| ; it ; DE M : MÉMOIRE Le : h sb DEN S SULENUES, (DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, de Mille, Avnée 1848. FREE A Ne ENES LILLE, À IMPRIMERIE DE 1. DANEL , GRANDE-PLACE. géus RES SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, de £ille. L'AT +: "1 TM £ eTH4 2 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS. de fille. ANNÉE 1845, ÉILLES IMPRIMERIE DE L. DANEL, GRANDE-PLACE. 1849. “ LAPS he LR « Que Saint 2 Ep 32 Se" “AT bi CR Fort nf RTE 2 on MA ANA TA TRE THANE SO DIET LE “ vrri mi "A, AL? ES Te Le L'or = WORESE n el Vent, my Ov 48 +1 Ne AL ME A à LE — à + - : ét tés vd METRE Er and ASS 0 À de sin: AA Crau : 08 y “6 EL" End oiR ne (ur À 2, ci DE LA PROPORTION D'EAU ET DE LIGNEUX CONTENUE DANS LE BLÉ ET DANS SES PRINCIPAUX PRODUITS , Par M. E. Minzow, Vice-Président. Depuis plusieurs années l'administration de la guerre m'a fait participer aux travaux de commissions auxquelles élaient soumises les questions les plus importantes du régime manutentionnaire de l’armée. Ce sont des sujets fort difficiles où la chimie n'a pas encore pénétré franchement. Aussi, tandis que des hommes éminents apportaient dans nos conférences le tribut d’une pra- tique consommée, les données scientifiques faisaient défaut , ou bien, n’avaient pas ce caractère d'autorité et de précision qui permet de porter de vives clartés sur les problèmes de l'industrie, et de suivre pas à pas chacune de ses opérations par un contrôle sévère. Le blé est cependant l'aliment principal el presque unique du soldat, et le pain est le symbole trop réel de la vie du pauvre. L'étude des céréales et de leurs principaux produits touche, on peut le dire, au cœur même de l'hygiène publique. Si la France est avant tout un pays agricole, si le blé est la première de ses richesses, combien n’importe-t-il pas de con- naître par avance et de noter scrupuleusement tout ce qui fait varier et la nature du blé, et son rendement en pain et la valeur alimentaire du pain lui-même ? 6. Le plus simple des faits, le plus facile à observer dans la qualité du blé, sa proportion d’eau plus ou moins grande, donne de suite un exemple de l'importance qu'il faut attacher à ses moindres changements de composition. Le blé renferme , on le sait, de l'eau que la chaleur élimine facilement; cette eau est étrangère à ses principes alibiles , elle ne change rien à la qualité de ceux-ci, elle diminue seulement leur proportion : Eh bien! soumettons au calcul une différence d'hydratation de quatre et demi pour cent : supposons qu'une année le blé renferme 18,5 pour cent d'eau, et que l’année sui- vante ilen renferme 14. En admettant , conformément à la cir- culaire du 16 novembre 1846 , adressée aux préfets par le Mi- nistre de l’agriculture et du commerce, que la France consomme 120 millions d'hectolitres de froment, de méteil et de seigle (1), et en comptant l’hectolitre à 15 francs, ce qui est le prix moyen des années d’abondance, la France appliquera à cette seule con- sommation une richesse annuelle de 1,800 millions ; que cette richesse varie, comme nous l'avons supposé, de 4,5 pour cent, et la France se trouvera ples riche ou plus pauvre de 8£ millions. Si l’on considère que le prix du blé a triplé en 1846-47, on sera forcé de reconnaître que 4,5 pour cent d’eau de plus ou de moins feraient , en pareïlle année , une différence de 243 millions. Les oscillations que j'admets dans l'hydratation du blé n'ont rien d'exagéré. A Lille , le blé récolté en 1847 renfermait 18,5 pour cent d'eau, etle blé de 1848, dernière récolte , n’en con- tient que 14 pour cent; c'est précisément la différence sur laquelle je viens d'appuyer un premier caleul. Voici une autre conséquence non moins sérieuse lirée des va 0 (1) M. Haussmann, dans une discussion fort habile ( Ann: d'hygiène publique el de médecine légale ; janvier, 1848. T, 39 , p. 9), réduit ce chiffre de consom- mation à 80 millions ; nous devons ict coustruire Îles calculs sur l’un ou l'autre chiffre, sans aller à la base sur laquelle 1ls reposent. LS riations de l'hydratation. J'admets que le gouvernement par- vienne , selon ses efforts , à une évaluation annuelle exacte, de nos récoltes en céréales, et qu'il découvre qu’en 1848 le sol a produit en France 5,400,000 hectolitres de blé de moins qu'en 1847. On va s’effrayer et calculer qu’un pareil déficit conduit à seize jours de disette pour l’année, ce qui est désastreux. Cepen- dant il n’en sera rien : la proportion d’eau moindre de 4,5 pour cent en 1848 aura rétabli l'équilibre ; la disette n’aura été qu’ap- parente, et si la panification est égale pour l’une et l'autre année, ce qui doit être, elle comblera le déficit à notre insu. Je n'insiste pas; d'autres exemples se présenteront d'eux- mêmes dans le courant de ce travail, et il suffira sans doute des considérations précédentes pour jistifier le soin minutieux que j'ai apporté à l'étude de l’eau dans le blé, dans les farines, dans le son et dans le pain, Ces phénomènes d’hydratation ont fourni matière à la pre- mière partie de mon travail. La seconde partie a eu surtout pour objet la détermination exacte du ligneux. Le ligneux du blé reste, comme l'eau, en dehors des principes alimentaires; il résiste au tube intestinal de l’homme et ces animaux supérieurs. Le blutage a été inventé pour en débar- rasser la farine , et l’on admet que le ligneux est approximati- vement représenté par le son, Le ligneux et l’eau constituent en définitive la somme des ma- tériaux inertes que renferment les céréales. Quand on en a fait le compte, on connait par différence la proportion vraie des principes assimilables Il était impossible dans cet examen de ne pas faire intervenir de temps à autre le dosage de l'azote, du gluten, de la graisse, des sels, etc. J'ai fait ces analyses, lorsqu'il l’a fallu, pour déve- lopper les vues principales qui naissent de mes recherches, mais je n'ai pu faire de chacun de ces principes, de leurs variations et dés 4 de leurs influences, l'étude qu'ils méritent et que je serais heu- reux de provoquer. DE L'HYDRATATION. MOYENS EMPLOYÉS POUR DÉTERMINER L'EAU DES CÉRÉALES ET DE LEURS PRODUITS. Vauquelin desséchait les farines en les chauffant à une douce chaleur pendant deux heures ; c'était trop peu de temps et trop peu de chaleur. D'autres chimistes ont employé une température de + 1209, ou bien de + 130°. Ces changements dans le mode opératoire empêchent abso- lument les résultats d’être comparables entre eux. Il faut tout fixer avec précision dans cette détermination de l'eau : le degré de chaleur qu'on applique aussi bien que la durée de celle-ci. De la farine de blé chauffée à {30° a perdu : Après: 5hentes.. vus do + sirlen éd Aprés 10 heures. ... . . . . . 43,894 Après 15.heures. : ....… .:...44,160/ Aprés 20 heures.,.; … bis ee ue: 44,143/0 De sorte qu'après 20 heures d'expérience la perte ne semblait pas eucore arrêtée; elle était visiblement proportionnelle au . temps. A + 1509 la perte ne se fixe pas encore trop vite, mais elle tend à s'arrêter ou du moins se ralentit si fortement, qu'après 15 heures à +- 1509, neuf heures de plus ou de moins donnent un changement à peine appréciable. Même farine que précédemment : Perte à + 1500 après 6 heures. . . . , 45, 080, Après 15 heures. . =. .".! 15, 410% Après 24 heures. . . . . 15, 500/ Après"33 heures. . . . . 15, 60° LA = Si l’on porte la (empérature à + 180°, on observe une destruc- tiou lente de la farine par le coucours de l'air el de la chaleur. Même farine : Perte à + 180° après 5 heures. . . . . 15, 40 0, Après 10 heures. . . . . 19, 67 °/o Après 15 heures. . . . . 20, 80° La comparaison des pertes supporlées par la farine à + 150° et à + 1809 m'indiquait que la combustion de Ja farine par l'air ne devait commencer à + 180° qu'après 5 heures environ d'ap- plication de cette dernière température ; que si la combustion s'opère à + 4500, elle est si faible qu’elle ne détruit pas un mil- lième de la substance en 9 heures de temps. J'en ai conclu que je trouverais entre ces deux limites, 150 et 180, la température à laquelle la farine perdrait son eau aussi rapidement que pos- sible, et cependant ne se réduirait pas appréciablement dans un espace de temps même assez prolongé, par une combustion lente. L'expérience a confirmé celle vue, el en maintenant la cha- leur de 1600 à 170° durant 5 ou 6 heures, j'ai obtenu des chiffres de deshydratation identiques avec ceux qu'on obtient à + 1500 en 15 heures ou bien à 180° en 5 heures. Pe sorte que je conclus qu'on arrive à la déshydratation la plus complète et la plus rapide de la farine, en la chauffant de 160 à 1659 durant 5 ou 6 heures. J'ai répété les mêmes expériences sur les farines de pois, de féverolles, de maïs, de riz et de sarazin ; elles sont soumises à la même règle. Le blé et le son se trouvent dans le même cas, ainsi que la mie et la croûte de pain. On obtient toute la précision désirabla en opérant snr 4 ou 5 grammes de matière : on les introduit dans un tube de verre à minces parois, et l’on tient celui-ci plongé dans un bain d'huile que l'on chauffe par une lampe d'a!coo!; on règle ensuite la tem- sal 05e pérature suivant les indications d’un thermomètre à mercure (1). A la suite de cette application de la chaleur, on observe que la farine a jauni; quant au pain, il a pris dans sa masse une teinte rousse très-foncée, qui rappelle l’aspect de la croûte : mais son goût n'a rien d'empyreumatique; loin de là, on y trouve une saveur particulière qui n’est pas désagréable. HYDRATATION DE FARINE. Après avoir déterminé rigoureusement les conditions de l’ex- périence , j'ai passé en revue un grand nombre de farines. Le fait qui m'a le plus frappé. c'est le peu d'écart qu’on observe entre les farines . sous le rapport de la quantité d’eau. Vingt-huit farines de première qualité que j'ai prises à la Halle de Paris, le 25 septembre 1847, m'ont donné les nombres suivants : Eau pour cent. il Farine (Destors, de Gonesse). . . . . . 2016239 2. « (Boulard frères, de St.-Maur, près Paris). .. 14,68 3. « de Champagne (messager de Troyes, Aube). 15,59 4. « de Pontoise (Souchard, Truffaut)... . . . 16,59 0. « de Vexin (Morand deMorine). . . . . 16,03 6. «"#Roland', de Meaux Et QU AS EMANEE ME D 7 6 bis. idem: 100484 dr nl. SCAN 6 {er. et dem... n ve 4e ESS MARS dE TES TRS TG ré tn ÆDarhley: REC cu M SR a ce ie SR TE) 7 bis. wS DarDIey. PAYS Brie PER CIS 7 ler. « NIUE -..2#" Tee ee ei CCRIU 8. « de Brie(Venois, fe Bros); USA DS TENNROS 9. « Idem (Laperche , de Provins). . +. . ... 15,39 10. « Idem (Delarue, de Compan). + . . . . 16,15 (1) Les tubes de verre appliqués à cette opération sont très-usités dans les laboratoires. Leur diamètre est de deux centimètres environ et leur longueur de 18 à 20 cent. nt — Eau pour cent. 11. Farine de Normandie (Dectramoy, Eure). + + . 16,27 12. + Iidem:(Morels, de Vernon)... . ele siss motobsun 16216 13. «_ deValensart (deSenlis) . … .+. +: .: .,; 15,50 14. « de Picardie (Fasquel, de Senlis)... . . . 15.84 15. crIdemi(Questerpère). "00m mu, . 16:22 16. « Idem (Vallon , de Marolles, près de V rilers- GOLETÉLS RE. PT Ts ANT ré « Idem (D (Nicolle, de Rebel AU 10 000 17 bis. « Idem. (6 ti re nd: og 1 17ler. « Idem. fe Lo id ia a it hote nb mont 1 7 18. « Idem de Maintenox (Barre-Pinard). . . . 15 84 19 ‘© « de Beauce (Monnet, deDreux).. . . . . 15,76 20. tidem(Jouguet.-deGhartres)#.. 0." 15,96 21. « Idem (Massot, de Vinerville, près Chartres). 15:89 22. « Idem (Péan, de Châteaudun) . . . . . 15.88 23. « d'Orléans (Doussaint-Péan) . . . . . : 15,40 Dans ces farines de provenance assez diverse , le minimum d'eau est 14,63 0/, et le maximum 16,68. Ainsi , les termes ex- trêmes ne différent entre eux que de 2 °/,. Si l'on retranche les farines N.05 1, 2, 4,8, 16, 17, 17 bis, on trouve que le minimum d’eau des vingi et une farines restantes est de 15,18, et le maxi- mum 16,22; c'est-à-dire que toutes ces farines renferment une quantité d’eau presque pareille, puisqu'elles ne diffèrent que de to; C’est un fait très-important que cette conformité de lhydra- tation des farines qui se versent à Paris , en suivant un rayon assez étendu dans les directions les plus opposées , le Vexin , la Beauce , la Brie , la Picardie , la Normandie et la Champagne. Cette conformité permet d'espérer que l’on connaîtra sans trop multiplier les expériences , le degré d'hydratation des blés ré- coltés dans la France entière; elle prouve, en outre , que les considérations qui ont été présentées sur l'importance de la dé- termination de l’eau, dans l’évaluation annuelle de nos richesses en céréales , n'ont rien de factice ni d'exagéré : elles sont par- faitement conformes à la nature même des faits, AS Je n'ai pas eu à ma disposition les farines de la récolte de 1848 qu'on a déjà dû verser à Paris , et je n'ai que très-peu de faits à produire sur la comparaison de plusieurs récoltes consé- cutives. J'ai cependant recueilli plusieurs nombres sur des farines d'origine assez diverse : Eau, 1847. Farine brute de Llé tendre (Nord). . . . . . . . 18,2 1848. « I]. D POSE OT RER nn LC 1848, Autre farine dt AR GE. Los EEE E 1846. Farine brute de blé dur (Odessa) . . . . . . . . 14,2 1847. .« Id. Li para aber fs RS RC RUE 1846. « brute de blé lendre (Bric , de Champagne). . . 15,7 1847. « Id. HU tie PET Es 1846. « _brutedehlétendresexotique. .» .-.,. : ° 18,35 1847. « Id. ét ment ic TONER Ces variations sont petites, et il y a loin de là au minimumde 6 et au maximum de 25 qu'on {rouve indiqués dans quelques ouvrages. Le minimum que j'observe est de 14,0 et le maximum de 18,2. Des comparaisons plus étendues me révèleront sans doute des différences plus considérables , mais jusqu'ici je suis disposé à mettre sur le compte de dosages insuffisants la propor- tion d’eau de 6,8 et même de 10 °/,. Quant aux quantités d’eau qui atteindraient 20 et 25 °/, , elles doivent caractériser des an- nées pluvieuses au moment de la récolte, ou bien des localités exceptionnelles. Dans les années courantes et dans les circons- tances habituelles, elles signalent certainement une addition d’eau coupable. La connaissance exacte et pour ainsi dire officielle du degré d'hydratation que présentent les farines suivant leur provenance, préviendra des fraudes très-dangereuses et fournira aux exper- tises une base qui, à celte heure, leur manque totalement. = — HYDRATATION DU BLÉ ET DU SON. On présumerait volontiers que l'hydratation du blé est la même que celle de la farine: il y a cependant une action de la meûle qui est quelquefois marquée et qui tend à affaiblir dans la farine la proportion d’eau du blé. Des exemples de cette action ont été recueillis principalement au moulin du quai de Billy ; tout le système avait été démonté et soigneusement nettoyé sous les yeux de M. Darblay lui-même, et la farine fut prise au milieu de la mouture de 50 hectolitres de blé. Eau p 0. Blé tendre indigène de 1847, (Brie et FT rt HSE LS, 6 Farine brute retirée du blé. . . . . nr le à Différence. 5 4574 Ré tendreiexotique de: 1846. 9 .4):%1.,4 2ostet lt it LL 16, 5 Farine bruteiretinéerduyblé4itl 24 22, 0 tt :4t unit Lot 15, 7 Différence. . 0,8 Autre blé tendre exotique. 15,06 Farine brute retirée du blé. UPS aies ME 14,02 Différence. . 1,4 MéEdar (Odessa 1846) 486 dt Lonntaprt Li jo ul 14, 0 Pnnr/hruterretiréd du béni sue à ogof daurhirds ne 14. 0 Différence. . 0, 0 DR (Ode air) 7 2 D. . . . : . . . 46, € Hama Drnte neUrée du blé. 2... 16, 0 Différence. . 0,4 Blé tendre indigène. (Nord, 1847) + . . . . . . . , . 18, 6 Farinebrutelrétirée dublé, sus tuol L ipumvntes lan. «2 18, 2 Différence. . 0, 4 Cette perte d'eau est très-variable, puisqu'elle a été nalle dans un blé dur (Odessa 1846), tandis qu’elle a atteint prés de 1 et demi à l'égard d’un blé tendre exotique. Il faut attribuer cette déshydratation du moulin, d’une part oo “— à l'échauffement que la meüle détermine dans la farine, et d'autre part, à l'hydratation élevée du blé, mais surtout à l'eau que le blé à pu prendre lorsqu'il a séjourné dans des lieux hu- mides, ou peut-être même lorsqu'il a été mouillé. Le blé qui a été soumis à cette influence de l'humidité ou du mouillage de- vait contenir son excès d’eau à la périphérie des grains ; j'ai cons- taté qu’il en était ainsi par l'examen du son. Tandis que la farine brute donnait 15, 7 °/, d’eau, le son retiré de cette même farine en contenait 46, 3 : la fleur ne renfermait au contraire que 15,2. Si au contraire le son provient d’une farine très-hydratée, mais dont le blé n’a pas été humecté, l’hydratation est égale dans le son et dans Ja farine. La meüle a agi sur toutes les par- tiés du grain, sur le centre qui produit la fleur de farine comme sur l’épiderme qui produit le son. J'ai constaté cette disposition dans un blé indigéne qui renfermait 18, 6 °/, d’eau. La farine brute de ce blé à donné 17,6, et le son 17,8. Le blé dur d'Odessa hydraté à 14 °/, a donné la même pro- portion d’eau dans le blé, dans le son et dans la fleur. En résumé, un blé s'est-il imprégné d’eau, il perdra à la meûle, et la fleur qu'on en retirera sera moins hydratée que le son. Le blé est-il fortement hydraté par l’eau de végétation seule, il perdra encore à la meüle, mais le son et la fleur contiendront une proportion d'eau sensiblement égale. Enfia, dans le cas d’un blé sec et peu hydraté, le chiffre de l'eau sera le même dans le son, dans la fleur et dans le blé. Le dosage de l’eau donne ici des indications d’une délicatesse extrême, qui échappent à tout autre mode d'investigation. On comprend combien ces faits sont importants pour le meu- uier qui se paie souvent en retenant sur la farine quelques cen- tièmes du poids du blé. Il peut perdre, dans son ignorance des phénomènes de l'hydratation, une partie de son bénéfice légitime. Il peut au contraire, en mouillant le blé, augmenter illicitement le gain que le propriétaire est disposé à lui accorder. EN Une déterminalion d’eau préviendrait toute erreur et toute manœuvre, au préjudice de l’une et l'autre partie. Il serait inutile de représenter, au sujet de l'achat du blé, l'importance de contrôler la quantité d’eau ; l'intérêt est le même que pour l'achat des farines; mais l'intérêt redouble lorsqu'il s’agit des approvisionnements. La conservation du blé, en effet, est sous la dépendance de son hydratation ; un blé sec se conserve des siècles ; un blé chargé d'eau est exposé à de nombreuses avaries dans l’année même de sa récolle; ces faits sont noloires. Reste à savoir exactement à quel degré d'hydra- tation la conservation devient possible. À côté de cette question capitale de l'altération du blé se trouve la question des déchets réguliers. C’est là une source de contestations délicates pour les administrations qui ont à sur- veiller de grands magasins. Tous les blés perdent-ils au grenier ? Cette perte est-elle considérable ? On n'en possède jusqu'ici au- cune évaluation certaine ; on pressent de grandes variations dans ledéchet, suivant la nature des blés, suivant la période de l’année qu'ils traversent, suivant le lieu où ils sont emmagasinés, suivant l’aération du lieu, suivant un pelletage plus ou moins fréquent et quelques autres conditions secondaires ; mais si nombreuses que soient ces circonslances, il sera facile maintenant de les suivre l'analyse en main , et deux on trois années de dispositions combinées et calculées d'avance jetteront une lumière très- satisfaisante sur ce sujet plein d'obscurité. HYDRATATION DU PAIN. Îl est facile de déshydrater un fragment de pain , soit de la mie, soit de la croûte. Mais il est impossible de calculer sur la quantité d’eau de ce fragment, qui pèse cinq ou six grammes, le degré d’hydratation d’un pain tout entier. C’est cependant cette dernière hydratation qu'il faut connaître. Partout où l’on tend à —1461— introduire de l'économie et de la surveillance dans la fabrica- tion du pain, on se pose ce problème : Combien un poids connu de farine, soit un quintal métrique, peut-il fournir de kilos de puin ? Deux farines inégalement hydratées ue peuvent pas rendre un même poids de pain lorsqu'elles sont soumises au méme travail de panification , et deux farines semblables attein- dront des rendements inégaux , suivant la quantité d'eau qui aura été incorporée au pain. Dans le régime actuel de la taxe et de même dans les manutentions militaires, le degré d'hydrata- tion du pain serait le premier point à régler; un boulanger qui donne un poids d’eau à la place d’un poids de pain frappe tou- jours la bourse du consommateur : il frappe la bourse et la santé lorsque le consommateur est pauvre et qu'il ne mange pas du pain à son appétit. Cinq pour cent d’eau de plus ajoutés chaque jour au pain représentent , à la fin de l'année , une disette de 18 jours, et peuvent changer pour l'ouvrier malheureux une année d’abondance en une année de privations. Il n'y a pas à nier ces calculs et leur conclusion. Si l'on af- firme que 5, 6, 7 et 8 pour cent d'eau en plus, qui changent à peine les quantités extérieures du pain, sont aussi inaperçues par nos organes et ne peuvent à la longue y porter aucune at- teinte, il faut déclarer du même coup que la disette des ré- coltes n'existe jamais que dans les esprits, que pour combler un déficit de 48, 20, 25 et même 30 jours, ce qui dépasse les limites de nos récoltes les plus stériles , il suffira de prescrire aux boulangers de mettre , en ces années de détresse, 5, 6, 7 ou 8 pour cent d'eau de plus dans leurs produits. Ce nest pas que cette tolérance dans l'addition d'eau ne puisse venir en aide aux moments de rareté des céréales , à peu près comme la ré- duction de la ration à bord des navires à court de provisions ; mais pour tirer parti de ces faits d'hydratation dans la crise de nos subsistances, il faudrait que l'hydratation du pain fût sou- mise à des réglements et devint l’article essentiel de la police = 4%— alimentaire. Ces considérations redoublèrent mon désir d’ap- pliquer à la déshydratation du pain des/moyens aussi simples que ceux que j'ai indiqués pour le blé et la farine. J'ai d'abord constaté qu'il n'y a aucun parti à tirer de l'hydra- tation d’une portion de la mie et de la croûte ; en prenant cinq ou six grammes de l'une et de l’autre à différentes régions du pain, on obtient des variations énormes. Ainsi, en examinant différents pains très-rapprochés l'un de l'autre par l'hydratation de la masse totale, j'ai constaté pour la croûte de chacun d'eux des nombres qui sont dans une grande divergence. On peut en juger par le tableau suivant, dont les analyses ont été fournies par un pain blanc de première qualité : Eau pour cent. Eau pour cent, N.o5 1. Croûte supérieure, 20,75 le pain toutenlier, 34,98 2, Id., 23,92 id. , 36,65 3. Id., 22,71 id., 36,54 4 Id., 21,57 id. , 38,74 5. Id., 23,69 ri 36,72 6. Id., 17,31 id. , 34,51 7 Id., 14,26 id., 34,05 8 ld., 17,04 id, 35,09 Id., 19,65 s Croûte inférieure, 23,31 ge sp L'hydratation de la mie ne s'accorde guère mieux avec celle du pain; ainsi, pour les mêmes pains que ci-dessus, j'ai obtenu : Ean pour cent. N%51. Mie du centre, 46,69 2. Id., 39,82 É A Id., 42,49 4. Id., 46,00 5. Id., 43,22 6. Id., 44,55 7. Id., 45,04 8. Id., 13,21 9. Id., 44,09 ss Me L'idée d'agir sur un pain entier est très-naturelle; mais la dessiccalion d'un pain de deux ou trois livres est une opération embarrassante. Avec des étuves de construction appropriée , on se tire d'affaire; le pain entier divisé en petits morceaux se déshydrate aussi complètement qu’un échantillon de farine ou de blé du poids de 5 grammes. J'ai cherché à éviter ces constructions d’étuve et à réduire le pain mis en expérience à un poids qui permit de faire usage d'un appareil simple et facile à transporter. Lorsque le pain est de forme régulière, comme un pain de munition , on parvient à représenter exactement la masse, en prélevant un morceau de 100 à 150 grammes. On coupe ce morceau en dessinant aussi exactement que possible un segment de cercle à angle très-aigu qui se dirige du centre du pain vers sa circonférence. Je choisis de cette facon deux morceaux à peu près égaux, que j'introduis dans deux flacons de verre mince, aplatis sur une de leurs faces de manière à s’accoler facilement l’un à l'autre. Les flacons sont introduits et fixés dans un cylindre de cuivre qui a 18 centi- mètres de diamètre et 20 centimètres de hauteur. Ce cylindre est ensuite rempli d'huile et supporté par un autre cylindre de tôle, haut de 27 à 98 centimètres et large de 24, qui fait office de réchaud. On introduit en effet par l’un des côtés du cylindre de tôle où l’on a ménagé une ouverture convenable, une lampe d'alcool à mêche circulaire, dont le réservoir reste hors du réchaud. Tout ce système arrive facilement à une température de 165°. On fixe la hauteur de la mêche dès qu’on est arrivé à ce degré qu’il ne faut pas dépasser, et, à la suite de trois ou quatre expériences, on peut régler si bien la quantité d’alcool à introduire dans la lampe, qu'il suffit, dans les opérations sui- vantes, d'amener la température du bain d'huile à 165°. On se dispense alors de toute surveillance, car la lampe en s’éteignant d'elle-même faute d'alcool, arrête la chaleur au bout du temps voulu, Il serait facile de remplacer la lampe d'alcool par un bec 2049 de gaz; mais cet emploi du gaz, qu'il est désirable d'introduire dans nos laboratoires et même dans quelques usages domes- tiques , n’a pas encore pénétré en France. Le cylindre de cuivre , faisant office de bain d'huile, portera à son pourtour cinq ou six douilles destinées à revevoir. l’une un thermonètre, les autres des tubes de verre contenant des échantillons de farine ou de blé qui se déshydrateront en même temps que le pain. (1) Des expériences réitérées m'ont fait acquérir la certitude qu'il est facile de déterminer très-exactement l'eau que ren- ferme le pain de munition. En employant l'appareil précédent , 100 ou 150 grammes de pain se déshydratent tout aussi vite et aussi complètement que 4 ou 5 grammes de blé ou de farine. Avant d'appliquer ces résultats de la déshydratation au con- trôle du rendement d’une farine, je devais me demander si la chaleur, en enlevant de l’eau à la farine et au pain, laissait de part et d'autre la même substance intacte. Les principes de la farine , transformés par la panification, auraient pu perdre à l'état d'eau une partie de leurs éléments qui seraient au con- traire retenus dans la farine elle-même. On a si souvent parlé de production d'alcool dans la fermentation panaire, que je m'’at- tendais encore à un déchet notsble dans la matière sèche. Mais il n’en est rien. La portion de farine qui se transforme en acide carbonique est tellement petite qu’elle ne dépasse pas, à coup sûr, quelques millièmes. J'en ai acquis la preuve dans une série d'expériences exécutées parallèlement à des expériences de ma- nulention. J’ai supposé la matière alimentaire intacte, et déter- minant d’une part l’eau de la farine, d’autre part l’eau du pain, je calculai sur ces deux données ce que 100 kilog. de la farine employée avaient dû fournir en kilog. de pain fabriqué. On éla- (r) M. Deleuil, fabricant d'instruments, rue du Pont-de-Lodi, à Paris, a exécuté avec soin l'appareil que je décris, —1M0) — blissait le rendement réel à la manutention, et les nombres que me fournissait l'expérience du laboratoire concordaient toujours d'une manière satisfaisante avec les nombres de la boulangerie. Ces rapports ont été constatés dans neuf expériences que je con- signe : la farine employée était blutée tantôt à 10, tantôt à 15. Rendement en pain calculé Rendement obtenu pour pour 100 kil. de farine. 100 kil. de farine. N.ss 1. 136 kilos, 135 kilos. 2, 137 137 3. 131,5 132 L' 136 134,5 &. 133 133 $: 134,5 133 re 135 134 8. 137 137,5 9. 133 134 L'hydratation a varié dans les pains précédents de 36,5 à 40 %/% ,; mais j'ai eu lieu d'examiner du pain militaire de bonne qualité, en apparence du moins, qui contenait 42 et 43 0 d'eau. | Les neuf expériences comprises dans le tableau précédent suffisent-elles pour déclarer qn’on peut désormais connaître, sur un échantillon de farine , ce qu'elle doit fournir de pain, à un degré déterminé d'hydratation ? Le principe est rigoureusement vrai, j'en ai la conviction; on en aura l'application et le profit dès qu'on sera bien décidé à le faire intervenir comme contrôle dans les grandes gestions. Il deviendra aussi un jour ou l’autre la base principale de la taxe du pain. Cependant, je ne me dis- simule pas que les expériences que j'ai produites sont encore trop restreintes; elles devront être suivies sur une série plus étendue ; il faut régulariser la cuisson du pain , préciser toutes les conditions du ressuage , insister sur le choix de l'échantillon el sur les moindres détails de l'expérience. 11 faut que ces faits d'hydratation , qui sont à cette heure la propriété exclusive du 22 DE ue laboratoire, deviennent si simples, si faciles à observer, si cons- tants , si évidents , que les fabricants honnêtes , au lieu de s'en effrayer, soient heureux de les voir convertis en formules ad- ministratives et en articles de police. Je termine ces considérations en construisant deux tableaux qui montrent combien il est injuste, dans l’évaluation du rende- ment et dans la fixation de la taxe, de ne pas tenir comp'e de l'eau contenue dans la farine et dans le pain. Le tableau N.° 1 indique ce que 100 kilog. de farine rendent en kilog. de pain, suivant que la farine contient 14, 19,16, 17, 18 et 19 °/, d'eau, et suivant que le pain fabriqué en renferme 86, 37, 38, 39, 40, 4 et 42 0/4. TABLEAU N.° 4. 100 kilog. de farine rendent en pain: Pain Pain Pain | Pain Pain Pain Pain à36°L|à37°%|à380/,|à 390b|à400,|à410.|à420, FARINE. d’eau. | d'eau | d’eau. | d’eau. .| d’eau. | d’eau. à 14 °/ d'eau. 145k,7|148 k.2 à 15 °} d’eau. 14% 01146 5 à 16/0 d'eau. 142 41145 0 à 17 c/, d’eau. 71143 à 18 °° d’eau 11141 à 19 d'eau. 51140 On voit, d'après ce tableau, que 100 ki!og. de farine-rendront depuis 126°,5 de pain jusqu'à 148',2. Il suffira que la proportion d’eau varie de 6 °/, dans la farine , et de 7 °/, dans le pain ; ce sont des variations très-admissibles. Le tableau N.0 2 offre le même calcul appliqué au rendement de 99 kilog. de farine en rations de 750 grammes. EN TABLEAU N.° 9. 99 kilog. de farine rendent en rations de 750 grammes: Pain Pain Pain Pain Pain Pain à 37 °/o | à 38 °/0 | à 39 0) | à 40 9) | à 41 ©) | à 42 2) FARINE. d’eau. | d’eau. | d’eau. | d’eau. | d’eau. | d'eau. CREER HNSLENAS SES | CEE SERRES | ONDES CENCEENERSENNERS à1%0/od'eau.| 180,2 | 183,1 | 186,1 | 189,2 | 192,4 à 15°, d'eau.| : 178,1 180,9 183,9 187,0 190,1 à16°/d'eau.| 176,0 | 178,8 | 181,7 | 184,7 | 187,9 a170, d'eau.| 173,9 | 176,7 | 179,6 | 182,5 | 185.7 à180% d'eau.| 171,8 | 174,5 | 177,4 | 180,3 | 183,4 à 490/0 d'eau.| 169,7 | 172,4 | 175,2 | 178,2 | 181,2 Ainsi, dans les manutentions militaires, le rendement de 99 kilog. de farine peut osciller entre 169,7 rations et 195,7. Ces deux chiffres extrêmes dispensent de toute réflexion. DU LIGNEUX CONTENU DANS LE BLÉ. L'enveloppe corticale des grains de blé est formée par du ligneux auquel adhèrent si fortement les autres principes assi- milables qu'aucun moyen mécanique ne saurait les en isoler. Le son qu'on rejette dans celte intention entraîne loujours avec lui de la matière amilasée qui blanchit une des faces de la pellicule et qu’on détache par de simples lavages à l’eau froide. Comme le ligneux ne se d'gére pas, on fait le sacrifice de la substance nutritive qui lui est adhérente , afin d'alléger l'intestin d'ane matière inerte. On prélève ainsi une quantité de son qui est de 15 à 20 et même 25 pour cent du poids de la farine brute. Cette élimination du son, désignée sous le nom de blutage, cause une perte considérable dans les richesses de nos céréales ; le son est en effet, comparativement au blé, d’une valeur minime. #46. — Il est devenu impropre à la nourriture de l’homme et ne peut plus servir qu’à celle des bestiaux. Il s'ensuit que plus une farine est blutée , plus son prix s'élève : le prix du pain s'accroît d'autant. On conçoit donc que partout où l’on vise à fabriquer le pain économiquement on s'efforce de réduire le taux du blutage ; c’est ainsi que, dans les manutentions militaires, la farine de blé tendre est blutée à 15 p. 0/0 et celle de blé dur à 5 p. 0,0. Dans plusieurs localités le pain de qualité inférieure se taxe également sur un blutage dont le taux est plus ou moins fort. Cette pratique est bonne si le son doit vraiment être rejeté , mais encore demanderait-elle une surveillance active. Il faudrait que le blutage se fit loyalement au taux voulu ; mais comment s'en assurer? Comment découvrir dans le pain fabriqué la quantité de son extraite de la farine brute ? Les blés d’ailleurs renferment des proportions de son si différentes, qu'ici un blutage de 10 p. 0 0 laisse autant de son dans la farine que là un blutage de 5 p. 0 0. C’est en cherchant à résoudre ces difficultés {1} que j'ai constaté un fait qui change entièrement la face du problème. J'ai reconnu qu’on s’exagérait beaucoup la proportion de ligneux que renferme le blé. L'idée générale qui semble avoir jusqu’à ce jour dirigé les opérations du blutage , attribue au blé une quantité de cellulose si forte, qu’il faut à tout prix l’éloigner (x ) Lorsqu'on possède en même temps un échantillon de la farine brute et un échantillon de la farine blutée qui en provieut, il est facile de s’assurer qu’on à retiré 5, 10 ou 15 p. 0/0 de son; on fait passer pour cela l’une et l’autre farine par un blutoir de petite dimension et l’on pèse le son que l’on retire de chaque côté, La différence des poids exprime très-exactement le degré du blutage ; j'en ai fait l’expérience sur un petit blutoir long de 64 centimètres , il fournissait exacte- ment les mêmes résultats qu'un blutoir long de { mètre 45. Muis si le son avait été remoulu et remis dans la farine , la fraude échapperait encore à ce moyen mécani- que : il faut alors recourir aux méthodes chimiques que je fais connaitre plus loin. cc tEilus pour rehausser la qualité du pain ; mais quand on recherche les faits positifs sur lesquels celte croyance repose , on n’en trouve réellement pas d’une autorité suffisante. L'excellent ouvrage de M. Boussingault est le seul où j'ai vu un dosage authentique du ligneux ; il l’évalue à 7,5 p. 0/0 du poids du blé. Il est vrai que j'ai trouvé sur ce point des témoi- gnages très-contradictoires ; mais celui de M. Boussingault que je cite a seul un caractère d’autorité. J'ai pu omeltre par ignorance quelques sources , mais je crois que les chimistes affirmeront avec moi que cette donnée impor- tante n'a pas encore pris rang parmi les faits classiques (1). Au reste il est de toute évidence que, si celte donnée existe quelque part, elle n’a réagi en aucune manière sur nos usages domes- tiques , qui sont réglés en vue d'une proportion forte de ligneux et de matière inerte dans la farine brute. Une seule analyse, celle de M. Bousingault , ne pouvait pas suffire , et la preuve, c'est qu’en analysant les blés de la nature la plus diverse, j'ai obtenu des résultats qui s’éloignent beaucoup de 7,5 p. 0/0. La proportion la plus forte de ligneux que j'ai trouvée dans les farines de blé tendre indigène ne dépasse pas 2,38 p. 0/0, et le blé dur ne m'a donné que 1,25. Je consigne de suite les nombres de l'expérience : Poids dela Poids du farine brute. ligneux, Pour 100. Grammes, Bléfdur-.(Odessas 1847) 0 un 10,0 0,125 1,25 1.° Blé tendre exotique (1847) . . . 10,0 0,155 155 2,0. |Jd. idesili (188ve ages 10,0 0,158 1,58 Blé tendre indigène, 1847 (Nord). . 25,0 0,643 2,38 1.0 Blé tendre indigène, 1848 (Nord) . 20,0 0.449 2,24 2, Id. ide 4 20,0 0,459 2,28 Autre blé tendre indigène, 1848 (Nord) 25,0 0,379 1,51 TT RE ee ANR PUS PROS (1) Je ne crois pas devoir discuter, si récentes qu’elles soient , des assertions (annales d'hygiène publique, t. 3, p. 5a), o \ l’on trouve que le son contient 0,0 mr D Le procédé que j'ai mis en usage est de la plus grande sim- plicité: il consiste à traiter successivement la farine par une eau acidulée et par une eau alcaline. Je pèse 20 à 25 grammes de farine brute, que j'introduis dans un ballon de verre d’une capacité de 1 litre et demi à 2 litres, puis j'introduis 140 à 150 centimètres cubes d’une eau acidule qui renferme : PT DR e © » à e à e © « + + ŒU Acide hydrochlorique fumant. . . . . 1 Je porte l'eau acidule à l’ébullition durant 15 à 20 minutes, j'ajoute un demi - litre d’eau distillée , et , au bout de quelques instants , je décante celle-ci sur un filtre destiné à recueillir le ligneux ; après quatre ou cinq additions d’eau , on jette le ligneux lui-même sur le filtre ; on le rassemble avec une pisselte au fond du filtre, on le lave jusqu’à ce que l’eau de lavage soit sans action sur le papier de tournesol; on laisse égoûter le filtre durant une heure ou deux, et tandis qu'il est encore humide on détache le ligneux avec soin, on l’introduit une seconde fois dans le ballon déjà employé et l’on verse sur lui une lessive qui contient : Eau distiliée: Mr, VERT CRT PSS TU Potasse pausliqueibet . 204: 1102 vb ehioa 1 On répète l’ébullition en présence de la liqueur alcaline durant 15 à 20 minutes et l’on procède au lavage comme pour l’eau acidulée. On termine ce lavage par l’emploi d'une eau faiblement acidulée qui doit être enlevée elle-même jusqu’à ce que toute action disparaisse au papier de tournesol. Le ligneux détaché une seconde fois du filtre est desséché au bain - marie, puis au bain d'huile à + 120°, où il est maintenu durant trois heures. gluten et 63,25 p. o/o de son absolu. Ce sont des mots vides de sens unis à de monsirueuses erreurs. — 96 — Après ces deux traitements le ligneux est d’un blanc gristre, si les lavages ont été suffisamment prolongés. Dans le cas con- traire, il serait gris ou même brun, et son dosage, très-inexact , donnerait us chiffre beaucoup trop élevé. C’est un inconvénient que je n’aiévité qu'après une certaine étude du procédé. La farine brute fournit un ligneux d’une blancheur éblouissante , en jetant celui-ci dans un flacon de chlore tant après l’action de la lessive acide qu'après celle de la lessive alcaline ; on a soin d’éloigner préalablement cette dernière par des lavages. Cette action du chlore détruit certainement jusqu’à la dernière trace de matière incrustante , mais je ne suis pas sûr qu’elle n'endommage pas le ligneux lui-même. Voici quelques nombres qui permettront de suivre cette action du chlore sur le son que j'ai préféré à la farine, parce qu'il rend les différences plus marquées : Son d’un blé tendre de première qualité, 1848 ; dosage du ligneux par les lessives acidules et alcalines, sans chlore : Poids du son. Poids du ligneux. 10 gr. 0 0 gr, 872. Même son; même traitement que ci-dessus et , de plus, action d’un flacon de chlore d’un litre , à froid : Poids du son. Poids du Jigneux. 10 gr. 0 0 gr. 817. Même son : traitement par les lessives acidules et alcalines ; action d’un flacon de chlore maintenu à + 1000: Poids du son. Poids du ligneux. 10 gr. 0 0 gr. 720. Même son; traitement par les lessives acidules et alcalines ; double traitement par le chlore : Poids du son. Poids du ligneux. 10 gr. 0 0 gr. 704. — 9% = Je ferai remarquer encore que ce n’est pas sans de nombreux {âtonnements que je me suis arrêté au procédé qui vient d'être décrit pour le dosage du ligneux. Ainsi, il est impossible d'employer un acide plus fconcentré que celui que j'indique , sans s’exposer à convertir le ligneux et le sucre en produits humiques qui gâtent toute l’epération; l'acide plus dilué agit moins vite et donne uns liqueur moins facile à filtrer. Quant au degré de la lessive alcaline, il a une grande influence sur le poids du ligneux obtenu; cependant ces variations ne changent rien à l’idée générale qui résulte des expériences pré- cédentes. On reconnaît que, dans tous les cas , la proportion du ligneux est très- faible. Ainsi le même son a supporté les traitements suivants : 1.e7 TRAITEMENT. Acide hydrochlorique composé de : ETES NOR OS Acide fumant. . 1 Lessive alcoline composée de : FAHEG OS VU ARE POtaSSeR PU L Son, 10 grammes: — ligneux obtenu, 1.° 0,968 2,0 0,955 2.° TRAITEMENT. Acide hydrochlorique composé de : Eau. bise jvous 290 Acide fumant. .. 1 Lessive alcoline composée de : dE OM NE LL DEC LE (CUS 2 a M Son , 10 grammes : — ligneux obtenu, 0,806 3.2 TRAITEMENT. Acide hydrochlorique composé de : HAN et. bn me TU Acide fumant. . 1 — 28 — Lessive alcoline composée de : Eau. 1.116 11410 Potasse:.=s-wemttlud Son, 10 grammes ; — ligneux obtenu , 0,753. 4. TRAITEMENT, Acide hydrochlorique composé de : EAU TE EN) Acide fumant. . ‘1 Lessive alcoline composée de : Ban t 0 SENS Doltassei rate, Son , 10 grammes ; — ligneux obtenu , 0,673. J'ai employé toujours 140 centimètres cubes de la liquear acide et de la liqueur alcaline : l'ébullition a duré le même temps. Quelle que soit la diseussion qu'on élève sur le mode de dosage qui a été appliqué au ligneux, la proportion de celui-ci reste très-faible. On doit tirer comme première conséquence de celte minime proportion du ligneux , que ce n’est pas elle qui autorise le prélèvement de 15, 20 et 25 p. 0/0 sur la masse alimentaire du blé. On ne peut pas, pour quelques millièmes de matière inerte ; sacrifier un poids aussi considérable de la substance qui représente le premier aliment de l’homme. Il fallait rechercher dans les autres principes entrainés par le blutage la cause d’une élimination aussi onéreuse. Je me suis donc demandé avec curiosité quelle était la composition du son. Le ligneux a été dosé avant tout, sa proportion a été petite comme le faisait pressentir la composition de la farine elle- même. Le procédé d'analyse a été le même que pour la farine ; il suffit, dans ce dosage , d'employer 40 grammes de son. ET Son provenant du mélange de trois espèces de blé (blé tendre indigène, blé tendre exotique et blé dur) : Son employé. Ligreux. LUPTOPÉTAEMESS her 7 ete ee on à 1 gr., 023 20! Idem: "60022 0er. 1 gr, 135 Sodenna her Aie SOMME. UM 1 gr., 100 Son provenant d’un blé tendre indigène, bluté à 18 0/4. Son employé. Ligneux obtenu. 12 10/érAMMES 0e 2. 0 gr., 968 a RTE gene rm cine PE ge 0 gr., 987 Son provenant d'un autre blé tendre indigène bluté à 19 °/,. Son employé. Ligneux obtenu. SOÏBRANMES. Men ei es CREER 0 gr., 872 Autre son provenant d’un blé tendre indigène bluté à 17 °/. Son employé. Ligneux obtenu. LOLSEAMMES) Mmes dirt D'AU - 0 gr., 753 Ainsi le son contenait de 7,5 à 10 0/, de ligneux. Je passai ensuite au dosage de l'azote, en employant on indiqué ci-dessus et provenant d’un blé tendre indigène bluté à 18 9/0. Son. 1.reanalyse. — Substance employée. . . 2 gr., 015 (1} Gaz obtenu. . . . . . atec 0 T = +14: P — 0,757. Vol. réd. 38 col. 24 ; en poids 0 gr., 04881. Azote 0/, 2,42. (x) Je ferai connaître bientôt la méthode analytique qui me permet d’intro- duire dans nn tube de combustion + et 3 grammes de matière sèche et jusqu’à 10 et 15 grammes de matière liquide. D. Ce qui représente 15,1 °/, de gluten ou de matière atbu mineuse. 2.e analyse, — Substance. . . . , . 1 gr., 127 Gazisbtenu "0 28° 5 T = + 14; P — 0n,759. Vol. réd. 26°-°,04; en poids , 0,03359. Azote ©/, 2,35 ; en gluten, 14.68. Il était intéressant de mettre en regard de celte proportion d'azote du son , celle qui existait dans la farine brute et dans la fleur de farine de même blé. Farine brute, 1."eanalyse. — Substance employée. . 1gr., 773 Gaz obtenu WA 30 << T = + 16°; P — 0,769, Vol. réd. 28°-,169 ; en poids 0 gr., 0355,8. Azote °/, 2,00 ; en gluten, 12,48. 2.® analyse. — Substance employée. . . 2 gr., 001 Gaz ObIENU CU Ce 34c-c T = + 15°; P 0,767. Vol. réd. 31°:,78 ; en poids , 0,04007. Azote °/, 2,00 ; en gluten , 12,48. Fleur de farine. Substance;employée: 1" .raitttes. 1 gr., 732 Gazobtenu.#... m5. cp LR abc y :< 28c-c T = + 190; P —02,761. Vol. réd. 26°-°,37 ; en poids , 0,0332549. (1) Azote °/0 1,02 ; en gluten , 12 °/. (1) Le dosage direct du gluten contenu dans la fleur de farine m’a donné 10,7 9/0 ; resté 1,3 ©/o d’albumine dont il était facile de reconnaître la présence, bien que la quantité en fut très-pelite, dans les eaux de lavage. be La fleur de farine à une composition trop rapprochée de celle de la fleur brute , 2,00 °/, d'azote et 1,92 , pour que l'analyse permette d'établir une distinction. Mais, entre le son et la farine brute, la différence est palpable. Le son renferme en moyenne 2,38 °/, d'azote, et la farine 2,00 : en évaluant cet azote comme malière albuminoïde, on obtient, pour la farine brute, 12,48 et pour le son, 14,9. Ainsi le son est incontestablement plus azoté que la farine brute. Déjà, dans l'analyse de M Boussingault que j'ai citée, on trouve que le son re: ferme 20 °/, de gluten ; la farine brute, 13, 4, et le blé, 14, 3. J'ai été heureux de voir ici mes résultats conformes aux siens. Cependant, j'ai cru qu'il ne suffisait pas de trouver une plus grande proportion d'azote dans le son, pour conclure qu’il ren- fermait réellement plus de matière albuminide. Cet azote pouvait s’y trouver sous une autre forme non assimilable. J'ai versé sur 20 grammes de son 130 srammes d'acide acé- tique dilué, d'une densité de 1,0267 à + 150. Le mélange, in- troduit dans un flacon bouché, a été agité fréquemment durant 24 heures ; au bout de ce temps, le liquide a été exprimé, filtré et j'en ai pris de nouveau la densité. 20 grammes de la farine brute, qui avait produit le son précédent, ont été traités exacte- ment de la même façon. L’acide devait, en dissolvant le gluten de part et d'autre, acquérir une densité sensiblement proportion- nelle à la quantité qu’il en aurait dissoute. Il se trouva que l’acide acétique mis en contact du son, avait acquis une densité de 1,0394 : celui qui avait eu le contact de la farine brute ne pesait que 1,0352. Cette expérience confirmait la présence d'une plus grande quantité de gluten dans le son, et j'ajouterai que le gluten a pu être extrait en nature par la saturation de l’acide acétique qni avait digéré sur le son. =D — L'alcool à 34 B donne aussi une quantilé considérable d’ex- trait en agissant à chaud sur le son; j'en ai obtenu jusqu’à 7,50/5: tandis que la fleur de farine traitée de même, n’a donné que 2,9 0/0. L'extrait du son est sensiblement azoté et contient plus du quart de son poids de glutine. Le dosage de la matière grasse a fourni encore une compa- raison à l'avantage du son; trente grammes de farine brute, épuisés par l’éther dans un appareil à déplacement , ont fourni un résidu de 0 gr., 518 , soit 1,73 0/,; le même poids de son a laissé 1 gr,. 092, soit 3,640/,. Le sun contient donc ici deux fois plus de matière grasse que la farine brute. Pour compléter l'examen analytique du son, j'ai déterminé en bloc les principes hydro-carbonés autres que le ligneux, à savoir : l’amidon, la dextrine et le glucose. fl est facile d'extraire du son des grains de fécule parfaitement définis , de la gomme, ne fournissant pas d'acide mucique, et aussi un sucre d’une saveur très-franche. Mais il serait fort dif- ficile de doser rigoreuusement ces trois principes. L'amidon, par exemple, est tellement inerusté dans l'épiderme du blé que non seulement on ne l'enlève pas par des lavages à l’eau froide sur un tamis très-fin , mais l’eau bouillante elle-même y laisse en- core de petits agrégats amilacés qu'on retrouve par l’iode sur le champ du microscope ; il y a desdifflcultés d'un autre ordre pour dextrine et le sucre. J'ai donc dosé ces principes tous trois en- semble et approximativement, en employant le procédé de M. Barresvil. Le son a été pesé, mis en ébullition avec de l'acide hydrochlorique affaibli : la liqueur acide a été saturée par un exès de potasse caustique , puis mesurée , filtrée et versée peu à peu dans la solution potassique de tartrate de cuivre. J'ai constaté aussi que le son, dont je suivais l'analyse, contenait environ 50 0/, d’amidon, de dextrine et de sucre. J'aurais voulu déterminer la nature du sucre ; maïs cette re- cherche offre des obstacles. Le son ne contient pas plus de 2 Pi. de sucre, et l'extrait alcoolique le donne mélangé de glutine, de matière grasse et d’une quantité sensible et très-reconnaissable de sucre de réglisse ; après en avoir purifié quelques grammes, j'ai reconnu qu'il n’agissait pas sur la solution potassique de tartrate de cuivre : il la réduit très-bien, au contraire, si on l'a fait bouillir un instant en présence d'un acide. Ce sucre dévie en outre la lumière polarisée à droite, et, après l’action des acides, la dévie à gauche. Par conséquent , le sucre de son a les caractères optiques ct chimiques du sucre de canne, mais il ne m'a pas été possible de le faire cristalliser. La proportion des sels diffère énormément de celle qui s’ob- serve dans les farines ; deux expériences m'ont fourni les résui- tats suivants : Grammes, pour cent. 1.0 Son, 3,477 Cendres, 0,202 5,80 (*) 2.0 Son, 4,954 Cendres, 0,284 5.63 De sorte qu’en résumant les nombres fournis par l'expérience, je trouve que la composition du son provenant d'un blé tendre indigène récolté en 1848 (Nord), peut se représenter ainsi : Amidon, dextrine, sucre. + . . . 50,0 dti DUCTE DO TÉRMSSE se ne ee + etre T0 D PRRIERRE GIGTERMTOMPAE, URL 4 CA ENS SEE 0 Matière grasse-11eup. 0 72086 110400 356 Higneux. dk 2entoneut- #00 Scr0le09 19,7 SAC MERE ER SRE RT EN DORE PAUSE EU CNT Cu er Res. MO 98,8 1,2 °/o qui manquent dans le dosage doivent apparterit (*) Le son contient ici cinq à six fois autant de sels que la fleur dans laquelle j'ai trouvé 1,02 de cendres; la farine brnte en renfermait 1,76 0%. 3 She tant à des matières incrustantes , résineuses , plus ou moins co- lorées , qu’à certains principes aromatiques , dont j'ai reconnu l'existence à diverses reprises. Ainsi, la matière grasse exhale une odeur qui rappelle l'atmosphère des moulins à farine en pleine activité. Lorsqu'on sature l'acide acétique dilué, dans lequel on a fait digérer du son , la liqueur répand le parfum du miel. La fleur de farine ne produit rien d’analogue. Taddey attribuail celte odeur du miel à la glaïadine, mais ce doit être un principe distinct du gluten et de ses congénères, puisqu'il est propre au son. Je n'insisterai pas davantage sur ces faits d'analyse ; leur con- clusion est simple; elle est forcée : le son est une substance essentiellement alimentaire. Si l'on annoncait tout-à-coup qu'on est parvenu à enrichir la France de plusieurs millions d’hectolitres d’une substance très- alimentaire , sans aucun frais de culture et sans ôter à d’autres productions un seul pouce du sol; si l'on déclarait que cette substance contient plus de gluten que le blé , qu’elle est deux fois plus abondante que lui en matière grasse , et qu’à part 10 °/, de ligneux , le reste de ses principes est très-assimilable, on croirait assister à quelque rêverie. Cette substance existe cependant , elle réside dans le blé, d’où on l’expulse à grands frais. On appauvrit le blé dans son azote, dans sa graisse, dans sa fécule , dans ses sels, dans ses principes aromatiques et sapides , pour se débarrasser de quelques millièmes de ligneux. D'ailleurs est-il conforme aux principes de l'hygiène et de la physiologie d’éloigner de l’estomac de l'homme tout ce qui peut y laisser un résidu ? Le bol alimentaire ne doit-il pas cheminer dans toute la longueur du tube intestinal et porter jusqu’à son extrémité une partie réfractaire ? Si notre régime s'améliore indéfiniment à mesure que nous absorbons d’une manière plus complète les matières ingérées , supprimons le règne végétal ou bien mettons-nous à vivre de l'extrait des plantes. Il n’y a pro- nn — bablement pas de _. qui contienne aussi peu de ligneux que le b'é. Quant à la blancheur que l’on communique au pain en éloi- gnant le son, c’est une qualité purement idéale , dans laquelle on poursuit, par préjugé, l'essence alimentaire du blé C’est dans le fait une élimination très-avancée de son condiment na- turel. Si l'on trouve ces conclusions bien arrêtées, si l’on en appelle à la physiologie , je dirai que celle-ci a déjà fait connaître ses résultats : « Un chien mangeant à discrétion du pain blane » de froment pur, et buvant à volonté de l’eau commune , ne » vit pas au-delà de 50 jours. Un chien mangeant exclusive- ‘» ment du pain bis militaire ou de munition , vit très-bien et sa » santé ne s’altère en aucune facon. » ( Précis élémentaire de physiologie , T.° 2, p. 504, par M. Magendie, 4.° édition, 1836.) En résumé, remoudre finement le son et les gruaux , el les mélanger à la fleur, ou bien perfectionner nos moyens de mou- ture dans une direction précisément opposée à celle qu’on a suivie jusqu'ici , de facon qu'ils donnent du premier coup une farine fine et homogène , tel est le progrès désormais facile à réaliser. On y trouvera immédiatement une conciliation bien précieuse, celle de l'hygiène et de l’économie. APPENDICE. Après avoir terminé la partie chimique de ce travail, en ce qui concerne le son, je me suis assuré qu’il ne conduisait pas simplement à des vues spéculatives. En voici la preuve : Du blé a été moulu sous mes yeux ; les sons, mis à part , ont été re- moulus finement , ajoutés à la farine , et le pain, fabriqué ainsi avec le blé tout entier, était d’une qualité très-remarquable. 11 ne présentait pas les inconvénients du pain fabriqué dans quel- ques localités, en Belgique, par exemple, avec de la farine brute — 36 — non remoulue, Cette expérience, répétée plusieurs fois, a toujours fourni un produit dont les connaisseurs ont apprécié la supériorité sur le pain fait avec de la farine blutée à 8, 10 et même 15 0/0. J'ai recherché également si l’on pouvait espérer de réduire le son à la partie ligneuse du grain , en le reportant plusieurs fois à la meüûle et en le passant ensuite au blutoir. Du son passé ainsi quatre fois à la meüle et au blutoir contenait seulement 2 °/, de plus en ligneux, 11 °/, au lieu de 9. Mais la quantité de gluten s'était élevée en proportion, et le son , qui renfermait après la première mouture 13 °/, de gluten, en renfermait jusqu’à 16 ©, après le 4.° blutage. Il me paraît à peu près impossible d'at- teindre jamais, par des moyens mécaniques , à une séparation complète du ligneux et des parties alimentaires de la farine. NOTE SUR LA PRÉPARATION DE L’AZOTE, Par M. B. CoREnNwiNner, Membre résidant, Séance du 3 mars 1848. La préparation de l'azote dans les laboratoires présente assez d'inconvénients ; de tous les procédés employés , il n’en est au- cun qui permette de l'obtenir rapidement et pur , si ce n’est en prenant beaucoup de précautions ou en employant des appareils assez compliqués. Cette circonstance m'engage à faire connaître le moyen par lequel je prépare en peu d’inslants une quantité abondante de ce gaz, et dans un état de pureté absolu , ainsi que je m'en suis assuré par les expériences rapportées plus loin. Ce moyen est fondé sur la décomposition du nitrite d'ammo- niaque , qui, comme on le sait déjà, se dédouble en azote et en eau sous l'influence de la chaleur ; mais comme ce selest diffi- cile à préparer, je le remplace par un mélange de nitrite de po- tasse alcalin et de chlorhydrate d'ammoniaque , mélange qui contient par conséquent les éléments du nitrite d'ammoniaque et du chlorure de potassium. Pour obtenir le nitrite de potasse dans un état convenable, il faut employer une dissolution de potasse caustique d'une den- sité de 1,38, y faire passer les gaz nitreux provenant de la décomposition de une partie d'amidon par 40 parties d'acide ni- trique , jusqu’à ce qu’on ait obtenu un produit d’une acidité mar- quée , et y ajouter ensuite de la potasse caustique de maniére à le rendre franchement a!calin. (38) Le nitrite ainsi préparé étant susceptible de se conserver sans altération, on peut en faire une provision, et lorsque l’on veut préparer de l’azote, il suffit d'en mélanger un volume avec trois volumes de chlorhydrate d'ammoniaque en dissolution bien concentrée, de chauffer le tout dans un petit ballon avec quel- ques charbons; le dégagement se produit bientôt et continue avec une régularité parfaite. Comme ilest nécessaire, pour avoir du gaz pur, que le nitrite soit alcalin, on conçoit qu'il se dégage en même temps un peu d’ammoniaque , mais ce départ est toujours sans inconvénient ; si l'on veut obtenir de l’azote complètement dépouillé de cet alcali, il suffit de lui faire traverser un flacon contenant un peu d’eau acidulée par de l'acide sulfurique. Voici du reste les expériences qui ne me laissent plus de doute sur la pureté de l’azote ainsi obtenu . 1.° Après l'avoir dépouillé de l’ammoniaque, de la manière indiquée plus haut , j'ai fait arriver le gaz dans une éprouvette contenant un mélange de zinc, d'acide sulfurique et d'eau , en présence par conséquent d’un dégagement d'hydrogène naissant. L'expérience a été continuée pendant assez longtemps , et lorsqu'elle a été terminée je n'ai pas trouvé d'indice d'ammo- niaque dans la dissolution. Le résultat a élé aussi négatif avec du sulfure de fer et de l’açide sulfurique étendu. 2.0 J'ai placé dans un tube de verre à analyse organique un poids déterminé de cuivre réduit récemment par l'hydrogène, et je l'ai soumis pendant une demi-heure environ à l’action d’une température rouge et d'un courant d'azote lavé, el desséché ensuite par de la ponce sulfurique, en prenant bien entendu la précaution de ne chauffer le tube qu'après que tout l'air atmosphérique avait été chassé par le dégagement du gaz. L'ex- périence a.été répélée plusieurs fois , et je n’ai pas observé d'al- tération dans l'aspect extérieur du cuivre ni d'augmentatiun dans son poids. (39 ) SUR LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA MUSIQUE, Par M. Derezenne , Membre résidant, Séance du 1.°r décembre 1848. « La musique est une langue où l’on » semble avoir à dessein multiplié le » désordre et la confusion , sans doute “ afin que les initiés seuls fussent ex » état de l'entendre et de la parler. » Eu 1827, la Société a publié un mémoire sur les valeurs nu- mériques des notes de la gamme. Mon but principal était alors de signaler une erreur capitale faite par Galin et qui détruit les bases sur lesquelles il appuie ses déductions théoriques. Incidem- ment j'en ai signalé une autre très-importante, commune à Galin et à tous les auteurs que j'ai pu consulter; elle consiste dans de fausses règles données partout pour diéser et bémoliser une note. Nulle part je n'ai rencontré l'énoncé de la règle mathématique qui se présente d'elle-même la première fois que l’on compare une gamme à une aufre dont la tonique est la quinte grave ou aiguë de la première. En 1840, M. Paris est venu faire à Lille un cours de musique d'après la méthode de Galin. En réalité, M. Paris n'a conservé de Galin que les principes généraux et le méloplaste; tout le reste lui appartient. C’est un bel ensemble de moyens et de pro (40) cédés très-ingénieux développés avec méthode et une rare habi- leté. J'ai pa remarquer, ct je devais m'y attendre, que, dans les leçons, les erreurs de Galin étaient reproduites, sans taire cepenr- dant quelques-unes des objections qu'elles pouvaient provoquer. C'est ce qui m'a conduit, dans les conversations après les séan- ces, à soumettre mes idées au professeur et à quelques-unes des personnes qu'il avait, comme moi, gracieusement invitées à ses leçons. Je n'ai pas été compris, par ma faute sans doute et aussi parce que, dans les causeries qui se croisent, on n'accorde pas le temps nécessaire à l’entier développement d'une pensée. Je te- naiscependan( à êlreentendu, el j'y tenais, non par amour-propre, mais dans l’exclusif intérêt de la vérité et de l'enseignement. C’est là l'origine de l'écrit qu'on va lire. Je ne l’ai communiqué qu'à M. Paris et à quelques amis. J'entre dans ces détails pour qu'on apprécie bien l'intention et le but d'utilité de ce travail, et aussi dans quel esprit il a été rédigé. Je n’y ai rien ajouté, sauf que:ques notes au bas des pages el un appendice. J'ai lieu de croire qu'il a été de quelque utilité, si j'en juge par deux bro- chures de M. Paris, publiées en 1841 et 4%. Je crois qu'il sera utile à tout lecteur impartial, ami de la vérité et résolu à ne juger que d’après des fails incontestables el non d’après des opinions, des crreurs ou des préjugés accrédités. Je ne me propose rien de plus que de déterminer exactement et de représenter aux yeux la grandeur des intervalles entre les notes de la gamme. Pour atteindre ce but restreint j'ai besoin de recourir à quelques principes élémentaires d'acoustique : je commencerai par leurexposition, que j'abrégerai autant que pos- sible. Lorsqu'on ébranie la surface d’une eau tranquille, en y je- {ant, par exemple, un noyau de cerise, il se forme des ondes circulaires qui fuient le point ébranlé, centre de ces cercles. Si l'ébranlement est continué, les ondes se renouvellent et courent (41) les unes après les autres. Quand l’ébranlement est produit à une profondeur plus ou moins grande au-dessous de la surface, il se forme des ondes sphériques qui se propagent également autour du point ébranlé. Des phénomènes analogues se passent dans l'air lorsqu'il est convenablement ébranlé. Par exemple, heurtez de l’ongle le bord d’un verre à boire, aussitôt toute la masse entrera en vibra- tion, elle sera ébranlée etses vibrations se communiquant à l'air, il se formera dans celui-ci des ondes sphériques aussi multipliées que les mouvements du verre et qui se propageront au loin, les unes à la suite des autres, et avec une telle vitesse uniforme que chacune arrivera, en une seconde de temps, à une distance de 340 mètres autour du point choqué. Si le verre fait, par exemple, 100 mouvements en une seconde, il se formera dans le même temps et successivement, 100 ondes sphériques dont la première qui précède les 99 autres sera arrivée au bout de ce temps d’une seconde, à 340 mètres de distance du point choqué. Depuis ce point choqué jusqu'à la distance de 340 mètres, il y aura donc 100 ondes sphériques ; par conséquent, du bord antérieur, par exemple, de l'une d'elles. au bord antérieur de celle qui la suit ou qui la précède, il y aura une distance de la centième partie de 340 mètres, c'est-à-dire 3 mètres et 40 centimètres. Autre exemple. Quand l’archet ébranle ou met en vibration la grosse corde d’un violoncelle accordé, celle-ci fait 128 oscilla- tions ({) en une seconde de temps ; par conséquent, la distance entre deux ondes conséculives ou la longueur de chaque onde condensée ou raréfiée est la 128.c partie de 340 mètres : c’est 2656 millimètres. La chanterclle mi d’un violon fait 1280 oscilla- tions en une seconde, il y a donc 1280 ondes, (640 condensées et D (1) Ou 64 vibrations, car une vibration se compose de deux oscillations : une allée et une venue , un va et un vient. (42) 640 raréfées) qui se suivent sur une longueur de 340 mètres, et la distance de l’une à l'autre est de 2 mètres, ou 265 millimètres. Ces ondes sphériques produites dans l’air par les vibrations d'un corps élastique ne sont pas visibles comme les ondes circu- laires (les ronds) produites à la surface de l'eau; mais on peut très-facilement en constater l'existence. (1) On recouvre l’ouver- ture d’un verre à boire d'une mince feuille de fin papier. Sur cette membrane collée et tendue on répand une pincée de sable sec. L'agitation de l'air à chaque passage d’une onde, au lieu où est l'instrument, se communique à la membrane et fait sautiller le sable. Quand il y a un rapport simple entre le nombre des vibrations que la membrane peut exécuter en une seconde et le nombre des vibrations exécutées dans le même temps par le corps sonore, le sable s’agite fortement; il disparait de certaines parties et s’accumule sur d’autres en formant une figure régu- lière dépendante de l'acuité du son. On peut obtenir ces figures à plus de quinze mètres de distance en choisissant convenable- ment le sifflet ou la cloche qui produit le son. C'est à peine si l’on peut comparer l'instrument simple et grossier dont nous venons de parler à l'organe de l’ouïe qui est un instrument analogue, mais bien plus délicat, bien plus com- pliqué. La sensation du son résulte des ébranlements rapides et uniformément renouvelés que les diverses parties de l'organe re- coivent des ondes aériennes qui alors s'appellent des ondes so- nores. Pour que l'oreille humaine perçoive un son, il faut qu'un tim- bre, ou une lame vibrante, ou une corde vibrante, ou tout autre (1) Elles ébranlent les vitres de nos croisées quand des tambours passent dans la rue. Êlles ébranlent désagréablement la poitrine quand on est dansle voisinage d'un canon que l'on tire, Elles font vibrer le fond d'un chapeau dont l'ouverture est tournée du côté d’un orchestre, d’un chanteur, d’un tambour, etc.; on sent ces vibrations en touchant légèrement du bout des doigts le fond du chapeau. (4 ; corps sonore quelconque mis en vibration, fasse au moins 32 oscillations en une seconde de temps. Le son très-grave que l’on entend alors est à-peu-près le plus grave que nous puissions ap- précier. Les ondes sonores qui le portent à l'oreille ont une lon- gueur de 0 mètres et 625 millimètres. -Si le corps sonore fait, par exemple, 20.000 oscillations en une seconde, le son perçu est l’un des plus aigus que l'oreille humaine puisse saisir. Il y a alors 20.000 ondes qui se suivent dans une distance de 340 mètres, ce qui fait pour chacune 17 millimètres seulement. Telle est la sensibilité et la perfection de l'oreille humaine, que si deux sons entendus successivement sont donnés l’un par 300 vibrations en une seconde, et l’autre par 301, on reconnait qu'ils ne sont pas identiques et que le dernier est un peu plus aigu que l'autre. Des expériences positives, faciles à répéter , établissent ce fait et tous les précédents, ainsi que les suivants, d'une manière certaine et sans laisser la moindre prise au doute. Ce n’est point dans une simple notice comme celle-ci que l'on doit entrer dans les détails de ces expériences ; il faut en accepter les résullats; mais je le répète, l’inexorable expérience a pro- noncé; l'oreille consultée toujours à seule porté le jugement; il faut se soumettre à ses décisions qui sont souveraines et abso- lues en matière de musique. Je me bornerai donc, dans ce qui vä suivre, à énoncer les faits certains dont j'aurai besoin pour arriver à mon but. J'ajouterai cependant que si l’on veut juger de l'identité ou de la non identité de deux sons, il faut que l'oreille les perçoive alternativement et successivement, car si un certain temps , même fort court, s’écoule entre l'audition de l’un des deux sons et l'audition de l’autre , le souvenir du premier peut être effacé quand on entend le second, et le jugement à porter peut être erroné. I faut de plas opérer sur des sons faibles et peu graves, afin de rendre insensibles les sons harmoniques qui ac- compagnent le son principal. C’est pour n'avoir pas pris ces pré- (44) cautioos indispensables que des expériences, d'ailleurs fort mal faites sous d'autres rapports, ont conduit à des résultats contra- dictoires ou inceriains, soutenus par les uns, combattus par les autres, et qui ont fait naître des disputes déplorables qui subsis- tent encore. On aen musique, pour ce qui lient à la comparai- son des sons, des opinions diverses, tandis que rien n’est plus facile que d’avoir des résultats certains, irrécusables. Ces résul- tats reconnus vrais par l'oreille conduisent à des conséquences également vraies, et ce sont ces conséquences qui dévoilent une foule de vérités qui ne sont exprimées nulle part, et qui, par suite, sont repoussées sans examen par les praticiens, jusqu'à ce qu’on ait eu l'occasion de mettre leur oreille en mesure d’en juger. On voit assez par ce qui précède, et c’est là un point essentiel, qu'un son peut toujours être très-exactement représenté par le nombre de vibrations qui le donne, et comme le nombre des vibrations d'une corde maintenue à un même degré de tension dépend de la longueur de cette corde et luiest inversement pro- porlionnel, un son peut aussi être représenté par la longueur de la corde qui le donne. Enfin, certains sons sont aussi représentés par des mots. Par exemple, si j'appelle ut le son rendu par une corde ten- d‘ie qui fait. je suppose, 128 oscillations par seconde, comme la quatrième corde d’un violoncelle accordé sur le diapason de l'orchestre. je pourrai indifféremment représenter le son ou par le mot ut ou par le nombre 128, ou par 26 pouces qui est la lon- gueur de cette corde depuis le sillet jusqu’au chevalet, ou enfin par les signes usités en musique. Si j'ai à comparer deux sons donnés par les nombres 512 et 768 vibrations, je pourrai substituer à ces nombres leur double ou leur moilié, leur tiers, elc., pourvu que les nombres nou- veaux soient entre eux dans le rapport des premiers. Aïnsi, dans l'exemple ci-dessus, aux nombres 512 et 768 je pourrai sub- stituer leur moilié, 256 et 384, ou leur quart, 128 et 192, ou leur (45) trente-deuxième, 16 et 24, etc. Ou bien enfin on peut représen- ter le plus grave des deux sons par l'unité, et le plus aigu par son rapport au premier + ou 5. Ainsi, au lieu de dire que le plus grave fait 512 vibrations pendant que l’autre en fait 768, on peut dire que le premier fait une seule vibration pendant que l’autre en fait 5 ou uneet demie. C'estce que nous ferons souvent. Je le répète, pour n’avoir plus à y revenir et pour abréger le discours, les faits que j’énoncerai ont tous été donnés par des ex- périences rigoureuses, faites sur des orcilles brutes comme sur des oreilles délicates et exercées. Je repousse (out ce qui n’est qu'opinion, tout ce qui est contestable ; je n'admels que ce qui est reconnu vrai sans hésitation par l'oreille exercée ou complè- tement ignorante. La musique entière, dans son ensemble comme dans ses moindres détails, repose sur un phénomène physiologique des plus intéressants; il consiste en ce que l'oreille est agréablement ou désagréablement affectée par l'audition simultanée de deux sons. L'effet produit par cette simultanéité est d'autant plus agréable que les vibrations qui produisent ces sons, et qui s’exé- cutent dars le même intervalle de temps, ont dans leur nombre des rapports plus simples. Dés que le rapport entre ces nombres se complique un peu, l'oreille blessée repousse cetle association des deux sons. Dans le premier cas ce sont des consonnances, dans le second ce sont des dissonnances. Quand le rapport est le plus simple possible, comme celui de 1 à 1; quand deux sons si- multanés se produisent par le même, exactement le même nom- bre de vibrations dans le méme temps, la consonnance est par- faite, car les deux sons sont identiques. Cependant, l'oreille, tout en jugeant qu'ils sont identiques, reconnait, s’il y a lieu, une différence qui tient au timbre ; elle dit que l'un des sons est plus éclatant ou plus terne que l’autre ; plus aigre ou plus velouté, elc.; mais elle reconnaît parfaitement qu'ils sont donnés par des nombres égaux de vibrations. (41) Lorsque l’un des deux sons est produit par 2 vibrations et l’autre par une seule dans le même (emps, ou, ce qui est la même chose, par 200 vibrations d’un côté et 100 de l’autre, la consonnance est encore parfaite ; le son représenté par 2 est à l'octave aiguë du son représenté par f. Si l'un des deux sons étant toujours 1 l’autre est 4, ou 8, ou 16, ou 32... celui-ci est à la double, à la triple, à la quadruple, à la quintuple..… octave de l’autre. Ces consonnances toujours agréables le sont pourtant d'autant moins que l’un des deux nombres comparés augmente davantage, l’autre étant tou- jours 1. Lorsque deux sons simultanés sont donnés l’un par 2 vibra- tions et l’autre par 3 dans le même temps, ou, ce qui revient au même, par 4et5, ou 1 et 1 1, la consonnance est des plus agréables ; c’est exactement la consonnance d’ut et sol ou l'ac- cord de quinte. L’oreille est excessivement exigeante sur cette consonnance, et il serait facile d’en donner la raison ; elle recon- naît sur-Je-champ la plus légère erreur. Par exemple, si l’un des sons était donné par 200 vibrations et l’autre par 299 ou 301 au lieu de 300, l'oreille, même inexercée, reconnaît que la conson- nance n’est pas parfaite. J'en ai fait l'expérience sur des pay- sans qui, de leur vie, n'avaient eu l’occasion d'entendre d'autre musique que celle du ménétrier de leur village. Ainsi, les deux sons uf et sol sont exactement représentés par les nombres 200 et 300, ou 100 et 150, ou2 et 3, ou 1 et 5, ou 4 et 6, etc. S'il s'agissait de l’ut et du so! le plus grave que peut donner une voix de ténor, les nombres seraient 256 et 384 dont le rapport est toujours celui de 2 à 3. {1) La consonnance de tierce majeure, comme celle ut mi, ou fa (1) L'homme ne peut guère rendre de sons plus graves ou plus aigus que ceux qui répond.nt à 85 et 384 vibrations par seconde, Poux la femme, les limites sont 170 et 1024. (48) la, ou sol si, ou... est exactement, rigoureusement donnée par la simultanéité de deux sons dont les nombres de vibrations sont dans le rapport précis de 4 à 5. Celle des tierces mineures, comme la ut, mi sol, si ré... est donnée de même par des nom- bres de vibrations dans le rapport de 5 à 6. D’autres consonnances, connues et employées en musique, se déduisent des précédentes en portant à l'octave aiguë ou grave l'un des deux sons comparés : je n’ai pas besoin de m'y arrêter pour le but que je me propose. Dès que deux sons ne sont pas dans les rapports simples que nous venons de citer et d'indiquer, leur simultanéité produit un effet désagréable, une dissonnance. Telle est la dissonnance ut ré, ou fa sol, dont le rapport est celui de 8 à 9, etc. Bien que la sensibilité de l’oreille soit très-grande et puisse faire reconnaître une erreur très-minime faite sur l’un des deux sons que l’on compare, elle n’est pourtant pas infinie. Aucune musique, {elle qu’elle est exécutée, ne serait agréable si la déli- catesse de l'oreille était infinie ; cet organe {olère des erreurs as- sez grandes sur des sons qui passent avec vilesse; mais elle est beaucoup moins tolérante quand les sons sont soutenus, parce qu'alors elle a le temps de comparer et de juger. En général, dans la musique pratique, on commet volontairement et pour des raisons que nous ferons connaître, des erreurs fréquentes d'une vibration sur 80, c’est-à-dire qu'on donne et que parfois l'oreille inattentive reçoit comme identiques deux sons dont les nombres de vibrations sont dans le rapport de 80 à 81. Dans la vitesse, ces erreurs passent à-peu-près inaperçues, si elles ne sont pas trop fréquentes ; mais si elles ont lieu sur Ja plus grande partie des notes que l'on fait entendre, soit successive- ment, soit simultanément, l'oreille inquiète ne goûte qu’un plaisir douteux, ou éprouve un véritable dégoût qui commence par l'ennui si elle est exercée et délicate. L'intervalle entre deux sons représentés par les nombres 80 (48) el 81, se nomme comma. Une oreille quelconque reconnait sur- le-champ la non identité de ces deux sons, soit qu’on les fasse entendre simultanément, soit qu'on les produise tour-à-tour et à des époques un peu rapprochées, comme de 2 à 5 secondes. Si les sons de la gamme ut ré mi fa sol la si sont disposés dans l’ordre suivant : fa la ut mi sol si ré ils font ressortir une propriété bien caractéristique et des plus remarquables ; c'est qu’ils sont alors une suite non interrompue de tierces exactes, alternativement majeures + et mineures £. Ce fait n’est contesté par personne. Il n’est d’ailleurs point contes- table, car l'expérience délicatement faite le met en parfaite évi- dence. Toutes les tierces majeures fa la, ut mi, sol si sont parfaitement égales, et les sons qui les donnent sont produits par des nombres de vibrations dans le rapport rigoureux de 4 à 5. De même, les tierces mineures {a ut, mi sol, si ré donnent pour toutes le rapport de 5 à 6. D’où l’on peut conclure, et l’ex- périence directe le prouve d'ailleurs, que les quintes fa ut, ut sol, sol ré donnent toutes le rapport de 4 à 6 ou de 2 à 3. Cette belle propriété de la gamme n’est pas un résultat con- ventionnel ou scientifique, c’est un fait qui a pour unique cause le mode d'organisation de notre oreille. Une autre constitution de cet organe pourrait amener ou le même, ou un autre résultat. L’oreille humaine se plaît à entendre des tierces majeures, des tierces mineures et des quintes ; il était donc tout naturel que les notes fondamentales de toute musique , que les notes de la gamme fussent puisées à une pareille séric. On peut donc définir la gamme : une série de sons qui, se succédant suivant un certain ordre, présente une suite de tierces alternativement majeures et mineures. ( 49) En combinant cette définition avec le fait démontré que les notes ut mi sol sont représentées par les nombres 4, 5, 6 ou 1, % = On détermine par un calcul des plus simples les valeurs des autres notes de la gamme. On trouve ainsi : ut ré mi fa sol la si UT | “4 2 te RARE RO EEEE EEE 8 4 3 9 3 8 ou en multipliant par 24 : 2% 27 30 32. 36 40 45 48. Ainsi, quand une corde de vio!on ou de basse donne à vide un son qu'on peut appeler uf, les À de cette corde donnent rigou- reusement le ré que charte l’expérimentateur exercé. Les quatre cinquièmes de cette même corde font entendre le mi exact. Le fa chanté est exactement aussi reproduit par les trois quarts de la corde, et ainsi des autres. Cette expérience est véritablement superflue, bien qu'éminemment utile comme confirmation, car les nombres ci-dessus sont conclus d’autres expérienèes certai- nes et de faits non contestés. Rien n’est plus facile maintenant que d’avoir la valeur précise, rigoureuse, absolue, des intervalles entre les notes ascendantes de l'échelle diatonique, c'est-à-dire, de la gamme. Il n’y a qu’à diviser la valeur de chaque note par la valeur de la note précé- dente. On aura ainsi : Notes: ut ré mi ER, 01 114 si UT, Intervalles : _ ( 50 ) Faisons quelques remarques. L'intervalle + d'ut à ré est le même que celui du fa au sol et celui du la au si. C'est le plus grand intervalle. On l'appelle ton majeur. L’intervaile “© du ré au mi, le même que du so! au la, étant plus petit se nomme ton mineur. L'intervalle + de mi à fa, ou de si à UT, plus petit que les précédents, s'appelle semi-ton majeur. Cette dénomination est acceptable, comme nous le ferons voir tout-à-l’heure, si elle si- gnifie que 5 est plus grand (majeur) que la moitié du ton ma- jeur ou mineur; elle serait vicieuse si elle signifiait, comme quelques-uns le prétendent, que 1 est la moitié (semi) du ton majeur. Si l’on multiplie + par #? on trouve 4. On voit donc que le ton majeur est plus grand d’un comma que le ton mineur, ou, ce qui revient au même, que l'intervalle d'ut à ré est plus grand d'un comma que l'intervalle de ré à mi. Les calculs ci-dessus sont d’une telle simplicité qu’ils ne peu- vent embarrasser personne ; mais s'ils parlent à l'esprit, ils ne disent rien aux yeux; ils disent bien quels sont les degrés suc- cessifs de l'échelle diatonique; mais ils ne les rendent pas sensi- bles, ils ne font point image. Pour avoir une représentation ma- térielle de la marche ascendante des notes de la gamme majeure, il faut, sur une règle couverte d’un papier, tracer des lignes pa- rallèles également espacées, et poser les mots ut re mi fa sol la si UT sur les échelons convenables de cette espèce d'échelle. Mais il faut calculer la position spéciale de ces échelons ; or, lors même que ces échelons seraient distants d’un millimètre et que la règle serait très-longue, de plusieurs mètres, par exemple, on trouve par le calcul que très-peu de notes se trouveraient placées exactement sur un trait ou échelon. Il y a nécessité pour (51) en venir à l'exécution, de consentir à quelques pelites erreurs qu'on peut d’ailleurs rendre aus:i petites qu'on voudra. (1) Je n’exposerai point ici à quelle combinaison de calcul, d’ail- leurs un peu compliquée, il faut soumettre les valeurs des notes de la gamme pour arriver à la construction de cette échelle; il me suffira d’avertir que les nombres que je vais employer seront quelque peu erronés, parce que j'ai voulu éviter les fractions, n'employer que des nombres entiers; mais je dois m'empresser d'ajouter qu'aucune erreur ainsi volontairement commise ne sera assez grande sur les sons pour être appréciable par l'oreille la plus délicate, la mieux exercée. C'est plus qu'il n’en faut pour avoir pleine et entière confiance dans les résultats. Tracez donc sur la règle (fig. 2 et 3) 559 traits cistants l’un de l’autre de un millimètre. Dix de ces traits représenteront un comma, et chaque millimètre un dixième de comma. Sur le pre- mier trait ou échelon inférieur placez l’ut tonique. Placez l'UT oclave sur le 559.2 ou dernier trait. Il faut ensuite placer le ré sur le 95.° échelon. En partant du ré il faut placer le mi sur le 85.e échelon ou degré, ce qui revient à le placer sur le 1£0.° en partant de la base de l'échelle où l’on a placé l’ut de départ. I faut monter ensuite de 52 degrés au-dessus de mt pour arriver au fa, puis successivement de 95, 85, 95 et 52 pour arriver au sol, au la, au siet à l’UT octave aiguë de la tonique. De l'ut au ré il y a donc 95 degrés ou échelons comme du fa au sol et du la au si. C’est le ton majeur de 9 commas et demi. Il n’y a que 85 degrés ou 8 commas et demi du ré au mi, comme du so! au la; c'est le ton mineur. 11 y en a 52 seulement du mi au fa comme du si à l'UT. C’est le semi-ton majeur. (1) On peut les réduire, par exemple, aïl’épaisseur d’un cheveu sur une lon- gueur de plusieurs poutés, on a une vibration sur plus de mille. Notes : ut ré mi fa sol la si UT Numéros 9 95 180 932 327 412 507 559 des échelons : Différences : = _ rs 95 85 RD GET NET NO EIRE TS ou intervalles : On voit donc que : 1.0 Le ton majeur 95 est plus grand de dix degrés que le ton mineur 85. Ces dix degrés font juste la valeur du comma. 2.0 Le semi-ton majeur 52 est plus grand que la moitié 47 1,2 du ton majeur 95, et à plus forte raison que la moitié 42 1/2 du ton mineur 85. Au moyen de cette échelle matérielle et des nombres qui l'ont fournie, il est facile de déterminer la valeur des sons d’une gamme majeure qui aurait pour tonique l'une quelconque des no- les dites naturelles de la gamme d’ut. Pour que l'opération soit la plus simple possible, nous prendrons pour tonique de la nou- velle gamme, le sol ou la quinte aiguë de l’ancienne tonique ut. Nous construirons donc (fig. 1) une échelle de 559 échelons espacés d’un millimètre sur une nouvelle règle. Nous marque- rons d’un point provisoire les traits sur lesquels nous placerions les notes de la gamme si la tonique était encore ut, et nous cher- cherons quelles sont les véritables notes successives qui doivent remplacer les points provisoires. Opérons. Il faut d’abord écrire so! sur le premier échelon, et son octave aiguë SOL sur le dernier. De la tonique sol à la sous-médiante il doit y avoir un ton ma- jeur 95; si cet intervalle eût été d'un ton mineur 85 comme du sol au la de la gamme d'ut, la sous-médiante que nous cherchons eût été un la. Cette sous-médiante n'est donc pas le Za de la gamme d'ut, c'est une nole plus aiguë d’un comma. Comme elle diffère peu du /a naturel, c'est-à-dire du {a de la gamme d'ut, nous l’appellerons encore la pour ne pas multiplier les noms; (58 ) mais pour éviter la confusion nous écrivons la‘, afin d'indiquer que c’est un la naturel élevé d'un comma ou de 10 échelons. Nous nous réservons d'examiner plus tard si la différence que nous venons de signaler se fait sentir en musique et quelle est son influence. De la sous-médiante /a° à la médiante il doit y avoir un ton mineur 85, comme du ré au mi de la gamme d'uf. Or, du luf au siil n’y a que 85 degrés puisqu'il y en a 95 du la naturel au si. Donc la médiante de la gamme de sol est exactement un si. De cette médiante si à la sous-dominante il doit y avoir un semi-{on majeur, ou 52 degrés, comme du mi au fa de la gamme d'ut. Or, il y a aussi 52 degrés du si à l'UT. Donc la sous-domi- nante de la gamme de sol est exactement un ut. C’est F'UT de la gamme d’uf. Une démorstration toute pareïlle fera voir que la dominante de notre nouvelle gamme est exactement un RÉ, octave du ré naturel de la gamme d’ut. La sous-sensible est exactement aussi un MI. La sensible qui nous reste à découvrir, doit être à un semi-ton majeur AU-DESSOUS de l'octave aiguë SOL de la tonique so/. Il faut la placer à 52 échelons au-dessous du SOL. Mais dans la gamme d'ut il n’y a aucun son à cette distance-là au-dessous du sol. La note la plus voisine est un fu éloigné de 95 échelons au lieu de 52. Donc la sensible de la gamme de so/ est un son nou- veau qui diffère beaucoup de tous ceux de la gamme d’ut et au- quel il faut par conséquent donner un nom. On l'appelle fe dans la méthode de Galin modifiée par M. Paris. Dans l’enseignement usuel de la musique on l'appelle fa dièse et on l'écrit sur la portée à la place même qu’occuperait le fa naturel. On l'écrit avec le si- gae * pour ne pas le confondre avec le fa de la gamme d'ut. Une note diésée peut toujours être considérée, quant à sa va- leur numérique, comme sensible de celle qui la suit dans l'ordre diatonique, si cetté note suivante est à l’état naturel. (54) On voit par là que, pour diéser une note, il faut ABAïSSER d'un semi-ton majeur celle qui la suit dans l'ordre diatonique, c'est-à- dire, dans l'ordre des sons de la gamme. Beaucoup de musiciens qui s'occupent de théorie et d'autres qui se bornent à la pratique, font ici la même erreur. Cette er- reur csl si grave qu'elle les conduit à une foule d’autres qui amè- nentenfin le désordre, le gächis, là où règnent véritablement l'or- dre et la symétrie. Ils disent que, pour diéser une note, il faut l'élever d'un semi-ton majeur. Cela est faux. Cela serait vrai si les tons’entiers de la gamme étaient égaux et doubles du semi-ton, comme dans la gamme tempérée (fig. 4) dont nous paor- lerons. H est faux que pour aller du fa au son nommé fu* il faille élever fa d'un semi-ton majeur. Le fa’, ou plus exactement la sensible du SOL, se détermine rigoureusement en abaissant ceson SCL d'un semi-ton majeur, par la raison loufe niaise que la sen- sible est au-dessous de l'octave de la tonique d'un semi-ton ma- eur: par la raison tout aussi simple encore que, puisqu'il faut s'élever d’un semi-ton majeur au-dessus de la sensible pour arriver à l’oclave de la tonique, on doit descendre de celle-ci d'un demi-ton majeur pour trouver la sensible. Or, que cher- chons-nous ici? Évidemment la sensible du SOL, et pour dé- terminer celte sensible qu'on à eu le caprice de nommer fa’, il faut descendre au-dessous de SOL d'un semi-ton majeur. La gamme de so! semblable à la gamme d'ut est donc SOIN IAE Soi DRE PPT AU NA SOLS Ces no!es écrites dans l’ordre suivant ut Æ/mt, 1501, St ré. fa. doiveni présenter et préseutent, en effet, une série de tierces al- ternalivement m:jeures et m'neures commencant par une tierce majeure. (55) Cette belle propriété qui rend toutes les notes d’une gamme solidaires les unes des autres, est le caractère essentiel auquel on reconnait si des notes offertes comme composant une gsmme majeure, sont pures ou entachées de quelque erreur plus ou moins minime, La prétendue gamme majeure des musiciens : SDHC a CS Cut 0ré mi fa | SOL n'est point exacle ; le la, puisé sans modification dans la gamme d'ut, n'appartient pas et ne peut appartenir à la gamme de so!, parce qu'il est trop bas d’un comma pour faire une tierce mi peure avec fa’, ou une tierce majeure avec uf, ou une quinle avec ré, etc. Il faut absolument un {a élevé d'un comma pour former la sous-médiante de la gamme de so/. Nous reconnai- trons plus loin, par une expérience directe, l’existence réelle et nécessaire de ce /a° ignoré des praticiens et des chanteurs, bien que ceux-ci l’entonnent exactement saus le savoir. De la seule inspection des gammes d’ut et de so! comparées, nous pouvons déduire une règle pour former toutes les gammes majeures ayant successivement pour tonique la dominante de la gamme que l’on quitte. Ecrivez les notes diatoniques de la nouvelle gamme comme elles se succèdent dans la gamme que vous quittez, mais en par- tant de la dominante de celle-ci. Élevez d’un comma la seconde des notes ainsi écrites et affectez d’un dièse la septième, vous aurez la gamme nouvelle. La gamme d’ut élant : ut ré mi fa sol la si UXe, pour arriver à celle de so!, j'écris : (56) sol la si ut ré mi fa SOL puis j'élève la seconde d’un comma et j'affecte la septième d'un dièse, J'ai ainsi : sol la os; ut ré mi fa* SOL. Pour pasier à la gamme de ré, j'écris : re mi fa sol lac si ut RÈ ce qui me conduil à : ré mit fa: sol lac si ut: RÉ Pour arriver à la gamme de la, j'écris : lac si ut* ré mic fa: sol LAc d'où je tire : lac sic ul® ré mi fa: sol LAC Dans celte gamme, ul*, fa* el sol* sont les notes sensibles de ré, de sol et de LA. Si l'on veut que cette gamme sit en /a naturel et non en {a°, il faut abaisser tous les sons d’un comma, ce qui laissera subsister entre eux les mêmes rapports On écrira donc : la si ut, rée mi fre soÏ* LA Je me dispense d'écrire le signe « du coinna qui abaisse la (57) note sensible de la gamme de la°; maïs il ne faudra pas oublier que le nouveau sol est la sensible de LA et non plus de LA. Dans cette gamme, ut*, et fa”, sont les notes sensibles de ré, et sols. Pour avoir la gamme de mi, on écrira d’abord : mi fa. sol* RAR Ut" DFE 7: NL d'où l’on conclura : mi Et sol la si ut”, ré® M! La seplième note devant être la sensible de la huitième MI, j'écris ré* et non ré“. En passant par les mêmes détails, on trouvera pour ia gemme de si : DEN US TE mi. fa -50b,, 14 SI , pour celle de fa : soft, TA RSSSI: ul ro, ‘Ml FA et ainsi de suite. Le comma qui élève ou qui abaïsse certaines notes des gam- mes ci-dessus, sera justifié pour tous s’il l’est pour le af de la gamme de sol. Si ce comma était un si petit intervalle qu'il fût insensible à l'oreille, il faudrait s’en tenir aux démonstrations rigoureuses déjà données; mais comme il es! t:ès-facilement saisissable par une oreille même inexercée, mais un peu attentive, i! peut être utile d'en rendre l'existence évidente par une expérience des plus simples. (58) Nous avons dit combien l'oreille est exigeante sur la conson- nonce de quinte, tandis que dans d’autres cas elle tolère de pe- tites erreurs dont elle ne s'aperçoit qu’alors qu'elle est très- délicate et très-attentive. La production simultanée de deux sons à la quinte l’un de l'autre, ou dont les nombres de vibrations sont exactement dans le rapport de 2 à 3, engendre un nouveau son à l’octave au-dessous du plus grave , de sorte qu’on entend le mélange des trois sons 1 , 2 et 3. Dès que les deux sons ne sont pas rigoureuse- ment dans le rapport de 2 à 3, le son résultant 1 ne se produit pas, son absence fait juger que la quinte n'est pas juste. Cette propriété est peut-être la principale et la meilleure raison à donner du choix qu'on a fait de la quinte pour accorder les instruments. Si donc un violoncelle a èté accordé avec soin, on peut-être sûr que la 4me corde sonnera l'ut, la 3e le s0/, la seconde le ré, el la première le Za° , et non le La naturel , malgré l'opinion universelle, car le ré, étant ? quand l'ut est 1, la quinte juste de ce ré sera = x 5 ou :7, ou £ xt, c’est-à-dire, un {« et non un la. Reste donc à vérifier par l'audition si la chanterelle à vide est ou non l'octave aiguë du {a appartenant à la gamme d'ut jouée sur la 4me corde. On joue donc cette gamme d'’ut sur la 4.m° corde en même tems qu'on chante cette gamme avec tout lesoin possible. Arrivé au la, on le compare au son donné par la chanterelle à vide et l’on recon- pait sur-le-champ que ce dernier son est sensiblement, et à n’en poin! douter, plus aigu que l’octave aiguë du La faisant partie de la gamme d'ut. Au lieu de s'arrêter au premier la sur la qua- trième corde on peut achever la gamme et continuer jusqu'au /a de la gamme suivante. Ce la est reconnu avec certitude , et dès la première expérience , plus grave que le son de la chanterelle à vide. Autre vérification, On fait vibrer la troisième corde du violon- ( 59 ) celle, elle donne un s02 qui est bien la quinte de l'ut. Tout jouant sol, sol, sol, sol... sur cette corde, on chante à l'unisson en prononçant ut, ut, ut, ut... Partant de là on joue une gamme tandis qu'on chante ut, rè, mi, fa, sol, la, si, UT, RÉ. Ce RÉ n’est réellement que le {af de la gamme du so! , et en effet, ce son comparé à celui de la chanterelle à vide lui est parfaite- ment identique. En faisant ces expériences on prendra la précaution déjà recom mandée d'opérer sur des sons faibles pour éviter la production des sons harmoniques qui par leur mélange avec le son principal, rendraient l'appréciation moins sûre. Je ne m'arrête pas à décrire les expériences faites dans la vue de vérifier de même l’existence des commas rencontrés ci-dessus et de ous ceux qu’on rencontrerait encore soit en continuant la formation des diverses gammes, soit par d'autres opérations correspondantes à des faits musicaux. Je répète que ces expé- riences ne sont utiles que pour ceux qui ne se rendent à la vé- rité qu'après avoir été accablés de preuves intellectuelles et matérielles. 1 faut donc nier bravement les faits pour se refuser à admet- tre les différences d’un comma que nous avons signalées et dont les maitres de musique ignorent d’ailleurs l'existence bieu qu'ils en liennent compte sans le savoir dès qu'ils chantent en ut et que passant au ton de so/, ils ont à donner l'intonation de la sous-médiante. Ce n’est point un /a qu'ils chantent alors, c'est exactement un /a° qu’ils chantent sans le savoir et sans le vouloir ; car je suppose, et il faut admettre , qu'ils sont en état de chanter une gamme avec précision. Je n'insiste pas davantage pour le moment sur cette matiére, j'y reviendrai. Formons maintenänt une gamme majeure ayant pour {onique la quinte fa, au-dessus d'ut. Ecrivons fa au bas et FA «u baut de l'échelle faite toujours de 559 échelons. Au 95"° échelon on ( 60 ) peut écrire so/, parce que de uf à ré il y a aussi 95 degrés. Du ré au mi dans la gamme d'uf il y a un ton mineur de 85 degrés et aussi 85 degrés du so! au la. Donc la médiante de la gamme de fa est exactement un la naturel. De mi à fa dans la gamme d'util y a 52 échelons ou un semi-ton majeur, il faut donc nous élever de 52 degrés au-dessus de la médiante /a pour avoir la sous-dominante de la gamme de fa. Mais dans la gamme d’ut la note immédiatement au-dessus du {a est un si éloigné de 95 degrés et non de 52. Donc, dans la gamme de fa , la sous-médiante est un son nouveau , plus aigu que la, plus grave que si. Dans l’usa- ge ce son s'appelle si bémol. On l'écrit sur la portée à la place qu'occuperait le si naturel et pour l'en distinguer on lui affecte le signe, , 5%. Pour bémoliser une note, AuGmeNTEz de 52 échelons, ou d'un semi-ton majeur , celle qui la précède dans la gamme dont elle fait partie. Des théoriciens et des praticiens prétendent que pour bémo- liser une note il faut l'abaisser d'un semi-ton majeur, et que pour la diéser il faut l’élever d’un semi-ton majeur. Cela est faux en principe et en résultat. Cette règle serait exacte si les tons entiers de la gamme étaient égaux et doubles du semi-ton. La sous dominante de la gamme de fa doit être d'un semi-ton majeur au-dessus de la médiante {a ; d’un semi-ton majeur, parce que la sous-dominante fa de la gamme d'uf est au-dessus de la médiante mi d’un semi-ton majeur. Rien au monde n'est plus simple que cela et pourtant que fait-on? Au lieu d'élever le {a d’un semi-ton majeur, on abaisse le si de ce semi-{on. Cette erreur vient de ce que l'on donne le nom de sé à la nouvelle note, avec l’indica- tion , du bémol. De même l'erreur faite sur le fa* vient de ce qu'on a mal-à-propos conservé le mot fa. Cette confusion prove- naut des mots est sagement évitée dans la méthode de M Paris, où les choses différentes portent des noms différents, Il y a cela de singulier et de très-remarquable , c'est que cette (61) règle donnée pour obtenir une note diésée conduit droit à une note bémolisée, et que suivie pour bémoliser elle conduit droit aussi à une note diésée. Qu'on s'étonne aprés cela des plaisantes discussions encore vivantes sur la confusion ou la non-confusion du dièse et du bémol insérés entre deux notes qui différent d'un ton! Beaucoup d'auteurs, par exemple Grétry, prenant à la let- tre l'expression semi-ton, vous disent, sans hésiter , que ut** (ut double diése) se confond avec ré, que ut***** se confond avec fa etc., etc. Cela n’est vrai que dans le système du tempérament égal (1). Les quatre premières notes de la gamme majeure du fa sont donc : fa sol la sis. Pour aller plus loia il faut s'élever d’un ton majeur , ou de 95 degrés au-dessus de si, parce qu'il y a cet intervalle du fa au sol dans la gamme d'ut. Or du si, au si naturel il y a déjà 43 degrés puisque 52 et 43 font 95. Mais comme du si naturel à ut naturel il y a loujours 52 degrés , et que 43 de si, à si et 52 de si à ut font 95 ainsi que du fa au so! dans la gamme d’ut , il s'ensuit que la dominante de la gamme de fa est un ut exact. Du sol au la dans la gamme d'ut il y a 85 degrés ou un ton mineur, il nous faut donc aussi 85 degrés de notre dominante ut à la sous-sensible. Mais il y en a 95 de l’uf au ré ; on voit donc que le ré naturel est trop aigu de 10 degrés, ou d’un comma, pour être la sous-sensible de la gamme majeure de fa. Nous représen(erons par ré, celte sous-sensible plus grave d’un com- ma que le ré naturel. Pour aller à la note sensible il faut nous élever de 95 échelons (1) Dans l’appendice je donnerai une méthode pour caleuler avec exactitude la valeur d’une note quelconque diésée ou bémolisée autant de fois qu'on voudra, (62) coume du la au si de la gamme d’ut. Or du ré naturel au mil y à 85 degrés : il y en aura donc 95 du ré. au mi. Donc mi est exactement la note sensible de la gamme de fa ; et puisque de mi à fa il y a 52 degrés comme de si à ut, toutes les conditions sont remplies. La gamme majeure du fa est donc : fa ‘sol ‘la 2/0" ot ré ‘mi FR En comparant cette gamme de fa à celle d’ut on verra que pour passer à celle de si, qui est la quinte grave de la tonique FA, il faut écrire if CR PUR IT OR SOL. intel puis affecter la quatrième note mi d'un bémol et abaisser la sixième d’un comma. On aura ainsi sn of" © ré,./0 oi, 2ifau - so) EE «18ES Mais comme l'intervalle de la troisième ré, à la quatrième doit être un semi-ton majeur, comme de mi à fa dans la gamme d'ut , il faut écrire mi... On aura donc pour la gamme définitive de si, dis US és Volet EAU OU SES re SR Pour passer de cette gamme de si, à celle de la quinte grave Mic, ON éCrira : mie oe neo 81 Out su Réce lle ( 63 ) puis on affectera d’un bémol la quatrième note et l’on abaissera la sixième d'un comma. On trouvera ainsi : D CO sol "ST MI Élevant alors toutes les notes d’un comma , il viendra : mu Cia sol, Ja ‘sic, eut , ré ME Mais comme l'intervalle de la troisième s0/ à la quatrième doit être d’un semi-ton majeur, j'ai écrit /a, et non laf. On trouvera de même pour la gamme de /a, la. ss uit. drénauml. far : sol... LA: Je ne crois pas devoir pousser plus loin cette facile opération qui conduit à la formation de toutes les gammes majeures con- tenant des dièses ou des bémols. Proposons-nous maintenant d'insérer une note diésée et une note bémolisée entre deux notes qui se suivent dans une gamme. Precons pour exemples la gamme d’ut de la figure 3. Pour insérer un dièse entre la médiante mi et la sous-domi- nante fa , il faut DESCENDRE de 52 degrés au-dessous de la sous- dominante. Cela nous fait tomber juste sur la médiante mi. Pour insérer un bémol, il faut s'écever de 52 degrés au-dessus de la médiante mi, cela nous fait tomber juste sur la sous-domi- nanle fa. Même opération el même résultat si les deux notes données sont la sensible et l’octave aiguë de la tonique. Il n’y a donc jamais de note diésée ou bémolisée entre deux notes qui, dans une gamme . différent d’un semi-lon majeur. (64) Pour les intervalles d'un ton majeur ou mineur on opère de même; on descend de 52 degrés au-dessous de la plus aiguë des deux notes consécutives pour avoir le dièse de la plus grave, el l’on monte de 52 degrés au-dessus de la plus grave pour avoir le bémol de la plus aiguë. Cette règle sans exception n’est que l'application de ce qui a été amplement démontré dans ce qui précède; elle montre aux yeux , snr la règie en bois divisée en échelons, la place des notes diésées et bémolisées. Pour mieux fixer les idées, nous ferons l'opération sur la fig. 3, où l'on a écrit aux places convenables, les notes de la gamme d'ut. Opérons d'abord entre Île réet le mi dont l'intervalle est de 85 degrés ou d’un ton mineur. Pour avoir le ré* il faut descen- dre de 52 degrés au-dessous de mi. Il en restera donc 33 du ré au ré. Pour avoir le mi, , il faut monter de 52 degrés au-dessus de ré; il y en aura donc 19 de ré* à mi, , car 33 et 19 font 52; et ily en aura 33 du mi, au mi naturel. Le ré* et le mi, ne se confondent pas parce que le semi-ton majeur 52 est plus grand que la moitié 42 £ du ton mineur 85. L'ordre ascendant est donc : ré ré* mi, mi Les intervalles sont : 353 19 33 Sans répéter les mêmes détails, on voit de suite, en s'aidant de la fig. 3, que si l'intervalle entre deux notes est d’un ton majeur 95, comme utré, l'ordre ascendant est ut ut* ré, ré Les intervalles sont : 43 9 43 L'intervalle de ré* à mr, est plus grand que celui de ut* à ré, (65) et la différence est de 10 degrés ou un comma , parce qu'elle existe entre le ton majeur et le ton mineur. L'intervalle 19 de ré* à mi, est, à un degré près, de deux commas , près d'un quart de ton ; il est très-sensible à l'oreille qui ne tolère pas de si grandes différences entre le son qu'on lui donne et celui qu’elle attend. D'après la règle donnée par tradition dans tous les traités de physique, pour insérer un dièse et un bémol entre deux notes qui se suivent diatoniquement , il faudrait multiplier la plus grave par £+ (1) pour la diéser et diviser la plus aiguë par + ou la multiplier par + pour la bémoliser. Cette règle est rigoureusement exacte quand l'intervalle des deux notes est un ton mineur {2 comme de ré à mi, sh sol à la; elle est fausse quand l'inter valle est d’un ton majeur +, comme d'ut à ré; car le facteur à employer alors devrait être 55. Cette règle est bien La fausse encore quand l'iitétvaité pr d’un semi-ton majeur + comme de mi à fa, de si à ut, car en la sui- vant on trouverait un dièse et un bémol entre-deux notes qui diffèrent d’un semi-{on majeur. J'ai suivi cette fausse règle dans la fig. 2 qui, rapprochée de la fig. 3, rend les erreurs sensibles aux yeux. Quand une erreur est ancienne, quand elleest propagée par des savants qui l’acceptent sans examen et la répètent de confiance. elle s'enracine si profondément dans les esprits qu'il n’est plus possible de l’extirper, à moins que ces savants cux-mêmes ne la reconnaissent ; encore faut-il qu'ils la signalent pendant long- [sa (66) temps avant qu’elle disparaisse de l’enseignement. Plus une er- reur est ancienne et répandue, moins elle est respectable à mes yeux , car elle est alors devenue tyrannique. Selon l’autre fausse règle citée plus haut, pour diéser un mi il faut l’élever d’un semi-ton majeur : cela conduit au fa. Pour bémoliser un fa il faut, selon cette règle , l'abaisser d'un semi_ ton majeur : cela conduit au mi. Cette règle fausse montre, comme la véritable , qu’il n'y a ni dièse ni bémol à insérer entre deux notes qui diffèrent d'un semi-lon majeur ; mais la fausse ou la vraie règle ne sert à rien ici, elle n’est point appliquée.Que l’on applique la fausse règle à la fig. 3 , et l’on verra qu'elle fait placer le dièse là où doit être le bémol et le bémol à la place que doit occuper le dièse. Ceux qui ont pris cette règle à la lettre sans faire attention qu’une note diésée peut être consi- dérée , quant à sa valeur numérique , comme une sensible , et qu'une note bémolisée doit être à la note qui précède diatoni- quemeni ce que la sous-dominante est à la médiante , ont forcé- ment été conduits à prendre le dièse pour le bémol et le bémol pour le dièse; ils ont donc déclaré que l’ordre d’acuité était : ut ré, ut* ré (1) D'auires qui n'ont pas pris la peine d'examiner la question, ayant à choisir entre deux fausses règles donnant des résultats opposés, sont venus dans les dispules se poser en médiateurs et ils ont déclaré que le vrai était au juste milieu ; ils ont décidé, ceux-là, que ut: ei ré, étaient indentiques. Bravo! se sont écriés les pianistes , les violonistes d'orchestre , voilà la vraie vérité, à preuve que nous faisons toujours ut* comme ré, , et comme la pratique est chose noble et sûre, lui seul a raison qui pense comme nous agissons. — 0 (1) Je reviendrai, dans l’appendice , sur la cause de c:tte erreur. (67 ) Les premiers, trompés par une langue mal faite, ont été dupes des mots. Les derniers sont dupes d’une routine d'orchestre né- cessité par la structure des instruments (1), Passons à la formation des gammes mineures. Si d’une suite indéfinie de tierces alternativement majeures et mineures on extrait sept notes conséculives dont les deux premières font une tierce majeure , elles appartiendront à une gamme majeure ayant pour tonique la troisième de ces notes ou la-quinte de la première. C'est là la véritable origine de la gamme majeure. De même, si de cette suite indéfinies de lierces alternative- ment majeures et mineures on extrait sept notes conséculives dont les deux premières font un tierce mineure, elles appartien- dront à une gamme mineure ayant pour tonique la troisième de ces notes ou la quinte de la première. C’est là l’origine de la gamme mineure. Les notes consécutives : Tee 0 1a- OT . M SOI Si qui remplissent la condition ci-dessus sont donc celles de la gamme mineure de la , savoir : la si ut ré mi fa sol LA (2) Les intervalles sont : 95 52 85 95 52095 185 : (1) Adressez-vous à des amateurs distingués qui jouent ja musique de chambre et qui disent ne pas confondre le dièse d’une note avec le bémol de la note sui- vante, Priez-les de: faire sous vos yeux successivement las et si,, par exemple, et vous verrez que les uns font le dièse plus grave que le bémol et les autres pré- cisément le contraire. (2) La gamme mineure généralement admise est fausse, il faut absolument un ré. et non un ré, ( 68 ) Au moyen de ces nombres on peut de suite marquer sur une échelle de 559 degrés les places de ces notes et avoir ainsi une représentalion matérielle des intervalles entre les notes de toutes les gammes mineures. (Voyez la fig. 5.) Formons actuellement la gamme mineure qui aura pour toni- que la quinte aiguë mi de la tonique /a. De la tonique mi au fa il y a 52 degrés. Or du fa au fa* il y en à 43, car il y en a 95 du fa au so/ et il faut en retrancher 52. La seconde note est donc fa’; les notes suivantes se calculent aisé- ment et l’on a enfin : mi fa” sol la si ut ré MI cette gamme comparée à celle de /a conduit à la règle suivante : Pour passer d’une gamme mineure à une autre qui ait pour tonique la quinte aiguë de la première tonique, il faut écrire dans l'ordre diatonique les notes de la gamme que l’on quitte, puis diéser la seconde et élever la septième d’un comma. D'après cette règle la gamme mineur de s; sera : si ut: ré mi fa* sol la° SI. Celle du fa* sera : fa* sole lac si ul“ ré mi° FA“. l'intervalle du s0/ dièse au {a est d'un semi-(on majeur; donc, pour que l'intervalle de la seconde note de cette gamme à la troisième la° soit aussi d’un semi-ton majeur , il faut écrire sol*° et non sol. La gamme dut’ est BEM rer" mi far) sole . lac à si UT®. el ainsi de suite. Les mêmes considérations conduiront facilement , sans que je m'y arrête, à la formation des gammes mineures contenant des bémols , en partant de la gamme type. Les dièses et les bémols à insérer entre les notes de ces gam- mes mineures sont nécessairement déterminés comme pour les gammes majeures. Voici un tableau des gammes usitées en musique : sol* ré* ut? sol:£ ré’° la“ mi (70 ) Gammes en mode majeur. la, si}, fai. sol ut.* sol* ul, sol, ré, sol:£ ré, Tage Mic si, sol: sol si’ fase ut**c (71) (Gammes en mode mineur. fa, sol ut* sol*c ré?c sol, la, mi, si,° sol Siyy fa, ut,° sol, re, la, sol ut sol*© ré*£ lac RE, SOL (72) Les gammes en regard inscrites sur la même ligne horizontale de ce tableau contiennent les mêmes notes, abstraction faites des commas. Ce sont les gammes relatives. On remarquera aussi qu’une gamme quelconque et celle qui, dans le même mode, la précède ou la suit, sont composées des mêmes notes sauf une Quand on quitte l’une quelconque de ces gammes, c’est-à- dire, quand on cesse d'en faire entendre exclusivement les sons, l’orcille exige que la nouvelle gamme ait la plupart de ses sons communs avec celle que l’on quitte. C’est ce qu'on fait, par exemple, quand on passe à la gamme relative où à l’une des deux entre lesquelles se trouve la gamme abandonnée. Dans le premier cas on change de mode , on module : dans le second cas on change de ton. Ceux qui ont quelque habitude du calcul des fractions trou- veront facilement les valeurs numériques de toutes les notes du tableau précédent. I! suffira pour cela de multiplier continuelle- ment par 5 les valeurs des notes des gammes types. On aura ainsi les gammes majeures et mineures dans lesquelles il entre des dièses. En les divisant continuellement, au contraire, par 5 ,ouen les multipliant par ?, on aura les gammes dans les- quelles il entre des bémols. Si l’on a soin, dans ces calculs, de faire les réductions convenables et de laisser en évidence les facteurs principaux , on pourra lire dans les résultats les noms des notes et retrouver ainsi toutes celles du tableau, ou recon- naitre les erreurs qui peuvent s’y trouver. En opérant ainsi on reconnaitra facilement que toute note quelconque a pour valeur une quantité de la forme (=: 16 \? 8i \r 5 Cine nr a ; Fe étant la valeur de la note naturelle et les fractions 1 1 2 Ro pouvant être renversées. (73 ) Les numérateurs et les dénominateurs de ces trois fractions étant toujours décomposables en quelques-uns des facteurs 2, 3 et 5, il s'ensuit qu'avec les logarithmes de 2, de 3 et de 5, pris dans une table à base quelconque , on peut calculer loutes les notes et tous les intervalles usités en musique. Nous avons vu que les nombres des vibrations exécutées dans le même tems par les sons ut et mi de la tierce majeure, sont exactement dans le rapport très-simple de 4 à 5; que le rap- port pour la tierce mineure de mi à sol est celui de 5 à 6, et qu'enfin le rapport d'ut à so! pour la quinte, est celui, très- simple aussi, de 4 à 6 ou de 2 à 3. Telle est Ja disposition physiologique des organes de l'ouïe et de la voix , que ces notes ut, mi, sol s'entonnent successivement sans aucune difficulté et se perçoivent de même. Entendues simultanément deux à deux ou les trois ensemble elles sont consonnantes, c'est-à-dire, que celte successivité comme cette simultanéité plait beaucoup à l'oreille. .Ce n’est pas ici qu’il convient d'expliquer, en partant de cette remarque, comment et pourquoi il se fait que dans les exercices de vocalisation le ré et le si s'entonnent avec moins de sûreté, surtout quand l'intervalle à franchir pour y arri- ver est un peu grand; je veux seulement tirer de ce fait connu la conséquence qu'il faut de la part du professeur de l'habileté pour amener en peu de temps les élèves novices à franchir sans hésitation ces intervalles difficiles. Quand ils s’y essaient el qu'ils donnent une fausse intonnation , il est rare qu'elle jaillisse à voix pleine et soutenue : l'erreur se fait immé- diatément sentir et sur-le-champ' on se tait ou lon cherche mieux. Dans ces divers cas ce n’est pas seulement la mémoire des sons qui avertit, c’est bien plus encore les rapports qu'ils. ont entre eux et le besoin qu'éprouve l'oreille de percevoir un son plutôt qu'un auire. C’est ce besoin de choisir, c'est celte puissante influence physiologique , la même pour taus les hom- (74) mes, mais variable en intensité d'un individu à un autre, qui a déterminé le choix des notes servant de base à toute la musi- que. La gamme n'est donc pas le produit &’une vue systématique ingénieuse, encore moins le résultat d'une convention arbi- traire ; elle est naturelle, elle ne peut ni se perdre ni s’altérer dans aucun des sons qui la composent, A la vérité l’arrangement ou l'ordre établi dans la succession des sons de la gamme est le résultat d'une sorte de convention qui n’est pas nécessaire; c'est ce qui cause, en partie du moins, la difficulté dont j'ai parlé , c’est ce qui oblige le professeur de vocalisation à inter- vertir cet ordre avec discernement pour amener tour-à-tour les sons qui ont entre eux de l'affinité , afin de graduer la difficulté et que, par la fréquente répétition des mêmes sons, par la fré- quente reproduction des mêmes intervalles, on acquerre l'habitude de donner promplement aux organes de la voix la disposition qui convient à la production de tel ou tel son sans devoir prendre un détour pour y arriver. Toute la science du calcul repose uniquement sur une conven- tion des plus simples d’où l'on lire des conséquences fort com- pliquées, ef toute l'habileté de l'enseignement consiste dans l’art d'amener une à une ces conséquences en partant de la plus évi- dente et s'élevant graduellement jusqu'aux autres en allant sans cesse du simple au composé, du connu à l'inconnu en remplissant partout avec soin les intermédiaires. De même , toute la musique repose sur une sorte de conven- tion forcée, sur une base posée par la nature , sur la gamme enfin, ou plus exactement sur la tierce majeure et la tierce mi- neure. La musique doit donc être enseignée et peut é!re ensei- gnée comme les mathématiques, en allant sans cesse d'une découverte à une autre s1 voisine la plus immédiate et c’est de celte manière que tout ce qui est su comme tout ce qui reste à savoir doit être acquit. Enseignée par Galin, enseignée surtout par son plus habile successeur , la musique n'a plus de difficultés (TB) sérieuses, parce qu'on les fait adroïlement disparaitre une à une en les divisant pour les vaincre plus aisément. Malheurcuse- ment , la presqu'unanimité de cenx qui enseignent Ia musique en ignorent les véritables principes; ils ignorent même qu'elle est une science et une science exacte. Ils serinent, ils n’ensei- gnent pas. Ne sachant se rendre raison des règles, encore moins de leur origine, ils les imposent sans ordre avec despotisme et ne souffrent pas le plus humble pourgaoi (1). L'enseignement par la méthode de Galin suppose les élèves novices , mais sachant néanmoins chanter la gamme, comme l’enseignement de la grammaire suppose que l’on sait parler. Pour tout ce qui tient à l’intonation , dans les intervalies diffi- ciles , ces novices font eux-mêmes et mutuellement l'éducation de leur oreille et de leurs organes vocaux; ils ne sont point serinés ; aucun instrument ne se mêle à leur voix ; ils restent sans cesse sous le joug des exigences et des prévisions de l'oreille. Il faut donc qu'ils arrivent à chanter juste alors même qu'ils franchissent de grands intervalles. S'ils enten- daient sans cesse des intonations puissantes, ils se mettraient à l'usiéson, et si ces intonations étaient fausses ils finiraient par chanter faux; ils vaineraient, mais au bout d’an (emps fort long, les dispositions à chanter juste que la nature à mises en cux. Dès qu’on suit chanter la gamme avec justesse , comme il n'y a pas d'ut fixe , invariab'e (2) dans l’enseignement de Galin, on sait encore chanter avec justesre la gamme ayant une tonique (1) Que penser d’un enseignement imprimé très-répandu qui commence ainsi : On pose la clé de sol sur la seconde ligne de la portée, Autant de mots, autant d'énigmes pour le malheureux lecteur qui ne sait pas ce que c'est qu'un so/, une clé, une ligne, une portée. (2) La fixité des sons dans les orchestres résulte de la structure matérielle des instruments à vent et des limites entre lesquelles doivent se renfermer leurs dimen- siois pour la commodité de l’exécutant, (76 ) quelconque plus ou moins grave ou aiguë, pourvu qu'on ne dépasse pas les limites ordinaires dela voix. Donc, quand les élèves chantent la gamme de sol après celle d'ut, et qu’ils arri- vent à la sous-médiante , ils ne chantent par le /a de la gamme d'ut, ils chantent un son plus élevé d'un comma que ce /a, ils chantent /a°, parce que ce {a° a rigoureusement les mêmes rapports avec sol et si que le ré avec ut et mi. Au surplus , quand on chante sur la vue du nom des notes, ce ne sont pas exclusi- ment ces noms, ou les signes équivalents, qui déterminent à dis- poser les organes de telle ou telle façon, ce sont bien plutôt les rapports qui existent entre le son à produire el indiqué, et les sons précédemment produits. IL est dans notre nature de res- pecter ces rapports, de ne pas les altérer. En vain on désigne par le mot /a ou son signe, la seconde note de la gamme de so!, on chante /a° bien que par ignorance on croie chanter {a. La diffé- rence existe et j'en ai donné plus haut la preuve auriculaire. Les mêmes arguments prouveraient également que les com- mas qui affectent certaines notes des diverses gammes sont respectés et exécutés bien qu'ils donnent naissance à des sons mal nommés. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à employer ces fausses dénominations , parce que le mot ou le signe n’est pas la chose, il n’est qu’une simple indication , un avertisse- ment qui suffit lors même qu'il est erroné. C’est ainsi que les vices de rédaction et les fautes d'orthographe n’empêchent pas de saisir la pensée qui a dirigé une plume inculte. L’attention concentrée sur le sens , laisse passer inaperçues ces incorrections de détail. C’est l'intervalle du mi au fa ou du si à l’ut, combiné avec l'intervalle du ton majeur ou mineur qui fait que le dièse d’une note est plus grave que le bémol de la note suivante. Qu'importe l'opinion qu'on peut avoir sur ce point, l'opinion n’y peut rien ; le fait est un résultat certain puisqu'il est la conséquence forcée d’autres faits certains. Avoir une opinion sur celle matière (77) revient au fond à en avoir une sur la valeur du produit de 3 par 8. Les uns peuvent penser , si cela les amuse, que ce produit est 22 ou 23, les autres qu'il est 25 ou 27, la logique dit que c’est 24 et n’a qu’à s’affliger d’être méconnue ou mal em- ployée. Quiconque chante juste la gamme d’ut sur toutes les toniques, chante par cela même les notes diésées et bémolisées avec les intonations assignées par le calcal, ou plus exacte- ment , le calcul fait connaître quelles sont les intonations qui se produisent naturellement, sans combinaisons d'idées, sans pré- occupation des résultats du calcul. Mais pour qu'une voix chante juste toutes les notes naturelles ou accidentées , il faut qu’elle soit abandonnée à elle-même, qu’elle puisse obéir sans obstacle à son intincl, aux prévisions, aux exigences de l'oreille. C’est celte justesse unie à d’autres qualités telles que la beauté du timbre, les tenues, les variations d'intensité, l’exacte observation des silences et de la mesure qui fait le charme de la musique chantée par une voix isolée. Ce plaisir de l'oreille diminuerait si la justesse des intonations était tant soit peu altérée, lors même que les autres qualités subsisteraient ; enfin le dégoût remplacerait le plaisir si toutes les intonations étaient fausses. Un chanteur habile ne confond jamais le dièse et le bémol; sans le savoir il les distingue ; peu lui importent les disputes sur ce point, il chante juste. Il donne ici un me bémol, plus loin un ré dièse, il ne pense point à comparer ces deux sons, il les donne différents, bien que par sa mauvaise instruction musicale, il les croïe identiques ; il a été guidé par son goût, entraîné par un profond sentiment de la tonalité et du rapport des sons, il a en- fin donné des résultats mathématiques, sans avoir rien calculé. Il n’en est pas de même de la musique exécutée sur des instru- ments. Ceux-ci sont de deux sortes, les instruments à sons libres, comme les instruments à archet, et les instruments à sons fixes eomme le piano, la harpe, la guitare et tous les instruments à vent aujourd’hui si nombreux dans les orchestres. (78 ) Parlons d'abord de ces derniers. Pour qu'ils rendissent les sons avec exactitude et pussent tenir compte des commas comme le fait le chanteur virtuose, il faudrait faire ce qui est matérielle- ment impossible, il faudrait qu'ils fussent construits de manière à pouvoir donner toutes les notes naturelles, tantôt plus aiguës d'un comma, lantôt plus graves de ce comma. Alors même que par sa forme et ses dimensions limitées, l'instrument pourrait s’y prêter, le doigté serait d'une telie difficulté qu'on. peut le dire impossible. Il en serait de même pour les instruments à sons libres. Il faudrait de plus que la musique écrite indiquât que telle ou telle note naturelle ou accidentée soit élevée,ou abaissée d'un comma. On lève (je devrais dire on escamote) ces difficultés en ne teaant aucun compte des commas. Un néglige même de distinguer le dièse du bémol : on les con- ford. Et comme cette confusion se fait depuis longtemps, les praticiens finissent par croire qu'il n'y a pas de distinction à faire, sans seulement prendre garde qu’elle est faite dans le lan- gage et dans l'écriture de la musique qu'ils exécutent. A voir les nombreuses clés qui arment aujourd'hui les in- struments à vent, on croirait qu’elles sont destinées, en partie du moins, à distinguer le dièse du bémol. Il n’en est rien. Cel- les-ci servent à allonger ou à raccourcir le tuyau pour gagner quelques notes graves ou aiguës ; celles-là à faciliter le doigté et les autres à donner des sons ou plus francs ou plus justes. Il existe encore de vieux claviers d'orgue et de clavecin où deux touches noires différentes, entre deux notes qui différent d'un {on majeur ou mineur, sont consacrées au dièse de l’uneet au bémol de l’autre. L’exécution sur un clavier aussi compliqué pouvait donc avoir un assez haut degré, d'exactitude, bien que les commas fussent négligés; mais elle ne pouvait guère s’ap- pliquer qu'à des morceaux lents. La musique rapide, les grèles de notes qui tombent d'un piano, rendent impossible le doigté sur un pareil clavier. On a donc été amené peu-à-peu à confou- (79) dre le dièse avec le bémol. Il en résulte de fort mauvais effets dans les morceaux lents, parce qu’une orcille exercée a le temps de comparer les notes qui se succèdent et de reconnaitre les erreurs plus ou moins tolérables faites sur toutes ou presque loutes ces notes. Pour ceux qui ne sont pas en mesure de faire ces comparaisons, l'effet produit est quelque chose de vague, d'indéfinissable, qui nuit au plaisir de l'oreille sans qu'on puisse dire pourquoi le morceau ainsi joué est beaucoup moins agréable que lorsqu'il est exécuté par une voix dont les intonations sont pures de ces altéralions. Par la constitution matérielle du piano, toutes les notes sont piquées, aucun son ne peut être renforcé, soutenu ou affaibli à volonté. Par une conséquence inévitable la musique expressive, lente ou gracieuse est exclue du domaine de cet instrument. Il ne lui reste qu'une spécialité : la musique rapide dont l'exécution n’est praticable qu’à la condition de modifier tous les sons. Il a donc fallu recourir au tempérament qui consiste à confondre le dièse d'une note avec le bémol de la suivante, ne plus observer la différence entre le ton majeur et le ton mineur, ne tenir compte d'aucun comma et répartir le plus également possible, afin de les alténuer, les erreurs qui résultent de cette grande modification. Le tempérament égal consiste donc à faire tous les tons entiers de la gamme égaux entre eux et doubles du semi-ton, en sorte que celte gamme, en y comprenant les dièses et les bémols, n’est plus qu'une série de douze intervalles égaux compris entre la tonique et son octave. Les instruments à sons fixes sont ainsi tempérés pour y rendre pralicables, comme sur le piano, les chan- gement(s de ton et de mode. C’est un immense avantage sous beaucoup de rapports trop longs à déduire ici; mais aussi c’est une grande perte pour les jouissances de l'oreille. Les instruments à sons libres qui jouent à l'orchestre avec les nombreux instruments tempérés sont donc forcés de les imiter, ils tempèrent aussi; voilà pourquoi on rencontre des violonis- ( 80 ) tes d'orchestre, qui, ayant toute leur vie jouéfaux par nécessité, enseignent à leurs élèves à jouer comme eux. Ils vous soutien- nent avec aplomb qu’ut dièse est absolument la même chose que ré bémol. Cet enseignement est sans danger quand l'élève se destine à l'orchestre; mais il est fatal quand l'élève veut deve- nir un virtuose jouant le solo, ou quand il s’agit de la musique vocale serinée avec ce violon faux dans presque toutes ses no- tes. À moins cependant que, dans ce cas, l'habitude fortement contractée à l'orchestre ne soit vaincue par un profond senti- ment de la tonalité, qui oblige à modifier le doigté. Le tempérament auquel les violons d'orchestre sont obligés de se conformer pour s'accorder avec les autres instruments, se transmet aux voix qui ne peuvent lutier de puissance contre une grande masse d'instruments ni même contre un seul, s'il rend des sons intenses et à l’unisson du chant. Sous une aussi formidable influence la justesse de la voix peut s’altérer ; avec le temps , on s'habitue aux sons tempérés , on crie parce qu’il faut dominer les instruments pour être entendu , on devient incapable de chanter une simple romance avec la rigueur qu’elle exige et qui en fait le charme. Cependant, la nature reprend ses droits dès qu’elle n’est plus sous le joug de l'orchestre, ou même quand celui-ci ne joue pas à l'unisson On chante juste encore dans ce cas si l’on a de l’oreiïlle et du goût. On peut affirmer que les musiciens d'orchestre n’exécutent pas la musique comme elle est écrite. Il faut espérer qu’on ne l’écrira pas comme on l’exé- cute : c’est bien assez déjà que la musique écrite ne tienne aucun compte des commas dont beaucoup de notes devraient être affec- tées dans les gammes de modulations. Peut-être même que les musiciens routiniers auraient souhaité depuis longtemps qu'on fit disparaître de la musique écrite, comme ils font disparaître de la musique exécutée à l'orchestre, la distinction entre le dièse et le bé- mol, ce qui rendrait la lecture plus facile, si cette distinction ne leur était utile pour reconnaître par quelles modulations ils pas- sent successivement el quel est le ton principal du morceau. (81) Dans l'enseignement d’après Galin, il n’y a pas d'inconvénient à supposer momentanément que les tons entiers de la gamme sont égaux, la différence n’en sera pas moins bien observée dans l'exécution. Par la même raison, il n’est pas nécessaire de re- chercher si la distance de si à ut est ou non la moitié de celle d'ut à ré ou de ré à mi: le succès ne dépend pas du résultat de ces discussions. Mais du moment que l’intonation est assurée, du moment où il s’agit de faire comprendre comment la gamme de sol, par exemple, se déduit de celle d’ut, comme il faut alors comparer, on ne devrait présenter dans ces comparaisons que des éléments exacts. Il n’y a pas de difficultés alors, il y a au contraire de l'avantage à présenter les choses comme elles sont. Il y a bien peu de paroles à ajouter à ce qui a dû être dit pour énoncer des faits vrais et en tirer un bon parti. On devrait, ce me semble, avoir des règles en bois comme celles dont nous avons donnéles figures; leur simple exhibition montrerait sur-le-champ quels sont les véritables intervalles de la gamme, quelle est la vraie place du dièse et du bémol dans les gammes exactes, la place de la note commune servant de dièse et de bémol dans la gamme lempérée où tous les intervalles sont de 46 degrés et demi (fig. 4). L’accolement de ces règles suffirait, avec une courte explication, pour montrer comment les gammes se déduisent les unes des autres, pour arriver à leur formation dans tous les tons et les deux modes. Je pense aussi qu’on ne devrait pas garder le silence sur ce qui fait la base de toute la musique, je veux dire les consonnances et les dissonnances ; la loi de formation et de succession des ac- cords. On expose tant de faits utiles qui semblent appartenir à la science de l'harmonie, que ceux-là de plus ne sauraient nuire ; ils sont au contraire, à mon avis, éminemment utiles puisqu'ils appuyent, qu'ils justifient, qu’ils expliquent les autres. Si ces reproches fondés faits à l’enseignement rationnel de Galin étaient entendus de l’homme de France qui a le mieux 6 (82 ) compris et surpassé son modèle, tant par la finesse de ses vues, l’orüre vraiment analytique qui règne dans ses développements, que par son adresse à graduer les difficultés, les petites taches qu'on remarque encore dans cet enseignement déjà si beau dis- paraitraient sans retour ; la musique ainsi méthodiquement en- seignée, deviendrait une science exacte, intelligible et facile. On ne doit pas perdre de vue que Galin lui-même appelle les amé- liorations, les rectifications. Adopter aveuglément ses erreurs et les propager, ce n’est plus du respect, c'est de l’idolatrie ; c'est même une singulière contradiction en présence de perfectionne- ments nombreux heureusement introduits. APPENDICE. (Nota. Celui qui n'a pas le goût des chiffres peut ne lire que la prose de cet appendice ; mais il faut alors qu'il accepte comme vrais les résultats énoncés, car la preuve ne peut être faite que par le calcul. ) Je reproduirai ici une table de logarithmes acoustiques que j'ai calculée et qui est insérée dans les Mémoires de la société de Lille pour 1833. Ces logarithmes ont pour base le comma +. Je m'en servirai pour justifier quelques asserlions énoncées sans preuve dans le texte qui précède. On y voit que le logarithme de 2 est 55,797682, ce qui signi- fie que l'intervalle d'octave est de 55 commas et un peu plus de trois quarts. Cet intervalle peut donc être matériellement repré- senté par 55 centimètres 3/4, ou par 558 millimètres. Pour évi- ter les fractions, je l'ai représenté sur les planches et les figures graduées par 559 millimètres, ce qui constitue une erreur en excès de 1 millimètre et deux centièmes, ou un dixième de comma sur l'intervalle d'octave, erreur tout-à-fait négligeable. L'intervalle d’un ton majeur est exactement exprimé par la fraction 2. Pour mesurer cet intervalle en commas, il faut du loga- rithme 176,874468 de 9, retrancher le logarithme 167,393047 de 8, le reste 9,481421 signifie que cet intervalle d’un ton ma- (83) jeur est de 9 commas 1,2, à 2 centièmes de comma près. J'ai représenté matériellement cet intervalle par une longueur de 9 centimètres et demi ou 95 millimètres. On trouvera encore que le ton mineur + est de 8,481421 commas, ou 8 commas 1/2. Il diffère du précédent d’un comma juste. Je l'ai représenté par une longueur de 85 millimètres. De même l'intervalle £ ou le semi-ton majeur est de 5,195289 commas et peut être représenté, comme je l'ai fait, par 52 mil- limètres , l'erreur étant au-dessous d’un demi centième de com ma. Ajoutant trois fois le ton majeur 9,481421 ou 28,444263 avec deux fois le ton mineur 8,481421 ou 16,962842 et avec deux fois le semi-ton majeur 5,195289 ou 10,390578, on aura réuni tous les intervalles de la gamme et l’on trouvera, comme ci- dessus, 55,797682 pour l'intervalle d’octave. De même en ajoutant 3 fois 95 ou 285 avec 2 fois 85 ou 170 et avec 2 fois 52 ou 104, on trouve 559 comme ci-dessus. L'intervalle £, qu’on appelle un semi-ton minevr, vaut 3,286131 commas , ainsi qu’on peut s’en assurer en retranchant le logarithme de 24 de celui de 25. Ce semi-ton vaut donc trois commas et un quart, à trois centièmes de comma près, et il peut être représenté par une longueur de 33 millimètres. (Fig. 2.) Nous aurons besoin tout-à-l'heure de la valeur ‘© du st, ex- primée en comias. On trouve par la table 46,316261 commas. Cet intervalle d’ut à si, est représenté sur {a figure 3 par une longueur de 463 millimètres. L'erreur en moins est tout-à-fait négligeable, puisqu'elle est de 16 centièmes de millimètre ou de 16 millièmes de comma. Au moyen des nombres qui précèdent et de la règle démon- trée pour diéser et bémoliser, nous pouvous apprécier les erreurs qui résultent de l'emploi des fausses règles que nous avons signalées. Commençons par l'opinion qui veut que ut deux fois diésé ou ( 84 ) ul“, par exemple, soit un ré. En appliquant la règle démontrée, nous aurons : d’où l'on tire, en multipliant par ordre, ve 5 , ( . pr 16 (4) Le logarithme de 5 est... 129,558206 celui de 15 est... 217,995440 idem... 217,995440 Somme..... 565,549086... 565,549086 Le logarithme de 4 est... 111,595365 de 16 est... 223,190729 de 16est... 223,190729 Somme... 557,976823. .. 557,976823 Différence ou logarithme de ut**..... D A 7,572263 9 Or, le logarithme de ré ou de 5 ESbismssoess 01 9481421 Différence. ..... 1,909158 (1) Les calculs qui vont suivre pourraient s’abréger beaucoup; mais pour le lecteur peu habitué au maniement des logarithmes, il vaut mieux être trop diffus que trop concis. On simplifierait encore , et sans inconvénient , en supprimant les quatre et même les cinq derniers chiffres décimaux de la table et des calculs, mais je les ai conservés pour satisfaire ceux qui aiment l’extrême précision. (85) Ainsi , d'après celte opinion erronée , l'erreur est de { comma et 9 dixièmes, ou, en nombre rond, de deux commis. L’oreille la plus brute est sensible à une pareille différence. D'après cette opinion, en diésant douze fois une note, on doit arriver à son octave aiguë , c’est-à-dire que ut 09 x ut, ou que ut douze fois diésé a pour valeur 55,797682 commas. Pour mesurer l'erreur, nous allons chercher quelle est la vraie valeur de cet ut'?: en appliquant la règle démontrée. Représen- tons par a la fraction +, nous aurons successsivement : Mn ré!'#,a Etre TN A mi°* — fa’: a fa'os = 509% .a sol — laft .a las = si/*..a si7# = 9. ut7* .a 2.ut# = 2. réts .a 2. ré — 9, mi* .a 2,mis..— 2, fa” :a 9, fa” — 9.sol#: .a 9.s018: — 2, lat .a 9, Ja — 9, si .a Des Ru a 4. ut —= 4. rés .a 4. ré — 4.mi .a . 5 4 mi == 4 X Ti En multipliant {outes ces équations par ordre. on trouvera pour la vraie valeur de ut douze fois diésé : 15\'° L'?: — - : 16 —_ sx : u 4 a 5 x () ETC ( 86 ) Logarithme accustique de 5...... IRL e BR 129,558206 16 fois le logarithme 217,995440 de 15....... 3487,927040 Somme....... 3617,485246 16 fois le logarithme 223,190739 de 16....... 3071,051664 Différence. ...... 46,133582 L'octave de ut est...... A au sosoosoess.e..s 00,197682 Différence... 9,364i00 Ainsi, ul'** est élevé au-dessus de ut de 46 commas et demi environ, et non de 55 commas et 3/4. L'erreur est donc de 9 commas el environ 1/3, c'est-à-dire d’un ton majeur, à 12 cen- tièmes de comma près. Le nombre 46,433582 diffère très-peu de 46,316261 qui est la valeur du si, = ‘£, Ainsi l'erreur est l'intervalle du si, à l'ut ocitave. En multipliant par ordre les trois dernières des dix-sept équa- tions ci-dessus, on retrouve la vraie valeur de ut°*, savoir : 5. /15\° ul —= 4 (5) 0912208... 4 En multipliant par ord:e les quatre dernières équations, on trouvera la valeur du si double dièse. On trouverait la valeur du la (riple dièse en multipliant par ordre les cinq dernières équa- tions , et ainsi de suile. Passons à la règle qui conduit à dire que ut: — ait M7 UT (87) Douze fois le logarithme de 16.............. 2678,288748 Idem de 15... Fi. 2615,945280 Différence ou wl'?........... 62,343468 Vraie valeur de ut'?*.......... 46,433582 Différence. ..:....... 5,909886 On tombe done, par cette fausse règle, sur une note trop aiguë de 6 commas ou de plus d’un semi-ton majeur. D'après la fausse règle donnée, par tradition, dans tous les traités de physique , on aurait : Logarithme de 25....................... 259,116412 DE - s'assdiiss ce .... 255,830281 DHÉÉÉFGRCE. Le - 3,286131 Douze fois cette différence donne pour la fausse VAlEUTAAC AU RE EN MER ci ÉTors nt sc 2e 39,433572 aivraie valeurtest. 488 14.03.2200 lrevre À16,433582 Différence....... 7,000010 Cette règle conduit donc à une note trop grave de 7 commas, ou d’un ton mineur à un comma et demi près. Je donnerai ici une marche générale pour calculer la valeur numérique d’une note affectée d’un nombre quelconque n des dièses. On aura : © Q 1 © O1 À O2 ND a eh ob je D = © > eh ben OU & Co dm be © NN ND ND ©» à D æ © © œ 23 (88) 2 .s0l("—5)+ 2. Ja(n-9}+ 2. sitr-10)e 4. ut(-10): À. ré(r-11}: 4.mite-rss G. fa(n-1s) 4.018): 4. Ja( 14) 4. sif"—15}# 8. utt-15} 8. ré(r-16}: et ainsi de suite. — ré(n-1 )« == mi(r-2)}s k — fa(-2)s = . sol-3): DE) .(n—5\ 2= si(n 9 }# = 9, ut, At ue = 2.mi(r-7) … fam-7h .sol(m-5) , … Ja(m-9° | ait) mite-r2}s — 4. sol(r-13)s, ré(n-1 Le 2 2 2 2 A1: ut(n-10)s, 4 4 4 faire, D Op D @ D WB p D DB B » DB pp D Bb À pp pb = 4, la@-iéh, AN si(nr1$ a = 8 ut(-15)s = 8.606 RE À ul — 4 ]a-144 x a19 = À a .a = 8.mi(-17} à Si Je veux avoir, par exemple , la valeur numérique de ut diésé quatorze fois ou ut'#*, je descendrai jusqu’à la dix-neu- vième équation, dont le second nombre n'aura plus de dièse si l'on y fait n — 14. Je mulliplierai donc membre à membre les équations 1, 2, 3, 4, b..... 17, 18, 19. Ce qui donnera ; D ( 19 ut — 04 © — x ) 3 16 Logarithme de 4. ....... 111,595365 SAMINNSE . 129,558206 19 fois le log. de 15........ 4141,913360 Somme...... 4383,066931... 1383,066931. Logarithme de 3........ 88,137234 49 fois le log. de 16. ....... 4240,623851 Somme. ..... 4329,061085... 4329,061085 Difiérencer ten Anne 54,005846 c'est-à-dire l'ut octave diminué d’un comma et {rois quarts. Ainsi il faut diéser une note entre 14 et 15 fois pour tomber sur l'octave de cette note. Soit à trouver la valeur de /a**. Je cherche le premier fa dans la première colonne. C'est celui qui appartient au premier membre de la 4.me équation , il est fans, Je fais n —2—8, d'où n — 10. Je descends dans la seconde colonne jusqu’à l'équa- tion 13 ou l’équation 14, dans lesquelles faisant n — 10, les dièses disparaissent du second membre. Je multiplie donc par ordre les équations 4, 5, 6....43, ou 4, 5,6....14, je trouve ainsi : 9" n—10) Un OU po) faln-s)s 9, gite 410 où fat: = 4utfe to, a! faisant n — 10 il vient 15 LS a Sn fat — 4. a! 8 ( 90 ) Ces deux valeurs sont égales, en effet car en réduisaut on à si — 2 ut +, ce qui est vrai. J'aurais pu descendre , dans la première colonne , jusqu’à la ouzième équation ou Le second fa , ou le fa{*-7#. Faisant alors n—7— 568 on aurait eu n — 15, ce qui m'aurait envoyé à l'équation 20 ou 21. Alors multipliant par ordre les équations 11,12...20 ou 11 , 12....91 , puis faisant n — 15, je serais arrivé au même résultat. Par la tabie des logarithmes on trouve 4 ()'" == 54,447186, donc fa** est plus grave que UT d'environ + comma. Et si l'on consulte le tableau donné plus loin, où l’on trouve les valeurs des notes tant naturelles que diésées ou bémolisées jus- qu'à six fois , on verra que ce fa** est un si*, à un demi comma près , ou enfin que fa: = sit — 0,440843 Soit encore à trouver la valeur de sol**. Le premier sol dans la première colonne appartient à la cinquième équation; c'est [N-3)e, Faisant n —3 —9, il vientn — 12, ce qui me renvoie suit à l'équation 16, soit à l'équation 17, où faisant n — 12 les dièses disparaissent du second membre. Il faut donc multiplier par ordre les équations 5, 6, 7...16 ou 5, 6,7...17. On trouve ainsi : so fn -12 # 12 sol"? — m1 mi! AT: où S0lN 7 & Faisant n — 12, il vient Sol == Ami. a!" jou /s0l'S—"L IT. 2 (91) Ou bien 5 145 19 4 45 1J MR VE sol? = 4. = | — ji 4 n (5) ou sol 4 3 (%) Ces deux valeurs sont égales , attendu que 3 i ou que mi fa 1 ls OL — u — f: a — ñ ma A 1 = 151? Maintenant , SOLE hs “sent — 67,214738 À 16 | — 55,1797682 + 11c117056, donc sol —= 2 ut + 11c,417056. Consultant la table des valenrs des notes, on {trouve enfin que ce sol°* est le ré* de l’octave supérieure. Toutefois ce ré* est trop aign de 12€,767553 — 11°,417056 — 1c,350497. Ces exemples suffisent pour faire connaitre la marche à suivre dans {ous les cas. Il est maintenant très-facile de faire pour les bémols ce que nous avons fait pour les dièses, Voici les formules. Nous repré- senterons par d la fraction -f. UW D = la (ny 1 sol,,_s ; fan_3y ‘ Mi/n_3\s : PET ï ut 5) . AU CS à. & à Sl(n—5) : 1 la 6e .d 2 1 KA sol, + .d fa ja joe Mi (ns) * l'ÉÇn 0 8 .d ul 50 8-4 sol 1,84 ele &fe &fe = le re we fa n-3}8 4 4 (93 ) Sa fan 13,5 un: Mi(n- ad ES l'Én-14)e — Ulni5) — Sin-15} — A(n-16,b Fr SOln-17p fa(n-16 MiÇn-1s) — ir 16 Sl{n-a0)b = 1 16 Mes) T 16 1 16 SOl/n-»a)v = TÉ(u-19) > Utn-s0) —= mi (23 ,b* d ré (n-14)v .d Ulen-15)e: Sie n-15,e C la(n-16e .d sol{n- 19 )b Led fans sd mi, .d (u-ss)b 8 1 8 1 5 19)" 1 r uso -d 1 16 : Si{n-20)P d 16 la (ns 1j .d — SOl (nus .d 1 16 fa(n-33,.d et ainsi de suite. (94 ) Cherchons la valeur de wt,,,. Il faut pour cela multiplier par ordre les vingt premières équations , en y faisant n — 14 Cela donne ut,y; - 6:-1d"—= 15 20 . 2 (x) = 1°,791836 LlLue C'est-à-dire l'ut à l'octave grave, cet ut augmenté de près de deux commas. Cherchons la valeur de La:,. Dans l'équation 3 on a lan » donc n — 1 — 3etn — 4, ce qui conduit à l'équation 6. Mul- tipliant par ordre les équations 3, 4, 5et 6, il vient la nr} = TÉÇn4y" d*, Faisant n — 4, il vient ; pa PAGES la3, = ré.d* — a (5) = 300,262577 = fa’ — 0°,467817. 5 Cherchons la valeur de ré, ,,. Dans l'équation 7 on a ré,,_ 4. Donc n — 4 — 11 et n — 15, ce qui renvoie à l'équation 21 ou à l'équation 22. On aura donc , en multipliant par ordre, 7e 15 14 'Én-4p = va Unis ed" où rés faisant n — 15 on aura : ut + 77c,929335 | ré,;5 = — vut.d!° = rs si ,d'° == 4 ( 95 ) 1 - ou rén = out + (77929335 — 55,797682) o 1 er ac dt} 2263191609: 1 ou mA EE Tr mit — (92c,2/8974 — 22c,131653) 1 : ST nt 10°, 147394); c'est donc à très-peu près le mi* de l’octave inférieure, Voici la table annoncée : | Ps. | uns hons| sure, | em al 1 0c,000000 ||| UT 2 55°, 197682 SG 2 9,481491 || RÉ à 65,279103 ni + 17,962842 [|| MI 7 73,760524 fa + 23,158131 || FA | 2.4 78,955813 sol : 32,639552 || soL | 2.° 88,437234 la . 41,120972 || La | 2.5 96,918654 si = 50,602393 || st | 2.2 | 106,400075 us | 2. 7 | 4986132 || uTs se (3) 51°,511550 el (5) z5mmllur,| :: (is), 48,225419 be ME 11,858396 ||] UT: sn) ) | 43,939287 utés :.() 1514597 l'uTs| .(%)] 40,653155 el 5) 19,130659 || uTs| 1: (%5)| 36,367023 jurés 2.95. (6) 98,716780 Murs |. 5: (5) 32080801 rés | À. 1% | 12767558 || ré, Ê | 5195989 ré" e 17,053685 ||] ré, 3. (5) 0909157 à a 20,339816 [|| rés |: .2. =). 2,376974 "PU (& *| 95,625948 |]l ré, Lore =) | 6,663106 rés (2.2. (4) 98,912080 || rés 1-5: (5) 9,049238 réf 2.5 + (5) 82,108212 || rés [Le 1 (5) | —14,285370 é 2 (2591 92c,948074 [|| mi, À À 44,676710 min| °(% “| 25,535105 || mi, (y 10,390578 Nr (y 29,821237 ||] mis (= +3 + (+5 ) 6,104446 mit 2.9. eo) 34,107869 [|| mi, L: . =. Ge) 2,818315 mis (2.5. (% 7 37,303501 ||] mis, L - Ÿ + (5) |— 1,467817 mit (2.5. (5) | 41,670638 || mis le ? + (23) |— 4,753949 ( 70,033052 |]| sis 5)| 31,171734 26,885602 7 ei on Le] = | NOTES, VALEURS. rt rérdlin.4 NOTES. VALEURS. Lg | as, fa | 5, # |o7,144263 ||] fa, 2. (4) | 19c,871999 5 15? 613 fus |. 5 .(). 30,720304 || fa | fe | 15.585867 Ré) NC) ) 35,016526 || fau LE. (E) | 11,200785 185 ‘ 6 fais [9.2 6e) 39,302658 ||} fa; | 2e (4) 9,013604 6 I r Fi6N\7 fa°: pe (5) 42,588790 ||] fas À .%. (5) 3,727472 . 3 5\5 AL 16N\9 RË 2.5, (2) | 46,874022 |]| to |. 9, () | 04180 5 - 25 16 soë | 3" % | 35925688 ||l so, | + . © | 98e 353490 15 15\2 à: 63 sol |. (2) |. 40,211815 ||] sol, | 2. (3) | 25,067288 15 4 C2 = 5 4 sol (2.9, (LE) | 44.497047 ||| so), ()]| 20 781156 5 5 5 solfs (2.7. (4%) | 47,784079 ||) so, |. à. (5) | 16,495024 3 7 « 3 167 sols 2.5, (H)| 52,070211 ||) son, +. © - (9) 13,208808 G2.2 (| 55,356319 eh à 2: sol 278 20) NuG ) L sole, AE (=) 8.922761 15 1 3 6 la | 5. | 45407104 || 1, | Ÿ. '$ | are ssjeut ENE 4 2 ls (2.5. (EN) 49,608286 M1, | 5. (8) 33,548700 ; 16N4 Lô 12.7, (2) 52,970868 |]| 1 |. 2. (5) | 30,262576 Helie à 2 6 65 laës (2.2 (5) 57,265500 [|| las (5) | 25,976445 au 7 5 167 la (2.5, (à) 60,551631 ||! la 243 | (5) 21,690313 6, a LA 15N8 , F t/4%3 16N5 " hË 2.5. (5) | 64836763 ||) tas Le 5 (5) 1840418 592 5 6 se (2.2. (es) | 5468885825 ||] sw] à. 2 | 46316261 5 5\ 9 3 6\°? si (2.7. (Fe 58,174657 ||| sis ES (5) 43,030130 5 (2 .° 2) 62,460789 si: : ee) 38,743998 PANNE = S135 NES 1439 5 16° sit (2. de (5) | 35,457866 2 15 1517 16 \6 . TS . ‘HE | © . / N\ | #S æ 5 - (5) | 65,146900 ||] si, Cs) | 74,319184 ||| sis, À: (98) Soit à insérer un dièse et un bémol entre fa* et sol°t, qui sont les deux premières notes de la gamme majeure de fa. Pour avoir le dièse de la plus grave de ces deux notes , il faut abais- ser Ja plus aiguë d'un semi-ton majeur, c’est-à-dire, quil faut diviser par ‘© la valeur ©.1%.f1 de sol‘. Cela donne 15 3°16*80 3-()°., c'est-à-dire, la valeur de fa**° (Voir le tableau des valeurs). Pour avoir le bémol de la plus aiguë, il faut élever d’un semi-lon majeur la plus grave fa*, c'est-à-dire qu'il faut multiplier par + la valeur 5.1 de fa’. Cela donne © qui est la valeur du s07. L'ordre ascencant est donc : far fa“c sol ©'sol:c. On peut arriver aussi brièvement au résultat en faisant usage des valeurs exprimées en commas, c'est-à-dire, en opérant par logarithmes. De la valeur 36°‘,925683 de so/*”, retranchez la va- leur 5°,195289 du semi-ton majeur. Le reste 31°,730394 est la valeur précise de fa**. Ensuite, à la valeur 27°,444263 de f«, ajoutez celle 5°,195289 du semi-ton majeur. La somme 32°,639552 est la valeur précise de sol. Il n'y a jamais lieu d'insérer un dièse et un bémol qu'entre deux notes dont l'intervalle est, ou d’un ton majeur : — 9c,481424 ou d'un ton mineur + — 8°,481421. Tout autre cas est pure- ment idéal. Si l’on demande d'insérer un dièse et un bémol entre sols, et la;,, par exemple, il faut commencer par savoir si l'intervalle entre ces deux notes est d’un ton majeur ou mineur, car, dans le cas contraire, il n’y a pas de réponse à faire. Or, par le tableau des valeurs, on trouve : (& 9 la. - 1 ) 15 2 2 1 sol, 4, .-5 (16 16 An, 3 (99) ou bien 25°,976445 — 16,495024 — 9,481421. Donc l'intervaile est d’un {on majeur. | Divisant la plus aiguë la,, = (5) par {£ il vient (25)f qui, se- lon le tableau, est la valeur de sol3,. Ensuite, mullipliant la plus grave 1.5.(15)6 bar rw il vient=.5.(l6}7, qui est la valeur de las. L'ordre ascendant cest donc : sol,, sols, las la, Faisons l'opération par les valeurs en commas. Il faut pour cela, de la valeur 25°,976445 de {a 4, 'etrancher la valeur 5°,4952$9 du semi-{on majeur et l'ajouter à la valeur 16° 495024 de SOU. Les deux résultats 20,781156 et 21°,690313 sont les valeurs de sols, et las. Soit encore à insérer un dièse et un bémol entre ré”: el mi, On trouvera que l'intervalle est d’un ton mineur el que l’ordre ascendant est ré”, ré, mit, mie, Demandez brusquement à un praticien quels sont le bémol et le dièse de sol; s'il ne s’offense pas de la question, qui renferme un doute injurieux, il répondra probablement : so/, et sol*. La réponse est satisfaisante s'il a implicitement supposé que le s0/ proposé appartient soit à la gamme majeure d’ut, soit à la gamme mineure descendante de a ; mais celte réponse est incomplète. En effet , on ne peut déterminer ni le bémol ni le dièse d’une nole isolée si on ne sait pas à quelle gamme majeure ou mineure elle appartient. La note sol, proposée ci-dessus, appar- tient à douze gammes différentes (Voir le tableau des gammes), En ne relevant que les cas différents, on {rouve : fa soi la, fac sol la, fac sol lac fa sol la fa: sol lac fa sol la (100) Pour les deux premiers cas il n’y a pas de dièse, le sol étant alors sun propre dièse, car il est d'un semi-ton majeur au- dessous de la note suivante. Pour les quatre derniers cas, on trouve deux dièses qui différent d’un comma. Pour les quatre premiers cas on trouve deux bémols qui différent d'un comma. Enfin, pour les deux derniers cas , le so/ est son propre bémol , car il est au-dessus de la note précédente d'un demi-ton majeur. Le problème pronosé est donc susceptible des six solutions suivantes : so}, et sol sol, € et sol sol,° et sole sol, et sol: sol et sol:e sol et sol”. D'après la table on a........... .. mis = 10c,390578 et. 200.4 Hein 10. 200 ALU TAN ut — "7 512264 L'intervalle entre ces deux notes est donc. 2 ,818314 c’est-à-dire , un tiers de ton mineur. Un tiers de ton n'est dédaigné par aucun musicien et cependant Grétry a dit : « ut double dièse et m1 double bémol sont a l'unisson. » Ila dit vrais’ila voulu énoncer un fait d'orchestre ; il s’est trompé d'un tiers de ton s’il a cru exprimer une vérité théorique. D'après ce passage et plusieurs autres de l'ouvrage de Grétry, ( 101 ) on peut ranger ce célèbre compositeur au nombre des partisans de la confusion du dièse et du bémol. D’autres, en grand nom- bre, font le dièse plus grave que le bémol et se servent du rapport 2, examiné plus haut. D'autres enfin font, avec M. Fétis, le dièse plus aigu que le bémol. Pour ne donner qu'une citation, je rapporterai le passage suivant extrait d'une méthode de violon par M. Frey. « L'intervalle d’ut à ut dièse est plus » grand que celui d’ut à ré bémol. Ainsi dans le piano tempéré » ou ut dièse est égal à ré bémol, l’uf dièse est trop bas et ré » bémol trop haut. » Il dit ailleurs : « La distance dut à ut » dièse doit être plus grande que d’ut dièse à ré naturel, » attendu que l'ut dièse montant sur le ré naturel doit se fondre » sur ce ré. » Les musiciens qui affirment qu'entre deux notes, dont l’inter- valle est d'un ton, le dièse est plus aigu que le bémol, expliquent tous de la même manière cette prétendue élévation du dièse sur le bémol. Ceux que j'ai consultés se sont tous servis d'une phrase qui parait consacrée, et qu'on lit d’ailleurs dans plusieurs ou- vrages estimés. [ls disent que le dièse se porte sur la note supé- rieure et que le bémol se porte sur la note inférieure. Tâchons de peser ou juste la valeur de cet argument. D'abord je nie déjà que la sensible se porte sur la tonique. Elle n’est pas plus aiguë que ne l'indique sa valeur numérique, c'est la manière de chanter qui produit l'illusion. Je m'explique sur un exemple. Je suppose qu'un chant se termine par les deux notes si et UT, correspondantes aux syllabes a et mour du mot amour. Dans l'exécution on prolonge beaucoup la durée de ces deux notes , on chante la note s? en prononçant a, on prolonge cet a en chantant UT et continuant cet UT on prononce mour. Cette ficelle, comme disent les artistes, ce petit tour de passe- passe , d'un effet délicieux , provoque toujours les applaudisse- ments quand il est exécuté a°ec grâce ; il fait croire que la sen- sible se porte sur la tonique supérieure. On a chanté lentement si ({ 102 ) et UT sur la voyelle a ; le passage de s2 à UT s'étant effectué sur celte voyelle a est beaucoup moins saisissable que s’il s'était fait de a sur mour , et comme on entend ensuite a et mour sur le son UT prolongé on est disposé à croire que la sensible s’est gra- duellement élevée pour aller se fondre dans la tonique UT pendant qu’on prononce amour. Chantez la gamme sur la voyelle & en liant et coulant les notes , sans respirer ; chantez-la ensuite sur ces paroles : je suis sur le pont d'Avignon ; le con- traste des syllabes fera paraître plus grands les intervalles successifs. Au surplus, je peux concéder sans inconvénien(s, et pour abréger , que dans les cas analogues à celui que j'ai pris pour exemple , il soit parfaitement vrai que la sensible soit plus aiguë que ne l'inäique sa valeur caiculée et qu'en un mot elle se porte sur la tonique. Maïs de ce fait vrai, ou supposé vrai, on n’a pas le droit de tirer, comme on le fait, la conséquence absurde que toute note diésée se porte sur la note supérieure ; il s’ensuivrait que la gamme de m?, par exem;le , ne serait plus pareille à celie d'ut, car elle aurait au moins trois sons trop aigus. On m'accor- dera qu’il n'y a pas dans une gamme quelconque autant de notes trop élevées qu’il y a de dièses moins un à la clé, car on n'ira pas jusqu'à prétendre qu'une note diésée remplit toujours et partout la fonction de note sensible. Il n’y a de note sensible et agissant comme telle , c'est-à-dire , faisant désirer la tonique, que la seplième note d'une gamme , que cette septième soit d’ailleurs naturelle ou diésée ou bémolisée une ou plusieurs fois. De ce que la sensible appelle la tonique, ou, comme on dit, se porte sur la tonique, on a donc faussement conclu que toute note diésée fait désirer la note supérieure ou se porte sur elle; puis, une fois engagé dans celle fausse route, on a dit, par analogie sans doute, que toute note bémolisée se porte sur la note inférieure : si bien que ces deux erreurs conduisent à dire (103) qu'entre deux noles le dièse est plus aigu que le bémol. Le père et la mère difformes ont produit un enfant monstrueux. On veut savoir si en s’élevant de quinte en quinte au-dessus d'ut on rencontrerait l’une des octaves de cet ut. Dans la gamme tempérée , la quinte vau{7 semi-tons moyens, ei l'octave en vaut 2. Il faut donc résoudre l’équation hæ= 149 y: On y satisfait évidemment en faisant & = 12 et y — 7, C'est-à- dire qu'à la douzième quinte on tombera sur la septième octave de l’ut. Dansla gamme vraie, la quinte © vaut, en commas, 32c.639552 et l'octave 55,797682 , et l'équation à résoudre est 32,639552 x x — 55,197682 x y. En faisant encore + — 12 et y — 7, on (rouvera : 391,67462% — 1,090850 — 390,583774, c'est-à-dire que la douzième quinte est plus aiguë d'un comma que la septième octave. Au licu de la quinte prenons maintenant la tierce majeure. Dans la gamme tempérée , cette tierce vaut 4 semi-tons moyens. On aura donc : 4&z—1{2y où x —37y. ( 104 ) Pour y — 1 on a x — 3, ainsi à la troisième tierce majeure on tombera sur l'octave. Pour la gamme vraie on aurait : 17,962842 x x — 55,197682 x y. Faisant encore + —= 3, on trouvera : 53,888526 + 1,909156 — 55,797682, c'est-à-dire que la {roisième tierce majeure est plus grave de deux commas que l’octave. Prenons la quarte pour Cernier exemple détaillé. On aura, dans la gamme tempérée : par conséquent {2 quartes valent 5 octaves. Dans la gamme vraie on aura : 23,158131 x x == 55,797682 x y. Faisant encore x — 12 et y — 5, on aura 277,897572 + 1.090838 — 278,988410, c'est-à-dire que la douzième quarte, augmentée d'un comma, vaut 5 octaves. En continuant ainsi on aura les résultats suivants : (105 ) Pour la gamme tempérée : 12 semi-tons valent 1 octave. 6 secondes valent 1 octave. 3 lierces valent { octave. 12 quartes valent 5 octaves. 12 quintes valent 7 octaves. 4 sixtes valent 3 octaves. 12 seplièmes valent {1 octaves. Pour la gamme vraie : 17 semi-tons mineurs ©? moins 0°,066545 valent 1 octave. {{ semi-tons majeurs = moins 1,350497 valent 1 octare. 7 tons mineurs 12 moins 3,972265 valent { octave. 6 tons majeurs + moins {,090844 valent 1 octave. 4 tierces mineures © moins 2,909158 valent 1 octave. 3 tierces majeures — plus 1,909158 valent 1 octave. 12 quartes < plus 1,090838 vaient 3 octaves. 12 quintes = moins 1.090850 valent 7 octaves. 4 sixièmes = plus 2,909158 valent 3 octaves. 11 seplièmes 2 plus 1,350497 valent 10 octaves. En s'élevant de quinte en quinle au-dessus d'ut, on passe successivement par les notes : so/, 2 ré, 2 la, 2 mi, Pi, D fa”, Dut=e, Dsole, Préc, Ve, 26misce, Asie 2fa:cee à DSyticec 3 95 sol=°cce 4 DIré’cce, Da, lose, sans jamais passer par un u{ nalurei. Eu général, en s’élevant continuellement d'un intervalle € « a : 5 3 D au-dessus d'une nole 3 on ue {owbera jamais sur l'une des ne peut être satisfaite en prenant des nombres entiers pour n et m. On ne peut pas non plus tomber sur un ut naturel parceque l'équation est également impossible pour n et m entiers. Il en peut être autrement dans la gamme tempérée. En s’éle- a vant continuellement au-dessus d'une note quelconque 25 d'un b intervalle 21: représentant un nombre 6 entier de semi-tons moyens , On peut tomber sur un uf, car l’équation peut étre salisfaile en prenant a + bn — 12 m. On peut égale- a ment (omber sur l’une des octaves de la note de départ 2,,, car on salisfait à l'équation a ( DE a bn n12 ï 2 UND QU Lo 2 en faisant bn — 12 m, On peut même tomber sur l’une des c cetaves de lune quelconque 2,, des notes te celte gamme, car {407 ) on salisfait à l'équation : a Bb" e a + bn 129 M4 C 2° x (2) = gn 49° bhroost ailà 19 en faisant a + bn — 19m + c. Je désire être agréable au lecteur étranger à l’acoustique en décrivant ici le procédé très-simple que j'emploie pour comparer les sons et déterminer le nombre d'oscillations qui y correspond. La détermination précise et directe de ce nombre s'obtient par divers mécanismes , tels que la Sirène de M, Cagnard de La Tour, les roues dentées de M. Savart, etc., et un chronomètre. Au moyen de ces appareils très-dispendieux, M. Marloye, habile constructeur d'instruments d’acoustique (rue St-Jacques, 161, Paris) construit des diapasons d'acier ou de bronze sonnant exactement l'ut de 128, 256, 512, 1024 oscillations par seconde, Ils sont vissés sur une caisse qui renforce le son. Par le procédé que je vais décrire je me sers du diapason donnant l'ut de 256 oscillations On le fait résonner avec un archet de contre-basse. Le violoncelle le plus commun, du plus bas prix, ime suffit. Au sillet et à la touche arrondis je substitue un sillet droit et une touche plate large de six centimètres , à bords droits et paral- lèles, et converte d’un papier. A quinze millimètres de chaque bord de la touche je tends , à l’uuisson du diapason , une corde d'acier de piano, ayant de 8 à 9 dixièmes de millimètre d'épais- seur. La touche est partout à cinq millimètres des cordes. Avant et après chaque expérience il faut s’assurer que la corde em- ployée est restée exactement à l'unisson du diapason , et que la distance depuis le bord intérieur du sillet jusqu'au bord intérieur ( 108 ) du chevalet n'a pas varié. Cette distance est de 700 millimètres sur ma basse. Perpendiculairement à la direction de la corde, j'ai tracé jusqu'au milieu de la touche , des traits fins aux distances indi- quées par la troisième colonne du tableau ci-après et correspon- dantes aux notes inscrites dans la première colonne. Un exemple suffira LA le calcul de ces dpnee au chevalet. Prenons le sù, —= 4. On divise 700 par ‘# ou 6300 par 16, cela donne en bites 393,75. C'est à te distance qu'il faut marquer fa place du s,. Sur l’autre moitié de la touche on marque également par des traits la place des notes de la gamme tempérée. Prenons encore pour exemple le si, qui se confond avec le Za* dans cette gamme. La longueur cherchée sera : O0" 913 C'est ainsi qu'ont été calculées les colonnes 3 et 6 du tableau suivant. Elles servent à marquer les places et les noms des notes de la première octave. Avec les moiliés et les quarts de ces mêmes nombres on marque les places des notes d'une deuxième et d'une troisième octave. On fera cntendre successivement les sons de ces gammes en faisant vibrer les longueurs correspondantes, mais il faut soigneusement arrêter les mouvements de la corde aux li- mites prescrites. J'y parviens au moyen d'un chevalet mobile très-simple et très-commode. Il est fait d’une petite lame d'aca- jou, sur laquelle on a collé une mince peau: l'épaisseur totale étant de 5 millimètres, la lame touche à peine la corde sous la- quelle elle glisse. Elle cst guidée, dans sa marche, par un rebord qui glisse contre le bord de la touche. Cette lame est recouverte, bord à bord, d’une pareille lame de liége compact, el lui est fixée ( 109 ) par une extrémité. La corde prise ainsi ct fortement pressée entre ces deux lames, ne peut vibrer que dans la partie comprise entre le chevalet mobile et le chevalet fixe. Enfin, il faut ébran- ler à peine la corde à l’aide d’un rouleau de mince peau flexible qu'on a fait entrer de force dans un luyau de plume, et dont la partie extérieure est longue de 8 à 12 millimètres. Avec cette basse ainsi transformée en sonomètre, faisons main- tenant quelques expériences qui en montrent l’usage et l'utilité. Après avoir amené les deux cordes, ou une seule, à faire 256 cscillalions par scconde, c'est-à-dire, après les avoir mises à l'unisson parfait du diapason qu’on fait vibrer avec ménage- ment, on meitra la quatrième corde d’un violoncelle à l’octave grave de ce diapason, si elle n'y est pas déjà naturellement. L'oc- lave d’un son est aussi facile à saisir que l’unisson ; ils ont même une telle analogie que souvent on prend l’un pour l’autre. Alors on accorde par quintes successivement les trois autres cordes, et l’on compare le son de la chanterelle au {a dela première gamme du sonomètre. On trouve ce la plus grave que celui de la chan- terelle, et il doit être en effet plus grave d’un comma. Pour s’en assurer, on fait mouvoir le chevalet mobile de la quatre-viug(- unième partie de 420 millimètres, c’est-à-dire, de b millimètres el deux dixièmes. Cette corde, ainsi raccourcie, fait entendre un son plus aigu d'un comma, et on le trouve à l'unisson du La du violoncelle. Pour qu’une corde de longueur L fasse entendre un son plus aigu d’un nombre quelconque n de commas, il faut la raccourcir d'une quantité x telle qu'on ait : L SÉPGqS da 80\" me (a). do +=L{1-(0)) ; À ; L qui se réduit comme ci-dessus à ai quand n — 1. (110) Veul-on s'assurer si un instrument à sons fixes, comme une flûte, une guitare... ... est accordé conformément à la gamme vraie ou plus probablement à la gamme tempérée ? On mettra les cordes du sonomètre à l'unisson de l'ut de l'instrument, puis l’on comparera les sons de celui-ci aux sons correspondants de l’une ou l’autre gamme du sonomètre, et l'on découvrira ainsi les vices ou les perfections de l'instrument ordinairement tempéré, mais avec plus ou moins d’exactitude. On pourra même mesurer en commas les erreurs commises par le luthier. En effet, soit L la longueur de la corde correspondante au son que l'instrument devrait rendre et L'la longueur de la corde à l'unisson, on aura : | id 81 æ s PEL : _— — es d'où TL = log. L'— log. L . L 80 log. 81 — log. 80 Pour accorder un piano de 6 à 7 octaves suivant la loi du tempéramment égal, on mettra les cordes du sonomètre à l’u- nisson de l’ut de la troisième octave en montant, puis on mettra les notes suivantes du piano à l'unisson des notes correspon- dantes de la gamme tempérée. Cette troisième gamme étant ainsi accordée, on mettra à l’octave aiguë les notes de la gamme suivante , et à l’octave grave les notes de la gamme précédente. En continuant ainsi on achèvera d'accorder toutes les notes du clavier: Chaque accordeur de piano a sa méthode ou son système de tempérament, ce qui explique pourquoi un pianiste accorde lui- même son piano ou choisit tel accordeur plutôt que tel autre. Chacun de ces systèmes de tempérament approche plus ou moins du tempérament égal, mais aucun ne s’y conforme exactement, ce qui exigerait d’ailleurs l'intervention d’un sonomètre, ou une collection de douze diapasons. La quatrième colonne du tableau ci-après présente les valeurs (111) en commas des notes de la gamme vraie: la septième colonne, celles de la gamme tempérée, et enfin la huitiôme colonne, les différences. On y voit, par exemple, que le so/ de la gamme tempérée n’est plus grave que le so/ de la gamme vraie que d’en- viron un dixième de comma, intervalle insensible. La meilleure note après ce sol est le ré ou le si, etc. Les plus défectueuses, sont le ré“, le fa, — mr, le sol*, elc. C'est aussi ce que montrent les figures 3 et 4 comparées. 606060‘0 YeO6YT ES | 1Y‘Yoe 16 0900001 Yeocÿc'ec | 17'Yce 5 & GLLGLG'V LGG6GG'RE | 69‘GCC 16 869090 LeT660'8r | 6S‘ece 518 06GL&L'0 OGY6Y6'Cr | 86680 s16 LOSVS83"E 0GY6YG'Er | S6'68€ 116 LO8ISF'0 Y19668‘6 C9'609 515 ceÿcyc'0 L086ÿ9°Y 11099 r1G £10698°0 L08679°Y 12°099 HG 000000 ‘20 6000000 | 00‘00Z F sanapang | mme | save | csuranva TT — "IVOY LXANVUIANAL ISISSHES | 00‘S2g ; 7 Postes | 96068 | 25 | 4w 66602861 | L8‘9Yc . #34 &Y8c96Lr | 00090 e nu | OL919‘YT | £e'esg ” ‘yuu ecezouer | 0089 e 4 vepI8tG | cc'ceo à ou G8ec6re | Cz'9c9 D ou | ce1985 y | £9‘679 FE an | 0000000 | 00004 J ju PONS "STAY "SAIT A *SHLON SYGATVA ‘AIVHA ANKVI RS (443) 0000000 LG1606‘0 — G29696"0 + cSYCYc'Q — LOST81 0 — 7960600 — 06GLEL'O — 9869890 + GLLELC' | — 6060600 + 8LGYGÿ‘O + 82GYGÿ0 — c89L6L'CG c89L6L°6G GLSLY VTC GLSLYI‘VG 890864 ‘97 89086ÿ‘07 1987817 YGYS6I'LE YCYS6V'LE 8798ÿc'ze 886825 7886818 00'0G£ 00‘0C£ T8‘0LE 8‘0L£ 98‘G68 98'T6€ CG 91Ÿ 16‘0YY L6‘0Yÿ 61°29ÿ L6‘Y6Y L6'‘Y6Y c89L6L°GC GTC888 76 OGCTFG'G £68€09‘0S 193916 ‘9ÿ YOrLOŸ‘cY GL6UGI 1Y VY8YS8 ‘LS 68902608 GC0689ce 0GYEGE"8c cosy 1e 00‘098 L6°608 Yr<69€ £'61e cL‘666 GC‘ 86€ 00‘08Y (74 00‘8?Y 99‘99Y 81‘6Ÿ LL°LG6Y œo hn 2 le © SlS S(S 1e | :10S [os [os ELA | ( 1144) On verra par-l’expérience suivante comment avec le sono- mètre on détermine le nombre des oscillations correspondantes à un son donné. Je choisirai pour exemple le La de l'orchestre du théâtre de Lille ; mais je n’arriverai au résultat que par un dé- tour un peu long. _ Dans les orchestres on adopte un diapason d'acier donnant le La du violon. Ces diapasons ne sont pas d'accord entre eux, non plus que ceux des artistes qui jouent sur des instruments à sons libres. Mais fussent-ils tous à l'unisson , ils ne pourraient guère servir aux orchestres, à moins qu’ils ne soient d'accord avec les instruments à vent, et dans ce cas ceux-ci suffisent, car ce sont eux qui font la loi. C’est donc un instrument à vent qui donne le La dans les orchestres. Or, les sons de ces instruments varieut par la volonté de l'artiste et par les changements de température. L'artiste qui a donné le {a ne doit plus modifier son embouchure pendant l'exécution, et de plus il doit attendre pour donner ce Za que son instrument soit arrivé, par de longs préludes, à une température constante. L'effet de la température sur les instruments à vent mérite qu'on s’y arrête un instant. Le nombre des vibrations en une seconde correspondant à une note dépend de la vitesse du son et augmente avec elle; il dé- pend aussi de la longueur du tuyau et il diminue quand celte longueur augmente. En général, et à part quelques circons- tances délicates auxquelles je ne puis m'arrêter , la vitesse du son divisée par la longueur du tuyau ouvert donne le nombre des oscillations. Or, la vitesse du son augmente avec la tempé- rature de l'air dans le tuyau, ce qui augmente le nombre des os- cillations, et par suite l’acuité des sons. A la vérité, la longueur du tuyau augmente aussi par l'élévation de la température, ce qui tend à produire des sons plus graves; mais cet allongement est si faible qu’on peut le considérer comme nul et absolument sans influence. (145) Supposons, par exemple, que la température du lieu soit de 10 degrés, le a aura une hauteur dépendante de celte tempéra- ture. Le feu du foyer; la chaleur qui résulte de l’aglomération des auditeurs ; la chaleur des mains qui liennent l'instrument, et particulièrement l’air des poumons dont la température constante est de 37 degrés, feront progressivement élever la température de l’air renfermé dans l'instrument, air continuellement renou- velé par celui à 37 degrés que fournissent les poumons. Suppo- sons donc qu’une température fixe de 35 degrés s’établisse dans l'instrument en action, le son haussera dans le rapport de la vi- tesse du son à 10 degrés et à 35 degrés. On aura donc, d'après le tableau qu'on trouvera plus loin, l= + (351,407 + 357,168) ds 339,591 Tvi\80 d'où l’ontire » -— 3,41, c’est-à-dire, près de trois commas et demi ou un peu plus qu’un semi-ton mineur. L'artiste qui donne le /a doit donc auparavant préluder assez longtemps pour que l'air contenu dans l'instrument soit arrivé au maximum de chaleur. Mais quel est l’instrument à vent qu’il convient de choisir ? C'est celui dont l'air, par son peu de volume, peut être le plus vite et le plus complétement renouvelé par l'air des poumons. C’est le hautbois qui remplit le mieux cette condition, et c’est lui qu’on a choisi au théâtre de Lille. L'un des artistes qui jouent le hautbois à ce théâtre a bien voulu me donner le /a tel qu’il le donne à l'orchestre après avoir préludé. J'ai d’abord mis ma corde à l'unisson du diapason. Nousétions cinq à juger l’unisson et j'ai varié la tension de la corde jusqu’à ce que les quatre artistes et moi fussions satisfaits. On a égale ment consulté toutes les oreilles quand j'ai pris l’unisson du {a. (116) Un premier essai a donné 204 millimètres pour la distance du chevalet mobile au chevalet fixe. Un second essai a également donné 204. £e troisième essai a donné 204.3 et le suivant 204,1. Après de nouveaux préludes , on a eu successivement 203,8 202,3 202,3 et 202,8. On voit par ces nombres que le hautbois a un peu monté par l’action de la chaleur. Nous pouvons maintenant calculer le nombre x des oscillations correspondantes au la de l'orchestre. Je prends, à cet effet, la moyenne 203.45 des huit nombres ci-dessus, et je fais la pro- portion ce qui donne æ — 880,806... oscillations. La moitié 440,403 correspond au la du violoncelle, et l'ut du violoncelle, c'est-à-dire, la triple quinte grave du {a, sera de ENG 140,403 x (5) — 130,48986... ou cent trente oscillations et demie. On est conduit à 130,1379 en prenant le plus grand des huit nombres observés, et à 131,23155 en prenant le plus petit. L'in- tervalle en commas entre ces deux uf se trouve par l'équation 131,23 81" 130,14 æ) ce qui donne n — 0,671 ou très-peu plus que deux tiers de com- ma. il est irès probable, d'après cela, que l'ut du violoncelle cor- respondant à 130,5 n'est pas en erreur d'un tiers de comma. Au début, après un ou deux courts préludes et lorsque l'ar- iiste jugeail que son instrument n'élait pas arrivé au {on conve- nable, j'ai pris l'unisson. J'ai eu 205,8, ce qui conduit à un /a (117) de 870,7485 et un ut de 128,9997 ou 129. Ce la était sensible went plus bas que celui du violon dont je vais parler. La veille, on avait exécuté au théâtre deux ouvertures à grand orchestre. J'ai prié l’un de messieurs les violonisies de ne plus toucher à son instrument, de le serrer dans sa boite ei de me l'apporter ie lendemain matin. Il a eu l’obligeänce de le faire, et, après douze heures de repos, l'accord de ce violon s’est trouvé bon, ce à quoi je ne m'atiendois guère , non plus que l'artiste ; mais ce qui autorise à admettre que le /a n’a pas varié. J'en ai donc pris l'unisson et j'ai trouvé 203,8, ce qui conduit à 879,29 pour le {a et à 130,26 pour l’ut du violoncelle. J'ajoute que parmi les huit essais faits avec le hautbois, celui qui a douné 203,8 a été spécialement noté comme très-satisfaisant sous tous les rapports, en sorte que les nombres 879,29, pour le /a du violon , et 130,26 pour l’uf du violoncelle, me paraissent éta blir avec exactitude le ton de l'orchestre de Lille. Le hautbois qui m’a donné le /a est joué à l'orchestre de Lille depuis plus de quinze ans par le même artiste ; il est donc pro- bable que ce {a n’a que peu ou point varié depuis 1834. Une flûte de Holtzapffel que j'ai acquise vers 1805 et dont on a tiré des sons pour la réchauffer, m'a donné un la qui répond à l'ut du violoncelle de 128 oscillations. Il est probable, d'après cela, que cet ut était celui de quelques orchestres de Paris il y a un demi-siècle. L'ut du violoncelle varie avec le temps et d’un orchestre à l’autre. Il était autrefois de 125 oscillations. En 1823, il était de 129,58 à l'Opéra de Berlin et seulement 127,8 à l'Opéra de Paris. On peut considérer l'ut moyen de Paris comme étant actuelle- ment d'environ 129 oscillations, plus grave , par conséquent , que celui de Lille, ce qui se confirme par les plaintes de plusieurs cantatrices de Paris, qui ont trouvé trop haut le ton de notre orchestre. Ces perpétuelles variations ont déterminé les physiciens à adopter pour leur wi de comparaison celui de 128 (118) oscillations, parce que ce nombre est une puissance de 2 et qu’il simplifie les calculs. L'ut le plus grave de l’orgue complet serait, dans celle convention, et ilest, en effet, à très-peu près de 2 — 32 oscillations. Le ton des orchestres est pour ainsi dire livré au caprice des luthiers pour les instruments à vent, et j'ignore s’ils s'entendent, comme ils devraient le faire, pour donner à leurs instruments un «t où un la commun. Il est plus probable, mais je n’ai pas vérifié le fait, que sous ce rapport important, les instruments à vent d’un orchestre diffèrent les uns des autres. Heureusement, si cela est, qne les différences peuvent disparaître, ou à-peu- près, par les modifications de l'embouchure, surtout pour les instruments à anche. Mais alors même que tous les instruments à vent seraient à l'unisson parfait , si leur ton général est trop haut ou trop bas, il peut nuire aux instruments à archet qui sont construits de manière à favoriser certain ton. Par exemple, le ton le plus avantageux des Stradivarius est celui dut, et cet ut est plus grave que celui des orchestres à l’époque actuelle, ce qui fait perdre à ces violons une partie de leur supériorité quand il faut les monter au ton de l'orchestre. Supposons qu'un piano soit rigoureusement accordé suivant la loi du tempérament égal ; supposons de plus que ses cordes, frappées lour-à-tour, donnent toutes des sons de même timbre et de même intensité. Dans ces suppositions, un morceau quel- conque, successivement joué dans des tons différents, produira exactement les mêmes effets, il conservera son caractère ; maïs ces suppositions ne sont pas réalisables : l’accord n’est pas celui du tempéramment égal ; les notes ont des timbres différents, des intensités diverses ; les trois cordes frappées par un seul marteau peuvent n'être pas à l’unissoa parfait ; les plus graves font entendre des sons harmoniques plus nombreux ; à ‘côté ( 419) d’un son terne ou velouté, il y a un son éclatant ou aigre ; les cordes qui sont dans le ton de l'instrument produisent des sons plus francs, plus intenses. Par toutes ces causes, un musicien très-exercé peut saisir des différences réelles dans les effets pro- duits par le même air joué dans des tons différents, même lorsque les intervalles entre les toniques successives sont peu étendus. Pour déterminer le ton d’un violon, par exemple, on chante différents sons vis-à-vis l’un des f. L’instrument répète ces sons, il les renforce plus ou moins; c’est un bon violon, s’il les ren- force presque tous également bien. Si le son le mieux renforcé est un ut, comme dans les violons de Stradivarius, on dit que l'instrument est en uf. Joué en ut sur ce violon, un air paraîtra plus agréable et surtout plus brillant que s’il était joué dans un autre ton, toutes les autres circonstances étant d’ailleurs suppo- sées les mêmes. Mais, en réalité, ces circonstances changent avec la tonique. En effet, quand un violoniste d'orchestre joue dans un ton peu chargé d’accidents, par exemple, en ut, en fa ou en sol, Îl joue les notes naturelles, qu'il ne tempère presque pas, avec plus d’exactitude que les notes accidentées, et le résultat est meilleur. Passe-t-il successivement à d’autres tons ? Les notes accidentées sont plus nombreuses et plus altérées que les notes naturelles, ce qui modifie considérablement l'effet général, au grand avantage de l’action dramatique au théâtre, quand le com- positeur a bien choisi le ton qui convient le mieux aux sensations qu'il veut exciter. | Quant à la justesse des sons sur le violon, elle est d’une diffi- culté pour ainsi dire insurmontable. On pourra en juger par les détails suivants : Pour qu’une corde quelconque rende un son plus aigu d’un comma, il faut la raccourcir de la 84. partie de sa longueur. Or, la distance du sillet au chevalet du violon est de 12 pouces environ, ou 324 millimètres, dont la 81.e partie est de 4 millimè- (120) tres. Donc la corde raccourcie de 4 millimètres fera entendre un son plus aigu d’un comma que la corde entière. Si l'on veut faire entendre la double octave aiguë de l’une des cordes, il faut ré- duire la longueur au quart, et si l'erreur est d’un seul millimètre sur ce quart de corde, l'erreur sur le son sera d’un comma. Il faut une volonté forte et persévérante pour acquérir la faculté de placer le doigt, et avec la vitesse de l'éclair, juste au point voulu sans errer d'un millimètre pour les sons aigus. Absolu- ment parlant, cela est impossible, et l’on peut dire avec M. Frey, auteur d'une méthode pour le violon : « Celui qui joue le « plus juste est celui qui joue le moins faux. » Les cordes du violoncelle ayant une longueur double de celles du violon, la difficulté de jouer juste est deux fois moins grande. Elle est trois foismoiïns grande sur la contre-basse, dont les cor- des sont trois fois plus longues que celles du violon. La facilité relative d'obtenir des sons satisfaisants sur la contre-basse est réellement plus de trois fois plus grande que pour le violon, eu égard aux circonstances que je vais développer, et qui justifieront ce que j'ai dit sur les précautions à prendre dans la comparaison des sons. Je prends pour exemple la contre-basse à trois cordes accor- dées par quintes : s0/, ré, la. Ce sol est de 96 oscillations par se- conde. Quand cette grosse et longue corde so/ est mise en vibra- Lion, elle se subdivise en parties aliquotes qui vibrent séparé- ment, toul en suivant le mouvement général de la corde entière, et ces parties font entendre les sons harmoniques qui accompa- gnent le son principal. Une oreille très-exercée entend distinc- tement jusqu'à 5 et plus de ces harmoniques. En représentant par 1 le son principal, on distingue les sons : ou il 2 2 (42) c'est-à-dire qu'outre le son principal on entend son octave ai- guë, l'octave aiguë de la quinte, la double octave, la double octave de la tierce majeure, la double octave de la quinte, etc, de sorte qu’on entend plutôt un accord qu'un son isolé. Ce mé- lange nuit à l'appréciation du son principal, et, dans ce cas, l'oreille tolère des erreurs beaucoup plus grandes que dans le cas des sons du violon où les harmoniques sont moins sensibles et disparaissent même des sons aigus sur la chanterelle. Pour comparer des sons graves, comme ceux des cordes à vide de la contre-basse, il faut donc leur donner si peu d'intensité que les harmoniques ne soient plus perçus, ou que du moins ils soient peu sensibles, pour rendre plus sûre la comparaison. La corde sol d’une contre-basse s’est trouvée longue de 1094 millimètres, dont la 81.° partie est de 13 millimètres 1. En des- sous, et contre le sillet, on a glissé une mince lame de liége usée à la lime, pour qu’elle passe à frottement doux sans augmenter la tension de la corde; cette lame est large de 13,5 millimètres. Par-dessus la corde, on a placé bord bord une lame épaisse de liége qu'un pouce vigoureux presse assez fortement contre la corde, pour que les vibrations de celle-ci ne puissent se propa- ger au-delà de la limite assignée. Alors on a doucement agité cette corde avec une peau de buffle flexible passée dans un tuyau de plume. Si faible que füt le son, on pouvait reconnaitre qu'il n'était pas dépouillé de tous ses harmoniques. On l’a fait entendre pendant une dizaine de secondes, puis on a retiré subitement le sillet mobile. Le son de la corde entière a été reconnu plus grave. Nous étions trois, le luthier qui m’a prêté les instruments, mon aide et moi. Il n’y a eu aucun doute pour personne : le comma a élé perçu chaque fois que l'expérience a été recom- mencée. Mais si on ébranle la corde par des coups d’archet mo- dérés, les autres détails de l'opération restant les mêmes, les deux sons comparés paraissent identiques. Il en a été de même quand on a raccourci la corde successivement de 20, 25, 30 et (12 ) 35 millimètres. Il à fallu aller à 40 millimètres pour saisir avec peine une différence de gravité entre les deux sons comparés. L’intervalle entre ces deux sons était pourtant de 3 commas, ou presque un semi-Lon mineur, car l'équation : ae ee 1094 — 40 . donne æ — 2,9984... On a ensuite opéré sur la moitié © de la chanterelle mi d'un violon. La 81.2 parfte, pour observer le comma, est de 2 milli- mètres. Cet intervalle est tellement perceptible, dans ce cas, qu'il n'aurait échappé à aucun auditeur, si brute que fût son oreille. Le chevalet mobile n'étant plus déplacé que d'un milli- mètre, il nous a été très-facile de saisir le demi-comma. C'est l'absence ou la présence des harmoniques qui rend l'oreille exigeante ou complaisante sur la justesse des sons. Toutes les fois qu'à l'orchestre le premier violon a à exécuter un passage en solo sur les sons aigus de la chanterelle, il est atten- tivement écouté par l'auditoire, qui ne manque pas de porter un jugement favorable par des applaudissements, ou sévère par son silence. L'artiste ne peut le contenter qu’à la condition de ne pas errer de plus d’un comma, et même d’un demi-comma sur les sons très-aigus. Le contre-bassiste, au contraire, dans son rôle exclusif d'accompagnateur, pourrait se permettre des écarts de 4 à 5 commas sur les sons graves, sans que l'auditoire s’en aper- çut. Mais il ne fait pas ces fautes, car ses doigts ne peuvent guère se tromper d'une dizaine de millimètres sur les positions qu'ils doivent prendre. Les altérations que le praticien instrumentiste fait subir aux (123) notes accidentées , se transmettent aux accords dont les effets varient alors avec les notes qui les constituent. Par exemple, les deux accords fa la ut mi et la ut,* mi sol* sont constitués de la même manière, puisque les notes du second sont respectivement les tierces majeures exactes des notes du premier. Or, les notes fa la ut mi étant naturelles, seront rendues avec exactitude, et l'accord produira sur l’oreille un effet agréable déterminé. La note ut* du deuxième accord subira , dans l'exécution à l’or- chestre, une altération de près de deux commas, et le so/* en su- bira une de plus d’un comma. L'effet produit par le second accord , dont toutes les tierces sont ainsi profondément altérées , différera donc très-sensiblement de l’effet produit par le premier. Cela peut être un avantage momentané dans cer- Lains cas pour les effets dramatiques au théâtre ; mais c'est à coup sûr une grande perte pour l'oreille dans les autres cas. De ce que l'exécution dans les orchestres n’est pas et ne peut pas être rigoureuse , on s’est exclusivement attaché , dans les écoles, à enseigner la musique tempérée, et l’on a fini par croire généralement qu'il n’y a de vraie musique que celle-là : l’excep- tion est devenue la règle. C’est précisément la marche opposée que l'on devrait suivre. On devrait enseigner la musique pure, la musique des grands chanteurs, celle des grands artistes qui jouent les solos sur des instruments à sons libres , c'est-à-dire , enfin ;, la musique moderne basée sur des principes certains, invariables, expliquant et mesurant lous les faits, sauf à faire connaître, au moment opportun, quelles sont les altérations que la pratique a très-logiquement fait subir à la musique exacte pour l'accommoder aux instruments à sons fixes. J'ai dit dans le texte que la vitesse du son dans l’air était de 340 mètres pour chaque seconde de temps. Ce nombre varie avec Jaf, température , il croit et décroit avec elle, J'ai cru utile de (12%) calculer une table donnant les vitesses V pour divers degrés t du thermomètre centigrade. Voici quelles sont les données de ce calcul. Pendant les nuits des 21 et 22 juin 1822, des membres de l'Académie des sciences et du Bureau des longitudes ont observé, sur &ivers chronomètres , le temps qui s'écoule entre la per- ception de la lumière d’un canon et la perception du son à une distance exactement mesurée de 9549,6 toises ou 18612,51984 mèires, ou un peu plus de 4 lieues. La moyenne entre les 74 mesures de ce tems est de 54,15135 secondes , d'où il suit que la vitesse du son est de 18612,51984 —— — 343,713, 54,1513 À di la température £ étant de 16°,9, moyenne entre les 32 observa- tions thermométriques. Maintenant , soit x la vitesse du son, à la température 0° de la glace fondante , on aura l'équation gd +.0,00367 xibor= BAIAD 2 à dans laquelle on fera : — 160,9, ce qui donnera x — 333m,525 et la formule pour calculer la table suivante sera V = 393,595 Vi + 0,00367 x ! ( 125 ) VITESSE DU SON DANS L'AIR. On ADN \'4 265,357 279,941 280,320 289,510 294,594 301,975 308,074 314,629 315,278 315,929 316,550 319,914 317,897 318,498 319,139 319,778 320,419 321,094 321,687 322,321 322,994 393,585 324,915 324 844 325,472 326,098 326,754 327,348 327,971 328,593 329,913 329,833 330,451 331,068 331,684 332,299 333,913 333,525 HEEEHHHEHEEE EE + ET EEE FÉ+FÉTHENIH HE ENS D] oO © QU QUE À © © © © cc 10 Q@ DR D w + © D mu = ST = TEE TT CE LOMME OO OR co 19 e M 49 & Ww K DE Cow L3 a & M 4 © mi y 333,525 334,137 334,947 335,356 335,905 336,572 337,178 337,782 338,386 338,989 339,901 340,191 340,79t 341,389 341,986 342,583 343,178 343,992 344,366 344,958 345.549 346,139 346,7°9 347,317 347,904 348,490 349,075 349,659 350,243 350,825 351,407 357,168 369,838 368,421 373,920 359,340 384,684 389.954 ( 126 ) Pour terminer, je ferai un rapprochement sans utilité , mais qui m'a paru assez curieux. La hauteur moyenne du baromètre à 0° au niveau de la mer moyenne à Dunkerque est de 761,33294. (Mém. de la Société pour 1842.) La densité du mercure à 00 étant 13,598, on aura pour la bauteur du baromètre à eau distillée et aussi à 0° 761,33294 x 13,598 — 10°,3526. Le nombre d'oscillations en une seconde, d’un son dont la lon- gueur d'onde serait égale à ce produit , est 333,929 — — 32,2166 10,3526 d’où il résulte que l’ut le plus grave de l'orgue, celui donné par un tuyau ouvert dit trente-deux pieds , a pour longueur d’ondu- lation , juste la hauteur du baromètre à eau à 00, au niveau de la mer. La double octave aiguë de cet ut est 32,2166 x 4 —- 128,8664, c’est-à-dire, l’ut du violoncelle à notre époque. La triple quinte aiguë de cet ut est 128,8666 x E} = 434,9241. C'est le {a du violoncelle. Le nombre d’oscillations d’un son dont la longueur d’ondula- tion serait égale à la hauteur du baromètre au mercure, dans les mêmes circons{ances , est 333,525 761,33294 — 438,081 ; (127) c'est , à trois oscillations près, le même la que celui qui résulte du baromètre à eau. La différence , c’est-à-dire, l'intervalle du plus grave au plus aigu de ces deux la, n’est que de de somma , car l'équation 438,0810 e ï 134,924 \80 donne æ —= 0,582.... (198 ) TABLE DE LOGARITHMES ACOUSTIQUES. Le comma +, base du système, est pris pour unité de mesure. N. | Log. 0,000000 | 41 298,038984 | 81 | 353,:48936 | 121 | 386,056532 19,797682 | 42 1 2 300,878814 | 82 | 354,736669 | 192 | 386,711665 3 | 88,437234 | 43 | 309,7720907 | 83 | 355,712463 | 123 | 387,376218 4 |111,595365 | 44 | 304,6:363r | 84 | 356,676406 | 124 | 388,027046 5 | ra9,558206 | 45 | 306,432674 | 85 | 357,628049 | 125 | 388,674618 208,201955 | 86 | 358,570679 | 126 | 389,31 6048 309,933369 | 87 | 359,501314 | 137 | 389,952407 31r,627963 | 88 | 360,421313 | 128 | 390,583796 313,287796 | 89 | 361,332970 | 129 | 391,210231 314,914094 | 90 | 362,230356 | 130 | 391,831850 6 | 144,234916 | 46 7 | 156,643898 | 47 8 | 167,393047 | 48 9 | 176,874468 | 49 10 | 365,355888 | 50 11 | 193,028266 | 51 Ta |200,032599 | 52 13 |206,455961 | 53 14 |219,441580! 54 316,507079 | 91 | 363,119859 | 131 | 392,440021 317,071326! 92 | 363,999637 | 132 | 393,060865 319,606539} 93 364 ,860g06 133 | 393,668408 321,109384| 94 | 365,731051 | 134 | 394,a714or 15 | 319,995440 | 55 | 322,586472| 95 | 366,582716 | 135 | 394,869908 EN, 223,190729 | 56 | 324,036945| 06 | 367,425645 | 136 | 395,462887 17 | 228.,069841| 57 | 325,461744| 97 | 368,278355 | 137 | 396,053739 18 | 232,692150| 58 | 3°6,861762| 98 | 369,085458 | 138 | 396,639189 19 | 237,024510 | 59 | 328,237848| 99 | 369,902734 | 139 | 397,210705 241,153591| 60 | 329,590805 | 100 | 350,711979 | 140 | 307,797468 ar {245,081139 | 61 | 330,913083{ ror | 391,512583 | 141 | 398,370603 22 | 248,825948 | 62 | 332,230354 | 102 | 372.304759 | 142 | 398,939318 93 | 259,404273 | 63 | 333,518366| 103 | 373,091233 | 143 | 399,504228 and 766 ons 104 | 333,869008 | 144 | 400,065 197 24 | 255,830281 | 64 25 |259,116412 | 65 | 336,024169! 105 | 3:4,639338 | 145 | 400,623986 26 |262,273644 | 66 | 337,263182| 106 | 395,404221 | 146 | 401,175546 27 |265,311902 | 67 | 338,453718 | 107 | 376,158298 | 147 | 4or,725080 28 |268,23926a | 68 | 339,665205 | 108 | 336,907067 | 148 | 402,270788 341,999786| 110 | 398,384155 | 150 | 403,351328 343,141636] rrr | 379,112658 | 151 | 403,886208 344,269515| 112 | 379,834629 | 152 | 404,417956 345,377864 | 113 | 380,550178 | 153 | 404,944309 346,473106 | 114 | 381,259426 | 154 | 405,469846 347,553646 | 115 | 381,962479 | 155 | 405,990878 348,619874 | r 16 | 382,659444 | 156 | 406,508560 349,65 2164 | r17 | 383,350429 | 159 | 407,022949 350,710898 | 118 | 384,035530 | 158 | 407,534087 351,736355 | 119 | 384,713739 | 159 | 408,043773 35°,748935 | 120 | 385,388489 | 160 | 408,546617 30 |273,7993123 | 90 ns | "+ | mme 31 | 276,432672| 9r 32 | 278,988411| 92 33 | 281,465500 | 93 34 | 283,866503| 74 35 | 286,202404| 75 36 | 288,469832 | 96 37 | 290,679424 | 95 38 | 292,8sa192 | 78 39 | 294:913195 | 79 40 | 296,951293 | 8o 29 |271,064080 | 69 | 340,8415u7 | 109 | 377,65085a | 149 | 402,81287x ÿ ab y 4 247017 ‘7 101 J ‘Z an? (2 ob} mm ‘1 VER À canbr 1 # 0777 N 10,91 dut, 106 cab 2 07777 qcalrvrpraon in DE IL UU (129 ) … FACULTÉS INTÉRIEURES DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS, Par M. J. Ma couaART, Membre résidant. In his tam parvis atque tam nullis quæ ratio! quanta vis! quam inextricabilis perfectio. Pline. Généralités. Parmi les travaux qui de nos jours ont fait faire à l'histoire naturelle les progrès dont elle se glorifie à si juste titre , il en est peu qui soient aussi importants que ceux relatifs aux facul- tés intérieures des animaux. ils ont créé cette partie de la science dont l’objet est la connaissance positive et expérimen- tale des faits qui concernent ces facultés ; ils l'ont tirée de l’obs- curité qui n’avait cessé de régner depuis les temps les plus re- culés ; ils ont substitué aux fausses clartés des systèmes et des théories , la lumière produite par l'observation guidée par l’é- tude de la physiologie. Pour se faire une idée du chaos que la science a dissipé, il suffit de se rappeler les principales opinions si diverses qui ont été émises de tout temps sur ce sujet: Anaxagore admet entre l'homme et les bêtes cette différence que le premier seul peut expliquer ses raisonnements. Épicure, et après lui Lucrèce, attri- buait aux bêtes, comme à l’homme, une âme matérielle et mortelle. Suivant Aristole, un seul animal est capeble de réfléchir et de délibérer : c’est l'homme. Il est vrai que plusieurs autres animaux participent à la faculté d'apprendre et à la mé- moire ; mais lui seul peut revenir sur ce qu'il a appris, lui seul 9 ( 130 ) s’émeut de la considération des choses à venir. Suivant Pline, chaque animal se comporte bien en son espèce- Plutarque dit que « si Îles animaux discourent plus lourdement et plus grossièrement que ne fait l’homme, ec n’est pas à dire pourtant qu'ils n'aient, de tout point, de discours, ni de raison naturelle » (1). Descartes, dont l’opinion eut un si prodigieux retentissement , fait de cette question une thèse métaphysique, il voit dans les bêtes de purs automates, de simples machines privées de tout sentiment et de toute connaissance, bien qu'elles fassent plusieurs choses aussi bien et peut-être mieux que nous. Locke refuse aux bêtes la faculté de comparer et d’abstraire. Willis ne donne qu'à l’homme une âme rationnelle ; celle des bêtes est toute corporelle. II leur accorde toutefois la connais- sance, l'imagination , la mémoire, l'expérience, le jugement. Dureau de la Malle admet qu'il y a chez les animaux qualités instinctives, faculté d'imitation , mémoire et réminiscence, vo- lonté, délibération et jugement. Réaumur, dans son admiration pour les actes des insectes, accorde de l'intelligence aux ani- maux ; mais confondant cette faculté avec l'instinct , c’est pro- bablement ce dernièr qu’il entendait. Buffon ne voit que du mécanisme dans les animaux ; il leur refuse l'instinct et l'intel- ligence ; mais par une contradiction formelle, il leur accorde les sensations , le sentiment, la conscience de leur existence ac- tuelle et même une sorte d'intelligence, mais qui n’est pas la pensée, l'esprit de l’homme. Condillac, confondant également ces deux facultés, veut ramener l'instinct à l'intelligence par l'habitude. Suivant lui , l’instinet n’est rien , ou c’est un com- mencement de connaissance ; l'instinct n’est que l'habitude pri- vée de réflexion ; cependant il ne peut provenir de l'habitude, car il la précède toujours; il va jusqu’à dire que les bêtes ont des (x) Traduction d’Amyot,. ( 131 idées abstraites Georges Leroy , dans ses lettres sur l’intelli- gence et la perfectibilité des animaux, tombe dansla même con- fusion en admet!ant que , par l'action répétée de la sensation et de l’exercice de la mémoire, l'instinct des animaux s'élève jus- qu’à l'intelligence, et que, par exemple, res voyages des oiseaux sont le fruit d'une instruction qui se perpétue de race en race. Bonald, par opposition à sa belle définition de l’homme, définit l'animal : des organes mus par un instinct. Cependant toute cette confusion s'est dissipée à la lumière qu'ont répandue , sur cette question Cuvier, Dugès , M. Flou- rens et d’autres physiologistes qui ont démontré dans les ani- maux deux facultés opposées, très-distinctes , très indépen- dantes l’une de l’autre , réparties d’une manière très-inégale et graduée: celle de l'instinct et celle qu'ils nomment intelligence, el à laquelle nous donnons le nom de discernement pour la dis- tinguer de l'intelligence que nous refusons aux animaux. L'homme est le seul être sur la terre , qui, à nos yeux , soit éclairé de la lumière de l'intelligence. Il est, selon la définition si connue de Bonaid , une intelligence servie par des organes. Pourrait-on le dire des animaux? Son intelligence est de‘la même nature que celle du l'ange, que celle de Dieu même qui la fait à son image. Attribuer l'intelligence aux animaux , c’est les élever jusqu'à l’homme, ou le ravaler jusqu'à eux. D'ailleurs , celte expression est consacrée par nos livres saints : Dieu a dit à l’homme : Zntellectum tibi dabo (1). I lui a donné en termes positifs ce qu’il a refusé en termes également positifs à l'ani- mal : Nolite fieri sicut equus et mulus quibus non est intellec- tus (2). De plus, le mot intelligence nous parait embrasser la plé- nitude du choix , une liberté sans limites : inter eligere, et il ne peut être employé pour l'animal même le plus parfait. Du reste, (1 Psaume 31. (2) Psaume 31° (132) les auteurs, qui, comme nous, appartiennent à l'école spiritua- liste, et qui appliquent le mot intelligence aux animaux, distin- guent l'intelligence animale de l'intelligence humaine ; mais nous croyons que, par la raison qu'ils distinguent l'instinct et l'intelligence animale par deux expressions différentes, nous devons donner également des noms différents à l'intelligence animale et à l'intelligence humaine, qui diffèrent bien plus en. core entre elles; car le même nom doit impliquer la même chose. C'est pourquoi nous nous servons du mot discernement pour les animaux. L'instinct se présente toujours sans instruction, sans expé- rience; il ne fait jamais de progrès ; il est toujours particulier à l'espèce, c’est-à-dire qu'il y a plusieurs instincts. Le discer- nement est susceptible d'instruction, d'expérience, de progrès, et il est général , c’est-à-dire qu'il n’y a qu’un discernement. (Flourens). Rien n’est plus propre à faire sentir la différence qui existe entre ces deux puissances que de les comparer dans les animaux qui les possèdent à un degré élevé, tels que l’Abeiïlle et le Chien. L'Abeille, ce chétif insecte, qui n'est susceptible d'aucune éducation , d'aucune expérience , d'aucun progrès, fait dès sa naissance et pendant toute sa vie une suite d'actes merveilleux , qui confondent la raison humaine : elle construit, de concert avec ses compagnes et avec les matériaux dont elle recueille les éléments sur les fleurs , ces gâteaux de cire dont l'ordon- nance est tellement conforme aux lois d’une haute géométrie , qu'il a fallu tout le génie de l’homme pour parvenir à com- prendre ce prodige opéré par un aveugle instinct. Elle propor- tionne le nombre et la grandeur des alvéoles aux larves d'ou- vrières, de mâles. de reines dont elles doivent recevoir les œufs et la nourriture ; elle sait, dans les interrègnes accidentels qui surviennent dans ces monarchies en quelque sorte électives, éle- ver de simples ouvrières à la dignité royale , et leur en donner (133) toutes les qualités, en agrandissant leur berceau et en leur donnant un sureroit de nourriture; elle sait pourvoir à tous les besoins de la ruche, au point d’y réparer l’allération incessante de l'air au moyen de la ventilation opérée par le mouvement rapide de ses ailes. Cent autres traits d’un instinct également ingénieux et également machinal lui ont mérité l'espèce de culte que lui rendaient les anciens comme à un être qui avait quelque chose de divin, et lui ont valu l'honneur de déterminer la fondation de savantes académies, uniquement instituées pour étudier son organisation et ses mœurs. Le Chien est doué d’un discernement d’un ordre aussi élevé que l'instinct de l’Abeille ; il connaît, il délibère , il choisit ; il perfectionne ces dons intellectuels par l'éducation individuelle, par la mémoire , par l'expérience , et à toutes ces qualités, il joint le sentiment , cette faculté supérieure au discernement même, qui anoblit son être (1), et en fait l'ami de l’homne, dont il assure le repos par sa vigilance et sa fidélité, dont il garde les troupeaux , auquel il procure les avantages et les plaisirs de la chasse par son courage, son adresse et son coup-d’œil, et dont il charme les loisirs par sa gaité, son esprit et son affection. L’Abeille et le Chien, par des voies opposées, s'élèvent aux plus hauts degrés de la création matérielle. DE L'INSTINCT. L'instinct, cette faculté innée, primitive, aveugle, irréfléchie, machinale, invariable, irrésistible, involontaire , a été accordée particulièrement aux animaux inférieurs pour suppléer au dé- faut de discernement ; et c'est, dit Dugès, une des preuves les plus frappantes de ïa sagesse qui a tout dispensé dans l’uni- vers, que de voir des espèces trop faibles et trop peuraisonnables pour se conserver par elles-mêmes , être préservées d’une des- (1) Buffon, (134 ) truction inévitable par le don de quelques prérogatives toutes spéciales, toutes restreintes au seul but de leur conservation, et portant néanmoins le cachet d'une méditation profonde, d’une apprécialion lumineuse des effets et des causes. Parmi les phé- nomènes organiques par lesquels cette sagesse prévoyante se manifeste en faveur des animaux, il en est dans lesquels elle agit directement sans l'intervention de l'instinct. C’est ainsi qu'un assez grand nombre de Mollusques déposent leurs œufs par groupes renfermés dans des capsules, des poches, des sa- chets , ou agglomérés en grappes, en bandes, en chapelets, enveloppés de substances muqueuses ou gélatineuses , dans les- quelles les jeunes individus trouvent un premier aliment en même temps qu'un abri contre l'agitation des flots. Nous y re- trouvons la même sollicitude qui préside avec tant de moyens ingénieux, à la conservation et à la diffusion des semences des végétaux. Dugès définit l'instinct : une disposition organique (interne comme externe) de l'espèce et produisant des actes réguliers, mais non raisonnés et souvent irrésistibles, involontaires même, quoique exécutés par des muscles ordinairement soumis à l'em- pire de la volonté. L'instinct se divise rationnellement et physiologiquement en trois modifications principales qui cons- tituent l'instinct vital, l'instinct animal et l'instinct encéphalique ou cérébral, selon la nature des phénomènes que présente chacun d'eux. L'instinct vital est celui qui excite dans les viscères des be- soins qui deviennent la cause d'actes plus ou moins complexes. La faim , par exemple , esl une sensation qui, ayant lieu dans l'estomac , est conduite de cet organe par les nerfs à l’un des cenires nerveux. Si la réaction s'opère seulement dans les gan- glions du nerf granë sympathique, il n’y a que des mouvements intérieurs et involontaires , parce que le système cérébro-spi- nal n'y participe pas. £i elle s'étend jusqu'à la moelle épinière , (135 ) il y a des mouvements extérieurs, mais dans lesquels la volonté n'intervient pas. C’est ainsi que le bec s'ouvre chez beaucoup d'oiseaux nouvellement nés, à l’approche des parents porteurs de la nourriture. Si la réaction a été transmise jusqu’au cervelet et au cerveau , c’est le discernement qui agit et qui détermine des actes entièrement volontaires, comme lorsque l'animal cherche à apaiser sa faim en cherchant sa proie. (Dugès.) L'instinct animal est plus ou moins combiné avec l'instinct vital; mais considéré isolément , il dépend entièrement de la conformation des organes extérieurs. Dans les animaux infé- rieurs où le système nerveux n’est pas centralisé, comme dans les polypes , la sensation ne détermine que le mouvement des tentacules ; ensuite, lorsque la réaction s'opère dans les gan- glions, l'instinct animal s’accroit progressivement et s’harmo- nise avec les modifications et les développements de lorganisa- tion extérieure. Ainsi, le Mollusque rampe , le Papillon vole, le Criquet saute, le Crustacé nage, l'Araignée file. À mesure que le système nerveux se concentre et présente une moelle épinière , un cervelet, un cerveau, l'instinct animal se mélange plus ou moins avec des actes de discernement, C'est ainsi que l’Araignée modifie sa toile suivant les différentes par- ticularités de la position qu’elle choisit, et qu'avant de dévorer sa proie elle la garotte plus ou moins solidement suivant la ré- sistance qu'elle en attend. L'instinct cérébral, dont le siége est dans le cerveau comme le discernement , se distingue de l'instinct animal en ce que ses actes sont indépendants de ja forme des organes. La Chenille qui , avant de passer à l'état de Chrysalide , se suspend par la queue , ou s'attache par une ceinture , ou se renferme dans un cocon, n’est pas déterminée à l'une plutôt qu'à l'autre de ces précautions par des modifications de ses organes , mais par une impulsion innée. Il en est de même de l'OEstre qui dépose ses œufs sur les épaules des chevaux, ignorant la vie intestinale ré- servée à ses larves. (136) L'instinct cérébral , considéré dans ses principales modifica- tions, porte les animaux à vivre, ou solitaires, ou en famille, ou en société. Il peut dans chacune d'elles atteindre un haut degré de développement. C’est dans la solitude que vivent l'Araignée, qui tend ses filets , le Fourmilion qui guette sa proie au fond de son perfide entonnoir , le Bernard l’hermite, qui, d'une co- quille empruntée, se fait une cellule , le Hibou, qui s’isole dans les ténèbres, le Lion, le Tigre, l'Hyène , redoutables solitaires des forêts et des déserts. L'instinct de famiile, par lequel les enfants restent avec leurs parents jusqu’à ce qu'ils se dispersent pour former une nouvelle génération , se trouve également dans une partie de chaque classe animale. La Punaise des bois mène sa couvée sur le feuil- lage ét la guide avec sollicitude. C’est le même instinct que nous présente, parmi les oiseaux, le Cygne, ce modèle de la vie de famille , comme de la grâce et de la beauté. Le Coq, ses Poules et leurs Poussins en offrent un exemple à la manière orientale. Les Dauphins, parmi les Cétacés , les Cerfs , les Che- vreuils, parmi les Mammifères , jouissent aussi des douceurs de cette vie. L'instinct social porte les animaux à se réunir et souvent à s'entendre, à se subordonner. Uni à l’industrie, il leur fait exé- cuter des travaux dont l'importance est proportionnée à la gran- deur et au nombre des individus associés. Il se modifie de di- verses manières : les sociétés sont annuelles ou permanentes. Les premières présentent un exemple bien remarquable dans les Guêpes dont les réunions innombrables, composées d’indivi- dus non-seulement des deux sexes, mais encore de neutres , c'est-à-dire, de femelles stériles, nous font admirer leur instinct architectural plus encore que nous ne craignons leurs piqüres et leurs déprédations. Ce sont aussi des sociétés annuelles ou au moins temporaires que forment les animaux voyageurs qui chan- gent de climats, les uns pour échapper aux rigueurs de la tem- (137) pérature, d’autres pour assurer leur subsistance, d’autres pour chercher les lieux les plus favorables pour la reproduction. Tels sont les Sauterelles et les Criquets, qui portent trop souvent la dévastation dans des régions entières , et, parmi les animaux supérieurs , ces troupes innombrables d'oiseaux et de poissons qui, chaque année fendent les airs et les mers , et vont du nord au midi, de lorient à l'occident (1), obéissant à l'instinct qui leur fait adopter un chef et suivre un ordre régulier , le plus propre à vaincre la résistance de l'air ou de l'eau, c'est-à-dire , une disposition angulaire. C’est ainsi que les Cigognes, les Grues, les Oies, les Cailles, les Hirondelles traversent l’atmos- phère à des époques fixes, ayant pour boussole l'instinct que leur a donnée la sagesse suprême. Ils savent connaître les temps qui leur conviennent et les vents qui leur sont favora- bles ; ils ne s'égarent jamais dans leur route, et ne se tro m pent jamais sur les lieux où ils doivent s'arrêter. C'est ainsi que les Harengs, les Morues , les Maquereaux forment ces prodi- gieuses colonies qui s’avancent tous les ans des régions polaires vers les climats tempérés et dont la merveilleuse fécondité est si précieuse pour le genre humain. Les sociétés permanentes commencent, dans les animaux in- vertébrés, soit par colonies ou essaims, soit par une seule fe- melle dont la fécondité fonde l'association , continuée par de nouvelles générations. Les Abeilles, les Fourmis, les Termès nous en donnent des exemples parmi les insectes dont l'instinct est le plus développé, comme les Éléphants, les Singes, les Cas- tors el les Phoques parmi les vertébrés. L'instinct social produit sur les animaux, au moins dans les classes où il se joint le plus au discernement , c'est-à-dire , les Oiseaux et les Mammifères, un effet bien remarquable et (4) Les Grues voyagent de l'orient à l'occident et réciproquement, (138) dont l’homme tire sa plus grande puissance matérielle : la ten- dance à la domesticité. Toute espèce sociable est ou peut deve- nir domestique ; aucune espèce solitaire n’est susceptible de le devenir. Îl est si vrai que la domesticité tire sa source de l'instinct, que les degrés si différents de discernement n’y influent pas, et que le stupide Mouton n’y est pas moins soumis que le chien qui le garde. Une seule espèce, le chat, naturellement solitaire , considérée comme domestique , semble former une exception ; mais, ainsi que le dit Buffon, quoique habitants de nos maisons, les chats ne sont pas entièrement domestiques, et les mieux ap- privoisés n’en sont pas plus asservis. M. Flourens, qui a le premier exposé cette théorie, ou plutôt celte vérité , l’appuie d’une considération très-ingénieuse qu'il exprime ainsi : « Le cheval, devenu par la domesticité l'associé de l'homme, l'est naturellement de tous les animaux de son es- pèce. Les chevaux sauvages vont par troupes ; ils ont un chef qui marche à leur tête, qu'ils suivent avec confiance . qui leur donne le signal de la fuite ou du combat. Ils se réunissent ainsi par instinct, et telle est la force de cet instinct. que le cheval domestique qui voit une troupe de chevaux sauvages . et qui la voit pour la première fois , abandonne souvent son maitre pour aller se joindre à cette troupe, laquelle, de son côté , s'approche et l'appelle.» Le mouton que nous avons élevé nous suit; mais il suit éga- lement le troupeau au milieu duquel il est né. Il ne voit dans l'homme, pour me servir d'une expression ingénieuse de K. Cu- vier, que le chef de sa troupe ; et ceci même «est la base dela « théorie nouvelle ; l’homme n’est pour les animaux domesti- « ques qu'un membre de la société : tout son art se réduit à se « faire accepler par eux comme associé ; il devient bientôt « Jeur chef, leur étant aussi supérieur qu'il l’est par l'intelli- « gence. Ilne change donc pas l’état naturel de ces animaux , « comme le dit Buffon, il profite, au contraire, de cet état naiu- (139 ) « rel; en d’autres termes, il avait trouvé les animaux sociables, « il les reud domestiques en devenant leur associé, leur chef ; « et la domesticité n’est ainsi qu'un cas particulier, qu’une « simple modification de la sociabilité. » C'est ainsi que l'instinct social est le principal moyen dont la sagesse suprême s’est servie pour accomplir la parole primi- tive par laquelle elle a donné à l’homme l'empire sur les ani- maux. L'instinct cérébral n’est quelquefois inné que par génération, par hérédité ; les souvenirs profonds , les aptitudes acquises par l'expérience , par l'éducation s’impriment dans le cerveau, y laissent une empreinte qui en modifie la conformation et qui se transmet de père en fils. C’est ainsi que chaque race de nos animaux domestiques est douée de qualités qu’elle doit à l'éducation qu'ont reçue ses ancêtres , et c’est ce qui a donné lieu au proverbe : bon chien chasse de race (4). La gradalion que nous observons dans l'instinct et qui est en rapport avec celle que nous montre ie système nerveux, se ma- nifeste en général dans les grandes séries des animaux inverté- brés et particulièrement dans les insectes. Elle se montre aussi dans l'instinct et particulièrement dans l'industrie des simples familles. Par exemple, l’art de construire des cellules est très- a (1) « Toutes les fois que les navigateurs ont pénétré dans des contrées nou- « velles et isolées, les oiseaux se laissaient approcher et même saisir sans témoi- « gner de crainte ; mais bientôt, avertis par le massacre de leurs compagnons, et « par leurs propres blessures, ils ont appris à redouter l’homme, à le fuir , et « celte craiute s’est naturellement transmise à leur postérité ; de telle sorte que, « dans ces pays comme dans les nôtres, sans avoir jamais vu d'homme , Un oi- « seau, tout jeune encore , est saisi de frayeur à son aspect. » & Si, dans l’homme, la transmission des qualités héréditaires ne se manifeste « que d’une manière très-restreinte et très-confuse , la cause en est dans Ja mul- « tiplicité des opérations intellectuelles qui rend cette transmission impossible. » Dugès, ( 140 ) gradué dans la tribu des Apiaires, dont les abeilles sont le genre principal. D'abord, les Eucères se bornent à creuser en terre un trou cylindrique, dont ils polissent les parois. Ils placent au fond une pâtée qui a pour base le pollen des fleurs, déposent un œuf auprès, bouchent ensuite l'ouverture du trouet en font d'au- tres jusqu'à ce qu’ils aient achevé leur ponte. Les Anthophores font leurs nids dans les fissures des rochers ou des vieux murs: ils y apportent de la terre, en faconnent leurs cellules deux à deux, l’une au-dessus de l’autre, sous la forme de dés à coudre, et en lustrent l'intérieur. Elles y mettent également un œuf et de la pâtée. Les Mégachiles, coupeuses de feuilles, creusent une petite cavité cylindrique; puis elles vont couper trois ou quatre fragments arrondis de feuilles d'églantiers ou de pétales de pa- vots; elles les introduisent ingénieusement dans le trou, en cou- vrent les parois; elles placent au fond un œuf et une pâtée de pol- len de coquelicots et de miel ; ensuite elles replient les bords supérieurs de ces tapisseries pour refermer le nid, le recouvrent de terre et en construisent plusieurs autres sur le premier. D'au- tres Mégachiles choisissent un angle de mur sous une corniche, y apportent une terre très-fine qu'elles délaient avec leur salive; elles en forment 12 à 15 cellules les unes à côté des autres, y placent leurs œufs et une pâtée miellée, et les recouvrent d’une couche commune d’un ciment très-solide. Les Xylocopes font leurs nids dans le bois décomposé, y creusent de longues galeries cylindriques au fond desquelles elles façonnent une première cel- lule qu'elles munissent de pâtée et d’un œuf ; elles la ferment d’un couvercle qui sert de base à une seconde cellule, et ainsi de suite, dans toute la longueur de la galerie; et ensuite elles en recommencent une autre et jusqu’à trois ou quatre. Les Bour- dons commencent à former des sociétés composées de mâles, de femelles et de neutres, mais seulement annuelles. {ls font leur nid dans la terre à l'extrémité d’une longue galerie, et le recou- vrent d’une couche de cire. Ils y déposent un amas irrégulier de (141) pâtée dans laquelle ils placent leurs œufs. Lorsque les larves ont atteint le terme de leur croissance, elles se filent des coques de soie qui remplacent la pâtée et forment ainsi des gâteaux irré- guliers. Ils ÿ construisent aussi de petits vases toujours ouverts qu'ils remplissent de miel pour leur nourriture. C’est l’ébauche des sociétés permanentes des Abeilles, de leur merveilleux instinct et même des actes de discernement qui s’y mélent et dont nous aurons un grand nombre d'exemples à mentionner. DU DISCERNEMENT. Le discernement des animaux est, comme l'instinct, une puis- sance distincte et primitive. Ses actes sont libres, volontaires, électifs ; elle est fondée sur la perception et la mémoire, qui produisent la comparaison, le jagement, la détermination ; elle se développe par l'expérience et l'instruction. Comme l'instinct, le discernement est gradué dans les diverses classes d'animaux d’après le développement du système nerveux, eltoujours plus ou moins combiné avec l'instinct. A peine sensible dans les invertébrés inférieurs qui ne montrent qu’à des degrés très-bornés la sensation, la perception, le souvenir et la volonté, il se manifeste un peu dans les Mollusques et les Crustacés, da- vantage chez les Arachnides et les insectes, où il paraît assez souvent l’auxiliaire de l'instinct, surtout dans les circonstances fortuités de leur vie industrielle, Elle prend un essor lent, mais progressif, dans les classes inférieures des vertébrés, les poissons et les reptiles; elle prend @e l'extension chez les oiseaux, et parvient enfin chez les Mammifères, en s'élevant successivement des Rongeurs aux Ruminants, aux Pachydermes et aux Carnas- siers, au plus haut degré que l'animal peut atteindre, à une dis- tance infinie de l'intelligence humaine, cette puissance supérieure à toutes les autres puissances terrestres. Selon M. Flourens, la seule différence qui distingue le discer- (182) nement des animaux de l'intelligence de l'homme, c’est la ré- flexion , cette faculté suprême, dit M. Flourens , qu’a l'esprit de l'homme de se replier sur lui-même et d'étudier l'esprit par l’es- prit, de connaitre la pensée par la pensée. La réflexion, ainsi dé- finie, est donc la limite qui sépare l'intelligence de l'homme du discernement des animaux, et l'on ne peut disconvenir, en effet, qu'il n'y ait là une ligne de démarcation profonde. Cette pensée qui se considère elle-même, celte intelligence qui se voit et qui s'étudie, cette connaissance qui se connaît, forment évidemment un ordre de phénomènes déterminés d’une manière tranchée et auxquels aucun animal ne saurait atteindre. C’est là, si l’on peut ainsi dire, le monde purement intellectuel , et ce monde n'ap- partient qu'à l'homme. En un mot, les animaux sentent, con- naissent, pensent (1); mais l’homme est le seul de tous les êtres créés à qui ce pouvoir ait été donné de sentir qu'il sent, de con- naître qu'il connait et de penser qu'il pense. » Est-ce bien là une définition de l'intelligence humaine ? Est-ce bien par la réflexion, c'est-à-dire, en se repliant sur soi-même, en se considérant soi-même où il ne trouve que des sensations et tout ce qui en dérive, que l’homme s'élève jusqu'aux vérités mé- taphysiques et morales, jusqu’à l’immortalité de l'âme, jusqu’à Dieu, ces principes universellement reconnus par le genre hu- main ? Nous ne le pensons pas, et nous croyons que l’homme dif- fère essentiellement des animaux par son âme, c’est-à-dire, par le souffle divin dont Dieu anima son corps après l'avoir tiré du limon de la terre; en sorte qu'il se trouve composé de deux substances de nature et d’origine différentes, et il est le seul être créé qui présente ceite circonstance. Son âme vient donc directement de Dieu, et n’a point son origine dans la matière. (x) Nous n’admettons pas que les animaux pensent, parce que ce qui constitue la pensée, c'est la connaissance des idées qu'on a, ce qui n’appartient qu’à l’homme. (143 ) Les actes que produisent l'instinct et le discernement des ani- maux sont infinis; ils excitent puissamment notre curiosité, souvent notre admiration ; ils sont le principal attrait qui nous charme dans l’histoire naturelle, cette science contemplative des œuvres de Dieu; ils nous intéressent encore par les avantages ou les dommages qu'ils nous causent. Il nous importe donc de les connaître, de les distinguer entre eux, de faire la part de l'instinct et du discernement dans chacun d'eux. Ce travail a été abordé pour les vertébrés et particulièrement pour les Mammi- féres, par Georges Leroy, Frédéric Cuvier, M. Flourens, Lesson. Nous trouvons un grand chaime dans les observations par les- quelles ils ont approfondi et analysé les mœurs de cette élite de la race animale. Quant aux invertébrés, nous prenons un intérêt non moins grand aux mémoires de notre célèbre Réaumur et de ses émules sur l'instinct des insectes ; mais le sujet est si vaste, et il a été si peu étudié pour les autres classes, telles que les Mollusques ct les Crustacés, qu’on peut le regarder comme peu avancé encore. Nous croyons donc utile de réunir quelques ma- tériaux épars en présentant les observations que nous avons re— cueillies sur l'instinct et le discernement des invertébrés, en dis- tinguant ce qui appartient à l’une ou à l’autre de ces facultés, el en signalant l'harmonie qui règne entre elles et la conforma- tion de ces petits êtres. Car, ainsi que l'a dit M. J. Geoffroy St-Hilaire : « Chaque organe, dans chaque animal, a exacte- ment la structure, la position, le volume, la forme les plus favo- rables à l'accomplissement de la fonction qui lui est dévolue, et le savoir Le plus profond sur l’organisation des animaux, les rai- sonnements Îles plus ingénieux eur les nécessités de leur vie, ne sauraient rien concevoir qui püt ajouter à la perfection de ces créatures (4) » ee met nr mm, (x) Article zoologie de l'Encyclopédie du XIXe siècle. (14 ) INFUSOIRES. La série animale, cette échelle visible par où l’homme monte vers le Créateur, ce mode matériel choisi par Dieu pour arriver progressivement à la plus harmonieuse de toutes les formes (la forme humaine, qui résume en elle la création tout entière), doit commencer par les animaux les plus simples. A ce titre, nous plaçons au premier rang les Infusoires, quoique, suivant une autorité imposante et fort accréditée en Allemagne, ces animaux microscopiques aient un organisme assez compli- qué (4). Nous croyons , suivant une autre opinion plus généra- lement adoptée en France (2), qu'ils sont placés à la limite de la vie animale, qu'ils ne présentent d’abord qu'une substance gé- latineuse, homogène, contractile par elle-même et sans organes proprement dits, et que, de cette simplicité organique, ils s’élé- vent de quelques degrés dans la série, et se rapprochent, par le progrès de l'organisation et par certaines analogies, des autres classes inférieures. Du reste, l’extrême petitesse et la transpa- rence de ces animalcules ne nous permettent de les voir que d’une manière imparfaite. Le microscope a bien pu nous dévoi- ler un monde nouveau, nous signaler 40,000 animaux dans l'es- pace qu’occupe un grain de sable (3) ; mais il n’a pu encore nous les montrer, surtout à l’intérieur, de manière à pouvoir juger avec certitude de leur organisme. Dans ces animalcules, comme dans les Polypes qui les suivent, la substance nerveuse, dans sa disposition la plus simple, est disséminée dans toute la substance musculaire, de sorte que le (x) Suivant M. Ehrenberg, les Infusoires ont pour la plupart un intestin divisé en nombreux estomacs , et les deux sexes réunis. (2) Celle de Cuvier, Lamarck , Treviranus , Oken , Dujardin, ete, (3) Suivant Leuwenhoeck. ( 145 ) corps entier est en quelque sorte tout cerveau comme il est tout muscle, et, par conséquent, aple à recevoir des impressions. Le premier terme (1) de cette série, comme de l’animalité en- tière, est linéaire, sans aucun organe; il est le plus petit des animaux connus, n'ayant de longueur que deux millièmes de millimètre. Il respire et il se nourrit à la surface du corps par l'absorption de l'air et de molécules alimentaires; il se produit de germes inconnus et ensuite par la division spontanée, com- mune à tous les infusoires ainsi qu'aux polypes. Son instinct se borne à se mouvoir en vacillant par l'effet de la contractilité de sa substance ; sa part de discernement, si l’on peut employer ce mot, se réduit à vouloir être en repos ou en mouvement quand il le juge convenable. À ces animaux élémentaires succèdent dans la série ceux qui ont l'instinct de changer à chaque instant de forme, au moyen de l'extension ou de la contraction de chaque partie du corps, de sorte qu'il en résulte des expansions qui ne sont jamais les mêmes, rentrant et se confondant successivement dans la masse. Ces Protées (2) qui réalisent celui de la fable, commencent à ma- nifesler à l'intérieur des corpuscules venus du dehors, ei des gra- nules que l'on retrouve dans tous les infusoires suivants. Les premiers paraissent pénétrer au-dedaus par l'effet de la contrac- tion des parties du corps et à l’aide de la faculté par laquelle l'intérieur se creuse de vésicules qui reçoivent ces corpuscules dont la propriété nutritive est probable, mais non constatée. La nature des granules est également incertaine, mais on ne peut guères se refuser à croire qu'ils sont des œufs ou des germes. (1) Bacterium termo, Dujardiu, (2) Famille des Amibiens , renfermant les Protées. Dujardin, (3) Suivant M, Dujardin, ces granules sont de deux sortes : les unes , d’une ténuité extrême et irrégulière, sembleut un produit de sécrétion, plutôt que des œufs ; d’autres, qu’en raison de leur uniformité on serait plus fondé à regarder 10 (146) Après ceux-ci, les Infusoires présenteit deux modifications principales : les uns restent nus, les autres sécrètent une cara- pace. Dans les uns et les autres , l'organisme s'accroît pro- gressivement. Aux Protées succèdent les Bhizopodes, animal- cules qui n’en différent que par leurs carapaces, et qui ont été classés parmi les Mollusques céphalopodes avant que leur simpli- cité organique fût reconnue (1), erreur qui provenait de la struc- ture compliquée, régulière, élégante de ces coquilles dont les animaux étaient jugés d’après leurs demeures. Dans les familles suivantes, le corps perd sa simplicité exté- rieure en se garnissant de filaments charnus (2); diversement dis- posés en écharpe , en couronne, en spirale (3), en séries régu- lières (4) qui servent sans doute à la locomotion. C’est parmi ces derniers groupes que nous commençons à voir une bouche souvent entourée de cils, qui reçoit les aliments et les transmet aux vésicules de l’intérieur , sans qu'il y ait ni canal intestinal, ni orifice postérieur. Outre ces organes, plusieurs familles sont pourvues de sup- ports ou de pédicules et forment de nombreuses agrégations (5). Cette série jusqu'ici si régulièrement graduée, s’interrompt brusquement, et, après une profonde solution de continuité (6), reprend son cours dans lesrotateurs (7), qui, également micros- comme des œufs, mais qui lui paraissent trop consistants et trop homogènes pour être tels. Suivant Ehrenberg , ce sont des œufs. (x) Ge sont les Foraminifères de M. d’Orbigny (2) Monadiens, Volvociens, Dinobryens, Thécamonadiens, Eugleniens, Péri- diniens , de Dujardin. (3) Trichodiens, Bursariens, id. (4) Leucophryens , Paraméciens , id, (5) Vorticelliens, id. (6) Quelques genres isolés, les Coleps, les Planarioles, les Chætonotes, paraissent cependant intermédiaires entre les familles précédentes et lessuivantes. (7) Systolides, d'Erenberg et Dujardin. ( 147 ) copiques et liés aux précédents par de nombreux rapports de conformation, en diffèrent par un organisme beaucoup plus complexe. Ils on non-seulement à l'extérieur un organe du tou- cher, sous la forme d'éperon, une bouche armée de mâchoires et entourée d'un appareil qui présente l'apparence de roues tour- nant avec rapidité, des points oculiformes, qui sont peul-être des yeux rudimentaires; mais ils ont à l’intérieur un canal digestif, revêtu de cils vibratiles en dedans, un ovaire dans lequel les œufs prennent une grosseur considérable, et des vestiges de vaisseaux, de nerfs, de muscles encore peu appréciables. Enfin, une dernière modification des Infusoires nous présente les Tardigrades qui, à l’organisme complexe des précédents, joignent un organe locomoteur composé de huit pattes munies d'ongles. Il résulte de ces modifications organiques une diversité infinie de formes, et même quelquefois la grande contractilité du corps donne aux mêmes Infusoires une multitude de figures différen- tes. C'est ainsi que les Vorticelles se faconnent en trompette, en disque, en cloche, en parasol, en cornemuse, en vase, etc., et c'est ce qui excitait l'admiration de Muller. « De toutes les merveilles de la nature qu’il m'a été donné de voir, dit-il, celle-ci est cer- tainement la plus admirable ; c’est le suprême artifice de la na- ture, qui frappe d’étonnement l’esprit et fatigue l'œil. » Après ce léger aperçu de la conformation des Infusoires, con- sidérons-les dans leur manière de vivre, dans leur instinct aussi simple, mais aussi diversifié que leur organisme. Ces animalcules habitent généralement les eaux ; ils y sont d'autant plus nombreux qu’ils y trouvent plus de nourriture et de caline; c’est dans les infusions, dans les eaux stagnanies, remplies d'herbes en putréfaction (et ce sont encore des infu- sions), sur les plantes et les animaux aquatiques, dans les citer- nes, les ornières, les gouttières, qu'ils pullulent avec le plus d’abondance, et souvent au point de les colorer en vert ou en (148) rouge (1). L'eau de la mer, celle des salines, leur conviennent comme l’eau douce, pourvu qu’elles soient calmes. Ils se mon- trent aussi dans les sécrétions animales, telles que le lait, la sa- live, le tartre des dents (2). Un assez grand nombre d’entre eux vivent à l'extérieur ou à l'intérieur d’autres animaux, et particu- lièrement sur les Polypes d’eau douce (3), les coquilles, les pe- tits Crustacés, les larves d'insectes aquatiques (4), dans l’intérieur du corps des Lombries, des Grenouilles (5). La manière de vivre des Infusoires, dans le milieu qu'ils habi- tent, est aussi diversifiée que leur organisme. Les uns vivent libres (6), d’autres fixés (7), d’autres en état d’agrégation (8). Ceux qui vivent libres se meuvent, les uns sans organe de lo- comotion, par une simple vacillation (9), ou par un mouvement ondulatoire (10), ou par un tournoïement comme le spirillum volutans, ce petit être qui, sous le plus fort microscope, ne paraît que comme une très-fine ligne noire en tire-bouchon, tournant, par instant, sur son axe avec une vélocité merveilleuse, sans que l'œil apercçoive, ou que l'esprit devine le moyen de locomotion qui produit ce phénomène (11). D’autres rampent à l’aide des (x) Les Euglènes, les Phacus , les Diselmis, (3) Les Vibrioniens. (3) Urcéolarieus. (4) Les Vorticelliens. (5) Les Leucophryens. (6) Les Vibrioniens , les Amibiens, les Actinophryens, les Enchéliens, les Trichodiens, les Kéroniens, les Plæsconiens, les Leucophryens , les Paraméciens , les Bursariens , les Brachioniens , les Furculariens, les Rotifères, les Tardi- grades, (7) Les Urcéolariens , les Flosculariens , les Mélicertiens. (8) Les Vorticelliens, les Anthophyses, les Volvociens, les Dinobryens, les Uvelles. (9) Les Bacterium, les Monades. (10) Les Vibrions. (xx) Dujardin, (149) expansions variables de leur corps (1), la plupart nagent au moyen d’appendices, soit en (ournoyant et par saccades (2), soit en zig- zag (3), soit par un mouvement rectiligne en tournant sur eux- mêmes (4), soit en sautant brusquement (5), ou en bondissant (6). Il y en a qui se contournent en S (7), d’autres imitent les ondu- lations d'une nacelle (8), d’autres rappellent la figure des hiron- delles rasant les eaux, ou de navires à la voile aperçus dans le lointain (9). Quelquefois le corps est pourvu de deux filaments dont l’un, agité d'un mouvement ondulatoire, détermine la pro- gression en avant, et l’autre, à la volonté de l’animal, s’aggluline aux corps voisins, et produit en se contractant un mouvement brusque en arrière (10). Il y a des Infusoires qui se meuvent à la manière des Sang- sues ou des Chenilles arpenteuses, en portant alternativement en avant les parties antérieure et postérieure du corps, d’autres enfin marchent au moyen de leurs cils (11) ou de leurs pattes (12). Les Infusoires qui vivent fixés le sont ordinairement par un pédicule (13) ; quelquefois ils ne passent ainsi que la première pé- riode de leur vie ; ensuite ils abandonnent ce support pour nager librement, et sous une forme très-différente. Un grand nombre d'Infusoires vivent en état d'agrégation re ms (1) Les Amibiens (Protées), les Rhizopodes et les Actinophryens libres. (2) Une partie des Monadiens, les Pélécides. (3) Les Cryptomonas. (4) Les Acomies, Dujardin. (5) Les Alyscum , id. (6) Les Halteria, id. (7) Les Oxytricha , id. (8) Les Plæotia, id. (9) Müller. (10) Les Hétéromites , Dujardin. (11) Les Urcéolariens , les Plæsconiens , les Coccudines , Duj. (12) Les Flosculariens , les Mélicertiens. (13) Les Flosculariens, les Mélicertiens. (150 ) comme les Polypes. Les uns sont réunis à l'extrémité des ra- meaux d’un support sécrété par eux ; mais, pendant la dernière partie de leur existence, ces groupes se délachent de leur tige et se meuvent en tournoyant dans l’eau par l’action simultanée des filiments de chaque animal en particulier (1); d’autres, qui sont gemmipares et cuirassés, forment de petits Polypiers par la réu- nion des carapaces qui se greffent les unes aux autres (2). D’au- tres, qui sont nus, vivent agrégés en masses sphériques qui se meuvent librement en tournant dans le liquide (3). Il y en a qui sont tantôt libres, {tantôt engagés dans une masse gélatineuse, élaborée par eux et formant une sphère remplie d'animalcules disposés en phalanges serrées (4). Le Volvox, que l’on a consi- déré comme un seul animal, est une agrégation d’animalcules occupant la surface d'une masse glutineuse, diaphane, d’abord pleine, puis offrant en son centre une cavité que vient occuper l’eau à mesure que la surface augmente par la multiplication des animalcu!es, et dans laquelle se développent sous la forme de boules plus petites et plus compactes, de nouvelles agréga- tions semblables (5). Les Infusoires se nourrissent de molécules alimentaires, soit liquides, soit solides. S'ils se (rouvent si communément dans les infusions, c’est, sans doute, parce que ces eaux sont chargées de particules animales ou végétales, dissoutes. On trouve dans leur intérieur des brins d'Oscillaires, de conferves, d’Algues, souvent aussi des Infusoires d'espèces plus petites (6). Ils s’attaquent (1) Les Anthophyses, Dujardiu. (3) Les Dinobryens , id. (3) Les Uvelles. (4) Les Ophrydies, Dujardin. (5) Dujardin, Ebrenberg. (6) J'ai vu, dit M. Dujardin, une Massula avaler successivement toute une Oscillaire, an bout de laquelle on la voyait comme emmanchée , le brin d'Oscil- (151) même à des animalcules bien plus grands qu'eux, en avalant successivement les différentes parties de leur proie (1). Ils se procurent leurs aliments par deux moyens principaux : Le premier copsiste à changer de lieu , afin qu'après avoir con- sommé la nourriture qui se trouve à leur portée, ils en trouvent de nouvelle; et c’est sans doute ce qui motive cette locomotion si habituelle, si diversifiée d’un grand nombre d'entre eux, et la demeure que se choisissent quelques-uns à la surface du corps d’autres animaux qui, en les transportant avec eux, leur procu- rent également une eau sans cesse renouvelée (2). Le second moyen, c'est d’agiter les liquides qui les entourent, à l’aide des cils qui bordent leur bouche, et de former ainsi de petits tourbillons qui amènent des molécules nutritives, et c’est ainsi que la plupart de ces animalcules sont munis de ces organes progressivement développés depuis la simple rangée de cils des Trichodes jusqu’à l’appareil si complexe des Rotifères. Quelque- fois ces cils paraissent avoir la propriété de s’agglutiner au corps des Infusoires qui viennent à les toucher en nageant, de leur donner la mort par leur contact, puis, en se contractant, de les rapprocher peu à peu de l’animalcule qui en fait sa proie (3). laire s’infléchissait et se courbait en cercle dans le corps de l’animal qu’il dis- tendait fortement par l’effet de son élasticité. Je pouvais me convaincre alors qu’il n’y avait rien qui ressemblât le moins du monde à un intestin ; l'animal se creu- sait simplement d’une vaste vacuole dans laquelle l’Oscillaire se logeait comme dans une bourse. La digestion paraît s'effectuer très-rapidement. » (1) « Un Lyncée (crustacée voisin des Daphnis), ayant été écrasé, dit M. Du- jardin , entre les lames de verre que je tenais écartées par un brin de conferve, un holophre, qui vint en nageant à travers les débris du petit crustacée, s’arrêta tout à coup et commenca à en avaler les parties demi-liquides. Le mouvement des cils de sa bouche déterminait sans tourbillon V’afflux du liquide au fond de sa bôuche qui se creusait peu à peu en un tube droit d’abord, puis infléchi. (2) Les Vorticelliens, etc, (3) C'est ainsi que se nourrissent les Actinophyens, suivant l’observation de M. Dujardin, (152 ) Enfo, les Infusoires qui vivent en parasites dans l'intérieur d'autres animaux, paraissent se nourrir des humeurs qu'ils y trouvent. Les uns habitent les viscères des Grenouilles et des Lombries (1), d'autres les intestins des Limaces (2). Ils sont aux animaux inférieurs ce que les vers sont aux classes supérieures. La génération des Infusoires est encore couverte d’un voile épais, et donne lieu à des opinions bien différentes, au moins quand on considère les familles inférieures en organisme, les Infusoires proprement dits, qui apparaissent au bout de peu de lemps dans les infusions, sans que l'on sache comment ils s'y trouvent ; cependant, dans la généralité de ces animalcules (3), l'intérieur du corps présente des granules qui ne paraissent pas étrangères à la génération. Parmi nos observateurs les plus ré- cents, et qui ont étudié ces animalcules avec les microscopes les plus perfectionnés, M. Ehrenberg les considère comme des œufs vérilables. Pour M. Dujardin ils n’en sont pas, mais il ne serait pas impossible qu'ils pussent servir à la reproduction ; ils seraient les plus simples des germes, {els que les admettait Spal- lanzani, susceptibles de se disséminer dans l'atmosphère d'où ils se répandent et se développent dans les infusions (4). Quant à ceux qui appartiennent aux familles supérieures, tels que les Rotifères, les Brachions, ils montrent un ovaire, des œufs qui nelaissent aucun doute snr leur mode de reproduction, La na- ture en prend même un soin remarquable. Pendant la saison chaude, ces œufs ne tardent pas à éclore; mais à l'approche del’hi- ver, ils acquièrent une coque plus épaisse, souvent épineuse, et sont destinés à n’éclore qu'au printemps suivant (5). Quelquefois (x) Les Leucophryens , Dujardin. (2) Les Monadiens , id. (3) A l'exception des Vibrioaieus. (4) Dujardin. (5) 1. (153) même ces œufs éclosent avant la ponte. Les Tardigrades présen- tent une singularité en ce qu'ils abandonnent leurs œufs dans la peau dont ils se dépouillent (1). Malgré la grande difficulté d'expliquer la présence des Infu- soires inférieurs dans les infusions , quoique l'on n’y ait jamais observé, ni leur éclosion, ni leur développement, ni leur ponte, il est vraisemblable que leur reproduction s'opère d'une manière analogue à celle des Infusoires supérieurs avec lesquels ils for- ment une série incontestable, malgré l’hiatus dont nous avons parlé; ce n’est sans doute que l'insuffisance de nos instruments, quel que soit leur état de perfectionnement, qui dérobe ces mys- tères à nos yeux ; el nous repoussons l'opinion non moins im- probable, hasardée, que matérialiste, d’après laquelle ces ani- malcules proviendraient de la dissolution des substances animales ou végétales, et devraient la vie à la génération spontanée. La vie n’a d'autre origine que la vie. La décomposition ne peut or- ganiser, et chaque être vivant sort d'un moule primitif créé par Dieu. | Les germes inconnus des Infusoires (2) se développent plus ou moins rapidement suivant les espèces. Depuis l'instant de sa pré- paration, une infusion change incessamment d'habitants (3). Elle montre d’abord le Bacierium termo , ce premier terme de l'animalité, puis les Vibrions qui serpentent , les Spirillum qui tournoient , les Monades qui nagent à l’aide de leur filament, les Protées aux mille formes. Un peu plus tard, apparaissent les Enchelys, les Trichodes, tournant sur leur axe à l’aide de leurs cils vibratiles , les Kolpodes en forme de cornemuse ; enfin les Loxodes qui rampent , les Plœæsconies qui marchent, les Para- mécies, les Kéroues, assez grandes pour être vues à la loupe, les (1) Dujardin. (2) I. (3) Id. (154) Glaucomes Scintillans, etles Vorticelles, si remarquables par leurs agrégations en élégants arbuscules (1). Indépendamment du mode de génération par les germes ou par les œufs, les Infusoires se multiplient par la division spon- tanée qui fait deux individus complets des deux moitiés d’un seul, de sorte qu'un Infusoire est assez bizarrement la moitié d'un Infusoire précédent, le quart du père de celui-ci, le huitième de son aïeul , et ainsi de suite. Cette séparation se fait, suivant les espèces, en long ou en travers , ou bien indifféremment de l'une de ces manières dans une même espèce (2). Un autre genre de propagation se manifeste chez les Vorticelles en même temps que la division spontanée : elles produisent des bourgeons comme les Polypes. Ces divers modes de multiplication et la rapidité avec laquelle se succèdent les générations, produisent les myriades d'individus qui pullulent dans une goutte d'eau (3), et témoignent des des- seins de la Sagesse suprême. Base de l'animalité, aliment des classes qui les suivent dans la série des êtres vivants, les Infu- soires remplissent leur destination par leur multiplication plus merveilleuse encore que leur petitesse. La mort des [nfusoirs ne laisse quelques vestiges que chez ceux (1) Siles Infusoires sont conservés pendant longtemps, ils changent tout-à- fait de nature ; pourvu que le liquide soit en quantité suffisante , la substance mise à infuser devient un sol sur lequel peuvent se développer des végétations , ainsi que surçla paroi du vase; si la lumière est assez intense , on observe même des végétations vertes ; alors, avec d’autres Infusoires , on peut rencontrer dans les liquides, des Systolides et des Diatomées, Dujardin. (2) Duj. Les Vibrions se divisent uon en deux, mais en un nombre indéfini de arlies qui restent contiguës à la suite les unes des autres au moins ndant un certain temps. Duj. (3) Suivant M. Ebrenberg, une observation directe démontre Îqu'en mettar:: en expérience un Rotifère , on peut obtenir au dixième, sur un million d'individus 4 millions le vuzième et 16 millions le seizième, { 155 ) dont le corps présente des parties solides (1). Ceux qui sont cou: verts d’une carapace , et particulièrement les Rhizopodes, pro- duisent ces dépôts fossiles immenses qui forment une partie des Apennins el des montagnes du Chili. On a considéré aussi comme provenant des Infusoires plusieurs au tres substances telles que le tripoli, la farine fossile ; mais les Navicules, les Diato- mes, les Bacillaires, dont elles sont les vestiges siliceux, ont été placées, d’après un examen plus approfondi, parmi les végétaux, de ceux qui touchent au règne animal, et se confondant presque avec lui. Quelques Infusoires, et particulièrement les Rotifères ; présen- tent le phénomène d’une mort et d’une résurrection apparentes. Lorsque l'eau ou l'humidité dans laquelle ils vivent vient à man- quer, ils se contractent, se dessèchent et restent en léthargie jus- qu’à ce que leur fluide leur soit rendu. Ils offrent encore un autre phénomène dont la nature est fort contestée. Pour les uns, c’estune sorte de décomposition inconnue aux autres animaux. On voit ces animalcules, lorsqu'ils ne sont plus dans des conditions favorables à leur existence, se rompre et se répandre en molécules, soit en totalité, soit en parie; et, dans ce dernier cas, le reste du corps continue à vivre, el répare ce qu'il a perdu. Pour les autres (2), ces molécuies sont les granules au les œufs , et cette diffluence , c’est la ponte; mais les observations ne sont pas encore assez concluantes pour faire cesser l'incertitude. (3) (1) I ne reste des Infusoires que les carapaces de ceux qui en sont pourvus et les mâchoires solides des Systolides. (2) Dujardin. Cet observateur admet encore un autre phénomène de décom- position : e’estl'exsudation de la substance glutineuse de l’intérieur a travers les mailles du tégument lâche qu'on apercoit comme un réseau à sa surface. Il s’ob- serve chez les Infusoires qui ne se décomposent pas par diffluence. Il appelle cette substance sarcode. (3) Ehreuberg. ( 456 ) Enfin plusieurs infusoires se font remarquer par leur phos- phorescence. La mer Baltique est souvent éclairée pendant la nuit par la lumière que répandent les myriades de ces animal- cules (1). Telles sont les principales particularités que présentent les In- fusoires, qui, ainsi que les autres classes animales, forment une série progressive plus ou moins affiliée aux suivantes, mais qui différent de toutes, en ce qu’ils commencent la chaine entière, et ne se lient à rien d'inférieur. Nous ne pouvons douter que la puis- sance du microscope ne s’accroisse encore par le développement indéfini de l’industrie humaine ; mais si les Infusoires des familles inférieures, les Vibrions, les Amibes étaient d’une nature aussi simple qu'ils nous paraissent l'être, nous serions réellement par- venus au principe de l’animalité. Les animaux qui présentent de l'affinité avec les Infusoires sont principalement les Poiypes , par les cils ou tentacules qui entourent la bouche, et par leurs agrégations semblables à celles des Volvox, des Vorticelles ; les Mollusques, par les coquilles analogues aux carapaces des Rhizopodes et de beaucoup d'au- tres ; les vers intestinaux par les Leucophres; les insectes par les Tardigrades. D'après tout ce qui précède sur les Infusoires, on voit que l'instinct est en harmonie avec la simplicité organique de ces animalcules, et qu’ils ne donnent pas d'autres signes de dis- cernemen!, que quelques faibles indices de volonté et de déter- mination. ANIMAUX RAYONNÉS. La chaine animale, commencée par les Infusoires, se continue par une nouvelle série progressive qui s'élève à son tour de plu- (x) Le Prorocentrum micans, le Peridenium michaelis. (157) sieurs degrés dans le domaine de l’organisation; c’est celle des animaux rayonnés, dont les parties sont régulièrement disposées autour d’un axe comme autant de rayons. Cette forme, dont une partie des Infusoires donne déjà quelque idée, et qui n'appar- lient qu'aux animaux inférieurs, semble une suite de la manière d'être dans les fleurs des végétaux, et que nous observons même dans quelques minéraux , tels que les Actinolites, les Pyrites. Nous pouvons même, dit le savant Kirby, nous élever plus haut, et dire que l'irridiation est le commencement de la vie, depuis la semence dans la terre et le punctum saliens dans l'œuf, jusqu’au fœtus dans la matrice, et plus haut encore dans le monde phy- sique, le son rayonne, la lumière rayonne, le calorique rayonne; de plus, si nous jetons nos regards sur ce vaste univers, que voyons-nous, sinon des corps rayonnan!s dispersés dans l’espace, des soleils, d'innombrables systèmes répandant leurs rayons sur leurs planètes soumises, et Dieu lui-même, ce soleil spirituel qui pénètre tous les lieux et tous les temps. Outre le caractère essentiel qui les distingue, les animaux rayonnés présentent tous le système nerveux , le sens du tou- cher, la circulation et la respiration, souvent rudimentaires. La nutrition a lieu à l’aide d’un canal alimentaire ; la génération, par des œufs et souvent aussi par des gemmes ou bourgeons ; mais ces divers systèmes , d'abord peu développés et même sans appareils spéciaux, se développent dans la progression de la série. POLYPES. Parmi les caractères propres seulement à une partie de ces ani- maux, les plus saillants sont la faculté qu’ont la plupart des Po lypes de sécréter une matière calcaire ou cornée, ou gélatineuse, qui leur sert tantôt de demeure, tantôt de base, et celle de for- mer, par leur mode de propagation par gemmes, des agrégations d'individus qui, outre leur existence individuelle, en ont une (158) commune et en rapport de nutrition, de manière que ce que l’un mange profite à fous. Îls paraissent avoir même une commu- nauté de vouloir. Il résulte de cette existence composée, de sin- guliers rapports entre ces animaux et les plantes, qui leur ont fait donner le nom de Zoophytes. Ils semblent concourir avec les Hydrophytes à former la végétation qui revêt le fond des mers; et, généralement plus remarquables par l'éclat des conleurs et la diversité des formes que les Fucus , les Conferves, les Ulves, les Céramies , ils nous charment autant qu'ils nous étonnent en reproduisant à nos yeux, avec une variété infinie, toutes les formes végétales et mille autres figures fantastiques. Ils s’al- longent en arbres, se dessinent en palmes, s’épanouissent en fleurs, se dilatent en champignons : ils rayonnent en astres, ils se contournent en Méandres, se hérissent en terribles Gorgones; ils se durcissent en brillants coraux ; enfin, voguant quelquefois librement sous la forme de plumes élégantes (1), ils répandent alors de vives lumières dans les ténèbres de la nuit. Cette vie à la fois individuelle et composée , qui appartient si généralement aux Polypes, et dont nous retrouverons des exemples dans plusieurs autres classes inférieures (2), est presque toujours propre aux petits animaux aquatiques fixés sur les rochers. Il paraît que la sagesse suprême leur a donné ainsi des moyens de subsistance et de préservation plus assurés.Comme ils se nourrissent de corpuscules alimentaires que leur amènent les eaux agitées par le mouvement de leurs tentacules, cette agitation s’accroit en raison du nombre d'individus , et l'abri que chacun d'eux élabore acquiert une consistance proportion- née à l’agglomération des abris. Cette union matérielle des ani maux aquatiques représente très-bien celle que forment les (x) Les Pennatules. (2) Une partie des Tuniciers , les Cœnures, parmi les vers intestinaux ; les Bacillaires, parmi les Infusoires. (159) terrestres qui vivent en société et qui recueillent de même des aliments et des matériaux pour leurs besoins individuels et communs. La terre n'offre aucun exemple d'animaux composés, ni l'Océan, d'animaux qui, comme le Castor, le Lemming, l’Abeille, la Fourmi et beaucoup d’autres, forment des associa- tions pour bâtir et habiter une demeure commune et élever une famille en commun. Probablement la nature différente des mi- lieux où vivent ces animaux est la cause de cette diversité , et le Créateur , lorsqu'il voulut peupler non-seulement la terre et les airs, mais même les eaux dans lesquelles la lumière et la chaleur, émanées du soleil, ne pouvaient pas agir avec la même puissance , éonna aux animaux aquatiques , et particulièrement aux plus petits, une structure appropriée aux circonstances dans lesquelles ils devaient être placés. Au lieu d'envoyer par my- riades les tribus sociales recueillir au loin de la nourriture et des matériaux pour leurs différentes constructions, il prit la création végétale pour type de leur conformation générale; Il les fixa sur le roc ou la pierre, les unit en un seul corps qui, sous une enveloppe commune , contint souvent des cellules innom- brables de chacune desquelles chaque animal émit des organes pour recueillir des aliments, afin qu'il püt non-seulement se nourrir, mais sécréter des matériaux pour l'accroissement de l'habitation commune. La nourriture lui étant amenée par l’agi- tation des eaux, il fut exempt du soin de la recueillir par la lo- comotion comme les animaux terrestres. L'immense série des animaux rayonnés (1) s'ouvre par les Polypes et particulièrement par les Hydres, dont l'organisa- (x) Les animaux rayonnés se divisent en trois grandes classes : les Polypiaires les Arachnodermaires où Méduses et les Cirrhodermes u Echinodermes. Les Polypiaires se divisent en quatre sous-classes : les Hydriens , les Alcyoniens, es Actiniens , les Polypes douteux. ( 160 ) tion est de la plus grande simplicité Ce sont de petits corps homogènes, creusés d’une cavité alimentaire simple , qui n’est ouverte qu’à l'extrémité antérieure bordée de tentacules effilés. La reproduction s'opère par des bourgeons extérieurs. Ils com- prennent les Sertulaires, qui s'agrégent en élégants arbuscules, et ces Polypes d’eau douce célébrés par Trembley, qui nagent et rampent librement dans les eaux stagnantes, et se reproduisent en entier de chaque partie qui leur a été enlevée (1). Aux Hydres succèdent les Alcyons, qui s'élèvent dans la série par un canal alimentaire à parois distinctes, par des ten- tacules foliacées et par des ovaires intérieurs. Les uns (2) se développent dans une masse fixée , commune, gélatineuse, sans axe solide et sous les formes végétales les plus diver- sifiées ; d’autres (3) présentent la singulière agrégation de Polypiers libres, nageant par l’action simultanée de leurs Po- lypes, sous la forme élégante de plumes ou d’ombrelle , et ré pandant une lumière phosphorique. Il y en a qui sécrètent un axe pierreux ou corné, recouvert de leur masse charnue ou gélatineuse, étendue en écorce animée , et nous présentent les précieux rameaux du corail ou la chevelure hérissée des Gor- gones ; d’autres, au lieu d’un axe, élaborent des tubes calcaires qu’ils habitent et dont les agrégations s’allongent et se rangent en tuyaux d'orgue. La série progressive présente ensuite les Actiniens (4), dont l’organisation se complique surtout par les tentacules qui se creusent en canaux destinés vraisemblablement à la respira- (1) La puissance digestive est tellement répandue par tout le corps, qu'on peut le retourner comme un gant , et rendre ainsi la surface extérieure intérieure sans que le Polype en digère moins bien. (2) Les Alcyoniens. (3) Les Pennatules. (4) Les Zoanthaires. ( 461 ) tion. Ils se divisent en Madrépores, en Zoanthes et en Actinies , selon qu'ils ont la peau calcaire; coriace ou molle. Les Madrépores aux lamelles rayonnantes prennent mille formes diverses qui leur ont fait donner les noms d’Agaricines, d’Astrées, d'Oculines, de Méandrines, et une foule d'autres. Les Zoanthes , dont les téguments sont coriaces , figurent par leurs agrégations et par leurs tentacules épanouis des Louffes de fleurs au fond des mers. Les Aclinies au corps mou, libre et isolé , nous offrent aussi l'aspect des fleurs ; telles sont les Anémones de mer, dont se couvrent les rochers pendant le calme , et qui , sous l'ipparence d’une brillante corolle, présentent mille tentacules redoutables , prêts à saisir les imprudents animaux altirés peut-être par l'éclat de leurs couleurs. La progression organique place ici les Polypes dont le canal alimentaire a deux orifices ; tels sont les Millépores qui , agglo- mérés en polypiers calcaires , sont creusés d’une multitude de cellules et prennent diversement la forme de feuilles, de réseaux, de dentelles ; et les Eschares , dont les cellules, par un singulier instinct , se couvrent d’un opercule à charnière élastique. Avant de terminer cet aperçu des Polypes, jetons un coup- d'œil sur les effets que produisent leurs constructions sur plu- sieurs parties du globe, et nous y verrons des témoignages éclatants de la puissance et de la bonté souveraines. Ils for- ment, par leurs immenses agrégations dans les mers tropi- cales, de longs récifs qui s'étendent sans interruption dans l’espace de plusieurs degrés , opposant un rempart insurmon- table aux grands courants qu'ils traversent. Leur solidité et leur grandeur augmentent chaque jour. Quelquefois cette ligne de rochers madréporiques prend une forme cireulaire ; les Polypes qui l'habitent élèvent graduellement leur de- meure pierreuse à la surface de la mer ; travaillant alors dans un bassin abrité , ils en remplissent peu à peu les vides, pre- 11 ( 462 ) nant cependant la précaution de laisser, dans la partie supérieure de ce mur impénétrable, des ouvertures par lesquelles l’eau peut entrer et sortir, de manière à se renouveler et à leur fournir constamment leurs aliments et les matériaux avec lesquels ils construisent leur habitation. Ils n’élèvent pas toujours leurs Polypiers des profondeurs des eaux à la surface. Quelques-uns s'étendent horizontalement sur le fond de la mer ; ils en suivent les courbes , les pentes, les anfractuosités, et couvrent le sol du vieil Océan d’un tapis émaillé de couleurs variées et brillantes. En parlant de l'ile Ducies, formation des Polypes du corail . le capitaine Beccley la décrit comme prenant la forme d’un cône tronqué , la mieux calculée pour résister à l’action de l'Océan, et ensuite il continue ainsi : Les extrémités nord-est et sud- ouest sont munies de pointes qui avancent sous l’eau avec une inclinaison moindre que les côtes de l'ile , et qui brisent la mer avant qu’elle puisse atteindre la barrière que renferme la petite lagune formée dans son intérieur. IL est remarquable que ces arcs-boutants sont opposés aux deux seuls points dont la posi- tion a quelque danger à craindre : celui situé au nord-est, de l’action constante des vents alisés , et celui au point opposé, du courant du sud-ouest , si dominant dans ces latitudes ; et il est digne d'observation que cette barrière , qui doit s'opposer à l'ennemi le plus puissant, est prolongée beaucoup plus loin , et qu’elle est moins abrupte que l’autre. Nous éprouverions quelque surprise si une Abeille , dans la construction de ses gâteaux , fortifiait les points les plus exposés aux attaques ; mais qu'un animal placé au rang le plus bas de l'animalité sache où il doit établir des arcs-boutants pour assurer le mieux la solidité de ses constructions, ce fait ne peut être attribué à l'instinct, et nous y voyons l'œuvre immédiate de l'intelligence suprême (1). (1) Kirby. (163 ) Après avoir considéré ces faits merveilleux , dit le savant Kirby, sous le rapport des manœuvres de ces animaux , en ap- parence si peu dignes d'attention , l'imagination peut , non-seu- lement se figurer ces iles de corail de l'Océan Pacifique con- verties en vastes plaines produisant des forêts d'arbres 4 pain et d'autres végétaux pour nourrir une nombreuse population , ainsi qu'une multitude d'animaux utiles; elle peut encore, en élargissant la pensée ; voir dans le lointain des âges, ces iles disposées en groupes assez rapprochés et étendus pour former une sorte de pont entre l'Asie et l'Amérique. ACALÈPHES. Après la classe des Polypes vient celle des Acalèphes (1), dont l'organisme s’accroit par la complication des organes de la di- gestion et de la reproduction (2). Au lieu d’une vie commune et composée, ils jouissent d’une individualité complète; au lieu de la forme cylindrique, ils ont généralement celle d’un disque, di- versement pourvu de tentacules ou de bras, et nous admirons souvent l'élégance de leurs proportions, et surtout la convenance de leurs organes avec leurs besoins. Quoique d’une substance gélalineuse , transparente comme le cristal, ces fréles ani- maux voguent en pleine sécurité sur les flots de l'Océan, soit en contractant et en dilatant leur ombrelle aux mille bras (3), soit en étendant une voile diaphane (4). Leurs moyens instinctifs de défense consistent , pour les uns, dans la fa- a ——_—— oo, (1) Les Arachnodermaires , Blainville. , (2) L’estomac est plus ou moins ramifié dans le corps, et les ovaires sont mul- tiples, radiaires. (3) Les Méduses. (4) Les Vélelles. ( 164) cuñté de lancer l'eau contenue dans léur corps, lorsqu'its sont attaqués; pour les autres, à causer par le contact une sensatiôn de piqüre brûlante, d'où leur vient le nom d’Ortie dé mer, fa- culté qui parait étre le degré lé plus bas de là puissance éléc- trique. Aux Acaléphes succèdent les Échinodèrmés qui términent la série des animaux rayonnés, parvenue rapidément à $6n plus haut degré de développement. Peu favorable à la locomotion, ce type ne convenait qu'aux animaux inférieurs el apathiques, et devait faire place à la forme binaire des rangs supérieurs. Les Échinodermes, dont l'organisme continue à se compli- quer, se caractérisent par des suçoirs rétractiles qui servent à la fois de conduits à l’eau nécessaire à la respiration, et de pieds terminés en ventouses pour la locomotion. Le Système nerveux commence à se centraliser én filaménts, première ébauche du cordon médallaire des animaux supérieurs. De légérs renflements ou ganglions sé montrent même quelque- fois, et ouvrent cêtte longue série de modifications progressives des centresnerveux, qui ne se termine qu’au cerveau de l'homme. Les Échinodermes se divisent en Astéries, en Oursins ét èh Holothuries. Les Astéries, au Corps déprimé, polygonal, et lé plus souvent prolongé en rayons, présentent d’abord le groupe extraordinaire des Encrines, dans lequel le corps est porté sur une tige solide, angulaire, flexible, composée d’un grand nombre d'articles réu- nis par uné membrane et perforés pour lé passage d'un siphon ou canal intestinal. Cette tige, semblable à uné colonne verté- brale, émet par intervalles égaux cinq filaments (1) également articulés et recourbés à leur extrémité. Elle est fixée par sa base et se termine par un disque au centre duquel s'ouvre la bouché, et (1) Quelquefois six. (1465) dont les rayons sont aussi articulés, subdivisés et bordés d’une double rangée de tentacules munis de sucçoirs, Cette tige, garnie de ses filaments verticillés, ressemble à la préle de nos marais, comme ses rayons s'épanouissent en élégante liliacée, ainsi que le nom d'Encrine y fait allusion (1). Toutes ces articulations que présentent la tige, les rayons et les tentacules de ces Échinodermes, donnent à ces animaux un trait de ressemblance avec la classe des Articulés, et particulié- rement avec les Cirripèdes, dont ils se rapprochent encore par leurs appendices tentaculaires; ils ont surtout de l’analogie avec les Auatifes par leur pédicule flexible, qui, de sa base, leur permet également de s’incliner, de se porter dans tous les sens, et d'aller, pour ainsi dire, à la recherche de leur proie. Lorsque leurs rayons avec toutes les ramificalions sont étendus aiiE doivent former un vaste filet, qui, en se reployant. enveloppe les animaux voisins et les saisit à l'instant par leurs suçoirs. Les Encrines, par leur base fixée et par leurs tentacules, ont aussi quelque analogie avec les Polypes, parmi lesquels elles ont d'abord été classées ; de sorte qu'elles forment, pour ainsi dire, l'anneau qui joint les Échinodermes aux Zoophytes d’une part, el de l’autre anx Cirripèdes, voisins des Mollusques et des Crus- lacés, merveilleux enchainement dans lequel la puissance divine se joue de nos vaines classificalions. Les Encrines ne nous ont longtemps été connues que dans l'état fossile, mélées à la craie et au grès ; elles ont été regardées, tantôt comme des stalaclites, tantôt comme des vertébres de poissons. On leur a donné les noms fantastiques de larmes de géants, de pierres de fées, et leur abondance, la diversité de leurs formes (2) excitaient l'attention et embarrassaient la science, (1) De Krinon, Lys. (2) Ces modifications ont donné lieu à la formation des genres Pentacrinite, Platyerinite, Potériocrinite, Cyanocrinite, Actinocrinite, Rhodocrinite, Euge- niacrinite , de Müller, (166 ) lorsqu'un petit nombre d'espèces vivantes apprirent leur véritable nature. Il reste à savoir si leurs nombreuses races, à peu d’excep- tions près, ont cessé d'exister, ou si elles échappent aux recher- ches des hommes par leur habitation au fond des mers. Après les Encrines se placent les Astéries proprement dites, ou Étoiles de mer. Le corps se divise en cinq branches séparées, tantôt simples, tantôtsubdivisées, muniesextérieurement d’épines et de sucoirs. Une charpente intérieure, osseuse, composée de pièces articulées les unes avec les autres, règne le long de chaque rayon, et présente, comme dans les Encrines, un premier linéament du système vertébral porté à sa perfection dans les animaux supérieurs, et que l'on peut s'étonner de rencontrer presque aux deux extrémités de la série animale avec une im- mense solution de continuité, mais aussi avecunedifférence infinie dans les deux termes du développement. Les Astéries pullulent au point de servir d'engrais aux culliva- teurs de nos côtes; elles présentent de merveilleuses modifica- tions dans leurs organes et surtout dans le nombre et la forme de leurs bras, depuis la discoïdale, où l'étoile se concentre en penta- gone, jusqu'à la tête de Méduse, où elle se divise en huit mille rayons qui serpentent dans tous les sens pour saisir la proie et la porter à la bouche. Aux Astéries succèdent les Oursins, dans lesquels le type des animaux rayonnés se manifeste par la disposition intérieure du corps. Quoique formant une masse sphérique, il se divise en cinq compartiments principaux, marqués à sa surface calcaire par des lignes divergentes. L’organe de la nutrition présente cinq dents enchâssées dans une charpente également calcaire, très-compli- quée, ressemblant à une lanterne à cinq pans, garnie de divers muscles, et suspendue dans une grande ouverture du test (1). Ce- (rx Cuvier. (467 ) lui de la locomotion réside en deux sortes d'appareils : outre les suçoirs rétractiles propres à tous les Échinodermes, tout le corps est couvert d’épines mobiles. Si la figure épaisse et hérissée des Oursins n’a rien qui attire les regards, ils sont cependant admirables par la régularité, la symétrie, l’élégancedes dessins que présente l'insertion des épines et des suçoirs, et par les modifications nombreuses et singulières de ce type extraordinaire. Enfin, la série des animaux rayonnés et des Échinodermes se termine par les Holothuries, qui, par leur corps allongé et leur bouche entourée de tentacules, se rapprochent des Polypes, mais dont l’organisation intérieure se rapporte à celle des Oursins et des Astéries. Elles ont la peau nue et si sensible qu'elles palpent jusqu'à la lumière par tous les points de leur corps. Utiles à l'homme comme aliment (1), les Holothuries lui présentent par- fois une grande singularité : c’est la présence de petits poissons qui vivent dans l'intérieur de leur corps. Ils s’introduisent acci- dentellement par la bouche, rompent l’œsophage et demeurent entre les viscères et l'enveloppe extérieure, au milieu de l'eau qui y séjourne, sans que rien indique que leur présence fasse souffrir l'animal qui les renferme. Toute la classe des animaux rayonnés, considérée sous le rap- port de l'instinct, ne présente que deux modes principaux d’ac- tion qui en ont le caractère : les uns agitent les eaux par le mou- vement de leurs tentacules et amènent ainsi à portée de leur bouche une abondance toujours nouvelle de corpuscules alimen- taires ; les autres étendent ces mêmes tentacules en rayons di- vergents, el saisissent eu les repliant, la proie qu'ils peuvent atteindre. Cet instinct si simple auquel se joignent quelques in - dices de volonté et peut-être de mémoire, suffisait à des êtres en (1) Ces animaux servent de nourriture aux habitants des côtes de l'Italie, de la Chine, aux Malais. etc, , ( 168 ) aveur desquels ont été prodigués des moyens si variés, si ingé- nieux de conservation. ANIMAUX BINAIRES, Après avoir parcouru la série des animaux rayonnés, qui s'ar- réte à un degré bien bas de la chaine zoologique, nous arrivons à celle où la disposition des parties du corps est binaire, c'est-à- dire, dans laquelle, au lieu d'être rangées autour d'un centre, elles le sont symétriquement aux deux côtés d'un axe (1). Elle comprend tous les autres animaux. Commençant par les groupes inférieurs des Mollusques, el'e présente celte nouvelle forme d'abord peu distincte daus des animaux, souvent composés comme dans la série précédente, puis elle s'élève progressive- ment aux Mollusques supérieurs, aux Articulés, aux Vertébrés, déploie à nos yeux d'immenses développements des facultés or- ganiques, instinctives et intellectuelles, et proclame plus qu'au- euneautre partie de la création la puissance et la bontésuprêmes. MOLLUSQUES. Dans la classification de Cuvier, les Mollusques sonl placés dans un rang plus élevé que les articulés, parce que l'appareil de la circulation lui paraissait plus développé que dans ces der- niers; mais des observations plus récentes ont démontré que dans les Crustacés, la circulation n'est pas moins compliquée ; et, de plus, les Articulés sont très-supérieurs aux Mollusques sous le rapport des autres systèmes organiques comme de l'in- (r) On peut donner une idée nette de cette disposition en rappelant que, dans tous les animaux binaires, le côté droit et le côté gauche ne sont qu'une répétition Lun de L'autre, et que même en théorie on les a souvent considérés comme deux êtres distincts et seulement soudés ensemble, Dugès. (469) stinct; et M. Serres a découvert que le système nerveux des Mollusques représente lesystème nerveux des Articulés, tel qu'on l’observe avant son entière évolution, chez les larves. parexemple. Les Mollusques forment une vaste série, occupant de nom- breux degrés de l'échelle organique, dépassant toutes les modi- fications imaginables de ce type. Leur corps mou est abrité le plus souvent sous une coquille calcaire, dont la forme varie à l'iufini. Leur organisation interne présente un système très- diversifié de circulation, de respiration, de digestion et d'appa- reils nerveux et musculaires. Les parties extérieures consistent, indépendamment de la coquille, en une tête distincte dans les us, nulle dans les autres, et en un manteau qui recouvre ordi- pairement le corps. Les organes particuliers des sens sont ceux du goût et quelquefois de la vue et de l’ouïe; ceux du mouve- ment, appropriés à la reptation ou à la natation, preanent dans la plupart la forme d’un disque charnu, appelé pied, situé sous le ventre; dans d’autres, celle de nageoires membraneuses pla- cées aux côlés du cou. Les Mollusques, indépendamment de l'intérêt qu'ils nous in- spirent, tantôt par la diversité ou la singularité de leur organi- sation et de leurs habitudes, tantôt par la beauté de leurs formes et de leurs couleurs, se recommandent par un grand nombre de substances utiles ou agréables que nous leur devons. Ils livrent des aliments à nos besoins et même à notre sensualité, la perle et la nacre à nos parures, le byssus à de brillants tissus: ils don: paient la pourpre aux grandeurs romaines : ils servent de mon- naie aux Indiens (1); ils élaborent l'encre des Chinois; ils sont surtout pour la science géologique, par l'étude des vastes dépôts de leurs coquilles, les principaux monuments des révolutions du globe, les matériaux des couches, des roches, des montagnes ee oo, (1) Les Porcelaines. ( 170 ) calcaires, enfin les médailles du grand événement qui fait partie des croyances religieuses de tous les peuples. Si nous considérons les nombreuses tribus des Mollusques sous le rapport des coquilles qui les défendent contre leurs ennemis et contre les chocs auxquels ils sont exposés, nous {rouvons ces moyens de défense diversifiés à l'infini, et avec une progression d'appareils analogue à celle des autres parties de l'organisation, quoiqu'elle ne soit pas toujours facile à discerner (1). Les uns sont abrités par une coquille à deux valves ouvertes à l'une ou aux deux extrémités, et ceux-ci cherchent encore de plus grands moyens de défense, soit en s’enfonçant dans le sable, ou en per- forant les rochers (2), ou en se suspendant par des ligaments (3); d'autres encore qui n'ouvrent leurs valves qu'à certains temps, et qui se fixent en s’agglulinant aux corps (4). À ceux-ci suc- cèdent les univalves qui ne présentent d’abord qu'une espèce de bouclier pour couvrir la partie supérieure de l'animal dont la surface inférieure est protégée par le rocher auquel il s'attache; (5) et enfin l'immense série des Mollusques errants, au corps tourné en spirale, et dont la coquille n’a qu'une ouverture, large dans les uns, étroite dans les autres, et défendue, tantôt par une membïane, tantôt par un opercule de substance cornée ou cal- caire qui la ferme complètement (6). C'est ainsi que les ani- maux qui présentent la substance la plus molle, la plus vulné- rable, doivent à la bonté suprême les moyens de défense les plus puissants et les plus ingénieux. La progression que nous offre l’organisation des Mollusques se (1) Les coquilles se forment par sécrétion, de lames calcaires déposées par couches dans l’épaisseur du manteau. (2) Les Solens, les Pholades. (3) Les Tridacnes , les Jambonneaux , etc. (4) Les Huîtres , les Moules, (5) Les Patelles , les Haliotides , les Concholépas, 6) La plupart des Gastéropodes. (171) manifeste dans tout leur être, mais plus spécialement dans le phénomène de la reproduction, qui présente trois degrés fort distinets : les uns, dans la série ascendante, se fécondent eux- mêmes (1 }; d’autres, quoique hermaphrodites, s’accouplent réci- proquement (2) ; les Mollusques supérieurs ont les sexes séparés (3). Généralement ovipares, quelques-uns éclosent dars le sein de leurs mères. Les œufs présentent une diversité extrême dans leurs formes, leurs dispositions ; tantôt libres, tantôt réunis en grappes, en cylindres, en chapelets, à surface calcaire ou carti- lagineuse, à enveloppes muqueuses, gélatineuses, coriacées, d’où le jeune Mollusque sort, soit par une fente. soit par une ouverture circulaire pourvue d’un couvercle. Enfin, si nous étendons nos recherches jusques dans l’intérieur des œufs, nous y voyons les parties conslituantes ordinaires; mais l'embryon nous donne le spectacle inattendu d'un mouvement double de ré- volution autour de l’albumen, et, en même temps, de rotation sur son axe , mouvements semblables à ceux de la terre dans ses révolutions annuelle et diurne, et imprimé par la même puis- sance dont les lois sont étendues jusqu'aux dernières limites de la création. Eofin, sous le rapport de leurs habitudes, les Mollusques pré- sentent aussi beaucoup d'intérêt. Cependant la mollesse de leur corps les rend propres à peu d'action, et d’ailleurs l’eau, qu'ils habitent généralement, les dérobe en partie à nos recherches ; cependant, ils n'ont pu échapper toujours aux regards serula- teurs de l’homme. Nous devons surtout un grand nombre d’ob- servations, faites récemment par M. Bouchard sur les côtes du Boulonnais, et surtout par M. Dufo, pendant un lonz séjour aux (x) Les Acéphales. (2) Les Hélices, etc. (3) Les Gastéropodes ; les Céphalopodes. (18 ) iles Seychelles, consacré à l'étude de ces animaux : exemple bien rare et recommandable de zèle scientifique qui a porté cet excel- lent naturaliste à se séquestrer pendant quatre années au milieu des rochers et des ilots de ce site reculé de l'Océan Indien pour observer les Mollusques, particulièrement dans leurs mœurs. Les résultats de ces recherches ont été bien précieux. Aucun point du globe n'a, sans doute, élé mieux exploré sous ce rapport, et il était parfaitement choisi pour ces observations. Les archipels des Seychelles et des Amirantes, jouissant d'une température douce et uniforme, la mer y étant habituellement tranquille, surtout autour des îles qui sont abritées par des brisants aussi favorables au calme des côtes, qu'ils sont funestes aux ma\iga- teurs inexpérimentés, les Mollusques s'y plaisent, y abondent. M. Dufo en a étudié une grande multitude ; il a signalé les sta- Lions, les profondeurs qu'ils habitent, leur locomotion, leurs ma- nœuvres, leur nourriture, les soins pour leur progéniture, et jusqu'aux amours de ceux qui, errant librement dans les eaux, ont des sexes séparés. Les observations de M. Bouchard ont eu pour résultat de faire connaitre un grand nombre des Mollusques de nos côtes sous le rapport de leur ponte. Il a décrit les capsules, les sachets, les grappes, les chapelets, les lanières qui réunissent les œufs et les protégent contre l'agilation des flots. Ces phénomènes qui sont du domaine de l'instinct vital, suppléent à ceux de l'iastinet pro- prement dit, qui parait fort oblus dans les Mollusques: ilest, du reste, en rapport avec ie peu de développement du système nerveux, qui ne présente généralement qu'un petit nombre de centres médullaires sans aucune réunion entre eux, qui constitue un cerveau, excepté dans les familles supérieures dont l'organi- salion est un peu plus avancée. Il en est de même sous le rapport du discernement, dont nous ne pouvons citer aucun acte. Cepen- dant, nous croyons que les sommités de cette classe, et surtout les Céphalopodes, lorsque leurs mœurs seront mieux connues, (473 ) offriront des facultés intellectuelles assez développées; mais généralement les Mollusques trouvent dans leurs coquilles des moyens de défense et de sûreté qui leur tiennent lieu d’instinct et de discernement. Les Mollusques se divisent en plusieurs familles, d’après les principales modifications de leurs organes : Ceux qui n’ont pas de tête distincte, forment celle des Acéphales et des Brachio- podes ; ceux qui en ont une, se subdivisent en Gastéropodes qui se meuvent en rampant, en Pléropodes pourvus de nageoires, et en Céphalopodes dont la tête est couronnée de bras robustes, ACÉPHALES, En tête des Acéphales, nous plaçons les Tuniciers qui ont quelques rapports avec les Échinodermes. 1ls en présentent en même temps avec les Polypes, et contribuent puissamment à l’enchainement de la série des animaux invertébrés. Celte classe présente à la fois beaucoup d’uniformité dans l'organisation et de grandes différences dans la manière de vivre des groupes divers qui Ja composent. Elle intéresse vivement par plusieurs phénomènes physiologiques singuliers. Ces animaux aquatiques, et pour la plupart marins, vivent libres ou fixés, simples ou agrégés, et forment ainsi plusieurs fa- milles très-distinctes les unes des autres. Ceux qui sont agrégés ont beaucoup d’analogie avec les Polypes, parmi lesquels ils ont élé rangés avant que la grande supériorité de leur organisation intérieure fut reconnue. Quelque singulière que nous paraisse une vie à la fois individuelle et commune à une agrégation d’in- dividus, elle nous étonne peu dans les Polypes, qui, par leur Structure peu compliquée et la disposition de ieurs groupes, montrent de l’analogie avec les végétaux; que nous voÿons éga- lement composés d'innombrables individus réunis en une fige commune ; mais cette existence est bien plus remarquable lors- (174) qu'elle se rencontre dans des animaux qui, comme les Tuniciers, ont une organisalion si supérieure. TUNICIERS. Ceux qui vivent ainsi réunis forment plusieurs tribus très- distinctes ; ils élaborent en commun des masses gélatineuses, ou cartilagineuses , ou coriacées, dans lesquelles ils se rassemblent ordinairement en groupes ou systèmes réguliers autour d’un centre. Dans les uns, ces masses sont fixées sur les corps et s'étendent en croûte charnue (1) ou s’arrondissent en globe (2), ou s'élèvent en rameau (3), ou s'épanouissent en fleur (4). Comme ces masses fixées ne présentent qu'une surface exté- rieure, les deux ouvertures du corps se rapprochent sur le même plan, par le circuit que fait le canal intestinal, et de manière que la bouche et les branchies se trouvent toujours vers la cir- conférence du système, et que l'ouverture opposée en avoisine le centre, qui, dans plusieurs de ces animaux (5), présente une avité commune où aboutit l'ouverture postérieure de chaque mdividu du groupe. D'autres, qui, par le vif éclat phosphorique qu'ils répandent la nuit, ont élé nommés Pyrosomes, forment des masses libres, flottantes, sous la forme de cylindres creux, hérissés circulaire- ment de tubercules qui sont chacun la partie antérieure d’un individu, tandis que la partie opposée s'ouvre dans le tube com- mun. Ces cylindres vivants, ouverts à une extrémité et fermés à l’autre, nagent librement dans les mers par les contractions et (x) Les Polyclinium, (2) Les Eucælium, Savigny. (3) Les Sigillina. (4) Les Diasona. (5) Les Botryllus, (175 ) les dilatations combinées de tous les animaux qui les composent. Les Tuniciers agrégés se multiplient de deux manières : par des œufs d’où proviennent, avant de sortir du corps de l'animal, des fœtus déjà composés de plusieurs individus rangés régulière- ment et présentant l'origine et l’ébauche de chaque système, et par des bourgeons qui naissent sur la surface de leur tunique. C'est ainsi qu’un seul individu forme autour de lui une colonie nombreuse (1). D'autres Tuniciers naissent et passent une partie de leur vie dans l'état d'agrégation, et ils s'isolent quand ils sont arrivés au terme de leur développement. Ce sont les Biphores (2). Ils for- ment de longues chaines d'individus diversement coordonnés entre eux et adhérents les unsaux autres par les côtés et aumoyen de tubercules qui font l'office de ventouses. Ballottés par les vagues et mus par leur volonté commune, ils se roulent, se déroulent, serpentent en immenses guirlandes phosphoriques pendant la nuit, d'une blancheur de lait pendant le jour, et qui s'étendent quelquefois sur quarante lieues de longueur. Le dessein de la sagesse suprême, en douant ces animaux d’un instinct si singulier, ne peut donner lieu qu’à de simples conjeclures. [ls sont d’une nature si délicate, que dans leur jeune âge, les fluctuations des eaux, à la surface desquelles ils flottent habituellement, pourraient les détruire, ou les jeter à la côte, où ils périraient inévitablement s'ils étaient isolés; mais unis par bandes, ils sont capables d’opposer quelque résistance et de se diriger. La lumière phosphorique qu'ils produisent, plus vive par leur réunion, est peut-être un moyen de défense, ou remplit quelque autre fonction importante. Que de soins provi- dentiels pour le bien-être ou la conservation d’êtres si frêles que le moindre contact peut les briser. oo (1) Milne Edwards, Ann, des Sciences naturelles (1840). (2) Les Salpa, Gmel. (176 ) Comme les Tunieiers précédents, les Biphores sont agrégés avant même la sortie de l'ovaire; mais l’un des faits les plus re- marquables de l'histoire de ces singuliers animaux, c’est que la génération, née dans l’état d'agrégation, ne produit que des in- dividus isolés, assez différents des autres, et qui, à leur tour, pro- duisent une génération agrégée, et ainsi de suite alternative- ment (1). La locomotion des Biphores est due à la faculté qu'ils ont d'introduire de l’eau par l’une de leurs ouvertures munie d'une valvule ou soupape, et de l’expulser rapidement par l’autre en contractant le corps (2). Enfin, il y a des Tuniciers simples et fixés : ce sont les Asci- dies, ces petites outres marines, quelquefois ornées de couleurs brillantes, qui s’attachent aux rochers, aux madrépores, aux coquilles, aux fucus, tantôt par un long pédicule, tantôt par une base sessile, et qui, variant de formes, s’arrondissent en fruits, s’allongent en massues. Leur enveloppe extérieure, coriace ou gélatineuse, s'incruste quelquefois, dans son épaisseur, de petites coquilles, de gravier, de zoophytes, de fucus et de beaucoup d’autres substances qui ont valu à l'une des espèces le nom de pe- titmonde, Microcosme. D'un autre côté, l’espèce de sac formé par les branchies et au fond duquel la bouche est située, reçoit sou- vent, avec l’eau qu'il absorbe, de petits animaux, tels que des crevettes, qui peuvent y vivre longtemps. Outre que l'eau, unique séjour des Tuniciers, est le fluide qu'ils respirent, qui leur apporte leurs aliments et qui donne le seul moyen de locomotion à ceux qui ne sont pas fixés, elle leur sert aussi d'arme défensive : lorsqu'ils sont inquietés. ils (r) Observation de M. de Chamisso. (2) Suivant Cuvier , c'est l'ouverture postérieure qui est munie d'une valvule ; suivant M. de Chamisso, c’est l’antérieure, ( 177 ) lancent à leur assaillant celle qui est contenue dans leur canal intestinal. LAMELLIBRANCHES. Ces Acéphales ont généralement une coquille à deux valves réunies par une charnière très-diversement dentelée et qui s’ou- vrent ou se ferment par les muscles attachés à leur surface in- térieure. Leur corps est le plus souvent renfermé entre les deux lames du manteau, comme un livre dans sa couverture (1), leur bouche, toujours sans dents, ne peut recevoir d'autre nourriture que les molécules alimentaires mélées dans l’eau qu’elle absorbe. Leurs organes respiratoires sont des branchies composées de grands feuillets qui s'empreignent d’eau et de l’oxigène qu’elle contient. Enfin, ils ont un pied musculeux qu’ils peuvent étendre hors de leur coquille et qui sert à la locomotion, ainsi qu’à di- vers actes de l’instinct qui porte le plus grand nombre à se pré- server du ballottement des flotsen se fixant de diverses manières. Ces Mollusques forment trois divisions principales, distinguées entre elles à la fois par leurs habitudes et leurs organes : ceux qui pénètrent dans la pierre, dans le bois; ceux qui s’attachent à ces corps par des ligaments, et ceux qui vivent librement dans les eaux. Les premiers (2) ont le manteau ouvert par le bout an- térieur, ou vers le milieu seulement, pour le passage du pied, et prolongé à l’autre bout en un double tube ou siphon qui sort de la coquille, et dont l’un sert à introduire l’eau qui alimente l'animal et l’autre, à la rejeter. Ils exercent leur instinct perfo- reur de quatre manières : par le procédé du poinçon, de la lime, de la tarière et par l’action corrosive d’un agent chimique. Ceux qui emploient le premier de ces moyens sont particulie- (x) Cuvier. (2) La famille des Enfermés, de Cuvier; celles des Pyloridées et des Ades- macées de M. de Blainville. 12 (178) rement les Solens remarquables par la forme lisse de gaine, de silique, de manche de couteau, de leur coquille, qui facilite leur introduction dans le sable. Mais l'instrument essentiel de cette opération est le pied qui égale en grandeur la moitié de la co- quille et qui se durcit, se renfle, s’allonge, soit pour percer le sable, souvent à la profondeur d’un pied et au-delà, soit pour donner à l’animal la faculté de monter ou de descendre dans sa retraite. À la marée haute, il s'élève à la surface pour se nourrir des molécules alimentaires mélécs à l’eau dont il s’abreuve. Lors du reflux, il descend, laissant l’entrée libre pour la respiration. Les pêcheurs qui se nourrissent de leur chair ou qui en font des ap- pâts, les prennent à la marée basse ea jetant dans leurs trous un peu de sel qui les détermine à monter à la surface, soit pour se délivrer de l'effet irritant qu'ils en éprouvent, soit par l'erreur que ce sel leur fait commettre en leur faisant croire que la marée est de retour. Un autre Acéphale, la Bucarde comestible, dont la coquille prend la forme d'un cœur, s'enfonce également dans le sable; mais l’épaisseur du corps exige un moyen différent. Le pied est très-robuste et il est aussi l'instrument qui sert à cette opération ; mais, en le voyant dans l’état de repos, nous concevons diflici- lement comment il peut creuser une excavation assez large pour recevoir une coquille aussi épaisse. A la vérité, il a l'extrémité très-compacle, et une sécrélion visqueuse qui transsude de sa surface, le rend susceptible de se fixer plus fortement dans Île sable; mais cela ne luisuffit pas pour remplir sa destination; il est de plus, doué dela faculté de se dilater au point d’égaler la co- quille en grandeur. Pour produire ce singulier effet, ce Mol- lusque est pourvu intérieurement d'un tube qui s'ouvre dans Ja bouche et qui conduit dans le pied une quantité d’eau suffi- san(e pour le gonfler à ce point. Alors, la grandeur de cet organe ayant atteint la dimension convenable, sa pointe solide pénétrant dans le sable, parvient par des efforts souvent répétés, à creuser (179 ) une cavité qui reçoit la coquille, et l’animal est enterré de ma- nière à ne laisser sorlir que l’extrémité de son siphon. Les Gas- trochænes de nos côtes se logent de même dans les pierres, et elles ont l'instinct de tapisser leurs retraites d’une couche cal- caire. Elles habitent quelquefois aussi les masses de serpules, et alors elles savent se construire des tubes également calcaires. Les Acéphales qui forment leurs retraites par un moyen ana- logue à la lime, sont les Pholades. Ces animaux sont abrités par deux écailles très-fragiles, mais fortifiées à l’une des extrémités par des pièces accessoires et couvertes de stries en tous sens, pro- pres à limer, par un mouvement continu, les pierres, l'argile, le bois, dans lesquels ils se logent. Pour y parvenir, ils fixent, dès leur naissance, leur pied terminé en pointe, sur le corps qu'ils veulent creuser, élèvent verticalement leurs coquilles, et leur donnent un mouvement rotatoire partiel qui emploie alternati- vement les deux valves. Afin d'enlever l'espèce de limaille qui en provient et qui tend à obstruer le tube, à mesure qu'il se creuse, l'animal remplit d’eau ses siphons, en ferme les orifices, les con- tracte subitement, et produit ainsi un jet d’eau qu'il prolonge en fermant graduellement sa coquille (1). C’est par ce moyen, et peut-être à l’aide de quelque autre inconnu, que les Pholades per- cent les rochers. Fort communes sur les côtes d'Italie, ce sont elles qui ont criblé les colonnes du temple de Jupiter Sérapis à Pouzzole, situé au bord de la mer. Comme ces colonnes s’élèvent au-dessus de la plage, et qu’elles sont perforées jusqu'à la hau- teur de plus de 40 pieds, deux hypothèses ont été émises pour expliquer ce fait : la première, que la mer, par un bouleverse- ment, est venue les baigner pendant longtemps, et qu’ensuite elle les a abandonnées; la seconde, que ce lieu a servi de réser- voir pour réunir ces Mollusques, ainsi que les poissons que les TE (1) Observation de M, Oster, Kirby. (180 ) Romains parquaient pour les engraisser (1). Quoi qu’il en soit, les Pholades sont encore un aliment abondant et agréable pour les habitants des bords de la Méditerranée (2). Elles ont aussi la pro- priété de répandre une lumière phosphorique dans l'obscurité. Les Tarets, au lieu de la lime, emploient la tarière et s’atta- quent au bois plongé dans la mer. Leur instrument est composé des deux valves de leur coquille , qui ont l'extrémité antérieure aiguisée et denticulée, la surface extérieure cannelée et l’un des côtés échancré de manière à augmenter l’étendue du bord tran- chant et à prendre la forme d’une tarière de charpentier comme à en remplir la destination. C’est ainsi que ces Mollusques perforent les quilles des vaisseaux, les pieux des estacades, et qu'ils se ren- dent redoutables aux navigateurs et surtout aux Hollandais dont ils menacent sans cesse les digues de destruction. Ils sont au nombre des animaux chargés par la Providence de hâter la dis- solution des corps organisés que la vie a abandonnés, et leur aveugle instinet ne respecte pas les travaux des hommes. Enfin, d'autres Mollusques acéphales, les Lithophages (3), se logent dans les pierres en les dissolvant par une bumeur phos- phorique qui transsude du corps (4). Ce qui paraît lever le doute qui existe encore sur ce fait, c'est que les cavités qu'ils creusent ne sont pas cylindriques comme celles des précédents, et que, par cette raison, elles ne peuvent pas être produites par le mou- vement circulaire de l’animal sur son pied. D’autres Acéphales vivent également enfermés, mais seule- ment dans le sable, et ils ont également de longs tubes qui amè- nent l’eau à la bouche et aux branchies. Ils habitent le plus sou- (1) C'est l'opinion de M: Desmarets. père, (2) Sur quelques rivages de la Méditerranée on brise les roches pour en retirer ces animaux excellents à manger. (3) Tribu formée des genres Saxicave et Pétricole. (4) Ce fluide est de l’acide phosphoreux, suivant Fleuriau de Bellevue. ( 181) vent les rivages de la mer, de manière qu’à la marée haute, ils sont submergés et s’enfoncent dans leurs retraites, et que, lors- que la mer est basse, ils sortent la partie antérieure ou posté- rieure du corps (1) ; mais ils conservent la faculté de changer de lieu au moyen du pied qui leur sert à ramper. Ce sont ceux dont les conques charmantes leur ont valu les noms de Vénus, de Cythé- rées, de Cyprines, par leurs formes gracieuses et leurs couleurs agréablement nuancées. Il paraît aussi qu'ils ont la faculté de naviguer à la surface de la mer, en employant l’une de leurs valves comme bateau et l’autre comme voile (2;. Les Donaces se font remarquer par un léger bruit qu’elles font entendre lors- qu'elles ferment leurs valves, et qui est occasionné par de petits grains de sable qu’elles compriment et brisent même quelquefois (3). Plusieurs ont l'instinct de sauter, par la force musculaire du pied qui, coudé en angle aigu, peut se redresser avec beaucoup d'élasticité. Les Bucardes, les Trigonies, les Peignes ; nous en donnent des exemples. D'Argenville rapporte que, lorsque ces derniers sont sur la grève, ils regagnent l'eau en ouvrant et en fermant alternativement les valves de leurs coquilles, mouve- ment qu’ils exécutent avec assez de vigueur pour s'élever à plu- sieurs centimètres de hauteur, et qui, par l’effet de la pente du rivage, accomplit leur dessein. Leur locomotion dans l’eau est très-différente. Ils s'élèvent à la surface par des moyens peu connus, se soutiennent à demi sous l’eau ; puis ils ouvrent leurs coquilles auxquelles ils communiquent une telle vibration, qu'ils acquièrent un mouvement très-vif, de droite à gauche, qui les D, (1) Suivant M, Bufo, les Tellines, les Crassatelles sortent la partie postérieure, tandis que la Cytherea gibbia fait paraître à la surface de la vase son extrémité antérieure. (2) Bosc. (3) Bufo, (18 ) rend capables de courir, pour ainsi dire, sur l’eau (4). Toutefois, cette faculté de locomotion est très-restreinte ; elle leur donne si imparfaitement le mouvement progressif que. comme les au- tres Acéphales, ils entretiennent leur existence par les aliments que l'eau leur apporte et qu'ils la propagent par leur herma- phrodisme ; cependant, une exception paraît exister : des obser- valions récentes (2) tendent à prouver que la mulette des pein- tres a les sexes séparés dans des mâles et des femelles, ce qui suppose des moyens de rapprochement, des organes de locomo- tion qui appellent des investigations spéciales. Les Acéphales qui se fixent aux rochers, soit en s’y suspen- dant par des ligaments nommés byssus (3), soit en s’y agglutinant, et qui bravent ainsi l’agitation des eaux, différent des précédents par la bouche munie de tentacules, et par l’absence des siphons. On a cru longtemps que le byssus était sécrété par une glande située à la base du pied (4); mais l'opinion la plus accréditée maintenant, c’est qu'il est composé de fibres musculaires trans- formées (5). Un Mollusque qui réunit les deux moyens de conservation, le Lithodome, se suspend d'abord aux pierres par le moyen d’un byssus, mais ensuite il les perce pour s’y introduire, et y creuse des cavités dont il ne sort plus. (:) Kirby. (2) Prévost. (3) La nature de cette production n’est pas encore bien constatée. Réaumur croyait ces filaments une sécrétion filée et comme tirée dans le sillon du pied. Poli pense que ce n’est qu’un prolongement de fibres tendineuses. (4) On croyait que le produit de cette glande était saisi par une cannelure de ce même pied , porté par lui au-dehors et étirée en filaments. (5) Poli a été conduit à cette opinion par l’analogie du faisceau tendineux des Tridacnes avec le byssus fibreux des Arches et des Moules. 11 pense qu’ils’agit là de fibres musculaires peu à peu dissociées par leur séjour au-dehors, où elles éprouveut une sorte de desséchement, si l'on pouvait parler ainsi de corps toujours mouillés dans l’eau. Blainville a adopté cette opinion. (183) L'énorme Tridacne dont la coquille aux larges côtes, relevées d’écailles saillantes, a mérité l'honneur d’être admise à l'entrée de nos temples pour contenir l’eau purifiante, se fixe aux ro- chers de la mer des Indes par des cables proportionnés à son poids {1). D'autres, également grandes, mais à valves légères et fibreuses, à qui leur forme a fait donner le nom de Jambonneaux, produisent ce byssus soyeux, brillant, inaltérable qui, façonné en moëlleux tissus, dans la Calabre et la Sicile, a été et peut re- devenir l’objet d’un luxe splendide. C'est encore à cette famille de Mollusques favorisés de la na- ture, que nous devonsles Perles, ces aimables productions, sym- boles de la pureté. Les anciens qui les mettaient au premier rang des choses précieuses, croyaient que, stimulées par l'influence de la saison nouvelle, les coquilles s'ouvrent, se remplissent d'une rosée féconde, et que les perles sont le fruit qu'elles mettent au jour ; que, lorsque ces coquilles sentent la main de l'homme, elles se ferment, cachent leur trésor, et que, si elles ne peuvent pré- venir cette main spoliatrice, elles la punissent en la coupant de leur tranchant ; mais, plus ils en exaltaient la beauté et y atta- chaient de prix, plus ils en faisaient l’idole de leur cupidité, et les exemples les plus célèbres de la somptuosité romaine ont eu les perles pour objet. Sans rappeler celle par laquelle Cléopâtre vainquit Antoine en prodigalité, « j'ai vu à un souper ordinaire » de fiançailles, dit Pline avec une vertueuse indignation, j'ai » vu Lollia Paulina, qui est devenue la femme de Caligula, cou- » verte de perles et d'émeraudes que leur mélange rendait en- » core plus brillantes ; sa tête, son cou, les tresses et les boucles » de ses cheveux, ses bras, ses doigts en étaient chargés; il y en (x) Ce poids s'élève quelquefois à 500 livres. Les deux Tridacnes qui forment les bénitiers de Saint-Sulpice ont coûté 1800 fr. Suivant M. Virey, elles ont été présentées à François I.er ( 184 ) » avait pour quarante millions de sesterces, et ces richesses, elle » ne les devait pas à la faveur de l’empereur, c'était le bien que » lui avait laissé son aïeul, c’est-à-dire, la dépouille des pro- » vinces. Voilà le fruit des concussions ; voilà pourquoi Lollius, » diffamé dans tout l'Orient pour les présents qu’il avait extor- » qués des rois, et tombé dans la disgrâce de Caius César, fils » d’Augusle, avala du poison; c'était afin que sa petite-fille se » fit voir aux flambeaux avec une parure si excessive. » Les modernes ont aussi donné un prix démesuré aux perles. Tavernier en vit une en Perse qui fut achetée 2,649,600 fr. pour le sophi; et le roi de Suède conféra la noblesse à Linnée pour avoir trouvé le moyen de faire produire des perles aux moules nacrées; anoblissement que tant d’autres travaux bien plus glorieux ne lui avaient pas procuré (1). Ces précieux Mollusques qui vivent de préférence sur lesbancs de Madrépores, y sont fixés par leur byssus, ayant toujours l'ou- verture des valves tournée vers le large. Cependant ils habitent (1) Les Perles sont des calculs ou concrétions morbides, dues à l’exsudation accidentelle de la matière nacrée, laquelle, au lieu de s'étendre en couches à l'intérieur de la coquille, enveloppe les corps étrangers qui ont pénétré entre les valves de celle-ci, et protége ainsi les parties molles de l’animal contre l'iritation que pourrait déterminer sur ces parties le contact d’un corps inégal et anguleux- Cette théorie de la formation des Perles devient évidente lorsqu'on en coupe une en deux parties égales; car on reconnait alors qu'elle est formée de couches con- centriques, et l’on trouve au centre le corps étranger qui lui a donné naissance. Cette connaissance de l’origine des Perles a conduit à déterminer artificiellement la formation de ces calculs ; c’est ainsi que sur les bords de la Mer Rouge, dès le commencement de l’ère chrétienne, et maintenant encore sur les côtes de la Chine, on perce la coquille de l’Avicula margaritifera, on y introduit un morceau de fil de fer ,et on remet le Mollusque en place, pour le repêcher plus tard lorsque es couches successives , déposées autour du fragment de fer, se sont suffisamment multipliées et endurcies. La même opération a réussi à quelques personnes qui, dans les cantons arrosés par les grands affluents de la rive gauche du Rhin, ont essayé de nourrir des Mulettes pour en recueillir des Perles. 11 est certain, en effet, que tous les Mollusques à coquille nacrée peuvent fournir des Perles ; mais c’est l'Avicule perlière qui nous donne les plus belles. ( 185 ) de plus grandes profondeurs à mesure qu’ils avancent en âge, et pour cela, ils détachent le byssus de leur corps et en reprodui- sent un autre fil à fil, dans le nouveau lieu où ils veulent se fixer, et lorsque le nouveau lien est filé, et qu'il a la force suffi- sante, l’animal se retourne pour que tous les fils soient réunis et tordus (1). Les Vulselles, voisines des Avicules perlières, vivent en fa- mille dans les éponges, de manière que les vieux individus se tiennent à la partie inférieure et les jeunes à la supérieure. Près des Avicules viennent se classer un grand nombre d'au- tres Mollusques, tels que lès Marteaux, les Houlettes, nommés par leur forme singulière, les Spondyles aux valves diverse- ment irrégulières, feuilletées ou épineuses et ornées de vives cou- leurs; les coquilles en peignes que les pieux pélerins rap- portent de St-Jacques de Compostelle avec la reconnaissance, l'espérance ou la résignation chrétiennes ; les huitres, appro- priées à la nourriture de l’homme par la délicatesse de leur chair et par leur fécondité aussi démesurée que notre sensualité. Les Arches, les Moules, les Cames, les Anomies (2), sembla- bles en apparence aux huîtres, présentent une ouverture près de la charnière de la valve supérieure. Une partie du muscle qui joint cette valve à l'inférieure, sort à travers cette ouverture, elle se dilate à l'extrémité et s'insère à une troisième pièce cal- caire qui s’agglutine aux rochers; de sorte que ces Mollusques peuvent communiquer au dehors, non seulement par le baille- ment de leurs valves, mais encore par un reste d'ouverture que laisse le muscle à son passage et par lequel se glisse le très-petit pied de l'animal, vraisemblablement pour amener l'eau vers la bouche qui en est très- voisine (3). Une autre singularité des ER RER EEE APE ES NAT MTEMRIRS eULMD 7 tpocMés (1) Bufo. (2) Les Limes, les Plagiostomes, les Vulselles , les Pernes, ont aussi cette faculté. (3) Observations de M, Bouchard, ( 186 ) Anomies, c'est que les valves, dont la ténuité leur a fait donner le nom de pelure d’ognon, prennent la forme convexe ou con- cave des surfaces sur lesquelles elles sont fixées, sans doute pour offrir moins de prise aux ballottements des vagues. Sous le rapport de la reproduction, nous mentionnerons parmi les Acéphales la Mulette des peintres dont chaque branchie, dé- coupée en feuillets, est occupée intérieurement par de petites lames ovales, au nombre de 60 à 70, chacune desquelles coute- nant 1500 à 2000 œufs. En opposition à cette extrême fécondité, la Cyclade riveraine qui est vivipare, produit peu, mais ses petits ont déjà assez de développement à leur sortie du corps, et sou- vent ils se fixent sur les plantes aquatiques au moyen d’un fil translucide (1). BRA NCHIOPODES. Entre les Acéphales et la grande famille des Gastéropodes se place naturellement un petit groupe qui a quelques rapports avec les uns et les autres, mais dont plusieurs caractères lui sont propres et le rendent remarquable : c’est celui des Branchiopodes, qui se font reconnaître aux bras situés de chaque côté de la bouche, roulés en spirale dans le repos, et étendus en dehors de la coquille, pendant l'action, organe singulier que l’on ne trouve daus aucun autre Mollusque, à moins qu’on ne l’assimile aux tentacules des Gastéropodes. D'un autre côté, ces animaux pa- raissent privés du pied qui caractérise si généralement cette classe; mais peut-être le possèdent-ils sous une forme mécon- naissable, dans le muscle sans doute terminé en ventouse, au moyen duquel ils se fixent aux rochers. Ils habitent pour la plu- part les profondeurs de la mer, et paraissent se nourrir de petits animaux qu'ils saisissent de leurs bras ciliés, dont la position de chaque côté de la bouche est favorable à cette fonction. (1) Observation de M. Bouchard, ( 187 ) Ce groupe présente plusieurs modifications importantes : Les Lingules, dont les valves de la coquille ont la forme de langue, et qui ont pour se fixer un long pédicule charnu, se trouvent près de la surface des eaux et restent quelquefois à découvert pendant le reflux; mais alors elles ont l'instinct de s'enfoncer dans le sable. Les Térébratules ont leurs valves inégales. L'inférieure a son sommet perforé d’une petite ouverture par laquelle passe un pé- dicule court pour fixer la coquille. La supérieure, plus singulière encore, est pourvue à l'intérieur d’une charpente osseuse ou apophyse, très-diversifiée suivant les espèces, et qui supporte les bras. Nous ne connaissons qu'un petit nombre de ces Mollusques à l’état vivant, sans doute parce qu'ils habitent le fond des mers; mais la géologie en a découvert une multitude de fossiles, extrêmement variés sous le rapport de la forme des valves et surtout de l’apophyse intérieure, et d'autant plus nombreux que les couches qui les contiennent sont plus anciennes et re- montent plus près de la création. Les Orbicules ont la valve inférieure plate et percée d’une ouverture longitudinale servant de passage au muscle qui l'ap- plique aux rochers; la supérieure est arrondie, conique et sem- blable aux Patelles ou Lépas, dont elles se rapprochent par quel- ques trails communs pour servir de transition entre les deux grandes divisions des Mollusques. DES GASTÉROPODES. Les Gastéropodes , ainsi nommés de la situation du pied qui s'étend à toute la partie inférieure du corps, et qui leur sert à ramper, ont une organisation progressivement supérieure à celle des précédents , beaucoup plus diversifiée encore, et ils nous présentent, sous mille aspects, l’ordre, la sagesse , la bonté qui ont présidé à leur création. Munis d’une tête qui con- (188 ) tient la bouche et les organes de deux sens inconnus aux Atcé- phales , la vue et l'odorat (1), ils sont généralement abrités par une coquille univalve en spirale , dans laquelle se déploie une nouvelle série de formes infiniment variées, souvent élégantes et revêtues de couleurs agréables. Entre les organes des Gastéropodes , le plus riche en modifi- cations est celui de la respiration, tant sous le rapport de ses formes que de la position qu’il occupe , et toujours en harmonie avec le milieu qu'habite l'animal. Tantôt ce sont des vaisseaux pulmonaires qu'un étroit orifice met en communication avec l'air , et qui caractérisent deux familles : les Mollusques terres- tres el ceux qui , habitant les eaux , viennent respirer l'air à la surface (2); plus souvent ce sont des branchies qui, sous mille formes , s'emparent de l'air contenu dans l’eau: ici , elles sont extérieures, dorsales (3), etelles s'épanouissent en fleurs (4), en arbrisseaux (5), en panaches (6), en éventails (7), en écailles (8), en rayons (9); là, elles sont latérales et s’allongent sous le rebord du manteau en feuilles découpées (10); ailleurs, elles forment une longue suite de pyramides (11); Quelquefois elles (x) L'existence de l’odorat n'est pas encore prouvée. Suivant M. de Blainville, il résiderait dans les tentacules inférieurs. Owen regarde comme organes olfactifs, dans le Nautile, une série de lamelles membraneuses, serrées parallèlement au- devant de la bouche et recevant des nerfs fournis par de petits ganglions en rap- port avec les sous-æsophagiens. (2) Les Pulmonés, de Cuvier. (3) Les Nudibranches. (4) Les Doris, (5) Les Tritonies. (6) Les Théthys. (7) Les Glancus. (8) Les Éolides. (9) Les Flabe!lines. (10) Les Inférobranches. (11) La plupart des Tectibranches, ( 189) se dilatent en plumes légères (1); plus souvent elles se divisent en lanières et prennent la forme de peignes (2). Ces modifications et Lant d'autres que nous omettons et qui ont pour objet de multiplier les surfaces dans lès branchies , afin d’absorber le fluide respiratoire, signalent par leur multitude la grande diversité de conditions dans lesquelles se trouvent les Gastéro- podes sous le rapport de la respiration , suivant la nature , la profondeur , la température des eaux qu'ils habitent , et sans doute beaucoup d’autres qualités connues de Dieu seul. Un autre phénomène dans lequel la Providence montre sa sollicitude sous mille formes en faveur des Gastéropodes , c’est la ponte avec tous les moyens qui en assurent le succès et le développement d’une génération nouvelle. Les œufs revétus d’une matière tantôt calcaire (3), tantôt cartilagineuse (4) , transpa- rents (5), ou opaques, sont libres (6), ou diversement agglomérés en grappes, en cylindres, en chapelets , et renfermés dans des enveloppes muqueuses , ou gélatineuses, ou coriaces, qui figurent des vases , des urnes , des fruits, et qui s'ouvrent pour le passage du jeune Mollusque, soit par une fente diverse ment située , soit par un pertuis circulaire pourvu d’un cou- vercle. Que pourrait faire de plus la plus tendre mère pour garantir le berceau de son enfant? Les premiers qui se présentent sont les Patelles, qui se rappro- chent des Acéphales et dont la coquille plus ou moins aplatie n’a qu'un petit vestige de spire dans une proéminence du sommet. Elles se fixent aux flancs des rochers, comme les Moules, les SX 1 2 (1) Les Hétéropodes. (2) Les Pectinibranches , les Tubulibranches , les Scutibranches, (3) Comme dans les Bulimes. (4) Les Pulmonés. (5) Les Limaces. (6) Les Pulmonés, (190) Huîtres, mais par un moyen tout différent : elles font le vide par la contraction des fibres du pied, et adhèrent ainsi au plan sur lequel elles sont appuyées, avec une telle force que l’on brise la coquille plntôt que de détacher l'animal. Cependant elles n'opposent tant de résistance que lorsqu'elles sont en quelque sorte prévenues du danger. Du reste, elles rampent, à la vérité fort lentement, peut-être pour chercher leur nourriture qui n’est pas encore connue ; mais elles reviennent constamment , quoique aveugles, à la place qu’elles ont primitivement adoptée (1), guidées par la délicatesse du toucher ou de l’odorat. Elles savent aussi se tenir à une hauteur telle qu’elles ne sont ni constamment submergées, ni trop longtemps hors de l'eau, suivant le besoin de respiration. Enfin, lorsque la roche est assez tendre, on voit des individus se construire des espèces de niches où ils s’enfoncent et qu'ils ne quittent que fort rarement (2). Membres de la même tribu, les Emarginules diffèrent des Patelles en habitant les roches couvertes de plantes marines dont elles se nourrissent ; les Parmophores, par leurs mouvements d'extension et de contraction très-vifs et continus; les Calyptrées, au contraire , par la lenteur de leur seul mouvement qui con- siste à soulever antérieurement leur coquille (3). Dans une tribu voisine, nous voyons les belles Haliotides nacrées , ou oreilles de Neptune , abriter également leur large surface inférieure en se fixant contre les rochers. Elles se mettent en communication avec l'air ou l'eau nécessaire à la respiration au moyen d’une rangée d'ouvertures sous le bord le plus épais de la coquille. Ces ouvertures commencent près de la spire, lorsque l’animal est jeune, et, à mesure qu'il grandit, il er bouche une et en forme de nouvelles , de sorte que sur les indi- (x) Suivant observation de M, d’Orbigny. (2) Richaud, Dict, Pitt. (3) Bufo. ( 191) vidus âgés, nous en voyons jusqu’à dix-huit, sur lesquelles il n'y en a que six d’ouvertes. Peu de Mollusques sont aussi ornés, tant par l'éclat nacré de leur coquille, que par la double membrane découpée en feuillage , et garnie d’une frange élégante, qui borde le pied. La forme spirale du corps et de la coquille, dont nous voyons les premiers vestiges dans les Patelles et les Haliotides reste rudi- mentaire, mais d’une manière très-différente, dans une tribu (1) voisine. Les Vermets, les Siliquaires se contournent en tire- bouchons ; les Magyles, en colimaçons , les uns et les autres prolongés en tube, et cette conformation de la coquille est en harmonie avec l'instinct de ces Mollusques qui les porte à vivre, les premiers, agglomérés dansle creux des rochers, les derniers, fixés dans les excavations des madrépores, dont les masses en s’accroissant priveraient ces Mollusques de communication à l'extérieur . s’ils n'avaient la faculté d’allonger le tube qui ter- mine leur coquille, de manière à se trouver toujours à la surface de ces corps. Il arrive de là que celle coquille est bientôt plus longue que l'animal , et que celui-ci en abandonne le sommet tantôt en y construisant successivement des cloisons > à mesure qu'il allonge son habitation, tantôt en le remplissant de matière calcaire. C’est dans cette tribu que nous observons pour la première fois l’opercu'e, ce nouveau moyen de défense qui complète l’appa- reli protecteur chez un grand nombre de Mollusques univalves, el qui a été considéré, mais sans fondement ,» Comme une seconde valve. Très-diversifié dans sa substance et dans sa forme, l'opercule est inséré à l'extrémité du pied , et il ferme la coquille lorsque l'animal est rentré. Après les petites familles dont nou s venons de parler , vient he V (e) (1) Les Tubulibranches, de Cuvier. ( 192 ) celle des Gastéropodes dont les branchies sont pectinées, et qui forme l’immeuse majorité des Univalves. Elle peut se classer d’après là nourriture que prennent ces animaux , et l'organe de la nutrition est en harmonie avec les autres systêmes organi- ques. Au lieu de se nourrir , comme les précédents , des animal- cules ou des autres molécules alimentaires qui se trouvent dans l’eau qu'ils absorbent , ceux-ci sont carnassiers -ou herbivores. Les premiers sont armés d'une trompe rétractile , terminée par de petits crochets avec lesquels ils percent les coquilles des autres Mollusques , et en sucent la substance ; les autres pais- sent les plantes marines ou fluviatiles, et leur bouche est munie de mâchoires. Les Gastéropodes comprennent la plupart des Univalves marins. Quoique habitants des profondeurs de l'Océan, ils n’ont pu échapper aux investigations de l'homme. Leurs coquilles semblent faites pour charmer ses yeux par la beauté de leurs formes et de leurs couleurs , et elles ont précédé la plupart des autres productions de la nature dans les cabinets des savants comme dans les salons. Leurs contours , tantôt moëlleusement arrondis, tantôt fantastiquement anguleux, représentent sou- vent avec grâce les objets de nos goûts et de nos affections ; les unes faconnées en fuseau , en navette, en vis, en tarière, plaisent à l'industriel ; l’horticulteur , le jardinier sourient à l’arrosoir , le gastronome au jambonneau , au melon (1), à la fique (2), à l'olive, à la poire (3) ; le buveur admire l'ampleur de la tonne ; le fastueux , les draps d’or et d'argent (4) ; l'archéo- logue découvre la lampe antique (5); les porcelaines riva- (1) Volute, (2) Volute, (3) Volute, (5) Espèce d'Hélice. (4) Espèces de Cônes. ( 193) lisent d'éclat et de valeur avec celles de la Chine sur les rayons de la gothique étagère; les heaumes , les casques, les cottes de mailles (1) plaisent aux guerriers; les beaux-arts retrouvent l’élégante volute de la colonne ionique, Ja yre et le bruyant buccin qu’embouchaient les Tritons escortant le char d'Amphi- trite ; enfin la piété reconnait avec respect la tiare de Joad et la harpe de David. Cependant , si ces coquilles , innombrables en espèces, qui ornent le fond des mers comme nos musées, sont connues depuis longtemps à cause de leur beauté et de la facilité de les con- server , les animaux qui les habitent ne le sont pour la plupart que depuis les savantes recherches de Lamarck , de Cuvier, de M. de Blainville et de plusieurs autres. La plupart des Gastéropodes sont caractérisés surtout par le Siphon , repli du manteau , dont l'extrémité se met-en contact avec l’eau et l'amène aux branchies pour la respiration. Toutes les parties du corps présentent d'importantes modifications. La tête est couverte d’un voile remarquable dans les Volutes, les Cérithes et quelques autres; la trompe s’étend en long canal dans les Olives, les Mitres, les Tonnes ; elle est courte et obtuse dans les Ovules; les yeux sont insérés le plus souvent sur les tentacules ou cornes, tantôt en dehors près de l'extrémité (2), tantôt à leur base externe (3), tantôt sur le côté , vers le tiers (4) ou au milieu de leur longueur (5); dans quelques-uns, ils se trouvent à l'extrémité d’une tige latérale du tentacule (6); enfin dans d’autres , ils sont insérés sur le voile de la tête (7). Cette diver- ge (1) Les Oscabrions, (2) Dans les Cônes. (3) Dans les Porcelaines , les Marginelles, les Tonnes, (4) Dans les Ovules, les Mitres. (5) Dans les Olives. (6) Dans les Strombes , les Ptérocères. (7) Dans les Volutes. 13 ( 194 ) sité de position des yeux dans les Mollusques , jointe à celle de composition de cet organe qui est très-rudimentaire dans les uns et acquiert dans d’autres (1) la plupart des parties consti- tuantes ordinaires , ne permet pas de douter des nombreuses modifications que présente la vision dans ces animaux, et qui sont sans doute nécessaires aux différents degrés de lumière que leurs yeux reçoivent suivant la profondeur des eaux qu'ils habitent (2). Le manteau et le pied ne montrent pas moins de diversité, et ses nombreuses modifications sont en barmonieavec les habitudes de ces Mollusques (3). Suivent les observations de M. Bufo aux iles Seychelles, sur leur habitation, leur locomotion, leur nourriture, les uns , tels que les Tritons, les Harpes , les Cônes, les Porcelaines (4), sont stationnés sur les rocailles, soit en dedans , soit au milieu des brisants, et quelquefois sur le côté qui regarde le large (5). Les sables sont habités par les Strombes, (1) Dans les Volutes , les Porcelaines, (2) Cependant, quand on fait quelques essais sur le Limacon, on s’apercoit facilement que ses tentacules lui sont plus utiles comme organe du toucher que de la vue; car il n’évite les obstacles que quand son œil les a heurtés. Dugès. (3) Le manteau de ces Mollusques se développe diversement. Dans les Porce- laines , il est assez ample pour se recourber sur la coquille et l’envelopper entière- inent. Le Siphon qu’il forme en se repliant varie beaucoup de longueur, etil est en rapport avec les dimensions de l’échancrure ou du canal de la coquille qui lui sert de passage. Le pied est petit dans les Mitres, mince dans les Porcelaines, épais dans les Volutes, large dans les Ovules ; il a son bord antérieur séparé par une incision de chaque côté dans les Olives; il est, dans les Harpes, pointu en arrière, large à sa partie antérieure qui présente deux échancrures profondes. Un opercule corné , inséré à l’extrémité du pied , est dentelé dans les Casques, mince et rétréci dans les Concholépas ; rond dans les Cérithes; long, étroit et porté sur un pédicule dans les Strombes. Il manque dans les Porcelaines, les Volutes, les Marginelles , les Harpes et plusieurs autres. (4) De plus, les Pleurotomes, les Turbinelles, les Colombelles, les Planaxes, les Ricinules , les Pourpres, les Ovules, les Turbos, les Phasianelles, les Fas- ciolaires , le Murex à bouche rouge, ete. (5) Les Cérithes. (195 } les Olives, les Mitres , les Fuseaux (1) ; les fonds d evase, par les Buccins , les Littorines , les Térébelles , quelques M.gex et Pourpres (2) Les Colombelles, les Ricinules et quelques pourpres séjour- nent sous les plantes marines qui recouvrent les brisants ou les fonds vaseux. Les uns habitent la mer près de l'embouchure des rivières; d'autres les rivières près de leur embouchure dans la mer (3). La profondeur à laquelle ils se tiennent est d’un à trois mètres pour les Cônes , les Strombes , les Ptérocères (4), de 7 à 12 pour les Olives , les Térébelles , les Pleurotomes. La plu- part s’abritent, soit dans des trous plus ou moins profonds qu'ils creusent dans le sable ou la vase, soit sous les plantes marines, soit dans les interstices des rocailles. Il y en a de solitaires, tels que le Cérithe obélisque, la Natice mamillaire qui ne dépasse ja- mais l'ouverture de sa cellule. D’autres vivent en famille ou en société; les Potamides, qui fréquentent l'embouchure des rivières dans le voisinage des Mangliers , sortent de leur retraite à la marée basse, et se réunissent en groupes, dans lesquels les indi- vidus les plus vieux se tiennent le plus près de leur abri, soit par prudence, soit par la lenteur de l'âge. Les Cérithes Morus se (x) De plus, les Vis, les Tonnes, les Toupies, les Natices, (2) Quelques-uus habitent les plages de sable vaseux, tels que le Cerithium Fasciolatum , le Terebra Cœrulescens , le Buccinum Seychellarum, (3) De plus, les Ranelles , les Cérithes, les Vis. (4) Les T'erebra cœrulescens. Lorsque la mer est haute, ils sont couverts par de l’eau très-saumâtre ; mais quand elle est basse, ils se trouvent dans l’eau presque douce. Les Potamis palustre habitent le lit des rivières, près de leur embouchure, à l’endroit le plus éloigné que la mer puisse atteindre dans les grandes marées, et ils choisissent les alentours des Mangliers ; ils préfèrent l’eau douce à l’eau salée. Aussitôt que la mer monte et qu’elle approche de la place qu’ils occupent, ils se mettent en mouvement et vont se cacher dans leurs trous, où ils restent jusqu’à.ce que l’eau salée se soit retirée. Alors ils revieunent à la surface de la yase, et quand ils se sont arrêtés à l’endroit qui leur convient, et qui n'est pas éloigné de plus de 30 centimètres de leurs trous , ils sortent du test une partie assez considérable de leur corps, et semblent jouir del’ eau douce qui passe sur eux. ( 196 ) réunissent sur les petits tertres qui s'élèvent sur la plage. Les Cérithes radix se groupent en grand nombre sur les rocailles, et se placent dans un sens vertical, la partie antérieure regardant la surface de l’eau. Les Cérithes noduleux, qui habitent les bri- sants du côté qui regarde le large, se rangent souvent sur une seule ligne, à quelque distance les uns des autres, la tête dirigée vers le sommet du brisant, sans doute pour éviter ie choc de la lame. La même diversité a été observée par M. Dufo dans les mou- vements des Gastéropodes. Les Buccins, les Strombes, les Pté- rocères sont vifs et agiles (1); les Harpes, les Cones, les Olives, les Mitres procèdent avec lenteur ; les Porcelaines, les Turbi- nelles, les Cérithes montrent beaucoup de vivacité en sortant de leur coquille et en y rentrant ; ils sont très-lents en rampant. Les Strombes ont un mode de progression qui leur est particulier : ils ne rampent pas comme les autres Gastéropodes, en étendant et en contractant leur pied dans la direction qu'ils veulent par- courir. Ils le placent, au contraire, en travers de cette ligne, en tournant leur coquille dans le même sens. Alors ils se renversent entièrement sur le dos du côté où ils veulent aller ; ils étendent ensuite leur pied, toujours en travers de leur route , se ren- versent de nouveau, et c’est en répétant successivement les mêmes mouvements de leur pied, suivis des mêmes culbutes, qu'ils se transportent d’un lieu à un autre. Le Murex renflé, lorsqu'il veut marcher, fait un mouvement convulsif qui le place sur l'ou- verture de sa coquille. Il ne parvient pas toujours dès la pre- mière fois à dresser son élégant obélisque, mais il recommence jusqu'à ce qu'il réussisse (2). (1) De plus, les Fasciolaires, les Ranelles , les Colombelles , les Planaxes , les Vis, les Trochus, les Turbos, les Littorines, les Vermets, les Cerithium Fascia- tum, plusienrs R icinul (2) L'animal, qui fait sortir presque la moitié de son corps, est appuyé sur le ( 197 ) La nourriture des Gastéropodes consiste en substances ani- males ou végétales. M. Dufo a observé un singulier rapport entre ces aliments et l'opercule de ces Mollusques. Toutes les es- pèces qui ont celte pièce en spirale sont herbivores ; toutes celles dont l’opercule est formé de matières superposées sont carnivores, ainsi qu'une partie de celles qui sont dépourvues de cet organe protecteur. Parmi les Gastéropodes carnassiers, nous mention- nerons les Fuseaux, les Murex, les Buccins, les Pourpres, les Strombes , les Olives. Les uns dévorent la chair morte et sont destinés à en purger les mers, tels sont les Murex, les Strombes, les Mitres, qui se jettent quelquefois par milliers sur les cadavres des poissons et des Poulpes. Les autres se font la guerre entre eux el paraissent chargés de mettre des bornes à leur multipli- cation respective. C'est ainsi que Jes Ranelles font leur proie principalement des Mollusques acéphales; les Pourpres, des Cônes et des Bulles; les Murex, des Harpes. Lorsque le Buccin arculaire attaque le Cérithe morus, son agilité est telle qu'en très-peu de temps il en perce la coquille de sa trompe, et qu'il en hume la substance. Les Gastéropodes n’ont pas seulement pour ennemis leurs con : génères, ils en ont beaucoup d’autres parmi les Poissons et les Crustacés. Les Raïes, les Congres, les Crabes en font surtout une grande destruction. Cependant ils opposent plus ou moins de ré- sistance : outre l'abri de leur coquille, quelques-uns se font de leur opercule une arme offensive et défensive. Lorsque les Strombes et les Ptérocères sont attaqués, ils sortent en grande partie de leur coquille, et se renversent sur le dos ; alors ils se débattent vivement à droile et à gauche, en tenant la pointe de l'opercule en avant, et ils s'en servent pour frapper et blesser leurs ennemis, Les nègres mêmes en ont peur, et croient mor- A côté gauche du test , ayant la partie gauche de l’opercule dans la vase, Quand il se remet en repos, sa coquille est placée sur le côté gauche (198) telles ou au moins incurables les blessures faites par cette ar- mure (1). Passant aux Gastéropodes herbivores, nous voyons les organes extérieurs et intérieurs de la nutrition s'adapter à cette nou- velle destination. La trompe fait place à un mufle muni de mà- choires ; l'estomac s'agrandit et en même temps le siphon respi- ratoire disparaît souvent ainsi que le canal de la coquille, qui lui était approprié. Ces Mollusques se divisent en aquatiques et en terrestres. Les uns sont marins, les autres fluviatiles. Parmi les premiers, M. Dufo a signalé aux iles Seychelles, les Porcelaines, les Ovules, les Harpes, les Cérithes (2). Ils paissent les hydro- phytes, telles que les Fucus, les Algues, lesVarecs, les Ulves qui couvrent les brisants et le fond de la mer. Quelques-uns, comme les Fasciolaires, dévorent également les substances végétales et animales. Suivant d’autres observaleurs, nous savons que les Gastéro- podes herbivores présentent des particularités intéressantes : la coquille des Toupies a l'ouverture plus ou moins carrée, et l'opercule est cependant arrondi, de sorte que, lorsque l’animal y rentre, il fait éprouver à cet opercule une espèce d'in- flexion qui semble le plier en deux, de manière à fermer com- plètement l'ouverture. Ces Mollusques vivent dans le creux des rochers, à peu de distance des rivages, et principalement dans les lieux abondants en plantes marines. Les Natices, habitantes des régions profondes, se font remar- quer par leur frai qu’elles déposent sous la forme de bandes co- riacées, contenant un grand nombre de cellules arrondies, sem- (x) Lorsqu'une Harpe est attaquée par un Crabe, elle évite quelquefois la mort, dit M. Dufo, en faisant le sacrifice de son pied. (2) De plus, les Colombelles , les Planaxes, les Toupies , Les Turbos , les Lit- torines , les Phasianelles et les Natices. ( 199 } blables à des gâteaux d’abeilles, et renfermant chacune douze à quinze pelits (1). Les Turbos ont le pied bordé de membranes simples ou fran- gées qui paraissent leur servir à adhérer plus fortement aux ro- chers battus des flots, sur lesquels ils vivent. Les Janthines se distinguent entre tous ces Mollusques par un appareil musculaire qui leur donne la faculté de s'élever à la surface de la mer et d’y voguer librement. Le beau temps el la chaleur les déterminent à remplir d’air cette espèce d'aérostat, et des millions d'individus apparaissent, la coquille tournée en bas, sur les ondes de la Méditerranée ou de l'Océan. La mer devient-elle agitée, les Janthines expulsent l'air de leurs vési- cules, et elles rentrent au sein des eaux. Sous l'apparence d'’é- cume, cet organe aérien est composé d’aréoles à parois cartila- gineuses ; il est situé sous le pied et parait de la nature de l'oper- cule ; mais, à la fonction de tenir l'animal à la surface des flots, il joint celle de support à deux longues rangées de capsules qui renferment chacune une multitude d'œufs. Outre cette faculté de monter et de descendre librement dans les eaux, et de voguer à la surface, les Janthines ont encore celles d’être phosphores- centes la nuit, et de se dérober le jour aux regards de leurs en- nemis par l’émission d’un fluide violet; et tout porte à croire que ce fluide est le même qui fournissait la pourpre aux Césars, aux Constantins, aux Porphyrogènètes (2). Les grèves de Narbonne, comme celles de Tyr, sont quelquefois jonchées d’uneinfinité de Janthines jetées par la violence des vents, et l’on sait que ces deux villes possédaient les établissements les plus célèbres de celle teinture, ancien attribut des grandeurs humaines. Un Gastéropode, voisin de la Janthine, possède, comme plu- sieurs acéphales, la faculté de filer. Il peut, à l’aide d’un fil (r) Observation de M. Bouchard , de Boulogne. (2) Porphyrogénète , né dans la pourpre, ( 200 ; Tong, délié et presque imperceptible, se suspendre et s’écarter des plantes sur lesquelles on le trouve ordinairement ({). Les Gastéropodes qui vivent dans les eaux douces sont géné- ralement moins grands et moins remarquables que ceux de la mer. La livrée noire domine sur la coquille des Néritines, habi- tantes des torrents les plus rapides, des Mélanies, des Pirènes, des Mélanopsides. Ces dernières sont du petit nombre de celles qui vivent dans les eaux thermales (2). La Valvée se distingue par sa branchie en forme de plume , qui flotte au dehors avec des mouvements de vibration quand l’animal veut respirer. La Palu- dine est vivipare, et, suivant les observations de Spallanzani, les petits, pris au moment de leur naissance et nourris séparément, se reproduisent sans fécondation, comme ceux des Pucerons. Parmi les Ampullaires, une espèce du Mexique est de nature amphibie et fort extraordinaire : elle est fluviatile et terrestre, étant pourvue de deux organes distincts pour la respiration, l’un pulmonaire, l’autre branchial, et elle est à la fois herbivore, fru- givore et carnivore (3). En un mot elle offre un assemblage de caractères fort embarrassants pour la classification, mais en même temps de facultés très-étendues. Après la grande et belle tribu des Gastéropodes à branchies pectinées dont nous venons d’ébaucher le tableau, nous en abor- dons plusieurs moins considérables, qui en différent non-seule- ment par la disposition de cet organe respiratoire , mais encore en ce qu'elles sont hermaphrodites et souvent dépourvues de coquilles. Nous n’y voyons plus que rarement des formes élé- gantes, des couleurs agréables ; mais nous sommes frappés de l’étrangeté des figures, de la bizarrerie des conformations, et (x) Observation du capitaine Bellanger. Le Litiope , genre nouvellement établi par M. Rang, parait n'avoir pas d’opercule, (2) Aux environs de Vienne , en Autriche. (3) Duclos. ( 201 ) nous reconnaissons {oujours l’admirable concert entre les organes et les besoins de ces animaux. Ces Mollusques sont généralement herbivores, et ils ont le plus souvent la faculté de répandre, à l'approche d'un ennemi, un fluide coloré qui les dérobe à la vue. La première de ces tribus est caractérisée par les branchies insérées sur le dos, ou sur un côté seul du corps, et recouvertes par une lame du manteau (1). Elle comprend entre autres les Aphysies aux tenlacules creusées, semblables aux oreilles du lièvre dont ces Mollusques portent vulgairement le nom. Ce sont ces animaux à qui les Romains attribuaient tant de qualités mal- faisantes, qui entraient dans l’art funeste des empoisonnements, et qui servaient les crimes de Néron et des autres monstres de cette affreuse époque ; les Dolabelles, qui, au lieu de poison, présentent un aliment sain et agréable aux habitants des iles de la mer du Sud ; les Bulles, dont le nom fait allusion aux con- tours arrondis et à la ténuité de leurs jolies coquilles ; les Gas- troptères, dont le pied se développe en larges ailes, et qui, au lieu de ramper comme les autres, nagent le dos en bas; les Pleuro- branches, remarquables par leur quatre estomacs analogues à ceux des animaux ruminants, armés de pièces osseuses, et sans doute appropriés au singulier mode de nutrition de ces Mollus- ques. On ne trouve dans ces estomacs que des graviers; mais comme on ne peut admettre que l'animal les avale comme ali- ment , on croit que c'est pour se nourrir des animalcules qui se trouvent à leur surface. Une petite tribu voisine (2) nous présente les apathiques Phyl- lidies de la Nouvelle-Jrlande , ainsi nommées du long feuillage que forment les branchies autour du corps, entre le large pied (1) Les Tectibranches , de Cuvier. Les Aplysies ont, comme les Calmars , dans la duplicature du manteau, une lame cartilagineuse , coquille intérieure. (2) Les Inférobranches , de Cuvier. ( 202 ) et l'épais manteau orné de bandes d’azur et de rosaces d’or sur un fond de velour noir. Une autre tribu qui se distingue entre toutes par les branchies exposées à découvert (1), abondent en conformations singulières. Habitants des mers comme les divinités et les nymphes, dont plusieurs portent le nom poétique, la plupart de ces Mollusques nagent dans une position renversée ; leur pied a la surface con- cave comme un bateau, et ils s’aident des bords de leur manteau et de leurs tentacules comme de rames. Les Doris ont l’organe de la respiration épanoui en fleur élégante, vers l'extrémité du corps; il forme deux lignes symétriques d'élégants arbuscules dans les Trilonies, qui vivent sur les Fucus des rochers de nos côtes ; ce sont deux rangées de panaches chez les Théthys, qui sont bien plus remarquables encore par le voile ample et léger qui s'étend bien au-delà et au-dessus de la tête, comme celui que les peintres grecs donnaient à la déesse dont elles portent le nom. Ce voile, aux bords onduleux et ornés d’une frange, est très-mobile et sert à nager, et peut-être à voguer à la surface des eaux. Les Scyllées, au lieu de voile, ont sur le dos deux paires de membres allongés, couverts de branchies en forme de toufles rameuses, que Forskael compare à une forêt de Palmiers. Ces membres, conformés en nageoires, ont donné lieu à l'erreur longtemps propagée, de Séba, qui décrivit ces Mollusques comme des poissons, en les représentant le dos et les nageoires en bas. On croit qu'ils ont la faculté de nager, dans celte position, à la surface des mers. Ils savent ussi se mouvoir lentement dans l'eau en arquant les extrémités du corps, et, de plus, ils ont le pied creusé en canal, de manière à pouvoir embrasser les tiges (1) Les Nudibranches, de Cuvier. ( 203 ) de Fucus, y glisser et arriver aux parties de la fructification qu'ils rongent au moyen de dents allongées, arquées, croisées, et d’une langue garnie de crochets. Enfin, ils sont pourvus d’un estomac armé de douze lames de substance écailleuse, et tran- chantes comme des couteaux. Tous ces moyens de locomotion et de nutrition attestent les soins de la Providence en faveur d’un animal sans cesse exposé à mille dangers par sa nudité et par sa substance gélatineuse au point d’être translucide. Les Glaucus, affiliés aux Scyllées, ont trois paires de na- geoires en forme de fines lanières qui se terminent par des bran- chies épanouïies en longs filaments rayonnés comme un éventail. Ils s'en servent aussi pour nager dans une position renversée, et c'est un spectacle charmant de voir ces jolis animaux peints d'azur, de nacre, et nuancés d'argent, se jouer avec la plus grande agilité et en troupes nombreuses à la surface de la Mé- diterranée et de l'Océan. Les Éolides, dont les branchies en écailles étroites forment deux larges bandes sur les côtés du corps, et les Cavolines qui les ont en forme de rayons disposés en rangées transversales sur le dos, vivent sur les Fucus de nos rivages et jouissent d’un mode de locomotion qui paraît leur être propre : c’est de venir à la surface de l’eau et de s’y mouvoir, le pied en haut, par le moyen d'ondulations précipitées. Enfin, les Tergipes en présentent un plus singulier encore : ce sont les branchies cylindriques qui, rangées sur une ligne de chaque côté du dos, se terminent par des ventouses propres à se fixer sur les corps, de manière que ces Mollusques marchent au fond de la mer, le dos en bas sut ces organes de la respiration qui servent en même temps de pieds. Les Mollusques à branchies nues déposent généralement leur frai sous la forme de longues lanières fixées sur les pierres par l’un des côtés latéraux et enroulées en forme de cornet. Elles ( 204 ) sont composées de matière albumineuse qui laisse entrevoir des milliers de fœtus (1). Après avoir parcouru les diverses tribus des Gastéropodes pourvus de brsnchies poux respirer l'eau, et qui nous ont offert ces organes sous tant de formes diverses, nous arrivons à ceux qui respirent l'air en nature au moyen de vaisseaux pulmonaires qui communiquent au dehors par une ouverture située sous le rebord du manteau. Ces Mollusques herbivores, ordinairement pourvus d'une coquille, vivent , les uns sur la terre , les autres dans les eaux douces, mais alors ils sont obligés de venir respirer à la surface. Parmi ces derniers, les plus remarquables sont les Auricules, dont l'ouverture de la coquille se contourre en oreille. L'animal présente le phénomène, extraordinaire dans sa classe, de n'avoir pas d’yeux à l'extrémité de ses tentacules, mais à la partie postérieure et externe de la base de ces appendices. Les Limnées, les Paludines, les Planorbes de nos ruisseaux, de nos fontaines, de nosétangs, vivent sur les Nymphæa, les Re- noncules, et nagent souvent à la surface de l'eau en tenant le pied en haut et la coquille en bas, comme si elles prenaient leur point d'appui sur la lame d'air en contact avec la surface de l’eau (Dugès). Elles jouissent d'un autre mode de locomotion qui leur est propre ; elles peuvent à volonté s'élever on descen- dre au milieu du fluide qu'elles habitent, au moyen de l'air eon- tenu dans leur cavité respiratoire. Elles le dilatent, le com- priment ou le rejettent suivant l'évolution qu'elles veulent faire. Lorsqu'elles descendent avec rapidité, on voit très-distinctement des bulles d'air s'échapper de cette cavité (2). Les Gastéropodes pulmonés qui vivent sur la terre, ne sont que trop connus par le dommage qu'ils causent dans nos champs (1) Observation de M. Bouchard. (2) Observation de M. Bouchard. (205 ) et nos jardins. Cependant , quelques-uns rachètent ces torts en nous offrant un aliment agréable. Les uns sont pourvus d’une coquille; les autres n’en ont pas, ou n’en ont qu'un vestige. Les premiers nous présentent les Agathines, les Nonpareilles, les Ambrettes, les Barillets, dont les noms rappellent les couleurs agréables ou les jolies formes de leurs coquilles souvent façon- nées en lours ou en flèches élancées. Cette structure atténuée et toujours lisse est en harmonie avec leur séjour sous les Mousses et les Lichens, où ils s'insinuent et se meuvent sans peine. Les Bulimes, qui habitent de préférence les lieux les plus frais et les plus couverts, sur les liane: ei les arbustes, à la hauteur moyenne des montagnes (1), se font remarquer par l'habitude singulière de casser successivement les tours du sommet de leur spire, ce qui prouve que les muscles de l'animal peuvent se détacher de la coquille; car ilvient un moment où ces Mollusques ne conservent plus un seul des tours de spire qu'ils avaient au commence- ment (2). Les Agathines des humides vallées ont l'instinct de recouvrir de terre leurs œufs à mesure qu’elles les pondent en- tourés d’une enveloppe calcaire et rangés en longues trainées. Les Hélices ou Escargots sont au nombre des Mollusques dont l'instinct et les habitudes sont les plus dignes d’attention. Ils ont la merveilleuse aptitude de régénérer les tentacules, les yeux et même la tête qui leur ont été enlevés (3). Dans leurs amours, nous les voyons réaliser bizarrement la fable des flèches de Cupidon ; car, avant leur union, deux individus se lancent un dard renfermé dans une bourse, pour se rendre réciproque- ment favorables (4). Ils déposent leurs œufs dans le tronc des (1) Bufo. (2) Cuvier. (3) Pourvu cependant qu'on n’aille pas jusqu’à extirper les ganglions nerveux qui entourent l’æsophage. (4) Suivant M. Bouchard , il paraît que ce dard n'existe que chez les individus qui s’accouplent pour la première fois. ( 206 ) vieux arbres, ou sous les feuilles sèches et humides, en y faisant des excavations avec leur pied. Lorsque les petits sont éclos, ilsse nourrissent d'abord de la pellicule de l'œuf (4) qui, consistant en carbonate de chaux , favorise ie développement de la coquille. Ensuite ils se nourrissent d'herbe, à l'exception d’une seule es- pèce singulière (2), qui dévore ses semblables. Lorsque les pre- miers froids de l'automne se font sentir, les Escargots cessent de se nourrir, et se réunissent en grand nombre sur les bords des fossés, dans les buissons et les haies, et se disposent à leur re- traite hivernale. Chaque individu se forme une cavité en sécré- tant sur la plante du pied beaucoup de mucus qu'il lie à la terre et aux feuilles sèches, de manière à élever autour de lui une es- pèce de muraille dont il presse et polit les parois par les mouve- ments circulaires de sa coquille. Une voûte est construite par le même procédé. Ensuite il retire son pied en dedans, le couvrant de son manteau; il ouvre l’orifice respiratoire, et y introduit de l'air; puis il forme avec son mucus une membrane située entre le manteau et les substances extérieures. Bientôt après, le man- teau sécrèle sur toute sa surface une grande quantité de fluide blanc qui sèche à l'instant et ferme exactement la bouche de la coquille. Lorsque cette espéc id'opercule ou d’épiphragme est durcie, l'animal en détache son manteau; ensuite, expulsant une partie de l'air qu'il a inspiré, et étant ainsi réduit de vo- lume, il se retire un peu plus avant dans sa coquille, forme une nouvelle couche de mucus et continue ainsi, répétant cette opé- ration jusqu'à ce qu’il y ait quelquefois cinq ou six de ces couches formant autant de cellules remplies d’air entre lui et l’épiphragme, et qui setrouvent plus nombreuses dans les Escar- gots habitants des montagnes que dans ceux des plaines. Enfin il cesse de se mouvoir ; il s’engourdit et tombe dans l’état d’hiber- (1) Kirby. (2) L'Helix Algira, ( 207 ) nation. Au retour du printemps, il reprend du mouvement, il avance le pied, rompt la première cloison, respire l'air qui se trouve dans la première cellule, parvient successivement jusqu'à l'épiphragme qui cède à ses efforts, sort enfin et rompt son long jeûne (1). Toutes ces habitudes des Escargots signalent les soins de la Providence. Ces animaux ne peuvent ni prévoir le degré de froid auquel ils peuvent être exposés dans leur état d'hibernation, ni savoir par quel moyen ils peuvent se préserver des effets qu'ils en ressentiraient; mais la bonté suprême y pourvoit : à un mo- ment déterminé par elle, souvent sans être stimulés par l’abaisse- ment de la température, mais obéissant à l’excitalion instinctive d'une puissance secrète, ils commencent à construire leur habi- tation hivernale et se livrent à tous les actes que nous venons de décrire. De plus, les Hélices paraissent avoir un instinct inconnu aux autres Mollusques univalves, mais que nous avons signalé dans quelques Acéphales : c’est celui de creuser des cavités dans les roches calcaires. D’excellents observateurs, tels que le docteur Buckland et Constant Prévost en ont trouvées dans de longs ca- naux dont le fond reproduit exactement la forme de l’hélice, ce qui indique en même temps que cette perforation a été opé- rée par macération comme dans les Lithophages, et non par une action mécanique comme dans les Pholades (2). Enfin, il y a des Mollusques terrestres qui n’ont qu’une co- quille rudimentaire, mais terminée en spirale, à l’extrémité du (r) Gaspard et Bell, Zoo!. Journal. (2) M. C. Prévost a observé , dans l’un des échantillons qu'il a eus à sa dispo- sition , que le fond de l’une des grandes cavités offre exactement la contre-épreuve de la forme de l'Hélice qui y était logée. Une petite saillie correspond exacte- ment à la dépression de l’origine de la columelle, et, prenant avec du plâtre l'empreinte de Ja cavité, on obtient un relief qui ne diffère en rien de celui de la base de la coquille. ( 208 ) corps ; d’autres en ont une cachée sous le bouclier qui remplace le manteau ; dans d’autres il n’y a plus que des grains calcaires ; enfia, dans quelques-uns, tout vestige de coquille a disparu : ce sont les Limaces. Très-rapprochées des Escargots, elles passent également l'hiver dans un état de torpeur, en se contractant en boule , et elles se nourrissent de substances végétales, à l'excep- tion de quelques-unes (1) qui font la guerre aux Lombries ou vers de terre , et qui réparent ainsi le dommage que nous causent les autres (2). L'une d’eiles (3) produit une matière visqueuse et a l'instinct de s’en servir comme les chenilles, pour se laisser couler du haut des branches jusqu’à terre. Il nous reste à mentionner une tribu de Gastéropodes qui, par la forme du pied, s’écarte fort des autres, et se rapproche des familles suivantes : c’est celle des Hétéropodes (4) dans laquelle cet organe est comprimé en nageoire mince et verticale, seul ves- tige du pied horizontal du reste de la classe. Elle comprend les Carinaires, les Atlantes, les Firoles et quelques autres : les Ca- rinaires, dont la charmante coquille en bonnet phrygien a la transparence du cristal le plus pur. Le Mollusque qui l’habite est pélagien ; il s'approche rarement des côtes ; il ne rampe pas au fond des mers: mais il nage à la surface par la transformation du pied en nageoire, et, de plus, cet organe est pourvu d’une ven- touse pour lui donner la faculté dese fixer sur les plantes marines, soit pour s’y reposer, soit pour y chercher sa nourriture (5). Les Atlantes, si remarquables par le pourpre éclatant, nuancé (1) Les Testacelles. (2) Suivant l’observation de Laurent, un seul accouplement suffit à plusieurs pontes, ainsi qu'aux Paludines. (3) La Limace agreste. (4) Cuvier. Les Nucléobranches de M. de Blainville, (5) Les Hétéropodes passaient pour être hermaphrodites, mais M. Milne Edwards a découvert tout récemment qu’ils ont les sexes très-distincts et séparés. {( 209 de bleu et de rose, qui les colore, brillent dans la Méditerranée, et y nagent à lasurfaceen sautillan( avec vivacité. Pour descendre, il leur suffit de rester immobiles. Les F iroles, au contraire, échappent souvent à la vue par leur extrême transparence. Ainsi se termine la longue série des Gastéropodes, dont le prin- cipal organe est le pied si diversifié dans sa destination el sa forme. Nous l'avons vu, dans les Acéphales, approprié à des instincts sédentaires : les uns y trouvent un instrument de per- foration pour se creuser des habitations dans le sable, dans le bois, dans la pierre (1); d'autres (2), un appareil de filature qui fournit à la fois le travail et la matière de moelleux Byssus, ou de robustes câbles, pour se suspendre aux rochers et pour résis- ter à la violence des flots. Parmi les Gastéropodes, quelques-uns s'en servent aussi pour se fixer, en l'appliquant à l'usage de ven- touse (3), d’autres en font une truelle Pour maçonner leurs re- traites hivernales (4); pour un grand nombre, il élabore l'oper- cule qui complète leurs moyens de défense; mais le plus souvent ils s'en servent comme organe de locomotion : les uns rampent au fond des mers, sur sa surface allongée ; d’autres y trouvent une rainure inférieure pour glisser sur les tiges des Algues et des Fucus (5); il se dilate en masse vésiculaire chez la Janthine qui flotte à son gré sur la surface des eaux. Enfin il s'étend en larges nageoires en faveur de ceux qui ont pour domaine le vaste sein des mers (6). Ainsi, cet organe qui présente l'unité de com- position la plus évidente, est approprié par ses nombreuses mo- difications à tous les sites aquatiques. Par lui, les gouffres de a ———_—_—_—_— (1) Les Solens, etc. (2) Les Jambonneaux, les Tridacues, ete. (3) Les Patelles ; les Carinaires , etc. (4) Les Escargots. (5) Les Scyllées, etc. (6) Les Hétéropodes, etc. 14 (240 l'Océan, les rochers, les grèves nues, les forêts sous-marines de Fucus, de Varecs, les ondes ridées par le zéphir, les vagues sou- levées par la tempête, tout est animé par ce peuple immense des eaux; tout célébre la puissance, la sagesse, la bonté du Créateur. Cependant il semble que ces transformations du pied n'aient pas suffi à la locomotion des Mollusques et parliculiérement à la natation. Deux familles dont il nous reste à parler , les Ptéro- podes et les Céphalopodes, dans lesquels cet organe n'existe en aucune manière, sont pourvus de nageoires , de rames et même de voiles, qui sont des modifications des branchies , du manteau. ou des Tentacules. Les Piéropodes sont pourvues de deux nageoires siluées aux côtés du cou comme les ailes des oiseaux. La tête est pelite, quelquefois peu distincte , à tentacules souvent rudimentaires ou nuls. Généralement de petite taille, ils paraissent par mÿ- riades à la surface des mers, où , par le beau temps, les ans diri- gent leurs petites barques , les autres présentent leurs voiles légères au souffle de la brise. Les couleurs brillantes de leurs ailes et la vivacité de leurs mouvements leur méritent le nom de papillons de l'Océan (1). Les uns sont nus, les autres sont abrités par,une coquille. Parmi les premiers, les Clios, dont les nageoires présentent en même temps l'organe de la respiration sous la forme d'un réseau vasculaire , viennent humer l'air à la surface de l'eau; habitants des mers boréales, ils sont la proie des Baleines , et par leur multitude infinie , ils paraissent destinés avec les Aca- léphes à leur fournir leur principale nourriture. Parmi les Ptéro- (1) Les Clios, les Firoles, les Hyales d'un saphir argentin, les Hylées de nuance améthyste, avec leur coque de verre, les Glaucus d’un vert d’aigue marine, tous ces êtres de formes bizarres, resplendissants du feu des pierreries , sont comme uue manne délicieuse semée avec prodigalité pour la nourriture des animaux marins (Virey). ( 911 } podes à coquilles , les Hyales ont leurs branchies logées sous le manteau ; leur tête ressemble à deux valves soudées , etils s’en servent comme d'un bateau, nageant dans une position ren- versée , et frappant vivement l'eau de leurs larges nageoires. Les Firoies portent à la nageoire ventrale une ventouse qui sert à les suspendre aux Fucus, la coquille en bas. CÉPHALOPODES, Les Céphalonodes appartiennent aux Mollusques par leurs principaux caractères; maïs leur organisme est tel qu’ils ont des rapports avec la plupart des grandes divisions du règne animal , sans en excepter celles qui en commencent la merveil- Jeuse série. Leur système nerveux se retrouve en quelque sorte dans les Infusoires Rotifères, où Ehrenberg a découvert des gan- glions pharyngiens el un collier nerveux; leurs tentacules ou bras ont une grande analogie avec ceux des Polypes d’eau douce. Séparons la bouche d’une Séiche de ses appendices de la tête, nous voyons immédiatement une sorte de Radiaire , et particu- lièrement une Astérie. Les tentacules lamellés de l'animal du Nautile, au-dessus et au-dessous des yeux, semblent conduire aux antennes des Crustacés et des Insectes. Enfin ils se rappro- chent des Vertébrés par le bec, la langue , les yeux, l'oreille (1), le gésier, le jabot et une sorte de squelette intérieur. Par tous ces rapports organiques, ils occupent une position centrale dans la série animale, et ils ont été considérés , mais d'une manière fort contestée, comme un chainon qui lie les Invertébrés aux Vertébrés Cependant ils présentent plusieurs caractères qui leur me (r) Les Céphalopodes sont les senls Mollusques qui portent de vrais organes d’ouïe, découverts par Hunter. Le cartilage céphalique des Seiches est creusé en dessous et en arrière, de deux cavités ovalaires où se perd un nerf, et qui renferment aussi une petite concrélion, pierreuse chez les uns , farineuse chez les autres ( Dugès }. { 212) sont propres , Lels que la forme générale du corps et le système de la circulation, qui consiste en trois cœurs distincts, dont l’in- termédiaire envoie dans les artères le sang qui revient par une veine principale, divisée ensuite en deux canaux qui l'amènent aux cœurs latéraux , et ceux-ci le chassent dans les branchies, d’où il revient à l'intermédiaire. Parmi les organes des sens des Céphalopodes, les yeux sont les plus remarquables par leur composition. Ce ne sont plus de simples rudiments comme dans les Gastéropodes, mais l'appareil à peu près complet de la vision, tel que le présentent avec plus de perfection les animaux supérieurs. Les organes principaux des Céphalopodes, ce sont les braslongs et nombreux qui entourent la tête, et qui, mus par des muscles puissants et couverts de ventouses , leur servent à la fois de jambes pour marcher au fond de la mer en tournant rapidement sur leur axe, la tête en bas; de mains pour saisir leur nourriture, de voiles pour voguer sur la surface des mers , de rames pour vaincre la résistance des flots , de gouvernails pour se diriger et d’ancres pour se fixer. C’est ce qui, joint à la grandeur qu'une partie d’entre eux atteignent , les rend si redoutables aux autres habitants des mers et surtout aux poissons, aux Crustacés et même à l'homme, L’étreinte de ces bras formidables et la force des mandibules ou mâchoires rendent vaines la résistance la plus opiniâtre et les armures les plus défensives ; et, sans admettre l'existence du Kraken , de Pontoppidan et du Poulpe , de Denys-Montfort , grands comme une ile, une montagne . et qui ont fort compro- mis la véracité de ces auteurs, les Céphalopodes sont réellement au nombre des animaux les plus redoutables que la Providence a chargé de restreindre dans de justes limites la population des mers. Cependant, comme si tout devait être extraordinaire dans cet ordre d'animaux, ils présentent dans leur grandeur les plus grands contrastes; des espèces dont les bras atteignent (213) jusqu'à douze pieds de longueur , et d'autres, que l’on n aper- çoit qu'à l'aide du microscope. Les espèces dont les mœurs sont le mieux connues, c’est-à-dire, les Seiches, les Poulpes , les Calmars, savent se rendre invi- sibles à leurs ennemis en répandant autour d'elles un fluide noir, comme d'autres Mollusques nous en ont déjà offert des exemples, et, suivant Aristote, ce n’est pas seulement comme d’une arme défensive qu’elles s'en servent . mais encore comme d’une embuscade d’où elles s’élancent sur les poissons qui s’approchent d'elles sans les voir. C’est peut-être pour une destination analogue que leur peau est colorée par une matière disséminée en points très-déliés. Chacun de ces points , vu à la loupe, se présente comme une petite bourse imbibée d'un pigment de diverses couleurs et alternativement ouverte et fermée , et il en résulte des scintillations et des variations de teintes très-vives semblables à celles des Caméléons. Ces animaux, dont l'organisme est si favorable à la guerre et qui semblent investis d'nn ministère et d'un instinct terribles de destruction, ne sont pas étrangers aux affections les plus douces. Les femelles montrent une vive sollicitude pour leurs œufs qu'elles déposent par grappes parmi les roseaux du rivage, au nombre quelquefois de 40,000 , et qu’elles font éclore par une incubation assidue en les couvrant de leur corps. Les mâles de leur côté ressentent la plus vive tendresse conjugale, île défendent leurs femelles au péril de leur vie, même lorsqu'elles sont barponnées par les pêcheurs ; ils s'efforcent de les retenir en s’attachant à elles par leurs ventouses ; ils se laissent enlever avec elles hors de leur élément el périssent plutôt que de les abandonner (1). (3) Needham a découvert dans les organes mälés des cylindres de consistance subcartilagineuse, rangés et serrés parallèlement. Mis dans l’eau , ils s'ouvrent comme un étui à aiguilles, un ressort eu bélice repousse assez loin le couvercle , et une matière pulpeuse s'échappe du eylindre. (214 ) Outre l'intérêt que nous inspirent ces animaux par l'énergie de leurs instincts , ils se recommandent par quelques avantages que nous retirons d'eux. Sous le rapport alimentaire , ils four- nissent des mets abondants et agréables aux habitants des bords de la mer (1), et Apicius les trouvait dignes de sa sensualité. Nous leur devons l'encre de la Chine (2), la sépia et l'os de Seiche usités dans la peinture, le dessin et la lithographie. Après avoir effleuré les généralités relatives aux Céphato- podes, nous devons mentionner les principales modifications qu'ils présentent. Le corps est bordé de nageoires dans les Seiches , il en à une à son extrémité dans les Calmars; il en est dépourvu dans les Poulpes. les Argonautes. Les bras, au nombre de huit dans ces deux derniers genres, sont égaux dans les Poulpes ; d'eux d’entre eux se dilatent dans les Argonautes en larges mains; dans les Seiches et les Calmars, il y en a dix, parmi lesquels deux s'étendent en longs cylindres épatés à l'extrémité. Les Nautiles en ont un très-grand nombre, mais assez courts et pourvus chacun d'une gaine. Tous les Céphalopodes sécrètent une substance cornée ou cal- caire; très-rudimentaire dans les Poulpes, elle se réduit à deux pelits grains coniques à peine distincts, dans l'épaisseur du dos ; elle s'accroît et s'aiguise en forme d'épée dans les Calmars ; elle se dilate dans les Seiches en lame ovale convexe, composée d'une inbnité de feuillets calcaires joints ensemble par des milliers de petits tubes. Cette sécrélion, connue sous le nom d'os de Seiche, et que nous approprions à quelques usages, a été longtemps con- sidérée comme un rudiment de squelette des animaux à ver- tèbres ; et cette opinion s'élayait sur la supériorité du reste de ——— (x) Les jeunes Seiches que l’on mange à La Rochelle, sous le nom de Casserons, sont un mets qui plait à tout le monde. (x) Les anciens n'avaient pas d'autre encre pour écrire. Tous les peuples de l'Inde Orientale la font dessécher avec de 11 colle de riz. ( 215 ) l'organisme comparé à celui des Invertébrés ; de sorte que les Céphalopodes formaient une transition entre les deux grandes divisions du règne animal. D'ailleurs, cet os a une destination entièrement conforme à celle du squelette ; il soutient et protège le corps de l'animal, dont la chair molle et la peau lisse et mu- queuse ne présentent pas de résistance, tandis que les Poulpes, qui n'ont pas cette armure intérieure, ont la chair ferme et dure et la peau rude et grenue. Cependant, quoique cette sécrétion, par la fonction qu’elle remplit, comme par sa substance, ait une grande analogie avec les os, elle en a plus encore avec les co- quilles ; elle en est une intérieure en forme de bateau très évasé, et dont la poupe porte un éperon recourbé (1); et, ce qui le dé montre, c'est sa nature calcaire; c'est la forme du bord postérien qui se relève en s'évasant, et produit une cavité large et peu profonde, comparable à celle des coquilles normales; c’est surtout l'étroite filiation qui unit les Seiches aux Argonautes, aux Spi- rules, aux Nautiles et à la grande majorité des Céphalopodes pourvus de coquilles extérieures. Du reste, on peut concilier les deux opinions en considérant les os et les coquilles comme un seul et même moyen employé par la sagesse suprême pour pro- téger les animaux, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, et mo- difié er deux types principaux, en faveur des Mollusques et des Vertébrés. Dans l’Argonaute, plus de doute sur l'existence de la coquille, en admeltant toutefois que l’animai qui l'habite en soit l'hôte naturel. Cette conque, charmante de forme, de blancheur, de délicatesse, est un vaisseau pour le Poulpe navigateur, qui vogue à la surface des mere, où, suivant Aristote, il se sert de ses bras palmés pour voiles et des autres pour rames ; mais, outre que les observations récentes ont démontré que ce moyen de locomotion (1) Cet éperon est recourbé dans le même sens que la conrexité générale, et ne pent être assimilé qu'au Siphon des Nautiles (Dugès). (216 ) est controuvé, il est permis de croire que l'animal qui se trouve dans cette coquille n’est qu'un usurpateur qui s'en est emparé comme le Bernard l’hermite le fait à l'égard d'autres Mollusques: et Lel est le sujet du grand débat qui s’agite depuis longtemps, et dont les plaidoiries de part et d'autre ont beaucoup de force. En effet, d'un côté nous voyons une grande et belle coquille, commune dans la plupart des mers, et surtout dans la Méditer- ranée, connue depuis la première époque de la science, et tou- jours habitée par un Céphalopode d'une espèce particulière. Cette coquille présente toutes les convenances avec l'animal, et il ya parfaite harmonie entre la demeure et l'habitant. Des ob- servateurs dignes de foi prétendent même que la coquille existe déjà toute formée dans l'œuf de l'animal (1). Comment croire qu'elle soit faite par un autre parfaitement inconnu, et que l’on ne peut rapporter à aucune espèce connue ? D'un autre côté, la coquille de l’Argonaute, qui ne présente qu'une seule cavité, ne ressemble nullement à celles des autres Céphalopodes, qui sont divisées en compartiments par de nom- breuses cloisons, et elle ressemble fort au contraire à celles de plusieurs Gastéropodes, et particulièrement des Carinaires; l’animal qui l'habite n’y est pas uni: il peut en sortir et y ren- trer librement, tandis que les autres Céphalopodes à coquille y adbèrent par le pédicule d’un siphon. Comment admettre que l'animal, auteur de cette coquille, soit un Céphalopode, tandis que la grande loi de l'analogie démontre qu'il doit être un Gas- téropode, une Carinaire ? Das cette hypothèse, il faut supposer encore que l'habitant paturel de cette coquille ait toujours échappé aux regards de l’homme par un séjour continuel dans les profondeurs des mers, (rt) Rang a observé sur la coquille de l’Argonaute qu'une partie brisée se répare par une matière calcaire . comme celle des coquilles habitées par leurs habitants propres, ( 217) et qu'à sa mort le Poulpe s'empare de sa demeure ; mais cette supposilion est peu admissible, par la raison que la Carinaire avec laquelle la coquille de l'Argonaute a tant de rapports, pa- raît souvent à la surface des eaux. Quoi qu'il en soit, par droit de conquête ou par droit de nais- sance, cette coquille appartient au Poulpe qui l'habite et qui y trouve le couvert et l’abri, et si elle ne lui est pas propre, il se l'est appropriée. Une nombreuse tribu de Céphalopodes consiruit des coquilles spirales, caractérisées par les cloisons qui les divisent en cham- bres, et par un siphon ou colonne creuse qui traverse toutes ces cloisons jusqu’à l'extrémité de la coquille. Parmi ceux-ci le Nau- tile est aussi remarquable par la beauté de son test que par l'animal aux cent bras qui l’habite. Il n’en occupe que la dernière chambre, et un ligament partant du dos parcourt toute la lon- gueur du siphon et l'y fixe (1). Le Nautile doit naître avec une petite coquille à chambre unique et siphon rudimentaire. À mesure qu'il croit, il allonge et agrandit sa demeure, et en abandonne le fond devenu trop étroit, en sécrétant une cloison. et il prolonge le siphon ainsi que le ligament qui l'y attache, et c’est ainsi que la coquille, parvenue au terme de son développe- ment, présente un très-grand nombre de cloisons et de chambres vides. Les habitudes du Nautile diffèrent de celles des autres Cépha- lopodes autant que les organes. Les Tentacules nombreux, peu allongés et dénués de ventouses, ne servent pas à la locomotion, et cette action parait s’opérer par un organe musculeux, com- parable au pied des Gastéropodes, mais faisant partie de la tête et abritant les Tentacules. Le Nautile rampe sur cet organe au fond des mers (2), et ne s'élève jamais à la surface. La forme (3) Suivant Rumphius. (2) MM. Owen et Kirby. (218) des Tentacules indique aussi une modification dans la nourriture de ce Céphalopode; mais la bonche est normale et propre à briser les os et les enveloppes solides des poissons et des Crus- tacés. Les autres Céphalopodes à cloisons ne sont, pour la plupart, connus qu'à l'état fossile, et forment ce groupe antédiluvien des Cornes d'Ammon, des Bélemnites, des Baculites, dontlesimmenses dépôts dans les plus anciennes couches du globe, couvrent de vastes contrées, forment jusqu’à des chaines de montagnes, et servent de monuments aux grands événements primilifs qui nous sont révélés par la géologie et le récit de Moïse. ANIMAUX ARTICULÉS. Aprés avoir parcouru la série des animaux inarticulés qui, de la classe des Infusoires s'étend successivement aux Zoophytes , aux Échinodermes, aux Mollusques où elle s'arrête en attei- gnant , dans les Céphalopodes , son plus haut degré de dévelop- pement, nous abordons celle des Articulés, qui, commençant également aux Infusoires, monte parallélemert à la première en comprenant les Vers, les Cirripèdes, les Myriapodes, les Insectes, les Arachnides, les Crustacés et même les Vertébrés, qui en présentent la plus haute expression. En effet , l'anneau du Ver, le segment de l’Insecte, la Vertèbre du Mammifère sont les modifications du même type; ils nous donnent un exemple admirable de l'unité de composition, cette loi sublime de la création, où Dieu à voulu no:s montrer le premier de ses atiri- buts. Ils nous offrent en même temps une gradation merveil- leuse dans l'organisation et dan: les facultés intérieures depuis les éléments les plus simp'es jusqu'aux dernières limites du développement. Les animaux articulés peuvent être considérés comme com- posés d'autant de parties que d'articles , plus ou moins sembla- ( 219 ) bles entre elles et disposées en série longitudinale. Plus nous remontons vers les premiers anneaux de la chaîne animale, plus nous voyons ces parlies se ressembler , tant à l'extérieur qu'à l'intérieur , contenir chacune tous les organes nécessaires à la vie, comme autant d'individus réunis bout à bout , et enfin nous trouvons des animaux composés , tels que les Diphyes, les Biphores , agrégés en ligne , et dont la vie est à la fois indi- viduelle et commune. Dans les animaux supérieurs, au coutraire, les articles , les vertèbres, sont également distincts, mais ils différent entre eux , ils sont modifiés, combinés, coordonnés entre eux pour être propres à des fonctions diverses, suivant les lois de l'harmonie zoologique d'après laquelle lous les organes conspirent entre eux pour le bien-être de l'ensemble, et l'en- semble favorise chaque organe en particulier. VERS. À l'exemple de M. de Blainville (1), nous réunissons dans une seule classe les animaux annelés qui étaient séparés sous les noms de Vers et d’Annelides, mais qui, malgré de grandes différences organiques entre les uns et les autres, ont des carac- tères communs, et! présentent des degrés intermédiaires, qui nécessitent la réunion. Lenr principal caractère est d’être arti- culés et d’avoir la forme de vers. Cette classe ainsi constituée forme une série considérable qui, des degrés les plus bas de l'échelle organique, s'élève à une assez grande hauteur, jusques vers les confins du règne entomo- logique , et nous présente une grande diversilé de conformations et de mœurs. À sa base, elle avoisine es Infusoires, et même elle en comprend quelques-uns: car, depuis que l’étude des animaux microscopiques a fait reconnaître qu’ils appartiennent à plusieurs (1) 11 donne à cette classe le nom d'Entomozoaires vermiformes, ( 220 | des classes inférieures , les Vibrions en ont été détachés pour être réunis aux Vers. Ils en ont en effet la forme et les carac- tères. Les mâles sont beaucoup moins abondants que les femelles; celles-ci sont vivipares; ces animaux présentent le phénomène si remarquable d’une existence qui recommence après une longue interruption. Lorsque lesVibrions, qui vivent dans l'eau, dans le vinaigre et d’autres liquides , se trouvent hors de leur élément , ils se dessèchent et paraissent mourir ; mais si l’eau leur est rendue, même après trois années de dessication, ils reviennent à la vie. Cette classe se rapproche aussi des Polypes et des autres animaux composés, par les Cœnures qui ont plu- sieurs corps et lêtes tenant à une sorte de vessie. HELMINTHES. La première famille de cette classe est celle des Vers intesti- naux. À ce nom, un sentiment pénible s'empare de nous ; ces funestes animaux tourmentent l'homme à la fois de douleur et d'humiliation ; il est saisi d'épouvante à la pensée de tous les fléaux vivants qui peuvent infester ses entrailles ; il se fait hor- reur el pitié en découvrant dans chacun de ses viscères un essaim de vers qui les rongent. Les uns circulent avec le sang dans ses veines (1); d’autres siégent dans ses muscles (2); d'autres dans ses reins (3), dans ses yeux (4). Il y en a qui habitent le tissu cellulaire (5) , ou le foie (6); tantôt ils pullulent (1) Linguatula venarum. (2) Hydatigera cellulosa. On x découvert une nouvelle espèce d'Entozoaire propre aux muscles de l'homme. M, Owen en a formé le genre Trichine. VY. Diet, Pitt. et Annal, des Se, natur. (3) Strongylus gigas. (4) Filaria oculi hominis. (5) Filaria medinensis. (6) Fasciola hepatica, (22h) en amas innombrables (1) ; tantôt un individu solitaire remplit l'intestinde son épouvantable longueur (2); il y en a quiatlaquent l’enfance (3); qui arrêtent le germe de la vie dans les ovaires de la femme (4); qui infestent jusqu’au siége de la pensée (5\. Comment expliquer l'origine de cesodieux parasites de l'homme, comment croire que tous ces instruments de supplice se soient trouvés réunis dans le premier couple, lorsqu'il sortit des mains de son Créateur? Ils portent un caractère de châtiment qu'il est impossible de méconnaitre , « et rien, excepté la mort, dit le » célèbre et savant Kirby, ne saurait prouver avec une plus » grande force d'évidence , que l'homme est tombé de son état » primitif de faveur près de Dieu. 1] doit donc considérer ce » fléau comme un moyen d’expiation qui exerce sa patience et » sa résignation , qui contribue à le faire rentrer en grâce près » de la justice suprême, et qui lui assure enfin l’entrée dans un » état éternel de félicité, lorsque le temps d’épreuve est à son » terme, de sorte que les portes de la mort puissent être pour » lui celles de la paix et du repos. » Les Vers intestinaux ont un organisme très-simple, mais présentant graduellement quelques degrés de développement à l'extérieur ; ils sont souvent annelés et toujours dénués de membres. Ils n'ont aucun organe interne ni externe de respira- tion , et ils doivent éprouver les influences de l'oxygène par l'intermédiaire des corps qu'ils habitent (6). La circulation, égale- ment nulle chez la plupart, paraît exister dans quelques-uns, au moyen de simples vaisseaux disposés sur les côtés du oo (1) Les Hydatides. (2) Tœnia soliun, (3) Oxyurus vermicularis. (4) Linguatula pinguicola. (5) Echinococeus hominis. (6) Cuvier, | 2% | corps (4). Le sys'ème nerveux , nul dans le plus grand nombre, se manifeste quelquefois {2) par une suite de ganglions situés sous le canal intestinal, et qui servent de centres à des ramifi- cations nerveuses; mais les sens se réduisent à celui du toucher. La nulrition s'opère de deux manières distinctes, qui ont fait diviser ces animaux en deux famil'es principales : dans la pre- mière (3), iln'y a pas de cavité intestinale; tout le corps est rempli d'une espèce de parenchyme ; mais le plus souvent, quelques canaux ramifiés qui aboulissent à des sucoirs visibles au dehors, distribuent la nourriture au corps. Ces suçoirs, tantôt uniques, tantôt au nombre de deux ou de quatre, s'alion- gent quelquefois en tentacules, et prennent la forme de fleurs '4); ils sont nus dans les uns, armés dans les autres de pointes droites ou recourbées qui servent à attacher le corps aux intestins (5. Lorsque les suçoirs ne sont pas accompagnés de pointes, les Vers se maintiennent dans les viscères, au moyen de ven- touses quelquefois très-nombreuses et diversement situées (6). Dans la seconde famille (7) , il existe un canal intestinal traver- sant une cavilé abdominale, et dans lequel on distingue un œæso- phage et un estomac. La bouche est tantôt fendue et garnie de lèvres (8), tantôt en forme de trompe (9), souvent accompa- gnée de crochets (10), ou d'écailles (11), ou de dentelures. La généralion qui s'opère comme dans les autres animaux , a (x) Chez l’Ascaride lombricoïde , suivant Cloquet. (2) Les Ascarides. (3) Les Parenchymateux, de Cuvier. (4) Dans les’ Floriceps ; Cuvier. (5) Les Acanthocéphales et les Tænioïdes , de Cuvier. (6) Les Trémadotes , de Cuvier. (3) Les Cavitaires, de Cuvier. (8) Les Ophiostomes, de Cuvier. (9) Les Liorhynques, de Rudolphi. (10) Les Linguatules , de Cuvier. (1x1) Les Sclérostomes, de Blainville. (| 228 ) donné lieu à bien des préjugés, à bien des hypothèses. Avant que l'observation ail éclairé ce sujet-de son flambeau, l’igno- rance à enfanté une foule d'erreurs. Par exemple , le Ver soli- taire n'était autre chose qu’une membrane de l'intestin transfor- mé en un corps vivant (1}, où les nombreuses articulations dont il est composé élaientautant d'animaux qui s’enchainaient les uns aux autres (2). Les Hydatides n'étaient que des fragments du tissu cel'ulaire auxquels des suçoirs étaient venus s'ajouter (3). Actuellement encore les hypothèses les plus hasardées ne sont pas encore abandonnées. Les Liguies, suivant Rudolphi, prennent naissance dans les poissons et passent ensuite dans les oiseaux pour y prendre tout leur développement. La génération spontanée enfin est l'opinion avancée par l'école matérialiste , mais de plus en plus décréditée par l'observation des différents modes de propagation que pré- sentent les Vers. H y en a de Gemmipares !4), de Fissipares (5), d'Hermaphrodites (6), d’Androgynes (7), enfin plusieurs ont les sexes séparés (8) ; la reproduction a donc évidemment lieu comme dans les autres animaux. Par quel étrange intérét, dit Virey, par quelle incompréhensible industrie, ce hasard, cette force machinale , cette génération spontanée, procureront-ils précisément des organes pour se passer de la génération spon- tanée ? D'ailleurs, si l’on ne peut pas expliquer l'avènement des vers inteslinaux dans les animaux par les voies extérieures, ne peut-on pas se représen{er les œufs , les fœtus de ces vers trans- ——————————————— | (x) Opinion d’Aétius, de Paul d'Égine, de Riolan , ete. (2) Dugès. (3) Rudolphi. (4) Les Cénures, (5) Les Planaires. (6) Les Tœnia. (7) Les Douves, les Ascarides. (8) Les Echinorhynques. (224 ) portés avec le sang et les autres humeurs dans les ovaires, etles germes des animaux qui les portent, et passant ainsi de générations en générations (1)? La locomotion, presque nulle dans une partie des vers intesti- naux, est assez active dans l’autre. Non seulement ils changent de lieu pour trouver une nourriture plus abondante, pour opérer la réunion des sexes, mais plusieurs sont connus pour passer de l'extérieur à l’intérieur des corps. Nous ne pouvons guères douter que d’autres ne le fassent également et que ce ne soit un des moyens par lesquels ils y arrivent. C’est ainsi que le Dragonneau, ce fil vivant dont les mouvements ont tant de souplesse, se trouve dans nos ruisseaux , d’où il parvient dans les intestins des animaux , et que l'espèce connue sous le nom de Ver de Médine ou de Guinée, si funeste aux malheureux nègres , par les ulcères qu’il leur cause aux jambes, n’exerce ses ravages que dans les contrées chaudes et surtout dans le voisinage des marais (2). Quelle que soit la simplicité organique des Vers dont nous venons d’esquisser le tableau, ils présentent une assez grande diversilé de formes extérieures, dont plusieurs sont fort remarquables. Parmi ceux qui ont le corps vermiforme , ilyena dont l'extrémité est roulée en spirale (3) ou renflée en vésicule el munie de deux petites ailes (4); quelquefois le corps (1) N'est-il pas possible que les œufs d’une infinité de vers se répandent dans les liqueurs de divers animaux: dans le lait des génisses, des brebis , des chèvres , puisque Ja fréquente nourriture de ces laitages multiplie extrèmement les vers, puisqu'on a trouvé chez le bœuf et la vache des vers de même espèce que les nôtres ? (Virey.) (2) La Filaire de Médine se remplit tellement de fœtus tout formés, qu'on «en la singulière idée de la regarder comme un agrégat de Vermineaux de même forme que l’ensemble, {3) Les Spiroptères. (4) Les Physaloptères, ( 225 ) à la figure d’une calebasse dont l’étroite embouchure est sur- montée d’un appendice en forme d’ombrelle (1); souvent il est terminé par une épaisse vessie (2), dans laquelle il peut entrer à volonté (3); d’autres fois celte vessie porte d’une manière fan- tastique plusieurs corps et plusieurs têtes (4). C'est par ces nombreuses modifications dans la forme du corps et de chaque organe en particulier que les Vers sont appropriés aux divers animaux qu'ils habitent. Ils infestent surtout les différentes classes des Vertébrés. Parmi les maladies que cause leur présence, les plus graves sont le tournis et la pourriture qui font périr les moutons (5), et la ladrerie des porcs (6). Les chevaux meurent quelquefois d’anévrismes produits par des Vers qui pénètrent dans les artères (7). A la vérité, ce n’est guères que par une multiplication excessive, exceptionnelle et due à un mauvais régime qu’ils occasionnent la perte de nos bestiaux, qui y sont surtout exposés par les effets de la domesticité. Nous pouvons même les en préserver par nos soins et nous devons en faire l’objet de notre sollicitude. Comme si nulle classe d'animaux ne devait être inutile à l'homme, les habitants de quelques endroits d'Italie regardent comme un mets agréable la Ligule abdominale , Ver qui vit dans l’abdomen d’un poisson du genre Brême. (x) Les Acrostomes, L. de Le Sauveur. (2) Les Cysticerques. (3) Les Floriceps. (4), Les Cœnures. Il est à croire que les nombreuses têtes ou corps du C. Cere- bralis se multiplient par bourgeons ou gemmes. (5) Le tournis est occasionné par le Cænura cerebralis qui se développe dans le cerveau des moutons, et la pourriture, par la Douve du foie, Fasciola hepatica, qui vit dans les vaisseaux hépatiques. (6) La ladrerie est produite par l’Hydatigera cellulosa, qui se tient entre les fibres des muscles des porcs. (7) Strongylus armatus , Rudolph. 15 (226 ) ANNELIDES. Les Vers intestinaux se lient aux Annelides par des transitions presque insensibles. De l'organisation la plus simple, on monte par un grand nombre de degrés à celle qui, au moins par la composition de plusieurs systèmes organiques, élève les Anne- lides au premier rang des animaux invertébrés. La circulation surtout est très-remarquable en ce qu’elle nous présente un appareil double d’artères et de veines, qui reçoivent un sang rouge, mis en mouvement par l’action d’un ou de plusieurs cœurs, comme dans les Vertébrés. La respiration s'opère par des bran- chics. La sensibilité a pour siége un double cordon nerveux, comme dans les insectes. La nutrition s'effectue par un canal intestinal renflé d'espace en espace; la génération se fait par le mode de l'hermaphrodisme. La reproduction des parties mutilées s'opère comme dans certains Mollusques (1). Cependant, les organes extérieurs des Annelides sont moins développés que les intérieurs. Ils se réduisent à des yeux fort rudimentaires, aux parties de la bouche quisont fort diversifiées, et quelquefois à des tentacules qui paraissent doués de tact. Ceux de la locomotion consistent simplement en des soies situées sur les côtés de chaque segment du corps, mais ils manquent assez souvent. Une partie de ces animaux vivent dans des tubes qu'ils forment de diverses manières; à peu d’exceptions près, ils habitent les eaux. Les Annelides forment trois divisions caractérisées par l'organe de la respiration : les uns n’ont pas de brauchies apparentes; d’autres en ont sur la partie moyenne du corps; d’autres, sur la partie antérieure. (1) La reproduction partielle a été constatée dans les Planaires, les Naïdes, les Lombries. ( 227 | Les premières (1), qui se rapprochent des Vers intestinaux par la simplicité de leur organisation, paraissent respirer par la surface de la peau, ou par des cavités intérieures (2). Elles com- prennent les groupes des Planaires, des Sangsues et des Vers de terre. Les deux premiers sont dénués de pieds. Les Planaires, qui ont été longtemps classées parmi les Intes- tinaux, quoiqu’elles vivent toujours à l'extérieur, sont caracté- risées par leur forme déprimée. Elles composent une grande tribu très-diversifiée dans ses habitudes et son organisation. Répandues sur tout le globe, les Planaires sont aquatiques, ou au moins elles recherchent les lieux humides ; elles sont marines ou fluviatiles ; les unes vivent sur les conferves, les Lentilles d’eau ; d’autres dans les Polypiers ou entre les Coraux ; d’autres sous les pierres. Celles qui sont terrestres se tiennent souvent sous les écorces d'arbres. Elles se meuvent, soit en rampant, comme les Mollusques, soit en nageant par des mouvements vermiculaires ; elles se nourrissent de substances animales (3) ou végétales; elles se reproduisent non-seulement par des œufs, mais encore par des divisions spontanées, comme les Polypes (4). Une Planaire (5) observée par Dugès montre sa sollicitude maternelle avec un instinct singulier : elle appuie la partie posté- rieure du corps sur une pierre submergée, y dépose un suc visqueux qui, par le redressement de la queue, s’allonge et durcit en pédicule, et elle y suspend un œuf avec la même indus- trie que celle de l’insecte nommé Hémerobe ; mais, ce qui n'est ee ——————"—"—"—" ——.—— 0 HS Ne MpoU El 16 (x) Les Abranches, de Cuvier. (2) Cuvier. (3) Suivant Cuvier, elles sont très-voraces , et n’épargnent pas leur propre espèce. (4) La reproduction des parties mutilées est telle que , pourvu que le fragment détaché n’ait pas moins de la dixième partie du total, ce fragment deviendra un animal parfait (Dugès), (5) La Planaire brune (Dugès), ( 228 ) pas moins remarquable, c’est que cet œuf contient plusieurs fœtus (1), tandis que dans ceux des autres Planaires, il ne s’en trouve qu’un. La vision des Planaires parait résider dans des points noirs, situés à la partie antérieure du corps et très-diversifiés en nombre et en position. Cette faculté, il est vrai, leur est contestée, mais elle est très-probable si l’on considère que ces points sont formés de pigment; que des nerfs cérébraux paraissent y aboulir; que les Planaires, qui ont été longtemps classées parmi les Vers intestinaux, sont les seules qui soient à la fois pourvues de ces points noirs et qui vivent à l'extérieur ; c’est-à-dire, à qui la vue soit nécessaire, tandis qu'elle est inutile à ceux qui habitent les ténèbres des intestins; enfin, que beaucoup d’autres Anne- lides, surtout parmi ceux qui ne s’abrilent pas dans des tubes, sont également munis de ces points oculiformes (2). En adop- tant une hypothèse si vraisemblable, la grande diversité de nombre et de position de ces yeux, quoique rudimentaires, en suppose une également considérable dans les modifications de la vision sans doute appropriées aux besoins de ces animaux suivant la profondeur, la transparence et les autres qualités des eaux qu'ils habitent. Cette diversité est telle que les Planaires ont été subdivisées en plus de vingt genres, la plupart distingués entre eux par ces yeux, à peu près comme les Araïgnées (3). Les Sangsues se distinguent des Planaires par leur forme oblongue, par les ventouses qu'elles ont aux extrémités du corps, par la bouche située au centre de la ventouse antérieure, et (x) De cinq à neuf, sous une même enveloppe cornée et sans aucune cloison ou membrane intermédiaire, (2) Les Eunices ; les Phyllodooces , les Spios, etc. (3) Ges petits yeux sont au nombre de 3, 4, 6, 8, 10 et d’un nombre très-supérieur ; ils’sont disposés en deux ou trois séries longitudinales où trans- versales, où semi-circulaires; dans le genre Planocère, les yeux ‘sont à l’extré- mité des tentacules ; enfin , ils manquent dans quelques-unes: ( 229 ) armée ordinairement de dents, el par l'organe de la respiration, qui parait situé dans des poches intérieures, ouvertes sous le corps par deux séries d’orifices. Ces Annelides, également nombreux et si connus par les espèces usuelles, vivent dans les eaux douces, quelquefois dans la mer et rarement sur la terre. Ils s'y meuvent , soit en ram- pant au moyen de leurs ventouses, soit en nageant par oscilla- Lions, dans l’intérieur des eaux et quelquefois à la surface. Ils se nourrissent généralement du sang des autres animaux de toutes les classes, mais surtout des poissons, en se fixant sur les branchies. Ils se mulliplient par des œufs libres où renfermés en assez grand nombre dans une espèce de capsule ovale (1), le plus souvent abandonnés, mais quelquefois soignés par leurs mères (2). Une espèce (3) fixe les siens sur les branchies de l’écre- visse de rivière au moyen d'une petite pointe qui les termine. Lorsque les petits en sont sortis, on les trouve sur le test du Crustacé. Une espèce observée en France (4) a l'habitude de sortir de l’eau, elle vit dans les lieux humides et se nourrit de Vers de terre. D'autres Sangsues, de l'ile de Ceylan, infestent en nombre immense, les (erres marécageuses, les bois, les montagnes, particulièrement dans la saison pluvieuse. Les hommes, comme les bestiaux, ne peuvent y passer sans être assaillis par une multitude de ces animaux qui, par la ténuité de leur corp:, pénètrent à travers les vêtements et s’abreuvent de sang quel- quefois au point de faire périr leurs victimes. Il n’est plus permis de douter que l'animal (5) qui, suivant EE —_——— (x) D’après les observations de Lenoble et de Raëger, ces capsules ne renferment qu'un albumen commun , dense, gélatineux, dans lequel sont des germes assez nombreux. (2) Lorsque les œufs sont renfermés dans un cocon ; ils y éclosent. (3) La Branchiobdella astacis (Odier). (4) La Geobdella trochetii (Blainville). (5 Bdella. ( 230 ) Hérodote, s'attache à l’intérieur de la bouche du crocodile, ne soit une sangsue. Trop de témoignages attestent ce fait, ainsi que la manière dont ce redoutable reptile en est délivré par l'oiseau qu’Aristote nomme Trochile (1) qui entre impunémen dans sa gueule béante. Quelque intérêt que présentent les Sangsues par leur organi sation et leurs habitudes, elles nous intéressent bien plus encore par leur importance médicale. Elles sont un bienfait de la Provi dence, qui, pour atténuer les maux que nos excès amènent à leur suite, a suscité ce moyen de guérison, et qui, pour suffire à la prodigieuse consommation dont elles sont l’objet, leur a donné une fécondité plus merveilleuse encore. LOMBRICS. Parmi les Annelides dénués de branchies, il nous reste à parler de ceux qui, ainsi que les familles suivantes, sont pour- vus de soies propres à la locomotion : ce sont, dans l’ordre ascendant, les premiers animaux en qui se manifeste un organe du mouvement formé d’appendices pairs et latéraux ; et cet organe se présente sous une forme aussi simple que nous la verrons compliquée dans les animaux plus avancés en organi- sation. Il ne consiste le plus souvent qu’en petites soies insérées à chaque anneau du corps, et communiquant à des muscles qui les mettent en mouvement. Les Lombrics forment une tribu, en partie aquatique, en partie terrestre. Ceux qui vivent dans les eaux et qui forment le groupe des Naïdes, ont des habitudes et une conformation assez diversifiées. Les uns sont errants, nagent avec agilité et se reposent en se tournant autour des brins de plantes submergées ; d’autres vivent sur la vase, à demi enfoncés, et laissant flotter (1) II parait que cet oiseau est le Pluvier d'Egypte, Charadrius Ægyptius. ( 231 ) la partie antérieure du corps, de manière à pouvoir saisir les animalcules qui se trouvent à leur portée. Ils se reproduisent par des œufs que les femelles pondent réunis en petits groupes dans des cocons, comme certaines Sangsues, et, de plus, ils ont la faculté, comme les Polypes, de se multiplier en se partageant transversalement en deux parties qui deviennent des individus complets (1). Les Naïdes ne se trouvent que dans les eaux douces. Les Lombrics terrestres connus sous le nom de Vers de terre, n'ont d'organes extérieurs que les petites soïes disposées sur les côtés de chaque anneau du corps, et qui leur servent à ramper. Leur bouche est munie d'une lèvre supérieure allongée, qui fait l'office de tarière pour creuser la terre. Ils ne paraissent posséder d'autre sens que celui du toucher, mais il est très-intense jar la délicatesse du système nerveux. Aussi, la moindre pression sur lesol où ils sontenfoncés, suffit-elle pour qu'ils s’en ressentent et qu'ils se déterminent à sortir. Celte sensibilité est telle que le léger piétinement d’un oiseau suffit pour les faire venir à la surface du sol, et l’on connaît l'instinct des Pluviers, qui frappent la terre du pied pour se procurer ainsi leur principale nourriture. Les Lombrics sortent encore de leurs retraites principalement Ja nuit à l’époque de la reproduction. Ces galeries qui ont ordi- pairement deux issues, l’une pour l'entrée, l’autre pour la sortie, sont souvent profondes. C’est au fond de ces cavités qu’ils passent l’hiver à l'abri de la gelée, et que, pendant la belie saison, ils déposent leurs œufs dans des cocons (2). Leur fécondité parait grande, à en juger par la consommation qu’en font leurs nom- breux ennemis. Une petite espèce observée récemment dans le midi de la (1) La partie postérieure reste quelque temps à la surface de la vase, jusqu’à ce que son extrémité antérieure tronquée s’allonge en forme de tête (Dugès), (3) Suivant les observations de Latreille et de M. L. Dufour. (232) France se fait remarquer par la lumière phosphorique qu'elle répand le soir, à l’époque où les sexes se recherchent, et qui s'éteint aussitôt que sa destination est remplie (1). Les Lombrics jouissent de la faculté de reproduire leurs parties mutilées, même l’antérieure. Le Ver de terre se nourrit d'humus, et peut-être aussi de racines, quoique sa bouche ne soit pourvue ni de dents, ni de trompe; mais il paraît peu nuisible. Nous ne croyons pas, comme on l’a dit, qu'il favorise la culture, en labourant la terre, en la rendant plus meuble et en y donnant accès à l'air atmos- phérique; mais s’il n’est pas un auxiliaire pour l’agriculteur, il en est un pour le pécheur, dont il amorce les hamecons ; enfin, il est pour l’homme l’image de l’abaissement de sa sublime na- ture. « Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, amas d'incertitude, gloire ct rebut de l'univers (2). » Les Annelides pourvus de branchies sont beaucoup plus nom- breux et plus remarquables que les précédents. Ils se divisent en deux groupes, dont l’organisation est à peu près éga- lement développée et dont l’un se rapproche des Mollusques et l’autre, des Insectes myriapodes, offrant ainsi un nouvel exemple du merveilleux enchainement qui, de toute la création, forme l'ensemble le plus harmonieux. Le premier de ces groupes est toujours abrité par une enve- loppe ordinairement en forme de tube (3). Ces fourreaux sécrétés comme le test des Mollusques, sont tantôt membraneux, vis- queux et se couvrent de grains de sable ou de petites coquilles comme les étuis des larves de Friganes (4), tantôt cornés, ou cal- QG) M. Moquin , auteur de cette observation, a remarqué que cette propriété lumineuse réside dans la substance du renflement sexuel nommé clitellum. (2) Pascal. (3) Les Tubicoles. (4) Les Sabelles, les Térebelles , les Amphitrites. ( 233 ) caires (1). Ils affectent quelquefois la forme spirale des hélices (2). Les animaux qui les habitent ont tous leurs organes placés à la région antérieure qui est seule en contact avec les corps exté- rieurs. Les branchies attirent d'abord les regards en figurant d’élégants panaches, des fleurs gracieuses, teintes des plus vives couleurs. Quelquefois de leur base se détache un filament charnu qui s’allouge au-dessus de la bouche, se dilate en ombrelle, ou se contracte de manière à clore l'ouverture du tube, lorsque l’animal s’y renferme. La bouche est parfois entourée de nom- breux tentacules, courts dans les uns (3), excessivement longs et cheyelus dans d’autres (4). Dans quelques-uns elle est de plus couverte d’une couronne brillante d’or, ordinairement à double ou triple rang d’épines (5). Les pieds, c’est-à-dire, les soies insé- rées sur des tubercules, s’aiguisent en pointes, se dilatent en palettes, se hérissent de crochets, propres à ramper, à nager, à s’amarrer, et souvent le même individu présente ces différentes modifications (6). Ces Annelides vivent libres ou fixés. Les premiers (rans- portent avec eux leurs légers fourreaux (7). Les autres s'agglu- tinent aux rochers et même aux coquilles qu'ils couvrent sou- vent de leurs tubes calcaires et tortueux (8), quelquefois ils s’établissent dans les fissures des rocs, qui leur servent à protéger leurs fourreaux membraneux {9). Ils se nourrissent d’animal- (1) Les Serpules. (2) Les Spirorbes. (3) Les Amphitrites. (4) Les Terebelles. (5) Les Amphitrites. (6) Les Serpules. (7) Les Amphitrites. (8) Les Serpules. (9) Les Amphitrites. ( 234 ) cules que les vibrations continuelles de leurs tentacules amènent à leur trompe. Il nous reste à parler des Annélides qui ont des rapports avec les Myriapodes (1). Comme leur corps n’est pas couvert d’un fourreau, ils ont leurs branchies et leurs pieds distribués à peu près également sur leurs divers anneaux. Ils forment une famille nombreuse dans laquelle on distingue les Aphrodites, les Néréides, les Arénicoles, les Péripates. Presque tous aquatiques, les uns vivent dans le sable de la mer et s’y forment des galeries souvent profondes qu'ils enduisent quelquefois d’une substance sem- blable au cuir (2), ou au parchemin (3), et qu'ils savent même tapisser d'un léger réseau de soie /4). D’autres habitent les inters- tices des rochers, des Polypiers (5). Le Péripate, de l'Amérique méridionale, est terrestre, et vit sous les berbes et les bois décom- posés des forêts tropicales. Ces Annélides sont très-agiles, soit en nageant, soit en rampañt au fond de la mer, soit en serpen- tant dans leurs galeries sinueuses. Ils se nourrissent de petits animaux, tels que Naïdes, Planaires, qu’ils guettent quelquefois de l’entrée de leurs tanières, et qu'ils saisissent au passage. Il résulte de la complication de cette organisation extérieure, que ces Annelides présentent souvent un ensemble remarquable. Plusieurs y joignent l'éclat des couleurs et toutes les nuances de l'iris. Les Aphrodites ne le cèdent en beauté, ni au plumage des Colibris, ni à ce que les pierres précieuses o1,t de plus vif (6), et elles sont au nombre des hôtes les plus brillants des mers. Les Néréides répandent souvent une lumière phosphorique ——_——_—— ©" À © © (x) Les Dorsibranches , Cuvier, (2) Les Acoètes, Audouin et Milne Edwards. (3) Les Chœtoptères, Cuvier. (4) Les Néréides. (5) Idem, (6) Cuvier. (235 ) qui, lorsqu'on les irrite, semble les enflammer de proche en proche (1). Les Annelides se recommandent encore sous le rapport de leur utilité à notre égard. Ils forment l’appât employé le plus fré- quemment dans la pêche maritime, cette source si abondante de subsistance pour l homme. CIRRIPÈDES. La série des Vers et des Annelides, par les nombreux degrès organiques qu’elle comprend , devait naturellement se rappro- cher, comme nous venons de le voir, d’un grand nombre d'autres animaux. Les Cirripèdes donnent lieu à une remarque semblable, quoiqu'ils ne forment qu’un groupe très-restreint, et ils ne sem- blent être entrés dans le plan de la création que pour servir de transition. Par le singulier assemblage de leurs organes, ils lient les Mollusques aux Annelides et aux Crustacés, quel quesoit l’in- tervalle immense qui semble séparer 1a première de la dernière de ces classes. Longtemps considérés comme Mollusques, ils en ont l’extérieur, c’est-à-dire, le manteau charnu et la coquille qui recouvrent l'animal ; de plus, ils leur ressemblent par plu- sieurs rapports à l’intérieur, et ils vivent attachés aux corps submergés comme le plus grand nombre des Acéphales. D'un autre côté, ils sont incontestablement articulés, et présentent une grande affinité, par leur organisation intérieure et par leurs branchies et leurs pieds, ou cirres, avec une partie des Anne- lides et des Crustacés, et surtout avec ces derniers, par la con- formation de la bouche. Us forment deux groupes principaux. Les Anatifes et les Ba- Janes. Les premiers ont , pour s'attacher aux corps , un pédon- cule creux, musculeux, susceptible de s’allonger et de se con- RE RS ES née (1) Nereis fulgurans, ( 236 ) tracter (1). Ils recherchent les endroits battus par les vagues , sans doute parce que l'agitation de l’eau leur procure plus de moyens de subsistance. Bosc a observé que ceux qui étaient fixés au navire qu’il montait en revenant d'Amérique , avaient choisi la ligne de flottaison et le gouvernail, ce qui les mettait souvent dans le cas de se trouver hors de l'eau par l'effet du roulis ct du tangage. Le nom de cet animal rappelle la fable absurde qui, dans le moyen âge, faisait naître des Analifes plusieurs oiseaux aqua- tiques {2). Un grand nombre de savants ont accrédité cette fausse merveille ; des traités spéciaux ont été écrits pour l'expliquer, et nous apprennent combien des observations mal faites peuvent causer d'erreurs et de chimères. Cependant il y a des opinions extraordinaires qu'il ne faut pas trop se hâter de considérer comme chimériques. Les Cirripèdes en donnent un exemple très- récent : Deux naturalistes recommandables (3) ont affirmé que les Balanes étaient l’état adulte de petits Crustacés qui, après avoir vécu libres, pourvus de têle, d'yeux et de pieds, perdaient ces organes et devenaient Cirripèdes, ce qui est contraire à des observations qui méritent confiance, mais non à l'analogie , puisque nous observons le même phénomène dans les Crustacés inférieurs. Les Balanes ou Glands de mer, se fixent sans pédicule, et ils couvrent souvent de leur multitude les vaisseaux , les plantes A (1) L'organisme des Anatifes se diversifie : le manteau est tantôt membraneux, tantôt cartilagineux. Les valves de la coquille sont au nombre de cinq dans les uns, de quatre ou de deux dans d’autres; d’un plus grand nombre dans quelques-uns. (2) Entre autres, Scaliger, Saxon le grammairien, Fulgose, Vincent de Beau- vais, Leslœus , Majolus, Oderic, Torquemada, Chavasseur, Olaüs, Cambden , Boetius, Turnèbe, Pierre Danisi, Dentatus, Wormius, Duchesne, Maier, Cardan, Gyraldus et même Rondelet. (3) Thomson et Burmeister, ( 237 ) mari es, les Madrépores et même les Mollusques , les Crustacés, les Tortues, les Cétacés. Leur coquille ordinairement tubulaire, est formée de six valves soudées ensemble et d’un opercule com- posé de quatre pièces mobiles qui s'entr’ouvrent au gré de l’ani- mal, De nombreuses modifications répanden£ une grande diversité sur ces coquilles. Les uns figurent de brillantes tulipes, des melons à côtes ; d’autres s'arrondissent en cloches, d’autres en turbans, en couronnes, en diadèmes. Leur surface représente des rayons, des grillages, elles hérisse d'épines, de tubercules. Parmi ces animaux , les uns se fixent indifféremment sur tous les corps; les autres se trouvent toujours sur les mêmes : plu- sieurs s’attachent à peu près exclusivement aux Baleines , s’en- foncent dans leur peau, mais ne paraissent pas vivre en para sites (1); il y en a qui se réunissent en grandes masses , d’autres vivent solitaires; d'autres » plus extraordinaires, ne se fixent pas, eten sont dispensés par l'habitation qu'ils se choisissent dans l’intérieur des éponges (2). En comparant les Anatifes aux Balanes, nous trouvons que les premiers se fixent plus généralement sur des substances immo- biles, tels que les rochers, les pieux , les vieux bois submergés, et les dernières, sur des corps flottants ou nageants, comme les vaisseaux, les Tortues, les Cétacés » qui leur procurent les avantages de la locomotion en renouvelant sans cesse l'eau où elles trouvent les animalcules dont elles se nourrissent ; de sorte que par cet instinct, les êtres les plus immobiles deviennent les plus vagabonds, Volontiers gens boiteux haïssent le logis, dit Lafontaine. Il en résulterait plus de moyens de subsistance pour les Balanes, si la Providence n’avait balancé cet avantage en Re ————_—_—_—— (1) Les Coronules, les Tubicinelles , les Diadèmes, On voit souvent sur ces derniers’ des Otions (genre voisin) qui s’attachent à leur surface, (2) Les Acastes. ( 238 donnant aux Anatifes des organes plus favorables à cette ma- nière de vivre, je veux dire le pédicule charnu qui s’allonge ou se raccourcit à leur gré, les tentacules plus développés qui leur permettent d’agiter l’eau et d'atteindre leur proie de plus loin, et leurs mâchoires plus robustes, qui font supposer cette proie plus grande et plus substantielle. Aux confins indécis qui séparent les animaux rayonnés des binaires , se trouvent les groupes ambigus des Béroés, des Di- phyes, des Physophores, dont la forme générale est plus ou moins bilatérale. Les premiers, globules vivants de gélatine , forment, par leur prodigieuse fécondité, le fonds le plus abon- dant de la nourriture des baleines; ils sont appropriés aux fanons, faibles organes de déglutition de ces gigantesques Cétacés. Les Diphyes sont bien plus remarquables encore. Elles nous présentent des animaux composés de deux animaux dissembla- bles, dont l’un est emboité dans l’autre, sous la forme d’une cloche, d’une nacelle, d’un vase de cristal taillé à facettes , ces deux corps ont une vie commune; ils flottent et nagent à quelque distance de la surface des eaux, ou se fixent aux ro- chers à l’aide d’un filament garni d’un suçoir (1). Divisés par le moindre choc, peut-être même spontanément, ils ne paraissent nullement souffrir de la séparation, et jouissent chacun d’une vie propre; mais la physiologie de ces animaux n’est encore qu’imparfaitement connue et réclame de nouvelles observations. Les physophores ressemblent à de longues guirlandes de fleurs entremélées de baies et de feuillage, et sont des agréga- tions d’un grand nombre d'individus naissant par bourgeons et vivant réunis (2). Les Physolies, affiliées aux précédents et connues sous les noms de vessies de mer, de frégates, de galères, voguent à (r) Ce long appéndice cirrhigère paraît être en même temps l'ovaire, (3) Observation récente de M, Milne Edwards, ( 239 ) l’aide d’une crête festonnée qui leur sert de voile, et laissent flotter de longues chevelures semées de perles ; elles sont ornées des couleurs de l’émeraude et du saphir; elles brillent pendant la nuit d'un éclat phosphorique ; mais sous cet aspect agréable , elles cachent des moyens de nuire, et leur contact brûle comme celui de l’ortie. CONDYLOPES, La série des animaux articulés dont nous venons de parcourir les premières divisions,se continue dans ceux qui portent le nom de Condylopes , distingués des précédents par les pieds, qui sont articulés comme le corps. Ils composent les classes des Crustacés, des Arachnides, des M yriapodes et des Insectes, dont la première et la dernière se disputent la suprématie organique. Les Crus- tacés fondent leurs droits sur la supériorité de leurs systèmes de circulation et de respiration , semblables à ceux des Mollus- ques, et dans lesquels le sang se rend du cœur aux différentes parties du corps d’où il revient au cœur en passant par l'organe respiratoire ; ils sont d’ailleurs d’un rang supérieur par leur taille. Les insectes établissent leurs prétentions sur ce que le système de circulation qui leur avait été longtemps refusé a été enfin reconnu , quoique inférieur à celui des crustacés ; mais celte infériorité est plus que compensée par le degré su- périeur de leur système nerveux. En effet, si nous comparons entre eux ces divers appareils des fonctions vitales, sous le rap- port de leur importance, nous devons accorder le premier rang à celui qui caractérise surtout l'animal , qui lui donne la faculté de sentir, d'entrer en relation avec le monde extérieur, et assurément les insectes sont supérieurs aux Crustacés sous ce rapport. Si nous considérons aussi les différents organes qui donnent aux insectes une si grande diversité de moyens de loco- motion, de préhension et d'action, appropriés à la terre, à l'air ( 240 et souvent à l’eau ; si nous examinons surtout les instincts pro- digieux par lesquels ils excitent notre admiration , il est impos- sible de ne pas reconnaître en eux des êtres supérieurs aux Crustacés. Ces derniers, qui sont généralement aquatiques , n'avaient pas besoin de facultés instinctives aussi développées que les insectes. Les eaux étant plus peuplées que la terre, la fécondité des animaux y étant plus grande, les Crustacés, la plupart zoophages, y vivent le plus souvent, comme Îles autres habitants de ce fluide, sans travail , sans efforts, tandis que le plus grand nombre des Insectes ne se nourrissent et n’as- surent la subsistance de leurs petits qu’en se livrant à de rudes manœuvres, à des industries délicates, qu’en élaborant divers matériaux nécessaires à l'exercice de leurs instincts et pour les- quels leurs organes sont disposés. Déterminé par ces considérations, nous devons, dans l’ordre ascendant que nous avons adopté, nous occuper d’abord des Crustacés, qui d’ailleurs se lient bien mieux que les Insectes aux classes dont nous avons déjà esquissé le tableau. En effet, nous avons vu qu'ils ont des affliations avec les Cirripèdes, les Anselides et les Mollusques. Habitants des eaux comme eux , ils s'en rapprochent par leurs organes appropriés au même fluidé. Cependant les Crustacés sont formés sur un {ype très- différent, et ils composent, avec les autres Condylopes, une nou- velle série, la plus vaste qui soit sortie des mains du Créateur. CRUSTACÉS. Leur corps ; ordinairement couvert d'une carapace calcaire , est le plus souvent divisé en deux parties : la tête, confondue avec le thorax et l'abdomen. La tête porte des yeux, des an- teñnes et une bouche armée de mâchoires, et ces organes sont faconnés sur un plan plus ou moins différent de ce que les classes précédentes nous ont offert. Les yeux sont ordinaire- A (2M) ment composés d’une multitude de facettes , qui sont autant d’yeux disposés d’une manière convexe, de manière qu'ils embrassent une grande partie de l'horizon. Les antennes ont quelque analogie avec les tentacules des groupes précédents , mais elles ne servent jamais à saisir la proie ; elles sont l'organe du tact, et présentent à leur base ceux de l’ouie et de l’odorat. Les mâchoires sont placées latéralement comme dans les Cir- ripèdes, mais plus nombreuses, plus compliquées et sur les- quelles nous devons donner une explication qui s’étend aux autres Condylopes. Des six paires qui garnissent le plus souvent la bouche des Crustacés (1), les trois antérieures sont seules invariables dans leurs fonctions relatives à la nutrition; les trois autres sont quelquefois pourvues d’attributions différentes : elles sont partiellement ou totalement converties en pieds dans une partie des Crustacés, dans les Myriapodes, surtout dans les Insectes ; dont les six pieds ne sont autre chose que les trois dernières paires de mâchoires des Crustacés étrangement mo- difiées (2). Les Crustacés, outre ces trois paires de mâchoires qui se trans- forment quelquefois en pieds, ont encore cinq autres paires de pieds sous le thorax, modifiées à leur tour avec une diversité prodigieuse, et souvent encore cinq paires de pieds auxiliaires sous le ventre. Sous le rapport de la manière de vivre, les Crustacés sont généralement aquatiques ; ils se nourrissent pour la plupart de proie ; ils ont les sexes séparés el sont ovipares; ils subissent pendant le cours de leur développement plusieurs mues, comme tous les animaux dont la peau ne se dilate pas, et quine ee ————————"————.— "À (x) En ÿ comprenant la paire de mandibules. (2) C’est d’après cette théorie de M. Savigny , généralement adoptée, que les trois mâchoires postérieures des Crustacés portent le nom de pieds mâchoires,, ou de mâchoires auxiliaires. 16 (242) ; peuvent prendre de l'accroissement sans en changer Plüsieurs même se métamorphosent comme les Insectes. Enfin'ils ont la faculté de reproduire leurs membres mutilés , et, quoique nous en ayons déjà signalé des exemples dans les Polypes, les Echino- dermes et les Vers, elle est fort remarquable dans des animaux aussi élevés en organisation, et elle signale les soins de la Pro- vidence envers ces animaux exposés à la voracité de nombreux ennemis et au danger incessant de se briser, par leichoc ‘des vagues, contre les rochers au milieu desquels ils vivents:!25} Les Crustacés peuvent être considérés comme les insectes des mers ; ils n’en diffèrent essentiellement que par l'organe de la respiration ; ils sont également appropriés à tous les lieux ; à toutes les plantes, à tous les animaux du milieu qu'ils habitent , il y en a d’herbivores et de carnivores : les uns sucent leurs aliments; les autres les brisent de leurs mâchoires ;: quelques- uns passent une partie de leur vie sur la terre ; comme certains Insectes vivent temporairement dans les eaux. é L'organisation des Crustacés se modifie dans toutes ses parties avec une diversité extrême, .et ces modifications suivent géné- ralement une gradation très-distincte, qui, de l’état rudimen- taire, amène chaque organe , mais non simultanément, au plus haut degré dont il est susceptible , et il en résulte une série très- étendue, dans laquelle la plupart des rangs intermédiaires sont remplis. Ainsi le système nerveux, nul ,’ou ne présentant que de faibles vestiges dans les premiers groupes (1), se montre, dans d’autres , sous la forme d'un grand nombre de renflements, posés par paires , et réunis par des cordons de semblable nature, de manière à former deux chaînes de ganglions qui occupent toute la longueur du corps (2). Dans d’autres encore ces gan- 2 am 2 eme em (1) Chez les Lernées. (2) Chez les Talitres. (243) glions sont centralisés et réduits à deux, l’un à la tête, l’autre au thorax (1). Ainsi, les uns n’ont pour la circulation, ni cœur, ni vaisseaux sanguins ; les autres possèdent ce viscère et un système vasculaire très-compliqué. Il en est de même de la respiration qui s'opère d'abord par la peau, sans appareil spécial, et bientôt après par des branchies qui, de l’état rudimentaire, deviennent très-développés. Le plus souvent renfermées dans l’intérieur, elles sont quelquefois extérieures , et sous la forme de soies, de barbes, de peignes, d’aigrettes, de panaches, elles sont insérées tantôt aux pieds, tantôt aux mâchoires. Les organes extérieurs, proprement dits, ne présentent pas moins de modifications importantes , et caractérisent les groupes divers que forment les Crustacés et dont nous allons parcourir la série, en considérant la complication progressive de l'orga- nisme, et particulièrement les parties de la bouche. CRUSTACÉS SUCEURS. La première division est composée des Crustacés qui sont pourvus d’une trompe pour humer des aliments liquides. Cette trompe consiste dans les mêmes parties qui munissent la bouche dans la plupart des Crustacés, mais qui se réunissent pour former un tube conique et une lancette acérée. Les pieds ne sont qu'au nombre de quatre paires. Les branchies sont nulles. Tous ces pelits animaux vivent en parasites , fixés sur les poissons ; mais ce n’est qu'après avoir passé quelque temps libres, et sous une forme très - différente. Ils forment deux groupes très- distincts : les Lernées et les Siphonostomes (2). Dans les Lernées tout parait rudimentaire. Le système ner- (1) Chez les Maïas. (2) M. Milne Edwards y eomprend aussi les Pyenogonons mais nous les con- sidérons comme des Arachnides, (244) veux et celui de la circulation offrent à peine quelques vestiges ; la respiration s'opère par la peau, sans organe spécial; les parties de la bouche , les antennes, les pieds et-le corps entier, ont des formes vagues, indéterminées, ou anomales et bizarres. Il en est résulté une grande divergence d'opinions sur la place que ces animaux occupaient dans l’ordre naturel, au: moins jusqu’à l’époque actuelle où ils ont été mieux connus. Ils ont été successivement compris dans les Mollusques (1), dans les Vers intestinaux (2), dans une classe particulière (3). Enfin ils ont été reconnus Crustacés (4), mais avec des modifications qui atténuent tellement tous les caractères de cette classe, du moins dans l’état adulte, que ce n’est que par des inductions pleines de science que cette question a été résolue. Les Lernées vivent en parasites sur les poissons; elles se fixent particulièrement sur les ouïes, les nageoires, les yeux, la bouche ; elles y adhèrent, s’y enracinent à proportion de la difficulté de s’y maintenir. C'est ainsi que l’Achthère (peste) des Perches s'attache à la langue et au palais de ces poissons dépré- dateurs, et résiste à Ja pression et au frottement qu’exerce sur elle tout ce qu'ils dévorent. Les Lernées sont quelquefois si nombreuses que, malgré leur petitesse, les Groenlandais recueillent, pour se nourrir, celles qui vivent sur les ouies des morues. Elles forment une famille considérable qui se divise en trois groupes principaux caractérisés par la manière dont elles s’attachent à leur proie. Les unes, qui sont dénuées de pieds, ont la tête munie d'antennes simples ou ramifiées qui servent (1) Par Linnée. (2) Par Cuvier, (3) Par Lamarck. (4) Par Desmarets et de Blainville, ( 245 ) de crochets (1); d'autres adhèrent à l’aide d’une paire de pieds ou de, bras, qui, sans aucun autre exemple à notre connaissance, se soudent, tantôt dès la base, tantôt à l'extrémité, et se ter- minent par une ventouse (2) ; d’autres encore se fixent au moyen de leurs pieds-mâchoires armés de crochets (3). Outre la singu- larité de ces points d'attache, elles ont la forme du corps la plus bizarrement diversifiée que l'on puisse concevoir. Elles prennent non-seulementune multitude de figures fantastiques, mais encore celles de massues (4), d’ancres (5), de marteaux (6), de plumes (7). Elles représentent même quelquefois, comme les fleurs des: Orchidées, des hommes et des Insectes (8). Les femelles, mieux connues que les mâles, portent leurs œufs dans des tubes.extérieurs, situés ordinairement à l'extrémité du corps, et de formes très-diverses. Les mâles, rarement observés, sont beaucoup plus petits qu’elles, et ne leur ressemblent aucu- nement. Îls ont généralement des antennes, une trompe, des pieds-mâchoires mieux déterminés. On les trouve ordinairement accrochés sous leurs femelles. La plus grande singularité que présentent les Lernées, c'est leur métamorphose, qui, dans l’état adulte, les fait passer à une forme moins régulière, moins développée que celle du jeune âge, qq mm (1) Les Lernéocériens ( Milne Edwards). Leur bouche n’est armée que de deux petits crochets ; les antennes sont nulles : quelques-uns ont des pieds rudi- mentaires. (2) Les Lernéopodiens, Milne Edwards. La tête est munie d'antennes et de deux paires de pieds-mâchoires. (3) Les Chondracanthiens, Milne Edwards, La bouche est armée de petites mandibules. (4) Les Clavelles. (5) Les Anchorelles, (6) Les Sphyrions. (7) Les Penelles, (8) Les Lernanthropes, ( 246 ) en opposition avec les transformations ordinaires des autres ani- maux. Les jeunes Lernées ont des nageoïres en panaches et un œil frontal, comme les Crustacés de l'ordre suivant; mais, dès qu'elles sont fixées, elles perdent ces organes de la vue et de la locomolion qui leur sont devenus inutiles, et elles acquièrent un appareil d'adhésion propre à leur nouveau genre de vie (1). Les Siphonostomes, dont le sucoir est semblable, mais supé- rieur en composition, à celui des Lernées, se distinguent de ces dernières par des Antennes, des yeux, des pieds terminés en rames, et le thorax formé de plusieurs segments. Sous le rapport de leurs habitudes, ils leur ressemblent par leurs métamorphoses, par leur vie parasite dans l’état adulte; mais ils ne se fixent pas d’une manière permanente ; ils abandonnent quelquefois leur proie, et c’est pour cela qu’ils conservent les yeux et les pieds que perdent les Lernées. Quand ils sont libres, ils ont beaucoup d'agilité et tourbillonnent dans les eaux. Très-diversifiés dans leur conformation et sans doute dans leurs instincts, quoiqu'ils semblent vivre uniformément sur les ouïes ou la peau des poissons, et quelquefois des grands Crus- lacés, les uns ont la tête couverte d'une large cuirasse (2); les autres l'ont épaisse et découverte (3); souvent le thorax est muni de lames membraneuses qui ressemblent aux élytres (4), ou aux ailes (5) des Insectes, et dont l’usage doit être d'abriter le corps ou d’accélérer la locomotion. Ils se fixent à l’aide de (1) Des transformations analogues ont lieu chez beaucoup d'autres animaux parasites, tels que les Gallinsectes , les Hydraenes , les Ixodes , les Sarcoptés , les Nicothoés, parmi les Insectes ; les Calyges, les Argules, les Bopyres, parmi les Crustacés. (2) Les Peltocéphales, de Milne Edwards. (3) Les Pachycéphales , du même. (4) Le Dinemoura Coleoptrata. {5) Le Nicothoe astaci. ( 247 ) crochets dont leurs pieds-mâchoires sont souvent armés, ou de ventouses qui prennent naissance à la base des antennes. ENTOMOSTRACÉS. Après les Crustacés munis d’une trompe, la série se continue par un groupe nombreux d'animalcules presque microscopiques, dont le corps.est généralement couvert d'un test bivalve qui leur a fait donner le nom d'Entomostracés, insectes à coquille. Comme les précédents, ils subissent, des métamorphoses et de nombreuses mues; mais ils vivent errants; ils nagent à l’aide de leurs pieds et souvent de leurs antennes conformées en rames; ils sont munis de mâchoires; ils se nourrissent le plus souvent de substances végétales; ils pullulent dans les eaux comme les Pucerons sur les plantes,:et leur fécondation présente le même phénomène en suffisant à plusieurs générations. Habitant sou- vent les eaux stagnantes ou des mares qui se dessèchent, ils semblent exposés à périr lorsque l'eau s’évapore; maisrevient-elle, quelquefois après plusieurs années de dessèchement, ils repa- raissent par une disposition. protectrice de la Providence, soit que leurs œufs possèdent la faculté de se conserver et d'éclore, soit qu'eux-mêmes se mainliennent en vie (1) en fermant hermé- tiquement leur coquille, et en attendant le retour du fluide. Les Entomostracés forment deux groupes principaux : le pre- mier, caractérisé par des pieds en forme.de nageoires, ressemble aux Siphonostomes, à l'exception de la trompe. Il comprend une tribu dénuée de coquille (2),.et présente les Cyclopes, ainsi nommés de leur œil unique (3),,et remarquables par leurs nom- breuses métamorphoses; les Saphirines, voguant. à la surface a ——_—_—_—_—_—_—_—_—_———— ————————— (1) Opinion émise par Latreille et Kirby. (2) Les Copépodes, de Milne Edwards. (3) Cet œil est formé des deux yeux ordinaires rapprochés et réunis. (248 ) des mers et brillant d’un bleu charmant pendant le jour, d'une vive lumière phosphorique pendant la nuit ; les Cétochiles dont les myriades d'individus se réunissent en haute mer, s’amon- cellent comme des bancs desable de plusieurs lieues de longueur, et, quoique microscopiques, offrent une ample pâture aux Cétacés. Une seconde tribu (1) ne subit pas de métamorphoses; elle présente les Cypris de nos lacs et de nos rivières, les Cythé- rées des eaux saumâtres, qui se nourrissent de substances ani- males. Au lieu de porter leurs œufs sur le dos, ou sous le ventre, comme la plupart des autres Crustacés, elles les déposent sur les corps étrangers, et les y fixent à l’aide d’une substance fila- menteuse. Le second groupe principal formé des Branchiopodes, se dis- tingue par les fonctions de branchies que prennent les pieds, tandis que la locomotion s'opère par les antennes et la double queue qui termine le corps. Les uns, tels que les Daphnies, n’ont que quatre à cinq paires de pieds ; ils vivent dans les eaux stagnantes, se réunissent en petites bandes, et se font remarquer par la grâce de leurs mouvements. On les voit monter, descendre, tournoyer sur eux-mêmes, s’élancer en avant, se courber en arc, se débander comme un ressort, et se livrer à mille jeux capri- cieux et bizarres. Ils se nourrissent de substances végétales, et présentent des particularités remarquables dans leur génération. Les femelles font une grande quantité de pontes progressive ment nombreuses et subissent une mue entre chacune. Vingt jours suffisent pour qu’une nouvelle génération commence. Les petits qui proviennent d’une même ponte sont presque toujours d'un méme sexe, et sur cinq ou six portées, il y en a au plus une de mâles. Cette prodigieuse multiplication dure pendant toute la belle saison, et elle fournit une manne sans cesse renais- sante pour la plupart des autres habitants des eaux ; mais elle (x) Les Ostracodes , de Milne Edwards, (249) cesse avec la chaleur de l'été, et tout meurt avant l'hiver ; mais la conservation de l'espèce est assurée par des œufs particuliers contenus dans des capsules protectrices, et qui n’éclosent que le printemps suivant. Les autres Branchiopodes (1) ont un grand nombre de pieds. Les uns (2) ont le corps dénué de valves. Ils comprennent les Artémies qui vivent dans les eaux les plus acres des marais salants (3), et même dans les lacs de Natron de l'Égypte, tant la vie est universelle et répandue souvent où nous la soupcon- nons le moins. Ils sont si nombreux en été qu’ils représentent des nuages dans les eaux, et, comme ils prennent quelquefois une couleur rouge due aux animalcules dont ils se nourrissent (4), ces eaux semblent également colorées. D’autres dont le corps est plus grand et recouvert d’un bou- clier (5), vivent aussi en troupes innombrables dans les fossés et les mares. Ils font la guerre aux Tétardsde Grenouilles, dont ils font une grande destruction, et sont eux-mêmes la proie des oiseaux riverains et particulièrement des Lavandières. Quand ils sont rassemblés à la surface de l’eau, ils sont quelquefois enlevés dans les airs par la violence des vents, et sans doute par l'ampleur de leur bouclier, et ils retombent sous la forme de pluie. Ils s’enfoncent parfois dans la vase, et ils tiennent en dehors leur longue queue qui paraît alors investie d’une autre fonction que celle de la locomotion. Serait-elle un appareil auxiliaire de la respiration pour tenir lieu des branchies pen- dant qu’elles cessent d'être en contact avec l’eau; serait-elle (1) Les Phyllopodes. (2) Les Branchepiens, M. Milne Edwards. (3) L'eau qui urarque 10 à 15 degrés de l’aréomètre de Baumé est celle qui paraît leur convenir le mieux. (4) Les Monas Dunalii. (5) Les Apus, les Nébalies , les Limnadies, ( 250 ) l'organe du toucher ou d’un autre sens ? Ces questions restent à résoudre. À la suite des Entomostracés paraît se placer la race éteinte et fossile des Trilobites, qui a des rapports avec les derniers groupes, et en même temps avec les Crustacés suivants, et, de plus, avec les Oscabrions qui lient les Annelides aux Mollusques. Leur corps, divisé en segments et Ja partie antérieure couverte d'un large bouclier, établissent cette analogie; mais l'absence des pieds (1), des branchies et des antennes, qui paraissent avoir été détruits par l'effet de leur consistance molle et membraneuse, et le peu de vestiges qui restent des parties de la bouche, répandent beaucoup d'obscurité sur leur organisation. Il y en a plus encore sur les habitudes qu'avaient ces animaux... Cepen- dant nous conjecturons qu'elles devaient offrir une, grande diversité d’après les nombreuses modifications organiques. Les espèces privées d’yeux (2) vivaient probablement fixées et, para- sites; celles qui se roulaient en boule (3), ‘étaient libres et savaient se défendre à la manière des hérissons. Toutes habitaient la mer, à en juger par leurs gisements actuels. Cette race antédiluvienne, la seule qui ait disparu tout entière, et celle qui diffère le plus des races vivantes, appar- tiennent à l’époque zoologique la plus reculée, à l'aurore solen- nelle du cinquième jour où, à la voix de Dieu, les eaux se peu- plèrent des premiers nés de la création. Contemporains de Polypes, de Mollusques, de Poissons et de Reptiles éteints comme eux, Dieu les a rappelés de la svène du monde, lorsque les des- seins qu'il avait sur eux ont été accomplis. ————————_—————————_——" (1) Cependant M. Goldfuss a cru reconnaitre des vesliges de pattes sur le thorax d’un Asophe. (2) Les Trinucules , etc. (3) Les Calymènes, etc. ( 251 } En terminant la série progressive des Entomostracés, ou en commençant celle des autres Crustacés, nous croyons devoir placer un groupe fort restreint, peut-être en raison de l'ano- malie qu’il présente. Les Limules ont le corps couvert d'un vaste bouclier, el, par ce caractère, elles semblent appartenir à la division précédente ; elles en sont les géants, et sont à leur égard ce que les monstrueux Céphalopodes sont à la classe des Mollusques ; mais plusieurs parties de l'organisme, et surtout la bouche, présentent une modification qui ne permet pas de les comprendre dans les deux grandes divisions des Crustacés et qui les isole dans une place particulière : la bouche n’est accom- pagnée d'aucun appareil spécial pour saisir les aliments; mais elle est entourée par les pattes dont les hanches, armées de dents, sont disposées de manière à servir de mâchoires. Les Limules, si remarquables encore par la grandeur du corps (1), par la forme de leur carapace, par le long stylet qui la termine, et par toutes les pattes terminées en pinces, vivent dans toutes les mers des climats chauds ; elles se nourrissent de substances ani- males ; elles viennent le soir par couple, sur les plages sablon- neuses, s’enfoncent quelquefois dans le sable pour se préserver de la chaleur. Quand elles sont attaquées, elles se défendent en redressant leur stylet que l’on croit empoisonné, et dont les sau- vages arment leurs flèches, comme ils se servent du bouclier à l'usage de vase. Les Chinois trouvent dans leurs œufs un mets exquis et les Japonais les ont adoptées dans leur zodiaque comme représentant le signe du cancer, quoiqu’elles n'aient pas la marche quelquefois rétrograde qui a valu à cet autre Crustacé une place dans les cieux. (1) Il atteint jusqu'à deux pieds de longueur. ( 252 ) MALACOSTRACÉS. Cette seconde série des Crustacés est aussi nombreuse que la première, mais bien plus remarquable par la grandeur à laquelle ils atteignent, et par le rang de l’organisation. Elle en diffère particulièrement par l'absence du bouclier et par l'enveloppe solide et calcaire du corps. Gravissant, comme la précédente, de nombreux degrés de l'échelle zoologique, elle présente pro- gressivement dans les organes d'innombrables modifications, dont les principales ont donné naïssance aux classes que nous allons parcourir (1). La première, caractérisée par des yeux immobiles (2), présente d’abord les Isopodes , dont les pieds sont égaux (3), et qui subissent des changements de forme , comme les groupes pré- cédents, avant d'arriver à l’âge adulte. Ils sont très-diversiiés dans leurs organes et sans doute dans leurs habitudes ; mais ces dernières sont peu connues. Ainsi que dans les Entomos- tracés, les premiers Isopodes nommés Bopyres, sont parasites, el sans yeux (4); ils se fixent sur d’autres Crustacés ; et y prennent une forme aplalie , irrégulière, qui les a fait prendre pour de petites Soles ; parmi les Cymothoés, qui les suivent , les unes, également parasites , s'attachent aux poissons, mais temporaire- (1) Les Malacostracés se divisent en deux familles principales : les Edrioph- thalmes , dont les yeux sout sessiles et immobiles, et les Podophthalmes, dont les yeux sont insérés sur des bases mobiles. Les Edriophthalmes se subiiyisent, par les modifications de leurs pieds, eu Isopodes , en Lœmodipodes et en Amphi- podes ; les Isopodes forment les trois groupes des sédentaires, des Nageurs let des Marcheurs. (2) Les Edriophthalmes. (3) Ils sont encore caractérisés par une paire de pieds-mâchoires , par l'absence des appeudices vésiculeux des Amphipodes et des Lwmodipodes, La respiration s'opère à l’aide des fausses pattes suspendues sous l’abdomen, (4) La lèvre inférieure se modifie en sucoir. (-258 } ment;et, par cette raison, elles sont pourvues d’yeux et de nageoires ; il yen a qui, pour se creuser des retraites, percent le bois des vaisseaux et nous deviennent nuisibles par leur grande fécondité (1) ; les autres vivent errantes. Les Sphéromes , les Cymodocées (2) également munies de nageoires, se réunissent en troupes nombreuses sous les pierres ou dans les touffes de plantes marines ; elles nagent avec agilité le corps renversé. Elles vivent de proïe et sont elles-mêmes dévorées par les poissons ; au moindre danger elles se roulent en boule; quelques-unes paraissent phosphorescentes. Dans les Idotées , les pieds ne servent qu'à marcher, et quelquefois à ramper comme chez les Chenilles arpenteuses (2), par l’ab- sence des pieds intermédiaires ; mais les branchies sont investies de la double fonction de la respiration et de la natation par leur forme vésiculaire ; elles vivent sur les Ulves, les Fucus, les, Algues. Les Limnories exercent des ravages sur les côtes d'Angleterre en criblant de trous profonds les’ charpentes baignées par la mer. Les Aselles, si communes dans nos mares, ont sous l'abdomen une poche fermée par une porte à deux battants , dans laquelle les petits éclosent el séjournent quelque temps comme les jeunes Sarigues dans celle de leur mère. Après les Crustacés Isopodes se place le petit groupe des Lœmipodes (3), qui commence, comme les précédents, par une race parasite , les Cyames , propres aux Cétacés ; les uns fixés et agglomérés sur la tête (4), les autres errants sur le corps des (x) Les Nélocyres. (2) Les Arctures. (3) Les Læmipodes ou Læmodipodes se font remarquer par leur abdomen rudi- mentaire, sans branchies distinctes. (4) Is y sont en si grande quantité qu’on voit de fort loin en mer leur carapace de craie blanchir sur la tête des Baleines lorsqu’elles viennent respirer à la sur- face de l’eau. ( 254 ) Baleines , qui est pour eux un monde immense où ils cherchent dans de longs voyages les lieux les plus favorables à leur subsis- tance , tels que les bords des yeux , les lèvres , les nageoires. Les autres Læmipodes (1) vivent sur les plantes marines , et se font remarquer par leur forme bizarre , semblable à celle des Mantes, des Phasmes , parmi les Insectes. Le groupe considérable des Amphipodes (2) vient ensuite terminer la légion des Crustacés dont les yeux sont immobiles ; et, de même encore que, dans les groupes précédents, ceux dont l'organisation est la plus faible (3) sont plus ou moins parasites et se fixent, les uns sur les Poissons, les autres sur les Méduses ; quelques-uns (4) habitent l'intérieur d’un tube gélatineux, formé probablement par le corps de quelque Beroé, et, faibles animalcules , ils partagent cette proie avec les gigantesques Baleines. La nombreuse légion des Crevettes varie de mœurs comme de conformations : les unes marchent , d’autres nagent, d’autres sautent ; parmi les premières il y en a qui ont l'instinct de se construire des tubes membraneux ou papyracés semblables aux fourreaux des Friganes, et qu’elles traînent avec elles , à l’aide de leurs pieds (5) ou de leurs antennes (6); d’autres (7), connues à La Rochelle sous le nom de Pernys, y donnent le singulier spectacle d’une battue générale qu'elles font chaque année en commun sur les bords de l'Océan en frappant la vase de leurs longues antennes pour la fouiller, la délayer , et ——— 2e ce ee 2 AV et nn (1) Les Chevrolles , les Leptomères. (2) Les Amphipodes sont les seuls Édriophthalmes dont les mandibules soient munis d’un palpe, et dont les appendices sous-caudaux ressemblent à de fausses pattes. (3) Les Hypérines de M. Milne Edwards. (4) Les Phronimes. (5) Les Cérapodines, de M. Milne Edwards. (6) Les Cérapodes , du mème. (7) Les Corophies, (255 ) découvrir les Annelides dont elles font leur proie ; et elles se rendent utiles aux pêcheurs de Moules en aplanissant le sol profondément sillonné par les vagues pendant l'hiver ; ce que des milliers d'hommes ne parviendraient pas à exécuter dans tout le cours de l'été, les Pernys l’achèvent en quelques semaines (1) et cette opération est indispensable pour le passage des nacelles des pécheurs. Les Crevettes qui ont la faculté de nager (2) le font couchées sur le flanc. Elles sont entièrement aquatiques, et elles vivent au milieu des Fucus qui tapissent les rochers ; quelques-unes habitent.nos ruisseaux; une espèce se trouve dans les eaux ther- males du Kamtchatka. Celles qui sautent exécutent ce mouve- ment en se servant de leur queue comme d’un ressort ; c'est ainsi que les Talitres, dont le nom dérivé du grec signifie chique naude , bondissent sur les plages sablonneuses , lorsque nous enlevons les plantes marines qui leur servent de retraites ; ensuite elles s’enfoncent dans le sol qu'elles creusent de leurs pieds de devant, en même temps qu'elles rejettent derrière elles avec les pieds postérieurs le sable qu'elles ont ainsi détaché. Elles se réunissent en grande multitude sur les animaux morts que la mer abandonne sur la grève et dont elles ont la mission d’absorber les restes hideux et infects. Tous les Crustacés qu’il nous reste à mentionner ont les yeux insérés sur des bases mobiles et logés dans un sillon de la tête (3); ils forment deux familles principales : les Stomapodes et les Décapodes. (x) Observation de M. d’Orbigny père. (2) Les Crevet'es proprement dites, qu’il ne faut pas confondre avee les Palé- mons , les Crangons et autres Crustacés connus sous le nom de Crevettes et que l’on mange. (3) Les Podophthalmes. ( 256 ) STOMAPODES. Les premiers conservent d’assez grands rapports avec la classe précédente ; ils respirent également par des branchies exté- rieures (1), la circulation s'opère au moyen d’un vaisseau dorsal, et leurs pieds sont au nombre de quatorze , c’est-à-dire, que, des six pieds mâchoires , les quatre postérieurs se joignent aux dix autres pour marcher, nager ou saisir la proie. Les Stomapodes, quoique peu nombreux, sont très-diversifiés dans leur organisme et sans doute dans leurs mœurs; mais ces dernières sont à peu près inconnues. Les uns, tels que les Squilles, les Erichtes, les Alimes, ont une cuirasse ; leurs pattes antérieures sont des tenailles menaçantes comme celles des in- sectes appelés Mantes, dont elles portent vulgairement le nom (2). Ils habitent la mer à d'assez grandes profondeurs, recherchent les fonds sablonneux et fangeux et paraissent se nourrir principalement d’Annelides. D’autres portent deux cui- rasses, l’une au-dessus de la tête, l’autre au-dessous du thorax. Ils forment le groupe si remarquable des Phyllosomes, dans lequel le type des Crustacés reçoit une modification étrange, fantastique et admirablement appropriée à la surface des mers. Ces charmantes petites créatures, dont la complexion est d’une délicatesse infinie , ressemblent à de légères lames du cristal le plus pur , et sont si déprimées que les viscères n’y trouvent qu’une place inappréciable ; elles se jouent sur les vagues de l'Océan avec la même grâce que les Libellules dans les airs , à l’aide de longues rames plumeuses, et leurs yeux sont allongés en télescopes, et d’un joli bleu d'azur , seul point coloré du corps. Cependant, quel que soit l'extrême déguisement sous à (1) Sauf les rares exceptions que présentent les Phyllosomes. (2) Les Provencaux les appellent Prega-Diou (Prie-Dieu), comme les Mantes. (257 ) lequel paraissent divers organes intérieurs et extérieurs; tous ont été reconnus, à l'exception de celui de la respiration (1), dont rien ne dénote l’existence ; peut-être consiste-t- il dans les deux cuirasses dont la contexture délicate peut favoriser l’ab- sorption de l'air. D’autres Stomapodes (2), tels que les Mysis, qui par leur extrême multiplication constituent, dans plusieurs parties de l'Océan, l'aliment principal des Baleines (3), les Cynthies, les Leucifers, présentent des modifications bien différentes, quoique rapprochés par l’analogie. Dans ces derniers surtout, toul est contraste avec la conformation dilatée des Phyllosomes : tout est alongé, filiforme , linéaire. Il semble le même animal vu à travers des verres taillés pour produire des effets d'optique opposés et bizarres. DÉCAPODES. Les Décapodes présentent le type des Crustacés dans le plus haut degré d'organisation ; mais ils forment une série très- étendue dont l'extrémité inférieure se lie aux groupes précé- dents. Leur caractère le plus apparent consiste dans le nombre de leurs pieds , réduit à dix, au lieu de seize, par la distraction des six premiers appelés aux fonctions de mâchoires auxiliaires , et les premiers des dix sont le plus souvent conformés en tenailles propres à saisir une proie et à la porter à la bouche. Outre ces moyens de déglutition, ils en ont un plus puissant encore dans l'estomac dont la vaste capacité est soutenue par une charpente osseuse et armée de dents. Une conformation si favorable à la voracité n’est pas démentie (x) Les organes sexuels sont également inconnus, (2) Les Caridioïdes, caractérisés par leur ressemblance avec les Salicoques. (3) Suivant Othon Fabricius. 47 ( 258 } par les habitudes. Ces Crustacés extrêmement nombreux , attaquent et dévorent tous les animaux marins, vivants ou morts, qu'ils peuvent saisir. Ils en font une consommation effrayante, et sont évidemment investis de la fonction , soit de restreindre les multiplications excessives , soit de purifier les rivages des cadavres que rejette la mer. Cette dernière desti- nation, qui les retient près des côtes, est encore indiquée par la dure carapace qui les préserve du danger d’être brisés contre les rochers par le mouvement des flots, et qui leur permet de s’abriter sous les pierres et dans les anfractuosités ; et lorsque, malgré cette armure , la violence des chocs ou les chances des combats leur font subir quelque mutilation , ils jouissent de la faculté de reproduire leurs membres détruits. Quelle destina- tion plus manifestement assignée par la volonté suprême ! Les Décapodes se divisent en trois ordres d’après la confor- mation de l'abdomen : les Macroures, les Anomoures, les Bra- chyures. Les premiers, dont l’abdomen est grand, musculeux et ter- miné par une large nageoiïre disposée en éventail, sont entière- ment aquatiques, conformément à cet organe de locomotion et à la disposition des branchies, qui favorisent également l'habitation des eaux (1). Ils vivent généralement dans la mer (2). Groupés en plusieurs familles, les uns sous les noms de Salicoques, de Palémons, de Crevettes, de Crangons, de Guernettes. de Cardons et d'une foule d’autres, sont de petite taille, se rap- prochent des Crustacés précédents, ne sont hostiles qu'aux animaux inférieurs, deviennent eux-mêmes la proie des poissons, et servent d’alimenis aux hommes dans toutes les parties de la terre voisines de la mer. Ils fréquentent généralement les fonds (1) Elles sont beaucoup plus nombreuses que chez les Brachyures. (2) A l'exception d’un très-petit nombre , tel que l'Écrevisse des rivières. ( 259 ) Sablonneux et se plaisent au milieu des fucus. Ils nagent avec agilité, ordinairement sur le dos; mais, lorsqu'ils sont menacés de quelque danger, ils s’élancent à de grandes distances par les mouvements brusques qu'ils donnent à leur queue, et ils nagent alors sur les côtés et à reculons. Les Palémons, à l'époque du rai, remontent l'embouchure des rivières, en nombre infini ; ils y attirent une multitude de poissons qui en font leur proie : cependant ils paraissent échapper à une destruction totale par une arme défensive, une lame garnie de dents dirigées en arrière, qu'ils portent en avant de la tête, qui paraît inspirer de la crainte aux poissons, forcés au moins de ne les avaler qu’à reculons, afin d'éviter l’obstacle que présente celte espèce de scie au passage dans l'æsophage; une autre (1), privée de ce moyen de défense, se retire entre les valves des grands Mol- lusques de la Méditerranée nommés jambonneaux, et elle parait y vivre en parasite, conjointement avec un petit Crabe, suivant une observation qui remonte à Aristote AR Un autre groupe est formé des Homards, rudes habitants des rochers, et des Écrevisses de nos rivières ; plus connus que les autres, sans doute à cause de la délicatesse de leur chair, ils ont été l’objet d'observations et d'expériences qui n’ont pas seulement enrichi la science Sastronomique des Coulis et des Bisques, mais qui ont offert des remèdes à la médecine, des amulettes (3) à la superstition, et qui soulèvent encore les ques- tions transcendantes de la physiologie. C’est ainsi que dans la charpente osseuse de l'estomac » M. Geoffroy St.-Hilaire à Te EEE EEE (r) Le Pontonia tyrrhenä. (2) Une autre (Hippolyta, de Prideaux) a l'habitude de faire entendre un petit bruit qu’elle produit par le frolement des doigts antérieurs, ce qui le fait nommer Grillet, à Nice. (3) Les yeux d'écrevisses servent encore dans le nord de l'Europe et de l'Asie, de remède et d’amulettes. { 260 ) retrouvé des pièces analogues à celles qui composent la tête des animaux vertébrés, et qu’il a ramené ainsi, mais par une hypo- thèse bien hardie, une organisation aussi anomale en apparence à un type connu. C’est ainsi que la sécrétion calcaire, connue sous le nom d’yeux d’écrevisses, a été signalée comme servant au renouvellement de la carapace, après la mue annuelle, d’après l'observation qu'elle disparaît à cette époque et se reforme après. C'est encore ainsi que la reproduction des membres mutilés, constatée surtout par les belles expériences de Réaumur sur l'écrevisse, a été expliquée par Bonnet, qui voit tous les corps vivants remplis de germes prêts à se développer en tête, queue ou membres lorsqu'une occasion favorable se présente: par Geoffroy St.-Hilaire, au moyen de son principe : l’affinité de soi pour soi; par Dugès, à l’aide de la prédestination du type virtuel, du patron idéal, du plan hypothétique des formes, et de la grandeur du corps vivant (1). Quoi qu’il en soit, autant il y a d'obscurité dans ces explications, autant il y a d’évidence dans la protection divine dont ces animaux sont l’objet par l’admirable harmonie qui règne entre leurs organes et leurs besoins, leurs habitations, leurs instincts ; de plus, la sollicitude suprême, qui a tout prévu pour la conservation des individus, ne veille pas moins à celle de l’espèce. Lorsque les œufs en très-grand nombre, que les femelles portent à l’intérieur, ont acquis un développe- ment qui leur demande plus d’espace, ils sortent du corps, et se trouvent, sans que l’on sache comment, attachés en grappes par un pédicule (2) à des filets qui garnissent la queue ; ils gros- (x) Dugès assimile la reproduction des membres mutilés à la nutrition et à l'accroissement; il l’appelle un accroissement exagéré; il dit que le mécanisme peut en être mis sur le compte de l’agent vital, et que la facile régénération des nerfs, chez les Mammifères , semble prouver qu’ils jouent , dans la reproduction même d’un membre , le principal rôle. (2) Ce pédicule est une sorte de tuyau membraneux, flexible , élargi à sa base et qui paraît être la continuation de l’enveloppe la plus extérieure de l’œuf, Milne Edwards. ( 261 sissent encore et enfin les petites Écrevisses éclosent ; mais, faibles, molles et ne pouvant vivre sans abri, elles restent sous leur mère, sortent peu à peu, rentrent au moindre danger, et même, à ce qu'il parait, au signal donné par l'inquiétude maternelle, et ne se dispersent que lorsque ces précautions leur sont devenues inutiles. Parmi les autres Crustacés Macroures, la Langouste, le colosse de ce groupe (1), semble avoir été privée de tenailles, parce qu'elle eût été trop pourvue de moyens de destruction; elle a d’ailleurs la tête armée d'antennes qui ressemblent à de longs fouets épineux, et le corps hérissé de rudes pointes, dont se servit un jour le cruel Tibère pour torturer un malheureux pé- cheur. Douée d’une fécondité prodigieuse , mais insuffisante encore pour assouvir notre sensualité, la Langouste quitte chaque printemps les profondeurs de la Méditerranée , en nageant par bonds et d'une manière bruyante, pour se rapprocher des rocs qui bordent les rivages. La Janire vit solitaire dans les antres rocailleux les plus pro- fonds. Les pêcheurs assurent que sa chair répand l'odeur de la Punaise, et que la blessure de la pointe de son front est véné- neuse, ce qui lui a fait donner le nom de Tarentule (2). D’autres, qui portent le nom poétique de Galathée, rappellent par leurs habitudes craintives et nocturnes, sur les rivages de la Sicile, l’épouvante qu'inspirait à la charmante Néréïde l'amour de l’affreux Polyphème. Les Scyllares, dont les antennes anomales prennent la forme de larges lames écailleuses, s’en servent pour creuser des terriers obliques dans les terrains argileux, à demi noyés par la mer. Elles en sortent quand elle est calme, pour aller chercher leur RQ 99 to 9 hofom ob (x) Les Langoustes atteignent jusqu’à la longueur de deux mètres, en y com- prenant celle dés antennes. (2) Risso, ( 262 ) nourriture. Pendant la saison des amours, elles s’approchent des endroits tapissés d'algues et de fucus, sans doute pour y déposer leurs petits. Les Thalassines, les Callianasses recherchent les régions sablonneuses de la mer, elles y pénètrent profondément, et n'ayant ni chocs, ni ennemis à craindre, elles n’ont reçu qu'une enveloppe légère et peu solide. La division des Crustacés anomoures est une transition très- aturelle entre les précédents et les Brachyures. Ainsi que nous le voyons dans la plupart des êtres intermédiaires, elle présente non-seulement des caractères mixtes, mais encore des singula- rilés qui semblent destinées à provoquer plus particulièrement notre attention et nos méditations sur les œuvres divines. Elle comprend les Crustacés dont la conformation est la plus remar- quable, et dont les mœurs excitent le plus notre étonnement, tels que les Pagures, les Birgus, les Ranines, les Albunées, les Dromies. Le Pagure, vivant dans la coquille univalve délaissée par un Mollusque, est un des êtres les plus extraordinaires de la créa- tion. Considéré indépendamment de cette coquille, il nous appa- raîit comme un être ébauché, difforme, disgracié par la nature. A la partie antérieure du corps qui ressemble à celle de l'Ecrevisse est joint un abdomen nu, mou, contourné, sans défense. Il n’est muni dans sa longueur que de vestiges d’appendices représentant les fausses pattes, un seul sur le côté de chaque segment au lieu de la paire normale et symétrique, et il ne porte à l'extrémité, au lieu des larges lames ordinaires, que de petites pièces im- propres à la natation. De plus, des dix pattes thoraciques, les quatre postérieures sont menues, faibles, également inutiles à la locomotion, et hors de proportion avec les autres. Comment un anima! dont la structure est en apparence aussi informe, aussi imperfaite, aussi malheureuse, peut-il subsister, résister à ses nombreux ennemis; comment a-t-il pu entrer dans le plan ( 263 ) harmonieux de la création? La coquille en donne l'explication la plus satisfaisante, la plus complète, la plus admirable. Le Pagure, en la choisissant proportionnée à sa taille, y trouve un couvert pour sa nudité, un abri pour sa faiblesse, et indépen- damment de cette convenance, tout le corps est en harmonie avec cette habitation. La forme contournée de l’abdomen s'accorde avec les spires de la coquille; les petites pièces qui le terminent sont crochues, munies d’une plaque granuleuse comme une rape, et propres à fixer cette partie; les quatre petites pattes thoraciques ont à leur extrémité une semblable plaque et une pince, qui ont le même usage et dont l'animal se sert encore pour avancer ou reculer dans la coquille. Les appen- dices situés sous le ventre servent à fixer les œufs à leur sortie. La partie antérieure du corps, qui est habituellement en dehors, est couverte d’une croûte épaisse ; les quatre pattes qui sont en avant des petites, ont la force nécessaire pour trainer le corps et sa demeure empruntée, et des deux antérieures qui sont conformées en tenailles, l'une, lorsque le Pagure est entière- ment retiré à l'intérieur, en ferme ordinairement l'ouverture aussi complètement que le faisait l’opercule du Mollusque. C’est ainsi que l'intelligence suprême se manifeste d’une manière toute particulière dans un animal qui n’est complet et qui ne peut exister qu’en empruntant la dépouille d’un autre. Cette singulière existence dans une habitation empruntée et comparable à une cellule, une guérite, un tonneau, qui a fait donner au Pagure les noms de Bernard l’hermite, de soldat, de Diogène, ne l'assujétit pas à ne chercher son abri que dans une seule espèce, un seul genre de coquilles; il peut indifféremment sapproprier celles des Buccins, des Murex, des Volutes, des Nérites et de beaucoup d’autres univalves ; il s'établit même quelquefois dans le tube des serpules; il a seulement l’attention de choisir les coquilles lisses, sans épines, ni tubercules, afin de les traîner plus facilement, et il y trouve à la fois un toit qui (264) l'abrite, un fort qui le défend, une nacelle qui le fait naviguer. Lorsque les Pagures pressentent le moment de l'éclosion de leurs œufs, ils se rapprochent des plages où la mer accumule les coquilles vides, pour que leurs petits puissent choisir un gîte convenable, et ce sont le plus souvent les menues espèces de Colombelles, de Sabots, de Toupies qui répondent à ce premier besoin. Cependant, à chaque mue, le Pagure est forcé d'échanger sa maisonnette pour une plus grande, et il s'acquitte de ce soin avec beaucoup de discernement en allant vers toutes les coquilles vides qu'il aperçoit, et dont il mesure la capacité ; et lorsqu'il en a trouvé une à sa convenance, il quitte l’anciénne pour la nouvelle avec une précipitation qui atteste le besoin de s’abriter. Les Pagures habitent généralement la mer ; maïs il y en a qui sont presque terrestres (1). Les grèves de la petite île de Kéra en sont couvertes. À l'instant de la plus grande chaleur, elles cherchent l'ombre sous des touffes d’arbrisseaux, et, lorsque la fraîcheur du soir se fait sentir, on les voit sortir par milliers, roulant leur coquille, se heurtant, trébuchant et faisant'entendre par leur choc un petit bruit qui les annonce. D'äâutrés vont à la poursuite de leur proïe sur les rochers. Quelque péril les faït-il craindre pour leurs jours, ils se retirent aussitôt dans leur coquille et roulent en bas avec elle. Pourquoi la volonté suprême a-t-elle formé la combinaison si éxtraordinaire que nous présentent ces animaux? Le savant Kirby conjecture qu'ils peuvent avoir la mission d'accélérer la décomposition des coquilles qu’ils habitent et de contribuer ainsi à faire disparaitre ces dépouilles mortelles. Né suffirait-il pas, indépendamment des rapports nécessaires entre les Pagures et leurs coquilles protectrices, d'attribuer à ce phénoniène (1) Les Cœnobites, ( 265 } comme à tous ceux dont l’ensemble constitue la nature, la des- tination de montrer à l’homme, qui seul en a l'intelligence sur la terre, la puissance, la sagesse et la bonté divines émpreintes dans les œuvres de la création ? Les Birgus, qui avoisinent les Pagures, mais dont l’äbdomen couvert, en dessus, de plaques cornées, ne nécessite pas un abri étranger, sont à demi terrestres (1) et ont le singulier instinct de monter pendant la nuit sur les cocotiers pour en manger les fruits (2). A cet instinct paraît se rattacher celui, bien plus remarquable encore, du poisson Anabas, qui jouit également de la faculté de monter sur lies arbres à la poursuite de certains Crustacés qui sont probablement les Birgus {3). D'autres Crus- tacés anomoures grimpent sur le faîte des maisons à File de France (4) : ce sont les Ranines, si remarquables d’ailleurs par les nombreuses particularités de leur organisme. Les Albunées, qui en sont voisines par leur conformation, ont des habitudes toutes différentes : elles s’enfoncent dans le sable dés mérs à l’aide de leurs pattes faconnées en larges pioches, et semblent fuir la lumière. Enfin, les Dromies, qui terminent le groupe sin- gulier des Anomoures, au lieu de chercher un abri sous le sable, s’en forment un en se couvrant, avec leurs petites pinces posté- rieures, de corps étrangers, comme de valves de coquilles et plus souvent d’Alcyons (Polypes) qui continuent à se développer et les cachent entièrement. e—— (1) Ils ont la cavité respiratowre extraordinaire , très-grande , et les branchies n'en remplissent pas la dixième partie. (2) Cet instinct a été contesté par Latreille ; mais d’après Kirby, M. Cum mings en a été témoin dans les îles de la Polynésie. (3) Perca Scandens. Suivant Daldorf, ce poisson, de Tranquebar , est couvert d'une humeur visqueuse , ses opercules et ses nageoires sont armées d’épines qui favorisent cet instinct. Ses os pharyngiens sont creusés de sinuosités qui lui permettent de garder beaucoup d’eau, et d'entretenir ainsi l'humidité des branchies. (4) Selon Rumphius, ( 266 ) Les Brachyures, c'est-à-dire, la grande légion des Crabes ou Cancres, complètent l’immense série des Crustacés et la dominent par l'ensemble de leur organisme. Si quelques parties, telles que l'abdomen et les antennes, sont respectivement inférieures en développement à celles des groupes précédents , beaucoup d’autres présentent une supériorité qui leur assigne le plus haut rang, non-seulement dans cetle classe, mais même parmi les invertébrés, à l'exception peut-être des Céphalopodes parmi les Mollusques. Le système nerveux est centralisé au point de ne présenter que deux masses cérébrales, l’une pour la tête, l’autre pour le thorax. Le cœur est également plus complet et donne plus de force à la circulation du sang, et les branchies sont con- formées d'une manière plus favorable à la respiration. Au surplus, cette division des Décapodes forme elle-même une série qui présente des degrés d'organisation assez considérables et une grande variété d’habitudes dont nous ferons mention en parcourant les quatre grandes tribus qui la composent; mais, au milieu de cette diversité d’instinets, il en est un qui domine tous les autres ; c’est celui de la guerre et de la destruction qui leur a été donné sans doute pour restreindre les multiplications excessives, et pour purger les rivages de la mer des cadavres qu'elle rejette. La plupart à demi terrestres, grands, robustes, audacieux, ils emploient la ruse et la violence, et sont munis des armures les plus puissantes pour l'attaque et la défense ; ils prennent des attitudes menaçantes, marchant au combat leurs tenailles hautes : ils emploient jusqu’au bruit, pour effrayer leurs ennemis, semblent battre la charge en faisant claquer ces mêmes armes : et dans leurs combats comme dans ceux des romans de cheva lerie, nous voyons, sans le secours merveilleux des baumes, se refaire les membres mutilés. Ils connaissent si bien cette faculté de reproduction partielle, que lorsqu'ils se sentent saisis par leurs tenailles et qu'ils ne peuvent se dégager par leurs ( 267 ) efforts, ils se donnent un tour de poignet qui les casse et ils se délivrent ainsi aux dépens d’un membre qui doit renaître (1). La vitesse de leur course de côté égale quelquefois celle du cheval (2;. La force de leurs serres est telle dans quelques espèces qu'ils peuvent gravir un rocher en tenant un enfant suspendu sur l’abime. Enfin, ils ont donné un effroyable exemple de leur aptitude au carnage en attaquant, terrassant et dévorant le malheureux amiral Drake et les hommes de sa suite, qui avaient débarqué sur une ile déserte des côtes d'Amérique, infestée de ces terribles animaux (3). La première tribu (4), caractérisée par la forme étroite et triangulaire de la bouche, présente plusieurs particularités de conformation, telles que la carapace sphérique des Leucosies , hérissée des Lithodes. Les serres des Calappes, dilatées et den- telées en crêtes de coq, leur servent de visière pour se couvrir la face (5), ainsi que les rebords du bouclier recouvrent etcachent les pieds. Participant encore de la faiblesse des groupes précé- dents, tout chez eux est combiné pour la défense : les uns cherchent une retraite dans les fentes des rochers; d’autres vivent enfoncés dans le sable, près du rivage, et ne sortent que le soir (6). La seconde tribu, à bouche large, à carapace souvent carrée (7j, est une des plus nombreuses et des plus diversifiées. Elle (1) Dans les ports d’Espagne , quand on pêche les Crabes, nommées Boccaut, on se contente d'en arracher les grosses serres, et on les rejette pour les repêcher ensuite avec les nouvelles. (2) Un Crabe de la Phénicie, mentionné par Aristote, et observé par Olivier, doit le nom Hippeus, Cavalier, a cette vitesse, et Bosc en observa, daus la Caroline , une espèce qu’il eut de la peine à atteindre à cheval. (3) En 1605. (4) Les Oxystomes, Milne Edwards. (5) De là vient leur nom vulgaire de Crabe honteux. (6) Les Leucosies. (7) Les Catométopes , Milne Edwards. ( 268 ) comprend les Pinnothères qui, comme les Pagures, vivent dans les'coquilles, mais qui choisissent les bivalves et se logent sous le manteau de leurs hôtes pour abriter la délicatesse de leur enveloppe. Leur histoire fut longtemps mélée de détails pro- digieux sur l'union qui régnait entre le Crustacé et le Mollusque ; sur les services qu'ils se rendent réciproquement ; sur la vigilance qu’exerce le premier pour mettre son hôte à l'abri des dangers et pour lui procurer sa subsistance; et main- tenant que l'observation a réduit tout ce merveilleux à sa juste valeur, il surgit sur le Pinnothère une nouvelle opinion qui n’est guères moins extraordinaire. Un habile observateur, M. Thomson, prétend que ce Crustacé subit une métamorphose complète, ét que, dans le jeune âge, il n’est autre chose que l’animalnommé Zoé, voisin des Monocles. Quoique cette opinion paraisse fondée sur des observations dignes de confiance, nous sommes porté à la révoquer en doute, en considérant combien elle est contraire à l’analogie, les autres Crabes naissant avec la forme qu'ils doivent conserver pendant toute leur vie. Une petite espèce de cette tribu (1) est également aquatique, et se fait remarquer par l'habitude de se tenir sur les Cétacés el les grands poissons, ou sur les fucus qui flottent sur la mer, voyageant ainsi et trouvant dans cet instinct un moyen de loco- motion qui supplée à l'insuffisance et à la brièveté de ses pieds. Tous les autres membres de cette tribu sont plus ou moins terrestres, et cet instinct est en rapport avec la disposition des branchies (2). Les Grapses, aux brillantes couleurs, sortent sou- (1) Le Nautilagrapsus minutus. Milne Edwards. (2) Les Branchies sont moins nombreuses que dans les Crabes aquatiques et la cavité respiraloire présente un espace vide propre à retenir l’eau nécessaire pour empêcher le desséchement de l’appareil , lorsque l’animal reste long-temps hors de l’eau, ( 269 ) vent des eaux pour chercher leur proie sur le rivage, dans les Palétuviers et jusques sur les rochers. Les Gélasimes, dont l’une des serres est beaucoup plus grande que l’autre dans les mâles, s’en servent pour masquer l'entrée du terrier qu'ils habitent par paires, sur les plages maritimes, et d’où ils sortent au printemps en troupes nombreuses et se livrant au brigandage. Les Ocy- podes, marcheurs rapides, dont les bandes immenses courent sur les plages comme les vagues de la marée montante (1), quittent les bords de la mer avant l'hiver, avancent dans les terres, se creusent des tanières profondes, en ferment soigneusement l’ou- verture après ÿ être entrés, et y restent immobiles jusqu’au retour du printemps. Les Gécarcins (2), semblables aux précé- dents, mais plus terrestres, plus dévastateurs encore, ne quittent les bois qu’ils habitent que pour aller déposer leurs œufs dans la mer, et ces voyages, souvent très-longs, se font en armées innombrables, en quelque sorte régulières, suivant une direc- tion invariable, tracée par un instinct infaillible, franchissant tous les obstacles sans se détourner, et dévorant toute sub- stance animale ou végétale sur leur passage. La troisième tribu des Crabes, dont la large carapace est ar- quée en avant (3), est aussi aquatique, maritime que la précé- dente est terrestre, et elle se partage, dans ses subdivisions, loutes les parties de son vaste empire. Les uns (4) dont les pieds sont conformés pour la marche, vivent dans les eaux littorales, parcourent les bas-fonds, se retirent dans le creux des rochers ; ils semblent préposés aux limites des eaux, comme les Gécarcins à celles des terres pour ÿ entretenir la salubrité en absorbant PR LU | DOS en 1h09 2nnf 1n write aol ouh (1) Les habitants des Antilles nomment ces rassemblements des vagues de Crabes de terre. (a) Ils sont appelés Tourlouroux dans nos colonies américaines, (3) Les Cyclométopes, Milne Edwards. (4) Les Cancériens » Milne Edwards, (270 ) tout ce qui peut vicier l’air ; les autres, pourvus de larges râmes, nagent, errent librement dans les eaux (4), et avancent plus ou moins dans l’immensité des mers. C’est ainsi que les Lupées, en- tièrement pélagiennes, habitent les vastes plaines de l'Océan ; qu’elles nagent avec tant de perfection qu’elles paraissent avoir la faculté de se soutenir à la surface de l’eau dans un état sta- tionnaire, sans mouvement apparent, et qu'elles cherchent à peine un lieu de repos sur les touffes de fucus qui flottent au gré des vents et des courants. La dernière tribu des Crabes, dont le front avance en pointe (2), se distingue des autres, surtout par la supériorité du sys- tème nerveux, dont les ganglions thoraciques se réunissent en une seule masse. Les Maïas, qui en forment le groupe principal, inspiraient de la vénération aux anciens Grecs, qui les croyaient doués de raison, et les suspendaient au cou de la Diane d’'Éphèse comme symbole de la prudence (3), par la raison que lorsque les Maïas se sont dépouillés de leur carapace, ils se sentent faibles, et se tiennent renfermés dans leurs retraites jusqu'à ce que leur nouvelle enveloppe se soit durcie ; prudence qui leur est com- mune avec les autres Crustacés. Le hasard seul paraît avoir pro- duit ce rapport singulier entre la supériorité des facultés instinc- tives, qui était faussement attribuée à ces animaux et celle, relativement aux autres Crustacés, du système nerveux, élément des mêmes facultés, qui étail sans doute inconnue des anciens. Parvenu au sommet de la grande série des Crustacés, si nous résumons tout ce qu'ils nous ont offert sous le rapport de leurs actions, nous les voyons très-diversifiés dans leurs habitations, dans leur nutrition et dans leur génération ; leurs instincts sont (x) Les Portunes. (2) Les Oxyrhynques , de M. Milne Edwards. (3) On les voit aussi figurer sur quelques médailles grecques. Ils passaient aussi pour aimer la musique, (271) diversifiés et ils montrent quelques exemples d'industrie ; mais si nous considérons les modifications infinies de leurs organes, le développement et la complication de leurs moyens d'action et particulièrement de la bouche et des pieds, nous trouvons leurs facultés instinctives inférieures à celles des deux grandes classes voisines, les Mollusques et les Insectes. Malgré leur immense supériorité sur les premiers, par leur organisation extérieure, ils ne les atteignent pas sous le rapport des actes. L'unique pied du Moliusque est à la vérité peu favorable à la locomotion, mais comme instrument industriel il est beaucoup plus important que tout l'appareil si compliqué des pieds mâchoires, des pieds tho- raciques, et des pieds abdominaux des Crustacés, dont quelques- uns et quelquefois tous sont terminés en tenailles. Quant à l'infériorité de leur instinctrelativement aux Insectes, elle est immense, ils ne présentent que de rares exemples de l'industrie si développée chez ces derniers. Ils en avaient peu besoin. Couverts généralement d’enveloppes, de cuirasses solides, ils ont peu de soin à prendre pour s’abriter. Le milieu dans lequel ils vivent, beaucoup plus riche en substances nutritives que la terre et l'air, les dispense de toutes les ruses, de tous les efforts que doivent employer les Insectes pour se procurer leur sub- sistance. Quant aux moyens d'assurer leur postérité, la sollicitude suprême y pourvoit le plus souvent elle-même, soit en envelop- pant les œufs dans des capsules défensives, soit en protégeant la faiblesse des nouveau-nés par les liens qui les retiennent sous leurs mères, sans l'intervention de celles-ci. Cependant l'harmonie qui existe toujours entre l’organisation et les exigences de la vie, ne se manifeste quelquefois qu’à l’aide d’un instinct quelquefois assez développé. Tous les Crustacés de complexion faible vivent en parasites sur de plus grands animaux ; nous avons vu combien il est remar- quable que dans chacune des séries qui forment cette classe im- mense, ceux qui la commencent ont cette manière de vivre, et ( 272 | leurs ‘organes y sont appropriés, quelquefois d'une façon bien singulière, comme dans les Lernées, qui se fixent sur les poissons à l’aide d’une paire de pieds réunis par une soudure. Quelques- us ne paraissent demander aux autres animaux que l’hospita- lité, tels que le Pinnothère, la Pontonie, qui vivent entre les valves des Mollusques sans leur nuire. Les Hippes qui se cachent sous les expansions feuilletées des Spondyles; les Pagures ne font que s'emparer de coquilles vides pour y abriter leur nudité. Plusieurs Crustacés se forment des retraites : les Scyliares, les Thalassines, les Gélasimes se creusent des terriers. Ces der- nières savent en masquer l'entrée par l’une de leurs serres, plus large que l’autre. Les Carcins recherchent le pied des vieux édifices au bord de la mer et s’y établissent par petites colonies. Les Pilumnes et les Ocypodes se cachent dans des tanières, où les premières restent le plus souvent accroupies et dont les seconds ferment l'ouverture en la couvrant de sable; les Grapses, faibles et timides, fuient avec vitesse au moindre danger ; les Ilies, les Rhombilles vivent solitaires sur les écueils et se cachent parmi les Fucus, les Ma- drépores; les Migranes ont de la gravité dans leur marche, de la fermeté dans le danger, du courage dans leurs entreprises. Lorsqu'ils sont obligés d'abandonner les fentes des rochers, ils retirent leurs pattes sous le test, rapprochent leurs pinces, et semblables à des boules, se laissent tomber au fond des eaux (1). Les Dromies se couvrent d’Alcyons, de Serpules, d'Annelides ; mais leurs habitudes indolentes font présumer que ces animal- cules s’y fixent et y croissent; les Nélocyres, les Limnories criblent le bois des vaisseaux et des digues de trous qu'ils ha- bitent; les Céropodines se construisent des tubes membraneux ou papyracés, qu’elles traînent après elles. Quelques Branchio- (x) Risso. (273 ) podes s’enfoncent dans la, vase, et ils tiennent en dehors leur queue, qui paraît leur servir de branchies. Les Crustacés ne montrent pas plus d'instinct pour se procurer leur nourriture; à l'exception des Entomostracés, dont la plupart vivent desubstances végétales, et des Birgus, si extraordinaires par l'habitude de sortir de la mer et de monter sur les cocotiers du rivage pour en dévorer les fruits, les autres ne prennent qu’une substance animale ; les uns, parasites, en suçant de leur trompe, les. autres en déchirant de leurs nombreuses mâchoires les corps vivants ou morts des autres animaux. Et nous avons vu avec quelle aviditéils se jettent sur leur proie, de quel instinct de destruction ils sont animés, quelle est surtout la voracité avec laquelle ils absorbent les cadavres que rejettent les flots, pa- raissant investis du double ministère de restreindre les muliipli- cations excessives, et d’assainir le rivage des mers. La particularité la plus singulière que présentent les Crustacés dans leur mode de nutrition, c'est ia guerre que les Corophies font aux Annelides en battant la vase avec leurs antennes pour les déterminer à sortir de leurs retraites. Sous le rapport de la génération, les Crustacés donnent éga- lement peu d'exemples de l'instinct qui préside, chez les Insectes, à tant d'actes empreints de tendresse maternelle ; mais la Provi- dence y a pourvu avec une sollicitude particulière, à leur sortie du corps. Si nous considérons les Crustacés sous le rapport de leurs de- meures aquatiques, nous les trouvons coordonnés à tous les sites, à toutes les profondeurs maritimes. Les, Palémons, les Sphé- romes, les Crangons, les Cancres, les Porcellanes, les Crevettes parcourent les rivages ; les Phyllosomes se jouent sur la surface de l'Océan; les Lysmates, les Callianasses occupent les profon- deurs médiocres; les Homards, les Langoustes, les Sténopes, les Néphrops, les Homoles descendent de plus en plus dans le séjour des tempêtes, au point que ces dernières, et. particulièrement 18 (274 ) l’Homole de Cuvier, si remarquable par sa grandeur et l'élégance de sa forme, ne se trouvent qu’à mille mètres de profondeur, et ce n’est même que, lorsque pendant les chaleurs de l’été, elle a remonté jusques là de ses gouffres incommensurables. S'il arrive qu’on la pêche au Palangre et qu’on l’amène à terre, elle se montre menacante, se relève sur ses longues jambes, marche avec précipitation, et ne cesse de remuer vivement ses mâ- choires, présentant ses pinces en avant, l’une contre l’autre, et en faisant claquer les doigts (1) ; elle s'irrite contre la main qui l’a arrachée à ses profonds abimes, et elle tarde peu à mourir d'une translation aussi violente. Les Crustacés occupent tous les sites comme toutes les pro- fondeurs de la mer. Les Portunes fréquentent les dépôts de vase, les galets ; les Scyllares recherchent les rocailles ; les Macro- podes, les Porcellanes, les Callianasses, les Crangons préfèrent les plages sablonneuses; les Talitres parcourent les graviers ; les Ilies habitent les roches calcaires ; les vallées sous-marines sont le séjour des Pises. Les rochers enfin offrent mille retraites dans leurs fissures aux Carcins, aux Pilumnes, aux Dorippes, aux Galathées, aux Homards. La végétation sous-marine détermine également la station des Crustacés : Les Maïas, les Portunes se trouvent parmi les Algues; les Ériphies, les Rhombilles, les Inachus parmi les Fucus; les Palémons, les Xiphias dans la région des Zostères ; les Euphies dans celle des Céramium. Les Crustacés habitent aussi les Ma- drépores, les Coraux et beaucoup d’autres Zoophytes : tels sont les Eurynomes, les Mithrax, les Pranyses, les Chevrolles; plu- sieurs se logent dans les dépouilles d'autres animaux, comme les Phronymes dans les Pyrosomes, les Béroës, les Équorées. Les Gé- ronies, comme les Pagures , dans les coquilles des Mollusques. (1) Observation de Risso, (975 ) Enfo, d'autres s’attachent en parasites sur des animaux vivants : les Hexones, sur les Bopyres; les Lernées, les Zuphées, sur les Spares ; les Caliges, sur beaucoup d’autres poissons ; les Ciames, sur les Baleines. C’est ainsi qu’à l’immensité des mers, à l’ex- trême diversité des sites, des températures, du sol et des produc- tions qu’elles présentent, répondent les mille modifications or- ganiques des Crustacés et les instincts qui en dérivent. ARACHNIDES. En quittant les Crustacés nous abordons une classe intermé- diaire entre eux et les Insectes, participant des premiers par la confusion de la tête et du thorax , par l'absence des ailes et des métamorphoses , par la durée de leur vie adulte et par leur fécondité; des seconds, par leur habitation sur la terre, par leur ordre de grandeur , par les ouvertures qui donnent entrée à l'air pour la respiration, et se distinguant des uns et des autres par l’abdomen ordinairement sans divisions, par le défaut d'antennes, par les yeux et les paltes au nombre de huit; c'est celle des Arachnidés et particuliérement le groupe des Araignées. A juger de ces petits animaux par la mollesse de leur corps, par la fragilité de leurs membres, que le moindre tiraillement détache, par le peu de défense que leur organisme présente à leurs nombreux ennemis , on ne les croirait pas susceptibles de résister à toutes les causes de mort qui les menace sans cesse, Ils sont d’ailleurs d’un aspect repoussant , hideux, et l’objet de l’aversion des hommes qui en font une destruction immense. Cependant, pour compenser tant de faiblesse, pour lutter contre tant de dangers, la nature leur a fait un don qui change entière- ment leur position, qui non-seulement les met en état de défense, mais leur donne des moyens d'agression, et qui, au lieu de victimes , les met au nombre des êtres les plus redoutables à 976 | leurs ennemis : c’est la faculté de filer, jointe à l'industrie et au discernement qu'ils déploient dans l'usage qu'ils en font. Ils nous présentent pour la première fois un instinct développé dont aucun des animaux aquatiques ne nous a donné d'exemple ; car on ne peut comparer quelques manœuvres des Mollusques et des Crustacés aux prodiges de sagacilé que nousallons décrire, et ils ouvrent dignement cette longue série des merveilles de l'instinct que nous présenteront les Insectes, supérieurs aux Araignées seulement par la multiplicité de leurs industries et quelquefois par les résultats de leur sociabilité. Aussi l’aversion dont elles sont l'objet se change-t-elle en admiration , lorsque nous apprenons à les connaitre. Elles ont été signalées par une multitude d'observateurs, depuis Aristote jusqu'au baron Wal- ckenaer, qui leur doit par une heureuse réciprocité, son plus beau titre degloire, et Ovide les a anoblies en chantant la rivale de Minerve dans l’art de broder de légers tissus. C’est à elles que nous devons le spectacle dont nous jouissons lorsque dans une belle matinée d'automme nous errons dans un bosquet. Chaque buisson nous présente des réseaux élalés en nappes , suspendus en draperies, allongés en guirlandes, arrondis en cercles concen- triques. La rosée se fixe en mille globules sur chaque filament , et le soleil, venant à les frapper de ses rayons, les fait étinceler des couleurs de l’Iris, et transforme tous ces frêles tissus en brillantes girandoles. La soie que met en œuvre cette étonnante industrie, s’élabore à l’intérieur du corps, dans de nombreux vaisseaux , en liqueur visqueuse qui se durcit en sorlant par quatre filières sous la forme de mamelons percés de mille trous. L’Araignée, en appli- quant ces filières et ce fluide sur quelque objet, file en s’éloi- gnant , ou à l’aide de ses pattes postérieures, et les mille fils qui se forment ainsi à la fois, sont réunis plus ou moins , à son gré, à leur sortie. Leur ténuité est telle qu'il en faut jusqu'à 18,000 pour égaler en grosseur un fil à coudre, et que, dans ( 271 ) les Araignées les plus jeunes et les plus petites, les fils qui s'échappent d’un des orifices sont seize millions de fois moins gros qu'un cheveu. Cet appareil , source de tant d'industrie , a pour auxiliaires l'abdomen, les pieds et la bouche, qui aident à filer, et de plus, ce dernier organe présente souvent , à l'extrémité de l'onglet des mandibules, un trou qui donne passage à un fluide vénéneux avec lequel l'Araignée engourdit les insectes qu'elle a saisis (1). La faculté de filer, mise en œuvre avec une adresse et une diversité merveilleuses, est employée à trois usages principaux : les Araignées y trouvent le moyen de se faire des retraites contre leurs ennemis, de dresser des embüches ou de tendre des rets pour saisir leur proie, et de préserver leurs œufs et leurs petits en les enveloppant de soie. Chacune de ces destina- tions présente les modifications les plus nombreuses et progres- sivement compliquées, Les retraites que se pratiquent les Araignées pour leur sûreté sont permanentes ou temporaires pour y passer l'hiver. Elles ne sont pour quelques-unes que des trous pratiqués dans la terre sans y employer la suie (2), ou encadrant l'entrée d’une toile (3), ou garnissant l'intérieur d'un tissu, Une Olétère construit une galerie souterraine, d’abord horizontale, ensuite inclinée, dans laquelle elle file un tube de soie qui se prolonge et pend en dehors pour en protéger l'entrée. Les Drasses tissent un nid en forme de tente; les Epéires, en dôme ou en coupe découverte; elles le suspendent quelquefois par les pointes de son contour , à peu près comme les lampes de nos églises (4). Les Théridions — "TT AV INT EU A (x) La bouche des Araignées est composée de deux mandibules, de deux mi- choires , de deux palpes, d’une lèvre inférieure et d’une languette, (2) Quelques Mygales, Elles ont à cet effet les nBMEiHU ce armées de dents. (3) Quelques Lycoses, (4) Walckenaer (278 ) se construisent un abri semblable à une cloche. La Ségestrie fabrique dans les fentes de murailles une nasse ouverte aux deux bouts. Les Attes, aux approches de l'hiver, filent dans les crevasses des arbres un tuyau ovale , percé des deux côtés , et s'y renferment jusqu'au printemps. Les Plectanes des régions tropicales, ayant à se garantir des fortes pluies de cette zone, se cachent sous une sorte de cornet renversé, d’une extrême dureté , lisse et vernissé à sa surface externe. La Clotho Durand se construit , dans les fentes des rochers, une tente dont les bords ne sont fixés que de distance en distance, laissant le reste libre, de manière que l'Araignée peut , en soulevant ces bords , sortir et rentrer librement. Cette tente, d'abord formée d'un seul tissu, se couvre successivement d’un nombre de doublures proportionné à l'âge et particulièrement aux mues de l'ingénieux animal. La Mygale pionnière montre une industrie et une sagacité qui excilent plus encore notre admiration. La retraite de cette Araignée est une espèce de puits qui a sa muraille de revêtement formée par un mortier solide. La partie intérieure de cet ouvrage de maconnerie semble avoir été faite avec un ciment plus fin que le dehors ; elle est unie comme si elle était passée à la truelle. De plus , elle est revêtue d'une double tapisserie , dont l’extérieure est grossière et l'intérieure fine et semblable à un papier satiné. Une porte ferme ce sou- terrain ; elle a la forme d’un disque plus large en haut qu'en bas, maintenu en place par une charnière, et reçu dans un évasement qui clôt le tube hermétiquement. Au dehors, cette porte ne présente qu'une surface raboteuse qui se confond avec le sol environnant , mais au dedans elle est polie et tapissée comme le reste de la retraite. Quoique cette porte n'ait guères que trois lignes d'épaisseur , elle est formée par la superposi- tion de plus de trente couches de terre , séparées les unes des autres par autant de couches de Loile. Toutes ces assises suc- cessives s'emboitent les unes dans les autres comme les poids de (279 | cuivre à l'usage de nos petites balances. Les couches de toile se terminent au pourtour de la porte; mais dans une portion de ce bord, elles se prolongent dans le mur, et forment ainsi par leur réunion la charnière dont la force et l'élasticité sont en raison du nombre des couches. Par cette construction ,; Cette porte s'ouvre lorsque l’Araignée la soulève pour sortir ; mais elle se referme aussitôt après. A l'endroit opposé à la charnière, se trouvent une trentaine de petits trous où l’Araignée se cram- ponne quand elle veut empêcher qu'on ouvre sa porte (1). Peut- on rien concevoir de plus ingénieux , de mieux combiné , de mieux adaplé aux besoins de l'animal. Une autre Mygale entr'ouvre sa porte pour épier sa proie et la referme au moindre danger. La Missulène, de la Nouvelle-Hollande, laisse la sienne ouverte quand elle est au logis (2). Quel que soit le discernement que montrent les Mygales, il n'égale pas less avantes combinaisons de l’Araignée aquatique (3). Celle-ci est du nombre des animaux qui, vivant dans l’eau, doivent respirer l'air atmosphérique , et elle emploie à cet effet le moyen le plus ingénieux . Comme nos plongeurs, qui semblent lui avoir emprunté son industrie, elle se forme au fond de l’eau un globe aérien qui lui sert de domicile. Pour y parvenir, elle fixe quelques fils à des brins d'herbes ; elle va ensuite à la sur- face de l’eau se mettre en contact avec l'air dans une position renversée ; elle rentre dans le fond, le ventre couvert d’une bulle d'air qu’elle va déposer sous ces fils qui l'empéchent de remonter. En répétant plusieurs fois ce manége , la bulle d'air s’accroit de manière à servir d'asile à l’Araignée, qui en sort , tantôt pour nn cet ue ein uhibture Gé (inf. cie (1) Audouin, Walckenaer. (2) Une petite Araignée s’abrite d’une manière semblable dans les forêts du Brésil , mais sa case est suspendue au milieu de sa toile. Lorsqu'elle est troublée, elle y court rapidement et n°y est pas plutôt entrée que la porte se ferme comme par un ressort, Swainson, (1) Argyroneta, { 280 ) saisir les insectes dont elle fai sa proie , tantôt pour’ entretenir son approvisionnement d'air. Enfin elle y dépose ses es dans un cocon de soie. L'instinct industriel que les Araignées emploient pour’ se former des retraites ne se manifeste pas moins dans les moyens qu'elles mettent en œ&vre pour saisir leur proie , et il se déve- loppe également dans une progression remarquable. D'abord quelques-unes n'ont recours qu’à leur force ou à leur agilité : telles sont les Attes vagabondes, quicourent, santent et s’élancent d'un seul bond sur l'insecte qu’elles épient ; telle est la Taren- tule qui, de l'entrée de sa tanière , se précipite avéc furie sur sa victime et la tue de sa morsure et de son venin si célèbre longtemps dans les fastes de la médecine ; cause imaginaire d'une maladie réelle que semblent guérir Ja danse et la musique. C’est bien une affection convulsive qui tient à l’hypocondrie chez les hommes et aux vapeurs chez les femmes (), et qui règne non seulement dans la Calabre, mais à Paris et ailleurs} où la Farentule semble chaque hiver redoubler de fureur et donner le delire. La Thomire, tirant avantage de ses couleurs, quise’con- fondent avec celles des fleurs, guette au sein de la rose l'abeille qui y vient butiner, et en fait sa victime. Le Saltique qui a vu de Join un insecte ;s'en approche pas à pas et semble par intervalle examiner la distance qui l'en sépare Lorsqu'il juge cette distance convenable, il fixe à la place où il se trouve un fil de soie et s’élance sur sa proie, Ce fil lui sert ensuite pour revenir au point d'où il est parti Mais les rets perfides commencent à s'ourdir. Ce re sont d'abord , chez les Latérigrades, que des fils solitaires pour ar- rêter leur proie. Les Clubiones font aboutir, aux retraités où (x) Virey. ( 281 ) elles se tiennent en embuscade , des filaments nombreux qui reliennent les Insectes au passage ; Les Pholques errent au milieu des fils'écartés, flottants, qu'ils suspendent dans nos habitations; les Latrodectes fabriquent, dans les sillons, des filets en nœuds où les plus gros Insectes se trouvent pris; les Théridions forment des toiles à réseaux irréguliers ; les Linyphies tendent de grandes nappes au milieu des filets qui semblent jetés au hasard. Les Tégénaires ourdissent de vastes toiles à tissus serrés , en forme de hamacs ; enfin les Epéires, filandières par excellence , tendent géométriquement des réseaux à mailles ouvertes et régulières , en cercles ou en spirales , et elles se tiennent au milieu ou à côté pour épier leur proie. Ce sont ces dernières productions qui attirent nos regards sur chaque buis- son. .en automne, et excitent notre admiralion surtout lorsque couvertes des gouttes brillantes de la rosée, nous.en distinguons mieux la savante structure ; on lorsqu'il nous arrive d'assister à da construction de celte merveilleuse toile et, de, voir une chétive Araignée fixer ses fils, les disposer en rayons nombreux, autour, d'un centre, passer à diverses reprises sur les mêmes pour leur donner la force nécessaire, former ensuite,la trame du réseau par:des cercles concentriques avec une précision mathé- malique, une, adresse prodigieuse, et élaborer pour cetle trame seulement des, fils d'une nature: particulière , couverts, d’une multitude de globules glutineux (4). Cet instinct , en. harmonie parfaite avec l'usage auquel la {oile est destinée, ce discerne- ment qui , sans modèle , sans exemples reçus , sans aucun sou- venir, exécute spontanément des travaux combinés avec tant de précision, son! infiniment supérieurs aux facultés intellectuelles (2) M. Blackwall a calénlé que , dans une toile de grande dimension , ces glo- -bules étaient au nombre d'environ 150,000. ( 282 ) que le développement du système nerveux peuvent faire sup- poser (1). Les Araignées, en tendant ces réseaux avec taot d’art, savent encore er faire l'ouvrage le plus habile, elles courent sur ces légers filaments en adroits acrobates. Postées à l'affût, soit au centre de leurs toiles , soit dans des embuscades latérales , elles s'élancent sur leur proie aussitôt qu’elles la voient ou qu’elles la sentent par l’ébranlement des fils, et ce tact qui réside dans leurs pieds dirigés en avant, est si fin, si délicat, que Pope a pu dire sans mélaphore trop hardie, que l’Araignée Lives in each thread and feels along the line. Quelques espèces se font remarquer par des particularités bizarres dans la guerre qu’elles font aux insectes : la Dysdère Érythrine , ennemie acharnée des fourmis , et ne leur cé- dant ni en ruse ni en intrépidité, quoique la plupart des autres Araïignées les craignent extrêmement, s’enveloppe d'un sac de soie dans l'intérieur des fourmilières, et y exerce ses ravages à l'aide de ce stratagème. Un Théridion, à défaut d'in- dustrie , vit en parasite aux dépens de l'Araignée domestique, en lui enlevant la proie qu'elle a prise dans ses filets (2). La Clubione soyeuse pénètre dans les nids des autres Araignées pour dévorer leurs œufs. L'Epéire conique fait parade de ses exploits guerriers en pendant à un fil chacun des cadavres de ses ennemis vaincus. (:) Il y a au Mexique des Araignées dont les toiles présentent les couleurs de l’arc-en-ciel, (2) Pour effectuer ce vol , il marche sur la toile de notre grande fileuse, s’avance hardiment vers elle , mais à reculons et en ruant (probablement pour lancer des fils). L'Araignée recule , puis s’avance pour reprendre sa proie; puis recule encore et revient de nouveau; mais l’effronté voleur avance toujours, et ravit, en l’enveloppant de ses fils, la mouche que l’Araignée tenait déjà dans ses pattes. Walckenaer. ( 283 Jusqu'ici nous avons vu les Araïgnées ne signaler leur instinct et leur industrie que pour leur sûreté personnelle et pour faire la guerre à leurs ennemis: et si nous avons admiré leurs facultés instinctives , nous avons été révoltés de leur férocité. Elles la portent au point de se dévorer entre elles; l'amour même ne les en dépouille pas; ce n'est qu'avec d'extrêmes appréhensions que les mâles , à l'aide de leurs plus longues pattes, hasardent de loin de craintives caresses à leurs redou- tables femelles, et nous voyons parfois des repas horribles au lieu de tendres ébats; mais un sentiment de vive affection les réhabilite à nos yeux : c'est l'amour maternel. Elles le portent au dernier degré d'énergie, de dévouement, d'abnégation d'elles-mêmes. Du moment qu'elles deviennent mères, tout leur génie industriel se dirige vers le berceau de leurs œufs, douce et fréle espérance , et rien de mieux combiné, de plus ingénieusement diversifié que les cocons dont elles les enve- loppent. Inspirées par la tendresse la plus éclairée en apparence, elles veillent près de leur progéniture , l'emportent avec elles, la défendent avec un courage indomptable, et meurent plutôt que de l’abandonner. L'industrie qu’elles déploient comme mères présente une longue série de procédés progressivement composés, à com- mencer par les Pholques qui n’abritent pas leurs œufs , et qui se bornent à les agglutiner en une masse sphérique, qu’ils n’aban- donnent jamais, et qu'ils transportent partout à l’aide de leurs mâchoires. Après ce moyen si simple commence l'industrie des cocons , si diversifiée dans leurs formes et leurs degrés de composition : sphériques, ovales, déprimés, lenticulaires , anguleux , étoilés, ils se faconnent tantôt en amphore antique (1), tantôt en coupe ——— (1) Dans l’Epéire Aurélie, ( 284 ) profonde ; recouverte d’un opercule (1) ; et il est bien singulier qu'il existe très-souvent un rapport mystérieux entre les formes deces cocons et celles de l'abdomen des Araignées qui les fileut. Leurs couleurs aussi sont quelquefois. remarquables : le cocon de la Tarentule est bleu de ciel ; celui de l'Epéire aurélie d’un vert sombre ; celui de quelques autres est nuanté de couleurs diverses. La composition la plus simple des cocons est ceile qui leur donne l'apparence d'une pellicule ; ensuite c’est une bourre de soie, ou une gaze transparente, ou un tissu serré comme la baliste. Plus les cocons sont simples et exposés aux dangers , plus les Araïgnées les soignent avec assiduité, ou plutôt elles les cons- truisent avec d'autant plus de simplicité qu’elles ont d'autres moyens de les préserver, soit en les tenant renfermés dans leurs retraites , soit en les garantissant derrière leurs réseaux, soit par des procédés singuliers, propres à quelques espèces : da Clubione erratique roule en cornet une feuille qu'elle recouvre d’une soie fine et transparente, el qu'elle clôt eptièrementaprès s'y être renfermée avec ses œufs. La Clubione accentuée tapisse également une feuille , y.dépose ses œufs, les couvre ensuite d’une bourre légère ; puis elle se pose dessus et. s'enveloppe elle-même d’un tissu serré, L/Atte Doumerc construit un cocon ovoïde formé d'une soie compacte, et il l’attache aux branches de l'aubépine au moyen d'un pédicule à base dilatée. Le Drasse noirâtre renferme ses œufs dans un cocon aplati qui est attaché en.dehors de son nid tubuieux, de manière que les rebords de ce-cocon se prolongent et forment une duplicature à cette retraite. À ces divers cocons qui ne forment qu’une seule enveloppe (1) Dans le Drasse brillant. (285 |) succèdent dans la série ceux qui en présentent plusieurs, et alors les Araignées ; rassurées sur Je sort de leurs œufs ; les quittent quelquefois. Les Epéires construisent leur cocon d'une bourre de soie et le revêtent ensuite d’un tissu serré. Plusieurs Clu- biones (1) font au contraire un cocon de soie serrée qu’elles enveloppent d'un duvet moëlleux et elles l’attachent aux objets environnants. La Tégénaire agreste prend fa même précaution, et, de plus, elle recouvre cette.seconde enveloppe de terre, de sable ; de débris d'Insectes , renfermés dans ure soie mince-et transparente, et pour plus de sécurité encore, elle se tient vigi- lante au-dessus de son cocon sur une petite Loile tissée exprès et suspendue comme un hamac. La Dolomède, admirable dans sa sollicitude maternelle , établit à l'extrémité des branches ou des herbes une grande toile en dôme ou en ballon, ouverte par le bas , et elle place au milieu son cocon sphérique. Est-elle forcée de quitter son domicile , elle emporte ce cocon, le tient serré contre sa poitrine , et rien ne peut l'en séparer. Le Spa- rasse Argelas s'établit, ainsi que ses œufs, sous une tente ovale, appliquée contre une pierre et composée d’une enveloppe exté- rieure, semblable à du taffetas, et d’un fourreau intérieur plus souple, plus moëlleux ; ouvert: aux deux bouts. C’est par ces deux ouvertures munies de soupapes que l'Araignée sort de.son pavillon pour faire ses excursions. Le cocon de la Latrodecte malmignatte est formé d’un tissu si solide qu'il faut un instru- ment {ranch:nt pour l'ouvrir, et les œufs nombreux qu'il ren- ferme sont liés les uns aux autres par des fils fins et impercep- üibles, de telle sorte que, sion entire un, On entraîne les autres en chapelet. | Toutes les singularités que nous venons de rapporter sur les cocons des Araignées et qui signalent tant de sollicitude mater- nm p—— anna anne (3) Les Clubiones atroce et féroce. ( 286 | nelle, n'ont rapport qu'aux œufs déposés en une seule ponte ; mais, non seulement quelques espèces en font deux, l’une au printemps, l’autre à l'automne, d’autres en font consécutivement plusieurs pour chacune desquelles la mère file un cocon. Ainsi le Théridion sisyphe en produit trois ou quatre et les place dans un nid de feuilles sèches au milieu de sa vaste toile; le Théri- dion découpé en dépose de trois à cinq sous le dôme de soie qu’il leur a préparé ; un autre er compose six ou sept de forme lenti- culaire, et les range en ligne l'un à côté de l’autre dans une feuille recoquillée. La Clotho Durand en établit le même nombre sous la tente dont nous avons décrit l’ingénieuse structure, et, uon contente de l'abri qu'elle s’est fait pour elle-même, elle construit, pour mieux recouvrir ses cocons, une enveloppe com- mune composée du duvet le plus moëlleux. Après avoir mentionné les principales industries filandières auxquelles se livrent les Araignées pour se faire des retraites, pour se saisir de leur proie et pour donner un abri à leur progé- niture, il en reste une à signaler : c’est ceile par laquelle nous les voyons, hardies aéronautes, voyager dans les airs. Le moyen qu’elles emploient a élé l'objet de diverses conjectures. Long- temps l'opinion la plus accréditée a été que les Araïgnées ne filent qu’en s’éloignant des corps qu'elles ont mis en contact avec leur liqueur visqueuse ; qu’elles laissent toujours, en marchant ou en se suspendant, des fils derrière elles, et que, par cette ma- nœuvre, elles se transportent dans les airs sans que souvent nous en apercevions le moyen, soit qu’elles marchent sur des fils que nous n’apercevons pas, soit que, suspendues et balancées par le vent, elles soient portées sur les corps voisins. Quelques auteurs ont prétendu qu'elles se mettent des fils entre les paltes, et qu’elles se forment ainsi des ailes (1). D’autres, (1) Degeer, Lister, Virey. ( 287 ) que , par la légèreté de leur corps et par la longueur et le mou- vement rapide de leurs pattes, elles pouvaient nager dans l'air (1); d’autres encore, que les fils qui les transportent sont soulevés par l'électricité de l’air (2,; plusieurs ont cru qu’elles avaient la faculté de faire jaillir de leurs filières des fils assez légers pour flotter et s'élever avec elles dans l'atmosphère (3). Cette dernière opinion s'accorde avec une observation récente de M. Pierre Huber, qui doit faire cesser toute incertitude. « Une Araignée monta, dit-il (4), de branche en branche jusqu’au rameau le » plus élevé d'un arbrisseau. Puis, tournant la tête du côté d’où venait le vent, et élevant l'extrémité du corps d’une manière » trés-prononcée , elle fit sortir des filières une soie très-visible » qui s’étendait de plus en plus et flottait dans l'air (5); mais » cette soie se rompit et fut remplacée par une autre qui, dans » un instant, prit une immense longueur, et je remarquai » qu'avant de réussir à produire cette soie continue, elle avait, » par des éjaculations réilérées, lancé en l'air de la matière » soyeuse qui s'était perdue en fils imperceptibles et sans con- » sislance. Enfin elle réussit à produire une soie assez forte que » le vent faisait monter dans l'atmosphère et qui brillait au so- » leil. Tout-à-coup, au moment où je m'y allendais le moins, » je vis l'araignée abandonner la branche, se pelotonner et » s'élever dans les airs, non Pas comme une Araignée qui monte » le long d’un fil, mais immobile et emportée par le souffle du » zéphir (6. » C'est par ce merveilleux instinct que les Araignées d’une même RENE a ëp!, HP API AUh F4 (x) Staunton. (2) Lenoble, (3) M. Murray. (4) Annales de la Société Entom. de France, (5) La longueur de la soie n’est arrêtée que par la volonté de l'animal lorsqu'il ferme sa filière. (6) M. Huber a revu très-souvent les mêmes ascensions. ÿ 2 ( 288 ) portée. se. dispersent. d’après la loi imposée à tous les animaux qui vivent de proie. | Tels sont les principaux travaux que les Araignées exécutent avec leur soie. ils signalent hautement l'intelligence suprême par l'instinct prodigieux qu'Elle leur a donné pour l'emploi de cette précieuse matière. Des nombreux vaisseaux où elle s’élabore ; il sort des fils de différentes natures, qui se modifienten bourre; en flocons, en pellicules , en gazes légères, ,en mol,édredon;len filaments secs ou visqueux, loujours appropriés aux ‘besoins-par- ticuliers de: chaque espèce, et dont nous.venonsdesignaler le merveilleux usage, C’est par l'accumulation de ces filaments, particulièrement en automne, lorsque les Araignées sont le plus nombreuses, que nous en trouvons quelquefois la terre et les eaux pourainsi dire couvertes et que nous voyons voguer dans l'atmosphère, ces légers flocons, ces fils de la Vierge, dont l'origine a été longtemps méconnue. Souvent de jeunes Araignées s'y trouvent engagées ; elles traversent ainsi les airs, dit Virey, sur ce char, floconneux conduit au gré des zéphirs ; elles descendent sur quelque. terre inconnue, ainsi qu'on nuus peint les divinités assises sur des nuages comme sur d'épais conssins. Après avoir sigaalé l’industrie des Araignées, surtout dans.les soins qu'elles prennent de leurs œufs, nous devons parler de leur sollicitude pour leurs petits, qui ne présente pas moins d'intérêt. Les unes les portent sur leur dos, lorsqu'ils sont éclos, etice;sant particulièrement celles qui se creusent des retraites souterraines. Celles qui vivent sur les plantes conservent les leurs dans les grandes toiles qu’elles construisent à cet effet. C’est ainsi que les jeunes Dolomèdes restent longtemps en société dans le nid ma- ternel, en sortent pour aller chasser et y reviennent avec leur proie. La Clubione nourrice; qui retient également 1és siens prés d'elle, les défend courageusement dans le danger, et semble en être réciproquement défendue ; lorsque nous faisons une ou- ( 289 verture dans son nid de feuilles, une multitude de ses petits se présentent à l’entrée et semblent protéger leur mère. Le Drasse noirâtre, qui établit son cocon en dehors de son nid tubuleux, y retire ses petits lorsqu'ils sont éclos et les nourrit du produit de sa chasse. Une particularité remarquable que présente la génération chez les Araignées, est celle qui a été signalée parmi les espèces qui font plusieurs cocons consécutifs. Un Théridion observé par M. Doumere, en 1840, fit un premier cocon dont tous ies œufs don- nèrent naissance à des individus mâles. Cinq jours après, il forma un second cocon qui ne donna que des femelles. Dans une obser- valion suivante, le premier cocon vit éclore des femelles, et le second des mâles. Le savant auteur de cette double observation, cherchant la cause de ce phénomène, fait remarquer que les Araignées femelles ont une double matrice, et il les compare aux ruminants à uterus bicorne, dont nous voyons constamment les femelles mettre bas deux petits de sexe différent. Quoique les femelles soient généralement chargées seules des soins de leur progéniture, il existe quelques exemples d’amour conjugal et paternel qui contrastent avec l'isolement où elles vivent habituellement. Le mâle d'une Clubione construit une toile nuptiale unique- ment destinée à y recevoir l'objet de sa prédilection (1). Le mâle de la Dolomède admirable partage avec sa femelle les soins de la famille; il ramasse, dit M. Walckenaer, le cocon que sa com- pagne laisse tomber, le place comme elle sous sa poitrine, et le défend contre toutes les attaques. Parmi les Mygales, on voit le père et la mère accompagnés de leurs petits (2). Quelques es- pèces se montrent sociables , telles que les Théridions, dont les (1) Un observateur cité par M. Walkenaer. (2) Observation dé Dorthez, ( 290 ) uns rapprochent leurs toiles (1), et d’autres vivent en société, ou au moins en famille dans de grands nids construits en commun (2). Enfin elles se laissent apprivoiser par l’homme, ce qui prouve le souvenir des bienfaits ou des sensations agréables qu’elles en ont reçus. C’est ainsi que M. L. Dufour a appris à une Lycose à venir prendre une mouche entre ses doigts ; que M. Walcke- naer a accoutumé une Araignée aquatique à sortir de l’eau à un signal donné; que M.°lle de Béarn et Grétry les rendaient sen- sibles aux sous du piano, et les faisaient descendre du plafond, suspendues à leur fil; et qui ne sait l'histoire louchante de Pé- lisson, charmant les ennuis de sa captivité à l’aide de l'intérêt qu’il prit à une Araignée attirée par la proie qu’il lui présentait et par les sons de la musette de son basque? A tous ces actes de l'instinct des Araignées, ilse mêle plus ou moins ceux du discernement. Toute leur industrie filandière montre à la fois l'invariabilité rigoureuse de l’un dans le fond et la liberté de l’autre dans les accessoires. J’ai dans mon jardin à Lestrem, un ajonc à fleurs doubles, formant un buisson moins remarquable au printemps par l'abondance de ses fleurs qu'en aulomne par ses loiles d'Araignées, lorsque le brouillard fait de chaque fil un collier de perles. J'ai compté au-delà de 50 de ces piéges insidieux, de deux espèces différentes; les uns ver- ticaux, composés de cercles concentriques croisés par des rayons qui se réunissent à un centre commun : ce sont ceux des Épéires; les autres horizontaux, à mailles serrées et formant une espèce de nappe ou de hamac suspendu entre les branches, et surmon- tées de grandes toiles à trames formées de fils croisés dans tous les sens et à distance : ce sont ceux des Linyphies. Dans les uns et les autres j'admire l'instinct aveugle qui leur inspire un plan invariable, et le discernement et la variété avec lesquels ils choi- (:) Le Théridion sisyphe. (2) L’Araignée dont parle Azzara dans son voyage à la Plata et au Paraguay. oo — (291 ) sissent leurs points d'attache, assujettissent leurs cables, dressent leurs arcs-boutants ; et cachent le fourreau de soïe dans lequel ils guettent leur proie. Parmi les traits de discernement qui se mêlent à l'instinct des Araignées, nous citerons les suivants : J’ai vu, dit Dugès, une Micrommate qui se sert ordinairement de trois folioles de la ronce cousues bord à bord, mais qui, au besoin, sait rouler en cornet les feuilles de Verbascum et de Rumex. Le cocon dans lequel elle est enfermée avec ses œufs, ayant été détaché du buisson avec les feuilles qui l'entourent, elle sort, pendant la nuit, de cette demeure trop peu stable, et la fixe de toutes parts, au moyen de cordages attachés à tous les objets d’alentour. La Clubione nourrice en fait autant. L’uneet l’autre rentrent ensuite dans leur retraite et en recousent l'ouverture. C’est encore un trait de discernement que l’acte de vengeance exercé par une Araignée contre un jeune homme qui avait excité son ressentiment. Il avait, pendant plusieurs jours, détruit la toile qu’elle fabriquait au sommet d’une petite lucarne fréquen- tée par des mouches. Il venait de dévaster de nouveau le produit d’une journée de travail, lorsque l'Araignée monte au plafond, se laisse tomber sur le front de son agresseur et lui fait une blessure si envenimiée que tous les secours de l’art peuvent à peine dissiper les effets de la vengeance (1). L’attrait que nous ressentons pour ces petits animaux, en dépit de leur aspect repoussant et de leurs mauvaises qualités, s’accroit encore par l'utilité que nous en retirons. À la vérité, nous ne leur devons pas de productions précieuses comme au Ver à soie et à l’Abeille; jusqu'ici au moins leur soie n’a guère produit que la paire de bas dont le président Lebon fit hommage à Louis XIV et celle que Tremeyer présenta à Charles HT; et (x) Observation de M. Recluz, ( 292 ) elle ne nous sert encore qu'à arrêter le sang de nos blessures et à construire les micromètres que l’on adapte aux lunettes astro- nomiques (1) ; mais les Araignées même ont toujours été en pos- session de fournir des remèdes à la médecine. Depuis Pline et Galien jusqu’à nos jours, elles ont été employées, tantôt contre les affections des yeux et des dents, tantôt contre la fièvre et les inflammations ; elles sont narcotiques, aphrodisiaques ; les femmes du Kamtchatka les mangent pour avoir des enfants, et certaines peuplades de nègres ont une si grande opinion de cette vertu fécondante, qu’elles s’imaginent que l'homme fut créé par une Araignée (2). Comme aliment, ou au moins comme friandise, elles font les délices des habitants de la Nouvelle Calédonie, ainsi qu’elles flattaient la sensualité de l’astronome Lalande. Une utilité plus réelle des Araignées est celle de nous débar- rasser d’un grand nombre d'insectes fâächeux ou incommodes, comme les Cousins et les Mouches. Aussi, les habitants de la Si- bérie, plus prévoyants que nous, les protégent, les recherchent et favorisent leur multiplication. Les insulaires des Antilles les considèrent comme des animaux sacrés, et les achetent pour les établir dans leurs habitations et les opposer aux Blattes Kaker- lacs dont les déprédations leur portent tant de préjudice. Ils doivent trouver bien extravagante la proscription dont elles sont l'objet en Europe, et la fantaisie qu’eut un jour Héliogabale d'employer ses esclaves à les recueillir. Il donnait des prix à ceux qui lui rapportaient un miile pesant d’Araignées, et l’on raconte qu'il parvint ainsi à réunir dix mille pesant de ces ani- maux, et par là, selon lui, on pouvait apprécier la grandeur de Rome (3). (1) On se servait précédemment de fils d'argent qu’on réduisait à 7 de pouce de diamètre , tandis que les Araignées produisent des fils qui n’ont que depuis +55 jusqu'à +557 de pouce, C’est Throughton qui a introduit ce moyen devenu général, (2) Histoire générale des Voyages (3) Lampridius, August, Script. ( 293 ) ARACHNIDES PULMONAIRES. Les Scorpions montrent peu d’instinct, et se confiant en leur force et en leur poison, ils n’emploient aucune ruse, et font une destruction d'insectes plus grande encore que les Araignées ; mais ils atteignent quelquefois aussi l’homme de leur dard re- doutable , ils sont devenus un objet d’épouvante, et, dès l’anti- quité la plus reculée, ils représentaient dans le zodiaque égyp- tien le terrible Typhon par qui le mal a fait invasion dans le monde. Cependant, cette aversion qu'ils nous inspirent n’est pas universelle ; les habitants de la Californie leur trouvent un goût agréable et en font un aliment. ARACHNIDES TRACHÉENNES. Les Arachnides trachéennes présentent une série beaucoup plus composée que celle des pulmonaires : nous y voyons des conformations , des habitudes plus diversifiées, mais très-peu de cet instinct si développé dans la série précédente : la plupart se bornent à choisir pour leur progéniture le lieu où elle trou- vera des moyens de subsistance adaptés à ses organes. Cette diversité de conformation produit une diffusion qui les répand partout , quoique souvent inaperçues par leur petitesse , sur les autres animaux où ils vivent en parasites , sur toutes les parties des plantes, sur les substances végétales ou animales en décom- position, dans nos livres, dans nos musées, sur la terre et enfin dans les eaux et même dans l'Océan. Nous distinguons entre elles comme nous l'avons fait dans les Crustacés et les Mollusques, des tribus qui se nourrissent de matières solides et dont les parties de la bouche font l'office de mächoires, et d’autres groupes qui vivent de substances liquides, ayant pour cela la bouche modifiée en trompe. Ceux qui vivent en parasites n'ont généralement pas d’yeux, ainsi que nous l'avons également observé dans les Crustacés ; ils poursuivent les petits ( 294 ) insectes à la course, courageux au point de faire face à la main qui cherche à les saisir, et de se dresser sur leurs pattes de der- rière en menaçant de leurs palpes : les Chelifères , à la forme de Crabes , qui se glissent sous les écorces, dans les herbiers et les livres, où, loin d'être nuisibles , ils font la guerre aux petits insectes rongeurs, tels que la Mite appelée Érudite. Les Pycno- gonons, aux formes bizarres, mais indécises , vivent sur les Baleines ; il en est de même des Nymphons, qui attaquent les Moules en s’insinuant dans leurs coquilles. Puis viennent les Faucheurs, qui trouvent dans la conformation de leurs pieds , à la fois d'énormes échasses pour hâter leurs courses et de longs bras rangés en rayons autour du corps pour l’avertir de l’ap- proche de l'ennemi. Ces pieds sont doués d'une extrême sensi- bilité quien fait un organe du tact autant que de la locomotion, el qui se prolonge même assez longtemps après que le membre a été séparé du corps. Aussitôt qu'un insecte vient à lui toucher les pieds, ils se rapprochent en se relevant et ils forment alors de hautes arcades sous lesquelles le Faucheur voit sans danger passer l'ennemi. Les innombrables Acarides qui se présentent ensuite, com prennent un grand nombre de groupes : Les Trombidions, ces points vivants, d'un rouge orangé, que nous voyons se mouvoir sur les Faucheurs dont nous venons de parler, et qui, vus au microscope, nous font admirer la struc- ture des yeux portés sur des tubes comme des télescopes. D'autres , qui leur sont (1) voisins par leur conformation , mais bien différents par l'instinct, élaborent de la soie dont ils forment, sur les feuilles de l’orme et de l'ajonc, de peites toiles très-fines qui leur servent d'abri. D'autres vivent en société sous les pierres et s’abritent également sous des tentes (2). (1) Le Tetranychus telarius. (2) Les Bdelles et les Oribates, { 295) Les Hydrachnes, habitantes des eaux, subissent des transfor- mations qui ne le cèdent pas en singularité à celles des insectes, et qui déterminent les habitudes les plus variées. Les œufs déposés en grand nombre par la sollicitude maternelle au centre des tiges spongieuses du Potamogéton , produisent des larves, d’abord arrondies et déprimées en lentilles ovales, et sous cette forme elles nagent librement à l’aide de leurs pieds garnis de cils. Ensuite ces larves se fixent en parasites sur les insectes aquatiques , tels que les Dytiques, les Nèpes, les Ranâtres, et changeant de forme , elles s’allongent eu fuseaux , puis se ren- flent en poires, et passent à un état intermédiaire entre la larve et la nymphe, c'est-à-dire , que dans leur mue, elles restent comine dans un four, renfermées dans la peau qu'elles ont quittée, et continuent à vivre aux dépens de leur insecte nourricier. Plus tard , elles se dégagent de cette enveloppe et recom- mencent à vivre en liberté dans les eaux sous une forme ovoïde. Quelques semaines après , elles se fixent encore, mais cette fois c’est à l’aisselle des feuilles du Potamogéton; elles y deviennent immobiles, passent à l’état normal de la Nymphe en conservant leur peau pour enveloppe , et enfin , en éclosant pour la troi- sième fois, elles arrivent à l’etat adulte et prennent la figure globuleuse (1). Tant dut couter de peine le long enfantement de ce petit Protée à peine accessible à nos regards Les Gamases et les Uropodes sont particulièrement les para- sites des insectes Coléoptères. Ces derniers présentent la singu- larité de se suspendre temporairement comme un petit champi- gnon à un pédicule corné, peut-être pendant la période de leur vie analogue à l'état de Nymphe (2). Eofin une dernière tribu comprend les Sarcoptes, accusées de produire la honteuse maladie de la gale, soupconnées même de (x) C’est Dugès qui a fait ces observations sur l'Hydrachne géographique, (2) Uropoda vegetans, ( 296 ) causer la plupart des autres fléaux épidémiques qui sévissent contre les hommes. MYRIAPOBES. Nous avons vu la série yaste et continue des Crustacés exposer successivement à nos yeux l'organisation propre aux animaux articulés depuis ses plus faibles rudiments jusqu'aux dernières limites de son développement. Nous avons parcouru la classe bizarre et industrieuse des Arachnides. Nous passons à un petit groupe d'articulés qui ne présente qu’un point dans la série de ces animaux , qui se refuse à toute fusion avec les autres classes , mais qui présente avec quelques- unes des rapports par lesquels elle paraît servir de transition, les unes aux autres : ce sont les Myriapodes ou Millepieds, qui ont des points de contact avec les Annélides, les Crustacés, les Arachnides et les Insectes (1). Le nombre de ces pieds, qui diffère beaucoup dans les diffé- rents genres de Myriapodes et qui varie depuis vingt-quatre jus- qu’au-delà de 300 , est en rapport avec les segments du corps, dont chacun en porte une paire dans les uns, et deux paires dans les autres. Indépendamment de la singularité que présente la multiplicité des pieds, les Myriapodes présentent plusieurs particularités dans leurs organes : la bouche est accompagnée de pieds mâ- choires, comme dans les Crustacés e1 les Arachnides (2). Les yeux sont très-diversifiés : absence complète dans les uns (3), des (x) Is se rapprochent des Annélides et surtout du genre Péripate; des Crustacés et particulièrement des Cloportes ; des Arachnides , des Iusectes par leurs rapports avec les Thysanoures. (2) La bouche est composée généralement de deux mandibules et de deux pieds mächoires sous la forme de lévre. (3) Les Polydesmes, Géophiles, etc. ( 297) ocelles en petit nombre (1), ou une multitude formant des yeux composés dans les autres (2). La reproduction et le développement des Myriapodes pré- sente également de l'intérêt : tantôt ovipares (3), tantôt vivi- pares (4) , leurs petits, à leur naissance, n'ont le corps composé que de trois segments acccompagnés chacun d’une paire de pieds (5), et c’est de cette simplicité organique qu'ils arrivent successivement au complément de l’âge adulte; la même progression se manifeste dans le nombre des yeux, qui s’accroit également avec l’âge. La manière de vivre des Myriapodes se diversifie comme l'organisation. Les uns se nourrissent de substances végétales (6), les autres vivent de proie (7). Parmi ces derniers, les Scolo- pendres, et surtout les espèces gigantesques de l'Inde(8), ne sont que trop connues par leurs cruelles morsures et le venin qu’elles distillent dans la plaie et qui hâte la mort de leur victime (9). La plupart vivent cachées sous la mousse ou sous les pierres , creusent des routes souterraines, recherchent l'humidité, fuient la lumière et ne sortent que le soir de leur retraite ; cependant quelques-uns sont phosphoriques et laissent une trace lumiveuse sur leur passage (40). Comme ils ne jouissent de cms (x) Les Scolopendres , les Jules , etc. (2) Les Scutigères, {3) Les Jules, etc. (4) Les Scolopendres. (5) Dans les Jules. Savi prétend même qu'ils n’en ont pas du tout à leur naissance, (6) Les Jules , les Glomeris, etc. (7) Les Scolopendres , les Géophiles, etc. (8) Elles atteignent la longueur de huit pouces. (9) Les pieds mächoires des Scolopendres sout ereusés d’un canal qui aboutit intérieurement à une glande, réservoir de ce venin, etextérieurement à une ouverture par laquelle s'écoule cette sécrétion. (10) Elles transsudent à certaines époques de l'année une matière lumineuse qui provient de sacs placés sur les côtés de chaque segment du corps. ( 298 ) cette propriété que pendant une époque de l'année , probable- ment dans la saison des amours, il est naturel de la consi- dérer comme un moyen de rapprochement pour les sexes , au moins pour ceux qui sont pourvus d'yeux. Quelques-uns pa- raissent électriques, et trouvent peut-être dans cette propriété un moyen de défense contre leurs ennemis. INSECTES. Parvenus aux Insectes, nous sommes d'abord frappés d’un contraste bien singulier. L’Insecte est la créature la plus chétive qui frappe nos yeux ; il est ce qui paraît le plus vil au monde; s’il inspire un sentiment aux hommes, c’est l’aversion, s’il lui fait faire un mouvement, c’est pour le détruire ; etcependant, si l'on se donne la peine de l’examiner, on découvre en lui la plus grande merveille de la création matérielle, Vu isolément, il pré- sente l'organisme le plus composé qui existe, adapté aux actions les plus compliquées , servant l'instinct le plus déve- loppé ; considérés collectivement , les Insectes sont les êtres les plus nombreux de la nature ; ils sont ceux qui jettent le plus de vie sur la scène que nous avons habituellement sous les yeux; ils forment la classe la plus diversifiée , la plus répandue sur le globe (1); ils sont de tous les animaux ceux qui exécutent les travaux les plus ingénieux ; enfin ils sont investis des fonctions les plus importantes que la sagesse suprême ait confiées aux êtres vivants pour le maintien de l'ordre sur la lerre : ils contribuent à maintenir la pureté de l'air en hâtant la décomposition des animaux et des plantes que la vie a abandonnés ; ils restreignent la surabondance des végétaux et des animaux inférieurs, qui (x) Ils se trouvent dans les températures les plus opposées. M. Duponchel a trouvé des Dytiques dans les eaux thermales d’Acqui, à 40 degrés. M. Al. Lefebvre a découvert des Charencons dans les bouches sulfureuses du Vésuve, à 100 pieds de profondeur, dans les parois internes où le thermomètre était à 6o degrés de Réaumur. { 299 ) par leur prodigieuse fécondité, envahiraient le globe , et détrui- raïent l'équilibre entre les êtres vivants ; ils servent à leur tour de nourriture aux races supérieures qui en font une consomma- tion immense ; mais autant la vie des individus est prodiguée, autant l'existence des espèces est assurée, et aucune classe animale ne nous présente le bienfait de la vie répandu avec autant de profusion et sans cesse renouvelé par de nouvelles générations. Avant de parler des insectes sous le rapport des facultés intérieures, qui font le sujet de cet ouvrage, il nous parait nécessaire , pour être entendu , de donner quelques notions sur leur organisme. ORGANISME DES INSECTES, Les Insectes sont généralement organisés pour vivre sur la terre avec la faculté de se transporter dans les airs lorsqu'ils ont atteint le terme de leur développement. Leur Corps, composé de la tête, du thorax et de l'abdomen , est. couvert de téguments solides. La tête porte les yeux, la bouche , les antennes. Le thorax porte six pattes et quatre ou deux ailes. A l'intérieur, le canal alimentaire présente à peu près les mêmes parties que dans les animaux supérieurs. L'appareil nerveux est composé d’une double série de ganglions plus ou moins éloignés ou rapprochés; ils donnent naissance aux nerfs qui se ramifient dans toutes les parties du corps. Le système musculaire est très-développé. La circulation du sang s'opère par les contractions d’un cœur sous la forme de vaisseau dorsal. La respiration a lieu par des canaux nommés {rachées qui , communiquant à l'extérieur par des ouvertures appelées sligmates, portent l'air dans toutes les parlies intérieures du corps. Les organes de la génération ont une grande analogie avec ceux des animaux vertébrés. Les Insectes jouissent des mêmes sens que les animaux supé- rieurs ; mais les organes n’en sont pas tous également connus. Ceux du goût et de la vue ne laissent aucun doule ; le toucher ( 300 | se perçoit particulièrement par les antennes, au moins dans un cerlain nombre de ces petits êtres ; ce même organe parait être en même temps le siége de l’odorat, dans une proportion relative plus ou moins grande, suivant sa forme et ses dimensions, et d'une manière semblable à ce que nous montrent les Mammi- fères , et surtout le Sanglier, le Tapir, l'Éléphant , où le nez sert à la fois au tact et à l’odorat, ainsi que l'expliquent les nerfs qui se distribuent dans l'organe olfactif (1). Quant à l’ouie, il paraît que les Insectes n’ont pas d'organe spécial pour ce sens , mais qu'ils perçoivent les vibrations sonores par la surface du corps ; ils sentent le bruit au lieu de l'entendre. Il résulte de l’ensemble de cette organisation, que les Insectes sont, malgré leur petitesse , au nombre des animaux le plus admirablement conformés , et l’extrême complication de leur structure , la multitude de leurs muscies (2), la vigueur et la légéreté de leurs mouvements, le jeu de leurs organes sont dans la plus parfaite harmonie avec toutes les fonctions qui leur sont dévolues. La manière dont s'opère généralement le développement des Insectes présente un spectacle plus merveilleux encore que leur organisme. Dans le cours de leur croissance, depuis la sortie de l'œuf jusqu'à l’âge adulte, ils changent plusieurs fois, non seulement de peau comme les Crustacés, mais de forme et d'état, ils se métamorphosent, et c’est ainsi que la Chenille qui rampe, se change en Chrysalide immobile, et puis en Papillon qui voltige de fleur en fleur. Cette évolution est d’abord remarquable par son analogie avec celle des animaux renfermés dans l’œuf. Elle présente également des changements de formes dans les diverses parties et même la production de parties nouvelles. Les larves sont le plus souvent en harmonie avec les feuilles des plantes (1) Dugès. (2) Lyonnet a calculé qu'il y avait plus de 40,000 museles dans la Chenille du saule, L'homme n’en.a que 529. { 301 ) auxquelles leurs mères les ont confiées à leur naïssance et qui leur donnent leur premier aliment ; mais lorsqu'elles ont revêtu toute leur beauté.et pour ainsi dire, leur parure nuptiale, l'har- monie se transporte entre elles et la fleur qui leur fournit le doux suc des nectaires. Ces transformations n’affectent pas seulement l'extérieur , mais l’organisation intérieure se modifie également et se met en rapport avec les changements dans la manière de vivre. Ainsi, l'organe de la respiration , approprié à l’eau dans une larve aquatique, devient propre à respirer l'air atmosphérique lorsque l'insecte parfait est terrestre. A l’appareildigestif de la Chenille, qui a toute l'ampleur nécessaire pour recevoir un aliment grossier , succède l’étroit canal qui recoit le suc des fleurs, dont se nourrit le Papillon. Il en est de même de l'instinct, qui change aussi complétement que l'organisme, de sorte que le même insecte, dans ses différents états , présente souvent trois êtres qui n’ont pas de ressemblance entre eux ; et cependant ces métamorphoses qui confondent notre raison , et dont les causes nous sont incon- nues, ne sont qu'une évolulion, un développement progressif, qui amène l'insecte de l’état d'embryon à l’état adulte par le dépouil- lement successif des enveloppes de formes diverses dans les quelles le corps et ses parties extérieures et intérieures sont ren- fermés; mais dans celte évolution nous voyons des: organes nécessaires à la larve s’oblitérer dans l'insecte parfait, comme d'autres aj paraissent dans ce dernier état, qui n'existaient pas précédemment, de sorte que sice développement détermine tou- jours une plus grande centralisation du système nerveux, et s'il a toujours pour terme l'état adulte , il n'amène pas toujours un progrès sous d’autres rapports, etmême la larve est souvent supérieure en instinci à l'insecte parfait, la Providence ayant xoulu renforcer la faiblesse de ses organes et de ses moyens de défense par les ressources de la ruse et de l'industrie. Si chaque insecte présente des modifications progressives, sou- ( 302 ) vent prodigieuses dans son développement, la classe entière en présente de plus merveilleuses encore dans la série incalculable qu'elle forme et qui a dépassé tout ce que l'imagination la plus fantastique pourrait concevoir. Cependant ces modifications in- finies se concentrent, comme dans les autres séries zoologiques, en un assez petit nombre de types dont les principaux ont donné lieu aux ordres suivants : | 1. Les Diptères ; 5. Les Névroptères ; 2. Les Lépidoptères ; 6. Les Coléoptères ; 3. Les Hémiptères ; 7. Les Orthoptères. 4. Les Hyménoptères ; La progression organique de cette série est très-distincte , si nous la considérons à ses deux extrémités, si nous comparons les premiers ordres aux derniers ; elle se manifeste encore plus ou moins dans chaque ordre en particulier. DIPTÈRES. Les principales familles des Diptères sont les innombrables Mouches, les Syrphes, les Bombyles, les Anthrax, les Asiles, les Taons , les Cousins , également redoutables par leur importu- nité, et les Tipules ou Moucherons dont les Myriades , réunies en nuages vivants , célèbrent les belles soirées par leurs danses aériennes. LÉPIDOPTÈRES. Les Lépidoptères, considérés sous le rapport de leurs organes, ne sont aussi que des Insectes; mais ils ont tellement la beauté en partage par la parure de leurs ailes, ils en sont tellement re- levés , anoblis, qu'à moins d’être entomologiste , on ne les croit pas de la même nature que la Mouche , que la Guépe que l'on écrase sous les pieds. Cette beauté, soit qu’elle nous charme par le vif éclat des couleurs, ou par l'élégance du dessin, ou par l'harmonie des nuances, dépasse tout ce que la nature nous pré- sente de plus admirablement coloré. Les plus brillantes fleurs, les (303 ) minéraux et les coquilles les plus éblouissantes, les oiseaux les plus somptueux le cèdent en éclat, en magnificence, en élégance à ces peliles merveilles. Aussi eroyons-nous qu'elles ont été créées comme les fleurs pour charmer les yeux de l’homme, et en effet, dès son enfance il les admire, il en fait l'objet de ses désirs , il les poursuit sur les collines, dans les prairies, dans les clairières des bois ; il ap- prend à admirer la puissance divine jusques dans ses moindres productions; c'est par eux qu’il a été attiré vers l'étude des autres Insectes , si pleine d'instructions, si riche d’harmonies. Ils l'ont amené par le charme de la beauté à la connaissance approfondie des êtres qui, par leur admirable organisation et leurs prodigieux instincts , élèvent le plus nos âmes vers la Divinité. Enfin leurs formes légères, leur vie en quelque sorte immatérielle leur ont valu l'honneur de devenir aux yeux de la Grèce l'emblème gra- cieux de l’âme. Cependant ils n’acquièrent cette beauté, cette existence aérienne qu'après avoir vécu sur la terre sous la forme rampante de Chenille, assujétis aux besoins les plus grossiers , et qu'après avoir passé à l’état de mort apparente de la Chrysalide, suivie d’une résurrection triomphante (1). Mais, si les Chenilles sont disgracieuses, hideuses même, elles intéressent sous bien des rapports les contemplateurs de la na- ture. Elles présentent une diversité infinie de couleurs, de formes, d’habitudes, d'industries, et un instinct bien plus développé que celui des Papillons. Leur conformation, leur coloration, les poils ————_—_—]_.—_———— (x) Les Lépidoptères sont caractérisés par quatre ailes recouvertes de petites écailles, et une trompe roulée en spirale. Ces écailles , si admirablement colorées et que le moindre contact détache en brillante poussière , affectent une multitude de formes suivant la partie de l’aile qu’elles occupent , et suivant les genres et les familles. La trompe est formée de la seconde paire de pièces (mächoires) de la bouche ; elle est protégée par les palpes labiaux. Les lèvres supérieures , les mandi- bules ; les palpes maxillaires et la lèvre inférieure sont visibles, mais À l’état rudimentaire, ( 304 ) et les épines qui les hérissent souvent, les poses, les attitudes qu'elles affectent, telles que celles de Sphinx, de rameau desséché (1), ont tous leur raison physiologique, un but commun, une tendance générale à s’harmoniser avec les formes et les couleurs des végétaux, afin de les soustraire aux yeux de leurs ennemis, et de pourvoir ainsi à la conservation des espèces. Sous lerapport de leur industrie, elles rivalisent presque avec les Araignées dans l’art de filer, et leurs produits bien plus solides sont la malière première de nos plus brillants tissus. La filière (2) di- versifie les fils, non-seulement sous le rapport de l'épaisseur et de la ténuité; mais elle leur donne encore la forme cylindrique, aplatie, cannelée, diversement renflée. Les Lépidoptères constituent une série dont la progression est très-distincte et qui présente de très-nombreuses modifications organiques, réparties dans trois familles, nommées, d’après leurs habitudes : les Nocturnes, les Crépusculaires et les Diurnes. HÉMIPTÈRES. Les Hémiptères présentent un ensemble organique très-distinct de celui des Lépidoptères, ne se liant avec eux par aucune tran- sition, et ne subissant d'autre transformation que l’aéquisition des ailes; cependant, ils ont avec eux des rapports essentiels, surtout dans la conformation de la bouche également façonnée en trompe et conséquemment dans les aliments liquides qu'ils absorbent ; et la composition de cet organe qui représente plus complétement les parties constitutives de la bouche des Insectes (8), les placent à un degré contigu, mais plus élevé, de l'échelle entomologique. (x) La Chenille de la Noctuelle Cassini, dans le repos, élève la partie anté- rieure de son corps et renverse la tête en arrière jusque sur son dos. (2) La Filière, qui n'appartient qu'aux Chenilles fileuses , est insérée à l’extré- mité de la lèvre inférieure ; elle constitue un tube composé de fibres longitudi- nales , alternativement cornées et membraneuses , qui permettent à l’insecte d’en contracter le diamètre. (3) La trompe des Hémiptères est composée de la lèvre supérieure , d’un sucoir {305 Les deux Lypes principaux des Hémiptères sont la Punaise et la Cigale ; l’odieuse Punaise, rébabilitée par l'intérêt que répand sur celle famille non-seulement l’éciat et l’agréable disposition des couleurs d'un grand nombre d'espèces, mais surtout l’admi- rable diversité et l'appropriation de ses modifications organiques tour-à-tour à la terre, à l'air, à l'eau, aux animaux, aux plantes; la Cigale, qui étonne souvent par ses travestissement{s fantas- tiques (1) , et doni l'instinct vital est si manifeste, tantôt dans la lumière phosphorique que répand l'énorme lanterne du Fulgore dans les sombres forêts de Surinam , tantôt dans le chant de la Cigale provençale , qui nous intéresse, sinon par le charme de Ja voix, au moins par l’arüfice de l'instrument, à la fois violon et tambour de basque et admirablement combiné pour produire , réperculer et renforcer le son. HYMÉNOPTÈRES,. Cet ordre d'Insectes se distingue de tous les autres par la con- formation des parties de la bouche, dont la partie inférieure forme une trompe comme dans les ordres précédents , et la su- périeure présente une lèvre supérieure et des imandibules inci- sives comme dans les suivant(s. Cette conformalion mixte déter- mine la place qu'occupent les Hyménopières dans la série entomologique. Ils en occupent le centre; et quoique, sous plusieurs rapports organiques, il faille les regarder comme infé- rieurs aux ordres suivanis, on pourrait, par d’autres considéra- tions, les placer au sommet de la série. En effet, leur organisa- formé de quatre soies représentant les mandibules et les mâchoires des insectes masticateurs , et de la lèvre inférieure servant de gaine à ces soies, Il ne manque que les palpes maxilluires et labiaux. (1) Les Centrotes, les Memtbracis , les Bocidium , les Darnis ont le dos gro tesquement affublé de cornes , de carapaces , de queues, de raquettes, de bonnets chinoïs, et d’une multitude d’autres appendices fantastiques qui paraissent être des moyens de déguisement pour échapper à leurs ennemis, 26 { 306 ) tion est, au moins dans le plus grand nombre, plus complexe que celle de ces ordres, et leur donne plus de moyens d’action. Elle leur fournit des instruments et des matériaux qui, employés avec un instinct supérieur, produisent des prodiges d'industrie. C'est ainsi que des parties de la bouche, l'inférieure seule, la trompe, est l'organe dela nutrition, et que les mandibules servent, tantôt à transporter des matériaux, comme chez les Fourmis, tantôt à ratisser et à fabriquer le carton chez les Guépes, tantôt à construire les cellules de cire chez les Abeilles; ainsi, les pattes postérieures se creusent en cuillers, ou se munissent d'une brosse chez ces mêmes Abeilles pour ramasser le pollen des fleurs. Ainsi des vaisseaux intérieurs élaborent ce pollen en cire, et les sucs recueillis par Ja trompe, en miel. L'abdomen se termine souvent par une longue tarière, ou par une robuste scie, ou par un aiguillon envenimé. Les [lyÿménoptères subissent des métamorphoses complètes. Leurs larves sont généralement vermiformes. Avant de passer à l'état de nymphe, elles se filent ordinairement une coque au moyen d'une filière qui se trouve à l'extrémité de leur lèvre. Les Hyménoptères se partagent en deux grandes familles : les porte-tarières et les porte-aiguilions. Dans les premières, l'oviductus, diversement conformé en tarière, sert à percer les tissus des plantes et des animaux. On y distingue les Tenthrèdes, munies d'une scie; les Gynips, qui s'enferment dans les galles vé- gétales ; les Chrysis, aux couleurs élincelantes; les Ichneumons, aux antennes vibraliles et investigatrices. Dans les porte-aiguillons, j’oviductus n’est pas seulement des- tiné à déposer les œufs, mais en même temps à servir d'arme offensive et défensive, ayant la forme d’un dard et versant une liqueur vénéneuse dans les blessures. Nous ÿ remarquons les tribus des Fossoyeurs solitaires, des Guêpes, des Abeilles, des Fourmis, toutes sociales, toutes admirablement et diversement industrieuses. { 307 ) NÉVROPTÈRES, Les Névroptères comprennent les Insectes qui ont quatre ailes membrancuses, comme les Hyménoptères, mais formant un ré- seau serré, et les parties de la bouche propres à broyer des ali- ments solides, comme dans les ordres suivants ; mais ces carac- tères présentent quelquefois des anomalies singulières, et ils se modifient, ainsi que les autres organes, de manière à altérer for- tement l'unité de cet ordre, ou au moins à le diviser en plusieurs families qui conservent peu de rapport entre elles. La plus grande diversité règne également dans leur manière de vivre terrestre ou aquatique dans l’état de larves. Quelle que soit l'espèce d'incohérence qui existe entre les di- verses familles des Névroptères, elles forment cependant une série organique qui établit une certaine subordination entre elles, et qui se divise en deux rameaux très-distincts (1). Le pre- mier se compose des Éphémères et des Libellu!es, c'est-à-dire, et par une singularité bien remarquable, la plus grande faiblesse organique de leur ordre, voisine de la plus grande puissance. Il semble qu'ils soient les deux extrêmes d’une grande série dont tous les intermédiaires restent à découvrir. Les Éphémères dans l’état adulte ne prennent pas de nourri- ture et ne vivent que le temps nécessaire pour s’apparier et laisser tomber dans l’eau les deux grappes d'œufs qu'elles portent à l'extérieur. Écloses le soir, elles voient rarement l'aurore sui- vante ; mais celte existence adulte de quelques heures n'est que la dernière phase d’une longue vie d’insecte. Les larves vivent pour la plupart dans des cavités submergées qu’elles se creusent avec un inslinct que nous mentionnerons plus loin. Les Libellules, plus connues sous le nom de Demoiselles, (x) Les Subulicornes et les Plicipennes , réunies aux Planipennes. ( 308 ) qu’elles doivent à leur fin et élégant corsage, à la gaze de leurs ailes, à la grâce et à la légéreté de leurs mouvements, sont en même temps d’intrépides chasseresses. Aucun insecte n’a pour cette destination le vol plus rapide, plus soutenu; aucun n’a les mandibules divisées en dents plus nombreuses, plus incisives. Le secund rameau des Névroptères comprend les Phryganes et les Perles, dont l'instinct nous offrira de l'intérêt, les Panorpes (1), au rostre allongé du Charencon, à la queue menaçante du Scorpion; les Némoptères, dont les ailes inférieures s'allongent en plume élégante, aimables hôtes des bosquets de Cos, berceau d'Hippocrate ; les Hémerobes aux yeux d'or, le Fourmilion, si connu par les artifices de son instinct solitaire, et enfin Îles Termès, par les merveilles de leur instinct sociai. COLÉOPTÈRES Ce nom scientifique est devenu presque vulgaire par la faveur avec laquelle ces Insectes ont été recueillis, étudiés, classés, dé- erits, figurés par la grande majorité de la nombreuse phalange des entomologistes, faveur qui a surpassé celle même dont jouissent les Papillons, et qui à fait négliger tous les ‘autres ordres d'insectes ; prédilection produite par bien des causes: les plaisirs de notre enfance, le goût des collections d’une facile conservalion, la beauté des uns, la singularité des autres, la diversité prodigieuse répandue sur la conformation, la multi- plicité sans égale des espèces, la satisfaction que donne la diffi- (1) Nous avons, seul encore à notre connaissance , laissé entrevoir la eonfor- malion de la Panorpe dans l’état de nymphe, en rapportant une de nos obser- sations : nous avons trouvé un individu adulte dont les ailes étaïent restées enga- gées dans la dépouille d’où il était sorti, et nous avons pu nous assurer qué la uymphe a la forme de l'insecte parfait, à l'exception de la tête, qui ne se prolonge pas en-bec, et dont les mandibules sont grandes et bidentées. Le fourreau des »iles atteint la moitié de la longueur de l’abdomen. ( 309 ) culté vaincue, vu la délicatesse des organes à observer, enfin l'esprit d'investigation longtemps dirigé de préférence vers les sciences naturelles, se divulguant souvent chez les jeunes gens par l'attrait pour ces pelits êtres, persistant avec l’âge, facilitant l’étude des autres parties de la zoologie, ainsi que le reconnais- sait l’immortel Cuvier, qui revenait souvent à eux comme à ses premières amours. Les Coléoptères sont caractérisés, ainsi que l'exprime leur nom, par les ailes supérieures modifiées en écailles ou élytres crustacées et par les inférieures plus longues que les supérieures, mais pliées {ransversalement sous les élytres (1). L'organisme des Coléoplères, en conservant fidèlement cette uoité de composilion, se modilie plus qu'aucun autre et atteint les dernières limites de la diversité, Il présente une série pro- gressive qui, d'un degré relativement fort bas, s'élève peu à peu en passant par une mullilude d'échelons intermédiaires, jusqu’à un sommet trés-élevé. C'est ainsi que celle série, assez heureuse- ment représentée dans ses principales divisions par le nombre ascendant! des articles des tarses, offre successivement à nos yeux les humbles Coccineiles, ou Bêtes à Dieu, les Eumorpes, hôtes des champignons, la brillante famille des Chrysomeles et celle des Cissides en forme de bouelier ; puis la belle cohorte des Capricornes, celle des Xylophages et l’innombrable groupe des Charencons ; plus loin, nous voyons les molles Sténélytres, les noires Mélasomes et l'imposante tribu des Lamellicornes, puis celles des Ma'acodermes, des Sternoxces, des Staphylins et des Hydrocanthares. Enfin, la série se termine par la phalange ro- buste el pesaimment armée Ges Carabes. (x) Les parties de la bouche sont semblables à celles des Névroptères, et éga- lement propres à broyer les aliments. Ces insectes subissent des métamorphoses complètes ; les larves sont vermiformes, à tête écailleuse, et ont six pieds comme les Chenilles ; les nymphes sont inactives et enveloppées d'une pellicule qui ne lie pas les membres entre eux. (310) Après la prodigieuse diversité que présentent les Coléoptères, ce qui frappe le plus, c'est la beauté des uns, la singularité des autres. Le Charençon impérial étincelle au nombre des joyaux des Brésiliennes, comme la brillante dépouille des Oiseaux- Mouches et des Colibris; une multitude d’autres sont ornés de riches reflets, de moelleux duvets, d’épaisses fourrures, ou hé- rissés de soies ou d'épines, ou gravés, ciselés, guillochés avec une délicatesse que l'art ne peut atteindre. Parmi les singularités, nous citerons la forme fantastique des Brentes, dont la tête, le thorax, l'abdomen s'allongent et s'atténuent comme s'ils étaient passés par une filière. Les Gyrins, qui tournoyant à la surface des eaux, ont quatre yeux silués de manière à voir en dessus et en dessous de leur élément. Les Scarabées ont souvent les pieds, le thorax et la tête armés de pioches, de socs, de cornes, de capuces, grotesquement agencés ; les Charencons portent une trompe qui ne semble propre qu'à humer des éléments liquides, et cependant elle se termine par tout l'appareil de la mastication réduit à une extrême exiguilé. En voyant la multitude de modifications organiques qui carac- térisent les 50,000 espèces connues des Coléoptères, et qui sont chacune en harmonie avec autant de modifications dans les ha- bitudes, les instincts, les besoins, nous éprouvons le désir de nous inilier à tcus les petits mystères de leur vie privée. A ls vérité, ce que nous en connaissons présentera moins d'intérêt que les mœurs des Hyménoptères, mais nous y verrons toujours la ma- nifestation de la sollicitude suprême pour le bien-être des plus chétives créatures, ORTHOPTÈRES. Les Orthoptères terminent l'immense série entomologique et montrent leur supériorité par le développement et la complica- tion de leurs organes extérieurs et intérieurs, ainsi que par leur ( 311 ) grandeur. Ils sont caractérisés par leurs ailes, dont les supé- rieures forment des élytres coriaces, et les inférieures sont mem- braneuses et pliées en éventail (1). Ils se divisent en plusieurs familles représentées par les Forficules (perce-oreilles), armées de tenailles menaçantes, les Blattes aplaties, ainsi que l’exprime leur nom dérivé de l'allemand, les Mantes aux bras suppliants, aux pinces rapaces; les Phasmes qui trompent les regards sous la forme de bâton rugueux ou de feuille sèche et chiffonnée : les Grillons, les Courtillières, dont la jambe antérieure se dilate en large main pour creuser leurs souterrains ; les Sauterelles et les Criquets, trop connus par la dévastation qu'ils sèment sur leur passage, pas assez remarqués dans leur système nerveux par la grandeur et la forme bilobée du ganglion céphalique, qui montrent l'appareil sensitif perfectionné dans ces petits êtres au point d’of- frir un cerveau rudimentaire, dernier degré de développement auquel le type de l'insecte püt atteindre (2). INSTINCT DES INSECTES, Si la diversité que nous venons de signaler dans l'organisation des Insectes est infinie, celle de leur instinct ne l'est pas moins et (1) La bouche, semblable à celle des Coléoptères, présente de plus une pièce annexée aux mächoires et sous la forme d’un casque. Ils se distinguent particuliè= rement des Coléoptères par leur mode d’accroissement sans autre changement que les ailes, qui leur viennent graduellement à mesure qu’elles approchent de l’état adulte. : (2) Parmi les caractères des Orthopt'res , les mandibules , par leurs différentes dentelures , présentent de l'harmonie avec leurs différents modes de nourriture , comme les dents des Mammifères, et M. Marcel de Serres, qui a fait cette obser- vation , a donné à ces dentelures les noms de dents incisives, laniaires et molaires. Ges trois modifications n’existent pas simultanément , et c’est par leur présence ou leur absence qu'on peut reconnaitre la nature des aliments de ces insectes : les Blattes, qui sont omnivores, ont des laniaires et des molaires; les Mantes, qui vivent de proie, n’ont que des laniaires ; les Sauterelles et les Criquets, qui sont herbivores , ont des incisives et des molaires. ( 312) elle est bien plus digne de nous intéresser en nous dévoïlant un monde en queique sorte intellectuel, infiniment supérieur à tout ce que nous avons décril jusqu'ici. Les Arachnides nous ont montré une seule industrie, portée à la vérité à un haut degré ; les Insectes ont toutes celles que l'imagination peut nous faire concevoir. Par la multitude d'instruments dont ïis sont pourvus, ils font servir à leur usage et avec une adresse inouie toutes les substances matérielles, et, de plus, ils en élaborent qui leur sont propres, {e!s que la cire, le miel. la soie. Excités par le soin de leur conservation et de leur reproduction, ils ne montrent pas seulement nne industrie merveilleuse, mais quelquefois une sorte de génie très-supérieur à l'industrie, qui les réunit en grandes sociétés constituées en républiques, en monarchies, et régies par des lois conservatrices qui confondent notre raison. En un mot, ils déroulent à nos yeux un {ableau d'industries, de ruses, de guerres, d'amours, d'associations, qui représente la vie humaine en miniature: nous y retrouvons particulièrement l'iné- galité des conditions, depuis le Grillon, qui se cache seul dans son trou, jusqu'à la reine des Abeilles, qui gouverne nn peuple nom- brenx, célèbre par ses mœurs et son génie architectural. L'instinct des Insectes présente une série progressive comme leur organi- sation ; mais au lieu d’être en proportion avec celle-ci, il en est très-indépendant sous plusieurs rapports, et souvent même il se montre en proporlion inverse avec elle, de telle sorte que les larves quine présentent que l'ébauche de l'état parfait et les ordres d'Insectes les moins avancés en organisation (1), ont gé- néralement l'instinct le plus développé. Considérant l'instinct des Iusectes dans ses deux principales modifications, l'instinct vital et l'instinct animal. qui se coot- (1) Les Diptères , parmi les insectes à trompe; les Hymeénoptères, parmi eeux à mandibules. (1313 | donnent diversement entre eux sans se confondre, nous VOyOns daps le premier l'intervention immédiate de la Providence qui, sans la moindre participation de la volonté de l'animal, pourvoit à sa sûreté et à celle de sa progéniture par des moyens inhérents à l'organisation. Ainsi le Papillon de jour, trop brillant pour n'avoir pas d'ennemis, échappe le plus souvent à leur poursuite par son vol inégal et en zigzag ; et il voilige ainsi parce que ses quatre ailes ne frappent pas l'air simultanément comme les oi- sceaux qui les poursuivent ; mais elles battent d'un côté, pis de l'autre alternativement. Les Papillons crépusculaires et nocturnes qui sont poursuivis par les Chauve-Soaris dont le voltigement est inégal comme celui des Papillons diurnes, ont, au contraire, un vol plus direct ; leurs ailes frappent l'air simultanément et il esquivent ainsi leurs hideux ennemis (1!. Ainsi encore les Insectes aquatiques ont dans leur organisme toutes les condilions nécessaires à ce genre de vie. Ils sont géné- ralement couverts d'un vernis saliné qui les rend imperméables. Les uns vivant submergés, respirent, soit en se mettant en coniaet avec l'air atmosphérique au moyen de tubes qui aboutissent à leurs stigmales, soit en s'enveloppant d'une couche d'air par l'effet du duvet court et serré dont leur corps est couvert (2). Les autres vivent à la surface des eaux. où ils se meuvent en mar- chant (3), en glissant {4}, en nageant, les uns par saccades, d'autres en {ouraoyant 51, quelques-uns dans une position ren- (1) Virey. (2) Les Dryvps, petits Coléoptères , vivant dans les ruisseaux , retirés sous les pierres , ont le corps entièrement velu. Les Elmis , qui vivent de la même manière et dont le dessous seul du corps a de chaque côté ame large bande de-duvet qui recouvre les sligmates. (3) Les Hydromètres marchent sur lea au moyen d'une bulle d'air ‘constaim- ment attachée à la plante des tarses. (4j Les Gerris glissent par saceade, (5) Les Gyrius, (314) verseé {{) suivant les modifications de leurs organes de loco- molion. OŒEUFS, La sagesse suprême montre surtout de la sollicitude pour les œufs des Insectes, ce frêle berceau de la vie. Leur coque, ordi- nairement dure, est quelquefois membraneuse, élastique, ec ils grossissent après la ponte dans quelques espèces (2). Ils pré- sentent une immense diversité de formes ; ils figurent des sphères, des cylindres, des cônes, des disques, des navettes, des turbans, des tambours, des pyramides, des timbales; leur sur- face est lisse, ridée, sillonnée, ciselée, guillochée ; quelquefois leur circonférence est coupée par des stries qui correspondent aux segments de l'embryon qu'ils renferment (3); nous ne pou- vons douter que chacune de ces formes n'ait son utilité, quoique nous l'iguorions encore ; mais nous connaissons un grand nombre de modifications dont la destination est évidemment protectrice. Les œufs de quelques Insectes sont couverts de duvet (4), ou de poils (3), ou de soies, ou d'écailles imbriquées (6). Quelquefois ils sont pourvus à leur extrémité de deux cornes divergentes, destinées à les maintenir à la surface de la substance liquide sur laquelle ils sont déposés (7). Les œufs des Nèpes, des Ranâtres, placés dans l'intérieur des plantes aquatiques, sont terminés par quelques filaments saillants qui servent peut-être à la respiration. Ceux de l'Ichneumon jaune ont un long support articulé au moyen duquel ils sont implantés dans le corps des Chenilles. a (1) Les Notonectes. (3) Les œufs des Tenthrédines. (3) Ceux de quelques Bombyx. (4) Ceux du Puceron du frêne. (5) Ceut du Pentatome du genévrier. (5) Ceux du Satyrus janira. (7) Ceux des Scatophages. Diptère ( 3145) D'autres œufs sortent réunis et abrités dans des berceaux de di- verses substances ; ceux des Sauterelles, dans des étuis, où ils se trouvent rangés régulièrement; ceux des Mantes, dans des sa- chets d’une sorte de parchemin ; ceux des Blattes, dans des cap- sules à double rang de loges exactement séparées. Les agréga- tions d'œufs de quelques Insectes aquatiques (1) sont entourées, comme le frai des Grenouilles, d’une sorte de gelée qui sert à leur sûreté et à leur développement. Le même soin que la Providence prend pour garantir les œufs des Insertes contre les causes de destruction, se manifeste pour assurer la sortie des larves. Ils sont souvent munis d’une calotte peu adhérente à ses bords et qui se soulève au moindre mouve- ment que fait la larve pour sortir {2). Ceux d’une sorte de Pu- naise (3) ont aussi un couvercle; mais par un arlifice merveil- leux, il s'y adapte un appareil comparable à une arbalète, dont la corde, en se détendant lout-à-coup, le fait sauter et donne issue à la larve, qui, sans ce secours providentiel, n'aurait pu ouvrir la porte de sa prison. INSTINCT ANIMAL. L'instinct animal, non moins prévoyant, ingénieux, que l’ins ünct vital, avec lequel il a beaucoup d'analogie dans ses effets, vous montre la sagesse suprême agissant dans les Insectes par l'intermédiaire d’une volonté spontanée, irréfléchie, mais en har- monie avec leurs organes et avec leurs besoins. Ainsi, eu prenant encore pour exemple les œufs des Insectes, nous voyons les mères chercher toujours, pour les déposer, les lieux les plus favorables à la sûreté et à la subsistance des larves qui doivent (1) Les œufs de Friganes et d'une espèce de Botys. B. Potamogeti. (2) Ceux d’un grand nombre de Lépidoptères. (3) Ceux d’une espèce de Pentatome. 316 } en provenir, et employer dans cette action mille moyens simples où compliqués, de l'adresse, de l'industrie, de la ruse, des pré= cautions inouies, en un mot, tous les soins que la tendresse maternelle peutsugeérer pour protéger le berecau de leurs petits. L'une scie, l'autre râpe; ceile-ci fore, celle-là pétril; telle laboure, telie mine, telle maçonne, chacune avec des instruments appropriés à ces actioes et qui sont des chefs-d'œuvre de mé- conique. Elles déposent leurs œufs dans la terre, dans l'eau ; elles les suspendent queiquefois dans l'air; elles les confient aux végé- aux, soit aux racines, soit à l'écorce, aux rameaux, aux feuilies, aux fleurs, aux fruits; elles les fixent sur les animaux Vivants ou morts; quelquefois elles les portent sous elles dans un sachet de soie (1); elles les déposent dans lei nids des oiseaux (2); et dans tous ces choix, eï'es montrent {toujours une parfaite con- uaissance des besoins futurs de leurs larves, quoique si dissem- blables à elles-mêmes. Il n'y a pas moins de diversité dans la manière dont elles rangent leurs œufs. Celles qui ne les déposent pas isolément, les groupent artistement en chaines, en colliers (3), en chapelets (4), en rubans (5), en anneaux (6), en spires, en les plaçant, soit bout à bout, ou accolés latéralement, ou réunis obliquement par leurs côtés, et toujours de manière que les larves peuvent sortir libre- ment lorsqu'elles éclosent. Pour mettre leur ponte à l'abri du danger, les unes la re- couvrent d'une légère membrane (7); d'autres l'enveloppent. (1) La Perla bicaudata. (2) Les Pupipares. (3) Quelques Diptères. (4) Quelques Tipulaires. (5) Les Éphémères. (6) Le Bombyx neustria. (7) La Casside verte, 317 ) soit d’une sécrétion écumeuse (1), soit d'une fourrure composée de leurs propres poils, dont elles composent d'abord un lit informe, et ensuite un Loil artistement ouvragé et impénétrable à l'eau’ (2) ; d’autres encore entourent chacun de lesirs œufs d’un duvet cotonneux dont elles se dépouillent également :3). Quel ques-unes emploient leur corps même pour abriter leur ponte : après avoir préparé un lit de leur toison, elles y déposent leurs œufs, el ieur corps, réduit à une mince pellicule, es protéve encore après leur mort (4). La Tenthrède du pin dépose ses œufs dans une feuille de cet arbre; après y avoir fait une incision avec sa scie. et en ferme ensuite l’ouv-rture avec des fragments de feuilles. Des Charançons, après avoir déposé un œufà l'extrémité d’ane feuille, roulent celle-ci en cornets, en estompes, en valises, avec une industrie très-remarquable (5:. Pour exécuter cette opération, qui semble au-dessus de sa force, l’insecte a l'instinct d'assouplir la feuille en mordant la nervure principale daus toute sa longueur, en la déchiquetant de manière à lui ôter sa rigidité, ce qui lui permet, à l’aide de ses paltes, de la rouler, d'y enfermer son œuf et de pourvoir ainsi à la sûreté et à la subsistance de sa larve à sa naissance. Les Nécrophores déposent les leurs dans les cadavres des Taupes, des Mulots. qu'ils enterrent. L'Hémeroh: met ses œufs en sûreté en leur donnant pour ane D pute Pret Led isned (1) La Liparis du saule. (2) Les Liparis chrysorrhea ; dispar, ete. (3) Les Pucerons de l’aunie , du prunier. (4) Les Galtinsectes, (5) On dit que le Copris lunatus emploie la fiente du mouton , dont la forme arrondie abrège le travail de l’insecte. Lorsque la femelle dn Géotrope Stercoraire pond dans ces boules, 16 mâle les tient complaisamment entre les jambes, et à l’aide de se: premières paîtes, il introduit les œufs dans leur intérieur. (318 ) support un pédicule long et capillaire. Pour le former, elle appuie sur une feuille l'extrémité de son long abdomen au mo- ment où un œuf s'y présente enduit d’une substance glutineuse qui se colle à la feuille. Elle le relève ensuite en tirant cette substance qui s’allonge et sèche à l'instant, et elle abandonne l'œuf à l'extrémité de ce filament. Parmi les Insectes qui déposent leurs œufs dans les eaux, nous cilerons un Diptère qui les agglomére dans une masse gé- latineuse qu'il attache par l’une de ses extrémités à un brin d'herbe. L'Hydrophile les enferme dans une coque de soie, in- dustrieusement ourdie, qu’il fixe sur quelque plante à la surface de l’eau. Le Cousin, plus ingénieux encore, dépose ses œufs allongés sur les eaux, au nombre de 2 à 300, et en forme un radeau qui surnage. Pour cette opération, il se fixe, au moyen de ses pieds antérieurs, sur un corps flottant, de manière que l'extrémité du ventre dépasse ce corps; ensuite il croise hori- zontalement ses pieds postérieurs en X, place un premier œuf, dans une position verticale, à l'angle intérieur ; un second est collé au premier, et ainsi des autres, en formant un triangle. Les pieds qui les soutiennent s'allongent peu à peu, forment un angle de plus en plus aigu, et, en éloignant ainsi le sommet du triangle, présentent toujours le côté intérieur à portée de l’in- secte, pour qu'il puisse continuer sa ponte sans changer de posi- tion. Non content de disposer le groupe de ses œufs de manière à surnager, le Cousin lui donne, en relevant les deux extrémités, la forme d’une nacelle qui reste toujours à flot, quelle que soit l'agitation de l’eau, et qui n’en laisse jamais pénétrer dans son intérieur. În his täm parvis atque tam nullis quæ ratio ! (1) (x) Pline. (#19) LARVES,. Après cette légère esquisse de l'instinct que montrent les În- sectes pour la sûreté de leurs œufs, nous allons considérer celui de leurs larves dans les soins qu’elles prennent pour se garantir de leurs ennemis, pour pourvoir à leur subsistance et pour assurer leur repos dans l’état de nymphe ou de chrysalide. C’est dans cette première phase de leur vie que, faibles, molles, lentes, n’ofrant qu'une ébauche plus ou moins déguisée de leur forme adulte, une organisation rudimentaire, elles sont généralement douées de l'instinct le plus perfectionné. L'industrie, l'adresse, l'invention, les combinaisons, sont chez elles en raison inverse du développement du système nerveux et des divers organes. Souvent l’insecte parfait ne possède, en échange de toutes ces facultés instinctives, que sa robuste enveloppe, l'agilité de ses pieds, la rapidité de ses ailes. Tant la sagesse et la bonté su- prêmes se révèlent dans la dispensation de leurs dons ! L'instinct dont les larves se servent pour s’abriler, se mani- feste dans une progression très-distincte ; il est ordinairement fort obtus dans celles qui éclosent et résident dans la terre ou dans l'intérieur des végétaux ou des animaux ; elles ÿ sont natu- rellement à couvert ; mais celles qui vivent en plein air et qui sont exposées au froid, au chaud, au vent, à la pluie, et à la voracilé de nombreux ennemis, emploient mille moyens pour s’y soustraire. Elles naissent quelquefois avec des formes ou des couleurs protectrices, et leur instinct se borne à se dérober à la vue de leurs ennemis, tantôt en se donnant, par leur attitude sur les arbres, l'apparence de petits rameaux {1), tantôt en se posant sur le lichen ou la mousse des écorces, colorés comme tt (x) Les Chenilles arpenteurs. Moyens dont se servent les larves pour se préserver de leurs ennemis. (320 elles (1). Plus favorisées encore, il y en a qui, comme les Camé- iéons, paraissent changer de couleur suivant le terrain sur lequel elles se trouvent. Ainsi, une espèce de Mantes du désert de l'Égypte est brune, si on l’observe sur une terre brune ; si, plus loin on se trouve sur un sol couvert de débris de coquilles ou de pierres calcaires, éblouissantes de blancheur, les mêmes Insectes participent de cette couleur argentée et se confondent avec les aspérités du sol. Les larves des petites Cigales du saule {2} se mettent à l'abri des rayons du soleil en s’enveloppant de l’écume blanche qu’elles élaborent de la sève ; celle du Criocère du lys se rend un objet de dégout pour les Insectes carnassiers en se couvrant de sa fiente, et souille cette belle fleur dont il relève plus tard la blancheur par la couleur purpurine de ses élytres. Les Cassides emploient aussi ce moyen, mais avec plus de raffinement. Elles ont à l'extrémité du corps une sorte de four- chette qui se relève horizontalement au-éessus du corps dont elle atteint la longueur. Elles font passer leur fiente sur cet ap- pareil qui les couvre sans les toucher et leur sert de parasol. Une espèce (3) de cette tribu se sert de ces sales matériaux avec une grotesque élégance. Elle en forme une sorte de bouclier convexe formé de filaments noueux disposés en cercles concentriques. Les Hémerobes, plus bizarres encore, se font un manteau des dépouilles des Pucerons qu'elles ont dévorés, horrible trophée de leur voracilé, qu'elles élévent en jetant d'un coup de tête sur leur dos ces restes de leurs victimes. Les Céroplates qui vivent sur les Agarics ont l'instinct de re- (r) Les Chenilles des Noctua nupta, etc. (2) Dans le reste de ce chapitre sur les larves, nous nommerons les insectes sans répéter que c’est dans cel état que nous les considérons. (3) Décrite dans les Annales du Muséum et dans le Dictionnaire pittorrsque d'Histoire naturelle. ( 324 ) vêtir d'une couche de soie Le plan sur lequel elles se posent ; en marchant, elles s'assujétissent à tapisser l'espace qu'elles par- courent, et lorsqu'elles se fixent, elles construisent un pavillon qui les recouvre entièrement (1). Un grand nombre d'Insectes et parliculièrement les Chenilles des petits Papillons nommés Teignes, s'abritent dans des four- reaux, tantôt fixes, tantôt portatifs, dont l'extrémité antérieure est ouverte, de sorte que leur tête et leurs pieds peuvent en sortir. La plus grande diversité règne dans ces abris. Ce ne sont quelquefois que des feuilles réunies par quelques fils, ou roulées en corueis; d’autres fois c'est un tissu de soie sans mélange; souvent la soie ne fait que lier des parcelles de diverses sub- stances, telles que plumes, laine, crin, feuilles, bois, lichens, ré- sine, sable. La forme de ces fourreaux ne varie pas moins que la malière (2) : ils sont tantôt faconnés en nacelle (3), arrondis en cylindre, tantôt déprimés, portant une arête longitudinale , dentée en scie; les uns se contournent en crosse de pistolet, a ————_ (1) Suivant les observations de M. L. Dufour, cette Tipulaire sécrète par les filières buccales, une mucuosité gluante qui est reprise en sous-œuvre par une caroncule anale qui, fonctionnant comme une iruelle, l’étend en forme de ruban. (2) Les fourreaux des Psychés sont aussi de soie et recouverts des parlies de différents végétaux. Ces matières varient suivant les espèces, et permettent par là à l’entomologiste exercé de les reconnaître à la livrée particulière de chacune d'elles. Ainsi l'habit de quelques-unes est revêtu de parcelles de feuilles imbri- quées ; celui de quelques autres est garni de particules d'herbes, de genêts ou de bruyères; plusieurs montrent le leur chamarré de lambeaux de lichen ow de mousse. La femelle est aptère et ne quitte pas son fourreau. Merck. Suivant une observation de M. Bois-Duval , les Chenilles des Psychés , lors- qu'elles doivent produire un mâle ; Se retournent dans leur fourreau au moment de la métamorphose , de manière à ce que la tête de la chrysalide se trouve placée à l'ouverture postérieure du cocon. Dans le cas où c’est une femelle qui doit naître , qui sera sans ailes et qui ne sortira pas de son fourreau, la Chenille ne se retourne pas en vue de la fécondation future de l'individu adulte qui dépose ensuite ses œufs dans le cocon de Ja Chenille. (3) Pyralis quercana, 21 ( 322 ) d’autres en hélices; ceux-ci se recourbent en corne et sont enve- loppés depuis leur base jusqu’à la moitié de leur hauteur de petites pièces membraneuses rangées par étages les unes au dessus des autres comme les volants des robes de nos dames (1) ; ceux-là sont enveloppés à leur base de deux appendices sem- blables aux valves d’une coquille. Un fourreau de soie est parfois recouvert d'un manteau ouvert d'un côté et dont le tissu forme des écailles nombreuses et transparentes comme celles des pois- sons (2). Quelquefois c’est un hamac suspendu au moyen de deux fils dans un cocon renfermé lui-même dans une feuille de tremble roulée en cornet. Quelques larves aquatiques se construisent aussi des four- reaux, ou se creusent des demeures tubuleuses dans l'argile. Celles de quelques Éphémères ont ce dernier irstincl, qui se mo- difie d’une manière singulière : les Lubes ordinairement simples, se composent parfois de deux branches parallèles, communiquant ensemble dans le fond par un coude. Celles des Phryganes, après avoir tissé un cylindre de soie, le recouvrent de pierres, de feuilles, de bois, de coquilles, en se servant exclusivement de l’un de ces matériaux, et elles les mettent en œuvre, tantôt d’une manière grotesque, tantôt avec beaucoup d'art, tel que le fourreau où la Lenticule présente une mosaïque en spirale aussi élégante que régulière. Une Chenille aquatique (3) file une coque de soie sur les feuilles et vit submergée dans une cavité pleine d’air, comme l’Araignée que nous avons mentionnée, et, chose singulière, la tête peut sortir de cette cavité et y rentrer sans donner passage à l’eau. Les abris que se font les Insectes sont quelquefois communs à de nombreuses réunions d'individus : (x) Les Adèles. (2) La Teigne pallidatella. (3) Hydrocampa. ( 323 ) Telles sont les grandes toiles que se construisent de concert les Chenilles des Bombyx du chêne, du pin {1}, si remarquables encore par leurs longues processions. Celles du chéne se singu- larisent par l'espèce de discipline qui règle leurs travaux, leurs promenades, leurs repas; renfermées dans de grandes bourses de soie qu'elles ont filées en commun, elles sortent chaque après- midi pour prendre leur nourriture, dans un ordre invariable; une seule d’abord, puis deux, puis trois, toujours sur la même ligne parallèle et toujours en augmentant de nombre. Elles ne s’'avancent jamais qu’en tirant un fil de la longueur de leur marche pour se tracer une route et revenir sur la même voie comme sur un tapis de soie. Celles du pin ne sont pas moins re- marquables par l'espèce du tic nerveux qui les agite toutes à la fois comme frappées d'une commotion électrique. Elles marchent sur un seul rang, à la suite les unes des autres, en se touchant si exactement par la tête et par la partie postérieure , qu’elles pa- raissent au premier coup-d'œil former une immense Chenille de 15 ou 20 pieds de longueur. On les croit d’abord immobiles ; mais en regardant attentivement, on voit qu’elles font toutes ensemble et à des intervalles de temps égaux, un mouvement progressif et saccadé d'environ une demi-ligne. À chaque saccade, toutes les têtes et toutes les parties postérieures font, sans se séparer, un petit mouvement à droite; alors la colonne avance. Après une petite pause, le même mouvement à gauche et une nouvelle saccade portent la colonne en avant. Si on touche la Chenille qui est la première de la file, elle se contracte en s’agitant vivement et la dernière de la file, y en eût-il 600, fait au même instant, ainsi que toutes celles qui le précèdent, le même mouve- ment (2). (r) Bombyx pithyocampa. (2) Godard, 11 en est de même de celles du Papillon Archelaüs du Brésil, Moyens dont les larves se servent pour se nourrir, Larves qui vivent de substances végétales. ( 324 ) D'autres Chenilles processionnaires, observées dans la Terre Van Diémen (1), et qui éclosent sur l’eucalyptus, marchent en cercle et se suivent l'une l’autre en rond pendant des heures entières. Lorsqu'on divise une grande bande en plusieurs, la marche est continuée en autant de cercles séparés. Parmi les moyens de défense que les larves opposent à leurs ennemis, nous mentionnerons encore les appendices de quelques Chenilles : telle est la queue fourchue de celle de ce nom, garnie d'épines, qui, si quelque chose inquiète l'animal, fait sortir de ses deux lobes un long tentacule charnu auquel il donne toutes les inflexions qu'il lui plait, et qui paraît servir de fouet pour écarter les Insectes qui veulent se poser sur lui et déposer leurs œufs sur son corps; telle est la corne que les Chenilles des Sphinx portent vers l'extrémité du corps, et le tentacule bifide que d’autres ont derrière la tête et qu'elles retirent à volonté. Une Chenille de la Nouvelle-Hollande s’arme à volonté de huit faisceaux d’aiguillons dont la blessure est extrêmement doulou- reuse. Le Diable cornu du platane (2), cette grande Chenille américaine , porte derrière la tête plusieurs longues épines qu’elle relève et secoue d’un air menaçant quand elle est in- quiétée. Les larves, sous le rapport de la nourriture, se divisent en deux grandes sections : les unes se nourrissent de substances végétales, les autres de substances animales. Les larves qui se nourrissent de substances végétales rem- plissent un rôle bien important à l'égard des plantes, si l'on.en juge par leur incalculable mullitude, par l'extrême diversité qui se mettent eu mouvement la nuil, placées côte à côte, en colonnes serrées. Si l’on en touche une, elle s’agite anssitôt, et toutes les autres limitent à l'instant. (1) Observation de M. Ewing. (2) Cerocampa regalis, ( 325 ) d'action qu’elles exercent sur toutes les parties de la végétation et par la manifestation d’un instinct, soit vital, soit animal, plus ou moins remarquable. Leur destination parait être de modérer l’exubérance de la sève et de mettre des bornes à la multiplica- tion des plantes qui envahiraient la surface du globe et le ren- draient inhabitable à l’homme et aux animaux. Cependant, elles nous nuisent souvent en dévastant nos plantations, nos cul- lures, nos récoltes, résultat de l'accumulation que nous faisons de plantes de la même espèce dans nos champs ou dans nos bois, ce qui détermine une multiplication excessive des Insectes qui ieur sont propres, multiplication à laquelle l’agronomie apprend à mettre des bornes. Nous commencerons par les larves qui vivent de la substance des champignons. Elles appartiennent à divers ordres d’Insectes et particulièrement aux Coléoptères et aux Diptères dont elles forment plusieurs familles. Le nombre considérable de leurs es- pèces est en rapport avec celui de ces singuliers végétaux. Aucun d'eux n'est à l’abri de leur voracité. La truffe elle-même, quoique souterraine, nourrit celle d’une sorte de mouche {1}. Elles y vivent, soit solitaires, soit en société, et montrent quel- quefois un inslinet remarquable. Celle du Céroplate (2), munie d'une filière à la bouche, revêt d'une couche de soie le plan sur lequel elle marche. et, lorsqu'elle se fixe, elle construit un pa- villon qui la recouvre. Un grand nombre de larves dévorent les racines des végétaux. Celle du Hanneton, sous les noms de Verblane, de Man, n’est que trop connue par les dévastations qu’elle cause, tant dans les forêts que dans les champs, attaquant la plupart des plantes, et aussi avide des racines que l'insecte parfait l’est du feuillage. D'autres attaquent les plantes au collet et les détruisent au (1) Helomyza tuberivora. (2) De la famille des Tipulaires. ( 326 ) moment où commence la germination. Tels sont le Cryptophage de la betterave (1), l’Altise du lin (2), si préjudiciables à l'agri- culture. Il y en a qui rongent les tiges herbacées el qui nuisent quel- quefois à nos récoltes. C'est ainsi que la larve du Chlorops (3), naissant à la base de l’épi du froment, creuse un sillon dans le chaume en descendant jusqu’au premier nœud qu’elle ne pour- rait probablement pas percer, mais auquel elle arrive lorsque son développement est terminé. Les tiges du seigle sont attaquées par la larve du Céphus (4) . qui, née à la base, pénètre à l’intérieur, et monte en rongeant la substance médullaire et en perçant les nœuds quelquefois jusques près de l’épi. Arrivée alors au terme de sa croissance, elle descend jusqu'à la racine, scie la paille, ferme le tuyau qu'elle occupe par un tampon de sciure, et se file une coque de soie où elle se transforme en nymphe et passe l'hiver (5). Les liges de l’avoine restent quelquefois courtes et tuméfiées (x) Cet insecte ravage tellement les semis de betteraves à sucre, qu'il oblige les cullivateurs de ressemer jusqu’à trois à quatre fois le même champ, jusqu’à ce que le temps de l’éclosion de leurs larves soit passé. La multiplication excessive de ces insectes provient surtout de ce que l’on fait produire de la betterave pen- dant plusieurs années consécutives dans la même terre, (2) La multiplication des Altises est tellement considérable dans la commune de Lestrem, que j'habite, que les cultivateurs ne peuvent récolter du lin qu’en prenant jour entre eux pour le semer simultanément. Ceux qui le font isolément le voient dévorer par toutes les Altises du canton qui se réunissent sur ce point et qui font perdre la récolte. (3) Chlorops lineata , de la famille des Mouches. (4) Les Céphus sont des Hyménoptères de la famille des Tenthrèdines (Mouches à scie), dont les larves (fausses Chenilles), qui rongent ordinairement le feuil- lage, ont des pieds. Les larves du Céphus, par une exception singulière, sont apodes , ce qui est en harmonie avec leur vie dans l’intérieur des tiges. (5) I en résulte que les épis attaqués restent droits à cause de la légèreté des grains altérés. ( 327 ) par la présence de la larve de l'Agromyze {1,, qui y creuse un sillon en hélice, en dessous de l’épi, et s'oppose ainsi au passage de la sève. Les épis de l'orge sont aussi infestés par des larves de Chlo- rops (2) qui, au nombre de six à dix, dans chacun, détruisent les organes de la fructification ; et ceux du blé, par les larves d'un plus grand nombre encore de Cécidomyies {[3). Ces déprédateurs des céréales, auxquels il faut joindre l’Alucite du blé, et surtout la Calandre, sont des ennemis que nous devons combattre par tous les moyens que nous fournit la science. Cependant nous avons de puissants auxiliaires dans les Ichneu- monides qui déposent leurs œufs sur ces Insectes, et dont les larves vivent en parasites de leur substance. La sagesse suprême a dit aux êtres vivants comme aux flots de la mer : « Vous n'irez pas au-delà (4). Le tronc des arbres n’est pas moins en proie aux larves des lusectes que la tige des herbes. Des forêts entières périssent quelquefois par les ravages qu'elles commettent sous l'écorce des chênes, des hêtres, des frênes, lorsque l’ircurie ou l'igno- rance laissent un libre cours au progrès du mal, aux générations toujours plus nombreuses des Insectes rongeurs. C’est parmi les Coléoptères que se trouvent les plus grands déprédateurs. Les Xylophages, les Longicornes, les Héiéromères, les Sternoxes pa- raissent n'être pourvus d'élytres que pour garantir leurs ailes contre la rudesse du bois où ils doivent se mouvoir. Le Sco- (1) Observation de M. Dagonet. Les Agromyzes sont des Diptères voisins des Chlorops. (2) Chlorops Herpinii , Guériu. Observation de M, Herpin. Nous y avons aussi trouvé les larves de l’Oscinis cornuta. (3) C'est la Cecidomyia triticr. (4) Les pâturages du Jura ont été dévorés en 1833, au point de ne pouvoir y mettre le bétail, par la chenille du Moctua segetis et la larve de la Galeruca tanaceti. La première dévorait les racines et la seconde l'extrémité de l'herbe. (328) lyte(f), le plus funeste de tous, pénètre sous l’écorce du chéne, en choisissant une fissure, il pratique dans la couche la plus récente du bois une galerie horizontale aux bords de laquelle il dépose une multitude d'œufs et revient mourir à l'entrée qui reste fermée par son cadavre, afin de prolonger au-delà de la mort même ses soins maternels. Lorsque les larves sont écloses, elles creusent chacune, les unes en montant, les autres en descendant, des sillons longitudinaux extrêmement rapprochés entre eux (2). Un Bupreste (3) dépose ses œufs sur le tronc des hêtres, en choisissant le côté exposé au midi pour les garantir des intem- péries et hâter leur éclosion. Les jeunes larves pénètrent dans le bois en ligne droite et perpendiculaire à sa surface. Afin de se préserver de toute alteinte extérieure, elles bouchent l'entrée de leur demeure, de manière à la rendre non-seulement inac- cessible , mais même invisible: car il faut de l'attention pour apercevoir sur l'écorce de petites taches qui ne dépassent pas la surface, et qui sont formées de détritus de bois, finement haché et fortement cimenté (4). Certaines larves (5), après s’être creusé des galeries sinueuses l'ans le tronc des chénes, se réunissent bout à bout en assez grand nombre dans une seule. afin, sans doute, de n'avoir qu’une seule (x) Le Scolyte pygmée. Plus de 50,009 pieds de chênes, âgés de 35 à 4o ans, sont morts et ont du être abattus dans l1 forêt de Vincennes en 1835 ; leur mort était due aux Scolytes. (2) Un Charencon (Pissodes notatus) a occasionné dans la forêt de Rouvroy, près de Rouen, des dégâts, en 1835, tels qu'on à été contraint d’abattre 190 hectares de bois. (3) Le Bupreste Manca. (4) Observation de M. Perris, En 1835, dans la forêt de Compiègne, des hètres, âgés de 9 à 6 ans, avaient l’aubier percé jusqu’au centre par de nom- breuses galeries parallèles et Jongitudinales, dans lesquelles vivaient des larves du Buprestis beroliensis, Observation de M. Audouin. (5) Le Platypus eylindrus. Observation de M. Perr's. ( 329 ) issue à pratiquer à travers le bois pour en sortir toutes lors- qu’elles seront arrivées à l'état aïlé. A ces exemples nous pourrions en joindre bien d’autres et citer les larves qui creusent des galeries sinueuses et obliques dans les souches des arbres : la Strangalie dorée, la Mélandrye à scie {1}. dans celles de l’aune, l'Hélops noir, dans celles du charme, de l’acacia (2). La larve de la Mordelle s’introduit dans le bois mort du peuplier et du chêne, à l'aide, non-seulement de ses mâchoires, mais aussi de l'extrémité du corps qui, terminé en pointe et muni d'aspérités, fait l'office de râpe pour polir la galerie. La nymphe de cette espèce n’a pas l'immobilité ordi- naire à cet état : de petites épines, placées aux segments du corps, lui donnent la faculté, par les contorsions qu'elle se donne, d'avancer dans ses galeries, de se rapprocher de l’ou- verture et de se dégager plus facilement de son enveloppe pour passer à l’état ailé. Elle se défend contre les moinéres excita- tions en roulant sur elle-même comme une broche !3). Une multitude de larves dévorent le feuillage : telles sont les Chenilles si fatales à nos vergers, à nos potagers, à nos vignes. Il suffit de citer la Pyrale pour rappeler les ravages dont elle dé- solait la Bourgogne avant que la science entomologique vint les arrêter ; mais aussi il suffit de nommer le Ver à soie pour recon- naitre en lui une compensation à ces ravages par le bienfait de son industrie si admirablement utilisée par l'industrie humaine. (1) Observation de M. Perris. (2) Observation du même. (3) Observation de M. L. Dufour. La nymphe du Pyrochroa, qui se trouve seus l’écorce du bouleau, du chêne, du noyer, est douée de la même mobilité, également à l’aide de spinules qui garnissent son corps el que Von retrouve géné- ralement aux nymphes des Coléoptères qui ne sont pas enveloppées d'une coque. (Observation de M, Goureau. } M. L. Dufour a trouvé aussi de: larves de l'OÆdemera dispar dans les fibres décomposées d’un madrier de chêne. (380 ) D'autres larves n'attaquent que le parenchyme des feuilies et viventen mineuses entre les deux membranes qui en forment les surfaces. Telles sont les Phytomyzes, les Pégomyes, les Agro- myzes (1), qui trouvent ainsi le vivre et le couvert dans l’épais- seur des feuilles les plus minces, réduites souvent en pellicules transparentes. Un grand nombre de larves infestent les fruits et les graines, et paraissent destinées à restreindre la fécondité surabondante des végétaux dans les organes mêmes de la fructification. Nous ne citerons que le Charancon des pommes, celui des noiseltes, celui de la graine du trèfle , l'Ortalis des cerises, la Siphonelle des noix, le Dacus de l’olive, le Cératitis de l'orange, le Cynips de la figue, dont la présence hâte la maturité de ce fruit, suivant une opinion {rès-ancienne qui a donné lieu à un procédé conpu sous le nom de caprification, longtemps usité dans celle vue par les Grecs et encore en usage dans quelques iles de la Grèce. Ce procédé consiste à suspendre aux branches des figuiers cultivés des chapelets de fruits du figuier sauvage, habités par ces Cynips, qui, lorsqu'ils en sortent, vont piquer, pour y déposer leurs œufs, les figues placées à leur portée. Il y a quelquefois un instinct remarquable dans les précau- tions avec lesquelles les larves pénètrent dans les graines Celle de la Bruche des poix, des fèves, des lentilles, après sa sortie de l'œuf que sa mère a déposé sur une gousse, perce celle-ci et pé- nètre dans l’une des graines qu’elle contient, non en se frayant directement une voie à l'intérieur, mais en parcourant quelque espace entre le colytédon et son enveloppe avant de se diriger vers le centre. Par cette manœuvre, la loge qu'elle creuse et agrandit peu à peu, est sans contact immédiat avec l'ouverture par laquelle elle est entrée , et elle se trouve plus en sûreté (2). (1) Dipières. (2) Observation de M. Andouin. (331) Une petite Chenille habite au centre de la tête du chardon bonnetier. L’écorce de cette plante étant fort dure, le Papillon nesaurait sortir de sa retraite, si la Chenille n'avait soin de percer les paroïs de sa cellule vis-à-vis l'extrémité de sa coque; mais pour prévenir les incursions d’un ennemi, elle va prendre sur la tête du chardon quelques-unes des graines qu’elle porte et elle les assujétit à l'extérieur du trou que sa prévoyance a pra- tiqué pour la sortie du Papillon. Ces graines, ainsi disposées, permettent la sortie et interdisent l'entrée [1). Une Chenille de la Nouvelle-Hollande (2) a l'instinct de se ca- cher d’une manière remarquable. Elle éclot d’un œuf déposé sur l'écorce d'un arbre, pénètre immédiatement dans la tige en y forant une cellule cylindrique dans laquelle clle établit sa rési- dence. Elle en assure l'entrée en filant un couvercle convexe. Cette porte est attachée fortement à l'extrémité supérieure, tandis que l'inférieure reste libre de manière que la Chenille (r) Les larves des Pamphilies, qui vivent sur les abricotiers , ne peuvent mar- cher, et se tiennent toujours sur le dos, tendant autour d'elles des ceintures de soie qu'elles fixent contre le plan de position, Elles avancent ou reculent en glis- sant par les mouvements des anneaux de leur corps contre ces ceintures placées de distance en distance, et c'est ainsi qu’elles se transportent d’un lieu à un autre. Si elles sont forcées d'abandonner momentanément leur domicile, elles se suspendent à un fil de soie qu’elles dévident en descendant à terre; la manière dont elles remontent le long de ce fil, est très-singulière. Elles commencent par en attacher le bout au milieu de leur corps , puis elles s’entourent d’une ceinture de soie et glissent dedans jusqu’à ce qu’elles y aient placé l'extrémité du corps. Alors , avant de s’en dégager entièrement, elles s’en font un point d'appui, pen- dant qu’elles fixent plus haut, autour d'elles, une seconde ceinture dont elles se servent également pour s'élever ; elles continuent ainsi de remonter, tracant de nouveaux échelons séparés par des intervalles qui n’excèdent pas la moitié de leur longueur et tonjours glissant dans ces ceintures par le mouvement vermicu- laire des anneaux de leur corps (*). (2) Celle du Cryptophasia irrorata, Lewin, mentionnée par Swainson. (*) Jehan. (33%) peut passer et repasser à volonté. Après le coucher du soleil, le prudent solitaire sort pour se pourvoir de subsistance, il coupe des feuilles et les trans :orte une à une à l'entrée de sa cellule, dans laquelle il se glisse à reculons, en ouvrant la porte avec la partie postérieure du corps et trainant après Jui la feuiile qu'il tient avec ses mächoires par l'extrémité du pétiole jusqu’à ce qu'eile soit entrée dans sa cellule. Cette laborieuse occupation est continuée toute la nuit; mais, à l'approche du jour, il se repose dans sa retraite, et commence tranquillement son repas. Un Papillon (4) pond ses œufs sur la tige de l’arundo phragmites, roseau à balai. Les petites Chenilles pénètrent dans l'intérieur et se nourrissent de la moëlle. Lorsqu'elles sont devenues assez grandes et qu'elles ne peuvent plus y vivre, elles percent leur demeure commune pour se répandre sur les plantes environ- nantes. Chacune de ces Chenilles s'introduit dans une nou- velle tige en perçant un trou dans une des articulations supé- rieures. Elle y vit quelque temps de la moëlle de roseau, et quand elle vient à en manquer, elle perce un second trou par où elle sort La Chenille pourrait alors changer de roseau et aller habiter la partie la plus tendre d’une nouvelle ‘plante ; mais la sige économie de la nature s'oppose à ce gaspillage. Elle descend donc le long de la même tige et y choisit à un ou deux pieds de la partie submergée la retraite où s'opéreront ses der- nières mues c{ sa transformalion. Elle y entre par le bas de l'articulation, à deux ou {rois pouces du nœud. Lorsqu’elie y est entrée, elle travaille à boucher le trou avec les rognures du ro- seau et en les collant ensemble. Quand le temps de sa transformation approche, elle monte vers le haut de l'articulation. Là elle ronge un espace ovale, destiné à faciliter sa sortie quand elle sera devenue Papillon, en laissant (1) Nonagria paludicoia, observé par M. Güuënée, de Châtenuroux, ( 333 ) en son entier lépiderme du roseau dans ioute la largeur de son trou. Pour plus de sûreté, elle compose avec les débris du roseau qu'elle vient de ronger, un plancher immédiatement au- dessus de son trou. Enfin elle descend de deux à six pouces plus bas ; elle y forme, pour soutenir sa chrysalide, un nouveau plan- cher très-léger et là elle se change en nymphe. Mais le phénomène le plus remarquable que présentent les larves des Insectes dans leurs rapports avec les végétaux, est la formation des excroissances connues sous le nom de galles, et produite sur les diverses parties des plantes par la présence des œufs ou des larves elles-mêmes, qui détermine l’afflux de la sève. Cedernier mode, qui manifeste si hautement la bonté su- prême en faveur de ces petits êtres, offre le spectacle singulier de l'ordre, de la régularité, de la convenance, provenant d'une déviation accidentelle des sucs végétaux, d'une perturbation, d'un désordre dans l'organisme végétal. ! y règne aussi une di- versité et une progression bien remarquables. La boursouflure des feuilles des péchers, des groseilliers, produite. par la piqûre des Pucerons, montre le point de départ ; ensuite viennent les feuilles opposées du buis que les Psylles arrondissent en globe creux, hermétiquement fermé ; les pétioles des feuilles du peu- plier noir, qui, se dilatant et se contournant en hélices par la succion des Pucerons, finissent par former également des loges sphériques dans lesquelles des centaines d'individus vivent en sécurité. Le plus souvent les galles ne contiennent qu’une seule larve, quelquefois deux ou plus, habitant ensemble (1) on dans des cellules, soit séparées (2), soit communiquant les unes aux autres (3). L'ordre qui règne à l’intérieur n’est pas moins re- (1) La galle du groseillier, (2) Celle du Serratula arvensis. (3) Celle du Rubus cæsins, (334) marquable au dehors. La plupart des galies prennent des formes régulières et souvent élégantes : elles figurent des fleurs (1), des baies (2), des graines (3), des fruits (4) ; quelquefois même avec des saveurs agréables : telles sont les galles du lierre terrestre, que recherchent les enfants, et celles de la sauge pomifère, qui se vendent à Constantinople. L'une d’elles nous est d’une haute utilité : c’est la noix de galle, à laquelle sont si redevables les sciences, le commerce, les arts et tout homme qui a un ami ab- sent (5). On doit peut-être compter au nombre de ces produc- tions la célèbre pomme de Sodome, image des plaisirs criminels qui charment les sens de toutes leurs séductions. mais qui ré- duisent le cœur en cendre et n’y laissent de vivant que le ver rongeur (6). Les larves dont toutes ces excroissances sont le berceau , et qui y trouvent sécurité et abondance, appartiennent générale- ment aux Diptères et surtout aux Hyménoptères. Une Punaise (7) détermine le gonflement de la fleur de la germandrée (8), qui reste fermée pour lui servir d'asile. Un Charançon (9) détermine sur l’ajonc (10) la production de tumeurs semblables à des grains de chapelet paraissant enfilés par les tiges. Les Cécidomyies (11) font naître des protubérances sur diverses plantes , telles que le tithymale, le lychnis, l’aristoloche, le génèvrier, le (1) La galle du saule. (2) Celle en grappe du chêne, (3) Celle de l’ajonc. (4) Celle en forme de poire du pavot. (5) Kirby. (6) On croit, mais sans certitude, que cette porme est le fruit d’une espèce de Solanum, (7) Tingis clavicornis. (8) Teucrium chamædris. (9) Apion ulicicola. Observation récente de M, Perris. (10) Ajonc nain. (11) Genre de Diptères, ( 335 pin, le saule. Les galles de ce dernier sont ces roselles que nous voyons à l'extrémité des branches, seule végétation qui reste à cet arbre pendant l'hiver. Une petite Mouche (1) dépose un œuf sur un bourgeon du chiendent. Ce bourgeon s’allonge , se renfle en fuseau et se revêt d’écailles symétriquement imbriquées. Une Téphrite (2) produit sur les tiges d'une espèce de chardon d’épaisses tumeurs en forme de melons. Enfin, le plus grand nombre des galles sont dues aux Cynips, et elles sont si diver- sifiées que le chêne seul en produit un grand nombre d'espèces parmi lesquelles on croit voir des pommes, des grappes de gro- seilles, des boutons de fleurs, des {êtes d’artichaut, des cham- pignons. Parmi les larves qui se nourissent de substances végétales , je mentionne enfin celles qui, sous lenom de Heerwurm ef par leurs immenses agrégations et leurs migrations , ont excité l’étonne- ment, la stupeur des populations de la Scandinavie. Pontoppidan en a parlé comme d’un phénomène rare, propre à la Norwége. Dans les épaisses forêts de bouleaux, on croit apercevoir un étrange animal , ayant la forme d’un serpent , quelquefois long de 20 mètres, rampant avec la lenteur de l'escargot, franchissant ou tournant les obstacles, laissant sur le sol humide une longue traînée qui indique son passage : c'est une colonne en marche, de la largeur de la main, de l’épaisseur de deux à trois doigts, composée de myriades de petits vers agglutinés, grimpés les uns sur les autres ; rencontre-t-elle une pierre ? elle se divise souvent dans sa longueur en deux bandes qui se réunissent bientôt après. La queue de la colonne se trouve-t-elle par accident séparée de la tête, elle la rejoint à marche forcée. La tête par hasard vient-elle à toucher la queue, elle forme alors un anneau qui roule longtemps sur lui-même. (x) Lonchæa parvicornis (Diptère). Observation récente de M. Perris, (2) Chardon hémorroïdal, Serratula arvensis, Larves qui vivent de substances animales. ( 336 ) Des observations ont démontré que ces Vers étaient des larves d’une espèce de Moucheron (1); mais on ignore encore Ja raison de ces migrations; nous croyons par analogie que ces larves se réunissent, comme les Chenilles processionnaires, pour chercher un lieu favorable à leur métamorphose. Les larves qui se nourriseent de substances animales sont inertes ou actives. Les premières trouvent dans le berceau que leur a donné leur mère une proie morte ou vivante. Les unes, comme la Mouche de la viande, naissent sur les dépouilles mor- telles. Elles ont la mission d'en hâter la dissolution, et elles y mettent tant d'activité que, grâce à la fécondité et à la succes- sion rapide de leurs générations, Linnée a pu dire que trois Mouches dévoraient le cadavre d'un cheval aussi vite qu'un Lion pourrait le faire ; d’autres, telles que les Ichneumons , les Tachines, éclosent dans le corps des Chenilles ; ils en absorbent la substance sans offenser les organes nécessaires à la vie, n'en occasionnent la mort par épuisement que lorsqu'ils sont parvenus au terme de leur développement, et contribuent ainsi à en res- treindre la multitude et à mettre desbornes à leurs dévastations. Dans cette grande famille des Tachines, quelques espèces ont l'instinct de préparer pour nourriture à leurs larves la proie d’autres insectes. C’est ainsi qu’au moment où les Philanthes, les Crabrons et d’autres Hyménoptères fossoyeurs ont porté dans leurs souterrains les Abeilles , les Charençons, dont ils se sont emparés pour servir de pâture à leurs propres larves, de petites Tachines (2) au front d'argent, épiant l'instant favorable, se glissent furtivement dans ces retraites, et déposent leurs œufs sur ces victuailles destinées à d’autres convives. Leurs larves, plus hâtives, en font leur curée et réduisent les autres à mourir (x) Sciara thomæ , Diptère de la fanulle des Tipulaires, (2) Les Métopies. ( 337 ) d'inanition. Cet instinct est accompagné de la plus grande agilité, de l'opiniatreté et de l’audace nécessaires à ce brigandage , et, d'un autre côté, les Hyménoptères, frappés de crainte ou de stu- peur , n'opposent aucune résistance à leurs ennemis , et, quoi- qu'ils fassent une guerre incessante à divers insectes , jamais ils n’attaquent ceux dont ils ont tant à se plaindre, et qui cependant n’auraient aucune défense à leur opposer. Un grand nombre d’autres larves se développent aussi en parasites sur divers insectes el souvent avec des circonstances singulières : celle d’une Mouche brillante vit, comme la hideuse Mouche-Araignée , sur les petits des Hirondelles (1). La femelle de la grande Scolie au front jaune s'attaque à la larve du grand Oryctès nasicorne , la blesse toujours dans un point donné et dépose un œuf dans la blessure qui reste ouverte et laisse la larve paralysée. Celle qui vient d’éclore introduit la partie antérieure du corps dans celui de sa victime et en dé- vore peu à peu la substance sans en offenser les téguments exté- rieurs, qui conservent, quoique vides, leurs formes primitives (2). Les larves des Volucelles naissent dans les nids des Bourdons, dont elles dévorent les larves. Leurs mères , pour y déposer leurs œufs , semblent tromper la vigilance de leurs ennemis, dont elles ont la forme et les couleurs, pour s’'introduire frauduleu- sement dans leurs souterrains. Celles des Conops subissent leurs métamorphoses dans le corps des mêmes Insectes et en sortent par les intervalles des segments de l'abdomen , particularité que présentent aussi les larves des Rhypiptères (3), parasites des Guépes , et dont le type organique (2) Observation de M. L, Dufour. (2) Observations de M. le marquis Spinola. (3) Les Rhypiptères sont caractérisés par des ailes plissées en éventail, des élytres recouvrant plus ou moins les ailes, et. en avant des élytres, de deux 22 (338 ) a nécessité, pour les trois espèces connues jusqu'ici, la formation d’un ordre qui marche de front avec ceux dont les cent mille espèces répandent leurs myriades d'individus sur tout le globe ; tant la chaîne des êtres est inégale dans ses anneaux, tantôt faible ruisseau, tantôt immense océan. Les larves des Méloès présentent encore un singulier exemple de parasitisme : écloses dans la terre, elles montent sur les fleurs et s'attachent au corps des Abeilles qui viennent y puiser leur pâture. Celles-ci les emportent dans leurs ruches où les jeunes Méloës établissent leur demeure et subsistent de la nourriture préparée pour les Abeilles (1.) D’autres larves vivent en parasites comme les vers intestinaux dans les bestiaux : ce sont les OEstres, dont l'introduction dans le corps de ces animaux est quelquefois si singulière. L'OËstre du bœuf insère un grand nombre d'œufs sous le cuir du dos ; les larves qui en proviennent s’y développent, y attirent les humeurs par la succion, y produisent des tumeurs assez analogues aux galles végétales, et en sortent pour se retirer dans la terre et y passer à l’état de Nymphe. L'OËstre des moutons (2) dépose ses œufs dans les narines de ces bestiaux, et les larves , à leur nais- sance, se mellent en mouvement, avancent à l'intérieur et pé- nètrent jusqu'aux sinus maxillaires et frontaux, où elles de- meurent jusqu'à leur sortie (3). L'OEstre des chevaux, doué d’un instinct bien plus singulier encore, fixe ses œufs sur les épaules petits corps crustacés , mobiles, en forme de petites élytres, rejetés en arrière, étroits , allongés , dilatés en massue et courbés au bout. (1) Observation de M. Newport, qui ajoute : la croissance de cette larve est rapide , et sa forme change totalement ; elle perd ses antennes, ses jambes, tous ses appendices extérieurs , et devient, avant de se changer en nymphe, un corps épais et apode. Après sa métamorphose, l’insecte parfait reste dans sa cellule, sous terre, pendant l'hiver, et n’en sort qu’au printemps. (2) Cephalemyia vis. (3) La larve de la Cephenemya trompe, vit dans les sinus frontaux du renne. (339) ou à la partie interne des jambes de ces animaux. Que deviennent les larves ? le cheval , en se léchant, les enlève à peine écloses, et les porte à la bouche, d’où elles arrivent à l’estomac, s’y cramponnent pour n'être pas entrainées avec les aliments (1), s’y agglomèrent souvent en se suspendant en grappes et s’y nour- rissent de chyme. Ce qui accroît encore le merveilleux de cet instinct , c’est que les OEstres choisissent les bestiaux les plus sains et les plus jeunes pour leur confier leurs œufs , et que les larves, loin de leur nuire, les maintiennent en bonne santé ; celles qui habitent dans l’esto- mac des chevaux facilitent la digestion; celles qui vivent dans les tumeurs des bœufs leur procurent une suppuration salutaire (2). De ces diverses larves qui se nourrissent de substances ani- males et dont la vie est intérieure et plus ou moins inerte , nous passons à celles qui vivent de proie, à l'extérieur , avec plus ou moins d'activité, et dont l'instinct s’élève graduellement à une hauteur inconcevable. A la base de cette série se montrent les larves des Syrphes , qui naissent sur les tiges couvertes de Puce- rons, et qui, bien qu'aveugles et sans pieds, en font un grand car- nage, en allongeant la tête de côté et d'autre, et en perçant leur proie stupide de leur dard à trois pointes. Celles des Hémerobes, armées de leurs mandibules creusées en pompes aspirantes, dé- vorent aussi les Pucerons. Celles des Libellules cherchent insi- dieusement leur proie au fond des eaux , en approchent lente- ment, et tout-à-coup elles la saisissent en allongeant leur masque perfide qui s’ouvre en deux larges serres. Quelques-unes vivent aux dépens des Colimaçons ; c’est ainsi que la larve du Drile (1) Ces larves respirent par le moyen de stigmates, qui sont recouverts par des espèces de lèvres évidemment destinées à les protéger contre les sucs qui se trouvent dans l'estomac, (2) Observations de Réaumur et de Clark , l'un des vétérinaires les plus savants de l'Europe. ( 340 ) lorsqu'elle a choisi sa victime (1), monte sur la Spire, s’y accroche et attend patiemment que l’Hélice sorte de sa coquilleetse mette à ramper. Alors elle se glisse sous le manteau du Mollusque dont elle fait sa proie, et elle en dévore plusieurs autres de Ja même manière, avant de passer à l’état de Nymphe (2). D’autres s’insinuent sous les écorces ou dans le bois, à la recherche des Insectes qui paraissaient le plus en sûreté, et elles re- restreignent ainsi leurs dévastations. Celle du Notoxe va décou- vrir les Vrillettes dans les trous dont elles criblent nos boiï- series (3). Celle du Sirex géant, que l’on a accusée longtemps de dévaster Jes forêts de pins, est enfin réhabilitée et reconnue au contraire comme un des Insectes les plus utiles à ces forêts en (1) Cette observation , faite primitivement par M. Mielzinski, à été renouvelée par M. Picard , d’Abbeville, enlevé récemment aux sciences naturelles. Cet excel- lent observateur ajoute que, lorsque cette larve s’est renfermée définitivement dans une coquille , elle en nettoie l’intérieur avec un soin étonnant, et au moyen des bouquets de poils qu’elle porte sur les côtés du corps, elle rejette au dehors une sanie noire et fétide , produit de la décomposition d’une portion de l’Hélice. (2) Plusieurs autres larves d’insectes vivent en parasites dans les Hélices : on a signalé celles d’un Mélanophore, d’une Anthomyie (A. Canicularis). Les Osmies, qui font leurs nids dans les fentes des murs, les établissent quelquefois aussi dans les coquilles. La larve du ver luisant a été observée par M. Goureau. Il en trouva uné qui attaquait une jeune Limace. Elle essaya à plusieurs reprises de la mordre et de la renverser ; mais le mucus abondant que sécrète ce Mollusque le tenant fortement attaché au sol, elle ne put y parvenir d’abord. Alors elle étendit son abdomen en arrière dans toute sa longueur, fit soxtir le mamelon frangé qu’elle porte à l’extrémité du corps, et elle l’épanouit sur le sol pour y prendre un appui plus ferme, et tiraut à elle la Limace qu’elle avait saisie avec ses mandibules, elle parvint, après diverses tentatives, à la renverser; elle la traîna ensuite en reculant et en répétant la mème manœuvre, De temps en temps elle lâchait prise, et courbant son abdomen, elle faisait passer l’ongle d’une de ses pattes dans la frange de son mamelon , comme pour le nettoyer, et lorsque ce moyen n’était pas suffisant, elle se servait de ses mandibules, (3) Observation de M. Aubé, qui ajoute que lorsque cette larve a dévoré un de ces insectes, elle sort du trou qui le renfermait et se rend dans un autre qu'elle sait agrandir au besoin pour atteindre sa proie. (311) faisant une guerre incessante aux Scolytes , ces funestes dépré- dateurs des arbres résineux (1). La larve du Staphylin (2) se creuse un trou profond , à l'ou- verture duquel elle se tient en n'y cachant que son abdomen sans défense. De là, elle se jette sur tous les Insectes qui passent à sa portée. Celle de la Cicindéle (3) renchérit sur cet instinct en construisant un trou semblable, dont elle dissimule l'ouverture à fleur de terre en y tenant sa tête quiesttrés-large et écailleuse. Quand un Insecte vient à passer sur cette espèce de piége la larve, en inclinant brusquement la tête par un mouvement de bascule , Je fait tomber au fond du trou et en fait sa proie. Celle du Ver- Lion (4), vermiforme et très-flexible, fait dans le sable de petits enfoncements coniques. Pour y parvenir, elle lance le sable en courbant son corps et le débandant comme un ressort ; ensuite cachée au fond de ce trébuchet , elle y attend le moment où quelque insecte y tombe , lève brusquement la tête, serre sa victime dans les replis de son corps et la dévore. Enfin celle du Fourmilion , trop célèbre dans les fastes entomo- logiques pour la décrire encore , nous rappelle sa conformation anomale qui la contraint à une marche rétrograde, désavantage compensé par tant de facultés physiques et instinctives : Ia mobi- lité des articles des tarses , la flexibilité du cou, la forme aplatie de la tête, la conformation en pompes à siphon des robustes man- dibules, et bien plus, l'usage qu'elle fait de ces moyens d'action; l'industrie avec laquelle elle forme son entonnoir par ses marches concentriques et en chargeant sa tête, à l’aide de l’une de ses pattes (5), de grains de sable qu’elle rejette au dehors; l'adresse et ER ———_—__ (1) Observation commencée par M. Je comte Lepelletier de Saint-Fargeau et vérifiée par M. le marquis Spinola. (2) Observation de M. Leer, rapportée par M. Lacordaire. (3) Observation de M. Desmaretz, rapportée par M. Lacordaire. (4) Observation de Degeer. (5) Lorsque la patte employée est fatiguée , celle qui lui correspond la rem- Précautions dout les larves se servent avant de passer à l’état de nymphe. (342) la persévérance (1) qu’elle metà transporter sur son dos les pierres trop pesantes pour les jeter, sa patience à attendre, les pinces ou- vertes , qu'un Insecte tombe dans le piége , et la vivacité avec laquelle elle lui lance une grêle de sable lorsque, s’accrochant sur le talus, il fait des efforts pour remonter. C’est ainsi que la Providence prodigue à cette larve les lu- mières de l'instinct pour la dédommager du désavantage de sa conformation sous le rapport de la locomotion. Lorsque les larves sont arrivées au terme de leur dévelop- pement, elles ont la prescience de la métamorphose que la plu- pari d'entre elles doivent subir et de l'état d'inertie dans lequel elles vont (tomber. Alors elles commencent à prendre des précau- tions simples ou compliquées pour se mettre à l'abri du danger, et dont quelques-unes nous intéressent à un haut degré. Les unes se bornent à se retirer sous la terre ou dans le bois , ou à rester à découvert en s'aftachant à quelque branche à l'écart, les autres se renferment dans des cocons ordinairement de soie, et diversifiés à l'infini. Celles qui restent à découvert sont particulièrement les Che- ailles des Papillons diurnes, qui avant de passer à l'état de Chry- salides , prennentles précautionsles plus ingénieuses pour assurer leur tranquillité; les unes se suspendent verticalement par la queue (2) , les autres, après avoir pris le même moyen, se ga- rottent transversalement au moyen d’une ceinture de soie ; et ces opérations hérissées de difficultés se font avec un art, un tact, une complication qui semblent le résultat de longues médi- place ; mais pour cela il faut que la larve traverse l'aire en ligne droite et qu’elle reprenne au point opposé ses circonvolutions eu sens inverse (Jehan.) (1) On l’a vu répéter jusqu'à sept fois de suite cette même manœuvre, offrant ainsi aux yeux du spectateur étonné et presque allendni , une image bien naturelle de l’infortuné Sysiphe. (Jehan.) (+) Le papillon lo, ete, (343) tations. Pour se suspendre , la Chenille commence par fixer sur le lieu qu’elle a choisi un petit monceau de fils de soie présen- tant à sa surface un grand nombre de boucles ; elle y accroche ses pattes postérieures ; ensuite la Chrysalide, après s'être tirée de la dépouille de la Chenille par les contractions de son corps, parvient à s’y suspendre elle-même à l'aide de crochets dont sa queue est pourvue, et avec des efforts et une apparence de péril qui émeuvent le spectateur (1). Celles qui se font des ceintures s’y prennent de plusieurs ma- nières différentes, et non moins industrieuses, soit en fixant de nombreux fils de soie de chaque côté du plan de position du corps, en y portant alternativement la tête (2), soit en se glissant sous une ceinture qu’elles ont filée d'avance (3). Les larves qui se préparent à passer à l’état de Nymphes en se fabriquant des retraites n’y emploient guères que la soie, mais avec une diversité infinie et une industrie quelquefois rivale de la nôtre, à laquelle elle fournit de précieux matériaux. Les unes, déjà revêtues de fourreaux comme celle des Friganes, se bornent à en fermer l'ouverture par un grillage. Une multi- tude d’autres se forment des cocons tantôt de diverses substances liées avec des fils de soie, tantôt de soie sans mélange. Les pre- mières emploient des grains de sable, des parcelles de feuilles, (1) « Quand la Chrysalide est entièrement hors de la peau de la Chenille, » elle saisit entre deux segments de son abdomen , comme avec une pince , une » portion de cette peau; elle s’en sert en quelque sorte comme d’uue échelle, et » arrive enfin à l’éminence soyeuse qui doit lui servir de support. » Lacordaire. (2) Le Papillon du chou. (3) Le Papillon Machaon. Les Chenilles du Polyommate Argus, qui, comme toutes les espèces de la mème tribu , ont le corps très-court et rigide . après avoir courbé leur tête d’un côté et fixé un fil, se redressent , ct, par une manœuvre difficile à décrire , passent leur tête sous ce fil, qu’elles attachent de l’autre côté et qu’elles poussent sous leur corps jusqu’à ce qu'il en occupe le milieu , en con- tractant et dilatant tour-à-tour leurs auneanx, (34 ) d'écorces, de la résine , les poils même dont elles sont revêtues. Parmi celles qui se servent de ce dernier moyen, nous citerons la petite Chenille qui se nourrit de lichen et qui forme son cocon en plaçant ses poils debout l’un à côté de l’autre, aussi régulièrement que les pieux d’une palissade, et lesunitaumoyen de quelques fils qui les obligent à se courber et à former une sorte de toit à leur sommet. Une larve qui vit sur le pin maritime (1), s'établit dans le sillon que forme la feuille , se couvre d'une voûte de résine , artistement arquée, sous laquelle elle se forme ensuite un cocon de soie. Celle du Charançon de la Scrophulaire (2) n'emploie pas cette substance, mais une humeur visqueuse, d’unelnature analo- gue, qui transsude de la peau, couvre tout le corps d’une couche transparente à l’époque dela métamorphose et s'épanche sur la tige à laquelle l’insecte reste fixé. Ensuite la larve, en diminuant d'épaisseur , se dégage de celte couche, qui prend l'apparence d’une vessie et qui lui sert d’abri. Enfin elle pousse l'instinct jusqu’à vernir les parois intérieures de sa demeure d'un fluide dont le réservoir se trouve dans une pochesituée dans les derniers segments du corps, et qui est recucilli par les mandibules chargées de le mettre en œuvre (3). Celles dont les cocons sont entièrement de soie en diversifient de mille manières la texture. Souvent une enveloppe très-lâche en recouvre une très-serrée. Quelquefois le tissu semble de gaze ou de dentelle (4). Le cocon du Paon de nuit est construit en forme de nasse à double entonnoir, de manière à faciliter la sortie du Papillon , et à interdire l'entrée aux Insectes ennemis. Les (x) Celle de la Cécidomyie du pin, observée par M. L. Dufour. (2) Cionus scrophulariæ. (3) Observation récente de M. P. Huber , de Genève. (4) Les cocons de quelques Teignes et de Coléoptères, ( 345 ) précautions vont quelqufoïs au point de suspendre le cocon à un long fil qui l’isole (1). Les Chenilles qui vivent en société enveloppent leurs cocons individuels d’une toile, comme les Séricaires de Madagascar qui renferment souvent les leurs, au nombre de plus de 500, dans une enceinte de 3 pieds de hauteur. Enfin les cocons varient quelquefois de contexture suivant le sexe des Chenilles. Ceux des Vers à soie qui doivent produire des mâles sont un peu plus garnis de soie aux extrémités , et par conséquent plus arrondis que ceux des femelles (2). Mais tout cel intérêt s’efface devant celui qu’inspire la Chenille qui donne à l'homme son plus riche vêtement , qui fournit l’ali- ment de tant d'industries, qui a fait changer le nom de l'antique Péloponèse en celui de son arbre nourricier, et qui procure aux Chinois la matière, non-seulement de leurs somplueux Lissus, mais encore de leurs habillements de papier et de leurs maisons de carton. Les Nymphes et Chrysalides , généralement privées de mou- vement, présentent quelques exceptions singulières et quelques marques d'instinct que l’on ne s'attend pas à rencontrer dans cet état. Plusieurs trouvent des moyens de locomotion dans les con- traclions des segments du ventre et les pointes dont les bords sont munis. C’est ainsi que les unes montent et descendent alter- nativement dans leurs amples cocons (3) ; que d’autres, du fond de leurs retraites, gagnent l'ouverture quelquefois éloignée d’où l'Insecte ailé doit prendre son essor (4). Celles qui sont suspen- dues par la queue ont la faculté de tourner comme un fuseau eo mp ms (x) Celui de quelques Ichneumonides. La Nymphe qui y est renfermée à là faculté de faire des sauts prodigieux. (2) Lacordaire, (3) L’Hépiale du houblon. (4) Le Cossus Gâte-Bois. Nymphes et Chrysalides Insectes parfaits. (346 ) ets’en servent pour se débarrasser de la dépouille de la Chenille. Quelques-unes exécutent des sauts qui montrent une grande force musculaire. , Les Insectes, parvenus au terme de leur développement, se dégagent de leur dépouille de Nymphe et de leurs cocons , et cette opération est encore empreinte de l'instinct prévoyant des larves, qui , en filant ces enveloppes, ont laissé la partie qui répond à la tête moins solide et s'ouvrant au moindre effort. Quoique les Insectes parfaits aient généralement moins d’ins- tinct que les larves, ils en montrent beaucoup encore; c'est même dans cet état que les Insectes sociaux , et à leur tête , Les Abeilles, en sont si éminemment pourvus et qu'ils exécutent leurs travaux, prodiges d'industrie. Nous les considérerons dans leurs moyens de défense et de subsistance, dans leurs amours et dans les soins de la maternité. Leurs moyens de défense, bien moins nécessaires que dans l'état de larves , en raison de leurs téguments plus solides, des organes plus développés de leurs sens, qui les prémunissent contre les dangers, et surtout de la faculté de les éviter par la course ou le vol, consistent, tantôt, pour les moins agiles, à se laisser (tomber au moment où l’on va les saisir, tantôt à simuler la mort pour y échapper, ce qu'ils font quelquefois avec une imitation parfaite en étalant leurs membres , en les raidissant comme de véritables cadavres (1). 11] y en a qui se couvrent de poussière. Ainsi le font les Réduves de nos appartements rare- ment balayés , et celte précaution est tellement instinctive que, lorsqu'elles muent et qu’on leur ôte les moyens de se procurer (x) Les Géotrupes. La larve de l’Hydrophile non-seulement simule la mort comme tant d’autres, mais elle devient subitement flasque et molle, comme si elle avait cessé de vivre depuis long-temps. (Lacordaire). Cependant cet instinct n’est pas général dans les genres d'insectes où il se montre, et il est remarquable que lorsqu'on prend au filet la Zygène du Mélilot, il fait à l'instant le mort, tandis que ses congénères s’y débattent en voltigeant et en s’agitant sans cesse, ( 347 ) de nouvelles poussière , elles enlèvent laborieusement celle de leur dépouille pour s’en recouvrir (1). D'autres éloignent leurs ennemis en exbalant des odeurs, ou en sécrétant des fluides qui leur répugnent, ou même en lâchant des décharges d’une merveilleuse artillerie, dont l'explosion et la fumée produite par une liqueur volatile leur a valu le nom de tirailleurs ou de bombardiers (2). Un grand nombre cherchent leur sécurité en se creusant des terriers, comme les Courtilières, les Grillons , les Tridactyles. Ces dernières ont aux pattes antérieures une espèce de rateau et de truelle hérissée de poils, et, à l'aide des mandibules qui servent de pioches , elles creusent leurs souterrains , en raffer- missent les parois, et y appliquent le ciment le plus lisse (3). D'autres s’abreuvent de sucs végétaux : tels sont les Pucerons qui pullullent sur toutes les plantes, et dont la destination parait être de restreindre la sève dans de justes bornes. Leur organisme est remarquable par deux tubes situés vers l'extrémité du corps et desquels sort une liqueur sucrée qui sert de premier aliment à leurs petits, et qui, répandue si généralement sur le feuillage, parait constituer la miellée, et contribue en même temps à la substance d’une multitude d’Insectes. Leur fécondité est merveil- leuse. Les nombreuses générations qui se succèdent chaque année sont vivipares, à l'exception de la dernière, et ne contiennent que des femelles qui naissent fécondées comme leurs mères. La der- nière, en automne, comprend des individus des deux sexes ; ils s'unissent , et, cette fois, les femelles sont ovipares, et déposent (x) Observations de M. Brullé. (2) Les Brachines. | (3) M. L. Dufour, qui a fait cette observation, avait renfermé des Tridactyles dans un vase de verre pour les voir travailler. Lun d’eux sortit de sa retraite , se mit à récrépir toute la surface du verre, et se déroba ainsi à la vue de l’obsey- valeur. Nourriture des insectes. ( 348 } sur les tiges leurs œufs qui supportent les rigueurs de l'hiver, et qui sont l’origine de nouvelles générations annuelles. La Sagesse supréme a sans doute donné une mission bien impor- tante à ces petits êtres, puisqu'elle a modifié exclusivement en leur faveur les lois de la génération chez les Insectes, et qu'elle a étendu leur fécondité au-delà de toutes les limites connues. Les Insectes parfaits n'ayant pas d’accroissement à acquérir, etne prenant de nourriture que pour entretenir leur vie, ce besoin est généralement moindre que dans les larves ; il est même nul, ainsi que l'organe dela nutrition, dans quelques races, telles que les Éphémères, les OEstres , qui traversent rapidement cette phase de la vie. Les substances végétales ou animales sont le fonds ordinaire de la subsistance des Insectes parfaits comme des larves. Le suc des fleurs alimente la plupart de ceux qui sont munis d'une trompe; les uns se posent sur les corolles, les autres y enfoncent leurs longs siphons en planant au-dessus d’elles ; leurs essaims, si diversifiés de formes , de couleurs , de mouvements, font de chaque plante fleurie la scène la plus animée, et, quelle que soit la muliitude des convives, le banquet est inépuisable, sans qu'il résulte aucun dommage de ces innocents larcins. Seulement il arrive que l’épais Bourdon, après avoir fait de vains efforts pour pénétrer dans les corolles à long col et d'étroite embouchure, a l'instinct ou plutôt l'esprit de faire une ouverture à la base, à l'aide de ses mandibules, et d’insinuer sa trompe dans les nectaires. D’autres dévorent le feuillage , et nous ne connaissons que trop leurs dévastations. Les Hannetons, qui en sont aussi avides que leurs larves le sont des racines, ravagent les forêts, les dé- pouillent de verdure ; les Sauterelles, les Criquets , dans leurs fatales migrations , détruisent toute végétation , et Dieu les fit fondre sur l'Égypte, à la voix de Moïse, pour châtier Pharaon. Parmi ceux qui se nourrissent de substances animales , les ( 349 ) uns vivent sur les cadavres et en accélèrent la dissolution. Jamais anatomiste ne disséqua les muscles avec autant d'art, n’en décharna si habilement le squelette, jusqu'aux moindres arti- culations, que les Nécrophores, les Sylphes, les Staphylins , les Dermestes. D’autres vivent aux dépens des Insectes : tels sont les Carabes et surtout le Calosome Sycophante, qui nous délivre d’un si grand nombre de Chenilles (1) ; les Libellules ou Demoi- selles, ces infatigables chasseresses ; les Mantes, aux bras sup- pliants, aux serres rapaces , les Asiles , dont la trompe perce les corselets les plus épais , les Empis, ennemis des humbles Mou- cherons. Les autres s’abreuvent du sang des animaux supérieurs. Les Pupipares vivent en parasites sédentaires sur les Mam- mifères et les Oiseaux. Les OEstres et les Taons ne sont que trop connus par la guerre qu'ils font aux bestiaux , et Virgile lui- même les a décrits dans ces beaux vers : Est lucus silari cireà , ilicibusque virentem Plurimus alburnum volitans, cui nomen asilo Romauum est, Æstron graii vertêre vocantis,; Asper , acerba sonans ; quo tota exterrita sylvis Diffugiunt armenta, furit mugitibus œther Coneussus , sylvæque, et sicci ripa Tanagri. Le Cousin s'attaque particulièrement à l'homme ; il est au nombre des fléaux de la triste humanité : c’est pour se préserver de ses piqûres envenimées que le Lapon se frotte de graisse la figure et les mains et s’enveloppe d’une atmosphère de fumée, et ce dernier moyen paraît avoir donné naissance à l'usage du tabac, qui, avant de devenir ua symbole de la paix dans le calu- met des Caraïbes, et ensuite une ressource contre. l'ennui , une (1) M. Lamoureux, de Nancy, me dit un jour avoir observé que ces Insectes mettaient régulièrement douze minutes pour monter sur un arbre de son jardin, et en descendre avec une Cheuille, qu’ils dévorent probablement quand ils sont rentrés sous terre. Amours des insectes, ( 350 ) jouissance pour les oisifs, était brûlé sous la hutte de l’Indien pour chasser par son odeur cet odieux parasite. Les Insectes manifestent dans leurs amours des instincts , la plupart vitaux , qui montrent toute l'importance du résultat, la perpétuité des espèces. Leur forme adulte est adaptée à cette grande destination ; leur dernière enveloppe est leur robe nuptiale ; le rôle des deux sexes est généralement le même que dans les autres êtres animés : le mâle cherche, la femelle attire. Le mäle a les organes des sens et particulièrement les yeux et les antennes plus développés ; ceux de la locomotion, les ailes, les pieds ont plus de vigueur. La femelle, souvent cachée, trahit sa présence par des émanations, soit odorantes, soit lumineuses, quelquefois inaccessibles à nos sens. C’est ainsi que, si l’on trans- porte au centre d'une ville une femelle de papillon de nuit, les mâles quittent la forêt voisine, et arrivent en foule, attirés par l'odeur qu’elle -exbale. Celle du Cébrion se divulgue de la même manière dans le berceau souterrain où elle est éclose, et qui devient son lit con- jugal avant qu’elle en sorte pour déposer ses œufs. Il en est de même de celle d’un Papillon (1), qui reste renfermée dans sa coque ; mais qui y pratique une ouverture par laquelle la fécon- dation s'opère ; ensuite elle ferme l'ouverture , et dépose ses œufs dans la coque, par couches entremélées des poils blancs de son abdomen. Celle du Lampyre, connue sous le nom de Ver luisant , reléguée dans l'herbe par sa forme aptère, allume le soir son fanal de phosphore (2) et indique sa retraite aux mâles dénués de lumière, mais pouvus d'ailes. On peut croire que d’autres femelles d’Insectes répandent une (x) Observation de M. Saporta. (3) Les Lampyres du nord de l’Europe répandent une lumière continue, égale ét tranquille , tandis que l’espèce italienne, la Luciole, en répand une scintil- lante, qui jaillit, pour ainsi dire, par étincelles. (351) lumière qui, imperceptible à nos yeux, favorise également leurs amours , el , c’est ainsi que l'on explique l’ardeur avec laquelle les Noctuelles mâles, par une fatale erreur, se jettent dans la lumière de nos flambeaux et même dans les flammes, croyant poursuivre l’objet de leurs désirs (1). Le même attrait d’un sexe pour l’autre donne lieu au vol im- pétueux des uns, aux danses aériennes de beaucoup d’autres. C'est souvent au sein des airs que les Insectes s'unissent , el quelquefois avec des circonstances bizarres. Nous avons vu dans de belles soirées d’été des milliers de couples d'Empis (2( tour- billonner auprès des eaux, chaque femelle, tenant en même temps au bout de (1) Les Fourmis brunes, (376 ) tions de la température extérieure et détermine les Fourmis à transporter les œufs, les larves et les nymphes d’un étage à un autre, suivant le degré de chaleur qui leur est nécessaire. Les Fourmis qui construisent leurs demeures en bois (1) pé- nêtrent dans l'intérieur d'un arbre, en rongeant ‘la substance ligneuse, quelle qu’en soit la dureté. Elles y creusent une mul- titude de galeries, de loges, de chambres séparées par des cloi- sons et des colonnes qui supportent les plafonds d'un étage su- périeur, de sorte que le tronc entier de l'arbre ‘est quelquefois sculpté de cette manière et présente plusieurs centaines d’étages (2) superposés avec plus ou moins de régularité. Les cloisons et les colonnes sont aussi disposées avec une certainesymétrie parce qu'elles suivent les couches concentriques el parallèles du bois, etil en résulte, quand le regard peut pénétrer dans la profondeur de l’un de ces étages, une vue d'intérieur qui rappelle les vastes basiliques aux nombreuses colonnades, au demi-jour mysté- rieux, où les yeux disposent l'âme au recueillementet à la prière. D'autres Fourmis (3) s’établissent dans des arbres creusés par le temps et construisent leurs édifices avec la vermoulure qu’elles trouvent à la base, et qui, humectée de leur salive, reprend la solidité du boïs. Des Fourmis du Brésil (4) emploient les feuilles d'orangers ; mais nous ne connaissons encore que la manière dont elles se servent pour les recueillir. Des milliers d’ouvrières montent à l'arbre, attaquent les feuilles, en coupent le pétiole et les font tomber comme au soufle des vents d'automne, tandis qu'une (1) La Fourmi fuligineuse et quelques autres. (2) Chaque étage ayant 5 à 6 lignes de hauteur, il y en a au moins 24 par pied, et un tronc de 30 pieds de long peut en présenter 720. (3) Les Fourmies jaunes et éthiopiennes. (4) L’Atta (œcodoma) cephalotes, Observation du M. Eund. (377 ) autre troupe postée sous l’arbre, les découpe et emporte les fragments. Des Fourmis de l'Inde (1) bâtissent leurs nids sur des branches d'arbre avec de la bouse de vache. Elles leur donnent une forme ovale et en composent l'extérieur de feuillets disposés comme les tuiles d’un toit, mais dont l'extrémité se relève en arcades et forme des issues et des entrées protégées contre les pluies. L'inté- rieur, construit dans le même système, présente une ingénieuse distribution de chambres d’autant plus grandes qu’elles se rap- prochent davantage du centre : les nombreux étages en sont oc- cupés par rang d'âges des membres de la société : les œufs sont déposés dans le bas; les larves plus haut, les nymphes dans la partie supérieure. Une grande salle centrale est réservée pour la femelle, qui est seule, dit-on, chargée de propager la popula- tion et qui, après la fécondation, y est retenue captive par les ouvrières, afin d'assurer à l’état les fruits de sa fécondité. Parmi les Fourmis qui construisent leurs habitations avec des matériaux variés, les mieux connues sont celles (2) qui élèvent dans les bois des monticules, amas confus, à l'extérieur, de brins de bois, de paille, de feuilles, de petits cailloux, de coquilles, de graines; et ces dernières, dont elles ne font aucun usage ali- mentaire, ont sans doute donné lieu à la haute réputation de prévoyance dont elles jouissaient dès le temps :de Salomon , longtemps avant qu'on y reconnüt leurs véritables droits. Elles mélangent ces substances avec la terre qu’elles extraient du fond de leurs fourmilières, pour former des galeries et des cases sem - blables à celles que nous venons de décrire, mais aussi irrégu- lières que les matériaux en sont hétérogènes. Toutes ces galeries aboutissent à une grande salle dont la voûte est composée de 1) La Myrmice de Kirby. ) (2) Les Fourmis fauves. (378 ) poutrelles artistement enchevétrées. Cette salle est sans cesse le rendez-vous d’une population affairée. C’est le forum de la république. Les galeries communiquent aussi aux ouvertures multipliées qui sont pratiquées dans un ordre circulaire à la surface du monticule, depuis le faite jusqu’à la base. Ces Fourmis ont l’ins- tinct de se barricader le soir. Aux dernières heures du jour, elles rentrent en travaillant à leur sécurité; on voit graduellement les avenues qui mènent à la cité se rétrécir, s’obstruer de tout ce qui peut arrêter l'ennemi : les portes sont barrées, grillées, mas- quées; le repos a succédé au travail, la solitude à la foule ; quelques sentinelles seules restent au dehors pour répandre l'alarme en cas de danger. Cependant, au point du jour plusieurs éclaireurs sortent pour s'assurer de la tranquillité extérieure et même pour inspecler la température. Si la journée s'annonce menacante, ou sombre, pluvieuse, on reste renfermé ; si tout est calme et serin, la population ne tarde pas à se remettre en mouvement. Peu à peu les portes se rouvrent, les entraves sont rejetées sur les côtés, les avenues se dégagent, s’élargissent; travailleurs, pourvoyeurs se remettent en campagne et l’exté- rieur du monticule présente de nouveau l'aspect le plus animé. En voyant la grande diversité avec laquelle les Fourmis cons- truisent leurs demeures , qui ne croirait qu'elles différent entre elles autant par leurs formes que par leurs habitudes ; et que chaque espèce présente des modificalions organiques appro- priées à leurs travaux ; il n’en est rien cependant. Elles ne se distinguent le plus souvent que par la grandeur ou les couleurs et elles sont d'accord avec ce principe de Cuvier , trop généra- lisé par son auteur, que l'instinct n’a aucune marque visible dans la conformation de l'animal. Outre les construrtions principales qui constituent les four- milières, ces Insectes en font de secondaires qui ont générale- ment rapport aux Pucerons, leurs animaux nourriciers , et qui ont pour objet de s'en assurer la jouissance exclusive. Non ( 379 } contentes de les transporter dans leurs habitations , et de les établir sur les racines qui y pénètrent, elles en prennent quel- quefois possession sans les déplacer, en les enfermant sur les tiges mêmes qu'ils habitent , dans des sphères ou des cylindres de terre creusés en cases artistement façonnées, el qui, plus ou moins rapprochées des fourmilières, en sont pour ainsi dire les pares ou les étables. C’est ainsi que les Pucerons du tithymale, du chardon, du plantain (1), du groseillier (2), se trouvent par- fois investis dans d’étroites clôtures, privés de la lumière et de la liberté, mais protégés contre leurs nombreux ennemis et livrant tous les trésors de leurs sécrétions à leurs jaloux envahisseurs. Les combats quese livrent les Fourmis sont de diverses natures, sans être jamais des guerres civiles comme chez les Abeilles el les Guêpes. Ils ont pour objet, soit de détruire l'ennemi, soit de l’asservir. Leurs armes sont leurs redoutables mandibules, le venin, c’est-à-dire, cet acide formique, si pénétrant , qu'elles lancent contre leurs adversaires, et, dans quelques espèces, l’aiguillon acéré qu’elles leur plongent dans le corps. Les habi- tants de deux fourmilières voisines, se trouvant trop rapprochées pour se procurer leur subsistance , se font une guerre acharnée, avec une tactique variée suivant les espèces. Tantôt ce sont de petites bandes qui se mettent en embuscade et qui tombent à l’improviste sur les maraudeurs isolés. Un corps plus nombreux marche-(-il contre elles ? des courriers vont demander des secours à la fourmilière , et il en sort des forces supérieures pour les combattre. Tantôt deux armées innombrables avancent l’une contre l’autre et se livrent une bataille rangée. Le choc est violent, une mêlée furieuse commence ; des luttes corps-à-corps (1) Voyez l'ouvrage d'Huber. (2) Nous avons vu des Fourmis travailler à une enveloppe de terre qui parais- sait destinée à entourer le sommet d’une tige de groseillier dont les feuilles reco- quillées étaient couvertes de Pucerons. ( 380 ) s'engagent ; le carnage est grand; longtemps le combat se main- tient.également ; enfin la victoirese déclare; les vainqueurs pour. suivent leurs ennemis jusques à l'entrée de leur fourmilière, et souvent le résultat du combat est l’émigration des vaincus. Par- fois il arrive que les Fourmis qui se combattent ainsi sont de la même espèce etelles montrent alors un tact admirableà distinguer, malgré la similitude, parfaite à nos yeux, de forme et de couleur, leurs ennemis d'avec leurs amis. Il arrive cependant des mo- ments d'erreur. Dans l'ardeur du combat, elles attaquent quel- quefois l’une des leurs ; mais presque aussitôt elles reconnaissent leur méprise, et la réparent par les mouvements les plus cares- sants de leurs antennes. Dans la plupart des Fourmis guerrières, il y a deux espèces d'individus neutres : ceux chargés de tous les trayaux et com- posant le gros de l’armée quand ils se mettent en campagne ; d'autres, en petit nombre, d’une taille supérieure et paraissant remplir les fonctions de chefs. « PJacés sur les flancs descolonnes, » on les voit marcher en avant, puis revenir sur leurs pas : » s'arrêter un instant comme pour voir défiler la troupe, tra- » verser quelquefois les rangs, enfin se porter en hâte partout » où leur présence paraît nécessaire , lorsque, par exemple , » l'armée rencontre quelque obstacle sur sa route. Nous les » avons vus même grimper sur les plantes et regarder de ce » point élevé le passage de leurs troupes (1). La guerre qui a pour objet de faire des esclaves n’est propre qu à un petit nombre d'espèces connues (2), et constitue l’un des instincts les plus singuliers que la Providence ait donnés aux animaux. Une cohorte nombreuse sort d'une fourmilière, se (1) Lacordaire. (2) Le Polyergue roussâtre , la Fourmi sanguine. C’est dans les nids des Four- mis caniculaire et obscure qu’elles vont enlever les larves et les nymphes. Plu- sieurs espèces exotiques ont aussi cet instineL. ( 381 ) dirige vers une autre d’espèce différente, y pénètre non sans une vive résistance , en faisant de larges brèches à la surface ; elle en sort peu après, chaque individu tenant entre ses mâchoires une larve ou une nymphe d’ouvrière de la fourmilière envahie, et elle emporte ce butin dans ses propres foyers. Ces larves et ces nymphes, soignées par leurs ravisseurs, atteignent le terme de leur développement , et aussitôt après, elles s'occupent, en auxiliaires zélées , des travaux domestiques de l'habitation en- nemie, devenue leur patrie adoptive , tandis que leurs maitres ne prennent désormais d’autre soin, indépendamment de ceux de la maternité chez les femelles, que d'augmenter par de sem- blables expéditions la population de leur fourmilière (1). Des Fourmis du Brésil font une guerre semblable à une espèce qui se compose de deux sortes d'ouvrières de grandeur différente; mais, au lieu deslarves et des nymphes, elles enlévent les ou- vrières même, de la plus grande espèce, dans un but qui n’est pas encore connu ; mais probablement pour en faire également des ilotes. ————————————————— (2) Les Fourmis qui font des esclaves sont si indolentes, excepté dans leurs expéditions guerrières, qu’elles en sont dépendantes pour tous leurs besoins, et que ceux-ci paraissent souvent être les maîtres et éxercent à leur tour une autorité sur elles. C’est ainsi qu'ils ne leur permettent pas de soïtir seules ou avant le temps convenable; qu'ils les maltraitent lorsqu'elles rentrent sans provisions , et qu'ils les foreeut de sortir en les trainant dehors. M. Huber, pour s’assurer de ce que feraient ces Fourmis , réduites à leurs propres forces, en renferma trente dans une boîte vitrée, avec des larves et des nymphes de leur espèce, excluant les esclaves et plaçant un peu de miel dans un coin de leur prison. Il est difficile de le croire, mais elles ne prirent aucune nourriture, et, quoique d'abord elles donnassent quelque attention à leurs larves, les portant cà et là, elles les déposèrent bientôt comme un fardeau trop pesant. La plupart d’entre elles mou- rurent en moins de deux jours, et celles qui restèrent en vie paraissaient extré- mement faibles et languissantes. A la fin, ayant pitié de leur situation, M. Huber introduisit un seul esclave , et cette petite créature active rétablit l’ordre par sa présence ; elle fit une case dans la terre, y placa les larves, aida les nymphes prêtes à se développer, et préserva de la mort les Fourmis qui vivaient encore, (382 Un autre genre d’expéditions occupe quelquefois les Fourmis: c’est l'émigration lorsque les vivres sont devenus rares : l’ini- tiative en est prise par un seul individu qui, après en avoir touché un autre de ses antennes, le porte suspendu par les mächoires, et roulé autour du cou, de la fourmilière à l'endroit proposé. Là, il le dépose, revient avec lui et l’un et l’autre, après s'être chargés de nouveaux individus, retournent au nouvel établisse- ment et ainsi de suite jusqu’à la translation complète de la colonie. On y voit aussi les esclaves transportant les œufs, les larves , les nymphes et même les membres indolents de la fourmillière (1). Si les Fourmis ont leurs guerres, elles ont aussi leurs jeux. Elles suspendent quelquefois leurs travaux et sortent de leurs nids pour jouir de la chaleur du soleil. Réunies en multitudes au- dessus des fourmilières, elles se livrent à des exercices différents selon les espèces : tantôt elles courent çà et là, tenant une de leurs compagnes entre leurs mandibules , et la déposent ensuite sans lui faire le moindre mal; tantôt elles font des cavalcades, montées l’une sur le dos de l’autre, le cavalier tenant sa monture par le cou et l’embrassant de ses jambes (2) ; quelquefois elles s'abordent en agitant leurs antennes avec rapidité; elles se tapent légèrement les joues de leurs pieds antérieurs, et après ce pré- ambule, elles se lèvent sur leurs pieds de derrière, et luttant par couples comme deux jeunes chiens, en se saisissant par une man- dibule, par une jambe , par une antenne , elles s’étreignent , se culbutent , s’enlèvent tour-à-tour , et puis , elles lâchent prise pour recommencer avec d’autres. La persévérance est le trait caractéristique de ces Insectes; c'est par elle surtout qu'ils exécutent des travaux qui semblent si supérieurs à leurs forces ; ils en ont dunné, dit-on, uue lecon (1) Huber. (2) Formica rufa. (383) bien malheureuse pour l'humanité à l’un des plus grands rava- geurs de provinces qui aïent épouvanté le monde. Tamerlan, au commencement de sa Lerrible carrière , venait d’essuyer une défaite, celle peut-être où il reçut les deux blessures qui le pri- vèrent de l'usage d’un bras et d’une jambe , et il s'était réfugié la nuit dans une masure en ruines, où, plongé dans ses réflexions, il se demandait s’il devait s'arrêter ou persévérer dans ses projets d’envabissement, Ses regards errants tombèrent sur une Fourmi (1) qui, chargée d’un grain de blé plus grand qu'elle, s'efforçait de gravir un mur. Le grain tomba; la Fourmi des- cendit, le reprit et recommença son voyage vertical; le grain retomba et i Insecte le reprit encore. Le Tartare , continuant à observer ce manége, compta 69 tentatives infructueuses, et, faisant un retour sur lui-même, il allait renoncer à des efforts qu'il jugeait inutiles d’après l'exemple qu'il avait sous les yeux, lorsquela Fourmi, dans une soixante-dixième ascension, parvint au haut du mur et à sa destination. De ce moment la conquête de l'Asie fut résolue, et, fléau de Dieu comme Attila , Tamerlan remplit sa mission comme un lorrent dévastateur. Les Fourmis dont nous venons d'esquisser l’histoire, particulié- rement d’après leur célèbre historien, M. Huber, ne sont passeu- lement douées d’un instinct prodigieusementavancé, mais encore d'un degré de discernement que l’on ne saurait méconnaitre. Dans toutes leurs actions, elles montrent une liberté, un choix de moyens, une connaissance des circonstances éventuelles, qui ne peuvent exister que par la faculté du raisonnement. Dans leurs constructions nous voyons à la fois l'instinct de l’archi- tecture dans l’ensemble d’une fourmilière et l'appréciation des mille parties qui lacomposent, et dont chacune porte l'empreinte d’une volonté individuelle, indépendante et déterminée souvent (1) Quarterly review. Aug. 1816, ( 384 ) par la rencontre fortuite de matériaux favorablement disposés. Ainsi le hazard a-t-il arqué un brin d'herbe, ou coudé un fétu de paille , une Fourmi en prend occasion pour en faire la voüte d’une galerie, ou le toit d'une case nouvelle , et quelques-unes de ses compagnes, adoptant son plan , se joignent à elle pour continuer son travail. Dans leurs expéditions guerrières, ou dans leurs excursions pour se procurer leur subsistance, la diversité des moyens qu’elles prennent pour arriver à leurs fins, atteste également les ressources de leur imagination. Nous avons souvent à lutter avec elles d'adresse , de ruse , d'invention, de persévé- rance, pour défendre nos provisions debouche contre leur rapa- cité, et nous ne triomphons pas toujours. Voilà la Fourmi telle que la science actuelle, bien imparfaite encore (1), nous la fait connaitre. Observée dès les premiers âges du monde, chaque découverte successive l’a montrée plus digne d'attention ; elle est devenue l’objet de l'admiration des contem- plateurs de la nature. La divine Providence l’a proposée, par la bouche de Salomon (2), pour modèle à l'homme insoucieux de son avenir; elle l'a destinée, par toutes les observations mo- dernes, à lui révéler l'intelligence souveraine sous le gazon qu'il foule aux pieds, comme les astres la proclament dans les profon- deurs de la voûte céleste (3). (1) Nous ne pouvons douter que nos connaissances sur les Fourmis ne soient encore bien faibles, en découvrant de nouvelles mœurs dans chaque espèce nou- vellement observée. (2) Le Paresseux, va vers la Fourmi} considère ses voies et deviens sage, Les Proverbes. VI, 6. (3) L'histoire des Fourmis présente encore quelques autres particularités. Ces insectes $ont quelquefois attaqués d’une maladie par l’effet de laquelle ils perdent la faculté de se diriger en ligne droite ; ils ne peuvent marcher que dans un cercle très-étroit et toujours dans le même sens, Une femelle, renfermée dans un pou- drier, prit cette manie et faisait environ mille tours par heure. Elle tourna constamment pendant sept jours et sept nuits. Il est assez remarquable de voir quelques animaux supérieurs, tels que les ( 385 ) TERMES. Cependant, commesi cette manifestation ne devait pas suffire et. qu'elle ne füt pas accessible à tousles yeux, la sagesse su- -prême la reproduisit en de plus grandes dimensions dans d’autres Insectes. Les ‘lermès , sous le rapport-de l'instinct et de la plu- part des habitudes, ont les rapports les plus intimes avec les Fourmis, quoique, par une grande singularité, ils appartiennent par leur organisation à un autre ordre d’Insectes, à celui des Névroptères. Ces rapports sont Ja. vie sociale en communautés perpétuelles ; la diversité des fonctions réparties entre plusieurs sortes d'indi- vidus ;, les habitations construites avec art et diversité ;lesexeur- sions faites avec tactique à l’aide d’une espèce de langage ;- la perte des ailes après la fécondation, la formation de nouvelles sociélés : Les différences consistent principalement dans la nature di individus qui composent la communauté; autant qu'on peut en juger par les connaissances encore incertaines que nousen avons. Une femelle, un mâle, des travaillears qui sont les larves aptères etiensuite les nymphes pourvues de rudiments d’ailes, soit de mâles, soit de femelles; enfin, des soldats qui, selon cette der: nière, opinion, seraient les larves des mâles (1). Il résulte de Fourmiliers, $e nourrir exclusivement de ces inséctes, et pourvus pour cela d’une langue cylindrique, longue y rétractilel, :glutineuse, qu’ils enfoncent dans les fourmilières etretirent couverte de Fourmis. Enfin le fond des fourmilières sert d’asile à plusieurs races d'insectes qui s si développent et paraissent y être attirés par la témpérature élevée qui y règne : tels sont les Myrmiechixènes, genre de Coléoptèrés. ‘Les Célyphés, Diptères, se trouvent à Calcutta, dans les conduits des Fourmilitres et sur les buissons avec les Fourmis qui y font leurs nids et paraissent vivre avec elles. (1) Gette opinion est celle de M. Guérin dans une Monographie qui n’est pas encoreypubliée: Cependant M. Lacordaire prétend que les soldats parviennent à l’état parfait et prennent des ailes qui tombent ensuite. 25 | 386 ) cette composition sociale que tous les travaux de la communauté sont exécutés par ses membres encore incomplètement dévelop- pés. Les Termès diffèrent encore des Fourmis par leurs aliments qui consistent en substances solides, au lieu de fluides, confor- mément à la nature de leurs organes de nutrition, et particulière- ment en des gommes dont ils font des approvisionnements. Ils en différent enfin par le nombre infiniment supérieur des indi- vidus qui composent les sociétés et par la grandeur de leurs ha- bitations. La fécondité de la femelle est telle que son abdomen rempli d'œufs, s'étend au point d’avoir 1500 ou même 2000 fois plus de volume que le reste du corps, et que la ponte qui est d’au moins 80,000 œufs par jour peut durer deux ans. Leurs habitations sont diversifiées selon les espèces ; mais nous n’en connaissons encore qu'un bien petit nombre, quoique ces Insectes paraissent répandus dans tous les climats chauds : les unes (1) se présentent sous la forme de monticule conique, haut de dix à douze pieds et d’une solidité telle que les taureaux sauvages de la Cafrerie s'en servent quelquefois comme d’obser- vatoires pour découvrir leurs ennemis. L'intérieur, qui s’agran- dit encore en s’enfonçant sous le sol, présente au centre une grande cellule dans laquelle les Termès renferment la femelle et le mâle, en y laissant seulement des ouvertures par lesquelles les travailleurs seuls peuvent passer pour leur apporter de la aourriture et pour emporter les œufs de la première. Autour de cette cellule centrale il y en a une multitude d’autres, commu- niquant entre elles par des galeries qui montent en spirale du bas jusqu’au sommet. On remarque même un pont qui, de cette cellule, s'élève obliqaement aux supérieures et franchit ce grand espace en une seule arche, soutenue par de solides arcs-boutants. De ces nombreuses cellules, les unes sont occupées par les diffé- (1) Celle du Termès fatal, de Smeathman , de la côte occidentale d’Afrique. ( 387 ) rentes classes de la communauté, d'autres récoivent les œufs et les jeunes larves avant qu'elles prennent part aux travaux ; le resle sert de magasins pour les subsistances. Les galeries inté- rieures communiquent à un grand nombre d’extérieures et sou lerraines, qui s'étendent au loin et se divisent en nombreux ra- meaux avant de déboucher à la surface. D'autres Termès (1) donnent à leur habitation la forme d’une lour surmontée d'un toit qui déborde comme Je chapiteau d’un champignon ; d'autres (2) s'établissent dans le creux des arbres, et ce sont particulièrement les espèces du midi de la France; d’autres encore (3) bâtissent au sommet des arbres et composent leurs énormes nids, irrégulièrement Sphériques, de parcelles de bois liées avec de la gomme. Le nombre incalculable des individus qui composent ces s0- ciétés, et leur voracité, qui s'étend à tout ce qui est susceptible de leur servir d’aliment, rendent les Termès très-redoutables dans plusieurs parties du globe et particulièrement dans l'Amé- rique méridionale et l'Afrique. Ils le sont d'autant plus qu'ils opèrent leurs dévastations d’une manière clandestine en cachant leurs agressions par des marches souterraines et en minant dans les ténèbres toutes les substances qu'ils rongent et surtout les poutres des habitations. Ils n’en laissent d’intact qu’une mince surface insuffisante Pour soulenir l'édifice, qui s'écroule au moindre coup de vent, quand on le croit plein de force et de so- lidité. Cependant, lorsqu'une pièce de charpente leur est nécessaire pour arriver au toit dont ils dévorent le chaume, ils savent sub. stituer au bois qu'ils ont rongé à l'intérieur, un ciment très- COTE DEN > nn erpeporendietemmaios sa nl ours (1) Le Termès atrox et le Mordax. (2) Le Termès lucifugus, (3) Le Termès destructor arborum. ( 388 ) compact qui rend.de la:solidité à la solive, ne laissaut:que le vide nécessaire pour leur servir de passage. Ils détruisent :également les meubles, des ‘instruments, les livres, les tableaux, et apportent ainsi des obstaclestmême à la civilisation des contrées intertropicales en S’opposant à-la con- servation de tout ce qui l’alimente et la développe (1. Mais s'ils nuisent par leurs ravages à la civilisation humaine, ils nous en présentent eux-mêmes le simulacre le plus étonnant. Nous avons signalé leur économie sociale et les vastes édifices dus à l'association de leurs travaux. Guidés par leur instinct architec- tural, ils ne montrent pas moins de discernement dans lèurs excursions stratégiques. Nous voyons une troupe innombrable sortant de ses galeries souterraines, marchant avec ordre, se divisant en colonnes, ou se réunissant en corps d'armée, obéis- sant à des chefs, dontles uns pareourent les flancs pour maintenir la discipline, dont les autres, portés sur une plante élevée, ob- servent la marche et excitent l'ardeur de l’armée par le cliquetis de leurs pieds, auquel elle répond par un long sifflement «et par un redoubleinent de vitesse (2). Si leur habitation est attaquée, si une brèche est ouverte dans les murs extérieurs, les ouvriers, inhabiles aux combats, se retirent à l'intérieur et donnent (x) L’anecdote suivante sur les Termès a été racontée par le capitame Wil- liamson : Un indien était dépositaire d’une caisse d'argent, qui étant placée sur le plancher de sa maison, ne tarda pas à être assiégée par des Termès établis $ous le sol dans le voisinage. Le fond de la caisse fut naturellement, la première partie qu'ils attaquèrent; ils détruisirent ensuite les sacs contenant l'argent, qui tomba tgraduellément dans leurs souterrains, Lorsque le dépôt fut réclamé, les détenteurs furent dans la stupéfaction sur la puissance prodigieuse des dents et de l'estomac de ces petits maraudeurs, qu'ils accusaient, dans leur simplicité, d’avoir dévoré le trésor, Dans des recherches ultérieures, cependant, l'argent fut tout retrouvé enfoncé profondément dans la terre, mais couvert de‘fragifients de bois. (Swainson. ) (2) Voyez le voyage de Sparmann. ( 389 ) l'alarme: Un soldat parait, évidemment, chargé de la reconnais: sance ; il retourne sur ses pas, et un instant après il revient avec deux outtrois autres. L'alarme étant devenue générale, les sol: dats commencent à se répandre-hors dela brèche, surtout:si l'at- {aque : continue ; car il est remarquable que leur nombre est toujours en, proportion de l'hostilité. Ces petits héros présentent le spectacle le_plus étonnant. Ils paraissent animés d’une furie extrême; mais, étant privés. d’yeux, ils ne peuvent l'exercer que sur ce.qu'ils viennent à toucher. Ainsi, ils tournent la tête dans tous les sens, étendant leurs longues mâchoires , prêtes à saisir le premier ennemi qui se présente; jamais ils ne se font le moindre mal entre eux. Lorsque le danger est cessé, les soldats se retirent, et les ouvriers reviennent en foule apportant du ciment pour fermer la brèche, ce qu’ils font avec autant. d'ordre que d'activité; Toutes.les opérations des ouvriers sont faites, dans certaines espèces, sous l’abri. de leurs murailles. Non-seulement la cité entière est défendue,contre les ennemis extérieurs; mais aucun de ses, habitants ne.s'expose à la lumière du jour au moins ha- bituellement. Comment donc s’écartent-ils aux environs et par viennent-ils à pourvoir de;subsistance tant de milliers d’indi- vidus? La méthode qu’ils emploient est fort singulière. De l'intérieur de leur forteresse, de nombreuses voies souterraines rayonnent, et s'embranchent dans toutes les directions. Jamais ils,n'en sortent et-cependant ils prennent toujours le chemin le plus court.pour arriver, par exemple, à un arbre en décompo- sition, et pour en faire un moyen de subsistance, quoïqu'ils ne puissent ni le voir, ni le sentir. 1 semble qu'ils ne puissent pro- céder avec tant de. justesse qu'à la suite de quelque reconnais- sance faite extérieurement par des éclaireurs. lei.se termine. l'exposition des actes instinetifs chez les ani- maux, invertébrés dans la série progressive, immense, qu’elle déroule à nos yeux. Nous ne voyons pas seulement la bonté Discerne ment des Insectes. ( 390 ) divine accorder à chacun de ces êtres, généralement si faibles, uninstinct toujours en parfaite harmonie avec ses organes, avec les nécessités de sa vie, avec sa destination providentielle. Nous y découvrons encore un enseignement donné à l’homme, une manifestation de la puissance, de la sagesse et de la bonté divines. Dans les actes instinctifs des Insectes que nous venons d'ex- poser, nous avons vu souvent se mêler des traits de discerne- ment que nous ne pouvons méconnaitre, surtout dans les fa- milles sociales dont nous venons d’esquisser l’histoire. Nous allons maintenant rapporter quelques faits dans lesquels le discernement nous paraît dominer l'instinct. Libres, volon- taires, électifs autant que ceux de l'instinct sont avengles, invo- lontaires, irrésistibles, ils montrent combien cette faculté, que nous avons vue si élémentaire dans les rangs inférieurs des Ani- maux invertébrés, peut s'élever suivant le développement de l’organisation. Quoique l'instinct leur ait été si amplement accordé pour suppléer à leur peu de discernement naturel: quoique leur appareil cérébral soit si rudimentaire, comparé à celui des Animaux vertébrés même les moins avancés en orga- nisme, ils nous montrent quelquefois une connaissance des effets et des causes; ils font sous nos yeux des actes de volonté, de choix, de combinaison qui n’ont rien d'instinetif. Nous ne pou- vons nous rendre compte de cet étrange phénomène. Il semble que leur extrême vitalité, leur force musculaire, leur puissance sensitive, la complexité de leurs organes locomoteurs, si appro- priés tout à la fois aux airs, à la terre, souvent même à l’eau, la véhémence de leurs amours, de leur affection maternelle, leur rendent la viesi animée, les mettent si activement en rapport avec tout ce qui les entoure, que leurs instincts les plus développés ne leur suffisent pas, et alors le discernement leur vient en aïde, et ils en montrent à un degré dont nous ne les croyions pas sus- ceptibles. Rien ne nous parait plus propre à démontrer l'impor- tance du rôle qu'ils sont appelés à remplir dans l'économie gé- nérale. (391) Les traits que nous allons citer signalent l'aptitude des 1n- sectes à agir suivant les circonstances, à se déterminer avec juge- ment, à discerner la convenance de leurs actions. Un Sphex venait de s'emparer d'une Mouche presque aussi grosse que lui-même, pour la subsistance de sa progéniture. Après avoir coupé avec ses mandibules la tête et l'abdomen de la victime, il s’envola vers son nid, emportant le thorax auquel les ailes étaient restées attachées ; mais un souffle de vent ayant frappé dans ces aies, fit tourbillonner le Sphex sur lui-même, et l'empéchait d'avancer ; là-dessus, il se posa, coupa l’une après l'autre les ailes de la Mouche, puis il reprit son vol avec le reste de sa proie (1); que pouvait-il faire de plus judicieux, de mieux raisonné ? | Un autre Hyménoptère parasite, l'Hédychre royal, place ses œufs dans le nid de l’'Osmie maçonne. Une femelle, après être entrée la tête la première dans une cellule presque achevée de cette Osmie, en était ressortie et commençait à y introduire la partie postérieure du corps dans l'intention d'y déposer un œuf, lorsque l'Osmie arriva portant une provision de pollen. Elle se jeta sur l'Hédychre, la saisit avec ses mandibules. Celle-ci se contracta en boule. L'Osmie, ne pouvant la blesser, lui coupa les quatre ailes et la laissa tomber à terre. Elle visita ensuite sa cellule; puis elle retourna aux champs. Alors, l'Hédychre re- monta le long du mur, et alla tranquillement pondre un œuf dans la cellule de l'Osmie (2). Celle-ci, en privant son ennemie de ses ailes et en la laissant tomber à terre, croyait se mettre à l'abri de son agression ; mais elle ne lui avait ôté que l’un des moyens d'arriver à sa cellule. Si elle avait agi par instinct, elle lui aurait aussi enlevé les pieds. (1) Observation de Darwin. (2) Observation de M, Lepelletier de Saint-Fargeau. (392 ) Un autre parasite, du genre Pompile, s'était emparé d'une Araignée pour la porter à son nid, et la tenait avéc sés mandi- bules par l'extrémité de l'abdomen, afin d'éviter ses morsures. Comme il s'aperçut qu’elle entravait la marche en étendant les * pattes, il les coupa toutes, à l'exception de l'une des antérieures qui sont courtes, ayant jugé, après avoir enlevé l'autre, que cette amputation était superflue. IL sé mit ensuite à trainer V'Arai- gnée ainsi mutilée, en gravissant un mur au baut duquél'il prit le’ vol, sans doute pour porter sa proie à sa cellule éloïgnée ; mais son discernement n’alla pas jusqu’à une appréciation exacte de ses forces. Le poids de l’Araignée les dépassait, el il Lomba à terre à peu de distance avant d’avoir pu prendre son essor. Ayant laissé échapper sa victime, il la ressaisit avec la même précaution, reprit son chemin et sa détermination éprouva de nouvelles contrariétés, mais rien né put abatlre sa pérsévé- rance ({). Un Hyménoptére du genre Odynère alimente ses larves de petites Chenilles qui se renferment dans des feuilles de lilas rou- lées en longs cornets ouverts aux deux bouts. Un individu vint se posér sur un de ces cornets, courüt successivement à chique extrémité, s'y arrêla un instant pour introduire dans l'ouverture l'extrémité de ses antennes, sans doute pour s'assurer de la pré- sence de la Chenille, puis revint se placer sûr le milieu du cornet. Là, ilsé mit à en pincer la surface entre ses mandibules, et presque aussitôt il se précipita de nouveau, et our-à-tour aux deux’ extrémités, dans l’éspérance que la Chenille, effrayée par cette agression, se serait réfugiée à l'une d'elles. N'ayant pu la déterminer à quitter le centre de son cornet, l'Odynère recom- mença sa manœuvre, se remit à assiéger cette forteresse de la même manière sans plus de succès. Enfin, elle revint encore à (1) Observation de M. Westwood. { 3893) la charge, pinça le cornet au point d'y faire une entaille, et s’élant portée rapidement à l'une des extrémités, elle y trouva cette fois la Chenille et la saisit avec dextérité (1). Les Bousiers ne montrent pas moins de discernement dans les soins qu'ils donnent à leurs larves. Le père et la mère agissent de concert pour former les boules de fumier, dans lesquelles elles doivent se développer, et pour les rouler dans des cavités sou- vent éloignées. Dugés a suivi les manœuvres d’un de ces couples. Le mâle dirigeait les évolutions, poussant à reculons la boule avec ses longues pattes postérieures, {andis que la femelle, re- culant aussi, la tirait à elle avec les pattes de devant. Le terrain paraissant favorable pour l'enterrer, le mâle s’y enfonça pour l’explorer, laissant le précieux dépôt àla garde de sa compagne, qui l’attendait immobile. Bientôt il sortit; la femelle s’enfonça à son tour, reparut aussitôt, et tous deux continuèrent leur voyage; car une pierre assez volumineuse se trouvait à peu de distance de la surface du sol, et les avait forcés de chercher un lieu plus favorable à leur dessein. Iliger rapporte qu'un de ces Coléoptères, ayant, laissé tomber sa boule dans un trou, alla réclamer au fumier voisin l’aide de trois de ses semblables qui l’aidèrent à la relever. Clairville a vu un Nécrophore qui, voulant enterrer une souris morte, pour la subsistance de ses larves, et trouvant trop dure la terre sur laquelle gisail le cadayre, alla creuser à quelque dis- lance une cavité dans un terrain plus meuble. Cette opération terminée, il essaya d'y transporter la souris; mais n’y pouvant réussir, il s'envola et revint quelques instants après, accompagné de quatre autres de ses pareils qui l’aidèrent à la trainer et à l'enterrer. On ne peut méconnaitre dans ces actes-discernement et même communication de pensées. ———————————_— ———— —— (1) Observation de M. Wesmael, (394) Gléditsch rapporte qu'un de ses amis, voulant faire dessécher un crapaud, l'avait placé au sommet d’un bâton planté en terre, afin d'éviter que les Nécrophores ne vinssent l'enlever; mais celle précaulion fut inutile. Ces Insectes, ne pouvant pas at- teindre le crapaud , creusèrent sous le bâton, et, après l'avoir fait tomber, ensevelirent le cadavre. Les Abeilles ont donné un exemple remarquable de leur mé- moire. Un essaim était venu s'établir sous les tuiles d’un toit et en avait été délogé par son propriétaire. Pendant huit années conséculives, il ne sortit pas de la même ruche un seul essaim sans que quelques individus vinssent en éclaireurs recon- naître cet endroit où le gros de l’armée se fût sans doute établi, si on l’eüt laissé faire. Ceci n’était pas un effet du hasard, car les essaims des autres ruches ne faisaient rien de pareil (1). Steadman, dans son voyage à Surinam, rapporte le trait suivant de discernement et de mémoire d'une espèce d'Abeilles sau- vages : « Je fus un jour visité dans ma cabane par un de mes » voisins, que je fis monter dans ma demeure aérienne ; mais il » n'y fut pas plutôt entré qu'il redescendit précipitamment, ru- » gissant de douleur, et courut se plonger la tête dans la rivière. » Je découvris à l'instant que la cause de cet accident é‘ait un » énorme nid d'Abeilles sauvages placé dans le chaume au- » dessus de la porte. Je pris la fuite à mon tour et ordonnai aux » esclaves de le détruire sans délai; l'arrêt allait s'exécuter, » lorsqu'un vieux nègre monta, et offrit de subir tel châtiment » que je voudrais lui infliger si jamais aucune de ces Abeilles » me piquait. Massera, me dit-il, elles vous auraient piqué » depuis longtemps, si vous aviez été un étranger pour elles; » mais étant vos hôtes, ayant recu l'hospitalité chez vous, elles » vous connaissent vous et les vôtres et ne vous feront jamais le (1) Kirby et Spence. M. Lacordaire. (3% | » moindre mal. J'acceplai la proposition, et, liant le vieux » nègre à un arbre, j'ordonnai à mon valet Quaco de monter en- » lièrement nu au haut de l'escalier, ce qu'il fit sans être piqué ; » je me hasardaï alors à le suivre, et je déclare, sur mon hon- » peur, que même après avoir secoué le nid au point que ses » habitantsse mirent à bourdonner à mes oreilles, aucune Abeille » ne tenta de me piquer. Je relâchai ensuite le vieux nègre et » le récompensai de sa découverte. J'ai gardé depuis cet essaim » d’Abeilles comme mes gardes du corps. J'ai pris plaisir à m'en » servir comme moyen de châtiment envers les surveillants. Je » les faisais monter l'échelle sous quelque prétexte, lorsque je » voulais les punir de quelque injustice ou cruauté envers les » nègres, ce qui n'était pas rare ({). » Parmi les traits de discernement qui ont été signalés chez les Abeïlles, nous citerons encore le suivant : Pour se défendre contre le Sphinx tête de mort, elles ont re- cours à un procédé plein de prévoyance; elles barricadent l'entrée de leur ruche par un mur épais de cire et de propolis. Ce mur interdit le passage du Sphinx ; mais il est percé d’une ou deux ouvertures suffisant pour l'entrée d'une ouvrière. Cependant, ces fortifications sont diversifiées selon le besoin. Quelquefois il n’y a qu'un seul de ces murs; d’autres fois plusieurs petits bastions sont construits l’un derrière l’autre. Les chemins qui aboutissent aux portes sont parfois détournés et masqués par les murs intérieurs. Enfin, les Abeilles déploient dans leurs moyens de défense toutes les ressources de la stratégie et les proportionnent toujours aux dangers de l'attaque. (1) Le vieux nègre m'assura que sur la plantation de son maître, il y avait un vieil arbre dans lequel s'étaient logés un essaim d'oiseaux et un autre d’abeilles qui vivaient dans la meilleure intelligence; que si quelques oiseaux étrangers venaient à attaquer les abeilles, ils étaient à l'instant repoussés par leurs alliés emplunés, mais que si des abeilles étrangères osaient s'ayenturer près des nids des oiseaux, l’essaim natif se Jetait sur les assaillants et les piquait à mort, ( 396.) Les Fourmis donnent un singulier exemple de, mémoire : Celles qui s'établissent dans le voisinage d’une ruche, ne cherchent, pas à y pénétrer, malgré leur passion pour le miel, tant qu'elle est habitée ; mais si.elles en rencontrent une privée de ses habi- tants, elles y accourent en foule, et s'emparent du miel qui y est resté. D'où peut venir ce respect pour la première, ruche, sice n’est que quelques-unes d’entre elles, ayant essayé d'y pénétrer, ont été mises à mort par les Abeilles, leçon dont le reste. della, communauté a fait son profit (Dugès.) Voici un trait de, discernement : Deux troupes de Fourmis se disputaient un Vermisseau, et le, üiraient en sens contraire ; une d'elles se détacha, saisit par der- rière une de ses antagonisles, el ne pouvant lui faire lâcher, Ja proie en litige, la ramena, bon gré malgré, dans une direction opposée à celle selon laquelle elle tirait d'abord, neutralisant, ainsi tout d'un coup sa résistance (Dugès.) M,elle Mérian et après elle Azara, nous ont appris que, les con- trées marécageuses du Paraguay sont habitées par une petite Fourmi noire, dont les nids sont des monticules coniques de terre, hauts de trois pieds et placés très-près l’un de l’autre. Lorsqu'il survient une inondation, on voit les Fourmis amoncelées en,une masse circulaire d'environ, un pied de diamètre et quatre doigts d'épaisseur ; el, dans cet état, elles flottent sur l’eau, tant,.que, dure l'inondation. L'un des côtés de cette masse qu’elles forment es attachée à un brin d'herbe ou à une pièce de bois, et, lorsque les eaux sont retirées, les Fourmis retournent à leur habitation. Le colonel Sykes nous a signalé un exemple du discernement, et de lobstinalion avec lesquels les Fourmis parviennent à l’objet de leur convoitise. Pendant son séjour dans l'Inde, il avait dans sa salle à manger une table contre le mur, sur laquelle était placé le dessert, De nombreuses Fourmis, attirées par l’odeur, ayant pénétré dans Ja salle, parvinrent à la {able en gravissant le mur el se jetèrent sur les friandises. Pour leur ôter le moyen de re- ( #97 ) commencer, ün'élôigna la’table du mur; ellés ÿ'arrivétéht par les pieds. On prit le parti de plonger les pieds dans'quätre bas- sins pleins’ d’eau; les Fourmis, das leur aversiün pour ce li- quide, hé$itèrent quelque temps, mais la gourmandise l'emporta : elles bravèrent le danger et fränchirenit l'obstacle. Oh 's'avisa alors d'un ‘nouvel expédient : on recouvrit les pieds de ‘la {able d'üne couche de térébenthine immédiatement au-dessus de l'eau. Cette fois, les Fourmis durent renoncer à ce moyen d'invasion, et l’on'chanta victoire. Cependant, l’on ne tarda guëre à les re- voir sur le dessert et l'on découvrit qu'elles montaient sur 1e mur plus haut que la table à laquelle elles parvenaient en saülant de manière qu'elles imprimaient à leur corps une secousse qui les portait én avant et tellement calculée qu’elles tombaient sür les conserves.!C'état un siége en règle où l'on eémployait de part et d'autre tous les moyens stratégiques que peut fournir la ruse, le calcul, le discernement pour l'attaque et la défense, et les Four- mis triomphèrent dans la lutte. Je m'arrête, non par l’épuisement d’un sujet intarissable, mais parce que je crois avoir Surabondamment démontré par les faits l'existence des deux facultés qui président à loutés les ac- tions des Animaux invertébrés. J'en ai trouvé les preuves sous le'brin d'herbe de mon jardin, comme sur les sommets des Alpes, comme dans les profondeurs de l'Océan; toute la nature animale en est à divers degrés imprégnée, animée, en quelque sorte spi- ritualiséé. Le moindre Moucheron, le plus faible Vermisseau, nous donnent des exemples de courage, d'affection maternelle. Nous avons vu l'instinct varier à l'infini comme les modifications infinies de l'organisme qui lui fournit les instruments et les ma- tériaux de toutes ses manœuvres, de toutes ses industries. Nous avons vu le discernement suivre les développements du système nerveux, préler son flambeau à l'instinct el en corriger en quelque sorte l’inflexibilité, surtout lorsque les éventualités d'une existence compliquée, comme celle des Insectes sociaux, (398 ) le rendent nécessaire. Tous les phénomènes que nous présentent les facullés de ces petits êtres, nous dévoilent un ordre de choses, un monde à part, qui, quoique dans les dimensions les plus exiguës, et même en raison de celte exiguité, excite notre atten- tion et nous ouvre un horizon immense de découvertes faites et surtout de découvertes à faire. Nous croyons que la sagesse su- prême, en donnant aux petits Animaux, et aux Insectes en parti- culier, un organisme si développé, plus compliqué à proportion que celui des Animaux supérieurs; en y joignant un instinct et quelquefois même un discernement qui confondent la raison hu- maine, nous croyons. qu'elle a adopté ces petites dimensions pour multiplier à l'infini les enseignements qu’elle voulait donner à l'homme par les animaux, pour exciter à toujours son attention par des observations inépuisables ; pour la frapper d'autant plus d'admiration à la vue de tant de prodiges, qu’ils sont opérés par de plus petites créatures. Natura maæximè miranda in minimis. Nous croyons avoir exalté la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu : sa puissance qui ne se manifeste pas moins dans la créa- tion de ces myriades d'Alomes animés par la vie, l'instinct, le discernement, que dans celle de ces myriades de corps célestes qui gravitent avec tant de régularité dans l'espace; sa sagesse, par les lois qui régissent la nature zoologique et qui y établissent l'unité, l'ordre, l'harmonie; sa bonté, en pourvoyant au bien-être de la moindre créature, en veillant à son berceau, en ouvrant sa main libérale pour lui donner la pâture; et, dans notre humble ébauche sur tant de merveilles, nous aussi, nous croyons avoir non chanté, mais balbutié un hymne à sa gloire suprême. — 399 — EEE TABLE DES MATIÈRES. Généralités. , , . Instincts.. . . . . . Discernement. . Infusoires, . , . Animaux rayonnés.. . . Polypes. . . . . Acalèphes. . : Echinodermes. . Animaux binaires, . . . Mollusques. . AGéphales: 4 à 5 4 4: Tuniciers. . . ? Lamellibranches.. . Branchiopodes . Gastéropodes. . . . Céphalopodes. . . . Animaux articulés. . . Mes lors cle mn Helminthes.. . Annelides, . . . Lombries. . Girripèdes. . . . . . Condylopes. . . Crustacés. . . . . Crustacés suceurs. . Entomostracés. 199 133 141 144 156 157 163 164 168 168 173 174 177 186 187 211 218 219 9220 296 230 235 939 240 243 247 Mateconbretes= pre SL SR tn es OO Décapodes. . .‘. swsgürvanw. ad dia PORN AIGRRIUS, ae ee dei ie M UE TR a ET Mrachaiies pulmonaires. "PSE" PENSE Avachmdesitrachtenness ME, MIRE TERRE RAT CO ET RS NES CEE SR DER eee me Ve ete te Ne et QU ORNE PSP RES 7 QUES ON SAR SARSSRE D ENT Re A pen ER DDR. CU NN SPORE RES SRE ARBRES ee Te US ENT PNR FU ul RÉ et ne À SNS CSL SE HU PSE CSSS US à Lcd Osthoptères. .. ". TRE ts el ee aité ze Instinct des insectes. . . . . . . . D Ge lutte. 7 ee et ARR bre NA à ét ent or k RÉ PaEn e UE DS Re SARA DR. ROUS SAR RUES. UE 0 Or ONIOS ROME DA. L' Tadl Nesphes ét Chrysahides."." 0 0 0 USE SE . RE OS © JS NUM, SERRE RES SOUS: 27 2 A SRE APRES MU EE CERA sofa ne 2e TON RE, da PONTS DE 1e RS UE ON RM A RENE CR CRE Abeilles,. . . . SAP PRE Us 2 Re Art es. 000 5 QE, MECS AMES, 2908 NOR TOEnEs. à RU EE EME R ANA . Diseernement des insectes, . . . . . . . . . PE ( 401 ) RAPPORT SUR L’HISTOIRE DE FRANCE DE M. OZANNEAUX, lnspecteur-général de l'Université, Membre correspondant de la Societé d'Agriculture, des Seiences et Arts de Lille, Par M. F. Cuow, Professeur agrégé d'histoire au Lycée de Lille, ancien élève de l'École Normale, Membre résidant. Je ne crois pas qu'il y ait aujourd’hui une tâche plus difficile que celle d’écrire l’histoire de France; les exigences du public augmentent de jour en jour et les auteurs doivent s’évertuer à les satisfaire sous peine de ne trouver que des indifférents. Combien plus douces étaient jadis les conditions de succès impo- sées aux historiens ! Il leur suffisait d’une provision ordinaire de bon sens, et du bagage restreint de la morale commune, pour émettre cà et là dans leur récit quelques réflexions en forme de jugements. On en voyait peu qui éprouvassent le besoin de sys- témaliser, cette maladie de notre époque ; ils ne suaient pas sang eteau pour établir et suivre à travers les siècles une idée poli- tique ou religieuse qui servit de pivot à loute la marche de l'histoire ; c’est à peine si de temps à autre les opinions pré- conçues de l’auteur se manifestaient avec assez de clarté au moyen de phrases jetées incidemment plutôt pour orner que pour do- miner la narration. — L'histoire philosophique n'était pas encore née : Voltaire lui-même, quoique systématiquement ennemi de la société religieuse issue du christianisme, n'a jamais songé, dans son Essai sur les mœurs, à mettre en saillie, comme on le veut de 26 ( 402 ) notre temps, une idée logiquement construite et qui commande tout l'ouvrage. C’est par un certain nombre de courtes et péné- trantes réflexions semées à distance qu'il trahit ses opinions anti-chrétiennes, mais sans intention généralisatrice, du moins en apparence. Partout ailleurs il se contente de raconter de ce styic éminemment limpide et spirituel qui en aurait fait le mo- dèie des historiens, s’il avait su se garder plus souvent de l'in- justice et du cynisme. Sans être entièrement dénuée de vues philosophiques, l'histoire se rapprochait alors davantage du type ancien : scribitur ad narrandum, non ad probandum ; lorsqu'un auteur voulait absolu- ment asseoir un systéme sur les faits historiques, son ouvrage prenait la forme et les proportions d'un traité ou de mémoires ; tels sont les livres de Boulainvilliers, de Mably, de l’abbé Dubos. Quelquefois les historiens choisissent le cadre d’une lettre, comme Aug. Thierry, ou celui d'une lecon, comme M. Guizot (Histoire de la Civilisation en Europe, en France, etc.) Mais ce n’est plus seulement dans les mémoires scientifiques que se réfugient les systèmes ou les paradoxes ingénieux, c'est dans les Histoires proprement dites. La mode demande que l'his- torien soit un philosophe transcendant qui se présente armé d'une théorie politique ou religieuse bien arrêtée ; elle lui de- mande de prouver sa théorie quand même il devrait, pour arriver à sa démonstration, torturer les hommes et les choses; ce qui importe avant tout, ce n'est pas que l'histoire se fasse et avec impartialité, mais que la théorie ait raison ; la logique forcera les faits, elle les obligera de s’ajuster aux principes vrais ou faux que l'on aura posés à priori; en un mot, l’histoire deviendra la servante de la philosophie : Scribitur ad probañndum, non ad nar- randum. Est-ce à dire que l'introduction de la philosophie dans l'his- toire soit une mauvaise tendance? à Dieu ne plaise que nous ayons une pareïlle pensée; non sans doute; l'excès seul en est (403 ) dangereux. L'histoire ne serait qu’une inutile nomenclature de faits, ou bien un spectacle amusant mais stérile, si la philosophie ne venait la féconder et lui donner un sens: les histoires pitto- resques sont certainement très-agréables à lire, mais elles ne contentent pas les esprits sérieux, qui veulent pénétrer la signi- ficalion des événements et y découvrir les décrets de la Pro- vidence. Peut-on reprocher à Bossuet son immortel Discours sur l'His- toire universelle? Cependant toute cette composition si pleine de grandeur et de simplicité n’est que l'exposition d'un système historique. Les empires de l'antiquité successivement absorbés les uns par les autres et en dernier lieu par l'empire romain, n’ont été fondés, ne se sont développés, n’ont grandi et péri que pour l’accomplissement d’un seul dessein providentiel, l'avéne- ment da Christianisme dans le monde. L'humanité, maniée par Dieu, qui préparait le terrain au Messie, et gardant néanmoins la responsabilité de ses actes, est ici l'instrument d’une volonté toute-puissante. Bossuet a donc résumé le plan divin en un ta- bleau rapide et saisissant. Cette magnifique démonstration peut être considérée chez nous comme le premier et le plus heureux essai de l'histoire philosophique, c'est-à-dire, généralisatrice, et qui recherche sous le fait extérieur la suite logique de l'idée ; les imitateurs ont abondé depuis; l’Essai sur les Mœurs a certainement été conçu comme une réponse au Discours sur l'Histoire universelle; mais pour réfuter plus facilement, Voltaire, abandonnant les hauteurs de la généralisation, où il se serait rencontré malgré lui avec son adversaire , est descendu adroitement dans les détails des évé- nements où la liberté humaine se dévoile sans cesse par les crimes, les faiblesses et les misères ; dans ces détails ii triomphe, mais c'est précisément ce qui lui enlève le caractère généralisa eur saas lequel on parait aujourd'hui ne plus comprendre l'histoire; toute sa philosophie s’est concentrée dans l’épigramme. Bossuet, (404 ) au contraire, dédaignant la multitude des faits secondaires, s’est attaché aux masses historiques, et c’est là qu’il a trouvé la trame de Dieu; il a réellement vu l’ensemble et généralisé l’histoire non pas d'une nation seulement, mais du monde. Quelle sobriété pourtant dans l'emploi des moyens de démonstration ! Quel soin de cacher la méthode logique, d'effacer le système ! Quel éloi- gnement des formules pédantesques et prétentieuses avec les- quelles on s'efforce maintenant de fasciner le vulgaire et de lui faire croire qu’on raisonne bien et qu'on est profond! Voyez nos historiens contemporains, et j'entends les plus en vogue (pour quelques années peut-être), voyez-les à l'œuvre. Ils s'avancent avec un attirail presque scholastique, tout bouffis, sije puis m'exprimer ainsi, de l’orgueil de la généralisation ; les voilà qui posent d'abord des principes sociaux comme axiomes, el lorsque par hasard l'histoire véritable ne veut pas se con- former à la mesure de ces principes, ils ont leur lit de Procuste, sur lequel, bon gré mal gré, les faits doivent s'adapter absolu- men!, Ou raccourcis, ou allongés, ou exagérés, ou adoucis, sui- vant le besoin du système. Ont ils à raconter le cataclysme formi- dable qui a ébranlé la dernière moitié du 18.e siècle ? Il faut qu'ils remontent jusqu'à sa cause unique et primitive; mais comme tous ‘es événements se tiennent et qu'il est impossible de rebrousser chemin jusqu'au Déluge ou au Paradis terrestre, ce qui serait extrêmement rationnel, ils choisissent arbitrairement pour point de départ logique quelque fait culminant, en ayant l'attention de l’entourer encore d’une importance qui justifie un peu ce choix hasardé. On prend, par exemple, le concile de Constance au XV. siècle, et c’est de là qu’on date la Révolution française. Pourquoi ? C’est qu’il faut bien commencer quelque part, naïve raison qu'on ne s’altendait guère à recevoir de si graves philosophes, Mais le concile de Constance est un effet du grand schisme ; le grand schisme a eu pour cause le séjour des papes à Avignon; le séjour d'Avignon est la suite des luttes entre ( 405 ) les rois et le Saint-Siége, et cette lulte provient... arrétons- nous là : nous irions loin à reculons avec cette méthode, et nous arriverions probablement d'une façon très-raisonnable au péché originel comme cause première de la Terreur. Est-ce la faute de nos écrivains ? Non ; c’est la faute du pu- blic ; il ne se contente plus de l'histoire toute naturelle, assai- sonnée de réflexions morales, à la portée des intelligences cem- munes ; il veut de la grande philosophie; on lui en donne jusqu’à saliété. C'est qu'’aussi, ne l’oublions pas, l’histoire est devenue l'arme des partis ; chaque opinion exige des faits sa justification. — L'historien est nécessairement amené à bâtir pour l'opinion qu'il flatte, un système complet, dûment étayé, et remarquons, en passant, qu'il n’est pas de parti qui, avec des éléments iden- tiques empruntés à l’histoire, n'ait suffisamment démontré qu'il avait seul pour lui ja raison et la vérité. Cette anuarchie transportée dans l'histoire est un désolant spec- lacle et pousse au scepticisme ; on aurait évité le danger en usan{ avec plus de modération de la philosophie, en racontant davantage, en voulant moius démontrer. Il faut se résigner d’ail- leurs ; l’elan est donné, et l’on n’arrêtera pas l'histoire sur cette pente fatale. Il serait absurde de croire qu'on pourra la faire ré- trograder ; elle répond à une situation &es esprits, situation qui est désormais la loi des écrivains; tous nous voulons la même chose, c'est-à-dire, des systèmes, et les plus sages des auteurs modernes ne se distinguent des autres que par une plus grande relenue, par une moindre affectation de profondeur. M Nous le disions donc en commençant, c’est une tâche difficile aüjourd'hui, que celle d'écrire l'histoire de France; la plus mo- deste entreprise n'échappe pas aux exigences que nous venons de signaler, Toute histoire de France devra contenir son système social, pilitique, religieux, à l'usage des Français du XIX siècle; elle réalisera ainsi son objet essentiel; elle sera la leçon, l'expé- rience des peuples et des rois. Qu'elle se garde bien de raconter ( 406 ) seulement, nous la repousserons comme inutile. Le succès de HW. de Barante nous paraitrait douteux, si les Ducs de Bourgogne avaient encore à subir l'épreuve. Que mous apprendraïent ces jolies narrations si pittoresques, sans ambition philosophique ? — Prouvez-nous, s’il vous plait, prouvez-nous la monarchie, la ré- publique, le catholicisme, le protestantisme, le communisme, le phalanstère; nous n'avons que faire de vos récits, dès qu’ils ne servent pas à soutenir un système quelconque. Nous bénirions volontiers un historien qui, sans négliger la généralisation, puisqu'il est impossible de s'en passer aujour- d'hui, saurait la maintenir dans les limites convenables; qui, philosophe consciencieux maïs prudent, ne croirait pas que l’ave- nir de son ouvrage dépendit d'un système et surtout d'une obéissance passive à quelque parti politique ou religieux ; qui fût assez de son temps pour rechercher les cœuses et les effets, assez indépendant de la mode pour éviter l’abus du genre philo- sophique. Ces conditions si désirables, nous les trouvons, je pense, dans M. Ozanneaux, notre confrère, inspecteur général de l'Université, auteur d'une Histoire de France depuis l'origine de la nation jusqu'au règne de Louis-Philippe I. — Ces deux volumes parfaitement remplis et plus substantiels que tant d'autres histoires en un grand nombre de tomes très-largement imprimés, sont certainement l'une des publications les plus inté- ressantes qu'ait produites l’année qui va finir. — Je suis heureux, pour ma part, d'avoir été chargé d’en rendre compte à la Société. ‘Avant d'entrer dans l'analyse et l'examen de l'ouvrage de M. Ozanneaux, qu'il me soit permis de passer rapidement en revue les diverses Histoires de France contemporaines : il ne sera pas hors de propos de signaler les défauts et les qualités de celles qui ont eu le plus de succès, pour apprécier l'œuvre de notre confrère. Au premier rang, par son étendue, se place l'histoire des Français de Simonde de Sismondi. — Nous pourrions adopter (407 ) l'opinion que M. Guizot a exprimée sur cel immense ouvrage (Civilisation en France, deuxième leçon), si elle était un peu plus sévère. « Considérée, dit-il, comme exposition critique des ins- » titutionsy du développement politique du gouvernement de la » France, l'histoire des Français est incomplète et laisse, je » crois, quelque chose à désirer... Comme histoire du déve- » loppement intellectuel, des idées, quelque chose manque éga- » lement à la profondeur des recherches et à l'exactitude des » résultats. Mais, soit comme récit des événements, soit comme » tableau des vicissitudes de l’état social, des rapports des diffé- » rentes classés entre elles et de la formation progressive de la » nation française, l'ouvrage est très-Gistingué et l’on peut y » puiser une riche et solide instruction. — Peut-être y souhaï- » terait-on encore un peu plus d’impartialité et de liberté dans » l'imagination ; peut-être la réaction des événements et des » Opinions contemporaines s'y laisse-t-elle quelquefois trop en- » trevoir : ce n’en est pas moins un vaste el beau travail, infini- » ment supérieur à ceux qui l'ont précédé... » Ce jugement du plus grave historien de notre époque con- tient à la fois, nous le voyons, et l'éloge et la critique ; mais la part de la seconde nots semble beaucoup {trop petite ; il y a dans l'histoire des Francais de notre vénérable Sismondi, comme l'ap- pelle M. Michelet, un défaut capital, irrémissible ; elle manque de bonne foi. Nous ne savons que trop, pour notre part, quelle méthode l'historien génevois emploie contre les objets de sa haine ou pour soulenir ses préjugés confessionnels ; l'altération des textes est chez lui un procédé si ordinaire (nous l'avons surabon- damment prouvé dans un autre travail) qu'il est réellement im- possible d'accorder aucune confiance à ses assertions, surtout en ce qui concerne l'Église au Moyen-âge. Une histoire dans la- quelle le premier devoir, celui de la vérité, est si souvent violé, n’a pas, malgré l'érudition la plus étendue, malgré les recherches les plus studieuses, droit entier aux sympathies des hommes sé- (408 ) ricux et consciencienx. ou, du moins, en la lisant, il est néces- s'ire d’être toujour- sur ses gardes et de ne rien admettre sans vérifier. Le suffrage de l'Académie est acquis à l'histoire de-France de M. H. Marlin, qui partage, je crois, avec MM. Thierry, Monteil, Bazin, le prix fondé par Gobert, il y a quelques années ; cepen- dant je pense qu'il entre dans le sentiment de l'Académie plus de bienveillance que de vraie justice ; en effet, l’histoire de M. H. Martin, très-volumineuse d'ailleurs et très-riche en fails, est fort éloignée de la perfection; on y voudrait un choix plus judi- cieux des sources, plus d'ordre dans la narration, et particulié rement un style plus pur et plus élégant. — En général, c'est un livre d’une lecture fatigante, dans lequel la multiplicité des dé- {ails favorise la confusion et ne rachète pas l'absence de mé- thode. M. Michelet, esprit extrémement ingénieux mais sans cesse préoccupé du désir d’être neuf, s’est malheureusement arrêté après son sixième volume, c'est-à-dire, à la fin du règne de Louis XI; beaucoup trop absorbé par des travaux qui sentent le pam- pblet, il°ne reviendra plus, nous le craignons, à ses études fa- voriles, à ce moyen-âge qu'il savait parfois si bien comprendre el exprimer, Quoique nous ne portions pas ja docilité de l'élève jusqu'à recevoir sans examen toutes les idées historiques de M. Michelet et admirer sans réserve ses récits pittoresques à l’exces, nous ne pouvons nous empêcher de regretter cette imagination étincelante et féconde qui faisait revivre avec tant d'éclat nos siècles historiques. Sans doute c'était plus souvent de la poésie que de l’histoire, de l'idéal que de la réalité ; l'exactitude scien- tifique, au milieu de recherches infinies, laissait à désirer en quelques points; on s’y lassait peut-être, à la longue, de cette phrase incisive, volage, éblouissante, de ce style où la personna- lité de l’auteur se montre à chaque instant et qui donne presque le vertige; mais aussi que d’heureuses compensations, que de ( 409 ) points de vue inattendus tout-à-coup présentés aux regards ! Comment oublier la merveilleuse légende de Jeanne d'Arc, ce chef-d'œuvre presque achevé du cinquième volume? — Hélas! nous nous demandons avec inquiétude ce que deviendra cette muse vagabonde, délicate, au milieu du fracas révolutionnaire ; comment elle pourra prendre l'allure passionnée qui convient aux haines et aux élans de cette terrible époque. On ne force pas impunément son talent. Nous voyons aujourd'hui dans toutes les mains l'Histoire des Français, par M. Th. Lavallée. À quoi cet ouvrage doit-il la vogue dont il jouit actuellement? D'abord c’est à une raison- nable étendue, puis à la rapidité d'un style quelquefois préten- tieux, ordinairement agréable, ensuite à des excursions habiles, quoiqu'un peu trop souvent répétées, dans les histoires circon- voisines, enfin et surtout au soin qu'a pris l’auteur d’être de l'avis de tout le monde. Il est à la fuis catholique et protestant, monar- chique et démocrate, pour Henri IV et pour la Ligue, pour le régime républicain et pour le régime constitutionnel; en un mot, c'est un livre éclectique : il a toutes les couleurs. Ce que nous considérons comme un défaut est une condition de succès; car chacun y trouvant ses propres opinions chaleureusement expri- mées, sympathise volontiers avec un écrivain qui parait impartial parce qu'il ne condamne personne. Au fond, cette impartialité n'est qu'une sorte de scepticisme historique ; les intentions de M. Lavallée sont probablement excellentes, mais nous croyons son ouvrage assez dangereux pour la jeunesse, qui est exposée, en le lisant, à adopter des idées contradictoires ; c’est le chemin du doute et de l'indifférence, Nous n’aimons pas non plus les peintures lascives qui salissent plusieurs pages et spécialement les règnes de Charles IX et de Henri I ; la gravité de l'histoire s’accommode mal de ces tableaux voluptueux et galants emprun- tés aux Mémoires d'un Brantôme ou aux poésies austérement cy- niques d'un d'Aubigné. On peut faire entendre les mêmes choses en évilant la crudité des expressions. ( A0 ) Passons sous silence cette foule d'histoires i/ustrées qui ne sont en réalité que des entreprises de librairie; ce n’est plus de la littérature, c’est du commerce. M. Ozannéaux, venu après tous les historiens que nous avons nommés, judicieux appréciateur de leurs qualités et de leurs dé- fauts, à su éviter les uns et participer des autres ; il a gardé la contision de Lavallée avec plus d'ordre et de méthode, sans né- gliger les digressions vraiment nécessaires ; il s’est maintenu surtout dans la chaste gravité qui convient au genre historique, laissant de côté lescommérages des Mémoires, qui en apprennent moins qu'on ne croit sur les grands intérêts politiques ; il a pensé qu'il pouvait, sans se déshonorer, rester chrétien, ce qui ne l'a pas empêché de professer le principe de tolérance qui domine dans les consciences et les sociétés modernes; il a donné à Sis- mondi plus d'une leçon d'impartialité et de bonne foi ; son style, d’ailleurs constamment animé, se tient à distance de l'emphase el de l'affectation poétique ; ingénieux dans ses aperçus, il n’a pas, comme Michelet, sacrifié à l'originalité quand même. Enfin, tout en émettant très-clairement les opinions religieuses ou so- ciales qui sont les siennes, il ne s'est pas condamné au dévelop- pement logique d’un système, ainsi que nous le faisions remar- quer dans la plupart des historiens contemporains. Mais puis-je mieux faire que de citer les passages de l’intro- duction dans lesquels M. Ozanneaux indique le but de son ou- vrage, le plan qu'il a adopté et les idées qui l'ont dirigé dans la composition. « J'ai écrit cette histoire pour mes enfants, dont » j'ai voulu toujours être le premier précepteur dans tous les » graves enseignements : je la publie pour qu'ils conservent le » souvenir de mes lecons el puissent les faire un jour fructifier » autour d'eux. J’avouc cependant que ma vue s’est portée au- » delà de ce petit cercle de famille, et que l'ambition d’être » utile, la seule qui m'ait jamais entrainé, na porté presque » malgré moi à désirer d'autres lecteurs, à invoquer d'autres ÿ » » ( 414 ) juges. C'est à ces derniers, si j'ai le bonheur de fixer quelques moments leur attention, que j'adresse les lignes qui vont suivre. « Et d’abord, à ceite première question que certes on va me faire : à quoi bon une nouvelle histoire de France, quand nous en avons tant ? Je répondrai que la multitude des écrits sur une matière prouve, non pas que cette matière est épuisée, mais qu'elle est inépuisable; que celle-ci l'est en effet, et le sera toujours : car l’histoire d’une nation n'est pas seulement le récit des événements auxquels son nom se trouve mêlé, évévements dont la connaissance exacte et à plus forte raison la juste appréciation donnent lieu à des erreurs infinies, et par conséquent à d’infinies rectifications; mais c’est aussi, et surtout, le tableau continuel des croyances, des idées, des mœurs, des institutions, des usages, en un mot, de la vie mo- rale, intellectuelle, politique, matérielle même d'un peuple; tableau perpétuellement mobile, dont les plans, les lignes, les couleurs apparaissent diversement au spectateur qui les juge, selon la portée de sa vue, la distance où il se place, selon les théories qu'il s'est faites, plus souvent encore selon les pré- jugés qu'il a subis. Et surtout lorsque la vie passée de ce peuple a élé mise tout entière à découvert par une de ces révolutions immenses qui rendent compte de toute chose à tout le monde, et qu'on peut regarder comme la confession générale d’une nation ; lorsque ensuite la science, toujours infatigable, ve- nant en aide à la politique, a remué jusqu’au fond toutes les vieilles archives, fouillé tous les vieux monuments, et, pour ainsi dire, fait parler les ruines et ressuscité les morts, doit-on s'étonner que de nouvelles voix s'élèvent pour raconter encore ce qu'ont raconté lant de voix, pour le dire sous d’autres formes, pour en faire sortir d’autres idées, et, ce qui vaut mieux, d’autres doctrines; ear si l'histoire n’enscigné rien, il faut laisser les vieilles archives sous la poussière, les vieux (12) monuments sous la mousse, les ruines dans leur silence, et les morts dans leur sommeil? Certes, si depuis le commence- ment de ce siècle, ce noble sujet n’a pas produit plus d'écri- vains, il faut s'en prendre à l’énormité des travaux qu'il im- pose quand on veut le traiter avec conscience. Étudier l'his- toire pour l'enseigner, c'est tout lire, c'est tout voir : toul lire, non pas seulement les historiens de tous les temps, non pas seulement les mémoires, les chroniques, les chartes, les traités, les actes du pouvoir, quel qu'il soit, lois, bulles, capi- tulaires, édits, décisions des conciles; mais les écrits des doc- teurs de l'Église, les discussions des philosophes, les opinions des publicistes, les découvertes des savants, les créations des poètes, en un mot, tout ce qui influe, à (oute époque, sur l'intelligence et la moralité d’une nation, et sur l'opinion pu- blique, cette reine des rois : c'est Lout voir, car si vous ne connaissez pas la Flandre, la Franche-Comté, comment expli- querez-vous les campagnes de Louis XIV? Si vous n'avez pas étudié, jusque dans ses profondeurs, la merveilleuse Bretagne, comment ferez-vous comprendre la guerre-de suc- cession? Que saurez-vous des désastreuses journées de Crécy, d'Azincourt et de Maupertuis, si vous n'avez pas vu ces champs de bataille? Croyez-vous que vous peindrez bien Louis XE, si vous n’avez pas, comme lui, fléchi le genou devant Notre- Dame d'Embrun, Notre-Dame du Puy, Saint-Michel-en-Mer ? Charles VEL, si vous n'avez pas comparé le donjon d’Espally à la cathédrale de Reims? Que vous nous rendrez visible le siége de la Rochelle, si votre œil n'a pas mesuré la digue de Richelieu : le passage des Alpes par François {1.€", par Bona- parte, si vos pieds n'ont pas gravi les précipices de l'Argen- tière et les glaces du Saint-Bernard? Et quand je parle de tout voir, je veux dire bien plus que les lieux : aussi les mo- uuments, les statues qui remettent debout les hommes d’au- trefois, les tableaux qui les font penser encore; aussi les » = (413) costumes, les armures, les instruments, jusqu'aux ustensiles, aux meubles des temps passés ; en un mot, tout ce qui donne au récit des faits la vérité, la couleur, la vie. Alors l’histoire devient une étude féconde, et peut produire une magnifique science : ce n’est plus cette nomenclature stérile qui fatigue la mémoire du fardeau de ses événements et du ramas de ses dates, c'est un spectacle qui ravit l'imagination, une lecon qui remue l’âme...… ” » Je suis de ceux qui croient que les nations sont l’œuvre de Dieu, comme l'individu ; que leur naissance, leur développe- ment, leur décadence, leur mort, ont leur époque inévitable- ment fixée dans le temps; que, par conséquent leur vie mo- rale est soumise à des lois qu’elles doivent observer, leur vie matérielle à des conditions qu’elles doivent subir. Je crois que le pouvoir humain qui les gouverne, quel qu’il soit, quelle que soit la forme qui le confére et le conslitue, une fois consti- tué, émane de Dieu et de Dieu seul. Je crois que les déposi- taires de ce pouvoir, responsables devant le tribunal humain de ce qu’ils ont fait d'utile ou de nuisible, le sont devant le tribunal divin de ce qu'ils ont fait de juste ou d'injuste : que celui-là seul est un grand roi devant Dieu et devant les hommes, qui sait, qui voit à quelle époque de la vie est par- venu le peuple qu'il doit conduire, car on ne gouverne pas avec les mêmes idées l'enfance naïve, l’ardente jeunesse, la maturité vigoureuse et la vieillesse insouciante ; que celui-là seul est un grand roi, qui, tout en s’identifiant ainsi avec son siècle pour en satisfaire les exigences, pour en servir les in- térêts, s'élève cependant au-dessus de ce siècle pour le main- tenir dans les voies que la Providence lui a tracées; voies difficiles à connaître, parce que trop souvent ils prennent leurs propres vues pour celles de Dieu; trop souvent aussi, quand ils veulent marcher dans le droit chemin, les clameurs de l'opinion les étourdissent et les entraînent. ( #4 ) » J'en conclus qu’il y a peu de bons gouvernements, fort peu; » qu’en rigoureuse justice nous ayons beaucoup à rabattre de » certaines admirations que la flatterie contemporaine, ou les » aveugles passions d’un autre âge, ont soulevées dans nos âmes » enthousiastes; mais aussi qu’il faut savoir, en dépit des pré- » jugés religieux ou politiques, faire franchement à certains » noms trop peu loués ou quelquefois même maudits, de loyales » réparations. Ainsi, cette histoire changera sans doute quelques » rangs dans la liste d'honneur tracée par la reconnaissance na- » tionale : mais elle laissera Henri IIT et Louis XV se disputer » la dernière place, sans permettre à personne de contester la » première à Saint-Louis... » L'auteur s'élève ensuite dans son introduction contre l'usage immémorial qui divise par règne, même par dynasiies, les an- pales de notre pays, usage qui détruit toute vue d'ensemble ; il préfère Ja division par siècles. -— « Sans doute, dit-il, les événe- » ments ne s’enferment pas tout juste dans les lignes du calen- » drier, et la dernière heure de 1700 n’est pas la dernière de » l'antique monarchie; mais on reconnaitra que par une mer- » veilleuse disposition des faits, par une combinaison évidente » des desseins de la Providence avec l’action libre des volontés » humaines, chaque siècle a sa physionomie particulière et porte » en soi sa lecon (P. XI). » Pour démontrer la convenance et l'utilité de sa méthode, M. Ozanneaux, dans un brillant et rapide résumé, fait passer tous les siècles de l'histoire de France sous nos yeux et assigne à chacun d'eux la tâche qu'il a remplie, l'œuvre qui s'est accom- plie pendant sa durée. — Ce tableau de quelques pages est à lui seul toute une histoire; la marche de la civilisation française y est tracée de main de maitre, et, en vérité, quand on différerait avec notre écrivain sur quelques-unes de ses appréciations histo- riques, en raison des différentes manières d'envisager les faits, on ne pourrait néanmoins s'empêcher d'admirer ce morceau et pour le fond et pour la forme. ( A5 ) L'auteur s’est proposé aussi de désabuser la jeunesse d’une erreur trop accrédilée : c’est que nos institutions datent d'hier, que nos droits politiques ont été découverts en 1789, qu'il n’y a de liberté en France que depuis la Convention, de gloire mili- taire que depuis Bonaparte, de gouvernement que depuis l'Em- pire, de Représentation nalionale que depuis 1814. — Tout cela est vieux comme la monarchie, etc... EL dans un résumé lucide, M. Ozanneaux suit à travers les temps l’histoire des Assemblées nationales jusqu'à nos jours; mais il fait ressortir les causes qui rendaient autrefois les liber- tés politiques inutiles ou même nuisibles à l'ordre et à l'unité. « Réparcus aujourd'hui, ajoute-(il, l'erreur du XVIIS.e siècle » — étudions notre ancien régime si calomnié par nos publi- » cistes modernes; nous y trouverons autre chose qu’ignorance » et servitude : nous puiserons dans la connaissance de notre » passé ces sentiments qui font la grandeur des nations, et que » les plus belles théories ne sauraient inspirer ; une confiance » absolue dans cette Providence qui veille sur les peuples comme » sur les individus; une conviction profonde de nos droits, » consacrés par tant de siècles, payés par tant de sacrifices ; » un respect absolu, réfléchi, pour l'autorité, principe de force » et de puissance; enfin le vrai patriotisme, non celui dont un » égoisme mesqui, haineux, trace les limites avec des fleuves, » des lignes de douanes, des souvenirs d’irritantes rivalités ; » mais celui qui, fier de ses institutions et Loujours prél à les » défendre, n’ambilionne cependant d'autre gloire que celle de » marcher en tête de la civilisation, tend la main à tous les » peuples comme à des frères, et, dans cette croisade contre » toutesles folles idées qui nous ont fait tant de mal, comme jadis » dans les croisades contre l’infidèle, crie aux prud'hommes de » tout pays : Loz à qui fera le mieulx! » Nous remarquops que M. Ozanneaux n’a presque jamais cité ses antorités ; c’est peut-être une omission fàcheuse pour les (M6 lecteurs qui aiment qu'on paraisse avoir consulté les sources ; cependant, à voir le singulier mensonge que cache quelquefois cette affectation érudite qui consiste à remplir les bas de pages ou les marges d’une histoire, on doit éprouver peu de regret de l'oubli volontaire commis par notre auteur ; il pense probable- ment que l'historien doit commander la confiance par lui-même, par son air de sincérité, par la modération et l'honnêteté de ses sentiments ; sous ce rapport M. Ozanneaux ne laisse rien à dé- sirer ; des renvois aux sources n’ajouleraient pas à la foi qu’on est disposé à lui accorder. Le spirituel historien de Louis XIII et du ministère de Mazarin, M. À. Bazin, ne s'est pas davantage as- treint à un usage qui n’a trop souvent pour objet que de tromper sciemment les crédules esprits. Est-on bien plus sûr de la vérité des récits ou des jugements de ceux de nos historiens qui ont usé et abusé des citations? La réponse n'est pas difficile. Parmi les écrivains modernes il n’en est pas chez lesquels on trouve un plus grand luxe de citations et de renvois que chez Aug. Thierry et Sismondi. — Or, s'il est certain que partout où leurs préjugés ne sont pas intéressés, ils ont fait un emploi exact des sources, il n'est pas moins évident qu’en d’autres passages où leurs passious politiques ou religieuses étaient en jeu, ils n’ont pas su respecter les textes originaux. C’élait précisément en ces occasions délicates qu'on aurait voulu de l’impartialité; mais leurs préjugés les ont égarés malheureusement et l'infidélité de leurs interprétations a détruit la confiance qu’on pouvait avoir en leur science d’ailleurs très-étendue. Nous n’en attesterons que les fautes que nos études nous ont mis à même de relever dans les périodes Mérovingienne et Carlovingienne de leurs ou- vrages. Aug. Thierry traite de haut, on le sait, nos anciens historiens, qui, selon lui, ne se sont pas donné la peine de consulter les chroniques ; nous avons donc le droit d’être sévère à l'égard ( 417 ) d'un écrivain si difficile avec les autres. Voici comment parfois Aug. Thierry arrange à son gré les chroniqueurs auxquels il semble avoir recouru. — Nous lisons au premier livre de la Con- quête de l'Angleterre : « Les Francs étaient étrangers à toute » croyance chrétienne et cette considération suffit pour que le » cœur des Évéques Gaulois se tournat vers eux et que tous, sui- » vant l'expression d'un auteur presque contemporain, souhaïi- » tassent la domination des Franes avec un désir d'amour. » Or, quel est le texte de Grégoire de Tours? « Intereû cùm jam terror Francorum resonaret in his partibus » et OMNES 605 amore desiderabili cuperent regnare (Greg. Tur. » L.1E, c. 33). — Omnes signifie, suivant M. Thierry, fous Les Évéques. — Daniel et Velly n'auraient pas traduit si légèrement, quoique abbés. On trouve plus loin les phrases suivantes : « Les Évêques de la partie des Gaules non encore soumise à l'Empire, par pré- caution pour l'avenir et par suite de leur haine contre les puis- sances ariennes entrérent de leur propre chef en relation avec » ce voisin redoutable; ils lui adressèrent de fréquents mes- sages remplis d'expressions flatteuses. Plusieurs d’entre eux » le visitèrent à son bivouac, que selon la politessé romaine, ils » qualifiaient de royale Cour (aula regia), » — et Aug. Thierry renvoie à la vita Sancti Vedasti ap. script. franc. T. IF, p. 372; — mais que d'inexactitudes et d’interprétalions fausses ! Et d’abord les faits auxquels se rapporte l’assertion sont pos- térieurs à la bataille de Tolbiac et même au baptême de Clovis alors que la Gaule n’était plus soumise à l'empire. En effet, ce passage de la chronique commence précisément par ces mots : « Lorsque Clovis (après la journée de Tolbiac) désirait déjà » vivement de recevoir la grâce du baptême »...... et continue ainsi : Qil apprit après information (à Toul) que le bienheureux » Vedaste (St. Vaast) y vivait dans la pratique de la:religion : » il l'engagea à l'accompagner. — Comme ils faisaient route en- 27 S A Ÿ LA | 418 ) > semble... Clovisl’amena à Reims auprès du Pontife Rémi... » Clovis recut le baptême, et retournant vainqueur dans ses » domaines paternels, il recommanda ledit Védaste au bienheu- » reux Rémi...» — Le récit de Thierry péche donc par la base. . St. Vaast est ensuite nommé évêque d'Arras par St.-Rémy et la chronique ajoute : « Il était très-favorablement accueilli » à la royale cour; (aulam regiam) mais il ne pouvait (1) arra- » cher entièrement les guerriers francs aux erreurs profanes. » Que reste-t-il des phrases que l'historien de a conquête de l'An- gleterre substitue à la vérité? Et qu’on dise maintenant qu'il ne sert de rien de citer ses autorités au bas de la page. Plus loin c’est mieux encore; après avoir raconté l'expédition de Clovis sur les terres de Gondebaud, roi des Bourguignons, et tracé un sombre tableau des dévastations commises par les Francs, Aug. Thierry ajoute : « Le clergé orthodoxe qualifiait » cette expédition sanglante de pieuse, d'illustre, de sainte entre- » prise pour la vraie foi. » — Et au bas de la page : (pia et veræ religionis cultrix foancorum ditio. — (Vila Sancti Dalmatii). Mais dans la chronique il ne s’agit nullement des dévastations commises en Bourgogne; le passage cité est relatif à la guerre de Théodebert, fils de Thierry, contre les Visigoths, en 533, par conséquent trente ans après celle de Clovis contre Gondebaud. — Il ne suit pas une description de meurtres et de ravages et ne présente aucun sens odieux. « Le voici : pia et veræ religionis (1) Cüm jam desiderium ut celer ad baptismi gratiam confugeret (Chlodovecus, post apud Tolbiac certamen) sciscitando comperit inibi (Tullum oppidum) Bea- tum Vedastum sub relligionis cultu vitam degere quem mox sibi itinere junxit. Düm parite rpergerent ad Remorum urbem ad pontificem Remigium... perduxit.…, Baptismi gratiam Chlodevecus recipit. Indéque victor ad patriam rediens jam dictum Vedastum Beato Remigio commendavit.. Erat gratus penès Aulam Regiam, nec valebat Francorum viros a profanis erroribus ex integro retrahere. (Vita S.ü Vedasti ap. Script, Frane, T, 11.) ( 4491) » cultrix foancorum ditio, conjurante sibi populi ejus favore, Ruthenam urbem subjecit... » Ce qui signifie tout simplement : « La nation des Francs , pieuse et fidèle à la vraie foi, soumit « la ville de Rhodez, grâce à la sympathie des habitants. » Nouvel avantage que l’histoire retire des citations marginales ! Aug. Thierry se sert encore très-adroitement de la vie de Saint-Germer pour prêter au clergé gaulois une lâche complai- sance à l'égard de Clovis, vainqueur des Visigoths en 507. «& Partout, dit-il, où campait le chef victorieux , les prélats or- » thodoxes assiégeaient sa tente... Germer, évêque de Tou- » louse, qui resta vingt jours auprès de lui, mangeant à sa » table, reçut en présent des croix d’or, etc... » Et au bas de la page ( Vita S. Germertüi, Epise. Tholos. t. IN, p. 385). Or, bien loin de montrer les évêques empressés autour de Clovis , assiégeant sa tente , la chronique dit au contraire dans le seul passage où il soit question de cette guerre : « Que le roi » envoya à la recherche de saint Germer, pour qu’on le lui » amenât. » Avouons que voilà peu d’empressement de la part du saint : Misit quæsitores ut eum sollicité quærerent, | semble plutôt que Clovis l'oblige à venir dans son camp. « Un autre évêque, qui ne put venir lui-même, écrivit au » roi Franc : tu brilles par la puissance et par la sainteté , et » quand tu combats , c’est à nous qu'est la victoire. » Aug. Thierry sait pourtant que cette lettre de saint Avite fut écrite à Clovis à l'époque de son baptême, après Tolbiac, et onze ans avant l'expédition contre les Visigoths. Que de critiques du même genre nous pourrions encore adres- ser à Aug. Thierry ? — Pour moi, j'en suis arrivé à n'avoir plus aucun respect pour les renvois aux sources. Sismondi a contribué pour sa bonne part à développer dans mon esprit celte tendance à considérer presque comme un charlatanisme la coutume des citations. Nul historien n’en est plus prodigue que (420 ) lai, et nul, malgré cela, peut-être n’a moins le droit de com- mander la confiance. Prouvons par quelques exemples entre mille. Sismondi ne veut jamais admettre que les rois aient pu faire des aumônes louables ; il ne voit dans leurs actes de charité.que d'odieuses prodigalités en faveur de l’église chrétienne, et il a soin, dans les textes, de retrancher les mots qui caractériseraient les donations. Ainsi, Dagobert fit faire devant l'autel de St.- Denis un tronc d'argent où il ordonna que tous les rois ses suc- cesseurs déposeraient chaque année 100 sous d’or. Mais les chroniqueurs ajoutent ce qui explique cette libéralité, et Sismondi se garde bien de citer le passage entier : « 100 sous d'or, non pour autre chose que pour les distribuer » à tous les pauvres... et que personne ne se permette de dis- » traire cet argent... destiné à soulager les pauvres et les » voyageurs à perpétuité (Centum solidi, non alibi nisi in om- » nibus distribuerentur pauperibus ; nullusque hoc præsumeret » abstrahere..... ut pauperes et peregrini exindè valerent per » inconvulsa tempora recreari. » (Gesta Dagoberti.. regis P. 584, T. IL, script. fr.) « Et plus loin, en parlant du tronc d'argent : il fit placer un » tronc d'argent devant l'autel de la même église, afin que les » aumônes qu’on y déposerait servissent à substanter les pauvres, » par la main du prêtre... » (Gazophylacium quoque antè » cornu altaris ejusdem Ecclesiæ ex argento fieri jussit, utintro- » ductà ab offerentibus alimonià, per manum sacerdotis ipsa » pauperibus erogarelur substantia (Ibid. Lorsque Pépin-le-Bref se disposait à attaquer Astolf, roi des Lombards, en Italie, Optat, abbé du Mont Cassin, députe Car- loman auprès du roi des Francs, son frère, pour le détourner de cette expédition. — Voici les développements de Sismondi : « Le supérieur de Carloman, l'abbé Optat, lui commanda de » se rendre en France pour empêcher les Francs d'attaquer les | 424, ) » Lombards. Carloman devait représenter à son frère que la » querelle entre Astolf et le pape avait pour origine les intérêts » de l'empire grec et la possession de l’exarchat; qu'en se » mélant des affaires de l'Italie, les Francs embrasseraient la » cause de gens hérétiques et iconoclastes contre les Lombards » orthodoxes et dévoués à l'Église... » (renvoi à l’Annaliste de Metz T. V, script. franc. p. 336 et aux annales d'Éginhard..…. p. 197). Si l'abbé Optat eût réellement pensé toutes ces choses, il aurait fait preuve d'une grande ignorance de l’histoire de son temps ; mais celle tirade est tout entière de l'invention de Sismondi. En effet, les chroniques citées se contentent de dire : 1.0 « Karloman, frère de Pépin, se rendit en France, envoyé » par son abbé pour intervenir en faveur des Lombards, et em- » pêcher l'expédition du roi de France... Pépin répondit : » (Annaliste de Metz), etc., etc. » 2.0 « Karloman, frère du roi » et déjà moine, vint auprès du roi, envoyé par son abbé, pour » s'opposer aux demandes du pape. On croit cependant qu’il » partit malgré lui, et parce qu’il n’osait se refuser aux ordres » de son abbé, et parce que celui-ci n'’osait résister aux com- » mandements du roi des Lombards..…... » (Éginhard). Ailleurs et dans le récit de l'élection et de la condamnation de l’antipape Constantin (767 et 768), récit qui fourmille d’er- reurs, Sismondi prétend que les écrivains ecclésiastiques ont rapporté sans horreur le supplice de cet antipape ; il cite comme le principal coupable Baronius (Annales ecclésiastiques, anno 767 et 768 »). : Voici le texte de Baronius : « Alors se réunirent quelques hommes qui n'avaient pas la crainte de Dieu devant les yeux, » et ne redoutaient pas son terrible jugement à venir; obéissant » à quelques artisans de crimes, aussi horribles que la peste, el » que Dieu a déjà punis de leurs fovfaits.. … Certains Toscans et » Campaniens, poussés par d’autres hommes méchants et impies, 5 (42) » ayant tenu conseil avec Gratiosus et des scélérats mépvisant les » châtiments de Dieu... ils lui arrachèrent les yeux... etc. » Est-il possible, nous le demandons, d'accumuler plus d’expres- sions d'horreur? En parlant du séjour de Charlemagne à Rome en 774 (T. II, p-. 244), Sismondi, s'appuyant sur le texte de la vie d’Adrien 1. (page 185,... scrip. Fr. T.5, p. 452), écrit ce qui suit : « Dans » cette circonstance, dans la visite de Charles à la basilique de St-Jean de Latran et dans toutes les cérémonies des jours suivants, Adrien eut soin de donner à entendre qu'il faisait » plus pour Charles qu'il n'aurait fait pour aucun roi de la » terre... Mais en même temps il le placçait au-dessus de lui, à » une immense distance , comme un homme cher à l’église sans » doute, mais comme un simple homme devant une divinité...» Voyons le récit original de la vie d’'Adrien. — « Charles baisa » en les montant les marches de l’église de St.-Pierre (c'est » encore l'habitude des pèlerins).... et arriva aïnsi jusqu’au » portique où le pape se tenait assis.... Là se rencontrant ils » s’embrassèrent, et le roi très-chrélien tint le pape par la main » droite... Et se tenant ainsi ils entrèrent ensemble dans l’église » de St.-Pierre, prince des apôtres, chantant les louanges de » Dieu..... Ensuite s’approchant de la Confession de St.-Pierre, » ils se prosternèrent ensemble , offrant leurs vœux au Dieu » tout-puissant et au prince des apôtres. » Que pensez-vous de ce roi qui embrasse le pape , qui s'age- nouille avec le pape , qui tient la main du pape et que le pape cependant place au-dessous de lui à une immense distance , comme un simple homme devant une divinité ? Charlemagne demande ensuite à visiter les églises de Rome ; cette visite se passe encore en parfaite harmonie et sans hauteur de La part du pontife ; les autres jours, des messes sont célébrées soit à St.-Jean-de-Latran, soit ailleurs, et le chroniqueur ajoute : « et jà ils dinèrent ensemble à la table apostolique. . .. un autre » jour, le pape célébrant la messe à St.-Pierre suivant le rite M Ÿ Ÿ ( 493 } » ordinaire rendit grâces à Dieu tout-puissant..... et à l’excel- » lent roi Charles..... (landes reddere fecit). » Certes Sismondi profite fort avantageusement des textes qu'il emploie ! Notre même historien croit naturellement aux accusations . (t. IE, p. 369), que les révoltés semaient contre Léon III (en 800). « Ils l’accusaient de crimes dont on ne nous a pas conservé » même l'indication, mais qui devaient n'être pas sans quelque » vraisemblance puisque la plus grande partie du peuple se » rangea du côté des conjurés. » Les annales d’Anastase Biblio- thécaire sont invoquées et précisément Anaslase raconte la joie immense du peuple quand il apprit que le pape s'était échappé. Plus loin Sismondi assure (p. 372) que Charlemagne força les Saxons d’adorer le pape ; mais il ne fournit ras d'autorité histo- rique à l’appui de ce fait. Mentionnons encore, pour mémoire, une assez risible bévue : Sismondi raconte ainsi la mort de Louis-le-Débonnaire : « sur » le point d’expirer, on l’entendit par deux fois s'écrier en » langue germanique : aus! aus! (hors, hors!).... Les assis- » tants crurent qu’il avait vu paraître à la fenétre et qu'il ren- » voyait ainsi le diable.... » La chronique de l'astronome ( e. 64, p. 195) dit: conversà facie in sinistram partem. Ayant tourné son visage à senestre partie, à gauche.... et non vers la fenêtre (fenestram). Mais voici qui est un peu plus grave [t. Il, p. 406) : « Berthe » fille de Charlemagne, fut la maîtresse de St.-Engilbert, » abbé de St.-Riquier , et cette aventure donna naissance à » l'historien Nithard » ( Voyez Nithard , hist. t. VIIL, p. 1, scrpt. franc). La maîtresse d’un Saint ? Cela devient piquant et joli ! Que dit donc le texte original ? « Pépin étant mort , Charles moutra une affection toute par- » ticulière à Engilbert.….. il lui donna en mariage sa fille Berthe » et le nomma ensuite duc de toute la côte maritime ; de cs 1.424 ) . » mariage naquirent notre Nithard et Havindus ; quelque temps » après, Engilbert, atteint d’une grave infirmité.... prit l'habit » religieux au monastère de Centule (St. - Riquier). » (Atque eidem Bertham filiam suam conjugem dedit hincque noster Ni- thurdas et Havindus procreati). Donc Berthe était l'épouse et non la concubine d’Engilbert ; celui-ci n’était pas dans les ordres quand il l’épousa ; il devint moine plus tard et avant d'entrer au couvent, ajoute le texte, il avait décidé Berthe à prendre le voile. Mais quel besoin d’insister sur les inexactitudes volontaires du vénérable Sismondi? Il faudrait un volume pour les relever toutes. Et la douceur avec laqueile M. Guizot a traité la par- tialité de cet écrivain doit nous paraître vraiment excessive. Notre but était seulement de démontrer que la manie des cita- tions au bas de la page , n’est nullement une garantie de bonne foi et que la seule garantie véritable est dans le caractère de modération et de tolérance que l'historien sait déployer dans le cours même de son ouvrage. Ce caractère, nous le proclamons. se révèle (out d’abord dans M. Ozanneaux ; nous sommes, en le lisant, prêt à le croire sur parole , parce qu’il ne se montre pas homme de parti, parce qu'il ne tranche pas avec l'audace familière à ceux qui veulent en imposer, parcequ’enfin on ne reconnait en lui aucun intérêt à tromper son lecteur. Quand on est convaincu de l'honnêteté d’un historien, quelle nécessité dès lors qu'il invoque à tout propos ses autorités ? On est sûr quil a consciencieusement lu, vérifié, interprété les textes originaux ; on le dispense de ces précaulions qui ne peuvent être utiles qu'alors qu'il laisserait échapper quelque assertion par trop contraire aux idées et aux traditions généralement admises. Maintenant faisons la part de la critique. M. Ozanneaux croit- il que vingt-cinq lignes consacrées aux origines et au développe- ment du christianisme dans les Gaules , soient une introduction . ( 425 ) suffisante à l’histoire, de la société du moyen-âge ? Il ÿ a certai- nement ici une lacune que l’auteur voudra combler un jour. Le moyen-âge est imprégné, en quelque sorte, de christianisme ; l'Église y a fait presque tout, hommes et choses ; et si l’on ne connait pas les annales ecclésiastiques, j'affirme qu'on ne peut pas comprendre le moyen-âge. S’il en est‘ainsi, l'étude de l’his- toire de lEglise est d’une importance majeure, et une sèche indication comme celle que l’on trouve à la douzième page du 1.2" volume de M. Ozanmeaux ne me semble pas du tout répondre aux nécessités du sujet. — Pour moi dix pages ne seraient pas de trop. J'ai besvin de savoir avec plus de détails comment est née , comment s'est formée en Gaule cette Église catholique qui a fait la France ; il faut qu’on me raconte ses souffrances , ses victoires, qu'on me montre ses saints, ses docteurs, sa littérature, ses fondations ; qu'on me fasse voir par quels prodiges de dé- vouement, de charité, de sollicitude pour le bonheur de l'huma- nilé elle a conquis cet amour étonnant dont elle fut entourée , cette confiance sans bornes que la société avait mise en elle. Si tout cela n'est pas exposé avec soin et même avec étendue, la puissance de l'Église est pour moi une énigme ; l'importance du sujet est telle, à mon sens , qu'on ne doit jamais craindre de lui donner des développements hors de proportion , car c’est toute l’histoire. Nous ne pouvons nous astreindre à analyser l'ouvrage entier de M. Ozanneaux ; comment faire d’ailleurs l'analyse d’une histoire? Ce ne serait qu'un inutile abrégé. Arrétons-nous de préférence aux époques que l’auteur recommande lui-même et qui se recommandent d'ailleurs par leur gravité : Charlemagne, les Croisades, St.-Louis, Charles VII, Henri IV, Louis XIV, et la Révolution Française. La gloire de Charlemagne, c’est d’avoir eompris qu'une alliance entre les deux pouvoirs , spirituel et temporel , était le salut du monde au Ville siècle. Est-ce inspiration de son génie, est-ce seulement résultat de son instinct chrétien , de sa ( 426 ) foi religieuse ? peu importe; le fait s’accomplit avec ses grandes conséquences. Charlemagne, en recevant la couronne d'Occident, créa l'Europe, suivant l'expression de notre historien ; ce sont les débris de son vaste empire qui formeront les principaux États modernes; mais quelle main a placé la couronne impériale sur sa tête? C’est la main du Souverain Pontife et l'Église avait bien plus que l'Empereur conquérant le secret de l'avenir. — Quels sont les conseillers de Charlemagne ? des moines, des Prêtres, des Évêques. — Quelles lois , quels régle- ments dominent dans ses capitulaires ? Les lois et les réglements ecclésiastiques. — Cependant l'intervention habituelle du clergé ne diminue pas le mérite de cette activité physique et intellec- tuelle qui nous paraît incroyable aujourd’hui. On est effrayé en effet de ce qu'il entreprit et exécuta dans l’espace de cinquante années ; conquêtes, voyages, législation, instruction publique, administration , à quels infinis détails, on dirait presque de mé- nage, ne descend-il pas dans ses capitulaires, et cela sans négliger les grands intérêts du gouvernement! Cet homme qui réglait jusqu'aux espèces de légumes qu'il fallait planter dans ses jardins, est pourtant le même qui constituait l'unité chrétienne de l'Oc- cident. Tout le chapitre ‘consacré à Charlemagne par M. Ozan- neaux est vraiment digne du sujet. Je me demande néanmoins pourquoi l'auteur a omis de men- tionner, au moins, les soucis théologiques que Charlemagne eut à subir davs l'affaire des iconoclastes, dans cette lutte des conciles de Francfort et de Nicée sur un malentendu ; l’empereur d'Oc cident joue en cette circonstance un rôle caractéristique d'inter- vention qui méritait , je crois , quelques mots ; c'est du reste un oubli facile à réparer , ilne manquera rien alors de ce qui peut aider à apprécier un règne si remarquable sous le double rapport politique et religieux. L'empire de Charlemagne se démembre après sa mort et de cette dissolution naissent la plupart des états de l'Europe mo- (427) derne. Ici commence surtout le travail politique de l'Église, qui, malgré les morcellements de territoire et d'intérêts opérés par la féodalité, refait enfin l'unité chrétienne en se servant de l’en- thousiasme de la croisade. La papauté, en effet, inspira et dirigea ce merveilleux mouvement qui devait arrêter l'Islamisme aux frontières de l'Europe; elle forma un faisceau de toutes les forces d'Occident pour une seule pensée, pour un seul but. Mal com- prise par l’école historique du XVIIT.e siècle, qui n’y voyait que fanatisme, la Croisade, magnifique élan de foi et d'honneur, a sauvé la civilisation chrétienne en arrétant l'Islamisme et ce résultat immense méritait au moins quelque respect. Les passages consacrés aux saintes expéditions, dans le livre de M. Ozanneaux , ont l'animation qui leur convient : comment rester froid devant ces prodiges de courage et de dévouement? En regrettant , sans doute, les excès presque inséparables des grandes réunions de masses armées , l'écrivain a trop de cœur pour ne pas se laisser entrainer aux généreuses passions qui poussaient les Preux vers Jérusalem ; d’ailleurs un Français, ne füt-il pas un fervent chrétien , peut s'émouvoir sans honte à ces glorieux faits d'armes auxquels la France eut la plus belle part. Le dernier croisé fut St.-Louis ; ce prince, qui couronne pour ainsi dire le moyen-âge , est aussi remarquable par les progrès qu’il fit faire à la monarchie , à l'œuvre moderne. Un siècle de renaissance intellectuelle et politique avait passé depuis la première croisade , le siècle de St.-Bernardet d'Abélard, le siècle des communes , celui de Suger et de Philippe-Auguste. La féodalité voyait s'élever devant elle deux ennemis ligués, le peuple des villes et la royauté, La lutte se régularise , elle devient sérieuse ; nous pressentons le triomphe de l'unité monar- chique, Alors parait St.-Louis que M. Ozanneaux caractérise si bien en quelques lignes : « Une raison supérieure toujours mai- » tresse d'elle-même, une volonté droite, calme , mais inébran- ( 428 ) lablé, un sentiment exquis et profond du devoir, joint à la résolution constante de le faire observer aux autres, comme de l'observer soi-même ; une foi sans hésitation , mais sans » fanatisme ; un courage capable de s'élever par le sang-froid » àacettesublimité d'héroïsme où l’on n'arrive ordinairement que » par l'enthousiasme. Tel fut Louis IX, le héros du moyen-âge, » le modèle des chevaliers, l'arbitre de son siècle, le haut- » justicier de là chrétienté, un des plus vertueux d’entre les » hommes, un des plus grands et certes le plus honnète d’entre » les rois. » Voilà un portrait parfait auquel j’ajouterai cepen- dant une ligne, c'est que St.-Louis fut le plus grand des rois , puisqu'il fut le plus honnête. — Ah! certes nous comprenons l'ardente admiration de l’auteur pour cette noble figure du prince éminemment chrélien et nous nous plaisons à rappeler sans cesse cet hommage si bien senti de Vollaire, hommage qui honore l'historien au moins autant que le monarque. « Louis IX » paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elleavait pu » l'être ; à rendre la France triomphante et policée et à être en » tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d’un » anachorèle, ne lui ôta aucune vertu de roi. Une sage économie » ne déroba rien à sa libéralité. Il sut accorder une politique » profonde avec une justice exacte ; et peut-être est-il le seul » souverain qui mérite cette louange : compalissant comme s’il » n'avait jamais été que malheureux ; prudent et ferme dans le » conseil, intrépide dans lès combats sans être emporté, il n’est » pas donné à un homme de porter plus loin la vertu. » (Voltaire, Essai sur les mœurs). Et cet amour actif du peuple, des pauvres, de l'humanité, et cette sollicitude persévérante pour les faibles et les opprimés, el cette haine des oppresseurs ; quelle histoire et quelle époque offrent un souverain comme St.-Louis ! Mais la royauté francaise ne reste pas longtemps à cette hau- teur morale qui lui avait vale la prépondérance politique en 5 © ( 429) Europe ; elle devient fiscale, rusée, violente avec Philippe-le- Bel ; ce prince, entouré de juristes qui se nourrissent du droit de Justinien, c'est-à-dire, du code de la tyrannie impériale, fonde le despotisme en combattant à la fois le Saint-Siége dans Boni- face VIIL, et l'aristocratie chevaleresque dans les barons et les Templiers. Puis, tout-à-coup, le progrès du pouvoir royal s'arrête; la guerre de Cent ans contre l'Angleterre commence avec la dynastie des Valois ; lutte terrible dans laquelle la noblesse féodale, avec sa témérité étourdie, se montre impuissanie à sauver la France. Cette mission est réservée au peuple inspiré par la foi religieuse et monarchique. En effet, Jeanne d'Arc, c’est le Peuple, comme l’a si bien fait voir M. Michelet ; car l'inspiration populaire incarnée dans une vierge martyre, c’est le cœur de la France échauffé par le double feu de la religion et du sentiment national. La chute de la féodalité date du règne de Charles VIT et de l'expulsion des Anglais; la royauté se fortifie au contraire à me- sure que sa rivale s’affaiblit en fait comme en droit. A la France féodale , Charles VIE substitue la France royale en s'appuyant sur le peuple ; il veut que la royauté puisse se passer des armées de la Noblesse en instituant une armée permanente ; il secoue cette tutelle génante sous laquelle l’Aristocratie retenait la Mo- narchie. — M. Ozanneaux nous paraît avoir saisi très-heureu- sement le caractère de ce prince, à qui l'honneur du progrès qu'on attribue ordinairement à son fils revient plus légitimement qu'à Louis XI Celui-ci n’a fait que continuer l’œuvre de Charles VIL, en se singularisant par un élement de succès politique dont la diplomatie italienne présentait alors et la pratique et la théorie, le machiavélisme. Les guerres d'Italie qui remplissent presque entièrement les règnes des successeurs de Louis XI, ne sont qu’une espèce de hors d'œuvre jusqu'au moment où François L.er, prenant en main la cause de l'équilibre menacé par Charles-Quint, ouvre ( 430 ) cette longue lutte avec la maison d'Autriche, qui, interrompue quelque temps pendant nos dissensions religieuses du XVI. siècle , se termine par Richelieu et Mazarin au milieu du XVIL.e — La noblesse s’habitue peu à peu à devenir le cortége de la royauté , il ne reste bientôt plus de la féodalité que des droits locaux ; l'importance politique de l'aristocratie diminue rapide- ment , et l'unité française se forme de plus en plus par la monarchie. Cependant la féodalité conçoit quelques espérances des ter- ribles convulsions qui agitèrent le royaume sous François II, Charles IX et Henri III. On n’a peut-être pas assez remarqué la tendance fédérative de la noblesse protestante et, à un certain moment, de la noblesse dite politique ; le retour aux souverai- netés territoriales semble alors le rêve des seigneurs et sans doute cette pensée de dissolution se serait réalisée, si la royauté n'avait pas acquis déjà une force suffisante pour retenir la nation dans l'unité ; et surtout si le mouvement national de la Ligue n'avait pas opposé au calvinisme une digue insurmontable. Le règne de Henri IV marque le triomphe de la royauté unifiante , si je puis employer cette expression ; Henri IV, et c’est là sa grande gloire, opère le ralliement universel autour de la Cou- ronne par l'esprit de tolérance, et enfin par cet inappréciable bienfait de la paix intérieure, que vient sceller l’édit de Nantes (1598;. 11 faut bien le reconnaître, malgré les taches que présente le caractère du Béarnais, quelques reproches qu’on puisse adresser à sa conduite, la paix et la tolérance sont des titres immortels à la popularité. On a, sur des apparences assez fortes , plutôt que d'après des faits, contesté la sincérité de la conversion de Henri IV au catholicisme; cependant l’on avouera qu'il ne prit pas sa résolution à la légère et qu'il voulut au moins être instruit avant de se décider ; sa correspondance en fait foi : sans cesse sollicité d’abjurer le protestantisme par motif politique , il s’y refuse noblement ét déclare qu'il ne se rendra qu'à la raison ; il résiste ( 431) avec opiniâtrelé à toute suggestion intéressée ; nous n’en vou- lons pour preuve que ses lettres à l'archevéque de Rouen et aux trois États du Royaume, en 1583 et 1589. — Nous nons laissons aller au plaisir de citer des extraits de ces admirables lettres, où respirent les sentiments d'honneur d’un prince et d'un chrétien. 6 Mars 1583, à mon cousin M. l'archevéque de Rouen (Charles de Bourbon). « Mon cousin, j'ay reçn vostre lettre et croy volontiers que l'affection que vous me portez, et à la grandeur de nostre maison vous fait parler... Sur ce que vous ajouctez, que pour estre agréable à la noblesse et au peuple il faudrait que je changeasse de religion el me représentez des inconvénients si je suys austrement ; j'estime , mon cousin, que les gens de bien de la noblesse et du peuple auxquels je désire approuver mes actions , m'aimeront trop mieux affectionnant une reli- gion que n’en ayant du tout point, ct ils auraient occasion de croire que je n’en eusse point, si sans autre considération que mondaine (car aultre ne m'alléguez en vostre lettre) ils me voyaient passer d’une à aultre. Dictes, mon cousin, à ceux qui vous mettent telles choses en avant , que la religion , s'ils ont jamais sçu ce que c’est, ne se dépouille pas comme une chemise, car elle est au cœur et, grâces à Dieu, si avant im- primée au mien, qu'il est aussi peu à moi de m'en départir comme il était au commencement d'y entrer... Vous m'allé- guez qu'il peut mésavenir au roy et à Monsieur. — Je ne permets jamais à mon esprit de pourvoyr de si loing à choses qu'il ne m'est bien séant ni de prévenir ni Ge prévoir et n’assi- gnay oncq ma grandeur sur la mort de ceux auxquels je dois mon service et ma vie. Mais quand Dieu en aurait ainsy or- donné... Celui qui aurait ouvert ceste porte, par la même providence et puissance nous sçaurait bien aplanir la voye; car c'est luy par qui les roys règnent et qui a en sa main le cœur des peuples, croyez-moi, mon cousin, que le cours de ( 432 | vostre vie vous apprendra qu'il n’est que de se remettre à » Dieu, qui conduit toutes choses et qui ne punit rien plus sévè- » rement que l'abus du nom de religion. Voilà, mon cousin, » mon intention , en laquelle j'espère que Dieu me maintien- » dra. » — El le 4 mars 1589, au trois Élats du royaume. « On m'a souvent sommé de changer de religion. Mais com- » ment ? La dague à ia gorge. Quand je n’eusse point eu respect » à ma conscience, celuy de mon honneur m'en eust empêché... » Que diraient de moy les plus affectionnés à la religion catho- » lique, si aprés avoir vécu jusqu’à 30 ans d’une sorte, ils me » voyaient subitementchanger ma religion sous l’espérance d’un » royaume ?...... Après avoir esté nourri, instruit et élevé en » une profession de foy, et sans ouïr et sans parler, tout d’un » coup se jeter de l’aultre côté ?..... Non Messsieurs ce ne sera » jamais le roy de Navarre, y eust-il trente couronnes à gagner. » {nstruisez-moiï, je ne suis point opiniâtre. Prenez le chemin de » m'instruire vous y profiterez infiniment ; car si vous me mon- » trez une autre vérité que celle que je croys, je m'y rendrai et » feray plus; car je pense que je ne laisseray nul de mon party » qui ne s’y rende avec moi. » En général , il est bon de lire la correspondance de Henri IV, publiée par les soins des derniers Ministres de l’Instruction pu- blique pour apprécier sainement le caractère de Henri IV. C’est là qu'il se révèle tout entier. Les Ministères honteux du maréchal d’Ancre et d'Albert de Luynes, au commencement de Louis XIII ne sont qu’une pé- nible introduction au règne de Richelieu ; ils font comprendre mieux la nécessité de la terrible politique du cardinal. La mo- narchie absolue à l'intérieur , la prépondérance de la France à l'extérieur ; l’ordre et le pouvoir consolidés permettant au génie des conquêtes de prendre carrière : voilà son œuvre. N’exami- nons pas ici par quels moyens cette œuvre fut accomplie, nous ( 433 ) aurions tropde blâme à mêler à notre admiration; n° considérons, s’il est possible, que le résultat. Tout en regrettant, sans doute ; que dans ce système si vigoureusement construit, il n’y eût pas assez de place pour Ja liberté, ne soyons pas injustes non plus envers celui qui prépare le siècle de Louis XIV, Nous avons vu des écrivains se demander si réellement Louis XIV fat un grand Roi ; ils lui refusaient ce titre parce que tout l'éclat de son règne, disaieat-ils, doit être rapporté aux Colbert, aux Louvois, aux Turenne, aux Condé et à tant d'autres génies qui forment son cortége. Ch ! sans doute , si Louis, XIV n'avait pas trouvé à côté de lui tous ces hommes qui l’aidèrent à exécuter ses desseins , il n'aurait pu les accomplir ; seul il n'aurait rien fait. C'est naïvement vrai; mais est-il certain également que sans Louis XIV, ces génies si brillants dans tous les genres auraient eu l’occasion de naître et de se développer ? Un autre aurait-il su également les apprécier, les employer, les retenir à la place qui leur convenait? Pour moi je considère comme puéril de meltre en question qu'il y eût dans Louis XIV l’étoffe d’un grand Souverain. C'était, au surplus, l'opinion de ses contemporains les plus illustres, et à moins de regarder comme des insensés, les poètes, les philosophes, les artistes, les savants du plus beau siècle de l'histoire de la France, il faut absolument reconnaitre que » par vanité » La mort de Louis XIV est la mort de la monarchie. En effet, la plus grande partie du règne de Louis XV n’est qu'une hon- teuse agonie pendant laquelle, royauté, noblesse, clergé, parle- ment, se suicident pour ainsi dire et justifient par leurs vices et leurs fautes, le terrible châtiment providentiel que leur réservait la Révolution. Ni Fontenoy , ni Port-Mahon, ni l’honnéteté de Fleury, ni l'habileté de Choiseul ne peuvent effacer les turpi- tudes de la Régence, les scandaleuses querelles de Ja bulle Uni- genitus, les scènes infâmes du Parc-aux-Cerfs, les défaites de la guerre de Sept ans; les hautes classes , à peu d’exceptions près, ( 437 ) courent en riant et trop souvent à travers la boue jusqu'au pré- cipice qui les engloutira, les bons et les mauvais. Ce n'est pas assez des hontes de la monarchie ; une philosophie essentiellement sceptique et destructive s'attaque de front à l'au- torité en matière politique et en matière religieuse; les bases de l’ancienne société sont sapées avec une hardiesse que nos temps de grande liberté ne tolèreraient certainement pas. Je n’admets pas positivement que la philosophie du XVIIe siècle ait fait la Révolution française, car cette révolution n’est que la conséquence dernière et nécessaire des principes d’affranchisse- ment qui dominent toute notre histoire depuis l'origine de la Monarchie. Nous avons vu comment la royauté affranchit le tiérs-étal pour abattre la féodalité et comment le tiers-état Tui- même aida la royauté à devenir absolue ; lorsqu'il n’y eut plus, à proprement parler , d’aristocratie territoriale , la monarchie n'eut d'autre ennemi que ce peuple qu’elle avait délivré du ser- vage et à qui elle devait sa puissance. Dans la lutte qui va s’en- gager , il est impossible que la monarchie ne succombe pas. La philosophie du X VIIL.e siècle accéléra cette catastrophe mais elle n’en fut pas la cause. Trois noms apparaissent alors dans les lettres comme les re- présentants les plus caractéristiques des tendances nouvelles : Voltaire, Montesquieu , J.-J. Rousseau ; les autres ne sont que des satéllites. — Tous trois n'ont pas exercé une égale action ni une influence de même sorte. Voltaire, le plus spirituel et plus méchant des pamphlétaires . élait un aristocrate dans toute la force du terme : ami et flatteur des grands, peu patriote, si l’on en juge par ses lettres à Frédéric et à Catherine IE, Je crois qu'il eût été l'ennemi de la révolution; lavénement de la canaille, pour nous servir de son expression favorite, n'aurait pas été de son goût. Îl aurait fini, comme Camille Desmoulins , à la guil- lotine. Cependant il prépara la Révolution en minantles croyances et jé comprends alors pourquoi il fut trainé en triomphe au Panthéon. | 438 ) Montesquieu , dans l'esprit des lois , fut le père de ce qu'on a appelé le libéralisme, système de conciliation pratique entre les idées absolues. S'il doit revendiquer une part dans les premiers elans de la révolution , il est évident aussi qu'il fut dépassé par la démagogie; il se serail arrêté à l'Assemblée Constiluante, ou à la constitution anglaise. Montesquieu n’est donc pas non plus un révolutionnaire ; la démocratie l'aurait tué. Mais à J.-J. Rousseau revient la plus grande responsabilité : lui seul fut véritablement démocrate. Le Contrat social est le code de la République, et, disons-le, ses principes sont encore au fond des doctrines socialistes de 1848. — Cœur morose et misan- thrope, haineux et sensible à l'excès, esprit faux et logique cependant , deux dispositions qui vont souvent ensemble, pous- sant l'amour de l'indépendance individuelle jusqu'à la sauva- gerie, apôtre de la souveraineté du peuple sans s'inquiéter des réalités immédiatement pratiques, Rousseau n'aurait reculé devant aucune des plus tristes nécessités de la révolution. Il a trouvé son incarnalioa dans Robespierre, et c’est assez dire. Il était de ces hommes qui pensent que sur la terre, on peut désirer et même réaliser l'absolu , étrange illusion d’esprits quelquefois généreux, qui ne savent pas tout le mai qu'ils font. Malheur aux sociétés qui tombent entre leurs mains! L'ubsolu est la folie de tous les fanatismes Rousseau, non content d'affirmer la souve- raineté du nombre, niait la propriété. Non pas que le Contrat so- cial ou l'Émile ne contienne cà et là quelque passage où la famille et la propriété ne soient respectées; mais qui ne sait que Rous- seau est un tissu de contradictions ? Il est constant du reste que le communisme ressort de ses doctrines , comme 11 ressort forcé- ment du principe absolu de l'égalité. Robespierre ne put toujours échapper aux conclusions extrêmes de son maitre comme on le voit par sa définition de la propriété : « c'est, dit-il, Le droit que » possède chaque citoyen de jouir de la portion de bien qui lui » est garantie par la loi. » Cette formule est assez claire pour { 439 ) qu'on puisse juger de l'influence qu'eut sur son auteur la pensés anti-propriétaire de : Jean - Jacques. La Convention nationale n'admit pas une pareille doctrine, car dans sa Constitution elle déclara que la propriété est un droit naturel, sacré, imprescrip- tible. Je regrette que M. Ozanneaux n'ait pas insisté sur l’action par- ticulière de Rousseau dans la révolution française. Il ne peut ignorer que les historiens démocrates personnifient la révolution dans Robespierre et qu'ils considèrent ce dernier comme le dis- ciple de Jean-Jacques ; sous ce rapport, je pense qu'ils ont raison et voilà pourquoi j'aurais désiré une appréciation si non détaillée, du moins sommaire, de l'influence du philosophe de Genève, le comprends qu'un esprit droit et sérieux dédaigne parfois les inconséquences de Rousseau , mais dans l’histoire il ne faut né- gliger rien de ce qui peut l’éclairer. La partie du livre de M. Ozanneaux, qui traite de la Révolution française, est la plus scabreuse ; en effet, écrite avant les événe. ments de février 4848, et par un ami de la Monarchie représen- tative, elle risque de paraître fort arriérée. Nous doutons que la manière dont M. Ozanneaux dépeint le héros de notre première république soit du goût de la seconde ; le jugement qu'il en porte est fort sévère. En vain M. Ozanneaux , enthousiaste de la liberté et de la gloire , rendra justice aux belles et grandes choses que la révolution a faites ou inspirées, on ne lui pardon- nera pas d’avoir insulté l’idole. Au surplus, notre intention n’est pas d’insister sur les derniers chapitres de M. Ozanneaux. — L'auteur n’a entendu présenter qu'un résumé très-rapide et quel- que intéressant que soit son récit des époques républicaine et im- périale, il n’a pas voulu qu’on le considérat comme une histoire suffisante : il nous explique lui-même la situation d'esprit dans laquelle il se trouve au moment d'aborder cette mémorable et récente période : « L'heure marquée par la Providence pour la » création d’une nation nouvelle allait sonner ; il fallait que la ( 440 } » vieille France courût à sa perte. I ne fawt point chercher les » causes de ce bouleversement général dans les volontés ou les » faiblesses humaines; ces causes apparaissent alors si nom » breuses, si compliquées, si contradictoires; que chaque parti; » chaque croyance peut, sans crainte de se tromper , en adapter » une à son système, la faire prévaloir comme unique ou comme » prédominante ; et que l'historien impartial, au milieu de » ce conflit d'idées , de cette lutte de principes , de ce chaos » d'actions qui se heurtent , se poussent et se détruisent l'une » l’autre, (rop voisin d’ailleurs des événements, trop contempo- » rain des hommes ; ne peut qu'humilier sa raison devant un » ordre de faits si extraordinaires , et les abandornant comme » mälière d'amplification à ceux qui ont des aperçus brillants à » produire ou des opinions à faire triompher , doit reconnaitre » avec respect, avec reconnaissance, la volonté de celui qui règne » dans les cieux, ét de qui relèvent tons (es empires: » L'histoire dé France de M. Ozannesux se termine à la révo- lution de juillet 1830 et à l'avénement de Louis-Philippe Le, Il ne s'attendait pas, en l'écrivant, que cette dynastie d'Orléans à peine fondée serait brisée sitôt et qu'une République retnpla- cerdit pour la seconde fois l'antique Monarchie Capétienne: La Société actuelle est encore femise en question; la Propriété, ce corollaire indispensable de la famille, menacée par une aüda- cieuse philosophie, appelle à son secours l'éloquence ct le talent, appuis éphémères, qui lui manqüeront peut-être un jour ; le pré- sent ést triste, l'avenir inconnu. — Dans ces douloureuses con- jonctures, pouvons-nous faire mieux que de finir , comme M. Ozanheaux ait terme de son œuvre , par ce vœu patriotique et sincère : Que Dieu protége la France! ! NOTE SUR UNE ÉPIiMiE DE MÉNINGITE CERÉBRO:SPINALE OBSERVÉE SUR LES MILITAIRES DE LA GARNISON , Par M. Cüenruve, Profesééir NX l'Hépital-Militairé d'instruétion de Lille , Membre résidant. L'étude des maladies épitémiques a occupé de tous temps les esprits. L'étiologie, les symptômes, le traitement de ces affec- lions ont été l'objet de nombreuses recherches et comme on a voulu arriver à la connaissancé des causes premières , oh a souvent émis des erreurs graves qui ont varié selon le génie des observateurs. Ainsi on a considéré les épidémies comme des punitions du éïiél, comte des avertissements de maux plus grands ; comme provenant de modifications survenues dans le monde planétaire : on a aussi cru qu’elles étaient le résultat d'empoisonnements dirigés par la malveillance. Les médecins out cherché à rattacher ces fléaux à la nature, à Ja qualité des substances alimenfaires, aux modifications survenues dans l'atmosphère. Des recherches ont été faites dans ce sens ; on a analysé l’air, les boissons, les aliments, et trop souvent ces analyses sont restées impuissantes : aussi voyons-nous encore les mêmes erreurs émises quand apparait une épidémie. Nous les avons toutes constatées lors de l'invasion du choléra en 1832, (442 ) Cela ne saurait étonner ceux qui savent que les causes premières de tons les phénomènes organiques nous sont et nous seront probablement toujours inconnues. On n’a pas voulu s'arrêter devant cette impossibilité et on a mieux aimé tomber dans l'erreur que d’avouer son ignorance. Une épidémie vient d’apparaître au milieu de nous. Depuis le 2 avril, quatorze militaires ont été traités à l'hôpital pour une méningite aiguë cérébro-spinale : huit malades ont déjà suc- combé. J'ai cru utile d'appeler l'attention de mes collègues sur cette affection. La méningite a existé en France sous forme épidémique dans les xvi.®, xvir.® et xvir1.€ siècles : mais on n’a sur ces épidémies que des données vagues et souvent erronnées. Cette affection n'a été bien étudiée que de nos jours. En 1838 elle s’est montrée dans les Landes, et depuis cette époque dans plusieurs villes ; ainsi \ Versailles, à Laval, au Mans, à Nantes, à Toulon, à Aix, à Strasbourg, à Metz, à Sedan, en Algérie. Notre garnison avait jusqu'ici échappé à ce fléau; il en était de même de la16.° division militaire (1). Je vais rapporter quelques observations de Méningite cérébro- rachidienne : je les ferai suivre de quelques considérations. PREMIÈRE OBSERVATION. Symptômes de méningite aiquë. — Mort vingt-cinq heures aprés l'invasion. —- Sérosité opaline entre la pie-mére et le feuillet aracnoïdien. Kernaker, fusilier au 57.° de ligne, âgé de 23 ans, d’une très- forte constitution , d’un tempérament sanguin, n'ayant jamais été malade, fut pris le 8 avril, dans la matinée , d’une douleur { 1) Apparue à Lille au mois d'avril 1848, elle a été observée depuis dans les garnisons de Valenciennes, Saint-Omer, Arras, Cambrai, Bouchain, 448 ) assez vive dans la tête; il alla néanmoins monter sa garde à onze heures. Vers deux heures il éprouva du frisson , la céphalalgie devint plus intense. Il fût bientôt obligé de se faire remplacer, et, rentré à la caserne, il eut des vomissements fréquents, la dou- leur de lête fut plus intense. Pendant la nuit agitation, gémis- sements, délire. Apporté à l'hôpital le 9, à 8 heures 1/2 du matin il présente les symptômes suivants : délire complet, pupilles dilatées, immobiles; gémissements, cris aigus : le malade porte sa main à la tête qui est renversée en arrière; peau peu chaude , pouls petit, irrégulier, à 50 pulsations par minute; rien d'anormal dans les fonctions digestives ; respiration haute. (Sai- znée de 500 grammes, siuapismes aux extrémités, diète). Deux heures après son entrée à l'hôpital ce malade meurt sans avoir repris connaissance. AUTOPSIE CADAVÉRIQUE. Appareil cérébro-rachidien. Rien d'anormal dans la dure-mère ni dans la cavité de l’arachnoïde, seulement les tissus sont gorgés de sang : entre l’arachnoïde et la pie-mère, spécialement sur le trajet des vaisseaux à la partie supérieure et latérale , existe une assez grande quantité de sérosité opaline , un peu consis- tapte et commencant à s'organiser ; celte sérosité existe aussi dans l'hexagone cérébral et dans les ventricules latéraux. La pie- mère est fortement injectée et se détache facilement du cerveau. Celui-ci à sa consistance normale ; il n’est pas trop coloré. Les membranes de la moëlle sont fortement injectées : il n’y a pas de liquide. La moëlle un peu injectée n'est pas sensiblement ramollie. Appareil respiratoire. Mucosités spumeuses dans les dernières ramifications des bronches : rien d’anormal dans le parenchyme pulmonaire, ni les plèvres. Appareil circulatoire. Légère hypertrophie du ventricule gauche : caillots peu volumineux dans le cœur, (444) Appareil digestif. Vérs la fin de l'intestin et à là valvule-iléo- cœcale, psorentérie très-prononcée. — Le foie est très-volumi- neux et congestionné. DEUXIÈME OBSERVATION. Symptômes de méningite aiguë. — Mort qnatre jours après l'in- vasion. -- Epanchement séro-purulent entre la pie-mère .et l'aracnoide. Prodhon, fusilier au 57.° de ligne, Agé de 31 ans, d’une très- forte constitution, d’un tempérament bilioso-sanguin, a été apporté dans nos salles, à l'hôpital, le 2 avril au matin, dans un délire complet. Nous avons appris de ses camarades qu’il avait vomi plusieurs fois, qu'il souffrait de la tête depuis trois jours. À huit heures , nous constatons les symptômes suivants : coma profond — paupières contractées — pupilles dilatées, sensibilité de la peau augmentée , résolution des membres : il ne répond pas et porte machinalement la main à la tête ; vomissements de bile verdâtre ; pouls plein, fréquent, respiration haute. (Saignée de 300 grammes , sinapismes aux jambes , froid sur la tête. Le caillot esf recouvert d'une couenne épaisse. Entré le 2 au matin, le malade meurt dans la soirée. AUTOPSIE CADAYÉRIQUE. Crene. Sinus de la dure-mère distendus par le sing. Pie-mère très-injéctée et infiltrée; entre celle-ci et l'arachnoïde existe une gelée assezépaisse, grisâtre, dans certains points infiltrée de pus: on dirait une couche butireuse étendue sur la convexité des hé- wisphères, sur le cervelet et à la base du cerveau : infiltration très-marquée des méninges à la base. ï Le cerveau est fortément injecté , et sa consistance semble augmentée; pas de eérosité dans les ventricules. (445 ) Les membranes de la moëlle ne sont pas très-injectées . On trouve dans la région dorsale, entre l'arachnoïde et la pie-mère , du pus concret; la moëlle semble à l’état normal. Rien d'anormal dans le poumon, le cœur et le tube digestif. Abcès dans }’aisselle gauche entre les tendons du grand rond et du grand dorsal. L'articulation tibio-fémorale droite ren- ferme une grande quantité de pus. TROISIÈME OBSERVATION. Symptômes simulant le choléra. -— Mort quatre jours aprés l'invasion. — Epanchement purulent entre la pie-mère el l'a- racnoïde. Lefebvre, fusiier, au 57.2 de ligne, àgé de 24 ans, d’une forte constitution et d'une très-bonne santé habituelle , après avoir passé une mauyaise nuit, est entré à l'hôpital, le 1.87 avril, à six heures du matin. A sept heures nous constatons les symptômes suivants : vomissements fréquents de matière verdâtre , hoquet, langue froide , large, soif vive; ventre rétracté, mât, gar- gouillement, selles liquides, fréquentes, blanchâtres, pas d'urines depuis douze heures ; voix cassée, voilée , respiration anxieuse, pouls peu fréquent, pelit, à peine perceptible, face abattue, tirée, réponses embarrassées, anxiété très-vive. (Diète, glace pour boisson. sinapismes et frictions excitantes sur les iambes). Le soir, réaction assez prononcée, céphalalgie intense, la tête est renversée en arrière. |Saignée de 400 grammes). Le 2, le malade se dit mieux ; il n’y a plus de vomissements, plus de diarrée, la peau est chaude, le pouls plein et peu fréquent, le malade est calme ‘diète, tisane émolliente, lavement émollient.) Le soir, céphalalgie assez intense, réponses embarrassées. Le 3, même état, le malade se dit assez bien ; il se lève dans (446 ) la matinée et va passer quelques heures auprès du poëèle. (dite, émollients). Dans la soirée agitation, délire |saignée de 300 grammes). Le 4 avril, état demi-comateux : délire, perte de connaissance face congestionnée , peau chaude , pouls fréquent, irrégulier , langue humide. (Saignée de 375 grammes, 3 grammes de sulfate de quinine, compresses froides sur latête). Le sang est couenneux. Dans la soirée même état {vingt sangsues sur le trajet des jugulaires, sinapismes aux jambes). La maladie s'aggrave de plus en plus, et la mort a lieu vers minuit. AUTOPSIE CADAVÉRIQUE. Crâne. Les sinus de la dure-mère sont gorgés de sang : entre l'arachnoïde et la pie-mère, principalement le long des vaisseaux, on trouve du pus concret et un liquide séreux opalin. La pié- mère dans les anfractuosités est injectée , infiltrée de pus : elle s’enlève facilement. Un peu de sérosité dans les ventricules laté- raux ; les membranes qui enveloppent le cervelet, offrent aussi une opacité très-grande et du pus concret dans certains points. Le cerveau et le cervelet sont pointillés, injectés et n’offrent aucun ramollissement. Les enveloppes de la moelle sont injectées, la queue de la moelle baigne dans un liquide purulent sanieux. La moelle dans son tiers inférieur est ramollie. Thorax. Les poumons sont gorgés de sang et peu perméables à la base et en arrière : un peu de sérosité rougeâtre dans les plèvres. Ventricules du cœur dilatés, distendus par du sang rougeâtre couleur de gelée de groseilles. Abdomen. L'estomac, l'intestin, le foie, la rate, les reins n'offrent rien d'anormal. (447 ) QUATRIÈME OBSERVATION. Symptômes de méningite. — Mort le sixième jour après l'invasion. — Épanchement séro-purulent. Bonnet, fusilier au 57. de ligne, âgé de 23 ans, d’une très- forte constitution, est malade depuis deux jours ; il a eu des frissons , des vomissements, un violent mal de tête : il esl resté couché pendant deux jours; aucun moyen actif n'a été mis en usage, il n'a rien mangé; il est apporté pendant la nuit à l'hôpital. Le 8 au matin, prostration, décubitus sur le dos ; la tête ren- versée en arrière , pupilles assez dilatées, se contractant lente- ment, mouvement du globe oculaire, céphalalgie intense, gémis- sements, réponses lentes, quelquefois peu justes ; vomissements de bile verdâtre, langue humide, pas de météotisme, pas de gar- gouillement, une selle. Le pouls est peu développé, irrégulier , à 74; respiration à 28 (diète, limonade glacée, saignée de 400 grammes , fomentations froides sur la tête ; à midi, vingt sangsues aux jugulaires; frictions avec l’onguent napolitain, quatre grammes de trois en trois heures : calomel, un déci- gramme toutes les heures). Lesang est recouvert d’une couenne. Dans la soirée agitation très-grande. (Saignée de 500 grammes). Le 9, agitation, cris plaintifs, délire, il se lève, veut aller à la caserne, céphalalgie intense ; sensibilité vive de la peau; vomis- ements; pouls à 70. (Diète, saignée de 500 grammes , froid sur la tête, continuation des frictions et du calomel). Le soir, à peu près même état (quarante sangsues aux tempes, posées dix par dix, de manière à fournir un écoulement continu. Le 10 avril, à peu près même état : délire, toutefois il répond avec justesse quand on fixe son attention; peau peu chaude, pouls régulier, à 74. (Frictions mercurielles, calomel, potion avec cing centigrammes acélate de morphine). La journée est plus calme, moins d’agitation. ( 448 ) Dans la soirée il s’affaisse de plus en plus, état comateux. 1H meurt le 11, vers neuf heures du matin, sans que les moyens thérapeutiques les plus actifs aient pu modifier la marche de la maladie, AUTOPSIE CADAVÉRIQUE. (räne. Couche épaisse de pus et de fausses membranes entre l’aracnoïde et la pie-mère dans une assez grande étendue ; infil- (ration purulente sur toute la surface convexe du cerveau et ses anfractuosités. La pie-mérce est injectée. La pie-mère du cer- velet est entourée de pus. La substance cérébrale est assez ferme. Des fansses membraneuses existent dans toute l'étendue de la moelle. Celle-ci n'offre pas de traces de ramollissement. La queue de cheval brigne dans une sérosité purulente. Les autres organes n’offrent rien de particulier. RÉSUMÉ. Jetons un coup-d’œil sur les observations ci-dessus : 14.0 Les quatre militaires étaient d’une très-forte constitution et n'avaient jamais élé malades. Cela n’est pas exceptionnel dans notre épidémie : dans loutes celles qu'o8 a eu occasion d'observer, on a vu que les hommes les plus robustes étaient le plus fréquemment atteints. Il y a même quelque chose de pénible à voir ces hommes|si musculeux mourir si jeunes, si rapidement, alors que chez eux la vie semblait pour longtemps assurée. Tous les malades appartenaient au 57. de ligne. Ce régiment est récemment arrivé à Lille et après bien des fatigues. Ainsi il a été à Paris lors de la révolution; au camp de Compiègne pen- dant deux ans; il a eu à réprimer les émeutes, à arrêter les incen- diaires dans le centre de la France. Ces circonstances ne doivent pas être perdues de vue pour l'étiologie, et si elles ne peuvent expliquer l'apparition de la maladie, elles y ont certainement ( 44 ) contribué. Les mêmes circonstances ont élé observées à Laval, à Strasbourg, à Paris, à Metz, à Versailles. Depuis deux jours l'épidémie s’est montrée sur des hommes du 74. de ligne. Le 7.2 chasseurs a eu aussi quelques hommes atteints vers la fin de l'épidémie. Nos malades n'étaient pas récemment incorporés : un élait au régiment depuis dix ans, un autre depuis trois ans, les deux autres depuis un an. Aucun d’eux n’avail fait d'excès de boissons ni d'aliments. La visite des casernes n’a rien fait constater de particulier ; les hommes sont bien nourris, les lits sont bien espacés ; il n’y a pas d’encombrement. Dans les diverses épidémies observées en France, la méningite s'est surtout montrée intense pendant les mois de février , mar, et avril, spécialement quand la chaleur arrive brusquement , quand le soleil est trop ardent. Nous pouvons invoquer cette circonstance dans notre épidémie. Le premier malade est entré le 2 avril , et vers la fin de mars nous avons eu de très- fortes chaleurs prématurées. Voilà tout ce que nous savons sur les causes de l'apparition de l'épidémie à Lille. Nous ne chercherons pas à pénétrer plus avant dans cette éliologie , persuadé que nous n’'arriverions pas à d'autre résultat. 2.0 Les symptômes observés dans tous les cas ont été une dou- leur très-vive dans le crâne , des vomissements , une exaltation dans la sensibilité de la peau. Après quelques jours, et dans deux cas dès le début , du délire, le strabisme, une raideur mar- quée dans le cou et la colonne vertébrale. Malgré des symptômes aussi graves, la peau était peu chaude, le pouls peu fréquent ; c’est là une particularité des affections cérébro-rachidiennes. Dans la troisième observation les symptômes du choléra ont été constatés dès l'entrée du malade à l'hôpital. La peau était froide et violacée, les selles étaient blanchâtres, les vomissements bilieux , la sécrétion urinaire supprimée pendant vingt-quatre 29 ( 450) heures, la voix altérée, voilée. Nous avons pu même croire un moment à celte affection : cetteerreur a déjà été commise. Nous avons pu croire aussi le deuxième jour à l'existence d’une fièvre intermittente cholériforme, et sice malade était mort pendant l'exacerbation des symptômes, j'aurais pensé en effet qu'il avait eu des accès pernicieux. C'était le premier malade frappé par l'épidémie et il n’est pas étonnant que nous n’ayons pas pensé à une méningile. Ilest très-rare, dans le début d’une épidémie, que des erreurs de diagnostic ne soient pas commises. 3.0 La marche de cette maladie a quelque chose de spécial. Les symptômes d’excitation sont bien vite remplacés par un af- faissement plus ou moins marqué, et assez souvent, quelques heures avant la mort, le malade avec la physionomie un peu hébétée, répond encore d’une manière juste, ce qu’on n’observe pas ordinairement dans les méningites simples ou tubercu- jeuses. Cela tient sans doute à l'intégrité du cerveau comprimé par une fausse membrane, mais non altéré. La marche de cette maladie est très-rapide. Le sujet de la première observation a succombé en vingt-deux heures; les 2.° —3.° malades trois jours après le début; le 4.° cinq jours après. Il est peu d’affections aussi graves et aussi rapidement mor- telles. 4.° Quant au pronostic, on trouve que sur 1035 malades dont on a tenu compte, plus de 600 ont succombé, et en lisant les relations des épidémies de Nancy, de Poitiers, du Mans, on doute, dans quelques cas peu intenses, que ce füt bien là une méningite. Cette affection est donc des plus graves ; elle est plus souvent mortelle que le choléra asiatique, que la peste, la fièvre jaune; que la dyssenterie épidémique elle-même dont je vous retraçais les ravages pour notre armée d'Afrique, dans le rapport que je soumeltais derniérement à la Société des Sciences. 5.0 L’autopsie a toujours montré un épanchement séro-puru- ( 451 ) lent entre le feuillet viscéral de l’aramoïde et la pie-mère. Cet épanchement devient le siége d’un travail d'organisation, et après quelques jours , il existe une fausse membrane qui com- prime le cerveau. Cette lésion est d'autant plus avancée que la maladie est plus intense et a duré plus longtemps. C’estce quenous avons constaté dans les diverses observations rapportées ci-dessus. L’affection n’est pas bornée aux membranes du cerveau ; celles de la moelle sont aussi malades. Le parenchyme cérébro- spinal n'offre souvent aucune lésion. Un fait à signaler, c’est le pus trouvé dans les articulations et dans les espaces inter-musculaires. Ce pus avait-it été sécrété dans la cavité articulaire et par suite de coïncidence d’une phleg- masie des membranes séreuses? Ou bien s’est-il formé de la même manière qu'on le voit dans les résorptions purulentes? Il est à regrelter qu'on n'ait pas examiné les veines, les sinus de la dure- mère : peut-être aurait-on trouvé la cause de ces résorptions, de ces formations du pus. La lésion anatomique ne laisse aucun doute sur la nature de la maladie. C’est une inflammation ayant son siège sur Faramoïde. 6.0 Les saignées, les sangsues, le froid sur la tête, les révul- sifs à la peau, le calomel, les frictions mercurielles à hautes doses, ont été prescrits dans les deux cas où il a été possible d'employer des moyens thérapeutiques. La mort a eu lieu le troisième ou le quatrième jour après l’entrée du malade. Et cependant je crois que ces moyens sont les plus efficaces et ceux qu'il faut encore employer. Les fausses membranes, le pus en- tourant le cerveau, la couenne observée sur le sang, disent assez l'effet qu'on doit attendre des antiphlogistiques et des altérants. C’est dans ces cas qu’il faut recourir aux saignées coup sur coup d’après la méthode dite jugulante. Les saignées seront d'autant plus utiles qu’elles seront pratiquées plus près du début de l'affection. Il ne faut pas juger de l'utilité de ces moyens d’après (452) les résultats que nous avons obtenus : ear dans toutes les épi- émis graves les premiers atteints meurent rap idement. C’est ce que l’on constate dans les épidémies de choléra, dans le ty- phus, etc. Ce fait n’avait pas échappé au génie de Sydenham, qui l’attribuait à ce que, dès le début de l’affection, le traitement n'était pas encore rationnel. « Aussi, dit-il, à moins que je « n'apporte une attention infinie, il est impossible qne les pre- « miers malades qui font l'épreuve de mes remèdes ne risquent « extrêmement, jusqu'à ce qu'ayant reconnu, après un examen « constant, le caractère de la maladie, je puisse l’attaquer avec « une entière confiance et être pleinement sûr de la victoire. « Lorsque j'ai une fois découvert la véritable méthode de traiter « telle ou telle espèce de fièvre, je guéris, grâce au ciel, pres que « tous ceux qui en sont attaqués. » ({) Ce n’est pas seulement parce que la nature et le traitement ne sont pas connus dès le début de l'épidémie, que les individus attaqués meurent plus souvent, mais bien parce que les premiers atteints sont souvent les plus faibles, les moins soigneux de leur santé, et aussi parce que la maladie semble sévir avec plus d’in- tensité. Quoiqu'il en soit, au mois de février 1849, nous avons pu cons{ater l’heureuse influence des saignées abondantes dans le traitement de la méningite cérébro-spinale qui a régné à Bouchain. L'épidémie a surtout frappé à Lille les militaires de la gar- nison. J'ai eu occasion d'en observer quelques cas dans la popu- lation civile. Les renseignements que m'ont fourni mes confrères me font penser qu’à Lille comme à Strasbourg, à Perpignan, à Metz, la méningite a spécialement sévi sur les soldats. (1) Sydenham, médecine pratique. Des maladies épidémiques. (453 ) MESURE DU TRAVAIL DYNAMIQUE D'UN OUVRIER FILEUR, Par M. A. Meuéy, Membre résidant, Séance du 20 oclobre 1848. Sur l'invitation de M. le Préfet du Nord, je me suis rendu, le 18 août dans la filature de coton de M. Théodore Barrois, sise en la commune de Fives, pour prendre part à des expériences ayant pour but de constater le travail dynamique développé par un ouvrier fileur durant sa journée. Chez M. Barroïis, un fileur de première classe, c'est-à-dire, ayant fait ses preuves et acquis son grade par des services rendus et une habileté bien reconnue, conduit deux métiers portant chacun 360 broches. Il a sous ses ordres un fileur de deuxième classe, qui remplit ordinairement les fonctions de rattacheur et qui, au besoin, est destiné à suppléer le fileur N.° 1. Deux autres rattacheurs desservent en outre les deux métiers qui sont paral- lèles et fonctionnent en sens inverse de telle sorte que quand l'un d'eux avance de manière à étirer le coton, l’autre recule et enveloppe le coton filé sur la broche. Le fileur, en ramenant le métier dans sa première position, exerce deux actions : l’une qui consiste à pousser le chariot de la main gauche tandis que de la main droite il conduit une ma- (454) nivelle qui fait tourner les broches par le moyen de poulies, de cordes et de tambours. Le dynamomètre que nous avons employé ne peut servir à mesurer que le travail développé par la main droite du fileur. Celui de la main gauche peut d’ailleurs être négligé sans incon- vénient ; car il est très-faible comparativement au premier, à cause de la légère pente donnée aux barres roulantes, laquelle est déterminée de manière à ce que le chariot puisse se mouvoir de lui-même par l’action de la gravité sans aucune pression de la part de l'ouvrier. Ce dynamomètre (fig. 1) consiste tout simplement en un res- sort en spirale adapté à la manivelle, ressort qui est plus ou moins tendu suivant que l'effort exercé est plus ou moins grand. Le fuseau qui forme l'extrémité de la manivelle et qui est serré par la main du travailleur, est donc mobile autour du centre du ressort et peut indiquer, au moyen d’un style adapté à son axe, la force produite par l'ouvrier. Il suffi pour cela d’assujétir à la roue formant volant qui est représentée fig. {, un cadran sur lequel on marqué avec un burin des divisions correspondantes aux positions prises par la manivelle sous l’action de différents poids suspendus successivement à la circonférence de ladite roue. Cette graduation a été faite en ma présence avec tout le soin pos- sible. On a d’abord pris la précaution d’équilibrer la manivelle et le plateau indicateur au moyen d’un morceau de fer formant contre-poids et boulonné à la roue. Puis on a attaché à l’extré- mité d’une courroie enveloppant la circonférence de cette même roue, des poids de 1, 2, 3... jusqu’à 8 kilogrammes. L’effort exercé dans chaque cas pour maintenir ces poids en équilibre, faisait tendre le ressort d’une certaine quantité, et on marquait sur le cadran, avec une pointe en acier, la position de la mani- velle correspondante à chaque tension. On a donc obtenu des divisions relatives aux poids de 1 à 8 kilogrammes. L'appareil ainsi gradué a été porté sur un métier que l'on a ( 455 ) fait fonctionner plusieurs fois pour pouvoir obtenir une moyenne d’une exactitude suffisante. Il est résullé d'une nombreuse série d'essais que la pression produite par la main de l’ouvrier peut être exprimée moyennement d’une manière très-approchée par 3 kilogrammes. Il faut ajouter que ces expériences ont été faites lentement, de manière à éviter les erreurs qui auraient pu ré- sulter d’une trop grande vitesse ou de secousses imprimées à la manivelle. Cette force de 3 kilogrammes est constante, puisqu'elle équi- vaut aux résistances opposées par le frottement des cordes et des poulies, frottement qui, comme on le sait, ne dépend que de la nature des surfaces de contact sans être aucunement fonction de la vitesse ni de l'étendue desdites surfaces; mais il n’en est pas de même de la vitesse, et par suite du travail mécanique de l’ouvrier. Le travail mécanique suppose toujours en effet une résistance vaincue el un chemin parcouru, et comme il est pro- portionnel à chacun de ces deux éléments, il est aussi proportion- nel à leur produit, qui, par suite, peut lui servir de mesure. Ainsi, il est clair que le chemin parcouru dans l'unité de temps par la résistance que, pour fixer les idées, je suppose être un poids agissant à la circonférence de la roue, est essentiellement va- riable et qu’il est d'autant plus grand que le diamètre de la broche ou de la bobine sur laquelle le fil s’enroule est plus petit. L'espace parcouru par le point d'application de la résistance, ou le nombre de tours de la roue, varie donc en raison inverse de ce diamètre, et pour apprécier rigoureusement le travail de l'ouvrier, il faut prendre une circonférence moyenne entre toutes celles que forme le fil autour de la broche et en déduire le nombre de tours que doit faire celte broche d’après la longueur du fil qu’elle doit recevoir sur son contour à chaque renvidage. Or, si l'on conçoit que la bobine présente la forme de trois cônes tronqués opposés base à base, on pourra parvenir à la solution du problème en faisant la somme des trois circonférences moyennes dans chacun d’eux, ef en divisant cette somme par 3. (456) À cet effet , on a mesuré exactement les dimensions d’une bobine (fig. 2) qui a 150 millimètres de longueur sur un diamètre maximum de 28 millimètres et dont la broche a 7 millimètres de diamètre à la base et 5 millimètres au sommet. On a trouvé pour le diamètre moyen cherché 13 millimètres et par suite pour la circonférence moyenne 40":!-,82. Or, la longueur d'une aiguillée étant de 1,60 ou de 1600 millimètres ; le nombre de tours de la broche relatifs à la circonférence moyenne doit être exprimé par FE = 39, 2; et comme 13 tours de broche correspondent à un tour de roue , il faudra 3,015 tours de roue pour renvider une aiguillée de fil. D'un autre côté, la circonférence de la roue étant égale à 10,49 , on aura pour l'espace parcouru par le point d'applica- tion de la résistance : 17,49 x 3,015 ou 4,49 et par conséquent le travail dynamique de louvrier sera exprimé moyennement par 3 x 4,49 = 13,47 kilogrammètres, c'est-à-dire, qu’en ren- vidant une aïguillée sur 360 broches, l'onvrier fileur fait en moyenne le même travail que s'il élevait 13, 47 kilogratnmes à la hauteur d'un mètre. Cela posé, la journée étant de 13 heures, un fileur prodait par semaine, én conduisant deux métiers 120 Lilogrammes au N.0 30. DIN US dure ne 2 si au N° 69. DU 20e ares. des au N.° 100. OU TO ne mo au N.° 140. En observant que 1 kilogramme de fil fait une longueur égale au produit de 2,000 mèires par le numéro el que les 360 broches développent 576 mètres à chaque aiguillée, on peut facilement calculer le nombre d’aiguillées produites en un jour sur un mé- tier et par suite le {-avail mécanique du filcur, en multipliant ce nombre d'aiguillées par 13, 47 kilogrammètres. On trouve ainsi que le travail journalier de l’ouvrier fileur est de : (457 28,058 kilogrammètre pour le N.0 30 26,280 — _ 60 20,582 = — 100 14,898 — — 140 Maintenant , il est admis qu'un manœuvre agissant sur une manivelle peut faire dans une journée de huit heures un travail équivalent à 172,800 kilogrammètres. Ce nombre est donné par plusieurs auteurs qui font autorité et notamment par Navier dans une table indiquant les quantités de travail journalier que peuvent fournir les moteurs animés dans diverses circonstances. IL résulte donc immédiatement de là que le travail journalier d'un fileur chez M. Barrois est à celui que peut produire un ma- nœuvre agissant sur une manivelle dans le rapport de : {à 6,15 pour le N° 30 NN = 201 00 ar 7" «0 121145 — — 140. Telles sont les conclusions auxquelles conduisent les expé- riences faites chez M. Barrois. On a supposé que le fileur tra- vaille 13 heures et que le manœuvre auquel on le compare n'en travaille que 8 ; de sorte que si l'on calculait le travail exécuté dans chaque cas pendant le même temps, dans une seconde, par exemple, en trouverait des différences bien plus considérables en- core que celles signalées plus haut. Toutefois il faut observer que l’ouvrier fileur ne travaille pas tout-à-fait comme un manœuvre. Il lui faut une certaine adresse, une certaine habitude pour con- duire son chariot de manière à ce que le fil ait toujours à peu près la même tension pendant le renvidage, de sorte qu’il ne faudrait pas accorder au résultat ci-dessus plus de portée qu'il n'en a réellement. Il est évident, en effet, qu'un homme doit faire moins ( 458 ) de travail matériel ou se fatiguer plus vite lorsque son intelli- gence est mise en jeu, que s’il agit simplement par sa force mus- culaire. Enfin il convient de faire observer que la force de l’homme dépend de beaucoup de circonstances, de son genre de vie habituel , du climat qu'il habite , des conditions atmosphé- riques dans lesquelles il setrouve, dela salubrité des ateliers, etc. Il existe entre tous ces éléments et le travail qu’on peut attendre de l’ouvrier, une relation à laquelle il faut nécessairement avoir ègard si l’on veut bien se rendre compte des variations qui peuvent exister dans le travail manuel d’une localité à une autre ou d’un établissement à un autre établissement. 207 Re EEE a eprésente une Bobine en Fig. 1. La figure dr Nota. La figure L est a l'echelle de { a 10. grandeur naturelle. ( 459 ) LE PAPILLON, L’ARAIGNÉE, 4 L'ENFANT ET L'HOMME. FABLE, Par M. DELERUE, Membre résidant. Sédnce du 1.7 seplembr 1848. Un Papillon, l’aile toute imprégnée D'or, d’azur et de diamant, Dans une loile d’araignée Vint se jeter imprudemment ; Notre étourdi venait d’éclore. ; Il ne connaissait point encore Les piéges nombreëx qu'ici-bas Le sort a semés sous nos pas. Pourtant il a senti qu'un danger le menace, Il veut rompre, il veut fuir ces terribles filets , Mais plus il se débat et plus il s'embarrasse. . . L’Araignée était aux aguets : Pour saisir son butin , la voilà qui s’avance! C’en est fait... mais, 6 Providence! Un jeune enfant arrive et vient briser les fers _ Du brillant messager des airs ! Le pauvre Papillon se flatte De renaitre à la liberté; { 460 } Mais , Ô douleur ! 6 cruauté! Notre méchant gamin l’attache par la patte Et comme un hanneton veut le faire voler! Mieux eût valu sur le champ l'immoler. L'insecte, hélas! périssait à la peine, Quand un homme rompit sa chaine. Sera-t-il libre enfin ? à la mort dérobé, Ira-t-il sur nos fleurs? Non : il était tombé Sous la main perfide et cruelle D'un amateur d'histoire naturelle , Qui, dans le Papillon retrouvant un sujet Précieux pour son cabinet , Ravi de sa boune fortune, Prend une épingle sans retard , Et malgré sa plainte importune, Le transpercé dé part en part. La liberté n'est donc qu’un vain fantôme, Dit-il à son dernier soupir, Et puisqu'à ma naissance il me fallait mourir, Que m'importait en somme, À moi qui ne pouvais échappér à mon sort, Que ce fût un Enfant , une Araïgnée, un Homme Qui me donnäât là mort! Ok ! quel monde affreux que le nôtre! Quel inexorable destin Mène et pousse {out à sa fin ? On évite un danger, on tombe dans un autre. ( 461 ) LES PETITS RUISSEAUX, FABLE. Par M. Derenue. Membre résidant. Séance du 1. septembre 1848. » S'ils savaient, les petits ruisseaux , » Que réunis ils forment des rivières, Des fleuves , des torrents , dont les puissantes eaux » Renversent digues et barrières !... » S'ils le savaient !! Mais à quoi bon, grands dieux ! » Leur révéler leur force et leur puissance ? » Puisqu'on les tient captifs , je pense qu'il est mieux » De les laisser dans l'ignorance ? » À leur pente, à leur cours sans cesse obéissant , » Qu’à la mer chacun d’eux porte en tribut son onde » Et s’épuise en la grossissant ; » C’est le rôle qu'ils ont à remplir dans ce monde. » © Ainsi parlait un prince..... (Il est bien évident Que c’était sous l’ancien régime. D'un mot à notre oreille aujourd’hui discordant , N’allez donc pas pas me faire un crime.) Les courtisans , à ce royal discours, Applaudissaient avec délire » >» ÿ » ( 462 ) (Les courtisans applaudissent toujours ). L’un d’eux pourtant s’écria : « Sire, Vos yeux sont éblouis d’un prestige trompeur, Et dussé-je déplaire en cette circonstance, » Je ne puis garder le silence. Ces malheureux ruisseaux dont on vous a fait peur, » Que votre main les aide et les seconde, Qu'elle donne à leur cours un peu de liberté , Ils deviendront alors une source féconde De richesses, de biens et de prospérité. » Mais hélas ! ce conseil si sage N'obtint que dédain et mépris. A quelques jours de là, soulevés par l'orage, Les ruisseaux furieux inondaient le pays!! Les peuples, les ruisseaux ont cette ressemblance; Resserrés dans leur cours ils débordent au loin, Irrités , écumeux et pleins de violence, Portant partout la mort au lieu de l'abondance! Vous qui les dirigez, prenez le plus grand soin, Pour éviter ces maux , d’agir avec prudence Et d'élargir leur cours quand il en est besoin. ( 463) SUR THOMSON, Par M. Mouras, Membre résidant. Le poète Thomson est un des plus grands coloristes de l’An- gleterre ; et, dans la classification de ses auteurs, marche immé- diatement après Pope et Milton. Le chantre des Saisons est d’ailleurs apprécié partout; on a dit avec raison que rien n’est plus chaud que son été ni plus froid que son hiver. En effet, il serait difficile de déployer dans de pareils tableaux une plus grande richesse de pinceau que celle qu’étale Thomson. Il excelle au surplus dans les scènes de la vie champêtre. Des épisodes inté- ressants , des détails remarquables, des morceaux empreints d’une douce philosophie , d’heureuses digressions captivent sans cesse le lecteur. Nous avons essayé de reproduire quelque chose du charme et de la vérité qui règnent dans cetle suave inspira tion par laquelle il termine le chant du printemps. LE BONHEUR DE L'HYMEN, Traduction de l'anglais de THomson. Heureux , cent fois heureux ceux de qui l’hyménée Par des chaînes de fleurs unit la destinée, Et confond à la fois dans ces liens charmants Les personnes, les biens, les goûts, les sentiments ; Liens que trop souvent les règles sociales , Étrangères au cœur, à nos penchants fatales , ( 464) Transforment en un joug accablant , odieux! Image d’un concert suave , harmonieux , Dans un accord parfait les volontés se fondent, Les cœurs à l'unisson s'entendent, se répondent : Leur estime s’accroit du plus ardent amour, Une pure amitié vient s’y joindre à son tour; La douce confiance , entière , illimitée, Que l’injuste soupcon a toujours respectée ; Confiance, aliment de deux cœurs bien épris, Car l’amour, de l’amour peut seul être le prix. Laissons le vil mortel, ne songeant qu’à lui-même, De cupides parents acheter ce qu’il aime, Et plus tard , nuit et jour, de vains remords chargé, Expier un amour qui n'est pas partagé; Laissons les habitants de la zône brülante, D'une sauvage ardeur étaler l’épouvante ; Dans l'Orient , laissons le despote jaloux Loin de tous les regards, sous de tristes verroux, Reléguant sans pitié dans son humeur farouche, La tremblante beauté qu'il destine à sa couche, Ne posséder enfin qu’un être inanimé , Esclave du désir dont il est enflammé. Bien différent , l'amour qu’un doux hymen épure, Avec ivresse suit la voix de la nature. Ab! qu’est ce que le monde , et pour les cœurs aimants, Que sont sa vaine pompe et ses amusements? Ne possèdent-ils pas, au gré de leur délire, Tout ce que l'esprit rêve et que le cœur désire? Eux-mêmes sont pour eux un tableau plein d’attraits, Quand chacun l’un de l’autre ils contemplent les traits ; Lorsque en ces mêmes traits où l’Ame se révèle, Ils lisent de l'amour l'expression fidèle , ( 465 ) N'y trouvent-ils done pas honneur, vertu , bonté, Et tout ce que des cieux la libéralité Verse sur les humains ? d’une aimable famille Le premier rejelon cependant déjà brille ; Ses traits , quoique indécis, dans leur ensemble heureux , Paraissent accuser les grâces de tous deux. Cette douce fleur croît , sa corolle charmante, Chaque nouveau matin s'ouvre plus rayonnante, Et dans ses tons divers de rose et d'incarnat, Du père et de la mère unit le double éclat. Mais la raison , des ans a marqué le passage , Le moment est venu d'éclairer son jeune âge. Il faut de cet esprit favoriser l'essor, Et de l'instruction y verser le trésor. Il faut tirer parti du désir qui l’enflamme, Et vers un noble but faire tendre son âme. Délicieuse tâche! ah ! j'en appelle à vous : Dites-moi votre joie, 6 trop heureux époux, Lorsque dans les transports d’une ineffable ivresse , Des larmes bien souvent, des larmes de tendresse Viennent remplir vos yeux à l'aspect du bonheur, Partout vous élalant son spectacle enchanteur ! Contentement , aisance, aimable solitude, Des livres toujours chers aux amants de l'étude, Un travail agréable alterné de loisir, Quelque ami qui souvent augmente leur plaisir ; Progrès dans la vertu . dont le saint exercice En les rendant meilleurs leur rend le ciel propice. Tel est l’état de ceux qu'unit un pur amour. Pour eux ainsi renaît, ainsi meurt chaque jour. Les changeantes saisons qui partagent l’année , En cercle ramenant leur marche fortunée, 30 ( 466 ) Les retrouvent toujours au comble de leurs vœux. Chaque printemps de fleurs couronne leurs cheveux ; Le terme approche enfin , terme digne d'envie ; Serein , calme , il ressemble au reste de leur vie. Jusqu'à ce que touchant à leurs derniers instants, Plus ivres d’un amour qui les charma longtemps, Heureux des souvenirs d’une flamme constante, Dont l’image en leurs cœurs est encore vivante. Ils s’'endorment ensemble en la nuit du tombeau : Leurs ames maintenant un hymen aussi beau, Volent au ciel , et vont y goûter, réunies, D'un éternel amour les douceurs infinies. ( 467) ÉLOGE DE LA VIE CHAMPÊTRE, Terminant le 3.e Chant des Saisons { l'Automne ). TRADUCTION DE L’ANGLAIS DE THOMSON, Par M. Mouzas, Membre résidant, Ah ! sent-il son bonheur , le mortel vraiment sage Qui, fuyant des partis la turbulente rage, Avec quelques amis, à l'écart retiré, Goûte aux champs les douceurs d’un repos ignoré ? S'il n’a pas de palais dont la porte pompeuse Vomit à chaque instant une foule menteuse De protégés rampants , lâches et vils flatteurs Abusés à leur tour par de vils protecteurs ; D'une robe à longs plis si l'ampleur incommode Ne lui fait pas payer de tribut à la mode, Et s’il n’étale point en de vains ornements Ce qui charme les fous , l'or et les diamants ; Si la terre et la mer, flattant sou vœu coupable, D'un luxe d'aliments ne chargent pas sa table, Et si les mets pour plaire à son goût dédaigneux N’empruntent point à l’art un apprêt dangereux ; S'il ne voit pas frémir dans sa coupe brillante Des vins les plus vantés la liqueur enivrante ; ( 468 ) Loin d’un lit somptueux s'il trouve le sommeil, Et si le sombre ennui ne vient pas au réveil Ronger ses jours oisifs ; à la trompeuse joie. Idole des mortels , s'il n’est jamais en proie, A cette folle joie éclatant au dehors Tandis qu'au fond du cœur habite le remords; C’est qu'il n'y voit que vide , ennuis , peines , supplices , Ab! lui seul de la paix sait goûter les délices : Une vie occupée et sans ambition, Étrangère à l'erreur, à la déception Qu'’engendre un fol espoir ; et riche sans mesure Des doux plaisirs du cœur , des dons de la noture, Ne lui doit-il pas tout, les plantes et les fruits? Soit que d'un nouveau souffle échauffant nos produits , Le printemps , renouant sa ceinture brillanie, Fasse un heureux appel à l'onde fécondante Que distillent les cieux en limpide trésor ; Soit que l’été brûlant teigne de pourpre et d'or La face des vergers ; soit que la pâle automne Achève de mürir les présents de Pomone ; Soit que l'hiver glacé fournisse lentement A la sève endormie un secret aliment. Dans cet ordre constant qu’il voit et qu’il admire ; Il jouit à la fois de tout ce qu'il désire. Tantôt portant ses pas dans un vallon riant, Heureux , il suit de l'œil son troupeau mugissant , Ou ses moutons nombreux quittant la bergerie , Tantôt se dirigeant vers la fraîche prairie, Couché sur l’herbe tendre ou le foin embaumé Respirant la santé dans un air parfumé, Des traits brülants du jour défendu par l’'ombrage, Du ruisseau qui s'enfuit, de l'abeille volage Les murmures confus l’invitent au sommeil ( 469) Compagnon d'un cœur pur. lei , sans appareil La nature a placé ses riches perspectives ; Champs et prés décorés des couleurs les plus vives, Bois, grotte sombre, lac au miroir gracieux , Source limpide. Ici, fille auguste des cieux Brille la vérité , la beauté sans souillure, Une jeunesse mâle , active et de mœurs pure , Endurcie au travail , satisfaite de peu , Et dans sa pauvreté ne formant aucun vœu. Lacontemplation s'exerce ici sans cesse : Les muses à loisir y chantent leur ivresse. Que d’autres, s'embarquant pour un pays lointain A la fureur des flots s’exposent pour le gain ; Enfermés pour longtemps daus des prisons flottantes Qu'ils disputent leur vie aux vagues écumantes ; Que de torrents de sang inondant les cités , Par le pillage enfin comblant leurs cruautés, Au gré d'un faux honneur, où leur orgueil aspire, D’autres mettent leur gloire à ravager , détruire ; Sans pitié pour la vierge et l'enfant au berceau, Qu'ils les plongent tous deux dans le même tombeau , Aux mères pour tout bien ne laissant que des larmes; Quittant le sol natal , qui pour eux est sans charmes, Poussés par l’avarice ou pressés du besoin, Que d’autres s’exilant courent chercher au loin De nouveaux cieux ; que tel , s’il lui plait, s’autorise Au sein de nos cités, où la fraude est permise, Où l’outrage est légal, de ce droit des plus forts, Et marche à la fortune en bravant tous remords ; Que tel autre d’un peuple imprudent et volage Contre l'ordre établi fasse monter la rage, Et de ce mouvement avec art profitant, (470 ) Parvienne à le placer sous un joug révoltant ; Que ceux-ci de nos lois sachant tendre le piége Trainent un malheureux à l’antre où Thémis siège, Pour l'égarer ensuite en ce vaste chaos, Ce dédale d’arrêts dont s'arment ses suppôts , Race dure ! et ceux-là , sous un air plus aimable Cachant également un cœur impitoyable, Courtisans au grand jour paradant fièrement Et dans l'obscurité cabalant bassement , Se courbant à propos, toujours prêts à sourire, Et las pourtant du rôle où leur orgueil aspire. Au contraire celui qui n’est point agité Des passions , écueil de la félicité , Où vient heurter la foule, en une paix profonde Entend gronder de loin les tempêtes du monde Eh! qu'importent pour lui des trônes renversés , Des peuples en fureur . des états effacés ? Pourraient-ils avoir droit à sa sollicitude ? Il a quitté le monde , et dans sa solitude Errant parmi les fleurs .: sous l'ombrage des bois Partout de la nature il éroute la voix. Curieux, il l’observe, et dans chaque journée Que ramène pour lui la marche de l'année , Il se plait à la suivre. Épiant tous ses pos, Sous chaque forme il voit, admire ses appas ; Rempli d'amour , les dons que sa main lui dispense Il les reçoit loujours avec reconnaissance , Et sans désirer plus. Silôt que le printemps Rasséréne les cieux et chasse les autans , Qu'il marque le bourgeon déjà prèt à paraitre , Et féconde en secret le bouton qui veut naitre ; Retrouvant à ses pieds la famille des fleurs, Sen œil est ébloui de leurs vives couleurs : ( 471 ) Dans leur riant éclat il n’est rien qu'il n’admire ; De leur suave encens il n’est rien qu'il n’aspire. Pendant l'été , cherchant loin des rayons du jour Les abris où Zéphir a fixé son séjour, Il aime à reposer sous le feuillage sombre D'arbres pareils à ceux qui balancent leur ombre Sur le riant Hémus ou la fraiche Tempé C'est là que je le vois à relire occupé Ce que dans ces beaux lieux , inspirant le génic. La Muse a fait entendre en vers pleins d'harmonie. Le livre est quelquefois par lui mis à l'écart, Sur la plaine fertile il jette un long regard , Plus tard la scène change !1), à la voix de l'automne, Quand sur le front des bois se flétrit leur couronne, Que leur feuille jaunit sous un tiède soleil , À son nouveau transport quel transport est pareil ! Voyant les moissonneurs rangés en longue file Pour leur joyeuse tâche appréter la faucille, I suit le groupe heureux , il jouit avec lui, Tant son cœur sympathise avec le cœur d'autrui ! Et le rayon mourant dont la plaine se dore Donne à ses chants réveurs plus d'intérêt encore. Le rude hiver lui-méme a pour lui des douceurs : Les autans déchainés, promenant leurs fureurs ; Le sol partout offrant sa face désolée , Par un froid rigoureux durcie et congelée ; Tout vient le faire alors méditer avec fruit : Mais son âme s’exalte à l'heure de la nuit (1) Par ce passage de Thomson , traduit fidèlement, on voit qu’en Angleterre la moisson se fait à l’époque où la vendange a lieu dans les pays méridionaux ( Note du traducteur ). (472) Quand sur le front des cieux qu'un air subtil épure S'allume et resplendit une clarté plus pure. Un livre, un ami sûr se partagent son temps, Et la sagesse ainsi marque tous ses instants ; L'imagination , cependant vagabonde, L’entrainant sur ses pas , franchit la terre et l'onde; Et la religion , l’entretenant des cieux , Lui montre ce qu'il vaut, le grandit à ses yeux : D'un pur patriotisme il sent brüler la flamme ; Le nom d’époux, de père aussi parle à son âme Ne contemple-t-il pas avec émotion Celle dont pour lui seul la vive affection Dans un chaste regard se peint avec ivresse : Ses enfants , qui toujours si remplis de tendresse, Désireux de lui plaire , attachés à ses pas, L'amusent de leurs jeux , l’enlacent de leurs bras ? A de pareils tableaux serait-il insensible ? Il n’agit pas non plus en censeur inflexible ; Le rire, les bons mots, la danse, les chansons Près de lui trouvent grâce : il a par les leçons Que l'étude recoit de la philosophie : Appris que la vertu du plaisir est amie. Tell est la pure vie , inconnue aux cités, Et qui fuit à jamais leur hôtes détestés ; La nôtre, lorsque l'homme , en son bunheur suprême , Avait pour compagnons les anges et Dieu même. 0 nature , 6 pouvoir qu'on rencontre partoul , Qui n’a point de limite et qui suffit à tout ; Permets-moi de scruler tes œuvres admirables ; Ravis-moi vers les cieux ; des astres innombrables, De ces globes dont l'or est semé dans l'azur Läisse-moi contempler l'éclat brillant et pur , (473) Étudier leurs lois , leur marche , leurs distances , Et franchir avec eux des espaces immenses. Guide ma faible vue au sein profond des mers, Que j'y puisse explorer leurs minéraux divers. Au règne végétal que je remonte ensuite De celui-ci, qu'après , dépassant la limite , Ma recherche s'élève aux êtres animés, Que ta puissante main semble avoir mieux formés, Règne encor plus complexe, et surtout à leur maitre, Sublime composé qui laisse reconnaître Un esprit si rapide en ses conceptions , Une âme , le jouet de mille passions ; L'homme en un mot , de qui la curieuse étude Est le plus doux objet de ma sollicitude, Sujet que l'examen ne saurait épuiser A la tâche pourtant que je veux m'imposer , Sije ne puis suffire ; en mes veines glacées Si le sang paresseux m'interdit ces pensées, Si je dois renoncer à ce suprême honneur Le seul où j’aspirai, le seul fait pour mon cœur ; Auprès des clairs ruisseaux et des fraiches prairies Nourrissant à l'écart mes douces réveries, Sans autre ambition que je coule mes jours : 0 pouvoir enchanteur que j'adorai toujours , Nature , de qui tout a reçu la naissance, Et qui de tout aussi conserve l'existence ; Qu'en terminant ce chant je proclame ta loi ; Et que mes pas jamais ne s'écartent de toi. ( 474 ) COMPTE-RENDU DES TRAYAUX DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE, Pendant l’année 1848, Présenté par M. Victor DELERUE, Secrétaire-Géneral. Seance du 16 février 1849. Messieurs, Jamais vos travaux n’ont été plus graves, plus sérieux, que vos travaux de cette année; ils se ressentent des temps qui les ont vu naître, des immenses préoccupations qui ont pesé sur tous les esprits ; aussi vos veilles et vos méditations ont-elles porté principalement sur les connaissances les plus propres à améliorer le sort de l'homme, sur les sciences, celte expérience des siècles, sur l'économie rurale et administrative, celte source inépuisable de richesses, sur l'histoire, la plus sage des conseillères et souvent, hélas! la moins écoutée. C'est déjà pour la cinquième fois, Messieurs, vous vous le rap- pelez peut-être, que mes fonctions de secrétaire-général m'ap- pellent à l'honneur de vous présenter le compte rendu de vos travaux et j'éprouverais un grand embarras à traiter pour la cinquième fois un pareil sujet si ces travaux n'offraient toujours, même quand ils sont restreints, une certaine richesse de fonds, une certaine variété de détails, bien propres à rendre facile, agréable même, la tâche de celui que votre réglement en fait l'historien. ( 475 ) Ainsi que vous l’avez décidé, Messieurs, je ne vous entretien- drai que des travaux qui n’ont pu trouver place dans vos mé- moires ; en effet, ceux-là seuls ont besoin d'être rappelés qui ne sont pas sous les yeux des lecteurs; parler des autres serait superflu. Les travaux auxquels vous vous êtes livrés cette année dans cette partie si importante des connaissances humaines, ont pré- senté un tel intérêt que presque tous sont entrés dans vos mé- moires, je le mentionne ici aves joie, tout en éprouvant le regret de me voir privé par là du plaisir d'en rendre compte. La physiologie végétale a été pénétrée dans ses secrets les plus cochés par M. Thémistocle Lestiboudois, membre résidant, et cette science lui est redevable d’un volume où il a traité de la : PHYLLOTAXIE ANATOMIQUE, où Recherches sur les causes orga- niques des divers arrangements des feuilles sur la tige. L'auteur y prouve que les dispositions relatives des appendices foliacées, et des organes floraux qui (anatomiquement) ne sont que des feuilles modifiées, dépendent du nombre, de la symétrie, du mode d'expansion des faisceaux fibro-vasculaires qui composent la tige. Il trouve dans ces faits la cause déterminante des différents ordres qu’effectuent les organes appendiculaires, et fait voir comment on passe d'un Lype à un autre par une légère altération du cercle vasculaire. Il fait comprendre ainsi les relations symé- triques qui s’élablissent entre eux, explique leur diversité, fait saisir les transformations qu'ils subissent et fait apprécier l'im- portance des caractères qu'on en lire. Agriculture. Vos travaux touchant l’agriculture, l'économie rurale et les questions qui s'y rattachent ont pris, cette année surlont, une grande extension : {rois sources différentes y sont venues ap” (476) porter leur tribut : les conférences agricoles, votre commission d'agriculture et vos associés agriculteurs. Avec cette clarté d'analyse qui ne laisse dans l’obscurité aucune partie de son sujet, M. Legrand, membre résidant, est venu mettre sous vos yeux, dans son introduction sur le droitrural, des principes aussi simples que précis sur la propriété en elle- même et sur la propriété dans ses rapports avec l’État et avec les tiers. Puis il a habilement groupé autour de ces trois grands prin- cipes les diverses contraventions de police qu'engendre l'abus du droit de propriété, aussi bien que sa non-reconnaissance. Mais ce n'est point assez pour les fruits des champs de se garantir, de par la loi et la justice, des envahissements de l’homme et des bestiaux ; ils ont d’autres ennemis acharnés que la loi n’atteint pas..…., les insectes et les plantes nuisibles à leur déve- loppement, et, par suite, à leur richesse. M. Macquart avail traité l'an dernier des premiers, et M. Bailly, membre résidant, a, cette année, entrepris la tâche de désigner les seconds de manière à les rendre à jamais reconnais- sables à l'œil et à la main du cultivateur. Votre collègue a patiemment énuméré dans son travail la plupart des plantes nuisibles à l'agriculture qui se rencontrent le plus communément daus les champs et les prairies ; il a fait la description de chacune d'elles, et après avoir examiné leurs divers modes de propagation, il à indiqué les moyens qui lui paraissaient les plus convenables pour les détruire. Au nom de votre commission d'agriculture, M. Lefebvre, son secrétaire el son organe parmi vous, vous a entretenus pendant plusieurs séances, de l'étude faite par celte commission, des diverses questions qui devaient être soumises au congrès central d'agriculture dans sa session de 1848 ; il a développé et soutenu cette étude, devant vous, au point de vue sous lequel la com- mission avait envisagé les questions proposées. {, 4740) Vous avez eu la satisfaction d'y donner votre assentiment. L'énoncé seul de ces questions donnera la mesure de leur im- portance. C'était : L'organisation du service médical dans les campagnes. Celle des chambres consultatives. La question des subsistances. Celle des assurances agricoles. La recherche des meilleures bases à donner au crédit agricole, et aux crédits mobiliers et immobiliers. La question de l'impôt sur le sel. Vous vous rappelez, Messieurs, les événements politiques qui ont empêché vos délégués de soutenir et de défendre au sein du congrès central les intérêts agricoles qui leur étaient confiés ; espérons que les bons résultats qu’on devait naturellement at- tendre d'études consciencieuses et d'applications pratiques, ne seront qu'ajournés et non perdus. Indépendamment de leur participation dans ces travaux géné- raux, des travaux particuliers ont été produits par plusieurs membres de votre commission d'agriculture. | Vous devez à M. Kulhmann des essais sur l'emploi du sel marin en agriculture. À M. Lefebvre, des expériences sur le rouissage du lin, sur l'avantage à retirer de la culture du seigle pour le donner en vert aux bestiaux, sur celle du maïs comme plante fourragère et sur l'emploi du sulfate d’ammoniac comme engrais. Et à M. Demesmay, des communications fort intéressantes sur le desséchement des terrains humides, au moyen d’une mé- thode dite : Dreinage, employée en Angleterre avec succès, et sur l'emploi des vaches, à l'exclusion des chevaux, pour les pe- tites exploitations. Enfin, consultée par l'autorité supérieure ou mue par son propre mouvement, votre société, Messieurs, a aussi dirigé ses (478) études sur des points non moins importants au bien-être des populations et des travaux agricoles; c'est ainsi qu'elle s'est occupée tour-à-tour et des moyens d'introduire dans les cam- pagnes un plus grand nombre d'industries, notamment toutes celles qui se rattachent plus ou moins directement à la manu- tention des lins, des tabacs, etc., et des moyens de donner plus d'extension aux distilleries, brasseries et féculeries. La portée de ces questions frappe tout d’abord; c’est la popu- lation ouvrière qui pèse tant sur les villes manufacturières, qui y met à si haut prix les moyens d'existence en même temps qu'elle agit en sens inverse sur les salaires, qu'on cherche à décentraliser ; c’est elle qu’on cherche à appeler dans les cam- pagnes et à mettre par là dans la voie possible d’une vie saine, laborieuse et honorable. Vous savez tous, Messieurs, quelle haute importance l’État attache à la création des fermes écoles et quels résultats il en attend ; vous savez aussi quelles connaissances variées, quelle expérience acquise, quelle habileté reconnue on recherche dans les directeurs de ces nouveaux élablissements, vous savez quelles garanties on demande au présent pour assurer l'avenir... Eh bien! c'est M. Demesmay, c’est l'exploitation qu'il fait valoir, que l'État a choisis pour le directeur et pour la ferme école, qui doivent propager dans l'arrondissement l'enseigne- ment des bonnes et saines doctrines agricoles. Beaux-Arts. M. Derode, membre correspondant, a achevé son Histoire de Lille (1), et l’on peut maintenant, dans les trois volumes qui la renferment, apprécier le mérite éminent de l’œuvre de notre (1) Histoire de Lille, par V. Derode, 3 vol. in-8° , ornés de dessins , cartes, plaus, etc. ; à Paris, chez J, Hebrard et C.e; à Lille, chez Béghin, rue Esquer- moise, 15. ( 479 ) laborieux confrère et tout ce qu'il lui a fallu de temps, de soin$ et de recherches, de veilles et de méditations pour édifier ce mo_ nument historique. En effet, M. Derode prend Lille à ses premicrs jours, lors- qu'elle n'était qu un point dans l’espace, une petite portion de terre arrachée aux eaux, il en suit les développements avec amour, il les note, il les marque, en indique les causes, en dé- duit les effets ; il sourit à ses conquêtes, s’afflige de ses revers, la voit grandir avec orgueil, la suit pas à pas dans son existence de ville, et forcé de la quitter enfin il prophétise son brillant avenir et la couvre de ses bénédictions. Ce ne sont pas seulement les grandes époques historiques qu’a vues notre cité, les diverses dominations qu'elle a subies, que M. Derode fait passer sous les yeux de ses lecteurs, c’est le progrès, le développement successif de son commerce, de son industrie, c'est sa vie intellectuelle qu’il recrée, ce sont ses mo- numents, ses institutions qu'il exhume, ses illustres morts qu’il fait revivre. Mais je m'arrête.... Car en décernant à M Derode, dans votre dernière séance solennelle, un éclatant hommage d'estime pour son œuvre, vous avez mieux apprécié que je ne saurais le faire ici l'importance de son travail. Une autre œuvre capitale a aussi reçu son complément pendant le cours de cette année: M. Bra, membre correspondant, a ler- miné, dans le sein de la société, ses conférences sur la loi vitale de l’art et sur l'art compatible avec les lumières au XIXe siècle. C’est ici la place de vous parler de nouveau de ce grand travail enfin achevé ; car les arts, comme les cités, comme les hommes, ont aussi leur existence pleine de vicissitudes, de grandeur et d'abaissement ; cette existence, c’est aussi de l'histoire. A ceux qui n’ont pas entendu M. Bra dans ses brillantes impro- visalions, il sera difficile de se faire une idée juste de la richesse, de la grandeur de ses pensées, de sa vaste et profonde érudition, de l’abondance de ses rapprochements ingénieux; à ceux qui ( 480 ) ne les ont point vues, comment décrire ces figures, ces dessins symboliques, ingénieuses créations de l’auteur, où l’art de la staluaire et de la peinture, où l’art monumental, en un mot, nous présente ses généralions successives dans les vastes rameaux d’un arbre généalogique ayant Moïse au sommet et Napoléon à la base. | Vous devez au zèle de M. Verly, membre résidant, un nou- veau travail numismatique. A la demande de l'administration municipale, il a rédigé le catalogue descriptif des médailles grecques, des as italiques , des médailles de familles romaines, dites consulaires, et des médailles impériales composant les collections que pos- sèdent la Ville et la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts. Par là les amateurs pourront apprécier les richesses que la ville et votre société possèdent dans cette branche si intéressante des beaux-arts et s'en aider dans leurs travaux ou dans leurs recherches. Voilà, Messieurs, l'analyse rapide des travaux qui n’ont pu trouver place dans vos mémoires, de ceux, par conséquent, dont il m'était départi de vous rendre compte. Il ne vous reste plus à disposer que d'une place de membre résidant; jamais l'honneur d'appartenir à votre compagnie n’a été plus brigué que cette année; — vous avez reçu à titre de membres résidants : M. Ferdinand Lavainne, professeur au conservatoire de mu- sique. M. Corenwinter, chimiste. M. Millon, docteur en médecine, pharmacien en chef à l'hô- pital militaire de Lille. M. Dupuis, avocat. M. Lamarle, ingénieur en chef des ponts et chaussées, Et M. Parise, chirurgien, professeur à l'hôpital militaire. ( 481, ) Vous avez aussi admis au nombre de vos membres correspon- dants : MM. De Coussemaker, archéologue à Hazebrouck. David {d’Angers), statuaire. Haldat, membre correspondant de l’Institut. Le docteur Cambay, médecin militaire à Lyon. Les commissions chargées d'examiner les titres présentés à l'appui de ces candidatures se sont exprimées de manière à vous donner l'espoir fondé, qu'avec de tels choix, la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille continuera à mar- cher dans la voie progressive qu’elle suit depuis sa fondation. 31 ( 482 ) LISTE DES MEMBBES DE LA SOCIETÉ DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE. 4.0 MEMBRES RÉSIDANTS HONORAIRES, MM. Le Prérer du département du Nord. La Mure de la ville de Lille. Peuviox. ° Desnazières. TITULAIRES. Composition du bureau en 1848. MM. Président. — Loiser, médecin vétérinaire, représentant du peuple, admis en 1817. Vice-Président. — Cazexeuve, docteur en médecine, professeur à l'hôpital d'instruction militaire de Lille. Secrétaire-général. — M. Derrrue, juge-de-paix, admis le 17 novembre 1843. Secrétaire de correspondance. — M. Cuox, professeur d'histoire , admis le 21 janvier 1842. Trésorier. — Venix, architecte, admis le 18 avril 1895. Bibliothécaire. — Bacux, agronome, admis le 19 avril 1844. Macquaar, naturaliste, admis le 27 messidor an XI. Deuezewne, professeur de physique, admis le 12 septembre 1806. Deczaxo, docteur en médecine, admis le 10 décembre 1814. Lesrinounois (Thém.), correspondant de l'Institut, professear de botanique, admis le 17 août 1821. Kuuzwann, correspondant de l'Institut, professeur de chimie, admis 20 mars 1824. Bay, docteur en médecine, admis le 2 octobre 1825. Hecwanx, négociant, admis le 2 décembre 4895. ( 483 ) MM. Bannois, manufacturier, admis le 16 décembre 1825. Lesrisoupois (Jean-Baptiste), docteur en médecine, admis le 20 janvier 1826. De Courceuses, propriétaire, admis le 21 novembre 1828. Daxez, propriétaire, admis le 5 décembre 1898. Mouzas, littérateur, admis le 27 avril 4831. Lecranb, avocat, conseiller de préfecture, admis le 3 février 1832. Davaine, ingénieur en chef, admis le 7 septembre 1832. Bexvicxar, architecte. admis le 1.er juillet 1836. Leresvre, agronome, admis le 31 janvier 1840. Tesreus, docteur en médecine, admis le 30 novembre 1840. Bozixerr, ingénienr des ponts-et-chaussées, admis le 21 juin 1844. Le Gzay, correspondant de l'Institut, archiviste du département du Nord, admis le 19 juin 1833. Mevcx, ingénieur des mines, admis le 3 janvier 1845. Gazon, architecte, admis le 19 novembre 4845. Curesriens, docteur en médecine, admis le 9 avril 1847. Laux, professeur de chimie, admis le 23 avril 1847. Lavanxe, professeur de musique, admis le 7 janvier 4848. Conexwinen, professeur de physique, admis le 7 janvier 1848. Mizson , professeur à l'hôpital militaire, admis le 21 janvier 1848. Duruis, juge-de-paix, admis le 17 mars 1848. Lamanse, ingénieur en chef, admis le 20 octobre 1848. Panise, professeur à l'hôpital militaire d'instruction, admis le 20 octobre 1848. MEMBRES ASSOCIÉS AGRICULTEURS. MM Baseux . cultivateur à Thumesnil. Bécux , = à Wattignies. Bénacue-Cuanser, — à Fournes. Bovucueny, — à Chéreng. Braquavar , —_— à Hem. Bruzois , _ à Croix, Coisxe , _—_ à Lomme. Denesmay, —_ à Templeuve. Desmouriers , 21 à Mons-en-Pévele, Desquiess , _— à Fives. Des Rorours . — à Avelin. ( 484 ) MM. Donayon, cultivateur à Ronchin. Fnoinone , —— à Comines. Henpeauur, _ à Thumeries. Hespez (d'}, — à Haubourdin. Hocrarr, — à Hallennes-lez-Haub. Hocmarr, conducteur des travaux agricoles des jeunes détenus, à Loos. Hocenez, cultivateur à Wattignies. HocusTETTER , agronome à Loos. Lamseux , Joseph. cultivateur à Bondues. Lamseux , Louis, _ à Bondues. Lecar, _ à Bondues. LeEcLercQ, — à Hem. LerEsvee. — à Lezennes. Lepens , —— à Flers. Lenoy-Dosois, _ à Illies. Masqueuier , _ à Wattignies. Parent, _ à Houplin. Tarrix-Peuvion — à Lesquin. Vausois, — à Mons-en-Pévèle. OUVRAGES IMPRIMÉS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ EN 1847 ET 1848. 1.° PAR SES MEMBRES RÉSIDANTS. MM. DESMAZIÈRES. Quatorzième notice sur les plantes cryptogames récemment découvertes en France. — Observations sur le Xyloma multivave. — Quinzième notice sur les plantes cryptogames de France. KUHLMANN. Expériences chimiques et agronomiques. LAMARLE. Notes sur les travaux exécutés pour l'alimentation du canal de jonction de la Sambre à l'Oise. LE GLAY. Paroles prononcées à la distribution des prix de l'institution des sourdes-muettes et des jeunes aveugles, dirigée par les Sœurs de la Sagesse de Lille. — Catalogue descriptif des manuscrits de la bibliothèque de Lille. LESTIBOUDOIS (Thémistocle). Economie pratique des nations ou sys- { 485 ) tème économique applicable aux différentes contrées, et spécialement à la France. MEUGY. Historique des mines de Rive-de-Gier | Loire), précédé d'une notice géologique sur le bassin houiller de cette localité. — Rapport sur l'explosion d’une chaudière à vapeur à Seclin. — Rapport sur l'explosion d’une chaudière à vapeur à Roubaix. PARISE. Recherches sur les luxations antérieures du pied et en par- tie sur une nouvelle espèce de ces luxations : celle du pied en avant de l’astragale. — Mémoire sur l'allongement et le rac- courcissement du membre inférieur dans la coxalgie. — Recherches historiques, physiologiques et pathologiques sur le mécanisme des luxations spontanées ou symptomatiques du fémur. D.0 pAR SES MEMBRES CORRESPONDANTS. BABINET. Note sur l’action statique de la force dans le parallélogramme de Watt. BERKELEY. Notices of fungi in the herbarium of the British mu- seum. —— Huit autres notices sur la même matière, BOUILLET. Tablettes historiques de l'Auvergne. BOURLET (l'abbé). Catalogue des plantes phanérogames qui erois- sent naturellement dans les fortifications de la ville de Douai. BRAVAIS. Voyages en Scandinavie, en Laponie, au Spitzherg et aux Feroë. — Sur les aurores boréales vues à Bossckop et à Japvig en 4838 et 1839, pendant le voyage de la commission scientifique. — Sur les variations de l'intensité magnétique horizontale observées à Bossekop , en 1838 et 1839, pendant le voyage de la commission scientifique du Nord. — De la vitesse du son entre deux stations également ou inégalement élevées au-dessus du niveau de la mer. — Sur le phénomène de l'arc-en-ciel blanc. — Sur les parhélies situés à la même hauteur que le soleil et sur le phénomène de l’arc-en-ciel blanc. — Rapports adressés à M. Villemain , ministre de l'instruc- tion publique, sur la mission scientifique dans les Alpes. — Obser- vation de l'intensité du magnétisme terrestre en France, en Suisse et en Savoie. — Voyage en Laponie, de la mer glaciale au golfe de Bothnie. — Mémoire sur les halos et les phénomènes qui les aceom- agnent. CAMBAY. Traité des maladies des pays chauds et spécialement de l'Algérie. — Deda dyssenterie et des maladies de foie qui la com- pliquent. CASTEL. Rapport fait au congrès de l'association normande; le 16 juillet 4847, au nom de la commission des améliorations agricoles. — Discours prononcé à l'ouverture de la 15.2 session du congrès de l'association normande à Carentan, le 15 juillet 1847. DEBUSSCHER. Précis historique de la Société royale des beaux-arts 486 ) et de littérature de Gand. — Biographie historique et artistique de J. C. De Meulemeester, de Bruges. DE COUSSEMAKER. Notice sur les collections musicales de la biblio- thèque de Cambrai et des antres villes du département du Nord. — Mémoire sur Hucbald et ses traités de musique, suivi de recher- ches sur la notation et sur les instruments de musique, avec 21 planches. DE HALDAT. Histoire du magnétisme dont les phénomènes sont rendus sensibles par le mouvement. — Nouvelles recherches sur l'attraction magnétique et sur la disposition générale des corps à acquérir cette force, à l’appui d’un mémoire sur l’universalité du magnétisme, — Recherchss sur la cause du magnétisme par rota- tion, — Note sur la condensation de la force magnétique vers les surfaces des aimants. — Recherches expérimentales sur le mécanisme de la vision, 4° partie, comprenant l'exposé du sujet et l’exa- men de la corne transparente. — Histoire tragique de Jeanne d’Arc. en cinq actes et en vers, par le père Fronton du Duc, analysée par le docteur de Haldat. DEKERCKHOVE. Quelques mots à la mémoire de son altesse royale le grand-duc de Hesse, Louis II. DERODE. Histoire de Lille. 3 volumes in-8. DESMYTTEÈRE. Notice statistique, historique et médicale sur l'asile public d’aliénées de Lille. DINAUX (Arthur). Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. DUTHILLOEUL. Essai historique sur la bibliothèque de Douai, — Voyage d'Enée aux enfers et aux Champs-Elysées, selon Virgile. par le chanoine André de Jorio, traduit de l'Italien, par H.-A. Dathillæal, GARNIER. Historiæ regalis abbatiæ Corbesensis compendium auctore Dom. Benedicto Cocquelin, ejusdem abbatiæ officiali seu fori eccle- siastici contensiosi præfecto. ab an 1672 ad 1678. Edidit et adnota- vit J. Garnier. GEOFFROY-St.-HILAIRE. Acclimatation et domestication de nou- velles espèces d'animaux ; article lu à l’Académie des sciences, le 46 octobre 1847. GIHOUL,. Culture forestière des arbres résineux conifères. GRAR. Histoire de la recherche, de la découveng et de l'exploitation de la houille dans le Hainaut français, dans la Flandre francaise et dans l’Artois 1716-1791. JOBARD. Chacun doit-il être propriétaire et responsable de ses œu- vres ? — Entente cordiale du propriétaire et du prolétaire ; dialogue. — Nécessité de l'instruction professionnelle. — Bulletin du musée ( 487 ) de l’industrie, 4.8 livraison, année 1844, 1.7°, 2.9, 3.2 et 4€ livrai- sons, 1843 ; 1.72 et 2.° livraison, année 1846. — Projet de loi sur les brevets d'invention, rédigé à la demande du ministre de l'inté- rieur et considéré comme moyen d'introduire des industries nou- velles dans les Flandres. JUDAS (A.-C.). Etude démonstrative de la langue phénicienne et de la langue libyque. LARREY. Bichat, né en 1774, mort en 1802. LECOQ (H.). De la toilette et de la coquetterie des végétaux. LOISELEUR-DESLONGCHAMPS. Considérations sur les boutures des arbres forestiers et sur le parti qu'on pourrait en tirer pour le reboisement. MAILLET Fils. Extrait de l'essai sur l’art d'améliorer les terres et spécialement les terres calcaires des environs de Reims. — Rapport sur le mémoire de M. l'abbé Paramelle, de Saint-Céré, relatif à la recherche des sources. — Lettre à M. le préfet de l'Aisne, sur les incendies. -- Mémoires sur les puits artésiens dans les environs de Reims et dans les départements réunissant les mêmes conditions géologiques. MAIZIÈRES. Question sur l'amélioration du sort des ouvriers, résolue dans le dialogue entre Mousieur À. et Madame B. — Nouvelle archi- tecture navale avee une pétition de l’auteur à l’Assemblée nationale constituante. — De l’organisation du travail, OZANEAUX. Histoire de France depuis l’origine de la nation jusqu’au règne de Louis-Philippe 1.6' PHILIPPAR. Rapport fait à la société d'encouragement pour l'industrie nationale, au nom du comité d'agriculture, sur un nouvel engrais désigné sous le nom d'engrais perazoté. — Discours prononcé à la séance de la société d'agriculture et des arts de Seine-et-Oise. — Note sur les pommes de terre. — Notice sur la maladie qui a affecté la pomme de terre. — Notice sur l'emploi du sel commun (sel marin, chlorure de sodium) en agriculture. PALLAS. De l'influence de l'électricité atmosphérique et terrestre sur l'organisme, et de l'elfet de l'isolement considéré comme moyen euratif et préservatif d’un grand nombre de maladies. QUETELET. De l'influence du libre arbitre de l’homme sur les faits sociaux et particulièrement sur le nombre de mariages. — Sur les anciens recensements de la population belge. — Annales de l’obser- vatoire royal de Bruxelles. — Rapport adressé à M. le ministre de l'intérieur sur l’état et les travaux de l'observatoire royal de Bru- xelles pendant l'année 1846. SCOUTTETEN. Des devoirs et des droits des médecins. Discours pre- noncé à la séance publique de la société des sciences médicales du département de la Moselle, (‘488 ) TIMMERMANS. Recherches sur les axes principaux d'inértie et sur les centres de percussion. TORDEUX {A.-J.). Sur les pommes de terre de la récolte de 1845. VINCENT. Notice sur les divers manuscrits grecs relatifs à la musiqne, comprenant une traduction française et des commentaires — Intro- duction au traité d'harmonique de George Pachymère. — Addition au mémoire sur la théorie du parallélogramme de Watt. — Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du roi et autres biblio- thèques. publiés par l'institut de France. VERA. Coup-d'æil historique et critique sur l'idéalisme. — La Reli- giou et l'Etat. VIOLLET. Journal des usines et des brevets d'invention, | WARTMANN. Cinquième, sixième et septième mémoires sur l’induc- tion. 5.2 pÂR DES ÉTRANGERS À LA SOCIÉTÉ, BONJEAN. Appendice à la monographie de la pomme de terre. BOULARD. Rapport sûr un ouvrage de M. Eugène Gayot intitulé : Etudes hippologiques. — Quelques observations sur un dernier ou- vrage de M. Dezeimeris, lues à la société d'agricaltüre de la Marne BRASSART. Notice historique et généalogique sur l'ancienne et illustre famille des seigneurs et comtes du nom de Lalaing. BRUNEEL. Histoire populaire de Lille. CHEVALIER (Michel). Des forées alimeritaires des états et des devoirs du gouvernement dans la crise actuelle. | CHEVALIER (4.). Rapport fait au nom du conséil d'administration de la société d'encouragement pour la désinfection des matières fécales et des urines dans les fosses mêmes, et pour des appareils propres à opérer la séparation des solides et des liquides. COMTE (Achille). Atlas méthodique des cahiers d'histoire naturelle, adopté par le conseil royal de l'instruction publique, ou introduc- tion à toutes les zoologics. CORBLET (l'abbé). De l'art chrétien au moyen-äâge. Discours pro- noncé au congrès scientifique de Tours. CORTYL. Quelques considérations sur la maladie de la pomme de terre, én réponse añx questions faites à ce sujet par la société royale et centrale d'agriculture de Paris. DAURIER. Expériences sur le sel ordinaire employé pour l'amende- ment des terres et l'engraissément des animaux. DE BURGGRAFF, Observations sur la maladie dés pommes de terre; sa cause, essais pour la combattre, résultats. DE CHAMBRAY. Traité pratique des arbres résineux conifères à grandes dimensions qué l'on peut cultiver en futaiés dans les climate tempérés, ("489 ) DE FELLENBERG. Fragments de récherches comparées sur la nature constitutive de différentes sortes de fébriuc du cheval He. 2 normal et pathologique. —- Analyse de l’eau minérale de Werém- burg (canton de Berne). — Méthode sûre pour trouver et pour pose: quanütativemént l'arsenic dans des matières empoisonntes. DE LA QUERIERE. Essais sur les girouettes, épis, crêtes et autres déco- rations des anciens combles et pignons, pour faire suite à l'histoire des habitations au moyen-àge. DE MELUN. Notice sur l'hôtel de Soubise à Lille. DE ROMANET. Questions du libre-échange. DE TOCQUEVILLE. Recherches sur les moyens de prévenir le retour des crises en matière de subsistances, et sur la possibilité d'obtenir une bonne statistique annuelle des ressources alimentaires de la France. — Lettre à M. le ministre de l’agriculture et du commerce, sur le projet de suppression des dépôts d’étalons. — Association des agriculteurs du Nord. Programme du congrès de 1848. Lettre de M. E. De Tocqueville, président de l'association. D'ORBIGNY père. Histoire des parcs ou bouchots à moules des côtes de . l'arrondissement de La Rochelle. DUCHATEAUX. Comité institué à Valenciennes pour la défense du travail national, Rapport présenté au congrès central d’agricul- ture au nom de la commission des assurances. DUMONT DE BRIONDE. Mosaïque littéraire ou choix de poésies morales empruntées à nos auteurs classiques et aux auteurs contem- porains. Album moral et politique. % FAUCOMPRE (Casimir). Roses et soucis ; poésies. GAUDRY. Cours pratique d’arboriculture. GLOESNER. Discours prononcé à la salle académique de l'université de Liége, le 12 octobre 1847, à l’occasion de la réouverture solen- nelle des cours. GOSSELET. Statistiques des maladies épidémiques dans l'arrondisse- ment de Lille, de 1832 à 1843. GUINON. Note sur l'emploi du sucre pour préserver les chaudières à vapeur des incrustations salines. LEBRUN, Proposition d’embrigadement des gardes- champêtres, pré- sentée au comité d'arrondissement de Beaune dans sa séance du 45 wars 1846. LEDENTU (4.). Pourquoi l'Algérie a-t-elle été jusqu'ici un fardeau pour la France? — La France sera-t-elle toujours sous la tutelle de l'Angleterre, ou quel est le meilleur moyen pour recouvrer notre indépendance ? LE JOLIS. Observations sur quelques plantes rares des environs de Cherbourg. ( 490 ) LÉONCE DE LAMBERTYE. Catalogne raisonné des plantes vasculaires Mon spontanément dans le département de la Marne. LEQUIN. De l'emploi du sel ordinaire. Résultats d'une expérience faite sur les troupeaux de la ferme de Lahayevaux. NOUGARÈDE DE FAYET. Nouvelles bases d’une théorie physique et chimique. MANCEL. Rapport sur la boulangerie d'Amiens. MARTINELLI. Appel aux Comices. MATHIEU. Un dernier mot à M. J.-B. Bouillet, auteur de l’épigraphe des tablettes historiques de l'Auvergne et d’un grand nombre d'ou- vrages dignes d’être mieux connus, etc. MURET (André). Chasse au souvenirs dans le pays de Liége. ODIER.. Rd à MM. les membres de la chambre de commerce de Bordeaux , par l'association du travail national. — Différents éerits concernant la question du libre-échange. PERRON. Eléments de grammaire générale ou nouveaux principes pour l'étude des langues. e RIBES. De l'éducation morale, littéraire, considérée dans ses princi- paux rapports avec la médecine. RIPAULT, Tableau indicatif des maladies qui peuvent motiver l'ab- blation de l'os maxillaire supérieur et de celles qui ne motivent pas cette opération ; suivi d'observations relatives à la médecine, à la chirurgie et à la tératologie. THIÉRY neveu. Méthode et moyen de régénérer la pomme de terre et culture de la carotte blanche à collet. TOUGAS. Comice agricole de l'arrondissement de Toulon. Mémoire sur le manque de subsistances en France. VAN DER HEYDEN, Notices historiques et généalogiques sur les nobles et très-anciennes maisons Van der Heyden. VERET. Précis d’agronomie pratique à l'usage des cultivateurs, des instiluteurs et des gens du monde. VINCENT (l'abbé,. Notice historique sur la ville de Chabeuil. WACQUEZ. Projet de statuts pour une association des artistes musi- ciens, précédé de réflexions sur la situation actuelle, et suivi d'un appel à tous les artistes. CHAMBRE de COMMERCE de Lille. Lettre relative à l'importation et à l’exportation des sucres étrangers. CONGRES des AGRICULTEURS du Nord. Quatrième session tenue à Méziéres, du 6 au 8 novembre 1847. ANONYMES. Résolutions adoptées dans la discussion publique qui a eu lieu le {1 janvier 1847, à l’occasion du libre-échange, dans la salle du tribunal de commerce de Nevers — De la liberté et de la restriction dans les échanges entre les peuples, et des traités de commerce. — Union de l’agriculture et du commerce, — Résul - ( 491 ) tat des conférences ecclésiastiques du diocèse de Cambrai, de l'année 1847, publié par l’ordre et avec l’antorisation de SK, le Cardinal-Archevêque de Cambrai. 4.° PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES. AMIENS. Société des Antiquaires de Picardie. — Bulletins N.0S 4 à 4, année 4847 : N° 1 et 2, année 1848. — Mémoires, tome 8. Comices agricoles d'Amiens et de Montdidier. — Le Cultivateur de la Somme, ou bulletin central des comices agricoles d'Amiens et Montdidier, année 1847; N.0S 1, 2, 3 et 4, année 1848. ANGERS. Société industrielle d'Angers et du département de Maine- et-Loire. — Bulletins, années 1846 et 1847. Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, N.05 25 et 26 du 3.2 volume des mémoires. ANGOULEME. Société d'agriculture, arts et commerce du départe- ment de la Charente, — Annales, tome 29.°, annce 1847. ARRAS. Société des sciences, des lettres et des arts. — Mémoires, années 1845 et 1846. BAYEUX. Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres. — Mémoires, tome 3. BEAUVAIS. Athénée du Beauvaisis, — Bulletin, année 1847. BESANCON. Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du du Doubs. — Mémoires, 1845 et 1846. — Programme du con- cours offert par la société pour 1847. BEZIERS. Société archéologiqne. —- Bulletin 1.10 à 9.° livraisons. années 1836 et 1844. — Séance publique du 13 mai 1847, pro- gramme du concours de 1848. BORDEAUX. Académie des sciences, belles-lettres et arts. — Séance publique du jeudi 10 décembre 1846. — Actes de l'académie, 2.e, 3.e et 4.* trimestres , année 1846 ; 1.°", 2. et 4.€ trimestres 1847 ; 1. trimestre 1848. Société Linnéenne. Actes, 2.2, 5.8 et 4.2 livraisons du tome 15 de la 2.° série. Société d'agriculture de la Gironde. — 1.2", 3.° et 4.2 trimestres 1847 ; les 4 trimestres 1848. Société d’horticulture de la Gironde. — Deuxième année, 6.° numéro, août 1848. à BOULOGNE-SUR-MER. Société d'agriculture, du commerce, des sciences et des arts. — Séance publique du 29 octobre 1846. — Séance semestrielle du 23 octobre 1847. — Séance extraordinaire du 8 décembre 1847. -= De la maladie de la pomme de terre et des moyens de la guérir. —— Séance semestrielle du 11 mars 1848. (92 ) BOURGES. Société d'agriculture du département du Cher. — Bulle- tin N.05 39 et 40, tome 6 ; N.0 41, tome 7. BRUXELLES, Société royale de Flore. 50.2, 51.°, 52.e et 53.2 expo- sitions publiques, mars et juillet 1847, mars et juillet 1848. BRUXEULES. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de la Belgique. — Mémoires, tomes 20, 21 et 22 — Nouveaux mémoires, tomes 6 et 19. — Mémoires couronnés, tomes 43, 16, 19, 20 (1.0 et 2€ parties), 24 et 23. — Bulletins, N.0 40 du tome 3 : N.0 6 du tome 5: Nos 9, 10, 11 et 12 du tome 8 : N.° 4 dutome 9; Nos 7, 8. 9, 10, 11, 12, et 2. partie du tome 12; 1.7 et 2. parties da tome 13; 4." et 2.e parties du tome 14 et 1." partie du tome 45. — Compte-rendu des séances de la commission royale d'histoire ou recueil de ses bulletins, N.os 2 et 3 du tome 14: N.° 1 du tome 15. CAEN. Société d'agriculture et de commerce. — Extrait des séances , année 1846: séance du 19 mars 1847. Concours agricole dans le canton de Douvres, le dimanche 42 septembre 1847. Mémoires année 1847. — Séances des 17 mars, 19 mai, 16 juin et 44 juil- let 1848. — Concours de labourage, etc. Société vétérinaire du département du Calvados et de la Manche. — Mémoires, 16.° année, 1845-1846. Instituts des provinces. — Sujets de discussion qui seront traités à la session du 9 octobre 1848. CALAIS. Société d’agricalture, du commerce, sciences et arts. — Almanach de la ville et du canton de Calais, publié par les soins de la société, annee 1847 et 1848. CAMBRAF. Société d'émulation, — Mémoires, tome 20; séance pu- blique du 17 août 1845. CHALONS-SUR-MARNE. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne. — Séance publique année 1846 : séance publique année 1847. Comice agricole du département de la Marne. Bulletin des tra- vaux du comice, années 1846 et 1847. CHALONS-SUR-SAONE, Société d'agriculture et d’horticulture, — Annales châlonnaises, années 1847 et 1848. CHARTRES. Société d'agriculture da département d’Eure-et-Loire. — Bulletin agricule, N.° 4, décembre 1846; N.°5 5, 6 et 7, avril-août 1847 ; pages” 1 à 48. CHATEAUROUX. Société d'agriculture du département de l'Indre. Ephémérides, 4.'° partie de 4847. CLERMONT-FERRAND. Société d'horticulture de l'Auvergne. — Bul- letin, 5.° année, 6.e livraison, juin 4848. CLERMONT (Oise). Suciété d'agriculture de l'arrondissement, — Le Musée agricole, N.°s 44, 45, 16 et 18 , année 1847. ( 498, ) COMPIÈGNE. Société d'agriculture de l'arrondissement. — L’Agronome praticien, N.05 1, 2, 3, 4,6, 7, 8, 9, 10 et 12, années 1847 et 1848. — Discours d'ouverture du cours d'agriculture fondé à Com- piègne par la société d'agriculture de cette ville et professé par M. L, Gossin. DIJON. Académie des sciences, arts et belles-lettres. — Mémoires. an- nées 4845-1846. — Concours pour 1847 et 1848. DOUAIT. Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires, années 1845-1846. — Procès-verbaux des séances de la commission d’agri- culture , du 6 décembre 1846 et 3 janvier 1847; de mars à décembre 1847. — Observations sur l'influence exercée par la cul- ture de la betterave sur la production des céréales dans le nord de la France, présentées au gouvernement par la Société. ÉDIMBOURG. Société royale des seiences. — Transactions, tome 16, 3.° partie; tome 17, 2.€ partie, — Proccedings N.05 99 et 30 du . tome 2. EVREUX. Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l'Eure. — Recueil des travaux. 1ome 5, 2.° série, année 1844 ; tome 7, années 1846 ct 1847 FALAISE. Société académique, agricole, industrielle et d'instruction de l'arrondissement. — Bulletin, 2.2, 3.° ct 4.° trimestres 1846,92.e, 3. et 4.° trimestres 1847. FOIX. Société d'agriculture et des arts de l'Ariège, — Annales agri- coles, littéraires et industrielles, septembre et novembre 1846, jan- xier, mars et mai 1847. GAND. Société royale des beaux-arts, — Annales 1848-1849, 1.re livraison. GENEVE. Société Vaudoise des sciences naturelles. — Bulletins, tome 1, années 1842 à 1845 : bulletins des séances de janvier, mars et juin 1847, de février et avril 1848. — Mémoires, tome 2, 2.€ partie. GRENOBLE, Société d'agriculture. — Compte-rendu de l’année 846. — Bulletin N.° 10. Almanach agricole. HAVRE (LE). Société Hävraise d'études diverses. — Résumé analy- tique des travaux de la onzième et dela douzième année, par M. J.-B. Millet-Saint-Pierre, secrétaire de la société; résumé analytique des travaux de la treizième et de la quatorzième année (1846-1847), par M. E. Borely, secrétaire de la société. LILLE. Société d’horticulture. —— Annales des années 1845 et 1846. Commission historique du département du Nord. — Bulletins, tome 4." et tome 2, 1843-1846. Société centrale de médecine du département du Nord. — Bulletins N.0s 3, 4, 5, 6. 7 et 8. Conseil. de salubrité, — Rapport sur les travaux du Conseil pen- dant les années 1845 et 1846. ( 494) LONS-LE-SAULNIER. Société d'émulation du département du Jura. — Mémoires, années 1844 et 1845. LIMOGES. Société d'agriculture, sciences et arts, — Bulletin N.° 2 du tome 23. LYON. Académie des sciences, belles-lettres et arts. — Annales des sciences physiques, tome 9, année 4846. — Concours pour le meil- leur ouvrage sur ce sujet : Eloge de Châteaubriand MANS (Le). Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe. — Bul- letin, année 1846 ; 1.er, 2.e et 4.e trimestres, 1847. METZ. Académie des sciences. — Mémoires, années 1846-1847. — Programme des prix à décerner en 1848. Société des sciences médicales. — Exposé des travaux pendant l'aunée 1846. — Rapport sur la maladie de la pomme de terre. Société d'histoire naturelle, — Bulletin, 4. cahier, année 1846. MONTAUBAN. Société des sciences, agriculture et belles-lettres. — Recueil agronomique, N.0S 11 et 12 du tome 27 ; tome 98. MONT-DE-MARSAN. Société économique d'agriculture, commerce, arts et manufactures du département des Landes. — Annales, 2. et 4.e trimestres 1847. MULHOUSE. Société industrielle. — Bulletin, N.os 95, 96, 97, 98, 99, 100, 102, 103 et 104. — Prograinme des prix proposés par la Société pour être décernés dans l'assemblée générale de mai 1848. — Programme des prix proposés pour être décernés en mai 1849. MUNICH. Académie royale des sciences de Bavière. — Mémoires, années 1846 et 1847. — Bulletins N.0$ 1 à 35, 1°" janvier au 25 décembre 1847. — Almanach de l'académie, années 1846 et 1847. NANTES. Société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure. An- nales, tomes 6, 7 et 8 de la 2° série, formant le 16.2, le 17. et le 18. volume de la 4.re série, Journal de la section de médecine, 22.e volume, 106.e à 140.° livraisons; 23.2 volume, 111.2 à 116.° livraison ; 24.° volume, 117.€ livraison. NISMES. Académie da Gard. — Compte-rendu des travaux de l’aca- démie en séance publique du conseil général . le 30 août 4845, par M. Nicot, secrétaire perpétuel. — Mémoires de l’académie, années 1845-1846. PARIS. Société philomatique. — Extraits des procès-verbaux des séances pendant l’année 1846. Société des antiquaires de France. — Mémoires, tome 8.°, non- velle série, année 1846. — Annuaire de la société, annee 1848. Société libre des beaux-arts. — Annales, tomes 2, 3, 5, 12, 13, 1.7 cahier et cahier complémentaire du tome 14. Société centrale d'agriculture. — Bulletin des séances, années 1845 et 1846. — Annales, tome 39, février et septembre 1848. ( 495 ) Société centrale d'horticalture. — Annales, décembre 1846 ; année 1847 ; janvier à novembre 1848. Société philotechnique, — Annuaire de la société. — Travaux de l’année 4847, tome 9. Société séricicole. — Annales, tomes 10 et 11, années 1846 et 1847. PHILADELPHIE. Société philosophique américaine pour le progrès des connaissances usuelles. — Transactions, tome 9, 1.7° et 2.e parties ; tome 10, 1." partie. — Bulletins, tome 4, N.° 30 et 31. année 1844; N.°5 39, 35 et 34, année 1845, N°5 53 et 36, année 1846 : N.°5 37, 58 et 39, année 1847; N.° 40, annce 1848. — Discours prononcé en public à la mémoire de M. Du Ponceau, président de la suciété. PUY (Le). Société d'agriculture, sciences, arts et commerce, — Annales, tome 12. REIMS. Académie des sciences. — Séances et travaux des 18 juin, 2 juillet, 21 août, 6, 42 et 49 novembre 1847. Pages 1 à 58 des mémoires, années 1847-1848. ROCHEFORT. Société d'agriculture, sciences et belles-lettres. — Année académique, N.°5 1, 2et 3, 1846-1847. — Procès-verbaux da 30 octobre 1844, au mois de mars 1847. ROUEN. Académie des sciences, belles-lettres et arts, — Précis ana— lytique des travaux pendant les années 1846 et 1847. — Programme des prix proposés pour 1849, 1850 et 1851. Société libre d'émulation. — Bulletins des années 1845. 1846 et 1847. — Séance du 15 mai 1848. SAINT-ETIENNE. Société industrielle et agricole de l’arrondissement. — Mémoires, tome 1.%, 3.° série, 22.2 volume, Le 2 epS:e livraisons. SAINT-QUENTIN. Suciété académique, — Annales scientifiques, agri- coles et industrielles du département de l'Aisne, tome 4.e et tome .€ de la 2° série, années 1846 et 1847. TOULOUSE. Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres, — Les livraisons 1, 2, 3, 4, 7 et 8 du tome 5, 3.° série des mémoires. Académie des jeux floraux. — Recueil, années 1847 et 1848. TOURNAI. — Sociité historique et littéraire. — Bulletin, tome 1.2 } livraisons 1 et 2, année 1848. TOURS. Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire. — Annales, N.0 1, janvier à juin 1847. TROYES. Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l'Aube. — Mémoires, 2.e 3. et 4.° trimestres 1846; 1.7 et 2,° trimestres 1847. ( 496.) VALENCE. Société départementale d'agriculture de la Drôme. — Bui- letin, N.0° 18 et 19, années 1846 et 1847. VALENCIENNES. Société d'agriculture, sciences et arts de l'arrondis- sement, — Mémoires, tome 4, année 1844. -— Question des sucres. Extrait des mémoires de la société, année 1847. VERSAILLES. Société d'agriculture et des arts de Seine-et-Oise, — Mémoires, tomes 47.° et 48.°. OUVRAGES DONNÉS PAR LE GOUVERNEMENT. Journal des Haras. Annales des Haras. Le Cultivateur, journal des progrès agricoles La Revue agr icole, bulletin spécial des associations agricoles. Description des machines et procédés consignés dans les brevets d'invention, tomes 62.€ à 67. inclusivement, Catalogue des brevets d'invention délivrés du {.%° janvier au 31 décembre 1846 et du 1.7 janvier an 31 décembre 1847. Le Moniteur agricole. Du sulfatage comme moyen préservatif de la carie du froment, par Mathieu de Dombasle. Séance solennelle du dimanche 28 novembre 1847, pour l'inau- guration de l’amphithéâtre, au conservatoire des arts et métiers. Rapport sur les moyens de suppléer au déficit des produits de la pomme de terre. M. Vilmorin, rapporteur. Concours de Poissy. Arrêté de M. le Ministre de l° Agricalture et du Commerce, pour le concours de 1849. — Compte-rendu de 1847. MANUSCRITS ADRESSÉS À LA SOCIÉTÉ. 1.° par ses Membres. MM. LEGRAND. Fragment de son voyage de Lille à Toulon. LESTIBOUDOIS (Thém.) Mémoire intitulé : Phillotaxie anatomique. ou recherches sur les causes organiques des divers arrangements des feuilles sur la tige. VERLY. Manuscrit intitulé : Description des médailles, jetons, mon- naies, clichets repoussés, et autres pièces de la révolution, de la répu- blique et de l’Empire français, 1.7€ partie, de 1788 à 1799, Catalogue descriptif des médailles grecques, des as italiques, des médailles de familles romaines dites consulaires et des médailles impériales, de la société des Sciences, de l'Agrieulture et des Arts de Lille. ( 497 | 2, par des Étrangers. M. CASTEL. Tableau d'observations météorologiques, faites et recueillies par ses soins, pendant l’année 1847. DONS PAITS À LA SOCIÈTÉ PAR MM. BRIGANDAT. Tête d'un nègre, mort dans son service à l'hôpital St.- Sauveur de Lille. CATTEL, Une pièce d'anatomie pathologique. JOUFFROY. Une petite tortue de terre, venant d'Alger. MAHIEU. Sept médailles des Etats-Unis, une monnaie du règne de Philippe VE et deux liards de Louis XVI, d’une fort belle conser- vation. PILATE, Une collection fort intéressante de cinquante espèces environ de coléoptères du pays. VANHENDE. Dix-neuf monnaies de France, Ces inonnaies sont en cuivre, d'une belle conservation et de différents règnes. VERREAUX. Un grand médaillon en métal, frappé à l'efigie de Pierre Jeunnin, deux médailles frappées à l’occasion da 55.° anniversaire du mémorable siége de Lille et du banquet fraternel du 8 octobre 1848. VIALLA. Deux serpents des Antilles. Æ EP “A CA Lu +. Mt EN MR tr L] ( nn æ 616 DOC TES Le dis Av E : ts AUITATTE Po if tes € dr ire, v PCUROTE pr heu ie CRT AT LS trahi Le Er tb, nl CH du rare à art | TVR AE Fer tort ue M vS 4 ,r 26 PANNE. & a: - 5 48 RC Te : AE HA BA 11m. PS: u +; LE La x‘ . 4 ” ébas . n A Do "TM: Fe 1 ere + ; # 2 Vase “1 "à re | Vi LT a. ‘ DIT: Er” ñ “ . ve % * é fs & L " fe TABLE DES MATIÈRES. De la proportion d’eau et de ligneux contenue dans le blé et dans ses Es Eu produits, par M. E. Millon. vice-président, Sur on principes mentnex de s musique, par M. Dele- ZÉRO OMR OU ee aol de È DE Facultés intérieures des animaux inver ces) par ES. J. Macquart pit sur l'Histoire de tauée ä M. Ozaneaux, par M. F. CLONE MAR CU 6 NES ie ne Note sur une épidémie de ent cér nn deu observée sur les militaires de la garnison , par M. Cazeneuve, M. KR. . . . . Mesure du travail dynamique d’un ouvrier fileur, par M. A. DIEUSY MR cn. ; Rs Pet ni Ore Le Papillon, l‘Araignée, l'Enfant ne. fable, par M. V. MOINE MAR RD Lt. 2 Les Petits Hoiseaux : be: par le De. DR da: cheats ce Sur Thomson, par M. Moulas, M. R. . . . . . UE OMR Éloge de la vie champêtre , par le même. PunS JE RE Compte-rendu des travaux de la Société, pendant l'année 1848, Par Me VaDelerne:: M RSR... ae. 00e Inste des membres de la SOC. 0 …. : «© . Nomenclature des ouvrages offerts à }a Sociélé, en 1847 et 1848. 29 JUN 1889 (*) M. R, signifie membre résidant ; M. C, membre correspondant. E ages LT + oh M can spunstoure aimagit a is pus DE. POS MO .X M0 t 4 FRE AE «E 4 NS PRE Le À “di suffi “tb ina EN cs : EF NT à sos Æ Andes piste! . 1.21 ANRT :. 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