Bretons dont ils fréquentaient le pays, une de ces alliances que rien ne peut rompre parce qu'elles ont pour base l'intérêt de toutes les parties contractantes. Ces syppositions se trouvent en partie confirmées HS par une phrase des commentaires de Jules-César, laquelle a, de plus, l’avantage de nous apprendre vers quelle partie de la côte de la Gaule était situé cet établissement des Massiliens. Le conquérant se trouvait alors sur le rivage qui fait face au Cantium, et avait formé la résolution de retourner dans cette province de la Bretagne. « Mais, dit l'historien, les » insulaires ayant appris son projet par les Mar- » chands, lui envoyèrent des députés (1). » Ces marchands qui, certes, n'étaient pas des naturels de cette côte septentrionale; car l'auteur n'aurait pas manqué de faire mention de ces officieux amis des Bretons, ou sous le nom général de Gaulois, ou sous celui du canton qu'ils habitaient, sans avoir recours à cette qualification , qui}, dans une contrée si éloignée de tout centre commercial, indique assez une origine étrangère : ces marchands, disons-nous, qui ne pouvaient être autres que ces Massiliens occupés du commerce de l’étain, que nous venons de voir et que nous verrons encore désignés sous cette dénomination par Diodore de Sicile, restaient donc à demeure sur ces rivages; ils prenaient intérêt à tout ce qui concernait les habitants du Cantium ; et enfin ils avaient des moyens de traverser le canal toutes les fois qu'ils le voulaient. (4) Consilio ejus cognito et per mercatores perlato ad Brit nnce, à _ l'examen des fragments de Pythéas, fixent la conquête des Indes par Alexandre (en 325) comme une époque avant laquelle il a dû avoir publié la relation de ses voyages ; cette opinion, disons-nous, fondée sur leurs propres recherches et fortifiée par ce renseignement historique, nous semble mériter la plus entière con- fiance. La relation des voyages de Pythéas dans le nord de l'Europe est perdue depuis long-temps; et, chose étonnante ! c'est Polybe lui-même qui, en se déclarant le détracteur de l'illustre massilien, nous les a fait connaître en partie dans des fragments que Strabon nous a conservés en les citant dans sa géographie. Ce que Polybe reproche surtout à Pythéas avec une sorte d'ironie, quoiqu il n'ait d'autre raison à lui op- poser que son incrédulité, c'est de se vanter d’avoir parcouru et mesuré les côtes de la Britannique (l'An- gleterre), partout où cette île était accessible (1), c'est aussi de prétendre qu'au retour de ce voyage, il a visité tout le littoral européen depuis la ville de Gadès jus- qu'au Tanaïs (2); c'est enfin de raconter à ses lecteurs qu'il s’est avancé jusqu'aux bornes du monde, c’est-à- dire jusqu'à un lieu qu'il a cru être l'extrémité du continent (3). Et pourquoi principalement l’accuse-t-il (1) “O2 pv Ty Bpertayxnv, Gaov éuGatov nv. | STRAB. Geog. Lib. 2. (2) Le Tanaïs de Pythéas est la Vistule, selon l'opinion la plus généralement reçue, ou, suivant Bougainville, la Radaune, ou, suivant Gosselin, la Duna. (3) Voir la deuxième note de la page 98. 7 ET de mensonge? Parce que, prétend-ii, «il n'est.pas »upossible. qu'un simple particulier, vivant dans. la ».pauvrelé, ait parcouru, tantôt par terre, tantôt par ».mér, un éspace de pays aussi vaste (1). » Cet.argu- ment, tiré de la pauvreté de Pythéas, lui paraît si con- cluant pour renverser les graves assertions de.ce yoya- geur, qu'il se hâte d'ajouter en plaisantant que quand le dieu Mercure lui-même viendrait lui affirmer! la vérité de ces découvertes, il ne le croirait pas (2). De bonne foi, est-ce de cette manière que l'on doit; dis- cüter des matières de cette importance; et, pour nous servir ici des expressions de Malte-Brun (3), Polybe ne s'est-il. pas donné un grave tort aux yeux de la pos- térité en tournant en ridicule ces relations , au lieu de les analyser fidèlement ? Mais en voilà assez sur les critiques injustes. d'un écrivain célèbre. Cé que nous avons voulu constater ici en les rappelant, c’est qu'antérieurement à l'an 325 avant notre.ère, un voyageur massilien a navigué dans le: canal: qui sépare l’île Britannique de la Gaule, et qu'ensuite, tantôt par la voie de terre, tantôt par celle de:mer, il a parcouru une grande partie des.côtes de La 1 Lt (A) dnse d'où à Iokÿ6ros LamtioT 0) xaL adTo ToUro, ro iditien Gporo LOL TÉVATL, TOCQÜTE OLUOTALUTE KUÉ TOPEUT YEYOLTO. STRAB. Geog. Lib. 2. (2) O dé act péype Toy rod xdouou repartoy xarwnTeuxivar Ty FpOGÉpATUOY 2 ’ F2 2 so = F , » Evpornv räcav, fiv où0e T@ Epuñ rioreuou ris JéroyrL. (PEER S i Id., Ibid. (3) Biographie universelle, article: SrRABox. — 99 — l'Europe, sans avoir toutefois franchi le détroit de Gadès, puisqu'alors, et longtemps après, cette barrière, comme nous l'avons dit plus haut d'après M. Raoul- Rochette, était également respectée des Grecs et des Romains. Or, cette impossibilité de passer de la Méditerranée dans l'Océan étant reconnue pour vraie par tous ceux à qui l'histoire de l'antiquité n’est pas étrangère, nous demandons quel peut avoir été le point de départ de Pythéas quand il a visité l'archipel britannique. Qu'on veuille bien y prendre garde : sans quelque circonstance particulière, cette question si simple, adressée au voyageur par ses contemporains, aurait suffi pour le convaincre d'imposture et le couvrir de confusion. Il y a plus, elle eût rendu, quelques siècles plus tard, inutiles et même ridicules toutes les inju- rieuses chicanes de Polybe et de Strabon sur ses dé- couvertes : car au lieu de nier avec acharnement le résultat de ses voyages, il leur aurait suffi, ‘une fois pour. toutes, d'en nier la réalité. Mais cette question, qui devait terrasser d’un seul coup leur adversaire, ils n’ont pas même songé à la soulever. Et pourquoi ? smon parce qu'elle aurait été sans but, et que c'était chose connue dans l'antiquité que les Massiliens, comme nous l'avons établi dans le chapitré précédent, avaient sur les côtes septentrionales de la Gaule des navires au moyen desquels il aura été facile au voya- por de passer dans la Grande-Bretagne. Ainsi, les deux détracteurs de Pythéis | par et — 100 — même qu'ils ont combattu ses assertions sans attaquer la réalité de ses voyages, ont reconnu que, pour les exécuter, il lui a fallu un point de départ sur l'Océan ; et cette tacite reconnaissance, tout en soulevant une partie du voile qui, jusqu'à ce jour, a jeté quelque ombre sur les travaux de l'antique géographe, nous ramène nécessairement à notre colonie massilienne, dont nous pouvons maintenant reculer l'existence jusque dans le courant du quatrième siècle avant notre ère. Quant au voyage de Pythéas par terre et par mer, sur une partie de la côte océanique de l'Europe ;: si l'on s'étonne que ce navigateur ait eu la témérité , lui Massilien, d'aller à Gadès, colonie carthaginoïise, nous répondrons que ses compatriotes, qui étendaient leurs relations commerciales d'une extrémité de la Gaule à l’autre, avaient, comme on va le voir, sur les côtes de l'Océan, des rapports intimes avec des peuplades gauloises, et qu'ainsi il leur était facile de cacher leur origine, quand ils le croyaient nécessaire , soit en s‘embarquant sur les navires de leurs amis, soit en se confondant au milieu de leurs caravanes. Ceci nous conduit à examiner un curieux passage de Strabon. Ce passage, où il va encore être question des Massiliens et de Pythéas,' doit avoir quelque célébrité dans l’his- toire des erreurs où tombent quelquefois les hommes les plus judicieux : car c'est celui sur lequel le géo- graphe Nicolas Sanson a bâti sa fable d’une ville à la- quelle il donne le nom de Britannia, qui était, dit-il, — 101 — la plus illustre de la Gaule. Nous reviendrons sur cette singulière opinion. En attendant, voici ce passage tra- duit aussi littéralement qu'ont pu le permettre les exi- gences de la langue française : Strabon, après avoir décrit les pays méridionaux de la Gaule, s'exprime ainsi : « La Loire a son embouchure entre le pays des » Pictons et celui des Namnètes. Il y avait autrefois » sur ce fleuve un emporium nommé Corbilon, dont » Polybe fait mention en parlant des fables mventées » par Pythéas, lequel prétendait qu'aucun des Mas- » siliens qui accompagnaient Scipion, aucun des » hommes venus soit de Narbonne, soit de Corbilon, » dont les villes étaient pourtant considérables, ne » put rien répondre de satisfaisant aux ‘questions que » ce Romain leur adressa sur la Britannique. Combien » de mensonges de ce genre Pythéas n’a-t-il pas osé » se permettre (1). » Le sens général de ce passage nous semble clair. Le mensonge reproché ici à Pythéas consiste, selon Po- lybe, à avoir raconté que des hommes qui, à cause de (1) O D Aciyno peraËd Ilexrovoy zat Nouvirws exGG}}eL mpotepoy de Kopbulov dnipye Europeioy èrt ToûTe T6 rorauw" mepl AS elpnxs ITou6LoS ponabes y dro Ilubéou pubo)oyndévros" ot Macca)iwréy LEY TOY Guuut- Exvroy Zunmimyr, oùdeis elye Aëyeur oÙde pviunS &Etov, épornbels Üro Zxr- miwvos Urèp TAs Boetravwxñs, oùde Toy êx Nas6dvos, od0E T@v x KopétAG vos) airreo Guy dpusrau modeus" radrn rÜbeus d'ébéépnse Veucacdar Tocaüre. Srrag. Geog. Lib. 4. — 102 — leurs relations commerciales, devaient connaître la Bretagne, n’avaient pu fournir à Scipion que des ren- seignements insuflisants sur ce pays. Mais on devine facilement que Pythéas, dans ce récit allégué en preuve de sa mauvaise foi, sans s'arrêter à la côte méridio- nale de l’île, où restait concentré le commerce des naturels avec les étrangers, parlait. de l'ile entière dont il avait le ‘premier reconnu et mesuré le périmètre. Quant aux détails, ils offrent sans doute de grandes obscurités. Avant que nous tâchions d'y apporter quelques lumières, faisons ici deux remarques qui ne sont pas sans intérêt. La première, c'est que cette anecdote conservée par Strabon à l’occasion d’une ville qui n'existait déjà plus de son temps (1), nous paraît , sauf les inductions qu'on prétend en tirer contre Pythéas, mériter la plus entière confiance: d’un côté, à cause du caractère ho- norable de Polybe comme historien, et de la facilité qu'il a eue, au sein même de la famille des anciens Scipions, de s'assurer que le fond en était exact; de l'autre, parce que, bien qu’elle présente des circon- stances qu'il est aujourd'hui difficile d’expliquer, il est certain qu'il n’en était pas de même quand chaque lecteur connaissait les moindres détails de la (4) C'est ce qu'indiquent clairement ces mots : mporepoy 0: Kopérhoy drhpyEv Épropeioy éri roûTe To rorau® : « Il y avait autrefois sur ce fleuve » un éneporium nommé Gorbilon. » — 103 — vie de ces héros, et savait à quelle époque avait voyagé Pythéas ; Et la seconde, c'est que nous trouvons dans ce peu de lignes un renseignement précieux dont nous nous hâtons de nous emparer, à savoir : que du temps de notre voyageur , le commerce atürait dans la colonie massilienne des marchands de toutes les parties de la Gaule; car c'est ce que suppose nécessairement la question que Scipion adresse sur la Britannique, non seulement aux possesseurs de cette colonie, mais encore à des hommes établis soit sur les côtes dela Méditerranée, soit sur celles de l'Océan. Et ici qu'on nous permette de remarquer en passant combien de semences de civilisation ont dû répandre dans cer- taines contrées de la Gaule ces transactions commer- ciales qui avaient lieu journellement aux deux extré- mités de cette vaste contrée, entre des peuplades grossières et les descendants des Phocéens. Arrivons maintenant aux difficultés. Dans l'isolement de toute circonstance historique, où nous est présentée l'anecdote concernant Pythéas, ilest impossible, on le sent assez, de découvrir quel personnage y est désigné sous le nom de Scipion (1). 1° Par ce nom, que n’accompagnent ni prénoms, ni titre honorifique, le voyageur massilien a-t-il, de tous les Scipions dont la mémoire: est, parvenue jus- (4) Consulter, pour les détails généalogiques qui suivent, la: Biographie universelle, article : Sciprow: — 104 — que dans les temps modernes, voulu désigner celui que l'histoire nous apprend avoir été revêtu le pre- mier d’une haute magistrature ? Dans cette supposition, il faudrait fixer le temps le plus reculé où Pythéas a pu écrire sa relation, à la fin du cinquième ou au commencement du quatrième siècle avant notre ère; car l’année 394, célèbre par la prise de Veïes, et que nous avons déjà désignée comme celle où les Romains déposèrent, à Delphes, un riche cratère dans le trésor Massilien, nous offre un Publius Cornélius SCipion , maître de la cavalerie sous la dictature de Camille, et honoré ensuite du tribunat militaire. Si de cette époque nous descendons de-génération en génération jusqu’à l’année 325, nous trouvons : 2° Le fils du précédent, élevé, en 365, à l’édilité curule ; 3° Les deux fils de cet édile, dont l’un fut consul en 350, et l'autre fut choisi la même année pour maître de la cavalerie par le (dictateur L. Furius Ca- millus ; 4° Enfin, le fils de l'un de ces deux frères surnommé Barbatus, qui, comme le fait connaître l'inscription de son tombeau (1), successivement édile, censeur, consul, s'empara de plusieurs places du Samnium, et conquit la Lucanie, dont les habitants lui donnèrent des ôtages. Il est vrai que son consulat (en 298), est (4) Ce mausolée, dont l'inscription présente un des plus anciens monuments de la langue latine, fait partie du Musée Pio-Clémentin , à Rome. — 105 — de vingt-sept ans postérieur à l’année 325; mais ce court intervalle ne serait peut-être pas un obstacle à sa contemporanéité avec le voyageur massilien, si ce dernier avait vécu vers cette autre limite que nous avons précédemment indiquée. | Les exigences de la chronologie nous forcent de conclure que c’est de l’un de ces membres de l'illustre maison des Scipions qu'a parlé Pythéas. Ici s'élève malheureusement la borne de la certitude historique : faire un choix entre eux, ce serait la franchir. Mais, à une époque où les frontières de l'empire romain étaient encore loin des Alpes, en quel lieu et dans quelle occasion ce Scipion, quel qu'il fût, a-t-il eu un entretien auquel assistaient des habitants de Narbonne non encore colonisée, et de Corbilon ? Ces Gaulois, dont les villes étaient le siége d'importants emporium, avaient-ils été amenés en [talie par les Massiliens, constants et dévoués alliés des Romains ? Dans un temps où Pythéas faisait connaître ses décou- vertes dans l'archipel britannique, s’agissaitil de mettre ces découvertes à profit pour ébranler le com- merce des Carthaginois ? Les Narbonnais et les Cor- biliens, à cause de la situation de leurs ports, l'un sur. la Méditerranée, l’autre sur l'Océan, pouvaient- ils donner, comme le fait supposer la question de Scipion, quelques détails sur ce commerce ? Les marchands de Carthage, dans le cours de leurs voyages aux Sorlingues, ne relächaient-ils pas quel- que fois dans l'emporium de Narbonne, et ne s’arré- — 106 — taient-ils jainais dans celui de Corbilon? Enfin les familles puissantes de Rome n’avaient-elles pas déjà conçu le projet de la première guerre punique, dont le principal fruit fut la conquête des îles de Corse.et de Sardaigne enlevées aux Carthaginois par. le, fils même de Barbatus; et ne s'agissait-il pas de prendre sur les ressources de ceux qu'on songeait. déjà. à at- taquer tous les renseignements qu'il était possible de se procurer ? Ces conjectures, peut-être, ont cela de remarquable, qu'elles seules expliquent d'une manière satisfaisante le but de l’entrevue dont parle Strabon d'après Polybe, et que, si on les rejette, cette entrevue, malgré son authenticité, demeure inexplicable, Ces difhicultés, que nous ne nous flattons pas d'avoir entièrement dissipées, nous ramènent à la prétendue ville de Britannia, dont nous avons déjà dit quelques mots. Un obscur nuage a toujours couvert le berceau des annales du Ponthieu ; mais depuis bientôt deux siècles, il faut bien l'avouer , ces ténèbres se sont considéra- blement épaissies par une fausse interprétation-que Nicolas Sanson, savant abbevillois aussi consciencieux qu'infatigable, a donnée au passage de Strabon que nous venons d'examiner. Hàtons-nous de justifier, par des preuves irrécusables, cette accusation portée contre un de nos hommes célèbres, à qui, d’ailleurs, d'immenses travaux ont bien acquis le droit de se faire pardonner une erreur. — 107 — Nous avons marqué plus haut, d'après des autorités respectables, les bornes en decà et au-delà desquelles Pythéas n'a pu publier la -relation de ses voyages. Sanson, s’il a ignoré ces dates, devait du moins se rappeler que Polybe déclare cet écrivain antérieur à Eratosthène, né en 276. Comment se fait-il donc qu'il ait confondu le Scipion dont parle le voyageur massi- lien avec le consul Publius Cornélius Scipion, qui, en 218, débarqua avec son armée dans la principale embouchure du Rhône pour s'opposer à l'entrée d’An- nibal en Italie (1). Cette erreur chronologique n’est malheureusement pas une de ces fautes isolées qu'il soit sans importance de relever ou de laisser dans l'obscurité; car là ne: s’est pas arrêté notre géographe. Il suppose tout gra- tuitement qu'à l'arrivée de ce P. Cornélius Scipion, des députés de Marseille vinrent le saluer et lui faire des offres de service; puis il invoque l'autorité de « Strabon citant Polybe, qui-lui-même déclare, assure- » til, l'avoir puisé dans Pythéas; » Et changeant en: une ville l’île que Polybe nomme icr, comme il l'a nommée ailleurs (2), la Britannique , il ajoute que « ces. »:députés étant devant le consul, interrogés par lui » sur ce qu ils savaient de Britannia, Narbo et Cor- » bilo, pas un d'eux n’en put rien dire malgré que ces villes fussent des meilleures de toute la Gaule.» 2 (1) Polybe. Lib. 3. Cap. 41. (2) Voir plus haut la première note de la page 97. — 108 — Certes, on aura péine à croire que ce qu'on vient de lire soit donné comme l'équivalent du passage de Strabon dont nous avons offert une traduction fidèle. Les contresens, car il faut oser dire le mot, y sont trop visibles pour qu’il soit nécessaire que nous les fassions remarquer. Nous nous contenterons d'indiquer quelle a été la cause de l'étrange erreur où est tombé Sanson à l'égard de cette prétendue ville de Britannia. Un des plus savants hommes du seizième siècle, Guillaume Holtzman, qui, pour se conformer à une bizarre coutume des doctes de son temps, s'est fait connaître dans la littérature sous le nom grec de Xylander, a donné de la géographie de Strabon une version latine estimée à juste titre. C'est cette version néanmoins qui, malgré sa grande fidélité, a égaré le géographe abbevillois. Voici comment: Holtzman ayant à traduire du grec l'expression correspondant à la Britannique, a cru, et avec raison, en donner l'équivalent en disant: la Bretagne. Or, comme le mot qui signifie cette île en latin n'est autre que Britannia, on voit , sans aller plus loin, que Sanson, en dépit du texte, a érigé cette Britannique en une ville gauloise à laquelle il a fait rapporter, en même temps qu'à Narbonne et-à Corbilon, cette proposition incidente : ces villes étaient pourtant considérables. 1] est vrai que la construction de la phrase latine, qu'il avait évidemment sous les yeux ({) aurait dû l'arrêter : (1) Cela se reconnait surtout par la terminaison du nom de l’emporium qui — 109 — mais, aveuglé par l'amour de son pays, le savant géographe voulait ériger en cité antique une cité mo- derne (Abbeville), et il aura craint sans doute, en y regardant avec une trop scrupuleuse attention, de perdre une illusion qu'il aimait à caresser. Le fameux ouvrage intitulé Britannia parut donc, et le nom de l'auteur a suffi pour accréditer une erreur que la simple lecture du texte orignal aurait facilement dissipée. Après avoir offert ce nouvel exemple, à ajouter à tant d’autres, du danger de s’égarer auquel on s'ex- pose quand, en invoquant l'autorité d'un écrivain de l'antiquité, on se contente de Le consulter par l’inter- médiaire d'une traduction, nous revenons à notre sujet, dont nous nous sommes peut-être un peu trop écarté. setrouyait à l'embouchure de la Loire. Ce nom, Corbilon, dans.le texte de Strabon, est devenu, conformément à l’usage des latins, Corbito dans la version d'Holtzman ; et c’est de cette dernière manière que l’a écrit Sanson. CHAPITRE IV. Emplacement de la colonie des Massiliens. — Renseignements topogra- phiques et historiques sur l’ancien comté de Ponthieu. On vient de voir que l’histoire, par les témoignages rapprochés de Polybe, de Diodore de Sicile et de Jules-César, atteste qu'avant l'ère chrétienne, les Massiliens ont longtemps possédé des comptoirs de commerce sur un des points quelconques de la côte gauloise qui regarde le Cantium. Or, sur un des points de cette même côte, nos propres recherches et la lecture de l'ouvrage de M. Louandre sur la topographie du comté de Ponthieu avant le XIV° siècle (1), nous ont fait découvrir, dans un espace extrêmement circonscrit, un assez grand (1) Cet ouvrage, extrait des vingt-quatre cartons manuscrits de l'index topographique préparé par Don Grenier avant la suppression des ordres de ï Can nombre de noms propres de localités, dont l'origme grecque prouve inconstestablement que des hommes de race hellénique, venus avant les Romains dans cette contrée septentrionale, doivent y avoir fait un long séjour, puisqu'il est impossible d'admettre que des étrangers, s'ils ne visitent que momentanément des lieux éloignés de leur patrie, imposent à ces lieux des noms qu'adopte ensuite une population qui ignore leur langue. En présence de cette identité de temps et d’idiôme, nous ne croyons pas qu on hésite à admettre l'identité de peuple, et à reconnaître que ce point de la côte que nous signalons est véritablement celle qu'a occupé notre colonie massilienne. | Arrêtons-nous donc sur ce petit coin de terre resté à peu près inconnu jusqu'à ce jour; et avant d'offrir la liste des lieux dont les noms attestent l'antique pré- sence des descendants des Phocéens dans son sein, hâtons-nous de donner sur la topographie et sur ce que nous en apprend l’histoire, des renseignements que nous croyons nécessaires. religieux, ést inséré dans le recueil des Mémoires de la Société Royale d'Ému- lation , année 1840. IL se compose des noms latins et français, sous lesquels, à diverses époques, les localités. du Ponthieu et celles di Vimeu (*) ont été désignées dans des chartes et des titres de propriété dont la QUE grande partie n’existe plus. | (*) Ces deux anciens pagus forment presque en totalité l'arrondissement du département de Hs Somme dont Abbeville est le chef-lieu. — 112 — : RENSEIGNEMENTS TOPOGRAPHIQUES (1). Qu’on se transporte par la pensée à l'embouchure de la Somme. Le pays qui est sur la rive gauche de cette rivière portait avant 1790 le nom de bourg du Vimeu (Vinacencis ou Winacensis pagus). Nous n'au- rons à nous en occuper qu'une seule fois. De l’autre côté de la même rivière, s'étend le Ponthieu (paqus Pontivus), ancien comté depuis longtemps borné au nord par l'Authie, autre rivière dont l'embouchure, à seize kilomètres de celle de la Somme, ne peut plus, à cause des sables qui l'encombrent, donner une idée de l'importance qu’elle a conservée comme port de mer jusque dans le dixième siècle de notre ère. La partie ouest ou maritine du Ponthieu ainsi limitée porte le nom de Marquenterre. Ce pays est couvert de débris antiques : ceux qu'y ont laissés les Gaulois ne sont pas les moins curieux. A l'embouchure de la Somme, rive droite, est le Crotoy, port autrefois considérable selon toutes les apparences; nous en parlerons avec quelque détail dans le chapitre suivant. A peu près à égale distance de la Somme à l’Authie, se trouve Rue, ancienne capitale du Marquenterre. (4) Consulter la carte qui est en tête du cinquième chapitre. — 113 — De nombreuses découvertes de ruines et de médailles romaines ont été faites dans cette petite ville, d'ori- gine probablement gauloise, où, dit une tradition confirmée par divers renseignements historiques, passait encore au douzième siècle un bras de l’Authie, dont les eaux, s’unissant à celles de la Maye, cou- laient dans un canal qui la mettait en communication avec la mer. Depuis un grand nombre de siècles le canäl s’est comblé ; la Maye se perd aujourd'hui sans utilité dans les sables ; le pays, autrefois florissant par l'agriculture (1), est en partie converti en marais; et la main du temps, favorisée par l’incurie des hommes, a tellement changé l'aspect des lieux, que, dans ce port à jamais effacé, malgré les projets de Vauban et ceux de Linguet, 1l ne reste plus d’autre souvenir que le nom d’un lieu auprès de Rue : la Morte Authie. Quelque méconnaissables que les rivages renfermés entre la Somme et l’Authie soient devenus par les alté- rations que leur ont fait subir les caprices de l'Océan, il n'en reste pas moins évident que la peuplade gauloise qui les habitait, et au milieu de laquelle nous pensons que S'étaient établis les Massiliens, se trouvait daris une position très propre à favoriser les relations qu’elle ou Ses hôtes pouvaient avoir, soit avec les autres peu- plades du continent, soit avec les insulaires de la (4) Voir, dans les Mémoires de la Société Royale d'Émulation d’ Abbeville (année 1833), la lettre adressée au ministre du commerce Fee M. Estancelin, député de la Somme. 8 — 114 — Grande-Bretagne : car, outre les deux cours d'eau qui lui servaient probablement de limites au Sud et au Nord, le canal de Rue lui fournissait avec la mer une troisième communication qui lui appartenaiten propre. RENSEIGNEMENTS HISTORIQUES. Les Gaulois, chez qui s'était établie notre colonie, ont-ils été connus dans les temps anciens par quelque particularité ? Les mœurs étrangères transportées au sein de leur pays ont-elles eu quelque influence sur leur civilisation? C'est ce que nous allons recher- cher. Pline nous apprend que la Gaule chevelue ( ou transalpine) se partageait en trois grandes divisions : la Belgique, depuis l'Escaut jusqu'à la Seine ; la Cel- tique ou Lugdunienne, depuis la Seine jusqu'à la Garonne; et l'Aquitaine, primitivement appelée Are- morique, depuis la Garonne jusqu'à là chaîne des Pyrénées (1). La Belgique, ou le Belgium, était donc celle de ces grandes divisions à laquelle appartenait la tribu gau- loise confinée entre la Somme et l'Authie. . (4) Gallia omnis comata uno nomine appellata, in tria populorum genera dividitur, omnibus maximè distincta. À Scalde ad Sequanam, Belgica ; ab eà ad Garumnam, Celtica eademque Lugdunensis ; indè ad Pyrenæi montis exreursum, ÂAquitania Aremorica ante dicta. — Prin. Nat. hist. Lib. 4. Cap. 17. Mais ces divisions principales se subdivisaient en cités ou peuplades, lesquelles étaient quelquefois soumises elles-mêmes à d'autres subdivisions. Pline, dans le même chapitre, revenant sur les diverses tribus que renfermait le Belgium, s'exprime ainsi: « à partir de l'Escaut, on trouve sur les bords du » pays, les Toxandri, qui prennent plusieurs noms, » les Menapü, les Morini, les Oromansaci, unis au » canton (pagus) nommé Gessoriaeus, les Britanni, » les Æmbiani, les Bellovaci (1), etc.» St, au lieu de commencer par le nord, comme le fait Pline, ce dénombrement des peuplades du Bel- qüum , nous partons du midi pour nous avancer vers l'Escaut, nous assignerons sans aucune difficulté aux Bellovaci et aux Æmbiani la place qu'ils occupaient, puisque ces deux tribus antiques nous sont connues par les populations modernes du même nom qui leur ont succédé. Or, en donnant aux Æmbiani, dont la capitale était Samarobriva, nom celtique qui indique la situation de cette ville sur la Somme; en leur don- nant, disons-nous, cette rivière pour limite septen- trionale, nous trouverons après eux les Britanni, que leur position géographique nous fait reconnaître pour ètre les mêmes que ces Belges, habitant entre la S (4) À Scalde incolunt externi Toxandri pluribus nominibus ; deinde Mena- pü, Morini, Oromansaci juncti pago qui Gessoriacus vocatur; Britanni, Ambiani, Belloyaci , etc. Pin. nat. hist. 1. 4. 1 16 — Somme et JAuthie, chez lesquels nous plaçons la colonie massilienne. Ïl est vrai que cette opinion, qui, du reste, appar- tient à d'Anville, n'est pas admise par tous les savants ; car quelques-uns prolongent au nord le pays des Am- biani sur la rive droite de la Somme, et reculent les Britanni , soit au-delà de l'Authie, soit même au-delà de la Canche. Qu'on nous permette à ce sujet une seule observation : c'est que, jusqu’au temps de Pline, les Æmbiani formaient une tribu différente de celle des Britanni, s'il est vrai que ces derniers, comme nous le pensons , aient vu dans la suite leur pays chan- ger de nom pour prendre celui de Ponthieu, l'antique . distinction entre les territoires de ces deux tribus n’en a pas moins dû subsister longtemps encore après ce changement, tantles habitudes de nationalité s’effacent difficilement. Eh bien! c'est précisément ce qui est arrivé, comme le ‘prouve une charte de Louis-le- Débonnaire, dans laquelle cet empereur déclare céder à Pépin, roi d'Aquitaine, l'Amiénois et le Ponthieu (1). Rapprochements remarquables ! Les Britanni du temps de Pline etles Pontiviens du temps du fils de Charle- magne sont limitrophes des Ambiani. De plus les Ponti- viens, qui s'étendent jusqu’à la mer, (usque in mare, dit Ja charte), sont situés, d'après cette indication, au nord de | Æmiénois ; telle était aussi, d’après Pline, la po- (4) Ambianensis et Pontivum usque in mare. — Cette citation est empruntée à l'Histoire d’ Abbeville et du eomte de Ponthieu. Tom I. page 6. — 117 — sition des Britanni par rapport aux #mbiani. Certes, ces circonstances présentent dans leur ensemble une présomption bien forte en notre faveur. Si pourtant on ne les trouvait pas suffisantes, nous espérons que les considérations qui vont suivre achèveront de dissiper tous les doutes sur l'identité du pays cédé à Pépin et de celui qu'ont habité les Britannidu Belgium. D’autres savants ont élevé sur l'existence de ces Bri- tanni une difficulté qui ne nous paraît nullement fondée. Ils objectent que Pline , dans le texte de qui, disent-ils , il pourrait s'être glissé une faute, est le seul écrivain de l'antiquité qui ait parlé de cette peuplade. Il est le seul, nous en convenons ; mais la crainte d'une altération dans le texte de son ouvrage, malgré - l'unanimité de toutes les éditions, est, ce nous semble, d'autant plus chimérique dans cette circonstance, que Jules-César, bien qu'il n’écrive pas dans ses commen- taires le nom de ces Britanni dont les troupes ont occupé le territoire, y offre toutefois une preuve, im- plicite , il est vrai, mais non équivoque de leur exis- tence. Ce document se trouve dans un passage souvent cité par les écrivains qui ont fait des antiquités du Ponthieu l'objet de leurs recherches ; mais sou impor- tance , comme preuve de ce que nous avançons, NOUS force de le citer de nouveau. La partie intérieure de la Bretagne, dit le con- » quérant des Gaules, est peuplée des naturels de l'ile. » Quant à la partie maritime , elle a pour habitants » des Gaulois qui, étant passés du Belgium dans cette — 118 — » île pour y porter la guerre et faire du butin, s'y » établirent en foule, et, y conservant la plupart des » noms de leurs cités , y introduisirent l’agriculture.» à pe TE « De tous ces insulaires, » ajoute-til peu après, ceux qui habitent le Cantium, » région entièrement maritime, sont de beaucoup les » plus policés et diffèrent peu des Gauloisipar leurs ». usages (1).) | 1 PRPONNRE par reconnaître que ce que César dit , des anciennes invasions de la partie méridionale Ë Bretagne, d’où est résultée la ressemblance des coutumes sur le rivage de l'île et sur celui du conti- nent, pourrait indistinctement s'appliquer à toutes les peuplades qui habitaient la côte du Belgium. Ce qui doit uniquement arrêter notre attention sur ce passage, c'est cette/particularité de noms, de localités transportés par les vainqueurs chez les vaincus; fait de la dernière importance : car nulle part surles côtes qui font face à l'Angleterre, on n’en aperçoit detraces, sinon sur celles du Fe SEn effet, et nous devons une partie de cette remarque à un de nos savants com- (4) Britanni® parsiinterior ab is incolitur quos natos in insulà ipsà memorià proditum dicunt. Maritima pars ab iis qui prœdæ ac belli inferendi causà ex Belgio transierunt, qui omnes fere iis nominibustcivitatum appellan- tur quibus nati exfcivitatibus ed pervenerunt, et bello illato ibi,remabserunt, atque agros colere cœperunt. Hominum est infinità multitudo. . ... . . .. Ex his omnibus longé sunt humanissimi, qui Cantium incolunt, qu& regio est maritima omnis ; neque multüm à Gallis differunt consuetudine. Jul: Cœsar. Comment. Lib. 4: — 119 — patriotes (1), de l'autre côté de la Manche, César nous révèle le Cantium (comté de Kent); et sur le rivage opposé, nous trouvons Q@uend-le-Wieil, Quend-le- Jeune dans un pays (le Marquenterre) dont le nom semble n'être lui-même qu'une corruption de la dénomination latine MARis CANTH TERRa. De l'autre côté encore, nous avons les Britanni, nom sous lequel l'antiquité comprend également les insulaires promitiis et les envahisseurs venus de la Gaule; et ici Pline nous fait connaître les Britanni du Belgium. Enfin, de l'autre côté, l'Albion des Phéniciens et des Carthagi- nois est devenue, sans qu'aucun texte précis nous en dise la raison, la Britannique ou île de Bretagne ; et ici, toujours dans le Marquenterre , le nom des Bri- tanni Gaulois semble s'être conservé jusqu'à nos jours dans celui de Bretagne , village voisin de Villers-sur- Authie, lequel a probablement succédé à leur princi- pale bourgade. Mettra-t-on sur le compte du hasard ces ressem- blances frappantes? Nous avouons qu'il nous paraît plus naturel de les regarder comme la confirmation positive des témoignagnes réunis de César et de Pline : c'est-à-dire, de croire que ces Gaulois du Belgium, qui, à l'arrivée du général romain en Angleterre, avaient commmencé l'œuvre de la civilisation du Can- tium, étaient originaires de la contrée continentale (4) M. Morel de Campennelle. Voir ses Recherches sur le port Hhius, Vans les Mémoires de la Société Royaleul Emulution d Abbeville, année 1835. — 120 — des Britanni, laquelle porte encore aujourd'hui, comme on vient de le voir, plusieurs vestiges de ces noms propres imposés par eux aux lieux dont ils s'étaient fait une seconde patrie. Considérons maintenant le passage de César sous un point de vue tout nouveau. Ces Gaulois-Belges , que le conquérant a trouvés établis, Me do plusieurs siècles sans aucun doute, sur la côte d'une île dont la presque totalité des habitants était encore sauvage , qui leur avait enseigné à eux-mêmes à porter dans cette île ces grands éléments de toute civilisation antique : conquête, colonisation, agriculture? Qui les avait rendus ca- pables de remplir le rôle si difficile d'un peuple qui entreprend d'en tirer un autre des fanges de la Bar- barie? On conçoit que ce problème historique doit rester sans solution, si l'on n'a pas recours à l'heureuse influence des Massiliens, établis depuis longtemps, dans l'intérêt de leur commerce, au milieu d’une population dont les mœurs devaient s'être adoucies peu à peu par le contact de la civilisation la plus parfaite qu'ait jamais 2 le polythéisme mytho- logique. Nous avouons, en terminant ce chapitre, que l’his- toire de l'établissement des Massiliens sur les rivages de la Manche présente encore bien d'autres probéiess à résoudre, auxquels, malheureusement, nous ne croyons pas qu'il soit jamais possible, malgré les plus actives investigations, de donner aucune solution péremptoire. Pourquoi, par exemple, ces marchands, partis des — 121 — Bouches-du-Rhône pour,se mettre en communication avec le pays qui produit l'étain, se sont-ils dirigés vers le point de la côte que nous avons indiqué, plutôt que vers tout autre ? Etaient-ils, avant cette entreprise, en relation commmerciale avec certaines peuplades de la Gaule ; et, dans le choix de l'emplacement de leur colonie, ont-ils été guidés par les renseignements que ces peuplades leur avaient fournis? Cela est probable, mais ne peut devenir une certitude. Connaître les faits en masse et en ignorer les détails, constater les ré- sultats et ne pouvoir remonter à leurs causes, tel est, trop souvent, l'unique fruit que nous tirons de l'histoire, surtout de celle des temps reculés. INTRODUCTION AU CHAPITRE V. Remarque préliminaire sur une difficulté orthographique résultant du signe de l'aspiration qui remplace, dans la langue grecque, la lettre H de l'alphabet latin. Malgré le désir que nous avons d'arriver aux noms géographiques qui attestent le séjour des Massiliens dans le Ponthieu, nous devons ici, pour n'être pas arrêté par de fastidieuses discussions orthographiques, tàcher d'éclaircir, d'une manière générale, une difi- culté sur laquelle, sans cette précaution, nous serions obligé de revenir chaque fois qu'elle se présenterait dans le chapitre suivant. Cette difficulté regarde la lettre H. Rappelons à ce sujet aux personnes qui n'ont pas fait des idiomes classiques une étude sérieuse : 1° Que dans la langue grecque, quand l'aspiration affecte une voyelle initiale, ou, dans certains cas, la lettre qui correspond à notre R, elle se marque par un signe nommé esprit rude, qui se place au-dessus de ces lettres ; _ AE il «)2 td — 2° Que ce signe, selon l'usage commun, se change en notre lettre H, si le mot passe dans un autre idiome, et surtout dans le latin, langue par l'intermédiaire de laquelle vont nous arriver la plupart des noms propres de localités que nous avons à examiner ; 3° Enfin, que quand l'aspiration affecte une des consonnes qui correspond à notre C, à notre Pet à notre T, ces consonnes se changent en d'autres lettres qui équivalent à CH, PH et TH. Or, cet usage commun a souvent été violé parles Romains, quelle que fût d'ailleurs l'origine grecque, latine où barbare, des mots soumis à cette violation, laquelle quelquefois était systématique. Ainsi, Cicéron nous apprend Gue:dans sa Jeunesse, à l'imitation des anciens Romains, il n’admettait l'as- piration que devant une voyelle, et qu'en conséquence, il prononcçait sans H pulcros, ceteges,'triumpos, Car- laginem (4. Mais à cette époque d'autres orateurs repoussaient cette lettre dans le cas même où l'admettait Cicéron, et prononçaient ircos, ædos. Quintilien, à qui nous empruntons ce renseignement, ajoute qu'après s'être montrés siméragers de l'H, les Romains finirent par la prodiguer en écrivant, choronæ, chenturiones, præ- chones, comme on le voyait encore de son temps sur (4) Quin ego ipse, cùm scirem ita majores nostros locutosiesse, ut nus- quam, nisi in vocalitaspirationc utereutur, loquebar sic, utipuleros, eetegos, triumpos, earlagincm, dicererm. 4 Orator. cap. 18, n° 162. — 124 — quelques inscriptions. Cet abus fut poussé si loin u'on en vint à employer mehe pour le pronom me. C'étaient surtout les poètes tragiques qui avaient-mis cette étrange locution en usage (1). Ceci prouve qu'à Rome les écrivains étaient loin d’être d'accord sur l'emploi de l'H. Certes, nous avons bien hérité quelque chose de leur incertitude. Pen- dant combien de temps, par exemple, n'avons-nous pas écrit Hermite, avant de nous souvenir que le mot grec d'où il dérive commence par une voyelle non surmontée du signe de l'aspiration ? Autre embarras qui n’est pas encore résolu : doit-on, surtout dans les compositions lftines, employer ou rejeter cette lettre au ‘commencement des noms propres Amilear, Anni- bal ? Les Grecs les ont écrits sans l'esprit rude ; mais Cornélius Nepos et d'autres historiens latins nous les offrent avec l'H en tête. Qui décidera ? Ce qui devait surtout augmenter, au sujet de cette bizarre lettre, l'incertitude des Romains qui avaient le désir de prononcer et d'écrire correctement leur langue, c'étaient les exigences de la mode et le ca- price des personnes dont le rang et la condition pou- (4) Parcissimè eà (litterà H) veteres etiam in vocalibus, cùm ædos, incos que dicebant. Diù deinde servatum, pe consonantibus aspiraretur, ut in graccis et triumpis. Erupit brevi tempore nimius usus, ut choronæ, chentu- riones, præchones adhuc quibusdam inscriptionibus maneant; quà de re Ca- tulli Nobile epigramma est... Mehe quoque pro me apud antiquos tragæ- diarum præcipuè scriptores in veteribus libris inyenimus. Quintiliani. instit. orator. |. 4. €: 5: — 125 — vaient avoir quelque influence sur cette matière. Ces caprices étaient quelquefois poussés jusqu'au ridicule, comme le prouve une épigramme de Catulle que Quin- tien cite, à ce sujet, avec éloge, et dont nous offrons ici une traduction. CONTRE ARRIUS: Arrius, toutes les fois qu'il voulait prononcer les mots commoda et insidias, disait chommoda et hin-= sidias ; et il se flattait surtout d’avoir parlé admira- blement bien, lorsqu'il avait crié hinsidias de toute la force de ses poumons ; car c'était, je crois, üne pro- nonciation qu'il avait héritée non seulement de sa mère et de Liber, son oncle paternel, mais encore dë son grand-père maternel et de sa vieille aïeule: On l'avait envoyé en Syrie; et toutes les oreilles de cette ville, après s être reposées en entendant ces mêmes mots s’écouler avec autant de douceur que de légè- reté, ne redoutaient plus pour elles cette étrange prononciation, quand tout à coup se répand l’horrible nouvelle que la mer qui baigne les côtes de la Grèce, depuis qu'Arrius l’a traversée, n’est plus la mer d’Lonie mais bien la mer de Hionie (1). (1) IN ARRIUM. Chommoda dicebat siquando commoda vellet Û Dicere, et hënsidias Arrius insidias ; Le Cette plaisanterie ne semble-t-elle pas s'être con- servée jusqu'à nous pour nous donner la mesure de l'abus que, dans les plus beaux siècles dela langue latine, les personnes même les plus distinguées par leur position sociale, faisaient de Ja lettre H'au sein d'une ville où vivaient les grands écrivains qui ont illustré cette langue . Si la règle concernant l’'H était alors impunément violée, que n'a-t-il pas dû arriver quand aux idiomes classiques sont venus se mêler les idiomes étrangers ? IF nous semble inutile d'ajouter, tant c'est chose coinue, que plus tard encore cette confusion ortho- graphique: fut portée à son comble par l'ignorance des scribes du moyen-âge, et que sous leur plume la lettre H fut ajoutée ou retranchée avec moins de discernément que jamais. On jugera par un seul ex- emple de l'étendue de cette ignorance, si l'on veut se rappeler que, ne sachant pas même, pour la plu- part, tracer correctement le nom qui, dans ces siècles de foi, faisait incliner tous les fronts du monde Et tüm mirifice sperabat se esse locutum, Cüm'quantüm poterat, dixerat hinsidias. Credo;! sic mater, sic Liber avunculus ejus, Sie maternus avus dixerat, atque avia. Hoc misso in Syriam, requierant omnibus aures ; Audibant eadem hæc leniter et leviter; Nec sibi post illæ metuebant talia verba, Cüm subit affertur nuncius horribilis, Jonios fluctus, postquam illuc Arrius isset , Jàm non lonios esse, sed Hionios. Catul. Carm. 88. LE a tes chrétien, ils ajoutaient souvent la lettre H dans Jésus, et la supprimaient dans Christ, comme le prouvent plusieurs manuscrits de cette époque (1). Il est facile de voir quelle conséquence nous vou- lons tirer de ce qui précède. Nous terminons donc cette digression déjà trop longue, en avertissant nos lecteurs que chaque fois que le retranchement ou l'addition de la lettre H viendra contrarier l'étymologie d'un des noms propres que nous allons offrir dans le chapitre suivant, nous écrirons d'abord ce nom avec sa faute d'orthographe. Quant à la correction, nous nous contenterons, sans entrer dans aucune discus- sion, de la renfermer entre deux crochets. (4) Jhésu-Crist. C’est ainsi particulièrement que ces deux mots sont tou- jours écrits dans les Statuts des Sœurs de la Magdeleine d' Abbeville, manus- crit, sur vélin, du quinzième siècle, dont la, copie a été, communiquée à la Société royale d’Emulation d’Abbeville (4833), par M. Louandre. CHAPITRE V. Noms propres de localités qui révèlent, par leur origine grecque , l’emplacé: ment qu'a occupé la colonie massilienne. — Second indice que les Cartha: ginois ont visité les côtes du Ponthieu: — Fin de la colonie. SAÏNT — VaLERY: — Le recueil des mémoires de la Société royale d'Emulation d’Abbeville faït foi qu'avant 1833; nous avions signalé aux investigations de cette société le petit port de mer de Saint-Valery-sur- Somme ; lequel, selon le témoignage des auteurs de la Gallia Christiana, portait, sous les rois de la pre- mière race; un nom grec qui n'avait éprouvé aucune altération: Voici le passage dans lequel se trouve cette première découverte qui nous a conduit dans la suite à celle de la colonie massilienne. », Le monastère de Saint-Valery, disent les savants » frères Scévole et Louis de Sainte-Marthe, ne fut » ainsi appelé qu'au dixième siècle. Ce lieu, dont le 21.1. CARTE #epréntout L'emplacement de Lx cofonie Massilienne. (0e asbéèziseque MARQUE Une) focafite qui exwte plus, eb Dout L'emplacement m'est” pa certoi. Lettres, niajuscufes Déoiqueutume focalité dont fo wow, francs où Patin, Device Du grec. Le D Ô ue annouce un Doule our fa Doivation. Like. Vitur Al beville er | | — 129 — » nom antique est Leuconaus (1), est situé au diocèse » d'Amiens, dans le canton du Vimeu, à l'endroit où » la Somme se jette dans l'Océan. Chlotaire, vers l'an » 611, le concéda en pur don à Valery, disciple » de Saint-Colomban, qui, après avoir reçu la per- » mission de semer la parole de Dieu, parcourut les » parties occidentales de la Neustrie avec le moine » Valdolène (2). » Nous avons plusieurs remarques à faire sur ce pré- cieux passage. La première regarde l'importance du nom antique qu'il nous révèle. De quoi s'agit-il, en effet, dans les recherches dont nous nous occupons ici ? Non de bâtir un système, Diodore et César ont pris ce soin, puisque ce sont eux qui, directement ou indirectement, font connaître la présence des Massi- liens sur la côte gauloise du détroit, mais de marquer, d'après des indices sûrs, quel est le point de cette côte que ces marchands ont fréquenté. Or, dans de telles circonstances, un nom de localité qui, comme Leuconaus (3), réunit deux expressions grecques ayant (4) Leuconaus (Acuxovæuc) est >rmé de deux racines : Aeuxos, blanc, et Nas, navire: , (2) Sancti Valarici monasterium hoc nomine appéllatum est seculo decimo. Ponitur in diæcesi Ambianensi Winemacensi pago. Leuconaus antiquo vocabulo dicebatur ad Somonæ fluminis ostia in Oceanum. Hunc Valarico sancti Columbani discipulo largitus est Chlotarius sub anno 611 ; qui acceptà disseminandi: verbi licentià Neustrici regni partes in occiduas se cum Waldo leo nobe Ho receperät. (Gallia Christ. t. 10. Eccl. Ambianensis.) D(B)NLe nom AEdx0va06 peut signifier, où selon l'explication littérale, vaisseau blane, ou, pour rappeler la biancheur des falaises qui avoisinent ce port, ligu 9 — 130 — lune et l'autre la significagion que nous leur assi- gnons ; un nom, disons-nous, dont la seule énon- ciation trahit tellement son origine, que dans le voca- bulaire de la langue à laquelle il appartient, plus de cinquante, mots composés commencent par cette racine Leuco, ne nous avertit-il pas d'une. manière certaine que nous touchons enfin à cette terre qu'ont si longtemps habitée les infatigables rivaux des;Car- thaginois ? Notre deuxième remarque se rapporte à l'empla- cement qu'occupait Leuconaus. En jetant un regard sur la carte placée en tête de ce chapitre, on pourra s'étonner que les descendants des Phocéens, ayant fait de la rive droite de la Somme le théâtre de leur activité commerciale, aient bâti cette place sur la rive gauche, où elle se trouve entièrement isolée. Voici notre opinion à cet égard. Il est:certain que de quelque manière et à quelque époque que les Massiliens aient pénétré, à travers la Gaule, jusque sur les côtes qui gisent vis-à-vis du Cantium, ils ont dû, pour ne pas compromettre le succès de leur entreprise, non seulement être assurés: du consentement des peuplades qui se trouvaient sur leur route, mais sutout, en vertu de quelque traité % blanc où des. vaisseaux se rassemblent ; ou peut-être enfin,:en donnant à la première partie du mot une signification approchant de celle qu’elle a dans Asuxovorof, lieu où les vaisseaux jouissent du calme, c’est-à-dire, où ils sont à l'abri des tempêtes. — 131 — préalable, compter sur les bonnes dispositions et sur l'alliance des habitants de la partie du Belgium où se trouvaient ces Britanni, au sein desquels ils avaient J'intention de fonder un établissement durable. Unis par les liens d’un intérêt commun, le premier soin des indigènes et des colons a été, sans aucun doute, de prendre des précautions contre toute con- currence étrangère. Les Massiliens trouvèrent-ils, à leur arrivée dans ce pays, leurs anciens ennemis les Carthaginois, dont nous allons bientôt, pour la seconde fois, reconnaître les traces sur les bords de la Somme, et furent-ils obligés de les en chasser à force ouverte ? ou bien ceux-ci se retirèrent-ils devant c°s adver- saires qui les avaient battus dans tant de rencontres ? ou bien encore, ne visitaient-ils ces parages que de loin en loin, et s’abstinrent-ils d'y reparaître en apprenant à quels hommes ils auraient désormais affaire ? Il est extrêmement probable que la vérité se trouve dans l’une de ces trois suppositions; et que c'est la crainte d'une nouvelle apparition des Carthaginoiïs qui a engagé les Massiliens, dominant sur la rive droite par le port du Crotoy, à fonder sur la rive opposée un autre port qui les rendit tout-à-fait maîtres de l'em- bouchure de la Somme. Cette rivière, sans cette sage disposition, ouvrait à leurs concurrents une entrée facile dans le pays. Au reste, et ce sera là notre dernière remarque sur le passage de la Gallia Christiana cité plus haut, le — 132 — petit port de Leuconaus devait être bien peu important sous le rapport commercial et sous celui de la défense du pays, puisqu’un roi franc en disposait si facilement en faveur d’un pauvre missionnaire, un siècle à peme après que les Romains, sur les bords de la Loire, disputaient encore contre les peuples envahisseurs la plus belle de leurs anciennes conquêtes. Cette consi- dération nous porte à croire que ce lieu n’a jamais été pour les Massiliens qu'une espèce de poste ou de vigie, d'où il leur était facile, aux heures de marée, de veiller sur l'entrée des navires dans la rivière de Somme. Hâtons-nous maintenant de passer sur la rive droite de cette rivière, et d'y recueillir de nouvelles traces du séjour des Massiliens sur les côtes septentrionales de la Gaule (1). (L). Le Croroy. — Croroya.— Créra. — Nous avons parlé plus haut de l'emplacement de ce lieu qui n'est plus, aujourd'hui, qu'un village. Sa position, comme port situé à l'embouchure du cours d’eau le plüs con- sidérable du pays, a dû le rendre très florissant à l'époque où les Massiliens avaient dans ses environs plusieurs établissements commerciaux. Tout atteste que les Romains se sont hâtés de s'y fixer en grand nombre après la conquête; car on y a reconnu des ll 2h (4) Une (L) précédant un des noms qui vont suivre, indiquera que c'est du mémoire de M. Louandre, cité plus haut, qu'est tiré ce nom ainsi que sa synonymie et les dates qui s’y-rapportent. — 133 — restes de leurs habitations sur un rivage aujourd'hui inondé à marée haute ; et on a fréquemment trouvé dans ces débris, avec des fragments de poterie souvent revêtus d'ornements élégants, des médailles de plu- sieurs empereurs, depuis Trajan jusqu'à Constantin (1). Le premier nom latin, Crotoya, sous lequel ce vil- lage, autrefois cité florissante, est désigné par M. Louandre, indiqué assez une origine barbare. En effet, disent les archéologues qui se sont oécupés de l'histoire du Ponthieu, ce nom est formé de la réunion de deux mots celtiques dont le premier signifie élé- vation, et le second, habitation. Nous avons d'autant plus de confiance dans cette étymologie, que le nom de Crocs est encore donné de nos jours à plusieurs Puttes qui se trouvent dans les environs du Crotoy. Mais parce que nous approuvons l'étymologie de Crotoya, qu'on n’aille pas croire que nous regardions le lieu qui a porté ce nom comme une ville de fon- dation gauloise. Rien au contraire ne nous paraît plus incertain. Disons pourquoi. Une note du mémoire de M. Louandre nous apprend que d'après le Polyptique de l'abbaye de Sainte-Aus- treberthe (2), cité par Malbrancq (De Morinis, tome I”, page 67), en l'an 663, c'est-à-dire, à une époque où il est probable que les anciens noms de localités étaient (4) Voir les Recherches de. M. Ravin sur le Crotoy, (Mém. de la Soc. d'Emul. 1837), et plus loin, dans le présent volume. (2) Ce manuscrit s’est perdu pendant la tourmente révolutionnaire. — 134 — encore à l'abri de toute altération, le Crotoy s'appelait en latin Creta (la Crète). Si l'on ne peut raisonna- blement, comme nous le pensons, révoquer en doute l'origine grecque de ce nom d'un lieu situé en face d'un autre lieu appelé à la même époque Leuconaus ; nous demanderons par qui a pu être apporté sur les bords de la Manche ce nom, qui est aussi celui d’une île située à l'extrémité méridionale de la mer Egée, et nous ne pensons pas qu'on hésite à répondre: « Par les marchands massiliens dont la patrie primi- » tive, Phocée, s'élevait sur le rivage de la même » mer, et que quelque ressemblance imparfaite entre »_des lieux si éloignés l’un de l'autre peut avoir frappés »_ à leur arrivéeauprès de l'embouchure de la Somme.» Nous ne terminerons pas ce que nous avons à dire sur ce nom, sans faire remarquer à quiconque voudra se rappeler les premierséléments dela syntaxe grecque, que son! importation d'une contrée hellénique peut seule rendre raison de l'article (le Crotoy) dont il est précédé contre l'usage constant de notre langue, qui n'admet ce petit mot devant les noms propres d'en- droits que quand ces noms sont des substantifs com- muns appartenant soit à notre ancien idiome, soit à quelque patois local, soit à notre vocabulaire mo- derne, comme on le voit dans le Hävre , la Charité, l'Orient, la Perrière, la Haie, le Puy, etc.; que si l'on objectait que le genre de cet article est en oppo- sition avec celui de Creta, il serait facile de répondre, avec raison, ce nous semble, que le nom vulgaire, — 135 — Crotoy, ayant une terminaison masculine, la loi de l’analogie, dans cette circonstance, l'a emporté sur toute autre considération. Au reste, que les colons de race hellénique soient les fondateurs du Crotoy, ou qu'ils l’aient trouvé bâti quand ils sont venus s'établir vis-à-vis de l'Angleterre; qu'une certaine similitude de prononciation les ait portés à changer le nom celtique de cette bourgade gauloise en un autre qui appartenait à leur langue et leur rappelait d'heureux souvenirs; ou que le contraire de ces suppositions soit arrivé : peu importe. Ce que nous cherchons ici, ce sont les traces laissées par les Massiliens sur les côtes du Ponthieu ; le nom de Creta nous en offre une qui nous paraît précieuse; et nous là recueillons sans nous soucier de soulever des ques- tions qu'il est aujourd'hui impossible de résoudre. Quittons donc ce port et remontons le cours de la Somme. Avant d'arriver au troisième établissement des Massiliens , arrêtons-nous à Noyelles-sur-Mer, vil lage qui se rencontre sur la route. Ce lieu offre, comme tous les points de cette rive, de nombreux débris de tombelles, des vases gaulois et des ruines romaines ; mais ce n'est pas à ce titre qu'il va un instant attirer notre attention. Dans l'extrait des procès-verbaux de la Société Royale d'Emulation d’Abbeville (année 1835, séance du 17 avril}, on lit que dans ce village de Noyelles, au lieu dit la Briqueterie, un propriétaire du pays a trou- vé dans un champ qui lui appartenait ,-diverses sta- — 136 — tuettes (présumées égytiennes) (1), et qu'une figure d'Isis, en bronze, haute de cinq pouces, découverte dans un tombeau , il y avait alors plus de trente ans, par M. Hecquet d'Orval père , était encore en la pos- session de son fils. On lit aussi dans le même extrait qu'à la séance du 27 juin de l'année suivante, un membre rappelait à la société les, morceaux d'antiquité: trouvés au même endroit dix ans auparayant,etentre autres,une figurine à tête d’épervier, de la hauteur de quatre à..cinq pouces. … ' Certes, ces citations constatent d’une manière bien positive la présence sur ces rivages, dans les temps antiques, d'étrangers attachés à une religion qu'une société savante a jugée n'être pas la même que, celle des Grecs et des Romains. Mais les idoles qui prouvent cette différence appartenaient-elle réellement, comme on paraît l'avoir cru, au culte des descendants, de Mesraïm? Peu de mots, nous l’espérons, sufliront pour résoudre cette question intéressante, mais qui ne se rattache que subsidiairement à notre sujet. M. Cayx (Précis de l'Histoire ancienne), résumant tout ce que savent les modernes de la religion, des Phéniciens, et par conséquent des Carthaginois,.dit que dans les temps même d'une haute antiquité, elle offre plusieurs points de ressemblance avec la cosmo- gonie des Égyptiens. (1) C'est ce qu’on reconnaît dans le proces-verbal du 8 janvier 1836. — 137 — Il résulte de cette phrase que ces deux cultes étant fondés sur des bases à peu près semblables, leurs symboles matériels ne présentaient nécessairement que de légères différences ; et que, lom des lieux où ces religions ont régné , il est facile de se méprendre sur l'origine de ces symboles, et de les confondre. L'histoire heureusement, même sans qu'il soit besoin de rappeler à la mémoire les médailles cartha- ginoises trouvées à Abbeville, sur la même rive de la Somme, vient ici déterminer notre choix entre ces deux cultes; car, d'un côté elle garde le silence le plus absolu sur une colonie qui, sortie de cette Egypte si pleine de mépris pour toutes les nations étrangères, aurait pénétré (et par quelles voies?) jusqu'aux extré- mités septentrionales de la Gaule : de l'autre, elle proclame, par d'irrécusables témoignages, la pré- sence non interrompue , pendant une longue suite de siècles, des Phéniciens et des Carthaginois dans les mers voisines de ces contrées, alors sauvages. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de nous étendre sur la conséquence à déduire de ces deux renseignements, l'un négatif, l'autre positif, mais tous les deux éga- lement incontestables. Après avoir fait remarquer ce second indice du séjour des Carthaginois dans les lieux voisins de lem- bouchure de la Somme, retournons à la recherche des traces qu'ont laissées dans le même pays les Massiliens, leurs successeurs. — 138 — (L) Caux. — CATHORTHUM avant 1233 (correcte- ment : CATORTHUM) (1). — Ce troisième établissement massilien est situé dans une petite vallée, à peu de distance de la Somme, et vis-à-vis de l'emplacement où s'élève aujourd'hui Abbeville, La facilité de s'y rendre, en partant de Leuconaus ou de Creta , com- parée à la difficulté habituelle des communications dans un pays alors couvert de forêts (2), a sans doute engagé les colons, ses fondateurs, à lui donner ce nom significatif, dont les noms qu'il a portés plus tard ne semblent être que des corruptions : Caurs d'abord ; ensuite Cahours, et enfin Caux, comme on vient de le voir. Au reste, ce lieu, conune ceux qui vont suivre, ne pouvait être qu'un comptoir de commerce. (L) Hiermont (3). — Sacer Mons. — C'est en re- montant au nord-est qu'on trouve, à douze kilo- (1) Catorthum (Kärop0ov), de Kazt, selon, et Gofos, droit (in rectum tendens. Hederici lexic.) ; e’est- à dire , lieu où l’on arrive en droite ligne ou par une route facile. é (2) Il suffit de jeter les yeux sur une carte de cette partie du Ponthieu, pour être étonné de tous les bois qui y subsistent encore : bois de Toflet, bois de Bonnance, forêt de Cantâtre, bois Roy, forêt de Crécy, bois de Nouvion, bois de l'Abbaye, bois du Rondel, bois Grare, bois de la Retz, bois Thomas, bois Périot, etc., etc., etc. (3) Ce nom est formé de deux racines: l'une grecque , lepos, sacré; l’autre latine , Mons, montagne. — REMARQUE. Hiermont est nommé Wiermont dans une charte de 1221 : ces noms sont parfaitement identiques ; seulement on s’est servi dans le dernier du W au lieu.de l'H pour. marquer laspiration. Quant au nom de-Huriremont sous lequel on dit que ce lieu est, désigné! dans des titres dont on n'indique pas la date, nous pensons qu'il ne peut être qu’une corruption-des deux précédents. — 139 — mètres environ de Catorthum, ce quatrième vestige du séjour des Massiliens sur nos côtes. L'origine grecque d'Hiermont, attestée par la première partie de son nom vulgaire, est pleinement confirmée par la partie correspondante du nom que lui donne le latin des chartes : Sacer Mons, montagne sacrée. Ce nom vulgaire, moitié grec, moitié latin, prononcé journel- lement par des paysans Picards, offre assurément une singularité bien remarquable; nous laissons à d’autres le soin de rechercher les causes de cette bizarrerie : il nous suflit de lavoir constatée. On sait que certains peuples polythéistes consa- craient à quelques-unes de leurs divinités des autels élevés sur des monticules ou sur dés collines. C'estmême de cette coutume que vient l'anathème contre les hauts-lieux prononcé si souvent dans les livres de l'ancien Testament. Y avait-il à Hiermont un de ces monts sacrés où les descendants des Phocéens, repro- duisant dans un coin de la Gaule les brillanies théories de la Grèce et surtout de l’Asie-Mineure, se rendaient religieusement à certaines époques de l’année? C'est ce'que son nom même nous autorise à présenter comme une conjecture d'autant plus probable, qu'un monticule assez considérable pour avoir servi de base, au moyen-âge, à un château-fort, s'élève au centre de cet antique établissement massilien. Quoiqu'il en soit, ce lieu, aujourd'hui chétif village de quatre cents habitants, a aû être et rester long- temps une place importante, puisqu'en 1192, Guil- — 140 — laume IIT, comte de Ponthieu, acorda aux bourgeois de cette ville une charte d’affranchissement com- munal. : | Hiermont est situé à trente kilomètres de Leuconaus ; ce sont les points habités de la colonie massilienne:les plus éloignés l'un de l’autre. - D'Hiermont à l'Authie, il y a cinq kilomètres et demi. Avant de nous rapprocher de notre point de départ, nous allons parler de cette rivière. (L) L'AUTRE. — Arreia, neuvième siècle (correcte: ment: ALTBETA. — Avant que nous arrivions à l'étymo- logie du nom vulgaire de cette rivière, faisons remarquer combien la langue française, dans ses dérivations, se plaît à changer la syllabe al en la diptongue au. Les exemples abondent, surtout pour les mots tirés du latin: Ælba, l'Aube, rivière ; alnus x aune; allus, haut; caldus, chaud; calvus, chauve ; salvus, sauf, etc. Les noms propres subissent eux- mêmes cette altération: ainsi l'évêque d'Angers Ælbinus estle même que le Saint-Aubin de nos calendriers; et telle est la force de cette analogie, que par un pro- cédé inverse, le fameux réformateur Cauvin, sur le utre de ses ouvrages latins, s’est fait appeler Calvinus, au risque de rendre méconnaissable un nom. qui devait acquérir tant de célébrité dans nos querelles religieuses. | Pour venir maintenant à l'application de la règle qui semble résulter de la remarque précédente, chan- — 141 — geons dans le nom de l’Authie tel qu'il est parvenu jusqu'à nous’par la tradition , la première syllabe au en _al; conservons ensuite le #k, dont le latin ne s’est pas soucié, par la raison que nous avons expliquée dans l'introduction à ce chapitre, et nous arriverons ainsi naturellement à la racine que nous donnons en note ; (1) racine, au reste, sur la légitimité de laquelle les noms incontestablement srecs qui précèdent, et ceux qui vont suivre, ne doivent laisser aucune incertitude. Il nous semble inutile d'ajouter que, selon toutes les probabilités, l’Authie doit son nom à la salubrité vraie ou supposée de ses rives. (L)La Maye. — Maïa (2), 1112. — Ce ruisseau, qui coule au centre du pays qu'a occupé la colonie massi- lienne, et dont les eaux, comme nous l'avons dit plus haut, avant d'arriver jusqu'à la mer, se réunissaient autrefois à celles d’un bras de l’Authie, nous offre dans son nom latin une nouvelle trace du culte antique des Hellènes. Mais cette trace, matériellement irrécusable du reste, ne pourrait-elle pas être attribuée aux Romains, qui admettaient les mêmes croyances my- thologiques et donnaient à la fille d’Atlas le même nom que les Grecs? Nous tàcherons, dans l’article suivant, de répondre à cette objection, qui d’ailleurs cessera (4) Ce nom vient d'AX0o ou Aaive, je procure la santé, ou de l'adjectif Ares, utile à la santé. (2) Voir le mémoire de M. Louandre, article : Fontaine-sur-Maye. — 142 — d’en être une bien sérieuse, quand on aura vu trois autres preuves de la piété des Massiliens imprimées sur un sol où les Romains n’ont rien laissé de semblable. (L) ErmÈs (correctement : H£rMËSs). — Ce nom grec de Mercure que l’on a quelquefois écrit en français tel qu'on le voit ici, c’est-à-dire, sans H, comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur le titre de l'article du dictionnaire philosophique consacré à Hermès ou Ermès trismégiste; ce nom. de Mercure, disons-nous, était aussi celui « d'un lieu inconnu du » Ponthieu, dont la commune fut confirmée par Phi- » lippe-Auguste en 1221. » C'est tout ce qu'on sait de cette place, bâtie en l'honneur du Dieu du commerce, par un des peuples les plus commerçants de l’anti- quité, laquelle tirait sans doute son nom d'un temple qu'on doit raisonnablement supposer avoir été bâti sur les bords du ruisseau de Maïa ; car le culte de la mère se confondait dans celui de son fils. Cette supposition si vraisemblable étant une fois admise, on en tire la conséquence que Hermès étant une dénomination grecque, e nom de Maïa ne peut avoir été imposé à.ce ruisseau que par des hommes qui parlaient cette langue: (L) Aron (1). — C'est auprès de Rue que se trou- * G) Acnowa (Aypova) a deux racines : ’Aypè, la campagne, d'où &7ypa, chasse (Quôd in agro capiatur præda, Schrevelius), et Néw, habiter. Cette dé- 4 “À « nomination a une frappante analogie avec celle d’’Ayotépæ, Apteue, Diana venatriæ, citée dans tous les lexiques grecs. 1432 — vait ce lieu qui n'existe plus depuis longtemps. Les Massiliens l'avaient consacré à Diane, dont on sait qu'ils avaient religieusement apporté le culte des rivages de l’Asie-Mineure. Le nom même donné par eux à ce lieu atteste cette consécration ; car, des deux racines qui le composent, la première signifie la cam- pagne en général, et dans un sens plus restreint, fout lieu propre à la chasse, comme nous l’expliquons dans la note; et la seconde est un verbe qui signifie habiter. AGRONA est donc l'équivalent de la périphrase sylvarum où nemorum cultrix (habitante des bois), dont se servent les poètes latins pour désigner la même divinité. (L) HÈRE. — HER4, 998.— Ce nom d’un hameau qui subsiste encore aujourd'hui auprès de Rue, est la der- nière trace que la croyance religieuse des Massiliens ait laissée dans le court intervalle qui sépare la Somme de l’Authie. Il est inutile d'ajouter qu'ils avaient con- sacré ce lieu, dans le voisinage duquel se trouvait Agrona, à la déesse protectrice de la sainteté du ma- riage : car on sait que Héra (Hp) était pour la Grèce la même divinité que les Romains SRE sous le nom de Junon. Aux noms précédents, dont l'origine nous paraît certaine, nous allons en ajouter deux dont la syno- nymie latine ne nous est pas connue, et que nous croyons être des noms grecs altérés seulement dans leurs terminaisons. — 144 — (L) Le premier est Arry (1), nom d'un village du Marquenterre qui existe encore; l'autre est Ma- RÉGNY (2), village du Ponthieu tout-à-fait inconnu au- jourd'hui. Don Grenier parle d'Arry sous la date de 1123, et de Marégny sous celle de 1154. Nous ne savons si nous nous abusons, mais 1l nous semble que l’origine grecque de tant d'autres noms de localités du même pays, que nous avons constatée jusqu'ici, donne à celle’que nous assignons à ces deux derniers un degré suflisant de vraisemblance. Arrivons à une dernière étymologie ; elle n'est pas de nous. On la trouve dans un mémoire cité plus-haut, où M. Morel de Campennelle a essayé de démontrer que le port Ælius, Lcius, ou Ethius, d’où César a fait voile deux fois pour l'Angleterre, n’a pu être ni au sud de l'Authie, ni au nord de la Canche. Selon le savant antiquaire, « Ponthieu serait la tra- » duction de Pontus Æthius, mot-à-mot, Pontithieu, d'où, par contraction, Ponthieu, » Emparons-nous de cette.-étymologie, et recherchons la signification des deux parties composant ce nom (4) ’AÎSe, qui manque de sagacité. 1 (2) Maréexy renferme deux racines : Mäpn, main, et TYÙ* pour y2w, génou. Disons ici que n'étant guidé par aucune espèce d'indication touchant la situationtde ce village, nous l'avons été ‘obligé de le plaéer au-hasard sur notre carte. * Fo pour Jovv n'a rien de plus surprenant que PPDER à genoux, pour V0V0É, ni n'est pas usité. — 145 — qu'a porté si longtemps le pays, siége de la colonie massilienne. La dernière de ces deux parties, thius ou Æthieu, est barbare, c'est-à-dire, qu'elle n’est n1 grecque ni latine. Elle dérive, nous apprend l’auteur, du motsaxon Ithe, qui veut dire #évre , ou port de chargement et de déchargement ; et, comme pour confirmer la légiti- mité de cette signification, il remarque plus loin que, selon d'Anville, le port où le général romain a effectué sa seconde descente en Angleterre, quoique se trou- vant aujourd'hui à quelque distance de la mer, s’ap- pelle encore Hyth, lieu situé en avant de certaines hau- teurs formant une chaîne qui se rattache à Folkstone. Venons maintenant à la première partie du mot Ponthieu, expliqué par Pontus Ithius, ou Pontus Tthieu. Que signifie Pontus? La mer, sans aucun doute: en sorte que cette dénomination Ponthieu équivau- drait à celle-ci: Mer d'Ithe:; c'est-à-dire, mer qui baigne le hävre le plus considérable du pays. Mais sont-ce les Romains qui ont imposé ce nom à cette mer et aux côtes qu’elle baigne? Il nous sem- ble évident que cela n’est pas possible: car chez eux, si l’on excepte leurs poètes, Pontus, mot qui du reste n'appartient à leur langue que par adoption, n’a jamais signifié, au propre, que « la partie de la Médi- » terranée qui s'étend des Palus-Mœotides jusqu'à » Ténédos (1). » (4) Voir les synonymes latins de Gardin-Dumesnil. 10 — 146 — Chez les Grecs, au contraire, Pontus (1) est le mot unique pour signifier la mer en général. En effet, leur Pelagus (2) ne s'applique qu'à la pleine mer; et leur Thalassa (3) désigne particulièrement la mer sous le point de vue de ses eaux, d'où vient qu'on l’emploie souvent dans le sens restreint dé canal et même d’aqueduc. Ainsi, en faisant remonter jusque dans les temps antiques l'origine du nom Ponthieu, conformémenit à l'opinion de l’auteur des recherches sur le port Zthius, il reste certain que des Grecs seuls ont pu l'imposer aux. côtes qui regardent le Cantium. Or, ces Grecs, quels sont-ils, sinon nos colons massiliens ? _Ajoutons, pour terminer ce que nous avons à dire à cet égard, que pour notre compte nous ne recon- naissons au nom Ponthieu qu'une racine: celle que nous venons de discuter la dernière. (L).— En effet, « ce pays est désigné du VI° au XIIF° » siècle sous les noms latins de Pagus Pontivus, Pon- » tis, Pontium et Ponticum ; » et loin d'apercevoir dans ces anciennes dénominations aucune trace de la racine barbare Zthe ou Ithieu, nous n'y voyons que des dérivés, bien peu altérés dans les trois premières, d'un mot grec, auxquels la conquête romaine a impo- sé des terminaisons latines. Si l'on demande quelle (4) Hôvros, ou. L (2) Héuyos, 06. . (3) Gxusrz, n° 2 PA raison aurait pu déterminer les colons massiliens à donner au pays qu'ils habitaient sur les bords de la Manche un nom qui signifie Mer : nous répondrons qu'ils n’ont pu en avoir d'autre que celle qui a porté l'antiquité à désigner sous le nom de Pontus et de Pontica regio (Moyrxi Xooz) le pays maritime qu'arrose le Thermodon. CONCLUSION. D'après les témoignages combinés de Diodore de Sicile, de César et de Polybe cité par Strabon, une colonie massilienne a occupé pendant plusieurs siècles un des points de la côte septentrionale de la Gaule, que, selon des indices dignes de la plus sérieuse attention, les Carthaginoïis avaient occupé avant eux. Quel est ce point? Celui-là; sans aucun doute, où sont restées empreintes dans des noms de localités des traces de la langue de ces colons. Pour échapper à la conséquence où nous condui- sent ces prémisses, il n’y a, ce nous semble, que deux partis à prendre: ou de prétendre qu'une combinai- son accidentelle de lettres et de syllabes ait pu pro- duire dans un espace si étroitement circonscrit des noms géographiques tels que: Leuconaus, Crela, Ca- torthum, Maïa, Hermes , Hera et autres, qui ressem- = blässent à des noms grecs et n'en fussent pas en effet. Mais qui ajouterait foi à cette merveilleuse puissance du hasard? Ou. d’avoir recours, pour chercher l'étymologie de ces noms, aux langues qui ont été parlées dans les Gaules à diverses époques. Mais le vocabulaire latin est, pour ainsi dire, populaire au temps où nous vi- vons, et l’on sait qu'on y chercherait vainement de quoi appuyer cette opinion. Quant aux vocabulaires celtique et même tudesque, si l'on veut descendre jusqu'au temps de l'invasion des Francs, nous n'hési- tons pas de croire, malgré notre ignorance à cet égard, qu'ils offrent trop de disparité avec celui des Hellènes, pour qu'il soit possible de s'y méprendre. Nous regardons donc comme suffisamment établi que la colonie massilienne dont nous avôns tâché de retrouver les traces, avait ses comptoirs de commerce et plusieurs lieux consacrés à son culte dans l’espace compris entre l'embouchure de Ja Somme et celle de l'Authie, jusque vers le village d'Hiermont. Quant x l’époque où cette colonie a pris fin, il est facile de la déterminer. En effet, tout le monde sait que la conquête de la Gaule étant achevée, Massilia, dès qu'elle eut appris que le sénat avait opposé Pompée à César, se déclara contre le conquérant qui ne tarda pas. à l’attaquer pour l'en punir. C'est quarante-neuf ans, ayant notre ère, qu'après avoir soutenu un siége célèbre, elle tomba au pouvoir d’un vainqueur irrité et devint la sujette de Rome, dont elle avait.été ssi Lo ie longtemps l'alliée la plus fidèle. Elle se consola de la perte de sa liberté par un luxe effréné; la langue grecque y fit place peu à peu à celle des vainqueurs ; et dès les premiers siècles de notre ère, c’est à Rome que ses hommes illustres portèrent leurs talents. Il est naturel de penser que ses colonies subirent en tout point le sort de leur métropole. Ici se terminent nos recherches sur l'établissement des descendants des Phocéens dans un pays dont l'importance historique était restée inaperçue jusqu’à ce jour. Cependant nous croirions laisser imparfaite la tâche que nous nous étions imposée , si nous n’indi- quions pas, au moins sommairement, l'influence que, grâce à cet établissement et aux nombreux voyages des colons à travers la Gaule, l’idiome grec a, selon nous, exercée sur la langue française à son berceau. C'est ce que nous allons essayer de faire dans la note supplémentaire que nous avons rejetée à la fin de ce mémoire. NOTE SUPPLÉMENTAIRE. On peut ranger sous trois classes les mots grecs qui se sont introduits dans la langue française. Nous mettons dans la première les termes que les ouvrages d'Aristote ont fournis à la philosophie du moyen-âge, ainsi que ceux que les sciences et les arts, depuis le XV/° siècle, n’ont pas cessé de deman- der à un idiome qui se prête merveilleusement à toutes leurs exigences. Le nombre de ces termes est infini, et la plupart conservent de leur forme primi- tive tout ce qu'ont permis de leur en laisser la diffé- rence des signes alphabétiques et la loi des dési- nences. La seconde classe comprend les expressions grec- ques que notre langue, à son berceau, a reçues par l'intermédiaire du latin. Nous y joignons les noms des sciences et de quelques superstitions dont les Grecs passent pour être les inventeurs, et un grand nombre de mots que le christianisme a amenés à sa suite. — 151 — Dans la dernière classe enfin nous rangeons certains mots qui n'appartiennent pas aux deux classes précé- dentes, et que notre langue doit avoir recus immé- diatement du grec, puisqu'ils n’ont jamais fait partie du vocabulaire latin. Ces mots, livrés au caprice de la multitude, ont, en passant à travers une longue suite de siècles, subi pour la plupart des altérations tellement graves, qu'il est souvent difficile, si lon refuse de consulter avant tout une certaine ressen- blance de sons, de remonter à leur étymologie. Voltaire (Dictionnaire philosophique) ne compte que vingt-huit de ces expressions, qu'il a dû re- cueillir facilement, quoiqu'il n'en ait rien dit, en ouvrant le Jardin des racines grecques. Nous donnons ici sa liste, légèrement modifiée et augmentée de quelques mots qu'on est étonné de n'y pas trouver. ABoxEr, de Baÿler. 'oLEre, de Xor. AFFREUX, d'Appovos. CoLce, de Kodz. AGAGER, d'A xaHsur. Cuisse, d'icyes. ALaur, d'Alaà, cri de guerre. |Enrhaizces, d’É-c02. BABILLER, de Babe. Fier (adjectif). de &i290:. Bar (à jouer), de Bien. GARGARISER, de l'apyaoiters. Bovureicce, de Boërris. Ipior, d’ Idurss. Dresser, de l'aoriste de Birrew.|LÉcHER, dei Acier. Bas (adjectif), de Babus. MarauD, de Miapos. Bripe, de Bourrp, éol. pour Purip.| Moquer (se), de Mozerv. Brique, de Bouxa. MoeqQueriE, de Moziz. Cocper (en picard : Corer), de|ïloqueus, de Môzcs. Korreu. Mousracae, de Muorézuo dans Gox, de Toviz. diusCOPHULE, dérivé de Mioraë. — 152 — OncueLceux, d'Ooyza (Lur-|lonr, de Licpes. gce fe SIFFLER, de Erphosre. Pace (un), de Ixs. ITouse et Touseau, de Toy65. PLAQUE, de IIÂGE, Izxes. ÎTuër, de Ovar». Ces mots, nous l’avouons, ne justifient pas tous d'une manière bien convaincante l'opinion qui les fait dériver d’une source antique ; mais plus de la moitié d’entre eux ne permettent aucun doute à cet égard. Comment ceux-ci 'sont-ils parvenus à se glisser dans le voca- bulaire d'une langue dont l'existence ne remonte pas au-delà du IX° siècle ? Nous ne savons si nous nous abusons ; mais 1] nous semble que le résultat de nos recherches sur les. établissements grecs dans le Por- thieu va nous rendre facile la réponse qu'exige cette question. Le centre et le nord de la Gaule ont vu naître la langue française à une époque où les descendants des Phocéens avaient, depuis quelques siècles, entière- ment oublié l’idiome hellénique. Donc cet idiome n'a “pu exercer sur elle aucune influence directe; et comme c’est aux sources seules qui se trouvaient à sa portée qu'elle a. pu puiser les éléments de son lexique primitif; si, dès ses premiers essais, elle a offert quelques traces de grec, c'est nécessairement parce que ces traces étaient déjà empreintes dans piusieurs des dialectes qui environnaient son ber- ceau. On voit que cette conclusion inévitable nous ra- u-ène nécessairement à notre colonie des Massiliens — 153 — dans le Ponthieu et à leurs fréquents voyages à travers la Gaule. En effet, où ces vestiges de grec pouvaient ils s'être conservés, sinon dans les vocabulaires des peuplades qui avaient eu avec ces marchands des rapports commerciaux ou autres, dont la durée a été de plusieurs siècles ? Et ici nous touchons sans doute à la vérité: car, outre les expressions françaises empruntées à l’idiome hellénique, dont nous venons d'offrir la liste, on est étonné de trouver d’autres expressions de même ori- gine dans les débris de ces anciens vocabulaires qui sont parvenus jusqu'à nous sous le nom de patois. Comment, en effet, expliquer l'existence simultanée des unes et des autres, sinon en admettant qu'elles sont toutes antérieures au français moderne; et que cette langue, dans le travail d’éclectisme qui a dû prési- der à sa formation, a rejeté les unes pour s’en tenir aux autres, qu'elle a trouvées peut-être plus généralement répandues. Voici plusieurs de ces expressions à racines grecques, que nous tirons du grossier vocabulaire en usage dans le pays même où la Somme et l'Authie ont leur embou- chure. Si, parmi elles, on en reconnaît qui appar- üennent à d'autres patois éloignés (car ils ont pu facilement passer par infiltration dans les patois voi— sins), cette circonstance, qui rappellera la Gaule tant de fois traversée pour le commerce de l'étain, lôin d'être contraire à notre opinion, ne fera, pensons- nous, que la confirmer. 1° Mira, ÉMITAN. — Le peuple, dans l’arrondisse- ment d'Abbeville, dit : « donner le mitan d'une chose; » faire un trou dans l’émitan. » C'est-à-dire: « donner » Ja moitié, faire un trou dans le milieu. » Ces expres- sions nous paraissent évidement forméesde deux racines grecques : # pour Hu, et Téw, couper ou diviser par moitié. Nous ävons acquis la certitude que mitan, pris dans la signification de moitié, est aussi en usage dans quelques villages de la partie septentrionale du Nivernais. Serait- ce là une de ces expressions que les caravanes massi- liennes ont dû semer sur leur route? Il ne nous paraît pas impossible que quelques autres découvertes de ce genre fissent connaître un jour les principaux points de l'itinéraire suivi, ïl y a tant de siècles, par les précurseurs de l'industrie commerciale de la France. 2° IL À RYMÉ (il a fuit une gelée blanche ). — Nous faisons dériver ce verbe rymer de Ke, être gelé, par le seul retranchement du kappa. Ce retranchement d’une muette devant une liquide, au commencement d’un mot, nous paraît de peu d'importance dans la dérivation ; ainsi de Too, lväw, primitifs de T'yv60, les Latins ont fait nosco, novi. 8° ÊvRE TÉNÉ (étre fatigué). — De Teivw, je m'é- tends. C'est l'effet pour la cause. Remarquons que le lexique d'Hédéric donne à ce verbe moyen une signi- — 155 — fication qui approche beaucoup de celle que nous Jui attribuons ici. «Tswoux, dit-1l, occupor sed cum tædio, distendor , disiineor.» 4° UNE KENNE, UN KÉNAI. — Le prenuer de ces mots signifie une cruche, ‘et le second un couvet. Serait-ce hasarder beaucoup que de dériver ces mots de Ke, vide ? 5° Un rio. — Ce mot se dit des ruisseaux des rues. Nous ne croyons pas qu'il puisse avoir d'autre racine que Péw, couler. _ 6° UNE cALÉE. — Ce mot signifie nne nichee, et, par extension, la portée d’une chatte, d’une chienne, etc. Grec: Ka, un nid. 7° Eziers. — « Je connais les éziers d’une maison ; » c'est-à-dire, « j'en connais les êtres ; je sais les diffé- » rentes places où chaque chose s'y range. : Grec: Et, placer. 8° THéion.— Ce mot, dans l'arrondissement d'Abbe- ville, signifie aïeul. Il vient de @x, oncle. En vain objecterait-on contre la légitimité de cette dérivation, la différence des degrés de parenté, puisque la même différence existe entre le mot latin nepos , petit-fils, et son dérivé français nepveu, qui n'est devenu neveu qu'au XVIT* siècle. Le célèbre grammairien de Port-Royal parle de ce — 156 — mot dans son Jardin des racines grecques. « Les Picards , dit-il, appellent l'oncle « théion de 6x, avun- culus.» On voit qu'il n’est en dissidence avec nous qu’en ce qu'il rend à théïon la signification qu'il aurait toujours dû conserver. Peut-être avait-il et a-t-il encore raison pour certaines parties de la Picardie que nous ne connaissons pas. Ce qui nous porte à le croire, c'est qu'il ajoute que «ces mêmes Picards appellent la tante theie de Gi, matertera (1).» Quoiqu'il en puisse être, il nous suffit d'avoir con- staté, d'après Lancelot lui-même, l'origine grecque de théton. Cet article serait incomplet, si nous passions sous silence que ce mot, dans la signification d'aïeul, appartient depuis bien des siècles au vocabulaire du Ponthieu: car Ja charte d'affranchissement d’Abbe- ville, rédigée en latin, remonte à 1184; et on le trouve employé dans une traduction de cette charte qu’on a tout lieu de croire à peu près de la même date (2). 9° Musriner (tricher au jeu). — Ce verbe, dont les enfants seuls sont en possession de se servir, a cela de (4) Racines grecques, cinquième partie , article TANTE, édition de Gail. (2) Voir aux archives d’Abbeville le registre ayant pour suscription:: {e Livre Blanc, 9 4er. — Le mot théïon est orthographié taion dans ce vieux manuscrit, ce qui produit, à une bien légère différence près , la même pro- nonciation que celle qui résulte de l'orthographe que nous ayons adoptée sur l'autorité de Lancelot, et plus encore après avoir entendu mainte fois pro- noncer ce mot par des personnes du peuple. — 157 — parüculier , qu'en usage à Abbeville et dans le reste du Ponthieu, il est inconnu dans les plaines du Vimeu Ne viendrait-il pas par corruption (ce n’est pas sans embarras que je propose cette étymologie qui peut paraître étrange ) de l'expression Mivsw pour Moÿ éore, cela est à moi? En effet, quand un enfant dit à un camarade avec lequel il joue: tu mustines, n’est-ce pas, dans le plus grand nombre de cas, comme s’il lui disait : tu prends ce qui m’appartient. 10° Cazyperre. — C'est le nom d'une vulgaire coif- fure de femme, encore en usage de nos jours, laquelle couvre les oreilles et une partie des joues. Faisons remarquer que le verbe karro, dont il dérive évidem- ment , désigne avec une justesse parfaite un ajuste- ment de, ce genre. C'est ce dont on pourra se con- vaincre en consultant la première page du cinquième livre de la Cyropédie, où un ami de Cyrus s’en sert pour peindre une femme aflligée qui s'était cachée le visage sous ses voiles : Kexahvpuévn re a ei yüv Gpôge: velata et terram intuens. 11° Tasse. — Lorsque le système municipal flo- rissait dans les murs d’Abbeville, le mayeur { maire), pour marque distinctive de son autorité annuelle, portait, attachée à sa ceinture , une bourse violette à fermoir d'argent, nommée la tasse, laquelle avait nécessairement plusieurs compartiments ou divisions, puisque ce magistrat y conservait le sceau de la cité, — 158 — y renfermait les dépêches de la cour et y déposait les placets qu'on lui remettait quand il parcourait la ville. On a, dit-on, souvent disputé sur l'origme et la signification de ce nom. Voici notre opinion à cet égard. L'usage de porter à la ceinture, à défaut de poches, de grandes bourses ou sacs avec ou Sans comparti- ments, qui a duré fort avant dans le moyen-âge, se trouve déjà établi dans une très haute antiquité, com- me on le voit par la défense que faisait Moïse aux Hé- breux, d'avoir dans la même bourse deux poids, l'un plus faible, l'autre plus fort (1). Il ne paraîtra donc pas étonnant que nous fassions remonter le même usage dans le Ponthieu à l'époque, bien plus rappro- chée de notre temps, où les Massiliens couvraient ce pays de leurs établissements de commerce, m que nous demandions à leur langue l'explication de ce nom Tasse, quenous croyons, du reste, avoir été alors, ‘dans ce coin de la Gaule; celui de toutes les bourses du même genre. k Cette explication, nous la trouvons sans peine en dérivant tasse de rés, je range, je mets en ordre;'en sorte que ce nom, en faisant allusion aux diverses ca- ses qui occupaient l’intérieur de ces espèces de’ saco: (4) Non habebis in eodem sacculo diversa pondera maÿjus et minus. — Deuter. xxv. 13. — Voir, pour le sens que nous donnons ici au saceulo de la vulgate, la Dissertation de Dom Calmet Sur l'antiquité de la monnaie. — 159 — ches, les disiinguait assez des autres bourses qui étaient dépourvues de ces compartiments. Aux mots précédents, nous pouvons ajouter le ver- - be coper, que nous avons cité plus haut ; car ce verbe, lom d’être une corruption de couper, lui a donné naissance, selon toutes les probabilités. Des douze mots gréco-picards qui résultent de cette addition, n'en voulüt-on reconnaître que la moitié, ou le tiers, ou le quart même, qui portassent des emprein- tes incontestables de la langue des Massiliens ; notre liste, ainsi réduite, suffirait cependant, ce nous semble, pour donner un caractère de certitude à notre opinion sur la cause de l'introduction de certaines expressions grecques dans le vocabulaire de notre idiome: car, si on rejette cette opinion, leur présence dans ce vocabu- laire devient inexplicable. Allons plus loin. Ne serait-ce pas à cette voie de con- tact et de communication à laquelle nous attribuons la conquête de ces expressions sur le grec, qu'il faudrait aussi rapporter ces parallélismes entre les deux idiomes dont parle le comte de Maistre dans sa seconde soirée, et ces surprenantes analogies recueillies par Henri- Euenne ? Cela nous paraît problable; mais les dévelop- pements à cet égard nous sont interdits : il suflit à notre but d’avoir fait entrevoir quelle vaste influence la colo- nie massilienne, plusieurs siècles même après s'être effacée du sol gaulois, peut avoir exercé sur le génie de la langue française. MÉMOIRE LES ÉTABLISSEMENTS ROMAINS DE L'ENBOUCHURE DE LA SOMME, | A SAINT -VALERY ET AU CROTOI. Par F.-P. RAVIN, DOCTEUR-MÉDECIX, À toutes les époques connues de son histoire, la Gaule a subiles invasions des peuplades du nord, dont les tribus d'origines diverses sont venues se poser sur h rive droite du Rhin. Ce fut pour s’en garantir que les Gaulois demandèrent du secours aux Romains et se liguèrent avec eux. Plus tard elles ont servi de pré- texte à César pour entrer dans la Germanie: Alex- andre-Sévère a dûse mettre à la tête d'une expédition pour les réprimer à la fin du troisième siècle, et de- puis Valérien jusqu'à Théodose, on compte peu d’em- pereurs d'Occident qui n'aient eu à.s’'en défendre. 11 — 162 — Tandis que le gros de leurs bandes arnées faisait inva- sion par la frontière rhénane, d'autres bandes déso- laient la frontière maritime, et entraient dans les fleuves : il y en avait qui remontaient la Somme pour ravager le pays qu'elle arrose. Mais ces incursions étrangères n'étaient pas les seules que les Romains eussent à craindre dans les premuers temps de leur établissement sur le pays des Ambiens ; ils avaient en- core à se prémunir contre les soulèvements des habi- tants qu'ils venaient de soumettre, et ceux des nations voisines qui pouvaient prendre part à leurs révoltes. Ainsi, dès le commencement de leur occupation, ils ont dû songer à se rendre maîtres du fleuve, si non dans toute l'étendue de son cours, au moins dans sa partie inférieure et navigable, depuis la mer jusqu'à Samarobrive. C'est ce qui paraît en effet démontré par les postes retranchés ou camps permanents qu'ils ont construits sur ses deux rives pour en garder les pas- sages, et dont les restes sont encore! subsistants à Ti- rancourt, l'Etoile, Liercourt, Abbeville et Saint-Valery. Les trois premiers camps ont été décrits par M. le comte d’Allonville; nous devons à MM. L. et F. Traullé Ja connaissance de celui qui fut construit devant Abbe- ville sur le mont de Caubert. Je n'aurai donc à parler que des établissements qui ont été élevés à l'embou- chure de la Somme pour en défendre l'entrée. “En fé: vrier 1829, j'ai produit devant la Société royale d'Emu- lation d'Abbéville une notice sur le camp 1 romain de Saint-Valery. Dans ce nouvéau mémoire j'ajoutérai à — 163 — la description que j'ai faite de ce camp, qui occupait la gauche du fleuve; celle de la station romaine du Crotoi!, qui était sur sa rive droite. ÉTABLISSEMENT ROMAIY DE: SAINT-VALERY. . Hæc patiens longo munimime cingi visa duci rupes, tutisque aptis- sima, castris, UT AN Lucas. Cv. belli lib, NL. Le retrinchement: du camp de Saint-Valery n’est pas apparent par $a masse et par sa hauteur, comme le sont encré’ceux de l'Etoile et de Liercourt : il n’a ja- mais eude dimensions aussi fortes, maïs il n’a pas con- servé son élévation prifnitive. Telqu'il est aujourd'hui , on le distinguérait à peine d'un simple rideau des champs; si 6n né l'observaït pas avec attention. Il a donc fallu une oécasionlét un ‘peu d'étude pour le re- connaître. L'oécasion m'est venue des récherches géo- logiques qué j'avais entreprises’et que je suivais dans le pays. En observant le sol dans toutes les cavités qu'il présentait, en le creusant sur divers points pour en LÀ — 164 — découvrir les couches, j'avais trouvé des restes d’hâbi- tations antiques, des vases, dés médailles:ét des sépul- tures. Toutes ces choses appartenaient à d'époque romaine et étaient renfermées dans l'enceinte que le retranchement constituait. J'arrivai à penser que le relief du terrain pouvait avoir quelque rapport avec les autres objets que j'avais découverts, et ce fut cette remarque qui me conduisit à l'examiner de plus près. Je ne tardai pas à être convaincu que cette élévation était tout autre chose qu'un rideau naturel : le travail de l’homme s'y révélait manifestement en plusieurs points, et le large fossé qu'on avait creusé devant elle se reconnaissait encore dans une grande partie de son étendue. Ce vieux terrassement porte dans le pays les noms vulgaires de chemin vert et de fossé Saint-Valery. Une tradition le représente comme la promenade ha- bituelle du pieux ermite, du..saint homme qui.a vécu dans ces lieux à laifin du V[*. siècle de notre,ère,.et dont la ville actuelle a, pris, le nom. L'antiquité de l’ouyrage.se trouve donc ainsi vulgairementreconnue. La tradition qui l'indique suffirait seule pour la cons- tater ; car,.non seulement. elle lui donne une date fort reculée, maïs. encore..elle atteste que la promenade consacrée, dont la verdure perpétuelle est miraculeuse aux yeux du peuple, était primitivement un fossé.. Dirigé du nord-ouest.au, sud-est. sur ‘une, longueur de deux mille mètres comptés en digne. droite, lere- tranchement s’étendait depuis/a falaise du cap do — 165 — que la mer baigne, jusqu'à la côte deRossigny, qui domine la vallée de l'Amboise. IL décrivait dans ce long trajet trois grandes courbures, dont les deux ex- trêmes étaient les plus longues : leur convexité tournait sur la plaine, tandis que la courbure moyenne opposée aux deux autres, était plus étroite et rentrait dans le camp. DD DE Cette partie moyenne du retranchement, dont l'arc devait soutenir comme corde une ligne de huit cents mètres, est maintenant détruite : elle a été complète- ment enlevée avec le sol pouren faciliter la culture. L'un des prédécésseurs du propriétaire actuel du champ l'ayant trouvée coupée’ en maints endroits, s'en est'prévalu pour obtenir de la ville la permission de la remplacer par un chemin transversal droit, qui fût plus propre aux charrois de son exploitation. : Gependantil en subsiste des restes encore visibles : l'œil en reconnaît encore la place et en peut suivre le trajet. La terre du retranchement, composée d'un mélangé du sol superficiel avec!le sol profond qu'il a fallu creuser pour le construire, n'a pas la même composition qué le reste du champ. Rabattue dans le fossé pour le combler, ‘elle en a marqué la trace et se présente sous l'aspect d’une longue bande sinueuse, remarquable par sa couleur et sa stérilité : la terre en est plus blanche et la moisson moins haute. D'ailleurs, des hommes qui sont encore vivants attestent qu'ils ont vu debout les restes de cette partie effacée du re- tranchemént, et nous possédons en outre un témoi- — 166 — gnage irrécusable de son existence dans la carte de Cassini où cette courbe perdue a été fgurée comme nous J'indiquons. (PL I.) bit te Au-dessous. .de cet arc, rentrant, .et.devant. Jui, existait un autre terrassement qui décrivait une,courbe opposée à la sienne, et dont les extrémités.prolongées allaient presque toucher le retranchement (Pl..1.) C'était une clavicule ; composée comme le, retranche- ment lui-même d'un parapet défendu par un fossé. La. clavicule, située plus bas que le retranchement.et moins apparente,que lui, n’a pas été figurée,.par les géographes de Cassini: La conservation de ses restes est due presque entièrement au hasard Une borne.en pierre, quelques buissonset un vieil arbre l'ont défen- due en plusieurs endroits contre les empiètements du laboureur. Effacée à ses. deux-extrémités , elle l’a -été aussi vers le. milieu.de son arc. IL est un, endroit où elle n'a pas trente centimètres de large; mais il s'en trouve un autre où] heureuse opposition de deux épines l'a maintenue. à-peu-près. dans son ancienne largeur. La ligne sur laquelle s’'étendait la clavicule était lon- gue de sept cents mètres. Elle doublait le rempart dans l'espace qu'elle occupait , et qui était justement le plus abordable du camp. Le fossé de la clavicule pouvait avoir dix mètres d'ouverture: celui du retranchement en avait une pa- reille , ainsi que le prouvent des délibérations ,munici- palés où sa largeur est indiquée. Mais, à l'exception de l'extrémité, qui touche à Rossigny, on ne, trouve — 167 — plusaucun pointoùill'aitconservée entièrement. Sa lar- geur actuelle est ordinairement de six à huit mètres, et il y a des endroits où elle n'en a que cinq. Ce n’est plus un fossé d'un bout à l’autre du rempart: il n’a plus de forme régulière. On le trouve encore creux en quelques places, mais ailleurs il est comblé, présen- tant seulement dans sa coupe transversale un plan in- cliné , qui.le ramène de l'intérieur à l’extérieur, du camp sur la plaine. Le parapet du retranchement rehaussait autrefois Je bord interne du fossé et s'élevait sur le sol du camp pour en abriter les défenseurs. Aujourd'hui il fait en- core une: saillie remarquable en plusieurs endroits, mais il est couvert;ou nivelé dans la plus grande partie de, son étendue. L'élévation qu'il conserve n’est donc pas.égale partout, et elle n'est restée en aucun point aussi grande qu'anciennement. Les causes qui ont fait disparaître le parapet du côté du camp ont été diverses. La bêche et la charrue y ont eu moins de part que les éléments. Le terrain sablonneux ou léger sur la pente duquel le rempart a été construit, est mouvant:et très susceptible d'être entrainé par les pluies. Ces eaux, descendant sur le retranchement, ont déposé à l'encontre les matières dont elles étaient chargées, et ces dépôts accumulés ont petit-à-petit relevé le sol derrière lui. Le ventmême a contribué à cet effet lorsqu'il soufflait dans les temps de sécheresse suivant une direction opposée au rem- part: le sable qu'il soulevait et faisait voyager dans la — 168 — plaine venait ou s’'amonceler derrière le parapet ou tomber , en passant au-delà, dans le creux du fossé, à cause du calme et de l'abri qui s'y trouvaient. Ainsi, tandis que le sol du camp se rehaussait derrière le re- tranchement, le fossé se comblait devant lui. Cela expli- que comment, à force de temps, l'ancienne disposition des chosesa changé, comment le fossé a pu disparaître et se transformer en un plan simplement oblique , quelquefois même en une surface bombée: Si ces effets, qui se sont réellement produits, sont plus prononcés vers la falaise du cap qu'à l'extrémité opposée du re- tranchement, aux approches de Rossigny, cela est provenu de ce que le terrain a toujours été par là plus léger et plus mouvant que de l’autre côté. Les mêmes causes ont agi sur la clavicule, mais avec une force moins grande que sur le retranchement, parce qu'elle était située plus bas et sur un ‘terrain moins déclive. Et comme d'ailleurs elle se'trouvait au-dessous de lui et devant lui, il arrivait qu'il faisait obstacle aux alluvions dont elle était menacée : il les arrêtait ou les diminuait. La saillie des bords de la clavicule a été ainsi mieux conservé: que celle des bords du retranchement. + J'ai fait quelques essais pour trouver quelle avait été l’ancienne profondeur du fossé devant le retran- chement : voici les résultats que j'en ai obtenus. J'ai reconnu d’abord que le fossé était rempli par un terrain de transport, d’alluvion moderne. En le creusant dans les endroits où il lui reste en- — 169 — core une profondeur d’un à deux mètres, je n'ai rencontré la craie qu'au bout de quatre à cinq pieds. Ainsi, on ne la touche dans le fossé qu'à une profon- deur totale de trois mètres pour le moins, tandis que dans la plaine elle n'est pas à un mètre de la surface du sol. Donc le terrain a dû être creusé d'en- viron trois mètres quand on à construit le retran- chement, et par conséquent le fossé a dû avoir primi- tivement cette profondeur. En faisant une tranchée dans ce qui reste du para- pet, je n’ai pas rencontré la craie aussi tôt qu'en per- çant le sol un peu au-delà dans l'intérieur du camp: la différenceétaitde deux à trois pieds. ILest donc évident que le terrain a été exhaussé sur ce bord, comme cela dut effectivement arriver si, pour élever le rem- part, on a rejeté de ce côté les terres qu'on prenait dans le fossé. Mais quelle était x hauteur du parapet sûr le sol du camp et devant le fossé? Rien ne l'indique plus: on ne peut faire à ce sujet que des conjectures. Une hauteur d'un mètre pouvait suffire pour donner de l'abri du côté du camp. Si nous l’ajoutons à la profon- deur du fossé qui était de trois mètres, nous trouverons que le parapet pouvait âvoir du côté de la plame, de- vant le creux du fossé , une hauteur de quatre mètres. Le retranchement formait la limite inférieure du camp , et le camp lui-même était un vaste promontoire qui s'élevait en pente douce sur la baie de Somme. Il avait sur sa droite la vallée de l'Amboise, en devant — 170 — la baie et sur sa gauchela mer , qui le baignait à ma- rée haute sur trois de ses côtés. Ainsi l'on n'avait eu besoin de faire de travail pour se défendre que sur le côté postérieur de l'établissement , où en effet le re- tranchement fut construit. Mais de ce côté même , qui regardait au sud-ouest et était tourné vers la plaine, on se trouvait si bien protégé par la disposition naturelle des lieux, qu'on n’a pas dû prendre la peine d'exécu- ter de fort grands ouvrages. On avait sur la gauche le marais de Rithiauville , inondé à mer haute, imprati- cable à mer basse; et sur la droite les marais de Pendé et d'Estrebœuf où des eaux douces restaient continuel- lement stagnantes dans les bassures de Ribaud-Ville et de Drancourt. Il ne restait ouvert qu'un passage étroit, une sorte de défilé à peine large d’un millier de mètres , devant lequel le rempart était doublé par une longue clavicule. Le côté antérieur du camp, tourné au nord-est, re- gardait la baie de Somme -et la dominait par une fa- laise crayeuse , rehaussée de collines dont le sommet s'élèe de trente-cinq à quarante mètres au-dessus de la mer: Ces collines étaient séparées les unes des autres par des vallons dirigés comme elles sur la baie et dont l'embouchure creusait la falaise à des. profon- deurs inégales. Trois de ces:vallons descendaient alors jusqu'à la plage et devaient être inondés à mer haute: ils le seraient encore aujourd’hui même s'ils n'étaient pas fermés par des digues. Le plus profond suivait le contour de la colline qui porte actuellement. la ville — 171 — du moyen-àge , et qui le bordait à gauche tandis qu'il ayaitsur sa droite les hauteurs du Romerel. Des deux autres, l’un s’'ouvrait à l'entrée de la baie, près du cap Hornu ; l’autre à l'extrémité opposée, devant le chantier : c'était le vallon de l« Pourrière. Le côté gauche donnait sur la mer , au nord-ouest. Sa falaise, moins haute que celle de la baie , n'avait pas plus de douze mètres d’élévation et s'inclinait en pénte douce depuis la baie jusqu’au retranchement. Cependant, à quelque distance du cap Hornu, dans un endroit où elle semble avoir une brèche et qui reçoit encore à cause de cela le nom de Brèche-Falise, la falaise était creusée par un petit vallon qui descen- dait aussi sur la plage et pouvait recevoir dans ce temps les eaux de la mer. s] À l'angle formé sur la baie par la rencontre >-de ces -deux falaises , était autrefois le cap Hornu: Le nom de ce:cap est seul resté: on l’applique actuellement à l'emplacement qu'il occupait; le cap lui:mêmerest dé- truit. Ce devait être la pointe déchirée d'une collime qui s'élevait isolément en cet endroit, en avant du mont de la Chapelle, entre le vallon de la Brèche-Falise et le premier vallon de la baie. Un banc de silex et de gravier qui ferme actuellement celui-ci a :été formé des débris de la colline du cap. On peut voir en effet que ce banc renferme beaucoup de silex qui ont été à peine roulés et brisés; leurs saillies , leurs angles sont presque intacts ; ils Sont bruts comme en sortant de la craie qui les enveloppait. Il est donc évident que | — 172 —- le lieu d’où ils sont venus n'était pas éloigné : ils ont été déposés à peu près sur place. La mer, qui venait deux fois par jour frapper sur le cap en roulant au bas de sa falaise, les entraînait dans son mouvement et les rangeait en travers du vallon suivant la courbe qu'elle avait à décrire pour entrer dans la baie. Alors rien ne se: trouvait entre la mer et le cap. Aucun obstacle ne le protégeait encore au large contre la violence des flots: c'était à cette époque le point de la, côte le plus exposé à leurs attaques dans nos parages. Il avait beaucoup à souffrir du choc des va- gues et du frottement des courants qui glissaient sur lui à chaque marée, comme ils le font actuellement “sur le Hourdel. Mais dans ce temps le Hourdel n'était que l'extrémité du roc de Cayeux. Le nombre des siècles quirse sont écoulés depuis l'occupation romaine, Ja distance qui sépare aujourd'hui la pointe du Hour- del: de l'ancienne pointe du banc de Cayeux , nous au- torisent à le penser. Ils s'accordent bien avecle temps qué le galet de la côte, dont la marche lente a été tour- à-tour rétrograde et progressive, a dû employer pour s'étendre tantôt en largeur , tantôt en longueur, mal- ‘gré le-nombre et la force des courants qui le traver- saient, sur le vaste espace qu'il couvre actuellement. ‘Earbaïe de Somme était dans ce temps beaucoup plus creuse et recevait plus d’eau, bien qu’elle fût aussi plusétroite.. Le fleuve avait un lit plus large et plus profond. Attiré par les vallées de la rive gauche de la baie; qui sont plus nombreuses, plus longues et plus — 173 — basses que celles de la rive droite , il coulait, en sor- tant du marais de Cambron, sous Saigneville et sous Boismont , ainsi que le prouvent la coupe abrupte et: la hauteur de leurs côteaux qui étaient alors des ‘fa- laises vives; puis il venait passer à Saint-Valery, sous la falaise qui formait le bord antérieur ducamp:re- tranché , et parvenu à la pointe gauche de la baie ‘il y devait tourner sur le cap Hornu, comme il -tournie actuellement sur la pointe du Hourdel. Du: cap , où al était probablement divisé par l'effet des attérissements profonds de la côte, 1l descendait par:un large bras sous la falaise gauche du camp: puis, il, passait entre des bancs de sable et de galets qui avaient été. dès lors produits entre Cayeux et Saint-Valery par la rencontre des courants de la baie avec ceux du hable, pour s'aller joindre à la mer sous Onival, dont la falaise est actuellement transformée en un côteau herbeux, à pente rapide, comme celles de Pinchefalise et de Boismont. (PL. I.) | Srèt Enfin le côté droit de l'établissement était tourné äu sud-est et constitué par la côte gauche de la ‘vallée de Neuville, depuis la baie jusqu’à Rossigny. C'estl'une falaise encore vive, du chantier de Saint-Valery au Molenel; rhais de là jusqu'à Rossigny où ce côté joint le retranchement, le pied de la colline, dont la pente naturelle ne manque pas de raideur , n'est'plus qu'un rideau abrupt. Au-dessous de ce rideau coulait à mer basse la rivière d'Amboise, grossie des éaux d’Arrest et de Drancourt, tandis qu'à mer haute la vallée én- = — 174 — tière était profondément inondée. Des coquillages ma- rins, que la charrue soulève. encore actuellement, attestent que les eaux de la baie remontaient alors au- delà de Rossigny , c'est-à-dire beaucoup plus haut que l'extrémité du retranchement romain. Aujourd'hui, des:alluvions nembreuses ont couvert et rehaussé le fond de la vallée, des digues élevées à différentes époques ont refoulé la mer jusques dans la baie , l'Am- boise n’est plus qu'un ruisseau; et le laboureur peut maintenant traîner sa herse dans les plages où jadis le pe a promené sa barque et tendu ses filets. BL EE Vidi factus ex æquore terras, Et procul à peélago conchæ jacuére carinæ. Ovin. Metam. Lib. XV, fab. V. Circonscrit comme il l'était, l'espace où les Ro- mains s'étaient retranchés à l'embouchure gauche de la Somme, ressemblait à une presqu'ile fortifiée d’elle- même par ses marais et ses falaises. Il avait la forme d'un carré long, assez régulier, dont la base s'appuyait sur Ja baieet dont les côtés étaient un peu sinueux. Tel,,qu'on le, voit encore aujourd'hui, on y compte environ trois mille mètres de base sur deux, mille de hauteur; ce qui donne une surface de six millions ‘de mètres, carrés ou.de six cents hectares. Mais à J'épo- que romaine 1l en avait une plus grande encore, par- ce,que les falaises qui le bornent s’avançaient: alors davantage sur la mer.et sur la baie. Elles ont subi depuis ce temps une longue destruction qui s’est ar- — 175 — rêtée sur beaucoup de points, mais n'a pas encore cessé sur d'autres, principalement au cap Hornu qui fut dans tous les temps l'endroit le plus attaqué: c'est aussi sur cet angle que l’on remarque la plus grande perte de terrain. Dès que la pointe du Hourdel fut assez avancée pour former devant la mer une ligne parallèle à la falaise gauche du camp, celle-ci n’a plus eu autant à souffrir du choc des vagues. Ses éboule- ments annuels ont pu demeurer devant elle, la protéger à sa base et la couvrir peu-à-peu dans toute sa hauteur d'un talus rapide que l'herbe a verdi. La même chose est advenue pour la falaise du Molenel, depuis qu'on a construit au large, devant elle, les digues qui ont repoussé la mer dans la baie lorsqu'on a creusé le ca- nal de la Somme. Sur le côté antérieur du: camp, la destruction a été arrêtée, au moyen-àge, devant la ville actuelle par des murailles qui ont couvert la fa- laise dans toute sa hauteur; elle l'a été plus tard devant la Ferté par les constructions qui y furent éle- vées ; mais à présent même, elle n’a pas encore cessé dansle long espace qui est resté nu entre les ruines de la tour Harold et la ferme du cap. Les maisons des pècheurs, dont le quartier fut autrefois de ce côté, sont écroulées depuis longtemps; et c’est maintenant à peine si les éboulements annuels de la falaise au-des- sus de laquelle ces humbles demeures étaient construi- tes mettent encore de temps à autre {à découvert quelque vieux reste de leurs fondations : On retrouve de temps'en témps; en‘divers points de — 176 — l'espace -circonscrit par le retranchement, les restes des habitations romaines qui y furent élevées et qui étaient, à ce qu'il semble, éparses-dans le camp. J'ai marqué sur Ja ! planche I la place de celles que j'y ai trouvées. Ces ruines enfouies sont, en général, à une très petite profondeur : on les rencontre à un ou deux pieds de la surface du sol. Ce sont, pour l'ordinaire, des bouts de murs épais de 50 à 60 centunètres, entre lesquels sont éparses des tuiles plates, épaisses et à gros bord (tegulæ hamatæ); des tuiles faitières (tegulæ imbrices) plus minces, plus fortement cuites et d'une couleur plus foncée; des fragments de poterie de dif- férentes sortes, rouges, gris ou blancs, provenant de plusieurs espèces de vases ; le tout mêlé et confondu dans une masse de décombres. La maçonnerie est grossièrement faite de fragments de moellon, de pierres brutes, de gros silex et de ga- lets réunis dans un bain de mortier composé avec le sable du rivage, reconnaissable par la grande quantité qu'il contient des valves brisées de la bucarde sourdon (cardium edule, L.), espèce de coquillage qui est en- core fort abondant sur nos côtes. La chaux, mal éteinte ou imparfaitement mêlée. au sable, n’entrait pas dans le mortier pour plus d'un tiers; on l'y re- trouvait en grumeaux nombreux. Malgré son ancien- neté, ce, mortier n'avait pas acquis une dureté considérable. - | Une des demeures dont, nous parlons, avait, été: construite sur la pente antérieure d’une colline de la — 177 — Ferté. Un pan de ses murs enfoui et conservé sous les alluvions qui l'avaient couvert, restait encore haut de six pieds. Une couche de mortier, épaisse de douze centimètres, le revêtait du côté occidental dont elle formait la paroi : l'autre côté avait été laissé à peu près nu. Nous avons fouillé de ce côté jusqu'aux fonde- ments de l'habitation. Nous trouvames, à deux pieds en terre, de nombreux fragments de tuiles et de vases de fabrique romaine. La poterie était de deux espèces, toutes deux d'une pâte fine et légère, l'une grise et l'autre blanche. On reconnaissait des goulots d’am- phore parmi leurs débris. Ces débris remplissaient une couche de terre épaisse d’un demi-mètre. Nous conti- nuâmes, de creuser et nous ne rencontrâmes plus rien ayant d'approcher de la base du mur ou du sol de la maison. Là se trouvèrent en assez grande quantité des ossements de porc et de mouton. Outre ces habitations, qui auraient suffi pour indi- quer que ce poste militaire était occupé d'une manière permanente par les troupes romaines, il, y avait, dans le camp un lieu public de sépulture. Ce champ funé- raire était dans le vallon qui porte encore aujourd'hui le nom significatif de Pourrière (1). IL est situé à l’ex- trémité de la Ferté, et s'ouvre sur le chantier en regardant l'Orient. Il y a des sépultures au bas du vallon, sur ses pentes latérales et sur. le sommet des ln < ln € (4) Pourrière ou Pourrier, vieux mot qui signifie poudre, poussière, e Bdiqp£ aussi un cimetière, un lieu où les eorps se réduisent en poudre. 12 — 178 — collines qui le dominent. J'en aï reconnu trois espèces, dont chacune appartient probablement à une époque différente. Les tombes de la première espèce sont des voûtes étroites et basses comme celles d'un four, faites pour recouvrir les cendres du bûcher; celles de la seconde sont des urnes qui contiennent des restes du défunt, des ossements et des cendres, parmi les- quels on a placé de petits ustensiles et des pièces de monnaie : les autres sont de grands sarcophages en pierre, qui renferment des squelettes entiers. Pour mieux faire connaître ces différentes sépul- tures, nous en décrirons quelques-unes telles qu'elles se sont présentées à nous. ‘Les tombes de la première espèce ont été trouvées sur la colline qui borde à gauche le vallon. En ouvrant un fossé au sommet de cette colline, on en a mis trois ‘à découvert; mais une seule fut assez ménagéé par les ouvriers pour que je pusse encore reconnaître sa structure. | Ce tombeau , dont l'axe était exactement dirigé de l'ouest à l'est, avait une longueur de trois mètres. Sa voûte était ovale , allongée, surbaissée à chaque bout, et large d'environ trois pieds sur le milieu. Elle était faite d’une pâte d'argile et de chaux, dont l'épaisseur moyenne avait de cinq à six centimètres. L'action évi- dente du feu avait fait subir à cette voûte un certain degré de cuite et lui avait donné beaucoup de solidité. Elle posait par les bords sur de grosses bandes d'ar- gile qui avaient aussi été durcies par le feu, et en divers — 179 — endroits noircies par la fumée dont la marque y res- tait encore. À ses deux extrémités la voûte touchait directement la plate-forme du tombeau. Elle recouvrait un monceau de terre meuble, mêlée de cendres noires et grasses. Elle était couverte elle-même d’un peu de terre, formant au-dessus d'elle une couche dont l'épaisseur n'allait pas au-delà de trente-cinq centi- mètres. Les bandes d'argile qui portaient la voûte étaient longues d'un mètre et demi, carrées, et épaisses de douze centimètres. Leur bord ou côté supérieur était marqué d'un grand nombre d'empreintes transversales formant des sillons semi-cylindriques de dimensions très diverses, et prenant beaucoup de creux du côté intérieur du tombeau vers lequel ils étaient inclinés. Le monceau de terre mêlée de cendres que l’on avait enveloppéd'une voûte ressemblait beaucoup aux buttes funéraires de nos cimetières actuels: il n'avait pas plus d'un demi-mètre de hauteur au sommet de sa courbe. Nous avons trouvé dans ces amas de cendres une quantité de petits fragments de vases d’une grande finesse , d'un beau poli et d'un travail précieux; les uns gris ou rouges, d'autres composés d'une pâte blanchâtre et teints extérieurement en noir ou violet foncé. Des fragments de vases funéraires celtiques, noircis à l'extérieur, fort épais et d’une grossière fac- ture, étaient mêlés aux belles poteries romaines. J'ai recueilli encore quelques morceaux de charbon qui — 180 — étaient restés dans les cendres, et des ossements de mouton qui devaient provenir, des sacrifices. qu'on avait, offerts aux dieux pour le défunt. La place du tombeau avait été creusée dans le som- met de la colline, dont le sol est composé d'un banc diluvien de silex. La plate-forme en était unie et bien dressée, On voit donc que toutes les fois qu'on allait accom- plir une inhumation de cette espèce, on faisait dans le sol caillouteux de la colline uneentaille quadrilatérale, profonde d'un. mètre, large d’un mètre et demi, et longue de trois, dont l'axe était, dirigé vers l'Orient, Le fond, de cette entaille était disposé en une, plate- forme, unie autant que possible. On y plaçait parallè- lement deux longues bandes d'argile que. l’on. tenait à une, distance de , soixante-quinze, centimètres, afin qu'elles pussent faire ofhce. de chenets, et l'on posait en travers sur elles des branches de diverses. gros seurs, qui devaient. porter le bûcher et lui servir de fond. Les sillons dont les chenets d'argile ont conservé les empreintes ont été produits par les extrémités deces branches: elles pesaient sur les chenets et ont plié vers le centre du bûcher quand le feu les a rompues. Ces em- preintes nous indiquent. en outre que l'argile était, en- core molle et hümide lorsqu'on y posait.le bûcher, et qu'ainsi tous. les apprêts de Ja sépulture, se devaient faire à peu près dans la même journée. , | Des, oïfrandes contenues dansdes vases de. différentes sortes,étaient placées. sur le bûcher avec le corps du — 181 — défunt. La flamme qui brûlait le ‘corps attaquait les vases et réduisait en éclats ceux qu'elle atteignait le plus vivement. Les vases celtiques, dont la pâte d’ar- gile noircie, mélée de petites pierres blanéhes, n'avait été que séchée au four, se durcissaient aux endroits que le feu atteignait, y prenaient une couleur rouge de brique et y perdaïent la teinte charbonneuse qu ‘ils avaient reçue primitivement (4). Enfin quand le bûcher était consuré, ôn recueillait les cendres : ôn lésramassait dans l’espace limité par les chénèts ; avec tout ce qu'elles contenaient des offfan- . des et des sacrifices ; puis } après y avoir mêlé un peu de terre, s'il én était besoin pour élever et arrondir la convexité du tas, on lés recouvrait d'une voüte de mortier de chauxetd'argile, ovale etplate, ‘qui se séchait à la chaleur des céndres et prenait äinsi de la solidité. On ne laissait pas cette voté nue, exposée au jour ; on la revêtait d'une ccuéche de terre qui s He au moins jusqu'au niveau du champ: Les urnes qui constituaient la seconde espèce de sépulture étaient placées sur la pente orientale de la même colline. On les trouvait enfouies à différentes profondeurs, qui devenaient plus grandes à mesure qu’on descendait dans le vallon ; effet probable du re- haussement progressif que le sol a dû subir sur ces pentes par des ébouleménts ét des alluvions: ‘On .dé- (4) Vos. dans le remarquable ouvrage de M. Boucher de Perthes. sur ies Antiquités diluviennes et celtiques, une lettre, Page 507. _48e — couvrait ordinairement plusieurs urnes ensemble. On les voyait posées assez près les unes des autres, sur des plate-formes qui avaient été visiblement disposées tout exprès pour les recevoir, et consistaient en une sorte de pavé fait, avec des silex taillés, dans la terre sablon- neuse du côteau. Ces plate-formes variaient. de dimen- sions suivant le nombre d’urnes qu'elles devaient porter; l’une d'elles était longue d'environ douze pieds. Plus. on avançait vers la pointe de la colline, qui était directement tournée à l’est et qui semblerait ayoir été choisie à cause de cela, de préférence à toutes les autres, pour servir de lieu public de sépulture; plus, dis-je, on découvrait de ces urnes funéraires: elles étaient là plus nombreuses et plus pressées. En creu- sant à mi-pente du côteau , il ne fallait atteindre qu'à la profondeur d’un fer de bèche pour découvrir des morceaux de charbon parmi des fragments de poteries fort belles. Deux de ces fragments m'ont paru remar- quables, l'un par ses ornements, l’autre par le nom propre qu'il portait inscrit sur son fond , à l'intérieur. (Pl. V. fig. 2.) Le premier fragment, d'une pâte gris- fauve, extérieurement couverte d'un vernis rouge-brun, provenait d'un beau vase décoré d'une frise élégante et de feuilles de rosier. Le second était un morceau tout uni de belle poterie rouge: les lettres du nom pro- pre, ALBVCIAC, qu'on y lisait « qui était certaine- ment celui d’un artiste, avaient été imprimées en relief sur l'argile, au moyen d'une marque ou d'un cachet gravé en Creux. — 183 — Il est rare qu'on parvienne à recueillir des urnes entières dans ce champ: on ne peut bien en trouver dans cet état que vers le bas du côteau où elles sont re- couvertes et protégées par une couche de terre épaisse de deux à trois pieds. Plus haut , où elles sont moins profondément enfouies , elles ont été pour la plupart atteintes et brisées par la bèche des jardiniers. Je tiens de M. Adrien Caron, agronome instruit, celle que j'ai représentée à la planche IV., fig. 1. La matière de ce vase était une pâte extrêmement légère, blanchâtre, un peu fauve. Ses parois fort minces etsans vernis étaient ornées de simples traits en creux, obliques et paral- lèles. Il contenait les ossements d'un très jeune enfant, quelques morceaux de charbon , une fiolelacrymatoire, plusieurs épingles et une agrafe en bronze. Un émail rouge couvrait l'hexagone étoilé qui ornait la tête de l'agrafe. Quand les urnesfunéraires dé posées sur les plate- formes qui les recevaient avaient été enveloppées de terre, on les recouvrait avec de larges tuiles un peu courbes dans le sens de leur longueur , etpartout fort épaisses pour qu'elles eussent beaucoup de solidité. Nous avons trouvé plusieurs de ces tuiles intactes dans la place où elles avaient été mises; mais la plupart étaient ou brisées ou totalement absentes. C'étaient elles, en effet, qui devaient être atteintes lespremières par les accidents qui menaçaient les sépultures , dont elles constituaient le principal abri : elles en for- maient le toit, elles en scellaient l'ouverture ; elles les — 154 — protégeaient du côté le plus extériear et lé plus atta- quable. Latéralementles urnes n'avaient pas d'autre dé- fense que la terre du sol. Mais il n’en était pas toujours ainsi; comme on peut lé voir par le fait suivant: ‘Ün'jour, en pratiquant uné fouillé à la pointé de la colline funéraire, parmi des restes de maçonnerie qué le hasard avait fait découvrir ;'on trouva un mur cir= culairé dont l'ouverture avait un diamètre de sept à huit pieds. Cé mur était fait de moëllons bruts’ point taillés , et simplement unis par de l'argile délayée qui avait servi de mortier ; de telle sorte que la maçon- néfie avait été visiblement destinée à rester enfouie. On vida ce caveau jusqu’à la profondeur de quatre mètres avant d'y rien trouver ; mais parvenu là, on commença ärecueillir des frâgments de poterieromaine, qui furent rares d’abord, et qui bientôt devinrent très-nombreux. IL y en avait qui étaient très minces, très légers, d'une pâté fine et compacte, d’une couleur blanche, ais téinits at dehors’ ét au-dédans en violet-noir, sans vernis, Sans ornements. Plusieurs autres frag- ments qui sé “apportaient à la poterie grisé avaient à leur surface extérieure des filets nombreux et déliés. D'autres morceaux ; d'une plus grande épaisseur; ap- partenaient à la poterie rouge, et l'on pouvait recon- naître qu'ils provenaient de diflérentes sortes de jattes et de plats d’un travail assez beau. Sur l’un d'eux; une tête de lion était moulée au bord de la jatte- dont il faisait partie : cette tête, servant d'anse ou de poignée, était percée jusqu'à l’intérieur du vase. La jatte était — 185 — entièrement vernie en dehors , mais au-dedans elle ne l'était que dans la largeur de-sa bordure et un peu au- dessous ; et le fond, complètement nu, était piqueté d'une foule de petits fragments de silex blond dont la couleur se-raccordait avec la sienne. Or, l’on ne voit pas bien en quoi cette incrustation pouvait servir comme utilité ou comme ornement. Cette pratique et celle de donner une couleur lugubre, comme le noir-violet, aux vases funéraires, résultaient-elles d'une imitation des usages gaulois ? N’était-ce pas une condescendance des maîtres du pays pour les coutumes et les croyances de ses premiers habitants (1)? ‘Après les vases brisés, on trouva dans le tombeau de larges fragments de tuiles funéraires, puis enfin on parvint jusqu'à l'urne. On était en ce moment au quiuzième pied de profondeur; mais alors le mur, affaibli par le temps et traversé par des racines d’ar- bres, menaca de s’écrouler. On cessa les recherches avant d'en avoir atteint les dérnières assises. ‘L'urne qu'on avait découverte était un vase de forme élégante, à deux anses et à pied, d'une argile rougeûtre, légère, à cassure grise. On n'y voyait pas d'inscription. À l'extérieur, il était orné de quelques filets et doré partout ; ; mais, au-dedans, la dorure n’en couvrait que le bord , sur uñe largeur de quatre à cmq ‘centimètres. Ler vase contenait plusieurs médailles (4) Voyez la lettre citée sr Loue de M.Boucher de Perthés sur Y'inz “dustrie primitive ; page 507 ét suivantes. . — 186 — d'argent d'un titre inférieur, de grandes épingles .et une fiole lacrymatoire. Je n'ai pas vu les médailles. PI. IV. fig. 8 et 9. | La richesse de l'urne, la grandeur du monument, sa position élevée sur la pointe de la colline , dans l’en- droit le plus apparent du champ funéraire, semble- raient indiquer que ce tombeau contenait les cendres d'un personnage considérable dans le pays, comme eût été, par exemple, quelqu'un des chefs dela co- horte qui stationnait dans le camp. D'autres substructions, qu'on heurte souvent avec la bèche aux environs de ce tombeau, sont. probable- ment aussi des restes de sépulture. Mais jusqu'alors on n'y a pas fait de fouilles assez profondes pour en recon- naître sûrement le caractère. C'est à l’autre bord du vallon, au bas de la colline opposée à celle qui renferme des urnes que se trouve la troisième espèce de tombeaux: les sarcophages. Ils y sont actuellement enfouis à une profondeur. de quatre à cinq pieds, qui doit différer de celle où on les avait primitivement. placés. Ce sont des cercueils en pierres de grandes dimensions, dont la caisse et le toit ou couvercle ont été faits chacun d’un seul bloc. Il y en a probablement de plusieurs grandeurs, mais je n'en ai vu que d'une seule: c'était la plus forte. Elle était mesurée sur la plus haute taille. d'une personne adulte. Voici la forme et les dimensions que j'y ai reconnues. La caisse était quadrangu- laire, à faces planes et droites, longue de deux De mètres, haute d’un demi-mètre, large de 65 cen- timètres sur un bout et de 60 sur l’autre; ce qui fai- sait qu'elle était un peu plus étroite aux pieds qu’à la tête : l'œil sentait aisément cette différence, bien qu’elle fût petite. Les bords de la caisse avaient partout un dé- cimètre d'épaisseur, et comme elle était creusée carré- ment de 32 centimètres, 1l en restait 18 pour fond. Le couvercle ou toit des sarcophages avait la forme quadrangulaire comme la caisse, mais on lui donnait plus de largeur et plus de longueur pour qu'il en dépassât les bords et les extrémités. Cette disposition était propre à favoriser la posée et la levée de cette lourde masse, et à rendre la fermeture du cercueil plus complète'et plus sûre. Le dos du couvercle était taillé en toit de manière à avoir deux pentes latérales, une de chaque côté, pour l'écoulement de eaux. Le bloc conser- vait sur ses bords une épaisseur de 15 centimètres ; mais au sommet, sous sa ligne de faîte, il.en avait une qui approchait du double : elle était de 28 à 30 centi- mètres sur un bout et de 22sur l’autre , c’est-à-direun peu moins forte aux pieds qu'à la tête. Il en résultait que le toit, outre ses deux pentes latérales, avait encore une pente longitudinale dirigée vers les pieds. Sa longueur, à peu près égale partout, était de 74 centimètres : sa largeur était de 2 mètres 33 centi- mètres, ou sept pieds. D'où l'on voit que toutes les fois que le toit était bien posé, il couvrait parfaitement la caisse, la dépassant de 5 à 6 centimètres sur chaque bord, et de 15 à 16 sur chaque bout. — 188 — L'espèce de pierre qu'on ‘emplôyait pour ces cer= cueils était un calcaire jaunâtre, dense, ‘assez tendre, maïs spathifié sur une infinité de points ; ce qui lui donnait une consistance inégale et devait la rendre difficile à tailler. Mais le tisail qu'on y faisait n'avait rien de délicat. On sé bornait à équarrir le bloc réguliè- rement et à rendre la surface dés pans ét de leurs bords aussi égale, aussi unié’qu'on le pouvait au nt dr de là pointe ‘et du cisezü: On ne s'appliquait pas à les polir ; de ‘elle sorte que le toit ne S’adaptait pas assez exactement à la caisse pouf empêcher l'eau du 7 d' +, pénétrer par filtration. La pierre ‘de ces tombeaux à dû s'éxtraire d'un grand dépôt de calcaire” siliceux qui existait alors dans'le pays, où n'en était | pas fort éloigné. 1 est présumable qu “elle constituait lé couéhes supérieures de ce dépôt, parce que cellés-} dans cés'soïrtes de terrain, sont moins DRE PES que les couches profondes. nid: de Les sarcophagès rénfermaient dès satentes entiers. L'un de ‘ceux qué ‘jai’ vus contenait les osséments d'unejeune fille de‘dix à douzé ans, bien que sa caisse fût de la plus grande dimension! Ainsi la taillé de la personné qu’oñ avait à ensevelir né $ervait pas tou- jours de mesure pour son cercueil: celui d’un homme SEP VAN au besoïn pour un enfant. ‘Le toit du sarcophage avait été mal ‘posé au mo tient de l'inhumatiôn ou dérangé-dans la suite: Un ‘écartement oblique , assez large pour qu'on ait pu — 189 — y passer le bras, ouvrait la caisse sur un de ses angles. La terre du sol avait pu aisément y pénétrer, et elle en était remplie. Nous n'avons rien trouvé. dans cette tombe autour du squelette : ni ornement, ni vase, ni médaille ou monnaie d'aucune sorte. On n'a rien dé- couvert non plus dans le sol environnant. Les squelettes: que renfermaient les sarcophages indiquaient positivement que la coutume de brüler les morts n'était plus générale dans le pays, ou qu'on avait totalement.cessé de l’y suivre au temps où l'on employait cœætte troisième espèce d'inhumation. Mais d’autres Cispositions de ces tombes laissent aussi pré- sumer qu'il s'était fait alors des changements re- marquables dans les idées, comme ee les usages. En effet, non seulement le mode de sépulture 4 férait, on avait substitué le cercueil à l'urne, le sarcophage au bûcher; mais encore le tombeau n'était plus orienté avec le même soin : on ne le tournait plus directement à l est, de manière qu "il pût recevoir les premiers rayons du soleil levant. Au lieu d'occuper le sommet ou le penchant de Ja colline funéraire, 1l reposait dans le plateau. inférieur. Il n’était pas con- fondu, mêléavec les sépultures de l'époque précédente ; celles-ci étaient sur la gauche du vallon, sur son bord oriental, tandis que les tombes en pierres étaient à sa droite, sur le versant opposé., Le creux du vallon et la mer qui l'inondait les tenaient séparées des urnes. Les sarcophages devaient constituer une sépulture — 190 — fort distinguée à cette époque et n'appartenir qu'à des personnes riches ou puissantes. Ils ne sont pas en grand nombre dans le champ évidemment réservé qu'ils occupent, et l'on a trouvé épars entre eux des squelettes nus, sans aucun reste d'enveloppe; osse- ments vulgaires qu'on avait inhumés dans des bières en bois, ou seulement déposés en pleine terre dans des linceuls que le sol a promptement détruits. Je n'ai rien trouvé pour indiquer avec certitude l'époque à laquelle cette espèce de sépulture à com- mencé parmi nous. L'usage des büchers avait complé- _ tement cessé à Rome dans le IV° siècle de l'ère chrétienne : sous l'empereur Théodose, on n'y brülait plus les défunts: « urendi defunctorum usus nostro sæculonullu (Macros. SarTurNaL. I. VII, c. 7.) » On pense que cet usage fut totalement abandonné dans les Gaules pendant le siècle suivant, et c'est en général aux temps des V° et VI° siècles qu'on y rapporte l'espèce de tombes qui nous occupe. Mais entre l'abandon complet d'une vieille coutume et l’adoption définitive d’une mode nouvelle, il y a une lente transition durant laquelle les deux usages, celui qui se perd et celui qui commence, sont également suivis et marquent leurs traces. Il est donc possible qu'on ait pratiqué en Gaule, et même en ce pays, des inhumations sans bûcher et avec des sarcophages longtemps avant le V° siècle. Le fait suivant semble en être une preuve. Un squelette renfermé dans un cercueil en pierre, pareil à ceux que nous venons de décrire, a été découvert au bois des — 191 — Bruyères, près de Drancourt. Des médailles romaines, dont une était d'or, s'y trouvaient parmi les ossements, ét iln'y en avait point d’autres; il n’y en avait pas qui provinssent d'un autre peuple, ni qui appar- tinssent à une époque plus récente. On pourrait donc soutenir que l’usage des sarcophages remonte dans nos contrées jusqu'aux derniers temps de l'occupation romaine. Cette conséquence est fortifiée par des dé- couvertes de même espèce qui ont été faites en d'autres lieux de ce département peu éloignés de nous. « On a trouvé hors la ville (d'Amiens), ès-fossés de la citadelle, des tombeaux tous creusés en pierre, avec des couvercles de même façon, à dos d’ane, remplis de vases aromatiques et de petites fioles propres et duisantes à contenir larmes d'amis, qui ne peuvent être que des Romains (1). » M. le comte d’Allonville a vu dans le village de Roye-glise, l'ancien Rodium, des débris de tombeaux romains en pierre, qui avaient .été découverts en 1806 et qui devaient ressembler à ceux dont La Morlière a parlé (2). Ce n'est pas seulement dans le sol du champ de sé- pulture que l’on recueille à Saint-Valery des médailles romaines, on en trouve aussi dans les autres parties du camp. Il doit en effet s’en rencontrer partout où il y eut des tombeaux et des habitations. Or, les endroits £ 8 MR £ À (1) La MOnLiÈRE, Antig. de la ville d’ Amiens, pag. 19. (2) Dissertation sur les camps romains de la Somme, p. 63. — 192 — où l’on retrouve le plus des fondationsde ces anciennes demeures sont les collines de la Ferté et le champ de la Garenne, Je n'en ai pas encore vu dans le sol des collines du cap. Les médailles que j'ai réunies ont été Fnar dans le temps compris entre les règnes de Tibère et de Théo- dose [, J'ai dressé, suivant l'ordre. chronologique, la liste des empereurs.et celle des impératrices dont elles portent l'effigie ; mais avant de la produire, j'ai.voulu soumettre les pièces qui y sont indiquées à l'examen de notre collègue, M. de Marsy, qui s’occupe plus spé- cialement de numismatique, On peut donc se fier.aux descriptions-que j'en vais donner. TIBÈRE. 1. TI CAESAR AVGVST!F IMPERAT VII. Tête de Tibère. — és l'autel de Lyon: — Exergué: ROM'ET.AVG: (m..8. ) | EH d CAESAR DIVI AVG F AVGVSTIMP VI. Tête de Tibère, profil; gauche. -— Revers : PONTIF MAXIM TRIBVN POTEST XXII. S. C. ‘— Sans emblème, (m.8..) CALIGULA. 3. C. CAESAR DIVI AVG PRON AVG PM TRP IIS. — Revers: VESTA: 1! S. C. — Vesta assise; dans la main droite une patère, dans, la, gauche une haste. (M. 8.) EE CLAUDE LE. k T CLAVDIVS CAESAR AVGPMTR P LS Tête nue, profil jauche — Revers: se en marche. SHC: (M. 8.) à NÉRON. 8. IMP NERO CAESAR AVG. P MAX TR P PP. Profil gauche. — Revers: MICTORIA AVGVSTI. — Victoire ailée en marche, tenant d'une main une palme, de l’autre main une petite victoire. — Champ : S. C. a dre — 193 — 6. NERO CAESAR AVG GERM IMP.—Revers : PACE P R VBIQVE PARTA IANVM CLVSIT. ie de Janus fermé. — Dans le champ: S. C. (Les deux lettres renversées). (M. B. VESPASIEN. 7. IMPCAES VESPASIAN AVG COS III.—Revers * AEQUITAS AVGYSTI. — L’Equité représentée par une femme debout, tenant une haste et des ba- lances, — Exergue: S. C.(u.8.) TITUS. 8. IMP T CAES VESP AVG PM TR P COS VIIT.— Revers: Sans inscription. — Un personnage debout. (M. 8.) DOMITIEN. 9, IMP CAES DOMITIAVG GERM COS XV CENS FEL PP. Tête nue avec une couronne radiée. — Revers : FORTVNAE AVGVSTI.— La fortune debout, tenant d'une main une corne d’abondance et de l’autreun gouvernail. (M.B.) 10. IMP CAES DOMIT......... COS XI CENS POT PP. — Revers fruste. — Une femme debout. NERVA. 11. IMP NERVA CAES AVG PM TR P. Tête de héros; couronne radiée. — Revers fruste. — Uue femme debout. (M. B.) TRAJAN. 12. IMP CAES NERVAE TRATANO AVG GER DAC PM TR P. — Re- VETS suce OPTIMO PRINCIPI. —Victoire debout, tenant un bouclier, ou ap- puyée contre un trophée sur LARG: se trouvent plusieurs lettres, difficiles à, lire, qui Banssent être:: dé (G-,B:) 13.IMP CAES NERVAE TRAIANO AVG GERMDAC.. —Revers fruste..… SE OP A ACOE.. X. — Une femme debout, tenant une corne d’abondance. (6. B.) 14. Très-fruste.,.…. TRAIANO AVG GER DAC. — Revers:...… —; Un guer- _rier debout. (6:B.) 3 15. IMP CAES NERVA TRAIANVS AVG GERM. Tête à couronne radiée. — Revers : TR POT COS IIII. — Personnage assis appuyé sur une corne d’abondance et tenant un sceptre. — Exergue: SC. (M. 5. )! « 13 — 194 — HADRIEN. 46. ..…. TRAIANVS HADRIA.... Tête d'Hadrien, couronne laurée.—Revers très-fruste. — Personnage debout paraissant une femme. (x. 8.) 47. HADRIANVS AVG COS III PP. Tête laurée. — Revers: Une femme assise. —, Exergue : DACI. (M.,8.) 4 ANTONIN. 48. ANTONINVS AVG PIVS PF. Tête d’Antonin, couronne laurée. — Re- vers : BONO EVENTVI. — Personnage debout, nu, tenant une patère au- dessus d’un petit autel, et de l’autre main deux petits poissons. = Dans le champ : S C. — Exergue : COS II. (m. 8.) 19. ANTONINYS AVG PIVS PP TR P COS III. — Revers : Légende fruste. SALYS AVG. — Femme debout, tenant une patère au-dessus d’un petit autel, duquel s'élève un serpent. (G. B.) 20. ANTONINVS AVG PIVS PF, — Revers: TR POT COS... — Femme debout, dans la droite une patère, s'appuyant de la gauche sur une haste. (u.B;,) 21. ANTONINYS AVG PIVS P. Tête laurée. — Revers: COS IIIL. — Deux mains jointes tenant ensemble un caducée entre deux épis de blé. ( AB.) 22. ANTONINVS AVG PIVS PFIMPII. Tête laurée. — Revers : TR POT PM COSIIII.—Une femme assise, tenant des deux mains une corne d’abondance ; à ses pieds une autre corne d’abondance de laquelle sortent des épis. (AR.) 23. DIVVS ANTONINVS. Tête nue d'Antonin: profil droit. — Revers : CONSECRATIO. — Un bûcher. ( AR.) FAUSTINE mère, femme d'ANTonIN. 24. DIVA FAVSTINA. — Revers : Une femme debout, paraissant tenir un bâton et un bonnét de la liberté, (G. 8.) 35. DIVA AVG FAVSTINA. — Revers: AETERNITAS. — Une femme assise, tenant dans sa droiteun phénix et dans sa gauche une haste. (6.B.) . MARC-AURÈLE. 26. AVRELIVS CAES AVG PII F' COS. Tête de Marc-Aurèle Cæsar ; profil gauche. — Revers : PIETAS AVG. — Un | 4 un bâton augural, desinstru- ments de sacrifice. S CJ‘(16. 8.) 97. AVRELIVS CAES AVG PII FIL. Tête nue de Marc-Aurèle. — Revers: TR POT VI COS IT. — Figure militaire debout, tenant de la main droite une em — 195 — patère au-dessus d’un autel et de la gauche une enseigne militaire. —Champ: S. C. (6.8.) 28. IMP CAES M AVREL ANTON. Tête laurée, — Revers: PIETATI AV- GYSTOR. — Femme debout, tenant une patère au-dessus d'un autel et:ap- puyée sur une haste. 29. IMP CAES M AVREL ANTONINI. Tête laurée. — Revers : CONCOR- DIA AVGVSTOR. TR P XVI. — Marc-Aurèle et Verus se donnant la main. { GB.) 30. M ANTONINVS AVG TR P. Tête avec une couronne radiée — Revers: IMP VI COS. — Femme assise, appuyée sur une haste et tenant de la main droite une victoire. fm. B.) FAUSTINE jeune, femme de MaRc-AURÈLE. 31. FAVSTINA AVGVSTA. — Revers: SAECVLI FELICITAS. — Deux enfants se jouant sur un lit. S. C. (m. 8.) 32. FAVSTINA AVGVSTA. Tête de Faustinee — Revers: IVNO. — Junon debout, appuyée de la main gauche sur une haste ou un sceptre, et de la main droite versant, d’une patère, à manger à un paon quiest à ses pieds. S.C. (mu. B épais.) 4 VERUS. 33. L YERYS AVG ARM PARTH MAX. Tête laurée. — Revers: T POT VII .…. COS. — Une femme assise, tenant d’une main un gouvernail et de l’autre une corne d’abondance. — Exergue: ROMA. ! m. 8.) COMMODE. DAV COMMOD..... Tête de Commode, laurée. — Revers: IOVI IV VENI PM... Jupiter debout, tenant de la main droite la foudre et de l’au- tre une haste. À ses pieds, un aïgle. (M,B.) DD ee Légende effacée. Figure de Commode. — Revers: Un homme de- bout, tenant une patère et une corne d’abondance. Prés de lui se trouve un autel. (M. B.) SEPTIME SÉVÈRE. 36, ]MP CAES... SEPT. SEVERVS PERT AVG. Revers:, sans légende. — Dans, leschamp un phénix qui plane entre deux, faisceaux consulaires. — Exergue : TR P COS. (u.5.) — 196 — JULIE, femme de SEPTIME SÉVÈRE. 37. IVLIA AVGVSTA. — Revers : IVNO REGINA. — Junon debout, s’ap- puyant de la main gauche sur'une haste et tenant cela main droiteune patère inclinée vers un paon qui est à ses pieds. (AR.) ELAGABALE. 38. Très-fruste. On ne lit plus que quelques lettres dans les légendes. — Revers : La déesse Hygié présente à manger à un serpent sur un autel. — Un soleil dans le champ. (Potin. — Petit module). JULIE, MAESA , femme d'ELAGABALE. 39 IVLIA MAESA AVG. Tête de femme, nue. — Revers : PIETAS AVG. — Une vestale debout, devant un autel qui flamboie. (4. R.) MAXIMIN. 40. Fruste.….... MAXIMIN..... — Revers : PV...... LAETITIA, (M. 5.) * PHILIPPE père. #1. IMP M IVL PHILIPPVS AVG. Tête laurée. — Revers : PM TR P V COS III PP. — Une femme debout, tenant de la main droite une haste au bout de laquelle est un caducée, et de la main gauche une corne d’abondance. 42. IMP PHILIP... — Revers ; SAECVLI FELI.. T.. — Un bouc ou capricorne, l’un des animaux qui figurèrent aux fètes séculaires. — Exergue: VIT. (Potin). GALLUS. 43. IMP C CAES. C VIB TREB GALLVS AVG. Tête radiée. — Revers :.…. EL SALYTARI. — Figure debout: fruste. (Potin.) GALLTEN. 45. GALLIENYS AVG. — Revers: AETERNITAS AVG. Dans le champ, un F — Personnage debout, la main droite élevée, tenant de l’autre un objet qui n’est plus reconnaissable. (P. B.) POSTUME. 46. IMP C M CASS LAT POSTVMVS PF AVG. Tête laurée. — Revers : FIDES MILITVM.— Une femme debout, tenant deux enseignes militaires. (M. E.) — 197 — 47. IMP C M CASS LAT POSTVMVS PF AVG. Couronne kurée. — Re- vers : SALVS AVG. — Une femme debout, tenant un objet difficile à déter- miner. (m. B.) ASE dise POSTVMVS PF AVG. Tête de Postume.—Revers : LAETITIA …. —Une galère prétorienne. (w. 8.) 49: IMP C M CASS LAT POSTVMVS PF AVG. Tête radiée. — Revers :.… COS IT PP. — Un guerrier. (M. B.) 50. IMP C POSTVMVYS PF AVG. Tête de Postume, couronné radiée. —Re- vers : VICTORIA... Une victoire en marche, teriant une palme. (Potin.) 51. IMP C.POSTYMYS PF AVG. Tête radiée. — Revers : MONETA AVG. — Une femme debout, tenant d’une main une corne d'abondance et de l’autre une balance. (Potin.) VICTORIN. 52. IMP C VICTORINVS PF AVG Tête radiée. — Revers: PIETAS AVG, — Une femme debout, sacrifiant au-dessus d'un‘autel. (n. 8.) TETRICUS père. 53. IMP TETRICVS PF AVG. Tête radiée. — Revers : HILARITAS AVGG — Personnage debout tenant une haste. (m..B.) 54. .…. TRICVS PF AVG. — Revers: LAETITIA AVG. CLAUDE IT, le Gothique. 55. IMP C CLAVDIVS.... Couronne radiée.—Revers : entièrement fruste, (M. B.) 56. … C CLAVDIVS AVG. Tête de Claude II, couronne radiée: — Revers : PM TR P II COS II. — Un personnage debout tenant un rameau. (P.B.) 57. DIVO CLAVDIO. Tête de Claudele Gothique avec la couronne radiée — Revers : CONSECRATIO. — Un autel. (2. 8.) MAXIMIEN HERCULE. 58. IMP MAXIMIANVS PF AVG. — Revers : GENIO POP ROM. Dans le champ SA. — Personnage debout, tenant de la droite une patère et de la gauche une corne d’abondance. — Exergue : PT... (M. B.) GALÈRE MAXIMIEN. 59. …. MAXIMIANVS NOB CAES.—Revers: GENIO POPVLI ROMANI.— Un personnage debout, tenant de la droite une patère et de la gauche une corne d’abondance. — Dans le champ: SF. — Exergue: TR... (m. 8.) — 198 — CONSTANTIN-LE-GRAND. 60. IMP CONSTANTINVS PF AVG. Couromne laurée. — Revers : SOLI INVICTO COMITI. — Figure debout, probablement le soleil, la main droite étendue ; dans la gauche, un globe. — Champ : TF. — Exergue : BER: (p.8:) 61. IMP CONSTANTINVS PF AVG.— Revers : SOLI INVICTO COMITI. — Le soleil, tête radiée, la main droite levée, tenant de la main gauche uu globe. — Champ: TF. — Exergue: PFA. (P. 8.) 62. I... CONSTANTINVS...... —Revers : S.... VICTO COMITI.—Un pèr- sonnage debout, revêtu du manteau impérial, tenant d'une main un globe et de l’autre une statue... — Champ: S C. — Exergue : TR. P. (P. 8.) 63. VRBS ROMA. Figure casquée, profil gauche, représentant la villé de Rome. — Revers : Une louve allaitant Romulus et Rémus ; au-dessus une cou- ronne et deux étoiles. — Exergue: SCONS. (P. 8.) CONSTANTIN IL. 64. CONSTANTINVS IVN NOB C. Couronne laurée. — Revers : GLORIA EXERCITVS. — Deux figures militaires debout, appuyées d’une main sur uné häste la pointe en bas, et del’autre surleur bouclier: entre ces ‘deux figures, deux enseignes militaires. — Exergue: TR P. (P. 8.) CONSTANCE IL. 65. DN CONSTANTIVS....... — Revers: FEL TEMP REPARATIO. — Figure militaire, en cotte-d’armes, tenant dans la droite une victoire et dans la gauche le labarum avec le monogramme du Christ. Cette figure est debout sur'ün navire ; derrière’elle se trouve une victoire assise, en poupe. (P. B.) VALENS. 66. DN VALENS PF AVG. Tête de Valens, couronne de perles.— Revers : SECYRITAS REIPVBLICAE. — Victoire en marche, tenant de la main droite une couronne, et de l’autre une palme. (P. 8.) «THÉODOSE (I ou Il). 67. DN THEOD... Tête de Théodose ornée d’une couronne de perles. — Revers : SAL.... (Quinaire en br.) | Cette liste ne comprend que les médailles qui dif. fèrententre elles par leurs légendes ou leursemblèmes. — 199 — Celles qui se rencontrent le plus communément dans le sol se peuventranger dans l’ordre suivant: Antonin, Marc-Aurèle, Hadrien, Postume, Trajan, Faustine jeune, Constantin-le-Grand et Probus. Plusieurs rai- sons expliquent leur nombre : il devait être plus con- sidérable pour les empereurs qui avaient eu de longs règnes, comme Antonin, Hadrien, Trajan, et pour ceux qui avaient frappé leur monnaie dans là Gaule, comme Postume et Probus. Outre les médailles impériales, j'ai trouvé une mé- daille consulaire à l'effigie de Varron, et une médaille gallo-romaine qui est connue sous le nom de Germanus Indutiacus. — En voici la description :: 1. VARRO. PRO. COS. Tête ornée d’un bandeau, barbe tressée. —Revers : Le champ divisé en deux cantons: dans le droit un 1e” dans le gauche un dauphin. — Exergue : MAGNPRO COS: (4R.) 2. Tête à droite, couronnée. Figure d’un chef.— Revers : Un bœuf. — ne dessus : GERMANVS. — Au-dessous ; INDVTILIL. Bronze, de ue module, mince. Des médailles grecques sont mêlées dans le sol de Saint-Valery aux médailles romaines; maiselles y sont beaucoup plus rares. J'en ai recueilli trois en bronze : l'une était enfouie dans le champ funéraire de la Pour- rière, les autres ont été trouvées en différentes parties du camp. Toutes trois sont recouvertes d’une patine épaisse qui atteste leur ancienneté, et:assez bien:côn- servées pour qu'on puisse aisément les reconnaître. La première, de petit module , présente d’un côté une tête de’ femme en profil'gauche: ornée d’un; dia: — 900 — dème et de pendants d'oreille. La légende est composée d'un seul mot inscrit devant la figure, où l'on dis- tingue les lettres suivantes'srparos..\. Ù Au revers, dont le champ est un peu concave ou dé- primé , on voit un taureau cornupète. Dans l’exergue , l'inscription ne conserve plus que les deux lettres IE... Cette médaille appartient à l'époque du roi de Syra- cuse , Hiéron II. La seconde est aussi de petitmodule, presque éga- lementplate des deux côtés. Elle porte une têtedefemme casquée, profil droit, ayant devant elle une légende . dont on ne voit plus que des traces et qui est illisible. — Au revers est une Minerve promachos , debout, cas- quée, portant au bras gauche un bouclier, et tenant de la main droite, par le milieu, une lance ou long javelot armé d'un fer à chaque bout. On lit distinctement sur la légende : ..enva.0; la dernière lettre est détruite par une échancrure du bord de la pièce. Le mot complet devait être le nom d'Athènes, 1eanaton. La troisième a été frappée à Alexandrie. C'est une pièce de Ptolémée, grand bronze, bombée du ‘côté de la tête et concave au revers. La tête laurée, de profil droit, est celle d’un homme avec une chevelure épaisse et une grosse barbe: elle occupe tout le champ de la médaille et n’a pas d'inscription. Au milieu du revers est un aigle, debout, les serres ap- puyées sur un foudre et les ailes à demi déployées. En avant de l'aigle, dans le champ, est un signe monétaire dont je n'ai pas bien reconnu le caractère. La légende se — 201 — compose des deux mots suivants : 1TOAEMAIOE BASIAEYS. L'existence des médailles grecques dans notre sol est un fait remarquable. Il est propre à révéler des relations qui auraient eu lieu dès ce temps avec quel- que colonie d'origine grecque, établie dans une con- trée plus ou moins voisine de la nôtre (1). | Enfin des médailles gauloises sont aussi enfouies dans le sol de notre promontoire. J'en possède deux qui y. ont été trouvées. L'une d'elles est un statère en or d'un titre assez élevé, cambré à la façon des monnaies grecques, c'esi-à-dire concave d'un côté, et convexe de l'autre, sans y augmenter d'épaisseur. Une figure, difforme parce qu'elle est mal dessinée, vue de face, sans front ni menton, ayant des yeux d'une grandeur disproportionnée, une bouche énorme à lèvres dentées, dont la supérieure se confond avec la base du nez, est empreinte sur le côté convexe. Sur la joue gauche de cette figure est un symbole qui consiste en un disque d’où s'échappent, par le bord, des rayons obliques et courbes. Dans le creux du revers, dont le fond est uni, on voit un cheval au galop: Un disque ou astre rayonnant, pareil à celui de la face, est au-dessus du cheval, et un autre au- dessous. 14). M. 3. Howell a démontré, dans un savant ouvrage qu'il vient de publiez sur la Normandie, l'existence d’une colonie grecque dans le pays des Calètes. Il ÿ en aurait eu également une dans celui des Ambiens, à l'embouchure de la Somme, d’après le système de M. A. de Poilly. — 202 — Cette médaille est une imitation grossière du statère grec ou syracusain , dont elle a le poids et la valeur. L'autre médaille, plus petite de moitié et aussi de moitié moins pesante, représenterait un demi-statère dont le titre aurait été altéré. Elle n’est pas en or pur, mais en electrum. On y remarque qu'elle a aussi un côté bombé et l'autre concave; mais qu'elle est-plus épaisse au centre que sur le bord, de telle sorte que le creux du revers n’est pas en proportion avec la:bosse de la face. La tête qui est, dé ce côté en occupe tout le champ et se présente de profil, tournée à droite: Elle a les cheveux bouclés en spirales uniformes. L'œil, posé trop haut, est destiné comme s’il était vu de face. A la place de l'oreille est un point rond, surmonté d'un trèfle qui en marque la conque, et se termine en bas par un trait en courte spirale qui représente un kellobe, pendant d'oreille en hélice. Quatre points en relief placés dans la chevelure suivant une -ligne courbe, à dés distances à peu près égales, depuis le haut du front jusqu'à l'oreille, y semblent tenir lieu de diadêéme. Entre le cou et le menton, on remarque encore un point saïllant et rond, isolé, et plus gros que les autres. L'épaule, dont on voit la naissancé, paraît couverte d’une armure. Le revers de cette médaille a le fond marqueté par un grametis de petits points en relief: ils ‘en rem- plissent le champ. On y voit un sanglier monté sur un cheval qu'il mène au galop. Le sanglier a les.crins hé- — 205 — rissés sur Je dos: il pose sur la croupe du cheval par sespieds de derrière: ses pieds de devant sont relevés. Le sol que foule le cheval est indiqué par une ligne serrée de gros points en lozange qui se touchent par leurs angles. En avant du cheval est un oiseau à bec fort, droit et aigu, dont une patte à tarse long et nu lai enfonce les ongles d'une large griffe dans le poi- trail. Ses ailes ne sont pas déployées, mais rabattues presque entièrement sur son corps, de telle sorte qu'il semble-accroché à celui du cheval. Cet oiseau, mal dessiné, n estpas facile à reconnaître : peut-être a-t-on voulu représenter un aigle, mais il ressemble plus à un corbeau. À terre, près du cheval, sur un second plan, est un arc tout armé. Une flèche est posée sur le milieu de sa corde; on n'a plus qu'à le saisir pour.en faire usage. Ces deux médailles gauloises ont été: trouvées à l'intérieur de l'enceinte romaine, mais hors du champ de:sépulture et non loin de la colline du. cap. Elles étaient isolées dans la terre: rien ne les y accom- pagnait. On n'a trouvé auprès d'elles ni vases funèbres, ni haches en silex ou tout autre objet qui fût propre à expliquer comment elles y étaient venues: Les haches celtiques qu'on y recueille de temps ch temps sont éparses. comme les médailles, et aussi presque toujours isolées, sans aucun lien avec un monument quelconque. Il y ena d’entièresetde brisées, tantôt terminées et d’un travail parfait, tantôt seule- ment ébauchées, grossièrement taillées au marteau; — 204 — puis abandonnées avant d'avoir été polies. On en ren- contre dont la polissure n’est pas parfaite, soit par- ce qu'un accident a empêché de l'achever, soit parce qu'elle était suffisante à ce degré. Parmi celles qui n'ont été que taillées, il en est-pro- bablement un grand nombre pour lesquelles le travail ne devait pas être poussé plus loin: il pouvait suflire à leur destination, de telle sorte que celles-là ne sau- raient être considérées comme des ébauches et encore moins comme des objets de rebut (1). Il y en a de dimensions fort diverses: quelques-unes sont très- petites. J'en’ possède qui sont également larges et tran- chantes au deux bouts: au lieu d’avoir la forme d’un coin, elles ont celle d’un rein, comme si elles étaient à double lame. Leurs bords sont amincis dans toute leur longueur. Je n'ai pas recueilli jusqu'à présent de ces lames _ minces et étroites qui ont mérité le nom de couteaux ; mais j'ai trouvé des silex épais, : taillés à longues tran- ches, dont les éclats auraient pu en produire: Ces . gros silex ont été considérés comme des massues cel- tiques par Casimir Picard. Un fragment qui provenait d'un silex de cette forme, ayant la figure d'un cône tronqué et sur lequel on distinguait encore la trace (4) Voyez une notice sur quelques instruments celtiques, par Casimir Picard, dans les mémoires de la Société roy. d'Emulat. d’Abbeville, année 1836-37, p. 234. DOS 2 e de ces longues tailles, avait reçu un degré de polissure très-avancé (1). Il n'est pas douteux que la majeure partie des ha- ches et des autres instruments en silex qu'on retrouve dans l'enceinte du camp proviennent d'une époque antérieure à celle de la conquête: mais on doit croire également que la peuplade gauloise qui est restée dans le pays a continué d’en fabriquer de pareils sous l’oc- cupation romaine. Le changement des mœurs et les progrès de l'industrie n’ont pas pu être assez rapides pour en faire subitement abandonner l'usage. La même chose dut avoir lieu pour les urnes funéraires: celles qu'on retrouve dans les tombeaux romains du champ de sépulture l'indiquent évidem- ment. Les Gaulois n'ont pas cessé d'en produire à leur manière pour obéir à leurs coutumes, mais ils ont probablement modifié leurs pratiques, en adoptant un peu de celles que les Romains suivaient sous leurs yeux. F Parmi les fragments de poterie gauloise que j'ai re- cueillis dans le sol de Saint-Valery, il en est un qui appartient à une pièce de céramie d'une espèce plus rare et plus remarquable que les urnes ordinaires. Ce fragment, haut de 27 centimètres, en avait 20 de lar- - (1) L'ouvrage de M. Boucher de Perthes (Antiquités celtiques et anté-dilu- viennes) renferme des détails aussi intéressants que nombreux sur ces instru- ments. Ilen a décrit et figuré un grand nombre : il a recherché quels avaient été leur mode de fabrication et leur usage. Voy. les ch. VI et VII, XVI, XVII, XVIII et XIX, et les PI. 13—32. — 2606 — geur sur 2 d'épaisseur. Du côté intérieur, sa surface était unie ; à l'extérieur, il portait en guise d'ornements des bandes en relief, transversales, parallèles, larges de 2% millimètres, et séparées les unes des autres par des espaces de moitié plus étroits. Ces bandes saul- lantes étaient marquées: dans toute leur longeur d'impressions digitales profondes qui les faisaient on- duler et y figuraient une, espèce de dessin. L’ouvrier les avait faites en appuyant obliquement sur les bandes avec'le bord du pouce lorsqu'elles étaient encore molles, à peu près comme nos ménagères de la cam- pagne font la bordure de leurs pâtés avant de: les mettré au four. (Voy. pl. V. fig:3): L’argile dont cette pièce est composée paraît, au premier aspect, différer de celle des poteries ordi- naiïres; mais ce n'estpas de l'argile que cette différence provient: elle consiste en réalité dans la proportion des petites pierres grises qu'on ÿ a mêlées. On a évi- demment eu l'intention de lui donner beaucoup de solidité, et elle contient une ;si grande quantité de-ces pierrailles qu'elle en’ est effectivement devenue très dure et très compacte: L'argile avait été temte en noir avant d'être em- ployée, ainsiqu'on avait coutume de le pratiquer pour les pièces funéraires ; quand le vase avait été formé on l'avait également revêtu, sur ses deux faces, d'une couche noire qui a:subsisté et se voit encore dans lé fragment que je décris. On remarque à ce fragment une Jégère courbure, OO dans le:sens de sa largeur. Mesurée au compas, elle constituerait l'arc d'un cercle qui aurait un rayon de cinquante-deux centimètres. Si donc le morceau pro- venait d'une urne brisée, cette urne aurait eu d’éton- nantes dimensions. N'ayant pas vu la pièce entière, je ne peux faire connaître exactement ce qu'elle était; mais 1] me paraît évidemment démontré par ses ca- ractères funéraires qu'elle a servi pour une sépulture. Peut-être, au lieu d’une urne, était-ce un cercueil dont les deux bouts auraient été légèrement arrondis comme ceux d'une baignoire. En ce cas, le fragment quinousest resté auraitfaitpartie del'unedesextrémités dé:ce cercueil. Notre savant ami, M. P. Féret, de Dieppe, antiquaire renommé pour la sévérité et la justesse de ses vues, serait disposé! à accepter cette opinion. C’esten effet la plus rationnelle, etnouscroyons aussi la plus sûre. L'existence de coffres pareils, enterre cuite, est constatée : on en. a trouvé dans plu- sieurs endroits. Dans son histoire des grands chemins de-l'Empire, Bergier fait mention des cercueils de cette espèce qu'il a découverts,, principalement en Champagne. Ceux qu'il a vus dans un petit mont, près d'un:village à six lieues de Rheims, sur la rivière de Rétourne;lavaient six pieds de long sur deux de large. Chacun d’eux renfermait des ossements humains. et une épée: près del'épaule gauche du squelette était un petit vase de terre qui contenait une liqueur hui leuse (Liv. IT, ch. 38). Telsisont les divers objets que j'ai notés et recueillis — 298 — parmi ceux qui ont existé, à l'époque romaine, dans le promontoire de Saint-Valery-sur-Somme. J'y pour- rais ajouter la découverte d’un four à briques qui fut trouvé sur le milieu d'une des collines de la Ferté, non loin du champ funéraire, enseveli sous une masse de terres alluviennes qui l'avaient enveloppé. Ila été détruit, jenel'aipas vu. Tout ce que j'ai pu en savoir est qu'il ressemblait beaucoup aux nôtres, mais qu'il avait des dimensions plus petiteset la bouche plusétroite. Tout prèsdelà étaient destuilesromaines en grande quantité, entières pour la plupart et comme neuves, tandis qu'un peu plus loinsetrouvaitune assezgrosse masse de chaux coulée; matériaux qui semblaient avoir été préparés dans le four et qui sont restés sans emploi. Quand les soldats romains sont venus occuper l'emplacement de Saint-Valery, ils ont trouvé le territoire habité par des familles gauloises. L'existence de cette peuplade nous est manifestée par ses haches _en silex, par ses médailles, et surtout par les restes de poteries funéraires qu'elle a laissés. On la retrouve en- core dans les noms qu’elle a imposés à divers lieux du pays et dans ceux qu’elle y avait religieusement consacrés. L'angle avancé du promontoire qui formait cap Sur la mer avait reçu des premiers habitants le nom celtique de Horn, que les Romains ont adopté et reproduit par les mots de caput hornense ; et plus tard, nous avons nous—-même traditionnellement répété ces mots, transformés par les changements successifs du langage en ceux de cap hornu où cornu, dont nous — 209 — nous servons encore aujourd'hui pour désigner le même endroit. Le mot Horn, qui veut dire Corne, et ceux qui dans les langues humaines ont une signifi- cation pareille, ont été appliqués dans tous Îes temps - à la dénomination des caps qui avançaient sur la mer en y faisant une saillie longue et un peu courbe. C'est probablement pour la même raison que le cap de Saint-Valery à reçu le nom qu'il porte encore; mais suivant d'autres personnes, ce nom lui aurait été donné à cause des béliers qu’on aurait immolés en ce lieu, dans les temps celtiques, à la divinité maritime du pays, à la déesse Néhalennia, révérée dans le Bel- gium, personnifiant la nouvelle lune, qui se montre sous la forme d'un croissant et ramène les marées. Plusieurs raisons donnent à penser que la déesse aurait pu avoir un autel sur ce cap, qui est encore au- jeurd'hui même un lieu consacré; et il est très vrai que parmi les ossements, qui sont restés dans notre sol, des sacrifices offerts aux dieux pour les défunts, jai trouvé un grand nombre d'os de mouton. Les autres étaient des ossements de porc; et ceux-là, sui- vant quelques opinions, seraient provenus des ani- maux qu'on immolait alors au fleuve Somme divinisé. Le nom celtique du fleuve a été traduit par le mot latin Sumen, et son pluriel Serie, qui ont servi à le désigner dans les temps gallo-romains, et dont le sens mdique l'appareil mammaire d’une laie en alaitement, emblème d'une puissance qui donne abondamment . la vie. Le nom actuel de la Somme serait ainsi la tra- 14 — 210 — duction presque inaltérée de l'ancien nom Sumen, dont J'u se prononçait ou, comme on le fait encore en Provence et en Italie. Le nom primitif du prmontoire de Saint-Valery a été celui de Leukona ou Leukoné, ou plus simple- ment peut-être Leukon, que l'on a aussi écrit Leugon et Legon. Ce nom nous a été conservé et transmis comme celui de Horn par l'adoption romaine. De même qu’on avait fait de ce dernier nom un adjectif, Hornense, pour l'appliquer au mot caput, on en fit un aussi du substantif leukon, en lui donnant une termi- naison latine pour le joindre en épithète au mot locus. Ainsi, comme on avait dit caput hornense, on à dit leuconaus locus. Cette locution a été reproduite par les auteurs latins qui ont eu à parler, à différentes époques, de l'ancien territoire de Saint-Valery. On trouve en effet la phrase suivante dans la Notice des Gaules, d'Adrien de Valois : « Valaricus, in pagi vinemaci loco maritimo leuconao, «_ posito ad ostium fluminis Sauminæ... » On lit ensuite dans la Gallia Christiana cette autre phrase: « Sancti « EValarici monasterium... in loco qui leuconaus « locus antiquo vocabulo dicebatur .…. » Le P. Charles Lecointe, en citant, dans ses Annales ecclésiastiques, l'extrait d'une-vie.de-S. Valery où se trouve la des- cription du lieu qu'il avait choisi pour retraite, a transcrit la phrase suivante: « Clotarius rex... lo- « cum eis secretum largilus est... quem antiquitus « deuconaum dicere consuaverant. » Notre savant — 211 — collègue, M. Labourt, de Doulens, homme de forte érudition et de brillante dialectique, fait mention, dans son Essai sur l’origine des villes de Picardie, d’une charte du roi Pagobert I, qui concédait à l'ab- baye de Saint-Valery la terre de Routhiauville, et dans laquelle on trouve cette autre phrase: « » Cenobites S. FWalarici cui antecessor meus montem » leuconum, super mare situm, concesserat. » Par- tout, dans ces phrases, le mot leuconus ou leuconaus est employé comme adjectif pour l'associer au nom de locus ou à celui de mons qui le régissent. Il s'y décline avec eux pour en subir les cas: on n’y lit pas seulement leucona-us, mais aussi leucona-0 et leucona- um Où leuce-num. Ce qu'il y a d'invariable dans ce mot est le radical leucona ou leucon. L'on ne pourrait donc pas le considérer comme étant lui-même un substantif constitué par le mot leuconaus (leuco-naus) ni admettre qu'il fût composé des deux mots réunis Asvxos Et vas d'origine grecque, signifiant littéralement blanche nef, ou si on l'aime mieux blanc navire. Ii me paraît plus probable que le mot Leukon, ramené autant que possible à sa forme ou plutôt à sa conson- nance primitive, appliqué par une population gauloise à un site du paysqu' elle habitait, provient de la langue qu'elle parlait alors, et que c'est dans cet idiome seulement qu'on en pourrait trouver la racine ou l’étymologie. Je suis donc porté à penser du nom de notre Leukone ce que Bergier disait autrefois de celui de Lutèce. « Il n'y a nulle apparence, écrivaitl, que — 212 — » les Gaulois, qui ont bâti la ville de Paris, aient em- » prunté des Latins ou des Grecs le nom qu'ils ». avaient à lui donner. Cette ville eut un nom gaulois ». long-temps avant que les gens du pays eussent con- » naissance des Latins et de leur langue. Or, quoique » ce nom nous soit à présent inconnu, si est-ce » qu'il approchait à peu près de celui de Lutèce ou ». Lucotèce, puisque les Romains en ont fait Lutetia, » suivant les terminaisons de leur langue, et les Grecs i Asvxoresix et Acvxodexra, Leucotesia et Leucodecta. Je » ne vois pas de raison de tirer l’étymologie du grec » plutôt que du latin... Je ne sais donc si ceux-là » ont mieux rencontré qui ont dérivé l'ancien nom » gaulois Leucotesia, de l'un des noms grecs dela déesse » Isis, comme qui dirait blanche Isis... . Mon avis » est que le vrai nom gaulois de la ville de Paris est » aussi peu connu que celui des villes de Bourges et de » Nantes, que les latins appellent Avarieum, Condivi- » cinum, etc. » (Histoire des grands chemins de l’em- pire rom. liv. If, chap. 25.) M. Labourt s'étant trouvé comme nous dans le cas de s'occuper de l’ancien nom du promontoire de Saint-Valery, et d'en chercher la signification, a pensé aussi que ce nom devait être d'origine gauloise , et a trouvé qu'il pouvait bien avoir sa racine dans le mot celtique Luc ou Lug, qui indique, d'après Bullet, une forêt. Cela peut être juste et vrai; mais je n'ai aucune familiarité avec les langues gaéliques et ne suis pas apte à prendre une opinion sur ce point. — 213 — Nous avons dit, en faisant la description du pro- montoire (page 171), que celui de ses côtés qui prolonge la baie de la Somme était divisé vers son milieu par une échancrure large et profonde (PI. I. Au temps de l'occupation romaine, comme à l’époque gauloise, cette vallée était remplie d'eau à mer haute, et il en fut de même pendant tout le cours du moyen-âge. Maintenant elle est fermée par une chaussée et cou- verte d'habitations. Elle a recu le nom de Romerel. Je ne saurais dire quelle est l'ancienneté de cette dénomination remarquable: je ne connais rien de positif sur sa date ni sur son origine. Au-delà du Romerel sont les collines de la Ferté, autre partie du promontoire qui était comprise dans l'enceinte romaine. Chacun sait que le mot Ferté est une contraction du vieux mot Fermeté, dont l'origine est dans le mot latin Firmitas, et qu'il a été toujours employé pour désigner un lieu fortifié. Or, jamais il n'y eut à la Ferté-lès-Saint-Valery d'autre fortification que le rempart qui y fut élevé par les soldats romains. Le nom de Ferté, dérivé de leur langue, n'est pas an- térieur à cette époque, mais son introduction et son adopuon dans le pays pourrait bien remonter jusque- là. Toutefois, s'il ne révèle pas, comme ceux de Horn et de Leukon, un des noms primitifs de la contrée, du moins est-il propre à donner quelque indication sur l'état ancien du lieu qui l’a reçu, et c’est principale- ment à cause de cela que je le fais remarquer. Il con- tribüe à prouver qu’un ouvrage quelconqne de défense — 214 — a été autrefois exécuté dans ce lieu pour la protection etle maintien d’un établissement militaire, et donne ainsi de la force aux raisons qui nous ont conduit à y retrouver un retranchement. nous reste maintenant à rechercher s’il est possible de réconnaître avec une certaine exactitude le temps où cet établissement a commencé. En essayant de le découvrir par la forme du camp, nous ne trouverions rien, ce me semble, qui puisse bien nous l'indiquer. IL dut à la disposition du lieu la courbe inégale de ses côtés, mais ceux qui l'ont construit l’ont évidem- ment rapproché autant qu'ils l'ont pu de la forme d'un quadrilatère oblong. Il était incliné en pente douce; et il réunissait dans sa position les qualités qu'on trouve à des camps du premier ordre: mais aucune de ces conditions ne pourrait nous révéler son âge. On à fait des camps de cette espèce à toutes les époques de Fempire. La forme du retranchement ne nous fournirait pas une date plus précise. S'il a peu de hauteur et paraît construit avec négligence, c’est sans doute parce qu'il a pu suffire à la sûreté des troupes avec de telles con- ditions, puisqu'un peu plus bas il était doublé par des marais alors impraticables. D'ailleurs cela n’indiquerait aucune époque fixe dans les habitudes militaires des Romains. Ces petits remparts étaient en usage même avant le temps des empereurs, avant la conquête des Gaules ; et il paraîtrait que l'obligation de circonscrire un grand espace était l'une des raisons qui déterminaient — 215 — à les employer. C'est un long retranchement de eette espèce que Scipion a fait élever quand il résolut de cerner Numance: « cum foss4 atque loric& »..…. Fcorus, lib. IL. C. XVIII, Bell. Numant. La position de la clavicule nous donnera peut-être un moyen plus certain de reconnaître l'époque que nous cherchons. On sait qu’elle est ordinairement pla- cée sur le milieu du vellum : c'était de règle, etons y conformait autant qu'onle pouvait. Or, la nôtre ne se trouve plus actuellement dans cette place. Le retran- chement a plus de longueur sur un de ses côtés que sur l’autre : il n'est plus partagé devant elle en deux moitiés égales. Celle qui part de Rossigny est restée intacte, mais celle qui va sur la falaise a été réduite par la mer. Il sera donc possible de déterminer l’âge du camp, si l’on parvient àsavoir combien la plus courte moitié du retranchement a perdu de terrain, et com- bien il a fallu de temps pour qu'elle fût ainsi réduite. Or, en admettant que la clavicule marque exacte- ment le milieu du retranchement, nous obtiendrons sans peine la première donnée. En effet, si nous tirons une ligne droite dans toute la longueur qui nous reste de l’ancien retranchement, et que nous mesurions, en partant du point indiqué par le centre de la clavicule, les deux côtés de cette ligne, nous trouverons que le plus long a 1,700 mètres, tandis que le plus court n'en a que 1,208. Ainsi la différence serait de 500 mètres; ce qui ferait à peu près 1,580 pieds de l'ancienne toise. Quant à la seconde donnée, nous la puiserons dans — 216 — les observations de l'ingénieur Lamblardie sur la côte qui s'étend depuis la Somme jusqu’à la Seine. Il a ve- connu que cette côte perdait en moyenne chaque année un pied de terrain sur toute sa longueur (1). Ainsi la perte du retranchement ayant été di 1,580 pieds, il aurait fallu 1,580 ans pour l’accomplir. L'âge de notre établissement romain serait donc de seize siècles environ, en supposant que les causes de destruction qui ont frappé la falaise de Saint-Valery n'aient pas agi sur ellemoins fortement quesurlesautres parties de la côte. Mais nous avons plusieurs raisons de croire que les causes destructives ont été là moins puissantes et moins promptes. Les larges bancs qui s'étaient déjà formés devant la falaise avant l’époque romaine,etles progrès incessants de la pointe deCayeux, tendaient à en éloigner la mer: ils affaiblissaient ses mouvements en les divisant, et la profondeur de ses eaux diminuait chaque année dans ce passage, par suite des attérissements qui en exhaussaient le fond. Lamer a donc frappé le bord du camp retranché avec des va- gues qui ont perdu constamment de leur volume et de leur force depuis l'occupation romaine jusqu'aux temps actuels. Nous pourrions donc soutenir que le moyen terme adopté par Lamblardie, pour toute la longueur de côte qu'il a comprise dans son calcul, cesse d'être exact et devient exagéré pour celle qui nous touche, et qu'ainsi il a dû ra plus de seize cents ans pour (4) Mémoire sur les côtes de la haute Normandie, p. 18. — 217 — la réduire de seize cents pieds. Mais en acceptant cefte donnée comme la plus forte qu'on puisse nous appli- quer, nous trouverions toujours que l’origme de notre établissement romain, autant qu’elle soit marquée par la construction du rempart qui lui a servi de défense, remonte pour le moins au milieu du XIE siècle de l'ère chrétienne. Je conviens que de pareils calculs n’ont rien de ri- goureux, qu'ils laissent de l'incertitude et ne peuvent conduire qu'à des résultats approximatifs; mais aussi je ne prétends pas avoir obtenu davantage et je re- grette de ne pas pouvoir donner mieux. Cependant cette solution, telle qu’elle est, renferme deux conséquences que je ne négligerai pas d’en faire sortir. La première est qu’elle nous donne une preuve de plus sur l’an- cienneté du retranchement; la seconde, qu'elle nous . a fourni une mesure pour indiquer sur la carte qui est jointe à ce mémoire (PI. Il) l'ancienne éten- due de l'établissement à l'époque romaine; de telle sorte que la restitution que nous y avons faite du sol perdu n’a rien eu d’arbitraire. Il en a été de même pour l’ancienne conformation du pays : nous n'avons essayé de la retracer qu'après l'avoir déduite d’une longue et minutieuse observation des lieux. Ce que nous avons fait à cet égard sur ia rive gauche de la Somme pour Saint-Valery, nous l'avons également pratiqué sur sa rive droite pour le Crotoi, dont nous allons maintenant parler. Le I. STATION ROMAINE DU CROTOI. « Tu insulis... quas æstus efficere consuérunt »… cÆsaR , De Bello Gall. Comm. 1. NI. On ne saurait prendre une juste idée de l’établis- sement des Romains au Crotoi, sans avoir préalable- ment reconnu quelle était alors la disposition des lieux : il est donc nécessaire d’essayer de la retrouver. Malheureusement la démonstration que j'en dois faire exigera des développements d'une certaine étendue, et J'ai à craindre qu'elle paraisse longue au lecteur. Aussi m'eflorcerai-je de l'abréger, afin qu'il puisse y trouver moins d'ennui. Autrefois, à une époque fort reculée, aux premiers temps de la période alluvienne, la mer battait la côte crayeuse qui se dresse entre la Somme et l'Authie, comme elle frappe actuellement celle qui s'élève entre Cayeux et le Tréport. Il y avait sur la droite de la ML) Me LE Somme une falaise blanche pareille à celle que nous , voyons sur sa gauche. Dans le principe, cette côte avait devant elle une plage sablonneuse étroite, basse et unie; mais dès que sa destruction eut été commencée par les flots, elle dut subir des éboulements, et ses débris furent ré- pandus sur le rivage. Ils y étaient attaqués par les eaux qui l'inondaient deux fois par jour ; et celles-ci, après les avoir délavés et désagrégés, les entraînaient dans leur course de différentes manières. Elles portaient au loin ou dépo- saient dans les anses tranquilles les matières qu'elles avaient pu délayer et tenir en suspension, comme les argiles, les marnes et la craie; mais elles ne pouvaient rouler qu'à de certaines distances de la côte et sur le fond de la plage les silex, les graviers, les sables, qui étaient insolubles et pesants. Ils s'amassaient au pied de la falaise, ou s’arrêtaient sur les bords des courants dans leurs lignes de rencontre, là où leurs eaux, venant à se toucher, tendaient à se faire équilibre et cessaient d'avoir du mouvement par suite de leur mu- tuelle opposition Ainsi, les débris pesants de la côte étaient rangés sur Ja plage dans un ordre constant, qui était réglé par les mouvements journaliers de ses eaux. Par l'effet progressif des nouveaux attérissements qui s’y formaient, la plage augmentait de largeur; elle pre- nait peu-à-peu de l'exhaussement, et sa surface chan- geait d'aspect. Au lieu de rester plate et unie, elle — 220 — devint bientôt inégale en se couvrant de dépôts qui lui donnèrent du relief en divers points. Mais ce premier changement était encore bien loin de représenter l’état où elle a dû se trouver à l'époque romaine. Avant d'y parvenir elle avait subi, à notre estime, plusieurs transformations principales que nous devons indiquer. PREMIÈRE TRANSFORMATION. — Les Bancs. — Les premiers dépôts de matières détritiques qui se ran- gèrent sur la plage y formèrent des bancs isolés dont l'étendue et la hauteur, peu considérables dans les commenceéments, ont augmenté avec le temps et à mesure que la falaise a été détruite. Ces bancs s’élevaient sur deux lignes qui se croi- saient, l'une étant dans le sens de la côte, et l’autre dans le sens des vallées qui lui étaient transversales. C'était les deux directions que suivaient les courants de la plage. Plusieurs fleuves la traversaient pour se rendre à la mer; et la mer, qui recevait leurs eaux, passait en les croisant tout le long de la côte, pour aller vers le nord aux heures de flux, et pour en revenir aux heures de jusant. Les fleuves étaient la Somme, la Maye et l’Authie. Leurs eaux, courant dans le même sens sur la plage, s'y rencontraient latéralement sur deux lignes, aux temps de leurs plus grandes expansions. La Maye touchait à droite l'Authie, à gauche la Somme. Il y avait donc dans le sens transversal deux lignes de — 221 — jonction pour les courants fluviaux ; d'où il résultat qu'il se faisait dans cette direction deux lignes de dépôts sur la plage. Il n'y en avait qu'une, au contraire, dans la direction longitudinale, selon le courant de la mer, à sa jonction avec ceux des fleuves. Mais la puissance des courants fluviaux n'étant pas la même, ils se refoulaient inégalement les uns les. autres, et ne pénétraient pas dans la mer à la même profondeur, lorsqu'ils revenaient sur elle aux heures de reflux : ils n y portaient pas également loin leurs dépôts. Cette inégalité de force a dû produire quelque variation dans la direction des lignes, et surtout dans la position des bancs. Voyons d’abord quels ont été ses effets relativement à la ligne de la mer, à la ligne longitudinale. Comme la Maye était celui des trois fleuves qui avait le moindre volume d’eau, elle a fait peu de résistance devant la mer: le banc qui s'est élevé à son embouchure a dû se former très près de la côte. Celui de l'Authie dut apparaître beaucoup plus loin; mais le plus écarté fut nécessairement celui de la Somme, dont la puissance était plus grande encore que celle de l'Authie. On voit donc que la ligne des bancs longitudmaux ne devait pas être une ligne droite, exactement pa- rallèle à celle de la côte ; mais que ce fut, au contraire, une ligne brisée qui s'en approchait et s'en écartait diversement. Largement distante devant la Somme, — 222 — elle s'est beaucoup infléchie devant la Maye, vers le milieu de sa longeur, et elle s'est ensuite une nou- velle fois écartée devant l’Authie. Ce ne fut pas non plus une ligne pleine et continue : le passage des fleuves seul aurait suffi pour la couper en plusieurs endroits. C'était une ligne interrompue et sinueuse, dont les fragments imégaux étaient formés -par des bancs de diverses longueurs (PI. IF). Quant aux lignes de bancs transversaux, voici ce qui dut arriver et ce qui s’est effectivement produit. Les trois vallées de la côte sont à des distances à peu près égales l’une de l'autre: malgré cela leurs fleuves, à cause des inégalités relatives de leurs forces, n'ont pas eu la même part du rivage. Au temps de l’èbe, quand ils parvenaient au bas des vallées en roulant de grosses eaux, dès que leurs berges cessaient de les contenir, ils s'épanchaient latéralement sur la plage, marchant de chaque côté à la rencontre l’un de l’autre, le plus fort repoussant le plus faible, et prenant de l'espace suivant sa puissance. La Somme en occupa nécessairement la plus large part; elle remonta à droite jusqu'à l'embouchure de la Maye, et prit pour elle seule toute une moitié de la côte. La Maye, complètement refoulée sur sa gauche par la Somme, n'ayant pas d'épanchement possible de ce côté, a dû rejeter ses eaux d'expansion à droite devers l'Authie, en les faisant refluer par un étroit passage entre la falaise de la côte et le: banc longitudinal de — 223 — son embouchure, jusque dans le fond de Vercourt, où elles étaient retenues par celles de l’Authie. Ainsi deux forts courants, ceux de la Somme et de l’Authie, pressaient chacun sur un côté les eaux de la Maye et lui laissaient peu d'espace sur la plage. Il en est résulté que les deux lignes transversales de bancs se sont formées sur les bords de la Maye, l'une à gauche, fort loin de la Somme, l'autre à droite, moins loin de l’Authie, marquant ainsi les limites latérales de chacun des trois fleuves et partageant leurs eaux. La ligne droite, partant de la côte, allait toucher à la pointe sud du banc de l’Authie: elle couvrait tout cet espace et séparait complètement la Maye de l'Authie. La séparation de la Somme avec la Maye était, au contraire, imparfaite sur la ligne gauche. Cette ligne ne commençait qu à la pointe sud du banc de la Maye, d'où elle s'étendait jusqu'à la pointe nord du banc de la Somme. En arrière, sur la côte, la vallée de la Maye restait largement ouverte et continuait de jeter sur la Somme une partie de ses eaux (PI. II). Les eaux de la Maye, retenues en devant par celles de la mer, comprimées sur les côtés par celles de la Somme et de l’Authie, pressées en arrière par celles- Jà même qui descendaient de sa propre vallée, et ne pouvant occuper surle rivage, au bas de la côte, qu'un espace très étroit, ont dû s'y accumuler abondam- ment, y subir une forte compression, v circuler avec — 124 — tumulte, et en creuser le fond sablonneux dans les endroits où elles éprouvaient le plus de résistance. Deux petits lacs, qui furent probablement des goufres tournoyants à la mer montante, se sont creusés aux deux extrémités de cet espace; l’un, ‘le plus profond et le plus grand, à l'entrée de la vallée de la Maye, à sa rencontre avec la Somme; l’autre, dans le bas des vallons de Vercourt, à la rencontre de l’Authie. L’es- pace que chacun de ces lacs a couvert est actuellement comblé, mais porte encore le nom d’étang (Etang de Rue, élang du Gard). Un des résultats que devait aussi produire la puis- sance inégale de nos trois fleuves, s’est manifesté dans le volume relatif des bancs qui se sont formés devant eux. Le plus large et le plus gros dans la ligne longitu- dinale fut celui de la Somme; le plus étroit fut celui de la Maye. Les différences n’ont pas été aussi remar- quables dans les bancs transversaux. La composition des bancs a été la même dans les diverses lignes où il s’en est élevé. Formés princrpa- lement de la partie détritique des alluvions, ils ont été constitués par des amas de silex roulés, mélés de gravier et de sable coquiller moderne. . Ils ont eu aussi de la ressemblance dans leurs for- mes. Posés dans des limites étroites, pressés entre deux eaux et façonnés par leurs ondes, ils se sont étendus en masses pour la plupart allongées, dont la base, à contours arrondis, supportait une crète sinueuse qui. en suivait l'axe et en constituait le sommet. Ces crètes, — 225 — celles des bancs transversaux priñcipalement, étaient échancrées sur divers points ou tout-à-fait coupées par l'effort des eaux qui pesaient sur elles. DEUXIÈME TRANSFORMATION. — Les ÆAnses. — Le temps grossissait peu-à-peu ces lignes de dépôts. Quand les bancs eurent acquis une masse et une hau- teur suflisantes et qu'ils eurent pris assez d’étendue pour que les deux lignes transversales füssent réunies avec la ligne longitudinale, la plage se trouva divisée en trois anses, dont une moyenne, et deux latérales. L'anse moyenne constitua dès lors la baie de la Maye. Elle était étroite, restait ouverte sur la mer, et se trouvait comprise entre les deux lignes de bancs transversaux. Le banc longitudinal de la Maye en bor- dait le fond. Deux cours d'eau qui se rendaient à la mer la traversaient dans toute sa longueur: c'était d’un côté la Maye qui suivait la ligne gauche des bancs transversaux, et de l’autre une de ses branches qui sortit de l'étang du Gard et passait tout le long des bancs transversaux de la ligne droite. L'anse droite avait son ouverture et sa pente sur la rive gauche de l'Authie et faisait partie de la baie de ce fleuve. Un ruisseau, qui sortait du val de Vron, situé derrière elle, venait s’y rendre en passant an bas de l’anse ;. mais il ne sortait de l'anse même que les eaux dont la mer montante la remplissait. Enfin l’anse gauche était comprise dans la baie de là Somme et s’ouvrait largement sur sa droite. Elle était plus longue que profonde. La vallée de la Maye 15 — 226 — restait béante à son sommet. Trois cours d'eau prin- cipaux y circulaient à mer basse ; c'était surfe devant la Mayette ou Génestelle, branche de la Maye échappée de l'étang de Rue, qui venait passer tout le long des bancs ; au milieu c'était une masse d'eau qui sortait en nappe du même étang; en arrière, c'était le ruisseau du Pont-Dien qui descendait du val de Nouvion et passait devant le cap de Noyelles pour se rendre dans la Somme. Celui-ci ne faisait qu'un trajet fort court sur le fond de l'anse; les deux autres la parcouraient dans toute sa hauteur. : TROISIÈME TRANSFORMATION. — Les Lagunes. — A peine le second changement fut-il accompli qu'un autre avait commencé à se produire. Les eaux ne cir- culaient plus dans les anses avec la même liberté que sur la plage nue, ni avec autant de mouvement. Divi- sées en trois parts distinctes, elles avaient moins de volume et de puissance ; et comme leurs pentes et leurs courants étaient changés, il fallut aussi qu'elles eussent d'autres lignes de rencontre. Il en résulta tout d'abord que de nouveaux bancs durent commencer à se former dans ces nouvelles limes. Un banc sablonreux s'éleva dans l’anse de la Maye, entre les deux courants qui la traversaient à mer basse; mais , comme leurs eaux étaient refoulées puissamment par la mer montante contre le banc qui prolongeait la falaise, la plage se creusa devant lui pour les recevoir. Il s'y forma ainsi un troisième courant qui réunissait les deux autres, et dont le lit fut assez large pour les — 227 — recevoir, assez profond pour ne pas assécher comple- tement avec le reflux (PI. I. Dans l’anse droite, lorsque les eaux que la mer mon- tante avait amenées descendaient, au temps de lèbe, sur la rive gauche de l’Authie , une ligne de bancs nou- veaux dutse former à leur rencontre avec celles du fleuve. L'élévation progressive des dépôts en fit une barre qui s’étendit en travers de l'anse et s’opposa de plus en plus à la sortie des eaux ; de telle sorte qu'une partie de ces eaux fut bientôt obligée d'y demeurer stagnante. Une ligne de dépôts toute pareille a dû s'établir de la: même manière sur la droite de la Somme, dans le travers de l'anse gauche, et tendre également à la fer- mer. Or, quand il arriva, par l'effet du temps, que les bancs de cette seconde formation eussent acquis assez de lengueur pour occuper toute l'ouverture des anses, et assez de hauteur pour les barrer complètement à mer basse, les anses furent séparées de leurs baies et transformées en lagunes. Pendant toute la durée de cette transformation , les bancs de l'époque précédente qui bordaient les anses de la plage au-devant de la falaise, protégeaient celle- ci contre la mer : eile fut donc attaquée par les flots avec moins de vigueur; et, sa destruction devenant moins rapide, elle produisit moins de matières pour les alluvions. Les eaux roulèrent alors plus de gravier et de sable que de galets. Aussi le sable a-t-il prédominé dans la composition des bancs nouveaux, où il entra — 228 — moins de silex. Les sédiments qui produisirent ces bancs, ayant d'une part moins d'abondanceet de l'au- tre moins de volume, durent aussi occuper moins de place et ne pas atteindre la même élévation. Ils sont, en effet, restés beaucoup plus bas que les premiers. Dans le même temps, les fleuves avaient dû pro- longer leurs cours au-delà des anciens bancs pour arriver jusqu'à la mer. Il en résulta qu'une nouvelle plage s'étendit devant eux, parce que de nouveaux attérissements commencèrent à s’y former: Le sol du rivage s’exhaussait de toutes parts ; la mer s’éloignait de la côte en raison de l’élargisssement de la plage : les eaux qu'elle. versait dans les anses pendant les heures de flux perdaient de leur volume à mesure que celles-ci diminuaient de profondeur, et les vieux bancs s'émergeaient de plus en plus à leur sommet, tandis que leur base était chaque jour profondément enfouie sous les nouvelles alluvions qui venaient la COUvrIr. QUATRIÈME TRANSFORMATION. — Marécages. — 1. Végétation maritime. — La mer montante continua d'envahir les anses transformées en lagunes; mais le mouvement des eaux qu'elle y amenait, perdant con- tinuellement de sa force, devint trop faible pour qu'il leur füt possible d'entrainer les gros débris de la côte. Les éboulis nouveaux restèrent donc en place au pied de la falaise et parvinrent avec le temps à s'élever en pente jusqu'à sa cime, à force de s’accumuler devant elle. Insensiblement la falaise prit la forme d'une colline. — 229 — Les eaux marines, qui étaient retenues dans les la- gunes, ne s'échappaient que lentement par les étroits passages que Les ruisseaux tenaient ouverts sur les bar- res; de telle sorte que les sédiments qu'elles dépo- saient avec ane abondance toujours croissante, parce qu’elles devenaient chaque jour plus tranquilles , ne furent plus entrainés au dehors. Les eaux douces des vallées , apportant aussi leur limon , venaient se mêler aux eaux marines et stagner avec elles. Dès lors le fond des lagunes s'exhaussa rapidement, et il y eut bientôt des endroits où la végétation maritime, celle des plan- tes qui peuvent croître dans des eaux saumâtres sur une terre vaseuse, commença à naître. En même temps, les anciens bancs asséchaient da- vantage et les nouveaux augmentaient dans toutes les anses d'épaisseur et détendue. Celui qui s'élevait dans celle de la Somme, tout le long de la Mayette , s'accrut de telle sorte qu'il occupa un grand espace sur le devant de la lagune, dont la partie la plus déclive ne fut plus dès lors de ce côté, mais en arrière, entre ce banc et l'ancienne côte, sur Noyelles (PI. IT. 2. Végétation aquatique. — À mesure que les lagunes se rétrécissaient et se comblaient , il y entrait moins d’eau salée ; tandis que les eaux fluviales que les vallées y versaient, arrivaient toujours avec la même abon- dance pour les remplacer: Il advint done qu'elles y prédominèrent de plus en plus. Ainsi, le sol continuant de s'exhausser , les eaux qui le couvraient devenant plus douces.et diminuant de profondeur , 1l a été pos- A. sible à la végétation des étangs de succéder à la végé— tation maritime. Elle montra partout ses longues tiges, et produisit avec abondance une nouvelle espèce de sédiments. La tourbe fut ajoutée au limon sur le fond des lagunes, et celles-ci ne tardèrent pas à devenir des marécages. Cependantlesalluvions des vallées, s'arrêtantau pied des talus de l'ancienne côte, formaient autour d'eux des plateaux de largeurs inégales qui s’avançaient di- versement sur le marais; et tandis que la plupart des bancs nouveaux s'étaient assez élevés pour assécher largement à mer basse, tous les vieux banes de la plage restaient découverts à mer haute et apparaissaient au-dessus de l'eau comme des îles. Dès lors ces lieux furent praticables et on a pu les fréquenter. Les transformations que nous venons de décrire ne sont pas des créations imaginaires, ni de simples dé- ductions scientifiques; ce sont des faits réels dont les traces subsistent, et que chacun peutvérifier en par- courant les marais desséchés du Marquenterre actuel. Les bancs de la première époque s'y font voir main- tenant sous la forme de longues buttes, dont la hauteur varie de 6 à 8 mètres au-dessus de la surface du marais: elles y sont rangées dans les deux directions que j'ai indiquées, sur trois lignes très apparentes, qui établis- sent d'une manière fort distincte les anciennes divisions du sol. Les bancs de la seconde époque n'ayant jamais pris autant d'élévation que ceux-ci , se détachent moins — 251 — du fond marécageux et sont presque au même niveau que lui; mais le terrain a plus de consistance et moins d'humidité dans l'emplacement qu'ils occupent; et quand on fouille dans ces endroits, on en retire tout d’abord, au lieu de tourbe, après l'humus vaseux qui les recouvre , le sable, les coquillages et le galet dont leur masse a été composée. Il est donc facile de retrouver maintenant encore tousles bancs de ces deux époques et d'en reconnaître aussi l'âge et la direction. Ils ont d’ailleurs pour la plupart une étendue assez grande pour qu'il ait été possible, au moyen-âge et dans les temps postérieurs, d'y construire des villages et des forteresses. En elflet, sur la ligne maritime des vieux bancs de la première époque , nous trouvons devant l’Authie le vieux Quend'; devant la Maye, Lannoy et Montcourt; devant la Somme, le Crotoi et Mayoc. Sur la ligne droite des banes transversaux, entre la Maye et l’Authie , on a élevé la tour du Gard , le hameau de Flandre , la ferme du Halbourdin et le village de Hère; sur la ligne gau- che, entre la Maye et la Somme, la ville de Rue, bâtie sur la Maye , dont elle domine l'embouchure (f). Les bancs moins élevés de la seconde époque ont reçu dans le marais de l’Authie les villages de Bretagne et de Villers, et dans le marais de la Somme , derrière (4) Le port de Rue a toujours appartenu à à Maye. On a, ilest vrai, CONÇU plusieurs fois le projet d’y amener les eaux de l’Authie, mais on ne la pas exécuté. — 232 — le Crotoi, ceux de Favières et du Hamelet. Au bord opposé, au bas de l’ancienne côte, les plateaux infé- rieurs de ses collines portent les habitations des Mottelettes, de Romaine et de Romiotte, la tour actuellement ‘ruinée du Pont-Dien et le village, dé Noyelles (PI. IT). Le temps qui s’est écoulé entre la dernière transfor- mation de la plage et l'occupation romaine à aussi produit quelque changement dans l'état des lieux; mais 1] n'a fait qu'amener un degré de plus dans le dessèchement des marécages et l'émergeance des bancs. Ainsi, à l'époque où les Romains sont venus s’en em- parer , les bancs représentaient à mer haute des ran- gées d'ilots sur lesquels on ne pouvait aborder qu’en bateau: à mer basse, les marais étant encore trop humides et trop fangeux, on ne pouvait les traverser d'aucune manière; de telle sorte que pour venir: sur quelqu'un de ces bancs ou pour en sortir, il fallait franchir successivenient tous ceux qui le séparaient de de la côte , ou bien suivre les plages en passant. à gué les, cours d'eau. Le plateau, large et élevé, entrecoupé de nombréux vallons ; qui domine la côte, était alors couvert dé bois. Une xaste fôrèt dont celles de Vron, de Crécy. ét de Cantätre sont des restes , l’occupait tout entier: Elle s'étendait depuis la Somme jusqu'à l’Authie et portait le nom de #Waden où Guaden. Elle recélait dans ses profondeurs un grand nombre de tombelles gauloises. dont la plupart subsistent et sont encore intactes., Je ; HR crois devoir appeler l'attention des archéologues sur la disposition générale qu'elles présentent: ce n'est pas sur le sommet des plateaux qu'elles ont été élevées, mais sur le bord des collines, dans leur penchant et, à ce qu'il semble, le moins loin possible des cours d’eau. Les Romains ont pris possession des bancs qui de- vançaient la côte, parce qu'ils pouvaient leur servir à garder des passages qui donnaient entrée dans le pays. A cause de cela, ils se sont établis de préférence sur ceux qui commandaient l'embouchure des fleuves, et ont placé leurs postes sur les pointes qui en étaient voisines. C’est là en effet qu’on retrouve des traces de leur séjour dans le banc de Quend , à l'entrée de l’Au- thie (1); dans ceux de Lannoy et de Rue, à l'entrée de la Maye ; et dans celui du Crotoi, en avant de la Somme. La station du Crotoi est celle que nous devons dé- crire: C'était la plus importante des trois. Elle occupait la pointe gauche du banc, sur ia baie de la Somme, depuis le Crotoi jusqu'à Mayoc; ce qui faisait à-peu-près le tiers de toute la longueur de ce banc , laquelle pou- vait être alors de 5,000 mètres. On y retrouve les restes enfouis des maisons qui furent autrefois construites et habitées par les hommes de ce poste. Leurs murs composés comme à Saint-Valery de fragments de moellon, et principalement de gros silex, baignés dans () J'ai trouvé sur ce banc des restes d'habitations romaines ; des bouts de ur enfouis, des tégules, plusieurs vases entiers. M. Baillon, notre collègue, conserve des médailles qu’il ÿ a recueilliés en assez grand nombre. — 234 — ua mortier qui était fait avec le sable à coquilles du rivage, ne suffraient pas à les faire distinguer des ha- bitations d'une époque moins reculée ; mais il est aisé de les reconnaitre par leurs tégules épaisses, par les larges carreaux de leurs pavés, par les pièces de mon- naies et les autres objets précieux qu’on y recueille. Aujourd'hui un certain nombre de ces antiques fon- dations est presque à découvert dans la partie actuel- lement inondée du rivage. Elles y sont cachées sous la couche de sable qui revêt la plage dans les temps or- dinaires; mais quand une suite de fortesmarées, comme il y en a dans les vives eaux et par les gros temps, vient à balayer le sable avec ses vagues, elle laisse à nu les ruines romaines. ILest indubitable que ces demeures, dont les restes sont maintenant sous l'eau, ont été jadis à l'abri de la mer, Elles ont dû être construites en arrière du banc; comme celles qu'on découvre plus loin. La pointe du banc devait donc descerdre sur la baie au-delà des habitations , et tourner devant elles en décrivant une courbe qui la ramenait sur le Crotoi. La dune qui porte le, Crotoi formait alors l'extrémité: de ce crochet: c'était une partie intégrante du banc, ou tout aumoins une de ses dépendances. Actuellement le Crotoi est séparé du banc par un creux large de 800 mètres: la pointe qui existait à l'époqre romaine a été complètement détruite. Le crochet qu'elle à formé dans ce temps avaït été le ré- sultat naturel des mouvements d'inflexion que la mer ; — 285 — devait suivre pour entrer dans la baie avec ie flux et pour en sortir aux heures de jusant. fliavait dû sub- sister, sinon s’accroître, aussi longtemps que ce banc, qui conserve encore le nom de barre-mer, avaitiété la limite du rivage : les eaux tournaient sur lui. Mais quand'une autre plage se fut formée plus lom, et qu'elle eut pris assez de largeur et d'exhaussement pour que de nouveaux bancs et de nouvelles dunes s’élevassent sur elle, la mer fut obligée de courber ses eaux plus loin, et plus tôt, sur une nouvelle pointe qu’elle eut dès lors à franchir avant de parvenir à l'ancienne. Il arriva de cette manière qu'au lieu de glisser mollement selon sa propre inflexion sur le cro- chet du vieux banc, elle passa droit contre lui et com- mença dès lors à l'attaquer: elle y pénétra comme une sécante dans un cercle. Avéc le temps la pointe a disparu toute entière, et le banc lui-même fut atteint. il a été rongé de plus en plus sur sa longueur depuis ce moment jnsqu à l'heure actuelle, où sa destruction n'a pas encore cessé. La longueur de ce banc est encore de 3,600 mètres. On trouve qu'elle devait être de 1,500 mètres plus grande à l'époque romaine, en faisant passer sa pointe au-delà des habitations et en lui donnant une largeur moyenne de 500 mètres. Sa direction court à-peu-près du Nord au Sud. Il'est généralement étroit : il l'est principalement depuis sa pointe-nord, à droite, jusqu'aux approches de Mayoc. Eà 1 s’élargit et s’aplatit; après quoi il redevient étroit — 236 — jusqu'à la baie. Ainsi sa plus grande largeur se trouve vers le tiers gauche de sa longueur, un peu au-dessus du vieux Mayoc, et elle est de 1,200 mètres : sa largeur commune, dans tout le reste de son étendue, ne va pas au-delà de 500 mètres. Sa hauteur au-dessus du niveau de la mer varie de 5 à 12 mètres ; elle est de 5 mètres sur le rivage de la baie, de 7 au vicux Mayoc et de 12 à la pointe droite, au nord. Sa surface est convexe, mais ses deux versants n’ont pas la même largeur ni la même inclinaison. La ligne qui marque le faîte du banc et en suit l'axe n'en oc- cupe pas le milieu : elle s’écarte plus d'un côté que de l'autre. Le versant occidental où maritime est le plus large : il a une pente généralement douce. Le versant opposé est environ d’un tiers plus étroit et bordé par une pente très-raide, qui ne commence à s'abaisser qu'en approchant de Mayoc : là elle tombe plus lente- ment et s'étend davantage sur le marais; mais, passé Mayoc, elle se redresse et court ainsi jusqu'à la baie sans pourtant acquérir jamais autant de raideur que sur la pointe opposée. Mais tout ceci ne doit s'entendre que de la crête du banc. Elle: était posée sur une large base qui est maintenant couverte presque partout par le sol du marais qui l’environne. Le large plateau que formait cette base autour de la crête n'est plus visible qu'en deux endroits qui.se trouvent, l’un du côté de la mer, à l'ouest, vers l'extrémité septentrionale du banc,-dans => DR = l'emplacement qui porte aujourd'hui le village de Saint-Firmin ; l'autre, du côté opposé, vers l'est, der- rière la pointe gauche du banc, entre Mayoc etle Crotoi. Lorsque cette pointe existait, ce plateau était le fond de l'anse qu'elle formait en se courbant pour venir au Crotoi. C’est sur ce terrain, dans le pli de ce crochet ouvert à l'Orient, et derrière le banc qui lui servait tout ensemble de défense et d’abri, que les habitations romaines ont été construites. On en trouve encore quelques restes mêlés aux ruines de la bourgade de Saint-Pierre qui leur a succédé, et qui est maintenant ensevelie avec elles sous une multitude de petites dunes. À l’époque romaine la pointe du banc, qui protégeait contre la mer la place habitée, empêchait aussi le sable d'y pénétrer ; au moyen-âge il a été né- cessaire d'élever une épaisse muraille pour s'opposer à cette double invasion: il fallait remplacer le crochet du banc, qui était alors détruit. La base de cette muraille subsiste encore : c’est elle qui à servi d'appui aux premières dunes. Les fon- dations qu’on découvre devant elle, sur la grève, sont toutes romaines: celles qu'on trouve derrière elle, au- delà du rivage, hors des atteintes de la mer, appar- tiennent aux deux époques. Celles du moyen-àge y sont en grand nombre. La plupart de leurs ruines ne s'élèvent pas au-dessus du sol, mais il reste encore debout quelques panneaux de mur ou de charpente sous le sable des dunes qui les enveloppent. Les traces de l'incendie qui a détruit la — 238 — bourgade sont ‘visibles dans toutes ces demeures. Leurs aires sont noires de charbon et de cendres, parmi lesquelles on trouve différentes sortes de sco- riés, des coulées de verre fondu, des vases de verre qui ont été aplatis sous le poids des décombres dont la chaleur les avait ramollis, des pièces de bois équarries qui ont servi de poutres ow de solives et sont charbonnées dans toute leur longueur. On distingue sans peine ces maisons des demeures romaines. Les ferrures qu'on en retire, les clous qui sont restés dans leurs pièces de charpente, les frag- ments de tuiles minces qui proviennent soit de leurs fours, soit de leurs toits, l'espèce de poteries qu'on y _réncontre, les carreaux de petites dimensions en terre rouge où blanche, de forme tantôt ronde, tantôt carrée, qui ont servi à les paver, les font aisément reconnaitre. Les grandes tessères des maisons romaines avaient dix-huit jignes d'épaisseur sur deux .pieds de côté, et malgré cette largeur leurs tranches étaient nettes leurs arêtes vives et leurs surfaces bien dressées. Ce n'a pas été seulement sur le plateau inférieur du banc que les Romains ont établi leurs demeures : ils en ont aussi construit plusieurs sur ie versant qui est de ce côté, depuis la base jusqu'au sommet, sans toute- fois aller au-delà de cette ligne ni plus loin que Mayoc. On n’en rencontre aucüne trace sur le versant qui régarde la mer. On a mis à découvert, près de l'extrémité actuelle — 239 — du banc, non loin de l'emplacement de l’ancienne église de Saint-Pierre, les fondations entières d'une maison romaine: C'était une aire carrée, ayant dix pieds de côté et pavée de larges dalles en terre cuite. Quand on descend de la partie supérieure du banc sur le vieux Mayoe, on traverse à mi-côte des champs qui sont remplis de tégules romaines réduites en petits fragments, et dans lesquels on trouve aussi de temps en temps des médailles. Ce lieu paraît avoir été un point considérable dans l'établissement. Suivant une tradition qui sy rapporte, la résidence du chef romain qui commandait dans le pays aurait été fixée en cet endroit. Il est du moins assuré que cet empla- cement a été occupé, après la domination romaine, par une ancienne abbaye qui aurait pu hériter de ses droits et qui, en effet, a continué d’avoir juridiction sur la conirée (1). Les objets précieux de l’époque romaine qu'on a recueillis, soit dans les champs, soit sur la grève, sont des médailles de bronze, d'argent et d'or; des agrafes, des anneaux, des pierres gravées, des fisurmes; des fragments de poterie fine élégamment ornée , en pâtes de diverses couleurs et d'une facture qui ne permet pas de mettre en doute leur origine. M. Hecquet d’Orval a trouvé au Crotoi des as sé- miunciales des derniers temps de la République; (4): V. Une notice sur l’ancienne abbaye de Mayoc, dans les mémoires de la sociélé ruy. d'émuiation d'Abbeville, 1836-37, p: 207. — 249 — anais la plupart des médailles qu'on y rencontre sont impériales. Celles que j'ai sont aux efligies de Claude I, de Vespasien, de Titus, de Domitien, de Trajan, d'Adrien, d'Antonin-le-Pieux et de Faustine mère; de Marc-Aurèle et de Faustine jeune; de Lucile, femme de Verus; de Commode, de Septime-Sévère , de Cara- calla; de Julia-Mœsa, femme d'Elagabale; de Sévère (Alexandre), de Gordien , de Volusien, de Postume, de Claude-le-Gothique et de Probus. Plusieurs de ces médailles diffèrent soit par l'effigie, soit par l'emblème ou par la légende du revers, de celles qui ont été trouvées à Saint-Valery. J'en don- nerai aussi la description. VESPASIEN. 1. IMP CAES VESPASIANVS AVG COS III. Tête laurée. — Revers: FORTVNAE REDVCI. — Une femme debout, tenant dela main droite un apnrorail et de l’autreunetcorne d'abondance. (w. 8.) 2, IMP CAE... VESPASIAN AYG COS VLIL PP. Profil droit, tête Te: rée. — Revers: FIDES PVBLICA. — Une femme debout. la main droite fruste. Dans fa main gauche, une corne d’abondance. S.C. (. 8.) TITUS. 3. T CAESAR [MP VESPASIANVS. Légende renversée. Tête laurée. — Revers: COS V. — Un aigle, les ailes éployées. (4R.) 4. IMP CAES NERVA TRAIANVS: GERM. PM. Tête. laurée.:— Revers: T... COS IT. — Un génie ailé, tenant un globe. — Champ: S. C. (m. 8.) TRAJAN. 5. IMP CAES NERVA TRAIAN AVG GERM. Tête laurée. — Revers : PM TR P COS IIIT PP. — Statue d'Hercule. — Hercule nu, debout sur un 50- cle hémisphérique, tenant de la main droite sa massue et portant sur l’ayant- bras gauche la peau du lion de Némée. (or.) — 24l — HADRIEN. 6. HADRIANVS AVG COS VI PM. Tête nue. — Revers: MONETA AVG- — Une femme debout, tenant d’une main une balance, de l’autre une corne d’abondance levée. (ar.) MARC-AURÈLE. 7. .… ANTONINVS .….. VG TRP XXIIII. Tête laurée et barbue de Marc- Aurèle. — Revers: SALVS AVG. — Une femme debout, donnant à manger dans une patère à un serpent qui s'élève au-dessus d’un autel (Hygie). S. C. Ge. R.) 8. M ANTONINVS .. TRP XXVI. Tête laurée. — Revers : ..…. GVST...— Une femme assise, appuyée sur le coude gauche, tenant une lance de la main droite. S. C. (G: B.) LA FAUSTINE mère. 9. DIVA FAVSTINA. Tête de Faustine mère. — Revers: AETERNITAS. — Une femme debout, tenant de la main droite une boule, et de l’autre un objet indéterminé de forme circulaire, qui entourela tête en passant au-dessus d’elle. (4R.) FAUSTINE jeune. 40. FAVSTINA AVG … PITI AVG FIL. Profil droit. — Revers : CONCOR- DIA. — Une femme assise, tenant de la main droite des épis de blé, et s’ap- puyant de l’avant-bras gauche sur une corne d’abondance. LUCILE. 11. Très-fruste. LVC … AVG... Tête de Lucile. — Revers illisible. — Une femme debout. (m. 8.) COMMODE. 42: .. 1AVREL COMMODYS AVG... Tête laurée. — Revers fruste. — Une femme debout, tenant de la main droite un bonnet de la liberté, et.ce la gauche une corne d'abondance. :S. C. (.B.) SEPTIME SÉVÈRE. 13. SEVERVS PIVS AVG. Tête laurée, barbe frisée. Revers : PM TRP XV COS'IIE PP. — Un génie ailé debout, tourné à droite, écrivant de la main 16 — 2% — droite avec un style dans un médaillon, et tenant de la main gauche ce mé- daillon appuyé sur la cime d’un palmier dont le feuillage l'entoure. Le gé- nie, ou renommée, a un pied posé sur un globe. (an.) CARACAELLA. 14. ANTONINVS PIVS AVG GERM. Tête de Caracalla, radiée. — Revers : PMTR P XVIII COS IIIT PP. — Un personnage en marche, la main droite élevée, et tenant de la gauche une haste. — Probablement Serapis. (AR. G.M.) SÉVÈRE ALEXANDRE. ” 45. IMP C M SEV ALEXAND AVG. Tête laurée. — Revers: PM TRP VI COS IT PP. — Ün guerrier nu, casqué, portant d’une maïn une! haste; et sur l’épaule opposée une enseigne militaire ou-un trophée. — Champ: Deux objets difficiles à reconnaître, dont l’un paraît être un casque et l’autre un gantelet. (Ar.) GORDIEN. 16. IMP GORDIANVS PIVS FEL AVG. Couronne laurée. — Revers: LIBERALITAS AVG IIS. — Une femme debout, portant d’une main une eorne d’abondance, et de l’autre... (m: B.) VOLUSIEN. 17. …. CAE C VIB VOLYSIAN AVG. Couronne radiée. — Reyers : PAX AVGV. — Une femme debout, présentant de la main droite une branche d’oli- vier, et tenant de la main gauche une haste inclinée. far.) POSTUME. 18. IMP C M CASS LAT POSTVMVS PF AVG. Tête radiée. — Revers : FIDES MILITVM . — Une femme debout tenant de chaque main une ensei- gne miliaire. (G. B.) PROBUS. 49. IMP C PROBVS PF AVG. Couronne radiée.—Revers : TEMPOR FELICI. — Une femme deboût, la tête en profil gauche, portant dela main gauche une corne d’abondance et de l’autre main une longue haste surmontée d’un caducée. — Exergue: I. (P. 8.) La plupart des médailles de bronze qui pro- viennent du Crotoi sont très frustes. Celles qui ont été one — roulées parmi les cailloux du rivage sont écorchées ou piquées par le gravier en plusieurs endroits. La nouvelle oxidation qui s'y établit les creuse au lieu de contribuer à leur conservation comme l'ancienne pa- tine, et les taches qu’elle y produit sont d'une couleur bleuâtre claire qui contraste avec le vert foncé de la pièce. J'ai eu entre les mains la tête d’une statuette en bronze qui avait été trouvée au Crotol. C'était, je pense, une tête de Jupiter. J'ai vu aussi plusieurs fragments d’agrafes, d'épin- gles et d’anneaux de bronze. Ces anneaux portaient des pierres gravées en creux, et avaient la forme de nos bagues à la chevalière. Etroits et cylindriques par le bas, ils montaienten s'élargissant sur les côtés jus- qu'à leur chaton. Une de ces pierres est en jade rouge, cvale, et d'un beau poli. On y voit deux têtes affrontées qui repré- sentent deux âges opposés: l'une est belle, l'autre laide et flétrie ; l’une est la tête d'un jeune homme sans barbe, l’autre celle d’un viellard sans cheveux. Jusqu'à présent je n'ai eu connaissance d'aucune sépulture romaine au Crotoi. Je n’ai pu y recueillir que de petits fragments de vases romains. Il y a de ces fragments qui sont en belle poterie rouge ornée de dessins en relief, d’autres en poterie blanche et mince dont les ornemerts sont de simples traits en creux. Il y en a aussi en terre grise , dont les parois sont unies, et teintes en noir. Il me | — 244 — paraît cértain que ces vases, noircis à limitation des urnes gauloises, avaient eu une destination funéraire. Il est possible que les autres soient également sortis d'un tombeau. Si l’on creuse le sol entre les maisons détruites, soit dans le champ de la bourgade, soit même sur le rivage, on ne tarde pas à rencontrer de la terre noire, de la terre végétale, qui fut jadis cultivée. On a plusieurs fois retiré de cette terre des troncs d'arbres qui, suivant toute apparence, avaient été plantés dans ces jardins. Je regrette fort que l’occasion d'en voir quelqu'un pour en constater l'existence et en reconnaître l’es- pèce, ne me soit pas encore venue; mais le fait n’est pas contestable, tant il y a de personnes qui l'ont vu et qui l’attestent. Il ne semble d’ailleurs extraordinaire que par la raison que ces anciennes cultures Se trou- vent actuellement au fond d'une plaine aride ét stérile, couverte par le sable ou inondée par la mer. Dans la position qu'il occupait, l'établissement ro- main avait devant lui la mer et derrière lui le maré- cage. La Maye coulait au nord sur la pointe droite du banc; un bras de la Somme passait au sud près de sa pointe gauche. On était de cette manière suffisamment protégé contre les surprises de l'ennemi : aussi ne pa- raitil pas qu "on y ait jamais construit de retranche-- ment ; On n'en trouve la trace nulie part. Si l'on avait dû élever sur le banc un rempart quelconque, il est probable que ç’aurait été à une certaine distance au- de là de Mayoc, où finissent les dernières habitations; il D SRE 22 aurait suffi de faire en cet endroit unê simple levée de terre sur toute la largeur du banc. Mais je lai parcouru dans toute son étendue, en l’examinant avec soin, sans y découvrir nulle part rien qui ressemblât aux restes d'un vallum. On m'avait indiqué dans le champ sablonneux qui devance le village de St.-Firmin, et qui se nomme ac- tuellement le Champ-Neuf, de longues élévations transversales auxquelles on trouvait quelques rapports avec des retranchements militaires. Il est possible que leur premier aspe ct soit capable d’en inspirer l'idée, mais elle ne supporte pas une longue réflexion et ne tar- de pas à tomber devant l'examen attentif des lieux. Ces élévations y reçoivent, à la vérité, le nom de Pouves; mais ce ne sont que des clôtures établies par leshabitants entre les pièces de terre qu'ils cultivent. On les croirait faites de main d'homme: il n’en est pourtant rien. Voici comment elles ont été produites. Dans un pays où l'on manque de bois pour faire des haies, et de pier- res assez grosses pour servir au bornage des champs, il a été aussi ingénieux que simple de laisser entre les terres labourées, pour en marquer la séparation, des bandes de friches longues et très-étroites, où la char- rue ne passait pas. Cela aurait suffi; mais le sable que les vents d'ouest soufflent constamment s'est arrêté . entre les tiges de l'herbe qui croissait sur ces limites. L'élévation qu'elles en ont acquise dès la première an- née s'est accrue dans les années suivantes, et il dut enfin arriver que leur base s’élargit au fur et à mesure — 246 — qu'elles ontaugmenté de hauteur. Les plus grosses de ces douves doivent être les plus anciennes. Il y en a qui sont hautes de 3 à % mètres, et dont la base en porte maintenant de cinq à six, bien qu'elle n'en ait pas eu pius d’un dans le principe. Tout l’artifice hu- main a consisté à fournir cette base primitive. La bande de terre laissée en friche à été l'origine d’une longue dune qui s’est faite sur elle en ligne droite et régulière, absolument de la même manière que de simples touffes d'herbe, ou d’autres obstacles sans étendue épars sur le rivage, y donnent naissance aux dunes isolées qui prennent la forme de buttes. Il y a quelques champs qui ont de ces cloisons sur leurs quatre bords. Aucune des douves qui ont la direction transversale ne parvient jusqu'au sommet du banc : elles s'arrêtent presque toutes au pied de son versant occidental. Il n'y en a donc pas une qui le traverse en entier, qui s'étende d'un versant à l’autre, et qu'on puisse con- fondre avec un retranchement de l’époque romaine. Comme ces lieux étaient habitables longtemps avant cette époque, il faut penser qu'ils étaient connus et fréquentés par des peuplades gauloises, lorsque les Ro- mains y sont arrivés. Cependant, sans les deux noms de Crotoi et de Mayoc qu'ils y ont laissé, on n'y recon- naîtrait nulle trace de leur passage. Aucun monument, aucun reste de leur industrie n’a été jusqu'alors découvert sur ce banc pour y attester leur séjour. On y montre, à la vérité, vis-à-vis du vieux Mayoc et — 247 — près du chemin qui s'appelait autretois Foie du Pilote, une motte ou butte circulaire, à fond plat, que l'on donne pour une sépulture antique. Suivant les uns, ce serait le reste d'une tombelle gauloise ; suivant d’autres, cé serait.le tombeau d’un chef romain qui résidait à Mayoc. ou bien celui d'un noble comte de Boulogne, du nom de Léger. Mais on n'a pas donné cette forme aux sépultures romaines, ni à celles des princes du moyen-àge. L'existence du comte auquel cette tombe aurait été consacrée est d’ailleurs plus qu'incertaine et a été très savamment contestée (1). Sup- posé même quelle fût réelle, ce ne serait pas au milieu des champs, mais dans une église, dans celle de l'abbaye de Mayoc, qu'on aurait placé le tombeau avec l'inscription qui devait l'accompagner , au rap- port de Malbrancq. Enfin si cette butte aplatie était de reste d'un tumulus celtique , au lieu de trouver encore à sa base le large enfoncement du sol qui résulte des terres qu'on en a enlevées pour la construire, on y verrait plutôt l'accumulation de celles qu'il aurait fallu abattre pour en tronquer le sommet, jusqu'au point de la réduire à n'avoir plus qu’une élévation de huit à dix pieds sur une largeur de soixante. Je conserve donc ma première opinion que rien n'a contredit jusqu à présent , et continue de croire que cette butte, destinée à recevoir un moulin, a été élevée tout ex- (14) Recherches archéologiques sur le Crotoy, par M. Labourt. — Mem. de la Soc. roy. d’Emulation d’ Abbeville ; 1838-40 , pag. 353 et suiv.. — 284 — près pour cela par les moines de Mayoc à qui elle appartenait. . Une autre butte beaucoup plus petite, et dont il est à peine nécessaire de parler, existe encore sur le haut du banc, non loin de sa pointe gauche. Elle est située comme la première sur le bord du chemin, mais'elle se trouve exactement devant la place qui était occupée par l'église de Saint-Pierre, et faisait face à son portail. Cen'est, ce me semble, rien autre chose qu'un petit calvaire, élevé jadis aux abords du temple. Les noms de Crotoi et de Mayoc paraissent tous deux d'une grande ancienneté et sont probablement d'origine gauloise. Conservés par les lieux mêmes qui les ont reçus , ils nous ont été transmis à peu près sans altération. Si les livres des historiens romains ne les renferment pas, c'est qu'ils ont été omis comme ceux de Leucone et de Quent, comme ceux de l'Etoile et de Liercourt, et d'une infinité d'autres campements analogues que ces écrivains n'ont pas connus, ou dont ilsn'ont pas eu occasion de parler; mais on les retrouve dans les chartes latines du moyen-àge, où ils n'ont presque pas subi de changement. Pour le Crotoi on s’est borné à latiniser le mot, en y ajoutant une syllabe terminale , tantôt au: féminin, tantôt au neutre, au moyen de laquelle on en: a fait ‘Crotoia ; puis Crotoium. On ne saurait reconnaître le nom de Crotoi dans le Caracotinum de l'itinéraire d’Antonin, non plus que dans le Gravinum de la table de Peutinger. Cette — 249 — opinion, émise d'abord par Adrien de Valois, adoptée par Philippe Briet , et répétée par d'autres , a été déjà plus d'une fois solidement attaquée. La station du Crotoi ne pouvait pas se trouver sur le trajet d'une voie romaine, et n'en était pas non plus un abou- tissant. Nous avons fait voir précédemment qu'elle était située sur un banc de galets entouré d'eau comme une ile à mer haute, et séparé de la terre ferme à mer basse par un marais humide et profond où il n'eut pas été possible d'établir solidement une chaussée. D'ailleurs, il ne reste sur les lieux aucun indice d’un travail qui ait eu quelque rapport à une pareille entreprise, et la seule voie romaine qui pa- raisse avoir été construite dans cette région, traverse le pays au-dessus de Crécy pour se rendre à Boulogne. Le nom de Mayoc n'a pas reçu de terminaison latine comme celui du Crotoi: son orthographe seule a varié dans les chartes. On a écrit Mayoc, puis Mayocgq, et Mayocck; on a aussi écrit Maioch en le terminant par un k aspiré; comme s'il, avait été besoin d'indiquer par le redoublement ou l'aspiration de la lettre finale, qu'on ne pouvait pas se dispenser de la faire sonner en prononçant le mot. Cependant. les habitants actuels disent Maio,, et l'ancien sceau de la commune porte aussi Maio dans son inscription. Aujourd'hui on écrit Mayoc. Il paraît que ces, deux noms de Crotoi et de Mayoc ont toujours servi à désigner des localités fort voisines. Le nom de Crotoi, considéré comme celtique, in- — 250 — diquait une éminence et s'appliquait bien à l'extrémité de la pointe gauche du banc. Celui de Mayoc se rat- tache au nom de la Maye, dont il est évidemment formé: il a été donné à l'endroit du banc que cette rivière venait toucher par un de ses bras. Entre ces deux points, du Crotoi à Mayoc, la dis- tance est trop petite pour qu'il y'ait eu place à deux bourgades d'une certaine importance. Il a pu exister là deux villes l'une après l'autre, mais non deux villes ensemble. Chacune d'elles y dat avoir son tour de préémmence. Des actes authentiques, confirmant la tradition po- pulaire, nous apprennent en effet que Mayoc a long- temps dominé le Crotoi. Après avoir été la résidence du chef romain, il est devenu le siége d'une abbaye et celui d’un château qui appartint aux comtes du Pon- thieu. Il conserva beaucoup de sa prépondérance bien avant dans le moyen-äge. Quand il obtint en 1209 du comte Guillaume IIT sa charte d’affranchissement, le Crotoi n’était encore que l'annexe ou la section subor- donnée d’une commune dont il était le chef-lieu, ainsi que le démontre! bien l'acte suivant: « Les mayeur, » échevins et communauté du Crotoy furent fondés, » créés et ordonnés'en la ville de Mayoc comme chiéf > principal d'icelle commune etde plus grant préémi— » nence alors que la ville du Crotoy, si éomme encore » peut apparoir par lettres et chartes anciennes, et la » commune renommée du pays » (1). À cette époque, d) Mémoire du XIV: siècle, cité par MM. Ch. Louandre et Ch. Labitte, — 251 — le Crotoi n’était pas encore fermé ni fortifié : 11 l’a été depuis, et ilest devenu dans la suite assez considérable pour l'emporter à son tour sur Mayoc. La prééminence de Mayoc dans les temps anciens se trouvant ainsi établie, n'est-il pas probable que la station romaine en a reçu le nom préférablement à celui du Crotoi ? Il répondait plus exactement à la place qu’elle occupait. Une autre question nous reste encore, celle de savoir s'ily avait à l'embouchure de la Somme une station navale au temps des Romains. On s’est cru autorisé à le penser par une phrase tirée de la notice de l'Empire et dans laquelle il est question d'une flotte, elassis sambricæ, qui stationnait dans un lieu nommé Quar- tensis ou Hornensis. Nicolas Sanson, et après lui Phi- lippe Briet, ont écrit que le fleuve indiqué dans ce pas- sage était la Somme, et que l'endroit occupé par les navires était le Crotoi sur sa rive droite, ou le cap Hornu sur sa rive gauche. Mais l'analogie n’est en réa- lité qu'apparente entre les mots qui sont employés dans la citation latine et les noms anciens dés lieux qu’on leur a fait désigner. L’adjectif hornensis serait le seul de ces mots qu’on y pourrait appliquer avec quelque exactitude. L’adjectif quartensis, et même son substantif Quarta, n’ont pas de ressemblance avec le nom du Crotoi; de telle sorte qu'on ne sawait y trou- auxquels il a été communiqué par M. de Bommy (Mém. de la Soc. roy. d’'Emu- lation d’ Abbeville, 1836-37, p. 115. — 252 — ver autre chose que des rapports de consonnance très éloignés. Quant à la Somme, dont l’ancien nom a été Samara, il ne paraît pas qu'on l'ait jamais changé en celui de Sambra, et moins encore en celui de Sumbrica que Briet lui donne. Sambrica n'est ici qu'un adjectif dérivé de Sambra, considération qui doit aussi empé- cher d'admettre avec Pancirole que ce mot soit une contraction ou une corruption du nom de Samarobriga. L'opinion de Danville, contraire à celle de Sanson , a paru plus solide et a prévalu, D'après lui, ce n’est pas de la Somme, mais de la Sambre qu'il s'agit, dans ce passage. Le nom de la Sambre fut d'abord Subis, à la vérité, mais ce fut ensuite Sambra, ‘et ce dernier nom lui est resté. Celui qu’elle porte encore actuellement n'est en effet qu'une traduction littérale de ce mot. Les lieux indiqués pour le stationnement de Ja flotte n'étaient, suivant Danville, ni le Crotoi ni lecap Hornu ; c'étaient Quarte et Marchienne. Quarte, se trouvant à quatre lieues gauloises de Bavai, ancienne capitale des Nerviens, a reçu son nom de cette distance même: c'est le locus quartensis. Marchienne, située au (con fluent de la rivière Hour ou Heur dans la Sambre, y marque l'emplacement du locus hornensis. Ce serait donc dans la, Sambre, à ce confluent, entre Quarte et . Marchienne, que devait stationner la flotte: dont: il est parlé dans la Notice de l'Empire. Mais de ce que la phrase tirée de cette Notice n'aurait pas eu rapport à une flotte de la Somme, pourrait-on en conclure qu'il n'y avait pas de station navale dans — 253 — ce fleuve à l'époque romaine? Assurément non. Les Romains étaient pourvus de navires dans tous les pos- tes où il y avait lieu d'en faire usage, et ce n’était pas à l'entrée de la Somme qu'ils en auraient manqué. Les stations militaires qui la protégeaient sur chaque rive devaient avoir des embarcations armées, pour la dé- fendre contre lesinvasionshabituelles des pirates Saxons ou les attaques de tout autre ennemi qui pouvait essayer de la forcer. Il est vrai qu'il n’est fait mention des flot- tilles de la Somme dans aucun des dénombrements de l'Empire et que les historiens de ce temps n’en ontrien dit de particulier; mais on doit remarquer à cet égard qu'il en a été des stations navales comme des campe- ments, dont la plupart ont été omis; de telle sorte qu'on n'a tenu compte que d’un très petit nombre de celles qui ont existé. Les Romains, suivant les circonstances et les besoins de leurs expéditions , faisaient construire tout exprès un certain nombre de galères et de navires de charges (naves longæ, naves onerariæ) ou se bornaient à re- quérir pour leur service les barques du pays. Si l'on ne peut pas démontrer qu'il y ait eu dans la Somme, en aucun temps de l'occupation romaine, une flotte essentiellement militaire, au moins n’est-il pas con- testable qu'il'existait alors une véritable marine dans ses ports. La navigation qu'on y pratiquait employait des nefs assez grandes pour tenir la mer et aller com- mercer sur les côtes de notre Océan et, au-delà du dé- toit, sur celles des îles Orcades et Britanniques. Les — 254 — Gaulois qui montaient ces barques soutenaient au be- soin des combats contre les ennemis qu'ils rencon- traient dans leurs traversées, et ne craignirent pas un jour dese mesurer avec les Romains mêmes. La Somme avait fourni son contingent à la flotte des, Vénètes qui lutta avee des avantages incontestables contre celle de Cœsar. Ceux de Vannes, après avoir rassemblé au- tant qu'ils pouvaient de leurs propres navires, reçurent encore ceux que leur envoyèrent des peuples voisins parmi lesquels étaient compris les Ambiens. « Socios sibi.….…. Osismios, Lexovios, Nannetes, Amsranos, Mo- rinos, Diablintes, Menapios adsciseunt (1). » L'année suivante les nautonniers de la Somme ont dû accompagner Cœsar avec leurs nefs dans sa pre- mière expédition contre l’île de Bretagne. Venu chez les Morins avec toutes ses troupes et n'ayant pas le temps d'y faire construire une flotte par ses légions, Cœsar ordonna qu'on fit venir au port Itius les galères qu'il avait laissées dans la Charente et dans la Loire après le combat de Vannes, et qu'on lui amenât des barques de tous les lieux circonvoisins: « undiquè ex finitimis regionibus (2). » Comment les Ambiens, dont leterritoire touchait à la frontière des Morins, n'au- raient-ils pas été requis de lui en fournir pour l'aider, eux qui venaient d'en donner aux Vénètes pour le combattre ? (4) Cœsar. Comment. de bello Gallico, I. HIT, 6 IX. (2) Ibid:1l- IV, $ XXI. — 255 — Ce n’était pas dans une baie profonde et constituée comme l'était alors celle de la Somme que des flottes, et surtout des flottes de ce temps, pouvaient manquer de bons ports. Les nefs qui venaient de la mer trou- vaient des refuges excellents sur sa rive droite, der- rière le Crotoi et devant Noyelles; tandis qu’elles avaient sur sa rive gauche des hâvres commodeset parfaitement abrités au cap Hornu, dans le Romerel, et dans la vallée de l’'Amboise. On a retrouvé dans cette vallée, sous la tourbe dontelle est actuellement remplie, plusieurs des embarcations qui la fréquentaient dans ces temps re- culés. Le 3° volume des Mémoires de la Société con- tient la description d’une pirogue qui y fut découverte en 1834 et qui était enfouie dans le marais auprès d'Estrebœuf (1). Je terminerai en donnant, en quelques lignes, celle d’une autre barque qui fut trouvée en 1823 dans le même marais, entre Neuville et Drancourt. C'était une nef ovale, à fond plat mais étroit, terminée en pointe à ses deux extrémités qui avaient des formes pareilles; elle était longue detrente pieds, large de dix et profonde de cinq: elle avait des membrures et un bordage, le tout en chêne. Elle était posée sur des ca- les et soutenue par des étais comme un navire en con- struction ou en radoub. Elle n’avait pas de pont et n’a dû porter qu'un seul mât. Son intérieur était com- plètement rempli par la tourbe, dont la couche ne s'élevait que d'un à deux pieds au-dessus de son plat- (4) Notice sur une pirogue gauloise. 1834—33, p.8f. — 256 — bord. Les ouvriers qui l'ont trouvée l'ont mise en piè- ces, et en ont fait sécher les morceaux pour les brûler. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE II.—CaRTE GÉO-ARCHÉOLOGIQUE DU LITTORAL DE LA SOMME, A MER BASSE , TEL QU'IL À DU ÊTRE A L'ÉPOQUE ROMAINE. On aurait voulu n’inscrire sur cette carte que les noms deslieux qui étaient connus à l’époque gallo-romaine ; mais il a fallu y admettre des noms d’épo: ques plus récentes, pour rendre plus claires et plus faciles les explications du texte. Les lignes ponctuées qui sont tracées devant l’ancienne côte, dans la mer, indiquent la limite de la côte actuelle. La côte nouvelle; formée à gauche par une digue de galets et à droite-par-urie longue suite.de dunes sablonneuses , est beaucoup plus avancée sur la mer que ne l'était l’ancienne. Celle-ci s’est détruite jusqu'à ce que les alluvions qui se sont posées devant elle en aient écarté !les flots. : A l'intérieur de la baie, la portion d’ancienne côte qui s’est. éeriuiée n'a pas été remplacée par une côte nouvelle. Il en est résulté que la baie actuelle a acquis et conservé beaucoup plus de largeur que celle de l'époque romaine. PLANCHE LI. — TomBeaux. Fig. 4. Coupe transversale d’un tombeau construit sur les restes d’un bücher. — La coupe est faite sur le milieu du tombeau, dont on a figuré toute une moitié. On la représentée vide. : a, a, a,. Entaillè quadrilatérale dans un sol pierreux." b. Plate-forme caillouteuse, constituée par le fond.de l’entaille. €, ce, c. Deux masses d'argile, parallèles, formant chenets, sur lesquels ont été posées transversalement les branches du bûcher: Ces masses d'argile ont les bords creusés par une infinité de petits sillons, de différentes largeurs, qui ont tous leur pente inclinée vers l’intérieur du tombeau. Ils ont été produits par les branches inférieures du bücher qui se = “Carte pé-axchéologique © (arte géo acces syique Lohe LITTORAL DELA SOMME a mer basse tel qu AL à dù he à L'époque touraire » ss : — Note. On anvait vont n'mscrire sur cette Carte que les roms de cette cpoque et des lemps unterteurs. mas on «a dn -pour l'intelligence ea l “explication des lieux, en adnetire beauœup d'autres qui” appartiennent «x moyen - age” . ge SE NO FR sÿ) 0, 4 A" Dntvut w au À Ua /S% Ault + RS nn em pont Qi CU ML * NO] ü S! Martin Forèt = AN ne Ni e Tombelle” ÿ Hate = ; S TT € Sel remat : Ù . À à MY x D TOP TOTAINNÈNER SA ti T7 Se Va ROTNTIE V7 ülers 7 ue SU QE) Tombetle © Beguiere -ecluse on ÿ L. TOUT ” Maye SÙ AIN AA, Coeur pa 7 / V4 Romrotte y PE #/) £ É x de CMS & Vouvion de Cresey, Tombelle NX NAetz, pl. oyellé’, e Biche fiise ea ; N Vy L , y * Boismont = Drencourt ! 6e Lt ce #1 \ His vs FL. 117. Lebh Vélos Alle LOPH tale ct. Vaour Abba dle CFA A 2ap110E 10 PA CAMES. — 257 — sont'enfoncées diversement dans l'argile encore molle, où la trace de leur pression est restée. d, d. Voûte basse, en mortier. — Elle couvrait les cendres du bücher, dont le tas avait été grossi et relevé par le mélange d’un peu de terre. — On avait placé dans ces cendres des vases funéraires romains et gaulois, des pièces de monnaie et des ossements d'animaux de plusieurs espèces. Fig. 2, 3. Sarcophage, en calcaire lacustre. 2. Caïsse du sarcophage. La cuve a partout la même profondeur ; mais elle est un peu plus large à la tête qu’aux pieds. 3. Couvercle du sarcophage. Il est plus large et plus long que la caisse. Le dessous est plat, le dessus est taillé en toit. — I est fait d’un seul bloc comme la cuve. PLANCHE IV. — URNES ROMAINES. Fig. 1. Urne en terre blanche, à panse large, sans anses; parois minces ; tissu compact et léger. L’extérieur du vase est simplement orné de traits obliques, tracés en creux avec une pointe. — Pas de vernis. Fig. 2. Fiole lacrymatoire. Fig. 2. Tête d’une agrafe. — Le fond du dessin dontelle est ornée était en émail rouge. Fig. 4. Broche en bronze, appartenant à l'agrafe. Fig. 5,6, 7. Différentes sortes d’épingles en bronze. Tous ces objets étaient contenus dans l’urne avec des cendres, des ossements et des pièces de monnaie. Fig. 8. Urne de forme oblongue, à deux anses: en terre rouge, à cassure grise, légère, peu compacte. — Cette urne avait toute sa surface extérieure dorée ; intérieurement, elle ne l'était que sur le bord, à l'embouchure. Fig. 9. Epingle en bronze, qui était un des objets renfermés dans l'urne Nora. Les deux vases figurés dans cette planche sont représentés au 1/5° de leur grandeur. Les autres objets ont leur grandeur réelle. PLANCHE V. — POTERIES. Fig. 4. Fragment d’un vase romain, orné d’une frise et de feuillage. Poterie brune et compacte. — Parois épaisses. Fig. 2. Fragment d’un autre vase romain, en belle poterie rouge. La figure représente le fond du vase, à l’intérieur duquel était imprimé en relief, au 17 — 258 — moyen d’un cachet, le nom d’un fabricant ou d’un artiste. Ce nom, écrit. en majuscule romaine, irrégulière, est ALBVCIAC ou ALBVCIAX. Fi. 3. Fragment de poterie gauloise. — Très épais et très compact; l’ar- gile renfermant une très grande quantité de pierrailles brisées. Orné.exté- rieurement de bandes transversales, étroites, nombreuses, et marquées d’im- pressions digitales profondes qui les font onduler. Teint en noir dans toute son épaisseur. Evidemment funéraire. C’estprobablement le reste d’un sarcophage ou cercueil en terre cuite. NOTICE SUR L'ÉGLISE D'AILLY-LE-HAUT -CLOCHER. Par M. LE D' GOZE. Dans la vaste plaine qui s'étend au-devant d’Abbe- ville, avant d'arriver par la route d'Amiens dans cette capitale du Ponthieu, on aperçoit de très loin une tour majestueuse surmontée d'une longue flèche en charpente ; c'est un clocher qui a fait changer le nom du bourg dont 1l signale l’église; il s'appella, jusqu’au 16° siècle, Ailly-en-Ponthieu, et depuis cette époque où son campanille fut embelli, surtout en 1556, il a pris le nom d’Aïlly-le-Haut-Clocher. Ce n’est qu'à par- tir de 1601 qu’on n'a plus accolé au nom d’Aïlly celui du Ponthieu (1). C’est du point culminant qu'occupe le haut clocher d’Ailly, que Cassini fit ses observations, pour dresser sa célèbre carte de France ; c'est une (4) Voyez, dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, n° 4, page 250, séance du 12 novembre 1845, les détails que donne M. l’abbé Duval sur Ailly-le-Haut-Clocher, d’après les registres aux comptes de la fabrique de la paroisse. Do Te tradition encore répandue dans le pays : en 1826, les ingénieurs chargés de travailler à la grande carte de France, pour le ministère de la guerre, choisirent en- core le même clocher pour observatoire ; c’est à cette occasion qu'on. inscrivit sur,le mur de d'intérieur la date que nous venons de citer. D'illustres familles possédèrent la terre d’Aïlly-en-Ponthieu et dotèrent son église. Parmi elles, on distingue la maison d’Ailly, connue dès 1080, qui occupa avec gloire, pendant plus de deux siècles, la baronie de Picquigny et le Vidamé d'Amiens, à partir de 1381 jusqu'au com- mencement du XVIL siècle, où elle se fondit dans la maison de Chaulnes (1). Josse de Beauvarlet, maïeur d’'Abbeville, dont la famille ést connue dès 1510, posséda en 1539 la terre d’Aiïlly, après les d’Anglure, les Fosseur, les d'Ococh. Safemme, Marguerite Papin, légua la seigneurie à Marie le Blond, qui épousa Simon le Boucher. La famille le Boucher était originaire de Beauvais, dont plusieurs de ses membres furent maïeurs dans les XV° et XVI° siècle. Abbeville compta parmi ses maïeurs, en 1597, Jac- ques le Boucher; le père Ignace en fait un bel éloge dans son histoire des maïeurs d’Abbeville, page 747. D'après ce respectable écrivain, lorsque Henri IV visi- ta les fortifications d’Abbeville, après la reprise {t)'Noyez la Notice que nous avons publiée:sur Picquigny; dans l'ouvrage sur les églises, châteaux, beffrois et hôtels-de-ville de la Picardieet de V'Artois. D d'Amiens, il voulaittoujours étreappuyé sur Le bras où sur l'épaule de ce fidèle maïeur, tant 4 avait de confiance en lui. Sa tombe en marbre est à Saint-Gilles, devant la chapelle qui termine le bas-côté droit; on y voit ses armoiries accolées de celles de son épouse, Françoise Mallet (1): Leur fils, Nicolas le Boucher, époux deJeanne Thierry, fut seigneur d’Ailly en totalité en 1647. De béllés alliances illustrèrent la famille le Boucher; celie de Saint-Blimond, en 1545, qui leur fit: changer teurs armoiries, celle deClermont-Tonnerre, branche Thoury, en 1680. Laseigneurie d’Aïlly passa, en 175%, à la bran- che de le Boucher du Mesnil jusqu'à la fin du dernier siècle, où la famille s'éteignit, faute d'héritiers mâles, et se fondit par les Roussel dans les Morgan, auxquels elle apporta de grands biens, et en particulier les bois de Fresmontier et un hôtel, rue neuve Saint-Denis, à Amiens. Le clocher de l'église d’Ailly est placé en tête de la nef ; il est ouvert en bas par un portail formé de deux portes en anse de panier, surméntées d'un fronton en aecolade ou talon renversé, décoré de choux frisés sur son tympan, tout-à-fait dans le style du milieu du XVI siècle. L'intérieur est divisé par une belle voûte; la tourelle contenant l'escalier est octogone et cantonnée de piliers butants à ses angles; son comble campani- forme en pierres est sommé d’une statue de Saint-Jean: (1) Les deux petites cloches de Saint-Gilles mentionnent également le nom le Boucher, alors séigneur'de Viry-au-Mont, et la date de 1761. — 262 — Baptiste. Nous ne pouvons donner qu'approximative- ment les dimensions de ce clocher remarquable : hau- teur de Ja maçonnerie de la tour: 30 mètres; sa lar- geur : 8 mètres ; hauteur de la flèche en charpente: 20 mètres; de la croix: 5 mètres; épaisseur des murs: 1 mètre, 33 centimètres. Il est à remarquer que les murs amsi que les piliers butants des angles n'éprouvent aucune diminution ni retraite (1). La tour se termine par une terrasse bordée d'une galeriepleine, et la flèche octogone, construite par le charpentier François Glassant, a ses angles opposés aux faces de cette tour. L'église présente de côté et d'autre des fenêtres du XIIP et XIV° siècle, bordées de biseaux au dehors et or- nées en dedans d’élégantes colonnettes; elles sont bipartites et terminéés par deux trèfles soutenant un quatre-feuilles. La corniche de l'intérieur de la nef est remarquable; elle est en bois et décorée de feuillages tracés large- ment; de distance en distance sont des statuettes de saints placées horizontalement, mais moins belles que celles qu'on voit dans l’église de Cocquerel. Dans tout l'intérieur de l'édifice, on aperçoit les restes d'une galerie basse composée d’ogives et de pieins-cintres, posée sur un soubassement en forme de banc et ana- logue à celle qu'on voit encore dans. d'anciennes (1) Au-dessus de l'ouïe occidentale, une inscription constate une répara- tion faite en 1643. La cloche, dont le son est fort beau, pèseplus de 1,200 kilog. — 263 — églises, comme la cathédrale d'Amiens, Saint-Vuliran d’Abbeville. La chaire est assez belle, ornée de trois bas-reliefs représentant sur les côtés la naissance de la Sainte- Vierge et l'Annonciation, etsur le milieu, l'Assomption, fête patronale de la paroisse. Deux chapelles au bout de la nef donnent à l'église la forme d'une croix ; celle de droite a pu être castrale ; elle se compose de deux travées dans le style flamboyant: les moulures des cordons des voûtes reposent sur de gros piliers tron- qués, d’une époque antérieure au moins de deux siècles aux autres constructions. Sur les côtés d’un crucifix médiocre sont deux assez bonnes statues de la Sainte- Vierge et de Saint-Jean l'évangéliste. On remarque également dans l’église deux autres statuettes assez belles, représentant l’une la Sainte-Vierge, l’autre Saint- Nicolas. Le chœur est couvert d’une belle voûte en plein cintre, à nervures croisées d'arêtes, soutenues par des piliers ternés avec chapiteaux à feuilles simples, en- roulées; les piliers de l'entrée sont cantonnés de colon- nettes rondes et carrées. L'une d'elles, à gauche, vers le chœur, est soutenue par une grosse tête, en manière d'encorbellement. Les murs du chœur sont lambrissés d'une belle boiserie dans le style du XVF siècle. Elle provient d’une église supprimée d'Abbeville, et on y voit plusieurs écussons de Cothereau, intendant des fortifications de Picardie, sous le règne de Louis XIIL. La famille se fondit dans celle de Philippeaux de la — 264 — Vrillière et de Pont-Chartrain, qui écartela ses armes des siennes. En dehors, au-dessus d’une porte latérale à droite, on voit encore un écusson aux armes mo- dernes de Le Boucher. Cette description de l’église d’Aïlly-le-Haut-Clocher fait partie d'un mémoire envoyé à M. le ministre de l’mstruction publique, après une visite minutieuse du clocher de cette commune, faite par plusieurs membres du comité historique desarts et monuments, et M. l'ins- pecteur des monuments historiques du département de la Somme. Il s'agissait de prévenir, s'il était pos- sible, la démolition de ce monument intéressant que deux architectes avaient décidée sans un examen sufli- sant. La crainte de l’'accomplissement de cet acte de van- dalisme ne s’est pas réalisée, et M. Ramée, architecte de Paris, a été chargé par le gouvernement de conso- lider ce clocher dont la conservation lui a paru possible. ARMORIAL Concernant l'Eglise et Ia Seigneurie d’Aïlly- le-Haut-Clocher. Anciens seigneurs d’Ailly, de 1080 au commencement du XVil siècle: de gueules à l’alisier d'argent disposé en couronne et en double sautoir, au chef échiqueté d'argent et d'azur de trois traits. BEAUVARLET, 14510 — 1539: — de sable au chevron d’argent, accompagné en chef de deux étoiles d'or et en pointe d’un croissant d'argent. (On voit encore ces armes ainsi figurées sur une épitaphe dont on a fait trois degrés pour monter à la chapelle qui termine le bas-côté gauche de l’église de Saint-Vul- fran), — Aliàs, le chevron est remplacé par une fasce, comme dans le Nobi- liaire de Picardie aux XVI° et XVe siècles. Les d'ANGLURE : d’or semé de croissants de gueules soutenant des grelots d'argent. Fosseur : de gueules à trois jumelles d'argent. Ococx: d'argent à la fasce de gueules accompagnée en chef de trois coqs de sable, membrés et becqués de gueules. Papin : d’azur à trois pommes de pin d’or, 2 et 1. LEBLOND DE L’ ÉTOILE : d'argent à trois tours de gueules, 2 et 1, à la herse de sable en cœur. (Ces armes se voient encore au pied de la statue de Saint-Sau- veur, à l’autel de l’église de l'Étoile.) LEBOUCHER ancien: de gueules à deux lions d’or affrontés, surmontés en chef d’une étoile d'argent. LEBoucaer moderne: d’or un sautoir engrêlé de sable (comme celui des Saint-Blimond), cantonné de quatre aigrettes de même becquées et membrées de gueules. CoTHEREAU, en 1736 : — D’argent à trois lézards de sinople, montants en pal, 2 et 1. Armes. Fa dobrors, JET LE LAN sé ann Aux A 14 F1 x rl Com er FE: mtnotiont net “# fie minatieuge: dit ps 15 19, en mn Rib in ” AS SEA por in as f msg Es st ah * y » Biler Fe cocher tort cor: Fa HOn li a UT: DL res siont sh vi ue EE zou ob sas sl sl #1 zu | QU a 44 EE (ou 56 oaiteh"l oP Hébue't & ne: 7 ln dr ennuis DO 0 CN e ne 7 sosgre"b u'bods. © de + : me dr et» dre viosune tu 10 # E 5: onrobom ra 100 | pi in “w T0 rt s ASIE) U — : dETR DA D y À Ar C4 ; = it he A1 CN. * À ; jet { 2 » + Ë / + \ _ a - . n ‘ * NOTE SUR UN MIRACLE EN DÉCEMBRE 1531, A Notre-Dame de Lorrette de Saint-Vulfran d Abbeville , Par M. E. DEMARSY, De Ja Société d’Emulation d’Abbeville et de celle des Antiquaires de Picardie. Saint-Vulfran fut en si grande vénération dans le Ponthieu, qu’Abbeville possédait deux églises placées sous sa dédicace. L'une était Suint-Vulfran-en-€Chaus- sée, détruite à l'époque de la révolution (1), et l’autre la magnifique collégiale qu'on admire encore aujour- d'hui. Dans Saint-Vulfran-en-Chaussée se trouvait une chapelle sous le vocable de Notre-Dame de Lorrette , et que plusieurs miracles rendaient l'objet de la véné- ration des fidèles. Voici la relation très abrégée d'un de ces miracles. Bien que le fait dont s'agit n'ait pas une grande im- (4) Saint-Vulfran-en-Chaussée était situé au coin de la petite rue actuelle de Saint-Vulfran. Le sceau de cette église existe encore au musée d’Abbeville. Il est en bronze, de forme ovale, et porte: 5. ŒQCE 507 WSSRUT CALSCED À. Le centre est occupé par un évêque mitré et crossé. = 9268 — porlance historique, nous avons pensé qu'il était bon de le mentionner dans les Mémoires de la Société d’Emulation d'Abbeville, pour éviter que le souvenir n’en soit entièrement perdu. En effet, les historiens de la localité n’en parlent point, et le miracle dont s’agit ne se trouve consigné que dans quelques lignes d'une plaquette de 8 pages:in-32, imprimée en gothique. Heureusement l'exemplaire peut-être unique de ce petit trésor se trouve dans la collection d’un amateur distingué, M. Ch. Dufour, d'Amiens, qui a bien voulu me le communiquer. En voici le titre : Lentree de la Royne et de monsieur le Daulphin de France a la bonne ville de Dieppe faicte letreziesme de janvier avec grant triumphe deseigneurs et dames du pays. Tiemung grant miracle qui fut fuict devant Nostre Dame de Lorrette a Abbeville a Sainct-Vulfran, durant que la cour y estoit, sur ung des ausmoniers de la Royne. (Au-dessous, l'écu de France couronné, sans date, nr nom d’imprimeur) (1). Bien que cet opuscule n'ait pas de date, 1l n'est pas difficile d'en déterminer l'époque: Voici :en..effet le,,;commencement. du texte. concernant. l'entrée à Dieppe : (4) Cette plaquette a pu être imprimée à Abbeville. Cependant l'écusson qu'on remarque sur le titre peut faire supposer qu'elle a été faite à Rouen, attendu qu'il parait avoir été d'un fréquent usage en Normandie pendant le 16° siècle. — 269 — « Le trezieme jour du mois de janvier mil cinq cent trente-deux, Monseigneur le Daulphin luy estant de- dens Arcques, partit sur les deux heures apres mydy acompaigne de toute la noblesse de France, et pour le faire court pour venir a la bonne ville de Dieppe laquelle luy a este ottroye et donnee avec la duche de Normandie et pays de Neutrie de quoy les bour- geois de la dicte ville en furent fort ioyeulx... etc. » ne relation des fêtes occupe les cinq PÉORRERS pa- ges. On lit à la sixième : «© Miracle faict à Abbeville devant Notre Dame de Lorrette en lesglise de Sainct-Vulfran. » + & Ilustres et devotz chrestiens sachez qu'il fut faict » » » ung beau miracle à Sainct-Vulfran en Abbeville alors que la Royne y estoit devant la glorieuse vierge Marie appelee Nostre-Dame de Lorrette sur ung foble vi- caire de Dieu aumosnier de la Royne de France. Apres quil eut achevé sa messe, il sesvanoiyt/ung petit de temps apres messieurs de la dicte Eglise estans advertis du bruit ils vindrent a grant diligence vers luy. Et puis ung bien petit apres 1l commenca -ase revenir: Et par grant devotion il rendit grace a la dicte vierge en grans pleurs et gemissemens. Apres Messieurs de leglise luy demanderent quil avoit et il leur respondit. Jay veu une vision. Cest la vierge Marie advocate des pescheurs. et Sainct-Pierre et Sainct-Pol lesquels lacompaignoient. Eïicelle dame ia dit. Mon serviteur dictes partout que se le monde ne s'amende, il est en grant danger de périr bien — 270 — »brièfvement.: Et tout souldain les cloches commen- »_cerent a sonner miraculeusemcnt. Et puis soubdain ». on fist processions generalles par toute la dicte ville, » en demandant misericorde a nostre seigneur Jesu- » Christ, et a sa doulce mere. Amen. » La plaquette n'indique pas à laquelle des deux égl- ses: Saint-Vulfran cé. miracle eut lieu, mais 1l ne nous paraît pas difficile d'établir que ce fut à Saint-Vulfran- en-Chaussée.; | En effet, la collégiale,commencée en 1488, étaitsipeu ävancée en 153%, que le chapitre, dans'une délibération du 9mars de la même année, prit la résolution de met- trelau, plustôt la nef en estat pour y faire le service divin (1). (Gizsert, Description de Saint-Vulfran). On voit au contraire que vers cette époque il existait à Saint-Vulfran-en-Chaussée une chapelle de Notre- Dame de Lorrette, célèbre par ses miracles. Voici:ce qu'on lit à cet égard dans un manuscrit cité par M. Louandre (Histoire d’ Abbeville, t.2, p.488). « Le 9 octobre 1519 fut posée en cette église Saint- » Vulfran l'image de Notre-Dame de Lorrette et y » fut fait plusieurs grands et beaux miracles. Plus de » trente enfants morts-nés et ressuscités, puis baptisés (4) I y avait bien à cette époque une troisième église Saint-Vulfran, c’est- à-dire celle qui précéda la collégiale, et se trouvait occuper à peu prés l'em- placement du chœur:de léglise actuelle; cette église, très petite et.en. partie démolie lors de la construction de la basilique nouvelle, se trouvait en 1531 hors d’état de servir au culte, à cause de ses murs qui-étaient très caducques letdangereux. — 2il — » devant la dite image et tous lesjours des processions » générales en action de grâces, où l'hôtel-de-ville four- » nissait cires et torches. » La cour vint plusieurs fois à Abbeville. Le 6 décem- bre 1531, époque à laquelle doit être rapportée la vision miraculeuse ci-dessus, les personnages de la famille royale qui se trouvaient dans cette ville étaient la reine Eléonore d'Autriche, seconde femme de François 1° et sœur de Charles-Quint. Le dauphin dont il est question était François, duc de Bretagne, prince brave et géné- reux, empoisonné, en 1536, par le comte de Monté- cuculli, dans une partie de paume (1). La collégiale de Saint-Vulfran possède actuellement aussi une chapelle de Notre-Dame de Lorrette (2) : c’est celle que l’on voit à gauche du chœur. J'ignore l'épo- que de sa fondation, et les recherches faites à cet effet sont restées sans résultat. C’est sans doute l’ancienne chapelle de Saint-Vulfran-en-Chaussée qu’on y aura transportée à cause de l'extrême vénération dont elle était l’objet. Aujourd'hui, les cloches de Saint-Vulfran-en-Chaussée ne sonnent plus miraculeusement toutes seules ; l’égli- se, deux foisrebâtie, fut détruite pendant la révolution, et rien n'en indique plus la place. Quant à la chapelle de Notre-Dame de Lorrette, elle n’est plus depuis long- temps témoin de miracles. (4) Mémoires de Du Bellay. Livre 6. (2) Gilbert, p. 231. Cette chapelle est aussi dédiée à Saint-Georges. role at our adéed STEL Ele bel bupoq :LÉBRond oi ed MS ét enbesbs oedStéériei « son linoialréllir sb ad£b Moisnoit be fopolBt Pis pu mr otirib sbridhoe ;ontéie kB ot HoBET ET biitroo T6 «à “du Gare ge a NAUETDTE Le | En < uv pos pren RES TES “abs HB ose UE | frenlist à dr oF 5 , th ] 1 bd em aded 0 | a ee 06 FU MN 0 up Sedan + MRnob onmSast ht siino 1 LR? Le Homo 4548 lut pasatele Ên cetie gl 7 A en ismnlr-Daun de PPS. He, INT: dolboe aafiror raomossolié fire e11q rasttibe di oies abs nd ob ut Loirédhrreiot AFS V5 $ olsqude sl 6 tasiQ .ooklq sl eulq oupibai non noir : * 'amphaireget andere nl serolob ometamon sb SRE Late ut dis: À efiésinti, por { sfhaieaue nt. dt LS E Agir. uohic:t pébté dé LE rh te dé 1 pire ‘4 2 Get dot dr 4 &e La harilbque sauvelle << trait tn ABS nn dt dé ner ei cale, à cpu à dé tan cts che" me, nie # “sd au ses ollogid sh icon cod (ET | BEAUX ARTS. MÉMOIRE SUR L’Enseignement populaire et simultané DE LA LECTURE PAR LA MUSIQUE ET RÉCIPROQUEMENT. AVANT-PROPOS. Le mieux est l’ennemi du bien. Dans le dernier volume des Mémoires de la Société, nous avons exprimé nos idées sur l’enseignement populaire de la musique, avec une conviction que des expériences, continuées jusqu'à ce jour par ceux de nos élèves devenus maîtres, n’ont pu qu'affermir. Mais nous nous étions posé sur un terrain qu'aucun musicien ne voudra jamais aborder, à moins que le signal ne soit donné par les sommités de l’art. Nos idées n'ont pas été comprises, ou dédaignées à cause de l’habit dont nous les avions revêtues. Nous dûmes alors nous résignerou à l'abandon de la voie dans laquelle nous nous étions engagé, malgré le constant témoignage des faits, ou à la stérilité de nos efforts, trop faibles contre l'opinion, « Le bon La Fontaine, ce fablier, dit un grand philosophe moderne, prétend qu’on ne peut contenter tout le monde et — 276 — ‘ son pére, et moi je soutiens qu’un bon artiste, qu’un artiste complet doit savoir contenter tout le monde et son pére.» Plutôt que d’être seul de notre avis, ce qui le rendrait absolument inu- tile au public, quelles que soient nos raisons pour le soutenir, nous cherchämes si, en conservant pour l’enseignement de la musique, d’après une méthode véritablement populaire, toute l'intégrité de la notation usuelle, dépôt des siècles, il n’y avait pas encore moyen de raviver cet enseignement éteint dans nos écoles, malgré le vœu de la loi sur l'instruction primaire, et de le mettre, au moyen de procédés neufs et féconds, au niveau des autres branches de l’éducation publique. Nous fûmes assez heureux pour arriver au résultat de nos recherches. Tel est le but de l'intitulé, dont le développement et l'introduction vont être ici exposés. LA LECTURE ET LA MUSIQUE APPRISES SIMULTANÉMENT ET RÉCIPROQUEMENT L'UNE PAR L'AUTRE. Erat tam turpe musicam nescire quam litterus. (S. Isvore, lib. originum, cap. 15 ) Ne pas savoir la musique était aussi honteux que de ne savoir lire. INTRODUCTION DE LA MÉTHODE. TITRE I. Il ÿ a dans l’ensemble résultant du concours des voix une puissance attractive à laquelle l’ins- trument le plus rebelle doit céder tôt ou tard, et celui qui n’a pas essayé d’un enseignement simultané, n’a pas encore acquis le droit de se condamner sans appel. (Edouard Jus.) . Etat actuel de l'enseignement simultané ou populaire de la musique en France. Proposition des améliorations que cet état réclame pour que les moyens répondent au but. CHAPITRE 1°. Insuffisance des méthodes adoptées pour la vulgarisation complète de l’art: 1. Le progrès, en fait d'enseignement musical, a-t-il dit son dernier mot? Les méthodes parues jusqu'à ce jour ont-elles épuisé toutes les combinaisons didactiques, au Le nl re E L point de ne plus laisser aux amateurs d'autre embarras que celui du choix ? Est-il possible d'innover enccre en ce genre sans revêtir de nouveaux noms des procédés déjà usés? Est-il possible enfin , sans recourir à ces changements de notations condamnées à l'avance par le fait même de leur apparition, sans rien changer en un mot à la structure el au mécanisme de la notation usuelle , et telle que la lisent tous les musiciens, de perfectionner l’enseignement et l'étude de la musique, de telle sorte qu'elle devienne accessible à tous les degrés de l'instruction publique ? 2. Il n’y a pas longtemps encore que, par imilation de ce qui se passe en Allemagne , l'on a essayéen France d’intro- duire l’enseignement populaire de la musique dans les écoles primaires. Le gouvernement a posé le principe ; il a dit: le chant fera partie de l'instruction primaire ; mais le gouver- nement n a pu créer la lumière en la désirant. Or, examinons jusqu'à quel point la méthode qui a été mise dans les écoles de l'état en possession de remplir les vues de l'autorité est en mesure d'accomplir là mission qui lui a été confiée. £xa- minops si l'insuffisance des moyens adoplés peut autoriser la proposition de nouveaux. En posant devant les yeux ce qui est, nous mettrons le lecteur plus à même de juger ce qui doit être. Faire enseigner simultanément la musique par un seul maître à des élèves d'inégale force, réunis dans l'enceinte d’un même et unique local, voilà ce que Choron a cherché à réaliser jusqu'à un certain point par son solfége à 3 ou 4 parties concertantes, et ce qui a donné ensuile naissance à la méthode Wilhem, adoptée pour l’enseignement universitaire du chant. Mais Wilhem, dominé par la préoccupation exclusive de fournir des matériaux à l’agencement du mécanisme assez 279 — compliqué de l’enseignement mutuel (1), a perdu de vue, selon: nous, le principal objet d’une méthode qui est l'unité. Cet asservissement aux détails l'a empêché de jeter les bases d’une méthode dont les procédés; rattachés entre eux par le lien commun de cette unité, se fussent facilement pliés après cela à toutes les nuances de l'enseighement simültané en général, soit que cet enseignement eût eu pour objet une masse d'é: lèves de forcé égale, soit qu'il dût se plier aux exigences du mode mutuel. fl fallait donc avant tout créer uneméthode générale simul- tanée, sauf À voir ensuite le parti que l’on en tirérait pour les applications exceptionnelles du mode mutuel ; cela n’eut pas été difficile. 11 fallait d'abord En la règle , l' edoplite serait venue aprés. 8. Qu'est-ce en effet que le mode muiuel ; si ce n'est une manière de multiplier les fonctions du maitre’ dafis la surveil- lance et la direction de groupes suivant chaëun atitant. d’exer- cices partiels d'enseignement simultané. Donc ce n’est pas une méthode (2), c'estun mode qui emploie les méthodes avec leurs (1) En effet, pour avoir le contingent d'exercices nécessaires aux fractionne- ments exigés par les classifications du mode mutuel, Wilhem a, été obligé de surcharger sa méthode d’exercices insignifiants, d'enseigner difficultueuse- ment les choses les plus simples, de soumettre à dés recherches pénibles les points de pratique et de théorie qui s'expliquent directement, ce qui revient, dit Mon tucla, à employer un quart de, cercle pour mesurer les objets que nous | avons sous [a main. (2) Le chevalier Gorgeret, chef d'institution, auteur du Cours complet d’ensei- gnement mutuel, s'exprime ainsi dans le plan de son cours de lecture mnémo- nique : « Jusqu'à la fin de maï 4819, javais suivi la manière d'enseigner la lecture usitée dan stousles établissements d’enseignement mutuel ; mais réflé- chissant que cet enseignement n’était point une méthode d” instruction, mais une série d'exercices appliqués aux anciennes méthodes, ete, ete. » — 9280 — procédés ; il.ne les crée pas. Aussi, doit-il être défini un ensei- gnement'.simuliané dont les, procédés: de la méthode qu'il a choisieet qu'il emploie, divisés parun nombre déterminé de clas- sifications, se transmeltent par là réciprocité de classeen classe. Dans ce mode d'enséigement, le mobile de tous. les. exer- gices; c’est la classification, des élèves par degrés, -classifi- cation que rien ne.peut. remplacer et qui est l'essence même du système. Non seulement les élèves doivent. être classés, mais ils doivent l'être les uns sous les autres. Les classes doivent être distinctes et jamais isolées. C’est par celamême qu'elles assistent toutes aux trayau x l’une de l’autré et qu’elles s’échangent perpétuellement, par un mouvement qui ne s’ar- rête point. Chaque classe est comme un niveau; dès que l'élève l'a dépassé tant soit peu, il passe sous un autre plusélevé qu'il doit ;atteindre.el dépasser à son tour pour être dans de nou- velles classes. Voilà purement ce qu'est le mode mutuel ; il n’est, jl ne peut être, une méthode, pas plus que l’outil n’est l’ouvrier. Delà, il suit qu’une bonne méthode ne doit pas étre ;créée en vue du mode mutuel, ni se traîner terre à terre sur les exi- gences étroites d’un mécanisme particulier. En effet, pour peu que celte méthode soit arrivée au perfectionnement qu’elle com- porte, elle doit être féconde dans ses applications et fournir un ensemble de procédés suffisants aux divisions et aux classi- fications nécessaires à la réciprocité des transmissions didac- tiques voulues par le mode mutuel. Wilhem, pour n'avoir pensé qu’à l'exception, a bien for- mulé un systéme foft ingénieux dans ses détails ; mais il a oublié le lien généräl, la clé de voûte, la règle de l'unité de méthode. D'où il résulte que lorsqu'avec ce système l'on échoue dans un cours de musique par l'application du mode DR: mutuel, accident arrivé à l'auteur lui-même, l’on ne peut revenir à l'enseignement simultané pur ; l’on est arrêté court et l’on ne peut plus avancer. Aussi, de l’aveu de ses partisans, la méthode Wilhem offre-t-elle une complication qui en rend l'usage extrêmement difficile. Voilà ce qui explique pourquoi cette méthode, bien que connue depuis 1819, époque. de son introduction dans les écoles d'enseignement mutuel de Paris, est fort peu sortie de l'enceinte de la capitale pour être mise en application dans la province. Il lui faut des élèves dont les bonnes dispositions répondent à la fois au zèle de moniteurs intelligents et spéciaux, et à la capacité de, maîtres habiles. À ces conditions fort difficiles à trouver réunies pour la mise en train dela méthode, la machine peut se mouvoir, bien lentement il est vrai, mais enfin elle marche ; la première impul- sion est donnée, la continuation du cours ne dépend plus que de l’activité du maître, de tous ses soins à maintenir le roulement des classes et l’exacte périodicité des exercices. 4. D'un autre côté, en France l’on ne manque pas de bonnes méthodes individuelles et particulières dont le talent des artistes professeurs sait tirer un excellent parti. Mais rien encore ne peut tenir lieu de méthode générale appliquée à un enseigne- ment musical établi sur des proportions grandioses et riches d'effets puissants et majestueux. Nous voudrions voir cet enseignement remplir, à l'égard d'un nombreux auditoire d'élèves occupant par centaines les degrés d’un amphitéätre, le même office que dans les cours des facultés à Paris, l’en- seignement d’un des professeurs de ces facultés lui fait rem- plir seul à l’égard de milliers d'élèves relativement à l’objet qu'il leur enseigne. L'on s’est contenté jusqu'ici de méthodes d’un enseignement musical exigu, réduit au fractionnement d’une école mutuelle ou aux. proportions restreintes d’un — 282 — cours simultané d’une cinquantaine d’élèves au plus, remor- qués par la voix d’un maître ou par un instrument. Telles ne sont pas, telles ne doivent pas être les conditions d'une bonne méthode d’enseignement collectif établi sur d’autres bases et rivalisant avec l’enseignement des autres _ facultés, susceptible de conduire simultanément à la connais- sance de la musique les élèves de tout un collëgé, par exemple, tous les’ soldats d’un régiment ou tout autre association aussi grande, aussi nombreuse qu’on puisse le supposer. Cette possibilité d'organiser des chœurs sur une échelle aussi vaste, permettrait d’arriver à ces effets de masse, admi- rables et si surprenants, dont les résultats grandissent toujours en proporlion géométrique, quand toutes les lois de la musique chorale sont bien observées. Le but de faire atteindre la musique chorale à tous les développements dont elle est susceptible est celui de la méthode que nous proposons. Il est assez élevé et important comme œuvre d’art et de civilisation pour appeler sérieusement l'attention des amis du progrès et leur faire examiner si nous l’avons atteint ou si nous n’avons fait qu’en approcher plus ou moins. ‘ 5. En partant de ce point de vue encore inexploré, les perfectionnements que réclame l'état actuel de l’enseignement simultané de la musique nous semblent reposer sur les trois conditions suivantes: 1° Simplification des procédés qui donnent l'entente de l'exécution musicale, pratique et théorie, au point de la mettre à la portée de toutes les capacités ; 20 Graduation des exercices, combinés avec certains procédés, tels que les élèves par centaines et milliers puissent être réunis dans un même local, sous la direction d’un seul maître, sans qu’ils aient besoin d’être conduits, par la voix du maître ou mo- niteur, ou par aucun instrument ; 3° Grande é@onomie de # — 283 — temps, conséquence des deux premières condilions, puisque les élèves ne seraient plus exposés à s'égarer dans des diffi- _cultés au-dessus de leurs forces, à s'épuiser dans les pénibles effoits de tAtonnements infructueux, et enfin, comme il n’ar- rive que trop souvent, à quitter les écoles sans être devenus musiciens. Devant'ce qui est et ce qui reste encore à faire, nous pen- sons qu'appuyé sur le résullat d'expériences continuées et répétées toujours avec un égal succès depuis neuf ans, nous pouvons proposer avec une certaine assurance notre méthode toute expérimentale aux amaleurs indépendants de tous pré- jugés, sans être suspecté de vouloir les égarer dans les bille- vesées de projets imaginaires. Examinons comment les problèmes dont cette méthode est la conséquence, on! trouvé nécessairement leur solution dans les diverses positions exceptionnelles où nous nous sommes placé pour arriver à faire toutes les expériences indispensables au but que nous cherchions. CHAPITRE IT. Plan et procédés de la présente méthode. Il faut chercher seulement à penser et à parler juste saus vouloir amener les autres à nos goûts et à nos sentiments, c’est une trop grande entre- prise. (La Bruyére.) 1 6. Avant tout, la musique étant une langue pratique , il faut rejeter à la fin du cours toutes les explications de, théorie pure, n'ayant pas ur rapport immédiat avec l’explica- — 284 — : tion pratique du savoir-faire du moment, c’est-à-dire celle qui doit être présentée au fur et à mesure des progrès. La plu- part des méthodes ont le tort d’entremêler sans cesse les.deux sortes d'explications (1), embarrassant gratuitement les com- mencements; déjà si pénibles d’une difficulté non seulement inutile, mais dangereuse même pour la bonne volonté, en déconcertant l'attention. Par une division plus rationnelle des matières, nous sommes parvenus à éviter les explications intempestives, conséquence d’une mauvaise graduation. 7. Pas de mesure, pas de musique ! En effet, l’exacte obser- vation des, lois du rythme est le premier caractère auquel l’on reconnaît un bon musicien. La routine peut à la rigueur assouplir l'organe de la voix à toutes les délicatesses de l’into- nation, mais jamais elle ne fera acquérir le sentiment de la mesure. C’est donc sur les meilleurs procédés propres à inculquer la pratique de cette mesure que doivent se diriger les premières améliorations portées par une bonne méthode à l'étude de la musique. Un défaut saillant de la plupart des méthodes musicales simultanées, c’est de éaire apprendre le rythme séparément de l’intonation. L'on y aura été conduit par les considérations suivantes : (4) La méthode la plus philosophique est celle qui, après avoir disposé le système complet dela science de la manière la plus convenable pour distri- buer commodément le travail et préparer la classification nécessaire des connaissances, procède aux expositions particulières dirigées également dans l’ordre le plus avantageux, en évitant de noyer dans un déluge d'explications minutiguses des vérités ‘que l’élève lui-même doit trouver, et en maintenant toujours celui-ci dans le chemin, mais lui laissant le soin de marcher seul au lieu de marcher pour lui. (Métaphysique des études. G. M. R.) — 285 — D'une part, l'intonation, avec ses chûtes d'intervalles plus où moins compliquées ; de l’autre, la régularité exacte et ca- dencée des mouvements de la mesure pour les articulations nettes et précises de toutes les valeurs, offrent trop de difficul- tés dans leur ensemble pour que l'élève puisse associer ces deux choses dès le début. L'on est parti en conséquence de ce principe : diviser, c’est le secret de la méthode, et l’on a cru faire merveille d'inventer des procédés pour attaquer, l’un après l'autre et en détail, les deux genres de difficultés dont la cornexion effrayait ; l’on sépara ce qui devait être insépa- rable, l'étude de la mesure de celle de l’intonation, et récipro- quement. Mais comme la musique n’existe que par la mesure des sons, voici ce qui résulte de ce système : c’est que l’on ne sait pas plus la musique quand on connaît la valeur des divisions rythmiques sans l’intonation qui leur donne la vie, que celui qui sait battre le tambour. Réciproquement, après les exer- cices particuliers d’intonation sans rythme, l'élève n’est pas dans une meilleure position pour la musique que ceux qui chantent de routine tous les airs que leur mémoire retient et avec toutes les ressources d’une belle vocalisation si l’on veut, mais qui restent toujours incapables d’articuler avec ce senti- ment du rythme, cet aplomb, cette netteté qui constituent le vrai musicien. La difficulté n’a été que reculée ; elle est tou- jours la même, quand il faut en définitive arriver à apprendre la musique, c’est-à-dire, à mesurer les intonations par le rythme. De ce cercle vicieux, de ces préliminaires intermi- nables, résulte une perte de temps qui ne tourne point au profit du progrès des élèves. [1 fallait en conséquence prendre une autre marche, et au lieu de trouver une simplifieation, une amélioration dans la — 286 — scission de deux choses dont l'essence est d'être inséparable comme l'ame l’est d’avec le corps, il fallait ne pas toucher au principe sacré pour un musicien de l'indissolubilité de l'into- palion et du rythme, mais simplifier seulement cetle union, au point de faire observer, dès le début des études musicales, simultanément les deux principes constitutifs de la musique sur lous les exercices, sans jamais rompre leur étroile associa- tion ; il fallait .en un. mot chercher, fouiller (1) dans le sein d'expériences nouvelles, sans s'occuper des précédents, des au- tres méthodes, une graduation nouvelle et toute expérimentale des difficultés. | Voici comment, par le seul fait de l’enseignement musical à donner à,une assemblée de cmq cents élèves à la fois, nous fûmes conduit à trouver les meilleurs procédés d'enseigne- ment simultané de la musique. Nous disons les meilleirs, parce que ce sont les seuls que nous pümes. employer dans les conditions exceptionnelles où nous nous trouvions placé, les seuls enfin qui n'aient pas eu à subir l'influence du choix toujours un peu plus,ow moins arbitraire du maître.; lei l’ar- bitraire était impossible, puisque le maître, ne pouvant diriger de la voix une masse de cinq cents voix, était obligé de cher- cher la loi la plus naturelle de la progression insensible, au lieu, comme d‘habitude, d'en imposer lui-même de la voix (4) Partout l'étude des faits deyient la base des recherches, partout on inter- roge ce qui existe ayant d'établir des théories, partout l’observation précède les systèmes. Un doute salutaire, une marche réfléchie, une enquête continuelle au lieu d'ünedialectiqueabsurde et t'anchante, pleine de mots et vide d'idées, telle est l’histoire d’une révolution subite,dans les sciences,.opérée par! le plus simple des moyens : l'expérience et l'observation ; voilà la clé miraculeuse qui à ouvert le sanctuaire de la nature, voilà toute la philosophie des modernes. Gi (Métaphysique des études, G. MR.) — 287 — une factice. Il fallait calquer uniquement le vœu de la na- ture, le prendre sur le fait pour le fixer immédiatement au seul procédé qui lui füt propre, et répondre enfin au besoin demandé, sans tâtonnements ni perte de temps. 8. La plupart des solféges considérant les rondes, les blanches comme les valeurs les plus lentes à exécuter, et par conséquent les plus faciles, font débuter par l’étude progres- sive des valeurs les plus lentes aux valeurs les. plus. rapides. Cette marche au premier abord paraît rationnelle ; elle ne l’est pas cependant ; l'expérience dit le contraire. Ayant re- marqué que les enfants surtout brouillaient continuellement les mouvements en commençant par la mesure à 4 temps, nous en concluâmes qu'il fallait faire débuter sur les noires, par la mesure à deux temps, une note pour chaque temps, de maniére à aller des valeurs et des mesures les plus simples aux valeurs et aux mesures les plus composées. Ainsi, mous faisons attaquer alternativement sur les mesures à deux, trois et quatre temps, d’abord les valeurs simples contenant. seu- lement une note pour chaque temps, puis les valeurs mul- tiples contenant plusieurs temps pour une seule note... Cela forme une première série d'exercices. Vient ensuite une autre catégorie formée des valeurs fractionnaires. 9. Gen’est pas tout. Tant que le maître peut dominer avec la voix ou l'instrument une classe trop peu nombreuse pour que celte voix ou cet instrument soit étouflé pär la-masse gé_ nérale , les élèves, guidés dans leursécarts par ce. moyen de rappel , peuvent marcher, à la rigueur, avec des exercices dont la gradation soit suffisamment progressionnelle, sans être pour cela rigoureusement échelonnée. Maisitelles n'étaient point les conditions où nous nous trouvions en présence d’une masse de voix au milieu de laquelle il était. impossible de se — 288 — faire entendre. Après les premières lecons préliminaires, il n°y eut pas moyen de faire attaquer en mesure à la fois, à toute cette masse, la série des intervalles progressionnels. L’on avait beau recommencer le même exercice ; à chaque reprise, le désordre grossissait de tout le trouble qu’apportait un nouvel échec dans une nouvelle tentative. Nous allions reconnaître impossibilité d'aller plus loin avec un cours de musique dont les proportions dépassent les limites ordinaires, lorsqu'il nous vint une idée dont la réalisation immédiate rétablit forcément l’ordre et nous mit sur la voie de la découverte d’une méthode musicale vraim nt simultanée. Mettant à profit pour la circonstance présente celte obser- vation que le premier individu venu ayant de la voix et de l'oreille peut chanter immédiatement une suite d’intervalles de seconde ou conjoints sans aucune difficultés en gammes d'a- bord , puis en lignes brisées, une fois qu'il sait lire les notes, nous essayämes de mettre l'étude du rythme sur des exercices composés uniquément d’intervalles conjoints brisés. L'ordre de la gamme ne pouvait plus convenir comme donnant trop de prise à la routine pour la lecture. Voyant alors que la con- fusion qui avait amené le désordre et suspendu la marche régulière du cours ne se reproduisait plus, nous continuâmes toujours avec un égal succès l'emploi du même procédé. De là, nous formämes la première partie de notre solfége d’exer- -cice, tissus uniquement d’intervalles conjoints brisés adaptés À toutes les variétés du rythme ; et dès lors , n’étant plus arrêté par des difficultés imprévues d’intonation résultant de l'emploi immédiat et trop tapproché des intervalles disjoints, nous fûmes conduit par une penté insensible à l’exacte connaissance des lois du rythme associé à l’intonation. 10.°Le büt principal d’un cours collectif de musique étant — 289 — la pratique des lois de l'harmonie, il était utile de sauver la monotonie des premiers exercices de chant par l'agrément qui résulte de l'emploi de cette harmonie. Nous y arrivâmes fa- cilement en mettant les exercices en canon à deux parties. Le canon étant une combinaison mélodique par laquelle une ou plusieurs des parties qui la constituent se servent à elles-mêmes d'accompagnement, la pratique de l'harmonie par le moyen du canon n'apporte pas plus de difficultés et de complication aux exercices de solfége, que s'il s'agissait de la mélodietoute seule. Cet emploi de l'harmonie dès le début, dont la réalisa- tion se trouve intimement liée du reste à l'emploi des autres procédés, et qui serait impraticable autrement, a deux avan- tages principaux: le premier de mieux fixer l'attention des élèves par l'attrait du plaisir, le second de présenter continuellement à l'oreille le moyen de lui faire vérifier exactement la justesse de l’intonation des notes articulées simultanément par la coïn- cidence des vibrations harmoniques de plus en plus agréables à mesure que cette justesse est de plus en plus exacte. Souvent l'on sacrifie l’utile à l’agréable; ici, c’est tout le contraire, l'agré- ment devient une utilité et une condition de progrès. 11. Il ne suffit pas encore au maître de poser les modèles de l'intonation et de la mesure, puis, après le signal donné, se confiant en la marche des procédés qui viennent d'être indi- qués, de lancer sans autre précaution [a masse des voix qu'il ne peut plus diriger que du geste, à la poursuite des diverses combinaisons rythmiques sur intervalles conjoints ; car les élèves, sans autre guide qu’eux-mêmes, pour peu qu'ils vien- nent à dévier chacun tant soit peu de la périodicité régulière des mesures, n'attaqueraient plus ensemble les intonations et produiraientune cacophonie d'autant plus insupportable qu'ils seraient plus nombreux. Nous raisonnons toujours dans l’hy- 19 — 9290 — pothèse où la voix du maître ne peut percer la masse trop considérable des voix du cours ; et d'ailleurs le pourrait-elle ? Si peu nombreux que soit un cours de musique, les maîtres ne doivent jamais remorquer l'exécution des élèves avec leur voix ou un instrument ; cela offre les plus grands inconvénients. Le plus ordinairement, ils sont obligés de crier ; en criant, les élèves prennent modèle sur eux et crient encore: plus fort. D'ailleurs il en résulte pour eux une fatigue qui les absorbe en pure perte et qui les empêche d’avoir l’œil à tout. La réussite des premiers procédés que nous venons d'indiquer dépendait entièrement de la découverte d'un autre qui pût leur’ donner la vie. Il ajoute à la solution complète du’problême. Il fallait, pour une masse d’élèves aussi consi- dérable qu'on puisse le supposer, non seulement faire voir la mesure, mais encore la faire entendre par un coupstrident, impérieux qui dominät facilement ce roulement de sons s’échap- pant à flots tumultueux d'un millier de poitrine, pour les faire rentrer continuellement dans l’ordre régulier des mouvements cadencés et uniformes du rythme. Nous y sommes arrivé par un moyen bien simple, mais infaillible dans ses résultats. Le voici : C’est un fort cadre en bois de 70 centimètres carrés, monté à la hauteur du bras sur nn pied, placé à la portée de la main gauche du maître et visible par son ouverture à tous les élèves. Le maître, pendant l'exécution, en faisant décrire dans ce cadre au bâton qu'il tient de la main gauche la figure de la mesure du morceau de chant en exercice, fait retentir plus ou moins fortement, selon la masse qu'il a à dominer, et en distinguant les temps forts des temps faibles, ce même bâton sur les bords intérieurs du cadre. Le choc sec et cadencé qui en résulte fait distinguer parfaitement à l'oreille et coupe chacun des temps dont la mesure est composée. De cette ma- — 291 — niére, lesélèves, quelle que soit la place qu'ils occupent dans un amphithéâtre ou tout autre local, ont la ressource précieuse de voir et d'entendre à la fois les divisions de la mesure. Ils peuvent se remettre de suite à l’ordre, pour peu que les mou- vements particuliers de leur main, qui imite les mouvements du maître, ne soient plus en rapport avec le mouvement géné- ral imprimé et maintenu par le maître au moyen de ce cadre que nous appelons indicateur rythmique. | Parl’ensemble de ces procédés, dont l'infaillibilité n'a jamais été trouvéeen défaut, l'exécution des élèves, assouplie àtoutes les lois du rythme; est conduite forcément jusqu'aux exercices de la disjonction des intervalles et de la tonalité, quels que soient les obstacles apportés par les dispositions peu favorables. Ainsi, par! l'indicateur rythmique, la voix trouve toujours: dans l’exécution la mesure de la durée du son qu’elle émet, et par l'harmonie elle trouve en même temps la mesure de sa justesse. 12: Nous ajouterons ici, par une conséquence du principe posé au n° 6, que les élèves, par le rapport de leur exécution aux tableaux, à mesure qu'ils avancent dans la lecture musicale, comprennent sans explication les classifications qui servent d'intermédiaires pour acquérir plus tard la connaissance de la théorie. C’est en effet par les faits que toute doctrine doit procéder. Pour énoncer une géntralité, il faut commencer par les in- dividus qui lui servent de base. Les individus se présentent d'abord comme des masses; mais on y observe des parties, et de décompositions en décompositions l’on arrive aux élé- ments, c’est-à-dire du connu à l'inconnu. La marche de l'instruction, dans quelque branche que ce soit, est donc d'aller du connnu à l'inconnu, du composé au — 292 — simple, des individus aux généralités, des exemples aux règles (1). Pour appliquer ces principes à la présente méthode de musique, la pratique immédiate du chant par ce qui constitue seul la musique, c’est-à-dire l'association de l’intonation au rythme, doit être employée dès le début. Ainsi l'individu musique se présentant comme masse, l’on va du composé au simple. Lorsque l’on a parcouru les phases de la tonalité et du rythme, toujours associés avec les variétés qui spécialisent et constituent chacun de leurs caractères, l’on arrive d’abord nécessairement par les tableaux à la décomposition des choses simples, c’est-à-dire aux éléments et ensuite, par le rapport des exemples aux règles; au moyen de ces tableaux comme point de repère, l’on acquiert la connaissance des généralités dont l’ensemble s'appelle théorie ou grammaire. De là deux catégories qui, bien que distinctes pour le point de départ, doivent concourir au même but. Le résultat qui est obtenu par cette marche est la science éclairée par la pra- tique et réciproquement la pratique guidée par la science. (4) Dans toute recherche, il faut distinguer trois choses : les idées déter- minées ou les faits connus, le terme auquel on veut arriver et la chaîne des rapports ou des analogies qui remplissent l'intervalle et lient l’un à l’autre. ( Métaphysique des études. ) — 293 — La méthode se divisera donc: nn 2 © té ù > EN | E 1° Par l’intonation considérée dans = £g |la succession et la promiscuité de ses Z == |. . SE intervalles, dans la variété des tons de 2 £ L S == [ses deux modes et enfin dans les acci- 1° Pratique . 78 |dents divers de ses modulations. 7, SA Sal Me - % 5®%| 20 Par le rythme subordonné à = = © Æ £a \toutes les divisions et subdivisions de la à 3 na 22 mesure dans les déux ordres binaire et = ernaire. } \ =? MEN AA UE ne . 1e \ & 1° Par les tatleaux comme chaîne de 4 rapport. “ EE : à due 20 Par les classifications résultant du Z \rapport des exercices aux tableaux. a 2° Théorie. “ 1° Ou grammaire des faits pratiques de la solmisation et des classifications par les tableaux. 29 De la didactique, c’est-à-dire de la manière d'etudier et d’enseigner. 3° De lathéorie du goût et de l’art du chant. 90 EXPLICATION. En résumé, elle se distingue : 1° par rapport à l’intonation, comme nous l'établirons plus loin, à l’aide de combinaisons syllabiques , de toutes les associations possibles des consonnes et des voyelles articulées d’une seule émission de voix avec toutes les variétés tonales dont elles sont à la fois, sous la — 294 — dépendance de la notation usuelle, la représentation écrite et la dénomination vocale. C’est ce qui forme un système entier de solmisation, mais qui ne sera pas obligé, les tableaux étant redigés de manière à pouvoir au besoin le remplacer. 2., Par rapport à la mesure, comme nous venons de le voir, à l’aide d’une classification nouvelle et progressive de toutes les combinaisons rythmiques sur . une série d’exercices d'in- tonations, tissus uniquement d'intervalles conjoints. 8. Par rapport.à l’art du chant et au sentiment du goût, en associant, dés le commencement, les principes de cet art qui a pour but de faconner la voix, comme organe producteur d’un son agréable, aux principes qui se bornent exclusivement à renfermer l'instrument dans les limites exactes de la justesse et de la mesure. Ses avantages sont, qu'ayant été combinée dans toutes ses parties pour faire vaincre par la solmisation elle-même les difficultés inhérentes au mécanisme de la musique et de la notation usuelle qui le calque, elle dispense les commen- cements de toutes ces explications préalables d’une théorie obscure dont l’entrée des méthodes ordinaires est encombrée, etelle présente Ja solution complète du probléme de rendre la pratique théorie elle-même. “TITRE I Une science se réduit à une langue bien faite. (Condillac.) De la musique considérée comme langue. Des réformes dont elle serait susceptible comme telle. Des améliorations dont les préjugés et la force de lusag2 rendent seuls la proposition admissible. CHAPITRE 1° Défauts de la notation usuelle comme écriture d'une langue ; des tentatives de réforme auxquelles ces vices ont donné lieu à tant de reprises diffé- rentes. Causes de l’inopportunité des propositions de ce genre. Change- ment de solmisation proposé comme le seul moyen de sortir de l’état fu- neste de stagnation où reste la vulgarisation de l’art, en rétablissant l’ana- logie de l'écriture musicale avec sa signification, sans déroger en rien à l’in- tégrité de la notation usuelle. 15. Pour assurer les pas des élèves à travers le labyrinthe des clés de la notation usuelle sur les lignes desquelles viennent s’enchevètrer les accidents de la tonalité, comme pour ajouter aux complications de son mécanisme, suffrait-, — 296 — il de les ÿ avoir disposés par une classification (1) plus logi- que d’exercices harmoniques, progressionnels pour la mesure, mais conjoints pour l’intonation, exercant dès le début l'oreille et la voix, simutanément sous les trois points du degré, de l’harmonie et de la durée du son, tout aussi facilement que s'il s'agissait de la pratique successive de ces trois points, comme ailleurs. Non, assurément. Il y aurait progrès, sans doute, mais la méthode serait incomplète, cela serait loin de suffire. Il reste encore une difficulté à surmonter pour faire atteindre l’ensei- gnement musical simultané aux perfectionnements que son état actuel réclame. Cette difficulté regarde les diverses combinaisons de la tonalité musicale. Au sentiment exquis de la mesure, un bon musicien exécutant doit joindre l'appréciation exacte des nuan- ces les plus délicates de l’intonation et une justesse de per- ception auditive telle, qu’elle ne soit jamais déconcertée à travers les phases les plus compliquées des mouvements divers de la tonalité. L'expérience nous a démontré l'infaillibilité de nos procédés pour inculquer le sentiment de la mesure. Voyons ce qui manque aux méthodes ordinaires relativement à l'étude de la tonalité musicale, et mettons le lecteur à même de juger si nous avons été aussi heureux dans la découverte et le choix de nos procédés pour inculquer aux élèves la con- naissance exacte et la pratique aisée des lois du cette tonalité. (1) Une bonne classification des études estle grand probléme que se sont proposé tous ceux qui se sont occupés de la réforme de l’enseignement. Ilest aisé d'en marquer la solution, si l’on ne choisit pas précisément les seules données qui peuvent y conduire. dl (Métaphysique des études, id.) — 297 — Pour mieux faire apprécier les lacunes que la constitution de la notation usuelle a fait éprouver à l'enseignement musical, sous ce dernier rapport, jettons un coup-d'œil rétrospectif sur les conditions grammaticales de cette constitution, sur ce qui aurait dà étre fait, et de là, appuyé sur les lois de l'ana- logie, tâchons de découvrir ce qu'il est encore possible de faire dans l’état actuel des choses. « Si les signes d’une langue, dit La Romignière, manquent de simplicité, il faut des efforts de mémoire pour retenir de longues phrases : s'ils manquent d’analogie, il faudra des efforts d'attention pour empêcher des idées mal déterminées de nous échapper. » La langue de la musique, autrefois si embrouïiilée, si compliquée du temps des Grecs, n’était telle que par le . manque d’analogie et de simplicité à la fois. 14. Aujourd'hui cette langue possède tout le degré de simplicité désirable sous le rapport de la désignation des sons par les syllabes wt, re, mi, fa, sol, la, si, se reproduisant dans les mêmes degrés par octaves. Aussi, depuis lors, la mu- sique, comme art, sous le rapport de la composition et de l'exé- cution, a-t-elle fait tous les progrés dont l'expérience de plu- sieurs siècles l’a rendue susceptible ; mais comme langue popu- laire, comme méthode, elle est restée en quelque sorte à l’état stationnaire et en arrière de toutes les autres connaissances entrées dans le domaine de l'éducation publique. La chanson et tout ce qui s’y rapporte est bien devenue populaire, mais la langue particulière qui exprime ïes rapports d’analogie entre ce que la routine exécute de mémoire et ce que l'analyse soumet au raisonnement reste toujours peu cultivée. Les civilisés qui chantent de routine, ou à peu près, sont, il faut le dire, par rapport à la langue musicale qu'ils chantent, ce que les sauvages sont à leur langue maternelle qu'ils parlent. Les — 295 — uns et les autres battent l'air de leurs lévres sans se rendre compte des procédés analytiques et raisonnés de l'écriture qui calque le produit si fugitif de la parole ou du chant d’une trace ineffaçable. Et cependant c’est par l'écriture que la pensée prend un corps, se nourrit comme d’une substance dont elle compose le thème de ses opérations, de ses décou- vertes. Si la langue, bornée d’abord aux éléments du besoin qui lui a donné naissance, est devenue, par les conquêtes suc- cessives du génie, le plus bel ornement de l'intelligence hu- maine et sa gloire la plus pure, c’est à une écriture ration- nelle qu’on le doit. Aussi y a-t-il cette différence entre la lan- gue littéraire et la langue musicale que la première, mieux servie par l'alphabet qui la calque, en s’élevant par une litté- rature riche et variée au premier des beaux arts, est devenue en même temps populaire et générale, tandis que la seconde, avec un alphabet complet, mais difficultueux, et un tracé irra- tionnel, en atteignant dans les beaux arts une place aussi dis- tinguée que la littérature, est néanmoins toujours restée sta- tionnaire, impopulaire même dans son écriture et la lecture qui en est la conséquence. 15. L'idée qui fait regarder l'Allemagne comme plongée dans une atmosphère d'harmonie est un préjugé. La musique, pour être plus généralement cultivée individuellement dans ce pays qu'ailleurs, et malgré tous les encouragements qu’elle y reçoit, n’y est pas plus populaire (1) dans le sens strict du mot. x (4) En effet, dit M. Fétis dans la Revue de musique, classique, populaire et religieuse, page 288, 2€ année, « l’on a tort de penser que les psaumes et cantiques se chantent en harmonie dans les temples du culte réformé en Allemagne. Ces chants sont exécutés à l’unisson et à l'octave par le peuple — 299 — » Il est convenu aujourd'hui, dit le spirituel auteur de la Physiologie du musicien, que Paris est la ville la plus musi- cale de l’univers ; c’est plutôt encore la manie que le goût de la musique qui. règne dans cette capitale. La musique est encore la plupart du temps dans cette capitale une affaire de mode, de prétention, de vanité ou de calcul. Le goût, le sentiment vrai et la science approfondie de la musique: sont choses encore fort peu répandus dans notre belle France. Ce qui est populaire , jusqu’à ce moment, c’est la marche mili- taire , la contredanse , le galop. Toute mélodie qui n’est pas livrée à ce rythme commun et sautillant , demeure lettre close pour la foule. Les quadrilles Musard ont créé, dit-on, de nombreux musiciens. Oui, comme les recueils à deux sous créent des lecteurs. Examinez, dans une de nos salles de concert, ce qu’on appelle l'élite du monde musical. Quel air-de distraction, d’impassibilité ou d’ennui sur toutes ces têtes luisantes et pommadées ! Comme au soin d’attifer incessamment sa che- velure et sa toilelte, aux regards et aux lorgnons convergeant exclusivement sur les diverses parties de l’assemblée, il est aisé de se convaincre que la préoccupation principale de ces pré- tendus dilettante des deux sexes est de se faire voir et d'être vus ! soutenu par l'orgue... Partout, en Allemagne, j'ai entendu le chant à VPunisson et à l’octave accompagné par l'orgue dans certaines, localités ; et pour certains chants, trois trombonnes placés à la tribune de l’orgue font entendre l'harmonie du choral, mais jamais le chant n’est exécuté en har- monie par les voix, Les intéressantes collections de Bach, de Kühnan, de Müller et de cent autres n’ont jamais servi qu'aux organistes. Tant d'efforts pour initier les populations au chant en harmonie dans les temples ont été sans résultat, et n'ont produit que des exécutions partielles dans les écoles ou dans des chapelles princières. » _— 300 — Aussi la musique que l’on sert à cette élite est-elle bien digne d'elle. Ecoutons à ce sujet la France musicale : « Savez-vous ce.que c’est que la musique de Paris? ce sont les contredanses quis’exécutent dans les douze arrondissements, depuis la loge du portier jusqu'aux mansardes ; ce sont les pots-pourris qui figurent dans les fêtes de famille; ce ‘sont les immenses #acaroni d’Aria, de cavatines et de duos les plus filandreux qu’ait produits la nouvelle école italienne, livrés à des musiciens qui portent des moustaches et des lor- gnons; ce sont des fantaisies brillantes exécutées par des pianistes qui ne sont pas capables de jouer la première étude de Cromer ; ce sont des romances avec accompagnement de « \ (#5 Ô d 4 NM T 120 ee (= 7 i) HE SX N u *STIAISNIVR *SHLHOA $ b d } u I Es : ÿV Ë g q k F2 3 Env EE D. EE De. EL TT “ei D. — \ L J SUD sopunmng sep SAPLOMEPNO Gvqposeg IMÉUL sojengur-ouoq soonopsaqueg}iS sa]uerynoS -018[t4 SHINISNNIK SANNOSNON “HIANAXA TITRE IH. Celui qui sait lire saibl’art le plus diflicile. ( Ducos.) Des éléments de la parole mis en rapport avec ceux du chant, et, de là, Méthode de lecture et de musique combinées. CHAPITRE 1* Des éléments du langage considérés dans leur nature et dans leurs rap- ports avec les éléments de la nouvelle solmisation. L{ Les langues ont pour éléments les sons de la voix parlante. Ces sons se rapportent à deux espèces différentes: les voix et les articulations. SECTION PREMIÈRE. — DES VOIX: La qualité sonore qu'acquiert l'expiration de l'air à travers la glotte, et ensuite les-modifications qu’apporte à l'émission de la voix s'échappant à travers les lèvres la plus ou moins grande ouverture des cavités de la bouche, constituent ce qu’on appelle les voix représentées dans l'écriture par des signes ou lettres qu’on appelle voyelles. — 8331 — 32. L'ordre dans lequel: viennent d'être rangées ci-dessus les voyelles n'est pas arbitraire ; il résulte d'une strie décrois- sante, établie sur la plus ou moins grande ouverture du tube buccal. 33. Comme moyen mnémonique de l'ordre et du nom des voyelles appliqués aux sept notes de la gamme diatonique, l'on peut mettre en rapport la propriété tonale des notes de la musique avec la propriété linguistique des sons de la parole que nous affectons au nom de la propriété des sons musicaux. Ainsi A, qui est la première voyelle, comme représentant le son le plus haut, désigne l'état dont on est affecté, ce qui nous est propre, par conséquent ce qu'on possède, ce dont on jouit, de même que la domination et la priorité, de là ces expressions françaises : Il'aun grand chagrin, où À désigne ce dontonest affecté. — de grands biens, ..….…. .. ce qu'on possède. Ce chapeau appartient à, la propriété. etc. Dans la gamme, l'A au son vibrant sera donc parfaitement approprié à: la tonique comme la base du ton, sa règle, etc. L'E désignant ce qui est relatif à l'existence, d’où le verbe étre, laterre;-etc., convient au rôle de la sustonique en servant d'intermédiaire entre la tonique A, dont elle confirme :l’exis- tence, -et la tierce I, la première des cordes modales. L'T signifiant la main, le lien, convient fort bien à la mé- diante qui semble donner la main à la tonique pour la joindre à la dominante dans l'accord parfait. L'EU, par sa figure de diphtongue, son caractère sourd, peu ouvert, semble fort bien convenir à la propriété de demi-ton affecté dans l'ordre de la gamme à la sus-médiante ou sous-dominante. — 332 — L'O, cri de l'admiration, le nom de la lumière, de l'éclat, une des sensations les plus flatteuses, peint fort bien l’état de la quinte jouissant à bon droit dans l’ordre de la gamme du nom et des droits de dominante. L'U, qui peint l'action d'attirer les liquides, de humer, qui désigne l’eau, est en rapport avec sa double qualité dans la gamme: 1° de former la tonique du mode mineur, mode triste, larmoyant; 2° d'indiquer la place du son par la résonnance qu’elle tire du diapason. Elle attire la justesse, l’accord des voix et des instruments pour les mettre en rap- port les uns avec les autres. La dominante, nom de lumière, est à son égard comme le soleil qui attire l'humidité ; c’est pour cela qu'on l'appelle sus-dominante. Enfin L'OU, qui peint le bruit des vents, tout ce qui agite le sens de l’ouie, comme les ouragans, le roulement des cailloux, le floz des vagues, etc., indique bién la propriété du nom de sensible affectée à la septième et dernière note: En effet, cette sensible, qui est la déterminative du ton, vient frapper sur la tonique, comme le souffle des vents sur les objets qu'ils secouent. Outre cela, comme ex, sa physionomie de diphtongue, son timbre sourd, peu ouvert, qui lui assigne la dernière place dans la gamme, convient à sa qualité de demi-ton, qu’elle cumule avec la propriété de sensible. 34. Nous avons onze voix, tant orales que nazales, sept orales ou gutturales, a, é, à, eu, o, u, ou; quatre nazales, an, in, on, un, et nous n'avons que cinq signes de voyelles a, &, î, 0, u. À l'égard des autres voyelles, pour la désignation des- quelles ces cinq lettres sont évidemment insuffisantes, l’on a recours à des doubles lettres dont l'association constitue des ‘diphtongues en apparence, mais que l’on est convenu de rendre d'une seule émission de voix pour exprimer les espèces — 333 — particulières de voyelles auxquelles ces doubles lettres sont appropriées. Telles sont, par exemple, les voyelles orales ow, écrites par la diphtongue 0-4, eu par la diphtongue e-u, et toutes les voyelles nazales dont il ne faut pas non plus dé- composer les éléments pour les prononcer. C'est, pour le dire en passant, faute de cette distinction importante , que les méthodes anciennes de lecture par épellation sont si défectueuses et que certaines grammaires élémentaires, après avoir défini la voyelle une seule émission de voix, jettent les élèves qui veulent raisonner dans l'embarras, en n'énonçant comme voyelles que les lettres a, é, 7, 0, w, et en appelant improprement diphtongue ou son double toute association écrite de signe de voyelle auriculaire. La langue francaise, dérivée en partie du latin, comme la langue italienne et l’espagnole, qui n’ont que cinq Voix, a, (é,é,)i, 0, ou, n'a pas toujours été aussi riche en voyelles qu'elle l’est aujourd'hui. « Il y a grande apparence, dit Morel, que nos voyelles, combinées pour former le caractère représentatif d’une voix simple, étaient autrefois la signifi- cation d’une diphtongue auriculaire, que les combinaisons ai, ei, au, eu, eau, étant anciennement des signes de diphiongues et de triphtongues, et se faisant sentir dans mai, j'ai, jamais, je vais, produisaient le même son que font entendre les Italiens dans ai, giamai, assai, avrai ; il en est de même de ei pour é, etc. » « L'usage a encore fait des combinaisons aw, eaw, une seule voix que nous prononçons 0. Pour cela, ilest bon d'observer que la voix z n’est guères connue que dans la langne française, q'e ce que nous rendons par le son % se prouonce o% dans le latin et ses dérivés. Ainsi, dans ces langues on écrit autun, autore, auspicio, etc.; et l’on pro- nonce aoutoun, aoutore, aouspicie. Nous avons vraisembla- blement prononcé de même autrefois; pour adoucir, nous avons supprimé la diphtongue et nous en avons laissé le signe. » « Nous avons encore une voix particulière à! la langue française, c’est la voix eu; elle est pour nous un son simple, et dans les autres langueselle se prononce en diphtongue, c'esl-à-dire e o, puisque # n'y existe pas. L'ouverture de la bouche qui sert. à l'émission des voyelles est susceptible de diverses gradations qui modifient les sons fondamentaux ; de là les accents. En effet, la propriété des sons est de se prononcer de diverses manières : 1° Avec douceur, du milieu de la bouche. 2 Du fond du gosier, en aspirant, ce qui s’indique par ce qu’on appelle l'H aspiré. 30, En les modifiant par le nez. 49. D'une manière grave ou aiguë, ce qui constitue sur Jaimême voix cinq nuances distinctes. Les-deux premières maniéres ont rapport à l’intensité du son et regardent plus particulièrement le débit oratoire ; la troisième est déjà classée, et en s’ajoutant au, nombre | des sept voyelles pures, elle porte au nombre 11 le nombre des voix essentielles indispensables comme éléments de la pro- nonciation de notre langue. “La iquatrième, qui. regarde plus particulièrement ce que ‘J'on âppelle accents, est celle dont nous devons nous occuper ici. À | Par l'accent, les sept voyelles orales pures sont susceptibles -de développements qui les portent, plus ou moins modifiées, au nombre 13. Il ne faut. pas confondre cet accent prosodique — 335 — avec la quantité prosodique, en un mot la qualié du son avec sa durée. L'abbé d'Olivet, dans ses questions prélimi- naires sur la prosodie, distingue l'accent, l'aspiration et la quantité. L'accent prosodique influe sur la qualité du sen de la voyelle, mais ne le change pas ; il suffit d’un petit signe nommé-accent placé au-dessus du signe: voyelle, pour in- diquer la modification et son genre. Voici le tableau des voix considérées relativement x Jeur qualité. | a aigu ou fermé, comme dans canot, savant, ete. | d grave ou ouvert, dans dpre, pâtre, etc. é aigu, dans Donté, déité. ; é moyen,dans la 2° syllabe de répète, père, prophète. é grave, dans méme, succès conquête. à ordinaire, dans ile, inique. | à, muet, s'appuyant sur l’é muet pour les mois où se rencontre ce qu'on appelle l’{7 mouillé. 0. aigu, dans hommage, trotte, porte, hotte, eic. o grave, dans côte, hôte. lu { nuit, huite, lutte. eu aigu, dans il peut, jeune. 8 eu. | eu grave, dans tu peux, jeûne. e muet, dans use, demande. 1 ou À oublier, outil, genou, etc. Tels sont les accents prosodiques dont l'observation est aussi essentielle dans le chant que dans la parole. D'aprés cet.exposé, où le nombre des voix de la langue est déterminé non sur leur quantité prosodique, mais sur la nature et la qualité de chacune d'elles, et sur l’accent dont — 336 — ' “les sont susceptibles, l’on peut compter dix-hüit voix ; savoir : sept principales, sept. modifications par l'accent, et quatre masales. Ce résultat est le même que celui proposé par le grammairien Beauzée. ‘ÆEssayons maintenant de justifier sous le point de vue gra- matical la classification des consonnes que nous avons appro- prié aussi à la solmisation. SECTION DEUXIÈME. — DES ARTICULATIONS VOCALES. 85. Les voix ne suffisent pas seules pour constituer la parole, il faut encore des éléments partant d’un principe différent de ceux que nous venous d'examiner. Ces éléments maissent de la pression des deux parties de l'instrument vocal l’une contre l’autre et de l'explosion de l’air qu’on en- tend au moment où ces deux parties se séparent. Selon Court de Gebelin, nous appellerons touches les parties de l'instrument vocal qu'on presse pour en tirer de pareilles modifications de la voix, articulations les modifications qui en résultent, et consonnes les lettres qui les représentent. 36. Il y a deux fois autant d’articulations que de touches, parce qu’on peut appuyer fortement ou légèrement, d’où résultent encore autant de modifications différentes, de là, quatorze articulations distinguées en similaires : sept fortes et sept faibles. nes «Voici l’ordre de leurs places sur l'instrument vocal. Fortes. Faibles. Touches, pe Gutturale. Ro nl Palato linguale. ARE \ 1° Nazo palatale. L É ( 2 Nazo labiale. 49), £ | v Soufflante ou dento labiale. 50° p b° Labiale. Go t d Dento linguale. agp nuls Z L Sifflante dentale::'}-douce: 7e bis ch : is Id. {rude La première touche est produite par la pression du milieu de la langue sur l'ouverture du gosier. La deuxième, du bout de la langue sur le palais. La troisième : 1° du bout de la langue, mais en faisant sortir l'air par le nez; 2° par la rencontre des deux lèvres, mais en faisant aussi sortir l’air par le nez. .La quatrième, par la pression de la mâchoire supérieure sur,dla lèvre inférieure. La cinquième, par la rencontre des deux lèvres: La! sixième, par:la pression du bout de la langue sur :la mâchoire supérieure. ‘La septième, enfin, par le, sifflement de l'air bbuéscé par la langue:.entre les deux mächoires. 22 — Gette septième touche se divise comme on vient de le voir en deux sections, dont la première est douce ét l’autre est rude et plus bruyante. Court de Gébelin appelle chuin- tante cette derniére. Les deux sections de cette septième touche sont si bten analogues, que certaines personnes disent z pour ÿ par exemple z’aime pour j’aime, que les Allemands en arrivant en France, que les Auyergnats, diraient z’ai pien choif, foulez fous me tonner à poire, ze fous baïrez pien, et” ils seraient compris sans avoir besoin de répéter deux fois. Hs prennent imipunément z pour j, C4 pour s, ce qui dénote dans ces articulations le caractère d’une même touche, où les articulations similaires peuvent être prises l'une pour l'autre, sans rendre inintelligibles les mots ainsi dénaturés. De làil résulte que la, classification gramraticale des touches du dän- gage, bornée au nombre 7, est, aussi bien que les voix, en rapport parfait avec les sept notes ou touches de la gamme diatonique. 37. Rapport. des propriétés grammaticales des articulations vocales ou consonnes, avec l'ordre qu’elles occupent dans l'échelle des octaves pour designer la fi CE sons musicaur. ‘De même que, sous le point de vue mnémonique; nous avons cherché à établir des rapports d’analogie entre Ja: pro:- priété des voix et la propriété des notes de la gamme ‘dia - tonique, pour mieux faire retenir leur position et leur ‘dério- minalion, de même aussi, pour faciliter les ‘opérationstde la mémoire; -à l'égard de l'application des consonnes, au nom de la place des sons de l’échelle générale, nous allons examiner! — 339 — les rapports que nous pourrons trouver entre les traits Carac- téristiques des consonnes comme signes grammaticaux ‘et là position que nous leur assignons comme jallons de l’échelle _des octaves. 1° T. D. La touche dentale, appliquée à la prémière note de l'octave, est la plus forte de toutes les touches, parce qu'elle participe à la solidité de l’organe, sur lequel la langue vient toucher avant de donner passage à l'air véhi- cule de la voix que l'articulation réclame. De mémie que les articulations résultant de cette touche, sont appropriées aux mots dont la signification s'applique aux objets bruyants, aux objets vastes, dominants, etc, etc., tels que tonnerre, tambour, ton, toit, dôme, tour, etc., de même aussi élles doivent étre la place de la première note de chaque octave, laquelle do- mine les autres, est la base de l’accord, désigne le ton pri- mordial en un mot. 2° L, R. La touche linguale, désignant tout ce qui coule, se répand, se lie, convient à la place modeste de deuxième note, qui relie la première à la tierce. 3° N, M. La touche nazale, venant du milieu de la bouche, convient à la position médiale de la troisième note de l'accord parfait. 4 F, V. Cette touche soufflante, ainsi nommée par la position que prennent les lèvres pour articuler par elle, se trouve le plus souvent placée dans les mots que sa propriété désigne. Elle exprime la légèreté, la finesse. Ainsi faon, fan- fan, phaëton, fouine, far fadet, etc.; elle convient à la quarte qui, en sa qualité de demi-degré, s'appuie légèrement sur la, tierce, sa tutrice. 5 P, B. Cette touche labiale, la plus aisée à mettre en jeu, la plus douce, la plus gracieuse, désignant les premiers — 340 — êtres à la connaissance de l'homme, comme bon, bien, beau, bâton, bateau, parler , palais, ete., convient à la quinte comme la note ide l’accord la plus distincte, la pius facile à recon- naître, celle en un mot dont la résonnance Un se déduit. le plus facilement des autres. 6°, Q, G. Touche, gutturale au moyen de lauell l’ar- Éculation semble venir du creux de la bouche, c’est-à-dire, du gosier: De là tous les mots désignant, les objets longs, étroits, creux, et au figuré les facultés digestives: canal, canne, col, cap, cave, gorge et gourmand, canard, goinfre, cuisine, .etc..; celte, touche désigne la sixte, la première. de l'accord des tons mineurs, c’est-à-dire, des accords :tristes, lugubres, semblant évoqués du creux des abîmes. Elle sert em.outre de déterminante au diapason. Le son invariable du diapason est. fort bien adapté à cette touche, comme la plus reculée de l'instrument vocal à laquelle, pour ne pas être facilement déplacé ni dépossédé, il semble cramponné comme à un poste inexpugnable. 7° S, Z. Touche sifflante, par laquelle la voix Sarticule en sifflant au contact et au redressement subit des deux mûâ- choires, désigne, comme le mot.lui-même l'indique, les siffle- ments, au figuré les indications, tels que signaux, sensation, sensibilité, science, salut, etc: etc. ; elle convient donc parfai- iement à . la, septième, désignée sous le nom de, sensible, .comme donnant par:son caractère sifflant, le signal de la première nole; qu'elle, prépare et sur laquelle elle. s'appuye comme demi-ton. : Nous,ne, prétendons, pas ici établir la vérité ou l' cxtiftade de ces rapports combinés, tant à l'égard des voyelles qu’à l'égard. des consonnes ; cela ne/soutiendrait pas la discussion et.nen.yaudrait pas la peine. Nous ne les représentons ici + SAN = que comme procédés fort utiles de mnémotechnie à employer par les professeurs, pour donner d'abord aux élèves l'analyse grammaticale des éléments de la parole, et préparér ainsi, par le dépouillement du squelette de chaques mots, leur ana- tomie comparée. Cetle analyse dans l’étudé des langues fait mieux ressortir les ressemblances et les différences’ qui rap- prochent et distinguent les familles de mots, fait suivre ‘leur filiation et remonter à leur racine. Quand même l'étude de la lecture, par les procédés que nous allons indiquer, ne serait pas suivie de l'étude des langues, ce serait utile ‘pour faciliter le débit, la lecture à haute voix, la prononciation du chant, l'étude de l'orthographe, et enfin par rapport à la musique pour fonder la connaissance du nom nouveau des notes d’après leur place dans l’échelle générale, leur propriété, dans chaque ton, d'après le mode, sur quelque chose de po- sitif qui se rattache par ‘un lien mnémonique à ‘l'étude rai- sonnée et grammaticale des éléments de la parole. 38. Telles sont la nature, la série et'la classification (1) de toutes les articulations formant consonnes. Les autres! signes qui'en portent improprement le nom sont, ôu dés, articu- lations composées, ou des voix, ou des! accents! C’est ‘ainsi, par exemple, que l’H dit aspiré, ‘par lequel l’on semble tirer les voix du fond de la gorge par une forte expiration, n'est rien autre chose qu’une sorte, d’accent prosodique, dont la (1) Des fgrammairiens n'admettent que quatre touches pour les articula- tions des voix.Ils ne considèrent comme agents de ces touches que les lèvres, la langue et le gosier, et par conséquent quatre ordres de consonnes. Les consonnes labiales, B, P;5 V, F;:M: — ‘linguales, D, T; N;L; KR. — dentales, Z, S; CH, D. _ gutturales, ‘G, 0: — 342 — nature,est de modifier l'émission des voix, quant à Jeur .. Ce,signe: H doit donc être classé parmi les accents. Le double // précédé de l'?, inproprement appelé // mouillé, comme si cela signifiait quelque chose, n'est-il pas aussi : im- proprement mis au rang des consonnes par des grammairiens ; n'est-ce pas rien-autre chose qu'un double à ou y. grec,, ce qui le classerait parmi les voyelles? Ainsi, dans cette hypothèse, ll précédé de 4',serait Je redoublement de cet. set formerait diphiongue avec la-voyelle qui le suit. Nous laissons cette so- Jution à qui de droit. | | | GN: Comme, dans ignorance, n’est: rien! autre chose; que la double:articulation g-n:se fondant en une seule articulation par le contact du milieu de la langue sur le milieu du palais; pour s’adoucir. L'on peut direque g n, est. la, double articu- lation faible de la forte que-ne; c'est pourquoi l’on peut être également compris,en prenant Fuñe pour l’autre, Voilà les séulscas exceptionnels pouvant être l'objet, TA quelques doutes ; les autres.cas rentrent ou dans les doubles consonnes comme x; formé de c, s, où dansle double emploir comme ph, à la place de f. Nous donnons plus loin, la no- menclature-orthographique dessuperfétations, doublesemplois, etc., et autres vices du langage écrit. CHAPITRE II. CLÉANTHE. Est-ce que vous ne savez pas, monsieur, qu 'on a trouvé depuis peu l’invention décrire les paroles avec les notés mèmes ? Mouëre, le Malade Smeg Eur 8, scène 4. Application des: éléments du langage à la: solmisation musicale et, à: {la lecture dela langue française. 39. En linguistique, la voyelle se place avant ou après la consonne qui forme avec elle le même mot. Ainsi, lorsque — 343 — des peuples disent ab, am pour pére, mère, d’autres pronon- cent pa et #14. C’est pourquoi, dans l‘apprentissage de la lecture par syllabisation, l'on doit trouver des exercices de syllabisation renversée, c'est-à-dire, où les consonnes! se placent après la voyelle, et non avant, comme elle l’est le plus ordinairement, et cela pour faire voir à l'élève que l'association de la consonne avec la voyelle peut se: faire de deux manières. Dans nos exercices de solfège et de lecture combinés, la position de la voyelle après la-consonne sera affectée aux valeurs multiples, c’est-à-dire, aux notes dépas- sant: la valeur d'un temps. C’est, du reste, lattribut de la nouvelle solmisation , de rendre, par les éléments de la parole, les effets de la notation et réciproquement, d'exprimer en un mot à la fois, par le chant et la parole, les combinaisons de la musique et les combinaisons du langage. Il: doit être convenu pour la lecture que toute consonne nôn suivie de voyelles s'appuie sur l'e muet. Ainsi, pour prononcer a», ar, eb, op, eic.: m, r, b, p, pour se faire entendre sonnent avec l'e muet, ce qui forme un son et une syllabe ou en quelque sorte une syllabe et demie. :C’est pourquoi: il n’est pas nécessaire d’avoir des exercices particuliers pour les doubles consonnes formées des liquides l, r, précédées de presque toutes les autres articulations. De là, tous les mots en b/, cl, gl, fl, pl, eic., en br, cr, gr, fr, pr, etc. qui liennent plus ou moins de la propriété linguistique! de Liet À, tels que glace, flamme, flageller, explosion, gravier, claque, frottement, etc., etc. Car, d’après le principe qui admet la résonnance de l’e muet, après toute consonne privée devoyelle, il est évident que l’e muet se prononce forcément dans-les doubles et triples consonnes, entre les consonnes. — 344 — A LEE (AS toyen LATTES ‘s'SECTION/ PREMIÈRE. — LECTURE PAR MOTS: » 40. Descelte-remarque:que;!dans les familles de-mots qui se trarismettent de peuple àpeuple, ‘les mêmes éléments!se transposent, se changent ouis'allérent plus où moims à mesure que lcs- languesl!s’éloignent de la ‘souche, c'est-à-dire, de: la langue primitive et-des Jangues mères, ses filles/ 1on1-doit tirer pour la méthode: de lecture! par mots unerobservation trés inportante s: c'est qué’ par celte conséquence d’une alté- râtion!trés fréquente par laquelle la voyelle se place avant où après laiconsonne qui forme avec elle le:mêmemot, f’onme doit:pas décomposer les mots par: les règles d'une épellation fixe-etrinvariable comme le: prescriventitoutes'les méthodes de lecture, excepté toutefois celle du fondateur de/l'enseigne: ment-universel, mais; au contraire; avoir pour règle de n'en observer aucune pour la décomposition des éléments c'est-à:: dire, ‘derlaisser PRE latitude de faire la décomposition "sous! toutes les: faces. : auoe hu Cela a une'très grande importance pour l'orthographe et l'étude des langues; len ce sens que l'élève , ayant pourrégle d'envisager! la séparation des'mots sous divers aspects et de n’adôpter par préférence aucun! mode! de‘division syllabique tracé au ‘préalable, trouvera bien plus’ facilement dans ‘les! mots d'une: languela racine étymologique: en rapport avec les mots d'une autre langue et de même encore!l'affinité ! de: dépendance qui,/sous le rapport orthographique, relie unmot avec un'autre de la même famille dont il dérive. ‘Exemrze: L'élève sara que rang s'écrit avec un ‘g, parce que, dans:son analyse de lecture, il aura divisé ainsi rang- envegt elfnon ran-ge-memt ; rond avec un d, à cause de rond-ement — 345 — et non ron-de-ment. Par les mêmes observations, il saura que poignet fait poing, avec un gq; tassement, tas, avec uns; chanteur, chant, avec un t; camper, camp, avec un p; que ordial fait cœur ; nodosité, nœud ; pulsation, pouls; tempo- risation, corporation, temps, corps, avec un p; fondation, fond, avec un d'; que jouer, rouer, font roue, joue, avec un e, elc., etc. » Dans pouvait, a, à indiquent l’imparfait, et £ le signe de la troisième personne du singulier. L'élève le verra bien, mais il faut qu'il connaisse parfaitement l'orthographe de ce mot, il faut lui demander où est pou, où esi pour ? « Cette décom- position du même mot de plusieurs manières différentes, dit le fondateur de l’enseignement universel, sera à l'élève d’un grand secours dans l'étude des langues étrangères. La con- naissance de la syllabe pouv lui fera deviner le mot pouvoir. » » On le conduira à faire lui-même l'anatomie exacte des mots composés. Par exemple, en latin, celui qui connait ti etcan, devine tibicen, etc. La vieille méthode est vicieuse sous un autre point de vue: la décomposition en syllabes. On nous fait lire pou-vait; or, pou ne signifie rien, pas plus que vait. Nous lisons aussi pa-ra-vent ; or, ces syllabes, gravées dans ma.mémoire, ne sont d'aucun, usage dans mon esprit. Ne vaudrait-il pas mieux faire lire par-à-vent ? Je le pense, puis- que chaque syllabe lue de cette manière exprime une idée en français et me sera utile un jour pour comprendre parer et venter. Mais cette règle aurait ses avantages comme ses, in- convénients. Il n’y a qu'une règle infaillible, c’est de faire toutes les combinaisons et de ne jamais croire qu’on a. tout vu, eic. » ; ; 41. Cette liberté de syllabisation particulière et instinctive, laissée à l’élève dans la lecture par mot, réclame des procé- "D dés nouveaux de décomposition, pour le cas d’enseignement simullané,; où tout doit: être: réglé, à l'avance et rien ‘n'être laissé à, l'arbitraire. Ces procédés se trouvent dans le Manuel et le Tablèau deldecture,\ extraits demolre Guide de l'instruction primaire: Nous n'avons ici à nous occuper de la lecture que dans ses rapports avec la solmisation. chi’ SECTION DEUXIÈME! — MÉTHODE DE LECTURE PAR LA SYLLABISA- TION COMBINÉ AVEC LE NOUVEAU MODE DE SOLMISATION. 7 42, Cette méthode de lecture est fondée sur les principes suivants : 9 La lecture «est l'art de! retrouver dans les signes convén- tionnels de l’écriture;"adoptéspour figurer les éléments de la parole, les mots que ces signes représentent. Les mots écrits se composent du même nombre dé voyelles’'et de consonnes forrrant syllabes, qu'il y a de voix et d’articulations formant voix simples, où voix articulées dans les'mots parlés: Il arrive que l'on sait lire, lorsque, connaissant le rapport des voix et des articulations aux/voyelles et aux consonnes, leur ; figure, l’on sait former des’ sons simples'etdes sons articulés aütant de'syllabes qui sont les pièces d'assemblage dont les mots des’ phrases sont composés 4160 W} L'art de lire, n'est doné que l'art d’assembler les syllabes! Partant delà, d’une sérié de tableaux formant une suite d’exer:" cices où! sont comprises toutes les associations possibles de’ la consonne avec la voyéllé; pour tous les cas de syllabes en trant dans les mots, l’on a déduit 1 une méthode x. lecture” dite par syllabisation 4 11000 LU - Cetté méthode diffère (de’hai prédEueé dité de’ lecture par — 347 — mots, en ce que, au lieu de prendre le mot comme iype de décomposition pour arriver de là à la découvertedes syllabes et des lettres, elle donne au préalable la connaissance! des lettres et des syllabes, pour aller de là à la composition et à la connaissance du mot. Elle est contraire aux: principes philosophiques de la méthode naturelle basée sur {association des idées, car le mot, danse discours, étant plus connu que la syllabe et ses éléments, elle a le tort de faire procéder de l'inconnu au connu, du simple au composé. Nous la proposons ici néanmoins, comme recevant de notre systéme de solmisation, avec lequel elle se fond entièrement -dans une communauté de mêmes exercices, un avantage tout spécial qui donne à la combinaison, résultant de cette fusion, une supériorité marquée sur tout autre mode de lecture que l’on pourrait employer. En effet, les deux lectures litté- raire et musicale se servent, l'une à l'égard de l'autre, de véhicule réciproque, ce qui épargne pour chacune d'elle la moitié du temps qu'il faudrait employer pour les! étudier isolément. i ‘| Les exercices de syllabisation solfiée étant terminés, la méthode par mots finit toujours par reprendre ses droits, lorsqu'il faut en venir à l'application, soit sur les textes des paroles de chant, soit sur les textes de lecture ordinaire, pour apprendre, dans la réunion des syllabes formañt, mots’ toutes les exceptions orthographiques, les interversions, les doubles emplois de lettres dus et’à l’incomplet de’nstre alpha- bet et aux variations apportées par le temps et l’éuphonie entre le figuré et le prononcé. | Le tableau et les pages suivantes vont donner un aperçu de la manière dont nous-entendons fondre dans une seule: ef même pratique la syllabisation pour la lecture et la solmisa- — 348 — tion musicale, de manière à faire d’un même volume ce que l’on pourrait appeler un syllabaire musical ou un solfége syllabique. SECTION TROISIÈME. FONDEMENT, RÈGLE ET PROPRIÉTÉS DIVERSES DE LA NOUVELLE SOLMISATION. “2me Tableau. ré mi : fa sol la si ut Les sept voyelles orales a é 1 eu o u ou Articulées par les consonnes ° d r m v b g Z ce l ñ f p q s D R M V B G Z T L N F P Q S ! Cinq nasales dérivées des sept orales ) a é 1 eu (o] u ou : à e en : s eun dev rt an Co den on un é é | En 1 eu 0: Oo u u ou! #ob'# b # pb # b # b pour le mode mineur, 1649. — Application à la notation usurlle. NOM DES LIGNES ARTICULANT -d- a, A f, eu, oo, u, OÙ, à, é, {, eu, 0, u, ou, à Faites sonner ces voyelles avec la-censonne de la ligne qui est son articulation, et vous nommerez d'une seule syllabe la place et la propriété du son. 44. Par cette classification des éléments de la parole appliquée à la solmisation, l'articulation musicale de toutes les syliabes de l'alphabet suit le jeu et subit les phases de la tonalité musicale dans les deux modes. En effet, l’on pourra voir dans la partie des solféges de notre méthode appliquée à l'étude de cette tonalité musicale, comment la position des consonnes, restant invariablement nommée, et atlachée à l'échelle indiquée par les lignes de la notation, et les voyelles, au contraire, suivant les migrations tonales, à travers cette échelle invariable, il arrive nécessai- rement que les sept voyelles, plus les cinq voyelles nasales, dans les modulations, passent par toutes les jonctions sylla- biques qu’elles doivent avoir avec toutes les. consonnes, comme dans les méthodes de lecture par syllabes. ExempLe : 45. Supposons le ton de fa, qui a un bémol à! la clé,, celle de sol; par exemple. D'après cette clé, l’uf au-dessous de la portée et des notes suivantes sera comme ci-dessous, et, la solmisation sera = 860 — Do, Ru, Mou, Va, Bé, Gi, Zeu, to, lu, nou, fa. pé, qi,etc. de manière, que d’une seule articulation est solfiée la place du son et sa propriété. Au-dessous de la portée, dans les exercices de chant et de lecture réunis; les deux éléments de la syllabe devront, comme on le voit ici avec leurs attributions respectives, cor- respondre aux notes de la portée, pour leur donner ur nom d’où'ressorte leur signification exacte. Ainsi la clé et les notes qui en dépendentse déterminent par le nom des consonnes, invariable comme elles ;'et les accidents à la clé, indiquant par les déplacements des demi-degrés les changements’ de ‘tôniqué:; font +arier:la position des voyelles à côté'des con- sonnes, tout autant de fois qu'il:y à de-nouveaux tons. :De:toute manière; les élèves, en solfiant, indiquent toujours d’une-seule émission de voix la place et la propriété du son: 1 Acton ‘un: dièze où un:bémol accidentel amené par la modulation, da voyelle pure est remplacée par une nasale dérivée; ‘appropriée à. la’modulation, ‘et qui S’arucüle de même avec la consonhe parure seule émission de voix. +46: Pour accoutumer les élèves à s'identifier avec les! aéci: dents de la'tonalité, considérés sous tous lès points de vue possibles, nous avons uñeé autre série d'exercices dé’ solfégés où ilar voyelle" qui’ est unie à la’ consünne n’est plus éelle voulue pat! la propriété Carattéristiqué de l’ordre diatonique, c [ lonoest | le ES 2 AN 2 db di ju p 27) 5"q A Ep ge=b dei SEdambie Vend s\ Re | | jremufo | ‘s0ads] 8 ‘sn SERIES | 9 5 ‘snssaqrue {of | ‘Saruond no = SOUIUTUYF XIO À *SNSSA([ 191914 | Hd UE È "HUNID 40 = *SNSS9([-94JU0") “NOILVOIAHISSVTO HAUT SNVA SHNNOSNO) XAV LH SANHTI XNV XIOA SH LHOddVH ‘(G ; nv9]{0] 2G — 358 — 51..4pplication des deux séries de consonnes au détail des clés de la notation usuelle. 19° Clé de s0/ appliquée aux parties les plus élevées de l'échelle des sons (la plus usitée). Clé de fa (la plus usitée aprés la clé de so!) appliquée aux parties les plus basses de l'échelle des sons. a = DEN SO B,etc. S, d, r, M, CIE d'ut, troisième ligne (tenant le milieu exact entre les portées de so/ et de fa), appliquée aux parties de quinte ou d’alto ; quinte à l’égard de la clé de so/, et alto à l’ égard de la clé dc fa; c’est la clé la plus usitée après les deux précé- dentes, parce qu’elle tient, dans l'échelle générale des sons, la place intermédiaire entre les parties les plus élevées et les parties les plus basses ; par conséquent elle n’a point d’équi- valent dans la notation, à moins de transposition d'octaves. RE b, g, etc. Les deux clés d'ut suivantes servent à deux portées prises dans les portions élevées de l'échelle inférieure des sons, re- présentée par la clé de fa, comme ci-dessus. — 359 — 1° Clé d'ut, quatrième ligne (rarement usitée), établie pour la portion la pius élevée des sons de l’échelle inférieure, est par conséquent la clé des ténors. TRS pRNUT Jeed | 4, ja NS ED Eee CD ER MEET ele 2 Clé d'ut, cinquième ligne, ou de fa, troisième ligne ( à tort inusitée), servant aux barytons, c’est-à-dire, à la portée des notes intermédiaires de la classe inférieure des sons. VA t, Ï, n, . £ VAp, dis, D, HuRelCc. N. B. La clé de fa, quatrième ligne, citée plus haut, représente la partie basse de ce genre. Deux clés d’ut pour les portées! à prendre dans les portions basses de l'échelle supérieure des sons, représentée par la portée la plus étendue de la clé de so, laquelle est appro- priée sur le clavier au deuxième genre des voix. Clé dut, première ligne (rarement usitée), affectée pour les seconds-dessus à la portée intermédiaire de l'échelle supé- rieure, dont la clé de so/, deuxième ligne, est la portée supé- rieure pour les premiers-dessus ou soprano. Clé d’ut, deuxième ligne (plus rarement usitée), est affectée pour les troisièmes-dessus ou a/to à la portée basse de l'échelle — 360 — supérieure dont la clé d’ut, traisième ligne, est la portée in- férieure pour les contralto vibrant à l’unisson avec les hauts ténors ou hautes-contres placés sur la même clé, laquelle indique alors la portée la plus élevée de l’échelle inférieure. P, Q, S, d, r, m, Y, b, So Z, t , etc. 52. L'on doit remarquer Épour la facilité de l'étude desclés, que les clés, aussi bien que les notes, restent invariablement fixées à la même place, en sorte qu'il suffit d'apprendre à lire les trois principales. portées des trois clés de l'échelle gé: nérale, pour connaître toutes les autres ; les portées de ces autres clés sont subordonnées aux trois principales, puisqu'il suflit d’une adjonction ou d’un retranchement de lignes par groupe de cinq à l'égard de l'une d'elles, la clé d'wt, pour former les quatre clés qui en sont dérivées, ce qui porte le nombre des clés à 7, dont la connaissance est indispensable à quiconque veut connaitre et pratiquer la transposilion. La formation des portées des clés d'ut par une adjonction ou un retranchement de lignes opérées sur l’une des deux portées de la clé de 507 et de la clé de fu, est rendue évidente par la différence de couleur dont nous avons affecté la portée . d'utiprincipal, pour faire trancher les notes souches de cette portée d'ut entre les deux autres elés et faire suivre à l'œil les excursions que fait cette clé, tant en haut qu'en bas, sur les portées adjacentes dont elle prend des fractions plus ou moins grandes. Si la transition du blanc au noir n'était pas nécessaire à l'indication des valeurs rythmiques, ce serait le cas de la pro- poser comme uné amélioration et on un changement à ap- — 361 — porter à la notation usuelle. Cette idée de faire trancher dans la notation musicale usuelle la portée d'ut sur les deux autres réduirait l'étude des sept clés à deux seulement. Cela est évident, puisque les différents aspects de la clé d'uf seraient toujours étudiés avec la clé de sol et la clé de fa, qui la com- prennent et la composent. De là un avantage immense pour la lecture de la notation usuelle, puisque cette lecture se trouverait simplifiée des 4/7°. De là, retour à l'usage des clés que la difficulté de les apprendre a seule fait abandonner, et qui seraient si utiles pour l'intelligence et la régularité des partitions. Dans l'état actuel de la notation usuelle, il y aurait peut- être un moyen de distinguer la portée intermédiaire d'u£ d'avec les deux portées latérales qui l’enserrent. Ce serait de rendre les notes comprises dans cette portée, de rondes qu’elles sont@ @°9 # # e # simplement carrées, blanches | f | yY et noires, CO 1 8m sm. Pour la musique gravée ou im- Eee primée, il n’y aurait pas de difficulté, il suffirait qu’un édi- teur voulût bien se donner la peine d’avoir cette complaisance pour être agréable aux lecteurs. Pour la notation musicale à la main, l'on pourrait rendre ainsi les valeurs multiples : = == = — + +;les valeurssimples : nee | y ÿ ÿ 53. L'usage et la pratique des clés a eu évidemment pour but d'incorporer dans une portée de cinq lignes, le plus exac- tement possible, pour ménager d'autant la place sur le papier, la portion des notes de musique la plus employée selon l'es- pèce particulière de voix ou d'instrument, dont le posie est assigné à l'avance dans le classement du genre auquel ils ap: partiennent. — 362 — Les éditeurs de musique cédant, et pour cause, aux vœux des praticiens croque-notes, malgré les protestations des théoriciens et des habiles, font prévaloir, par leurs publica- tions quotidiennes, l'usage exclusif de la clé de so/ et de la clé de fa, etl’abandon à peu près définitif des autres (clés. Cette pratique, dont le vice le plus saillant est d’intervertir l'ordre des octaves de l'échelle générale, est déjà presque passée en force de chose jugée. Mais aussi cette altération grave, qui dénature le principe de la constitution de la notation usuelle, au point de la dé- figurer même, est-elle la protestation publique du bon sens commun contre les préjugés de la routine, et la preuve la plus évidente du besoin que l’on éprouve de voir la lecture de la musique facilitée par le progrès. L Dans les solfégés de cette méthode, par l'exercice de la transposition, c’est-à-dire, de position de clés fictives adaptées aux tonalités diverses, les élèves suppléeront pour l'étude des clés à l’errement des publications nouvelles. Nous ne considérons ici les clés que pour ce qu’elles ont d’applicable à la nouvelle solmisation syllabique. Nous dé- veloppons sur les tableaux de notre méthode d’une manière plus étendue et plus didactique ce qu'ici nous n'avons fait qu'ébaucher pour faire comprendre le mode d’application des lignes et des clés à la solmisation notée des consonnes. Pour donner une idée de la manière dont sont concus et combinés les solféges de notre méthode pour les applications nouvelles d'enseignement musical simultané, dont il a été parlé dans le cours de ce mémoire, tant sous le rapport des procédés particuliers du rythme, que sous celui de l'étude particulière dela tonalité, nous présentons ici une série de spécimens propres à chacune de ces applications. — 363 — SPÉCIMENS DES SOLFÉGES DE LA MÉTHODE POUR CE QU'ILS ONT DE SPÉCIAL ET DE DISTINCT , RELATIVEMENT AUX SOLFÉGES CONNUS. Etude du rythme musical sur intervalles conjoints.” (Voyez n° 7, 8, 9, 10, au chap. 2, titre 40r.) 54. Exemples des exercices uniquement progressionnels, pour la mesure sur intervalles conjoints. CANONS À DEUX VOIX. — PREMIER SPÉCIMEN. 1° Gammes à intervalles conjoints directs : N. B. — 1° Les canons ci-après n’ont été notés que sur les deux clés les plus usitées, et pour les voix intermédiaires des deux genres, c’est-à-dire pour les barytons, ou leur octave, les moyens dessus, comme étant les plus à portée des commençants. Pour les trois canons ci-après, les voix posent et prennent l’intonation sur le point d'orgue. L’exécution du canon ne commence qu'après la barre de reprise. bo bo, gü gu, zou zou, La ta, zou zou, gu gu, bo bo, veu ve, mi mi, ré ré, da Sou, da. Le canon est, comme nous l’avons vu, une pièce de musique dans laquelle la mélodie s'accompagne par elle-même, étant prise successivement par 2, 3, 4 ou un plus grand nombre de voix ou d‘instruments, à la distance d’un certain nombre de temps ou de mesures, de telle manière que ces voix ou ces instruments forment une harmonie agréable et correcte. — 364 — MODE D EXÉCUTION DU CANON. 4° Chaque canon sera d’abord entonné à l'unisson par tous les registres de voix qui le parcoureront ainsi une première fois dans toute sa lon- ‘&eur et jusqu’à la fin. 2° Puis, le ou les exécutants les premiers inscrits dans l'ordre d’entrée recommenceront seuls, et lorsqu'ils passeront sous le signe $ ou sous la lettre À, les deuxièmes inscrits rentreront à leur tour et ainsi de suite pour les autres. 3° Aprés que la ou les voix les premières inscrites auront parcouru huit fois le canon, elles s’arrêteront tout-à-coup au point d'orgue ou sur la note qui suit la prémière barre de reprise pour attaquer ensemble la ou les dernières mesures. Lorsqu'il y a un coda, il se fait sur le même temps une suspension générale de toutes les voix, et, après une mesure de silence, tou les exécutants attaqueront le coda final. tu Les canons à 2 et 3 parties seulement ne sont répétés que 5 ou 6 fois par les voix inscrites et celles qui suivent. 2° Exercices à intervalles conjoints brisés. N° 1. CANON RÉCAPITULATIF, da. ba ga, ba va, ma. ra,ma,va. ma va, ma ra, da. Sa, da, ra. da ra,mava,ma. ar, ba. da. — 365 — [] 3° Exercices à intervalles conjoints brisés. No 2. pofeu,ni lé, ni, feu. ni lé, ta zou,ta, jé. ni, lé, ni, feu. Nous ne pouvons indique: ici que les deux genres: 1° gammes en canon, à intervalles conjoints, directs ; 2° airs en canon, à intervalles conjoints, brisés. La progression rythmique avec ces deux éléments peut se concevoir sans d’autres développements. Ilest inutile de présenter ici des exemples pour l’étude des intervalles progressionnels. Cet objet est suffisamment développé dans les méthodes ordinaires. 55. Spécimen des exercices de tonaliié et de lecture, combinés pour l'étude simultanée des tons et des syllabes. Exemple des diverses associations de la voyelle et de la con- sonne, par le moyen de la variété des tons musicaux et des modulations dans les deux modes sur des mélodies en canon à 3, 4, 5, 6, 7, 8, etc. voix, de plusieurs auteurs. — 366 — 4 À 4 parties A, B, C, D. Ton de mé bi zo (1). N.B. Voyez, à l'égard des syllabes oz, am et autres, les observations du n° 39. zo tu, zo geu. bi, ma. ma, ma, 5° A 8 parties À, B, C. Ton de ra vi go. go go, beu vi, ra vi, dou ra, ra vi, dou ra. (4) Dans la nomenclature nouvelle des notes de la gamme, les trissyllabes da mi bo, bozou lé, etc. pour les tons majeurs, et gu da mi, mi ba zou, etc. pour les tons mineurs mis à la tête des morceaux, offrent l'expression de l'accord sur la tonique. Si l’on compare respectivement les tons des deux modes, l'on remarquera que le mode se distingue par la voyelle du milieu formant tierce majeure sur la tonique pour le majeur et tierce mineure, pour le mode mineur. Cela vaut mieux que les désignations de ton d'ut majeur’ ton de la mineur, etc. En se bornant aux dissyllabes da mi, bo zou, gu das agde 6° À 3 parties À, B, C. Ton de men bi zi. N.B. — Voyez à l'égard des syllabes nazales les observations duNo 46, page 452. pi qon, si si si Disi,qonpi, dqon pi qon Rte pi fi, pi qon,pi, pi si si si Di si, qon,fi qi B ip, ni fi, pi, pi, pi, qon ni siqgonpi f in ni iz zi nizi,ti li. ni fi. mu ba, etc., le ton serait bien indiqué; mais la trissyllabe est préférable comme favorisant l’énonciation des règles de la modulation. Pour distinguer les tons par bémols ou par dièzes de leurs homonymes, dans les tons par dièzes ou par bémols, la voyelle a se changeten la voyelle æoué avec accent graye. Exemple: sé ré veu, bu sè ri, pour les tons de si bémol majeur et de so! mineur. Quand le morceau doit se solfier par les consonnes unies à la seule voyelle du ton, l’on indique le ton par bémol ou — 368 — 7° A 3 parties À, B, C. Ton de sa ri vo. be pe F des CR BRSURERPRUR Ei ES RSR D x a TT hi : Sa Sa dé, ri dé sa, ri rimeu, vo meu,ri vo C D SK pi 0 Rss] p_, {= Te) Des Es, za té, li té za vo Vo vobu qou za 8. 8° À 6 parties A, B, C, D, E, F. Ton de ga ti no. + A B li leu ga leu ti zé ga ga bou ga ga bou bou ga. x F ti leu ti ti, le leu, ti no no on nonono no par dièze par la tonique nasale seule, quand elle doit être telle, et l’on fait suivre cette tonique de son accord ; exemple : men bi zi, pour mi bémol, etc. N.-B: — La lié tes de la note: naturelle subsistant indépendamment de toutes-les transformations de la voyelle subissant: l'influence du dièze et du bémol,esert à indiquer vaguement la note sans détermination de sa qualité de note naturelle, diézée:ou bémolisée ; ainsi d,r,m, prononcés de, re, me, comme par.un e muet,:signifient un wt, unré, un mi quelconque. — 369 — % À 4 parties A, B, C, D. Ton de zune lou fou. A B mo u/ m0 Si —- EE PU EU | qe 2 ms zou zoutoulounen lou zou fou lou nenfoupou 10. Æ4d libitum en autant de parties qu'il y a de mesures. Ton de ta ni po. ta ia lé ni feu op ia da po ni lé ta. N.B.— L'on remarquera que la trissyllabe indique non seulement le mode et le ton, mais encore la place du son sur l'échelle, par conséquent la clé et l'espèce de voix qui lui appartient. Par là s'explique la différence entre tanipo et damibe. 11. 4d libitum en autant de parties qu'il y a de mesures. Ton de da ma ba. N. B. — Cette dénomination est identique à celle de da mi bo; elle exprime le deuxième mode d’association de la voyelle avec la consonne, voilà tout. D: VOD ES RES EN — 370 — 12. Ad libitum. en autant de parties qu'il y a de mesures. Ton de lé fun gé. : =‘ | N.B. — Le f doit être diézé, autrement il formeraït une tierce mineure avec le 4, et le mode majeur serait ptis pour le mode mineur. lai,né. fé,pé fé qé,lanné. lé, gai dqé qgé dqé laid { 13. À 3 parties $, ton de fe ge de. N. B. — Ici la voyelle eest considérée comme la faible de eu fort. ‘ qe suneDeu Deu De De De qe fe te 14. À 4 parties. Le :$: indique qu'il faut doubler les mesures. Ton de bo zo Lo. — 371 — 15. En autant de parties qu'il y a de mesures. Ton de Qon dumu, va va mou bé bé va gi gi bé bé zeu gi zen to to lo to to gi va do do do do do. 17. À 3 $. Ton de pa si Ro. ba teuzi te lo !e Ïo pa fou nu lo ba pa pa ba. — 372 — 18. À 3 $. Ton de da mi bo. mi re, mi veu, bo, mi, ta, bo, la, bo, la, bo, da. 56. Exemple du mode mineur, emploi de la touche CH J, nonobstant les précédentes combinaisons. 19. Gamme en duo. Ton de qu ta ni. ( Avec le f diézé. ) f ta jou gu bon gu gu la la la mi gu. — 373 — 20. Gamme en duo. Ton de gu ta ni. ( Mieux sans le f et seulement avec le p diézé. ) vu bou ga ga ga vu reu movu Ché di di vu. — 374 — 22. À 3 $. Ton de tu na pi. pi pi na lu fé lou na tu tu lon na fé pi qe qeu » Le pi qun chon Du pi pi fé na lou tu bi tu jon tu Etc., etc., etc. SECTION QUATRIÈME. — L'ORTHOGRAPHE EST LA PROSODIE DE LA LANGUE FRANÇAISE. — RELATION DES DEUX CHOSES POUR LA PRONONCIATION CORRECTE DE LA LECTURE ET DU CHANT. 57. Tableau des équivalences, spcrfluités et doubles em- plois des signes orthographiques de notre langue. Ce signe — signifie égal à. YOYELLES. CONSONNES. RS A ë — ei ai î — ph e bref — ent q . c, k o = au eau |Ss = C, 14:23 DIPHTONGUES. t — s oi _ oa ] — ge 1 ille : — ye ch — q etc. etc. DOUBLE CONSONNE. * X est pour cs dans'luxe. gz exercice. su sse soixante. ze dixième. Etc., etc. — 375 — ‘58. Dans les méthodes ordinaires de lecture par syllabisation, après avoir étudié les associations de lettres régulières qui forment elles-mêmes des syllabes régulières, dont la série pré- sente les exercices les plus faciles, l’on passe aux séries d'exercices qui comprennent la classification des lettres et des syllabes équivalentes, c’est-à-dire, rendues par les raisons étymologiques ou prosodiques et euphoniques de l'ortho- graphe, contradictoires à leur dénomination radicale et à leurs éléments. Les élèves ne trouvent pour l’énonciation de ces lettres ou syllabes aucun point de repère auquel ils puissent rapporter l’analogie de ces mêmes lettres, à moins de recourir au mot lui-même, qui explique par l’usage seul la contradiction entre le figuré et le prononcé. Autant alors et même mieux vaudrait supprimer ces exercices et recourir, au sortir des exercices d'association régulière, immédiatement à la lecture par mots. Avec notre système de lecture solfiée, si l’on peut s’expri- mer ainsi, les derniers exercices de lecture sur les lettres et syllabes équivalentes, superflues ou composées, etc., d’insi- gnifiants et incompréhensibles qu'ils sont pour les élèves, dans les méthodes ordinaires, faute de points de comparaison et d’analogie, deviennent intéressants et utiles pour la lecture par la musique et pour la musique par la lecture. Voici comme : Lorsque lesélèves qui, en étudiant la musique, ont pour but d'apprendre en même temps la lecture, sont parvenus à bien distinguer seuls chaque signe de musique par le nom de la syllabe régulière qui lui est propre sur toutes les combi- maisons syllabiques qui ont été faites par les transformations » tonales, ilest temps de leur: faire compléter la connaissance des principaux éléments de lecture par l'étude des signes — 376 — équivalents ou superflus de l'orthographe. Or, cela devient trés facile par la musique. Il suffira d’avoir des exercices spéciaux, où la forme des syllabes ou lettres irrégulières cor- respondrait exactement aux notes de musique, dont la déno- mination ordinaire donnerait la prononciation exacte. L'élève, s'il n’hésite plus sur le nom de la note à percevoir sur la ligne, trouvera instantanément par le nom syllabique des notes de musique qu'il connaît déjà le même nom syllabique équivalent, désigné par une forme orthographique qu'il ne connaît pas encore. Egalement par réciprocité, pour la musique, le même exercice servira au maître pour s'assurer de la facilité de lire la musique sans le secours du nom exact de la note. ExEMpPLe : Syllabe U se changeant en ci ou si dans les mots terminés en on, comme nation, notion, etc. Ton de ba zi lo. 7 7 = 7, ro fn, 100» ba, gé, zi, teu, lo, nu, fou, pa, L Il est évident, d’après les principes ci-dessus établis, que l'appellation de la syllabe #i doit, dans cette gamme du ton de sol, sonner st, deu, ro, etc. ; donc l’élève peut contracter par la musique l’habitude des transformations orthographiques des syllabes, quelles qu’elles soient. Comme s pour z, c pour qg, etc., au, eau pour o, etc., etc. 59. Tous les éléments de la langue française venant d’être ainsi classifiés par la musique, auront leur application sur les — 377 — paroles tout comme dans les méthodes ordinaires de lecture, où l’assemblage des combinaisons syllabiques étudiées 1isolé- ment se fait immédiatement sur les exercices de lecture cou rante, en place de ce système barbare de l'ancienne épellation. C'est surtout dans la lecture ou chant des mots que l'élève trouvera justifiées les exceptions prescrites par l'usage ortho- graphique, et même ce sera là, en définitive, le meilleur moyen de les apprendre. Par l’usage de la prononciation des mots, il reconnaitra facilement que, par exemple, dans : Cacographie, c est mis pour q ou, ph pour f, et dans tous les mots tirés du grec où ce signe est employé, etc. Cécité, © pour s. Bourse, s re Désir, rose, raisin, s Z. Gens, j: Tentation, nation, etc., ss. Rhodez, metz, z s. Christ, ch k. Que f, qui se prononce t2 dans les verbes, nous portions, nous inventions , etc., se change au contraire en s dans les substantifs : les portions, les inventions, ec. Que la double consonne c s ou q s est improprement re- présentée par un seul signe, l’x, tandis que la consonne simple, la chuintante forte ch a pour une seule articulation deux caractères dont la réunion ne: constitue nullement le produit demandé, etc., etc. Un alphabet devant être un tableau fidèle et complet des figures graphiques qui représentent tous les sons et toutes les articulations qui servent à former les syllabes et les mots — 378 — d'une langue, il résulte que celui de la langué francaise, borné à 25 lettres empruntées aux latins, : est’ insuffisant , et que c'est là une des causes des principales difficultés de l'étude de la langue pour les enfants et les étrangers. En effet, le français ayant plus de sons et d’articulations que le latin, il arrive que faute d’avoir imaginé des signes graphiques simples, pour peindre des éléments simples, nous avons'été obligé d’avoir recours à des associations incohérentesde lettres pour réprésenter des éléments simples. Les Allemands, les Russes ont été plus adroits; les premiers ont imaginé des caractéres propres et particuliers à leur langue ; les seconds, en adoptant ceux des latins, en ont imité de la langue grecque pour suppléer ceux qu'ils n'ont pas trouvé dans la première. IL est à remarquer aussi, comme nous l’avons déjà fait observer à l'égard des voyelles, que quelques-uns des élé- ments de notre langue, qui ne sont plus en rapport avec les progrés de la langue parlée, étaient cependant, à leur origine, appropriés à leur destination, c’est-à-dire, à la prononciation exacte. En effet, la langae française, dérivée en partie du latin, s’étant formée peu à peu de la fusion de divers idiomes, n'avait pas autrefois une! prononciation aussi: contradictoire aux éléments de la langue écrite, qu'il nous paraît aujour: d’hui. C'est ce que l’on peut constater dans quelques:patôis deynos provinces. Mais comme la prononciation des langues particulières est soumise, aussi bien que la littérature: elle; . mêmé de ces) langues; à la loi du ‘progrès, il arrive qu'un contact réciproque de personnes ‘dont le goût est épuré/par celle politesse de mœurs, cette urbanité que procure l’aisance; par celte-rechercheidusbeau dans lés éommiodités:de la vie, dans la pratique dés-arts, unie prononciation plus gracieuse s’insmue insensiblement dans la société d'élite, et; de là, par — 379 — cet instinct d'imitation des grands (1) dont s'empare la mode et la force de l'usage, gagne toutes les classes de la nation et devient loi. Voilà comment s'expliquent les différences que nous remarquons aujourd hui entre les éléments de notre langue écrite et ceux de notre langue parlée, différence assez marquée pour obliger les dictionnaires à donner la pronon- ciation figurée en regard de la prononciation écrite. Les vices que nous signalons dans l'alphabet de notre langue écrite attestent du moins le progrès dans l’euphonie de la langue orale, au moyen de laquelle les sons et les articulations heurtés et désagréables sont adoucis et remplacés ; le progrès dans la création ou l'appropriation d'éléments qui nous man- quaient, qui. manquent à bien de langues, et qui nous pro- curent l'avantage, d'avoir un alphabet oral plus complet, plus riche que celui d’autres peuples. Ces avantages, qui ajoutent aux ressources et aux effets de notre littérature, sont assez grands pour compenser le défaut de l’analogie entre le figuré et le prononcé, dont il faut maintenant à tout jamais faire le sacrifice. L'’alphabet n'ayant pas été reformé ou constitué à temps opportun, ne pourrait aujourd'hui subir le moindre chan- gement, et l'orthographe doit rester telle qu'elle est fixée par les œuvres des grands écrivains. À cela près, malgré les insuffisances et les anomalies de son alphabet écrit, notre langue est encore la plus populaire du monde: Nous.en attribuons la cause à ce qu’elle n’a pas (1) La prévention du peuple en faveur des grands est si aveugle, et l'enté- tement pour leur geste, leur visage, leur ton de voix et leurs manières si général, que, s’ils s’avisaient d’être bons, cela irait à l'idolâtrie. sig (LA BRUYÉRT.) — 380 — ‘d’idiotisme dans son accent, dans sa prononciation. En effet, les Turcs, les Egyptiens, les Russes, les peuples de langue slave qui possèdent dans leur langue les éléments de la pro- prononciation française, perdent, après un certain séjour en France, ce cachet d’accent national attaché d’une manière indélébile à la prononciation de la langue française par d’autres peuples. La position géographique de la France au sein d’un climat tempéré, en mettant les organes de la parole dans les condi- tions les plus favorables à l'émission pure et correcte, à l’arti- culation nette des sons, a affranchi par cela même notre langue de ces accents burlesques qui, faisant prendre aux mots un chemin de traverse, semblent ne les laisser sortir dé la bouche qu'à regret, et de la manière la moins naturelle, au point d’affecter le jeu de physionomie de tout un peuple d’un type qui le distingue de tous les autres. La faveur dont jouit notre langue auprès des étrangers est due, sans aucun doute, à la facilité de sa prononciation, plus encore qu'à la richesse de sa littérature, puisqu’en deve- nant la langue de la politique générale de l'Europe, dans les relations diplomatiques, elle est la seule qui ait triomphé de la latine. 60. « Tous les peuples, dit Court de Gébelin, n’ont pas un même penchant à faire un usage pareil des sons et ‘des articulations que fournit l'instrument vocal ; les uns ont un goût de préférence pour les uns, et d’autres pour d’autres. Dès lors on peut diviser les peuples à cet égard en plusieurs classes; les uns qui aspirent, d’autres qui sifflent, des troisièmes qui chuintent, des Qquatrièmes qui labialisent suivant qu'ils font dominer, dans leur langue, le son qu'ils adoptent de préfé- rence, etc. Ces modes de prononciation proviennent (entre — 381 — autres causes) de la diversité que le climat apporte à la pro- nonciation. Dans les contrées où l'air est brülant et où le sang coule avec impétuosité, les fibres de l'instrument vocal se dilatent davantage et ont plus de jeu, la bouche s'ouvre donc plus facilement, elle fait plus d'efforts sur l’exirémité inté- rieure; on aspire donc. » ». Dans les contrées aù le froid est rigoureux, où tout mouvement est ralenti, où toutes les fibres sont reserrées, la bouche s’ouvre beaucoup moins, on prononce du devant de la bouche, on siffle plutôt qu’on ne parle, etc., etc. » 61. À quelque chose malheur est bon : si, par suite d’em- pruntsinsuffisants, par suite des variations qu’a éprouvées suc- cessivement la prononciation de notre langue, l'orthographe, (recta scriptio) qui devrait être la peinture fidèle et exacte des éléments de la langue orale, semble aujourd’hui contradic- toire à son principe , il ne faut pas croire que l’on ne puisse tirer de ce défaut d’analogie une certaine compensation qui en atténue les inconvénients. En effet, dans les superfluités et doubles emplois des signes orthographiques, l’on trouve la plupart des signes d’accentuation dont les éléments consti- tuent la prosodie euphonique de Ia langue française. « Puisque l’écriture, dit le grammairien Pain, est la pem- ture de la parole, et la parole la réprésentation des idées, on doit nécessairement employer dans l’orthographe, et des signes euphoniques et des signes idéologiques ; car celui qui lit doit trouver dans l'écriture, et la parole représentée et des idées exactement dessinées. C'est sûrement pour n’avoir pas fait cette observation que l’on prétend qu’il y a bien de l'arbi- trairetet une foule de bizarreries dans l'orthographe française. Peut-être s’en rencontre-t-il dans les locutions ou façons de parler ; mais quelle est la langue qui en est exempte. Le seul — 382 — reproche qu'on pourrait faire avec fondement à notre ortho- graphe, c'est d'y rencontrer dans quelques mots des carac- tères dont l'emploi n'est pas bien déterminé. » Ge qui embarrassait dans la pratique de l'écriture, :c'était le choix indéterminé des figures nombreuses et variées sous lesquelles le même élément, c’est-à-dire, le même:son ou la même articulation, se représente. Mes remarques; ditl; répan- dront peut-être un, assez grand jour pour dissiper cestincerti- tudes qui rendent l'intelligence et la pratique de l'orthographe difficiles. Si vous avez bien soin de faire sentir les nuances des sons, la prononciation sera pure et l'orthographe correcte; alors cesseront ces équivoques qui prêtent à des calembourgs; à,des méprises souvent ridicules; nos homonymes seront moins nombreux, et les équivoques, n'inquiéteront pros comme cela arrive trop souvent. =.» Dernièrement, une dame disait à son FAO: UR ôtez ces, pots qui génent pour, ouvrir la fenétre; comme il:y avait aussi des peaux à la croisée, le domestique les arracha. Si, à l'exemple des Grecs et des Romains, l’on usait dé plus de précautions dans l'enseignement, ces méprises disparaïtraient dans notre langue. C’est par la prosodie que l’on devrait en commencer l'étude. Lorsqu'on sait bien, prononcer les mots suivants, par exemple, on a la clé de.ces variétés, que la pro- sodie doit donner. Autorité, poteau, aurore, cheveu, neveu, demewre, répète, déjette, regrette, elc., etc., etc. » L’orthographe est donc réglée par l’euphonietet l'idéo- logie, par rapportà l'espèce graphique à laquelle ce mot appar- tient, par rapport à {la place que les sons et les articulations y occupent. L'étymologie, dont l'étude est inaccessible au plus grand nombre, est bien loin d'offrir autant de ressources pour l'orthographe, je,dirai presque pour les expressions ; que — 383 — la connaissance des familles et de l’analogie. Par familles de mots, il faut entendre les rapports entre les idées et les mots qui en sont les signes. Il est aisé de voir dans ce seul exemple rondir, rondeur, rond, ronde, rondement, arrondir, arron- dissement, etc. , et rapport d'idée et rapport d'expression, ce qui doit être figuré par l'écriture. L'analogie est la lumière des langues, dit avec raison Roullé. Aprés avoir considéré les mots comme objet de la parole, il est utile de les considérer comme les naturalistes considèrent et classent les productions de la nature. La plupart des caractères sont employés dans l'orthographe des mots pour des raisons qu'il est impossible de détruire sans jeter la confusion dans une infinité d’expres- sions. françaises. Il nous suffit de savoir qu’une lettre ait été employée une seule fois, comme signe de prononciation dans un mot, pour la conserver comme signe idéologique, parce que, sans ce signe, le même mot pourrait peindre une toute autre idée, l'œil même pourrait le confondre avec un autre. Si, par exemple, l’on veut écrire le mot prompt et se rendre raison des lettres qui le composent, on n’a qu’à le faire sortir d’im- promptu. Nous conservons la lettre p dans baptiser, baptéme, baptistère, Jean-Baptiste, anabaptiste, etc., parce qu'il est signe de prononciation dans le seul mot baptismal. De même deux b dans abbé, abbesse, abbaye, à cause d’abbatial ; a dis pain, parce qu'il est nécessaire dans panier, panade, pané, panetier, etc., etc. : ». Nous avons anssi des caractères qui jouent un rôle bien différent. dans un mot de la même famille, tel que e dans femelle, femme, etc., tel aussi que £ dans actif, action : dans d’autres il se convertit en un, pour être le signe représentant le mouvement d’organe dont s est le signe primitif, Ainsi, on est assuré qu'au lieu de s.on mettra un c dans force, prudence, a constance, Monceau, parce qu'on trouve un t dans forte, prudente, constante, montagne. Dans tous les cas, les sons’ et les articulations se peignent sous telle ou telle figure, par raison générale de localité, de famille et d’euphonie. La pre- miére est moins obligatoire que la seconde, la seconde que la troisième, et ces troisièmes ne doivent indiquer rien de contraire à l’euphonie, qui est rarement en opposition avec les précé- dentes. Par raison de localité, il faut entendre la place qu'occupe un son où un mouvement d'organes ; ainsi le son se représente généralement par e, quand la consonne qui vient après fait syllabe avec lui; cependant, il y a mouvement d’or- ganes, z comme dans plaise, chaise, braise, etc., ce son é sepeint par ai, ets’ilya, dans la famille du mot, un a à la place deé, ce sera encore par &?, ainsi de clarté, clair ; de charnel, chair : de pareil, pair, etc., etc. » La langue française a une véritable prosodie; par consé- quent, il y a un art de régler la mesure ou la quantité, de distinguer et de varier les nuances des sons dont on forme les syllabes en français comme dans toutes les autres langues, autrement il nous serait de toute impossibilité de démontrer le système de la parole, soit par rapport à l’euphonie, soit relativement à l'orthographe et la lecture. Et pour n’en donner que quelques exemples, par quelle raison, autre que la prosodie, écrit-on avec un seul 7 chariage, eha- rier, chariot, etc., et par deux charron, cha rrue, charroi, etc. Le peu de soin que l’on prend de la prononciation est la seule cause du préjugé trop général que cet art n'existe pas ? Le français peut s'apprendre sans le secours des langues grecque et latine dont il est émané. Je ne voudrais pour cela que comparer la simplification ou la réduplication des con- sonnes dans le latin et le français: par exemple, personne, — 385 — persona; homme, homo; échelle, scala ; femme, fæmina ; honneur, honor; donner, donare ; père, mère, frère, pater, mater, frater, et quantité d’autres mots attestent l'éloignement qui existe aujourd'hui entre ces deux langues. S'il est une langue francaise, c'est qu'elle a secoué le joug de l'étymologie pour avoir sa prosodie à elle; autrement, elle ne serait encore qu'à l'état d'idiome. [mitons avant tout des anciens leur respect pour la prosodie ; et tous ces accents provinciaux, ces patois, ces Jargons, ces dialectes disparaîtront. « En résumé, nous avons pour signes prosodiques, non seulement les accents, mais encore la simplification ou la réduplication des con- sonnes. Les grammairiens ne se sont pas assez occupés de ces deux choses. Les accents regardent plutôt la qualité des sons; la simplification ou la réduplication des consonnes, leur quan- tité. » (Analyse des remarques de Pain sur la lecture, l’or- thographe et la prononciation de la lanque francaise.) 62. Sif'art de la lecture n’était qu'une facon de rassembler les éléments du langage écrit et de les émettre par la parole d'une manière quelconque, sans observer ces nuances délicates que les différences orthographiques entre l'écrit et le prononcé indiquent avoir été apportées successivement par les besoins de l’euphonie, assurément Ja prosodie serait ici un hors- d'œuvre à propos de méthode de lecture. Maïs loin.de Jà, l'art qui apprend à plaire à celui des sens le plus dédaigneux, parce qu'il est le plus délicat, et le plus susceptible d'être offensé, doit être sounms à des règles qu'il n'est pas permis d'ignorer : et cet phrase de Duclos que nous avons prise peur épigraphe et qui, au premier abord, aura pu paraître un peu paradoxale, ne le sera plus autant lorsque l’on considèrera Ja lecture avec les attributions qu'elle comporte. La parole étant l'organe de la pensée, dit l'abbé d'Olixet, on est louable 25 _386 — de la rendre plus insinuante, plus propre à persuader, plus capable de peindre ce que nous pensons. Un des meilleurs ouvrages qui fasse connaître les différents genres de lecture et de prononciation, et qui en donne des exemples nombreux et bien choisis, c’est celui de l'abbé Le Batteux. - Ce que nous venons d’effleurer, ici n’est pas encore là le débit oratoire. Les règles de l’art'de la déclamation, appuyées toutefois sur, celles de la prononciation, reposent sur desprin- cipes dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Toutes les règles dela prononciation orale n'ont pas:trait qu’à la lecture, elles s'appliquent encore aux paroles d-1 chant. C'est au compositeur à les connaitre pour ne pas faire: de | contre-sens, et au musicien à les observer. Pour nous en con- vaincre, prenons tel degré de la gamme que ce soit, lisons sur ce degré ou ton, sans aucune des inflexions du débit, etnousver- rons qu'il subit comme tous les autres l'influence de toutes les régles d'une bonne prononciation et d’une bonne prosodie. 4 SECTION CINQUIÈME. — PROPOSITION D'UN SOLFÉGE-SYLLABAIRE OU D'UN SYLLABAIRE-SOLFÉGE ; PAR, LA COMBINAISON DELA MÉTHODE DE,LA LECTURE PAR SYLLABISATION, AVEC LA MÉTHODE DE CHANT PAR LE NOUVEAU MODE DE SOLMISATION, 63. Comme il y a analogie parfaite entre les procédés de la solmisation de cette méthode et les procédés des méthodes de lecture par syllabisation adoptées pour les écoles, l'instruction primaire pourrait recueillir un avantage inappréciable! de cette étude simultanée de deux objets qui s'apprendraient l'un par l’autre et avec l'attrait du plaisir attaché à: latmu- sique. Ge bel art, reservé juau'ici aux classes d'élite étraux — 387 — écoles &e la capitale, en descendant dans les plus modestes écoles de village pour s'associer à la connaissance si nécessaire de la lecture dont il fortifierait l'étude sans occasionner par sa présence plus de perte de temps, au moyen des syllabaires que nous proposons, ce bel art aurait alors accompli toutes les phases de sa mission civilisatrice. < Dans quelques écoles de l'Allemagne, l’on voit les enfants sediriger vers leur maître, le syllabaire d'une main et le solfége de l’autre. Désormais, dans notre belle France, nous pourrions voir un plus grand progrès encore, puisque dans le livre de lecture:adopté pour les écoles primaires pourrait se fondre le livre de musique qui leur manque. De cette manière, la musique et la lecture, s’apprenant ensemble, Fune par l’autre et l’une avec l’autre, seraient inséparables. Celui qui ne saurait pas lire apprendrait avec plus de goût, avec plus de facilité la la lecture par l'attrait de la musique, et celui qui saurait déjà lire apprendrait la musique par la lecture elle-même. La lecture pourra être alternativement parlée, alternative- ment chantée, le chant approprié aux paroles deviendra alors une mnémonique puissante, puisque le secret de la mnémo- thecnie est d’intéresser au ressouvenir le concours de tous les sens mis en rapport avec les objets matériels. 64. Les procédés coûteux de la typographie musicale seraient peut-être un obstacle à ce que le syllabaire-solfége que nous proposons, pour faire une seule et même chose de Ja lecture et de la musique, s’introduisit facilement dans les écoles primaires. Nous serions tentés à ce sujet d'indiquer le moyen de pouvoir faire solfier dans les écoles primaires sur le livre de lecture et de musique réunis, sans que les lignes et tous les autres accessoires de la notation usuelle aient besoin d’étre constamment et uniformement employés, si nous n'avions à Lee — craindre que l'on se méprenne encore sur nos intentions en fait de méthode musicale et que l’on nous soupconne par cela même de vouloir dispenser de l'étude des clés de la notation usuelle ; bien loin de là, par l'opinion que nous avons des grandes difficultés que renferme la lecture subtile et instanta- née des clés de la notation usuelle et de l'impossibilité de voir les seuls hommes compétents pour la réformer, les musiciens actuels, s'entendre pour, d’un commun accord, doter les races futures d’une notation reconnue et constatée la meilleure par des expériences contradictoires, nous ne saurions trop insister sur la rigoureuse nécessité imposée aux élèves en musique de se rompre, par un exercice continu, persévérant, à ce qu’on appelle l'habileté de déchiffrer la musique ; car, en dépit de l’extrème facilité, et par conséquent de la perfection que des praticiens trouvent à la notation par lignes, c'est là l’expres- sion consacrée, arrachée à la force de la vérité, à peu près comme l'on dit d'une écriture informe que l'on a peine à lire. Cette promptitude du coup-d'œil qu'il faut acquérir, pour saisir la véritable signification de ce point perché sur une portée de trois à quatre octaves, au milieu de tant d'autres, tous semblables, qu’il faudra aussi nommer de suite à leur tour sans les confondre, malgré la similitude de leur figure qui le: fait souvent prendre l’un pour l'autre et se jettent dans la vue comme autant de grains de poussière à deméler con- tinuellement, voilà la difficulté, la dificulté radicale qui ne de- mande pas trop des plus jeunes années (1) d’une vie d'homme (4) C’est ce que semble reconnaitre M. Fétis lui-même, dans son Traité de musique à la portée de tout le monde, bien qu'il prétende, dans le même ouvrage, chapitre 7, « qu'aucun système ne peut faciliter la lecture rapide de la musique comme le système de notation en usage aujourd'hui. » En — 359 — et toute la souplesse de l'urganisation malléable de l'enfance pour être vaincues. Notre système de solmisation a été principalement créé en vue d’aplanir les difficultés de l’art de déchiffrer la musique. Il n’est rien autre chose qu'une mnémonique fondée sur l’ana- logie, ayant pour but de mettre toujours le signe en rapport avec son nom, Ce qui n'existait pas auparavant et devenait pour la mémoire une surcharge qui ajoutait aux difficultés de la iecture. Dans ce système, chaque phase de la notation musicale s’identifiant avec un nom toujours distinct par la solmisation, donne à la mémoire, pour le rappel des signes effet, « rebuté, dit-il, chapitre 17, par une multitude d'essais infructueux sur des enfants du sexe masculin, on a pris le parti de ne plus admettre dans les écoles publiques de chant que des adultes avec lesquels on n’a point les mêmes risques à courir. Mais ici une nouvelle difficulté se présente, difficulté plus grande, parce qu’elle est sans remède et presque sans exception: c’est que les individus qui arrivent à l’âge de puberté sans avoir posé les bases de leur éducation musicale par de longues études ne parviennent presque jamais à devenir musiciens, soit sous le rapport de la lecture de la musique à première vue, soit sous celui du sentiment de la mesure. Quelle que soit la beauté dela voix, sa flexibilité, son timbre et même quel que soit le sen- timent de justesse, d’intonation et d'expression dont un ch:nteur commencé dans l'adolescence soit pourvu, il ne sera jamais qu’un artiste incomplet dont l'exécution n’offrira point de sécurité, parce qu’il ne sera guidé que par une sorte d’instinet qui peut être souvent en défaut. » s Cet arrêt est du reste confirmé ailleurs par un fait cité par M. Fétis lui- même, dans la Revue ou Gazette Musicale, lorsqu'il en était directeur. A l’époque où l’on voulut monter les opéras de Weber à Paris, l’on fit venir du midi de la France, pour les chœurs, des ténors qui, sans aucune connaissance de la musique, étaient néanmoins doués de voix admirables. La merveilleuse fa- cilité de ces ténors pour le chant, résultat de leur organisation musicale, les rendit aptes à exécuter parfaitement de routine les parties qui leur furent soufflées, serinées. Mais lorsque le besoin du moment fut passé et que l’on songea à utiliser leur voix d'une manière stable pour l'avenir, par la con- naissance préalable et nécessaire de la musique, il n’y eut pas moyen: __ 390 — usuels, un levier tellement puissanf, que ceux de nos élèves qui ont voulu apprendre à déchiffrer toutes les: clés de la musique y sont parvenus en passant bien moins de temps que l’on en met par les auires procédés. Jusqu'ici, dans l'instruction primaire, l'enseignement de la musique a été mis de côté par une fin de non récevoir qui s'explique, et non par l'oubli d’une indifférence étroite ou d’un dédain coupable. Qui: pourrait ignorer aujourd'hui l'influence morale de la langue musicale, dont: la destinée sociale est certainement de seconder, de perfectionner l'élément civilisateur développé par l'étude de la langue maternelle. Les obstacles qui s’opposent à l’enseignement de la musique dans les écoles primaires pourraient être levés par la méthode que nous proposons. Ce serait le cas, pour faciliter cette amélioration importante, d'adopter le syllabaire-solfége économique dont nous venons de parler, et où les élèves, en apprenant à lire, trouveraient le moyen de solfier plus fac, leur attention ne put être pliée à la rigueur du mécanisme de la lecture mu- sicale usuelle, et, de bons musiciens qu'ils étaient en quelque sorte, quan't à la voix, ils ne purent devenir bons lecteurs. Ceci prouve que c’est bien moins l’art qui est difficile que la lecture. Devant ces preuves de fait, nous en posons d’autres aussi incontestables, qui ne sont rien autre chose que le remède aux inconvénients que. celles-là révêlent. Dans notre méthode, il est reconnu que toujours chez les adultes la pres- tesse de la lecture, l’aplomb, la fermeté de la mesure dépassent de beaucoup la souplesse de la vocalisation, quelqu’ayantageuses que soient d’ailleurs les dispositions natives de l’organisation. Les questions de ce genre ne se résolvent point par des raisonnements, mais par des faits. Et celle-ci restera insoluble tant que l’on ne voudra pas prendre la peine de vérifier, et que l’on se bornera à épiloguer, à raisonner sur le possible ou l'impossible, ce qui est plus commode. RO lement, plus commodément et surtout à moins de frais que par les moyens employés aujourd'hui, jusqu'à ce qu'il y ait possibilité pour eux d'appliquer d'une manière continue le résultat des études de solmisation à la lecture indispensable et constante des clés de la notation usuelle. En nous renfermant dans les limites étroites de cette pré- tention, qui est loin d'être exagérée, nous protestons à l'avance contre toute idée d'innovation de changement de notation que l’on nous prêterait, pour faire prendre le change sur la méthode que nous avons développée. Cette méthode est même tellement distincte dans les pro- cédés qui la constituent, que les professeurs qui, pour une cause ou pour une autre, n’adopteraient point notre nouveau procédé de solmisation, peuvent s’en dispenser sans nuire à l'efficacité des procédés dont nous avons donné le détail au titre premier, chapitre deux, procédés dont l’ensemble forme le caractère distinctif, de notre méthode simultanée, indépendamment. du système de solmisation. L'avantage que l’on retirerait de ce système, en dehors de l'instruction primaire pour la lecture, n’a trait qu'à l’étude de la tonalité, dont la connaissance et la la pratique :peuvent être acquises dans notre méthode par l'étude du jeu des voyelles avec les consonnes, sans les solfier. Voici, quoiqu'on en puisse dire, comment pourrait être combinée, pour. un, solfége-svllabaire où la notation usuelle par lignes serait, de distance en distance, supprimée par mesure d'économie, une notation provisoire formée seulement pour les écoles, des éléments de la solmisation elle-même, quel’onrepor- terail ensuite sur la lecture et la pratique des elés de la notation usuelle. NOTATION ALPHABÉTIQUE FORMÉE DU SYSTÈME DE SOLMISATION PRÉCÉDENT Dans les précédents mémoires, nous avons établi et démontré les con- ditions d’une notation musicale par chiffres, mais par chiffres! sténogra- phiques. Ici, nous présentons les éléments d’une bonne notation musicale par les lettres de l'alphabet, dontles sept voyelles pures pourraient in- diquer conventionnellement les sept premiers chiffres de la numération et représenter par conséquent à l’œil les sept degrés de Ja gamme dia- tonique, selon l’ordre de la propriété des sons, tandis que, les consonnes, distinguées en quatre octaves, formeraiént le corps de la notation etin- diqueraïent d’une manière invariable la place du son dans l'échelle gé- pérale, avec toutes les modifications rythmiques et accessoires qu’on peut Y ajouter «pour exprimer toutes les phases et tous. les accidents de. la langue musicale. Ce système de notation, puisé dans les signes alphabétiques de l'écriture de notre langue, réunit de tels avantages, que, abstraction faite de toute idée de rapidité dans le tracé, il pourrait être utilisé à côté de la no- tation usuelle dont il h’est en définitive que la solmisation, et. ül de- . viendrait aussi alors un auxiliaire de cette notation usuelle, comme la sténographie musicale que nous avons proposée, mais sous un autre point de vue et à des conditions différentes. ’ — 393 — Ces avantages sont de réunir à la fois, sous un seul et même tracé en notation musicale : 4° L'écriture du son musical, 30 Son nom, {'Numérique. En considérant les lettres comme des chiffres pour indiquer les degrés du son. 1° par rapport à la place du son dé- signé par les consonnes dans l'échelle 3 Son degré ( générale. Do Diatonique. 29 Par rapport à la propriété du son caractérisée par les 7 voyelles que l’on fait sonner avec les 4 octaves des consonnes. Ce qui complète par l’analogie les quatre octaves nécessaires à une bonne notation. — 394% — SECTION PREMIÈRE. Echelle ascendante et descendante des signes d'intonation par ordre d'octaves. ‘SOHEIUIS y] 8e 14 Similaires. OMTE I 31 +1 Signes altératifs ou accidentels. Se posant à la gauche de la note pour le dièze # . pour le bémol b .pour le bécarre H. ou les signes suivants : le point * , la cédille ».letrait g se posant dessus. 2 SIGNES CONVENTIONNELS. .…. Barres de séparation. | Barre de mesures. — 397 — Ÿ. L L J] Barres de reprise, indiquant la reprise de la quantité de mesures comprises entre les crochets. Il Double barre pour les coupes de périodes. 4 k Accolades de fin ou de commencement de morceaux, selon leurs faces. S Signe de renvoi au commencement, dit da {capo ou D. C. CLÉS ‘DES VOIX. Féminines, puériles ou d'instruments y relatifs. Te — ee contre-bas dessus. bas dessus. moyen dessus. dessus. contre dessus. D'hommes ou d’insiruments y relatifs. TT TA a contre-bas. basse. baryton. ténor, contre haut. 30 SIGNES ACCESSOIRES. Modifications du rythme pour la mesure et les valeurs. Signe de suspension, temps d'arrêt ou point d'orgue >, ou € rallent : 4° moto. 3 5 6 Pour groupes d’un temps : triolets quintolets sixolets. SIGNES D EXPRESSION OU DE NUANCES, détaché sec = \ sur une note. sur plusieurs; 1° D'ARTICULATION : l a d Cul << servant également aux liaisons pour syncope, s'emploie lorsqu’aucune articulation ne doit se faire sentir, sur l'ensemble des notes qu'il couvre. = pan epece ppp — futé Fr Mono BEN D ES Ds L'un de ces signes, placé sur une note, indique que l’ensemble de toutes celles qui, suivent subit le genre d'intensité qu'il indique, jusqu’à ce que 20 D'INTENSITÉ : i = "4% = l'apparition d’un autre signe d'intensité donne le signal du çontre ordre. 39 D'ÂCCENTUATION. — Le signe du piano — s'étendant sur une série de notes par une ligne de. prolongement et terminé par le crochet, du haut, indicateur du forté, exprime le crescendo, c’est-à-dire le renflement insensible du son appliqué à l’ensemble des notes qu'il couvre. Ex. —————— crescendo. d'or MeV De 7 C'est le contraire avec le signe du forté. Rx ND, LOL — decrescendo. Jonction des deux genres pour: les renflements et les abaissements. PE — d'or Mn + bg et gg Div cm 0 Attaca subito, == — signe d’accentuation prononcé sur une seule Le . . . ES mnote-et cessé immédiatement sur les notes suivantes d P.e 49 DE FIORITURE OU D'ORNEMENT.— ® Grupetto, 4 mordant, + trill. + Tous ces signes se posent sur la note qu'ils colorent chacun selon ‘son espèce. NOTES D AGRÉMENT. Ces notes sont les mêmes que celles de l’intonation ordinaire, mais seulement sous une dimension beaucoup plus petite. N.B.— Pour approprier les signes supplémentaires d’analogie compris dans cette section à la nature de la notation alphabétique, l’on a été obligé, pour la facilité du tracé et de l'impression, de s’écarter un peu de la forme de quelques uns des signes usités de la notation par ligne. Mais, outre qu'ils s’éloignent peu des formes connues , il suffit que ceux des signes supplémentaires qui sont nouveaux dérivent de l’analogie exacte et du rapport entre l’objet et son représentant, pour qu'il n'y ait pas de différence entre les deux sortes de signes. En effet, les deux manières tirées du même principe participent au même résultat, quant aux choses qu'elles indiquent. Ainsi, par exemple, il'est indifférent d'indiquer les barres de reprise par des crochets ou des points tournés du côté où il faut reprendre. Il est indifférent d'indiquer Le crescendo par ce signe ———— ou par cet autre :== un peu plus incommode pour l'écriture et la typo- graphie, etc. La forme seule de ces signes RAR leur objet, quelle que soit la différence qui les distingue. — 399 — SPÉCIMEN. — CANONS À À pART'ES (1). ë Lopse D'|D'a | ail p | p PAPE n tu Ou o à a u ueu é...etc. pour le ton d’ut affecté [ ici pour basse. Ou) u é u ou o i... etc. pour le ton de ré à trans- Le ici pour pe grille blu Tnlepinpiit] (EE) N ( Li pu T RE | \— — - L ou + 4) Ra mod np np RREET eT, ss pD DD spqs Dp [pnf pig be SPÉCIMEN DE LA NOTATION DES INSTRUMENTS CONCORDANTS. Pièce d’orque tirée du Manuel de Musique de Cnoror, page 13 des planches. | _ ni fpn L =: fmf pfint 1 1z É jz gtl 0 ee b |! b (o) à , 0 etc. t |tzg z |g b b D If | 0 g mtpsp RM R R L Bail 6 Lis D on CN n spq 4 dip nl | etc t | af 0 | (1) Une des considérations qui dewraient faire adopter l'usage de cette notation alphabétique dans les écoles primaires, serait le parti que l'on pourrait en tirer pour utiliser doublement les exercices de calligraphie. En effet, qui empécherait Les instituteurs primaires de donner pour modèles décriture des exercices alphabétiquement notés comme ci-dessus et par- faitement écrits pour les faire solfier ensuite. Ces exercices, renfermant toutes — 400 — N. B. — Le signe rythmique se met au-dessus des notes toutes les fois qu'il estle seul concordant de sa valeur et au-dessous, quand c’est le contraire. CLÉS ADAPTÉES A L'UT. DU MÉDIUM DES,TROIS NOTATIONS. Rapport des clés sténographiques aux clés de la notation . usuelle. POUR VOIX PUÉRILES CU FÉMININES. AA 00 on dde 2/11 d à 7 TE POUR VOIX D'HOMMES. bd? bah PE el Effet des diverses portées des clés relativement à l’ut du médium sur la ligne duquel est posée la clé de ce nom. +, Le er, À EE & < ee =") = — = HreA ï Re pe - E mr en rot = Démonstration de l'inyariabilité de l’ut du médium, dans le jeu des portées de chaque clés. N.B.—Voyez et vérifiez la raison de ces effetsaux n°550, 51,etau 5e tableau. les lettres tant majuscules que minuscules, tous les signes de ponctuation, etc., auraient l’avantage d’être non seulement d’excellents modèles d'écriture, mais encore de fournir aux élèves, par leur transcription obligée, le moyen de multiplier à leur gré leurs copies de musique et la facilité de les emporter chez eux pour les étudier a loisir, ce qui serait mille fois préférable à toutes ces copies d'écriture qui, n’étant considérées que comme exercices calligraphiques, ne servent plus à rien une fois que l’objet de la transcription a été rempli, et ne présentent plus que des chiffons inutiles. — AQ1 (ouuyhx 9j anod onb uoneuoy -urpanod ques CorygdeaSoups up ans xnvo[qe 39 So8viano so] ZOLOA ) *S0ARJI0 ÿ 9p-OUNIPHI 9119 quoanod sonbiqdersougs S9[9 S0p $99}10d s9'T *Sp[9 S0] JUOS 99 ‘U0S NP NAIT [ TOUI UN U9 onbipur mb 99 ‘opeioups 9104994 ns sapjiod 599 9p ooejd ej auru99p mb 99 “podse p IUarIPA s99710€ s9J ‘aj[onsn HO1RJOU PTS uu0) ‘onbiqdeiSoupzs uorejou vf SUCA — ‘4 °N “ouganuoo no ope.p #9 4 2 LAU-N /JENUS- ‘ie e ‘uoy {aq op 97) À VE JLAUSN2 JE . \4 sossuq sop 919 4 JLAULLEIJLOAUSN PF IEUSNL° * * r ZOJYANyasbdyurI1z$qAwIPSOÔ A ZOaANyqasbdurriz$qawurpSOdAN JCAULLPICAUT-AZ IE AQUEX/ °°° FL snssop 7 sop 91) JCAU—-X / JEQUS= ER soumb sop 9) . SL IOQUENS FE SnSSp sut SOP 91) 23NU-\/ JUAU | Snssop u£ S9P 91) uo sajduoxo ‘gg o8vd ‘ fg ou ne ouu09 ‘SW XN9P 9P S2JOU S0 Id S9JUSISYP JUOS HINOUIPJUI 19 oanompdns 5993104 saine xnop say 32 ‘sdu9y un,p sojou s9 184 opu8ISYP 759 AOIABIO NP 91IPIPOUMOUI 993104 eJ ‘s9po sop uonisod ef 19n8uns1p 1n0q (-soade-1 onb souuosuos souigu so] ed aguuiou ojjonsn uonejou eJ 9P SJ9 SP 2119 LI FG OÙ NE Z9K0 À) “unommo,j op onbuydoubouois uoupjou pp » uoupsuuos ajjoanou pp op 140ddoir EE. Mouvement de la tonalité avec la notation sténographique. Ton de ba zi lé. he NU Ten nU a 6 1i eu o u ou a Ton de 72 vi go. LIN EN OA MA nv a 6 1 e o u ou a Ton de ga ti no. MORE AU TC/RERÉES a é 1 eu ,o u ou a Ton de me bi 20. JF SA + AR OU ANS ren ëé é 1 eu o u ou à Ton de ze li fo. RAT On NT 7 Ke qua è é 1 eu o’u ou a Ton de va qi to. AN AMD ÉC ARE ŒU a é i eu o uoua etc., etc. N. B.— Commeici l’on n’a pour but que d’exposer le rapport des éléments de la nouvelle solmisation avec les notes et les clés de la sténographie musi- cale, l’on renvoie aux ouvrages spéciaux indiqués page #44 et ci-après, pour le rythme de ces signes. Ces signes sténographiques, accompagnés de leurs clés, sont aux consonnes — 403 — de la solmisation ce que ces consonnes elles-mêmes sont aux lignes de la notation usuelle dont elles sont la dénomination exacte. En résumé, quelle que soit la notation employée, les voyelles a é i eu o u ou, pour des notes déterminées par l’armure de la clé, sont une qualification de la propriété résultant pour les sons du rang qu'ils occupent dans la gamme, à quelque degré qu’on la commence, et les consonnes, nom des lignes seules ou des signes sténographiques d’après Ja clé, abstraction faite de son-armure, représentent un son absolu toujours le même, produit par un nombre déterminé de vibrations. J Ainsi, laconsonne D, ou le signe avec sa clé, exprime un son dont la place Est toujours invariable dans l'échelle générale déterminée par un diapason, tandis que la voyelle a ne doit rappeier à l’esprit que la première note d’une gamme majeure ou la troisième d’une gamme mineure, à quelque degré de l'échelle qu’elle commence. Exemple en notation sténagraphique du premier spocimen de la page 399. Le (Voyez ci-dessus le nom de ces notes par les consonnes.) Lou 4 340 > 21 NU gs Qué. ff 25 Ou o à a u ueu é....etc. pour le ton d’ut, iC; | [ affecté pour basse. Ou} q R&R R S S p n....ctc. pourleftonderé,trans- [posé pour baryton. dut Ut ur Nr AN | LU Il DU ETES v Lu fs CN pau rlests U/ $ nv Dh UTZU 7 ST 7Y =U S Me > AICULC, PULL Un — 404 — Exemple en notation sténographique du deuxième spécimen de la page 399. DIN = e — A * + pe sé fe da a naal dan PL probe avis: Gone pa ded Pie pi qu ‘Jo etudiants Kat Mce ptite 4 Lu d'éé ME pre ide dure prise MoN dorac commis pete tm 2 nome me CDUE Dadféntes ext notés à M vds #uise à à Lots qu | ; ; démtatél a proprihé niitonsé #ieoihit : 'oheéré/fnibus, darblen hp it promtemiPmert din 6. … Sin pronvenrtinens “uhainront rerotéernbi mn | AS pin ture ar en | COMMERCE ET INDUSTRIE. S''ATESFIQUE. Une commission spéciale d'enquête s’est formée à Boulogne en 1842 pour recueillir les renseignements commerciaux et industriels relatifs à la création et à l'exploitation d’un chemin de fer d'Amiens à la mer, en passant par Abbeville. La Société d’Emülation, qui a pris une part fort active à l’accomplissement de ce travail pour ce qui concerne notre ville, a pensé qu’il pourrait être utile de publier dans ses mémoires les tableaux statistiques dressés à cette époque: 1° Parce qu'ils présentent un aperçu aussi exact que possible du commerce et de l'industrie d’Abbe- ville pendant l’année 1841 ; 2 Parce qu'ils pourront faciliter la recherche des causes de la dépopulation de notre ville, question qui a fixé depuis longtemps l'attention du conseil muni- cipal ; — 520 — Enfin parce qu'ils serviront d'indices pour consia- ter dans l'avenir les modifications que le chemin de fer aujourd'hui en circulation apportera aux transac- tions commerciales et industrielles. Le 1° TaBreau Comprend les principales im- Le 2° LE 3° LE’ Æ° portations, exportations et consommations de la ville peñdant l'année 1841. Comprend les principales usines et exploitations industrielles, avec indication des matières premières employées et des objets fabriqués. La statistique de la navigation et du mouvement des sels. La Statistique du roulage, des voitures publiques et dili- gences d'eau. Le 3 y r —1229, — e VILLE D’A Année 1841. et — uoclounlhi TAB Des principales ImPorTATIONS, ExXPORTATIO Pendan Désignation | QUANTITÉS IMP LIEUX ORTATIONS des des ne A —— OBJETS OBJETS é pan l , ; PROVENANCE. PAR MER|PAR TERRE importés & exportés. importés. LE CANA Bordeaux LeCharente 7 RER 2,216,000 Libourne Le Ale 680,451 Champagne } 680,451 ourgogne { Bordeaux 2,127,500 La Rochelle 905,000 Libourne 51,500, Charente 109,715\6,767,468 Cette 3,573,150) Jura, Vos- Alcool et li- queurs. .. .. | 7,043,748 276,280 Re & ges, Paris, Cidre et hy- j Amiens dromel.... 993,016! L'arrond. Bière impor- LÉ ee. 2 14,730 | Seine-Infér. Bière à l’inté- rieur ..,... 527,286 » Petite bière. . 128,428 » Vinaigre..... 140,750 Goéans Le Häàvre, Bordeaux La Rochelle 251,756 Le ArrasetLille 730,000 TITRE Doullens 60,000 Longpré, Ai- raines , Amiens Huiles de tou- tes sortes... 251,756] 1,658,000| 868, Amiens Kilos \ ' Paris, Rou- Farine..,.., 3,600,000 querolles, Rautigny - 2,200,000 — 223 — Statistique. -— Commerce. A — Consommation uantités EXPORTATIONS. en ville Ce OP OUEE RS. N TE DES OBJETS OBSERVATIONS. OBJETS Dar addé PAR MER|PAR TERRE LE, CANAE TS Frontal Litres Litres Litres Litres 1,968,845 » 370,00011,598,845 247,151 6,871,821 »| 4,387,50015,484,321| 171,927 | » | » » »| 993,016 » _» » » 44,730 » » » » 527,286 » » » » 128,428 107,300 »| 49,000! 58,300 334,49 ° 4,360,7811505,781| 490,000! 365,000 4,567| huile d'olive. 830,000 »| 830,000 » » Cire et miel... Houilles..... Bois à brûler. Bois de tein- Lure, sumac, curcuma , manganèze, salpêtre. 60, Er arrondis. et (‘Bordeaux Hectolitres Angleterre 58,130 Fig ngeee 53,333 Stères\r ba TAYL rondisæ, Kilos à ( Le Hävre et 350,000) Bordeaux ee Désignation je IMPORTATIONS LIEUX des des OBJETS OBJETS de PROVENANCE importés & exportés. importés. PART AES “= PE à Hectolitres | Hectolitres | Blé 2352. .: 11,500 Le Santerre PE » RS La Normandie, Bœufs,vaches, … (le -Marquen- veaux, mou- Kilos terre Hesdin sa $ ; tons, porcs. 1,793,000 Fruges etl’ar- » pré il d’Abbeville Viande dépe- , RL fi et fumée. 19,615) Larons ie s » Gi 127S , _YO- , 4: lailles, œufs. 780,000) L'errondisse- , Poissons de Quartier mari- mer . “eines 15 Mo 000 time de Saint- » pe ( Valery-s. -Se. in eau douce.. 14,002|/La Somme » Huitres.. .... en nombre 460 jo) Erotoy EF Û » Prunes, rai- (Bordeaux 98,000 sins, figues. 118,000)Le Havre 11,000( . 98,000 {Dunkerque 9,000 Savons, ...,, 900,000] Marseille 900,000 Sel de soude. 109,622| Marseille 109,622 Résine. ..... 20,778] Bordeaux 20,778 Essences, + goudrons... 17,000! Bordeaux 17,000 soufre role 150,000 !Trieste 450,000 Suif, chan- delles et bou- gies .....,. 250,000|Paris, le Havre 250,000 40,000 58,130 Es — 525 — Consommation lantités EXPORTATIONS. en ville pps OBJETS OBSERVATIONS. )BJETS | “ot A PAR MER|PAR TERRE ortés LE CANAL}A l’octroi. Bœufs et vaches en nombre. 1,992 Kilos Kilos . Kilos 485,016) >| 485,06 »| 4,307084 Mouton... "1:71 4008 BORCS EM es eee cle eee 2,344 » » » » 19,615| Non compris la consommation de la 780,000 »| 780,000 » » ville, 78,000 k. pour l'Angleterre. — 702,000 pour Paris. 200,000 »115,200,000 »| 160,000 » » » » 14,002 329,000 »| : 329,000 »| 127,080 LR 107,678 » »| 107,678 10,222 300,000 »|. 60,000! 240,000 ÿ : 69,000 » 69,000 » 170) | 20,778 » B,718| 15,000 » 8,000 » 3,500 4,500 » 150,000 ) » »| 150,000 » 202,819 »| 202,819 » 47,181 | : 55,163 » 55,163 » 4,831 26,666 » »] 10,666 » Stères Stères Stères Stères! N : ag se 12,950 10048050) 12,930) a7e0 pp iempris les fagots,.baurrées À | 300,000! »| 440,000] 160.000 Désignation des OBJETS importés &exporlés. Drogueries , Acides..... Fers en barres Clouteries de maréchaux. Tôle laminée des Arden - Fers en bottes de la Haute- Fers en bottes du Berry... Fers laminés deChätillon. Clouterie de bâtiments et pointes. .... Bois de sapin et autres... Ardoises en nombre. ... Marbres de toutes sortes. Meules de moulin..... Meules à ai- guiser. . ... Pierres, grès, moellons et pierres blan- ches, bru- tes et façon- nées... ,..., < re tm | mètres cubes Boulogne et 1,666, l’arrondis- sement IMPORTATIONS 104,000! 2,230,000 NTITÉS ss des FT de OBJETS , PROVENANCE. PAR MER importés. xilos\Paris 1,800,0 2,500,000Rouen 00, Amiens 300,000 | Bordeaux 104,000 Charleville «et Valen- ciennes 30,000 ‘HArdennes 300,000 rdennes 50, 2,334,000 * Paris 400,005 Château- roux 0,00 Paris 250,000 Valencien- nesetl’Ai- gle 41,000,000 mètres cubes x mètres cub, TS a MNonvèse et 10,000 Angers et 3,100,000! sl (3,100,000 mètres cabes{ Boulogne , 485} Tonnerre, » etc., etc, La Ferté - 160) s.-Jouarre . kilos 50,000, Angleterre PAR TERRE »| 2,200,000! ‘306, PAR LE CAN kilos kil » mètres cubes 185 1,666 — 527 — LE ——— —— juantités EXPORTATIONS Consommation ÿ en ville : | ti ES er DES OBJETS OBJETS PAR soumis PAR MER|PAR TERRE ie one GR D aie LE CANAL|à l'octroi. Kilos 1, 900,000 »| 4,900, ni S00,000 »| 800,000 re 25,000 » 25,000 » es fée mètres cubes mètres cubes PÈRE, ET 5,185 » 5,185 » 12,649,445 »| 2,649,445 »| 450,555 OBSERVATIONS. La Désignation ouawrITÉS ES EE A des OBJETS OBJETS PROVENANCE. PAR MER|PAR TERRE importés & exportés. importés. | LE CAN Briques et tui- | les, en nom- 4 à D... 2,881 a »| 2,884,229 CAE ppt hectolitres{ y » à hectolitres espèce. 15 Sa trni »| 15,244 Eure - et - Loire, Mai- pt Graines de xilos) ve, Paris 00, Kilos Kilos Drairies 468,131 Bordeaux , 163,131| 300,000 Morlaix, La Ro- chelle 168,131 Graines oléa Riga et 19 | gineuses..… . 150518 Nord D 363,818] 1,200,000 sement 1,200,000. Chènevis de me cer semence. ... cote “| » 60,000 Linsbanvres teillés et pei- L’arrondis- | gnés. ...... 550,000| ont »|. 550,000 L’arrondis- sement, Angleterre Boulogne, Fils de lin et n | de chanvre. 2,500,000 Hé enrl » » Pont - Re. my, Beau- vais, Auxi- le-Château (Paris, l Rouenneries. 110,000 Rouen, \ »| 100,090| 10, Amiens Nouveautés et t ( fantaisies... 26 s00fParis € »| 26,000 Toiles blan- : chesetautres 20,000 Belgique » 20,000 Tissus de co- ton de toutes Pari { sortes, ..... 4,000) PRES S 5 » 4,000 — 529 — Quantités des OBJETS exportés. » 250,000 . 900,060 50,000 206,000 2,500,000 ol » | | » » PAR MER Consommati EXPORTATIONS DR ENT eu ville 7 TEEN DES OBJETS PAR TERRE) SES LE CANAL|à Poctroi. Stères » » »| 2,881 ,229 hectolitres » » » 15,244 Kilos » 250,000 » » ilos » 200,000! 300,000 » »| 20,000! 30,060 » » 20.000! 120,000 » »| 2,500,000 » » » 30,000! 30,000 » | » » » »| » » » » » » » OBSERVATIONS. 34 Désignation des OBJETS importés & exportés. Tissus delaine Draps... Toiles Leur doublures . Sucre brut, vergeoise, sucre en pain et mélasses.. Amidon... Levure. ..... a L) Quincaillerie. Papiers peints Papeterie blanche et grise ...... Fournitures de bureaux. Cartons de pâteetautres Librairie... Papiers d’im- primerie ... Caractères d'im- primerie, encre, Chiffons..... Porcelaines et cristaux... Cylindres de verre, tôles — 530 QUANTITÉS des OBJETS importés. PAR LE CANAL »| » 50,000 IMPORTATIONS LIEUX CR OS RE de Fa PROVENANCE. PAR MER|PAR TERRE Kilos Kilos 16,000!Le Midi | » 16,000 \'Chateau l teau- 20,000 Re À » 20,000 \ Midi 6,000 |Id. p. Parié | » 6,000 Bordeaux , le Hâvre 31,353 Paris 110,000 Lille 130,000 471,353 Douai 60,000 37,353| 390,000 Amiens 50,000 SEA LS 50,000 e Hävre 40,000 3,030 2 ras salans [3,030,000 » Paris 10,00 20 "000! ile, Carvin 60,000! ; 40,08 Arras, Douai, 400,000! Cambrai et »| 100,000 Lille Escarbotinet 156,000! pays envi- »| 156,000 ronnants 7,500|Paris et Lyon » 7,500 15,000! Paris » 15,000 5,000] Paris ! » 5,000 18000! et Ï » 16,000 5,000 Paris » 5,000 44,600|Paris, Prouzel 1 14,600 500|Paris » 500 144,000| E'arrondis- »| 144,000 Paris et route 1,400,000 de Paris ») 4,400,000 { | 93,000 |Paris »| 23,000 vernies .., — 551 — Quantités EXPORTATIONS des ne OBJETS | PAR PAR MER/JPAR TERRE exportés. LE CANAL 1 » » MERE LU Ce 9 Le » » » » » » » Kilos | Kilos | 57,908 » 32,006 25,908 | 750,000 » 40,000! 710,000 30, 000 » 30,000 » 60,000 » 60,000 » 78,000 » 78,000 » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » 144,000 » 72,000 72,000 » » » » Consommalion en ville DES OBJETS soumis à l'octroi. OBSERVATIONS. — 532: — Désigmation | QUANTITÉ IMPORTATIONS LIEUX des des me + | OBJETS OBJÈTS ü | ’ e à PROVENANCE, PAR MER|PAR TERRE | importés & exportés. importés. LE idee Li TT —————— Faïence de kilos Kilos | Creil... ..... 100,000! Creil »| 100,000 » | r FOIE Valenciennes | Verres à vitres 90,000! Soissons » ne) »| Pailles en | grainsetsans I grains...... 1,522,981 »} 1,522.981 » | Foin de pré. 963,577 L'arrondis- »| 963,577 » | Sainfoin , tort È f trèfle, lu- fi Zernet LU 828,124 »| 828,124 » | bectolitres hectolitres | Avoine. ...., 33,393\ nl 33,393 » PAQUET Le NN } ou Consommation Quantités EXPORTATIONS PNE en ville \ Tops oBIRTS OBSERVATIONS. QUES | pes soumis x PAR MER|PAR TERRE exportes. LE CANAL}: l’octroi. ! » » » » 65,815 » 65,815 » 24,185 » » » »|. 1,522,981 » » » | »| 963,577 » » » | » 828,124 | hectolitres » » » » 33,393 VILLE D’AB En. à TABL Des principales USINES.et EXPLOI | - dans Ja ville d'Ab Ce tableau a été dressé en 1842 sur l'invitation de la commission Année 1841. ni D NOMBRE \ a! 2 NATURE de MATIÈRES PREMIÈRES EMPLOYEES. des USINES LIEUX D'EXTRACTION. | t ÿ \, J É JA TA RER e DÉNOMINNTION. |[QUANTITÉS. ou | Etablissemts, DE PROVENANCE. Kilos)Ecosse, par Saint-Valery, 195,000 Abbeville. Cuivre en lingots 45,000 Paris. Fonderies de fer et UUIVEE. ve ee. 3\Etain 4,750| Id. Zinc en lingots 4,000! Id. Plomb 2,600! Id. Fourrures de chau- drons 2,750! Id. (Etre en planches 18,500! Id. : a - ,)Etain 10,000 Paris, Lille, Rouen. Fonderies d’étain. . *lCuivre %,300|Les Vosges, Paris. 50 Pièces de fonte non Mécanicien. ..... 11 ajustées 40,000 Rouen, Marquise, Amiens.{ Plomb 20,000! Paris, Amiens, Rouen. : Plomb de chasse 19,000! Paris. DRIENS;.... Vieux plombs 3,000! Id. Zinc 50,000! Amiens, Paris. Ferblantiers...... 9! Ferblanc 7,560 | Amiens, Paris. | Fontes façonnées.. Chaudrennerie. ... Fabrique de cho- QU 0000800 Huilerie ..... Fonte brute 10|Fontes façonnées 4|Cuivres laminés Cacao \Sucre )Fécule Farine dl q\Graines oléagineu- (ses. 400,000! Conches, Breteuil. 6,000 |Paris. 8,000!|Paris, le Hàvre. Id. 12,000 4,000 |Paris. 4,000! Abbeville. sd nate 2 l'arrond., 4/2 le Nord. | | | | Il BEVILLE. EAU e TATIONS INDUSTRIELLES existant beville en 1841. Statistique. Industrie. spéciale d'enquête pour le chemin de fer d’Abbeville à Boulogne. MOYENS DE FABRICATION. ER DÉNOMINATION. Charbons de terre. QUANTITÉS. Licux d'extraction ou DE PROVENANCE. Kilos 444,500 |Angleterre Creusets.......... 2 voilures à 3 cher. |Saint-Samson Charbons de bois.. Outils de serrure- rie, fer, charbons de terre Laminoirs Houille Mécanique, houille Etain laminé Papier, emballage Moules Machine à vapeur, Houille 3,800 La forêt de Crécy (Le commerce de { la ville » Commerce de la 8,500 ile » { » 4,0001Le commerce de 7,000 la ville 500/ » 255,000! Angleterre NATURE DES PRODUITS. A — DÉNOMINATION. Objets de mécanique, d'agriculture , grée- ment des navires Serrurerie et mécani- ques Alliage » Id. ajustage de poids Chaudrons terminés Demi-gros et détail Objets d’étain,de cuivre Mécaniques de tous genres, ajustage Plomb laminé Demi-gros et détail Refonte Gouttières et pannes Objets de ferblanterie Fontes façonnées L Objets façonnés » Chocolat l \ l {Huile \(Tourteaux QUANTITÉS. Kilos 179,400 42,500 1,750 4,000 2,600 2,750 18,500 9,500 . 4,100 60,000 20,000 19,000 4,000 50,000 7,560 100,000 6,000 » 25,000 » 432,000 1,176,000 = SG , NOMBRE L NATURE ct MATIÈRES PREMIÈRES EMPLOYÉES. | mm mm des USINES k LIEUX D'EXTRAGTION | PRE os ee DÉNOMINATION. ‘ |[QUANTITÉS. ou Elaulissemts. DE PROVENANCE. qe ee ne Kilos| Potasse d'Amérique bis Es Savonneries . ..... 2/Sel de soude 50 :000 Muraille Huile de lip, ete. 170,000! L’ arrondissement, Lille. Huiles de fabriques! 133,0001Reims, Paris. Tanneries et. cor- (B : & 7 oueheries d'Amiens et| royeries....,.... 12110,000 peaux à 1064, d'Abbeville: \ /Peaux de moutons 45,000 Amiens Fe ut Mégisseries.... © PO an ve D, 2 À fraiches 3,000! Abbeville et les environs. Commerce de cuirs. 4, 4,680 peaux vertes does Amiens, ilos PA 116,000 peaux salées! 132 ‘000 La Hollande (par mer.) | Filatures de lin et ke éloupes ......... 3 rs ME de ne) 900 ,000) ee Belgique, ( aines, huile, ia- Ù Fabrique de ur digo, garauce , ÉFENNINRe “SSE 1) vrseilee, bois detein-{ 133,300)L Beauce, la Brie, Alle-! / ture, chardons, magne, Albert. ; savons, machines | Fabrique de tapis. 4|Laines et lins » L'arrondissement. Baracans et grena- à IDE en here à 0 6|Laines 2e Le Le Marquendquté: Calmoucks....... 6 » il Schalls et mousse- ; line de laine... 1|Laines filées 5,000! Rouen. Tissage de coton. 5|Fil de coton 250,000 Rouen, Paris. Tissage de lin et n: - , Fils de lin et de kilos\Amiens, Pont-Remy, # chanvre. ........ ludéterininé } chanvre 20.0 logne, Rouen, Angleterre\ et le pays. Tissage de lin et f Amiens, Pont-Remy, Bou- COLOR... ses... Id. Fils de lin et coton| 630,000! logne, Rouen, Angleterre et le pays: f : \Augers, Noyon, Russie, ( Corderies ........ Id. [Chanvre et lin 400,000", pays. \ Teintureries...... 213,000 pièces de toile 75,000! Le Nord et le pays. Sucrerie .(à Saint- Nicolas. ) 4 Uetteraves » Le sol. à — 5837 — MOYENS DE FABRICATION. Lieux d'extraction ou DÉNOMINATION. s pd DE PROVENANCE. QUANTITÉS. t NATURE DES PRODUITS. nn —— : DÉNOMINATION. QUANTITÉS. " À 13:000/L€ commerce, de ( la ville Kilos Gharbon de terre stères Bois 100|La forêt de Crécy 36,000 barillages » Id. kilos Tan 572,000 Forêt de Crécy. me. (à Savon vert » » Peaux sèches Fil de lin et d’étoupes/ — Baracans, grenadines }Schalls et mousseline) Calicot et autres tissus | ÎToile de ménage, ol | viettes, toiles à 0 emballages à voile Toiles à matelas. Ficelles et cordages de pièces de toile, 3,000 a Huiles et dégras 40,000| Amiens, le Hàvre/Cuirs Acide sulfurique 500| Amiens L à |, FREE 3,500) Le POnnene de|Peaux mégissées » » EH. Peaux vertes Sel » Peaux salées Machines à vapeur 3 : { Métiers Dir dlbxé Paris de lin Machine à vapeur) Métiers ) » » Draps fins Mécaniques Métiers à la Jacquart » Abbeville lrapis Métiers, teintures [260 métiers Id. 70 métiers Id. Calmoucks Métiers 4 métiers Id. AS Métiers à bras 410 métiers Id- Métiers à bras Indéterminé | Abbeville Id. » Id. A la main. Id. Id. \ Indigo 2 ee Ste de/Teinture Houille » Angleterre Sucre brut » » 125,000 » 17,500 1,000 112,360 Kilos 132,000 820,000 69,000 43,362 20,000 9,500 5,000 250,000 Kilos 700,000 630,000 400,000 75,000 120,999 Année 1841. TAB Récapitulatif des NAVIRES de toutes sortes} Valery, des- droits de douanes qui ont} acquittées tant à la sortie d’entrepôt quel NOMBRE DES NAVIRES| NOMBRE D'HOMMES POIDA QAR se ace YENUS D'ÉQUIPAGE DES CHARGEMENTS [DE DOU EE 2 ne” De l'étranger. |Par cabotage.| Etrangers. | De cabotage. | Etrangers. bag Importation. , Kilos % Fr. © Abbeville 66 456 325 857| 5,794,617| 13,657,4291200,450 88 S.-Valery 91 176} 603 1,00%| 9,910,556| 16,717,575| 207,829 RER" AT ATEON. E E\ U | Statistique. Commerce. A arrivés dans les ports d'Abbeville et Saint- été perçus et des quantités de sel pour la consommation immédiate. ses onoTs|QUANTITÉS DE SEL ANES SOUMISES AUX DROITS NS) : A la sortie Pour la consommation Exportation. d’entrepôt. immédiate. ————_—_—_——————————_——————…—…—— ——————————…….…——_…"_…————— ; à kilos 997 97|. 2,022,050| 4,372,844 Non compris pour les fabriques de soude 187,387 ; kilos de sel. mm" 3,394|,894 kilos. | 678 2,929,394| _ 2406.915/Non compris pour les fabriques de, soude 158,960 77 5,0361,339 kilos. | kilos de sel. 512 gribannes, qui ont employé 1,521 hommes, expédiées de S.-Valery et du Crotoy, ont transporté, à destination d'Amiens, 28,160 kilos | de marchandises diverses. | | VILLE D’AB Année 1841. ROULAGE, — BARQUES. MIT 522 ————Û Commissionnaires [Nombre des Vaiurs roux ATION. PURE Nombre des. Voitures de roulage EXPÉDIÉES sn L ‘ RÉÇUES par & Entrepreneurs chaque | chaque | chaque NE à d VOTE chaque. | chaque | chaque de nn à mois. |année. Peel, localités. sur. semaine. | mois. |année. FOULAGE. | { Kilos | : 7 |. 160 |Paris 5,000 | \ - sutt of bail ) :1404 {Rouen 5,000 ' Dispos-Merlin| 8 34 |" 490 82 |St.-Omer 3,000 8 34 420 ) 7 TA | 10% |Boulogre| 3,000 ottin - Lam- 4 r9n 260 |Paris 2,200 }) ; (IT NE 8 34 | 420 } | “60 [Rouen 2000 8 | 3% 120 } Tirmarche 2 8 100 100 |Boulogne| 3.000 2 8 100 Chivot... .. 2 8 100 160 |Arras 3,090 | 2 8 100 | Posière 3 142 156%! : 186 |EuyDieppe 5,000 3 42 156 1 14 52 32 [Paris 4,500 ||:0 1 4 52 Ve Dumont. VOITURES PUBLIQUES. Voitures pu bliques.… . 28 120 |1,460 |1,460 |Paris 1,600 | 28 F7 1,460 Id. 14 60 720 7720 Amiens 200 1% 60 720 Id. 7 30 | 360 | 360 [Boulogne 600 7 30 360 Id. 7 30 | 360 | 360 |Hesdin 200 7 30 360 Id. 4 30 | 365 | 365 |Rouen 600 7 30 365 Id. is 30 | 365 | 365 |Dieppe 400 | ( 30 365 DILIGENCES D'EAU. Amiens | 10,000 à 31 | 365 Grandsire ...17 bass] 31 | 365 | 365 ch Id. 19,000 17 id 31 365 Morel...... 31 365 | 365 BEVILLE. statistique. D — VOITURES PUBLIQUES. Poids moyen PROVENANCE. des marchandises A, par NOMBRE voiture des Mocalités. | , à voitures. L’ARRIVÉE, Kilos 460|Paris 2,500 |Il résulte du tableau ci-contre qu'il est expédié annuellement 104| Rouen 5,000 d’Abbeville par le roulage sur 52/St.-Omer| 4,000 Paris APRIL 1,826,000 kilos. 104|Boulogne| 1,500 Rouen see, 640,000 ; Boulogne........... 612,000 360|Paris 1,100 Saint-Oiner NAME res 208,000 60|Rouen 3,000 AULAS eee nee ele ee 300,000 100|Boulogne|] 2,000 ù ; m 100 lArras 3 000 ! Eu et Dieppe. ....... 780,000 È ÿ Et qu'il est expédié sur Abbeville provenant de 456|Ec, Dieppe 5,000 Pari il 89 Paris x 500 DIS Sete eee 1.030,000 kilos. 2 Rouen tetes 820,000 Boulogne........... 356,006 | Saint-Omer......... 208,000 ] ATFAS Ne ee nu de 300,000 | Eu ct Dieppe....... 780,000 1,460] Paris 4,600 |Ces voitures sont expédiées de Boulogne et de Calais. On 720| Amiens 200 | évalue à 72,000 le nombre des voyageurs traversant la ville 360] Boulogne 600 | pour se rendre à Paris. 360| Hesdin 200 365| Rouen 600 | 365| Dieppe 400 — (BARQUES). 365| Amiens | 10,000 265! Id. 10,000 ve onire pou 2 | ‘da rmdaige FXFÉUÉSS Louis | re ; 4 4 0 F É " Eee or ne An à me UE mie 000 Al hdqro, 0e nr 850 (Mendin | 200 WE | Rouen ll. 000 "1 we | à por DS 800 300 | 4 | ‘968 lbeggee 1 40 + 6 ikmions { 40,06) 81 363! 16. 10,000 POÉSIES. CONSTANTIN, TRAGÉDIE EN CINQ ACTES. * Cetie tragédie de M. Boucher de Perthes est entièrement inédite. 35 PERSONNAGES. CONSTANTIN , empereur: FAUSTA, épouse de Constantin. CRISPUS , fils de Constantin et de Minervine. CONSTANCE,, fils de Constantin et de Fausta. LACTANCE, précepteur de Crispus. ARIUS , confident de Fausta; sénateur. CLÉOMÈNE, oflicier de Fausta. EURIPHON, officier de Crispus. EUMÈNE, officier du palais. Sénateurs, Soldats, Troupe de Peuple, Femmes de la suite de Fausta. CONSTANTIN, TRAGÉDIE EN CINQ ACTES. La scène se passe dans le palais impérial à Byzance. Le théétre représente la salle du trone. On ap:rcoit un autel sur lequrl sont posés le sceptre, le diadéme et le ylaive. ACTE, I: SCÈNE 1°. ARIUS, CLÉOMÈNE. ARIUS. Vénez, noble guerrier, approchez, Cléomene , C'est au nom de Fausta, de votre souveraine, C'est au nom de Constance, au jour de nos succès, Qu'Arius, un ami, vous mande en ce palais. Des volontés des rois l'Eternel qui dispose De la religion fait wiompher la cause. Fausta de son époux a dessilié les yeux. — 548 — Le farouche héritier que repoussaient les cieux, Le fils de Minervine est écarté du trône. Constantin à Constance assure la couronne, La pourpre des Césars qu'il lui donne aujourd'hui, Promet au nom chrétien un glorieux appui. Voilà ce que Fausta m'ordonne de vous dire, Voilà ce que bientôt apprendra tout l'empire. Mais redoutant encor de secrets ennemis, Avant que dans Byzance ôn proclame son fils, L'i impératrice , au nom d'un époux et d'un 1 maître , Veut ici du sénat le faire reconnaître. C'est pour ce noble soin qu'il vient en ce moment. » CLÉOMÈNE. J'ai dès longtemps prévu ce grand évènement, Seigneur ; mère, régente, et de ses droits jalouse, Fausta devait haïr le fils d'une autre épouse. Fruit d'un premier hymen, Crispus cher au Romain, Était moins à ses yeux le sang de Constantin Qu'un rival dangereux pour Constance et pour elle; Ce jour a décidé cette grande querelle, Et Crispus voit passer ce sceptre triomphant Dans les mains de son frère à peine adolescent. Mais pensez-vous qu'il souffre un si cruel outrage, Qu'il laisse impunément ravir son héritage? À quels excès, seigneur, à quels transports affreux Ne va pas se livrer ce cœur impétueux, Ce jeune homme superbe, avide de puissance, En se voyant privé des droits de sa naissance! — 549 — ARIUS. Crispus, lon de ces bords, n’est plus à redouter. CLÉOMÈNE. Mais ce peuple, Seigneur, ose-t-on l'irriter ? Verra-t-il sans pitié*ce fils que l’on immole? Vous ne l'ignorez pas, Crispus est son idole. L'impératrice, en vain pour le rendre odieux, Fait parler contre lui la volonté des cieux ; Des plus honteux forfaits en vain elle l’accuse, Tout ce peuple, Seigneur, connaît trop qu'on l’abuse; Il a vu dans Crispus un guerrier, un héros, Enfin il aime en lui jusques à ses défauts. Constantin retenu loin des murs de Byzance Au vœu des mécontents nous livre sans défense. Ennemis des chrétiens, les prêtres des faux dieux Sont prêts à seconder l'espoir des factieux ! Un prince encore enfant, les larmes d'une mère Sont un appui bien frêle, une faible barrière Contre un peuple, un empire armés pour l'héritier. ARIUS. Le nom de Constantin, ainsi qu'un bouclier Nous couvre, Cléomène, et ce nom redoutable Jusqu'aux bornes du monde est l'effroi du coupable. Quels que soient des méchants l'audace et les desseins, L'empereur a parlé, leurs complots seront vains. Crispus depuis deux ans absent de la patrie, Combattant aujourd’hui dans le fond de l'Asie, Ignorant son destin, ne peut le prévenir ; Et ce peuple sans chef u’osera point agir. L'impératrice vient et vous allez l'entendre. SCÈNE II. ARIUS, CLÉOMÈNE, FAUSTA, SUITE DE FEMMES, GARDES. (La suite de Fausta est peu nombreuse: et se,tient au fond du théâtre.) FAUSTA. Le sénat au palais tarde bien à se rendre. Par son empressement, dans cet auguste jour, Ah! ne devrait=il pas me prouver son amour! Mais il ignore encor le stüjet qui l'appelle, Je ne puis laccuser ni soupçonner son zèle, Et mon impativnce égare ma raison. L'ivresse du bonheur a-t-elle son poison? Et la joie à ce point trouble-t-elle notre ame? ARIUS. Livrez-vous sans contrainte à sa douceur, madame. Autour de vous encore il n'est que des amis. FAUSTA. Celui que l'on, couronne, Arius, est mon (fils. C'est mon fils! ce n’est pas celui de l'étrangère. Qu'en ce moment, je sens le bonheur d'être mère!! Tu régneras, Constance. Oui, le bandeau. des rois: Bientôt. ceindra ton:front. Quelque jour tes exploits Honoreront l'empire, ils rempliront la terre, Tu seras un héros, ei moi Je suis ta mère. Cléomène, approchez, je ne sais pas: rougir —_ 551 — Devant vous des transports d'un si juste plaisir, Vous avez autrefois protégé mon enfance, Si vous aimez Fausta, vous chérissez Constance. Que ne pouvez-vous voir ce qu'il m'en a coûté Pour arriver au but si longtemps disputé, Pour attendrir le cœur d’un père inexorable, Pour obtenir de Dieu la chûte du coupable! Que de soins ! que de pleurs ! que de vœux solennels! Que de fois j'implorai, j'embrassai les autels! Que de nuits sur la cendre et dans un jeûne austère; Que de jours prosternée au pied du sanctuaire! Le ciel re fut jamais insensible à mes cris, Toujours il me guida par de secrets avis, C'est lui qui m inspirait lorsque notre adversaire Par mes soins éloigné, séparé de son père, Porté par nos vaisseaux sur des bords étrangers, Alla chercher la guerre et de nouveaux dangers. Oui, vous-même, Arius, blâmiez ma confiance. Jugez-en maintenant: sans cette longue absence Du fils de Minervine, «4h! soyez-en certain, Jamais je n'aurais pu détacher Constantin. En vain de ses fureurs, dans Byzance alarmée, il effrayait le peuple, il étonnait l’armée ; En vain il outrageait et la terre et les CIEUX , Un prestige de gloire avait séduit les yeux; Le titre de César, qu'arrachait sa vaillance , Le droit qu'il prétendait tenir de sa naissance, Tout rejetait mon fils au nombre des sujets, Mes efforts sont enfin couronnés de succès. — 552 — Sur ses vrais intérêts le Tout-Puissant éclaire Le prince généreux qui gouverne la terre. Mais allez, Arius, allez chercher mon fils: À ses nouveaux devoirs préparons ses esprits; Qu'il vienne. Le bonheur loin de lui m'abandonne, Et je veux sur son front essayer la couronne. SCÈNE JL. FAUSTA, CLÉOMÈNE. FAUSTA. Le jour où de ses biens Dicu daigne me combler, Près de moi, noble ami, j'ai dû vous appeler. Constantin dans ces murs va se montrer peut-être. Invoquez pour mon fils ce redoutable maître, Que vos sages conseils environnent ses pas, + Sur sa décision qu'il ne revienne pas. CLÉOMÈNE. Sur la voix d'un sujet si votre espoir se fonde, C'est un bien faible appui près du maître du monde. SCÈNE IV. FAUSTA, CLÉOMÈNE, CONSTANCE, ARIUS. CONSTANCE. Ah! ma mère, ah! Seigneur, pourquoi tous ces apprêts? Quelle fête aujourd'hui se prépare au palais? Mon père est-il vainqueur? rentre-t-il dans Byzance? — 553 — FAUSTA. Oui, bientôt vous pourrez jouir de sa présence. Par de nouveaux respects prouvez-lui votre amour ; Ce qu'il a fait pour vous, vous le saurez un jour : C'est pour vous, pour vous seul que la pompe s'apprête. La couronne, mon fils, va ceindre votre tête, Vous devenez César: ce titre glorieux, L'amour de l'empereur, ses promesses, mes vœux, Ceux de tous les chrétiens vous assurent l'empire. À ce grand avenir si voire cœur aspire, Sachez vous élever jusqu'à votre destin, Qu'on reconnaise en vous le sang de Constantin. Redoutez la louange et sa trempeuse ivresse, Cherchez la vérité qui vous fuira sans cesse. Hélas! au rang superbe où le ciel vous a mis Vous aurez des sujets et n'aurez pas d'amis. Dans ses vertus toujours imitez votre père ; Soyez grand comme lui, quelquefois moins sévère, Inflexible au coupable, épargnez l'innocent, Plus vous serez aimé, plus vous serez puissant. S'il vous faut affronter les hasards de la guerre Soyez brave... et pourtant songez à votre mère. CONSTANCE. Oui, je veux m illustrer un jour dans les combats. J'imiterai mon frère. FAUSTA. Ah! ne limitez pas, Le courage n'est pas une ardeur sanguinaire , — 554 — Et plus humain, mon fils, soyez moins téméraire. CONSTANCE. Mais le nom de Crispus du peuple révéré Dans les chants des soldats est partout célébré! De ses combats vous-même ‘amusiez mon enfance. Vous ne m'en parlez plus. FAUSTA. A votre adolescence IL faut d’autres récits. Mais pourquoi donnez-vous Mon fils, le nom de frère à qui n’est rien pour vous? Que dis-je! à qui n’est rien! à celui dont la haine Dès longtemps a juré votre perte et la mienne? Redoutez-le, mon fils, et demandez à Dieu Qu'il le tienne longtemps éloigné de ce lieu. Mais j'entends le sénat. Venez, je veux moi-même Placer sur votre front le sacré diadème. Qu'il laisse à ma tendresse un innocent plaisir, Aux genoux d'une mère, ah! vous pouvez fléchir. (Constance se met à genoux, Fausta lui attache le diadème.) SCÈNE V. FAUSTA, CONSTANCE, ARIUS,. CLÉOMÈNE, SUITE» UNE PARTIE DU SÉNAT,. FAUSTA. Je ne vois près de moi que des sujets fidèles, re \ . . Des chrétiens, des amis. Ces: citoyens rebelles, Aveugles sectateurs du culte des faux dieux, — 555 — Ont craint de se, montrer et d'affliger mes yeux. Rendons-en grâce au ciel. Leur présence funeste Eut détourné les dons de la bonté céleste, Et l'esprit qui préside à toute vérité N'eut pas sur notre front répandu sa clarté. Invoquons, sénateurs, sa grâce tutélaire, Qu'elle échaufle nos cœurs, les guide, les éclaire ; Dans ce conseil pieux, dans ces nobles débats, Que des motifs humains ne nous dirigent pas. Je ne veux pas ici rappeler les prodiges, Qui de l'idôlatrie ont détruit les prestiges : Le signe à Constantin dans le ciel apparu, Le Nord précipité sur l'empire éperdu ; Les oracles muets, les idoles brisées, Les temples abattus, les villes embrasées Et l'arbre de la croix sur ce vaste chaos, Ainsi qu'un chène immense étendant ses rameaux. De notre sainte loi votre ane, pénétrée Avec cette foi vive aux élus inspirée, S'abandonne aux rayons de son divin flambeau Sans demander au ciel de prodige nouveau. Mais c'était peu de croire à cette loi sublime, I fallait la sauver des efforis de l’abîme. Un ennemi cruel, implacable, acharné, Pour le malheur de tous au trône destiné, À, l'église naissante apportait la tempête. Pour le salut commun j'ai dévoué ma tête. Aux pieds de mon époux portänt vos justes vœux, Je n'ai pas redouté les soupçons odieux, — 556 — Ni le nom abhorré que donne le vulgaire À la mère qui haît l'enfant d’une autre mère. J'ai su dompter ce cœur justement irrité, J'ai fait fléchir pour vous jusques à ma fierté. Le ciel fit triompher une cause si belle, Mon époux ne s'est point offensé de mon zèle, Cet héritage samt, ce titre glorieux Qu'’exigeait un soldat avide, ambitieux, Il daigne l'accorder à la timide enfance. Romains, votre César c’est mon fils, c'est Constance. Au nom de l'empereur ratifiez ce choix! Faites au peuple entier reconnaître ses droits. Qu'on proclame mon fils dans la ville et l'empire! Au vœu de Constantin c'est au monde à souscrire. Approchez-vous , Constance, et venez recevoir De la main du sénat les signes du pouvoir. Et vous, pères conscrits, soutiens de la couronne, Jurez obéissance à l'héritier du trône. ( On apporte le sceptre, le manteau, le glaive et les autres attributs qui figurent au couronnement des Césars. Une symphonie se fait entendre. Au moment où les sénateurs s’approchent et que règne le plus profond silence, on entend un bruit extérieur. ) FAUSTA. On vient. Que me veut-on? Quel est l'audacieux Qui sans être appelé pénètre dans ces lieux ? SCÈNE VI. FAUSTA, CONSTANCE, ARIUS, CLÉOMÈNE, GARDES, UNE PARTIE DU SÉNAT , EUMÈNE. © EUMÈNE. Ah! daignez excuser un serviteur fidèle. — 557 — Madame, l'on répand une étrange nouvelle, On dit que dans l’Euxin et non loin de ce bord Une flotie paraît et vogue vers le port. D FAUSTA : Une flotte! Qu'entends-je! Et quel projet l'amène ? Serait-ce ?.. juste ciel! Vous a-t-on dit Eumène D'où viennent ces vaisseaux , leur nombre, leur pays? EUMÈNE. On croit que ce sont ceux qui suivirent ce fils... FAUSTA. Les soldats de Crispus ? ARIUS. Leur troupe audacieuse... CLÉOMÈNE. Suspendez une pompe aujourd'hui dangereuse. Ce peuple oserait tout, madame. Vos projets Doivent rester cachés dans les murs du palais. Le monarque bientôt de retour dans Byzance Contre les mécontents protégera Constance. La victoire est à vous avec un tel appui. On peut en un seul jour arriver jusqu'à lui. Ordonnez à l'instant qu'un messager fidèle De cet évènement lui porte la nouvelle. FAUSTA. Si de quelque péril l’état est menacé, Je connais mon devoir et le vôtre est tracé. UT = Mais ce danger enfin qui semble vous abattre, Il nous faut le connaître avant de le combattre. Eumène, sans tarder retournez vers le port! Sachez quels étrangers s’approchent de ce bord, Ce que le peuple veut, ce qu'il dit, ce qu'il pense, Et s’il semble espérer ou craindre leur présence. { Eumèné sort.) SCENE VII. FAUSTA, CONSTANCE, ARIUS, CLÉOMENE, SÉNATEURS;, SUITE, FAUSTA. Une flotte parait, peut-être ces vaisseaux Sont contre un ennemi des alliés nouveaux. Mais quels que soient leur but, leur vœu, leur espérance, Où donc’est le péril quand Constantin s’avance ? Cependant différons de proclamer mon fils, Et gardons le secret si tel est votre avis. Demain ce même peuple à vos yeux si terrible, Soumis, ne sera plus qu'un esclave paisible. Rendez-vous au forum, allez, sage sénat, Veiller aux intérêts du prince et de l'état, Allez de nos amis dissiper les alarmes. { Les sénateurs sortent.) SCÈNE VII. FAUSTA, CONSTANCE , ARIUS, CLÉOMENE + SUITE. \ FAUSTA, à l'officier des gardes. Aux soldats, aux chrétiens, faites prendre les armes. {(L'officier sort avec les gardes.) 270859 < Cléomène, à partir sans bruit préparez-vous. Il faut que dans ce jour parvienne à mon époux Le message important que l’on va vous remettre. De la célérité mon sort dépend peut-être. { Cléomène sort.) Et vous, rentrez, mon fils, reposez-vous sur mor. {Constance sort avec une partie de la suite de Fausta. SCÈNE IX. FAUSTA , ARIUS, FAUSTA. Me verrait-on trembicr si ce n'était pour toi, O Constance! À leurs yeux je déguisais ma crainte; Mais pourquoi vous montrer une assurance feinte? Arius, je vois trop le danger où je suis. Sans armes, sans soldats, voyez ce je puis. Quand mon époux est loin, quand ce peuple perfide N'attend pour se lever qu'une main qui le guide. Jugez de sa fureur à tout ce que j'ai fait. Mais non, le Seigneur véille et sa juste colère Dans l’abime a plongé mon cruel adversaire. Il me l'avait promis, et deux fois cette nuit En songe un cri plaintif a frappé mon esprit. Chose étrange! et deux fois j'ai vu loin du rivage Un corps inanimé repoussé par l'orage .… Mais allez jomdre Eumène, allez, sachons enfin Quels sont ces étrangers et quel est leur dessein ? FIN DÜ PREMIER ACTE. — 1560 — ACTE IT. SCÈNE °°. FAUSTA ; ARIUS. FAUSTA. Eh! bien, m'apportez-vous la nouvelle fâcheuse…. Crispus.…. - ARIUS. Il vit. FAUSTA. Grand Dieu! ARIUS. Sa main victorieuse À de Licinius dispersé les vaisseaux. Le rivage déjà voit flotter ses drapeaux. Déjà de ses soldats débarquent les cohortes. FAUSTA. x De la ville à l'instant que l’on ferme les portes. Allons, et des combats affrontons les hasards. ARIUS. Hélas! quels défenseurs couvriront les remparts ? Le peuple tout entier vers lui se précipite Et votre garde même. irait grossir sa suite. 1 — 561 — Craignez de compromettre un trop faible pouvoir, Madame, Constantin est votre seul espoir. Lui seul terrible à tous, à ce fier adversaire Peut encore inspirer un effroi salutaire. Cléomène est parti. Demain avec le jour L'empereur dans ces murs doit être de retour ; Mais jusqu'a ce moment c'est de votre prudence, C'est du secret surtout, du plus profond silence Que dépend votre sort, que peut dépendre un fils, Objet de tant de soins et de si longs soucis. Cachez bien à Crispus les ordres de son père, Taisez ce qu'on a fait, ce qu'on a voulu faire, Il suffit qu'un seul jour il puisse l'ignorer. FAUSTA. Lorsque tant de témoins... Dois-je encore l’espérer? Enfin l’ignora-t-il, si le sort de la guerre Etait à mon époux en ce moment contraire , S'il tarde un seul instant... Il ne tardera pas. Allez trouver Crispus. Pour arrêter ses pas Employez tour-à-tour et promesse et menace, Intimidez son cœur ou flattez son audace: Dites-lui que je veux l’accueillir aujourd'hui Avec un éclat digne et du trône et de lui; Dites que par mes soins un triomphe s'apprête, Que moi-même je dois présider à la fête. Pour tromper ses soupçons, pour éblouir ses sens, Prodiguez l'espérance et l'or et, les présens; Faites même à ses veux briller le diadème. 36 — 562 — Et moi dusaint pontife implorant l'anathèême, A sa gloire profane, à ses coupables vœux J'opposerai l'autel et le courroux des cieux. Si par vos soins demain au retour de l'aurore, Hors des murs de Byzance il se trouvait encore, Ses efforts seront vains, il n'y rentrera plus. SCÈNE IL. LES PRÉCÉDENTS, EUMÈNE. EUMÈNE. Un guerrier se présente, il précède Crispus. Madame... FAUSTA. Crispus! ciel! que ce guerrier paraisse. SCÈNE II. LES PRÉCÉDENTS, EURIPHON. EURIPHON : L'héritier de l'empire a rempli sa promesse, Madame, 1l est vainqueur, les traïtres sont punis, Le Bosphore et l'Eaxin sont libres d’ennemis. Suiet respectueux, il vient et veut lui-même Faire de ses lauriers hommage au diadême. + FAUSTA. \ Vers le prince, Seigneur, retournez à l'instant. Dites-lui qu'au palais une mère l'attend, — 563 — Et qu'il tarde à la reine après deux ans d'absence De revoir, d'embrasser le sauveur de Byzance! SCENE IV. FAUSTA ; ARIUS. FAUSTA. Il approche. 0 supplice! Ah! donnez-moi, Seigneur, La force de cacher une invincible horreur. Pour abuser limpie aidez à ma faiblesse, Etendez sur son front une main vengeresse. Qu'en vain son désespoir implore votre nom, Égarez son esprit, fascinez sa raison ; Qu'il ne découvre pas mes vœux, mon éspérance! Retenez dans mon sein le cm de la vengeance, Cette haine qu'inspire aux cœurs religieux L'aspect de l’apostat, de l'ennemi des cieux. Il vient. En ma présence avant que de l’'admettre Je voudrais, Arius, que vous pussiez connaître S'il prévoit ce qu'ici nous voulons lui céler. Son abord suffira pour vous le révéler. Inhabile à cacher sa tendresse ou sa hame, Dans ce cœur orgueilleux on peut lire sans peme. Veuillez ici l’attendre et venez m'averur De ce que son aspect vous fera découvrir. SCENE V. ARIUS, CRISPUS, LACTANCE, EURIPHON, SUITE DE GUBRRIERS, ARIUS. Prince, l'impératrice au nom de tout l'empire — 564 — Au. vainqueur... cri CRISPUS. Il suffit. ARIUS. Seigneur... CRISPUS. Allez lui, dire Que je suis dans ces lieux et désire la voir. SCÈNE VI. CRISPUS, LACTANCE, EURIPHON, SUITE. CRISPUS. Oui, de sa bouche aussi je prétends le savoir. Je verrai jusqu'où vont l'audace et l'insolence: De quel front l’on pourra supporter ma présence. Voilà donc ce qu'ici me gardait leur amour Et quel nouveau bienfait attendait mon retour! Vainqueur, mon premier pas sur cet ingrat rivage, Leur premier mot m'apprend'un forfait, un outrage. On veut déshériter le fils de Constantin. Ignore-t-on qu'il a les armes à la main? LACTANCE. Votre cœur désavoue une telle menace, Seigneur. CRISPUS. De tant d'affronts à la fin on se lasse. — 565 — LACTANCE. Songez donc dans quel lieu, dans quel temps, contre qui Votre bouche imprudente ose parler ainsi. Songez quelle est Fausta, que l'épouse d’un père À sur vous le pouvoir et les droits d’une mère. CRISPUS. Qu'elle en ait donc le cœur! Vainement je voudrais Douter de'son espoir, de ses desseins secrets. Sur d'infâmes complots ce jour enfin m'éclaire; Elle seule à versé dans le sein de mon père Ces doutes, ces soupçons; elle seule à ses yeux Ma peint comme un rebelle, un traître, un furieux. Que dis-je! elle a plus loin poussé la prévoyance: Des paiens, de leurs dieux nous sommes l'espérance. Oui, sa voix le répète au peuple, à son époux; Nous sauvons la patrie et l'opprobre est pour nous! LACTANCE. Ah! ne le croyez pas. Vos ennemis peut-être, Seigneur, ne SOnt pas Ceux que vous croyez connaître. Il en est près de vous dont les lâches eflorts D'une ame trop bouillante excitant les transports Ont partout sous vos pas ouvert le précipice. Aujourd'hui contre vous serez-vous leur complice ? Aveugle, dans l'abime irez-vous vous jeter ? Contre l'impératrice on veut vous irriter. On veut par de faux bruits semés avec adresse À quelqu'éclat fâcheux porter votre jeunesse. On veut que d’un sujet oubliant le devoir x x — 566 — Dans Fausta vous braviez un père et le pouvoir. C’est pour vous accuser qu’on vous entraîne au crime Et déjà les bourreaux attendent la victime. Seigneur, au nom du ciel, ayez pitié de vous, Ne vous exposez pas à d'infaillibles coups. Songez à l'empereur, à ce juge implacable Qui jamais n'accorda de pardon au coupable. CRISPUS. Voulez-vous donc me voir courbé sous le mépris, Lactance? Mais déjà j'ai suivi vos avis, Déjà, vous le voyez, cette femme hautaine Abusant contre moi du nom de souveraine, Me confond dans les rangs de ses derniers sujets. Ainsi qu'un étranger reçu dans le palais, Je ne me suis pas plaint, et sans impatience J'attends qu'on daigne enfin me donner audience. Ah! faudra-t:l aussi qu'avec tranquillité J'apprenne que je suis banni, déshérité? Que je dois à ce fils, à cet heureux Constance Céder le don de Dieu, le droit de ma naissance. Et pour légitimer ce nouveau potentat, Subir le nom de traître et celui d’apostat? Certe, à tant de vertu, l'on pourra reconnaitre Que j'ai su profiter des leçons de mon maitre, Et la postérité, juge de ses travaux, Dira qu'un philosophe a su faire un héros. LACTANCE, Outragez-mot, seigneur, ef que votre colère — 567 — Sur un pauvre vieillard s'épuise tout entière; Déchirez-lui le cœur, mais ne vous perdez pas. Du jour où Constantin m'attachant à vos pas, A mes soins a daigné confier votre enfance, Je vous ai consacré toute mon existence , Et dès lors ici bas il ne fut plus pour moi D’autres biens, d’autres maux, Ô mon cher fils, qu'en toi. Ah! pardonne ce nom à ton ami, ton père, Celui qui pour toi seul tient encore à la terre, Qui n'a cessé pour toi de demander au ciel Les attributs du rang où ta mis l'Éternel. Il a comblé mes vœux, ton ame généreuse À repoussé le vice et sa douceur honteuse. Ah! pourquoi ce héros par de nobles efforts Ne peut-il de son cœur maitriser les transports. Avec tant de vertus faut-il qu'il sacrifie À sa fureur aveugle et le trône et la vie. Oui, je te le répète, en pleurant sur ton sort, Mon fils: un mot, un geste est ton arrèt de mort. Hélas! il est des cœurs à jamais inflexibles. Rappelle-toi toujours ces exemples terribles, Ragaise..….. Maximien!.... va, les liens du sang Ne ne te sauveraient pas d’un maître tout puissant! Ne ferme pas ton sein à mes justes alarmes, Prends pitié d'un vieillard , sois touché de ses larmes. Songe qu'à toi, mon fils, il ne survivra pas. 4 CRISPUS. Eh! bien, Lactance, eh! bien , vous guiderez mes pas. _— 568 — Je dois m'en rapporter à votre expérience Et je veux avec vous écouter la prudence. Puisque notre devoir est de tout pardonner, À de nouveaux affronts il faut nous résigner. Qu'elle paraisse enfin cette superbe reine, Qu'elle fasse éclater et ses vœux et sa haine; Ivre de son pouvoir qu'aux yeux de mes guerriers Son orgueil insolent flétrisse mes lauriers. Nous supporterons tout. Heureux si cet outrage Des soldats triomphants n'éveille pas la rage. Heureux si réprimant uñ trop juste’ courroux, Ils savent se montrer aussi liches que nous. SCENE VIT. LES PRÉCÉDENTS, FAUSTA, SUITE DE FEMMES. FAUSTA, Je ne veux écouter que ma seule tendresse, Venez, que sur son sein une mère vous presse. | (Crispus fait un mouvement de surprise.) Oui mère, je le suis. Venez, que dans ce jour Aux yeux de tout l'empire éclate mon amour. Ojmon fils, ils voulaient dans leur vaine prudence, De mon cœur, maternel bannir la confiance. ils disaient que jaloux d'un augusie pouvoir, Sur un trône usurpé vous vouliez vous asseoir: Que j'étais à vos yeux moins l'épouse d’un père Qu'une injuste marâtre, une avide étrangère. je ne les ai pas crus, j'ai méprisé leurs cris, _ — 568 — Sans gardes, sans soupçons, vous le voyez mon fils, Seule je viens vers vous et ne veux pour défense Que ces signes sacrés et que mon innocence. Héritier de l'empire et fils de Constantin, Jamais la trahison ne souilla votre main. CRISPUS. Madame, un tel accueil a droit de me surprendre Et je vous l'avouerai, j étais loin de l’attendre. Si vos accents sont vrais, je veux les croire tels, Nous avons tous les deux des ennemis cruels. FAUSTA. -Qu’entends-je? quoi ! seigneur? et qu'a-t-on pu vous dire? Contre votre repos quel ennemi conspire? De quels torts envers vous ose-t-on m'accuser? Parlez, permettez-moi de vous désabuser, D'éclairer votre cœur. | CRISPUS. Vous le devez, madame. FAUSTA. Des traîtres ont versé le poison dans votre ame; Nommez-moi les auteurs de ce lâche complot. Qu'ils paraissent, je veux les confondre d'un mot. € CRISPUS. Oui vous saurez de moi ce dont ils vous accusent Et vous les connaîtrez, madame, s'ils s’abusent. MO — FAUSTA. Ils s’'abusent, seigneur, vous devez iles punir. CRISPUS. Veuillez les écouter. FAUSTA. Eh ! bien {à part), sachons souffrir… CRISPUS. Suivant eux, l'équité, les droits de la naissance, Quelques titres peut-être à la reconnaissance Seraient un vain obstacle à d’ocieux desseins. On aurait su tromper, égarer les Romains. On aurait contre un fils armé le bras d'un père. On voudrait repousser ce fils de la carrière, L'avilr, le priver d'un glorieux appui, Elever un rempart entre le trône et lui. Ces projets, ces complots seraient ceux d’une mère Qui peut-être abusant d’un sacré caractère, Contre les droits du sang, la raiscn, l'équité , Se prévaudrait du sceptre et de l'autorité. FAUSTA. Voilà ce qu'on disait? CRISPUS. Cette mère aurait même Aujourd'hui, dans ce lieu, donné le diadème. FAUSTA, Comme vous je le vois, oui nous avons, mon fils ; Nous avons tous les deux de cruels ennemis. — 571 — Dévoiler l'imposture, à vos yeux la confondre Est une tâche aisée et les faiis vont répondre. J'irrite, vous dit-on, les Romains contre vous Vous êtes leur idole. Abusant mon époux, Je vous nuis, je vous perds. Vous guidez son armée. La route des honneurs vous est, dit-on, fermée. L'univers retentit de vos nobles travaux. J'avilis votre nom. Vous êtes un héros. Je veux à votre place élever votre frère. Seigneur, je suis romaine avant que d'être mére. Est-ce au jour où l'empire assailli, déchiré, En proie aux factions, d'ennemis entouré, Quand cent peuples nouveaux apparus à la terre Jusque sous ces remparts osent porter la guerre, Est-ce enfin quand pâlit lastre dé l'Orient, Que je voudrais au trône appeler un enfant. -Oui, sans doute, je veux que digne de ce trône il puisse, ainsi que vous, honorer la couronne, Si les décrets dé Dieu, de ce Dieu tout-puissant Lui réservaient aussi cé dangereux présent. Mais loin de m’accuser d’une lâche espérance Voyez un grand devoir dans celte prévoyance : IL faut un successeur à qui doit gouverner. Vous sujét, mon époux vous apprit à régner, Lui-même vous guida, prince, dans la carrière, C'est à vous aujourd'hui d'y guider votre frère. Instruisez sa jeunesse et dirigez ses pas, Qu'il s’essaie à la gloire au rang de vos soldats ; Et quelque jour enfin s'il en devenait digne, — 572 — S'il pouvait mériter cette faveur insigne, Je vous demanderais qu'il obtint près de vous Celui que vous avez auprès de mon Fri Tels sont tous mes complots. ’ CRISPUS. Je vous en crois, madame, J'aime mieux m'abuser que d’un projet infàme, D'un mensonge odieux soupconner votre cœur. Non, vous n'invoquez pas un sentiment trompeur. Non vous ne voulez pas dépouiller par un crime Le fils de votre époux, l'héritier légitime. FAUSTA. Vous en doutez encore. Eh! bien, allons, seigneur, Allons, n'attendons pas l'ordre de l'empereur, Venez dans le sénat, venez, je VEUX moi-même Vous remettre la pourpre et le pouvoir suprême. Je veux, puisse un époux aussi le pardonner, En présence de tous, prince, vous couronner. Mais éloignez la flotte et qu'on ne puisse croire, Que la force a ravi le prix de la victoire. Ne déshonorez pas de si nobles exploits. CRISPUS. Madame, à l'empereur il faut laisser ses droits, Et de votre amitié la preuve la plus claire Pour moi sera l'accueil que me fera mon père. Je me rends dans son camp. Le soleil de demain Guidera mes vaisseaux au-delà de l'Euxin. Jusques à ce moment, dans les murs de Byzance — 573 — Veuillez de mes guerriers supporter la présence; Ils ne sont point à craindre, ils honorent en vous La majesté du trône et le nom d'un époux. Pour moi si ma franchise avait pu vous déplaire, Excusez un soldat. FAUSTA. Embrassez votre mère, { Crispus s’avance vers Fausta.) LACTANCE. ) Dieu! je te remercie. SCÈNE VIN. LES PRÉCÉDENTS, CONSTANCE ,. &/ a le bandeau royal sur le front. CONSTANCE. Ah! ma mère, soufirez Qu'a mon frère un instant... FAUSTA, ex apercevant le diadéme. Ciel! (Haut.) Mon fils accourez Rendre hommage au héros l'honneur du diadéme. CONSTANCE, hésitant à s'approcher de Crispus. Le prêtre na donc pas prononcé l’anathême ? FAUSTA. Quelle bouche coupable a pu... — 574 — CONSTANCE. Mais... Vous. .… FAUSTA, l'interrompant. Selgneur , Quelle idée importune a glacé votre cœur?. Quand je vous ai prouvé... Quelle autre défiance ? CRISPUS. La preuve... je la vois sur le front de Constance. FAUSTA. Quoi! ce bandeau, seigneur. pardonnez.….un enfant. IL ignorait le prix de ce noble ornement. Pour lui votre arrivée était un jour de fête Et sa main innocente en a paré sa tête. CONSTANCE. Ma mère, sur mon front vous-même l'avez mis. Le sénat était là. FAUSTA. Retirez-vous, mon fils. CRISPUS. (Il retient Constance et le ramène vers sa mère.) Non, madame, pourquoi vous priver de sa vue? Toute la vérité maintenant m'est. connue. Les méchants me trompaient! c'était la trahison Qui fascinait mon cœur, y versait le poison. Vous étiez mon appui, ma plus chère espérance, Üne autre mère, enfin. Qu’en dites-vous, Lactance? — 575 — LACTANCE. Ah! prince, gardez-vous..…. CRISPUS. Avant que Constantin De retour en ces lieux ait fixé mon destin, Vous couronnez ce fils; et votre impatience Prévient même le jour de son adolescence. Je suis donc le sujet de ce nouveau César? Je ne reviens vainqueur que pour orner son char? Mais que sais-je! peut-être au fond d'un monastère Votre amitié me garde un trône moins vulgaire. Déjà vous préparez pour un dernier affront Le fer qui doit bientôt déshonorer mon front. Vous voulez sous un froc ensevelir ma gloire Et me faire expier mes droits et la victoire. FAUSTA. Prodiguez-moi l'insulte et ne blasphèmez pas. 1 CRISPUS. Qui blasphème, madame? et de quels attentats Prétendez-vous encor calomnier ma vie. Voilà par quels moyens, par quelle hypoerisie, Par quel masque trompeur de vertu, d'équité Une femme. LACTANCE à Fausta. Ah! seigneur... de ce cœur irrité Oubliez 3 transports. — 576 — FAUSTA. Ceite femme peut-être, Se lassera d'entendre ici parler en maître. CRISPUS. Eh ! bien, répondez donc. Est-ce au nom d’un époux Que ce fils? e FAUSTA. De quel droit me le demandez-vous ? CRISPUS. Du droit de la vengeance. En l'absence d’un père On prétend dépouiller..….. venez, venez, mon frère, Je ne souffrirai pas ces infâmes complots. (I attire Constance à lui.) LACTANCE. Que faites-vous ! FAUSTA & Constance. Mon fils ! CRISPUS. À bord de mes vaisseaux Venez, vous attendrez que Constantin décide Entre nous et les vœux d'une mère perfide. | (Il remet Constance à ses officiers.) FAUSTA. Me l'arracher! barbare! au nom de l’empereur Qu'on punisse à l'instant ce lâche ravisseur. CRISPUS. Qu'on l'emmène. — 577 — LACTANCE. Arrêtez... quelle aveugle furie. Vous vous perdez, seigneur. CONSTANCE. Ma mère! FAUSTA. O perfidie! Quoi! pas un défenseur! moi votre reine! CRISPUS, aux soldats. Allez. (Euriphon et une partie des soldats emmènent Constance.) FAUSTA. O mon fils! Ah! seigneur! misérables, tremblez. Ah! laissez-moi le suivre... Oui, dans ton sang infâme Mon époux vengera… CRISPUS. Retirez-vous, madame. FAUSTA. Osez... . CRISPUS. Qu'on la conduise à son appartement. (Deux des officiers de Crispus s’approchent de Fausta, la conduisent hors de la scène où ils rentrent quelques instants après.) 37 — 578 N SCENE IX. CRISPUS, LACTANCE, SUITE DE CRISPUS. LACTANCE. O regret! à douleur! funeste emportement ! Seigneur qu'avez-vous fait! CRISPUS. Jai défendu mon père. (Il sort suivi de ses soldats.) SCÈNE X. LACTANCE, seul. Jette sur lui, seigneur, un regard tutélaire. Courons, suivons ses pas, rappelons sa raison. De Fausta, s'il se peut, obtenons son pardon. FIN DU DEUXIÈME ACTE. — 579 — ACTE HE SCÈNE Fr. ARIUS, seul. O courroux du Seigneur! à fatale journée! Malheureux Constantin! princesse infortunée! SCENE IL. ARIUS, FAUSTA. FAUSTA. Mon fils! ARIUS. Jusqu'au vaisseau j'ai pu suivre ses pas. Je l'ai vu comme ôtage accueilli des soldats. FAUSTA. Que Constantin se hâte. Oui, mes jours en dépendent. ARIUS: Les bruits les plus fâcheux, madame, se répandent. Dans les champs d’Andrinople on dit que l'empereur Contre Licinius… FAUSTA. Quoi! n'est-il pas vainqueur ? — 580 — ARIUS. Il ne l'est pas! FAUSTA. Lui! ciel! ARIUS, Mais d'un coup plus sensible Je dois... hélas! FAUSTA. Grand Dieu! ARIUS. L'avenir est horrible. Dans ce combat, dit-on, il a trouvé la mort. FAUSTA. O mon fils! ARIUS. Des fuyards arrivés dans le port Ont proclamé partout cette affreuse nouvelle. FAUSTA, après un moment de silence. C'est de quelqu'ennemi le récit infidèle. S'il eut péri, le ciel, par des signes certains, L'aurait, n’en doutez pas, fait connaître aux humains. Cléomène n'a point reparu dans Byzance. Jusques à son retour conservons l'espérance. — 581 — SCENE IL. LES PRÉCÉDENTS, LACTANCE. LACTANCE. Le prince désolé, madame, vient vers vous. Vos malheurs sont les siens. Son père, votre époux, Constantin... mes sanglots vous annoncent le reste. Que vos ressentiments dans ce moment funeste Cèdent à la raison, au salut des Romains, Aux intérêts que Dieu déposa dans vos mains. Le prince voit vos maux ; ils pèsent sur son ame. Oubliez qu'il a pu vous outrager, madame, Et lui-même bientôt, juste dans ses remords, Se montrera soigneux de réparer ses torts. Si vous eussiez connu ce noble caractère, Jamais il n'eut bravé la douleur d’une mère, Jamais il n'eut ravi Constance à votre amour. Mais au nom de ce fils, pour le revoir un jour, Gardez-vous d’offenser une ame trop hautaine, Ne le haïssez pas. FAUSTA. Toute entière à ma peine, Reste-t-1l à mon cœur le pouvoir de hair! Quel chagrin, quel tourment aï-je encore à souffrir? Aï-je quelqu’autre espoir que celui de la tombe? Hélas! j'étais épouse et mon époux succombe ! J'étais mère et mon fils aux mains de ses sujets "— 582 — Peut-être à mon amour est ravi pour jamais. Crispus veut devant lui que mon orgueil fléchisse ; Eh! bien, je me résigne à ce nouveau supplice. Consolateur funésté, ‘avide de mes pleurs, Qu'il vienne, j'y consens, contempler mes douleurs. SCÈNE IV. FAUSTA, ARIUS. FAUSTA. A l'excès de mes maux je ne puis croire encore. Non, ce Dieu de bonté, ce maître que j'adore, Ce Dieu, pour nous sauver, immolé sur la croix, Ce Dieu dont Constantin a reconnu les lois, Voudrait-il sur le trône asseoir l'idolâtrie Et faire prévaloir le culte de l'impie? Non, non, j'attends de lui quelques nouveaux bienfaits. SCÈNE V. LES PRÉCÉDENTSS EUMÉNE. EUMÈNE£. Madame, Cléomène entré dans le palais. FAUSTA. Ce prompt retour... à ciel! ô moment d'épouvante | Que va-t-il m'annoncer. Qu'il vienne. (Eumènce sort.) — 583 — SCÈNE VI. FAUSTA, ARIUS. FAUSTA. Quelle attente! 1 s'agit d’un époux, de l'empire, d’un fils. On approche. O0 mon Dieu ! soutiens-moi, chère Iphis. C’est la vie ou la mort. | SCÈNE VIL LES PRÉCÉDENTS, CLÉOMÈNE. CLÉOMÈNE. Je viens sécher vos larmes, Madame, et dissiper de trompeuses alarmes. FAUSTA. Mon époux ? CLÉOMÈNE. Il vit. FAUSTA.. Dieu ! CLÉOMÈNE. Cet écrit. (Il remet une lettre à Fausta.) Son amour Au bruit de vos dangers à pressé son retour. Précédant son armée, il me suit. Sa présence — 584 — A ce peuple éploré va rendre l'espérance. Licinius est pris. Tout cède au nom romain. ‘ FAUSTA, aprés avoir lu la lettre. O Bonheur! CLÉOMÈNE. Le succès demeurait mcertain : L'empereur n'écoutant que son bouillant courage, Loin des rangs, combattait au plus fort du carnage. Tout-a-coup se répand le bruit de son trépas. La terreur aussitôt s'empare des soldats. De Rome, des chrétiens, c'en était fait peut-être, Si le ciel n'eut veillé sur notre auguste maitre. Il reparaït bientôt, la victoire avec lui. Mais déjà vers ces murs des lâches avaient fui, Emportant avec eux leurs funestes alarmes. Eux seuls ont fait ici répandre tant de larmes. C'est par eux qu'en ces lieux se propageant l'erreur, Chacun croit au trépas du monarque vainqueur. Je n'ai pas détrompé cette foule éperdue. La vérité, madae, à vous seule est connue, Crispus même l'ignore ainsi que votre fils. FAUSTA. Oui, je triompherai de tous mes ennemis! Tremble, vil ravisseur, pleure ta destinée; Pleure, Constantin vient et ton heure est sonnée. Sans remords, sans pitié; je te verrai mourir, Tu m'as assez donné le droit de te hair. — 585 — SCÈNE VIT. LES PRÉCÉDENTS, CRISPUS, LACTANCE. CRISPUS. Madame, un bruit sinistre a consterné Byzance, On dit. mon cœur encore conserve l'espérance ; Mais aux mortels tourments dont il est déchiré Je sens. de quels soucis le vôtre est dévoré. Vous aimiez un époux, de plus vous êtes mère! Je n’aggraverai pas votre douleur amère ; Quels que soient les affronts que de vous je reçus, Madame, vous souflrez, je ne m'en souviens plus. Si l'empire a perdu le prince qu'il révère, Si nous devons pleurer votre époux et mon père, Je ne vois plus en vous, quand le sceptre est à moi, Qu'un dépôt que le ciel a remis à ma for. Oui, je veux par mes soims adoucir tant de peine Et vous faire oublier jusques à votre haine. Mon cœur, je le sais trop, est prompt à s'irriter. A des excès peut-être on Ja vu se porter ; Mais aux sages conseils il sait aussi se rendre, Et le retour d’un fils va bientôt vous l’apprendre. Parmi mes compagnons il n’a plus d'ennemis, Entre les mains d'Eumène il vient d’être remis. FAUSTA. Je dois vous savoir gré de tant de bienveillance. A vos autres vertus vous joignez la prudence: — 586 — Quand j'étais sans secours, insensible à mes pleurs, Contre moi, contre un fils éclafaient vos fureurs. Un défenseur vient-il, un monarque qui m'aime, À l'instant généreux et maître de vous-même, Vous n'offrez votre appui. Prince, tant de grandeur Ne peut que vous servir auprès de l’empereur. CRISPUS. L'empereur? Avez-vous reçu quelque nouvelle? Faites cesser, madame, une attente mortelle, FAUSTA. Il est vivant. Pourquoi cette surprise et ce transport si grand? Vous le saviez. LACTANCE. O ciel! CRISPUS. Mon Dieu, je te rends grâce. FAUSTA . Oui mon époux respire, il vient punir l'audace, IL triomphe, il approche et d'indignes sujets Vont me rendre aujourd'hui compte de leurs projets. Oui des larmes de sang vont expier mes larmes. CRISPUS, à Lactance. | ({ n’a pas entendu les dernières paroles de Fausta.) Mon père est tmomphant! la gloire de nos armes N'est pas ternie encor, Lactance. Constantin Est toujours le soutien, l’orgueil du nom romain. — 587 — Ah! je n'ai pas perdu le fruit de la victoire, Puisque j'ai pu'servir, Ô mon père, à ta gloire. Tes vaisseaux ramenés; ceux de nos ennemis, Du Bosphore à l'Euxin dispersés ou soumis ; Le Gaulois et le Franc proclamant ta puissance ; Les Germains repoussés loin des murs de Byzance; Ges succès te diront que ton fils, que Crispus, N'a pas dégénéré de tes nobles vertus. FAUSTA:. L'insulte prodiguée à l'épouse d'un père, Un enfant arraché par la force à sa mère, Cette mère livrée aux soldats furieux, Sont encore des hauts faits, des exploits glorieux, Dont vous pourrez, Seigneur, demander le salaire. CRISPUS. Si l'empereur devait montrer un front sévère, Je ne sais qui de nous, pourrait craindre aujourd'hui. Ce fils sans son aveu couronné loin de lui, En d'étranges soupçons pourrait jeter son ame. Mais comptez sur ma foi; je vous l'ai dit, Madame, Si l'amour maternel égara votre cœur, J'excuse la faiblesse et pardonne à l'erreur. Et de ces vains débats que ma raison déplore, Je ne me souviens plus. FAUSTA. Je men souviens encore. Par ce lâche détour croyez-vous m abuser _ 588 — Et conjurer le coup prêt à vous écraser? Crispus est généreux et Fausta doitle croire. Vous ignoriez...... Lisez. (Elle lui présente Ja lettre de Coustantin.) CRISPUS, lisant. « Du champ de la victoire, » Au nom de l'Eternel à Constance, à mon fils, » Je confirme le don que pour vous je lui fis; » Que le nouveau César près de celle que j'aime, » Paraisse dans ce jour orné du diadème. » (Crispus reste immobile et paraît anéanti.) LACTANCE, à part. O malheureux Crispus! (haut) Madame, dans vos mains Est le sort d’un héros, de l'espoir des Romains , De votre fils. FAUSTA. Mon fils, le fils de Minervine! Celui de qui la rage attendait ma ruine! L'exécrable apostat que réprouve le ciel! Non, non, il n'est pour moi qu'un ennemi mortel. LACTANCE. Ah! si vous l’accusez, c'en est fait de sa vie. CRISPUS. Cessez donc d'implorer cette marâtre impie. FAUSTA: Oui, suivez son conseil, laissez-le m'outrager, J'en aurai plus de joie à pouvoir me venger. — 589 — Malheur à toi, Crispus! la haine pour la haine! Tu n’auras pas en vain bravé ta souveraine. Oui je t'accuserai, traître, oui l'empereur Saura tous les forfaits qu'a conçus ta fureur. Oui, je veux à grands cris implorer sa justice, Et repaître mes veux de ton juste supplice. LACTANCE. O jour affreux ! SCÈNE IX. LES PRÉCÉDENTS, EURIPHON. EURIPHON. Seigneur, d'après des avis surs Votre père à l'instant arrive dans ces murs. Sur ce bruit, vos amis ont cru que la prudence Voulait qu'on difléràt de remettre Constance. FAUSTA. Dieu ! EURIPHON. J'ai dû recourir à des ordres nouveaux. CRISPUS. Allez, qu'on le ramène à bord de mes vaisseaux Et qu'au premier signal à partir on s'apprête. (Euriphon sort.) — 590 — SCENE X. LES PRÉCÉDENTS , hors EURIPHON. FAUSTA & part. Imprudente ! (Haut.) Seigneur. CRISPUS. Vous demandez ma tête ? Ce gage à mes soldats répond de vos projets. FAUSTA. Dieu ! SCENE XI. LES PRÉCÉDENTS, UN, OFFICIER. L'OFFICIER. L'empereur, madame, approche du palais. FAUSTA. Mon fils! LACTANCE à& Crispus. Ah! vous avez mérité sa colère. Fuyez. \ CRISPUS. Allons, Lactance, au-devant de mon père. — 591 — SCÈNE XII. FAUSTA, ARIUS, CLÉOMÈNE. FAUSTA. Qu'ai-je fait? Ô mon fils, c’est moi, c’est ccite main Qui te livre au couteau de ce lâche assassin. Pourquoi donc, Arius, pourquoi votre sagesse N'a-t-elle pas calmé mon imprudente ivresse ? Ah! ne deviez-vous pas lorsque je m’égarais Me dire en quel péril je me précipitais. ARIUS. Eh! bien, que tardez-vous à dénoncer le crime! FAUSTA. O dieu! mon fils serait la première victime ! Ne connaissez-vous pas le cœur de mon époux? Quel désespoir jamais a fléchi son courroux ! En vain nous voudrions suspendre la sentence, I la prononcerait! et mon fils, et Constance Dans les mains de Crispus, ôtage de son sort, Expierait ‘2 son sang ce juste arrêt de mort. Songez bien qu'il s'agit du salut de Constance. On vient. C'est Constantin. gardez tous le silence, Par un zèle indiscret n'aggravez pas mes maux. Mon fils est dans leursmains, sous le fer des bourreaux. — 592 — SCÈNE XIII. LES PRÉCÉDENTS, CONSTANTIN, CRISPUS, LACTANCE, SUITE DE CONSTANTIN. (4 est précédé du labarum et de trophées.) CONSTANTIN , & un officier qui le suit. Vous essayez en vain de fléchir ma justice. Licinius vaincu doit marcher au supplice. L'OFFICIER , ex suppliant. L'’époux de votre sœur. CONSTANTIN. Son arrêt est porté. Demain avant le jour qu'il soit exécuté. (L'officier sort.) Madame, l’Éternel m'a donné la victoire. L'empire se relève, il renait à la gloire, Et le peuple Romain réuni sous ma loi N'a plus d'autre empereur , d'autre maître que moi. Mes guerriers triomphants s’avancent vers Byzance. J'ai précédé leurs pas, et mon impatience Yous prouve que toujours vous régnez sur mOn Cœur. (Fausta s’avance vers Constantin et le salue avec respect.) Que vois-je ? Vous pleurez.… Quelle étrange douleur! FAUSTA. Ah! ne le croyez pas... le bonheur... l'espérance... — 593 — CONSTANTIN. D'où vient que près de vous je ne vois pas Constance ? FAUSTA. Constance. non seigneur. j'étais seule en ce lieu. Il va venir… il vient. je craignais (à part) à mon Dieu! CONSTANTIN. Vous craigniez ? FAUSTA. Moi? non, non. Si vous pouviez connaître CONSTANTIN, d'un ton sévère. Madame, votre fils. FAUSTA. Mon fils. il va paraître. Je n'avais pu prévoir, seigneur, votre retour, °) Et loin de ce palais, j'ai permis qu'un seul jour. CONSTANTIN. Mais ces pleurs... FAUSTA . Il est vrai. Ce bruit. votre présence Après tant de dangers, une si longue absence... Quand ce peuple agité... permettez qu'un moment, Seigneur, je me retire en mon appartement. 38 — 594 — SCÈNE XIV. CONSTANTIN, CRISPUS, LACTANCE, ARIUS, CLÉOMÈNE, SUITE DE CONSTANTIN. CONSTANTIN. Est-il quelque secret que l’on veuille me taire? J'éclaircirai bientôt cet étrange mystère. (Il regarde fixementtCrispus. ) LACTANCE à part. Veille sur lui, mon Dieu! sois touché de mes pleurs. CONSTANTIN. Approchez-vous, Crispus. Vossoldats sont vainqueurs, Je le sais. Leurs efforts ont triomphé d’un traître. J'applaudis à leur zèle et veux le reconnaître. Quant à vous, je ne puis encor me prononcer. Dois-je aujourd’hui puni ou bien récompenser ? Voilà, ce que bientôt jugera ma prudence. J'ai pu jusqu'à ce jour écouter l'mdulgence ; Je me suis montré père, il faut que juge enfin, Je pèse l'avenir de l'univers romain. Avez-vous respecté le pouvoir d’une mère? Vous a-t-on vu l'appui, le protecteur d’un frère ?. De la religion le zélé défenseur? Vos actions ici règleront ma faveur. Comptez sur mon amour ou craignez ma justice! Vous, Arius, allez dire à l'impératrice Qu'au sortir du conseil ici je me rendrai, — 595 — CRISPUS Seigneur. a CONSTANTIN. Vous y serez et je vous entendrai. SCENE XV. CRISPUS, LACTANCE. CRISPUS. C'est ta haine, Fausta, qu'on me donne pour juge. LACTANCE. Dans sa pitié, Seigneur, est votre, seul refuge: S'il en est temps encor obtenez un pardon... Ah! ne refusez pas d'écouter la raison. CRISPUS. Implorer cette femme... LACTANCE. Elle est reine, elle est mère. CRISPUS. Si je dois supplier, je supplierai mon père. LACTANCE. Voire père! à mon fils! à prince infortuné! CRISPUS. Je prévois mon destin et jy suis résigné, Qui, je lui dirai. tout. Un reste, de, tendresse — 596 — Peut-être dans son cœur défendra ma jeunesse. Peut-être sa bonté. LACTANCE. Non! ne l'espérez pas. Le malheur! à mon fils, environne tes pas. Si tu parles, tu meurs. Sa justice sévère Ne verra que l'affront fait au fils, à la mère, Son pouvoir méconnu, son sceptre méprisé, Tous les crimes enfin dont tu fus accusé. Fausta seule, Fausta peut te sauver. CRISPUS. Lactance, Voulez-vous sur sa tête attirer ma vengeance ? Sur elle, pas un mot; car je sens que mon cœur Ne résiste qu'à peine à sa juste fureur, Et je me souviendrais peut-être qu’une armée Est proche, et qu'à me suivre elle est accoutumée. LACTANCE. O ciel! Allons, mon fils, supplier l'empereur. Sa bonté... pardonnez mes craintes; ma douleur. ‘Je n'espère qu'en Dieu. Sa clémence ineffable Fléchit quand il lui plaît le cœur inexorable. Il ne souffrira pas qu'un roi, que Constantin, Du plus pur de son sang souille sa noble main. Mais le temps presse, allons, et de l’impératrice Prévenons, s'il se peut, la voix accusatrice. L'empereur au conseil à cette heure se rend. Parvenez jusqu'à lui, votre sort en dépend. FIN DU TROISIÈME ACTE. — 597 — ACTE IV. SCÈNE l". FAUSTA, seule. Personne encore, Ô ciel! ne veut-il pas m'entendre? Crispus, à t'implorer il me faut donc descendre, Il me faut oublier un trop juste courroux. Rends-moi, rends-moi mon fils, je tombe à tes genoux! Mon fils est innocent, il te craint, il t’honore, Moi seule je te hais, Crispus, et je t'implore. On ne vient pas, mon Dieu ! repoussez-vous mes vœux ? Peut-être en ce moment dans leur délire affreux Ces monstres dans son flanc plongeant leur bras impie, Sur ses restes sanglants épuisent leur furie. SCÈNE IT. FAUSTA, ARIUS. ARIUS. Crispus consent enfin à se rendre vers vous. FAUSTA. Ah! qu'il vienne, Arius, avant que mon époux Ait connu son forfait, ait vu le parricide. ARIUS. Je ne sais quel espoir en ce moment le guide. — 598 — Dans sa sombre fureur deux fois il a tenté De forcer du conseil le secret redouté, Et jusqu'à l'empereur, malgré l'ordre sévère, De faire parvenir une voix téméraire. Vos amis ont deux fois rendu ses projets vains. FAUSTA. Que je sois seule en butte à ses cruels desseins , Qu'il m'outrage, Arius, qu'il accuse et menace, S'il épargne mon fils, ah! je lui rendrai grace. Mon fils. aux factieux J'ai voulu l’arracher, Mes larmes, mes trésors, rien n'a pu les toucher. C’est dans mon ennemi qu est ma seule espérance, C’est lui seul qui peut mettre un terme à ma souffrance ; Lui seul peut le soustraire au fer des assassins. S'il me le rend, j'oublie à l'instant ses desseins, Je lui pardonne tout, sa haine, sa colère, Je serai son appui, je deviendrai sa mère; Je veux contraindre enfin mon cœur à le chérir. Puisse-t-1l m'écouter, puissé-je le fléchir ! Mais qu'il tarde, Arius: 0 mon Dieu! si son père, Avantqu'ilne m’entende.…on vient. queDieul’éclaire! x SCÈNE TIE. FAUSTA; ARIUS, CRISPUS, LACTANCE, EURIPHON. FAUSTA. \ Je ne tenterai pas de déguiser mes torts, Oui je mé suis livrée: à d'indignes transports ; 0500) — Oui je vous ai contraint par ma seule imprudence A méconnaître en moi les droits de la puissance. Je devais supporter un injuste courroux, Je devais me jeter au-devant de vos coups. En voyant à vos pieds une reine, une mère, Vous eussiez respecté la volonté d'un père, Et pour sauver vos Jours, sur le sein d’un enfant Vous ne tiendriez pas ce glaive triomphant. Ah! ne le perdez pas en vous perdant vous-même. Je ne viens pas briguer l'honneur du diadème, Solliciter pour lui l'abandon de vos droits, Le prix de vos travaux, le prix de tant d'exploits. Qu'il vive, c'est l'espoir, c'est le seul qui me reste, Tout ce que je demande à la, bonté céleste. CRISPUS. Ce fils, vous le verrez. Mais avant tout je veux Détromper l'empereur, lui dessiller les yeux. FAUSTA. Quoi! vous voulez, seigneur, affronter sa colère? Songez.… c'est Constantin. c'est celui. CRISPUS. C'est mon père. Sur lui je me repose. FAUSTA. Ah! ne vous flattez pas. Je sais trop... évitez de dangereux, débats. Vous avez offensé la majesté! du, trône, — 600 — Ce n'est pas un forfait que l’empereur pardonne. Vous mourrez, croyez-en un avis trop certain, Vous mourrez, je connais le cœur de Constantin. CRISPUS. Eh! ne vouliez-vous pas lui demander ma vie? FAUSTA. Je n'écoutais alors qu'une aveugle furie. Mes regrets. CRISPUS. Bien plutôt vous craignez mes soldats, Vous craignez sur ce fils que vengeant mon trépas… FAUSTA. Attendre de vous seul, le salut de Constance, Est-ce un tort à vos yeux, Seigneur, est-ce une offense ? Non, tant que vous vivrez, je ne crains rien pour lui, Contre des furieux vous serez son appui. Ah! seigneur, en douter serait vous faire outrage ! CRISPUS. Vous me teniez naguère un semblable langage En m'accusant dans l'ombre, en me perçant le sen. FAUSTA. .O'OCf (HO Hi À Lie ; +58 NE. 3 On vous peignait à moi sanguinaire, inhumain, Seigneur, j'avais un fils. Ah! si vous étiez père, Vous pourriez concevoir les terreurs d'une mère. Je ne-fhfexeusë! pas, je vous l'ai dit, seigneur, La tendressé/ da lcrainté ‘ont égaré mon cœur. Oui, j'ai voulu Yoüs perdre oui, oui, je suis coupable ; — 601 — Mais mon fils, mais Constance en est-il responsable ? Un jour, un seul instant, prince, rendez-le moi, S'il faut du sang, prenez celui que je vous doi, Prenez le mien, prenez, je serai trop heureuse. Redoutez-vous un piége, une adresse trompeuse? Eh! bien, qu’exigez-vous? quels témoins, quels garants? Quels gages à vos yeux paraîtront assez grands? Faut-il de ce palais, de ces murs, de l'empire Eloigner à l'instant quiconque peut vous nuire, Vous promettre, jurer, sur tout ce qui s’est fait L'oubli le plus entier, le plus profond secret? Ah! je consens à tout. CRISPUS. Au prince, à ja patrie Je n'ai jamais tenté de déguiser ma vie. Soit que j'aie écouté la raison ou l'erreur, Je ne veux rien cacher, madame, à l'empereur. Qu'il me juge. FAUSTA . Qu'il juge! et mon fils est encore Aux mains de vos soldats. Seigneur, je vous implore, Ayez pitié de vous, ayez pitié de moi. Croyez-en ma douleur, fiez-vous à ma foi: Je veux non seulement détourner la tempête, D'un châtiment certain préserver votre tête, Je veux encor, je veux supplier mon époux De vous rendre vos droits, de n'accorder qu'à vous Ce titre dont l’orgueil égara ma prudence, — 602 — Ce titre, qu'il, daignait accorder à Constance. Vous ne répondez pas! Arius, vous, seignewr, Ah! joignez-vous à moi pour attendrir son cœur. Qu'il me rende mon fils. Minervine, sa mère, Du fond de son tombeau lui porte ma. prière. LACTANCE, Ecoutez la raison, ouvrez enfin les yeux, Acceptez, accordez un pardon généreux. Après tant de fureurs, il est temps que la guerre Cesse entre l'héritier et l'épouse d’un père, Qu'un pacte solennel, voile religieux, Couvre à jamais les iorts, les fautes de tous deux. Sur ce livre sacré, ce sacré diadème, Ce trône, cet autel, en face de Dieu même, Qu'un serment, gage saint d'une éternelle paix, Prévienne la discorde et de nouveaux forfaits. Prince, que le retour de Constance, d’un frère, Montre à quel grand devoir vous voulez satisfaire: Et vous, venez, madame, en sauvant un héros Arracher cet empire à des dangers nouveaux. FAUSTA , Je suis prête. LACTANCE. Seigneur... « CRISPUS. Leur insolente audace, Lactance, prétendra que j'ai demandé grâce. — 603 — FAUSTA. Eh! bien, vous leur direz, vous leur direz à tous Que votre souveraine était à vos genoux, CRISPUS, relevant Fausta. Madame. LACTANCE. Par celui qui te servit de pere, Oui, par ces cheveux blancs, écoute ma prière, Mon fils, je t'en conqure au nom de l'amitié, Au nom de ma vieillesse, au nom de la pitié, Ïl s'agit de ta gloire et ta gloire est là mienne. CRISPUS. Vous le voulez, Lactance ? LACTANCE. Ii le faut. CRISPUS & Euriphon. Qu'il revienne. FAUSTA. Ah !seigneur...ômonfils… oui, bientôtdansmesbras.… Qu'on approche l'autel... et vous, ne tardez pas. (Euriphon paraît hésiter et attendre de nouveaux ordres.) N'en doutez point, je vais acquitter ma promesse. Qu’attendez-vous? courez, hàtez-vous, le temps presse. C'est d’un instant, d'un seul, que dépend notre, sort, Un instant est la vie, un instant est la mort. Si l'empereur... = ei — CRISPUS. Allez. (Euriphon sort.) SCENE IV. LES PRÉCÉDENTS, EXCEPTÉ EURIPHON. FAUSTA. Vénérable Lactance, énélis l'esprit saint, invoquez sa présence. (On prépare l'autel, le livre saint.) FAUSTA, la main sur l'autel. Au nom du Dieu vivant, à la face du ciel, Par le sauveur du monde et son sang immortel, Sur la tête d’un fils, sur son heure dernière, Par ce sceptre, ce trône et la foi qui m'éclaire, Par mon salut enfin et mon éternité, Je jure à toi, Crispus, à ta postérité De garder sur ce jour un éternel silence. Si j'enfreins ce serment, ce pacte d'alliance, Que ce Dieu qui m'entend, que ce Dieu redouté Qui punit le parjure et l’infidélité, Dans le gouffre infernal, vivante me confonde! Qué ce sang répandu pour le salut du monde Retombe sur ma tête, et que jamais la mort Ne puisse m'arracher à l'éternel remord. (Elle reste un moment la main étendue sur l'autel.) 4906 LACTANCE. Approchez, fléchissez aux pieds de votre mère. (Crispus s'approche de Fausta et fléchit légèrement le genou.) FAUSTA. Que la paix entre nous soit durable et sincère ! , CRISPUS. Ma main en est le gage. FAUSTA. Oui, vous l'avez promis. Et quels sont les serments que Crispus a trahis ?.. Mais Constance, seigneur, tarde bien à paraitre. Vous avez entendu la volonté d'un maître. Au sortir du conseil je dois lui présenter Ce fils. par ee retard craignons de l'irriter. Redoutons…. UN OFFICIER annoncant. L'empereur ! FAUSTA. Dieu! si dans sa colère... (A Crispus à part.) Ah! seigneur, aidez-moi, la ruse est nécessaire. Dissimulez ce trouble et cet air soucieux. Qui fait naître un soupçon est coupable à ses veux. SCENE V. LES PRÉCÉDENTS, CONSTANTIN, SUITE. ! CONSTANTIN. Les pleurs: que vous versez dans ce jour d'allégresse, — 606 — Madame, ont justement alarmé ma tendresse. Lorsque je suis vainqueur, qui peut vous afiliger? Quels que soient vos chagrins, j'ai droit de les juger. Il est un fait surtout qu'ici tout me fait craindre. Dn fils de Minervine auriez-vous à vous plaindre ? FAUSTA. Non, seigneur, votre fils soumis, respectueux, À rempli son devoir et comblé tous mes vœux. CONSTANTIN. Vous m'en parliez, madame, avec moins d'indulgence Quand vous me demandiez la pourpre pour Constance. FAUSTA. Je m'abusais sans doute, et vous savez, seigneur, Que le cœur d’une mère est sujet. à l'erreur. CONSTANTIN. Songez bien qu'il s’agit ici de la couronne. Je veux associer l’un des deux à mon trône. Votre fils est César, mais, Crispus est vainqueur. FAUSTA. Il en est un des deux élu par votre cœur. CONSTANTIN. Je veux pour l’un ou Fautre avoir votre suffrage. FAUSTA. Je dois à votre fils laisser son héritage. CONSTANTIN. Ce-fils en est-il digne? et. vous abusiez-vous — 607 — Quand sur lui votre zèle appelait mon courroux? : FAUSTA. CONSTANTIN. A la croix fut-:il toujours fidèle ? Ne l'a-t-on vu jamais d’une main criminelle Attenter à vos droits, à votre autorité ? À mes ordres enfin n’a-til pas résisté? É FAUSTA. Non, seigneur. | CONSTANTIN & Crispus. S'il est vrai, reprenez votre place. (Crispus s’avance vers lui.) Si vous la méritez, pourquoi me rendre gràce? CRISPUS. Seigneur, de vos bontés vous me voyez confus, Et Je dois. FAUSTA, l’interrompant. Ah! seigneur, croyez à ses vertus, Crispus, est généreux, est digne de son père. CONSTANTIN, & part. Un m‘frêi si grand cache quelque mystère. interrogeons Constance. (Haut.) Appelez votre fils. FAUSTA . Mon fils... ici bientôt... — 608 — - CONSTANTIN. Je puis être surpris, Quand ce fils avec vous, madame devrait être. FAUSTA. J1 n'est pas loin, seigneur. CONSTANTIN, avec courroux. Faites-le donc paraître. FAUSTA. O mon Dieu... CONSTANTIN. Malgré vous l'ose-t-on retenir ? Quelque soit l'insolent, je jure de punir. SCÈNE VI. LES PRÉCÉDENTS, EURIPHON, CONSTANCE. (A l'instant où Constance paraît, Fausta se précipite sur lui. Elle l’arrache des mains des officiers de Crispus et l'emmène du côté opposé de la scène.) FAUSTA. Eh! bien punissez donc, punissez le coupable, C'est lui ! qu'attendez-vous ? c'est ce monstre exécrable. CRISPUS. Parjure! AIDE \ LACTANCE. O trahison ! — 609 — FAUSTA... Vengez-moi, vengez-vous. Frappez, je l'ai soustrait à sa haine, à ses coups. CONSTANTIN. Quoi! ce perfide osait.…. FAUSTA : Il osa tout. Sa rage A vous, à votre épouse a prodigué l’outrage. Insensible à mes pleurs, il osa de mes bras Arracher cet enfant qu’il vouait au trépas! Il osa de ce trône où j'étais votre Image, Par ses affreux soldats encor teints de carnage, Entraîner expirante jine mère... oui, seigneur, Il l’osa!.… De son front contenu plez la pâleur. Le bras d'un Dieu terrible est levé sur l'impie. CONSTANTIN. Juste ciel! à quel monstre ai-je donné la vie! Ma raison doute encor de si lâches complots. (A Constance.) D'où venez-vous ? CONSTANCE, hésitant et regardant sa mère. Je viens. CCNSTANTIN. Répondez. CONSTANCE. Des vaisseaux. 39 — GI0 — CONSTANTIN. Qui vous y conduisit ? CONSTANCE. Une troupe étrangère. CONSTANTIN. Des soldats ? CONSTANCE. Oui, seigneur. CONSTANTIN. Qui l’ordonna ? CONSTANCE. Mon frère. CONSTANTIN. O ciel! il faut donc croire à ce crime odieux. Une femme! un enfant !... Qu'on l'ôte de mes yeux, Vous connaîtrez son sort. | _ LACTANCE. Malheureux ! (Les soldats emmènent Crispus. Lactance et Euriphon le suivent, ainsi qu'une partie de ses officiers.) SCÈNE VII. CONSTANTIN, FAUSTA, CONSTANCE, ARIUS, SUITE. « CONSTANTIN. Vous, madame , Vous offensez ma gloire et l'empereur vous blâme. — 611 — Je ne veux point de pacte avec l’iniquité. Songez que vous servez un Dieu de vérité, Et qu'à l’impératrice il est honteux de feindre. FAUSTA . Je craignais pour un fils. CONSTANTIN. Vous ne deviez pas craindre. Lorsque j'avais remis le sceptre en votre main, Vous deviez vous montrer digne de Constantin. s FAUSTA. Si jai pu mériter, seigneur, votre colère, Ah! pardonnez au fils la faute de la mere. CONSTANTIN, à un officier. Qu’'à l'instant le sénat s’assemble dans ce lieu. FAUSTA, à part. Que son cœur soit propice à Constance, à mon Dieu! SCÈNE VIII. LES PRÉCÉDENTS, CLÉOMÈNE. CLÉOMÈNE. Les soldats de Crispus, malgré votre défense, Ont quitté leurs vaisseaux et marchent vers Byzance, Seigneur. CONSTANTIN. Que veulent-ils? — 612 — CLÉOMÈNE. - Ils réclament, dit-on, Cet Ôtage. FAUSTA, serrant son fils dans ses bras. Mon fils! CONSTANTIN. Eh ! quoi, la trahison Est partout sur mes pas. CLÉOMÈNE. À quelle frénésie Ne va pas se livrer cette horde ennemie, En apprenant, seigneur, que Crispus, que celui Qu'elle voulait au trône élever aujourd'hui, Plongé dans un cachot.…. CONSTANTIN. Croit-1l obtenir grace Les armes à la main? CLÉOMÈNE. À servir leur audace Un peuple mécontent n’est que trop disposé. En ce moment quel bras peut leur être opposé ? Vos soldats loin encore... CONSTANTIN, #0ontrant le labarum. « Et ce signe céleste Aux rebelles toujours ne fut-il pas funeste? Marchons, ce bouclier, chrétiens, vous couvre tous. 1613 — CLÉOMÈNE. C'est contre un peuple entier. CONSTANTIN. Dieu combattra pour nous. FIN DU QUATRIÈME ACTE. NN ‘ue ACTE Y. SCÈNE 1". FAUSTA, CONSTANCE. Fausta entre égarée. Elle cherche un lieu pour cacher son fils. FAUSTA. Où fuir? où le cacher? quelle obscure retraite Au fer des assassins dérobera sa tête. Je n'entends plus leurs cris. ( Elle laisse son fils. CONSTANCE, courant à elle. Ma mère. FAUSTA, le pressant sur son cœur. Cher enfant! Bientôt nous reverrons ton père triomphant. Triomphant! quel espoir? que peut-il? son courage Vaincra-t-il une armée? un peuple ivre de rage? Silence! de Crispus ils répètent le nom. Crispus !.. menace-t-1l du fond de sa prison ! Le bruits'éloigne.… il cesse. est-il quelqu'espérance? Le clairon sonne encor... mais quel morne silence. Ce calme, de la mort est-il l'avant-coureur ? Tout a-t-il succombé? seule avec Dieu vengeur… (Elle se prosterne devant l’image de la Vierge.) — 615 — O Vierge, sauve-moi quand ce Dieu me renie. Tu sentis comme moi cette longue agonie. Tu fus mère et ton fils ne t'avait pas coûté Le salut de ton ame et ton éternité. On vient. Est-ce un ami? C’est ton bourreau peut-être. Mais avant que le fer jusqu'à toi ne pénètre Il faudra que ce sein. (Elle se met devant Constance.) SCENE IL. LES PRÉCÉDENTS, LACTANCE. FAUSTA. Lactance… LACTANCE. O jour d'horreur ! Le sang coule à grands flots. FAUSTA.. Mon époux? LACTANCE. L'empereur Résiste avec effort au torrent qui l'accable. Ah! de tant de forfaits vous seule êtes coupable. Par votre impiété sur ces murs malheureux Vous avez attiré la vengeance des cieux. FAUSTA . Mon fils est là, seigneur ; il maudirait sa mere. Par pitié devant lui cachez votre colère. — 616 — LACTANCE. Avez-vous écouté mes plaintes, mes sanglots ? C'est lorsque votre haine assassine un héros, Qu'ici vous invoquez le nom sacré de mère! Crispus à ton destin qui pourra te soustraire ! Qui touchera le cœur de ce inaître offensé ? O mon fils, chaque coup que ce peuple insensé Porte contre le trône, appelant la vengeance, Est un poids, contre toi, qu'il met dans la balance! Et son amour aveugle, en croyant te servir, Hâte l'arrêt fatal prêt à l’anéantir. Quel bruit ! SCÈNE III. LES PRÉCÉDENTS, CONSTANTIN, SUITE. CONSTANTIN, à ses offiriers. Que du palais l'enceinte soit fermée, Et dès qu'à l'horizon paraîtra mon armée, Qu'on soit prêt à me suivre? Et vous veillez, soldats. {Une partie des soldats sort.) La révolte triomphe et des sujets ingrats, Madame, ont méconnu la présence d'un maître. Par de nouveaux efforts je les vaincrai peut-être ; Mais le sort des combats est toujours incertain. Si Dieu, Dieu tout-puissant, m'a retiré sa main, En butte aux factions, en proie à leur furie, Je ne veux pas laisser succomber la patrie. — 617 — A l'empire, en mourant, je dois un successeur : Qu'il soit digne de moi, digne de sa grandeur ! Cette foule égarée, aveugle dans sa haine, Contre son souverain vainement se déchaîne. En dépit de sa rage et son iniquité, Je veux veiller encore à sa félicité ; Et libre de terreur ainsi que de colère, Mon choix sera dicté par un devoir austère. (A un officier.) Le sénat peut entrer. LACTANCE. Si l'un de vos sujets Ose élever la voix sur ces grands intérêts, Souffrez que pour un fils, Lactance vous implore. Seigneur, de votre amour ce fils est digne encore. Ah! ne le jugez pas sur un moment d'erreur. Interrogez sa vie, interrogez son cœur. Bouillant, mais généreux, au jour de la victoire À vous seul, à son père il reportait sa gloire; Et qui l'accuse ici peut dire si son bras Contre l'honneur du trône eut armé ses soldats. SCENE IV. LES PRÉCÉDENTS, CLÉOMÈNE. CLÉOMÈNE. Ah! mon maitre, ah ! seigneur, c'en est fait de l'empire! Le soldat forcené dans son affreux délire * — 618 — À renversé la croix et pour libérateur Ne craint pas d'invoquer un nom usurpateur. Les prêtres, des faux dieux font parler les oracles. Qu'opposer au torrent? quels efforts, quels obstacles? Loin encore est l'appui d’où dépend le succès. Et la flamme et le fer entourent ce palais. | FAUSTA. Crispus? CLÉOMÈNE. De son cachot, Crispus, de ces perfides Désavoue à grands cris les complots parricides. Il demande, seigneur, à paraître à leurs yeux, Il veut se joindre à vous et combattre contre eux. SCENE V. LES PRÉCÉDENTS, ARIUS, LE SÉNAT, PRÈTRES. ARIUS, au nom du senati. Le peuple entier se lève, il vient, rien ne l'arrête, Seigneur, seul vous pouvez conjurer la tempête. Que ce cœur généreux, justement irrité, Cède un jour, un seul jour à la nécessité. Puisqu'un peuple en Crispus a mis son espérance, Remettez à Dieu seul le soin de la vengeance. En bravant le péril, vous exposez en vous L'avenir des chrétiens et le salut de tous. Crispus est criminel; mais son nom, mais sa gloire, = GA — Ce prestige qui suit l'audace et la victoire, Tout éblouit l'armée et le sert aujourd'hui. Vous ne pouvez punir sans périr avez lui. (Constantin fait signe qu'il va parler ; il se fait ua grand silence. CONSTANTIN. Vous tous que votre amour assemble au pied du trône, Pontifes, sénateurs, soutiens de la couronne, Vous peuple, vous guerriers, dans vos fidèles mains Je dépose aujourd’hui mes ordres souverains. Il me reste deux fils et vous allez connaître Celui qu'à l'univers je destine pour maitre. Qu'on amène Crispus. LACTANCE, & part. Daigne le protéger. | O mon Dieu! cest son sang qu'un père va juger. Si celui d'un vieillard peut fléchir ta justice, Recois de tout le mien le faible sacrifice. SCENE VE LES PRÉCÉDENTS, CRISPUS. CONSTANTIN. Vous avez de l'empire été longtemps l'espoir. Dans un fils que j'aimais je me plaisais à voir L'héritier de mes droits, l'appui de ma couronne; Enfin ma volonté vous destinait le trône. De lèches conseillers ont d'excès en excès Conduit votre jeunesse aux plus honteux forfaits. — 620 — Vous avez outragé mon épouse, une mère. Vous avez menacé les jours de votre frère. Enfin, contre moi-même animant vos soldats, Vous avez allumé le feu dans mes états. Je ne laisserai pas triompher votre audace. Que ce peuple complice ou supplie ou menace, Il vous faut pour jamais renoncer à régner. (On entend un grand bruit.) FAUSTA. Quels cris! l’on vient! mon fils! puissent-ils l’épargner. SCÈNE VII. LES PRÉCÉDENTS, EUMÈNE: EUMÈNE. Ah! seigneur, de Constance ils demandent la tête. CONSTANTIN. Qu'à couronner Constance à l'instant l’on s'apprête. (A Constance.) DL Vous l'espoir des Romains, vous allez recevoir De la main du sénat les marques du pouvoir. Romains, c'est le César que Constantin vous donne. En lui reconnaissez l'héritier de mon trône; Contre les factions devenez son appui, Jurez de le défendre et de mourir pour lui. TOUS, à l'exception de Crispus. Nous le jurons. oo: ARIUS, décorant Constance de la pourpre. Chrétiens, honorez votre maître. (Tous s’humilient, excepté Crispus.) CONSTANTIN, ex désignant Crispus. Des signes du guerrier qu'on dépouille ce traître. Approchez prêtres saints, solitaires pieux, Couvrez-le d’un cilice et dévouez-le aux cieux. Je n'ai plus qu'un seul fils et ce fils est Constance. Que celui qui le fut perde toute espérance. Qu'il appartienne à Dieu, qu'un lien éternel Le sépare du monde et l’enchaîne à l'autel. (Les prêtres entourent Crispus.) CRISPUS. Ne m'avilissez pas, au nom de Dieu, mon père! C'est ma mort que l'on veut, c’est la mort que j'espère. Laissez moi la chercher au milieu des combats. Mettez-moi dans les rangs de vos derniers soldats. Ce fils qui vous suivait au champ de la victoire Peut encore en mourant servir à votre gloire. Je ne réclame ici de Dieu, de Constantin, Que le droit de mourir les armes à la main. CONSTANTIN. Obéissez. Les prêtres jettent un voile noir sur les armes de Crispus.\ CRISPUS. O ciel? et vous êtes mon père. (Repoussant les prêtres et s’approchant de l'autel.) Je n'ai pas les vertus dignes du sanctuaire. — 622 — j Ce voile peut cacher non détruire mes droits 1 Au repos des Romains je sais ce que je dois. Romains, écoutez tous et tous jugez ma vie. Oui, j'ai bravé Fausta, Fausta mon ennemie ; Mon aveugle courroux a servi sa fureur Et j'ai, dans son épouse, offensé l’empereur. Mais j'en appelle à Dieu, Crispus n'est pas rebelle, J'ai chéri ma patrie et je lui suis fidèle, (A Constantin.) Vous espérez en vain apaiser vos sujets ; Ma mort seule aujourd'hui peut ramener la paix. de vous ai consacré mon espoir et ma vie, Et c'est à vous encore que je les sacrifie. Ù (Il saisit le glaive qui est sur l'autel et s’en frappe.) CONSTANTIN; s'avancant vers lui. Arrêtez! LACTANCE, se précipitant pour arréter le bras de Crispus. Vous... CRISPUS, soutenu par Lactance, à Lactance. Mon père... oui, venez sur mon cœur. Vous seul... LE PEUPLE, ex dehors. Vive Crispus! FAUSTA. 1 Dieu! LE PEUPLE. Crispus empereur ! 0290 CRISPUS. Quel cri. ce peuple. à ciel. que fidèle à mon frère… LE PEUPLE. Vive à jamais Crispus! CRISPUS, expirant. Puisse un sort plus prospère ! Mais. déjà. Dieu! je meurs… LACTANCE. I n'est plus! 6 regrets! (Constantin, pendant les derniers moments de Crispus, se couvre le visage ; il est près du mourant qui est tourné vers Lactance et ne s'adresse qu’à lui.) CONSTANTIN. Mon fils... eh! quoi! la mort... ah! tu la méritais. Mais quelque soit ton crime, il en est un peut-être, Plus lâche, plus honteux, et que je dois connaître, S'il était vrai!… FAUSTA, épouvantée. Seigneur! ARIUS. Dieu ! CONSTANTIN ; regardant firement Fausta. Je lis sur ce front. Oui! c'est mon sang qui coule et le vôtre en répond. (Les prêtres entourent le corps de Crispus et l'emportent hors de la :. ène. Lactance les suit.) — 624 — : SCÈNE VIII. CONSTANTIN, FAUSTA, CLÉOMÈNE, EUMÈNE, ARIUS, LE SÉNAT, GARDES, SUITE, UN OFFICIER. L'OFFICIER. Au peuple révolté se joignent vos cohortes. CONSTANTIN. Allez, aux factieux que l’on ouvre les portes. ARIUS. O terreur! CONSTANTIN. Venez tous auprès de Constantin. Vous, César, l'éternel vous couvre de sa main. (Constantin s’assied sur son trône. Constance est auprès de lui. Le sénat, les officiers et les gardes sont derrière ou sur les côtés. Fausta accablée sous le poids de la menace de Constantin reste au pied du trône et paraît anéantie.) | SCÈNE IX. LES PRÉCÉDENTS, LE PEUPLE. Le peuple et les soldats armés entrent. CONSTANTIN. Peuple, que, me veux-tu ? viens-tu demander grâce? LE PEUPLE. Ton fils! — 625 — CONSTANTIN. Il a reçu le prix de son audace, Il nest plus. LE PEUPLE. Mort! CONSTANTIN. ., Romæns, j'ai voulu vous servir. En le laissant régner j'aurais pu vous punir, Songez à mériter aujourd'hui ma clémence. Pour mon seul héritier j'ai désigné Constance, Il est votre César, peuple, et je suis vainqueur. Allez en rendre grâce au temple du Seigneur. FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. Abbeville, 23 décembre 1849. J. BOUCHER DE PERTHES. 4. NAN cossbue #08: 6 zq : pe "EONPTANTEN, VFAUSTAs cLÉOHENR) ph rot | SN AT. SARRMOEU, ty, DFrÉETE ee. 1 Sa TRE ve te . Si L'onneuntro * 1 in PE penpl Hi or REA vos cshort. l'os k 1498 ‘AO. UNTS ist eueuoi, ve RE à Mure HAE 2NOT: uq &i que IMUUES Jane ad. ES: AT Ales, aux taglie bei Loomble oi 16 ‘bipojus AAÈE DOI . oMsleno) bagiedb ic {Bit use, pois 1504 Caifpisie eue Dj 29. L 1 [ TD i re! {3 La La ET LA É A ES $ ARNO el #7 °) s ’ è Le , 4 Ve # L à » | LES CYNÉGÉTIQUES DE NÉMÉSIEN, J'expliquerai la chasse et ses détours nombreux, Et dans l'obscurité des bois les plus ombreux, Sous le ciel éclatant des plaines giboyeuses, Ses combats sans péril et ses peines joyeuses. Déjà des poisons, vifs du virginal essaim L’aiguillon d'Aonie a tourmenté mon sein ; Le chemin d'Hélicon me sourit dans la plaine, Et d'une coupe intacte et nouvellement pleine Le Dieu de Castalie enivrant mes esprits Du triomphe en nos champs me montre au lon le prix; Déjà son joug m'enchaîne, et par des nœuds de lierre Sa main retient ma fougue au bord de la carrière , — 634 — Car partout où le sol vierge de pas humains Fait crier les essieux dans de plus durs chemins, Partout où nul sillon d'une ligne de boue Ne trace le sentier suivi par une roue, Là j'aime à précéder son char aux clous dorés, Là j'aime à recevoir ses ordres adorés, Et mon pied va tantôt foulant les hautes herbes, Tantôt la mousse intacte aux flancs des roes superbes. Oh! quoique s'ouvre à moi plus d’un sentier connu, Muse, fais qu'où je passe aucun ne soit venu. Qui n'a déjà chanté, sanglantes représailles , Niobé tant de fois frappée en ses entrailles ? Ox rallumé les feux qui changèrent un jour En un bücher funèbre une couche d'amour, Alors que de Junon l’astucieuse rage Consuma Sémélé dans un brülant orage? , Qui n'a chanté Bacchus, le dieu puissant du vin Qu'enfantèrent deux fois et son père divin Et sa mère mortelle, et qui, — ressource amère, — Chez son père reprit les mois dus par sa mère ? Il en est que séduit, bien que redit souvent, Des thyrses profanés le sang vengeur pleuvant, Ou le tyran de Pise, ou Dircé mise en pièces, Ou Danaüs, trompant les premières caresses, Et ses filles changeant par un meurtre ordonné En feux de mort les feux d'un hymen condamné. Biblis fournit à tous des plaintes éternelles ; Qui ne sait de Myrrha les ardeurs criminelles, Et le lit profané de son père. et ses pieds — 635 — Enchaïnant sur le sol ses forfaits expiés? Les uns ont de Cadmus répété les histoires, Compté les yeux d’Argus et towtes les victoires Qu'Hercule remporta ; les autres ont chanté Les plumes de Térée et le char indompté Que montait Phaëton foudroyé par son père, Et Cycnus, que la mort d'un ami désespère, Mélant parmi les eaux aux larmes des forêts Sous un plumage blanc ses cris et ses regrets. L'antiquité conta les crimes de Tantale, Le sang dont fut souillée une table fatale, Le soleil dans les cieux voilant son front “horreur. Je né réveillerai ni Médée en fureur, Ni ses présents mortels, ni les feux de Créuse, Ni la coupe où Circé faisait couler sa ruse, Ni le cheveu qui fit s'envoler dans les airs Nisus dépossédé de ses remparts déserts , Ni le bûcher furtif où les restes d’un frère Furent mis par la sœur dans l'urne funéraire. Ces sujets ont été dès longtemps épuisés; Des antiques récits les ressorts sont usés. À nous iles bois, à nous les campagnes ouvertes, A nous le maréeage aux plaines toujours vertes, Ei le chien dont le nez guide l'œil attentif; A nous le loup terrible et le daim fugitif, Le lièvre et le renard aux ruses toujours neuves. Nous aimons à courir sous.les ombres des fleuves, A chercher lichneumon près des muettes eaux — 636-— À travers les moissons épaisses des roseaux, A fixer sur un arbre avec un dard tenace Le chat dont le museau se-plisse avec. menace, À rapporter, malgré l'armure de son dos, Le hérisson blotti. Conquêtes et fardeaux, Doux plaisirs qui me font accomplir ce voyage, Aujourd'hui que: ma nef, s’écartant du. rivage, Pour la première fois loin des golfes amis Aborde la tempête et.les flots insoumis. O du divin Carus fils que la terre honore, Bientôt sur une Îyre à la voix plus sonore Je veux chanter aussi vos triomphants exploits, Dire le monde entier prosterné sous vos lois, Sous vos astres gémeaux les. nations tremblantes , Depuis celles qu'on voit boire les eaux brülantes Du Tigre arménien. jusqu'à. celles qu’on voit Boire les eaux du Rhin sous un ciel toujours froid, Et celles. que le Nil désaltère, à sa source. Je dirai tes combats sous.les glaces de l'Ourse, Carinus, et ton bras dont les eflorts puissants T'égalent déjà presque au dieu dont tu descends ; Je dirai sous ton frère et la Perse conquise, Et dans ses vieux remparts Babylone soumise, Et Rome ainsi vengée aux bouts de l'univers; Je poursuivrai le Parthe en ses mille revers, Et peindrai ses carquois fermés par l'épouvante Et ses traits émoussés sur ses arcs que l'on vante. C’est ainsi qu'à vos pieds, saintes libations, — 637 — Ma muse répandra ces grandes actions, Lorsqu’enfin je pourrai, défenseurs de la terre, Contempler de vos fronts le sacré caractère. Mon cœur impatient, plein d’actives ferveurs, D'avance aime à goûter ces illustres faveurs ; Il me semble déjà vous voir, frères augustes | Rome plus fière encor sous des volontés justes, Le sénat éclatant, les chefs dont les combats Ont attesté le cœur aussi sûr que le bras, Et tous ces bataillons fourmillant dans la plaine Et dont la même foi presse l’ardente haleine! L'or sur les étendards étincelle en éclairs Et le vent fait voler leurs dragons dans les airs. Toi qui parcours des bois l'obscurité profonde, O fille de Délos, déesse vagabonde, Prends tes vêtements purs aux rayonnements clairs ; Attache sur ton dos le carquois plein d'éclairs; Montre-moi de tes pas les routes fréquentées ; Que l'arc se tende et vibre en tes mains redoutées : Que tes pieds sous la pourpre éclatent plus encor, Et que de ta chlamyde au tissu mêlé d'or Ton baudrier jetant le feu des pierreries Serre autour de tes reins les chastes draperies. Allons! Qu'un diadème enferme tes cheveux ; Que la Planche Naïade mdulgente à nos vœux, Que la Dryade active en sa puberté neuve, Que les Nymphes des eaux, tributaires du fleuve, En tous lieux sur tes pas Se pressent dans les champs, — 685 — Et que de l'Oréade Echo double les chants. Qu'au fond des bois Déesse, avec toi je pénètre ; Dirige ton poète, et qu'il puisse. connaitre, Loin des sentiers battus, dans l'ombre des forêts, La bauge encor fumante et le gite encor frais. Sur la trace du tien mon pied mettra sa trace. Vienne avec moi quiconque aïnoureux de la chasse Dédaigne du barreau les outrageux. débats, Et les troubles civils et le bruit des combats, Et les biens que l'avare, en butte à la tempête, Au péril de la vie avec terreur achète. Et d'abord quand Janus, père des longs travaux, Ouvrira la carrière à douze mois nouveaux, Dès ce jour à tes chiens qu'une main diligente Dispense avec la force une ame intelligente. Choisis-leur une mère à ta voix tour à tour Prompte pour le départ, prompte pour le retour. Dans les champs du Molosse ou de Sparte élevée, Qu'elle soit d'un sang pur et de race éprouvée; Que vastes soient ses reins eL que par plus d’ampleur Ses cuisses vers la croupe annoncent leur vigueur: Ferme sur ses jarrets, les extrémités hautes; Que son corps plein de force et large vers les côtes, Ainsi qu'une carène, en se rétrécissant S'évide un peu plus loin sous un ventre puissant; Que souples dans sa course ondulent ses oreilles. Approche-la d'un mâle et de formes pareilles Et de grandeur égale, alors que, dans sa. fleur 0689. — La jeunesse en son ‘flane verse mème chaleur, Et qu'avec même feu même puissance y coule. Trop tôt avec les ans viennent les maux en foule, EtJ'âge appesanti dont la froide langueur Netransmetqu'un sang faibleendesnœudssans vigueur. Un âge différent leur permet cette amorce: Lorsque deux fois vingt mois ont complété sa force, Abandonne le mâle aux ardeurs de Vénus; Qu’à la femelle au moims deux étés soient connus. Garde que leur instinct de ces lois ne s'écarte. Qutre le chien Molosse, outre le chien de Sparte, D'autres valent aussi: sur son roc écarté La Bretagne en nourrit dont la légèreté Même chez nous résiste aux ardeurs de la chasse. Des chiens pannoniens conserve aussi Ja race, Et ceux dont le sang pur en Espagne resta, Et ceux qu'en ses confins la Lybie enfanta. Phiœbé nous a deux fois montré sa lampe-pleine, Et la lice féconde avec eflort se traîne; Son ventre s’est ouvert dans sa maturité, Euses petits nombreux rampent à son côté. Il te faut commander à ton impatience, Condamner malgré toi: cette première engeamce ; Et même de tous ceux qui doivent naître un jour Sacrifier eacor les moins dignes d'amour. Situ voulais garder entière :la portée, Tu là verrais bientôt follement emportée , Se” disputan: de lait par des combats sans fin, — 640 — Tiraïller l1 mameile impuissante à leur faim Si 4ù crains, dans un choix trop difhcile à faire, De te tromper sur ceux dont tu dois te défaire, Si tu veux deviner leur douteux avenir, Lorsqu'à peme leurs pieds peuvent les soutenir, Et que leurs veux fermés flottent dans un nuage, Apprends de moi les lois qu'approuve un vieil usage , Et pour les mettre en œuvre écoute mes leçons : * Pèse attentivement chacun des nourrissons ; Leur poids plus lourd indique avec plus de ressources Une ame plus ardente et de plus longues courses. Bien plus, avec l'instinct mettant l'amour: en jeu, Tu peux tracer en cercle une ligne de feu, De sorte que la flamme, en son étroite enceinte; Laisse ‘un espace vide où l'on tienne sans crainte. Portes-y les petits : par son propre examen La mère dans ton choix devra guider ta. main. Mépri sant le péril, et pour eux seuls tremblante, Tu la verras franchir cette zone brülante , : Rappoorier un petit, puis un autre, et toujours Sauve r jusqu'au dernier, sans souci de ses jours. Ainsi par un instinct qui jamais ne s'égare , L'orctre mênre du choix à tes yeux les sépare. Mère et petits devront, quand le printemps revient Se no urrir de lait clair; c'est le temps qui convient ; Car zansi que la sève au milieu des prairies Un levit pur ‘au ‘printemps coule en nos bergeries. — 641 — A ce doux aliment mêle parfois Cérès, Afin que fournissant la force à leurs jarrets Un suc plus généreux dans leurs os se répande. Lorsqu’enfin couronné d'une clarté plus grande Le soleil, de sa roue heurtant le ciel brülant, Aura sur le Cancer réglé son pas plus lent, Alors il sera bon, trompant leur faim vorace, De ne les point gonfler d’une pâte trop grasse, De peur que, par le poids les membres affaiblis Et n'obéissant plus qu'à des nerfs amollis, Is ne jettent sans force, en leur marche incertaine, Une patte qui tremble et s'allonge avec peine. Bientôt sur leur mächoire un rempart menaçant Sur l'ivoire qui pousse appellera du :sang ; N’enferme pas encor leur troupe vagabonde ; Ne charge pas d’anneaux leur encolure ronde : Leur lenteur te ferait maudire avec raison Les loisirs imprudents d'une injuste prison. Tu les verrais sans fin secouer les clôtures, Sur les gonds ébranlés ronger les fermetures, Torturer en efforts leurs membres épuisés, User leurs jeunes dents sur le chêne brisés, Et sur les durs poteaux au bois impénétrable , En grattant s’écorcher de façon misérable ; | Mais quand tu trouveras de leurs membres dispos Les ressorts affermis par huit mois de repos, Tu pourras de nouveau mêler à leur breuvage Cérès qui des travanx répare le ravage. Qu'ils apprennent alors à se souffrir lier, 41 Ds = À courir côte à côte, à porter un collier. Depuis vingt fois la lune en son plein se découvte ; Il est temps qu'à tes chiens la carrière s’entr'ouvre. Dans un clos sans culture à leurs goûts belliqueux Que ta main lâche un lièvre encore plus faible qu'eux, Afin que, triomphant d'une facile proie, La fatigue d'abord n'altère pas leur joie. Par ces premiers travaux, sans user leurs efforts, Pour qu'ils puissent un jour devancer les plus forts, Exerce quelquefois leur fougue et leur audace. Enseigne-leur ainsi les secrets de la chasse Et l'amour des succès conquis au fond des bois, Et les ordres divers que leur transmet la voix, Soit qu'elle les excite, ou soit qu'impérieuse Elle cherche à fixer leur course aventureuse. Qu'ils apprennent aussi sur un ennemi mort A retenir la dent qui déchire et qui mord. Ainsi donc de tes chiens comblant toujours les vides, À leurs petits toujours donne des soins avides. Des maux de toute sorte et mille humeurs viendront Empoisonner leur sang et les emporteront. ; Prodigue-leur les soins que tu tiens en réserve; Mêle aux jus de Bacchus l’olive de Minerve ; Enduis-én au soleil la mère et les petits; Puis d'un couteau brûlant attaque entre les plis Les insectes fixés dans leurs longues oreilles. La rage pour les chiens a des fureurs pareilles, __ 168 — Soit qu’elle naisse au ciel sous des signes méchants, Quand le soleil d’en haut incline sur nos champs Ses rayons paresseux, aux climats où nous sommes Ne montrant qu'un front pâle, épouvante des hommes ; Soit quand il presse enfin devant l'ardent essieu La course du Lion aux crinières de feu. Des transports inconnus les prennent aux entrailles : De ce mal qui partout répand des funérailles On ignore la cause : un miasme subtil Du souffle impur de l'air ou du sol éclot-il? L'eau fraîche qu’en été la soif en vain réclame Laisse-t-elle plutôt accès à cette flamme? On ne sait. Cependant il s'épand sous les os; La gueule de tes chiens qui fuient l'aspect des eaux S'emplit d'un noir poison et leur fureur s’éveille ; Ils mordent insensés ceux qu'ils léchaient la veille. Apprends-donc les boissons qui peuvent les guérir Et les soins assidus dont il les faut couvrir ; Du castor des marais prends la partie impure ; Attendris-là longtemps sous une pierre dure, Pile ou coupe l'ivoire, et fais de ces deux corps En un seul confondus d’efficaces accords. À leur mélange alors il faut que l’on ajoute Quelque peu d'un lait pur, afin que, goutte à goutte, Par une corne au fond des gosiers résistants Tu fasses pénétrer ces corps moins consistants. Ainsi tu détruiras les causes de leur rage, Et leur calme rendu deviendra ton ouvrage. 2 PM — Les chiens toscans aussi veulent être dressés : Bien que leurs rudes poils soient partout hérissés Etqueleursmembres courtssemblenttrahir leur course, De triomphes nouveaux ils deviendront la source, Car malgré les odeurs des gazons diaprés Is sauront retrouver les pistes dans les prés Et découvrir Ja place où le lièvre s’abrite. Je vanterai plus tard leur différent mérite, Leur courage, leurs mœurs, leur nez sagace et fin : Les chevaux et les rêts me réclament enfin. La Grèce garde encore une race choisie Qui vaut les chevaux fins que nous fournit l'Asie, Et qui dans les combats comme au milieu.des jeux Rappelle vaillamment les faits de ses aïeux. Leur dos est large et plat, leur flanc plein et sans faute ; Ils ont le ventre court, la tête large et haute; Leur oreille est mobile; et, pleine de fertés, Noble est leur encolure ; ils jettent des: clartés Parsles yeux; leur cou fort sur l'épaule solide S'appuie avec vigueur, et leur souflle est humide. La terre retentit des coups de leurs sabots ; Leur courage insoumis les fatigue au repos. Au-delà de Calpé fuit une immense plaine De coursiers valeureux toujours féconde et pleine; Dans les vastes enclos qu'ils dévorent d'un trait, Près des coursiers d'Argos aucun ne pâlirait. Terribles on les voit, la narine enflammée, Repousser en soufflant deux ruisseaux de fumée; — 645 — Leurs yeux roulent du feu; leurs longs hennissements Donnent aux airs troublés d'àâpres frémissements ; Au frein qu'on leur présente ils se cabrent d'avance, Et, l'oreille en éveil et les pieds en mouvance, On ne les voit jamais non plus se résigner A ce reyos forcé qui les fait trépigner. En outre, qu'il ten vienne un de la terre antique Des Maures, mais qu'il soit de noblesse authentique; Qu'il t'en vienne de ceux qu'en ses déserts fumants Le noir Mazace élève: à d’'assidus tourments. Ne t'épouvante pas de leurs têtes difformes, De leurs bouches sans frein, de leurs ventres énormes, De leurs crins abattus sur l'épaule tombant ; Jamais on ne les voit sous la main regimbant. Dociles et suivant les avis qu'on leur donne, À vos lois librement chacun d'eux s'ab:ndonne. Une baguette frêle est le frein qu'il leur faut; Un coup les lance, un coup les arrête aussitôt. Quand vers un but lointain ils franchissent la plaine, Le sang plus échaulfé sans presser leur haleine Apporte à leur vigueur des éléments nouveaux, Et bien loin derrière eux trépignent leurs rivaux. Ainsi quand tous les vents se disputent Nérée, Si des rocs de la Thrace est accouru Borée, À peine a-til d'un cri fait trembler l'Océan Qu'aussitôt chacun d’eux suit de loin l'ouragan. Seul alors, enivré des bruits de la tempête, Sur la mer écumante il dresse encor la tête, Et des filles de l'eau le groupe au loin fuvant — 646 — Admire sur les flots son passage effrayant. Ces chevaux prennent tard l'élan des longues courses, Mais chez eux la vieillesse a de jeunes ressources, Car lorsque la vigueur aux ans marqués fleurit, Avant l'ame jamais le corps ne dépérit. D'herbetendreau printemps que leur troupeause paisse, Puis, pique les sans crainte et de leur veine épaisse Tu verras s'écouler dans les flots noirs du sang Le mal ancien déjà qui croupit dans levr flanc. Bientôt, leur sang plus frais coulera plus limpide, Bientôt dans leur poitrine une force intrépide Viendra de leurs tendons soutenir la vigueur, Et des plus durs chemins défiant la longueur , L'air paraîtra trop lent à leurs ardeurs fougueuses. Puis lorsqu'enfin, l'été sur les tiges rugueuses Des herbes dont le lait durcit dans la saison Desséchant en tous lieux l'humide floraison, Armera les épis de tuyaux moins fragiles, Alors à tes chevaux devenus plusagiles Présente l'orge avec la paille neuve encor ; Des résidus poudreux sépare le grain d'or ; Caresse de la main le poil des nobles bêtes ; Que la joie et l’orgueil parlent dans leurs courbettes Et disposent leur corps sous ces douces faveurs À mieux s approprier les fécondes saveurs. Que ces soins différents regardent tes esclaves , Et toi-même , et tous ceux, jeunes, ardents et braves, Qui disputent d'amour cet office aux valets. — 647 — La chasse veut aussi des panneaux , des filets , Des toiles dont l'ampleur en méandres s'écoule Et fatigue sans fin le bras qui les déroule. Apprends, quand tu sauras en assurer les nœuds, À toujours mesurer le même espace entr'eux. Que la corde qui doit dans son immense enceinte Retenir les oiseaux prisonniers par la crainte, Entrelaçant partout les plumes en réseaux Emprunte l'épouvante aux ailes des oiseaux. Fuyant à cet aspect comme au bruit de la foudre , L'ours et le sanglier qui vont creusant la poudre, Le cerf qui dans les airs s'ouvre un chemin trompeur, Le renard et le loup pris d’une égale peur N’osent briser du lin les fragiles clôtures. Applique-toi surtout par diverses teintures , Afin d'étendre au loin ce tissu de terreurs À faire sur le blanc saillir d’autres couleurs. La plume du vautour sème au loin l’épouvante ; Prends celles des oiseaux dont l'Afrique se vante, Celle du cygne vieux, toutes celles enfin Des oiseaux dont la fange alimente la faim , Et qui le long du fleuve ou dans les eaux stagnantes Marquent leurs pieds palmés sur les fanges glissantes. L'Afrique t'offrira des trésors rassemblés ; Là , tu verras courir par tourbillons âilés , Des oiseaux dont l'éclat au soleil s'éternise Et dont l'aile fleurie en tout temps printanise. Tes apprèts étant faits, quand vient l'hiver fangeux, — 648 — Lance au milieu des prés tes limiers courageux, Lance au milieu des champs ta monture aguerrie ; Partons , lorsqu'au matin sur l’humide prairie Du gibier vagabond dont le pied nous conduit Nous pouvons retrouver les traces de la nuit. NOTES. VERS à. Déjà des poisons vifs du virginal essaim L’aiguillon d’Acnie à tourmenté mon sein. Le latin porte : Ra Aonio jam nunc mihi pectus ab ræstr0 Æstuat…. L'Aonie était une contrée de la Béotie, consacrée aux Muses ; l'œstrum ou l'œstrus était à ce que l’on croit l'insecte appelé taon : J'eusse dû traduire : Déjà ma poitrine bout sous la piqüre du taon d’Aonie. J'ai eu le tort de vouloir commenter moi-même cette traduction littérale en indiquant dans le premier vers l'illustration poétique de l’Aonie et en dissimulant dans le second le nom de l'insecte, justifié en cela du reste par ie sens détourné d’œstram, qui souvent signifie ardeur, enthousiasme. Tempus eril cum laurigero tua fortior œstro facta canam. (srace.) "1 YERS 9. Le Dieu de Castalie… Apollon. — Castalie était une nymphe que ce dieu aima et qu'il métamorphosa en fontaine. Consacrée aux Muses sous cette nouvelle forme, la nymphe qui avait fait chanter le Dieu poète conserva le don d’inspirer les poètes mortels. Doux privilége que n'ont jamais su recon- quérir les rimeurs de nos jours de perpétuer ainsi dans les générations futures les fécondantes influences de l'objet aimé. — Le vers de Némésien : Castaliusque mihi nova pocula fontis alumno Ingerit.… est manifestement imité des vers suivants d’Ovide : Het ess... Mihi flavus Apollo Pocula Castalia plena ministrat aqua. VERS 22. Muse , fais qu'où je passe aucun ne soit venu. Très mal traduit pour : Musee .….. Facies insistere prato Complacito , rudibus qua luceat orbita sulcis. VERS 24. Niobé tant de fois frappée en ses entrailles. Personne n’ignore l’histoire de Niobé dont les quatorze enfants furent tués par Apollon et par Diane sur l’ordre de Latone. C’est ainsi que se yengeaient dans l'antiquité les femmes, les déesses et les mères ontra- gées. Niohé fut changée en rocher et sa métamorphose fut chantée par Ovide. sLenel, dé so Lumina mœstis Stant immola genis....................…. Res Lacrymis etiam nunc marmora manant. Ces beaux yers nous rappellent ceux de Victor Hugo dans les Burgraves : Des gouttes d'eau, du front de ce rocher hideux Tombaient, comme les pleurs d’un visage terrible. — 651 — La plus grande image de la douleur serait-elle donc quelques gouttes d'eau tombant d’un rocher, des pleurs de pierre ? VERS 26. ….…... Les feux qui changèrent un Jour En un bûcher funèbre une couche d'amour. ess sec onsesepec cree JOREMQUE Juge Lethalemque simul. | Junon avait conseillé à Sémélé d'exiger de Jupiter qu'il se présentât à elle dans toute sa majesté. Sémélé périt dans les flammes. C’est le plus ancien exemple sur lequel. puisse s’étayer notre dicton moderne : Se brûler à la chandelle. VERS 30. Qui n’a chanté Bacchus, le dieu puissant du vin, Qu’enfantèrenc deux fois et son père divin, Et sa mère mortelle. Par suite de l'accident arrivé à Sémélé et raconté dans les vers pré- cédents, Bacchus, retiré à temps du ventre de sa mère pour ne pas être brûlé, passa dans la cuisse de Jupiter le reste des neuf mois qu'il avait encore à attendre pour venir au monde. VERS 91. Des thyrses profanés le sang vengeur pleuvant. Allusion au meurtre de Penthée, roi de Thèbes, qui, pour avoir voulu s'opposer au culte de Bacchus, fut déchiré par les Bacchantes. VERS 35. Ou le tyran de Pise... Un peu vague pour : Pisæique tori legem.… OEnomaus, roi d'Elide, dont la capitale était Pise, ne voulait donner sa fille Hippodamie qu'à celui qui la vaincrait à la course; il tuait les vaincus. Le prix de la course échut enfin à Pelops. Ce ne fut cependant — 652 — que bien longtemps après que le poète Passerat fit sa chanson sur le duc d'Aumale : Où il y va de la vie Il n'est que de bien courir. VERS 35. PIE .……....….…..... Où Dircé mise en pièces. Vincula Dirces… Lycus, roi de Thèbes, ayant, pour épouser Dircé, répudié Antiope, les enfants de cette dernière, Zétus et Amphion, attachèrent leur belle- mère à la queue d’un taureau furieux. VERS 36. Ou Danaüs trompant les premières caresses. Il n'est pas nécessaire de renvoyer à l'opéra des Danaïdes où pluiôt au pot pourri de Désaugiers, pour apprendre au lecteur l’histoire des cinquante filles moins une condamnées dans les enfers à jeter éternel- lement de l’eau dans un tonneau sans fond. VERS 39. Biblis fournit à tous des plaintes éternelles. Biblis, fille de Miletus, fondateur de Milet, et de la nymphe Cyanée, ayant conçu pour son frère Caunus une passion criminelle, pleura tant qu'elle fut changée en fontaine. VERS 37. Qui ne sait de Myrrha les ardeurs criminelles ? Myrrha, fille de Cinyre, roi de Chypre, eut de lui Adonis, et fut changée en arbre. sine FRANS. Dune vi AT Br SES DES Enchaïnant sur le sol ses forfaits expiés. Bien simple et bien faible pour l'élégance préter‘‘euse de Némésien : Toit in arboreus frondes, animamque virentem. 24090 — VERS 43. Les uns ont de Cadmus répété les histoires. Cadmus, fondateur de Thèbes, et qui fut changé en serpent. Némésien fait un peu ici énumérativement ce quil reproche de faire aux autres dans de longs poèmes. Les rhéteurs pourraient appeler cela de la poésie de prétérition. Bien longtemps avant Némésien, Anacréon s'était servi beau- coup mieux et beaucoup plus sobrement de cette figure : « Je veux dire les Atrides, je veux chanter Cadmus, mais les cordes de ma lyre ne résonnent que l'Amour »; et Horace : « Laudabunt ali claram Rhodon , etc. VERS 44. Compté les yeux d’Argus..… Il en avait cent, dont cinquante étaient toujours ouverts qaand les cinquante autres dormaient. Mercure les ferma tous au son de la flûte et le tua. Depuis ce temps, bien des gens qui n'ont que deux yeux et qui S’imaginent n'en fermer jamais qu'un, usurpent le nom d’Argus sans se douter du grave enseignement de la fable, à savoir qu'il y a toujours à côté d'eux une flûte de Mercure qui les endort. VERS 44. Mie diseeee Etrtoutes les victoires Qu'Hercule remporta. Les douze Travaux d'Hercule, aussi connus que les douze mois de l'année, les douze heures du jour et les douze Pairs de Charlemagne. VERS 46. Les plumes de Térée. Les plumes de Térée ne sont pas déplacées dans un poème sur la chasse, mais elles trouveraient beaucoup mieux leur place encore dans un poème sar l'ornithologie. Térée, roi de Thrace, ayant fait violence à Philomèle, sa belle-sœur, et lui ayant coupé la langue, Progné, sa femme, pour tirer vengeance de ce crime, égorgea son fils Itys et le lui servit- dans un festin. Térée, voulant poursuivre sa sœur et sa femme, fut métamorphosé en épervier, Progné en hirondelle, Philomèle en rossi- gnol et Itys en faisan. Le faisan a toujours conservé depuis un goùt que les cannibales comparent, dit-on, à celui de Ja chair humaine. — 654 — VERS 46. sn... Et le char indompté Que montait Phaéton foudroyé par son père. L'histoire de Phaéton foudroyé par Jupiter pour avoir voulu conduire le char du soleil a sans aucun doute fait donner le nom de l'imprudent jeune homme à certaines voitures dans lesquelles on est fort mal à l'aise. — Foudroyé par son père. Le père de Phaéton ne peut être ici que son grand-père, Phaéton étant fils d'Apollon et Apollon fils de Jupiter par Latone. VERS 48. Et Cyenus, que la mort d'ua ami désespère, Mêlant parmi les eaux aux larmes des forêts Sous un plumage blanc ses pleurs et ses regrets. La mort de Phaéton désola tellement ses sœurs et Cycnus son ami, qu'elles furent changées en peupliers et Cycnus en cigne. — Aux larmes des forêts est un peu vague pour : Et flentes semper germani funere sylvas. YERS 51. L’antiquité conta les crimes de Tantale. Tantale est non moins connu par son supplice, qui est celui de toute la race humaine sur la terre, que par ses crimes, qui défrayèrent tant les poètes de l'antiquité. Je suis forcé, pour ne pas faire injure à mes lecteurs en mesurant leur science à certains noms, de mettre une note pour tous ces héros indistinctement. VERS 54. Je re réveillerai mi Médée en fureur. Médée, le modèle idéal de toutes les qualités que l’on a lé tort d'estimer à un degré moins sublime chez les magicièennes de nos jours. Médée dépouilla son père pour Jason son amant, abandonna $a famille pour ce dernier, massacra Son frère pour assurer sa fuite, coheilla dans un intérêt de vengeance aux filles de Pélias de faire bouillir leur père, ennemi de Jason, fit périr Glaucé ou Créuse sa rivale, et massatra Yes enfants qu'elle mème avait eus de Jason, etc. = 686 — VERS 56. Ni la coupe où Circé faisait couler sa ruse. Circé, fille du Soleil et de Persa, était sœur d’Æetès, roi de Colchide, et par conséquent tante de Médée à laquelle elle ne le cédait en rien comme magicienne; elle avait déja empoisonné son mari et changé par jalousie Scylla en monstre marin lorsqu'elle métamorphosa en bêtes les compagnons d'Ulysse. VERS #7. Ni le cheveu qui frt s'envoler dans les airs Nisus dépossédé de ses remparts déserts. Encore une rivale de Médée, sinon par les charmes, du moins par les crimes. Scyila ayant coupé le cheveu auquel était attachée la conserva- tion du royaume de Nisus son père, et livré ainsi sans défense Mégare, sa patrie, à Minos, son amant, Nisus fut métamorphosé en épervier, et depuis ce temps ne cesse de poursuivre sa fille métamorphosée en alouette. C’est toujours de la poésie ornithologique. VERS 59. Ni le bücher furtif.…. Le bûcher élevé pendant la nuit par Antigone à son frère Polynice. Ces Sujets ont été dès longtemps épuisés ; Des antiques récits les ressorts sont usés. Hoœc jam magnorum præcepit copia vatum , Omnis et antiqui vulgata est fabula sæcli. Les bons vers ont besoin d’être cherchés dans Némésien, ét le malheur veut que je manque deux des meilleurs. VERS 75. Doux plaisirs qui me font accomplir ce voyage Aujourd’hui que ma nef s’écartant du rivage. 100060000860 Talique placet dare lirtea curæ, Dum non magna ratis, etc. Ces métaphores imaritimés de voiles et de nef interviennent assez sin- — 656 — gulièrement dans un sujet où la muse ue devrait aller qu'à pied, ou tout au plus à cheval. S'il s'agissait de pêche, à la bonue heure. VERS 79. , O du divin Carus fils que la terre honore. Marcus-Aurélius Carus, empereur romain, élu en l'an 284, mort en lan. 282, après avoir battu les Sarmates en Illyrie et s'être emparé de la Mésopotamie et des villes de Séleucie et de Ctésiphon. Ses deux fils, Caripus et Numerianus, régnèrent un instant après lui. Carinus, après avoir battu l’usurpateur Julien et repoussé Dioclétien, fut défait par ce dernier et assassiné dans sa faite (28%). Numerianus fut assassiné la même année en revenant de la guerre des Parthes. Némésien avait , dit-on, remporté la victoire sur ce dernier dans une lutte poétique. Ce qui, à en juger par la liaison qui probablement avait persisté entre les deux rivaux, fait supposer, mais ce n’est pas beaucoup dire, un carac- tère meilleur chez cet empereur poète que chez cet autre poète empereur qui força Lucain à s'ouvrir les veines. Le passage des ynégéliques où Némésien vante uu peu prématurément les exploits des fils de Carus indique bien qu’il écrivit ou commença son poème sous le règne éphémère de ces deux princes. VERS 91. Toi qui parcours des bois l'obscurité profonde. Phébé ou Diane, déesse de la chasse. Cette invocation était dans le sujet, mais voilà déjà des inyocations et des préambules pour trois poèmes longs comme l'Enéide. Oppien aussi, dans son poème sur la chasse, a fait une invocation à Diane. Cette invocation, dans laquelle nous retrouvons les idées ayec la critique de cette longue. introduction de Némésien , est une idylle charmante : Dune. — Lève-toi, marchons dans un sentier pénible, où nul mortel guidé par les Muses n'ait encore porté ses pas. Orrien. — Favorise mes chants, chaste déesse; et la voix d’un mortel seconderates désirs. \ Draxe. — Je ne veux point qu’en ce jour tu chantes Bac- L chus, dont les fêtes triennales se célébrent sur les monlagnes , — 657 — ni les danses de ce dieu sur les bords de l’Asope, dont les flots baignent l'Aonie. OppiEs. — Je ne parlerai pas, puisque lu me l’ordonnes, des mystères noclurnes de Sabazius. J'ai souvent mené autre- fois des chœurs de danse en l'honneur du fils de Thyonée. Diaxe. — Tu ne célébreras ni la race des héros, ni les courses maritimes de l'Argo , ni les guerres des mortels, ni le dieu destructeur qui y préside. Orriex. — Je ne chanterai point les combats, ni les funestes exploits de Mars. La défaite des Parthes, la prise de Ctésiphonte eussent cependant fourni un noble sujet à mes chants. Diane. — Garde sur les combats un silence profond ; ne parle pas non plus de la ceinture de Venus ; je hais ce qu’on nomme les jeux de cette fille de l'Océan. OpPpPien. — Déesse, je le sais, tu n'es point initiée aux mystères de lhymen. Draxe. — Chante plutôt la guerre que les chaseurs cou- rageux déclarent aux animaux sauvages. VERS 117. Et d’abord quand Janus, père des longs travaux. Janus, janvier. Occupez-vous activement de vos chiens dès le com- mencement de l’année. — Dispense avec la force une ame intelligente est un peu hasardé pour : Cura canum non segnis, puisqu'il ne s’agit encore que du choix de la mère, ainsi qu'on va le voir dans les vers suivants. VERS 121. Choisis-leur une mère à ta voix tour à tour... 12 — 658 — Est-il indifférent de rapprocher ce portrait de celui que donnait d'un bon chien au siècle d’Auguste le poète Gratius Faliscus, auteur aussi de Cynégétiques , supérieures , selon nous, à celles de Némésien, ét que nous regretterions de n'avoir pas traduites de préférence si, lorsqu'il s'agit de traductions, et de traductions en vers, le regret ne devait porter sur- tout sur le fait même de les avoir accomplies? Voici le portrait de Gra- tius Faliscus. Il ne faut pas oublier, du reste, que chez ce dernier il est question des chiens en général, mâles ou femelles , et que chez Némé- sien il n’est question que de la mère. « Qu'ils aient la tête haute, les oreilles garnies d’un poil dur, la gueule large et qui laisse échapper par l'ouverture béante des mâchoires un souffle enflammé, un ventre res- serré au-delà des côtes, une queue courte; des flancs développéss pas trop de poil au cou, assez pourtant pour les garantir du froid, et sous des épaules vigoureuses une poitrine qui respire à l'aise dans les grands mouvements et résiste à la fatigue. Repousse celui dont la plante im- prime de larges vestiges : il est mou dans la chasse; je veux qu'ils aient les cuisses nerveuses sur des jarrcts secs et les ongles solides. » Oppien nous a laissé aussi plusieurs portraits de chiens qui différent de ceux de Némésien et de: Faliscus. Nous renvoyons nos lecteurs à son poème pour ne pas trop surcharger ces motes. Parmi les chiens dont il recommande le courage pour les combats, nous avons cru reconnaître : le dogue. VERS 132. Approche-la d'un mâle et de formes pareilles Et de grandeur égale. Junge pares ergo, avait dit Faliscus. VERS 144. Outre le chien Molosse , outre le chien de Sparte. Némésien va nous citer, outre ces deux races de chiens, les chiens bre- tons, les chiens pannoniens, les chiens espagnols et les chiens lybiens. Gratius Faliscus, qui s'était étendu davantage sur les différentes espèces de chiens, avait mieux indiqué aussi les qualités propres à chacune. Voici la liste des chiens qu'il vante: le chien mède, indocile, mais excellent pour le combat; le chien gauloïs très- diversement renommé: Magna - que diversos extollit gloria celtas; le chien gélon, peureux mais intel- ligent; le chien de Perse, intelligent et brave; le chien sère , — indien — 659 — ou chinois, — intraitable et farouche ; le chien arcadien, docile et ardent au combat ; le chien ombrien, peu courageux mais d’un odorat très-fin ; le chien breton, qu'il estime plus haut que le molosse; les chiens d'Atha- mas, d'Acyre, de Phère, d'Acarnanie, qui n'aboient pas; le chien d'Etolie, qui aboie trop: le pétronien, le sicambre, le vertrahus, le métagonte, propres aux petites chasses, le daim ou le lièvre. Parmi ces derniers, Faliscus, qui leur reconnait des vertus différentes , recommande surtout le métagonte. — Suivant Oppien, qui fait bien autorité aussi entre Némésien et Falisceus, les chiens qui par leur vigueur l’emportent sur les autres, et que les chasseurs recherchent avec plus de soin, sont les chiens de Péonie, d’Ausonie, de Carie, de Thrace, d’Ibérie, d’Arcadie, d'Argos, de Lacédémone et de Taygète; les chiens sarmates , celtes et crétois ; les magnésiens, les amorgéens, tous ceux qui sur les rivages sablonneux de l'Egypte gardent les grands troupeaux, les locriens et les molosses et enfin les bassets qu’élèvent les peuples sauvages de la Bretagne. VERS 151. Phœbé nous a deux fois montré sa lampe pleme.…. Mox quum se bina formarit lampade Phæbe. VERS 168. Apprends de moi les lois qu'approuve un vieil usage. Faliscus donne des conseils analogues : Afin, dit-il, qu’elle ne soit pas fatiguée par une postérité nombreuse et iadocile, je veux te faire savoir à quel signe tu reconnaitras avant qu'ils soient adultes, les petits que tu dois garder. Illius et manibus vires sit cura futuras Perpensare : levis deducet pondere fratres. Némésien est plus explicite : il affirme que le plus lourd sera non seulement le plus fort, mais le plus léger à la course. Némésien et Faliscus indiquent encore d’autres moyens de distinguer d'avance les qualités des petits chiens, moyens qu'ils tirent, le premier du discer- nement de la mère, ie second de la conduite: des petits chiens eux- mêmes. Nous avons traduit les vers de Némésien; voici le sens des vers de Faliscus : Eux-mêmes se révéleront à toi. Celui qui sera un jour le soutien et l’honneur de tes chasses, peut à peine rester immobile malgré la faiblesse de ses membres. Il se montre impatient — 660 — à l'excès de faire voir sa supériorité. Il affecte la domination même sous le sein, maternel : il s'empare des mamelles; il a le dos libre ei décou- vert lorsque la chaleur embrase l'atmosphère; quand, au contraire, le froid exerce ses rigueurs , sa fougue s'apaise et il use de sa puissance pour se mettre à l'abri sous le corps de ses frères engourdis. VERS 193. Aïnsi par un instinct qui jamais ne s’égare L'ordre même du choix à tes yeux les sépare. Les chasseurs interrogent encore aujourd'hui quelquefois l'instinct des chiennes sur les qualités de leurs petits; seulement ce n'est plus dans un cercle de feu qu'ils envoient la mêre les chercher, mais dans la mer ou les rivières. VERS 195. Mère et petits devront quand le printemps revient Se nourrir de lait clair. Faliscus donne les mêmes conseils : Elève sobrement, dit-il, la jeune famille : qu'elle se contente de lait et de farine d'orge; qu'elle ignore les mets délicats et ne se livre pas à la gloutonnerie. L'intempérance lui serait pernicieuse. VERS 199. A ce doux aliment mêle parfois Cérès. Interdumque cibo Cererem cum lacte ministra. VERS 202. Lorsqu'enfin couronné d'une clarté plus grande... Sed postquam Phœbus candentem fervidus axem Contigerit, lardas que vias, Cancrique morantis Sidus init. \ VERS 229. Depuis vingt fois la lune en son plein se découvre Jam quum bis denos Phœæbe reparaverit ortus. — 661 — VERS 231. Dans un clos sans culture à leurs goûts belliqueux Que ta main lâche un lièvre encor plus faible qu'eux, Faliscus se contente d'exiger de grandes qualités dans le valet chargé d'élever et de dresser les chiens, mais ne donne aucun conseil sur l'éducation de ces derniers. VERS 247. Des maux de toute sorte et mille humeurs viendront Empoisonner leur sang et les emporteront; Prodigue-leur les soins que tu tiens en réserve. Gratius Faliscus parle longuement aussi des blessures et des maladies des chiens et des remèdes à y appliquer. Ces remèdes ne sont point ceux de Némésien. Nous ne chercherons à apprécier la valeur ni des uns ni des autres; contentons-nous d’une simple remarque : nous voyons dans Faliscus que les Romains connaissaient l'anneau de Saint-Hubert ; seulement cet anneau était alors quelques poils de blaireau que l'on attachait au collier des chiens malades. Faliscus, qui se montre défiant de l'art des hommes, recommande surtout en finissant les sacrifices aux dieux et les prières. VERS 283. Les chiens toscans aussi veulent être dressés Némésien, qui a déjà vanté, ainsi que nous l’avons vu, le molosse, le chien de Sparte et les chiens bretons , pannoniens, espagnols et lybiens, revient ici un peu tard aux chiens d'Etrurie qu'il semblait avoir oubliés d’abord; un peu tard, car il n’est pas croyable que les conseils qu'il donne plus haut pour la reproduction, l'éducation et la médicination des premiers, ne s'appliquent pas à ces derniers. VERS 290. Je vanterai plus tard leur différent mérite. A défaut d’autres preuves, ce vers suffirait pour établir la perte d’une grande partie du poème de Némésien. VERS 292. Les chevaux et les rêts me réclament enfin. — 662 — Faliscus donne aussi une liste des chevaux préférés de son temps, mais avec moins d'enthousiasme et plus de scepticisme; il n’en est presque point auxquels il ne fasse quelques reproches et ne trouve quel- que défaut. Ceux qu'il cite sont : les chevaux de Thessalie, de Mycènes, de Syène , des Parthes , de la Galice, de Murcibie , de la Nasamonie, de la Nu- midie, de la Thrace, de l’Epire, etc., mais comme supérieurs à tous ces chevaux les chevaux siciliens malgré leur encolure difforme et surtout ceux d’Agragas. Cette préférence est partagée aussi par Oppien, dans d'énumération qu'il donne des différentes races de chevaux estimés de son temps. « De tous les chevaux que nourrissent les innombrables contrées de la terre, dit- il, les plus légers à la course sont ceux de la Sicile, qui paissent dans les plaines de Lilybée et sur la triple montagne dont le poids fait gémir Encelade. » Les autres chevaux vantés principalement par Oppien sont ceux de Tyrrhène, de Crète, de Mazace, d’Achaïe, de Cappadoce, les maures, les scythes, ceux de Magnésie, de Thessalie, d’Ionie, d'Arménie , les lybiens, les thraces et les arabes. — Nous devons ajouter, quant aux chevaux siciliens, qu'Oppien avoue un peu plus loin leur vitesse moindre que celle des chevaux arméniens et parthes iaférieurs eux-mêmes aux chevaux d'Ibérie. La beauté suprême est accordée par le même poète au cheval de Nisée, qui sert de monture aux souverains. — Le portrait qu'Oppien donne d’un excellent cheval nous entrainerait trop loin; nons renvoyons nos lecteurs au premier chant de son poème. VERS 333. Ainsi quand tous les vents se disputent Nérée… Haud secus effusis Nerei per cœrula ventis, Quum se Threicius Boreas super extulit antro. Nous avons voulu montrer de temps en temps par ces citations que notre étalage de science mythologique n'est jamais qu'une traduction fidèle jusqu'au dévouement. VERS 308. La chasse veut aussi des panneaux, des filets. \ Faliscus va jusqu'à nous dire comment on faisait les filets, quelle dimension ils devaient avoir , et de quelle espèce de lin on se servait de préférence pour les fabriquer. Gta VERS 379. Que la corde qui doit............…. A e Emprunte lépouvante aux ailes des oiseaux. Oppien parle aussi de ces épouvantails, composés de rubans et de plumes d'oiseaux. « On y attache, dit-il, des rubans de toutes couleurs dont l'éclat effraie les bêtes sauvages ; on y suspend mille plumes bril- lantes de divers oiseaux, des ailes de vautours, de cygnes, de cicognes. » C'était surtout contre les ours, nous apprend-il encore, et dans l’Ar- ménie, que ces appareils étaient en usage. Faliscus, qui n'a eu garde de les oublier dans son poème, nous fait savoir que de son temps, ils n'étaient pas moins utiles pour chasser le cerf. VERS 398. Partons, lorsqu'au matin sur l’humide prairie… Si l'hiver est dans sa force, dit Oppien, chassez au milieu du jour; mais en été, évitez l'ardeur dévorante du soleil et mettez-vous en marche aux premiers traits du crépuscule : Némésien parle de l'hiver et de Ja pointe du jour. Il y a désaccord entre les deux poètes. ERNEST PRAROND. DATE ed” En RE ee à 5 + sa Ftoslade, ». Los. score Er prive palemeut. sr : A1 ua 86 LA pr M ER ds at ae pret de Cap 4 anônans ra | VAT “ss ‘# 4: v* ; pt se" : Ali qi 1988 ks rente. ( tes Kor Ce # he #% 1 Hal situe effsis. Nére per créruilé: mo tit: 4 Sa nées LS d: x L'art CUBA tes Aiper 478 errafit wars, de 7 NERO ie Has “honte, de: tnmipernes pis. ces PC Due Le NRE Pacte à 4 li pbienel 4 Mec LS RS ‘ “geo vost co des. panneaux , «es sa À Set Si Han: asus. dién-cudirtt de heat “ea sie | ee M co “GP dut taphre. de in au se or #4 Gate \ x ntiens LL à: a Re. 0e NOR ATP an VAE Es r Cu 1) AU EN Y: Xe J ‘y "PE PONS "4 Leu < à {= g] "# ] (a ; æ NÉCROLOGIES. NOTICE SUR M. POULTIER, Lue à la Société d'Émulation, le 8 Novembre 4846, par M. le Docteur Bouvasr. Messieurs , Depuis quelques années, la Société Royale d Emu- lation a été cruellement éprouvée; la mort à laissé parmi nous des vides considérables, et nous avons vu successivement s'éteindre ceux de nos corres- pondants les plus illustres, et ceux de nos membres les plus assidus qui avaient pris tant à cœur Îles intérêts et les travaux de notre Société. En reprenant nos séances, permettez-moi de vous arrêter un instant pour rendre un dernier hommage à l'homme modeste et savant que nous avons perdu cette année. Permettez-moi de vous rappeler les — 668 — qualités qui nous le rendaient si cher; c’est un devoir pour moi, et jamais je n’en aurai rempli de plus précieux. Il est cependant des hommes qu'il est difficile de louer; toute leur vie se passe si uniformément dans la pratique de ce qui fut beau et honnéte: on Ja trouve si remplie et si modeste, qu'il ne reste à leurs amis, à leurs admirateurs, qu’un sou- venir orgueilleux pour eux, du bien caché qu'ils ont entrevu quelquefois, et une vague aspiration de les imiter et de faire un culte de leur mémoire. M. Poultier (vous l'avez nommé) fut un de ces hommes; partout il à dignement occupé sa place; pas un jour ne se passait qui fût perdu pour lui ou pour les autres; il avait soulagé la misère, consolé le malheur , apaisé la souffrance, donné un conseil; ou, près de vous, applaudi à. un travail, éclairé une discussion par la netteté et la précision d'un jugement solide et d’un esprit distingué. Vous le connaissiez: il avait la répartie vive, prombpte, emportée même, mais un jugement exquis, une froideur qui n'excluait pas la sensibilité: chez lui la critique était sévère , inflexible, mais raisonnable, car il n'avait pas de prévention, l'évidence le portait à rendre un. jugement qui ne variait plus sur les personnes. M. Poultier n'eut jamais d’ennemis, et dans un art si difficile; si sa science quelçuefois ne put combattre le mal; si, après avoir lutté contre la — 669 — mort, savant athlète, il succombait sous l'impos- sibilité, rarement il entendit bourdonner à ses oreilles un reproche; ou bien timide, sil montait jusqu'à lui, sûr de lui-même et se rendant justice, il faisait la part de la douleur, du désespoir, et excusait toujours l'ingratitude ou linjustice des hommes. M. Poultier ( Alexandre) naquit à Abbeville en 1784; sa Jeunesse se passa paisible et douce; de bonne heure il montra une aptitude remarquable, une intelligence précoce et le goût de l'étude. Issu d'une famille honorable qui avait depuis longtemps donné de bons médecins à son pays; il entendait souvent son père lui parler de Philippe Hecquet, leur parent, qui par ses écrits, sa charité avait rempli de son nom le monde médical; ces con- versations de famille décidèrent probablement de son avemr; à douze ans M. Poultier avait décidé qu'il serait médecin. « Cependant, me disait-il dans une de ces heureuses causeries qui pour moi durèrent trop peu, on parlait de gloire alors et de liberté, on glorifiait tous les jours ces volontaires qui, sans arrière-pensée, couraient teindre la frontière de leur sans; on ne rêvait que combats et victoires; et une des plus grandes joies dont je me souvienne fut d'être «Amis tout enfant et par protection dans celte miice de 12 ans qui avait son uniforme, son corps - de-garde, sa place dans les cérémonies publiques, ct qu'on nommait Royal-Bonbon. Notre — 670 — capitaine, M. Louis Cordier (aujourd'hui pair de France et l’un de nos savants les plus illustres), nous haranguait, et, à cet àge, nous brülions de courir au salut de la France. » Pendant quelques années, il ne vit plus que Ja médecine militaire; l'exemple des Degenettes, des Larrey l'animait et le faisait rêver; et, sans une fidélité à sa parole, sans l'engagement de son cœur, peut-être dans des circonstances qui eussent mis davantage en relief ses qualités, l'armée eût compté un grand chirurgien de plus. Son ame n’était accessible qu'à l'orgueil d'avoir fait son chemin lui seul, et de ne devoir sa for- tune qu'à son travail. Arrivé à Paris, les recomman- dations paternelles étaient gravées dans son esprit, sans qu'un jour il les oubliät. Soixante ou quatre- vingts francs par mois étaient le budget paternel, et, pour ne pas l'excéder, il n’y avait qu'unmoyen, le travail. Aussi, se livra-t-il à l'étude avec ardeur. Ses maîtres l’aimaient, et plus d’une fois l'illustre Boyer le fit rougir par ses éloges publics. Attaché au service chirurgical de ce digne maître; élève de l'école pratique qu'on venait de créer; membre de la Société d'instruction Médicale, M. Poultier sentit la puissance de ses forces, et, le 8 mai 1807, il soutint avec succès la thèse qui lui conférait le titre de docteur. Triste rapprochement! son choix de thèse tomba sur les affections de la vessie. Trente-neuf ans plus — 671 — tard, sa mémoire devait lui rappeler toutes les recherches qu'il fit alors, et son savoir prédire à coup sûr les souffrances et la mort qu’il avait observées tant de fois. Après cinq ans d'un travail consciencieux , M. Poul- tier revint à Abbeville. Les premières années furent difficiles pour lui; il était jeune et des praticiens distingués étaient en possession de la confiance publique. Cependant il fraya son chemin; ses con- frères l’estimèrent et, chose rare, lui vinrent en aide par l'appréciation publique de ses qualités et de ses talenis. M. Boullon bientôt s’attacha à lui, et alors com- mença une amitié que la mort seule interrompit. Appelé aux fonctions de chirurgien de l'Hospice, pendant trente-cinq ans, ses soins furent de chaque jour et de chaque heure; là, que de services rendus, quel dévouement complet! quelle abnégation de sa personne? Vienne plus tard le terrible fléau qui fondit sur la France, décima sa population , M. Poul- üer se multipliera, il trouvera moyen de passer la moitié de sa journée dans l'Hospice, l'autre près de sa nombreuse clientèle, et pendant deux mois, pas une nuit ne se passera sans que ses secours ne soient réclamés , et qu'il ne les prodigue à tous. Un patriotisme éclairé et sage gaida sa conduite politique. Enfant d'une révolution, il salua celle de 1830 avec enthousiasme, et ses principes généreux et libéraux ne se démentirent jamais. — 672 — C'est alors qu'appelé à faire partie du conseil de la cité, il accepta cette mission parce qu'il s’en reconnaissait digne. Nul n’apporta dans ces fonctions plus de zèle et de lumières, ne mit plus d'exactitude à remplir les devoirs qui lui étaient échus en partage. Il portait dans les discussions un intérêt, une chaleur qui chez d'autres eut passé pour un désir de domination, ou pour la volonté de faire prévaloir quand même son opinion; on savait le contraire, on n'y voyait qu'une conviction sincère aussi sévère que profonde , parce qu’elle était l'effet de la réflexion et d'une imtelligence que personne ne circonvenait et qui avait toujours son franc parler. Il apporta dans son état une pureté irréprochable. Il aimait son art avec passion et pratiqua la méde- cine sans reproche. Placé sur un théâtre plus élevé, M. Poultier aurait laissé un nom de praticien dis- tingué et d'observateur rigoureux. La confiance vint le trouver sans que jar il courût au-devant d'elle. Fier de son état dont il comprenait la dignité, la fin de sa carrière fut attristée par le bon marché qu'il voyait le siècle faire de tout ce qui fut grand et respecté dans la science. Le charlatanisme, cette plaie incurable de notre société, le faisait souffrir, il le voyait employer toutes les formes, tous les moyens, et son ame honnête sen indignait; il en appelait la répression, | : | | — 673 — flétrissait avec indignation ces hommes qui veulent le: succès par tous les moyens, pourvu qu'il soit prompt et productif; dans nos conversations ,même à son lit de mort, 1l y revenait sans cesse en espé- rant une réaction complète. ” Pendant irente ans, Messieurs, il contribua - à l'éclat de votre société : pas une question que vous ayez abordée, pas une communication qui vous ait été faite, pas une décision prise, sans que M. Poul- üer n'ait posé ou élucidé la question. Pendant vingt ans il fut membre de votre bureau, et il ne me dissimula pas la douleur qu'il éprouva |en vous remettant, trois mois avant sa inort, ‘le siége qu'il occupa si dignement. La maladie faisait des progrès, il était temps encore, 1] pouvait à Paris aller réclamer des secours prompis, mais le médecin ne s'appartient pas, la confiance publique ne lui laissait ni trève ni repos, ses malades étaient ses amis, il faillit mourir sur la brèche; quand il se décida, il était trop tard; lui qui en avait tant sauvé ne pouvait plus l'être. M. Poultier mourut jeune, mais sa vie fut com- plète. On aurait peine à citer une famille à qui sa science n'ait rendu des services; 1] mit au monde deux générations, et comptait près de 4,000 enfants qu'il avait aidé à naître. Souvent il se plai- sait à me racconter que je fus un de ses premiers, et, brisé, atieimt du mal qui le dévora, ayant renoncé à cette partie de sa chentèle, je le vis se 43 — 674 = traîner cependant vers moi, et me dire en me pré- sentant mon enfant : « C'est le dérnier que je mettrai au monde. » Cet homme, aussi bon que savant, mourut le 5 avril 1846. Sa mort fut un deuil pour la cité. Vous avez assisté à ses funérailles et vous savez combien son éloge était dans toutes les bouches. Tous ceux à qui il avait rendu un service, dont il avait sauvé la vie ou soulagé la douleur, entouraient son cer- cueil. C'est vous dire le concours immense qui se pressait pour lui rendre les derniers devoirs et les derniers honneurs. CHARLES LABITTE, CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D ABBEVILLE. Le remarquable écrivain auquel nous consacrons ici quelques mots de souvenir a laissé par sa mort, dans nos jeunes générations littéraires un vide qui n'est point encore comblé, et dans noire ville des regrets unanimes et bien vifs encore, malgré la distance déjà sensible des années, car à la haute estime qu'inspirait son talent s'ajoutait l'affection qu'inspirait aussi sa personne. Pour beaucoup de nos concitoyens, c'était un ami: par sa mère, par son enfance, par les relations de sa première jeunesse , c'était un compatriote. — 676 — Né à Château - Thierry , le 2 décembre 1816, Charles Labitte fut élevé à Abbeville, où il suivit avec distinction toutes ses études ; il y achevait sa philoso- phie en 1834, et faisait un premier voyage à Paris dans l'été de cette même année, pour y prendre son grade de bachelier ès-lettres : « Après un court séjour, nous laissons parler M. Sainte-Beuxe, il y revenait à l'entrée de l'hiver sous prétexte d'y faire sôn droit, mais en réalité pour y tenter la fortune littéraire. Il arrivait cètte fois pourvu de vers et dé ‘prose } de canevas de romans et de poëmes, de comédies, d'odes, que sais-je ? de toute cette super{luité première dont il s'échappait de temps en temps quelque chose dans le Mémorial d Abbeville, mais de plus muni d'articles de haute crilique, comme il disait en plaisantant , et surtout du fonds qui était capable de les produire.» L'aménité du caractère de Ch. Labitte, les promesses de son talent lui rendirent faciles dès l'abord les rela- tions littéraires. M: Sainte-Beuve, M°°Tastu M. de Pongerville ;:son parent ;'encouragèrent ses prenmers essais, et le succès fut rapide. En 1836, il n'avait alors que 19 ans, 1l publia dans la Revue des Deux= Mondes ‘un article ‘sur Gabriel Naudé, le savant ami de Christine. Sa curiosité inquisitive, son! éru- dition qui rappelait celle des savants da dix:septième siècle, la tournure fmement railleuse de son esprit le “portaient ‘der préférence vers: cette littérature éminemment française, où la critique tient toujours par quelque point à la satire philosophique: Iltavait — 677 — débuté par une étude sur Naudé; 1l fit plus tard pour une édition nouvelle de la Ménippée française une introduction qui se distingue par l'étendue des recherches, la justesse des jugements, et l’une de ses dernières productions fut encore un travail sur les Ménippées latines. Chargé en 1837 d’une suppléance d'histoire au collége (Charlemagne, Charles Labitte ne tarda point à justifier cette position nouvelle, en publiant sur le moyen-àge et la re- naissance une série de travaux remarquables. Lorsque deux ans plus tard il fut appelé à la chaire de littéra- ture étrangère à Rennes, il soutint pour les épreuves du doctorat une thèse brillante, dont il à fait un livre sous ce titre: de la Démocratie chez les Prédica- “teurs de la Lique, œuvre très importante, écrite avec une grande impartialité, et dans laquelle se trouve parfaitement résumée la situation des partis qui . divisaient la France à la fin du seizième siècle. C'est dans les limites d'une monographie un des sujets les plus importants que puisse aborder léru- dition; on y trouve le double intérêt de l'histoire littéraire et de l'histoire politique, et ce livre, en ce qui touche le rôle du clergé catholique dans les affaires de Ja Sainte-Union , garde en tout point une supériorité marquée sur l'ouvrage tant vanté d'An- quetil, L'Esprit de la Lique. L'activité de Charles Labitte semblait redoubler par l'obligation du travail. Il avait à peine terminé là Démocratie de la Lique, qu'il s’occupait, pour — 678 — les leçons de la faculté des lettres de Rennes, d'une étude sur les sources de la Divine Comédie, L'idée de ce travail était neuve et piquante. Charles Labitte cherchait -dans les agiographes les plus obscurs du moyen-âge toutes les légendes, toutes les traditions auxquelles Dante avait pu s'inspirer, et par un travail d'analyse vraiment merveilleux, il rattachait les visions et les rêves du poète florentin aux visions et aux rêves des premiers écrivains du Christianisme, et de la sorte il traçait en quelques pages une histoire complète de l'infini, telle que l'avait comprise et racontée la crédulité mystique des vieux âges. Ce beau travail, après avoir paru dans la Revue «les Deux-Mondes, à été reproduit en tête de la dernière traduction qui ait été publiée des œuvres de Dante; il en formera désormais la préface indispensable. Mais hélas! trois ans à peine s'étaient écoulés, et l’auteur lui-même allait être initié à ces secrets de la mort où il semble que par un triste pressentunent il s'était plu à s'arrêter avec une curiosité mélancolique. Depuis deux ans Charles Labitte suppléait M. Tissot dans la chaire de poésie latine que Delille avait occupée sous l'empire; il fallait aborder d’autres études, mais le jeune professeur, par un lecture immense et Îles facultés compréhensives de son esprit, se trouvait cette fois encore au niveau de sa tâche. I porta dans l'étude de l'antiquité cet impérieux _— 679 — besoin de connaître qui l'aiguillonnait sans cesse. Mieux éclairé sur le moyen-àâge que la plupart des érudits classiques, il suivit pour ainsi dire dans ses travaux le parallélisme continu du monde antique et du monde chrétien. Tout en restant exact et solide, il fut toujours littéraire et sut garder pour la philosophie morale une place à côté de la cri- tique. Ses articles sur Varron, sur le satirique Lucilius sont des morceaux qui réunissent l'esprit français et le savoir allemand. « Charles Labitte, dit M. Sainte-Beuve, que nous ne saurions trop citer, était en train d'attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile. Il voguait à plein courant dans la vie de l'intelligence; des pensées plus douces de cœur et d'avenir s'y ajoutaient tout bas, lorsque tout d'un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siége local bien déterminé , et c’est alors, durant ” une fièvre orageuse qu'en deux jours, sans que la science et l'amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appré- ciable suffisante, la vie subitement lui fit faute, et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir , il était mort quand il ne semblait qu'endormi. » -_ Il est mort! s'écriait Pline en pleurant un de ses jeunes amis , et ce qui n'est pas seulement triste, mas lamentable, il est mort loin d'un frère bien aimi, loin d'une mère, loin des siens... Procul a 0680 — fratre :amantissimo , procul. a matre.... Que ,n'eût- il pas aitéint si ses qualités heureuses eussent achevé de mûrir? De quel amour, ne brülait-il. pas pour les lettres? Que n'avait-il pas lu ? Combien ,n’a-t-il pas écrit? — Toutes ces paroles ne sont que rigou- reusement justes, appliquées à Charles Labitte:, » Lire, méditer, écrire, c'était là enveflet la vie tout entière de Charles Labitte. Peu d'hommes, mêmé parmi des plus habiles et, les! plus müris par le travail de la vie entière, connaissaient mieux -notre: littérature; littérature du moyen-àge dans ses divers 1diômes, littérature moderne, à partir -du XVIsiècle jusqu'à nos jours. Il était toujours prêt dans les entretiens intimes pour:ces:: discussions moitié philosophiques , moitié {littéraires qui tiennent une si grande place dans la vie parisiennes il était toujours-prêt comme écrivain à Jeter quelques pages heureuses sur le premier sujet de critiquer ou d'histoire qui s'offrait à :sa rencontre. Sa fécondité, toujours abondante et correcte;-était d'autant ‘plus surprenante, qu'il a joui- rarement: de ce calme de lx santé-si nécessaire aux travaux de’ l'intelligence. Outre de nombreux bulletins bibliographiques, .des comptes rendus de séances académiques, des nou- velles littéraires auxquellés lui-même: attachait: pen d'importance, et qu'il oubliait, quand il avait!lécrit au courant de da plume; oil a: publié de:grards morceaux ‘d'histoire :etrde- critique ‘littéraire qui réunissent. à la finesse dés vues: une méthode sûre , — 681 — le bon goût, la clarté, toutes les qualités enfin d'un écrivain d'élite. Il suffira de citer : Ecrivains précurseurs du ; siècle de Louis XIV. Gabriel Naudé. — Raynouard, sa vie et ses ouvrages. — De la Collection des documents inédits sur'l'istoire de France. — La Diyine Comédie avant Dante. — Une Assemblée parlementaire en 1593. — Le Roman dans le. Monde. — Marie-Joseph Chénier. — La Satire et la Comédie à Rome. — Le Grotesque en ‘littérature. — La Jeunesse de Fléchier. — Varron étses Ménippées. — Les Satires de Lucile. — Voiture. — Secudéry, etc. etc... Ces divers travaux ont paru dans la Revue des Deux-Mondes et dans la Revue de Paris, recueils auxquels Charles Labitte à donné de 1836 à 1845 soixante-neuf morceaux étendus. Maigré cette collaboration vrannent prodigieuse , Charles : Labitte a encore trouvé le temps de travailler au Journal de lÆustruction publique, à la France litteraire, à la Hevue du Midi, à V'Auxi- liaire Breton, au Dictionnaire de la Conversation, à l'Encyclopédie Catholique. Ha en outre ‘professé pendant six ans au collége Henri IV, au collége Charlemagne, à la Faculté des lettres de Rennes, et en dernier lieu au collége de France; enfin les volumes sont venus s'ajouter à ces travaux si nomi- breux et si variés, et nous possédons de lui Essai sur Y'Affranchissement Communal dans le comté le Ponthieu. Abeville!, 4836, in-80. ‘et essai, publié en collaboration, a été imprimé dan: les Mémoires de la Société d'Emulation d’Abbe- ville ‘et tiré à part à soixante-neuf exemplaires, dont «uelques uns sur grand papier. — 682 — De la Démocratie chez les prédicateurs de la Ligue, Paris, 1841, in-&. De Jure politico quid senserit Mariana, dissertatio Academica. Paris, 1841, in-8. La Satire Ménippée avec des Commentaires et des Notices sur les Auteurs, Paris, 1841 , in-18. Les articles les plus importants de la Revue des Deux-Mondes et de la Revue de Pris ont été réunis sous le tütre de: Etudes Littéraires, par Charles Labitte, avec une Notice par M.Sainte-Beuve, Paris, Joubert, 1846 , 2 vol. in-8°. — La notice de M. Sainte- Beuve a paru d'abord dansla Revue des Deux-Mondes du 1° mai 1846 ; elle est suivie des discours prononcés sur la tombe de Charles Labitte par MM. Tissot et Sainte- Beuve, et d’une notice bibliographique indicative de tous des travaux publiés par le jeune écrivain dans des recueils périodiques. Cette énumération est bien longue encore, el cependant elle est incomplète. Au moment où la mort est venue briser une existence déjà brillante et si bien remplie, Charles Labitte préparait des études sur l'antiquité latine dont quelques fragments, tels que les Femmes des Comédies de Terence, et la Tristesse de Lucrèce étaient en partie rédigés, et.il avait de plus recueilli de nombreuses notes pour une Histoire de la Littérature du XVIII siècle et de l'Empire; c'étaient Rà de beaux titres pour l'avenir. Il avait déjà à peu près terminé ce qui concernait Fréron,Beaux::archais, André Chénier. Espérons que ces fragments ne serort pas perdus ; les publier est une dette que l'amitié dit à Ja — 683 — mémoire de Labitte : ceux qui l'ont connu, qui J'aimaient et qui le regrettent, l'acquitteront sans doute, et la sympathie du public ne fera pas défaut : car ainsi qu'il à dit lui-même à l’occasion d'un de ses amis, M. Louis de Léon, enlevé presqu'au même âge : « C'est toujours avec une curiosité mêlée de » tristesse qu'on ouvre un livre posthume. Il y a » je ne sais quel attrait mélancolique à retrouver » ainsi, fixées sous le langage et rendues immobiles » dans leur essor, ces idées imparfaites et cepen- » dant plus durables que celui qui les avait pensées, » ces plans inachevés qui ont pourtant survécu à » l'esprit maintenant éteint où ils étaient éclos. » CHARLES LOUANDRE. A x *ARÈNE dt he | + sibb, agqg cet HOTT gen on ssh 9) Let noïé8090 EE uôss-jul tb 8 up. anis 169 D maniere tua 208 ions ou aus xd ad + Eau 0ù se mirage JanbE Ho RE CU paru rat terre “igué-agtrasaus publiés gp la rie paré Mes 2 “rerueits pra CR ques. Lan nie - Fa Cette : émimiéralion Cr tie: Lam, qu cébre mn opens de. « as nenplote, An. rene: da. Û ARR FS à ckaonre défiant LT HAE verge, Chruelers. hate) “prépaiais _. Stades sue -f'amtiqu it le ones délits | : LR Lpaguercgle ctels. épi + due voit ‘lire _Ginédien sde 5 “ends 3 ies mate une dense pe us: à : le 5 ‘à 45€ riècle: ét: de l'Hogpire y: étaient Bi Re. : FIM re pou Tavenir, H avait ja à. PATES |‘ “Féreers, Ne 7 Friteuse le \Éorcrcer. L6theié vu parte Mage ! Le # domi de * RAS sc sde: Horlrausis ns ; Bour uere Affaire ide Lo Ai | eee ce qu csmeénaaat l réron Rosa) rs ét. Espérons: Que. ces Fragen nys né: #: M. FRANCOIS TRAULLÉ. M. François: Traullé, qui vient de mourir tout récemment parmi nous, regretté de tous ceux qui l'ont connu, était le frère de MM. Laurent et Alexandre Traullé, dont l’un fut correspondant de l'Insutut et l'autre, non moins savant que le premier, commandant de la place de Sédan. M. François Traullé naquit én 1774. Destiné de bonne heure au commerce qu'il n'abandonna jamais, il étudiait en 1793 la fabrication à Lyon, lorsqu'il fat pris avec une société de royalistes, jugé et condanmé à mort. Îl resta vingt-quatre heures dans les transes d’une exécution prochaine. Enfin les preuves de sa non participation au cemploti dans lequel il était incriminé ayant été produites, la libert lui fut rendue; ses cheveux avaient blanchi en une nuit. M. Traullé fut président du Tribunal — 686 — de Commerce. La Société d'Emulation, dont il fut longtemps un des membres actifs, le chargea de différents travaux d'archéologie et d'économie. M. Traullé à écrit sur la bataille de Crécy un Mémoire qui, sur bien des points, se trouve en désaccord avec les. données historiques reçues, jus- qu'à lui. Le colonel Ambert, depuis représentant du peuple, s'est servi de ce Mémoire pour son histoire de la même bataille et a adopté entière- ment les idées de M. Traullé. Homme modeste, M. Traullé possédait un jugement remarquable; à plusieurs époques :il fut consulté par le chef du département sur la direction à imprimer à J'avenir d’Abbevikle :et les changements à introduire dans les personnes. Ses renseignements, donnés avec une mesure toujours digne et convenable, ont contribué au calme dont notre ville jouit depuis si longtemps. E.. PRAROND. LE DOCTEUR RAVIN, MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ D ÉMULATION D ABBEVILLE. Médecin dévoué, administrateur habile, natu- raliste et archéologue distingué, le docteur Ravin, dont la mort fatale a laissé de si vifs regrets, naquit à Saint-Valery-sur-Somme, le 22 décembre 1795. Son père, capitaine de frégate, donna les soins les plus assidus à ses études qu'il dirigea lui-même. Ces études furent sérieuses et rapides, et à l'âge de dix-huit ans, le jeune Ravin entra comme élève en chirurgie d?ns un hôpital de la Belgique qui était alors, comme on le sait, province française. Employé successivement sur des navires de l'Etat, et dans Lee © le pénible service d’un bagne, il revint à Saint- Valery en 1814, dans les prefñiers mois de la restauration, et partit ensuite pour Paris afin d'y achever ses études médicales. Il fut reçu docteur le 20 novembre 1818, et ne tarda point à rentrer dans sa ville natale, où 14 devait trouver dans sa vie et dans $a {mort tout ce 'qu'ontpeut sonbaiter en ce monde: dans sa vie l'estime universelle, dans sa mort les larmes des pauvres et celles de tous les gens de bien. Tourmenté du désir d'être utile et de ce besoin de savoir qui est la passion des intelligences d'élite, le docteur Ravin se partagea tout entier entre la pratique de son art, les fonctions gratuites de l'ad- ministration et la culture des sciences. Médecin de l'hôpital de Saint-Valery depuis 1828, M. Ravin joignit à ces fonctions celles de médecin de la douane, dans l'inspection de ce port, et sa noble et :pémible profession fut avant tout pour lui une mission de dévouement et de, charité, Les fatigues de sa clientèle ne le distrayaient point de la science, et tout en soignant ses nombreux malades, il écrivait d'importants mémoires qui fixèrent, plu- sieurs fois l'attention de l'Académie de Médecine. Comme administrateur, M. Ravin rendit aussi, des services signalés au canton, de Saint-Valery et à l'arrondissement. d’Abbeville. Secrétaire de la com- mission de santé, président de la commission de secours pour les naufragés de Cayeux en 1842, _— 689 — inspecteur délégué des écoles primaires, adjoint au maire de Saint-Valery, maire par interim de cette ville depuis 1833; conseiller, jusqu'en 1839, d'arron- dissement depuis 1834, M. Ravin était partout où 1l y avait quelque bien à réaliser, quelque idée juste à dé- fendre, quelque progrès à développer. Comme savant M. Ravin a beaucoup fait; l'archéo- logie, la géologie, la zoologie, l'anatomie comparée l'ont occupé tour à tour ; aussi les titres scientifiques ne lui ont-ils point manqué ! il était membre correspon- dant de la Société médicale d'Amiens, de l'Académie de médecine de Paris, de la Société d'agriculture et des arts de Boulogne-sur-mer ; des Antiquaires de la Morinie, de l’Académie des Sciences et Belles-Lettres du département de la Somme, de la Société médicale d'émulation de Paris, de la Société Linnéenne du nord de la France. Chacun de ses titres était pour ainsi dire un hommage rendu à un travail spécial. On en jugera par la liste suivante que nous avons tàché de rendre aussi complète que possible. Voici les divers ouvrages, mémoires ou brochures que l'on doit au docteur Ravin. De la Phthisie laryngée. Paris 1818, in-4°. — Une campagne d’Alger, 1822. — Tumeur lacrymale, méthode de Foubert. Journal universel des Sciences médicales, octobre 4820. — Médecine légale, Grossesse méconnue jusqu’au moment de l'accouchement. 1bid. 1820. — Observations prouvant l'efficacité de l’incision du nerf, comme moyen curatif, dans les névralgies sus et sous orbitaires. /bid. avril 1820 et novembre 1823. — Histoire d’une épidémie de variole en 4820 ; marche qu’elle a suivie dans le canton de Saint-Valery. /bid. février 14821. — Essai sur la théorie et-la cure radicale des hernies. Paris, 1822, in-8°. — Supplément à l'essai sur la théorie et la cure radicale des her- : 4% — 690 — uies. Journal universel lues Sciences médicales, septembre 1822. — Nouveau Mémoire sur la théorie et la cure radicale des hernfes. Archives générales de médecine, noyembre 1831. — Mémoire sur les tubercules. Paris, 1835. Ce mémoire, qui est un traité sur la pulmonie, a été écrit pour répondre à la ques- tion proposée par l’Académie royale de médecine, et a partagé le prixayec un autre mémoire écrit par M. Lombard. Il a été imprimé en 1835 dans le 4me volume des Mémoires de l’Académie. — Lettre à M.‘Boucher de Perthes sur l'industrie primitive, 1849. Notice sur l’ancienne abbaye de Mayoc, près du Crotoy. — Mémoire géologi- que sûr le bassin d'Amiens et en particulier sur les cantons littoraux de la Somme:— Notice sur une pirogue gauloise trouvée à Etrebœuf, près de Saint- Valery-sur-Somme. — Mémoire sur les établissements romains de lembou- chute de la Somme à Saint-Valery et au Crotoy. Ces quatre derniers travaux ont paru dans les recueils de la Société d'Emulation d’Abbeville. Nous indiquerons encore : Notes anatomiques sur divers organes d’un baleinoptère. -- Mémoire sur l’ouïe de la baleine. — Observations et recherches sur les membranes muqueu- ses,\lesfièvres et les témpéraments. — Etudes de botanique des environs de Saint-Valery. — Une traduction d’Aëtius.. — Un travail inédit sur la suette milliaire. — Des Observations médicales depuis 4820 jusqu'en 1849. — Des Notices biographiques sur &ivers homes de mer, notices insérées dans le journal l'A4bbevillois: On le voit à la longee énumération de ces travaux si variés, la vie de M. Ravin a été laborieuse et rem- plie. Il'avait réuni sur les diverses spécialités de ses étu- des untrès grand nombre de notes, qui seraient de- venues d'excellents ouvrages si un déplorable accident n'était venu le frapper dans la plénitude de F'âge.et la force du talent. Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1849, M. Ravin, après avoir assisté au Conseil d'arrondisse- ment, était parti en cabriolet pour se rendre à Saint- Valery, accompagné d'un conducteur, en suivant le chemin qui longe le canal. On présume que les deux voyageurs s'étant endormis, le cheval qui: traînait.leur.. x F+ VEN > voiture, en arrivant à 200 pas du barrage, aura dévié de la route devant la barrière qui se trouve en cet endroit; et la voiture surplombant sur la berge aura roulé dans le chenal entraînée par son poids. Le lendemain matin le cheval et la voiture ont été décou- verts aux abords de l’écluse de Saint-Valery. À cette nouvelle, la plus vive émotion s’est manifestée dans cette ville. Chacun s'est mis en quête, et l’on n'a point tardé à retrouver les deux victimes. Ce triste évènement a été pour Saint-Valery un deuil public. Cette ville, qui sentait combien la perte de M. Ravin était grande pour elle, s’est fait un devoir d'assister tout entière à ses funérailles, et les person- nes qui, dans la cérémonie funèbre, se sont rendu les interprètes de la douleur universelle, ont été l'écho de leurs concitoyens en disant sur le bord même de la tombe de M. Ravin, que la mémoire de cet homme de bien, de ce médecin dévoué, de cet infatigable savant vivrait toujours présente et respectée dans le cœur de ceux qui l'avaient connu. CHARLES LOUANDRE. rh te ordi. 006 , 199,19 00e al série sk at # ““ugobb Bd auo nr ro ir bifol ne MS Lt ne 1aisé. 9b oeulob] ob abri zu8 av ensb sbieslinsite “Jes'ar goitonr ovivreulqr din 4 | RS 1 ii EH 1292 1109 LITE x vaiaémninn:s D en MS PE oise 160q ds nom vE Seth. 60 # sr sf nsidiios fistnsa ip olliy EEE sidog issb ‘re don qu “effs'450q bas detà rer PER EEE SR ir Los sdtétee D | d 3 bn Hé etdéaut sinomèbo.sl easb: np "sb prog lv mob a) értobt + | bin Brod of nié Hawib n Au00dion sl 190 ob siombm el aup eivsf A sbodmos + CE à : Jose sldégirsai 92h Suorb aipobun 20 shit DR aus ob os a 0 | M Ron 2 plie Han tecarlt st rs dite He Fi des CAO RAIAAHS Pre fus serait a" pe LEA nes 2! à AE es He MS Guerages 5 di ait de pe Héaécident #, ni. vent Te Erdpner dans te tà pieux te de ile À Ageiet. jé Hs + | Les LU cake: Brun En unit die: Gé 5 joiieteto, ; a à avi: Jar ax dre mu Lonise rt d'atrondiéses # K ie, Stat pure cn. eabtlo}et pra #6. rendre di ES NORGE act, Sccompsté d'un cosdnctour, ch suivantihe Tr “cheb uftonge do bat. Cha présumé ‘que Res aus né ; A You ge ans t-on, 4e: cheval qui, tratnitéhenn 2 Fe * ADDITION Au Mémome sur Les Massinrexs de M. André De Poiccy. L'article de ce mémoire qui concerne Hiermont doit être suivi de ce passage: En descendant du Mont Sacré dans la large val- lée de l'Authie, les Massiliens ont fondé, à une leue de ce mont, sur les bords mêmes de la rivière, un établissement dont le nom, purement gree, dé- montre l'origme: Æuxi, bourg du département du Pas-de-Calais, dont une partie, avant la nouvelle division de la France, appartenait à la Picardie, et l'autre à l'Artois. En effet, changez les caractères alphabétiques en usage dans nos langues modernes de l’Europe en caractères grecs; ajoutez à ceux-ci un sigma final, indispensable pour marquer la déclinabilité de ce mot, et vous aurez AE , accroissement, augmentalion. Cette signification semble indiquer que les Massiliens regardaient ce dernier établissement comme un ac- croissement indispensable de leur colonie sur nos côtes. “ge RTE 1 00 AA FA TM € | id ol is romans PR Er » = F LUS . ob crane eux ne ét me . * ER FRS - PR Lu PA HAS .« RE 4 WE * k " [he A NAN, £ i Ù fa Le di LE. Le a LE À A ’ 3 y < + f * P 4 = A: n Le « ne" } + "| * 46 À re à w Po ÿ L EST EM ra. | ; | sntmmoif auriooaop iup, RAA 99 ab shit ri a as D AS :9gn828q 99. #b, tige, 016,110 gr sl “+ éneh dose 1noM oh rcbusoeb : n au é;cbbnat wo anoiliænlé eo ,aidiuAl ab où * : + sséiimgl sbzméni, ebrôd éef «ue our 99 sb pui 2 Ch 0m dame. ao of no apnoezitlel, nbuomeneqoh sb geuod ra :snnigio"l. ET à" ; ; slloon. RL: des PELLE OU, ob eiels Sert ones sit sl # Ma Énal oouett- el sb oi vil | :-#omAl £ adust | 00. p" ideal sf weiyrasr + pe à ds RUATENTS chnsssisionnon cauëck NS 200% 39 JON | ensilieasll el sup soupibai sldruse schsafiie Te Nice “ ñu SALÉHIOD inomsedilds 1oittiob 99 1 10 es, OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D’ABBEVILLE, | PENDANT LES ANNÉES 18%4, 1845, 1846, 1847, 1848. Mémoires de l’Académie royale de Metz. Revue agricole de la Somme. Question du Sésame, pétition adressée aux chambres législatives par la Société royale et centrale d'agriculture, sciences et arts du départe- ment du Nord. Le Propagateur de l'industrie de la soie en. France, par Amans Carrier. Mémoires de la Société libre d’émulation de Rouen. Journal de la Société de la morale chrétienne. Journal l'Abeille médicale. Notice sur le Crédit. Journal des Chemins de Fer. Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts du Mans. Discours prononcé à la Société industrielle d'Angers. Revue de Rouen et de la Normandie. Collectanea antiqua, par Charles Roach Smith F.S. A., secrétaire. de la Société numismatique de Londres. Annales agricoles , littéraires et industrielles de l’Ariége. — 696 — Mémoires de la Société d’émulation de Cambray. Annales de la Société d’agriculture, des sciepces , arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire: Mémoires de l’Académie royale de Nancy. Actes de l’Académie de Bordeaux. Chronique numismatique de Londres. Bulletin de la Société d’agriculture du Cher. Mémoires à consulter pour M. Jules Guérin contre M. Malgaigne , etc. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie. Journal des Savants de Normandie. Session du Congrès scientifique de France, tenue à Strasbourg en 1842. Discussion de l’Académie de médecine sur les tumeurs du sem, par M. Tanchon. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de Meaux. Notice sur le Crédit, par M. de Choisy. ; Compte-Rendu du Congrès scientifique de France, tenu à Angers en septembre 1843. Précis analytique des travaux de l’Académie royale du Gard. Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen (1844 ). Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture, sciences s et arts de Douai. Compte-rendu général de l'exposition publique des produits indu- striels agricoles, horticoles de Saint-Omer: Procès-verbal de l'assemblée générale de la Société de la morale chré- tienne. Compte-rendu du Congrès des vignerons français à Marseille! Histoire des comtes d'Amiens, par Du Cange, éditée par M. Hardouin, docteur en droit, membre de l’Académie d'Amiens. Notice sur Pierre De Fontaines, par le même. Quelques considérations sur l'ouvrage de M. Michelet, intitulé : Ori- gines du droit français cherchées dans les, symboles et da du droit universel, par le même. Histoire de Pologne, par Joachim Lelewel , 2 volumes et atlas. L'Algérie en 1844, par M. Desjobert, membre de la chambre des députés. Histoire et Mémoires‘ de l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Toulouse. Liste des portraits omis dans le père Lelong. Chronique numismatique de Londres. 0 — 697 — Notice sur quelques monuments de Bigosse, par M. Desmoulin. Histoire spéciale des fonds publics et de l'industrie dans tous les pays, par Choisy frères et Borel d'Hauterive. La Ville d'Eu, par M. Désiré Lebœuf. Souvenirs du poète, par M. Duliége Ludovic, membre de la Société des Antiquaires de Picardie. Bulletin de la Société d'agriculture du Cher. Opinion sur la question de prédominance des causes morales et physi- ques dans la production de la folie, par M. le docteur Vintrignier. Histoire d'Abbeville, par M. Louandre, bibliothécaire de la ville. Mémoires de la Société royale des sciences et arts de Saint-Quentin. Esquisses historiques de l’armée française, par M. Joachim Ambert, chef d’escadron au premier régiment de carabiniers. Notice sur la bataille de Crécy et la campagne de 1346, par le même. Mémoires de l'Académie de Metz. \ Quatre exemplaires de la nomenclature du prix proposé par la Société d'encouragement pour l’industrie nationale. Précis analytique des travaux de l’Académie royale de Rouen. Mémoires de l’Académie d'Arras. Un numéro du système des développements de Ecole sociétaire, par M. Considérant. Un rapport des séances archéologiques d'Angleterre. Programme de la Société archéologique de Béziers. Quatorzième ‘et quinzième livraisons de l'histoire spéciale des fonds publics et de l’industrie dans tous les pays. Grandeur et décadence de l'architecture religieuse en Picardie, par M. l'abbé Corblet. (Extrait d'un numéro du #onileur de l'Oise.) Essai historique sur la vie et les ouvrages de Gresset, par M. de Cayrol. * Mémoires de la Société de Lille. d Compte-Rendu du Congrès scientifique de France, tenu à Nimes en septembre 1844. Coutumes locales du baillage d'Amiens, par M. Bouthors. Une cité picarde, par M. Delafons, baron de Mélicocq. Statistique botanique du même. Eloge académique du docteur Navet, par M. Vintrignier. Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie. Le Temple de l’'Honneur, poème de Froissart, envoyé par M. Chabaille. Recherches historiques sur les enfants trouvés, par M. À Labourt. Le Cultivateur de la Somme. — 698 — ) " Petites solutions des grands mots par M. Boucher de Perthes 1848. Une brochure de la Société de la morale; chrétienne sur les circon- stances atténuantes depuis la loi du 28 avril 1832: Rapport sur.la 4° session du, Congrès des vignerons français, réunis à Dijon le 20 août 1845. Annuaire de l’Institut des provinces et des Congrès scientifiques. Mémoires de la Société d'agriculture de l'arrondissement ‘d’Avyesnes. Notes sur le Sisymbrium bursifolium de La Peyrousse, par M. Charles Desmoulin. Description de l'église de Roye, par M. l'abbé Corblet. Imitation de J.-C., traduite en vers par M. V. Edan, avec introduction de M. Corblet. Annuaire des Sociétés savantes, année 1846. Catalogue raisonné des plantes phanérogrames, par M. des Moulins. Parallèle des traditions mythologiques, avec les récits mosaïques, par M. Jules Corblet. La Baie de Somme et ses ports, par M. Lefils. Mémoire sur la dépopulation d’Abbeville, par MM. Brion et Paillart. Compte-rendu de la Société française des monuments historiques. Bulletin de la Société centrale d'horticulture de la Seine-Inférieure. Observations sur l'opération de la cataracte par dépressionypar M. An- drieu, docteur-médecin, membre de J'Académie d'Amiens. t Notice sur les monnaies de plomb, par Charles Roach Smith F. S. A. Annales littéraires et industrielles de l’Ariége. Une brochure ayant pour titre : Des prétendues erreurs dans lesquelles. sc- raient tombés les anciens économistes, relativement au principe de la-richesse nationale. Mémoires de la Société royale de Lille. Bulletin de la Société académique de Falaise. Mémoires de la Société d'agriculture de l'Aube. Un Almanach d’Abbeville pour l’année 1847. Tableaux statistiques des opérations de la caisse d'épargnes .d'Abbeville pendant l’année 1845. Un article du dictionnaire mnémonique des mots de la langue fran- çaise, par M. Florentin Lefils. Recueil de poésies fugitives, par M. Levayasseur. Précis de la bataille de Crécy, par M. Seymour de Constant. Bulletin de l’Athénée de Beauvais... Bulletin de la Société, industrielle de Saint-Etienne. Mémoires de la Société archéologique de. Londres. 0699 — Mémoires de la Société d'agriculture d’Avesnes. Chronique numismatique de Londres. Bulletin de la Société royale académique de Saint-Quentin. Revue agricole de la Somme. Notice sur un cachet d’oculiste romain, par M. Ch. Dufour, membre de la Société des antiquaires de Picardie. Antiquités celtiques et antédiluviennes, par M. Boucher de Perthes, avec 80 planches, 1847. Mémoires sur l’inbalation de l’éther, par le docteur Andrieu, membre correspondant. Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie. Bulletin du Congrès scientifique de France, 13€ session. Rapport sur le Congrès des vignerons français de Lyon. Bulletin de la Société centrale d’horticulture de la Seine-Inférieure. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture, sciences et arts du département de l'Eure. Bulletin de la Société académique, agricole, industrielle de Falaise. L'Investigateur, journal de l’Institut historique. Séances et travaux de l’Académie de Reims. Bulletin de la Société des conférences d’horticulture de Meulan. Compte-rendu des travaux de l’Académie royale du Gard. Mémoires de la Société royale des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille. Mémoires de la Société d'agriculture du Nord, séant à Douai. Bulletin de la Société industrielle d'Angers. Almanach de la ville et du canton du Pas-de-Calais. Mémoires de la, Société d'Emulation du Jura. Tom. VIII de ja Société des antiquaires de, Picardie. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie , complétant le tome IT. Mémoires sur de nouvelles découvertes de monnaies picardes, par M. Rigollot. Annales de la Société d'agriculture, des sciences et arts d’Indre-et- Loire, tome XXVI. + Onzième et douzième années des études diverses de la: Suciété havraise. Almanach de l'Oise, offert par M. l'abbé Corblet. The numismatic chronicle. January, n° XXXV. Pensées de la princesse Constance de Salm, éditées par M. de Pon- gerville. Atlas méthodique des cahiers d'histoire naturelle, par Achille Comte- Mémoires de la Société des antiquaires de Londres. 7 — 700 — Journal de la Société d'archéologie d’Augleterre. Poésies de M. Delegorgue-Cordier. Ô Bulletin de la Société d’Emulation de Rouen. Mémoires de l'Académie de Toulouse. Société d’agrigulture du Cher. Un numéro de la Société d'agriculture, sciences ct arts de Meaux. Des intérêts maritimes et de leur-protection, réponse aux membres du comité central pour la défense du travail national. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de la Moselle. Mémoires de l’Académie royale du Gard, 1843 à 1846. Fables, par Ernest Prarond. Bulletin de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles. Des moyens de soustraire l’exploitation des mines de houille aux chances d’explosion. Annales de la Société royale académique de Nantes. Catalogue de la bibliothèque de l'Académie royale de Bruxelles. Annuaire de l’Académie royale de Bruxelles. Mémoires de la Société archéologique de Béziers. Recueil agronomique de la Société d'agriculture de la Haute-Saône. Séance publique de la Société royale de médecine, chirurgie et phar- macie de Toulouse. Extrait des séances de la Société royale d'agriculture et de commerce de Caen. s Mémoires de la Société d'agriculture, des sciences et belle&lettres du département de l'Aube. Mémoires de la Société d'émulation de Cambrai. Traité de la conduite des arbres fruitiers, par Buteux, publié sous les auspices de la Société, d'horticulture du département de la Somme. Examen des causes qui paraissent influer particulièrement sur la crois- sance de certains végétaux dans des conditions déterminées , par M. Charles Des Moulins. Hyacinthe, poésies par M. Mondelot. Collectanea antiqua by Charles Roach Schmith*F. S. A. Un volume des sciences et arts de l'Académie de Pâris. Catalogue de plantes) par M. l'abbé Bourlet. Séances et travaux de l'Académie de Reims. Annales agricoles, littéraires et industrielles de l'Ariége. Mémoires de l’Académie royale de Toulouse. De la nécessité des croyances, par M. A. Flobert. Mémoires de l’Académie d'Arras. — 701 — Annales de la Société académique de Saint-Quentin. Mémoires des antiquaires d@ Nord. ' Opinion de la Chambre de commerce d’Abbeville sur la refonte des monnaies de cuivre. Un numéro de la Société de médecine d'Amiens, formant le comité central de vaccine. Mémoires de l'Académie royale de Metz. Id. de la Société des antiquaires de Morinie. Lettres à M. Bouillet sur un article sur la ville de Boulogne, par M. Auguste Mariette. Discours de M. Millevoye, substitut du procureur général à Limoges, à l'audience de rentrée de la cour. Brochure de M. de la Quérière, de l’Académie de Rouen, sur les res- taurations des édifices gothiques. Bulletin de la Société d'agriculture du département du Cher. De l’Art chrétien au moyen âge, discours prononcé au Congrès scien- tifique de Tours, par M. l'abbé Corblet. Bulletin des séances et travaux de l’Académie de Reims. * Bulletin de la Société libre de Rouen. Mémoires de l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Caen, 1847. Annales de la Sociéte linnéerne de Lyon. L'Unité, organisation du crédit et de l’industrie, revue, des comptoirs d'arrondissement. Mémoires de la Société philotechnique. Revue des auteurs unis. Almanach de la ville de Calais. Annales des sciences physiques et naturelles de l’Académie de Lyon, Annales agricoles de l'Ariége. - Mémoires de,la Société havraise, publiés par Borely. Mémoires de la Société royale des sciences, belles-lettres ct arts d'Orléans. Lettre d’un membre de la Société de la morale chrétienne sur les enfants trouvés. j De la culture de la vigne en Normandie, par M. l'abbé Cochet. L'Etretat souterrain, fouilles de 1835 et 1842... , id. République et religion, par M. l'abbé Corblet. Rapport de M. Chevalier sur la désinfection des matières fécales. Notice sur le: fouilles exécutées près de Dieppe, octobre 1848. Bulletin Ce la Société centrale d’horticulture de la Seine-Inférieure. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture du département del’ Eure. — 702 — Revue agricole de la Somme. Rapport sur l'engrais fabriqué dans l'usine du Bas-Clos de Troyes, par M. Jules Rey. Observations sur les tribus aborigènes d'Angleterre, par M. Ch. Roach Smith. F. S. A. Le XIe numéro Etchings of ancient Romains. Annales agricoles, scientifiques et industrielles du département de l'Aisne. Des causes qui paraissent influer sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées, par M. Charles Desmoulins. Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie. N° XII. Collectanea antiqua. Etchings of ancient Romains, Charles Roach Smith. Observations sur les noms des potiers et verriers romains, recueillis à Amiens par M. Charles Dufour. Notes sur la découverte de médailles et bijoux faite à Barleux, par ‘M. Charles Dufour. L’Investigateur, journal de l’Institut historique. Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen. Mémoires de la Société des sciences et arts d'Orléans. Résumé des travaux de la Société industrielle d'Angers, par Guillory aîné, années 1846 et 1847. Notice sur l'ancienne confrérie de Saint-Nicolas, à la Varennes de Doullens, par M. de Marsy. Etat de l’agriculture de l'arrondissement de Neufchâtel au 1 janvier 1842, par P. Carlier. Essai historique et archéologique sur le canton de Neufchâtel, par l'abbé de Corde. Journal de la Société archéologique d'Angleterre. ui | 199 PIS CENU (TPE RL ) '1dil 591307 IDGVEN an EXTRAIT DES PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ D'EMULATION D'ABBEVILLE, PENDANT LES ANNÉES 1844, 1845, 1846, 1847, 1845. Sauce du 5 Janvier 1844. M. De Florival, procureur du roi à Abbeville, est nommé Membre Correspondant. Vérification des comptes du Trésorier. La séance est consacrée à différentes discussions sur des questions d'archéologie locale et générale. Séance du 19 Janvier 1844. . M. Cortambert (Eugène), professeur de géographie et membre de plusieurs sociétés savantes, est nommé Membre Correspondant. M. Brion lit un résumé de ses observations météorologiques à Abbeville, pendant les années 1841, 1842 et 1843. | Séance du > Février 1844. M. Lefebvre (Jules), auditeur, donne lecture d’une notice fort étendue sur la manière d'apprécier exactement le commencement réel de l'ère chré- tienne. Cette lecture donne lieu à plusieurs dissertations. =, F0 — Séance du 18 Février 1844. M. Prarond (Ernest), avocat, est nommé miéniire Résidant. M. Boucher de Perthes communique à la Société différents documents relatifs à l'application que M. Frédéric Sauvage, Membre DE a faite des hélices à la navigation. 11 résultè de ces documents que les députations de la Somme, du Pas-de- Calais et de la Seine-Inférieure ont été saisies, par le Président de la Société, de la demande d’une prolongation de brevet et de la fixation d'une pension en faveur de M. Sauvage, dont la découverte - remonte à 4830. M. le Président remet à chacun des Membres Résidants, présents à la séance, un exemplaire du 5° volume des Mémoires de la Société. : Séance du 5 Mars 1844. je Un Membre appele l'attention de la Société sur un parallèle entre Georges Sand et Yda, comtesse de Hahn-Hahn, le Georges Sand de l'Allemagne, récemment publié dans le journal {e National du Calvados. Le reste de la séance est consacré à des observations historiques et archéologiques sur les différentes coutumes du moyen-âge qui se main- tiennent encore au milieu de notre civilisation. Séance du 22 Mars 1844. M. LE de Perthes lit une lettre critique sur l'influence politique et administrative des canards et: des lapins dans les départements de a Somme et de, la Seine-Inférieure. M. De Poilly, Membre Associé, lit un travail archéologique et.histo- rique, intitulé :, Recherches sur un Etablissement d'origine grecque. à, Saint- Valery-sur-Somme. A! Séance du 12 Avril. 1844. M. le Président donne lecture de plusieurs lettres des ministres de l'intérieur, des finances, de la marine, de la justice et des cultes, accusant réception du dernier volume des Mémoires de la Société. M. le Président dépose sur le bureau quelques pièces relatives au projet d’érection d'un monument à Lesueur. La Societé décide queM..le Maire sera invité à saisir le Conseil municipal de cette question dont l'initiative appartient à la Société. Séance du 26 Avril 1844. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. de Châteaubriand, accusant réception du dernier volume des Mémoires. — 705 — “M. Vion lit un rapport sur deux messes en musique qui ont été exécutées à Frévent 4Pas-de:Calais), le 7 et le 8 avril courant, par 4 à 500 chanteurs pris dans les ateliers de M..le baron, de. Fourment, manufacturier à Cercamps, et formés par M. Fiquet, d’Abbeville, d’après la méthode de M. de Rambures, Membre de la, Société. Sur la proposition du Président, la Société vote des remerciements à M. de Fourment pour son zèle et son dévoment à la propagation de cette méthode et décide que la collection des Mémoires de la Société lui sera adressée. M. Brion lit un résumé comparatif de ses observations météréologiques pour le 4er trimestre des années 1842, 1843 et, 1844. Séance du 10 Mai 1844. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. de Pongerville, accusant réception du dernier volume des Mémoires, et annonçant quel- ques nouvelles pièces de vers pour être insérées dans le volume suivant. M. Ernest Prarond lit un article de littérature intitulé : Pérégrinations d’un Ours. Séance. du 24 Mai 1844. M. Prarond fait un rapport favorable sur Ja vie de Corneille , ouvrage adressé à la Société par M. G. Levavasseur, avocat à la Cour Royale de Paris, qui sollicite le titre de Membre Correspondant. Séance du 7 Juin 1844. MM. G. Levayasseur, avocat à la Cour Royale de RATS est nommé Membre Correspondant. M. Boucher de Perthes communique à la Société une note adressée par lui à M. Cordier, pair de France ; professeur au Muséum, sur le passage des jeunes anguilles dans la’ Somme , pendant l’année 1844. Séance du 20 Juin 1844. M. le Président communique à la Société la, lettre qu'il:ta, écrite: à M. le Maire d’Abbeville, relativement. au projet d’érection d’un, monument à Le Sueur. Cette lettre indique à. l'administration municipale un moyen facile , de résoudre la question actuellement engagée, et. qu'un. motif tout financier pourrait faire ajourner indéfiuiment, el qui consiste à donner à la Placette le nom de place Le Sueur. 45 406 — La Société vote une somme destinée : à l'acquisition de prix qui seront délivrés'en son nom aux élèves ‘de différentes’ «étèles dé ‘la ville.” MM: Louañdre ét Pannier sont chärgés de" dir iriger A de ‘surveiller l'emploi de’ cette somme. UM: Boucher’ de Pérthes, au nom de M. Ravin, donne lecture d’une note anatomique sur les divers organes d'une baleinoptère. Séance du 5 Juillet 1844. M. Boucher de Perthes lit une lettre (encripuue de queues localités de l'Italie et de: l'Autriche. M. Vion, professeur de stnébtiés devant quitter le collége, donne sa démission de secrétaire et sollicite léthanse de son titre de Membre Résidant en celui de-Correspoñdant: Seance du 19 Juillet 1844. M. Brion, Archiviste, est nommé Secrétaire, en remplacement de M. Vion, démissionnaire: par suite de cette nomination, M. Boûvaist est nommé archiviste. M. Brion lit un résumé de ses observations 7 RENE pendant les mois d'avril. mai et juin 1844. La Société décide que les deux imprimeurs de la ville, seront mis en concurrence pour l'impression du nouveau volume des Mémoires. La Société se déclare’ en vacance pour deux mois, Séance du 25 Octobre 1844. M. Brion, nommé principal du collége de Noyers, prie la Société d'accepter sa démission, de Secrétaire ;-et d’échanger!son titre de Résidant contre celui de Correspondant. M:.£. Pannier est,.nommé Secrétaire. M. le Président fait observer que l'humidité de l'appartement destiné à la bibliothèque atteint les ouvrages qui ‘ar composent et propose le dépôt de ces volumes à la bibliothèque communale. La Société décide . qu'un” catalogue en double ‘expédition sera” dressé par les soins de M: VArchiviste, et que prière sera faite à M. le Mairé de recevoir ces ouvrages à la blibliothèque communale , avéc facilité de la part de la Société de reprendre tout ou partie en prévenant trois mois à l'avance. MM. de Belleval, Brunet, Gavelle (Emile), Bouvaist et Pannier sont 3 — 707 — nommés Commissaires, pour. la publication d’un nouveau volume des Mémoires. a M. Hardouin (Henri), avoué près la Cour royale d'Amiens, docteur en, droit et'mémbre de l’Académie d'Amiens, est nommé Membre Cor- respondant. Par suite des observations présentées par l’un de ses Membres, la Société décide que les séances seront remises âu jeudi soir au lieu du vendredi, jour où elle s’était assemblée jusqu’à présent. Un Membre fait observer que la Société est dans l'usage de ne publier ses Mémoires que tous les deux ou trois ans, par volume de 6 à 700 pages, et qu'il résulte de cet état de chosés deux inconvénients: ou que les auteurs sont dans la nécessité d’attendre plusieurs années la publication de leur travail, ou la Société n'a à consigner dans ses Mémoires que des écrits plusieurs fois reproduits. La Société arrête, après discussion, qu'un volume de 230 à 300 pages sera publié chaque année, et que cette délibération recevra son effet après l'impression du volume dont la Commission des Mémoires s'occupe en ce moment. Séante du 7 Novembre 1844. M. de Perthes commence la lecture de son travail intitulé : Antiquités Celtiques et Antédiluviennes, mémoire sur l'Industrie primitive et les Arts à leur origine. Séance du 21 Novembre 1844. M. le Président donne connaissance des propositions des deux impri- meurs de la ville, pour la publication du nouveau volume des Mémoires, ces propositions, ainsi que les specimen qui les accompagnent, sont renvoyées à la Commission pour les examiner et faire un rapport. M. Boucher de Perthes continue la lecture de son ouvrage sur les Monuments antédiluviens. Séance du 5 Décembre 1844. M: Pannier dépose, au nom de la Commission pour la distribution des prix qu’accorde la Société aux élèves des diverses écoles de la ville, un rapport détaillé dont toutes les dispositions sont adoptées. La séance est consacrée à différentes discussions sur des questions d'archéologie locale. —,708 — Séance du 19 Décembre 1844. : € M. le Président donne lecture d’une lettre de M:! ledocteur! Vésignié, Membre. Correspondant, annonçant le, dépôt. qu’il fait entre :ses mains, pour être provisoirement conservé aux archives, d’un paquetwrenfer- mant des considérations sur «en, nouveau mode.de traitement delatfièvre typhoïde , avecprière de. ne donner .connaissance du: contenu querdans des circonstances. qu'il se, réserve d'apprécier: M. De :Riencourt, Membre Correspondant, annonce à la Société qu'il tient à sa disposition une relation du siége. de Dantzig et un ouvrage sur. le système pénitentiaire de Gênes. Après un. rapport écrit de, M.,De Poily,!sur.l' Histoires dellawville d'Eu, par, M. Le Beuf, un rapport verbal, de :M.: Prarond sur un Recdeïl de poésies diverses. de M. Duliége, et quelques considérations en faveur de l'Hygiène des bains de mer, par M. Lecomte; MM: Le Beuf, Duliége et . Lecomte sont nommés Membres Correspondants. Sur un rapport de M. Bouvaist,, organe. de. la Commissions des Mémoires, la Société arrête que M. Jeunet sera chargé de l'impression du prochain volume., M. Alfred de Mautort met sous les yeux de la Société des dessins qu'il.a copiés sur un, manuscrit déposé dans les archives: du -Canton : de Fribourg, représentant les armes des ducs de: Bourgogne. M. Boucher de Perthes continue la lecture de son ‘ouvragetsur Mes Antiquités celtiques et antédiluyiennes. Séance du 2 Janvier 1845. Nomination du bureau: Sont nommés: “MM. Boucher de Perthes, Président. Louandre, Vice-Président. Brunet, Trésorier. Aux termes du réglement, MM. Bouvaist, Archiviste, et Pannier, Secrétaire , sont continués pour un an dans leurs fonctions. M. le docteur Vésignié fait l’ouyerture du paquet cacheté qu'il à remis à M. le Président, dans la séance du 19 décembre 1844, et donne lecture de son travail intitulé : Considérations sur un nouveau, mode de traitement de la fièvre typhoïde. La Société remercie M. Vésignié de la, communication, qu'il a bien voulu lui faire, et décide que mention spéciale en sera faite au procès- verbal. — 709 — Séance du 16 Janvier 1845. M. le Président donne lecture de quelques passages d’un travail sur la bataille de Crécy et la campagne de 1346, par M. Joachim Ambert, chef-d’escadron au premier régiment de Carabiniers, qui sollicité le titre de. Membre Correspondant. Séance du 7 Février 1845. M. de Perthes continue la lecture de son ouvrage sur l'Industrie primitive. Séance du 20 Mars 1845. La Société vote une somme pour l'érection à Amiens d’une statue en bronze à Dufresnes Du Cange. M. Joachim Ambert, chef-d'escadron au premier régiment de Cara- biniers, auteur d’un travail sur la bataille de Crécy et des Esquisses historiques de l’armée française, etc., estnommé Membre Correspondant. Séance du 3 Avril 1845. M. le Président donne communication d’une souscription ouverte pour un recueil intitulé: Poésies d'un Fantasque, par M. Denis Tricot, dont la famille habite l'arrondissement d’Abbeville. La Société, après avoir entendu la lecture de quelques passages de cet ouvrage, décide qu'elle souscrira pour un exemplaire. M. Prarond donne lecture de deux fables. Séance du 17 Avril 1845. M. De Villepoix, ancien professeur d'agriculture à l'institut agricole de Roville, sollicite le titre de Membre Résidant et envoye à l'appui de sa demande deux articles ayant pour titre : le premier, Des Prairies artificielles, considérées comme succédanées aux prairies naturelles pour la nourriture des chevaux de cavalerie; le second, Coup-d’æil sur les carrières libérales et acheminement vers l’agriculture. M. E. d'Orval est chargé de faire un rapport sur ces deux articles. Séance du 8 Mai 1845. Rapport de M. E. d'Orval sur les articles présentés dans la séance — 710, — précédente par M. De Villepoix, dont aux termes Fi réglement la nomi- nation est remise à la ;prochaine, réunion: Séance du 22 Mai 1845. Lecture; de deux;,.lettres de, M: Blanchoin, habitant de Saint-Quentin (Somme), l'une sur la position d’un ancien port dont il a découvert l'empla- cement à l'entrée de la Garenne de Saint-Quentin, et qu'il suppose avoir appartenu à une ville autrefois existante en ce lieu; l’autre sur un moyen de rendre les sabies propres à la culture sur certains points. du littoral. 7. Séance du 12 Juin 1845. M. Blanchoin envoie à la Société des médailles trouvées à Quend, à l’endroit où il pense qu'existait Quentovic. M. de Perthes continue la lecture de son livre sur les Antiquités Antédiluviennes et l’industrie primitive. Séance du 26,Juin 1845. La Société, affligée des accidents qui arrivent chaque année, pendant la saison d'été, aux personnes qui se, baignent dans la! rivière de Somme, décide qu'elle prend sous son, patronage! le,,vœu.émis dela,) création d’une école de natation au lieu dit l'Ile, Béquin:; elle, invite en conséquence son Président à faire les démarches nécessaires. auprès sde MM. les Ingénieurs civils et militaires Row la prompte. réalisation. de ce projet. Séante du 24 Juillet 1845. La Société vote une somme de 100 francs pour l'acquisition de prix destinés à être distribués aux élèves des écoles. ; M. Boucher de Perthes termine la lecture de son ouvrage sur l’Indus-. trie primitive. La Société se déclare en vacance pour trois mois. Séance du 6 Novembre 1845. M. le Président communique à la Société l’ordonnance du Roi du 27 juillet 4845, concernant les Sociétés savantes ; 1l annonce qu'il a envoyé — 711 — à M. le Ministre de T'insyyuction ‘publique les documents den AE par êie ordonnance et donne lecture d’une lettre de M. de Salvandy, qui fait espérer que la Société Royale d'Emulation d’Abbeville aura une part dans la subvention promise aux Sociétés savantes, dont les travaux se sont fait remarquer par leur utilité, k i M. Boucher de. Perthes donne lecture d’un mémoire manuscrit ayant pour titre : Essai sur les Connaissances scientijiques des anciens Esyptiens, par le docteur William Dewhurt. M. Vésignié, Membre Associé, demande à devenir Membre Résidant et accepte les fonctions de Membre de la Commission des Mémoires en remplacement de M. E.. Gavelle, qui a quitté la ville. M. Vésignié fait le dépôt d'un Mémoire sur le Choléra morbus asiatique. dont il est l'auteur, Ce mémoire sera renvoyé à la Commission, Le. décès, de M. Baillet, Membre de la Société, ce vacante une place d'administrateur du Musée, la Société désigne M. E. Pannier, Membre de la Société, pour remplir ces fonctions. M. de Marsy, substitut du procureur du roi, en résidence à Abbe- ville, Membre Correspondant, demande à être nommé Membre Résidant- Séance du 20 Novembre 1845, M. E. Pannier rend compte de l'emploi de la somme votée pour l’ac- quisition de prix aux élèves des écoles. M. E. d'Orval fait part de la découverte qu’il vient de faire à Port en exécutant des travaux de terrassements, d'une très grande quantité de tuiles qu’il pense de fabrique romaine. La Société décide que sur la proposition de l’un de ses membres que les livres adréSsés à la Société ne pourront être enlevés séance tenante par les membres présents, que ces ouvrages seront immédiatement envoyés à la biblio- thèque communale ainsi qu'il a été résolu dans la séance du 19 juillet 184%, et que ce n’est qu'après leur insertion sur le catalogue ouvert par le bibliothécaire de la ville qu'ils seront mis à Ja disposition de chacun. Séance du 4 Décembre 1845. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Préfet, qui regrelte que la subvention accordée à la Société ne puisse être augmentée pour 1846, attendu les charges qui pèsent en ce moment sur le département. M. Vésignié, Membre Associé, et M. de Marsy, Membre Correspondant, — 712 — sont nommés Membre Résidants; M. Lefebvre, auditeur, est nommé Membre Associé, ainsi que M. Marcotte, sous- biblidthécaire de la ville, Séance du 8 Janvier 1846. Réglement des comptes du trésorier. 161119 Communication d’un ‘relevé fait: par M. le Bibliothécaire’ des’ ‘volumes! manquant aux ouvrages appartenant à la Société: M: Lefebvre’ est chargé de faire les réclamations nécessaires auprès ‘des Membres ‘com- posant la Société, à l'effet: de: faire réintégrer ces ouvrages. Les Membres composant:lar Commission des! Mémoires ‘sont ‘invités à s'occuper de ce travail’ del manière à1ce kS la- ‘publication ei avoir “lieu: le plus tôt» possible: La Société se livre?àt des: observations et’ considérations sur lés’caüses probables du rachitisme: quiparait augmenter ‘dans la population ouvrière d’Abbeville:: Séance du 27 Janvier 1846! Dissertations et n'en sur différents Dont d'histoire naturelle et d'archéologie locale. Séance du 2 Février 1846. Renouvellement du bureau. Sont nommés : MM. Boucher de Perthes, Président. Louandre, Vice-Président. Brunet, Trésorier. M. Calluaud, sous- préfet de l'arrondissement d'Abbeville, auditeur. au, Conseil d'Etat, est nommé Membre Résidant. M. Bouyaist dépose au nom de M. de Poilly, Membre Associé, un Mémoire sur une colonie Massilienne établie dans le, voisinage de. l’em- bouchure de la Somme. La Société décide que ces curieuses recherches seront renyoyées à la Commission des Mémoires. Séance du 5 Mars 1846. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. de Caumont , directeur- général de l'Institut des brovinces de France, annonçant une, réunion, à Orléans des Présidents de toutes les Sociétés sayantes de France. avec prière de faire représenter ces Sociétés par un Membre ‘nommé au scrutin , en cas d'empêchement du Président. se M. Maugc- du-Bois-des- antes, procureur du roi à. Orléans, : autrefois Membre Résidant, aujourd’hui Membre Correspondant, est désigné: pour représenter à cette réunion, la Société royale, d'Emulation. d’Abbeville. M. Brunet commence la lecture d'une Notice sur l'influence du jour et de la nuit. Séance du 26 Mars 1846. La Société décide qu’elle souscrira à l'ouvrage de M. Corblet, ayant pour üitre : Parallèle des Récits mythologiques avec.les Traditions. hébraï- ques. M. le Président annonce qu’il a reçu .une lettre de. M. Mauge-du-Bois- des-Antes, Membre Correspondant de la Société, conseiller à la Cour royale, d'Orléans, qui, accepte la, délégation qui. lui a, été. donnée de représenter la Société royale d'Emulation; au Congrès scientifique qui: se réunira à Orléans, sous la présidence. de. M. dé Caumont. M. de De Villepoix lit une note sur la modification. qu’il: a parer aux procédés d'argenterie, de MM.. Ruolz et, Elkington:,. modification consistant à. revêtir; d’abord. les .objets .à ,argenter: d’une : couche: d'or excessivement tenue. Séance du 9 Avril 1846. M. le Président fait part à la société de la perte récente qu'elle vient de faire en la personne de M. le docteur Poultier, l'un des plus an- ciens Membres de la Société. M. le docteur Bouvaist est chargé de rédiger une notice historique qui sera insérée au procès-verbal d’une prochaine séance. .,i,, À M.,,De Mautort donne lecture de la première partie: d’un travail ayant pour, titre: Chroniques du Chevalier, d'Arsay; extrait -1de: l'histoire. du comté de,Fribourg. Séance du 23 Avril 1846. M. Bouvaist fait un rapport sur les ouvrages de M. V. £dam, auteur de l’/mitation de Jésus-Christ. M. .Corblet, adresse, à la Société quelques articles: dontil: est l’auteur, savoir : les Hirondelles, poésie ; la Ronde des Sorciers , légende bretonne ; quelques, Etymologies bizarres ; ces divers: ouvrages! sont: renvoyés: à la Commission des, , Mémoires. M. Bouvaist propose pour Membre Correspondant M::0rtolan ,pro- AS fesseur” de droit à la Faculté de Paris, qui adresse à la Société” un 3 recuéil ide poésies intitulé : Enfantines. M. Bouchér de Pérthés propose ‘comme Membre _ Correspondant M. le comte de Mailly, ‘officier supérieur, Membre de "plusieurs Sociétés savantes, auteur de plusieurs ouvrages archéologiques. Séhee di 7 - Moi IS28 M.'Boucher de Perthes prononce la première partie. d'un discours ayant pobr litre : du Pafronage et ‘de l Influence par la "Charité, Séance du 4 Juin 1846. M. le Président rappelle qu'on ‘se livrait anciennement à Abbevité à la construction ‘des bâtiments d'ün ‘assez Fort tonnage, que ‘Eeéte 1° industrie, après avoit lété abandonnée’ vient d’être reprise, et qué déjà” plusieurs) navires Iparfaitément ‘consiriits” Sont ‘s6rtis! des chäntiérs” de M. Souatres il propose *én conséquence ‘de décerrier à titre d'encoura- es gemert une: médaillé en bronze à ce ‘constructeur. ! La Société s'em-" presse d'accueillir cette proposition. : MM. Ortolan, Edan et le comte de Mailly sont nommés Membres Correspondants. M. Boucher de Perthes prononce la deuxième partie de son discours sur le Patronage. Séance Un ‘8 Juin 1846! M. Andrieu, docteur en médecine, membre de l'Académie d'Amiens "°° sollicite” le ‘titre de Membre: Correspondant ‘ét envoye à la Société ‘un” Mémoire contenänt ‘des observations sur l'opéfation dela cataracté par dépression. M. le docteur Bouvaist est chargé de faire ‘un ‘rapport. ?/" Fin du discours sur le Patronage, par M. Boucher de Perthes. : Séance du 2 Juillet 1846. Vote d'acquisition de prix pour les élèves des ‘écoles. La :séancé! ést consacrée à des dissertations sur des questions d': afchéo-" 1 111 logie locale: Des réparations urgentes devant être! faites dans la salle” des Fr la Société se voit dans la nécessité de suspendre momentanément ses 0 travauxtet se déclaré! en vacances. ! — 715 — Séance du 21 Janvier. 1847. La Société reprend ses séances interrompues, par, les, réparations: et dispositions nouvelles faites à la salle de réunion et vote des remer- ciments à la commission chargée de l'exécution de ces travaux. Examen des comptes du Trésorier. Renouvellement du bureau. Sont nommés : MM. Boucher de Perthes, Président. Louandre, Vice-Président. Brunet, Trésorier. De Marsy,, Archiviste, E. Pannier, Secrétaire. Seance du 11 Février 1847. M..A. Flobert, professeur, d'histoire à Beauvais, sollicite le titre de Membre Correspondant et adresse à la société -à l'appui de sa de- mande une histoire des ducs d'Orléans de la maison de Bourbon, de 1608 à 1830. M. Prarond fait un rapport favorable de l'ouvrage offert à la Société dans la dernière séance Sous le titre de : Poésies Fugitives, par M. G. Le Vavasseur. M. De Marsy dépose sur le bureau : 4° un nouveau Mémoire sur l'Enseignement populaire de la musique et de la lecture par M: de’Rambures, dont un premier travail à ce sujet a été inséré dans le cinquième volume des Mémoires de la Société; 2° une des- cription‘ de l'église d’Aillyle-Haut-Clocher, par M. Goze; 3° la seconde partie” des recherches de M. Labourt sur le Crotoy; ces trois manuscrits sont renvoyés à la Commission des Mémoires pour être examinés à l'effet de prendre place dans le volume que la Société .fait imprimer en ce moment. M. de Perthes donne lecture, sous forme d’une lettre d’un journal de Paris à ses abonnés, d’une. critique sur les annonces de toute pature et de toute espèce insérées dans, les. journaux.politiques., Séance du 25 Février. 1847. M. Prarond lit! un rapport favorable sur l'ouvrage de M. Flobert, ayant pour titre: Histoire des ducs d'Orléans de la maison de Bourbon, et conclut à l'admission de l’auteur comme Membre Correspondant. La Société décide que, conformément au réglement, il. sera. procédé, ‘dans la prochaine séance au scrutin pour la nomination de M. Flobert. — T6 — M. Bouvaist lit une Notice biographique sug M. Poultier, docteur-mé- decin, et l’un des plus” anciens membres de la Société. Cette notice sera insérée dans le prochain volume des Mémoires. M. De Pefthes donne lecture de deux articles détachés de son .ou- vragé encore manuscrit, intitulé: Hommes et Choses; Alphabet des Pas- sions et des Sénsalions. Séance du 18 Mars 1847. M. de Perthes continue la lecture de quelques articles de son Alphabet des passions et des sensations. M. de Perthes dépose sur le bureau une lithographie gagnée par la Société à une loterie de la Société des Amis des Arts d'Amiens. Séance du 8 Avril V847. M. de, Perthes lit plusieurs ‘articles nouveaux de ‘soû Alphabet des passions et des sensations. Séance du 22 Avril 1847. M. de Perthes continue la lecture de quelques articles de, ce même ouvrage. M. Panñier communique une lettre de M. Le Bachelier dela Rivière, qui demande que son nom, oublié par erreur sur Ja liste. des. Membres Correspondants de là Société, soit rétabli dans, le. prochain, volume. des ;; Mémoires. La Société s'empresse de faire droit à cette . réclamation. M. Pannier offre à la Société au nom de M. E. Cortambert,: Membre Correspondant, un nouveau cours de . géographie. Séance du 13 Mai 1847. M. de-Marsy donne lectüré d'une Notice sur un miracle arrivé à Saint-Vulfran-en-Chaussée en 1531. M.'de Perthes poursuit la lecture de plusieurs articles de son Alphabet des passions et des sensations. M. le Président se charge d’adresser une lettre de rémerciments à M. Dele- gorgue-Cordier , qui a offert à la Société un volume de ses poésies. Séance de 26 Mai 1847. M. de Perthes continue"la- lecture de quelques articles de son Alpha- bet des passions et des sensations. — 717 — M. Leathes (Henri) Esq., demeurant à Torp-Norwich (Angleterre), pro- priétaire et membre de plusieurs sociétés savantes, est élu Membre Correspondant de la Société, Ségnce.du 10 ain: 1847: M. le Président donne lecture d'une lettre de: M. A. Filobert, qui remercie, la, Société de lui avoir conféré le titre de Membre Cor- respondant. M. Andrieu, adresse à la Société un travail sur une des questions de l'éthérisation., Ce, travail est remis à M. Bouvaist qui en rendra compte. M. Prarond offre à la Société un volume de ses Fables. Séance du 24 Juin 1847. M: le: Président donne lecture d’une lettre de M. Leathes qui remer- cie la Société de Jui avoir conféré le titre de Membre Correspondant. M:cle Président rappelle que chaque année, à pareille époque, la société vote une somme de 400 francs destinée à être distribuée en prix aux élèves des différentes écoles. La Société, sur la’ proposition qu'il en fait, vote une somme égale pour cette année, ét charge MM. Louandre et Pannier dela répartition de cette somme. Dissertations et observations sur différents points d'histoiré naturelle et d'archéologie. Séance du 15 Juillet 1847. M. le Commandant du génie à Abbeville fait: savoirau Président de .la Société d’Emulation que, par.une-décision du 10 juillet , le ministre de la guerre autorise, l’établissement , d’une! école de natation:à Abbe- ville , à la pointe de l'ile Béquin;.M. le Président annonce qu'il a envoyé cette autorisation à M. Darras, qui, avec l'aide de plusieurs habitants notables de la ville, s’est chargé :de | l'exécution. M. de Perthes rend compte à la Société: de l'ouverture de: la tombelle dite du Corroy au Corroy,. ouverture! à laquelle: ilat assisté le: 13 du présent mois : M. de Perthes, se propose. .de donner à la:Société : dans .une notice s;..viale, des détails .circonstanciés sur cette ‘explôration. La Soi été décide qu’elle, entre;:en,.vacances;; et: quela séance de rentrée aura lieu le premier jeudi . d'octobre, — 1718 — \ Séance du. 4 Novembre 1847. M. le Président rappelle les efforts de M. Chemin, ancien instituteur à Favières, pour donner une plus grande quantité de force aux mou- lins à vent et éviter‘ l'inconvénient grave de ‘vêtir et dévétir leurs ailes suivant la plus ou moins grande vitesse du vent. Ce moyen, qui consiste à .adapter 32 ‘iailes mobiles à l'arbre ‘tournant ét à lier ces .ailes.# par 4au moyen‘de ressorts de telle sorte’ qu'elles s’effacent toutes sous une plus grande impulsion, a été déjà l'objet de rapports faits à Abbeville, Boulogne :et ‘Amiens, par des ‘hommeës compétents. En, attendant qu’un plus grand développement soit donné à la des- cription du .système-de IM::Cbemin', la ‘Société dééide que mention de sa découverte sera faite au présent procès-verbal. M. le Président fait. observer que. d’invasion du choléra dont nous sommes menacés de nouveau rend toute son actualité au travail que M. Vésignié, docteur-médecin à Abbeville. et Membre. dela Société, a‘remis à la commission des Mémoires pour faire partie du mouveau volume et qu'il serait à désirer, en attendant cette publication, que le travail de M. Vésignié fût imprimé séparément pour, servir autantque possible à combattre cette épidémie. É La Société décide, conformément à cet avis, qu'un certain nombre d'exemplaires de ce travail pourra être immédiatement tiré, aux ‘frais de l’auteur, qui. en disposera ainsi qu'il le jugera convenable. Séance du 8 Octobre 1847. M. le Président donne lecture d'une ‘lettre de M. le Sous-Préfet, en date du 13 novembre 1847, annonçant que M. le ministre de l’agricul- ture et du commerce doit publier incessamment la statistique de l’in- dustrie du département ‘de la Somme, et désire en conséquence avoir des renseignements sur les principales inventions ou découvertes industrielles, enindiquant les noms des auteurs de ces inventions ou perfectionnements. Pour satisfaireau désir de M. le ministre, la Société nomme une commission composée de : MM. Louandre, De Marsy et Lefebvre; ces commissions: pourront s'adjoindre ‘un’ quatrième membre S'ils le jugent utile pour les aidèr dans leurs recherches. M:.le Président-donne ‘lecture d’une lettre par laquelle M. de Belle val:-offre sa: démission de Membre Résidant et sollicite celui de Cor- respondant ; la Société, tout en regréttaänt la perte d'un de ses membres, —.:719 — accepte cependant la démission de M. de Belleval, motivée sur le mau- vais état de sa santé. La Société décide qu'il figurera à l'avenir parmi les Membres Associés. Sur la proposition de. M. le Président, la Société renvoie à la Com- mission des Mémoires divers ouvrages qui lui sont présentés pour le volume en ce moment sous-presse. Ces ouvrages sont: des Çonsidéra- tions philologiques sur les langues, par M. l'abbé Corblet: les Cynégé- tiques de Némésien, traduction envers, par M.E. Prarond; Emma ou la Jeune Epouse, poésie, par M. de Pongerville. Séance du 2 Décembre 1847. Ta Société soccupe des moyens à employer pour parvenir à dresser PR Statistique commerciale et industrielle demandée, pour. le, ministre. du ‘commerce, Chaque membre est invité à faire des recherches. M. Lefebyre “reçoit la mission spéciale de relever tous les brevets d’inventions (déli- vrés à à des personnes de l'arrondissement d’Abbeville. Séance du 6 Janvier 1848. L'ordre du jour appelle l'examen des comptes de M. le Trésorier pour l’année 1847; la Société charge MM. Pannier et Prarond de l’exa- men de ces comptes. Sur la vérification faite par eux, la Société vote des remercîments à son Trésorier pour les soins, l’ordre et l'économie qu'il a apportés dans les dépenses. Elle procède ensuite au renouvelle- ment de son bureau pour l'année 1848. Sont nommés : MM. De Perthes, Président. Louandre, Vice-Président. Brunet, Trésorier. De Marsy, Archiviste. Séance du 20 Janvier 1848. M. de Moléon, membre de plusieurs sociétés savantes, est nommé Membre Correspondant de la Société. La séance, employée en discussions littéraires et scientifiques, est ter- minée. par la nomination d’une commission, composée de: MM. de y Marsy, Brun: 5, » Pannier, Prarond et Lefebyre chargés de faire après Gxamen in rapport ‘sur le soufflet hydraulique, inventé par M. Frédérie Sauvage. 799 — Séance: du "7 Févricr 1848." se M.Enile d'Orval donne lecture d’une Dissertation sûr le ‘libre échange en,,ce qui-concerne les subsistances. M:'de Perthes lit ‘un article de son AARhghet-4 des passions ayant pour’ ‘titre: ct Huang, 010 +oniaotoliig 2moit Sédréé di 16 Mars 1848. Un Membre demande si par suite des évènements politiques qui viennent de s’accomplir et de là proclamation de la République, la Société se trouvera dans la nécessité de changer son titre ? La Société décide à l'unanimité que ses travaux ayant pour objet l'étude et l'encourage- ment des lettres, des sciences et des arts, elle ne peut tenoncer au titre’ de Société d'Emulation avec lequel elle a été instituée le pu “octobre 4797; qu'en conséquence, elle n’en retranchera que Te mot Royale qu’elle a obtenu ‘en 1814; qu'il ne Sera fait aucun ‘changement à ses armes, et que les fleurs de lys y seront maintenues comme elles l'ont été après la révolution de 1830, ces armes appartenant à l'histoire et étant d’ailleurs celles de la ville, | M. Emile d’Orval offre à la Société deux 2e sé sa Notice sur le libre échange. venu 299 sb nom Séance du 1%. Avril 1848 ras » up »b 1u9m La séance est M re par des lectures diverses. dot 3708 Œ EU MM Séance du 4 Mai 1848. M. le Président présente M. Jules Lefebvre, Membre Associé, pour le titre de Membre Correspondant; la Société décide que, conformé- ment au réglement, il sera procédé dans un mois, de ce jour au scru- tin pour cette nominätion. M. de Perthes donne lecture de melques articles de son Alphabet des passions. f ol Séance du 7. Juin 1848.14 come 01 | +0q. 9ù0im "M Vabbé Cochet, Mémbre de eee Sociétés savantes. demande à Ja Société le titré de Membre Correspondant. M. Lefebvre, ‘Membre ? ASsotié, ‘obtient le titre de Membre Correspondant qu fl a sollicité dans la séance du #4 mai dernier. Dissertations morales et littéraires. ? Sécnc? du À Juillet 1848. M. le Président donne communication d'une lettre de M. Desgardin, maire du Crotoy, contenant des renseignements fort étendus sur la Statistique du commerce et de la navigation de ce port. M: le Président dépose sur le bureau les lettres de plusieurs candidats, qui demandent à faire partie de la Société d'Emulation à titre de Membres Correspondants. M. de Marsy donne lecture d’une Notice sur les coins monétaires de l'échevinage d’Abbeville. La Société décide que ces renseignements curieux seront renvoyés à la Commission des Mémoires pour prendre place dans le volume sous-presse. M: le Président rappelle qu'une commission a :été nommée dans la séance du 20 janvier dernier, pour examiner le soufflet hydraulique de M. Frédéric Sauvage, Membre de la Société. M. Pannier , rapporteur de cette commission, donne quelques explications sur ce nouveau système de pompes, et quoique la description d’une machine dépasse les bornes ordinaires d’un procès-verbal, la Société décide cependant que ces détails seront consignés dans le compte-rendu de la séance. « Un réservoir en bois, deux soufflets et un balancier, tels sont les seuls éléments de cette pompe nommée par son inventeur soufflet hydrau- lique. Au contraire des soufflets d'appartements qui n’ont qu'une seule ouverture, ceux-ci sont percés sur chacune de leur face opposée , et l’une de ces ouvertures communique avec un tube d’ascension. Le liquide entre naturellement dans le soufflet par l'ouverture restée libre, mais un levier agi-sant successivement sur chacun d'eux ferme cet orifice, tout enle comprimant de telle sorte que le liquide n’a d'autre issue que l'ouverture communiquant au tube d’ascension dans lequel il s'élève. Cette machine, dégagée de tous pistons, de toute soupape, agis- sant sous une très faible impulsion, est destinée à rendre d'éminents ser- vices, et d’une simplicité telle qu’en la voyant fonctionner chacun se surprend étonné de nel’avoir pas inventée. » à Séance du 25 juillet 1848. La Société décide qu'une somme de 100 francs sera employée, cette année encore, à l'acquisition de livres, dessins, outils et musique destinés à être donnés à titre d'encouragement aux élèves des écoles primaires, et de livrets de 40 francs chacun qui seront remis en son 46 — 722 — nom par MM. les administrateurs des hospices à deux enfants de ces éta- blissements qu'ils auront. jugés. dignes. de cet encouragement. MM. Lou- andre et Pannier sont chargés de l'emploi et de la répartition de cette somme. / M. Pannier appelle l'attention de la Société sur un perfectionnement apporté par M. Frédéric Sauvage au soufflet hydraulique dont il test l'inventeur, et la Société décide que ces nouvelles explications ! seront rédigées en forme de rapport et insérées dans le procès-verbal de ‘la séance, afin de constater la date de ce perfectionnement : et : servir autant que de besoin à conservera priorité. à l'inventeur. RAPPORT. «Dans la séance du 4 juillet dernier, j'ai eu l'honneur de vous donner la description du soufflet hydraulique de M. Frédéric Sauvage et j'ai à vous entretenir aujourd'hui d'un très grand perfectionnement apporté par l'inventeur lui-même à ce nouveau système de pompe. » Le soufflet qui a été soumis au mois. de mai dernier à l'examen de votre commission était composé, à l'instar du soufflet d'appartements dont il avait la forme, moins les oreilles et le tuyau, de deux plateaux en bois joints par un cuir qui, à chaque moment se repliait sur lui même. Cet appareil ävait l'inconvénient d'offrir: une assez grande résistance à la force qui le faisait agir, de n’exprimer qu'une partie de l’eau qu'il contenait, puisque l'épaisseur des plis du cuir empéchait la. superpo- Sition directe des deux plateaux. Ce cuir était d’ailleurs susceptible de s'arracher aux points d'attache ou de se couper dans les plis profonds aux- quels il était astreint à chaque coup du balancier. L'une ou l'autre de ces circonstances pouvait mettre instantanément la pompe hors de service. « Aujourd'hui ces inconvénients ont disparu; le soufflet perfectionné par l'inventeur se compose, d'une pièce de bois creusée triangulaire- ment dans le sens de sa largeur et comme le pourrait représenter lin- térieur: d’un pupitre de bureau d'un seul morceau. Une planche atta- chée sur la partie antérieure de cette pièce de bois, aw moyen d'une charnière en cuir régnant sur toute sa longueur, vient se loger exacte- ment dans la cavité, et un cuir fixé sur les bords intérieurs de la pièce de bois et les bords intérieurs de la planche forme soufflet de telle sorte que,les deux. surfaces, intérieures des plateaux sont exactement superposées, lorsque ce soufflet est fermé. Ce perfectionnement a pour avantage non seulement d'exprimer com- plètement toute l'eau contenue dans l'intérieur du soufflet qui s'ouyre — 723 — sous un angle de 45 degrés, mais encore il donne plus de résistance et de durée au cuir qui ne formant plus aucun pli est à l'abri de toute cassure ou déchirure. Une pompe établie d'après ce système, ne doit avoir pour l'élévation des eaux d'autre limite que le poids d'une colonne trop élevée pour qu’il ne puisse être vaineu par un bras de levier: en d’autres termes, il devient possible au moyen de ce système, et sans autre secours qu'un simple levier, d'élever les eaux à telle hauteur que l'on voudra atteindre. » ‘La Société invite la Commission à rendre compte des résultats obtenus. Séance du 9 Novembre 1848. M. de Marsy donne lecture d'une Notice sur la fabrication des hou- racans à Abbeville: cette notice offre. d'autant plus d'intérêt que ce genre de fabrication qui dans les 16° et 47e siècles avait à Abbeville un très grand développement, a presque entièrement disparu aujourd'hui. La Société décide que cette notice sera imprimée dans le volume des Mémoires. M. l'abbé Corblet, qui s'occupe de recherches sur le patois picard, donne l'explication de quelques uns des dictons qu'il a recueillis. M. de Perthes lit deux articles de son Alphabet des passions. M: Pannier rend compte en ces termes des expériences faites par M. Frédéric Sauvage, en présence de la Commission chargée d'examiner les effets du perfectionnement apporté au soufflet hydraulique : « La Commission que vous avez nommée pour vous rendre compte du perfectionnement apporté par M. Frédéric Sauvage au soufflet hydrau- lique dont il est l'inventeur, s’est réunie le 29 septembre dernier. Elle a constaté que ce nouveau système a sur le premier un immense avantage, puisque l'eau qui, sortant d’un orifice de quatre lignes de diamètre, était lancée par le soufflet primitif à une distance de 12 mètres (36 pieds), obtient par l'effet du perféctionnement une projection de 18 mètres (54 pieds). _ « Elle a constaté encore qu'un soufflet de la contenance d'un peu plus d’un litre élevait à chaque pression du levier la presque totalité du liquide à 50 mètres (150 pieds): elle est convaincue d’ailleurs que cette hauteur serait dépassée si l’on augmentait la longueur du tuyau ascensionnel. « Un système analogue monté à Buigny-Saint-Macloux, dans un puits de 105 pieds au-dessus du niveau des eaux et manœuvré par un/seul ‘homme, fournit dans le même espace: une plus grande quantité d’eau — 724 — que n’en pouvaient: élever deux hommes au moyen: d'un treuil composé. «Une pompe de ce nouveau modèle, placéé dans un des+puitsipar- ticuliers dela: rue Saint-Gilles ; donne une idée très nette de da sim. plicité,et du bon marché de cet appareil, «Mais:/là nese bornent pas .les:'avantages. du soufflet hydealliques, qui peut être employé avec :le plus grand succès à.l'irrigation,, des prairies: bordées ou :traversées par: un cours d’eau, quelque. minime qu’il - soit. « M: Sauvage, vient. demonter au Pont-Remy un soufflet qui fournit à une hauteur de deux mètres, et qui pourrait être portée à trois mètres, quinze litres d'eau à chaque pression d’un levier mû par un seul homme qui, $ans! fatigue et pendant une journée entière, peut donner quinze coups de balancier par minute. « Ce système est d'autant plus avantageux qu'il peut être transporté sur deux roues le long d’un ruisseau peu profond, ou placé sur un bateau dessus lequel il fonctionnera toujours avec la plus grande facilité.» Séance du 23 Novembre 1848. M. Boucher de Perthes lit quelques articles: encore ‘inédits de son ‘ouvrage ‘intitulé : Petites solutions de grands mots, dont. la première partie a été publiée. Séance du 7 Décembre 1848. M. Corblet lit divers fragments d’un travail inédit sur la langue picarde. Les Membres présents font connaître à M. l'abbé Corblet divers dictons picards et expressions singulières ou usages curieux relatifs au pays. .M. de Perthes commence la lecture d’une tragédie ayant pour titre : Constantin. — Il est rendu compte du point où se trouve l'impression du prochain volume des Mémoires de la Société dont la publication a été retardée par diverses circonstances et qui devra être terminée dans le délai, le plus court possible, u Led + . l Séance du 21 Décembre 1848. ‘u34M de" Perthes: continue lai lecture:de sa :tragédie de. Constantin. La “Société décide que cet ‘ouvrage sera renvoyéà la Commission des: Mé- — 725 — moires pour être inséré s’il y a lieu dans le volume des Mémoires sous - presse. M. Praroûïd est chargé de faire un rapport sur cette tragédie. Certifié conforme aux registres. A Abbeville, le 10 Janvier 1849. Le Président : Signé : J. BOUCHER DE PERTHES. Le Secrétaire , Signé : E. PANNIER. AM: asrage, Has Le ut: MNT a N \ qeiney rés d'en à chadus Fit teted d'us \eria sûr AA PAS AO AAMOUOE PEUR, Do 2 rs: tratrte coupe dé Balansier: par “ tes Ci ppettiont pu Hana plus ch: ie M NL. PCR A CL D Hérai Veisus Lol ET SE PE. PEL ARE a) # d DANSE) d'A UE Pen ROUE | LME à LA Fine: de 2 Me ant 1. $ épis À 2 ant à MS Fe d'in u : “ Scrishinur, ds - Yéréot és? Me pes sn PARENT sutrege doté : ah dus: pe apr hs, See pastis: st -ne Li SU ad d à Mb rs de re PANTES ! dd pr PAPE Le Fe # nr Mo Cnnenates es LISTE DES MEMBRES RÉSIDANTS, ASSOCIÉS ET CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D ABBEVILLE EN 1849 (:). MM. Allotte (Aristide)%, officier de cavalerie. Ambert (Joachin), ancien représentant, lieutenant-colonel au 17 régiment de carabiniers. Andrieux, docteur-médecin de la Faculté de Paris, profes- seur à l’école de médecine à Amiens. Arnault , de l’Académie française. Audin-Rouvière, médecin à Paris. * Parmi ceux de ses membres que la mort a frappés, la Société doit surtout regrètter MM. Xavier Bichat, Corvisart, Moreau, Millin, Cambry, Lhéritier, Baillon, Noël dela Morinière, Devérité, Deroussel, Pinkerton, Dumont de Courset, Levasseur, Leévrier, Saïnt-Ange, Desmoustier, Anson, {Framery, Millevoye, Vigée, Legouvé, Nicolson, Poirée, de Senermont, Deu, Waton, Därras, Choquet, Traallé, de Tournon, Defrance-d'Hésecque, Lapostolle, Boinvilliers, Cuvier, de Bray, de Vielcastel, Laya, Andrieux, Deleuse, Alibert, Fauvcl, Lherminier, Lesueur, baron de Morogues, Gaillon, Hurtrel d’Arboval, Le Ver de Gonseville, l'abbé Macquet, de Sellon, Silvestre de Sacy, Sidney Smith, de Candolle, Casimir Picard, Hibon de Mervoy, Perrier, Charles Nodier, Boucher de Crèvecæur (J.-A.-G.), Baillet de Bellois, Charles Labitte, Théodore Burette, Dutens, Poultier, etc. _Htee Baillon (Louis-François-Antoine), correspondant pensionné du Muséum d'histoire naturelle de Paris, membre du con- seil municipal d’Abbeville. e Barbier (Jean-Baptiste)#, docteur en médecine, directeur de de l'école demédecine d'Amiens , professeur ‘de botanique des Académies d’ ÉMent Bruxelles, Arras, Evreux, Louvain, elc:. Bar (le chevalier Joseph) . inspecteur des monuments histo- riques de France , membre de diverses Académies, à Beaune. Blouet (Réné-Jacques-Marie), ancien officier d'artillerie , pro- fesseur d’hydrographie , à Dieppe. Bocquet, peintre à Londres. Bottée de Toulmon, bibliothécaire du Conservatoire, à Paris. Bottin (Stbastien)x , membre de la Société centrale ren ture de Paris. Boucher de Crèvecœur (Elienne)# , membre de ps Société de Géographie et directeur des Douanes à Saint-Malo. Boucher de Crèvecœur de Perthes (Jacques)# , directeur des Douanes à Abbeville, membre des Académies d'Amiens, Rouen , Caen, de la Société Statistique de Marseille, dela Société royale des Antiquaires du Nord (Copenhague), de la Société Archéologique d’Angleterre, de la Socitté Numismatique de Londres, de l'Académie des Georgofili de Florence, de la Société Linnéenne de Normandie, de ceile des Antiquaires de Picardie, des Antiquaires de la Morinie , etc... Bourlet (l'abbé) , naturaliste à Albert (Somme). Bouvaist, docteur-médecin à Abbeville. Bridoux (François-Augustin), premier grand prix de Rome, graveur à Paris. Brossard (Noël-Mathurin),, docteur en droit , juge à Chälons- sur-Saône. Buteux (Charles-Joseph); ancien membre du conseil, général de la Somme,, à Fransart, près Roye. Cadet , professeur: à Paris. Calluaud #, ancien sous-préfet , membre du conseil, général de la Somme. Cécaldi, O. % , médecin principal à Alger. = (7929 — Chabaille (Pierre), sadjoint au Comité historique, près le Ministère de l'Instruction publique. Chailan (Fortuné), secrétaire de la Société Statistique de Marseille, à Marseille. Chaussier (Dominique), ancien professeur de physique et de mathématiques, supérieur du petit séminaire de Metz, membre de la Société d'histoire naturelle de Metz. Cherest , principal du collége , à Abbeville. Cherest (Jules), docteur en médecine à Paris. Cochet (l'abbé), membre de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure et de la Société des Antiquaires de Nor- mandie. Coquereau (Félix) O. # , aumônier de la Belle-Poule, cha- noine de Saint-Denis. Corblet (l'abbé), membre de la Société des Antiquaires de Picardie , à Roye. Cordier Q.%, ancien conseiller d'Etat, ancien pair de France, membre de l’Académie des sciences, directeur annuel du Muséum d'histoire naturelle à Paris. Cortambert (Eugène), géographe à Paris. Cortilliot Tony (Jules), ingénieur civil à Abbeville. Dandolo (le comte Tullio), à Varèse (Lombardie). D'’Ault du Mesnil , ancien officier d'état-major, Paris. Dawson-Turner, membre.de la Société royale et de la Société Linnéenne de Londres, de celle de Dublin, de l’Académie royale de Stockolm, etc. De Caumont , secrétaire-général de la Société des Antiquaires de Normandie, membre de l'Institut. De Cayrol , ancien député , membre de l’Académie d'Amiens et de plusieurs autres Sociétés savantes ; propriétaire à Com- piègne: De Foucauld , conservateur des forêts, à Paris. De Givenchy (Louis) , secrétaire perpétuel de la Société des Antiquaires de la Morinie , à Saint-Omer. De Givenchy (Louis), propriétaire à Saint-Omer. De Grateloup , docteur en médecine , président de l’Acadé- mie des sciences et arts de Bordeaux. De Kermellec , ancien sous-préfet, Paris. — 980 — De La Fons (Al.), baron de Mélicocq, au, château de Douvrin Nord Au (Adrien}# ; receveur général des finances à épi) Delaplane , ancien magistrat , membre de la Société des Anti - quaires de la Morinie , à Saint-Omer. De-la-Querrière ; membre.de: la-Société des Antiquaires de France ; de l’Académie de Rouen, à Rouen. Delegorgue- Cordier ; membré du Caveau, peipiriétstes à Pinchefalise (Somme). De Mailly (le comte); ancien officier supérieur ,; membre de plusieurs Sociétés savantes. De Marsy (Eugène) , substitut du procureur de la Répiblique, à Abbeville, membte de. la Société des Antiquaires de Picardie. De Poilly (André-Vulfranc-Francois) ; ancien! chef d'institu- tion à Abbeville. De Rainneville vice-président du Comice agricole , proprié- taire à Allonville. De Rambures(Adalbert}, propriétaire et maire à Vaudricourt (Somme), membre du conseil d'arrondissement. Deroussen de Florival , procureur de lat République à Abbe- ville. De Santarem (le vicomte), anéien ministre. de Portugal, membre de l’Académie de Lisbonné;etce., à Paris. Desmazières , de là Société dés sciences ; agriculture et arts de Lille , à Lille. De Saint:Gresse (Charles), avocat à Condom. Desmoulins (Charles), président de, la Société Listnhésitie de Bordeaux ; à Lanquais , près Bergerac (Dordogne). Deu , ancien “directeur des Douanes , à Strashourg. De Millepbis ancien professeur à Roville, PR: à Abbeville. Devérité (Henri) ; propriétaire à Abbeville. Devismes (Louis-François),; juge au tribunal civil d’ Abbéville. Ù D'Hinnisdal (le comte) , propriétaire x Regnières - Ecluse (Somme). Di-Pietro (Francçois-Emile} , dirécteur des Douanes ; à Alger. Dubois de Forestelle , membre de l'Académie d’Arras; etc. — 731 — Dufour (Charles), administrateur du Musée à Amiens , avocat à Amiens , de la Société des Antiquaires de Picardie. Du Liége (Ludovic), membre de la Société des Antiquaires de Picardie, propriétaire à Condé-Folie. Duméril, membre de l’Académie des sciences, à Paris. Dusével (Hyacinthe), inspecteur des monuments historiques, membre de la Société des Antiquaires de France, etc., à Amiens. Dutens (A.) O.x , ancien député, ancien sous-préfet, pro- priétaire à Abbeville. Edan (Victor) , licencié-ês-lettres , à:Roye. Eloy , chevalier de Vicq (Bonaventure-Charles-Henri) , pro- priétaire à Abbeville. Eloy de Vicq (Léon-Bonaventure), propriétaire aux Alleux (Somme). Estancelin (Louis)% , ancien membre de la chambre des députés, à Eu. Faivre, docteur en médecine , à Paris. Feistamel (le baron) C. %, maréchal-de-camp. Féret, bibliothécaire-archiviste à Dieppe. Floberd , professeur d'histoire au collége de Beauvais. Fossati (Jean), docteur en médecine, professeur de céphala- logie, etc., à Paris. Frémont , avocat à Abbeville. Frère (l'abbé), chanoine, professeur en Sorbonne à Paris. Garnier , secrétaire perpétuel de la Société des Avliquaires de Picardie , conservateur de la bibliothèque d'Amiens, etc. Gérard , avocat et bibliothécaire à Boulogne-sur-Mer. Gilbert, conservateur de l’église métropolitaine de Paris, membre de la Société des Antiquaires de France, de l’Académie de Rouen. Godde de Liancourt (le comte), secrétaire-générat de la Société des Naufrages. Goze (A.), docteur en médecine, correspondant du Comité historique des Arts et Monuments. Guillorÿ , président de la Société Industrielle d'Angers. Hardoin (Henri), avocat près la Cour de cassation, docteur en droit. Haumon, membre de plusieurs Sociétés savantes , Paris. — 732 — Hecquet de Roquemont (Albert-Clément-Charles) ; docteur en droit, juge à Amiens. Hecquet d'Orval , propriétaire à Abbeville. À Hecquet d'Orval (Emile) , propriétaire à Abbeville. Henneguier (Charles), propriétaire à Montreuil. Héricart de Thury (le vicomte), ancien conseiller d'Etat, membre de l’Académie des Sciences, à Paris. Hocdé (Léon) , officier de l'Université , inspecteur des écoles primaires , à Tours. Huart, recteur de l’Académie de Corse. Janin (Jules) #, à Paris. Jauffret maître des requêtes à Paris. Jouancoux (Remi-Jean-Baptiste), professeur , homme,,de lettres , à Amiens. Jourdain (Léonor), membre de l’Académie d'Amiens, à Amiens. Julien de Paris, ancien directeur de la Revue encyclo- pédique. Labourt (Auguste), ancien magistrat, membre de la Société des Antiquaires de Picardie , à Doullens. Léath (Henry) Esq', propriétaire, membre de plusieurs sociétés savantes , à Torpe-Norwich (Angleterre). Le Bachelier de la Rivière (Frédéric), propriétaire à Villers (Somme). | Le Beuf (Désiré), auteur de l’Aistoire de la Ville d'Eu, propriétaire à Eu. Lecomte (Octave), docteur-médecin, adjoint à la mairie d'Eu. Ledrn (Léopold) , docteur en médecine , à Arras. Lefebvre , curé d’Argoules (Somme). Lefebvre de Villers, propriétaire à Villers (Somme). Lefévre (Jules), propriétaire à Abbeville. Lefils (Florentin) , homme de lettres à Paris. Lefranc , professeur au collége de Dijon. Lelong (Georges- Emmanuel), sous-chef de division des Domaines , à Paris. Lennel (Jules) , propriétaire à Abbeville. — 733 — Le Prévost (Auguste), membre de l'Académie de Rouen, de la Société des Antiquaires de France , de celle d'Ecosse, de celle de Londres, à Rouen. Le Vavasseur (Gustave), avocat. Lherminier , professeur d'économie politique au collége de France. Losandre père , propriétaire à Abbeville. Louandre (Charles), à Paris. Lourmand, directeur de l‘Ecole orthomatique , à Paris. Macqueron (Louis-François-Augustin), propriétaire à Abbe- ville. Malo (Charles), membre des Académies d'Amiens, Brest, Bordeaux , etc., à Paris. Mälot (Louis-Joseph) #, avocat, membre da conseil géné- ral de la Somme , à Amiens. Marchand (Louis-Auguste), professeur de physique à l'école centrale de Commerce , à Bruxelles. Mareuse (Victor), avocat à Amiens. Martin, homme de lettres à Paris. Mauge du Bois-des-Antes, conseiller à la Cour d'Orléans. Millevoye (Alfred), avocat-général à Grenoble. Mondelot (Stanislas), officier de l'Université, ancien censeur des études, à Paris. Mongez , administrateur des Monnaies , à Paris. Montenuis-Broutta, professeur à Marquise, prés Boulogne- sur-Mer. Morel de Campennelle (Mathieu) O. %, ancien membre du conseil général. Ortolan (Elzéar), professeur à l’école de droit, à Paris. Pauquy , médecin, professeur de chimie, à Amiens. Poiret, ancien professeur d'histoire naturelle , à Paris. Pongerville (Sanson de) x, de l’Académie française , à Paris. Prarond (Ernest), avocat, propriétaire à Abbeville. Prevost de Long-Périer , ancien conservateur des Hypothèques à Paris. Randoing (Jean) %, représentant, membre du conseil géné- ral de la Somme et du conseil général des manufactures, à Abbeville. Ray (Jules), naturaliste, à Troyes. — 734 — Renouard (Augustin-Charles), O ÊT copie près la Cour de cassalion. Riencourt (le comte adtiés de) %, ceelis de Saint-Louis, ancien élève de l’école polytechnique, officier supérieur d'état-major (Bellevue, par Ferney). Rifaud (Jean-Charles), naturaliste, membre de Pur Sociétés savantes françaises et étrangères, à Paris. Rigel (Henri-Jean) %, membre de l'Institut d' Egypte, à Paris. Rigolot sc Jérôme)%, membre de l’Académie d'Amiens, professetir à l’école de médecine d‘Amiens, ete, membre correspondant de l’Académie de médecine de Paris, Amiens. Roach Smith (Charles), sq', secrétaire de la Société Numis- matique de Londres, elc., elc. Rougier de la Rergerie (le baron), ancien préfet, membre correspondant de l'Institut de France, à Chälons-sur- Marne. Sauvage (Frédéric), inventeur des hélices, du physionotype, du symétronome , etc.,à Paris, Sauvage (Pierre), sculpteur., péopriélaice à Abbeville. Servois , grand vicaire à Cambray. Silvestre (le baron de), membre de l’Académie des sciences, secrélaire perpétuel de la Société d'Agriculture de Paris. Spenser Smith, docteur en droit de l'Université d'Oxford , membre de la Société:des Sciences de Londres, de elle des Antiquaires, de celle d'Encouragement de la même ville, de la Société Asiatique, etc., Caen. Sueur-Merlin , ancien chef du bureau de la topographie. et de la statistique des Douanes, membre de la Commission centrale , de la Société de Géographie, de Ja Société aca- démique des Sciences de Paris, elc., à Caen. Tillette, comte de Clermont-Tonnerre (Prosper) X, ancien membre de la Chambre des députés et de l’Assemblée constituante , à Cambron (Somme). Tillette de Mautort (Alfred-Louis), ancien membre du Con- seil général du département de la Somme, à Abbeville. Tronnet (Henri), saus-imspecteur des douanes à Abbeville. Vayson (Joseph-Maximilien) #4, ancien maire d'Abbewille, ancien député, membre du Conseil général de Ja Somme , du Conseil général des Mannfactures, elc. — 735 — Vésignié , médecin des épidémies , médecin de l'Hôtel-Dieu , à Abbeville. » Viellard (Jean-Baptiste-Ferdinand) , directeur des domaines à Privas, Villermé x , de l’Académie de Médecine , de la Société pour l'amélioration des prisons , à Paris. Certifié conforme aux registres. A Abbeville, le 10 Octobre 1849. Le Président: Signé: J, BOUCHER DE PERTHES. Le Secrétaire, Signé: E. PANNIER. Hit sers eh nustsil css i À hrs ee APOALEL COLE ° suod noël ob anis sb ondes Pr * al ner eat $ x Hadèsat va j À ê tt { | \ j 41 Nr ; LE 2 ” D 1 NT À 4 ie rar DE e À tirer f ? 7. : Ju è L bi . : 4 L'EL à d Eu F4 Fe ï HIER +; np 91 Are 1 a AAHOVON À % + \ Fe : L d : LE : 4 38 dti k Le L {1 PU NE MLe | « #1 à j 5 | : 1 4 s ’ JM CT Fi dep fé 6 ex Hire LCI E 77 7 ES volt L Gharmrañs vert the -Lhastdre td ul : FtrRE & 8 at E is TORTUE COURENT TE mis hépurtert DR ï i pi e Lx fl ë, LL 2 4 « N 1 D < LE w ur 9 Cable des Matières Contenues dans ce Volume. Pages. Du Patronage ou de l'influence par la Charité. Discours prononcé par M. Boucher de Perthes, dans la séance du 8 mai 1846. . . Recherches sur une colonie Massilienne établie dans le voisinage de l’embouchure de la Somme, avec une carte représentant l'emplacement de cette colonie, par M. André De Poilly. . . . + 69 Mémoire sur les Etablissements romains de l'embouchure de la Somme, à Saint-Valery et au par M. F. P. Ravio, docteur-médecin . . . . : MT ME ENT. LOT Notice sur l’église d’Ailly- (eHiqus use par À N. Qe docteur Goze. 259 Note sur un Miracle en décembre 1531, à Notre-Dame-de-Lorette-de- Saiat-Vulfran d'Abbeville, par M. E. De Marsy. . . . . . . . . 267 Mémoire sur l'enseignement populaire et simultané de la lecture par la musique et réciproquement, par M. A. de Rambures. . . . . 275 Documents sur le Choléra Morbus asiatique considéré comme maladie contagieuse ou communicable, recueillis dans l’arrondissenent d’Abbeville en 1832 et 1833, par M. Vésignié, docteur en mé- decinE eee NERO + RS LEE A RS Statistique du commerce d Abbeville en sisotéations et exportations par terre et par mer pendant l’année 1841. . . . . . . . . . 519 Constantin, tragédie en cinq actes, par M. Boucher de pété. . 045 Emma ou la Jeune Epouse, vers, par M. de Pongerville, . . . . 627 Traduction envers des Cynégétiques de Némésien, suivie de notes, par M. Ernest Prarond . . . . . . . . à . . . . . . ar 091 — 787 — Notice sur M. le docteur Poultier, par M. Bouxaist , docteur en Notice sur Charles Täbitte # Correspondant de (a Société d'Emu- lation d'Abbevilté, par M: -Charles.Louandré.s 235 7. . . , Notice sur M. François Traullé, par M. E. Prarond. . . . . . . Notice sur le docteur Ravin, membre correspondant de la Société d’Emulation d'Abbeville, par M. Charles Louandre. , . . . ; . Addition au Mémoire sur les Massiliens, par M. André De Poilly. . Liste des ouvrages offerts à la Société d'Emulation pendant les années 1844, 1845. 1846, 1847, 1848. . - . . . . . . . . , . Extrait des procès - verbaux des séances de la Société d'Emulation * pendaut les années 1844, 1845; 1846, 14847, 1848- . . … . . , Liste des Membres résidants, associés et correspondants de la Société d'Emulation d'Abbeville en 1849. . . . . . . . . . . . , Fe FIN. CAbbevie L ntprimerie T. JEUNET, rue Saint-Gilles, F8 SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES FRANÇAISES. Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts, Amiens. Id. id. Besancon. Id. id. Bordeaux. Id. id. Dijon. Id. id. Lyon. FL id. Marseille. Id. id. Metz. Id. id. Reims. Id. id. Rouen. Id. id. - Caen. Id. des Jeux Floraux, Toulouse. Id. des Sciences, Inscriptions et Belles- Lettres, Id. Id. des Sciences, du Gard, Nismes. Id. id. Metz. Id. de Médecine, Paris. Société d'Instruction , Airaines. Id. des Amis des Sciences , Aix. Id. d'Agriculture, Ajaccio. Id. des Antiquaires de Picardie , Amiens. Id. des Amis des Arts, Id. Id. d'Agriculture et des Arts, Angoulême. Id. Industrielle, Angers. Id. des Sciences et des Arts, Arras. Id. d'Agriculture, Avesnes. Id. id. Avignon. Id. id. Auxerre. Id. d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, Bayeux. Id. d'Agriculture et des Arts, Bar-le-Duc. Id. Athénée du Beauvaisis, Beauvais. Id. id. Besançon. Id. Archéologique, Béziers. Id. d'Agriculture et d'Economie rurale, Blois, Id. d'Agriculture du Commerce etdes Arts Boulogne-s-M. Id. d’Emulation, Bourg. Id: d’Agriculture du départem. du Cher, Bourges. Id. Linnéenne de Normandie, Caen. Id. des Antiquaires de Normandie, Caen. Id. d'Agriculture et du Commerce, Caen. Id. id. id. Calais. Id. d'Emulation, Cambrai. Société d'Agriculture , Sciences. et. Arts du département de la Marne, * Châlons. d'Agriculture et d'Horticulture , Châlons-s.-Saône d'Agriculture du départem. d'Eure- et-Loire, Chartres. id. de l'Indre, Châteauroux. d'Horticulture de l'Auvergne , Clermont-Fer. d'Agriculture de l’arrondissem. de Clermont. d'Emulation , Colmar. d'Agriculture de l’arrondissem. de Compiègne. Archéologique , Dicppe. d'Agriculture, Dijon. des Amis des Arts, Douai. d’ Agriculture , Sciences et Arts, Douai. id. id. Evreux. libre du département de l’Eure, Evreux. Académique, Agricole , Industrielle et de l’Instruction de l’arrondissem. de Falaise. d'Agriculture , Grenoble. Hâvraise des études diverses, Hâvre. d'Agriculture, Laon. id. La Rochelle. d'Agriculture, d'Industrie et du Com- merce , Laval. d'Agriculture, Sciences, Arts et Com- merce , Le Puy. des Sciences , d'Agriculture et Arts, Lille. d'Horticulture , Lille. des Sciences de la Haute-Vienne , Limoges. d'Agriculture et Arts utiles , Lyon. des Abienéss , Arts el Belles- Lettres , Mâcon. hbre des Arts, Mans. d'Agriculture, Mans. d'Agriculture , Sciences et Arts; * Meaux. d’ Agriculture , Melun. id. Metz. d'Agriculture, des Arts et Commerce, Mézières. des Sciences, Agriculture et Belles- Lettres, Montauban. Economique, d'Agriculture, Com- merce, Arts et Manufacture du. département des Landes, Mont-de-Marsan. d'Agriculture, Montreuil-s.-M. Société Id. -_— 739 — Industrielle, d’Agricuiture , et Arts, Académique des Sciences et Arts, libre d'Agriculture , des Sciences physiques et d’Agricul- ture , Bibliophile Historique , de la Morale Chrétienne , Linnéenne, d'Encouragement pour l’Industrie na- tionale , des Sciences , Lettres | d’Agricullure , pour l'Instruction Elémentaire , Philomatique , Athénée des Arts, d'Agriculture et des Arts, d'Engouragement pour l’Agriculture et les Arts, d'Agriculture , du Commerce et des Arts, de Littérature , des Sciences et Arts ; d'Agriculture , id. libre d'Emulation , d'Agriculture, d'Agriculture et du Commerce , d'Agriculture , des Antiquaires de la Morinie, Académique , des Sciences , Arts et Belles-Lettres , d'Agriculture , Sciences et Arts, des Sciences , Belles-Lettres et Arls, d'Agriculture et des Arts , d'Agriculture, de Médecine, Historique et Liltéraire, d'Agriculture, Sciences et Arts, id. | d'Agriculture, départementale d'Agriculture de la : Drôme, des Sie et du Rice ; Mulhouse. Nancy. Nentes. Niort. Orléans. Paris. Paris. Paris. Paris. Paris. Paris. Paris. Paris. Périgueux. Perpignan ; Poitiers. Rochefort. Rhodez. Rouen. Rouen. St.-Brieuc. St.-Etienne. St.-Omer. St.-Omer. St.-Quentin. St.-Quentin. Strasbourg. Soissons. Tarbes. Tonnerre. Toulouse. Tournai. Tours. Troyes. Trévoux. Valence. Valenciennes. — 740 — Société d'Agriculture , Id! 4 Agriculture et des Arts de Seine-